To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Culture and Education

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Culture and Education

Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Monday, November 4, 2019 - Vol. 45 N° 42

Special consultations and public hearings on Bill 40, An Act to amend mainly the Education Act with regard to school organization and governance


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Remarques préliminaires

M. Jean-François Roberge

Mme Marwah Rizqy

Mme Christine Labrie

Mme Véronique Hivon

Auditions

Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ)

Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ)

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

Document déposé

Autres intervenants

Mme Lise Thériault, présidente

M. Luc Provençal, président suppléant

M. Jean-Bernard Émond

Mme Claire IsaBelle

M. Christopher Skeete

Mme Francine Charbonneau

M. Louis Lemieux

*          M. Alain Fortier, FCSQ

*          Mme Louise Lortie, idem

*          Mme Hélène Roberge, idem

*          M. Gaétan Gilbert, idem

*          M. Dan Lamoureux, ACSAQ

*          M. Noel Burke, idem

*          M. Russell Copeman, idem

*          M. Stephen Burke, idem

*          Mme Sonia Éthier, CSQ

*          M. Éric Pronovost, idem

*          M. Jacques Landry, idem

*          M. Jacques Létourneau, CSN

*          Mme Nathalie Arguin, idem

*          Mme Alexandra Mathieu, idem

*          Mme Annie Charland, idem

*          M. Sylvain Mallette, FAE

*          Mme Nathalie Morel, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quatorze heures cinq minutes)

La Présidente (Mme Thériault) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Et je demande aux gens dans la salle, puisqu'ils sont nombreux, de bien vouloir fermer vos téléphones cellulaires ou les mettre en mode vibration.

Donc, la commission est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 40, Loi modifiant principalement la Loi sur l'instruction publique relativement à l'organisation et à la gouvernance scolaires.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Chassin (Saint-Jérôme) est remplacé par Mme Blais (Abitibi-Ouest); Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré) est remplacée par Mme Jeannotte (Labelle); Mme Guillemette (Roberval) est remplacée par M. Tardif (Rivière-du-Loup—Témiscouata); M. Poulin (Beauce-Sud) est remplacé par M. Provençal (Beauce-Nord); et Mme Melançon (Verdun) est remplacée par Mme Charbonneau (Mille-Îles).

Remarques préliminaires

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Donc, cet après-midi, nous allons débuter par les remarques préliminaires puis nous entendrons la Fédération des commissions scolaires du Québec, l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec, la Centrale des syndicats du Québec, la Confédération des syndicats nationaux et la Fédération autonome de l'enseignement.

Et, puisque notre commission a débuté un petit cinq minutes en retard, je vais vous demander tout de suite un consentement pour pouvoir poursuivre au-delà de nos travaux. Consentement. Merci.

Donc, je vais céder, sans plus tarder, la parole au ministre de l'Éducation pour ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de 5 min 34 s.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Il me fait plaisir de commencer cette séance de consultations. Je veux saluer d'abord M. le sous-ministre, tous les députés en face de moi, qu'on commence à connaître. C'est maintenant... il y a déjà quelques projets de loi qu'on a le plaisir de travailler ensemble, toute l'équipe, aussi, de la députation, du côté du gouvernement, et toute l'équipe, des fois, en arrière, qu'on ne regarde pas ou dont on ne voit pas tout le travail, là. Mais, évidemment, chaque fois qu'il y a un projet de loi qui est déposé à l'Assemblée nationale, c'est que ça a été précédé de beaucoup de séances de travail.

Puis, évidemment, l'équipe de fonctionnaires puis l'équipe du cabinet travaillent très, très fort pour arriver avec le meilleur projet de loi possible, sachant qu'il va être amélioré, c'est certain — on commence les consultations, mais on sait bien que, dans ces consultations-là, il va y avoir des suggestions, il va y avoir des points qui vont être soulevés, qui vont nous faire réfléchir, de ce côté-ci ou de l'autre côté, qui vont les amener aussi à, des fois, insister davantage, en référant à ce que vous direz, vous qui venez en auditions particulières — donc, qui sera certainement amélioré au moment où il sera sanctionné. Puis c'est très bien comme ça. J'ai participé à l'exercice en étant de l'autre côté, dans l'opposition, puis de ce côté-ci maintenant.

Le projet de loi n° 40 est attendu par plusieurs, plusieurs, plusieurs personnes, plusieurs Québécois, plusieurs contribuables, parents, mais aussi plusieurs personnes qui oeuvrent dans le réseau scolaire. Le réseau scolaire, c'est mon réseau, hein, j'y ai passé ma vie : 17 ans à enseigner à l'intérieur du réseau, dans le réseau public, siégé sur deux conseils d'établissement de deux commissions scolaires différentes, passé trois années au Conseil supérieur de l'éducation, commission de l'enseignement primaire.

Je visite, depuis que j'ai les fonctions de critique... Alors que j'étais dans l'opposition, j'avais les fonctions liées à l'enseignement... à l'éducation et à l'enseignement supérieur, puis maintenant j'ai ces fonctions ministérielles là, et j'ai visité des dizaines et des dizaines d'écoles. Encore la semaine dernière, deux fois, j'arrive avec ma boîte à lunch puis je m'en vais dîner avec l'équipe-école, la direction d'école, les employés de soutien, les professionnels, des fois, les gens du service de garde — quoiqu'on les croise avant ou après dîner parce qu'ils sont pas mal occupés pendant la période du dîner — les enseignants, et plusieurs, plusieurs personnes attendent une amélioration de la gouvernance.

• (14 h 10) •

Plusieurs enseignants, plusieurs cadres dans les commissions scolaires, que je rencontre dans d'autres forums, attendent cette amélioration de la gouvernance scolaire. Ils nous disent que c'est lourd, bureaucratiquement, en ce moment. Ils nous disent que c'est difficile, parfois, de prendre des initiatives en matière pédagogique. Ils nous disent que c'est difficile de mobiliser les gens sur les conseils d'établissement, parce qu'il n'y a pas assez d'autonomie dans nos écoles. Ils nous disent : Parfois, en enseignant dans les écoles, on se sent un peu comme des techniciens, on ne se sent pas respecté, on ne sent pas la compétence des enseignants et de toute l'équipe-école reconnue pour prendre les bonnes décisions pour les élèves. C'est l'écho qu'on reçoit sur le terrain, en visitant des dizaines d'écoles dans des milieux favorisés et défavorisés, en milieu rural, en milieu urbain. C'est ce qui ressort.

Évidemment, il n'y a pas d'unanimité. Évidemment, il y a des gens qui souhaiteraient que ça ne change pas. Mais beaucoup de personnes sur le terrain attendent cette décentralisation de la prise de position, attendent qu'il y ait davantage d'argent qui soit envoyé aux écoles. Pas tout, pas tout l'argent, évidemment. Il faut garder une instance régionale, un centre de services scolaire qui va être là pour, évidemment, s'occuper des transports scolaires, des écoles, de la répartition des ressources. Mais, quand on prend ces décisions-là, eh bien... et c'est ce qu'on va faire avec le projet de loi n° 40, quand on prend ces décisions-là, il faut les prendre avec les parents et avec ceux qui sont sur le terrain, de plus en plus.

Donc, j'espère qu'on va pouvoir avoir des discussions qui seront sereines puis j'espère qu'on regardera le projet de loi pour ce qu'il est, qu'on n'essaiera pas de lui faire dire des choses qu'il ne dit pas, pour qu'ensemble on améliore la gouvernance scolaire. C'est quelque chose qui a été tenté à quelques reprises, ces dernières années, de manière timide, avec le projet de loi n° 86 et le suivant, mais là, cette fois-ci, je pense qu'on va pouvoir aller au bout de l'exercice une fois pour toutes puis remettre les écoles entre les mains de la communauté. Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. le ministre. Donc, sans plus tarder, je me tourne du côté de l'opposition officielle, vers la députée de Saint-Laurent. Vous avez 3 min 43 s.

Mme Marwah Rizqy

Mme Rizqy : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre, tous les députés. Bonjour, mesdames de l'opposition. On se retrouve, et j'en profite. Je vois que le sous-ministre est enfin avec nous. Je vous rappelle que j'ai posé une question par rapport à vos frais, lorsque vous étiez, à l'époque, à l'ADJEQ, et vos pièces justificatives sont toujours attendues, pour une somme de 20 000 $. Et ça tombe totalement à propos puisqu'aujourd'hui on parle de gouvernance scolaire et de transparence. J'espère que le sous-ministre pourra donner le ton à tout l'ensemble des Québécois.

Effectivement, vous avez dit qu'on commençait à se connaître, M. le ministre, d'entrée de jeu. C'est vrai qu'on commence à se connaître. Parce qu'il y a eu le projet de loi n° 3, qui venait uniformiser la taxe scolaire, puis ensuite il y a eu le projet de loi n° 12, des frais chargés aux parents, le projet de loi n° 5. Puis, nous, ce qu'on a appris, les partis d'opposition, c'est le peu d'écoute et que, lorsque vous avez une idée en tête, c'est très difficile de vous faire revenir en arrière, puis d'avoir cette sensibilité qui est tellement importante lorsqu'on est ministre, puis d'entendre son réseau. Alors, oui, on commence à vous connaître et on espère sincèrement que vous avez entendu les différentes voix qui se lèvent.

Parce que, moi, quand je regarde la salle, c'est rendu notre quatrième projet de loi en éducation puis c'est la première fois qu'on a une salle bondée de monde debout. Alors, effectivement, votre projet de loi est attendu, mais pas pour les bonnes raisons. Parce qu'en plein milieu de l'année scolaire, ce que nous, on entend sur le terrain, pour être allés un peu partout au Québec, c'est qu'on veut des services pour les enfants, pas des jeux de structure. On veut s'assurer, là, qu'effectivement, les enseignants, leur autonomie professionnelle est préservée. On veut s'assurer que tous les services soient décidés, oui, de façon locale, pas ici, dans un complexe G, par des fonctionnaires, surtout lorsqu'on sait que, des fois, il y a des décisions qui ne proviennent pas... qui ne rentrent pas dans un fichier Excel.

Alors, c'est pour ça que nous, aujourd'hui, on va faire ce qu'on a essayé de faire en maternelle quatre ans, bonifier votre projet de loi. Mais, je vais vous le dire très clairement, là, vous avez quand même fait un choix politique de déposer votre projet de loi avec un agenda très serré, et j'espère sincèrement que, lorsque vous avez fait le dépôt de votre projet de loi, vous n'allez quand même pas nous bâillonner. Parce que nous avons l'intention de faire un travail rigoureux.

Le projet de loi des maternelles quatre ans, vous aviez seulement 18 articles, et on a fait un peu plus de 80 heures. Quand je regarde l'agenda... Ça va peut-être vous faire sourire, mais on a quand même bonifié votre projet de loi, pour vous rappeler à quel point les milieux défavorisés, c'est important, puis les enfants handicapés aussi. Mais, ici, quand je regarde votre projet de loi, nulle part il n'est question de réussite éducative. Alors, oui, on va prendre notre temps, et j'espère que vous aussi, vous prendrez votre temps pour réaliser qu'en ce moment jouer dans les structures, ça ne donne pas de services aux élèves. On espère aussi que vous allez comprendre qu'en plein milieu d'année scolaire c'est important d'avoir une certaine stabilité.

D'autre part, je vois quand même beaucoup de femmes, énormément de femmes dans la salle. Au même titre que le conseil municipal, une démocratie, lorsqu'on veut la soutenir, il faut s'assurer de leur donner des moyens. Et, lorsque je parle de femmes, je vous rappelle que, dans les commissaires scolaires élues, elles sont majoritairement des femmes et qu'il s'agit aussi de leur première porte d'entrée pour une démocratie dans la politique. Et là, vous, votre réponse à ça, c'est de les abolir. Faites attention, c'est un terrain glissant. Parce que je vous rappelle qu'au Québec il y a plusieurs maires et mairesses qui ont été élus par acclamation, et, si on suit votre logique, il faudrait aussi les abolir parce qu'elles ne seront pas nécessairement, comme vous dites si bien... la participation active n'est pas au rendez-vous.

Alors, moi, je crois qu'au contraire on peut moderniser. Si on a un problème de participation, donnons-nous des outils, que ça soit de jumeler les élections avec le municipal, le vote électronique, et surtout donner les outils pour avoir une démocratie qui fonctionne, et non pas tout simplement abolir. Ça, c'est le chemin facile. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Merci, Mme la députée de Saint-Laurent. Je regarde maintenant la députée de Sherbrooke, qui est porte-parole en éducation et en enseignement supérieur pour la deuxième opposition. Vous avez 56 secondes, Mme la députée.

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais ça remercier les gens qui se sont déplacés vraiment nombreux avec un très bref avis. Donc, je pense que c'est signe à quel point les gens sont préoccupés par ce projet de loi là.

Je n'ai pas beaucoup de temps. J'aimerais simplement dire au ministre que je trouve ça important que les groupes qui vont défiler devant nous soient vraiment bien entendus, en particulier quand ils vont nous parler de ce que devraient être les priorités en éducation, quand ils vont nous dire si, d'après eux, ce projet de loi là s'attaque aux priorités en éducation et quand ils vont nous dire ce que ce projet de loi là fait ou ne fait pas pour la réussite éducative. Donc, j'aimerais que le ministre y porte une attention très spéciale. Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, Mme la députée de Sherbrooke. Donc, idem pour la députée de Joliette, de la troisième opposition, 56 secondes à vous aussi.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de saluer le ministre, toute sa valeureuse équipe, mes collègues de l'opposition et tous les groupes. Merci beaucoup de montrer autant d'intérêt pour ce projet de loi, qui est vraiment très, très important, pas nécessairement pour les bonnes raisons.

Et moi, je me demande vraiment... Quand on dit que l'éducation doit être la priorité, encore faut-il ensuite poser les bons gestes prioritaires. Et je me demande vraiment comment de jouer dans les structures, une mégaréforme brassage de structures, est la chose à faire, quand ce qu'on devrait faire, c'est s'occuper de persévérance scolaire, de réussite éducative, de valorisation de nos enseignants, de soutien à nos tout-petits qui entrent à l'école, qui font la transition au secondaire.

On devrait se battre pour une école qui est le creuset de l'égalité des chances et se battre contre les deux, les trois, les quatre vitesses dans le système d'éducation. Alors, je me demande vraiment comment on va arriver à ça et j'espère que le ministre va être à l'écoute de tous les commentaires qu'on va recevoir.

Auditions

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, Mme la députée. Donc, sans plus tarder, je vais souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération des commissions scolaires du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent et à procéder à votre exposé. Vous avez juste à me regarder, je vous ferai un cinq, un deux, un une, et, après ça, je devrai mettre fin à votre exposé, même si ce n'est pas terminé, parce que vous aurez compris que je suis la gardienne du temps. Donc, la parole est à vous. Bienvenue à l'Assemblée nationale.

Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ)

M. Fortier (Alain) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je suis Alain Fortier, le président de la Fédération des commissions scolaires du Québec. Je suis accompagné de Mme Louise Lortie, la vice-présidente de la fédération, de Mme Hélène Roberge, présidente de la commission scolaire des Patriotes, en Montérégie, de M. Gaétan Gilbert, président de la commission scolaire de l'Or-et-des-Bois, en Abitibi-Témiscamingue, et de M. Éric Antoine, commission scolaire au Coeur-des-Vallées, en Outaouais.

Nous allons exprimer, aujourd'hui, nos vives préoccupations liées au projet de loi n° 40, une réforme centralisatrice et discriminatoire envers les francophones. C'est d'ailleurs la première fois que nous pouvons le faire. En tant que représentants de près de 700 élus scolaires de partout au Québec, nous n'avons pas été consultés avant le dépôt du projet de loi sur la réflexion et les intentions du ministre.

Chaque jour, les médias rappellent les différents enjeux auxquels est confronté le réseau public d'éducation : valorisation de notre personnel, pénurie de main-d'oeuvre, manque d'espace, francisation, services aux élèves à besoins particuliers, adéquation formation-emploi, intégration du numérique, et, bien sûr, j'en passe. Et que nous propose ce projet de loi comme solution? Un brassage de structures diviseur, inutile et certainement stérile. Il nous fera perdre du temps et assurément beaucoup d'argent aux Québécois.

Rien dans le projet de loi n° 40 ne traite de ces réels enjeux de notre réseau public d'éducation. Nous avons beau lire, relire, analyser le projet de loi en détail, nous n'arrivons pas à répondre aux questions suivantes : À partir de quel diagnostic, quelle analyse le ministre nous propose-t-il ce chambardement de structures? À quels enjeux ou besoins répond-il? En quoi ces propositions seront-elles bénéfiques pour la réussite de nos élèves?

• (14 h 20) •

Mme Lortie (Louise) : Le ministre parle de décentralisation, alors que, dans les faits, il s'agit, évidemment, de centralisation. Il ne transfère aucun pouvoir actuel du conseil des commissaires vers les écoles. Quelle est la différence? Le ministre s'octroie plutôt de nouveaux pouvoirs et éteint la voix locale des citoyens. Nous en avons déjà vu un exemple avec le projet de loi n° 37, dans lequel le gouvernement impose des achats regroupés sans tenir compte des besoins locaux et du développement économique des milieux.

Dans ce projet de loi ci, le ministre va jusqu'à se conférer, de façon exceptionnelle, des pouvoirs sans limites de réglementer sur ses objectifs du projet de loi, sans même retourner auprès des députés de l'Assemblée nationale pour modifier la Loi sur l'instruction publique. Pour faire court, le ministre dira aux gens quoi dire, quoi faire, quoi apprendre, peu importe où qu'ils soient, en Abitibi, à Québec, dans le Bas-du-Fleuve, en Outaouais, au Saguenay ou encore même à Laval.

Dans le projet de loi n° 40, le ministre s'octroie, par exemple, le pouvoir d'exiger des regroupements de ressources et de services avec d'autres partenaires, dont les établissements privés d'éducation. Le ministre s'octroie aussi le pouvoir d'autoriser les travaux de construction ou de rénovation majeurs des immeubles lorsque le coût total estimé du projet est supérieur aux montants qui seront déterminés par lui. Et il s'octroie aussi la possibilité d'annuler toute décision d'une commission scolaire jusqu'au 1er mai 2020. Cette centralisation à outrance aura des impacts néfastes sur notre réseau public d'éducation. Elle éloignera de la prise de décision les besoins des élèves et de la communauté.

Mais le plus préoccupant avec ce projet de loi, Mme la Présidente, c'est, bien sûr, le recul démocratique important qu'il fait subir à la société québécoise. Dans les faits, disons-le, le ministre de l'Éducation souhaite se débarrasser d'un palier démocratique qu'il juge dérangeant, un caillou dans son soulier, nous a-t-il dit. Que reproche-t-il au modèle actuel? Pourtant, le taux de diplomation et de qualification a progressé de 9 % au cours des huit dernières années, et les élèves du Québec performent très bien dans les tests internationaux. Grâce au travail de tous les acteurs, y compris des élus scolaires, notre réseau fait des progrès, au bénéfice de toute la société et de son développement socioéconomique et culturel.

L'ensemble de la littérature existante affirme l'importance du maintien de la démocratie représentative dans la gestion de notre réseau. Le ministre ne s'appuie d'ailleurs sur aucune analyse claire faite sur la démocratie ou les modes de gouvernance afin de proposer son nouveau modèle.

Mme Roberge (Hélène) : L'éducation est un bien public. Elle appartient à l'ensemble de la population. Le projet de loi remplace les élus scolaires au suffrage universel par un conseil d'administration composé de parents membres de conseils d'établissement, d'employés et d'une minorité de membres de la communauté avec un profil de compétences prédéterminé. Prédéterminé par qui? Par le ministre. Ces nouveaux administrateurs seront donc choisis par quelques personnes. Ce faisant, le ministre dépouille la collectivité de son influence sur le système public d'éducation et enlève toute légitimité aux futurs centres de services scolaires, qui n'auront aucune imputabilité face aux payeurs de taxes scolaires. Mentionnons également la perte de liens entre les administrateurs et la communauté. Envers qui seront redevables ces nouveaux administrateurs?

Nous perdons aussi la vision de l'ensemble du territoire. La représentativité de chaque quartier, de chaque milieu est, à nos yeux, essentielle. La voix des écoles de village, par exemple, pourrait ne pas être entendue, et cela représente un net recul pour l'équité entre les écoles du Québec. Nous avons de nombreux exemples de petites écoles devant être fermées, si on regarde seulement du niveau administratif, mais pour lesquelles les élus scolaires ont pris la décision de les garder ouvertes pour maintenir la vitalité du village. C'est cette même légitimité qui a permis aux commissaires élus de prendre la décision de choisir l'intégration des élèves en difficulté dans les classes régulières dans certains milieux, notamment.

Le modèle actuel peut-il s'améliorer? Assurément. Nous ne proposons pas le statu quo. Notre démocratie mérite qu'on s'y attarde pour l'améliorer, non pas pour la jeter aux poubelles. Le ministre propose de remplacer le faible taux de participation aux élections scolaires par un taux beaucoup plus faible, celui des assemblées générales des établissements, défiant ainsi toutes les règles de bonne gouvernance.

M. Fortier (Alain) : Nous dénonçons également l'aspect indéniablement discriminatoire envers les francophones du Québec. Alors que le projet de loi permet aux anglophones d'élire la majorité des membres de leurs futurs centres de services scolaires, ce droit est retiré aux francophones. Il retire du même coup le droit des citoyens francophones désirant s'impliquer en éducation de se présenter aux élections scolaires, qu'ils aient ou non des enfants à l'école. Ce choix du ministre a pour effet de discriminer les francophones, tant en vertu de la charte québécoise que de la charte canadienne, et donc d'affaiblir les bases juridiques du nouveau modèle proposé.

En résumé, Mme la Présidente, ce projet de loi ne répond à aucun enjeu réel en éducation, mais crée plutôt un brassage inutile de structures. Il centralise de nombreux pouvoirs dans les mains du ministre sans octroyer de nouveaux pouvoirs aux écoles. Il installe un climat de méfiance parmi les acteurs du réseau public d'éducation et les dévalorise. Il retire l'école de sa communauté et discrimine les francophones. Nous demandons donc aux parlementaires de surseoir à son adoption.

Nous invitons le gouvernement à voir plus loin que des préjugés, une idéologie, une promesse électorale. Les partenaires du réseau de l'éducation ont besoin d'être unis autour d'un même objectif, un même objectif : la réussite et la persévérance scolaires.

Nous recommandons, donc, de tenir une vaste consultation auprès de l'ensemble des partenaires sur les principaux enjeux en matière d'école, d'éducation et de gouvernance. Ceux et celles qui travaillent fort tous les jours dans le milieu de l'éducation ont appelé, à de multiples reprises, à un exercice de réflexion pour se doter d'une vision de notre système public d'éducation.

Mme la Présidente, pour une des rares fois au Québec, nous avons l'opportunité de défendre une valeur fondatrice de notre société : la démocratie, et il n'y a pas de petite démocratie. Alors que l'éducation à la citoyenneté représente un des fondements de notre Programme de formation de l'école québécoise, qu'est-ce qu'on propose plutôt, c'est un projet qui va à l'encontre de ce fondement-là. Et nous souhaitons sincèrement qu'il y aura énormément d'écoute et que nous pourrons, ensemble, travailler, tous les acteurs du réseau, à la réussite et à la persévérance de nos jeunes et moins jeunes dans le milieu public d'éducation. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. Fortier. Donc, sans plus tarder, nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, vous avez 16 minutes pour l'échange du côté du gouvernement. Allez-y.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Un petit salut spécial à Mme Roberge, qui est la présidente de la commission scolaire des Patriotes, qui touche mon comté. Aucun lien de parenté, mais on a quand même travaillé des dossiers ensemble dans la région de Chambly, Saint-Basile-le-Grand, etc.

Donc, je veux revenir sur certains éléments que vous nous avez exposés et vous poser quelques questions. Disons, dans la dernière année, est-ce que vous pouvez nous nommer des gestes que le gouvernement a posés pour faire du dépistage précoce? Est-ce que vous avez vu le gouvernement poser des gestes pour agir tôt?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Fortier.

M. Fortier (Alain) : Bien, en fait, ce que vous essayez de faire, là, c'est d'installer les maternelles quatre ans dans le réseau scolaire. Donc, en voulant un, si vous jugez que ça est une mesure pour agir tôt... Ce qu'on a essayé de vous dire tout au long de ce projet de loi là, c'est qu'agir tôt, ça commence à zéro, et qu'on essaie d'avoir un parcours scolaire qui va tout au long du parcours scolaire, en fait, là, en continuité, en travaillant en collaboration avec les CPE, avec les réseaux scolaires, etc.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

M. Roberge : Oui, bien, exactement, il y a eu les maternelles quatre ans qu'on commence, là. Il y a eu... on travaille avec le ministère de la Famille pour améliorer les collaborations familles‑centres éducatifs à la petite enfance. Il y a le programme Agir tôt en santé.

Ce que je voulais illustrer avec vous, c'est que ce n'est pas parce qu'on améliore la gouvernance scolaire qu'on s'empêche de faire de la prévention au décrochage en agissant tôt, en faisant du dépistage, ou qu'on s'empêche de valoriser la formation professionnelle, ou qu'on s'empêche de lutter contre la pénurie de main-d'oeuvre qui touche le réseau de l'éducation, hein?

• (14 h 30) •

On a créé des parcours de formation, des passerelles, des bourses d'études. Ensuite, on a rendu publiques de nouvelles façons d'obtenir des brevets, des tolérances d'enseignement. On a ajouté des ressources pour les élèves EHDAA. Parce que je partage ce constat-là, aussi : les enfants qui ont des besoins particuliers doivent avoir davantage d'aide, là. Il y a des centaines de professionnels de plus cette année que l'an dernier. On a rajouté des classes spécialisées. Les commissions scolaires, je pense, en ont ouvert. Ils étaient bien contents. En tout cas, quand je circule dans les écoles, bien des gens sont bien contents de voir plusieurs des gestes qui ont été posés.

Il faut juste prendre garde d'éviter le raccourci suivant. Tantôt, quelqu'un a dit : Pour faire court. Mais, des fois, pour faire court, on fait des raccourcis. Et c'est un problème. Parce qu'on peut être en désaccord avec des éléments d'un projet de loi, tout en reconnaissant que le gouvernement a posé des gestes pour la formation de la main-d'oeuvre, le dépistage précoce, les interventions auprès des enfants handicapés.

Je ne pense pas que ça soit honnête de dire qu'on ne peut pas améliorer la gouvernance parce qu'on doit rénover des écoles. On a annoncé 2,3 milliards, et je pense que, dans toutes les commissions scolaires, ça a été bien reçu. Et, en annonçant 2,3 milliards pour rénover nos écoles, ça ne nous empêchait pas d'améliorer la gouvernance ou ça ne nous obligeait pas non plus à améliorer la gouvernance. Mais ce n'est pas parce qu'on prend deux, trois, quatre décisions que les unes s'opposent aux autres. Mais c'est un raccourci qu'on a entendu souvent, je voulais revenir là-dessus.

Vous nous avez dit, tout à l'heure, lors de la présentation, que la Fédération des commissions scolaires était d'accord pour améliorer le système. Pourtant, moi, je vois la présidente de la commission scolaire des Laurentides, Mme Johanne Hogue, qui dit, et je la cite : «La fédération n'a pas démontré d'ouverture à présenter un point de vue différent.» Mme Hogue, la présidente, une commissaire de la commission scolaire des Laurentides, nous dit : «Nous sommes d'avis qu'une nouvelle gouvernance éducative non politique impliquant davantage des acteurs oeuvrant directement auprès des élèves pourrait se révéler très bénéfique.» Comment se fait-il qu'elle n'ait pas eu davantage d'écoute au sein de la Fédération des commissions scolaires, au point qu'elle se sente obligée de quitter la fédération pour exprimer son désir d'améliorer le système?

M. Fortier (Alain) : ...vous avez un long préambule. Je vais essayer d'être un peu court. Si on veut parler de Mme Hogue, qui ne s'est pas présentée au conseil général au moment où on essayait d'établir une position commune et donc qui a préféré rester de côté... Et, lorsqu'elle a vu qu'elle n'a pas été invitée, elle nous a rappelés en disant : J'aimerais bien être invitée. Et, nous, ce que nous lui avons dit, c'est : En autant que vous adhérez à la position des 59 commissions scolaires qui sont chez nous.

Or, ce que vous nous dites, M. le ministre, c'est que, s'il y a un groupe qui dit que c'est une bonne idée, bien, il faudrait peut-être faire attention, il y aura peut-être un groupe qui viendra ici pour dire que c'est une mauvaise idée. Et là est-ce que, des fois, un groupe, ça fait en sorte que c'est une mauvaise idée, mais, des fois, un groupe, ça fait en sorte que c'est une bonne idée? Là, il faut juste garder nos lignes.

Sur l'idée de la gouvernance, maintenant, où vous dites que vous n'avez rien fait, moi, je pensais qu'on avait un projet de loi qui, à quelque part, cherchait à améliorer la réussite et la persévérance scolaires. On ne revoit pas la gouvernance pour revoir la gouvernance. La gouvernance que vous proposez là ne s'appuie sur aucune étude qui dit qu'un tel modèle de gouvernance est un modèle efficace de gouvernance. Nous avons des recherches qui disent complètement l'inverse.

Donc, dans ce sens-là, si on est en train de faire un brassage de structures, ce qu'on appelle stérile et inutile, bien là, vous avez raison d'aller de l'avant, mais, si vous croyez que vous avez, avec votre projet de loi, aidé la réussite, la persévérance des élèves, bien, travaillons ensemble puis travaillons à cet enjeu-là qui nous rejoint tous ici, là.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

M. Roberge : Bien là, je trouve que ça va dans la direction de nos rencontres qu'on a déjà eues précédemment. On s'est quand même déjà parlé, à quelques reprises, de plusieurs sujets, évidemment, notamment de la gouvernance. Mais un des objectifs du projet de loi — il y en a plusieurs, là — c'est de dépolitiser un peu la prise de décision à l'échelle régionale. Des fois, c'est quelque chose qui nous a desservis, qui a servi, des fois, en des batailles juridiques.

Est-ce que vous pourriez... est-ce que vous avez cette information-là ou alors nous la fournir, dire... Vos membres, là, les commissions scolaires, dans les cinq dernières années, est-ce qu'on sait combien ils ont engagé en frais juridiques, outre la poursuite pour les frais chargés aux parents là? Celle-là, là, je vais le mettre sur le compte des précédents gouvernements qui ont laissé pourrir la situation. Mais, à part ça, est-ce que vous avez cette information-là ou est-ce que vous pouvez la trouver? Combien d'argent a été dépensé par les commissions scolaires en frais juridiques? Je sais qu'à English-Montréal, là, ça n'a pas été long qu'on frôle les 400 000 $. Mais, de votre côté, est-ce que vous le savez pour vos membres ?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Fortier.

M. Fortier (Alain) : Peut-être de voir le lien entre les frais qu'on engage pour des raisons juridiques... Parce que nous sommes des organisations qui gérons à peu près 11 milliards de dollars, là. Si on éliminait tous les frais juridiques qu'on a dans les commissions scolaires, on serait dans le pétrin, là.

Mais il y a une chose qu'on a faite, par exemple, c'est de la politique locale. C'est comme si vous disiez que faire de la politique, ce n'est pas bon, au Québec. Faire de la politique locale, ça a fait que, chez Éric Antoine, de la commission scolaire au Coeur-des-Vallées, là, c'est lui qui a levé le drapeau en disant qu'en ce moment, là, il y a des gens qui magasinent leurs taxes scolaires. C'est grâce à la politique scolaire d'Éric Antoine qu'aujourd'hui vous avez pu faire, nous, ce que nous, on croyait être essentiel, un taux régional de taxation et qui est devenu, là, par dérive de propos, là, à une taxe uniformisée de taxation. C'est ça, faire de la politique locale.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

M. Roberge : Je vais laisser mon collègue de Richelieu prendre la relève.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le député de Richelieu, la parole est à vous. Il reste encore 8 min 25 s.

M. Émond : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M Fortier, Mme Lortie, Mme Roberge. Heureux de vous retrouver sur cette tribune, Mme Roberge. M. Antoine et M. Gilbert, merci beaucoup, bienvenue parmi nous.

Je suis heureux, comme mes collègues, de participer aux consultations particulières de cet important projet de loi, parce que, bien entendu, Mme la Présidente, on va collaborer, on va écouter, on va partager avec nos collègues d'en face, aussi, comme on le fait depuis le début de cette législature-ci. On l'a fait dans d'autres projets de loi, entre autres, la collègue l'a évoqué tantôt, le projet de loi n° 5, sur lequel moi, j'ai senti un ministre qui a fait preuve de beaucoup d'écoute et d'ouverture, ce qui nous a permis de bonifier le projet de loi après avoir écouté et entendu beaucoup nos collègues.

Mais tout ça pour vous dire que, pour avoir moi-même oeuvré... puis je suis content de participer à cet important projet de loi là comme adjoint parlementaire au ministre de l'Éducation, mais, pour avoir oeuvré dans le milieu de l'éducation durant quelques années, puis là ça ne me rajeunit pas en disant ça, j'ai vécu, de l'intérieur, la fusion des commissions scolaires de Sorel et de Tracy, en 1998, si je ne m'abuse, voilà, et qui a été bien faite, mais qui a mené à toutes sortes de petits problèmes également. Mais là n'est pas la nature de mon propos. Je voudrais plutôt parler de gouvernance, Mme la Présidente. Et je ne vais pas me diriger vers les élections scolaires ou les taux de participation faméliques, là, mais plutôt de vous parler de... J'aurais envie de dire : Vous savez, les centres de la petite enfance, les CPE, on en parle beaucoup, et à raison, les cégeps, les universités, les CIUSSS, plusieurs organisations au Québec, et ce, partout en région, sont gérées par des conseils d'administration. Et puis j'ai l'impression, en lisant votre mémoire ou vous entendant... J'aimerais que vous puissiez m'expliquer pour quelle raison les commissions scolaires ne pourraient-elles pas être gouvernées, elles aussi, par des C.A. représentés par des gens du milieu en éducation et dont l'expertise est également reconnue.

M. Fortier (Alain) : Je dirais bien simplement que, si on pense que l'école publique doit être un bien commun et intéresser toute la population, ce n'est certainement pas en disant à une partie de la population : Mêlez-vous de vos affaires si vous n'avez pas d'enfant. D'accord?

L'autre chose que je vous dirais, c'est que le pendant d'un cégep, qui est une bâtisse, c'est probablement une école secondaire ou une école primaire qui a aussi une bâtisse et pour laquelle, dans ce projet de loi là, on réunit des parents, des employés, un directeur puis un membre de la communauté comme dans les cégeps.

Une commission scolaire, ce n'est pas ça. Une commission scolaire, c'est un regroupement d'écoles sur un territoire pour s'assurer que toutes les personnes qui vivent sur le territoire soient représentées et avoir son mot à dire.

Moi, je disais, aujourd'hui, à Mario Dumont que, dans la commission scolaire Kamouraska—Rivière-du-Loup, il y a Rivière-du-Loup puis 32 municipalités et puis que, dans le projet de loi, ça se peut qu'il y ait huit personnes... en fait, 16 personnes qui viennent de Rivière-du-Loup puis zéro d'aucune de toutes les communautés qui l'entourent. Et la gouvernance actuelle, qui peut être améliorée par toutes sortes de moyens, va garantir la représentativité des citoyens.

Et je terminerais en vous disant que l'UNESCO, par ses grandes conventions internationales, dit que le rôle des gouvernements, c'est de mobiliser la communauté autour de l'école. Alors, moi, je m'excuse, là, mais un conseil d'administration, ce n'est pas la même chose qu'une gouvernance de proximité.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. M. le député de Richelieu.

M. Émond : Oui. Je vais juste compléter puis rapidement, Mme la Présidente, si vous permettez, parce que j'entends des choses intéressantes, M. Forcier, et puis... Fortier, pardon. Et c'est vrai qu'il doit y avoir une composition, dans des conseils d'administration, de gens qui s'impliquent en éducation.

Puis là j'ai le goût de vous citer — et en ouvrant les guillemets : «À l'heure actuelle, la réalité, c'est que les parents ne s'impliquent pas beaucoup à l'intérieur de la structure scolaire — et je referme les guillemets.» Là, moi, puis vous pourrez me corriger si je me trompe, je vois ça un peu comme une remise en question de la capacité des parents à siéger sur un conseil d'administration comme un manque de temps.

Tu sais, moi et ma conjointe, avec trois enfants, j'ai siégé sur de nombreux conseils d'administration tout en étant papa. Puis qu'est-ce que vous pourriez dire aux parents qui siègent, actuellement, qui sont sur des conseils d'établissement, qui sont au comité de parents de leur commission scolaire, au conseil des commissaires comme commissaire-parent, par exemple?

• (14 h 40) •

La Présidente (Mme Thériault) : M. Fortier.

M. Fortier (Alain) : ...de dévaloriser la capacité des individus à s'impliquer. Ce que les parents nous disent... Moi, j'arrive de l'Abitibi, par exemple, là, où les gens me disaient : Alain, il y a trois conseils d'établissement, puis ils n'ont même pas assez de parents pour compléter leur conseil d'établissement. Ça, c'est chez Gaétan Gilbert, ici. Il y a des parents qui ont demandé de ne plus siéger à certains comités parce qu'ils n'étaient pas capables de joindre les... d'être au conseil des commissaires.

Donc, ce qu'on vous dit, là, c'est que, si on remplace une représentativité qu'on dit de 5 % — et nous le reconnaissons, travaillons à l'améliorer — par une représentativité beaucoup moins grande, en termes de proportion de gens qui s'impliquent, c'est là que le bât blesse dans cette affaire-là.

Dernier élément, c'est que, vous savez, si les parents veulent vraiment s'impliquer dans la gouvernance scolaire, là, il y a une manière qui fait en sorte qu'ils pourraient avoir les 15 sièges autour d'un conseil des commissaires : ils ont juste à mettre leurs faces sur le poteau.

La Présidente (Mme Thériault) : Ça va? Mme la députée de...

Mme IsaBelle : ...

La Présidente (Mme Thériault) : Pardon?

Mme IsaBelle : Huntingdon.

La Présidente (Mme Thériault) : Huntingdon, oui absolument. Excusez-moi, je connais votre nom.

Mme IsaBelle : Bonjour, M. Fortier. Bonjour. Écoutez, moi, je suis plus intéressée par la formation parce que, dans le projet de loi, les membres du C.A. et du conseil d'établissement vont recevoir des formations. Alors, j'ai comme deux petites questions. Est-ce que vous savez, vous, en tant que fédération, s'il y avait des commissions scolaires qui offraient des formations aux commissaires? Et, si oui ou non, bon, bien, me le dire. Et puis comment vous voyez, dans notre projet de loi, cette obligation-là de formation? Trouvez-vous que c'est bon, comme projet?

M. Fortier (Alain) : En fait, vous parlez à un gars, tu sais, qui a quand même un doctorat en éducation, donc qui croit beaucoup, beaucoup, beaucoup à la formation initiale et continue. Toutes les commissions scolaires, en tout cas, ont toujours eu l'avantage de s'assurer que leurs élus scolaires soient formés le mieux possible. Donc à votre question : Croyez-vous à la formation?, bien sûr. Je pense que vous êtes...

Mme IsaBelle : Et il se fait de la formation.

M. Fortier (Alain) : Et il se fait de la formation. La fédération offre énormément de formation aux élus scolaires. Les commissions scolaires elles-mêmes font de la formation. La question n'est pas là. La question est de savoir où est-ce que chaque groupe est rendu. Et il faut quand même se poser la question : En quoi une formation uniformisée va tenir compte de l'expertise de chacun ou de la nouveauté des autres? Et pourquoi ne pas se fier sur le pouvoir local, les gens dans l'action, comme les enseignants vous le disent, d'ailleurs, d'être capable de dire : Nous, la formation dont on a besoin, en ce moment, c'est celle-ci, et de les laisser se donner un temps de formation? Qu'on oblige la formation, il n'y a pas de problème, on est en faveur de la formation. Qu'elle vienne de Québec, c'est là, la question. C'est là, le problème...

Mme IsaBelle : Mais pourquoi vous dites qu'elle serait... Je peux y aller?

La Présidente (Mme Thériault) : Oui, excusez.

Mme IsaBelle : Pourquoi vous dites qu'elle serait uniformisée? Il va y avoir une base offerte par le ministère, mais, par la suite, la commission... enfin, le centre de services pourra...

Des voix : ...

Mme IsaBelle : ... — excusez, hein? — pourra, par la suite, l'adapter à son milieu. Pourquoi vous dites qu'elle serait uniformisée?

M. Fortier (Alain) : Bien, simplement, quand on lit un projet de loi, là, formation qui sera «élaborée par le ministre»... Moi, si vous me dites : Il y aura de la formation et chacun des gouvernements locaux pourra se donner son projet de formation et de développement professionnel, on achète, là.

La Présidente (Mme Thériault) : Il reste à peine 12 secondes... 15 secondes. Question rapide? Non? O.K. Là, je vais juste vous rappeler les règles, s'il vous plaît, parce qu'on a des gens qui vont écrire vos propos et savoir qui a prononcé quelles paroles, évidemment. Donc, je vous demande d'attendre que je vous reconnaisse. Et, quand il y a un échange, j'essaie de ne pas intervenir, sauf qu'il faut attendre au moins que je vous reconnaisse. Donc, regardez-moi, je vous redonnerai la parole une autre fois. Donc, sans plus tarder, je vais aller du côté de l'opposition officielle, avec Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Je vous regardais. Bonjour. Premièrement, merci d'être présent. Ma première question, d'emblée : Est-ce que vous avez trouvé, finalement, dans le projet de loi, qui est assez costaud, comment on fait pour améliorer le sort des élèves, la réussite éducative? J'ai cherché.

La Présidente (Mme Thériault) : M. Fortier.

M. Fortier (Alain) : Comme vous l'avez vu, là, entendu dans ma...

La Présidente (Mme Thériault) : ...

M. Fortier (Alain) : Oui? On va se demander si on... Comme vous l'avez entendu dans ma présentation, nous, on a beau le lire et le relire, là... D'ailleurs, la réponse de M. le ministre, c'est : On a fait plein de choses à l'extérieur. Mais, dans ce projet de loi là, là, en tout cas, il ne semble pas y avoir grand-chose.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Vous avez sûrement lu, comme nous tous au Québec, que nos jeunes enfants souffrent de plus en plus tôt de détresse psychologique. En quoi le projet de loi n° 40 fait en sorte qu'on peut aider, outiller non seulement les élèves, les enseignants, mais tous ceux qui sont dans le réseau de l'éducation?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Fortier.

M. Fortier (Alain) : Bien, j'allais dire : Je pense que votre question est synonyme de la première, là.

Mme Rizqy : Donc, en rien?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée.

Mme Rizqy : Vous avez aussi remarqué qu'il y a d'autres priorités. J'entends souvent des parents nous parler de l'obsession des enfants pour leur écran tactile, que ça devient vraiment un gros problème. Est-ce que ça, en priorité... Est-ce que jouer dans les structures ou s'attaquer à ce fléau... pour vous, laquelle serait la plus grande priorité des Québécois que vous entendez d'Abitibi à Rimouski?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Fortier.

M. Fortier (Alain) : ...indépendant, là, d'une firme — je ne sais pas si je peux la nommer, bref, je ne connais pas la règle ici, mais bref — et sur l'amélioration de la gouvernance, là, sur les 12 qui avaient été mises de l'avant, venait, juste un petit peu avant : s'occuper des élèves doués, mais était, je pense, si je me souviens bien, 11e sur les 12 ou 10e sur les 12 priorités, la première étant, bien sûr, de s'occuper des élèves, des besoins, des... là, je n'ai pas l'ordre par coeur, mais tout ce qu'en fait tous les journaux relatent et rappellent, à quel point le réseau public de l'éducation a de très, très grands défis, là. Jamais, en tout cas, ce défi de gouvernance, là, n'était une priorité pour à la fois les Québécois, mais aussi, là, le réseau public de l'éducation.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée.

Mme Rizqy : Merci. J'aimerais demander à Mme Roberge quelle est sa relation avec le ministre de l'Éducation à titre d'élue? À titre d'élue, là, vous, quand il y a une problématique, est-ce que c'est vous qui êtes imputable puis qui appelez au bureau du député? Puis, par la suite, lorsqu'il n'y aura plus de commission scolaire, bien, qui, qui va prendre le téléphone pour appeler le député?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Roberge.

Mme Roberge (Hélène) : Merci. Effectivement, nous avons eu quelques rencontres pour des dossiers qui concernent la commission scolaire des Patriotes, notamment quand c'est des demandes d'ajout d'espace, par exemple. On a également rencontré le ministre pour lui parler de notre modèle, à la commission scolaire, de fonctionnement très décentralisé et de quelle façon notre gouvernance était une bonne gouvernance. Et, lors de cette rencontre-là, c'était quelques jours après que M. le ministre avait mentionné, dans une entrevue, quelque chose par rapport à la mauvaise gouvernance des commissions scolaires, que c'était préférable de le changer, de le modifier. Et je lui avais dit que j'avais trouvé — il s'en rappellera sans doute — blessants ses propos. Parce que nous avons une bonne gouvernance, comme la grande majorité des commissions scolaires, ce qu'il avait reconnu, en disant : Parfois, les mots dépassent notre pensée.

Oui, il y a des exemples où on voit dans les médias qu'il y a des gouvernances de certaines commissions scolaires qui seraient remises en question. Je n'ai pas la teneur des rapports, etc. Mais, si on va dans ce sens-là, on pourrait faire la même chose pour le milieu municipal. Il y a eu la commission Charbonneau, il y a eu des commissions... des municipalités avec des difficultés, il y a des municipalités en tutelle, notamment, même sur le territoire de la circonscription de M. Roberge, avec Chambly, et il n'y a personne qui pense que ça serait une bonne idée de remettre en question la démocratie municipale, de remettre en question les élus municipaux. Pourquoi on fait ce parallèle-là en éducation? À mon sens, il n'y a aucune raison de faire ça. La politique, c'est bon aussi pour l'éducation, c'est notre bien public, comme je disais tout à l'heure, et ça appartient à tout le monde.

Mme Rizqy : Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée.

Mme Rizqy : Le nombre de rencontres du conseil d'administration avec les parents, est-ce que ça, c'est réaliste?

La Présidente (Mme Thériault) : Madame...

M. Fortier (Alain) : Peut-être que je permettrais, si vous le permettez, Mme la Présidente, de laisser la présidente de la commission scolaire de Laval répondre.

La Présidente (Mme Thériault) : Oui. Mme Lortie.

Mme Lortie (Louise) : Oui. Juste pour vous dire, là, par rapport au comité exécutif, comité qu'on abolit dans la loi, dans le projet de loi, chez nous, à Laval, l'année dernière, on a eu 29 rencontres, c'est des rencontres où on donne des contrats de 100 000 $ et plus. On a eu 29 rencontres. Ça, on ne parle que de l'exécutif. Conseil des commissaires, 31 rencontres. Cette année, là, depuis le début de l'année scolaire, on a eu sept rencontres de comité exécutif pour donner, là, près de 30 millions de contrats. Il faut les vérifier, ces contrats-là, on a un pouvoir là-dessus, mais aussi une responsabilité — merci. Et on se dit que, s'il y a juste 10 rencontres, comme le ministre le dit présentement, bien, il y aura sûrement moins de décisions qui seront prises par le conseil d'administration. Moins de décisions au conseil d'administration, ça veut dire plus de pouvoir au directeur général ou dans l'organisation, ce qui fait en sorte que ce qui sera décidé au conseil d'administration va être obligé d'être beaucoup moins de portée. Et, à ce moment-là, bien, on se questionne. Il y a la centralisation, mais il y a aussi le pouvoir donné à l'administration.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée.

• (14 h 50) •

Mme Rizqy : Donc, tantôt, lorsque le député de Richelieu parlait du temps consacré avec sa femme pour aller à certaines rencontres, on était loin de... Parce qu'en fait, dans la réalité, c'est quand même une trentaine de rencontres au minimum, où est-ce qu'il y a aussi des contrats à vérifier. Puis, quand même, vous, non seulement votre tête... bien, votre face est sur le poteau, mais vous êtes aussi la personne imputable, en fin de journée, non?

Mme Lortie (Louise) : Bien, je suis imputable et je suis aussi...

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Lortie.

Mme Lortie (Louise) : Pardon, Mme la Présidente. Je suis imputable, mais je suis aussi la représentante des citoyens. Je suis la représentante de chaque quartier de Laval où il y a des commissaires qui représentent tous les quartiers défavorisés, plus favorisés, allophones, plus francophones — quoiqu'à Laval il y en a de moins en moins. Mais ce que je vous dirais, c'est que ce travail-là, qui est extrêmement important, qui s'ajoute, évidemment, aux réunions... Mais, si on veut ramener les besoins de nos quartiers, on a de besoin d'avoir quelqu'un qui fasse ça, et, dans le projet de loi, cet article-là est enlevé sur... dans le fond, d'informer le conseil d'administration des besoins, des attentes de la population, c'est rayé de la carte.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée.

Mme Rizqy : Mme Lortie, vous, ça fait combien d'années que vous êtes commissaire puis présidente ?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Lortie.

Mme Lortie (Louise) : Merci. Je suis commissaire depuis 2003, je suis présidente depuis 10 ans.

Mme Rizqy : Belle continuité!

Une voix : ...

Mme Lortie (Louise) : 11 ans.

Mme Rizqy : Donc, ici, c'est une question de... une belle continuité. Et j'ai fait quand même le tour de plusieurs commissions scolaires, puis on voit que, oui, il y a du renouvellement, mais il y a une certaine continuité puis un passage de savoir entre les différents commissaires qui vont se succéder. Mais, quand je regarde la participation des parents dans les conseils d'établissement, je note, dans différentes commissions scolaires, que le taux de participation est non seulement très faible, mais que le renouvellement d'un mandat est autour de 50 %. Est-ce que là, ici, on a même un défi de continuité pour la prise de décision et de bonne gestion, de gouvernance ?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Lortie, allez-y.

Mme Lortie (Louise) : Oui. Effectivement, il y a une problématique à ce niveau-là. Je vous dirais qu'il y a les conseils d'établissement, le comité de parents, aussi, auquel on donne un pouvoir par rapport aux frais chargés aux parents. 50 % des membres chez nous — je ne peux pas parler pour les autres — sont nouveaux cette année, donc connaissent à peine les pouvoirs du comité de parents, dans le fond, les fonctions du comité de parents.

La Présidente (Mme Thériault) : Et j'ai Mme Roberge qui veut ajouter.

Mme Roberge (Hélène) : ...participation aux assemblées générales de parents, à la commission scolaire des Patriotes, pour les assemblées générales de cette année, il y avait environ 3,4 % des parents qui se sont présentés dans les assemblées générales. Et, si on rapporte ça en termes d'électeurs, c'est moins de 1 % des électeurs, à ce moment-là. Si je regarde une école secondaire, à Chambly par exemple, où il y a 693 élèves, il y avait 11 parents dans la salle.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée, il vous reste un petit peu plus que deux minutes.

Mme Rizqy : Ah! Moi, j'ai trois minutes à mon cadran.

La Présidente (Mme Thériault) : 2 min 20 s.

Mme Rizqy : D'accord. Tantôt, Mme Lortie, vous avez parlé que, vous, votre rôle, puis c'est le rôle de tous les commissaires ici, c'est d'avoir un recul pour avoir cette vue d'ensemble de tout votre réseau. J'ai fait différentes régions dans ma tournée pour rencontrer différents commissaires — étant donné qu'on aura un temps très raccourci pour pouvoir bien vous entendre — et ils me disaient que... des parents qui vont être sur un conseil d'établissement, s'ils vont à la réunion, qui va être autour du début du mois de septembre, pour être nommés au conseil d'établissement. Par la suite, ceux-là vont aller au conseil d'administration... Mais qui va s'assurer, là-dedans, de la représentativité de toutes les régions et de tous les milieux ? Parce que, là, si je comprends bien, on pourrait avoir tous les parents de la même école qui vont être sur le conseil d'administration.

La Présidente (Mme Thériault) : M. Fortier.

M. Fortier (Alain) : Oui. J'allais dire : C'est un peu l'exemple que je vous donnais tout à l'heure, là, dans le sens... de Rivière-du-Loup et... Kamouraska—Rivière-du-Loup, où il y a 32 municipalités, et Rivière-du-Loup où, tu sais, il y a une grosse école secondaire, trois ou quatre écoles primaires. Donc, les parents pourraient... les parents, mais même les employés, enfin bref, tout le monde pourrait venir de Rivière-du-Loup, dans ce conseil-là, et les 32 municipalités n'auraient aucune représentation. Probablement que M. Gilbert peut donner aussi l'exemple de la réalité de l'Abitibi.

La Présidente (Mme Thériault) : Certainement. M. Gilbert.

M. Gilbert (Gaétan) : Merci. En fait, Mme la Présidente, je ne sais pas à qui parlait M. Roberge quand il disait que toutes les personnes qu'il a rencontrées étaient en faveur d'enlever la démocratie scolaire, entre autres. Parce que, chez nous, en Abitibi, et là je ne parle pas juste de ma commission scolaire, je parle de toute l'Abitibi, toutes les personnes que j'ai rencontrées, et j'en ai rencontré plusieurs, à partir du moment où je leur ai expliqué ce qu'on faisait, il n'y a pas personne qui m'a dit qu'on était inutile, il n'y a pas personne qui a dit qu'on ne devrait plus avoir d'élection scolaire. Au contraire, on a des résolutions de chambres de commerce, des municipalités, des préfets, des maires, des parents qui disent qu'on devrait garder le modèle actuel.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Il vous reste 20 secondes.

Mme Rizqy : ...rapidement. Qu'est-ce que vous pensez, dans le projet de loi, comme quoi les nouveaux centres de services vont devoir donner des services au privé?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Fortier, en 15 secondes.

M. Fortier (Alain) : Bien, je ne sais pas sous quelle forme ça peut prendre, là. Mais est-ce que c'est une nouvelle manière de financer plus l'école privée? Je ne le sais pas, là, mais ça reste à voir. Nous, on a été très, très étonnés. Puis ça démontre, encore une fois, l'idée centralisatrice, c'est-à-dire que ça veut dire que le ministre peut forcer le partenariat, sans vraiment savoir les tenants et aboutissants, là, de ça. Mais, en même temps, je vous dirais qu'il y a au-dessus de 1 500 partenariats, dans l'ensemble des commissions scolaires, qui sont faits sur la base d'une bonne entente et d'une bonne collaboration.

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange. Donc, Mme la députée de Sherbrooke, la parole est à vous pour 2 min 40 s, en échange avec la commission... la fédération, pardon.

Mme Labrie : Merci. Merci. J'aimerais ça vous entendre. Il a été nommé, tout à l'heure, qu'il était question d'éliminer des acteurs politiques, hein, avec l'élimination de commissions scolaires. Le ministre voit ça comme une bonne chose. Vous, d'après vous, est-ce que c'est une bonne chose d'éliminer des acteurs politiques dans les régions du Québec?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Fortier.

M. Fortier (Alain) : Bien là, j'ai juste le goût de dire : Bien, si on élimine... si c'est une bonne chose d'éliminer les acteurs politiques, bien, on s'en va, tout le monde, chacun chez nous puis on écoute la game de hockey ce soir, là. Je veux dire, on est tous des politiciens. Il y a des politiciens dans toutes les municipalités du Québec. La loi des municipalités dit que, du moment qu'il y a une municipalité, il y a au moins sept élus. Qu'il y ait 122 personnes, ça prend sept élus. Donc, à quelque part, au Québec, on valorise la voie politique. Et une société se structure autour de ses politiques, ça ne se structure pas autour de celui qui crie le plus fort, hein? On peut avoir des manifestations puis revendiquer un enjeu, mais il vient à un moment donné où il faut s'arrêter puis établir les politiques pour structurer la société. Moi, je pense qu'au contraire il n'y a pas assez de politique, au Québec, et de la politique qui sert l'intérêt de tout le monde et non pas de la politique de parti.

Mme Labrie : Qui pourra jouer le rôle de défendre un enjeu politique, par exemple, pour une fermeture d'école ou quoi que ce soit, un enjeu régional, par rapport à notre réseau d'éducation?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Fortier.

M. Fortier (Alain) : Bien, la question, elle est bonne, dépendamment si les gens qui sont autour du conseil d'administration viendront d'écoles dans le pétrin. Mais moi, je m'amuse, là, avec Kamouraska—Rivière-du-Loup, et les 32 villages, là, et les petites écoles où il y aura 32 élèves. Vous savez que Ginette Côté, de la commission scolaire de l'Estuaire, a décidé de maintenir une école de six élèves ouverte parce qu'elle a écouté sa population? Pensez-vous que la population de l'école de six élèves, là, aurait été au centre de l'administration puis aurait dit : Oui, c'est vrai que ça coûte cher, mais, à quelque part, il y a la vitalité du village? On n'a aucune idée de ça. Et c'est ça qu'on essaie de dire ici. La force du système actuel, c'est la représentativité citoyenne équitable de tous les territoires du Québec au sein d'organismes locaux décisionnels pour l'avenir du Québec.

Mme Labrie : Je vais y aller avec une dernière question. Le ministre présente sa réforme comme une réduction de la bureaucratie. Est-ce que vous pensez que ça va être le cas ou c'est simplement un prétexte pour essayer de vendre sa réforme?

La Présidente (Mme Thériault) : En 30 secondes, M. Fortier.

M. Fortier (Alain) : Bien, politique égale bureaucratie. C'est quand même assez étonnant, là. Mais, en même temps, puis je pense que le ministre nous l'a dit tout à l'heure, là, ça fait déjà six mois ou je ne sais pas... où toute l'équipe gouvernementale travaille à l'élaboration de ça. Bien, déjà là, il y a une augmentation du travail bureaucratique, là. Et, avec les pouvoirs qu'il se donne, bien, il va falloir faire tous ces suivis-là. Avec la reddition de comptes qu'il augmente, passant de 25 000 $ à 10 000 $, puis avec le projet de loi n° 37, on va continuer à augmenter la bureaucratie. Moi, je m'excuse, là, mais on n'est vraiment pas en train de diminuer la bureaucratie, au contraire, on diminue la voix des citoyens, la voix locale. C'est ça qu'on est en train de faire.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. Fortier. Donc, sans plus tarder, je vais aller du côté de la députée de Joliette, pour 2 min 40 s, vous aussi, en temps d'échange.

Mme Hivon : Merci, Mme la Présidente. Donc, évidemment, j'ai plusieurs questions pour vous. Mais je voulais juste faire un petit commentaire.

On a tous dit, dans nos remarques introductives, qu'on espérait que le ministre ait de l'ouverture, une ouverture au dialogue. Puis je dois vous dire que j'ai été assez mal à l'aise par la teneur des échanges tout à l'heure. Je ne pense pas que le but, aujourd'hui, c'est de prendre en défaut des gens que le ministre... dont le ministre souhaite abolir les postes. Je pense qu'on devrait plutôt bénéficier de leur expertise. On peut comprendre qu'il y a une certaine émotivité, un engagement, une passion quand ils font leurs représentations. Mais moi, j'aimerais ça qu'on puisse bénéficier de leur expertise, parce que c'est eux qui sont sur le terrain depuis des dizaines d'années. Donc, voilà.

Ceci étant dit, je voulais voir... tantôt, vous avez dit... Sur toute la question de la centralisation et de la décentralisation, il y a beaucoup de discours, je dirais, divergents. Le ministre nous dit que c'est un exercice extraordinaire de décentralisation. Ce qu'on entend, notamment, dans les régions, c'est une très, très grande crainte de centralisation : Abitibi, toutes les régions sont concernées, mais, souvent, les régions éloignées encore plus. Donc, quand vous avez dit tantôt que vous ne voyez aucun pouvoir qui était réellement transféré des commissaires aux écoles, alors que le ministre nous dit qu'il va y avoir beaucoup plus d'autonomie pour les écoles, est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu pourquoi vous estimez que ce discours-là ne colle pas à la réalité du projet de loi?

La Présidente (Mme Thériault) : Et vous avez 1 min 15 s pour le faire, M. Fortier.

• (15 heures) •

M. Fortier (Alain) : Je vais essayer d'être court. D'abord, au point de vue projet de loi, on a de la misère à voir où est-ce que les écoles ont plus de pouvoir... ont plus de responsabilités, par exemple. Les écoles vont devoir faire la promotion de l'école publique. Tout à coup, là, une des responsabilités supplémentaires du conseil d'établissement, ça va être de faire la promotion de l'école publique, là, hein? Mais, à part de ça, en termes de pouvoirs, là, on n'en voit pas.

Mme Hivon : Quand le ministre dit, par exemple : Le projet pédagogique, tout ça, c'est les écoles qui vont décider ça seules maintenant, est-ce que c'est vrai? Et, deux, c'est quoi, les impacts de ça?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Fortier.

M. Fortier (Alain) : Bien, ça, c'est assez comique, parce que, bien sûr, ce sont les conseils d'établissement en ce moment qui adoptent, là, le projet éducatif, comme les règles sur l'intimidation. Bref, hein, l'école elle-même adopte beaucoup d'affaires. Ce qu'on voit, dans le projet de loi, qui change, là, c'est le approuve-adopte, c'est-à-dire qu'en ce moment l'administration, la direction d'école, l'équipe-école présentent quelque chose au conseil d'établissement, puis ils disent oui ou non, bien, maintenant, ils vont pouvoir discuter sur place et dire oui. C'est la seule différence qu'on a vue.

Mme Hivon : O.K.

La Présidente (Mme Thériault) : Et il reste cinq secondes, rapidement.

Mme Hivon : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Thériault) : Je suis désolée. Je suis la gardienne du temps, vous l'aurez compris. Je vous remercie, les gens qui vous accompagnaient, M. Fortier.

Nous allons suspendre quelques instants pour permettre le changement de groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 01)

(Reprise à 15 h 05)

1355 <R>La Présidente (Mme Thériault) : Donc, nous allons reprendre nos travaux et nous accueillons, cette fois, l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec. Donc, je vais vous inviter à vous présenter, et, par la suite, vous aurez un 10 minutes pour votre exposé. Merci.

Association des commissions scolaires
anglophones du Québec (ACSAQ)

M. Lamoureux (Dan) : Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, nous vous remercions de nous entendre sur le projet de loi n° 40.

I am Dan Lamoureux, president of Québec English School Boards Association and chairman of the Riverside School Board. I am accompanied this afternoon by QESBA vice-president, Noel Burke, Central Québec School Board chairperson, Stephen Burke — and no relationship — our executive director, Russell Copeman, and Kim Hamilton, director of communication and special projects.

The Québec English School Boards Association has always been guided by the imperative that all legislation concerning education in Québec must first and foremost contribute to student success and, secondly, be effective and efficient in setting out the framework by which our education system ensures that it succeeds. QESBA analysis of Bill 40 considers the additional imperative for the English language minority in Québec that the positive obligations imposed on the Government of Québec by section 23 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms, as interpreted by various judgments of the Supreme Court of Canada, be respected.

M. Burke (Noel) : Bill 40 represents the most significant school governance change since the creation of linguistic school boards 20 years ago. It will necessarily impose disruptive structural changes on the Québec public school system that is currently the envy of many OECD countries. This legislation needs to be very deliberately studied, and its impacts carefully evaluated from the perspective of student success.

The conclusions listed in this brief are based on a detailed analysis of the bill, viewed through the all-important lens of student success, and on our community's right to control and manage our educational institutions. The burden is on the Government of Québec to demonstrate through evidence-based public policy analysis how Bill 40 will contribute to student success or increase it. In our estimation, it has not adequately done so, and there in fact exists research contrary to this theory.

Tout en reconnaissant que le gouvernement du Québec a fait un effort pour répondre à la situation particulière de la communauté anglophone du Québec, le projet de loi n° 40, dans sa forme actuelle, limite des droits constitutionnels de notre communauté de gérer et de contrôler notre système scolaire.

M. Copeman (Russell) : Le projet de loi n° 40 confère également au ministre de l'Éducation le pouvoir d'intervenir et d'exercer un degré de contrôle important sur les centres de services scolaires. Nous estimons que les modifications prévues au projet de loi portent atteinte à l'indépendance et à l'autonomie des futurs centres de services.

Le projet de loi crée, pour les centres de services anglophones, une structure de gouvernance et un processus électoral complexes, déroutants, compliqués et difficiles à mettre en oeuvre.

Compte tenu de la portée des changements que le projet de loi n° 40 entraîne dans le système d'éducation public au Québec, il est très inquiétant que le nouveau modèle structurel et organisationnel proposé dans le projet de loi n'a pas été précédé par des consultations et des discussions publiques exhaustives à l'échelle du Québec. De notre avis, un dialogue constructif entre le gouvernement et toutes les parties intéressées de la société civile, tel qu'un processus d'états généraux ou un processus de livre vert, aurait eu une meilleure chance de produire le consensus public très large, consensus nécessaire pour modifier des institutions vouées à l'éducation de la ressource la plus précieuse dont notre société dispose : la jeunesse du Québec.

Notre association déplore que le gouvernement propose de supprimer un niveau de démocratie locale en éliminant les élections au suffrage universel pour les commissions scolaires francophones du Québec. Les élections au suffrage universel représentent le processus démocratique le plus légitime qui soit. Elles assurent l'apport des citoyens et l'obligation de rendre des comptes en ce qui concerne la gestion des deniers publics. Elles garantissent l'inclusion, l'identité et la réactivité au niveau communautaire. Elles renforcent aussi le lien critique entre notre système d'éducation et les communautés locales.

• (15 h 10) •

Par ailleurs, tout comme nos collègues de la Fédération des commissions scolaires du Québec, nous n'avons vu aucune analyse comparative fondée sur des données probantes démontrant que le modèle de gouvernance proposé dans le projet de loi n° 40 améliorera la réussite scolaire. À l'ère de la politique publique basée sur la rigueur, cette absence d'étude et d'analyse probante est une importante lacune dans la réforme du gouvernement, une lacune qui remet en cause la justification sous-jacente du projet de loi.

En ce qui concerne la situation particulière de la communauté anglophone, l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés exige que les commissions scolaires anglophones soient contrôlées et gérées par la minorité anglophone du Québec qu'elles desservent. Dans des décisions successives de la Cour suprême du Canada, les francophones hors Québec ont fait valoir avec succès leurs droits prévus à l'article 23 d'avoir des écoles et des commissions scolaires uniques et autonomes au service de la langue et de la culture française, la langue de la minorité à l'extérieur du Québec. Ces décisions s'appliquent aux écoles publiques anglophones du Québec et à leurs parents, élèves et communautés avec autant de vigueur. La décision historique de la Cour suprême Mahe contre Alberta, en 1990, et des décisions subséquentes de la cour précisent ceci de façon instructive. Vous avez certains détails de la décision Mahe dans notre mémoire, que vous avez soit en main ou soit sous les yeux.

Étant donné que ni la nécessité de changements en profondeur de la gouvernance scolaire ni les améliorations à la réussite scolaire qui découleront du modèle proposé n'ont été démontrées de manière convaincante, le projet de loi n° 40 devrait être retiré dans l'attente d'un processus d'états généraux de notre système d'éducation, y compris la réforme de sa gouvernance.

Advenant que le gouvernement décide d'aller de l'avant avec le projet de loi et compte tenu du fait que, dans sa forme actuelle, il impose des limites aux droits constitutionnels de la communauté anglophone de contrôler et gérer notre système scolaire, nous demandons que les commissions scolaires anglophones soient accordées la même exemption générale des dispositions de la loi que celle accordée à la commission scolaire crie et à la commission scolaire Kativik au Nunavik. Cette exemption représente également l'approche qu'ont adoptée les provinces de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard et le territoire du Yukon pour les conseils et les commissions scolaires francophones et acadiennes de la minorité linguistique, lorsqu'ils ont entrepris une réforme de la gouvernance.

Si le gouvernement et l'Assemblée nationale rejettent l'exemption des commissions scolaires anglophones du projet de loi n° 40, les modifications énumérées dans notre mémoire s'imposent afin de réduire le préjudice causé par le modèle de gouvernance proposé dans le projet de loi et afin que celui-ci puisse minimalement fonctionner.

L'Association des commissions scolaires anglophones du Québec est convaincue que le gouvernement du Québec fait fausse route avec le projet de loi n° 40. Nous n'avons vu aucune preuve convaincante que le projet de loi améliorera la réussite scolaire. Il n'a pas fait l'objet d'un large soutien de la part des partenaires éducatifs. Selon un récent sondage, les Québécois ne considèrent pas la réforme structurelle comme une priorité en matière d'éducation. Ce projet de loi plongera le système scolaire du Québec dans les années de modifications structurelles, nous détournant ainsi de notre mission première d'éduquer nos élèves.

Deux récents sondages effectués par la firme Léger ont confirmé que les Québécois anglophones sont fortement attachés à leurs commissions scolaires et qu'ils leur font confiance pour défendre les intérêts de notre communauté. Nous vous rappelons également que le taux de réussite scolaire des commissions scolaires anglophones dépasse ceux de la moyenne québécoise. Comme le dit le vieil adage, qui se dit mieux peut-être en anglais : «If it isn't broke, don't fix it.»

Nous estimons que, tel qu'élaboré, et en dépit des efforts du gouvernement d'écouter nos préoccupations, le projet de loi n° 40 représente une limitation des droits constitutionnels de contrôle et de gestion de notre communauté. Le projet de loi devrait être retiré, et le gouvernement devrait revenir à la case zéro.

M. Lamoureux (Dan) : In conclusion, judged by student results, English school boards are... success story. (Interruption)

M. Burke (Noel) : ...a success story — his voice is going... We should be focussing on how to make school boards better, not on what replacement models should be imposed on our community. The Government should work together with school boards, and other stakeholders, and the community at large to strengthen the current system for the benefit of our students. We are willing to be part of this process and we hope the Government will be as well. «Merci.» Thank you.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Donc, nous avons reconnu un ancien collègue à l'Assemblée nationale, qui a siégé ici de 1994 à 2008. Donc, M. Copeman, ancien député de Notre-Dame-de-Grâce, bienvenue à l'Assemblée nationale. Sans plus tarder, je vais céder la parole au ministre pour son bloc d'échange de, toujours, 16 minutes. M. le ministre.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Merci de votre présentation posée, mesurée. On a eu l'occasion, dans les derniers mois, soit face à face ou avec des membres de cabinet, d'échanger ensemble sur les principes de ce projet de loi, sur ce qu'on voulait faire. On s'est parfois colletaillé un petit peu sur les principes, mais je pense qu'on a quand même montré, du côté du gouvernement, qu'il y avait définitivement une ouverture pour tenir compte du droit constitutionnel, mais, plus que ça, je pense, pour montrer le respect qu'on a pour l'importance qu'accorde la communauté anglophone à la gestion et au contrôle.

Ensuite, on peut rester, à la fin, avec des désaccords sur le détail, mais je pense quand même que, en tout cas, de notre côté, on a apprécié le ton, à chaque fois, de ces rencontres. Je pense qu'on a démontré aussi notre bonne foi puis notre désir de respecter les droits constitutionnels, mais, plus que ça, de respecter la volonté, parce qu'on est convaincus, en fait, on est convaincus que peut-être que ça aurait été testé devant les tribunaux, mais qu'à terme on aurait respecté le droit des parents de gérer et contrôler leur réseau scolaire, parce que notre interprétation de l'article 23 de la Constitution, c'est bien que ce sont les parents qui ont le contrôle, qui doivent avoir le contrôle et la gestion de leur réseau scolaire.

Maintenant, en maintenant le suffrage universel pour élire les parents et les membres de la communauté, donc tout le monde peut choisir ces gens-là, des parents et des non-parents peuvent voter pour des parents et des non-parents. Il me semble que ça montre bien qu'on a tenu compte... même si, comme je dis, à la fin, à la toute fin, peut-être qu'on ne s'entend pas dans le fin détail, mais je pense que, sur le principe, on a toujours été courtois et de bonne foi des deux côtés, je veux le souligner, c'est important de le dire.

Un des éléments qui revient souvent, quand on regarde la littérature, c'est l'importance du lien entre l'élève et l'adulte. Et je fais... je change de sujet, parce que je reviens aux fondements derrière le projet de loi, puis des gens disent : Ah! pourquoi ça améliorerait la réussite des élèves de revoir la gouvernance? Je pense que de reconnaître ce que disent beaucoup les sciences de l'éducation, c'est de voir que le lien élève... pas seulement les tout-petits, là, les élèves, autant les tout-petits, les adolescents, les adultes en centre de formation professionnelle, le lien élève-adulte est primordial, et donc les adultes qui ont ce lien-là doivent, il me semble, être impliqués dans la prise de décision.

En ce moment, sur les conseils des commissaires, il y a bien souvent des parents, mais évidemment il n'y a pas de membre du personnel qui siège au conseil des commissaires à ce moment-ci. Est-ce que vous ne pensez pas que ça serait un écho à ce que dit la littérature, d'abord, d'avoir des gens qui ont ces liens-là avec les élèves, qui les amènent à réussir, sur le C.A., ça aiderait à prendre des décisions qui sont plus éclairées de manière pédagogique, mais aussi que ça serait une formidable valorisation du rôle de la direction d'école, des enseignants, du personnel de soutien, du personnel professionnel, les impliquer maintenant au conseil d'administration, ça ne serait pas de reconnaître, justement, l'importance qu'ils ont? Est-ce que c'est une ouverture que vous avez d'avoir des membres sur le C.A. qui, tous les jours, ont ce lien avec les élèves?

M. Lamoureux (Dan) : Pour moi... je vais commencer, mais, pour moi, c'est vraiment dur, parce qu'on trouve, dans nos communautés... c'est vraiment les gens qui aident les écoles. Ils sont dans les écoles, ils travaillent avec les enfants, ils travaillent pour les enseignants. Le problème, ce qu'il se passe... aussitôt que tu rencontres dans un C.A., comme tu as mentionné, une personne qui est un enseignant, ou un directeur, c'est tout le temps... pour moi, il va y avoir beaucoup de conflits, «conflict of interest», dans le rôle du C.A. avec le directeur général... «I don't know»...

• (15 h 20) •

M. Copeman (Russell) : Oui. M. le ministre, nous craignons effectivement que vous allez créer un régime un peu corporatiste au niveau d'un conseil d'administration, que la possibilité de conflit réel existe. Et alors, oui, l'importance de... le lien entre les adultes et les élèves qui sont dans le système existe, mais de là à suggérer que ça prend des membres du personnel sur le conseil d'administration, je ne pense pas que ce lien-là est démontré. Si l'objectif, un de vos objectifs, c'est de dépolitiser les décisions, je ne suis pas sûr que vous allez atteindre ça avec quatre membres du personnel, payés, qui sont... le jour, rapportent, entre autres, au directeur général pour certains, et, le soir, en conseil d'administration, deviennent le patron du D.G. On ne pense pas que ça va fonctionner, ce système-là.

La Présidente (Mme Thériault) : Je vais juste vous signifier... vous levez votre main, je vais vous identifier, parce que, surtout qu'il y a une difficulté, deux personnes portent le même nom de famille, donc on va juste s'assurer qu'on a la bonne personne qui soit enregistrée pour le Journal des débats. M. le ministre.

M. Roberge : Oui, bien, à cet égard, je pense qu'on ne joue pas au cobaye avec notre réseau scolaire. Dans les cégeps, on a ce que vous dénoncez, des gens qui sont membres du personnel, qui, siègent au conseil d'administration. On a ça aussi dans nos universités. Il y a des membres qui sont membres du personnel et qui siègent sur le conseil d'administration des universités. Ça fonctionne. Maintenant, partout où il y a des humains, il peut y avoir des conflits, bien sûr. Mais je pense que le système actuel a ses propres conflits, on le voit bien, là, hein, il suffit de regarder le journal de temps en temps, on le voit bien que, dans les conseils des commissaires aussi, parfois, il y a des chicanes, il y a du corporatisme, il peut y avoir tout ça.

Mais, sincèrement, un système à l'abri de conflits entre personnes, ça n'existe pas. Donc, on n'atteindra pas l'idéal. On peut viser mieux, cependant, on peut viser à l'améliorer. Et je pense, d'avoir une représentativité, c'est peut-être quelque chose qui pourrait améliorer les choses.

Et là j'ai une petite question pour vous : En ce moment, dans les neuf conseils des commissaires, les neuf commissions scolaires anglophones, est-ce que vous avez la répartition? Est-ce que vous savez combien sont actuellement parents d'enfants dans le réseau? Je veux dire, on peut être parent d'enfants, là, qui sont rendus maintenant au cégep, à l'université ou sur le marché du travail, mais est-ce que vous savez combien de vos commissaires ou quel pourcentage sont, en ce moment, parents?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Noel Burke.

M. Burke (Noel) : Oui, dans notre commission scolaire, là, on a quatre sur 12 qui sont les parents que... les commissaires parentaux puis aussi on a trois autres qui sont des parents maintenant. Mais, au sujet de représentation, il faut qu'on comprenne, comme société, que l'investissement dans l'éducation, c'est pour... c'est un investissement de chaque et tous les citoyens du Québec, pas seulement ou en majorité les parents. Dans notre commission scolaire, avec 20 000 élèves, on a plus de 300 parents qui sont impliqués direct dans la gouvernance des écoles locales, l'intention de votre projet de loi. Est-ce qu'on a besoin de huit autres parents? Ce n'est pas de dire : Il n'y a pas de place pour parents ou une place plus représentante que maintenant. Mais on laisse à côté tous les intérêts de la communauté générale et tous les citoyens. Notre rôle, comme éducateurs, n'est pas la production des bons fils et des filles, c'est la production des citoyens productifs et, encore, c'est un investissement de chacun et tous les citoyens du Québec.

La Présidente (Mme Thériault) : Cette fois, c'est M. Stephen Burke.

M. Burke (Stephen) : Mme la Présidente, je vais me faire le défenseur de personnes de mon âge et d'un peu moins, qui ont toujours la passion de s'assurer que les enfants du Québec reçoivent le meilleur enseignement possible. Et je trouve ça malheureux qu'on décide tout bonnement que, si tu n'es pas parent, ce n'est pas de tes affaires. Je trouve ça très triste. C'est ce qu'il arrive, vous savez, au niveau collégial et au niveau universitaire, il n'y a pas beaucoup de gens qui se préoccupent de comment les étudiants fonctionnent à l'université et même au cégep. Je ne vois pas l'intérêt. Je n'ai jamais de... Il n'y a pas de voisins qui ne m'ont jamais parlé de ça.

Mais il y en a qui m'ont parlé, puis, si vous avez lu les journaux, je sais ce que vous avez lu ce matin, mais, si vous aviez lu, samedi matin, Le Journal de Québec, il y avait un de nos autobus, nous, qui n'a pas pu traverser... en fait, deux qui n'ont pas pu traverser le pont. Bon, est-ce que je blâme le ministre des Transports parce qu'il n'a pas été capable de tasser le camion qui a bloqué le pont Pierre-Laporte? Bien non, ça ne serait pas correct de dire ça, ce n'est pas de sa faute. Mais nous, on nous blâme. À cause d'un projet de loi qui est maintenant à l'étude, tous les maux qui se passent en enseignement au Québec, c'est la faute des commissaires d'école.

Bien, c'est ça, je vous le dis, là, c'est ça que j'entends. Il y a des gens qui ne savent même pas ce qu'on fait et qui se disent, là... il y avait un petit topo, là, tu pouvais répondre, là : Aïe! Si on peut se débarrasser d'eux autres. Comme si c'est les commissaires d'école qui vont régler le problème de sécurité routière, vendredi, pendant qu'il y a eu une tempête extraordinaire qui a mis 1,2 million de ménages québécois dans la noirceur, y inclus certaines commissions scolaires.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le député de Sainte-Rose, il vous reste à peu près six minutes au bloc d'échange.

M. Skeete : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je me permets de vous saluer. Il est vrai que le réseau anglophone est très performant. Je vous remercie pour tout ce que vous faites dans le réseau, messieurs et madame.

Vous avez mentionné, sur la page 3 de votre mémoire, que, sous sa forme actuelle, le projet de loi n° 40 limite excessivement les droits constitutionnels de la communauté. Vous allez, par la suite, pour citer Mahe comme source, disant que ça va trop loin. Puisque l'arrêt Mahe parle d'une certaine mesure de gestion et de contrôle, considérant que le projet de loi du ministre continue à vous permettre le contrôle et l'accès de la communauté, en plus de vous permettre le suffrage universel, en quoi le projet de loi limite excessivement les droits?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Copeman.

M. Copeman (Russell) : Bien, on peut vous donner beaucoup d'exemples. Par ailleurs, je ne peux pas laisser passer le commentaire du ministre, c'est un différend que nous avons avec le ministre sur l'interprétation de l'article 23. Le ministre nous a dit et répète aujourd'hui que c'est le droit des parents de gérer et contrôler le réseau scolaire. Nous rejetons cette interprétation, que nous jugeons trop étroite, que des décisions successives de la Cour suprême parlent beaucoup plus du droit à la communauté de contrôler et gérer, et non pas des parents. Ça, c'est une question qui, malheureusement, pourrait se régler en cour. Ce n'est pas l'objet. On souhaite une solution politique. M. Skeete, quelles limites dans...

La Présidente (Mme Thériault) : ...de Sainte-Rose. Vous ne devez pas l'appeler par son nom de famille.

M. Copeman (Russell) : Oui, mais...

La Présidente (Mme Thériault) : C'est le député de Sainte-Rose.

M. Copeman (Russell) : M. le député de Sainte-Rose.

La Présidente (Mme Thériault) : Oui, merci.

M. Copeman (Russell) : Je ne savais pas, Mme la Présidente, que vous êtes aussi exigeante avec des invités que vous l'êtes avec des collègues, mais je vais le faire. Alors, M. le député de Sainte-Rose...

Des voix : Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Thériault) : Surtout un ancien collègue.

M. Copeman (Russell) : Mme la Présidente, si vous pouvez diriger les commentaires envers M. le député de Sainte-Rose, je dirai ceci : Les parents sur le conseil d'administration doivent être, dans le projet de loi, doivent être membres d'un conseil d'établissement au moment de leur élection. Ça élimine la possibilité, pour la vaste majorité, de se porter candidat pour le conseil d'administration. La présence possible des membres du personnel qui n'ont pas le droit de... ne sont pas lésés en droit, limite excessivement le droit, l'obligation pour les quatre membres de la communauté de se faire élire sur l'étendue du territoire.

M. le président Burke est président d'une commission scolaire dont le territoire est à peu près le même que l'Espagne. Et là vous demandez à quatre individus de la communauté, qui doivent avoir, par ailleurs, des profils spécifiques, de se présenter sur l'ensemble du territoire. Tous ces éléments-là, nous sommes convaincus, limitent le droit de gérer et contrôler garanti dans la Constitution canadienne.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Je crois que le député de Sainte-Rose a une autre intervention, allez-y.

M. Skeete : Je vais poursuivre. En fait, je partage l'interprétation de mon collègue le ministre de l'Éducation sur le fond, mais ce qui me manque, c'est que... avec l'interprétation que vous apportez, c'est comme si le ministre de l'Éducation, quand il s'agit de... le réseau scolaire d'une minorité linguistique, peu importe dans le pays, si on pousse l'exemple à son maximum, il n'aurait même pas le droit d'exiger des normes pour les professeurs, ou les normes de notes, ou imposer un curriculum. C'est comme si le ministre de l'Éducation a zéro droit par rapport à ce qui est attendu d'un résultat scolaire. Où est-ce que, selon vous, le pouvoir du ministre se termine dans sa capacité d'exercer le rôle de ministre de l'Éducation partout sur le territoire québécois?

La Présidente (Mme Thériault) : J'ai M. Burke. Oui, M. Copeman.

M. Copeman (Russell) : Je vais débuter, M. le député de Sainte-Rose. Certainement pas, on ne prétend pas que le ministre n'a aucun pouvoir, c'est absolument faux. Il s'agit d'une balance entre les décisions de la Cour suprême et les pouvoirs accordés au ministre en vertu des lois québécoises.

La Présidente (Mme Thériault) : M. Stephen Burke.

• (15 h 30) •

M. Burke (Stephen) : La précision que je veux faire, c'est que, malheureusement, dans l'opinion publique, on pense que les anglophones maintiennent le suffrage — moi, j'appelle ça «universal suffering» — le suffrage universel. On ne l'a pas préservé parce que, quand on limite les candidats puis qu'on dit que c'est... ce n'est pas universel, ça ne peut pas. Vous n'aimeriez pas ça, vous, que les seules personnes qui votent à une élection provinciale soient identifiées comme étant de telle catégorie ou de telle profession, hein? Bon. C'est ça que vous avez fait. Alors, je suis content, à la commission parlementaire, de dire à tous les Québécois et Québécoises que le suffrage universel nous a été enlevé. Alors, ça, ça va être clair, là, ça va être dans les médias demain, ce n'est pas ça qu'on va avoir. On a une façon de voter qui est très différente, et qui est très limitative pour plusieurs personnes, et qui fait en sorte qu'un retraité comme moi, qui, depuis 10 ans, se consacre à cette passion-là de m'assurer que nos écoles donnent les meilleurs services possibles, ont un taux de diplomation et de graduation de 90 % — M. le ministre, vous devriez être content autant que moi — bien, c'est ça que je veux dire, là, si ça peut être clair, on n'a pas gardé le suffrage universel.

La Présidente (Mme Thériault) : Oui, M. Noel Burke.

M. Burke (Noel) : Et, au sujet du rôle d'un conseil d'administration d'un centre de services scolaire et que c'est l'interprétation des exigences du ministère, même que le curriculum et les régulations, etc., pour savoir est-ce que c'est répondre à la réalité de la communauté anglophone minoritaire, ce n'est pas pour substituer ces règles-là, mais c'est l'interprétation et l'application propre dans un milieu qui est spécifique.

La Présidente (Mme Thériault) : Et il ne reste plus de temps du côté ministériel, donc je me tourne vers l'opposition officielle, avec la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Je vais quand même ouvrir une parenthèse, Mme la Présidente, pour faire suite aux propos du ministre et des propos de la députée de Joliette. D'entrée de jeu, on a dit qu'on voulait avoir des débats sereins. Ici, on n'est pas à la salle Pauline-Marois, donc il y a une certaine proximité. Et nous entendons les commentaires du ministre lorsqu'il s'esclaffe, mais surtout lorsqu'il dit, deux fois plutôt qu'une : C'est effrayant, mentir de même.

Bien, Mme la Présidente, je vais reprendre l'expression d'un ancien premier ministre : Ici, on n'est pas à la cour du roi Pétaud. Alors, je demande au ministre de l'Éducation de s'excuser et de retirer ses propos.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre de l'Éducation.

M. Roberge : Je ne sais pas à quoi elle fait référence.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Thériault) : O.K. Non, on... Non. S'il vous plaît, s'il vous plaît, on a des invités qui sont ici, qui veulent nous faire part de leurs points de vue. J'ai entendu votre point, Mme la députée de Saint-Laurent, je pense que M. le ministre aussi a entendu, donc je vais vous demander d'aller à vos échanges. Il reste 9 min 45 s.

Mme Rizqy : Merci beaucoup de votre présence. Pouvez-vous nous expliquer, vous, est-ce qu'il y a une affaire là-dedans, dans le projet de loi n° 40, parmi les centaines d'articles, qui améliore la réussite éducative chez les jeunes? Déjà que vous, vous avez un excellent taux. Félicitations.

La Présidente (Mme Thériault) : M. Copeman.

M. Copeman (Russell) : On n'en a pas trouvé beaucoup. Même, on a fait des demandes d'accès à l'information au ministère de l'Éducation concernant des études comparatives, des analyses, etc., avant le dépôt de projet de loi. Cette demande-là a été refusée en prétextant que la décision était en cours. On a répété la même demande d'accès à l'information après le dépôt du projet de loi et nous sommes toujours dans la période d'attente, les 30 jours. Mais visiblement, dans le public, on n'en a vu aucun à date.

La Présidente (Mme Thériault) : M. Lamoureux.

M. Lamoureux (Dan) : Mais on a des rapports qui viennent de l'extérieur, du Canada, dans le Canada, du Canadian School Board Association. On a beaucoup de rapports que c'est... ils ont prouvé qu'une bonne gouvernance, c'est important pour le succès de nos enfants. «So», il y a partout d'autres études qu'on peut vous donner.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Tantôt, le ministre disait comme quoi qu'il aurait pu aller de l'avant avec son projet de loi sans faire aucune concession pour la minorité linguistique anglophone puis ça aurait passé le test des tribunaux. C'est drôle, moi, je suis aussi avocate, puis j'ai lu les différentes décisions de la Cour suprême puis des tribunaux aussi de cours d'appel de différentes provinces, et on parle non seulement des parents, mais, à ma lecture, on parle de minorités linguistiques. Est-ce que je me trompe?

La Présidente (Mme Thériault) : Alors, M. Lamoureux? Non? M. Copeman.

M. Copeman (Russell) : Non, vous ne vous trompez pas. Encore une fois, je dis très, très respectueusement, c'est un différend entre les avocats du ministère de l'Éducation, qui sont là depuis un certain temps, n'est-ce pas, qui ont plaidé à peu près la même chose il y a un certain temps, pas si longtemps que ça. Je soupçonne que ce sont les mêmes avocats. Mais il ne faut pas arrêter à Mahe, il faut aller à Arsenault-Cameron, il faut aller à la Colombie-Britannique, il faut aller à d'autres. Je ne suis pas avocat, Mme la députée, mais on ne veut pas que cette question-là soit réglée en cour. On veut qu'on trouve une solution politique à cette question-là. Mais c'est sûr que la communauté anglophone ne renoncera jamais à l'exercice de nos droits constitutionnels.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée.

Mme Rizqy : C'est drôle, parce que le ministre de l'Éducation plaide pour dépolitiser. Mais alors je me tourne vers vous, M. Copeman, puisque vous avez déjà été député, ce projet de loi n° 40, tel qu'il a été déposé, avec la date, et on sait qu'il y a quand même des avis légaux qui doivent être envoyés si on veut annuler les prochaines élections auprès des commissions scolaires... Vous, à titre d'ancien élu, vous trouvez ça comment, l'exercice actuel?

M. Copeman (Russell) : Je suis trop sage pour tomber dans ce piège, Mme la députée. J'ai trop d'expérience parlementaire pour commenter le processus. Je ne fais qu'observer que les consultations particulières continuent jusqu'au 13 novembre. Après ça, il restera 12 jours de séances pour l'Assemblée nationale, 12 jours de séances pour adopter le principe du projet de loi, et un projet de loi qui contient 312 articles et qui modifie 84 autres lois québécoises, incluant, par ailleurs, la Loi sur les arrangements préalables du service funéraire et de la sépulture. On comprend que c'est un exemple de concordance, mais on se demande ce sont les funérailles de qui.

Des voix : Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Thériault) : La question est vraiment pertinente. La question est très pertinente, mais je ne pense pas qu'on va avoir la réponse cet après-midi. Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Merci beaucoup pour votre réponse, mais vous comprendrez qu'on n'aura peut-être pas l'occasion, en étude article par article, d'avoir la réponse à la question que vous venez de soulever, hein, compte tenu de l'échéancier.

Dites-moi, si on reste au niveau constitutionnel, quand vous regardez le projet de loi n° 40 tel que rédigé, avez-vous, oui ou non, l'impression que vos droits constitutionnels pour la minorité linguistique anglophone sont respectés totalement?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Stephen Burke.

M. Burke (Stephen) : Je pense que non. Non, je vous le dis, là, on ne garde pas... Le suffrage universel, tel qu'il est dans le moment, c'est ça, du suffrage universel. Ça permet à une personne âgée comme moi, qui n'a pas d'enfant dans le système mais une petite-fille qui est en première année, de garder sa passion. Et je sais que, pour plusieurs, ils vont dire : Mais tu n'as pas d'affaire là-dedans. Oui, j'ai de l'affaire là-dedans. C'est important.

Et nos jeunes à nous, dans le réseau anglophone, sont parfaitement bilingues. Ce sont des citoyens du Québec qui peuvent aller partout. Mon fils, actuellement, c'est un gradué de l'Université Laval, il est à Hambourg, en Allemagne. D'où vous pensez qu'il dit qu'il vient? Il vient de Québec. Il vient de Québec, du Québec. Il est fier d'être Québécois et Canadien.

Alors, quand vous me dites, là : Est-ce que c'est conforme à la Constitution?, tout mon être, là, me dit non, non, non. Et je comprends que ce n'est pas fait de mauvaise foi. Ça, je le rajoute, je ne mets aucune mauvaise foi dans ce projet de loi là. Mais je dis, comme nos collègues francophones ont dit et comme on a dit dans notre mémoire : Pourquoi ne pas faire des états généraux? Pourquoi laisser tomber... Pourquoi ne pas essayer de se parler? Peut-être pas dans une ambiance... Puis j'espère qu'on n'est pas en confrontation. Nous, on fait juste défendre nos idées. On y croit beaucoup. Et, moi, c'est mon dernier tour de piste, là, il y a des gens qui sont capables de me remplacer. Tout le monde est remplaçable. Mais je pense qu'il faudrait qu'ils me remplacent dans un système qui est comme celui qu'on a en ce moment, et sans aller à la Cour suprême, de grâce.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : ...aussi la porte par rapport aux autres provinces, le reste du Canada. Vous, vous êtes la minorité linguistique ici, au Québec, mais on a des minorités linguistiques francophones. Ici, au Québec, on va dire, d'une part, que les anglophones pourront, dans une certaine mesure, et je le mets entre guillemets, avoir un droit de vote, mais les francophones, vous n'aurez pas de droit de vote. Est-ce que ça, ça peut nuire à la défense des droits linguistiques des minorités francophones dans les autres provinces, lorsque la plus grande... où est-ce que le plus gros bassin de francophones n'ont pas le droit de vote, ici, au Québec?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Lamoureux.

M. Lamoureux (Dan) : Oui. La semaine passée, on a été à Winnipeg pour la fédération nationale des commissions scolaires. Et là on a parlé avec les 28 commissions scolaires en dehors de Québec, et eux autres sont...

Une voix : Francophones.

M. Lamoureux (Dan) : ...francophones, oui, et eux autres ont peur qu'est-ce qu'il va se passer ici parce qu'ils peuvent... parce que ça se peut qu'ils vont perdre leurs droits, pas directement demain, mais en temps. Parce que, vous savez, d'autres provinces nous regardent pour savoir s'ils peuvent faire la même affaire pour leur identité. «So», ça, c'est important, dans ma tête.

La Présidente (Mme Thériault) : M. Copeman.

• (15 h 40) •

M. Copeman (Russell) : Mme la Présidente, cette question-là est suivie à travers le pays. On dirait, en anglais : «It's a national question.» Il ne faut pas l'utiliser dans le terme francophone parce que ça veut dire autre chose, pancanadienne. Les minorités francophones à l'extérieur du Québec suivent de très près ce débat-là et sont très préoccupées par toute limite imposée sur les droits constitutionnels. Et limites il y en a dans le projet de loi. Nous reconnaissons un effort du gouvernement du Québec de retenir une forme de suffrage universel, nous le reconnaissons. Ce qu'on dit dans le mémoire, très clairement, c'est qu'il y a des limites imposées dans la structure proposée qui, quant à nous, enfreignent nos droits constitutionnels. Et on apporte certaines suggestions pour diminuer ces préjudices-là.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée de Saint-Laurent, 1 min 20 s.

Mme Rizqy : Merci pour votre réponse. Je rappelle que le Québec a aussi le devoir et la responsabilité de promouvoir la langue française non seulement ici, au Québec, mais aussi à l'extérieur du Québec. Et j'entends ces inquiétudes qui, moi aussi, m'ont été faites part par des gens qui étaient à Winnipeg. Et je vois, en arrière de vous, M. Michael Murray, qui est le président de la commission scolaire de Eastern Townships, qui nous parle de petites écoles, de petites écoles. Mais de 11 élèves, quand on a commencé, ces 11 élèves là sont maintenant rendus 36 parce que des gens comme M. Murray, avec des enseignants, puis la communauté... pas juste les parents, des grands-parents qui n'ont plus d'enfant dans le réseau, mais qui se battent pour garder et préserver l'institution qui est non seulement l'école, mais le village au complet, qui vit de cette école.

Alors, là-dessus, je sais que vous avez sûrement d'autres petits cas concrets, mais est-ce que vous pensez sincèrement que, dans un fichier Excel qui va être fait ici, au complexe G, ces petites écoles de 11 élèves vont être maintenues?

La Présidente (Mme Thériault) : Et vous avez 25 secondes pour répondre à la question, M. Lamoureux.

M. Lamoureux (Dan) : Dans ma tête, j'aimerais croire que les décisions qui sont prévues...«they'll keep them», mais, en réalité, je ne sais pas. Malheureusement, «you know»...

Mme Rizqy : Demain, on reçoit Élections Québec. Pensez-vous que c'est le temps qu'on modernise la liste pour, justement, favoriser les élections au niveau de la communauté anglophone? On en parle toujours, puis personne n'a agi là-dessus.

La Présidente (Mme Thériault) : Oui ou non?

M. Copeman (Russell) : Il y a une série de mesures proposées dans le mémoire, il y a une série de mesures qui ont été proposées dans le rapport Jennings pour améliorer le taux de participation. Facile, peu coûteux et plus accessible.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci beaucoup. Cela met fin au bloc d'échange. Donc, on va aller du côté de la deuxième opposition. Mme la députée de Sherbrooke, 2 min 40 s à votre disposition.

Mme Labrie : Merci. Je trouve ça intéressant. Dans votre mémoire, vous mentionnez, dans la première recommandation que vous faites... c'est celle de tenir des états généraux. C'est aussi quelque chose qui a été abordé par la Fédération des commissions scolaires juste avant vous, et ce processus-là de réflexion nationale qui impliquerait tous les partenaires de l'éducation, c'est aussi quelque chose que j'ai proposé au printemps dernier, sur des états généraux, ou même une commission d'enquête comme celle qui avait mené au rapport Parent, et, malheureusement, à l'époque, ça avait été balayé de la main par le ministre de l'Éducation.

Mais j'aimerais ça, savoir qu'est-ce que... Pourquoi pensez-vous qu'on devrait entamer un tel processus de cette ampleur, impliquer tous les partenaires de l'éducation au Québec? Et qu'est-ce que ça devrait inclure comme réflexion? Parce vous dites : Y compris la réforme sur la gouvernance. Sur quoi d'autre on devrait se pencher, collectivement, en éducation?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Noel Burke.

M. Burke (Noel) : Oui. Je pense que ce n'est pas clair que les parents veulent avoir ce type d'influence dans la gouvernance d'un système scolaire. Ce n'est pas clair. Ce n'est pas clair. Même que les citoyens de Québec, aimer ce même type d'organisation scolaire, c'est très fort et très complexe. Il faut qu'on ait un débat public sur ça. C'est quoi que les citoyens veulent comme un système scolaire qui est géré propre...

Au sujet, par exemple, une école de 11 élèves, par exemple, c'est la commission scolaire ou les centres de services qui ont la responsabilité de distribuer les ressources à toutes les écoles et garder ces types d'école, même si c'est dans un petit coin de province, dans une ville particulière. On a des exemples des écoles communautaires, Community Learning Centres, qui... par exemple, dans les Magdalen, le journal local est publié dans l'école. L'éducation des adultes existe dans l'école. C'est une... très vibrante, au lieu d'avoir une perspective particulière par les parents qui existe encore dans les conseils d'établissement, mais au niveau de... comment on dit, le vieil hélicoptère, il faut qu'on garde le «big picture», le grand portrait du système. Il faut qu'on ait, comme un gouvernement puis comme un représentant... je ne suis, comme commissaire, pas un représentant des élèves ni les parents, mais, en même temps, je suis un parent, mais notre responsabilité, ma responsabilité, comme commissaire, est d'avoir un représentant de société dans le milieu, dans le secteur éducatif.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Et je n'ai plus de temps, malheureusement. Je dois passer à la troisième opposition. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui, merci beaucoup de votre présentation. J'aimerais vous amener sur une question qui vous est chère, c'est celle de la communauté qui est représentée dans les instances, pas seulement les parents. Et puis, évidemment, on voit, là, dans la proposition qui est faite, que le rôle des parents va être très, très important. Je pense que de... Quand on regarde ça, on trouve tous que c'est une bonne idée que les parents puissent avoir un grand rôle dans la prise de décision, donc sur les conseils d'administration, mais j'aimerais vous entendre, que vous élaboriez un petit peu sur, pour vous, pourquoi il faut garder un souci important d'autres représentants de la communauté et pas juste des gens qui ont des enfants, en ce moment, à l'école.

M. Copeman (Russell) : Très brièvement...

La Présidente (Mme Thériault) : Et vous avez deux minutes pour faire ça, M. Copeman.

M. Copeman (Russell) : Très brièvement, nous pensons qu'il devrait y avoir un meilleur équilibre sur le conseil d'administration entre parents et représentants de la communauté.

Deuxièmement, un des facteurs, puis je suis en poste depuis un an, un des facteurs clés que j'ai découvert, très honnêtement, très franchement, qui contribue au succès des élèves est la forte participation de la communauté dans nos écoles tout partout, que ce soit en Gaspésie, en Abitibi, dans les Cantons-de-l'Est, tout partout. Ce n'est pas simplement... L'école n'est pas simplement l'affaire des parents, des enseignants, des membres du personnel, qui sont des acteurs clés, mais il y a des Community Learning Centres, comme M. Burke a parlé, il y a des activités communautaires. Ça amène des bénévoles. Ils aident les enfants à faire des... ils font de l'aide aux devoirs après. Il y a des activités dans la... Et moi, je suis personnellement convaincu que ça fait partie du taux de succès élevé des commissions scolaires anglophones, l'engagement communautaire.

Mme Hivon : Il y a tout un débat... Je comprends qu'on n'a pas eu le temps d'en parler beaucoup, là, mais est-ce que c'est vraiment de la décentralisation ou, au contraire, c'est plus de la centralisation? Dans les secondes qu'il me reste, on ne pourra pas aller en détail là-dessus, mais il y a un article qui est soulevé par plusieurs groupes, puis c'est l'article 310, sur le pouvoir réglementaire du ministre, qui dit que le gouvernement va pouvoir, par règlement, prendre toute mesure utile à l'application de la loi ou à la réalisation efficace de son objet. Est-ce que vous avez des commentaires par rapport à ce pouvoir règlementaire là? Qu'est-ce que vous voyez qui pourrait être fait par ça?

La Présidente (Mme Thériault) : Vous avez 20 secondes, M. Copeman.

M. Copeman (Russell) : Entre autres, c'est un des articles qui nous fait... qu'on arrive à la conclusion que ça ne respecte pas le droit de gérer et contrôler, qu'il y a une centralisation. Que ce soit l'article 308, l'article 60... 312, 310, on peut en énumérer d'autres, vous les avez dans le mémoire, mais nous, nous sommes convaincus qu'il y a une forte centralisation du pouvoir vers Québec, vers le ministère, et ça aussi enfreint possiblement à nos droits constitutionnels de gérer et contrôler notre système scolaire.

La Présidente (Mme Thériault) : Et je vais devoir mettre fin aux échanges. Donc, Mme Hamilton, M. Burke, M. Lamoureux, M. Copeman et M. Burke, merci de votre présentation.

Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 48)

(Reprise à 15 h 51)

La Présidente (Mme Thériault) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je vais vous demander un peu de silence et de reprendre votre place puisque les travaux se poursuivent.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Thériault) : Je vais demander aux gens, dans le fond de la salle... s'il vous plaît! Merci. Merci beaucoup.

Donc, nous accueillons la Centrale des syndicats du Québec. Donc, Mme Éthier, vous avez une dizaine de minutes pour nous présenter votre mémoire ainsi que nous présenter les gens qui vous accompagnent. La parole est à vous.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Éthier (Sonia) : Alors, bonjour. Je vous remercie de nous avoir conviés à participer à ces auditions sur le projet de loi n° 40. Nous sommes ici pour porter la voix des 125 000 membres que nous représentons en éducation.

Je vous présente d'abord les personnes qui m'accompagnent, avec qui je vais partager la présentation : M. Jacques Landry, qui est président de la Fédération des professionnelles et professionnels de l'éducation, à ma droite, M. Éric Pronovost, président de la Fédération du personnel de soutien scolaire, et Mme Nathalie Chabot, qui est conseillère à la CSQ. Et je veux mentionner que la Fédération des syndicats de l'enseignement n'est pas avec nous aujourd'hui puisqu'elle viendra présenter son mémoire jeudi. Ce mémoire est complémentaire à celui de la CSQ et va traiter des aspects relatifs à la profession enseignante.

D'abord, je pense que vous vous doutez bien que je veux commencer par exprimer mon mécontentement quant au processus. Le projet de loi que nous avons devant nous est non seulement volumineux, hein, mais il propose des changements majeurs à la Loi sur l'instruction publique, et de tels changements demandent à être réfléchis collectivement. Malheureusement, on n'a pas jugé bon de faire cet exercice de réflexion. Aussi, bien, on nous laisse bien peu de temps pour analyser le projet, consulter les instances, présenter notre position. Pour nous, là, ce n'est ni plus ni moins qu'une insulte.

Alors, je vais présenter les principales idées de notre mémoire, avec, comme point de départ, le titre que nous lui avons donné : Danger d'inégalités. Je vais donner deux illustrations d'inégalités contenues dans le projet de loi.

La première, c'est qu'il compromet encore plus l'égalité des chances. En effet, il contient des dispositions qui vont stimuler davantage la compétition entre les établissements publics qui vont renforcer l'école à la carte. Et on sait que les élèves moins bien nantis socialement sont encore aujourd'hui les perdants de cette loi du plus fort puisqu'ils n'ont pas les ressources pour jouer le jeu de la compétition.

Comment le projet de loi va-t-il renforcer cette compétition? Bien, principalement, de trois manières : premièrement, en rendant plus facile, pour les parents, le choix d'une école qui est située en dehors du territoire de leur centre de service scolaire; et, deuxièmement, en donnant aux parents un contrôle plus grand sur l'offre de projets particuliers, puisqu'on leur accorde un poids plus grand au conseil d'établissement où sont prises les décisions à ce sujet, on donne aussi au comité de parents la possibilité de donner son avis sur les projets offerts ou envisagés par les écoles, un avis qu'il donnerait au conseil d'administration composé majoritairement aussi de parents; troisièmement, en confiant au comité de parents et au conseil d'établissement la responsabilité de promouvoir et de valoriser l'école publique — présentement, ce sont les commissions scolaires qui le font, mais dans une perspective plus large.

Il faut éviter, absolument, d'aviver la dynamique de concurrence au sein du réseau public, une dynamique qui est défavorable aux élèves moins bien nantis. Alors, au mémoire, on a une recommandation, la recommandation 1, qui est présentée aux pages 5 et 6. Et on veut être bien clairs : nous sommes pour la participation des parents dans le réseau scolaire, c'est une collaboration qui est plus que nécessaire, et c'est pour cela qu'on doit y avoir un équilibre entre la place qu'on accorde aux parents et celle qu'on accorde aux acteurs du milieu scolaire. Ça prend un partenariat équilibré.

Ce qui m'amène à ma seconde illustration d'égalité contenue dans le projet de loi, c'est relatif aux dispositions qui limitent l'apport du personnel dans la prise de décision. C'est le cas des conseils d'établissement, où le projet de loi vient miner l'équilibre du partenariat entre le groupe de parents et le groupe des membres du personnel. C'est, pour nous, inacceptable, notamment parce que c'est une non-reconnaissance de la contribution du personnel.

Ce déséquilibre, il est aussi manifeste dans la composition du conseil d'administration, où le personnel n'aurait que quatre sièges. Pour nous, la parité doit être conservée au conseil d'établissement et aussi au conseil d'administration. Nous avons des recommandations sur la composition du conseil d'administration en page 12 du mémoire et les recommandations importantes concernant la composition et les fonctions du conseil d'établissement, pages 21 à 24.

Alors, avant de donner la parole à M. Pronovost, je veux vous dire un mot sur ce que l'on veut pour les conseils d'administration, et ça, c'est très important pour nous. Peu importe si les conseils des commissaires demeurent ou si ce sont des conseils d'administration, il faut que les personnes qui seront là aient un rôle de représentation. On souhaite une amélioration de la démocratie participative. On attend du conseil d'administration qu'il soit une instance ouverte qui agit en toute transparence, qui favorise la participation citoyenne. On ne veut pas d'une instance... ou on ne veut plus d'une instance hermétique. Et on a une recommandation à la page 15 de notre mémoire. Évidemment, on a peu de temps, donc on présente l'essentiel.

M. Pronovost (Éric) : Donc, bonjour à tous. Je m'adresse à vous aujourd'hui au nom des 30 000 membres du personnel de soutien scolaire de la Fédération du personnel de soutien scolaire pour vous dire que les fusions de services projetées par le ministre nous inquiètent sérieusement. Je vais vous citer des articles de Loi de l'instruction publique qui pourraient être modifiés par ce projet de loi n° 40.

Un aspect important de nos inquiétudes se trouve à l'article 215.2 de la LIP. En ouvrant la porte aux partages de ressources, que ce soit pour la perception de la taxe ou d'autres ressources, il y a un risque important de perte d'expertise du personnel déjà en place et de l'ouverture à la sous-traitance. Nous voyons également un danger à ce que le ministre puisse demander à un centre de services scolaire de produire une analyse visant à évaluer les possibilités de partage de ressources et de services avec un autre centre de services scolaire.

Par exemple, la délocalisation des techniciens, techniciennes en informatique d'un centre de services à l'autre réduirait le temps d'intervention pour régler des problèmes urgents. On y voit un grand danger de sous-traitance. Voir la recommandation 7 à la page 15 du mémoire CSQ.

À la section I.1, concernant la modification du territoire des centres scolaires, plus précisément l'article 116 de la LIP, nous voulons que la décision revienne au milieu, que ce soit le ministre qui tranche par décret au lieu.

À l'article 193.6 de la LIP, concernant le comité d'engagement pour la réussite des élèves, nous désirons que le personnel de soutien scolaire puisse bénéficier de deux sièges afin d'assurer une meilleure représentation. Nous participons activement aussi à la réussite des élèves.

À l'article 51.2 de la LIP, il y a deux éléments qui nous interpellent. Tout d'abord, l'appellation de responsable en service de garde, selon le plan de classification, il s'agit d'une technicienne en service de garde. Le terme est important, car il peut porter à confusion entre la direction d'école et la technicienne. Le deuxième élément concerne la transparence. Si la technicienne en service de garde ne peut se présenter au conseil d'établissement, nous désirons que la personne substitue soit élue par ses pairs, tel que c'est le cas actuellement.

J'invite le ministre à modifier son projet de loi pour trouver des solutions à l'ensemble de ces problématiques que nous anticipons et ainsi, surtout, favoriser la stabilité du personnel de soutien scolaire. Merci.

• (16 heures) •

M. Landry (Jacques) : Bonjour. Je représente les professionnelles et professionnels des commissions scolaires. J'aimerais d'abord attirer votre attention sur le fait que le projet de loi retire les trois mentions au Service d'animation spirituelle et d'engagement communautaire, le SASEC, de la Loi de l'instruction publique. Même si ce service universel peut faire toute la différence dans le parcours des élèves qui sont en recherche d'identité, il s'effrite par manque de ressources déjà depuis plusieurs années, et nous le déplorons. La situation du SASEC prouve que les services professionnels ne sont pas protégés. Même si la loi et les régimes pédagogiques prévoient que les élèves ont droit à l'ensemble des services éducatifs complémentaires, dont l'orthophonie, la psychologie, l'orientation scolaire ou la psychoéducation, dans les faits, ces ressources-là sont la marge de manoeuvre budgétaire des commissions scolaires. Les années d'austérité l'ont d'ailleurs bien prouvé.

Comment peut-on justifier que les élèves d'une région aient accès à deux professionnels par 1 000 élèves alors que la région voisine a un ratio de six professionnels pour 1 000 élèves? Non seulement cela nuit à l'égalité des chances, mais c'est discriminatoire.

Ce que nous recommandons, à la page 8 du mémoire, c'est la mise en place d'un seuil de services éducatifs complémentaires pour les élèves. Ce seuil minimal devrait tenir compte des réalités régionales et des indicateurs de vulnérabilité. Enchâsser ce principe dans la Loi de l'instruction publique enverrait un message fort quant à la volonté d'assurer aux élèves l'accès aux ressources dont ils ont besoin.

Il faut aussi protéger nos services publics. Nous n'avons aucun contrôle sur la sous-traitance dans le réseau scolaire, et ça nous coûte très cher. Une évaluation professionnelle au privé n'aura jamais le même impact qu'une équipe de professionnels sur le terrain qui observe en classe, intervient de façon cohérence, et suit, participe au plan d'intervention, et fait des liens avec l'équipe-école et le personnel enseignant et les parents. Il est incontournable d'encadrer le recours à la sous-traitance dans la Loi de l'instruction publique. Nous avons une recommandation à cet effet à la page 15 de notre mémoire.

Nous dénonçons d'ailleurs que le projet de loi même donne même au ministre le droit d'exiger le partage de ressources et de services, entre autres, avec des établissements privés ou divers organismes. L'économie budgétaire ne doit pas être la seule motivation. Il faut surtout protéger et analyser les impacts sur les services aux élèves de manière à protéger l'expertise publique. Merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Ceci met fin au temps que j'avais, malheureusement, pour vous. Donc, sans plus tarder, on va aller avec les échanges avec M. le ministre, pour votre 16 minutes.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Alors, merci d'être présents et présentes. Je veux saluer aussi la présence de Mme Scalabrini et Mme Bilodeau, qu'on entendra plus tard cette semaine.

Je voudrais revenir sur un élément que vous avez utilisé. Vous avez utilisé le mot «danger d'inégalité», parce qu'il y a des articles dans le projet de loi qui répondent à une problématique réelle qu'on a vécue à plusieurs endroits au Québec. Je me souviens, en 2017, notamment, CSDM puis commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, ça s'était appelé les frontaliers. Il y avait une école sur le territoire de Marguerite-Bourgeoys, l'école Monseigneur-Richard, une école secondaire. Il y avait de la place, une école publique à Verdun qui avait de la place, beaucoup de places disponibles, sauf qui était à la limite du territoire de la commission scolaire. L'autre côté de la rue, c'était l'autre commission scolaire. Des parents voulaient fréquenter l'école de la commission scolaire voisine, qui, au fond, était accessible à pied, mais la commission scolaire, la CSDM, refusait : Non, non, non, vous allez aller 20, 30, 40 minutes plus loin dans une autre école. Pour moi, c'est une aberration. Quand on dit, là... dans les discours, on entend souvent dire ça : Il faut mettre l'élève au centre des préoccupations. Ce serait le temps de le faire puis tenir compte de ce que les parents veulent. Et de permettre à des parents d'envoyer leur enfant sur le territoire d'un centre de services voisin, dans la mesure où il y a de la place, évidemment, dans la mesure où les parents veulent transporter leur... ils peuvent y aller à pied, ou si les parents acceptent de transporter, pour moi, ce n'est pas une source d'inégalité. J'aimerais comprendre votre raisonnement là-dedans.

Mme Éthier (Sonia) : Dans un premier temps, je pense qu'on s'entend sur le fait que la Loi sur l'instruction publique prévoit déjà, de façon exceptionnelle, à une commission scolaire d'accueillir des enfants en provenance d'une autre commission scolaire, c'est déjà dans la loi. Alors, nous, ce qu'on voit dans cet article-là, c'est le fait qu'on puisse, dans le fond, permettre à des parents, peu importe... ça, c'est une situation qui est légitime. Il n'y a pas de place dans une commission scolaire, il y a de la place à côté, dans une autre commission scolaire, je pense que ça entre dans les mesures exceptionnelles. Mais, pour nous, le fait de l'enchâsser dans la loi, ça veut dire que les parents pourront regarder dans l'autre commission scolaire... Puis là je ne le dis pas négativement, là, je ne le dis pas négativement. On le place dans le projet de loi, là. Les parents pourront regarder l'école à la carte, des projets particuliers dans la commission scolaire à côté, puis peut-être qu'en même temps ça va permettre aux parents... tu sais, c'est sur la route du travail, et le projet est intéressant, donc c'est l'école à la carte. Et donc, pour nous, c'est non pertinent et c'est très dangereux.

Quand on dit : Danger d'inégalités,on sait très bien que les enfants, les parents qui sont de familles défavorisées n'auront pas les mêmes moyens que les parents qui sont plus favorisés puis qui pourront se permettre d'aller ailleurs. Et le danger, là, je le dis vraiment, c'est l'école à la carte. Puis, pour nous, ça ne devrait pas apparaître dans le projet de loi. Mais je comprends très bien la situation, M. le ministre, que vous nous indiquez. C'est tout à fait inacceptable, mais la loi est déjà claire là-dessus. Il y a une possibilité, c'est exceptionnel, mais je pense qu'on devrait garder l'article qui est dans la loi tel qu'il est. Je pense qu'on n'a pas besoin de ça au Québec, là.

Le Président (M. Provençal)  : M. le ministre.

M. Roberge : Mais c'est tellement clair dans la loi que ces parents se sont fait refuser parce que c'est la commission scolaire, en ce moment... Quand on dit que ce sont des minigouvernements, c'est presque : tu as besoin de ton passeport si tu veux traverser la limite de la commission scolaire, là, c'est la petite république. Et là c'est comme si l'enfant, pour la commission scolaire, représente une subvention. Et, si le parent voit une place pour son enfant l'autre côté de la rue, l'autre côté de la limite territoriale, qu'il est prêt à le transporter, il y a une place pour lui, la commission scolaire, en ce moment, peut dire: Non, je garde cet enfant, j'ai besoin de cette subvention. C'est là où on ne s'entendra peut-être jamais.

Moi, quand je dis : Remettre l'école au service de la communauté, ça veut dire ça. Et la loi actuelle, si on ne la change pas, bien, rien ne changera, et ce qu'il s'est passé en 2017 continuera de se passer. Puis ça se passe un peu partout. On demande la permission à la commission scolaire : S'il vous plaît, pouvez-vous me rendre mon enfant pour que je puisse l'envoyer et le conduire moi-même dans une école publique juste à côté? Et là vous dites, si c'est sur le trajet des parents et ça plaît aux enfants : Quelle dérive! Faudrait l'empêcher d'y aller. Moi, je pense que, si c'est sur le trajet des parents, puis que ça plaît aux enfants, et qu'il y a une place, pour moi, ce n'est pas une dérive, pour moi, ce n'est pas une inégalité.

Et c'est comme si on pouvait magasiner, si je prends vos termes, l'école, mais, sur notre territoire de notre commission scolaire, il n'y a pas de problème. Mais, si on passe la limite territoriale, maintenant, du centre de services, c'est un problème. Je ne comprends pas. Parce que vous permettez, vous ne nous demandez pas, à ce que je sache, d'empêcher les enfants d'aller à une école autre que leur école de quartier. Est-ce que vous voulez nous empêcher de faire ça?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Éthier.

Mme Éthier (Sonia) : Je pense qu'à l'intérieur d'une même commission scolaire il y a les écoles de quartier, je pense que, quand on disait, d'entrée de jeu, là, qu'il aurait fallu réfléchir en amont de ce projet de loi, bien, on aurait pu clarifier ces questions-là. La question, là, principale, dans... Toute la question, c'est vraiment la question des projets particuliers. Vous le savez, là, dans le projet de loi, les projets particuliers apparaissent un petit peu partout, là, puis on voit, dans ce projet de loi, l'école à la carte.

Mais je pense que l'école de quartier où les enfants sont à proximité, bien, je pense qu'on peut encore penser que... et, d'ailleurs, on en a déjà discuté, de ça, quand on a participé à la commission parlementaire sur les frais de scolarité, là, attribués aux parents et on a déjà discuté de ça, je pense que l'école de quartier a tout ce qu'il faut pour accueillir tous les enfants, pour donner les services éducatifs dont ils ont besoin et de recevoir l'éducation dont ils ont besoin. Et nous voyons, dans ce projet de loi, probablement... vous le dites bien, M. le ministre, qu'on ne s'entendra probablement pas là-dessus, puis je vous l'accorde, parce que nous, on voit plus loin que ça. On voit plus loin que la question du territoire, où vous donnez un exemple précis qu'une commission scolaire empêche des enfants de fréquenter la... c'est un problème, là, mais je ne pense pas qu'il faille modifier le projet de loi pour aller dans ce sens.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

• (16 h 10) •

M. Roberge : Bien, moi, je pense que, quand on voit des problèmes qui sont législatifs et qu'on améliore la Loi sur l'instruction publique, c'est pas mal notre devoir de régler ces problèmes-là. Parmi les interventions que vous avez faites dans les médias dernièrement, vous avez dit : On vient nous dire qu'on va nous dicter sur quoi on doit se former et, si on n'accepte pas de se former là, on nous dit d'aller se former. Il pourrait même y avoir des sanctions. C'est vrai qu'il y a des articles, il y a un article, là, qui parle de la formation des enseignants dans le projet de loi. Mais où vous avez vu que le projet de loi disait sur quoi on doit se former ou qu'on prescrivait l'objet de la formation? Pouvez-vous me dire ça, là?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Éthier.

Mme Éthier (Sonia) : Je voudrais juste vous dire, M. le ministre, que la FSE va être ici jeudi sur les enjeux particuliers au personnel enseignant, puis je préférerais leur laisser présenter leur mémoire puis vous répondre de façon approfondie sur cette question-là. Mais je sais de... vous parlez de l'article 133, là, mais, si vous ne voyez pas d'inconvénient, je pense que la FSE va être capable de vous indiquer clairement leur point de vue là-dessus.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

M. Roberge : Je comprends. On ramènera cette question-là. Mais c'est quand même... ce n'est pas la présidente de la FSE qui l'a dit, c'est la présidente de la CSQ. C'est vous qui avez dit ça, que, là, dans la loi, on allait dire où devaient aller se former les enseignants. Bon, alors, peut-être qu'il y aura un erratum. Ce n'est pas le cas. On ne prescrit pas dans la loi où les gens doivent se former sans quoi il y aurait des sanctions. Il faut faire attention quand même. On peut être en désaccord avec la loi sur certains points, mais il faut quand même la décrire telle qu'elle est, parce que peut-être, finalement, qu'on est plus d'accord qu'on le pense.

Par rapport... peut-être une question pour M. Pronovost, mais, bon, c'est à vous de voir. Il me semble avoir vu... en fait, oui, je suis convaincu de ça, vous disiez, lors des projets de loi n° 86 et n° 105 des précédents gouvernements, que vous souhaiteriez que les membres du personnel soient sur l'instance du conseil d'administration. Donc, est-ce que vous êtes en accord avec le fait qu'il y ait quatre postes qui soient réservés, justement, pour les membres du personnel, alors qu'en ce moment sur le conseil des commissaires, c'est zéro?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Pronovost.

M. Pronovost (Éric) : Bien, écoutez... Oui, excusez. Qu'il y ait déjà un poste, oui, effectivement... Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on pense très clairement qu'il faut que l'école reste à l'école. Donc, s'il y avait plus de gens du milieu de l'école qui étaient sur ces conseils-là pour pouvoir davantage amener des situations ou régler des cas problèmes, parce que ces gens-là vivent l'école au quotidien, vous comprendrez qu'on ait une personne... un membre du personnel de soutien sur cette table-là, bien, oui, effectivement. Mais est-ce qu'on en aurait voulu deux, puis trois, puis un peu plus? Je pense que oui, parce qu'on touche toutes les sphères. On touche autant le service administratif que le service direct à l'élève, que le service d'entretien puis de manuels. Donc, vous comprendrez qu'il y aurait, je pense, de la place pour davantage avoir plus de personnes du personnel de soutien scolaire sur ces conseils-là pour être capable, comme je l'ai dit puis je le répète, de s'asseoir avec ces gens-là et de s'assurer que les décisions qui vont être prises vont être prises par des gens qui oeuvrent aussi dans l'école. Et c'est ce qui fait peur un petit peu, hein? Il y a beaucoup de gens autour qui vont arriver puis qui vont se greffer. C'est quoi, le niveau de connaissances de l'école? C'est inquiétant pour les gens. Donc, à partir de ce moment-là, moi, ce que... je ne serai jamais ouvert à ce qu'on en ait plus, de personnel de soutien scolaire, c'est sûr, sur la table du conseil d'administration, bien entendu. C'est sûr.

M. Roberge : Bien, je suis heureux...

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

M. Roberge : ...d'entendre ça parce que ce que vous venez de faire comme plaidoyer, comme témoignage, ça démontre l'importance d'avoir des gens de l'équipe-école à l'instance régionale sur le conseil d'administration. Puis vous dites : Ça va amener un éclairage important là où des décisions peuvent être prises par rapport à la situation actuelle. Sans dire que tout n'est pas correct dans la situation actuelle, on vise à l'améliorer, la situation actuelle. Puis vous nous démontrez bien qu'il y aura un avantage.

Ceci dit, on ne peut pas dire ça et dire qu'améliorer la gouvernance, ce n'est donc qu'un brassage de structures et donc que ça ne sert à rien. Parce qu'à ce moment-là ce que vous nous dites, c'est qu'il faut améliorer la gouvernance, mais, si on améliore la gouvernance, on s'attaque aux structures, puis ça, faire les structures, ça ne sert à rien. Donc, il faudrait juste choisir, soit c'est une bonne idée d'avoir des gens du personnel sur le C.A., puis on est prêts à revoir la gouvernance pour ça, soit c'est une mauvaise idée, puis toutes modifications législatives, même si c'est pour améliorer la gouvernance, ce n'est pas bon, parce qu'il y a d'autres priorités. Alors, est-ce que vous êtes d'accord, comme centrale, oui ou non, qu'on peut s'intéresser à la gouvernance tout en faisant d'autres choses pour améliorer la réussite? On peut-u faire les deux?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Éthier.

Mme Éthier (Sonia) : Bien, est-ce qu'on peut faire les deux? Dans un premier temps, là, je pense qu'il y a un constat alarmant qu'on peut faire, c'est que les gouvernements qui se sont succédé ont tué à petit feu la démocratie scolaire. Il y a un danger réel en enlevant la structure politique. Le danger, c'est de retirer le contre-pouvoir. Parce qu'une des questions qu'on se pose aussi, c'est que les conseils d'administration, est-ce qu'ils auront un droit de parole public? Alors, pour nous, ça, c'est un élément qui est questionnant. Et, comme je le disais tout à l'heure, quand j'ai présenté les quelques propositions, si le gouvernement va de l'avant avec le conseil d'administration, pour nous, il est important d'avoir la parité, parce que, comme mon collègue l'a dit, on pense que le... Est-ce que ça va?

Une voix : ...

Mme Éthier (Sonia) : On pense que, justement, la parité, c'est important, ça fait un équilibre, et puis, en même temps, le personnel connaît ce qu'il faut pour l'école, connaît les solutions, les besoins. Il pourrait y avoir un apport important.

Pour la centrale, ce qui... pour nous, là, la structure intermédiaire, elle doit demeurer. Ça, c'est un incontournable, une structure intermédiaire. Puis, ce qui nous... un élément qu'on trouve positif dans le projet de loi, c'est que, minimalement, la structure intermédiaire va garder la responsabilité du partage des ressources entre les écoles. Pour nous, c'est important, parce que les écoles n'ont pas toutes les mêmes moyens. Donc, cette structure intermédiaire, pour nous, il faut qu'elle garde la vision globale de la commission scolaire pour être capable de garder un équilibre entre les établissements. Alors, ça, c'est primordial.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le député de Richelieu, 1 min 15 s au temps ministériel.

M. Émond : 1 min 15 s, merci de me reconnaître, Mme la Présidente. Messieurs, mesdames, Mme Éthier que je salue particulièrement. Je disais tantôt avoir oeuvré dans les années 90, vous étiez alors localement ma présidente, à l'époque. Et puis je suis très heureux de vous revoir aujourd'hui, parce qu'à chacun de nos échanges, parfois, on a des points de convergence, des points de divergence, mais toujours dans le respect. Puis je vais aller rapidement sur un point de convergence, mais pour lequel j'aimerais avoir plus de précisions, même si, M. Pronovost, vous en avez parlé quand même un petit peu.

Il y a des groupes avant vous qui ont indiqué que ce n'était pas une super idée de mettre des membres du personnel au sein des conseils d'administration. De votre côté, vous trouvez que c'est une bonne idée, même, vous en voudriez plus. Tu sais, dans mon cas, en éducation, il y a un triangle qui est très important, pour moi, pour la réussite éducative : le triangle élève, enseignant et parent, la collaboration ou l'implication des trois. Puis donc, dans notre volonté de vouloir qu'il y ait davantage de parents qui s'impliquent à la réussite éducative, je veux juste comprendre bien, si vous voulez avoir plus de membres du personnel au sein du C.A., vous voulez qu'il y ait moins de parents qui y soient présents également, c'est bien ça?

La Présidente (Mme Thériault) : Il vous reste cinq secondes.

Mme Éthier (Sonia) : Ce qu'on a demandé, là, ce qu'on vous dit... au C.A., il y a 16 personnes, je ne me trompe pas, huit membres du personnel, huit membres du... des parents, de la communauté. Alors, on veut la parité, si le ministre va dans ce sens-là, parce que c'est important, comme je vous le dis, c'est...

La Présidente (Mme Thériault) : Je dois vous interrompre, désolée. Merci. Donc, je regarde du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Saint-Laurent, la parole est à vous.

Mme Rizqy : Merci beaucoup. Le ministre a donné comme exemple la commission scolaire de Montréal, la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, puis il disait comme si on interdisait le partage de services. Juste pour rectifier certains faits : 405 élèves de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys vont à la commission scolaire de Montréal, 593 de la commission scolaire de Montréal vont à la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. Et j'étais en train de m'entretenir avec certains présidents quand ils ont entendu les propos du ministre. Lorsqu'il y a un refus, ce n'est pas de gaieté de coeur, c'est parce que l'école est pleine. Et, présentement, à l'école Marguerite-Bourgeoys, on parle de plusieurs écoles secondaires, une capacité de 120 %. Et je me tourne vers vous parce que, nous, ça fait quand même quelques fois qu'on se voit, p.l. n° 3, p.l. n° 5, p.l. n° 12 et maintenant p.l. n° 40. Lorsque nous avons invoqué, je dis le «nous» là, tous les partis d'opposition, le manque de locaux, le manque d'enseignants, que c'était vraiment ça, la priorité, pensez-vous que c'est encore ça, la priorité, dans la réussite éducative, de s'assurer qu'on est capable de valoriser les enseignants, de trouver des espaces davantage où est-ce qu'il en manque puis d'avoir assez de monde pour s'occuper de nos enfants présentement?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Éthier.

• (16 h 20) •

Mme Éthier (Sonia) : C'est certain que, si on pose la question aux gens du milieu, bien, je ne pense pas. Ce que les gens souhaitent, ce que nous souhaitons, évidemment, c'est de l'ajout de ressources, c'est de l'argent supplémentaire, c'est de l'air neuf, c'est l'autonomie professionnelle pour l'ensemble des personnels. C'est vraiment, on le sait, là, on est en situation... on s'en va en situation de pénurie, problème d'attraction, puis c'est partout, dans toutes les professions de l'éducation. Alors, évidemment qu'on met ça en haut, hein, des priorités pour le bien des enfants. Parce que c'est ça, là, qu'il faut regarder, là. Il faut donner ce qu'il faut au personnel pour réaliser leur travail pour permettre aux élèves de réussir. Ça, là, c'est notre... on est là pour ça, là.

Donc... mais, maintenant, on a un projet de loi devant nous et on doit y répondre. Puis je pense que, pour nous, c'est important, on a 14 recommandations et on tend la main au ministre de l'Éducation. C'est ce qu'on veut faire pour corriger le tir, pour faire en sorte qu'il n'y ait pas davantage d'inégalités au niveau de l'éducation publique. Et, quand je dis «davantage», il faudrait finir par les aplanir, les inégalités. Et ce n'est pas en mentionnant, tout partout dans le projet de loi, les projets particuliers, les projets particuliers, qu'on va y arriver. Alors, là-dessus, je suis d'accord avec vous.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Lorsque vous êtes venue lors du projet de loi n° 12, qui portait sur les frais facturés aux parents, vous avez vraiment mis le doigt sur le bobo. Vous avez dit : Là, là, attention, là, l'inégalité des chances, c'est une école à deux vitesses qui s'en vient. Aujourd'hui, vous nous parlez de clientélisme. Le ministre trouve que ça peut être de bon augure qu'un parent puisse prendre son auto, aller déposer son enfant plus proche du travail. Prenons des cas concrets : une famille qui est moins fortunée dans Hochelaga, est-ce qu'eux vont pouvoir prendre leur auto puis aller travailler, déposer leur enfant dans une autre école, disons, par exemple, dans le comté de Westmount?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Éthier.

Mme Éthier (Sonia) : Poser la question, c'est y répondre. Je pense... je ne crois pas, puis c'est dans ce sens-là que, tout à l'heure, j'essayais d'exprimer clairement le danger de cette disposition qui nous amène l'école à la carte davantage. On a déjà, dans notre réseau, on le sait, on le mentionne... le réseau public a déjà ses projets particuliers. Certains établissements ont des projets particuliers, ça crée de l'iniquité. Il y a des frais scolaires qui sont beaucoup... qui sont chers et qui empêchent certains parents de... que leur enfant y participe. Mais, à un moment donné, il va falloir se poser la question, puis c'est ce qu'on aurait dû faire avant le dépôt du projet de loi : Qu'est-ce qu'on veut, au Québec, comme éducation? Comme système public d'éducation, qu'est-ce qu'on veut? On aurait dû déblayer le terrain d'abord, avant le dépôt d'un projet de loi, qui nous amène à des endroits, qui nous... qu'on voit davantage d'iniquités.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Merci beaucoup. J'aimerais vous amener dans un article plus précis du projet de loi : 34, paragraphe 2°. In fine, je vais me permettre de le lire, c'est question des notes : «Elles peuvent toutefois permettre exceptionnellement au directeur de l'école, après consultation de l'enseignant, de majorer le résultat d'un élève s'il existe des motifs raisonnables liés à son cheminement scolaire.» Ici, il y a le terme «majorer», que j'ai mis de l'emphase, puis «après consultation». Puis, juste avant que vous me répondiez, j'ai, devant moi, une décision, une sentence arbitrale, qui a été rendue ici, à Québec, sous la présidence de Jean-Guy Roy. Et, ici, c'était où est-ce qu'un enseignant sa note a été changée. C'est non seulement l'enseignant que sa note est changée qui est affecté, mais, lorsqu'on prend le temps de lire la décision, les enseignants autour recevaient, par la suite, de la pression des élèves. Ils disaient : Attention, vous pouvez avoir le même sort que l'autre enseignant. Et c'est plusieurs témoignages de plusieurs collègues enseignants. Pensez-vous que cet article-là, précisément le passage que je viens de vous citer, devrait être complètement biffé?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Éthier.

Mme Éthier (Sonia) : Absolument. Moi, je pense que c'est un scandale, c'est inapproprié. Puis là je sais que Mme Scalabrini va être ici jeudi pour répondre à la question, mais c'est inconcevable qu'un enseignant qui utilise son jugement professionnel, qui a lui-même enseigné à cet élève, qui a passé une évaluation et qui se fait... puis que la direction de l'école le consulte pour majorer cette note-là, là, moi, je trouve que c'est inconcevable, et ça ne devrait pas apparaître nulle part. Ça mine l'autonomie professionnelle du personnel enseignant et c'est inconcevable, je le répète.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Je me tourne, là, pour parler maintenant des personnels de soutien. Plusieurs ont décrié avoir des plages à temps partiel puis que, des fois, il manque un quart, là, je parle de 15 minutes, pour ne pas avoir une charge complète. Maintenant que ça va être les directions d'école qui vont pouvoir choisir davantage, apparemment, est-ce que, là, on peut avoir un risque assez important de mettre encore plus en péril ceux et celles qui occupent le poste à temps partiel et de les mettre dans une situation de précarité d'emploi encore plus grave que ce l'est actuellement?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Pronovost.

M. Pronovost (Éric) : Oui. C'est clair que ça n'aidera pas. Ça, c'est sûr. Si l'école redevient un endroit où une seule personne de la direction d'école s'occupe de prendre les décisions, d'évaluer les besoins, de s'occuper de vérifier le nombre de personnes qui fréquentent, exemple, le service de garde, avoir le bon ratio, hein, donc vous comprendrez qu'effectivement... nous, ce qu'on dit depuis le début, pour contrer cette fameuse précarité-là, cette problématique d'horaire, nous pouvons participer davantage dans la vie de l'école, à tous les jours, aider nos collègues enseignants, travailler de concert avec les professionnels. On le répète depuis longtemps.

Donc, on pense qu'on a une solution, mais, encore une fois, il faut se faire écouter, hein? Il faut être capable d'échanger, puis j'en ai discuté déjà avec M. le ministre. Sauf qu'on attend des gestes concrets sur le terrain, qu'on ne voit pas présentement, et ça, bien, ça nous cause une problématique. Et ça a un lien direct avec la rétention puis l'attraction d'emploi. Donc, les gens quittent, s'en vont dans un grand magasin, peu importe, vont travailler ailleurs pour 40 heures au lieu d'avoir... Parce que, vous savez, il y a des gens, là, qui, chez nous, là, arrivent à 7 heures, le matin, quittent à 6 heures, le soir, et en travaillent 3 h 15 min dans une journée au complet. Donc, la plage est immense.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée, 2 min 30 s, à peu près.

Mme Rizqy : Je me permets ici de faire certains parallèles pour avoir le recul puisqu'on a quand même siégé sur différents projets de loi. Mais un qu'on n'a pas siégé, parce qu'on est ici au p.l. n° 40, c'est le p.l. n° 37 et le p.l. n° 5, qu'on vient de terminer, où est-ce qu'on a terminé sur une note qui nous a tous laissé un goût très amer dans la bouche, sur la question des agréments pour les écoles privées, p.l. n° 37 où est-ce qu'on voit qu'il y a une grande centralisation à Québec pour la décision, pour le pouvoir d'achat notamment.

Et là, ici, dans le projet de loi, il est question encore de l'école privée, du service. Le ministre parle toujours du conseil d'administration des cégeps et des universités. Or, j'ai été professeure à l'université avant de faire le saut en politique. Moi, quand je regarde ça, oui, le conseil d'administration universitaire, c'est pas mal des étudiants adultes, mais, quand je regarde ça, ça ressemble pas mal plus à un conseil d'administration d'une école privée. Ici, est-ce qu'on a un danger de non seulement centraliser les pouvoirs, mais peut-être même démanteler l'état public en matière d'éducation?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Éthier, en une minute, à peu près.

Mme Éthier (Sonia) : Je pense que, sur la question dans le projet de loi, c'est sur le partage des ressources, là, précisément, qu'on parle, évidemment, il y a un danger là. Le partage des ressources, jusqu'où on va aller, on ne sait pas trop. Premièrement, je pense qu'il y a un certain danger pour le personnel, là, pour la perte d'expertise, hein, parce que les gens, dans les commissions scolaires, ont l'expertise pour... et les gens du milieu savent ce dont on a besoin en termes de matériel, là. Donc, ça, c'est un enjeu qui est important, puis jusqu'où ira, justement, ce partage de services.

Ça, c'est une question qu'on se pose : Est-ce qu'on ira... Parce que le ministre, il a beaucoup de pouvoirs, là, et notamment de demander à un centre de services de produire une analyse visant à évaluer les possibilités de partage des ressources et de services avec un autre centre de services scolaire, faire des recommandations ou exiger des mesures favorisant le partage des ressources ou de services soient mises en oeuvre entre deux centres de services scolaires. Ça, ça va loin, là.

Et ça, c'est inquiétant, parce les régions comme la mienne, Sorel-Tracy, où nous avons une commission scolaire où il y a une vitalité régionale, où la commission scolaire est située au centre-ville, puis que les gens, bien, ils ont leur emploi, ils font cette tâche-là, là, les achats, toute la question administrative et qui font rayonner l'économie dans la région, bien, moi, pour moi, je suis très inquiète sur cet article-là, où le ministre détient le pouvoir. Jusqu'où ça ira? Je vous le dis, on est inquiets.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, Mme Éthier. Donc, nous allons passer à la deuxième opposition. 2 min 40 s, Mme la députée de Sherbrooke.

• (16 h 30) •

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Écoutez, vous êtes le troisième groupe qu'on entend, vous êtes aussi le troisième groupe à nous dire qu'avant d'aller de l'avant avec un projet de loi qui réforme la gouvernance ça aurait pris une réflexion collective pour savoir où est-ce qu'on veut s'en aller en éducation, et j'espère que le ministre l'entend pour la troisième fois. J'aimerais ça, vous entendre... vous avez déploré le potentiel d'entretenir l'inégalité des chances et même de dérives par rapport à ça avec le projet de loi. Qu'est-ce qu'on devrait poser comme geste pour assurer l'égalité des chances dans nos écoles?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Éthier.

Mme Éthier (Sonia) : Je pense qu'il faut, il faut vraiment... Pour assurer l'égalité des chances, il y a un élément qu'on a parlé souvent, c'est la mixité scolaire, hein? Et les chercheurs le disent, la majorité des chercheurs le disent, que la mixité scolaire, c'est un élément favorisant la réussite pour tout le monde. Alors, ça, c'est un élément.

Maintenant, bien, les ressources. Il faut que les ressources soient au rendez-vous. Ça fait quand même... Le premier ministre nous a dit, dans son discours inaugural, que l'éducation, c'était la priorité. Bien, malheureusement, on attend encore. On sait, là, il y a des projets de loi qui se défilent devant nous un après l'autre. Mais il y a absence de vision globale du système d'éducation au Québec, et c'est ça que ça nous aurait pris. À moment donné, il faut prendre le temps de réfléchir pour être capable de poser les bons gestes et de prendre les bonnes décisions pour favoriser davantage l'égalité des chances, en partie par la mixité scolaire.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée.

Mme Labrie : Oui, vous avez parlé, tout à l'heure, de seuil minimal de services professionnels. Pourtant, le ministre, il y a quelques mois, semblait avoir annoncé qu'il y aurait un seuil minimal de services. Donc, visiblement, ça ne répondait pas à ce qu'il fallait. J'aimerais ça, que vous nous exposiez pourquoi.

La Présidente (Mme Thériault) : M. Landry, en 30 secondes.

M. Landry (Jacques) : En fait, nous, on pense que le seuil de services, c'est comme une façon d'offrir des chances vraiment égales à tout le monde. Parce que ce qu'on s'est aperçu, c'est... La dernière fois, l'austérité, il y a eu, une année, 350 postes de coupés. Puis ce qu'on s'aperçoit, c'est qu'il y a des commissions scolaires où tu as... tu prends deux professionnels pour 1000 élèves, d'autres, cinq pour 1000 élèves. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est : Si on veut vraiment l'égalité des chances, bien, il faut qu'on soit en mesure d'offrir des services aux élèves, peu importe leur région, peu importe leur école. Et puis on a... en fait, c'est, je pense, une des bonnes façons qu'on a de protéger l'école publique, en s'assurant d'avoir des services de qualité.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. Landry. Donc, je vais passer maintenant la parole à la députée de Joliette pour son bloc. Mme la députée.

Mme Hivon : Merci beaucoup. J'ai un 2 min 40 s. J'aurais plein de questions. Je veux juste dire, je pense que, oui, la mixité sociale, c'est fondamental, puis on a bien compris que, même si ça a l'air bien simple de dire : Bien, dans le fond, tous les parents vont choisir où ils veulent que leur enfant aille, puis, si c'est sur le chemin du travail, bien, ça va être formidable, il y a peut-être des enfants qui n'ont pas ces possibilités-là, parce que les parents vont aller à l'école de quartier, et ça va faire, au bout du compte, qu'on va dévitaliser des milieux, qu'il n'y aura plus de mixité sociale et que, justement, les enfants qui auraient le plus besoin de la mixité sociale en auront peut-être moins le bénéfice.

Puis je veux vous emmener, par rapport à ça, là, à un élément plus précis. Les projets particuliers, là, vous en parlez beaucoup. Vision globale, on en est, nous autres aussi. On aurait aimé ça, qu'il y ait une vision globale avant d'aller pièce par pièce, parce que, les projets particuliers, on a vu, dans un autre projet de loi, que, maintenant, ils peuvent exister, puis il n'y a pas de plafond sur les frais qui peuvent être chargés. On n'a pas la cartographie, on ne sait pas comment il y en a. Est-ce que vous êtes d'avis que, là, comme certains le disent, il va avoir une compétition plus grande encore entre les écoles puisqu'il va y avoir ce décloisonnement-là? En termes de projets particuliers, qu'est-ce que ça peut avoir comme impact?

Puis, si j'ai du temps, l'autre question, ça serait sur la prise de parole publique. Vous avez dit ça : Qui va prendre la parole publiquement au nom des C.A., ou tout ça? Le ministre a déjà dit que ce seraient les directeurs généraux qui parleraient publiquement pour les nouveaux centres de services. Est-ce que vous pensez que ce devrait être les D.G. ou le président du conseil? Qui devrait prendre la parole?

La Présidente (Mme Thériault) : Et vous allez avoir 1 min 15 s pour répondre aux deux questions de la députée de Joliette.

Mme Éthier (Sonia) : Bien, d'abord, sur...

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Éthier.

Mme Éthier (Sonia) : Oui, sur la première question, sur le fait que ce n'est pas tous les enfants qui vont pouvoir, justement, aller où bon... où les parents pourraient les amener, parce qu'il y a un frein, il y a un frein au niveau des possibilités parfois dans les... pour les parents qui sont dans les milieux défavorisés. Et évidemment que ça nous inquiète, comme vous le disiez, sur l'espèce de compétition, hein, qui va probablement s'accentuer par rapport à ce qui existe actuellement. Il y en a déjà. On le sait, que les projets particuliers se sont multipliés dans les écoles publiques pour mettre un frein au départ des enfants vers le privé, mais, en même temps, ça fait que ça a accentué l'inégalité, donc, là-dessus.

Et puis sur... un élément qui nous inquiète aussi, qui parlera? Parce qu'il n'y aura pas de contre-pouvoir. Alors, qui aura le droit de parole au niveau des conseils d'administration et comment on va être capable de délibérer publiquement, en toute transparence, que la population va pouvoir retrouver ce goût et cet intérêt pour l'éducation? Alors, ça, là, c'est un élément qui est vraiment primordial dans le projet de loi, comment la démocratie va se... comment ça va se passer pour qu'on ait vraiment, je dirais, la possibilité de savoir exactement puis de voir les débats, là, au C.A., publiquement, là. C'est important, ça. Moi, je vous dis...

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois malheureusement... Je vous ai donné 40 secondes de plus, Mme Éthier. Désolée. Je voulais votre réponse. Donc, merci beaucoup à M. Pronovost, Mme Éthier, Mme Chabot et M. Landry.

Nous allons suspendre quelques instants pour que la Confédération des syndicats nationaux puisse s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 36)

(Reprise à 16 h 39)

La Présidente (Mme Thériault) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Donc, nous accueillons M. Létourneau, avec la Confédération des syndicats nationaux. Merci de nous présenter les gens qui vous accompagnent, M. Létourneau. Et vous avez 10 minutes pour nous présenter votre mémoire.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Létourneau (Jacques) : Oui. Mme la Présidente, M. le ministre, députés. Alors, je suis accompagné de Mireille Bénard, qui est adjointe au comité exécutif de la CSN, qui est responsable du dossier de l'éducation, Alexandra Mathieu, qui est du service de recherche et qui travaille sur les questions d'éducation, Nathalie Arguin, qui est présidente de la Fédération des employés de services publics, et Annie Charland, qui est présidente du secteur du soutien scolaire à la CSN.

• (16 h 40) •

Alors, très rapidement, la CSN, c'est une organisation syndicale de 300 000 travailleuses, travailleurs dans tous les secteurs d'activité, dans toutes les catégories d'emploi. À la fédération, on représente 30 000 employés qui sont dans le secteur scolaire. On représente notamment du personnel administratif, on représente le soutien direct aux élèves, les services de garde et, bien sûr, le soutien manuel.

Alors, peut-être dire, d'entrée de jeu, que, quand le gouvernement de la CAQ a été élu, la première discussion qu'on a eue avec M. Legault puis, par la suite, avec M. Roberge, on avait salué, comme organisation syndicale, cette volonté-là de faire de l'éducation, au Québec, une priorité. Je pense qu'on peut se dire sans trop hésiter qu'il y a une crise de l'éducation publique, notamment au niveau primaire, secondaire, qui est liée, évidemment, à des périodes qu'on a traversées au Québec. Les mesures d'austérité, les compressions budgétaires, ça, je pense que tout le monde fait consensus là-dessus pour dire que, sans être dans une dynamique de rupture, il y a quand même des signaux fort inquiétants qui viennent remettre en question toute la qualité. Ça n'a rien à voir avec la qualité des services qui sont donnés par le personnel enseignant ou non, mais, quand on regarde l'état actuel de l'éducation publique au Québec, on a, justement, intérêt à s'en occuper.

D'ailleurs, on avait, justement, salué le gouvernement en disant : C'est une bonne chose qu'on s'occupe de l'éducation. D'ailleurs, quand le ministre des Finances a annoncé des crédits supplémentaires pour embaucher de la main-d'oeuvre, quand on a annoncé qu'on allait lancer un chantier de rénovation de nos écoles, dont certaines sont dans un état carrément lamentable, on a effectivement salué les gestes posés par le gouvernement.

Évidemment, dans le contexte actuel, nous, on considère qu'il y a encore beaucoup de pain sur la planche et, honnêtement, on a été étonnés, à la lecture du projet de loi n° 40, de constater qu'on était dans quelque chose de très administratif et que la remise en question des élections scolaires ou des commissions scolaires dans leur forme actuelle, c'était un peu comme viser un objectif sans toucher la bonne cible.

Est-ce que c'est l'existence des commissions scolaires au Québec qui explique, par exemple, qu'il nous manque d'enseignants puis d'enseignantes, qu'il manque de personnel spécialisé, qu'il nous manque de personnel de soutien? À notre avis, même si on reconnaît qu'effectivement, sur le plan de la démocratie, il y a peut-être là un déficit quand tu regardes les taux de participation, comme organisation syndicale, on a toujours dit : Donnons-nous les moyens pour renforcer cette instance politique là — parce que c'est vrai que c'est politique, et ce n'est pas un mal de faire de la politique quand on s'adresse à des enjeux de société comme ceux de l'avenir de l'éducation — donnons-nous les moyens de renforcer, justement, cette dimension-là de notre vie démocratique en société pour être capable, justement, de maintenir les équilibres sur les territoires puis d'être capable de répondre de façon efficace aux enjeux qui traversent le monde de l'éducation.

Alors, évidemment, quand on met sur la table la fin des élections scolaires, d'abord, on veut rappeler au gouvernement qu'il s'agit d'une des plus vieilles institutions dans une conjoncture, honnêtement, où s'attaquer aux droits fondamentaux de pouvoir voter, de pouvoir se prononcer sur qui va assurer la gouvernance d'une institution aussi importante que les commissions scolaires, et d'être remplacée de façon administrative par des instances qui vont être composées de parents, de personnel, alors qu'on a déjà une expérience difficile dans les conseils d'établissement... Nous, quand on parle avec notre monde, on nous dit : C'est une réalité, ça, sur le terrain, que ce n'est pas facile de recruter. Alors là, on comprend, en plus, qu'on va demander au monde de faire du bénévolat, on voit mal comment cette nouvelle forme de gouvernance là va être capable de régler les problèmes sur lesquels on est actuellement confrontés.

L'autre chose qu'on nous avait dite, puis moi, je l'avais dit à M. le ministre, je l'avais dit à M. Legault : J'espère que vous ne nous ferez pas de réforme Barrette en éducation puis que vous ne vous mettrez pas à jouer dans les structures. Bon, loin de nous l'idée de comparer le projet de loi n° 40 à la réforme Barrette en santé, mais disons que, quand on regarde un certain nombre d'articles du projet de loi qui portent vers une forme de centralisation entre les mains du ministre, une dépolitisation, pas de façon... au sens péjoratif, là, mais d'une dépolitisation réelle des enjeux d'éducation dans le palier régional, bien, on s'inquiète, parce qu'on se dit : Demain matin, là, c'est qui qui va donner le contrepoids, justement, des politiques mises de l'avant par un gouvernement, par un État, dans des enjeux aussi fondamentaux que ceux auxquels on est confrontés actuellement dans l'enseignement, dans le réseau de l'éducation, de l'éducation publique?

Donc, il y a des dimensions qui nous inquiètent au niveau de la centralisation, de la concentration, toute la question des regroupements de services, la question, même... On ne parle pas de fusion, jusqu'à maintenant, de ces centres de services scolaires, mais, en même temps, la porte est ouverte par un certain nombre d'articles qui pourraient éventuellement nous replonger dans ce qu'on a connu en 1998, quand il y a eu des fusions des commissions scolaires, puis mes collègues pourront vous en parler, de l'effet des fusions de commissions scolaires sur l'éloignement, surtout sur des grands territoires, entre des écoles qui sont moins représentées ou moins considérées quand il s'agit d'avoir un plan de développement dans une région pour assurer une équité dans la distribution du financement puis dans l'organisation des services sur le territoire. Donc, il y a des dimensions, là, qui sont mises de l'avant dans le projet de loi qui nous inquiètent à ce compte-là.

Il y a eu évidemment la loi n° 37, on y a fait référence tantôt, j'écoutais les autres présentations. Il y a le projet de loi n° 40, il y a la loi n° 37. Quand on pose les questions d'équité, ou d'iniquité plutôt, il y a la fameuse loi n° 12, qui, à notre avis, introduit davantage de concurrence, parce que, là, on remet en question la gratuité puis on ne plafonne pas les frais qui seront éventuellement chargés aux parents, alors que le ministre, quand il était dans l'opposition... puis qu'on s'est aperçu que ça coûtait bien cher pour des parents, notamment, d'envoyer leurs enfants à l'école publique, alors que ça devrait être normalement gratuit, bien, on s'aperçoit que, là, on est en train de mettre en place des conditions qui vont peut-être entraîner de l'iniquité.

On l'a dit, là, au Québec, c'est le régime à deux vitesses, le privé financé, le public. Mais ça fait une couple d'années qu'on est dans presque du trois vitesses, parce que, dans l'école publique, il existe — moi, mes enfants sont au secondaire — le programme international puis il existe le programme régulier. Et qui va à l'international? Qui va au régulier? On la connaît, la réponse. Moi, en tout cas, je pourrais vous en jaser longuement, mais ce n'est pas l'objectif aujourd'hui, dans la mesure où je suis ici comme président de la CSN, pas comme parent.

Mais toujours est-il que l'absence de mixité sociale dans l'école et dans les processus d'apprentissage fait en sorte, justement, qu'on n'est pas en train de régler les problèmes d'iniquité, bien au contraire. Alors, nous, on pense, honnêtement, il y a un coup de barre à donner au Québec actuellement, il y a même un cri du coeur qu'on doit lancer au gouvernement pour, justement, s'assurer que l'enseignement primaire, secondaire... c'est les tout-petits, c'est les jeunes qui vont former le Québec de demain, aient des chances égales et que, quelque part, on mette en place un véritable processus de consultation.

Moi, je vais vous dire, là, je ne suis pas assez vieux pour avoir connu l'époque du rapport Parent, mais le Québec s'est bâti sur son système d'éducation public, sur l'accès à l'éducation. On avait un rattrapage, à l'époque, à réaliser au Québec. Il me semble qu'on devrait se donner toutes les chances et, justement, consulter la population, consulter les intervenants, consulter les travailleuses, les travailleurs, mais pas juste les travailleuses et les travailleurs, consulter l'ensemble de la population pour savoir qu'est-ce qu'on veut demain, au Québec, comme système d'éducation pour maintenir les grands principes d'équité qui nous habitent, mais de moins en moins parce qu'ils sont en train de s'altérer complètement avec les inégalités qui s'observent aujourd'hui dans le monde de l'éducation. Alors, voilà, je m'arrête là-dessus.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. Létourneau. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole à M. le ministre.

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Je vais essayer de clarifier quelques éléments pour voir... être certain qu'on comprenne bien, parce que j'ai l'impression que, si on comprend mal ce qu'il y a dans le projet de loi puis qu'on le répète, on extrapole puis on en vient à faire peur aux gens avec des choses, des articles qui n'existent pas.

Comme là, vous avez dit... en fait, Mme la Présidente, monsieur nous a dit que, parce qu'il y avait une possibilité qu'il y ait des fusions de services, qui existait déjà dans la loi actuelle, en passant, c'était déjà là, il pourrait y avoir des fusions de centres de services au complet. Ce n'est pas dans le projet de loi. Il faudrait avoir un autre projet de loi pour fusionner des territoires.

Ce que fait le projet de loi actuel, il transforme 69 commissions scolaires, francophones et anglophones, neuf anglophones, 60 francophones, en 69 centres de services scolaires. Il n'est pas question de fusionner des territoires. Je ne comprends pas pourquoi vous dites, bien, ça pourrait mener à des fusions de territoires, parce que, pour fusionner des territoires, ce qui n'est pas notre intention, il faudrait revenir, déposer un autre projet de loi puis lancer une autre ronde de consultations.

Alors, pourquoi lancer ça, alors que ça fait peur aux gens et que ce n'est pas dans le projet de loi?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Létourneau. Mme Arguin.

• (16 h 50) •

Mme Arguin (Nathalie) : Oui, bonjour. Bien, nous, ce qu'on a vu et ce qui a vraiment inquiété nos membres, c'est... on y voit la possibilité très claire de la fusion de territoires. La notion de territoires limitrophes et de consentement ou de demande des milieux pour fusionner les territoires disparaît. C'est ce qu'on a vu dans le projet de loi. Alors, les gens qu'on représente, ils ont vu tout de suite la possibilité de le faire, la possibilité, aussi, que ce soit vraiment à la demande du ministre ou du ministère de pouvoir faire ces fusions-là.

Donc, nos gens, après avoir... nos membres, après avoir vécu toutes ces années de fusion en 1998, la vague de fusions qui a pris des années à se mettre en place, et ensuite les mesures d'austérité qu'on connaît, sont vraiment hyperinquiets de voir une porte s'ouvrir. On ne dit pas que c'est écrit nommément, mais de voir la porte s'ouvrir sur une ixième réforme ou refonte des territoires au Québec, ça a inquiété énormément nos gens.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

M. Roberge : Mais c'est un peu là où j'en suis. Vous dites : Il y en a déjà eu, des fusions, et là, comme on veut changer la gouvernance, peut-être qu'il y en aura plus tard. C'est un peu coupable par association. Ce n'est pas parce qu'il y en a déjà eu et que, là, on revoit la gouvernance qu'il va y en avoir. C'est un peu la même gymnastique. Tout à l'heure, vous avez mentionné : Loin de nous l'idée de comparer le p.l. n° 40 à la réforme Barrette. Il y en a plusieurs avant vous qui ne se sont pas privés.

La Présidente (Mme Thériault) : Je vais juste vous demander de ne pas faire indirectement ce que vous n'avez pas le droit de faire, d'appeler un ancien ministre ou un député par son nom.

M. Roberge : D'accord, d'accord, c'est bon. Loin de nous l'idée de comparer le p.l. n° 40 à la présente réforme en santé faite par l'actuel député de La Pinière.

La Présidente (Mme Thériault) : C'est mieux.

M. Roberge : En fait, ce n'est pas ça qu'on fait du tout. Mais, comme la dernière fois que quelqu'un a revu la gouvernance d'un réseau important, qui est en santé, ça a eu des conséquences néfastes, à ce moment-là, le précédent... le ministre de la Santé qui est actuel député de La Pinière s'est arrogé de nouveaux pouvoirs, a fusionné des territoires — là, il y en a eu, des fusions de territoires, des vraies, ce n'étaient pas des craintes, il y en a eu — et s'est donné le pouvoir de nommer les membres d'un C.A., on dit : Bien, maintenant qu'on veut améliorer la gouvernance, il va probablement arriver ce qu'il est arrivé la dernière fois.

Mais, quand on regarde le projet de loi pour ce qu'il est, il n'y en a pas, de fusion de territoires. Il n'y en a pas, de ministre qui nomme des gens sur les conseils d'administration. Ce n'est pas vrai. Et le ministre, avec ce projet de loi là, le gouvernement actuel, moi ou le prochain qui occupera mon siège, ne pourra pas nommer les gens sur les C.A. et ne pourra pas nommer les directions générales. Or, dans la précédente réforme de la santé, il nommait les gens sur les C.A., il nommait les D.G.

Alors, je comprends qu'il y a des souvenirs douloureux de la précédente réforme en santé, mais est-ce que ça veut dire qu'il faut s'améliorer, d'améliorer la gouvernance, supposons, en éducation ou en transport, en disant : Au cas que, au cas que ça soit aussi pire que la dernière fois?

La Présidente (Mme Thériault) : Excusez-moi, M. le ministre.

M. Roberge : Ça voudrait dire qu'on serait condamnés à ne plus jamais améliorer nos gouvernances?

La Présidente (Mme Thériault) : Excusez-moi, M. le ministre. J'ai une question de règlement, la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Oui, j'aurais une question de règlement. Écoutez, je ne sais pas en vertu de quel article, mais le ministre a dit textuellement qu'il aurait besoin d'une nouvelle loi pour fusionner des territoires, alors que c'est faux. À l'article 46 du projet de loi qu'on est en train d'étudier en ce moment, ça dit que «le gouvernement peut, par décret, [...]de sa propre initiative, [appliquer] toute modification au territoire des centres de services». Donc là, je pense qu'il donne une information inexacte aux gens ici en disant que ça prendrait un nouveau projet de loi pour procéder.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci pour votre question de règlement. M. le ministre, j'imagine que vous allez référer à l'article de la députée.

M. Roberge : Je vous remercie. On y reviendra à ce moment-là pour démontrer que ce n'est nullement l'intention et que ce n'est pas une modification qu'on vient de faire en donnant de nouveaux pouvoirs. Ce n'est pas le projet de loi ici, là, qui vient donner de nouveaux pouvoirs en faisant des fusions. Donc, je veux juste qu'on prenne garde à se faire peur en faisant dire au projet de loi des choses qu'il ne dit pas.

Et, puisque vous représentez des gens qui travaillent dans les instances, ma question serait : Est-ce qu'il y a une ouverture parmi vos membres à avoir des postes réservés sur le conseil d'administration? Est-ce que certains de vos membres voient ça d'un bon oeil, comparé à la situation actuelle, où ce sont des commissaires, d'avoir plutôt un conseil d'administration avec des employés, des gens qui travaillent au quotidien dans les écoles?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Mathieu.

Mme Mathieu (Alexandra) : En fait, je voudrais juste revenir à la question précédente du ministre et son étonnement sur nos craintes. En fait, considérant que M. le ministre a déjà mentionné publiquement, devant journalistes, qu'il considérait éventuellement la possibilité de fusion, je vois mal en quoi le ministre est surpris, aujourd'hui, par notre crainte, de un.

De deux... Est-ce que j'ai le droit de poser des questions?

La Présidente (Mme Thériault) : Oui.

Mme Mathieu (Alexandra) : Considérant que le ministre a pris la peine de retirer de la LIP les notions de consentement et de territoires limitrophes, il comprendra que nous sommes extrêmement inquiets. Et on comprend mal, ici, son étonnement devant notre inquiétude.

Et, encore une fois, la ministre Labrie a... pardon, la députée Labrie, désolée, mon erreur, désolée...

M. Létourneau (Jacques) : La députée de Sherbrooke.

Mme Mathieu (Alexandra) : ...voilà, merci, députée de Sherbrooke mentionnait qu'en effet tout ça peut se faire par règlement. Donc, voilà.

La Présidente (Mme Thériault) : Voilà. Merci. M. le ministre.

M. Roberge : Je peux répondre brièvement avant de laisser la parole à mon collègue. La question des territoires, j'en ai parlé avec les intervenants précédents, c'est pour permettre à des parents dont il y aurait des enfants dans une école qui voudraient inscrire leurs enfants sur le territoire du centre de services voisin de pouvoir inscrire. C'est ça, l'intention. Je vais laisser la parole, maintenant, à mon collègue de Beauce-Nord.

La Présidente (Mme Thériault) : Oui. M. le député de Beauce-Nord.

M. Provençal : Merci, Mme la Présidente. J'ai regardé attentivement votre mémoire puis même le site de votre organisation. J'aurais trois questions. La première, c'est que le projet de loi, là, prévoit une place accrue aux employés de soutien — puis vous nous mentionnez que vous avez plus de 30 000 employés au niveau du service soutien — alors, dans tous les conseils d'administration, mais également au sein des comités d'engagement pour la réussite des élèves. Comment vous percevez cette implication-là?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Arguin.

Mme Arguin (Nathalie) : Oui. Juste revenir sur... Je vais répondre à votre question, mais je veux vraiment revenir sur l'inquiétude qu'on a, parce que c'est ça qui a suscité le plus... Nos gens nous on dit, là : On est heureux de voir arriver un ministre de l'Éducation qui connaît le milieu, on est heureux de voir que c'est une priorité pour le gouvernement de réinvestir, et on s'en allait dans des bonnes grâces de nos membres, qui étaient vraiment contents. Et ils ont été sonnés après tout ce qu'ils ont vécu. Ça, il ne faut pas le minimiser. Le personnel de soutien, là, oui, on va être heureux de voir qu'il y a une représentation puis que ça n'a pas été oublié, éventuellement, malgré les positions qu'on peut avoir sur la démocratie scolaire et le fait d'abolir la démocratie scolaire et régionale. Mais les gens, là... C'est à l'article 116, là, de la LIP. La manière que c'est écrit, ce n'est pas nous qui avons fait peur aux gens, M. le ministre... Mme la Présidente, là. Donc, ce n'est pas nous qui avons fait peur aux gens. Les gens ont été épeurés eux-mêmes en lisant, en lisant cet... Il y a un grand ajout, là, à cet article-là, qui rouvre des grandes portes. Et vraiment, les fusions, là, c'est le personnel de soutien scolaire, qui est au coeur de la machine, là, qui est au coeur, c'est le personnel administratif, c'est le personnel d'entretien, c'est le personnel... puis c'est les services aux élèves qui sont directement impactés quand on s'empêtre dans des fusions interminables. Ça a pris presque 10 ans pour compléter le dernier processus.

Alors, moi, je pense qu'il ne faut pas s'étonner que nos membres, ils sont vraiment inquiets et ils ont été vraiment déçus de voir qu'on risquait, là — je vais le dire, mais le risque est... en rajoutant quatre, cinq paragraphes dans cet article-là, le risque est bien réel — de s'embarquer dans un autre processus interminable, et, surtout, qui allait les impacter d'une certaine façon, mais en ne sachant pas laquelle. Donc, c'est énormément de portes ouvertes.

Donc, sur le fait d'avoir gardé une représentation dans les articles du projet de loi, on en est. On a toujours... Puis, comme personnel de soutien, on n'est pas les premiers qui ont la voix au chapitre de façon naturelle. Ce n'est pas les personnes qu'on vient voir de premier chef dans le réseau de l'éducation, mais c'est les personnes qui sont au coeur de la machine, c'est les personnes qui font rouler notre système d'éducation, qui travaillent au niveau administratif, qui réparent nos écoles et qui peuvent faire la prévention, quand on a assez de personnel sur le terrain pour pouvoir faire de la prévention, et ne pas juste éteindre des feux ou colmater des brèches, et puis s'apercevoir, après des années, que tout ça, ça n'a pas fonctionné. Mais c'est là-dessus que je voudrais vraiment insister.

Et, si c'est comme la discussion que M. le président de la CSN avait déjà eue avec M. le ministre, que ce n'est nullement l'intention de fusionner des territoires, bien, moi, j'inviterais à revoir cet article-là pour que ce soit vraiment clair pour tout le monde, parce que ce n'est vraiment pas l'impression que ça donne.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. M. le député de Beauce-Nord, vous avez encore à peu près cinq minutes.

M. Provençal : Merci, Mme la Présidente. Oui, je comprends qu'à la première question que j'ai posée vous êtes quand même en accord avec une implication du personnel de soutien, à la première question que je vous ai posée, pour une place accrue aux employés de soutien dans les conseils d'administration.

• (17 heures) •

Mme Arguin (Nathalie) : Mais nous, on ne sera pas...

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Arguin.

Mme Arguin (Nathalie) : Oui, désolée. Nous, bien, exactement, là... Mais, comme je vous ai dit, quand on peut... on revoit des structures et qu'on fait une place au personnel de soutien, on va être en accord.

Mais là je ne serais pas d'accord avec... Là, ce qu'on a placé en début, c'est que nous, on pense, là, en début de discussion aujourd'hui... ce qu'on pense, c'est qu'on n'en était pas rendus, sans consultation, à revoir la structure démocratique dans laquelle on est présentement. Et cette consultation-là aurait été très, très instructive, d'y impliquer... ça aurait été très instructif d'y impliquer le personnel de soutien et administratif qui en fait partie et qui connaît plus que moi, même, le coeur du fonctionnement des commissions scolaires.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. M. le député.

M. Provençal : J'aimerais revenir, là, sur vos craintes, si M. le ministre me le permet, là. Vous craignez des fusions imposées de centres de services, des regroupements de services, des pertes possibles d'emploi, mais il n'est pas du tout question d'imposer ce genre de décisions ni de couper des postes depuis le début de l'annonce du projet de loi. Le projet de loi permet ces actions si elles sont avantageuses pour tous. On parle de possibilité, puis j'insiste sur le mot «possibilité», sur le plan juridique et non d'obligation tous azimuts, là. Est-ce que vous considérez que des regroupements de services peuvent être avantageux? Et, si oui, dans quelles conditions? Parce que vous avez quand même, probablement, réfléchi à cet élément-là avec un cadre de référence.

La Présidente (Mme Thériault) : ...Mme Charland, je pense, hein? Oui. Mme Charland, allez-y, c'est beau.

Mme Charland (Annie) : Oui, nos membres ont excessivement peur des regroupements de services. Excusez, j'ai une grippe. Si, mettons, en plus, en n'étant plus limitrophe... mettons que le service de la paie peut se faire sans être limitrophe, on va prendre la paie de mes Îles-de-la-Madeleine, qui vont aller se faire à Montréal, il arrive quoi avec mes filles qui font la paie aux Îles-de-la-Madeleine? Il arrive quoi avec les travailleuses et les travailleurs qui ont un problème avec la paie? Qu'est-ce qu'il arrive avec eux pour aller rencontrer la personne parce qu'elle n'est pas capable de l'expliquer par téléphone? Parce que souvent ils vont se rendre au centre administratif. Le regroupement... Puis, en plus, le regroupement n'est pas nécessairement juste avec des commissions scolaires. Dans le projet de loi, il est ouvert où ce qu'ils peuvent se faire avec les villes. Il est très, très, très large.

Alors, oui, c'est très, très, très... Le monde n'est pas bien là-dedans. C'est vraiment... C'est sûr qu'on n'est jamais bien avec l'inconnu, mais je vais vous dire que votre projet de loi donne beaucoup trop d'ouverture à aller un peu partout en fusion, en regroupement. Et puis, en regroupement, on ne se racontera pas de menteries, là, j'ai déjà un syndicat qui m'a avertie que son D.G., il parle déjà de regroupement de services, c'est déjà dans l'air. Alors, ne venez pas me dire que c'est juste des possibilités. On le sait, que c'est déjà dans l'air, ça se parle déjà. Alors, c'est sûr que nos membres ont peur, puis ça va toujours rester une crainte.

La Présidente (Mme Thériault) : J'ai M. le ministre qui voudrait intervenir. 1 min 30 s.

M. Roberge : Il reste peu de temps. Je veux clarifier quelque chose sur l'article 46 de la LIP, puisqu'on est là-dedans puis on parle pas mal de fusion, de regroupement. La notion de fusion de services est définitivement dans le projet de loi n° 40. C'est une possibilité qui pourrait arriver ultérieurement pour... L'idée, c'est de maximiser, c'est de faire des économies puis c'est de réinvestir l'argent pour embaucher des gens qui donnent des services directs aux élèves. Je pense qu'on n'est pas loin de la mission de l'État.

Ceci dit, la LIP actuelle, à l'article 116 et 117, permet déjà au gouvernement de fusionner, carrément, des commissions scolaires, là. 117, là, on parle : «En cas de division [ou] pour la formation d'un nouveau territoire, une nouvelle commission scolaire [a été] instituée [...] dans [le cadre d'un] décret.» Puis le gouvernement peut, de sa propre initiative... ça, c'est en ce moment, là, sans consultation, là, le gouvernement peut, en ce moment, fusionner des commissions scolaires. Avec la loi qu'on fait, on oblige une consultation.

Donc, ce n'est pas comme si on venait donner un nouveau pouvoir au ministre de fusionner des commissions scolaires. Les précédents gouvernements, péquistes comme libéraux, l'avaient, puis ça ne les dérangeait pas. Nous, on ajoute la notion qu'il faut consulter, et là, tout à coup, ça serait une centralisation? Je ne vois pas les choses du même oeil.

La Présidente (Mme Thériault) : Vous avez cinq secondes pour répondre.

Mme Mathieu (Alexandra) : Je répondrai que... parce qu'en fait vous avez pris la peine de retirer la notion de consentement, donc de discussion au préalable, et de territoires limitrophes. Donc, en fait, ce n'est pas ce qu'il est marqué dans le p.l. n° 40. Donc, si vous pouvez me lire l'extrait exact que vous semblez mettre de l'avant, j'apprécierais, merci.

La Présidente (Mme Thériault) : Je n'ai plus de temps, malheureusement. Mais je vais aller avec la députée de Saint-Laurent, qui, je pense, va prendre la balle au bond.

Mme Rizqy : Mme Mathieu, inquiétez-vous pas. J'étais convaincue qu'il allait nous parler de l'article 117, ça fait que je l'avais déjà sorti. C'est croire que je commence à le connaître, hein? L'article 117, le deuxième paragraphe, mentionne que, toutefois, il faut recréer une autre commission scolaire, alors que...

Vous avez vu juste lorsque vous avez fait référence à l'article 46 du projet de loi n° 40. Avant qu'on rentre ici, en consultation, le ministre de l'Éducation faisait un point de presse pour dire que ceux qui vont venir ici vont faire peur puis que nous autres aussi, les oppositions, on risque de faire peur. Et là, quand que j'entends le ministre de l'Éducation dire : Bien là, en quoi qu'aujourd'hui... quand que vous dites qu'on va fusionner des territoires, réduire le nombre de centres de services, où vous voyez ça dans le projet de loi n° 40? Ça prend un nouveau projet de loi. Ayoye!

Moi, il y a deux semaines, je disais qu'il n'avait clairement pas écrit son projet de loi puis je pensais qu'il ne l'avait pas lu. Maintenant, j'en suis convaincue, qu'il ne l'a pas lu, parce que l'article 46 du projet de loi est assez édifiant : «Le gouvernement peut, par décret, à la demande d'un centre de services — je vais sauter certains passages — [...]ou de sa propre initiative après consultation des centres de services [...] intéressés, apporter toute modification [du] territoire des centres de services scolaires.» Donc, oui, il peut fusionner. Le deuxième paragraphe dit qu'à ce moment-là il décide quel centre de services va exister. Le dernier paragraphe, il dit que, par décret, il met fin à l'existence de ce centre de services.

Mais ne prenez pas ma parole du projet de loi n° 40, vous avez aussi le plan de gouvernance qui a été écrit par M. Roberge en janvier 2018.

La Présidente (Mme Thériault) : ...

Mme Rizqy : C'est plutôt : «Moins coûteux et éventuellement moins nombreux, les centres de services [sont à l'école] seront intégrés au ministère de l'Éducation.» Si ce n'est pas de la centralisation, je ne sais pas c'est quoi.

Mais on a eu la chance déjà de discuter... puis je vais revenir au personnel de soutien. Vous avez parlé, justement, des Îles-de-la-Madeleine. Présentement, dans votre réseau là, c'est majoritairement femmes, temps partiel. Présentement, là, dans votre réseau, l'inquiétude que ça soit encore davantage les femmes qui subissent les contrecoups de ce projet de loi, est-ce qu'elle est largement partagée, cette inquiétude, par vos membres?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Charland.

Mme Charland (Annie) : Énormément, parce que, quand même, on a plus de la moitié de nos membres qui sont déjà précaires. La majorité sont des femmes. Alors, quand on parle de coupures, qui on vise? C'est encore les femmes et c'est souvent des monoparentales. Alors, oui, la crainte, elle est excessivement là.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Arguin, vous voulez ajouter?

Mme Arguin (Nathalie) : Si je peux me permettre, en complément, quelques chiffres, là, pour imager, bien, on a 85 % de femmes qui travaillent dans le réseau, et il y en a plus de 50 % qui sont à statut précaire, donc temps partiel — et, plus de 50 %, c'est des chiffres conservateurs — et, qui plus est, ce sont des femmes qui travaillent au soutien direct à l'élève : des travailleuses en éducation... des techniciennes en éducation spécialisée, des préposées aux élèves handicapés, nos personnels dans les services de garde. Donc, c'est les plus impactées. La plus grande précarité se trouve au soutien direct aux élèves.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Vous me permettrez de faire des ponts avec qu'est-ce qu'il se passe présentement au Québec dans d'autres projets de loi, n° 37, projet de loi, aussi, n° 40 sur la nouvelle façon de gérer nos infrastructures informatiques. On veut centraliser. Puis, tantôt, vous avez parlé de la paie. En ce moment, on vit la pire crise en matière de vol de données puis vol d'identité. Quand on centralise, pour avoir parlé avec plusieurs experts ingénieurs en informatique, il y a un risque assez important, lorsqu'il y a des attaques, des cyberattaques, d'être encore plus exposés.

Tantôt, le ministre a dit : Oui, mais vous n'avez rien contre — non pardon, c'était le député de Beauce-Nord — de faire des économies d'échelle. Si je prends l'exemple fédéral, trouvez-vous qu'il y a vraiment eu des économies d'échelle pour centraliser les paies avec Phénix?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Arguin.

Mme Arguin (Nathalie) : Oui. Encore là, on pose la question et on y répond beaucoup, surtout en nommant Phénix. Mais, je pense, ce qu'il est important d'analyser là-dedans... les regroupements de services pour sauver de l'argent puis réinvestir l'argent dans les services, on y est, là, mais, dans un système d'éducation public, ce n'est pas qu'une question financière. Regrouper, par exemple, comme disait ma collègue, un service de la paie, si on dévitalise un ensemble de régions, qu'on vide les centres administratifs puis qu'on vient précariser une partie du personnel qui l'est un peu moins, bien, on ne sera pas gagnants au bout de la ligne, parce que ça a un coût social, toutes ces mesures-là aussi, qu'il ne faut pas négliger. Il n'y a pas juste le coût de payer du papier moins cher. Il faut quand même évaluer toute la dévitalisation qu'on va voir dans les régions, qui pourrait arriver avec... bon, c'est avec une centralisation, puis une autre, puis une autre, parce qu'encore là c'est une grande porte ouverte que nos membres voient dans ce projet de loi là.

Mme Rizqy : Puis avec, justement, les prêts de services, vous parlez de précarité. Là, on ne sait pas trop à qui qu'on va prêter, là, parce que ce n'est pas clair, c'est nébuleux. Est-ce la ville, le privé? On ne sait pas trop.

Dites-moi, non seulement il y a la paie qui peut être en danger, mais aussi le lieu où est-ce que l'employé doit faire sa prestation de services. Est-ce que ça peut être inquiétant de ne pas savoir où est-ce que je commence ma journée puis où est-ce que je la finis?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Charland.

• (17 h 10) •

Mme Charland (Annie) : C'est sûr que, si on fait des prêts de service, qu'elle commence à l'école, qu'elle s'en va à la ville, qu'elle s'en va à l'école privée après, je pense que le kilométrage, si on s'en va comme dans Estuaire, qui a plus de 300 kilomètres d'un bout à l'autre du territoire, je pense que ça pourrait devenir très compliqué pour une personne. Ce n'est pas pour rien qu'on perd nos membres, qu'ils s'en vont travailler dans des Tim Hortons ou dans des magasins, parce qu'ils ont un 40 heures fixe à la même place, là. On a déjà ce problème-là qu'on vit quotidiennement. Ils s'en vont travailler à la santé, ils s'en vont travailler, même, des fois, pour d'autres commissions scolaires qui sont près du même territoire, parce qu'ils offrent plus d'heures. Alors, si on commence à faire des prêts de service d'un bord puis de l'autre, oui, on pourrait vraiment... ça pourrait être très inquiétant pour le personnel.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Arguin, vous voulez ajouter?

Mme Arguin (Nathalie) : Oui, j'ajouterais, à ce niveau-là également, que, dans les prêts de service, si on se met à avoir des employés qui proviennent de différentes organisations autres que l'école... Il ne faut pas négliger le sentiment d'appartenance. Puis, je ne vous le cacherai pas, là, en ce qui concerne le personnel de soutien, il faut le rappeler souvent, ça, parce qu'on voit souvent que c'est des services périphériques, ce n'est pas des services... Oui, on a une catégorie directe aux élèves puis un lien plus évident, mais, quand on parle de personnel administratif, du personnel d'entretien, bien là, il y a comme un lien qui se fait moins naturellement.

Puis de dire : Bien, ça, ce n'est pas grave, ces gens-là, si ça vient de la ville puis ça vient d'un peu n'importe où, puis que, là, nos écoles deviennent un peu... C'est des portes battantes avec des visages qui changent à chaque jour. Ça, on en a tous eu, je pense, ou beaucoup de gens autour de la table, nos enfants à l'école. Et puis, bien, M. Claude qui vient nous aider quand il y a un dégât, là, c'est vraiment très important, en tout cas, pour mes enfants, moi, ça l'était. Comme je dis, on ne va pas parler de nos expériences personnelles, mais l'école, ça nous rejoint tous et toutes. Alors, un concierge qu'on connaît et qu'on reconnaît jour après jour, ça a aussi son importance, et c'est également à prendre en compte quand on parle de regrouper ou de fusionner certains services.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Ah, bien, ma collègue la députée de Mille-Îles aimerait aussi poser des questions.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau : Merci, Mme la Présidente. Je trépigne un petit peu parce que vous avez utilisé un mot qu'on n'a pas utilisé jusqu'ici, et Dieu sait qu'on n'a pas beaucoup parlé de la réussite éducative, mais vous avez parlé de la clientèle des élèves handicapés. On parle de mixité, on parle de vouloir donner des services, mais on parle aussi de regard sur le choix parental de l'école où il peut y avoir des services. Est-ce que vos membres vous ont, en quelque sorte, parlé de cette clientèle, quelquefois d'exception, quelquefois qu'il ne l'est moins qu'on pourrait le penser, mais quelquefois d'exception, qui pourrait être un peu dans le... Je vais utiliser un mot, puis ce n'est pas pour faire peur, c'est vraiment pour faire une image, là, mais dans le principe de ballottement, c'est-à-dire un parent qui peut choisir son école, mais qui, tout d'un coup, ne peut plus la choisir parce qu'il n'y a pas de place ou parce qu'on ne peut pas lui offrir les services, puis qu'il a un enfant à besoins particuliers. Est-ce que, dans votre personnel, il y a une question qui s'est posée par rapport à la clientèle d'exception?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Charland.

Mme Charland (Annie) : Bien, écoutez, on a quand même nos classes en particulier en majorité. C'est sûr qu'on peut en avoir qui vont être dans des classes. On aime beaucoup que nos élèves en besoins particuliers soient intégrés, dans la mesure du possible, en travers des autres, parce que, justement, on veut chercher la mixité. On veut que... Tous les autres du régulier sont habitués de voir un élève avec une canne, avec un problème d'élocution, ils n'en font plus de cas. Et, comme ça, bien, on prépare l'avenir de demain, à ne pas juger les autres aux côtés. Et puis nos élèves à besoins particuliers vont beaucoup plus augmenter parce qu'ils se sentent valorisés, ils se sentent intégrés, et ça, c'est quelque chose que, oui, on veut vraiment qu'ils restent en travers de nos écoles.

Alors, quand on parle d'écoles à projets particuliers, où est-ce que, là, on va se ramasser avec juste, juste des gros projets, là, international, sports-études, et tout, eux autres, ils n'ont pas d'intégration dedans, ils n'ont pas de mixité, ils n'ont pas le même lien avec eux. C'est quand même... Oui, on y tient, qu'ils aient leur place.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau : Oui, j'avais vu la dame juste à côté lever la main. Donc...

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Arguin, allez-y.

Mme Arguin (Nathalie) : Puis, en complément de ce que vient de détailler ma collègue également, si on met bout à bout toutes ces mesures qui semblent un peu... pas anodines, mais un peu périphériques, là, sur, bon, légaliser... ça, ce n'est pas périphérique du tout, là, mais venir légaliser sans plafond les frais pour les programmes particuliers, permettre aux parents d'aller où bon leur semble puis de faire d'une mesure d'exception la règle, c'est ça, le problème avec cette mesure-là. L'augmentation des programmes sélectifs va y aller. On veut donner, même, la valorisation de l'école publique aux écoles plutôt qu'aux centres de services.

Donc, comment une école qui, elle, a décidé de faire un choix puis de valoriser des programmes plus sélectifs... fasse la valorisation de l'école publique d'une mixité sociale? C'est sûr qu'il y a des gens qui vont être oubliés sur le bas-côté de la route. Et les plus vulnérables, bien, c'est souvent les premiers qui sont oubliés, qui sont moins bien desservis. Alors, tout ça mis ensemble, mis bout à bout, ça va, bien oui, favoriser la compétition entre les écoles, favoriser les iniquités. Faire des écoles où, oui, on va accueillir des gens plus en difficulté, des enfants plus en difficulté, puis d'autres écoles où ce ne sera pas le choix qui aura été fait, nous, c'est l'appréhension qu'on a.

La Présidente (Mme Thériault) : En 15 secondes.

Mme Rizqy : Est-ce que vous avez trouvé, finalement, quels sont les pouvoirs qui sont retournés aux écoles?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Arguin.

Mme Arguin (Nathalie) : Bien, on rit parce que c'est un peu notre... on se questionne beaucoup là-dessus. On ne l'a pas trouvé, ce qui pourrait vraiment être ramené aux écoles. Et ça nous inquiète quand même, parce que, sans encore faire peur à personne... mais on dit : Si on ne l'a pas trouvé, est-ce qu'il est quelque part où on ne le voit pas encore? Parce que c'est un projet quand même volumineux. On est rapidement assis ici devant vous pour en débattre, et c'était très instructif d'entendre tout le monde, mais on n'a pas entendu, non, on n'a pas entendu quelqu'un le mentionner puis on n'a pas vu concrètement et clairement quels seront les nouveaux pouvoirs directement aux écoles.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. Donc, nous allons aller du côté de la députée de Sherbrooke maintenant.

Mme Labrie : Merci. D'abord, j'aimerais souligner que vous êtes le quatrième groupe de suite à nous mentionner que ça aurait pris une consultation très vaste de la population avant d'apporter des changements dans le réseau de l'éducation. Donc, j'espère que le ministre l'a entendu.

Vous avez mentionné, tout à l'heure, que vous ne vouliez pas comparer avec la réforme qu'il y a eu en santé, mais, moi, ce que j'entends sur le terrain, en région, c'est qu'il y a des inquiétudes parce que les fusions de territoire, ça porte atteinte aux conditions de travail du personnel, notamment le personnel de soutien. Puis eux l'ont vécu de près dans le réseau de la santé. Est-ce que c'est quelque chose qui est exprimé aussi par rapport à votre personnel, l'inquiétude de, par exemple, devoir avoir des postes qui sont un peu... vous avez parlé de portes battantes, tout à l'heure, là, les postes qui sont un peu diffus sur le territoire, des gens qui sont appelés à aller beaucoup plus loin que... de chez eux qu'auparavant?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Charbonneau. M. Létourneau, pardon.

M. Létourneau (Jacques) : Tu pourras compléter, mais c'est clair que, dans la santé, l'expérience des réformes a eu des impacts extrêmement négatifs sur la mobilisation du personnel puis des travailleuses, des travailleurs. Qu'on soit un professionnel ou un non-professionnel, là, peu importe la position qu'on occupe, c'est clair que, quand les réformes puis les restructurations sont adoptées puis imposées sans véritable participation puis consultation des employés, ça ne donne pas nécessairement les résultats escomptés parce que ça ne les mobilise pas. Si tu veux être capable de changer le cours des choses, mobilise le monde qui travaille avec toi, dans l'intérêt général, puis, normalement, tu vas y retrouver des résultats positifs. Et ça, dans les grands réseaux, que ce soit le réseau de la santé ou le secteur de l'éducation, on a toujours eu de la difficulté, au Québec, à intégrer cette notion-là.

Donc, nous, quand on dit : Consultons, oui, bien sûr, le monde qui font le travail, qui sont au premier plan sur le terrain pour, justement, apporter un éclairage à partir de leur réalité puis de leur pratique, consultons aussi les parents puis les citoyens, les citoyennes. Il me semble que c'est se donner une petite chance de réussir, plus que, quand tu l'adoptes, tu l'imposes puis tu l'organises, un peu comme est train de le faire... au niveau de l'éducation publique, là.

La Présidente (Mme Thériault) : Et Mme Arguin veut ajouter. Vous avez 30 secondes.

Mme Arguin (Nathalie) : Bien, ça ne sera pas plus long, parce qu'on parle beaucoup de précarité que ça peut amener, mais il ne faut pas oublier que, pour le personnel administratif, qui sont au coeur, comme je disais, de la machine, quand il n'y a pas de consultation, ce qu'ils font, c'est qu'ils subissent les changements. C'est tout ce qu'ils font. Alors là, on parle de surcharge, on parle de surcharge pour ces personnes-là, notamment les secrétaires d'école, où on n'a pas encore trouvé quels vont être les rôles accrus dans les écoles. Il y a des secrétaires, présentement, qui font deux écoles, des directions d'école aussi, mais nous, on représente les secrétaires d'école, là, mais il y a des... Donc, il y a un paquet de choses qu'on ne peut pas prévoir les impacts. Et, si on se retrouve avec des gens qui ont plus de surcharge et d'autres de nos membres qui ont plus de précarité, on ne voit pas comment on est en train d'améliorer la gouvernance.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, Mme Arguin. Donc, nous allons aller du côté de la députée de Joliette. Comme vous voyez, 2 min 40 s, ça passe très rapidement.

Mme Hivon : Oui. Merci beaucoup.Donc, dans votre mémoire, à la page 11, vous rappelez que le ministre, lorsqu'il était dans l'opposition, il s'était insurgé sur la question du non-plafonnement des frais des projets particuliers, en fait sur toute la question de l'équité ou des multiples vitesses dans le réseau public, dans le réseau de l'éducation québécois. Puis là vous dites, vous continuez : «La CSN comprend mal, dans ce contexte, pourquoi le ministre a retiré des devoirs et des responsabilités des centres de services le fait de valoriser et promouvoir l'éducation publique sur son territoire.» Pourquoi vous jugez que c'est fondamental que les centres de services eux-mêmes gardent cette mission-là?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Mathieu? M. Létourneau? Mme Mathieu.

• (17 h 20) •

Mme Mathieu (Alexandra) : Considérant que c'est le palier régional qui doit voir à l'équité sur l'ensemble du territoire, je vois mal pourquoi le ministre a pris la peine, il a pris la peine de le retirer de la Loi sur l'instruction publique et qu'il est allé le descendre dans le p.l. n° 40 au niveau des écoles. En fait, je ne vois pas... je ne comprends tout simplement pas, en fait, comment ça ne peut... comment ça peut ne pas être un palier régional et une logique, en fait, entre écoles. À moins qu'on me dise aujourd'hui que ça soit une volonté de concurrence entre les écoles... Si tel est le cas, je vois la logique. Sinon...

Mme Hivon : Oui, justement, pour en venir à cette idée de compétition, de concurrence entre les écoles, qu'est-ce qui, là-dedans, vous inquiète de dire : Bien, dans le fond, le parent, il va avoir le choix, il va simplement choisir l'école dans l'ensemble du territoire de sa région où ce serait bien pour son enfant? Donc, qu'est-ce qui vous inquiète là-dedans, de mettre plus de concurrence entre les écoles?

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Mathieu.

Mme Mathieu (Alexandra) : En fait, je pense que le problème... ici, on est tous d'accord pour dire... surtout quand le ministre prend des cas exceptionnels où, oui, il y a clairement des problèmes, actuellement, je pense qu'on peut tous le reconnaître, mais, en fait, je pense qu'on peut aussi s'entendre pour dire que ces problématiques ont fait de l'exception la règle ici. Donc, on comprend la nécessité qu'il y ait un certain assouplissement, en fait, dans le choix des parents. Ceci dit, en théorie, c'est déjà le cas dans la Loi sur l'instruction publique actuellement.

Là où on considère que le pas est vraiment extrême, c'est de faire de cette exception-là la règle. Et ce que ça vient faire ici, c'est que ça vient enlever... un des garde-fous qu'on a, justement, un de ceux que le ministre ôte, c'est un des garde-fous qu'on a actuellement pour justement venir tenter de limiter et de maintenir une équité minimale, peu importe où on se trouve sur le territoire du Québec, peu importe notre catégorie socioéconomique.

Donc, en fait, à notre sens... À moins que le ministre, encore une fois, considère que ça soit des principes qui sont à revoir. Si tel est le cas, on demande des consultations publiques élargies, si le principe de réussite pour tous et l'accessibilité pour tous à un système public... et on parle ici de scolarisation obligatoire, là...

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange, malheureusement. Donc, M. Létourneau, Mmes Bénard, Mathieu, Arguin et Charland, merci pour votre passage à la commission parlementaire.

Nous allons suspendre quelques instants pour permettre à la Fédération autonome de l'enseignement de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 22)

(Reprise à 17 h 24)

La Présidente (Mme Thériault) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons reprendre les travaux avec l'audition de la Fédération autonome de l'enseignement. M. Mallette, vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation et nous présenter les gens qui vous accompagnent également. Bienvenue à l'Assemblée.

Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

M. Mallette (Sylvain) : Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, mon nom est Sylvain Mallette, je suis un enseignant en histoire au secondaire et président de la Fédération autonome de l'enseignement. Participera à la présentation Mme Nathalie Morel, qui est une enseignante titulaire au primaire et vice-présidente à la vie professionnelle. Nous accompagnent M. Yves Cloutier, conseiller au Service de la vie professionnelle, ainsi que des profs qui assistent aux travaux de la commission. D'autres encore manifestent devant l'Assemblée nationale pour dénoncer le projet de loi qui fait l'objet des travaux de la commission.

La FAE représente plus de 45 000 enseignantes et enseignants de tous les secteurs d'enseignement. Elle est présente dans les régions de Montréal, de Laval, de la Capitale-Nationale, de l'Outaouais, dans lesquelles se trouvent les quatre plus grands pôles urbains du Québec, ainsi que, dans les Laurentides, l'Estrie et la Montérégie.

La FAE tient à dénoncer les conditions mises en place pour la tenue des travaux de la commission. Rien ne justifie l'empressement du gouvernement, si ce n'est la volonté de faire vite pour ne pas dire faire à la va-vite. La densité du projet de loi et ses nombreux effets sur les écoles publiques, les élèves jeunes et adultes qui les fréquentent ainsi que sur les enseignantes et enseignants qui y travaillent méritent mieux que des stratagèmes qui ne feront pas honneur à ceux qui les orchestrent.

La réforme portée par le ministre de l'Éducation ne vise pas à reconnaître l'expertise de ses anciennes et anciens collègues. Cette réforme est signée de la main de celles et ceux qui se méfient des profs, qui cherchent à les rendre responsables de ce qui ne va pas et qui ambitionnent d'en faire de simples exécutantes et exécutants.

La profession enseignante est en souffrance. Elle souffre de la pénurie de personnel, elle souffre de la désertion professionnelle, elle souffre de la détresse psychologique, elle souffre des départs précipités à la retraite, elle souffre du mépris affiché par les pédagocrates et autres experts patentés, qui, depuis trop longtemps, considèrent les profs et leurs élèves comme de simples cobayes sur lesquels ils expérimentent leurs théories fumeuses.

Au Québec, dans le monde de l'éducation, toutes les réformes imposées d'en haut ont échoué. Toutes. Celle portée par le ministre Roberge connaîtra le même sort. Malheureusement...

La Présidente (Mme Thériault) : Je vais vous demander, je vais juste vous demander, M. Mallette, de ne pas nommer le ministre par son nom, et plutôt ministre de l'Éducation.

M. Mallette (Sylvain) : Celle portée par le ministre connaîtra le même sort. Malheureusement, comme toutes ces réformes qui encombrent les corridors du ministère de l'Éducation, les premières victimes sont toujours les profs et leurs élèves, particulièrement les plus vulnérables.

La réforme imposée au début des années 2000, pompeusement rebaptisée renouveau pédagogique par les apôtres du socioconstructivisme radical, est un parfait exemple de dirigisme pédagogique et illustre bien jusqu'où peut aller la logique technocratique en éducation. Or, à cette pédagogie désincarnée et idéologique, il convient de répondre par l'entremise de l'expérience quotidienne de la pratique enseignante, certes, dans toute sa complexité et ses contradictions, mais également exemple des a priori et des dogmes.

Comment notre système d'éducation s'est-il rendu à son état actuel? Quel bilan faisons-nous des politiques ou réformes implantées depuis 20 ans au Québec? Il est inconcevable d'amorcer des travaux sans répondre à ces questions fondamentales. Oui, M. le ministre, les enseignantes et enseignants sont des praticiennes et praticiens compétents et sont les mieux à même de déterminer les approches pédagogiques qui sont appropriées pour leurs élèves qui leur sont confiés et d'évaluer leurs apprentissages. Oui, les profs sont les premiers experts de la pédagogie. Non, celles et ceux qui font le choix de quitter la classe, parfois même de la fuir, celles et ceux qui n'y ont jamais mis les pieds ne méritent pas que vous leur donniez plus de pouvoir. Non, les profs ne veulent pas gérer les établissements, pas plus qu'ils ne veulent gérer les commissions scolaires. Les profs veulent enseigner.

Non, le projet de loi ne réduira pas la bureaucratie. Non, le projet de loi ne dépolitisera pas les structures scolaires. Non, le projet de loi ne vise pas à décentraliser les pouvoirs vers les établissements.

Oui, le projet de loi permet au ministre de l'Éducation de s'arroger des pouvoirs normalement dévolus à un ordre professionnel. Oui, le projet de loi témoigne de la vision utilitariste et marchande du gouvernement en matière d'éducation. Oui, le projet de loi illustre le parti pris du ministre envers les directions d'établissement et les gestionnaires. Oui, le projet de loi dévalorise les profs et la profession enseignante. J'invite Mme Morel à poursuivre.

• (17 h 30) •

Mme Morel (Nathalie) : Le contenu du projet de loi n° 40 a profondément indigné et choqué les enseignantes et enseignants. Ils ont été estomaqués par tout ce que le ministre et le gouvernement tentaient d'y cacher. Loin de n'être qu'un projet de loi pour venir transformer les commissions scolaires en centres de services et à l'instar d'un cheval de Troie, on y a dissimulé des ruses pour faire main basse sur la profession enseignante et pour rendre l'école publique québécoise encore plus inéquitable et vulnérable aux aléas du marché scolaire et du clientélisme si chers aux politiques de l'actuel gouvernement. C'est ce que les chercheurs en santé mentale appellent les méfaits de la gestion. En d'autres mots, encore plus de ce qui épuise, décourage, dévalorise et fâche les enseignantes et enseignants, les mène vers l'épuisement et la désertion.

Plusieurs articles du projet de loi n° 40... Est-ce que je vous dérange, M. le ministre?

La Présidente (Mme Thériault) : Continuez, Mme Morel, s'il vous plaît.

Mme Morel (Nathalie) : Plusieurs articles du projet de loi n° 40 s'attaquent directement à l'autonomie professionnelle du personnel enseignant ou déconsidèrent son expertise et son professionnalisme. Par exemple, l'article 34 qui permettrait aux directions de majorer les notes moyennant une simple consultation du prof. Cet ajout est à mille lieues de ce que les enseignantes et enseignants demandaient pour protéger leur autonomie professionnelle. Il ne faut pas rendre légal un geste qui, malgré qu'il soit malheureusement encore posé par certaines directions ou commissions scolaires, ne l'est tout simplement pas. C'est comme si on permettait à certains élèves de tricher un peu, car plusieurs trichent. Au contraire, on doit interdire formellement, et dans la LIP, aux directions et aux commissions scolaires de tripoter les notes.

Évaluer les apprentissages, c'est donner une note, une appréciation à un exercice, un projet, une épreuve aux élèves à qui nous enseignons. Établir des normes et modalités, c'est décider collectivement, par exemple, du nombre d'étapes, la date de fin des étapes ou du nombre de compétences qui seront évaluées à chacun des bulletins. Ce sont deux concepts juridiquement non compatibles, et c'est intellectuellement malhonnête de les confondre. Il faudrait plutôt inscrire officiellement dans la LIP, à l'article 19, que la responsabilité d'évaluer les apprentissages des élèves constitue un domaine exclusif et réservé au personnel enseignant, tel que stipulé déjà par les tribunaux.

Les nouvelles obligations de formation continue proposées à l'article 133, avec menace de sanctions à défaut de s'y conformer, laissent supposer que la qualité de l'enseignement au Québec est si déficiente qu'il faille menacer les profs de perdre leur autorisation d'enseigner en les contraignant à subir des formations souvent farfelues, quand les obstacles actuels au perfectionnement sont pourtant connus : c'est l'accès à des formations de qualité et des budgets insuffisants pour répondre à nos demandes. En contexte de pénurie de personnel, le ministre n'aurait pas pu trouver une meilleure recette pour insulter ses ex-collègues et leur démontrer qu'il allait leur imposer, probablement sous bâillon, son ordre professionnel, même si eux n'en voulaient pas.

Le Conseil supérieur de l'éducation écrivait pourtant, en 2014 : «Aujourd'hui, plus que jamais, le conseil a la conviction que de confier plus explicitement la maîtrise d'oeuvre de son projet de développement professionnel à chaque prof est un levier essentiel de reconnaissance et de valorisation de la profession.» Pourquoi? D'une part, parce que le développement professionnel d'une personne ne peut être décrété par autrui, on ne peut développer l'expertise de quelqu'un contre son gré, et, d'autre part, parce que l'efficacité même des activités de développement professionnel s'appuie sur la capacité de celles-ci à répondre aux besoins de l'individu, tant personnels et professionnels qu'organisationnels.

Troisièmement, l'ajout d'un nouveau comité d'engagement vers la réussite des élèves, composé minoritairement de profs, à l'article 88, semble plutôt en être un de conformité pédagogique. Le risque est grand que ce comité ne devienne un tribunal d'inquisition des pratiques enseignantes. Selon les résultats des élèves, on déclarera que certaines enseignantes ou certains enseignants font bien ou mal leur travail. Et permettez-nous de supposer qu'on dirigera les profs qui ne rencontrent pas les cibles du plan d'engagement vers la réussite vers de la formation continue. Cette ingérence inédite dans la pratique enseignante est inadmissible. La diversité de la recherche en éducation est le reflet de la réalité des milieux : une diversité infinie dans des combinaisons infinies de facteurs de réussite dont plusieurs extérieurs à l'école.

Finalement, la nouvelle composition des conseils d'établissement, qui viendrait réduire le nombre de sièges, donc de droits de vote, des personnels de l'école, est un exemple éloquent du peu de considération que le ministre a à l'égard de ceux-ci. Et pourquoi faire nommer les membres de la communauté seulement par les parents et leur donner un droit de vote? Et, pourquoi instaurer la possibilité de donner un avis à la direction sur toute question propre à faciliter la bonne marche de l'école? Ce ne sont, pour nous, que de nouvelles invitations aux ingérences et au non-respect de notre expertise.

Bref, la réforme du ministre, c'est non, pour la FAE. Et nous exigeons de lui... de lui-même, pardon, et du gouvernement qu'ils retirent le projet de loi n° 40 afin de dire haut et fort aux enseignantes et aux enseignants qu'ils ont été entendus, mais surtout compris. Les solutions pour améliorer le réseau public résident ailleurs. Il faut s'attaquer aux problèmes de fond, soit la composition de la classe, la réduction des iniquités scolaires, en commençant par cesser le financement public des écoles privées. Ce qu'il faut à l'école publique québécoise, rappelons-le, la plus injuste au Canada, à ses élèves, jeunes et adultes, et à ses profs de tous les secteurs, ce sont des classes plus équilibrées, moins nombreuses et plus de ressources humaines et financières pour remplir ses missions. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Thériault) : Et cela met fin à votre présentation. Donc, je vais aller avec le bloc d'échange du côté ministériel. M. le ministre, 16 minutes.

M. Roberge : Merci, Mme la Présidente. Merci bien. Vous dites que le projet de loi aurait été écrit par ceux qui se méfient des professeurs. Je vous rassure, là, je ne me méfie pas de mes collègues enseignants. Puis il n'y a pas personne dans le cabinet... D'ailleurs, j'ai deux enseignants à mon cabinet. C'est peut-être assez rare, là, qu'il y ait un ministre de l'Éducation qui soit enseignant encore, avec un poste réservé, puis deux enseignants qui sont dans le cabinet aussi. Puis on a toute une équipe en arrière qui, je pense, travaille pour améliorer les conditions d'enseignement et de réussite des élèves. Mais qu'est-ce qui peut vous faire dire que le projet de loi aurait été écrit par ceux qui se méfient? Quand on se méfie, ça veut dire qu'on pense qu'ils sont malveillants, là. À quoi vous faites référence?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Mallette... Mme Morel.

Mme Morel (Nathalie) : ...commencer. Bien, dans un premier temps, M. Roberge, quand on dit ça...

La Présidente (Mme Thériault) : Non, je vais vous demander juste de l'appeler... jamais par son nom. M. le ministre ou ministre de l'Éducation.

Mme Morel (Nathalie) : Alors, dans un premier temps, vous savez, quand on a vous rencontré, quelques jours avant le lancement, là, du projet de loi, à plusieurs égards, vous nous avez présenté des enjeux, à M. Mallette et à moi, et nous avons dit : Ça, ça ne passera pas, ça ne passe pas, ça attaque les profs directement, les enseignantes et les enseignants n'ont pas besoin de se faire dire encore comment enseigner, comment évaluer.

Et c'est pour ça qu'on revient tout le temps en vous disant : On se méfie certainement des profs, quand on pense qu'on va regarder les résultats des élèves, au comité d'engagement vers la réussite, avec une minorité de profs, puis qu'on va aller promouvoir certaines pratiques pédagogiques, hein, issues de la recherche, la fameuse recherche, dont celle en évaluation. Vous allez loin.

Moi, là, je vais vous dire franchement, là, j'ai de la misère à croire qu'il n'y a pas quelqu'un, derrière ce projet de loi là, qui colporte encore que les profs, au Québec, sont mal formés, qu'il faut absolument mettre les profs en formation continue. Et c'est là qu'on vous dit : Pour nous, ce n'est pas juste de la méfiance, c'est du mépris. C'est ça qu'on dénote derrière ce projet-là, là, envers les enseignantes et les enseignants.

M. Mallette (Sylvain) : Et on a aussi l'ordre... c'est le 18 septembre que vous nous avez rencontrés sur la question de la formation continue, qui est un véritable ordre professionnel, qui ne dit pas son nom, mais c'est un ordre professionnel. J'ai réagi très fortement, et vous avez clairement dit : Donc, si je comprends bien, si je mets ça dans le projet de loi, c'est comme si j'ouvrais les hostilités. Puis qu'est-ce qu'on voit, quand on prend connaissance du projet de loi? On retrouve ça.

Quand, par exemple, vous cherchez, quand le ministre cherche à légaliser ce que nous avons dénoncé, en tripotage des notes, bien ça, c'est envoyer le message parce qu'on est dans une logique de majorer les résultats. C'est étonnant, hein? Les profs ne mettraient jamais des notes trop hautes. C'est toujours des notes trop basses, dans certains cas, jamais des notes trop hautes.

Quand vous dites, dans votre projet de loi, quand que le gouvernement dit, dans son projet de loi, qu'après consultation... Puis on le sait, dans le réseau, ce que ça veut dire, «après consultation» : Cause toujours, mais je déciderai bien de faire ce que je veux. Le message que ça envoie, c'est que le prof n'aurait pas fait le travail correctement, que le résultat que lui donne à l'élève, qu'il voit quotidiennement, ce n'est peut-être pas le bon résultat.

Comment une direction d'école qui ne connaît pas l'élève, qui ne l'a jamais rencontré, qui ne l'a possiblement même jamais vu dans le corridor d'une école, qui ne lui a pas enseigné, qui ne lui a pas fait le suivi... comment une direction d'école peut, elle, avoir le jugement de décider de majorer le résultat, mais pas le prof? Ça, c'est remettre en question le jugement professionnel des profs.

Puis on le répète, hein, il y a des décisions arbitrales qui ont été rendues qui spécifient que l'évaluation relève du domaine exclusif des profs. Vous réécrivez la jurisprudence avec votre projet de loi. Puis il ne faudrait pas que nous, on se méfie de ce projet de loi là? C'est un projet de loi qui a suscité la colère en nos rangs. C'est un projet de loi qui attaque de plein fouet la profession enseignante.

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

M. Roberge : Vous me permettez de ne pas être d'accord pour dire que le projet de loi attaque les enseignants ou la profession enseignante. Pour moi, ce n'est pas une mauvaise chose de prévoir de la formation continue. Et, en ce moment, il y a des... Puis, depuis des années, c'est arrivé qu'il y a eu des notes qui, semble-t-il, ont été changées. Puis je pense que c'est l'exception, ça n'arrive pas souvent, mais c'est arrivé. J'ai entendu ça, moi aussi, en parlant, puis en circulant dans des écoles, puis en parlant à des amis. J'ai plusieurs amis qui sont encore enseignants aux directions d'école, mais ils sont enseignants, pour la plupart, qui me disent qu'ils ont déjà mis une note, un jeudi ou un vendredi, puis, oups! le lundi ou le mardi, elle avait été changée. Mais personne ne l'avait consulté, cet enseignant-là.

En précisant, dans la loi, que, si on veut questionner quelque chose, obligatoirement, de l'écrire noir sur blanc dans la loi : on doit parler à l'enseignant, bien, vous prenez ça comme une attaque. Moi, je prends ça pour une avancée par rapport à la situation actuelle, considérant aussi qu'au Québec les directions d'école sont des enseignants. On ne peut pas devenir une direction d'école si on n'est pas enseignants.

• (17 h 40) •

Je vous accorde que les directions d'école, surtout dans les écoles secondaires, ne connaissent pas tous les élèves par leurs noms. Ceci dit, je pense qu'ils sont capables de faire ce genre de choses de manière exceptionnelle, et surtout en le précisant, que, par rapport à en ce moment, ça se fait sans consulter qui que ce soit. Donc, je ne pense pas, là, que ce soit une attaque.

Et je visite des écoles, je ne dirais pas toutes les semaines, mais j'essaie, j'en visite assez souvent. J'en ai visité, avant le dépôt du projet de loi, alors que, bon, il y a des gens qui en écrivaient des bouts déjà dans les médias, là, puis, après, et je n'ai pas entendu cette véhémence, ces critiques. Je m'assois, je dîne avec les enseignants, il n'y a pas de caméra, il n'y a pas rien, je leur dis : Bien, qu'est-ce qui vous inquiète? Qu'est-ce qui vous emballe? Qu'est-ce que vous souhaitez pour la prochaine année? Vous voulez parler de gouvernance? Vous voulez parler de n'importe quel sujet? Et je n'entends pas cette virulence que j'entends aujourd'hui dans la commission, quand je circule dans les écoles. Je m'en étonne.

Puis, de dire que le projet de loi ferait des enseignants de simples exécutants, je ne pense pas. En reconnaissant l'expertise professionnelle dans la loi, pour la première fois, il me semble, il me semble que c'est tout sauf une dévalorisation. En leur donnant ce qu'ils n'ont pas, en ce moment, un poste à l'instance régionale, un poste sur le C.A. du centre de services, il me semble qu'au contraire c'est une valorisation.

Tout à l'heure, je le sais bien, qu'il y a deux syndicats d'enseignants majeurs au Québec, francophones... les anglophones aussi, bien sûr, mais, tout à l'heure, il y a quand même une autre centrale syndicale qui sont venus me dire qu'il n'y en avait pas assez, d'enseignants sur le conseil d'administration, mais que, quand même, d'avoir des membres du personnel sur le C.A., c'était une valorisation, une reconnaissance importante, il en faudrait plus. Comment on peut réconcilier ça avec le fait que ce serait une attaque? Ce n'est pas ce que disent bien des gens sur le terrain.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Morel.

Mme Morel (Nathalie) : Merci. Pour ce qui est de la formation continue, quand vous dites : Ce n'est pas une mauvaise chose de prévoir de la formation continue, ce n'est pas du tout ça que le projet de loi dit, hein? Le projet de loi dit qu'il y a de la formation continue... est obligatoire, puis, à défaut de s'y conformer, il peut y avoir des sanctions. Alors, ce n'est pas du tout de prévoir de la formation continue. La formation continue, il y en a à tous les jours, à toutes les semaines, à tous les mois, à toutes les années dans toutes les écoles. Le problème : accessibilité à des formations de qualité, deuxièmement, pas assez d'argent, les budgets, pas de suppléants, pénurie de personnel. Alors, on est toujours dans le cercle vicieux. On n'a pas les conditions pour pouvoir vivre des activités de... de perfectionnement, pardon, qui répondent à nos besoins.

Alors, ce n'est pas une prévision de formation continue que vous mettez, c'est une obligation avec des menaces de sanctions de perdre son autorisation d'enseigner. Ce n'est pas rien, là, perdre son autorisation d'enseigner. Et on rajoute : en contexte de pénurie de personnel, des profs légalement qualifiés qui perdraient leur autorisation d'enseigner... C'est quelque chose. Alors, quand vous dites : Je me promène dans les écoles, je ne sais pas si vous dites aux enseignantes et aux enseignants qu'ils pourraient perdre leur autorisation d'enseigner s'ils ne suivent pas les programmes de formation continue. Décrétés par qui? On ne le sait pas non plus. On va le savoir plus tard dans le règlement.

Changer les notes, quand vous dites... Moi, ça me jette à terre de vous entendre, M. Roberge. Vous étiez dans l'opposition...

La Présidente (Mme Thériault) : M. le ministre.

Mme Morel (Nathalie) : M. le ministre, pardon encore. Vous étiez dans l'opposition, vous avez demandé une commission parlementaire sur le tripotage de notes : C'est inacceptable, on ne doit pas tripoter les notes. On se serait attendus à ce que vous disiez, dans le projet de loi : C'est interdit; s'il y a des directions puis des commissions scolaires qui font encore ça, ce n'est pas légal. Ce n'est certainement pas de venir légaliser l'illégalité. Ça n'a aucun sens.

Les directions ne sont pas habilitées à mettre des notes sur des travaux, des épreuves, des examens. C'est nous, les profs, qui évaluons les apprentissages. Les directions, les normes, les modalités, on vous le dit dans le mémoire, c'est deux choses complètement différentes. Pour nous, c'est intellectuellement très grave de confondre ces deux concepts-là. Évaluer les apprentissages, ce n'est pas aux directions. Quand ils étaient profs, dans leurs classes, oui, c'était leur responsabilité. Maintenant, ils dirigent l'école, ils ne sont pas capables d'évaluer les apprentissages.

C'est effrayant, puis ça va être des pressions de parents, cogner à la porte de la direction : On veut faire majorer la note pour que l'enfant soit accepté dans le PPP, qu'il soit accepté à l'école privée, qu'il soit promu à l'année suivante, même si cet enfant-là, peut-être, n'avait pas les acquis. Pour nous, là, changer les notes, cette avancée-là, c'est un recul important. C'est pire, on vient légaliser des actes illégaux. C'est très, très, très grave. Je vais laisser mon collègue parler de la reconnaissance de l'expertise et des postes au C.A.

La Présidente (Mme Thériault) : Oui. M. Mallette.

M. Mallette (Sylvain) : Oui. On va être au clair, hein, la FAEest reconnue pour être claire, comme je l'ai été quand on a participé aux consultations, là, qu'avaient décidées l'ancien ministre de l'Éducation. La FAE n'aménagera pas la misère de ses membres. On laisse ça à d'autres.

Il n'y a pas de reconnaissance. D'abord, il faudrait clarifier qui élit qui et est-ce que la personne, l'enseignante ou l'enseignant, serait redevable, hein? Parce que le ministre a dit : Je ne ferai pas comme l'ancien ministre en Santé, je ne nommerai pas les gens qui siégeront au conseil d'administration. Puis, quand on lui pose la question : C'est donc les profs qui seraient sur des C.E., des conseils d'établissement, qui choisiraient, entre eux, la personne qui siégerait au conseil d'administration, donc cette personne-là serait redevable à ses pairs? Ah! non, non, non, il n'est pas redevable. Bien, il est donc nommé? Non, il n'est pas nommé, il est élu. Bien, s'il est élu, il y a un principe. Puis il y a des règles... il y a des principes de base, hein, en démocratie : si je procède à l'élection d'un individu, l'individu en question m'est redevable, il doit me rendre compte des gestes et des décisions auxquelles il a participé. Ça, ce n'est pas clair dans le projet de loi.

Mais, nous, je le répète, on n'aménagera pas notre misère. La FAE ne jouera pas dans ce jeu-là. Moi, j'ai vécu la fusion des commissions scolaires, en 1998, hein? On nous promettait... à l'époque, là, l'argent était pour arriver par pleins camions dans les écoles, on était pour ne plus savoir quoi faire avec cet argent-là. Il y a eu zéro, zéro en ajout de services, puis la réforme... Parce que le ministre s'est amusé à nous dire : Il y aura l'équivalent de 160 professionnels de plus sur quatre ans, dans le réseau, en abolissant les élections scolaires. Nous autres aussi, on s'est amusés à calculer. C'est, donc, sur quatre ans... on va y aller sur quatre ans, ça veut dire que, l'an prochain, là, c'est l'ajout de 15 minutes de ressources professionnelles par établissement, par semaine. C'est ça? C'est ça, améliorer le sort des élèves, particulièrement des plus vulnérables? C'est ça, venir aider les profs, qui n'en peuvent plus, qui en ont par-dessus la tête, qui lancent des cris d'alarme?

Je ne sais pas où le ministre se promène, mais nous, on se promène là où les profs en arrachent. Les profs n'en peuvent plus. Les profs disent : Comment ça se fait que je suis au front, puis on est toujours après me dire : Bien, tu es mal formé, tu n'as pas bien compris, est-ce que tu as fait ce qu'il fallait que tu fasses?

C'est drôle, il y a une pénurie de personnel, puis tous ceux qui sont supposément compétents, comment ça se fait qu'ils ne reviennent pas nous donner un coup de main en venant sur le terrain avec nous autres? Ah! ça, ils ne le font pas. Ils restent bien confortablement assis dans leur bureau. Donc, c'est clair, pour nous, on n'aménagera pas notre misère. Il n'en est pas question.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. J'ai le député de Saint-Jean qui... en intervention. Il reste un peu moins de quatre minutes, M. le député.

M. Lemieux : Merci beaucoup. Vous m'avez dit : Un peu moins de quatre minutes?

La Présidente (Mme Thériault) : Un peu moins de quatre minutes.

M. Lemieux : Merci, Mme la Présidente. Le ministre vous a dit qu'il avait bien peur de ne pas être d'accord; je vous écoute, puis plus je vous écoute, moins je suis d'accord, moi aussi. Mais on a quand même peut-être la capacité de comprendre davantage.

Par exemple, en parlant de formation, vous dites, dans le mémoire, à la page 9, qu'il revient aux enseignants de décider de leur formation, que le financement doit être au rendez-vous, blabla. Bon. Et vous dites, à la page 8 de votre mémoire, toujours, que de nombreux enseignants suivent plusieurs formations au cours d'une année. Vous représentez neuf syndicats, 45 000 enseignants. Avez-vous une idée de la formation de ces 45 000 enseignants là?

Mme Morel (Nathalie) : Qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Lemieux : En formation continue, je veux dire, là, qui ont été faites.

Mme Morel (Nathalie) : Toutes les directions de toutes les écoles de toutes les commissions scolaires font à chaque année, c'est déjà prévu dans la LIP, la consultation pour avoir l'ensemble des formations qui sont souhaitées. Tous les comités locaux de perfectionnement, comité paritaire de perfectionnement avec les commissions scolaires ont toute cette information-là. C'est les parties patronales qui ont cette information-là entre les mains...

M. Lemieux : Je suis le député, moi...

Mme Morel (Nathalie) : ...alors, vous avez juste à leur demander.

M. Lemieux : Non, je suis le député, puis on jase, là. J'ai juste besoin de comprendre.

Mme Morel (Nathalie) : Bien, on jase... Le perfectionnement, c'est un enjeu de négociation. Le perfectionnement, c'est conventionné. Alors, toutes les parties patronales, commissions scolaires, directions d'établissement, ont toutes ces réponses, ont toutes les réponses aux questions. C'est déjà extrêmement encadré, balisé, tant au niveau des commissions scolaires qu'au niveau des services éducatifs des commissions scolaires. Alors, toute cette information-là, ce n'est pas nous qui la détenons parce que c'est une prérogative qui est locale dans les milieux.

M. Lemieux : Mais, comme, justement, le projet de loi dont vous venez de nous parler aujourd'hui veut rehausser les exigences relatives à la formation continue des enseignants, vous ne pensez pas que ce serait une bonne nouvelle pour les nouveaux enseignants, puisqu'on va rehausser... Parce que, là, vous m'avez expliqué exactement ce qu'on fait, même si je n'ai pas de chiffre parce que je suis juste député puis que je ne négocie pas, moi, là, mais cette formation continue là dont on parle... Non, mais vous m'avez dit que c'est normé par les négociations, mais...

Mme Morel (Nathalie) : ...contrats de travail qui appartiennent autant à l'employeur qu'aux travailleurs.

M. Lemieux : Oui, c'est ça, voilà. Mais je voudrais quand même comprendre dans quelle mesure les nouveaux enseignants ne seraient pas, justement, gagnants dans cette idée-là qu'on pourrait avoir... Parce que vous dites que vous avez besoin de formation, aussi vous dites que vous voudriez décider de votre formation. Pour les nouveaux enseignants qui arrivent, ce serait génial, non, ce projet de loi là?

• (17 h 50) •

Mme Morel (Nathalie) : C'est déjà possible, on n'a pas besoin d'instaurer un programme de formation continue obligatoire. Il y a déjà la possibilité, dans toutes les écoles, avec les comités locaux de perfectionnement, que les profs fassent des demandes à leurs comités locaux de perfectionnement, et donc qu'on s'assure que ça réponde aux besoins du personnel, comme le Conseil supérieur de l'éducation le disait, en 2014, dans son avis sur le développement professionnel des enseignantes, des enseignants. C'est à nous de décider de quelle formation nous avons besoin, qu'est-ce qui répond à nos besoins.

Parce que, comme le dit le CSE, on ne peut pas contraindre des gens contre leur gré. On peut bien les asseoir dans des formations puis dire : Vous allez suivre la formation sur la réponse à l'intervention, parce que c'est ça, la façon d'enseigner maintenant, mais on va les obliger, on va les contraindre. Bien, un prof peut bien aller s'asseoir, vous pouvez l'obliger, comme direction. Ça ne veut pas dire que ça va n'avoir aucun résultat.

Mais, si on exprime des besoins puis qu'on dit : Moi, j'ai le goût parce que, je trouve, en informatique, pour l'éthique, il y a quelque chose que je veux faire, là, ça part du prof lui-même. C'est ça, le développement professionnel. Alors, faisons confiance aux enseignantes et aux enseignants. N'allons pas leur dire : Ah! on va vous menacer de sanctions, on va vous retirer votre autorisation d'enseigner si vous ne suivez pas des formations continues. Puis on sait très bien ça va être quels types de formations continues : celles qui font en sorte qu'on n'investit pas plus de ressources humaines et financières dans les milieux puis qu'on donne aux profs encore plus de travail.

La Présidente (Mme Thériault) : Et il reste à peine 10 secondes.

M. Lemieux : Neuf, huit, sept, six...

La Présidente (Mme Thériault) : Bon, d'accord. Donc, merci. Désolée, ça passe très vite, le temps. Donc, on va aller du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Saint-Laurent, vous avez 10 min 40 s.

Mme Rizqy : Édifiant. Bonjour, merci de votre présence. En quoi ce projet de loi aide la réussite éducative?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Mallette, peut-être?

M. Mallette (Sylvain) : Bien, moi, écoutez, clairement là... Parce que c'est typique, hein, du ministère de l'Éducation : Parce qu'on le dit, c'est vrai, puis c'est vrai parce qu'on le dit. Hein, c'est comme ça, là, c'est la croyance, hein, on nous le dit, les gens qui réfléchissent au ministère de l'Éducation. Puis ça se répercute aussi dans les commissions scolaires, dans les administrations scolaires. On nous dit : C'est une croyance. C'est quand même fantastique, hein? C'est le ministère de l'Éducation, puis ils sont incapables de faire preuve, soit par la recherche supposément probante, de ce qu'ils disent, mais c'est une croyance, c'est un effet de mode. Puis là on nous dit : Bien, c'est un projet de loi pour assurer la réussite éducative. Ah oui? Bien, c'est comme la dernière réforme qu'on nous a passée dans la gorge. En quoi ça a amélioré la réussite éducative des élèves? Le Québec combat encore un taux de décrochage élevé. On rencontre des difficultés énormes auprès de certaines populations d'élèves.

Et puis j'en profite pour dire qu'il faudrait peut-être qu'on arrête de parler de clientèle scolaire. Ce ne sont pas des clients, ce sont des êtres humains. On devrait parler de population scolaire, particulièrement des populations les plus vulnérables, qui vont faire les frais. Parce ce que projet de loi là n'améliorera pas la réussite des élèves, ce n'est pas vrai.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : J'aimerais revenir sur l'ordre professionnel. Moi, je me rappelle d'avoir déjà été, un dimanche, à Laval, avec des enseignants qui étaient en formation, puis c'était un dimanche, puis je me rappelle avoir parlé avec certains, il me dit : Bien, durant la semaine, Marwah, on est débordés. C'est une salle qui était comble, mais vraiment comble. Puis eux ont choisi d'être là un dimanche, hein, ils ont des enfants puis des familles.

Alors, est-ce que je me trompe ou le problème, au niveau de l'enseignement de la formation, ce n'est pas un manque de volonté des enseignants, mais c'est les plages horaires? Parce qu'en ce moment, avec la pénurie d'enseignants, on a des enseignants qui sont à bout de souffle puis que, dans l'horaire, la case où est-ce qu'ils sont supposés de, par exemple, préparer leur matériel pédagogique... sont : Non, on remplace un autre groupe encore. Ça fait en sorte que, justement, les enseignants font, oui, de la formation, mais, même la fin de semaine, ils doivent en faire... puis que c'est faux, le mythe de penser que les enseignants refusent de se former.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme Morel.

Mme Morel (Nathalie) : Je vous dirais aussi qu'il y a un des éléments, actuellement, qui pose problème, c'est que le perfectionnement, la formation continue, ça devrait se faire dans la semaine régulière de travail. Quand je me perfectionne, ça devrait être à l'intérieur de mon cadre de travail. Mais là, étant donné qu'on vit des pénuries, particulièrement dans certains territoires, chez nos syndicats affiliés, des pénuries importantes de personnel enseignant, bien là, il n'y a pas d'enseignant pour remplacer ceux qui iraient en formation.

Alors, ce qu'on fait souvent, c'est que les commissions scolaires innovent en disant : Bien, allez-y le soir, puis on va vous payer un montant d'argent, qui n'est pas le montant du salaire horaire d'un prof, d'une enseignante, d'un enseignant. Les enseignants se sentent mal d'y aller parce qu'ils savent qu'ils y vont à rabais, hein? En quelque part, c'est quasiment du bénévolat. Mais, deuxièmement, toutes nos enseignantes, particulièrement, et nos enseignants qui sont parents ne peuvent pas nécessairement. Parce qu'à la fin de ma journée de travail de prof, bien, j'ai ma journée de maman qui commence, puis je dois aller chercher mes enfants, puis je dois aussi vivre ma vie de citoyenne. Alors, c'est ça, aussi, quand on dit : L'accessibilité, le problème d'accessibilité, il est réel.

Les profs demandent... soit qu'on ne peut pas parce qu'on n'a pas assez d'argent, les budgets de perfectionnement pourraient être haussés énormément... et, deuxièmement, de leur donner du temps réel, donc, durant la semaine régulière de travail, et le type de formation...

Ceux et celles qui connaissent des profs peuvent vous dire : À 95 % — puis je n'ose pas dire 100 % — certaines années, c'est des formations complètement farfelues. Les profs se font infantiliser, vont dans des formations puis disent : J'ai perdu ma journée, ou dans des journées pédagogiques mur à mur, des formations. Ils n'ont pas le choix d'aller dans la formation, ils se font imposer. Ils s'assoient là puis disent : C'est du niaisage, j'aurais pu faire 56 000 autres affaires qui auraient été productives aujourd'hui.

Ça fait que c'est ça, aussi, qu'il faut aller regarder. Au lieu de faire ce bilan-là, c'est ça qu'on aurait dû faire : aller voir qu'est-ce qu'il se donne actuellement, aller voir qu'est-ce qui fonctionne, qu'est-ce qui ne fonctionne pas, c'est quoi, les besoins des enseignantes, des enseignants. Non. On décrète d'en haut qu'on va leur en imposer puis, faute de sanction, s'ils ne se conforment pas : par règlement, autorisation d'enseigner. C'est très, très grave. Et ça, c'est une gifle.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Puis on efface vraiment la pire pénurie de main-d'oeuvre dans les enseignants. On a l'Ontario qui fait des publicités sur Facebook pour venir chercher nos profs, et, année après année... Le nombre de Québécois enseignants et enseignantes qui quittent pour l'Ontario augmente depuis les cinq dernières années. La désertion dont vous faites référence, avec le projet de loi n° 40, est-ce qu'on est capable de le contrer ou est-ce que ça va juste donner une autre raison, davantage, de quitter la profession?

La Présidente (Mme Thériault) : M. Mallette.

M. Mallette (Sylvain) : Bien, savez-vous ce qui est grave, Mme la députée? C'est que, face à ce phénomène-là, qui est tragique... La désertion professionnelle, ça veut dire qu'un individu fait le choix de quitter une profession qu'il avait choisie. Bien, il y a des gens, au ministère de l'Éducation, savez-vous ce qu'ils nous disent quand on leur en parle? C'étaient des gens qui n'étaient pas faits pour le métier, ça arrive. Ce mépris-là, le mépris qui est porté par certains, au ministère de l'Éducation, à l'endroit de la profession, est insupportable. Ça devrait être dramatique.

La profession enseignante au Québec connaît un des taux de désertion les plus élevés. Ça devrait être jugé une priorité. Ça ne l'est pas. Pourquoi? Parce que ceux qui nous disent ça sont ceux qui décident des conditions dans lesquelles on va travailler. Quand on dit d'un prof qu'on va l'inscrire de force dans une logique de formation continue, malgré les plans de perfectionnement qui sont négociés en vertu de la loi sur la négociation dans le régime public, parapublic, qui sont négociés, quel message on leur envoie? Bien, c'est que tu n'es pas bien formé, tu n'as pas compris.

C'est ça qui est... C'est à ça que le ministre devrait s'attaquer, pas à venir, dans son projet de loi, placer les fondations d'un ordre professionnel. Et j'avais même souligné puis salué la décision du ministre, alors qu'il était porte-parole de l'opposition, de la deuxième opposition, si ma mémoire est bonne... de l'opposition, en éducation, deuxième opposition en éducation, quand il avait dit : Écoutez, sur la question de l'ordre professionnel, on ne l'imposera pas, on a compris que les profs n'en voulaient pas. Je lis le projet de loi, puis j'ai la prétention de savoir lire un projet de loi, je suis capable de comparer la loi actuelle avec ce qui est prévu dans le... 312 articles, je suis capable de faire ça, puis je vois que l'ordre professionnel est là, mais il ne dit pas son nom.

La Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Puis quelque chose, aussi, qui ne dit pas son nom, c'est l'article 34, paragraphe 2°, le gonflage de notes. On parle de majoration. Donc, majorer, c'est toujours à la hausse. Après consultation, je vous invite à la décision arbitrale où est-ce qu'il y a eu, justement, un directeur d'école qui a majoré à la hausse, suite à des pressions de parents qui disaient à l'enseignant : Oui, mais t'as été sévère, t'as été bien trop sévère. L'enseignant s'est remis en question, est parti en congé de maladie. Mais, rapidement, 80 enseignants sur 111 se sont concertés pour dire : Une seconde, là, c'est notre autonomie professionnelle qui est mise en cause.

Dans cette décision arbitrale, c'est neuf jours d'auditions où est-ce que plusieurs autres enseignants sont venus témoigner pour dire les choses suivantes, puis je pense que c'est excessivement important de les mentionner, alors je cite : «Certains craignaient, si les notes de leurs élèves étaient trop basses, de subir le même sort que celui de M. Routhier. Le sentiment général était que — la chose suivante — l'on a gagné sur le prof.» Ça, c'est les étudiants qui disaient ça aux professeurs, aux enseignants. «Ceux-ci étaient fâchés et se sentaient désavoués par la façon dont les choses s'étaient passées et avaient peur de ne pas avoir le soutien de la direction si un même événement se produisait pour eux.»

Donc, il y avait aussi une crainte, là, qui était rendue à l'ensemble de l'établissement. Les enseignants qui disent : O.K., là, maintenant, quand on a des parents qui ne sont pas contents, ils vont frapper, là, davantage plus fort sur la porte du directeur d'école, qui, lui, va venir consulter puis dire... Parce que consulter, ça ne veut pas dire écouter, là, on sait, là : p.l. n° 3, p.l. n° 5 et p.l. n° 12. Alors, consulter, là, est-ce que, pour vous... Là, je vais être claire ici, clairement, on vient légaliser une situation qui a été jugée illégale, dans cette décision arbitrale, et on veut mettre fin à ce courant de jurisprudence de façon intentionnelle.

Et, Mme la Présidente, pour être sûre que le ministre le lise, je dépose copie. Et je me suis permise de surligner les passages pertinents, parce que je sais que c'est quand même 26 pages.

Document déposé

La Présidente (Mme Thériault) : Il y a consentement pour le dépôt de document? Consentement. Merci. Donc, vous avez un peu moins de deux minutes pour répondre à la question de la députée de Saint-Laurent.

• (18 heures) •

Mme Morel (Nathalie) : Alors, pour nous, ce que le ministre propose sur les pouvoirs des directions d'établissement, quant à la majoration des notes, c'est exactement ce que vous venez de décrire, là. Je l'avais dit, tout à l'heure, c'est de rendre légal quelque chose qui ne l'est pas. Ce qu'il faut aussi savoir, c'est que le reste du texte, hein, de cet article 34 là dit que la direction pourrait faire ça «après consultation de l'enseignant [...] s'il existe des motifs raisonnables liés à son cheminement scolaire». Et d'autres questions se sont posées : C'est quoi... quelles... qui va juger de la raisonnabilité? Qu'est-ce qu'un motif raisonnable? Est-ce que ça va être la direction qui va en juger elle-même? C'est un petit peu, je vous dirais, une espèce de cercle vicieux.

L'exemple qu'on a relaté, nous, en en parlant avec les enseignantes et les enseignants, qu'on a souvent dénoncé au ministère de l'Éducation, au ministre, à son équipe, ce que font présentement les directions d'établissement et les commissions scolaires de l'article 222 de la LIP... Pour ceux qui ne connaissent pas l'article 222, c'est celui qui permet, pour des raisons humanitaires ou pour éviter un préjudice grave, d'exempter un élève de l'application d'une disposition du régime pédagogique. Présentement, c'est utilisé ad nauseam au deuxième cycle du secondaire, qui est supposé être une promotion par matière, pour dire : Ah! même si l'élève n'a pas réussi en français ou en mathématiques, on le fait passer en évoquant l'article 222. Parce que, là, on dit : Bien, là, s'il ne passe pas au niveau suivant, ça va atteindre son estime de lui-même. C'est ça qu'on dit comme motif pour permettre l'utilisation de l'article 222, et on a consulté le ministère à plusieurs reprises, et c'est ce que les gens du ministère nous disent qu'il est acceptable de faire. Alors, là aussi, ça n'a pas de sens. C'est quoi, ça, des motifs raisonnables liés à son cheminement scolaire? Quand le prof a mis une note, on ne fait pas ça sur le coin de la table, là, mettre une note, c'est un processus. D'ailleurs, la politique d'évaluation des apprentissages du ministère dit que le socle sur lequel repose l'évaluation des apprentissages, c'est le jugement professionnel de l'enseignante et de l'enseignant.

La Présidente (Mme Thériault) : Cela met fin à l'échange avec la députée de Saint-Laurent. Donc, je vais aller du côté de la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. On sent toute la colère que vous avez face au processus et au contenu de ce projet de loi là. Vous avez dit que vous vous sentez insultés, entre autres, parce que, bon, il y a des choses qui sont cachées dans ce projet de loi là, qui n'étaient pas annoncées. Je dois dire que je vous comprends de vous méfier du concept de consultation pour le changement de note, dans la mesure où vous avez vu ce qu'il s'est passé après que le ministre vous ait consultés en septembre, puis, finalement, il est allé de l'avant quand même. Depuis plus d'un an, le ministre nous dit que l'objectif de cette réforme-là, c'est de redonner du pouvoir aux gens qui connaissent les élèves par leurs noms. Je pense qu'on peut s'entendre collectivement que les personnes qui connaissent le plus les élèves par leurs noms, c'est les enseignants et les enseignantes. Quel nouveau pouvoir vous avez, avec ce projet de loi là, en avez-vous trouvé?

M. Mallette (Sylvain) : Bien, d'abord, pour vous dire, par rapport à la colère, hein, nos profs qui sont tellement en colère qu'ils nous ont confié le mandat... puis c'est toujours par transparence aussi qu'on le dit, par souci de transparence, les profs sont tellement en colère que, si le projet de loi n° 40 n'est pas retiré, on a le mandat d'envisager des moyens d'action lourds. Ça veut tout dire, hein? Il y a une colère, là, qui gronde, et le ministre a, je pense, l'intelligence pour l'entendre. Maintenant, nous n'acquerrons aucun nouveau pouvoir. Nous en perdons, même. On en a fait la démonstration sur la question de l'évaluation, le peu de pouvoir qu'on a, on nous l'enlève pour le donner... moi, j'ai utilisé cette image-là, hein, on nous livre pieds et poings liés aux directions d'école puis aux gestionnaires de commissions scolaires. Donc, il est faux de prétendre, comme le font certaines personnes, que nous obtenons plus de pouvoir, c'est faux.

La Présidente (Mme Thériault) : Il vous reste à peu près une minute, Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Bien, écoutez, je pense qu'on a entendu votre besoin, vous avez nommé que vous avez besoin de classes plus équilibrées, de classes moins nombreuses, de plus de ressources humaines. J'espère que le ministre a entendu ça, j'espère qu'il entend aussi votre appel à reculer puis à discuter, je pense que vous avez fait la démonstration que c'est assez grave, ce qu'il y a dans ce projet de loi là, puis je vous remercie.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci. M. Mallette, 30 secondes, mot de la fin.

M. Mallette (Sylvain) : Bien, écoutez, nous, on est disposés à discuter, puis, en plus, l'école publique, elle appartient... puis, c'est quand même extraordinaire, hein, on modifie de fond en comble le projet... la Loi sur l'instruction publique, c'est fondateur du Québec, l'école publique, c'est ce qui a permis au Québec de se sortir de l'état de sous-scolarisation dans lequel il se trouvait, puis on fait ça vite, on fait ça sur invitation, alors que l'école publique, elle appartient à l'ensemble de la population, pas juste à des groupes qu'on invite ou des groupes qui réussissent à se faire inviter parce qu'ils font des conférences de presse pour dénoncer le fait qu'ils ont été exclus. On parle de l'école publique, qui a permis au Québec de se développer puis d'occuper la place qu'il occupe actuellement dans le monde. Il y a quelque chose là d'incompréhensible.

La Présidente (Mme Thériault) : Merci, M. Mallette. Et le dernier bloc d'échange est avec la députée de Joliette, toujours pour un 2 min 40 s.

Mme Hivon : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, j'aurais deux questions, une grande parce qu'on sait que vous êtes de grands défenseurs de l'école publique québécoise, donc on a entendu d'autres groupes s'inquiéter grandement du fait qu'on allait accroître les inégalités, diminuer la mixité sociale. J'aimerais vous entendre plus spécifiquement là-dessus.

Puis, deuxième question plus spécifique sur les notes, j'ai été très surprise, moi aussi, quand j'ai vu ça, parce que, dans l'opposition, le ministre s'était fait un grand adversaire du tripotage des notes, comme il disait. J'ai toutes sortes de citations sous les yeux, là : «La note de passage, c'est 60 %, ce n'est pas 58 %. On n'a pas à changer ça.» Il a dit tout à l'heure qu'en ce moment c'était déjà permis et possible pour les directions d'école de le faire. Alors, je voulais savoir quelle est votre réaction par rapport à ça. Est-ce qu'effectivement, en ce moment, c'est tout à fait légal que quelqu'un change la note donnée par un enseignant?

La Présidente (Mme Thériault) : Et, Mme Morel, je vous vois prendre des notes, vous avez 1 min 40 s.

Mme Morel (Nathalie) : ...c'est faux. Écoutez, que quelqu'un nous produise les textes où c'est permis qu'une direction change les notes. Quand les directions... puis elles ont prétendu ça quand on est sortis sur le tripotage de notes, les trois associations de direction sont sorties avec le même discours : Oui, mais c'est nous qui approuvons les normes et modalités. Encore une fois, malhonnête, ce n'est pas la même chose. Des normes et modalités, c'est, collectivement, dans une école, certaines balises qu'on se donne. Évaluer les apprentissages, c'est autre chose. Alors, non, ce n'est pas permis présentement, c'est stipulé, d'ailleurs, par les tribunaux. Alors, ce n'est pas permis, donc c'est grave si on prétend ça.

Deuxièmement, sur la question des inégalités, il est vrai qu'on a mis beaucoup d'emphase sur les enjeux qui... on représente des enseignantes et des enseignants, mais, pour nous, le premier article du projet de loi n'est pas anodin. Quand on vient biffer «la commission scolaire [auquel ils appartiennent]», là, je n'ai pas le texte devant moi, quand on vient biffer ça, donc on vient donner la possibilité, c'est de briser l'école commune, c'est briser l'école de quartier. C'est dire aux parents : Vous pouvez donc magasiner. Quand on parle de clientélisme, on est là-dedans. On dit : Parmi les écoles «de la commission scolaire dont il relève», on vient enlever ça, donc, qu'est-ce qu'il va se passer? Qu'est-ce qui se passe dans les PPP? Qu'est-ce qui se passe avec l'école privée? Ça va être la même affaire.

Les parents sont tous à la recherche de l'école qui, dans le palmarès, réussit le mieux parce qu'on veut le meilleur pour nos enfants. Ça fait que le libre choix va être encore le libre choix des mieux nantis, des parents qui parlent français, des parents qui sont plus favorisés. La représentation des parents dans les C.E., dans les C.A., qu'est-ce qu'il se passe dans la vraie vie? C'est des parents qui sont disponibles, qui sont un peu plus favorisés parce qu'ils n'ont pas un autre boulot, qui ne vont pas travailler le soir, qui ne sont pas monoparentaux. Alors, c'est tout ce contexte-là qu'on a vu dans le p.l. n° 12, qu'on revoit dans le p.l. n° 40, où, encore une fois, c'est les mieux nantis qui ont voix au chapitre, c'est les mieux nantis qui sont capables de comprendre tout ça et qui vont probablement magasiner l'école où il y a le plus de meilleurs... de bons élèves, où les taux de réussite, hein, le plan d'engagement vers la réussite, les statistiques sont les plus belles.

La Présidente (Mme Thériault) : Et je dois mettre fin. Nous n'avons plus de temps. Donc, M. Mallette, Mme Morel, M. Cloutier, merci d'avoir été avec nous. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux.

Et la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, 10 heures, où elle poursuivra son mandat. Merci, bonne soirée.

(Fin de la séance à 18 h 08)

Document(s) related to the sitting