(Dix heures trois minutes)
La
Présidente (Mme de Santis) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission de la culture et de
l'éducation ouverte. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie
de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 151, Loi visant à prévenir et à combattre les violences
à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Vallières (Richmond) remplace M. Auger (Champlain) et
Mme Fournier (Marie-Victorin) remplace M. Kotto (Bourget).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Cet avant-midi, nous entendrons l'organisme Québec contre les violences sexuelles et le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les
agressions à caractère sexuel.
Je souhaite
la bienvenue à Québec contre les violences sexuelles. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé puis nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. D'abord, merci beaucoup de
vous présenter. Vous allez maintenant vous présenter, ainsi que les
personnes... ou la personne qui vous accompagne, et ensuite vous procédez immédiatement
à votre exposé. Merci.
Québec contre les violences
sexuelles
Mme Litalien (Ariane) : Mme la
Présidente, merci de nous accueillir et d'accepter de nous entendre. Chers membres de la commission, permettez-moi de me
présenter, je m'appelle Ariane Litalien et je suis accompagnée de ma
collègue Mélanie Lemay. Nous sommes cofondatrices du mouvement Québec contre
les violences sexuelles. Ce mouvement non
partisan, fondé en octobre 2016, vise à amplifier la voix de personnes
survivantes afin de lutter contre la culture
du viol et contre les violences sexuelles dans toutes les sphères de notre
société. Oui, j'ai bien dit «amplifier la voix des survivantes» et non pas «des victimes», car, si nous avons
toutes deux vécu de la violence sexuelle en milieu postsecondaire, nous
ne nous considérons pas comme des victimes, mais bien comme des battantes.
C'est avec
émotion que nous témoignons aujourd'hui devant vous, puisque nous revendiquons
depuis plus d'un an la venue de ce projet de loi. Toutes nos remarques d'aujourd'hui
seront motivées par le plus profond espoir que toute personne membre d'une communauté
collégiale ou universitaire n'ait pas à revivre l'enfer que nous avons vécu. Si
des personnes survivantes de violence
sexuelle nous écoutent aujourd'hui, j'espère que nous serons en mesure de
faire honneur à votre force et à votre courage.
Nous débuterons d'abord par des points qui n'ont
peu ou pas été soulevés jusqu'à présent en consultations particulières mais que nous jugeons
particulièrement pertinents. Dans plusieurs cas, ces recommandations
permettraient au Québec de devenir un chef
de file en matière de lutte aux violences sexuelles sur les campus, et ce, en
Amérique du Nord.
Premièrement,
nous recommandons que le projet de loi spécifie que chaque politique
institutionnelle s'applique au milieu
scolaire dans son contexte élargi, c'est-à-dire qu'elle s'applique tant à des
événements ayant eu lieu sur le campus qu'à des actions posées hors
campus, dans le contexte où les parties concernées sont toutes deux membres
d'une communauté d'enseignement. Cette
précision est essentielle, considérant qu'une proportion des actes de violence
sexuelle commis en enseignement supérieur au
Québec ne se produisent pas nécessairement sur les campus, mais bien en
marge de ceux-ci, et que l'arme du crime est
la confiance. Il y a un précédent solide à une telle loi, puisqu'aux États-Unis
toute politique universitaire en matière de violence sexuelle s'applique
également hors des limites du campus. Nous recommandons
également que le projet de loi spécifie que toute politique institutionnelle
doit s'appliquer à l'ensemble des personnes travaillant et étudiant au
sein d'une communauté d'enseignement. En effet, environ 30 % des répondants à l'ESSIMU ayant rapporté de la
violence sexuelle étaient des employés, des cadres ou des enseignants.
Par ailleurs, environ 50 % des
répondants à la même enquête ayant rapporté de la violence sexuelle disaient
avoir été victimisés par des employés, des cadres ou des enseignants. Il
apparaît donc nécessaire de légiférer pour que l'ensemble des communautés
d'enseignement, et non pas seulement les étudiants, soient visées par toute
politique pour contrer la violence sexuelle.
Deuxièmement,
nous tenons à mettre en garde la commission contre l'adoption d'un projet de
loi qui laisserait trop de place à
l'interprétation, même si cela est effectué dans un souci de flexibilité et
d'adaptation aux contextes locaux. Nous pensons à la loi 132, qui
est l'homologue ontarien du projet de loi n° 151. Nous avons entendu
plusieurs survivantes ontariennes qui nous ont ouvert les
yeux sur leur réalité. Le langage trop vague de la loi 132 en Ontario fait
en sorte qu'il y a peu d'uniformité entre
chaque campus et que les politiques institutionnelles qui découlent de la loi
ne sont tenues de respecter que très peu de standards. Même si la loi
ontarienne est bien intentionnée, elle n'a pas fait une grande différence sur le terrain. Par exemple, aucun
délai pour le traitement des plaintes n'est prescrit par la loi 132. Une
survivante sur un campus ontarien a donc dû attendre plus de 600 jours
pour que le processus disciplinaire mettant en cause son agresseur arrive à sa
conclusion.
Mme Lemay
(Mélanie) : Ainsi, nous
voulons placer les personnes survivantes au coeur du présent processus
législatif. Il est de notre devoir de s'assurer que le cas de l'Ontario ne se
reproduise pas au Québec.
Nous
considérons donc essentiel que la politique de chaque institution
d'enseignement visée par le projet de loi réponde à un seuil minimal d'exigences prescrites par le gouvernement.
Par exemple, toute politique devrait reconnaître l'intersectionnalité, la non-directivité, le consentement libre et
éclairé, l'approche centrée sur les personnes survivantes ainsi que le fait que les minorités sexuelles et de
genre, les minorités visibles, les communautés autochtones et les
étudiants en situation de handicap sont statistiquement plus à risque de vivre
des violences sexuelles.
De plus, toute politique devrait contenir un
délai précis de traitement de plaintes, une liste des options et des
accommodements qui doivent obligatoirement être offerts à une personne
survivante ainsi qu'une liste des sanctions possibles
lorsqu'une personne mise en cause est tenue responsable de violence sexuelle.
Par ailleurs, toute politique devrait interdire les représailles envers
les personnes survivantes qui considèrent ou décident de porter plainte auprès
d'une institution d'enseignement. Une liste
plus détaillée des différents éléments que devrait contenir une politique est
disponible sous la rubrique Recommandation 2.3 de notre mémoire.
Troisièmement, il est crucial de reconnaître que
les personnes survivantes de violence sexuelle sont souvent revictimisées par leurs institutions lorsque
celles-ci n'adoptent pas des attitudes aidantes suite à un dévoilement. Il
arrive que les institutions réduisent carrément les personnes survivantes au
silence et les laissent sans recours. Dans un souci de redonner une voix aux
survivantes, nous estimons essentiel de s'inspirer du modèle américain afin de
permettre aux personnes ayant été
revictimisées par des manquements institutionnels à la loi de porter plainte
auprès du gouvernement. Nous
recommandons donc la création d'un bureau provincial qui serait responsable de
recueillir ces plaintes pour que des manquements
à la loi, particulièrement ceux qui ont un impact sur le bien-être ou
l'intégrité d'une personne survivante, soient
rapidement corrigés. Nous ne pouvons nous permettre d'attendre les processus de
reddition de comptes annuels décrits
dans le présent projet de loi pour agir. Par ailleurs, ce processus
encouragerait les personnes survivantes à dévoiler... puisqu'il
augmenterait la crédibilité de leurs institutions.
Quatrièmement, il faut savoir que la majorité
des cas de violence sexuelle répertoriés dans le cadre de l'étude ESSIMU se sont produits lors de fêtes, de 5 à 7 ou
toute autre activité sociale. Par ailleurs, l'alcool est en cause de
trois cas sur quatre d'agression sexuelle et tentative d'agression. C'est la
substance de soumission la plus présente dans les échantillons prélevés sur les
victimes, et c'est pourquoi une attention particulière doit être portée sur la
situation des agressions par intoxication.
En effet, peu savent que c'est une drogue de soumission, et c'est pourquoi on
recommande que toute activité sociale avec
alcool organisée par les membres d'une communauté d'enseignement, tant sur le
campus que hors campus, affiche clairement de la sensibilisation face à
cette situation.
Pour donner
un exemple : à l'Université de Sherbrooke, le slogan Alcool ≠
Consentement a circulé lors du plus grand 5 à 11 de l'année, soit le Défi Têtes rasées, ainsi que le plus
gros party universitaire du Canada, soit l'Oktoberfest. Comme résultat, ce slogan a, notamment, contribué
au dévoilement d'une plainte qui a abouti à la condamnation d'un
étudiant au criminel. À ce sujet, pour s'exprimer sur son expérience de
dénonciation, la survivante mentionne qu'il semble
facile de dépasser les limites sans penser aux conséquences. Les campagnes de
sensibilisation sur le consentement en lien avec l'alcool, notamment,
qui ont été tenues avaient toutes leur raison d'être.
En terminant,
permettez-nous de mentionner que nous sommes entièrement en faveur d'une
interdiction complète des relations
entre étudiants et personnes ayant une influence directe sur leurs parcours
académiques. Nous considérons que le consentement de la personne et de
l'étudiant ne peut pas être ni libre ni éclairé dans de tels cas.
Nous vous remercions de nous avoir écoutées et
sommes dorénavant prêtes à répondre à vos questions.
• (10 h 10) •
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, Mme Lemay,
Mme Litalien. Nous allons maintenant débuter la période d'échange.
Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme David : Oui. Merci. Merci
beaucoup. Merci de votre présentation.
Merci d'être
ici et merci, depuis un an, pour tout ce que vous faites, parce que je sais que
vous avez travaillé très, très fort.
On s'est vus à de nombreuses reprises, je pense qu'on ne pensait pas qu'on se
verrait autant. Et c'est une bonne nouvelle qu'on se voie autant, ça
veut dire qu'on travaille. Alors, quand vous dites qu'on attend depuis plus
d'un an, j'oserais humblement vous dire que
vous attendez depuis moins d'un an ce projet de loi, parce qu'en 10 mois
on a fait, je pense, un travail
colossal, et vous, et nous, et tout le monde, pour faire avancer ce dossier,
j'oserais dire, dans un temps assez
record. Maintenant, on arrive presque à la consécration d'un outil extrêmement
structurant qui s'appelle une loi. Et donc, vous vous souvenez, au
début, on hésitait : Une politique, une loi; est-ce que c'est mieux, une?
Est-ce que c'est mieux, l'autre? On y est
arrivés. Puis, devant l'ampleur, je pense, de ce qu'on a vu, toutes et tous
ensemble, on s'est dit assez
rapidement, je pense, qu'on va aller vers une loi, et je ne le regrette pas une
seconde. Alors, merci d'être ici, d'avoir pris le temps... Vous me le rappeliez, et je tiens à le redire
publiquement, vous n'êtes pas un OBNL avec un financement, quelqu'un pour écrire le mémoire, vous l'avez fait
vous-mêmes. Vous consacrez énormément de temps à ça, donc je vous
remercie encore plus de toute l'énergie que vous investissez dans ce
dossier-là.
Alors,
je ne les reprendrai pas un par un. Vous avez mentionné plusieurs choses avec
lesquelles je suis d'accord, qui vont
nous aider dans notre réflexion. Je voudrais juste vous rassurer sur un certain
nombre de choses puis vous poser un certain
nombre de questions pour alimenter la réflexion. Je voudrais vous rassurer.
Dans votre recommandation 2.1, quand vous dites : On veut que
ça s'applique au milieu scolaire dans son contexte élargi, c'est très, très
clair que ce qu'on appelle, nous, le
contexte élargi, ça veut dire «dans les milieux collégiaux, universitaires,
beaucoup, beaucoup le hors campus».
Le hors campus est assujetti à la loi, étant donné que, quand on dit «les
activités organisées», «organisées», ça veut dire «par l'établissement,
par un membre de son personnel, par un dirigeant, par une association étudiante
qui seront assujettis aux règles édictées dans la politique».
Certains nous
ont fait remarquer, la semaine dernière — et je pense que vous serez d'accord, puis ça
va dans le sens de votre réflexion,
peut-être Mélanie encore plus — la question des équipes sportives, parce que,
quand on parle d'associations étudiantes, on ne pense pas à l'importance
que revêt, dans la plupart des universités maintenant, le caractère sportif. Et
on ne va pas être contre ça, mais il y a beaucoup d'activités liées à ça, il y
a beaucoup de socialisation, je pourrais
dire. Et on nous a dit : N'oubliez pas cette partie-là, qui n'est pas une
association en bonne et due forme,
et, croyez-moi, j'en ai pris une très, très bonne note. Et je rappelle donc à
ceux qui m'accompagnent d'en prendre aussi très bonne note parce que
c'est une suggestion très, très importante.
Quand vous parlez, à la recommandation 2.2,
une autre chose qui est déjà inhérente au projet de loi, que les personnes
visées par la politique... «s'applique à toute personne étudiant ou travaillant
sur le campus, y compris les sous-traitants», c'est inhérent au projet de loi
aussi. Alors, je voulais quand même un peu vous rassurer là-dessus. Maintenant, quand vous dites... et là j'aurai
peut-être quelques questions... non, pas quelques questions, des
commentaires positifs, que le projet de loi
dicte des standards spécifiques, là, sur la politique — votre mémoire, à la page 11 — je pense que vous parlez de choses dont d'autres ont traité avant vous, dont
l'Union étudiante ou d'autres groupes, c'est-à-dire qu'il y ait un
traitement de plaintes qui soit dans un délai raisonnable. Vous parlez de
45 jours pour l'enquête disciplinaire,
que ça ne devrait pas... Vous reprenez, dans le fond, probablement, les mêmes
paramètres que d'autres. Ça nous fait réfléchir dans le bon sens, je
vous dirais, de peut-être intégrer ça. C'est à ça que sert une commission parlementaire et rencontrer les gens qui
travaillent sur le terrain ou qui ont été eux-mêmes aux prises avec ces
questions-là. Alors, on réfléchit et on a
bien entendu cette question du délai, avec laquelle je dois dire que je suis
pas mal en accord. On va en parler plus tard avec une autre organisation
qui va venir nous parler d'une meilleure information.
Quand on
dit : Ce projet de loi porte beaucoup, beaucoup sur la formation,
l'information des étudiants, mais on nous demande d'aller encore plus
loin... Vous le faites vous-même. Vous voulez que les gens puissent comprendre
les différentes possibilités qui s'offrent à elles et à eux et de connaître un
peu plus la procédure, qu'est-ce qui est une plainte,
qu'est-ce qui n'est pas une plainte, qu'est-ce qui est un signalement, un
dévoilement, connaître l'existence même de la Commission des droits de la personne, des CALACS, de l'IVAC, de la
police, etc. Je suis d'accord avec ça. Je pense que nous aurions pu et nous pourrions peut-être faire
oeuvre d'encore plus de pédagogie et d'information à l'intérieur même du
projet de loi. Je ne doute pas que les
institutions le feraient elles-mêmes, mais pourquoi ne pas bonifier si on peut
bonifier?
Les types
d'accommodement obligatoirement offerts à la personne survivante, bon, tout ça,
je pense que ce sont des choses qui
sont assez bien décrites. Vous allez beaucoup plus loin. Je ne sais pas si on
ira aussi loin que ça. Ça va être très délicat.
Toute la question des sanctions adéquates qui doivent être prises, c'est une
question qui revêt, je dirais, 1000 facettes, parce qu'il peut y avoir 1000 cas différents.
Alors, c'est évident que tous les processus, tous les comités de règlement
et de discipline dans les universités — ils en ont à peu près tous — ont eux-mêmes déjà des référents en matière
de sanctions et de conséquences aux
gestes qui sont posés, tant d'ailleurs du côté des étudiants que des
professeurs. Alors, je ne sais pas jusqu'où on pourra aller dans la
prescription de ça, mais je trouve intéressant, en tout cas, que vous en
parliez.
Il y a la
question... et vraiment, là, les juristes vont certainement nous aider
là-dedans, je veux vous entendre un peu plus, parce que, celle-là, je ne
suis pas sûre de vous suivre et je ne suis pas sûre que les universités
pourraient vous suivre en la matière, ou les collèges, la question de la
non-proscription de temps pour un diplômé qui, par exemple, 20 ans après, veut dévoiler quelque chose à
l'université vis-à-vis un étudiant, par exemple, qui... où il s'est passé
quelque chose. J'ai l'impression que, s'il
veut être accompagné — et c'est le cas à peu près de toute la mission des
CALACS — ils
vont dans des centres d'aide aux victimes d'actes
criminels ou aux centres d'aide aux victimes d'agression à caractère
sexuel. Alors, vous voudriez quand même que les universités offrent des
services d'accompagnement, etc.
Ça, je voudrais vous entendre là-dessus ainsi
que, pour faire un deux dans un parce que c'est la même recommandation, à 2.4, toute la question du processus d'enquête
disciplinaire, où vous voudriez qu'on dicte les quatre, cinq, six éléments sur quoi ne pas faire, par
exemple, ne pas forcer une personne survivante à confronter son
agresseur par la médiation — bon, j'imagine que, dans les meilleures
pratiques, effectivement, on ne force pas, mais, je pense, vous préféreriez qu'on le nomme — permettre à un membre du comité de
questionner une personne survivante au sujet de ses antécédents sexuels — je ne suis pas juriste, mais je pense que
c'est balisé par les façons de faire, mais je voudrais vous entendre là-dessus, pourquoi vous jugez bon de
dire : Écrivez-le dans le projet de loi — forcerait une personne survivante à renoncer à des démarches judiciaires — même argument, est-ce que vraiment les gens
pourraient faire ça? — serait annulé ou
suspendu en cas de démarches judiciaires, bon, la démarche disciplinaire.
Enfin, vous rentrez dans le très juridique et disciplinaire des choses, alors je voudrais vous entendre, puis après
vous allez vers le bâillonnement puis les menaces de représailles.
Alors,
essayez d'en dire un petit peu plus pour nous éclairer, parce que vous êtes les
seuls, à date, qui vous penchez sur ces questions-là.
• (10 h 20) •
Mme Litalien
(Ariane) : D'accord. Donc, au sujet des sanctions adéquates, c'est
bien simple, s'il n'y a pas de sanction adéquate ou il n'y a pas une
perception que les sanctions sont présentes, il n'y aura pas de plainte. Les
gens ne voudront pas
passer au travers d'un processus, typiquement, qui est souvent excessivement
exigeant pour finalement ne pas avoir la certitude que justice va être
faite.
Au niveau de la prescription du délai fixé,
c'est sûr que, bon, dans un cas extrême, une personne qui a gradué il y a 20 ans pourrait, par exemple, accuser
un professeur qui est encore membre de la même communauté universitaire.
Je ne pense pas que ça soit des situations
très fréquentes. Nous, dans le fond, ce qu'on voudrait, c'est, même si
quelqu'un a... Le but de cette recommandation, c'est que, si quelqu'un a, par
exemple, quitté ses études, par exemple, en raison des violences sexuelles dont
il ou elle a été victime, il puisse quand même avoir des recours à l'interne
pour que ce professeur-là soit
potentiellement discipliné. Donc, c'est plus dans cette optique-là. Tu sais, de
dire : Un maximum d'un an après les faits pour porter plainte, ça
n'aura pas d'effet productif sur la quantité de dévoilements et de plaintes
reçus.
Maintenant,
par rapport au fait qu'on a certaines choses qu'on voudrait interdire dans des
politiques, j'apprécie votre foi en
la bonne foi des institutions, cependant c'est des choses qu'on a vues
ailleurs, malheureusement. On les a vues en Ontario, on les a vues aux États-Unis. Les délais en termes de durée
des processus d'enquête sont très, très longs. Et il y a eu un mouvement, à un moment donné, aux
États-Unis où la médiation était excessivement prônée. Donc, ce n'est
pas quelque chose qu'on veut... tu sais, ce
n'est pas une situation de harcèlement psychologique où les personnes
peuvent s'asseoir, peut-être discuter des
choses qui se sont passées, tu sais, c'est un cas de violence sexuelle, la
personne a été excessivement
traumatisée. Et, si on peut prévenir, en écrivant ça dans le projet de loi,
qu'une personne ait à confronter son agresseur, ne serait-ce qu'une
seule, je pense que ça vaut la peine d'être écrit.
Mme Lemay (Mélanie) : De mon
côté, pour ajouter un peu de complément, en fait, c'est qu'en lien avec ce que
tu viens de mentionner, avec les agresseurs, le risque aussi, c'est de nier en
bloc, parce que ça demande quand même un processus.
Tu sais, on peut penser à la justice réparatrice,
il faut que des deux côtés les parties aient pu faire un bout de chemin pour
être en mesure d'évaluer vraiment l'impact non seulement des conséquences qui
sont arrivées suite à ce geste. Donc, le
processus de guérison est long, il est complexe, et c'est un autre élément
aussi sur la raison pour laquelle on considère
qu'un délai d'un an, ce n'est pas suffisant, parce que d'être non seulement en
mesure de mettre des mots sur un traumatisme,
ça peut être très difficile... et, après ça, d'être en mesure de comprendre la
complexité dans laquelle c'est venu
s'immiscer comme conséquence dans l'ensemble des sphères de la vie, ça aussi,
c'est important. Parce qu'on peut penser
au fait que, dans les avancements ou les opportunités de carrière, ça peut arriver
qu'une victime se soit elle-même empêchée
d'aller à un certain niveau parce qu'elle considérait qu'elle risquait de se
mettre à risque. Donc, ça, c'est un autre élément aussi du pourquoi
c'est important de pouvoir offrir la capacité de dénoncer, même si c'est arrivé
dans un délai supérieur à un an.
Ensuite, il faut comprendre que, parfois, non
seulement le code permanent permet de faire en sorte qu'on peut voir les personnes qui ont fait du plagiat,
mais, nous, notre questionnement, c'est de se dire aussi : Mais
pourquoi qu'on n'aurait pas la capacité de
mentionner que cette personne-là a déjà commis par le passé certains gestes qui
ont été considérés comme étant de la violence sexuelle? La raison étant
que, selon une étude du Hunting Ground, c'est 4 % à 8 % des hommes qui commettent 90 % des
agressions sexuelles. Donc, si on a la capacité de cibler quelqu'un, dans
une communauté universitaire, qui est
problématique, le but, ce n'est pas de faire une chasse aux sorcières, c'est
vraiment plus de veiller à ce que cette
personne-là ait un accompagnement adéquat pour qu'elle puisse prendre
conscience d'en quoi son comportement est problématique.
Donc, c'est
surtout dans une capacité aussi de prévenir d'éventuelles victimes que c'est
important aussi d'enlever le stigma
qu'on peut avoir sur l'identité des agresseurs, parce que, tant et aussi
longtemps qu'on va avoir des biais, on ne pourra pas nécessairement réfléchir de manière éclairée à comment
permettre qu'il y ait des ajustements
nécessaires dans la mise en place de cette politique...
de cette loi, je veux dire.
Mme David : Donc là, à
ce moment-là, vous parlez de la
partie bâillonnement, là, c'est là où vous référez quand vous dites que la personne survivante devrait
pouvoir «divulguer des informations sur leur agression à quiconque une
fois le processus de plainte entamé ou
terminé», autrement dit, de divulguer, ou bien vous faites référence... parce que,
pour le plagiat, c'est inscrit, disons, au dossier de l'étudiant, c'est un
geste administratif qui est posé, tout comme il y a plein d'autres choses dans le dossier étudiant, s'il y a
un échec à un cours, etc. Je ne sais pas comment les universités
vont gérer ça, ou les collèges, mais,
j'imagine, s'il y a eu une sanction x ou y, ça fait partie du dossier
étudiant. Je ne peux pas vous répondre s'ils le mettent obligatoirement,
mais, quand un étudiant est passé en comité disciplinaire, d'habitude, ça suit
l'étudiant. Ça ne veut pas dire que c'est public, ça ne veut pas dire qu'on met
des pancartes pour le dire dans le département ou dans le programme, mais ça
veut dire que l'administration le sait.
Alors, je ne
suis pas sûre si je comprends que vous faites référence à la question du
bâillonnement ou si vous faites référence à la question du dossier
académique, où il faudrait que ce soit inscrit.
Mme Lemay (Mélanie) : C'est sûr
que, pour nous, c'est essentiel que, de manière claire, il y ait un élément qui
permet aux institutions postsecondaires de savoir quel étudiant a pu, quand il
était au cégep ou dans une autre institution, commettre certains gestes qui...
aujourd'hui, si ça arrive à nouveau, puis il subit un autre processus de plainte, bien, qu'il puisse y avoir un référant
qui permet d'identifier qu'effectivement il a à réviser la façon dont lui-même
se comporte dans l'institution avec les étudiants. Donc, je pense que, Ariane,
tu peux clarifier.
Mme Litalien
(Ariane) : Bien, tout à fait d'accord. Donc, dans
le fond, Mélanie ne parlait pas du
bâillonnement, mais bien des mentions au
dossier académique. Pour en parler, du bâillonnement, par contre,
le but n'est pas nécessairement, comme Mélanie disait, de faire une chasse aux
sorcières puis de dire aux personnes survivantes qu'elles peuvent sortir
partout et crier le nom de leurs agresseurs
partout, tu sais, puis peut-être potentiellement de s'exposer à des poursuites.
Si c'est ça qu'elles veulent faire, nous, on est toujours du côté des personnes
survivantes, mais le but, c'est plutôt de redonner
un sentiment de contrôle sur la situation aux personnes survivantes.
C'est-à-dire que, si elles se font dire par leurs universités : Bien, tu peux seulement porter
plainte si tu acceptes de ne pas en parler à personne, à tes amis, à tes
parents, à un chargé de cours, ou peu importe, ça devient une situation de
perte de pouvoir et de revictimisation.
Mme Lemay (Mélanie) : Et, pour faire du pouce là-dessus,
moi, ce que j'ajouterais aussi, c'est qu'il
n'y a rien de négatif au fait de souligner que ces personnes-là aient
passé à travers un processus de plainte, dans le sens où, de la même
façon que le plagiat, c'est une mention qui est déjà présente. Mais, en fait,
le problème, c'est de dissocier, en fait, le stigma social qui n'appartient pas à ce que nous,
on veut amener. Nous, ce qu'on souhaite, c'est simplement de veiller à
ce que cette situation-là soit reconnue puis que, si jamais il y a d'autres
actions qui sont posées après auprès d'autres étudiants
et étudiantes, bien, au moins il y
ait une connaissance que cette personne-là, elle nécessite d'autant plus
d'avoir accès à des ressources. Donc, c'est
vraiment dans une optique non pas... Tu sais, il faut vraiment veiller à ce que
le tabou de l'identité des agresseurs
ne vienne pas aveugler, en fait, des mesures concrètes qui permettraient de
prévenir de nouvelles victimes.
Mme David :
O.K. Je pense, vous ne posez pas des questions légales faciles, là, parce que
ça veut dire que tu es sanctionné de
quelque chose pas au criminel ni en cour, là, mais au cégep X; tu fais ta
demande à l'université Y, et ton dossier
doit te suivre comme suivent plein d'autres choses. Je ne suis pas sûre que ça
passerait le cap de toutes sortes de contraintes des droits de la
personne, mais on comprend l'esprit... mais je pense que c'est une question
complexe que vous posez.
Il y en a une qui m'a
fait rire presque un petit peu, au sens où j'ai mis : Wow! on oblige les
universités ou les collèges à suivre leurs
propres lois ou leurs propres politiques. Alors, ça, je veux absolument vous
entendre là-dessus, parce que vous
dites : «Québec contre les violences sexuelles recommande l'ajout d'un
article qui obligerait les universités à suivre leur propre politique...» J'ai dit : Wow! on se met les
bretelles puis la ceinture. Vous avez des raisons pour ça, vous voulez vraiment être sûrs, sûrs, sûrs. Par définition,
avec la reddition de comptes annuelle, avec tout ce qu'on met en place,
je pense qu'elles ne seraient pas très, très
avisées de ne pas suivre leurs propres politiques. En même temps, on veut
toujours que les universités suivent leurs
propres politiques, elles en ont de nombreuses. Puis vous voulez peut-être...
mais là je vous mets la réponse dans
la bouche, vous voulez peut-être que celles-ci ne soient jamais oubliées.
Est-ce que je comprends bien?
• (10 h 30) •
Mme Litalien
(Ariane) : Oui. Bien, dans le fond, ça allait un peu de pair, cette
recommandation-là, avec le fait qu'on aimerait avoir un bureau de
plaintes pour les personnes survivantes, qu'ils puissent s'adresser directement
au gouvernement. Dans le fond, si leurs universités ne respectent pas la loi,
elles pourraient s'y adresser. Mais, si leurs universités ne respectent pas leurs propres politiques,
elles n'auraient pas de recours vis-à-vis du gouvernement, parce que ce ne serait pas dans la loi que les universités doivent suivre
leurs propres politiques. Je ne sais pas si vous me suivez.
Mme
David : Non, je ne suis pas
sûre, parce que je trouve qu'on est pas mal costaud en termes de reddition de comptes
et de sanctions. S'il n'y a pas de reddition de comptes et, encore plus, s'il
n'y a pas de politique, on envoie quelqu'un leur en faire une, puis c'est à leurs frais à
eux. Je pense qu'ils vont avoir le goût de faire leurs politiques.
Puis, s'ils ne la font pas, puis s'ils ne
font pas de reddition de comptes, c'est le C.A. qui est imputable et c'est le ministère, et, comme je les connais, ils vont très,
très bien surveiller la chose. Alors,
j'essaie de voir la valeur ajoutée, parce
que j'essaie toujours de voir qu'est-ce qu'on peut faire de mieux dans
le projet de loi. Alors, comprenez bien mes questions dans ce sens-là.
Mme
Litalien (Ariane) : Oui, tout à fait. Écoutez, on n'a pas de doute que le processus de reddition de comptes va grandement aider à l'application des politiques.
Le problème, c'est que, si une personne survivante se retrouve dans une situation
où elle a l'impression qu'elle est revictimisée par son institution, elle n'aura pas de recours concret, selon ce projet de loi là.
Donc, c'est-à-dire que, si l'université ne lui offre pas... Par exemple,
mettons que le projet de loi spécifie un délai
puis que le délai n'est pas respecté, mettons qu'on doit lui offrir certaines
options puis que les options ne lui ont pas été offertes. Si c'est dans le projet
de loi, tant mieux, elle va pouvoir
se dire : Bien, O.K., c'était illégal. Mais, maintenant, est-ce
qu'elle a des recours pour le signaler au gouvernement? Tu sais, selon moi, on
ne peut pas se fier seulement aux institutions pour rendre des comptes au gouvernement.
Mme
David : Ça,
c'est autre chose. C'est de dire : Est-ce qu'il ne pourrait pas y
avoir une instance, qui existe déjà au
ministère, d'ailleurs,
où on pourrait la rendre encore plus visible et la plus évidente, que, s'ils ne sont pas satisfaits du traitement x ou y, etc., ils peuvent faire appel
au ministère? Et ça, ça peut être quelque chose qui est très intéressant, qui est différent de ce dont on discutait, de rendre compte, chaque année, du
nombre de plaintes, de la procédure. Puis, si on met dans la loi : Cinq jours pour ça, cinq jours
pour ça, 45 jours, bien là, on a un
peu plus de prise, parce qu'on aura été un peu plus prescriptifs.
Maintenant, je ne
voudrais pas qu'on... parce qu'il me reste quelques minutes. Je veux vous
entendre sur... Parce que vous n'êtes pas les premiers, et je ne sais pas
si vous allez être les derniers et les dernières à dire que vous
aimeriez qu'il y ait une interdiction de relations entre une
personne étudiante et toute autre personne ayant une influence directe
sur le parcours académique. Vous comprenez,
là aussi, la délicatesse du processus et de la composante légale de cette
question-là et de la Charte des droits et libertés, mais j'aimerais vous
entendre sur votre assurance dans cette recommandation-là.
Mme
Lemay (Mélanie) : Bien, je
pense qu'il ne faut pas seulement s'arrêter à ce qui existe déjà comme
balises légales, parce que, quand on regarde
le taux de condamnations qui existe présentement par rapport aux gestes
commis et finalement ce qui aboutit à la fin
du processus judiciaire, il y a une marge immense. Puis la raison derrière ça,
ce n'est pas juste parce qu'on n'a pas des bonnes lois ou qu'on ne sait
pas les appliquer, c'est que le contexte social actuel fait en sorte que non
seulement c'est très complexe, donc ça nécessite une réponse judiciaire qui va
l'être tout autant... présentement, je n'ai
pas l'impression, puis je ne suis pas la seule à le partager, que ce n'est pas
encore au point. Puis ça, je pense,
c'est sûr que ça découle d'un autre ministère que le vôtre, mais, je pense, malgré tout... Tu sais, pour
donner un exemple très concret, un
des éléments qui m'a le plus dérangée puis qui a été le plus difficile à
porter, c'était de savoir que, librement,
il avait la capacité de refaire à nouveau d'autres victimes et que, malgré
tout, il n'y avait rien à faire. Et j'ai même été culpabilisée par un médecin qui m'avait
dit : Tu réalises que c'est de ta faute s'il en viole d'autres, parce que tu n'as pas porté plainte, puis la raison étant que ce n'est pas sécuritaire,
nécessairement, en tout temps, pour une victime d'aller
porter plainte à la police. Des fois, il y a de la discrimination systémique
qui se passe en raison du bagage socioéconomique que peut porter une survivante. Donc, il y a quand même
un écart non pas parce que la loi en soi, elle n'est pas bonne, c'est vraiment parce que
la façon dont elle est appliquée par les différentes personnes qui travaillent
à travers elle, qui portent des préjugés et qui sont teintés de certains
éléments... qui est problématique.
Donc, comme
la mission des institutions postsecondaires, c'est de veiller à la sécurité
de ces étudiants et étudiantes, bien,
je pense que c'est la moindre des choses de faire en sorte que les personnes
qui pourraient être ciblées comme ayant commis des gestes... bien, on veille à ce qu'il y ait une continuité
dans son dossier, qu'on puisse veiller à ce que, tout au long de son cheminement scolaire, on puisse s'assurer
que cette personne-là n'ait plus nécessairement un risque, même si, pour le moment, en raison des balises sociales qui présentement ne sont pas encore à point, elle n'est pas en mesure de le faire.
Mme David : O.K. Mais je parlais vraiment
de l'interdiction des relations intimes professeurs-étudiants. Alors, il vous
reste 50 secondes.
Mme
Litalien (Ariane) : Pour
compléter. Le consentement ne peut simplement
pas être libre et éclairé — je pense que ça a été
dit — dans une
position d'autorité. On a parlé des lois existantes, mais je ne suis pas
certaine qu'il n'y ait aucune loi...
ou qu'il ait tant une problématique légale que ça à interdire les relations
entre profs et étudiants simplement parce
que c'est... Oui, je veux dire, toute personne est libre de faire... tu sais,
il y a la charte des libertés, et tout ça, mais, comment dire...
Mme Lemay
(Mélanie) : Parce que rien
n'empêche, en fait, que, même si c'est la balise officielle, des
personnes puissent faire des démarches pour
demander une dérogation ou demander à ce qu'il y ait un ajustement qui permette
que des personnes, des tiers puissent observer... Parce que, par exemple, si
c'est un domaine qui est très pointu, bien, rien n'empêche que, malgré le fait qu'il y ait une relation d'autorité, bien,
il y ait des gens qui supervisent et qui veillent à ce qu'il y ait un
suivi non seulement technique, mais aussi psychologique autour de tout ça.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est
à la représentante de l'opposition officielle, la députée de
Marie-Victorin.
Mme
Fournier : Oui. Merci, Mme la Présidente. Donc, merci à vous deux
d'être ici aujourd'hui en commission parlementaire.
C'est très pertinent de pouvoir vous entendre en vue de bonifier le projet de
loi n° 151, qui est un projet de loi extrêmement important, donc je
vous en remercie.
Je
reviendrais peut-être sur les derniers propos de la ministre en ce qui concerne
l'interdiction totale, donc, de relations
entre les personnes étudiantes et toute personne ayant une influence directe
sur le parcours académique. Donc, il y
a beaucoup de groupes, par exemple, qui nous ont parlé d'interdire les
relations entre les professeurs et les étudiants, mais vous, vous allez plus large que ça, vous parlez de
personnes avec une influence directe. Donc, j'aimerais vous entendre sur
ce que représentent pour vous, donc, les
personnes ayant une influence directe et aussi pourquoi vous visez plus
large que simplement les professeurs.
Mme
Litalien (Ariane) : Simplement parce qu'il peut y avoir des
professeurs, chargés de cours, superviseurs. Je pense que c'est peut-être une façon plus large qu'on a eue de le
définir, mais, selon moi, c'est quelqu'un qui a de l'influence sur les
notes de la personne ou l'évaluation.
Mme Lemay (Mélanie) : ...ne
serait-ce que dans les employés aussi, donc, par exemple les concierges, les personnes qui veillent à la manutention de
l'espace. Si tu ne te sens pas en sécurité de circuler librement autour de
cet espace physique, bien, nécessairement, ça peut jouer aussi dans ton
processus académique. Donc, c'est un élément aussi qu'on considère qu'il est
important d'ajouter.
Mme Fournier : Tout à fait, parce
qu'il y avait certains groupes justement qui disaient : Tout le personnel
de l'établissement. Mais à ce moment-là — vous avez parlé, par exemple,
des gens de l'entretien ménager — donc vous considérez que ça entre dans la
catégorie des personnes qui ont une influence directe.
Mme Lemay (Mélanie) : Bien, oui, considérant que, nécessairement, les gens occupent l'espace
institutionnel. Donc, si la victime ou la
personne circule à travers ça, bien, oui, ça va avoir un impact direct. Tu
sais, je peux penser à mon expérience personnelle : un concierge m'avait donné des propos qui
étaient problématiques, puis, moi, ça a fait en sorte que je ne me sentais
plus à l'aise de circuler dans cette partie-là de l'université. Donc, oui.
Mme
Fournier : O.K. Merci. Une autre de mes préoccupations aussi après
avoir entendu différents groupes, c'était de
voir qu'il pouvait y avoir une différence entre la protection des étudiants
selon les établissements d'enseignement supérieur, étant donné que
chaque établissement, donc, serait libre d'adopter sa propre politique. Donc,
j'ai vu qu'à la recommandation 2.3, donc,
vous voulez qu'il y ait des standards spécifiques. Vous appelez, notamment,
l'exemple de l'Ontario avec le projet de loi 132.
Est-ce
que vous pouvez nous parler davantage de l'exemple ontarien et comment ça s'est
concrétisé là-bas puis les impacts que vous avez pu observer?
Mme
Litalien (Ariane) : Oui, tout à fait. Alors, la loi 132 en
Ontario spécifie que toute institution d'enseignement supérieur doit
avoir une politique en matière de violence sexuelle. Si je ne me trompe pas,
c'est majoritairement les universités. Elle
spécifie que, par exemple, les personnes survivantes, les groupes étudiants
doivent être consultés pour l'établissement de cette politique, mais
elle ne spécifie pas exactement, concrètement, comment ça doit se produire.
Je comprends que,
dans un projet de loi, on veut garder une certaine flexibilité par rapport aux
contextes locaux. C'est sûr que l'UQAR ou l'UQAT n'aura pas le même contexte
que l'Université McGill ou l'Université de Montréal. Par contre, ce qu'on a vu
en Ontario, c'est justement qu'il y a une énorme variabilité en termes des
délais prescrits. Il y a beaucoup de
politiques qui disent «délais raisonnables», alors que d'autres vont dire
«délai de 60 jours», par exemple.
Puis, «délais raisonnables», on s'entend que ça ne veut pas dire grand-chose
pour une personne survivante. Donc,
c'est vraiment au niveau de, comme je mentionnais, la survivante que ça a duré
600 jours, son processus disciplinaire. C'est absolument inacceptable. Puis, tu sais, il y a eu des délais en
termes de changer des agresseurs de résidence, des choses comme ça, puis j'ai, honnêtement, peur,
pour avoir vu, pour avoir vécu l'expérience aux États-Unis, pour avoir
entendu les survivantes de l'Ontario, que,
si on n'est pas assez stricts au Québec, la situation se reproduise ici puis
que finalement ce projet de loi, à certains égards, soit un coup d'épée
dans l'eau.
Mme
Fournier : O.K. Parce qu'il y a vraiment eu des expériences, donc,
de survivantes aussi qui se sont un peu plaintes, en Ontario, du fait
que la protection n'était pas la même partout.
• (10 h 40) •
Mme
Litalien (Ariane) : Tout à fait. Puis il y a l'organisme Our Turn...
bien, le mouvement Our Turn, qui a déposé justement, récemment, un plan d'action pour les associations étudiantes
dans lequel ils évaluent, en fait, les politiques de différentes
universités en fonction de critères, un peu comme ceux qu'on suggère, pour les
politiques, puis ils leur donnent des notes, puis ça va de l'échec au succès.
Donc,
c'est vraiment inacceptable qu'une survivante, à une université, n'aurait pas
les mêmes recours en termes de temps,
en termes, tu sais, de tout ça. Puis on a peur que la flexibilité au niveau des
contextes locaux, ça donne juste des raisons
aux universités d'en faire moins pas nécessairement parce qu'elles veulent en
faire moins, mais parce qu'elles ne savent pas c'est quoi, les balises
claires.
Mme Lemay
(Mélanie) : ...mentionner que ce n'est pas seulement en lien avec ce
qu'Ariane vient de mentionner, mais aussi
sur l'accès aux ressources d'aide. Donc, il faut vraiment veiller à ce que,
même si, pour le moment, ce n'est peut-être pas encore pleinement
développé partout, ce soit accessible puis pas juste pour, par exemple, les femmes victimes, mais pour les hommes victimes
aussi, puis la même chose pour les auteurs. Donc, il va vraiment falloir
aussi veiller à ce que l'accès aux services
communautaires d'aide soit présent dans l'ensemble des régions, parce qu'il ne faudrait pas que l'aide qui
soit accordée dépende de ton code postal.
Mme
Fournier : Exact. Merci. Puis, quand vous parlez des contextes locaux,
justement, auxquels on pourrait s'adapter selon une université qui peut
être située dans une région ou une autre, qu'est-ce que vous entendez par là?
Qu'est-ce qui, selon vous, justifierait, justement, des différences entre les
établissements selon les contextes locaux?
Mme Lemay (Mélanie) : Bien, par exemple, on peut penser que Sherbrooke, c'est une ville très
universitaire, donc, c'est aussi une des
villes où il y a le plus haut taux de consommation d'alcool. Donc, c'est sûr
qu'il y a certaines réalités qui
peuvent émerger qui n'existent pas nécessairement sur d'autres campus, mais,
malgré tout, non seulement ça prend des balises claires, uniformes pour
tout le monde, mais qu'il puisse aussi y avoir une marge de manoeuvre, d'ajustement au contexte et aux problématiques qui
peuvent découler du contexte géographique ou social d'une certaine
région, parce que, tu sais, le Québec n'est pas homogène par rapport à la façon
dont ses individus se comportent.
Donc,
nécessairement, on pense que ça prend, oui, des balises qui sont généralisées à
tous mais que ça doit aller aussi un
petit peu plus loin de la part des universités, soit de s'ajuster au contexte
social et culturel de leurs propres campus.
Mme
Litalien (Ariane) : ...de
sensibilisation, entre autres. Ça pourrait être facilement adapté au contexte
local, d'une façon que la politique, pour moi, devrait être moins flexible à
cet égard.
Mme
Fournier : O.K. Parce que
vous parlez beaucoup des recours justement qui pourraient ne pas être
les mêmes, mais est-ce que vous considérez aussi que, dans les
politiques des établissements, donc, ce qui est interdit, ce qui n'est
pas interdit, ça devrait être davantage, aussi, spécifié à l'ensemble du Québec
plutôt qu'être laissé, donc, à la discrétion de chaque établissement?
Mme
Litalien (Ariane) : Tout à fait.
Mme
Fournier : O.K. Donc, c'est un peu plus large que les simples recours.
Mme Litalien
(Ariane) : Bien, je ne suis pas sûre que j'ai bien compris la...
Mme
Fournier : Il y a les recours, par exemple, les délais de
prescription, tout ça, si on veut l'uniformiser, mais aussi tout ce qui
pourrait être interdit, donc tout ce qui est chapeauté un peu dans la
politique.
Mme
Litalien (Ariane) : Oui, tout ce qui est dans la... Bien, la majorité
des éléments de la politique, on considère qu'ils devraient être
prescrits.
Mme
Fournier : Merci beaucoup. Justement, la recommandation 2.8,
quand vous parlez, donc, de la sensibilisation
face aux agressions par intoxication, je trouvais ça intéressant, parce que
vous êtes les premiers à l'amener lors
des consultations. Puis donc je me demandais si vous voyiez ça exactement comme
une campagne de sensibilisation, donc,
exactement un peu ce qui se fait à Sherbrooke avec les affiches, par exemple,
ou vous pensez que ça pourrait se faire aussi par d'autres moyens.
Mme Lemay (Mélanie) : ...dans un monde idéal. Un peu comme avec la cigarette, tu sais, ça a
été mentionné que ça peut occasionner
des problèmes de santé... bien, c'est sûr que, dans un monde parfait, bien, on
pourrait amener ça plus loin puis de se dire : Bien, pourquoi, sur
l'emballage des bières ou encore dans les bars publics, ça ne serait pas des éléments de réponse, soit de sensibiliser les gens
au fait que, non, l'alcool n'égale pas le consentement? Donc, ça permet non seulement de déresponsabiliser les victimes,
mais en même temps de responsabiliser les agresseurs face à leurs
gestes.
Donc,
nous, on pense vraiment qu'en raison du tabou social autour de la sexualité,
bien, c'est important vraiment que,
oui, ça prenne l'apport de campagnes de sensibilisation mais qu'idéalement
aussi il puisse y avoir des balises qui permettent de faire en sorte que, si un événement social se produit puis
qu'il n'y avait pas de visuel ou d'information sur ce qui constitue les agressions par intoxication...
mais, nécessairement, il faudrait que les gens soient tenus redevables
de ce manque. Donc, ça peut aller non
seulement d'un côté, oui, de campagne, mais, d'un autre côté aussi, ça prend un
côté plus législatif qui veille à ce que ça soit des éléments de réponse qui
soient obligatoires lors de tenue d'activités sociales.
Mme
Fournier : Merci. Je vous ramène... parce que j'avais oublié de vous
demander une question pour la recommandation
2.3, parce que je vous ai parlé de ce qui se passait en Ontario, mais j'aurais
aimé aussi vous entendre sur ce qui
se passe aux États-Unis, parce qu'il y a plusieurs universités... bien, par
exemple, si on pense à Yale ou Harvard, qui ont adopté des politiques de lutte aux violences sexuelles, puis j'aimerais
vous entendre sur quelles sont les réussites là-bas, et qu'est-ce qui pourrait aussi être amélioré, et de
quoi on pourrait s'inspirer aussi de ce qui se fait dans ces institutions-là.
Mme
Litalien (Ariane) : Je vais répondre à cette question, considérant que
j'ai fait mes études aux États-Unis.
Aux États-Unis, dans
le fond, de la façon que ça fonctionne — pour ceux qui ne sont pas
familiers — il
y a une loi qui s'appelle Title IX, qui est
une «gender equity law», qui parle du fait qu'il ne doit pas y avoir de
discrimination basée sur le sexe dans les
institutions d'enseignement puis que les universités sont à risque de perdre
leur financement si elles font de la discrimination basée sur le sexe.
Ensuite — rapidement — il y a une lettre, en 2011, qui est sortie,
qui s'appelle la Dear Colleague Letter, qui vient vraiment établir des barèmes spécifiques en termes
de délai, en termes de fardeau de la preuve, d'accommodements qui
doivent être faits. Cette lettre-là n'est pas une loi en soi, mais elle
clarifie la loi Title IX pour dire : Voici ce à quoi on s'attend que vous fassiez pour ne pas faire de la
discrimination basée sur le sexe, en lien avec les violences sexuelles.
Donc, elle vient vraiment spécifier des
barèmes, puis ça joue vraiment sur le pouvoir des personnes. Ils sont capables
de dire : Regardez, bien, telle
affaire, concrètement, ça n'a pas été respecté. Ça permet d'éviter un peu des
zones grises au niveau de si l'université a respecté ou non ses
obligations. Maintenant, ce qui marche moins bien, c'est qu'il y a tellement d'universités aux États-Unis qui ne respectaient
pas cette loi-là que le bureau des plaintes a été complètement débordé.
Et donc une plainte à laquelle j'ai
contribué, à l'Université Harvard... bien, contre l'Université Harvard n'a
toujours pas, depuis 2014, été traitée... ou le traitement de cette
plainte-là n'a pas été formalisé par le Département de l'éducation.
Mme
Fournier : D'où, donc, l'importance de mettre les délais dans la loi.
C'est bien ça?
Mme
Litalien (Ariane) : Absolument, parce que, s'il n'y a pas de délai, on
n'a pas de recours concret auprès de l'université ou du gouvernement, il
n'y a pas de redevabilité possible, selon moi.
Mme
Fournier : O.K. Merci. Puis ensuite, à la recommandation 3.1,
vous parlez de la création d'un bureau provincial
pour traiter certaines plaintes. Donc, ça, je trouvais ça intéressant. Est-ce
que vous parlez, à ce moment-là, que ce sont les plaintes qui seraient
non reçues par les établissements qui seraient, dès lors, traitées par le
bureau provincial?
Mme Litalien (Ariane) : Je parle
davantage de si les plaintes n'auraient pas été traitées adéquatement. Donc, ça ne serait pas des plaintes contre un
individu, mais davantage contre une institution qui n'aurait pas reçu une
plainte de façon
sérieuse, qui aurait découragé la victime de procéder à un processus formel
disciplinaire. Donc, c'est vraiment plus dans cette optique-là. Ce ne
serait pas une plainte pour violence sexuelle, mais une plainte pour un
manquement à cette loi.
Mme Lemay (Mélanie) : Je pense qu'un
élément intéressant qui pourrait être bonifié aussi à ce bureau-là, c'est qu'il ne faut pas... Il faut mentionner
aussi tous les professeurs qui sont, donc, les témoins actifs du
comportement de certains de leurs homologues
et puis qui sont un peu dans une incapacité de les dénoncer parce que les
personnes sur le terrain se sentent
trop vulnérables pour pouvoir les dénoncer officiellement. Donc, de permettre
aussi à ce que les témoins actifs
puissent dénoncer, ce serait un élément intéressant que ce bureau-là pourrait
avoir, parce que souvent il arrive des conflits d'intérêts. Donc, c'est
des amis qui doivent enquêter sur d'autres amis, alors ça fait en sorte qu'il
n'y a pas vraiment une volonté réelle de veiller à ce qu'il y ait des
sanctions. J'en ai été témoin lors de mon passage au cégep.
Donc, c'est vraiment important qu'il y ait une
institution neutre qui va être capable de se défaire des conflits d'intérêts
que certains pourraient avoir.
Mme Fournier : O.K. Très bien. Donc,
j'en comprends que ça pourrait comprendre, donc, les lacunes des établissements. Donc, ça pourrait donner une porte
aux survivants qui souhaitent dénoncer, dans le fond, les gestes ou, en tout cas, ce qui se passe à l'intérieur de leurs
institutions, où ils ne se sentent pas bien accueillis dans leurs plaintes,
ainsi que pour les témoins actifs. C'est bien ça? Donc, il y aurait comme deux
volets,
Puis est-ce
que vous avez une idée aussi... Donc, ce serait ça, les critères spécifiques?
Est-ce que vous en avez élaboré d'autres ou...
Mme Lemay (Mélanie) : C'est sûr
qu'il peut y avoir une complexité de situations qui arrivent sur le terrain. Donc, moi, je pense qu'il ne faut pas fermer la
porte à d'autres mandats plus larges qui pourraient émerger en fonction
de situations particulières, mais je pense que, dans tous les cas, ça ne peut
pas nuire d'avoir une entité neutre qui est détachée,
parce que ça redonne confiance aussi à la survivante. Parce que, si elle a été
mal reçue par une institution, elle n'aura
pas envie de porter plainte dans quelque chose qui est dans la même
institution, elle va vouloir quelque chose de neutre. Donc, je pense que vraiment d'ajouter cet élément-là... puis
quitte à ce que, comme Mme David l'a mentionné, rendre plus visible ce
qui existe déjà... Mais nous, on considère vraiment que c'est important que ce
soit dirigé vers ces axes-là.
Mme
Fournier : Puis la dernière question, c'est pour la date
d'application. Vous demandez que la date butoir d'adoption d'une politique soit devancée au 1er janvier 2019. Donc,
vous parlez de l'adoption et de la mise en oeuvre? Parce qu'il y a
certains groupes qui faisaient la distinction, puis je me demandais si vous
regroupiez tout ensemble.
Mme
Litalien (Ariane) : Oui. Bien, pour être honnête, au moins l'adoption,
là. La mise en oeuvre, on n'a pas passé plus de temps à y réfléchir que ça. C'est sûr que, c'est ça, nous, ce
qu'on... la mise en oeuvre, j'imagine, au 1er septembre 2019.
Devancer de six mois environ l'échéancier qui est déjà posé.
Mme Fournier : ...que la politique
soit bien, donc, prête pour le 1er septembre 2019. C'est ça?
• (10 h 50) •
Mme
Litalien (Ariane) : Oui, on veut que ça soit bien fait, il n'y a pas
de doute, mais on n'a pas beaucoup de temps. Les personnes survivantes, en
ce moment, qui ne sont pas couvertes par des politiques n'ont pas de recours.
Donc, il ne faut jamais oublier ça.
Mme Lemay
(Mélanie) : Puis, la
formation qui va être accordée, il va falloir qu'elle soit de qualité aussi,
qu'elle ne soit pas juste une fois, tu sais,
ou une fois en 10 minutes. Il va falloir aussi que ça soit vraiment des choses
qui soient pertinentes puis qui soient faites d'une façon temporelle.
Donc, oui, on
considère que ça prend du temps de créer ces éléments-là, qui ne sont pas tout
à fait déjà présents, mais, non, c'est important pour nous quand même de
veiller à ce que ça soit de qualité, les formations qui vont être accordées,
donc d'où l'importance de réfléchir comme il se doit à ce qui existe aussi,
comme par exemple le mois de sensibilisation, le message.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est
au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Chambly.
M. Roberge : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. On salue la ministre, ma collègue, toute l'équipe du ministère. Puis merci beaucoup pour votre
présentation, c'est toujours apprécié. Plusieurs questions. C'est une
chance de passer après les autres, parce que
plusieurs points ont été soulevés. Vous avez apporté des réponses. Mais, des
fois, c'est des petites précisions.
Votre
recommandation 2.1. Vous souhaitez que le champ d'application de la politique
s'applique... enfin, que ça s'applique
dans le milieu scolaire dans son contexte élargi. J'aimerais juste comprendre
précisément à quoi vous faites référence.
D'autres sont venus avant vous, ont parlé des résidences. Pour moi, c'est assez
clair que les résidences officielles d'un cégep ou, en tout cas, d'une
université, d'un campus, ça doit être visé. Mais est-ce que vous avez, vous,
pensé à d'autres lieux, d'autres endroits où la politique doit s'appliquer,
quand vous dites : Le contexte élargi?
Mme Litalien
(Ariane) : Oui. Dans le fond, nous, on va plus loin que les résidences,
on va plus loin que les activités organisées par des associations étudiantes,
comme la ministre le mentionnait. Nous, c'est vraiment toute interaction qui
comprend les parties qui sont membres d'une communauté d'enseignement. Donc, ça
peut être chez toi, dans ton appartement
privé. Si c'est un collègue de classe qui est avec toi puis il se passe une
situation de violence sexuelle, la politique devrait s'appliquer.
Mme Lemay (Mélanie) : En fait, c'est
à partir du moment où la relation s'est installée en raison du contexte d'enseignement dans lequel elles se sont
rencontrées, les parties. Donc, c'est vraiment parce que, tu sais, les deux
tiers des infractions sexuelles qui sont
commises sont commises dans une résidence privée. Donc, ça doit aller au-delà
de spécifier juste les lieux
géographiques, mais vraiment juste aller vers la balise qui est la relation qui
existe entre les deux, et, à partir du
moment où elles se sont rencontrées, bien, ça découle, en fait, du contexte
d'enseignement. Donc, c'est là que s'est installé le lien de confiance, qui est aussi l'arme du crime. Donc,
c'est vraiment là-dessus que, nous, notre réflexion était basée.
Mme Litalien (Ariane) : Puis, c'est
ça, dans le fond, on veut vraiment que toutes les situations potentielles
soient couvertes. Puis je ne pense pas que... Il y a un précédent aux
États-Unis, dans le fond, que toutes les politiques doivent s'appliquer hors campus également. Donc, on ne voit pas pourquoi
ici il y aurait un problème par rapport à ça.
M. Roberge : Merci. Donc, c'est
assez clair. La notion de guichet unique aussi a été mentionnée par d'autres
groupes. Puis je pense que vous en parlez, mais je ne sais pas dans quels mots.
Dans le fond, peu importe où a eu lieu le
crime, comme vous dites, même si, dans le fond, ça peut se faire complètement à
l'extérieur du processus judiciaire, là, l'étudiant ou la victime, le
survivant, la survivante pourrait porter plainte.
Mais est-ce
que vous l'avez incluse quelque part, cette notion de guichet unique sur le
campus? Est-ce que c'est quelque chose qui vous parle ou...
Mme Litalien (Ariane) : Ça peut
certainement aider. Nous, on ne l'a pas inclus, simplement parce que c'est
quelque chose avec lequel on était en accord. Donc, peut-être qu'on n'a pas
assez clarifié les choses qu'on appréciait du projet de loi. Donc, voilà.
Mme Lemay
(Mélanie) : Puis l'idéal,
c'est vraiment de clarifier le processus de plainte le plus possible.
Donc, c'est déjà assez difficile de se
relever puis de réfléchir aux ressources, mais il va falloir faire en sorte que
ce soit le plus visible et le plus
accessible... Parce que j'ai déjà eu un témoignage d'un survivant qui m'a
dit : Je ne l'ai même pas cherché dans Google, parce que juste l'idée m'écoeure. Ça fait que de faire en sorte
qu'au moins ce soit clair puis que... ou à partir du moment où la personne est en mesure de bien
recevoir l'information soit dans les rentrées scolaires, et tout ça. Ça
fait que, comme ça, si jamais,
malheureusement, ça arrive, bien, au moins, c'est resté, l'information, en
arrière de la tête, pas qu'il aille à partir de zéro puis essayer de
faire des démarches à gauche, à droite. Il faut vraiment clarifier puis
centraliser le plus possible.
M.
Roberge : Donc, il faudrait que le mode de diffusion ou d'information,
ça soit carrément dans la politique, dans le fond, une obligation pour l'institution d'informer préalablement, on
l'espère... on espère qu'il n'y aura juste pas, de violence sexuelle, mais, non, dans le cas où il y
en a, dans le fond, que les étudiants, les étudiantes, ils savent déjà
elle est où, la coop, ils savent déjà où est
la bibliothèque puis ils savent déjà où est le bureau des plaintes. Donc, c'est
connu, c'est su, puis tu n'as pas
besoin de prendre Google ou d'aller au bureau d'information, dire :
Coudon, y a-tu un local quelque part au troisième sous-sol, là?
Mme Lemay
(Mélanie) : C'est vraiment
dans une optique de réduction des méfaits, finalement, qu'on propose ça,
là. C'est vraiment de minimiser l'impact des conséquences psychologiques que va
avoir eu ce geste, parce qu'il faut savoir
que, si on est capable d'aider adéquatement une personne survivante, elle
risque de ne pas développer de syndrome post-traumatique. Parce que ce qui va être vraiment la clé de la
guérison, ça va être comment les personnes vont l'avoir reçue, d'où
l'importance aussi des attitudes aidantes.
Donc, c'est
vraiment dans cette optique-là, de se dire : Bien, on ne pourra peut-être
pas prévenir tous les crimes, mais,
malgré tout, il va falloir prévenir le plus possible les impacts psychologiques
que le geste peut causer, parce que ça, c'est à notre portée.
M.
Roberge : Sur un autre sujet assez délicat, qui est de proscrire les
relations amoureuses et/ou intimes entre des gens en autorité et
d'autres personnes, vous, donc, vous le mentionnez très clairement, là, vous
dites : Quelqu'un qui peut avoir une
influence directe sur le parcours académique. Vous ne faites pas la distinction
entre le milieu collégial et universitaire.
On a eu deux regroupements, là. Les étudiants du niveau collégial nous ont
dit : Nous, ça devrait être tout le personnel, même si, je ne sais pas, moi, l'animateur, l'animatrice à la
vie parascolaire n'a pas nécessairement un impact direct sur les notes. Puis, au réseau
universitaire, ils nous ont parlé... un peu comme vous, là, les professeurs,
les enseignants, les superviseurs, quelqu'un qui a une influence sur les
notes. Est-ce que vous maintenez votre position, que ce soit quelqu'un qui a vraiment une influence sur le
parcours académique, ou, au collégial, ça pourrait être une distinction
parce que... Pas toujours, parce que
maintenant on peut retourner au collégial à tout âge, mais disons que, de
manière générale, c'est sûr qu'au collégial les étudiants et étudiantes
sont plus jeunes qu'à l'université.
Est-ce que vous
différenciez les exigences des politiques entre le collégial et
l'universitaire?
Mme
Lemay (Mélanie) : Bien, c'est sûr qu'il doit y avoir des balises de
base qui s'appliquent, de manière universelle,
autant aux institutions collégiales qu'universitaires. C'est sûr, après, qu'il
y a certains contextes particuliers qui ne se retrouvent pas nécessairement au collégial. Donc, on peut penser
au fait... Bien, c'est sûr que, dans les programmes techniques très
pointus, oui, il y a une spécialisation qui amène un peu une obligation d'être
en lien avec quelqu'un qui a cette expertise-là. Mais, moi, c'est pour ça que
je pense qu'il y a vraiment des ponts à faire entre les deux.
C'est
sûr qu'il y a des spécificités qui peuvent émerger dans le contexte plus
universitaire qui n'existent pas au collégial, mais c'est de là
l'importance, selon moi, de clarifier le fait que, oui, ça prend, malgré tout,
des ensembles universels pour les deux paliers.
M. Roberge :
Puis j'aime bien la section, à la fin de votre mémoire, où vous élargissez un
peu les horizons, comme un addendum, Alcool ≠ Consentement. Ce n'est pas
directement lié au projet de loi, mais vous apportez des suggestions qui sont intéressantes. Vous souhaiteriez
qu'il y ait un étiquetage, là, carrément sur l'alcool puis peut-être
aussi des affiches dans les bars, des endroits comme ça.
Le
contexte étant ce qu'il est, il y a moins d'une semaine, un projet de loi était
déposé sur le cannabis, donc, et je ne suis
vraiment pas un expert, mais est-ce qu'il y a cette même notion que... Comme
vous en parlez dans votre mémoire, là, l'alcool
est impliqué beaucoup, beaucoup dans des cas d'agression ou, en tout cas,
d'absence de consentement. Est-ce que ça ne devrait pas être la même
chose, puisqu'on est dedans, là, pour le cannabis?
Mme Lemay (Mélanie) : Pour répondre à votre questionnement : en fait, c'est déjà dans le
Code criminel. Donc, toute personne
ne peut commettre d'acte criminel via l'usage ou la mise en usage d'une
substance illicite quelconque. Donc,
oui, en fait. Nous, le but, en fait, c'est simplement de mentionner que
l'alcool, c'est une drogue de soumission. Ça arrive souvent que, dans les procès, on observe des
contextes où les gens disent : Ah! mais il n'y a pas eu de GHB, ce n'est
pas grave, tu sais. L'alcool en est une,
puis il a fait en sorte de dépenser énormément d'argent, donc on est conscient
qu'il l'a assujettie. Donc, elle n'a pas pu
fournir un consentement qui était libre et éclairé. Ça aussi, c'est dans le
Code criminel. Donc, c'est sûr que,
si la marijuana... Tu sais, moi, je pense vraiment que la raison pour laquelle
on parle d'alcool, c'est parce que
c'est la drogue la plus socialement acceptée et même banalisée. Puis on peut
penser à Bud Light aussi, qui avait fait une campagne publicitaire qui
disait : Pour enlever le mot «non» de la soirée.
Donc,
je pense vraiment qu'il y a beaucoup de confusion là-dessus, parce que ça avait
créé des méchants débats sur le campus de l'Université de Sherbrooke
quand on a sorti ce slogan-là, puis je pense qu'il y a toute une question
d'éducation sur la sexualité et le consentement.
M.
Roberge : Puis une dernière question. Vous parlez évidemment
d'adoption de la politique, parce que c'est à ça que fait référence le
projet de loi. Est-ce que, d'après vous, on devrait distinguer politique et
plan d'action et rajouter d'autres articles pour préciser que, bon, il y aurait
la politique avec les grands principes, mais il y aurait aussi un plan d'action
puis... Parce qu'on n'en parle pas dans le projet de loi. Est-ce qu'il faut
ajouter ça?
Mme Lemay (Mélanie) : Oui, vraiment, parce que la politique est des lignes directrices
générales, puis un plan d'action permet de donner une donnée temporelle
aux éléments qui vont être mis en place. Donc, clairement, oui, ça doit être
complémentaire.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci, Mme Lemay, Mme Litalien. Nous apprécions
énormément votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques
instants afin de permettre aux représentants du Regroupement québécois
des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel de
prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
11 heures)
(Reprise à 11 h 4)
La
Présidente (Mme de Santis) :
Je souhaite la bienvenue aux représentants du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à
caractère sexuel. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à
la période d'échange avec les membres
de la commission. D'abord,
merci de vous présenter, et ensuite vous procédez immédiatement à votre exposé.
Merci.
Regroupement
québécois des centres d'aide et de lutte
contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS)
Mme Lopez (Marlihan) : Bonjour. Je
m'appelle Marlihan Lopez, je suis agente de liaison au Regroupement québécois
des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel.
Le
Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les
agressions à caractère sexuel est un organisme féministe à but non
lucratif qui regroupe et appuie les CALACS membres. Les CALACS membres du
regroupement s'adressent aux femmes et aux adolescentes victimes d'agression sexuelle présente ou passée ainsi qu'à leurs proches. Les CALACS ont trois volets d'action : aide
directe, prévention et défense des droits. Ils offrent des services d'aide
individuelle, des rencontres de groupe de
soutien et des services d'accompagnement, lors du processus judiciaire, auprès
des services de santé ou divers autres organismes,
selon les besoins des victimes. Pour défaire les nombreux mythes et préjugés entourant les agressions à caractère sexuel et changer les mentalités, les attitudes
discriminatoires et les comportements sexistes,
les CALACS offrent des activités de sensibilisation et d'information auprès des
organismes mais également auprès de
la population. Le programme de prévention Empreinte, destiné aux jeunes d'école
secondaire, s'inspire de pratiques exemplaires sur le terrain, des
CALACS notamment, lesquels ont une expérience de plus de 25 ans en matière
d'intervention et de prévention. Finalement,
pour s'inscrire dans une démarche de changement social, politique et
légal afin que cesse la violence genrée, les CALACS font des représentations et
interviennent sur des tables de concertation locales et régionales.
Le regroupement était actif de diverses façons
avant, pendant et après les consultations gouvernementales qui ont mené à la
rédaction de ce projet de loi ainsi qu'à la création de la stratégie de lutte
contre la violence sexuelle en milieu
d'enseignement supérieur. Par ailleurs, le regroupement a participé à l'enquête
ESSIMU, menée par un groupe interdisciplinaire
de 12 chercheuses, qui a brossé un portrait global de la violence sexuelle
sur les campus universitaires au Québec
et qui a énormément nourri la consultation autour de la problématique de
violence sexuelle en milieu universitaire et collégial.
Ceci étant
dit, le regroupement considère le projet de loi comme une bonne base sur
laquelle travailler et s'attend à ce que l'ensemble des groupes
participants agissent de bonne foi afin d'améliorer les aspects concernant
l'appui aux survivants et survivantes et que ceux-ci soient incorporés à la
loi. Un nombre important de suggestions issues des consultations publiques initiales ont été prises en compte, notamment le
caractère autonome de la politique de violence sexuelle à venir, la centralisation des ressources sur les campus, les
dispositions pour l'information et les mécanismes d'application. La
ministre, et son équipe de travail, a consulté les organismes communautaires
ayant une expertise en violence sexuelle, et
nous saluons le fait qu'elle tient compte que ces organismes doivent jouer un
rôle important dans la lutte contre les agressions sexuelles en milieu
d'enseignement supérieur.
En ce qui
concerne le contenu du projet de loi, nous avons quelques inquiétudes et
recommandations à vous partager.
Considérant que l'agression sexuelle est un acte de domination, d'humiliation,
d'abus de pouvoir, de violence principalement
commise envers les femmes et que cet acte s'inscrit dans une forme de contrôle
social en tentant de les maintenir
dans la peur et dans des rapports de force inégaux, il est important que cette
dynamique et ces rapports sociaux soient reflétés et déconstruits dans
le discours du projet de loi.
Il est
également important de clairement identifier les différentes manifestations
d'agression à caractère sexuel, voir :
viol individuel, collectif, attouchements sexuels, harcèlement sexuel, exhibitionnisme,
voyeurisme, appels obscènes, cyberprédation, cyberintimidation, etc. Il
faudrait clairement nommer qu'agresser sexuellement, c'est imposer des attitudes, des paroles, des gestes à connotation
sexuelle contre la volonté de la personne en utilisant l'intimidation ou
la menace, le chantage, la violence verbale, physique et psychologique. Nous
recommandons d'inclure un paragraphe énumérant
les différentes manifestations de violence à caractère sexuel sujettes à ajout
afin de suivre l'évolution de la définition
des violences à caractère sexuel et
de s'assurer que toutes, et tous, les victimes puissent porter plainte et
accéder à des services d'aide s'ils et elles le désirent.
• (11 h 10) •
Comme nous l'avons précisé, la violence à
caractère sexuel est basée sur la domination et les pouvoirs d'une personne par une autre, mais cette relation
asymétrique ne se manifeste pas seulement dans le contexte des relations
entre profs et étudiants. Les rapports de pouvoir sont présents dans de
multiples contextes et doivent être adressés. Par ces nombreux rapports sociaux de domination, tels que la racialisation, les
rapports de genre, les rapports de classe, le statut migratoire, la capacité physique, et autres,
certains groupes sont davantage à risque à la violence sexuelle, d'où
l'importance de porter une attention
particulière sur les vulnérabilités de certains groupes et les barrières
auxquelles ils font face au moment de dénoncer et chercher un soutien.
Les besoins et l'égalité des groupes plus à risque
tels que les femmes, les personnes de la communauté LGBTQIA+, les personnes en situation de handicap, les étudiants
étrangers — et
étrangères — doivent
être tenus en compte au moment de s'attaquer à la violence sexuelle en
milieu universitaire et collégial. Nous accueillons favorablement la mesure visant l'implantation de services
d'accueil, de référence, de soutien psychosocial et d'accompagnement dans
tous les établissements collégiaux et
universitaires pour les survivants et survivantes d'agression sexuelle et nous
espérons que ce service sera
véritablement accessible aux personnes en situation de handicap et sécuritaire
et adapté aux besoins de groupes minoritaires comme les étudiants
internationaux, les étudiants et étudiantes autochtones, racisés ou appartenant
à la diversité sexuelle et de genre.
En outre,
nous espérons que les investissements serviront principalement à la prévention
et à la sensibilisation de la violence sexuelle auprès de toutes et tous
les membres des institutions postsecondaires et que les différents moyens de prévention tiendront compte des besoins et
réalités de tous les groupes marginalisés. Nous souhaitons également que
les organismes travaillant sur le terrain et
détenant une réelle expertise en matière d'intervention et de prévention de
la violence sexuelle soient reconnus et
interpelés dans la mise en place de ces mesures. Des groupes communautaires
offrent déjà des services — voir
le projet pilote à l'UQAM avec une intervenante des CALACS — et
ils sont requis pour développer des mesures
de prévention et de sensibilisation informées par les différentes réalités des
personnes survivantes. Alors, nous
recommandons que le projet de loi n° 151 spécifie la collaboration, la
priorisation et le financement des groupes communautaires sur les
différents campus d'établissements d'enseignement supérieur lors de la mise en
place des mesures de prévention et de sensibilisation.
Par ailleurs, nous sommes inquiètes sur
l'emphase mise sur la sécurisation. Ce projet de loi semble mettre beaucoup d'efforts sur la sécurisation et
l'investissement dans les infrastructures et des agents de sécurité. L'énergie
et le financement doivent être investis dans
une multiplicité de tactiques de prévention en incluant les formations. Il
faudra faire attention
à ne pas se concentrer sur la surveillance des étudiants en dépit d'axer le
projet de loi sur la prévention, ce qui risque de perpétuer des
structures de surreprésentation de surveillance et d'oppression de certains
groupes. Puis, considérant que seulement
5 % des victimes portent plainte à la police, nous questionnons la volonté
du gouvernement d'inclure les corps de police comme une ressource
externe prioritaire.
Nous avons
également quelques inquiétudes concernant les sanctions et les processus de traitement
des plaintes. Nous trouvons que le
projet de loi est trop vague à cet égard, ce qui ne favorise pas une relative
uniformisation dans les processus et
mécanismes institutionnels de signalement des cas de violence sexuelle. Une
communication transparente du processus de traitement des plaintes est
essentielle. Nous recommandons que le processus...
La Présidente (Mme de
Santis) : ...
Mme Lopez (Marlihan) : Merci.
La Présidente (Mme de Santis) : ...vous
avez trente secondes.
Mme Lopez
(Marlihan) : Ah! Nous recommandons que les processus d'accompagnement
et de plainte soient énumérés dans leur intégralité à l'intérieur de la
politique de chaque établissement d'enseignement supérieur.
La Présidente (Mme de Santis) : Merci
beaucoup, Mme Lopez. Maintenant, nous procédons à la période d'échange.
Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme David :
Oui. Merci beaucoup. Je suis très heureuse que le RQCALACS se présente et
vienne nous aider dans la détermination des principaux axes du projet de
loi.
Et, comme
vous le dites bien, effectivement,
dans les organismes externes, nous savons très bien que vous êtes
un incontournable, étant donné que vous
donnez de nombreux services d'accompagnement, de formation, d'information.
Et j'ai eu l'occasion moi-même
de passer plusieurs heures à Trêve pour elles, qui est un des CALACS importants
de Montréal, qui justement a ce projet pilote avec l'UQAM. Alors, j'ai
été à même de voir à quel point c'est utile d'avoir ce genre d'entente, où quelqu'un du CALACS s'en va passer
du temps à l'UQAM et passer du temps à Trêve pour elles aussi, parce que ce n'est pas tout le monde qui veut aller
nécessairement sur place à l'université. Donc, ça donne vraiment une
très, très belle liaison entre l'établissement d'enseignement supérieur et le
service offert aux CALACS. Alors, c'est un point important que nous prenons en très bonne note, cette question d'être
peut-être un peu plus larges dans la définition des organismes externes, même si on ne voulait
certainement pas se limiter aux corps policiers, mais je suis d'accord
avec vous qu'on peut aller plus loin. On
essaie, dans les projets de loi, que ce ne soit pas une bible de 2 000
pages, mais je pense que, dans ce cas-ci, ça vaut peut-être la peine de regarder
ça.
J'aurai deux
questions principales. La première, parce que j'ai été à même de rencontrer...
en rencontrant votre regroupement, on a beaucoup parlé de tout ce que
vous faites, et une des choses que vous faites, c'est, entre autres, le programme Empreinte dans les écoles secondaires.
Donc, j'ai lu ce que vous faites, j'ai regardé les axes d'intervention,
de communication, comment vous travaillez.
Je sais que, récemment, vous êtes très, très recherchés avec ce
programme-là. Un, je voudrais vous entendre
un petit peu plus sur ce qui vous a peut-être amenés à développer et à nous
décrire un petit peu qu'est-ce qu'il vise.
Et j'aimerais
après peut-être vous poser la question, parce que j'ai été interpelée par des
étudiants collégiaux qui m'ont demandé
quelque chose, dans le fond, quand j'ai regardé ce que vous faisiez avec
Empreinte, qui ressemblait à ce programme. Donc, est-ce que vous pouvez
vous visualiser éventuellement à adapter quelque chose dans les collèges, voire même dans les universités? Parce qu'on parle
énormément, énormément de formation, d'information à toutes sortes de niveaux, au niveau de qu'est-ce qu'est le
consentement. On le sait, Sans oui, c'est non! est né à partir de ce concept-là...
Ni viande ni objet, bon, il y a beaucoup de choses,
mais est-ce que tous ces programmes-là peuvent s'alimenter les uns les autres, même au niveau collégial et universitaire?
Mais j'aimerais peut-être vous entendre un petit peu sur ce
programme-là, qui est... On parle énormément d'éducation sexuelle au primaire,
secondaire. Votre programme, ce n'est pas un cours d'éducation sexuelle, c'est
complémentaire à ça.
Alors, pour
le bénéfice de tous, peut-être vous pourriez nous parler un peu plus de ce
programme, d'où il vient, comment
vous l'avez développé, qu'est-ce qui se passe. J'en sais pas mal, mais
j'aimerais ça, pour le bénéfice de tous, que vous en parliez.
Mme Lopez (Marlihan) : Parfait. En
fait, comme vous le savez, nous avons plus que 25 ans d'expérience en
prévention et, en équipe avec des chercheuses à l'UQAM, nous avons développé ce
programme Empreinte. Ce qui le distingue
d'autres programmes, c'est qu'il est beaucoup plus inclusif des multiples
réalités qu'on peut trouver chez les jeunes, et c'est un outil pour
lutter contre la violence sexuelle chez les jeunes.
Donc,
le projet a plusieurs volets, entre autres un volet sur l'hypersexualisation,
sur le consentement. Il y a même des
capsules qui sont destinées aux parents puis il y a des formations qui sont
destinées aux professeurs ou enseignants. Donc, ce programme a été
déployé pendant une année, un projet pilote dans plusieurs régions du Québec,
et on est en train de faire l'évaluation là-dessus.
Aussi, une
autre chose qui est aussi nouvelle avec ce projet, c'est l'opportunité de pouvoir
faire une évaluation et faire des
modifications s'il y a lieu. Et je pense que ce projet peut très bien s'adapter
à d'autres groupes, pas nécessairement juste
les écoles secondaires. Il y a déjà des intervenants qui vont en milieu
universitaire, non pas seulement
Trêve pour elles, mais le CALACS de l'Outaouais
aussi a une grande expérience en prévention auprès des institutions
universitaires et collégiales. Donc, avec un
financement, je pense que ce projet Empreinte pourrait être
déployé ailleurs et pourrait être aussi adapté pour être
donné dans d'autres institutions.
• (11 h 20) •
Mme David : Et je sais que, derrière
la collaboration, c'est l'UQAM qui est très interpelée et la chercheure principale d'ESSIMU, c'est-à-dire Manon Bergeron,
donc on gravite autour de gens qui ont une expérience tout à fait reconnue. C'est très, très clair, Manon
Bergeron, c'est l'enquête ESSIMU, c'est l'enquête qu'on veut développer et
déployer aussi au collégial, donc c'est dans la même mouvance, et c'est la même
mouvance que Trêve pour elles, qui est en collaboration
et qui, grâce à une subvention de chez nous, je crois, d'ailleurs,
vous donne un peu d'argent pour pouvoir payer quelqu'un qui va à l'UQAM.
Alors, je pense qu'on a là des modèles, des pistes d'intervention extrêmement importants,
et on va certainement regarder de près et rapidement... parce que ça commence, là. J'ai rencontré cette personne qui navigue entre l'UQAM et Trêve pour elles, et
elle dit : Bon, c'est à ses tout débuts, là. J'étais là il y a deux
semaines, et puis elle avait commencé au mois de septembre.
Mais je pense
que cette idée est très porteuse, et c'est dans ce sens-là que je pourrais peut-être
vous demander, à plus large échelle
ou, disons, à partir de vos expériences de collaboration avec différents
milieux, comment vous voyez... Parce
qu'on parle de guichet unique. On parle de ressources qu'ont souvent, oui, les
grandes universités, les grands collèges, les collèges à 10 000 étudiants, des universités à
40 000 étudiants, mais il
faut aussi penser aux plus petits
collèges, aux plus petites universités, aux régions qui peuvent avoir
une personne qui est le pivot dans l'institution mais qui est très branchée, dans
le fond, à une organisation comme la vôtre.
Alors,
comment vous voyez ou est-ce que ça existe déjà... ou comment ça pourrait
se développer, cette collaboration
beaucoup plus étroite entre ce que vous
pouvez apporter dans le cadre de la mise en place des actions qu'on veut
faire dans les collèges, et les universités, et vos CALACS, particulièrement,
en région?
Mme Lopez
(Marlihan) : Nous, nous sommes présents partout au Québec. La réalité
des CALACS diffère d'une région à
l'autre. Je pense qu'il y a des CALACS qui sont très bien outillés pour pouvoir
offrir des outils de formation, faire de
la prévention dans les institutions collégiales, qu'ils soient petits, qu'ils
soient en milieu urbain. Je pense qu'ils ont de l'expertise pour faire
ça.
En ce qui
concerne c'est quoi, les défis, ça serait vraiment le financement. En ce moment,
on a une intervenante qui travaille à
l'UQAM, mais elle travaille quelques jours par semaine. Donc, c'est un bon
début, mais à la fin ça va prendre beaucoup plus que deux, trois fois
par semaine, ça va prendre des ressources qui vont pouvoir faire un suivi,
parce que pour les victimes de violence
sexuelle ça ne prend pas juste une ou deux rencontres, ça prend un suivi, ça
prend un accompagnement qui dure du temps, et pour ça on a besoin de
pouvoir mobiliser des intervenantes. Et on a entendu les associations
étudiantes nommer le fait que ça prend des ressources externes pas
nécessairement qui viennent de l'université. Donc, pour ça, il faudrait
vraiment prévoir un financement pour pouvoir déployer ces ressources-là.
Mme
David : Oui, on entend bien et on est bien conscients de ça. On a fait
un bon début avec le 23 millions de dollars, mais on est très
attentifs aux besoins de tous et chacun.
Maintenant,
j'aimerais vous entendre sur la question... puis là je ne veux pas me tromper
dans l'acronyme, parce qu'il se rajoute, des fois, des lettres à la fin,
là, LGBTQI, R et U, je crois, non?
Mme Lopez (Marlihan) : IA+.
Mme David : I?
Mme Lopez (Marlihan) : A+.
Mme David : Oui, plus. Bon, enfin,
toute cette diversité, qu'on respecte beaucoup et qui, donc, je pense, a plus de voix qu'avant et plus d'écoute dans la
société. J'aimerais vous entendre, parce que plusieurs disent, et même
nous, on l'a dit dans notre projet de loi...
mais je ne suis pas sûre de comment opérationnaliser le soutien qui pourrait
être plus spécifique à certaines
communautés qu'à d'autres. Et vous ajoutez, avec raison, j'en suis tout à fait,
la question des étudiants internationaux,
grande fragilité, premier trimestre très, très, bon, en situation d'adaptation,
en exil, bon, une situation pas facile, mais toute la communauté de la
diversité de genre.
Comment vous
nous conseilleriez d'avoir des actions plus spécifiques en regard de ce projet
de loi et des violences à caractère
sexuel? On est d'accord, on l'a dit, d'être très attentifs, mais, une fois
qu'on a dit ça, je profite de votre présence pour vous demander comment
on pourrait opérationnaliser la chose.
Mme Lopez (Marlihan) : Au moment de
rédiger des projets de loi ou des stratégies qui s'attaquent sur des problèmes sociaux, normalement, on a tendance à se
fixer sur les expériences des groupes majoritaires, et ce qui arrive,
c'est qu'on passe à côté de certaines
réalités qui font en sorte que ça ne va pas être toute la population qui va
pouvoir bénéficier de certaines actions ou stratégies.
Donc, pour ce
qui concerne les étudiants qui font partie de la communauté LGBTQIA, ou les
étudiants étrangers, ou les autres
groupes qu'on connaît, qui sont beaucoup plus à risque, il faudrait avoir des
actions précises, parce que sinon ces
stratégies, ces actions ne vont pas les bénéficier. Et, pour ce qui est des
étudiants internationaux ou des personnes de la communauté LGBTQIA,
c'est le fait que ces groupes font face à davantage de barrières qui sont
systémiques au moment de dénoncer ou au moment de porter
plainte. Un étudiant international va penser : Bon, si je porte plainte,
je risque de devoir interrompre mes études. Si j'interromps mes études, je vais
perdre mon permis de séjour, mon visa d'études.
Donc, c'est vraiment beaucoup de questionnements. Et de plus l'étudiant
étranger ne connaîtra pas le processus judiciaire
ici. Donc, il y a beaucoup de questionnements qui vont faire en sorte qu'ils ne
vont pas porter plainte, ils ne vont pas
accéder au service. Donc, il faut tenir en tête ces barrières systémiques au
moment de faire des stratégies, parce que, si on tient compte... par la suite, on va bénéficier non seulement les
étudiants étrangers, mais tout le monde. Mais, si on se concentre sur
les réalités des groupes majoritaires, tous ces groupes minoritaires vont être
mis de côté. Pour ce qui concerne les
groupes de la diversité sexuelle et de genre, eux aussi, ils font face à des
barrières systémiques au moment de dénoncer,
et les étudiants qui appartiennent à ce groupe sont ciblés à cause de leur
identité de genre et leur identité sexuelle.
Donc, au moment de chercher de l'aide, ça prend
des personnes, des intervenants qui soient outillés pour pouvoir recevoir ces dévoilements, qui soient
outillés pour pouvoir référer à des services qui vont venir s'ajouter.
Donc, c'est très important d'avoir en tête
les réalités des groupes qui sont minoritaires, parce que sinon on ne va pas
avoir du succès au moment de lutter contre la violence sexuelle en
milieu universitaire.
Mme David : Merci beaucoup, c'est extrêmement
intéressant, et je pense qu'on doit avoir une écoute très, très attentive aux
différentes spécificités.
Je ne sais pas comment on pourrait bonifier
encore plus ce qu'on demande aux institutions, mais je suis très sensible à ce que vous dites autant pour des
étudiants internationaux où il est évident que les exemples que vous
donnez existent, d'une part, et, d'autre
part, je pense qu'on n'a peut-être pas développé encore tout ce qu'il faut, tout
l'arsenal d'interventions pour faire en sorte qu'on puisse les aider tout
en les rassurant sur les questions de visa, les questions légales.
Alors, je vous remercie de nous faire valoir ces points-là.
J'ai un collègue ici qui serait prêt, je pense,
à poser une question.
La Présidente (Mme de Santis) : M.
le député de D'Arcy-McGee. Il reste 8 min 30 s.
M. Birnbaum : Combien? Je m'excuse.
La Présidente (Mme de Santis) :
8 min 30 s.
• (11 h 30) •
M.
Birnbaum : Ah bon! Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Lopez,
pour votre exposé. Je crois
qu'on comprend que le regroupement des centres d'aide, voilà des partenaires incontournables dans les
efforts qui visent ce projet de loi, et votre présence sur le terrain, votre notoriété
accrue, et qui doit toujours s'accroître, est très importante
pour à la fois que les femmes ainsi que les hommes comprennent les
services que vous avez à leur offrir.
Bon. J'aurais
quelques petites questions. Je
comprends que, quand on parle de la
nécessité de sensibiliser la société en
général, chacun des intervenants, qu'il y a probablement... pas probablement, il y a un travail à faire avec les forces policières en même temps. Je comprends. En même temps, j'ai été étonné, si je vous ai bien compris,
quand vous avez dit que vous n'êtes
pas à l'aise avec le fait que, dans le projet
de loi, on parle des forces
policières comme ressources externes très
importantes. Il
me semble que, dans une société
de droit, c'est tout à fait normal. Est-ce
que vous pouvez élaborer là-dessus?
Mme Lopez
(Marlihan) : Notre préoccupation, c'est qu'étant donné que c'est très facile de quantifier une
action en termes de surveillance les efforts soient mis là-dedans, comme
priorisés, qu'on priorise la sécurisation et non un changement des
comportements, des attitudes par le biais de formations, de la sensibilisation.
Donc, nous,
notre préoccupation, ce n'est pas qu'on nomme un possible partenariat avec la police, même si je crois
que ce n'est pas la solution pour contrer la violence sexuelle, si on considère
que la violence sexuelle vient d'une culture
du viol et que c'est un problème social qui ne peut se réduire à des actes isolés.
Donc, en tenant compte de ça, je pense que ça prend vraiment la prévention. Alors,
notre préoccupation, c'est que les efforts et que l'investissement soient mis dans des infrastructures, pour créer un
sentiment de sécurité, ou dans l'augmentation des agents de sécurité, parce qu'on sait très bien que le fait qu'il y ait plus de
police ou plus d'agents de sécurité, ça ne veut pas dire qu'il va y avoir
moins d'incidence de violence, donc, et de
plus ça peut créer un certain sentiment d'insécurité chez certains groupes qui
sont stigmatisés ou qui ont une relation
difficile avec la police par rapport à l'histoire ou par rapport à certains
enjeux sociaux.
M.
Birnbaum : Je veux juste poursuivre un petit peu. Je comprends, mais
est-ce que la solution n'est pas à la fois, de façon réciproque,
sensibiliser les forces de sécurité à cet enjeu ainsi que les membres de ces
communautés minoritaires, qui risquent d'avoir, et je comprends, un bagage très
difficile issu de leurs pays d'origine?
Mais est-ce
que la solution, c'est, en quelque part, de minimiser une pierre angulaire, il
me semble, de la défense contre le harcèlement, c'est-à-dire la présence
sécurisée et sécurisante des lieux partout sur les campus?
Mme Lopez
(Marlihan) : Je ne crois pas que la sécurisation ou la surveillance va faire en sorte que les
comportements vont changer, parce que les personnes qui vont faire la
violence vont le faire en dehors de l'université, où il n'y aura pas des agents de sécurité. Donc, comme je vous ai
partagé, pour nous, on ne devrait pas prioriser cette avenue-là. On devrait prioriser la présence des ressources
externes qui sont là pour vraiment produire un changement de société,
pour démystifier les préjugés et les mythes
autour de la violence sexuelle, pour faire des changements à long terme. Donc,
c'est pour ça que nous, on ne priorise pas
une ressource comme la police pour contrer la violence sexuelle en milieu
universitaire.
M. Birnbaum : Qu'on
s'entende, je comprends, je respecte et je partage l'idée qu'il faut miser de
maintes façons sur la prévention et l'éducation et, peut-être, je peux
poursuivre un petit peu là-dessus.
Je
comprends que vous avez le rôle central en ce qui a trait à l'éducation, à la
formation, et tout ça, et moi, je me préoccupe
beaucoup d'une cible. Peut-être, on peut les appeler, comme, en quelque part,
passifs. C'est, j'espère, la grande majorité
d'hommes. Je sais qu'il y a des agressions dont sont responsables des femmes
aussi, mais on parle surtout des hommes.
Cette grande cible d'hommes de bonne
foi mais qui ont besoin d'apprendre,
qui ne vont peut-être pas nécessairement se mettre de l'avant pour dire : J'ai besoin
de comprendre mieux, j'ai besoin de valider mes comportements, et tout ça, j'aimerais vous inviter, dans les
quelques minutes qui restent, de nous parler de vos efforts pour joindre
cette population, cette cible-là essentielle.
Mme
Lopez (Marlihan) : Bien
qu'on n'offre des services d'accompagnement et de soutien qu'aux femmes et à leurs proches, au moment de faire la prévention,
on s'adresse à toute la société. C'est un enjeu qui nous concerne tous et
toutes. Donc, ce n'est pas juste avec les femmes qu'on fait ce travail-là,
c'est avec les enfants, les jeunes, les femmes,
les hommes, toute personne qui est concernée par l'enjeu des violences
sexuelles. Donc, étant donné qu'on a cette expérience-là, je pense
qu'on est des ressources incontournables dans le contexte de lutte contre la
violence sexuelle en milieu universitaire.
M. Birnbaum :
Je vous remercie.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci. Maintenant, la députée de Richmond.
Mme
Vallières : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci énormément de votre présence. Oui, effectivement, les collègues ont mentionné la présence des CALACS sur l'ensemble
du territoire. On le sent très bien dans nos
régions et on voit l'importance que les organisations ont. J'aimerais beaucoup
revenir...
Une voix :
...
Mme
Vallières :
Merci beaucoup. Ça va être bien trop peu de temps.
J'aurais
voulu qu'on revienne sur le rôle important des organisations autres aussi dans
cet apport-là régional. On pourra certainement y revenir dans d'autres
discussions à ce moment-là.
Mme Lopez (Marlihan) :
D'autres organisations communautaires?
Mme
Vallières : Qui sont en lien aussi avec les CALACS dans les
milieux ruraux, puisque les CALACS sont là de façon régionale, mais,
dans la ruralité, les CALACS ont aussi leurs forces qui sont en lien avec les
cégeps et universités aussi.
Mme Lopez
(Marlihan) : Oui. Nous travaillons, si j'ai bien compris la question,
avec d'autres groupes, et, dépendamment de
chaque région, chaque région a une multiplicité de groupes communautaires qui
travaillent sur différents enjeux
sociaux. Donc, dépendamment de chaque contexte, il y a des concertations qui se
font avec de multiples groupes. Ici, à
Montréal, le regroupement fait des concertations avec des groupes de femmes qui
travaillent des enjeux de violence, des groupes de femmes qu'on considère de la diversité, qu'on nomme de la
diversité parce qu'ils représentent des femmes de la diversité sexuelle. Donc, c'est des organismes
communautaires qui travaillent auprès de ces groupes-là, auprès des
femmes immigrantes, auprès des femmes en situation de handicap.
Et,
en région, dépendamment de l'existence des différents types d'organisme, il y a
des concertations aussi qui se font dans le contexte de lutte contre
l'agression sexuelle. Ça fait partie de notre mandat, et chaque CALACS le fait.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme Lopez. Maintenant, la parole
est à la représentante de l'opposition officielle, la députée de
Marie-Victorin.
Mme
Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci. Je vous remercie pour
votre présence aujourd'hui en commission
parlementaire et l'éclairage que vous nous apportez sur le projet de loi
n° 151. Bien entendu, je vous remercie de vous être déplacée aujourd'hui. Je sais que la situation, en ce
moment, dans les CALACS, elle n'est pas facile, vous débordez de
demandes. Donc, de prendre le temps de venir nous rencontrer, c'est extrêmement
apprécié.
Et
donc je voulais profiter de votre présence aujourd'hui en commission parlementaire
pour que vous puissiez nous dresser
un état de la situation de ce qui se vit actuellement dans le réseau des CALACS
suite notamment aux plus récentes
vagues de dénonciation #moiaussi. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur
le manque de ressources, par exemple, que vous vivez actuellement dans
toutes les régions du Québec.
• (11 h 40) •
Mme
Lopez (Marlihan) : Alors, suite au mouvement #moiaussi, on a vécu une
augmentation de la demande, mais non seulement des demandes de soutien
de la part des victimes, des survivantes, sinon aussi des demandes de
sensibilisation, de formation et aussi beaucoup, beaucoup de demandes... Puis
on est en communication, on est en discussion
avec Mme la ministre et puis on se sent rassurés, parce qu'on sent qu'on est en
train de nous entendre là-dessus, et
on a de l'espoir qu'il y aura des actions qui vont venir pour adresser ces
limites qu'on vit en tant
qu'intervenants contre la violence sexuelle.
Puis ça dépend de chaque territoire. À
Montréal, il y a eu une hausse trois fois, quatre fois. Ça
dépend de chaque région. Au Nord-du-Québec, l'expérience a été
différente. Et on est encore en train d'affronter ces augmentations de demande. Donc, c'est très difficile, parce qu'avec les contraintes financières et...
et, dépendamment de chaque CALACS, il
y a, des fois, des besoins au niveau des ressources humaines, un besoin d'avoir
plus d'intervenants pour pouvoir couvrir tous les territoires. Il y a des CALACS qui desservent des territoires
immenses. Donc, dépendamment de chaque
contexte, cette situation
a été vécue mais toujours de
manière difficile. Donc, on espère qu'avec tout ce qui se passe et toutes
les consultations il y aura des mesures qui
vont être mises en place pour adresser les limitations qui existent, pour
répondre aux demandes des survivantes, les victimes d'agression sexuelle.
Mme
Fournier : Tout à fait, parce que... corrigez-moi si je me trompe,
mais, par exemple, quand il y a eu le mouvement #agressionnondénoncée, il y a
eu une augmentation des demandes rapide suite à ce mouvement-là, mais les
demandes ont continué d'augmenter aussi dans le temps. Des fois, c'est plus
tard qu'on voit les répercussions des mouvements, des vagues... des
dénonciations.
Donc, est-ce que vous
vous attendez aussi à ce que ça se reproduise dans le cas, par exemple, du
mouvement #moiaussi, que les demandes vont continuer de croître dans les mois
qui suivent?
Mme Lopez
(Marlihan) : Oui. La différence, c'est qu'en ce moment il a une plus
grande visibilité. Mais on s'entend que,
l'augmentation de la demande, l'urgence, on les vit depuis longtemps. Ce n'est
pas depuis #moiaussi qu'on vit cette
urgence. Les CALACS doivent être très, très
créatifs dans la manière qu'ils répondent aux demandes, parce qu'il faut qu'on travaille avec des
ressources restreintes. Donc, ce n'est pas une urgence qui est... L'urgence
n'est pas nouvelle, mais, oui, nous pensons qu'on va continuer à devoir
répondre à une augmentation et on espère pouvoir répondre de manière efficace.
Mme
Fournier : Parfait. Merci. Puis je serais curieuse de savoir est-ce
que vous avez répertorié... Est-ce que vous avez beaucoup de cas, donc, de survivantes qui vont vous voir qui ont
vécu des violences à caractère sexuel sur les campus, par exemple?
Est-ce que c'est en augmentation? Est-ce que vous le voyez directement sur le
terrain?
Mme
Lopez (Marlihan) : Oui. Les CALACS qui sont à proximité des
universités ou des collèges reçoivent des demandes. Ici, à Montréal,
Trêve pour elles reçoit beaucoup de demandes. Au CALACS de l'Outaouais, eux
aussi, ils reçoivent beaucoup de demandes.
Donc, dépendamment où est situé le CALACS, les intervenants ont l'habitude
de répondre aux demandes en milieu universitaire et collégial.
Mme
Fournier : Merci. Puis, quand on parle de ressources, est-ce que vous
considérez, par exemple, que, pour appliquer
le projet de loi n° 151, les ressources vont être suffisantes dans les
établissements, donc, d'études postsecondaires? Est-ce que vous avez fait une évaluation de ce que ça nécessiterait pour
mettre en oeuvre ce projet de loi là? Est-ce que vous considérez que le
23 millions, actuellement, ça sera suffisant?
Mme
Lopez (Marlihan) : Nous sommes en train de travailler sur les chiffres
pour pouvoir chiffrer les besoins et on
espère, bientôt, pouvoir sortir avec un portrait plus clair de ce que ça
nécessiterait pour vraiment bien répondre aux demandes qu'on reçoit en
matière de prévention, en matière de soutien.
Mme
Fournier : O.K. D'accord. Excellent. C'est certain qu'on va suivre ça
de près. Je sais que vous l'avez abordé un petit peu déjà, mais j'aimerais savoir un peu comment vous voyez votre rôle, vous, les CALACS, dans la mise en oeuvre de ce projet de loi ci. On parlait beaucoup de collaboration, notamment, avec des institutions d'enseignement. Je sais que vous avez déjà des projets en
cours avec, bon, l'UQAM qui ont été abordés. Il y a aussi l'Université du
Québec en Outaouais avec laquelle vous collaborez.
Comment
voyez-vous justement votre apport au sein même des établissements? Je sais aussi qu'il y a
certaines institutions postsecondaires qui ont eu recours à vous en raison des
coupes qu'ils ont eues à l'intérieur même de leurs établissements, du fait que
les ressources internes se faisaient plus rares. Donc, j'aimerais vous entendre
là-dessus.
Mme
Lopez (Marlihan) : Nous
pensons que nous avons un rôle à jouer en
matière de prévention. Tout ce
qui est sensibilisation, formation, étant donné qu'on a une expérience là-dedans, je pense qu'on a un rôle à jouer
là-dedans. Aussi, quand on parle de
guichet unique, accompagnement, je pense qu'aussi on a un rôle à jouer, comme
ressource externe, pour pouvoir répondre aux besoins des survivants et survivantes
en milieu universitaire. Il y a beaucoup d'étudiants qui vont se sentir beaucoup plus à l'aise de
venir dévoiler... à un intervenant qui fait partie de l'université
ou une ressource externe. Donc, je
pense que c'est important. Et puis, si on peut aussi jouer rôle de
référence, dépendamment des besoins... parce
qu'on s'entend que les CALACS n'offrent pas de services aux hommes, mais on
peut référer à un service qui offre des
services aux hommes, un service spécialisé, dépendamment des besoins. Donc, je
pense qu'on a un rôle à jouer, soit de soutien ou de référence, en
milieu universitaire pour répondre aux besoins des victimes et survivantes.
Mme
Fournier : Merci. Dans votre
exposé aussi, vous avez mentionné le fait que vous trouviez qu'à
certains égards le projet de loi qu'on a entre les mains était trop vague sur certaines dispositions. Et c'est certain qu'on a tous la préoccupation, au fond,
d'offrir le même niveau de protection à tout le monde, à tous les
étudiants, peu importe l'institution d'enseignement. Alors, j'aimerais
que vous nous parliez de quelles mesures vous souhaiteriez que l'on précise
dans la loi actuelle.
Mme
Lopez (Marlihan) : Par rapport
aux sanctions, c'est un peu vague, il
y a beaucoup de choses qui
restent à la discrétion de chaque institution, et c'est ça que... préoccupe
un peu. Je pense qu'on aimerait tous et toutes qu'il y ait une certaine
uniformisation pour éviter que certaines choses soient laissées de côté.
Et, pour les survivantes — j'imagine
que ce n'est pas la première fois que vous entendez ça — c'est
très important que les sanctions soient
claires et que les survivantes puissent avoir des informations par rapport
à : Est-ce que mon agresseur se trouve encore sur le campus, est-ce
que je vais le croiser? Donc, je pense qu'il faut des dispositions beaucoup plus claires. Et aussi, par rapport au
temps pour traiter une plainte, si moi, j'étais étudiante, je n'aimerais
pas me sentir comme sans aucune sécurité par
rapport à combien de temps est-ce que ça va prendre, qu'on traite ma
demande, combien de temps est-ce que je vais
être vulnérable à croiser mon agresseur dans un couloir. Donc, je pense que ça
prend des mesures plus claires. Et aussi,
par rapport à l'«accountability» des institutions, on parle d'un rapport
annuel, mais moi, j'aurais aimé voir des mesures plus claires,
répercussions pour les institutions qui ne répondent pas aux demandes prévues
dans la loi.
Donc, c'est
des choses qui, je pense, auraient dû être éclaircies un peu plus pour éviter
que ça soit à la discrétion de chaque institution.
Mme
Fournier : Puis est-ce que vous seriez d'accord avec l'idée, qui est
avancée par certains groupes, d'avoir une ressource à l'extérieur des
établissements, donc, par exemple au niveau du ministère, qui permettrait aux
étudiants, étudiantes d'aller faire une
plainte, en fait, contre l'établissement qui n'aurait pas vraiment mis en
oeuvre, qui n'aurait pas respecté sa politique?
Mme Lopez
(Marlihan) : Oui, je pense
que ça peut soulager les victimes et les survivantes, parce qu'effectivement
ça va être un peu difficile, créer une
confiance chez les survivantes et chez les victimes, en sachant que leur
plainte va être traitée par l'institution même qui a des enjeux par
rapport aux cas d'agression sexuelle et qui va être surveillée, en quelque part, par le gouvernement par rapport à
comment ils implémentent leurs politiques, comment est-ce que la
violence sexuelle est présente dans chaque collège ou université.
Mme
Fournier : Oui. J'aimerais aussi vous entendre sur un sujet qui a été
largement abordé par les autres groupes qui sont venus s'exprimer
jusqu'à maintenant lors des consultations particulières, qui est la
proscription des relations intimes entre les
étudiants et les professeurs. Donc, je me demandais si vous aviez une position
sur la question et, si oui, comment
vous la voyez. Est-ce que vous voulez qu'on inclue seulement les professeurs?
Est-ce que vous voyez ça de façon large au sein même de l'établissement?
Donc, avoir votre point de vue sur la question.
• (11 h 50) •
Mme Lopez
(Marlihan) : Alors, en tant qu'organisme féministe, on est conscients
que la violence sexuelle, il s'agit
d'un rapport de domination. On parle de rapports de pouvoir entre personnes.
Donc, c'est sûr que la relation entre un étudiant et un prof est une relation de pouvoir. Donc, ça va faire que,
si l'étudiant ou l'étudiante est
victime d'agression sexuelle, il y a
plein de barrières auxquelles cette personne doit faire face pour pouvoir
dévoiler... dénoncer. Et, si l'agresseur a une influence sur leurs études, ça va venir encore rendre difficile un
processus de plainte et un dévoilement. Donc, nous, on appuie les revendications des groupes qui
mettent l'accent sur l'importance d'interdire ces relations ou de créer
des mécanismes pour que ça soit clair et ça soit compris.
Mme Fournier : Que ça soit uniforme
dans tous les établissements d'enseignement. C'est bien ça?
Mme Lopez (Marlihan) : Oui.
Mme
Fournier : Très bien.
J'aurais une dernière question. Donc,
vous avez insisté sur le fait que ce projet de loi se concentrait plutôt sur la sécurisation, ce qui,
je pense, est bien pour les gens, les survivants, et tout ça, mais est-ce
que vous auriez vu davantage de mesures de prévention être incluses dans les
dispositions du projet de loi?
Mme Lopez (Marlihan) : Comme nous
avons dit plus tôt, oui, je pense qu'il faut être clair qu'on priorise la prévention mais qui passe à travers les
changements d'attitude et de comportement et non pas à travers la
surveillance. Donc, si le projet de loi est clair là-dedans et que le financement
est davantage mis dans les actions de prévention, de sensibilisation, de
formation et de soutien, je pense que nos inquiétudes vont disparaître.
Mme Fournier : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci, Mme Lopez. Maintenant, la parole est au représentant du
deuxième groupe d'opposition, M. le député de Chambly.
M.
Roberge : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, merci pour votre présentation. C'est bien
apprécié. Donc, quelques petites questions d'éclaircissement.
D'abord, ma collègue vient de vous interroger, il
y a quelques minutes, sur : ce qui pouvait manquer dans le projet de loi, c'étaient peut-être des sanctions, de les préciser pour peut-être
que les sanctions ne varient pas, pour une infraction ou, en tout cas,
un geste commis qui seraient similaires, d'une institution à l'autre, bien, que
les sanctions soient différentes. Vous avez
quoi en tête? Ça pourrait être quoi, une sanction pour quelqu'un qui aurait
fait du harcèlement? Est-ce que vous pensez à une exclusion pour un étudiant, une suspension
pour un enseignant, un professeur ou un chargé de cours? Vous avez quoi
en tête?
Mme Lopez
(Marlihan) : Notre expertise
n'est pas là-dedans. Donc, nous, on n'est pas venus ici pour amener des recommandations par rapport aux sanctions
comme telles qui vont être données. Nous, ce qu'on tient à dire, c'est
que ces sanctions doivent être claires, que, si moi, je porte plainte, je
puisse savoir que je peux avoir de la justice et que mon agresseur va recevoir
telle, telle sanction.
Par rapport à quelle sanction, je pense qu'il y
a des groupes qui sont beaucoup mieux placés pour répondre à cette question que nous. Nous, on se concentre sur tout ce qui
est prévention, tout ce qui est soutien et aide aux victimes. Donc, pour
nous, c'est vraiment le fait que ça soit clair pour que la victime ou la
survivante puisse avoir une certaine sécurité qu'une action va être mise en
oeuvre et qu'il y aura une «accountability».
M.
Roberge : Sur ce sujet-là,
je pense que, pour le survivant, la survivante, la notion d'être pris en charge
très rapidement avait été évoquée précédemment par le groupe Ni
viande ni objet, qui était venu présenter la semaine dernière... qui nous disait : Le plaignant doit avoir,
aussitôt qu'il y a un dévoilement, une action très, très
rapide... on disait, peut-être même
48 heures ou cinq jours ouvrables, maximum, là, pour que cette personne-là sente que, tout de suite, tout de suite, elle est rencontrée, elle est prise en charge sans qu'il y ait nécessairement une sanction contre un
agresseur potentiel. Mais, qu'il y ait une prise en charge très, très
rapide, j'imagine, c'est quelque chose avec lequel vous êtes d'accord.
Mme Lopez (Marlihan) : Oui, oui,
oui, et puis que le service soit concentré dans un endroit pour éviter la revictimisation, pour que la victime ou la
survivante n'ait pas à dévoiler... à chaque fois, à un endroit, à une autre
personne et que ça prend cinq bureaux pour
recevoir accès à un soutien ou porter plainte. Donc, c'est ça que nous, on
trouve que ça serait important. C'est pour ça qu'on trouve que le guichet
unique, c'est intéressant.
M. Roberge : O.K. Bien, je suis
content que vous l'abordiez, ça, parce qu'on l'a entendu à quelques reprises, «revictimisation», puis je n'étais pas certain à
quoi on faisait référence, mais, dans le fond, c'est de forcer la victime ou la survivante de raconter l'événement plusieurs fois. Donc, l'idée
d'avoir un guichet unique, ça peut éliminer la revictimisation. Mais ça serait quoi, d'autres contextes qu'il faudrait
éviter, qui amèneraient une revictimisation, donc, évidemment,
de croiser son agresseur, de raconter son histoire plusieurs
fois? Quoi d'autre aussi qu'on devrait éviter et qu'on pourrait peut-être
inscrire dans la loi, là, pour éviter les revictimisations?
Mme Lopez
(Marlihan) : Je pense qu'il
faut aussi prévoir des accommodements. On entend beaucoup parler des victimes
et survivants en milieu universitaire, par
exemple, qui ont vécu une agression dans les résidences, que ça tombe
sur le poids de la victime de trouver une
autre chambre, de trouver un autre endroit. S'il s'agit d'un agresseur qui est
dans le même cours, c'est la victime qui
doit changer de cours. Donc, il faudrait que le poids et la responsabilité
soient déplacés et qu'il y ait des
accommodements pour des victimes qui portent plainte, parce que, jusqu'à
maintenant, on sent que la charge est trop sur la victime, et non pas
l'agresseur. Donc, ça serait un exemple.
Et aussi, quand on parle de guichet unique,
nous, on salue cette initiative, mais il faut aussi s'assurer que les personnes qui travaillent dans ce guichet unique
soient vraiment outillées pour pouvoir recevoir des dévoilements et
soient outillées pour recevoir des
dévoilements des étudiants qui appartiennent à différentes communautés, parce
qu'on a tous des préjugés, il y a des
stéréotypes qui nourrissent ces préjugés. Donc, ça prend vraiment des personnes
qui soient formées et outillées pour pouvoir recevoir des dévoilements
d'agression sexuelle, parce que la revictimisation peut arriver au moment de dévoiler... Donc, ça, c'est très, très
important, d'éviter tout blâme. C'est avoir des attitudes aidantes, et ça
prend des intervenants formés avec une expertise en violence sexuelle.
M.
Roberge : Puis je me demandais : Justement, est-ce que ça
pourrait être votre rôle, aux CALACS, d'aider à la formation de ces gens-là, de les accompagner? J'essaie
de voir la différence entre votre rôle actuel et quel serait votre rôle éventuel après la mise en oeuvre des politiques et
de cette loi-là. Est-ce que vous voyez, pour vous, vraiment un champ
d'action, un rôle pour les CALACS? Et qu'est-ce que vous pourriez faire, dans
un avenir rapproché, disons, dans les 18 prochains mois, dans les 24 prochains
mois, pour la mise en place des politiques, des plans d'action?
Mme Lopez
(Marlihan) : Dépendamment des réalités de chaque région en question et
du financement disponible. On peut
prendre l'exemple de Trêve pour elles, qui a une intervenante qui travaille en
milieu universitaire, à l'UQAM, qui
travaille plusieurs jours par semaine, qui reçoit des victimes, qui reçoit
aussi des témoins actifs qui, eux aussi, ont vécu des traumatismes. Donc, ça peut prendre plusieurs
formes. Ça peut être former, ça peut être offrir le soutien, même. Mais
ça dépend de la réalité de chaque région et du financement qui est disponible
pour pouvoir offrir ces ressources.
• (12 heures) •
M. Roberge : Donc, on pourrait
carrément imaginer, dans certains cas, une espèce de partenariat entre un collège ou une université puis un CALACS puis une
espèce d'entente où le CALACS pourrait entrer... Dans le fond, il faut être flexible sur les moyens, très, très ferme sur
les objectifs. Puis il y a de la place pour vous pour participer
activement dans ça. Évidemment, vous auriez
besoin de moyens. Si on pense à ça, supposons, un partenariat, juste pour se
donner une idée, là, supposons, un collège
qui, en ce moment, ne ferait pas affaire avec... «affaire», ce n'est peut-être
pas le bon terme, mais qui ne serait
pas en lien avec un CALACS et qui dirait : O.K., nous, on vous inclut dans
le processus, on pense à combien d'intervenants? On pense à combien de
moyens que vous auriez besoin pour participer à ça?
Mme
Lopez (Marlihan) : Ça dépend des régions. Ça ne va pas être les
mêmes... Ce n'est pas la même réalité à Rimouski qu'à Montréal, qu'à Chicoutimi. Ça dépend vraiment des réalités
de chaque CALACS, des besoins de chaque CALACS et des besoins des collèges en question. Donc, je ne pense pas
que ça va être un modèle qui va être le même partout. Dépendamment de chaque réalité, c'est sûr qu'un partenariat est
faisable, est souhaitable, mais ça ne va pas être pareil partout. Il
faut vraiment voir les besoins de chaque région et les ressources avec
lesquelles on peut travailler pour voir quel modèle on peut développer.
M.
Roberge : Donc, c'est de
miser sur une de vos forces, qui est la flexibilité, puis d'être
capables de s'adapter puis de tisser des partenariats selon chaque
milieu.
Bien, je vous remercie beaucoup. Je pense,
c'étaient mes dernières secondes. Merci pour votre présentation.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, Mme Lopez. Votre contribution aux travaux de la
commission est très appréciée.
Je suspends les travaux de la commission
jusqu'après les affaires courantes, soit vers 15 h 15. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 1)
(Reprise à 15 h 15)
La
Présidente (Mme de Santis) :
La Commission de la culture et de
l'éducation reprend ses travaux.
Veuillez éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques.
Nous
poursuivons les auditions publiques dans
le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 151, Loi visant à
prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les
établissements d'enseignement supérieur. Cet après-midi, nous entendrons
le Bureau de coopération interuniversitaire, l'Association pour la voix
étudiante au Québec et la Fédération des cégeps.
Je souhaite
la bienvenue aux représentants du Bureau de coopération interuniversitaire. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et
ensuite nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à procéder avec votre
exposé.
Bureau de coopération
interuniversitaire (BCI)
M. Bédard (Claude) : Alors, merci,
Mme la Présidente. Mmes et MM. les députés, permettez-moi de me présenter : Claude Bédard, directeur général du BCI. Je suis accompagné de Mme Johanne Jean, à ma gauche,
présidente de l'Université du Québec, et de Mme Angela Campbell, vice-présidente
adjointe de l'Université McGill, à ma droite.
D'entrée de jeu, nous souhaitons remercier la commission de nous offrir l'occasion de présenter le point de vue des établissements universitaires. Nous tenons en particulier à remercier la ministre responsable de l'Enseignement supérieur,
Mme Hélène David, d'avoir initié ce
processus et de nous y avoir conviés, puisqu'il s'agit d'un sujet d'une
importance capitale dans notre société.
Le BCI tient d'abord à témoigner de la
préoccupation profonde qui anime les établissements universitaires au sujet des
violences à caractère sexuel sur leurs campus. De tels comportements nuisent à
notre mission d'offrir aux membres de nos
communautés un environnement d'études et de travail qui soit à la fois sain et
sécuritaire. Sachez que les universités québécoises sont déjà fermement
engagées dans la lutte contre de telles violences. Dès décembre 2014, le conseil d'administration du BCI a mandaté un
groupe de travail afin de proposer les meilleures pratiques pour
prévenir et traiter de tels cas sur leurs
campus. Le rapport résultant est considéré d'ailleurs comme une référence en la
matière, a été traduit en anglais et
distribué largement depuis à travers le Canada. Nous sommes conscients que nos
institutions ont un rôle clé à jouer
dans ce domaine d'abord en encourageant un changement de culture concernant la
notion de consentement, notion
capitale, et ainsi que par la voie de politiques et procédures qui visent trois
volets distincts : un, l'éducation des membres de nos communautés
afin de prévenir ou de réduire l'incidence de telles violences sur les campus;
deux, le support des victimes; et, trois,
l'établissement de procédures transparentes et efficaces qui à la fois aident
les victimes et traitent adéquatement les plaintes.
Bref, les établissements universitaires sont
heureux de constater que ce projet de loi est, dans son ensemble, conforme à
leurs attentes et qu'il leur reconnaît la flexibilité de développer des
politiques qui leur seront appropriées.
Alors, cela
étant dit, nous souhaitons maintenant porter à votre attention quelques
préoccupations et suggestions importantes
concernant ce projet de loi. Pour ma part, je céderai maintenant la parole à
mes collègues sur ces questions. Alors, Mme Jean, d'abord.
• (15 h 20) •
Mme Jean (Johanne) : Merci, Claude.
Je vais aborder avec vous des éléments qui touchent particulièrement
l'harmonisation avec les lois et les conventions existantes ainsi que ceux sur
l'encadrement des activités sociales ou d'accueil.
En premier lieu, tout de même, je tiens quand
même à mentionner que les universités sont effectivement très favorables à la mise en place, dans chaque
établissement, d'une politique ayant pour objectif de prévenir et de
combattre les violences à caractère sexuel,
incluant, bien entendu, l'obligation que cette politique doit être distincte de
toute autre politique de l'établissement.
Concernant maintenant la question de
l'harmonisation avec les lois et les conventions existantes, il est clair
que les universités comptent mettre en oeuvre la recommandation que le projet
de loi prescrit à l'article 3, paragraphe 1°. Cependant, il faut
noter qu'il y a tout de même un défi d'harmoniser l'action avec les lois,
politiques et conventions existantes. Ainsi,
il importe de souligner que les droits et obligations des établissements envers
leurs employés sont régis par des conventions collectives et des
contrats individuels de travail. La législation éventuelle devrait tenir compte
de ces ententes, de la Charte des droits et libertés de la personne et des droits et obligations qui en découlent.
La loi doit servir à bien outiller
les établissements pour qu'ils soient en mesure de travailler avec
tous les membres de leurs communautés, qu'ils
soient dirigeants, membres du corps professoral, employés, étudiants, ou encore
leurs associations pour mettre leurs politiques respectives
en marche.
Par ailleurs, toujours
en lien avec l'harmonisation avec les lois et les conventions existantes mais
en ce qui concerne les sanctions, la politique doit reconnaître la nature distincte
des relations entre les établissements et leurs étudiants, leurs employés et leurs cadres. Il existe déjà des
codes de conduite, des politiques et des conventions
collectives qui régissent ces relations
ainsi que les mesures disciplinaires qui puissent être invoquées. Il est important
que les politiques pour combattre les
violences à caractère sexuel puissent renvoyer aux régimes disciplinaires
distincts déjà en place sans devoir intégrer des textes
de ceux-ci.
L'autre
élément que je souhaite soumettre à votre attention, c'est la question
de l'encadrement des activités
sociales ou d'accueil, c'est-à-dire
l'article 3, le paragraphe 5°. Tout en appuyant le principe, les établissements
estiment qu'il serait très difficile
d'assurer l'application des règles encadrant toutes les activités sociales ou
d'accueil tant en raison du nombre que
de la diversité des activités. De plus, les associations étudiantes sont des
entités juridiques distinctes des universités et du fait de la Loi sur l'accréditation et le financement des
associations. Le caractère obligatoire des règles édictées par les universités pour les associations étudiantes
pourrait être compromis par l'indépendance des associations. Nous
pourrions cependant envisager l'obligation pour l'établissement d'énoncer, dès
la réservation des salles, les règles de conduite pour les événements sur les campus. Nous comprenons que ce paragraphe
s'adresse aux activités tenues sur les campus universitaires. Dans un
tel contexte, il est certain que les établissements devraient proposer des
mesures favorisant la communication des règles de conduite aux organisateurs et
l'application sur place des règles encadrant les activités sociales ou d'accueil. Nous comprenons par
ailleurs que les mesures visant l'application sur place des règles
prescrites par les établissements ne
pourraient viser les activités organisées par les associations étudiantes
tenues à l'extérieur des campus universitaires
et que de telles règles ne pourraient engager la responsabilité des établissements
à l'égard de ces activités. Une telle approche donnerait aux
établissements les outils nécessaires à la mise en oeuvre de règlements
encadrant les activités de tiers, en l'occurrence les activités avec les
associations étudiantes.
À ce moment-ci, je
passerais la parole à ma collègue Mme Angela Campbell.
Mme
Campbell (Angela) : Merci, Johanne. Bonjour. Premièrement, je vais
traiter la question de confidentialité.
Donc,
nous comprenons que l'article 3, paragraphe 11°, vise à protéger
l'identité des victimes. Cependant, nous soutenons que la confidentialité doit avoir des limites lorsque la
sécurité des membres de la communauté est ou pourrait être compromise
ainsi que pour assurer l'équité de procédures administratives menant à une
sanction disciplinaire. Dans ces circonstances, les établissements voudront
conserver leur liberté d'action, nonobstant la confidentialité.
Plus
précisément, la politique devrait prévoir que la confidentialité est la règle
générale mais que, dans le cas où la sécurité
des membres de la communauté ou du campus pourrait être compromise ou qu'une
plainte entraîne un processus disciplinaire
ou une sanction disciplinaire, la confidentialité ne sera pas exigée. Dans le
cadre d'une politique pour combattre les
violences sexuelles, les établissements pourraient encadrer les circonstances
dans lesquelles il serait permis d'informer les victimes de violence à caractère sexuel du résultat des procédures
administratives, sous condition que les victimes, elles ou eux aussi,
respectent la confidentialité de ces renseignements. En conséquence, les
établissements universitaires recommandent que le projet de loi prévoie que
chaque politique doit traiter de la question de la confidentialité des
divulgations, des plaintes et des renseignements recueillis, mais sans en
déterminer les paramètres a priori.
Par ailleurs,
nous notons qu'il y a une différence importante
entre une divulgation et une plainte de violence à caractère sexuel. Chacun de ces concepts aura des
implications juridiques et administratives distinctes. De plus, le
devoir institutionnel de confidentialité
pourrait être différent lorsqu'on parle d'une divulgation que lorsqu'on traite
des plaintes. Ceci étant le cas, nous
recommandons fortement que la loi prononce des définitions précises et claires
de «divulgation» et de «plainte» et nous proposons des définitions de
ces termes à la page 11 de notre mémoire.
Finalement,
nous voudrions traiter la question de l'encadrement des relations intimes,
amoureuses et sexuelles à l'article 3
du projet de loi. D'après nous, les rapports intimes, amoureux ou sexuels entre un étudiant et une personne
ayant une influence sur le cheminement de
ses études constituent un conflit
d'intérêts. Ces relations devraient
être évitées, elles sont mal conseillées,
mais elles ne seront pas nécessairement des manifestations de violence à caractère
sexuel. Certains établissements les encadrent déjà par le biais de politiques
sur les conflits d'intérêts.
Une politique sur les
conflits d'intérêts ne devrait pas être prescrite en vertu de ce projet de loi
et ne devrait pas nécessairement être
incluse dans la politique de prévention et de lutte contre les violences à
caractère sexuel de chaque université.
Par ailleurs, dans le contexte du développement de leurs politiques pour
combattre les violences sexuelles, la loi pourrait inciter les établissements d'identifier les circonstances qui sont susceptibles de rendre
impossible le consentement libre et
éclairé aux rapports intimes, amoureux ou sexuels sans par ailleurs prescrire les dispositions précises de la politique.
En conclusion, nous
vous remercions, Mme la ministre, encore une fois pour cette opportunité de
partager la perspective des établissements universitaires du Québec sur
ce sujet d'extrême importance pour la société québécoise. Il nous fera
maintenant plaisir de répondre à vos questions.
La Présidente (Mme de
Santis) : Mme Jean, Mme Campbell, M. Bédard, merci pour
votre exposé. Nous allons maintenant
débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme
David : Oui. Merci beaucoup. J'ai beaucoup de questions, donc. 23 minutes, ça va
être rapide, mais je vais commencer
par la fin, puisque ça m'apparaît être un des sujets extrêmement importants. Dans votre mémoire, vous parlez de quand on parle d'un code de conduite et vous
faites la différence entre conflit
d'intérêts et violence à caractère
sexuel, et puis un ne veut pas nécessairement dire l'autre. On se comprend et
on est tout à fait d'accord.
Par
ailleurs, votre dernière phrase, je
la retiens beaucoup : Consentement libre et éclairé. Alors, on entend
beaucoup parmi les spécialistes, et vous en
êtes, qu'une violence à caractère sexuel... et, entre autres, toutes les
campagnes sur le consentement, dont
Sans oui, c'est non!, le mot-clé, c'est «consentement». Si le consentement
n'est pas libre et éclairé, comment pouvez-vous dissocier cette question
de la question de violence à caractère sexuel?
Mme Campbell
(Angela) : Merci pour la question. Selon nous, c'est certain que la
relation entre étudiants et instructeurs,
c'est une relation de pouvoir. Cependant, nous ne pensons pas que le fait de cette
relation vicie le consentement dès le début. Lorsqu'il y a un abus de ce
genre de pouvoir, lorsqu'il y a une... C'est une relation de fiducie, presque.
Lorsqu'il y a un abus de confiance, de pouvoir ou d'autorité, à ce moment-là,
le consentement est vicié.
On vous donne, par exemple, la politique
contre la violence sexuelle de McGill. La définition de «consentement»
dans cette politique-là n'interdit pas les relations entre les personnes en
autorité et les étudiants. Cependant, nous indiquons
dans cette politique que, lorsqu'il y a un abus de la relation de pouvoir entre une
personne en autorité — ça
pourrait être un directeur de thèse, un
instructeur de cours, ça pourrait même être un prof dans le même département
d'un étudiant lorsque le département est assez petit — dans
ce cadre-là, lorsqu'il y a un abus de relation de pouvoir, c'est à ce moment-là
que le consentement libre et éclairé est impossible.
Mme
David : Alors, pour être très, très clair, pour vous, la politique,
que ça soit McGill ou vous comme chercheurs et spécialistes, vous êtes en train de dire qu'un directeur de thèse
pourrait tout à fait avoir une relation amoureuse, intime et sexuelle
avec son étudiante au doctorat et que ça ne poserait pas de problème?
Mme
Campbell (Angela) : Pas du tout. Nous, il y a trois aspects. C'est à
éviter. Si ça arrive... Et nous ne voulons pas dire du tout que les établissements universitaires sont à l'appui de
ce genre de relation. Cependant, ça peut arriver, et nous ne voulons pas être les policiers des
relations intimes des personnes sur notre campus. Il y a beaucoup
d'étudiants sur notre campus, des étudiants
qui ont 30 ans. Il y a des profs aussi qui, eux aussi, ont 30 ans. Donc, ça
pourrait arriver qu'il y ait relation
intime qui se développe dans un cadre académique, mais c'est à éviter. Si ça
arrive, il faut que ça soit dévoilé dès
le début et il faut que ça soit géré, et c'est là que les politiques de
conflits d'intérêts gèrent les contextes
de cette façon-là.
Je ne sais pas si je
m'exprime bien, mais il y a trois aspects, à mon avis : il faut que ce
soit évité; lorsque ça émerge, il faut absolument
que ça soit dévoilé ou divulgué à une personne en autorité, donc le «chair» ou
le directeur de département; et il faut absolument, à ce moment-là, qu'il
y ait un changement d'autorité au cadre académique pour que l'étudiante ne soit
plus sous l'autorité de cette personne avec qui elle, ou lui, a une relation
intime.
• (15 h 30) •
Mme David :
O.K. Vous êtes consciente que beaucoup, beaucoup de groupes sont venus nous
voir pour dire exactement le contraire. Des pétitions de professeurs, des
syndicats de professeurs... Pour l'instant, il y a vous et un autre
groupe qui avez dit à peu près
cette mesure, là, le code de conduite, etc. Parce que plusieurs
disent : C'est bien beau quand, peut-être, ça va bien, et, quand ça
ne va plus bien, ça peut vraiment détruire la carrière d'un jeune chercheur, ça
peut détruire la carrière d'un étudiant et
ça devient vraiment une violence à caractère sexuel, à ce moment-là, dans le sens d'un consentement qui n'était ni vraiment libre ni vraiment
éclairé, étant donné la notion d'autorité. Alors, je n'en ferai
pas un débat de 23 minutes, mais je
veux juste vous signaler qu'on vit avec plusieurs considérations, plusieurs
groupes, plusieurs mémoires qui sont présentés et que je prends acte de
votre position. Je ne sais pas si c'est celle de l'ensemble des universités,
mais c'est une position avec laquelle on va réfléchir, certainement, tout comme
on réfléchit aux positions des autres groupes.
Maintenant,
là, je reviens au tout début — excusez,
je fais un peu du coq à l'âne — parce qu'au tout début vous avez, dans le mémoire, parlé d'une politique qui
devrait avoir le droit d'être intégrée avec d'autres politiques à partir
du moment où on sépare bien les choses, mais
ça serait comme une politique qui chapeaute. Tout à l'heure, si je ne me
trompe pas, c'est probablement Mme Jean
qui a dit : La politique, on est d'accord, puis elle doit être séparée des
autres. Alors là, je ne suis plus sûre que ce que vous avez écrit puis
ce que vous avez dit disent la même chose.
Mme Jean
(Johanne) : Vous savez, dans
le rapport d'octobre 2016, quand on a produit le rapport d'octobre 2016,
dont on vous avait remis une copie à ce moment-là... C'est tiré clairement du rapport. Ce que vous avez, là, dans le
projet de mémoire qu'on vous a déposé, c'est tiré clairement du rapport.
C'est
sûr que je vous dirais sans trop me tromper, O.K., que la plupart des
établissements, depuis octobre 2016, on a fait passablement de chemin
sur ce dossier-là, veux veux pas, pour toutes sortes de raisons et que, dans la
plupart des établissements, actuellement, la perspective d'avoir une politique distincte, je ne crois pas qu'elle pose problème,
parce qu'on s'est rendu compte... Je veux dire, je peux parler de moi-même
comme rectrice, tiens, à l'UQAT. On avait une politique
sur le harcèlement qui était intégrée à l'intérieur d'une autre politique, je
faisais partie de ces cas, et finalement on a décidé tout simplement de la séparer parce que c'était beaucoup
plus simple, plus facile, plus clair, plus transparent. Donc, je vous
dirais qu'on est dans cette perspective-là. Donc, on a fait du chemin depuis un
an, l'ensemble des établissements.
Mme
David : Bien, je vous remercie d'apporter la précision, parce que le
mémoire, il est quand même daté d'aujourd'hui, là, et puis il dit bien, à la
page 7, que les établissements devraient être autorisés à continuer
d'inclure leurs règles sur les violences...
Alors, peut-être qu'il y a d'autres éléments aussi où vous avez cheminé. Alors,
s'il y en a d'autres, dites-le-nous tout de suite, parce que ça va aller
plus vite.
L'encadrement des
activités d'accueil, ça, je pense que vous avez la même opinion qu'à l'époque. Et
je pense qu'on s'est mal compris, parce que, dans le projet de loi, c'est bien
clair que ce n'est pas que sur les campus, c'est toutes les activités régies
par les associations étudiantes et/ou les universités soit par contrat, par
entente, etc. Je comprends que vous ne voudriez pas être assujettis à une
activité. C'est pourtant un peu le contraire de ce qui est dit dans le rapport
sur les initiations, là, qu'on a déposé le 21 août, rapport fait par
l'organisme Sans oui, c'est non!, qui justement nous suppliait d'inclure les
activités hors campus quand c'est régi, entendons-nous bien, là, quand c'est
régi par une association étudiante qui elle-même est accréditée par ladite
université. Donc, il y a comme une chaîne de commandement. Et j'ai des exemples
qui se sont passés à l'automne où c'était très clair que c'était hors campus,
mais il y avait un contrat de signé entre l'établissement d'enseignement
supérieur, pour ne pas dire l'université, et l'association étudiante, et donc
l'association a fait objet d'une enquête et de sanctions.
Donc, je ne comprends
pas la différence que vous faites, d'autant plus — puis je rajoute un
autre élément pour vous compliquer la vie encore plus — que
plusieurs nous ont même suggéré : Faites attention — et
j'y suis très sensible — il y a aussi les associations sportives. Les
associations sportives, des fois, ça a du fun aussi, et les associations
sportives relèvent des universités où elles
s'agitent, et agissent, et font du sport, mais elles font d'autres choses, des
fois. Alors, ils nous ont dit : S'il
vous plaît, pouvez-vous garder un oeil sur ces associations, qui ont quand
même, des fois, fait couler un peu d'encre médiatique?
Alors
là, je voudrais vous entendre. Est-ce que c'est plus clair? Est-ce qu'on se
comprend qu'on ne se comprend pas ou on se comprend vraiment?
Mme Campbell
(Angela) : Lorsqu'il y a un lien juridique entre l'université et
l'activité ou l'association, là, c'est sûr
qu'il y aura une mesure de contrôle qui pourrait être exercée, mais, lorsque
c'est complètement indépendant d'une université, il y a vraiment des
limites à ce que l'université peut faire. Donc, même si ce n'est pas une
activité qui est organisée ou contrôlée par
l'université, si on entre dans un contrat avec l'association, c'est sûr qu'à ce
moment-là il y aura des contraintes
que l'institution pourrait établir, disons, la location des lieux ou bien des
permis, ce genre de relation. Mais, s'il n'y a aucune relation juridique
qui s'établit entre l'association étudiante et l'université, ça devient
presque... pas presque... impossible pour les universités d'avoir aucun
contrôle là-dessus. Donc, je pense qu'à ce moment-là il y a, et c'est vraiment
important, à réfléchir à ce que les universités peuvent faire en vertu de la
relation entre eux et les associations étudiantes.
Mme David :
Alors, si je comprends bien, vous nous suggérez fortement que, même pour les
activités hors campus, il y ait des ententes
prévues entre ladite association et l'université si on veut que ça soit soumis
à cette politique.
Mme Campbell
(Angela) : Absolument. Des fois, c'est exactement ça qui arrive. Ça
dépend, parce qu'il y a plusieurs activités
sociales qui arrivent qui n'ont pas lieu sur le campus, mais des fois il y a
des conventions qui s'établissent entre
l'association et l'université quand même. Mais, lorsque c'est hors campus, ça
devient encore plus difficile, parce qu'à
ce moment-là il y a vraiment un taux très minime de ce que l'université peut
faire parce qu'à ce moment-là il n'y a pas de question de location de
lieux, de permis, ou quoi, c'est vraiment séparé de l'institution en telle...
Mme David :
Je veux être sûre de bien comprendre, parce que ça a des conséquences
importantes. S'il se passe quelque
chose de fâcheux, une agression à caractère sexuel pendant une activité d'une
association accréditée par vous, par ailleurs,
et que l'étudiante... il y a une plainte, il y a un dévoilement, un
signalement, avec tout l'accès au guichet dont on parle, etc., alors on met en place la politique,
est-ce que ça veut dire que cette étudiante-là ne pourrait pas porter
plainte?
Mme Campbell
(Angela) : Absolument. En ce qui concerne la plaignante ou la
divulgatrice, elle, elle pourra certainement
invoquer la politique pour avoir l'accompagnement, le support. En termes de
plainte, ça, c'est une autre chose. Chaque université a une définition,
dans leurs politiques ou leurs codes de conduite, concernant les étudiants, une
définition du terme «contexte universitaire».
Comme,
à McGill, nous avons une grande, grande... nous sommes encore en train d'avoir
ce débat de ce que ça veut dire, «McGill context», le «contexte
universitaire». Il y a beaucoup de débats sur la question de si l'université a
une juridiction disciplinaire sur des actes
qui arrivent hors du campus, qui impliquent deux ou plusieurs étudiants de
notre campus. Donc, on est en train
actuellement d'avoir ce débat. On a fait beaucoup de recherches et on voit
qu'il y a plusieurs façons dont on
pourra dire que, même si l'action ou l'acte arrive à l'extérieur du campus,
c'est possible que l'université pourrait
avoir une autorité disciplinaire. Mais il faut être certains que nous... C'est
très difficile, dès le début, d'imposer des contraintes... et qu'il faut garder la flexibilité, parce que chaque cas
sera différent. Et c'est sûr que les contextes vont varier beaucoup. Ça va dépendre de la nature de l'acte,
du caractère ou de l'identité des personnes, s'ils sont des étudiantes
ou des membres de communauté et quelle est
la relation entre les personnes lorsqu'ils sont sur le campus : Est-ce que
ce sont deux étudiants qui sont dans
la même résidence, dans les mêmes salles de cours, qui fréquentent la même
bibliothèque? Alors, ce sont tous des facteurs variables mais qui sont très
importants.
Mme David :
Je ne suis pas sûre que je vous suis tout le long, là, dans ce que vous dites,
mais ce qui m'apparaît sortir de
votre réponse, c'est qu'un étudiant qui aurait agressé un autre étudiant, en
fait, il n'y aurait jamais d'étude de cas s'il y a vraiment eu une agression ou pas, parce
que l'étudiante ne pourrait pas porter plainte parce que ça ne s'est pas
passé sur le campus.
Il y a eu plusieurs cas récemment, il y a eu
encore des médias autour d'événements hors campus. C'est très important, ce que
vous dites là, là. Ça veut dire que, si c'est une activité par une association
accréditée par une université — pas un party entre étudiants la veille de
Noël, là, je parle d'une activité d'association mais hors campus — où l'étudiant est agressé par un autre étudiant, il
peut y avoir un suivi fait, genre psychosocial, pour l'étudiante...
admettons que c'est un rapport hommes-femmes, mais que l'étudiante, elle
ne pourrait pas porter plainte à l'université,
c'est ça, il ne pourrait pas y avoir de sanction, ou de mesure
académique, ou des choses comme ça.
• (15 h 40) •
Mme Campbell
(Angela) : ...jusqu'à date, c'était le cas, que c'était très difficile
pour la plaignante de porter plainte contre
l'étudiant, l'auteur présumé de l'acte. Cependant, là, comme je viens de le
dire, on parle beaucoup de ce sujet parce qu'on a vu qu'il y a des limites importantes là-dessus. Donc, on a
commencé à ouvrir la notion de contexte universitaire, et, lorsqu'il y a
deux personnes qui sont impliquées dans une agression — ça
pourrait être physique ou sexuel — où il
y a un lien qui continue entre ces deux personnes sur le campus, il y a une
relation qui continue, c'est possible qu'une plainte pourrait être prise dans le contexte universitaire. Et ça, c'est
le cas, même si l'acte n'a pas eu lieu dans le contexte d'une activité
d'une association d'étudiants. Ça pourrait même être un acte privé à
l'extérieur de l'université.
Donc, on dit
que... et je parle seulement de... pas de la position du BCI, de la position de
McGill, on est en train maintenant de
voir que la définition du contexte universitaire, ça pourrait être trop limité,
et là on est train de voir qu'il faudrait peut-être l'ouvrir. Mais,
comme j'ai dit, il n'y a pas encore une définition établie, parce que, là,
vraiment, actuellement, nous sommes en train
de le regarder et de faire des révisions à notre politique concernant le code
de conduite des étudiantes.
Mme David : O.K. Merci
beaucoup. Je comprends effectivement que vous êtes une grande spécialiste de la
question mais que vous parlez aussi un peu au nom de McGill, c'est-à-dire de ce
que vous connaissez le plus et le mieux,
c'est-à-dire la politique, justement, dont je sais qu'elle est en révision,
justement, parce qu'il y a eu des défis par rapport à cette politique-là en lien avec des événements qui ont été
hypermédiatisés, etc. Alors, c'est pour ça que c'est si important, ce
que vous nous dites. Mais je retiens aussi...
Une voix : ...
Mme David : Attendez un petit
peu. Je retiens aussi que vous ne parlez pas au nom du BCI. Donc là, je suis un petit peu embêtée, moi, parce que je comprends
que ce n'est pas McGill qu'on reçoit aujourd'hui, c'est le BCI, et la ministre, elle va devoir faire, si possible,
plaisir à tout le monde. Et on discute de choses extrêmement sérieuses et
lourdes de conséquences. Alors, je sais que
McGill est très, très, très investie dans cette question des violences à
caractère sexuel puis je n'ose plus
vous demander... Vous l'avez dit, de toute façon : Je ne parle pas au nom
du BCI, je parle au nom de mon université. Si d'autres veulent répondre
par rapport à ça, je suis très, très ouverte. Mme Jean.
Mme Jean (Johanne) : Je veux
bien...
Mme David : ...vous donner la
parole, mais si vous voulez répondre.
Mme Jean
(Johanne) : Je veux bien répondre. D'une part, concernant les
activités hors campus, O.K., il faut s'entendre, là, que, quand vous
faites référence, Mme la ministre, à la ligne de commandement, une association,
une activité accréditée, une autorisation de
la part de la direction de l'établissement à dire : Oui, cette activité-là
peut se tenir, je ne sais pas, moi,
au camp du Lac-à-la-Loutre ou ailleurs, bien, il y a un lien avec
l'établissement. Et c'est évident, là, que l'ensemble des règles de
conduite, des codes s'appliquent, O.K., et que je vous dirais que, dans
l'ensemble des directions d'établissement,
là, on s'assure... et on va continuer et on va peut-être même, je dirais,
augmenter nos actions pour s'assurer
que le tout se déroule de façon convenable. Quand on fait référence, souvent...
Il faut faire attention quand on parle des
activités hors campus. Si, par exemple, il y a une activité étudiante qui
s'organise et pour laquelle la direction n'est pas... où la direction des services aux étudiants, ou autres, n'est pas
partie prenante, bien, c'est là que c'est difficile pour une université,
si tu n'es même pas au courant que l'activité va avoir lieu, de réagir et de
s'assurer que les bonnes règles de conduite
vont être respectées. Mais, à partir du moment où il y a une ligne de
commandement, que ça se tienne sur le campus ou en dehors du campus, à
partir de ce moment-là, on va travailler à ce que le tout se fasse dans le
respect des règles.
Concernant la
deuxième partie, sur si un étudiant ou une étudiante, face à une agression ou à
une violence... veut porter plainte,
que ça se fasse, bien sincèrement, à l'intérieur des murs des résidences, ou
pendant une activité, ou ailleurs, je pense
que les directions d'établissement, on est prêts à recevoir les plaintes, à
regarder... Et je vous dirais que, de par mon expérience, c'est comme ça qu'on a géré. Et, ce que je connais du
réseau, et je pense que c'est le message qu'on vous envoie, c'est évident que, quand on vous dit qu'on
est parfaitement à l'aise avec une politique,
une politique distincte et avec des règles avec lesquelles on est prêts à travailler, c'est sûr que ça
fait... Les universités ont des tailles diverses, oeuvrent sur des campus et sur des territoires immenses, donc ça pose une
problématique. Mais je vous dirais qu'à partir du moment où on a un étudiant, une étudiante qui porte plainte
ou qui fait un signalement, bien, il y a toute une chaîne de
commandement, dans l'ensemble des
universités, qui se met en marche, là, pour qu'on puisse apporter une solution
ou tout au moins réagir puis faire un constat puis possiblement une
solution en lien avec le constat.
Mme David :
O.K. Merci beaucoup. J'ai deux autres courts sujets que je veux aborder. Mon
collègue après, le député de D'Arcy-McGee, aura aussi une question.
La Présidente (Mme de Santis) : Il
reste quatre minutes.
Mme David : Combien?
La Présidente (Mme de Santis) :
Quatre.
Mme David :
Aïe, aïe, aïe! Bien, écoutez, la question qui m'a un peu... j'étais un peu
jetée à terre quand j'ai vu ça, mais plutôt, peut-être, les étudiants
seraient très, très contents, parce que, dans tous les mémoires, ils disent ça,
la question de la confidentialité et de la
divulgation des sanctions. Alors, encore ce matin, des gens nous parlaient de
ça. Une victime, elle, se... une survivante,
comme elles disent, disons, d'une violence à caractère sexuel voudrait bien
savoir ce qui arrive de son agresseur
et pouvoir savoir s'il se promène sur le campus ou pas. Vous avez une position
qui est assez claire, qu'il pourrait
y avoir divulgation et qu'on pourrait passer outre la question de la
confidentialité. Alors, je vous donne mes deux questions. Ça, c'en est
une. Je veux vraiment vous entendre là-dessus.
L'autre,
c'est les délais. Tout le monde nous dit : Imposer des délais, cinq jours
pour prendre connaissance de la plainte,
cinq jours pour agir, surtout dans des mesures académiques, changer de groupe,
cours, etc., faire quelque chose avec la
chambre dans la résidence, bon, pour essayer de faire un accommodement
académique et 45 jours, au plus, pour faire un traitement de la plainte, et pas que ça dure un
an, deux ans ou 90 jours parce que c'est très long dans la vie d'un
étudiant et dans son semestre.
Alors, est-ce que vous pouvez me donner des
réponses sur les deux aspects, un ou l'autre?
Mme Campbell
(Angela) : Donc, en ce qui concerne la confidentialité, l'aspect que
vous venez de mentionner, on voit
beaucoup de survivantes sur nos campus qui se sentent très frustrées par le
fait qu'ils ne savent pas ce qui arrive lorsqu'ils font une plainte. Ce n'est pas une divulgation, mais une
plainte, là, ils portent plainte, et ce n'est pas juste pour la question de support, ils veulent qu'il y ait une
démarche disciplinaire qui suive. Nous ne sommes pas en mesure de leur
dire carrément rien.
Dans notre
politique mais des politiques qui existent partout au Canada, il y a des
efforts à faire pour au moins donner
des indices, dans le cadre de lois, de ce qu'on peut faire dans les paramètres
de loi. Mais on ne peut rien dire par rapport
à, comme... s'il y avait eu une audience, les résultats d'une enquête et, s'il
y a une audience, une procédure devant un
comité de discipline, la décision de ce comité. Et les étudiant, des fois, ils
nous disent que c'est tellement frustrant parce qu'on ne voit pas la justice à la fin. On voit que la personne contre
qui on a porté plainte, elle est toujours sur le campus, et on ne sait rien, on ne sait même pas s'il y avait
eu une enquête. Alors, l'habilité de leur dire, dans le cadre d'une relation
de confidentialité, avec la victime ou la survivante elle-même... ou lui-même,
de leur dire : Oui, c'est ça qui est arrivé, mais il faut que vous gardiez la confidentialité, vous aussi, parce que
c'est vraiment important... Parce que la personne qui était l'auteure de l'acte, elle aussi, elle
continue à avoir des droits. Alors, pour cette raison-là, on aimerait avoir la
capacité de donner de l'information pertinente aux victimes.
Mme David :
Donc, donner de l'information à la victime mais en lui demandant la
confidentialité sur la sanction imposée
ou lui dire : L'agresseur revient dans deux semaines, il a été suspendu ou
tu risques de le revoir. C'est ça que vous proposez, mais que la victime
garde la confidentialité. Je veux être sûre que je comprends bien, là.
Mme Campbell (Angela) : C'est
bien ça.
Mme David : C'est ça?
Mme Campbell (Angela) : C'est
exactement ça.
Mme David : O.K. Puis l'autre
aspect, des délais assez prescrits.
Mme Jean
(Johanne) : Je vous dirais que, bien, au premier abord, là, c'est sûr
qu'idéalement il faut réagir le plus rapidement possible à partir du
moment où on a une plainte sur laquelle... on prend connaissance de la plainte,
ou un signalement, ou autre...
• (15 h 50) •
La
Présidente (Mme de Santis) : Maintenant, c'est au tour de la représentante de l'opposition
officielle de prendre la
parole. Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier : Oui. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous trois pour cet exposé et pour venir aujourd'hui en commission parlementaire nous partager vos points de vue sur le projet de loi n° 151. C'est intéressant parce que c'est une
perspective un peu différente de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant en consultations
particulières.
Puis, puisque
vous êtes peut-être de l'autre côté de la table, au niveau
des universités, et de celle des associations étudiantes, j'aimerais peut-être
que vous puissiez nous dresser un portrait de ce qui se fait actuellement dans les universités. Vous avez parlé, par exemple, du cas de
McGill. Quelles sont les politiques, actuellement, qui sont en application? Est-ce qu'il existe aussi
des codes de conduite qui sont déjà en vigueur dans certaines universités?
Est-ce que vous pouvez nous dresser, là, un portrait de ça?
Mme Jean
(Johanne) : Bien, je vous
dirais que, dans l'ensemble des universités, il y
a... En tout cas, comme je le
mentionnais un petit peu en entrée de jeu, c'est sûr que les établissements d'enseignement
universitaire, au cours des deux dernières
années, on a vraiment réfléchi à cette question-là. Il est arrivé
plein d'événements qui nous ont guidés, si je peux dire. Donc, je vous dirais que l'ensemble des établissements ont réagi. On a réagi collectivement, vous l'avez vu, avec le
dépôt du rapport qu'on a fait l'automne dernier, en 2016.
Cependant,
depuis ce temps-là, je vous dirais que l'ensemble des établissements, dans chacun des environnements, on a mis en marche des travaux pour revoir nos politiques.
C'est sûr qu'on a tous des politiques d'éthique, des codes de conduite, des politiques sur le harcèlement,
des politiques sur la civilité. Dans certains établissements, la politique sur le harcèlement incluait la civilité, le harcèlement
psychologique et le harcèlement sexuel. C'est ce que je vous disais. Au cours de la dernière année, la plupart des établissements ont fait... n'ont pas terminé le travail. Ils sont en train, là...
certains ont terminé, d'autres sont en train
de terminer le travail pour vraiment séparer l'ensemble de ces éléments-là et
s'assurer qu'on a une politique sur le harcèlement sexuel, qu'elle s'appelle...
qu'on le voit dans le titre et que l'ensemble des étudiants et étudiantes qui
fréquentent l'établissement peuvent prendre connaissance rapidement ce cette
politique-là. Donc, ce travail-là est actuellement en cours dans l'ensemble des établissements au Québec, là. Et à ça c'est sûr que ça nous oblige à revoir... Veux veux pas, à partir du
moment où on crée une politique explicitement sur le harcèlement sexuel, bien, ça nous oblige à revoir nos politiques
d'éthique, nos codes de conduite et les politiques sur la divulgation d'actes répréhensibles, etc.
Donc, on est aussi, en même temps, à ajuster l'ensemble de nos autres politiques
pour pouvoir la rendre vivante et opérante.
M. Bédard (Claude) : Si vous me
permettez...
Mme Fournier : Oui, tout à fait.
M. Bédard
(Claude) : ...une observation. Si nous reculons de deux ans, il
y avait probablement quelques manques, dans
certains établissements, sur certaines de ces questions-là. Toutes les
universités ont des codes de conduite, des instances
auxquelles on peut se référer lorsqu'il y a un manquement, etc. Maintenant,
spécifiquement pour les violences à caractère
sexuel, il y a deux ans, ça n'existait pas chez quelques institutions. Ce n'est
plus le cas maintenant. Alors, ça, je peux en témoigner. Et tout le
monde a progressé, comme a dit ma collègue, énormément et très rapidement sur
ce front-là au cours des deux dernières
années. Alors, encore une fois, ce sont des cas de figure, ce n'est pas fait de
la même manière dans toutes les institutions.
On parlait,
tout à l'heure, d'un code sur les conflits d'intérêts. Alors, dans certains
cas, clairement, les relations amoureuses, c'est traité de cette
manière. Dans d'autres cas, on est en train d'apprendre, mais tout le monde est
en train de le faire, là.
Mme Fournier :
Très bien. Merci. Justement, si je peux rebondir sur ce que vous venez de dire,
vous dites : Bon, ça dépend des établissements, il y en a qui vont
choisir d'appliquer telle mesure, d'autres qui vont choisir, par exemple,
l'interdiction totale ou partielle, par exemple, des relations intimes entre
les étudiants et les professeurs.
Mais est-ce
que ça ne démontre pas justement une certaine limite, le fait que vous admettez
qu'au fond le niveau de protection n'est pas le même nécessairement
selon les universités? J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Bédard
(Claude) : À ma connaissance... et puis je ne peux pas être
parfaitement, parfaitement catégorique là-dessus,
mais, à ma connaissance, il n'y a pas d'université, à l'heure actuelle, qui
interdit complètement les relations intimes, au Québec, en ce moment. On sait que ça existe dans d'autres juridictions,
il y a de grandes universités américaines qui le font, mais il n'y a pas
d'université québécoise, à ma connaissance, qui a pris cette position-là.
Mme Fournier :
Non, vous avez raison. Je parlais peut-être plus des dispositions particulières dans chacune des
politiques. Donc, vous, de ce que j'ai compris de votre présentation, vous ne
croyez pas que c'est nécessaire que, par exemple, des politiques soient
généralisées, là, à l'ensemble du Québec. Vous dites plutôt que ce serait à
chaque établissement d'établir, par exemple, ses propres mesures.
Est-ce que vous pouvez nous expliquer plus en
détail pourquoi? Parce que, par exemple, il m'apparaît assez justifié de la
part des associations étudiantes de se questionner justement sur le niveau de
protection, qui pourrait peut-être varier selon les établissements d'enseignement.
Mme Jean (Johanne) : Je vous
dirais que, je le rementionne à nouveau, depuis les deux dernières années, les dirigeants d'établissement universitaire ont vraiment cheminé grandement sur cette question-là.
Et, quand vous faites référence à, par exemple, être en mesure de réagir adéquatement, O.K., s'il y a
un signalement, s'il y a une agression, etc., je pense qu'une grande partie de... je ne pense pas, je suis certaine qu'une grande
partie des établissements d'enseignement universitaire au Québec, actuellement, si ce n'était pas déjà présent
dans les établissements... Plus particulièrement, dans les grands établissements, c'était déjà présent. Dans
des plus petits établissements, ce n'était pas présent. Mais on est déjà
en train de travailler ou de mettre en place
des mesures de prévention, notamment, à tous les niveaux, dans tous les
secteurs, sur... si on est un établissement avec des campus répartis sur un
territoire immense ou plus petit, bien, qu'il y ait des points de tombée, je vous dirais, ou des points de
rencontre, ou, tout au moins, des employés, parmi nos employés, qui sont capables de réagir, d'accueillir
favorablement... s'il y a un signalement ou s'il y a une agression ou une
plainte. Donc, à partir de ce moment-là, les machines se mettent en
marche.
Et, je vous
dirais, dans l'ensemble des établissements universitaires, on a développé, au
cours des deux dernières années, tous
ces mécanismes-là. Peut-être pas, comme Claude le mentionne, tout le monde en
même temps, pas tout le monde égal,
mais tout le monde en marche afin de s'assurer que... Vous savez, les
dirigeants d'établissement, là, c'est sûr que tout ce qu'on souhaite, c'est qu'il n'y en ait plus, d'agression,
O.K., c'est clair, et qu'on est prêts à mettre sur place les mesures qu'il faut pour qu'il n'y en ait plus,
d'agression, qu'il n'y ait plus de violence sexuelle dans nos
établissements, dans nos résidences ou au
moment où on fait des activités d'accueil. C'est sûr et certain qu'on partage
là-dessus le même objectif, mais on
le fait de façon... Je veux dire, les mises en place de nos moyens, des
systèmes, des outils, des politiques, des
conventions peuvent varier, elles vont à vitesse variable dans les
établissements, mais je peux vous dire que, si on se compare à il y a
deux ans, à maintenant, il y a vraiment beaucoup de chemin qui a été franchi
dans l'ensemble des établissements universitaires au Québec et qu'on protège
mieux qu'on protégeait. Ça, j'en suis certaine.
Mme Fournier :
Donc, tout à fait, on partage cette même préoccupation, puis je sais bien qu'on
fait du chemin, tout ça, mais il
demeure quand même des préoccupations, notamment, au niveau, par exemple, des
comités disciplinaires. On sait que, par exemple, dans certains
établissements, les étudiants n'ont pas nécessairement un siège réservé sur ces
comités. Donc ça, est-ce que c'est quelque
chose que vous pourriez être ouverts à faire et à inscrire même peut-être
dans la loi, le fait qu'il puisse y avoir
des places réservées aux étudiants pour que l'ensemble de la communauté soit
bien représenté dans ces instances?
Mme Jean
(Johanne) : Je vous dirais, là, on fait appel aux modes de gestion
interne des établissements, qui sont très
différents, là, dans l'ensemble des établissements. Donc, sur cette
question-là, je vais vous avouer que je n'oserais pas répondre pour l'ensemble des établissements,
sincèrement, parce que, là, il y a déjà des pratiques, des politiques qui
sont différentes dans les établissements. Et c'est pour ça que tout cet
aménagement-là se fait à vitesse variable, là, mais quand même dans le même
objectif. Je ne sais pas si, Angela, tu as...
Mme Campbell
(Angela) : Juste peut-être aussi le mentionner, que les procédures
disciplinaires concernant les personnes qui sont des employés d'une
université sont gérées principalement par les conventions collectives. Alors, il faut être assuré qu'il y a un certain degré de
flexibilité, parce que, s'il y a des conventions collectives qui sont en
place, il faudrait les renégocier s'il y a un changement aussi large que ça. Ça
se peut que ça pourrait être... c'est faisable, et, en principe, je comprends
pourquoi les étudiants voudront ce genre de mécanisme.
Mais, en même
temps, la faisabilité de ce genre d'étape, ça pourrait être... mais je pense
que vraiment, là, c'est une question plutôt pour les associations de
professeurs et de cadres de l'université.
• (16 heures) •
Mme
Fournier : Si je vous ramène
au fameux encadrement, donc, des relations intimes entre les
professeurs ou les personnes ayant une relation d'influence ou
d'autorité avec les étudiants... tantôt, Mme Campbell, vous avez dit que ça
pourrait se faire un peu à la même façon que la déclaration d'un conflit
d'intérêts. Donc, quand il y a une nouvelle relation,
on déclare le conflit d'intérêts, puis, à ce moment-là, la personne
qui est sous autorité pourrait changer de personne avec qui elle va,
donc, travailler, par exemple, pour un cours, j'imagine.
J'aimerais ça
savoir spécifiquement qu'est-ce qui va arriver. Par exemple, si une étudiante a une relation avec son professeur, qu'elle décide de la déclarer, est-ce
qu'ensuite l'étudiante est changée de cours? Est-ce que, par exemple, si c'est un directeur de recherche, elle doit changer de
directeur de recherche? Comment ça fonctionne dans le concret?
Mme
Campbell (Angela) : Dans le
concret, ce n'est pas l'étudiante qui doit dévoiler... c'est le prof parce que l'obligation
d'éviter les conflits d'intérêts, ça
appartient... l'obligation, c'est l'obligation du prof parce
que c'est lui ou elle qui est dans la position d'autorité ou de pouvoir.
Comme j'avais dit tout à l'heure, c'est à éviter, mais je sais que des fois
ça arrive. Si on ne veut pas qu'on aille
dans cette direction, l'option, c'est une interdiction complète ou bien de dire
que, lorsqu'une personne dirige une étudiante ou est instructeur d'un
étudiant, durant cette période d'instruction, c'est impossible ou que c'est interdit d'avoir une relation intime avec les
étudiants sur qui on a une certaine autorité ou pouvoir.
Pour ma part,
je ne suis pas certaine qu'on veut, en société québécoise, aller dans cette direction-là. Je ne suis
pas sûre si ce genre de principe est même en
conformité avec la charte québécoise, parce
qu'il y a des implications très larges pour la vie privée des personnes
adultes. Alors, dans le concret, actuellement, ce qui arrive, si on traite ça
par la voie de conflits d'intérêts, c'est l'obligation. C'est à la personne en
autorité, donc le professeur, de dévoiler la situation et d'essayer de la gérer pour que les effets
nuisibles soient les plus minimes possible pour l'étudiante. La réalité, c'est
que, des fois, c'est difficile pour les
étudiantes. Disons que c'est un prof, un directeur de thèse, et lui, il est
spécialiste dans le sujet que suit l'étudiante. Ça va être difficile
pour elle de trouver un autre directeur de thèse. On connaît ça. Et ça, c'est
un fait, c'est un vrai défi pour nous.
Alors, le choix, c'est de juste être aveugle à ça et de continuer, ce qu'on ne
peut pas faire, mais on essaie de changer le directeur de thèse pour que
les effets néfastes soient le moins que possible. Et ça arrive, des fois. On
change de superviseur assez souvent pour d'autres raisons à part de celle-là.
Mme
Fournier : Mais, en même temps, la préoccupation est au niveau de la
définition de «consentement» puis du fait
que, dès qu'il y a une relation d'autorité, je crois que le consentement peut
être vicié puis que la relation peut devenir une relation davantage de
domination, comme l'ont dit les différents groupes.
Mais,
si je peux me permettre de poser une dernière question avant que ça termine,
donc, je me demandais... Considérant les
couples que vous avez eus dans les universités dans les dernières années puis
le fait qu'il y a plusieurs universités
qui sont en train encore d'éponger les déficits puis qu'il y a quand même
plusieurs mesures qui sont comprises dans
le projet de loi, est-ce que vous considérez qu'actuellement les universités
ont les ressources nécessaires pour faire appliquer, par exemple, les
différentes dispositions qui sont contenues actuellement dans le projet de loi?
Mme
Jean (Johanne) : Bon. C'est sûr qu'avec plus de ressources on va en
faire plus. Mais, je l'ai mentionné tantôt, dans le contexte dans lequel
on est, dans le contexte dans lequel on a été au cours des dernières années,
les universités, je pense, ont fait beaucoup
pour faire avancer cette question-là. On la trouve importante. On a fait
beaucoup et on va continuer à agir dans cette
même perspective-là. Mais c'est sûr que, s'il y a plus de ressources
financières, nécessairement, ça peut nous permettre peut-être d'avoir
plus de ressources humaines pour mettre plus de services. Ça, c'est, je veux dire, une équation qui balance,
évidemment, mais ça ne nous a pas empêchés, jusqu'à maintenant, d'agir
en conséquence.
La Présidente (Mme
de Santis) : ...Mme Jean. Maintenant, c'est le représentant du
deuxième groupe de l'opposition, M. le député de Chambly.
M.
Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Merci pour vos présentations.
Mais j'ai peu de minutes, ça fait que je vais aller droit au but.
À
la page 7 de votre mémoire, vous parlez de l'encadrement des activités sociales
ou d'accueil, et, bon, ça dit, à un moment
donné : «...les associations étudiantes sont des entités juridiques
distinctes des universités.» Donc, je comprends que vous avez parlé tantôt d'une espèce de chaîne de commandement. Il y
a quand même des choses que vous pouvez faire, des choses que vous ne
pouvez pas faire. Une université ne peut pas être responsable de tout ce qui se
passe dans une activité organisée par les associations étudiantes. Je
pense que l'esprit de la loi, c'est plus de savoir... ou de garantir le
fait qu'un étudiant qui aurait été victime
d'une agression ou d'une violence sexuelle, peu importe où, il peut porter
plainte. C'est ce que je comprends. On comprend la même chose? Juste pour être
sûr.
Mme
Jean (Johanne) : Tout à fait. Un étudiant ou une étudiante qui est victime d'une agression peut
signaler son agression, peut porter plainte.
M.
Roberge : C'est ça.
Il ne peut pas poursuivre l'université, mais, dans son idée, le bureau des plaintes est
là, puis la plainte pourrait être accueillie, pourrait être traitée. Cet
étudiant, qu'on dit...
Mme Jean
(Johanne) : Dirigé vers des services spécialisés ou conseillé d'aller
à la police.
M.
Roberge : Là où je pose la
question... Donc, ça, c'est assez clair, c'était évident, mais je voulais juste
vous l'entendre dire pour être certain qu'on a la même compréhension.
Maintenant
arrive la question des sanctions. Donc, s'il arrive quelque chose, justement, une sanction... ou, pour préserver le droit, disons, de l'étudiant qui est
victime, qu'on peut qualifier de survivant dans certains égards, même si
ça se passe dans un bar, ce n'est même pas
dans le cadre d'une association, là, c'est un bar pas très loin, il y a
une agression, une violence
quelconque, l'étudiant ou l'étudiante victime revient puis dit : Moi, je
ne veux plus être dans le même groupe que
cet étudiant-là, à chaque fois que je le croise, je ne me sens pas bien, dans
ce contexte-là, est-ce que c'est possible, dans notre cadre juridique, de dire, bien, à la victime : Oui, on va
s'arranger pour changer l'autre de groupe pour être sûr que tu ne le
recroises pas? Est-ce que c'est possible, ça?
Mme Campbell
(Angela) : J'ai essayé d'expliquer ça tout à l'heure en répondant à Mme
la ministre. Les universités ont eu des défis réels en vertu de ce genre de
question, parce que la question de notre juridiction, ce n'est pas clair dans ces situations-là,
en vue du fait que ce sont des incidences qui arrivent à l'extérieur du contexte universitaire. Donc,
ce qu'on est en train de faire, et ce n'est pas juste une université,
c'est la plupart des universités, c'est essayer d'avoir un concept élargi
de ce que c'est, le contexte universitaire, pas seulement pour le support et
l'accommodement de la personne qui porte plainte, mais aussi pour des questions
de sanction disciplinaire.
Alors, s'il y a une
incidence qui arrive à l'extérieur de l'université et que, lundi matin, ils
sont dans la même salle de cours, est-ce que
la personne qui porte plainte peut arriver à une personne en autorité en
demandant qu'elle veut que l'autre personne change de section de ce
cours, disons, ou bien change de résidence? Et là c'est difficile, mais, si la personne... Maintenant, ce que beaucoup
d'universités sont en train de faire, c'est de dire :
Oui, c'est possible, mais ce n'est
pas juste une question de divulgation, il faut porter plainte. Il faut que la
personne contre qui il y a une allégation d'un acte... il faut que
lui, il sache la nature de la plainte, parce que sinon il y a des questions
d'équité procédurale très importantes. Alors,
ce n'est pas juste une question de divulgation et une personne qui a besoin
d'appui, support, accommodement. Ça,
c'est une chose. Là, il n'y a pas de question d'équité procédurale, parce que,
là, nous ne sommes pas dans un
contexte d'étape administrative. Mais, lorsqu'on demande un changement de cours ou de quelque chose pour la personne qui répond à
une plainte, là il faut faire vraiment attention parce que, là, il y a des
enjeux juridiques assez larges. Mais, oui, c'est possible, oui.
M. Roberge : Juste pour clarifier, parce
qu'il y a signalement... Puis vous le précisez à la fin du mémoire, je pense
que vous nous suggérez même de la définir dans le projet de loi, là, ou dans ce
qui sera une loi, la nuance entre le signalement et la plainte, et il y aurait peut-être
un troisième niveau, qui serait une plainte au niveau judiciaire. Mais
ce dont vous parlez en ce moment, de faire une espèce d'accommodement, de dire : Bien là, la
personne qui se sent mal, qui a été
victime demande à ce que l'autre présumé agresseur ne soit plus dans le même
cours, est-ce que ça pourrait se faire? Vous me dites :
Un signalement, ça ne serait pas suffisant, un signalement, on peut donner de
l'aide. Par contre, si tu demandes un accommodement ou tu demandes de ne plus
croiser l'élève, l'autre étudiant, ça prendrait une plainte, mais pas une plainte au niveau criminel, une
plainte à l'interne. Ça serait suffisant dans ce cas-ci. J'essaie juste de
distinguer les trois niveaux, là.
• (16 h 10) •
Mme
Campbell (Angela) : Oui. On
ne parle pas de contexte extra-universitaire, juste intra-universitaire. Il y a divulgation, plainte, et, si la
personne porte plainte à l'intérieur de l'université, ça suffira pour avoir des
procédures... Je ne crois pas, le changement
de cours, c'est une procédure disciplinaire. Ça, c'est plutôt
administratif. Pour ma part, ce n'est pas une punition, mais, en même
temps, c'est un changement qui a des implications pour la réputation de la personne
qui va changer son cours ou sa résidence. Alors, pour ma part, il faut absolument
qu'il sache qu'il y a eu une plainte contre lui et il faut qu'il
sache aussi quelques détails de ce genre de plainte.
Mme Jean
(Johanne) : Et, s'il y a
une sanction, dans le sens où... qui n'est pas une procédure
administrative, bien, il faut qu'il y ait eu plainte, là, tu sais, pour qu'on
puisse se rendre à une sanction qui n'est pas une procédure administrative.
M.
Roberge : Et, si on veut se
rendre jusqu'à une procédure administrative ou sanction, là, on
va dire «soit changer de résidence»
ou «soit peut-être suspendre ou exclure», d'après vous, ça peut se faire raisonnablement dans
quel laps de temps, à peu près?
Mme Jean
(Johanne) : Bien, suspendre ou exclure, là, ça, ce n'est pas juste
administratif, c'est une sanction, là, au sens... Je veux dire, quand on
prend les règlements des universités, quand on suspend ou qu'on exclut, c'est
vraiment une sanction. C'est une sanction
suite à une plainte qui a... puis, la plainte, il a fallu la documenter et
rencontrer des gens pour décider d'apposer une sanction, qui est
l'exclusion ou la suspension. Donc, ça, c'est vraiment une sanction.
Mme
Campbell (Angela) : Juste pour être très concrète. Ça peut arriver
dans quelques heures. Disons qu'il y a une plainte mardi ou lundi matin.
Ça se peut qu'il y a une sanction qui s'impose assez vite parce qu'on a des
mesures intermédiaires qui peuvent être imposées aussi.
M.
Roberge : O.K. Bon, ça me rassure, parce que sur la durée... je
voulais avoir votre impression sur la durée, vous me dites «quelques heures». Bon, ça veut dire que vous êtes assez
agiles, les administrations universitaires, pour réagir rapidement.
C'est ce que je voulais, mais je me demandais si c'est ce que vous alliez me
dire.
Ensuite, d'autres intervenants avant vous ont
parlé de distinguer deux choses. Donc, il y aurait une politique puis il y aurait un plan d'action. Est-ce que,
pour vous, ce serait intéressant, pertinent que, dans la loi, on précise :
Bien, on doit établir une politique, ensuite
un plan d'action, avec des échéanciers différents? Vous voyez ça tout dans un
paquet? Parce qu'en ce moment le projet de loi ne fait pas cette nuance.
Mme Jean
(Johanne) : Quand vous faites référence à un plan d'action, c'est de
pouvoir mettre en oeuvre le... dans le fond, c'est un plan d'action pour
mettre en oeuvre la loi. Oui, ça peut... mais, comme je le mentionne, je veux dire, on n'est pas surpris de voir arriver ce
projet de loi là, d'une part. Je veux dire, on en a discuté régulièrement, on
l'a réfléchi. Donc, je vous dirais qu'on est
déjà... en tout cas, les établissements d'enseignement universitaire sont déjà
en démarche depuis un bout de temps. Un plan
d'action, c'est... Bien, je pense que le plan d'action serait collé à chacun
des établissements, finalement. Il faudrait
que chacun des établissements prépare un plan d'action en lien avec les
actions qu'ils ont déjà réalisées au cours
des derniers mois, des dernières années sur cette question-là, là, pour pouvoir
arriver à une mise en oeuvre adéquate du projet de loi n° 151, advenant
qu'il soit adopté tel quel, là.
M. Roberge : Oui. Il me reste
quelques secondes. J'en pose une dernière. Ici, on dit que les établissements
devraient adopter leurs politiques avant le 1er septembre 2019. Beaucoup
nous ont dit que c'était un peu loin. D'après vous, est-ce que c'est possible
de le faire plus tôt? Si on adopte ce projet de loi avant Noël, est-ce qu'on pourrait
viser le 1er janvier 2019? Est-ce que c'est raisonnable, pour vous?
Mme
Campbell (Angela) : Je pense que le 1er septembre 2019, c'est assez
court, pour nous. Je sais que la vie d'un étudiant est assez courte,
alors les étudiants veulent que les choses passent beaucoup plus vite, des
fois, qu'il est possible. Mais, pour nous,
nous sommes d'avis qu'un délai jusqu'à septembre 2019 sera parfait... peut-être
pas parfait, mais on aura besoin de temps pour que ça se fasse bien.
Mme Jean
(Johanne) : Ça va nous permettre d'ajuster l'ensemble de nos
politiques dans l'ensemble des établissements.
La Présidente (Mme de Santis) : Merci
beaucoup, Mme Jean, Mme Campbell, M. Bédard. Nous apprécions énormément
votre contribution aux travaux de la commission.
Je
suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de l'Association
pour la voix étudiante au Québec de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
16 h 15)
(Reprise à 16 h 18)
La
Présidente (Mme de Santis) :
Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants
de l'Association pour la voix étudiante au Québec.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé
et ensuite nous allons procéder à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à
procéder à votre exposé. Allez-y.
Association
pour la voix étudiante au Québec (AVEQ)
Mme
Argilès (Perrine) : Bonjour
à toutes et à tous. Merci beaucoup pour l'invitation à cette consultation sur le projet de loi n° 151, visant à prévenir et à combattre les violences à
caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur du
Québec.
Je
suis Perrine Argilès, responsable de la coordination générale de l'AVEQ.
Permettez-moi de présenter, à ma gauche,
Häxan Bondu, responsable aux affaires
sociopolitiques de l'AVEQ; Sophia
Sahrane, responsable aux affaires pédagogiques
et à la recherche de l'AVEQ; ainsi que Caitlin Salvini, coordinatrice de la
campagne À notre tour, Our Turn. Nous avons en accompagnement, pour
l'aider à la traduction, Connor.
L'Association
pour la voix étudiante au Québec est une association étudiante nationale qui
travaille à représenter toute la
communauté étudiante universitaire du Québec en veillant particulièrement à
unifier et répondre aux besoins des étudiantes et étudiants anglophones
et francophones autant dans les régions que dans les grands centres. Nous nous engageons à défendre et à élever la voix de ces
47 000 étudiantes et étudiants qui ont souvent été sous-représentés,
en reconnaissance des luttes particulières
auxquelles font face les personnes marginalisées et de la vaste gamme des
réalités et des défis vécus par nos membres. Notre travail est constamment
imbibé des réalités des différents groupes afin de sensibiliser et de
modifier... de mobiliser, pardon, les étudiantes et étudiants que nous
représentons sur ces enjeux d'antioppression, avec, pour mot d'ordre,
l'approche intersectionnelle.
• (16 h 20) •
En ce qui concerne
les consultations gouvernementales qui ont mené à la rédaction de ce projet de
loi ainsi que la création de la stratégie de lutte contre les violences sexuelles dans les établissements, nous avons été actifs de
diverses façons avant, pendant et après le processus.
Premièrement,
nous avons participé à des tables rondes pour préparer la consultation à la
fois avec des associations étudiantes axées davantage sur la
représentation politique ainsi qu'avec des organisateurs locaux plus centrés
sur la mobilisation. En plus de consulter
nos associations et de soumettre notre propre mémoire, nous avons également
participé à des événements pour recueillir
les commentaires et fournir de l'information directement aux étudiantes afin de
les aider à mieux se préparer aux
consultations. Bien sûr, nous étions également présentes et activement engagées
aux cinq journées de réflexion à travers le Québec. Nous avons ainsi pu
participer au développement du processus sur plusieurs semaines. Après les consultations, nous avons collaboré avec
10 autres associations et groupes communautaires pour réfléchir au processus et, ensemble, nous avons publié une
lettre ouverte décrivant de manière proactive les prochaines étapes nécessaires.
Plus récemment, nous
avons participé à l'élaboration d'un plan d'action, À notre tour, un projet qui
couvre la prévention, le soutien aux
survivantes et les revendications concernant les politiques sur cet enjeu. Nous
avons été en mesure de recueillir et de fournir des commentaires pour
assurer la pertinence de l'initiative auprès de multiples associations étudiantes ayant des contextes différents pour
améliorer l'utilité du projet et pour rendre compte plus efficacement
des principes d'intersectionnalité. Le plan
de recherche et d'action fourni par À notre tour pourrait être extrêmement
utile aux institutions cherchant à mettre en oeuvre une nouvelle politique ou à
améliorer une politique existante.
Je
vais à présent laisser la parole à ma collègue Sophia, qui va vous présenter
nos recommandations ainsi que notre analyse critique face à ce projet de
loi.
Mme Sahrane
(Sophia) : Bonjour à toutes et à tous. Donc, je vais vous expliquer
nos trois axes principaux pour nos critiques et recommandations.
Le premier est le
manque de clarté et de lignes directives. Les éléments prescrits par le
chapitre II du projet de loi n° 151 manquent de clarté et de lignes
directives, et nous pensons que cela reflète grandement le manque d'inclusion
des groupes les plus affectés par cet enjeu lors des consultations, car ils
possèdent les expériences et connaissances
requises pour bien informer ce projet de loi. Les éléments tels que les
sanctions, les mesures de prévention et de sensibilisation, les
activités de formation obligatoires, les mesures de sécurité et les modalités
applicables pour formuler une demande de
plainte, particulièrement, devraient être établis. Je dis «particulièrement»,
considérant que, par exemple, l'Université Concordia, présentement, ont
développé une politique de prévention des violences à caractère sexuel mais
sont présentement en procédure judiciaire suite à une mauvaise gestion de cinq
plaintes relatives à des actes de violence sexuelle. Et gardons en tête que ces
cinq plaintes sont les seules... personnes survivantes qui sont acceptées dans ce genre de poursuite collective.
Il n'y a aucun moyen de savoir combien de plaintes ont été mal gérées.
La loi aussi semble se concentrer sur la
dissuasion et la réprimande des actes de violence sexuelle mais ne remplit pas
son rôle de prévention. La loi et les éléments prescrits devraient établir une
multiplicité de mesures de prévention, car cette situation va créer des variations de ces
politiques quant... aux délais d'intervention, les ressources, les services
offerts et les sanctions adoptées.
Ce qui nous
mène aux trois premières recommandations de l'AVEQ, la première étant le
développement de lignes directives...
directrices, pardon, des différents éléments prescrits pour le développement
d'une politique sur la prévention et la
lutte contre les violences sexuelles ainsi qu'un lexique de définitions dans la
politique. De plus, nous recommandons la création d'un bureau indépendant des établissements d'enseignement
supérieur... de services et de plaintes pour les cas de violence sexuelle dans chaque établissement
d'enseignement supérieur. Nous recommandons aussi la création d'un
comité de travail, dans chaque établissement
d'enseignement supérieur, qui travaillera sur la politique de prévention des
violences sexuelles. Ce comité devra être
composé d'étudiants et étudiantes, d'associations étudiantes, de groupes
communautaires oeuvrant avec et pour des survivantes, de professeurs, employés
et dirigeantes, dirigeants.
Le deuxième
axe est l'inclusivité. Donc, le projet de loi n° 151 n'aborde pas l'enjeu
lié aux différentes réalités des
personnes les plus touchées et à risque de subir des actes de violence à
caractère sexuel. Alors qu'une femme nord-américaine sur quatre vit une situation de violence à caractère sexuel, 57 % des femmes autochtones ont subi un ou
des actes de violence à caractère sexuel
dans leur vie. Plus de 80 % des femmes vivant en situation de handicap
subiront un ou des actes de violence
à caractère sexuel au cours de leur vie. Les jeunes femmes racisées, les
personnes trans et non binaires, sans
oublier les personnes ayant une multiplicité de ces identités, sont
disproportionnellement affectées par les violences à caractère sexuel
et, en plus, elles ont moins accès aux ressources de soutien suite à
l'agression.
Les établissements des régions. Les établissements d'enseignement supérieur des régions sont aussi en situation
précaire à cause de l'insuffisance de
financement et des mesures d'austérité. Prenons, par exemple, l'UQAC, l'Université
du Québec à Chicoutimi, qui, présentement, ont une
psychologue et une travailleuse sociale à temps partiel, ce qui n'est
pas une ressource qui est acceptable pour le nombre d'étudiants et pour le
nombre de cas de violence sexuelle et d'autres enjeux de santé mentale, par
exemple.
L'AVEQ recommande donc que chaque établissement
d'enseignement supérieur, avant la rédaction d'une politique de prévention et de
lutte contre les violences à caractère sexuel, entreprenne une révision des ressources
déjà offertes, une analyse de besoins basée
sur les différentes réalités identitaires des membres de l'établissement, telles les personnes en situation
de handicap, les personnes autochtones, les personnes racisées, les personnes issues de
communautés LGBTQIA+ ainsi que les personnes
issues de multiplicité de ces identités. Ceci assurera que la politique
reflétera la réalité et les besoins de chaque campus. C'est aussi très
pertinent, surtout après la présentation qu'on vient d'avoir, que les politiques
préexistantes soient révisées pour qu'elles s'alignent avec les nouvelles politiques
adoptées en relation avec le projet de loi n° 151 pour assurer une uniformité de traitement des
cas de violence sexuelle. Ces politiques incluent les conventions collectives, des documents qui ont, jusqu'à maintenant, empêché la
poursuite de plaintes étudiantes envers un membre syndiqué des établissements
d'enseignement supérieur. Je vous donne... par exemple — plus
tôt, ça a été mentionné, justement — de laisser les étudiants
faire part des comités disciplinaires. Vous avez demandé si ce serait possible.
C'est impossible. Un comité disciplinaire implique que la plainte continue. En
tant qu'avocate étudiante à Concordia,
pendant seulement six mois, j'ai vu environ cinq cas de harcèlement
ou d'agression sexuelle par des membres syndiqués des universités. Aucune d'entre elles ne s'est passée en une
plainte, car elles sont révisées par les syndicats.
Je veux aussi mentionner l'exclusion de la
police comme ressource externe dans la politique développée, car, considérant que moins de 20 % des agressions
sexuelles sont rapportées aux autorités, que la grande majorité
des agressions rapportées implique
exclusivement la pénétration, que rapporter une agression à la police n'est pas
nécessairement une option
que des survivantes veulent prendre — soulignons
le scandale de Val-d'Or impliquant les policiers et des jeunes femmes autochtones — l'AVEQ recommande de retirer la police comme
ressource externe pour prioriser les groupes communautaires.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, nous allons
maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la parole est
à vous.
Mme David : Oui. Merci beaucoup.
Quelques questions, et mon collègue en aura aussi... le député de D'Arcy-McGee.
Alors, merci
beaucoup d'être ici. Merci d'avoir pris la peine d'écrire un mémoire et
d'apporter, je dirais... de porter à notre attention plusieurs éléments,
y compris des éléments de vécu, je pense, dans vos positions respectives. Et peut-être que je profiterai de votre expertise
pour vous faire parler un peu plus. Je sais que 10 minutes, ce n'est pas
long. Donc là, on a un peu plus de temps ensemble, on a un gros 23 minutes,
mais les collègues en ont aussi. Donc, tous ensemble, on réussit à faire, je
pense, un beau portrait de vos positions.
Une des
choses... à la recommandation 2.3, vous recommandez la question des échéanciers
clairs et précis quant aux suivis qui
doivent être donnés et aux actions qui doivent être prises par l'établissement
d'enseignement supérieur. Alors, on parle évidemment d'échéanciers par
rapport à un dévoilement ou à une plainte, que les choses puissent se passer dans des délais clairs et précis et que le suivi
qui doit être donné aux plaintes, signalements, renseignements doit être
effectué à l'intérieur de 48 heures, bien, du signalement ou des renseignements
reçus, puis qu'il doit y avoir évidemment des accommodements de type académique
dans l'immédiat.
Ma question est peut-être naïve, mais, puisque
vous êtes dans le milieu, vous connaissez un peu la situation. Certaines associations étudiantes sont allées à
cinq jours pour des accommodements académiques, vous allez à 48 heures, d'autres ne l'ont pas précisé. Alors, que nous
vaut ce 48 heures, dans votre cas? Est-ce que c'est l'expérience qui témoigne de ce délai?
• (16 h 30) •
Mme Sahrane (Sophia) : En fait, il faut prendre en compte que le dépôt
d'une plainte ou de dévoilement ne veut pas nécessairement dire que l'agression vient juste d'arriver.
Donc, ça, c'est un laps de temps dans lequel les survivantes n'ont pas nécessairement eu accès à des ressources, eu accès à de
l'aide, ont dû côtoyer justement leurs agresseurs. Donc, on veut s'assurer que, dès lors que les personnes
survivantes soient prêtes à prendre ce premier pas là, cette première
étape de guérison et de réappropriation de
leur espace, elles aient toutes les ressources et l'aide dont elles ont besoin
à leur service et que ce soit effectué d'une façon très rapide.
Mme David :
Est-ce qu'on peut profiter justement de votre expérience? Parce que j'ai noté
que vous aviez mentionné des embûches. Dans l'université où vous travaillez, donc, vous les vivez en tant qu'intervenante, je
crois, en même temps, juriste...
je n'ai pas compris exactement, étudiante et intervenante ou étudiante
et juriste, je ne sais plus, mais vous
pouvez le clarifier puis peut-être nous parler un peu plus de ce vécu concret
dans une université sans être nominative. Vous avez aussi parlé d'une sorte de recours collectif, si je comprends
bien. Donc, on ne parle pas de ça, puisque, par définition, c'est
judiciarisé.
Mais vous sembliez
faire référence à du vécu dans le processus qui pourrait être amélioré.
Pouvez-vous expliquer un peu?
Mme Sahrane
(Sophia) : Oui. Bien sûr. Donc, en fait, c'est un emploi que j'avais
il y a deux ans. J'étais, à l'Université
Concordia, une «advocate», donc une avocate étudiante. Donc, je représentais,
justement, les étudiants devant les tribunaux
ou bien je les appuyais dans les plaintes, peu importent les plaintes que les
étudiantes et étudiants posaient ou recevaient.
Et mon expérience avec les personnes survivantes est une expérience qui est
«horrible», c'est juste le mot qu'il faut utiliser, qui est absolument
horrible. Elles sont laissées à elles-mêmes.
Il
y a certaines ressources surtout du côté communautaire mais pas du côté de
l'établissement, et ces ressources-là ne
sont pas accessibles à tout le monde. Donc, c'est un processus qui est très
long, qui est très émotionnel, qui est très exigeant de différents
aspects pour l'étudiante ou l'étudiant. Donc, moi, je l'ai vu plus d'un côté
institutionnel, donc j'étais au courant des
ressources qu'il y avait, je pouvais diriger les personnes survivantes aux
ressources dont elles avaient besoin, que je jugeais qu'il y avait un
besoin immédiat. Mais après ça elles sont délaissées. Je veux dire, il y a cinq
différents services auxquels ils peuvent
accéder. Ils doivent raconter leurs histoires à chacun de ces services. Puis
souvent qu'est-ce qui arrive aussi, c'est
qu'il y a comme un... encore une fois, il y a un tabou par rapport aux
agressions sexuelles. Il y a des
personnes qui ne sont pas confortables, et ça, c'est tout à fait correct qu'une
personne se sente traumatisée ou bien
ne se sente pas équipée à répondre à une personne survivante, à l'aider, mais
ça donne que la personne survivante est comme poussée vers un service puis l'autre, puis l'autre, puis l'autre,
puis, à la fin, est comme démoralisée complètement. C'est une de nos
demandes qu'il y ait un bureau, justement, indépendant de l'établissement pour
les ressources et les plaintes. Donc, ça justifie un petit peu cette
recommandation-là.
Mme
David : O.K. Alors, vous avez lu le projet de loi, vous êtes ici pour
le commenter. On est là pour améliorer la situation, on est là pour
prendre, tous ensemble, les meilleures mesures pour que ce que vous décrivez
puisse être bonifié, optimisé.
Quelles
seraient — je suis
large, je le sais, là, dans ma question — les principales recommandations, à partir
de votre expérience, si vous étiez à notre place ici, ceux qui font la loi?
Qu'est-ce qui est le plus important pour que ça fonctionne, qu'il y ait un
service aux étudiants qui réponde vraiment aux besoins des exemples que vous
avez vécus?
Mme
Sahrane (Sophia) : Donc, premièrement, un bureau, justement,
indépendant, de plaintes et de ressources pour les personnes
survivantes. Et, quand je dis «indépendant», c'est que la plainte sera aussi gérée
par un corps indépendant à l'intérieur de
l'établissement, mais qui est complètement indépendant de l'administration de
cet établissement. Encore une fois, ce qui arrive à Concordia est, je
pense, un exemple de pourquoi on a ce besoin-là.
Ensuite,
la création de comités de travail pour vraiment inclure les voix qui sont
constamment tues dans cet enjeu qui
est les voix des survivantes, les voix des personnes les plus affectées. Donc,
les CALACS, il y en a partout au Québec, puis il faut les utiliser. Ils sont là pour qu'on les utilise, ils sont
là pour qu'on les amène à la table. Ils ont les connaissances, ils ont l'expérience, ils sont là pour nous.
L'administration de chaque université devrait être utilisée. Aussi, c'est
vraiment important, j'ai mentionné une
analyse de besoins et une analyse de ressources qui sont déjà existantes sur
chaque campus, de faire cette
analyse-là, parce que... Là, moi, je parle de Concordia, par exemple, parce que
c'est mon expérience en tant qu'étudiante,
qui a un «sexual assault ressource center», donc, ils ont un centre d'aide pour
les personnes ayant subi des actes de
violence sexuelle. Mais, quand on parle des universités, dans les régions, qui
ont connu beaucoup plus de coupes à travers
les années, qui n'ont pas nécessairement les ressources qu'on a, justement,
qu'il y a à Montréal ou bien dans les centres-villes,
donc, ajuster justement le financement qui est donné pour qu'il soit
proportionnel et s'assurer que chaque université, chaque étudiant aient
accès aux mêmes ressources.
Puis
je vais réitérer un peu les recommandations que j'ai déjà données, qui est un
lexique de définitions, en fait, dans
la loi. Je sais que ça a l'air un peu redondant, mais il y a des termes... par
exemple, j'utilise en ce moment «violence sexuelle» et «violence à caractère sexuel» beaucoup, mais il y a
beaucoup de contentions quand on parle de ces termes-là. Il y a des personnes qui préfèrent «agression». Il
faut juste expliquer les termes. Il y a aussi des termes qui seront
utilisés interchangeablement. Donc, c'est vraiment important, c'est vraiment
pertinent de définir tous ces termes-là, parce que le vocabulaire qu'on utilise
va créer un peu l'environnement de lutte qu'on a en ce moment.
Mme
David : O.K. Ça, je suis bien d'accord, je trouve que c'est une
recommandation très, très, très aidante pour qu'on s'y retrouve un petit
peu à travers tous les vocabulaires.
Quand vous parlez de bureau
indépendant, dans votre esprit... Parce que vous dites : On s'entend qu'on
ne veut pas que la victime répète
quatre fois la même histoire. C'est de la revictimisation, on s'entend qu'il
faut qu'il y ait une coordination.
C'est pour ça, nous, qu'on a mentionné «guichet unique», d'autres ont dit que,
pour des plus petits endroits, ça pouvait
être un intervenant pivot, comme des infirmières pivots, que les patients
apprécient beaucoup, d'ailleurs. Quand tu
as 15 médecins puis des tests, et tout, tu réfères à une personne qui a
l'ensemble de tes choses. Mais, dans ce cas-ci, il y a toute la chaîne,
aussi, de suivis qui peuvent être donnés, des suivis très immédiats,
accommodements de type académique. Il faut
qu'il y ait un comité qui décide ça. Elle, cette personne-là, c'est telle chose
dont elle a besoin, parce qu'elle est
en telle année, en stages, etc. On comprend qu'il y a des cas très différents,
mais ça peut aller jusqu'à une sanction par rapport à l'agresseur.
Est-ce
que votre bureau, dans votre esprit, il gère tous ces paramètres-là, autant les
sanctions pour l'agresseur que les mesures académiques pour l'étudiante,
que le suivi psychosocial, de psychologue ou autres, que l'intervention éventuelle de la référer à un CALACS, parce qu'on
est bien d'accord qu'ils doivent être en partenariat, ou à la police, le
cas échéant, parce que ça peut être une avenue
qui est possible? J'essaie de comprendre, pour m'aider à conceptualiser
les choses, en quoi consistent votre bureau indépendant et votre comité dit de
travail, si j'ai bien compris.
• (16 h 40) •
Mme
Sahrane (Sophia) : Oui. Donc, le bureau indépendant serait justement
une ressource pour toute personne survivante.
Donc, c'est la place à aller justement quand on est à la recherche d'aide, de
support. Puis, dans un monde parfait, ce bureau-là, et si cette loi
atteint son objectif, ce bureau-là sera en mesure de prendre les plaintes, de
les gérer.
Normalement, chaque
établissement d'enseignement supérieur a déjà un processus indépendant de...
comme tribunaux pour les étudiants ou bien pour les membres de l'université,
donc, qui est, comme je l'ai mentionné, déjà indépendant.
Donc, tant que le processus est indépendant, tant que la plainte, elle est
gérée par aussi un corps
indépendant, donc un bureau qui s'y connaît justement
en cas de violence sexuelle, donc qui sait comment agir, qui sait comment
soit construire un cas pour la personne,
soit la défendre, soit l'aider, comme la chapeauter pendant ce processus...
Puis, pour le comité de travail, en
fait, ce serait un comité composé d'associations étudiantes, groupes communautaires, justement, qui sont impliqués, qui participent et qui s'y
connaissent dans la réalité de chaque campus. Ce seraient aussi les
professeurs, les dirigeantes et dirigeants
de chaque université. Donc, c'est vraiment pour qu'il y ait une implication et
une participation complètes de tout membre de l'université.
Ce
comité de travail devrait être impliqué dans, dès lors, des consultations qui
sont mandatées dans la loi déjà, jusqu'à la rédaction de la politique,
donc il devrait prendre part à vraiment toutes les étapes du développement de
cette politique.
Mme David :
Est-ce que vous trouvez que ce n'est pas le cas en ce moment, la participation
étudiante?
Mme Sahrane
(Sophia) : Je pense que c'est un bon premier pas mais que c'est trop
vague pour que les établissements
d'enseignement supérieur soient redevables. Souvent, dans les différentes
associations étudiantes à travers le Québec,
c'est beaucoup les étudiants qui poussent pour inclure leur participation, mais
là cette loi-là et puis cette politique veulent que ça se base sur la
bonne volonté des établissements d'enseignement supérieur. Je ne me baserais
pas trop là-dessus.
Mme David :
Et... je veux vous nommer par votre nom, donc, ça doit être madame...
Une voix :
...
Mme David :
Sophia? Non, non, non. Oui, vous.
Une voix :
Argilès.
Mme
David : C'est ça, c'est Perrine Argilès. Alors, je voulais être sûre
et de bien prononcer et d'avoir la bonne personne. Parce que je sais que l'AVEQ a aussi des universités en
région, et c'est ce qui fait, je trouve, votre particularité, c'est très
intéressant.
Mme Argilès
(Perrine) : Notre force.
Mme
David : Oui, probablement. L'université hyperurbaine, anglophone
qu'est Concordia, une université comme l'UQAC,
à Chicoutimi, alors, je trouve que ça donne des dimensions très
complémentaires. Alors, je voudrais prendre l'occasion, parce qu'on
parle... et vous avez raison, là, on parle de guichet unique et de tout comme
si c'étaient des universités toujours à 40 000 étudiants. On sait très
bien que ce n'est pas le cas en région.
Est-ce que vous êtes plutôt
d'accord avec nous quand on dit : La notion plus large, et peut-être qu'on
devra la préciser, de guichet unique, ça peut vouloir dire aussi quelque chose
d'un peu plus réduit mais qui est cette notion d'intervenant, au singulier ou au pluriel, mais pivot, mais
très en lien — et
c'est beaucoup plus le cas dans les régions — avec
les organismes spécialisés comme les CALACS? Est-ce que vous
pensez un peu à un modèle comme ça, parce qu'on est vraiment dans une
autre réalité que celle d'une université très urbaine?
Mme
Argilès (Perrine) : Alors,
comme vous le mentionnez, les étudiants en région sont d'une réalité complètement différente des grands centres, mais ça demeure la même forme de centre,
en fait, pour justement
recevoir les victimes
puis les survivantes. Mais il ne faut pas oublier que, oui, c'est sûr qu'il y a
eu beaucoup d'austérité par rapport à... bien, justement,
ils ont été coupés par rapport... il n'y a plus de service psychologique. Il y a
des travailleurs sociaux qui sont là mais à mi-temps, donc ça devient problématique. Et, nous, ce
qu'on aimerait, c'est que ce soit certes proportionnel par rapport au
nombre d'étudiants — on
s'entend qu'on n'a pas les mêmes chiffres d'étudiants en région et en grand
centre — mais
que la composition du comité soit la même.
Mme David :
O.K. Donc, on essaie de respecter les différents intervenants dans un comité,
mais à plus petite échelle, finalement.
Mme Argilès
(Perrine) : Oui.
Mme David :
O.K. Bien, écoutez...
Une voix :
...
Mme David :
Oui. Je vais passer la parole à mon collègue.
La Présidente (Mme
de Santis) : M. le député de D'Arcy-McGee.
M.
Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, pour votre
exposé et votre implication. Je crois qu'il faut saluer vos efforts de réunir un nombre croissant d'étudiants à
travers la province et, évidemment, votre analyse nous démontre que vous
avez fait un effort assez substantiel pour comprendre les enjeux, pour être
présents, présentes sur le terrain. Et voilà.
C'est
assez important, on parle d'un sujet qui touche à la sécurité, le bien-être de
nos étudiants, peu importe où ils ou
elles étudient, et dans toute leur diversité. Si j'ai bien compris, dans vos
remarques préliminaires, vous avez suggéré que vous êtes toujours sur votre faim en ce qui a trait à la prévention, et
j'ose croire que c'est une grande préoccupation de la ministre, de notre gouvernement, de nous tous,
comme parlementaires, et il y a plusieurs allusions à cette priorité
dans l'article 3, alinéa 2° jusqu'à 5°.
Alors,
je veux vous inviter, à la façon la plus précise que possible, de nous parler
de votre préoccupation là-dessus en ce qui a trait à ce projet de loi
devant nous.
Mme Sahrane
(Sophia) : Oui. Parfait. Donc, comme j'ai mentionné, la loi a l'air
plus dissuasive et offre des réprimandes
après les actes de violence sexuelle. Des moyens de prévention qu'on aimerait
voir ou bien la clarification...
(Interruption)
Pardon. Mon Dieu! O.K. Les clarifications qu'on préférerait dans la loi
seraient des détails précis ou bien
des spécifications du type de mesures... par exemple, ça dit : Mesures de
prévention et mesures de sensibilité, mais, en fait, à quoi ça
ressemblerait? Parce qu'encore une fois on doit s'assurer que tout
établissement est redevable, mais comment on
va faire ça si on ne sait pas c'est quoi, le standard par lequel ils devraient
être redevables? Pour, par exemple, la multiplicité
de mesures de prévention, on pourrait offrir, oui, de l'éducation, mais aussi
que les groupes communautaires soient
priorisés quand il vient le temps de faire cette éducation-là, parce que, si
une université développe d'elle-même, sans l'aide d'aucun groupe communautaire, aucune personne qui est experte
dans... ou qui travaille, qui ont les connaissances dans la réalité du campus, ça divise le
financement. Ça veut dire que ces groupes communautaires là n'ont pas les
ressources dont ils ont besoin pour faire
leur travail. Ça aussi met de côté et ça néglige les groupes qui, encore une
fois, ont cette expertise-là, ont ces connaissances. Donc, ça, c'est
pour l'éducation, mais ça serait aussi...
On a parlé de groupes
sportifs, les athlètes, beaucoup, comme quoi ils sont comme un peu négligés
dans les universités ou bien on n'en parle
pas vraiment comme quoi on devrait les former, puis la même chose avec les
fraternités, les fraternités et
sororités — c'est
quelque chose qui existe au Québec, je viens de l'apprendre — et donc s'assurer que, lors de leur entrée, ils aient un cours ou bien ils
aient un genre de formation mais qui est vraiment ciblée à leurs
expériences en tant qu'athlètes, en tant que
quel genre d'environnement vont-ils entrer, vont-ils... Et même chose pour,
justement, les fraternités, les
sororités, même chose pour les résidences. Je sais que beaucoup d'universités
offrent des formations pour les résidences.
Donc, il faut vraiment s'assurer de former chaque... ou bien d'informer chaque
formation avec la réalité et les expériences
de chacun de ces groupes-là. Donc, ça, c'est comme un moyen de développer un
peu plus le côté prévention.
• (16 h 50) •
M. Birnbaum :
O.K. Merci. Je comprends. Je crois qu'on partage pleinement la préoccupation.
Peut-être la question se pose : Où arrête le projet de loi? Où est-ce
qu'on a un rôle pour faciliter ce genre d'action en ce qui a trait à la
prévention? Mais vous avez parlé vous-même de la diversité de nos
établissements en région et à Montréal.
Bon,
je vais passer, si je peux, bien vite à une deuxième question. Ça m'étonne.
Vous êtes le deuxième groupe, et je peux comprendre la réticence, mais
qui fait une recommandation ainsi : «L'AVEQ recommande de retirer la
police comme "ressources externes"
avec lesquelles les établissements d'enseignement supérieur devraient prendre
entente, tel que mentionné dans
l'article 5 du projet de loi...» Je peux comprendre, quand on parle de la
formation, nos forces policières ont à
se former davantage. Peut-être que le portrait n'est pas toujours parfait, mais
de là à écarter, dans une société de droit, les forces policières, ça
m'étonne, et je vous invite à un bref commentaire là-dessus.
Mme Sahrane
(Sophia) : Donc, la police, qu'on l'écarte des politiques
universitaires ou pas, va toujours être là. Cette ressource externe est
toujours présente, mais il faut, en considérant le fait que les personnes les
plus affectées par les violences à caractère sexuel sont...
La Présidente (Mme de
Santis) : Merci. Maintenant, la parole est aux représentants de
l'opposition officielle. Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Oui. Merci, Mme la Présidente. Donc, merci à vous cinq d'être là aujourd'hui
puis à vos collègues aussi qui vous accompagnent.
Merci de nous apporter, donc, vos points de vue, question qu'on puisse
bonifier le projet de loi qu'on a entre les
mains, qui est un projet de loi quand même très attendu par le milieu. Donc,
merci de nous aider dans le travail de parlementaire que nous sommes
actuellement en train de faire.
Et
je vous amènerais tout de suite sur un sujet qui nous a quand même occupés
depuis le début des consultations particulières
et que nous n'avons pas abordé, là, dans votre présentation. Donc, j'aimerais
savoir si vous aviez eu un point de vue
sur la question, lorsqu'on parle, par exemple, de la proscription claire des
relations intimes entre les étudiants et... que ce soient les professeurs, les personnes en relation d'autorité ou
encore toute personne ayant une influence sur le parcours des étudiants,
étudiantes.
Donc, est-ce que vous
avez émis un point de vue sur la question, considérant qu'il y a plusieurs
associations étudiantes qui se sont clairement positionnées pour l'interdiction
de ce type de relation?
Mme Sahrane
(Sophia) : L'AVEQ reconnaît complètement que le consentement ne peut
exister dans une relation où le
pouvoir est asymétrique. Et, quand une des personnes est affectée, son
cheminement, son futur, son cheminement académique est autant affecté. Nous, en fait, c'est dans notre mémoire
comme quoi on reconnaît que le consentement ne peut pas exister, justement, dans des relations professeurs et
étudiants, puis on est très contents que ça soit inclus dans le projet de loi, mais notre position, c'est que ce genre de
relation ne se limite pas aux professeurs et aux étudiants. Dépendamment
de chaque identité de personnes qui sont
impliquées, il va y avoir une relation de pouvoir. Et on ne limite pas ça non
plus aux professeurs, mais aussi à toutes
les personnes dirigeantes, les personnes qui ont un effet justement sur la
carrière, sur le futur, le bien-être dans l'environnement académique,
comme, de toute étudiante ou étudiant.
Mme Fournier :
O.K. Donc, dans le fond, au-delà de la relation professeurs-étudiants, au-delà
de même de la relation d'autorité, j'en
comprends que vous seriez d'accord avec l'interdiction des relations intimes
entre les étudiants, étudiantes et toute personne pouvant avoir une
influence sur le cheminement académique.
Mme Sahrane
(Sophia) : Oui, exactement. Mais il faut aussi clarifier qu'on limite
ça aux relations préexistantes. Donc, s'il y a une relation qui est
préexistante et que, on va dire, il y a une étudiante à l'UQAC puis qui est
avec un professeur ou bien un chargé de cours, peu importe, et que cette
personne est engagée par l'UQAC, dès lors que cette relation est divulguée avec justement les ressources humaines ou peu
importe... et je ne m'y connais pas trop, en fait, en ressources
humaines des établissements d'enseignement supérieur, je suis désolée, mais dès
lors que cette relation est divulguée, on est d'accord avec cette situation,
mais, en effet, les relations de pouvoir asymétrique dans le milieu de
l'enseignement supérieur, on est contre.
Mme Fournier :
O.K. Tout à fait. Donc, je comprends bien votre point. Au fond, s'il y avait
une relation antérieure, on pourrait la déclarer de la même façon qu'on peut
déclarer un conflit d'intérêts à ce moment-là.
Mme Sahrane
(Sophia) : Exactement.
Mme Fournier :
O.K. Merci. J'aimerais vous entendre aussi sur la recommandation 6.1. Vous
dites : «L'AVEQ recommande la
reconnaissance et l'inclusion des réalités des personnes les plus affectées par
les violences à caractère sexuel — dont
vous avez fait mention aussi dans vos remarques préliminaires, les personnes
qui sont plus, justement, susceptibles de vivre ce type de violence.»
Et,
bon, ça me préoccupe, aussi, particulièrement parce que je suis porte-parole en
matière de condition féminine mais
aussi pour les droits de la communauté LGBTQ+, et je me demandais, dans ce
présent projet de loi, comment vous voyez, de façon concrète, comment on pourrait
l'améliorer pour inclure justement davantage les réalités des gens de
ces communautés-là mais aussi de toutes les personnes que vous nommez, là, dans
votre mémoire.
Mme
Sahrane (Sophia) : Oui. En
fait, ce serait par une analyse de besoins et de ressources existants,
analyse de besoins dans le sens où l'université, avant de produire une politique
pour contrer les violences sexuelles, doit prendre connaissance de qui est
affecté sur son campus, mais aussi les statistiques générales sur quels groupes
sont les plus affectés, mais aussi, sur leurs campus, regarder qui est affecté,
qui est plus à risque d'être affecté, et donc prendre connaissance de, comme, la démographie de chaque campus. Donc, nous, on
pense qu'en obligeant justement cette analyse de besoins et de
ressources existants on informerait les universités sur comment mieux servir et
offrir des services aux étudiants qui sont affectés.
Mme
Fournier : O.K. Merci. Aussi, l'une des préoccupations, je pense, qui
est beaucoup ressortie dans les consultations,
notamment, aussi avec les autres associations étudiantes qui sont venues avant
vous, c'est le fait qu'il y a peut-être
un manque de précision de certains éléments du projet de loi. Le RQCALACS en a
fait mention également. Puis c'est sûr
que, bon, ça amène certaines préoccupations, de penser que les étudiants,
étudiantes n'auront peut-être pas le même niveau, là, de protection
selon les établissements postsecondaires.
Vous
dites, là, à la recommandation 2.1, que vous proposez «que les éléments
prescrits par le projet de loi n° 151 soient développés afin» d'avoir des politiques qui soient davantage
redevables et uniformes. Est-ce que vous pourriez nous spécifier quels
éléments devraient être précisés, selon vous?
Mme
Sahrane (Sophia) : Oui.
Donc, on parle des éléments du chapitre II, article 3, donc c'est les
éléments tels les rôles et responsabilités des différents membres des établissements d'enseignement supérieur, les mesures de prévention, les
sanctions, les mesures de sensibilisation, les activités de formation
obligatoires, les mesures de sécurité, les règles d'encadrement des activités
sociales et d'accueil, les modalités applicables pour formuler une demande de
plainte, donc tout ce qui est, donc,
le chapitre II, article 3. Donc, il y a, je pense, une douzaine
d'éléments justement qui sont les éléments qui doivent être
inclus dans la politique, mais on les nomme, on ne les explique pas vraiment.
Je pense qu'un lexique aiderait beaucoup avec
ça, mais aussi les détailler puis leur donner vraiment une ligne directrice
qu'on a des attentes précises pour chacun de ces éléments.
Mme Fournier : Donc, de venir
préciser et d'uniformiser l'ensemble de ces 12 éléments. C'est bien ce que
je comprends.
Mme Sahrane (Sophia) : Exactement.
Mme
Fournier : O.K.
Merci. Pour ce qui est maintenant de
la recommandation 2.6, donc, justement, j'ai apprécié votre allusion, justement, où vous parliez du
bureau qui existait à l'Université Concordia, par exemple, qui recueillait
les plaintes, tout ça, et qui assistait les
survivants, donc, les victimes de violence à caractère sexuel, mais en même
temps vous avez parlé aussi dans vos remarques préliminaires que, par exemple,
à l'Université du Québec à Chicoutimi, bien, il y avait seulement une ressource à temps partiel, donc que les ressources
différaient, dans le fond, entre les
établissements.
Puis là vous parlez justement, dans la recommandation 2.6,
de quelque chose que je trouve extrêmement intéressant,
qui sont les ressources minimales, au fond, dans chacun des établissements. Est-ce que vous avez défini ce plancher-là? Est-ce
que vous avez une idée de quelles seraient justement les ressources minimales,
aussi compte tenu des différentes réalités régionales, qui ne sont pas toutes
les mêmes, évidemment?
Mme
Sahrane (Sophia) : Bien, en
fait, puis je vais peut-être laisser
aussi ma collègue après comme en rajouter, les ressources minimales seraient les ressources que, collectivement,
chacune des universités, et avec consultation, bien sûr, de survivantes, de groupes communautaires... quelles sont les ressources auxquelles on a absolument
besoin, les ressources que toute
survivante sur chaque campus a besoin, donc, que ce soit... on n'a pas, justement,
défini exactement quelles seraient ces ressources, mais que ce soit une infirmière ou bien une infirmière
pivot, comme la ministre David a mentionné, donc une infirmière axée à... justement
pour changer ou bien pour être capable de restructurer sa session scolaire pour
s'assurer de ne pas être trop affectée, parce que c'est impossible de ne pas
être affecté par une violence sexuelle.
Donc, ce
genre de choses, on n'a pas d'article défini, mais c'est quelque chose qu'on peut offrir, c'est quelque chose qu'on devrait, en fait,
tous travailler en consultation avec différents groupes de survivantes et groupes
communautaires pour définir, peu importe où est-ce qu'on est au Québec, ce dont
on a besoin, absolument.
• (17 heures) •
Mme Bondu
(Häxan) : En fait, c'est
vraiment important qu'il y ait des ressources vraiment à temps plein
dans les universités aussi. Présentement, tu sais, on peut prendre l'exemple de
l'UQAR, qui a deux travailleuses sociales en plus
d'avoir une psychologue qui est, en ce moment, en sabbatique. Puis, par la
suite, on se rend à l'UQAC, où qu'il y a une ressource qui est à temps partiel. Même dans le réseau de l'UQ, les
ressources, pour des universités qui ont à peu près le même nombre d'étudiants, c'est complètement
inégal. Donc, c'est vraiment d'avoir des ressources là. Et souvent, en
plus, en région, on a le deuxième palier qui
lui manque, des fois, des ressources déjà en région. Donc, même à l'externe,
parfois, c'est dur d'avoir de l'appui. Donc, c'est vraiment encore plus
primordial qu'il y ait vraiment des ressources dans les universités de région à
ce moment-là.
Mme Fournier : Tout à fait. Vous
avez bien raison, parce que, quand on pense, par exemple, au réseau des CALACS,
qui doivent souvent, pour les organismes régionaux, couvrir de très larges
territoires avec vraiment peu de ressources... alors, à ce moment-là, s'il n'y
a pas non plus de ressources au sein même des universités, ça devient très difficile pour les victimes de ces régions-là
d'avoir l'aide dont elles ont besoin puis aussi les ressources nécessaires.
Donc, je comprends totalement. Donc, ce
qu'on demande, au fond, ce sont des ressources dédiées dans les universités.
C'est bien ça?
Mme Bondu (Häxan) : Oui.
Mme Fournier : O.K. Merci.
Finalement, justement, j'ai abordé le point des CALACS, mais il y a plusieurs,
justement, universités qui ont des collaborations avec ces organismes-là.
Est-ce que vous pourriez nous en parler un peu,
de la relation que vous avez justement avec les CALACS, puis comment vous pouvez arrimer les actions entre les établissements
postsecondaires et aussi le réseau communautaire?
Mme
Sahrane (Sophia) : Nous ne sommes pas au courant de toutes les
relations que chacune de nos universités a avec les CALACS, mais justement, aujourd'hui, on était incroyablement...
En fait, le travail a commencé dans les derniers quelques jours,
justement, de se consulter puis s'aider à l'écriture, à la rédaction de chacun
de nos mémoires pour s'assurer
qu'on se supporte entre organisations, l'AVEQ et les RQCALACS. Mais, en tant
que collaboration concrète avec nos universités, je n'ai,
malheureusement, pas cette information.
Mme
Fournier : Merci. À la recommandation 2.2, vous recommandez que les processus
d'accompagnement de plaintes soient énumérés dans leur intégralité à
l'intérieur de la politique de chaque établissement. Donc, vous
voulez parler, là, du délai de traitement, en fait, du délai de suivi
des plaintes. Est-ce que c'est bien ça?
Mme Sahrane
(Sophia) : Non. En fait, c'est pour spécifier, encore une fois, pour
essayer d'amener plus de détails à la politique pour que les universités soient
plus redevables dans l'écriture de leurs politiques.
Une voix :
...
Mme
Sahrane (Sophia) : Oui.
Donc, c'est juste pour justement spécifier quels sont, encore une fois, les actes minimaux, vraiment,
les ressources minimales à offrir, donc, quand une personne
vient, qu'elle soit vraiment
informée de toutes les ressources
à ses besoins, tous les services, que, si elle a besoin d'accompagnement, les termes de cet accompagnement soient expliqués, donc qu'est-ce qui va se
passer. Puis c'est encore une fois pour rendre redevables les personnes qui
sont intervenantes, qui sont en charge dans l'application de ces services-là.
Mme
Fournier : Puis avez-vous
identifié un délai justement pour que, la plainte, il y ait
un suivi au sein même des établissements d'enseignement. Je sais que la FECQ avait identifié un 30 jours,
l'UEQ avait identifié 45 jours. Est-ce que vous, vous avez énoncé un
chiffre?
Mme Sahrane
(Sophia) : En fait, je veux juste le clarifier, donc, c'est :
entre la plainte et...
Mme
Fournier : La décision, si on veut.
Mme Sahrane
(Sophia) : ...l'intervention, c'est 48 heures, oui.
Mme
Fournier : Mais, dans le traitement, donc le suivi, je veux dire, pas
le premier geste, mais vraiment l'aboutissement.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est
au représentant du deuxième groupe d'opposition. M. le député de
Chambly.
M. Roberge :
Merci. Merci beaucoup pour votre présentation.
Mais
je vais continuer sur le même thème, puisque c'est un thème intéressant. Donc,
pourquoi couper court? Vous, c'était votre recommandation 2.3, là, vous
recommandez que les actions doivent être faites, puis, à la fin, ça disait
«dans l'immédiat». Donc, c'est assez rapide.
Mais
il y a quand même une nuance entre le suivi qu'on donne à un signalement versus
à une plainte. On peut donner une
mesure d'aide immédiatement ou un accommodement tout de suite pour une personne
qui fait un signalement, qui a besoin
d'aide, qui veut être accompagnée. Par contre,
le traitement d'une plainte, ça suppose d'écouter peut-être les deux parties... en fait, certainement. Donc, je pense que la question de
ma collègue allait plus dans ce sens-là : Est-ce que vous nous suggérez un délai? Parce qu'on pourrait
dire : Bien, les établissements feront ce qu'ils veulent par rapport
à ça, ou on pourrait décider, nous, comme parlementaires, de l'inscrire dans la
loi.
Donc, par rapport à
la plainte, est-ce que vous avez une suggestion d'un délai?
Mme
Sahrane (Sophia) : On avait mentionné plus tôt, mais justement on a
réinclus dans... plus tôt pas ici, plus tôt nous, 45 jours, en fait, pour la complétion... Donc, la plainte est
déposée, puis une sanction est donnée ou bien c'est révisé par le comité disciplinaire, puis la réponse est
donnée à la personne survivante et à l'agresseur, parce qu'encore une
fois on ne veut pas, comme, pousser ce processus puis avoir la personne
survivante qui va juste continuer de vivre dans l'incertitude, en fait, pendant
que cette personne-là est encore sur le campus. Donc, 45 jours.
M. Roberge :
O.K. Merci. Et je pense qu'il y a quelque chose qui a été amené d'intéressant
par le bureau de coordination
interuniversitaire tout à l'heure en précisant justement «signalement»,
«plainte», et, pour moi, le troisième volet,
c'était définitivement «plainte aux policiers». Et là je vais vous interpeller
sur une question sur laquelle vous avez déjà été interpelés, mais, pour
moi, il y a encore des éclaircissements à faire sur votre
recommandation 2.5, où vous dites : «L'AVEQ
recommande de retirer la police comme "ressources externes"...» Je
comprends qu'il appartient à la victime ou au survivant, à la
survivante, dépendamment comment on l'appelle, de choisir ce qu'il ou elle
veut. Un signalement, c'est une chose. Une plainte à l'interne, c'est une
chose. Amener ça au point de vue judiciaire, c'est une autre chose.
Mais
je m'étonne du fait qu'il faut tout simplement, selon vous, la police,
carrément la retirer comme ressource externe. Et, tout à l'heure, vous
avez dit : Bien, elle sera toujours là. Bien là, si elle est toujours là,
on ne la retire pas. Pouvez-vous préciser,
là, ce que vous aviez derrière la tête quand vous avez écrit ça, parce que
c'est assez surprenant?
Mme
Sahrane (Sophia) : Donc, la police, ce qu'il faut comprendre, c'est
que... encore une fois, je vais peut-être partager une histoire qui va éclairer tout ça, la police n'est pas une
ressource pour... la police, on y va pour un but. Les personnes survivantes vont interpeller la police,
décider de prendre une plainte avec la police pour entamer des
procédures de plainte au criminel.
Je vais vous
donner un exemple. Justement, le bureau du Sexual Assault Resource Center qui
est à Concordia, la personne qui le
gère, qui est Jennifer Drummond, qui est incroyable, est allée à chacun des
postes de police de Montréal pour
vérifier comment ils traitent une plainte de violence sexuelle. Donc, quand une
survivante vient la voir et lui dit : Je veux porter plainte avec la police, elle va l'accompagner, c'est un des
services qu'elle offre. Mais elle va lui dire : Non, on ne va pas aller à lui à côté de chez toi, on va
aller à lui qui est, comme, à Montréal-Nord, à, comme, une heure et
demie de bus ou de métro ou bien on va aller
dans l'Ouest-de-l'Île, parce que là-bas, bien, ils vont te mettre dans une
salle qui est séparée, ils ne vont
pas te demander de crier à travers la vitre de glace ton histoire, qu'est-ce
qui t'est arrivé. Donc, ça, c'est les expériences directes que les
personnes survivantes ont avec la police. Puis c'est... que ce soit un besoin,
que, la personne qui s'occupe du centre, c'est une information qu'elle doit
avoir, de comment ils vont la traiter, parce que justement il y a des places qui lui ont demandé de crier. Il y avait
comme une salle d'attente pleine, ils lui ont demandé de communiquer ça à travers une glace de vitre. Puis
il y en avait une autre qu'ils ont amenée dans une salle. Ils ont amené quelqu'un qui est une femme policière, parce que
la personne ne se sentait pas confortable avec un homme. Il y en a
d'autres qui étaient comme entre les deux. Disons que ça, c'est le pire des
cas, puis l'autre, c'est le meilleur.
Mais donc, si
on commence à socialiser les policiers maintenant pour savoir comment traiter
de ces cas-là, puis s'il y a plus de
racisme au Québec, puis s'il y a plus d'homophobie puis de transphobie, puis
s'il y a plus de maltraitance des peuples
autochtones, qui sont les personnes les plus affectées par la violence
sexuelle, la police peut devenir une ressource.
Mais en ce moment ce n'est pas ce dont les
personnes les plus affectées ont besoin. Les ressources, c'est les CALACS. Les ressources, c'est le centre pour la
lutte contre les inégalités de genre,
c'est Our Turn, c'est toutes des petites niches de ressources pour les
différentes universités, pour les associations étudiantes, mais ce n'est pas la
police, à notre avis.
• (17 h 10) •
M. Roberge : C'est toute une
affirmation. Loin de moi de blâmer un... ou une victime qui ne souhaiterait pas
aller à la police, là. C'est son choix le
plus strict, évidemment. En
tout cas, je vais vous laisser vos
propos et je vais changer de sujet.
Par rapport au délai — je ne
suis pas sûr de vous avoir entendus jusqu'à présent — le projet
de loi dit que la politique devrait être adoptée avant le
1er septembre 2019. D'autres groupes sont venus, nous disant : Bien,
la politique pourrait être adoptée
précédemment. Et le plan d'action, peut-être, pourrait être vraiment en place à partir du
1er septembre 2019, parce qu'on
peut s'attendre que, le jour où on adopte une politique, on n'est peut-être
pas prêt à agir tout de suite,
parce qu'après ça on va dire : Bien,
suite à la politique, il faut embaucher du monde, etc. Donc, est-ce que vous
avez des exigences sur un échéancier qu'on devrait inclure dans le
projet de loi?
Et la deuxième question, que je vous pose en
même temps : Est-ce qu'on fait comme dans le projet de loi en ce moment, on ne laisse que la notion de
politique, ou on ajoute une deuxième notion, qui est de dire : Bien, il y
a une date pour la politique puis il y a une date pour le plan d'action?
Mme Bondu
(Häxan) : En fait, premièrement, dans nos recommandations, à 5.2, en fait, on dit que la première ébauche des politiques devrait être le
1er janvier 2019, donc, soit la session précédente. L'objectif, à ce moment-là, c'est tout simplement, justement, de voir
ces politiques-là, que les groupes en place puissent voir la nécessité, et
tout, et que justement ce soit accessible. Par la suite, au niveau du plan d'action,
on n'avait pas apporté quoi que ce soit...
Mme Sahrane (Sophia) : Donc, en
fait, un plan d'action serait vraiment intéressant et pertinent à avoir pour chacune des universités, mais ça, justement, ce
serait comme dans le mandat des comités de travail de le développer,
parce qu'encore une fois c'est eux qui ont les ressources, qui ont les
connaissances et l'expérience de le développer dans le contexte de
l'établissement, le contexte de la communauté et le contexte des personnes
affectées.
Une voix : ...
M.
Roberge : C'est difficile
d'avoir question et réponse en une minute, là, ça va
vite pas mal. Bien, je vais tout simplement prendre quelques secondes
pour vous remercier pour votre participation aux travaux. Puis probablement
qu'on aura l'occasion de se recroiser pour d'autres dossiers. Donc, merci.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci, M. le député de Chambly. Alors, mesdames, on vous remercie pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants afin
de permettre aux représentants de la Fédération des cégeps de prendre place.
Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 13)
(Reprise à 17 h 16)
La Présidente (Mme de Santis) : Nous
reprenons les travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la
Fédération des cégeps. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé et ensuite nous allons procéder à la
période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous
présenter et à procéder à votre exposé. Bienvenue.
Fédération des cégeps
M.
Tremblay (Bernard) : Mme la Présidente, Mme la ministre, MM., Mmes les députés, alors, je me
présente : Bernard Tremblay. Je suis le
président-directeur général de la Fédération des cégeps. À ma droite se
trouve M. Sylvain Lambert, qui est le
président du conseil des directions générales de la fédération et le directeur
général du cégep Édouard-Montpetit; à
ma gauche, Mme Marie-Christine Tremblay, avocate à la fédération; et, à ma
droite, Mme Geneviève Reed, qui est la coordonnatrice du Réseau
intercollégial des intervenants psychosociaux, qui est, donc, une instance de
la fédération qui regroupe les intervenants psychosociaux.
Alors, nous
sommes ici aujourd'hui pour représenter les 48 établissements du réseau collégial public, qui servent près de 175 000 jeunes à l'enseignement ordinaire et quelque
26 000 adultes à la formation continue. Nous vous remercions évidemment
de nous donner l'occasion de nous prononcer sur le projet de loi. Les cégeps
seront toujours disposés à collaborer avec
le gouvernement pour éviter que de tels gestes, donc, soient
posés dans le réseau collégial. D'ailleurs, depuis 2016, nous avons
formé un comité consultatif sur les violences à caractère sexuel au niveau
collégial.
Avant de vous faire part de nos commentaires sur
le projet de loi lui-même, permettez-moi de vous présenter brièvement les
actions que nous déployons déjà dans le réseau collégial.
Les cégeps
sont actifs, depuis plusieurs années, en
matière de lutte aux violences à
caractère sexuel. Dès le début des années 2000, tous les établissements
ont adopté une politique de prévention et de gestion du harcèlement et de la violence qui comprend le harcèlement sexuel. En matière de prévention, également de suivi clinique et de référencement, les intervenants psychosociaux des cégeps
interviennent aussi quotidiennement auprès des jeunes aux prises avec
une problématique psychosociale ou vivant une détresse psychologique. Enfin, 28 cégeps
ont déployé dans leurs murs la campagne Ni
viande ni objet, conçue à l'automne 2016 par l'Association étudiante du
cégep de Sherbrooke, alors que 21 cégeps
ont adhéré à la campagne Sans oui, c'est non!, élaborée par l'Université de Montréal. Des collèges se sont même associés aux
deux campagnes, sans oublier que plusieurs cégeps ont participé aux journées de
réflexion qui ont été organisées par la ministre de l'Enseignement supérieur,
donc, au cours de l'hiver dernier.
Comme vous
pouvez le voir, les cégeps ont déjà adopté plusieurs mesures pour contrer les violences à
caractère sexuel, mais, selon nous, un certain nombre de conditions doivent
être mises en place pour améliorer leurs pratiques à cet égard.
Nous pensons d'abord
que l'éducation à la sexualité est une nécessité dans les écoles
primaires et secondaires, comme le souhaite le ministre de l'Éducation,
du Loisir et du Sport, M. Sébastien Proulx. Par ailleurs, la Stratégie
gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles, adoptée en
2016, contient une affirmation que nous jugeons
importante de rappeler, soit que les violences sexuelles concernent l'ensemble
de la société. Jusqu'à maintenant, les établissements
d'enseignement supérieur ont été particulièrement interpelés sur cette
question, mais nous croyons, comme le soulignait
cette stratégie, que tous les acteurs de la société québécoise doivent se
sentir concernés. C'est pourquoi nous recommandons
que le gouvernement légifère aussi pour prévenir que de tels actes soient posés
dans le reste de la société.
Le projet de loi oblige par ailleurs les cégeps
à offrir des activités de formation pour l'ensemble de leurs communautés. Or, comme c'est le cas en matière de
prévention du suicide, par exemple, les formations à suivre varient beaucoup selon qu'on est un membre du personnel,
un étudiant ou encore un intervenant psychosocial. Nous pensons donc que le gouvernement devrait publier un répertoire
des formations sur les violences à caractère sexuel pour l'ensemble du Québec. Une mesure semblable a été mise en place
en Ontario dans le cadre de l'application du plan d'action contre la violence à caractère sexuel dans
cette province.
Soutenir la recherche collégiale comme le
prévoyait la Stratégie d'intervention pour prévenir et contrer les violences à caractère sexuel en enseignement
supérieur est une autre condition essentielle. Les cégeps doivent
pouvoir documenter les meilleures pratiques en matière de prévention et de
lutte contre les violences à caractère sexuel.
Enfin, toute politique institutionnelle est
inutile si elle n'est pas accompagnée des ressources nécessaires à sa mise en oeuvre. Les cégeps devront, par
conséquent, pouvoir disposer de ressources financières supplémentaires
pour faire face aux obligations du projet de loi, entre autres celles qui
concernent la mise en place de mesures de prévention, de sensibilisation et de sécurité et la coordination
de l'offre de formation. Ils devront pouvoir compter sur des ressources
psychosociales supplémentaires pour assurer l'offre de services d'accueil, de
référence, de soutien psychosocial et d'accompagnement à la hauteur de ce qui
est prévu dans le projet de loi.
En ce qui concerne plus précisément le texte du
projet de loi, je passerais la parole à mon collègue.
• (17 h 20) •
M. Lambert
(Sylvain) : Donc, oui, en ce
qui concerne le texte du projet de loi, qui nous semble propice à
assurer une cohésion dans la mise en oeuvre de mesures efficaces, nous
aimerions vous proposer quelques modifications.
À
l'article 3, et plus particulièrement aux paragraphes 1°, 3° et 9°, nous
estimons qu'il faut aller plus loin pour faire en sorte que tous les
acteurs de la communauté de chaque cégep voient leurs rôles et leurs
responsabilités précisés dans la politique
institutionnelle prévue au projet de loi. Nous proposons donc d'ajouter aux
catégories de personnes déjà désignées
au paragraphe 1°, 3° et 9° les dirigeants syndicaux, le cas échéant. En lien
avec le paragraphe 4° de l'article 3, selon lequel la politique institutionnelle devrait faire état de mesures
de sécurité planifiées, nous suggérons que le texte précise plutôt que des mécanismes permettant de
déterminer et d'appliquer des mesures de sécurité doivent être inclus
dans la politique. Cette modification au
texte nous paraît nécessaire pour la simple raison que des mesures de sécurité
devront être établies et déployées sur une
base régulière au fil des ans, alors que la politique sera renouvelée tous les
cinq ans. Et je
me permets de rappeler que des ajustements aux infrastructures pour mieux
assurer la sécurité, cela entraîne des coûts dont il faudra tenir compte au moment d'allouer des ressources
supplémentaires aux cégeps. Pensons, par exemple, au cégep de
Sherbrooke, qui compte 90 portes d'accès.
La question
de l'encadrement des activités sociales, au paragraphe 5° de l'article 3,
nous semble aussi devoir être abordée autrement. Le libellé actuel de ce
paragraphe nous amène, entre autres, à penser qu'on rendrait le collège responsable d'une activité organisée par une
personne morale distincte, c'est-à-dire une association étudiante,
constituée en vertu de la Loi sur
l'accréditation et le financement des associations d'élèves ou d'étudiants, et
cela même à l'extérieur de l'établissement.
À notre avis, la responsabilité du cégep doit être circonscrite à
l'établissement des règles de prévention que le collège, un membre du personnel, un dirigeant, une association
étudiante, un syndicat doivent mettre en place au moment de l'organisation des activités, quel que soit le
lieu où elles se tiennent. Le protocole d'entente que chaque cégep signe
avec son association étudiante pourrait
d'ailleurs faire explicitement référence à cette nouvelle obligation, tout en
gardant à l'esprit cependant que le pouvoir
de contrainte des cégeps à l'égard de leurs associations étudiantes demeure
limité. En résumé, nous proposons donc que le paragraphe 5° de l'article
affirme plutôt que ce sont des règles de prévention qui encadrent les activités et qu'on ajoute «un syndicat, le cas échéant» à
l'énumération des organisateurs de ces activités.
En ce qui concerne le troisième alinéa de
l'article 3, qui vise à inclure un code de conduite dans la politique institutionnelle, nous croyons là aussi qu'il
faudrait être plus précis. Le projet de loi propose un modèle de code de
conduite qui encadre ce qui est permis.
Cependant, le fait d'encadrer des liens intimes, amoureux ou sexuels entre un
membre du personnel et un étudiant
nous semble irréaliste. Nous avons alors pensé proposer une interdiction
complète de tout lien intime entre un
membre du personnel et une étudiante ou un étudiant, mais il nous est apparu
ensuite que cela pourrait mener à des situations aberrantes. Par
ailleurs, le projet de loi propose, en lien avec le code de conduite, la notion
de personne ayant une influence sur le
cheminement des études de l'étudiante ou de l'étudiant. Cette notion nous
semblait plutôt floue et pouvait porter à
interprétation. Finalement, nous proposons plutôt que le projet de loi
interdise tout lien intime, amoureux
ou sexuel entre une étudiante ou un étudiant et un membre du personnel ou de la
direction qui serait en relation pédagogique,
en relation d'autorité ou en relation d'aide, avec une exception, bien sûr,
pour les conjoints existants, pour ne pas
brimer le droit d'étudier d'une personne qui était conjointe d'un membre du
personnel avant son inscription au cégep.
Concernant la
notion de regroupement de l'ensemble des services évoquée à l'article 4,
nous estimons que cette mesure est actuellement inapplicable dans les
établissements de notre réseau. De nombreux cégeps sont composés de plusieurs campus ou de centres collégiaux, et
plusieurs directions et intervenants sont concernés par ces services. Il
n'est pas possible de concentrer au même
endroit l'ensemble des services et des ressources. Nous proposons par conséquent que l'article en question soit reformulé pour
préciser qu'en fonction du contexte l'établissement vise à regrouper l'ensemble des services et des ressources dans un guichet
unique connu et facilement accessible pouvant prendre la forme d'un lieu
désigné ou d'une personne désignée.
Enfin, comme
un étudiant peut être admis dans un collège sans pour autant y faire ses études
par la suite, nous proposons qu'on
retire le mot «admission» de l'article 9 pour préciser seulement
que c'est au début de chaque session que l'étudiant sera informé de
l'existence et du contenu de la politique.
Nous recommandons aussi que le mécanisme de reddition
de comptes présenté à l'article 11 soit modifié surtout pour préserver la confidentialité des personnes en cause. Rendre
publiques des informations sur les plaintes, les interventions et les sanctions appliquées pourrait
permettre de faire des liens entre les mesures et les personnes
concernées.
Une voix : ...
M. Lambert (Sylvain) : Ah! il reste
une minute. Pardon. J'avais compris qu'il y avait... On va être corrects.
Bon. Ensuite, nous croyons que le rapport annuel
du cégep n'est pas le bon outil pour rendre compte de l'application de sa politique. Nous recommandons plutôt que l'article 11
demande que l'établissement rende compte de l'application de sa
politique en fournissant à la ou au ministre l'ensemble des données précisées
dans la manière et la forme qu'elle ou il choisira.
En terminant,
nous souhaitons manifester notre satisfaction quant au délai raisonnable
accordé aux cégeps pour se conformer à la loi. Voilà. Merci.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Lambert. Maintenant, nous
sommes à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole
est à vous, Mme la ministre.
Mme
David : Oui. Alors, on va avoir 23 minutes quand même plus les minutes
des oppositions, alors je pense que ça va vous permettre vraiment de
pouvoir élaborer un peu plus.
Alors, je
vais un peu suivre votre mémoire, que, soit dit en passant, j'ai beaucoup
apprécié, parce que pour chaque commentaire
vous reformulez... alors, vous faites un peu nos devoirs. Bien, je lisais ça
puis je disais : Ah! intéressant, intéressant. Donc, vraiment, là,
il y a plusieurs choses avec lesquelles je peux vous dire que je suis pas mal
d'accord.
Les
compressions budgétaires. Bon, je sais que vous aimez beaucoup, beaucoup
revenir sur ce sujet-là. Maintenant, on a annoncé 23 millions et on
est ici à l'écoute. Et il y aura un forum au mois de décembre aussi. Et on
continue à réfléchir à la question. Donc, on
entend bien que tout ça ne se fait pas à coût nul, et c'est pour ça que, dès le
21 août, on a annoncé
23 millions. Puis on pourra se reparler de la ventilation du
20 000 $, et tout ça, mais je voulais vous dire qu'on écoutait
bien vos commentaires là-dessus.
Je vais aller
aux recommandations, où je peux apporter des précisions. Je trouve très intéressante
cette proposition de publier un
répertoire des formations reconnues dans toutes les régions du Québec. Très
belle idée. Quand je dis ça, bien, il y a des gens qui prennent des notes en arrière,
puis peut-être que l'idée va devenir réalité. L'autre chose, qu'on a
déjà annoncée, d'ailleurs, le 21 août dans
notre stratégie, c'était, oui, d'aller chercher les mêmes données au collégial
que ce qu'on a à l'universitaire.
Alors, on est au travail, et je pense que, dans un avenir à court terme, vous
pourrez être assez satisfaits du
résultat de ce qu'on veut faire. Mais on est tout à fait d'accord avec vous
qu'il faut aller aussi faire la recherche un peu comme elle s'est faite
à l'universitaire, au niveau collégial. Ça, donc, je voulais vous rassurer là-dessus.
Vous parlez
du programme Empreinte à la page... oh! il n'y a pas de page dans votre
mémoire, excusez-moi, mais c'est...
je ne sais pas où, là, «l'accès aux ressources». Alors, je suis contente que
vous connaissiez ce programme, que j'ai eu le plaisir de regarder d'assez près et qui est assez intéressant. On en
reparlera de toute façon au forum du mois de décembre sur les... Là, je mets mon autre chapeau, mais,
comme vous le dites vous-même, on ne peut pas s'arrêter juste au
contexte des collèges et des universités.
Mais c'est quand même un programme assez intéressant. Vous avez déjà, bon,
remarqué qu'il y avait des belles campagnes,
et vous y souscrivez, pour la prévention. J'aime assez votre idée — peut-être qu'on n'a pas été assez précis dans notre énumération — d'ajouter «représentants syndicaux»,
représentants des associations de cadres. Alors, je pense assez vite,
mais je pense que vous nous alertez sur quelque chose qui est important.
• (17 h 30) •
On va arriver
au plus «crunchy» à un moment donné, puis je veux garder du temps pour ça,
mais, quand on est à l'article 3,
paragraphes 6°, 7° et 11°... et voilà un bel exemple de quelque chose d'assez
structuré, clair. Et, moi, en tout cas, ça m'a aidée beaucoup. Tout à
l'heure, le député de la deuxième opposition a fait un peu la même chose en
parlant comme d'une hiérarchisation d'un dévoilement d'une plainte à l'interne,
d'une plainte judiciaire. Vous, vous dites : Attention! Dans la stratégie,
vous parlez peut-être de... je ne me souviens plus, là. En fait, dans le projet
de loi, on parle de signalement, mais on
parlait de dévoilement, de plainte, alors je pense que ça serait important
d'être bien clair sur le lexique, le vocabulaire, la différence entre un
dévoilement, un signalement, une plainte et une plainte à l'interne, une plainte à la police. Alors, je vous remercie
d'avoir alerté là-dessus... Et, la recommandation 11, donc, vous la redéfinissez, bon, vous
dites que soient bien définis les termes «plainte», etc. Je suis d'accord avec
vous.
La question... au troisième alinéa, bien, on y arrive, le fameux code de conduite. Là,
vous allez nous aider, parce qu'on
change de groupe, on change l'approche et on change de posture, presque,
épistémologique, et c'est important, ce dont
on discute là, puis vous êtes plusieurs à avoir réfléchi à ça. Et vous travaillez vraiment
réseau, et, quand on travaille réseau,
bien, ça inclut... c'est quand même 200 000 étudiants et je ne sais combien — enfin,
il y a tous les collèges, ça, on le
sait — d'enseignants,
combien de personnels. Et, si je comprends bien, vous vous êtes dit : Bon,
bien là, plus on précise, plus ça
devient compliqué, on va à l'interdiction totale, dans le fond, comme, je dois dire, le collège de Rosemont semble avoir pris cette décision. Là, je ne sais
pas trop comment ça fonctionne au
niveau de l'autonomie qu'un
collège peut avoir dans ce genre de
décision, mais c'était public, alors on peut le dire, qu'il s'en allait vers
ça. Mais je veux certainement vous
entendre, parce qu'on avait le BCI juste avant qui, disons, demande beaucoup
plus de flexibilité, de souplesse, veut qu'on compare ça à des conflits d'intérêts. Alors, vous, on peut
dire que vous allez droit au but, puis c'est l'interdiction
totale : amoureux, sexuel.
Bon. Quand vous dites : Avec un membre du
personnel ou de la direction qui serait en relation pédagogique, d'autorité ou d'aide, vous apportez la notion
d'aide, ce qui est assez intéressant. Alors, je ne peux pas m'empêcher de vous demander d'élaborer un peu plus. C'est la partie, honnêtement, la plus difficile pour nous, je pense, les législateurs.
On aura une décision à prendre. Je vais
avoir besoin de mes collègues, là, on va avoir besoin de tout le monde ensemble pour prendre la
meilleure décision possible. Il y a des juristes qui travaillent tout ça aussi.
Alors, aidez-nous à vous aider dans cette recommandation.
M. Tremblay (Bernard) : Oui, effectivement,
je pense que c'est pour nous aussi la question qui a été la plus délicate à débattre, et c'est pour ça qu'on a
souhaité souligner que notre première posture, comme vous dites, était vraiment
d'envisager quelque chose d'assez
drastique pour tout le personnel, hein, parce qu'on ne veut pas, finalement,
faire de distinction entre les
enseignants, les cadres, le personnel de soutien, le personnel professionnel,
parce que, tout dépendant de la situation, il peut y avoir des situations
où une étudiante ou un étudiant vont se sentir dans une relation, je dirais,
inconfortable. Et donc de penser que la prémisse serait plutôt d'aller vers
l'interdiction que vers la permission nous semblait
la posture idéale. Et c'est pour ça que la notion de code que prévoyait...
Donc, code de conduite, pour nous, ça laissait
entendre comme prémisse que c'était permis, alors que nous, on se place plutôt
dans une situation, je dirais, d'interdit.
Cependant,
comme on le mentionnait, l'absolu nous semblait aussi difficilement
atteignable, sachant, encore
une fois, que, oui, il y a 48 cégeps au Québec mais il y a
près d'une centaine de sites de formation affiliés, donc, au total.
Alors, on pourrait se retrouver dans un cas de figure, par exemple, où un
employé de soutien au centre d'études de Mont-Laurier,
qui est affilié au cégep de Saint-Jérôme, se trouve à un week-end au
Mont-Tremblant, et rencontre une étudiante adulte de Saint-Jérôme, et là, même sans le savoir, pourrait avoir une
relation et sans qu'il y ait aucune... dans
le fond, là, aucun impact et qu'on ne
puisse pas estimer qu'il y a un rapport d'autorité ou quoi que ce soit, d'où
le fait qu'un absolu total nous semblait un peu excessif, et aussi dans
un plus grand établissement. Évidemment, quand on est au cégep de Baie-Comeau, où, là, il y a une proximité, on peut se dire : Bien, ça
serait difficile de justifier un rapport intime, mais, quand on se retrouve dans des établissements avec 7 000, 8 000 étudiants — je pense, entre
autres, à Édouard-Montpetit — on peut se retrouver dans des situations
où les gens ne savent même pas, en fait, qu'ils ont ça comme point commun, le
cégep, parce qu'ils se sont rencontrés dans un autre contexte.
C'est
pourquoi on s'est rabattus quand même sur un test qui nous semblait quand même
assez encadrant et qu'on propose donc
qu'il y ait vraiment, sans que ce soit un interdit total, un interdit bien
encadré qui permette, là, tout de même d'envoyer
un message assez clair à l'effet que, bien, de façon normale et habituelle, là,
ce genre de relation là entre le personnel et les étudiants, ce n'est
pas une situation qui est acceptable.
Mme
David : Mais vous, qui vous
y connaissez beaucoup en termes de relations de travail et de
négociations... on fait ça demain matin, on
garde exactement votre libellé, qui est un compromis entre le
drastique et peut-être le code de conduite, on fait quoi? Est-ce que c'est applicable en termes de
relations de travail? Est-ce que c'est applicable en termes de chartes?
Vous avez des contentieux, vous avez dû penser à tout ça. Il y a une avocate
qui vous accompagne. Mais vraiment je l'apprécie beaucoup, parce qu'à vos expertises réunies en relations de
travail, et autres, est-ce que... On ferait ça demain matin, vous vous
attendez à quoi?
M.
Tremblay (Bernard) : Effectivement, c'est tout le caractère délicat de
la mesure, hein, c'est pour ça que ce n'est
pas un absolu. Ma collègue pourra compléter, mais effectivement je pense qu'on
a des précédents. Je pense, entre autres,
à des dispositions, à l'époque, qui avaient été établies contre le népotisme et
qui ont été invalidées parce que trop drastiques; dans le milieu
municipal, par exemple, une décision célèbre de la Cour d'appel, qui
reconnaissait qu'un employé ne pouvait
pas... donc, on ne pouvait pas engager un membre de la famille d'un employé. La
Cour d'appel, à l'époque, avait jugé que c'était trop drastique si la
personne en question n'avait pas une capacité d'influence sur l'embauche, hein? Alors, c'est un peu,
effectivement, la même approche. C'est pour ça que notre test, il se trouve
quand même assez bien circonscrit, sans être
complètement fermé et empêcher, là, le cas de figure, par exemple, que je
vous ai donné il y a un instant, là.
Peut-être que ma collègue peut rajouter
là-dessus.
Mme Tremblay (Marie-Christine) :
Bien, en fait, ça se fait déjà dans certains collèges, je vous dirais, l'interdiction quasi totale. Ça s'est bien passé.
Je vous dirais qu'il n'y a pas eu de soubresaut. Il y a beaucoup d'intervenants dans le milieu qui sont d'accord avec ce fait-là.
On a vu Rosemont la semaine dernière, là, qui en a fait état, mais
il y a d'autres cégeps aussi
qui sont restés plus discrets mais qui, eux aussi, là, l'interdisent depuis quelque
temps. Donc, il y a quand
même des actions, là, qui étaient
prises, et je vous dirais que ça n'a pas causé de problème jusqu'à maintenant,
puisque les fédérations syndicales penchent aussi de ce côté-là.
Mme
David : Et donc j'ai deux
questions, toujours dans ce même sujet. Votre prémisse de base,
c'est, vous le dites bien, la
relation pédagogique, autorité ou aide. Donc, il y a comme une ligne
conductrice qui dit : À ce
moment-là, c'est interdit. Et donc vous
aurez une grille d'analyse, le cas échéant, si jamais il se produisait quelque chose, de mécanisme pour évaluer
ladite relation et dire : Ça, ce n'est pas permis par soit notre loi n° 151,
si jamais on va jusque-là, ou, comme c'est déjà le cas, si je comprends
bien, dans certains cégeps.
Alors,
j'imagine, vous avez une grille. Il arrive une situation où une étudiante est
vraiment en lien intime avec quelqu'un qui est en
relation pédagogique, autorité ou aide. Vous faites quoi? Il se passe quoi?
Mme Tremblay (Marie-Christine) :
Bien, dans ce cas-ci, exemple qui est déjà arrivé... mais, comme je dis souvent,
là, ça n'arrive pas tout le temps non plus, là, heureusement, mais il y a une
enquête qui est faite, parce qu'évidemment
on ne prend pas pour acquis nécessairement que ce qui nous est allégué, ce qui
nous est raconté est vrai. Le présumé
agresseur a, lui aussi, ou elle aussi, des droits. Donc, une enquête est faite,
et, par la suite, il peut y avoir, là, comme
c'est le cas en ce moment, des mesures disciplinaires qui peuvent être prises,
là, contre les gens. On peut séparer l'étudiant, ou le professionnel, ou
l'enseignant...
Il y a
plusieurs mesures, là, qui peuvent être prises dans nos milieux pour protéger
les uns et les autres le temps que l'enquête se fasse.
Mme David : Et l'enquête peut mener
à quelque chose.
M. Tremblay (Bernard) : Jusqu'à un
congédiement, même, hein?
Mme Tremblay (Marie-Christine) : Ah!
oui, oui.
• (17 h 40) •
Mme David : Et ça, les syndicats ont
endossé tout ce qui peut s'ensuivre.
Mme Tremblay (Marie-Christine) :
Bien, endossé... Je vous dirais que, plus récemment, oui, mais, oui, effectivement, c'est allé jusqu'à des suspensions très,
très longues, des congédiements, des
retraits d'étudiants de classes.
Mme
David : J'ai une question.
Vous n'êtes pas obligés de répondre, mais j'ai vraiment le goût de vous la
poser, parce que vos prédécesseurs sur ces chaises étaient plutôt
l'ordre universitaire et sont beaucoup plus frileux, je dirais, quant à cette interdiction, selon les mêmes critères, parce que
c'est ça qu'on a écrit dans le projet de loi, hein, de code de conduite quand il y a une relation de type
pédagogique.
Bon, vous allez un peu plus loin, là, mais
admettons que c'était votre définition qu'on garde. En quoi cette différence... Je vais la poser pour que vous vous
y retrouviez un peu. En quoi ça peut être différent, au niveau collégial ou au niveau
universitaire, dans la mesure où ils ont 18 ans et plus?
M.
Tremblay (Bernard) : Je pense que... en tout cas, je n'ose pas parler,
évidemment, sans bien connaître, là, toute la réalité universitaire, mais il me semble qu'à première vue,
évidemment, la taille des établissements joue beaucoup, hein? Depuis le début, nous, on axe beaucoup en
disant : Écoutez, on pense que, la réalité universitaire, avec des
établissements de
40 000, 45 000 étudiants, par exemple, il y a un volet peut-être
un peu plus impersonnel qui fait en sorte que des gens, dans la même université, peuvent avoir des
relations mais dans des environnements complètement différents, alors
que nous, évidemment, on parle de quelque
chose de quand même sensiblement plus petit, mais la particularité, comme
je le mentionnais, c'est la diversité des lieux, hein, par rapport à un campus
universitaire. Alors, peut-être que c'est une des explications.
L'autre
élément, c'est sûr que nous, je dirais... je pense que peut-être en lien avec
l'âge, évidemment, moyen de nos étudiants
et de nos étudiantes on a un souci d'aller peut-être encore un petit peu plus
loin dans le fait de la protection, hein, parce que, même si on sait que la relation d'autorité, au-delà de l'âge,
tu sais, amène quelque chose... vous le savez mieux que moi, amène quelque chose, là, de malsain, il
reste que si, en plus, on est face à des jeunes de 18, 19 ans, parce
qu'ici on parle quand même d'adultes, là, parce qu'évidemment, si c'est des
mineurs, c'est, pour nous, autre chose, là... mais même, donc, quand on parle d'adultes, il reste qu'à 18, 19 ans, je
pense qu'on peut anticiper une fragilité un peu plus grande qu'à 24, 25,
28 ans pour des étudiants ou des étudiantes universitaires. Mais
j'expliquerais peut-être les réactions un peu
différentes sur cette base-là et le fait que nous... comme je le disais, je
pense qu'il y a une prise de conscience assez claire, et les organisations syndicales... là non plus je ne veux pas
parler en leur nom, mais on a senti aussi une volonté de dire : Ce
phénomène-là, on veut collectivement s'y attaquer et on veut envoyer un message
assez clair à l'effet qu'il y aura toujours des exceptions. Encore une fois, la
personne qui est embauchée temporairement pour faire l'entretien ménager, est-ce
qu'elle a vraiment une capacité de développer une relation qui serait malsaine
avec une étudiante, un étudiant? Peut-être,
et c'est pour ça que le critère qui parle d'une relation d'aide nous semble
assez large pour dire : Bien, si ça arrivait, il faudrait être
capable de sanctionner ça.
Mais, de
façon générale, on va se le dire, on pense plus à une relation qui est en lien
avec l'acte pédagogique et là effectivement on pense que le critère, il
le définit bien et que ça permet d'envoyer un message en disant : Écoutez,
normalement, là, des relations, ça n'existe
pas entre la population étudiante et le personnel des cégeps, et, si ça
existait, bien, ce seraient vraiment des cas, j'oserais dire, plus
exceptionnels.
Mme
David : O.K. J'ai le goût de continuer là-dessus, mais je vais au
moins finir la liste des choses où je trouve intéressante... La recommandation 13. On le sait, vous l'avez dit,
il y a des petits cégeps, il y a des plus gros cégeps, bon, il y a des petites universités aussi puis il y a
des plus grosses universités, alors le guichet unique pourrait prendre la
forme d'un lieu désigné ou d'une personne désignée.
Je pense que,
dans l'esprit du législateur, comme on dit pompeusement, c'est un peu ça, notre
idée, en fait, c'est qu'on ne peut pas
avoir la mégastructure du cégep Édouard-Montpetit ou de l'Université Laval pour
un cégep de 900 étudiants dans telle ou telle région. Alors, vous
proposez un lieu désigné ou une personne désignée. Je pense que ça devrait être une personne désignée dans un lieu
désigné, mais, en tout cas, quelque chose de vraiment bien désigné et surtout un expert qui est capable d'accueillir ça
en n'étant pas complètement désarçonné, en ne sachant pas quoi faire.
Mais j'ai écrit «pas pire», je trouvais que votre recommandation était bien
écrite.
Et l'autre
chose que je vais préciser, mais je trouve qu'on n'en parlera pas beaucoup, là,
c'est... vous précisez : Attention! «L'admission» ne veut pas dire
«l'inscription». On le sait quand on a joué dans ce film-là un peu, là, ça peut être deux fois plutôt qu'une, mais je suis
bien d'accord que c'est clair que la priorité, c'est au début de chaque session. Alors, il peut être dit à l'admission, peut-être dans l'avis, que, je
ne sais pas quoi, c'est un établissement libre de je ne sais pas quoi, là, mais
c'est clair pour nous que c'est le début de session qui est intéressant.
Pour la reddition de comptes, bien là vous l'avez dit d'ailleurs tout à
l'heure, le... je ne sais plus, nous,
trop, trop comment on le formule,
mais vous dites : Ça serait beaucoup mieux de fournir des données. Bien, ça va
faire partie, de toute façon, de la reddition
de comptes, de donner des renseignements sur la demande, bon, la manière, la politique, combien il y a eu
de plaintes, etc., mais j'entends bien cette question de reddition de comptes puis qui doit être intéressante et utile et pas un papier de plus. Ça, je
sais que vous adorez les redditions
de comptes, mais on ne veut pas vous
en imposer une de plus, mais celle-là, ça peut être pour dire, comme société,
on avance comment. Donc, il faut qu'elle soit vraiment intelligente, elle doit être pas trop nominative, évidemment. Et, en ce
qui a trait à la question d'être nominatif, évidemment que, s'il arrive quelque chose... et admettons
qu'on ne parle pas, là, de relation professeurs-étudiants, disons... ou,
enfin, on ne fera pas la définition, mais
c'est entre deux étudiants où il y a vraiment quelque chose de pas très
sympathique qui s'est passé, je ne
sais pas comment... Les gens qui vous ont précédés disent carrément... ou même
le BCI dit : Il devrait y avoir une non-confidentialité, plutôt
qu'une confidentialité, pour dire à l'étudiante... ou, disons, la victime
qu'est-ce qui est arrivé de la sanction de
l'agresseur, pour que la personne... parce qu'il nous a été beaucoup dit :
Bien là, je vais la recroiser, ça n'a pas de bon sens. Si elle a été
sanctionnée puis qu'elle revient dans deux mois, pitié, dites-le-moi, je ne
veux pas... bon, etc.
Est-ce que vous avez une expérience un peu
là-dedans et une sorte d'opinion sur comment cohabiter, surtout — vous
avez, des fois, des petits cégeps, là — comment cohabiter un agresseur et sa victime et comment vous voyez, c'est ça,
la suite des choses?
M.
Tremblay (Bernard) : Je vais
demander à ma collègue Mme Reed peut-être d'enchaîner suite à mon premier commentaire, mais, je vous dirais, notre premier
souci, c'est que, règle générale, il
y a quand même plus un réflexe,
selon nous, de confidentialité et de ne pas vouloir être stigmatisé dans un petit milieu. Et je
comprends que les commentaires qui ont
pu être faits, c'était aussi d'informer la victime de ce qui avait été fait
comme action. Alors, peut-être qu'on peut le voir à deux niveaux.
Transmettre
une information. Pour nous, on s'est inspirés de la loi
ontarienne, qui dit «dans la forme prescrite par la ministre», de
manière à ce qu'on soit capable de
trouver un mécanisme et non pas le rapport
annuel, qui est d'une autre nature, donc un mécanisme pour faire en sorte qu'on ait la
capacité de témoigner des actions qui ont été posées, de ce qui se passe dans nos établissements. On en est. Et, si on le fait de
façon globale, bien, à ce moment-là, ça évite le côté nominatif
face à des établissements, je dirais, même de 600 étudiants, 600 dans...
quand on parle de Sept-Îles, quand on parle de Baie-Comeau. Donc là, on parle de milieux quand même
où la confidentialité, selon nous, là, risque d'être très
importante, là, pas seulement là, mais en particulier je donne cet exemple-là.
Mais, par ailleurs, peut-être que ma collègue
peut compléter par rapport à comment transmettre une certaine information, effectivement,
aux victimes.
Mme Reed
(Geneviève) : Oui. Bien,
bonjour. Écoutez, en fait, pour l'instant, on n'a pas discuté de cette
question-là au sein soit du RIIPSO ou du
comité consultatif, mais, comme on a un comité consultatif à la fédération qui
est formé vraiment de tous les types de dirigeant, et tout ça, et qu'on
va suivre l'évolution de la politique, et tout ça, ça va être certainement quelque
chose qui va être à discuter, puis on va tenir compte, à ce moment-là, des
besoins des uns et des autres.
M.
Tremblay (Bernard) : Et le
fait... j'ajouterais, et le fait, donc, d'avoir une souplesse dans la loi qui
permettra à la ministre
de faire évoluer le type de mécanisme pourrait peut-être être intéressant, justement,
plutôt que de camper dans la loi dès maintenant la façon de rapporter
ces événements-là.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la représentante de l'opposition officielle. Mme la députée de Marie-Victorin.
• (17 h 50) •
Mme
Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous quatre pour votre présence aujourd'hui en commission parlementaire, ce qui nous permet de poser un autre éclairage sur le projet de loi n° 151 puis de nous donner des outils aussi,
de sorte que nous puissions le bonifier de la meilleure façon possible. Donc,
je salue particulièrement le représentant, M. Lambert, du cégep
Édouard-Montpetit, qui est presque dans ma circonscription. Donc, on est
contents de...
Une voix : ...
Mme Fournier : Ça va. Oui,
exactement. Donc, on y a fait allusion tout à l'heure, l'exemple du collège de Rosemont en ce qui a trait, donc, à l'interdiction
des relations intimes entre les professeurs et les étudiants. Donc, on
sait que c'est tout récent, mais je ne sais pas si vous pourriez nous parler
davantage de ce qu'ils ont choisi de faire, donc, au collège de Rosemont.
Est-ce que
c'est l'exemple dont vous vous êtes inspirés pour votre position? Est-ce que
là-bas ils considèrent que c'est bien applicable? Donc, avoir un petit
peu plus de détails, ce serait intéressant.
M. Tremblay
(Bernard) : Malheureusement, je vous dirais, on n'a pas les... On a
effectivement, comme le disait ma collègue, réuni des gens évidemment du
réseau en vue de l'élaboration de notre mémoire.
On a essayé
d'avoir vraiment, comment dire, une lecture complète du réseau collégial.
Cependant, je n'ai pas les dernières informations concernant cette
politique, donc, qui a été adoptée à Rosemont, mais je pense qu'elle va dans le sens quand même de ce qui a été proposé dans
notre mémoire, donc, encore une fois, toujours une posture qui vise à dissuader plutôt qu'encadrer, hein, puis à faire
en sorte que le message soit transmis, à l'effet de dire : Bien,
normalement, ce n'est pas des situations qui
sont acceptables... et, comme je le disais, à moins d'une situation vraiment
exceptionnelle où on sent que c'est un peu une relation fortuite et qu'il n'y a
pas un lien... et que le cégep, en fait, n'est pas le lien de rattachement des
deux personnes, là.
Mme Tremblay
(Marie-Christine) : Si je peux me permettre. On ne s'est pas
nécessairement inspirés de ce qui s'est
fait à Rosemont, mais, au cégep Rosemont, sachez aussi qu'ils ont, au cours de
l'année dernière, consulté tant les étudiants,
les associations syndicales, le soutien professionnel et enseignant. Leur
position a évolué aussi au fil du temps, après de nombreuses
discussions, là, pour arriver à ce qui s'est fait la semaine dernière. Mais,
comme je disais tantôt à Mme la ministre, il
y a d'autres cégeps aussi qui l'ont fait, notamment le cégep Maisonneuve, qui
avait envoyé un avis tant aux
enseignants, aux professionnels, soutiens qu'aux étudiants afin, eux aussi, là,
de proscrire toute relation, là, pour les gens du cégep. Donc, ça se
discute beaucoup, là, dans les collèges.
Mme Fournier : Oui,
effectivement, puis je pense qu'au fil des discussions on voit qu'il y a de
plus en plus un consensus aussi qui est en train d'émerger, on va dire, tant de
votre côté que du côté des associations étudiantes. C'est ce qui est
intéressant de ce regard-là.
Mais, dans l'application quand même de cette
notion-là, parce que, c'est sûr, bon, on se pose des questions, comment on l'applique maintenant, là, dans le
concret, vous avez parlé, par exemple, que les relations antérieures
seraient un peu exclues, si on veut, de l'interdiction. Donc, je me demandais
comment vous le verriez, vous, au sein de vos établissements.
Est-ce que,
lorsqu'il y avait une relation qui était antérieure à la relation d'autorité, à
la relation d'aide ou, bref, à la relation
d'influence... puis là, bon, la relation s'installe parce que, par exemple,
l'étudiant ou l'étudiante arrive au cégep et est confronté à cette relation-là, est-ce que vous le voyez à la façon
d'une déclaration, par exemple, d'un conflit d'intérêts? Comment vous
l'appliqueriez au sein de vos établissements?
M. Tremblay
(Bernard) : On n'a pas nécessairement pensé à une mécanique, mais
effectivement je comprends l'idée, hein, qu'il y ait une espèce de
déclaration pour qu'on comprenne bien, effectivement, que cette relation-là
était préexistante.
Je vous
dirais, on s'est surtout basés sur des exemples tout simples, par exemple, de
directions générales qui nous disent : Bien, vous savez, ma
conjointe depuis 25 ans décide de se réinscrire au cégep. Alors,
évidemment, on verrait difficilement que
cette personne-là renonce à son poste ou qu'on refuse à sa conjointe de pouvoir
poursuivre ses études. Mais effectivement
on pourrait très bien avoir un certain mécanisme pour s'assurer que, lorsque la
situation se présente, il n'y ait pas d'ambiguïté, là.
Mme Fournier :
O.K. Parce que, par exemple, le BCI, tout à l'heure, nous disait que, dans le
réseau universitaire, en tout cas,
selon leur perspective à eux, qui était assez différente, parce qu'eux ils ne
prônaient pas nécessairement la proscription
des relations intimes... il disait que, dès qu'il y avait la relation, par
exemple, d'autorité, il était important de la déclarer, mais aussi, dans
le meilleur des mondes, que la relation d'autorité n'ait pas lieu.
Donc, je me demandais : Vous, est-ce que,
du moment où on déclare la relation intime qui était antérieure à l'établissement de la relation d'autorité, vous
prônez plutôt, justement, qu'il y ait
un changement de classe? Est-ce que vous permettez quand même qu'il
puisse y avoir cette relation d'autorité?
M. Lambert
(Sylvain) : Bien, peut-être
juste faire un parallèle avec des situations qu'on vit quotidiennement,
là, par exemple un parent qui... son enfant
fréquente le cégep. Ça, c'est très fréquent. C'est des déclarations... elles ne
sont pas obligatoires, mais ça se fait de
façon automatique. Et, en effet, dès
qu'il y a une relation qui peut porter à interprétation, on le change de groupe, et c'est des choses qui se
font très aisément. C'est un petit peu dans le même esprit, là. À partir
du moment où il y aurait un retour aux
études, par exemple, d'une conjointe, puis la personne est professeur, puis il
risque de se retrouver dans sa classe, je
pense qu'il y a toujours moyen de faire des accommodements qui sont tout à fait
corrects, là. Ça fait que c'était dans cet esprit-là. On n'a pas fait la
discussion, là, comme on disait tantôt, nécessairement en profondeur,
mais on n'y voyait pas vraiment un gros enjeu, là, en termes d'application, là.
Puis je pense que les gens vont le faire naturellement
aussi, parce qu'ils le font déjà. Puis d'ailleurs, on le voit déjà, quelqu'un
que son conjoint ou conjointe revient aux études va nous le dire pour
éviter des situations de ce type-là... ou leurs enfants. Voilà.
Mme
Fournier : Donc, dans la mesure du possible, c'est déjà quelque chose
qui se fait et que vous pensez qui se fera naturellement.
Très bien. J'aimerais vous amener sur la
question des ressources, que vous avez abordée, qui est une question essentielle, à mon avis, parce que, bon, je pense
que le projet de loi a des superbonnes bases, je pense qu'on va réussir
à l'améliorer aussi tous ensemble, mais évidemment ça pose certaines
contraintes aux établissements, ça fait en sorte qu'il y a des ressources qui vont devoir être consacrées aussi à la mise
en oeuvre dudit projet de loi. Et je me demandais : Donc, quelle est la situation actuellement dans les
cégeps? Quelle est votre perception? Est-ce que ça va être applicable,
compte tenu des ressources actuelles? De quoi auriez-vous besoin?
Est-ce que vous avez chiffré, est-ce que vous
avez déterminé justement des ressources minimales qu'il va convenir d'appliquer?
M.
Tremblay (Bernard) : Oui. C'est toujours difficile, hein, de
chiffrer... En fait, ce qu'il faut constater, c'est l'augmentation des besoins, puis ça, je pense que
personne n'est surpris quand je vous dis ça. Et, même s'il y a eu des annonces, évidemment, intéressantes quand même en
termes d'ajouts dans le cadre des violences à caractère sexuel, nous, je
vous dirais, dans le cadre des consultations
prébudgétaires l'année dernière, on avait parlé de 5 millions pour
augmenter, donc, le niveau de ressources, là, du côté psychosocial.
On calcule donc que c'est à peu près
1 million par année, là, qui a été annoncé. Donc, effectivement, pour nous, il y a un besoin additionnel, mais,
j'oserais dire, ce besoin-là, c'est difficile de le cibler sur les violences à
caractère sexuel. Je pense que, vous savez,
on est de plus en plus — on le partageait avant la rencontre — face à des situations un peu plus chroniques, avec une augmentation,
évidemment, des types de situation. On pense que... arrive une situation
de violence à caractère sexuel, ça peut
évidemment interpeller, je dirais, d'autres types de problème aussi qui sont
présents dans nos établissements. Et
effectivement nos intervenants présentement sont extrêmement sollicités par
d'autres types aussi de besoin, hein?
On ne parle pas ici de la prévention du suicide, mais tout le monde est
d'accord pour dire que c'est essentiel puis qu'on ne peut pas négliger
ça au profit d'une problématique sur laquelle on met plus l'emphase
présentement. Donc, c'est difficile pour
nous de dire : Pour ce besoin-là, nous avons besoin de tant... mais, par
ailleurs, se rappeler que les ressources
psychosociales dans les collèges, donc, oeuvrent à soutenir, donc, la
population étudiante, qui en a grandement besoin parce qu'elle vit de
plus en plus de situations variées pour lesquelles elle s'attend à avoir des
services. Et, à ce titre-là, nous, on pense
qu'effectivement ça prend un effort additionnel pour être en mesure de répondre
à ces besoins-là, parce que, bon, à vue
de nez, vous savez, on parle d'à peu près 200 personnes, là, du côté des
collèges, hein, qui oeuvrent dans les
services psychosociaux — je regarde ma collègue pour être sûr que je ne dis pas de
bêtise — quand on
parle, donc, de professionnels. Alors, évidemment, la répartition est très
variable d'un établissement à l'autre, et c'est sûr qu'au cours des dernières
années, bien, évidemment, on l'a déjà dit, je le répète, mais c'est sûr que les
besoins ont continué à augmenter.
Et donc, les
ressources, même si elles ont légèrement augmenté, là, on a besoin d'un effort
additionnel, selon nous, pour être
capable de livrer, effectivement, les attentes qui sont associées à ce projet
de loi là, mais sans négliger les autres attentes psychosociales qu'il
peut y avoir. Et peut-être que ma collègue peut poursuivre.
Mme Reed
(Geneviève) : En fait, j'ajouterais aussi qu'une façon d'aider nos
intervenants, c'est, oui, d'avoir davantage
d'intervenants dans nos collèges, mais c'est aussi de soutenir les ressources
locales avec lesquelles ils font affaire, donc non seulement les ressources ici, les CALACS et les ressources
d'aide, mais aussi les ressources en santé et services sociaux qui sont
exsangues et qui arrivent en soutien avec nos intervenants et auprès des étudiants
dans les collèges.
• (18 heures) •
Mme
Fournier : Merci. Puis j'imagine que la réalité en région aussi est
différente. Tantôt, vous avez dit, donc, que, bon, il y a
200 personnes, mais ce n'est pas réparti de façon équitable sur le territoire
non plus, puis on sait que les petits établissements ont plus de difficultés
aussi à avoir des ressources dédiées. J'imagine que c'est le cas.
Mme Reed (Geneviève) : En fait,
la question est surtout que, dans un petit établissement, on demande à l'intervenant
psychosocial qui est là de faire autant de préventions que d'interventions, et
la prévention, que ce soit un cégep de
700 étudiants ou de 3 000 étudiants, ça demande le même temps de
préparation, la même créativité, etc. Donc, c'est pour ça que les ressources,
oui, elles doivent être aussi réparties également dans le réseau pour aider ces
petits cégeps là. Ce n'est pas parce qu'il y
a moins d'étudiants que les besoins... et ce qu'on demande, et surtout quand on
parle de formation ici, dans le projet de
loi, formation obligatoire pour le personnel, quand on parle de coordonner les
campagnes de prévention, bien, ça demande effectivement du soutien.
Mme Fournier :
Tout à fait. Parce que je trouvais intéressant aussi que, dans votre mémoire,
vous traitiez de la question
d'éducation à la sexualité au primaire et au secondaire. Dans le fond, quand on
parle de prévenir les violences à caractère
sexuel, évidemment, ça commence par là.
Et comment vous le voyez dans le
cadre de ce projet de loi ci? Parce qu'il y a beaucoup
de gens qui nous ont dit que, bon, ça misait plus sur la sécurisation et
peut-être un petit peu moins sur la prévention.
Donc, dans le
continuum un peu de la prévention, est-ce que vous trouviez qu'il y avait des
ajouts, des bonifications qui
auraient été intéressants dans le présent projet de loi? Par exemple, il y a la
FECQ qui nous parlait de la formation. C'est quoi, votre avis par
rapport à ça?
M. Tremblay
(Bernard) : Bien, vraiment,
j'en profite pour le dire, pour nous, le projet de loi est très intéressant.
Je pense qu'on l'a affirmé. On a quelques commentaires, mais vous pouvez voir qu'ils sont quand même
plus de l'ordre de l'amélioration, c'est comme ça qu'on l'a vu, donc le fait d'avoir une politique,
le fait de se donner du temps aussi pour l'adopter, hein? Vous avez vu,
notre dernier commentaire était à cet effet-là.
Nous, on croit beaucoup au fait de mobiliser la
communauté collégiale et qu'en faisant une consultation approfondie en vue de
l'adoption d'une politique dans chacun des cégeps, bien, de cette manière-là,
on s'assure qu'il y a une prise de conscience collective. Puis, le fait qu'on
la révise aux cinq ans, bien, on s'assure de garder active cette préoccupation-là. Alors, ça, de notre côté, pour
nous, ça... parce qu'il y a quand même beaucoup d'éléments dans la politique, là, qui sont déjà prévus, donc,
pour nous, on pense que ça va rencontrer l'objectif qu'on poursuit.
C'est vraiment de mettre cette préoccupation-là quand même au coeur des
préoccupations de l'ensemble des intervenants dans les collèges.
Mme Fournier : ...ça serait
intéressant peut-être que les établissements d'enseignement puissent adopter la
politique, par exemple, pour le
1er janvier 2019 et que la mise en oeuvre demeure au 1er septembre,
question d'avoir un temps d'adaptation puis de voir si la politique
fonctionne bien.
Donc, vous, à votre avis, j'en comprends que
vous trouvez que vous n'avez pas les ressources nécessaires nécessairement pour
le faire pour le 1er janvier 2019.
M. Tremblay
(Bernard) : Je vous dirais, à ce niveau-là, ce n'est pas tant une
question de ressources comme une question de quand... Vous savez, tout
le monde veut être consulté, ça prend du temps pour être consulté et que les consultations portent fruit. Alors, c'est
difficile d'avoir le beurre et l'argent du beurre, hein? Donc, c'est sûr que de
se donner le temps puis de vraiment aller en
profondeur, à notre avis, est une meilleure garantie que de le faire
rapidement, que les gens se sentent
brusqués, que justement cette prise de conscience là n'ait pas été approfondie
et qu'après coup, bien, on ait des malaises par rapport à ce qui sera
adopté. C'est pour ça qu'on pense qu'un délai plus long est préférable.
Mme Fournier : Je parlais aussi
en ressources de temps. Donc, on se comprend bien.
M. Tremblay (Bernard) : Oui. À
cet égard-là, oui.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au représentant du deuxième groupe de
l'opposition, le député de Chambly.
M. Roberge :
Merci bien, Mme la Présidente. Donc, merci pour votre présentation. Bien, je
trouve ça intéressant, la dernière
question, parce que j'allais vous relancer là-dessus. Ce que je comprends,
c'est que vous souhaitez garder les délais
qui sont actuellement prévus dans le projet de loi autant, dans le fond, pour
mobiliser les gens que pour l'établir, parce
que peut-être qu'on pourrait l'établir plus rapidement, mais le temps de
consultation, ça va aussi être un temps de mobilisation pour un peu rassembler les gens. Puis l'idée, ce n'est pas
d'avoir une très bonne politique puis de la passer dans la gorge du
monde, là.
L'idée, c'est vraiment que les gens
sentent qu'ils font partie de cette solution-là. Est-ce que j'ai bien
compris? C'est ça, votre intention?
M. Tremblay
(Bernard) : Oui. En fait, j'ai le goût de dire : Vous savez,
c'est dans nos habitudes, à la fédération. On pourrait réunir les gens,
concocter un modèle, se le partager et dire : Bon, bien, ça s'adopte très rapidement.
Mais, à ce moment-là, est-ce qu'on va avoir rencontré l'objectif, qui est
vraiment, justement, une prise de conscience, une prise en charge? Alors, à cet égard-là, on pense que c'est plus porteur de
prendre un peu plus de temps, de faire une réflexion qui est adaptée au
milieu. Encore une fois, lorsqu'on a deux, trois centres d'études associés à un
cégep à une distance importante, ce n'est certainement pas la même réalité que lorsqu'on
est concentré dans un bâtiment. Il y a des cultures locales, etc., qu'on
doit respecter.
Et,
j'ajouterais, c'est surtout aussi que présentement notre constat, c'est qu'il y
a déjà une prise en charge, ce n'est pas
comme s'il n'y avait rien, hein? Et le constat qu'on fait, c'est : il y a
toujours place à amélioration, puis, encore une fois, on approuve l'idée du projet de loi, mais on ne sent pas une
situation d'urgence ou de désengagement dans le réseau collégial. Au contraire, les événements des
derniers mois ont permis justement cette mobilisation-là. Donc, on ne
voit pas que, d'ici à l'adoption des politiques, il y ait une baisse d'intérêt,
mais au contraire que ça puisse, donc, permettre d'aller plus loin.
M.
Roberge : Donc, si je comprends bien, pour vous, il y a d'autant moins
urgence d'agir qu'en attendant on n'est pas dans un vide, là. C'est ce
que je comprends.
M. Tremblay
(Bernard) : Voilà.
M. Roberge :
O.K. Je vais d'abord aller sur votre première recommandation, que je partage
pleinement, là. On est en train de
travailler sur une loi visant à prévenir et à combattre les violences à
caractère sexuel en enseignement supérieur.
On peut se douter qu'il y en aurait moins, bien qu'il y en aurait toujours,
malheureusement... mais il y en aurait moins, des violences à caractère
sexuel en enseignement supérieur, s'il y avait davantage d'éducation,
prévention, sensibilisation au primaire,
secondaire. Par contre, vous dites : Oui, oui, il faudrait l'implanter,
mais dans des conditions adéquates,
en faisant appel aux professionnels qui ont une vraie expertise. Donc, je
partage à 100 % ce point de vue là.
Mais
je vous retourne la question : À votre niveau, est-ce que vous avez, en ce
moment, les professionnels qui ont l'expertise nécessaire à la mise en
place du plan d'action et à l'application de cette loi-là?
M.
Tremblay (Bernard) : Je vous répondrais, oui en termes de compétence,
mais effectivement, pour reprendre les propos de ma collègue, il y a une
question de volume, là, de besoins, hein, et là c'est plus à ce niveau-là. Lorsqu'on veut à la fois intervenir sur la
prévention et à la fois on reçoit des jeunes qui ont des difficultés de tout
ordre, c'est normal, c'est le curatif qui prend le dessus sur le préventif.
Alors, c'est plus à cet égard-là, je dirais, qu'on a une préoccupation. Et
peut-être que tu peux rajouter.
Mme
Reed (Geneviève) : J'ajouterais qu'actuellement, quand il y a des cas,
les intervenants psychosociaux font l'accueil
de la présumée victime, ils vont faire du soutien, ils vont l'accompagner, mais
après ça, rapidement, ils vont aussi l'acheminer vers les ressources
spécialisées, parce qu'on parle des cas quand même... Des cas de violence à
caractère sexuel, c'est vraiment quelque
chose de très particulier. Alors, oui, il y a certains collèges qui ont des
sexologues, mais ce n'est pas la
majorité, donc, d'où l'idée d'avoir des ressources associées qui sont
pleinement capables de recevoir ça. Mais donc, c'est ça, c'est un
travail d'équipe en termes de prévention... pas de prévention, mais de lutte et
de réponse aux agressions sexuelles.
M.
Tremblay (Bernard) : Et, je me permettrais d'ajouter, ce qu'on voulait
aussi envoyer comme message dans notre
mémoire, c'est, encore une fois, l'idée du continuum, hein? Il y a des
particularités à l'enseignement supérieur. On arrive avec des adultes, donc
c'est tout à fait normal qu'on traite la situation de façon distincte, mais, en
même temps, de rappeler qu'on est un système d'éducation et qu'il y a
des gestes qu'on pose avant et qui, donc, ont des conséquences par la suite.
M.
Roberge : Puis, quand on parle d'équipe élargie ou, enfin, d'être
capable de ne pas seulement faire, tout le temps, du curatif puis de faire de la prévention, ça veut dire d'élargir
l'équipe, ça mène à votre recommandation 5. Vous parlez de ressources financières, là, il faut que le
gouvernement dégage des ressources financières. Si on recule de quelques mois, quand il y a eu... Avant l'annonce du projet de
loi, il y a eu une annonce d'une politique, il y a eu une annonce de
23 millions.
Pour
qu'on comprenne bien. Est-ce qu'il y a de l'argent qui s'est rendu dans vos
établissements, à date... de ce 23 millions là? Est-ce que ça s'est
rendu?
M.
Tremblay (Bernard) : À l'heure actuelle, je ne crois pas que la mesure
budgétaire soit adoptée. Puis, je vous dirais,
à quelque part, on comprenait que le projet de loi devenait un peu le
déclencheur, je dirais, là, pour la mesure, là. Je ne pense pas qu'il y
ait de... non.
M. Roberge :
Dans le fond, le 23 millions a été annoncé lors de la politique, mais,
dans le fond, il n'est pas dépensé là. On se
demandait pourquoi il a été annoncé à ce moment-là, d'ailleurs, mais là il y a
le projet de loi, et déjà vous en faites, des choses. Vous allez devoir
en faire plus.
Est-ce que ça va être suffisant?
Est-ce qu'en ce moment... Tiens, je vais vous poser la question. Les
23 millions, là, on n'en a pas eu la
ventilation, mais, pour un cégep de taille moyenne... On a ici un D.G. d'un
cégep, d'ailleurs un bon musicien,
qui est là. Ça représenterait combien
pour une institution si on n'avait que ce 23 millions là? On peut donner un exemple. On sait bien que ce n'est pas
pareil, un petit cégep, un gros cégep, mais...
• (18 h 10) •
M. Lambert (Sylvain) : Bien, on a fait une règle du pouce en essayant de
diviser ça — c'était
sur cinq ans, si je ne me trompe pas — par le nombre d'institutions, et tout ça. On
arrivait à une somme d'autour de 20 000 $, là, si je ne me trompe pas, là, mais c'est une appréciation.
Peut-être qu'il y a un autre mode de calcul, là, mais, 23 millions, comme
ça, là, rapidement, à vue de nez, on est dans quelques dizaines de milliers de
dollars, possiblement.
M. Tremblay
(Bernard) : Oui. Et c'est sûr qu'on a des règles qui font en sorte
que, normalement, il y a une répartition qui
est plus aussi en fonction du volume, là, d'activité. Donc, c'est juste pour
donner un ordre de grandeur. Mais je comprends que la mesure sera
sûrement plus, comment dire, nuancée que ça.
M. Roberge :
C'est sûr, c'est certain qu'on était bien contents de voir qu'il y a de
l'argent qui vient avec cette politique-là. Ça, c'est une très, très
bonne chose. On s'attend à ce que ça ce soit bonifié.
Ensuite,
par rapport à la reddition de comptes, je vois qu'ici ça dit :
Chapitre III... on parle de son rapport annuel. Est-ce que, pour vous, c'est pertinent de le faire
annuellement? Est-ce que ce qu'il y a dans le projet de loi en ce
moment, ça vous semble lourd et coûteux ou
ça vous semble léger et raisonnable? Est-ce qu'il y a des choses à moduler là-dedans?
M.
Tremblay (Bernard) : On a été un petit peu habitués, je dirais, dans
les dernières années que le rapport annuel est devenu un lieu de reddition de comptes et on comprend, donc, ce
réflexe-là. À certains égards, nous-mêmes, je pense qu'on a déjà dit dans le passé : Bien,
écoutez, essayons de concentrer les voies de reddition de comptes, essayons de
faire en sorte qu'on ne s'éparpille pas trop par différentes actions. Mais ici,
compte tenu du caractère, encore une fois, un peu particulier de cette
information-là et du fait que pour certaines personnes, évidemment, ça peut
être extrêmement douloureux de, comment
dire... qu'on mette en évidence des situations qu'ils ont vécues, c'est là
qu'on est un peu inquiets et qu'on
dit : Bien, peut-être qu'il faut se garder un espace, ne pas établir que
c'est dans le rapport annuel, prévoir qu'il
y a une capacité de définir cette reddition de comptes là d'une autre façon.
Alors, c'est pourquoi nous, on propose, comme je le disais, le mécanisme
qu'on a retrouvé dans la loi ontarienne, en se disant : Ah! tiens, ça
reste quelque chose à définir.
La
Présidente (Mme de Santis) : Une minute.
M.
Roberge : En une minute, est-ce que vous pouvez m'expliquer un peu
qu'est-ce qu'on retrouve dans la loi ontarienne, plutôt que ce qu'il y a
là?
M. Tremblay
(Bernard) : Oui. La loi ontarienne prévoit tout simplement que c'est
le ministre ou la ministre qui détermine
comment cette reddition de comptes là est faite. Donc, c'est quelque chose qui
n'est pas, comment dire, inscrit dans
la loi mais qui peut donc évoluer et qui peut donc tenir compte, justement,
d'un portrait qu'on pourrait se faire en disant : Bon, bien, voilà,
si on rendait disponible cette information-là, ah! dans tel et tel collège, ça
veut dire une information personnelle qu'on ne veut pas divulguer, parce que ça
a des conséquences pour la personne.
M. Roberge :
Bien, je vous remercie beaucoup pour votre présentation.
La Présidente (Mme
de Santis) : M. Tremblay, Mme Reed, Mme Lambert, Mme Tremblay, merci
d'avoir contribué à nos travaux.
Je suspends les
travaux de la commission jusqu'à 19 h 30. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
18 h 13)
(Reprise à 19 h 30)
La
Présidente (Mme de Santis) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
de la culture et de l'éducation reprend ses travaux. Veuillez éteindre
la sonnerie de vos appareils téléphoniques.
Nous
poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 151, Loi visant à
prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les
établissements d'enseignement supérieur.
Ce soir, nous
entendrons l'Association des collèges privés du Québec et la Clinique juridique
Juripop. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association des
collèges privés du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec
les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter et à commencer
votre exposé. Merci.
Association
des collèges privés du Québec (ACPQ)
M. April (Michel) : Merci. Mon nom
est Michel April. Je suis président de l'ACPQ et directeur général du collège
Jean-de-Brébeuf. Avec moi, j'ai mes collègues.
M. Turcotte
(Alain) : Bonsoir. Alain Turcotte. Je suis directeur adjoint du
Service aux étudiants au collège Jean-de-Brébeuf
et président de la commission du Service aux étudiants de l'Association des
collèges privés du Québec.
Mme Desrochers (Marili B.) :
Bonsoir. Marili Desrochers, chargée de projet, ACPQ.
Mme Quirion (Isabelle) : Bonsoir.
Isabelle Quirion, chargée de projet, ACPQ.
M. April
(Michel) : Donc, d'entrée de
jeu, nous tenons à remercier les membres
de la Commission de la culture et de
l'éducation pour l'opportunité qui est nous est faite de vous transmettre un
mémoire et de pouvoir vous le présenter et répondre à vos questions. Donc, je voudrais aussi un peu m'excuser du
fait que vous l'avez eu tardivement. Je crois que vous l'avez reçu hier en fin de journée. Donc,
nous, il faut dire que, le 16 novembre dernier, tous nos collèges, les
directeurs généraux, les gens des services
aux étudiants, tout le monde était réuni pour travailler à ce mémoire-là. Donc,
c'est pour ça que vous l'avez eu seulement hier. Et, dans
l'empressement, un peu, malheureusement, il s'est glissé quelques petites coquilles. Tantôt, on a prévenu madame que, dès
demain matin, vous allez avoir une version sans coquille. On s'en
excuse, mais c'est... il n'y aura pas de changement de sens, mais des petites
coquilles qui ont été remplacées.
Donc, sans
tout reprendre le document, j'aimerais pouvoir insister, si vous le permettez,
sur quelques passages de notre document.
Donc,
d'entrée de jeu, j'aimerais pouvoir vous présenter, pour le bénéfice de tous,
le réseau de l'Association des collèges
privés du Québec. L'ACPQ est composée de 21 établissements répartis dans
plusieurs régions du Québec, soit Montréal,
Québec, Estrie, Mauricie, Montérégie, Centre-du-Québec et l'Outaouais. Les
collèges privés subventionnés offrent
des programmes et des services diversifiés répondant aux besoins de la
clientèle, de plus en plus hétérogène. C'est important ici de le
souligner. Ça va revenir un peu plus tard. L'ACPQ est issue d'une longue
tradition québécoise d'éducateurs, et 14 de ses membres ont une origine qui
remonte à bien avant la réforme des années 60 en éducation. Maintenant une
tradition d'excellence, les collèges privés agréés du Québec ont accueilli, en
2016‑2017, quelque 17 000 étudiants
dans leurs programmes conduisant à l'obtention du D.E.C. ou d'une A.E.C., ce
qui correspond environ à 6 % à 7 % de la clientèle collégiale
totale. En plus de sa contribution reconnue pour l'innovation, le réseau
collégial privé subventionné du Québec se distingue par son accessibilité, son
adaptabilité et son efficience.
D'entrée de
jeu, l'Association des collèges privés du Québec souhaite signifier qu'elle
salue le projet de loi visant à prévenir et combattre les violences à
caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur, déposé le 1er avril dernier par Mme Hélène David, ministre
responsable de l'Enseignement supérieur et de la Condition féminine. L'association applaudit également le fait que ce
projet de loi et la stratégie se démarquent par la prise en compte de
toutes les personnes qui fréquentent les
établissements d'enseignement supérieur et qu'ils considèrent, notamment, les
étudiants en situation de handicap, les
personnes de minorités sexuelles et de genre ainsi que les membres des
communautés autochtones.
Toutefois, on aimerait souligner que les
syndicats ne semblent pas spécifiés tels quels au projet de loi. Donc, on
voulait pouvoir apporter ce point-là à votre attention.
Ensuite, au
niveau de la politique distincte comme telle, les collèges privés démontrent
déjà leur volonté d'être des lieux
d'études et de travail sécuritaires exempts de violence à caractère sexuel, où
tous ont droit au respect de leur dignité et de leur intégrité physique. La participation de l'ACPQ au processus de
consultation qui a mené au dépôt, en août dernier, de la Stratégie
d'intervention pour prévenir et contrer les violences à caractère sexuel en
enseignement supérieur est un exemple de
l'importance que les collèges privés subventionnés accordent à cet enjeu. À
titre d'exemple, avant même le dépôt de ce projet de loi, les instances
de l'association avaient déjà établi un plan d'action pour l'année
reconnaissant l'importance de cette priorité ministérielle.
Quoique
l'ACPQ soit d'accord avec ce projet de loi et qu'un certain nombre de balises
étaient nécessaires pour prévenir et combattre les violences à caractère
sexuel, nous nous préoccupons de la mise en place d'une politique qui
répondrait aux besoins et qui tiendrait compte des réalités propres aux
collèges privés subventionnés.
Au niveau des
outils de référence. Donc, suite à la consultation de nos membres sur les défis
et bonnes pratiques pour l'élaboration et la mise en place de politiques
institutionnelles, il nous est apparu clair qu'il existait beaucoup d'ambiguïtés concernant différents éléments du
projet de loi. Des questionnements demeurent, et le besoin d'avoir accès
à des outils pour accompagner les collèges
nous semble évident. Nous accueillons favorablement les propos de la
ministre responsable de l'Enseignement
supérieur, qui promet, justement, des outils de référence. Cependant, ces outils
doivent être mis à la disposition des établissements très rapidement si l'on
souhaite la mise en place de la politique dans les délais souhaités. Effectivement, certains termes
utilisés, le lexique, les procédures demeurent quelque peu ambigus.
Différents questionnements au plan juridique restent également à éclaircir, si
ce n'est que la confusion qui tourne autour du mot «plainte» et tout ce que
celui-ci peut signifier.
Ensuite, au
niveau des enjeux humains, on reprend un peu que les outils adaptés aux
clientèles de communautés culturelles différentes seront aussi
nécessaires. Comme je mentionnais tantôt, on accueille beaucoup de différentes
clientèles dans nos collèges. Par exemple, dans mon collège, il y a 42 langues
parlées, différentes, à la maison. Donc, il
y a une préoccupation pour nous que les outils soient aussi adaptés aux
différentes communautés culturelles, sachant que la compréhension de certains concepts pourrait être différente. En
effet, plusieurs collèges privés subventionnés accueillent des étudiants
de différentes communautés. Je viens de le mentionner.
Le projet de loi traite spécifiquement de
violence à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur. Or, dans les faits, il est difficile de
circonscrire ces violences des autres problématiques qui peuvent être
vécues, telles que le harcèlement, pour ne
citer qu'un exemple. Ce sujet ne peut donc être traité en silo. Il ne faudrait
pas oublier que cette nouvelle
politique tienne compte des politiques qui sont déjà en place dans nos
collèges. On a cette politique-là à faire, mais on a déjà une série d'autres
politiques qu'il faudra nécessairement harmoniser avec celle-ci, ce qui est
aussi un travail à accomplir.
Un guichet unique. Dans le contexte des collèges
privés, surtout les plus petits collèges, les dirigeants et les membres du personnel occupent très souvent
plusieurs rôles. Les modalités applicables pour formuler une plainte,
pour effectuer un signalement, assurer le
suivi, ainsi que les mesures visant à protéger les personnes concernées et à
limiter les impacts sur leurs études,
représentent donc des défis considérables pour plusieurs collèges. Pour
certains établissements, l'offre de
services d'accueil, de référence, de soutien psychologique et d'accompagnement
des étudiants pour tous ces types de
besoin repose parfois sur une seule personne-ressource. On lui ajouterait alors
cette responsabilité, augmentant alors sa tâche et en limitant l'accès
aux autres services pour les autres étudiants. Le manque de ressources dans les
établissements n'est pas négligeable, et
l'ajout de celles-ci serait essentiel pour mener à bien les objectifs de ce
projet de loi. L'association se
préoccupe de la mise en place de la politique institutionnelle mais se
préoccupe aussi de tous les autres services
sociaux à offrir aux étudiants. En conséquence, l'ACPQ souhaite une flexibilité
dans l'application de la loi. Le guichet
unique, de par sa fonction et son importance, demande la mise en place d'une
personne-ressource, idéalement un membre
d'un ordre professionnel, pour offrir le soutien approprié. Il est essentiel,
encore une fois, de pouvoir disposer de ces ressources-là. Un point important qu'on nous a souligné : même
les ressources que nous avons — dans certains cas, les plus gros
collèges, des ressources spécialisées — nous disent qu'elles auront
besoin de formation additionnelle pour pouvoir faire face aux nouvelles
exigences.
Donc, tous les intervenants du milieu doivent
recevoir de la formation, dont, encore une fois, les syndicats. Il ne faut pas
oublier nos syndicats dans la démarche.
Un autre aspect à ne pas négliger, c'est les
difficultés actuelles d'offrir des services adéquats 24 heures sur 24, sept
jours-semaine. Prenons simplement en exemple les besoins dans les résidences ou
lors des activités de soir ou des stages. On le mentionnait tantôt, on a des
stages au Costa Rica, dans d'autres pays. Il faut aussi pouvoir faire face à
des situations qui pourraient se produire même à l'étranger. Donc, ces demandes
de formation devront être ajustées à la fonction et au rôle de chaque
intervenant.
• (19 h 40) •
La Présidente (Mme de Santis) : Une
minute.
M. April
(Michel) : Une minute. Bon. Ressources externes. Les sommes prévues
sont, à nos yeux, par contre, insuffisantes. Je pense qu'on a déjà eu
l'occasion de le mentionner.
Mesures de
sécurité. On voudrait pouvoir rappeler à la ministre que le PQI ne s'applique
pas pour les collèges privés
subventionnés. Donc, il faudra trouver un moyen d'avoir aussi du financement
pour les infrastructures. À cet égard, l'ACPQ
croit qu'il relève de l'autonomie des établissements de pouvoir faire la
reddition de comptes. En gros, ce que nous disons, c'est que nous avons l'habitude de faire de la reddition de
comptes, mais ici, en l'occurrence, il ne faudrait pas alourdir les
processus déjà pour des collèges qui ont peu de ressources. Donc, misons
beaucoup sur la prévention, la sensibilisation, l'action, mais ne mettons pas
trop d'énergie sur la reddition de comptes.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous
allons maintenant débuter la période d'échange. Mme la ministre, la
parole est à vous.
Mme
David : Merci beaucoup, merci d'être présents. Merci d'avoir pris ce
temps de venir vous intéresser avec nous
à cette question, de proposer et de nous sensibiliser à votre réalité, qui
peut-être est un peu différente d'autres réalités, ne serait-ce que sur certains aspects du
financement ou sur certaines réalités de plus petits collèges, bien qu'il y ait
aussi des petits cégeps, mais qui sont d'ailleurs aux prises un peu avec les
mêmes genres de soucis que vous pouvez avoir.
J'étais
justement, il n'y a pas longtemps, au collège Brébeuf, et, vous vous souvenez,
ça m'a frappée, puis je tiens à le
dire, parce qu'il y avait un aspect où j'ai dit : Mon Dieu! on est au
cégep, là. C'étaient des étudiants de collégial, et ils m'ont dit après,
parce que c'était un peu en aparté, un peu en confidence : Écoutez, on n'a
pas assez de formation et d'information sur
ce qu'est la notion de consentement, on ne sait pas, dans le fond, ce que
c'est, une violence à caractère sexuel.
Il m'est arrivé quelque chose. Est-ce que c'en est une, violence, ce n'en est
pas une? Est-ce que c'est de ma faute, ce n'est pas de ma faute? Est-ce
que je vais porter plainte? Et ils m'ont demandé justement d'avoir beaucoup
plus de formation, et il y en a une qui a
été vraiment très loin, là, qui m'a dit : On devrait rajouter trois cours,
comme les cours de philo, rajouter trois cours non pas d'éducation à la
sexualité — on
parle d'adultes ou de très jeunes adultes quand même — mais
vraiment de réflexion sur ce qu'était cette notion. Alors, ça m'a quand même
sensibilisée à une sorte de besoin qu'ont les étudiants à pouvoir en parler,
avoir des lieux pour en parler.
Il faut dire
que ça s'adonnait bien, c'était une présentation de la campagne Sans oui, c'est
non!, à laquelle vous adhérez, et,
donc, qui venait justement faire une activité. J'ai salué beaucoup cette
question-là, mais j'ai été touchée par le besoin que ces étudiants
avaient, et on parle quand même d'étudiants dans un collège privé reconnu dont
on pourrait soupçonner que, devant cette
question-là, on a affaire à des jeunes adultes déjà très préparés à la vie, si
on veut, mais non.
Peut-être que
votre directeur, justement, des... Je ne veux pas me tromper dans votre titre,
monsieur... Responsable de la pédagogie? Non, ce n'est pas ça.
Une voix : ...
Mme
David : C'est ça, de la vie étudiante — ce n'était pas Services aux étudiants — de la vie étudiante. Vous devez en savoir plus que moi sur cette
question-là. Mais donc j'ai senti qu'on touchait quand même à un point
sensible.
J'aimerais peut-être vous
entendre un petit peu à ce niveau-là. Vous les voyez arriver, vous, les... En
plus, vous, ce qui est intéressant, c'est
que vous les voyez arriver, mais il y en a d'autres que vous connaissez depuis
10 ans, pratiquement... pas 10 ans, ce n'est pas vrai, vous n'avez pas
le primaire, mais depuis le secondaire, et ils arrivent au collégial, mais il y en a d'autres qui arrivent.
Alors, je voudrais savoir ce que vous pensez de cette question de
formation.
M. Turcotte (Alain) : Je vais
prendre parole, Mme David. Effectivement, ça faisait partie d'une de nos préoccupations. Tout ça a débuté en janvier dernier, lorsqu'on a fait les consultations avec les différents étudiants de nos collèges. La définition de ce qu'est une violence à caractère sexuel,
elle était très confuse pour eux, et je pense que vous l'avez remarqué
aussi dans les périodes de questions dont vous avez eu à répondre lors de votre
visite à Brébeuf. Et effectivement, de notre côté aussi, on a plusieurs
collèges qui ont des résidences. Nos étudiants sont chez nous 24 heures sur 24, sept jours-semaine. Effectivement, on a des collèges qui sont préuniversitaires uniquement, donc des
jeunes qui ont 16 à 19 ans, dans la fleur de l'âge.
Un autre
volet qui fait partie de notre préoccupation, c'est tout le travail qu'on fait avec nos associations étudiantes. On a des associations étudiantes un peu disparates par
rapport au réseau public. On a même
des associations qui ne sont pas légalement constituées.
Mais on a l'avantage, je pense, d'un petit réseau, de petits collèges, on est
très près de nos étudiants, la communication est très facile. Et on organise à toutes les années un camp de
leadership avec nos associations étudiantes
qui est organisé par la commission de Services aux étudiants, et ça a fait partie,
cette année, d'une des discussions qu'on
a eues avec eux — et,
dans le futur aussi, ça va faire partie des discussions et des actions qu'on va
prendre avec eux — comment
les encadrer, comment travailler en concert avec eux pour qu'ils puissent
accomplir aussi les responsabilités qu'ils ont directement à l'intérieur
du projet de loi.
Donc, effectivement, ça fait partie de nos préoccupations, de travailler avec ces jeunes-là et de
travailler à leur niveau aussi sur le sujet, mais effectivement on est
dans un milieu où il y a certains collèges plus aisés. On a des étudiants qui ont des parents aussi qui ont des
scolarités élevées. Donc, on peut s'imaginer que ces étudiants sont bien
préparés à faire face au quotidien, mais, on
remarque qu'ils sont autant, des fois, dépassés sur le sujet. Donc, il y a
un travail terrain, et, l'avantage
étant de petits collèges, de ce côté-là, je pense que c'est un avantage qui
peut être très grandissant.
M. April (Michel) : ...par rapport à
votre question. Dans le mémoire, on faisait référence — c'est
très important — de
pouvoir assurer de la formation pas seulement rendu à l'enseignement supérieur. Je
pense que, toute la démarche que le ministre Proulx fait actuellement
aussi aux niveaux primaire, secondaire, on considère que c'est fondamental. Chez nous, par exemple, à Brébeuf, on a embauché l'an dernier une infirmière sexologue, maintenant, pour faire de la formation auprès des jeunes, puis tout ça. Ça commence là.
Il ne faut pas nécessairement attendre. Il faut le faire au
collégial, mais, si, pour l'avenir, on peut vraiment commencer en amont, ce
sera une bonne chose.
Mme
David : Oui, parce qu'on
sent qu'au primaire, secondaire c'est vraiment de l'éducation à la sexualité. Au collégial, bien, ils commencent à la vivre puis là ils restent un peu
saisis dans la partie plus pratique de la chose, si on veut, et j'ai vraiment senti une sorte de quête d'information et d'échange aussi, d'un lieu d'échange. Alors, je vous remercie
de ce que vous dites. Vous avez aussi
parlé... et vous êtes peut-être les seuls à avoir été aussi clairs là-dessus,
puis je vais être contente...
surtout, mon ministère va être très content, parce que vous avez
dit : On va avoir besoin d'aide pour avoir des outils, pour avoir peut-être des formats types de
politique. Bien, c'est justement ce à quoi ils
s'appliquent pour justement vous
aider à... Ça ne veut pas dire que tout ça va être intégralement ce que vous
retiendrez, mais il y a un travail qui se fait pour accompagner,
parce que, je pense, vous pourrez peut-être travailler avec le réseau public
aussi.
Mais les gens ont intérêt à réfléchir ensemble à
comment s'adapter au niveau collégial. Et puis, au niveau universitaire, ça
peut être la même chose. Mais nous-mêmes, nous allons faire l'effort de pouvoir
avoir une espèce de politique-cadre si les
gens veulent s'y référer. Alors, on sera très, très ouverts à vous accompagner,
effectivement, là-dedans.
• (19 h 50) •
M. April
(Michel) : ...la même chose, il va y avoir tellement besoin de formation. Si on peut déjà établir quelles sont les bonnes sources de formation, parce que j'imagine que tantôt il
va apparaître plein de gens qui vont vouloir offrir des services, bien,
encore faut-il que ce soient des services de qualité.
Mme David :
Tout à fait, et ça, on va se porter garants de ce qui peut être bien
intéressant comme formation, parce que
je pense que vous n'avez pas à rester seuls avec tous ces aspects-là, en
disant : On se met ensemble. Et il y a bien des choses dont les petits, les moyens et les grands
collèges, autant privés que publics, et autant, pas mal, les universités
aussi que les collèges, peuvent bénéficier. Alors, des formations, il s'en
donne de très bonnes. Puis il y en a qui nous ont demandé de publier une sorte de lexique, là, non seulement des
différents... que veulent dire tel mot, tel mot, «une plainte», «un
dévoilement», «un signalement», «une plainte administrative», «une plainte au criminel», etc., mais aussi un
registre des formations qui peuvent se
donner. Alors, c'est sûr qu'on pourra vous accompagner là-dedans. Alors, vous
êtes là comme association, et, comme
association, bien, effectivement, de vous mettre ensemble, ça pourrait aider,
et, de vous mettre avec nous, on va être à votre disposition pour ça.
Vous avez
aussi demandé de la flexibilité, et ça, vous n'êtes pas les premiers à dire ça,
parce qu'il y a des petites universités, des petits collèges publics,
des petits collèges privés. C'est bien évident qu'on ne peut pas avoir une infrastructure de services, un CLSC au complet pour un tout petit collège, là. Alors, la Fédération des cégeps, dans leur mémoire, propose
de... on peut appeler ça un guichet unique, ou un intervenant pivot, ou un
lieu... en tout cas, ou l'intervenant est
dans un lieu, le lieu est connu. Encore là, le lieu connu, c'est peut-être plus
pertinent pour les grands campus où
il y a 60 bâtiments différents. Mais, dans les petits collèges, c'est pas
mal connu, d'habitude, où sont les services aux étudiants. Mais je pense qu'on n'a pas comme
objectif de vous obliger à avoir chacun un sexologue, un psychologue, un
travailleur social, etc.
M. April (Michel) : ...idéal.
Mme David : Pardon?
M. April (Michel) : Dans un
monde idéal.
Mme David :
Dans un monde idéal. Mais je pense qu'on va viser d'avoir certainement une
personne qui est la personne de référence et qui ne paniquera pas si une
étudiante ou un étudiant vient lui parler de quelque chose.
M. April
(Michel) : ...à l'intérieur même d'un réseau, mettre des ressources en
commun, puis ça a été fait dans d'autres secteurs.
Mme David : Absolument. Tout à
fait. Mais ce qui est important, c'est que l'étudiant à qui il arrive, malheureusement,
quelque chose puisse arriver au collège un matin et rapidement savoir qui aller
voir. Alors, c'est peut-être toujours le...
M. April (Michel) : Et à
2 heures du matin aussi.
Mme David :
Et à 2 heures du matin. Ça, c'est une autre question, effectivement.
D'habitude, ce sont des lignes... Il y en a une, ligne «agression
sexuelle», là, une ligne du gouvernement, d'ailleurs, qui est assez utilisée.
Alors, il va falloir arrimer tout ça. Et, à
2 heures du matin, il y a une chose qui est accessible, par contre, c'est
l'Internet, c'est son iPhone, c'est
le site sur son plan de cours, qui dit : O.K., je peux appeler à tel
endroit, parce que c'est là qu'il faut que ça soit vite et bien fait. Alors, la flexibilité, c'est de
mettre tous ces outils-là à la disposition des étudiants. Maintenant, moi,
je me demandais... Parce que ça, c'est
vraiment typique de certains de vos collèges privés, d'avoir et le secondaire
et le collégial ou, des fois, même,
comme, je pense, à Stanislas ou Marie-de-France, le préscolaire, primaire,
secondaire, collégial, et ça mène jusqu'à l'universitaire.
Alors, comment vous voyez que ça peut être un
atout ou un inconvénient d'accompagner ces jeunes jusqu'au moment où vous devez, pour la partie collégiale,
donc, développer une politique, appliquer une politique? C'est un plus?
M. April
(Michel) : Bien, souvent, ce qu'on constate chez nous, c'est que
l'ordre d'enseignement qui est plus avancé, qui est souvent l'enseignement supérieur, bien, fait bénéficier de ces services-là au niveau du
secondaire. Ça fait que c'est sûr
qu'en adoptant des politiques qu'on va adopter ici nous, on va indirectement
l'utiliser aussi du côté secondaire, puisque,
bien que ce n'est pas l'objet du projet de loi... mais, en secondaire V,
il peut se passer bien des choses aussi. Entre le secondaire V et le
collégial, il peut y avoir un mois entre les deux, là. Donc, ça peut se
produire là aussi. Donc, on va pouvoir bénéficier de ce côté-là aussi.
Mme David :
O.K. Je ne sais pas si la situation s'est déjà présentée. Je pense, vous n'y
aviez pas fait directement référence
dans votre... Bien, le mémoire, je n'ai pas eu le temps de le lire vraiment,
mais je vous ai écoutés. Sur la question du code de conduite, est-ce
que vous avez déjà eu
à penser à ça? Est-ce qu'il y a déjà
eu des histoires, aux sens anglais et français,
qui sont arrivées avec une relation pédagogique professeurs-étudiants ou une
relation... Est-ce que vous avez une opinion là-dessus...
M. April (Michel) : ...on a une
opinion.
Mme David : ...par rapport à comment
agir, prévenir, réagir?
M. April
(Michel) : Oui. Au point de vue de l'Internet et des médias sociaux,
il y a déjà quelques années, on a établi
clairement qu'un membre du personnel, un professeur par exemple, ne peut pas
être ami sur Facebook avec ses étudiants. Ça, c'est déjà dans une politique qui est déjà en place depuis plusieurs
années. Là, on va plus loin avec le projet de loi qui est là, on sort du
cadre de l'Internet et on dit : C'est dans la vie de tous les jours qu'on
ne peut pas être trop ami avec les étudiants.
Et nous, justement, par rapport au fait qu'on parle d'encadrement dans le
projet de loi, on souscrit beaucoup à ce qui a été dit et véhiculé à différents endroits, à savoir que nous, on
aimerait mieux aller plus loin que l'encadrement. On aimerait pouvoir
aller, directement dans le projet de loi, à ce qu'il y ait des interdictions.
Mais, là encore, il faut faire attention à
l'interdiction. Donc, il faut vraiment que ça soit des gens en autorité. Pour
nous, des gens en autorité sur les étudiants,
ça devrait être proscrit complètement, donc, mais il faut faire attention à cet
aspect-là et ne pas nécessairement parler seulement de pédagogie.
«Autorité» ne renvoie pas nécessairement,
obligatoirement, à «pédagogie». Je vous donne un exemple : un entraîneur de l'équipe sportive. On pourrait
dire : Ce n'est pas pédagogique, c'est du sport. Mais ça devrait être
interdit à cet endroit-là aussi. Donc, il y a une notion de lien d'autorité.
Nous, on irait plus de ce côté-là. Si l'employé est en lien d'autorité sur l'étudiant, ça devrait être
proscrit. Par contre, je vous donne un autre exemple à l'autre extrême. On a
des jeunes surveillants qui encadrent les étudiants, et souvent ces
surveillants-là peuvent être des étudiants du collégial. Ça peut être un étudiant du collégial — un autre exemple — qui travaille à la coop. Bien, il ne
faudrait pas qu'un étudiant du
collégial, parce qu'il est employé du collège, soit automatiquement...
impossible d'avoir une relation amoureuse avec une autre fille du cégep.
Ça fait qu'il ne faut pas tomber dans cet extrême-là non plus.
Donc, le lien d'autorité, nous, c'était la façon
de voir que ce n'est pas permis à ce niveau-là.
Mme
David : O.K. Bien, merci. Vous irez lire le mémoire de la Fédération
des cégeps, qui va exactement dans ce sens-là.
Ils utilisent trois adjectifs : autorité, relation d'aide et relation...
Je ne souviens plus du troisième adjectif, mais ils ont exactement circonscrit la zone où ça devrait
exister, cette interdiction, avec des cégeps qui ont déjà... Il y a deux
cégeps qui ont déjà interdit toute relation.
Mais c'est dans ce contexte-là où... même, je pense que c'est l'ensemble... Les
deux cégeps, à date, là, donc, ils
nous ont parlé : C'est tout étudiant avec tout professeur et tout membre
du personnel. Enfin, c'est assez large.
Maintenant,
vous apportez un aspect — c'est ça qui est le fun dans les consultations — auquel moi, je n'avais jamais pensé : être ami Facebook avec un
étudiant. Vous dites : Bien, ça va... C'est-à-dire nous, on va plus dans
les relations intimes, sexuelles, mais être amis Facebook...
M. April (Michel) : ...
Mme David : Je n'y avais pas pensé,
à celle-là, vraiment, là.
M. April (Michel) : Ça peut
commencer comme ça.
Mme
David : Peut-être je ne suis pas de la bonne époque, là, mais c'est
vrai que ça peut commencer comme ça. Mais vous dites que ça existe quand
même depuis un certain temps, cette directive. On pourrait dire ça comme ça?
M. April
(Michel) : On a d'autres
moyens de communication, qui sont des moyens pédagogiques, pour que le professeur puisse donner ses directives
aux étudiants. Facebook n'est pas un moyen pédagogique, pour nous.
Mme David : O.K. Alors, quand on dit
«interdiction», il y a donc un peu de surveillance ou un peu de conséquences si
jamais il n'y a pas d'obéissance. Disons ça comme ça.
M. April
(Michel) : Il y a des conséquences, c'est sûr. Au niveau de la
surveillance, c'est très difficile de se mettre à surveiller partout, mais on a fait des interventions, c'est arrivé
qu'on a fait des interventions. Ça peut être des étudiants qui nous
rapportent parfois des faits sur lesquels on agit. Mais là on a une politique
pour ça, donc on peut agir.
• (20 heures) •
Mme David : Oui. Quand vous agissez,
vous pouvez agir comment?
M. April
(Michel) : Bien, au niveau de notre politique, ça dit que c'est
interdit. Donc, on fait un rappel à l'ordre au professeur pour lui dire qu'il a enfreint la politique
puis on lui demande de cesser ces liens-là. Habituellement, ça se
règle. Les gens nous plaident : Je ne le savais pas.
Mme David : O.K. Bien, je vais
m'interrompre, je vais laisser la parole à un autre député. Je vous remercie beaucoup.
Je reviendrai, au besoin. Merci.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Alors, j'invite le député de Chapleau de poser des questions, faire des commentaires.
M. Carrière : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Merci. Combien de temps il...
La Présidente (Mme de Santis) : Il
reste cinq minutes.
M. Carrière : Cinq minutes. Merci. Merci
beaucoup d'être là ce soir. C'est fort intéressant, fort instructif. À la page 8 de votre mémoire,
vous parlez au niveau de la sensibilisation et de la prévention, vous dites que
«l'Association des collèges privés du Québec
appuie la volonté manifestée par [le]
projet de loi que tout établissement
d'enseignement établisse une politique
qui a pour objectif de prévenir et de combattre les violences à caractère
sexuel par, entre autres, la mise
en place de mesures de prévention et de sensibilisation, y compris des activités
de formation».
Vous en avez
parlé un peu, mais j'aimerais que vous élaboriez au niveau des activités
de formation. Premièrement, pour qui?
Pour les professeurs? Pour les gens qui seront au niveau du guichet unique?
Pour les étudiants ou toutes ces réponses? Et J'aimerais ça si vous
pouviez élaborer quand vous parlez que vous avez besoin d'activités de
formation.
M. April
(Michel) : M. Turcotte
pourra, juste après moi, peut-être enchaîner sur les formations spécifiques, mais, par
rapport au fait «qui on doit former?», nous, on est d'avis qu'on doit former
tout le monde, tout le monde, tout le monde.
Les
dirigeants, bien sûr, il faut qu'on comprenne ce qui se passe, qu'on soit au
fait de tout ça. Mais pensons à notre agent de sécurité. Je
mentionnais : À 2 heures du matin. On a des résidences chez nous,
donc, il y a des surveillants d'étage. Les surveillants d'étage, il faut
qu'ils soient formés. Ça peut être l'agent de sécurité qui reçoit le plaignant,
la plaignante, donc il faut que lui aussi soit formé. Donc, c'est l'ensemble du
personnel et, j'insiste encore une fois, les syndicats aussi. Les employés, individuellement,
c'est une chose, mais que les syndicats soient formés, ce serait une
très bonne chose aussi. Peut-être, Alain, tu peux préciser.
M.
Turcotte (Alain) : Oui.
Aussi, on parle de formation spécifique en fonction de leur niveau de
responsabilité, d'intervention à l'intérieur
du protocole. Donc, bien entendu, comme M. April parlait d'un résident, des
surveillants d'étage, qui sont
souvent des jeunes universitaires, donc il faut... on a déjà des
plans de formation pour ces gens-là du côté des premiers soins, du côté de la prévention, par exemple, au suicide. Donc,
c'est ajouter ces balises-là à l'intérieur des plans de formation. Les petits collèges et les
directeurs des études, les directeurs adjoints qui ont la responsabilité d'accueillir une plainte, s'ils n'ont pas de professionnel,
d'intervenant psychosocial, de sexologue dans leurs collèges... Donc, je
pense qu'on parle aussi de formation très
spécifique et de formation, bien
entendu, avec nos étudiants, nos associations étudiantes en lien avec toutes
les activités d'intégration qui ont lieu dans nos collèges.
M. Carrière :
Merci. Je laisserais l'opportunité à ma collègue...
La Présidente (Mme
de Santis) : La députée de Richmond.
Mme
Vallières : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci
beaucoup de votre présence ici mais également des moyens déjà mis en place pour commencer un travail en amont
aussi qui est déjà directement en lien avec ce qu'on présente dans le projet de loi n° 151. Je
voudrais y revenir, parce que je sais qu'il reste très peu de temps, Mme la Présidente.
Vous parlez beaucoup
de l'élément de temps dans le mémoire que vous présentez. Vous savez que le projet
de loi n° 151 est déposé, entre autres, pour répondre à
une certaine urgence et vous semblez demander davantage de temps.
Donc, je voudrais vous entendre là-dessus.
M.
April (Michel) : Principalement, c'est dû à la taille de nos établissements. Certains établissements sont
larges, il y a beaucoup
d'espace, mais on a des collèges qui ont, par exemple, 50, 60,
70 étudiants. C'est sûr qu'ils n'ont pas les ressources que
d'autres gros collèges peuvent avoir pour faire aussi rapidement, mais ce n'est
pas une volonté de reporter le projet.
Je
suis tout à fait d'accord avec vous, l'association est d'accord, il y a une urgence d'agir, et tous
les efforts vont être mis. Ils sont mis en partie, déjà.
La
Présidente (Mme de Santis) : Il reste une minute.
Mme
Vallières : Et
comment votre association peut être justement en soutien à vos
membres dans l'élaboration de ces politiques institutionnelles, qui vont
être semblables quand même malgré tout, là?
Mme
Quirion (Isabelle) :
...juste un petit exemple. Donc, on a fait la consultation justement
le 16. Puis on a déjà demandé à tous
les gens de la communauté collégiale. On avait des enseignants, on avait des professionnels,
on avait des directions, donc déjà on avait cet apport-là de connaître
leurs besoins sur le terrain à tous les égards et on a entendu toutes sortes de
choses.
On
a également mis sur pied récemment avec justement les formateurs de la campagne
Sans oui, c'est non! une formation de
plus, et ça nous a même amenés à échanger avec la formatrice, qui nous
disait : Écoutez, présentement, j'ai de la misère à fournir à la demande des formations et puis je m'attends à
ce qu'il y ait un aval, finalement, de beaucoup plus de demandes de
formation. Et, de plus en plus, les besoins de formation sont spécifiques.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci, Mme Quirion. Maintenant, la parole est à la représentante de l'opposition
officielle, la députée de Marie-Victorin.
Mme
Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous quatre pour votre
présence ce soir en commission parlementaire. Donc, vos interventions vont nous servir dans
notre travail aussi, question de bonifier le projet de loi n° 151, qui est un projet de loi important,
bien entendu.
J'aimerais
d'abord vous entendre sur un sujet, donc, que la ministre a amené un petit peu
plus tôt mais qui a quand même pris beaucoup de temps dans les
consultations particulières jusqu'à maintenant, la question évidemment de l'encadrement, là, des relations intimes entre les
étudiants et, bon, les professeurs ou les personnes en relation
d'autorité. Donc, de ce que j'en comprends de notre échange de tout à l'heure,
c'est que vous êtes, au fond, d'accord avec la recommandation de la Fédération
des cégeps, au fond, pour interdire les relations intimes lorsque, par exemple,
les gens seraient en relation pédagogique, d'autorité ou d'aide. Est-ce que ça
regroupe grosso modo votre position?
M. April
(Michel) : Oui, tout à fait, tout à fait.
Mme
Fournier : O.K. Super. Puis est-ce que vous avez une position aussi
pour ce qui est des relations antérieures, parce qu'à chaque fois qu'on en parle c'est une question qui revient,
par exemple, une relation qui était établie avant le début de la relation d'autorité? Comment est-ce que vous
le voyez? Et comment est-ce que vous verriez cela dans l'application?
M. April
(Michel) : C'est un problème, effectivement. On n'a pas vraiment de
réponse à ça. Demander à un couple qui
fonctionne de se défaire parce qu'il y a un nouveau projet de loi, c'est assez
problématique. Demander à une étudiante de changer de collège parce qu'elle a
établi, déjà depuis un certain temps, une relation, j'ose espérer que je
ne rencontrerai pas ce problème-là dans mon collège, mais ça peut effectivement
arriver.
Donc,
est-ce qu'on peut considérer qu'une relation qui avait débuté avant va pouvoir
demeurer? Là, on est dans peut-être
du cas par cas, là, puis l'analyse fine. La relation a débuté depuis combien de
temps? Depuis deux jours ou depuis deux
ans? On peut se poser la question. Bon, nous, on a beaucoup d'étudiants. Les
universités, c'est probablement une autre problématique. Nous, beaucoup
de nos étudiants ont 16, 17, 18 ans, comme on disait tantôt. Donc, qu'une
relation de longue date ait débuté avant, c'est peu probable.
Mme
Fournier : Mais, dans le cas où, par exemple, ce serait plus de la
formation technique où l'étudiant pourrait être plus vieux aussi ou même un étudiant plus jeune, est-ce qu'à ce
moment-là vous envisageriez quand même qu'il puisse y avoir une forme de
déclaration, à la limite, quelque chose qui pourrait ressembler comme à une
déclaration de conflit d'intérêts avant, dans le fond, que soit instaurée la
relation d'autorité?
Est-ce que ça
pourrait être chose qui est envisageable, pour vous?
M. April
(Michel) : Oui. Je pense qu'il faudrait, au plan humain, envisager
quelque chose du genre, mais la mécanique
exactement... Avant la mise en entrée de la politique, il faudrait que ces
gens-là aient une période pour déclarer, effectivement, leur intérêt.
Mme
Fournier : Sur un autre sujet qui revient quand même beaucoup dans
votre mémoire, vous parlez, à plusieurs
reprises, du manque de ressources que vous pouvez constater dans votre réseau.
C'est bien certain que le projet de
loi, comme je l'ai dit tantôt, c'est une bonne nouvelle. Je pense, ce sont des
bonnes mesures, ça va nous permettre de faire des pas en avant, mais,
nécessairement, ça va impliquer davantage de ressources aussi.
Donc,
j'aimerais vous entendre un peu sur l'état de la situation que vous avez dans
vos collèges, tout ça, puis aussi votre idée de qu'est-ce que ça va
prendre pour que vos établissements soient en mesure de répondre aux
dispositions du projet de loi n° 151.
• (20 h 10) •
M.
April (Michel) : Bien, dans un premier temps, il faut considérer
qu'une politique comme celle-là, que tu aies un collège de 50 ou de
5 000 étudiants, théoriquement, c'est la même politique, c'est les mêmes
obligations. Donc là, il y a nécessairement un problème de ressources. Le
collège de 5 000 étudiants versus 50... n'ont pas du tout les mêmes ressources pour faire le même travail. Donc, quand
on parle de financement qui va venir en fonction du nombre d'élèves, fort probablement, qui est le modèle traditionnel,
bien, imaginez-vous que le collège qui a 100 étudiants, qui reçoit
un financement à l'équivalent de 100 étudiants, mais il doit faire le même
travail que l'autre, qui a eu un financement pour 5 000.
Donc,
ça, c'est vraiment une problématique, là, que je ne sais pas comment
aujourd'hui on peut régler ça. Il faudrait peut-être qu'il y ait un
montant fixe par institution, de base puis, après ça, une modulation en
fonction du nombre d'élèves. Ça, ça pourrait
être une possibilité. Par
rapport aux besoins mêmes de
formation, même, les collèges qui ont déjà des ressources en place, les professionnels nous ont dit
lors des rencontres qu'on a tenues : J'ai beau être membre d'un ordre
professionnel des psychologues ou des infirmières sexologues, je ne me sens même
pas prêt aujourd'hui — et
prête — à m'occuper de la politique et du dossier
comme tels, j'ai même besoin de formation additionnelle, spécifique pour ça. Donc, même pour ceux qui ont des
ressources, il faut penser à mettre à jour les ressources en fonction des
besoins qu'on exprime ici.
Mme
Fournier : Tout à fait. Donc, à ce moment-là, est-ce que vous seriez à
privilégier qu'il y ait au moins une ressource
dédiée à l'application de la politique au sein des collèges, là, si vous aviez
la possibilité d'avoir les ressources nécessaires?
M.
April (Michel) : Comme je disais tantôt, dans un monde idéal, c'est
sûr que c'est intéressant. Chez nous, par exemple, bon, on est quand même un gros collège, bien, c'est sûr qu'il
va y avoir quelqu'un de dédié à ça. On a la chance d'avoir une infirmière sexologue. Fort
probablement, c'est elle qui va porter ce dossier-là. Mais là je pense à nos
plus petits collèges. C'est clair que la
personne qui va porter le dossier, peut-être, on le mentionnait tantôt, un
directeur adjoint, bien, elle va avoir besoin énormément de support,
d'accompagnement, cette personne-là, pour pouvoir mener à bien cette
responsabilité-là.
Mme
Fournier : Donc, eu égard à la taille du collège, selon vous, ça
prendrait quand même un plancher minimal de ressources pour qu'au moins tous les établissements soient quand même
capables d'offrir les services appropriés qui répondent au présent
projet de loi.
M.
April (Michel) : Il y a comme deux choses : il y a
l'établissement de la politique, qui est une chose où il devrait y avoir un montant fixe, à quelque part, sans
égard à la taille, puis, une fois la politique en place, pour
l'opérationnaliser, là, c'est sûr qu'il faut probablement penser à une mise en
commun de services, puisqu'on ne peut pas avoir, chaque collège... avoir son
travailleur psychosocial en attente de dossiers, là.
Mme
Fournier : Non. Tout à fait. C'est bon. Sur la question du guichet unique
aussi, c'est de cet angle-là que vous l'amenez un peu, le manque de
ressources.
Donc, considérant ça, comment est-ce que vous le
voyez dans l'application au sein de vos établissements?
Mme
Quirion (Isabelle) : Il y a eu plusieurs scénarios qui ont été avancés
lors de la consultation qu'on a eue, mais
on était vraiment dans un état d'esprit d'essayer de trouver des solutions, de
se mettre en action rapidement, et, entre autres, justement, le partage
de ressources, on disait : Est-ce qu'il y aurait moyen de concentrer les
ressources?, on essayait de voir un peu la logistique derrière ça.
Est venue
aussi l'idée d'aller voir, bien, justement, l'appui avec les ressources
externes, mais rapidement est venu également le discours de dire :
Mais ces ressources externes là aussi sont déjà surchargées, essaient de
répondre aux demandes, aux besoins
également. Ça fait que, là, on essaie de trouver des alternatives, mais,
définitivement, il y avait une
réflexion, là, au sein des gens qui ont participé à la consultation, de trouver
des solutions, mais c'est sûr que c'est encore en grande réflexion, là,
à essayer de trouver des alternatives, parce qu'encore là il y a une très
grande diversité au sein des collèges privés.
Mme
Fournier : Puis justement quelque chose que vous amenez aussi dans
votre mémoire, c'est le fait que donc il va falloir tenir compte des
relations de travail, des conventions collectives, notamment.
Est-ce que vous pensez qu'il y a certaines
dispositions de la loi justement qui pourraient être difficilement applicables
en raison de ça?
M. April (Michel) : Bien, la loi va
devoir avoir préséance sur la convention collective, mais ça implique de s'asseoir avec nos syndicats, d'où l'importance
qu'ils aient été dans le processus, qu'ils aient été impliqués, qu'ils
aient été formés. Je les rencontrais, moi,
aujourd'hui, puis on m'a posé des questions par rapport à la politique,
justement. Donc, c'est le syndicat.
La FNEEQ est présente dans beaucoup de nos établissements puis la FNEEQ s'est
déjà positionnée en faveur, donc ça simplifie les choses, mais c'est
clair qu'il va falloir harmoniser. On a un guide d'éthique chez nous pour les
membres du personnel, mais il va falloir que le guide d'éthique soit aussi
adapté en fonction de la politique. Il faut harmoniser tous nos guides,
procédures.
Mme Fournier : Sur la reddition de
comptes, maintenant, on voit quand même que vous avez un souci d'assouplissement, parce que, bon... J'aimerais
vous entendre un peu sur cette réalité-là. Quel genre d'assouplissement
vous souhaiteriez dans le cadre du projet de loi?
M. April
(Michel) : Dans beaucoup de dossiers, les collèges privés, on est
habitués à faire la reddition de comptes, qu'on pense à la commission
d'évaluation, tout ça, donc on a une habitude de créer, de se suivre, de
s'autocontrôler, s'autoréguler, et on
aimerait pouvoir bénéficier d'une certaine autonomie à ce niveau-là pour
pouvoir vraiment mettre les énergies
dans les établissements à faire de la prévention, de la sensibilisation...
que d'affecter des ressources à faire des rapports, à bâtir des rapports. Et, dans les choses qui sont identifiées
dans le projet de loi, il me semble qu'on va loin aussi au niveau de quel genre de cas il y a eu, puis tout
ça. Dans un petit collège, ce n'est pas long que, si tu commences à
publier vraiment un peu d'information, on va
tout de suite identifier qu'est-ce qui s'est passé. Donc, il faut faire
attention à la confidentialité aussi dans tout ce dossier-là.
Mme
Fournier : Très bien. Un aspect aussi qu'il n'y avait encore aucun
groupe qui l'avait amené, tout ça, mais je pense qu'il est dans vos réalités, là, dans votre réseau des collèges
privés, la question des communautés culturelles, qui est une réalité avec laquelle vous composez particulièrement,
là, comme vous l'avez dit dans vos remarques préliminaires.
Est-ce que
vous pouvez nous parler un petit peu de cette réalité-là puis aussi de comment
nous, on pourrait prendre en compte
cet aspect-là dans le travail qu'on fait sur le projet de loi puis aussi dans
les ressources qui vont être octroyées par la suite aux établissements? Parce que c'est sûr que, bon, la différence
culturelle peut quand même venir jouer, là, quand on parle de concepts
comme ceux-là.
M.
Turcotte (Alain) : Oui. Je pense qu'on va parler aussi beaucoup plus
du volet formation, là, qui tient compte de la réalité familiale peut-être que vivent nos étudiants, quel est le
niveau d'intervention, par exemple, des parents. Je pense qu'on va plutôt, quand on a des situations...
On est habitués de vivre des situations de ce type-là avec des familles
issues du milieu culturel, et c'est toujours un travail qui est beaucoup plus
personnalisé et qui est différent d'un cas à l'autre.
Donc, je pense qu'il va falloir bien outiller les intervenants à vivre aussi
cette réalité-là, qui peut être différente.
M. April
(Michel) : ...internationaux qui sont dans nos collèges. Le collège
LaSalle, qui est un de nos collèges, c'est
le collège qui a le plus d'étudiants internationaux au Québec. Il y a beaucoup
de nationalités, et, bon, pour certaines autres nationalités, ils ne partent pas tous du même point, là. Donc, il
faut faire une sensibilisation vraiment adaptée pour ces gens-là sur la
réalité, un, du Québec, deux, la réalité des politiques qu'on met en place.
Mme
Fournier : Puis, à ce moment-là... Par exemple, dans le projet de loi,
on dit que la politique serait connue des
étudiants à l'admission puis aussi au début de chaque session. Bien, est-ce
qu'on peut penser, par exemple, dans un cas d'un étudiant international, bien, qu'il puisse recevoir aussi la
documentation au moment où... Bon, ce n'est pas une admission formelle.
C'est une admission pour une session. Est-ce que vous l'incluez aussi
là-dedans?
M. April
(Michel) : Dans ce cas-là, effectivement, lors de l'admission, c'est
plus intéressant qu'il soit déjà informé de c'est quoi, la réalité du Québec à ce niveau-là. Par contre, je
rejoins la Fédération des cégeps où, quand c'est les autres étudiants
réguliers du Québec, ce n'est pas vraiment à l'admission qu'il faut commencer à
faire ça. C'est au moment où les cours débutent, comme tel, puisqu'aux admissions — puis c'est la même chose dans les collèges
privés — on
a x nombre de demandes, mais les étudiants
ne viennent pas nécessairement... Donc là, il ne faut pas surcharger le
travail non plus de faire de la
sensibilisation et de la formation auprès de gens qui ne viendront même pas au
collège. Donc, de débuter avec le début de session comme on fait déjà,
une série d'informations à nos étudiants, et il y aura à ce moment-là formation
sur la politique, informations au moment du début de session.
Mme Fournier : Donc, à ce moment-là,
est-ce que vous pensez que ça pourrait être une bonne idée de la distinguer
entre les étudiants internationaux puis...
M. April (Michel) : Oui. Dans le cas
des étudiants internationaux, je pense que ce serait pertinent. Alain.
M.
Turcotte (Alain) : Dans plusieurs collèges, on a déjà un service
d'intégration et d'accueil qui est distinct pour les étudiants internationaux principalement, même les jeunes. Ceux qui
nous arrivent du programme international, ils nous arrivent, des fois, un an plus jeunes que nos
étudiants actuels. Donc, il y a déjà des procédures d'accompagnement qui
sont faites dans la majorité des collèges qui accueillent des étudiants
internationaux. Donc, on va intégrer ce volet-là à ces discussions-là qu'on a
avec eux.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Est-ce que vous avez terminé? Vous avez encore 30 secondes.
• (20 h 20) •
Mme Fournier : Je vous remercie
beaucoup. Merci.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, la
parole est au représentant du deuxième groupe d'opposition, le député de
Chambly.
M. Roberge : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Merci pour votre présentation. Donc, quelques questions d'éclaircissement surtout, parce que c'est quand
même assez clair, mais je vais commencer par la fin, disons, où vous parlez de la reddition de comptes.
C'est que ça
m'a quand même surpris, cette phrase où vous dites, dans le fond : La reddition de comptes, à
cet égard, ne serait pas nécessaire, mais pas du tout, alors que, bon, il y a
des groupes précédemment qui sont venus nous dire qu'il en fallait même plus. Ils parlaient des
indicateurs de performance. La Fédération des cégeps, ils sont venus nous
dire : Bien, attendez un peu, là, on en
fait déjà pas mal puis on ne veut pas que nos ressources aillent trop en reddition de comptes, on veut les utiliser
pour donner des services aux étudiants. Je le comprends très, très bien. Maintenant,
de dire qu'il n'y en aurait aucune, bien, ça m'étonne quand même,
parce que pour le gouvernement en place c'est une façon de s'assurer que
c'est bel et bien fait.
Sinon, comment s'assurer que c'est fait s'il n'y
a aucune reddition de comptes?
M. April (Michel) : Je peux vous
faire un parallèle avec la violence en milieu scolaire au niveau secondaire. J'ai le cas chez nous. La reddition de comptes, il y en a une à faire, au niveau de notre conseil d'administration, qui est quand même très, très simple.
Donc, c'est peut-être dans l'exhaustivité de la démarche qu'on peut faire de quoi.
On n'est pas
contre la reddition de comptes. On est redevables. On a des subventions.
On est responsables. Donc, c'est clair qu'on n'est pas contre la reddition
de comptes. L'idée de ne pas perdre de vue, c'est que, si je prends mon infirmière sexologue pour bâtir des rapports, pendant ce temps-là, elle n'est pas sur le terrain, auprès des jeunes. Donc, c'est le
bon dosage entre la reddition de comptes, la paperasse, l'administration et
l'action sur le terrain. Donc, il y a sûrement moyen de trouver une reddition de comptes, un, qui préserve la confidentialité — parce que
ça, c'est l'autre aspect, on va très, très
loin dans tout ce qui est demandé, là, donc, ça, on met un bémol là-dessus — et
peut-être adapter un peu la reddition
de comptes pour s'assurer que le travail est fait et bien fait, mais sans y
passer trop de temps.
M. Roberge : Je pense, c'est deux préoccupations
qu'on a aussi de notre côté, là, que les ressources aillent réellement en
services plutôt qu'en paperasse ou d'utiliser des ressources professionnelles
comme l'infirmière. Vous mentionnez :
On ne la veut pas en train de faire du papier. Mais il y a
aussi la notion de confidentialité qu'on a entendue précédemment. Surtout quand on
parle d'accusations ou de plaintes qui touchent les violences sexuelles, c'est
sûr que la notion de confidentialité est encore plus importante. Donc,
merci pour ces précisions.
J'aurais une petite question concernant les
mesures de sécurité. Vous parlez d'éventuels ajustements aux infrastructures pour rendre les lieux sécuritaires. Donc, quand on regarde le projet de loi, à quoi vous pensez? Dans les lieux physiques d'un collège,
qu'est-ce qu'il faudrait faire pour se conformer à ce projet de loi là, là,
pour vraiment rendre les lieux plus sécuritaires, concrètement?
M. April
(Michel) : Nous, on a
commencé déjà depuis plusieurs
années. Exemple, à nos résidences, on a des étages de filles, on a des étages de garçons. L'ascenseur qui communique aux différents étages
fonctionne avec la carte d'identité de
l'étudiant. Donc, si tu es un garçon, l'ascenseur n'arrêtera pas à l'étage des
filles, et vice-versa. Donc, ça, c'est des mécanismes qui sont en place
déjà depuis un certain temps. Mais, j'imagine, d'autres collèges qui n'ont pas
ça, s'il faut qu'ils les mettent en place
demain matin, bien, ça coûte des sous, ça. C'est un aspect intéressant. La même
chose si on passe par l'escalier de
secours : bien, tu ne peux pas
aller à l'étage des filles, parce que même l'escalier de secours est contrôlé par la carte. Par contre,
quand il y a une alerte incendie, bien là, les portes sont
déverrouillées parce qu'il
faut quitter. Mais je
pense à d'autres facteurs importants, nos terrains peuvent être vastes, nos
stationnements. Donc, il y a beaucoup
de travail.
Chez nous, en tout cas, il y a du travail à
faire encore au niveau de l'éclairage extérieur, rendre les lieux plus sécures
au niveau visuel à l'extérieur. Donc, il y a nécessairement des sommes à mettre
en infrastructures.
M.
Roberge : Et puis vous
parlez beaucoup d'un manque de ressources. À plusieurs
endroits, vous le mentionnez, évidemment.
Donc, évidemment, s'il faut changer
des logiciels, des ascenseurs, s'il faut ajouter de l'éclairage, s'il
faut ajouter des professionnels... Bon, vous
avez vu le projet de loi, vous voyez un peu quelles sont les exigences,
quoique, bon, il y a le projet de loi, il y
a la politique à faire dans les établissements ensuite. Mais, d'après vous, ça
ressemble à quoi?
Je sais bien
qu'il y a des collèges plus petits que d'autres, mais, pour nous donner une
petite idée, là, ça ressemble à quoi, l'ajout de ressources, par collège
ou pour le réseau, qui seraient nécessaires?
M. April
(Michel) : À ce stade-ci, c'est très difficile de le dire, puisqu'on
ne sait pas encore l'ampleur exacte... Seulement
sur la reddition de comptes qu'on parle, est-ce que ce qui est là va vraiment
être appliqué ou va être modulé? De la formation, il faut en faire beaucoup.
C'est très difficile.
À ce
stade-ci, je pense, il faut peut-être penser quelque chose qui sera évolutif et
pouvoir faire l'évaluation du travail
qui a été fait. On a l'habitude de fonctionner avec des budgets réduits, de
faire des miracles parfois, mais aujourd'hui ce n'est peut-être pas de
demander la lune en commençant, mais de s'assurer par contre qu'il va y avoir
une forme de reddition de comptes de la part du ministère aussi, dans le
sens : Est-ce que, ce qu'on vous demande, vous avez les ressources
appropriées pour le faire? C'est en le faisant qu'on va voir aussi les
difficultés qu'on rencontre.
M. Roberge :
Et puis, parlant de différentes ressources, des différents personnages
responsables... pas des personnages,
le personnel responsable des différentes fonctions au collège, à la
page 6, vous faites une allégorie intéressante en disant : Bien, le guichet unique, les
procédures d'accompagnement, le suivi exigé, ça se compare à la nécessité
d'une politique en cas d'incendie.
Je vais lire
un extrait. Vous dites : «Lorsqu'une alarme à incendie retentit, tous les
acteurs du collège doivent être agir
en fonction de leur rôle et laisser la place aux pompiers...» Puis vous
dites : Ça s'applique. Dans le fond, là, c'est comme s'il y avait une alarme incendie, s'il y a une
plainte, puis là, bon, bien, il y a quelqu'un qui reçoit la plainte, par la
suite on laisse la place aux pompiers. Mais j'ai comme l'impression qu'à un
moment donné c'est : Bon, bien, on va laisser la place aux professionnels.
Qu'est-ce que vous vouliez dire dans cette
allégorie-là? C'est qui, les pompiers, dans votre histoire?
Mme Quirion
(Isabelle) : L'allégorie vient justement d'un des collèges lors de la
consultation, puis on la trouvait assez bien, parce que, lorsqu'on parle
de la politique justement pour un incendie, quand on disait que c'est toute la
communauté qui doit être interpelée, là, bien oui, les pompiers, ça pourrait
être les policiers. Donc, quand il y a la plainte — on parlait de la trousse médicolégale — il y a comme vraiment une suite, mais après
ça aussi le collège doit aussi continuer de récupérer les suites
de : Bien, qui a été touché, qui a vécu quelque chose par rapport à ça?
Donc, ça ne s'arrête pas juste à : On a
traité la plainte, voici, il y a un suivi qui peut être fait ici. Mais il y a d'autres suivis à faire auprès... et c'est au même
titre que, si demain matin il y avait un feu ou il y avait... bon, on fait
une analyse de la situation : Qu'est-ce
qui s'est passé, et comment? Y a-tu des gens qui ont figé lorsque le feu a
pris? Est-ce qu'il y a des besoins de
formation supplémentaire? Est-ce qu'on a manqué notre coup à certains endroits?
C'est le même principe, et ça implique tout le monde. Alors, quand il y
a un feu, il ne faut pas être en train de se questionner en disant : Ah!
qu'est-ce qu'on fait, finalement, c'est quelle procédure, c'est par où que je
dois le faire...
M. April (Michel) : Il est où,
mon manuel?
Mme Quirion
(Isabelle) : ...il est où, mon manuel? Il faut que ça soit intégré, il
faut que ça soit clair, et autant au bien-être
des étudiantes que finalement des autres personnes, finalement, qui sont au
sein de la communauté collégiale. Et ça, ça a ressorti très fort au sein
de la consultation qu'on a eue récemment.
M. April
(Michel) : Et, en incendie, on fait un exercice par année. Il faudrait
peut-être penser que c'est beau, faire une politique, mais il faudrait
peut-être la tester aussi, la politique.
M. Roberge :
De s'assurer à ce que les gens sont prêts, si vraiment arrive une vraie
plainte, là, ce n'est pas juste théorique, on sait quoi faire, ça
devienne un réflexe.
M. April
(Michel) : ...voyage étudiant, vous êtes au Costa Rica, et je
suis D.G., je reçois un appel que : Oh! il s'est passé quelque
chose. Comment je gère ça, là? Il va falloir qu'on l'adresse, ce problème-là,
aussi.
Une voix : ...
M.
Roberge : Bien, je pense, c'est une bonne... en la comprenant, je
l'apprécie d'autant plus, de l'importance que chaque personne... D'abord, il y a deux choses. Dans le fond, c'est
d'être prêt. Donc, je pense que le délai dans le projet de loi actuel... ou, enfin, ça prend un délai pour
mobiliser votre monde puis se préparer. Ça ne sera pas une simulation, mais ça va être une
concertation. Puis tout le monde se rend compte qu'ils ont un rôle à jouer.
Puis ensuite, par exemple, ça le
prend, le pompier, donc ça prend la personne responsable, là, dans le fameux
guichet unique dans le projet de loi. Ça va prendre une personne dans chaque établissement. Je comprends que pour
vous ça va être un des multiples chapeaux, des fois, que la personne portera, mais il faut quand même qu'il y ait
quelqu'un parce qu'il faut que tout le monde fasse partie de la solution, mais, en même temps, quand on
dit : Tout le monde s'en occupe, il n'y a plus personne qui est
responsable. Donc, c'est cet équilibre-là que vous allez trouver.
M. April (Michel) : ...de
dossier.
M. Roberge : Bien, je vous
remercie beaucoup pour votre présentation.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci. Alors, Mme Quirion,
M. April, M. Turcotte, Mme Desrochers, merci beaucoup
pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants afin
de permettre à la représentante de la Clinique juridique Juripop de prendre
place. Merci.
(Suspension de la séance à 20 h 30)
(Reprise à 20 h 32)
La Présidente (Mme de Santis) : Nous
reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à la représentante de la Clinique juridique Juripop. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et ensuite nous
allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je
vous invite à vous présenter et ensuite à commencer votre exposé.
Clinique juridique Juripop
Mme Gagnon (Sophie) : Merci, Mme
la Présidente. Donc, mon nom est Sophie Gagnon. Je suis directrice générale
de la Clinique juridique Juripop et avocate de formation. Alors, tout d'abord, je souhaite remercier la commission de son invitation à nous
entendre sur ce projet de loi, qu'on salue et qu'on trouve très important.
Alors, quelques
mots sur la Clinique juridique Juripop, que vous connaissez peut-être.
Il s'agit d'un organisme à but non
lucratif qui a été fondé en 2009, et,
chez Juripop, on offre des services juridiques aux citoyens
qui sont exclus de l'aide juridique gouvernementale, d'une part, et, d'autre part, on organise plusieurs
projets qui visent à rapprocher le droit du citoyen. Et on se distingue en
étant présents sur le terrain, en étant un organisme d'intervention juridique de première ligne. Par ailleurs, chez Juripop, on travaille également
de près avec les associations étudiantes, on rend des services
juridiques à leurs exécutants et à leurs
membres, et je trouvais important de vous le souligner, parce que notre
démarche dans le cadre de l'étude du projet de loi est notamment
informer de nos échanges et nos expériences avec les associations étudiantes et
les étudiants.
Un mot
également sur notre récente initiative en matière de violence à caractère
sexuel, qui a, elle aussi, largement influencé notre approche dans le
cadre du projet de loi. Les 27 et 28 octobre dernier, dans la foulée du
mouvement #moiaussi, Juripop, en collaboration avec les principaux syndicats du
milieu culturel et, notamment, le CAVAC de Montréal,
avons organisé une clinique juridique et sociale qui était destinée aux
survivants d'agression sexuelle. Et donc ça s'est tenu au bureau du CAVAC à Montréal, et on avait une douzaine
d'intervenants, des avocats et des intervenants sociaux qui ont donné des informations aux victimes
d'agression sexuelle, et nos apprentissages ont influencé notre
démarche.
Pour rentrer
dans le fond de notre mémoire, ce que je vous propose, c'est de vous exposer
nos six grands axes d'intervention et de vous les résumer.
Alors, le
premier, et c'est vraiment le plus important — plutôt que de commenter chacun des articles
du projet de loi, on a préféré s'intéresser aux articles qui relevaient
vraiment de notre compétence et de la mission de notre organisation — le
premier étant évidemment les questions d'accès à la justice et d'accès à
l'information juridique. On a été très surpris, dans notre expérience de
la fin du mois d'octobre, de constater le peu d'informations que le public détenait quant au traitement judiciaire des
plaintes pour agression sexuelle, et je m'explique. Les gens savent, quand
on a subi un viol il y a deux ans, qu'on
peut aller à la police. Par contre, quand on a subi des attouchements sur le
milieu du travail dans les
années 80, la chose est beaucoup plus floue. On se questionne quant à
savoir quel est le délai de prescription qui s'applique à ça; ensuite, s'il y a un procès criminel qui va en
découler, qui va devoir en porter les frais. Alors, pour nous, les avocats, évidemment, les réponses à ces
questions-là sont évidentes, mais pour les victimes elles ne le sont pas. Et
c'est, à notre sens, primordial que ces informations-là soient partagées aux personnes qui se prévaudraient de la politique adoptée par les établissements d'enseignement.
Alors, on a
constaté que la politique visait expressément les services d'intervention
psychosociale, qu'on faisait référence
aux corps policiers mais que l'information juridique et l'interaction avec le système
judiciaire n'avaient pas été considérées
dans le projet de loi. On fait donc des recommandations précises pour
que la politique soit à même de relayer certaines informations
en lien avec le traitement judiciaire des plaintes pour agression sexuelle. Je
parle, notamment, des activités
de formation obligatoires. À notre avis, elles devraient mentionner
expressément que des concepts juridiques soient relayés dans le cadre des formations. Même chose au paragraphe 3,
8°, du projet de loi. On recommande fortement que les services
juridiques soient offerts au même titre que les services d'intervention
psychosociale par les établissements d'enseignement.
Un mot également
sur l'importance du travail des organismes communautaires
spécialisés en matière de
violence sexuelle. Je crois que vous avez eu
le bénéfice d'entendre le Regroupement des CALACS un peu plus tôt aujourd'hui.
Alors, c'est un exemple parmi plusieurs
autres d'organismes communautaires qui existent pour soutenir les
personnes qui décident de dénoncer ou de
faire face à un événement lié à des violences à caractère sexuel. Et un peu
plus tôt, pendant que j'attendais mon
tour, j'ai pu bénéficier des commentaires des représentants qui me précédaient, là, les
représentants des collèges privés, et
eux-mêmes mentionnaient que leurs personnels spécialisés en intervention
psychosociale, comme les infirmières,
n'étaient par ailleurs pas nécessairement formés en
matière de violence sexuelle. Alors,
plutôt que de réinventer la roue, ce serait, à notre avis, très utile et
pertinent de faire appel aux organismes communautaires qui existent déjà et qui
sont très outillés sur ces questions-là.
Alors, encore une fois, au niveau des recommandations
plus particulières, ce serait d'inclure les organismes communautaires spécialisés en
matière de violence sexuelle à l'article 5, qui prévoit que les établissements d'enseignement peuvent
conclure des ententes avec des ressources externes pour fournir des services à
l'interne.
Par ailleurs,
on salue l'intention du projet de loi de prévoir un délai d'intervention maximal à
l'intérieur duquel certaines actions prévues à la politique vont devoir
être déployées. Par contre, on croit très utile que ce délai-là soit quantifié
au sein du projet de loi. Notre préoccupation est fondée sur la prémisse qu'à
notre avis les personnes qui décident de
dénoncer une violence à caractère sexuel, que ce soit à son université, à son
cégep ou à la police, vont sûrement faire
ces dénonciations-là de manière concomitante. Donc, à notre avis, si on
souhaite que les services prévus à la politique soient utiles, ils doivent parvenir pendant que la personne est aux
prises avec une dénonciation policière. Alors, si une personne se tourne vers la police et vers son établissement d'enseignement en même
temps mais que les services
offerts par l'établissement d'enseignement ne parviennent que des mois plus
tard, ça va être, à notre avis, une opportunité ratée de soutenir l'étudiant ou
l'étudiante.
J'ai parlé de
notre expérience avec les associations étudiantes, et on salue la préoccupation de la ministre de les intégrer
au sein du projet de loi. Par
contre, nous avons remarqué que les associations étudiantes sont considérées au même titre que n'importe quel
autre intervenant, c'est-à-dire l'établissement d'enseignement lui-même, les
dirigeants et ses employés. Par contre,
les associations étudiantes sont particulières, ont plusieurs
particularités, dont le fait qu'elles sont dirigées par des jeunes, par des pairs, des étudiants qui font ça de
manière bénévole, de manière parallèle à leurs études. Et c'est, à notre sens, primordial que les associations étudiantes ne deviennent pas des forums de dénonciation, d'une
part, et, d'autre part, qu'elles soient
particulièrement outillées pour savoir comment gérer les dénonciations si elles
se retrouvent, malgré elles, à devenir de tels forums de temps à autre.
Finalement,
un aspect qui nous semblait important.
Lors de notre clinique, on a également
constaté que la majorité des
personnes venaient nous parler d'un événement qui s'était déroulé il y a très longtemps : c'était soit il y a plusieurs années, voire plusieurs décennies.
Et c'est un constat qui trouve écho dans les statistiques qui sont compilées
par le Regroupement des CALACS, que vous
avez rencontré plus tôt aujourd'hui. Alors, selon eux, c'est 42 % des femmes
qui attendent 13 ans et plus avant de faire appel aux services d'un CALACS, et
là on ne parle même pas de dénoncer formellement une agression sexuelle, on
parle simplement d'aller chercher de l'aide pour soi-même.
Alors, on est
fondés de penser que le processus de dénonciation à un établissement
d'enseignement est susceptible d'être long, de prendre plusieurs années.
Or, les personnes fréquentent un établissement d'enseignement supérieur habituellement pour une durée d'entre deux et cinq
ans. Donc, encore une fois, si on veut que la politique atteigne ses objectifs et qu'elle soutienne les gens qu'elle
doit soutenir, c'est-à-dire ceux qui ont vécu une violence en lien avec
leurs études, à notre avis, il va être
essentiel que la politique soit non seulement disponible physiquement,
c'est-à-dire accessible, notamment,
sur Internet, mais que les services soient également offerts aux personnes qui
ne fréquentent plus l'établissement d'enseignement.
Alors, je vais clore mes remarques ici, et il va
me faire plaisir de répondre à vos questions.
• (20 h 40) •
La Présidente (Mme de Santis) : Vous
avez encore une minute.
Mme Gagnon (Sophie) : Je
préfère en faire don aux membres de la commission. Merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Alors, merci pour votre exposé. Alors, nous débutons la période
d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme David :
Oui. Alors, merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre présence. Même en solo,
c'est extrêmement intéressant. Et
bravo de tenir toute seule le fort au nom de l'organisme, et de répondre à nos
questions, et d'avoir écrit un mémoire, et etc.
Effectivement, on a eu quelques avocats, pas
tant que ça, mais on en profite. On va en profiter pour tirer le maximum...
parce qu'il y a des considérations juridiques pas tout à fait simples, et je ne
vais pas nécessairement vous amener dans des territoires toujours faciles,
mais, au meilleur de votre jugement que... je suis sûre, est tout à fait
présent et éclairé, vous allez peut-être pouvoir nous éclairer.
Alors, la
question qui me taraudait et qui me taraude toujours, et je vais vous amener
tout de suite là-dessus, c'est la question des codes de conduite et
relations intimes et sexuelles entre personnes en situation d'autorité et/ou
relation pédagogique. En fait, il y a toutes
sortes de termes, mais on pense qu'il y a un certain consensus pour dire
«quelqu'un qui est en relation où il y a une évaluation ou qui a même une
relation d'aide», comme dit la Fédération des cégeps. Je ne sais pas où vous logez exactement en rapport avec
ça, parce qu'il y a des considérations de charte, il y a des
considérations de droit, c'est des adultes
consentants, en principe, consentants, mais relation d'autorité n'égale
peut-être pas consentement. Puis je
vais vous compliquer la vie en disant que, dans les mouvements étudiants, il
n'y a pas unanimité dans les positions. C'est-à-dire que, par exemple, la campagne Sans oui, c'est non!, ça
serait : pas de relation, interdiction complète dans ces cas-là, je répète, autorité, relation d'aide ou
relation pédagogique. Et Ni viande ni objet, eux sont plutôt dans un code
de conduite où il y aurait un dévoilement,
donc, mis un peu comme sur la base d'un conflit d'intérêts, mais on dévoile
puis on prend peut-être des mesures
d'accommodement. Donc, ce n'est pas exactement les mêmes positions. Mais les
associations étudiantes, quant à elles, sont
plutôt du côté de l'interdiction complète, la Fédération des cégeps aussi,
l'Association, comme vous avez entendu, des collèges privés, mais pas
les universités. En tout cas, on navigue beaucoup là-dedans.
Vous avez conseillé des associations étudiantes,
vous êtes dans le juridique par-dessus les oreilles, donc j'aimerais ça vous
entendre si vous avez une opinion là-dessus.
Mme Gagnon
(Sophie) : On a décidé, à dessein, de ne pas traiter de cette
question-là dans notre mémoire parce qu'on
préférait limiter notre intervention aux questions qui relevaient de l'accès à
la justice, et donc c'est peut-être moi qui vais vous compliquer la vie
en vous répondant qu'on n'a pas de position ferme sur le sujet.
Par contre,
ce que je vais souligner, c'est ce qu'on saluait de la part du projet de loi,
c'est que l'intention d'avoir une politique qui traite explicitement et
exclusivement des violences à caractère sexuel, selon nous, ça permet de souligner l'importance que ces situations-là
occupent et doivent occuper sur le milieu universitaire et postsecondaire.
Et il faut faire attention de ne pas faire un amalgame entre relations
romantiques et violences à caractère sexuel.
Alors, mon
commentaire serait plutôt de... sans qu'il y ait de contenu définitif, là, serait de souligner l'importance
de rester cohérent dans le traitement, vraiment, des violences à caractère
sexuel et que les mesures de prévention des relations romantiques s'inscrivent
dans une démarche de prévention des violences à caractère sexuel, d'où peut-être
la nécessité de distinguer entre les établissements les cégeps et les universités, là, où les relations de pouvoir n'ont
pas la même signification.
Mme David : O.K. Alors, je vais respecter votre position, qui est
conforme à la mission de votre organisme, de toute façon. Alors, je vais
vous amener sur ce terrain-là, qui est très intéressant, parce que
vous avez donné... et vous nous sensibilisez
à un aspect avec lequel je suis tout
à fait d'accord, donc on n'aura pas à
discuter longuement du pourquoi. Mais j'aimerais
vous entendre plus quand même sur, et je le disais avec les intervenants
précédents, à quel point les étudiants sont
assez perdus, perplexes et ignorants de ce qu'est vraiment
une agression à caractère sexuel, une violence, où commence le consentement, où il termine. Bon, les campagnes Sans oui,
c'est non!, Ni viande ni objet en parlent énormément, mais, ceci dit, ils ne sont pas capables de
déterminer... ou ils ont de la difficulté, d'une
part, à dire : Est-ce que
j'ai été victime d'une agression? Et,
après ça, je pense que toute la question de l'information, des démarches juridiques et de l'information juridique est très,
très manquante.
Alors, je pense
que l'information juridique pourrait facilement être ajoutée dans
tout ce qui est formation. C'est un peu prévu, mais vous mettez plus
l'accent là-dessus. Qu'est-ce que vous pourriez apporter si justement vous
étiez mandatés, là, ou les gens disaient : O.K., Juripop a une expertise là-dedans?
Comment vous procéderiez?
Mme Gagnon
(Sophie) : Je vais répondre
en deux temps. Premièrement, une remarque préliminaire. Alors, c'est
sûr que, selon nous, évidemment, avoir de l'information juridique, c'est
important. Par contre, c'est important que la notion de violence à caractère sexuel
ne soit pas réduite au concept juridique et criminel d'agression sexuelle. Puis
d'ailleurs le projet de loi fait très
bien l'effort de la définir de
manière très large. Ce n'est pas parce
qu'une violence ne donnerait pas lieu
à une accusation au criminel qu'elle ne doit pas être dénoncée, qu'elle ne doit
pas être sanctionnée. Alors, même si
on souligne l'importance d'avoir une approche plus juridique, dans la
politique, c'est important qu'on ne soit pas obnubilés par le juridique, parce que le risque serait de ne pas traiter
d'événements violents qui doivent être traités. Alors, ceci sera ma
remarque introductive.
Et ensuite, pour répondre au fond de votre question,
dans notre événement de la fin du mois d'octobre, on avait deux types d'intervention : on offrait des consultations confidentielles avec des avocats et avec des intervenants sociaux, mais on avait également
un panel, qu'on a répété à deux reprises pendant la fin de semaine, qui était constitué d'une
intervenante du CAVAC et d'un avocat criminaliste qui décrivait de manière
étapiste la progression d'une plainte à la police pour agression
sexuelle, donc les étapes, une fois
qu'on a pris le téléphone pour appeler la police, jusqu'au prononcé de la sentence au procès criminel, concrètement, qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce que la victime
va avoir à prouver, qui va pouvoir l'aider à le faire, etc., et ensuite
un aperçu plus théorique, là, des concepts, comme vous le dites, d'agression sexuelle et de consentement. Et on a été vraiment
heureux de constater que ce format de panel là répondait très, très bien
aux questions de plusieurs personnes qui étaient présentes. On était un petit
peu réticents. C'est le CAVAC qui avait suggéré
ça, et moi personnellement, j'étais incertaine du format. Je m'attendais à ce
que les gens qui avaient vécu une violence
à caractère sexuel soient réticents à participer puis à poser des questions,
mais, au contraire, on a vu qu'il y avait beaucoup d'intérêt et que des questions de la part de l'audience
permettaient de répondre aux questions d'autres personnes. Donc, une
formation comme ça, de type interactif, était, selon nous, très intéressante.
Et par
ailleurs, au niveau des services qu'on pourrait offrir, ce serait d'avoir un
guichet unique... là, je reprends des concepts
qui ont déjà été mentionnés précédemment, mais un guichet unique où des avocats
seraient disponibles pour répondre à
des questions ponctuelles, sans tomber dans le conseil juridique, mais vraiment
au niveau de l'information juridique,
à savoir, comme je vous disais, le déroulement du procès criminel, la
possibilité ou non d'obtenir compensation financière à travers le
système criminel ou plutôt le système civil. Alors, d'avoir un guichet unique
disponible par téléphone ou en personne où des avocats spécialisés
de chez Juripop ou d'ailleurs seraient capables d'éclairer et de fournir de l'information
juridique aux étudiants.
• (20 h 50) •
Mme David : Alors, est-ce
que c'est à ça que vous faites
référence — j'avais
pris une note — offrir
des services juridiques autant que psychosociaux, dans l'espèce de
bouquet de mesures qui devraient être à la disposition d'une étudiante ou d'un étudiant, où les choses se
passent vite souvent? Et effectivement je suis complètement d'accord
avec vous qu'il faut à la fois peut-être
accompagner... si vraiment la situation le justifie et que la victime est
consentante, il faut aller jusqu'à une plainte qui entame un processus
juridique mais qu'il y ait en même temps un soutien psychosocial au niveau de
l'institution d'enseignement.
Alors, est-ce
que c'est un peu à ça que vous faisiez référence quand vous dites : Offrir
des services juridiques, c'est de
l'information qui peut être disponible au besoin, au cas par cas aussi pour des
victimes qui viennent consulter à ce guichet?
Mme Gagnon
(Sophie) : Exactement. Parce qu'il faut savoir qu'une victime qui
décide de porter plainte à la police n'a
pas, de ce fait même, un statut dans le processus criminel, malheureusement,
donc elle ne se verra pas attribuer un avocat.
Les procureurs de la couronne sont disponibles de temps à autre, mais leur rôle
premier n'est pas d'accompagner la victime. Alors, on voit une utilité
évidente à ce que les victimes soient accompagnées par avocat dans le cadre de
ce processus-là.
Mme David :
Et vous parlez... je sors un petit peu, là, du sujet, tout en étant dans le
juridique aussi, la question des délais.
Quand vous parlez de 45 jours, c'est pour traiter un dossier dans une
plainte que nous, entre nous, ici, on appelle peut-être interne, c'est-à-dire administrative et non pas une plainte
policière, parce que ce n'est certainement pas nous qui allons dire au juge... et etc. C'est assez déjà
compliqué comme ça, là, les délais à la cour, et tout ça. Mais je pense
que ce à quoi vous faites référence, c'est les plaintes dans l'institution, où
vous suggérez quelque chose comme 45 jours. Ça a l'air d'être le chiffre
qui circule pour les associations aussi. Et il y aurait trois chiffres, en
fait, cinq, cinq et 45, là, c'est-à-dire
cinq jours pour prendre l'étudiant en charge immédiatement et tout de suite
faire des accommodements de type académique,
donc il faut tout de suite un comité qui existe déjà, qui a une certaine
expertise puis qui dit : Oui, je pense que, dans ce cas-ci, il y a à la fois la résidence, il y a le fait qu'elle
est dans le même groupe... enfin, qui analyse la situation; un autre cinq jours pour traiter la plainte un peu
plus loin, prendre des mesures de type plus administratif; et 45 jours
pour vraiment traiter la plainte sur le fond, comme aiment dire les avocats,
les juristes.
Et donc
est-ce que c'est réaliste dans un système juridique qui, des fois, peut avoir
toutes sortes de composantes?
Mme Gagnon
(Sophie) : Alors, premièrement, au niveau de la rapidité, nous, ce qui
nous préoccupe, comme je le disais en introduction, c'est que les
services qui sont visés au paragraphe 3, 8°, soient offerts à l'étudiant
vraiment de manière concomitante avec tout autre processus qui aurait une
interaction avec le processus juridique. Alors, ce que j'entends de votre
question, c'est que l'idée d'avoir un délai d'intervention maximal manque
peut-être de nuance et il y aurait peut-être
lieu de prévoir un délai d'intervention plus court pour le déploiement de
certaines actions. Et, encore une fois, celui qui, à notre avis, devrait
être raccourci ou du moins fixé par la loi serait celui prévu au
paragraphe 3.8°.
On est
conscients du fait que faire une enquête interne, ça peut prendre du temps. Par
contre, encore une fois, je mettrais
la commission en garde quant au désir de surjudiciariser des processus qui
n'ont pas besoin de l'être. Alors, toutes les garanties et les précautions qui font partie du système judiciaire,
surtout en matière criminelle, existent, parce que les sanctions possibles peuvent aller jusqu'à la
prison, qui sont la plus grande privation de liberté. Mais, quand on parle
de sanctions qui relèvent plutôt de la nature de l'accommodement administratif,
à notre avis, il est important de laisser la latitude nécessaire aux
établissements d'enseignement pour agir rapidement pour traiter ces
situations-là.
Mme David : Merci beaucoup. Je
vais tomber dans des choses un peu plus compliquées mais extrêmement importantes. J'ai beaucoup apprécié votre
distinction qu'une association étudiante ne doit pas être le lieu d'un forum
de dénonciation, puis on ne veut
certainement pas ça pour nos associations étudiantes, d'être prises avec cette
question-là. J'imagine que ce que vous proposez pour éviter qu'elles se
retrouvent dans cette situation-là, c'est qu'elles puissent rapidement référer aux services de ce guichet
unique, autant si c'est un employé de l'établissement ou... que les
choses passent par le même système, mais qu'elles ne soient pas dans les mains
d'une association étudiante.
Qu'est-ce que vous aviez en tête comme exemple,
exactement?
Mme Gagnon (Sophie) : C'est
exactement ça. Donc, on voulait, d'une part, souligner l'importance que les associations étudiantes ne soient pas un forum de
dénonciation, mais on est conscients du fait qu'il est possible que
certaines personnes décident de se confier à
leurs pairs avant de se confier à l'établissement d'enseignement. Et, dans ce
scénario-là, on croit très important que les
associations étudiantes soient parfaitement formées et parfaitement outillées
pour savoir qui appeler, quand
appeler, de manière à n'agir vraiment que comme courroies de transmission et
non pas comme forums de dénonciation. Et ça fait le pont avec nos
préoccupations quant à l'imposition d'un délai d'intervention maximal. En l'absence d'un délai d'intervention maximal, une
association étudiante pourrait se trouver de facto à être le corps qui
se trouve saisi d'une dénonciation pendant plusieurs semaines. Alors, c'est
important qu'il y ait une réaction très rapide de la part de l'établissement.
Mme David :
Et une prise en charge, dans le fond, pour que l'association n'ait pas à porter
ça seule pendant tout ce temps-là. Je comprends bien puis je pense que
c'est très important d'apporter cette nuance.
Maintenant, l'autre, le dernier sujet — je laisserai la parole, j'espère que j'aurai
le temps, pour un collègue — la question
des diplômés. Vous avez justement eu... et on le sait, c'est ça dans toutes les
recherches, et tout le monde l'a dit, les dénonciations, bon, il y en a
qui peuvent se faire sur le coup... accommodements académiques qui ne mènent
pas nécessairement non plus à une plainte
policière, on le sait. Mais, dans vos consultations que vous avez pu avoir,
vous avez dit : Des gens qui sont venus après des décennies,
après... Mais, à ce moment-là, si ça s'est passé, par exemple — et
vous avez peut-être eu des cas de ça, je ne sais pas — dans
un collège ou dans une université, vous proposeriez à la personne, même si elle
a 35, 40 ans, de, quoi, retourner au collège ou à l'université pour se
faire suivre plutôt qu'un CALACS? J'essaie juste de voir le cas de figure, là.
Mme Gagnon
(Sophie) : Donc, deux choses. La première est qu'encore une fois les
ressources qui sont disponibles, notamment
les CALACS, demeurent méconnues du public. Alors, il est très plausible qu'une
personne, même si elle est, en théorie, admissible aux services d'un
CAVAC, ne pense pas à s'y tourner. Et donc, selon nous, ce serait important que cette personne-là puisse avoir un
interlocuteur au sein de son établissement d'enseignement. Puis on est
tout à fait conscients que, dans un tel
scénario, l'intervention de l'établissement d'enseignement serait relativement
minime. Ce serait tout simplement d'offrir à
l'ancien étudiant les services prévus à l'article 3, 8°,
mais toutes les questions qui relèvent de l'accommodement administratif
ou de l'enquête ne seraient plus nécessairement pertinentes. Mais on voyait que
l'établissement d'enseignement avait une
sorte de responsabilité morale, si c'étaient des violences à caractère sexuel
qui s'étaient déroulées en son sein, de
continuer d'épauler et de référer son ancien étudiant vers les ressources
appropriées, premièrement.
Et, deuxièmement, on
a été confrontés à des personnes qui avaient été victimes d'agression au sein
de leurs établissements d'enseignement et
que le perpétrateur était toujours à l'emploi de l'établissement
d'enseignement. Le milieu de
l'éducation, c'est un milieu où il y a quand même... Dans la mesure où les professeurs
peuvent rester à l'emploi d'un établissement d'enseignement pendant
plusieurs années, pendant plusieurs décennies, alors, à notre avis, au niveau
de la prévention, c'est vraiment essentiel que l'établissement d'enseignement
soit mis au courant, même si plusieurs années après le fait... qu'un de ses
employés est susceptible de commettre des gestes comme ça.
Malheureusement,
je n'ai pas de recherche à vous proposer tout de suite, mais, dans des
situations où des violences à
caractère sexuel sont commises par une personne en situation d'autorité envers
une personne plus jeune, ce n'est pas inhabituel que ce soient des
choses qui sont répétées avec plusieurs étudiants, et — je
vais parler de la perspective d'un
avocat — si on
veut, par exemple, déposer des actions collectives ou si on a besoin, des fois,
d'avoir accès à des listes de
diffusion pour pouvoir retrouver certaines personnes à qui ça peut être
arrivé... à savoir, comment les établissements d'enseignement pourraient être impliqués là-dedans, c'est une autre
question, mais on tenait à vous souligner la pertinence d'impliquer les établissements
d'enseignement pour des événements qui se sont déroulés il y a plusieurs
années.
• (21 heures) •
Mme David :
C'est intéressant. Je voudrais prendre quelques minutes, si mon collègue me
pardonne, pour approfondir un petit peu cette question-là parce qu'elle est
fort importante.
J'essaie d'imaginer
un cas de figure où un étudiant a quitté depuis cinq ans, disons, ne disons pas
l'exemple de 25 ans, là, mais cinq ans, et
il est vraiment arrivé quelque
chose avec quelqu'un
en situation dite d'autorité, de lien, de relation académique ou quelque chose comme ça. Donc, on parle... puis là peut-être que j'erre complètement puis que... je ne suis pas
juriste, alors je ne veux pas dire n'importe quoi, mais l'étudiant vient donc
porter plainte mais sans nécessairement le faire à la police, mais le faire dans l'institution d'enseignement en dévoilant qu'il lui est arrivé quelque chose
avec tel professeur. Qu'est-ce que fait l'université par rapport à... Parce que, là, je sais qu'on parle de prescription puis de temps de prescription dans le système
juridique pénal, mais là on est dans une université, disons. Est-ce que
tout ça peut s'appliquer, c'est-à-dire qu'il pourrait revenir n'importe quand, à la limite, après puis
dire : Oui, ce professeur-là, il
y a cinq ans, il y a
10 ans, il y a 15 ans, il est arrivé telle chose? Et c'est de là
dont vous dites : Bien, il pourrait y avoir des... tu sais, les gens pourraient dire : Bien là,
c'est comme la troisième fois, parce qu'il y en a eu un l'an dernier qui est
venu se plaindre du même professeur. Est-ce que c'est à ça que vous pensez? Et
c'est faisable et c'est pensable de faire une dénonciation ou un dévoilement, plusieurs
années après, à une institution? Oublions la plainte au pénal.
Mme
Gagnon (Sophie) : Absolument.
Et puis, juste pour bien comprendre votre question, est-ce que vous
me demandez s'il y a un délai quelconque à
l'intérieur duquel un établissement d'enseignement devrait poser des actions, a le droit de
poser des actions? Oui?
Mme David :
Oui.
Mme
Gagnon (Sophie) : Alors, les
délais de prescription sont... bien, au criminel, il n'y en a pas, puis, en
matière civile, c'est un délai de
30 ans depuis 2013, et puis c'est important de comprendre que c'est des délais pour faire
valoir des droits en justice, puis le délai de prescription commence à courir
au moment où la personne qui a des droits à faire valoir avait eu connaissance de l'infraction ou de la faute. Alors, évidemment,
si un établissement d'enseignement
n'était pas au fait que quelque chose se déroulait, le délai de prescription n'a tout simplement pas commencé à courir. Alors, même
si on parle de quelque chose qui s'est passé il y a 20 ans, dans la
mesure où l'établissement d'enseignement
n'en avait pas été avisé plus tôt, bien, son droit ne sera pas prescrit, et
elle pourra prendre toutes les mesures juridiques, là, pour le sanctionner.
Mme David :
Et, comprenons-nous bien, je ne parle pas de mesures juridiques, je parle de
sanctions, disons, administratives. Un
étudiant vient dire : Il est arrivé telle chose avec tel professeur, je ne
veux pas la police, je ne veux pas aller dans un recours
au civil ni au pénal, rien de ça, je veux juste vous dire à vous, l'université,
que... et, comme vous dites, peut-être qu'il
y a eu d'autres victimes, peut-être que... Alors, moi, je vous dis ça, que
c'est arrivé. Moi, je veux me faire aider par un psychologue, etc., ça,
c'est mon suivi à moi.
Mais
que fait l'université par rapport à une sanction administrative ou pas ou pas
de mesure, en disant : Bien là, ça fait 20 ans, on n'est pas
pour réunir un comité puis faire une sanction disciplinaire interne, à
l'université, genre suspension une semaine,
deux semaines, trois semaines, un an, deux ans, trois ans, voire expulsion?
Est-ce que tout ça peut se passer, même si ça fait x années que les
choses se sont passées?
Mme Gagnon
(Sophie) : Bien, certainement, et j'irais même jusqu'à dire que ça
doit se passer, parce qu'un établissement
d'enseignement a la responsabilité d'assurer la santé et la sécurité de ses
employés et de ses étudiants. Et donc, si
elle est mise au fait d'une situation qui pourrait porter atteinte à cette
santé et à cette sécurité-là, dont des violences à caractère sexuel,
bien, je vous dirais que, oui, l'établissement d'enseignement doit agir.
Mme David :
O.K. Ça donne une belle...
La Présidente (Mme
de Santis) : Il reste une minute.
Mme
David : Une minute? Bien, en tout cas, ça donne des belles matières à
réflexion. Donc, moi, je vais donner ma minute aussi à qui la veut. Et
je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci, Mme la ministre. Maintenant, la parole est à la
représentante de l'opposition officielle, la députée de Marie-Victorin.
Mme
Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup d'être là ce soir,
tard, en commission parlementaire avec nous. Je pense que vous
contribuez grandement, là, à l'avancée de nos travaux, donc je vous en
remercie.
J'aimerais
peut-être que, d'entrée de jeu, vous puissiez nous parler de l'action
spécifiquement de votre organisme, donc
de Juripop, peut-être en lien justement avec les violences à caractère sexuel
sur les campus. Tantôt, vous avez fait mention notamment que vous aviez
organisé des cliniques, suite aux vagues de dénonciation, par exemple, avec le
mouvement #moiaussi. Je suis curieuse de le savoir.
Est-ce
que vous intervenez souvent aussi au sein des établissements d'enseignement
supérieur sur la question des violences à caractère sexuel pour faire de
l'accompagnement, par exemple, de victimes? Donc, j'aimerais avoir un petit
état de la situation.
Mme
Gagnon (Sophie) : C'était la première fois qu'on était approchés pour
traiter des violences à caractère sexuel. On est souvent présents sur
les campus. On offre des cliniques juridiques gratuites sur les campus
universitaires et les cégeps, mais, en
matière spécifiquement de violence à caractère sexuel, c'était la première
fois. Mais depuis je reçois, à chaque
semaine, des appels d'institutions d'enseignement ou non qui veulent avoir le
soutien d'un avocat ou d'une entité avec des avocats pour traiter ces
questions-là. Alors, on voit vraiment qu'il y a un besoin à cet égard-là.
Mme
Fournier : Oui, parce qu'on a tendance à beaucoup parler,
effectivement, du soutien aux victimes, le soutien psychosocial, tout ça, mais
des fois aussi, quand les victimes souhaitent dénoncer, elles ont besoin d'un accompagnement justement de nature davantage
juridique. Puis c'est un peu aussi ce qu'on peut retrouver... Par
exemple, quand on parle du présent projet de loi là, oui, il faut que les
victimes puissent être accompagnées au sein même des établissements d'enseignement, donc, si elles souhaitent loger des
plaintes. Mais elles doivent être accompagnées, si les victimes souhaitent aller plus loin puis déposer
une plainte, là, en matière criminelle, par exemple. Donc, tantôt, vous
avez parlé des lacunes informationnelles
aussi, que les étudiants, étudiantes qui pourraient avoir besoin de ce type
d'accompagnement là ne sont pas nécessairement outillés pour le faire.
Donc,
à votre avis, quelles mesures, quelles ressources devraient être consacrées au
sein des établissements pour être
bien certains que les personnes qui ont besoin de ce type d'accompagnement
puissent avoir l'aide dont elles ont besoin?
Mme
Gagnon (Sophie) : Alors, il y a
différents remèdes. Le remède le plus complet, ce serait évidemment la présence d'un avocat sur place. Mais je comprends que les ressources
sont évidemment limitées. Mais, sinon, la manière la plus simple de répondre à ces besoins-là, ça
pourrait être de tout simplement avoir des guides informatifs sur le droit
qui est applicable aux violences à caractère
sexuel ainsi que sur le traitement judiciaire des plaintes pour agression
sexuelle, puis, encore une fois, ce serait de faire le pont avec les organismes communautaires qui sont spécialisés en la matière. Donc, il y a
Juripop. Il y a également l'association québécoise pour le... l'acronyme est AQPV, le détail des... m'échappe.
Mais eux sont des experts en matière
d'information juridique des violences à caractère sexuel. Alors, il y aurait
moyen de recycler les ressources qui sont déjà existantes et de les
rendre disponibles aux étudiants d'un établissement d'enseignement.
Mme
Fournier : Parce que
justement, dans ce point-là, dans votre mémoire vous parlez beaucoup
de la formation qui est nécessaire, justement, pour que l'information, elle puisse se rendre directement sur le terrain. Puis, bon, il
y a des mesures contenues dans le projet de loi, je pense, qui sont très bonnes aussi, qui incluent justement
ce besoin de formation. Il y a aussi, par
exemple, des associations étudiantes comme la FECQ, par
exemple, qui nous ont dit qu'ils
souhaitent qu'il puisse y avoir de la
formation, par
exemple, au début de chaque session,
que la formation soit donnée à tout le monde. Comment vous le voyez dans le concret? Est-ce que
vous pensez que ce serait une bonne solution?
Vous parlez de matériel disponible,
j'imagine, sur papier, sur Internet, mais comment on le rend vraiment dans une plus large diffusion, si
on veut?
Mme Gagnon
(Sophie) : Chez Juripop, on croit beaucoup à l'intervention sur le
terrain et vraiment au rapprochement du
droit et du citoyen. Puis, sous cet angle-là, puis c'est l'approche qu'on a
utilisée pour les violences à caractère
sexuel, c'est le panel dont je
parlais plus tôt, à savoir d'avoir un avocat qui est disponible, qui fait une
présentation magistrale de certains concepts
clés et qui est disponible par la suite pour répondre à des questions. Les questions
revenaient et se répétaient de manière
générale. Il n'y avait rien de très sorcier, du moins pour un avocat. Alors,
d'avoir, pour reprendre la suggestion
de la FECQ, un avocat conférencier qui pourrait être un employé de la fonction
publique, qui fait sa tournée des établissements d'enseignement
supérieur pour donner des conférences sur le sujet, donc des... ça pourrait
être des formations aux personnes visées par le projet de loi, mais également
des conférences ouvertes à tous les étudiants qui fréquentent un établissement
d'enseignement supérieur pour répondre à ces questions-là, non seulement ça
atteint les objectifs de formation, mais ça atteint aussi des objectifs de
sensibilisation.
Puis
je reprends les préoccupations de la ministre David, à savoir que, des fois, on
a de la difficulté à comprendre juridiquement
ce qui constitue une agression sexuelle. À notre avis, des formations comme ça,
des conférences comme ça
permettraient de sensibiliser les étudiants sur les sanctions qui sont
disponibles en droit pour une vaste étendue de comportements, là.
• (21 h 10) •
Mme
Fournier : Mais, lorsqu'on
parle de conférences, on parle souvent d'activités quand même qui se font sur une base volontaire, donc ça peut interpeller une
certaine clientèle étudiante mais ne pas nécessairement en interpeller
d'autres, alors que peut-être un étudiant ou une étudiante va vivre une
situation de violence à caractère sexuel, qui n'aura pas nécessairement assisté
à la formation par manque d'intérêt peut-être à ce moment-là. Donc, c'est pour
ça notamment que la FECQ proposait que la
formation puisse être donnée à tous les étudiants, par exemple, au début de
chaque année ou au début de chaque session, sur un modèle plus
obligatoire. Est-ce que ça serait une bonne avenue, selon vous?
Mme Gagnon
(Sophie) : Je dois vous avouer ne pas y avoir réfléchi en profondeur.
Par
contre, une préoccupation qui me vient à l'esprit rapidement est celle du
concept de l'espace sécuritaire, là. Parler
de violence à caractère sexuel, ce n'est pas évident. Et je veux faire un
parallèle avec les formations obligatoires en matière de préjugés
inconscients et de biais implicites. Il y a de la recherche qui suggère que
forcer des personnes à participer à de
telles formations peut avoir l'effet négatif de renforcer les préjugés
inconscients et les biais implicites. Puis donc la conclusion de l'étude, c'est que des personnes qui participent à
de telles formations doivent avoir une prédisposition d'esprit pour recevoir ces concepts-là. Il y a
peut-être des parallèles à tirer en matière de violence sexuelle. En tant
que femmes, on peut facilement se faire
ridiculiser quand on avance que justement un attouchement constitue une
agression sexuelle. Ce serait, à mon sens,
important de s'assurer que la participation obligatoire n'ait pas pour effet
d'amener des pensées, des
commentaires cyniques, négatifs ou non constructifs dans des espaces qui se
veulent sécuritaires. Alors, il faut faire attention. Des fois, en
voulant trop bien faire, on fait mal. Alors, vu la sensibilité du sujet, là, il
faudrait définitivement de la réflexion sur ça.
Mme
Fournier : C'est un point extrêmement intéressant que vous amenez,
dans le fond, peut-être davantage de conscientisation aussi avant de se
rendre à une espèce de formation sur le côté plus juridique des choses qui
pourrait justement entraîner ce type de stigmatisation là. Donc, merci pour
votre éclairage là-dessus.
Dans votre mémoire,
vous parlez aussi des liens avec les ressources externes. Puis, dans les
consultations particulières, jusqu'à
maintenant, on a beaucoup parlé, notamment, du lien entre les associations
étudiantes, les établissements d'éducation
postsecondaire et, par exemple, le réseau des CALACS, auquel vous faites
mention aussi. Mais vous parlez aussi,
notamment, des CAVAC, donc des centres d'aide aux victimes, puis j'aimerais un
peu vous entendre là-dessus, sur la collaboration
que ces organismes communautaires pourraient avoir avec les établissements
d'enseignement postsecondaire.
Mme
Gagnon (Sophie) : Avec plaisir. Donc, nous, notre approche a été une
approche très inclusive au niveau des
organismes communautaires. Alors, on avait cinq ou six organismes
communautaires qui étaient présents à chaque jour. Et puis le domaine d'intervention de ces organismes communautaires
là est vraiment complémentaire l'un à l'autre, et les personnes les mieux placées pour vous répondre
seraient évidemment les représentants de ces organismes-là, mais, par exemple... et ma compréhension est évidemment
limitée, du fait que je n'en fais pas partie, mais ma compréhension est
que les CALACS, eux, c'est vraiment un groupe d'intervention, l'intervention va
varier d'une région à l'autre. Mais, à
Montréal, ça fonctionne beaucoup par des groupes de discussion, on vise à aider
la personne victime à se détacher des sentiments de honte qui sont
souvent liés à une agression sexuelle.
Les interventions du
CAVAC sont complémentaires. Eux possèdent, notamment, une unité d'intervention spécialisée en matière d'agression sexuelle qui
est présente dans les palais de justice, qui peut accompagner les
victimes, quand elles rencontrent des
avocats, pendant un procès. Ensuite, les CAVAC offrent aussi des services
d'accompagnement aux victimes lorsqu'elles décident de faire une demande
d'indemnisation pour les actes criminels auprès de l'IVAC. Donc, c'est des
services qui sont très utiles.
Alors, il y a
définitivement un avantage à faire appel à une pluralité d'organismes communautaires
et que la personne qui soit en charge d'un
éventuel guichet unique, d'une éventuelle hot-line soit formée pour référer les
étudiants à l'organisme communautaire approprié.
Mme
Fournier : O.K. Merci. Puis justement, sur les fameuses ressources
externes, il y a quelques groupes... en fait, deux groupes qui nous ont parlé des ressources... en fait, des corps
policiers comme quoi les corps policiers devraient être exclus de cette
disposition-là sur les ressources externes. J'aimerais avoir votre opinion sur
la question.
Mme Gagnon (Sophie) : Pour quelle raison?
Mme
Fournier : Pour les préjugés
auxquels ils ne pourraient peut-être par répondre, par manque de formation, notamment,
des policiers.
Mme Gagnon
(Sophie) : Ça, ça déborde peut-être
un peu de notre expertise, mais ce que je répondrais à votre question
est : l'exclusion ne me semble pas, intuitivement, être la meilleure
réponse, mais ce qu'il est important de comprendre
en matière de violence à caractère sexuel, c'est que... Puis moi-même, j'en suis la première coupable,
là, je parle beaucoup de dénonciation à la police dans mes
interventions. Par contre, ce n'est pas le seul chemin et ce n'est pas nécessairement le meilleur chemin pour toutes les
personnes survivantes. Et donc c'est clair qu'une interaction avec la police n'est pas nécessairement appropriée dans
toutes les situations, d'où la nécessité d'avoir d'autres ressources qui
vont vraiment être centrées sur les besoins psychosociaux de la personne
survivante. Alors, d'aller jusqu'à l'exclusion, je ne me prononcerai pas
là-dessus, mais, sur l'inclusion d'autres ressources, définitivement.
Mme
Fournier : Exactement. Donc, les corps policiers, peut-être bien, mais
surtout il faudrait inclure d'autres ressources externes comme les
groupes communautaires, comme vous le dites. C'est bien ça?
Mme Gagnon
(Sophie) : La dénonciation, c'est avant tout une démarche émotionnelle
et humaine plutôt qu'une démarche policière.
Mme
Fournier : Tout à fait. Merci. Finalement, ma dernière question serait
sur les délais d'intervention, donc du traitement des plaintes. Il y a
beaucoup de groupes, justement, qui l'ont amenée, les associations étudiantes,
tout ça. Vous fixez le moment à
45 jours. Est-ce que c'est parce que vous, sur le terrain, vous avez pu
constater aussi le fait que, des fois,
ça peut prendre beaucoup plus de temps que ça pour traiter les plaintes, et
donc de là, si on veut, la nécessité de venir le circonscrire à un délai
raisonnable de 45 jours?
Mme Gagnon
(Sophie) : Exactement. Et on n'a pas été capables de trouver et
d'avoir des chiffres précis sur les délais d'intervention, parce que la
politique reprend certaines mesures qui existent déjà dans certains
établissements d'enseignement. On s'est fait
dire, même si c'est de manière anecdotique, que, dans certains établissements
d'enseignement supérieur, ça pouvait prendre
jusqu'à six mois avant qu'il y ait une intervention. Alors, on sentait vraiment
utile de préciser l'importance de
prévoir un délai maximal qui se calculait en quelques jours, voire en quelques
semaines dans la politique.
Mme Fournier : Merci beaucoup. J'ai
terminé mes questions.
La Présidente (Mme de Santis) : Vous
avez terminé?
Mme Fournier : Oui.
La
Présidente (Mme de Santis) : Parfait. Alors, la parole, maintenant,
est au représentant du deuxième groupe d'opposition, le député de
Chambly.
M.
Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Donc, merci pour votre
présentation. C'est très intéressant. Vous amenez un point de vue
différent qu'on n'a pas eu jusqu'à présent, ça fait que c'est enrichissant, je
pense, pour les membres de la commission.
Je vais vous
relancer sur un domaine que vous connaissez bien, sur lequel vous avez déjà
parlé : à la page 5, l'offre de
services de soutien et d'accompagnement juridiques. On est dans la mission de
Juripop. Vous recommandez que les services
d'accompagnement juridique soient expressément prévus parmi les ressources
offertes, donc... puis on enrichit notre
vocabulaire à mesure que les auditions avancent, donc, il y a : recevoir
une dénonciation, ensuite il y a porter plainte, puis peut-être ensuite
aller de manière judiciaire. Donc, dans le cadre des deux premiers éléments,
qui sont internes au cégep ou à
l'université, soit juste accueillir la dénonciation ou porter plainte, ça
serait d'informer le... ou la victime de ce qui les attendrait s'ils
décidaient d'aller à la police.
Ma question,
c'est : Est-ce qu'au fond le meilleur groupe au Québec pour faire ça, ça
ne serait pas Juripop? Au fond,
est-ce que vous seriez, vous, et moyennant des ressources... Parce
qu'évidemment il faudrait vous donner les moyens de le faire, mais il me semble que ça serait exactement dans vos cordes
de faire ce genre de choses là. Et donc la réponse, c'est soit oui... ou
alors qui d'autre pourrait le faire?
Mme
Gagnon (Sophie) : Bien, certainement, nous, ça s'inscrit en continuité
avec non seulement notre mission, mais
nos expériences. Comme je le disais plus tôt, on est vraiment habitués d'être
sur le campus avec les établissements d'enseignement
supérieur, donc c'est une clientèle qu'on connaît très bien, qui nous ressemble
et qui nous fait confiance. Alors,
c'est sûr que ce serait en plein dans notre mission. Par contre, comme
n'importe quel organisme communautaire, c'est une question de ressources, là. Mais, pour
ce qui est de la cohérence avec la mission, nos intérêts puis la
compatibilité de la clientèle, c'est sûr que c'est une réponse favorable.
M. Roberge :
Donc, vous n'auriez pas besoin, évidemment, d'avoir un représentant Juripop en
tout temps, tout le temps, dans toutes les
institutions, mais simplement d'en avoir un ou une connus de l'établissement,
que ce soit le collège ou
l'université, pas trop loin, qu'on peut appeler et qui peuvent venir
rapidement. Pour vous, ça, c'est quelque chose de réalisable dans un
délai assez rapide, là.
• (21 h 20) •
Mme
Gagnon (Sophie) : Oui. Puis je vais d'ailleurs en profiter pour
mentionner que j'ai été très surprise de la difficulté qu'on a eue à recruter des avocats criminalistes pour nous
aider avec la clinique juridique et sociale. Et puis ce qu'on m'expliquait, c'est que, pour les avocats de
la défense, de participer à une
clinique comme ça, ça créerait des risques d'éventuels conflits
d'intérêts. Alors, si un avocat de la défense participe à une initiative comme
la nôtre et se met à conseiller une centaine
de victimes, un avocat dont les clients potentiels sont des éventuels accusés
pourrait se trouver à se couper de la
clientèle. Alors, ça a été difficile de trouver des avocats criminalistes
disponibles pour faire ce genre d'intervention, d'où l'intérêt de
trouver une ressource qui ne ferait pas des dossiers d'agression sexuelle, de
défense son gagne-pain.
M. Roberge : C'est là qu'on voit qu'effectivement ça prend une ressource assez spécialisée dans le domaine. En page 4, vous parlez des délais de
prescription applicables. À moins que je ne me trompe, pour l'IVAC, c'est deux
ans. Est-ce que... là, on sort un peu du cadre du projet de loi, mais, bon, on est dans le sujet, est-ce que vous ne pensez pas
que ça serait une bonne idée
d'enlever ce délai de prescription là? Parce que, bon, les blessures,
elles n'ont pas de délai de prescription.
Mme Gagnon
(Sophie) : Bien, c'est sûr.
En fait, je dirais même : Non
seulement les blessures n'ont pas de
délai de prescription, mais l'IVAC est basé
sur une conception où les blessures seraient concomitantes avec l'événement,
alors qu'en matière d'agression sexuelle ça arrive très souvent que les blessures sont refoulées par le corps et
qu'elles font surface des années,
voire des décennies plus tard. Alors, c'est sûr que le concept de prescription,
à notre avis, devrait être inapplicable en matière de violence
à caractère sexuel.
M. Roberge :
Ça va dans le même sens de ce que vous écrivez plus loin quand vous dites, dans
le fond, qu'il faudrait permettre, il
faudrait prévoir carrément que même d'anciens étudiants puissent porter
plainte à l'établissement. Donc, ça va
dans le même sens de dire : Bien, regarde, c'est quasiment normal que ça
prenne un certain temps avant que le survivant, la survivante, la
victime décide de dénoncer ou de porter plainte, donc ça va ensemble.
Mme Gagnon
(Sophie) : ...et, pour venir
à la défense de l'IVAC, ils ont effectivement un délai de deux ans. Par contre, il y a certaines exceptions. Une personne qui est capable
de démontrer que les blessures sont survenues des années après le fait va sans doute pouvoir se prévaloir
des services de l'IVAC. Par contre, c'est important de comprendre que le
simple fait d'avoir à faire cette
démonstration-là, bon, que les blessures sont survenues plus tard, ça constitue
un fardeau qui peut être suffisant pour empêcher une personne de même
essayer d'avoir accès aux services de l'IVAC.
Même
chose pour une poursuite au civil, où le délai de prescription est de
30 ans. Même s'il y a des exceptions et la jurisprudence est
favorable aux victimes d'agression sexuelle, tout obstacle à une dénonciation
et à une demande de compensation est un obstacle de trop, est un obstacle qui
pourrait être fatal dans le désir ou non d'une personne de dénoncer ou de
porter plainte.
M. Roberge :
On se rejoint là-dessus. Mais j'aurais une question sur un sujet que vous avez
précédemment abordé. En page 5,
en haut, ça dit : «La clinique [...] Juripop recommande donc aux
commissaires de [...] préciser le contenu et les objectifs des activités de formation obligatoire...» Mais il me semble
que, tout à l'heure, en réponse à une autre question, vous avez dit que ce n'était pas une bonne idée
que la formation soit obligatoire. Vous avez dit : Bien, écoutez, si on
force vraiment, là, la formation à des gens
qui ne sont peut-être pas prêts, ils vont avoir une réaction contraire, ils
vont être... ils peuvent se lever
puis dire un paquet de niaiseries, j'ose le dire. Donc, à moins que j'aie mal
compris... Je ne suis pas trop certain. Vous voulez que les formations
soient obligatoires ou pas?
Mme Gagnon
(Sophie) : ...pour préciser, donc. Notre recommandation s'inscrit dans
le cadre du projet de loi actuel,
qui, lui, prévoit que les activités de formation sont obligatoires. Et le
commentaire que je faisais tout à l'heure ne concerne pas l'ensemble des activités de formation prévues au projet de
loi, mais concerne, de manière plus spécifique, des activités de formation où des victimes pourraient
avoir à évoquer des situations personnelles qui leur sont déjà arrivées.
Alors, quand on parle d'activités de
formation obligatoires à la page 5 de notre mémoire, on fait référence
tout simplement au projet de loi, qui les prévoit déjà comme étant
obligatoires.
M. Roberge :
Bien, je vous remercie beaucoup de ces précisions. Alors, je n'ai plus d'autres
questions. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci beaucoup, M. le député de Chambly. Me Gagnon, merci
pour votre contribution aux travaux de la commission.
La commission ajourne
ses travaux au mercredi 22 novembre 2017, après les affaires courantes.
Bonne nuit.
(Fin de la séance à 21 h 25)