(Neuf
heures trente-trois minutes)
La Présidente (Mme
Vien) : Alors, bon matin, mesdames et
messieurs. Je constate le quorum. Alors, nous sommes prêts à débuter cette
séance de la Commission de la culture et de l'éducation. Évidemment, comme
toujours, je vous demande de bien vouloir éteindre vos appareils électroniques
et en particulier la sonnerie de votre cellulaire.
Le mandat de la
commission, je vous le rappelle, est de poursuivre les auditions publiques dans
le cadre de la consultation générale sur le
projet de loi n° 14. C'est la loi qui modifie la Charte de la langue
française, la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres
dispositions législatives.
Mme la secrétaire,
avez-vous des remplacements?
La
Secrétaire :
Oui, Mme la Présidente. M. Kelley (Jacques-Cartier) remplace
Mme Charbonneau (Mille-Îles) et
Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger)
remplace M. Sklavounos (Laurier-Dorion).
La
Présidente (Mme Vien) : Je vous remercie. Alors, pour ce qui est de l'ordre du jour, aujourd'hui,
nous siégeons en avant-midi. Nous entendrons : l'Association pour le soutien et l'usage
de la langue française; le Mouvement Lanaudière français, conjointement avec la section Pierre-Le-Gardeur de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal; et, finalement, le Regroupement des
organismes en francisation.
Auditions
(suite)
Alors, nous sommes
prêts à reconnaître le premier groupe qui est devant nous. Bonjour à tous et,
madame, bonjour, bienvenue dans votre
Assemblée nationale. Vous aurez 10 minutes pour nous faire part de vos
réflexions des tenants et aboutissants de votre mémoire. Alors, je cède
la parole à M. Bernier?
Association pour le soutien et l'usage
de la langue française (ASULF)
M. Bernier
(Gaston) : ...comme dit San-Antonio.
La
Présidente (Mme Vien) : Bonjour, M. Bernier, bienvenue. Alors, peut-être nous présenter
les gens qui vous accompagnent, et
présentez-nous votre mémoire.
M.
Bernier (Gaston) :
Oui. Mme la Présidente, Mme la ministre, MM. et Mmes les commissaires, alors,
il nous fait bien plaisir d'être ici ce matin.
Alors, c'est le jeu démocratique. Vous savez, quand on parle de la langue, c'est
la démocratie portée à son extrême parce qu'en parlant nous votons
continuellement sur l'utilisation des mots.
Alors,
je demande aux personnes qui m'accompagnent de se présenter rapidement. On dit
son nom et puis on dit un peu ce qu'on est. À
droite.
M.
Lavigne (Jean-Guy) : Jean-Guy Lavigne. Dans le passé, j'ai été secrétaire de la commission d'enquête sur la situation de la langue française au Québec, ensuite
directeur général de la Régie de la langue française, et ensuite vice-président directeur général de l'Office de la
langue française puis président-directeur général de la Société générale
du cinéma. C'est des dossiers, là, qui
concernent... où on était concernés par ou bien la mise en route ou l'application
des lois linguistiques.
M. Bernier
(Gaston) : On va l'arrêter, sans ça,
il va nous dire qu'est-ce qu'il gagnait. Mme Vachon. Euh! Pardon. Oui.
Mme
Vachon-L'Heureux (Pierrette) : Pierrette Vachon-L'Heureux. Moi, je suis linguiste,
aménagiste, terminologue. Vous voyez que c'est
le domaine de la langue. Quand la charte est arrivée, moi, je me suis
précipitée à l'Office québécois de la langue
française, qui était à l'époque Office de la langue française, tout simplement,
et j'y suis restée 30 ans. Donc, c'est le dossier de la qualité de la
langue qui m'a occupée pendant tout ce temps.
M. Bernier
(Gaston) : Et à l'extrême gauche.
M. Bélanger (Alain) : Bonjour. Alain Bélanger. Moi, je suis
membre du conseil d'administration de l'ASULF depuis quelques années déjà. J'ai fait ma carrière
au gouvernement du Québec comme gestionnaire, donc je suis peut-être le moins spécialiste de cette table, mais je ne suis pas le
moins intéressé par la qualité de la langue, ayant oeuvré au gouvernement du
Québec toute ma carrière. Merci.
M. Bernier (Gaston) : Alors, vous voyez, je suis le profane
du groupe. Et, derrière moi, il y a Marcel
Fourcaudot aussi, qui est un ancien de la Commission de toponymie du Québec.
Voilà.
Alors,
je dirai quelques mots, d'abord, de la l'ASULF. L'ASULF est une association,
bien sûr, qui s'occupe uniquement des mots. C'est un peu... On fait un peu le
travail de Don Quichotte. On se bat pour l'utilisation de mots plutôt que d'autres. Par exemple, je commence par
deux exemples que je viens d'entendre ici, que nous avons en horreur et que nous combattons, «bon matin» et puis «je
reconnais», alors pour dire, bien, «je donne la parole à» et puis
«bon...» pour «bonjour». Alors, ce sont... Dans le cas de «je reconnais», ça
vient de l'anglais uniquement...
La
Présidente (Mme Vien) : ...
M.
Bernier (Gaston) : Hein? Mais, «bon
matin»...
La
Présidente (Mme Vien) : Et les deux,
c'est moi!
M. Bernier (Gaston) : Mais vous avez... Oui, mais vous avez
quand même de bonnes excuses parce que, bon, les mots sont formés de mots français, l'expression
est formée de mots français, mais ça nous vient de l'anglais.
Normalement, en français, on dit «bonjour». Mais, habituellement, on ne donne
pas, comme ça, de leçons à des personnes, on le fait quand c'est la langue
publique.
Alors, l'ASULF a été mise sur pied en 1986. L'association
compte environ 300, 400 membres, et, bien sûr,
nous sommes appuyés, nous avons l'appui de l'Office
de la langue française ou du Conseil supérieur de la langue pour faire
le travail que nous faisons. Depuis le
début, bon, nous avons eu des succès : par exemple, nous avons réussi à
faire remplacer «rapport d'impôt» par
«déclaration de revenus». Nous avons combattu beaucoup de «places», de fausses
«places», si vous voulez, dans le sens de «centre commercial» ou dans le
sens de «complexe d'habitation». Bon, alors, nous avons aussi connu, je ne dirais pas des échecs, mais il y a beaucoup de thèmes
qui reviennent encore que nous combattons, mais on n'a pas réussi à
faire changer les choses. Nous publions un bulletin trimestriel que nous vous
acheminons, bon, sous forme électronique depuis quelque temps et nous avons un
site Internet que nous tenons à jour du mieux que nous pouvons.
Alors, je vous ai dit tout à l'heure, bien,
que l'association s'intéresse uniquement à la qualité de la langue, alors cela va vous
distraire un peu je ne dirai pas des obsessions, mais des préoccupations dont
on vous a fait part depuis deux semaines. Alors, habituellement, on s'intéresse
de beaucoup... davantage aux questions de statut de la langue, au rayonnement
de la langue, au pouvoir d'intégration des immigrés ou des immigrants. Alors,
pour nous, c'est un problème tout à fait différent, c'est qualité uniquement.
• (9
h 40) •
Alors, qu'est-ce que c'est que la qualité de
la langue? Bon, je ne ferai pas de définition savante de tout ça, comme je vous ai dit,
moi, je suis un profane, alors... mais, pour nous, c'est une question de
pratique. Alors, il s'agit d'enlever le plus de verrues, de scories
possible à la langue des Québécois. Bon.
Maintenant,
la qualité de la langue et le statut, c'est un vieux couple, si vous voulez,
qui vit ensemble depuis 1800, mais c'est un couple qui ne dort pas aux mêmes
heures ou qui ne travaille pas aux mêmes heures, hein? Il y a eu des hauts et
des bas là-dedans, des préoccupations différentes selon les époques.
Au départ, si vous pensez à 1792, bien sûr,
les questions qui ont été débattues à l'Assemblée législative, c'était une question de
statut. Mais tôt, vers 1840, 1850, alors est apparue... ou sont apparues des
préoccupations de qualité. Alors là, ce sont les gens qui notaient qu'il y avait une grande différence entre le
langage des Québécois et le langage des Français. Et, au début du XXe siècle, oui, vers 1900, bien là il
y a eu le, comment on l'appelle... la Société du bon parler français
qui, elle, faisait le même travail. Elle s'intéressait avant tout à la qualité
de la langue. Bon, dans les années 60, quand on a mis sur pied l'office, même là, au départ, la qualité de la langue a été
l'obsession, si vous voulez, de l'organisme. Mais, petit à petit, les problèmes de statut ont rogné, si
vous voulez, ont monopolisé l'attention, et, bon, on s'est intéressé
davantage au statut depuis ce temps-là.
Mais les deux notions doivent aller main dans
la main, c'est-à-dire qu'on doit jeter un regard d'ensemble, à la fois sur le statut
et sur la qualité. Si on n'a pas la qualité, on se bat inutilement en voulant
améliorer le statut. Et, pour nous de l'ASULF, si on veut favoriser la
qualité de la langue, il est difficile, si vous voulez... On s'appuie sur un
fond... sur des sables mouvants, si vous
voulez, si le statut n'est pas là et qu'on veut défendre la qualité de la
langue française ici si elle n'a pas d'avenir, si elle n'est pas une
langue de plein emploi. Alors, voilà, en gros, ma petite présentation rapide.
Essentiellement, l'ASULF présente quatre
propositions à la commission et aux parlementaires. D'abord, nous aimerions que le
projet de loi ou, je ne sais pas, un autre instrument juridique comporte une
définition pragmatique, pratique de
ce qu'est la qualité de la langue. Alors, je ne demanderais pas à l'office de
faire une définition théorique. Je sais bien qu'il y a des débats et il
y a même des gens qui disent : Bien non, définir la qualité de la langue,
c'est impossible. Mais, nous, ce que nous souhaitons, c'est qu'il y ait des
indications qui permettent, en fait, de cerner la notion.
Alors,
dans le mémoire que nous avons fait, le texte se lit ainsi pour définir ce qu'est
la qualité : Un texte est écrit en français lorsqu'il est conforme au code
orthographique, grammatical, syntaxique ou lexical contenu dans les grammaires
françaises courantes et les dictionnaires généraux de langue française.
Alors, c'est une
définition, vous allez... très pragmatique. Ce n'est pas savant, mais ça
pourrait aider les défenseurs de la qualité de la langue à s'appuyer sur
quelque chose de solide, sur un socle certain, parce que, quand on défend la qualité de
la langue, bien sûr, il faut réussir à s'appuyer sur des spécialistes, donc
souvent c'est l'office, souvent c'est les auteurs de dictionnaires, que
ce soit le Robert ou des dictionnaires normatifs.
Deuxième
recommandation, nous aimerions que l'Office de la langue française ait plus de
poids, si vous voulez, dans l'ensemble des
structures de l'État, alors que ce soit au niveau de la fonction publique, au
niveau des villes, des villages, au niveau des commissions scolaires ou
conseils scolaires, au niveau aussi du réseau de la santé. Et cette
influence-là pourrait prendre trois formes. Ça, nous en faisons allusion dans
le mémoire.
D'abord,
qu'on intègre... qu'on essaie d'intégrer des jurisconsultes au sein du comité
de législation, du comité qui rédige les lois, les projets de loi à l'Assemblée
nationale, enfin, ou plutôt... je crois que ça relève du ministère de la
Justice.
Ensuite,
deuxième chose, que l'office remette en place les réseaux langagiers qui ont
existé il y a 20 ans maintenant, mais pendant une période de trois ans ou quatre
ans. Alors, le Réseau des langagiers contribuait à sensibiliser la
fonction publique à la qualité de la langue.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci, cher monsieur. Je vais
vous inviter à procéder maintenant à une période d'échange avec les
parlementaires, puisque votre dix minutes est maintenant écoulé.
M.
Bernier (Gaston) :
Alors, je m'excuse. Vous voyez, quand je dis que je suis un profane, je suis un profane aussi en paroles, donc je ne compte pas mes mots.
La Présidente (Mme
Vien) : Il n'y a pas d'offense.
Alors, je cède la parole à Mme la ministre.
Mme
De Courcy : Sur
le temps que nous avons pour vous poser des questions, est-ce qu'il vous reste beaucoup de choses que vous auriez aimé partager avec
nous?
M. Bernier
(Gaston) : Bien, rapidement...
Mme De
Courcy : Allez-y donc.
M.
Bernier (Gaston) :
Là, je vous parlais de la présence de l'office. La troisième recommandation
était que l'office puisse faire des campagnes publicitaires pour faire évoluer la mentalité
des Québécois face à la langue et à la qualité de la langue, et puis, en
dernier lieu, je revenais sur... nous revenions sur la formule de nomination de
la haute autorité, de la directrice générale ou du P.D.G. de l'office. Alors,
voilà. Je pense que c'est l'essentiel.
Mme
De Courcy :
Bien, d'abord, j'aimerais vous remercier pour votre contribution. Un petit
vendredi matin, venir à Québec nous présenter
vos réflexions auxquelles j'accorde beaucoup d'importance. Je vous félicite.
Même si ça fait plusieurs années, vous avez
reçu, en 2003, un prix décerné, hein, par le Conseil supérieur de la langue
française. Alors, votre contribution
a été reconnue par un conseil prestigieux du Québec. Mes félicitations! Et je
vois que, depuis ce temps-là, vous n'avez pas lâché prise, là. Vous
continuez votre travail.
M. Bernier
(Gaston) : Et, même, on s'améliore.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme De
Courcy : Bien, tant mieux. Tant
mieux. Écoutez, j'ai été... Vous m'intriguez avec le Réseau des langagiers. Honnêtement, je ne sais pas ce que c'est.
Peut-être qu'autour de la table les gens le connaissent, mais moi, je ne
le connais pas.
Mme
Vachon-L'Heureux (Pierrette) : Moi, ça me ferait plaisir de vous expliquer ce qu'a été
cette aventure. Ça s'est produit au tournant des années 1980. Alors, on cherchait une façon
d'améliorer le français de l'Administration et on se disait, un peu à la suite des réflexions de notre
ami Jean-Claude Corbeil, qui nous avait précédé à l'office, qu'en fait
les gens qui se sentent responsables de la
qualité de la langue dans notre Administration, ce sont les gens des
communications. Alors, nous avons travaillé
à essayer de rassembler, dans chacun des ministères et des organismes, une
personne cadre, hautement placée,
responsable du dossier, et un directeur des communications, ou même un
linguiste ou un traducteur, une traductrice,
quelqu'un qui travaillait les textes dans le milieu de l'organisme ou du
ministère. Et, avec ces deux personnes, nous avions déjà, selon la loi, un réseau, qu'on appelait réseau des
mandataires, qui réunissait les personnes officiellement responsables du
dossier de la langue, des relations avec l'office, et nous avons fait, en
parallèle, ce que l'on a appelé le réseau des langagiers et des langagières de
l'Administration.
Alors, moi, je les réunissais à tous les semestres, et là
je leur permettais ainsi de savoir quelles étaient les sources dont ils disposaient, quels services l'office
pouvait leur rendre, quelle coopération nous avions avec les autres pays
francophones, toutes sortes de moyens que les pauvres réviseurs, réviseuses,
dans les ministères, qui sont absolument écrasés par le poids du travail, n'avaient
absolument pas le temps de découvrir. Et ç'a été extrêmement apprécié,
évidemment. Ces gens n'avaient que du bonbon, hein, à prendre de ce que l'office
leur offrait, et c'était toujours satisfaisant
du point de vue de l'office aussi, puisque mes collègues professionnels avaient
l'occasion, là, de faire valoir les travaux,
les recherches, les trésors qu'il y avait dans la banque de terminologie,
toutes sortes de publications,particulièrement
pointues dans tel ou tel domaine, les moyens aussi, de diffusion, l'activité
qui se passait dans nosuniversités, bref, tout cet univers qui pouvait nourrir l'activité de la
langagière ou du langagier perdu dans son ministère ou son organisme.
Mme
De Courcy :
Souvent, il faut savoir d'où on vient pour savoir où on va. Aujourd'hui, ce
type de réseau là, souvent, dans les grandes organisations publiques, on va appeler ça des
communautés d'apprentissage. Souvent, on va les appeler de cette
manière-là.
À
votre connaissance, chère madame, ces réseaux-là ont été démantelés, ou
abandonnés, ou changés à peu près à quel
moment et pour quelles raisons?
• (9 h 50) •
Mme
Vachon-L'Heureux (Pierrette) : Démantelés en 1991. Là, il y a eu des coupures. Et alors
le matin tragique est arrivé où on a décidé de
couper dans les programmes de l'office, et on a coupé surtout du côté des
activités des linguistes et des
terminologues puisque — c'est un peu ce que le président
expliquait — il y a des priorités,
politiquement, plus sensibles que la qualité de la langue, hélas!
Mme
De Courcy :
Merci. Mes collègues, je suis certaine, veulent vous parler, alors je vais leur
céder un peu de ce temps-là. Je vous
recontacterai très certainement, l'association. Il y a un certain nombre de
choses que je n'ai pas eu l'occasion, là, de
pouvoir vous parler, notamment la langue publique dans les médias, comment vous
pourriez imaginer que l'on puisse travailler à son amélioration ou à son
maintien. Mais ne me répondez pas parce que, sinon, vous allez gober tout ce
temps-là, et mes collègues ont besoin de vous parler. Et je vous recontacterai
avec grand plaisir.
Mme Vachon-L'Heureux
(Pierrette) : D'accord. Parfait. Très
bien. Ça
tombe bien.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M. Breton : Bonjour, messieurs. Bonjour, madame. Je suis très heureux
de pouvoir être ici avec vous à cette commission
parlementaire sur le projet de loi n° 14. Je voudrais commencer par
saluer, parce que j'ai un sentiment que peut-être il écoute ce qui est train de se passer... C'est M. Jean-Claude
Corbeil, Jean-Claude Corbeil que je connais depuis une trentaine d'années.
Et, dans l'intérêt, comme vous dites, d'une claire transparence, je peux même
vous dire que ça a été mon ancien beau-père.
Des voix : ...
M.
Breton : Oui.
Oui, c'est ça. Mais, bref, j'ai énormément de respect pour le travail que cet
homme-là a fait pour le Québec, pour le
français au Québec. Et, vous savez, je trouve très intéressant l'angle que vous
abordez, et ça m'a amené à une réflexion sur laquelle j'aimerais vous entendre.
J'ai
un sentiment que vous avez dû écouter dans les médias ce qui est arrivé l'an
dernier avec le printemps érable. Et ce que j'ai trouvé assez intéressant, c'est de
voir de jeunes étudiants du cégep ou d'université s'exprimer dans les
médias dans un français, ma foi, fort éloquent, de grande qualité, et, au même
moment, dans les médias sociaux, on voyait très souvent un français, comment
dirais-je, de qualité beaucoup moindre.
Et
je me rappelle que les gens de ma génération, de la génération précédente,
avions une moins grande qualité d'expression
de français parlé, mais il me semble que le français écrit était meilleur. C'est
comme s'il y avait une espèce d'inversion.
Je veux dire, alors qu'on écrit moins bien le français, et spécialement avec
cette mode-là d'aller de plus en plus
rapidement et d'écrire avec les abréviations... Et ce n'est pas juste en
français, d'ailleurs, c'est en anglais et dans d'autres langues, où on
est rendus avec trois petites lettres pour faire une longue phrase.
Bref,
j'aimerais avoir votre son de cloche sur cette espèce de phénomène qui se passe
où il semble que les jeunes qui sont au cégep ou à l'université semblent mieux
maîtriser le français, même, que les médias parfois, mais que, d'un
autre côté, au niveau du français écrit, ça semble se détériorer.
M.
Bernier (Gaston) :
Alors, je peux dire quelques mots. Mais j'ai observé comme vous la qualité du français des porte-parole, bon, qui étaient toujours sur
la sellette ou qui étaient en vedette. Maintenant, je pense qu'il est tôt
pour essayer de cerner ce phénomène, d'expliquer pourquoi ces gens-là avaient
une langue tout à fait correcte et... par rapport à d'autres groupes qui ont un
français relâché. Alors, je ne sais pas si... Peut-être que Mme Vachon...
Mme Vachon-L'Heureux (Pierrette) : Bien, moi, je voudrais dire qu'il ne
faut pas généraliser, hein? Évidemment, les leaders nous ont assez épatés, parce qu'on
pense toujours... le pis que pendre, hein, des étudiants, on s'imagine
qu'il n'y en a pas, des brillants et des gens qui maîtrisent tout à fait leur
langue. Et moi, j'ai trouvé ça très rassurant et très agréable. Maintenant, ce
n'est pas le cas de tout le monde, évidemment, alors il faut faire attention à
ce côté-là.
Du
côté de la nouvelle écriture... Moi, j'appelle ça la nouvelle écriture, cette
tentation de l'abréviation puis de jouer avec toutes sortes de choses. C'est l'effet de la
technologie, et, moi, ça ne m'inquiète pas beaucoup parce que je trouve
qu'il y a beaucoup de ludique dans tout ça,
hein, de jeu sur les signes, les signifiants, les sons, toutes sortes d'histoires.
Et, comme vous le disiez si bien, ça se passe dans toutes les langues,
hein? On dirait que c'est une nouvelle découverte que les gens font avec ce genre d'écriture. Même que moi,
je suis d'un naturel optimiste — c'est peut-être pour ça que je suis encore à l'ASULF — alors, je trouve que c'est là aussi quelque chose
aussi de fort intéressant, parce qu'on retrouve des poèmes, on retrouve toutes sortes de jeux sur la langue, les gens ne
finissent plus de s'expédier par courriel toutes sortes de jeux linguistiques. Alors, je trouve qu'il
y a du pour, il y a du contre, hein? Moi, je trouve qu'au fond
finalement il faut peut-être se réjouir que c'est l'occasion pour les gens d'utiliser
leur langue, hein, de toutes sortes de façons, mais au moins de l'utiliser.
Alors, ce côté-là ne me semble pas particulièrement inquiétant.
M. Breton : Il reste combien de temps?
La Présidente (Mme
Vien) : 12 minutes à peu près.
Des voix :
...
M.
Breton : Bref,
de façon générale, j'aimerais avoir votre impression, votre point de vue sur le
projet de loi n° 14, sur le projet
de loi sur le français. Est-ce que vous avez des réflexions? Est-ce que vous
aimeriez faire part de ce que vous pensez du projet de loi n° 14?
M. Bernier
(Gaston) : Bien, je pense que je vais
demander à mon collègue de droite de vous répondre.
M.
Lavigne (Jean-Guy) : Bien, il faut comprendre que ce qui nous réunit, ce qui nous réunit,
nous, les membres de l'ASULF, c'est la qualité de la langue. Le projet porte, pour l'essentiel,
sur le statut de la langue française, et ça, on pourrait en discuter
dans un autre cadre, mais nous, on s'intéresse principalement à la qualité, et,
de ce point de vue là, il y a peut-être des choses qu'on pourrait ajouter au
projet de loi.
M. Breton : Comme?
M.
Lavigne (Jean-Guy) : Par exemple, l'État québécois pourrait jouer un rôle plus important
pour les modèles linguistiques. Par exemple, pourquoi est-ce que les hauts fonctionnaires
du gouvernement du Québec — je l'ai été — les
sous-ministres, sous-ministres adjoints, présidents d'organismes, présidentes,
et les professionnels, même les professionnels au service de l'État... Pourquoi
est-ce qu'on ne serait pas très exigeants vis-à-vis eux? Surtout je
pense à ceux qui sont de langue maternelle française. Il s'agit de ne pas faire
porter aux autres le poids de la qualité de la langue, mais à ceux d'abord dont
le français est la langue maternelle.
Alors,
si l'État était plus exigeant dans le choix de ses cadres professionnels, il
pourrait y avoir un impact important, parce que les modèles, les gens qui prennent la
parole, les fonctionnaires qu'on voit, qui parlent à leurs
fonctionnaires, il faudrait que ce soit... dans les ministères, il y a des gens
qui... que le français ne soit pas, d'abord, une langue de spécialité. C'est beau qu'on ait des réviseurs, qu'on
ait des conseillers dans les ministères, mais il faut que ça vienne des gens eux-mêmes. Il ne faut pas s'en remettre au
personnel clérical, aux secrétaires ou autres personnes à l'emploi. Il
faut faire porter le poids de la qualité du
français aux plus instruits et ceux qui sont les mieux payés, disons-le
carrément. Alors, c'est un exemple de chose.
On
pourrait aussi... si vous me le demandez, j'ai été dans le domaine du cinéma.
Si le cinéma québécois occupe une place bien
plus importante qu'il occupait dans le passé, et c'est tant mieux, même si la
dernière année n'a pas été, au guichet, la
meilleure année... Quand même, il y en aura d'autres, bonnes années, parce que
le talent est là, les moyens sont là,
mais je... Montréalais, j'habite le centre-ville de Montréal, je constate qu'au
Québec il est difficile de voir des films en langue française qui viennent de l'extérieur du Québec. Pourtant, il s'en
fait. La France est un grand pays producteur de films. Elle a été pionnière, la France, dans le cinéma. Alors, le cinéma
français n'est pas répandu au Québec. J'habite au centre-ville de
Montréal, je vais chez Renaud-Bray, j'ai de la difficulté à trouver des
ouvrages en langue française. Alors, si on
se coupe toujours davantage de la réalité, du français international, des
autres sources de notre langue, nous en serons plus pauvres. Alors, il
faudrait trouver le moyen d'encourager, justement, la diffusion de ces ouvrages
et de ces films, par exemple.
La Présidente (Mme
Vien) : Oui, monsieur, en n'oubliant
pas que votre collègue a une question à poser.
M.
Breton : Oui.
Très, très rapidement, vous venez de toucher un point sensible pour moi. Moi
qui est député de Sainte-Marie—Saint-Jacques, j'ai été outré à plusieurs reprises de me
retrouver devant le cinéma Quartier latin et de voir, sur 12 ou 14 salles, 90 % des salles occupées par
des films américains traduits en français. Et ça, je dois vous avouer
que, quand on s'appelle le cinéma Quartier latin, je trouve qu'il y a là un
problème. Je vous remercie. Je vais laisser la parole à mon collègue de
Saint-Hyacinthe.
• (10 heures) •
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente, mes collègues. Bon vendredi
matin. Cela me fait plaisir de vous voir ici ce matin. Bonjour à vous. Je vous félicite,
premièrement, pour... Ça fait quand même
27 ans cette année que l'association
existe. Je vous félicite pour les préoccupations que vous avez pour la qualité
de la langue française au Québec. Et je
pense qu'on n'a pas assez, peut-être pas assez justement de préoccupations
vis-à-vis la qualité de notre langue.
Et c'est la qualité de notre langue qui va faire en sorte, peut-être, qu'on va
avoir moins de préoccupations vis-à-vis l'utilisation de la langue, soit
parlée au travail ou dans nos communications régulières.
Vous mentionnez, à la
fin de votre mémoire, puis ça, je trouve ça intéressant : «...il importe
que la notion de qualité de la langue
devienne un objectif stratégique de l'État québécois au même titre que l'est
son statut. On devra viser les deux
cibles d'un même regard. Qu'on se rappelle la mise en garde de Fernand Dumont — que je vais citer : "...si nous ne pouvons pas faire un effort collectif de restauration de la langue, on
aura beau dresser des barrières tout autour, on ne sera pas beaucoup
plus avancés."» Ça, c'est en septembre 1996 qu'il a mentionné ça.
Alors,
je vais vous poser la question, j'aimerais vous entendre sur la qualité de
notre langue : Quels sont, selon vous,
les principaux obstacles qui se dressent vis-à-vis l'amélioration du français
au Québec?
Mme Vachon-L'Heureux (Pierrette) : Moi, je voudrais intervenir tout de
suite pour dire que, moi, mon sentiment,c'est que l'influence de l'anglais est le facteur
que l'on doit cibler. Nous avons une sorte d'appropriation de l'anglais
qui nous est très particulière, c'est-à-dire
qu'on devient un peu blasés, et on ne sait plus comment se défendre de l'appropriation
qui se fait de mots anglais sans qu'on s'en
rende compte, ou presque. C'est-à-dire qu'il y a d'abord, dans notre
population, une ignorance de l'anglais qui
fait qu'il est très difficile de percevoir un anglicisme. Alors, un anglicisme
syntaxique se glisse, on ne le
reconnaît même pas, on ne sait pas. On le véhicule, on ne sait pas. Donc, ça
demande un effort de connaissance de l'anglais pour savoir l'influence
que l'anglais exerce sur notre langue.
Ensuite, il y a aussi
socialement une sorte d'acceptation de plus en plus grande qui se glisse parmi
nous. Par exemple, maintenant, on entend
régulièrement les gens dire : Ah! J'ai dealé ça, et c'était très bien. Et
on ne s'aperçoit même plus qu'on a
utilisé là un mot qui n'est pas le mot français. Il y a aussi l'inverse de ça
qui est que, par snobisme, on accuse
souvent les Français français d'être snobs de ce côté-là, mais on le devient
aussi très souvent quand on écoute, dans
les médias, des gens qui disent : Ah! Oui, bien, c'était... c'était un
flash-back, hein? Oui, oui, c'était un flash-back. Alors, au lieu de chercher le mot français qui est
là, qui circule, on accorde une sorte d'intérêt, hein, je dirais, à
utiliser ce mot anglais.
Parce
qu'il ne faut pas se le cacher, au Québec — moi, je suis Franco-Ontarienne,
alors j'ai un regard peut-être un petit peu différent — je
trouve que c'est malheureux, quand on a le plaisir, la joie de pouvoir vivre
dans un milieufrançais, de trouver qu'on s'exprime de façon plus intéressante quand on
a le mot anglais sur le bout de la langue. Donc, moi, c'est ce côté-là qui m'inquiète beaucoup. Et je crois que c'est un
des facteurs vraiment qui caractérisent ce problème que l'on voit dans
la qualité de notre langue.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci beaucoup. Comment expliquez-vous d'abord... vous
parlez de donner le mot exact, là, «flash-back«, mais que notre mère patrie, la France, se
spécialise dans l'utilisation de mots ou d'anglicismes dans son... même dans le dictionnaire ou dans...
qu'elle fait reconnaître des mots? Alors, comment pouvez-vous... que,
nous, ici, on puisse contrer ce genre d'utilisation de mots, d'anglicismes, là?
Mme
Vachon-L'Heureux (Pierrette) : Je pense que notre perception est tout à fait différente
de la perception française. La perception
française, d'abord leur relation avec l'Amérique, hein, est
extraordinaire : ce qui vient de l'Amérique,
c'est fantastique. Et ensuite il n'y a aucune insécurité linguistique en
France. Ça, c'est très différent de nous. Nous, nous sommes au courant, nous savons où nous vivons et nous
connaissons le danger, alors que la France est tout à fait installée
dans une culture qui, au contraire, les conduit vers une sorte, je dirais, de
procédé ludique qui consiste à montrer qu'on peut aussi prononcer quelques mots
anglais, américains — pour eux, c'est
toujours américain — et
ça fait bien. Donc, c'est un snobisme dont on doit se garder, nous, parce que,
pour nous, c'est catastrophique, ce genre d'attitude.
M.
Bernier (Gaston) :
Et on pourrait peut-être ajouter que les mots anglais qu'utilisent les
Français, disons, par snobisme, sont moins... ont un effet moins délétère que souvent nos
anglicismes impossibles à identifier. Même, je ne sais pas, je dis... Même nous qui défendons la qualité
de la langue, nous nous surprenons souvent à dire : «Gardez la
ligne» quand on répond au téléphone ou «T'es
demandé au téléphone», donc, le passif est aussi imposé par l'anglais ou
inspiré par l'anglais. Donc, ça, ce sont des anglicismes ou mots... des
calques, si vous voulez, qui sont impossibles à identifier. Donc, c'est
beaucoup plus dangereux que le mot «look» en France ou, je ne sais pas, d'autres
mots de même nature.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Est-ce qu'il
reste... Merci. Est-ce qu'il reste du temps, Mme la...
La Présidente (Mme
Vien) : Bien, absolument. Une minute.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Une minute. O.K. J'aimerais vous entendre sur la
recommandation que vous faites... concernant aussi les rapports des...
dans votre... les rapports des assemblées générales des syndicats ou des
choses comme ça. J'aimerais vous entendre un
peu plus là-dessus. Alors, je vous laisse le temps de répondre : la
modification qu'il faudrait faire au projet de loi.
M.
Bernier (Gaston) :
Alors, si... Il y a M. Auclair, le président fondateur de l'ASULF, qui est venu témoigner il y a
quelques jours, une semaine, je pense, et qui, lui, a fait porter son mémoire
de citoyen sur deux points, dont celui-là précisément. Alors, moi, à
titre de président de l'ASULF, bon, bien sûr que j'entérine tout à fait la
recommandation de M. Auclair, qui disait : Bien, il faudrait que les
syndicats non seulement... En fait qu'on n'ouvre pas la porte aux syndicats qu'on
leur laisse le choix de publier des choses en anglais uniquement, à moins qu'un
syndiqué demande d'avoir le texte en
français. Bon, alors... Mais ça, il y a eu entente entre nous. Lui tapait sur
ce clou-là et nous, bien, il nous laissait la porte pour d'autres
points.
La Présidente (Mme
Vien) : Alors, moi, je suis la
gardienne du temps, la préfète de discipline, alors...
M.
Bernier (Gaston) : J'ai bien averti
mes coéquipiers que c'était votre travail.
La
Présidente (Mme Vien) : Oui, vous êtes bien gentil. Mais je suis bien d'adon, comme on dit dans Bellechasse. Alors, M. le député de Jacques-Cartier, pour
un temps de 21 min 47 s à l'opposition officielle.
M.
Kelley : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Et, à mon tour, bienvenue et merci beaucoup. Comme député qui est ici
depuis quelques années maintenant, j'ai souvent reçu les courriels de votre
association. J'aime les personnes qui sont ambitieuses et moi, modestement, j'espère qu'on peut comprendre nos
projets de loi. Des personnes qui viennent ici plaider qu'il faut être dans une bonne qualité de
français, c'est encore plus ambitieux que moi. Mais bravo parce que je
pense que c'est... Et je pense que les deux
vont ensemble, blague à part. Vraiment, la qualité de la langue peut-être peut rendre nos projets de loi un
petit peu plus visibles. Comme quelqu'un qui a présenté certains projets de
loi, à l'Assemblée nationale, je comprends que ce n'est pas toujours
évident, parce que les juristes ont dit que je prends le mot d'un autre projet
de loi existant et une jurisprudence, alors,
le mot a un certain sens précis, alors il faut toujours l'utiliser, malgré le
fait que personne ne le comprend.
Alors, il y a des traditions comme ça aussi qui rendent d'écrire nos projets de
loi un petit peu facile, et il faut
laisser une certaine ambiguïté pour nos avocats, comme ça, ils peuvent
pratiquer leur métier aussi. Mais ça, c'est un autre enjeu pour un autre
moment.
Et
deuxièmement je comprends l'influence de l'anglais sur la langue française,
mais, surtout pour la communauté anglo-québécoise, ça va dans l'autre sens aussi
et... Mon épouse vient de Vancouver, et je me rappelle la journée que j'étais
dans la rue à Vancouver et j'ai demandé à
quelqu'un où est le dépanneur le plus près : Where's the closest
dépanneur? Parce que l'anglais a
«convenience store», ou, parfois même, on utilise la marque 7-11, ou Becker's,
ou les autres, parce qu'on n'a pas un
mot comme «dépanneur». Quand on dit le mot «dépanneur», on voit les chips, les
caisses de bière, et tout le reste. Ça nous précise qu'est-ce qu'on
cherche. En anglais, on n'a pas vraiment le même mot précis. Alors, il y a des influences dans les deux sens aussi. Je suis
très sensible de l'influence internationale de la langue anglaise un
petit peu partout. À Paris, à Bangkok, n'importe
où dans le monde, on va le voir, mais c'est une influence réelle, mais je veux
juste dire que ça va dans les deux sens,
surtout pour la communauté anglo-québécoise, qui souvent utilise des mots de
français sans être vraiment sensible. Mais ça, c'est mes deux commentaires.
Mais
ma question, je vais voler la question de la ministre, parce que ça m'intrigue
au niveau de la qualité du français dans nos
médias. Parce qu'on a la liberté de la presse, alors, comme gouvernement, il
faut être très prudents dans nos relations avec les médias, mais, quand on
pense que c'est vraiment, là...
Moi, j'ai
une certaine sensibilité à ça, comme ancien ministre des Affaires autochtones,
que la radio communautaire, ici, il y a un
moyen très tangible pour le gouvernement de soutenir les langues autochtones au
Québec. Moi, je pense, la radio communautaire — je pense aux 14 villages nordiques, au Grand Nord
québécois — avec des subventions
relativement modestes, on peut faire énormément de choses pour l'inuktitut.
Alors, dans le même sens — sans dire aux journalistes quoi faire, parce que ce n'est
jamais une bonne idée — qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer la qualité du français dans nos journaux, à
la télévision et dans les médias émergents et les technologies émergentes?
• (10 h 10) •
M.
Bernier (Gaston) :
Alors, je peux dire quelques mots mais on peut me... compléter aussi.
Actuellement, en fait hier même, l'ASULF a lancé une campagne précisément auprès des
journalistes, bon, des médias locaux, mais aussi des médias... les quotidiens importants du Québec. Qu'est-ce
qu'on leur dit? On leur dit : Bien, quand vous utilisez un mot anglais, essayez donc de trouver l'équivalent
français, ne donnez pas la manchette ou une promotion, si vous voulez, à
un anglicisme, donc vérifiez. Mais ça, vous avez raison, en fait, on ne peut
pas imposer, en fait, aux journalistes, aux médias d'utiliser un mot en
particulier ou une expression en particulier. Mais ça, ça relève aussi des
campagnes publicitaires. Il faut
sensibiliser les gens, leur donner, en fait, le sens de la fierté de la langue
et puis les convaincre aussi : Utilisez
ces mots-là. C'est en les utilisant nous-mêmes, vous-mêmes que les journalistes
vont finir par utiliser les mots français.
Rappelez-vous, récemment, on a parlé de «move over law», la «move over law»,
puis ça a été utilisé dans les manchettes des journaux. Maintenant, qu'est-ce
qu'on voit? Corridor de sécurité. Bon, alors... Et les exemples sont nombreux
comme ça. Il faut commencer par utiliser les bons mots, et d'autres vont le
faire. Alors, il y avait... Alors, on répète ce qu'on entend, on écrit ce qu'on
lit, donc il faut commencer quelque part.
M.
Lavigne (Jean-Guy) : Peut-être vous signaler aussi qu'un de nos membres, M. Raymond Gagné,
de Montréal, fait,
depuis une dizaine d'années, 250 interventions par année auprès des médias pour
faire des suggestions, corriger les erreurs,
et vous seriez surpris de voir l'impact qu'a l'influence d'un citoyen, d'un...
Il reçoit beaucoup de correspondance, on
lui répond et, généralement, les journalistes sont heureux qu'on leur signale
ce problème-là. Il y a aussi monsieur... notre président fondateur dont
on a parlé tantôt, M. Jean-Paul Auclair, qui intervient pratiquement tous
les jours pour la langue de l'affichage public. Il y a des copies qui sortent
qui sont envoyées aux médias. Alors, avec des moyens très modestes, un
budget... des bouts de chandelles, notre association a un impact, je dirais,
important parce qu'il y a des citoyens qui s'intéressent à la qualité de la
langue.
Mme Vachon-L'Heureux
(Pierrette) : J'ajouterais peut-être
qu'en fait nous sommes... nous travaillons en complémentarité
avec l'office. L'Office québécois de la langue française a essayé — moi,
j'ai vu ça dans les derniers 20 ans — de temps à autre de développer une ligne spéciale
consacrée aux médias, selon les moments où il y a plus de personnes, des
ressources humaines ou plus d'argent, un peu plus de temps qu'on peut
consacrer. Parce que, notre président le
rappelait tout à l'heure, on vit en couple avec le statut. Alors, quand le
statut requiert beaucoup de ressources, et de temps, et d'argent, c'est la qualité qui
faiblit. On a vu ça à l'office, le système que l'office avait mis en place,
qui était un système de consultation, c'est-à-dire
d'assistance linguistique, a eu tellement de succès qu'on l'a fermé. On
l'a complètement fermé. Ensuite, on s'est
dits : Qu'est-ce qu'on va faire? On a dit : On va tarifer. Alors,
tarifer, ça a coupé de trois quarts.
Alors, c'est... il y avait tellement de besoins de ce côté-là, de consultation
et d'assistance linguistique, que c'est
difficile pour l'office de satisfaire à ce besoin. Par contre, on a
peut-exagéré en diminuant l'intervention de l'office dans ce domaine. Moi, je dirais qu'à chaque fois
que l'office a offert un soutien aux médias, ça a été... débordement.
Alors, il n'en tient qu'à nous de consacrer
plus de ressources, plus d'efforts, plus d'argent, finalement, à ce service qui
est extrêmement important, puisque c'est la langue des médias, vraiment,
qui donne l'exemple, là.
M. Kelley : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour. Merci beaucoup d'être là. Merci, M.
Bernier, pour votre passion que vous savez
très bien communiquer. Merci, Mme Vachon-L'Heureux, pour votre présence et
votre éclairage, M. Lavigne et M. Bélanger. Merci beaucoup d'avoir déposé ce
mémoire qui nous amène, ce matin, sur une réflexion,
une réflexion, je vous dirais, plus large sur l'avenir de notre langue, du
français, une réflexion sur sa qualité, et je pense que c'est tout à fait non seulement
sain mais nécessaire d'avoir cette réflexion-là... en amont, je crois, de ce
qui pourrait être, de ce qui pourrait résulter en des initiatives et une action
gouvernementale.
Et
vous, je crois, à juste titre, avez soulevé un exemple très tangible lorsque
vous parliez de petites expressions, mais qui, néanmoins, par leur utilisation, par la
fréquence de leur utilisation, deviennent peu à peu partie de notre
langue, et il s'agit peut-être d'impropriétés
par rapport à notre langue. Vous avez cité l'exemple de «rapport d'impôt»
désormais changé pour «déclaration de
revenus», et, en ce sens-là, dans ce débat-ci, je lisais, à l'intérieur d'un
mémoire, l'expression «stopper», nous
devions «stopper»... Alors, j'avais été moi-même... j'avais marqué une pause à
la lecture de ce mot-là à l'intérieur d'un mémoire dans le cadre de nos
travaux sur le projet de loi n° 14.
J'aimerais
vous faire part, et c'est à... toujours à titre introductif, et, si ça vous
inspire un commentaire, je vous en prie, allez-y, sinon, je pourrai y aller à une
question un peu plus précise, parce que j'ai quelques questions, mais je
lisais, durant la période des fêtes — c'est
un sujet qui me passionne — ...je réécoutais une entrevue — c'est-à-dire que j'écoutais,
dans mon cas, je ne l'avais pas écoutée à sa première diffusion en décembre
1960 — que Jean-Marc Léger accordait à Mme Judith Jasmin. Jean-Marc Léger, pas le
sondeur, mais, évidemment, l'écrivain journaliste québécois et
défenseur... grand défenseur de la langue
française. Et il disait ceci — décembre 1960 : J'estime qu'il
nous reste peut-être 10 ou 15 ans si nous
voulons faire un effort sérieux pour restaurer la langue française et,
conséquemment, la sauver. Sinon, elle deviendra
une sorte de patois dont nous aurons honte, une petite langue familiale et à
saveur folklorique qui ne servira plus vraiment comme véhicule de pensée
chez nous. Fin de la citation.
Alors, cette citation
peut nous inspirer plusieurs commentaires par rapport au fait que nous devons
toujours et nous demeurerons toujours
vigilants, c'est une nécessité, et... Mais, néanmoins, je partage votre
optimisme, Mme Vachon-L'Heureux. Nous
devons toujours demeurer vigilants, mais nous devons, je crois, axer notre
action sur les outils, sur les façons,
sur les moyens qui vont nous permettre de préserver et même de bonifier la
qualité de la langue écrite et parlée.
Alors,
c'était mon introduction. Je ne sais pas si elle vous inspire un commentaire,
sinon j'aurais une question plus précise. Oui.
• (10 h 20) •
M.
Bernier (Gaston) :
En ce qui a trait à votre observation... En fait, d'abord, elle a été faite en
1960, et, après 1960, bien sûr qu'on a... D'abord, le Québec, ça s'est, je dirais,
structuré, s'est donné un État plus fort que, je ne sais pas, à l'époque des années 1950. Alors, dans les
observations, bon, ça, c'est peut-être... ce n'est pas de la linguistique,
mais je pense que c'est de la sociolinguistique, on dit toujours... Ça, j'ai
observé... Laponce, un professeur de Vancouver, bien sûr qui est d'origine française mais qui a fait carrière à
Vancouver, dit toujours : Le sort du français est aussi lié à la
présence d'un État. Alors, bien sûr que je ne veux pas tomber dans le canal
politique ici, ou dans le sentier politique, dire :
Il nous fait l'indépendance, il nous fait la souveraineté, mais ce qui est sûr,
c'est qu'il faut que le Québec se structure. Je pense que là je dis un
mot prudent. Mais je pense que l'observation de Jean-Marc Léger, bien sûr,
était valable, mais ça nous inspire un sentier à suivre.
Mme
Vachon-L'Heureux (Pierrette) : Et peut-être ajouter que cette structuration, elle a
quand même donné lieu à l'institution qu'est l'office,
la commission, le conseil... On en a fait, de la structuration à partir de
1960. Mais ce qu'il faut faire, c'est continuer
et soutenir. Et parfois c'est moins emballant, parce qu'on devient blasé. Et, à
mon avis, il faut profiter de toutes ces occasions où le réveil s'impose.
M.
Lavigne (Jean-Guy) : Oui, évidemment, il y a eu aussi... Il y a eu le changement
linguistique intervenu dans les années 60, 70, la prise en charge par l'État...
la mise de ressources de l'État... L'Office de la langue française a
déjà compté 405 employés permanents. Alors,
entre ce que Léger avait dit en 60... Il y a eu évidemment des
transformations, il y a eu... Notre peuple aussi est plus instruit qu'il n'était
dans le passé, ça, on peut en convenir, encore qu'il reste beaucoup à faire.
M.
Tanguay : Mme la Présidente, avec
votre permission, il y a un commentaire de Mme Vachon-L'Heureux qui a
piqué ma curiosité. Évidemment, je partage votre optimisme, mais... Vous disiez
que vous n'étiez pas tellement inquiète par rapport, entre autres, à l'impact négatif que pourraient
avoir — et je paraphrase, là — les nouvellestechnologies, alors
que, comme réflexe, on pourrait avoir le réflexe... Et on voit, à certaines
occasions, des personnes un peu plus
jeunes discuter entre elles dans un langage codé, réduit, simplifié, L-O-L, qui
non seulement se traduit dans les nouvelles
technologies, que ça soit sur Twitter pour ne pas le nommer, Facebook
ou dans les communicationsinstantanées...
Donc, ça, ce n'est pas un élément, et j'aimerais vous entendre là-dessus— comment
pourrais-je bienvous comprendre? — qui vous préoccupe. Vous
demeurez optimiste. Mais n'avons-nous pas, nous, une obligation, je crois, de s'y
intéresser parce qu'il pourrait avoir un impact? Et comment s'y
intéresser — là serait la grande question — pour ne pas laisser
entièrement ces abréviations devenir à toutes fins pratiques un langage courant
pour peut-être une génération qui s'en vient?
Mme Vachon-L'Heureux (Pierrette) : Je vous dirais que, moi, ce qui m'inquiète
beaucoup plus dans tout cet univers de la nouvelle technologie, c'est de
réussir à faire travailler les gens avec des logiciels en français. C'est
beaucoup plus ça que l'impact que ça a sur le style de la correspondance ou
même les habitudes d'abréviation.
Vous savez, les habitudes d'abréviation, c'est
quelque chose de courant dans toutes les langues. On tourne les mots à l'envers,
avec le verlan en France, on coupe, on «déje», «petit-déje», trucs comme ça. C'est
pour ça que ça, ça m'inquiète beaucoup
moins que le fait qu'on n'arrive pas à faire dire aux gens autre chose que
«pèse sur enter» et «pèse sur delete». Ça, ça m'inquiète. Parce que là c'est
une porte d'entrée d'un vocabulaire très, très courant qui est tout à fait tiré
de l'anglais. Et je ne sais pas si vous remarquez, mais c'est quand même un
effort de la part de nos jeunes pour arriver à passer aux termes français.
Donc, dans ce sens-là, moi, c'est plutôt cet
aspect-là qui m'inquiéterait. Du côté de jouer avec la langue, écrire la langue, couper les mots, tout ça, non, pas
vraiment. Non.
M.
Tanguay : Et vous parliez un peu plus
tôt de l'importance de remettre sur pied le réseau des langagiers et
langagières de l'Administration. En 2013, si vous aviez à en orchestrer le
déploiement, quelle serait votre vision?
Mme
Vachon-L'Heureux (Pierrette) : Eh
bien, moi, je trouve que ça a été un instrument qui, en quatre, cinq ans, a donné des résultats extraordinaires et
qu'on a sacrifié. Et moi, je trouve que, dans l'administration publique,
il faut que quelqu'un, dans le milieu,
inspire les autres. Et c'est un peu dans ce sens-là que je trouve que cette
structure en réseau permet à l'office
de faire profiter l'Administration de son travail qu'elle fait, des
connaissances qu'elle accumule, des outils qu'elle développe.
À quoi ça sert d'avoir une banque de
terminologie extraordinaire si on n'arrive pas à faire en sorte que, dans tel organisme, les gens
s'en servent, connaissent, savent qu'ils doivent aller regarder? Ils doivent
vérifier leur terminologie. Ils
doivent faire profiter l'office de leurs connaissances à eux. C'est un réseau,
hein? Normalement, l'office doit pouvoir profiter de beaucoup de choses qui sont réparties chez les spécialistes
dans les ministères et les organismes, et nous avons toute la peine du monde à aller chercher cette
richesse-là pour en faire profiter les autres. C'est ça, un réseau, hein, et
je trouve malheureux qu'ayant tout ça on ne s'en serve pas.
C'est pour ça que j'ai trouvé que cette
expérience de réseau avait enrichi nos fonctionnaires dans les ministères autant que l'organisme
qu'est l'office en... qui essaie d'organiser ce partage, cet échange. Donc, c'est
pour ça que je trouve que c'est une
activité qui ne coûte pas très cher. C'est malheureux, c'est arrivé à un moment
où on coupe et, quand on coupe, hein,
même si c'est 5 000 $, on coupe. Alors, on coupe, on coupe, on coupe
et, des fois, on ne se rend pas compte de l'influence que ça a, des
répercussions incroyables, hein? Alors, c'est dans ce sens-là que je trouve que
c'est un bon moyen qui serait peut-être à réutiliser.
M.
Lavigne (Jean-Guy) : Et les coupures
pratiquées à l'Office de la langue française ont été le cas de tous les gouvernements au cours des 25 dernières
années. Tous les gouvernements qui sont passés ont coupé les budgets et
le nombre d'employés de l'Office de la langue française. Tout le monde y a
sacrifié...
Alors, peut-être que le temps est venu de
revoir... Parce que l'office a fait dans le passé aussi, signalons-le, des travaux
terminologiques de très grande qualité, qui ont obtenu une certaine diffusion
mais qui devraient... parce que je songe
à la banque de terminologie du Québec, mais cette terminologie-là mériterait d'être
diffusée encore davantage, surtout dans les entreprises, les petites. On
en parle souvent, là, c'est une façon, là, par le vocabulaire... Et ça, ça va
être négligé. Ça va être négligé,
croyez-moi. On ne pense pas à ça. On pense à une intervention sur le statut, je
n'en parlerai pas ce matin, mais on oublie trop souvent la nécessité d'avoir
les termes, de diffuser cette terminologie.
M.
Tanguay : Et... Oui, allez-y, madame.
Mme Vachon-L'Heureux (Pierrette) : Je voudrais ajouter peut-être qu'il y
a encore beaucoup de travail à faire pour que cette terminologie technique que nous
avons rassemblée et qui nous a, en fait, coûté cher, et en heures de
travail et en sous, que nous avons rassemblée dans l'espoir d'en faire profiter
le Québec, elle n'est pas encore rendue dans la formation technique, au ministère de l'Éducation et dans nos écoles. Et
ça, c'est vraiment une problématique à laquelle il faudra s'attaquer,
mais ça prend énormément de volonté. Là, on parle d'une volonté politique,
hein, d'accord avec le monde de l'éducation et avec, évidemment, le ministère
de l'Éducation pour s'attaquer à la formation technique.
Alors, on voit qu'il y a beaucoup de travail
à faire, tout simplement pour tirer profit de richesses que l'on a en ce moment dans nos mains.
M. Tanguay : Tout à fait, et ce déploiement-là est
d'autant plus important que c'est un travail continu, dans la mesure où les
domaines techniques, que l'on passe de l'environnement pour aller dans le
domaine financier, de nouvelles expressions,
de nouveaux... Ne serait-ce que les produits financiers, on appelle ça des
produits financiers, des «subprime»... On en a entendu parler en 2008‑2009,
et c'était dans les pages de nos quotidiens. Cette vigilance-là... On disait,
quoi, Pascal avait tout le savoir, mais, en 2012‑2013, c'est impossible, et
nous devons demeurer vigilants en ce sens-là.
Je vous remercie
beaucoup, beaucoup pour votre temps et je vais céder la parole à ma collègue du
deuxième groupe d'opposition. Merci.
La Présidente (Mme Vien) : Bien. Mme la députée de Montarville,
le temps qui vous est réservé est de 5 min 27 s.
Mme Roy
(Montarville) : Parfait. Merci. Merci
à vous, Mme la Présidente. Bonjour à tous...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Vien) : Oui, oui, 5 min 27 s,
mais elle les trouve importante, les 27 secondes, Mme la collègue.
Mme Roy
(Montarville) : Oui, oui, oui. Ayant
peu de temps à la deuxième opposition, tout est important, le temps est
important. Merci, madame, merci, messieurs, de vous êtes joints à nous ce
matin. Merci pour le mémoire, que j'ai lu,
et je comprends très bien que votre préoccupation principale, c'est la qualité
de la langue française. Je partage cette préoccupation avec vous. J'ai
passé ma vie dans les médias électroniques et je peux vous dire que toute aide
est la bienvenue en ce qui a trait à la qualité de la langue française. J'en
aurais long à vous raconter.
Bref,
ce que je veux savoir, c'est : Vous qui êtes des experts de la langue, qui
avez connu l'office de l'intérieur, qui la défendez toujours, comment est-ce qu'on fait
aujourd'hui, en 2013, pour valoriser et aussi — valoriser — améliorer la qualité de la langue française au Québec? Par
où doit-on commencer?
• (10 h 30) •
M. Bernier
(Gaston) : Je ne sais pas.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme Roy
(Montarville) : Mais c'est le défi,
hein? C'est le défi.
M. Bernier (Gaston) : Non, mais...
Mme Vachon-L'Heureux
(Pierrette) : J'aurais tendance à
dire : Par la fierté.
M.
Bernier (Gaston) :
Oui, oui. Bien, c'est ça. Alors, j'ai dit : Je ne sais pas, mais c'était l'accroche,
si vous voulez. Non, mais il faut commencer par, bien sûr, la fierté. Ce que j'ai appelé
essayer d'influencer les attitudes et les motivations des gens, faire
que la langue française soit une langue dans le vent. Bon. Alors, je laisse la
parole à Mme Vachon.
Mme
Vachon-L'Heureux (Pierrette) : Non, je parlais de fierté parce que moi, je me suis
souvent fait dire, dans les salons du livre ou alors les salons des
professions, les endroits comme ça, où l'office avait des stands pour
proposer ses ouvrages... Je me suis souvent
fait dire par des gens du terrain : Faites donc en sorte que les gens
soient fiers, c'est-à-dire une sorte de motivation très personnelle, en
fait d'attachement à la langue.
Et, à force de s'intéresser
au fait qu'on ne connaît pas l'anglais, les enfants ne réussissent pas parce qu'ils
ne peuvent pas sortir du Québec, il faut les
envoyer à l'école... On est rendus qu'on voudrait les envoyer à l'école
anglaise pendant toute leur scolarité. On
dirait qu'on a comme un petit peu oublié cette époque du bon parler français,
et du bon accent, et du bon mot, et
tout. Donc, je pense qu'il y a du travail à faire sur ce côté-là, là,
psychologique de la fierté, de pouvoir s'assumer, et être au premier
rang, et avoir la certitude qu'on se défend, et qu'on a droit de se défendre,
et qu'on fait bien de se défendre.
Et peut-être aussi que
le fait qu'il y a eu une sorte de discussion autour de la norme : Est-ce
qu'on doit parler français français comme les Français ou est-ce qu'on doit s'éloigner
et parler très, très, très québécois?, ceci nous a beaucoup occupés et parfois nous distrait un peu de ce que l'on peut
appeler une fierté d'une langue un peu entre les deux, quoi, que l'on
dit de bon usage, quelque chose comme ça. Moi, je crois que ça nous a peut-être
un peu détournés de ça depuis une vingtaine
d'années, cette recherche de la norme différente et essayer de se centrer sur
un français standard, comme on dit.
Mme
Roy (Montarville) : Et croyez-vous, dans la même veine, justement, pour valoriser la langue française, qu'il faille
aussi faire des efforts au niveau de l'éducation, au niveau des enfants en très
bas âge? Est-ce qu'il manque quelque chose à cet égard?
Mme Vachon-L'Heureux
(Pierrette) : Ah! L'éducation.
Jean-Guy.
M.
Lavigne (Jean-Guy) : Le recrutement, vous savez... Le recrutement, là, m'apparaît
fondamental. Je sais qu'il y a des examens de
français que doivent réussir les... ce qu'on appelait les instituteurs
autrefois, les professeurs... je n'aime pas le mot, qui m'apparaît trop général, mais les gens qui... les
hommes et les femmes qui enseignent au primaire et au secondaire. On pourrait voir si les examens de
français qu'ils doivent réussir, ils sont suffisants. Parce qu'il m'arrive
d'écouter, à la télévision, à la radio, des
enseignants qui viennent intervenir, et je suis, des fois, surpris de voir le
niveau très moyen de la langue de certaines personnes. Il y en a qui sont
excellents, là. Bon, bravo! Mais pourquoi l'État n'en profiterait-il pas pour recruter les meilleurs, véritablement, par des
examens, par exemple, pour l'enseignement du français, des examens à l'université qui seraient encore
plus importants, plus, disons, sérieux que ceux qu'on a présentement? L'État
peut faire énormément de choses. Et ça ne
fera pas de bruit, mais ça va créer... il va y avoir des résultats. Mais c'est
très difficile de faire bouger cette machine-là. C'est très difficile.
Mme
Roy (Montarville) : ...m'intéresse beaucoup. Est-ce que vous seriez en faveur... ou verriez
d'un bon oeil le fait d'augmenter les critères
pour être admis, justement, à la fonction d'enseignant, au bac en enseignement?
M. Lavigne
(Jean-Guy) : Je le crois. Et le
salaire qui va avec. Comment se fait-il que nos instituteurs, nos enseignants, nos professeurs sont payés moins cher
que nos policiers ou nos pompiers? On peut se poser la question. Enfin,
poser la question, je pense, c'est y répondre.
Mme
Roy (Montarville) : Je suis tout à fait d'accord avec vous, et, à la Coalition avenir
Québec aussi, on est d'accord avec vous à cet
égard-là. Je vous remercie infiniment.
La Présidente (Mme
Vien) : Messieurs, madame, merci de
votre contribution. Ça a été très apprécié. Bonne continuation et bonne journée.
Merci.
Alors, je suspends
quelques instants, le temps que l'autre groupe prenne place.
(Suspension de la séance à
10 h 35)
(Reprise à 10 h 39)
La Présidente (Mme
Vien) : Alors, c'est dans la joie et
l'allégresse que nous reprenons nos travaux. Et nous avons l'honneur de
recevoir, ce matin, le Mouvement Lanaudière français et section Pierre-Le-Gardeur
de la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal. Messieurs, bienvenue. Et vous aurez 10 minutes pour nous faire
part de vos réflexions et de l'essentiel
de votre mémoire; après quoi, donc, comme toujours s'ensuivent des discussions
entre vous et les parlementaires. Alors, qui est le porte-parole?
Mouvement
Lanaudière français et section
Pierre-Le-Gardeur de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJB)
M. Jalette
(Jocelyn) : Nous deux, mais lui
commence, moi, je termine.
La Présidente (Mme
Vien) : M. Durand?
M. Durand
(Jean-Pierre) : Oui.
La Présidente (Mme
Vien) : M. Durand, bienvenue.
Bonjour.
M. Durand
(Jean-Pierre) : Bonjour.
La
Présidente (Mme Vien) : Et peut-être nous présenter rapidement les gens qui vous accompagnent
et vous pourrez y aller tout de go après.
M. Durand
(Jean-Pierre) : Pour les noms, ça va
aller pour... C'est Jocelyn Jalette, qui est à...
M. Jalette
(Jocelyn) : Je suis le président du
Mouvement Lanaudière français.
M. Durand (Jean-Pierre) : ...qui est à ma gauche.
M. Barthe
(François) : François Barthe,
vice-président.
La Présidente (Mme
Vien) : M. Barthe.
M. Durand
(Jean-Pierre) : Et monsieur...
M. Richard
(Claude) : Claude Richard.
M.
Durand (Jean-Pierre) : ...Claude
Richard, à ma droite.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci, M. Richard. Alors, c'est pour bien identifier vos noms pour la télévision. Je vous en prie, monsieur, allez-y.
M. Durand
(Jean-Pierre) : Bon, je vais être
bref, puis, comme je dis, mon collègue va poursuivre après. D'abord... On m'entend
bien, oui?
La Présidente (Mme
Vien) : Bien sûr.
• (10 h 40) •
M.
Durand (Jean-Pierre) : Juste pour dire une chose que tout le monde connaît, le français est
minoritaire sur le continent nord-américain,
et je pense que la question du français, de plus en plus, il y a des problèmes
au niveau de sa défense, de sa survie, de sa
pérennité, et c'est pour ça que cette loi-là est... C'est important de faire
quelque chose de ce côté-là. Par contre, l'anglais... Comme tantôt
quelqu'un parlait de l'inuktitut. Ce n'est pas l'inuktitut ou les langues amérindiennes qui risquent de menacer le français,
mais c'est plutôt l'hégémonisme d'une langue, qui est l'anglais, sur l'échelle
du continent, et on a vu qu'à l'échelle du continent, avec toutes les lois qu'il
y a eu dans le reste du Canada, aux États-Unis où il y avait des francophones,
partout le français a diminué et a perdu sa place. Donc, il ne faut pas que
cette chose-là arrive ici même, au Québec.
Nous
sommes d'accord avec l'ensemble des modifications proposées, quoique nous
émettions des réserves sur certains articles qu'on retrouve à la fin, en
annexe du mémoire. Nous voyons particulièrement d'un bon oeil l'extension
de la Charte de la langue française aux entreprises comptant entre 26 et
49 employés, le resserrement des exigences du bilinguisme au niveau des
emplois ainsi que l'inclusion des droits linguistiques dans la Charte des
droits et libertés.
Nous déplorons
cependant grandement l'absence de mesures pour supprimer les écoles passerelles
et pour étendre l'application de la
loi 101 au niveau collégial. Ce sont des mesures énergiques qui auraient
illustré la volonté du gouvernement
de raffermir les positions du français au Québec. Nous formulons également
certaines propositions en vue : d'améliorer
l'affichage en français; de restreindre les programmes d'anglais intensif en
sixième année du primaire; de mieux
intégrer les immigrants; de contrer l'omniprésence de l'anglais dans la musique
d'ambiance des établissements commerciaux; et d'introduire des quotas de
chansons françaises dans les programmes de radio anglophones.
Nous
souhaitons que le gouvernement agisse avec vigueur pour promouvoir le français
à l'intérieur des limites constitutionnelles
actuelles et qu'il tâche de repousser ces limites afin d'avoir plus de marge de
manoeuvre pour faire véritablement du français la langue commune au Québec. On
s'entend que ce n'est pas contre l'anglais, l'anglais comme langue de culture, bon, le bilinguisme individuel, mais plutôt de
faire en sorte que le français soit la véritable langue officielle et commune du Québec, qui soit... pour
l'ensemble des Québécois. Puis, bon, il y a plusieurs choses que je
pourrais dire, mais... je vais laisser mon collègue poursuivre, mais juste pour
dire, c'est que, concernant l'intégration des
immigrants, on peut dire qu'il y a beaucoup de choses qu'il reste à faire. Moi,
il y a deux jours, j'assistais à une conférence de Mme Tania Longpré, qui est prof en francisation à Montréal, et qui
nous racontait à quel point... les lacunes au niveau de l'intégration
des immigrants, la francisation, les heures qu'on coupe, qui ne sont pas
suffisantes, le fait qu'on ne tienne pas
compte que des gens qui viennent de l'étranger, par exemple quand leur langue,
c'est le mandarin, le chinois, bien,
ça prend plus de temps pour se franciser, or on ne leur donne pas cette
chance-là. Qui plus est, le danger aussi, c'est que l'anglais, malheureusement, ici, est sur un pied d'égalité avec le
français, alors que ça ne devrait pas être le cas. Quand on parle d'une langue commune, d'une langue de...
ça ne devrait être que le français. Et maintenant, quand on exige pour des emplois, même des emplois de plongeurs, le
bilinguisme, on demande à ce que les personnes parlent l'anglais, c'est
des choses qui sont complètement inadmissibles et loufoques.
Puis, comme je disais, l'exemple, c'est : tout ce
qui est arrivé dans le reste du Canada devrait nous inquiéter, puis on devrait voir que, si on ne prend pas les mesures
pour le Québec dans les années à venir, bien, ce n'est pas mêlant, on va se
retrouver dans l'anglicisation de... parce que le bilinguisme mène seulement à
l'anglicisation. Comme on dit, deux langues
sur le même pied, ça ne peut pas exister. Il y en a toujours une qui a une
suprématie sur l'autre, et, comme l'anglais est une langue hégémonique à
l'échelle du continent et, même, je dirais, à l'échelle mondiale, raison de
plus pour éviter cette situation-là puis de proclamer le français comme langue
commune et officielle.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci, monsieur.
M. Jalette (Jocelyn) : Merci. Alors, écoutez, ce qui est le
plus important à retenir, ce que, nous, ce sur quoi on voulait insister, c'est
qu'il faut être conscients d'une chose : on peut sortir toutes les
statistiques qu'on veut, mais, étant donné que notre taux de fécondité
baisse depuis de nombreuses décennies, l'immigration qui vient nous rejoindre,
il y a un grand défi avec elle : il
faut être capables de l'intégrer. Premièrement, il faut savoir ce que ça veut
dire, intégrer. Est-ce qu'on demande simplement à l'immigrant de parler
un peu le français et d'être capable de nous dire, dans un dépanneur chinois, que ça coûte 5,95 $? Ce n'est
pas que ça, de s'intégrer. Moi, la question principale... C'est déjà un
pas de parler un français minimal, mais
après, l'autre étape, c'est de savoir quelle est la langue de culture d'intégration
de cette personne. Est-ce que le matin elle
va... ce nouvel arrivant, est-ce qu'il va lire simplement The Gazette,
il ne va jamais ouvrir une télé francophone, il ne va jamais aller voir
un film québécois, il n'a aucune idée de ce que c'est, la culture québécoise? J'en ai rencontré dans des écoles, des
jeunes qui n'ont aucune idée de qui peut être Patrick Huard ou d'autres vedettes québécoises très, très connues. Alors,
ça, c'est une étape importante dans l'intégration, et le chiffre à retenir,
c'est que, si on n'est pas capables d'aller chercher 90 % des nouveaux
arrivants, de les intégrer à notre culture... ce qui ne veut
pas dire qu'ils n'apportent pas leur part à notre culture, mais, entre les deux
cultures influentes au Québec, soit anglophone
ou francophone, celle qui doit prédominer, c'est celle qui... c'est le
français, évidemment. Alors, si on n'est pas capables d'aller chercher
90 % des immigrants, on ne fait que décroître, en termes de proportion, au
Québec. Les derniers chiffres nous l'ont montré : on est en bas de
80 % de langue maternelle au Québec, Montréal est en bas de 50 %, ça
diminue toujours.
Alors, ça, c'est la grande
question : Comment relever ce défi-là? Et ce défi-là, à notre avis, on ne
peut pas le relever simplement avec la bonne entente, l'esprit passe-partout : on est
tous des petits amis, et aimez-nous, on va vous aimer. Il faut aussi
être coercitif. Il faut donc avoir des lois claires, précises, que tout le
monde va devoir respecter. Et donc le projet de loi n° 14 est un pas
dans cette direction-là. Mais il y a évidemment des lacunes, mais on comprend
aussi évidemment qu'il y a une situation de
gouvernement minoritaire. Mais ça n'empêche pas que le projet de loi, pour
nous, aurait pu être, dès le départ, plus fort quand même pour justement
pouvoir faire la pédagogie de ce que ça prend pour protéger le français.
Et j'aimerais rappeler qu'en 1977, quand on a
adopté la première loi 101, ça ne s'est pas fait dans l'harmonie, ça ne s'est
pas fait dans la joie. L'opposition était... On nous promettait tous les cataclysmes
du monde, comme on le fait un peu encore
aujourd'hui. Et pourtant, 35 ans plus tard, la plupart des partis, ceux d'opposition,
le Parti libéral et compagnie, qui ont voté contre en 1977, ont quand
même... vont reconnaître aujourd'hui, je pense, que la loi 101 a eu un apport
bénéfique pour le français aujourd'hui.
Alors, c'est pour ça qu'à notre avis on est à
une autre étape où il faut renforcer la loi. Il faut boucher les trous qui ont été amenés par
l'affaiblissement à cause de divers jugements de la Cour suprême, et de la
Constitution de 1982, et tout ça, bon, bref, je résume, donc on veut
évidemment que le projet de loi soit maintenu dans son intégralité et, si
possible, il soit renforcé. Voilà. Je vous remercie de votre attention.
La
Présidente (Mme Vien) : C'est moi qui
vous remercie. Ça complète votre présentation, messieurs?
Une
voix : Oui.
La Présidente (Mme Vien) : Bien. Alors, nous allons aller
maintenant du côté de... pardon, du
gouvernement du Québec, avec un échange donc avec la ministre dès maintenant.
Mme De Courcy : Je vous remercie d'avoir pris la
peine de nous transmettre vos préoccupations. Je
comprends que votre engagement personnel est très important autour de la
langue, compte tenu de l'organisation à laquelle vous appartenez, mais aussi
plus personnellement, là. Ça se sent à l'écriture du mémoire. J'ai donc bien lu, bien
compris ce que vous mettez de l'avant.
Je vous inviterais, par ailleurs, en
ce qui concerne la portion plus immigration que vous touchez, d'aller vers le site du ministère de
l'Immigration, qui donne les 18 mesures complémentaires au projet de loi, ce
qui vous permettra de mettre en
perspective le projet de loi n° 14 avec le complément de ces mesures.
Et, s'il y a lieu, après que vous ayez pu prendre connaissance de ces mesures en immigration, si
vous désirez avoir des renseignements complémentaires, bien, contactez
le ministère de l'Immigration, là, il pourra vous... on pourra vous répondre
avec grand plaisir. Est-ce qu'on a à notre portée l'adresse Internet?
Une
voix : ...
Mme
De Courcy : La Direction des
communications va vous donner l'adresse du MICC. Il me fera plaisir
éventuellement qu'un membre de mon cabinet puisse échanger avec vous sur ces
mesures. Je vous remercie.
La
Présidente (Mme Vien) : Oui. M. le
député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M. Breton : Merci, Mme la Présidente. Bonjour,
messieurs. Merci de votre présence. Merci de votre mémoire. Il y a
beaucoup d'aspects sur le projet de loi n° 14 que vous appuyez,
certains où vous dites qu'on devrait aller un peu plus loin. Vous avez parlé, dans votre mémoire, de l'absence
de mesures suffisantes pour supprimer les écoles passerelles. Quelles
sont les mesures que vous envisageriez?
M.
Jalette (Jocelyn) : ...la clause
«nonobstant», point final.
M.
Breton : Point final. O.K. C'est
simple. C'est clair.
•
(10 h 50) •
M. Jalette (Jocelyn) : Il ne faut pas se gêner d'utiliser la
clause «nonobstant». Il faut se rappeler que ce n'est pas quelque chose d'antidémocratique — ça a été instauré dans la législation parce qu'on ne voulait
pas laisser aux seuls juges de décider d'une
loi, si elle était bonne ou pas — et que les députés, les élus du peuple donc, avaient, avec
la clause «nonobstant», le pouvoir de
dire : Nous, en tant qu'élus, nous considérons que, pour cette
considération, on a à... Les élus, vous avez
à protéger, dans le fond, l'intérêt collectif, et donc vous êtes seuls à
pouvoir juger de ce que c'est, au-delà des lois... plutôt, la pensée qui
tend... sous-tend une loi, un projet, que ça peut être bénéfique justement de
dire : Non, le jugement de la Cour
suprême ou... Peut-être que ça ne correspond pas à la loi dans la précision que
les avocats vont en sortir, des
détails, mais la clause «nonobstant» permet justement d'outrepasser ça, et c'est
tout à fait légal. La démocratie doit être plus forte que le législatif.
... Pas le législatif...
M.
Richard (Claude) : Il faut rappeler
aussi qu'en 2002 la loi n° 14... la loi n° 104, pardon, avait réglé
cette question des écoles passerelles et que cette loi-là avait fait l'unanimité
de l'Assemblée nationale. Je pense qu'il faut revenir à cette loi-là, puis, si
ça prend la clause «nonobstant» pour la faire appliquer, bien, recourons-y.
Mme De
Courcy : Juste...
La Présidente (Mme
Vien) : Mme la ministre.
Mme
De Courcy : C'est
simplement, puis avec tout le respect que je vous dois... Et je sais que c'est
un dossier très
complexe, la question des écoles passerelles, et vous avez raison d'évoquer,
monsieur, la loi n° 104, qui avait fait l'objet d'unanimité à l'Assemblée nationale, et tout le monde croyait que
c'était possible de cette manière-là, malheureusement, vous connaissez
la suite.
Par ailleurs, ce que
vous avez comme croyance, à savoir que la clause «nonobstant» réglerait la
chose... Malheureusement, l'article 23 de la
Charte canadienne n'est pas soumis à la clause «nonobstant». Ça ne serait pas
possible de le faire par cette voie-là. Je vous avoue que les juristes de tous
les gouvernements, de tous les gouvernements, ont tenté d'aller voir qu'est-ce
qui se passait par cette voie-là, et malheureusement ce n'est pas possible.
Pour votre gouverne,
et, si vous voulez en savoir plus long, je vous invite à suivre les débats de l'Assemblée
nationale, probablement d'ici la fin juin, où il y aura des éléments qui
toucheront les écoles passerelles, tel que je l'ai annoncé, qui permettront
probablement de vous convaincre du bien-fondé de ce que je vous affirme
présentement.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M. Breton : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Il y a aussi que vous
semblez avoir une certaine réticence à renforcer
l'enseignement de l'anglais langue seconde. Moi, je vais vous dire, comme je l'ai
dit lors de cette commission, moi et
à peu près 95 % de mes amis, qui sommes de Montréal, sommes tous allés à l'école
française, l'école francophone, et,
contrairement à ce que disait le député de LaFontaine hier, où il disait que,
dans le fond, je n'avais pas eu de formation particulière, en fait, j'ai
eu des cours d'anglais à l'école, et j'ai appris l'anglais, je parle très bien
anglais, comme à peu près tous mes amis, et
je dois vous avouer que je considère l'apprentissage d'une deuxième et d'une
troisième langue comme un atout.
Donc,
j'aimerais ça que vous m'expliquiez pourquoi vous n'êtes pas favorable à l'apprentissage
d'une deuxième ou d'une troisième langue. Ou
est-ce que c'est moi qui ai mal compris?
M.
Jalette (Jocelyn) : Je pense que vous avez mal compris. On n'est pas contre l'apprentissage
d'une deuxième ou d'une troisième langue. On est contre la politique du mur-à-mur, c'est-à-dire
que... Écoutez, ça, ça a été écrit, premièrement, avant que, justement, votre gouvernement sursoie à
une l'obligation unilatérale, mur à mur, dans toutes les commissions scolaires, d'appliquer justement l'enseignement de
l'anglais en sixième année pendant six mois. Ça, c'est la première
chose.
Il faut voir les
réalités différentes selon les régions. Je pense qu'à Montréal, pour justement
faire beaucoup d'animation dans les écoles,
le problème, ce n'est pas l'apprentissage de l'anglais, c'est l'apprentissage
du français dans certaines écoles où les classes sont majoritairement
des Néo-Québécois. Moi, j'ai vu, dans la commission scolaire de Montréal, des
classes où la langue de communications — une école francophone — c'était l'anglais. La commission scolaire
de Montréal a même été obligée de... je
pense, c'est une sorte de règlement, je ne sais pas s'il est appliqué, mais on a réfléchi à imposer justement l'obligation de se
parler en français entre eux. Alors, il faut voir les contextes différents
selon les écoles. La question là-dedans, c'est de rendre... obliger tout le
monde...
Tout
le monde n'a pas les mêmes capacités. C'est comme si je vous disais : Tout
le monde doit être aussi bon en mathématiques, en musique, en français que son
voisin. Alors, demander à tous les étudiants, sans égard à leur capacité
déjà de base, d'être bons en français, en
géographie, en mathématiques, de... Nous, en sixième année, on va compresser
tout ça. La même matière qu'on voit normalement en 10 mois, on va la voir en
cinq mois, puis le reste vous allez faire de l'anglais
pendant cinq autres mois. Le rendre obligatoire à tout le monde, c'est ça
contre quoi on est, c'est-à-dire qu'on l'offre, c'est une chose, à ceux
qui ont les capacités, ceux qui le veulent, que ce soit offert, il n'y a pas de
problème avec ça, c'est le côté obligatoire, mur à mur contre lequel on en a.
M. Breton : O.K., merci.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Combien de temps,
Mme la Présidente?
La Présidente (Mme
Vien) : C'est à peu près 13 minutes.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Ah! C'est
bien. Merci. Dans votre mémoire... Je vous salue tous, là, les quatre. Vous avez M. Durand, M. Richard, M.
Jalette et M. Barthe. Je vous salue d'avoir pris la peine au moins de
présenter votre mémoire, puis de venir nous rencontrer, puis d'expliquer votre
position. Vous formulez dans votre... Dans le résumé,
vous formulez certaines propositions en vue d'améliorer l'affichage du
français, de restreindre les programmes d'anglais intensif en sixième
année, de mieux intégrer les immigrants. Mais je pense qu'il y a déjà des
choses qui ont été
faites, qui sont entreprises justement à travers les ministères pour ces... là.
Vous parlez, là, de l'omniprésence de l'anglais dans la musique d'ambiance des établissements commerciaux puis d'introduire
des quotas de chansons françaises dans les programmations des radios
anglophones.
Maintenant, vous savez quand même qu'au
niveau des communications c'est le CRTC qui gère les, on peut dire, niveaux d'écoute
dans les radios francophones et anglophones. On impose 65 % au niveau
francophone, je pense, et puis, au
niveau des anglophones, je ne connais pas la base, là, s'il y a un minimum
obligatoire. Mais vous savez que c'est des choses qui pourraient être améliorées. Mais comment vous verriez que ça
pourrait se développer dans le futur? Quelle est l'approche qu'on devrait prendre avec le fédéral, justement, le CRTC,
pour permettre justement d'augmenter l'écoute francophone et le faire aussi dans les endroits commerciaux? Comment on
peut s'implanter dans les endroits commerciaux pour exiger plus de musique francophone, si ce n'est que moi, quand je
vais dans un restaurant ou que je vais dans une boîte où la musique ne
me satisfait pas, soit que je le demande ou que je quitte puis je dis :
Bien, je n'y retournerai plus, alors il perd de la clientèle? Mais comment vous
voyez ça, cette...
M.
Durand (Jean-Pierre) : Je pense
que... Moi, j'ai l'impression que, de toute façon, le gouvernement doit
légiférer dans une situation comme ça. Parce que c'est certain que l'anglais,
comme je disais, dans le continent nord-américain,
a un pouvoir d'attraction qui est bien... qui est au-delà, qui est beaucoup
plus fort que le français, et c'est normal, comme je dis. C'est pour ça
que tantôt je faisais allusion, moi, sans peut-être l'avoir nommé, à Claude
Hagège, le linguiste français, qui a abordé
cette question-là que deux langues, on ne peut pas... il n'a pas dit ça dans
ces termes-là, mais qu'on ne peut pas
mettre deux langues sur un pied d'égalité parce que c'est... En fait, si on met
les deux... on met une langue qui a les deux pieds sur la même langue.
En tout cas, bref, ça ne se peut pas, là, il y a toujours une langue qui est minoritaire, la langue minoritaire au
Canada... parce qu'on vit au Canada. Même si on est au Québec, la
situation politique est celle-ci : on
est au Canada, et, au Canada, c'est le français qui est minoritaire. Donc, c'est
le français qui doit être protégé.
Et, au Québec, c'est le foyer où le français est en majorité mais, comme je
dis, dans un contexte de minorité, donc
on n'a pas le choix de prendre les mesures, de légiférer pour faire du français
parlé à la radio, n'importe quoi... Bien, des mesures peuvent être prises au Québec pour demander que le français
soit davantage diffusé sur les ondes, n'importe où, puis... C'est ça, prendre un pouvoir sur Ottawa. Ottawa ne peut pas
dicter ça parce que, comme je dis, le Canada est un pays où l'anglais est majoritaire. Ça fait qu'on ne peut pas... on n'aura jamais raison. En
plus, on ne représente pas un pourcentage de la population tel pour... On l'a vu,
là, à Ottawa, ce n'est pas... on est loin d'être majoritaires, lesfrancophones, à l'intérieur du Canada. Donc, pour cette
raison-là, c'est au Québec à prendre les devants puis à prendre les
mesures pour être plus coercitifs, plus de législation, puis tout ça, puis ça,
avec l'appui des partis d'opposition, je veux
dire, c'est une question de... c'est un devoir national pour éviter que le
français diminue, comme j'ai dit. Dans l'échelle du pays, là, c'est de l'histoire,
ça, ce n'est pas des choses... Dans les livres d'histoire, on raconte que, dans
l'Ouest canadien, en Ontario, tout ça, il y
avait beaucoup plus de francophones, puis aujourd'hui ça se réduit comme une
peau de chagrin, on ne peut plus... La
difficulté de travailler là-bas en français, ça... il n'y en a presque pas, les
mariages mixtes font que les gens adoptent l'anglais, puis etc., puis,
chaque année, les francos hors Québec diminuent.
Ça fait que c'est un message que ça nous
envoie, qu'on devrait être en mesure de lire que, si on ne prend pas les mesures ici pour protéger le français, bien, je veux
dire, avant longtemps, on va devenir comme l'Ouest canadien. Puis là je parle
en connaissance de cause, toute ma famille vient du Manitoba, de ces places-là,
puis aujourd'hui il n'y a plus personne qui
parle français, plus personne qui parle français là-bas, ils sont passés à l'anglais.
C'est la réalité. Et c'est la réalité
qui va nous atteindre si on ne prend pas des moyens coercitifs. On n'a pas le
choix d'utiliser la loi. Quand on n'a pas le nombre, si on ne prend pas
la loi, il ne faut pas s'imaginer que la majorité va prendre en
considération... Comme j'ai dit, dans l'échelle
du Canada, les francos... le Québec représente de moins en moins un
pourcentage important, donc il ne faut pas s'attendre à des miracles qui nous
viennent d'Ottawa. Donc, c'est à Québec à prendre les moyens.
•
(11 heures) •
M.
Jalette (Jocelyn) : On demeure
conscients que la compétence est au fédéral. Alors, nous, ce qu'on parle, c'est
au niveau de l'idéal, évidemment, comment le faire. On ne dit pas que c'est
facile. Alors, soit on peut réclamer d'avoir
la compétence, soit rapatrier au provincial, ça serait l'idéal; évidemment, une
autre des solutions, c'est de faire l'indépendance,
mais on n'en est pas encore très, très proches. Mais, nous, ce qu'on dit dans
le mémoire, c'estqu'ultimement,
idéalement, ce qu'il faudrait, c'est avoir cette compétence-là, parce que ça
fait partie de la culture, et que, si on ne le fait pas, si on ne l'obtient
pas, bien, ce ne sont que des reculs vers quoi on s'en va.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci.
Ça me va.
La
Présidente (Mme Vien) : Ça va?
M.
Richard (Claude) : En ce qui concerne
la musique d'ambiance, il y a vraiment un problème, là. On se présente dans n'importe quel restaurant, puis c'est
de la musique en anglais à 90 %. Il y a vraiment des choses à
faire. Il y a des pressions individuelles
qui peuvent être faites, comme le disait M. le député, mais je pense qu'il faut
aller au-delà. Moi, je verrais très
bien que le gouvernement fasse une campagne publicitaire à la radio pour
inciter les gens à réclamer leur droit... à réclamer du français un peu
partout.
Il
y a eu une campagne, il n'y a pas longtemps, qui demandait aux commerçants d'acheter
des génériques en français à leur raison
sociale. Bien, pourquoi ne pas s'adresser aussi au grand public, leur
dire : Bien, vous avez une langue, faites-la respecter? Quand vous allez au restaurant, c'est normal que
vous vous détendiez dans une musique qui reproduit votre langue.
La
Présidente (Mme Vien) : Ça complète
de votre côté. Alors, je cède maintenant la parole au porte-parole, justement,
de l'opposition officielle pour une période de 20 min 30 s. M.
le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord et avant tout,
merci beaucoup à vous d'être ici présents ce
matin. Merci d'avoir rédigé le mémoire. Ce faisant, vous participez directement
à la démocratie québécoise, à éclairer nos travaux, à éclairer nos
opinions également, et, en ce sens-là, bien, je vous lève mon chapeau et je
vous remercie, MM. Durand, Richard, Jalette et Barthe, pour votre présence.
Nous
avons eu l'occasion, notamment, d'entendre les représentants du Mouvement
national des Québécoises et des Québécois, et,
sans vouloir travestir leurs propositions, il y avait néanmoins là un constat à
l'effet qu'il y avait une demande accrue en
matière d'apprentissage de l'anglais chez les parents, notamment. Donc, il y
avait ce constat-là, il y avait une demande accrue. Et, en ce sens-là,
moi, comme père de famille, aussi, mes deux filles sont de langue maternelle
française, et leur capacité, j'ose l'espérer, de pouvoir parler un jour un très
bon anglais également pour leur ouvrir les horizons... je serais le plus
heureux des parents, notamment sur cet aspect-là.
J'aimerais
donc vous entendre quant à l'équilibre que vous proposez. J'aimerais bien vous
comprendre là-dessus quant à l'importance, oui... De un, qualité du français, on vient d'en
parler longuement, et c'était extrêmement intéressant de part et d'autre,
j'en suis convaincu, des parlementaires ici qui avons écouté les représentants
de l'ASULF. Qualité du français, de un. De
deux, également, aussi, qualité de l'anglais, et comment on peut atteindre cet
objectif-là, comment on peut mesurer
les résultats. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Et je ne crois pas
percevoir de votre part que c'est une fin de non-recevoir quant à ce
questionnement-là, quant à oui, qualité du français, mais également
préoccupation par rapport à une capacité de parler minimalement un bon anglais
et de bien l'écrire également.
M. Jalette (Jocelyn) : Le grand défi pour le Québec, le grand défi pour le
Québec, si on veut que la langue française soit la langue commune à tous, c'est
de répondre à une question : Est-ce que ne pas connaître le français au
Québec est un handicap plus grand que de ne pas connaître l'anglais au Québec?
C'est une question majeure. Et présentement on a des immigrants qui arrivent au
Québec, qui sont maghrébins, qui sont francophones au départ, qui arrivent ici et qui se heurtent, à Montréal
surtout, au fait que, s'ils ne connaissent pas l'anglais, on ne les embauche
pas. Nous, ce qu'on dit... Et, après ça, la
question de la connaissance de l'anglais, pour nous, c'est un choix individuel.
Qu'une personne décide que, pour elle, dans
son choix de carrière, où elle veut aller, elle a besoin de l'anglais, elle va
suivre des cours pour... On va lui
offrir, si c'est possible, des cours pour améliorer son français, mais c'est
aussi son choix individuel, c'est aussi à elle à faire la démarche.
Alors,
pour nous, c'est important que la question principale, ce soit que la
connaissance du français soit... devienne la
langue commune pour tous. Pour nous, ce n'est pas deux choses opposées, sauf
que la question, justement, de l'apprentissage
du français doit être la première question à se poser. Est-ce qu'on est
capables présentement de dire à un immigrant
qui arrive ici : La première chose que tu dois savoir, c'est de parler le
français, et ça, ça va t'ouvrir des portes? Parce que, si on en arrive
au point où ne pas connaître l'anglais, ça lui ferme toutes les mêmes portes, c'est
là qu'on va avoir un grand problème de...
Ce n'est pas tout le
monde qui a les mêmes capacités, ce n'est pas tout le monde qui a les mêmes
capacités d'apprendre une autre langue. Il ne faut pas croire qu'on est tous
pareils. Tout le monde n'a pas les mêmes capacités en mathématiques, en
histoire, en géographie, en n'importe quoi. Je ne vois pas pourquoi ce serait
la même chose en anglais. Il y a des gens qui n'ont pas la capacité de parler l'anglais
comme les autres, aussi bien que les autres. Parce qu'encore là faut-il définir
ce que c'est de bien parler l'anglais. Déjà, présentement, on a un problème où
on dit que 50 %... Il y a un taux de 50 % d'analphabétisme au Québec,
c'est quand même énorme. C'est sûr qu'il y a des degrés là-dedans : ça va de un peu à énormément et pas du tout d'alphabétisme.
Mais 50 % d'analphabètes au Québec, c'est le premier défi à
relever. C'est le premier défi à améliorer la question du français.
Pour
le reste, il ne faut pas s'inquiéter pour la vitalité de l'anglais. On est en
Amérique du Nord, ça se fait tout seul. On est envahis par l'anglais. Il n'y a aucun
problème; l'anglais va s'apprendre par ceux qui ont le temps pour l'apprendre,
qui veulent l'apprendre. Ce n'est pas là-dessus qu'il faut travailler, il faut
travailler pour l'amélioration du français. Je ne sais pas si mes collègues
veulent ajouter quelque chose.
M.
Durand (Jean-Pierre) : Oui, peut-être, j'aimerais ajouter quelque chose. C'est que, justement,
je pense qu'il ne faut pas mettre peut-être...
j'appelle ça, moi, des fois un complexe de colonisé, mettre l'anglais sur un
piédestal puis en faire une matière
importante : Si on n'a pas l'anglais, on est dépourvus, on est... Ça, c'est... Je trouve que c'est un peu bête, un peu... ce n'est pas correct de penser les
choses comme ça.
Je
donne un exemple. Moi-même, je viens de... mon mariage avec une anglophone qui
vient de l'Ontario, qui a appris le français à
l'âge de 18 ans parce qu'elle a vécu toute sa vie en Ontario. Et tous mes
neveux et nièces sont de l'Ontario. Par
exemple, personne ne parle le français. On va les voir 10, 15 fois par année,
ils viennent nous voir, on fait des
voyages à Pâques puis, la semaine prochaine, on va passer tout notre temps dans
la région de Belleville; personne ne parle
le français. Mes enfants vivent au Québec, ils sont allés à l'école
francophone, bien sûr, à tous les niveaux, puis ils parlent tous... «ils
parlent tous», j'en ai seulement deux, mais mes petits-enfants aussi. Ils parlent
l'anglais et le français mieux que tous les autres. Et, quand ils vont voir
leurs cousins en Ontario, c'est en anglais que ça se passe parce qu'ils
ne savent pas un traître mot là-bas en français.
Maintenant,
la preuve que ce n'est pas si important que ça, ils ne sont pas idiots, mes
neveux puis nièces qui ne parlent pas
français parce qu'ils vivent en Ontario. Donc, si un jeune Québécois ne
parle... ne serait pas parfaitement bilingue,
en quoi c'est important? Ce n'est pas ça qui est important. C'est une langue...
L'anglais, c'est bien. On n'a rien contre l'anglais, l'apprentissage de l'anglais
comme une langue de culture, n'importe quoi. Puis même d'autres langues là. Cessons de ne faire que de l'anglais; il y a
de l'espagnol, il y a des choses comme ça. Pour le commerce
international, ce serait peut-être bien qu'au Québec on ait d'autres langues qu'uniquement
l'anglais comme langue seconde, qu'on développe
l'apprentissage de l'espagnol, puis des choses comme ça. C'est important.
Peut-être même le russe, etc. Donc, ce n'est pas ça, la question, c'est
que c'est le français qui est menacé. Puis le français est menacé. Les jeunes,
les adolescents, ils connaissent des
chansons anglophones dans leur environnement sonore, n'importe quoi, ils
peuvent... ils vont vous dire ce que telle chanteuse peut chanter, les
paroles une par une. Ils sont... Leur français... Leur anglais est nettement
mieux que n'est le français des Ontariens, des jeunes Ontariens de leur âge ou
des jeunes Manitobains ou des jeunes Albertains. Puis ils ne sont pas plus
idiots. Je ne suis pas en train de prétendre que les jeunes de là-bas, parce qu'ils
ne sont pas bilingues, sont idiots. Ils ne sont pas idiots, puis personne ne
dirait ça ici.
Donc, en quoi c'est absolument essentiel tout
d'un coup, comme tout à l'anglais, cet... Comme je dis, ce côté-là, j'appelle ça,
moi, une sorte de complexe de colonisé de faire de l'anglais la matière à
mettre sur un piédestal. Il y a des matières
comme la musique, les arts, les mathématiques, il y a d'autres... il y a l'histoire
qui n'est pas assez enseignée au Québec,
il y a beaucoup de choses comme ça. L'anglais, c'est une matière comme les
autres. Mais la langue nationale du Québec,
la langue officielle, la langue commune, doit être le français. Dans n'importe
quel pays normal... Au Danemark, c'est
le danois; en Italie, c'est l'italien. Comme on dit, à Rome, fais comme les
Romains. Mais ici ça devrait être la même chose, c'est le français. Ça n'a rien d'hostile à l'anglais comme langue
de culture, comme langue seconde, comme langue d'apprentissage. Le pape
parle peut-être 15 langues, puis personne... c'est merveilleux. C'est
merveilleux. Mais tout le monde ne peut pas parler 15 langues ni tout le
monde ne devrait pas avoir besoin de deux langues parce que ça ne peut pas
fonctionner longtemps.
Et, juste pour finir, je parlais du linguiste
français Claude Hagège, deux langues comme ça longtemps, celle... il yen a une qui va
toujours dominer sur l'autre, et c'est celle qui est la plus forte, qui est la
plus forte. Et, en Amérique du Nord, bien,
vous le savez c'est quelle langue qui est la plus forte. Donc, c'est le
français qui est vraiment menacé et pas l'anglais.
•
(11 h 10) •
M.
Jalette (Jocelyn) : Je vais vous
donner un exemple justement sur le fait que deux langues ne peuvent pas vivre sur un même espace. Vous
savez, la Belgique, c'est un pays tout petit mais qui peut se comparer un peu au Canada dans le sens où il y a deux
langues officielles : il y a le français et il y a le flamand. La
capitale... Chacun a son territoire,
là, tu sais, et chacun vit dans sa langue, seulement en français d'un côté et
seulement en flamand de l'autre côté,
sauf pour la capitale, Bruxelles, qui a un statut particulier. Et là-bas c'est
le libre choix à Bruxelles, c'est la
capitale. Au début du XXe siècle, Bruxelles était majoritairement flamande et
aujourd'hui, évidemment, elle est à 85 %
francophone.
La logique, c'est quoi? C'est que tous les
immigrants qui sont arrivés à Bruxelles, ils ont tous appris le français. C'est
logique. Voyons donc! On serait... on ferait la même chose. Tu as le choix
entre apprendre une langue qui est le français,
qui est parlé par 220 millions de personnes, ou le flamand qui est parlé par
10 millions de personnes. Alors, c'est quoi, le choix? Le choix
logique, c'est ça. Si Montréal en vient à être comme ça, où présentement on a
un libre choix entre les deux langues, bien, c'est l'anglais qui progresse, ce
n'est pas le français. Et, lorsqu'on va perdre Montréal, on va louisianiser le
Québec.
La
Présidente (Mme Vien) : M. Barthe,
vous êtes très discret, mais moi, j'ai vu qu'à quelques reprises vous demandiez
la parole. Alors, je vous la donne.
M. Barthe (François) : Je suis d'accord avec une bonne part
des propos de mes collègues, évidemment, vous
en conviendrez, mais je voudrais revenir à
ce que M. le député de LaFontaine mentionnait en introduction à sa question.
Dans le fond, personnellement, je pense qu'il
y a une demande qui est légitime de la part des parents d'apprendre une
seconde ou une tierce langue, que ce soit l'anglais, l'espagnol ou quelque
autre langue, mais l'anglais, c'est évidemment bien important dans le contexte
québécois et dans le contexte mondial actuel.
M. le député de LaFontaine nous demandait qu'est-ce
qu'on peut faire, par contre, là, pour tenir
compte de ce besoin-là dans le contexte. Je
pense qu'il y a des choses qu'on fait qui sont déjà bien. Je pense qu'il y a
des choses qu'on fait qui sont excessives, par contre. Je peux vous dire
des choses qu'on fait. M. le député de Sainte-Marie nous mentionnait que lui, il a appris son anglais très
bien dans les écoles du Québec, francophones. Ce fut mon cas aussi, vous
savez, pas dans la région de Montréal, moi,
c'était dans la région de Québec, et je parle très bien l'anglais aujourd'hui,
il n'y a aucun problème. Il y a moyen de le faire avec ce qu'on avait
antérieurement, c'était bon. Il y a moyen, par exemple, d'améliorer ça en
améliorant la qualité de l'enseignement. Il y a toutes sortes de méthodes
pédagogiques qui pourraient nous permettre d'arriver à des objectifs de ce
style-là.
Un exemple, par contre, où on en fait trop,
je crois, puis ça m'apparaît fort important. Je travaille actuellement dans les
écoles primaires, et c'est au niveau d'avoir introduit l'anglais, les cours d'anglais,
dès la première année de l'école primaire, où là, avant même que les
enfants puissent bien connaître les bases de leur langue maternelle, ils
doivent apprendre deux codes linguistiques en même temps, puis ça, ça pose
certains problèmes dans beaucoup de milieux où... dont la connaissance du
français est moins développée. Alors, il peut y avoir des problèmes de ce
côté-là.
Ça fait que moi, je pense que, si on voudrait
regarder sous ces aspects-là... Je pense que les demandes des parents sont légitimes.
Il y a des temps pour ça. Je suis d'accord avec le fait qu'on ait retiré l'anglais
intensif en sixième année, mur à mur,
comme le disait mon collègue plus tôt. C'était, à mon avis, très excessif.
Cependant, de le laisser, dans certains milieux où est-ce que les jeunes sont capables de
suivre le rythme, comme ce l'était, là, tout récemment, là, donc des
classes d'anglais intensif dans les... spécifiques pour des élèves qui n'ont
pas de difficulté dans d'autres matières, ça va bien. Donc, ça, c'est des bonnes choses, puis il y a peut-être des choses
comme... de ce niveau-là qui pourraient être faites de façon plus précise pour répondre aux besoins de la
population québécoise sans tomber dans le bain anglophone majeur, parce qu'il y a vraiment des périls pour la langue
française au Québec, puis je pense que c'est de se mettre des oeillères
si on ne veut pas les voir. Il y a de sérieux périls.
Je voudrais rajouter une chose, Mme la Présidente,
si j'ai encore un petit peu de temps, puis ça relève... ça déborde la question de
M. le député de LaFontaine, mais c'est vraiment... Dans l'article 1 de la
Charte de la langue française, on dit que
le français, c'est la langue officielle du Québec. Ce n'est pas très clair,
même dans le projet de loi n° 14, la distinction entre... parce qu'on parle de langue commune, si
on lit le deuxième paragraphe du préambule, on voit que ça définit, là,
les institutions, la langue de travail, la langue de l'enseignement, etc. Donc,
c'est comme très clair qu'il y a une volonté que le français soit la langue
commune au Québec. Mais, dans ce qu'on vit sur le terrain, partout, on a
beaucoup plus l'impression que ce que le
gouvernement... les gouvernements, dont le gouvernement actuel, veulent, c'est
que le français soit la langue prédominante au Québec. Puis, moi, ça ne
m'apparaît pas être l'esprit de la Charte de langue française et ça m'apparaît
en deçà des besoins de la collectivité québécoise pour la survie de cette collectivité-là
à long terme.
Alors, je rejoins beaucoup des propos de mes
prédécesseurs, là. Je pense qu'il y a une réflexion de fond à faire par rapport à la
survie de la langue française et je pense qu'il faut adopter clairement le
principe de la langue commune, le définir,
pour éviter la confusion avec français, langue prédominante au Québec. C'est
français, langue commune. Moi, c'est ce que j'avais d'essentiel à vous
dire.
M. Tanguay : Mme la Présidente... et, sur cette
lancée, M. Barthe, vous venez de nous dire qu'il faudrait, donc, aller un peu plus loin que français, langue
prédominante. Je vous réfère au blogue du 19 janvier 2013 du ministre responsable de la métropole qui affirmait :
Les Anglo-Montréalais sont massivement devenus bilingues depuis un peu
plus d'une génération. Ils voient autour d'eux, notamment à Montréal, une
majorité de jeunes francophones bilingues. Fin de la citation.
Alors, toujours à la lumière, M. Barthe, de
votre affirmation à l'effet qu'on devrait aller au-delà... plus loin que la langue
prédominante, comment recevez-vous cet extrait du blogue du ministre
responsable de la métropole? Et, également, à la lumière de ses commentaires, où il avait affirmé qu'à la STM...
«STM, are you listening?», l'avez-vous... vous savez ce à quoi je fais référence, devait offrir... avoir
une capacité d'offrir des services en anglais. Comment, vous, percevez-vous
ces affirmations, ces constats du ministre responsable de la métropole, et
diriez-vous, selon votre logique, qu'il s'agit de dérive ou d'un double
discours, là?
M. Barthe (François) : Bien, je crois que M. le ministre est
dans l'erreur jusqu'à un certain point, dans le
sens que le... Il est vrai, je crois, qu'une
bonne partie de la communauté anglophone du Québec est bilingue, parle bien le
français, donc je pense que ça justifie tout simplement le fait qu'effectivement
on a besoin du français, langue commune, parce que, pour acheter un billet de
métro, que le gars s'appelle John Smith ou qu'il s'appelle François Barthe, il
va être capable de faire sa demande en français au guichet du métro de
Montréal. Donc, je ne vois pas la nécessité à ce niveau-là de faire ce genre de
choses là.
Donc, je pense que les Anglo-Québécois, la
minorité historique, pour la plupart s'intègrent... ont bien... ceux, en tout cas, du moins, une bonne partie de ceux qui sont
restés, là, après la première élection du Parti québécois, s'intègrent bien
dans la communauté, puis une bonne part parle le français. Où le problème se
pose pour le français, langue prédominante
plutôt que le français, langue commune, c'est pour une bonne partie de la
population francophone du Québec et pour la quasi-totalité de la
population allophone du Québec, les gens qui arrivent de l'immigration. Là, on
leur envoie un message ambigu puis un
message complexe. C'est ça que j'aurais envie de vous dire. Moi, je pense que
M. le ministre, malgré toutes ses belles qualités, malgré qu'on l'appuie sur
toutes sortes d'autres points de vue, sur ce point-là, je pense qu'il
était dans l'erreur.
M.
Tanguay : Pas d'autre question, Mme
la Présidente.
M. Durand (Jean-Pierre) : D'ailleurs, il devrait aller visiter
à Toronto... comprendrait peut-être mieux puis
il écrirait mieux, des choses plus
intelligentes dans son blogue. Parce que ça, dans le fond, ça n'avait pas de
sens, qu'est-ce qu'il a dit là-dessus, le ministre Lisée. C'est de lui
dont on parle.
M. Richard (Claude) : Je pense aussi que ça ne correspond
pas à la vision qu'avait Camille Laurin quand il
a fait adopter la loi 101 en 1977. On se souvient que Camille Laurin voulait
faire du Québec une terre aussi française que l'Ontario
est anglaise. Alors, si on se met à faire des passe-droits un petit peu partout
puis à accorder aux anglophones tout ce qu'ils demandent, on n'arrivera
pas à l'objectif de Camille Laurin, je pense.
M. Durand (Jean-Pierre) : Quand j'avais 16 ans, 17 ans, j'étais
étudiant au cégep, je suis allé à New York, je
suis allé à des places comme ça, puis inquiétez-vous pas, je prenais le métro
pareil, puis il n'y a personne qui me servait en français, puis je n'avais
aucun problème. Je pense que c'est le lot de tous les touristes qui viennent ici. Ils réussissent toujours à trouver quelque
chose. Je ne vois pas pourquoi... Encore une fois, le bilinguisme, c'est
un leurre, c'est une... Le bilinguisme, ça conduit à l'anglicisation du Québec,
point à la ligne. C'est ça qui est important à retenir.
Puis, comme je vous dis, on a l'exemple
du reste du Canada. Si on veut savoir qu'est-ce qui nous attend, on
regarde qu'est-ce qui se passe dans les autres provinces. Puis, M. Lisée, qu'il
aille à Toronto.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci
beaucoup, messieurs. Alors, allons maintenant du côté de la deuxième opposition
avec la députée de Montarville. Je sais que vous aimez bien avoir le temps que
vous avez : 5 min 10 s.
Mme Roy (Montarville) : Oui. Merci beaucoup. Merci beaucoup,
messieurs. Merci pour votre mémoire que j'ai pris soin de lire. J'aimerais vous entendre...
Vous écrivez précisément, dans le mémoire, je vous cite : «...l'apprentissage
de l'anglais dès la première année du
primaire est une aberration.» C'est le mot que vous employez. Alors, j'aimerais
qu'on en discute, parce qu'il est de commune
renommée, tous les scientifiques vous diront... et les pédagogues vous diront
que plus un enfant est jeune, plus il aura de facilité à apprendre une autre
langue, ne serait-ce que connaître quelques mots. Vous ne croyez pas qu'il faudrait profiter de cet avantage qu'ont les
jeunes enfants pour faire en sorte que nos enfants aient tous les outils possibles pour devenir de
meilleurs Québécois, mieux armés, mieux équipés pour faire face à l'avenir?
•
(11 h 20) •
M. Jalette (Jocelyn) : Est-ce qu'un bon Québécois, justement, ne devrait pas,
au départ, avoir un grand vocabulaire, être capable de
bien s'exprimer en français, tout d'abord, avoir une bonne syntaxe, alors que
présentement le résultat del'école aujourd'hui, c'est qu'il y a 50 % des
gens au Québec qui sont analphabètes, avec plus ou moins un degré
différent? Nous, ce qu'on dit simplement, c'est qu'au contraire il ne faut pas
envoyer un message double.
Prenez un immigrant, là. Il y a des écoles à
Montréal où la majorité, la très grande majorité... Moi, comme blanc, là, quand j'allais
faire des animations, j'étais la minorité visible et donc, ces gens-là, quand
ils arrivent... ces enfants-là, quand ils
arrivent au Québec, si, dès le départ, on leur envoie des cours d'anglais, on
met l'anglais sur un même pied d'égalité que le français.
Mme Roy (Montarville) : Je ne parle pas des immigrants ici.
Je parle de tous les enfants québécois, de tout
le monde dans toutes les régions.
M.
Jalette (Jocelyn) : Oui, mais,
justement, ça fait partie du tout.
Mme Roy (Montarville) : Est-ce qu'on ne pourrait pas profiter
de l'avantage du fait que, justement, ces
petits cerveaux ont une facilité à apprendre et en profiter en bas âge? C'est
là-dessus que je voulais vous entendre.
M. Durand (Jean-Pierre) : Les avis sont quand même partagés. Je
comprends qu'au Québec il y a une sorte de
lobby pour pousser l'apprentissage de l'anglais, parce que, comme je dis, on en
fait... on met ça sur un piédestal, mais il y a des gens qui ne pensent pas
tout à fait la même chose. Dans certains pays, en Europe, notamment, dans l'ex-Yougoslavie, il y a beaucoup de gens qui se
sont penchés sur la question de ça, l'apprentissage en très jeune âge,
puis il y a des gens pour contredire cette chose-là.
En même temps, je m'excuse d'insister. Je
vous suggère vraiment d'aller lire les documents — ça
se retrouve facilement — de
Claude Hagège, un historien, puis il dit : Dans un contexte où... Encore
une fois, dans un contexte comme le Québec, ce
n'est pas le même contexte qu'en France, les apprentissages d'une seconde
langue ou d'une troisième langue, ce n'est
pas pareil. Selon le contexte... Il faut voir le contexte nord‑américain. C'est
là qu'il y a un danger réel. Je comprends
ce que vous dites, mais, comme je dis, il faut... Comme je dis, il y a des
écoles de pensée qui vont dans un sens, mais vous pouvez en trouver d'autres
qui vont dans un autre sens, que de façon... trop tôt, ça peut être néfaste, n'importe quoi. Ça peut donner lieu à un charabia
total. Moi, des enfants qui parlent une phrase en français, un mot en français, un mot en anglais, n'importe quoi, si c'est
un charabia comme ça, ce n'est pas l'idéal de... Comme le groupe Radio
Radio, des trucs comme ça, là, parler fluide dans les deux langues comme Elvis
Gratton, moi, ce n'est pas une idée que je me fais de la génération qui s'en
vient.
Mme
Roy (Montarville) : Je comprends
votre point de vue.
M. Jalette (Jocelyn) : Ça fait qu'il faut faire attention de
dire qu'ils apprennent jeunes. Oui, ils apprennent plein de choses jeunes,
mais encore une fois, en quoi c'est si important de mettre l'anglais sur un
piédestal par rapport à d'autres matières?
Moi, que les enfants apprennent la musique, qu'ils apprennent d'autres matières
que se développer, n'importe quoi... Comme je vous dis, pensez-vous que
les jeunes Albertains qui ne sont pas francophones, qui ne parlent pas le
français, sont plus idiots, ils ont un retard intellectuel par rapport aux
jeunes Québécois? Pas du tout. Puis ils n'apprennent pas l'anglais là-bas.
Mme
Roy (Montarville) : Vous parlez de
piédestal. Je ne parle pas de piédestal, je parle d'outils qu'on donne à nos
enfants.
M. Durand (Jean-Pierre) : ...mais donnons-leur des outils pour
d'autres matières. Cessons de mettre l'anglais
sur un piédestal. Comme j'ai dit, ils ne sont pas idiots, les autres dans les
autres provinces, à moins que vous pensiez une chose... que les autres
provinces, eux autres, parce qu'ils connaissent juste l'anglais, quelque part,
ils ont comme des lacunes par rapport à nos jeunes Québécois.
Mme Roy
(Montarville) : Non, non, ça, je ne
le... Non, pas du tout.
M.
Durand (Jean-Pierre) : Non, vous ne
le pensez pas. Donc, à ce moment-là, c'est quoi, le problème de si insister
parce qu'au Québec il faut avoir l'anglais? Parce que c'est la langue
hégémonique à l'échelle mondiale, à l'échelle du continent?
Mme Roy
(Montarville) : Non, pas du tout.
M. Durand
(Jean-Pierre) : Je peux comprendre.
Mme Roy
(Montarville) : C'est à peu près la
langue la plus pratique, cependant, au monde, là.
M.
Durand (Jean-Pierre) : ...la diversité culturelle, pas seulement l'anglais. Défendre la
diversité culturelle, c'est d'empêcher... c'est
de défendre toutes les langues contre l'hégémonie d'une seule. Or, l'hégémonie
d'une seule, actuellement, c'est l'anglais.
Vous n'avez pas... Ça, je pense que personne... On va sur Internet, on le sait
tout de suite, l'anglais est omniprésent. Donc, je ne suis pas contre l'anglais,
mais arrêtons d'en faire, comme je dis... Ça me sert... Il faudrait relire Portrait
d'un colonisé, d'Albert Memmi.
La Présidente (Mme
Vien) : M. Durand. Mme la députée.
Mme Roy
(Montarville) : C'est déjà écoulé.
Bien, je...
La Présidente (Mme
Vien) : Non, non, non. Je vous
redonne la parole.
Mme
Roy (Montarville) : Ah! O.K. Il reste quelques secondes à peine et vous me citez des
historiens et moi, je vous cite des
pédagogues. Cela dit, on n'est pas là pour faire une chicane, vous appelez ça
«de lobby», là.
Une voix : ...
Mme
Roy (Montarville) : Mais je vous réfère également à des études sur le site du ministère de
l'Éducation du Québec, qui nous disent que les enfants apprennent plus facilement les
langues étant plus jeunes. C'était seulement mon point. Je disais :
Pourquoi ne pas profiter de cet avantage?
La Présidente (Mme
Vien) : C'est terminé, Mme la
députée. Je suis désolée. Je suis désolée.
Mme Roy
(Montarville) : Merci à vous,
messieurs.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup à vous quatre
de vous être déplacés ce matin. Je suspends les travaux, le temps que notre
troisième groupe s'installe. Merci.
(Suspension de la séance à
11 h 25)
(Reprise à 11 h 27)
La Présidente (Mme
Vien) : Merci. Alors, nous reprenons
nos travaux pour la dernière séquence de cet avant-midi prévue avec des
représentants du Regroupement des organismes en francisation du Québec.
Bienvenue à vous quatre dans votre Assemblée nationale. On est très heureux de
vous accueillir. Vous aurez un temps de 10 minutes pour présenter votre
mémoire, après quoi il y aura des échanges entre vous et les parlementaires.
Alors, je ne sais pas
qui est le porte-parole désigné pour se présenter lui-même ou elle-même et
ensuite nous présenter ses compagnons et ses compagnes. Madame.
Regroupement des organismes en
francisation du Québec (ROFQ)
Mme
Aleksanian (Anait) : Je vais présenter mes collègues. Mon nom, c'est Anait Aleksanian. Je
suis la directrice du CACI, Centre d'appui aux
communautés immigrantes, un organisme qui est situé dans Bordeaux-Cartierville.
Et je suis aujourd'hui ici à titre de vice-présidente du Regroupement des
organismes en francisation du Québec.
Je vais vous présenter...
En fait, je vais laisser se présenter mes collègues. Georgina?
Mme
Kokoun (Georgina) : Moi, je suis Georgina Kokoun. Je suis la coordonnatrice du
regroupement. Voilà.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci.
M. Le Clerc
(Roger) : Alors, Roger Le Clerc.
Je suis membre du conseil d'administration du regroupement et directeur d'un
organisme communautaire qui fait de la francisation.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci.
M. Altamirano
(Pablo) : Mon nom, c'est Pablo
Altamirano. Je suis directeur d'ALAC et membre du conseil d'administration
aussi du ROFQ, un organisme qui fait l'accueil, l'établissement, la
francisation et l'employabilité pour les personnes immigrantes.
La Présidente (Mme
Vien) : Je vous remercie. On est
maintenant prêts à vous entendre.
Mme
Kokoun (Georgina) : Bien, on va d'abord... Je sais que vous avez déjà appris... vous vous
êtes informés de ce que le regroupement fait. Ça fait depuis 95 qu'on existe, et puis,
bien, on est là pour promouvoir et défendre les intérêts des immigrants, des personnes immigrantes via les
organismes. Donc, notre objectif, c'est de favoriser la communication et
l'échange pour discuter des problèmes que
vivent les personnes immigrantes dans leur intégration linguistique.
Donc, dans ce sens, on est 57 organismes,
dont 17 dans les régions. Et puis, bien, monsieur... et Mme Anait va vous
présenter à peu près des parties de ce que vivent les personnes immigrantes.
• (11 h 30) •
Mme
Aleksanian (Anait) : Peut-être que je vais commencer alors par l'affirmation essentielle que
le français est la langue commune au Québec et un outil évident pour la cohésion
sociale. Les organismes qui font partie du regroupement de
57 organismes, ils adhèrent à la mission de la francisation, évidemment.
Puis nous sommes fiers à être les acteurs importants au niveau de l'intégration
sociolinguistique des personnes immigrantes, les nouveaux arrivants, dans la
société d'accueil.
En fait, il y a plus
que la moitié des nouveaux arrivants au Québec qui ne connaissent pas le
français et sont francisés par le milieu
communautaire. C'est à peu près 12 000 personnes par année qui sont
francisées dans le milieu communautaire, dans les organismes
multiservices. Et ça, ça fait partie d'un atout important qui est offert par
les organismes communautaires. C'est-à-dire, les nouveaux arrivants, quand ils
s'inscrivent à un cours de français temps plein
ou temps partiel — il faut dire qu'essentiellement
c'est des cours temps partiel qui sont offerts par les organismes communautaires — ils
ont accès à une panoplie de services dans le milieu communautaire, un continuum
de services qui est assuré pour les nouveaux arrivants, et c'est extrêmement sécurisant
pour les nouveaux arrivants, se sentir accompagnés dans leurs démarches
d'intégration socioéconomique dans la société d'accueil.
Évidemment, ils
commencent par les cours de français, mais ils savent qu'ils peuvent laisser
leurs enfants dans la garderie dans l'organisme,
qu'ils peuvent rencontrer n'importe quand nos intervenants sociaux et nos
conseillers en emploi pour suivre toutes les démarches d'intégration liées au
logement, l'inscription des enfants à l'école, à tous les papiers d'immigration et puis évidemment un
soutien socioprofessionnel. Donc, on essaie à développer les services
sur mesure, de multiples services pour
assurer un continuum de services pour les nouveaux arrivants puis ne pas les
laisser tomber avec... après, mettons, une étape de francisation uniquement.
M. Altamirano
(Pablo) : J'aimerais vous entretenir
par rapport à un problème majeur qui touche la plupart... ou une grosse partie
de personnes qui viennent se franciser dans nos organismes. Comme disait ma
collègue, plus de 12 000 personnes passent par nos services année après
année. Nous donnons un service d'accueil, d'établissement, d'accompagnement à
tous ces gens-là.
Ces
gens-là passent des mois, sinon des années, à suivre des cours de français,
jour après jour, à temps partiel ou à temps
complet. Ces gens-là finissent leur francisation. Plusieurs de nos organismes
les prennent en charge pour leur donner les éléments de base qui correspondent
à son intégration socioéconomique dans la société québécoise. Ces gens-là font un effort extraordinaire pour
apprendre le français. La plupart d'entre eux, c'est des allophones,
quelques anglophones, dépendant de quels pays ils viennent. Mais ces gens-là,
ils passent des mois, des années, comme je dis, des heures, des journées
entières à se franciser.
Le
jour venu de chercher... commencer les démarches d'employabilité, il y a un mur
qui se lève souvent devant eux et qui est très difficile à traverser. La plupart
d'entre eux... beaucoup d'entre eux, quand ils cherchent un emploi, peu
importe le domaine, on trouve que les offres d'emploi, souvent c'est marqué
«bilinguisme exigé», et ça crée un problème. «Anglais,
un atout», ce n'est pas mieux. Le problème, c'est que plusieurs de ces
personnes-là sont venues au Québec en fonction justement de son fait
français. Je ne parle pas de ceux qui viennent déjà francisés, je parle de ceux
qui sont en processus de francisation.
Et,
quand on travaille sur l'ensemble du domaine, quand on parle d'intégration,
quand on parle d'insertion dans la société
québécoise, l'emploi, ça devient le point central. On a déjà passé à travers la
francisation et là on trouve qu'il y a une
autre barrière. Est-ce qu'on devrait exiger aux personnes immigrantes
allophones recommencer une anglicisation suite à sa francisation pour se
trouver un emploi qui... peut-être dans 10 ans? C'est un obstacle majeur, et
nous voulions vous rapporter cet élément-là comme étant un obstacle énorme.
Et,
de ce côté-là, oui, on est contents de savoir qu'il pourrait y avoir, dans la
loi, la possibilité de ne pas exiger ce
bilinguisme-là où ce n'est pas nécessaire. On n'est pas contre le fait que
certaines entreprises, oui, ont besoin de l'anglais.
Ça, parfois, on peut le voir très clairement. Mais souvent... ou trop souvent l'exigence
est mur à mur. Et, quand c'est mur à mur, évidemment, on ne peut pas s'étonner
que le taux de chômage chez les personnes immigrantes soit beaucoup plus élevé
que pour les membres de la société d'accueil.
Encore
davantage, on pose des questions : Comment ça se fait que les Maghrébins,
tout en parlant français, aujourd'hui ont rejoint le taux de chômage de la
communauté noire qui était déjà le plus élevé autour de 25 % et 28 %? Donc, c'est à ces questions, c'est à
ces problèmes-là qu'on veut s'attarder, et justement on est là pour
représenter non pas nos organismes, mais surtout ces
gens-là qui sont en processus et qui nous réclament jour après jour : Je
suis venu au Québec, je parle français, je
me suis francisé, et mon problème, c'est que je ne trouve pas d'emploi parce
que je ne parle pas anglais.
Donc, il ne faut pas s'étonner, parfois,
quand des personnes immigrantes suivent des cours d'anglais durant les vacances d'été. Il y a des gens qui sont en emploi le
matin, en francisation l'après-midi puis en anglicisation le soir. Est-il
nécessaire de demander un effort si grand à ces personnes qui sont venues au
Québec? C'est un point que je voulais développer. Merci.
La
Présidente (Mme Vien) : M. Le Clerc.
M.
Le Clerc (Roger) : Oui. Très...
Comment avez-vous su?
Des
voix : Ha, ha, ha!
M. Le Clerc (Roger) : Très brièvement, oui, très
brièvement, je voudrais aborder la question de l'intégration et de la
régionalisation, qui sont deux phénomènes importants. Pour nous, la langue
française, c'est la langue commune, mais,
dans nos organismes communautaires, comme l'expliquait un peu Anait, la langue
française est un outil, aussi un outil d'intégration. La façon qu'on
travaille avec les personnes qui viennent chez nous, c'est de leur souligner
que la langue française leur permettra de mieux s'intégrer par le travail, oui,
mais aussi par la socialisation.
Je termine très brièvement sur le phénomène
de la régionalisation. Le problème que rencontrent les régions, c'est souvent le peu de personnes immigrantes où l'intégration
peut probablement se faire plus facilement parce que les communautés sont plus petites, mais la multitude
des besoins qu'on rencontre à Montréal chez un nouvel arrivant existe aussi... cette diversité de besoins existe aussi
en région, et les réponses sont difficiles à trouver à cause du petit
nombre, souvent, de personnes immigrantes. C'est
moins vrai dans des régions comme l'Outaouais, etc., mais, quand on s'en
va sur la Côte-Nord, quand on va dans des
régions... Lac-Saint-Jean, Saguenay, les problèmes sont multiples, et la
capacité de réponse, elle n'est pas toujours au rendez-vous à cause du petit
nombre. Donc, il y a une réflexion très importante à faire si on veut réussir l'intégration
en région.
La Présidente (Mme Vien) : Merci, mesdames. Merci, messieurs.
Alors, on entreprend une période d'échange
avec les parlementaires et on débute immédiatement avec Mme la ministre.
Mme De Courcy : Alors, bien, merci à toutes et tous d'être
venus à Québec, en ce vendredi matin, parler d'une
cause que vous menez. Vous êtes, bien sûr, représentants d'organisme, mais vous
êtes d'abord des représentants des milliers
de personnes qui transitent dans vos organismes et même de ceux et celles qui
ne transitent pas, faute de moyens dans
vos organismes. Alors, je profite de l'occasion puis, vous le savez, pour vous
remercier de l'excellent travail que vous faites au fil des jours, parce
que, si on a pu conserver notre langue, et que ceux et celles qui nous
choisissent, et que nous choisissons, ont pu, eux aussi, apprendre cette langue
et l'aimer, c'est beaucoup grâce à vous.
Par
ailleurs, même si on peut se féliciter et se remercier mutuellement, il y a
quand même des choses qui méritent d'être
changées, je crois, et une des choses dont je suis très fière dans les
modifications que nous voulons apporter, c'est d'inscrire, à l'article 57, le point 3.1, que «toute personne qui
s'établit au Québec a droit d'apprendre le français et de bénéficier de mesures raisonnables d'accueil et d'intégration
à la vie québécoise». Pour moi, c'est probablement une des dispositions
les plus importantes de ce projet de loi parce que ce qu'elle dit, c'est qu'elle
donne une obligation au gouvernement, tous
les gouvernements, indépendamment des partis politiques qui y sont
représentés... elle donne cette obligation-là
de prendre soin, de prendre soin, de s'assurer de. Alors, je vous rappelle
cette disposition qui m'apparaît très importante.
•
(11 h 40) •
Maintenant,
lorsque j'ai fait une tournée des régions — 16 sur 17, seulement
le Grand Nord, là, qu'il me manque — ce que... Je veux
faire écho, M. Le Clerc, à ce que vous dites, à savoir qu'en région,
franchement, en francisation, on a des
choses... des choses à régler puis des choses importantes. Je voudrais souligner
que, lorsque vous avez tenu votre colloque assez récemment et auquel j'ai
participé dans un échange serré, mais un bon échange avec les gens qui y participaient... Vous savez que j'ai
donné écho à votre préoccupation et qu'un plan d'action en francisation,
plus particulièrement d'ici quelques semaines, va être déposé et qu'il va nous
inviter à relever le défi ensemble, relever le défi ensemble.
Je vous rappelle aussi que le ministère... ma
collègue de l'Emploi a décidé, avec la collaboration du Conseil des partenaires du marché du travail, de débloquer une
somme de 1 million pour la francisation de personnes qui sont en emploi,
et qu'il y aurait aussi augmentation significative du programme PRIIME, que
vous connaissez, là, que je ne détaillerai pas ici. Alors, ça, c'est des
mesures intéressantes, en plus du projet de loi n° 14, s'il est
adopté, qui vont nous permettre, je pense, d'encercler un certain nombre de
choses.
Cependant, cependant, et votre témoignage, monsieur... je ne sais pas qui. guylainemonsieur...
est très émouvant autour de ça. Je vous avoue que je suis très préoccupée par ce que vous notez, comme le taux
de chômage des personnes provenant du Maghreb au Québec, qui, comme vous l'avez dit, ont rejoint ceux de la
communauté noire. Ça ne veut pas dire que ce n'est pas aussi désolant
pour la communauté noire, mais là on commence à grossir les rangs et,
franchement, c'est désolant. Il faudra des mesures
particulières pour la communauté du Maghreb. On a déjà commencé les pourparlers
avec des représentants, avec vous tous. Alors, vous savez que j'ai
pleine confiance dans le regroupement pour nous aider à avancer. Vous nous avez
d'ailleurs déjà fourni un certain nombre de choses que nous allons pouvoir
mettre en place.
Alors, j'apprécie beaucoup le témoignage qui est basé sur
une pratique que vous avez. Je pense que vous
attendez tous de nous, les parlementaires,
que nous adoptions des mesures qui vont être structurantes et aidantes pour les
personnes que vous connaissez, que nous ne
soyons pas contradictoires dans le message d'accueil que nous faisons, et que
vous serez sûrement d'accord avec
moi, que l'intégration des personnes immigrantes, c'est, entre autres, entre
autres, et premièrement, par l'emploi, un projet d'études bien sûr, potentiellement,
mais que c'est nécessaire parce que pour vivre dans la société, s'y intégrer,
il faut y participer puis y participer économiquement aussi.
Je
vous ai dit, quand je vous ai rencontré aussi, que j'accorderai une attention
toute, toute particulière aux femmes
immigrantes dont le taux de chômage est très élevé et dont la capacité à s'intégrer
est aussi très difficile. Bref, nous nous
voyons ici ce matin, mais ce ne sera pas la dernière fois, comme ce n'est pas
la première fois, et nous avons à agir assez
rapidement. Je dirais qu'il faut se hâter lentement, là, par rapport aux
organisations que vous représentez. Alors, sachez que vous pouvez
compter sur le gouvernement, bien entendu, et que nous sommes très fiers du
travail que vous faites, mais la fierté, dans
ce cas-ci, doit s'exprimer par des moyens additionnels donnés aux organismes de
francisation. Les mercis ne sont pas suffisants ni les hommages,
malheureusement.
M. Le Clerc
(Roger) : On ne peut que vous
remercier de ces bons mots. La francisation en emploi, je veux simplement le
rappeler, que plusieurs des organismes que nous représentons ont déjà une
expertise parce que ça s'est déjà fait et qu'on
prêt à y retourner. En ce qui concerne les femmes immigrantes, il y a
effectivement là une particularité qui est
complexe, mais qu'il faut effectivement envisager de façon franche et honnête
avec les limites que nous avons, mais qu'il
y a aussi du côté des personnes immigrantes. Alors, vous pouvez être assurés de
notre entière collaboration, bien sûr.
La Présidente (Mme
Vien) : Oui, madame.
Mme Aleksanian
(Anait) : Merci beaucoup, Mme la
ministre. Vous nous avez parlé tout à l'heure des droits de vivre en français
et apprendre le français, j'aimerais juste attirer votre attention — on en a déjà parlé dans notre mémoire — il y a des personnes
actuellement qui arrivent au Québec, qui n'ont pas droit... qui ne sont pas admissibles, pour des
raisons administratives, aux cours de français, par exemple, les enfants qui
sont nés ici, au Québec, donc qui sont de citoyenneté canadienne, mais
ils ont quitté avec leurs parents le pays pour revenir dans leur pays d'origine
puis ils reviennent actuellement à l'âge adulte. Ils ne sont plus admissibles
aux cours de français et on n'a pas le droit de les franciser.
D'autre
part, les personnes qui viennent d'autres provinces canadiennes non plus, on ne
peut pas les franciser. Alors, ce serait
intéressant aussi, rendre les cours de français accessibles à tout le monde.
Mme De
Courcy : Très juste, très juste.
Une voix : ...
La Présidente (Mme
Vien) : Oui. M. Le Clerc.
M. Le Clerc
(Roger) : Non.
La Présidente (Mme
Vien) : Non. Pardon. Excusez-moi, je
vais mettre mes lunettes. M. Altamirano?
M. Altamirano
(Pablo) : C'est bien ça.
La Présidente (Mme
Vien) : Allez-y. Je vous en prie.
M.
Altamirano (Pablo) : C'est que, souvent, on nous parle de... le problème «immigration», le
problème de la francisation de l'immigration, mais on parle très rarement de l'apport...
Je ne parle pas au niveau socioéconomique, je parle de la francisation : la pérennité du français au Québec
dépend aussi des allophones. Peut-être, la première génération, vous allez me comprendre, on a toujours... on
traîne toujours un accent, mais les deuxième, troisième générations
viennent renforcer le fait français. Et,
quand on parle des 45 %, 60 %, 35 %, on peut jouer avec les
statistiques jusqu'à la fin des jours,
mais la réalité, c'est que ce pourcentage d'allophones qui viennent et qui
arrivent au Québec, ces personnes-là qui suivent nos cours de français, les gens qui veulent se franciser, vous
allez trouver que... Même pour des gens qui viennent des pays
anglophones, vous le savez bien, ces personnes-là, ces enfants-là vont suivre
les cours, ils vont suivre l'école primaire,
secondaire, etc., en français. Donc, ce serait bon... ce serait bien de parfois
entendre parler que l'apport des allophones à la francisation, c'est un
élément qui est positif. Et ce n'est pas un problème, c'est un atout.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci beaucoup. M. le député
de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M.
Breton : Merci,
Mme la Présidente. (S'exprime dans des langues étrangères). Je m'exprime ainsi
parce que deux des communautés immigrantes qui
sont les plus actives dans la circonscription de Sainte-Marie—Saint-Jacques est la communauté latino-américaine et celle
qui vient du Bangladesh.
Et
moi, en 2009, j'ai eu la chance d'aller au Bangladesh, on m'avait demandé de
prendre la parole lors d'un congrès
politique — vous savez, les congrès
politiques là-bas, ce n'est pas la même chose, il y avait 150 000
personnes au congrès — et
puis j'avais fait un effort particulier d'apprendre par coeur, évidemment de façon
phonétique, mon discours dans le bengali par respect pour le Bangladesh,
pour les gens du Bangladesh. Parce que j'aurais très bien pu faire comme
à peu près tous les autres qui venaient du monde occidental et leur parler en
anglais, et donc je me suis dit que c'était important,
par respect pour leur langue, parce que j'étais au Bangladesh, de ne pas leur
parler dans leur langue seconde, mais de leur parler dans leur langue.
Et
ces gens-là qui sont dans ma circonscription, je me suis bien rendu compte que
ce n'est pas évident pour eux d'apprendre à parler français et je veux... je ne
peux pas souligner assez à quel point votre travail est important. Vous
avez raison de dire que, dans le fond, la
pérennité du français passe par l'implication et l'intégration des immigrants à
la langue française. Et moi, je peux vous dire que, dans les CPE, dans
des écoles primaires, dans... Il y a 10 ans, dans ma circonscription, il y avait une proportion d'environ
un à deux enfants dont la langue maternelle n'était pas le français;
aujourd'hui, c'est l'inverse : c'est un à deux enfants dont la langue
maternelle est le français, et huit à neuf dont la langue maternelle est autre.
Et
moi, j'entends bien ce que la ministre a dit et j'aimerais ça savoir qu'est-ce
que vous aimeriez qu'on fasse pour pouvoir
vous aider, à Montréal, dans votre travail. Il y a, bien sûr, les moyens
financiers, mais, je veux dire, moi, comme
député, est-ce qu'il y a des choses que moi ou que M. le député de LaFontaine,
M. le député de Jacques-Cartier pouvons faire pour vous aider dans votre
travail au quotidien?
• (11 h 50) •
M.
Le Clerc (Roger) :
Très rapidement, une... Quand nous, on dit : La langue... l'apprentissage
du français est une façon... un outil d'intégration, pour nous, ce vers quoi on essaie
de tendre, c'est d'avoir des activités. Les gens qui viennent suivre des
cours chez nous, certains travaillent le jour, ils viennent le soir, il faut
être... il faut avoir du courage. Déjà d'immigrer,
c'est toute une aventure. Alors, moi, j'ai beaucoup d'admiration. À chaque fois
que je remets les diplômes de fin de
session, je n'en reviens pas. Mais c'est... Ils sont avides de parler français.
Ils veulent apprendre parce qu'ils savent très bien que c'est la voie
pour avoir un emploi et avoir des contacts avec les voisins, etc.
Alors, nous, on essaie
de développer des activités, des occasions, des... de provoquer des contacts
entre la population de souche — je
n'aime pas beaucoup cette expression, mais je n'en ai pas d'autre — et
ces nouveaux arrivants. Et, quand on réussit à
le faire... et je vous invite — vous n'êtes pas très
loin de... moi, je suis dans le sud-ouest de Montréal — jeudi
de la semaine prochaine, on a notre fête interculturelle où il y a 18 pays qui
seront représentés, etc. — là, je fais ma promotion, mais ce sont des moments
magiques où la langue commune dans cette salle, où on est 200,
300 personnes, c'est le français, mais tu as des accents et d'autres
langues, parce que, bien sûr, les Bengalis se parlent en bengali entre eux, mais...
Et ce sont des occasions comme ça.
C'est
une question de budget, oui, mais ce n'est pas toujours une question de budget,
c'est une question de... Par exemple, l'été, on a très peu de cours d'été. Nous
souhaitons ardemment avoir des activités d'été dans nos organismes, des
activités plus familiales, plus loisirs, plus visites culturelles, etc., des
visites de musées, un peu d'histoire, où on aurait
un mélange de populations d'origine francophone et populations immigrantes. Et
là il se produit toutes sortes de choses.
Des histoires extraordinaires de réussite, on en a chacun dans nos organismes,
des contacts qui se sont établis. Et, tout
à coup, il y a un miracle qui s'est produit, et l'intégration s'est complétée.
Alors, c'est ce vers quoi on voudrait tendre.
Oui,
il y a besoin de fonds, il y a besoin de moyens financiers, mais il y a surtout
besoin d'une volonté de le faire, et d'un
encouragement, et d'une ouverture de la part de nos bâilleurs de fonds vers des
choses comme ça.
M. Breton : Vous me laissez prendre la parole?
La Présidente (Mme
Vien) : Bien sûr.
M. Breton : Oui? O.K., parfait. Bien, écoutez, j'entends bien ce que
vous dites, et, après cette discussion, j'aimerais ça qu'on continue cette
discussion-là parce que je pense que toutes les bonnes idées, les idées
originales ont leur place justement pour créer des événements, pour créer une
petite étincelle, là. Je vous remercie beaucoup.
M.
Altamirano (Pablo) : Pour compléter, une des demandes les plus criantes des personnes qui
fréquentent les organismes de francisation va
dans le sens que, oui, durant... de neuf heures, etc., durant la journée, ils
apprennent le français avec un professeur.
Mais tout le monde, je veux dire, je dirais la grande majorité d'entre eux nous
exigent, nous demandent, nous prient
du fait d'avoir un lieu de pratique, un lieu où on peut confronter les acquis
de la francisation dans le quotidien.
Et c'est ça toujours que... voyons, quand il y a quelque chose qui manque, une
fois qu'on a fini la francisation, puis
on s'en va sur le marché du travail ou on essaie d'aller sur le marché du
travail, c'est là qu'on est confrontés avec la vie quotidienne et les
accents quotidiens, les habitudes quotidiennes.
Il
y a quelques années, le milieu que nous représentons avait un programme qui s'appelait
jumelage, et c'était le MICC qui finançait ça
à l'époque. À un moment donné, il est disparu, on ne sait pas pourquoi. Et
pourtant ce jumelage-là, c'était le maillon
qui faisait les liens entre la communauté d'accueil et... Vous vous rappelez,
il y a quelques années... Ce n'était pas monsieur qui était à la tête de
tout ça, mais le jumelage... revenir un peu à ces pratiques de jumelage, un peu dans le sens dont Roger a parlé,
mais aussi au niveau des programmes de jumelage qui vont dans tous
azimuts et qui permettent le lien, les contacts et l'intégration des personnes
immigrantes dans la grande famille de la société d'accueil. Et c'est ça qui est
un élément qui nous manque.
Quand vous posez la
question : Qu'est-ce qu'on peut faire?, oui, il y a des choses qu'on peut
faire au niveau gouvernemental. C'est-à-dire
que la promotion de l'intégration des personnes immigrantes, le bien-fondé
de... les apports, les acquis que les personnes immigrantes donnent à la
société québécoise, on l'entend souvent, justement, dépendent de ceux qui sont
directement concernés, donc, la ministre de l'Immigration, de l'Emploi, etc.,
ceux qui travaillent auprès des
personnes immigrantes. Parfois, on regrette de ne pas entendre — et
ça, depuis 25 ans peut-être, et plus — entendre souvent
le gouvernement, politique gouvernementale, le premier ministre, la première
ministre parler de l'immigration dans
le bon sens du terme. Parce que cet apport-là... Parce que parler à une salle
pleine d'immigrants et dire qu'on est parfaits, c'est toujours... c'est
chouette, c'est le fun, on aime ça, mais ça ne va pas plus loin. Il faut parler
à la société québécoise dans son ensemble,
parce qu'on fait partie de la société québécoise, puis on veut que ces liens-là
se développent, puis ça prend souvent
des interventions du gouvernement. De la même manière qu'aujourd'hui il y a des
publicités par rapport à la communauté gaie dans la télévision, pourquoi
est-ce qu'on n'en parle pas aussi de la même manière pour sensibiliser l'ensemble
de la population sur l'apport des personnes immigrantes?
La Présidente (Mme
Vien) : Mme la ministre.
Mme
De Courcy :
Juste un mot pour mettre un peu de baume sur ce que vous venez de dire. Lorsque... Notre
première ministre, à deux reprises, à deux reprises, lors de l'assermentation,
de son discours après... de l'ensemble des ministres du gouvernement, a très bien expliqué ses intentions autour de
«immigration, langue et emploi» et que pour elle c'était une perspective d'avenir et qu'elle s'y attacherait. Et, dans le
discours d'ouverture, elle l'a repris une deuxième fois, ce qui est un fait rarissime, là, faire que
ce lien-là soit positivement mis de l'avant. Je voulais vous le rappeler,
parce que c'est bien sûr qu'en m'ayant
confié ce mandat-là je me suis assurée qu'on soit dans les priorités
gouvernementales, et nous y sommes, et notamment celles de la première
ministre.
M. Altamirano
(Pablo) : Vous avez raison.
Mme De
Courcy : Merci.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup. Ça complète... C'est ce que je... M. le député de
Saint-Hyacinthe, je vous écoute.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Il reste
combien... Il reste encore du temps, oui?
La Présidente (Mme
Vien) : Oui, à peu près trois
minutes.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : O.K. Alors,
écoutez, je vous salue, mesdames, messieurs.
Moi,
ce que je trouve déplorable, c'est l'écart vraiment qui est préjudiciable pour
les immigrants, quand ils arrivent ici et qu'on leur demande... on exige le français
quand... c'est la langue commune, la langue officielle, et puis qu'on
exige de travailler en anglais. J'ose
espérer que le projet de loi n° 14 va pouvoir apporter, envoyer un signal
fort à cet effet aux employeurs, aux employeurs de 26 à 49, mais en même
temps aux autres employeurs aussi parce qu'il y a beaucoup, beaucoup d'immigrants
qui travaillent dans des petites entreprises, que ce soit à Montréal ou dans
nos régions.
Moi,
chez nous, j'ai des organismes qui s'occupent de francisation, et aussi
Forum-2020 et puis aussi la maison de la famille, qui s'occupe beaucoup d'immigration,
et puis je pense qu'ils font un excellent travail mais, comme on dit,
des fois ils manquent de moyens.
La
question est assez simple : Croyez-vous que le projet de loi n° 14
vient soutenir vos efforts et qu'il complète
votre travail? Et, s'il manque des moyens, que suggérez-vous pour qu'on puisse
aller encore plus loin?
Mme
Aleksanian (Anait) : Si vous me permettez, je vais répondre. Je pense que les organismes communautaires, les organismes terrain, ont développé de l'expertise
depuis des années pour accompagner les nouveaux arrivants dans leur intégration
socioprofessionnelle, notamment faire les démarches auprès des entreprises.
À
l'époque, il y a quelques années, nos organismes étaient financés pour réaliser
les projets d'immersionprofessionnelle, où on accompagnait les personnes
immigrantes, accompagnait dans le sens... dans le terme, accompagner physiquement, dans l'entreprise, l'aidait à passer
l'entrevue, parlait avec l'employeur une fois la personne embauchée,
accompagnait l'employeur, l'employé aussi, pour favoriser le maintien à l'emploi
et parlait des valeurs, des langues, en fait de tout ce qui touche l'intégration
socioprofessionnelle.
Malheureusement,
on a perdu un petit peu ce lien avec les employeurs, alors que je pense qu'on a
développé une expertise très terrain et beaucoup de relations de confiance avec
plusieurs employeurs. Je pense que, si on a des meilleurs contacts, si
on a la possibilité d'accompagner les nouveaux arrivants, notamment dans l'intégration
professionnelle auprès des entreprises,
parler avec les entreprises, ça pourrait favoriser positivement l'intégration
socioprofessionnelle des nouveaux arrivants, puis aussi peut-être expliquer les
employeurs tous les atouts que les nouveaux arrivants peuvent apporter sans
nécessairement être bilingues.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Merci.
La Présidente (Mme
Vien) : On passe maintenant la parole
au député de Jacques-Cartier.
M. Kelley : Merci beaucoup Mme la Présidente. Et bienvenue. Merci
beaucoup pour votre mémoire.
• (12 heures) •
Sur le principe que toute politique commence au niveau
local, je veux souligner le travail du centre
d'immigration multiservices de l'Ouest-de-l'île de Montréal et son directeur,
Mustapha Kachani, et son équipe, que j'ai visitée à maintes reprises, ils font
un travail très important, et souligner davantage que l'intégration vers la
langue française, la francisation, est parmi
les enjeux nombreux qui confrontent nos immigrants, et je pense que c'est
toujours important de rappeler ça, le
courage que ça prend. Moi, je suis né à Montréal, alors ce n'était pas le cas
dans ma famille, mais je vois des personnes dans mon comté qui ont tout
changé, ont pris le défi de façonner un nouvel avenir ici, au Québec. Ça prend
beaucoup de courage, et on ne le répète pas assez souvent.
Dans
mon secteur, dans l'Ouest de Montréal, il y a un couple qui sont les
propriétaires... le Deli Dorval. Ils sont mais
toujours là, sept jours par semaine, 52 semaines par année. Et je me rappelle
la fierté quand ils m'ont donné la carte d'affaires de leur fille, qui venait d'être
embauchée par une des grandes boîtes d'avocats à Montréal après avoir complété ses études au Barreau. Et j'ai dit :
Combien de sandwiches smoked meat ils ont coupés et servis pour donner l'opportunité
à leur fille d'avoir un métier comme avocate dans notre société, et tout le
reste? C'est un tout petit exemple, mais c'est un couple qui m'impressionne
chaque fois que je suis là parce que c'est un vrai travail de longue haleine.
Mais la fierté avec laquelle il m'a présenté sa carte d'affaires me touche
toujours encore comme un exemple.
Et ils ont les besoins
des organismes comme la liste que vous avez des membres du regroupement. Alors,
encore une fois, chapeau! Et, comme je dis,
je parle de CIMOI parce que CIMOI, c'est l'organisme que je connais le
mieux, c'est dans notre secteur, et qui font toujours des projets innovateurs,
qui essaient de... oui, la langue, mais également comment notre système de
service de garde fonctionne au Québec, expliquer notre système scolaire,
comment notre système de santé fonctionne au
Québec. Il y a une série d'enjeux que nous autres, on prend pour acquis, qu'il
faut expliquer. Et vos membres jouent un rôle très important pour les
aider de démêler tout ça.
Juste
une question parce qu'il y a certains témoins qui sont venus ici et dans... La
question d'intégration soulève un concept que,
parfois, j'ai de la misère à comprendre complètement, c'est intégration à la
culture québécoise, que, je pense, tout le
monde est pour, mais ça veut dire quoi exactement? Malheureusement, dans mon
cas personnel, c'est un échec, Mme la
Présidente, parce qu'il y avait un grand article, il y a un an, dans L'Actualité,
sur la communauté anglophone, et un
journaliste — que je ne peux pas nommer parce qu'il est maintenant député et
ministre de l'Assemblée nationale — a posé une série de critères pour être vraiment
quelqu'un qui connaît la culture québécoise, et, malheureusement, je ne connais pas la musique de Marie-Mai, alors j'étais
parmi les personnes qui n'ont pas réussi. Alors, je confesse
publiquement que Marie-Mai, ça m'échappait dans ma formation culturelle
québécoise, et tout le reste. Mais...
Et
il y avait une nuance très importante dans le mémoire que le... et l'avis que
le Conseil supérieur de la langue française a présenté à la commission entre la
sphère publique et la sphère privée de nos vies. Autre confession :
Souvent, je lis les livres en anglais, Mme la Présidente. Je confesse, c'est un
défaut de ma part. Mais qu'est-ce que ça veut dire exactement, intégration
culturelle? Parce que c'est une notion qui est présentée, et, blague à part, c'est
très important. Mais qu'est-ce que ça veut
dire exactement? Et comment arrimer ça avec le désir des groupes qui sont venus
d'autres pays de préserver un certain
lien avec leur pays d'origine, leur culture d'origine aussi? On n'est pas ici...
effacer le passé non plus. Et, je pense, il y a des questions qui sont
importantes. Alors, l'intégration culturelle veut dire quoi exactement?
La Présidente (Mme
Vien) : La question est lancée. M. Le
Clerc.
M.
Le Clerc (Roger) :
C'est la question à 3 millions. Si j'avais une réponse... Je vais essayer
d'en donner une intelligente, au mieux que je
peux. Pour moi, c'est toujours une question d'équilibre, hein? L'immigrant...
Le geste d'immigrer est une... Ça ouvre une
porte sur une nouvelle vie, peu importe où on immigre, et cette nouvelle vie
comporte des obligations auxquelles je dois me conformer parce que je ne
pourrai pas vivre confortablement dans cette société. Ça ne veut pas dire que je dois disparaître et que ma culture
personnelle doit disparaître. Moi, j'ai un conjoint africain, qui est parfois en Afrique, même si on est dans le
sud-ouest de Montréal, et, tout à coup, il arrive au Québec. Et, pour
moi, c'est éblouissant. Comment mesurer ça,
je ne sais pas. Marie-Mai, moi non plus, je ne connais pas, alors je n'ai pas
réussi mon...
Une voix : ...
M.
Le Clerc (Roger) :
C'est ça. Je n'ai pas réussi mon intégration. Comment arrimer les deux? Je n'ai
pas de réponse automatique, parce que souvent
ça va... Vous savez, l'intégration, c'est un processus individuel. On peut bien en parler collectivement, mais c'est d'abord
et avant tout un processus des individus, et il y a des individus qui
vont très facilement s'intégrer, d'autres ça
va être plus difficile, d'autres vont refuser, puis... Et je parle du Québec,
mais je peux vous parler de ma période où j'ai vécu en Afrique, où j'avais
des Blancs qui avaient amené leur pays, hein? À l'intérieur de leurs cours, c'était
blanc et, en sortant de leurs cours, dans leur bureau, c'était blanc. Il y
avait accessoirement quelques Noirs.
Alors,
c'est ça qu'il faut éviter. J'espère qu'on n'ira pas là. Mais comment le
mesurer, qu'est-ce qui est... Ce que je sais, c'est que nous, on travaille avec des gens
qui veulent s'intégrer, pas parce qu'ils nous aiment, parce que la
plupart ne savent pas très bien... Tu sais,
mon conjoint est très surpris de voir tout ce qu'il découvre ici puis il n'était
pas certain que, s'il l'avait su, il serait venu. Mais là, bon, c'est
fait.
Donc,
il y a des... Moi, je vois, dans mon organisme, des individus qui veulent
participer à la société. Il y a des choses qui leur plaisent, d'autres pas du tout. Il
y a des choses qu'ils achètent, d'autres pas du tout. On est allés... On
s'en va à la cabane à sucre bientôt. On est à peu près 150 personnes, une
cinquantaine de nouveaux arrivants. Je sais qu'il y en a qui vont détester les oreilles de Christ et qui vont détester les
bines mais qui vont adorer le sirop d'érable. Mais, au-delà de ça, il y
a des contacts qui vont s'établir et, pour moi, c'est ça, l'intégration.
Quand une personne, un
nouvel arrivant est capable de vivre dans sa société d'accueil et d'y être
confortable et en sécurité, parce qu'il y a aussi cet aspect, pour moi, ça, c'est le
départ. Et, à partir de là, ça appartient à chacun des individus. Oui, notre rôle, c'est de voir de façon plus
globale, mais... et c'est pour ça que c'est délicat, c'est pour ça que c'est
difficile, parce que, parfois, il est
intégré, mais pas exactement selon mon concept de l'intégration, mais ça lui
appartient et ils ont une
responsabilité aussi, hein? Ils ont décidé d'immigrer, bien, regarde, mon ami,
c'est ça que tu as acheté en même temps.
Mme Kokoun (Georgina) : Je vais abonder dans le sens de M.
Roger, mais je vais prendre, moi, mon exemple.
En fait, quand je venais, je travaillais
dans mon pays bien et tout, et puis j'ai dit : Bien, j'ai envie d'aller
découvrir le Québec. D'abord, la sélection s'est faite parce que je...
enfin, j'avais les critères, je suis arrivée.
Et ce qui s'est passé, j'ai un oncle qui m'a
dit... Il a vécu au Canada. Il m'a dit : Essaie de te laisser aller par la culture. C'est ce qu'il
m'a dit. Je ne comprenais pas. Mais, quand je suis arrivée, je l'ai su. Je veux
dire, je suis contente d'être ici parce que c'est un tout. Il y a une
diversité, je peux rencontrer des Ivoiriens, parce que je viens de la Côte d'Ivoire, mais je suis fière de partager la culture
québécoise parce que je vis avec un Québécois et je découvre beaucoup de
choses. Ça, c'est mon exemple parce que je me suis fondue à toute cette culture
que j'aime, que j'ai adoptée pour moi.
Je prends l'exemple, comme je suis
coordonnatrice, je cause et je passe souvent dans les classes de francisation. Je pense
qu'au niveau des programmes, par exemple, du temps complet, il y a ces aspects
de visite pour la cabane à sucre. Selon les saisons, il y a la
présentation de la culture québécoise, mais on pourrait aller un peu plus,
parce que quand je suis arrivée, il y a eu
une formation où on te parlait de l'histoire, comment est le peuple québécois.
Parce que, si tu ne sais pas comment est le peuple québécois, c'est
difficile de comprendre les manières de... Et, moi, c'est comme ça que je me suis dit... Ici, par exemple, pour parler à
quelqu'un... Chez nous, il faut baisser la tête pour montrer du respect à
cette personne. Ici, ça fait un peu lâche de
baisser la tête, mais ça dépend des cultures. Vous voyez. Et, si moi, je ne
comprends pas comment le Québécois est, ça serait difficile.
Essayez d'intégrer, par exemple, au niveau du
temps partiel, parce que ça ne se fait pas trop, des... un programme qui va aider ces personnes à comprendre mieux la
culture québécoise... Parce que le temps partiel, c'est parfois des personnes
qui travaillent et, par après, elles viennent au... comment on appelle...
suivre des cours. Elles ne peuvent pas trop
savoir mais elles sont confrontées à la réalité de façon brusque, sans savoir
exactement ce qui est. Donc, intégrer ces aspects-là dans tous les
aspects de la francisation en tant que telle va aider ces immigrants à pouvoir
réussir l'intégration, que ce soit... Les
organismes souvent disent... Enfin, avec la clientèle, bien, il est bon qu'on
intègre, au niveau du programme, la
culture québécoise, qu'on apprenne aux gens comment les Québécois sont, qu'est-ce
qu'ils vivent, et tout, qu'est-ce qu'ils aiment, et tout, ça va
permettre aux personnes d'être encore plus ouvertes et puis de partager. Il y a
un mixage qui sera intéressant pour tous. Voilà. Donc, c'est un peu dans ce
cadre-là que je pense qu'il faut abonder.
•
(12 h 10) •
M.
Kelley : Merci beaucoup.
M. Altamirano (Pablo) : Un complément, peut-être. C'est
difficile de... Ça serait prétentieux de notre part de dire qu'on aide à s'intégrer
culturellement les personnes immigrantes. Je pense qu'on parle... Nous, on
utilise davantage le concept d'intégration
socioéconomique, disons, de soutien, d'accompagnement pour une intégration
socioéconomique, qui commence par une adaptation parfois au climat, expliquer
aux gens qu'est-ce qu'il faut mettre pour ne pas avoir froid dans ce pays-là.
Mais on n'est pas là. Je pense que le
processus d'intégration culturelle, comme disait mon collègue Roger, c'est un processus à très long terme. Notre collaboration
dans ce processus-là, c'est un accompagnement intermédiaire. On essaie de le développer dans son intégration
socioéconomique et non pas culturelle. Il y a toujours un bombardement d'éléments
culturels que les personnes qui suivent nos cours de francisation vivent, mais,
oui, on essaie de le faire comprendre, d'apprivoiser et de mieux comprendre une
société pour laquelle ils ne connaissaient rien, mais, de là à prétendre qu'on
enseigne l'intégration culturelle, on est très, très, très loin de là.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci. M. le
député de LaFontaine maintenant.
M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais joindre ma voix à ceux qui l'ont exprimé un peu plus
tôt. Merci beaucoup d'être là. Merci à vous quatre de prendre le temps de venir
nous éclairer sur votre réalité de tous les jours. Et ma question, mon
questionnement est assez tangible, terre à terre, j'aimerais, pour ma gouverne
et peut-être pour aider celles et ceux qui nous écoutent... Pouvez-vous, s'il
vous plaît, comme Regroupement des organismes
en francisation du Québec, nous donner un peu plus de détails ou d'information,
je dirais, sur ce qu'est... ce que sont, devrais-je dire, les programmes
de francisation que l'on retrouve à travers vos membres, là, les
56 membres?
Ici, j'entends, par exemple, des éléments
très tangibles. Je sais que la question est fleuve, mais je pense que vous pourrez, vous
saurez nous dresser, nous brosser un tableau avec ces informations concrètes.
Qui sont les enseignants, les enseignantes? Comment vous les recrutez?
Quel est le matériel utilisé? Qui vous donne, ou ne vous donne pas, ou vous
donnerait peut-être un meilleur soutien quant à ce matériel-là? Est-il mis à
jour? Les horaires. Quelles sont vos capacités
de déploiement? Parce que beaucoup, j'imagine, ont des horaires atypiques. M.
Le Clerc parlait de la diplomation. Donc, la fin d'un processus, comment on le reconnaît? Alors, je suis
désolée que ma question est fleuve, mais j'aimerais beaucoup, moi,
personnellement, connaître mieux votre réalité du jour le jour, là.
Mme Aleksanian
(Anait) : Donc, je vais répondre.
Comme j'ai dit au début, essentiellement, les organismes communautaires, ils
offrent des cours de français temps partiel, mais ils offrent aussi cours de
français à temps plein. Environ
12 000 personnes par année sont francisées dans le milieu
communautaire. Il y a des cours temps plein, temps partiel. Dans les
cours temps partiel, il y a des cours avant-midi, après-midi ou les soirs pour
pouvoir répondre aux besoins de tout le
monde. Il y a des cours aussi pour les fins de semaine. Il y a un service de
garde, dans la plupart des cas, qui est offert par les organismes mêmes
pour faciliter la présence des parents pour les cours de français. On est des mandataires du ministère de l'Immigration et des
Communautés culturelles, donc les professeurs, ils ne sont pas embauchés
par nous, par les organismes, mais ce sont des professeurs du ministère de l'Immigration
qui sont embauchés par le ministère de l'Immigration
puis référés aux organismes communautaires pour enseigner le français, et
évidemment les matériels pédagogiques aussi sont préparés par le
ministre de l'Immigration.
Par
contre, tous les autres services de soutien, d'accompagnement
socioprofessionnel sont offerts par nos
employés, nos intervenants sociaux ou
conseillers, conseillères en emploi, les animateurs, animatrices, au besoin,
selon les besoins de la personne. J'espère que ça répond.
M.
Tanguay : Oui,
tout à fait. Je vous remercie beaucoup. Et, au niveau de l'arrimage des
enseignants qui vous sont référés par le ministère de l'Immigration et leur action versus l'action
de vos autres travailleurs sociaux, est-ce que l'arrimage se fait bien?
Je pose la question sans élément de présomption.
Mme
Kokoun (Georgina) : Je pense que, par rapport à ce que... Dans l'ensemble, ça va, mais on
est confrontés à une réalité, c'est que les
professeurs parfois entrent dans les organismes communautaires et puis... Bien,
ce n'est pas les mêmes réalités quand ils
quittent les cégeps, les institutions, et ils viennent dans les communautaires.
Ils ont parfois cette attitude de demander plus, vous voyez. Et puis,
aussi, au niveau... Il faut qu'ils comprennent qu'en face d'eux ils ont des immigrants, des gens qui ne savent pas parfois
comment la société est ou vers quoi... En fait, il faut qu'ils adaptent
un peu... l'enseignement qu'ils l'adaptent à la circonstance du fait qu'il est
devant un immigrant qui peut ne rien savoir, vous voyez, de comment ça
fonctionne ici.
Donc,
parfois, les organismes se plaignent un peu de certains profs à ce niveau. Et,
même avec le ministère... enfin, de la Direction de la francisation, on a des
instances où on discute souvent de cela, des problèmes qui sont rencontrés
par la clientèle, en fait, les étudiants, et
la relation qu'il y a entre les organismes et puis les professeurs. Donc, dans
l'ensemble, on évite, en fait... Il y a un
problème... Il y a quand même ce problème-là qui se pose, parce qu'il y a
certains... il faut le dire, qui se
sentent un peu supérieurs quand ils arrivent dans le communautaire, qui
demandent plus que... Parce que, nous, c'est en fonction de nos moyens
qu'on met à la disposition de ces profs, et le prof, parfois, ce n'est pas les
mêmes réalités quand tu enseignes au niveau des institutions que dans le
communautaire. Donc, c'est un peu ça.
Mme
Aleksanian (Anait) : En fait, la différence peut-être entre université, cégep et un
organisme communautaire, c'est qu'on demande aux enseignants de comprendre
notre mission d'intégration socioprofessionnelle et d'ainsi adhérer à notre mission. Ce n'est pas une école où les
personnes doivent rentrer et sortir, donner un cours de français puis
sortir. Donc, il y a un lien à faire avec l'organisme,
avec les intervenants sociaux pour favoriser l'intégration des nouveaux
arrivants.
D'autre
part, on est confrontés souvent par un roulement, par une rotation des profs.
Il n'y a pas une permanence dans le même
organisme, les mêmes profs pour pouvoir peut-être créer ce lien d'appartenance
envers l'organisme et envers la mission de l'organisme.
M.
Tanguay :
...effectivement, sur votre point qu'il y a effectivement un apprentissage pour
un professeur qui vous est référé par le ministère de l'Immigration, qui est de bonne foi, et
vous, vous l'instruisez en quelque sorte sur cette réalité-là. Alors, c'est
sûr que, si la personne quitte dans un cas, après un an, deux ans, c'est à
refaire, c'est normal, là, mais c'est votre défi.
Également...
Puis je vous remercie beaucoup, c'est utile, les questions que vous apportez.
Aussi, par ailleurs, si on en vient aux hommes
et aux femmes qui sont là dans la classe, la case départ n'est pas la même pour
tout le monde non plus. Alors, j'imagine qu'il
y a un défi aussi d'être efficace par rapport à ça. On ne peut pas faire une
classe de deux, une classe de 30. Comment... Quelle est votre réalité
là-dessus? Quelles informations vous aimeriez nous transmettre par rapport à ce
défi d'avoir des gens de même niveau, au départ, et là de les faire avancer?
Mme
Aleksanian (Anait) : ...là, le problème ne se pose pas parce qu'au début c'est l'organisme
qui recrute les futurs apprenants, les personnes immigrantes qui veulent apprendre le
français. Il y en a beaucoup, bien évidemment. On crée notre liste, puis c'est les évaluateurs du
ministère, les enseignants du ministère qui se déplacent vers les
organismes pour évaluer leur niveau langagier puis, selon les niveaux, ils sont
niveau I, niveau débutant, niveau II, etc. C'est très pédagogique, c'est très
bien organisé aussi.
Puis, dans chaque
classe, il y a maximum 21 personnes qui apprennent le français. Pour un
professeur, il y en a 21. Puis, d'autre
part, on a oublié aussi de mentionner que l'espace qu'on attribue pour l'apprentissage
du français, il répond évidemment aux exigences du Code du bâtiment, au
niveau grandeur et...
Mme Kokoun
(Georgina) : Il y a deux types de
cours. Les cours à temps plein, le recrutement est fait par le ministère, et les cours à temps partiel, le
recrutement est fait par les organismes. Mais n'empêche que, pour
Montréal, il y a une spécificité, les évaluations sont faites par la Direction
du registraire et de l'évaluation, c'est une direction qui est au niveau... la Direction générale de la
francisation qui évalue les étudiants selon leur niveau. Et c'est en fonction
de ce niveau que les classes sont constituées, 22, au maximum pour les classes
à Montréal.
• (12 h 20) •
Mais les régions, c'est différent. Au niveau
des régions, l'évaluation... parce que, vous savez, en région, il n'y a pas... ll n'y a pas assez de monde comme à
Montréal, vous voyez? Donc, c'est en fonction de la spécificité. Mais c'est
plutôt l'organisme que le professeur qui va évaluer pour voir les niveaux. Et,
dans les régions, c'est quand même difficile
de regrouper un groupe de même niveau. C'est ça, la réalité de la région. Tu
peux avoir un qui a un niveau plus avancé,
mais, compte tenu du fait qu'ils ne sont pas en grande quantité, ils sont
obligés de les prendre ensemble et essayer de gérer le cours pour qu'ils
aient... soient... ils aient l'éducation, en fait qu'ils...
M. Tanguay : ...le temps qu'il nous reste, j'aimerais
justement vous entendre sur une préoccupation que vous avez étayée en pages 11 et 12
de votre mémoire, justement, la régionalisation. Pour le temps qu'il nous
reste, une minute, que proposez-vous qui pourrait bonifier
justement votre action en région?
M.
Le Clerc (Roger) : De la souplesse,
la souplesse nécessaire, et essayer d'imaginer des formules où l'apprentissage pourrait se faire peut-être de
façon différente. On pense aux nouvelles technologies, c'est un des
aspects, mais il y aurait aussi les
activités dont on parlait, les activités multigroupes. Donc, il faut essayer de
répondre aux besoins de francisation
mais effectivement, quand on a cinq... huit personnes dans une région, trois de
niveau 1, deux de niveau 3, etc., ça devient très difficile. Il y aurait peut-être... Il faut, là, qu'on
ait l'imagination et la souplesse de permettre des choses, d'essayer des
choses, mais, pour l'instant, je ne peux pas aller plus loin que : Est-ce
qu'on peut essayer des choses?
Mme
Kokoun (Georgina) : ...vous voyez,
les subventions sont faites en fonction de certains critères. Mais j'aimerais que, pour les régions, ce soit un peu
plus allégé, parce que, selon les régions, les réalités sont différentes,
donc...
La
Présidente (Mme Vien) : Merci
beaucoup. Merci. Mme la députée de Montarville, pour 5 min 30 s.
Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Mesdames, messieurs, merci. Merci pour votre présentation. J'ai beaucoup de plaisir à lire le
mémoire, mais surtout à vous entendre, j'aime ce que vous dites. Et
votre présentation a été intelligente,
précise et surtout humaine. Et c'est ça, la réalité de l'immigration des
nouveaux immigrants, ce sont ces gens qu'on accueille.
Et nous croyons, au deuxième groupe d'opposition,
que tout part de là, l'intégration. La protection du français passe par
vous, donc votre travail est très important. Et nous souhaitons également qu'il
y ait plus de ressources pour soutenir et pour aider à la francisation
de nos nouveaux arrivants.
Parlant de ça, quelques chiffres. En 2007‑2008,
il y a eu 45 000 nouveaux arrivants au Québec. En 2011‑2012, quelques années plus tard, on est rendus à
51 700, donc 6 000 nouveaux arrivants de plus. Dites-moi, quel a
été l'impact de cette augmentation sur vos
organismes? Est-ce qu'il y a des listes d'attente? Est-ce que vous devez
refuser des gens? Ça ressemble à quoi, cette augmentation? Et pouvez-vous y
répondre?
Mme
Aleksanian (Anait) : En fait, au
niveau de la francisation, bien, je pense qu'on a réussi rapidement à s'ajuster puis à absorber les listes d'attente.
Oui, évidemment, il y a eu une tonne d'ajustements à faire, mais très
rapidement il y a des classes
supplémentaires qui ont été offertes par le ministère de l'Immigration, puis on
a ajouté rapidement des classes.
Actuellement, on n'a pas de liste d'attente. Puis ça fait déjà quelque temps qu'on
n'a plus des listes d'attente pour apprendre le français.
Il y a peut-être plus de problèmes au niveau
d'autres programmes liés au ministère de l'Immigration, auincompréhensible pour moi - guylaine niveau... Mme la ministre, elle sait de quoi je parle,
mais pas au niveau de la francisation. Je pense qu'à juste titre d'ailleurs ça
fait partie des priorités de notre ministère.
M. Altamirano (Pablo) : Absorber des personnes immigrantes au
niveau de nos cours, ce n'est pas un problème.
Il y a... L'offre des services est énorme,
dans le sens qu'il y a des organismes qui font des six heures de francisation,
d'autres qui en font neuf, d'autres qui en font 12, d'autres, c'est à temps
plein. Donc, on essaie toujours de s'adapter en fonction des besoins particuliers
de personnes qui arrivent.
Et, de toute façon, si vous regardez les
chiffres, sur 20 000 personnes qui étaient en francisation l'année dernière, il y en a plus de 12 000 qui étaient
francisés dans nos secteurs, dans nos milieux. Donc, oui, il y a un volume, on
est capables d'absorber sans trop de... C'est
l'avantage peut-être du milieu communautaire par rapport à d'autres. Je
dirais qu'on est plus flexibles, on s'adapte
plus facilement aux difficultés, aux obstacles qui existent autour de la
francisation.
M.
Le Clerc (Roger) : Et on est capables
d'agrandir par en dedans.
Mme Roy (Montarville) : Et j'aimerais vous entendre sur le
critère de francisation. Corrigez-moi si je me
trompe, je crois que c'est
1 000 heures de cours. Pensez-vous qu'il faille aller par le nombre d'heures
ou plutôt par la réussite? Parce qu'au
bout de 1 000 heures est-ce que tout le monde peut réussir à arriver
à un niveau de compétence adéquat?
M. Altamirano (Pablo) : Encore une fois, c'est très variable.
Parce qu'aussi il y a des niveaux de
scolarisation des personnes qui varient.
Donc, il y a des personnes qui, après deux, trois cours, quatre cours, deux
niveaux, trois niveaux, ils sont capables de sortir dans la rue et se
débrouiller. Et qu'est-ce qui est important dans la francisation qu'on fait
chez nous? Ce n'est pas nécessairement une francisation académique dans le sens
d'apprendre tous les éléments de la grammaire française. Le but, c'est de faire
en sorte que les gens puissent se débrouiller, puissent sortir et se trouver un
emploi, c'est communiquer en français. C'est l'essentiel.
Et
c'est l'élément qu'on est toujours en train de discuter avec nos professeurs
pour voir comment combiner l'apprentissage d'un
point de vue linguistique et, de l'autre côté, avancer dans la connaissance de
la grammaire française et ses manières de fonctionner. Donc, il y a
toujours un équilibre à développer, qui n'est pas facile parce qu'il faut s'adapter.
Il y a des communautés qui ont plus de difficulté que d'autres.
Et
les professeurs aussi, hein, c'est... Il ne faut pas l'oublier, les
professeurs... Enseigner à un groupe d'Asiatiques,
ou à un groupe de Latinos, ou à un groupe de
Maghrébins, je ne sais pas, ce n'est pas toujours la même manière, ce n'est
pas toujours la même façon. Donc, oui, les exigences pour nos professeurs sont
énormes aussi dans ce sens-là.
Mme
Roy (Montarville) : On a à peine une minute, je crois? Pourriez-vous nous parler du
continuum de services, ce qui fait la
particularité des organismes communautaires?
Mme
Aleksanian (Anait) : En fait, une des grandes particularités est que les organismes offrent
des services un petit peu de a à z. Pratiquement, les nouveaux arrivants viennent dans nos
organismes avec leurs valises, de l'aéroport directement. Souvent, ils sont référés par les services d'immigration à
l'aéroport dans les organismes. Et on est capables... Bien, d'abord, ils
sont reçus par des intervenants sociaux et au niveau des services de première
ligne pour trouver un logement, pour
inscrire les enfants dans les garderies, inscrire les enfants dans l'école,
remplir tous les papiers nécessaires liés
à l'assurance, carte d'assurance sociale, carte d'assurance maladie, expliquer
toutes les démarches à suivre, établir un plan d'action avec la
personne.
Et
il faut dire qu'on reçoit des personnes francophones et non francophones. Les
francophones sont inscrits pour les sessions
PDI, premières démarches d'installation, de trois heures. Par la suite, ils
sont référés aux sessions Objectif intégration. C'est des sessions de 24 heures
composées de huit modules qui parlent des démarches d'intégration très importantes à prendre. Puis par la suite ils sont
référés pour rencontrer les conseillers, conseillères en emploi. Ils
suivent les ateliers de recherche d'emplois.
Ils peuvent... On peut faire toutes les démarches liées aux équivalences des
diplômes, participer aux activités collectives ou individuelles, faire des
activités socioculturelles, sortir pour connaître le Québec, au... à la cabane
à sucre, ainsi de suite.
La Présidente (Mme
Vien) : Ce sera votre mot de la fin,
ma chère madame.
Une voix : Sur la cabane à sucre. Ça va bien.
La Présidente (Mme
Vien) : Puisque nous sommes dans le
temps des sucres.
Mme Aleksanian
(Anait) : ...cabane à sucre. C'est la
période.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup de vous être présentés ici aujourd'hui.
Bon
après-midi. Bon appétit, tout le monde. Et, chers collègues, on se voit la
semaine prochaine, mardi prochain, pour la poursuite de nos travaux.
Merci.
(Fin de la séance à
12 h 28)