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(Vingt heures vingt-sept minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! La commission
des communautés culturelles et de l'immigration se réunit aux
fins d'étudier, article par article, le projet de loi 57, Loi modifiant
la Charte de la langue française. Les membres sont: M. Lincoln
(Nelligan), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), M. Laurin (Bourget), M. Godin (Mercier), M. Gratton
(Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Laplante (Bourassa), M. Leduc (Fabre),
M. Ryan (Argenteuil), M. Bourbeau (Laporte).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Bissonnet
(Jeanne-Mance), M. Brouillet (Chauveau), M. Gauthier (Roberval), M. Maciocia
(Viger), M. Martel (Richelieu), M. Polak (Sainte-Anne), M. Vaillancourt
(Orford), M. Vaugeois (Trois-Rivières).
Lors de l'ajournement de nos travaux, nous étions rendus à
l'article 23...
M. Godin: L'article 21.
Le Président (M. Gagnon): ...les articles 21 et 22 avaient
été adoptés, M. le ministre.
M. Godin: Parfait.
Francisation des entreprises
Le Président (M. Gagnon): Nous en étions rendus
à l'article 23. M. le ministre.
M. Godin: À l'article 23, nous remplaçons l'article
139 actuel par un nouveau 139 qui se lirait ainsi: "Une entreprise soumise
à l'obligation de posséder un certificat de francisation doit,
dans les délais fixés par règlement, s'inscrire
auprès de l'office." La modification est la suivante: c'est que, jadis,
dans l'ancienne loi 101, nous disions qu'une entreprise soumise à cette
obligation obtenait un certificat de francisation et qu'à la fin de
l'application de son plan de francisation, nous lui décernions un
certificat de francisation. Donc, pour établir la distinction entre le
document de départ et celui de la fin, nous modifions l'article 139.
C'est en fait, parce qu'il y avait deux sortes de certificat. Il y avait le
certificat de francisation d'entreprise non francisée et un certificat
de francisation d'entreprise francisée. Alors, cela règle ce
problème.
Le Président (M. Gagnon): Cela implique le nouvel article
23? (20 h 30)
M. Godin: Cela implique l'article 23, oui.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que le nouvel article 23
est adopté?
M. Gratton: M. le Président, le ministre pourrait-il
confirmer ou infirmer...
Une voix: Est-ce les trompettes de Jéricho?
M. Laplante: C'est pour vous arrêter de parler.
M. Gratton: Comme le député de Bourassa le dit,
chaque fois que j'ouvre la bouche, on entend le choeur. Je ne sais pas ce que
cela veut dire.
Le Président (M. Gagnon): On leur a demandé de se
taire.
M. Gratton: Merci, M. le Président; vous et moi, on se
connaît.
M. Godin: Je voudrais préciser un point, j'ai
retrouvé mes notes explicatives. Auparavant, il y avait la notion de
certificat provisoire. C'est ce qu'on remplace par une inscription
auprès de l'office, purement et simplement.
M. Gratton: Mais pourquoi éliminer les certificats
provisoires pour ces entreprises qui n'avaient pas encore arrêté
leur programme de francisation?
M. Godin: Parce qu'elles n'étaient pas certifiées.
Nous trouvons que l'idée de certificat provisoire ne correspondait pas
à la réalité; maintenant, elles sont inscrites, le
processus est en cours et nous leur remettons un véritable certificat
à la fin.
M. Gratton: C'est quoi, le problème qu'on a vécu
dans le passé?
M. Godin: II n'y a aucun problème, en fait. La seule
raison derrière cela, c'est pour que les mots disent bien ce qu'ils
doivent dire et ce qu'ils veulent dire. Une inscription à l'office
marque le début du processus de francisation et le début des
négociations pour
en arriver à signer une entente avec l'office. Ce n'est pas un
certificat. Le certificat, lui...
M. Gratton: Je comprends cela.
M. Godin: ...est émis à la fin du processus. Tout
ce qu'on fait, c'est changer un mot afin qu'il y ait une inscription à
l'office et que cette inscription marque le début du plan de
francisation.
M. Gratton: J'imagine qu'on doit déjà
prévoir un règlement qui va régir ce processus, indiquer
qui et comment vont s'inscrire...
M. Godin: II suffit de s'inscrire.
M. Gratton: J'imagine que des fonctionnaires vont devoir recevoir
ces inscriptions et les transmettre à la machine.
M. Godin: Ce sont les mêmes fonctionnaires qui sont
déjà là.
M. Gratton: Vous êtes bien sûr de cela?
M. Godin: Les mêmes fonctionnaires qui, avant,
délivraient un certificat provisoire de francisation vont maintenant
inscrire dans les archives, dans les dossiers de l'office, le nom de
l'entreprise et vont prendre contact avec l'entreprise, vont l'amener à
adopter un plan de francisation. Le certificat, qui signifie "certifié",
comme vous le savez, sera remis au terme du processus de francisation.
M. Gratton: II n'y aura plus de certificat provisoire d'aucune
sorte?
M. Godin: Non, mais il y aura une inscription.
M. Gratton: Le seul fait de s'inscrire auprès de
l'office...
M. Godin: ...tiendra lieu...
M. Gratton: ...tiendra lieu de certificat provisoire.
M. Godin: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 23 sera
adopté?
M. Gratton: Oui, sauf que je dirai au ministre que je ne vois pas
quel irritant on élimine avec cela.
M. Godin: II n'est pas question d'irritant, c'est une
précision dans les termes.
Le Président (M. Gagnon): L'article 23 est adopté.
Article 24?
M. Gratton: Espérons que cela n'en introduit pas un autre,
un nouveau.
Le Président (M. Gagnon): Article 24?
M. Gratton: Oui, c'est purement technique, adopté.
Le Président (M. Gagnon): Article 24, adopté.
Article 25?
M. Godin: L'article 25 vise à étendre aux centres
de recherche les critères pris en considération par l'Office de
la langue française jusqu'à tout récemment pour donner aux
sièges sociaux le pouvoir de bénéficier d'un plan de
francisation beaucoup plus large que normalement et, donc, pour permettre
l'utilisation d'une autre langue dans le fonctionnement des centres de
recherche, comme nous le faisions avant pour les sièges sociaux. C'est
donc un statut linguistique particulier qui existait pour les sièges
sociaux et que nous étendons aux centres de recherche.
Le Président (M. Gagnon): L'article 25 sera-t-il
adopté?
M. Gratton: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Article 26?
M. Godin: À l'article 26, j'ai un papillon à
déposer en ce qui touche la version anglaise.
M. Gratton: L'avons-nous ou si nous ne l'avons pas?
Le Président (M. Gagnon): Que vous avez...
M. Gratton: Ah, la version anglaise!
Le Président (M. Gagnon): ...ou que vous devriez
avoir.
M. Gratton: Ah, oui! C'est facile, une version anglaise, vous
allez voir, cela va aller vite.
M. Godin: Je lis: "La version anglaise de l'article 144
édicté par l'article 26 est modifiée par le remplacement,
dans la deuxième ligne du deuxième alinéa, du mot
"regulated" par les mots "dealt with".
M. Gratton: Un instant, M. le ministre.
M. de Bellefeuille: C'est excellent!
M. Godin: En tant que linguiste ou bien
bilinguiste...
M. de Bellefeuille: C'est plus anglais. M. Gratton:
À la deuxième ligne...
Le Président (M. Gagnon): L'amendement...
M. Godin: Un instant!
M. Gratton: Quelle aberration! Je comprends.
Une voix: Adopté?
Le Président (M. Gagnon): L'amendement à l'article
26 de la version anglaise est-il adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): L'article 26 de la version
anglaise tel qu'amendé est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté.
M. Gratton: Je ne pense pas qu'on adopte la version
anglaise...
M. Godin: Non, on adopte l'amendement.
Le Président (M. Gagnon): Le fait que l'article est
amendé.
M. Godin: On adopterait ensuite l'article.
Le Président (M. Gagnon): L'article 26...
M. Godin: Si on lit bien l'article 26, il permet, pour les
sièges sociaux et les centres de recherche, que des ententes
particulières interviennent entre l'office et lesdits sièges
sociaux ou centres de recherche pour qu'une autre langue que le français
puisse être utilisée dans le fonctionnement de ces centres de
recherche. Dans le passé, les sièges sociaux
bénéficiaient d'une telle exemption. Nous donnons le même
privilège aux centres de recherche. Jusqu'à tout
récemment, c'était par le règlement...
M. Gratton: Oui.
M. Godin: ...que les centres de recherche étaient
couverts. Nous les avions assimilés, aux termes de l'application de la
loi, aux sièges sociaux. Mais, maintenant, pour que ce soit clair,
expérience faite et à la suite des demandes des organismes
d'affaires du Québec, nous avons décidé d'accorder aux
centres de recherche la même exemption.
M. Gratton: C'est aussi parce que le ministère de la
Justice avait jugé que le règlement pouvait peut-être
être illégal.
M. Godin: Pouvait peut-être être illégal.
M. Gratton: Oui, mais...
M. Godin: Mais il n'a fait l'objet d'aucune contestation.
M. Gratton: Vous êtes en train de le consacrer et il n'y
aura plus de problème. Dans le fond, ce n'est plus un assouplissement de
la loi, c'est plutôt un durcissement pour ceux qui jugent de ces choses
en ces termes. Êtes-vous d'accord?
M. Godin: Non, ce n'est pas un durcissement, c'est l'inscription
dans la loi d'une volonté déjà connue et
déjà incarnée dans un règlement...
M. Gratton: ...un règlement.
M. Godin: ...c'est une volonté d'assouplissement qui date
déjà de quelques années.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 26 est
adopté?
M. Godin: Nous avions assoupli le règlement, nous
assouplissons maintenant la loi.
M. Gratton: Voyons donc! On ne perdra pas de temps
là-dessus, plus personne ne vous prend au sérieux quand vous
parlez de cela.
M. Godin: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): L'article 26 est adopté
sur division. J'appelle l'article 27.
M. Godin: Je ne vous dirai pas que c'est réciproque, M. le
député de Gatineau. J'ai trop de respect pour vous pour tenir de
telles propositions.
M. Gratton: Mon cher M. le ministre... Une voix:
C'était trop bien parti!
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! J'appelle
l'article 27.
M. Godin: C'est lui qui a commencé.
Le Président (M. Gagnon): L'article 27, M. le
ministre.
M. Leduc (Fabre): Adopté.
M. Gratton: Oui, oui. Quant à nous, cela fait partie de
l'article.
Le Président (M. Gagnon): Tout l'article 26 est
adopté.
M. Gratton: Le papillon, la série... Je pense que le
ministre va continuer comme cela. En tout cas.
M. Godin: Article 27?
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 27 est
adopté?
M. Godin: Je pourrais peut-être donner des explications
pour la gouverne de mon excellent ami, le député de Gatineau, et
mon collègue de Deux-Montagnes.
Une voix: Est-ce qu'on a le droit d'écouter?
M. Godin: Si vous voulez.
Le Président (M. Gagnon): Cela s'adresse aux membres de la
commission maintenant.
M. Godin: Et au président aussi. M. Bourbeau: Sans
discrimination.
M. Godin: L'article 146 de la charte est modifié, 1°
par la suppression, dans la deuxième ligne, des mots "avant le 30
novembre 1977". Pour les mêmes raisons qu'hier, M. le Président,
il s'agissait d'actualiser l'article en question parce que certains juristes -
je ne dis pas que c'était unanime - estimaient que cela pouvait exclure
toute entreprise venue au monde ou créée après le 3D
novembre 1977.
Par ailleurs, l'alinéa suivant est plus important et je poursuis
ma lecture: 2 par l'addition de l'alinéa suivant: "Le comité de
francisation doit se réunir au moins trois fois par année."
Ceci fait suite à des requêtes et demandes formulées
en commission parlementaire par le mouvement syndical, qui se plaignait que,
dans certaines entreprises, le comité de francisation ne se
réunissait à peu près jamais. Pour s'assurer que ce
comité de francisation serait vivant, actif et dynamique et
contribuerait donc à franciser l'entreprise, nous nous sommes entendus
pour fixer à trois le nombre minimal de réunions chaque
année.
Le Président (M. Gagnon): L'article 27...
M. Gratton: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: ...de façon que je demeure toujours dans les
bonnes grâces du ministre -ce n'est pas que cela m'importe le moins du
monde, mais, étant donné que je vois surtout le ministre de
l'Éducation arriver, on voudrait commencer sur le bon pied - je me
contenterai de vous lire ce que le Centre de linguistique de l'entreprise nous
fait comme commentaires sur l'article 27. Inutile de revenir sur la
compétence du Centre de linguistique de l'entreprise pour se prononcer
sur ce genre de choses...
M. Godin: M. le Président, est-ce le même texte que
celui que vous avez lu en fin de session?
M. Gratton: Non. L'autre jour, j'en ai lu des extraits. On
parlait du principe, je vous ai donc parlé des conclusions, de
l'idée générale.
M. Godin: Ce n'est pas fort.
M. Gratton: Mais là, on parle de l'article 27. Je vais
vous lire le bout de la lettre du centre, qui touche l'article 27 et que je
n'ai pas lu.
M. Godin: D'accord.
M. Gratton: Parce que je ne suis pas au gouvernement, je ne me
répète donc pas inutilement. Voici ce que dit le Centre de
linguistique.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez toujours la parole, M.
le député.
M. Gratton: J'aimerais souligner que c'est à notre demande
que le Centre de linguistique de l'entreprise avait formulé un certain
nombre de commentaires, puisqu'on se disait, quant à nous, que, compte
tenu des coûts que représente la francisation de l'entreprise, la
francisation du monde du travail - et nous sommes parmi les premiers à
souhaiter que cela se fasse - nous sommes cependant assez réalistes pour
nous demander à l'occasion si l'objectif visé de franciser le
plus possible le monde du travail on l'atteint de la façon la plus
efficace par le biais des amendements que nous présente le ministre. On
a demandé au Centre de linguistique de l'entreprise de le commenter et
voici ce qu'on lit au sujet de l'article 27.
M. Laplante: Je m'excuse, mais c'est dans quel rapport?
Une voix: C'est une lettre.
M. Gratton: C'est une lettre que j'ai reçue. En fait, elle
est adressée... Voulez-vous...
M. Godin: Peut-on en avoir des copies?
M. Gratton: Elle est de M. Michel Guillot, qui est directeur
général du Centre de linguistique de l'entreprise.
M. Laplante: Elle vient de...
M. Gratton: C'est une lettre datée du 29 novembre 1983
adressée à Mme Line Béland, du bureau de recherche du
Parti libéral du Québec.
M. Laplante: C'était juste pour vous faire
répéter.
M. Gratton: Oui. C'est parce que, de cette
façon-là, il faut bien qu'il s'adresse à celui qui lui
pose la question. Le gouvernement ne semble pas intéressé. On lit
ceci: "Au deuxième paragraphe, par l'addition de l'alinéa
suivant: "Le comité de francisation doit se réunir au moins trois
fois par année", cette exigence représente une ingérence
supplémentaire du gouvernement dans la gestion de l'entreprise, puisque
la tendance naturelle des entreprises en bonne voie de francisation sera
inverse. Plus une entreprise se francisera, moins le rôle et le besoin du
comité seront nécessaires. Nous craignons en outre que cette
disposition supplémentaire n'amène les fonctionnaires de l'Office
de la langue française à exiger ensuite que les ordres du jour et
les procès-verbaux des délibérations des comités
lui soient soumis comme cela s'est vu depuis 1977 chaque fois qu'apparaissait
une nouvelle disposition réglementaire. L'objectif de la loi
étant de susciter une évolution dans toutes les entreprises,
l'obligation de tenir trois réunions par année s'avérera
très vite arbitraire."
Le ministre, même s'il ne partage pas le point de vue du Centre de
linguistique de l'entreprise, devra admettre que c'est très pertinent et
qu'effectivement, les représentations que contient cette lettre
mériteraient que le gouvernement s'y attarde un peu plus, parce que
l'objectif visé est très louable, sauf qu'on a l'impression qu'on
choisit le mauvais moyen pour l'atteindre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, en réponse aux
observations du député de Gatineau, je voudrais vous rappeler
que, parmi les gens qui se sont présentés devant nous durant
l'audience de la commission parlementaire, plusieurs organismes hautement
responsables nous ont signalé qu'il y avait lieu de resserrer le
mécanisme des comités de francisation et d'assurer à ces
comités une action plus efficace et une plus grande
régularité dans leurs réunions. C'est une observation qui
nous a été faite à plusieurs reprises et je pense qu'en
introduisant cette notion dans la loi, nous ne faisons que nous conformer aux
meilleures opinions que nous avons reçues. Bien sûr, cela peut
représenter pour ces comités une obligation
supplémentaire, mais l'obligation ne doit quand même pas
être exagérée. Il s'agit de se réunir trois fois par
année. Je pense qu'attendre qu'un comité se réunisse au
moins trois fois par année, ce n'est sûrement pas une attente
excessive et, si je cédais à mon instinct, M. le
Président, je serais presque tenté de proposer un sous-amendement
pour remplacer le mot "trois" par le mot "quatre". Deux réunions entre
le temps des fêtes et l'été et deux réunions entre
l'été et le temps des fêtes, ce ne serait pas une charge de
travail excessive pour ces comités. (20 h 45)
M. Gratton: Bien oui, M. le député!
M. de Bellefeuille: Mais, puisque le ministre et ses conseillers,
dans leur sagesse, ont jugé que trois, c'était suffisant, je me
rallie volontiers.
M. Godin: En fait, le chiffre "trois" tient à la suite des
discussions que nous avons eues avec certains porte-parole des centrales
syndicales. D'ailleurs, assez curieusement, cela leur est apparu suffisant. Il
est même assez curieux de voir la réaction de certaines
entreprises. Lors d'une rencontre récente avec des entreprises en voie
de francisation, l'une d'elles m'a dit: Pourquoi inscrivez-vous cela, parce que
nous, nous nous réunissons quatre fois par année? J'ai dit:
Pourquoi me reprochez-vous d'en inscrire trois quand vous en faites
déjà quatre? On m'a dit: Cela nous gêne plus.
Il y a des oublis peut-être, ceux ou celles que j'appellerais les
têtes dures et dont le député de Gatineau a entendu
les...
M. Gratton: Je pensais que vous alliez dire que le
député de Gatineau en est une.
M. Godin: Vous l'êtes aussi, mais je ne l'ai pas dit dans
mes propos.
M. Gratton: Merci.
M. Godin: Certains sont venus nous souligner ici à quel
point, semble-t-il, vous aviez écouté avec beaucoup
d'intérêt et d'attention leurs témoignages. Pratt et
Whitney et d'autres se sont plaints que les comités de francisation
étaient à peu près
morts dans ces entreprises. Ceci vise à les ranimer, à les
raviver. Il ne s'agit pas pour nous d'imposer un fardeau à celles qui le
font déjà, puisqu'elles se réunissent plus de trois fois
par année, mais, pour celles qui ne le font pas, à mon avis, il
m'est apparu nécessaire d'associer les travailleurs à ce travail
de francisation, parce que nous pensons que c'est d'eux que cela doit venir et
que nous devons les y associer si nous voulons que cela se fasse de la
meilleure manière possible.
M. Gratton: M. le Président, pour répondre au
ministre, je devrai cette fois répéter le bout que j'ai
cité à l'Assemblée nationale de cette lettre du Centre
linguistique des entreprises qui disait ceci: "Au cours des six
dernières années, l'expérience nous a largement
démontré que les comités de francisation ne sont pas le
meilleur agent d'entraînement de francisation dans l'entreprise. Les
attitudes que nous avons observées de la part des comités vont de
l'indifférence la plus complète - cela, règle
générale - à l'utilisation, beaucoup plus rarement, du
dossier de la francisation pour faire valoir d'autres revendications."
Le ministre a dit que j'ai été fort impressionné
par le témoignage du syndicat de Pratt et Whitney, j'ai également
dit en deuxième lecture que, probablement, c'est dans la deuxième
catégorie, ceux pour qui le dossier de la francisation sert à
faire valoir d'autres revendications, que je plaçais justement le
syndicat de Pratt et Whitney.
Cela étant dit, M. le Président, ce n'est pas une
objection de principe, mais on dit: On veut franciser l'entreprise. On veut
franciser le milieu du travail et voici que les gens qui les
représentent et qui font la francisation dans les plus importantes
entreprises - je pense qu'on nous a dit qu'il y avait 200 000 employés
ou travailleurs québécois qui travaillent dans ces entreprises -
viennent nous dire: Vous n'atteignez pas l'objectif. Vous venez nous faire
d'autres tracasseries. On conclut, en fin de compte -là, je cite afin
qu'on ne m'accuse pas de faire de l'interprétation, en parlant des
nouvelles dispositions - en disant "qu'elles seront cependant
interprétées comme un léger irritant supplémentaire
introduit dans l'administration de la loi".
Nous avions pensé que le but de notre démarche
était de faire le contraire. On s'aperçoit que le gouvernement
s'entête à en ajouter un autre. Soit, c'est le voeu du
gouvernement, il est majoritaire.
M. Godin: Remarquez...
M. de Bellefeuille: Je suis heureux que le député
de Gatineau se rallie. J'allais lui faire observer que, parmi les gens qui ont
beaucoup travaillé à la francisation des entreprises et qui sont
venus nous présenter le fruit de leur sagesse, il y avait aussi
l'Association des conseillers en francisation dont les représentants
nous ont dit, au contraire, qu'il y avait dans ce travail de francisation 30%
d'incompressible qui représentait des années et des années
d'efforts qu'il faudrait maintenir. Je pense que c'est là justement le
rôle de ces comités de continuer ce travail.
M. Gratton: M. le Président, pour en arriver à
régler le problème dans 30% des cas, on va imposer un irritant de
plus à 70% de ceux qui justement ont montré de la bonne
volonté et se sont pliés à la loi. C'est là qu'on
voit qu'on s'en va à l'envers. Quant à nous, on vous fera
remarquer, si on parle de témoignages, qu'il y a la FTQ, qui est
probablement la mieux placée, du côté syndical, pour parler
au nom des employés de ces entreprises dont on parle,
c'est-à-dire dans le secteur privé. Parce que cela va bien dans
le secteur public, on dit que c'est le gouvernement qui paie de toute
façon; quel que soit le jugement qu'on porte là-dessus, cela vaut
ce que cela vaut.
Mais, dans le secteur privé, quand ces gens nous disent:
N'oublions pas - comme le Centre de linguistique de l'entreprise nous l'a dit
dans son mémoire - que les 425 $ par employé que la francisation
a coûté, cela est un coût supplémentaire pour faire
affaires au Québec. Il n'y a personne qui dit que c'est trop, mais on a
droit de se demander, par exemple, si cela ne pourrait pas être un peu
moins. Quand on se pose la question, on se demande comment nous pourrions
réduire ces coûts. Je vous dis qu'avec l'article 27, vous ne
réduirez pas les coûts, vous allez les augmenter. C'est tout ce
qu'on dit. Et la FTQ, et j'y reviens, M. le Président, n'a jamais
demandé qu'on introduise ces changements à la loi 101. Au
contraire, la FTQ nous a dit: On peut très bien et beaucoup mieux
réussir la francisation dans l'entreprise à condition qu'on
applique les dispositions qui existent déjà. Je pense que cela
est à la page 19 du mémoire de la FTQ. Si vous voulez, je pourrai
vous le sortir, mais c'est ce que la FTQ nous disait.
Il y a peut-être d'autres gens qui sont venus dire - comme le
syndicat de Pratt et Withney - quelque chose de différent, mais,
justement, ces gens sont dans les 7% ou 8% d'irréductibles dont parlait
le ministre, ils sont dans les 30% dont le député parle et qui
sont réfractaires un peu moins, mais il y a les 70% à qui on
impose encore ces tracasseries et qui méritaient mieux, il me
semble.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Gratton: Est-ce qu'on a le droit de
fumer, M. le Président?
Le Président (M. Gagnon): La salle est moins pleine que
cet après-midi.
M. Godin: Je tiens absolument à ajouter une chose aux
propos de mon collègue de Gatineau. On présente la francisation
comme représentant des coûts à l'entreprise. On ne
présente jamais la francisation comme faisant partie de l'ergonomie,
c'est-à-dire des moyens d'améliorer la qualité de vie et
la qualité des rapports entre employés et employeur dans une
usine. Dans une usine où la culture linguistique, la langue de
l'employé est respectée, l'employé se sent davantage chez
lui, travaille mieux, travaille plus et la productivité augmente. Il y a
une étude d'Éconosult qui le prouve et cela annule largement la
productivité accrue, le sentiment d'appartenance dans une entreprise. M.
le député d'Argenteuil, comme moi d'ailleurs, nous avons
été dans des petites entreprises, lui dans une un peu plus grosse
que la mienne, plus ancienne et qui, d'ailleurs, a survécu dans son cas,
le Devoir, et je peux vous dire que, dans l'entreprise où j'ai
été pendant cinq ans, les rapports entre les employés et
l'employeur étaient la clé du succès de l'entreprise.
D'accord? Par conséquent...
M. Gratton: ...francisation...
M. Godin: ...la francisation et le comité de francisation
et la participation des travailleurs avec les représentants des
employeurs dans un comité qui vise à reconnaître la langue
des gens qui y travaillent, c'est un investissement très rentable et les
0,05% ou les 3% que cela coûte de profits sur une seule année,
cela est compensé largement, tout le monde est d'accord
là-dessus, et je ne comprends pas que le député de
Gatineau revienne avec cet argument qui ne résiste pas à l'examen
plus longtemps que le temps de le dire ici.
M. Gratton: Franchement, M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, le texte actuel de la loi ne
prévoit aucune obligation de réunion?
M. Godin: Non.
M. Ryan: Là, je comprends la réaction du
gouvernement de vouloir que cet article de la loi signifie quelque chose. Je
trouve qu'en mettant trois réunions obligatoires par année, le
gouvernement exagère grandement. Si vous mettiez une réunion
obligatoire par année, je comprendrais. C'est la règle normale
qu'on suit dans un grand nombre d'organismes, d'ailleurs, la loi prévoit
au moins une réunion par année. Je vais vous dire pourquoi. C'est
parce que, dans une entreprise, le fonctionnement de tous les comités
paritaires que vous pouvez avoir est conditionné par le climat qui
existe dans les relations entre le syndicat et l'employeur sur un ensemble de
questions que nul ne peut prévoir d'avance.
Quand les relations sont bloquées sur un ou deux points
particuliers entre le syndicat et l'employeur et, comme le disait le
député de Gatineau tantôt, que ces points se
révèlent fondés, cette réunion-ci est requise par
la loi, complètement en dehors du cadre des relations syndicales, qui
est déjà extrêmement exigeant pour un employeur. Vous, vous
n'avez pas eu d'employés syndiqués.
M. Godin: Oui, j'en ai eu. On s'en reparlera, si vous le
voulez.
M. Ryan: Le Parti québécois a mis tout le monde
dehors.
M. Godin: Pardon?
M. Ryan: Étiez-vous encore là quand ils ont mis
tout le monde dehors, M. Parizeau et compagnie?
M. Godin: Vous parlez là du Jour?
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! M. Ryan, vous
avez la parole.
M. Ryan: Ce que je vous dis, quand...
M. Godin: ...pas les deux canards boiteux!
M. Ryan: Très bien dit. Les deux ont connu le même
sorti Ce que je vous dis, c'est que, quand les relations sont tendues au sujet
d'un problème qui peut exister, quel qu'il soit, ce peut être une
sanction qui a été prise contre un employé, ce peut
être un article qui donne lieu à des interprétations
contradictoires, un article des conventions collectives. À ce
moment-là, il n'y a rien qui peut marcher.
Si vous avez des réunions qui sont obligatoires à ce
niveau-ci, à ce moment, ça peut ajouter à la tension dans
l'entreprise, ajouter à l'impression d'échec, parce que,
même si le reste du climat n'est pas bon, ces réunions, même
si le législateur les requiert, ne donneront pas grand-chose.
Je ne sais pas si vous ne seriez pas mieux de commencer par une
réunion par année. Moi, je vois qu'avec trois, il faut que
l'employeur les planifie d'avance; il y en a d'autres. Il y en a pour la
santé et la
sécurité au travail. C'est un gros paquet d'obligations,
ça aussi. Il y a toutes ces autres affaires.
Vous parliez de petites et moyennes entreprises. Ce que le syndicat
ignore souvent, c'est que les décisions devraient y être prises
par une ou deux personnes. Il faut qu'elles décident à ce
niveau-ci, à ce niveau-là et, en plus, il faut qu'elles fassent
fonctionner l'entreprise. Par conséquent, s'il m'était permis de
proposer un amendement, si mon collègue de Gatineau n'y a pas
d'objection, j'aimerais mieux qu'on mette une réunion obligatoire par
année. Cela n'empêche pas qu'il y en ait trois, si c'est voulu. Si
ça va très bien, surtout durant les périodes
d'implantation ou de vérification d'un programme, ils vont
décider de se réunir plus souvent et je pense que c'est
très bien.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Juste un dernier mot sur ceci. Les
rapports-progrès - je ne sais s'il y a un mot français pour cela
- les rapports d'étape que l'office exige des employeurs, souvent
d'ailleurs après entente avec l'employeur, s'étendent, pour
certains secteurs d'entreprises, sur six mois, d'autres sur quatre mois,
d'autres sur un an et ce nombre de réunions, trois fois par année
est basé sur la pratique déjà en cours et sur le fait que
l'employeur, enfin la compagnie, l'entreprise, doit soumettre à l'office
un tel rapport, et nous voulons que le comité se réunisse avant
la remise dudit rapport à l'office tout simplement.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: II faut bien se rendre compte de la manière dont
cela se passe concrètement. Si on met sur pied un comité de cette
nature, le syndicat, en général, va insister pour avoir un
porte-parole. Il faut prévoir des règles de fonctionnement. Ce
n'est pas prévu dans la loi. Là, il va dire: On insiste pour que
ce soit six réunions par année. Pour d'autres, ce sera deux, et
pour d'autres, une. Dans la mesure où cela se règle par la voie
de la négociation entre les parties intéressées, il n'y a
aucun problème.
Si elles ont un problème de francisation qui doit être mis
en route ou qui soit en cours, elles peuvent, à ce moment, dire que
ça va leur prendre une réunion par mois, pendant toute la
période, et ce sera excellent.
Ces trois réunions par année dans la loi, je trouve que
c'est fort, honnêtement.
Le Président (M. Gagnon): J'aurais une suggestion à
vous faire. Est-ce que vous êtes prêts à adopter l'article
27 ou si vous voulez encore en discuter?
Une voix: Le député de Laporte... M. Gratton:
On va en disposer.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 27 est
adopté? M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: On a une motion d'amendement, si je ne m'abuse.
Le Président (M. Gagnon): Je n'ai pas reçu de
motion d'amendement jusqu'à présent.
M. Gratton: M. le Président, on peut vous
l'écrire.
M. Ryan: On veut remplacer le mot "trois" par le mot "un".
Le Président (M. Gagnon): À ce moment-là, la
motion est "une".
M. Gratton: Une.
M. Ryan: Excusez-moi, M. le député de
Deux-Montagnes.
Le Président (M. Gagnon): Ce que j'aurais à vous
suggérer, c'est qu'on puisse revenir à l'article 27. Maintenant
que le ministre de l'Éducation est arrivé, on pourrait reprendre
l'article 11.1, qui a été suspendu.
M. Gratton: Si on pouvait régler 27 avant.
Le Président (M. Gagnon): Article 27?
M. Gratton: II semble qu'autrement, on va devoir tout
recommencer.
Le Président (M. Gagnon): Sur l'amendement au 2e
paragraphe "le comité de francisation doit se réunir... trois
fois par année", on voudrait modifier le mot "trois" par le mot "un".
C'est ça?
Des voix: Une.
Le Président (M. Gagnon): Une fois par année.
M. Godin: Nous sommes prêts à voter.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, êtes-vous
prêt à voter?
M. Ryan: Adopté.
M. de Bellefeuille: M. le Président,
vous avez omis de lire les mots "au moins" qui sont inscrits, n'est-ce
pas?
Le Président (M. Gagnon): Effectivement.
M. de Bellefeuille: "Se réunir au moins une fois par
année."
M. Gratton: Au moins une fois par année. (21 heures)
Le Président (M. Gagnon): Au moins "une" fois par
année à la place de "trois" fois par année.
Adopté?
M. Gratton: Adopté.
M. Godin: Non, non, non.
M. Gratton: Non?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Nous demandons le vote.
M. de Bellefeuille: Sur cette motion.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cette motion
d'amendement est adoptée?
M. Gratton: Oui, adopté, M. le Président.
M. Godin: Non, non, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Non, elle n'est pas
adoptée. Est-ce que vous demandez le vote nominal?
M. Gratton: Je pense que le ministre l'a fait.
Le Président (M. Gagnon): Oui?
M. Godin: Non, on est prêt à voter.
Le Président (M. Gagnon): Alors, rejeté sur
division ou si on prend le vote nominal?
M. Gratton: Mais non, M. le Président, on ne sait
même pas combien, de l'autre côté, ont le droit de vote. Je
demande un vote nominal. On va voir si on a quorum.
Le Président (M. Gagnon): Donc, vote nominal.
Le député de Nelligan?
Le député de Saint-Hyacinthe?
M. Dupré: Rejeté.
Le Président (M. Gagnon): II est contre. Le
député de Deux-Montagnes?
M. de Bellefeuille: Contre.
Le Président (M. Gagnon): II est contre. Le
député de Bourget?
M. Laurin: Contre.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
Mercier?
M. Godin: Contre.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
Gatineau?
M. Gratton: Pour.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Dorion?
Le député de Bourassa? Le député de
Fabre?
M. Leduc (Fabre): Contre.
Le Président (M. Gagnon): Le député
d'Argenteuil?
M. Ryan: Pour.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
Laporte?
M. Bourbeau: Pour.
Le Président (M. Gagnon): La motion d'amendement est
rejetée à 5 voix contre 3.
Une voix: C'est un jour triste.
Une voix: C'est une victoire morale.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 27 est
adopté?
Une voix: Adopté.
Une voix: Sur division.
M. Bourbeau: J'ai une question, M. le Président; j'ai
demandé la parole il y a dix minutes, allez-vous me
reconnaître?
Le Président (M. Gagnon): Effectivement, j'avais reconnu
votre droit de parole, M. le député de Laporte. Vous avez une
question à poser au ministre?
M. Bourbeau: Oui, au ministre. Qu'est-ce qui va se passer, M. le
ministre, si le comité de francisation ne se réunit pas trois
fois par année? Est-ce qu'il y aura des sanctions?
M. Godin: Non.
M. Bourbeau: En pratique, vous pouvez
quand même contrôler. Comment? Qu'allez-vous faire, s'il ne
se réunit pas?
M. Ryan: Vous ne donnerez pas les subventions?
M. Godin: S'il ne se réunit pas, l'office a le pouvoir de
rendre publics les noms des entreprises et de dire: Voici une entreprise qui ne
respecte pas la langue française au Québec.
M. Bourbeau: Mais non, elle ne respecte pas tout simplement
l'obligation de se réunir trois fois par année.
M. Godin: II pourra dire: Voilà une entreprise qui ne
respecte pas la Charte de la langue française au Québec.
M. Bourbeau: Ah bon! elle ne respecte pas la charte. Est-ce qu'on
peut révoquer son permis?
M. Godin: Oui, effectivement, s'il y avait récidive, s'il
y avait délinquance, s'il y avait entêtement inexplicable,
l'office peut effectivement révoquer un certificat de francisation.
M. Bourbeau: Est-ce qu'on exige qu'il y ait des
procès-verbaux de ces réunions?
M. Godin: Ce n'est couvert ni par les règlements, ni par
la loi.
M. Bourbeau: Comment pouvez-vous savoir s'il y a effectivement eu
des réunions du comité de francisation si personne ne fait de
procès-verbal? Est-ce par témoignage?
M. Ryan: II doit faire enquête?
M. Godin: Dans les rapports d'étape que font les
entreprises à l'office, en vertu de l'entente qui intervient entre
l'office et l'entreprise en question, le rapport d'étape mentionne
qu'une réunion a eu lieu à telle date. C'est la manière
dont l'office peut le vérifier: l'office exige des entreprises des
rapports d'étape.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? De toute façon,
l'article 27, nous en avons disposé. Nous revenons donc au ministre de
l'Éducation, à l'article 11.1.
M. le ministre.
Langue de l'enseignement
M. Laurin: L'article 11.1 a pour but...
M. Gratton: Un instant, M. le Président. Je m'excuse, M.
le ministre.
Le Président (M. Gagnon): Avez-vous une question?
M. Gratton: Est-ce l'article 3 du projet de loi?
Le Président (M. Gagnon): C'est l'article 11. L'article 11
a été adopté et il y avait un amendement à
l'article 11.1.
M. Gratton: Oui, mais on avait également... D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le ministre.
M. Laurin: L'amendement vise à résoudre un conflit
qui opposait le bureau d'admissibilité et la commission d'appel. Le
bureau d'admissibilité avait interprété l'article de la
charte comme devant signifier que le père ou la mère de l'enfant
qui demandait son admissibilité devait avoir reçu la
totalité de son enseignement primaire en anglais, mais la commission
d'appel en jugeait souvent, pour ne pas dire presque toujours, autrement. En
fait, elle renversait les jugements du bureau d'admissibilité,
lorsqu'elle était convaincue que le père ou la mère avait
reçu en anglais la majeure partie de son enseignement au
Québec.
En face de cette difficulté ou de cette divergence
d'interprétation, le conflit s'est retrouvé devant les tribunaux
et le juge Deschênes a rendu un jugement, à un moment
donné, à savoir que l'article de la charte devait signifier que
le père ou la mère de l'enfant devait avoir reçu la
totalité de son enseignement au Québec en anglais.
Évidemment, c'était un jugement de poids quand on connaît
la réputation du juge Deschênes, mais les deux organismes ont
quand même continué, par la suite, à soutenir leur point de
vue.
Comme la charte ne le spécifiait pas ou qu'elle pouvait
prêter à diverses interprétations, le gouvernement ne
pouvait pas, par règlement, changer ou trancher le conflit. Nous
profitons de l'occasion pour trancher ce conflit et nous disons donc maintenant
que, conformément à ce qu'avait toujours soutenu la commission
d'appel et conformément à l'esprit qui avait
présidé à la rédaction de l'article en 1977, ce qui
est visé, c'est que le père ou la mère a reçu,
pendant qu'il était au Québec, la majeure partie de son
enseignement en langue anglaise. C'est donc une interprétation qui est
à l'avantage d'un très grand nombre de clients ou d'usagers, si
l'on peut me pardonner ce terme, qui pensaient qu'étant au Québec
et ayant reçu la totalité de l'enseignement au Québec en
anglais ils étaient admissibles à l'école anglaise. Nous
tranchons donc cette divergence d'opinion en leur faveur.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, avant qu'on passe au paragraphe
dont vient de traiter le ministre, un amendement s'imposerait aux toutes
premières lignes de l'article 73 de la loi. Je voudrais donc le proposer
à l'attention du gouvernement. Cependant, avant de le proposer, je vais
le suggérer. On fera peut-être des remarques qui feraient voir
que...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député d'Argenteuil. À quel article du projet de loi 57
faites-vous allusion?
M. Ryan: C'est à l'article 11.1 du projet de loi 57 qui
vise l'article 73.
M. Gratton: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Effectivement. C'est bien
cela.
M. Ryan: Dans le préambule de l'article 73, il est
écrit: "Par dérogation à l'article 72, peuvent recevoir
l'enseignement en anglais, à la demande de leur père et de leur
mère." Il me semble que ce serait plus logique, plus simple et plus
juste aussi d'écrire "de leur père ou de leur mère". Le
gouvernement nous a déjà dit lui-même qu'il était
conscient des situations extrêmement diverses qui se présentent
aujourd'hui dans les foyers. On n'est plus dans la situation d'autrefois
où toutes les actions importantes se faisaient en conjugaison par les
deux conjoints. Il me semble qu'ici c'est causer des problèmes
d'interprétation inutiles et peut-être même vexatoires aux
organismes chargés de l'application de la loi, ainsi qu'aux parents et
aux enfants. S'il était écrit "de leur père ou de leur
mère", ce serait infiniment préférable, à mon point
de vue.
Je ne sais pas si le gouvernement serait prêt à apporter un
amendement à l'article 73 dans ce sens-là.
M. Laurin: Non, M. le Président, parce que, même si
ce que dit le député d'Argenteuil peut avoir un certain fondement
dans le cas où nous avons affaire à des foyers désunis ou
à des foyers séparés, il reste qu'accepter cette
suggestion pourrait créer d'autres conflits, d'autres problèmes.
Pour ne pas en créer d'autres, justement, sur une matière comme
celle-là, nous préférons que ce soit avec l'assentiment
commun des deux parents que cet article s'applique, donc par une
décision conjointe des deux parents.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Si vous me le permettez, on pourrait signaler
au député d'Argenteuil que l'article 73 est suivi de l'article
74...
M. Laurin: Oui, aussi.
M. de Bellefeuille: ...qui prévoit le cas des enfants
à la charge d'un seul des parents.
M. Laurin: Ou à la charge d'un tuteur. M. de
Bellefeuille: Ou d'un tuteur.
M. Ryan: Cela ne répond pas complètement à
l'objection que j'ai soulevée, loin de là. Il arrive que des
enfants soient à la charge de leurs deux parents et qu'une situation
comme celle qu'imposent les deux premières lignes de l'article 73 soit
injustement vexatoire pour la famille, pour l'enfant et pour les parents aussi.
Vous savez très bien que le degré de responsabilité active
des parents dans un foyer est loin d'être toujours le même. Il peut
arriver qu'une décision, dans une situation comme celle-ci, s'impose
dans un contexte où les relations sont plus difficiles entre le
père et la mère.
Je voyais le ministre agiter, encore une fois, l'épouvantail de
la peur des problèmes. C'est évident, il va toujours y en avoir,
des problèmes, M. le ministre. Il faudrait, au moins, que vous ayez la
décence de nous dire quelle sorte de problèmes vous entrevoyez.
Vous ne pouvez pas nous demander de vous dire oui seulement parce que vous avez
dit: Je vois des problèmes à l'horizon.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: Si les deux parents ne s'entendent pas, cela va
être un conflit de plus entre eux. Donc, c'est pour les éviter que
nous préférons que ceci soit une décision conjointe des
deux parents...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Laurin: ...pour ne pas ajouter à leur hargne
respective.
M. Dupré: M. le ministre, même si c'est de moins en
moins fréquent, lorsqu'on parle de la majeure partie de l'enseignement
primaire au Québec, parfois, il y a des immigrations forcées
comme les "boat people" ou des groupes semblables qui arrivent en masse. Est-ce
que cela veut dire que les parents de ces enfants pourraient peut-être
faire seulement un an d'école primaire en français?
M. Laurin: Cela s'applique plutôt à des situations
antérieures, puisque, là, on parle des parents.
M. Dupré: Oui.
M. Laurin: Le cas s'est présenté souvent, par
exemple, d'un parent qui est venu au Québec bien avant la loi 101 et
qui, en vertu d'habitus ou en vertu de traditions, dès qu'il a
touché le sol québécois, envoyait son enfant, par exemple,
qui était en cinquième année, à l'école
anglaise. Donc, il avait passé deux années à
l'école anglaise, mais les deux années qu'il avait passées
à l'enseignement primaire étaient dans une école anglaise,
ce qui montrait bien qu'à l'époque le parent avait choisi la
communauté anglophone. C'est ce que la loi 101 voulait respecter, le
sentiment d'appartenance et le sentiment d'identité qu'à
l'époque le parent avait décidé d'avoir envers l'une ou
l'autre communauté. C'est pour cela que la phrase est
rédigée comme ceci: "...constitue la majeure partie de
l'enseignement primaire reçu au Québec."
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Laporte.
M. Bourbeau: Une question au ministre. Qu'arrive-t-il dans un cas
où un enfant est né de père inconnu, d'un enfant
illégitime, si la mère a fait son cours primaire en anglais? Que
faites-vous dans un cas semblable, si la mère demande l'admission
à l'école anglaise et que le père est absolument
inconnu?
M. Laurin: Je pense qu'à ce moment-là c'est
l'article 74 qui s'applique. Habituellement, ces enfants ont des tuteurs, des
parents adoptifs.
M. Bourbeau: S'il n'y a pas de tuteur, s'il y a seulement la
mère qui est tutrice?
M. Laurin: II est à la charge d'un seul de ses
parents.
M. Godin: C'est l'article 74. M. Laurin: C'est 74.
M. Bourbeau: II pourrait avoir accès à
l'école anglaise.
M. Laurin: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): L'article 11.1 est-il
adopté?
M. Ryan: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: ...on vous fait une proposition d'amendement qui se
lirait ainsi: Qu'à la deuxième ligne de l'article 73,
après les mots "à la demande de leur père", le mot "et"
soit remplacé par le mot "ou".
M. Laurin: Pour les raisons déjà données, M.
le Président, nous ne pouvons pas accepter cet amendement.
M. Ryan: M. le Président, je m'excuse. Je pense que
j'avais la parole. C'est moi qui ai proposé l'amendement.
M. Laurin: Effectivement.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le
député d'Argenteuil. Je voudrais recevoir votre amendement.
M. Ryan: C'est une courte question. Il y en a de plus longues qui
s'en viennent.
M. le Président, cela peut sembler un peu amusant de
présenter un amendement comme celui-ci, mais je pense qu'il est
important que ce soit fait, ne serait-ce que pour donner au gouvernement
l'occasion de montrer la faiblesse des arguments sur lesquels il s'appuie trop
souvent quand nous discutons des questions relatives à la politique
linguistique. Voici un amendement qui procède d'un souci de
réalisme assez élémentaire, qui me semble dicté,
d'ailleurs, par les données les plus évidentes de la situation
des foyers aujourd'hui et qui permettrait de faire montre d'une plus grande
souplesse.
Il est évident que, quand on dit "de leur père ou de leur
mère", dans les foyers où les choses vont très bien, cela
ne fera aucune espèce de différence. Cela pourra être le
père qui se présentera, cela pourra être la mère,
cela pourra être les deux ensemble, mais l'un ou l'autre ou les deux
ensemble se présenteront après accord mutuel, ce qui est la
règle générale qu'on souhaiterait voir exister partout.
Mais, là où des tensions existent, il n'est pas nécessaire
qu'elles soient parvenues jusqu'au stade de la rupture du foyer, de la
séparation ou du divorce pour qu'il puisse arriver un besoin de
souplesse plus grande dans la loi, surtout sur une question comme celle-ci.
C'est l'objectif que veut atteindre servir l'amendement que j'ai proposé
et j'espère que le gouvernement voudra y penser une dernière
fois. (21 h 15)
Le Président (M. Gagnon): Je déclare donc
l'amendement recevable.
M. Gratton: C'est déjà quelque chose.
Le Président (M. Gagnon): C'est déjà quelque
chose, M. le député de Gatineau. M. le ministre.
M. Laurin: Je ne vois pas, M. le Président, pourquoi, dans
le doute, l'avantage irait à l'école anglaise. Je pense que c'est
tout à fait normal que, dans le doute, l'avantage aille à
l'école française, en plus de l'autre argument que j'utilisais
qu'il ne faut pas multiplier les occasions de divergence entre les pères
et les mères.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau, avant de vous laisser la parole, je peux vous dire que, comme
président, cela me fait toujours plaisir de déclarer des
amendements recevables lorsqu'ils sont recevables. M. le député
de Gatineau.
M. Gratton: Je ne sais pas si c'est un à zéro pour
vous, M. le Président, mais on ne reprendra pas cela. Je pense que c'est
typique. Le député d'Argenteuil le disait tantôt. Il valait
la peine qu'il présente son amendement simplement pour entendre le
ministre nous dire, finalement, que son refus à la proposition
d'amendement, c'était pour qu'on favorise ou qu'on agisse à
l'avantage des écoles françaises plutôt que des
écoles anglaises. Il me semble que ce n'est pas des écoles qu'il
faut se préoccuper, c'est des enfants, des gens qui sont
impliqués, des citoyens, des humains, des personnes. Mais non, le
ministre reste cantonné dans sa vision des choses et il décide
que, c'est l'école française face à l'école
anglaise, c'est un conflit continuel, bien sûr, et le bon gouvernement
paternaliste doit décider lequel des deux doit en profiter, et au diable
les enfants, au diable les parents, au diable tout le reste! Cela importe peu,
parce que, dans le schème général des choses, il faut que
ce soit soit l'école anglaise, soit l'école française qui
y gagne.
M. le Président, je pense qu'avec seulement cette
démonstration de la façon de penser du ministre et du
gouvernement on est déjà passablement plus avancé.
D'ailleurs, en fait, on n'est pas plus avancé, on le sait depuis
longtemps, mais on l'a entendu le dire très clairement.
M. Ryan: Mais on donne toujours le bénéfice du
doute. C'est une nouvelle démonstration.
Le Président (M. Gagnon): Avez-vous des choses à
ajouter, M. le ministre?
M. Laurin: Le député de Gatineau montre son...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!
M. Laurin: ...évident parti-pris, lorsqu'il y a quelque
doute ou quelque divergence possible, pour l'école anglaise.
M. Gratton: Non, pour le citoyen.
M. Laurin: II me permettra de respecter l'école de la
majorité.
M. Gratton: ...et pour l'étudiant.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Gratton: Vous et moi, je pense qu'on n'aura pas grand chance
de s'entendre.
Le Président (M. Gagnon): Après le
député d'Argenteuil. M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais ajouter un argument, c'est-à-dire une
considération. Un argument, je ne suis pas trop fort là-dessus.
J'entendais le ministre nous dire: Dans les cas de doute, il faut donner le
bénéfice du doute à l'école française. Je
dirai au ministre que je trouve assez affreuse cette déclaration et
très inhumaine. Je vous donne un cas concret. Supposons que, dans un
foyer, il y a un conjoint de langue française et un conjoint de langue
anglaise qui ne s'entendent pas très bien. Il arrive que ce soit le
conjoint de langue anglaise qui s'occupe vraiment de l'éducation de
l'enfant et qui soit apte à faire les démarches voulues pour
obtenir son admission à l'école anglaise. Dans ce cas, vous allez
donner le bénéfice du doute à l'école
française, à votre abstraction...
Une voix: C'est cela.
M. Ryan: ...sans considération pour le bien concret, le
bien vécu du foyer concerné. J'en suis scandalisé.
M. Laurin: Ce que dit le député d'Argenteuil est
une pure hypothèse. De toute façon, ce n'était pas inclus
dans son amendement.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je répète les
considérations que je viens de formuler. Je pense que le ministre ne
doit pas avoir compris, parce que...
M. Laurin: J'ai très bien compris.
M. Ryan: ...c'est parfaitement compris dans l'amendement que j'ai
proposé. Des dénégations qui ne reposent sur aucun
fondement, je pense que c'est notre devoir de les relever chaque fois qu'elles
sont là. C'est parfaitement compris dans l'amendement que j'ai
proposé. Je pense justement à des situations comme
celle-là.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je prendrai une
expression un peu étonnante, qui est tombée plusieurs fois de la
bouche de notre leader parlementaire. Je pense que le député
d'Argenteuil s'est "autopeluredebana-nisé", parce qu'il complique
indûment la situation. J'étais d'accord avec lui tant qu'il
n'invoquait pas une question d'hypothétique rivalité entre
l'école française et l'école anglaise.
J'appuierais l'amendement du député d'Argenteuil si on
était d'accord pour le ramener à des dimensions beaucoup plus
simples. Au simple plan de la vie de famille, il vient un moment dans
l'année où quelqu'un doit s'occuper d'aller inscrire l'enfant
à l'école. Je ne sais pas s'il est anglophone ou francophone, je
ne sais pas s'il préfère l'école anglaise ou
l'école française, je ne sais pas où il a reçu son
instruction, mais, un des deux parents, de consentement mutuel, avec ou sans
chicane - c'est normal qu'il y en ait ou qu'il n'y en ait pas - va inscrire
l'enfant à l'école. Il arrive là et il se fait dire: Ah!
Il faut que le formulaire soit signé aussi par votre conjoint. Je trouve
que c'est un emmerdement excessif, inutile, qui n'apporte rien à
personne.
Si on n'en fait pas une question de préférence pour
l'école française ou pour l'école anglaise, je pense que
le député d'Argenteuil a raison et qu'il y a là, comme le
dirait le premier ministre Trudeau, une ingérence de l'État. "The
State has no room in the bedrooms of the nation". Si les parents s'entendent ou
ne s'entendent pas, ce n'est pas l'affaire de l'État, ce n'est pas
l'affaire du gouvernement. Entre eux, avec ou sans chicane, il arrive qu'il y
en a un qui va mener l'enfant à l'école et qui l'inscrit. Sa
signature devrait suffire. Autrement, on complique la vie des gens pour
rien.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil. Après, ce sera au député de Fabre.
M. Ryan: Même si j'accepte très bien les remarques
que vient de faire le député des Deux-Montagnes, je voudrais
simplement lui rappeler que j'ai répondu à un argument qui avait
été soulevé par le ministre lui-même.
M. de Bellefeuille: Vous dites que c'est lui qui a
commencé!
M. Ryan: C'est vrai, regardez le dossier.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): II est évident que le
député d'Argenteuil n'a pas fait cet amendement pour simplifier
le formulaire ou pour rendre la vie plus simple aux gens, mais bien pour donner
l'avantage au parent qui veut inscrire l'enfant à l'école
anglaise. Je me mets à la place de l'autre personne qui, lui ou elle,
voudrait le voir inscrire à l'école française. Comment, M.
le Président, le député va-t-il régler le
problème? Le problème se complique et il me semble que l'article
actuel simplifie les choses, demande l'unité.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais signaler au
député de Fabre que je pensais, d'abord et avant tout, au bien de
l'enfant. Je pense qu'il faut que ces problèmes se résolvent pour
le plus grand bien de l'enfant dans un climat d'harmonie, dans un climat de
respect de situations concrètes qui peuvent varier infiniment, avec le
minimum de complications administratives. Je ne pensais pas du tout à
faire gagner la mère sur le père. Dans ces questions, en
général, vous admettrez avec moi, sur la foi de
l'expérience, que le rôle de la mère est décisif
dans 80% des cas. Je pense qu'il faut penser à la mère de
manière spéciale également et je le fais sans aucune
gêne. Rappelons-nous tous qui est allé inscrire l'enfant dans nos
foyers respectifs. Moi, j'en ai cinq qui sont passés par les
écoles et je ne suis jamais allé en inscrire un à
l'école, je le confesse humblement. Je n'aurais pas voulu que mon veto -
je n'étais pas assis tranquillement chez moi, j'étais ailleurs,
remarquez bien, je travaillais - empêche ces choses de marcher, comme le
disait le député de Deux-Montagnes tantôt. Je pense,
d'abord et avant tout, au bien de l'enfant. Je ne veux pas faire un tribunal
matrimonial déguisé avec cet article, soyez sans
inquiétude.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Je voudrais juste que le député de
Fabre nous explique un peu plus de quelle manière cela va favoriser
l'anglophone par rapport au francophone.
M. Gratton: M. le Président, je ne comprends pas trop bien
une question et une réponse entre deux députés au
pouvoir.
M. Dupré: Est-ce que je peux l'adresser au ministre?
Le Président (M. Gagnon): Habituellement, M. le
député de Saint-Hyacinthe, les questions s'adressent au
ministre.
M. Dupré: Je comprends, mais je veux avoir des
explications sur la déclaration qu'il vient de faire.
M. Gratton: Faites comme nous quand le député ne
répond pas.
Une voix: Mais c'est l'adjoint parlementaire!
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Dupré: Cela me surprend que vous vous opposiez à
cela, si je n'ai pas de réponse suffisante.
M. Gratton: Je ne m'oppose pas à cela.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Hyacinthe, est-ce que vous pourriez répéter votre question
pour le ministre?
M. Dupré: Je voudrais savoir, avec plus de détails,
de quelle manière cela favorise les anglophones par rapport aux
francophones.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: Je dis simplement ce que je disais au début.
Pour une décision comme celle-là, pour ne pas provoquer des
conflits inutiles, il me semble préférable que le père et
la mère s'entendent en ce qui concerne la demande qu'ils doivent
faire.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Fabre.
M. Gratton: Êtes-vous satisfait, M. le
député?
M. Leduc (Fabre): Prenons l'hypothèse où la
mère veut envoyer l'enfant à l'école française
alors que le père veut l'envoyer à l'école anglaise; selon
l'hypothèse du député d'Argenteuil, c'est le père
qui aurait raison; le père qui veut envoyer l'enfant à
l'école anglaise aurait raison.
Des voix: Bien non.
M. Leduc (Fabre): Bien oui, puisque c'est "ou". L'amendement
remplace "et" par "ou". Donc, le père, qui veut envoyer l'enfant
à l'école anglaise, aurait raison sur la mère qui veut
envoyer l'enfant à l'école française. Si ce n'est pas
cela, il faudrait que le député d'Argenteuil nous l'explique.
Mais le "ou" dit que c'est un ou l'autre.
M. Gratton: Mais si c'est la mère qui fait la demande
d'inscription...
M. Leduc (Fabre): Non, je m'excuse, il faut lire la phrase au
complet. "Peuvent recevoir l'enseignement en anglais, à la demande de
leur père ou de leur mère." Si on acceptait l'amendement du
député, cela veut dire que, si le père veut envoyer
l'enfant à l'école anglaise, il décide. C'est donc la
personne qui décide d'envoyer l'enfant à l'école anglaise
qui a raison. Dans l'hypothèse évoquée, ce serait le
père; et la mère, qui veut envoyer le même enfant à
l'école française, aurait tort. C'est comme cela qu'il faut
comprendre l'amendement. Donc, dans ce sens-là, cela favorise
l'école anglaise.
Le Président (M. Gagnon): Le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je trouve que l'on donne
à ces deux lignes-là un contenu qui va bien au-delà de ce
qu'il faut raisonnablement envisager. L'article 73 est déjà
rempli de sauvegardes de toutes sortes. On en a vu, d'ailleurs, les
résultats, à l'aide des statistiques publiées sur
l'admission à l'école anglaise depuis cinq ans. C'est un article
qui vise à ce que les problèmes soumis à l'attention des
personnes désignées par le ministre pour vérifier
l'admissibilité des enfants à l'enseignement en anglais, autant
que de la commission d'appel, se règlent de la manière la plus
objective possible par la vérification d'un certificat
d'études.
Alors, cette démarche-ci, qui est inscrite au début, est
surtout administrative. On vous dit: Pour une fois, simplifiez-la donc au
maximum, ne prenez donc pas le risque d'imposer des difficultés
administratives inutiles qui pourraient même être coûteuses
aux parents de ces enfants. C'est tout ce que cela veut dire. Cela ne leur
donne pas de pouvoir spécial.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, nous sommes
bloqués sur deux conjonctions: la conjonction "et" et la conjonction
"ou". L'argumentation du ministre et de son adjoint parlementaire, il me
semble, devrait porter plutôt sur la conjonction "ou" qui se trouve dans
le sous-alinéa a: les enfants dont le père ou la mère a
reçu au Québec l'enseignement primaire en anglais. Là, il
est vrai que cela favorise, en un sens, l'école anglaise. Dans les cas
où il y a un parent qui a fait une partie de son école primaire
en anglais, alors que l'autre parent a fait son école primaire en
français, cela permet à cette famille-là de se
prévaloir des droits de l'école anglaise. Alors, cette
conjonction-là, dans ce sous-alinéa a, on peut dire qu'elle
favorise l'école anglaise.
Mais l'autre conjonction, la première, celle qui est à la
deuxième ligne, "à la demande de leur père et de leur
mère", il faut vraiment se torturer les méninges pour voir que
là on favorise l'école anglaise, parce qu'il s'agit de la
demande.
Une voix: Ils ont du "fun".
M. de Bellefeuille: II s'agit de la demande. Il ne s'agit pas des
critères pour savoir si les gens ont droit à l'école
anglaise; il s'agit de la demande.
Une voix: C'est cela.
M. de Bellefeuille: Alors, là, vraiment, je pense qu'on
bloque pour rien. Si vous voulez favoriser l'école française,
mettez le "et": le père et la mère, dans le sous-alinéa a.
Là, vous allez favoriser l'école française.
M. Gratton: Parfait, mais...
M. de Bellefeuille: Mais, pour la demande, non.
M. Gratton: ...pas tout de suite. M. de Bellefeuille:
Vraiment!
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, il me semble qu'une
demande - c'est clair, je pense qu'on s'entend, ce n'est pas nécessaire
de sortir le dictionnaire - doit être faite par les deux, par les
parents. Le "et" en fait une condition, M. le député, et c'est
dans ce sens-là qu'il m'apparaît que ce n'est pas pour rien que le
député veut introduire son amendement. Si c'était une
simple formalité, je pense que l'amendement n'aurait pas vu le jour.
Le Président (M. Gagnon): Le député
d'Argenteuil. (21 h 30)
M. Ryan: Je voudrais simplement vous rappeler que, dans les
rapports habituels de la famille avec l'école, on se contente toujours
de la signature ou de l'intervention de l'un des deux parents. Si un billet est
signé au nom de l'enfant, on ne demandera pas, si le père l'a
signé, que la mère le signe aussi.
M. Gratton: Jamais.
M. Ryan: On comprend l'expression de la volonté de l'un,
de l'opinion de l'un comme la réalité; cela règle le
problème. On ne vient pas faire d'enquête sur les relations entre
le père et la mère. C'est quelque chose d'exceptionnel et de
discrétionnaire ici, qu'on tient à porter à votre
attention. Cela a l'air curieux. M. le député de Deux-Montagnes,
vous aviez raison de dire que, quand le ministre s'oppose à cela, il s'y
oppose pour rien. Nous demandons une amélioration qui a son
importance.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre. Après
quoi, comme on a fait le tour de la table, on devrait demander le vote.
M. Laurin: Je voudrais rappeler que, dans le paragraphe a, s'il y
a le mot "ou", c'est parce que c'est un fait vérifiable. Qu'un
père ou une mère ait fait ses études à une
école anglaise ou non anglaise, c'est un fait qui est vérifiable,
alors que ce que le député d'Argenteuil veut modifier concerne la
demande, comme le disait le député de Fabre. C'est une question
d'autorité; qui détient l'autorité, en somme? Dans
l'économie de notre droit civil, chacun des deux parents détient
l'autorité d'une façon égale. S'il y a un désaccord
entre les deux parents, les deux parents peuvent toujours s'adresser aux
tribunaux pour savoir, selon le tribunal, qui a préséance sur
l'autre. Dans l'économie de notre droit civil, le père et la
mère excercent tous les deux l'autorité à un titre
égal et c'est précisément à cause de cela, pour
respecter cette économie de notre droit civil, que nous avons
demandé que la décision soit conjointe.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Est-ce que cela veut dire, pour reprendre
l'expression du ministre, que dans l'économie de notre droit civil, en
toute matière prévue par nos lois, un des deux parents ne peut
agir au nom des deux en aucune circonstance? Cela me paraît tout à
fait absurde.
Le Président (M. Gagnon): Je pense qu'on a fait le tour de
la table et qu'il serait temps de demander le vote sur la motion de
sous-amendement du député d'Argenteuil. Je demanderais au
député d'Argenteuil de relire cette motion d'amendement.
M. Ryan: Vous n'abusez aucunement de nous en demandant le vote
maintenant.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil, voulez-vous relire cette motion, s'il vous plaît?
M. Ryan: Que, à la deuxième ligne de l'article 73,
après les mots "à la demande de leur père", le mot "et"
soit remplacé par le mot "ou".
Le Président (M. Gagnon): Merci. Est-ce que cette motion
sera adoptée?
M. Gratton: Vote nominal.
Le Président (M. Gagnon): Vote nominal.
M. le député de Nelligan?
M. le député de Saint-Hyacinthe?
M. Dupré: Contre.
Le Président (M. Gagnon): Contre. M. le
député de Deux-Montagnes?
M. de Bellefeuille: Pour.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Bourget?
M. Laurin: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mercier?
M. le député de Gatineau?
M. Gratton: Pour.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Dorion?
M. le député de Bourassa?
M. Laplante: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Fabre?
M. Leduc (Fabre): Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil?
M. Ryan: Pour.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Laporte?
M. Bourbeau: Favorable.
Le Président (M. Gagnon): Encore une fois, le
président va devoir voter.
Des voix: C'est 4-3.
Des voix: Non, 4-4.
Le Président (M. Gagnon): C'est 4-4, avec le vote du
député de Deux-Montagnes. Donc, le président va voter
contre.
M. Gratton: Le contraire m'aurait surpris.
Une voix: C'est épouvantable, cette partisanerie! C'est
effrayant! C'est honteux!
M. Bourbeau: C'est une victoire morale pour nous.
M. de Bellefeuille: C'est une question qu'on tranche à son
mérite, quoi, comme on peut. C'est, d'ailleurs, le président qui
va la trancher.
M. Gratton: C'est déjà fait.
M. de Bellefeuille: II l'a tranchée comment?
M. Gratton: Comme ce matin, il est toujours du même
bord.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau, je n'accepterai pas cela. Je ne veux pas que vous fassiez allusion
à ce matin; ce matin, j'ai fait mon travail au meilleur de ma
connaissance, comme je l'ai toujours fait.
M. Gratton: Oui, vous avez voté du côté du
gouvernement.
Le Président (M. Gagnon): Actuellement, je suis
obligé de voter - je n'aime pas voter en commission parlementaire -
suivant ma conscience.
M. Gratton: M. le Président, vous n'êtes pas
obligé de vous justifier de voter avec le gouvernement; le contraire me
surprendrait.
Le Président (M. Gagnon): Je ne me justifie pas; je
réponds simplement à la remarque que vous venez de faire; vous
l'avez faite plusieurs fois, d'ailleurs.
M. Gratton: Oui, mais vous votez toujours du côté du
gouvernement, il faut bien que je fasse la même remarque.
M. le Président, pourrais-je soulever une question de
règlement?
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le
député.
M. Gratton: Ce n'est pas une question de règlement, mais
simplement une observation. Le gouvernement aurait avantage à demander
à certains de ses députés d'être présents ici
à la commission parlementaire. On dit que c'est très important,
la loi 101, pour le parti au pouvoir. Il me semble que celui-ci devrait
s'assurer qu'il a suffisamment de députés ici à la
commission pour ne pas avoir à recourir au vote du président pour
trancher les questions.
Le Président (M. Gagnon): Effectivement, j'accepte votre
remarque parce que c'est un fait que présider et être
obligé de trancher la question, ce n'est pas
facile. Si les députés étaient plus nombreux, je ne
serais pas obligé de voter.
On revient à l'article 11.1. Est-ce qu'il est adopté?
M. Gratton: Non, non, M. le Président.
M. Ryan: Non, il y a beaucoup d'amendements.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Oui, j'ai un amendement à proposer à
l'alinéa a, que je communiquerai tantôt. Je vais d'abord exposer
le problème.
En vertu du changement qui est proposé dans le projet 57, de la
dernière version des amendements que nous avons reçue hier, comme
le ministre l'a expliqué tantôt, l'article 73, alinéa a, se
lirait comme suit: "les enfants dont le père ou la mère a
reçu un enseignement primaire en anglais au Québec, pourvu que
cet enseignement constitue la majeure partie de l'enseignement primaire
reçu au Québec".
Je voudrais, tout de suite, prévenir le ministre que la
dernière partie qui a été ajoutée par le
gouvernement dans la toute dernière forme que revêt l'amendement
ne pose pas de difficulté spéciale pour nous. Ce n'est pas
l'idéal dans la conception que nous nous faisons de ces choses, mais
mieux vaut qu'une personne ayant reçu la majeure partie de son
enseignement primaire en anglais puisse envoyer son enfant à
l'école anglaise que le régime actuel en vertu duquel un parent
pourrait avoir fréquenté l'école anglaise pendant cinq
ans, l'école française pendant un an et se voir
empêché, en raison des interprétations qui ont eu cours
depuis l'institution de la loi 101, d'envoyer ses enfants à
l'école anglaise. Par conséquent, de ce point de vue, cela ne
pose pas de problème majeur pour nous et ce sont des modifications pour
lesquelles nous serons heureux de voter tantôt.
Cet article pose un problème beaucoup plus grave, beaucoup plus
fondamental qui requiert, de notre part, un amendement que vous comprendrez
facilement. L'article, tel qu'il est modifié par le gouvernement,
maintient, à toutes fins utiles, la "clause Québec" en ce qui
touche les critères objectifs d'admissibilité à
l'école anglaise. Ce que je dis se relie à d'autres modifications
proposées plus loin, mais je pense que le débat doit être
fait maintenant. Nous avons demandé, depuis des années, que des
modifications soient apportées à la loi 101, non pas des
modifications dont l'application relèverait uniquement du bon plaisir
réglementaire du prince, mais des modifications qui seraient inscrites
dans le texte objectif de la loi et qui garantiraient l'accès à
l'école anglaise pour les enfants de parents ayant reçu leur
formation primaire en anglais au Québec ou dans une autre province
canadienne.
Nous demandons ce changement pour de très nombreuses raisons que
moi personnellement et d'autres de mes collègues avons eu l'occasion
d'énoncer lors du débat de deuxième lecture sur le projet
de loi. Je pense qu'il faut les reprendre ici parce que, dans le débat
de deuxième lecture, nous devions nécessairement nous attaquer
à l'ensemble du projet de loi et ce n'était pas possible d'aller
dans des considérations plus détaillées qui s'imposent
quand on veut justifier une chose comme celle-là.
Le député de Bourassa est parti. J'essayais de l'endormir.
Il disait tantôt qu'il aimait écouter le ministre et le
député d'Argenteuil parce que cela facilite son sommeil.
Une voix: On va l'envoyer chercher pour le vote.
M. Ryan: L'expérience des cinq dernières
années, M. le Président, a montré, au dire des
démographes qui sont les conseillers du gouvernement, que l'application
de la loi 101 a donné lieu à une réduction importante des
effectifs de l'école anglaise et à une augmentation substantielle
des effectifs de l'école française au Québec. Les
projections les plus sérieuses établies tant par les
démographes du gouvernement que par les autorités du Conseil
scolaire de l'île de Montréal...
M. Dupré: Voilà! Il nous a entendus à
travers les portes.
M. Ryan: On avait besoin d'une caisse de résonance
sympathique.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil, vous avez toujours la parole.
M. Ryan: Merci. L'expérience des cinq dernières
années a montré, en très grande partie en raison de
l'impact de la loi 101, que le pourcentage des enfants inscrits aux
écoles françaises a augmenté considérablement au
Québec, tandis que celui des enfants qui sont inscrits aux écoles
anglaises a diminué très sensiblement. Cette modification de la
situation est particulièrement marquée au niveau
élémentaire, au niveau primaire et moins marquée au niveau
secondaire pour des raisons que vous comprendrez facilement: la loi 101 n'a pas
eu d'impact sur les enfants qui sont aujourd'hui au niveau secondaire; elle en
aura au cours des prochaines années. La loi 101 a eu de l'impact sur les
enfants qui sont encore au niveau primaire. Elle est en application depuis six
ans.
Les démographes prévoient qu'au cours
des cinq prochaines années, si rien ne change, le pourcentage des
enfants inscrits aux écoles françaises sera
considérablement supérieur au pourcentage des francophones dans
l'ensemble de la population du Québec. Vice versa, par
conséquent, le pourcentage des enfants inscrits aux écoles
anglaises continuera de diminuer. Il faut trouver une ligne de
démarcation raisonnable quelque part. Comme nous vivons dans un pays qui
s'appelle le Canada, pays à propos duquel les citoyens du Québec
ont eu l'occasion d'exprimer leur opinion à l'occasion du
référendum sur l'avenir constitutionnel tenu le 20 mai 1980, il
nous semble absolument raisonnable qu'à l'intérieur de ce pays
les enfants qui parlent l'une des deux langues officielles du pays, si elle est
minoritaire dans une province donnée, puissent avoir accès
à l'enseignement public dans leur langue. Il nous semble que c'est une
conséquence qui découle logiquement de la décision qui a
été prise par le peuple québécois en mai
1980...
M. Dupré: Le 20 mai.
M. Ryan: Le 20 mai 1980, oui, oui. Je l'ai mentionnée
tantôt, je ne voulais pas répéter la date. Donc, cette
décision devrait valoir tant que nous sommes dans le régime
fédéral canadien.
Une autre raison qui plaide dans ce sens, c'est que, même si,
à l'Assemblée nationale, pour des raisons qui étaient
très valables par ailleurs, nous nous sommes opposés à la
manière dont a été adoptée la charte
constitutionnelle canadienne.
Merci. Là, je vais parler avec confiance.
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez prendre le vote
tout de suite, je vote avec vous.
M. Ryan: Nous avons dans la charte constitutionnelle canadienne
une disposition garantissant que, partout au Canada, "les citoyens canadiens
qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou
en anglais au Canada et qui résident dans une province où la
langue dans laquelle ils ont reçu cette instruction est celle de la
minorité francophone ou anglophone de la province ont, dans l'un ou
l'autre cas, le droit d'y faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire
et secondaire, dans cette langue."
Ce critère est étroitement emprunté au
critère de la fréquentation scolaire des parents. À cet
égard, il est excellent et je pense qu'il traduit assez bien... Laissons
faire les autres parties de l'article 23 de la charte constitutionnelle qui
peuvent donner lieu à un débat. Cela fait partie de la loi
fondamentale du pays.
J'entendais le premier ministre du Québec me répondre ce
matin à l'Assemblée nationale: Vous vous occupez trop de la
forme; occupez-vous donc un peu plus du fond. Dieu sait que c'est exactement
l'argument qui a été employé par Ottawa, par le
gouvernement fédéral, pour justifier la manière dont il a
procédé dans cette chose-ci. Que de fois ne m'a-t-on point dit:
Ne vous inquiétez pas, sur le fond, vous êtes d'accord avec ceci;
ne vous occupez pas de la forme, c'est secondaire. Je disais dans ce
temps-là au gouvernement fédéral et je le dis aujourd'hui
au premier ministre du Québec, à propos d'une autre question: La
forme est parfois aussi importante que le fond parce que, dans la forme qu'on
choisit d'adopter pour faire cheminer une décision, il y a souvent des
principes très importants impliqués. (21 h 45)
Je ferme la parenthèse là-dessus et je reviens à
notre thème. Le rapport que le démographe - je pense que son nom
est Michel Paillé - a soumis au gouvernement sur l'impact
éventuel de l'adoption de la "clause Canada" a établi très
clairement qu'il n'y a aucune espèce de danger de ce
côté-là, mais il a fait une réserve. Il a dit que,
dans le cas de l'Outaouais, il pourrait y avoir un danger. Le cas de
l'Outaouais - le député de Gatineau le connaît mieux que
moi - je crois qu'on pourrait considérer que c'est un cas particulier
qu'il conviendrait au moins de discuter de manière
détaillée. Il y a des données démographiques qui
justifient une considération particulière. Cela pourrait
être examiné dans un climat serein et constructif.
Mais, pour le reste du Québec, je dis au gouvernement qu'on est
en pleine situation d'abus de pouvoir avec une clause comme celle qu'on veut
maintenir après tout ce qui s'est fait au cours des cinq
dernières années, après les meilleurs enseignements
reçus des responsables du système scolaire, tant à
Montréal qu'au niveau québécois, tant au niveau des
démographes qui sont à l'emploi officiel du gouvernement
qu'à celui de ceux qui, comme Jacques Henripin, par exemple, parlent en
professionnels indépendants du gouvernement. Il me semble qu'il y a une
question de noblesse également.
Je sais qu'un peu plus tard on nous parlera de
réciprocité. Nous ferons le débat sur la
réciprocité à propos de l'article 15 du projet de loi. Je
ne pense pas que ce soit le moment de le faire, mais je vous préviens,
M. le Président, que je vous soumettrai tantôt un amendement. Je
pense même que je vais vous le soumettre tout de suite.
Le Président (M. Gagnon): Allez donc, M. le
député.
M. Ryan: L'amendement se lirait comme suit. Je vais vous le lire.
Ensuite, je
vais vous communiquer le feuillet: "Qu'à l'alinéa a de
l'article 73... J'espère que le ministre ne me regardait pas parce que
j'avais la charte canadienne dans les mains et non la charte
québécoise. Je ne voudrais pas qu'il interprète cela comme
une espèce d'aveu freudien de quoi que ce soit.
M. Godin: C'est déjà fait.
M. Ryan: Je la tiens toujours près de moi, parce que c'est
un document...
M. Dupré: On vous l'a envoyée par la poste parce
que vous n'étiez pas là.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À
l'ordre! M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Cela fait partie de mon dossier sur la langue. Je pense
que c'est normal. Qu'à l'alinéa a de l'article 73 les mots "ou
dans une autre province canadienne" soient ajoutés après les mots
"au Québec", à la troisième ligne.
M. de Bellefeuille: M. le Président, c'est à
l'article 73 tel qu'édicté par l'article 11.1, n'est-ce pas?
M. Ryan: Exactement. Je pense que nous sommes en plein dans le
sujet.
Le Président (M. Gagnon): Y aurait-il moyen de lire le
nouvel article tel qu'amendé?
M. Ryan: Oui. "L'article 73 de cette charte est modifié
par le remplacement des paragraphes a et b par les suivants: "a Les enfants
dont le père ou la mère a reçu un enseignement primaire en
anglais au Québec ou dans une autre province canadienne, pourvu que cet
enseignement constitue la majeure partie de l'enseignement primaire reçu
au Québec ou dans une autre province canadienne." Il faudrait ajouter
cela à ce moment-ci parce qu'autrement cela n'aurait pas de sens.
M. Dupré: Cela ressemble à la "clause Canada".
M. Ryan: C'est ce qu'on veut, exactement. Je viens de parler
depuis un quart d'heure en faveur de la "clause Canada". J'espère que le
député de Saint-Hyacinthe...
Une voix: On n'était pas sûr.
Une voix: II n'a pas compris.
M. Ryan: ...ne sera pas surpris qu'on ait trouvé le moyen
de l'incorporer dans un amendement qui nous paraît tout à fait
raisonnable. Avez-vous objection à ce que les deux mots que j'ajouterais
à la fin soient dans la même proposition d'amendement ou si vous
voulez que j'en fasse un autre amendement?
Une voix: Les deux mots?
M. Ryan: "Ou dans une autre province canadienne", à la fin
également. Je pense que cela devrait aller dans la même
proposition d'amendement. Avez-vous une objection?
M. de Bellefeuille: Les six mots.
M. Ryan: Six mots déjà. Cela va vite. Dans les deux
cas, les mots "au Québec" seraient suivis des mots "ou dans une autre
province canadienne", à la ligne trois et à la ligne six.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je ne peux pas dire que je
suis très étonné de l'amendement que présente le
député d'Argenteuil. Je l'attendais depuis longtemps. Ce n'est
pas seulement d'aujourd'hui qu'il l'annonce, mais il nous l'annonce
depuis plusieurs années.
Il invoque, évidemment, le fait que le Québec fait partie
de la Confédération canadienne et que, le 20 mai dernier, la
population du Québec a signifié sa volonté de rester dans
la fédération canadienne. Mais, même si le Québec a
manifesté son intention de rester dans la fédération
canadienne, il demeure, cependant, que les Québécois, dans leur
majorité, en tout cas francophone, ont toujours l'impression, pour ne
pas dire la certitude, d'être non seulement un peuple fondateur, mais un
peuple qui, concentré au Québec a son identité, son
sentiment d'appartenance, forme une société avec ses valeurs, sa
langue, sa culture, son mode d'organisation sociale particulier et entend bien
garder, préserver, cultiver, promouvoir, développer cette
identité, cette culture.
Je rappelle aussi au député d'Argenteuil que c'est dans ce
même Canada qu'en 1966, 1967, 1968, 1969 les Québécois, du
moins les Québécois francophones, non seulement voyaient leur
situation linguistique se détériorer en général au
Québec et en particulier à Montréal, mais voyaient en
même temps le pourcentage des gens inscrits à l'école
anglaise augmenter d'une façon très rapide, du fait que cette
école anglaise intégrait à 85% ou à 90% tous les
nouveaux arrivants, qu'ils viennent des autres pays ou qu'ils viennent des
autres provinces, même si une bonne partie de ces immigrants
n'appartenait pas à des peuples anglophones comme les Américains,
les Britanniques, les
Australiens ou les Néo-Zélandais. C'était
l'époque où nous voyions les enfants de familles italiennes,
grecques, turques - je pourrais continuer toute la nomenclature
-s'intégrer à l'école anglaise, parce que le Canada
était majoritairement anglophone, parce que le pouvoir
fédéral, par sa bureaucratie, en tout cas, sa fonction publique,
était très majoritairement anglophone et privilégiait
d'une façon marquée la culture anglophone. C'est l'époque
où l'on voyait, par exemple, que les élèves inscrits dans
les écoles de la commission des écoles protestantes du
Grand-Montréal étaient non anglophones en majorité. C'est
même encore vrai aujourd'hui, puisque les dernières statistiques
révèlent que, dans les écoles anglo-protestantes, la
proportion d'anglophones est minoritaire par rapport aux enfants
d'allégeance allophone.
C'est à l'époque, justement, où l'on voyait cette
situation s'aggraver, empirer au fil des années que les francophones, en
tout cas, ont réagi avec fierté en même temps qu'avec
angoisse et ont senti le besoin d'améliorer leur situation linguistique
par voie législative. Dans un premier essai, on a eu la loi 63 qui
était loin de corriger la situation. Il y a eu ensuite la loi 22 qui
était pleine de bonnes intentions, mais qui, en raison du critère
qui avait été choisi, s'est avérée inapplicable et
odieuse du fait qu'elle recourait à des tests qui étaient
administrés aux enfants. Lorsque le Parti québécois est
arrivé au pouvoir, évidemment, nous avons véritablement
redressé la situation et nous avons fait en sorte que tous les nouveaux
arrivants au Québec intègrent l'école de la
majorité. Depuis ce temps, effectivement, la situation s'est
redressée, puisque nous voyons maintenant que 67% des nouveaux arrivants
allophones ont intégré l'école française, ce qui
est tout à fait normal. Même aujourd'hui, on peut dire que,
malgré le déclin qu'a signalé le député
d'Argenteuil, la proportion d'anglophones dans les écoles anglaises est
encore supérieure à la proportion d'anglophones d'origine dans
les écoles anglaises du Québec. On peut donc dire que, même
avec la loi 101, après six ans d'application, nous n'avons pas encore
réussi à redresser, à normaliser la situation et que,
même aujourd'hui, la société anglophone en tant que telle
continue d'avoir un statut supérieur à celui que lui
mériteraient ses effectifs.
Le député d'Argenteuil a fait grand état de
l'amélioration qui s'est effectuée au fil des années.
C'est sûr que la situation s'est améliorée. Mais il a fait
aussi état des pertes considérables, sérieuses, qu'a
subies l'école anglophone au Québec, particulièrement
à Montréal. Il a répété, après bien
d'autres députés de son parti, que nous avons assisté,
à Montréal, dans les écoles anglophones, à une
véritable saignée. Il rappelle les statistiques probablement qui
nous ont été apportées à la commission
parlementaire, où la Fédération des commissions scolaires
protestantes, ainsi que la Commission des écoles protestantes du
Grand-Montréal ont dit qu'au cours des dernières années
les effectifs des écoles anglaises ont baissé d'une façon
beaucoup plus considérable que ceux des écoles françaises.
À l'époque, j'ai ramené dans une juste perspective ces
diminutions respectives et j'ai fait valoir que l'écart dans les
clientèles des écoles francophones et anglophones n'était
pas aussi considérable qu'on l'avait manifesté, m'appuyant en
cela sur une étude statistique, basée sur les chiffres
réels, qui avait été faite par le service de
démographie de la Commission des écoles catholiques de
Montréal.
Je veux bien admettre, cependant, qu'il y a eu une réduction
sérieuse des effectifs dans les écoles anglaises de
Montréal. Le député d'Argenteuil l'attribue, je
l'écoutais, en grande partie à la loi 101. Je ne crois pas que ce
soit juste d'attribuer principalement à ce facteur une réduction
aussi substantielle d'effectifs. Je pense qu'on peut s'appuyer sur toutes les
analyses qui ont été faites depuis cinq ou six ans et affirmer
que, si les effectifs des écoles anglaises ont diminué tellement
considérablement au cours des quatre ou cinq dernières
années, c'est dû à un très grand nombre de facteurs.
D'abord, l'arrivée du Parti québécois au pouvoir avec la
réputation qu'avait le Parti québécois, avec la peur que
cela inspirait à une grande partie de la population anglophone qui ne
connaissait pas vraiment le Parti québécois et qui manifestait
à son égard des appréhensions extrêmes. Il y avait,
en même temps, la peur de la population anglophone vis-à-vis d'un
Parti québécois qui avait inscrit à son programme
l'indépendance du Québec. Comme on sait que la
quasi-totalité de la population anglophone du Québec
résiste beaucoup à cette idée d'indépendance, n'en
voit pas les avantages et exagère ses inconvénients, il ne fait
pas de doute que l'arrivée au pouvoir de ce parti, en 1976, et la
réélection de ce parti en 1981 ont accru fortement les
appréhensions, les craintes que le Québec, avec le Parti
québécois au pouvoir, réalisât son
indépendance. Plusieurs anglophones - les journaux ont été
pleins de ces témoignages - en ont tiré la conclusion qu'il
valait mieux pour eux ne pas rester au Québec; ils ne voulaient pas s'y
acclimater, ils ne voulaient pas apprendre la langue de la majorité et
ils préféraient, pour des fins de facilité, pour des fins
de confort, déménager leurs pénates dans une autre
province unilingue anglaise où ils n'auraient aucune de ces
difficultés d'adaptation qu'ils auraient à connaître au
Québec dont la
destinée avait changé. (22 heures)
II y a eu un autre facteur que tous les journaux ont mentionné
aussi, c'est la crise économique ou la récession
économique que nous avons connue et qui a pu amener, comme cela arrive
chaque fois que le Québec connaît des périodes difficiles
sur le plan économique, plusieurs anglophones, beaucoup plus mobiles du
fait qu'ils se sentent à l'aise d'un océan à l'autre,
à tenter leur chance ailleurs dans une autre province.
Il y a eu enfin, un dernier facteur qui est celui de la diminution de la
natalité dans la population anglophone aussi bien que dans la population
francophone et ceci, d'ailleurs, compte pour une part assez importante de la
réduction des effectifs. Je pense donc que, lorsque le
député d'Argenteuil attribue principalement à la loi 101
la réduction des effectifs qu'ont connue les écoles anglaises,
c'est là une exagération; c'est là centrer le débat
sur un seul aspect, sur un seul élément, alors qu'on sait
très bien qu'il y en a eu plusieurs.
Où en est-on maintenant? Je pense que les statistiques montrent,
encore une fois, comme je l'ai dit tout à l'heure, que l'écart
n'est pas aussi considérable et, d'autre part, que, si les effectifs des
écoles anglophones ont diminué, c'est en raison de ces
départs plus nombreux que d'habitude au cours des trois ou quatre
dernières années, mais qui affaiblissent, évidemment, le
pouvoir de la minorité anglophone d'envoyer des effectifs aussi nombreux
qu'auparavant à ses écoles.
Il reste, cependant, que même actuellement on ne peut pas dire que
la situation est complètement corrigée, qu'elle est
complètement redressée. Si nous acceptions l'amendement du
député d'Argenteuil, nous courrions le risque, assez rapidement
au cours des années qui viennent, de voir les mêmes causes
produire les mêmes effets. Et c'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle
le gouvernement fédéral a inclus dans sa charte cette "clause
Canada" qui a pour but de redresser la situation dans le sens des
intérêts de la majorité anglophone du pays et de la
minorité anglophone du Québec.
Nous avons dit, à l'époque, que nous ne pouvions pas
accepter cette "clause Canada" pour bien des raisons: d'abord, parce que c'est
une entorse à la compétence exclusive du Québec en
matière d'éducation; c'est également une entorse au droit
qu'a ce peuple fondateur de déterminer ses orientations culturelles, de
maintenir son sentiment d'appartenance à une culture qui est la sienne
et qui a ses lettres de noblesse et ses lettres de grandeur. Et nous ne voulons
pas, au Québec, revoir dans l'avenir ou même prendre la chance de
revoir dans l'avenir les mêmes phénomènes que ceux que nous
avons eu tant de peine à redresser.
Quant aux statistiques, avec tout le respect que j'ai pour M. Henripin,
il reste que ses prévisions optimistes sont basées sur des
facteurs ou sur des hypothèses qui peuvent très bien ne pas
s'avérer exactes. Si, par exemple, comme M. Henripin le dit, la
situation économique connaissait d'autres crises au Québec, il
est possible que les anglophones se trouveraient à nouveau assez mobiles
et iraient dans les autres provinces, alors que si, au contraire, le
Québec continuait sa remontée économique, il est possible
que ceci amènerait un afflux plus grand d'anglophones des autres
provinces. Par ailleurs, je pense qu'il nous faut considérer
également que la situation actuelle où les allophones
s'intègrent - et ils commencent à en voir les avantages de plus
en plus grands - en plus grand nombre dans les écoles francophones est
à l'avantage des allophones aussi bien que des écoles
francophones du Québec et je ne vois pas pourquoi nous renoncerions
à cet avantage.
Par ailleurs, le député d'Argenteuil s'est bien
gardé de citer dans la "clause Canada" un certain article 23 b) qui,
lui, permettrait même aux citoyens du Québec d'envoyer pour
quelque temps - une semaine ou deux semaines ou deux mois ou trois mois - leurs
enfants à l'école anglaise dans une autre province, ce qui leur
donnerait le droit d'y revenir et, cette fois, de s'inscrire à
l'école anglaise. C'est un risque que nous ne voulons pas courir.
Enfin, je pense que le député d'Argenteuil ne s'est pas
rendu compte que, dans son amendement, il va beaucoup plus loin que la "clause
Canada" puisque, au moins, la "clause Canada" restreint le droit à
l'école anglaise aux citoyens canadiens alors que, dans son amendement,
le député d'Argenteuil ne mentionne en aucune façon cette
limite ou cette caractéristique de la citoyenneté canadienne et
donc, en conséquence, il ouvrirait l'accès à
l'école anglaise à un nombre beaucoup plus grand de Canadiens ou
d'immigrants que même la "clause Canada" de la Loi constitutionnelle
fédérale ne l'autoriserait.
Pour toutes ces raisons, M. le Président, je ne peux pas accepter
l'amendement de M. le député d'Argenteuil.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je pense qu'il s'impose de faire un certain nombre de
mises au point à la suite de ce qu'a dit le ministre. D'abord, j'ai
remarqué que, suivant sa tendance filandreuse bien connue...
M. Laurin: Cela allait bien. Pourquoi employer des expressions
comme cela?
Une voix: Ce n'est pas gentil. Filandreuse: ce n'est pas
parlementaire.
M. Ryan: C'est parfaitement parlementaire. C'est de l'analyse
logique. Il a fait glisser le sens que j'ai dit.
M. Laurin: C'est une épithète.
M. Ryan: J'ai dit, en grande partie à cause de la loi 101,
en grande partie. Ce peut être 35%, 40%, 60%. Vous traduisez et vous
dites "principalement".
M. Laurin: Habituellement, c'est au moins 51%.
M. Ryan: II n'y a aucune définition du dictionnaire qui va
justifier ça. Une chose que je pourrais vous dire, c'est qu'on pourrait
décomposer les raisons qui expliquent le déclin de l'école
anglaise...
M. Laurin: Vous n'aviez pas parlé des autres raisons. Les
autres raisons, vous ne les aviez pas mentionnées.
M. Ryan: Bien au contraire, j'ai dit qu'il y en avait beaucoup
d'autres qui ont été mentionnées par les
démographes dont j'ai vu les études. Même si les
démographes énumèrent dix raisons, les juxtaposent l'une
à côté de l'autre, cela ne veut pas dire que l'une de ces
raisons n'a pas eu beaucoup d'influence sur les autres également. On n'a
pas d'études actuellement, M. le ministre, pour permettre de tirer
quelque conclusion que ce soit. Il faut s'exprimer prudemment là-dedans.
Quand j'en ai parlé, j'ai suivi de très près ce qui a
été dit par les démographes qui ont examiné la
situation, à savoir que le facteur de la loi 101, dans la mesure
où il est vérifiable, est celui des facteurs qui a
été le plus important. Cela étant dit, on peut passer
à d'autres points.
Je voudrais corriger une chose que vous avez dite à maintes
reprises à propos du glissement des effectifs scolaires dans l'île
de Montréal. Cela fait plusieurs fois que j'entends le ministre affirmer
que le même phénomène s'est à peu près
produit tant du côté français que du côté
anglais.
M. Godin: Quel ministre?
M. Ryan: Le ministre de l'Éducation.
M. Godin: En fait, moi aussi, j'ai dit ça.
M. Ryan: Cela fait bien des fois que j'entends le ministre faire
cette affirmation et je la considère fausse. Et je vais en faire la
démonstration à l'aide des données qui me sont fournies
par le Conseil scolaire de l'île de Montréal.
Dans les données qui ont été colligées et
publiées il y a quelque temps par le Conseil scolaire de l'île de
Montréal résumant l'évolution des effectifs scolaires
à Montréal pour la période de 1970 à 1982 et
dressant ensuite des perspectives, des projections pour la période
à venir, voici ce qu'on dit pour la période de 1976 à
1982: pendant cette période, les inscriptions aux écoles
françaises sur l'île de Montréal, dans les commissions
scolaires de l'île de Montréal, ont chuté de 87 242
à 70 460, soit une diminution de 19%, à peu près 16 782.
Les inscriptions aux écoles anglaises ont chuté de 62 103
à 32 184, soit une chute de 29 919 ou 48%. 19% du côté
francophone, 48% du côté anglophone au niveau primaire. C'est le
seul dont on puisse parler sérieusement quand on parle de l'impact de la
loi 101, c'est évident que si on prend les effectifs au niveau
secondaire, la chute n'a pas été du même ordre pour une
raison que j'ai donnée tantôt d'ailleurs. C'est que la loi 101
n'aura ses effets sur cette clientèle scolaire qu'au cours des cinq
prochaines années. N'importe qui qui sait compter jusqu'à six ou
sept doit se rendre compte de cette évidence. C'est pour cela que quand
on regarde les chiffres au niveau secondaire, la différence est beaucoup
moins grande et si on amalgame tous ces chiffres dans un même portrait
uniforme, le pourcentage va encore diminuer. Ce qui est significatif, ce qui
parle un langage clair, je pense que c'est l'évolution des
données en ce qui touche le niveau primaire.
De ce côté, pour être bien sûr que ce soit
clair, je voudrais citer quelques passages de l'étude qui a
été faite pour le gouvernement par M. Michel Paillé, agent
de recherche à la Direction des études et recherches au Conseil
de la langue française. Je vais vous citer quelques extraits de cette
étude, car tout le monde n'a pas eu l'occasion de la lire au complet:
"Dans l'ensemble - c'est M. Paillé qui parle et non pas moi -
l'importance relative du secteur francophone n'a cessé de
décroître jusqu'à l'année scolaire 1976-1977."
Une voix: Une bonne annnée.
M. Ryan: De ce côté, le gouvernement peut
revendiquer des mérites, que je lui accorderai volontiers d'ailleurs,
"mais depuis la sanction de la Charte de la langue française, le secteur
de l'enseignement de la langue française a régulièrement
augmenté: de 83,4% qu'il était en 1976-1977, il accueillait l'an
dernier (1982-1983) 87,5% des écoliers des réseaux public et
privé subventionné". D'ailleurs, le ministre se souvient
très bien que lors de l'étude des crédits, à la
commission parlementaire de l'éducation, son ministère avait
déposé des statistiques qui parlaient dans le même sens
et sur lesquelles, à l'époque, nous avions attiré
son attention.
Le démographe Paillé continue: "Compte tenu des tendances
observées depuis l'entrée en vigueur de la loi 101, l'avenir du
français comme langue d'enseignement est nettement assuré. Tout
au cours de la présente décennie et au début de la
prochaine, l'importance relative du secteur francophone des réseaux
public et privé subventionné continuera d'augmenter.
D'année en année, de moins en moins d'écoliers sont
reconnus admissibles à recevoir leur enseignement dans la langue de la
minorité anglophone en vertu des modalités transitoires de la loi
101. Lorsque ces modalités transitoires seront périmées,
comment se répartiront les effectifs etc."
On en vient à ceci: Si les choses continuent au rythme où
nous sommes partis, les estimations du Conseil scolaire de l'île de
Montréal, pour 1993-1994, prévoient une proportion
d'écoliers à l'école française qui se situerait
entre 91,1% et 91,8% dans l'île de Montréal, alors que la
population, tout compte fait, est à peu près de deux tiers, un
tiers au point de vue linguistique, en gros. C'est toujours ce qu'on a dit.
M. Laurin: Les allophones, ce ne sont pas des Anglais.
M. Ryan: Oui, mais depuis le début du siècle, c'est
comme ça. M. le ministre, j'espère que vous n'allez pas juger de
la langue d'une personne d'après son nom. Tantôt, je vous
écoutais parler et les données que vous affirmiez se
référaient à l'origine ethnique, finalement. Quand on
regarde la langue véritablement parlée, il faut oublier le nom
d'une personne, à un moment donné. Quand cela fait 15, 20 ou 50
ans qu'elle est passée dans une famille linguistique, on peut bien faire
des poèmes et des élégies là-dessus, mais c'est un
fait brutal.
M. Godin: À l'ordre, à l'ordre! Ne parlez pas en
mal de la poésie ici.
M. Ryan: Très bien, je n'attaquais pas vos poèmes
en particulier, M. le ministre, soyez bien rassuré.
M. Godin: Ce ne sont pas tellement les miens qui me
préoccupent que la poésie dans son ensemble.
M. Ryan: Je pense qu'il faut quand même reconnaître
qu'il y en a beaucoup plus que ceux qui portent un nom anglais, irlandais ou
écossais qui sont des anglophones de facto, de fait, qu'on le veuille ou
non. De ce point de vue, je pense que les proportions que nous annonce le
démographe Michel Paillé vont bien au-delà de ce qu'on
pouvait entrevoir au début même de l'application de la loi
101.
Il continue: La mise en oeuvre de la "clause Canada" - parce qu'il s'est
prononcé là-dessus, ce qui m'a agréablement
étonné -"L'élargissement du lieu des études
primaires du père ou de la mère à l'ensemble du Canada
plutôt qu'au Québec seulement ne compromettrait pas l'avenir du
français comme langue d'enseignement au Québec. Même si une
telle mesure modifiait vraisemblablement la répartition linguistique des
immigrants en provenance des autres provinces canadiennes, la proportion des
écoliers inscrits au secteur français d'enseignement ne
retomberait sûrement pas au niveau antérieur à la Charte de
la langue française. Il se pourrait même, qu'après une
baisse de cette proportion, lors d'une première année
d'application de la "clause Canada", on assiste ensuite à une
augmentation" de la proportion des élèves de langue
française, "quoique moins rapidement et jusqu'à un maximum moins
élevé que si la "clause Québec" était maintenue
intégralement."
Là, il fait son exception pour la région de l'Outaouais
dont nous avons parlé tantôt et il ajoute que les prospectives que
nous avons dressées invitent "à penser qu'un élargissement
des modalités d'accès à l'enseignement en anglais pourrait
éviter à la minorité anglophone une réduction trop
forte des effectifs de ses écoles sans compromettre pour autant l'avenir
du français comme langue d'enseignement."
Je ne sais pas quelle est la philosophie du gouvernement. J'ai
assisté à une commission parlementaire avec le ministre ces jours
derniers et le ministre se souviendra qu'une délégation, qui
s'est présentée à la commission parlementaire, a
félicité le ministre de l'Éducation...
Une voix: Tant mieux.
M. Ryan: ...de recourir abondamment à la consultation,
mais elle lui a exprimé seulement une critique, c'est qu'il n'en tient
à peu près jamais compte. (22 h 15)
Une voix: Ce devait être un libéral.
Une voix: Ce n'est pas vrai.
M. Ryan: C'était une délégation
d'enseignants...
M. Gratton: Ce n'est pas fin mais c'est vrai.
M. Ryan: ...qui a d'ailleurs été
écoutée avec beaucoup de courtoisie par le ministre. On doit lui
donner son mérite de ce point de vue-là.
M. Gratton: II est patient.
M. Ryan: II écoute, mais il ne comprend pas. Il doit y
avoir des motifs... Quand le gouvernement engage des experts, on paie les
salaires de ces gens-là... Il y a des gens qui sont financés dans
leurs travaux à même les fonds publics. Ils arrivent à des
constatations, des conclusions dont je dois reconnaître qu'elles ont du
bon sens.
Une voix: Merci.
M. Ryan: Ils aimeraient beaucoup qu'on en tienne compte quand on
fait des modifications à la loi. Cela fait sept ans qu'on est sous ce
régime-là. Les chiffres que j'ai évoqués
tantôt en provenance du Conseil scolaire de l'île de
Montréal établissent clairement qu'il y a un problème de
réduction draconienne des effectifs de l'école anglaise qui
constitue une menace pour la survie de cette communauté.
Je me dis qu'il me semble que rétablir un peu l'équilibre,
tenir compte de la préférence politique profonde du peuple
québécois telle qu'exprimée il y a peu de temps, il y a
trois ans, je ne pense pas que cela mettrait en péril quoi que ce soit.
Je pense que ce serait une oeuvre de justice et d'équité dans le
domaine linguistique.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que la motion
d'amendement du député d'Argenteuil est adoptée?
M. Dupré: J'ai demandé la parole.
Le Président (M. Gagnon): Sur l'amendement? M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Je voudrais que ce soit bien clair. Si j'ai bien
compris vous dites après les mots "Québec et dans les autres
provinces du Canada".
Le Président (M. Gagnon): Oui, canadiennes.
M. Dupré: Je ne sais pas si c'est une erreur de sa part ou
s'il voulait exclure le Québec du Canada parce qu'il aurait fallu lire:
"Un enseignement primaire en anglais au Canada." Cela aurait
réglé le problème.
M. Ryan: C'est une question...
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: ...de formulation, cela ne fera rien. J'aime mieux qu'on
mette "au Québec d'abord"...
M. Dupré: Par votre formulation est-ce que vous excluez le
Québec du Canada?
M. Ryan: Pas du tout. Ou dans une autre... Le mot "autre" est
très important.
M. Dupré: C'est cela que je voudrais savoir dans un
premier temps.
Le Président (M. Gagnon): Attention, il ne faudrait pas
parler ensemble. On va laisser parler le député de
Saint-Hyacinthe et vous pourrez y répondre.
M. Dupré: Lorsque vous parlez de la baisse de 42%...
Le Président (M. Gagnon): Je voulais vous faire remarquer
ceci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Si j'ai bien lu
l'amendement proposé par le député d'Argenteuil, on dit
"au Québec ou dans une autre province canadienne". C'est cela? Ce n'est
pas "et" c'est "ou dans une autre province canadienne".
M. Dupré: M. le Président, lorsque le
député d'Argenteuil parle des 42% ou 48%... Est-ce 42% ou 48%? Il
me semble que j'ai entendu 42% si ma mémoire est bonne.
Une voix: C'est 48%.
M. Dupré: 48%, cela ne comprend pas seulement les
anglophones mais les anglophones y compris les Italiens... C'est cela.
M. Ryan: Ce sont les effectifs... Je vais vous laisser finir et
je répondrai après.
M. Dupré: Oui. Qui vont présentement à
l'école anglaise. C'est cela? D'accord.
M. Ryan: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil, si vous me permettez, il y a quelques personnes qui m'ont
demandé la parole. On pourrait peut-être répondre
à...
M. Ryan: C'est une précision si vous me permettez, cela va
éviter que je revienne tantôt.
Le Président (M. Gagnon): Cela va.
M. Ryan: Le ministre a dit que j'avais parlé de
"père ou de mère" au lieu de "citoyen canadien". Je voudrais lui
dire que s'il faisait un sous-amendement à mon amendement je
l'accepterais volontiers. Il n'y aura pas de débat entre nous
là-dessus.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je serai très
bref. Je tiens à dire toute ma satisfaction de constater que le ministre
de l'Éducation et député de Bourget, connu auprès
de la population québécoise comme le père de la Charte de
la langue officielle du Québec, le français, manifeste une
très ferme détermination à s'opposer
irréductiblement à l'introduction de la "clause Canada" dans
cette charte.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je pense que le
député de Deux-Montagnes a compris la même chose que moi.
Je dirai cependant qu'on peut quand même, sinon s'en surprendre, tout au
moins dire qu'on n'est pas d'accord avec le ministre. S'il n'y avait que les
libéraux qui n'étaient pas d'accord avec le ministre, ce ne
serait peut-être pas tellement significatif pour le ministre, pour le
gouvernement, mais je pense qu'il est inutile de rappeler que parmi les
organismes qui sont venus témoigner devant la commission parlementaire,
une quarantaine se sont prononcés sur le sujet de l'accès
à l'école anglaise et que parmi ces quarante il y en avait une
bonne majorité - je pense que c'était 24 à 26 - qui
favorisait la "clause Canada". Dans certains cas c'était un minimum.
Quand le ministre disait que la vaste majorité des francophones
québécois n'est pas d'avis qu'on doive élargir la
possibilité d'avoir accès à l'école anglaise, je ne
sais où il prend ses renseignements. Il me semble que c'est
extrêmement clair dans les sondages qui ont été
publiés tout récemment, notamment celui de SORECOM
effectué, je pense, en septembre ou octobre dernier. Ces sondages
démontrent clairement que non seulement une majorité de
francophones au Québec est favorable à la "clause Canada" mais
que, quand on le décortique, même une majorité de
Québécois francophones qui ont voté pour le Parti
québécois à la dernière élection... Je pense
que c'est 59% de ceux qui ont avoué - et pas toujours avec gaieté
de coeur, en l'occurrence - avoir voté...
Une voix: Reconnu.
M. Gratton: Non, "avoué". Moi, je choisis mes mots. Je dis
bien "avoué avoir voté pour le Parti québécois en
1981". 59% de ces gens-là se disent favorables à la "clause
Canada". 62% de ceux qui avaient voté oui au référendum de
mai 1980 - on peut présumer que les 60% qui ont voté non
étaient d'accord - sont également d'accord avec la "clause
Canada". Cela commence à faire pas mal de monde. Cela commence à
faire, je pense, un portrait assez clair de ce que la population pense. On
pourrait s'imaginer, si, dans le milieu familial du ministre, il y avait
unanimité, on pourrait se dire: C'est parce qu'il reste trop près
de sa famille, mais même le frère du ministre trouve que la
"clause Canada", ce n'est pas assez et il parle même du libre choix, de
la clause universelle. On va sûrement me rétorquer de l'autre
côté: Oh oui, mais parmi les organismes qui sont venus dire cela,
il y a les chambres de commerce, il y a les gens qui se préoccupent des
viles choses économiques.
Une voix: Non, non!
M. Gratton: M. le Président, il y en avait effectivement
parmi ceux-là mais il y avait également la CEQ, la Centrale de
l'enseignement du Québec qui, dans son mémoire, nous disait, par
exemple: Quant à nous, nous estimons que les droits que nous sommes
disposés à reconnaître chez nous ne devraient pas
être conditionnels à ce qui se passe ailleurs. Le droit à
l'enseignement en langue anglaise ne constitue certes pas un droit fondamental
de la personne humaine. Là où il est reconnu, il ne peut se
définir qu'en tenant compte du contexte sociopolitique et
démo-linguistique global de la société particulière
au sein de laquelle il s'exerce. Il s'agit toutefois d'un droit très
important et c'est à une minorité québécoise que
nous le reconnaissons. Non seulement un tel droit ne doit-il pas faire l'objet
d'aucun marchandage interprovincial, mais notre législation doit
éviter toutes les apparences que telle puisse être la
volonté du peuple québécois ou de son Assemblée
nationale. Et la CEQ poursuit: Si toutefois nous avons l'intention
d'étendre cette accessibilité aux enfants dont les parents ont
fait leurs études primaires dans une autre province du Canada, qu'on le
fasse sans marchandage et qu'on établisse cette accessibilité
comme un droit. Compte tenu de ce que nous connaissons présentement de
l'évolution de la situation relative du français comme langue
d'enseignement au cours des dernières années, nous pensons qu'une
telle extension ne mettrait pas en danger la communauté francophone dans
un avenir prévisible. Et il me semble que... Le député
d'Argenteuil en a fait la démonstration. Il aurait pu citer Richard Joy,
Jacques Henripin, Michel Paillé et combien d'autres démographes.
Bien sûr, on ne pourra pas citer Charles Castonguay, mais combien
d'autres démographes sérieux ont fait la preuve que la "clause
Canada" n'aurait aucune espèce d'impact, ne comporterait aucune
espèce de danger du genre de celui qu'évoque le ministre comme
épouvantail pour refuser d'accepter la "clause Canada". Je
répéterai ce que je dis souvent, parce que malheureusement, j'ai
l'impression qu'on doit répéter - le ministre est fort
fidèle à sa cassette et il nous force à
utiliser les nôtres - que la seule justification qu'on puisse voir
au refus du gouvernement d'accepter la "clause Canada", c'est évidemment
que c'est incompatible avec son option fondamentale. Il se doit à tout
prix de se faire imposer la "clause Canada" par la Cour suprême de
façon à crier au viol...
Une voix: Ah non!
M. Gratton: Oui, oui. C'est déjà ce qu'on a fait
depuis fort longtemps, ce qu'on entend continuer de faire et on
préfère le faire. On préfère se faire...
Une voix: ...
M. Gratton: Que dit-il là?
Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le
député.
M. Gratton: Oui, mais il me dérange, M. le
Président, quand il me parle comme cela.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau, vous avez la parole.
M. Gratton: Oui, mais parce qu'on n'a pas les mêmes
idées, cela ne veut pas dire qu'on doit être impoli l'un envers
l'autre et s'interrompre.
Une voix: Ce n'est pas...
M. Gratton: Oui, vous m'interrompez quand je parle. Ce n'est pas
gentil.
Une voix: Excusez-moi, excusez-moi!
M. Gratton: Ce n'est pas gentil. Ne le faites plus. M. le
Président, je termine en disant tout simplement que le gouvernement est
fidèle à lui-même. Je préférerais de loin,
par exemple, qu'il nous dise clairement quelles sont ses intentions. On les
connaît. Tout le monde les connaît finalement. Dans la population,
vous ne bernez plus personne, M. le ministre. Tout le monde vous connaît
pour ce que vous êtes, reconnaît quels sont vos objectifs et ne
croit plus nécessairement aux entourloupettes dont vous entourez votre
argumentation pour vous figer dans le ciment, dans le statu quo
vis-à-vis de l'accès à l'école anglaise, ce que
nous regrettons profondément, M. le Président.
Quant à nous, il nous a semblé - je remercie le
député d'Argenteuil de l'avoir fait - essentiel d'inscrire notre
volonté ferme de respecter la constitution canadienne, même si
nous n'y avons pas participé, et nous pensons que ce serait là
répondre au voeu d'une vaste majorité des citoyens
québécois, même si on veut considérer exclusivement
ceux qui sont de langue française, et que le gouvernement manque encore
une fois le bateau en refusant l'amendement du député
d'Argenteuil.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Gatineau. M. le député de Fabre, en vous
faisant remarquer qu'un de mes voeux, comme président de commission
parlementaire, ce serait qu'on puisse avancer. Nous sommes encore à
l'article 11.1, le même article qu'on a entamé à 20 heures
ce soir. M. le député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, je pense qu'il s'agit
d'un amendement fort important.
Une voix: Absolument.
M. Leduc (Fabre): II faut prendre le temps d'en parler un
peu.
Une voix: ...
M. Leduc (Fabre): Exactement. J'entendais le député
de Gatineau nous dire: C'est parce que vous êtes indépendantistes,
etc., que vous maintenez la "clause Québec", que vous refusez la "clause
Canada". Je ne sais pas si le député de Gatineau connaît le
Droit; sûrement qu'il le connaît ce journal qui vient de sa
région.
M. de Bellefeuille: Son père en était d'ailleurs "
le directeur. Aurèle Gratton en a été directeur.
M. Leduc (Fabre): Je ne pense pas que ce soit un
député...
M. Gratton: Le député de Deux-Montagnes en a
été un des chevronnés journalistes pendant un certain
temps, jusqu'à ce qu'il s'égare je ne sais pas trop
où.
M. Leduc (Fabre): Exactement.
M. de Bellefeuille: On est en pays de connaissance.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre! M. le député de Fabre, vous avez
la parole.
M. Leduc (Fabre): Je ne pense pas que le journal soit reconnu
comme un journal indépendantiste. Ce journal a écrit un article
qui remonte au mois de novembre, le 23 novembre précisément, sous
la plume d'Alain Dexter, qui s'intitulait "Parlons de
réciprocité", où le journaliste s'oppose même
à la clause ou à l'article que le gouvernement veut introduire
comme amendement à la charte. Il s'y oppose non pas au nom de la "clause
Canada", mais il s'y oppose, parce qu'il trouve que le
gouvernement du Québec va trop loin. Une voix: ...
M. Leduc (Fabre): Oui, c'est exactement ce qu'il dit. Le
gouvernement du Québec est trop généreux, dit-il, dans les
amendements qu'il veut introduire à la charte du français. Je ne
citerai pas tout l'article, mais il y a un argument qui me frappe. Il me semble
qu'on n'en tient pas suffisamment compte de l'autre côté. C'est
précisément celui de la réciprocité. M. le
député d'Argenteuil, il me semble que la question de la
réciprocité est un élément important. Le
journaliste nous rappelle qu'à l'extérieur du Québec, sauf
au Nouveau-Brunswick - encore là, on peut en discuter -la
minorité francophone n'a pas les mêmes services que le
Québec offre à sa minorité anglophone. Seulement un simple
paragraphe va nous situer: "En Ontario, il faut se battre pour obtenir une
école française (Souvenez-vous des crises scolaires de Sturgeon
Falls, de Cornwall, d'Essex, de Penetang, pour ne nommer que celles-là).
Il faut aussi se battre pour conserver ses droits acquis en matière
d'établissements scolaires (La présente crise scolaire de Sudbury
constitue un bel exemple)." Tout l'article est bâti à partir
d'exemples concrets qui démontrent que le Québec est
extrêmement généreux à l'égard de sa
minorité. (22 h 30)
Ce n'est pas nous, M. le Président, qui le disons, ce sont des
Franco-Ontariens qui nous rappellent et qui vous rappellent également,
en tant que Québécois, que vous avez une responsabilité
aussi à l'égard de ces minorités. Dans cet article, il dit
au gouvernement: N'allez pas trop loin. M. le député
d'Argenteuil, sa générosité va jusqu'à vouloir
introduire dans la charte la "clause Canada". Sans tenir compte de nos
minorités, on veut ouvrir toutes les écoles - enfin, pas toutes
les écoles - mais on veut ouvrir à tous les citoyens canadiens,
à tout le moins, la possibilité de fréquenter les
écoles anglaises au Québec. Alors, cela m'apparaît
inacceptable et je ne comprends pas que le député d'Argenteuil
n'ait pas parlé de cette situation.
Deuxième chose que je veux dire, M. le Président, c'est
qu'il y a une étude quand même assez sérieuse qui a
été faite, celle d'Albert Côté, économiste et
démographe au Conseil scolaire de l'île de Montréal, qui
nous rappelle, premièrement, que c'est la dénatalité qui
constitue le premier facteur du déclin de la population anglophone du
Québec. C'est vrai qu'en 1988 il nous rappelle - c'est vrai, il y a
certains arguments que vous avez dits qui sont vrais - que le secteur scolaire
anglophone aurait perdu 64% de sa clientèle de 1970. Mais, M. le
député, les francophones auront perdu, eux, à la CECM, 44%
de leur clientèle.
M. Côté ajoute: Les deux secteurs auront
encaissé une perte de 51% de la clientèle par rapport à
1970, à cause de la baisse de la natalité, pas à cause de
la loi 101. Et il nous rappelle ceci: En 1973 -donc, avant l'adoption de la loi
101 - quelle était la clientèle anglophone, qui
fréquentait le secteur anglophone de la CECM? 12% de la clientèle
parlait français à la maison, 20% l'anglais, 45% l'italien et 17%
d'autres langues. Cela, c'était avant la loi 101. Voilà la
composition du secteur anglophone. Et la loi 101 est en train de ramener cela
à une proportion qui respecte la proportion des anglophones au
Québec. Alors, il faudrait que le député soit plus
convaincant s'il veut qu'on adopte la "clause Canada", en tout cas de notre
côté; il me semble que, de son côté, il devrait tenir
compte de ces arguments.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Fabre. M. le ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration.
M. Godin: Oui, je pense qu'on peut effectivement donner des
chiffres, comme l'a fait le député d'Argenteuil, comme je
pourrais le faire moi-même, qui montrent...
M. Gratton: Le ministre l'a fait tantôt.
M. Godin: ...qu'il y a eu une baisse considérable de la
fréquentation du secteur anglais. Par ailleurs, la baisse était
considérable dans le secteur français avant la loi 101. La loi
101 a atteint son but, d'une part.
D'autre part, je pense que ce qui est en jeu et ce qui est en cause, ce
n'est pas tellement des chiffres que des principes, qui sont dans le British
North America Act qui a confié aux provinces, en 1867, après de
longs débats qui se sont étalés sur deux ans, de 1865
à 1867... Et je ne suis pas sûr que les
délégués de ce qu'on appelait à l'époque le
Canada East - parce que le Québec n'existait plus - à cette
conférence de Charlottetown, en 1865, suivie de celle de Québec
en 1866, auraient accepté d'adhérer au BNA Act s'ils ne
s'étaient pas vu confier la gestion de leur système scolaire. Ce
qui est en cause, c'est que le système scolaire relève des
provinces; c'est une compétence provinciale, c'est une
compétence, en ce qui nous concerne, du peuple québécois.
Et tout "infringement", pour employer un mot qui est familier aux mandarins
fédéraux, toute brèche dans cette compétence du
Québec serait un reniement, serait une trahison à l'égard
des raisons qui ont fait adhérer le Québec, le Canada East de
l'époque, de 1865-1867, au BNA Act. C'est pour cela que je
m'étonne de voir un ardent défenseur de la constitution
canadienne comme le député d'Argenteuil se
déguiser en anarchoconstitutionnaliste, avec son collègue
de Gatineau. Littéralement, nous sommes devant deux
anarcho-constitutionna-listes qui sont pour une sorte d'anarchie, qui disent
que, à la faveur d'un coup de force perpétré par neuf
provinces et un gouvernement fédéral contre le Québec en
cette matière, nous devrions renoncer aux compétences
provinciales uniquement parce que neuf provinces et un gouvernement central ont
décidé que nous n'y avons plus droit, à cette
compétence provinciale. C'est la raison pour laquelle nous refusons
l'application de la "clause Canada" en cette matière au
Québec.
Deuxièmement, je pense qu'il est important qu'il y ait un
gouvernement quelque part dans le Canada qui se soucie des institutions des
minorités francophones hors Québec. À ma connaissance, le
gouvernement qui s'en soucie le plus et qui prend des moyens concrets pour
parvenir à doter nos frères et soeurs des provinces anglaises,
c'est le Québec et la réciprocité va dans ce sens.
L'amendement proposé par mon collègue et parrainé par moi
va dans ce sens. Tout ce que nous avons fait et dit depuis des années va
dans ce sens. Nous voulons doter les minorités françaises hors
Québec d'institutions. J'ai dit publiquement que les francophones du
Manitoba étaient perdus à moins que cette minorité n'ait
des institutions. À défaut de telles institutions, je crois que
cela est perdu. Car il ne suffit pas de s'appeler Aubuchon au Manitoba pour
survivre comme francophone. Il faut avoir des écoles, des services
sociaux, des hôpitaux, des services en français; à
défaut de quoi, je crois que la cause est perdue. Il restera, bien
sûr, des héros méconnus, ignorés,
méprisés de l'extérieur, des personnes qui continueront
à parler français à la maison mais sans une masse critique
de francophones dans une province anglaise, une masse critique qui
s'accompagnera, grâce aux efforts du Québec, d'institutions, ces
groupes sont perdus et c'est parce que nous savons qu'ils sont perdus que nous
nous battons pour la réciprocité.
Il n'est pas question pour nous - ce n'est pas une question de faire de
la politique avec cela - de renoncer premièrement, à la
compétence exclusive des provinces en ces matières
d'éducation; deuxièmement, il n'est pas question non plus de
renoncer à nos efforts pour que soient dotées, dans ces provinces
de plus en plus lointaines au plan affectif aussi bien que linguistique, ces
communautés soeurs d'institutions. C'est le sens de la proposition de
Saint. Andrews et c'est le sens de l'amendement qui est devant nos yeux. C'est
la raison pour laquelle je voterai contre la proposition du
député d'Argenteuil parce qu'elle va dans le sens de la
renonciation au BNA Act. Elle va dans le sens d'un abandon de nos
communautés francophones hors Québec.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je pense que j'éprouve l'obligation de
répondre au ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration qui ne semble pas avoir compris la perspective exacte dans
laquelle se situe...
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on peut vous demander
d'approcher un peu votre micro, M. le député, si possible?
M. Ryan: ...l'amendement proposé. Il entendait
s'inquiéter d'un délit d'anarcho-constitutionnalisme qui serait
à la source de l'amendement que nous proposons. Je pense que c'est une
inquiétude qui est excessive et sans fondement. Ce que nous proposons,
c'est que l'Assemblée nationale du Québec exerce ses
prérogatives souveraines de manière complètement libre,
sous sa seule motion à elle, en faveur de la "clause Canada". La
meilleure preuve que je puisse en donner au ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration - je pense qu'il acceptera cet argument - c'est
que nous soutenons cette position depuis bien avant l'adoption de la charte
constitutionnelle fédérale des droits.
Le ministre sait très bien que le Parti libéral du
Québec défend cette position depuis au moins cinq ans. Elle a
été adoptée en congrès régulier avant
même la dernière élection provinciale, en 1981.
Malheureusement, elle a été adoptée juste avant
l'élection, nous n'avons pas eu le temps de dissiper, au cours de la
campagne, toutes les faussetés que répandait le parti
gouvernemental à ce sujet. Il nous a accusés de tous les maux
dans ce domaine sans même nous faire la justice élémentaire
de présenter notre proposition pour ce qu'elle était,
c'est-à-dire, une proposition fort modérée dont l'impact
éventuel serait très limité, au dire mêmes des
propres conseillers du gouvernement. Par conséquent, il n'est pas
question d'abandon de pouvoirs au gouvernement fédéral, de
renonciation aux prérogatives souveraines de l'Assemblée
nationale du Québec. Il est question d'exercer ses prérogatives
dans un esprit un peu plus large, d'une manière un peu plus
réaliste et d'une façon davantage conforme à la
volonté véritable de la population qui s'est exprimée
à maintes reprises là-dessus, y compris à l'occasion
d'enquêtes d'opinions dont faisait mention tantôt le
député de Gatineau et à l'occasion de nombreux
mémoires que nous avons entendus à la commission
parlementaire.
Par conséquent, sur ce plan, je pense que les propos du ministre
dépassent infiniment... C'est une bonne logique qui
ramène l'honnêteté intellectuelle justifiable. Que
le ministre dise qu'il est en désaccord avec nous, je le conçois
parfaitement. Mais, moi-même, me faire accuser
d'anarcho-cons-titutionnaliste, je pense que c'est "summa injuria". C'est le
sommet de l'injure parce que j'ai payé bien cher pour demander que la
constitution soit respectée tout le temps, sans m'occuper des
conséquences qui en découleraient, et soutenu, je pense, les
convictions là-dessus. Je pense que le dossier parle par lui-même.
En tout cas, ça ne m'empêchera pas de dormir tantôt, pas du
tout.
M. Godin: ...va corriger cela.
M. Ryan: Deuxièmement, je pense que c'est important de
relever l'argument du ministre. Le ministre dit que maintenir une politique
comme celle que le gouvernement veut instaurer, avec les amendements qu'il
propose à la loi 101, est une façon plus efficace d'aider les
minorités francophones à l'extérieur du Québec. Je
ne peux pas être d'accord avec le ministre là-dessus. Je crois que
la politique trop raide du gouvernement québécois a
été un facteur d'éloignement plutôt que de
rapprochement. Le ministre lui-même a tenu, à l'occasion du
problème manitobain, des propos regrettables dont j'ai pu mesurer
l'impact négatif quand je suis allé au Manitoba dans le
même temps. Je pense qu'au premier ministre il est arrivé de tenir
aussi des propos de cette sorte.
Il me semble qu'on devrait avoir une politique plus efficace dans ce
domaine. Je ne prétends pas à une politique miraculeuse. Je sais
bien qu'il y a un travail d'éducation d'opinion à faire dans le
reste du pays et c'est quelque chose qui n'est pas une tâche facile, qui
va prendre énormément de temps. Je ne pense pas nourrir trop
d'illusions à ce sujet même si ma foi profonde demeure du
côté de cette option. Je suis très conscient des obstacles
historiques, sociologiques.
Je pense que l'adoption de la "clause Canada", étant donné
surtout qu'elle ne comporte pas de danger véritable pour le
Québec, serait une façon bien plus efficace pour le Québec
de reprendre en main son rôle historique de protecteur des
minorités francophones en dehors du Québec et de leader de toutes
les provinces en matière du traitement des minorités. Je pense
que cette position historique que nous avons perdue ces dernières
années, et assez lamentablement à mon point de vue, nous devons
la restaurer. On ne peut pas être dans un pays et ne pas y être en
même temps. Cela est le dilemme du Parti québécois, un
dilemme d'où je ne sais comment vous vous sortirez
éventuellement, mais je pense qu'il va falloir que vous fassiez quelque
chose parce que, là, ça coûte cher à tout le monde.
Nous, nous disons: Nous avons fait le choix d'être dans ce pays. Moi, il
y a des gouvernements que je n'aime pas dans le pays canadien. Il y a des
dirigeants dont je ne partage pas les opinions. Je me dis: Mon choix est pour
ce pays, alors j'y suis, j'accepte certains corollaires qui en
découlent. Le problème du gouvernement est qu'il veut nous
présenter des mesures législatives qui s'inspirent plutôt
d'une philosophie qui est la sienne - je le comprends - qui n'est pas celle que
le public a approuvée quand il l'a élu. Là, il y a un
problème de logique pour vous autres dont je souhaiterais voir la
solution mais dont je vous sais actuellement incapables pour une telle
raison.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de Bourassa.
M. Laplante: ...encore à la commission.
Le Président (M. Gagnon): C'est que je n'avais pas inscrit
votre nom comme intervenant.
M. Laplante: Quelques mots seulement. C'est que la position de M.
le député d'Argenteuil me surprend et m'effraie. Elle me surprend
dans le sens que, lui-même, de son aveu, est allé à Ottawa
négocier la "clause Canada" pour le "Canada Act". Tout de suite
après, le député de Gatineau, qui n'a pas participé
au "Canada Act" - c'est une preuve de participation, ça! - a
assisté à son triomphe le jour de la proclamation... Ce qui me
surprend dans l'article que le ministre propose actuellement, c'est justement
l'article Canada que vous avez là, s'il l'a très bien
regardé. (22 h 45)
Une voix: Le ministre?
M. Laplante: Oui, l'amendement qui est là. C'est que,
étape par étape, on commence par le Nouveau-Brunswick, cela
pourrait s'appliquer ensuite à l'Ontario par décret. Il y a des
décrets au bout de cela. En somme, tout le Canada, la minute qu'il se
pliera à la demande du Québec pour protéger nos
minorités francophones dans les autres provinces automatiquement, il
pourrait y avoir reconnaissance sans négociation avec elles, seulement
de par leur loi. À ce moment, la "clause Canada" serait incluse dans le
"Canada Act".
Concernant l'article 133, si on avait voulu une justice, dans les
négociations que vous avez faites avec le gouvernement central, sur ce
"Canada Act", pourquoi n'y a-t-il pas eu un échange à ce moment
pour que cet article s'applique partout au Canada si vous y croyez au Canada
autant que cela? Ce sont les questions que je me pose.
D'autant plus, lorsque M. le député d'Argenteuil dit
que... Ce qui m'effraie, c'est
lorsqu'il pleure sur le sort des 87,5% de francophones qu'il y aurait
actuellement dans la population scolaire contre environ 13% d'anglophones. Pour
moi, cette proportion qu'on a ici au Québec au point de vue de la
communauté anglophone, est une juste proportion qui est ramenée
aujourd'hui. Il me semble qu'il faut penser à cela.
Je me souviens, lors de la loi 22, un de nos députés
était à ce moment - il est libéral à la Commission
des écoles catholiques de Montréal. À ce moment, du
côté anglophone, lorsqu'on luttait contre la loi 22, il demandait
une seule chose sur les tests. Il disait: On est Québécois, on
veut que nos familles soient respectées, on ne veut rien savoir du reste
du Canada et des autres pays parce que l'on vit actuellement au Québec.
Hors Québec, on ne veut rien savoir de cela. La raison était
simple, il disait: On ne connaît pas les gens qui vont venir ici, on
n'est pas pour se faire de la peine pour eux, on n'est pas pour se battre pour
eux, on ne les connaît pas. C'est l'argumentation d'une de vos
députés, la députée de L'Acadie, à laquelle
moi-même j'ai concouru; moi-même je me suis rangé du
côté anglophone à ce moment pour me battre contre les
tests, contre la loi 22.
Il y a 40 mémoires qui ont été
présentés ici dont, apparemment, 20 ou 24 prônent la
"clause Canada". Ce qu'on retrouve encore, c'est du protectionnisme du Canada
anglais qui se trouve au fond de tout cela. Aujourd'hui, on n'entend plus dire:
Donnez-nous satisfaction à Québec, on essaie de défendre
la cause des gens qui ne vivent même pas ici, qui ne participent pas
à notre économie, qui ne participent pas à notre culture.
C'est ce qu'on fait, en somme. On ouvre une porte par l'amendement que le
ministre a voulu apporter dans cette "clause Canada". En fin de compte, avec
l'article 133, si toutes les provinces l'acceptent, protéger nos
minorités, automatiquement, il est dedans, mais laissez-nous faire un
chemin pour forcer les autres provinces, leur demander de faire ce que le
Québec fait en élargissement et en respect de ces
minorités.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Une courte intervention,
parce que vous avez déjà pris vos vingt minutes. Après, je
demanderai le vote sur l'amendement. M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Ce sera sur d'autres aspects. Le Président (M.
Gagnon): C'est cela.
M. Ryan: Je dois faire des rectifications parce que cela fait
plusieurs intervenants, du côté gouvernemental, qui font allusion
à la charte constitutionnelle des droits du Canada, au rôle que
j'aurais joué dans la mise au point de certains amendements. Il y en a
été question tantôt, même indirectement. Je pense que
je dois rectifier des faits.
D'abord, si le Québec a l"'opting out" en ce qui concerne
l'article 23.1a de la charte constitutionnelle des droits, c'est-à-dire
l'"opting out" en ce qui concerne la fréquentation de l'école
d'après la langue maternelle, le critère qui avait
été trouvé, je pense qu'on le doit en grande partie
à l'intervention que j'ai faite à ce moment parce que cela
n'était pas formulé comme cela. Il n'y avait pas d'"opting out"
pour... N'oubliez pas qu'il n'y avait pas de gouvernement au Québec
à ce moment. Le gouvernement boudait dans son coin et vous vous
rappelez, il y avait les drapeaux qui flottaient en berne sur l'édifice
du parlement. Il n'y avait plus rien qui se faisait. Moi, je me suis dit en
désespoir de cause: il faut qu'il y ait quelqu'un quand même pour
sauver les meubles. Je pense que vous devez, à la justice historique,
reconnaître qu'on a gagné ce point-là.
Deuxièmement, la définition restrictive de la "clause
Canada" qui est dans la charte constitutionnelle canadienne, est fondée
sur le critère de la fréquentation de l'école primaire,
par les parents. Là encore, c'est une contribution qui a
été faite - je pense pouvoir dire en toute vérité -
par celui qui vous parle. Cela restreint considérablement. Si ce n'avait
pas été de ces interventions, on se trouverait avec la "clause
Canada" générale avec le danger que cette clause soit
imposée par un jugement de la Cour suprême dans quelque temps
d'une manière à peu près définitive, tant qu'on
reste sous le régime fédéral actuel. Il est important de
noter ces choses.
Dans la charte constitutionnelle, il y a l'article 23.2 qui crée
un problème, assez limité quand même. On l'a beaucoup
exagéré. Celui-là, nous avons demandé qu'il n'y
soit point. Ils l'ont gardé quand même. On n'avait pas de pouvoir.
On était de l'Opposition de sa Majesté. Ce n'est pas d'autre
chose que cela. On n'était même pas un gouvernement et on a obtenu
beaucoup plus que le gouvernement actuel du Québec.
Je vous rappelle ces faits en toute amitié pour que vous ne
m'attribuiez pas des choses dont je ne fus point responsable.
M. Laplante: C'étaient vos frères.
M. Ryan: Je regrette infiniment, M. le Président, je
n'accepte pas du tout cette remarque. Le temps où j'ai dirigé le
Parti libéral du Québec, c'était un parti
complètement indépendant de l'autre. Je regrette infiniment.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement du
député d'Argenteuil à l'article 11.1 qui serait à
l'effet d'ajouter
après le mot "Québec" à la troisième ligne
"ou dans une autre province canadienne" et après le mot "Québec"
à la sixième ligne "ou dans une autre province canadienne" est
adopté?
Des voix: Non, rejeté.
M. Ryan: Un vote nominal, M. le Président. Il y a
peut-être un désaccord entre les deux ministres. On ne sait
jamais.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Nelligan.
M. Godin: Ne comptez pas là-dessus. M. Lincoln: Pour
l'amendement.
Le Président (M. Gagnon): ...Nelligan, pour. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Dupré: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Bourget.
M. Laurin: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mercier.
M. Godin: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Pour.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Pour.
Le Président (M. Gagnon): L'amendement est rejeté
à 6 contre 3. Est-ce que l'article 11.1 est adopté?
M. Gratton: Non, M. le Président. M. Laurin: Sur
division.
M. Gratton: Non. M. le ministre. Une voix: Rejeté
sur division. M. Laurin: Adopté sur division.
Le Président (M. Gagnon): Adopté sur division?
M. Gratton: Non. M. le député d'Argenteuil,
avez-vous autre chose à 11.1?
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 11.1est adopté?
M. Ryan: Sur division.
Le Président (M. Gagnon): J'appelle l'article 12.
M. Ryan: Excusez. On est encore à 11, M. le
Président. Attendez un petit peu. On est à b. On vient de passer
a.
Le Président (M. Gagnon): J'ai voté l'article au
complet. Vous vouliez peut-être prendre paragraphe par paragraphe.
M. Ryan: Bien oui, c'est évident.
Le Président (M. Gagnon): Alors ce qu'on vient d'adopter
sur division, c'est le paragraphe a.
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Gagnon): D'abord ce dont je viens de
demander l'adoption, c'est le paragraphe a de l'article 11.1?
M. Ryan: C'est ce que je trouve.
Le Président (M. Gagnon): Celui-là est
adopté sur division.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Le paragraphe A est
adopté sur division. Passons au paragraphe b. M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Non. Quelque chose de différent, M. le
Président. Nous ne voulons pas faire le débat qui a
été fait à ce propos. Nous pourrions bien le recommencer
mais ce n'est pas notre intention, pas la mienne en tout cas. Ce que je
voudrais proposer est un amendement à la fin qui se lirait comme ceci,
et je vous expliquerai pourquoi: "les enfants dont le père ou la
mère est, le 26 août 1977, domicilié au Québec, qui
a reçu" - il faut que je retrouve votre...
Le Président (M. Gagnon): Hors du Québec.
M. Godin: En toute gracieuseté.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie, M. le
ministre.
M. Ryan: "...hors du Québec un enseignement primaire en
anglais pourvu que cet enseignement constitue la majeure partie de
l'enseignement primaire reçu hors du Québec".
Et là ce que je voulais proposer, c'est un amendement qui
ajouterait les mots "ou au Québec" à la fin de l'alinéa
après "hors du Québec".
Le Président (M. Gagnon): Après "hors du
Québec", les mots "ou au Québec".
M. Ryan: Pour les raisons suivantes. Oui, "hors Québec ou
au Québec" parce qu'il peut arriver que cette personne ait reçu
une partie de son enseignement primaire hors du Québec, une partie au
Québec même. Si on fait le total pour savoir où elle a
reçu la majeure partie de l'enseignement primaire en anglais, il
faudrait pouvoir compter les années qui ont été faites au
Québec également. Je pense que cela clarifierait l'article.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le ministre. Votre
amendement serait d'ajouter, après, à la dernière ligne
après "hors du Québec" "ou au Québec".
M. Ryan: C'est cela.
M. Laurin: On ne peut pas accepter cela, M. le Président,
parce que c'est incompatible, b s'adresse aux parents qui étaient
domiciliés au Québec le 26 août 1977 et qui ont fait leurs
études en anglais hors du Québec. Donc, on ne peut pas ajouter
après "hors du Québec" "ou au Québec" parce qu'au
Québec, c'est prévu dans le paragraphe a et non pas dans le
paragraphe b. Donc, on ne peut pas accepter cet amendement.
M. Ryan: M. le Président, vous me permettrez de poser la
difficulté de nouveau. Si ce parent a reçu une partie de son
enseignement primaire en dehors du Québec et une partie au
Québec...
M. Laurin: Mais non, c'est exclu par la troisième ligne:
"a reçu hors du Québec".
M. Ryan: Dans le premier alinéa, un enseignement, il peut
en avoir reçu un au Québec aussi.
M. Laurin: Mais non, "et a reçu, hors du Québec,
l'enseignement primaire en anglais".
M. Ryan: Oui, mais vous ne dites pas tout son enseignement
primaire en anglais. Supposons qu'il a reçu trois ans de sa formation
primaire hors du Québec, cela s'applique à lui, ça. Les
trois années qu'il a faites au Québec, où les
situez-vous?
M. de Bellefeuille: C'est dans a. Le Président (M.
Gagnon): Cela va? M. Ryan: Très bien.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous retirez votre
amendement?
M. Ryan: Je le retire.
Le Président (M. Gagnon): Vous retirez votre amendement.
Est-ce que le paragraphe b est adopté?
M. Ryan: Sur division.
Le Président (M. Gagnon): Adopté sur division.
Donc, l'article 11.1 est adopté sur division.
M. Ryan: II y en a un autre à e qui est très
important.
Le Président (M. Gagnon): Ajouter le mot "et"...
M. Ryan: Nous allons soumettre un amendement, M. le
Président.
M. Laurin: C'est-à-dire que la charte n'est pas
changée. Les amendements portaient sur a et b, donc, dans la loi, il
reste le c et d.
Une voix: c et d demeurent.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez un amendement. Oui, M.
le député d'Argenteuil...
M. Ryan: Un amendement.
Le Président (M. Gagnon): Au paragraphe e de la charte,
c'est cela?
M. Laurin: Au paragraphe c.
Le Président (M. Gagnon): Au paragraphe c de la
charte.
M. Ryan: L'article se lirait comme suit.
M. de Bellefeuille: Quel paragraphe?
M. Ryan: e.
Le Président (M. Gagnon): Entendons-nous! Est-ce que c'est
c? Non, c'est un ajout.
M. Ryan: C'est e.
M. Laurin: Ce sera un ajout.
M. Ryan: C'est cela.
M. Laurin: Un nouvel article. Un nouveau paragraphe. Un nouvel
alinéa.
M. Ryan: Un nouvel alinéa, "e) Les enfants dont le
père ou la mère est, le 26 août 1977, domicilié au
Québec et dont l'admission à l'école anglaise se justifie
à titre exceptionnel...
M. Laurin: Et dont quoi?
M. Ryan: ...et dont l'admission à l'école anglaise
se justifie à titre exceptionnel pour des motifs sérieux d'ordre
familial, culturel ou humanitaire, au jugement de la commission d'appel."
Le Président (M. Gagnon): Avez-vous votre amendement, M.
le député? (23 heures)
M. Ryan: Oui, on va vous le remettre dans une seconde, M. le
Président. Je voudrais vous expliquer le sens de cet amendement. Au
cours, des derniers mois, je me suis penché sur le problème des
élèves qui fréquentent illégalement les
écoles anglaises dans l'agglomération de Montréal. J'ai
abordé le problème en partant, comme à peu près
tout le monde, du postulat voulant que ces enfants soient dans une situation
illégale, dont il importait de les tirer dans les meilleurs
délais et de la manière la plus honorable et surtout la plus
propice à leur épanouissement.
Mon premier mouvement a été d'étudier la
composition de ce groupe d'élèves qu'on appelle les
élèves illégaux. Je ne savais pas exactement en quoi
consistait la composition de ce groupe. Je me suis renseigné de la
manière la plus réaliste et la plus honnête possible, et
j'ai fait les constatations suivantes. J'ai constaté qu'une partie
significative du groupe des élèves dits illégaux est
formée d'enfants dont les parents fréquentèrent
naguère pendant une période plus ou moins longue les anciennes
écoles bilingues de la Commission des écoles catholiques de
Montréal. Avant de s'inscrire volontairement à ces écoles
bilingues, ces personnes avaient antérieurement fréquenté
l'école anglaise. Elles avaient ainsi, bien avant l'adoption de lois
linguistiques au Québec, fait montre de bonne volonté devant la
menace que constituait alors la fréquentation massive de l'école
anglaise par les immigrants. Mais les écoles bilingues, pour les fins de
l'application de la loi 101, ont été classifiées comme des
écoles françaises. Il suffit que les parents aient
fréquenté l'une de ces écoles pendant un an seulement, aux
termes de la loi actuelle, pour que leurs enfants soient tenus, par la loi 101,
de fréquenter l'école française. On aboutit ainsi au
paradoxe suivant: Parce que leurs parents et leurs familles firent montre
d'ouverture d'esprit, les anciens élèves des écoles
bilingues doivent aujourd'hui, sous l'empire de la loi 101, inscrire leurs
enfants à l'école française, tandis que leurs anciens
condisciples, demeurés à l'école anglaise à
l'époque, peuvent librement inscrire leurs enfants à
l'école anglaise. Cela est un premier groupe qui comprend à peu
près le tiers des enfants dits illégaux. Il suffirait, pour
résoudre ce problème - je ne propose pas d'amendement à
propos de celui-ci - que l'interprétation donnée aux
critères de la fréquentation scolaire dans les règlements
soit plus réaliste et, à mon point de vue, plus équitable
et qu'on considère que la fréquentation des écoles
bilingues à l'époque puisse être considérée,
si les parents présentent une demande dans ce sens, comme une
fréquentation de l'école anglaise. Cela réglerait ce
problème qui, d'ailleurs, n'existe plus parce que ces écoles
n'existent plus depuis déjà un bon nombre d'années.
J'ai constaté ensuite qu'une autre partie des illégaux est
constituée d'enfants de parents qui lors de l'entrée en vigueur
de la loi 101 étaient intégrés à toutes fins utiles
à la communauté anglophone, mais ne pouvaient pas, pour diverses
raisons, satisfaire aux critères de la fréquentation de
l'école primaire anglaise au Québec. On trouve parmi ces parents
des parents qui reçurent leur formation secondaire, collégiale ou
universitaire au Québec, après avoir reçu l'enseignement
primaire dans leur pays et dans leur langue d'origine; des parents qui vinrent
au Québec à un âge où ils
s'intégrèrent directement au marché du travail, sans
passer par l'école primaire au Québec; finalement, des parents
qui fréquentèrent l'école primaire au Québec, en
tout ou en partie, mais dont toute la formation et l'expérience
professionnelle, familiale et sociale se firent par la suite principalement en
anglais. Ces parents, pour la plupart, se considéraient de fait comme
intégrés dans la communauté anglophone. Mais contre toute
raison objective, le critère de fréquentation obligatoire de
l'école primaire anglaise, qui de sa nature même est un
critère rétroactif, qu'on doit donc employer avec
énormément de circonspection, vient nier cette
réalité. Environ 500 illégaux, m'a-t-on rapporté,
se rattachent à cette catégorie. Le cheminement culturel et
social suivi par leurs parents explique l'âpreté et la
persévérance avec laquelle ces derniers ont consenti à des
sacrifices et à des risques très lourds pour envoyer leurs
enfants à l'école anglaise. La politique instaurant la loi 101
introduisait en outre un changement majeur de nature rétroactive dans la
pratique suivie jusque là. Ces parents eurent l'impression, à
tort ou à raison, qu'un
contrat avait été brisé. J'ai essayé par
tous les moyens honnêtement disponibles de chercher des solutions
raisonnables à ce problème. Je ne pense pas que la solution de
l'amnistie, la "blanket amnesty", l'amnistie aveugle, soit une solution
raisonnable parce que cela équivaudrait, pour le prince, à dire:
Vous avez mal agi, je vous donne la grâce du pardon, ne recommencez
plus.
Le problème des élèves illégaux est beaucoup
plus complexe, si on veut comprendre la vraie situation et surtout si on veut
se mettre dans la peau de ces gens qui ne sont pas des criminels, quoi qu'on
ait dit à leur sujet du côté gouvernemental à
maintes reprises. J'en suis venu à la conclusion que la meilleure
solution serait d'avoir une clause comme celle-ci dans la loi 101 qui donnerait
à la commission d'appel une certaine latitude pour disposer avec
équité, justice et réalisme des cas qui ne peuvent pas
tomber littéralement sous le coup du critère de la
fréquentation de l'école primaire. Je pense que nous devons
admettre, si nous ne sommes pas des primaires, que le critère de la
fréquentation de l'école primaire est un critère en soi
extrêmement limitatif, extrêmement de nature à créer
des décisions comme cela. À la longue, quand ça fera deux
générations que cela s'appliquera, ce sera un critère qui
sera devenu mécanique, qui ne donnera pas lieu à des
situations... Mais dans la période de transition où nous nous
sommes trouvés, il a eu, aux yeux de plusieurs, un effet
rétroactif odieux qui explique l'émergence de cette
catégorie d'élèves dans les écoles anglaises qu'on
appelle les élèves illégaux.
Je rappelle au gouvernement qu'il a eu sept ans pour régler ce
problème. Il fut un temps, qui ne l'est plus maintenant depuis
déjà quelque temps, où il était un gouvernement
fort, où il avait l'autorité morale voulue pour régler le
problème franchement et directement; il l'a laissé pourrir, il a
laissé s'accumuler année après année des situations
absolument inhumaines et je trouve qu'une clause comme celle-ci, sans ouvrir la
porte à des décisions qui mettraient en danger l'avenir culturel
du Québec, ouvrirait la porte à une équité plus
grande, à un réalisme plus acceptable dans l'application
concrète de la loi 101. C'est dans cet esprit que j'invite le
gouvernement à accepter cet amendement.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil, lorsque vous dites "ajouter à l'article 73", il faudrait
ajouter "de la Charte de la langue française le paragraphe suivant".
M. Ryan: Oui.
M. Laurin: Pourriez-vous le relire, M. le Président?
Le Président (M. Gagnon): Oui, "ajouter à l'article
73 de la charte le paragraphe suivant". Cela deviendrait le paragraphe e, si
j'ai bien compris: "les enfants dont le père ou la mère est, le
26 août 1977, domicilié au Québec et dont l'admission
à l'école anglaise se justifie à titre exceptionnel, pour
des motifs sérieux d'ordre familial, culturel ou humanitaire, au
jugement de la commission d'appel". C'est cela?
M. le ministre.
M. Laurin: Là aussi, je ne suis pas surpris de
l'amendement du député d'Argenteuil, je l'attendais, il m'en
avait prévenu à quelques reprises, soit épistolairement,
soit verbalement. Malheureusement, je ne pourrai pas, encore une fois,
céder à son invite. Je voudrais d'abord réfuter son
argument que le gouvernement a eu sept ans pour régler ce
problème et ne l'a pas réglé. Comme si c'était
uniquement la faute du gouvernement si ce problème n'a pas
été réglé. D'abord, quand une loi est
adoptée par l'Assemblée nationale, il est bien évident que
tous les citoyens doivent s'y conformer. Il faut attendre un certain temps
avant de voir si les citoyens s'y conforment. Effectivement, il y a eu
certaines tentatives, après quelque temps, de la part de certaines
commissions scolaires pour se soustraire à l'application de la loi.
Elles l'ont fait ouvertement, catégoriquement, résolument; par
les voies normales, elles ont décidé de ne pas obéir
à la loi et elles ont porté leur cause devant les tribunaux.
C'est le cas de la Commission scolaire des écoles protestantes du grand
Montréal, par exemple. C'était la façon de le faire.
Les cours de la commission scolaire protestante ont débuté
et, par la suite, la commission scolaire protestante s'est pliée
à la loi et l'a observée, mais c'est quand même survenu
deux ans plus tard. En attendant ce règlement, évidemment, le
gouvernement ne pouvait pas intervenir d'une façon trop cavalière
justement parce que nous ne savions pas ce que la cour allait dire.
Je rappelle aussi que si le gouvernement n'est pas intervenu d'une
façon plus forte, c'est qu'il avait précisément choisi
d'éviter cette méthode forte; en particulier, il n'avait pas
prévu de faire observer la loi en utilisant la force policière
pour aller identifier les enfants dans les écoles et pour les en sortir
manu militari. Je pense que c'était là une réaction
très humaine de notre part parce que nous voulions protéger les
enfants contre le traumatisme que cela pouvait signifier pour eux. En
l'occurrence, ne pouvant utiliser cette façon de faire, nous avons
dû utiliser les autres moyens que nous permettait la loi: d'abord la
persuation, les appels à
l'observance d'une loi adoptée légitimement par un
Parlement démocratique. Ces efforts, encore une fois, se sont
avérés vains.
Une troisième tentative a été faite quand nous
avons demandé à la Commission de surveillance de la langue
française de s'enquérir du phénomène, de tenter de
faire pression auprès des organismes coupables de la non-observance de
la loi et de voir à ce que la loi soit respectée. La commission
de surveillance a rencontré à plusieurs reprises la CECM, la
Commission des écoles catholiques de Montréal, où l'on
retrouvait, dans le secteur anglais, la plupart des délinquants. La
CECM, par les avis de son contentieux, nous a fait savoir qu'elle ne pouvait ni
identifier les délinquants ni surtout utiliser les moyens qui auraient
permis l'observance de la loi, mais cela a pris encore un certain temps.
Plusieurs tentatives ont été faites et elles se sont
avérées inefficaces. C'est par la suite que le gouvernement a
dû convoquer une commission d'enquête, dont il a chargé Me
Aquin, pour identifier plus clairement le problème et pour
suggérer au gouvernement des tentatives de solution. C'était en
1981, la quatrième tentative, quatre ans après l'adoption de la
loi. Donc, le gouvernement n'avait pas perdu son temps puisque c'était
là sa quatrième tentative.
Le rapport Aquin nous a fait des recommandations qui demandaient
l'intégration à l'école française, mais en offrant
à cette communauté qui avait choisi de ne pas observer la loi
certaines mesures de soutien. Ces mesures ont été refusées
par les élèves en question. Il n'est peut-être pas
étonnant que ces mesures n'aient pas été acceptées
par les communautés en question parce que, par ailleurs, les principaux
des écoles anglophones et l'Association des enseignants catholiques
anglophones avaient fait savoir par toutes sortes de moyens à cette
communauté qu'ils étaient prêts, nonobstant la loi,
à les accepter dans leurs écoles et à leur faire un
régime spécial en vertu duquel l'enseignement serait non
seulement dispensé, mais reconnu par des examens appropriés. Ces
élèves pourraient passer d'une année à l'autre et
même passer du primaire au secondaire par un réseau de
complicité qui s'est instauré au niveau de ce secteur anglophone.
Donc, on peut comprendre que les enfants et, surtout les parents aient
pensé utiliser ce système qui leur permettait de contourner la
loi.
M. le Président, il y a eu cinq tentatives de la part du
gouvernement dont les résultats, bien sûr, ont été
peu efficaces en ce sens que 300 ou 400 élèves seulement ont fini
par choisir d'observer la loi encore une fois adoptée par le Parlement
national. Je dois donc dire que si le problème n'a pas été
réglé, ce n'est pas la faute du gouvernement qui a fait quatre et
même cinq tentatives pour régler le problème. S'il n'a pas
été réglé, c'est parce que les parents de ces
enfants ont choisi de ne pas obéir à la loi, encouragés en
cela par des principaux et des enseignants dont on aurait souhaité que
leur connaissance et leur observance du régime démocratique et
des lois auraient été plus aiguës et plus respectueuses
puisqu'ils ont enseigné aux enfants, dans leurs classes, le respect des
normes sociales et démocratiques qui prévalent dans notre
société québécoise.
Donc, je récuse entièrement et résolument le
reproche que nous fait ici le député d'Argenteuil. Au contraire,
je pense que nous avons fait preuve de volonté, mais en même temps
d'humanisme pour ne pas ajouter aux traumatismes déjà subis par
ces enfants, ceux qu'auraient provoqués des interventions plus
vigoureuses de notre part.
Maintenant, revenons au fond du problème. Je pense que le premier
argument qu'invoque le député d'Argenteuil n'est que
partiellement vrai. Il est vrai qu'il y avait des écoles
bilingues avant 1977 mais, lorsque la loi a été adoptée,
le bureau d'admissibilité a déclaré, a statué que
certaines écoles bilingues qui se situaient dans des secteurs
anglophones des commissions scolaires de l'île de Montréal
pouvaient être classées comme des écoles anglaises. Je
dirais même que la plupart des écoles bilingues qui existaient
à l'époque ont été jugées, par le bureau
d'admissibilité, comme appartenant au secteur anglophone. (23 h 15)
Peu d'élèves ont donc été refusés
parce qu'ils avaient étudié dans les écoles bilingues. Il
y a à peine deux cas où un doute s'est élevé, c'est
l'école Notre-Dame-de-la-Défense et une autre école dont
je ne me rappelle plus le nom; mais on ne peut pas juger que les enfants qui
ont fréquenté ces écoles constituent le tiers des cohortes
clandestines. Je mets en question ce chiffre, d'autant plus que, même
dans le cas d'une de ces écoles, la commission d'appel a, dans quelques
cas, rendu un jugement favorable à l'admissibilité en anglais en
raison d'autres facteurs qui ont pu être invoqués. Je suis quand
même prêt à regarder ce problème des écoles
bilingues encore de plus près, lorsqu'il sera question d'amender nos
règlements; mais encore une fois, je pense que les prétentions de
la communauté en question sont plus fortes que ce que la
vérité permettrait d'affirmer.
Venons-en au deuxième cas que nous soumet le député
d'Argenteuil. Il parle de parents intégrés à la
communauté anglophone mais qui ne pouvaient satisfaire aux
critères de la loi 101 parce que, par exemple, ils auraient pu faire
leurs études primaires en italien ou en grec dans leur pays d'origine et
que, lorsqu'ils sont arrivés au pays, ils ont commencé
immédiatement leurs études au
secondaire en anglais. Nous avons longuement discuté de ce
critère lors de l'adoption de la loi 101. Devions-nous ajouter au mot
"primaire" le mot "secondaire" à cet article 73? Après de
très longues discussions, nous avons décidé qu'il valait
mieux utiliser simplement le critère de l'école primaire, parce
que c'est celui-là qui dessine véritablement l'orientation
culturelle ou linguistique: c'est quand un enfant fait ses études au
primaire dans une langue que ses parents décident véritablement
de l'orientation linguistique ou culturelle et du sentiment d'appartenance qui
doivent prévaloir dans l'avenir. Si nous avions adopté le
critère du secondaire, cela aurait été contraire à
l'esprit même du principe que nous avions adopté à
l'époque.
Deuxièmement, il se trouvait beaucoup d'autres parents
n'appartenant pas à cette communauté, à ces cohortes
devenues clandestines qui avaient fait leurs études primaires soit en
turc, soit en quelque autre langue dans leur pays d'origine, qui se sont
pliés à la loi, qui ont observé la loi, qui ont donc
choisi de se plier à une loi adoptée encore une fois
légitimement par un Parlement démocratique. Accepter maintenant,
tant d'années après, de consentir un traitement de faveur
à ceux qui ont choisi de ne pas observer la loi équivaudrait
à passer une sorte de jugement rétroactif sur ceux qui ont choisi
d'observer la loi, et ce serait ouvrir la porte à toutes sortes de
demandes de leur part tout, à fait justifiées, en ce sens qu'ils
auraient eu droit et donc qu'ils ont droit et qu'ils auront droit, du moins
pour leurs enfants, à l'avenir, de fréquenter l'école
anglaise. Je pense que ce serait là un déni de justice que nous
ne pouvons pas accepter. Car, encore une fois, beaucoup d'autres qui
étaient dans les mêmes conditions se sont pliés à la
loi et on ne peut pas, d'une certaine façon, les pénaliser par un
jugement rétroactif que nous pourrions porter sur ceux qui ont choisi de
ne pas obéir à la loi.
Troisièmement, je voudrais aussi ajouter que la plupart, un bon
nombre en tout cas, de ces cohortes clandestines ne se qualifient pas pour
l'école anglaise, en vertu même de la "clause Canada", en vertu
même des trois alinéas de la "clause Canada", du Canada Bill,
puisque le Canada Bill a retenu le critère de l'école primaire, a
ajouté le critère de l'école maternelle et ajoute un
critère de fréquentation épisodique à une
école anglaise et qu'en vertu de ces trois facteurs, bon nombre de ces
cohortes clandestines ne se qualifient pas, même en vertu de la "clause
Canada", à l'école anglaise.
Je suis contre l'amendement, M. le Président, pour une autre
raison, parce que formuler un article dans ces termes, c'est-à-dire dont
l'admission se justifie à titre exceptionnel pour des motifs
sérieux d'ordre familial, culturel ou humanitaire, c'est là
inviter à l'arbitraire. Ce n'est pas là un critère
vérifiable. Ce n'est pas là un critère que l'on puisse
véritablement appliquer, parce que c'est tellement large, c'est
tellement vague, c'est tellement flou, c'est tellement imprécis que cela
équivaudrait à faire peser un poids trop lourd sur l'entendement
ou la capacité décisionnelle de juges ou d'arbitres qui seraient
appelés à en être saisis et à prendre une
décision juste, en l'occurrence.
Enfin, je me demande pourquoi on ajoute dans cet amendement "au jugement
de la commission d'appel". Pourquoi passer outre à la première
instance que la charte définit très bien, c'est-à-dire le
bureau d'admissibilité? Est-ce parce que la commission d'appel a
été beaucoup plus libérale dans les jugements qu'elle a
rendus sur les cas d'admissibilité? Est-ce parce que la commission
d'appel a jugé admissibles 800 cas ou à peu près qui
avaient été refusés par le bureau d'admissibilité?
Est-ce parce qu'on est convaincu qu'avec la commission d'appel on a un meilleur
allié de l'école anglaise que le bureau d'admissibilité?
Je ne sais pas. Je ne veux pas faire un procès d'intention au
député d'Argenteuil, mais pour toutes ces raisons, aussi bien sur
le fond que sur la forme de l'amendement, je ne vois pas comment nous pourrions
accepter l'amendement du député d'Argenteuil.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je pense que le ministre adopte une ligne de conduite
qui lui est caractéristique depuis de nombreuses années. C'est
une ligne de conduite insensée, indifférente aux implications
humaines des politiques gouvernementales, passive et stagnante devant des
situations qui requièrent une attention du gouvernement.
Je reviens à la situation des enfants illégaux. Le
ministre n'a pas le droit de prétendre que le gouvernement n'est pas
responsable du pourrissement de cette situation. C'était sa loi.
C'étaient les conséquences de sa loi. C'était sa
responsabilité de faire en sorte que la situation soit redressée
d'une manière ou de l'autre. Il ne l'a pas fait. Il a fui sa
responsabilité et il continue de le faire ce soir. Je tiens à ce
qu'on ait un bon examen de ce dossier pour que les choses soient claires devant
le public.
Un autre exemple de l'indifférence du gouvernement et de son
insensibilité, c'est la lenteur du gouvernement à réagir.
Je me souviens que le premier ministre avait dit à l'Assemblée
nationale au mois de juin: Nous avons reçu des propositions, nous allons
les examiner. Nous avions insisté à l'époque pour qu'une
réponse soit donnée à ces propositions avant l'ouverture
de l'année scolaire
suivante, qui allait commencer, comme tout le monde le sait, au mois de
septembre. Il n'y a rien eu de l'été. Le gouvernement n'a rien
fait de l'été. On cherchait à les joindre et il y avait
à peine quelques ministres qui étaient au travail. Il n'y a rien
eu de l'été, aucune réaction. Tout l'automne a
passé. Aucune réaction. Là, on se fait dire ce soir,
à la veille de Noël: Statu quo ante. On ne change pas d'un iota. La
lettre de la loi demeure la lettre de la loi, un point, c'est tout. Je trouve
cela fantastique. La situation est là, criante, devant nos yeux. Il
suffit d'ouvrir les yeux pour s'en rendre compte et, de ce point de vue, je
déplore profondément cette espèce de refus
incompréhensible du gouvernement de comprendre une chose
élémentaire, à savoir que le critère de la
fréquentation de l'école primaire par les parents comportait des
conséquences rétroactives injustes dans bien des cas et
incapables de tenir compte de toute la réalité humaine qui allait
être affectée par cette loi. C'est ce qu'on demande de redresser.
C'est que cette espèce de résidu de situations humaines dont ce
critère, interprété littéralement et
étroitement, comme il l'a été par les fonctionnaires du
ministre, soit interprétée d'une manière un peu plus
large.
De ce point de vue, je m'aperçois qu'on a une réponse de
pierre - avec un "p" minuscule, évidemment, parce que l'autre aurait
été plus compréhensif - qui me désole
profondément, parce que moi-même j'ai investi une partie
considérable de mon énergie à chercher une solution juste
et réaliste à ce problème-là. Je m'aperçois
qu'on n'est pas plus avancé, après un an de recherche, qu'on ne
l'était au début. Je constate surtout que le ministre n'a pas une
once de suggestion pratique et constructive à apporter pour faire
avancer la recherche d'une solution. Je trouve cela lamentable comme
échec d'un gouvernement et d'un ministre, je trouve cela pitoyable.
Maintenant, je reprends quelques-uns des arguments qui nous ont
été apportés au sujet des élèves qui ont
fréquenté naguère les écoles bilingues. Le ministre
nous dit: II n'y en a pas tellement. Justement, qu'est-ce qu'il attend, si cela
dépendait uniquement de lui de modifier le règlement, pour que
cette affaire-là soit interprétée d'une manière
plus souple? Ce ne serait pas la fin du monde. Je lui dis qu'il y en a au moins
une couple de centaines qui tombent dans cette catégorie-là,
d'après les renseignements qu'on m'a donnés. Je ne demande pas
que ce soit résolu par un changement à la loi. Je pense que cela
pourrait se régler par un changement du règlement. Je n'en suis
pas absolument sûr, remarquez bien, mais je trouve que voici un cas
clair. On a tourné autour tantôt. Voir si on règle
ça par le fait qu'il était à Saint-Léonard ou
à Westmount!
Cela ne change absolument rien au problème. Le ministre a
invoqué le secteur géographique tantôt, absolument
extrinsèque à la nature du problème que l'on discute.
Au sujet de la deuxième catégorie d'élèves
dits illégaux, le ministre a emprunté un raccourci facile. Il a
dit: On a retenu le critère de la fréquentation d'écoles
primaires. C'est très bien, mais ce n'est pas de ça qu'on
discute. On dit: II y a toutes sortes d'autres cas, c'est une composante. Qu'un
immigrant soit arrivé ici et que ses enfants soient d'âge à
fréquenter l'école secondaire, c'est un élément. Il
y en a d'autres qui n'étaient même pas d'âge à aller
à l'école et ils se sont inscrits tout de suite dans le
marché du travail. Il y a beaucoup d'autres cas, des alliances, des
mariages qui ont donné lieu à des situations extrêmement
complexes. Tout ça: école primaire, vous n'étiez pas
là, bonsoir la visite. Je trouve ça formidable. Franchement, je
n'en reviens pas.
Ensuite, on dit qu'il y en a un bon nombre qui ne seraient même
pas admissibles suivant la "clause Canada" du Canada Bill. M. le ministre, vous
avez raison et vous savez très bien que, dans le rapport que j'ai
préparé, j'écrivais que ces enfants devraient être
retournés à l'école française, que, dans ce
cas-là, il ne devrait pas y avoir d'hésitation, justement, parce
que voici une clause dont ils étaient bien avertis, quand même,
voici une tendance politique très importante - même si elle n'est
pas au pouvoir actuellement - dont ils avaient été
informés de maintes et maintes manières. Ceux qui ont voulu
affronter la loi directement, à l'encontre même de la "clause
Canada" de la charte canadienne des droits, je pense qu'ils devraient
être retournés à l'école anglaise. Je l'ai dit
franchement dans les recommandations que j'ai faites.
Je crois avoir compris que les porte-parole autorisés de la
communauté anglophone qui sont plus immédiatement
concernés par ces choses, avaient accepté de souscrire à
cette recommandation. Ils ont dit: Si on a un "package deal", si on
règle tout le problème, on va régler celui-là aussi
dans ce sens-là. Je pense qu'on aurait pu avoir un règlement qui
aurait été intéressant, justement, pour tout le monde.
À la fin, le ministre dit qu'il donne ça à la
commission d'appel. Je vais vous dire franchement, si vous aimez mieux qu'on le
mette à l'autre niveau, je n'en ferai pas de casus belli mais j'ai mis
la commission d'appel et je vais vous dire pourquoi. C'est justement pour que
la loi continue de s'appliquer suivant le critère de la
fréquentation de l'école primaire, au niveau administratif, au
niveau du bureau d'admissibilité; on n'ouvre pas la porte trop grande de
ce côté-là et on laisse à la commission d'appel,
pour des recours spéciaux, une latitude un peu plus large.
Finalement, dans la plupart des lois, ça finit comme ça.
Vous avez un impôt que vous n'avez pas payé, vous êtes pris
par la gorge. À un moment donné, un juge vous dit: Tu vas payer
tant. Des fois, ce n'est pas le montant intégral. L'amende va varier de
l'un à l'autre. Il y a une marge de discrétion laissée aux
organismes judiciaires ou quasi judiciaires dans l'application d'à peu
près toutes les lois. Un a fait un délit, il va accrocher 30
jours de prison, l'autre va accrocher trois ans. Des fois, on se demande ce
qu'il y a en fin de compte. Justement, cela ne peut pas être
mécanique comme vous le voulez. C'est ça que je voudrais que vous
compreniez une fois pour toutes.
On mettait ça à la commission d'appel et vous avez
apporté un argument à l'appui de ma thèse. Vous dites: La
commission d'appel a été plus large que les fonctionnaires. God
be blessed that it was a little more liberal. Je pense que c'est un bienfait
précieux qu'on ait eu une commission d'appel qui a voulu être un
petit peu plus généreuse, un petit peu plus humaine et Dieu sait
que vous ne lui avez pas facilité les choses. Elle n'avait même
pas les moyens qu'il aurait fallu pour travailler. Combien avez-vous pris de
temps pour nommer des commissaires? Encore la dernière fois, vous les
avez nommés sans même consulter la communauté
intéressée. Je trouve que ce sont des façons de
procéder qui témoignent d'un mépris profond ou d'une
incompréhension totale. Je vous laisse le choix, M. le ministre, et je
m'aperçois que vous ne comprenez pas grand-chose là-dedans. Je
suis très sévère, mais très, très
blessé. (23 h 30)
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, je voudrais dire que,
même si le député multiplie les épithètes et
les invectives à mon endroit, il reste que les arguments que j'ai
utilisés gardent malgré tout toute leur force parce qu'il faut
toujours penser à l'impact qu'aura telle ou telle attitude que nous
avons ou geste que nous posons sur ceux qui ont choisi d'obéir à
la loi et surtout ceux qui s'y sont conformés et qui pourraient
être pénalisés ou qui pourraient être
justifiés de revenir après plusieurs années à la
charge pour faire reconnaître un droit qu'à l'époque ils
croyaient ne pas avoir. C'est quand même un argument important que les
arguments du député d'Argenteuil n'affaiblissent en aucune
façon. Il dit dans sa contre-argumentation qu'il est d'accord avec moi
qu'un certain nombre de cohortes clandestines ne se qualifient pas à
l'école anglaise, même en vertu de la "clause Canada".
M. Ryan: ...
M. Laurin: II le reconnaît et il dit qu'elles devraient
réintégrer l'école française. Mais pourtant son
amendement n'en parle aucunement. Non seulement son amendement n'en parle
aucunement, mais, si on le prend au pied de la lettre, tous les clandestins,
même non admissibles à la "clause Canada", pourraient se
réclamer de cet amendement pour demander d'être admis à
l'école anglaise parce que, encore une fois, les termes utilisés
sont tellement larges, sont tellement flous, sont tellement imprécis que
n'importe qui, au fond, pourrait demander de voir étudié son cas
quant à l'admissibilité à l'école anglaise.
Et, enfin, il y a un autre aspect également, que ne n'ai pas
souligné tout à l'heure, mais que j'ajoute cette fois-ci. Il faut
se rappeler le jugement Deschênes sur le chapitre VIII de la Charte de la
langue française. Ce chapitre VIII, évidemment, couvrait
plusieurs articles, mais, en même temps, il y avait une plainte d'une
commission scolaire qui présentait le cas d'un certain nombre
d'élèves qui avaient, avant le jugement, par erreur,
été admis à l'école anglaise et qui, par la suite,
l'erreur ayant été corrigée, avaient dû
réintégrer l'école française. Eh bien, le juge
Deschênes a dit: En vertu de la clause 23 du Canada Bill, du fait que ces
élèves n'avaient passé que quelques jours à
l'école anglaise, même si c'était par erreur, ils avaient
acquis le droit d'aller à l'école anglaise. Ne serait-ce pas le
cas de toutes ces cohortes clandestines qui, avant que la Cour suprême
nous impose son jugement, pourraient fréquenter l'école
française. Même s'ils n'y avaient pas droit, du seul fait qu'ils y
sont, cela leur donnerait le droit, à eux et à leurs enfants, de
la fréquenter pour tout l'avenir possible, envisageable. Cela aussi,
c'est un autre argument auquel il faut penser avant de poser un geste qui,
encore une fois, pourrait engager l'avenir pour une période
indéterminée.
Il est vrai que j'ai accordé une très grande attention aux
suggestions du député d'Argenteuil, je les ai
étudiées longuement avec certains de mes collègues. Mais
c'est justement parce que les remèdes qu'il nous suggérait pour
corriger la situation, ou s'avéraient trop arbitraires, ou
s'avéraient "pénalisants" d'une manière excessive pour
ceux qui avaient choisi d'observer la loi, ou ne tenaient pas compte de la
responsabilité de certains principaux d'école, de certains
enseignants, ou parce qu'ils se heurtaient à certains obstacles comme
ceux que j'ai mentionnés, et en particulier le jugement Deschênes
qui a été rendu il y a plusieurs mois, que nous n'avons pu les
retenir. Et, s'il faut régler le problème, il faudra
utiliser d'autres méthodes ou d'autres façons que celles que nous
propose le député d'Argenteuil.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil, très brièvement.
M. Ryan: J'écoute le ministre, M. le Président, et
je constate qu'il est d'un immobilisme renversant. Il nous dit, d'un
côté: Je ne veux pas accepter les suggestions qui sont faites en
vue d'apporter une solution à ce problème-là; de l'autre
côté, il ne veut pas utiliser l'appareil de la loi...
M. Laurin: L'appareil de la police.
M. Ryan: Mais l'appareil de la loi, cela comprend l'appareil de
la police; c'est cela qu'il faut que vous appreniez aussi.
M. Laurin: On ne l'avait pas mis dans la loi.
M. Ryan: Une loi trop sévère, il faut que vous
soyez assez logique pour aller jusqu'au bout de vos erreurs. C'est là
que vous montrez le caractère absurde et arbitraire de votre loi. Vous
n'êtes même pas capable de l'appliquer par des moyens
réguliers. Je trouve que c'est un illogisme. Le gouvernement est assis
entre deux chaises, sous l'inspiration du ministre de l'Éducation dans
ce domaine, qui n'est pas capable de redresser la situation par des moyens
humains, qui ne veut pas la redresser par d'autres moyens. Il a choisi de
laisser pourrir une situation. C'est l'attitude la plus indécente qu'on
puisse trouver de la part d'un gouvernement, cette attitude qui consiste
à dire: On va laisser pourrir cela, qu'ils s'arrangent avec leurs
problèmes, qu'ils paient pour; en fin de compte, ce sont eux qui ont
voulu ça, alors qu'ils s'arrangent avec leurs problèmes.
M. le Président, je dois vous signaler que, quand on me parle
comme cela - il y a des gens du côté gouvernemental qui m'ont
parlé comme cela, encore ces jours-ci - c'est sur la tête de ces
enfants qu'on parle. C'est l'avenir de ces enfants dont on dit "qu'ils
s'arrangent avec leurs problèmes". Chose que l'on ne doit pas oublier -
c'est la considération première que j'ai à l'esprit -c'est
que les enfants ne sont pas responsables des décisions de leurs parents,
que les adultes ont prises à leur sujet. Les enfants qui sont
aujourd'hui en troisième, quatrième et cinquième
année d'école primaire n'ont pas décidé d'aller
là. Ce sont leurs parents, pour toutes sortes de raisons que, moi, j'ai
essayé de comprendre, que je n'approuve pas sur toute la ligne, que je
ne justifie pas, qui ont pris des décisions concernant leurs enfants.
Les enfants sont aujourd'hui dans le bain.
On vous dit: Vous avez essayé l'autre méthode, vous avez
nommé un commissaire d'enquête. Je n'ai rien contre M. Aquin
personnellement. J'ai lu son rapport. Il y a une chose qu'il a oublié de
faire, il a oublié de s'interroger sur la composition de ce groupe. Il
est passé tout de suite à la directive du ministre: Dis-moi
comment je vais faire pour les passer de l'autre bord. Il a proposé des
solutions. Les gens ont dit: C'est bien de valeur, mais on n'en veut pas.
Je dis au ministre qu'il me semble que l'on devrait ensemble penser au
bien de ces enfants, se fixer un délai. Le ministre ne veut pas de
l'amendement. Je regrette infiniment. Je trouve que c'est un amendement que
l'on aurait pu discuter. Les termes, c'est bien secondaire. On peut choisir un
mot plutôt que l'autre. Ce n'est pas la fin du monde. Mais il n'en veut
pas. C'est évident qu'il n'en veut pas. Il n'a produit aucune
idée constructive sur ce sujet depuis qu'il est ministre de
l'Éducation. Auparavant, il était superviseur de l'autre.
Je me dis: Essayons de nous entendre, de trouver un délai et de
dire que, dans l'espace de trois mois, il faut régler ce problème
une fois pour toutes et qu'on marche dans la propreté,
l'honnêteté et aussi la légalité. Je suis pour la
légalité, peut-être plus que le ministre quand il
était dans l'Opposition d'ailleurs. Je n'ai jamais encouragé des
bandits qui causaient des millions de dollars de dommages, avec qui le
gouvernement s'assoyait pour régler des problèmes à
l'amiable pendant qu'à ces pauvres enfants, il disait: Arrangez-vous
avec vos problèmes, on ne touche pas à cela, nous. Ce genre de
justice, franchement, j'en reviens et je trouve que, comme
Québécois, on mérite mieux. C'est ça que je
demande.
M. Laurin: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Laurin: Croyez-vous que le sort de milliers d'enfants qui ont
intégré l'école française depuis cinq ans ou six
ans et qui étaient exactement dans la même situation que ces
cohortes clandestines soit tellement tragique? Après des
difficultés d'adaptation normales que rencontrent tous ceux d'ailleurs
qui vont s'installer dans un autre pays et que nos francophones ont connues
à la puissance n dans les autres provinces, croyez-vous que ce soit
tellement tragique? Les exemples que nous avons et les enquêtes que nous
avons faites montrent au contraire qu'avec les mesures de soutien que nous
avons apportées, de transition, de passage, la très grande
majorité de ces milliers d'enfants qui étaient dans la même
situation, qui ont intégré l'école française, se
sont très bien comportés après quelque temps et au
contraire, on a vu, assez rapidement, les avantages qu'il y avait à
aller à l'école de la majorité, à apprendre la
langue de la majorité et à pouvoir ainsi s'intégrer plus
facilement dans
le tissu communautaire québécois pour le plus grand
bénéfice de leurs conditions de vie et de leurs conditions de
travail. Il ne faudrait quand même pas exagérer en
considérant comme une catastrophe le fait, pour ces
élèves, d'avoir été obligés, en observant
les lois du pays, d'aller étudier, d'aller faire leurs études
primaires à l'école française. Je pense qu'il ne faut
quand même pas exagérer à cet égard.
M. Gratton: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau. M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Ne pourrait-on pas voter?
M. Gratton: Oui, on votera tantôt. Vous me permettrez
sûrement, M. le député de Deux-Montagnes, de dire
brièvement qu'on m'avait dit - parce que c'est la première fois
que j'ai l'occasion d'être en commission parlementaire avec le ministre
de l'Éducation - qu'il était un peu spécial dans sa
façon de traiter des problèmes, de traiter de l'argumentation
logique qu'on pouvait lui présenter.
J'ai écouté très attentivement l'échange
qu'il vient d'avoir avec le député d'Argenteuil et je vous avoue
franchement que je suis complètement renversé. Ce qu'on m'avait
dit n'arrivait pas au dixième de ce que j'entends ici. J'ai bien
l'impression que ceux qui ont abandonné la partie depuis fort longtemps,
je les comprends, je sympathise avec eux et j'admire le courage du
député d'Argenteuil de continuer de tenter de faire comprendre le
bon sens.
Je note d'ailleurs, et c'est probablement très pertinent, que le
ministre est seul à se défendre là-dedans. Il m'aurait
énormément surpris que le député de Deux-Montagnes,
entre autres, vienne l'appuyer dans sa...
M. de Bellefeuille: Ah ça, laissez, laissez! J'ai
l'habitude M. le Président, de dire ce que je pense. Je n'ai pas besoin
du député de Gatineau pour le faire à ma place.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Je ne fais absolument rien dire au
député de Deux-Montagnes. Je note qu'il n'a rien dit et je pense
que son silence est très significatif. Voilà.
M. de Bellefeuille: C'est à cause de l'éloquence
combinée des députés de Bourget et d'Argenteuil.
M. Gratton: Oui. Alors, là-dessus, M. le Président,
je n'ai pas autre chose à dire.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que la motion
d'amendement du député d'Argenteuil sera adoptée?
M. Ryan: M. le Président, avant que vous demandiez le
vote, je ne veux pas que vous vous en tiriez comme cela. J'ai des questions
à poser au ministre.
Le Président (M. Gagnon): Ah bon! Alors...
M. Ryan: Qu'est-ce qu'il entend faire pour régler ce
problème? Là, il nous dit que la solution...
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil...
M. Ryan: Qu'est-ce qu'il entend faire?
Le Président (M. Gagnon): ...je veux seulement vous dire
que je ne veux pas m'en tirer. Je suis ici pour vous donner la parole. Vous
n'avez qu'à le demander et je vous donne la parole.
M. Ryan: Je l'apprécie. En tout cas, je lui pose cette
question: Qu'est-ce qu'il entend faire...
M. Laurin: J'ai déjà répondu.
M. Ryan: ...ici et maintenant pour régler le
problème...
M. Laurin: Ici et maintenant, rien. Ici et maintenant, rien.
M. Ryan: ...puis dans l'avenir très prochain?
M. Laurin: Pour l'avenir, je vous ai dit que nous continuerons
d'étudier certains des aspects, mais j'ai déjà
répondu en disant que les solutions que suggère le
député d'Argenteuil ne sont pas acceptables, donc il faudra en
trouver d'autres.
M. Ryan: Comment le ministre explique-t-il l'inaction totale dans
laquelle il est demeuré depuis un an dans ce
problème-là?
M. Laurin: Ce n'est pas une inaction totale. C'est un
problème difficile et les solutions qu'on nous suggère ne sont
pas acceptables. Donc, il faudra en trouver d'autres...
M. Ryan: Mais, qu'est-ce que le gouvernement...
M. Laurin: ...et nous essaierons d'en
trouver d'autres.
M. Ryan: Mais, qu'est-ce que le gouvernement a fait depuis un an?
Pouvez-nous le résumer? J'ai l'impression que c'est une réponse
qui ne prendra pas beaucoup de temps.
M. Laurin: Depuis un an, j'ai étudié vos
recommandations que je ne trouve pas acceptables et il faudra en trouver
d'autres.
M. Ryan: Donc, vous n'avez rien fait d'autre. Très bien,
cela me suffit.
M. Gratton: Vous, vous n'avez rien fait. M. Ryan: Je suis
satisfait.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement...
Êtes-vous prêts à passer au vote? Est-ce que l'amendement du
député d'Argenteuil sera adopté?
M. Lincoln: Vote nominal.
M. Gratton: Là, on va voir ce que le député
de Deux-Montagnes va faire.
Le Président (M. Gagnon): Le député
de...
M. Ryan: M. le Président, s'il vous plaît, est-ce
qu'on pourrait en donner lecture?
Le Président (M. Gagnon): Absolument, oui. Ajouter
à l'article 73 de la charte le paragraphe suivant: "e) Les enfants dont
le père ou la mère est, le 26 août 1977, domicilié
au Québec et dont l'admission à l'école...
Une voix: Anglaise.
Le Président (M. Gagnon): ...anglaise se justifie à
titre exceptionnel pour des motifs sérieux d'ordre familial, culturel ou
humanitaire, au jugement de la commission d'appel." C'est cela?
Une voix: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): J'appelle le vote. M. le
député de Nelligan?
M. Lincoln: Pour.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Hyacinthe?
M. Dupré: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes?
M. de Bellefeuille: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Bourget?
M. Laurin: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Mercier? M. le député de Gatineau?
M. Gratton: Pour.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Dorion?
Mme Lachapelle: Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Bourassa?
M. Laplante: Cela me fait de la peine, mais c'est contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Fabre?
M. Leduc (Fabre): Contre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil?
M. Ryan: Pour.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Laporte?
La motion est rejetée à six contre trois.
M. de Bellefeuille: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Avant que nous passions à l'article
suivant, je voudrais vous poser une toute petite question de règlement,
à savoir si le privilège de distribuer à l'avance le
papillon relatif à un amendement à venir est
réservé aux ministres, aux membres de l'Exécutif, ou s'il
appartient à tous les membres de la commission.
Le Président (M. Gagnon): Sur cette question de
règlement, je ne crois pas que ce soit réservé aux
ministres ou...
M. de Bellefeuille: Bon, alors si vous voulez m'autoriser...
Le Président (M. Gagnon): Je pense que tous les
députés qui ont...
M. de Bellefeuille: ...à faire distribuer cet amendement
à venir.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez un
amendement à faire distribuer? On va le faire.
M. de Bellefeuille: Pour permettre aux membres de la commission
de méditer, la nuit portant conseil. Parce qu'à la cadence
accélérée de nos travaux, nous n'y parviendrons
vraisemblablement pas cette nuit. (23 h 45)
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 11.1 est
adopté?
M. Gratton: Sur division.
Le Président (M. Gagnon): Adopté sur division.
J'appelle l'article 12. M. le ministre. Est-ce que l'article 12 est
adopté?
M. Ryan: Non, j'attendais les explications du ministre. S'il n'en
a pas à donner, j'ai une intervention à faire.
M. Laurin: L'explication est très simple, dans la loi 101,
nous n'avions pas prévu de délai pour les appels, mais toutes les
lois prévoient un délai pour les appels et il convenait d'en
indiquer un.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: J'apprécie qu'on introduise une modification
comme celle-là, mais je trouve que la période de 30 jours
accordée pour l'inscription d'un appel est trop brève, une
période de 60 jours serait plus humaine, encore une fois, et tiendrait
compte davantage de la situation.
M. Laurin: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Cette motion d'amendement,
changer les 30 jours pour 60 jours, est adopté?
Une voix: Adopté.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. À l'ordre,
s'il vous plaît! M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: II y a toujours une ou deux bebelles comme cela vers la
fin qui ne changent absolument rien à l'orientation
générale du débat. J'apprécie le geste du ministre
sur ce point précis. Je voudrais au moins vous expliquer l'actuel
amendement, ne serait-ce que pour qu'on l'ait dans le dossier.
Dans le cas d'une famille qui doit prendre la décision de
s'adresser à l'appareil d'appel institué par le gouvernement, un
appel qui fonctionne, jusqu'à maintenant, sans règles de
procédure trop bien connues, sans qu'on sache même si on aura la
chance d'aller s'expliquer ou non, avec la crainte aussi que, peut-être,
son action pourra donner lieu à des enquêtes, tout cela demande
des consultation élaborées. Il faut penser que, souvent, les
foyers en cause ne sont pas familiarisés avec l'appareil juridique et
administratif qu'ont les foyers de vieilles traditions
québécoises élevés, en somme -j'allais dire -
à observer et à ne pas toujours observer les lois. Ce ne sont pas
seulement les illégaux qui n'observent pas les lois, Dieu sait combien
il y en a qui passent à côté. Plus tu as de l'argent, plus
cela est facile.
M. le Président, je pense que 60 jours, cela sera plus humain, le
ministre a compris, je n'insiste pas là-dessus.
M. Laurin: Nous avions inséré le chiffre habituel
dans toutes les lois, cela est 30 jours, mais je me rends de bonne grâce
aux arguments invoqués par le député d'Argenteuil.
Le Président (M. Gagnon): L'article 12 tel
qu'amendé sera adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. J'appelle
l'article 13.
M. Ryan: M. le Président, il y a plusieurs modifications
que je vais avoir à proposer là-dessus.
M. de Bellefeuille: Cela répond un peu à vos
interrogations.
M. Ryan: Quoi donc?
M. de Bellefeuille: L'article 13.
M. Ryan: À l'article 13, M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: ...je ne sais pas si le ministre a quelque chose
à dire, mais il a la préséance.
M. Laurin: Oui, là aussi, nous avions prévu, dans
la loi 101, d'ajouter ce paragraphe qui est ajouté à toutes les
lois que nous adoptons. Donc, cela est simplement pour rendre la charte
conforme à toutes les autres lois que nous avons adoptées dans le
passé. Si le député d'Argenteuil se surprend, sauf du
pouvoir d'ordonner l'enprisonnement, c'est, là aussi, une clause qui
apparaît dans plusieurs autres articles. Ce n'est pas dans tous les cas
que nous faisons cette exclusion, mais nous le faisons dans la plupart des cas.
Donc, cela
est simplement une addition conforme à l'usage qui se
répand de plus en plus pour les lois adoptées par
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Gagnon): Juste avant, vous me permettrez,
pour les fins du journal des Débats, de revenir à l'article 12.
Cela est allé tellement vite à l'article 12 que je crois avoir
oublié de faire lecture de l'amendement du député
d'Argenteuil. Cela avait pour but de remplacer, à l'article 12, les mots
"30 jours" par "60 jours".
M. Laurin: Par le chiffre "60".
Le Président (M. Gagnon): Par le chiffre "60", oui.
L'article 13 est-il adopté?
M. Ryan: Non, M. le Président. J'aurais d'abord un
amendement à proposer à l'article 83 tel qu'il est formulé
dans le texte actuel de la loi. Je vais vous lire le texte de la loi et vous
allez comprendre la portée de l'amendement que je propose. Ensuite, je
pourrai vous le remettre en bonne et due forme. "Une commission d'appel est
instituée pour entendre l'appel prévu à l'article 82.
Cette commission est formée de trois membres nommés par le
gouvernement." L'amendement que je propose vient après les mots "est
formée de trois membres nommés par le gouvernement" et là
on ajouterait "à la suite de consultations auprès des commissions
scolaires, des associations professionnelles, des syndicats et des
comités d'école ou des comités de parents
concernés."
Oui, mais c'est cela, la consultation. On ne peut laisser aucun de ces
groupes de côté, je pense. Ces mots viendraient s'ajouter à
la fin de la deuxième phrase de l'article 83 actuel. M. le
Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: ...voici les raisons qui motivent la présentation
de cet amendement. La commission d'appel en matière d'instruction
à l'école anglaise vise surtout des cas impliquant des foyers
d'origine autre que française ou anglaise, des foyers par
conséquent dont la venue au Québec ne remonte pas très
loin dans le passé, des foyers qui ont des problèmes humains
très sérieux en ce qui concerne leur intégration dans ce
que j'appellerais le courant principal de la vie communautaire. Ils
présentent leur enfant au bureau d'admissibilité. L'enfant se
voit opposer un refus d'admission à l'école anglaise. Très
bien. Le bureau d'admissibilité fait son travail. La loi leur donne un
recours en appel. Il faudrait que cet appel puisse être entendu par une
commission ou un tribunal dont une garantie de compréhension et de
sympathie pour le problème de ces gens soit très solidement
établie, très solidement vérifiée avant leur
nomination. Jusqu'à maintenant, on a eu l'impression dans certains cas
que les nominations avaient été faites sans considération
suffisante pour ces facteurs humains. En inscrivant dans la loi l'obligation
pour le gouvernement de procéder à des consultations
préalables, nous ne lui enlevons aucunement son pouvoir de nomination,
qui lui revient, mais nous subordonnons l'exercice de ce pouvoir à une
démarche prudente qui vise à assurer des décisions plus
judicieuses, en fin de compte.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Laurin: Je voudrais d'abord signaler, M. le Président,
que, dans cette commission d'appel, il y a presque toujours eu un allophone,
justement, pour bien se rendre compte que les décisions qui touchaient
souvent les allophones pouvaient ou même devaient être entendues
par des gens qui comprenaient les problèmes des allophones. Il y a eu
aussi à quelques reprises des anglophones, pour la même raison.
Donc, je ne crois pas que le gouvernement n'ait nommé que des gens qui
pouvaient ne pas comprendre la situation des cas dont ils avaient à
juger.
Deuxièmement, il m'apparaît difficile d'accepter
l'amendement du député d'Argenteuil, étant donné
d'abord que c'est une commission d'appel de caractère quasi judiciaire
et que cela n'est pas conforme aux habitudes suivies habituellement par les
gouvernements quand ils nomment des membres d'une commission quasi judiciaire
et surtout, troisièmement, parce que la consultation que prévoit
l'amendement serait quasi inapplicable en ce sens qu'elle demanderait une
consultation qui s'éterniserait dans le temps puisqu'il faudrait
consulter tous les organismes que mentionne l'amendement, c'est-à-dire,
à la limite, 3000 comités d'école, 250 commissions
scolaires, 250 comités de parents et un très grand nombre de
syndicats. Je pense que la commission d'appel, et le député le
reconnaissait lui-même, a rendu des jugements marqués au coin du
bon sens et de l'humanité, et je pense qu'en gardant le texte de
l'article tel qu'il est, on s'assure que les jugements de la commission d'appel
seront toujours de la même façon marqués au coin de la
même humanité et du même bon sens.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je suis prêt à
convenir avec le ministre que ce serait peut-être un peu lourd
d'application. D'ailleurs, il exagère grandement la portée
des complications éventuelles quand il dit qu'il faudrait
consulter 3000... Il n'a pas dit conseils d'école, je lui en sais
gré, parce que sa fameuse loi 40 est loin d'être
adoptée...
M. Laurin: Non.
M. Ryan: ...il a dit des comités d'école. Il sait
très bien que ce problème-là ne vise pas 3000
écoles. Cela vise un certain nombre d'écoles dans la
région de Montréal; il n'y a pas de problème en dehors de
la région de Montréal, dans un sens. On en a quelques-uns dans
des régions que je connais, mais les gens ne vous en parlent pas et ce
n'est pas moi qui vais vous en parler, cela marche très bien.
Vous savez, surtout pour les organismes limités par
conséquent à Montréal, le syndicat qui regroupe tous les
enseignants de la région de Montréal pourrait facilement tenir
lieu d'organisme consulté, de même que les quelques commissions
scolaires qui sont impliquées; il y en a sept ou huit en tout, je pense.
Mais cela pourrait très bien être remplacé après
avoir procédé à des consultations auprès des
milieux compétents en la matière. C'est une chose qui donnerait
une latitude au gouvernement. Je ne veux pas créer des complications
bureaucratiques inutiles pour les petites nominations, qui restent quand
même d'une importance limitée. Je ne veux pas qu'on mette un
appareil plus compliqué que celui qui préside au choix des juges
de la Cour suprême.
Maintenant, je signale au ministre, en contrepartie de ce qu'il a dit,
que, pour la nomination des juges, le gouvernement procède à des
consultations institutionnalisées, avec la profession juridique. Cela
n'entame en aucune manière l'autorité dont doivent être
revêtues ces nominations. Je pense que cela permet de faire des
nominations avec un peu plus de discernement et de sagesse. Au Québec,
le processus n'a pas été institutionnalisé dans des lois,
à ma connaissance, mais il a été institutionnalisé
d'une manière quand même assez formelle pour que le ministre de la
Justice en tire gloire, et je ne pense pas que le gouvernement s'abaisserait en
mettant une disposition de consultation au chapitre de la commission d'appel,
surtout au souvenir des situations mauvaises qui ont surgi au cours des
dernières années. Je pense que ce serait de nature à
montrer que cela peut être un début très modeste d'un
changement d'orientation qui s'impose de toute évidence.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député d'Argenteuil. À cette heure-ci, à moins
d'avoir l'unanimité de cette commission pour qu'on poursuive nos
travaux, je suis obligé d'ajourner cette commission sine die.
M. Gratton: Est-ce qu'on est prêts à...
M. Godin: Non, nous ne sommes pas prêts.
M. Gratton: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Donc, bonne nuit à tout
le monde.
(Fin de la séance à 23 h 58)