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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Tuesday, April 26, 1983 - Vol. 27 N° 23

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Blouin): Mesdames et messieurs les membres de la commission, nous allons entamer les travaux de la commission des communautés culturelles et de l'immigration, dont le mandat est d'étudier les crédits budgétaires du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration pour l'année financière 1983-1984.

Je vais, d'abord, indiquer quels sont les membres et les intervenants de cette commission. Les membres sont: MM. Cusano (Viau), Dean (Prévost), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Fallu (Groulx), Godin (Mercier), Gratton (Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Laplante (Bourassa), Leduc (Fabre), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Sirros (Laurier).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Bissonnet (Jeanne-Mance), Brouillet (Chauveau), Dupré (Saint-Hyacinthe), Gauthier (Roberval), Maciocia (Viger), Martel (Richelieu), Polak (Sainte-Anne), Vaillancourt (Orford) et Vaugeois (Trois-Rivières).

Avant de céder la parole au ministre, qui aurait des remarques préliminaires à nous faire, je souhaiterais que la commission désigne un rapporteur.

Mme Lachapelle: Je suggère M. Patrice Laplante, député de Bourassa.

Le Président (M. Blouin): S'il n'y a pas d'opposition, M. Laplante, député de Bourassa, sera donc le rapporteur de cette commission.

M. Laplante: Je peux commencer mon discours tout de suite.

Le Président (M. Blouin): Sans plus tarder, je cède la parole au ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, qui nous livrera ses remarques préliminaires.

Exposés préliminaires M. Gérald Godin

M. Godin: Merci, M. le Président. Les cahiers assez volumineux préparés par les fonctionnaires de mon ministère ont été distribués suffisamment tôt cette année pour que tous les membres de la commission aient pu en prendre amplement connaissance.

Aussi, je ne chercherai pas, dans mon discours de présentation, à faire une revue complète de tous les événements qui ont constitué la trame même de la vie de mon ministère au cours de l'année écoulée. Le cahier que vous avez devant vous a, justement, pour mission de vous renseigner sur les activités de chacune des directions et de chacun des services de mon ministère.

Je tenterai, plutôt, de dégager, au cours des quelques minutes qui suivront, un bilan général de nos activités et de nos politiques, puis je vous indiquerai comment j'envisage l'année budgétaire qui vient de débuter.

Mais, avant que de ce faire, permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui au premier rang desquelles, évidemment, Mme Juliette Barcelo, ma sous-ministre, qui a été retenue par des avions. Également, MM. Régis Vigneau et Roger Prud'homme, sous-ministres adjoints, Mme Micheline Lachance, attachée de presse, M. Marcel Vaillancourt, directeur intérimaire de la formation au ministère, M. Pierre Tremblay, directeur de l'administration, M. Normand Lemay, chef du service financier, M. Enrico Riggi, directeur des communications, Me Michel Jarry, responsable du service juridique, ainsi que M. Jacques Perron, de la direction des communications.

D'ailleurs, j'attire l'attention des membres de la commission sur le fait que nous avons de disponibles sur cette table les actes du colloque portant sur la femme immigrée qui a eu lieu les 4, 5 et 6 juin dernier à Montréal et également une bibliographie des thèses et des mémoires sur les communautés culturelles et l'immigration au Québec. La majeure partie des publications du ministère cette année a consisté en rééditions de documents qui avaient déjà été déposés l'année dernière et dont le succès nous a contraints à les rééditer plutôt que d'en éditer de nouveaux.

Je passe maintenant à mes remarques. L'observateur impartial qui prétendrait que la politique de l'immigration du Québec s'articule autour de deux volets principaux ne se tromperait pas beaucoup: d'une part, l'immigrant que l'on choisit pour nous à cause de nos besoins économiques et, d'autre part, l'immigrant que l'on choisit pour lui à cause de ses besoins à lui, de son dénuement ou de sa famille. Cette façon de voir, me semble-t-il, rend compte, en effet, de la

quasi-totalité des raisons qui nous poussent à accepter un immigrant.

Les statistiques dont nous disposons pour l'année écoulée en matière d'immigration nous indiquent que nous avons reçu un total de 20 915 ressortissants étrangers. Je voudrais préciser tout de suite que ces chiffres couvrent l'année civile 1982 et non l'année budgétaire. Ce nombre d'immigrants reçus au cours de l'année 1982 représente donc 17,6% du total de l'immigration canadienne. Nous nous situons donc, pour cette année, légèrement au-dessus de la moyenne historique d'arrivées au Québec, soit 16,5%. Cette légère augmentation de 1,1% semble être de nature tout à fait conjoncturelle et tenir à des programmes non récurrents. Je pense, en particulier, à la fin de notre programme de la régularisation du statut des Haïtiens.

Bonjour, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Bonjour, M. le ministre.

M. Godin: J'aimerais revenir à la distinction que je viens de faire entre l'immigration économique et l'immigration humanitaire. L'année 1982 aura vu un rare équilibre s'établir entre ces deux volets de notre politique, puisque nous avons accueilli 8659 indépendants et 1513 parents aidés. Donc, les personnes qui ont été choisies en considération du critère de l'emploi représentent 49% de notre immigration.

Si on considère, toutefois, non plus l'immigration totale, mais les seuls travailleurs immigrants, on se rend compte qu'ils étaient 9681 à arriver au Québec en 1982 et, de ce nombre, 5649 ont été sélectionnés en fonction des besoins du marché du travail. Cela veut dire que 58,3% des travailleurs qui sont venus en 1982 vivre au Québec ont été sélectionnés parce qu'il y avait des besoins précis valablement identifiés dans le marché de l'emploi au Québec.

Il me semble également important d'insister sur le fait que plus de 1000 de ces travailleurs sont venus occuper des emplois qui leur étaient offerts par des entreprises qui ont vainement tenté, après beaucoup d'efforts, de trouver des Québécois ou des citoyens d'autres provinces aptes à les occuper. Quand on sait que ces emplois, que nos entreprises québécoises ne réussissent pas à combler par la main-d'oeuvre locale, sont dans la très grande majorité des emplois de très haute technologie, force nous est de reconnaître que non seulement le travailleur immigrant n'est pas ce qu'on appelle un voleur de job, mais bien plus un créateur et un générateur d'emplois. Par sa compétence, sa formation, il apporte à l'industrie québécoise une technologie de pointe et une main-d'oeuvre qui lui font défaut.

Un autre volet de cette immigration économique nous a donné en 1982 des résultats dont nous avons tous raison d'être satisfaits. Il s'agit du programme des immigrants investisseurs. Au cours de l'année qui vient de s'écouler, plus de 400 investisseurs ont reçu un visa pour venir s'installer au Québec. S'ils donnent suite à leur projet, ils apporteront avec eux plus de 100 000 000 $. Mais il est important de préciser qu'il s'agit de visas accordés et nous n'avons pas la certitude que tous les utiliseront pour venir au Québec, ni même au Canada. Cette donnée est tout de même importante dans la mesure où elle révèle un indice des mouvements à venir.

D'autres données sont, par contre, beaucoup plus certaines. Il s'agit des cas qui se sont véritablement établis au Québec en 1982-1983, pour lesquels des visas avaient été émis au cours des années précédentes. Je tiens à préciser, pour éviter toute confusion, que les chiffres que je vous fournis quant au nombre tant de visas émis que de cas établis ne sont pas de la spéculation, mais reposent sur une comptabilité précise et très facilement vérifiable.

Au cours de l'année financière qui vient de se terminer, notre ministère a constaté l'établissement au Québec d'environ 300 immigrants qui, avec leurs fonds personnels et des emprunts locaux, ont investi près de 100 000 000 $. Ces investissements, dont nous serions en mesure de vous indiquer pour chacun d'entre eux où exactement il s'est réalisé, auront permis de créer ou, à tout le moins, de conserver environ 1500 emplois. Ces chiffres sont donc de 50% à 66% supérieurs à ceux que nous avions enregistrés durant l'année précédente.

Ces résultats très positifs sont, évidemment, reliés au grand nombre de cas en progrès relevés l'an dernier, mais sont également dus à une recherche et à un suivi systématiques de ces cas en progrès, afin de déterminer leur arrivée au Québec et éventuellement leur intégration à la vie économique. En d'autres termes, nous avons été plus à même, au cours de cette année, de suivre tous les cas qui étaient arrivés et qui s'étaient installés au Québec. Comme ce suivi systématique n'était pas possible les années précédentes, il faut être prudent dans nos comparaisons procentuelles d'une année à l'autre, mais un fait demeure: en termes de chiffres absolus, nous avons assisté à une très nette augmentation du nombre de cas établis. J'en veux pour preuve, particulièrement, les statistiques qui nous viennent du gouvernement fédéral. Ces statistiques, qui portent sur l'année civile 1982 et qui prennent en compte uniquement les entrepreneurs créant plus de cinq emplois et plus, alors que nos statistiques et nos règlements considèrent comme un entrepreneur une personne qui crée trois

emplois ou plus, ces statistiques fédérales, dis-je, nous indiquent une très nette remontée de la part du Québec face à l'ensemble du Canada. En effet, sur un total de 412 immigrants entrepreneurs venus au Canada, 129 se sont installés au Québec, soit près du tiers. Cela représente, en pourcentage par rapport à l'ensemble canadien, une augmentation de 72% sur l'an dernier et de près de 50% sur l'ensemble des sept dernières années.

Comme on vient de le voir, une attention tout à fait particulière aura été accordée, au cours de l'année qui vient de se terminer, au volet immigration économique. Toutefois, cela n'a pas empêché le ministère d'accorder toute l'importance qu'il requérait à son programme d'immigration humanitaire. Les chiffres, d'ailleurs, sont très révélateurs à ce sujet. En effet, pour l'année 1982, nous avons accueilli 7593 personnes au titre de la réunification de la famille et 3550 à titre de réfugiés.

Comme nous connaissons tous bien ce programme qui permet à des citoyens canadiens ou à des résidents permanents de faire venir au Québec leurs proches parents sans égard à leur possibilité d'emploi, je me contenterai de vous indiquer les principaux pays qui étaient concernés par les demandes de parrainage que nous avons acceptées en 1982. Il s'agit d'Haïti pour 1234 personnes, des États-Unis pour 750 personnes, du Vietnam pour 708 personnes, de l'Inde pour 247 personnes de la France pour 230 personnes, de la Pologne pour 222 personnes, du Liban pour 187 personnes, de la Chine pour 181 personnes, de l'Italie pour 134 personnes et des Philippines pour 111 personnes. Ces dix pays représentent 50% de toutes les demandes que nous avons acceptées.

La sélection et l'accueil des réfugiés complètent notre volet d'immigration humanitaire. À ce chapitre, trois principaux mouvements auront marqué l'année 1982. Le plus important, cette année encore, demeure celui des réfugiés indochinois. Nous avons, en effet, accueilli, en 1982, 932 Cambodgiens, 108 Laotiens et 440 Vietnamiens, pour un total de 1480 personnes. Il est à noter que les chiffres que je viens de vous donner concernant les Vietnamiens ne comprennent pas ceux qui ont été acceptés chez nous à partir du programme de réunification des familles au Vietnam.

Tel que prévu, le programme des réfugiés indochinois aura connu une baisse importante en 1982. Cette baisse n'a rien d'anormal, bien au contraire, puisqu'elle correspond à une importante diminution du flot des réfugiés dans cette région du monde. On se souviendra qu'au moment de la conférence de Genève sur les réfugiés du Sud-Est asiatique à l'été de 1979 le Québec s'était engagé à accueillir environ 15 000 réfugiés. Qu'en est-il quatre ans après, maintenant que le programme, sans être complètement terminé, tire largement à sa fin? Depuis cette époque, soit depuis 1979, le Québec a accueilli au total 16 683 réfugiés indochinois répartis de la sorte: 8294 Vietnamiens, 3366 Laotiens et 5023 Cambodgiens. Au regard des chiffres que je viens de citer, je crois que c'est avec fierté que le peuple québécois peut se dire: Mission accomplie.

Au cours de 1982, le programme d'accueil des exilés volontaires en provenance de Pologne aura permis au Québec d'accueillir 975 Polonais. De ce nombre, 850 étaient des réfugiés qui ont pu compter sur l'assistance active et empressée de la communauté polonaise vivant au Québec, ainsi que sur un train de mesures d'accueil et d'établissement mis à leur disposition par notre ministère et par les autorités fédérales.

Je m'en voudrais enfin de ne pas dire quelques mots du programme salvadorien que mon ministère a mis sur pied. Dès le mois de décembre 1980, je suis intervenu auprès de mon homologue fédéral, le ministre Lloyd Axworthy, afin que des mesures soient prises en vue de favoriser l'accueil des ressortissants salvadoriens touchés par les douloureux conflits qui déchiraient leur pays. Mon collègue fédéral a bien accueilli les suggestions que je lui faisais et il a accepté d'y donner suite dans la plupart des cas. De mon côté, j'ai demandé à notre représentant en poste à Mexico d'appliquer une procédure spéciale pour l'étude des demandes qui seraient déposées par des ressortissants salvadoriens.

C'est ainsi que, du 1er mars 1982 au 28 février 1983, 149 demandes de dérogation, en vertu de l'article 40 de notre règlement, auront permis d'émettre un certificat de sélection du Québec en faveur de 296 personnes de nationalité salvadorienne. En plus de ces personnes qui n'ont pu être admises au Québec qu'à la suite de l'utilisation de mon pouvoir dérogatoire, un certain nombre d'autres ont été acceptées soit à titre de réfugiés, soit au titre de la réunification des familles. Au total, c'est donc tout près de 500 personnes d'origine salvadorienne qui ont été admises au Québec à titre d'immigrants en 1982.

J'ai également eu l'occasion de fournir à mon homologue fédéral une liste de plus de 500 personnes présentement emprisonnées au Salvador et pour lesquelles une action bilatérale Canada-Québec devrait être amorcée. À la suite des discussions récentes que j'ai eues avec M. Axworthy, j'ai bon espoir qu'un certain nombre de ces personnes vont être relâchées par les autorités salvadoriennes pour venir au Québec goûter à la paix et à la liberté dont elles sont depuis trop longtemps privées.

Au cours des derniers mois, un dossier a particulièrement retenu l'attention du ministère, celui des requérants en attente de statut de réfugié. Depuis quelques années, en effet, différents groupes et organismes se sont constitués avec pour objectif la défense des intérêts des requérants au statut de réfugié. Ces groupes ont, d'ailleurs, entrepris diverses actions qui visent à sensibiliser l'opinion publique et le gouvernement à une reconnaissance du droit de ces personnes.

Je veux profiter de cette réunion de la commission parlementaire pour faire le point sur cette délicate et importante question. Au Québec, de nombreux organismes non gouvernementaux se sont regroupés au sein d'une table de concertation pour les réfugiés, d'une part, et de SOS Réfugiés, d'autre part. Mon ministère a été associé dès le début aux travaux entrepris par ces divers mouvements de regroupement des organismes non gouvernementaux et n'a pas hésité à unir ses efforts aux leurs afin de trouver les solutions les plus équitables et les plus humaines possible.

Bien qu'il n'ait pas hésité à associer sa voix à celle des organismes non gouvernementaux pour demander au fédéral de revoir les modalités d'étude d'une demande de statut de réfugié déposée au Canada, mon ministère a toujours reconnu qu'il s'agissait d'une juridiction essentiellement fédérale. Par ailleurs, la sélection des ressortissants étrangers qui veulent s'établir au Québec étant de juridiction québécoise, mon ministère a tenu à se définir une politique concernant ces cas que nous pourrions appelé "de détresse" ou "humanitaires".

C'est donc à la lumière de cette politique reflétée par l'article 18c de notre règlement que sont étudiées toutes les demandes où le requérant fait appel à des raisons humanitaires pour justifier son intention de vivre au Québec. Cet article prévoit trois cas généraux où le ministre peut utiliser son pouvoir dérogatoire envers une personne se trouvant en situation de détresse.

Le premier cas vise les requérants qui ont déjà de la famille au Québec et dont une séparation prolongée serait source de sérieuses perturbations.

Le deuxième cas touche les personnes qui vivent depuis plusieurs années au Québec et qui s'y sont bien intégrées ou encore les personnes qui, à cause de leurs activités professionnelles, économiques ou artistiques, représentent un acquis certain pour notre société.

Le troisième cas s'adresse aux personnes dont la sécurité physique serait menacée par emprisonnement ou torture ou dont la vie même serait en danger si elles ne pouvaient s'installer au Québec.

Bien entendu, les critères que nous utilisons pour étudier les demandes qui nous sont présentées sont différents de ceux utilisés par le gouvernement fédéral. Il s'ensuit que bien des personnes refusées par le fédéral peuvent être acceptées par nous pour raisons humanitaires. Cela ne poserait guère de problème si le gouvernement fédéral n'exigeait pas de ces personnes, acceptées par le Québec, qu'elles quittent le territoire canadien pour aller compléter à l'étranger les formalités fédérales.

Vous comprendrez avec moi l'extrême difficulté que cette exigence crée à des personnes dont le statut, par définition, est très précaire. Pour la quasi-totalité d'entre elles, il est impensable qu'elles obtiennent un visa temporaire pour aller faire leurs démarches auprès d'un consulat canadien aux États-Unis. Elles sont donc condamnées à aller soit dans un pays qu'elles ont quitté souvent au péril même de leur vie ou de leur intégrité physique, soit de se trouver un tiers pays qui acceptera de les héberger pendant les quelques mois, voire même les quelques années que prendront les fonctionnaires fédéraux pour étudier leur candidature que, de toute façon ils n'auront pas le droit de refuser puisque le Québec leur aura émis un certificat de sélection.

À plusieurs reprises et de façon très officielle j'ai demandé à mon homologue, M. Lloyd Axworthy, que toutes les personnes acceptées par le Québec en vertu de l'article 18c de notre règlement voient leur dossier traité sur place, c'est-à-dire à l'intérieur des frontières canadiennes, par les fonctionnaires fédéraux.

Malgré de nombreux précédents, particulièrement l'opération régularisation de statut des Haïtiens, qui a suivi le rapport Harvey, le gouvernement fédéral a refusé jusqu'à ce jour de donner suite à notre requête et continue d'exiger que les personnes à qui nous avons remis un certificat de sélection du Québec pour raisons humanitaires aillent poursuivre à l'étranger, la plupart du temps dans des conditions misérables, les formalités fédérales.

Cet entêtement du fédéral est d'autant plus incompréhensible qu'au dire même du Vérificateur général du Canada plus de 60 000 personnes ont obtenu le droit d'avoir leur dossier traité sur place au cours des dernières années. Donc, les demandes formulées par le Québec n'ajouteraient que faiblement à ce chiffre global.

Mais ce n'est pas là notre seul contentieux avec l'administration fédérale. En effet, le 21 octobre dernier, le ministre Axworthy m'informait - j'ai bien dit le 21 octobre dernier - que le gouvernement fédéral cesserait de verser des allocations de subsistance aux requérants démunis au statut de réfugié et ce, à compter du 23 octobre. Vous avez bien compris, M. le Président. Le

ministre fédéral nous a informés seulement 48 heures - je dis bien 48 heures - à l'avance qu'il coupait un programme s'adressant à plusieurs centaines de personnes démunies à tous les plans. Je ne sais si c'est cela, le fédéralisme rentable, mais ce n'est certainement pas du fédéralisme charitable.

J'ai alors demandé par télégramme au ministre fédéral de décréter un moratoire d'un mois afin de permettre la recherche en commun de solutions de rechange. Les médias furent rapidement alertés, l'opinion publique interpellée et les organismes mobilisés. Rien n'y fit. Le fédérai maintint sa décision. Tout au plus, admit-il que ces personnes pourraient bénéficier de certains programmes spéciaux de création d'emplois et de l'aide sociale du Québec.

Il est peut-être intéressant de s'interroger un instant sur les raisons qui ont poussé le fédéral à prendre une telle décision. Officiellement, c'est sur la recommandation du Vérificateur général du Canada qu'a agi le ministre Axworthy. En effet, il semblerait que ces allocations versées uniquement au Québec allaient à l'encontre de la réglementation fédérale. Juridiquement, l'argument a son importance. J'ai, par contre, de très bonnes raisons de croire que cet argument fut davantage un prétexte. Il semble bien, en effet, que le fédéral ait été amené à prendre cette décision après qu'il eut constaté que sa politique d'allocation aux requérants au statut de réfugié entraînait un accroissement important du nombre de requérants. (10 h 30)

Au moment où plusieurs pays ferment leurs portes à ces personnes ou, à tout le moins, resserrent leurs conditions d'admission - par exemple, la France et l'Allemagne fédérale - le Canada deviendrait particulièrement attrayant. Mon ministère reconnaît qu'il y a là un problème important et que des solutions doivent y être apportées, mais il admet moins que la solution fédérale semble être de se décharger de cette responsabilité sur les épaules des organismes non gouvernementaux et des autorités du Québec.

Tout en maintenant que l'admission au Canada de ces personnes relève de la seule compétence du fédéral, il a bien fallu que le Québec et les organismes non gouvernementaux québécois parent à la situation en attendant qu'une solution globale soit trouvée en négociation avec le fédéral. Il fut alors décidé que l'intervention québécoise prendrait une double forme: premièrement, participation gouvernementale à l'aide privée canalisée par les organismes non gouvernementaux et, deuxièmement, accessibilité à l'aide sociale moyennant certaines conditions.

Au titre de sa participation à l'aide privée, mon ministère a déjà versé 50 000 $ à l'Archevêché de Montréal et une autre somme de 50 000 $ sera remise incessamment à Mgr Paul Grégoire à même notre fonds d'aide aux réfugiés. Quant à l'admissibilité à l'aide sociale, elle a fait l'objet de nombreuses discussions avec les autorités du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et mon ministère. Au terme de ces échanges de vues, il fut convenu que les requérants au statut de réfugiés seraient admissibles à l'aide sociale dans la mesure où ils détiendraient un certificat de sélection du Québec, sous réserve, bien entendu, de remplir également les autres conditions générales du programme d'accès à l'aide sociale. Je souligne que cette condition d'admission à l'aide sociale est entrée en vigueur depuis quelques jours.

Les organismes non gouvernementaux, bien qu'ils comprennent logiquement notre position, ne l'acceptent pas. En effet, ils estiment que tous les requérants, dès leur arrivée, devraient être admissibles à l'aide sociale. Par ailleurs, sous le leadership de l'Archevêché de Montréal, un centre d'hébergement et d'accueil, nommé L'Abri, a récemment été ouvert dans l'est de Montréal.

Face à l'ensemble de ces événements, il est impérieux que le point soit fait, que les responsabilités soient justement réparties et que des solutions soient proposées et mises en oeuvre. Le fédéral veut assumer seul et sans partage sa juridiction sur ces personnes, mais voudrait nous transférer ses responsabilités. Pour notre part, nous disons aux autorités fédérales: Le Québec ne partagera pas vos responsabilités sans partager également vos juridictions.

Encore une fois, je fais appel à nos homologues fédéraux pour qu'ils acceptent que nous cherchions en commun une solution qui ne soit pas un marché de dupes. Il est inadmissible que le Québec verse pendant 12 ou même 24 mois des allocations d'aide sociale à des personnes qui risquent de se voir expulser du Canada par la suite, malgré le fait qu'elles aient été acceptées par le Québec.

Maintenant, les illégaux. J'ai fait distribuer à tous les membres de cette commission le document que mon ministère vient de rendre public concernant les immigrants illégaux au Québec. Bien qu'il soit à peu près impossible de chiffrer avec exactitude l'importance de l'immigration illégale au Québec, nous croyons qu'il y aurait probablement moins de 5000 résidents sans statut établis sur le territoire québécois. Selon les renseignements dont nous disposons, la plupart d'entre eux sont entrés légalement au pays, principalement à titre de visiteurs ou d'étudiants, et sont restés chez nous une fois dépassée la période de validité de leur permis de séjour. La très grande majorité

d'entre eux sont de jeunes célibataires possédant en moyenne dix ans de scolarité et vivant dans les grands centres urbains. On les retrouve dans des emplois peu valorisés et à faible revenu, tels que l'entretien ménager, la restauration, l'hôtellerie, le taxi et les manufactures. De par leur absence de statut, ils sont éminemment susceptibles d'être la proie de multiples formes d'exploitation.

Face au problème de l'immigration illégale, les pays peuvent être tentés par des solutions extrêmes du type amnistie générale ou déportation pour tous. Pour sa part, le Québec privilégie les solutions intermédiaires, empreintes d'ouverture, de générosité et aussi de réalisme. En effet, il nous apparaît que le phénomène de l'immigration illégale est un phénomène permanent et qu'en conséquence il nous faut adopter des solutions qui auront, elles aussi, un caractère permanent. Il s'agirait donc, pour nous, d'évaluer ces dossiers cas par cas et de leur attribuer un CSQ, s'ils répondent à nos critères.

Nous avons donc fait part au gouvernement fédéral de notre volonté de continuer à traiter les cas de résidents sans statut sur la base de considérations humanitaires prévues à l'article 18c, déjà cité, de notre règlement sur la sélection des ressortissants étrangers. Les critères d'admissibilité retenus à l'analyse de ces cas sont: la durée de résidence au Québec, la présence de dépendants et de parents, le degré d'adaptation et d'intégration et, finalement, les motifs d'ordre humanitaire. Mais cette politique de mon ministère ne pourra s'appliquer avec cohérence et efficacité que si nous obtenons l'entière collaboration du fédéral.

C'est pourquoi j'ai demandé au ministre Lloyd Axworthy de nous donner l'assurance que les résidents sans statut, qui se verront octroyer, pour des raisons humanitaires, un certificat de sélection du Québec, voient leur cas traité sur place sans être obligés de quitter le pays pour déposer une demande de résidence permanente à l'étranger. Cette approche, à la fois généreuse et réaliste, s'inscrit dans le cadre des politiques du Québec qui, d'un gouvernement à l'autre, a toujours favorisé la réunification des familles, ainsi que l'accueil des réfugiés et autres cas de détresse.

Voilà, M. le Président, qui fait le tour ou presque des questions d'immigration ayant retenu notre attention en 1982-1983. J'aimerais maintenant aborder l'autre dimension de mon ministère, les communautés culturelles.

Au cours de l'année qui vient de s'écouler, mon ministère a poursuivi sa politique de soutien et d'animation des nombreux organismes communautaires oeuvrant auprès des immigrants et au sein des communautés culturelles. Je tiens à souligner, encore une fois ici, le travail remarquable réalisé par les milliers de bénévoles de ces organismes tant au niveau de l'insertion harmonieuse des immigrants à la société québécoise qu'à celui du maintien et du développement des diverses cultures d'origine représentées au Québec, c'est-à-dire 85 cultures. À ce titre, ces organismes, qu'ils soient issus des communautés culturelles ou de la population québécoise de vieille souche, sont des véritables partenaires pour mon ministère et ils jouent un rôle essentiel quant à la réalisation de certains aspects de sa mission. C'est pourquoi nous leur apportons un soutien financier et technique à l'aide d'une série de programmes et d'interventions spécifiques.

Au cours de l'année 1982-1983, un budget global de 3 171 883 $ a été consacré à l'ensemble de ces programmes de soutien, soit les programmes relatifs à l'accueil et à l'adaptation, les programmes du volet communautés culturelles et, enfin, le programme de création d'emplois temporaires.

Plus précisément, l'année 1982-1983 a vu la mise en place et la consolidation des programmes destinés à favoriser la promotion des cultures d'origine et l'établissement d'un dialogue interculturel entre les communautés culturelles du Québec et la population francophone. Ainsi, les programmes Activités des communautés culturelles et Innovation ont permis, avec un budget de 283 297 $, d'aider près de 150 organismes à réaliser des activités dans ce domaine, qu'il s'agisse de la présentation de spectacles ou d'expositions, de la célébration de fêtes traditionnelles, de la tenue de colloques, de la préparation de publications, etc. De même, le programme Aide au fonctionnement a apporté un soutien de base à 20 organismes auxquels il a consacré 71 700 $, tandis que le programme Aide aux centres communautaires a, pour sa part, contribué à la construction ou à la rénovation de treize centres de différentes communautés au moyen d'un budget de 468 000 $.

Par ailleurs, sept organismes se sont associés pour partager des locaux et divers services et jeter les bases d'un centre communautaire multiculturel qui deviendra un pôle d'animation et d'échange pour les communautés culturelles et la population francophone du nord de Montréal. Cette démarche a été favorisée par le programme Locaux et services communs et des projets semblables devraient se réaliser au cours des prochains mois dans d'autres secteurs de la ville. Un montant de 17 000 $ a été consacré à ce programme.

Enfin, dans le cadre du programme Aide aux médias des communautés culturelles, mon ministère a apporté son appui à 19 publications avec un montant de

82 500 $ et le programme des langues ethniques a soutenu l'enseignement de quelque 34 langues d'origine, dispensé par plus de 50 organismes à au-delà de 17 000 élèves. Ce programme a utilisé un budget de 252 000 $.

Dans l'autre champ d'intervention, celui de l'accueil et de l'adaptation des immigrants, nous avons soutenu le fonctionnement de base de 56 organismes avec une somme de 863 000 $. En outre, nous avons injecté 162 600 $ dans la réalisation de plus de 50 projets d'intervention ponctuelle dans le même domaine. Huit organismes ont également reçu une assistance financière leur permettant de maintenir la présence d'un agent de liaison dans une institution du réseau du MAS, en général les CLSC. Ce programme nous a coûté 76 800 $.

Enfin, récemment, mon ministère a participé à l'effort gouvernemental de création d'emplois destinés aux bénéficiaires des prestations d'aide sociale. À cette fin, le ministère a obtenu un budget de 1 300 000 $ qui a permis la création de 320 emplois au sein de 124 de nos organismes partenaires répartis dans 32 communautés culturelles. Les projets acceptés étaient d'une durée de 20 semaines et comportaient une vaste gamme d'activités reliées à la recherche, à l'animation, à des démarches de formation et d'information. Je vais, d'ailleurs, profiter de l'occasion pour remercier ici ces nombreux organismes communautaires qui ont accepté de s'associer à mon ministère dans cet effort de création d'emplois.

Je vous donne quelques exemples de ce que ces projets ont permis de réaliser. Les organismes d'aide aux immigrants ont pu lancer de nouvelles activités qui favorisaient l'intégration des immigrants: recherche de logements et de meubles à bon prix; orientation et accompagnement dans la recherche d'emplois. Certains initient les travailleurs domestiques aux tâches quotidiennes et les informent de leurs droits. Les communautés culturelles organisent des expositions artistiques, écrivent et publient des livres pour enseigner aux écoliers la langue et la culture d'origine.

Dans la communauté juive, par exemple, outre l'aide apportée dans la recherche d'emplois et les demandes de prêts et bourses, on mettra sur pied des activités socioculturelles: développement d'une collection de livres rares, expositions artistiques, rédaction de livres pour enseigner aux écoliers la langue et la culture d'origine. Enfin, un travail de sensibilisation des services sociaux permettra sans doute aux membres de cette communauté de recevoir des services plus personnalisés.

Dans la communauté chinoise, deux organismes travaillent à faciliter l'insertion sur le marché du travail des réfugiés du Sud-Est asiatique, des immigrants de Hong-Kong et de Taïwan et des femmes au foyer. Un autre groupe, en vertu du même programme, favorise l'intégration à la société d'accueil par diverses activités de loisir et en fournissant une aide appropriée pour résoudre des problèmes de santé et de logement.

Dans la communauté grecque, les problèmes de l'emploi et de la sécurité sociale mobiliseront spécialement les énergies: recherche et diffusion de l'information, recherche d'emplois, placement. L'aspect proprement culturel n'est pas négligé pour autant, puisqu'on va confectionner des costumes traditionnels et enseigner le folklore.

Dans la communauté portugaise, en plus de se préoccuper de l'insertion sur le marché du travail, on veut renseigner les citoyens sur les accords Québec-Portugal en matière de sécurité sociale. Quelques organismes proposeront aussi des activités de jour aux personnes du troisième âge. Enfin, on mettra sur pied une bibliothèque et un bulletin d'information.

Dans la communauté italienne, divers projets permettront de conserver et de diffuser la culture italienne: mise à jour des ouvrages de culture populaire, expositions, bulletins d'information, archives. Un projet de loisirs pour enfants et pour les adultes du troisième âge a également été mis sur pied. Soulignons, enfin, qu'une importante recherche vise à déterminer l'apport de la communauté italienne dans l'économie du Québec.

Au sein de la communauté anglophone, des projets visant à améliorer le contenu et la gestion du journal "The Advocate" destiné à une clientèle anglophone, à sensibiliser les agences de publicité sur le potentiel du marché rural anglophone au Québec, un autre permettant à Alliance-Québec d'obtenir un personnel supplémentaire de soutien au plan administratif, communication, recherche et développement communautaire, ont été accordés, entre autres.

Je ne voudrais pas terminer cette partie de mon exposé sans évoquer deux réalisations qui ont particulièrement marqué l'action de mon ministère au cours des douze derniers mois. D'abord, le colloque sur la situation des femmes immigrées. Ce colloque s'est tenu en juin dernier sous le thème: Femmes immigrées, à nous la parole. Cette rencontre a réuni près de 200 femmes de 32 origines ethniques, représentant 52 organismes non gouvernementaux. Ce colloque a été l'occasion pour ces femmes d'exprimer leur vécu et de faire le point sur leur situation, leurs aspirations et les résultats de ces échanges vont alimenter les travaux de la table de concertation créée par mon ministère sur la situation vécue par la femme immigrante. Il a été suivi, il y a

quelques semaines, d'un autre colloque du même type tenu, celui-là, dans la ville de Québec.

Je veux également parler du travail d'animation réalisé par mon ministère dans le cadre du pavillon du Québec, l'été dernier, à Terre des hommes. Ce travail visait à assurer une présence des communautés culturelles au sein de ce pavillon. De fait, 31 communautés ont participé à cette expérience, assumant près de 150 heures d'animation, de spectacles et d'expositions fort remarqués par les quelque 150 000 visiteurs du pavillon.

J'aimerais maintenant, M. le Président, aborder quelques considérations démographiques et, plus particulièrement, la question des migrations interprovinciales dont on a bien souvent parlé ces derniers temps. En cette matière, comme dans bien d'autres, les statistiques nous parlent un langage beaucoup plus clair et beaucoup plus serein que les passions très facilement exacerbées en ce domaine. Aussi, me contenterai-je de vous citer un certain nombre de chiffres tout à fait officiels qui, pour importants et significatifs qu'ils soient, sont très loin d'être aussi dramatiques que certains propos pourraient nous le faire croire.

Par exemple, de 1941 à 1981, la proportion des anglophones au Québec est passée de 14,1% à 11%, soit une diminution de 3,1% en 40 ans. Pendant la même période, la proportion des francophones dans l'ensemble canadien est passée de 29,1% à 25%, soit une diminution de 3,4%. Cela signifie que, pendant la même période de 40 ans, la situation des gens de langue maternelle française au Canada s'est davantage détériorée que celle des personnes de langue maternelle anglaise au Québec. Toujours pendant cette même période, la proportion des Canadiens de langue maternelle anglaise est passée de 56,4% en 1941 à 61,3% en 1981, soit une augmentation de 4,9%.

Je n'ai pas l'intention de me prêter à un long commentaire de ces chiffres; il serait, du reste, peut-être un peu hasardeux de conclure sur la seule base des données par langue maternelle. Les résultats, selon la langue d'usage et la connaissance du français et de l'anglais, ne sont pas encore disponibles pour le dernier recensement de 1981, mais ils le seront dans les jours à venir et ils permettront de mieux préciser l'évolution de la situation linguistique au cours de la dernière décennie et de raffiner encore plus les chiffres que je viens de vous donner. (10 h 45)

Je m'en voudrais, toutefois, de quitter ce domaine de la statistique démographique sans aborder, ne serait-ce que brièvement, la question des départs d'anglophones du Québec vers le reste du Canada. Plusieurs, au cours des dernières semaines, se sont livrés, pour ne pas dire se sont abîmés, à de nombreux et apocalyptiques commentaires concernant les 131 500 départs d'anglophones vers le reste du Canada, enregistrés pour la période de 1976 à 1981. Mon intention n'est pas, M. le Président, de chercher à minimiser ces chiffres, mais plutôt de les replacer dans une juste perspective. De 1966 à 1971, 160 400 personnes ont quitté le Québec pour aller vivre ailleurs au Canada. De ce nombre, 99 100 étaient des anglophones. Ceci représentait donc 62% des personnes qui sont allées vivre ailleurs au Québec. Et, pourtant, nous n'étions pas au gouvernement. Nos voisins d'en face, non plus, d'ailleurs, tout au moins pour les quatre premières années de cette période.

Pour la période de 1971 à 1976, période dite du gouvernement Bourassa, les départs furent de 145 800 dont 94 100 anglophones, soit une proportion de 65%. On note que, s'il y a eu une légère diminution en chiffres absolus, la proportion, elle, du nombre d'anglophones a légèrement augmenté. Qu'en est-il pour la période la plus récente, plus près de nous, celle où le Parti québécois était au pouvoir, c'est-à-dire de 1976 à 1981? En termes globaux, les départs, comme je l'ai déjà dit, furent de 203 000 personnes, dont 131 500 ont été des anglophones, soit, encore là, 65% des départs.

En regardant de près les statistiques que je viens de vous citer, on se rend compte que, pour les années 1966 à 1976, il y a eu, en moyenne, 20 000 départs d'anglophones du Québec par année. Depuis 1976 jusqu'à 1981, cette moyenne s'est établie à environ 26 000 départs par année. Donc, par rapport aux dix années qui ont précédé immédiatement la venue au pouvoir du Parti québécois, nous avons assisté à une augmentation moyenne de 6000 départs par année, depuis que notre gouvernement est au pouvoir. Certes, ce chiffre est encore trop important et mérite qu'on s'y attarde, mais il est bien loin d'être aussi catastrophique qu'on a voulu le prétendre d'autant plus que bien des facteurs d'ordre économique pourraient facilement, à eux seuls, expliquer une telle augmentation.

Je ne voudrais pas clore ce chapitre sans dire quelques mots des entrées au Québec en provenance des autres provinces. Elles sont passées de 84 900 en 1966-1971 à 83 300 en 1971-1976 et à 61 300 en 1976-1981. Si nous examinons la composition linguistique de ces entrées, nous remarquons que la proportion de francophones va en augmentant, passant de 39% entre 1966 et 1971 à 44% entre 1971 et 1976, pour atteindre 52% entre 1976 et 1981. Parallèlement, la proportion des anglophones diminue, passant de 55% entre 1966 et 1971 à 50% pour la période Bourassa et à 41% pour la période Lévesque.

II est donc assez évident que, proportionnellement, le Québec attire maintenant davantage de francophones canadiens que d'anglophones. L'un des objectifs de notre politique linguistique visait précisément à faire du Québec un foyer pour les francophones. L'autre objectif consistait à faire passer le fardeau du bilinguisme des épaules des francophones à celles des anglophones. Le prix à payer pour vivre pleinement au Québec est donc d'apprendre le français, tout comme le prix à payer pour vivre pleinement dans d'autres provinces canadiennes, aussi bien qu'aux États-Unis, est d'apprendre l'anglais. Il n'est donc pas étonnant, à la suite de nos politiques linguistiques, d'assister à de tels réalignements linguistiques. Ils étaient prévisibles. On pourrait souhaiter qu'ils ne se produisent pas, mais pourrait-on les empêcher?

Mon propos n'est pas de nier les motifs sociopolitiques ou sociolinguistiques qui peuvent expliquer les migrations interprovinciales. De tels motifs existent et c'est, justement, parce que nous en sommes conscients que nous avons pris les moyens pour diminuer leur impact. Tous les Québécois et toutes les Québécoises, quelle que soit leur origine, leur langue, leur culture, leur religion ou la couleur de leur peau, ont le même droit imprescriptible de vivre au Québec. C'est, d'ailleurs, la reconnaissance de ce principe fondamental qui a poussé le gouvernement auquel j'appartiens à prendre des mesures concrètes pour permettre à toutes les communautés culturelles non seulement de survivre, mais de se développer au Québec. Le plan d'action des communautés culturelles, le comité chargé de son implantation et jusqu'au nom même de mon ministère en sont autant de preuves irréfutables.

J'ai déjà, M. le Président, presque abusé de votre temps et de votre patience. Pourtant, je ne puis terminer ce discours sans dresser, ne serait-ce que brièvement, un tableau faisant état de ce qui nous attend en 1983-1984. Puis-je me permettre, toutefois, avant que de ce faire, d'inviter les membres de la commission à jeter un coup d'oeil dans leur cahier aux pages concernant les colloques qui ont été organisés sur les femmes immigrantes; aux pages sur la Direction de la formation où il est, notamment, question de l'entente qu'avec mes collègues de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et de l'Éducation j'ai signée au cours de l'année écoulée? Cette entente, on l'aura deviné, porte sur la formation professionnelle des adultes. On voudra bien également jeter un coup d'oeil sur les statistiques concernant l'accueil des immigrants et des réfugiés fait par notre ministère où on apprend, entre autres, qu'à nos bureaux du 355, rue McGill, à Montréal, nous recevons 750 clients par semaine.

Ces chiffres et bien d'autres dont vous avez eu la possibilité de prendre connaissance dans le cahier nous indiquent que le ministère de Communautés culturelles et de l'Immigration est un véritable ministère de services. Cette vocation de services, nous avons l'intention de la maintenir, voire de la développer au cours de l'année qui s'en vient.

Que nous réserve, d'ailleurs, cette nouvelle année financière qui vient de commencer? L'un des événements majeurs de l'année sera certainement l'adoption d'une politique de l'immigration. Depuis plusieurs mois déjà, des comités de travail ont été formés afin de préparer les bases d'un texte qui deviendra la politique de l'immigration du Québec. Cette recherche s'inscrit dans le cadre des travaux présentement en cours sur une politique de la population et de la famille. Nous sommes en train de mettre la dernière main à ce texte qui connaîtra une large diffusion et autour duquel nous n'hésiterons pas à consulter le plus largement possible toutes les personnes et tous les groupes intéressés. Je prévois que notre projet de politique générale de l'immigration pourra être rendu public au cours de l'automne.

Un point fort de l'année à venir sera certainement aussi l'analyse du rapport annuel du CIPACC. Ce rapport sera rendu public le 28 avril. Mon ministère s'attardera à en faire une analyse en profondeur et y donnera les suites qui s'imposent. Au cours de l'année qui vient de s'écouler, les membres du CIPACC ont été très actifs dans de nombreux comités auxquels étaient conviés des représentants de nombreux ministères et je ne doute pas que, par leur dynamisme et leur implication, ils sauront nous tracer des voies pour que les communautés culturelles occupent toute la place qui est la leur dans la société québécoise.

De son côté, le Conseil consultatif des communautés culturelles et de l'immigration poursuivra les réflexions déjà amorcées cette année. Il entend porter son attention d'une façon toute particulière sur le type de société qui prend forme au Québec. En 1983-1984, je prévois d'importantes négociations avec le fédéral en matière d'adaptation et d'établissement des immigrants. Un comité a déjà été formé; plusieurs réunions ont eu lieu et j'ai bon espoir qu'au cours de la prochaine année des résultats concrets seront atteints. Mais qui dit négociations dit au moins deux partenaires. Il va de soi que la bonne volonté doit être présente à la table des négociations. Divers indices nous laissent, par ailleurs, croire que le fédéral qui, jusqu'ici, semblait avoir fait de l'immigration le champ privilégié de sa collaboration avec le Québec serait en train de réanalyser et de réévaluer

sa politique. Voilà manifestement un dossier à suivre au cours de l'année à venir.

En terminant mon exposé, je voudrais vous indiquer quels sont les niveaux d'immigration que nous comptons réaliser en 1983. Nous prévoyons accueillir au Québec 15 200 immigrants, dont 2200 réfugiés. Périodiquement, lorsque nous subissons une récession économique, on s'interroge sur la nécessité pour le Québec de maintenir ses activités en matière d'immigration. Déjà, au début du siècle, alors que le Québec maintenait des services d'immigration en Europe depuis les années 1870, l'opinion publique conduisait les autorités d'alors à mettre fin à de telles activités. Par la suite, l'intérêt reprit à chaque période de croissance économique, même si cela ne donna pas lieu, pour autant, à la reprise d'activités dans ce secteur. En effet, il fallut attendre le milieu des années soixante pour réaliser que l'immigration ne correspondait pas qu'à des motifs économiques et qu'il fallait s'en préoccuper de façon permanente si on souhaitait en profiter lorsque les besoins en main-d'oeuvre poussaient les entreprises à faire appel à des travailleurs étrangers. C'est, d'ailleurs, sur la base de cette constatation que fut créé le ministère de l'Immigration en 1968. Depuis lors, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration s'efforce de développer ces programmes afin de répondre aux objectifs économiques, démographiques, sociaux et culturels que notre société se donne.

Certains s'interrogent sur l'utilité d'une dépense de quelque 4 000 000 $ que l'on consacre à la sélection des immigrants. Si l'on considère qu'il arrive au Québec chaque année entre 15 000 et 20 000 immigrants, cela constitue donc, pour chacun d'entre eux, une dépense variant de 200 $ à 250 $. Cela est bien peu en regard de ce que ces nouveaux citoyens nous apportent en retour. Si l'on songe, entre autres, qu'environ 1500 emplois ont été, soit créés, soit conservés, grâce à l'apport direct des immigrants investisseurs; si l'on songe également au fait que plus de 1000 emplois très spécialisés n'ont pu être comblés par de la main d'oeuvre québécoise ni canadienne et qu'il nous a fallu, pour ces emplois spécifiques, faire appel à une main-d'oeuvre étrangère, on se rend compte que rarement un investissement a été aussi rentable que celui que le Québec a fait au niveau de la sélection des immigrants.

Je ne connais, quant à moi, aucun programme de création d'emplois, tant fédéral que québécois, qui, coûtant si peu, rapporte autant. Le fait pour le Québec d'être le maître d'oeuvre de la sélection des immigrants protège ses travailleurs contre une main-d'oeuvre étrangère soit trop nombreuse, soit sélectionnée pour des besoins existants peut-être ailleurs au Canada, mais pas au Québec même. Mais, plus loin que ces questions d'ordre économique, ce sont des considérations à plus long terme et, notamment, de nature démographique qui doivent nous inciter à maintenir un intérêt constant et permanent en matière d'immigration. Qui ne se soucie pas, en effet, du poids relatif de notre société au sein du continent nord-américain. N'est-il pas également légitime de chercher à maintenir une pyramide des âges aussi régulière que possible? Sans prétendre, loin de là, que l'immigration puisse renverser à elle seule les tendances de notre société québécoise, convenons que celle-ci peut énormément contribuer à en atténuer les effets trop subits.

Les communautés culturelles, certaines établies au Québec depuis fort longtemps, enrichissent le Québec d'une ouverture et de valeurs dont nous profitons tous. Pour certains, le Québec constitue une terre d'asile où ils souhaitent partager notre avenir. Pour d'autres, il s'agit de rejoindre ceux de leurs parents déjà établis ici. Les uns et les autres fondent un espoir qui atteste de notre ouverture pour l'avenir et, ce faisant, ils enrichissent notre société des diverses tendances culturelles et sociales, techniques et économiques qui sont le propre de notre monde contemporain.

L'immigration, c'est non seulement le choix d'un gouvernement, mais c'est aussi le choix de toute une société. Quelles que soient toutes les autres difficultés qui nous entourent, il nous faut, dans la mesure de nos moyens, demeurer réceptifs à cette dimension internationale. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.

La parole est maintenant au député de Gatineau.

M. Michel Gratton

M. Gratton: Merci, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais remercier le ministre des renseignements qu'il nous a fournis depuis assez longtemps, comme il l'a lui-même souligné. D'ailleurs, vous me permettrez de dire que le ministre a la bonne habitude de communiquer un très grand nombre de renseignements à l'Opposition, ce qui facilite de beaucoup le travail de l'Opposition qui, comme on le sait, consiste à poser des questions pertinentes au gouvernement, même si, à l'occasion, les réponses ne le sont pas autant, selon notre jugement. Le but est toujours de mieux renseigner la population, de renseigner la population le mieux possible. Le ministre se prête très bien à ce jeu du parlementarisme. J'irais même jusqu'à dire que certains de ses

collègues du cabinet auraient avantage à l'imiter dans ce sens. Ceci ne m'empêchera pas, ces remerciements faits, de vous adresser quelques remarques préliminaires que nous détaillerons, nous de l'Opposition, tout au cours de l'étude des crédits.

Mes remarques préliminaires, je pourrais presque les intituler de la façon suivante: L'ouverture d'esprit du ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration est-elle aussi grande qu'on le dit? Au sujet de la loi 101, il déclarait, mercredi dernier, à l'Assemblée nationale: Quelqu'un qui ne peut plus nous sentir comme Québécois et qui veut partir, qu'il s'en aille, on ne changera pas d'odeur. Comme l'écrivait Vincent Prince, dans la Presse du 22 avril: "En d'autres termes, pour M. Godin, nous n'avons pas à regretter ces départs, même si des capitaux s'en vont en même temps. D'autres anglophones seraient prêts à venir les remplacer et eux aussi ils auraient des capitaux à investir chez nous. Surtout ils viendraient sans nous demander de changer quoi que ce soit à notre législation. On aurait pensé qu'en cette période de crise économique un ministre québécois aurait été heureux de pouvoir compter sur le plus de capitaux possible. Au surplus, on a l'impression qu'il emploie le qualificatif de "Québécois" dans un contexte très restrictif. Les anglophones n'en seraient pas."

En effet, la déclaration du ministre implique que, pour lui, comme pour son prédécesseur, le parrain de la loi 101, l'actuel ministre de l'Éducation, le terme "Québécois" exclut les citoyens anglophones, car, cela doit être clair, quand les statistiques révèlent que pas moins de 106 310 anglophones ont quitté le Québec entre 1976 et 1981 - 106 310 de plus qu'il n'en est venu, immigration nette - il s'agit bel et bien de Québécois que le ministre semble, lui, considérer apparemment comme ce qu'on a appelé les autres, c'est-à-dire une classe à part. C'est très révélateur de l'état d'esprit du ministre face aux citoyens qui ne font pas partie de la majorité francophone et qu'il a pourtant la responsabilité de défendre à titre de ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, responsable de l'application de la loi 101 depuis septembre dernier. (11 heures)

On avait, pourtant, cru à une attitude plus positive en septembre dernier lorsque le premier ministre lui avait confié cette responsabilité, en lui donnant le mandat précis d'évaluer à fond les effets de la loi 101 et de faire rapport au cabinet avant la fin de 1982. L'ex-éditorialiste du journal Le Soleil, Marcel Pépin, écrivait à l'époque: "Que le gouvernement veuille ou non l'admettre, il était impérieux qu'un effort soit fait pour que la communauté anglophone du Québec reprenne un dialogue sensé avec l'État". En parlant de la nomination du ministre, il ajoutait: "II est généralement reconnu comme davantage épris d'équité et de justice que d'esprit de revanche".

M. le Président, si on en juge par les propos qu'il a tenus en Chambre dernièrement et les longs mois qui se sont écoulés depuis qu'il a reçu le mandat du premier ministre sans qu'il n'aboutisse à rien de concret, il y a lieu de se demander si, au-delà des déclarations de bonnes intentions, il existe vraiment, chez le gouvernement, chez le ministre, une volonté réelle d'améliorer le climat des relations avec la communauté anglophone.

Le gouvernement avait, pourtant, promis au moment d'adopter la loi 101 d'en évaluer l'impact après cinq ans d'application et d'y apporter les correctifs nécessaires à la lumière des résultats concrets. Pourtant, l'automne dernier, après avoir lui-même souhaité que le dialogue s'engage honnêtement et ouvertement avec les anglophones, le premier ministre rabrouait les demandes d'Alliance-Québec, détruisant ainsi les premiers gestes sincères de conciliation que la communauté anglophone effectuait.

Lysiane Gagnon, dans la Presse du 18 novembre dernier, notait: "Les dirigeants actuels d'Alliance-Québec que M. Lévesque traite comme s'ils étaient des nostalgigues perpétuant la mentalité des anciens establishments représentent au contraire une toute nouvelle génération avec une sensibilité bien différente, celle de jeunes Montréalais de très vieille souche ouverts à une bonne partie des changements provoqués par les lois 22 et 101, qui sont assez attachés au Québec pour avoir décidé d'y rester, même si plusieurs auraient pu faire carrière ailleurs et qui sont tous, en outre, parfaitement bilingues."

Le gouvernement n'a pas compris que la démarche de ce groupe d'anglophones réunis sous l'appellation d'Alliance-Québec représentait une pensée nouvelle dans les relations qu'il voulait entretenir avec la majorité francophone du Québec. L'attitude du ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration vis-à-vis d'Alliance-Québec l'automne dernier, de même que les propos qu'il a tenus vis-à-vis du traitement que vient d'accorder la Commission de surveillance de la langue française dans le dossier de l'hôpital St. Mary's démontrent qu'il veut rester dans la lignée de son prédécesseur, le ministre de l'Éducation, c'est-à-dire une attitude vindicative et une étroitesse d'esprit qu'on ne percevait, pourtant, pas au moment de sa nomination.

En invitant certains Québécois anglophones à partir s'ils ne sont pas contents, le ministre parle de 150 000 personnes qui attendent de venir au Québec avec 100 000 000 $ d'investissements qui sont prévus dans la machine, disait-il. C'est

difficile de suivre la logique du ministre. D'abord, les citoyens anglophones qui partent avec leurs emplois représentent déjà des millions de dollars en investissements. Le fait d'accueillir des gens qui veulent supposément venir investir au Québec ne nous justifie pas de le faire exprès pour en faire fuir d'autres. L'un n'empêche pas l'autre, surtout au moment où le Québec -surtout pour les jeunes - a un besoin urgent des investissements des créateurs d'emplois.

Le ministre semble voir ces nouvelles arrivées comme une compensation à une perte. Nous le voyons plutôt comme un ajout à ce qui est déjà acquis, surtout que les prévisions du ministre n'ont pas encore été prouvées.

Quoi qu'il en soit, cette récente déclaration que tous les éditorialistes ont condamnée est pour le moins curieuse de la part de celui qui, de par sa fonction, doit défendre et promouvoir les communautés culturelles. Bien sûr, il se trouve au Québec une infime minorité de gens qui acceptent plus ou moins la loi 101 et qui voudraient la voir disparaître. Mais, comme l'écrivait Vincent Prince dans ce même éditorial: "On n'a sûrement pas le droit de se moquer des inquiétudes de tous ceux qui croient voir un lien entre la loi 101 et l'exode des anglophones. On sait que, la semaine dernière, justement parce qu'ils se posaient de sérieuses questions à ce sujet, les conseillers municipaux de Montréal ont été unanimes à demander à l'administration locale de procéder à une étude sur les effets de la loi 101 sur l'économie de Montréal. Ces conseillers, qui appartiennent, d'ailleurs, à trois formations politiques différentes, ne sauraient être tous taxés de lunatiques ou d'adversaires inconditionnels de la loi 101. Non, on ne fera pas taire les doléances en laissant entendre qu'il y a lieu de les prendre à la légère ou que le Québec peut se permettre facilement de perdre toujours une partie de sa population ou de ses sièges sociaux".

Contrairement à ce que le premier ministre et le ministre de l'Immigration tentent de laisser entendre quand nous, de l'Opposition, abordons ce sujet, le Parti libéral du Québec a toujours été et demeure toujours favorable au principe des droits linguistiques que doit avoir la majorité francophone. Nous avons, d'ailleurs, nous-mêmes mis sur pied des réformes importantes dans ce sens, notamment avec la loi 22. Mais nous étions, à l'époque, conscients du danger qu'une attitude intransigeante pourrait avoir sur les investissements et les emplois dont les Québécois ont besoin. C'est pourquoi nous avons refusé de nous cloisonner du reste du monde pour éviter de nuire à la croissance économique et sociale que cela engendrerait. Force nous est de constater, à l'instar de tous les observateurs impartiaux incluant maintenant la majorité des Québécois francophones, que certaines dispositions de la loi 101, que le ministre lui-même qualifie d'erreur et d'excès, nous y mènent carrément.

Le ministre, en décembre, avait déclaré à l'Assemblée nationale qu'il annoncerait au printemps des amendements à la loi 101. Nous sommes au printemps. Il se contente maintenant de nous promettre une commission parlementaire seulement pour l'automne. Nous serions plus rassurés, M. le Président, quant aux intentions du gouvernement si cette commission parlementaire avait lieu dès les prochaines semaines, au plus tard au cours de l'été qui vient. Autrement, il sera difficile pour nous de ne pas conclure que, malgré les déclarations de bonnes intentions du ministre, le gouvernement du Parti québécois n'entend tout simplement pas toucher à la loi 101 avant les prochaines élections, quelles que soient les conséquences négatives d'une telle attitude sur les investissements et la création d'emplois, sans parler des injustices réelles dont sont victimes certaines catégories de citoyens québécois.

Si l'attitude du ministre responsable de l'application de la loi 101 nous inquiète de plus en plus, nous ne sommes pas sans nous interroger également sur les gestes qu'il pose à titre de responsable des communautés ethniques ou, devrions-nous dire, sur les gestes qu'il ne pose pas. En 1981 ce gouvernement, à peine un mois avant les élections, sortait tambour battant son plan d'action: Autant de façons d'être Québécois. Paradoxalement, c'est le premier ministre qui nous disait en Chambre dernièrement que le Parti libéral du Québec se préoccupait des communautés culturelles surtout pour rallier leurs votes. Toujours est-il que ce plan d'action était plein d'idées, plein de mots, plein de déclarations de bonnes intentions, mais, depuis, très peu de gestes concrets ont été posés. Certains organismes représentant les groupes ethniques relèvent le fait que, sur 29 promesses qui avaient été faites au printemps de 1981, deux ans plus tard à peine 6 ont été tenues. Selon le Comité pour la promotion des minorités, c'est surtout au niveau de l'intégration des minorités ethniques à la société québécoise que le gouvernement n'a pas su tenir ses promesses. De même, on reproche au ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration son silence et de ne pas vouloir rendre public le rapport annuel du CIPACC, c'est-à-dire du Comité d'implantation du plan d'action à l'intention des communautés culturelles.

En mars 1981, le ministre Jacques-Yvan Morin, à ce moment-là responsable du développement culturel, avait échelonné sur trois ans ce plan d'action. Il affirmait que

des mesures draconiennes s'imposeraient si ce délai n'était pas respecté. Actuellement, pour les minorités culturelles, le gouvernement a plutôt laissé croire à une indifférence vis-à-vis de leurs préoccupations réelles. Le gouvernement du Parti québécois y va de petites subventions aux différentes associations ou aux fêtes commémoratives, actes visant à manifester une certaine sympathie envers les minorités. En fait, le gouvernement, dans sa politique touchant les groupes ethniques, y va pour la forme plutôt que pour le fond.

Ce que recherchent avant tout les communautés culturelles, c'est un respect de leurs traditions et de leur culture. C'est l'égalité des chances dans leurs emplois. C'est d'avoir les outils nécessaires pour faciliter leur intégration dans la société québécoise. Le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration doit respecter les promesses de ce gouvernement, ce qu'il n'a manifestement pas fait jusqu'à maintenant.

En terminant ces remarques préliminaires, M. le Président, je voudrais répéter ici ce que je disais à l'Assemblée nationale lors de mon intervention dans le débat sur le message inaugural, le 29 mars dernier. Je le répète, parce qu'il me semble que cela illustre la différence fondamentale qui sépare le Parti libéral du Parti québécois dans leur vision respective du rôle et de la place que doivent jouer et occuper les groupes minoritaires dans la société québécoise. Je cite la page 110 du journal des Débats: "II est vrai que les Québécois ont toujours été généreux et réceptifs à l'égard des minorités. Avec raison d'ailleurs, parce que nous avons toujours ressenti, si nous ne le comprenions pas toujours, que nous pouvions devenir meilleurs, nous améliorer au contact de ceux qui sont différents de nous. Malheureusement, le gouvernement actuel, avec son nationalisme défensif et revanchard, embarrasse une majorité de nos concitoyens, francophones, anglophones ou allophones, qui ne demandent qu'à travailler ensemble à bâtir un Québec plus tolérant, plus généreux, plus réceptif. "Le dernier discours inaugural n'annonce malheureusement absolument rien qui irait dans ce sens. Au contraire, il reste complètement muet sur le rôle que pourraient jouer les communautés minoritaires au début de ce que le premier ministre a qualifié de "ce temps nouveau" -qui appelait le changement -. Comme quoi, avec le Parti québécois, plus cela change, plus c'est pareil!"

En revanche, je dirai que je suis extrêmement fier de faire partie d'un parti politique, d'une députation qui compte dans ses rangs des collègues d'origine grecque, italienne, libanaise, hollandaise, juive, écossaise, britannique et irlandaise, bref une députation qui est à l'image de la société québécoise. S'il nous était donné un jour de faire une campagne électorale contre ce parti d'en face, on la ferait en plaidant, encore une fois, un Québec pour tout le monde, un Québec où tous les citoyens du Québec, quelle que soit leur origine ethnique, quelle que soit la langue qu'ils parlent, seraient les bienvenus dans le parti, bienvenus dans la société québécoise.

Je terminerai, M. le Président, en disant que le Parti québécois aurait avantage à assurer une plus grande présence de ces représentants des communautés culturelles au sein de son propre parti. Cela lui éviterait sûrement plusieurs erreurs de parcours qu'on a constatées au cours des dernières années.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Gatineau. M. le ministre.

M. Godin: Je vais reprendre seulement un point de l'intervention de mon collègue de Gatineau. Il a parlé comme si je n'avais rien dit, comme s'il était trop préoccupé à réviser ses notes pour écouter ce que j'avais à lui dire. Le rapport du CIPACC sera publié dans quelques jours. Le député de Gatineau et ses collègues seront en mesure de vérifier si la critique faite par le Comité de promotion des minorités est vraie critique suivant laquelle seulement six ou sept des 29 promesses auraient été remplies, auraient été réalisées. La population et les membres de l'Assemblée nationale seront en mesure de vérifier quels sont les faits à cet égard. J'inviterais le député de Gatineau à prendre son mal en patience et à voir le bilan réel, clinique, complet, qui sera publié dans quelques jours au lieu de se fier à ce qui semble être des à-peu-près, puisque cette critique du Comité de promotion des minorités a été faite par des gens qui, semble-t-il, ignorent tout des travaux du CIPACC. Et n'ont suivi de près ni les travaux du CIPACC, ni l'action du ministère depuis qu'il s'appelle ministère des Communautés culturelles. Quant au reste, nous aurons l'occasion de revenir cet après-midi sur la loi 101 et ses organismes, quand les présidents des organismes seront présents. Je répondrai plus précisément aux questions et aux interrogations que se pose le député de Gatineau sur cette question précise. Pour l'instant, j'aimerais m'en tenir à ce qui touche les communautés culturelles et l'immigration. (11 h 15)

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député de Bourassa.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: Merci, M. le Président. Il y a des remarques du député de Gatineau

que je ne peux pas laisser passer sous silence, surtout lorsqu'il fait référence à la loi 22. Étant moi-même un ancien commissaire de la CECM, lorsqu'on parle du respect des groupes ethniques, on sait de quelle façon le gouvernement libéral du temps, de par ses tests, a voulu faire, justement, de tous les groupes ethniques des anglophones. On a voulu une assimilation des groupes ethniques à la communauté anglophone du Québec. On a vécu ces tests. On a eu beau protester énergiquement à ce moment, mais personne d'entre vous ne s'est levé pour essayer de faire respecter ces groupes.

J'ai vu à ce moment des requêtes des directeurs d'école qui faisaient venir des parents tchèques dans leur bureau pour leur faire signer des formules disant qu'ils se reconnaissaient anglophones. J'ai vu des parents russes aussi se faire faire ces choses. C'est comme cela que vous avez traité les groupes ethniques vers l'assimilation au groupe anglophone du Québec. Aujourd'hui, vous jouez à "l'à-plat-ventrisme" devant eux pour essayer de faire des réparations à la suite de cette loi 22 qui était inhumaine, qui divisait les familles.

Vous accusez le Parti québécois, aujourd'hui, de ne pas avoir de députés d'origine ethnique. Dans le parti, nous avons de nombreux membres ethniques, mais nous n'avons pas l'hypocrisie de donner de comtés garantis. On n'a pas tous des Notre-Dame-de-Grâce, des Westmount, des Mont-Royal pour donner des comtés garantis à des gens, pour se donner belle figure, pour se donner belle apparence face à la population du Québec.

M. Gratton: Les comtés garantis péquistes sont plutôt rares.

M. Laplante: C'est la garantie du Parti libéral. On voit comment vous fonctionnez actuellement comme parti d'Opposition à l'Assemblée nationale. Actuellement, l'aspect constructif sur les communautés culturelles -ne vous en vantez pas - ne vaut pas grand-chose. Si on compare les 8% d'anglophones qu'il y a au Québec, contrairement à la déclaration du premier ministre Davis qu'on a vue cette semaine ou en fin de semaine, avec les 6% de francophones qu'il y a en Ontario, je pense que les anglophones, par Alliance-Québec, s'ils voulaient être constructifs à un moment donné et vivre avec les Québécois et aussi de ce que les Québécois vivent, n'avaient qu'à écouter ce que M. Davis déclarait la semaine dernière à la télévision dans une entrevue avec Mme Bombardier, sur l'aspect francophone de l'Ontario.

Vous verriez qu'ici au Québec on respecte les anglophones. Ceux qui veulent rester au Québec, ils sont heureux. On est capables de vivre avec eux à bras ouverts, mais pour autant que ce ne soit pas leur idéologie, par exemple, d'écraser ce qui reste comme francophones au Québec pour essayer de se sortir de leur place. S'ils veulent faire avec les groupes ethniques du Québec une assimilation à la langue et à la culture anglophones, je ne marche pas là-dedans parce qu'on est la seule province ici au Canada, le Québec, où on donne à ces communautés culturelles de l'argent, du support, justement pour conserver leur culture. Ne cherchez cela nulle part ailleurs. En effet, la communauté italienne - j'en ai une bonne partie dans mon comté et j'en suis fier - ne se retrouve pas du tout avec les gens de l'Ontario. Ils sentent que la communauté italienne en Ontario perd toute identité, est assimilée complètement aux anglophones. Il n'y a aucun programme pour maintenir la culture italienne en Ontario. Il faut penser à ces choses aussi.

Regardez ce qui se passe ici au Québec avec les Grecs. Soyez honnêtes dans ce que vous dites actuellement. Avouez que jamais un gouvernement du Québec n'a fait ce que le Québec fait depuis quatre ans pour les communautés culturelles. Mais vous, comme Parti libéral, avec votre "à-plat-ventrisme" devant elles pour aller chercher des votes, pour essayer de faire accroire que nous sommes les méchants ici, donnez-nous les actions que vous faites actuellement pour essayer de réunir ces groupes culturels. Vous n'en avez pas fait. Les seules actions que vous avez faites - on l'a vu par les tests de la loi 22 - c'est que vous avez essayé d'assimiler à la langue anglophone tout ce qui se passait dans nos écoles. Je l'ai vécu autant au niveau des écoles anglaises, qui étaient de la section anglaise de la CECM, que du côté français. Vous avez essayé par tous les moyens d'aller chercher les francophones pour essayer de les assimiler dans les écoles anglophones. Cela a pris la loi 101. Si vous comparez la loi 101 à la loi 22 je pense qu'il y a beaucoup plus d'humanisme dans la loi 101 qu'il n'y en avait dans la loi 22. Je voulais faire cette mise au point sur la déclaration du député de Gatineau.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Bourassa.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Merci. Je n'avais pas l'intervention d'intervenir, mais je pense qu'il y a quelques commentaires à faire par rapport aux déclarations du député de Bourassa. La communauté anglophone, non francophone, si vous voulez, la question de base qu'elle se pose, c'est de savoir jusqu'à quel point la déclaration du député de

Bourassa représente l'opinion de la majorité francophone du Québec. Si cette déclaration, qui était très claire, est effectivement représentative de l'esprit de la majorité des francophones, les minorités peuvent alors tirer leurs conclusions. C'est une question à laquelle personne, jusqu'ici, n'a répondu clairement.

Je veux lui signaler, premièrement, que les tests dont il parle, je n'ai pas trouvé que c'était une façon très habile de régler le problème très compliqué de savoir qui est anglophone et qui ne l'est pas. Je veux simplement rappeler au député de Bourassa que, depuis la loi 101, ce même genre de test est imposé aux infirmières et à beaucoup d'autres professionnels ici, exactement de la même façon...

M. Laplante: Pour les adultes, pas pour les enfants.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Bourassa, s'il vous plaît, la parole est au député de Notre-Dame-de-Grâce!

M. Laplante: Cela ne divise pas les familles.

Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît!

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Ce genre de test est imposé aux infirmières et aux autres professionnels exactement de la même façon, avec exactement les mêmes malheurs. De plus, je pense que le système qui a été établi par le gouvernement actuel par la loi 101 n'est pas beaucoup mieux. Je vais vous dire comment j'arrive à cette conclusion. J'arrive à cette conclusion pour la même raison que je ne suis pas impressionné par tout ce que le gouvernement a fait pour les groupes minoritaires et les communautés culturelles. Le député a dit qu'aucun gouvernement n'avait jamais fait autant pour les minorités culturelles que ce gouvernement. Si la loi 101 est bien meilleure que la loi 22, si les gestes posés par ce gouvernement sont si beaux quand on les compare avec tout ce qui a été fait avant, comment se fait-il qu'en 1981 l'immense majorité des groupes minoritaires a voté massivement pour le Parti libéral, après tout ce que le Parti québécois avait fait pour elle?

Si vous décidez que les choses que vous faites pour les minorités sont bonnes et que les minorités disent qu'elles ne sont pas impressionnées, il y a quelque chose qui doit vous faire réfléchir un peu. Vous pouvez dire qu'elles ne comprennent pas, qu'elles doivent changer leur attitude, que c'est déformé par les libéraux. Autrement dit, vous pouvez dire qu'elles sont stupides, qu'elles ne sont pas capables de comprendre. Je serais beaucoup plus porté à dire: Écoutez, même si on pense que ce qu'on fait est bon, est meilleur, il semble que, pour les personnes qui sont les plus directement affectées ce soit pire. Donc, il faut changer quelque chose, il faut les écouter. Je le souligne simplement parce que vous avez parlé avec tellement de certitude des aspects bénéfiques de la loi 101 et des gestes que vous avez posés pour les communautés minoritaires.

Le député de Bourassa a dit, et je le cite: Les anglophones sont heureux aujourd'hui. Je dois lui dire que c'est possible, mais que je n'ai pas remarqué que les anglophones étaient très heureux aujourd'hui. S'il en a une preuve quelconque, j'aimerais la voir, mais j'ai l'impression que les anglophones aujourd'hui, en grande majorité, sont très malheureux en raison des attitudes du gouvernement, de ses actes et de ses déclarations. Une raison clé, c'est parce qu'on voit le vrai visage du gouvernement dans des sorties faites d'une façon, si vous voulez, même inconsciente, par le ministre la semaine dernière et par le député de Bourassa il y a quelques minutes.

M. Godin: M. le Président, question de privilège. Je ne peux pas accepter que le député de Notre-Dame-de-Grâce dise que...

Le Président (M. Blouin): M. le ministre, il n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire.

M. Godin: Comment appelle-t-on cela, alors?

Le Président (M. Blouin): Vous pourrez prendre...

M. Godin: Je vous demande une directive, parce qu'il dit que je suis inconscient. Alors, je peux vous dire, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, que c'était une déclaration non pas inconsciente ou faite par un zombie...

Le Président (M. Blouin): M. le ministre, ce que je souhaiterais...

M. Godin: ...mais que je pensais à ce que j'ai dit, tout simplement.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Je vais citer une autre déclaration du député de Bourassa, tantôt, lorsqu'il a dit qu'il voulait des Anglais qui veulent vivre avec les Québécois.

M. Laplante: C'est cela.

M. Scowen: Je veux qu'il comprenne

quelque chose. Les Anglais du Québec sont des Québécois. Ma famille est ici depuis 200 ans sur le sol québécois. Je pense que ce n'est pas la question que vous vouliez accueillir les Anglais qui veulent vivre avec les Québécois. Pour l'information du député de Bourassa, les Anglais sont des Québécois. Moi, je suis québécois, même si cela ne le rend pas très heureux, et je vais rester québécois. Et, si mon odeur ne lui plaît pas, je vais rester québécois quand même. J'ai l'intention de rester ici, peut-être pas pour le reste de ma vie, parce que j'aime beaucoup visiter les autres endroits du monde, mais je serai toujours québécois. Il ne peut rien faire pour changer cela. Malheureusement pour lui, peut-être, je vais rester québécois. Aucune loi, aucune déclaration du gouvernement ne peut changer cela.

Alors il n'est pas question de comparer les Anglais du Québec avec des Québécois. C'est une erreur et je le mentionne parce que c'est fait maintenant depuis sept ans par les gens du Parti québécois, d'une façon répétée, et c'est dans de petits gestes comme ceux-là que les groupes minoritaires voient le vrai problème de vivre au Québec.

Vous avez un problème fondamental; vous avez un projet d'indépendance basé sur une langue et un groupe ethnique. Il faut agir en conséquence, malheureusement. M. Lévesque, le premier ministre, a dit: II faut, pour créer cette omelette, briser quelques oeufs. Vous allez dans cette direction d'une façon de plus en plus claire. La question est de savoir - et j'arrive à la fin de ma déclaration, en revenant au point de départ -quel est le pourcentage des Québécois francophones qui approuvent et qui sont de votre côté dans cette démarche. Si c'est la majorité, ce n'est pas encore clair. Les tendances jusqu'à maintenant sont un peu mêlées. Si c'est clair que la grande majorité du Québec francophone est d'accord avec l'idée que les Québécois sont les francophones et que, pour l'épanouissement des Québécois francophones, il faut un pays indépendant francophone, donc, c'est clair que les autres vont partir. Mais j'espère de tout coeur que cette déclaration que vous avez faite ne sera pas appuyée par la grande majorité de vos concitoyens. Merci.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je ne peux laisser passer sous silence l'article 96...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Bourassa, je souhaiterais que, comme c'est normal dans ce genre d'introduction, les députés qui ont d'abord demandé la parole effectuent un premier tour de table. Si vous avez des remarques supplémentaires à apporter, je pourrai vous redonner la parole une fois que le député de Fabre...

M. Laplante: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): ...aura exprimé ses opinions.

M. Michel Leduc

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. D'abord, quelques remarques sur les commentaires du député de Notre-Dame-de-Grâce, qui a dit quelque chose comme: On devrait s'interroger sur le fait que les anglophones votent massivement pour le Parti libéral. Je trouve le député de Notre-Dame-de-Grâce assez naïf de tenir un tel raisonnement en commission parlementaire. Le député de Notre-Dame-de-Grâce devrait savoir, lui qui est issu du milieu anglophone, qui se dit un Québécois anglophone, que la minorité anglophone a toujours bénéficié de gros privilèges dans le passé. On pourrait revenir là-dessus. C'est normal, lorsqu'on perd ses privilèges, qu'on n'embrasse pas le gouvernement qui nous a fait perdre ces privilèges. (11 h 30)

Je voudrais seulement apporter une remarque sur cela dans le sens où le député de Gatineau a parlé de la loi 22 et de la loi 101. On se souvient, lorsque le gouvernement Bourassa a adopté la loi 22, de la réaction des anglophones face à cette loi. Beaucoup d'anglophones ont voté contre Bourassa ou se sont abstenus de voter pour ne pas avoir à voter pour le Parti québécois. En tous cas, il y a eu beaucoup de réactions négatives à l'égard du gouvernement libéral à cause, précisément, de la loi 22. Il ne s'agissait pas à ce moment du Parti québécois; il s'agissait du gouvernement libéral. La réaction des anglophones n'est donc pas spécifiquement contre un gouvernement en particulier. Elle se manifeste chaque fois qu'un certain nombre de privilèges qu'ils ont eus dans le passé sont menacés. C'est cela, la réalité.

Mais les principaux propos que je voudrais tenir ont trait plutôt à ce qu'a dit le député de Gatineau en rapport avec l'attitude du gouvernement actuel face aux communautés culturelles, aux communautés ethniques. J'ai été choqué des propos du député de Gatineau, quand il mentionne l'attitude du gouvernement actuel par rapport aux communautés culturelles. Je voudrais apporter seulement un exemple qui a trait à la région où je vis, la région de Laval, qui compte environ 20% de groupes faisant partie de communautés culturelles. Cette région est assez cosmopolite. Cette année, le gouvernement du Parti québécois a fait obtenir une école grecque, franco-grecque pour une partie de la communauté grecque de Laval qui avait demandé cette école à la commission scolaire locale, école obtenue grâce à la collaboration du ministère de

l'Éducation et du ministère des Communautés culturelles.

J'ai eu l'occasion d'assister à l'inauguration de cette école l'automne dernier. Lors de cette inauguration, il y avait l'archevêque grec de Toronto, qui est responsable de toutes les communautés grecques du Canada. Or, l'archevêque grec de Toronto n'a jamais été un grand sympathisant du gouvernement du Parti québécois. L'archevêque grec, à ce moment-là, a apporté un témoignage qui m'a surpris et qui m'a fait plaisir en même temps. D'abord, il a louangé le gouvernement actuel qui, à cause de sa politique face aux communautés culturelles, accordait, entre autres, des écoles aux communautés culturelles. Quand il rapportait cette anecdote, il disait avoir rencontré le premier ministre de l'Ontario tout récemment pour lui demander d'accorder le même droit aux minorités culturelles de l'Ontario. Le premier ministre de l'Ontario lui aurait signifié son refus et lui aurait dit également que si les communautés culturelles sont insatisfaites de la politique du gouvernement de l'Ontario, elles n'ont qu'à se diriger vers le Québec.

Cela m'a estomaqué que l'archevêque de Toronto ait dit cela, mais ce sont ses propos. Il y a eu beaucoup de témoins qui ont été également étonnés de ce témoignage qui, je pense, correspond beaucoup plus à la réalité qu'à ce qu'a pu dire le député de Gatineau. Ses propos visent à discréditer vraiment de façon malhonnête et politicienne l'attitude du gouvernement actuel par rapport aux communautés culturelles. Le simple fait d'accorder, comme le fait le gouvernement actuel, aux communautés culturelles, des écoles où on respecte la tradition, où on enseigne la langue de la communauté d'origine et où on enseigne également le français et l'anglais, je dois dire que c'est unique au Canada, M. le député, et que cela témoigne beaucoup plus que vos propos de l'attitude d'ouverture de l'actuel gouvernement par rapport aux communautés culturelles. J'aimerais que vous teniez compte de ces actions lorsque vous parlez des attitudes de l'actuel gouvernement.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre.

M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, si je reprends certains propos qui ont été évoqués ici, ce n'est sûrement pas dans le but de retarder les travaux. Au contraire, les discussions que nous faisons au moment des remarques préliminaires accéléreront d'autant l'étude des crédits au moment où on passera aux programmes distincts. Mais je dois faire remarquer que ce que vient de dire le député de Fabre, en parlant du vote des anglophones que le Parti libéral aurait supposément perdu à l'élection de 1976, à la suite de la loi 22, vient en contradiction directe avec ce que disait il y a quelques instants son collègue de Bourassa qui affirmait que l'effet de la loi 101, notamment avec les tests linguistiques, visait à assimiler les non-francophones à la majorité anglophone. Si les anglophones ont fui le Parti libéral à l'élection de 1976, aussi massivement que le prétend le député de Fabre, ce qui n'est pas sans avoir un certain fond de vérité, ce n'est sûrement pas parce que les anglophones ont perçu la loi 22 comme étant un effort d'assimilation des émigrés à la majorité anglophone canadienne, comme l'a évoqué le député de Bourassa. Pour revenir à ce que disait le député de Bourassa, notamment lorsqu'il parlait d'Alliance-Québec, j'ai pris note qu'il a déclaré substantiellement que, si Alliance-Québec, au lieu d'écraser ou de vouloir écraser les Québécois - et je note tout de suite que, pour lui, un Québécois, cela n'inclut pas les citoyens québécois qui ne sont pas francophones - voulait discuter objectivement avec le gouvernement, cela irait beaucoup mieux.

M. le Président, parce que le député de Bourassa, forcément, accuse les libéraux de vouloir faire de la politique partisane avec cela, je me garderai donc de faire quelque commentaire personnel là-dessus. Je vais seulement citer des extraits de divers édito-riaux qui ont été écrits en novembre 1982, à la suite de la lettre, on se le rappellera sûrement, que le premier ministre avait adressée à Alliance-Québec en réponse aux demandes que cet organisme avait faites à la suite d'une invitation qui lui avait formulée par le premier ministre lui-même d'engager un dialogue raisonnable et sincère avec la communauté anglophone.

Je cite Lysiane Gagnon dans la Presse du 18 novembre 1982. Je pense bien que le député de Bourassa conviendra que Lysiane Gagnon n'est pas membre du Parti libéral, ne l'a jamais été et probablement ne risque pas de le devenir.

Une voix: Tant mieux.

M. Gratton: Forcément, ses éditoriaux des derniers jours au sujet du gouvernement peuvent peut-être soulever des doutes dans l'esprit des Québécois, mais, quand je vois une journaliste comme Lysiane Gagnon qui est reconnue être parmi les plus compétentes, les mieux appréciées dans l'ensemble du Canada, je me dis que cela ne peut pas strictement être renvoyé du revers de la main comme étant une déclaration partisane libérale.

Or, voici ce qu'elle écrivait le 18 novembre 1982, à la suite de cette réponse du premier ministre à Alliance-Québec. Elle disait ceci en parlant du fait qu'on ne

voulait pas que le gouvernement fasse marche arrière dans sa politique linguistique: "Mais encore faut-il dire que ce n'est pas ce qu'Alliance-Québec demandait. Si l'organisme avait vraiment souhaité un retour en arrière, il aurait remis en question la francisation des entreprises, qui reste l'élément clé de la loi 101 dans la mesure où cette vaste opération implique qu'à moyen terme il faudra connaître le français pour gagner sa vie au Québec." Elle disait plus loin: "Pourquoi se scandaliser, comme le fait M. Lévesque, de ce que par suite de l'opposition d'une partie des délégués au congrès de fondation d'Alliance-Québec ses dirigeants ont jugé préférable de retirer du mémoire ce qui constituait une reconnaissance formelle de la primauté du français au Québec? Parce qu'effectivement il y a eu des débats, il y a eu des éléments plus radicaux au moment du congrès de fondation d'Alliance-Québec qui prônaient, par exemple, le "freedom of choice". La majorité n'a pas voulu s'associer à cette démarche. C'est plutôt ce que nous connaissons comme étant les revendications en six points d'Alliance-Québec qui ont été reconnues."

Elle disait plus loin: "À propos d'Alliance-Québec, il y a plus d'une réalité que le gouvernement Lévesque semble ignorer, ignorance qui n'étonne guère quand on a constaté de visu l'absence de tout représentant du gouvernement et de l'administration publique au congrès de fondation d'Alliance-Québec en mai dernier. L'organisme avait lancé une quarantaine d'invitations dans ces milieux, mais personne n'est venu, à l'exception du vice-président de l'Office de la langue française, M. Jean-Guy Lavigne, et d'un autre employé de l'OLF. Il n'y avait là aucun politicien péquiste sauf le ministre Godin mais seulement pour le déjeuner de clôture où il était l'orateur invité."

M. Godin: Pas du tout, M. le député; je n'ai pas dit un mot là. J'y suis allé de mon propre chef, sans y être invité d'aucune manière.

M. Gratton: M. le Président, je cite Mme Gagnon. Si le ministre n'est pas d'accord, il pourra téléphoner à Mme Gagnon.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Gatineau.

M. Godin: Pour la suite du monde... Je vous le dis à vous, parce que vous la citez correctement, mais c'est une fausseté. De plus, des membres de mon ministère étaient présents, ce qu'elle ne dit pas, non plus.

M. Gratton: Je répète: "II n'y avait là aucun..."

Le Président (M. Blouin): M. le ministre, je souhaite que vous preniez note des commentaires que vous avez à émettre et vous pourrez les émettre dès que vous aurez la parole.

M. le député de Gatineau.

M. Godin: Excusez-moi.

M. Gratton: "II n'y avait là aucun politicien péquiste - je le répète - sauf le ministre Godin..." En tout cas, le député de Bourassa n'était pas là, c'est clair, et il l'a prouvé ce matin par ses propos, "...aucun fonctionnaire parmi les centaines de fonctionnaires à l'emploi des trois organismes qui s'occupent de la langue, aucun représentant des principaux ministères concernés par les revendications de la communauté anglaise (notamment les Affaires sociales et l'Éducation). C'est cela, le malaise, d'enchaîner Mme Gagnon. Le gouvernement Lévesque pourrait bien refuser, et dans plusieurs cas avec raison, les revendications d'Alliance-Québec, mais il le ferait avec plus de crédibilité si l'on pouvait aussi croire que le gouvernement s'intéresse honnêtement à la question, assez, en tout cas, pour au moins prendre la peine d'aller se renseigner à la source."

J'ai cité dans mes remarques préliminaires un autre passage où elle parlait des dirigeants actuels d'Alliance-Québec qui ne sont pas des nostalgiques, d'anciens establishments. Elle enchaînait plus loin, en parlant du congrès: "...où flottaient aussi, autre réalité que le gouvernement refuse de percevoir, des griefs légitimes et un ressentiment explicable et qui se résorbera seulement si la majorité a assez de capacité d'empathie pour comprendre que la transition est difficile pour beaucoup d'anglophones. Mais ce sont les candidats de l'aile modérée qui ont été élus, les délégués rejetant sans équivoque la tendance "freedom of choice", de même que les résolutions qui auraient risqué de jeter de l'huile sur le feu", M. le député de Bourassa.

Elle concluait "qu'au lieu de tenir compte de cela le premier ministre ne s'attarde qu'à chicaner Alliance-Québec sur la formulation de telle ou telle revendication, montre qu'il a été mal renseigné et qu'il n'a pas d'antennes dans ces milieux. Ou alors qu'il a perdu cette sensibilité qu'il manifestait naguère à l'endroit de la minorité anglophone... et qui s'imposerait davantage aujourd'hui qu'auparavant, dans la mesure où cette minorité n'est plus la minorité dominante qu'elle était à l'époque où M. Lévesque fustigeait les partisans de l'unilinguisme. N'est-ce pas quand on est au pouvoir qu'on doit avoir le plus de respect pour les minorités?"

De peur qu'on n'accuse Mme Gagnon

d'avoir un parti pris, allons voir ce que disait Jacques Dumais, le 10 novembre, dans le journal Le Soleil, le titre seulement: D'une gifle aux anglophones, à la suite de la lettre du premier ministre à Alliance-Québec.

Michel Roy, dans le journal La Presse du 8 novembre, concluait un éditorial intitulé Coeur et justice: "La francisation n'est pas simplement une entreprise de raison et de pouvoir. C'est aussi une affaire de civilisation et d'humanisme. Québec doit donc se remettre à négocier avec une partie de son peuple en y mettant cette fois un peu plus de coeur, un peu plus de justice." (11 h 45)

Jean-Louis Roy, dans le Devoir - ce n'est quand même pas un libéral notoire, que je sache - du samedi 6 novembre, publiait un éditorial qui s'intitulait: Une négociation indispensable qu'il concluait ainsi: "Faut-il ériger un monument à cette négociation pour en marquer la courte, la trop courte existence? Il est impérieux qu'elle reprenne, sinon avec le gouvernement, du moins dans la société. Le chef du gouvernement s'est lamentablement trompé et a trompé en laissant croire depuis un an au réaménagement de cet équilibre pour produire cette semaine la volte-face que l'on sait. On souhaite qu'il démente cette interprétation de ses gestes et de son écrit récents par la reprise d'une négociation indispensable".

M. le Président, je pense qu'on a là un survol de ce qu'en pensent des éditorialistes qui ne sont pas de la minorité anglophone. Je pense bien qu'il n'y a personne qui va contester - que ce soit M. Dumais, du Soleil, M. Michel Roy, de la Presse, M. Jean-Louis Roy, du Devoir ou Mme Lysiane Gagnon, de la Presse - que ce sont des vrais Québécois, même au sens très restrictif de la définition qu'en donne le député de Bourassa. Et je dis, M. le Président, que percevoir Alliance-Québec comme un groupe de radicaux qui veulent écraser la majorité francophone pour protéger certains establishments qui sont disparus depuis longtemps, c'est se boucher les yeux.

Et je répète que le Parti québécois, notamment le député de Bourassa, aurait avantage à améliorer ses contacts et ses communications avec les porte-parole de la communauté anglophone, notamment avec Alliance-Québec, pour bien comprendre que leurs revendications ne portent pas sur un retour en arrière en matière de politique linguistique au Québec, mais bien sur certains détails de la loi 101 que le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration a lui-même qualifiés d'erreurs et d'excès et qu'il a lui-même promis d'évaluer et de modifier, le cas échéant, dans les meilleurs délais.

Ce que nous souhaitons de ce côté-ci, c'est qu'on ne noie pas le poisson et qu'on finisse par aboutir. Le ministre nous a dit en décembre dernier: Quant aux amendements à la loi 101, j'en informerai l'Assemblée nationale au printemps. Que je sache, on est au printemps. C'est vrai qu'il ne fait pas très beau, mais on est au printemps 1983 et tout ce qu'on a, c'est une déclaration disant qu'il y aura une commission parlementaire "sometime in the Fall". Eh bien, "sometime in the Fall", cela veut dire qu'avant que la commission entende les intéressés, avant qu'elle tire des conclusions, avant que le gouvernement en arrive à proposer des amendements concrets à la loi 101, on aura passé l'échéance électorale.

Je comprends le gouvernement de vouloir maintenir le peu d'appuis qu'il lui reste. C'est sûr qu'il ne les retrouve pas chez les anglophones. Mais si c'est là la stratégie du gouvernement, cela me surprend que le ministre actuel des Communautés culturelles et de l'Immigration se prête à ce jeu. Je le pensais beaucoup plus ouvert et, d'ailleurs, je le pense encore beaucoup plus ouvert, mais on sait que la solidarité ministérielle limite drôlement les gens à l'esprit le plus ouvert possible.

Je ne prête pas d'intentions au ministre actuel. Je me dis que c'est un maudit bon gars - passez-moi l'expression - il veut faire quelque chose, mais son gouvernement ne veut pas. Il disait à la presse - je ne sais trop quand - qu'une fuite en avant n'est pas la solution à la situation, que, si on veut être un pays civilisé au Québec, il va falloir s'interroger sur les vraies questions et redresser les excès et les erreurs. Il disait même: Je suis prêt à perdre mon siège de député si on n'est pas capables, au gouvernement du Parti québécois, de faire face à cette réalité. Je ne le lui souhaite pas, mais j'ai de fortes craintes que non seulement lui, mais un bon paquet de ses collègues vont effectivement être défaits à une élection si le gouvernement n'apporte pas les changements qui sont nécessaires de l'avis de tous ceux que j'ai cités tantôt.

Si on voulait m'accuser d'être partisan, M. le Président, on me dirait sûrement: Ferme-toi, n'en parle pas parce que, effectivement, si c'est vrai que les anglophones et les membres des communautés minoritaires votent massivement pour le Parti libéral parce qu'ils ne se sentent pas chez eux dans le Parti québécois, on n'aurait pas avantage, nous de l'Opposition, présentement, à deux ans d'une élection, d'insister pour que le gouvernement s'amende, fasse des amendements, mais on le fait par souci de justice à l'égard de tous les Québécois. Si le ministre - je ne compte pas trop sur le député de Bourassa pour amener le gouvernement à voir clair - ne réussit pas dans sa démarche, que je vais encore - là, je vous avoue que je vais un peu loin - considérer sincère de sa part, je

me dis: On va lui donner une dernière chance, on va espérer que, plutôt que d'attendre à l'automne pour noyer le poisson et retarder l'échéance le plus possible, il va peut-être considérer la possibilité de tenir sa commission parlementaire avant l'automne, au cours de l'été au plus tard, même dans les prochaines semaines, si c'était possible. S'il devait se rendre à une telle demande, je retirerais ma question préliminaire, à savoir: Est-ce que l'ouverture d'esprit du ministre est aussi grande qu'on le croyait?

Je vous avoue franchement que, si on continue à nous remettre du printemps à l'automne et de l'automne au printemps l'annonce des modifications, non pas de l'abrogation de la loi 101... Il n'y a personne qui parle de cela, je veux que ce soit bien clair. On a tenté, à l'Assemblée nationale, tant le premier ministre que le ministre actuel, de faire percevoir nos questions comme étant un voeu de notre part de faire abolir, tout simplement, la loi 101. Il n'en est pas question. Je vous invite à lire le programme du Parti libéral du Québec pour l'élection de 1981, qui a été entériné à un conseil général en janvier 1982. Il n'est pas question de la part de quiconque, même pas d'Alliance-Québec, de dire: On veut l'abrogation pure et simple de la loi 101; on veut, tout simplement, que ce que le ministre lui-même a qualifié d'excès et d'erreurs qui sont contenus dans cette loi 101 soit corrigé avant que les effets négatifs tant sur l'économie que sur le plan des injustices qu'on crée à certains groupes d'individus se propagent indéfiniment.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Gatineau. M. le député de Deux-Montagnes.

M. Pierre de Bellefeuille

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je pense qu'il n'est pas interdit en commission de faire des observations ou de poser des questions sur la politique du ministère dont il s'agit. C'est ce que je vais m'efforcer de faire, mais peut-être en raccrochant mes propos à cette remarque du ministre à laquelle on a fait allusion, où il était question de notre odeur. Je ne sais pas très bien de l'odeur de qui il s'agit. Le député de Notre-Dame-de-Grâce a aussi parlé de son odeur. Derrière ce festival d'odeurs, il est question de migrations interprovinciales. C'est de cela qu'il s'agit, il me semble, de citoyens d'une province qui vont vivre dans une autre province.

J'aimerais demander au ministre s'il pourrait faire le point sur...

M. Laplante: Je m'excuse, il s'agit... Le Président (M. Blouin): M. le député de Bourassa, est-ce une question de règlement?

M. Laplante: C'est qu'en vertu de l'article 96 ou 100, avant de procéder à la période des questions à la fin des remarques préliminaires, je voudrais faire une mise au point sur les déclarations des députés de Gatineau et de Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Bourassa, je souhaiterais que, tout en respectant le principe de l'alternance, nous terminions ce premier tour de table. Vous étiez le prochain.

M. Laplante: C'est parce qu'on commence une période de questions actuellement.

Le Président (M. Blouin): Je vous permettrai de vous exprimer de la façon que vous le souhaitez, mais je souhaiterais davantage qu'on termine le premier tour de table...

M. Laplante: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): ...pour éviter que les débats ne s'éternisent sur ce sujet brûlant.

M. Gratton: Si cela pouvait aider, on va donner notre consentement au député de Bourassa. Je suis sûr qu'il y a certaines choses qu'il a dites plus tôt qu'il voudrait retirer. Je pense qu'il devrait le faire tout de suite.

Le Président (M. Blouin): Je crois que, pour la bonne marche de nos travaux, nous permettrons au député de Bourassa de s'exprimer à loisir dès que le député de Deux-Montagnes et que le député de Sainte-Anne auront fait de même. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. J'aurais volontiers cédé mon tour, pour le moment, au député de Bourassa, mais je m'en remets à votre sagesse bien connue. Donc, j'aimerais que le ministre nous éclaire, nous informe sur cette question des migrations interprovinciales. Est-ce qu'il a des renseignements sur l'évolution de ces migrations au cours des années? Je pense que, dans la documentation qui a été préparée, il y a certains renseignements. Le ministre voudra peut-être nous les présenter, les commenter. Il y a un aspect particulier des migrations interprovinciales auquel, quant à moi, je m'intéresse: ce sont les migrations de francophones venus d'autres provinces du Canada et qui s'établissent au Québec, à savoir si ce type de migration a eu tendance au cours des ans à augmenter ou à diminuer,

puisque le résultat net, c'est la soustraction de la migration dans un sens à la migration dans l'autre sens, car il y a aussi des Québécois francophones, on peut le supposer, qui ont quitté le Québec au cours des années. C'est un tableau de l'état de ces questions que j'aimerais que le ministre nous présente.

M. Scowen: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député.

M. Scowen: Je veux seulement mentionner que le ministre lui-même a passé à travers tous ces chiffres en détail dans ses commentaires préliminaires. On n'était pas d'accord avec tout ce qu'il a dit, mais il a répondu effectivement à la question.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît! Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une question de règlement. Si le député veut revenir sur certains éléments qu'a évoqués le ministre, c'est son droit le plus strict. Je demanderais au ministre de répondre à la question.

M. Scowen: Je comprends. Mais si on veut faire perdre du temps à la commission en répétant exactement les chiffres qui ont déjà été donnés par le ministre.

Le Président (M. Blouin): II n'y a rien qui interdit cela, M. le député.

M. Scowen: D'accord!

M. Godin: M. le Président, le député de Deux-Montagnes était peut-être pris ailleurs au moment où j'ai fait mes remarques préliminaires, mais les chiffres qu'il me prie d'évoquer, je les ai livrés tout à l'heure. S'il y tient, je pourrai les répéter, mais je préférerais qu'on se les échange privément. Ce que je peux vous dire, c'est que le nombre d'anglophones qui ont quitté a augmenté; que le nombre de francophones des autres provinces qui sont entrés au Québec a augmenté. J'ai des chiffres plus précis que je vous donnerai privément.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.

M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Je veux remercier le ministre de la bonne considération qu'il a donnée à ma question. Ce à quoi je voudrais en venir, c'est évoquer la possibilité que le gouvernement du Québec cherche à exercer une certaine influence sur ces migrations dans le sens de favoriser et de stimuler les migrations depuis les autres provinces vers le

Québec. Puisque nous avons maintenant un taux de croissance très faible, un taux de croissance naturel négatif, si je ne me trompe pas, et que nous avons un programme d'immigration qu'il y aurait lieu à plusieurs égards d'intensifier, il me semble qu'on devrait songer à chercher à exercer une influence sur les migrations depuis les autres provinces vers le Québec. Autrement dit, faire du recrutement et de la publicité pour encourager les Canadiens des autres provinces à venir habiter au Québec, en y apportant, évidemment, comme c'est souvent le cas pour tous les immigrants, leurs ressources personnelles et financières.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, il n'est pas question pour l'instant que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration du Québec applique une telle politique de rapatriement, au fond, de ce qu'on pourrait appeler par analogie les membres de la diaspora francophone hors Québec. Par ailleurs, ce que nous constatons, c'est que le principal facteur qui a amené des francophones hors Québec à venir ou à revenir au Québec, c'est précisément la loi 101, d'une part, et, d'autre part, la découverte par ces personnes que le seul endroit en Amérique du Nord où elles peuvent gagner leur vie en français, c'est bien le Québec. Ce n'est pas ailleurs, parce que c'est seulement au Québec que le français est la langue des emplois, ce que les Italiens appellent "la lingua del pane". Dans le reste du Canada - je le déplore, remarquez bien - malgré les efforts verbaux de M. Bill Davis, de l'Ontario, qui donne beaucoup plus de leçons au Québec que le Québec ne lui en donne, bien que la position relative des francophones en Ontario soit infiniment plus triste et déplorable que celle des anglophones ici, malgré tout, nous constatons, et ce sont des francophones qui me l'ont dit, en Saskatchewan, en Colombie britannique, en Alberta, en Ontario, que le français est pour eux la langue d'après et d'avant le 9 à 5. C'est la langue qu'on parle la nuit. C'est une langue qui n'a pas accès au jour dans ces provinces. (12 heures)

C'est la raison pour laquelle point n'est besoin de faire de campagne de recrutement intensive. Cela saute aux yeux qu'une langue, pour être la langue des emplois et du travail, doit être ce que le sociolinguiste, Joshua Fishman appelle "the language of wider communication", la langue la plus utilisée. Il n'y a qu'un coin en Amérique du Nord où le français est le LWC. Partout ailleurs, c'est le LLC, le "language of lesser communication", c'est-à-dire la langue du coeur, la langue qu'on parle à la maison, au

petit déjeuner, au souper ou la nuit, mais pas le jour, parce qu'on ne peut pas gagner sa vie en parlant français, sauf peut-être une poignée de quelques centaines de postes à Radio-Canada dans les Prairies ou dans les associations canadiennes-françaises fransaskoises ou francomanitobaines, mais il n'y a pas d'emplois à proprement dire pour les francophones hors Québec, ni pour leurs enfants. C'est pour cela qu'ils vivent le drame - qui explique le fort taux d'assimilation dont sont l'objet les Canadiens français hors Québec - des parents dans ces provinces, qui est: Est-ce que j'envoie mes enfants à l'école française, étant, par là, fidèle à mes racines, ou si je les envoie à l'école anglaise, étant, par là, infidèle à mes racines, sachant très bien que, si je les envoie à l'école française, je les condamne au chômage? Là où il y a des écoles, ce qui n'est pas le cas partout; et là où il y en a elles ne sont nullement, comme au Québec, la responsabilité de commissions scolaires et de commissaires francophones, mais de commissaires et de commissions scolaires anglophones qui condescendent à l'occasion à faire quelques cadeaux du prince à ces minorités. Donc, je pense que ces facteurs étant ce qu'ils sont, point n'est pas besoin de faire une campagne de recrutement intensive. Les faits sont nos meilleurs alliés.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Je souhaiterais, puisque nous avons convenu de terminer nos travaux vers 12 h 15, que nous puissions épuiser la liste des intervenants rapidement afin d'entamer de façon plus directe l'étude des crédits lorsque nous reviendrons après la période des questions.

Rapidement, M. le député de Sainte-Anne, s'il vous plaît.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Oui, M. le Président. J'ai juste trois courtes questions. Pendant l'heure du lunch, le ministre, avec ses assistants, pourra étudier cela et nous donner la réponse. Ce sont les questions suivantes. La première fois qu'on a fait l'étude des crédits avant l'élection de 1981, je me rappelle que j'avais demandé au ministre - on parle maintenant de communautés culturelles: -Est-ce que vous considérez les anglophones comme faisant partie des communautés culturelles? Vous aviez répondu à ce moment: C'est un peu difficile, parce que les Grecs, les Italiens, etc., et même les Hollandais comme moi... Vous avez parlé, je me le rappelle, de faire une contribution aux Irlandais pour leur parade, mais vous n'êtes pas allé jusqu'à dire que les anglophones faisaient partie des communautés culturelles. Nous sommes maintenant en 1983. Votre pensée s'est développée plutôt dans cette direction et vous commencez à considérer les anglophones ou la communauté anglophone comme faisant partie des communautés culturelles. Je note qu'il y a une aide financière de 43 800 $ aux anglophones. J'aimerais avoir des éclaircissements là-dessus, parce que je pense que la communauté anglophone "at large" n'aimerait pas se voir traitée ou considérée comme faisant partie des communautés culturelles. C'est une question.

Ma deuxième question, c'est que j'ai toujours considéré que le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration ne fonctionne pas dans le vide et que, tout de même, il doit essayer d'influencer d'autres ministères, surtout dans les programmes qui se touchent. Je vais donner un exemple. J'ai écrit, c'était au mois de décembre 1982, au premier ministre - j'en ai envoyé une copie au ministre de l'Immigration - concernant la nomination de quelqu'un comme membre du Conseil supérieur de l'éducation. À cette époque, il y avait énormément de demandes de la part du conseil catholique d'expression anglaise pour nommer un représentant de la communauté catholique d'expression anglaise, parce que, autrement, elle n'aurait aucun représentant dans cet organisme qui, tout de même, a l'importante tâche de conseiller le ministre de l'Éducation. J'ai reçu une réponse du premier ministre. J'ai reçu une réponse de vous, M. le ministre, disant ceci: "J'ai lu avec intérêt votre lettre concernant la nomination de M. William Bedwell..."

Je critiquais la nomination de M. Bedwell, non pas M. Bedwell comme tel; je ne le connais pas, sauf que je pense qu'il était candidat péquiste, mais cela n'a rien à voir. Vous m'avez répondu: "Je prends bonne note de vos commentaires et je vous invite à le faire de nouveau chaque fois que vous le jugerez nécessaire". Qu'est-ce que cela veut dire? J'ai tout de même soulevé un problème très important et j'aimerais avoir une réponse du ministre de l'Immigration. Je pense que, vu qu'il s'agit, justement, de représenter toutes ces minorités, c'est lui qui devrait vraiment prendre l'initiative auprès d'autres ministères, auprès de votre collègue, le premier ministre, pour dire: J'insiste pour qu'il y ait un représentant de la communauté anglophone catholique qui soit nommé. En tout cas, j'aimerais avoir un commentaire avant qu'on termine là-dessus.

Un dernier dossier, M. le Président, très rapidement. Il s'agit du dossier des étudiants étrangers. Encore ici, il s'agit d'un dossier qui touche votre ministère parce que ce qui est arrivé, c'est que - je n'ai rien à cacher là-dedans - je connais très bien quelques gérants généraux de lignes aériennes internationales qui ont leur siège social à Montréal. Ce sont de très grandes compagnies qui créent beaucoup d'emplois et

qui ont encore leur siège social à Montréal.

Ces gens ne sont pas des immigrants reçus, mais ils paient leurs impôts à Québec et au fédéral. Ils sont à tous points de vue traités comme des résidents, des citoyens. Ce ne sont pas des gens qui ont un statut spécial. Ils paient leurs impôts au fédéral et au provincial comme tout le monde. Cependant, lorsqu'il s'agit des frais de scolarité pour leurs enfants... J'ai un cas ici où j'ai écrit au ministre Laurin - copie de la lettre vous a été envoyée, M. le ministre -au début de décembre 1982. C'était le cas d'une fille d'un de ces gérants qui doit payer des frais de scolarité de 1000 $ par année parce qu'elle est traitée et vue comme quelqu'un de l'étranger.

Disons, par exemple, que quelqu'un de Hong Kong envoie ses enfants étudier à Québec. Je comprends et je suis tout à fait d'accord qu'un tel monsieur ou une telle étudiante paie des frais de scolarité, qu'il n'y ait aucune subvention de la bourse publique vis-à-vis de ces enfants. Mais ici, il s'agit d'une catégorie de gens qui ne sont pas de l'étranger, qui sont ici, travaillent ici, paient leurs impôts ici, ont un très grand poste d'influence. Ces gens vont dire, à un moment donné: Écoute, je pense qu'avec tous les autres arguments qui existent on est peut-être mieux de déménager notre siège social à Toronto et de ne pas rester à Montréal.

M. Godin: Encore. M. Scowen doit ajouter cela à sa liste.

M. Polak: Non parce que je parle d'un cas particulier où tout de même... Parce que ce sont des gens qui soumettent un rapport. Un tel monsieur, à un moment donné est appelé par son siège social en Europe - ce sont de très grandes lignes aériennes internationales - à donner un rapport sur la situation québécoise. Comment pensez-vous que ce monsieur réagit quand il doit payer 1000 $ par enfant en frais de scolarité? J'ai la preuve ici. J'ai écrit au Dr Laurin et je dois comprendre qu'il y a une sorte de comité interministériel qui s'occupe de cela et que maintenant on est en train d'étudier les frais de scolarité pour la prochaine session qui va commencer en septembre, mais je pense que la réunion aura lieu au mois de mai. Je vous suggère fortement, M. le ministre... Je vais être positif, je ne suis pas là pour critiquer; je suis là pour faire quelque chose pour le bien de tout le monde.

M. Godin: Cela nous change de vos collègues.

M. Polak: Excusez-moi, je voudrais simplement demander au ministre qu'il prenne note de ce dossier parce que c'est un dossier très important. Ces étudiants, il s'agit seulement d'une petite catégorie. Cela comprend des compagnies allemandes. Il y a de très grandes compagnies industrielles allemandes dont le siège social est au Québec et qui rencontrent le même problème. Qu'on regarde donc cela et que, pour peut-être 25 cas de grands industriels, on ne les traite pas comme, par exemple, quelqu'un de Hong Kong ou de Chine qui ferait étudier son enfant au Québec. Je suis tout à fait d'accord qu'on paie des frais de scolarité, mais qu'une exception soit faite pour eux, c'est possible et c'est très important. Si, encore une fois, ici, on a une attitude négative, à un moment donné on va perdre ces gens, ainsi que leurs compagnies. Ce sont les trois petits problèmes que j'ai soulevés pour avoir une réponse plus tard.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Sainte-Anne. M. le ministre.

Réplique du ministre

M. Godin: J'ai une réponse prête, je peux répondre à tout cela maintenant, si vous êtes d'accord.

M. Polak: Ah! Parfait. M. Godin: Alors...

M. Polak: Mais de temps en temps, M. le ministre, quand vous répondez trop vite, c'est négatif. C'est peut-être mieux de prendre votre temps et de revenir à 15 heures avec une bonne nouvelle.

Le Président (M. Blouin): La parole est au ministre.

M. Godin: M. le Président, à la première question, j'avais dit, l'an dernier, que, si les anglophones, les organismes ou les associations, les conseils anglophones demandent de bénéficier des programmes gouvernementaux qui relèvent de mon ministère, libre à eux de venir, mais qu'à ce moment on les considérerait au même titre que les autres. C'est ainsi que, depuis quelques années, mon ministère subventionne la fête de la Saint-Patrice des Irlandais à Montréal. D'ailleurs, dans le village de Saint-Malachie, dans le comté de Bellechasse, si je ne me trompe, nous avons également donné un coup de main financier aux Écossais pour organiser un concours de danses écossaises qui regroupait les troupes de l'ensemble du Canada. Également, malgré qu'Alliance-Québec reçoive 500 000 $ de subventions du fédéral - c'est, à mon avis, l'association la plus subventionnée au monde; en tout cas à Québec - il semble que ce ne soit pas assez et elle se prévaut des programmes gouvernementaux de mon ministère. Nous lui donnons un coup de main aussi, c'est certain.

Par ailleurs, je répondrai à votre question plus à fond. La communauté anglaise du Québec est à la fois une communauté culturelle, si elle le désire, et le partenaire historique de la majorité française du Québec. Les deux communautés ont bâti ensemble ce qui est le Québec moderne. Nous souhaitons continuer à le faire. Cette communauté dispose au Québec de ce que j'appellerais un "social beehive" -pour employer un anglicisme - c'est-à-dire un ensemble d'institutions qui constituent une société: postes de radio, musées, bibliothèques, universités, postes de télévision, hôpitaux, services sociaux. Nommez tout ce qui existe dans un pays comme attributs d'un peuple, les Anglais l'ont au Québec. À ce titre, c'est une communauté culturelle, oui, mais avec une plus-value qui lui vient de la profondeur de ses racines au Québec et du fait que c'est ensemble qu'on a construit cet État québécois.

Quant à votre deuxième question dans laquelle vous avez cité une de mes lettres, il y a eu une rencontre la semaine dernière entre MM. René Lévesque, premier ministre du Québec, Camille Laurin, ministre de l'Éducation, ainsi que moi-même et le conseil catholique d'expression anglaise. M. Laurin leur a annoncé à cette occasion que la question que vous me posiez et qui était posée à M. Lévesque allait être résolue lors de la prochaine ronde de nominations au Conseil supérieur de l'éducation, qui devrait avoir lieu dans quelques mois.

Quant à la question des étudiants étrangers, s'ils viennent ici comme étudiants, ils ne viennent pas ici comme immigrants reçus. Par conséquent, il n'y a pas de permis de travail pour eux. Toutefois, s'il y avait ententes - le ministère de l'Éducation est disposé à signer de telles ententes - entre pays pour que, par exemple, les étudiants québécois étant étudiants en Allemagne puissent y travailler, les étudiants allemands étudiant au Québec pourraient également y travailler. Donc, il appartient à ces étudiants allemands d'origine, ou néerlandais ou de quelque autre pays que ce soit, de saisir leur député - je ne sais si cela existe dans tous les pays dont les étudiants viennent au Québec - de prier leur gouvernement de signer des ententes avec le ministère de l'Éducation du Québec de manière qu'il y ait un échange de permis de travail. Il y aurait dix permis de travail émis par le gouvernement allemand à des étudiants québécois étudiant en Allemagne en échange de dix permis de travail émis à des étudiants allemands étudiant au Québec. Nous sommes tout à fait disposés à régler cette question entre ministères de l'Éducation de différents pays.

Malheureusement, je dois déplorer que de telles ententes n'existent pas pour l'instant, mais le ministère de l'Éducation, d'après mes renseignements, serait disposé à en signer, au même titre que nous en avons dans le domaine des échanges de frais de scolarité. Dans certains pays, les frais de scolarité payés par les pays s'appliquent à leurs étudiants ici et, à l'inverse, les frais de scolarité payés par le Québec à ses étudiants allant étudier dans un autre pays. Il y a simplement un échange d'étudiants entre pays. Je pense qu'il existe déjà une quinzaine d'ententes de ce genre entre pays ou entre universités. L'Université Laval, l'Université McGill ont des ententes avec Yale, à ma connaissance, avec Smith College, avec l'Université du Massachusetts, enfin avec une quinzaine d'universités américaines et de collèges américains. Rien n'empêche de les poursuivre et de les étendre à la question que vous posez des permis de travail temporaires pour les étudiants étrangers ici.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.

M. Polak: M. le Président, j'aurais seulement une question. Je ne voudrais pas prendre le ministre par surprise, mais ce n'est pas le problème d'embaucher, ce n'est pas une question de permis. C'est une question de frais de scolarité. J'ai tous les détails. Je suis peut-être mieux de laisser...

M. Godin: Pour les frais de scolarité, M. le député, je vous répondrai - même si ce n'est pas de mon ressort à proprement parler - que quand il y a des entendes signées entre le ministère de l'Éducation du Québec et le ministère de l'Éducation d'un autre pays, il n'y a pas de frais de scolarité. De telles ententes existent, à ma connaissance, entre au moins vingt pays et le Québec. Les frais de scolarité payés par les étudiants étrangers de ces pays sont les mêmes que ceux payés par les Québécois. Est-ce que cela répond à votre question, M. le député? (12 h 15)

M. Polak: Non, parce que cela, ce sont des cas d'étudiants dont les parents demeurent à l'étranger. La catégorie dont je parle, il s'agit peut-être de 25 chefs d'industries. Ce sont ces gens qui sont au Québec et qui travaillent au Québec. Le gérant général d'Alitalia a son bureau à Montréal. Il a une centaine d'employés. C'est un très grand bureau. Lui, c'est un de ces cas-là. Il est à Montréal, il paie son impôt à la province de Québec, il paie son impôt au gouvernement fédéral. Il n'est pas un immigrant reçu, parce qu'il ne peut pas l'être. Il a un visa temporaire parce que la règle de son pays ne permet pas qu'il devienne citoyen d'un autre pays. Lui, par exemple, a un de ces enfants-là, il est pénalisé.

M. Godin: Je pense que la question de M. le député de Sainte-Anne, M. le Président, devrait être posée à mon collègue du ministère de l'Éducation.

M. Polak: Oui. Avec votre concours.

M. Godin: Je suis tout à fait d'accord avec vous. J'appuierais cette demande, mais dans la même foulée que, les ententes existant déjà entre plusieurs pays ou plusieurs universités, je pense qu'on pourrait avoir une politique du même ordre pour ces personnes dont vous parlez.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Très rapidement, avant d'ajourner nos travaux.

M. Gratton: J'ai demandé la parole.

Le Président (M. Blouin): Oui, le député de Gatineau a demandé la parole sur une question de procédure. Ensuite, nous allons ajourner nos travaux jusqu'à cet après-midi après la période des questions. Dès notre retour, comme convenu, le député de Bourassa aura la parole. Alors, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: En supposant que le député de Bourassa soit le dernier ou un des derniers à faire des remarques préliminaires, pourrais-je savoir si on ne pourrait pas, en revenant cet après-midi, aborder l'étude des crédits, à partir des programmes dans l'ordre où ils sont dans le cahier, de façon qu'on puisse avoir...

M. Godin: Aucun problème.

M. Laplante: Les remarques préliminaires dureraient encore environ une minute à une minute et demie. Si vous voulez finir tout de suite, il n'y a pas de problème.

M. Gratton: Vos remarques préliminaires m'inspirent quelquefois des répliques que j'aimerais mieux faire après.

M. Laplante: Justement, elle va vous en inspirer une bonne, celle-là, à part cela, M. le député.

M. Gratton: On va attendre à cet après-midi, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Alors, M. le député de Bourassa, au retour, pour une brève expression d'opinion, vous aurez la parole. Ensuite, le député de Notre-Dame-de-Grâce aura aussi l'occasion de s'exprimer succinctement, M. le ministre également...

M. Godin: Est-ce qu'on peut laisser nos documents ici, M. le Président?

Le Président (M. Blouin): Oui, on va les surveiller. Sur ce, la commission des communautés culturelles et de l'immigration ajourne ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

(Reprise de la séance à 15 h 42)

Le Président (M. Blouin): Messieurs les membres de la commission, je déclare ouverte cette séance de la commission des communautés culturelles et de l'immigration. Le mandat de cette commission est d'étudier les crédits budgétaires du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration pour l'année financière 1983-1984.

Les membres de cette commission sont: MM. Cusano (Viau), Dean (Prévost), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Fallu (Groulx), Godin (Mercier), Gratton (Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Laplante (Bourassa), Leduc (Fabre), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Sirros (Laurier).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Bissonnet (Jeanne-Mance), Brouillet (Chauveau), Dupré (Saint-Hyacinthe), Gauthier (Roberval), Maciocia (Viger), Martel (Richelieu), Polak (Sainte-Anne), Vaillancourt (Orford), Vaugeois (Trois-Rivières).

Lors de l'ajournement de nos travaux, nous nous étions entendus pour que deux députés et le ministre prennent la parole le plus succinctement possible pour que nous terminions nos commentaires préliminaires afin de nous attaquer plus spécifiquement à l'étude des crédits. Alors, succinctement, s'il vous plaît. M. le député de Bourassa, vous avez la parole.

M. Laplante: Merci, M. le Président. Le député de Gatineau fait une affirmation avec toute la démagogie dont il est capable de faire preuve dans une commission parlementaire ou ailleurs, en essayant de me mettre des mots dans la bouche, où je dirais que les anglophones ne sont pas des Québécois. Je n'ai jamais fait une telle déclaration. Au contraire, partout où j'ai passé, à l'Assemblée nationale, j'ai toujours dit que l'anglophone était québécois à part entière, que le Québec lui appartenait autant qu'il pouvait m'appartenir. Maintenant, le député de Gatineau n'a pas répondu à une question que j'ai posée sur l'assimilation, par le Parti libéral, des communautés culturelles au milieu anglophone. Je l'ai accusé de cela. Je le répète encore. Je n'ai pas eu de réponse là-dessus. Cela m'a tout l'air que ce serait la vérité proprement dite. Maintenant, il a aussi posé la question, à savoir: Pourquoi les anglophones des communautés culturelles ne votent-ils pas pour le Parti québécois? La

réponse est simple à donner. Il faut savoir ce qui se passe dans une campagne électorale par le tordage de bras, les téléphones. On pourrait faire un bon débat politique là-dessus. Vous verriez ce qui se passe dans ces communautés...

M. Gratton: Est-ce qu'on commence tout de suite?

M. Laplante: ...avec le Parti libéral, sur l'orientation du vote des groupes ethniques. Il y a une question que je peux lui poser aussi: Pourquoi les francophones ne votent-ils pas pour le Parti libéral? Je pense que c'est important pour nous aussi.

M. Gratton: On ne doit pas leur tordre assez les bras, je suppose. Je ne sais pas.

M. Laplante: Vous pouvez vous réjouir d'être un parti anglophone au Québec. Cela ne regarde que vous. Maintenant, il y a des chiffres révélateurs qui pourront être donnés cet après-midi à la période des questions. Vous vous inquiétez beaucoup aussi de la langue de travail en milieu francophone. Vous allez avoir des chiffres qui sont révélateurs cet après-midi quant à l'objet principal de la loi 101 comme langue du travail. Vous allez voir le cheminement qu'on vous donnera cet après-midi sur la loi 101 dans le milieu du travail. Lorsque vous parlez d'Alliance-Québec et qu'on se refuse à toucher, justement, au point fondamental, les travailleurs du Québec en milieu de travail, vous allez voir ce que la loi 101 a donné là-dessus. Après, vous pourrez parler de la francisation, du chemin qu'il nous reste à faire. Vous allez le trouver encore long, très long, d'après les chiffres qu'on vous donnera cet après-midi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Bourassa. Effectivement, votre intervention a été succincte. Je donne maintenant la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce, qui l'avait demandée. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Je voulais faire une mise au point très succincte. Le député de Deux-Montagnes, qui n'est pas ici cet après-midi, a posé des questions ce matin concernant les chiffres de l'immigration depuis quelques années. Le ministre a fait le point là-dessus dans son discours et, parce que c'est un élément important, semble-t-il, du côté ministériel, je veux simplement faire une mise au point. On a cité quelques chiffres qui, selon moi, ne sont pas exacts.

D'après Statistique Canada - ce ne sera pas long, M. le Président; on parle de périodes de cinq ans, de 1971 à 1976 et de 1976 à 1981 - la perte nette interprovinciale des anglophones est passée de 50 040 à 106 310, soit une augmentation d'environ 100%. Pour les personnes qui ne sont ni anglophones ni francophones, cette perte nette est passée de 5455 à 17 350. Donc, pour ces personnes qui ne sont ni anglophones ni francophones, la perte nette constitue une augmentation d'environ 250%. Pour les francophones, pendant cette même période, si vous ajoutez tous ceux qui sont venus de Saskatchewan et d'Ontario et si vous soustrayez tous ceux qui sont partis, la perte nette - parce qu'il y a une perte pour les deux périodes - est passée de 3880 à 18 060. Donc, une augmentation d'environ 450%.

En termes de pourcentage, le groupe qui a le plus quitté le Québec pendant la période de l'application de la loi 101, si vous voulez, pendant le régime péquiste, ce sont les francophones. Je soumets ces chiffres parce que le ministre en a d'autres. Je connais les sources des chiffres du ministre. Ils étaient récemment cités dans les journaux, dans un article de M. Castonguay, de l'Université d'Ottawa. Ce ne sont pas les mêmes que les miens parce que - et on le sait - il existe un certain nombre de personnes sur ces listes qui, en sortant ou en arrivant, ne s'identifie pas comme anglophone, francophone ou autre. Certains démographes ont essayé d'attribuer, selon leur façon à eux, ces personnes non identifiées à trois groupes. Ils ont le droit de le faire, je ne le nie pas. Mais les chiffres que j'ai cités sont des chiffres précis, fournis par Statistique Canada, d'après les recensements. En conclusion, ils démontrent que la perte, pour le groupe anglophone, est passée de 50 000 à 100 000.

Il y en a qui vont dire que ce n'est pas important. D'autres diront que c'est très important, mais, quand même, il y a le chiffre de 50 000 personnes qui se disaient anglophones. Le nombre de francophones est passé d'environ 4000 à 18 000 comme perte nette pendant cette même période. C'est aussi dans le journal des Débats. On peut poursuivre le débat sur les chiffres si le ministre le veut, sur ceux qu'il nous a fournis ce matin et sur les miens cet après-midi pendant l'étude article par article, s'il le désire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le ministre, rapidement, s'il vous plaît.

M. Godin: Ce sont les mêmes chiffres que nous avons, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je pense qu'il n'y aura pas de discussion là-dessus. Par ailleurs, puisque votre collègue de Gatineau a cité Mme Lysiane Gagnon et que sa citation apparaîtra au journal des Débats, j'aimerais bien corriger les faussetés qu'elle a écrites.

D'abord, elle dit qu'il n'y avait pas de représentants des ministères importants au congrès de fondation d'Alliance-Québec. C'est faux. Il y avait le vice-président de l'Office de la langue française. Elle l'a mentionné. Il y avait également un représentant de notre ministère qui était là aussi. Elle ne l'a pas mentionné. D'autre part, elle a dit que j'étais là seulement pour le dîner et comme orateur invité. C'est faux. J'ai passé plusieurs heures à ce congrès et j'ai été invité à me joindre à la table d'honneur, mais pas comme orateur. C'était M. Maldoff qui était l'orateur. Donc, je voudrais corriger ces faussetés.

D'autre part, un autre commentaire. Le député de Notre-Dame-de-Grâce a affirmé que les communautés culturelles votaient pour le Parti libéral. Je pense que c'est un fait, mais je dois dire que ce n'est pas notre seule préoccupation à nous et qu'on n'a jamais posé de questions aux gens, leur demandant pour qui ils votaient. On maintient leur culture, qu'ils soient rouges, péquistes, cailles, créditistes, unionistes, Pasok. Cela n'a aucune importance. On ne pose pas de questions. On ne fait pas de prises de sang. On donne des subventions aux communautés culturelles sur la valeur et la qualité des projets qu'elles nous soumettent, point final.

M. Gratton: Nonobstant les listes.

M. Godin: Les listes? Je peux déposer, M. le député de Gatineau, sachant que vous évoqueriez cela, un rapport fait par la Commission des droits de la personne du Québec qui montre précisément que, si vous comparez les notes sur l'appartenance à un parti aux noms qui sont dans la liste et les subventions attribuées, vous constaterez que ceux qui sont classés comme péquistes en ont eu moins que ceux qui sont classés comme libéraux, ce qui confirmerait bien que nous sommes absolument naïfs en ce domaine, contrairement à vous, peut-être. Ce ne sont pas des critères que nous utilisons.

Quant à Alliance-Québec, puisque cet organisme a été cité à plusieurs reprises, je peux vous dire, premièrement, que le ministère le subventionne et, deuxièmement, qu'il y a eu au moins six rencontres entre Alliance-Québec et celui qui vous parle depuis deux ans. Il est consulté régulièrement sur les nominations qui peuvent être faites d'anglophones ou d'allophones au sein d'organismes gouvernementaux. J'ajoute que le conseil anglo-catholique du Québec a également été consulté et - je vous l'ai dit ce matin - il a été rencontré par M. le premier ministre René Lévesque, M. Camille Laurin, mon collègue de l'Éducation, et moi-même la semaine dernière. Donc, on peut dire que les relations avec la communauté anglaise, malgré que nous ayons des dialogues virulents à certaines occasions, est maintenu. Nous avons nos opinions et nos positions. Elle a les siennes et nous les respectons autant qu'elle nous respecte.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.

M. Godin: C'est tout ce que j'avais à dire, M. le Président, sur ce sujet.

Le Président (M. Blouin): Avant de remettre la parole au député de Gatineau, qui aura un bref commentaire à émettre avant que nous passions à l'étude du programme 1, je souhaiterais que nous discutions en même temps de tous les éléments du programme et que nous procédions ensuite, quand nous aurons terminé cette discussion, à l'adoption de ce programme en entier. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, d'abord, pour répondre à ce que vient de dire le ministre au sujet de la préoccupation de son ministère ou de son gouvernement vis-à-vis des communautés culturelles, à savoir qu'il n'est pas inspiré par des considérations partisanes, je dirai simplement que si c'était vrai avec le ministre actuel, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on peut se poser la question suivante: Pourquoi cette fameuse liste noire dont on a révélé l'existence, il y a quelques mois, contenait-elle autant de notations sur les affiliations politiques, sur les affiliations sur le plan constitutionnel des personnes et des groupes qui oeuvrent dans les communautés culturelles? Je ne prête d'intentions à personne, mais je dirai tout simplement que, lorsque le ministre dit: Nous ne nous préoccupons pas, nous non plus, des communautés culturelles à des fins partisanes, je voudrais bien que ce soit clair que, si c'est vrai pour le Parti québécois, cela l'est d'autant plus pour le Parti libéral, parce que, que je sache, on n'a jamais dressé de liste quelconque, nous.

M. Godin: Que vous sachiez. M. Gratton: Pardon?

M. Godin: Que je sache, comme on dit, mais il y a peut-être des choses que vous ne savez pas.

M. Gratton: II y a sûrement des choses que je ne sais pas dans le ministère, mais on va essayer de poser des questions pour les savoir.

Le Président (M, Blouin): M. le député de Gatineau, avant que nous entamions, comme convenu, l'étude des crédits, le ministre aurait un court commentaire à vous

adresser à ce sujet précis.

M. Godin: Quant à cette liste, je vous réfère encore une fois à l'analyse, à l'enquête très poussée, très fouillée faite par la Commission des droits de la personne, un organisme respectable, qui a confirmé que cette liste n'a jamais été utilisée par le ministère, ni sous mon prédécesseur ni sous moi. Cette liste existe. Elle n'existait plus après sa divulgation par le Toronto Star, je pense. Elle a été ressuscitée par la Gazette. On a pu se rendre compte, d'après les renseignements qui viennent des chiffres mêmes du ministère, qui sont aux comptes publics, que cette liste n'a jamais été utilisée. Donc, elle existe, oui, mais le danger eût été qu'elle eût été utilisée. Comme elle ne l'a pas été, en ce qui me concerne, la cause est entendue. Non, je vous affirme qu'elle n'a pas été utilisée.

M. Gratton: Le premier ministre a déjà fait la même affirmation et, à un moment donné, il a été obligé effectivement de reconnaître que peut-être il avait été un peu imprudent en affirmant qu'elle n'avait jamais servi parce qu'il n'en connaissait pas l'existence avant. On y reviendra.

M. Godin: Maintenant que nous avons, M. le Président, le rapport de la Commission des droits de la personne, les chiffres qu'elle nous produit, je pense qu'on ne peut plus douter ni de la parole de M. Lévesque ni de la mienne sur cette question.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député de Gatineau, sur l'étude des crédits du programme 1.

Communautés culturelles et immigration

M. Gratton: De façon générale, on constate que le ministère est l'un de ceux qui ont vu diminuer leurs crédits pour 1983-1984. En fait, on peut noter une baisse de quelque 5,2% dans les crédits par rapport à ceux de l'an dernier. On note que c'est particulièrement le programme 2, celui touchant la Charte de la langue française, qui a été le plus touché avec une baisse de l'ordre de 8,8%, alors que le secteur immigration, pour sa part, connaît une diminution d'à peine 2% de ses crédits par rapport à l'an dernier. L'Opposition n'a aucune espèce d'objection à cet état de fait. Si, du côté du personnel...

M. Godin: M. le Président, si vous me le permettez...

Le Président (M. Blouin): Je souhaiterais, M. le ministre, que vous laissiez...

M. Godin: C'est parce que là on mélange, je dois dire, les oranges et les citrons. Nous aurons, tout à l'heure, les gens des quatre organismes reliés à la Charte de la langue française, qui sont ici. J'inciterais mon collègue à se limiter pour l'instant puisque je suis...

Le Président (M. Blouin): D'accord. Revenons donc au programme 1, celui des communautés culturelles et de l'immigration, et nous passerons ensuite au programme 2.

M. Gratton: J'y arrivais justement, M. le Président.

M. Godin: Si vous avez des questions sur les 2% à l'immigration, nous pourrons vous répondre dès maintenant.

M. Gratton: Non. Donc, aux Communautés culturelles et immigration, c'est-à-dire au programme 1, le secteur voit ses crédits diminués de 2%, soit de 24 562 100 $ qu'ils étaient en 1982-1983 à 24 073 100 $ cette année. Il faut noter que ce sont les éléments adaptation des immigrants, où il y a une baisse de 2,2%, et direction et gestion interne, où il y a une baisse de 5,3%, qui sont les plus touchés, alors que les autres éléments connaissent une légère augmentation. Dans ce programme comme dans la majorité des autres ministères, on constate une diminution des catégories traitements et autres rémunérations due à l'application des lois 70 et 105. Je le note en passant. En ce qui a trait aux effectifs, il y a une diminution du personnel de 2,7%. Ce sont surtout les employés occasionnels qui sont touchés puisqu'ils diminuent de 12,3%. Les employés permanents, pour leur part, sont majorés d'un. Je présume que le ministre est en mesure de confirmer ces affirmations. Je pense qu'il est important, pour les fins de la discussion, que ce soit inscrit au journal des Débats, c'est la seule raison pour laquelle je les cite.

M. Godin: Pas de problème. (16 heures)

M. Gratton: J'aurais eu le goût de poser des questions sur les listes noires, mais nous y reviendrons seulement si on a le temps après, parce qu'il y a d'autres sujets qui m'intéressent particulièrement.

M. Godin: Vous n'avez pas encore eu vos réponses M. le député?

M. Gratton: Non, pas à toutes mes questions.

M. Godin: Allez-y. Nous sommes là pour cela.

M. Gratton: Le jour viendra; si ce n'est pas aujourd'hui, ce sera plus tard.

M. Godin: Ne jouez pas les martyrs, les victimes ou les bâillonnés; nous sommes prêts à vous répondre; nous sommes ici pour cela.

M. Gratton: Voilà, mais je suis quand même libre de choisir les questions que je pose.

M. Godin: Alors, ne laissez pas entendre qu'on vous empêche de parler, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Non, non. Je dis simplement que j'y reviendrai personnellement, peut-être plus tard si le temps le permet. Je ne veux pas qu'on passe tout le temps de la commission là-dessus.

Quant à moi, venons-en aux promesses non tenues du gouvernement au sujet des immigrants. Le gouvernement du Québec rendait public, le 3 mars 1981 - comme par hasard, un mois avant les dernières élections - un plan d'action intitulé Autant de façons d'être Québécois. À ce moment, autant le premier ministre que le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration d'alors, M. Jacques-Yvan Morin, y allaient de promesses de toutes sortes à l'égard des Néo-Québécois. Dans le Soleil du 4 mars 1981, on relève, entre autres, que le gouvernement a l'intention, premièrement, d'embaucher des inspectrices issues de ces communautés afin de contrer l'exploitation des immigrants; deuxièmement, d'afficher, dans différentes langues et sur les lieux de travail, les lois et règlements concernant les normes minimales de travail; troisièmement, d'aider substantiellement les petites communautés anglophones isolées comme celle de la Basse-Côte-Nord.

Dans la Presse du 2 mars 1981, on notait les intentions suivantes du gouvernement - toujours en période électorale -: une politique d'accès égale à la fonction publique au profit des Québécois de diverses origines ethniques, ce qui englobe les services de santé et les services sociaux; un programme d'enseignement des langues et des sources ethniques, accès à la documentation gouvernementale dans sa propre langue pour pouvoir mieux se renseigner sur ses droits; embauche de différents immigrants à Communication-Québec où l'on est en contact direct avec la population, et, finalement, développement des centres communautaires au service des groupes ethniques du Québec.

Pour sa part, le Devoir du 2 mars 1981 mentionnait d'autres mesures énoncées par le premier ministre dont une assistance financière plus substantielle aux manifestations culturelles des groupes minoritaires; une campagne d'information destinée à rapprocher les citoyens de souche québécoise, des Néo-Québécois. Selon Angèle Dagenais du quotidien Le Devoir, 29 promesses en tout avaient été formulées et à peine six auraient été tenues.

La question que je pose au ministre, c'est: Quelles sont les intentions du ministre, au cours de la prochaine année, quant aux 23 autres promesses faites en 1981 et qu'il voudra sûrement respecter cette année?

M. Godin: Encore faudrait-il...

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Godin: ...que vous ayez la preuve qu'effectivement il n'y a que sept promesses sur 29 ou sur 26 qui ont été tenues. Je vous ai dit, ce matin, que le rapport du comité d'action, du CIPACC, sera publié le 28 avril. Dans la fin de semaine qui vient, le CIPACC rend son rapport public à l'occasion d'un colloque, et ce n'est qu'à ce moment que la population sera informée, le rapport ayant été déposé à la Chambre la veille. Par conséquent, d'ici la fin de semaine, vous aurez l'occasion de voir le portrait complet et je me sentirais en vilolation de la règle de la primauté du Parlement que de dévoiler ce que le rapport contient à cette commission avant qu'il soit déposé. Par ailleurs, je peux vous dire dès aujourd'hui ce que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration que je dirige a fait, quant à lui, dans le cadre des travaux du CIPACC. C'est à la note C dans votre cahier vert, M. le député de Gatineau, au chapitre Informations particulières. La collaboration entre le ministère et le CIPACC; la présence des communautés culturelles au sein de l'effectif du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration; les principales mesures déjà implantées au sein du ministère et les autres actions du ministère menées dans le cadre du plan d'action gouvernemental.

Donc, je n'ai pas l'intention de vous lire tout ce qui est dit ici, je vous en donne un bref résumé: "Le MCCI participe activement aux divers groupes de travail et comités ad hoc du Comité d'implantation du plan d'action; il délègue des représentants à chacun de ces comités en leur demandant de partager l'information et l'expertise qu'ils possèdent déjà à l'égard des communautés culturelles québécoises." Je poursuis: "Présence des communautés culturelles au sein de l'effectif du ministère. Nous en sommes à environ 18% des employés du ministère issus de cesdites communautés culturelles. Quant aux principales mesures déjà entamées au sein du ministère pour ce qui touche le recrutement, l'embauche et aussi l'accueil des employés en relation avec la clientèle, mentionnons que nous avons

obtenu une dérogation du Conseil du trésor afin de recruter du personnel occasionnel parmi les membres des communautés culturelles répondant aux besoins linguistiques du ministère. "Deuxièmement, aider le personnel occasionnel et permanent issu de cesdites communautés à se préparer aux examens de la fonction publique. "Troisièmement, assurer la présence au sein de chacune des unités de travail d'une représentation équilibrée de représentants desdites communautés, principalement pour les unités de travail desservant la clientèle."

Je poursuis. "Nous informons les étudiants des COFI du rôle de l'Office de recrutement de la fonction publique et des mécanismes de recrutement et de sélection de la fonction publique. Nous informons également les demandeurs d'emplois se présentant au service de la main-d'oeuvre du ministère du rôle de ce même office et des mêmes mécanismes. Nous avons mis sur pied des journées de sensibilisation afin de permettre au personnel du ministère d'être plus attentif aux particularités des communautés culturelles - en fin de compte, j'en ai parlé ce matin, nous avons un budget d'environ 60 000 $ là-dessus - d'offrir un service à la clientèle au ministère dans sa propre langue et de signer avec des services sociaux dans plusieurs quartiers de la ville de Montréal et dans plusieurs villes du Québec des ententes avec le ministère des Affaires sociales de manière que les clientèles puissent être servies dans leur langue: le portugais en particulier, le grec et d'autres langues minoritaires."

Il y a plusieurs autres actions concrètes que nous avons entamées et nous n'avons pas l'intention de freiner ou de ralentir ces services, au contraire. De toute façon, vous connaîtrez l'ensemble du tableau, M. le député de Gatineau, dans deux jours quand le CIPACC rendra public son rapport, le remettra et qu'il sera déposé à l'Assemblée nationale.

M. Gratton: Le déposerez-vous dès qu'il sera produit?

M. Godin: Dès que je le recevrai.

M. Gratton: D'accord. M. le Président, si on parle spécifiquement de l'accès à la fonction publique pour les personnes d'origine ethnique, l'an dernier, le ministre avait dit -et je cite le journal des Débats - que "malgré l'attrition de 2% dans la fonction publique, il reste que l'État québécois va engager cette année, dans une année très faible, très modeste en ce qui concerne la création d'emplois, entre 2500 et 3000 nouveaux fonctionnaires. C'est à même ces 2500 à 3000 nouveaux fonctionnaires que la politique, quand elle sera préparée par le

CIPACC et par la fonction publique, commencera à s'appliquer." C'était le 17 avril 1982.

Forcément, comme on le sait, le CIPACC n'a pas remis son rapport. Il le fera dans deux jours. Est-ce que cela veut dire que, pour les engagements qui ont été faits au sein de la fonction publique au cours de la dernière année, les recommandations du CIPACC n'étant pas encore formulées, rien n'a été fait?

M. Godin: Ce que je peux vous dire, c'est que nous avons tenté de mettre en application la politique d'égalité en emploi. Nous nous sommes heurtés, comme vous le savez peut-être, à la résistance de quelques fonctionnaires, de quelques membres du syndicat de la fonction publique, ce qui nous a forcés à modifier la Charte des droits et libertés de la personne du Québec de manière que nous puissions préserver de nouveaux emplois au sein des ministères pour les personnes appartenant aux groupes sous-représentés, nommément les femmes, les nouveaux citoyens du Québec, ainsi que les citoyens du Québec qui sont de langue maternelle anglaise et également les handicapés.

Maintenant que cet amendement a été apporté, le ministère de la Fonction publique est présentement à mettre en application ces programmes et nous avons fait une entente bipartite entre Mme la ministre et moi. C'est le ministère de la Fonction publique qui assumera cet aspect du plan d'action. Au début, c'était mon ministère, mais, à la suite de discussions que nous avons eues au sein du CIPACC et entre ministres, nous en sommes venus à la conclusion que, le ministère responsable de l'emploi étant celui de Mme LeBlanc-Bantey, il appartenait à ce ministère d'appliquer cette politique, parce que si nous avions maintenu l'ancienne décision, en fait, un ministère du Québec aurait été sous la tutelle d'un autre ministère du Québec, ce qui aurait été plutôt curieux.

Par ailleurs, nous avons eu des échanges, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce et moi-même, en Chambre, il y a déjà presque un an, ou huit mois, sur les nominations faites par le Conseil des ministres au sein des organismes gouvernementaux. Nous sommes en mesure de vous affirmer, à la suite du rapport de Mme Fiona Macleod, dont le nom apparaît dans ce cahier comme étant une des contractuelles du ministère qui a fait ce travail pour le CIPACC, que nous en sommes présentement à 11,5% des nominations faites au cours de l'année qui touchent des membres des communautés culturelles du Québec et de la minorité anglophone. Donc, selon les derniers chiffres disponibles, 11,5% des gens nommés par le Conseil des ministres étaient

originaires d'autres pays que le Canada ou étaient de langue maternelle anglaise et citoyens du Québec.

M. Gratton: Pour qu'on se comprenne bien, de toutes les nominations qui relèvent des cabinets de ministres, au sein des sociétés d'État, des organismes paragouverne-mentaux, etc?

M. Godin: Les nominations qui échappent à l'Office de recrutement et de sélection du personnel du Québec.

M. Gratton: Toutes? 11% de toutes ces nominations? Parmi les 2500 à 3000 employés de la fonction publique et non pas ceux qui relèvent du Conseil des ministres pour leur nomination, le ministre possède-t-il des données quant au nombre de personnes émanant des communautés culturelles ou de langue maternelle anglophone qui ont été embauchées par le gouvernement?

M. Godin: Avant de répondre à votre question, il y a présentement, non pas 3000 ou 2500 emplois qui s'ouvrent au sein du gouvernement, qui viennent de l'extérieur, mais bien 600 nouveaux postes. 600 nouvelles personnes sont recrutées, à la suite des compressions budgétaires.

M. Gratton: Non, je parle de l'an dernier. Qu'est-ce que c'était l'an dernier?

M. Godin: C'était à peu près cela.

M. Gratton: 600 au lieu de 2500 à 3000?

M. Godin: Les nouvelles personnes entrées au sein de la machine: 600 au cours de l'année; plus ou moins 50 par mois.

M. Gratton: C'est le ministre lui-même qui nous avait dit 2500 à 3000 l'an dernier. C'est parce qu'il y a eu des coupures entretemps.

M. Godin: Je vous l'avais dit à cette époque. Vous n'êtes pas sans savoir que les budgets ont été réduits, les rentrées fiscales de tous les gouvernements provinciaux, le fédéral inclus, au Canada ont diminué de sorte que le Conseil du trésor a révisé en cours d'année le nombre de nouveaux postes qui seraient créés. Nous en sommes donc à 600.

Je peux vous dire qu'il y a présentement des dicussions au sein du comité de la fonction publique et du CIPACC quant à la détermination du groupe qui devrait bénéficier d'un tel plan d'égalité en emploi. J'aimerais avoir votre avis là-dessus, messieurs de l'Opposition. Notre recommandation consistait à inclure toutes les personnes qui n'étaient pas nées au Canada, plus les personnes qui étaient de langue maternelle anglaise, ou autre que le français. La nouvelle proposition d'un comité d'étude au sein de ce groupe viserait à exclure tous ceux qui sont de langue maternelle française, même s'ils sont nés en dehors du Canada. Donc, cela voudrait dire que les nouveaux citoyens du Québec, s'ils sont belges, s'ils sont français, s'ils sont suisses, s'ils sont libanais, donc francophones, ne seraient pas tenus en compte quand viendrait le moment d'appliquer cette politique d'égalité en emploi. Les discussions se poursuivent là-dessus.

Pour répondre à votre question, en dernière analyse, je n'ai pas de chiffre en main pour l'année qui vient de s'écouler, mais Mme LeBlanc-Bantey déposera ces chiffres lors de l'étude de ses crédits.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je comprends donc qu'on a embauché environ 600 nouveaux employés dans la fonction publique l'an dernier.

M. Godin: 600 nouvelles têtes de pipe, 600 nouvelles personnes.

M. Gratton: Le ministre possède-t-il quelque donnée que ce soit sur le pourcentage des gens qui ne sont pas francophones?

M. Godin: Je n'en ai pas.

M. Gratton: Bon. On sait que le Parti québécois nous dit souvent, en fustigeant le fédéral, que le Québec est privé de sa juste part des investissements ou des retombées économiques, dans quelque secteur que ce soit, du fait que nous représentons environ 24% de la population canadienne. Au Québec, c'est quelque 20% de Québécois qui ne sont pas de langue maternelle française ou qui ne sont pas francophones. L'objectif que poursuit le ministère dans l'embauche à la fonction publique vise-t-il à assurer la présence d'une proportion égale à celle-là à l'intérieur de la fonction publique?

(16 h 15)

M. Godin: Je pense qu'on peut l'affirmer. D'ailleurs, il y a des travaux là-dessus qui ne couvrent pas seulement la fonction publique, qui est à 80% et plus dans la ville de Québec. C'est le problème que nous avons. Si nous regardons la situation dans le réseau des affaires sociales, par exemple, ou dans le réseau de l'éducation puisque ces réseaux sont bâtis autour des populations, nous constatons que la présence des citoyens non canadiens-français, si vous voulez, donc des citoyens de langue

maternelle anglaise ou autre ou qui ne sont pas nés au Canada, serait autour de 16% dans le domaine de l'éducation; dans le domaine de la santé et des affaires sociales, les chiffres seraient autour de 16%, 17%. Donc, dans les réseaux qui couvrent l'ensemble du Québec, dont Montréal en particulier, la proportion est presque respectée.

Par ailleurs, je dois dire que d'autres chiffres nous démontrent que, dans le domaine des fonds de recherche, par exemple, celui qu'on appelle le FCAC, soit l'action concertée - vous devez connaître cela aussi bien que moi, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce - le pourcentage des bénéficiaires de subventions de recherche est de 65% de personnes qui ne sont pas nées au Québec ou qui ne sont pas de langue maternelle française. Cela illustre deux choses, en fait: d'abord, que les nouveaux citoyens du Québec sont, en général, des cerveaux et sont des acquis pour l'ensemble de la société québécoise; cela illustre aussi que les ministères, en général, font leur travail, leur boulot très correctement en ce qui concerne l'attribution des subventions de recherche. C'est un exemple parmi tant d'autres. Il fera partie, j'imagine, du rapport du CIPACC qui sera déposé dans deux jours.

M. Gratton: M. le Président, le Comité pour la promotion des minorités alléguait tout récemment, le 24 mars dernier, que seulement quelque 2,7% des postes de la fonction publique québécoise sont occupés par des non francophones. Je conviens que, dans certains secteurs ou certaines régions, cela peut être beaucoup plus élevé, comme vient de l'expliquer le ministre. Mais, quand même, de façon générale, si on parle de 2,7%, pour rejoindre environ 16% à 20%, la question que je pose au ministre est à savoir sur combien d'années il espère en arriver à assurer la présence des non-francophones au sein de la fonction publique, dans une proportion qui serait tout au moins acceptable.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Godin: Oui. Ce que je peux vous dire là-dessus, M. le député de Gatineau, c'est que les chiffres que nous avons démontrent qu'il y avait en 1966 - je cite l'étude qui a été rendue publique, à la demande d'ailleurs du député de Notre-Dame-de-Grâce, il y a déjà, je pense, deux ans et demi - un pourcentage de 4,5%. En 1979, il était baissé à 2,7%. Cela veut dire que la tendance vers la baisse a commencé longtemps avant nous. Ce qui distingue ce que nous avons fait de ce qui a été fait avant nous, c'est qu'avant il ne se faisait rien et que, maintenant, il se fait quelque chose.

M. Gratton: C'est-à-dire qu'on se propose de faire quelque chose, il ne s'est encore rien fait.

M. Godin: II se fait quelque chose, M. le député de Gatineau. Je ne sais pas si vous avez une expérience en agriculture, mais il faut d'abord "débroussailler", essoucher, épierrer, labourer, engraisser, semer, arroser et récolter.

M. Gratton: Et espérer qu'il n'y ait pas de tempête pour jeter tout cela à l'eau.

M. Godin: Par conséquent, la tempête pourrait être la réélection du Parti libéral, si j'en juge par le passé. Mais ce que je veux dire, c'est que, après avoir constaté cette situation... D'ailleurs, l'attention du gouvernement n'était pas la seule à être attirée par ces faits, car l'attention du député de Notre-Dame-de-Grâce l'a aussi été; je pense qu'il a été un des premiers, du côté de l'Opposition, à souligner cette situation au gouvernement, soit la nécessité que nous ayons ici des programmes d'égalité en emploi, disons. C'est à la suite d'une sorte d'entente tacite entre l'Opposition et le gouvernement que nous avons mis en place ce programme d'égalité en emploi. Maintenant, les résultats, je vous le dis, ne seront pas visibles en deux mois, ni en deux ans, mais l'intention est d'arriver à cet objectif le plus tôt possible.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci, M. le Président. Je voudrais poursuivre dans le même sens que mon collègue, sur la question concernant le CIPACC. J'ai aussi une question à poser sur les illégaux. Je ne sais pas si c'est le même programme; sinon, je vais revenir en temps et lieu. Juste pour poursuivre, vous avez parlé de 2500 nouveaux postes dans la fonction publique et de votre détermination de vous assurer que les non-francophones recevront leur juste part. Maintenant, vous nous dites que ce n'est effectivement pas 2500 personnes mais plutôt 600 depuis un an qui sont embauchées. Êtes-vous en mesure de nous dire combien parmi les 600 étaient des gens de la communauté anglophone ou des groupes minoritaires?

M. Godin: Non. Je répète ce que j'ai dit à votre collègue: Je ne suis pas en mesure de vous donner ce chiffre. En principe, Mme la ministre de la Fonction publique serait, elle, en mesure de vous répondre parce que ce comité est sous sa responsabilité exclusive, puisque, comme je le disais tout à l'heure, cela aurait été indécent que son ministère soit sous tutelle de mon ministère. Donc, pour des questions

élémentaires de l'organisation gouvernementale et administrative, c'est Mme LeBlanc-Bantey qui est responsable de ce volet du plan d'action. Je pense que c'était beaucoup plus sage d'agir ainsi, d'autant plus qu'elle-même s'est engagée à plusieurs reprises à voir à ce que cette partie du plan d'action qui relève de son ministère s'applique le plus tôt possible.

M. Scowen: Permettez-moi d'exprimer ma déception quant à cette réponse, parce qu'il y a un an vous avez donné une petite lueur d'espoir à la communauté anglophone en lui disant: Je m'occupe de cela, je vais faire quelque chose. Un an après, vous nous dites: Je ne suis pas capable de vous dire ce que j'ai fait l'année passée; je n'ai même pas les chiffres, je ne le sais pas. Je n'ai pas l'intention d'obtenir ces chiffres, parce que maintenant j'ai passé la patate chaude à une autre ministre qui va disparaître bientôt, si je comprends bien. Le ministère va disparaître, je ne sais pas ce qui va arriver à la ministre. Maintenant, nous sommes obligés de repartir à zéro avec une autre personne qui va peut-être avoir le désir de faire quelque chose ou pas. Puis-je vous demander si le CIPACC va relever dorénavant du ministère de la Fonction publique?

M. Godin: Le CIPACC continue à relever de moi-même, d'une part, et deuxièmement, je ne vois pas pourquoi vous êtes si inquiet, M. le député. D'ici quelques heures ou quelques jours, le ministère de la Fonction publique va présenter ses crédits; la ministre sera là. Par conséquent, le monde ne se termine pas en sortant de cette salle. Vous aurez l'occasion, d'ici quelques heures ou quelques jours, de poser ces questions à la ministre responsable qui, elle-même, a tenu à avoir cette responsabilité pour les raisons que je vous ai expliquées et qui, à mon avis, sautent aux yeux, que mon ministère ne pouvait pas être le tuteur d'un autre ministère. Cela ne m'empêche nullement de continuer... Il ne s'agit pas de "pass the buck"; il s'agit de confier cela au ministère qui est le plus proche du problème, qui est responsable de l'Office du recrutement et de la sélection du personnel, qui est responsable des concours. Il s'agit de lui passer la responsabilité de cette tâche. Le CIPACC, de son côté, garde l'oeil ouvert et continue à jouer son rôle de chien de garde quant au plan d'action.

M. Scowen: Permettez-moi de dire qu'il y a un an ce n'est pas cela que le ministre nous a dit. Il a dit: Je vais m'occuper de cela.

M. Godin: II y a eu des changements depuis un an.

M. Scowen: Tout ce que je veux demander au ministre en terminant, s'il a décidé ou si cela a été décidé que dorénavant il ne s'en occupera pas, c'est au moins de nous donner des chiffres sur ses réalisations à lui pendant ces douze derniers mois, parce que pendant cette période, le problème relevait de lui, non de la ministre de la Fonction publique. On s'intéresse énormément à ce qu'il a réalisé par rapport à ses engagements. J'imagine qu'il sera capable d'obtenir ces chiffres dans les plus brefs délais et de nous donner le pourcentage de ces 600 personnes embauchées dans cette période difficile en dehors de la communauté francophone. Peut-il s'engager, au moins, à nous fournir les chiffres sur son mandat?

M. Godin: Je vous répète, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour la troisième fois que, premièrement, le rapport du CIPACC sera déposé en Chambre lorsqu'il sortira des presses, de l'imprimeur, c'est-à-dire dans deux jours, et que je violerais les privilèges de l'Assemblée nationale en déposant ici un rapport qui n'est pas encore déposé à la Chambre. Dans deux jours, j'imagine que vous serez encore en assez bonne santé pour être là. Je vous vois faire du jogging tous les matins autour du Château Frontenac. Donc, j'imagine que vous avez le coeur assez fort pour résister encore deux jours à l'appétit de connaître plus ce qui se passe. D'autre part, je vous répète que, pour la partie qui relève de moi, le rapport du CIPACC vous donnera des réponses dans deux jours. Pour la partie qui relève maintenant de ma collègue de la Fonction publique, elle déposera elle-même le rapport sur la partie qui relève d'elle, qui est la fonction publique, qui n'a pas commencé hier non plus, mais qui a commencé il y a déjà plusieurs mois, l'automne dernier.

En conclusion, je vous dirai sur ce point que nous avons mis les wagons sur les rails, M. le Président. Il n'y avait même pas de rails dans le temps du régime Bourassa. Il y avait encore moins de wagons. Il n'y avait même pas de sensibilité à ce problème. Quand j'entends les gens d'en face qui ont été au pouvoir pendant la majeure partie du XXe siècle au Québec... Sous leur régime, le chiffre passe de 4,5% à 2,7% et ils nous font des leçons. Je trouve cela presque indécent, M. le Président, et je me voile pudiquement la face.

M. Gratton: On ne fait pas de leçons. On pose des questions, M. le Président.

M. Scowen: M. le Président, je veux rappeler au ministre que son parti est quand même au pouvoir depuis sept ans maintenant. C'est peut-être de bonne guerre, d'après vous, de faire le procès du régime Bourassa qui a été battu en 1976, mais par rapport à

la population, je pense que ce n'est pas très impressionnant. On a le droit de vous demander ce que vous avez fait depuis les sept dernières années.

M. Godin: Mais vous le saurez dans deux jours!

M. Scowen: Je veux simplement poser la question suivante au ministre, pour que ce soit très clair: Est-ce que je comprends que dans le rapport du CIPACC, qui sera déposé dans les heures qui viennent, on va avoir la réponse à la question que j'ai posée, soit le pourcentage des fonctionnaires de la communauté non francophone qui ont été embauchés parmi les 600? Aura-t-on les chiffres que j'ai demandés au ministre dans le rapport?

M. Godin: Vous le verrez dans deux jours.

M. Scowen: S'ils ne sont pas dans le rapport, le ministre peut-il s'engager à nous les fournir?

M. Godin: Certainement.

M. Scowen: D'accord. Comme deuxième question, M. le ministre, pour vous montrer à quel point mon coeur est fort et ma capacité d'attendre énorme, je veux vous rappeler un peu les événements du mois de juin 1982 quand j'ai rendu publique une étude du service de recherche de l'Assemblée nationale quant au nombre d'anglophones employés dans les régies du gouvernement du Québec. La liste des régies est tirée du répertoire administratif que nous avons tous. Ce n'était pas plus ni moins que ce qu'on avait sur cette liste. Il s'agit de 120 organismes. J'ai pu constater, parce que j'avais fait faire exactement la même étude il y a deux ans, que le pourcentage d'anglophones avait diminué et était passé de 4,5% à 2,1%. Je veux souligner que ce sont des nominations faites par le gouvernement à l'extérieur des règles de la fonction publique.

À l'époque, le ministre a essayé un peu de noyer le poisson. Quand j'ai rendu public ce rapport, il a essayé de souligner que c'était plein d'erreurs. Les employés du service de recherche de l'Assemblée nationale ont été très déçus des déclarations du ministre, parce qu'ils avaient fait cette recherche eux-mêmes auprès de chacun des 120 organismes. Ils y sont retournés et, parmi toutes les erreurs que le ministre prétendait exister dans le rapport, ils en ont trouvé deux. Ils ont constaté qu'effectivement, dans le cas de la Commission des biens culturels, le nombre de membres anglophones aurait dû se lire un au lieu de zéro, ce qui était une erreur de transcription et non de compilation. Il y avait une autre erreur où le nombre de membres anglophones aurait dû se lire un au lieu de zéro au Conseil de planification et de développement du Québec, erreur due aux renseignements fournis par le conseil au bureau de recherche de l'Assemblée nationale. Alors, le 12 juillet, j'ai envoyé au premier ministre et au ministre la liste corrigée qui ne changeait pas du tout les pourcentages; c'était effectivement de 2 sur un total de 1123. Les chiffres que j'ai soumis étaient véridiques. (16 h 30)

Quand le ministre a pris connaissance de cette étude, il a convoqué une conférence de presse lui-même, à laquelle il a fait deux choses: iI a présenté le tableau 1 qui venait d'une étude qu'il disait récente, qui n'était pas du tout une étude comparative; c'était une analyse de la situation actuelle tirée de 103 organismes. Je répète qu'il y en 120 dans le répertoire administratif, d'après le groupe de la recherche à la bibliothèque de l'Assemblée nationale. Il a dit que le pourcentage d'anglophones était de 12,8% et, pour les autres, c'était 7,1%. Il a aussi promis à ce moment de rendre public le rapport au complet au mois d'octobre 1982. Au mois de janvier 1982, le ministre n'avait même pas encore respecté sa promesse. J'ai écrit au ministre et je lui ai demandé pourquoi il n'a pas respecté cet engagement qu'il a fait en plein milieu du débat pour essayer de noyer le poisson. J'ai reçu une lettre... Je m'excuse, j'ai envoyé la lettre le 24 novembre et il a répondu le 17 décembre en disant que cela serait rendu public dans les semaines à venir. Si je comprends bien, l'engagement de rendre public ce rapport au mois d'octobre 1982 n'a pas été respecté et le rapport sera rendu public environ six mois plus tard, donc la semaine prochaine.

Alors, j'ai deux questions pour le ministre: Premièrement, est-ce qu'il peut me donner les vraies raisons pour le retard dans la publication de ce document qui était quand même un document important qu'il a promis de rendre public au mois d'octobre? Deuxièmement, est-ce qu'il peut nous confirmer aujourd'hui que le tableau 1, qu'il a déposé pendant ce débat concernant mon rapport, sera précisément, exactement, le même tableau qui sera le fond du rapport qu'on verra? Ou est-ce qu'il nous soumettra plutôt quelque chose qui est changé?

La troisième question que je veux lui poser dans le même ordre d'idées. Il y a quelques minutes, il a cité un chiffre de 11...

M. Godin: ...11,5% environ...

M. Scowen: ....11,5%. Je ne sais pas si cela représente exactement les anglophones et les autres - ce n'est pas un chiffre que je trouve dans les tableaux qu'il a rendus

publics au mois de juin. Est-ce que ce chiffre représente des nominations faites par le Conseil des ministres depuis une certaine date, ou est-ce que ce chiffre est maintenant le pourcentage du total de toutes les personnes qui siègent dans toutes ces régies actuellement? Autrement dit, est-ce que c'est simplement le pourcentage des nominations les plus récentes ou est-ce que c'est le total complet de tous ceux qui siègent actuellement?

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Godin: Si la liste des organismes indique 103 au document de Mme Macleod, c'est qu'il y a environ 17 organismes caducs ou inactifs dans la liste qui apparaît dans cette espèce de registre que vous mentionniez plus tôt. Il y a en fait presque 20 organismes qui sont caducs et dans lesquels il n'y a plus de nominations qui se font parce qu'ils sont rendus inactifs.

Quant à la question que vous posez: Pour quelle raison octobre, décembre, janvier et, maintenant, aujourd'hui? C'est que je présumais que le premier rapport du CIPACC me serait remis, prêt à être déposé en Chambre, un an après la création du CIPACC. C'est ce que certaines indications me permettaient de croire, sauf que, comme il s'agissait de son premier rapport, le CIPACC a voulu y mettre énormément de soin et procéder à des analyses beaucoup plus approfondies qu'il ne le pensait au début, de sorte que le rapport du CIPACC, que j'attendais en octobre, puis en décembre, ne m'a été remis qu'au mois de février.

J'en ai pris connaissance. Dès que je l'ai reçu, j'ai envoyé une lettre au CIPACC, quatre jours plus tard, je pense, disant: Veuillez faire en sorte qu'il soit publié, dans une forme qui le rende susceptible d'être déposé à l'Assemblée nationale, le plus tôt possible. Le délai normal d'impression d'un rapport gouvernemental, dans ce gouvernement comme d'ailleurs au fédéral, c'est de quelques mois. Ces lenteurs administratives expliquent que c'est dans deux jours que, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous aurez le rapport complet avec en annexe l'étude de Mme Fiona Macleod dont j'avais eu et cité à l'époque certains chiffres.

Les 11,5% que j'ai cités étaient, à l'époque - c'est peut-être plus maintenant -le chiffre total des personnes, au sein des 1023 nominations, qui auraient pu être bénéficiaires du programme d'égalité en emploi. C'était le total cumulatif à la date où le rapport Macleod m'a été montré, où j'ai pu le consulter.

Je vous répète que vous aurez tout le loisir de prendre connaissance, dans tous ses détails, dans deux jours, du rapport Macleod. Si j'ai parlé d'octobre, décembre, janvier etc., c'est pour des raisons de délais administratifs, d'impression et de fignolage fait par le Comité d'implantation du plan d'action sur son propre rapport. C'est pour cela que lorsque j'entendais tout à l'heure votre collègue, le député de Gatineau, citer le Comité de promotion des minorités qui disait que "le ministre Godin avait empêché la publication du rapport", c'est encore là une fausseté absolue. Au contraire, dès que j'ai lu le dernier mot du rapport, j'ai envoyé une lettre au président du CIPACC, M. Egan Chambers, le priant de le rendre public le plus tôt possible. D'ailleurs il sera rendu public dans deux jours. Il y aura un colloque en fin de semaine, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Est-ce que je peux demander au ministre comment il peut expliquer qu'au mois de juin, quand il a rendu public ce tableau, le nombre de personnes anglophones et autres, les personnes venant d'un autre pays, était de 19,9% sur le tableau, et que maintenant il déclare que ce sera 11,5%?

M. Godin: Je ne déclare pas cela. Je vous dis que dans le document que j'ai vu à l'époque - je citais ce chiffre de mémoire -c'était 11,5%. Si vous me dites que c'est 17%, tant mieux! Ce n'est pas le chiffre dont je me souvenais. Nous verrons dans deux jours, par conséquent, ce que le rapport Fiona Macleod révèle, mais je vous ai dit que je ne vous le révélerais pas ici puisque ce serait "a breach" dans la tradition parlementaire, une brèche dans la tradition parlementaire, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, parce que le rapport sera déposé dans deux jours.

Maintenant je ne vois pas pourquoi deux jours vous semblent si insupportables, d'autant plus que nous pourrons nous revoir en période de questions sur le rapport du CIPACC et le rapport Macleod. Nous pourrons nous revoir en débat si vous le voulez; nous pourrons même avoir n'importe quelle manière d'échanger publiquement sur les données qui seront publiées, je vous le répète, dans moins de 48 heures.

M. Scowen: Cependant, M. le ministre, au mois de juin vous avez rendu public un document - c'étaient vos chiffres et vous vous en êtes vanté - et c'était 20%. Aujourd'hui vous avez rendu public - ce n'est pas moi qui ai donné ces chiffres, c'est vous - que ce n'est pas 20%, mais 11,5%. Je vous demande d'expliquer comment ce chiffre a baissé de 20% à 11% pendant une période de quelques mois. Vous me dites: Vous verrez dans deux jours. Je pense qu'on n'aura pas de commission parlementaire...

M. Godin: Peut-être que cela remontera

à 20% dans deux jours.

M. Scowen: Je pense que...

M. Godin: II est possible que cela remonte à 20% dans deux jours, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Oui, et ce ne sera plus 11,5%?

M. Godin: Vous le verrez bien.

M. Scowen: Je dois vous dire que les réponses ne sont pas très impressionnantes.

M. Godin: Les questions non plus. M. Scowen: Voyons donc!

M. Godin: Cela fait douze fois que vous me demandez, vous et votre collègue, comment il se fait qu'il n'est pas encore publié. Je vous dis que c'est dans deux jours.

M. Scowen: Je vous demande... Il n'est pas question de la publication.

M. Godin: Êtes-vous sous la tente à oxygène?

M. Scowen: Je vous demande de concilier deux chiffres que vous avez rendus publics, un au mois de juin 1982...

M. Godin: Je vous ai dit...

M. Scowen: ...et un autre comparable aujourd'hui, et les deux chiffres sont différents de presque la moitié.

M. Godin: II est possible que je me sois trompé sur les 11,5%. Il est possible que ma mémoire ait fait défaut. Si tel était le cas, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, et si on se rendait compte, dans deux jours, dans moins de 48 heures - qui vont vous sembler bien longues, j'imagine, après vos soupirs - si les chiffres étaient de 11,5%, je m'expliquerais, si je m'étais trompé, je m'excuserais, si ma mémoire m'a fait défaut, je m'excuserais. Est-ce que cela vous rassure?

M. Scowen: Cela me rassure sur votre politesse. Cela ne me rassure pas sur le fond du problème. C'est le deuxième qui m'intéresse beaucoup plus. On veut savoir ce que vous avez fait pendant les douze derniers mois de votre mandat. C'est le moment privilégié de le faire.

Malheureusement, les crédits sont terminés et avant que le rapport CIPACC soit disponible, nous aurons le droit de poser des questions et vous savez très bien que les questions et les réponses ne comportent pas des explications approfondies.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, le ministre a fourni une réponse à cette question. Elle ne vous satisfait pas. Je crois voir qu'elle ne vous satisfait pas, mais vous avez de vos collègues qui ont également des questions à poser. Donc, si vous n'avez pas d'autre sujet, je céderai la parole au député de Sainte-Anne, à moins que vous ayez d'autres questions.

M. Scowen: Je conviens avec vous que ce serait peut-être plus poli de le dégager de cette situation. Est-ce que je dois poser les questions sur les égaux maintenant ou si vous préférez qu'on y revienne après?

Le Président (M. Blouin): C'est dans l'autre programme, M. le député. Nous pourrons y revenir. M. le député de Sainte-Anne, vous avez la parole.

M. Polak: Rapidement, M. le Président. Je vois ici que le ministère a publié un questionnaire sur l'adaptation économique des réfugiés d'Indochine. Une autre étude longitudinale, l'adaptation socio-économique, etc. Je voudrais combiner ces études avec, disons, le problème de la communauté anglophone. Le ministre a dit, ce matin, que les chiffres vraiment... Il a cité des chiffres en retournant, comme il est dit, dans le temps du régime libéral, et que ce n'est vraiment pas à cause...

M. Godin: Et même Johnson.

M. Polak: Et même avant cela. Quant à l'impression que j'ai, la connaissance personnelle que j'ai dans la communauté des non-francophones, je ne suis pas du tout d'accord avec l'opinion du ministre. Je crois vraiment que ces communautés ne se sentent pas à l'aise et vraiment ne se sentent pas chez elles. Je pense que cela est très grave. Est-ce que le ministre a déjà préparé, ou est-ce qu'il coopère... Je sais qu'au ministère de l'Éducation on a commencé à préparer un questionnaire pour ceux qui quittent, l'école secondaire et le cégep. Je pense surtout, au secteur anglophone. Vous serez surpris des réponses qui vont être données. Je connais ces communautés.

Venez marcher avec moi une fin de semaine, si vous voulez - on ira dans ce centre commercial de l'ouest de la ville - et demandez aux jeunes de 19, 20 et 21 ans ce qu'ils vont faire de leur avenir? Ils vont vous dire qu'ils sont en train de quitter la province de Québec. C'est très triste et on va perdre vraiment. Recevoir des gens très capables et, parfois, ils sont les meilleurs. Je pense que le gouvernement ne se rend pas compte à quel point la situation est devenue

dangereuse. Avez-vous des questionnaires en préparation? Je n'ai rien contre un questionnaire pour les gens du Vietnam. Je trouve ces immigrants merveilleux comme ceux de la Hollande. Ce qui m'inquiète, c'est au sujet de la communauté anglophone telle quelle. Très souvent, les communautés non francophones, disons les allophones, ont les mêmes inquiétudes que celles des anglophones et ils se disent: Si les anglophones en place dans la province de Québec avant que j'arrive ne se sentent pas chez eux, ne se sentent pas à l'aise, nous allons devenir comme eux. Ils commencent à avoir la même peur. C'est cela que je voudrais savoir. Est-ce que de telles études existent ou sont en train d'être préparées? Est-ce qu'il y a moyen, avec le ministère de l'Éducation, d'obtenir des renseignements directs de ces communautés?

Ce n'est pas difficile de demander à ceux qui quittent le cégep anglophone et demander: Qu'est-ce que vous voulez faire? Est-ce que vous allez rester au Québec, oui ou non?

M. Godin: Je peux risquer une hypothèse, M. le député de Sainte-Anne. Il y a effectivement des travaux qui sont faits par le Conseil de la langue française. Ce sera l'autre bloc qui suivra celui-ci. Déjà, je peux vous risquer une hypothèse. Je pense que le système scolaire anglophone au Québec a peut-être contribué à faire, des étudiants qui sortent de ce système, des gens qui, peut-être, se voient plus comme Nord-Américains que comme Canadiens ou qui se sentiraient peut-être mieux en dehors du Québec. Cela aussi se peut. Je pense aussi qu'il est possible qu'un citoyen de Montréal, qui ne lirait que la Gazette, en retirerait peut-être un tel sentiment de martyr au Québec qu'il songe à partir uniquement parce qu'il lit la Gazette, indépendamment de sa situation personnelle. Par conséquent, je pense que, par certains de ses articles alarmistes, la Gazette contribue à chasser ses propres lecteurs. En décrivant le Québec comme étant l'enfer, on donne le goût d'aller à Toronto. Moi, qui ai vécu dans les deux villes, je vous dis que j'aime mieux l'enfer à Montréal que le paradis à Toronto.

M. Polak: Moi aussi.

M. Godin: Mais c'est un sujet que vous avez raison d'aborder. Les travaux, entre autres, du sociologue de McGill, M. Uli Locher, et d'une de ses collègues, dont j'oublie le nom, qui ont été publiés par le Conseil de la langue française, il y a quelques mois, donnent des débuts de réponse aux questions que vous posez. Donc, c'est une préoccupation au sein du gouvernement et de ses organismes. Nous allons en parler tout à l'heure, si vous le voulez bien, avec des gens qui relèvent des organismes de la charte. C'est une des préoccupations que les chercheurs québécois ont: entre autres, l'équipe du professeur Garry Caldwell, l'Institut québécois de recherche sur la culture, certaines universités et le Conseil de la langue française. Nous espérons trouver des réponses qui vont nous permettre d'appliquer des mesures pour freiner ces départs.

M. Polak: Je vois votre entourage ici, M. le ministre. Je l'ai compté tout à l'heure. Je pense qu'il y en a douze ou treize. Ce sont peut-être des observateurs, mais dans votre entourage, disons les attachés politiques, ceux qui travaillent avec vous sur une base quotidienne, est-ce qu'il y a des anglophones parmi eux? Ceux qui sont ici et qui observent pour vous nourrir un peu du sentiment d'inquiétude qui existe dans la communauté. Cela serait plus important que toutes les études que vous nous avez lancées.

M. Godin: Je pense que la réponse à cette question est dans le cahier. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de le lire. Si vous regardez au chapitre Questions et réponses, la cote "R", Personnel du cabinet et la cote "S", Contrats des professionnels, vous verrez qu'un nombre important d'anglophones et d'allophones travaillent dans mon cabinet ou ont travaillé comme contractuels pour le ministère, parce que je me pose les mêmes questions que vous et parce que je dois obtenir les mêmes éclairages que vous. Vous me demandez si j'ai une sensibilité anglophone quelque part au ministère. Je vous répondrai que j'ai plusieurs sensibilités; une sensibilité grecque, une sensibilité portugaise, une sensibilité sud-américaine et plusieurs sensibilités anglophones à partir des travaux qu'on a fait faire par des anglophones du ministère.

M. Polak: Je ne voudrais pas faire passer un test à tous ceux qui sont ici, mais c'est important pour moi. Dans ce groupe qui vous accompagne aujourd'hui, qui sont là pour écouter les questions et les réponses, est-ce qu'il y a parmi eux un anglophone qu'on appelle "a WASP", par exemple? Quelqu'un comme le député de Notre-Dame-de-Grâce qui s'appelle Scowen.

M. Godin: Non. Malheureusement, on n'en a pas. On en a cherché partout, on n'en a pas trouvé, il n'y en a qu'un.

M. Polak: Ah! Parce qu'ils ne veulent pas, c'est le problème que vous avez...

M. Godin: II n'y en a qu'un.

M. Laplante: II a dit qu'il était Écossais, qu'il ne voulait pas être mélangé

aux anglophones.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Bourassa.

M. Polak: Excusez-moi! Vraiment, je voudrais savoir s'il y a quelqu'un qui est natif de cette communauté.

M. Godin: Oui. M. Egan Chambers. M. Polak: Mais il n'est pas ici.

M. Godin: Est-ce que je peux répondre à votre question?

M. Polak: Oui.

M. Godin: M. Egan Chambers, qui a le rang de sous-ministre au ministère, qui a été nommé d'ailleurs à la suite d'une consultation faite avec Alliance-Québec, nos grands amis d'Alliance-Québec, qui m'ont eux-mêmes recommandé M. Egan Chambers. Nous l'avons choisi. Normalement, il devrait être ici, mais il prépare la publication du rapport - tant désiré - il travaille jour et nuit, M. le député de Sainte-Anne, pour enfin livrer l'enfant tant désiré à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, premièrement; deuxièmement, il travaille sur un colloque, en fin de semaine, qui visera précisément à ventiler le contenu du rapport du CIPACC, à le faire analyser par Mme Lysiane Gagnon, la nouvelle héroïne du député de Gatineau, et ce sera commenté par M. Nickauy Der Maur, le héros du député de Notre-Dame-de-Grâce et peut-être le vôtre aussi. Ce sera commenté par M. Pasqual Delgado, le président du Comité de formation des minorités qui nous dénonce et qui dénonce aussi le CIPACC, d'ailleurs, ainsi que par une troisième personne, Mme Juanita Wesmollan Traore. Ces trois personnes font des commentaires sur le rapport du CIPACC. Elles font des commentaires sur la conférence de Mme Lysiane Gagnon, mais je vous dis que tout cela donnera certainement des réponses complètes aux interrogations du député de Notre-Dame-de-Grâce aussi bien que celles du député de Sainte-Anne.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Sainte-Anne, en terminant.

M. Polak: M. le Président, une dernière question. Le ministre a fait allusion tout à l'heure à la Gazette. Je ne voudrais pas citer tous les articles de la presse francophone la semaine dernière après votre remarque. Peut-être avez-vous vu rouge pendant la période des questions. Je vous ai fait une remarque qui n'a pas été bien reçue parmi les non francophones et même dans la presse francophone, on vous critique sévèrement. Vous n'avez qu'à lire l'Argus à ce sujet. La dernière question que je poserai là-dessus est la suivante: Quelle est la raison pour laquelle votre affaire ne marche pas du tout avec les communautés non francophones? Elles n'ont aucune confiance. Vous vous rappelez, l'année dernière, on était ensemble à la conférence afro-asiatique. Cela aura lieu encore au mois de mai. Il y aurait environ 23 organismes et ils ne veulent absolument rien savoir. C'est malheureux peut-être, mais pour quelle raison y a-t-il un tel facteur de non-confiance totale, malgré les tentatives que vous avez faites, comme vous le dites?

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Godin: En commentaire à votre question sur ma réponse de l'autre jour, je vous répondrai, premièrement, ce que Tony Curtis disait dans le film "Some like it hot": "Nobody is perfect." Deuxièmement...

Une voix: ...

M. Godin: Tony Curtis. Vous ne vous souvenez pas de ce film?

M. Gratton: II a dit cela à Janet Leigh?

Des voix: Ah! Ah!

M. Godin: Non. Il a dit cela à Joe Brown.

M. Gratton: Cela remonte à un peu trop tôt pour moi.

M. Godin: Tony Curtis était un travesti, M. le député de Gatineau. Joe Brown tombe en amour avec Tony Curtis qui lui avoue: Je ne suis pas une femme et Joe Brown lui dit: "Nobody is perfect."

Des voix: Ah! Ah!

M. Godin: À ce même titre, M. le député de Gatineau, moi non plus, je ne suis pas parfait, mais pour en revenir à ce que vous dites, M. le député de Sainte-Anne, comment se fait-il que les Anglais détestent - au fond, c'est ce que vous posez comme question - le gouvernement...

M. Polak: Non, je n'ai pas dit "détestent". Ils ne vous aiment pas.

M. Godin: Disons donc "ne nous aiment pas". D'accord. C'est un problème, effectivement, considérable. C'est possible qu'ils ne nous aiment pas parce que nous nous battons pour le français et leur imposons le fardeau du bilinguisme. C'est possible qu'ils ne nous aiment pas parce

qu'ils voient des étudiants francophones sortant des HEC prendre la place des étudiants anglophones sortant de McGill avec le titre de MBA. C'est possible qu'ils ne nous aiment pas parce qu'ils se rendent compte que "language is money" et que la loi 101 a pour effet que "language", maintenant, c'est le français. "Language is money, is jobs" et il y a une période d'adaptation qu'ils doivent vivre comme nous avons vécu, nous, une période d'anglicisation progressive jusqu'à la loi 22, pour être généreux avec mes collègues d'en face. Ils vivent maintenant une période de francisation. C'était l'un ou l'autre. Nous devrons, tous ensemble, vivre cette phase de transition. Je dirai que ce sera une belle expérience de "survival of the fittest", comme on dit. Je suis sûr que francophones et anglophones qui passeront à travers cette crise économique que nous vivons et autres phénomènes semblables, en plus de cette période d'adaptation difficile, je suis sûr que ceux qui vont être là dans quatre, cinq ou dix ans seront parmi les citoyens de la planète habitués à mieux vivre ensemble, à se respecter mutuellement et à bâtir ensemble quelque chose qui se tienne et qui ressemblerait à ce que je souhaite de tous mes voeux, un pays et non pas un morceau de pays qu'on ne contrôle pas.

Le Président (M. Blouin): Une brève question, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce?

M. Godin: Mon rêve, M. le député de Sainte-Anne...

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le ministre.

M. Godin: ...c'est qu'il apparaisse aux anglophones ou aux Écossais comme Reed Scowen - mon voisin de North Hatley - qu'il serait bon pour les anglophones que le Québec soit souverain puisque l'indépendance égalerait des emplois, alors que le fédéralisme égale du chômage pour nous. Est-ce clair?

M. Gratton: ... qu'il s'explique!

M. Polak: Ce n'est pas clair pour moi du tout.

Le Président (M. Blouin): M. le député...

M. Godin: II m'a posé une question. J'y ai répondu, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

M. Polak: D'accord.

Le Président (M. Blouin): La parole est maintenant à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: J'ai une très courte question pour le ministre. Je m'intéresse beaucoup à cette question de la présence des non-francophones à l'intérieur de la fonction publique. Dans votre ministère, vous avez 906 personnes en permanence cette année. La prévision est d'un peu moins pour l'année prochaine. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire le pourcentage et le nombre de non-francophones au sein du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration aujourd'hui et quand vous êtes devenu ministre?

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Godin: C'est 17,2% à peu près et c'est un chiffre stable depuis deux ans et demi.

M. Scowen: C'est 17,... M. Godin: 17,44%. 17,4%.

M. Scowen: Ce n'est pas changé. Ce sont des personnes anglophones...

M. Godin: Soit anglophones, soit des citoyens qui ne sont pas nés au Canada.

M. Scowen: Avez-vous le nombre d'anglophones?

M. Godin: Non, il n'y a pas de ventilation.

M. Scowen: Ce n'est pas changé depuis que vous êtes devenu ministre?

M. Godin: Non. Je réponds à votre question. On n'a pas dans le cahier la ventilation que vous voulez entre anglophones et autres, mais nous pouvons vous l'obtenir. J'espère que, cette fois, je pourrai vous livrer cette réponse...

M. Scowen: Avant deux jours.

M. Godin: ...dans un délai plus court que le rapport du CIPACC.

M. Scowen: En terminant, M. le Président, je veux juste dire au ministre que je suis convaincu que les efforts qu'il a faits jusqu'à maintenant pour augmenter le nombre d'anglophones au sein de la fonction publique n'ont abouti à rien. Les propos pour l'avenir sur les efforts qui vont se faire par la ministre de la Fonction publique, sont aussi peu impressionnants. Je le dis parce que...

M. Godin: Vous avez eu des chiffres?

M. Scowen: ...j'ai regardé attentivement les efforts que M. Trudeau a été obligé de faire pendant quinze ans pour réaliser ce qu'il a réalisé et ce n'est quand même pas beaucoup de monde, c'est encore insatisfaisant, à Ottawa. Il a été obligé de créer une commission qui relevait de la Chambre des communes, il a été obligé de faire des efforts incroyables pour qu'aujourd'hui nous ayons à Ottawa un pourcentage de francophones au sein de la fonction publique, plus ou moins, je ne veux pas exagérer, équivalent à notre pourcentage de population. Je pense que dans vos efforts, si vous êtes vraiment sérieux dans votre désir de rendre justice à la minorité ici, il faut que vous acceptiez, avec tous les obstacles structurels que vous allez rencontrer à l'intérieur de la fonction publique pour faire des changements, il faudrait, dis-je, que vous acceptiez de devoir faire au moins autant que M. Trudeau a fait, parce que je suis persuadé que les fonctionnaires francophones au Québec sont aussi têtus que les fonctionnaires anglophones à Ottawa.

M. Godin: Remarquez bien que ce n'est pas parce que cela va prendre plusieurs années qu'il ne faut pas commencer dès maintenant, au contraire.

M. Scowen: C'est la meilleure façon de commencer.

M. Godin: On a confié ce mandat, comme vous le savez, à des gens respectés et respectables de la communauté anglophone et de quatre autres communautés, et ils ont travaillé depuis un an avec acharnement pour mettre en place au moins les structures qui vont permettre d'y arriver. Moi, le seul engagement que je peux prendre ici, c'est de continuer à travailler pour y parvenir. Pensez-vous que le gouvernement aurait créé le CIPACC avec un budget de presque un demi-million par année uniquement pour clouer le bec à ceux qui veulent qu'on agisse? C'est une bombe à retardement ce CIPACC, si, effectivement, il n'y a pas de résultat. Par conséquent, le gouvernement l'a créé et va assumer les conséquences de ce comité, c'est-à-dire va mettre en place des programmes qui vont nous permettre d'atteindre l'objectif. Je ne vous dis pas que ce sera demain, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je suis sûr que, vous et moi, puisque c'est un point sur lequel on s'entend, semble-t-il, nous allons continuer à lutter pour que cela se produise. (17 heures)

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Je présume, M. le député de Gatineau, que votre intervention nous permettrait de pouvoir adopter ce premier programme, s'il n'y a pas d'autres interventions. Nous pourrions ensuite passer au second.

M. Gratton: Vous parlez du premier programme qui s'intitule comment?

Le Président (M. Blouin): Le programme des communautés culturelles et de l'immigration.

M. Gratton: Non, M. le Président, nous avons d'autres questions.

Le Président (M. Blouin): Bon, d'accord. Allez-y.

M. Gratton: À l'élément qui traite du CIPACC, le ministre, à la catégorie 1, dans son cahier vert, nous parle d'une augmentation de 208% à la rubrique "traitements". Pourrait-il me dire de quoi tout cela relève?

M. Godin: C'est que le mandat de la première année n'était pas un mandat de douze mois, tandis que le mandat de la deuxième année était un mandat de douze mois pour un plus grand nombre de personnes. Si vous vous souvenez, le premier membre du CIPACC a été nommé en mars 1981 et les autres ont été nommés en octobre 1981; donc, si vous étalez cette fluctuation sur une année budgétaire par rapport à une année complète, cela fait déjà 1% de plus.

M. Gratton: Combien y en a-t-il de plus en nombre absolu?

M. Godin: Ils sont cinq en tout... M. Gratton: Ils demeureront cinq...

M. Godin: ...dont quatre sont payés par le CIPACC et un par le gouvernement, par le ministère de la Fonction publique.

M. Gratton: Donc, l'augmentation ne se retrouve pas dans le nombre, mais dans...

M. Godin: Non, non, pas du tout, c'est...

M. Gratton: ...la durée du mandat.

M. Godin: ...l'étalement des salaires sur une période plus longue cette année, enfin, une période de douze mois alors que l'année précédente, c'était beaucoup moins de mois de l'année budgétaire.

Les immigrants au travail

M. Gratton: M. le Président, si vous le voulez bien, on pourrait aborder la situation des immigrants au travail. En janvier dernier,

Sheila McLeod Arnopoulos relevait le fait qu'un grand nombre de femmes immigrantes, surtout celles du tiers monde, se trouvent dans les usines non syndiquées, telles que le textile et le vêtement. Dans ces endroits, plusieurs gagnent moins que le salaire minimum et oeuvrent dans des conditions qui rappellent l'Angleterre de Charles Dickens, disait-elle. C'est un phénomène connu depuis longtemps par le gouvernement et par les syndicats et il existe toujours. S'il y a eu de petits changements mineurs sur le plan législatif, ils ne sont pas suffisamment importants et ces femmes restent à la merci de leur patron. Souvent, elles ne veulent pas déclarer leur situation de peur de représailles et ne sont pas au fait des normes minimales de travail. Mme Arnopoulos a reproché entre autres au gouvernement péquiste de ne montrer aucune disposition réelle à aider les femmes qui travaillent dans les secteurs traditionnellement réservés aux immigrants. Les autorités, avec leurs petites subventions pour les colloques et autres activités du genre, manifestent leur sympathie pour ce sous-prolétariat, mais c'est pour la galerie et cela finit là.

Le gouvernement avait mentionné dans son plan d'action autant de façons d'être Québécois qu'il faudrait trouver des moyens supplémentaires pour arrêter cette exploitation. La question que je pose au ministre, c'est: Est-ce que vous pouvez nous dire ce qu'il en est de ces moyens supplémentaires qu'on a annoncés il y a deux ans? Quels sont ces moyens supplémentaires qu'on a implantés depuis?

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Godin: L'article de Mme Sheila Arnopoulos a été lu et abondamment analysé au sein du ministère parce qu'il ne tenait pas compte d'un certain nombre de faits tout simplement, entre autres, que le ministère a organisé les 4, 5 et 6 juin 1982, un colloque intitulé Femmes immigrées, à nous la parole. Vous avez peut-être eu copie des actes de ce colloque. Il y a plusieurs centaines de résolutions qui sont sorties du colloque, acheminées à la table de concertation qui conseille le ministère. Depuis ce temps, nous travaillons à des mesures précises, entre autres, la publication en plusieurs langues, sous forme de livret facile à manipuler, des normes minimales de travail; également, il y a une réforme qui nous permettrait de mieux protéger les travailleuses domestiques, en leur assurant la protection des lois au Québec, au lieu de les laisser soumises à l'exploitation de leur employeur. Également, Mme Arnopoulos écrivait que le ministère n'aidait nullement les regroupements ou associations de femmes immigrantes. Je vous donnerai d'ici quelques secondes la ventilation des montants que nous avons distribués aux organismes de femmes immigrées, de femmes immigrantes, précisément parce que le modèle que nous appliquons au ministère consiste plutôt à donner à des organismes qui sont enracinés à la base dans les problèmes et qui les vivent les moyens d'agir et de sensibiliser les femmes immigrantes à leurs droits et, également, d'informer le ministère sur des changements à apporter aux lois, règlements et à tout ce qui est l'appareil réglementaire et législatif du gouvernement. Ces chiffres s'en viennent.

Donc, par conséquent, il y a eu des décisions de prises, il y a des événements qui ont eu lieu, il y a eu des changements qui se sont produits et, encore là, nous croyons que la meilleure manière de procéder consiste à s'en remettre aux femmes qui vivent ces problèmes en subventionnant leurs propres organismes; s'en remettre à elles pour trouver des solutions à leurs propres problèmes.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Donc, si je comprends bien, outre l'aide financière que le ministère a offerte à ces personnes qui veulent se regrouper...

M. Godin: J'ai les chiffres. Excusez-moi, M. le député. Entre 200 000 $ et 250 000 $ de subventions ont été accordées à des organismes pour la défense des droits des femmes immigrantes...

Une voix: Incluant le colloque.

M. Godin: ...incluant le colloque effectivement - pour la défense des droits du personnel domestique, à des organismes de femmes qui servent, dirais-je, de multiplicateurs de ces données, sans compter deux subventions de 40 000 $ au total à la CSN et à la FTQ pour ce qui est de leur organisation de défense des droits des travailleurs et travailleuses immigrants à l'intérieur des structures de ces centrales.

Donc, en tout, vous avez presque 300 000 $ du budget du ministère qui est allé précisément à la défense des droits des travailleurs et travailleuses immigrantes au Québec.

M. Gratton: Je prends note de l'aide financière de l'ordre de 200 000 $, 250 000 $.

M. Godin: 300 000 $ en tout, si vous comptez la CSN et la FTQ.

M. Gratton: Oui, et je prends note également que le ministre a dit: Nous

travaillons sur plusieurs projets précis, notamment certaines publications.

M. Godin: ...normes minimales de travail en plusieurs langues, les principales langues tierces parlées au Québec.

M. Gratton: Elles ne sont pas encore disponibles, si je comprends bien?

M. Godin: C'est en voie de traduction.

M. Gratton: D'accord. Notamment, combien de postes d'inspecteurs et d'inspectrices, par exemple, ont été créés pour la surveillance des normes minimales de travail envers les immigrants?

M. Godin: Cela ferait partie du rapport du CIPACC.

M. Gratton: L'avez-vous lu? Quand l'avez-vous, lu ce rapport?

M. Godin: Je l'ai lu le rapport du CIPACC, mais je briserais mon serment d'office si je vous le dévoilais ici.

M. Gratton: Mais le rapport du CIPACC dit qu'il n'y a eu aucune...

M. Godin: Le rapport du CIPACC en parle.

M. Gratton: Oui. Ç'aurait été fort utile d'étudier les crédits du ministère après la publication du rapport du CIPACC.

M. Godin: À qui le dites-vous!

M. Gratton: Pourquoi ne sait-on trop à qui s'en prendre dans l'organisation des travaux?

M. Godin: De toute façon, M. le député de Gatineau, nous serons tous les deux ici l'année prochaine, à moins d'un remaniement très majeur, et vous aurez l'occasion de poser des questions sur peut-être deux rapports du CIPACC en ligne. Vous pourriez avoir non pas six heures d'étude de crédit, mais soixante heures, à votre goût.

M. Gratton: II n'y a rien qui me plairait plus, M. le Président.

M. Godin: Moi aussi.

M. Scowen: J'aurai une question sur les illégaux en temps et lieu.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Immigrants illégaux M. Scowen: J'ai lu le texte concernant le problème très difficile des immigrants illégaux et j'arrive à votre politique, aux pages 46, 47 et 48. Je dois vous dire, et je l'admets au départ, que je n'ai pas la solution. Est-ce que vous le trouvez?

M. Godin: La mienne n'est pas paginée. Allez-y, je connais par coeur le contenu.

M. Scowen: C'est le chapitre 5, Conclusion, mesures de redressements, page 46.

M. Godin: Je l'ai. Allez-y.

M. Scowen: Je pense que vous proposez deux solutions que vous qualifiez d'extrêmes, soit l'expulsion...

M. Godin: Ou l'amnistie.

M. Scowen: ...ou l'amnistie générale, et vous en arrivez à une solution que vous appelez intérimaire, entre les deux, solution qu'on peut appliquer avec souplesse et qui est discrète. Je dois vous dire que cette solution ne me plaît pas, et je vais vous dire pourquoi.

J'ai un paquet d'illégaux dans mon comté et je suis appelé à traiter avec eux d'une façon régulière. Oui, M. le député de Bourassa, j'ai un paquet d'illégaux, surtout des personnes qui viennent des Caraïbes, dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce. Il y a environ 12 000 personnes résidant dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce qui sont des noirs des Caraïbes, d'après les plus récents chiffres. Il y en a plusieurs qui sont très mal à l'aise parce qu'ils sont illégaux eux-mêmes ou parce qu'ils ont des amis ou des parents qui sont illégaux. C'est un problème quotidien dans le comté. Je sais très bien que cette discrétion s'applique si un cas est apporté, par exemple, à un député. Il peut téléphoner au ministre, soit le ministre à Ottawa ou le ministre d'ici, et normalement on essaie de faire quelque chose. Ce système, pour les cas qui arrivent dans nos bureaux... Je dois admettre que jusqu'ici le ministre a démontré une compréhension que je trouve excellente. Cependant, ce que je constate, c'est que, si notre politique est une politique de discrétion et que les gens ne sont pas conscients de la possibilité qui existe de régler les cas de cette façon, vous risquez non seulement de créer beaucoup d'inquiétude parmi les familles qui ont avec eux une personne illégale mais aussi d'encourager certaines actions que je trouve malsaines. Par exemple, c'est très facile d'exploiter les personnes qui sont dans cette situation. J'ai des cas de personnes qui ont acheté des cartes-soleil qui ont coûté des centaines de dollars. Elles ont changé leur nom. Je vois des personnes qui sont allées voir certains avocats et dont les frais, pour

le conseil qu'ils donnent, sont souvent très importants. Je vois des personnes qui ont une peur épouvantable de la police et qui deviennent paranoïaques devant la situation dans laquelle elles se trouvent. Alors j'aimerais que le ministre essaie de développer une politique qui soit plus visible que celle qu'il prône dans les pages que nous avons devant nous et qu'il essaie de développer une politique qui dit quelque chose publiquement. Je ne parle pas d'une amnistie, j'accepte la liste des problèmes qu'il a soulevés et qui sont causés par une amnistie générale. Je trouve que c'est probablement logique. Mais, entre une discrétion presque silencieuse et une amnistie générale, on doit être capable de développer quelque chose qui aurait le pouvoir d'informer les personnes qui sont dans cette situation ainsi que leurs amis et parents, qui sont souvent les personnes qu'on contacte dans un premier temps. Il faudrait leur dire que, d'une façon générale, il existe certaines portes de sortie. Alors, j'aimerais beaucoup que le ministre revoie les pages 48 et 49 parce que c'est une question qui crée beaucoup de problèmes humains non seulement dans mon comté mais un peu partout au Québec. Il doit y avoir un moyen de sortir cette politique de l'ombre et de la rendre plus claire.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Godin: Je me réjouis de voir que vous vous préoccupez de cela. Je le savais d'avance parce que nous travaillons littéralement ensemble à certains cas. Remarquez que ce travail que nous faisons à partir des cas qui nous sont soumis par des députés, des organismes, des personnes ou des paroisses, ce n'est pas la solution idéale, je suis tout à fait d'accord avec vous. La solution que nous proposons ne serait pas une solution de ce type. Elle consisterait à avertir, via les organismes non gouvernementaux et via les journaux, de l'existence de cette politique à la condition qu'il y ait une entente entre Ottawa et nous pour que cette politique puisse s'appliquer à ce qui touche aux illégaux qui sont au Québec. Le problème que nous avons présentement c'est précisément, si nous ouvrons notre politique proposée, c'est-à-dire l'analyse par les fonctionnaires professionnels du ministère en vertu des critères connus que j'ai mentionnés ce matin et qui relèvent de l'article 18c, il y a trois cas généraux, les requérants qui ont déjà de la famille au Québec et dont une séparation prolongée serait source de sérieuses perturbations; les personnes qui vivent depuis plusieurs années au Québec, même illégalement, et qui s'y sont bien intégrées; les personnes qui, à cause de leurs activités professionnelles, économiques ou artistiques, représentent un acquis certain pour notre société et, enfin, les personnes dont la sécurité physique serait menacée par l'emprisonnement ou la torture ou dont la vie même serait en danger si elles ne pouvaient s'installer au Québec. Nous, ce sont les critères que nous appliquons. Ils s'inspirent en gros des critères du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, en gros de l'expérience du ministère, qui existe depuis 1968 au Québec, et également d'une expérience très concrète et très récente dans le cas des Haïtiens. (17 h 15)

Ce que nous voulons, c'est que toutes les personnes qui n'ont pas de statut, qui sont illégales se présentent à un fonctionnaire du ministère. Ce fonctionnaire les évalue et décide, seul ou après consultation avec un comité que ces personnes devraient être acceptées au Québec, devraient avoir un statut d'immigrant légalement reçu au Québec.

Par ailleurs notre crainte, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est que le fédéral les retourne ou que le fédéral exige que ces personnes quittent le Canada pour formuler une demande officielle et là se soumettent, même si elles répondent aux critères que j'ai mentionnés, avec les perturbations familiales, les riques de torture, d'emprisonnement, tout ce que j'ai mentionné, si le fédéral décide... Notre lutte avec le fédéral, pour ne pas dire contre le fédéral, c'est de leur dire: Nous sommes assez matures et adultes dans notre juridiction dans le domaine de l'immigration pour que vous nous fassiez confiance et que vous reconnaissiez que les cas que nous déterminons nous-mêmes comme étant susceptibles d'avoir le statut légal, vous les traitiez sur place. C'est notre position de fond. Jusqu'à ce jour on n'a eu de réponse positive d'aucun ministère de l'Immigration fédéral, sauf exception pour les Haïtiens, il y a quelques années. Nous avons montré, dans le cas des Haïtiens, que nous pouvions, en adultes, administrer aussi bien que n'importe quel autre gouvernement une politique d'immigration basée sur les critères que j'ai mentionnés. Je dois même dire que ces critères, depuis lors, se sont raffinés, ont été approfondis et s'inspirent de l'expérience que nous avons eue avec les Haïtiens et également d'une mini-opération qu'on a faite il y a plusieurs mois à la suite d'un reportage de CFCF, je pense. Gordon Sinclair avait attiré l'attention du public sur un certain nombre d'immigrants illégaux qui venaient précisément de la Barbade et des Antilles anglaises. Nous avons traité presque 300 cas, cas par cas, nous basant sur des critères administrés par des professionnels, la tâche du ministre dans ceci ne consistant qu'à signer des décisions prises par d'autres.

M. Scowen: Si je ne m'abuse, les

personnes qui sont admises par une décision du ministre fédéral pour des raisons humanitaires ne sont pas obligées de quitter le pays?

M. Godin: Non, mais justement pour éviter à ces personnes de devoir se présenter à deux ministères, à deux adresses, répéter deux fois la même chose, nous avons demandé au fédéral: Confiez-nous, comme vous l'avez fait pour les Haïtiens, la tâche de faire cette évaluation, cette détermination. Nous allons vous soumettre la liste de ceux que nous acceptons, entérinez-la et cela marchera très bien. Ils ne sont pas d'accord parce qu'ils se battent pour la souveraineté, leur juridiction.

M. Scowen: Je pense qu'ils se battent avec...

M. Godin: ...au détriment des droits des illégaux.

M. Scowen: Pour moi c'est compréhensible qu'ils se battent pour garder un certain pouvoir décisionnel en ce qui concerne la criminalité de l'affaire, s'il y a des gens qui ont des aspects...

M. Godin: Cela resterait.

M. Scowen: Ils doivent, quant à moi, garder cet aspect. Si je vous ai bien compris tantât...

M. Godin: Le droit de veto ultime, nous sommes d'accord pour qu'ils le gardent.

M. Scowen: ...vous avez dit que tous ces gens étaient obligés actuellement de quitter le pays pour six mois avant de pouvoir être acceptés à titre légal. Quant à moi ce n'est pas vrai. Le problème, aujourd'hui... Ce n'est pas de cette question que je parle. J'espère, si je vous comprends bien, que vous avez l'intention, dans les jours qui viennent, de rendre publique une déclaration en ce sens que les illégaux peuvent profiter d'un certain cheminement pour régler leur statut, soit par la voie des médias...

M. Godin: Ma seule crainte...

M. Scowen: C'est cela que je voulais.

M. Godin: ...M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est la suivante: nous avons ici une proposition que nous faisons au gouvernement fédéral et cette proposition est publique; elle a été publiée dans les journaux. C'est accessible. Les ONG, comme on les appelle, les organismes non gouvernementaux dans lesquels se retrouvent vos commettants, M. le député, sont au courant de l'existence de cette proposition que nous faisons au fédéral. Voici quelle est notre crainte. On dit: D'accord on a un programme, on en fait la publicité dans les médias, la Gazette, le Suburban, le Moniteur, le Presse, le Devoir et on reçoit 2000 personnes. Nous leur faisons passer notre questionnaire, la grille de sélection du Québec, nous les acceptons. Si on arrive à 800 personnes acceptées sur 2000, on se retourne vers le gouvernement fédéral et il dit: Non, on veut tout recommencer cela. Sur les 800 que nous avons sélectionnés de peine et de misère, pour les immigrants candidats, ils n'en prennent que 400 ou 200. En plus, nous dévoilons leur existence au pouvoir fédéral qui peut les expulser. Par conséquent, les personnes sont craintives. Si nous avions la garantie - que nous demandons - que le fédéral, comme il l'a fait pour les Haïtiens, reconnaît que le Québec est un gouvernement assez adulte dans le domaine de l'immigration, pour que sa détermination de cas dont j'ai parlé tout à l'heure, de cas humanitaires, est sérieuse et valable, par conséquent, le gouvernement fédéral n'annulera pas la décision du Québec, et nous sommes prêts à ouvrir nos portes pour traiter les cas d'illégaux. Mais, faute d'avoir cette garantie, il ne serait pas raisonnable de notre part de le faire autrement que sur une base de cas par cas comme nous le faisons présentement.

M. Scowen: Je ne veux pas prolonger la discussion, mais je veux dire, en conclusion, que je trouve que vos efforts dans cette direction sont très louables, mais je pense que vous exagérez quand vous demandez au gouvernement fédéral de vous donner carte blanche pour tout le monde que vous allez approuver, parce que, en fin de compte, c'est le gouvernement fédéral qui a la responsabilité de regarder ces cas concernant la sécurité nationale et la criminalité.

M. Godin: On ne touche pas à cela. Nous ne toucherions pas à ces aspects.

M. Scowen: II faut absolument qu'il garde cet aspect du pouvoir.

M. Godin: M. le député, santé et sécurité, les deux critères de l'examen médical, du contrôle médical, resteraient sous la responsabilité du gouvernement fédéral; l'autre critère, la sécurité de l'État, resterait également sous la responsabilité du fédéral. Les gens en seraient prévenus. Comme nous n'avons pu nous entendre... Au fond, ce que nous demandons au fédéral, ce n'est pas beaucoup de choses. Nous leur laissons le droit de veto sur la santé et la sécurité. Nous leur demandons tout simplement d'alléger le fardeau des immigrants illégaux, de telle manière que,

s'ils se soumettent à la grille de sélection du Québec, ils ne seront pas obligés en plus de se soumettre à une grille de sélection du gouvernement fédéral, mais seulement à l'examen de la police et à l'examen médical du fédéral. Est-ce clair?

M. Scowen: Oui, c'est raisonnable. Faites-le, allez-y!

M. Godin: C'est tout ce que nous demandons, mais on ne peut pas le faire, le gouvernement fédéral ne veut pas.

M. Scowen: Nous sommes d'accord.

M. Godin: Je peux préciser, en terminant, le gouvernement fédéral nous a dit...

M. Scowen: Est-ce que le fédéral a dit non?

M. Godin: Ce que M. Axworthy m'a dit, quand je l'ai rencontré à Ottawa, il y a bientôt deux ans et demi, c'est ceci: Soumettez-moi vos cas un par un et nous allons décider un par un. Cela n'allège en rien le fardeau de l'immigrant. Cela allège le mien peut-être, mais pas le fardeau de l'immigrant, parce que le ministre peut décider, malgré que mes fonctionnaires professionnels très sérieux aient identifié...

M. Scowen: On peut vivre même avec cela.

M. Godin: Pardon?

M. Scowen: On peut vivre même avec les deux grilles. Le problème essentiel, c'est de faire comprendre aux immigrants que ce recours existe. S'ils sont obligés de passer par deux grilles, ce n'est pas pire que ce qu'ils auraient été obligés de faire s'ils étaient venus d'une façon légale.

M. Godin: Ils le font déjà. La possibilité existe déjà.

Le Président (M. Blouin): La parole est au député de Fabre. Est-ce sur le même sujet?

M. Leduc (Fabre): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Vous avez la parole.

M. Leduc (Fabre): Oui, c'est connexe. Je voudrais que le ministre nous fasse l'éclairage sur la question des réfugiés. En fait, le député a touché la question des illégaux, mais il y a la question des réfugiés en situation de détresse. D'après ce que j'ai lu, il y aurait, chaque année, environ 15% des immigrants qui arriveraient au Québec et qui seraient dans une situation de détresse, ce qui représente environ 2000, 2500 personnes. Or, en octobre dernier, on a appris que le gouvernement fédéral avait coupé les vivres, coupé l'aide financière accordée jusque-là à ces réfugiés. Depuis ce temps, puisque la question a été reprise dans les journaux plusieurs fois, nous avons appris, par exemple, en février que 500 réfugiés ont adressé au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés une demande pour obtenir un camp de réfugiés dans la région de Montréal. C'est assez surprenant que des réfugiés soient amenés à demander un tel camp au Canada. Mais la situation en est là. Le Québec a dû prendre la relève et a dû assurer une assistance financière à ces réfugiés depuis que le fédéral a coupé les vivres. Depuis quelque temps, on a appris, cependant, que le Québec avait à son tour coupé les vivres à ces réfugiés. Je demanderais au ministre de nous dire pourquoi le Québec est intervenu de cette façon? Ce qu'il compte faire pour ces réfugiés? S'il y a des pourparlers avec le gouvernement fédéral pour trouver une solution à cette détresse?

M. Godin: Dans mon discours de ce matin, j'ai tenté de faire le tour de cette question. Ce que je peux vous dire, c'est que nous appliquons dans ce domaine tout simplement la politique d'immigration du Québec. Les personnes en attente du statut de réfugié - à bien distinguer du réfugié reconnu comme tel qui, lui, bénéficie de l'aide gouvernementale fédérale - ce sont les personnes qui débarquent à Mirabel et qui disent: Moi, je suis réfugié, est-ce que vous me décernez le statut de réfugié? Le délai est de six mois à deux ans et demi suivant la complexité du cas, suivant le fait que la personne doit aller en appel, doit aller en révision d'une décision, etc... cela peut prendre jusqu'à deux ans. Ce n'est pas toujours la faute du fédéral si cela prend deux ans. Cela peut aussi être le résultat d'un processus d'évaluation qui est comme un chemin de croix; mais si la personne veut se soumettre au chemin de croix, cela peut durer deux ans pour avoir son statut de réfugié.

Donc, aux personnes en attente du statut de réfugié, le fédéral versait une compensation financière. Ayant constaté que cette décision avait provoqué un flot considérable de nouveaux candidats au statut de réfugié, une nouvelle personne en attente du statut de réfugié, ils ont décidé de fermer le robinet jusqu'à un certain point et de décider: Nous ne leur versons plus de compensation financière pour la période d'attente du statut officiel et légal de réfugié. Nous en avons été avisés, vous savez, deux jours plus tôt. Les ONG -

Organismes et organisations non- gouvernementaux - et le Québec se sont retrouvés avec quelques centaines de personnes qui étaient sans aucune ressource. À ce moment, le Québec a décidé d'assumer ses responsabilités et de leur verser l'aide sociale, tout en réfléchissant, par ailleurs, sur une solution qui permettrait de mettre un terme à un influx trop considérable pour les besoins financiers du Québec aussi bien que pour les organismes non-gouvernementaux.

Donc, notre décision a été d'exiger que ces personnes se soumettent à la grille d'examen du Québec et soient détentrices d'un CSQ - certificat de sélection du Québec - auquel cas nous leur versons l'aide sociale pour toute la période d'attente du statut de réfugié. Dès que cette période est terminée et que le fédéral leur donne un statut de réfugié, elles reçoivent l'aide fédérale quand elles y ont droit. Notre position a consisté à obliger ces personnes à venir à nos bureaux, premièrement. Le délai est présentement de deux mois à cause du nombre. (17 h 30)

La première décision: CSQ égale aide sociale. Quant à la deuxième décision, l'archevêché de Montréal ayant mis sur pied L'Abri qui loge ces gens, le ministère versera à L'Abri, en deux versements, 100 000 $ au cours de l'année 1982-1983 et 1983-1984, pour qu'il y ait un minimum de services et de soins accessibles à ces personnes.

La Présidente (Mme Lachapelle): Merci. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Sur le même sujet, Mme la Présidente, je pense bien que le ministre conviendra avec moi - je conviens avec lui en tout cas - que la situation est loin d'être idéale et pendant qu'on ne s'entend pas entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, ce sont malheureusement ces personnes, qui sont dénuées de toute possibilité d'obtenir même un minimum essentiel, qui en souffrent.

Quand je constate, comme l'a fait ce matin le ministre, que pour venir en aide à ces personnes, l'archevêché de Montréal a dû ouvrir son centre d'accueil pour réfugiés, je constate également que le ministère y a contribué de quelque 50 000 $, deux fois, ce qui fait 100 000 $. Mais dans le fond, je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que ce n'est sûrement pas là une solution digne du Québec, digne de Montréal non plus. Bien sûr, Mirabel est au Québec et il y a des réfugiés qui continueront d'arriver à Mirabel qu'on le veuille ou pas. Nous sommes placés dans une situation qui fait que où que soient les torts, qui qu'on puisse blâmer, que ce soit le fédéral ou le provincial, peu importe, le fait demeure qu'il y a lieu d'essayer de trouver des solutions à cela. Un problème qui est soulevé... Le ministre expliquait tantôt que l'aide sociale est disponible à compter du moment où un réfugié obtient son certificat de sélection du Québec. Mais le ministre n'ignore pas qu'il y a un processus assez lourd pour l'obtenir et il y a une période de temps assez considérable pour qu'une personne puisse l'obtenir également.

M. Godin: Maintenant, c'est deux mois.

M. Gratton: Oui, c'est deux mois, cela peut aller à trois mois, mais on exige également de ces personnes de faire deux fois l'exercice, c'est-à-dire une fois, pour le CSQ et une autre fois, pour le gouvernement fédéral, de répondre aux mêmes questions. Dieu sait que ces gens ne sont pas toujours dans un état d'esprit pour répondre à des questions du genre de leur affiliation politique, de ce qui les amène à fuir leur pays; ils sont déjà traumatisés au départ. Je ne connais pas la solution, mais je me demande si elle réside dans la décision du ministre de ne pas accorder l'aide sociale pendant cette période de temps. Je serais tout à fait prêt à me laisser convaincre par le ministre qu'il y a lieu d'insister de toutes les façons possibles auprès du ministère de l'Immigration du gouvernement fédéral; on le ferait volontiers en étant convaincu qu'on veut régler le problème de ces personnes. Mais en attendant, est-ce qu'on laissera perdurer cette situation encore longtemps? Cette semaine est précisément la semaine du bénévolat. Dieu sait qu'il y a énormément de bénévoles qui se sont préoccupés de ces... J'ai souvent l'occasion, par exemple, par la commission ethnique de notre parti, de rencontrer des gens qui font cela presque à temps plein, accueillir des réfugiés d'un peu partout, leur trouver des gîtes plus ou moins salubres et plus ou moins acceptables. On s'échange cela entre des représentants des ethnies différentes et on se demande quelquefois, aux réunions qui, normalement, devraient être strictement politiques: est-ce que vous n'auriez pas deux ou trois espaces pour accueillir de gens de notre communauté qui nous sont arrivés comme cela?

Est-ce que le ministre ne considère pas qu'il y aurait possibilité de revoir cette décision de ne pas accorder l'aide sociale avant qu'on puisse obtenir ce fameux certificat?

M. Godin: Remarquez que c'est ce que demandent des organismes non gouvernementaux, enfin une partie de ces organismes du moins. Ce qui se passe, M. le député de Gatineau - et vous n'êtes pas sans le savoir, j'imagine - c'est que vous dites: II y aura toujours des réfugiés qui arriveront à Mirabel. C'est un fait. Mais qui va

déterminer qu'une personne est ou n'est pas un réfugié? J'arrive à New York; je dis que je viens du Québec et que je suis un réfugié. Supposons que Reed Scowen, déçu du PQ, décide d'aller se réfugier à Cleveland. Il descend à Cleveland et dit: Je suis réfugié et je veux être nourri et logé par vous. Ne me posez pas de questions. C'est tout ou rien. Je pense que j'y ai droit. M. Scowen ou moi, nous irions ailleurs et devrions répondre normalement à des questions. Il serait absolument aberrant que des gouvernements qui ont la responsabilité des fonds publics ne posent pas de questions aux gens à qui ces gouvernements verseraient des montants d'aide sociale ou pour toute autre forme d'aide. Ce ne serait pas sérieux, parce que vous mettriez en place des circonstances qui pourraient mener à une situation où un afflux considérable de faux réfugiés se dirigerait spontanément vers un pays si généreux.

Alors, il faut déterminer qui sont les vrais ou les faux réfugiés. M. le député de Gatineau, vous savez qu'il y a dans plusieurs pays du monde, de la part du Canada comme du Québec, des bureaux d'immigration. Dans certains cas, la casquette du réfugié est utilisée comme étant un court-circuit des procédures normales d'évaluation des immigrants. Donc, il est absolument essentiel que, cas par cas, ces personnes soient vues. Au fond, ce sont les mêmes critères que pour les Québécois qui bénéficient de l'aide sociale, ils doivent répondre à des questions. Autrement, toute personne irait à l'aide sociale et dirait: Donnez-moi de l'aide sociale. Même un député pourrait aller à l'aide sociale et dire: Cela me ferait 4000 $ ou 5000 $ de plus par année, pendant la période des coupures, cela me ferait seulement une augmentation. Un professeur aurait pu y aller pour compenser ses 20% de coupures sur trois mois. Et pas de question! No questions is askedi Tout le monde y a droit. On y va. C'est le "party". C'est le pique-nique. Ce ne serait pas sérieux. La même règle doit s'appliquer à ces personnes en attente du statut de réfugié.

Donc, puisque c'est le fédéral qui a le pouvoir de déterminer qui est réfugié ou non, le Québec va voir si ces personnes sont des cas de détresse ou non. S'il appert que c'est un cas de détresse, qui a besoin de l'aide sociale, nous allons la lui verser. Mais il faut le savoir. Cela prend six semaines. Il y a quelques mois, cela prenait trois semaines mais, maintenant, cela prend six semaines, parce qu'il y en a plus. Il y a des arrivées de 200 personnes par mois à Mirabel. Donc, on ne serait pas un gouvernement sérieux et on se ferait reprocher par vous de jeter l'argent par les fenêtres si on versait de l'aide sociale à toute personne qui arrive à Mirabel et qui se dirait réfugiée, sans vérifier si elle l'est vraiment.

M. Gratton: Non, je pense bien que ce n'est pas ce qu'on suggère au ministre. D'ailleurs, l'exemple qu'il utilise du député de Notre-Dame-de-Grâce qui arriverait à Cleveland, je ne lui poserais même pas de question, je le retournerais tout simplement chez lui. Cela n'a rien à voir avec la personne en question. Mais quand on est à Mirabel et qu'on voit des gens qui arrivent, par exemple, du Guatemala, du Salvador, du Sri Lanka, d'endroits qui sont loin d'être le Québec, même péquiste, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on sait à quoi on a affaire. Il ne s'agit pas du Reed Scowen de votre exemple de tout à l'heure.

M. Godin: Non, pour nous... Enfin, avez-vous terminé?

M. Gratton: Non.

M. Godin: Simplement sur le point dont vous venez de parler, quand ces personnes viennent de pays reconnus internationalement, entre autres, par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, El Salvador est un "beau" cas, nous avons une entente -je l'ai citée ce matin - avec le ministère fédéral de l'Immigration aux termes de laquelle toute personne qui vient de El Salvador a son statut de réfugié presque automatiquement. Nous avons ce que nous appelons des "programmes spéciaux".

M. Gratton: Après combien de temps?

M. Godin: Ce sont des "classes désignées". Prouvez que vous êtes d'El Salvador et c'est automatique. Pour Haïti, il y a quelques années, c'était la même chose. Pour le Vietnam, le Laos et le Cambodge, les "boat peoples", c'était la même chose. Programmes spéciaux automatiques. Nous avons donc, en collaboration avec le Haut-Commissariat aux Nations Unies, déterminé un certain nombre de pays, d'où nous acceptons les Polonais. Les 500 à 600 Polonais de l'an dernier étaient arrivés ici en vertu d'un programme spécial et ont bénéficié à leur arrivée même des services gouvernementaux du fédéral et du provincial. Mais quand ce ne sont pas des pays pour lesquels il y a des programmes spéciaux, remarquez bien que nous avons, chez nous, des spécialistes de la question des réfugiés qui nous disent: Tel pays devrait bénéficier de ce statut particulier. Obtenez une entente avec le fédéral pour y parvenir. Mais pour les cas qui viennent de Sri Lanka, que vous avez cités, M. le député de Gatineau, Sri Lanka, travailleurs immigrés en Allemagne... D'accord? Ils arrivent de la République fédérale allemande et ils ont su qu'au Québec on débarquait à Mirabel et on avait 400 $ par mois. Ils viennent à Mirabel plutôt que d'être en chômage, de ne rien faire en

Allemagne. Dans certains cas, on découvre après que ces gens ont des biens, ont des montants d'argent dans leurs poches. Par conséquent, il faut les "processer", comme on dit en anglais.

M. Gratton: Justement, au sujet du "processing", le ministre...

M. Godin: Juste un dernier détail. Nous croyons, par ailleurs, que l'État ne doit pas être le seul intervenant. Ce que l'archevêché fait, c'est merveilleux. La collecte de fonds que l'archevêché fait auprès des gens charitables du Québec, c'est merveilleux. Dans les paroisses, les quêtes qui se font pour ces personnes, c'est merveilleux. L'abri qui est mis sur pied par l'archevêché, cela émane de la générosité et de la charité des citoyens du Québec. Centraide donne un coup de main. Je pense donc qu'il doit y avoir un éventail de personnes - pas seulement l'État québécois ou canadien - un éventail d'organismes et de personnes qui se dévouent spontanément pour ces personnes.

M. Gratton: Pour revenir au "processing" de ceux qui doivent obtenir un certificat de sélection, le ministre disait tantôt: On parle d'environ six semaines. Déjà, c'était trois semaines mais à cause du nombre plus grand, c'est maintenant rendu à six semaines. On reçoit des représentations à l'effet que cela peut aller jusqu'à trois ou quatre mois. Est-ce que c'est six semaines ou quatre mois?

M. Godin: Cela peut être trois mois; tout dépend de la complexité du cas. Par ailleurs, pour répondre à la pression du nombre, nous avons doublé, je pense, le nombre de fonctionnaires qui étaient affectés au traitement de ces dossiers.

M. Gratton: Quand cela s'est-il produit? M. Godin: Cela date d'une semaine.

M. Gratton: C'est assez récent, mais au moins c'est cela.

M. Godin: Au moins c'est fait, contrairement au rapport du CIPACC. C'est fait.

M. Gratton: Oui. Je réitère au ministre l'offre que je lui faisais tantôt à savoir que, personnellement, c'est une des choses qui m'intéressent vivement et je serais tout à fait disposé à user de mes contacts à Ottawa parce que j'en ai.

M. Godin: D'accord.

M. Gratton: Ils n'apportent pas nécessairement toujours des résultats concrets, mais je pense que si, effectivement, on a besoin de pousser sur nos confrères d'Ottawa, on n'est pas réfractaires à cela non plus.

M. Godin: Écoutez, vous avez lu le rapport sur les illégaux, vous avez entendu le passage de mon discours - vous le verrez au journal des Débats - sur les personnes en attente du statut de réfugié. Libre à vous d'y donner suite. Je me suis souvent demandé si vous étiez l'homme du Québec à Ottawa ou l'homme d'Ottawa dans le Parti libéral. Ce n'est pas encore clair dans mon esprit, d'après ce que vous dites, mais si vous avez des contacts là-bas, usez-en pour le bien de ces personnes mal prises.

M. Gratton: Si cela peut rassurer le ministre...

M. Godin: Et on vous bénira, monsieur...

M. Gratton: Si cela peut rassurer le ministre, je ne suis l'homme de personne, sauf de moi-même.

M. Godin: D'accord.

M. Gratton: Je n'ai pas l'habitude de me mettre à plat ventre devant les gens, pas plus s'ils proviennent d'Ottawa que s'ils proviennent de Québec, du Parti québécois ou du Parti libéral.

M. Godin: On a vu cela il n'y a pas longtemps.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Vous avez terminé, M. le député de Gatineau?

M. Gratton: Sur la question des réfugiés, j'avais d'autres questions mais je pense... Je ne sais pas s'il y a d'autres questions sur la question des réfugiés?

M. Scowen: Non, c'est encore sur les illégaux et j'avais juste une petite suggestion à proposer. J'ai réfléchi un peu sur ce que le ministre m'a dit et j'ai une proposition qui peut peut-être le choquer mais au moins il pourra y réfléchir.

M. Gratton: Sûrement.

M. Scowen: Je propose que vous continuiez de poursuivre vos conversations avec le fédéral et si...

M. Godin: C'est ce qu'on fait.

M. Scowen: ...après une certaine période, il n'accepte pas vos propositions, pourquoi ne pas mettre de côté votre grille

et essayer d'obtenir une entente avec le fédéral qui va s'occuper lui-même de ces personnes sans qu'on s'en mêle? (17 h 45)

Je suis persuadé, premièrement, que cela ne menacera pas la spécificité du Québec parce qu'il n'y en a pas tant que cela et la question est une question humaine. C'est le fédéral qui leur a permis d'entrer ici, pas nous. C'est le fédéral qui n'a pas poursuivi l'affaire après les délais légaux pour les retourner chez eux. C'est essentiellement un problème fédéral. Les gens qui sont ici dans cette position ne sont pas capables de comprendre les nuances de notre système fédéral. Je suis persuadé que si on pouvait régler le problème en disant au fédéral: On va mettre de côté notre grille, notre critère pour ces personnes pourvu que vous acceptiez de mettre sur pied quelque chose de concret pour que les gens puissent s'adresser aux fonctionnaires fédéraux ou aux députés fédéraux et avoir une solution à leurs problèmes, je pense qu'on rendrait un grand service à ces gens et aux Québécois en général.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Godin: Remarquez que je ne voudrais pas être le ministre de l'Immigration du Québec qui voit les pouvoirs dont il dispose être l'objet d'un tirage de mailles. On tire une maille et, en fin de compte, il n'y a plus de gilet du tout et on gèle comme des rats dehors. Je pense que le Québec se bat pour avoir une politique de l'immigration à lui depuis des années, pour des raisons que vous connaissez certainement et qui ont été évoquées en 1968 lors de la création du ministère, et même des années avant par les deux partis des deux côtés de la Chambre. L'ex-chef du Parti libéral, M. Claude Ryan, s'est réjoui, il y a bientôt quinze ans, quand le Québec s'est doté de cette politique. Remarquez que le fédéral joue sa partie et il voudrait bien que le Québec recule et que soit grignotée peu à peu cette juridiction. C'est ce que vous proposez, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, et je ne pense pas que vous le proposiez ou que vous le proposeriez si jamais vous étiez de ce côté-ci de la Chambre à ma place. Au contraire, vous agiriez exactement comme moi.

M. Scowen: Si j'étais persuadé que cette démarche soit le début d'un effondrement de toute notre politique de l'immigration, oui, mais si je le vois comme un petit problème humain causé par le gouvernement fédéral qui pourrait être... Continuez vos démarches pendant quelques semaines. Certainement que je suis de votre côté, mais, finalement, je suis persuadé que vous pouvez régler ce problème d'une autre façon sans pour autant faire tout ce travail pour gagner des pouvoirs qui sont les nôtres, même d'après la constitution. Il est question de régler des problèmes très concrets pour très peu de gens, mais, de toute façon, je...

M. Godin: Justement, le fédéral ayant reconnu dans l'entente Couture-Cullen que le Québec a le pouvoir de choisir, de faire la sélection, je pense qu'il lui appartient d'être logique. Pour un illégal qui est au Québec, il devrait appartenir au Québec de le sélectionner et de voir s'il correspond aux critères reconnus internationalement et déterminés par le Québec. Remarquez que ce que vous dites... Je ne pense pas que la situation actuelle empêche un illégal de se présenter au bureau d'immigration du Canada, sur Atwater, pour faire valoir sa cause, ensuite son dossier; cette personne doit venir au Québec qui fait sa propre évaluation. Je ne pense pas que nous devrions reculer sur l'entente Couture-Cullen. Au contraire. L'expérience montre que le Québec est mieux servi depuis qu'il a sa politique. Je vous ai cité ce matin le cas de 300 immigrants investisseurs qui ont investi l'an dernier 100 000 000 $ au Québec. Nous avions constaté par le passé - écoutez bien cela, M. le député, cela va vous intéresser -qu'à une certaine époque, les recruteurs d'immigrants investisseurs du fédéral parcouraient l'Europe et que les immigrants investisseurs s'établissaient en Colombie britannique. On a vérifié pourquoi. Le recruteur venait de cette province. Par conséquent, vous savez aussi bien que moi que si c'est nous qui recrutons...

M. Scowen: Oui, je connais cela. Je suis au courant de tout cela.

M. Godin: ...on a peut-être des chances qu'ils viennent ici.

M. Scowen: Oui.

M. Godin: Si c'est un gars de BC qui travaille pour le fédéral, il va aller en BC. Si c'est un gars des Maritimes ou de l'Ontario qui travaille pour le fédéral qui va en Allemagne, c'est sûr que l'immigrant ne sera pas au Québec avec son investissement, mais ailleurs.

M. Scowen: D'accord, d'accord.

M. Godin: Par conséquent, si vous êtes aussi d'accord avec nous que le développement économique du Québec est l'apport de personnes nouvelles et de capitaux nouveaux, on ne peut pas reculer.

M. Scowen: Votre réponse, au fond, ne me surprend pas.

M. Godin: Vous auriez fait la même, M. le député.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Oui, une courte question, M. le Président. Une autre des promesses de la campagne électorale du printemps 1981 touchait l'embauche de différents immigrants à Communication-Québec. Le ministre est-il en mesure de nous dire combien d'agents d'information ou autres personnes ont été embauchés, depuis avril 1981, à Communication-Québec?

M. Godin: Je reprendrai le chiffre que l'Opposition citait avec ses doigts tout à l'heure pendant la réponse du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Gratton: Quatre?

M. Godin: C'est cela.

M. Gratton: Depuis avril 1981 ou 1982?

M. Godin: C'est le même nombre que pour 1981.

M. Gratton: Où sont-ils localisés?

M. Godin: À Montréal.

M. Gratton: À Montréal tous les quatre.

M. Godin: Au complexe Desjardins. Là il y a justement une personne à remplacer. Vous savez que M. Michel Yarosky et son épouse quittent le Québec et s'en vont en Israël. Mme Yarosky, qui travaillait à Communication-Québec, sera remplacée dans les prochaines semaines, j'imagine.

La fermeture du COFI de Trois-Rivières

M. Gratton: Si le ministre le voulait bien, on pourrait peut-être se transporter dans sa région natale et parler de la régionalisation du COFI de Trois-Rivières du bureau du ministère qui est fermé à Trois-Rivières. De façon qu'on ne m'accuse pas de faire de la démagogie, je vais citer quelques passages dans l'éditorial de M. Sylvio Saint-Amant en novembre 1982.

M. Godin: Du Nouvelliste.

M. Gratton: Du Nouvelliste, justement, qui écrivait que "le ministre Godin, une autre fois, n'a pas oublié sa ville natale. Le bureau régional d'immigration de Trois-Rivières ne fait pas partie de ses priorités, tout comme le COFI l'an dernier. Incidemment, à la fermeture du COFI de

Trois-Rivières, le ministre Godin avait promis que son ministère maintiendrait un représentant pour la région 04. En outre, il s'était engagé à ce qu'une autre personne soit maintenue en poste temporairement afin de venir en aide aux immigrés à la recherche d'emploi. Ses belles promesses s'envolent avec les dernières feuilles de l'automne". Plus loin il disait: "Pourtant, la région Mauricie-Bois-Francs est la troisième en importance pour l'immigration après Québec et Montréal. Notre région est moins touchée par le chômage que l'Estrie, ce qui suppose que chez nous nous devrions être en meilleure position que plusieurs autres régions pour accueillir des immigrants. On se souvient que l'an dernier le premier ministre Lévesque avait promis de mettre sur pied une véritable politique de démétropolisation de l'immigration et d'intégration des immigrants au Québec. La dernière décision de M. Godin est précisément la négation d'une telle politique". Plus loin: "Interrogé sur les décisions de M. Godin, le député de Trois-Rivières à l'Assemblée nationale, M. Denis Vaugeois, a dit ne rien y comprendre, ajoutant même qu'il n'avait pas été consulté sur la question". M. Saint-Amant, de conclure: "Le sympathique ministre-poète doit des explications à la population de sa ville natale et cela presse". Je lui en donne l'occasion.

M. Godin: Vous avez un très bon "clipping service" au Parti libéral.

M. Gratton: N'est-ce pas?

M. Godin: Dans votre cahier, avez-vous l'article qui résumait mes propos en réponse à ce que Saint-Amant écrivait? Non.

M. Gratton: Oui, fort probablement mais j'aimerais cela que vous le consigniez au journal des Débats.

M. Godin: Je me rends de bonne grâce à vos "suppliques", M. le député de Gatineau. Ce qui se posait comme problème à Trois-Rivières c'était la question de la poule ou de l'oeuf. D'abord, nous avons fermé le COFI parce que, depuis des mois, on le maintenait à bout de bras. Il fallait avoir un certain nombre d'étudiants au COFI pour pouvoir justifier les dépenses de celui-ci. Normalement on aurait dû le fermer plusieurs mois auparavant, mais c'était Trois-Rivières, il y avait des pressions du député à l'époque, le ministre des Affaires culturelles, du maire de la ville, de la population, des organismes d'aide aux immigrants. Ces gens nous disaient: Ne le fermez pas, cela augmentera, cela reviendra, on en aura d'autres, etc. On a attendu pendant des mois et de semaine en semaine le nombre diminuait. Là on aurait eu un COFI sans

immigrant ou avec si peu que cela ne justifiait pas un COFI.

Dans le cas de ces cours, M. le député de Gatineau, qui n'ont pas été abandonnés, remarquez bien, on a préféré signer un contrat avec la commission scolaire locale qui assume les cours de français pour les immigrants, qui n'étaient pas en nombre suffisant pour justifier un COFI.

Deuxièmement, nous nous sommes rabattus ensuite sur la solution d'un bureau temporaire, je prends votre propre mot, pour une période de presque un an dans l'espoir que, si jamais il y avait un autre flot d'immigrants vers Trois-Rivières, une personne pourrait avoir un nombre suffisant de dossiers pour justifier son salaire et même éventuellement la réouverture du COFI, M. le député de Gatineau. Malheureusement les choses ne se sont pas déroulées de cette manière, pour une raison très simple. Il faut bien se rappeler que l'ouverture d'un grand nombre de COFI dans l'ensemble du Québec a coïncidé avec l'opération "boat people".

M. Gratton: Laquelle?

M. Godin: "Boat people". Les gens du Laos, du Cambodge et du Vietnam qui arrivaient ici par dizaines de milliers bénéficiaient dans l'ensemble du Québec de structures d'accueil mises sur pied par les paroisses, les quartiers, les municipalités. Plus de 1000 personnes ont accueilli, ont parrainé des immigrants dans diverses régions du Québec. Des gens se sont imaginé qu'il y aurait des "boat people" pendant 20 ans. Un jour le nombre a diminué. Je m'en réjouis, M. le Président, parce que cela voulait dire qu'il y avait une guerre de moins quelque part dans le monde. Si des gens aiment mieux avoir beaucoup beaucoup de "boat people" pour ouvrir beaucoup, beaucoup de COFI à Trois-Rivières, Dolbeau, Sherbrooke, à mon avis, ils pensent à eux, ils ne pensent pas à ceux qui sont victimes des guerres dont on parle.

Donc, c'était une bonne nouvelle, en fait, que la diminution du nombre d'arrivées de "boat people" au Canada et au Québec. Cela démontrait qu'il y en avait moins. Cela a eu des répercussions: fermeture du COFI et fermeture du bureau temporaire à Trois-Rivières. Par ailleurs, nous avons, à Communication-Québec, à Trois-Rivières, une personne qui peut administrer les dossiers de ces personnes et acheminer leurs demandes d'information au ministère. De plus, nous avons un agent itinérant de l'immigration au Québec qui va à Trois-Rivières quand il y a des dossiers suffisamment importants, pour des raisons budgétaires. Quand il entre un dossier suffisamment important, la personne y va et revient à Montréal avec ce dossier. De plus, je dois dire une autre chose. Notre partenaire fédéral, dans les cas où les réfugiés ou les personnes qui n'ont pas de moyens sont bénéficiaires d'aide fédérale, attache l'aide à telle ville, à telle région. Donc, si vous avez le choix en tant qu'immigrant venant du Vietnam d'aller à Trois-Rivières, où il n'y a pas de prestations du fédéral, ou à Sherbrooke, où il y en a, où irez-vous? À Sherbrooke. Donc, le fédéral essaie de concentrer des immigrants là où il y a des services plutôt que de déconcentrer trop et de devoir démultiplier ses services et augmenter ses dépenses. C'est en partie la cause de ce qui s'est passé à Trois-Rivières.

M. Gratton: Donc, dois-je conclure que le ministre est tout à fait satisfait, que les immigrants de la région de Trois-Rivières sont bien servis par les mesures dont il vient de nous parler?

M. Godin: J'en suis convaincu.

M. Gratton: Tant mieux pour lui. M. le Président, j'aurais une dernière question, il reste quelques minutes. On a parlé des COFI. On sait que le résultat net des derniers décrets augmentera la tâche des professeurs dans les COFI. Cela risque de mettre en cause l'efficacité de ces gens. Est-ce que le ministre a des problèmes de ce côté?

M. Godin: Voulez-vous répéter votre question?

M. Gratton: Est-ce que le ministre entend prendre des mesures quelconques ou s'il est tout à fait satisfait et qu'il n'y aura pas de problèmes?

M. Godin: Non, il m'aurait beaucoup étonné, connaissant la qualité des enseignants et enseignantes qui sont dans nos COFI et connaissant surtout leur dévouement à la cause des immigrants et des immigrantes, que nos enseignants et enseignantes fassent subir aux immigrants les contrecoups des coupures de budget ou des décisions gouvernementales. C'est bien ce qui s'est passé. Il n'y a eu aucun effet négatif, même pas de grève. Il n'y a eu aucun effet négatif. Donc, nous sommes en face d'un personnel enseignant exemplaire et qui est dévoué à la cause des gens mal pris qui viennent de plusieurs pays du monde pour s'intégrer au Québec malgré le PQ et la loi no 101.

M. Gratton: M. le Président, il est 18 heures, est-ce qu'on doit terminer ce soir à compter de 20 heures?

Le Président (M. Blouin): Je peux vous rappeler que cet après-midi, à l'Assemblée nationale, lorsqu'il y a eu une motion pour que siège cette commission, le leader de

l'Opposition a suggéré que nous puissions, afin de compléter l'enveloppe de temps qui était prévue, siéger de 20 heures à 21 heures et que cette motion avait été adoptée à l'unanimité. Je propose donc que nous suspendions nos travaux.

M. Godin: Est-ce que je peux poser une question?

Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Godin: Est-ce qu'il y aurait moyen, M. le député de l'Opposition, d'en terminer avec l'Immigration d'ici quelques minutes, quitte à passer les organismes de la loi no 101...

Le Président (M. Blouin): Ce qui permettrait, si je comprend bien, de libérer les fonctionnaires...

M. Godin: Cela permettrait de libérer les fonctionnaires et de donner un peu d'espoir à cet aréopage qui s'inquiète de ce qu'il adviendra d'eux et d'elles. (18 heures)

Le Président (M. Blouin): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je pense qu'on pourrait, à moins que mes collègues ne pensent autrement, considérer que le programme 1 est adopté. Bien sûr, on est loin d'avoir posé toutes les questions qu'on aurait voulu poser, mais, compte tenu des limites de temps, nous préférerions, quant à nous, revenir au programme 2. Est-ce que je me trompe, messieurs? On pourrait considérer que le programme 1 est adopté, et passer, dès la reprise à 20 heures, au programme 2.

Le Président (M. Blouin): Les cinq éléments du programme 1, Communautés culturelles et immigration, sont adoptés. Sur ce, je suspends les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

M. Godin: Donc, si je comprends bien, l'Immigration, c'est bouclé.

Le Président (M. Blouin): Oui, c'est cela, c'est ce que je viens de dire, M. le ministre.

M. Godin: Je veux que tout le monde comprenne parce que...

Le Président (M. Blouin): Je présume que vous avez compris?

M. Godin: Je n'en suis pas sûr.

Le Président (M. Blouin): Vous n'en êtes pas sûr. Alors, je répète.

M. Godin: J'ai des doutes.

Le Président (M. Blouin): Je répète que le programme 1, Communautés culturelles et Immigration, qui comprend cinq éléments, est adopté et que nous passerons, à compter de 20 heures, au programme 2, Charte de la langue française.

(Suspension de la séance à 18 h 02)

(Reprise de la séance à 20 h 06)

Le Président (M. Blouin): La commission élue permanente des communautés culturelles et de l'immigration reprend ses travaux aux fins d'étudier les crédits du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Nous portons maintenant notre attention sur le programe 2: Charte de la langue française, qui contient cinq éléments. La parole est au député de Gatineau.

Charte de la langue française

M. Gratton: Déjà, M. le Président?

Le Président (M. Blouin): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Comme entrée en matière - on y a touché un peu - je pense que le ministre a d'ailleurs eu l'occasion... Oui?

Le Président (M. Blouin): Est-ce que vous préférez attendre quelques minutes?

M. Godin: Je pourrais peut-être présenter les gens qui m'accompagnent.

M. Gratton: Certainement.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Godin: À ma droite, le président de l'Office de la langue française, M. Claude Aubin - vous êtes à ma gauche, M. le Président - M. Pierre Laporte, directeur de la recherche à l'Office de la langue française; M. Gaston Cholette de la commission de surveillance; M. Jean-Yvon Houle, directeur des communications à l'office; Mme Coulombe, de la Direction de l'administration à l'office; M. Pierre LeBeau, directeur de la francisation; M. François Beaudin, de la Commission de la toponomie; M. Jean-Marie Fortin, directeur de la banque de terminologie; M. Pierre Auger, de la banque de terminologie; M. Michel Plourde, président du Conseil de la langue française; MM. Michel Amyot et Pierre Carrier, du Conseil de la langue française; Mme Lise Chicoine, directrice des communications à la commission de surveillance; M. Bernard de

Jaham, directeur des enquêtes; M. Giuseppe Turi, conseiller juridique de la Commission de surveillance de la langue française; M. Pierre Jolicoeur, directeur de l'inspection à la commission de surveillance et Mme Jeanne-d'Arc Valois, des statistiques à la Commission de la surveillance de la langue française.

À vous la parole, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: D'abord, je salue avec beaucoup de plaisir tous ces gens qui oeuvrent dans le domaine linguistique en leur souhaitant de ne pas être accaparés trop longtemps. Chose certaine, à voir le nombre, je ne pense pas que je puisse poser même une seule question qui pourrait relever de chacune de ces personnes. Je me limiterai donc à poser mes questions au ministre.

On a fait référence au cours des travaux aujourd'hui - le ministre également -à cette déclaration qu'il a faite à l'Assemblée nationale la semaine dernière, en complément de réponse à ce que le premier ministre nous disait. J'avais demandé au premier ministre de nous expliquer d'abord le silence du message inaugural sur les intentions du gouvernement quant aux amendements qui pourraient éventuellement être apportés à la Charte de la langue française. Il faisait valoir non pas que je considérais ou que personne ne considérait que la loi 101 était la seule cause des départs de sièges sociaux d'entreprises, de personnes, notamment de quelque 106 310 anglophones au cours des années 1976 à 1981, mais bien que certaines dispositions de la loi 101 avaient, selon l'avis de plusieurs, contribué à ces départs. Le ministre à un moment donné a cru bon de faire une demande, à savoir que ceux qui... Je ne voudrais pas reprendre la revue de presse et tout ce qu'on a écrit à ce sujet, notamment, par exemple, les réactions d'Alliance-Québec qui trouvait inacceptables les propos du ministre, un éditorial du journal The Gazette intitulé: "Odors of intolerance"; un éditorial du journal La Presse sur une réplique de M. Gérald Godin signé de Vincent Prince; un autre éditorial dans le journal Le Devoir signé par M. Jean-Claude Leclerc: "Une odeur inquiétante"; un article dans le journal Le Devoir, de la Presse Canadienne: "Gérald Godin, l'homme massif des anglophones. Ils n'ont qu'à partir, on ne changera pas d'odeur", etc.

M. Godin: Vous avez oublié le Soleil.

M. Gratton: Pardon?

M. Godin: Vous avez oublié le Soleil.

M. Gratton: Je peux bien y aller. Le Soleil disait: "Godin...

M. Godin: Des propos déplacés.

M. Gratton: Non. En tout cas, pas celui que j'ai là. "Godin: Ceux qui ne peuvent nous sentir n'ont qu'à partir."

M. Godin: Dans quel éditorial?

M. Gratton: Dans l'éditorial... un instant.

M. Godin: Vous ne l'avez pas, celui-là? Est-ce que je pourrais compléter votre "clipping" éventuellement?

M. Gratton: Je m'excuse. Je vais être obligé de faire des remontrances à mon service de recherche. Je ne l'ai pas.

M. Godin: II vous en manque un bout. Incroyable.

M. Gratton: Quoi qu'il en soit, je pense que le ministre a indiqué... J'ai cru comprendre cet après-midi qu'il nous avait dit: On peut faire des erreurs. Tout le monde peut faire des erreurs.

M. Godin: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit...

M. Gratton: Non, ce n'est pas cela. Alors, j'aimerais que le ministre nous dise ce qu'il a dit et ce qu'il voudrait dire.

M. Godin: J'ai dit: "Nobody is perfect."

M. Gratton: Est-ce que le ministre pourrait s'expliquer là-dessus? Est-ce que, lorsqu'il me dit: "Nobody is perfect", il parle des autres et non pas de lui-même?

M. Godin: Ce n'est pas la commission sur la Baie-James ici, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je peux bien poser ma question en anglais.

M. Godin: Tout ce que je vous dirai... Tout ce que je peux vous dire, c'est que je n'ai pas de commentaires à faire en supplément à cette réponse que je vous ai donnée à l'Assemblée nationale.

M. Gratton: M. le Président, je ne veux pas harceler le ministre, mais il me semble que, lorsqu'une déclaration d'un ministre suscite autant de réactions et je lui fais grâce des... Vous avez, en page éditoriale, des dessins...

Une voix: Des caricatures.

M. Gratton: Des caricatures, oui. Je m'excuse, le mot m'échappait. Je lui fais grâce des caricatures, mais, lorsqu'une déclaration d'un ministre responsable suscite des réactions semblables, cela reflète ce que la population peut ressentir aussi comme réaction. Ce n'est pas sans avoir un effet assez troublant auprès de certaines personnes.

Les questions qu'on posait à l'Assemblée nationale la semaine dernière portaient sur l'impact négatif qu'avaient pu avoir certaines dispositions de la loi 101 sur les investissements, sur la création d'emplois, et tout le monde reconnaît qu'on en a un grand besoin au Québec. C'est dans ce sens que j'offre la chance au ministre de peut-être apporter un certain éclairage. Par exemple, il peut nous dire que c'est sur l'impulsion du moment. Personnellement, je suis impulsif et il m'arrive à l'occasion de laisser les mots dépasser ma pensée. Est-ce que c'est ce que le ministre a fait la semaine dernière? J'aimerais savoir le fond de sa pensée là-dessus.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Godin: Je vous ai dit, M. le député de Gatineau, que je ne ferais aucun autre commentaire à la suite de ces propos. Maintenant, je pense qu'il est important de situer... Il est beaucoup plus important, en fait, de dire pourquoi les échéances que je m'étais fixées et que j'avais annoncées à l'Assemblée nationale quant à des changements éventuels à la loi 101, à la Charte de la langue française, pour quelles raisons ces échéances ont été modifiées.

À cette question qui m'a été posée également par vous la semaine dernière, je vais simplement répondre qu'à l'épreuve, depuis que je suis chargé de ce dossier, je me rends compte que, comme disent les Anglais: "There is more to it than meets the eye". Par conséquent, pour cette raison, il y a des travaux présentement en cours qui ne seront pas terminés avant, dans certains cas, le 15 mai et, dans certains cas, au mois de juin et même, dans certains cas, en septembre. Ces travaux visent à mesurer précisément l'impact de la loi 101 sur la vie au Québec à tous égards. On a appris aujourd'hui même que Statistique Canada venait de publier une partie nouvelle du recensement de 1981. Ce sont des chiffres que nous n'avions pas avant aujourd'hui et qui sont extrêmement utiles et importants pour mesurer de façon aussi précise que possible l'impact de la loi 101 ou du moins des cinq premières années de la loi 101. Je vous donne des chiffres quiont été publiés ce matin. Les anglophones du Québec sont effectivement passés, de 1971 à 1981 - les gens de langue anglaise d'usage, c'est-à-dire la langue parlée à la maison - de 887 000 à 817 000 dans une période de dix ans. Les personnes parlant anglais à la maison représentaient, en pourcentage, 14,7% de la population du Québec en 1971. Ce pourcentage est de 12,8% en 1981. Donc, il y a une baisse en pourcentage et en nombre absolu qui confirme ce que vous disiez. Nous vous avons dit ce matin que cette tendance existait depuis aussi longtemps que les chiffres existent dans ce domaine, c'est-à-dire depuis 1941.

Par rapport à l'autre langue parlée au Québec, le pourcentage du français - donc, la langue d'usage parlée à la maison -passait de 80,8% en 1971 à 82,5% en 1981 et, en nombre absolu, il a également augmenté, ce à quoi on pouvait s'attendre. Ces chiffres pourraient montrer que le Québec est en train de devenir de plus en plus francophone. Mes spécialistes au ministère de l'Immigration, à partir des chiffres publiés aujourd'hui par le gouvernement fédéral, me disent qu'ils étudient le glissement linguistique des francophones du Québec vers l'anglais et des anglophones du Québec vers le français, donc, la capacité d'assimilation de la langue anglaise et de la langue française au Québec. Le nombre de francophones qui, dans la même période de dix ans, adoptent l'anglais comme langue d'usage se chiffre par 106 000 francophones qui sont passés à l'anglais comme langue parlée à la maison, la langue de tous les jours. À l'inverse, les anglophones qui adoptent le français comme langue d'usage se chiffrent par 82 000, donc 20 000 de moins. En proportion de la population, c'est plus important du côté anglophone que francophone, mais, en chiffre absolu, c'est 20 000 de moins.

Par ailleurs - et c'est un chiffre qui va vous intéresser aussi, en tant qu'intéressé à l'immigration et aux communautés culturelles - ceux qui sont de langue maternelle autre que française ou anglaise, donc les allophones, vers quelle langue vont-ils, au cours de la même période de dix ans? Ces chiffres sont publiés aujourd'hui par le fédéral: vers le français, 47 000 en dix ans; vers l'anglais, pour la même période, 102 000, tout ceci au Québec, tout ceci sous l'empire de la loi 22 et de la loi 101, tout ceci sous deux gouvernements, en fait, qui ont tenté de prendre le taureau par les cornes, l'un avec la commission Gendron, qui a été suivie par la loi 22, et l'autre avec la loi 101 qui était, en fait, des amendements majeurs à la loi 22, si vous vous rappelez bien. Donc, on ne peut pas dire que le boulot est complété.

D'autre part, selon des travaux faits par le Conseil de la langue française sur le nombre de travailleurs francophones bilingues au Québec, qui communiquent en français, 30% en 1971; 37% en 1979. Les chiffres

seront publiés d'ici à la fin du mois de mai ainsi qu'une enquête assez globale sur toute cette question. Les francophones bilingues communiquant en anglais au travail, en 1979 - je le répète - les francophones bilingues parlant l'anglais au travail, plus de 60% en 1979. Les anglophones bilingues communiquant en français, 40%. Donc, on peut dire que le nombre de francophones bilingues dans l'entreprise... Malgré une loi 22 qui visait à franciser le travail au Québec et malgré une loi 101 qui est vue comme étant infernale, le taux de "bilinguisation" ou le taux d'usage d'une deuxième langue est de 60% pour les francophones et de 40% pour les anglophones.

On peut donc dire que le "market place", le marché du travail au Québec est encore de façon significative un marché du travail où l'anglais reste la langue la plus parlée par les bilingues francophones et anglophones. Par conséquent, on ne peut pas dire que la loi 101 a porté tous ses fruits. De tous les chiffres que je vous donne, ceux-ci datent de ce matin, ceux du gouvernement fédéral. Ceux-ci m'ont été remis aujourd'hui et font partie d'une enquête plus large qui sera publiée à la fin de mois de mai.

Cela m'amène à demander aux gens qui font de la recherche, aussi à l'office, au conseil, de raffiner encore plus leurs recherches de manière que, si nous décidons de faire des modifications à la loi 101, cela n'aille pas en sens contraire de ce que vous souhaitiez vous-même ce matin, c'est-à-dire que le caractère français du Québec soit garanti, soit maintenu. Je reprends vos propres paroles. Vous avez dit ici ce matin devant le président et nos collègues que le Parti libéral n'avait jamais eu pour politique de défranciser le Québec, que le Parti libéral endossait l'objectif de la francisation du Québec. Je ne sais pas si vous partagerez mon objectif ou mes inquiétudes, mais je peux vous dire qu'il m'apparaît que, malgré des progrès nets, clairs et évidents, on n'a pas encore atteint le point où la boule commencerait à rouler de l'autre côté. Tant que nous n'aurons pas atteint ce point, M. le député de Gatineau, je pense qu'il ne serait pas sage de faire des modifications majeures. Ceci n'empêche pas, par ailleurs, que la réflexion se poursuive dans les divers contentieux de l'office et du Conseil de la langue française aussi bien qu'au ministère, ce qui n'empêche pas que la réflexion se poursuive sur des modifications que nous pourrions faire. Il y a déjà eu, d'ailleurs, des modifications. Vous disiez ce matin de façon peut-être trop spontanée, pour reprendre l'expression utilisée par vous à mon égard un peu plus tôt, vous disiez ce matin que, malgré les engagements formels pris par le premier ministre et par le nouveau ministre responsable de la loi 101, il n'y avait eu aucun changement. Tel n'est pas le cas et vous le savez très bien.

Il y a quelques semaines, l'Office de la langue française, présidé par M. Claude Aubin, a annoncé précisément que de nouveaux tests, à la suite de critiques et de revendications qui émanaient du milieu anglophone, qui émanaient même de votre collègue de D'Arcy McGee et d'autres...

M. Marx: Des critiques même de l'office et du Conseil de la langue française.

Le Président (M. Blouin): M. le député de D'Arcy McGee, la parole est au ministre.

M. Godin: Donc, il y avait unanimité, en quelque sorte, pour que ces tests soient révisés de la manière suivante: Comment les rendre plus aptes à mesurer la connaissance appropriée du français pour tel ou tel métier? Le résultat est très net. Le taux de succès à ces tests a connu des bonds considérables et je pense que cela indique qu'on était dans la bonne direction. Maintenant, dans la plupart des États américains où il y a une population d'une autre langue que l'anglais, il y a également des tests. Dans plusieurs provinces anglaises du Canada, il y a également des tests. Ces tests sont administrés ou par les ordres professionnels ou par les registraires des corporations professionnelles. C'est une voie de solution et nous la regardons aussi avec beaucoup d'intérêt parce que c'est peut-être ce vers quoi on s'acheminera tôt ou tard. Mais nous devons y aller avec beaucoup de sagesse et beaucoup de prudence. Tant que je n'aurai pas personnellement la conviction que nous avons assez de données en main pour faire un bilan réel et complet des effets de la loi 22 et de la loi 101, je ne serai pas en mesure de m'engager devant mes collègues de la Chambre et du cabinet à faire quelque changement que ce soit.

M. Gratton: M. le Président, le moins qu'on puisse dire, c'est que le ministre en met plus que le client que je suis en demandait. Je ne reviendrai pas sur l'à-propos du refus du ministre de préciser plus longuement sa déclaration de la semaine dernière quant à l'odeur qui se dégageait par rapport à certaines personnes du Parti québécois. Justement, c'est parce que je suis préoccupé des efforts de francisation et de cet objectif commun que nous avons tous de franciser le plus possible le Québec que je pose ces questions au ministre. Je pose la question suivante au ministre: Est-ce que, dans son esprit, à la lumière des données qu'il possède déjà présentement, il considère que certaines dispositions de la loi 101 puissent avoir eu et puissent continuer d'avoir des effets négatifs sur les investissements et, par conséquent, sur la création d'emplois au Québec? Est-ce que

cette possibilité existe?

M. Godin: C'est ce que mon collègue Landry appellerait des effets pervers. Remarquez que, pour avoir voyagé dans plusieurs provinces canadiennes, et même dans ce qu'on appelle le "Eastern sea-board" américain, c'est-à-dire tous les États américains de la côte est, pour avoir vu des migrations du "Eastern sea-bord" vers ce que les Américains appellent le "Sun Belt", pour avoir vu les campagnes de presse faites par la ville de New York dans tous les journaux américains, demandant à ses citoyens, à ses entreprises, à ses sièges sociaux de revenir à New York, que ce n'était pas si pire que cela, pour avoir vu des départs massifs de Toronto vers l'Alberta à l'époque du boom du pétrole, pour avoir vu les provinces maritimes se vider de leur jeune génération depuis 20 ans en direction et de Montréal et de Toronto, pour avoir vu tout récemment encore la population de la Colombie britannique diminuer de 1% - c'était dans le reportage de Maclean la semaine dernière sur les élections provinciales en BC - pour avoir vu la ville de Calgary congédier massivement des gens dans le domaine de la construction, pour avoir vu des édifices inachevés en grand nombre à Calgary, pour avoir vu une fuite de population de Calgary qui retourne à Toronto ou au Québec, je ne peux pas dire que le seul facteur de ces départs au Québec est la loi 101. Je ne peux même pas dire de façon précise, M. le député de Gatineau, jusqu'à quel point la loi 101 a joué un rôle.

Certaines personnes disent que c'est la fiscalité au Québec qui détermine les départs. Or, des études faites par l'Union des banques suisses qui comparent 200 métropoles mondiales, Tokyo, Londres, Bruxelles, Toronto, Montréal, montrent que, si vous prenez en considération tous les facteurs, pas seulement la fiscalité, mais également le coût des loyers, les taxes sur certains produits, la détaxe sur d'autres produits, l'ensemble de la situation, Montréal et Toronto sont exactement au même niveau et, par rapport à d'autres capitales mondiales, se situent en haut de l'échelle pour ce qui est des avantages qu'on a à y vivre. Donc, qu'est-ce qui détermine les départs?

Je l'ai dit dans mon discours ce matin, à compter du jour où le français devenait la langue non seulement officielle, mais que nous prenions la direction, comme société, de s'en aller vers un Québec français, il était inévitable qu'il y ait des départs, mais également des arrivées. C'est un peu mon argumentation de l'autre jour. Le Québec, dans le passé, attirait des gens de plus de pays anglophones et maintenant il attire des gens de plus de pays francophones. Ce sont des gens qui sont de même niveau de développement intellectuel que ceux du passé. Ce sont des gens qui ont autant d'argent à investir que ceux du passé. (20 h 30)

Donc, toute décision qui vise à modifier la trame linguistique d'une région du monde provoque des réalignements de population, des réalignements linguistiques. Si l'Italie décide demain que la langue officielle devient l'anglais, vous allez avoir une modification considérable de la composition sociale de l'Italie et des entrées des nouveaux citoyens en Italie. Nous avions assumé au départ ces réalignements. J'en ai parlé tout à l'heure, la période de transition que cela entraîne, certaines personnes trouvent qu'elle n'est pas facile à passer. Mais dans d'autres villes non plus où il n'y a pas de question linguistique. Dans la ville de Sudbury, par exemple, on a congédié 6000 employés de International Nickel et on en a réengagé 2000 récemment. J'y suis allé il y a environ six mois. J'ai pu constater que la morosité de la ville de Sudbury est plus grande que la morosité de n'importe quelle ville du Québec, et il n'y a pas de loi 101 en Ontario.

Mon impression, c'est que la loi 101 a servi dans plusieurs cas à camoufler d'autres problèmes. C'était facile de faire du chantage à la langue. C'était facile de faire du chantage linguistique sur le dos des Québécois et de leur dire: Si vous ne respectez pas plus notre langue maternelle anglaise, on va fouter le camp. Ils partaient peut-être pour d'autres raisons moins avouables. Je ne pense pas qu'on puisse identifier une seule cause de départ. Même si on l'identifiait, je ne pense pas que les Québécois devraient renoncer à leur spécificité pour garder un siège social au Québec.

M. Gratton: M. le Président, le ministre est beaucoup plus loquace à certaines occasions qu'à d'autres. Il nous dit: II n'y a pas une seule cause au départ des entreprises et des individus au sujet de la loi 101. C'est évident. Il n'y a jamais personne qui a prétendu qu'il y en avait une seule. C'est un ensemble de facteurs et tous ceux qu'a évoqués le ministre sont probablement fondés. Je constate qu'il refuse de s'intéresser à la question précise que je lui pose, à savoir: Est-ce que d'après lui la loi 101 a pu avoir des impacts ou des effets négatifs? Soit. Laissons cela de côté et posons-nous la question suivante: Est-ce que le ministre n'est pas conscient qu'il y a des gens au Québec, quelles que soient leurs raisons, quels que soient les motifs qui les inspirent à faire de telles déclarations, qui considèrent que la loi 101 y est pour quelque chose? Ce n'est peut-être pas la principale raison, sûrement pas la seule, mais elle y est pour quelque chose à ce climat défavorable aux investissements et, donc, à la création d'emplois. La ville de Montréal, la semaine

dernière ou la semaine précédente, a voté une résolution pour demander qu'on prépare une étude sur la chose vis-à-vis des impacts à Montréal. Le président de Bell Canada, ici, devant la commission parlementaire des communications, a évoqué la loi 101 comme étant une des difficultés à recruter le personnel de recherche en matière de haute technologie des communications. Il y a la Royal Bank, il y a la Banque de Montréal, il y en a... On pourrait en sortir une liste longue comme le bras. Justifié ou pas, que tout cela soit de la foutaise, partons de cette hypothèse. Le fait demeure que la population québécoise est quand même obligée de constater qu'il y a des gens qui prétendent cela. Forcément, l'opinion publique évolue selon les nouvelles, selon les déclarations qui sont faites par des gens qui sont plus ou moins responsables, selon le cas, qui sont motivés par différentes choses.

La chose qui me préoccupe, on l'a évoquée souvent: Pourquoi le gouvernement de l'Union Nationale, en 1969, a-t-il adopté la loi 63? Pourquoi le gouvernement libéral, en 1974, n'est-il pas allé plus loin dans ses démarches avec la loi 22? Tout le monde convient qu'une des raisons principales, c'est que la population, à ces moments-là, n'était probablement pas prête à accepter qu'on aille plus loin que cela. C'est tellement vrai que, dans le cas de la loi 22, on a considéré, du côté des minorités, qu'on était allé trop loin et il s'est produit le phénomène qu'évoquait le député de Fabre ce matin, à savoir que les gens ont délaissé le Parti libéral du Québec.

Je ne pose pas la question au ministre, à savoir s'il craint pour les résultats de la prochaine élection pour son parti. Ce n'est pas de cela qu'on parle ici ce soir. La question que je me pose et sur laquelle j'aimerais bien que le ministre nous dise ce qu'il en pense, c'est dans le contexte de crise économique que l'on connaît présentement, les espèces de championnats de chômage et d'assistés sociaux qu'on a au Québec, et là je suis loin d'être en train de dire que c'est à cause de la loi 101 qu'on a cette situation, mais je dis qu'il y a des gens qui prétendent que certaines dispositions de cette loi y sont pour quelque chose... Je prie le ministre de prendre bien soin de noter que nous, quand on pose des questions à l'Assemblée nationale sur cela en tant qu'Opposition, ce n'est pas pour essayer de propager ce genre de mythe. Il y a des gens au Québec, une minorité fort heureusement, qui pensent que la seule solution, c'est l'abrogation de la loi 101 et qu'une fois celle-ci abrogée, tous les problèmes disparaîtraient. Nous, on n'a jamais prétendu cela; on ne prétendra jamais cela et on ne se fait pas l'écho de cela quand on pose des questions à l'Assemblée nationale. Je répète que ce qui nous préoccupe, c'est qu'à un moment donné la population, francophone comme non francophone, au Québec en vienne à conclure qu'effectivement le gouvernement, avec sa loi 101, contribue à cette détérioration du climat économique et qu'en définitive cela prenne des gros changements et que, sous la pression populaire, ce gouvernement, ou un autre qui pourra le suivre, soit placé dans la situation de ne pas être en mesure d'aller assez loin et de mettre en quelque sorte en péril les efforts de francisation de ce gouvernement comme de ceux qui l'ont précédé. Cela a peut-être l'air bien philosophique, possiblement bien théorique tout cela, mais n'y a-t-il pas là un danger que la perception de la population soit à ce point déformée par la situation économique qu'on en vienne à réclamer des changements que ni le ministre, ni nous, ni beaucoup de gens sérieux ne souhaiteraient voir apporter en ce sens?

M. Godin: M. le député de Gatineau, le problème que vous posez, c'est celui de déterminer la frontière exacte de ce qui pourrait être modifié dans la loi 101, la charte du français, et de ce qui ne devrait pas être modifié. Je rencontre régulièrement les gens d'Alliance Québec, les "Townshippers", les gens du Conseil catholique anglais, les gens du "Board of Trade" de Montréal, les gens du Centre linguistique de l'entreprise, les gens de Northern Telecom, les gens de Clarke Shipping, de Steinberg, etc. Chacun me dit, comme vous d'ailleurs: Nous ne voulons pas remettre en question la francisation du Québec. Nous voulons seulement que vous fassiez quelques aménagements mineurs, en ce qui nous concerne, qui permettraient d'améliorer le climat. Je leur demande: C'est quoi les changements? J'en ai quatre ou cinq d'Alliance Québec; j'en ai cinq ou six du conseil catholique, certains recoupant les autres, huit en tout; j'en ai sept ou huit des "Townshippers", trois ou quatre qui se recoupent, nous sommes rendus à douze; j'en ai du "Board of Trade", douze autres, cela fait quatorze, etc.. J'arrive et je n'ai plus de loi 101. Le caractère français du Québec, la volonté de plusieurs gouvernements de vouloir franciser le milieu de travail au Québec se trouverait tout simplement détruite, anéantie, abolie.

Parlons de changements mineurs. J'ai confié à des gens, aussi bien du Conseil de la langue française que de l'office, que du ministère chez nous, le soin de se pencher avec une attention toute particulière sur la question de l'affichage public, sur la question du bilinguisme des communications entre les institutions anglophones du Québec. Quand le PSBGM écrirait ou communiquerait avec une école anglaise qui relève d'elle ou avec une commission scolaire anglaise de la Gaspésie,

on pourrait correspondre dans les deux langues. Cela ne porte pas à conséquence, tellement peu qu'on peut se dire: Est-ce que cela modifierait le fameux climat social au point que la Sun Life reviendrait au Québec? La réponse est non. Est-ce que cela modifierait le climat social au point que 4 000 000 000 $ - paraît-il, d'après vos citations de cet après-midi - d'investissements reviendraient au Québec parce qu'on aura fait ces modifications? Donc...

M. Gratton: Je m'excuse. Je m'excuse, car la citation n'est pas de nous, elle est du collègue du ministre, qui est présentement ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, et qui l'a faite en 1978.

M. Marx: À l'époque, il était aussi pour le libre choix.

M. Godin: C'était avant qu'il s'ouvre les yeux.

M. Gratton: Oui, il était un partisan du "freedom of choice" dans le temps.

M. Godin: C'était avant qu'il s'ouvre les yeux. Ce que je peux vous dire, c'est que, même si nous faisions des concessions -je n'ai pas encore entendu, de votre part, ce que vous entendiez par concessions - qui n'affecteraient pas le noyau central de la francisation au Québec - je ne sais pas ce que vous voulez dire par changements - et même si vous les faisiez ces changements, cela modifierait-il à ce point le climat social et le chômage diminuerait-il au Québec? Par comparaison, le chômage, au Québec, est à 14,5%; en Colombie britannique, pas de loi 101, il est à 14,5%. Alors, il y a peut-être d'autres facteurs que des facteurs linguistiques.

C'est la question: Aidez-moi à déterminer la frontière ou jusqu'où on pourrait aller trop loin ou jusqu'où on pourrait reculer par rapport à la loi 101? Alliance Québec, à la dernière rencontre que nous avons eue, réclamait le bilinguisme de toute enseigne commerciale extérieure et intérieure au Québec. Cela n'a jamais existé et c'est pourtant ce qu'ils m'ont demandé. Alors, je me dis...

M. Gratton: Êtes-vous sûr de cela? M. Godin: Oui. Dans une rencontre...

M. Gratton: Ce n'est pas ce qui est mentionné dans leurs demandes écrites au premier ministre.

M. Godin: Non, mais enfin... M. Gratton: Bien oui, mais...

M. Godin: Je peux vous dire que leurs demandes écrites augmentent à chaque rencontre, un peu comme les lapins qui se multliplient dès que vous tournez le dos.

M. Gratton: Est-ce que le ministre est en train de dire...

M. Godin: Par conséquent, j'ai peur qu'ils mangent toute ma salade.

M. Gratton: ...qu'Alliance Québec ne négocie pas de bonne foi avec le ministre?

M. Godin: Non, mais ce qui me frappe dans les demandes de certains groupes anglophones, c'est qu'ils disent: La toponymie, le fait de franciser tous les noms de lieux au Québec, est inacceptable. D'accord? Alors, il y a changement sur cet aspect du mandat de la Commission de toponymie. Dès que c'est acquis, on n'en parle plus, on met une croix dessus, on met cela dans la banque; c'est réglé, on n'en parle plus, ce n'est plus important. Mais au lieu de dire: Voilà une preuve de bonne foi, de compréhension, de respect mutuel, on ajoute un point de plus, de sorte que, sur le banc, il y a toujours le même nombre de choses. Vous en enlevez une et ils en ajoutent une autre. On peut passer 1000 ans à se parler et il y aura toujours le même nombre de personnes sur le banc et le résultat - je vous le répète - c'est le principe de tirer sur la maille du gilet de laine. Vous tirez sur la maille du chandail et on se retrouve tout nu. Cela ne m'intéresse pas que le citoyen du Québec, qui a cru bon de faire protéger sa langue et sa culture par plusieurs lois, se retrouve dénudé dans un environnement anglophone qui n'est pas nécessairement hostile, mais qui aura tendance, à la longue, à l'effacer de la carte comme francophone.

M. Gratton: M. le Président, le ministre nous demande de l'aider à définir quels pourraient être les accommodements mineurs à apporter à la loi 101. Le ministre lui-même a parlé des excès et des erreurs de la loi 101. On pourrait peut-être commencer par cela, mais avant de commencer par cela, est-ce que le ministre pourrait nous dire ce que sont, dans sa perception, ces excès et ces erreurs qu'il a décelés dans la loi 101?

M. Godin: ...des exemples précis. Je pense que les tests linguistiques tels qu'ils existaient au début ont entraîné des effets pervers. Résultat: décisions prises par mon prédécesseur, M. Camille Laurin, et réalisées par le président de l'Office de la langue française qui est à ma droite; de nouveaux tests sont appliqués et les pourcentages de réussite sont excellents. Ils sont de beaucoup meilleurs que dans le passé.

M. Gratton: Est-ce qu'on pourrait rester sur cet exemple?

M. Godin: Oui, d'accord.

M. Gratton: Strictement, très brièvement? Le ministre, en nous disant qu'en amendant ces fameux tests, on a régularisé, on a mis fin à un... Je suppose que c'était là un des excès de la loi 101 ou une des erreurs?

M. Godin: Cela a donné lieu à ce qu'on pourrait appeler des excès.

M. Gratton: Bon, une simple question. Est-ce que le ministre, à ce moment, ne reconnaît pas le bien-fondé des questions que nous, de l'Opposition, posions à l'époque avant que les tests soient modifiés et qui nous ont pourtant valu des accusations de "vendus aux anglophones", de "mauvais Québécois", de la part de certains membres de son gouvernement, notamment le premier ministre? Est-ce que... (20 h 45)

M. Godin: Non, je ne pense pas que... Vous n'êtes pas sans savoir que le Parlement a ses règles et qu'il s'échange des coups d'épaule pendant les parties de hockey; c'est normal, mais les gens se donnent la main après la partie, quand la coupe Stanley est gagnée. Ce que je veux vous dire par là, c'est que, malgré les réactions à l'emporte-pièce qu'on peut avoir de part et d'autre de la Chambre, il reste que - je pense que c'est ce qui caractérise les relations entre adultes - bien des suggestions de l'Opposition font leur chemin, comme bien des suggestions du Parti québécois dans l'Opposition ont fait leur chemin dans la tête des libéraux de l'époque. Donc, malgré les bâtons élevés...

M. Gratton: ...les écarts de langage à l'occasion...

M. Godin: ...ou les masses en l'air, ou les écarts de langage, ou les "gagates" en l'air, comme on dit à Trois-Rivières, il reste que des propositions, des suggestions raisonnables trouvent une oreille attentive du côté du gouvernement; la preuve: les tests basés non seulement sur les questions de l'Opposition - remarquez bien - mais sur la propre réflexion du gouvernement sur ces questions. Dès l'instant où un changement est fait, on tourne la page et on en veut cinq autres; on en fait cinq et on en veut encore cinq autres, ainsi de suite. Alors, on dit...

Une voix: C'est la vie...

M. Godin: ...ils ne seront jamais satisfaits. Par conséquent...

M. Gratton: ...oui, mais la solution n'est pas de ne rien faire...

M. Godin: ...s'ils ne seront jamais satisfaits...

M. Gratton: ...on ne fait rien...

M. Godin: Non, je dis: Séparons-nous, comme dans n'importe quel couple. Le jour où je ne pourrai plus endurer ma conjointe ou qu'elle ne pourra plus m'endurer, je lui dirai, comme je l'ai dit en Chambre l'autre jour: Si tu ne peux plus me sentir, va-t'en chez toi; retourne chez ta mère. Je pense que cela peut se faire aussi dans des communautés.

M. Gratton: C'est cela.

M. Godin: Si on se rend compte qu'il n'y a pas d'entente possible sur des choses qui nous paraissent à nous et à vous essentielles, M. le député de Gatineau... Quand je vois M. Allan Singer, un ennemi acharné de la loi 101, commencer à trouver M. Eric Maldoff, président d'Alliance Québec, de plus en plus de son goût, je me pose des questions sur le soi-disant caractère modéré d'Alliance Québec.

M. Gratton: N'allez pas faire un autre écart de langage.

M. Godin: C'est une citation de la Gazette pure et simple.

M. Gratton: Arrêtez là, je pense que vous serez mieux.

M. Godin: C'est une citation de la Gazette pure et simple.

M. Marx: On parle des tests...

Le Président (M. Blouin): Juste un moment, M. le député de D'Arcy McGee. Afin de nous conformer à l'article 142, je suggère que nous modifiions la liste des membres de la commission, avec l'assentiment des membres, pour que le député de D'Arcy McGee remplace M. Sirros, député de Laurier.

M. Marx: Je pense qu'à l'étude des crédits, chaque député peut intervenir.

Le Président (M. Blouin): D'accord, je retire mes paroles.

M. Marx: Juste sur les tests, si vous voulez me permettre au nom de...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Bourassa, est-ce que c'était sur le même sujet?

M. Laplante: Cela fait 50 minutes. Oui, c'est au sujet des entreprises justement. J'ai eu un cas lundi qui mérite réflexion. Il s'agit d'une compagnie de climatisation de Toronto qui vend au Québec pour un chiffre d'affaires d'environ 3 500 000 $ par année. On est venu se plaindre à mon bureau et aussi chez le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, en disant que la politique d'achat du Québec n'était pas juste. Ces gens ont seulement un bureau de vente ici; alors, on leur a offert de venir s'installer au Québec, vu le très peu de concurrence dans ce domaine au Québec. Or, la seule réponse qu'ils nous ont donnée: On ne viendra pas s'installer au Québec à cause de la loi 101. C'est la réponse de Toronto; en même temps, on se sert de vendeurs francophones du Québec pour venir téter cet argent et réaliser un chiffre d'affaires de 3 500 000 $. Il faut aussi réfléchir sur ces choses. Ce sont aussi les mêmes genres de compagnies installées au Québec dans le milieu du travail. J'aimerais poser la question au ministre: Vous avez actuellement des données très récentes sur la francisation en milieu de travail; ce sont des chiffres qui sont très révélateurs...

M. Gratton: Je m'excuse, M. le Président; je m'excuse auprès du député, mais il nous disait que c'était sur le sujet spécifique des tests; s'il veut parler de données...

M. Laplante: C'est parce que vous avez abordé...

M. Gratton: ...sur la francisation des entreprises...

M. Laplante: Depuis le début, M. le député, vous avez abordé aussi le milieu du travail. On n'a pas pu revenir là-dessus parce que vous avez suivi à peu près le programme général. Dans le milieu du travail, je voudrais avoir les plus récents chiffres que vous avez sur la francisation dans ce milieu. Ce qui me préoccupe, c'est que, si on ouvre les journaux, les demandes d'emploi qui se font, on remarque qu'il y a aujourd'hui presque une annonce sur deux, si ce n'est pas deux sur trois, où on exige le bilinguisme à peu près dans tout.

M. Godin: Je vous donnerai des chiffres quant au pourcentage de réalisation des programmes de francisation de l'Office de la langue française. Quant à la grande entreprise, nous en sommes présentement à 88,5% de programmes approuvés. C'est bien cela, M. le président? Par programmes approuvés, nous n'entendons pas que 88,5% des entreprises ont complété la tâche de la francisation, mais que 88,5% des entreprises sont en marche ou en démarche vers une francisation à peu près totale de la langue de travail à l'intérieur de ladite entreprise. Pour la PME, il y a 1211 programmes approuvés. Si j'y ajoute les certificats accordés sans programme dans une entreprise déjà francisée, nous en sommes pour la PME à 87% de mises en marche de l'activité complétée dans 581 cas sur 1792. Dans le domaine de l'administration, nous en sommes à 91,26% des programmes approuvés dont 2299 sur 3039 ont été approuvés sans qu'il soit nécessaire d'avoir un programme. Il y a 740 desdits programmes qui sont en voie, en cours de réalisation. Par conséquent, on peut dire qu'effectivement, le processus est en cours ou en marche, mais ces statistiques sont également à prendre avec des pincettes. Nous ne connaissons pas ce qui se passe à l'intérieur de ces entreprises et il faut prendre l'objet sous plusieurs angles pour vérifier si vraiment l'opération francisation est réussie. Les chiffres que je vous ai donnés tout à l'heure, publiés...

M. Laplante: Quand je vous parlais, M. le ministre...

M. Godin: ...dans deux semaines, montrent que, chez les travailleurs bilingues, il y a plus d'anglophones qui travaillent en anglais au Québec que de francophones qui travaillent en français. Par conséquent, la tâche n'est pas encore complétée.

M. Laplante: Je voudrais savoir si vous confirmez ces chiffres. On a vu par les enquêtes de la régie qu'il y a seulement 55% de Québécois qui peuvent travailler en français dans nos usines. C'est une très mince évolution depuis la loi 101.

M. Godin: C'est plus important que cela.

M. Laplante: Mais c'est d'après l'étude - ce n'est pas du rapport du gouvernement que je vous parle - de la...

M. Godin: Les chiffres que nous avons, nous, démontrent que nous sommes rendus légèrement plus loin que ces chiffres-là.

M. Laplante: En haut de 55%?

M. Godin: Oui.

M. Gratton: Cela ne vous dérange pas?

M. Laplante: Non, cela ne me dérange pas encore. Avez-vous souvent des plaintes sur la francisation même?

M. Godin: Du côté des travailleurs, nous avons reçu, de la part de gens qui ont été congédiés parce qu'ils ne parlaient pas français ou se sont vu refuser un emploi

parce qu'ils ne parlaient pas anglais, 43 plaintes au cours de l'année écoulée.

M. Laplante: Comment se fait-il qu'il n'y en ait pas plus que cela, lorsqu'on voit les journaux qui demandent un bilinguisme à peu près partout? Y a-t-il une peur? Qu'y a-t-il?

M. Godin: Je vous ai dit que les pourcentages de bilinguisme sont encore extrêmement élevés et c'est précisément un des points qu'on devra éclaircir au moyen des travaux dont j'ai parlé tout à l'heure. Dans combien d'emplois au Québec exige-t-on le bilinguisme? Dans combien d'emplois au Québec, même si on n'exige pas le bilinguisme, le pratique-t-on? Ces chiffres-là, on ne les a pas encore et tant qu'on ne les aura pas, nous ne serions pas sérieux si nous mettions un terme à l'opération francisation ou si on modifiait en profondeur la charte. Donc, il faut - je le répète - avoir une photographie au millimètre près de la réalité linguistique des entreprises au Québec avant de faire quelque modification que ce soit dans ce domaine. Au contraire, il faut accélérer l'effort entrepris et il faut que l'Office de la langue française continue à négocier, à réaliser, à appliquer des programmes de francisation.

M. Laplante: D'accord. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Bourassa. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je ne veux pas accuser le ministre pour les excès ou les erreurs qu'on a commis quand il n'avait pas la gouverne de ces organismes du gouvernement du Québec, mais, quand le député de Gatineau a demandé au ministre des exemples concernant des excès ou des erreurs de la politique linguistique du gouvernement, il a suggéré que les tests linguistiques étaient une de ces erreurs ou un de ces excès.

M. Godin: C'est-à-dire que l'application des anciens tests linguistiques - entendons-nous bien - étaient peut-être un cas où il s'est produit des abus.

M. Marx: C'est le mauvais professeur qui prend quatre ou cinq ans pour corriger ces tests. C'est-à-dire que l'office, en 1979 et même avant, avait une étude pour dire que ces tests étaient injustes et ainsi de suite. Mais ce n'était pas votre faute. Peut-être que c'était une politique d'excès et d'erreur voulue à l'époque. Mais le ministre peut-il déposer tous les tests de l'office qu'on a donnés aux professionnels depuis 1977?

M. Godin: Vous voulez dire, déposer...

M. Marx: ...déposer les tests, les exemplaires des tests.

M. Godin: Non.

M. Marx: Vous ne pouvez pas?

M. Godin: Écoutez un peu! Ce que je peux vous proposer...

M. Marx: Est-ce qu'il y a quelque chose à cacher ou...

M. Godin: Ce que je peux vous proposer...

M. Payne: Ils sont déjà déposés...

M. Marx: I am not asking for the pinup gallery dancer, je parle au ministre.

M. Payne: Ils sont déjà déposés...

M. Godin: Si vous me parlez des anciens ou des nouveaux... C'est impossible pour les nouveaux, parce qu'ils sont en application.

M. Marx: Le ministre est un homme modéré et raisonnable - on est tous heureux d'avoir un tel ministre à la tête de l'office et des autres organismes - mais je demande au ministre, étant donné que nous avons maintenant une loi sur l'accès à l'information, etc., de déposer ces tests que l'office a donnés aux professionnels depuis 1977. Est-ce qu'il y a là quelque chose à cacher? Pourquoi ne pas les rendre publics pour fins d'études par des linguistes, par des historiens ou par je ne sais pas qui...

M. Godin: Mon cher monsieur...

M. Marx: II n'y a rien à cacher dans ces tests, étant donné qu'on ne les donne plus maintenant. On ne donne plus ces tests aux professionnels aujourd'hui.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Godin: Vous parlez des anciens tests?

M. Marx: Oui. Ce sont les anciens tests depuis 1977, disons.

M. Godin: On les mettra peut-être au musée éventuellement, mais je ne vois pas ce que cela vous donnerait de mettre la main sur ces tests. Je peux peut-être demander l'avis du président de l'office, de qui cela relève directement.

Je n'oserais pas donner un avis à cette

auguste assemblée; cependant je pourrais mentionner ceci: ces tests, nous les avons fait subir à des journalistes - ils étaient 25, je crois - qui se sont portés volontaires eux-mêmes. En sortant, ils ont tous émis ce commentaire unanime: Eh bien! ce qu'on nous a fait passer n'était vraiment pas difficile. Évidemment, on ne comprend pas toutes les situations.

Vous parlez des anciens tests. Ce sont les anciens tests.

M. Marx: Je suis très impressionné par cette réponse. Maintenant, j'aimerais savoir si le ministre est prêt à les déposer ou non. Est-il prêt à rendre publics, ces tests que l'on ne donne plus aux professionnels aujourd'hui? Je ne peux imaginer pourquoi le ministre ne rendrait pas ces tests publics aujourd'hui. Ce serait utile pour l'histoire linguistique du Québec. Pourquoi pas? Pourquoi ne pas mettre tout cela sur la table? Pourquoi encore cacher cela? Est-ce que vous avez quelqu'un à défendre ou à protéger?

M. Godin: II est possible, M. le député de D'Arcy McGee, que ces tests, dans certains cas, ne soient pas tellement éloignés des tests actuels. Par conséquent, cela pourrait faciliter grandement la réussite des examens des seconds tests. L'idée de base étant d'assurer aux consommateurs francophones du Québec qu'ils pourront s'adresser dans leur langue, en français, aux professionnels qui gagnent leur vie ici, je pense que nous devons beaucoup plus protéger les consommateurs, dans un premier temps, que qui que ce soit d'autre. Mais ce que je peux vous proposer, c'est d'aller les voir à l'office, de vos propres yeux...

M. Marx: À côté d'une machine Xerox ou...

M. Godin: Non, d'aller les voir de vos propres yeux. (21 heures)

M. Marx: Je demande au ministre s'il est prêt à les déposer. Sinon, il nous dit qu'il ne peut pas les déposer parce qu'il a quelque chose à cacher, quelqu'un à protéger, parce que si...

M. Godin: Non, je ne vois nullement l'intérêt, sauf votre côté Sherlock Holmes ou Miss Marple, le personnage célèbre d'Agatha Christie, le détective privé d'Agatha Christie. Je ne vois pas quel intérêt le Sherlock Holmes de D'Arcy McGee peut trouver là-dedans, sauf un intérêt maladif pour des tests qui ne sont plus utilisés.

M. Marx: C'est parce que le ministre a dit que les tests étaient soit excessifs, soit...

M. Godin: Je n'ai pas dit qu'ils étaient excessifs.

M. Marx: C'était abusif. J'aimerais que le ministre les dépose pour qu'on puisse les examiner. Je ne vois pas pourquoi - chaque ancien professeur est fier de ses anciens tests - l'office ne serait pas fier...

M. Godin: N'êtes-vous pas procureur d'une des infirmières dans ces causes?

Une voix: Absolument.

M. Marx: Qu'est-ce que cela a à voir avec...

M. Laplante: Des conflits d'intérêts, on est habitué à cela.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Bourassa, s'il vous plaît!

M. Marx: Premièrement, le député de

Bourassa "thinks that he is smarter than he really is" parce que, dans cette cause, on ne conteste pas les tests, on conteste le règlement. Je ne vous demande pas de déposer le règlement parce que c'est déjà public.

M. Laplante: Les tests vont être amenés en preuve.

M. Marx: II y a une différence entre un test...

M. Godin: Vraiment, je ne vois nullement l'intérêt qu'il y aurait à déposer ces tests, pas plus que je ne pourrais exiger de mon professeur de mathématiques d'il y a 40 ans de me montrer les examens qu'on passait à l'époque. Ce sera versé aux archives, j'imagine, quand nous serons tous morts. En attendant, vous vous contenterez de ma réponse. Peut-être qu'un jour, si Dieu vous prête vie comme parti et si vous réussissez à vous trouver un chef, vous serez de ce côté de la Chambre et vous agirez comme vous l'entendrez, mais je ne pense pas qu'un professeur, puisqu'il s'agit de test de connaissances, rende publics ses examens de l'année précédente. Dans le même esprit, je ne vois pas pourquoi, vraiment, vous vous acharnez à ce point sur des détails. Je ne dis pas que les tests étaient injustes, M. le député de D'Arcy McGee. Ce que je dis, c'est qu'il est possible que ces tests qui ont été modifiés, après des études faites par ce qu'on appelle des docimologues, des experts en tests... Je ne vois pas ce que cela pourrait donner que nous les rendions publics maintenant.

M. Marx: J'aimerais dire au ministre, qui ne va pas à l'université depuis des

années, qu'aujourd'hui on exige que le professeur dépose ses tests et même des réponses types.

M. Godin: On voit ce que cela donne aussi!

M. Marx: Les tests de 1979 ont été corrigés en 1983. Cela a pris quatre ans, après avoir fait des études, ainsi de suite. J'aimerais suggérer au ministre, s'il ne veut pas les rendre publics, de les examiner lui-même. Je peux lui assurer qu'il verra des questions assez farfelues et stupides. Je comprends pourquoi on n'aimerait pas les rendre publics. J'aimerais demander au ministre, dans un autre ordre d'idées...

M. Godin: Si vous connaissez ces questions, M. le député, vous devriez peut-être les publier dans la Gazette.

M. Marx: Oui. Deux autres questions. Premièrement, le ministre peut-il nous parler d'autres excès, d'autres erreurs ou si ce sont seulement les tests? C'est parce que c'était au pluriel: "des erreurs". Peut-il nous dresser rapidement une liste?

M. Godin: Oui. En ce qui concerne la toponymie, les déclarations du Dr Camille Laurin à cet égard étaient très claires. La francisation devait se faire dans le respect de la communauté anglophone, d'une part, ainsi que des autres communautés, les minorités linguistiques qui constituent le Québec. Cela impliquait que les noms de rues anglais ou d'autres langues au Québec faisaient partie du patrimoine québécois et, par conséquent, devaient être préservés. La Commission de toponymie avait décidé de procéder à une francisation, ou du moins de le suggérer, très large, très vaste de l'ensemble du Québec. Après l'avoir rencontrée et avoir discuté longuement de cette question, nous en sommes venus à la conclusion suivante: c'est qu'un nouveau règlement serait publié dans la Gazette officielle qui reconnaîtrait comme valeur patrimoniale les noms de lieux anglophones et d'autres langues du Québec, d'une part, et d'autre part, qui ferait en sorte que tout changement de noms de lieu devrait être fait à la demande des citoyens et avec l'accord des citoyens, et uniquement des citoyens ou des corporations et municipalités élues. Par conséquent, cela mettait un terme à une inquiétude légitime de la part de certains anglophones, les "Townshippers" en particulier, des gens de la Gaspésie qui veulent garder Sheldrake comme nom et qui craignaient que la Commission de toponymie ne les force... Tel n'était pas le cas, vous le savez très bien, parce que la Commission de toponymie n'a pas le pouvoir de changer les noms. Mais bien des médias, bien des chroniqueurs, Nick Auf Der Maur parmi ceux-là, affirmaient dans les journaux que la commission allait changer tous les noms anglais. Ce n'était pas vrai. Pour rassurer ces populations, ces régions...

M. Marx: Troisième, quatrième, cinquième, sixième exemple d'erreur, cela reste...

M. Godin: Contentez-vous de cela pour l'instant.

M. Marx: II y en a deux. Un jour, j'ai vu le ministre à la télévision et un journaliste lui a montré une brochure. C'était une brochure du programme de francisation. Si je me souviens bien, le ministre a dit: Je n'ai jamais vu cela, je ne savais pas que cela existait. Est-ce que le ministre a maintenant pris connaissance de cette brochure? Ou de ces brochures?

M. Godin: Oui, ce qui s'est passé, c'est qu'un des organismes qui relève de la charte avait incité les entreprises à demander à leurs fournisseurs non francophones, non québécois, de leur faire parvenir toute documentation en français qu'ils pourraient avoir, par exemple, des glossaires, dans la mesure...

M. Marx: ...dans la lettre qu'on retrouve dans la brochure, M. le ministre.

M. Godin: Est-ce que je peux terminer, M. le député de D'Arcy McGee? Si vous voulez parler pendant que je parle, pourquoi m'interrogez-vous? L'intention du législateur et de l'auteur des règlements consistait à obtenir des entreprises américaines, certaines faisant affaires avec des clients français quelque part dans le monde, à obtenir d'elles des glossaires en français là où cela existait ou tout formulaire en français là où cela existait. C'était une entreprise, à mon avis, une décision louable au départ, mais cela s'est tranformé dans la rédaction en une exigence de documentation et de formulaire en français, ce qui allait au-delà des règlements. C'est un autre exemple que je peux vous donner de comportement qui a été modifié.

M. Marx: D'accord.

M. Godin: Je ne vous citerai pas l'exemple des affiches unilingues françaises au centre de ski du mont Sainte-Anne. Dès que nous avons été prévenus que l'anglais avait été camouflé dans les monte-pentes, les inscriptions anglaises qui concernaient la sécurité et la santé publique, nous avons modifié cela dans les heures qui ont suivi.

M. Marx: Peut-être que le ministre

n'est pas au courant, mais quand le ministre de l'Industrie, du Commerce, et du Tourisme, l'ancien chef de l'Union Nationale, qui, comme le ministre l'a dit il y a quelques minutes, s'est ouvert les yeux...

M. Godin: ...à vous aussi, M. le député de D'Arcy McGee

M. Marx: C'est déjà fait.

M. Godin: Je n'en suis pas certain. Allez-y, continuez.

M. Marx: Quand il s'est ouvert les yeux...

M. Godin: Prouvez-le.

M. Marx: Quand il s'est ouvert les yeux sur les brochures de l'Office de la langue française, il a dit: N'envoyez pas cela aux compagnies américaines qui veulent s'installer ici au Québec parce qu'elles ne viendront pas. Est-ce que le ministre est au courant de cela? Quand le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a vu ces brochures, dont vous avez fait état d'une des "erreurs" ou d'un des excès, il a dit aux personnes autour de lui: N'envoyez pas cela aux compagnies qui veulent s'installer ici. J'aimerais poser...

M. Godin: Ce que je peux vous dire là-dessus, c'est qu'il est sûr que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a à coeur les investissements au Québec d'où qu'ils viennent. Par ailleurs, je ne me mêlerai pas de ces formules de recrutement d'entrepreneurs. Je ne pense pas que ce soit - il peut avoir une opinion là-dessus - son mandat de faire des commentaires, de faire changer des formules des organismes qui ne relèvent pas de lui.

M. Marx: Non, il n'a pas dit de changer les formules. Tout ce qu'il a dit, c'est: N'envoyez pas cela aux gens qui veulent s'installer ici.

M. Godin: Ce serait peut-être étonnant de vous donner un renseignement...

M. Marx: Peut-être.

M. Godin: ...mon cher collègue. Le nombre d'entreprises américaines qui ont envoyé, en réponse à ce formulaire, des glossaires français, une documentation en français, des formules en français, vous étonnerait. Il y en a un plus grand nombre que vous ne le pensez.

M. Marx: C'est parfait, cela. Tout à fait d'accord.

M. Godin: Donc, on ne peut pas dire que ce soit, à proprement parler, un abus.

M. Marx: Non. Je vous rapporte ce que le ministre a dit. Je n'ai pas étudié cela à fond. J'aurais juste une ou deux dernières questions. Y a-t-il des compagnies, des corporations, des entreprises qui ont refusé de participer au programme de francisation de l'office?

M. Godin: Oui.

M. Marx: Combien?

M. Godin: II y a en a un certain nombre.

M. Marx: 75? 60? 100?

M. Godin: Je ne vous dirai pas combien parce que le nombre change tous les jours. Il y en a qui s'ouvrent les yeux tous les jours.

M. Marx: Le ministre peut-il demander au président de l'office?

M. Godin: Est-ce que je peux répondre moi-même, M. le député de D'Arcy McGee?

M. Marx: Oui.

M. Godin: Je suis encore ministre responsable de la charte, n'est-ce pas? Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a un certain nombre d'entreprises, effectivement, qui résistent. Le président m'a avisé qu'il ne désespérait pas, à l'office, de les convaincre. Deuxièmement, il m'a également informé que le nombre de ces entreprises tend à diminuer dans la mesure où, je répète mon expression, un certain nombre d'entre elles s'ouvrent les yeux.

M. Marx: Parfait. Combien? Quel est le nombre? 100? 200? 60? 50?

M. Godin: Cela change tous les jours. M. Marx: Aujourd'hui.

M. Godin: Depuis cinq ans, il y en a eu moins de 25.

M. Marx: Combien de compagnies sont dans une telle situation aujourd'hui? Y en a-t-il plus de 25? Y en a-t-il plus de 50 qui ne veulent pas entreprendre de programme de francisation aujourd'hui?

M. Godin: II y en a moins de 25 qui n'ont pas encore donné suite aux demandes pressantes de l'office de voir à se conformer à la francisation.

M. Marx: Seulement 25, parfait.

M. Godin: Moins de 25.

M. Marx: Moins de 25, parfait. C'est ma dernière question: J'ai demandé au président de l'office de bien vouloir m'envoyer une liste des compagnies, des entreprises, des corporations avec lesquelles l'office a un programme de francisation. J'ai écrit au président, il me corrigera si je fais erreur. Nous avons une loi sur l'accès à l'information; même si la loi n'est pas en vigueur aujourd'hui, le ministre des Communications et même le premier ministre, chef du Parti québécois, ont conseillé à tous les organismes d'État de respecter l'esprit de la loi, même si la loi n'est pas en vigueur. Le président m'a écrit qu'il ne pourrait pas me donner une liste de ces entreprises. Pourquoi?

M. Godin: Cela fait partie de ce qu'on appelle le secret industriel.

M. Marx: Si j'exige...

M. Godin: Si vous demandiez à la Raffinerie de sucre du Québec de vous faire parvenir ses méthodes de transformation de la betterave en sucre, je ne pense pas que vous les obtiendriez, pas plus que les formules de raffinage de pétrole de Petro-Canada. Cela fait partie de la vie intime des organismes publics. Pas plus la loi sur l'accès à l'information ne vous donnerait accès à mon rapport d'impôt, pas plus vous ne pourriez avoir le nom des entreprises qui ont des ententes particulières avec l'office parce que cela risquerait tout simplement de nuire au bon déroulement des travaux de l'office. (21 h 15)

M. Marx: Le ministre n'a-t-il pas vu, quand il est allé aux postes de radio anglais ou au canal 12, que c'était affiché, qu'il y avait un certificat, donc c'est déjà public? Au lieu de faire le tour, parce que ce n'est pas un secret industriel, comme le ministre a voulu le faire croire...

M. Godin: Je ne dis pas que c'est un secret industriel. Je dis que cela s'assimile au secret industriel.

M. Marx: II y a un règlement de l'office où on prévoit que chaque compagnie qui se francise doit afficher son certificat.

M. Godin: Puisque vous tenez absolument à entendre la voix mélodieuse de notre président, je vais lui passer le microphone.

M. Marx: Avec plaisir, oui, cela va nous éviter de nous écrire.

M. Godin: La façon de procéder de l'Office de la langue française avec ses correspondants, les entreprises, depuis que nous sommes dans le champ, a été de tenir confidentiels tous les renseignements que nous obtenons de ces entreprises. C'est en raison de cette confidentialité que nous avons eu le succès qui vous a été relaté par le ministre tout à l'heure. Chaque entreprise a bien confiance que nous traitons avec elle et que nous ne traitons pas sur un tableau en entier.

Il est vrai que l'Office de la langue française décerne des certificats qui attestent qu'une entreprise a un programme de francisation, durant la durée du programme, et, à son terme, un certificat qui atteste que le français a atteint le statut requis par la loi 101. Cependant, il n'y a pas de certificat spécifique pour les ententes qui concernent les sièges sociaux. C'est une entente en vertu de la loi entre le siège social, l'établissement de recherche et l'Office de la langue française.

Il me fait plaisir de dire ici que nous avons reçu 268 demandes, qu'il y en a déjà 250 qui ont été traitées et qu'il en restera 18 par conséquent à traiter d'ici la fin de l'année, à moins qu'il n'y ait de nouveaux établissements qui réclament le statut de siège social. Mais, au-delà de cela, il ne nous est pas possible de divulguer les renseignements qui concernent des entreprises en particulier. La liste qu'on nous a demandée concerne des compagnies individuelles. Je comprends bien que vous voulez la liste en entier, mais chaque compagnie est concernée par la liste elle-même.

M. Marx: Peut-être que je me suis mal exprimé dans la lettre. Exception faite des sièges sociaux, vous avez dit que les autres entreprises ont des certificats qu'elles doivent afficher dans un endroit public. Est-ce que c'est possible d'avoir la liste de ces compagnies qui ont une entente de francisation avec l'office, exception faite des sièges sociaux? Ce n'est pas nécessaire pour les sièges sociaux, si je vous comprends bien, d'afficher un certificat, mais pour les autres, oui. Une fois qu'elles doivent afficher, vous allez me dire que CFCF et Eaton... Je ne vois pas le secret. Quand je demande une information à un ministère et qu'on ne me répond pas, je soupçonne toutes sortes de choses et cela m'empêche de dormir.

M. Godin: "Take a Valium" comme on dit.

M. Marx: Dans ce cas, je soupçonne plusieurs choses. Juste pour rendre ma vie plus facile, je demande au ministre ou au président de me faire...

M. Godin: Qu'est-ce que vous voulez avoir précisément? Vous changez souvent et

vous revenez par des chemins différents vers des points qui semblent être les mêmes et qui ne sont pas nécessairement les mêmes.

M. Marx: La liste des entreprises, des compagnies visées par...

M. Godin: ...ayant obtenu un certificat de francisation.

M. Marx: ...l'article 141, dont le règlement exige l'affichage public du certificat.

M. Godin: D'accord. D'ici combien de temps voulez-vous avoir cela?

M. Marx: Je donne un temps raisonnable, d'ici la fin de mon mandat.

M. Godin: Vous enverrez votre brouette à la porte de l'office parce qu'on me dit que c'est un document assez imposant.

M. Marx: Je vais revenir...

Le Président (M. Blouin): M. le député de D'Arcy McGee, je dois préciser qu'il est maintenant 21 h 20 et qu'en principe, selon l'ordre de la Chambre, nous devrions terminer nos travaux selon ce qui a été convenu, à l'Assemblée nationale, soit à 21 heures, ce qui est déjà dépassé, ou encore lorsque nous aurons épuisé la période convenue entre les partis. Cette période sera écoulée dans quinze minutes. Je sais que d'autres députés ont des questions à poser. Si vous êtes d'accord, je céderais la parole au député de Vachon.

M. Marx: Le temps qu'il me reste ira au député de Vachon qui a une question urgente.

Les examens de l'office

M. Payne: M. le Président, je pense qu'il faut mettre la question des examens en perspective. N'est-il pas vrai, M. le ministre, que 80% de ceux qui subissent les examens de l'office réussissent à la première épreuve?

M. Godin: Exactement.

M. Payne: Cela est important, car, malgré toutes les questions posées en cette Chambre, la réalité est énormément déformée. Là où l'office a éprouvé beaucoup de difficulté - on devrait fort bien le savoir - c'est avec les infirmières. En ce qui concerne toutes les autres professions, le gouvernement, depuis 1976, d'une manière éminemment responsable, a proposé, dès le début, d'améliorer graduellement le contenu des examens de manière que chaque profession puisse avoir un examen spécifique pour sa propre profession. Les corporations professionnelles ont pris un certain temps pour préparer et tailler sur mesure ces examens. Il est normal que le gouvernement prenne le temps pour améliorer ses examens dans ce sens. Il y a maintenant des examens oraux exprimés, compris et écrits; je crois que cela répond à un grand besoin de la population, c'est ce dont je me suis aperçu lors des rencontres que j'ai eues avec des représentants des corporations professionnelles.

En ce qui concerne les besoins spécifiques des infirmiers et des infirmières -le ministre me corrigera s'il le faut -l'office a adopté des mesures pédagogiques auprès des cégeps anglophones pour préparer les cours de rattrapage, guider et conseiller les enseignants et les directions des collèges pour préparer les cours. Par exemple, je peux nommer le cégep Vanier et le cégep John-Abbott qui avaient des programmes spécifiquement préparés pour les infirmières. Je ne partage pas tout à fait les mêmes inquiétudes que celles du député de D'Arcy McGee. Là où j'aurais une certaine inquiétude, ce serait au sujet de l'accessibilité des services dans les langues autres que le français; cet aspect a été énoncé dans le plan d'action Autant de façons d'être Québécois. La problématique était la suivante: Une fois qu'on établit le fait que le Québec est français, quels sont les paramètres pour l'accessiblité des services dans les langues autres que le français? Si je peux être constructif, je considère que le gouvernement, pour être bien avisé, pourrait revoir sa politique des services dans les langues autres que le français. Je donne un exemple: En ce qui concerne nos publications gouvernementales, il y a une disparité énorme entre les ministères. Je crois que le ministre pourrait exercer son leadership et sa responsabilité auprès de la Charte de la langue française pour essayer de trouver une certaine cohérence. Je m'explique: souvent, un ministère décide de publier un document important dans une langue autre que le français, normalement l'anglais, mais souvent dans d'autres langues aussi, mais, à ma connaissance - j'aimerais avoir l'avis du ministre sur ce sujet - ne pourrait-on pas mettre la main sur une politique avec des directives pour les ministères, à savoir quand et quelle diffusion aurait un certain document? Par exemple, le livre blanc, le livre vert. J'ai eu des discussions avec le ministre des Communications et cela pourrait faire l'objet d'une concertation intéressante et utile.

Maintenant que la loi 101 va bon train vers la francisation du Québec, je pense qu'on peut avancer d'une étape en améliorant nos services dans des langues autres que le

français. Il y a beaucoup de confusion dans le milieu anglophone, à savoir quels sont les documents disponibles. On pourrait distinguer je ne veux pas entrer ici dans une discussion technique - entre les documents d'intérêt public dans d'autres langues comme les formulaires, les formules qu'on complète régulièrement pour avoir accès à certains programmes du gouvernement, soit pour l'habitation, les bourses d'études, soit dans le domaine des services de santé et ainsi de suite et, de l'autre côté, les documents politiques du gouvernement, comme les livres blancs ou les livres verts. Voilà une suggestion concrète. Le ministre aimerait peut-être commenter d'abord là-dessus.

M. Godin: Remarquez qu'au cours des dernières semaines, toutes les équipes de traducteurs du gouvernement ont été conscrites par la traduction des décrets que vous connaissez, mais, maintenant que c'est fait, je pense que ces équipes pourront revenir à la traduction des documents importants du gouvernement. Nous ne sommes pas tout à fait au programme 2, mon cher collègue de Vachon. Nous sommes au programme 1 avec ce sujet, mais, si vos collègues sont d'accord, je peux répondre à cette question.

La politique du gouvernement par rapport à l'accessibilité aux documents et aux services dans d'autres langues s'incarne dans le plan d'action que vous connaissez qui s'appelle Autant de façons d'être Québécois. Déjà, le ministère de l'Immigration et le MAS travaillent ensemble dans huit services sociaux à l'échelle du Québec pour donner des services précisément dans d'autres langues que le français. Nous avons un budget chaque année d'environ 70 000 $ consacré à ce programme. Quant aux documents, la politique générale du gouvernement est la suivante: dès qu'un document a une importance quelconque, il doit être traduit en anglais et être accessible dans d'autres langues là où il y a un besoin. Par exemple, un document au ministère de l'Immigration, qui s'appelle Investir au Québec, existe en six langues. Les documents d'accès aux programmes d'égalité en emploi qui relèvent de la Fonction publique, sont également accessibles en cinq ou six langues. Certains documents du ministère des Affaires intergouvernementales sont accessibles en six langues. Il y a une politique qui se répand progressivement et qui va certainement porter tous ses fruits d'ici quelques années. Donc, on peut dire que le gouvernement, encore là, est engagé dans cette direction systématiquement. Pour ce qui touche les livres blancs et les documents importants du gouvernement, c'est accessible, en principe, illico.

Le Président (M. Blouin): D'accord? M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, j'aurais une ou deux courtes questions à poser au ministre, étant donné que la commission tire à sa fin. Le 11 février 1983, le député de Pontiac a adressé une lettre au ministre qui était accompagnée d'une pétition signée par plusieurs commerçants de la ville d'Aylmer. Cette pétition faisait suite à une initiative du Mouvement impératif français qui, selon les termes de la lettre de mon collègue, le député de Pontiac, utilise la dénonciation comme mode de vie au détriment de la formulation d'initiatives pouvant susciter l'adhésion. Il s'agit de l'affichage qui n'est pas unilingue français dans plusieurs entreprises commerciales d'Aylmer, une ville frontalière où plus de 54% de la population est anglophone, où la majorité des résidents travaille, de toute façon, en Ontario et, par surcroît, ont d'excellentes occasions de se procurer des biens et des services en Ontario, donc, près de leur lieu de travail. Cette pétition demandait tout simplement au ministre que la ville d'Aylmer soit exemptée des dispositions de la loi 101 en matière d'affichage.

Le but de ma question n'est pas de demander au ministre de trancher la question ce soir, à savoir si on va amender la loi 101 pour permettre de donner satisfaction aux marchands d'Aylmer, mais bien de souligner que, depuis le 11 février, le député de Pontiac m'a dit n'avoir reçu aucune réponse du ministre qui, semble-t-il, se penche sur le dossier. J'aimerais savoir si, s'étant penché sur le dossier depuis environ deux mois et demi, il aboutira bientôt à une décision ou tout au moins à une réponse au député de Pontiac. (21 h 30)

M. Godin: Oui. Je suis tellement penché que j'ai peur de tomber, M. le député de Gatineau. Je vous dirai qu'Aylmer prétend être une municipalité dont la population est à plus de 50% anglophone. Elle prétend cela. D'autres renseignements indiquent qu'il n'y aurait que 30% de la population environ qui serait anglophone. Si, effectivement, Aylmer est une ville qui est classée comme étant anglophone, en vertu de l'article 113, paragraphe f, de la loi 101, que votre collègue connaît aussi bien que vous, l'affichage de la municipalité, enfin l'affichage municipal pourrait être, lui, en deux langues.

M. Gratton: Je parle uniquement de l'affichage commercial.

M. Godin: L'affichage commercial... M. Gratton: Oui.

M. Godin: Je ne vois pas pourquoi la ville d'Aylmer bénéficierait d'un statut particulier pour l'instant, avant que l'ensemble de la question de l'affichage ait été étudié par les divers organismes chargés de l'application de la charte ainsi que par mon ministère. Donc, cela fait partie des questions que nous nous posons quant à l'avenir de l'affichage unilingue ou bilingue au Québec. Il n'y a donc pas de réponse là-dessus, aujourd'hui.

M. Gratton: M. le Président, tout ce que je suggérais au ministre était de fournir la réponse qu'il vient de donner au député de Pontiac qui pourrait, à son tour, en faire état aux nombreuses personnes qui se sont quand même donné la peine de signer la pétition.

M. Godin: Je le lui ai déjà dit verbalement et elle apparaîtra au journal des Débats d'ici quelques jours. Il pourra donc en disposer à son gré.

M. Gratton: Bon.

M. Marx: Seulement sur cette question, d'accord?

M. Gratton: M. le Président, peut-être que mon collègue pourrait y revenir tantôt...

M. Marx: Oui, d'accord.

Conseil de la langue française

M. Gratton: J'ai une question qui, je l'espère, ne prendra pas beaucoup de temps non plus. Dans les documents que nous a remis le ministre au sujet du Conseil de la langue française, on retrouve à l'annexe X des contrats donnés à des individus. En faisant le total de ces contrats, on s'aperçoit qu'il y en a eu, au cours du dernier exercice financier, pour un total de 289 687,20 $ qui ont été octroyés à plusieurs dizaines d'individus. On en retrouve, par exemple, un certain nombre - en fait, sept - qui sont donnés à différentes personnes pour effectuer des études sur la situation linguistique. Par exemple, dans la République populaire de Chine, le contrat est de 4900 $; en Suisse, au niveau tant fédéral que cantonnal, 4800 $; en Belgique, 4900 $; au Brésil, 4900 $; aux Nations Unies, 4900 $; en Finlande, 4900 $ et en Haïti - je ne sais pas pourquoi - c'est un montant de 4950 $.

M. Marx: Ce sont des gens qui ne vont pas...

M. Gratton: Ce que je voudrais savoir d'abord, c'est si le montant de 289 000 $ est à peu près le montant qu'on retrouvera l'an prochain ou qui est prévu dans les prévisions budgétaires pour cette année, pour ce genre de contrats donnés à des individus? Le ministre me fait signe que oui.

M. Godin: Du même ordre.

M. Gratton: Oui. Qu'est-ce qu'on essaie...

M. Godin: Du même ordre. Maintenant, pour répondre d'une façon plus précise à votre question sur les divers pays mentionnés, c'est qu'il y a dans ces pays, que vous mentionniez, coexistence de deux ou plusieurs langues. Nous voulons connaître un peu mieux les effets de cette coexistence et également les décisions prises par ces divers gouvernements pour assurer la survie de l'une ou l'autre ou faire ce qu'on appelle de la "planification linguistique". Par exemple, la Belgique - vous connaissez le cas aussi bien que moi - entre la langue flamande et le français, il y a coexistence plus ou moins pacifique dans certaines régions. Nous voulons savoir de quelle manière les gouvernements planifient leur politique linguistique dans ces pays et nous inspirer des meilleures expériences qui se font partout.

M. Gratton: Est-ce que je pourrais poser une question...

M. Godin: Et à l'inverse, remarquez bien...

M. Gratton: Oui.

M. Godin: ...informer ces pays sur ce que nous faisons ici.

M. Gratton: Oui, mais quand on parle d'effectuer une étude sur la situation linguistique de la République populaire de Chine, par exemple, je pense bien que ce n'est pas dans ce contrat qu'on informe la république populaire, mais on fait une étude là-dessus. Voici la question précise que je voudrais poser. Dans ces sept pays, il y en a, je présume, qui ont adopté des lois linguistiques. Est-ce qu'on en a retrouvé quelque part qui, notamment, interdisent, sous peine d'amende l'affichage dans une autre langue que la ou les langues officielles?

M. Godin: Je vais passer le microphone à M. Michel Plourde, président du conseil.

Effectivement, il y a eu dans le canton de Tessin en Suisse, par exemple, une législation analogue où il y a eu des amendes pour affichage dans une autre langue.

M. Gratton: Dans une autre langue que laquelle? Que les trois langues officielles?

M. Godin: Que le français et l'italien, par exemple. Mais disons que, jusqu'ici, vous parliez de la recherche que poursuit le Conseil de la langue française. Il s'agit de petits contrats de 4000 $ ou 4500 $ pour essayer de voir de façon claire un panorama de législation linguistique ou de politique linguistique que nous connaissons mal et voir comment s'applique l'aménagement linguistique dans différents pays. Jusqu'ici, vous vous posez la question de l'affichage, c'est l'exemple que nous avons trouvé jusqu'ici. Y en a-t-il d'autres? Est-ce qu'on en trouvera en République populaire de Chine? La Finlande le fait. Il y avait un autre pays que nous abandonnons pour le moment. Nous essayons de voir la situation dans différents pays, et cela totalise à peu près 40 000 $, quand on sait qu'une seule recherche donnée au Québec à une maison de sondage, par exemple, à un département d'économie ou à un département de démographie ou de sociologie, pour faire une recherche échantillonnée, une recherche statistique, cela coûte de 25 000 $ à 40 000 $. Avec ces petites recherches, croyons-nous, celles que nous avons commencées avec les provinces canadiennes et avec les pays francophones nous l'ont prouvé, de proche en proche, nous allons pouvoir esquisser un tableau général de ce qui se fait dans le monde et permettre à tout le monde, les hommes politiques, la population du Québec, de mieux situer la politique linguistique du Québec et de mieux comprendre dans l'ensemble des politiques linguistiques du monde où se situe le Québec et si le Québec va loin, comme on dit souvent, ou s'il est, pourrait-on dire dans la "norme internationale"; c'est aussi un effet secondaire escompté de ces recherches, en plus de nous informer sur les politiques linguistiques de différents pays, ce qui est très mal connu. Dans l'ensemble des recherches, vous disiez 280 000 $ en tout, c'est l'ensemble des recherches, ce ne sont pas uniquement les recherches, ce que vous dites, c'est un petit montant à l'intérieur.

M. Gratton: Non, je l'ai bien mentionné, en ce qui concerne ces sept recherches, chacune était pour une somme de 4900 $ et cela donne moins de 35 000 $. Le seul exemple qu'on a retrouvé à ce jour, c'est dans le canton du Tessin, où il y a amende pour afficher dans une langue autre que... Mais, si j'ai bien compris, il s'agit d'afficher dans une langue qui serait autre que les deux langues officielles de la Confédération helvétique.

M. Godin: C'est-à-dire que chaque canton suisse a son aménagement linguistique particulier. Je pense que le député de D'Arcy McGee connaît bien ces questions en droit. Chaque canton a son habitus, son modus vivendi linguistique, et cela peut varier d'un canton à l'autre.

M. Gratton: Mais, au Tessin en particulier, quelle est la langue permise sur l'affichage?

M. Godin: Le français et l'italien.

M. Gratton: Les deux langues reconnues comme officielles?

M. Godin: Oui. Vous savez que l'allemand est très répandu en Suisse et qu'il y a eu des tentatives. Dans un canton, parfois, on a tenté d'avoir des écoles en français, de l'affichage en français. Dans un autre canton, on a tenté d'avoir des écoles en allemand ou de l'affichage en allemand. Si ce ne sont pas les langues du canton, les tribunaux de la Confédération helvétique - et là, vous avez raison - les tribunaux fédéraux ont donné raison aux cantons sur les règlements de protection de leur langue cantonale respective. C'est ce qui a fait dire à certains juristes, par exemple à l'occasion du débat constitutionnel, qu'on rapprochait parfois le cas du Québec de certains cantons suisses.

M. Gratton: Ma prochaine question sur ce sujet s'adresse au ministre. Pourquoi retrouve-t-on toujours ce montant de 4900 $ qui est inférieur de 100 $ à 5000 $? Y a-t-il une raison particulière à cela? On le retrouve non seulement dans ces sept cas que j'ai spécifiés, mais dans un très grand nombre, sinon la majorité des quelques dizaines...

M. Godin: Cela doit correspondre aux contrats intervenus entre la personne et le conseil.

M. Gratton: C'est évident, mais pourquoi toujours le même montant de 4900 $ et 4950 $? Est-ce qu'à 5000 $ ou plus, on doit procéder autrement pour l'adjudication?

M. Godin: II faudrait demander aux fournisseurs des services la raison pour laquelle ils se contentent de 4900 $ pour des travaux aussi importants.

M. Gratton: Le ministre sait fort bien ce à quoi je veux en venir. Je ne sais pas pourquoi il ne me répond pas plus franchement.

M. Godin: Je vous réponds en autant que je peux voir. J'imagine que, si je vends mes services à une entreprise à un prix X ou à un bureau à un prix X, c'est le prix qui me convient.

M. Gratton: Est-ce qu'il y a une procédure différente pour un contrat qui dépasserait 5000 $ que pour l'adjudication d'un contrat de moins de 5000 $?

M. Godin: Ah! Voilà une question précise. Oui, effectivement.

M. Gratton: Est-ce que c'est là la raison pour laquelle on retrouve autant de contrats à 4900 $?

M. Godin: II faudrait le demander à chacun des fournisseurs.

M. Gratton: Non, je le demande aux administrateurs du conseil...

M. Marx: Qui fixe le prix?

M. Godin: Ce sont des prix négociés, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: On leur dit: Faites-le moi pour 4900 $ et on le fait pour 4900 $.

M. Godin: Est-ce ma faute si la plupart des gens demandent 4900 $? Il y en a un grand nombre qui demandent plus cher que cela. Il est un fait que, pour une dépense inférieure à 5000 $, la procédure est plus rapide, plus expéditive. C'est peut-être la raison qui explique le fait que ce chiffre, semble-t-il, soit récurrent.

M. Gratton: On y reviendra plus tard, M. le Président, à une autre occasion; j'espère que ce sera avant l'an prochain.

Le Président (M. Blouin): Oui, ...

M. Gratton: Dans le cas d'un contrat qui porte le numéro 108-618 - à M. Gérald Martin, pour agir à titre de conseiller en francisation pour le conseil - le montant du contrat est de 100 000 $. Est-ce qu'on peut avoir des détails sur le travail de M. Martin?

Le Président (M. Blouin): M. le ministre, je m'excuse d'intervenir, mais, à moins qu'il n'y ait consentement unanime de la part des députés, je vous signale que nous avons maintenant pris tout le temps qui nous avait été accordé, conformément à l'ordre qui a été donné par l'Assemblée nationale. S'il n'y a pas de consentement unanime, nous devrons mettre fin aux travaux de la commission.

M. Gratton: Je demanderais au ministre de consentir. Quant à moi, il y en aura au maximum pour cinq minutes; je ne peux pas contrôler les réponses du ministre, bien sûr. Mais si vous voulez consentir, j'ai une autre question qui portera sur la tenue de la commission parlementaire et ce sera terminé.

M. Godin: Combien en avez-vous en tout? Je ne veux pas...

M. Marx: J'ai aussi une question, M. le ministre.

M. Godin: Vous en avez une et vous aussi, et vous?

Une voix: Non.

M. Godin: Ah! Vous m'étonnez! Alors, allez-y donc. Oui, d'accord. Si mes collègues sont d'accord...

M. Marx: Le député de Fabre a une question.

M. Godin: M. le Président, la réponse est la suivante: M. Gérald Martin a eu un règlement avec le gouvernement lorsqu'il a quitté la régie. Je crois que c'est bien avant... À l'occasion de la création du conseil, en 1977, ou un peu avant, M. Gérald Martin, qui était à l'ancienne Régie de la langue française, a quitté. Il y a eu un règlement avec le gouvernement et les 10 000 $ annuels qui, je crois, lui ont été imputés par décision et décret ministériel ont été imputés au Conseil de la langue française. Je pense que c'est au début de la création du Conseil de la langue française. Ce que nous faisons, c'est que nous utilisons les services de M. Gérald Martin. Par exemple, l'année dernière, lorsque nous avons fait une rencontre avec les entreprises pour voir quel était l'état de la francisation au sein des entreprises, nous avons demandé à M. Gérald Martin de les contacter, de tenir les réunions préliminaires, de préparer cette rencontre, la thématique, de contacter les gens, de faire les invitations. Donc, nous avons utilisé M. Martin au mieux de notre connaissance, mais il s'agit d'un règlement gouvernemental.

M. Gratton: Oui, je pense que la date précise est le 18 octobre 1977. Donc, nous en aurions encore pour quatre ou cinq ans.

M. Godin: C'est cela, voilà. C'était l'époque...

M. Gratton: Est-ce qu'il est arrivé en cours de route que M. Martin ait rendu des services qui dépassaient...

M. Godin: Oui, mais je vous explique...

M. Gratton: ...le montant annuel de 10 000 $ et, donc, qu'il ait été rémunéré en plus des 10 000 $?

M. Godin: Non.

(21 h 45)

L'application de la loi 101

M. Gratton: D'accord. Une dernière question, quant à moi. On en a parlé ce matin au moment où on faisait une espèce de survol des engagements du gouvernement. Premièrement, en septembre dernier, on affecte au ministre la responsabilité de surveiller l'application de la loi 101, avec mandat de faire rapport au cabinet, avant la fin de 1982, sur l'impact réel de certaines dispositions de la loi 101. En décembre - je crois que c'était le 18 - vous avez dit à l'Assemblée nationale, quant aux amendements à la loi 101: On en informera l'Assemblée au printemps. Je lui suggérais ce matin, comme simple signe de bonne volonté de sa part, que, plutôt que d'attendre l'automne pour la tenue de cette commission parlementaire qui a été promise par le ministre, ce que le premier ministre a même confirmé comme engagement du gouvernement, il serait peut-être souhaitable, du point de vue de beaucoup de gens, notamment ceux qui sont les plus affectés par tout cela, que cette commission ait lieu dans les meilleurs délais. Est-ce que le ministre est prêt à considérer cela? Si oui ou si non, pourquoi?

M. Godin: J'ai fait rapport effectivement à mes collègues du Conseil des ministres, tel que prévu en décembre, avant l'ajournement de Noël. Il y a eu un deuxième rapport d'étapes lors de la réunion des ministres au mont Sainte-Anne et nous nous sommes entendus pour attendre l'ensemble des travaux présentement en cours aussi bien d'ailleurs les travaux qui incluraient le recensement fédéral dont les résultats sortent chaque semaine par les temps qui courent que les travaux en cours au service de recherche de l'office, au service de recherche du conseil et ailleurs. Dès que nous aurons le portrait complet de toute la question, sur toute la question linguistique au Québec, nous serons en mesure de confirmer la date de la tenue de cette commission parlementaire. Quant à moi, je souhaite qu'elle ait lieu quelque part à la rentrée ou même en septembre avant la rentrée.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. L'Opposition se préoccupe beaucoup des amendements qui vont probablement paraître un jour à la loi 101, elle se préoccupe beaucoup des questions d'affichage, des questions de tests linguistiques.

Quant à moi, je voudrais faire part des préoccupations du côté ministériel par rapport à la loi 101. Il ne faudrait pas perdre de vue que l'objectif de la loi, au départ, était la reconnaissance de la prépondérance du français au Québec. Nos amis se comportent parfois comme si les deux langues devaient être égales au Québec, comme si la langue anglaise était menacée au Québec. Ceci reste à prouver et peut-être que ce serait intéressant d'avoir un débat sur la question.

M. le ministre parlait ce matin des francophones des autres provinces qui parlent le français la nuit, puisque le jour, au travail, ils doivent parler l'anglais. Ma préoccupation, M. le Président, est de voir que, depuis les années soixante-dix, depuis 1970, l'application des différentes lois pour la protection du français a eu des effets, certes, mais ces lois n'ont peut-être pas eu les effets escomptés dans le milieu francophone.

Je voudrais apporter comme témoignage un extrait d'une conférence prononcée par M. Plourde, le président du Conseil de la langue française. D'abord, il constatait que l'utilisation du français a progressé de façon importante dans toutes les communications écrites des anglophones en milieu de travail, mais que le français demeure relativement sous-utilisé dans les communications verbales des anglophones avec les francophones. Il ajoutait aussi que le pourcentage des travailleurs francophones... Du côté ministériel, c'est une préoccupation qu'on a. Mon collègue de Bourassa posait sa question dans ce sens tout à l'heure et je reviens sur la question, parce qu'elle est fondamentale. La loi 101 est là pour profiter aux travailleurs et aux travailleuses francophones du Québec.

Or on dit que le pourcentage des travailleurs francophones qui se sont vu exiger la connaissance de l'anglais pour obtenir leur premier emploi n'a pas diminué depuis 1970. La proportion atteint les 20% en dehors de Montréal et dépasse les 40% pour Montréal. Par contre, toujours dans la région de Montréal, le pourcentage des anglophones de qui on exigeait le français n'atteint pas les 30%. Je répète: le pourcentage des anglophones de qui on exigeait le français n'atteint pas les 30%. Je me pose la question et je voudrais savoir en quoi les anglophones sont menacés par l'application de la loi 101. Je parle du milieu de travail, qui me semble être un des points majeurs de l'application de la loi 101.

Je rejoins un autre extrait du texte prononcé par M. Plourde où il parle de dizaines de milliers d'entreprises qui emploient moins de 50 personnes. À propos de ces entreprises, M. Plourde dit ceci: "Elles ne sont pas touchées directement par la loi. Si cette francisation ne se fait pas dans ces entreprises, je crois que la langue du travail, la langue des entreprises continuera d'être lourdement hypothéquée au Québec. À mon avis, la moitié de la francisation reste encore à faire et nous ne

sommes qu'à mi-chemin. "Ajoutons encore qu'environ 260 centres de recherche et sièges sociaux d'entreprises continuent de fonctionner et de travailler principalement en anglais."

Ce sont des éléments que vous ne mentionnez pas souvent de l'autre côté. Ma question est celle-ci: M. le ministre, dans les amendements dont vous parlez, avez-vous l'intention de commencer une entreprise de francisation dans ces compagnies qui emploient moins de 50 personnes au Québec, lesquelles ont été mentionnées dans le bilan de l'application des politiques linguistiques des années soixante-dix par M. Plourde, qui est le président du Conseil de la langue française?

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Godin: Parmi les aspects importants de l'action de francisation, qui ne sont pas dans la loi 101 ni ailleurs, puisque vous mentionnez, M. le député, les entreprises de 50 employés et moins, d'une part, nous devrions connaître un peu mieux la composition linguistique des employés qui y travaillent avant de prendre quelque décision que ce soit.

Un autre aspect important qui n'a pas été mentionné est celui des manuels scolaires. Dans les universités et les collèges francophones du Québec, le nombre de manuels scolaires, en anglais ou en d'autres langues que le français, atteint des proportions assez inquiétantes. Je connais même des étudiants unilingues français qui bloquent leurs examens dans certaines facultés, parce que la documentation qui leur est remise par les professeurs est uniquement en anglais. Je connais des facultés dans le domaine des communications où 80% des manuels scolaires sont en anglais. Cela vient en contradiction directe avec la politique linguistique avouée du gouvernement, qui veut qu'un unilingue francophone puisse gravir tous les échelons de sa profession au Québec.

Il faudra que nous nous penchions également sur cette question. C'est une des raisons pour lesquelles je dis à mon collègue de Gatineau, qui insiste pour que la commission parlementaire ait lieu le plus tôt possible: Tant que nous n'aurons pas un inventaire complet de ce qui se passe en ces matières, il serait prématuré et peu sérieux de notre part, peu sage au fond de tenir la commission parlementaire.

J'ajouterai également un domaine que j'ai déjà abordé lors d'une rencontre avec l'Association des conseillers en francisation, celui de l'électronique, des vidéocassettes, des logiciels en vente au Québec. Sont-ils accessibles en français? Le seront-ils? À quelles conditions peuvent-ils l'être? Je pense que c'est un autre aspect fort important pour l'avenir du français dans ce pays. Comme je n'ai pas en main présentement toutes les données relatives à ces questions, il est trop tôt pour m'engager sur une date ferme de la tenue de cette commission parlementaire, ni d'ailleurs sur des amendements à la loi.

M. Leduc (Fabre): Mais vous envisagez, M. le ministre, de toucher ces entreprises de moins de 50 personnes?

M. Godin: Oui.

M. Leduc (Fabre): Merci.

M. Marx: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Maintenant, le dernier intervenant, tel que nous l'avons convenu, sera le député de D'Arcy McGee.

Une voix: En bas de 50.

Une voix: Le dessert.

M. Scowen: En bas de 50.

M. Marx: J'aimerais remercier le président d'être resté avec nous après le temps fixé pour cette commission.

M. Scowen: À la maison, ce sera permis.

Le Président (M. Blouin): M. le député de D'Arcy McGee, vous avez la parole.

M. Marx: J'aimerais remercier le président pour être resté avec nous après le temps fixé pour cette commission et aussi le ministre d'avoir donné le feu vert pour une autre question.

Le Président (M. Blouin): M. le député de D'Arcy McGee, le président est le serviteur de...

M. Marx: Le président est le serviteur. D'accord, merci.

Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Marx: Je voulais vous remercier de toute façon.

Le Président (M. Blouin): Le serviteur de l'unanimité.

M. Marx: J'aimerais rappeler au député de Fabre, adjoint parlementaire au ministre de l'Éducation, que les objectifs originaux de la politique linguistique au Québec étaient fixés dans le rapport Gendron, qui a été suivi par d'autres gouvernements. Ce n'est

pas ce gouvernement qui a inventé le premier toute cette politique linguistique. Si nous ne sommes pas d'accord et si nous avons des soucis ici dans l'Opposition, ce sont les même soucis que ceux du ministre. On veut éviter des excès et des erreurs. De temps en temps, j'ai l'impression que le ministre qui a précédé le ministre actuel avait une politique d'excès et d'erreurs dans l'application de la loi 101. Je pense que le problème n'est pas nécessairement les articles qu'on parle de changer dans la loi 101; c'est l'application de la loi 101. Ce sont des petites affaires; ce sont des inspecteurs qui vont demander que les gens effacent le mot anglais sur un crayon et des stupidités comme celle-là. Mais c'est difficile de faire venir tout le monde ici pour témoigner. C'est ce qu'on veut éviter.

Je pense que des erreurs et des excès se trouvent souvent dans l'interprétation de la charte par des organismes qui sont chargés de l'appliquer. L'autre jour, j'ai eu l'occasion de commencer à lire le rapport 1981-1982 du Conseil de la langue française. Je suis tombé sur la page 11 où il y a tout un débat sur l'interprétation donnée à l'article 113f, aux mots "une langue autre que française". L'office a prétendu que le mot "une" est un adjectif numéral et qu'il faut donc que la majorité dont il est question dans l'article soit composée de personnes ayant comme langue maternelle une seule et même langue, etc. Il y a tout un développement des deux interprétations, et ainsi de suite. Quand j'ai lu cela, je me suis dit: Bon, s'il y a un article dans la loi 101 qui n'est pas clair, la première chose qu'on fait comme juriste, c'est d'aller voir la version anglaise. J'ai lu la version anglaise, qui est une version officielle, et j'ai vu qu'en anglais, c'était écrit: "A language other than French". J'ai vite conclu, et cela ne m'a pas pris trois pages ou je ne sais combien d'opinions de l'office, etc., de juristes qui, peut-être, ont même eu des contrats de 4900 $, de 4999 $ parfois. Je me suis dit: Voilà, la réponse est très simple. Le mot "une" dans l'article 113f n'est pas un adjectif numéral. Je trouve que c'était peut-être une interprétation excessive de l'office qui a été corrigée, si je comprends bien, parce qu'on a accepté une autre interprétation. Peu importe, j'arrive à l'article 113f. Dans la lettre que vous avez écrite à la greffière de la ville de Côte-Saint-Luc sur l'affichage que la Régie de l'assurance automobile a envoyée... C'était quoi le slogan?

M. Godin: Une vie, ça coûte trop... Bien se conduire pour mieux vivre. D'ailleurs, vous devriez l'appliquer à votre propre vie, mon cher collègue, etc.

M. Marx: Oui, c'est cela. On veut l'appliquer dans la ville de Côte-Saint-Luc, qui est une des villes où c'est permis... Ce n'est pas une ville "Potemkine". Savez-vous ce qu'est une ville ou un village "Potemkine"? Non?

M. Godin: Informez-nous.

M. Marx: Oui. C'est comme l'affichage unilingue au Québec. Quand la tzarine est allée de Moscou à Leningrad...

M. Godin: Oui, d'accord, je connais.

M. Marx: ...Potemkine, l'inspecteur général, a mis des villages en carton au bord du chemin de fer et lorsqu'elle est passée, elle a dit: Ah! tout va bien...

M. Godin: Mme la marquise.

M. Marx: C'est cela. C'est comme dans Côte-Saint-Luc. Lorsqu'on passe, on peut penser: Ah! il n'y a que des francophones ou des Canadiens français, ou des vrais Québécois; il n'y a pas d'anglophones parce que tout ce qu'on voit, c'est en français, ou on veut que cela soit comme cela.

M. Godin: Quelle est votre question? (22 heures)

M. Marx: Ma question, c'est cela. Vous avez écrit à cette greffière que ce n'était pas obligatoire pour la régie d'envoyer l'affichage bilingue parce que l'office, dans sa sagesse, a déterminé que l'interprétation d'un article de la loi 101 est que ce n'est pas un affichage de sécurité; je crois que c'est l'article 22 de la loi 101. Je trouve que c'est un exemple d'excès d'interprétation, c'est fait par des gens qui n'ont pas de mesure. Vous avez répondu à la greffière - je n'ai pas la lettre ici - :Si la ville veut bien afficher d'une façon bilingue, je n'ai pas d'objection et la ville pourrait le faire...

M. Godin: ...à ses frais.

M. Marx: ...à ses frais. Je ne vois pas pourquoi mes électeurs qui ont voté pour moi à 96% seront taxés doublement pour un affichage bilingue que le gouvernement devrait fournir. Je trouve cela excessif.

M. Godin: Faut-il comprendre que les gens de Côte-Saint-Luc ne sont pas assez attachés à leur langue pour répugner à dépenser quelques dollars pour afficher en anglais "Bien se conduire pour mieux vivre"?

M. Marx: C'est une question de principe et cela relève des droits et des libertés.

M. Godin: Pour m'être battu toute ma vie pour le français, je ne comprends pas

que les gens de Côte-Saint-Luc demandent au gouvernement provincial d'assumer le coût de leur héritage anglais. S'ils veulent le faire, qu'ils le fassent, libres à eux! C'est ce que je dis dans ma lettre que je peux vous citer au texte: "Nous croyons que la fierté de parler sa langue peut s'accompagner de quelques frais et, par conséquent, il appartient à Côte-Saint-Luc de défrayer ces coûts."

M. Marx: Est-ce que le ministre ne trouve pas que c'est une interprétation restrictive et un peu excessive? Si le ministre a vraiment la gouverne, si c'est vraiment lui qui est responsable de l'office et des autres organismes, il doit être libre de revoir ces interprétations quand il trouve que c'est un excès ou une erreur. Le ministre se laisse-t-il mener partout par ses fonctionnaires qui ont..

Le Président (M. Blouin): M. le député de D'Arcy McGee...

M. Marx: Je veux que le ministre réponde.

Le Président (M. Blouin): Je vous signale cependant que votre question a bien été entendue et que le ministre y a répondu. À moins que le ministre n'ait des éléments supplémentaires à y ajouter, comme nous avons déjà convenu que nous devions terminer nos travaux rapidement...

M. Godin: J'ajoute simplement ceci. On entend dire que des gens quitteraient le Québec parce qu'ils ne peuvent pas afficher en anglais. Nous leur donnons l'occasion de le faire et ils la refusent. Je me demande qui est masochiste au Québec.

Le Président (M. Blouin): Sur ce, je remercie ceux et celles qui ont participé et collaboré aux travaux de notre commission. Oui, M. le député de Gatineau?

M. Gratton: C'est simplement pour remercier d'abord ceux qui ont accompagné le ministre, tant ceux qui proviennent des organismes qui voient à l'application de la loi 101 et qui sont ici ce soir, que ceux qui l'ont accompagné ce matin au moment où on discutait des crédits du secteur des communautés culturelles.

Je veux remercier le ministre également de sa collaboration. Je dois dire que nous ne sommes pas toujours satisfaits des réponses qu'il donne à nos questions, mais je dois admettre que c'est toujours plaisant de travailler avec lui, ce qui n'est pas nécessairement le cas avec tous ses collègues. Je veux vous remercier, M. le Président, d'avoir mené nos travaux de façon un peu plus distinguée et à propos.

Le Président (M. Blouin): Sur ce, le programme 2, Charte de la langue française, et ses cinq éléments sont-ils adoptés?

M. Gratton: Sur division.

Le Président (M. Blouin): Sur division. La commission élue permanente...

M. le ministre, un dernier mot.

M. Godin: Je voudrais remercier également mes collègues, ceux qui m'appuient de leur science, également mes collègues d'en face, critiques éclairés de tout ce que nous faisons, ainsi que M. le Président et son équipe, ce qui nous a permis de mener à bon port l'étude des crédits des programmes 1 et 2 qui relèvent de mon ministère.

Le Président (M. Blouin): Sur cette meute d'éloges, nous allons ajourner sine die les travaux de la commission élue permanente des communautés culturelles et de l'immigration.

(Fin de la séance à 22 h 05)

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