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Audition des mémoires sur
le projet de loi no 24 Loi sur la protection de la
jeunesse
(Seize heures dix-sept minutes)
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, mesdames,
messieurs!
Reprise des travaux de la commission conjointe des affaires sociales et
de la justice pour l'étude du projet de loi no 24. Nous allons entendre
les mémoires.
Les membres de la commission sont M. Alfred (Papineau), M. Bédard
(Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M.
Burns (Maisonneuve), M. Charbonneau (Verchères), M. Charron
(Saint-Jacques), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Clair (Drummond), M. Fontaine
(Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M.
Gravel (Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Johnson (Anjou), M.
Laberge (Jeanne-Mance), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. La-vigne (Beauharnois), M. Lazure (Chambly), M.
Marois (Laporte), M. Martel (Richelieu), Mme Ouellette (Hull), M. Paquette
(Rosemont), M. Saindon (Argenteuil), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw
(Pointe-Claire), M. Springate (Westmount), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier)
remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Tardif (Crémazie), M.
Vaillancourt (Jonquière).
On demande de ne pas fumer dans la salle, s'il vous plaît, pour
les mêmes raisons que les autres jours. On ne peut pas ouvrir les
fenêtres. Il fait terriblement chaud.
Les organismes que nous entendrons aujourd'hui sont le Centre d'accueil
Berthelet Inc., Lucie Joyal, Louise Miron, Réjane Rancourt, Fer-nand
Tremblay; le Centre de services sociaux Ville-Marie, la Corporation
professionnelle des travailleurs sociaux du Québec, l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec.
J'appelle le Centre d'accueil Berthelet Inc.
J'aimerais aussi dire à tous les organismes qui sont dans la
salle de se préparer pour la présentation de leur mémoire
avec un exposé très court, parce que nous serons obligés
de limiter le temps aujourd'hui, puisqu'on a cinq organismes et qu'on
n'aimerait pas renvoyer les gens chez eux sans les avoir entendus.
Monsieur, si vous voulez identifier votre organisme, s'il vous
plaît, avec les membres qui vous accompagnent.
Centre Berthelet Inc.
M. Lavigne (Guy): Ici le Centre Berthelet Inc. Mon nom est Guy
Lavigne, président du conseil d'administration. J'ai à mes
côtés, à ma droite, M. Jean-Marie Carette, directeur
général; M. Pierre Charbonneau, avocat, conseiller juridique;
à ma gauche, M. Raymond Chouinard, directeur adjoint au service de
réadaptation et M. Gilles Daoust, membre du conseil d'administration et
responsable de la formation au Centre d'accueil Berthelet.
M. le Président, honorables ministres, membres de la commission,
compte tenu de l'importance de son rôle social, en raison de fa
sévérité des handicaps des jeunes qui sont confiés
au centre Berthelet, le conseil d'administration a tenu à déposer
devant cette commission parlementaire un mémoire contenant des
observations que nous jugeons valables et certaines recommandations que nous
tenons pour essentielles. La nécessité de ce projet de loi nous
apparaît d'abord indiscutable. Nous croyons, cependant, de la plus haute
importance d'intervenir dans ce débat, et spécialement, sur trois
points majeurs. Ces points sont les suivants: Premièrement, le droit de
l'enfant; deuxièmement, la réadaptation dans un centre à
support sécuritaire; troisièmement, l'importance et la
nécessité d'établir une concordance du projet de loi 48
sur les services sociaux et de santé et la Loi des jeunes
délinquants.
Puisqu'on nous a demandé de réduire le plus possible ce
mémoire, nous expliciterons davantage ces points pendant la discussion
qui, normalement, devrait suivre, tout en espérant, cependant, que la
commission n'en réduira pas pour autant nos recommandations finales.
Nous avons accepté de résumer et de synthétiser ce
mémoire en escomptant bien que la commission nous donnera la
possibilité d'en préciser les points les plus importants. Ici, je
voudrais simplement vous donner une idée rapide de ce qui se passe au
centre d'accueil Berthelet. Je résume.
Suite à l'émeute et aux difficultés de novembre
1974 tout le monde est au courant qu'en 1974, à Berthelet, il y a
eu une émeute assez importante qui avaient provoqué
l'éclatement du centre, une réorganisation majeure du centre a
été mise en application.
Premièrement, le ministre a confié au centre le mandat de
mettre en place des services de démarrage et de réadaptation en
milieu, offrant un support sécuritaire pour les jeunes de 14 à 18
ans soumis à la Loi des jeunes délinquants.
Deuxièmement, les critères d'admission sont ainsi
adaptés. Les garçons admis au centre présentent des
handicaps très sévères au niveau de leur
personnalité et nécessitent, suite aux échecs
répétés dans des services plus ouverts, ce type
d'intervention plus particulier.
Le jeune confié au centre a fait l'objet d'une évaluation
préalable, faisant état d'un degré de danger certain et de
l'impossibilité d'utilisation de mesures en milieu ouvert.
Troisièmement, une refonte complète des programmes est
alors amorcée pour permettre à l'enfant de recevoir un traitement
approprié à son état, plutôt que de subir une
détention passive.
Quatrièmement, des mécanismes de formation du personnel
ont été mis en place pour permettre une application beaucoup plus
valable des programmes modifiés. Une qualification du personnel
éducateur se développe de plus en plus, et les jeunes peuvent
s'inscrire dans des programmes de traitements adaptés à leurs
attentes.
Cinquièmement, les locaux ont été
réaména-
gés pour permettre l'application plus fonctionnelle des
programmes de traitements et une humanisation de leur séjour au
centre.
Sixièmement, un contrat de service scolaire a été
conclu avec la CECM pour la scolarisation des jeunes.
Septièmement, la création du comité régional
d'admission nous permet d'offrir des services à une clientèle
spécifique parce qu'en fin de compte, Berthelet n'est pas un
fourre-tout et d'agir en complémentarité avec les autres
centres.
Huitièmement, la mise sur pied du service de réinsertion
nous permet d'offrir une continuité de l'action thérapeutique, de
l'arrivée du jeune au centre jusqu'à son intégration
sociale.
Telle est, globalement, la situation du centre d'accueil Berthelet
aujourd'hui. Cependant, il nous apparaît essentiel d'intervenir
auprès de la commission, parce que le nouveau projet de loi risque de
faire vivre à Berthelet la situation de marasme vécue durant les
années antérieures et de recréer les mêmes malaises
qui ont nécessité la commission Batshaw.
Revenons un instant aux trois points majeurs qui nous préoccupent
sérieusement; d'abord, les droits de l'enfant. Pour que ce projet de loi
devienne un outil vraiment efficace, nous pensons, premièrement, que la
définition des droits des enfants devrait être revue et
précisée, de sorte que cette loi devienne vraiment une charte des
droits des enfants.
Deuxièmement, nous croyons que les articles de ce projet de loi
visent plus à protéger l'enfant des abus toujours possibles des
organismes qui doivent s'en occuper, plutôt que de mettre l'accent sur
une meilleure cohérence dans les services qui en ont vraiment la
charge.
Nous suggérons donc, à ce point-ci, que soient
insérés dans le projet de loi, au chapitre II, deux articles,
à savoir, premièrement, l'article 17 de la déclaration des
droits de l'enfant proposée par le CQEE, dans le volume 10 no 4, et,
deuxièmement, la résolution du Congrès mondial de Beyrouth
en 1963, de la Commission mondiale des droits de l'enfant inadapté.
Nous préciserons durant les discussions les effets de l'addition
de ces deux articles.
Le deuxième point important que nous voulons expliciter est le
suivant: La réadaptation dans un centre à support
sécuritaire. Vous n'êtes pas sans savoir que Berthelet recueifle,
en général, des jeunes qui ont, à toutes fins pratiques,
épuisé en grande majorité toutes les alternatives, ou
presque, du réseau. En conséquence, on peut les considérer
comme les rejetés des rejetés.
Dans plusieurs cas, pour ces jeunes, Berthelet est le recours ultime
avant d'être déférés aux tribunaux pour adultes.
Le conseil d'administration et toute l'équipe interne de
Berthelet croient et sont convaincus au plus profond d'eux-mêmes que,
malgré tout, la réadaptation est possible. Nous croyons fermement
que ce projet de loi ne nous donne pas les instruments de travail
nécessaires et même qu'il constitue dans sa forme actuelle un
retour en arrière.
Nous nous refusons à un tel retour en arrière,
considérant l'amélioration de notre personnel, le meilleur climat
qui règne à Berthelet et les résultats obtenus depuis les
deux dernières années.
Après avoir changé de vocation, c'est-à-dire
après être passés, entre guillemets, de prison pour enfants
à un vrai centre de réadaptation, nous nous refusons de redevenir
ce genre de milieu strictement sécuritaire où le jeune
délinquant venait faire simplement du temps.
C'est dans ce sens que le projet de loi, tel que rédigé
actuellement, nous inquiète fortement. Nous pourrons expliciter
davantage sur le sujet plus tard.
Les articles 8 et 9 du projet de loi garantissent la
confidentialité des communications du jeune avec sa famille et avec
d'autres personnes. Quant à l'article 9, à notre point de vue, il
ouvre la porte à des communications extrêmement légalistes
entre les jeunes et le personnel. Ils font aussi l'objet de sérieuses
inquiétudes de notre part.
Il nous semble que l'article 9 pourrait très bien être
formulé selon les principes 14, 15 et 16 du rapport Batshaw. Suite
à cet exposé, je vous réfère à notre
mémoire original, à la page 11, qui détaille nos
recommandations.
Premièrement, nous proposons que tout placement en centre
d'accueil à support sécuritaire se fasse à partir d'un
plan de traitement précis et particulier du sujet dont la durée
et les objectifs seraient révisés périodiquement.
Deuxièmement, que les critères d'admission c'est
là, pour nous, une chose extrêmement importante devant
être adoptés par le conseil d'administration d'un centre d'accueil
en vertu des dispositions de l'article 3.4.3 des règlements de la loi
48, soient l'objet d'approbation par le ministre des Affaires sociales.
Troisièmement, qu'un centre d'accueil ne soit pas tenu d'admettre
une personne qui ne satisfait pas à ses critères d'admission
approuvés par le ministre des Affaires sociales, sauf pour les cas
d'urgence pouvant être fournis par le centre.
Quatrièmement, que le projet de loi prévoie, de
façon explicite, la possibilité pour un centre d'accueil,
d'intervenir dans le processus d'orientation d'un jeune et ce, tant au niveau
du directeur et de la personne désignée par le ministre de la
Justice, qu'au niveau du tribunal.
Cinquièmement, évidemment, on en a parlé, que les
articles 8 et 9 du projet soient corrigés en tenant compte des principes
14,* 15, 16 du rapport Batshaw.
Sixièmement, que le projet prévoit également
l'établissement de normes et standards qui doivent exister dans les
centres d'accueil.
Ces recommandations nous apparaissent d'une absolue
nécessité pour poursuivre le travail déjà si bien
amorcé à Berthelet. En terminant, je vous demande d'attacher
également toute l'importance nécessaire concernant la
dernière partie de notre mémoire original, de la page 12 à
la fin, et touchant la nécessité d'établir une concordance
du projet de loi 24 avec le chapitre 48 sur les services sociaux et les
services de santé et la Loi des jeunes délinquants. Il y a
là, à notre sens, des am-
biguïtés dangereuses que la future loi devrait
clarifier.
Au nom du conseil d'administration et de tout le personnel de Berthelet,
je tiens à vous remercier de votre bienveillante attention et j'ose
espérer que vous tiendrez compte de nos recommandations que nous
considérons comme justifiées et justifiables. Ayant
terminé ce mémoire, je demanderais, M. le Président, avec
votre permission, que les membres de la commission veuillent bien diriger leurs
questions au directeur général qui est quand même plus
apte... il est dans la boîte. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
les membres du Centre Berthelet de leur mémoire.
Je sais fort bien et je ne suis pas le seul, je pense, parmi les membres
de cette commission à savoir que vous avez vécu et que vous vivez
très intensément ce problème, toute la question, au fond,
de la protection de la jeunesse.
Je voudrais également profiter de cette occasion parce que
vous l'avez évoqué au début de la présentation de
votre mémoire d'indiquer en même temps pour tous les
groupes, aussi bien ceux qui sont ici que pour les autres, que, malgré
le temps forcément limité dont on dispose pour rencontrer chaque
groupe, et même, le cas échéant, advenant que la commission
déciderait qu'elle s'estime suffisamment bien éclairée et
bien informée il se pourrait qu'il y ait même des groupes
qui ne soient pas entendus soyez assurés que tous et chacun des
mémoires ont été reçus par les membres de la
commission; les recommandations en sont non seulement lues,
étudiées, mais elles seront largement discutées puisqu'il
ne s'agit, à ce moment-ci, que d'une des étapes de nos
travaux.
On aura l'occasion de poursuivre nos travaux en deuxième lecture
et après, on en fera l'examen article par article. Soyez donc
assurés qu'on va examiner bien attentivement tous et chacun des
mémoires. D'autre part, je voudrais bien faire comprendre et replacer le
sens de rencontres comme celles d'aujourd'hui: ces rencontres nous permettent,
suite à un premier examen, une première lecture, en vous posant
des questions, en échangeant avec vous, de vous aider à
éclaircir un certain nombre de points ou d'éléments au
soutien de vos recommandations; elles vont nous permettre aussi de mieux les
évaluer à leur mérite et de prendre une
décision.
Là-dessus, je voudrais, très rapidement, vous poser
simplement deux questions: l'une porte sur ce que vous appelez les principes ou
les droits, d'une part; l'autre porte sur cette fameuse question des
critères d'admission. Quant aux droits, que vous évoquez à
la page 5 de votre mémoire, vous nous proposez pour élargir ce
que vous avez appelé dans un sens une charte des droits,
d'insérer deux principes qui sont mentionnés. Je ne veux pas les
relire, mais l'un porte sur l'enfant, physiquement, psychologiquement,
mentalement désavantagé et l'autre fait état de la
nécessité d'un travail d'équipe. Il me semble que, quant
au deuxième qui est là, ça doit être une des
données essentielles dans les faits que cette nécessité
que tous et chacun des agents impliqués, à quelque niveau que ce
soit du réseau, dans le sens des groupes communautaires qui peuvent
être concernés aussi, contribuent à ce que se fasse un
travail d'équipe. C'est à cette première condition qu'on
arrivera sûrement à développer une meilleure protection de
la jeunesse.
Quant au premier, est-ce que vous ne pensez pas que c'est
peut-être une question de jargon juridique, la façon dont un texte
de loi est rédigé, c'est un jargon très particulier
la notion de sécurité, du développement de l'enfant, comme
c'est explicité, notamment, aux articles 35 et suivants, prévoit
déjà l'essentiel de cela? C'est ma première question.
Ma deuxième question porte sur les critères d'admission.
Ici, je laisserais le soin à d'autres, parce qu'on a eu l'occasion d'en
discuter déjà avec l'organisme qui regroupe les centres
d'accueil, qui s'est présenté devant nous déjà.
Comment conciliez-vous il me semble que c'est une question
clé; elle peut se comprendre, elle se défend peut-être, en
un certain sens le principe de l'autonomie des centres d'accueil d'une
part, et, dans la même lancée, les critères d'admission,
avec cette réalité?
Pour reprendre une de vos expressions, vous avez dit: On a chez nous les
rejetés des rejetés. Comment concilie-t-on l'autonomie des
critères d'admission, je comprends que vous avez dit, sous
réserve, que les règlements ou les critères soient
acceptés par le ministre, avec la possibilité, en
conséquence, une fois tout cela bien établi, de refus d'admettre
un jeune?
Est-ce que, dans le cas précisément de ceux que vous avez
qualifiés les rejetés des rejetés, à cause d'un
corridor trop fermé, advenant un refus, des jeunes comme ceux-là
ne risqueraient pas de devenir des rejetés parmi les doublement
rejetés?
M. Carette (Jean-Marie): Pour répondre à votre
deuxième question, nous croyons important que les critères
d'admission, ceux que nous suggérons, soient des éléments
majeurs qui permettent à Berthelet de remplir réellement son
rôle de centre d'accueil, face à des jeunes, avec un support plus
sécuritaire, en situation de difficlutés plus grandes.
La situation historique passée faisait que Berthelet, centre de
première zone, était continuellement obligé de recevoir
des jeunes qui ne nécessitaient pas des mesures de ce type, de cet
ordre-là. Des critères d'admission dûment établis
nous permettraient justement d'offrir des services à des jeunes qui en
ont plus spécifiquement besoin.
M. Chouinard (Raymond): Pour compléter ce qu'il disait, je
pense que ce qui est important, lorsqu'on parle des rejetés parmi les
rejetés, de l'importance des critères d'admission, il y a
vraiment un lien direct, c'est qu'il y a des enfants...
Les enfants qui sont chez nous ont fait, en moyenne, 3 ou 4
institutions. Cela veut dire qu'ils ont eu au moins quatre placements
institutionnels, lorsqu'ils arrivent au Centre Berthelet.
Qu'est-ce qu'on découvre, finalement? C'est que ces enfants,
leurs vrais besoins n'ont jamais été évalués, ils
n'ont jamais eu de réponses aux problèmes que leur comportement
posait, parce qu'à la suite d'un travail d'un an, de 1975 à 1976,
dans une unité d'observation c'est expérimental on
a accepté, sans critère d'admission parce qu'à ce
moment-là, on faisait de l'accueil, on était sur la
première ligne, comme on l'appelle soixante jeunes à
Berthelet, cela veut dire en milieu sécuritaire. On a demandé au
juge qu'ils passent huit semaines au maximum et, après huit semaines, on
donnerait exactement au juge les recommandations professionnelles pour pouvoir
procéder au placement des jeunes.
Lorsque le jeune arrivait, on lui disait: Tu es huit semaines à
Berthelet pour que, nous autres, on regarde, les professionnels, les
éducateurs, avec l'équipe multidisciplinaire, les psychologues,
les criminologues et, au besoin, les psychiatres, les médecins, les
professeurs, etc., exactement ce qui fait que tu perds ta liberté et ce
qu'il te faut pour pouvoir vivre comme tout le monde, dans la normalité.
Sur ces soixante jeunes, au bout de l'année, on en a gardé
uniquement sept en milieu sécuritaire qui avaient vraiment besoin d'un
traitement, d'une période, d'un séjour en milieu
sécuritaire. On en a placé 26 dans des centres ouverts, trois en
psychiatrie et les autres sont tout simplement retournés chez eux. Sur
les jeunes qu'on a placés dans d'autres centres, la majorité des
cas sortaient de Berthelet qui était un centre sécuritaire, s'en
allaient chez eux, attendaient la date d'entrée dans l'autre centre et,
la journée venue, ils prenaient l'autobus et s'en allaient soit à
Bosco, soit au Mont Saint-Antoine.
Pourquoi? Parce que le gars savait exactement ce qu'il lui fallait pour
régler son problème. Lorsqu'on parle de l'importance des
critères d'admission, c'est que, dans ta boîte, tu ne peux pas
faire 56 choses. Ce n'est pas la superspécialisation, parce qu'on tombe
dans un autre "bag", sauf que, ton bonhomme, quand il entre chez toi, tu dois
lui dire ce que tu fais dans ta boîte. Si tu fais ce qu'on appelle du
"parking", tu dois avoir l'honnêteté de lui dire: Ici, mon vieux,
tu attends. Tu attends que quelqu'un décide, quelqu'un de
l'extérieur, ou, si c'est toi qui es responsable de lui, tu lui dis:
C'est ici qu'on va t'aider à régler tes problèmes. C'est
ici qu'on va amorcer les solutions. Si on n'est pas capable, si, nous autres,
on ne possède pas la solution, on va te diriger où est la
solution. C'est pour cela que c'est très important, pour le respect des
jeunes et des rejetés parmi les rejetés... Parce qu'on a des
chiffres là-dessus, ce sont des jeunes qui ont vraiment
été mal évalués. Mal évalués, cela
veut dire que, souvent, ils arrivaient avec absolument rien dans le dossier ou
ils arrivaient avec toutes sortes de rapports qui, finalement, se
contredisaient les uns les autres.
On ne peut pas faire un rapport psychologique seul d'un jeune. On ne
peut pas faire un rapport social, une évaluation sociale pour justifier
un placement de jeune, comme aussi on ne peut pas faire la question
criminologique de ses délits. C'est l'ensemble de ces trois rapports ou
de l'évaluation de son comportement, de ses délits, de son
milieu, en langage caricaturé, de ses "bibi-tes", qui fait qu'on peut
envisager tel et tel moyen. C'est très important.
Le Président (M. Laplante): Je vais être
obligé de vous arrêter, monsieur. Je ne voudrais pas être
impoli, mais je ne voudrais pas entendre parler de l'administration de
Berthelet. Il faudrait s'en tenir au contenu du mémoire ou de la loi 24,
telle qu'elle est présentée, concernant les autres questions
qu'il y aura à poser sur votre mémoire.
M. Shaw: Excusez-moi, M. le Président, mais c'est
très important. Cela implique l'application de cette loi au centre
Berthelet. Si on a une loi qui va provoquer l'application de différents
moyens, on doit comprendre qu'il y aura certains problèmes qui vont se
produire à cause de ce projet de loi. Un de ces problèmes, c'est
l'application même au centre Berthelet. Mes questions concernent d'abord
ce domaine.
M. Lavigne (Guy): M. le Président, j'imagine très
mal quels pouvoirs on peut détenir, s'il n'y a pas de critères
d'admission. Comment peut-on évaluer quelqu'un, comment peut-on...
Le Président (M. Laplante): Non, ce dont je veux parler,
monsieur, ce sont des critères d'admission. On n'en parle plus, en vertu
de cette loi...
M. Lavigne (Guy): On veut vous montrer l'importance.
Le Président (M. Laplante): ... mais ce que je ne voudrais
pas, c'est qu'on entre dans les petits détails. C'est cela que je ne
voudrais pas.
M. Lavigne (Guy): Oui, d'accord.
Le Président (M. Laplante): C'est surtout cela que je
voudrais éviter.
M. Lavigne (Guy): Vous avez parfaitement raison.
Le Président (M. Laplante): D'accord?
M. Lavigne (Guy): On veut mettre l'accent sur cela, parce que,
pour nous, c'est très important. Alors, on peut passer à d'autres
questions maintenant. On a donné notre opinion sur cela.
Le Président (M. Laplante): D'accord. Merci. M. Marois:
On a compris votre message.
Le Président (M. Laplante): Vous avez d'autres questions?
M. le ministre.
M. Lazure: Oui. Je veux d'abord reconnaître le travail
ingrat que fait l'équipe de Berthelet. J'ai été à
même, depuis plusieurs années, d'avoir des contacts de toutes
sortes avec cette institution. Je suis le premier à lui rendre hommage
pour les efforts considérables qui ont été faits, pour
améliorer la qualité des services depuis quelques
années.
Je vais m'en tenir à quelques réactions, suite à
vos cinq recommandations. Que tout placement en centre d'accueil se fasse
à partir d'un plan de traitement, je ne vois rien dans ce projet de loi
qui soit à l'encontre de ce souhait, de cette première
recommandation et, si oui, j'aimerais bien que vous nous le disiez
tantôt.
La deuxième recommandation, les critères d'admission.
Dans l'état actuel des choses, et suivant une politique de ce
gouvernement qui, en fait ne fait qu'accentuer une politique qui avait
été commencée par l'autre gouvernement, plutôt que
les critères d'admission d'une institution aient à être
approuvés par un ministre, nous préférons que ces
critères d'admission soient discutés, soient débattus au
sein de ce qui existe maintenant ou va exister incessamment pour la
région de Montréal, une commission administrative pour les
mésadaptés sociaux, accrochée au conseil régional
des services de santé et services sociaux.
Le but de la création de cette commission administrative est
justement de pouvoir décentraliser une bonne partie des juridictions qui
appartenaient au ministère des Affaires sociales. Donc, nous en sommes
pour les critères d'admission, mais nous pensons que ça doit
être établi régiona-lement et qu'il doit s'effectuer un
effort pour qu'aucun enfant ne tombe entre deux chaises, pour que les
critères d'admission de toutes les institutions pour
mésadaptés sociaux dans votre région, par exemple, se
complètent les uns les autres, de sorte que tout enfant trouvera un
endroit où il pourra recevoir le service approprié.
Vous avez reconnu, qu'en cas d'urgence, un établissementle
vôtre ou n'importe quel autre peut être appelé
à recevoir un enfant de façon obligatoire; provisoire et
obligatoire en cas d'urgence. Là-dessus, je pense qu'on n'a pas de
dispute. Il reste les cas non urgents. Comme on a eu l'occasion de le dire
avant-hier avec l'Association des centres d'accueil, nous sommes prêts
à examiner de nouveau cet article du projet de loi, de façon
qu'on tienne compte davantage des comités d'admission qui existent
actuellement et, forcément aussi, des critères d'admission. Notre
souci, ce sont les cas d'urgence, d'une part, et, d'autre part, que dans les
cas non urgents, personne ne tombe entre deux chaises.
Troisième recommandation, je ne comprends pas trop bien ce que
vous voulez dire: "Qu'un centre d'accueil ne soit pas tenu d'admettre une
personne qui ne satisfait pas à ses critères d'admission... sauf
pour les cas d'urgence pouvant être fournis par le centre".
M. Lavigne (Guy): C'est en supposant que vous avez
accepté, à ce moment-là, de mettre des critères
d'admission. En supposant ça, c'est une hypothèse, ça.
M. Lazure: Oui, alors, ça rejoint ce que je viens de
dire.
La quatrième recommandation, à savoir que le centre
intervienne dans le processus d'orientation, non seulement on n'a pas
d'objection et je ne vois pas ce qui, dans le projet de loi, s'y opposerait,
mais on tient pour acquis que chaque centre d'accueil va vouloir intervenir
dans le processus de réorientation en collaboration avec la direction de
la protection de la jeunesse.
Finalement, que le projet prévoie l'établissement de
normes et standards. J'ai déjà eu l'occasion de le dire. On ne
pense pas que ce soit la place dans un projet de loi. Il y a d'autres
mécanismes existants. Au ministère des Affaires sociales, il y a,
par exemple, la direction de la programmation, qui aide, ou doit aider les
établissements à mettre sur pied des normes et des standards et,
ensuite, il y a la direction de l'agrément du ministère qui,
elle, s'assure, par voie d'inspection périodique, que ces normes et
standards sont respectés.
M. Carette: M. le ministre, nous sommes heureux de voir votre
souci que les centres fonctionnent à partir de critères
d'admission établis.
Cependant, si la concordance entre la loi fédérale et
provinciale n'est pas faite, nous continuerons de recevoir des jeunes à
partir de mandats de dépôt des juges, alors que le motif
fondé, à ce moment-là, devient le délit et non pas
le traitement que le jeune doit recevoir.
M. Lazure: Ecoutez! Cela pourrait nous entraîner dans une
très longue discussion. Nous essayons, de notre côté,
d'obtenir la plus grande concordance possible entre les textes de loi, que ce
soit pour la délinquance ou pour d'autres domaines, entre les lois du
fédéral et les lois du Québec.
On doit avouer qu'on n'a pas tout le succès que l'on
désirerait. J'en veux citer comme exemple seulement le fait que la loi
fédérale établit à douze ans, et non à
quatorze ans, l'âge à partir duquel un enfant peut être
amené devant un tribunal. Nous avons demandé aux autorités
fédérales de reconsidérer cela. Nous faisons toutes les
pressions possibles. En définitive, il y a une limite à ce qu'on
peut obtenir dans cette concordance puisque nous ne sommes pas la seule
autorité.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. J'avais une question,
tantôt, sur l'un des premiers articles sur les droits des enfants, qui
est soulevé dans le mémoire.
Mais sur le point qui vient d'être soulevé, j'ai
l'impression et même un peu plus que l'impression, que l'un des avantages
de rendre applicable la loi sur la protection de la jeunesse à tous
les
enfants vis-à-vis desquels on invoque la Loi sur les jeunes
délinquants, ce qui serait possible, selon la rédaction actuelle,
et ce qui se fait d'ailleurs dans certaines autres provinces, permet justement
de faire bénéficier tous ces cas de toutes les dispositions de la
Loi sur la protection de la jeunesse, y compris celles qui pourraient qualifier
la façon dont les juges délivrent leurs ordonnances ou leurs
mandats de dépôt, c'est-à-dire en tenant compte des
critères d'admission. C'est du moins le témoignage d'un certain
nombre d'autres provinces qui ont fonctionné ainsi.
J'ai l'impression que, là-dessus, pourvu que la Loi sur la
protection de la jeunesse soit explicite, on se trouve à
résoudre, indirectement, les problèmes de concordance avec la loi
fédérale. Dans la pratique du moins, c'est ce qui est
observé dans au moins deux provinces au Canada. Je ne sais pas si c'est
avec la tolérance des juges, mais, dans la pratique, cela se fait comme
cela.
J'aimerais soulever un point que le mémoire mentionne
relativement au droit de communication des jeunes dans les unités
sécuritaires avec l'extérieur. Je crois que le groupe qui est
devant nous est assez courageux de prendre une position
légèrement en désaccord avec ce que la loi déclare,
à savoir que c'est un droit de l'enfant. Je pense que c'est très
honnête de leur part de nous mentionner les difficultés qu'ils y
voient, qui ont d'ailleurs déjà été
mentionnées dans le passé. Cependant, la balance des avantages et
des désavantages du droit de communiquer librement avec
l'extérieur, pour les jeunes en établissement, a
été jugée telle qu'il fallait faire du droit de
communiquer un droit fondamental.
J'aimerais qu'on profite de l'occasion pour préciser ce que cela
veut dire "communiquer", parce qu'il y a une certaine ambiguïté
dans l'utilisation du mot "communiquer". L'article 8 prévoit que
"l'enfant hébergé dans un centre ou une famille d'accueil a le
droit de communiquer, en toute confidentialité, avec ses parents, ses
frères, ses soeurs, son avocat, le directeur qui l'a pris en charge, le
comité, les juges et greffiers du tribunal". Si cela vise les
communications que l'enfant peut adresser à l'extérieur, il y a
peut-être moins de difficulté. Peut-être qu'à ce
moment-ci votre groupe n'aurait pas d'objection.
Pour autant que je me souvienne des objections qui ont été
soulevées dans le passévous pourrez le confirmer ou le nier
on craignait que les communications destinées à l'enfant
en provenance de l'extérieur, dans certains cas, soient, pour l'enfant,
une source d'anxiété, de difficultés ou même une
incitation à l'évasion, etc. On craignait même qu'on lui
fournisse des indications précises, dans le cas où il veuille
prendre la clef des champs, ou qu'il soit le véhicule d'un commerce
illicite de drogue à l'intérieur même du centre d'accueil.
On a soulevé plusieurs possibilités qui sont
sérieuses.
Il y a deux questions, à mon avis, qui se trouvent posées:
Premièrement, est-ce que communiquer, dans le sens de l'article 8
et c'est peut-être une question que le ministre pourra clarifier
cela veut dire communiquer dans les deux sens ou cela s'applique-t-il seulement
dans le sens actif d'une communication de l'enfant avec les gens qui sont
mentionnés? A ce moment, la loi serait silencieuse quant aux
communications venant de l'extérieur.
La deuxième question, c'est: En supposant qu'il en soit ainsi,
est-ce que cela dispose de votre objection?
Je ne sais pas si le ministre peut nous éclairer sur cette
interprétation!
M. Marois: Oui, mais je voudrais simplement indiquer qu'il y a
une balise au droit de communication qui est celle mentionnée au
paragraphe b) de l'article 50. Evidemment, il s'agit d'une mesure volontaire,
le directeur peut recommander que certaines personnes s'abstiennent d'entrer en
contact avec l'enfant, mais c'est vraiment...
M. Forget: En supposant que l'enfant soit retourné
à sa famille et qu'il y ait quelqu'un qui a une mauvaise influence sur
lui, d'accord.
M. Marois: C'est cela.
Le Président (M. Laplante): Vous avez des
réponses?
M. Chouinard: Au niveau des communications, je suis de votre
avis, M. Forget, c'est très délicat, c'est aussi très
délicat pour nous. Tantôt, je suis peut-être tombé
dans des détails, mais les détails, c'est nous qui les avons,
finalement, parce qu'on est poigné sur les planchers avec les
problèmes. Je peux vous donner des exemples très récents.
Je n'ai pas de discussion de principe à élaborer parce qu'en
principe, tout le monde a le droit de communiquer avec tout le monde, sauf que,
dans notre cas, par exemple, un jeune reçoit un appel
téléphonique, même de son avocat, parfois, qui lui dit
simplement: Tu vas être déféré parce que le juge a
son voyage; parce que nos cas sont, comme on dit, "border line". Ils sont chez
nous, avec le déféré au-dessus de la tête.
Là, il a fait une fugue ou, pendant un "provisoire", il a volé
une auto ou quelque chose comme cela. Son avocat l'appelle le mardi et lui dit:
Tu vas être déféré. Le gars s'en va dans sa chambre
et se mutile. Là, vous êtes pris avec cela.
Qu'est-ce qui se passe? On ne peut pas prévenir la manière
d'agir de ces gars-là. Alors que nous, nous n'avons jamais
été mis au courant de cela, c'est-à-dire qu'on l'a appris
après coup. On s'est dit: Qu'est-ce qui se passe? Il avait le droit de
téléphoner à son avocat, son avocat avait le droit de lui
téléphoner, sauf que ceux qui sont pris avec le problème,
c'est nous, finalement, ce sont nos éducateurs sur les planchers. Je
vous donne seulement cet exemple, mais on pourrait multiplier cela par
plusieurs.
Je pense que ce sur quoi on est d'accord, c'est que cela ne doit pas
être arbitraire, cela ne doit pas non plus être quelque chose qui
est carrément légaliste. Cela doit s'inscrire dans un processus
d'apprentissage de la liberté ou dans un processus de traitement, cette
chose-là, ce qui fait
qu'au point de départ, on contrôle plus. A mesure que le
gars fait des pas par lui-même, on en vient à ne plus
contrôler, mais c'est quand même très important. La
sécurité, à l'intérieur d'un centre comme le
nôtre, c'est la sécurité de l'individu et c'est aussi la
sécurité du milieu. Mais c'est quand même important dans
des choses concrètes comme celles-là, où le gars dit: J'ai
le droit, sauf qu'on est poigné avec lui après.
M. Lazure: Si vous permettez rapidement une réaction
à la réaction, je comprends l'imprévisibilité de la
réaction de l'adolescent qui reçoit l'appel de son avocat, mais
je crois qu'il y a d'autres moyens de sauvegarde. Il me semble que là,
on doit tenir pour acquis que l'avocat en question a le minimum
d'éthique ou d'expertise professionnelle, à la fois, de ne pas
annoncer une chose s'il prévoit des réactions ou de l'annoncer
aussi au personnel. De toute façon, même si cela se passe comme
cela, la solution n'est pas de couper la communication, parce qu'une autre
possibilité, c'est que l'adolescent apprenne le matin même, quand
les policiers viennent le chercher avec la "maria", qu'ils l'amènent
retourner devant le juge et l'amènent ensuite dans une prison d'adulte.
Là, l'auto-mutilation qu'il a faite, à la suite de l'appel
téléphonique, il va la faire dans la prison d'adulte.
M. Chouinard: Je suis d'accord avec vous que ce que vous dites
peut être vrai aussi, sauf que je pense, dans les années
d'expérience qu'on a en centre sécuritaire, que la chose qu'on a
apprise, c'est de compter sur nos propres moyens. Là-dessus, on peut
avoir des voeux pieux, dire que les autres... J'ai parlé des avocats, je
n'accuse pas les avocats. C'est, finalement, tout l'appareil social; que la
communication vienne du CSS ou qu'elle vienne de travailleurs sociaux,
d'officiers de probation; si, parfois, eux ne sont pas dans le contexte, ils
provoquent des réactions chez ces jeunes-là, parce qu'ils sont
quand même privés de liberté. Ils vivent dans
l'anxiété à cause de cela, parce qu'il n'y a personne,
dans un milieu sécuritaire ou carcéral, qui soit privé de
sa liberté et qui soit vraiment à l'aise. Or, il faut être
doublement délicat.
M. Forget: Je comprends le caractère très
délicat de tout ça et je suis d'accord avec le ministre qu'il y
aurait peut-être des méthodes pour prévenir un certain
nombre de difficultés. Est-ce que les problèmes auxquels vous
faites face... Parce que votre établissement est sécuritaire,
vous touchez là un problème qui est aigu surtout ou presque
seulement dans un contexte sécuritaire. C'est évidemment dans ce
contexte que le problème des communications se pose aussi. Mais est-ce
que vous voyez une solution à ça? Je comprends qu'on puisse
presque éternellement se tordre les mains là-dessus et se dire:
C'est quand même fondamental que ces enfants ne soient pas
complètement coupés de l'extérieur et je pense que
ça doit être dit dans la loi.
D'un autre côté, on a tous entendu parler, quand on est le
moindrement familier avec ce milieu-là, de problèmes très
nombreux, que ce soit les parents qui appellent et qui racontent toutes sortes
d'histoires et créent ainsi une perturbation considérable qui
dure plusieurs jours. Mais comment résoudre le problème, sans,
d'un autre côté, aller aussi loin en disant:
l'établissement décidera si, à son gré, il faut
qu'il communique ou pas. Je pense que ça ne serait pas vraiment
acceptable.
M. Chouinard: La façon concrète,
c'est-à-dire la notion de milieu sécuritaire, je pense que cela a
quand même beaucoup évolué à Berthelet même.
Ce n'est plus le milieu avec barreaux et clôtures. Il y a encore des
clôtures, car il y a quand même une sécurité
architecturale, périphérique, mais il y a aussi une
sécurité dynamique. La sécurité architecturale,
sauf à coup de millions, on y touche; mais la sécurité
dynamique va aussi avec l'évolution du jeune à
l'intérieur. C'est qu'à partir du moment où il est
entré à Berthelet et qu'on est convaincu, en termes
professionnels, qu'il y a un arrêt d'agir, que la possibilité de
récidiver est beaucoup moindre, le jeune, même chez nous,
reçoit des sorties, des programmes à l'extérieur, des
choses comme ça.
Je pense que ce n'est pas un absolu, c'est-à-dire que le gars vit
carrément six mois, huit mois en boîte. La sécurité
dynamique est là, en place, et le jeune s'habitue à avoir une
certaine autonomie et une certaine discipline à l'intérieur de
ça; ce qui fait qu'il peut aller à l'extérieur et il peut
recevoir différents privilèges ou différents droits qui
lui ont été coupés, à partir du moment où un
juge a prononcé une sentence de privation de liberté face
à lui.
Cela fait vraiment partie du travail des professionnels, je pense,
à ce niveau. C'est en multidisciplinaire, c'est dès la
première évaluation, que les intervenants, dans le cas de ce
jeune, doivent être bien identifiés.
Lorsqu'il arrive à Berthelet, en milieu sécuritaire, on
lui dit: Tu peux communiquer avec un tel, un tel, un tel, mais tu ne peux pas
communiquer avec un tel, un tel, un tel. Cela se fait, c'est ça qu'on
fait concrètement.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: M. le Président, j'ai quelques questions à
propos de l'article 90. Premièrement, vous avez mentionné dans
votre mémoire que vous avez 80 places de réadaptation courte et
32 places de réadaptation prolongée. Est-ce que c'est plein
maintenant ou est-ce que vous avez...
M. Carette: Le taux d'occupation du centre Berthelet varie
continuellement entre 105 jeunes et 112 jeunes. Donc, la capacité est
quasi complètement réalisée tous les jours.
M. Shaw: Est-ce que vous avez une liste d'attente?
M. Carette: Nous avons 40 à 50 jeunes qui at-
tendent dans des centres de dépannage, la ressource
Berthelet.
M. Shaw: Mais ça, c'est en effet des jeunes qui doivent
être placés dans votre centre sécuritaire?
M. Carette: Ceux qui sont en liste d'attente, oui.
M. Shaw: Vu les 71 adolescents qui sont maintenant en prison au
Québec...
M. Carette: Je n'ai pas compris votre question.
M. Shaw: Nous avons appris hier qu'il y a 71 adolescents en
prison au Québec.
M. Lazure: M. le Président, le député de
Pointe-Claire ne nous a pas bien compris hier, 71 sont passés dans les
prisons du Québec durant une période de six mois. Il n'y en a pas
71 au moment où on se parle, j'espère.
M. Shaw: Peut-être que c'est 71 ou 91...
Mme Lavoie-Roux: Non, non, ils sont passés
successivement.
M. Lazure: 71, si tout le monde m'excuse, "over a period of six
months."
M. Shaw: O.K. C'est ce montant qui va changer d'une
période à l'autre. Est-ce que vos services sont adéquats
pour les accueillir chez vous?
M. Carette: Si tous les centres d'accueil, à partir du
comité régional d'admission, fonctionnent avec une
complémentarité de services, nous croyons actuellement être
en mesure, pour le réseau francophone de Montréal, de
répondre à la majorité des cas.
Il y a des cas spécifiques où on n'a pas encore les
ressources pour y répondre. Je pense, par exemple, à des cas ni
psychiatriques, ni caractériels, et à des cas de
déficients caractériels auxquels, actuellement, on ne peut pas
répondre, comme réseau de la région de
Montréal.
M. Shaw: Vous avez parlé d'une forme de réseau dans
votre institution pour fins d'évaluation. Cela représente combien
de lits?
M. Carette: C'était un service qu'on offrait dans les
années 1975 et 1976. Maintenant, quant à ce qui a trait à
ce service d'évaluation pour le centre Berthelet, les jeunes sont
évalués au centre d'accueil Cartier, qui a maintenant cette
fonction et qui nous les réfère suite à une
évaluation impliquant la nécessité pour eux d'avoir une
ressource en milieu sécuritaire.
M. Shaw: Vous n'avez pas de clients qui n'ont pas besoin d'avoir
un lieu sécuritaire chez vous? Ce sont seulement ceux qui sont en
détention fermée?
M. Carette: A part quelques cas qui nous sont encore
confiés par mandat de dépôt, nous n'avons pas de cas qui
n'ont pas besoin d'une intervention spécifique de Berthelet.
M. Shaw: On ne prévoit jamais qu'un directeur de la
protection de la jeunesse place quelqu'un dans votre centre d'accueil, sauf
quand c'est un cas d'urgence? On ne le prévoit pas. L'article 90 du
projet de loi dit qu'une décision ou ordonnance du tribunal est
exécutoire à compter du moment où elle est rendue et toute
personne qui y est visée doit s'y conformer sans délai.
C'est la clause qui va vous occuper? Ce sont les tribunaux qui ont dit:
Cet enfant doit être placé dans votre institution
immédiatement. Je pose la question, parce que nous avons entendu dire,
dans le secteur anglophone, que nous avons actuellement 41 juvéniles qui
attendent leur placement dans un centre sécuritaire, ils sont 41 qui
attendent; après les ordonnances, après cette ordonnance, ce sera
90. J'aimerais le savoir. Nous avons besoin de penser à ce projet de
loi, non seulement comme un morceau de papier, mais comme un véhicule de
la justice. On a besoin de dire que si nous avons quelques pouvoirs, ils
doivent être appliqués et les services mis en place. Ce n'est pas
seulement une...
M. Lazure: Pour répondre à la question du
député de Pointe-Claire, le projet de loi, s'il était
adopté comme tel, permettrait, dans certains cas, au directeur de la
protection de la jeunesse justement dans des cas urgents de faire
admettre ces cas directement à Berthelet.
M. Shaw: Si c'est un cas d'évasion, que fait-on dans ce
cas-là? J'ai entendu...
M. Lazure: Peu importe, que ce soit un cas d'évasion ou de
n'importe quoi, cela permettrait au directeur de la protection de la jeunesse
de faire admettre un cas, comme mesure d'urgence, car c'est provisoire.
M. Shaw: Si je peux mieux percevoir la loi, j'ai entendu dire et
même, c'était indiqué dans quelques mémoires, que
les cas dans lesquels il y aurait un acte criminel ne sont pas impliqués
dans la responsabilité du directeur de la protection de la jeunesse.
Est-ce que je me trompe?
M. Lazure: Vous parlez de cas où il y a eu un comportement
criminel?
M. Shaw: Un acte contre...
M. Lazure: En cas de doute, le directeur de la protection de la
jeunesse consulte le représentant du ministère de la Justice;
s'il n'y a pas accord entre les deux, il peut y avoir un recours à
l'arbitrage du comité de la protection de la jeunesse.
M. Shaw: D'accord. Une dernière question. Cela
m'inquiète beaucoup, parce qu'on voit qu'il y a ceux qui attendent
là, mais nous avons une réin-
sertion qui est une chose très importante. Nous avons une
période de trois mois qui est impliquée comme une période
d'évaluation de chaque personne qui entre à votre centre. Cette
période de temps est-elle adéquate?
M. Carette: Quand on pense à des sentences du juge d'une
durée de trois mois, cela risque, face au programme de
réadaptation, de devenir des sentences de détention. Le jeune va
prendre son séjour au centre comme une mesure où il doit faire du
temps. Si on pense réellement à des services de
réadaptation appropriés aux enfants, c'est là que le
placement doit être fait, non pas nécessairement en mesure de
temps, mais en mesure de besoins réels d'intervention et à partir
d'un plan de traitement clair et précis.
La loi actuelle laisserait uniquement le centre sécuritaire
accomplir son action face à l'enfant pour une période de trois
mois, ce qui deviendra une mesure nettement punitive de détention et le
jeune la vivra comme telle.
M. Shaw: Je ne vois aucune mention de ce point dans le projet de
loi.
M. Lazure: Je m'excuse, mais seulement une correction. Ce n'est
pas dit. Il faudrait savoir où c'est dit dans le texte du projet que
c'est une période qui n'est pas renouvelable, car la période est
renouvelable.
M. Shaw: C'est renouvelable, mais les gens vont toujours penser
qu'à la fin de la période de trois mois...
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais... Excusez-moi.
M. Shaw: Si vous avez commencé une forme de traitement
pour un jeune qui va, après chaque période de trois mois, avoir
son "release" de votre centre d'accueil, est-ce que cela vous causera des
problèmes? C'est pour cela que je pose la question.
M. Carette: Si le jeune sait clairement au départ qu'il
est là pour obtenir un service, un soin quelconque, et que la
période de trois mois est une période de
réévaluation, il n'y aura pas de problème, mais si ce sont
des périodes strictes de trois mois, il risque alors d'y avoir pour lui
la perception d'un temps à faire, d'une peine à purger.
M. Shaw: Merci. Je n'ai pas d'autre question.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau (Verchères): M. le Président, je
voudrais demander aux représentants du centre Berthelet si les
discussions qu'on a eues tantôt sur les critères d'admission les
convainquent que le projet de loi n'est pas un retour en arrière par
rapport à la situation actuelle? Est-ce que vous êtes maintenant
convaincus ou est-ce sur d'autres aspects que vous invoquiez une
possibilité de retour en arrière pour faire que, finalement, les
centres de sécurité redeviennent les prisons pour jeunes qu'on a
déjà connues?
M. Lavigne (Guy): Non, le problème, c'est que si... Je
n'ai pas vu si le projet de loi mentionne quelque part les renouvellements, les
réévaluations, etc., au bout de trois mois.
Quand on a parlé de retour en arrière, pour nous, c'est
qu'on avait peur que le jeune vienne faire trois mois de temps...
M. Charbonneau: C'était votre crainte?
M. Lavigne (Guy): ... et que, lorsqu'il arriverait à deux
jours avant la fin de ses trois mois, il puisse se permettre n'importe quoi
parce qu'il va s'en aller.
M. Carette: C'est notre première crainte. M. Lavigne
(Guy): C'était comme cela avant.
M. Lazure: Y a-t-il dans le texte de loi quelque chose qui vous
laisserait croire cela? Si oui, citez-moi l'article.
M. Lavigne (Guy): D'accord, je vous fais confiance.
M. Carette: La deuxième crainte, c'est aussi qu'on a peur,
à un moment donné d'être obligé de recevoir des
jeunes qui n'ont pas besoin du support sécuritaire que Berthelet peut
offrir, soit de les recevoir par mandat de dépôt ou par ordonnance
de placement en fonction de la Loi des jeunes délinquants.
M. Charbonneau (Verchères): Non pas en fonction de cette
loi? Si je comprends bien, non, ce n'est pas cela?
M. Carette: Actuellement, on les reçoit en fonction de
l'article 20 de la Loi des jeunes délinquants. Ce sont des mandats de
dépôt, des ordonnances de placement. Nous sommes obligés de
recevoir le cas, souvent indépendamment de ses difficultés et
indépendamment du délit commis.
M. Chouinard: Je vais vous donner, pour les besoins de la cause,
un exemple d'ordonnance de placement. Un jeune nous arrive. C'est inscrit:
Demande de placement à Berthelet pour douze mois. Les six premiers mois,
aucune sortie, aucun contact; les six autres, sorties et contacts avec la
permission du juge. C'est un type d'ordonnance de placement. Ce qui est encore
plus drôle, c'est que nous autres, on évalue que le jeune n'a pas
besoin de nos services, mais en bas de l'ordon-nace de placement, c'est
marqué: Si Berthelet refuse le jeune, il sera envoyé aux Cours
des sessions. Qu'est-ce que tu fais? Tu laisses le gars aller en prison ou tu
l'acceptes chez vous en disant: On compose avec cela. Ce sont des types
d'ordonnance de placement qui, si on s'en tient au côté
légaliste, te zigouillent complètement toute approche
humaine et toute approche thérapeutique.
M. Charbonneau (Verchères): Ce sont des ordonnances
émises en fonction de la loi fédérale sur les jeunes
délinquants. C'est cela? Est-ce que cette loi...
M. Chouinard: Article 20...
M. Charbonneau (Verchères): J'aimerais demander au
ministre, parce que c'est une question importante, si on va être encore
pris avec ces articles?
M. Marois: M. le Président, je ne voudrais pas
présumer ou préjuger ou même empiéter sur des
discussions qui sont déjà amorcées avec le gouvernement
fédéral; ce sont des questions assez délicates,
fondamentales. Il y a déjà eu des rencontres. Le Solliciteur
général du Canada, M. Fox, nous avait laissé entendre
qu'il était plutôt porté à croire qu'il serait
peut-être possible que les provinces, par décision
administratives, puissent appliquer leur propre loi de protection de la
jeunesse qui voudrait dire donc, en conséquence, qu'une
éventuelle, parce qu'il s'agit d'un projet, loi des jeunes contrevenants
serait donc par décision administrative du Québec, tomberait donc
sous la coupe de la Loi de la protection de la jeunesse. En ce sens, cela
permettrait vraisemblablement, mais enfin, tout reste à voir, les
négociations et les discussions sont loin d'être terminées,
d'être modérément optimiste. En tout cas, on va
certainement faire tout ce qui est humainement possible, parce que les
principes qui ont été insérés dans la loi l'ont
été après de nombreux travaux, même des travaux qui
avaient été faits il faut être honnête
là-dessus par le gouvernement qui nous a
précédés et qu'on a poursuivis le plus rapidement possible
pour aboutir. C'est donc après de longues discussions, des travaux de
plusieurs comités et groupes de travail qu'on en est venu à ces
conclusions.
M. Charbonneau (Verchères): Cela n'aurait pas un
sacré bon sens, de toute façon, si on était poigné
pour... Je voudrais vous poser une question. Vous avez mentionné,
à un moment donné, que le projet de loi ne donnait pas,
notamment, à votre institution, peut-être à d'autres aussi,
les instruments de travail désirés. Est-ce que vous pourriez
préciser un peu votre pensée à cet égard?
M.Carette: M. Chouinard tantôt vous a donné
l'exemple d'une ordonnace de placement où le juge intervient directement
au niveau du programme de traitement. Quand le juge dit: Les six premiers mois,
le jeune suivra intégralement les activités de Berthelet et
aucune sortie pour lui ne devrait avoir lieu et que les six derniers mois, il
pourra sortir avec la permission du juge, nous croyons que ce sont des
interventions directes dans le programme de traitement offert au centre. Si le
centre, par ses critères d'admission, n'a pas la latitude d'organiser
les programmes appropriés en fonction des besoins de l'enfant, je pense
qu'à ce moment, cela devient une régression face au service.
M. Charbonneau (Verchères): Je comprends votre
commentaire. Je comprends, également, que ce n'est pas en regard de la
loi actuelle, mais en regard de la situation constitutionnelle, finalement, qui
n'est pas encore précisée actuellement. En regard de la loi comme
telle, le projet de loi 24, est-ce que vous considérez toujours qu'il y
a des instruments de travail que vous devriez avoir, que la loi devrait vous
donner et qu'on ne vous donne pas actuellement? Quels sont ces instruments, si
c'est le cas, en fonction de cette loi, non pas en fonction du cadre
constitutionnel, dans lequel on est encore pris pour se débattre?
M. Carette: M. Charbonneau, quand on dit: On peut placer au
centre Berthelet des enfants dans les situations d'urgence. Tel qu'on
connaît les urgences au niveau de la région de Montréal,
à tous les vendredis soirs, à 16 h 30, on a de 15 à 20 cas
à placer continuellement et régulièrement. Si cela devient
des mesures quasi définitives de placement, à ce moment, je crois
qu'on ne joue plus notre rôle. L'enfant n'est plus placé à
Berthelet en fonction d'un besoin particulier, mais en fonction d'une urgence
à laquelle il faut répondre, ce qui devient un problème de
place.
M. Charbonneau (Verchères): A moins que je ne me trompe,
le ministre pourra me corriger, mais je pense que ces placements sont
provisoires.
M. Lazure: Oui. Ecoutez, seulement une mise au point. Le
système d'urgence de dépannage qui existe à Cartier, vous
le connaissez bien. Il ne cessera pas d'exister, parce qu'il y a une nouvelle
loi. Vous n'avez pas des dizaines d'urgences en fin de semaine, dans le moment.
Il n'y a rien qui va nous amener à changer ça, Cartier va
continuer de fonctionner.
M. Chouinard: II y a des urgences. Quand ils sont entrés,
ça ne pose pas de problèmes; habituellement, c'est
respecté. Mais c'est pour les sortir. On sait qu'il y a des gars qui
sont à Cartier depuis 100 jours et il n'y a encore aucune
évaluation qui a été faite dans leur cas. Ce sont des
choses qui existent. C'est sur les planchers. Je ne vous dis pas qu'il y en a
100, mais qu'il y en ait trois comme ça sur une population de 70 gars,
je vous garantis qu'il y a des professionnels qui rament et des
éducateurs qui sont "pognés" avec les problèmes. C'est
ça, c'est-à-dire que les lois doivent prévenir ces
cas-là, finalement. C'est facile d'entrer des gars dans les centres
d'accueil; c'est plus difficile de les en sortir, très souvent. La
réalité est celle-là.
M. Charbonneau (Verchères): Mais je pense que le
placement, de toute façon, est provisoire, quand il est urgent, en cas
d'urgence. Donc, on appelle obligatoirement, dans de brefs délais, des
révisions. Est-ce qu'il y a d'autres...
M. Chouinard: Est-ce que vous savez combien cela prend de temps,
avoir un rapport d'évaluation pour un gars qui est en centre d'accueil?
Il faut calculer au moins quatre ou cinq semaines, pour les cliniques
d'évaluation. D'accord? C'est ça qu'est la réalité.
Pendant ce temps-là, le gars, tu l'as dans les jambes,
c'est-à-dire qu'il est là. Où vas-tu le mettre? Tu
l'envoies où? C'est ça le problème. On peut bien dire:
Ecrivez-moi des évaluations. Quelqu'un qui entre le vendredi à 4
heures, le vendredi à 6 heures, il n'y a pas de praticien pour faire les
évaluations. Tu n'as personne pour savoir où tu t'en vas avec
ça. Je te le dis: La réalité, c'est de quatre à
cinq semaines.
Le Président (M. Laplante): Madame...
M. Charbonneau (Verchères): M. le Président,
simplement pour terminer...
Le Président (M. Laplante): Rapidement, parce que le temps
est déjà dépassé largement.
M. Charbonneau (Verchères): ...je veux tout simplement
être certain que les gens de Berthelet nous ont bien mentionné,
dans leurs remarques, tous les instruments qu'ils voudraient voir dans la loi.
Je pense que c'est important. Ils en ont mentionné quelques-uns
tantôt, mais je voudrais être certain qu'ils ont couvert le champ
qu'ils avaient à l'esprit lorsqu'ils ont fait cette remarque,
c'est-à-dire que le projet de loi ne leur donnait pas tous les
instruments de travail.
M. Charbonneau (Pierre): Moi, j'aurais seulement une remarque
à faire au ministre des Affaires sociales concernant les placements
provisoires.
On a établi que le directeur de la protection de la jeunesse
peut, lorsqu'il est saisi d'une situation, prendre une mesure
énumérée à l'article 42, notamment celle de placer
un enfant dans un centre d'accueil et le centre est tenu, à ce
moment-là, d'accueillir l'enfant. Cette décision vaut pour une
durée de 24 heures, à la suite de quoi elle doit être
soumise à un juge. Le juge peut alors confirmer la décision pour
une période de cinq jours. Je pense que le délai de cinq jours...
On ne prévoit pas le renouvellement possible de cette ordonnance comme
telle, de cinq jours en cinq jours. Le problème qui peut se poser,
à ce moment-là, à l'expiration des cinq jours, c'est: Qui
va être saisi du cas de l'enfant? Est-ce que ça va être le
DPJ, le directeur de la protection? Est-ce que ça va être le
directeur de la protection avec le représentant du ministère ou
est-ce que, automatiquement, le cas s'en va devant le tribunal?
M. Lazure: C'est le directeur de la protection de la jeunesse qui
est ressaisi du cas.
M. Charbonneau (Pierre): Et si l'enfant doit toujours, compte
tenu de sa situation, être gardé dans un centre d'accueil
au-delà de cette période de cinq jours?
M. Lazure: Bon! A ce moment-là, tout dépend de ce
qui aura été établi comme motif de la
nécessité de prolonger le séjour. Il peut se passer, dans
certains cas, qu'il aura l'autorité complète de le faire
lui-même, mais, évidemment, il faudra qu'il tienne compte... Une
fois la période d'urgence passée, les motifs du séjour en
centre d'accueil devront être discutés avec les autorités
du centre d'accueil. C'est là qu'on en arrive à un plan de
traitement, c'est là qu'on en arrive à des critères
d'admission.
M. Charbonneau (Pierre): C'est cela le problème. Il semble
que l'intervention du centre d'accueil, dans le cadre du projet de loi, ne soit
pas très clair. Si on lit le texte du projet de loi, il semble plus
clair que la connotation sociale est la responsabilité du directeur de
la protection de la jeunesse.
Dans le texte, on retrouve, par exemple, à l'article 58,
l'obligation, par le centre d'accueil, de donner suite à
l'ordonnance.
A l'article 52, dans le cas de mesures volontaires, on pourrait croire
que le centre d'accueil joue un rôle passif, "est aussi tenu..." On
semble accentuer la notion d'obligation et on ne semble pas reconnaître
au centre d'accueil la vocation de partenaire que lui reconnaît la Loi
des services de santé et des services sociaux.
M. Lazure: Non, encore une fois, on a fait de longues mises au
point, l'autre jour, avec l'Association des centres d'accueil. Je pense qu'elle
a compris. On n'a peut-être pas tout le temps aujourd'hui qu'il faut pour
le faire. Mais, encore une fois, notre objectif, c'est de s'assurer, en cas
d'urgence, qu'il y aura...
C'est pour cela qu'on veut garder le caractère obligatoire de la
décision du DPJ, mais, dans les cas de non-urgence, ce sera au directeur
de la protection de la jeunesse, s'il fait bien son travail, de consulter les
gens du réseau et de décider ensemble à quel
établissement externe ou interne l'enfant doit aller. Mais ce n'est pas
la place, dans un projet de loi, de répéter les attentes qu'on
exprime dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux,
les attentes qu'on a vis-à-vis des institutions.
Le Président (M. Laplante): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vais être
très brève. C'est simplement sur les articles 8 et 9 sur lesquels
vous faites des recommandations et que, d'ailleurs, mon collègue de
Saint-Laurent a abordés avec vous.
J'ai interprété les articles 8 et 9 comme des balises
concernant des abus qui avaient pu avoir lieu dans le passé et qui,
peut-être, pourraient encore se produire aujourd'hui.
D'un autre côté, j'ai été très
sensible aux arguments que vous avez fait valoir en fonction de l'article 8
parce que je connais le type de clientèle que vous recevez et ce n'est
pas facile. Je comprends que vous vouliez conserver un droit de regard ou un
jugement professionnel sur toute
cette question de confidentialité ou de communication.
La question précise que je veux vous poser est celle-ci: Dans
tous les centres d'accueil du Québec, la qualité du personnel
qu'on y retrouve c'est peut-être une question délicate
à poser, mais je pense que, quand même... est-ce que les
centres d'accueil ont un personnel suffisamment spécialisé pour,
justement, se servir de cette communication dans un sens correctif ou curatif
ou de traitement, si on veut, ou s'il y a lieu de conserver cette balise? Parce
que, dans le fond, si je ne me trompe pas, c'est qu'on a voulu corriger des
abus qui avaient eu lieu dans le passé quant à l'utilisation de
la non-communication comme une mesure punitive, pour donner un seul
exemple.
M. Carette: Nous croyons que ces balises sont encore requises
face au contexte des centres d'accueil.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Carette: Cependant, nous voyons aussi l'occasion de vous
souligner les difficultés que ces balises peuvent créer dans le
traitement même des enfants et c'est dans ce sens que nos interventions
en commission parlementaire sont faites. Nous les croyons importantes,
essentielles, mais nous les voyons très difficiles dans leur application
concrète, en raison même de la clientèle que nous
avons.
Mme Lavoie-Roux: Alors, vous croyez qu'elles devraient être
conservées dans la loi. Mais peut-on penser que, quand même, il y
a un certain jugement professionnel qui pourrait être exercé
à l'intérieur des maisons... ?
M. Lavigne (Guy): Sans, à mon sens, que cela soit
conservé dans la loi, pour autant qu'on aurait l'autonomie
nécessaire pour agir, s'il y a lieu d'agir. C'est ce qui est
important.
Une Voix: C'est peut-être une formule à trouver.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais avoir la réaction d'un des
ministres là-dessus.
M. Lazure: Voulez-vous répéter la question, s'il
vous plaît?
Mme Lavoie-Roux: J'ai demandé à ces
représentants s'ils jugeaient ces balises importantes et si on devrait
les conserver dans la loi. Je les vois comme des balises, 8 et 9, dans le fond,
pour contrer certains abus qui ont déjà eu lieu ou qui,
peut-être, peuvent avoir encore cours. Ces messieurs répondaient
qu'ils les jugent importantes dans le contexte de l'ensemble des centres
d'accueil, mais que, par contre, ils veulent avoir l'autonomie
nécessaire pour juger de leur application, oui ou non, en fonction d'une
approche thérapeu-thique.
M. Lazure: Non. Justement, c'est une situation où il y a
deux biens qui sont en cause, qui entrent en conflit, le bien de l'enfant et le
bien de l'autonomie des institutions. Je pense qu'il n'y a aucune institution
qui est complètement autonome. On a tous à se rapporter à
quelqu'un, et je pense qu'il faudra se rapporter à ce texte de loi.
Même si les abus sont minoritaires, 10%, 15%, il faut éviter ces
abus et on ne voit pas d'autre façon que de le faire par ces
textes-là.
Le Président (M. Laplante): Merci. Messieurs, les membres
de cette commission vous remercient pour la présentation de votre
mémoire.
M. Lavigne (Guy): Nous vous remercions également.
Le Président (M. Laplante): Nous nous excusons aussi de
faire cela aussi rapidement.
M. Lavigne (Guy): Vous avez bien fait cela, M. le
Président.
Le Président (M. Laplante): Merci, Monsieur.
Je demanderais maintenant au groupe Lucie Joyal, Louise Miron,
Réjane Rancourt, Fernand Tremblay de se présenter, s'il vous
plaît.
Est-ce que vous voulez identifier votre groupement, s'il y a lieu, et
les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît?
Mmes Louise Miron et Lucie Joyal et M. Fernand
Tremblay
Mme Miron (Louise): Je suis Louise Miron, psychologue. Mon
collègue de gauche est Lucie Joyal, technicienne en assistance sociale,
M. Fernand Tremblay, travailleur social. Notre quatrième membre n'a pu
se présenter, c'est une psychologue criminologue.
Le Président (M. Laplante): Merci.
Mme Miron: C'est d'abord en tant que simples citoyens
intéressés au développement social du Québec que
nous avons voulu examiner le projet de loi et c'est en tant que praticiens,
travaillant depuis quelques années dans le secteur des affaires
sociales, auprès de la jeunesse, que nous croyons pouvoir apporter un
point de vue spécifique sur le projet. Nous espérons que nos
commentaires, réflexions, questions, auront quelque utilité.
Notre mémoire se veut modeste, mais simplement nous avons trouvé
important d'apporter notre contribution.
La première partie, c'est notre appui explicite à certains
aspects du projet de loi 24. Nous voulons souligner que nous sommes d'accord
avec la nécessité et l'urgence d'une réforme des
structures actuelles en matière de protection de la jeunesse, l'objectif
de déjudiciarisation qui nous semble très important, le souci de
préserver et d'assurer la sécurité et le
développement de l'enfant, l'article 35, le désir de maintenir
l'enfant au
sein de la famille et de le réinsérer, dès que les
conditions sont de nouveau favorables à son développement
ce sont des valeurs auxquelles nous croyons beaucoup la
préséance des mesures volontaires sur les mesures judiciaires,
les mesures volontaires, à notre avis, favorisent un partage des
responsabilités entre la famille et la société
représentées par les intervenants du ministère des
Affaires sociales. Nous sommes d'accord, encore, avec le souci du
législateur d'éviter les risques d'arbitraire du système
judiciaire tant pour les enfants que pour les parents. Enfin, nous
reconnaissons l'existence de ces extrêmes où le retrait
définitif du foyer naturel et la tutelle deviennent les mesures les plus
appropriées aux besoins de sécurité et de
développement de l'enfant. C'est notre appui à des objectifs
fondamentaux.
Dans la deuxième partie, nous posons une question. C'est un point
de vue, probablement, biaisé et spécifique à des
praticiens dans le domaine des affaires sociales, mais nous nous sommes dit que
ce n'est pas à nous de défendre les valeurs judiciaires, il y a
assez de monde pour les défendre. Alors, on s'est permis d'aller un peu
plus loin dans ce secteur. En tant que praticiens de l'intervention
psychosociale, nous ne pouvons nous empêcher de réagir au
vocabulaire et à l'esprit légaliste qui se dégage du
projet de loi. Nous aurions aimé y voir transparaître davantage
des valeurs humanistes qui se traduisent entre autres pour nous, dans notre
façon de travailler, par des concepts tels que les besoins de l'enfant,
versus les droits, les besoins des parents et les besoins du système
familial, les concepts de responsabilité personnelle, de communication
ouverte et de confiance réciproque. Ce sont les valeurs avec lesquelles
nous travaillons. Il y a des soucis de cet ordre dans la loi, mais cela nous a
semblé... Cela ne nous satisfaisait pas complètement.
Il y a une question j'ajoute un peu au mémoire que
nous voulons signaler, c'est que le projet parle des droits de l'enfant. Ils ne
nous semblent pas clairement définis nulle part. Il y a l'article 35,
mais cela reste assez général. Ce que nous voyons comme risque,
là-dedans, c'est d'entraîner des querelles juridiques
interminables sur les droits en question plutôt que d'inciter les
intervenants à se pencher sur les besoins de l'enfant. C'est un peu le
problème que nous posons, le fait de concevoir les choses en termes de
droits et en termes de besoins, qui nous semble délicat. Du point de vue
de notre expérience, nous avons de la difficulté à parler
en termes de droit quand on se trouve confronté quotidiennement à
des situations dans lesquelles ce sont les besoins de l'enfant qu'il faut
regarder.
Dans notre expérience auprès des familles et des enfants,
nous travaillons avec ces valeurs à effectuer des changements, le
travail de changement correspond en grande partie à ce que la loi
appelle les mesures volontaires. Nos valeurs et notre façon de
procéder nous semblent peu compatibles avec l'esprit et les
règles de procédure judiciaire qui impliquent l'affrontement,
l'accusation réciproque, surtout en présence d'avocats des deux
parties, des notions de victime et de coupa- ble. Ce sont des notions qu'on
essaie d'enlever de l'esprit des gens quand on travaille avec eux sur un
système familial, par exemple. Evidemment, une loi, une confrontation
judiciaire va exactement à l'opposé de cela. A toutes fins
pratiques, pour nous, le passage au niveau judiciaire tel qu'il est
décrit, implique une difficulté plus grande, sinon un sabotage,
dans le processus d'intervention auprès de l'enfant et, ou de la
famille.
Nous reconnaissons un désir de déjuciarisa-tion manifeste
dans le fait d'exclure les enfants de moins de 14 ans du tribunal et de faire
passer chaque cas par le directeur de la protection de la jeunesse. Cela nous
satisfait.
Par ailleurs, nous considérons que le fait d'autoriser, sinon
d'inciter les parents d'enfants de tout âge à recourir au tribunal
en cas de désaccord avec les mesures volontaires, ainsi que la
représentation des deux parties par les avocats, ju-diciarisent
considérablement, sans compter une possibilité de droit d'appel
aussi.
Par rapport à l'objectif de déjudiciarisation, nous avons
des doutes ou des questions. A notre avis, la prévention et les
interventions qui favorisent le changement dans les attitudes et les conditions
de vie des individus et des familles méritent plus d'investissements
qu'un appareil judiciaire compliqué, des procédures complexes. La
justice est importante, mais elle peut prendre un sens plus large; il n'est pas
juste que des enfants et des familles souffrent sans trouver l'aide et le
support adéquats dans l'environnement. Bien des drames, des
délits, des procès pourraient être évités
avec des conditions de vie plus saines.
En fait, c'est le problème de la prévention. L'appareil
judiciaire nous apparaît fortement enclin à appliquer des
procédures qui déshumanisent des situations déjà
difficiles, sinon traumatisantes pour les enfants et les parents.
Il faut bien comprendre que nous rejetons les aspects nuisibles,
à notre avis, de l'appareil judiciaire pour la famille et non pas
l'intervention judiciaire et la nécessité d'une instance de
décision finale.
Quand on parle des aspects nuisibles, on pense, entre autres, au
contexte physique et psychologique dans lequel se déroulent les choses
au tribunal, le nombre d'avocats qui s'affrontent, les dangers qui surgissent
lorsque les avocats se mettent à vouloir gagner leur cause plutôt
que de se préoccuper des enfants, ce sont nos préoccupations. On
trouve que la formation des avocats n'est peut-être pas toujours la
meilleure formation pour ces problèmes et cela s'applique aussi aux
juges.
Notre dernière partie concerne certains articles. En plus de nos
commentaires généraux, nous désirons mentionner les
questions et réflexions que nous ont suggérées certains
articles. Je dois dire que nous n'avons pas eu le temps de tout couvrir, mais
j'ajouterais peut-être, par rapport à ce qu'on a mis là,
à l'article 8 dont il a été question
précédemment, sur la communication confidentielle, qu'on est
d'accord aussi; il reste des cas où c'est parfois nuisible. Je me suis
trouvée devant des cas se rapportant à l'article 15, la
protection, où la mère était dans une période de
délire et avait
une influence très nocive sur une enfant de 7 ou 8 ans qui
communiquait par téléphone avec elle. Enfin, ce n'est pas sans
problème, ces choses, même si on reconnaît les
principes.
Sur l'accès aux dossiers des spécialistes par l'enfant,
les parents ou l'avocat, on a certains commentaires; une telle
possibilité est de nature, à notre avis, à rendre prudents
les experts et les intervenants, qui ont parfois tendance à utiliser des
catégorisations ou à étiqueter de termes pathologiques
certains comportements, à poser des jugements sur les personnes en
fonction de leur valeur personnelle sans nuancer leur point de vue.
A ce point de vue, c'est une bonne chose que les experts pensent
à qui va lire le rapport et que l'enfant ou l'adolescent va lire le
rapport. Cela va peut-être les aider, lorsqu'ils rédigent les
rapports, à être moins hermétiques et plus humains.
Cependant, nous croyons que la consultation des rapports écrits
du spécialiste est plus valable et risque moins d'être nuisible
lorsqu'il se sait dans une entrevue où il y a possibilité de
discussions, d'explications et de clarifications. C'est difficile pour un
enfant ou une famille de lire un rapport de spécialiste tout seuls et de
remettre ça là, ils vont tout interpréter. C'est quelque
chose de délicat.
On pense que si ça se fait en présence des
spécialistes avec possibilité de discussion, c'est plus
valable.
Sur l'article 25 qui concerne l'accès au dossier et la possession
de copies de dossiers par le comité de protection, on a simplement des
questions. Quelle est la formation des membres du comité et à
quel code d'éthique sont-ils tenus d'obéir? Où vont les
dossiers qui sont constitués parce que le comité va avoir une
quantité de dossiers assez incroyable? Sont-ils détruits
lorsqu'ils ont perdu leur utilité? Est-ce qu'ils sont conservés
par le ministère de la Justice? On sait qu'il y a déjà eu
une querelle autour des dossiers il y a un an ou deux. Alors, ça
soulève des questions. C'est tout.
A la consultation des enfants c'est l'article 7 et des
parents avant le transfert et l'application des mesures volontaires, il y a
aussi l'article 43 là-dedans. L'idée de consulter les parents
impliqués nous semble valable, mais dans la mesure où cela est
appliqué par des professionnels, des praticiens qui sont suffisamment
compétents en psychologie de l'enfant et de la famille, et dans la
communication interpersonnelle avec les enfants et les adultes.
Il ne faut pas demander à un enfant, comme cela: Veux-tu aller
à cette place-là? Si on demande à un enfant s'il veut
partir de chez lui pour aller dans un centre d'accueil, il va, de toute
évidence, dire non. Il faut savoir travailler... C'est simplement un
commentaire. Il y a toujours possibilité de mal appliquer une loi ou
sans compétence.
L'article 48 concerne le délai. Tout en concevant l'urgence de
parvenir à une décision dans plusieurs cas, il faut être
prudent et tenir compte du fait que les changements d'attitude, qui permettent
d'accepter et de collaborer aux mesures volontaires appropriées, peuvent
exiger des interventions répétées. Ce n'est
peut-être pas dans les cinq premiers jours, en état de crise,
qu'on peut obtenir la participation aux mesures volontaires, de la part des
parents, de la famille ou du jeune.
Particulièrement, lorsqu'une personne se sent accusée par
le système, que ce soit des parents qui vont être déchus de
leurs droits, que ce soit des jeunes qui ont commis des délits, cela
peut être long et difficile d'établir un minimum de confiance
réciproque entre les professionnels qui travaillent et la famille ou les
jeunes en question. En ce sens, le délai minimal de 20 jours
apparaît peu flexible aux professionnels de notre groupe, qui ont
été pris avec ces cas-là.
On pense que, si le délai était renouvelable ou s'il y
avait une prévision, dans ce sens, cela serait valable.
Ensuite, les articles 29 et 30, qui concernent le poste de directeur de
la protection de la jeunesse. Le poste comporte des responsabilités
considérables et suppose une capacité remarquable de diriger et
d'animer une équipe de praticiens.
Il nous semble étonnant que la loi, qui accorde le droit
d'être consulté à l'enfant et à ses parents, ne
prévoie aucune consultation des praticiens, lesquels auront à
travailler quotidiennement avec le directeur, ni quant à sa nomination,
ni quant à son maintien, ni quant à l'organisation de son
service.
La loi, à un certain moment donné, a l'air d'être en
faveur de la consultation, comme valeur démocratique, mais les
praticiens, là-dedans, n'ont pas l'air d'être des gens dignes
d'être consultés. Enfin, ce n'est pas dans la loi.
En considérant le pouvoir considérable dont le directeur
de la protection de la jeunesse est investi c'est une personne qui va
avoir des décisions extrêmement importantes à prendre
plusieurs fois par jour on pourrait craindre la possibilité qu'il
abuse de son pouvoir ou qu'il manque de jugement à un certain moment.
Est-ce qu'il y a un processus pour régulariser cela? Si le DPJ s'enfle
un peu la tête, à un moment donné, et abuse de son pouvoir,
est-ce qu'il y a des mécanismes?
L'article 61 concerne aussi l'article 44. C'est sur l'hébergement
volontaire. Quand les gens acceptent les mesures volontaires, ils doivent
participer au coût, alors que, quand c'est l'hébergement
obligatoire, les parents ne participent pas au coût. On s'est posé
la question: Est-ce que l'hébergement volontaire est
pénalisé par rapport à l'hébergement obligatoire,
vu que les parents sont obligés de participer? On s'est demandé:
Est-ce que, les parents, sachant cela, vont refuser les mesures volontaires
pour pouvoir avoir les choses gratuitement? C'est comme si,
financièrement, il y aurait avantage à refuser les mesures
volontaires. Cela deviendrait alors un hébergement obligatoire. C'est
une petite pierre d'achoppement du...
L'article 82, le droit de refuser de se soumettre à
l'étude et à l'évaluation, visé à l'article
81, apparaît légitime, d'après nous.
Il faudrait toutefois prévoir une possibilité d'exception
pour les cas extrêmes où ce refus fait partie d'une
réaction autodestructrice du jeune qui se retrouve..." En tout cas,
c'est un praticien
qui travaille depuis des années avec les adolescents qui nous a
mentionné cela, savoir que, parfois, dans une période
autodestructrice, les adolescents, cela peut faire partie de leur dynamique,
refusent l'évaluation; or, ce fait peut être autodestructeur.
C'est un problème.
En guise de conclusion, nous nous contenterons de signaler que notre
étude est sommaire et a dû s'effectuer dans des limites de temps
très restreintes. Quand même, le projet de loi nous apparaît
comme valable; il va dans le sens de nos préoccupations, à savoir
une aide et une protection réelles de la jeunesse.
On a maintenant, en terminant, une suggestion qui nous est venue
entre-temps. L'application de ce projet de loi pourrait être soumise
à une recherche indépendante, une recherche par des gens qui ne
sont pas dans le système, qui ne sont pas dans la structure, qui n'ont
nécessairement pas intérêt à maintenir les
institutions, qui évalueraient si les objectifs seront atteints. Parce
qu'il y a plusieurs objectifs très valables et je me dis que c'est
à l'usage qu'on va savoir s'ils sont atteints. On imagine un ou deux ans
d'application et ensuite vraiment évaluer si les jeunes ont
été protégés, si la déjudiciarisation
fonctionne, parce qu'on a des doutes là-dessus. On insiste sur une
recherche indépendante, c'est-à-dire par des gens qui n'ont pas
intérêt à maintenir les institutions.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, pour un mémoire et une
étude que vous dites sommaires, je pense que tous les membres de la
commission seront d'accord pour noter, d'abord, le fait que quatre
professionnels se soient donné la peine, à partir de votre propre
expertise, de votre intérêt de préparer un mémoire
comme celui-là, ce n'est pas banal, cela ne se présente pas tous
les jours; peut-être que cela devrait se présenter plus souvent.
Je suis certain que les membres de la commission sont d'accord avec moi pour
vous en remercier. Parce qu'il y a aussi ce bout de responsabilité
simplement des citoyens de faire valoir leur point de vue et, à partir
de l'expérience de chacun, de l'expertise de chacun, surtout sur des
sujets comme ceux-là, que ce soit la protection de la jeunesse, que ce
soit les handicapés, enfin, il y a tellement de coins où des
groupes de citoyens ont, pour toutes sortes de raisons je ne leur jette
pas le blâme été, dans certains coins,
laissés pour compte, il faut vraiment que ce soit un effort de tout le
monde pour arriver à corriger cela.
Votre mémoire touche des choses fondamentales. En même
temps, vous avez réussi le tour de force d'être très
concrets, très précis dans vos recommandations sur toute une
série de points. Je voudrais vous remercier, au point de
départ.
Deuxièmement, vous me permettrez, très rapidement, une
remarque. Je ne voudrais pas abuser du temps qu'il nous reste. Vous avez raison
de soulever le problème. C'est un problème de fond. Je ne sais
pas si, un jour, quelqu'un réussira à trouver la formule magique,
parce que, forcément, jusqu'à ce que quelqu'un invente de
nouveaux boutons à quatre trous, mais vraiment nouveaux ceux-là,
on est forcément obligé de passer par des textes de loi. Encore
une fois, c'est un jargon qui est le jargon de textes de loi. Passer par des
textes de loi pour faire valoir et s'assurer que seront respectés et
vécus dans une société ce qu'on considère
être des droits fondamentaux essentiels de groupes de citoyens, on est
constamment confronté à essayer de tenir cet équilibre
à travers un jargon juridique, afin de trouver le moyen de faire
appliquer et respecter ces droits. C'est donc une des balises, un des
corridors.
Aussi, il est peut-être important de rappeler que,
forcément, dans un texte de loi, il nous fait prévoir, parce que,
très souvent, c'est un peu comme un contrat, un texte de loi, on ne s'en
sert pas quand cela va bien, on s'en sert quand cela va mal. Forcément,
il faut donc prévoir aussi les cas qui, très souvent, sont des
cas d'exception, marginaux même, dans certains coins, mais qui peuvent se
produire. Dans la mesure où c'est raccroché à des choses
essentielles, il faut s'assurer que le jargon juridique, le texte de loi,
prévoie même ces cas, puisqu'on va y recourir dans des moments
où quelqu'un pourrait en avoir besoin pour faire valoir ses droits. Il
faut donc faire bien attention, quand on les interprète, pour ne pas
partir de cas d'exception et essayer d'en dégager comme une
espèce de philosophie globale, bien au contraire.
Maintenant, cela étant dit, vous nous avez fait part
d'inquiétudes concernant notamment le tribunal. Vous l'avez sans doute
remarqué, et peut-être que quelqu'un a des suggestions
additionnelles il y en a qui nous ont été faites, et on va
certainement les examiner au mérite en tout cas, on a
essayé de faire un très gros effort, parce qu'il faut un
tribunal, jusqu'à ce que quelqu'un... On a essayé de
déjudiciariser au maximum en limitant les âges de
responsabilité, si vous voulez, en ajoutant à côté
de M. le juge qui sera là, deux assesseurs qui ne seront pas des juges,
pas des avocats, en permettant au ministre de la Justice de faire en sorte
qu'un juge de l'éventuel tribunal de la jeunesse soit capable de s'en
aller, en quelque sorte, en recyclage sur le tas, parmi le monde, dans un CSS
à côté des travailleurs sociaux, de ceux qui seront
là, pour être pris un soir à voir arriver des jeunes. Une
fois qu'ils vont remonter sur le banc, ils vont peut-être voir le
problème avec des dimensions et une largeur de vue nouvelles. On a
essayé. Evidemment, c'est toujours perfectible. Il nous semble qu'on a
fait... On va gratter pour voir s'il n'y a pas possibilité de
l'améliorer davantage. Par ailleurs, il faut réconcilier cela
aussi avec une urgence, parce que cela traîne dans le paysage
québécois, c'est une vieille loi qui date de 1950. C'est le monde
en vie et il faut franchir une étape. Je retiens et je suis certain que
mon collègue, le ministre des Affaires sociales aussi va être
d'accord pour retenir cette idée, cette suggestion, en tout cas, de
l'examiner certainement, très attentivement, cette idée de mettre
en branle, dès que la loi et tout ce que cela implique, se mettra
en marche, advenant son adoption,
cette idée d'une recherche dans la pratique. D'ailleurs, il y a
des articles de la loi qui permettent d'ouvrir des dossiers pour des fins comme
celles-là, pour vérifier cela par des équipes
indépendantes. L'idée est intéressante, on verra dans
quelle mesure c'est possible.
Vous avez posé une question concernant l'article 25, le
Comité de protection de la jeunesse. Je voudrais vous dire tout de suite
que les membres du Comité de protection de la jeunesse, en tout cas, on
verra, mais potentiellement, pourraient se retrouver dans le nouveau
Comité de protection de la jeunesse, compte tenu de l'expérience
passablement remarquable des travaux, je crois, pas mal exceptionnels qu'ils
ont réussi à faire, une toute petite équipe très
légère, très souple, dans le cas des enfants
maltraités qu'on veut maintenant agrandir pour couvrir les autres. Ces
gens sont d'abord choisis pour leur compétence personnelle. Il s'agit
d'une équipe composée de sociologues, de psychologues, de
travailleurs sociaux. Il y a quelques avocats aussi dans l'équipe. Ils
sont tenus d'abord au code d'éthique il en faut toujours un par
ci et par là, qu'est-ce que vous voulez de leur propre
profession, d'une part. Maintenant, on va regarder, parce que cela a
été soulevé aussi en cours de route, dans quelle mesure il
n'y aurait pas lieu de resserrer davantage ou d'assurer une meilleure
confidentialité des secrets professionnels au niveau du comité en
question, leur permettre d'aller et de voir les dossiers; si on veut vraiment
qu'ils soient des ombudsman que, de leur côté à eux, ce
soit davantage serré ou balisé.
Voilà les remarques premières que m'inspiraient vos
commentaires, et je vais laisser, M. le Président, la chance aux autres
pour les quelque dix minutes qu'il nous reste.
Le Président M. Laplante): M. le ministre des Affaires
sociales.
M. Lazure: Oui, M. le Président. Je trouve votre
présentation très rafraîchissante. Vous savez, sur
l'idée maîtresse que vous avez soulevée pendant cinq ou six
minutes, cet excès de présence de personnel juridique, moi, je
suis plutôt porté à être de votre avis. Cependant, de
façon plus réaliste, étant donné que nous
attendions tous depuis plusieurs années ce projet de loi et qu'une des
causes du retard, c'était justement qu'il y avait impasse entre les gens
juridiques, dans le passé, qui étaient au gouvernement, et les
gens du côté des Affaires sociales, qui étaient au
gouvernement, on n'a pas réussi, peut-être, à atteindre
tous les objectifs qu'on se serait fixés idéalement. Il existe
des tribunaux de la jeunesse qui ne sont pas composés exclusivement de
personnel juridique dans beaucoup de pays d'Europe occidentale et ailleurs et,
pour ma part, je crois à cette formule. Je pense qu'il faudra continuer
à améliorer cette loi quand elle deviendra une loi.
De façon concrète, deux ou trois points: Votre remarque au
sujet du délai de 20 jours, moi, j'en prends bonne note. C'est
peut-être un peu court, effectivement, 20 jours, avant que ça ne
devienne une intervention obligatoire. La deuxième remarque: Les
pouvoirs considérables que va posséder le directeur de la
protection de la jeunesse. Vous dites: Qu'est-ce qu'on fait s'il abuse de ces
pouvoirs? Là, je vous fais remarquer qu'il sera un employé du
centre de services sociaux, un cadre supérieur, si vous voulez, mais,
comme tout employé, je pense que le conseil d'administration du centre
de services sociaux et le directeur général auront à
prendre des mesures s'il n'est pas compétent.
Votre suggestion que le personnel soit consulté, moi, je la
trouve aussi intéressante. Evidemment, c'est... On entre dans la
pratique interne d'une institution qui s'appelle CSS. On peut encourager les
centres à faire cette consultation-là. La contribution pour
volontaires et involontaires; nous notons que d'autres nous ont aussi fait
cette remarque. Finalement, au sujet de la recherche, je suis presque
tenté de prendre un mini-engagement pour ce qui est de la subventionner,
très modestement, mais je trouve l'idée fort intéressante
et qu'on le fasse dès le départ.
Le Président (M. Laplante): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
simplement me joindre au témoignage d'appréciation que le
ministre vous a donné.
Je pense que c'est extrêmement intéressant que des
individus prennent le temps et manifestent ce sens de la responsabilité
en venant faire valoir un point de vue qui touche beaucoup à leur
vécu quotidien au plan professionnel.
Compte tenu qu'il reste trois minutes, je n'ai qu'une seule question que
je voudrais vous poser. Je pense que d'une façon générale,
vos points de vue étaient pertinents quant à l'idée de la
consultation... les points que les ministres ont soulignés.
C'est à la page 7. Consultation des enfants et des parents avant
le transfert, l'application de mesures volontaires. L'idée est valable
dans la mesure où elle est appliquée par des professionnels ou
praticiens suffisamment compétents en psychologie de l'enfant et de la
famille et dans la communication interpersonnelle avec les enfants et les
adultes.
En principe, je suis d'accord avec vous, mais comment peut-on
déterminer cette compétence suffisante et n'y a-t-il pas aussi
recueil que finalement, certains critères... parce que vous avez
déjà affaire à des professionnels, mais vous voulez qu'ils
soient assez compétents en plus et je me pose deux questions.
D'abord, comment détermine-t-on s'il est professionnel
compétent ou non? Et deuxièmement, faut-il vraiment que cela soit
la responsabilité d'un professionnel de la psychologie ou de
l'intervention sociale ou excluez-vous dans votre idée que d'autres
personnes pourraient être aussi compétentes?
Mme Miron: Oui. Les habiletés en communication
interpersonnelle se développent chez tout le monde. Ce n'est pas
réservé à des professions.
Non, les questions qu'on avait, c'était que... On le sait, parce
que c'est un fait. Un juge va demander à un enfant: Veux-tu aller avec
ton père ou avec ta mère? Ce n'est pas très humain de
demander cela à un enfant de huit ou de neuf ans. Veux-tu changer de
foyer? Un enfant qui est dans un foyer nourricier que les professionnels jugent
non adéquat et qu'il faut placer dans un centre d'accueil, ce n'est pas
simple comme...
Ce qu'on pensait, c'est déjà absolument... Ce serait une
application trop à la lettre de la loi. Quand un enfant est
bouleversé en période de crise, c'est presque le bouleverser
davantage que de lui poser des questions sans habileté, ou sans
comprendre ce qu'il peut vivre de l'intérieur. C'est notre
préoccupation. Ce n'était pas dans le but de mettre en doute la
compétence des professionnels qui exercent, cela peut toujours
s'améliorer, mais c'était simplement que dans cela, ce n'est pas
si simple la consultation. C'est simplement ce qu'on voulait dire.
En fait, c'est un bel objectif, mais cela reste à voir dans
l'application.
Mme Lavoie-Roux: Selon votre expérience, par exemple,
à l'heure actuelle je ne veux quand même pas vous faire
dire des choses que vous n'avez pas dites n'est-ce pas
l'inquiétude que vous avez au sujet de la formation ou de la
compétence même du juge qui intervient à ce moment? Les
questions que vous posez, ce sont les questions que le juge va poser.
M. Tremblay (Fernand): On s'est beaucoup posé cette
question. C'est sûr que le juge a une formation en droit et je pense que
l'exemple qu'apporte Louise est intéressant. Le juge est pris avec deux
parents. Un veut avoir la petite fille et l'autre aussi. Il doit demander
à l'enfant... On suggérerait plus le tribunal de la famille,
à ce moment-là. C'est le contexte, finalement. Il faut le
demander à l'enfant, mais c'est le contexte où cela se fait,
surtout que, dans la loi, il est prévu des cas en Cour d'appel ou en
Cour supérieure, où on a des toges et tout le "kit". Ce sont des
choses qu'il faudrait.. L'enfant a plus à souffrir du contexte actuel du
système judiciaire... C'est là, finalement, qu'il est dangereux.
J'ai travaillé au ministère de la Justice, un bout de temps, et
j'ai vu des parents qui se demandaient ce qu'ils faisaient là. Ils
avaient passé une demi-heure à la cour et ils ne savaient pas du
tout ce qui se passait. Ils sortaient de là, éberlués. Ils
demandaient à l'avocat: Qu'est-ce qui s'est passé, M. l'avocat?
Je ne sais pas s'il répondait, mais... C'est le contexte judiciaire. Je
pense plus à une table ronde, par exemple. Quelques personnes
rencontrent l'enfant et la famille, et le juge peut très bien
décider, à la suite de cette rencontre, sur le plan
judiciaire.
Mme Lavoie-Roux: Si je vous comprends bien, ce n'est pas une
correction qui peut être faite, apportée à la loi. C'est
une préoccupation que vous avez, dans le contexte général
où ces événements se déroulent.
M. Tremblay (Fernand): Oui, on peut avoir une très bonne
loi et que, dans l'application, l'esprit de la loi et les objectifs soient
à l'inverse.
Il faut prendre garde à cela. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de
gens de bonne volonté au ministère de la Justice et au
ministère des Affaires sociales, mais il faut quand même voir ce
qui se passe réellement à l'heure actuelle.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Le Président (M. Laplante): II est six heures. Je ne sais
pas si vous auriez une proposition à faire?
M. Shaw: Rapidement, je voudrais remercier les témoins, M.
le Président.
M. Marois: M. le Président, je ne sais pas si l'un ou
l'autre des membres de la commission a une ou deux questions à poser. Si
les membres étaient d'accord, on pourrait prolonger, le cas
échéant, de cinq minutes.
M. Shaw: Je n'ai pas de question. Je voudrais remercier les
témoins pour leur mémoire, parce que je suis d'accord avec
presque tous les points qu'ils ont soulevés.
Le Président (M. Laplante): Mesdames, messieurs, les
membres de cette commission vous remercient du mémoire que vous avez
apporté à la commission.
Les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
Reprise de la séance à 20 h 5
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, mesdames et
messieurs!
Reprise des travauxréception des mémoires sur la loi
24 de la commission des affaires sociales et de la justice.
J'appellerais maintenant les représentants du Centre de services
sociaux Ville-Marie.
Il est interdit de fumer dans la salle.
M. Shaw: M. le Président, est-ce que je peux avoir des
renseignements? Est-ce que nous avons des prévisions sur la fin de
l'audition des témoins ou des mémoires?
M. Marois: M. le Président, si le député le
permet, dès qu'un représentant du Parti libéral sera
présent, je me ferai un plaisir de répondre très
précisément à votre question.
M. Shaw: D'accord, merci.
Le Président (M. Laplante): Je demanderais votre
coopération. Veuillez être assez rapide dans le
résumé de votre mémoire pour qu'on puisse rapidement poser
des questions. Merci mesdames.
Voulez-vous, s'il vous plaît, identifier votre organisme, vous
identifier ainsi que les personnes qui sont avec vous.
Centre de services sociaux Ville-Marie
Mme Smith (Margaret Ann): Bien sûr, M. le Président,
honorables ministres, membres de la commission, nous sommes très
contentes d'avoir l'occasion d'échanger avec vous, ce soir. C'est un
plaisir pour moi de vous présenter mes collègues. A ma gauche,
Mlle Marion Lessard qui est coor-donnatrice du programme pour les enfants
maltraités au Montreal Children's Hospital et à droite, Mme Pat
Bratley, coordonnatrice des programmes dans un "area service center", de
Ville-Marie. Je suis Margaret Ann Smith du service social, au Montreal
Childrens.
On va essayer d'être le plus bref possible. Si nous voulons
atteindre l'objectif de cette loi qui est de... excusez. Je vais donner la
parole, premièrement, à Mlle Lessard.
Mme Lessard: Le personnel du Centre de service social Ville-Marie
est entièrement d'accord avec l'objectif et la philosophie du nouveau
projet de loi. Cette future loi marque une étape importante dans la
législation du Québec. De plus, nous sommes entièrement
d'accord que soit maintenant reconnu le fait que les enfants ont des droits
égaux à ceux de leurs parents et que ces derniers ont toujours
une responsabilité envers leurs enfants.
Nous appuyons l'énoncé des notes explicatives et
l'énoncé de l'article 4 qui dit qu'on doit aider l'enfant
à se maintenir dans son milieu naturel et d'envisager, en second lieu,
les soins substituts seulement lorsque ces premières tentatives ont
échoué.
Nous sommes d'accord avec le fait d'accorder la priorité à
l'intervention sociale plutôt qu'à l'intervention judiciaire, ceci
étant possible grâce à la collaboration volontaire des
parents et de l'enfant.
Dans le passé, nous avons eu des difficultés et,
maintenant, grâce au droit d'appel, les droits des parents et ceux des
enfants sont bien protégés. Nous sommes donc entièrement
d'accord que le juge doit expliquer à l'enfant la nature des mesures
envisagées et les motifs les justifiant. Nous entretenons l'espoir que
le juge a une certaine formation qui l'aidera à comprendre les projets
que font les professionnels qui lui présentent le cas de l'enfant et de
ses parents.
Dans plusieurs articles, il est question des responsabilités du
directeur. Même si ces responsabilités sont lourdes, la loi
crée pour la première fois un rôle de coordination des
services et facilite l'accès à la protection, tant pour la
famille que pour l'enfant. Il faut cependant préciser ces
responsabilités et à qui et quand elles peuvent être
déléguées. Nous citons surtout le problème de
l'article 65.
Mme Bratley traitera maintenant des problèmes de
confidentialité.
Mme Bratley: Je voudrais dire, pour commencer, que nous avons
certaines préoccupations. Nous sommes en faveur de la loi, bien
sûr. Dans l'ensemble, notre préoccupation consiste
premièrement, ce qui est le plus important, en des problèmes de
ressources et de budget. Il y a, deuxièmement, la composition du
Comité de la protection de la jeunesse et le rôle des assesseurs
du tribunal et, troisièmement, le problème des jeunes de moins de
quatorze ans engagés dans les activités antisociales, et,
quatrièmement, la confidentialité.
Nous sommes d'accord avec les clauses de la loi qui protègent la
confidentialité. En plus, nous recommandons que l'accès aux
dossiers à des fins de recherche soit strictement contrôlé.
Nous aurions besoin, nous croyons, de règlements sur la méthode
d'échange de dossiers et sur le type d'informations
échangées entre le CSS et d'autres établissements.
La plus importante question à ce sujet, c'est que nous croyons
que les audiences du tribunal doivent être entendues à huis clos,
à moins que les parents ne demandent qu'elles soient publiques. Les
décisions du tribunal seraient basées sur des détails de
la vie privée de la famille, la famille ayant droit à la
protection de la confidentialité à cet égard.
Mme Smith: Si nous voulons atteindre l'objectif de cette loi qui
est de maintenir les enfants dans leur propre foyer ou au sein de leur
communauté, il sera nécessaire de penser à une
augmentation de budget. De bons services de protection coûtent cher et
ils sont efficaces seulement si la communauté dit qu'ils sont une
priorité et si elle agit en conséquence.
Présentement, les priorités du ministère des
Affaires sociales pour les CSS sont les enfants qui ont besoin de protection et
les personnes âgées. On est complètement d'accord sur le
fait qu'elles sont prioritaires, mais on voudrait souligner quelques
points.
Premièrement, il y a une certaine appréhension
exprimée par mes collègues de la clinique de Ville-Marie et
d'ailleurs. Si un budget approprié n'est pas consacré à
cette tâche, il sera impossible de travailler de façon efficace.
Il sera possible de travailler, mais en sachant bien qu'on néglige
certaines situations qui peuvent être moins urgentes, mais plus
chroniques. Exemple: les problèmes matrimoniaux, les problèmes
d'abus de drogue, l'alcoolisme, les problèmes entre les enfants et leurs
parents qui n'ont pas besoin de protection. On peut répondre aux
exigences de la loi proposée, mais en faisant ceci: On peut créer
une situation où les activités des CSS seront presque
exclusivement concentrées sur la protection de la jeunesse et des
personnes âgées.
Nous espérons que les systèmes ne se développeront
pas seulement de cette façon, exclusivement de cette façon. Il y
a un certain nombre de ressources, humaines, financières, etc. Il ne
faut pas "rob Peter to pay Paul".
Il faut avoir un budget et des ressources adéquates pour
compléter le mandat de cette loi, sans une diminution des services
thérapeutiques. Il est impératif que la loi, en améliorant
le système de protection, n'épuise pas les ressources
thérapeutiques qui doivent exister si on veut traiter ces familles d'une
manière efficace. Le diagnostic d'un enfant en danger demande une
priorité. Il facilite l'entrée dans un système d'aide. Les
aspects de la protection sont habituellement, sûrement la première
évidence d'un problème auquel on fait face dans un moment de
crise. Après que la crise est résolue, on trouve souvent d'autres
problèmes complexes et difficiles dans la famille, qui exigent un
répertoire des services.
L'intervention de crise est vide, s'il n'existe pas des moyens de
deuxième ligne efficaces, c'est-à-dire les interventions
psychosociales. Un autre commentaire: Cette loi va augmenter les demandes de
services. Par le service de 24 heures, le programme de sensibilisation du
public pour certaines catégories de problèmes. Un investissement
sérieux et large de temps, argent et expertises est nécessaire si
on veut rester fidèle à l'esprit de la loi. Souvent, le
professionnel sait bien quelles ressources seraient souhaitables. Cette
ressource n'existe pas ou devient disponible trop tard. Si vous me permettez,
je voudrais dire mes derniers mots en anglais, parce que nous avons
essayé ensemble de faire une traduction, mais c'est presque impossible.
Decision making in this critical area must be based on a child sense of time,
not on an adult sense of time or a bureaucratic one.
Nos remarques terminées, nous sommes prêtes à
répondre à vos questions.
Le Président (M. Laplante): Merci beaucoup de votre
coopération, mesdames. M. le ministre.
M. Marois: Merci. Je voudrais d'abord remercier le Centre des
services sociaux Ville-Marie de nous avoir présenté ce
mémoire qui traite des grandes orientations de fond et vos perceptions,
votre façon de les voir; vous touchez des sujets très
précis. Je voudrais, tout d'abord, vous poser deux questions portant
précisément sur deux sujets auxquels vous semblez attacher une
assez grande importance, du moins à la lecture de votre mémoire,
car vous y êtes revenues dans vos commentaires.
En page 2 de votre mémoire, vers le bas de la page, concernant la
confidentialité, à la recommandation d) vous parlez de la
destruction des dossiers à 18 ans. Vous avez sans doute noté que
l'article 95 du projet de loi prévoit déjà la destruction
du dossier à 18 ans, lorsque le jeune atteint 18 ans.
Evidemment, il s'agit là du dossier du tribunal dans l'article
95. Ma première question est la suivante: Est-ce que vous avez autre
chose en tête lorsque vous parlez de la destruction du dossier? Est-ce
qu'il s'agit d'autre chose qu'uniquement du dossier du tribunal qui est
évoqué à l'article 95?
Ma deuxième serait la suivante: Vous avez, tout au long de votre
exposé, dans votre mémoire, accordé une grande importance,
je crois, à la question des ressources c'est votre expression
nécessaires. Il y a un point qui me semble un peu obscur, en tout
cas sur lequel j'apprécierais que vous me donniez des
éclaircissements. C'est à la page 4 de votre mémoire,
paragraphe 5. Vers la fin de ce paragraphe 5, vous posez la question: Quelles
ressources pourront être utilisées pour traiter ces enfants,
puisqu'il est fort probable, affirmez-vous, ou, en tout cas, fort probable,
dites-vous, que les ressources utilisées pour les plus de 14 ans ne
pourront être accessibles à cette catégorie d'enfants? Vous
semblez dire là que les enfants de moins de 14 ans n'auraient pas droit
aux mêmes ressources que ceux de plus de 14 ans. Je dois avouer que,
vraiment, je ne comprends pas ce sur quoi vous fondez une remarque comme
celle-là.
Mme Bratley: A la première question, c'est non, M. le
ministre. Je crois que nous voulons dire par là que nous nous appuyons
sur l'article 95 du projet de loi, pour la question des dossiers du
tribunal.
M. Marois: Ce sont les dossiers du tribunal dont vous envisagez
la destruction. Parfait.
Mme Bratley: Sur la question des jeunes âgés de
moins de 14 ans, c'est notre préoccupation qu'ils ne soient pas des
enfants qui tombent, comme le ministre l'a dit, plutôt entre deux
chaises.
Il y a des enfants qui ont des problèmes sérieux, qui ont
des problèmes qu'on peut appeler de délinquance, qui sont
peut-être un danger pour eux-mêmes et pour les autres. La loi
semble tirer la ligne si strictement entre l'enfant de moins de quatorze ans et
le jeune de plus de quatorze ans, que c'est notre souci que les ressources ne
seront pas là pour l'enfant de moins de quatorze ans.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, si je peux enchaîner sur
cette question, je pense que là il y a tout simplement une erreur
d'interprétation parce que, pour nous, la loi s'applique autant aux
enfants de moins de quatorze ans qu'aux enfants de plus de quatorze ans. L'une
des seules distinctions importantes, c'est la comparution devant le tribunal
à partir de quatorze ans. Mais tous les services qui découlent de
cette loi, que ce soit les services du directeur de la protection de la
jeunesse ou autres services, s'appliquent autant aux moins de quatorze ans
qu'aux plus de quatorze ans.
J'ai quelques questions, mais je désire aussi vous remercier pour
votre contribution à l'étude de ce projet de loi. Deux ou trois
remarques seulement: L'accès 24 heures par jour à un tribunal de
la jeunesse, c'est un objectif que nous nous fixons, nous aussi. Il y a
déjà l'accès, 24 heures par jour, de la part du personnel
de centres de services sociaux, au moins dans certaines régions. Si on
veut que la loi soit appliquée de façon efficace et rapide, il
faudra qu'il y ait aussi un accès permanent sous forme de garde, un peu
comme on fait dans les hôpitaux, de la part des juges du tribunal de la
jeunesse.
Je vois aussi, à la page 3 de votre mémoire, au bas, quand
vous traitez du budget: "II est nécessaire d'avoir un processus uniforme
pour les statistiques et les évaluations afin qu'à un moment
donné, des recommandations relatives à l'augmentation des budgets
puissent être documentées, tant pour le centre de services sociaux
que pour le Québec tout entier". Vous me voyez très heureux de
cette remarque. Quand on connaît mon prédécesseur a
eu à vivre avec cette situation toutes les réticences que
beaucoup d'organismes sociaux, pour des raisons bien intentionnées, ont
montrées à fournir des statistiques, je me réjouis de
votre disponibilité à les fournir régulièrement,
c'est un instrument nécessaire si on veut financer et planifier de
façon cohérente.
A la page 4, vous proposez que les membres du Comité de la
protection de la Jeunesse quelques autres groupements nous ont fait la
même proposition soient des gens venant de diverses
régions. Je crois que nous devrions tenir compte, effectivement, d'une
représentation régionale dans le Comité de protection de
la jeunesse.
Enfin, les ressources. Je pense qu'on pourra les réévaluer
après un certain temps. Quant à nous, c'est un projet de loi dans
lequel on a voulu éviter de créer de nouvelles structures
administratives, bureaucratiques, comme vous le dites à la fin de vos
remarques. On a voulu éviter de nouvelles structures. Par
conséquent, nous pensons que le gros des dépenses, l'essentiel
des dépenses qui vont être encourues pourraient l'être en
utilisant les services déjà existants.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez des
commentaires, madame?
Mme Lessard: On voudrait prendre l'occasion pour souligner notre
inquiétude ou demander que les Centres de services sociaux participent
à la formulation des critères et au choix des membres du
comité de protection, les assesseurs. On n'a pas osé ajouter les
juges.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je n'ai pas de question
à adresser directement au groupe qui est devant nous, mais j'aimerais
souligner une question qu'il pose indirectement, même directement, au
ministre. Selon la réponse qu'ils obtiendront, ils auront
peut-être eux-mêmes des commentaires à formuler. C'est une
question contenue à la page 4 de l'apprendice de leur mémoire, au
sujet de l'article 55.
On pose cette question: Qui est le représentant du ministre de la
Justice et comment est-il choisi ou désigné? Je trouve que c'est
là une excellente question. Effectivement, on ne la voit pas
traitée dans le projet de loi de façon complète. On
suppose qu'il y aura un processus de sélection, mais j'imagine que ce
groupe, en soulevant ce point, s'inquiète de la possibilité que,
par exemple, ceux qui agissent comme procureurs au niveau du ministre de la
Justice et devant l'actuelle Cour de bien-être ou tribunal de la
jeunesse, soient également, à d'autres moments de la
journée, ceux qui agissent comme délégués du
ministre de la Justice dans la détermination de l'orientation des
enfants.
Il me semble que, si c'était le cas et ce n'est pas interdit par
la loi, on se trouverait dans la situation d'un procureur de la couronne qui
intervient devant la cour relativement à un enfant au sujet duquel il a
pris une décision au niveau du comité, une décision pour
laquelle il a peut-être été nécessaire de faire
intervenir un arbitre, selon les cas. Je ne sais pas si c'est
entièrement souhaitable, d'autant plus qu'au moment de ce qu'on appelle
le "intake", c'est-à-dire la première prise de
considération du jeune par le directeur de la protection de la jeunesse,
on est susceptible d'avoir accès à des informations, des
dénonciations, des aveux qui devraient être faits en toute
confiance par l'enfant, par ses proches, sans présumer que, pour autant,
ceux qui font ces aveux vont tout de suite, et par inadvertance, informer le
procureur de la couronne, celui qui va devenir par hasard le procureur de la
couronne dans la cause qui sera éventuellement créée.
Je le mentionne ici pour souligner... Dans le fond, je n'ai pas de
reproche à faire au ministre d'avoir voulu alléger les structures
qui sont déjà nombreuses et d'avoir éliminé les
comités d'orientation. Mais on se rend compte tout de suite on en
a parlé il y a une journée ou deux... Relativement aux centres de
services sociaux, on a dit: II va y avoir une délégation des
pouvoirs du directeur à des gens bien déterminés pour agir
au nom du directeur dans cette prise de décision. On se rend compte tout
de suite qu'au niveau du ministère de la Justice, on va aussi être
obligé de désigner des gens qui ne feront que ça.
Donc, effectivement, on va avoir un comité d'orientation,
j'imagine, sans le nom, c'est-à-dire qu'on va avoir les gens, le
délégué des services sociaux, le
délégué du ministère de la Justice et même un
arbitre, donc, les trois membres qui étaient envisagés pour faire
partie du comité d'orientation local, sauf qu'ils vont fonctionner
chacun sous son chapeau et non pas comme un groupe qui a une mission bien
identifiée.
Je me demande si le ministre pourrait nous éclairer
là-dessus et nous indiquer s'il consentirait même à ajouter
un article je comprends que ce n'est pas le lieu de faire des
amendements, mais c'est dans l'esprit de ce mécanisme pour
prévoir qu'au moins, le ministre de la Justice ne puisse pas choisir son
délégué pour l'application de l'article 56 parmi les
avocats qui agissent comme procureurs devant le Tribunal de la jeunesse.
M. Marois: M. le Président, je pourrais dire deux choses
très précisément là-dessus. La première,
c'est qu'en ce qui concerne cette idée de temps plein, de gens à
temps plein, ce que le député vient d'évoquer, dans notre
esprit, évidemment sur la base d'une certaine prospective, si vous
voulez, il nous semblait que ça pouvait peut-être se
présenter au point de départ à Montréal, mais pas
nécessairement dans le reste du Québec.
M. Forget: C'est vrai.
M. Marois: Premièrement. Deuxièmement, dans notre
esprit aussi, bien que là, je convienne il est 20 h 30 pour tout
le monde et il faudrait peut-être regarder à nouveau le texte en
matinée, à tête plus reposée mais je conviens
qu'il peut y avoir une certaine ambiguïté puisque le ministre de la
Justice désigne un délégué pour participer au
mécanisme d'orientation. D'autre part, il va aussi y avoir des
assesseurs et enfin, forcément, des procureurs. Il était
très clair, dans notre esprit en tout cas, que la même personne ne
pouvait pas assumer les deux ou même les trois fonctions, en tout cas
pour un même cas donné.
Je conviens qu'il y aurait lieu de regarder les textes de très
près pour s'assurer que tout cela est bien clair. Mais l'esprit est
là et on est d'accord.
Mme Lessard: Notre préoccupation au sujet du
délégué du ministère de la Justice est aussi du
côté... Les questions que vous avez posées et
soulignées sont des questions très importantes, mais nous sommes
aussi préoccupées de ce que sera son rôle. Quel sera son
rôle dans le secteur de la protection de la jeunesse? Il nous semble
qu'il y a très peu d'indications. Cela viendra, mais on n'en a aucune
idée pour le moment. On aimerait participer.
Une Voix: Le maintien de la loi et de l'ordre.
M. Forget: Est-ce que vous êtes d'accord sur cette notion
que toutes les préoccupations doivent être prises pour que les
informations qui sont ob- tenues par ceux qui décident de l'orientation,
au moment de la première prise de contact avec le système de
protection de la jeunesse... Est-ce que vous êtes d'accord que ces
informations sont privilégiées et qu'il faut tout faire pour
éviter que les aveux, les confessions, les informations, les
délations qui sont faites, à ce moment-là, soient
utilisés comme des instruments pour permettre au procès
éventuel, devant le tribunal, de suivre son cours?
Il faut faire une très nette démarcation entre ce que les
gens disent spontanément, quand ils se présentent à un
organisme qui porte le nom de protection de la jeunesse, ce qu'ils sont
amenés à dire, ce qu'ils sont incités à dire et,
d'autre part, la preuve qu'il faudrait faire devant le tribunal et qui repose,
qui doit reposer sur des règles de jeu complètement
différentes. A ce moment-là, les gens doivent se dire qu'ils ont
le droit de ne pas s'incriminer eux-mêmes. Si le jeune doit être
jugé comme un adulte avec, au moins, les mêmes protections qu'un
adulte, il ne faut pas profiter des circonstances de protection pour
l'incriminer, dans le fond. Est-ce que vous êtes d'accord qu'il faut
absolument éviter les vases communicants entre les deux?
Mme Lessard: Je crois que Mme Smith a l'expérience
pertinente à ce sujet.
Mme Smith: Je peux être accusée d'être en
conflit d'intérêts, parce que j'ai participé, avec grand
plaisir, au travail du présent comité pour la protection de la
jeunesse. Je pense que le représentant du ministère de la Justice
a eu un rôle très important pour nous, comme travailleur social,
chez nous, à Ville-Marie, dans le "management" des cas. Il y a un
certain recul quand vous n'êtes pas dans une situation clinique; vous
avez une autre optique de la situation. Je pense que cela dépend
beaucoup de la profession, de la personnalité, de même que des
qualités de la personne qui est choisie. Il faut aussi considérer
la flexibilité d'organismes concrets.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Avant de poser mes questions, M. le Président,
est-ce que nous pouvons continuer avec la motion ou va-t-on continuer les
travaux?
M. Marois: Dès qu'on aura terminé l'audition du
présent mémoire, si vous le permettez, on pourra aborder cette
question.
M. Shaw: Ladies, I would like, first of all, to welcome you to
our Parliamentary Commission. I think this present Bill, obviously, is of
general interest of everyone who has been before so far. If there has been an
area of accord, in every group that has presented briefs, there is definitely a
necessity for this concept of legislation. All we are trying to do here is
examine this legislation, article by article, and with your help and your
experience in the field, put input into trying to
make it the best possible, very possible and decide from that I think we
have to consider the legislation, not only as a piece of paper, but the
mechanisms by which in facilities and resources through which it will be
implemented.
So, there is a couple of questions I would like to ask you concerning
this. First of all, in the articles in division IV, 35a and 35j. In 35a, you
have suggested that the definition of the security in development of the child
be expanded to include those families who are incapable of caring for them.
I doubt that there were other places in your brief that there are actual
descriptions which you consider too large. You are suggesting that they would
be added to this as an amendment that would say that his parents are dead or no
longer take care or seek to be rid of him or are incapable of caring for him.
You suggested this would be added. How would you put the parameter on this that
it would stay within some kind of perspective that was not arbitrary? It is a
good question.
Mme Lessard: Yes. I think the only way... La seule façon
qu'on peut répondre, c'est que tout ce qu'on dit est un jugement et on a
des principes d'acceptation des jugements des gens, des professionnels. Je
crois que ce n'est pas arbitraire.
M. Shaw: Puis-je poser la même question au ministre?
Peut-être qu'elle est valable. Pouvons-nous formuler un amendement? Si on
regarde dans la même section de la loi "where you have also made the
recommendation that the section g) be removed where it says: He has serious
personality disturbances" peut-être que, dans celui du ministre des
Affaires sociales "there is an area that we should..." What, in your experience
in the field... Are there that many people that would have a range of
personality disturbances that you might consider not being abusive?
Mme Smith: I think that what they have outlined is an attempt to
try to foresee the kind of situations which would make the child being
jeopardy. I think it is very difficult to define what a serious personality
disturbance is. I am not representing Ville-Marie's point of view, that is my
clinical opinion when I say that. I do not think that Ville-Marie's brief did
recommend that be taken out, but, on review, as we prepared for this
presentation, we felt that it would be very difficult to define serious
personality disturbance.
The American experience has been that when they have included emotional
neglect or emotional abuse, it has brought in every kind of cases and it has
clog the network so that the more urgent cases can be taken care of. I would
think too that it is very important that parents feel that they have a right to
seek help on their own and that there are certain number of things that cannot
be dealt with in other ways rather than under the aids of the Youth Protection
Act. I think the whole business of problems that children have, we can see them
on continuum, some of them requiring court intervention, some of them requiring
protective measures either at home or in foster care and others that can be
dealt with on a voluntary basis, without any intervention, except the parents
going and seeking help.
M. Shaw: Just to follow, one more area that I have questioned.
The definition in section 32, the exercice of powers, and I have this Public
Inquiry Commission Act, makes the director of youth protection a very powerful
agent of the court in his own right, his powers are equivalent to a judge's of
the Superior Court and he has also the power to delegate these. Do you have any
reticence about that kind of power to, let us say, a non judicial person?
Mme Smith: No, I do not have any reticence about it. There
certainly are areas of Canada and of United States where people are judges
without a legal background. I think, in this situation, this law creates a
director of youth protection and gives him very serious responsibilities. I
think it is an enormous responsibility. I think the director has to be able to
delegate that responsibility. You know, I personally think it is going...
M. Shaw: Without restraint.
Mme Smith: As we read the law, I think, generally, there is a
system of checks and balances in the law. How many? I guess this is some of the
things we have been discussing, but I do feel that there are checks and
balances in the law and I think it is a good law.
M. Shaw: How, there is one area that I know that the bill on
social services seems to use to a great extent, that is in section 44, and we
referred to the hospital associations requesting that this section be revised.
What is your feeling about the fact that every hospital centre is then bound to
admit the child entrusted to it by the director?
Mme Smith: I would presume that any director of youth prorection
who has the heavy responsibility that the law gives him will have the
discretion not to abuse that article 44, we will use judgment and will use the
hospital only when it is appropriate or when it is absolutely necessary, for
instance if no other resources existed. In our own clinical practice, we very
often now have to use the hospital much longer than we would appreciate or than
is necessary, because there...
M. Shaw: But you are effectively using it as a reception
centre?
Mme Smith: Reception centre.
M. Shaw: Which is in effect abusing the hospital Act in
itself.
Mme Smith: Well, I do not think it is an abuse of the hospital
Act. I think that there are times and situations where children are in danger
or parents are overwhelmed, where you need a holding
situation and although, in dollars and cents, it might be an expansive
way to deliver services, I do not think that you can put a price on child
protection and it is very useful to have sometimes a few days to be able to
make a plan and to allow the parents to take some time to think about what is
being proposed and to make sure during that time that the child is in safety,
and, then, use the two or three days, that you have the hospital in to get the
thing on another level of functioning.
M. Shaw: We have discussed with other groups the problems of
waiting for care. Could you sort of give me some idea of why, for example,
other facilities are not available and that hospitals are being used as a
reception centre. Do you have a problem of placing children in the present
situation, I say those under 14? We have heard that those over 14, are having
problems with them too, but those under 14?
Mme Smith: There are problems, I think, it is certainly not news
to this group, but there are problems finding foster homes or getting kids into
reception centres. Sure, there are. The values in the community now are such
that women would rather be out working, as we are, than at home taking care of
children. It is a job that we have not valued enough perhaps, very difficult to
find foster homes. It is also very difficult to find resources in order to keep
a child in his natural home. My remarks that I made about the financing of this
law, relate to that. I think that if we think we are going to be able to
develop a system of child protection in this province without it costing a lot
more money. I think we are fooling ourselves, because you are usually acting on
an emergency basis and you have to have the help right away, and you might have
to have it much longer than you would, if it was not in a crisis.
M. Shaw: What are you visioning with this? A) An increasing
demand on personal, and B) an increasing demand on resources themselves?
Mme Smith: Yes, both.
M. Shaw: I would just add in closing that I think this is
fundamental to the legislation. C'est fondamental pour le projet de loi qu'on
voie ce projet de loi comme un "package", qui implique que ce n'est pas
seulement un moyen d'arriver à la solution d'un problème qui est
vraiment grave dans notre province. En principe, si nous n'avons pas les
outils, il faudra mettre en pratique le pouvoir qui est donné par le
projet de loi. On manque à voir la vérité de la situation,
à sa réalité. I thank you very much for your brief, and I
would like also to thank you for having the advantage of having some English
words registered in the journal des Débats. Thank you, Mr President.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Lacoste: Merci, M. le Président. Je tiens à
remercier les gens du Service social Ville-Marie de s'être rendus ici ce
soir en commission parlementaire. J'aurais peut-être une petite question
au sujet de la confidentialité. Au paragraphe b), vous parlez de
l'utilisation des dossiers et de l'échange que l'on devrait clarifier et
uniformiser. J'aimerais que vous nous donniez des explications sur ce
paragraphe.
Mme Bratley: Je m'excuse, mais je n'ai pas bien compris.
M. Lacoste: A la page 2, paragraphe b),
confidentialité.
Mme Bratley: A la page 2, quelle est votre question?
M. Lacoste: En fait, dans le paragraphe b),
confidentialité, vous parlez de l'utilisation des dossiers pour
échanger des informations entre différents services,
l'hôpital et les services sociaux...
Mme Bratley: Toute la loi...
M. Lacoste: ... disant qu'elle devrait être
clarifiée et uniformisée, pour ces dossiers. Dans quel sens?
Mme Bratley: La loi envisage la transmission de copies de
dossiers entre établissements, entre centres de services sociaux,
centres d'accueil ou autres centres, et le type d'information là-dessus
et la quantité de l'information nous inquiètent. Nous avons, par
exemple, dans le CSS des dossiers qui sont parfois très épais.
Nous avons des cas où nous connaissons la famille et l'enfant depuis
longtemps. Nous avons une inquiétude sur l'information, sur ces dossiers
que nous transmettons à un autre établissement, et nous croyons
qu'il doit y avoir des limites.
M. Lacoste: D'accord. Est-ce qu'au niveau des droits des
professionnels, il doit quand même y avoir des standards pour les
dossiers qui sont manipulés par différents professionnels?
M. Lazure: II y a des codes d'éthique professionnelle qui
régissent l'activité de chaque profession dans ce domaine.
M. Lacoste: II n'y a aucun danger qu'à un moment
donné des dossiers, sur les jeunes, se perdent à force
d'échanger les dossiers et de les faire passer de main en main?
M. Lazure: II y a toujours des dangers. Souvenons-nous des
dossiers du Montreal General qui avaient abouti quelque part à
Dollard-des-Ormeaux, des dossiers sur les comités d'avortement
thérapeutique. Il y a toujours un danger, mais je pense
qu'essentiellement, c'est extrêmement rare qu'il y ait des incidents
comme celui-là.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Sherbrooke, dernière question.
M. Gosselin: Je trouve votre contribution particulièrement
intéressante et je la sens très fermement enracinée dans
une tradition...
Le Président (M. Laplante): Voulez-vous parler devant le
micro, s'il vous plaît?
M. Gosselin: Je disais que je trouvais la contribution du groupe
ci-devant très intéressante et qu'on la sentait, d'ailleurs,
fermement enracinée dans une tradition, ce qui est un atout
précieux pour notre commission.
Il y a plusieurs questions ouvertes à l'intérieur de votre
mémoire et notamment une interrogation de fond sur les assesseurs, sur
le mode de désignation des assesseurs, sur la qualité des
personnes. On sent que vous auriez beaucoup de choses à dire et que vous
n'osez pas les dire toutes. Vous les laissez à l'état de
questions. C'est ce qu'on constate, d'ailleurs, dans plusieurs mémoires.
Il y a beaucoup de questions, et parfois on aurait le goût de se laisser
à une longue dissertation ou à un long échange pour en
arriver peut-être à mieux discerner la réalité qu'on
voudrait inscrire là-dedans.
Considérez-vous notamment... Disons que j'aimerais qu'on puisse
déblayer ça un peu. Vous dites, dans vos remarques sur l'article
138, que vous aimeriez mettre l'emphase sur la nécessité d'une
représentation communautaire par des professionnels de diverses
disciplines plutôt qu'une représentation simplement
régionale, au niveau de la désignation des assesseurs.
Sur la question des assesseurs, à votre point de vue, avez-vous
répondu à la question, à savoir si ce devait être
des professionnels ou pas? Vous semblez laisser entendre ici que ce sont des
professionnels. C'est la première partie de ma question. On essaiera
ensuite de déblayer encore.
Mme Smith: Je vois difficilement le rôle des
assesseurs...
Mme Lessard: On répond en partie par une question. Est-ce
que ces assesseurs sont essentiels? Vont-ils ajouter quelque chose? Je sais
que, dans d'autres systèmes de protection judiciaire, ces assesseurs
existent. Mais, je sais que, parfois, selon le juge, ils sont
écoutés et, d'autres fois, leur avis n'est pas
écouté. La raison qu'on donne pour que ce soit un professionnel
provient du fait qu'on essaie de donner un certain niveau d'accueil à
ces deux personnes avec des responsabilités sérieuses.
M. Gosselin: L'esprit de la loi n'est-il pas de faire en sorte
que l'assesseur en question soit une sorte de témoin, ou en tout cas
force une présence auprès du juge, qui l'amène
peut-être un peu à modifier ses jugements, ou qui est là
pour répondre davantage auprès de l'enfant? Non? A cet
égard-là, un prêtre ne pourrait-il pas être
assesseur? Si on déborde la définition... Ce n'est défini
nulle part et personne n'ose le définir vraiment. Mais un prêtre
ne pourrait-il pas être assesseur, parmi les gens de la
communauté, ou est-ce nécessairement un psychiatre?
Mme Lessard: Surtout que j'ai vu des assesseurs en action; je
crois que c'est une personne de qualité, quelqu'un qui a de
l'expérience dans les services de protection, dans les services à
l'enfance, quelqu'un qui sait de quoi il s'agit; surtout qu'on vous a fait rire
un peu en disant qu'on n'osait pas dire comment on choisissait les juges. Tout
ces problèmes sont liés. Ceux qui ont parlé à la
fin de la séance de cet après-midi ont dit un peu la même
chose. Il y a là des problèmes énormes qui tombent sur
l'enfant, ceux de Berthelet ont dit la même chose. Le juge essaie de dire
que l'enfant va rester là pendant trois mois; c'est écrit, il l'a
dit.
M. Gosselin: A la rigueur, accepteriez-vous qu'auprès du
juge et de l'enfant dans les cas en question, un prêtre, un enseignant,
un professeur ou une grand-maman puissent jouer les rôles attendus?
Mme Smith: To be clear, I think I will answer in English. I think
there are very good checks in balances as I said before in the proposed law to
see different points of view and to have different interests respected before
one gets to the point that actually gets the court. If the whole idea and
spirit of the law is to detraditionallize the system, then, I think you have a
Minister of Justice representative, you have a director for youth protection,
you have lawers involved, etc., and it would seem to me better to have, at an
earlier level, people with different involvement and different points of view
than at the point of the court.
M. Marois: II serait peut-être utile d'attirer l'attention
des gens et la nôtre sur les articles 138 et suivants qui traitent de
cette question des assesseurs. L'article 138 ou 102a, qui apparaît
à la page 34 du projet de loi, indique bien... Cela donne
déjà des indications quant à l'esprit, l'approche et les
raisons qui sous-tendent, qui motivent, en tout cas pour un certain temps, la
présence d'assesseurs, du moins dans notre esprit. Ces assesseurs
seraient choisis sur recommandation, d'une part, quant à un premier
groupe, du ministre des Affaires sociales et, pour un second groupe,
après consultation du président du comité de la protection
de la jeunesse. C'est donc dire que cela rejoint exactement ce que vous avez
évoqué tantôt quand vous en avez donné une
espèce de définition très large. L'idée, au fond,
est la suivante et c'est une espèce de pari à marquer.
Evidemment, idéalement, dans l'hypothèse où on
aurait, le lendemain matin de l'adoption de la loi, des juges siégeant
à un tribunal de la jeunesse et là je ne veux blâmer
absolument personne mais il y aurait là un tribunal de la
jeunesse qui ne correspondrait pas du tout, mais pas du tout dans son esprit ou
dans son approche, en tout cas, dans l'idéal, à ce que nous
connaissons de l'actuelle Cour de bien-être social. Evidemment, c'est
l'idéal. Dans les faits, on sait très bien que ce n'est pas
nécessairement le lendemain matin que des mentalités, des
comportements, des attitudes, des façons d'approcher les
problèmes,
des façons de traiter des problèmes, seront
nécessairement inscrits dans les faits.
Bien sûr, le projet de loi prévoit toute une série
d'instruments, de moyens, de pouvoirs permettant de rapprocher les juges
eux-mêmes de la réalité sociale du monde et des
problèmes de la jeunesse, mais cela va prendre un certain nombre
d'années avant que cela corresponde nécessairement à des
changements de mentalité et de comportement.
Il nous a semblé utile dans ce sens, quitte à le
réviser on nous l'a suggéré, de faire une recherche
, à mesure que la loi sera mise en application, pour procéder
à l'évaluation en cours de route. Peut-être que, dans un
certain nombre d'années, on dira: Les assesseurs ne sont plus utiles
maintenant, le travail qu'il y avait à faire pendant un certain nombre
d'années a été fait, mais il nous a semblé que
c'était peut-être un élément extrêmement
important et utile, au moins au point de départ, comme
élément additionnel pour aider à dé-judiciariser,
mais dans le sens et l'esprit évoqués dans le présent
projet de loi.
Le Président (M. Laplante): Sur ces mots, mesdames, les
membres de cette commission vous remercient d'avoir participé à
cette commission.
Mme Lessard: Nous sommes très heureuses d'avoir
été acceptées parmi vous. Merci.
Le Président (M. Laplante): J'appellerais maintenant la
Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec.
M. Marois: M. le Président, avant de procéder
à l'audition du mémoire du prochain groupe, après en avoir
parlé avec mes collègues ministres et mes collègues
députés ministériels, après en avoir aussi
parlé avec nos collègues membres de cette commission
représentant le Parti libéral et l'Union Nationale, nous nous
sommes entendus pour pouvoir, après cette soirée, poursuivre nos
travaux le mardi 1er novembre, jusqu'à 13 heures. Ceci nous permettrait,
dans cette matinée, d'entendre les représentants de l'Association
professionnelle des criminologues, les représentants du Barreau du
Québec et du Bureau de consultation jeunesse. Je ferais motion, en vertu
du paragraphe 6 de l'article 118a de nos règlements pour que, le mardi
prochain 1er novembre, à 13 heures, après l'audition des
mémoires que je viens de mentionner, la commission cesse ses auditions,
se déclarant suffisamment éclairée, suffisamment
informée. Effectivement, à ce moment, nous aurons entendu quinze
groupes présentant des mémoires sur un nombre total de 19
mémoires que nous avons reçus. Les travaux de cette commission ne
sont pas non plus en rupture dans le temps avec les travaux d'une commission
précédente qui a déjà siégé sur
l'avant-projet de loi qui avait été présenté par
l'ancien gouvernement; donc, la commission se considérerait suffisamment
informée pour pouvoir procéder à d'autres étapes de
ses travaux.
M. Forget: M. le Président, je n'ai pas d'objection. Comme
l'a indiqué le ministre d'Etat, cela représente, je pense, un
assez large consensus. En dépit de l'extrême intérêt
des différents mémoires, il reste que leur sens
général est favorable à l'adoption du projet de loi et
que, pour ce qui est des arguments détaillés qu'ils
présentent sur différents aspects de ce projet, les
mémoires sont suffisamment explicites pour permettre aux parlementaires,
au moment de leur étude de la loi, article par article, de faire
état de ces points de vue et de les utiliser le mieux possible.
Cependant, si vous me le permettez, M. le Président, je crois
que, par délicatesse, au moins envers les groupes qui ne seront pas
entendus, il serait probablement opportun que, suivant cela je ne dirais
pas que c'est une tradition, mais une coutume qui est parfois suivie dans ces
occasions on verse au journal des Débats les mémoires des
groupes qui ne seront pas entendus en commission parlementaire.
M. Marois: J'accepterais volontiers, M. le Président,
cette proposition.
Le Président (M. Laplante): Voulez-vous l'intégrer
à la proposition générale?
M. Forget: Comme bon vous semble, M. le Président. Je n'ai
pas...
Le Président (M. Laplante): Vous n'avez pas
d'objection.
M. Forget: Non.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Merci, M. le Président. J'appuie la motion du
ministre, parce que je crois bien que nous avons entendu la plupart des
mémoires qui sont envoyés à la commission. J'ai hâte
d'entendre le mémoire du Barreau du Québec et ceux qui doivent
venir mardi prochain. Au nom de l'Union Nationale, j'appuie totalement la
motion du ministre.
Le Président (M. Laplante): Je déclare la motion
recevable, avec l'intégration de la proposition du député
de Saint-Laurent pour que les mémoires non entendus puissent figurer au
journal des Débats. C'est bien cela, monsieur?
M. Forget: C'est bien cela.
Le Président (M. Laplante): II n'y a pas d'opposition? A
l'unanimité. Merci.
Monsieur, si vous voulez identifier votre organisme, vous identifier
ainsi que les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît! A titre
de coopération, je vous demanderais à vous aussi, de tasser le
plus possible le résumé de votre mémoire. Vous avez
environ 55 à 60 minutes.
Corporation professionnelle des travailleurs
sociaux
M. Perron (Jules): Entendu, M. le Président. Messieurs les
membres de la commission, je suis Jules Perron, président de la
Corporation des travailleurs sociaux de la province de Québec.
M'accompagnent Mme Andrée Waid, travailleuse sociale; Mlle Marinette
Billaud, également travailleuse sociale, et M. Pierre Landry,
travailleur social. Ces trois personnes ont été membres du
comité qui a produit le mémoire qui vous a été
remis.
M. le Président, nous vous remercions de donner aux travailleurs
sociaux l'occasion de se prononcer sur un projet de loi qui touche une
catégorie privilégiée de la population, les jeunes qui ont
besoin de protection et dont s'occupent les travailleurs sociaux depuis le
début de leur profession. En retour, nous espérons contribuer
positivement au travail d'ensemble qui s'effectue auprès des jeunes par
l'Etat et les organismes sociaux du Québec pour des services de
meilleure qualité.
Déjà, vous avez reçu notre mémoire. Nous
apprécierions, M. le Président, que vous nous permettiez
d'exposer ici, dans un temps plutôt bref, les points saillants que nous
désirons soumettre à la réflexion de votre commission.
Pour ce faire, je commencerai par exprimer certaines considérations
générales de la Corporation professionnelle des travailleurs
sociaux en rapport avec le projet de loi à l'étude. Ensuite, M.
Pierre Landry traitera de quelques articles spécifiques du projet. Puis
Mlle Billaud et Mme Waid feront état des recommandations de la
corporation au sujet de cette loi. Dois-je ajouter, M. le Président, que
nous sommes à votre disposition pour toute question que vous aimeriez
poser?
C'est avec un esprit très positif que la Corporation
professionnelle des travailleurs sociaux a accueilli la présentation du
projet de loi 24. Elle se réjouit qu'enfin une loi d'importance vienne
encadrer le domaine de la protection de la jeunesse, loi qui, à notre
avis, comporte des progrès sensibles sur tout ce que nous avons connu
jusqu'à maintenant en la matière.
Parmi ces progrès, notons l'élaboration d'un début
de politique visant à reconnaître les droits fondamentaux de
l'enfant; l'assurance de la protection de l'enfant dans son milieu naturel,
chaque fois que souhaitable, et cela en priorité; la primauté du
social sur le judiciaire qui s'inscrit bien dans le mouvement actuel de
déjudiciarisation en matière d'intervention sociale; la
création d'un Tribunal de la jeunesse, cela en plus d'autres initiatives
que contient le projet de loi et qui correspondent à la philosophie, aux
objectifs et aux méthodes d'action privilégiés par les
travailleurs sociaux.
Donc, pour nous, autant de raisons de réjouissance et d'espoir en
un avenir toujours meilleur. Tout en rappelant que nous parlons ici au nom des
travailleurs sociaux, c'est-à-dire comme membres d'une corporation
professionnelle reconnue par le Code des professions et chargée d'abord
de protéger le public consommateur des services sociaux, j'aimerais
soulever trois enjeux importants face à la protection de la
jeunesse.
D'abord, la nécessité d'en arriver un jour à une
véritable politique de la famille conçue dans le sens qu'indique
notre mémoire. L'Etat possède déjà les
éléments d'une telle politique pour permettre à la famille
de se maintenir et de se développer comme institution sociale dans un
contexte socio-économico-culturel où elle pourrait remplir ses
fonctions irremplaçables de génératrice de population, de
socialisation des enfants, de consommatrice de biens et de services, enfin de
bâtisseur de citoyens.
Quand je dis que l'Etat possède déjà les
instruments, je pense, par exemple, à l'annexe 16 du rapport de la
Commission sur la santé et le bien-être social. Je pense aussi au
document du Conseil des affaires sociales et de la famille, qui a
été produit en 1974 et qui porte sur les éléments
d'une politique familiale.
Pour nous, en fonction d'une loi de protection de la jeunesse, une
politique familiale nous semble un prérequis, sinon la base même
d'objectifs sociaux collectifs sur lesquels édifier la politique
sociale. Quant à une charte des droits de l'enfant, nous en parlons
brièvement dans notre mémoire, sachant que, déjà,
vous êtes au courant de celle de l'Organisation des Nations Unies qui a
été adoptée en 1959. Vous êtes sans doute aussi au
courant d'un projet qui, en 1973, a connu une publicité certaine ici
même à Québec. Une charte des droits de l'enfant
s'inscrirait admirablement dans une grande charte des droits de la famille.
En somme, M. le Président, la Corporation professionnelle des
travailleurs sociaux est passablement satisfaite du projet de loi et
apprécie vraiment les efforts tentés pour rendre plus humaines et
plus efficaces les technologies de protection de la jeunesse. Cependant, il ne
faut pas se surprendre de ceci, puisque tout est perfectible: II y aurait
moyen, à notre avis, de corriger certaines lacunes du projet que M.
Landry va maintenant vous exposer.
M. Landry (Pierre): Je vais tenter de reprendre un peu l'analyse
du projet de loi, article par article, en essayant d'aller assez rapidement. Au
tout départ, notre première question concerne l'article 1,
l'interprétation du directeur. Dans la loi, ça varie un peu
continuellement, il y a le directeur, à d'autres moments il y a le
directeur ou son délégué.
C'est un peu variable. Voici une des questions qu'on se posait: Est-ce
que cela a été mis là à dessein? Dans une autre
question, dans la réalité comme telle, quand on pense aux gros
centres de services sociaux et même dans tous les centres de services
sociaux, on se dit: Comment un directeur peut-il, comment une seule personne
peut-elle bien connaître chaque cas et être responsable vraiment,
d'une façon importante, de chacun des cas?
A propos de la constitution du comité de protection, je pense
qu'ici, il se peut qu'on répète des choses qui ont
été dites dans d'autres mémoires. En fait, il y a d'abord
la consultation qui pourrait
s'exercer auprès d'organismes familiaux, par exemple, qui
pourraient être susceptibles d'apporter un éclairage sur la
constitution du comité. Il y a également l'aspect
représentation au même comité. On dit, à l'article
21, que le comité peut se nommer des délégués dans
les régions. On préférerait que, déjà, au
niveau de la constitution du comité, ce soit un critère, si on
veut.
M. Marois: Que ce soit déjà...?
M. Landry (Pierre): Comme un critère de choix, si on
veut.
Au sujet des responsabilités du comité, à l'article
22, la corporation recommande un dixième élément de
responsabilité du comité, qui soit le pouvoir de faire des
recommandations à tous les services gouvernementaux dans les
matières qui le concernent et que cet avis soit
prépondérantc'est peut-être fort ou, du moins,
considéré comme important.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez
l'intention d'aller jusqu'au bout des articles? On va manquer de temps. Vous
pouvez faire un résumé des principaux articles, si vous
préférez.
M. Landry (Pierre): Je pense que cela serait très
difficile de résumer.
Le Président (M. Laplante): Si vous voulez qu'on vous pose
des questions par la suite, et que vous en avez encore pour quinze ou vingt
minutes, simplement pour nommer ces articles, il ne vous restera plus de temps
pour recevoir les questions. Les députés ont pris connaissance
des mémoires, les ont lus et ont pris des notes. Si vous
préférez recevoir des questions, d'accord, sinon, continuez.
M. Landry (Pierre): Je pense qu'on peut insister sur les articles
qui nous paraissent les plus importants.
Le Président (M. Laplante): D'accord.
M. Landry (Pierre): J'ai peut-être l'air d'y aller en
continuité, mais un des articles les plus importants, un des points sur
lesquels a achoppé souvent la corporation, c'est la
confidentialité. A ce sujet, à l'article 25, par exemple, au
sujet de la transmission des dossiers, on se dit que le Comité de
protection de la jeunesse devrait n'avoir accès aux dossiers que selon
les procédures de l'article 7 du chapitre 48.
L'article 35, à notre sens, n'est pas très bien
formulé; entre autres, je pense qu'on reprend ici quelque chose qui a
déjà été dit, à savoir qu'à l'article
35g, lorsqu'on parle d'un enfant qui manifeste des troubles caractériels
sérieux, cela nous paraît comme des choux et des carottes.
De même, le premier élément de cet article, soit
35a, devrait à notre sens être reformulé pour assurer une
certaine concordance, dans le sens de l'enfant. Au lieu de parler des parents
qui veulent laisser l'enfant, qui cherchent à s'en défaire et
tout cela, on pourrait utiliser le code habituel de l'enfant qui est
abandonné, orphelin ou en voie de l'être, comme on a
insisté quelque peu sur une politique familiale, où on va
vraiment dans le sens d'encourager l'Etat à se diriger vers le maintien
en milieu naturel.
On va peut-être y revenir tout à l'heure. On se disait
qu'une des premières mesures d'urgence qui pourrait être
gardée et envisagée, c'est le maintien de l'enfant dans son
milieu, ce qui n'est même pas envisagé ici. On pense
immédiatement au placement.
Un autre point, peut-être à la page 16, au sujet des
révisions périodiques, suscite une certaine inquiétude. Je
pense que cela peut être très important que d'instaurer des
contrôles sur la qualité des services professionnels, sauf que
cela va prendre du temps et de l'énergie. Si on ne veut faire que des
révisions périodiques très rapides, cela peut se faire
avec l'informatique et des choses comme cela qui viennent dire au praticien: Tu
as un cas à réviser. Si on veut vraiment faire plus, il va
vraiment falloir y aller en termes de matériel humain et en termes de
budget.
Il y a déjà une question, je pense, qui a
été reprise par M. Forget tout à l'heure au sujet de la
personne désignée par le ministre de la Justice. En fait, nous
avions tendance à penser que c'était la formalisation de ce qui
existait déjà qui était le rôle du contentieux,
à un moment donné, qui filtre un peu. A la lumière de ce
que j'ai entendu tout à l'heure, cela nous paraît
différent.
Concernant les mesures de protection, à l'article 62, page 18, on
dit tout simplement "une personne à qui un directeur a consenti une
délégation de pouvoir", on a senti le besoin d'insister pour que
ce soit possiblement un travailleur social qui soit mis là. On remonte
à une longue tradition de travail dans ce domaine. On pense que c'est
peut-être un travailleur social qui devrait être mis là
comme nom.
Page 19, tutelle et déchéance, nous voulons simplement
souligner qu'il est intéressant de voir apparaître, pour une
première fois dans un projet de loi, des choses qu'on voyait
déjà dans le livre blanc de l'adoption, en termes de
déchéance parentale. Ce qu'on voudrait souligner ici, c'est qu'il
nous paraît important c'est peut-être le contraire d'autres
mémoires qu'il y ait deux instances dans ce choix. Evidemment, on
préférerait voir un Tribunal de la famille jouer ce rôle.
Si on ne l'a pas, en tout cas, on appuie le projet dans le sens d'un recours
à la Cour supérieure, mais le principe qui nous paraît
intéressant, c'est la possibilité de reprendre l'ensemble du
dossier à un autre niveau.
Au niveau des audiences, en fait, on reprend sensiblement ce qu'on
disait en 1975, à savoir que les audiences totalement publiques, en
fait, je pense qu'on peut y voir un intérêt dans le sens de
contrôle par le public de son appareil de justice si on veut, sauf que
cela nous paraît vraiment très difficile, très dangereux
à appliquer, en tout cas, en termes de confidentialité au niveau
des situations qui se discutent dans une cour et peut-être dans des
milieux un peu plus restreints. On envi-
sageait vraiment qu'on puisse avoir un accès du public par
l'entremise d'un journaliste accrédité, ou une formule de ce
genre.
Concernant les assesseurs, puisqu'on en a un peu parlé avec le
dernier groupe, nous étions très favorables à la formule
des assesseurs qui existe déjà au niveau de la Commission d'appel
des affaires sociales.
L'autre fait rationnel, si on veut, c'est en voyant le Tribunal de la
jeunesse devenir une véritable cour avec avocats et tout, qui soit
structuré de façon beaucoup plus précise. C'est
intéressant, mais on pense que, vraiment, le rôle des assesseurs
pourrait contribuer à une espèce d'équilibre, au fond,
entre un appareil strictement légal, si on veut, et des dimensions un
peu plus humaines ou des choses comme cela. Les gens qui devraient être
là, en fait, on se dit qu'ils devraient être
particulièrement éminents ou très connaissants dans le
domaine de l'enfance ou de la famille. Comme on le dit, nous, cela pourrait
être intéressant de voir des professionnels là, mais on
n'est quand même pas assez chauvins pour ne pas donner la
possibilité à des gens du public, ayant vraiment une
expérience intéressante et dont la sagesse n'est pas, comme on
dit, déjà encadrée sur un mur.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Perron (Jules): Je m'excuse, M. le Président. Avec
votre permission, Mme Waid aimerait prendre cinq minutes pour soulever deux ou
trois points qui ne sont pas inclus dans le mémoire, si vous le
permettez.
Le Président (M. Laplante): Je vais vous le permettre.
M. Perron (Jules): Merci.
Mme Waid: Un point important que je voudrais soulever et qui
n'est pas dans le mémoire; C'est une loi qui est quand même
extrêmement menaçante. On a vu, au cours des dernières
années, différents projets de loi de la protection de la
jeunesse, comme... Les groupes de professionnels ont réagi en trouvant
la loi draconienne, menaçante, coercitive, etc.
Si c'est menaçant pour nous, professionnels, cela l'est encore
beaucoup plus pour la population. Je pense qu'il serait indispensable
d'envisager toute une publicité pour rendre les gens conscients qu'il y
a une nouvelle loi à l'étude, qu'elle signifie, qu'on n'est pas
là pour nuire aux gens, mais pour les aider. Peut-être même
pas par des mots... Il devrait y avoir des affiches publicitaires ou des
posters qui imageraient, qui, seulement en les regardant, souligneraient les
droits de l'enfant, les droits de la famille.
Je pense que, si des compagnies comme Coca Cola ou Seven Up sont
arrivées à vendre leurs produits, on devrait être capable
de vendre l'idée, par la publicité, que la famille traditionnelle
est encore très valable, que les enfants ont droit à leur milieu
familial. Je pense que c'est très important de le faire.
L'autre point que je voulais souligner, c'était l'importance,
dans les centres de services sociaux, d'éveiller le personnel à
la prévention. Il y a beaucoup de professionnels qui sont ravis de
donner des conseils matrimoniaux ou des conseils individuels, sans se
préoccuper de ce qui se passe au niveau de la famille entière,
des enfants. Si cela ne va pas entre les parents, qu'est-ce qui se passe?
Comment les enfants vivent-ils cela? Très souvent, les cas arrivent au
service à l'enfance, alors qu'ils ont été suivis pendant
des mois, quelquefois pendant des années, et que personne ne s'est
donné la peine d'aller voir ce qui se passait là.
Je pense que, vraiment, il devrait y avoir du développement ou,
peut-être, des budgets prévus pour alerter tout le personnel, tous
les travailleurs sociaux ou les gens qui ne sont pas des travailleurs sociaux,
mais qui oeuvrent dans les centres de services sociaux. Il faudrait les
réveiller un petit peu pour qu'ils soient peut-être plus
conscients de ce qu'ils peuvent faire au niveau de la prévention, de la
détection des problèmes que cela représente pour les
enfants dans les familles. C'étaient essentiellement les deux points que
je voulais souligner, personnellement.
Le Président (M. Laplante): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Marois: Je voudrais d'abord remercier la Corporation
professionnelle des travailleurs sociaux du Québec de nous avoir
présenté un mémoire. Je pense qu'encore là il
s'agit d'un mémoire fondé essentiellement sur votre propre
expertise, votre propre expérience des problèmes vécus.
Vous avez aussi, si ma mémoire est bonne, après avoir
consulté les dossiers, suivi de très près
l'évolution de tout le dossier de la protection de la jeunesse.
Je voudrais, très rapidement, le plus rapidement que je peux,
vous poser quelques questions et, en cours de route aussi, formuler quelques
remarques, quelques commentaires.
D'abord, je m'excuse, ce n'est pas dans l'ordre, par article, c'est un
peu dans un certain désordre. En ce qui concerne l'article 22, vous nous
proposez, vous nous recommandez de reconnaître au comité de la
protection de la jeunesse un pouvoir de recommandation. Je voulais vous dire
que nous avions déjà pris en considération cette question.
Il y a principalement deux raisons qui nous ont amenés à ne pas
le mettre comme tel dans la loi. La première, c'est que ce qui n'est pas
interdit dans une loi est forcément permis. Donc, le pouvoir existe,
même s'il n'est pas mentionné dans la loi.
La deuxième raison, peut-être plus fondamentale, c'est
qu'en affirmant, dans un texte de loi, un droit de recommandation, on avait
peur que ça aille dans le sens opposé des intérêts
que doit protéger précisément le comité de la
protection de la jeunesse, s'il veut vraiment jouer son rôle d'ombudsman,
en rendant certains organismes, qui
pourraient être éventuellement concernés, parce que
le comité jouera un rôle d'ombudsman, je dirais, plus
soupçonneux... On pourrait peut-être prévoir qu'il ait un
pouvoir de promouvoir un certain nombre de choses, mais il va de soi que le
comité de la protection de la jeunesse doit pouvoir faire des
recommandations et, même si ce n'est pas mentionné comme tel dans
la loi, ce pouvoir existe. C'est la première chose.
La deuxième chose: Vous proposez, si j'ai bien compris, et on a
regardé attentivement votre mémoire vous êtes
revenus là-dessus ce soir que le maintien dans le milieu naturel
puisse être considéré comme une mesure d'urgence.
J'aimerais bien vous entendre vous expliquer un peu plus sur ce
point-là. Cela me semble... L'idée est séduisante,
à première vue, mais j'aimerais bien que vous nous en parliez un
peu. Cela m'apparaît être, en même temps, une des questions
les plus fondamentales et peut-être les plus ambiguës de votre
mémoire.
Très rapidement sur le reste: Quant à l'article 36, en ce
qui concerne les professionnels, vous nous proposez de remplacer la notion de
professionnel, qui est incomplète, par quelque chose de plus large. Vous
avez parfaitement raison de nous indiquer qu'il y a là quelque chose qui
manque dans la loi. Nous, ce qu'on avait pensé, très simplement,
c'est d'introduire un amendement définissant le professionnel pour que
ce soit plus large que la stricte notion de professionnel incluse dans le Code
des professions, mais on est entièrement d'accord avec ce que vous
évoquez.
Rapidement, en ce qui concerne le comité de la protection de la
jeunesse, son pouvoir d'obtenir les dossiers. Vous semblez vouloir resserrer ce
pouvoir ou même le lui enlever. Cela nous semble pourtant être un
pouvoir essentiel, si on veut vraiment que le comité de la protection de
la jeunesse puisse jouer entièrement son rôle d'ombudsman.
Cependant, on a eu l'occasion d'en discuter avec d'autres groupes, on serait
prêt à examiner très sérieusement la
possibilité, peut-être, de serrer les règles en ce qui
concerne la confidentialité au niveau du comité de la protection
de la jeunesse.
Dernièrement, très rapidement, vous avez
évoqué cette idée, ou vous nous avez rappelé cette
vieille idée qui traîne dans le paysage québécois,
mais on n'en finit plus d'aboutir et vous avez raison; c'est l'idée
d'instaurer, d'établir un tribunal de la famille.
Si le ministre de la Justice était ici ce soir, il abonderait
certainement dans ce sens. Il est malheureusement retenu à
Charlottetown. C'est dans la perspective d'une réorganisation judiciaire
au Québec. C'est très clair et très net dans notre esprit.
Seulement, ce n'est pas sans poser tout une série de problèmes,
notamment à certaines dimensions... En tout cas, certains
éléments peuvent impliquer des problèmes constitutionnels.
Il faudrait voir. Mais on a voulu, au minimum, franchir une première
étape en modernisant ou en rebâtissant sur une approche nouvelle
la vieille Cour de bien-être social pour en faire un nouveau Tribunal de
la jeunesse. C'est une perspective qu'on accepte et, dès que ce sera
possible, on essaiera d'y arriver.
Alors, je vous ai laissé surtout une question concernant cette
idée de maintenir dans le milieu naturel, que cela puisse être
considéré comme une mesure d'urgence.
M. Perron (Jules): Nous remercions le ministre des clarifications
et madame va tenter de répondre à la question précise.
Mme Waid: Je pense que les travailleurs sociaux ont
été assez frustrés au cours des années d'avoir
à leur disposition certains fonds pour aider les enfants, seulement
quand ces enfants étaient placés en famille d'accueil. Je parle
des sommes considérables qui sont dépensées pour subvenir
et je dis bien uniquement pour subvenir aux besoins d'un enfant
dans une famille d'accueil, pour sa nourriture, pour ses vêtements, pour
ses frais de scolarité. Pourquoi ne pourrait-on pas utiliser ces
mêmes fonds pour aider un enfant dans sa propre famille? Si nous avions
suffisamment d'auxiliaires familiales! Nous avons trouvé que dans les
familles où on pouvait mettre des auxiliaires familiales avec des
objectifs très précis, dans un temps relativement court, la
famille était aidée, l'enfant était maintenu dans son
milieu familial.
Je me permets d'y revenir, cela a été fait très
rapidement, ce n'est peut-être pas dans un très bon ordre, on
s'est permis de donner quelques exemples, aussi bien avec des familles de
quatre, trois ou deux enfants. Dans tous les cas, cela a été
moins coûteux d'aider l'enfant dans sa famille, plutôt que de le
placer. Malheureusement, il n'y a pas assez d'auxiliaires familiales dans les
Centres de services sociaux, cela ne peut donc pas toujours être fait. Il
n'y a pas suffisamment de personnel dans les services sociaux, parce que les
praticiens ont souvent des "case load" très chargés. Quand on
s'occupe de prévention, on ne peut pas le faire si on a 80 cas. Parce
que le praticien doit être extrêmement disponible, attentif. Cela
ne suffit pas de mettre une auxiliaire familiale et de se retirer. Il faut
être là, le guider, être disponible sept jours par semaine;
quelquefois, au début, surtout dans les cas d'enfants maltraités,
24 heures sur 24, 7 jours par semaine.
Il faut une grande disponibilité des praticiens, mais on ne peut
pas demander des miracles. Ils ne peuvent pas le faire s'ils ont des "case
load" très, très chargés. On parle de mesure d'urgence. Si
les Centres de services sociaux avaient des fonds disponibles, le vendredi,
après-midi, par exemple, comme il n'y a rien et qu'on a peur de mettre
un enfant dans un centre d'accueil, en cas d'urgence, si on pouvait avoir une
auxiliaire familiale disponible, et la mettre dans la famille, en exposant aux
parents que c'est un choix: Ou l'enfant va devoir être placé ou
vous acceptez l'auxiliaire familiale, notre expérience démontre
que les parents sont ravis d'accepter l'auxiliaire familiale. Malheureusement,
on n'en a pas suffisamment dans les Centres de services sociaux. C'est à
cette question
qu'on faisait allusion. Il y a certainement beaucoup d'autres
choses.
Le Président (M. Laplante): Je vais être
obligé de vous interrompre. M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux, moi aussi, remercier
la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux pour sa vigilance et
son apport précieux à l'étude de ce projet de loi.
Pour enchaîner avec cette dernière question, il y a des
crédits qui augmentent d'année en année pour les services
ou les soins à domicile. Il y a aussi une chose qu'on espère
pouvoir introduire avec l'année fiscale prochaine, ce sont des
crédits affectés à l'hébergement, dans son sens
très large, ou à la garde d'enfants dans leur famille propre,
surtout en fonction d'enfants handicapés physiques, mentaux ou sociaux;
handicapés, dans le sens très large. Il y a déjà
une quinzaine d'années, il y a eu une telle pratique pendant un certain
temps à titre expérimental pour subventionner les parents propres
d'un enfant handicapé qui, autrement, allait en institution ou en
famille d'accueil. Il est difficile de délimiter à quel moment le
handicap devient sérieux au point où les parents
"méritent" une subvention spéciale pour garder l'enfant.
Vous semblez avoir des inquiétudes au sujet du directeur et de
son délégué. Je pense bien qu'il faut, dans un cas comme
celui-ci, tenir pour acquis que n'apparaît pas toujours le mot
"délégué" accompagnant le terme "directeur", mais, en
principe, cela va de soi, cette délégation de l'autorité
et de la responsabilité doit se faire, surtout dans des grands centres,
et, même si elle n'apparaît pas implicitement, elle peut être
faite.
L'expression "troubles caractériels", d'autres l'ont
relevée il y a quelques jours et nous allons réexaminer la
pertinence de ces termes.
Encore deux remarques, très rapidement, mon collègue a
touché les autres points que je voulais aborder. Vous proposez de
remplacer, aux articles 56 et 62, le terme "personne" par "travailleur social".
Vous me permettrez d'être très réticent devant une telle
suggestion parce que, d'autre part, vous aviez proposé de remplacer le
mot "professionnel" par un autre terme, quand il s'agissait de l'article 36, et
je pense, moi aussi, que cela doit être remplacé, tout simplement,
par les mots "toute personne", mais, dans ce cas-ci, je ne vois pas pourquoi on
donnerait exclusivement la responsabilité au travailleur social,
à 56 et 62; je ne vois pas très bien pourquoi. Il peut y avoir
d'autres disciplines formées aux sciences humaines comme psychologues,
sociologues, criminologues ou même un technicien en assistance
sociale.
Enfin, c'est la dernière remarque, protection et adoption. A la
fin, vous dites: Que le gouvernement étudie la possibilité
d'intégrer les mesures d'adoption dans la présente loi. Je me
demande si vous pouvez expliciter un peu cette idée.
M. Landry (Pierre): La première chose, c'est qu'il y a eu
erreur; c'est qu'à l'article 56, en fait, le paragraphe qui s'en va
à la page 18 ne devrait pas être là.
En ce qui concerne l'article 62, où on insiste pour voir
"travailleur social" au lieu de "une personne"... Voulez-vous répondre,
Mme Waid?
Mme Waid: Je pense que, malheureusement, il y a eu une tradition,
au Québec, de confier le placement d'enfants, qui est la
problématique la plus difficile, aux gens qui étaient le moins
qualifiés pour le faire, très souvent à des gens qui
n'avaient aucune formation en service social. C'est extrêmement
difficile, dans des familles très détériorées, de
garder l'enfant dans sa famille ou, s'il en sort, de l'y
réinsérer. C'est pourquoi on estime que, certainement, il y a
beaucoup de places, dans les centres de services sociaux, pour toutes sortes de
professionnels, mais le travail le plus difficile devrait quand même
être confié et on estime que la loi touche les cas les plus
difficiles aux gens les plus compétents pour faire le travail.
C'est pour cela qu'on s'est permis d'insister pour que ce soient des
travailleurs sociaux professionnels.
M. Lazure: Sauf qu'à l'article 62, ce n'est pas seulement
du placement d'enfants, c'est beaucoup plus large que cela, c'est une...
Mme Waid: Non, prévention, je ne parle pas de
l'équipe du bien-être à l'enfance.
M. Lazure: ... continuation des mesures de protection, c'est
très vaste comme tâche. Enfin, pour l'adoption, pourriez-vous
donner un peu plus de détails?
Mme Waid: Sur l'adoption?
M. Lazure: Oui, vous proposez d'inclure des mesures d'adoption
dans cette loi. Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez
dire.
M. Landry (Pierre): C'est que, déjà, on voyait
apparaître, par exemple, les mesures de tutelles, les mesures de
déchéance parentale et on faisait un peu allusion, quand
même, à l'adoption. En tout cas, ce qui nous paraissait curieux,
c'est qu'on maintienne, si on veut, ou, en tout cas, le désir, ce qu'on
en savait, de maintenir encore une autre loi à part sur l'adoption. On
disait: Pourquoi ne pas avoir pris un chapitre pour inclure, au fond, des
provisions pour l'adoption, qui est une mesure de protection permanente?
M. Lazure: Pour votre information, il y a un projet de loi en
préparation sur l'adoption, mais je pense que les deux problèmes
comportent des aspects assez différents et qu'ils méritent deux
projets de loi, à notre avis en tout cas.
M. Landry (Pierre): D'accord.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier
également la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux de son
travail extrêmement fouillé. J'aimerais cependant, et je ne
voudrais pas que mes remarques soient mal interprétées, mais
j'aimerais, malgré tout, relever des suggestions qui sont contenues dans
son mémoire et qui m'apparaissent susceptibles d'être à
leur tour mal interprétées, à moins qu'on ne les
relève et qu'on ne les discute un peu.
Dans votre mémoire, vous avez fait un assez grand cas du
caractère confidentiel des dossiers. Vous y revenez d'ailleurs un peu
plus loin, quant à la transmission des dossiers. Je crois qu'il y a
quand même un certain danger de mélanger les objectifs qu'on peut
avoir à l'esprit. Il a fallu attendre, dans le domaine de la
santé principalement, et dans tous les domaines visés par les
activités des établissements d'affaires sociales, y compris les
services sociaux, jusqu'en 1972 pour avoir très clairement
affirmé, dans un texte, le droit d'un bénéficiaire, d'un
patient, si vous voulez, à avoir accès à son dossier. Cela
a été un gain considérable pour la population. Il ne
faudrait pas, sous prétexte d'une trop grande défense des
intérêts professionnels, vouloir restaurer le secret qui a
longtemps prévalu dans ce secteur.
Il reste qu'il y a un principe fondamental qui doit être
affirmé, c'est que les dossiers appartiennent d'abord aux clients, aux
bénéficiaires et que, lorsqu'on institue un organisme qui a pour
but de protéger les enfants, les dossiers concernant ces enfants doivent
être disponibles aux organismes de protection. Autrement, c'est une
contradiction dans les termes.
Je crois qu'une grande partie des précautions et des obstacles,
dans le fond, que vous suggérez de mettre à l'exercice d'un droit
d'accès par le Comité de protection de la jeunesse ou par les
autres organismes sociaux qui s'occupent des jeunes, n'a pas pour but de
protéger les jeunes, mais a pour but de protéger les
professionnels, et cela s'est déjà vu. A mon avis, je ne crois
pas que ces recommandations soient bien inspirées je vous le dis
en toute franchise surtout dans un secteur, le ministre des Affaires
sociales le soulignait tout à l'heure, comme celui des services sociaux.
Je pense que c'est connu, puisqu'on a même pris la peine de
l'écrire dans le livre blanc sur l'adoption.
La découverte de ce qui se passait dans l'adoption au
Québec et la formulation d'une politique a été
retardée pendant environ un an et demi par le refus systématique
des agences ou des centres de services sociaux de même fournir des
statistiques sur ce qui arrivait à des enfants adoptés,
laissés en adoption ou offerts en adoption. C'était une situation
inconcevable. On se cachait littéralement derrière le
prétendu caractère confidentiel des dossiers pour refuser de
donner un rendement, des données sur le rendement des procédures
actuelles.
Je pense qu'il y a un peu derrière ces protestations de
caractère confidentiel, une certaine crainte des professionnels
d'être jugés, et je le dis très franchement, même
très brutalement. On suggère qu'un résumé de
dossier soit transmis. Cela me porte à me poser bien des questions sur
le contenu du dossier. Est-ce que l'on craint que des évaluations ou des
pronostics qu'on aurait faits il y a un ou deux ans sur l'évolution d'un
jeune soient tournés en ridicule par l'évolution des
événements? On sait très bien qu'on ne peut aider personne
à prendre connaissance d'un résumé de dossier. C'est bon
peut-être à des fins d'archives, mais c'est strictement inutile
pour aider un enfant.
Ce qu'il faut, à un intervenant qui s'occupe d'un enfant,
peut-être deux ou trois ans après un premier problème, ce
sont les évaluations qui ont été faites à
l'origine. Ce n'est pas tout simplement de savoir que M. Untel a fait telle
évaluation et de ne pas pouvoir en prendre connaissance.
Je crois qu'il y a une peur excessive dans les milieux professionnels,
et je vous le dis, puisque vous êtes une corporation professionnelle,
d'être jugé. Pourtant ces jugements sont essentiels si on doit
protéger le droit des bénéficiaires. Je vous inviterais
à moins être sur la défensive là-dessus. Il y a des
sanctions dans la loi. Il y en a d'autres qui peuvent être prévues
pour ceux qui dévoilent, de façon irresponsable, des informations
dont ils prennent connaissance dans leurs activités professionnelles et
qui porteraient détriment à autrui.
Mais il ne faut pas considérer que les dossiers sont la
propriété privée des professionnels, il n'en est rien, ils
sont la propriété des patients, des bénéficiaires
et des enfants et c'est ça qu'il faut protéger avant toute autre
chose.
Je me permets de vous l'indiquer, parce qu'il y en a eu plusieurs avant
vous qui sont intervenus sur le caractère confidentiel et je crois qu'on
est en train d'en faire un peu un fétiche. Il y a eu beaucoup de
cinéma qui s'est fait là-dessus, je le dis assez franchement. On
a même vu des phénomènes aussi incroyables que des
professionnels à l'intérieur de la même boîte,
refuser de se communiquer leur dossier les uns aux autres sous prétexte
du caractère confidentiel. Cela a fait les manchettes des journaux il
n'y a pas tellement longtemps. Je crois qu'il y a, de ce
côté-là, un peu plus de réalisme qui doit intervenir
et un peu de fétichisme légal qui, dans le fond, emprunte des
grands mots, pour protéger des intérêts professionnels.
Je crois que votre corporation professionnelle, dans ce domaine, a un
très grand devoir de s'assurer qu'il y a non pas seulement de
l'information, mais la meilleure information qui est communiquée
à ceux qui en ont besoin.
C'est, M. le Président, la seule remarque que j'ai à
faire. Quant au reste, un très grand nombre de choses que vous proposez
sont très valables et très utiles, encore une fois, pour
l'étude article par article. Je tenais à faire cette mise au
point, parce que je sens que nos travaux seraient incomplets, à moins
que l'on donne l'impression de pencher d'un seul côté.
M. Landry (Pierre): M. le Président, j'aimerais clarifier
un peu la situation face à cette recommandation, d'autant plus que M.
Marois y avait déjà touché. Face à la transmission
du dossier
vis-à-vis du comité des PJ, vis-à-vis des CPJ, si
on veut, je pense qu'on n'a aucune objection à ce que le comité
puisse avoir accès au dossier, que c'est normal qu'il y ait
accès. Sauf qu'il y a déjà des provisions qui existent
dans le chapitre 48 et qu'on se dit qu'on devrait peut-être s'en tenir
à ça. Voilà pour ce point.
Maintenant, j'aimerais rappeler à M. Forget qu'ici, c'est la
Corporation des travailleurs sociaux et que les griefs qu'il peut y avoir
vis-à-vis des établissements quant au refus de données,
tout ça, je pense qu'il faudrait le faire et cela a été
fait à qui de droit.
Quand on parle du bénéficiaire, du droit du
bénéficiaire, c'est, très honnêtement et très
sincèrement, le droit du bénéficiaire et le droit que le
bénéficiaire... le dossier qui appartient au
bénéficiaire, c'est exactement au nom de cette justice qu'on
devrait quand même protéger le bénéficiaire. Ce
n'est pas le fait d'entrer dans un établissement, parce qu'on commence
à avoir un réseau d'établissements très grand,
c'est au moment où on pourrait entrer par la porte du CLSC, sans que le
bénéficiaire ne soit jamais rappelé, son dossier pourra se
promener dans un CSS, dans un comité DPJ, dans un centre d'accueil, dans
un centre hospitalier...
A notre avis, il serait tout simplement normal, non pas d'avoir
accès, mais que le bénéficiaire soit en tout temps au
courant des démarches qui se font à son sujet. Je peux vous dire
que, malheureusement, à l'heure actuelle, des dossiers complets se
promènent entre le centre de services sociaux et le centre d'accueil. Je
pense que c'est très malheureux. En tout cas, ce n'est vraiment pas du
chauvinisme de corporation, qu'on ait peur de ne pas montrer nos dossiers ou
des choses du genre. Je pense que cela n'était vraiment pas notre
préoccupation.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais le croire, je ne
peux que me réjouir si certains dossiers commencent à circuler.
J'ai vu des jeunes qui étaient envoyés dans des centres
d'accueil, qui y séjournaient depuis des mois et les centres n'avaient
que l'ordre de la cour dans le dossier de l'enfant. Ils ne savaient ni d'Eve ni
d'Adam d'où cet enfant venait, pourquoi il leur était
envoyé et leurs efforts pour l'obtenir se heurtaient à un mur
d'indifférence ou de silence ou d'immobilité.
Les éducateurs qui se trouvaient dans les établissements
disaient: On aimerait quand même savoir s'il y a eu des
évaluations sur cet enfant, ça nous éviterait de
recommencer une deuxième fois le travail. On a entendu cette histoire
tellement souvent que s'il y a quelques dossiers... parce que des dossiers,
c'est de l'information et on ne peut pas aider des enfants dont on ne sait
rien. C'est aussi simple que ça.
S'il y en a qui commencent à circuler, de l'information, tant
mieux. Encore une fois, s'il y a des abus, qu'on parle des abus, qu'on
réprime les abus, mais qu'on ne parle pas, de façon
générale, de freiner la transmission d'information, si on veut
que les établissements fonctionnent comme un réseau, plutôt
que comme un ensemble atomique, atomisé d'institutions qui s'ignorent
les unes les autres. Il faut bien se rendre compte que c'est cela qui est
arrivé dans le passé. On a eu extrêmement de misère,
et on en a encore beaucoup, à établir des liens fonctionnels
entre les établissements. C'est par les dossiers, c'est comme cela que
l'information peut être véhiculée. C'est la seule
manière que je connaisse, à l'exception des grands comités
qui font bouffer le temps de tout le monde et qui réunissent les gens
pendant des journées complètes et dont on ne retire rien, sinon
des dossiers, puisque, encore une fois, les gens ne peuvent pas transporter
cela dans leur mémoire.
Je pense, encore une fois, qu'il faut éviter trop de
conservatisme, de ce côté-là.
Mme Billaud (Marinette): Je veux juste faire une remarque...
Le Président (M. Laplante): Très courte.
Mme Billaud: ... pour dire qu'à un moment donné il
me semble que les enfants et les familles peuvent être connus aux centres
de services sociaux pour toutes sortes de raisons. Il me semble que, dès
le moment où c'est nécessaire qu'un enfant fréquente un
centre d'accueil ou qu'il soit soumis à Cour du bien-être social
ou au tribunal, il semble qu'il y a certaines informations qui ne sont pas
nécessairement pertinentes pour cette période, pour ce placement
ou pour la cause devant le tribunal.
M. Marois: Si vous le permettez, je ne veux pas allonger le
débat. C'est vraiment une question dont on pourrait discuter longuement.
Qui va évaluer la pertinence? Poser la question, c'est vraiment la
laisser là. Si quelqu'un décide de la pertinence, il y a
forcément un intervenant. L'intervenant, dans l'hypothèse
où, précisément... Quand on regarde le rôle du
comité de protection de la jeunesse, par exemple, s'il fallait que
quelqu'un intervienne pour décider de la pertinence de certaines
pièces, de certaines évaluations au dossier, considérant
que ce n'est pas nécessaire que le comité de protection de la
jeunesse l'ait en mains... Au fond, vous voyez que ce n'est pas un
problème simple.
Il vaut peut-être mieux... enfin, c'est l'approche qu'on a eue,
soit d'ouvrir davantage, quitte, le cas échéant, à
prévoir... Par exemple, j'ai évoqué cette idée,
parce qu'elle est revenue à plusieurs reprises, de resserrer le secret,
la confidentialité, une fois au niveau du comité de protection de
la jeunesse. S'il y a des abus, on prendra les mesures qui s'imposent pour les
réprimer. Mais que ce dossier en question, qui est au fond la
propriété du bénéficiaire, serve vraiment
l'intérêt du bénéficiaire comme tel.
M. Landry (Pierre): ... c'est que le bénéficiaire
soit continuellement... qu'il suive au fond sa propriété. Moi, je
pense que c'est cela qui est le fond. Si le dossier lui appartient vraiment,
qu'on lui demande au moins sa signature avant d'acheminer des dossiers à
Pierre, Jean, Jacques.
M. Lazure: Oui, ceci apparaît dans le texte du projet de
loi tout le temps. Vous dites "si" il lui appartient. Vous avez encore des
doutes, apparemment.
M. Landry (Pierre): Non, je n'en doute pas.
M. Lazure: Mais nous sommes persuadés qu'il lui
appartient. Moi, je ne fais qu'endosser les commentaires de mon
prédécesseur. Là-dessus, on fait un front commun
inébranlable. Je pense que c'est au nom de cette confidentialité
qu'on a laissé des patients oubliés pendant des années et
des années dans des hôpitaux. On ne fait que commencer avec le
comité de révision, par exemple, pour les malades mentaux,
à avoir un peu plus d'aération et un peu plus de respect des
droits des individus. Je ne m'avance pas plus.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sherbrooke, très rapidement.
M. Gosselin: Oui. Je n'ai pas le goût de reprendre toute
l'argumentation qui a été développée. Beaucoup de
questions que j'aurais pu soulever l'ont été par d'autres. Je
veux simplement signaler qu'au tout début vous insistez beaucoup et
à plusieurs reprises, dans votre document, sur l'importance d'une
véritable politique de la famille, le maintien de l'enfant dans son
milieu naturel, mais vous n'allez pas très loin dans l'articulation de
cela, dans le déblayage des nouvelles possibilités.
Par ailleurs, à mon avisc'est peut-être un jugement
que je porte ou une question que je veux vous lancer notamment, à
la page 4, vous mettez une très grande insistance pour dire que sans
budgets supplémentaires, sans addition de personnel, finalement, les
rôles nécessités auprès de la famille seront
toujours déficients.
Il ne semble pas qu'on puisse réduire l'analyse de ce qui manque
à la famille à cette seule conjecture des budgets et des
additions de personnel dans le système actuel, mais peut-être
davantage à une conversion des ressources ou à des
réorientations majeures des ressources déjà existantes.
Est-ce que déjà, notamment les CSS c'est une question,
naturellement qui s'adresse davantage à la structure qui regroupe les
travailleurs sociaux ne jouissent pas d'une énorme marge de
manoeuvre pour réorienter leurs effectifs? Est-ce que déjà
il n'y a pas un problème majeur d'orientation d'effectifs qui pourrait
corriger nombre de situations déficientes constatées?
Première partie. Vous pourrez toujours commenter cela tout a
l'heure.
J'ai tout simplement un petit point qui n'a pas été
relevé par d'autres; parce qu'il n'a pas été
relevé, j'aimerais le faire. A l'article 50h du projet de loi, on parle
d'encourager la participation bénévole.
L'article 50h: "que l'enfant effectue de menus travaux ou rende un
service approprié à la collectivité."
On imagine cela comme une formule de réinsertion. Vous dites:
Nous demandons que cet arti- cle soit abrogé. Nous considérons
cet article superflu et tout à fait inutile dans un texte de loi.
Pourriez-vous justifier cette abrogation?
M. Landry (Pierre): A ce niveau, rapidement, cela nous paraissait
faire partie de l'intervention. Ce n'est pas mauvais que ce soit là,
mais c'est un niveau de détail qui ne nous apparaissait pas pertinent
dans un texte de loi. Ce n'est pas sur le fond, c'est sur...
M. Perron (Gilles): Au sujet de la politique familiale, nous
n'avons pas voulu expliciter, étant donné qu'il y a
déjà toute une série de documents très
intéressants, très bien faits qui ont été
préparés par des organismes gouvernementaux et
paragouvernementaux sur le sujet. Nous voulions tout simplement rappeler que la
base d'un ensemble de politique sociales, ce serait une politique familiale. En
particulier, le rapport du Conseil des affaires sociales et de la famille de
1974 est très révélateur à ce sujet.
Le Président (M. Laplante): Le député de
L'Acadie, dernière question.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je ne reviendrai
pas sur les différents articles, je pense qu'ils ont tous
été soulevés à tour de rôle. Je voudrais
quand même vous poser une question d'information. A la page 14, vous
recommandez que le législateur prévoie le maintien de milieu de
vie comme première possibilité, même dans les mesures
d'urgence. C'est ce que le ministre a soulevé tout à l'heure.
Pouvez-vous me dire si, dans votre expérience quotidienne, quand
survient un cas de protection... On a vécu l'histoire où, il y a
vingt ans, il y avait les internats et les pensionnats et que cela
réglait le problème. Après cela, on a évolué
vers ce qu'on appelait dans le temps les foyers nourriciers. Aujourd'hui, les
gens qui prennent les décisions, à la cour ou autrement, sont-ils
plus sensibilisés qu'ils ne l'étaient à la
possibilité de garder les enfants dans leur famille ou a-t-on encore
très facilement tendance à immédiatement songer à
des placements à l'extérieur de la famille? La mentalité
à l'intérieur des cours de bien-être social a-t-elle
évolué dans ce sens?
Mme Waid: C'est très difficile de vous répondre, si
on prend un cas thème, par exemple, le pra-tricien qui a une auxiliaire
familiale à sa disposition va être beaucoup plus prêt
à le recommander au juge, si c'est présenté à la
cour, ou à décider de laisser l'enfant dans sa famille, parce
qu'on a quelqu'un qui va surveiller, contrôler, aider, à
améliorer, à changer certaines choses. C'est quand il n'y a
personne que le praticien prend panique et dit: II y a un gros risque quand
même; il faut placer l'enfant immédiatement. Souvent, parce qu'on
le place en urgence, on le place dans un milieu qui n'est pas forcément
tellement supérieur ou plus valable que le sien. On voit les traces;
surtout chez les enfants battus, on réagit très rapidement, parce
que cela fait peur, cela fait mal, mais ce n'est pas la solution, parce que
l'enfant qui est
placé, il y a d'autres remarques qu'on ne voit pas, mais qui sont
là quand même.
Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas de statistiques, à votre
connaissance, qui ont été conservées qui permettraient de
voir l'évolution des mentalités dans ce sens?
Mme Waid: Pas que je sache. On a pris conscience, je pense,
récemment, peut-être après le rapport Batshaw, qu'il y a
beaucoup trop d'enfants. C'est la première fois qu'on publie partout le
nombre d'enfants qui sont placés et qu'on ne conteste pas ces
données, à cause du livre blanc, à cause de tout ce qui a
été fait ces dernières années quand même. On
est plus conscient et on voit les problèmes que présentent les
enfants placés. Le placement, ce n'est pas la solution quand
même.
Mme Lavoie-Roux: Voici mon autre question: Est-ce que,
maintenant, à votre point de vue, la surveillance de ces enfants qui
sont dans des foyers d'accueil est adéquate, suffisante, quant au nombre
de contacts que les professionnels ou les personnes attitrées à
ce rôle peuvent jouer?
Mme Waid: Pas toujours, et certainement pas dans tous les cas,
parce que les praticiens sont souvent surchargés, car on sait en effet
que les enfants, malheureusement, sont souvent placés très loin.
Il y a donc énormément de temps qui se perd rien qu'en
déplacement. Personnellement, j'estime que les enfants devraient
être vus au moins une fois par mois. Il y a des enfants qui ne sont pas
vus quelquefois pendant des mois. Cela dépend de l'organisation des
différents CSS, des disponibilités des praticiens, des "case
loads", cela dépend de beaucoup de choses, cela varie d'un CSS à
l'autre, c'est évident.
Mme Lavoie-Roux: II y a encore beaucoup de carences de ce
côté.
Mme Waid: Certainement.
Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question...
Mme Waid: Parce que c'est de la surveillance de placement
uniquement dans certains cas, où on doit admettre très
honnêtement c'est lourd, quand je vous parle mais c'est un
fait que, dans certains cas, il n'y a aucun espoir de réinsertion
familiale. Il y a combien de familles qui ont été perdues en
cours de route?
Mme Lavoie-Roux: C'est donc dans ce sens qu'il faudrait faire
plus d'efforts. Dans ma dernière question, je me demandais si vous aviez
bien compris le point sur lequel le député de Sherbrooke vous a
posé une question tout à l'heure. C'est l'article 25. Comment
aviez-vous interprété cette disposition, à savoir que
l'enfant effectue de menus travaux ou rende un service approprié
à la collectivité, pour que vous demandiez de la rayer? Je me
demande si vous avez vraiment saisi la por- tée de cette disposition.
Qu'est-ce que vous avez compris là-dedans?
M. Landry (Pierre): En fait, ce que je disais tout à
l'heure, c'est que ce n'est pas une critique, si on veut, de l'idée
elle-même. Cela nous paraissait vraiment quelque chose qui fait partie ou
qui peut faire partie d'un plan d'intervention avec un enfant, mais il me
paraissait curieux que cela apparaisse dans un projet de loi. Au fond, c'est
l'idée que l'enfant remette à la collectivité
l'activité réparatrice, si on veut, qu'on retrouve au niveau de
la probation ou des choses comme cela.
Mme Lavoie-Roux: Cela pourrait être la seule disposition
qui soit prise à l'égard d'un enfant...
M. Landry (Pierre): L'idée est très bonne.
Mme Lavoie-Roux: ... et qu'il n'y en ait pas d'autre, que ce soit
la seule chose, la seule décision que l'on rende. A ce moment, est-ce
que vous ne trouvez pas que c'est vu comme une mesure au même titre que
les autres?
Mme Waid: Cela fait vraiment partie du plan de traitement. Dans
certains cas, c'est indiqué, dans d'autres cas, cela ne l'est pas. C'est
une question du moment approprié où on doit le faire. Cela ne se
fait pas systématiquement dans tous les cas, au moment, par exemple...
Cela fait partie du plan de traitement. On essaie, dans la majorité des
cas, quand l'enfant est prêt, de le lui suggérer, de l'encourager,
mais pour qu'il soit prêt, il faut que ce soit au moment opportun.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Mme Waid: C'est pour cela qu'on est entièrement d'accord,
mais cela ne nous paraissait pas faire partie des...
Le Président (M. Laplante): Sur le même sujet, le
député de Papineau.
M. Alfred: Je vous remercie de votre mémoire. Il nous a
permis de faire avancer le débat. Je tiens aussi à ajouter que ce
projet de loi va nous amener à un changement de mentalité et
aussi à une nouvelle perception de l'enfant et de l'adolescent pour
mieux les comprendre. Je pense aussi qu'il y a une hypothèse de base qui
doit réorienter notre façon de concevoir l'enfant et
l'adolescent, c'est cette confiance réaliste dans l'individu. Merci.
Le Président (M. Laplante): Mesdames, messieurs, merci de
la présentation de votre mémoire. Vous nous excuserez d'avoir un
peu bousculé... On appelle maintenant l'Ordre des infirmières et
infirmiers du Québec.
Je me pose parfois des questions, parce que c'est la première
fois que je vois ça; ça commence par l'Ordre des
infirmières et infirmiers. Habituellement, c'est toujours infirmiers et
infirmières. Vous savez, les femmes, où elles sont rendues
aujourd'hui.
Maintenant, je vous demanderais d'identifier votre organisme et les
membres qui vous accompagnent.
Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec
Mme Tellier-Cormier (Jeannine): Merci, M. le Président.
Notre organisme, vous l'avez bien identifié et je précise que
nous insistons pour dire l'Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec, pour toutes sortes de raisons, et je vous souligne, entre
autres, que, sur plus de 42 000 membres actifs, nous avons environ 1600
infirmiers.
Le Président (M. Laplante): ... pas assez fort.
Mme Tellier-Cormier: Ceci étant dit, j'identifie les
personnes qui m'accompagnent. A mon extrême droite, Mlle Larose,
directeur, directeur du secteur nursing chez nous; à ma droite
immédiate, Mlle DuMouchel, directeur général et
secrétaire de l'ordre; à mon extrême gauche, Mlle
Thérèse Asselin, membre du comité administratif; à
sa droite, Mlle Royer, trésorière de l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec et, à ma gauche
immédiate, M. Normand Grou, conseiller juridique. Moi-même,
Jeannine Tellier-Cormier.
Le Président (M. Laplante): II n'est même pas
infirmier!
Mme Tellier-Cormier: II faudrait peut-être le lui demander.
Après dix mois de travail chez nous, je pense qu'assez souvent, il dit:
Bon! Dans le monde du nursing, on fait... Alors, ceci étant dit...
Le Président (M. Laplante): Excusez la boutade.
Mme Tellier-Cormier: ... je m'identifie, Jeannine
Tellier-Cormier, présidente de l'ordre. Je ne tournerai pas le fer dans
la plaie plus souvent.
Dans un premier temps, je vous souligne deux corrections dans nos
commentaires et je suis vraiment désolée qu'une telle erreur se
soit glissée. A la page 2 de nos commentaires, deuxième
paragraphe, troisième ligne, là où vous lisez l'article
34, vous devriez y lire l'article 43. A la page 3, deuxième paragraphe,
première ligne, l'article 36 devrait être indiqué l'article
37.
J'espère que ces erreurs ne vous ont pas causé des
problèmes de compréhension. De plus, dès le début,
je veux vous signaler que nous n'avons, en aucun temps, la prétention de
vous présenter un mémoire, et c'est à juste titre que le
document est identifié: Commentaires.
Maintenant, pourquoi le bureau de l'ordre présente-t-il des
commentaires? Pour deux raisons très spécifiques. Dans un premier
temps, parce qu'on veut démontrer notre engagement social de plus en
plus dynamique et présent. On veut aussi répondre à des
demandes pressantes des membres de notre corporation pour faire connaître
des commentaires sur ce projet.
Je veux seulement vous signaler différents champs
d'activités où des infirmières et des infirmiers sont
actifs et très présents: les soins à domicile, les CLSC,
les départements de santé communautaire, plus spécialement
les programmes de santé scolaire et les programmes de soins maternels et
infantiles; les salles d'urgence, les cliniques externes, les
pédiatries, les pouponnières et les unités
d'obstétrique.
Tantôt, si le temps nous le permet, j'aimerais vraiment vous faire
part d'une expérience où des infirmières se sont
impliquées d'une façon précise pour aider, en regard d'une
prévention, des jeunes qui peuvent être exposés.
Ce projet de loi, qui est en phase d'une troisième grossesse,
nous espérons et nous croyons fermement qu'il nous donnera un enfant en
bonne santé, ni bafoué, ni battu.
Je n'ai pas l'intention de lire les commentaires, parce que le temps est
précieux pour tout le monde. Je veux simplement vous signaler, dans les
pages, les endroits où on veut mettre un peu plus d'emphase qu'il n'y en
avait déjà dans nos commentaires.
Dans cet esprit-là, je vous signalerai en page 1,
troisième paragraphe, quand on parle de la formation en nursing, c'est
depuis les débuts que nous avons reconnu la nécessité de
soins infirmiers en pédiatrie. Ce n'est rien de neuf que les
infirmières et les infirmiers soient vraiment présents dans cette
activité. Les soins infirmiers sont basés sur des connaissances
fondamentales par l'étude du développement psychomoteur, et
à ce moment-là, des études et des cours importants en
biologie et en psychologie sont la base pour prodiguer des soins infirmiers en
pédiatrie d'une façon vraiment adéquate.
En page 2, deuxième paragraphe, lorsqu'on parle des enfants plus
jeunes. Dans votre projet de loi, vous insistez pour que, lorsque c'est
possible, l'enfant soit consulté et informé. Quand on parle d'un
plus jeune, ce n'est pas possible. Nous considérons indispensable que
cet enfant qui ne peut pas être informé ou consulté puisse
avoir une personne qui puisse le représenter, qui prenne vraiment son
intérêt, dans cet esprit, pour éviter de laisser justement
perdurer des problèmes en regard de cette situation.
Toujours en page 2, troisième paragraphe, on vous donne des
chiffres et on ne voudrait surtout pas que vous vous en serviez d'une
façon arbitraire. A peu près à la septième ligne,
on parle des enfants de 0 à 7 ans et un peu plus loin on parle des
enfants de 7 à 18 ans. Pour cela, nous nous sommes fiés sur une
courbe d'un développement normal. Mais comme on fait appel à des
enfants qui vivent des situations problématiques, le chiffre ne doit pas
être utilisé d'une façon arbitraire parce que, selon les
situations, un enfant de six ans et un enfant de huit ans, ou plus jeune ou
plus vieux, peut être l'équivalent d'un autre enfant sur une
courbe normale d'un développement. On ne voudrait vraiment pas que vous
vous en serviez d'une façon arbitraire. Pour ces jeunes enfants en bas
de 7, 6 ou 5 ans, selon leur maturité, lorsqu'il y a
nécessité de les héberger, on considérerait
sûrement valable et important d'opter plutôt pour une fa-
mille d'accueil de préférence à une institution,
parce qu'il retrouverait là, du moins on le croit, ce n'est pas toujours
vrai, mais il faut quand même faire des choix, un milieu plus favorable
à son développement.
Au quatrième paragraphe, quand on parle du Comité de
protection de la jeunesse, nous sommes contents de voir apparaître dans
le projet de loi sur la protection de la jeunesse cette dimension où
pour le choix des personnes travaillant au sein de comités, on se base
sur la valeur même de la personne, sans accoler aucune
caractéristique professionnelle ou autre. Et cela nous sourit
énormément. On vous souligne aussi qu'on pourrait très
bien trouver dans ce comité, des parents, et, entre autres, des parents
impliqués dans les familles d'accueil. Peut-être qu'au niveau de
ce comité il y aurait des choses importantes à nous dire et cela
pourrait être un élément vraiment positif. On veut aller
plus loin. Le comité sera dorénavant de quatorze personnes. Nous
considérons qu'il y a des infirmières et des infirmiers qui sont
très compétents. Il y en a même qui sont
spécialisés au niveau de la maîtrise en pédiatrie,
en soins maternels et infantiles. A ce moment-ci, on considère qu'elles
pourraient être des personnes-ressources au niveau de ces comités
et des personnes-ressources valables pour aider et apporter des solutions face
à des problèmes.
En page 3, troisième paragraphe. On vous souligne qu'il y aura
des mécanismes d'information qui devront sûrement suivre
l'adoption de cette loi. Nous tenions à vous informer que notre
corporation a pris ses responsabilités en termes de devoir informer ses
propres membres dans ce sens. Dès l'adoption de la loi sur la protection
des enfants maltraités, nous avions dans notre bulletin d'information
fait circuler, d'une façon précise, des obligations de la
professionnelle ou du professionnel infirmier en ce sens-là. La semaine
dernière, alors même que nous ne savions pas qu'aujourd'hui nous
nous présenterions en commission parlementaire, par le truchement de
notre ligne Zénith, nous avions, sur message enregistré, des
commentaires que nous nous proposions de vous présenter sur le projet de
loi 24. Cette ligne Zénith peut être employée tant par nos
membres que par le public.
A la page 3, quatrième paragraphe... En regard du
troisième paragraphe, où on parle des mécanismes
d'information, il faudrait peut-être se poser la question. Nous avons,
nous, des mécanismes pour informer nos membres. Est-ce que ce serait
là la raison qui viendrait expliquer que, dans les rapports du
Comité sur la protection de la jeunesse, à la page 52, on cite
les infirmières comme les professionnelles déclarant le plus?
Est-ce à cause de leur situation stratégique, très
souvent, ou à cause de leurs mécanismes d'information? On vous
laisse le choix de le valider, éventuellement.
Au quatrième paragraphe, on fait allusion aux
responsabilités très importantes que vous donnez au directeur de
la protection de la jeunesse. Nous, on considère qu'une même
personne qui assume autant de responsabilités peut le faire avec
beaucoup de compétence. Je pense qu'il faudrait... Dans notre
commentaire, on dit: II faudrait peut-être songer à un
comité consultatif, multidiscipli-naire, face à certaines
situations, pour aider davantage et bien centrer la situation
problématique pour évoluer vers des solutions plus
spécifiques pour l'enfant.
A la page 4, premier paragraphe, on commence par l'article 51. A
l'article 51 de ce projet de loi, on nous dit qu'il faudra prévoir des
services de santé. Pour nous, des services de santé doivent, et
on espère que le législateur l'a prévu, comporter l'aspect
physique et l'aspect psychique. Dans cet esprit-là, on reconnaît
que des psychologues ou d'autres professionnels, qui sont
intéressés à l'aspect psychique, peuvent vraiment aider la
famille ou l'enfant.
Dans un ouvrage récent, publié en 1977, et
intitulé: "The Abusing Family", dont les auteurs sont Blair & Blair,
l'un est psychologue et l'autre est un spécialiste en service social, on
insiste tellement sur l'aspect psychologique qu'on va même jusqu'à
parler de la nécessité d'un thérapeute, au niveau de la
famille et au niveau de l'enfant. On va jusqu'à demander que,
quelquefois, les thérapeutes soient différents pour qu'il n'y ait
pas de conflit d'intérêts, que le même thérapeute ne
doive pas, d'un côté, écouter l'enfant, et de l'autre,
écouter les parents. C'est une parution vraiment récente, mais
qui est aussi très intéressante par les concepts qui y sont
apportés.
A la page 4, deuxième paragraphe: On parle des centres
d'hébergement collectifs. Il y en a deux, au Québec. Les deux
sont situés à Montréal; l'un, grâce à la
générosité des Soeurs Grises, entre autres. Quand on parle
de situations problématiques où on doit placer et la mère
et l'enfant, je pense que la situation, en elle-même, est
déjà assez stressante et traumatisante que le fait de placer,
quelquefois, la mère dans un type d'institution et l'enfant dans un
autre type d'institution apporte encore un élément neuf en raison
de la séparation de la mère et de l'enfant. Alors, ces
hébergements où on retrouverait, dans une même institution,
et la mère et l'enfant, nous apparaissent vraiment une solution
indispensable et de l'avenir.
Au dernier paragraphe de nos commentaires, en page 5, à la
quatrième ligne... Je sais que le ministre actuel des Affaires sociales
est un fervent de cette politique. Nous considérons qu'on doit vraiment
retrouver, au niveau des services des soins à domicile, des services
accrus pour permettre que des infirmières visiteuses cela peut
être au niveau de la santé scolaire ou autre puissent
apporter cet élément de relance nécessaire et cette
présence régulière dans des milieux, lorsqu'il y a des
problèmes.
Ici, ce ne sont pas des infirmières qui affirment le rôle
de pivot de l'infirmière dans une situation, ce sont les auteurs Blair
et Blair qui disent, en regard de la "visiting nurse" qu'elle est quelquefois
le pivot et le seul lien qui n'est pas, pour la famille elle-même ou la
collectivité, présent avec un aspect négatif. Elle
n'apporte pas l'image de
judiciaire ou des choses comme cela. C'est quelquefois le seul lien qui
nous permette d'avancer dans la thérapie.
J'aimerais vous rapporter deux faits en regard de la présence des
infirmières. Au niveau du rapport sur le Comité pour la
protection de la jeunesse, quand on parle des services donnés aux
enfants et aux personnes abusées, on signale, une statistique en regard
des personnes abusées qui doivent aussi être aidées pour
permettre la réinsertion sociale après la réinsertion de
l'enfant dans sa famille, on signale, dis-je une statistique. Les
infirmières sont, à ce moment-là, impliquées
à 11,4% des professionnels qui aident les familles dans ce sens.
Il y a aussi une expérience dans la région de
Montréal où on peut conserver plus de 30% des enfants
maltraités dans le milieu même de la famille parce qu'il y a une
relance assurée par les infirmières des services des soins
à domicile, soit santé scolaire, ou maternelle et infantile.
En conclusion, je vous le signale, et c'est sûrement vrai, je ne
vous apprends rien de neuf, M. le Président et MM. les ministres, madame
et messieurs, en vous rappelant que l'année 1979 est proclamée
l'année internationale de l'enfant. Est-ce que le meilleur don qu'on
pourrait faire aux enfants ne serait pas d'arriver à la mise en
application d'une législation qui assurerait une protection efficace
à l'ensemble des enfants pour assurer véritablement la
qualité de la vie? Nous vous remercions et nous sommes disponibles pour
répondre à vos questions.
Le Président (M. Laplante): Merci, garde. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
infiniment l'Ordre je vais faire bien attention des
infirmières et des infirmiers du Québec de nous avoir fait part
de ses commentaires par écrit et des commentaires additionnels, que vous
nous avez soumis ce soir. Effectivement, les membres de votre groupe sont
certainement parmi ceux qui ont soutenu très étroitement les
travaux du Comité de protection de la jeunesse et qui l'ont même
grandement alimenté. Je pense que c'est l'indication très nette
de votre engagement concret. C'est beau le placotage, mais je suis toujours
plutôt porté à mesurer les engagements des gens à
leur comportement dans le concret, à voir dans quelle mesure cela vient
soutenir ce qu'on dit, ce qu'on écrit, et je serais bien mal venu, dans
le cas des membres de votre ordre, de ne pas signaler le fait que le placotage
a été effectivement très soutenu dans le concret. Cela
témoigne d'un engagement social chez vos membres et c'est à
souhaiter même que cela rende témoignage un peu aux autres aussi
un peu partout, parce que, surtout dans un dossier comme celui-là, qui
concerne les jeunes, je crois que tous les agents, tous les groupes, tous les
membres de ce qu'on appelle le réseau public et ce qui est en dehors
aussi, les groupes communautaires, l'ensemble des éléments et des
citoyens de la société, se donnent une espèce de mot
d'ordre pour aborder cette année 1979 en faisant un effort très
net, très marqué, qui devra toujours être
amélioré, bien sûr, mais franchir une étape
marquante, de ce côté-là. En ce sens, je vous remercie en
mon nom personnel et au nom des membres de la commission.
Très rapidement, étant donné l'heure, je voudrais
formuler une remarque, une question, si vous voulez, vous poser deux questions
très précises. Vous proposez, dans vos commentaires, que le
Comité de protection de la jeunesse reçoive obligatoirement un
avis, non seulement dans le cas des enfants maltraités, mais
également dans les cas où il y a menace au développement
mental, il me semble que vous avez évoqué ça, dans les cas
d'absence de soins adéquats.
L'idée qu'on avait essentiellement en préparant le projet
de loi 24, c'était de maintenir le droit, qui était
déjà prévu dans la loi des enfants maltraités, de
déclarer ces cas-là. Dans ce sens, les enfants maltraités
regroupent les cas extrêmes d'absence de soins ou de menaces au
développement mental et affectif, donc dans les cas extrêmes, en
ce sens, par extension, le Comité de protection à la jeunesse
sera automatiquement saisi.
Le fait d'ajouter, comme vous le proposez, l'obligation de
déclarer au Comité de protection de la jeunesse pour les deux
catégories proposées, est-ce que ça ne va pas nous poser
le problème suivant: d'une part, que le Comité de protection de
la jeunesse, on veut le garder, c'est comme ça qu'il a d'ailleurs fait
ses preuves, on Ta conservé comme une structure très souple et
très légère. Est-ce que vous ne pensez pas que le fait
d'extensionner l'obligation de déclarer d'autres cas pourrait
carrément le déborder, c'est-à-dire accumuler une telle
masse? Etant donné que, de toute façon, le Comité de
protection de la jeunesse, même s'il n'est pas automatiquement saisi de
tout dossier ou avisé de toute question, il garde le pouvoir et c'est
vraiment l'esprit de la loi et les pouvoirs qui lui sont accordés, dans
la mesure où on veut vraiment qu'il puisse pleinement jouer un
rôle d'ombudsman, il garde le pouvoir d'intervenir dans le dossier quand
il le juge à propos, même dans les cas et pour les cas pour
lesquels il n'a pas été avisé comme tel.
En plus, constamment, les enfants, les parents peuvent interjeter appel
ou demander au Comité de protection de la jeunesse d'intervenir. C'est
ma première question-remarque.
Ma deuxième question concerne la mise en place d'un comité
multidisciplinaire pour conseiller le directeur de protection de la jeunesse.
Encore là, est-ce que vous ne pensez pas qu'un comité, avec ce
que ça implique, structure, ça n'irait pas à
l'opposé de ce qu'on a cherché constamment, en tout cas, de ce
qu'on a essayé de conserver constamment comme préoccupation,
d'éviter de multiplier les structures, d'alourdir la machine, de
formaliser, en se disant, au fond, l'expérience, le vécu, la vie
quoi, va continuer à jouer son rôle et va elle-même
établir des choses?
Est-ce que vous ne craignez pas qu'un comité comme
celui-là puisse contribuer déjà, au point de
départ, à alourdir davantage? Une dernière question. Elle
est plutôt de taille et vous y attachez une
importance assez grande, vous l'avez signalée au passage. Comment
peut-on articuler concrètement cette proposition que vous nous faites de
tenir compte de l'âge? Vous parlez des plus jeunes. Je comprends,
évidemment, vous avez fait mention d'un adulte, d'un accompagnateur,
d'un défenseur, peu importe la formule que ça prend; mais quand
vous parlez des plus jeunes, comment, concrètement, peut-on articuler
une proposition comme celle-là, à votre point de vue?
Mme Tellier-Cormier: Je vais commencer par votre premier
commentaire qui se terminait par une réponse. Cela correspond, en page
3, au deuxième paragraphe de nos commentaires. A la pratique, on trouve
que ça fait coincider l'article 35b et f. Ce serait l'obligation de
déclarer et pour l'article 35b et pour 35f. A vivre des situations, on
réalise dans le champ clinique, qu'il est très difficile parfois
de faire la différence entre les deux. Or à partir de cette
difficulté qui peut faire que des enfants soient privés de
solution, face à des problèmes auxquels ils ont droit, c'est dans
cet esprit qu'on suggérait éventuellement que l'article 35b et f
soit traité de la même façon.
Socialement, on veut aller plus loin aussi, parce qu'on
connaîtrait peut-être davantage ceux qui ont les problèmes
d'un 35f, s'ils n'étaient pas les seuls visés par une telle
obligation. C'est une des raisons qui nous a fait opter pour demander que Ie
35d et le 35f soient traités d'une même façon. On vous dit
qu'il y a vraiment une difficulté très importante quelquefois
à arriver à pouvoir identifier ces cas-problèmes et, dans
cet esprit, on a fait cette suggestion au législateur.
Votre deuxième question touche le comité
multidisciplinaire qu'on propose. Cela fait référence à la
page 3, dernier paragraphe. On vous souligne qu'on l'a mis consultatif et, pour
nous, un comité multidisciplinaire, cela ne veut pas dire sept, cela ne
veut pas dire dix, cela peut vouloir dire quatre, cela peut vouloir dire cinq,
au maximum. Consultatif, cela veut dire lorsque la situation, à partir
de la variété de problèmes, l'exige. On ne pense pas que
c'est une lourdeur excessive. Cela permettrait peut-être d'arriver
à une réhabilitation et à une réinsertion sociale
ou familiale plus rapide chez cet enfant qui a des problèmes; c'est ce
que nous pensons.
Après, vous faites référence, à la page 2,
au paragraphe où on parle des plus jeunes. Vous savez, quand un
travailleur social, ou une infirmière, ou une autre personne capable
d'oeuvrer dans ce domaine doit entendre les parents qui ont leur perception de
la situation et ne peut pas avoir une personne indépendante de tout
intérêt face au problème pour tenir, en regard des droits
de l'enfant, nous, on trouve cela dangereux. Pourquoi cette possibilité
qui est introduite dans la loi de pouvoir consulter et informer l'enfant avec
qui on est capable de dialoguer, dans ce sens-là, pourquoi ne pas
prévoir cela pourrait être fait par voie de
règlement ou des choses comme cela une personne
indépendante qui pourrait agir et vraiment s'assurer que les droits de
cet en- fant sont reconnus, même s'il n'est pas capable de les exprimer
lui-même?
Le Président (M. Laplante): M. le ministre des Affaires
sociales.
M. Lazure: M. le Président, il me fait plaisir de
féliciter mes ex-collègues des soins infirmiers pour leurs
commentaires. Vos remarques au sujet des soins à domicile ne sont pas
tombées dans l'oreille d'un sourd. J'en profite pour souligner que les
infirmiers ou les infirmières constituent peut-être la
profession... pardon, les infirmières ou les infirmiers constituent
peut-être le groupe qui a le plus de crédibilité
auprès des familles et, depuis très longtemps,
l'infirmière est vue comme la personne qui vient aider les gens et non
pas comme la personne qui vient enquêter comme, parfois, la travailleuse
sociale est perçue.
Je ne peux qu'abonder dans ce sens et je souhaiterais que les centres de
services sociaux ouvrent plus leurs portes aux infirmières et
infirmiers, autant dans le domaine de la protection de la jeunesse que dans
d'autres domaines. J'ai bien l'intention de faire des efforts pour arriver
à persuader les centres de services sociaux. Je ne vois pas pourquoi
et je l'ai dit tantôt aux représentants de la corporation
des travailleurs sociaux professionnels le poste de directeur de la
protection ou, enfin, d'autres postes qui gravitent autour de cela, devraient
être occupés seulement par les travailleurs sociaux.
A l'article 37, la suggestion que vous faites d'y ajouter, en plus de ce
à quoi mon collègue a fait allusion tantôt, traitements
physiques, je suis presque honteux qu'on l'ait escamoté dans un sens,
mais, dans mon esprit, c'était couvert par l'article 36. Mais il serait
peut-être utile de l'expliquer aussi dans l'article 37. On en prend bonne
note.
Finalement, cela m'intrigue un peu, votre suggestion vous appelez
cela des centres d'hébergement collectifs si j'ai bien compris,
vous avez dit qu'il en existait deux?
Mme Tellier-Cormier: A Montréal.
M. Lazure: Quels sont-ils?
Mme Tellier-Cormier: Les noms...
M. Lazure: Où on peut héberger temporairement et la
mère et l'enfant.
Mme Tellier-Cormier: On héberge et la mère et
l'enfant.
Une Voix: Toute la famille.
M. Lazure: Toute la famille?
Mme Lavoie-Roux: La mère et l'enfant.
Mme Tellier-Cormier: J'ai dit la mère et l'enfant.
Mme Lavoie-Roux: La mère et les enfants.
Le Président (M. Laplante): ...
Mme Tellier-Cormier: La mère et les enfants.
M. Lazure: ...
Mme Tellier-Cormier: Je ne connais pas...
M. Lazure: Carrefour pour elles, c'est différent, je
connais Carrefour pour elles.
Mme Lavoie-Roux: Les Soeurs Grises, il y a à peu
près six mois ou un an.
Mme Tellier-Cormier: C'est cela, Carrefour pour elles en est
un.
M. Lazure: On va regarder cela d'un peu plus près. Cela me
paraît un concept intéressant.
Mme Tellier-Cormier: On sait combien l'enfant et la mère
qui vivent des situations aussi... c'est dramatique. On vient ajouter encore
ses parents, à ces êtres. Je pense que c'est une dimension qu'un
psychiatre est sûrement en mesure d'apprécier et
d'évaluer.
M. Lazure: C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux remercier
l'Ordre des infirmières et des infirmiers pour leurs commentaires. Je
pense qu'ils sont très modestes. A mon point de vue, ce sont plus que
des commentaires, il y a vraiment des suggestions très constructives.
Evidemment, vous tombez dans l'ordre des moyens, à plusieurs reprises.
Cela me rappelle des suggestions qui ont été faites par d'autres
organismes qui sont venus ici.
Il ne faudrait pas que le gouvernement oublie que là, on met un
cadre de protection pour les enfants. On essaie de le mettre pour assurer que
leurs droits soient protégés le mieux possible. Mais ce qui va
soutenir tout cela, c'est vraiment la qualité des services.
Là-dessus, je pense qu'il y a encore énormément de
carences. Il ne faut pas blâmer celui-ci et celui-là, c'est
vraiment l'évolution. Mais je pense que ce cadre qui était
nécessaire, essentiel va rester assez nu et ne servira pas les objectifs
pour lesquels on le crée si on ne se hâte pas, dans la mesure des
disponibilités financières et humaines, de remplir le vacuum et
d'assurer la qualité des services.
Il y a deux suggestions que vous avez faites, qui ont été
reprises par le ministre des Affaires sociales sur lesquelles je suis d'accord,
enfin, ce que vous appelez vos centres d'accueil collectifs. Très
souvent, ils empêcheraient des séparations de familles. Les
mères désemparées vont mener l'enfant ou les enfants pour
les faire placer, alors que, si on pouvait leur offrir un centre d'accueil, le
problème pourrait se résorber ou se résoudre sans avoir
à recourir prématurément à des placements ou
à des solutions qui n'ont pas d'autres portes de sortie. Des
problèmes apparaissent ne pas avoir d'autres portes de sortie que les
placements. Je pense que, du côté des ressources à
créer, c'en est une.
Je suis tout à fait d'accord aussi avec le ministre des Affaires
sociales sur la sous-utilisation qu'on a faite de certains professionnels dans
des approches thérapeutiques, dans un sens plus large, de
thérapie sociale, de gens qui ne sont pas nécessairement
identifiés comme des ressources sur le plan thérapeutique,
à son sens plus restreint. Je pense que, dans ce sens, les
infirmières, les enseignants et les auxiliaires familiales sont des gens
qui sont beaucoup moins menaçants pour les parents, en maintes
occasions, et qui sont peut-être les personnes à travers
lesquelles ils peuvent exprimer, au départ ou au départ
établir des liens qui peuvent déboucher, éventuellement,
sur un progrès plus rapide. Cela ne veut pas dire qu'on ne fasse pas
intervenir d'autres spécialistes à un autre moment, mais je pense
que cette valeur thérapeutique de certains groupes professionnels a
été sous-utilisée dans le travail auprès des
enfants ou des familles, sur le plan social ou psychologique et autre. Je pense
que, si le ministre des Affaires sociales veut penser à nouveau à
des solutions, à l'enrichissement ou à la meilleure utilisation
des ressources de ce côté, c'est certainement souhaitable. En tout
cas, je veux vous remercier. Je pense que vos quatre pages de commentaires
étaient extrêmement intéressantes et constructives.
Le Président (M. Laplante): Au sein des
députés du Québec, on a notre infirmier aussi. Il voudrait
vous poser des questions. M. le député de Limoilou.
M. Gravel: Je ne suis pas infirmier.
Le Président (M. Laplante): Vous n'êtes pas
infirmier?
M. Gravel: Non, j'étais moniteur en réadaptation.
Ce qui m'intrigue dans vos recommandations, c'est à la page 4, le
deuxième paragraphe: Les centres d'hébergement collectifs dont la
vocation serait d'héberger certains enfants et leur mère.
Pourquoi pas "et leur mère ou leur père"? Je ne dis pas "le
père ou la mère".
Mme Tellier-Cormier: Quand je relisais les commentaires, je me
suis dit: Pourtant, on va se faire poser la question. En fait, s'il y a des
problèmes où c'est la mère qui pourrait jouer le
même rôle, c'est évident que s'il y a un besoin pour la
mère et l'enfant, le même besoin est aussi existant pour le
père et l'enfant. On ne voulait pas apporter un élément
discriminatoire, certainement pas.
M. Gravel: Merci. C'est la seule question.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Sherbrooke.
M. Gosselin: Encore une fois, je veux signaler
que le témoignage que nous ont apporté les
infirmières du Québec, non seulement est techniquement
intéressant au point de vue des suggestions qu'elles nous ont faites,
mais en plus, est vraiment émouvant dans le sens où c'est
enraciné dans une constatation de la réalité qui
méritait d'être apportée ici. En ce sens, je vous sens
également, et permettez-moi de le signaler, un peu comme
l'interprète des familles québécoises dont on a tant
parlé depuis le début de cette commission, par les diverses
catégories de professionnels qui se sont succédé ici. En
tant que professionnels non mandatés, j'oserais prétendre que
vous en avez peut-être été les meilleurs
interprètes.
A cet égard, notamment, il me venait une réflexion pendant
que je vous écoutais, c'était le principe qu'on n'a pas entendu
et malheureusement, on n'entendra pas, à cette commission, les
représentants des familles monoparentales. Dieu sait si, comme groupe
social non organisé, soit dit en passant, même s'il y a des
embryons d'organisations, ces gens auraient eu énormément de
choses à dire. Il me semble que vous êtes le premier groupe ou
parmi les premiers groupes à cette commission qui nous ont
signalé l'importance de ces situations familiales concrètes, et
même des voies de solutions politiques, comme l'idée du foyer
collectif, qui mériteraient certes d'être déblayées,
d'être vérifiées à partir des expériences
limitées qu'on puisse en avoir au Québec, mais qui existe dans
d'autres pays qui sont beaucoup plus développés et qui sont
vraiment ces lieux d'intégration qu'on doive chercher et qui respectent
cette idée de l'intervention, non pas limitée, non pas
compartimentée auprès de l'enfant, mais un peu dans le contexte
global, dans le contexte familial. Je crois que vous avez été le
groupe qui a posé avec une netteté particulière ce
problème. Encore une fois, il m'est donné l'occasion de signaler
que sans votre présence, on aurait manqué quelque chose. Pour
l'avenir d'audiences semblables, si jamais on avait à reprendre autour
de la loi de l'adoption, qui va venir après les fêtes, il faudrait
sûrement penser à réinviter nos amies les
infirmières, mais aussi des familles derrière elles qui n'ont pas
pu s'exprimer, à mon avis, à cette commission. Je vous
remercie.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Richelieu, dernière intervention.
M. Martel: Je m'en voudrais de ne pas me joindre aux tributs
floraux qui sont adressés à l'ordre des infirmières. On
sait fort bien que l'Ordre des infirmières est à la fine pointe
de tout ce qui a trait à la santé au Québec.
C'est un peu à l'image du gouvernement. Il informe la population,
et les gens viennent également s'informer de nos lois, tout en apportant
une participation vraiment constructive.
Je remarquais tout à l'heure, par exemple, des commentaires
concernant l'accent qu'on semblait mettre sur la famille d'accueil plutôt
que sur l'institution et, un peu plus loin dans votre argumentation, vous
faisiez allusion aux soins à domicile. Vous n'êtes pas sans savoir
que les soins à domi- cile prennent de plus en plus d'ampleur dans notre
système d'assurance sociale au Québec. Nous y avons
consacré des budgets plus importants encore cette année et,
durant les années à venir, ça ira en augmentant.
Cependant, je me pose la question, en sachant fort bien que les soins
à domicile sont établis dans le but bien précis de
créer une ambiance vraiment humaine dans les soins apportés aux
malades et également dans un but économique, parce que ça
coûte vraiment moins cher que de traiter un malade dans un hôpital
conventionnel. J'aimerais cependant que vous vous expliquiez davantage lorsque
vous parlez, si j'ai bien compris, de prendre dans ces services de soins
à domicile, disons cette sphère d'activités qui n'est pas
touchée encore, concernant la réinsertion de l'enfant
délinquant par ce service d'infirmières à domicile.
J'aimerais avoir plus d'explications. De quelle façon voyez-vous cette
intégration, tout en tenant compte, évidemment, des buts
clairement établis de services de soins à domicile qui sont
là pour des types de personnes bien déterminés, qui
peuvent avoir des soins à la maison, car ce ne sont pas des personnes
qui peuvent avoir des soins particuliers à l'hôpital?
Mme Tellier-Cormier: Quand on parle de soins à domicile,
on ne fait pas référence uniquement à des soins physiques.
Il y a des infirmières qui sont spécialisées au niveau de
la maîtrise en psychiatrie. Ces infirmières peuvent apporter un
élément de soutien important à la famille qui est dans une
situation problématique, pour permettre de garder l'enfant dans son
milieu, mais aussi soutenir les parents dans une telle situation
problématique. Quand on parle des soins à domicile, si on parle
de l'infirmière visiteuse, il faut se rappeler que, dans les
départements de santé communautaire, vous avez aussi des
programmes des soins maternels et infantiles, des programmes préventifs
en psychiatrie et toutes ces choses-là. A ce moment ce sont encore des
infirmières ou des infirmiers qui peuvent oeuvrer par ce biais et se
rendre dans les milieux pour y travailler.
M. Martel: Vous y voyez surtout une action de prévention,
pas tellement une action curative, mais une action de prévention dans le
domaine...
Mme Tellier-Cormier: On y voit les deux.
M. Martel: Les deux?
Mme Tellier-Cormier: Oui.
Le Président (M. Laplante): Sur ce, mesdames, monsieur, on
vous remercie de la coopération que vous avez voulu donner à
cette commission.
Mme Tellier-Cormier: Est-ce que je peux faire une boutade, M. le
Président?
Le Président (M. Laplante): Absolument! Cela finit bien
une soirée.
Mme Tellier-Cormier: Vous aviez dit, à un moment
donné: Quand ce sont des femmes, c'est plus long. Alors, est-ce qu'on
fait la preuve que ça n'a pas été si long?
Le Président (M. Laplante): Vous vous souvenez de l'heure
du souper? Merci et bon retour. Je sais que vous redescendez à
Montréal.
Mme Tellier-Cormier: Oui.
Le Président (M. Laplante): Bonsoir.
Mme Tellier-Cormier: Merci et bonsoir. Le Président (M.
Laplante): Merci.
Mme Lavoie-Roux: Elles remontent à Montréal.
Le Président (M. Laplante): Vous remontez à
Montréal?
La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 48)