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Audition des mémoires sur
le projet de loi 24 Loi sur la protection de la
jeunesse
(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Laplante): Madame et messieurs, ouverture
de la commission mixte des affaires sociales et de la justice pour entendre les
mémoires sur le projet de loi 24, Loi sur la protection de la jeunesse.
C'est un ordre de l'Assemblée nationale.
Membres de cette commission: M. Alfred (Papineau), M. Bédard
(Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M.
Burns (Maisonneuve), M. Charbonneau (Verchères), M. Charron
(Saint-Jacques), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Clair (Drummond), M. Fontaine
(Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M.
Gravel (Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Johnson (Anjou), M.
La-berge (Jeanne-Mance), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Lazure (Chambly), M. Marois (Laporte), M. Martel
(Richelieu), Mme Ouellette (Hull), M. Paquette (Rosemont), M. Saindon
(Argenteuil), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Springate
(Westmount), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Tardif (Crémazie),
M. Vaillancourt (Jonquière).
J'aimerais avoir un proposeur pour nommer un rapporteur.
Une Voix: Je suggère le député de
Papineau.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Papineau, M. Alfred.
Maintenant, je vais donner la liste des organismes qui seront
possiblement entendus aujourd'hui. Organismes convoqués: Association des
centres de services sociaux du Québec. Les représentants sont-ils
dans la salle? Association des centres d'accueil du Québec. Association
des hôpitaux de la province de Québec. Fédération
des CLSC du Québec.
J'appelle le premier organisme: Association des centres de services
sociaux du Québec.
Pour les fins du journal des Débats, voudriez-vous, monsieur,
vous identifier et identifier les membres qui vous accompagnent?
M. Sabourin (Gilles): M. le Président...
Le Président (M. Laplante): Approchez vos micros, s'il
vous plaît.
M. Sabourin: Je voudrais vous présenter les membres de
l'Association des centres de services sociaux. A mon extrême droite, Me
Paule Gau-mond, du Centre des services sociaux de Québec, région
03; à ma droite Me Oscar D'Amours, responsable du contentieux au Centre
des services sociaux du Montréal métropolitain, région 6A;
à ma gauche, Mme Pauline Marois, responsable d'Enfance-Jeunesse au
Centre des services sociaux du Montréal métropolitain,
région 6A, et à mon extrême gauche, M. Jean-Guy Myre,
directeur des programmes Enfance-Famille, au CSS de Laurentides
Lanaudière, région 6C.
Le Président (M. Laplante): Je vous remercie, monsieur, je
vais...
M. Sabourin: J'aimerais m'identifier aussi, si vous le
permettez.
Le Président (M. Laplante): Excusez-moi.
M. Sabourin: Gilles Sabourin, vice-président et directeur
général de l'Association des centres de services sociaux du
Québec.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. Sabourin. M. le
ministre Marois.
Exposés préliminaires Le
ministre
d'Etat au développement social,
M. Pierre Marois
M. Marois: M. le Président, très brièvement
quelques remarques préliminaires, si vous le permettez. Je sais fort
bien que tous les groupes qui ont demandé à être entendus
sur le projet de loi 24 ont hâte de présenter leur point de vue.
D'ailleurs, si nous sommes ici ce matin, c'est précisément
d'abord pour les entendre. Je voudrais être le plus bref possible,
d'autant plus que je sais que mes collègues, le ministre de la Justice
et le ministre des Affaires sociales, voudraient aussi faire part de quelques
commentaires au point de départ.
Je voudrais seulement rappeler d'abord l'urgence
là-dessus, je pense que tout le monde est d'accord de faire
adopter au plus tôt une nouvelle loi de protection de la jeunesse pour
remplacer la loi actuelle, qui est forcément désuète
elle date de 1950 et qui ne correspond plus à la
réalité d'aujourd'hui.
Je voudrais aussi souligner l'importance de ce projet de loi. Au fond,
il cherche simplement à aider les enfants et les adolescents qui sont
encore peut-être encore trop parmi les groupes
laissés pour compte de notre société, qu'il s'agisse des
enfants abandonnés ou maltraités, de ceux qu'on doit placer en
institution ou dans d'autres familles ou de ceux qui ont enfreint les lois et
qui doivent faire face à la justice. Il n'est pas besoin d'insister
longuement sur la nécessité, pour une société qui
se veut civilisée, de trouver le moyen d'aider, de façon à
la fois humaine et efficace, ces jeunes qui sont en danger ou en
difficulté.
Pour bien faire comprendre la portée que ce projet de loi
pourrait avoir, je voudrais juste rappeler quelques conclusions d'une
étude très récente faite par le criminologue Marc Leblanc
et que le ministère des Affaires sociales a rendue publique en avril
dernier.
Chaque année, on sait qu'il y a environ 25 000 jeunes qui sont
arrêtés par les différents corps policiers pour avoir
commis un délit quelconque. Là-dessus, 8,000, à peu
près, d'après les chiffres qu'on m'a fournis, font l'objet d'une
condamnation de la Cour du bien-être social.
Mais ça, c'est uniquement la "criminalité officielle",
c'est-à-dire celle qui résulte du fait que le jeune se soit fait
prendre. Il y a, à côté de ça, toute une
"criminalité cachée" dont on soupçonne peut-être mal
l'ampleur.
Marc Leblanc cite, à ce propos, les résultats de pas moins
de sept études qui ont été faites au Québec au
cours des dernières années et qui démontrent que 90% des
adolescents commettraient au moins un acte illégal punissable par la loi
au cours de leur adolescence. Là, ça comprend vraiment tout,
soit, y compris, les infractions au Code de la route, aux règlements
municipaux, alors on voit jusqu'où ça peut aller. Ce n'est
peut-être pas mauvais pour chacun d'entre nous, les membres de la
commission parlementaire, de nous rappeler notre propre jeunesse, dans ce
sens.
Même si ceux qui commettent plus d'un délit sont
relativement peu nombreux, donc potentiellement, théoriquement en tout
cas, neuf adolescents sur dix pourraient, théoriquement, avoir à
répondre de leurs actes devant une instance quelconque. Ces chiffres,
cependant, ne doivent pas nous alarmer de façon excessive. C'est
peut-être là la dimension importante dans la mesure où une
certaine "délinquance" ou certains comportements, certaines attitudes
deviennent, comme le fait remarquer M. Leblanc, une façon d'apprendre
les normes de conduite qui doivent exister dans toute société et,
au fond, de les intérioriser.
Il y a une chose que ces chiffres illustrent avec beaucoup de
clarté, c'est la nécessité d'adopter une approche plus
humaine des problèmes de délinquance chez les jeunes. L'esprit de
cette loi vise justement à permettre, autant que faire se peut, de
sortir les jeunes du monde potentiel de la criminalité, au moment
où ils pourraient être en train de s'y introduire en favorisant
leur intégration dans la société plutôt qu'en les
bannissant. Le même phénomène existe un peu d'ailleurs dans
le cas des enfants maltraités, puisqu'on s'entend
généralement pour dire qu'il existe au moins deux fois plus
d'enfants maltraités que le nombre de cas déclarés.
Là encore, la loi cherche à donner à chaque enfant
la possibilité, autant que faire se peut, de vivre le plus pleinement
possible cette période fondamentale de la vie qu'est l'enfance. Ces deux
exemples au niveau des jeunes délinquants et des enfants
maltraités illustrent, je crois, la nécessité que nous
avons essayé de concrétiser, c'est-à-dire cette
nécessité de mettre en oeuvre une approche plus humaine, plus
proche des besoins des jeunes et qui limite l'intervention du judiciaire pour
les cas où elle est nettement indispensable, et même dans ces cas
où elle est indispensable, en essayant de faire en sorte que cette
intervention soit aussi la plus humaine possible.
Ce caractère de déjudiciarisation du proces- sus, tout en
reconnaissant c'est là une clé du projet, je crois
cependant certains droits fondamentaux de l'enfant, me semble un peu un des
éléments clés du projet de loi 24 que j'ai eu l'honneur de
déposer en Chambre.
Pour actualiser le droit des enfants, on a essayé, dans toute la
mesure du possible, d'amener les organismes sociaux et judiciaires qui
existaient déjà, à mieux coordonner leur rôle
respectif, et à devenir plus efficaces. En ce sens, je tiens à
rendre témoignage à mes collègues de la Justice et des
Affaires sociales qui ont essayé, le plus honnêtement possible, de
saisir cette occasion pour placer le plus haut possible le débat et
leurs interventions respectives, pour vraiment mettre au-delà des
juridictions, parfois beaucoup trop fermées de chacun des
ministères, cette nécessité de tout faire pour fournir aux
jeunes tous les instruments et les moyens requis pour assurer leur plus plein
épanouissement.
Je dois dire à ce propos que nous nous sommes largement
inspirés pour ce qui est du rôle du futur comité de
protection de la jeunesse, de l'expérience de l'actuel comité,
qui ne s'occupe encore que des enfants maltraités, mais qui a
déjà fait, à notre avis, la preuve de l'efficacité
d'une structure qui reste souple et légère et dont une bonne
partie du travail était justement d'amener les organismes existants
à mieux jouer leur rôle. A ce niveau, je pense que le nouveau
comité de protection de la jeunesse, tel qu'il existera
éventuellement en vertu du projet de loi 24, pourrait jouer un
véritable rôle d'ombudsman des droits de l'enfant, partout
où cela pourrait être utile.
Je dois dire en terminant que je suis plutôt heureux du fait que
la plupart des groupes qui ont voulu se faire entendre sont, dans l'ensemble,
quant à l'esprit de la loi, quant à ses grandes lignes, d'accord
avec le projet de loi. C'est le signe que nous n'avons pas travaillé
inutilement au cours des derniers mois, pour compléter parce
qu'il faut être honnête sur ce plan ce qui avait
déjà été amorcé par d'autres qui nous ont
précédés.
Le projet de loi dont nous discuterons au cours des prochains jours
reste sûrement perfectible. Je pense que nous pourrons encore
l'améliorer à la lumière des recommandations qui seront
faites.
En terminant, je voudrais souhaiter la bienvenue et remercier, en
même temps, tous les groupes et les citoyens qui se sont donné
vraiment la peine de scruter le projet de loi, de l'examiner, de
préparer des mémoires, de venir ici, devant la commission, pour
témoigner, se faire entendre, afin de nous faire part de leurs
commentaires et de leurs remarques, de sorte que, ensemble, on puisse essayer
de faire le travail le plus constructif possible.
Voilà, M. le Président, les quelques brèves
remarques que je voulais faire en guise d'introduction. Je sais que nous aurons
l'occasion, dans une étape ultérieure, de débattre ce
sujet beaucoup plus longuement. Pour l'instant, je voulais m'en tenir à
ces quelques remarques. Je vais mainte-
nant laisser la parole à mes collègues de la Justice et
des Affaires sociales.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre de la
Justice.
Le ministre de la Justice, M. Marc-André
Bédard
M. Bédard: Avant que la commission n'entreprenne cette
consultation, j'aimerais, très succinctement, vous faire part des grands
principes qui ont guidé l'action du ministère de la Justice tout
au long de l'élaboration de ce projet de loi sur la protection de la
jeunesse, travail qui a été fait solidairement avec le ministre
des Affaires sociales, mon collègue des Affaires sociales, et
également le ministre d'Etat, M. Marois. Ce projet de loi qui s'inscrit
dans l'effort de revalorisation du processus judiciaire traduit notre
conviction, au niveau du ministère de la Justice, qu'il est non
seulement possible, mais souhaitable d'humaniser et de socialiser l'actuelle
Cour de bien-être social. Bien que je sois convaincu qu'il faille limiter
grandement le nombre d'interventions judiciaires quand il s'agit des jeunes, il
m'apparaît, M. le Président, tout aussi important de s'assurer que
leurs droits soient respectés non seulement lors de l'intervention
judiciaire, mais également tout au long de l'intervention sociale.
L'effort de déjudiciarisation que tous ont reconnu, je crois,
doit, sans ce projet de loi, à mon avis, impliquer l'appareil judiciaire
de façon que l'éternelle opposition entre l'intervention sociale
et l'intervention judiciaire se transforme en un équilibre productif et
surtout bénéfique pour les jeunes. Même si on ne transforme
pas rapidement des mentalités je ne me fais pas d'illusion
là-dessus par des textes de loi, je suis convaincu qu'à la
longue et par la pratique quotidienne, on peut parvenir à des
réajustements majeurs de ces mentalités.
Lorsque l'intervention judiciaire est nécessaire, nous avons
essayé d'assurer un plus grand respect du droit des enfants. C'est dans
cette perspective qu'ont été élaborées, entre
autres, les dispositions concernant la présence des avocats et les
auditions publiques. Sur ce point, je crois qu'il y aura lieu de faire des
réajustements ou de continuer une réflexion positive puisque des
arguments très importants et très valables ont été
soulevés dans la plupart des mémoires qui ont été
acheminés à la commission.
Egalement, nous avons élaboré ces dispositions en tenant
compte, par exemple, de la publication des faits et de l'appel des
décisions du tribunal.
Toutes ces dispositions ont été prises en vue d'un plus
grand respect du droit des enfants. Il fallait, et je termine là-dessus,
aussi prendre garde qu'en privilégiant l'intervention sociale on ne
donne lieu aux abus reprochés aujourd'hui à l'intervention
judiciaire. Afin de s'assurer que les enfants recevront les services
adéquats et que leurs droits seront respectés tout au long de
l'intervention sociale, nous avons élargi le rôle de l'actuel
comité de protection de la jeunesse en lui confiant, tel que l'a
explicité tout à l'heure le ministre d'Etat au
développement social, un rôle d'ombudsman des droits des jeunes.
Nous avons également voulu profiter de l'expérience acquise par
le comité, qui a amplement fait preuve de l'efficacité d'une
structure souple et légère où la lourdeur bureaucratique
est réduite au minimum. En terminant, M. le Président, je peux
vous assurer que nous sommes prêts à examiner toutes les
suggestions qui seront faites au cours de l'audition des mémoires, et
ce, d'une façon solidaire avec le ministre d'Etat au
développement social et mon collègue, le ministre des Affaires
sociales.
Le Président (M. Laplante): Avant de donner la parole au
ministre des Affaires sociales, j'aimerais faire une correction au profit du
journal des Débats. M. Grenier (Mégantic-Compton) est
remplacé par M. Le Moignan (Gaspé). M. le ministre des Affaires
sociales.
Le ministre des Affaires sociales M. Denis
Lazure
M. Lazure: M. le Président, pour moi, c'est un jour assez
important. Depuis une vingtaine d'années, j'ai eu l'occasion, d'abord
dans mon rôle de praticien auprès des jeunes, de constater les
déficiences de la loi actuelle, et, depuis un bon nombre
d'années, plusieurs, y compris mon prédécesseur aux
Affaires sociales, ont travaillé d'arrache-pied pour corriger plusieurs
lacunes importantes de la loi actuelle.
Le souci principal du ministère des Affaires sociales a
été, autant par efficacité que par économie, de ne
pas multiplier les structures, d'utiliser au maximum les services existants
dans le réseau des Affaires sociales, d'où la substitution des
comités locaux d'orientation par les directeurs de protection de la
jeunesse, rattachées aux centres de services sociaux.
Le deuxième souci a été de réduire le nombre
des comparutions, d'une part, et aussi ceci est fait en partie par la
clause qui exempte de comparution tous les enfants de moins de 14 ans
d'autre part, de réduire les stages en institution. Au Québec,
nous avons un taux disproportionné d'enfants en institutions de toutes
sortes, y compris institutions, centres d'accueil pour mésadaptés
sociaux.
Je suis conscient, comme responsable des Affaires sociales, que cette
loi, si elle est acceptée à peu près comme telle, imposera
un fardeau très lourd sur les épaules des centres de services
sociaux, très lourd sur le personnel des services sociaux dans
l'ensemble du Québec et très lourd aussi sur le personnel des
centres d'accueil. Je me réjouis à l'avance de leur
collaboration. Cette structure, plus légère que le centre local
d'orientation, nous voulons aussi qu'elle utilise à son tour d'autres
structures encore plus légères, et je fais allusion ici aux CLSC,
aux centres locaux de services communautaires, et je fais allusion aux
organismes bénévoles qui se dévouent auprès des
jeunes délinquants, des jeunes mésadaptés. Ce n'est
pas parce que le texte de la loi prévoit que la responsabilité
principale incombera au directeur de la protection de la jeunesse d'un CSS, que
les autres organismes du réseau, qui sont encore plus rapprochés
des localités, que les Centres locaux de services communautaires et les
organismes bénévoles doivent s'en désintéresser,
loin de là.
Je pense que dans l'esprit de personne il ne s'agit d'un monopole, et
nous souhaitons que le bénévolat et les CLSC puissent se joindre
à l'action des centres de services sociaux.
Enfin, je retrouve plusieurs collègues, plusieurs
ex-collègues des différents secteurs, CSS, centres d'accueil,
CLSC et AHPQ ici, ce matin, et, comme mes deux autres collègues, je puis
assurer les représentants des groupes qui sont ici aujourd'hui, comme
ceux qui viendront plus tard, que nous sommes ouverts à toute
modification qui pourra bonifier ce projet de loi.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
Remarques de l'Opposition M. Claude Forget
M. Forget: Merci, M. le Président.
Pour la troisième fois en cinq ans, une commission parlementaire
est convoquée pour étudier une législation, un projet de
loi relatif à la protection de la jeunesse.
La première réaction qu'un tel événement
suscite, c'est d'abord d'exprimer un peu d'émerveillement et même
de gratitude devant l'empressement et la diligence avec lesquels les nombreux
groupes qui ont préparé les mémoires ont accepté,
encore une fois, de remettre sur le métier leur propre conception de la
protection de la jeunesse et d'en faire part à l'Assemblée
nationale. Il y a sans aucun doute parmi ceux qui sont présents
aujourd'hui dans cette salle, c'est certainement vrai pour votre humble
serviteur, un certain air de déjà vu dans ces projets, mais je
crois que tous nous pouvons convenir qu'il y a eu un progrès
remarquable, une évolution remarquable entre le premier projet de 1972,
l'avant-projet de 1975 et le texte qui est actuellement devant nous. Le
progrès n'a cependant pas été fait seulement au niveau des
textes. Ce en quoi il est le plus remarquable, c'est qu'il a également
été fait au niveau des esprits. Parce que tout ce cheminement qui
n'est pas seulement un cheminement législatif qui a rendu possible la
formulation d'un texte comme celui que nous avons devant nous, montre combien
c'était nécessaire de prendre ce temps et, en prenant autant de
temps, de faire l'économie d'un certain nombre de modifications qui
auraient été rapidement décevantes ou jugées
décevantes et qui n'auraient pas subi très favorablement
l'épreuve de même quelques années d'expérience.
Donc, tout n'est pas perdu. Je souscris sans peine aux propos du
ministre au développement social quant à l'urgence de l'adoption
d'un projet de loi nouveau. Il demeure que nous pouvons tous nous
féliciter, je crois en lisant les mémoires comme le projet
de loi, on en a de nombreux témoignages des progrès qui
ont été réalisés dans l'élaboration de
solutions. Je ne pense pas qu'il y ait eu de revirement spectaculaire chez qui
que ce soit, mais il y a eu un très grand effort pour rendre explicite
ce qu'on était relativement satisfait au départ de laisser
implicite. Cela, en soi, est un progrès puisqu'on s'est rendu compte,
par toutes ces discussions, jusqu'à quel point ce qui était
implicite prêtait parfois à controverse ou à débat.
Dans le texte, tel qu'il apparaît aujourd'hui je dois le dire
puisque le ministre d'Etat a ouvert la porte à cette question il
y a bien sûr un grand nombre de choses qui, encore une fois, apparaissent
comme du déjà vu. Effectivement un grand nombre d'articles sont
essentiellement les conclusions auxquelles moi-même et le groupe que je
représente de ce côté-ci de l'Assemblée en
étions venus à adopter, comme conclusions finales, mais il y a
c'est ce qu'il y a de plus remarquable un certain nombre de
changements qui portent sur des aspects essentiels de cette loi, des aspects
qui sont d'ailleurs mis en lumière par le fait qu'exceptionnellement il
s'agit d'une réunion conjointe de la commission de la justice et des
affaires sociales. En effet, c'est sur ce point en particulier que les travaux
de cette commission devraient nous aider à voir le pour et le contre des
solutions envisagées je crois qu'il est aussi honnête de le
préciser où il y a eu, au cours des derniers mois, un
changement par rapport à ce qui était envisagé.
Je pense en particulier au comité d'orientation auquel on a fait
allusion tout à l'heure, qui ne figure plus dans le projet de loi, et
aux transformations de la cour et à certaines règles de
procédure de la cour quant au caractère public ou privé
des auditions, etc. Mais, essentiellement, il s'agit, pour cette commission, de
s'éclairer ou d'être éclairée par ceux qui se
présentent devant elle quant à la meilleure façon de
concilier les considérations judiciaires, les considérations de
justice, les considérations de rééducation, de
réhabilitation et les considérations sociales qui doivent se
retrouver présentes dans un projet de loi sur la protection de la
jeunesse.
Je n'ai d'autre but que de soulever cet aspect capital, à mon
point de vue, du projet de loi et l'importance que j'y attacherai
personnellement au cours des travaux de cette commission, puisque, encore une
fois, c'est là qu'il y a eu le plus de débats, le plus de
changements et le plus de possibilités de voir les choses d'une
façon ou d'une autre. Quant au reste, M. le Président, je n'ai
pas l'intention de répéter, sauf peut-être pour les
rappeler très brièvement, les préoccupations que je crois
devoir retrouver dans une législation sur la protection de la jeunesse.
Nous avons souligné, dans le passé, le besoin de faire en sorte
que l'arbitraire administratif, dans ce domaine, soit réduit à sa
plus simple expression, ou même éliminé
complètement. Nous avons également, dans le passé,
souligné l'importance d'augmenter la force du lien qui doit exister
entre celui qui intervient au nom
de la société auprès d'un enfant en
difficulté et cet enfant lui-même; de personnaliser ce rapport et
de tout faire, dans la loi et dans la façon dont la loi est
appliquée, pour que ce lien ne soit pas un lien entre un enfant et une
institution anonyme, mais un lien chargé de tout le contenu humain
beaucoup plus divers, beaucoup plus riche qui doit s'établir entre un
enfant et un adulte qui, au nom de la société, en prend
charge.
Il est bien sûr aussi important et je crois que,
là-dessus, un certain nombre de progrès ont été
faits dans la formulation des droits des enfants il est important de
traiter l'enfant, en particulier devant les tribunaux, comme un sujet ayant des
droits au moins égaux à ceux des adultes dans des circonstances
analogues. On sait très bien que ce n'est pas le cas dans le moment, non
pas par la mauvaise volonté de qui que ce soit, mais par la façon
dont les relations et les fonctions sont définies. Enfin, M. le
Président, je crois que ce qui doit dominer avant tout nos perspectives
dans une telle tâche, c'est de faire en sorte qu'étant
donné qu'il s'agit d'enfants, étant donné que, plus que
dans le cas des adultes, il est permis d'espérer dans le cas des enfants
que les difficultés qu'ils traversent ne sont que temporaires, il est
absolument capital que la rééducation et la réadaptation
de l'enfant prennent le pas dans tous les cas sur la punition ou la
rétribution en fonction des stricts préceptes juridiques ou
judiciaires.
Alors, M. le Président, je crois qu'il n'y a pas autre chose
à dire, pour le moment.
Je n'ai certainement pas autre chose à faire qu'écouter
très attentivement ceux qui vont nous adresser la parole, en
espérant que nous pourrons terminer cette commission parlementaire dans
l'harmonie la plus parfaite. Je crois qu'il y a de bonnes chances qu'il en soit
ainsi, étant donné, en particulier, comme je l'indiquais au
début, l'immense cheminement qui a été fait. Ce
cheminement a amené tout le monde du moins, c'est ma perception
à peu près aux mêmes conclusions, sauf sur certains
points de détail, en tenant compte des points de vue qui sont
peut-être irréconciliables concernant une certaine approche
judiciaire ou une certaine approche sociale. De toute façon, c'est ce
que nous allons constater au cours de ces séances.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le
député. M. le député de Pointe-Claire.
M. William Frederic Shaw
M. Shaw: Merci, M. le Président. Je vais être
très bref, je n'ai que quelques remarques à faire sur le projet
de loi que je considère comme un des plus importants que nous allons
étudier durant cette session. Le but de cette commission parlementaire
est d'étudier le projet de loi 24, Loi sur la protection de la jeunesse,
en essayant d'améliorer le système de la justice pour les jeunes
du Québec. On peut constater qu'au Québec le système
actuel est un des pires dans le monde occidental.
Ce projet de loi essaie de valoriser les besoins de nos enfants et
l'intervention de l'Etat pour leur protection ou leur bien-être. L'esprit
de la loi prévoit une meilleure définition des droits des enfants
et suggère un système d'intervention par un comité de
protection de la jeunesse, par l'intermédiaire d'un directeur de la
protection de la jeunesse, qui veut réduire le nombre de cas devant
être réglés à la cour de la jeunesse.
En respectant le fait que les pouvoirs de ce directeur de la protection
de la jeunesse doivent être étudiés sérieusement
pour le rendre plus responsable, l'application de cette loi implique que les
outils soient à la disposition des centres d'accueil ou des autres
facilités ou même que le réseau d'expertise soit disponible
pour mettre en action l'esprit de cette loi.
On sait que la situation actuelle démontre la crise dans le
domaine de la protection de la jeunesse. J'espère que l'étude de
ce projet de loi va éclairer les faits et que le résultat ne sera
pas qu'une amélioration législative, mais aussi administrative,
pour la jeunesse désavantagée du Québec.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le
député de Pointe-Claire. M. Sabourin, vous avez environ vingt
minutes pour donner un résumé de votre mémoire. Les
membres de la commission poseront des questions après votre
résumé. Je demanderais aussi la coopération des membres de
la commission pour que les questions soient précises et courtes, afin
qu'il y ait le plus de membres possibles qui puissent poser des questions sur
le mémoire.
M. Sabourin.
Association des centres de services sociaux du
Québec
M. Sabourin: Comme l'a dit M. Forget, c'est la troisième
fois en cinq ans que l'Association des centres de services sociaux du
Québec comparaît devant cette commission pour commenter des
projets de loi sur la protection de la jeunesse.
Nous avons déjà eu l'occasion d'indiquer nos points de vue
sur un système québécois de protection de la jeunesse. Le
présent projet de loi nous semble satisfaisant à bien des
égards. C'est pourquoi notre intervention aujourd'hui, compte tenu de
nos interventions antérieures, se veut brève mais
concrète.
Dans un premier temps, nous voulons indiquer notre accord fondamental
avec les deux grandes orientations de base du présent projet de loi.
Dans un deuxième temps, M. le Président, nous aimerions
attirer votre attention sur certaines difficultés prévisibles
d'opérationnalisation de la loi, en particulier au niveau du concept de
prise en charge de l'enfant en difficulté par le directeur de la
protection de la jeunesse et de ses relations avec les autres
établissements du réseau.
Enfin, nous vous soumettrons des propositions d'ordre juridique
concernant la compétence du Tribunal de la jeunesse et la tutelle
légale pouvant être assumée par le directeur de la
protection de la jeunesse.
M. le Président, nous sommes d'accord avec les deux grandes
orientations de base du présent projet de loi, à savoir la
volonté explicite de respecter les droits de l'enfant, la reconnaissance
de l'antériorité d'une intervention sociale sur l'intervention
judiciaire.
La volonté explicite de respecter les droits de l'enfant.
L'Association des centres de services sociaux du Québec est
très conscients que le chapitre II du présent projet de loi ne
constitue pas une véritable charte des droits de l'enfant comme nous
l'avons toujours revendiqué. Cependant, le législateur s'appuiera
désormais sur une affirmation des droits de l'enfant. Il identifie,
comme point de référence central, le droit à la
santé, le droit à la sécurité et le droit au
développement dans un milieu familial normal ou s'y rapprochant.
Il établit en outre son droit à être entendu,
à être consulté, à être informé. Le
législateur affirme, de fait, la nécessité de respecter
les droits de l'enfant dans toutes les décisions prises, tout en tenant
compte des droits des parents et en affirmant leurs responsabilités
fondamentales.
Le terrain gagné à ce chapitre est assez important et en
particulier le fait de rendre l'enfant objet de droit, pour que l'Association
des centres de services sociaux du Québec puisse considérer le
projet de loi acceptable, sans pour autant abandonner sa revendication d'une
véritable charte des droits de l'enfant.
La reconnaissance de l'antériorité de l'intervention
sociale sur l'intervention judiciaire. Un deuxième acquis de la
présente législation est la reconnaissance de
l'antériorité de l'intervention sociale sur l'intervention
judiciaire. Ce souci de déjudiciariser la prise en charge des enfants en
difficulté rencontre les attentes de la majorité des organismes
qui ont comparu devant vous, tant en 1972 qu'en 1975.
Ainsi, les intervenants sociaux pourront favoriser l'application de
mesures volontaires de protection et privilégier une approche d'aide
auprès des enfants et des jeunes en difficulté. Par ailleurs, les
dispositions du présent projet de loi permettent de donner toute son
importance à l'appareil judiciaire en le faisant intervenir à
titre d'arbitre et garant des droits de l'individu.
M. le Président, ceci dit, il nous apparaît important
d'attirer maintenant votre attention sur un second point de
préoccupation, pour nous, soit les difficultés
d'"opérationnalisation" de la loi, particulièrement en ce qui a
trait à la notion de prise en charge au sein du réseau des
affaires sociales.
En effet, on peut se poser la question, à savoir comment les
principes de fond véhiculés par la loi pourront-ils s'articuler
et engager l'action dans le quotidien? Bien sûr, c'est là qu'est
tout le défi et en même temps toute la difficulté. Nous
voudrions dégager ici un certain nombre de réalités sur
lesquelles il faudra compter et sans lesquelles aucune action ne sera
possible.
Au-delà et par-dessus toutes les difficultés de
fonctionnement, il est essentiel de se rappeler, premièrement et
d'abord, que nous sommes là pour actualiser la notion de protection
auprès d'enfants ou de jeunes en besoin ou en difficulté.
Etre accessible, offrir des services continus et de qualité,
encore des grands mots auxquels nous osons croire, oui, parce que nous savons
que nous pourrons compter sur la présence et la disponibilité
d'un réseau dont les bases existent et pour lequel un encadrement a
déjà été prévu par la Loi sur les services
de santé et les services sociaux, au chapitre 48. Cependant, dans les
faits, il faudra d'abord compter sur la capacité de l'individu ou de la
famille de se prendre en charge et de s'assumer, mais nous sommes
à même de le constater certaines familles sont parfois
dépassées par ces mêmes responsabilités et l'on sait
très bien que les moyens que la société met à leur
disposition ne suffisent pas. L'enfant, le jeune, est à ce titre celui
qui risque, tout compte fait, d'être le plus malmené, celui qui a
peu ou pas de moyens de défense.
Dans ce contexte, reconnaître à un organisme du
réseau des affaires sociales, soit le centre des services sociaux, un
rôle premier, c'est d'abord et avant tout reconnaître la
vulnérabilité de la clientèle à desservir. On
pourrait être tenté de sauter à des conclusions trop
hâtives, lorsqu'on regarde la loi, c'est-à-dire qu'on pourrait y
voir c'est l'interprétation qu'on peut facilement faire en lisant
la loi la subordination des organismes du réseau par un
superorganisme qui s'appellerait le centre des services sociaux.
Oui, bien sûr, le directeur de la protection de la jeunesse a,
dans le contexte des centres de services sociaux, un rôle particulier
à jouer. Il sera celui qui devra assurer l'accessibilité et la
continuité dans la prise en charge au sein et dans le réseau dont
les partenaires devront être tout aussi présents. C'est en ce sens
que nous affirmons que le centre des services sociaux est avant tout un membre,
un établissement d'un réseau complémentaire et
interdépendant dont les collaborateurs sont tant les centres locaux de
services communautaires et les centres hospitaliers que les centres
d'accueil.
A ce titre d'ailleurs, considérer, entre autres, le centre
d'accueil, comme peut le laisser voir le projet de loi sur la protection de la
jeunesse, comme un pur lieu d'hébergement ou comme un
établissement où le jeune va faire du temps, c'est nier la notion
de complémentarité, c'est avoir une vision restrictive de sa
vocation de réadaptation, c'est faire fi de l'expertise qu'il a su
développer.
Notre expérience des dernières années,
malgré les embûches et les faux pas, nous incite à croire,
avec eux, à la mission d'un réseau dont les fins
dépasseraient les débats politiques. C'est d'ailleurs, M. le
Président, cette position ferme que nous comptons avoir dans le cadre de
la prochaine mission provinciale d'implantation de la loi 24. Ensemble, chacun
et tous d'autres établissements vont probablement vous le dire
il importera de pouvoir compter sur le sens des responsabilités
d'une collectivité représentée par les parents
eux-mêmes, les groupes de bénévoles, le
volontariat et, enfin, les organismes d'un réseau qui mettront
tout en oeuvre pour répondre de façon personnalisée et
dans le sens de la qualité aux attentes qui lui seront
exprimées.
Si la loi voulait créer un lien de dépendance entre le
centre des services sociaux, son directeur et les autres établissements
c'est l'interprétation qu'on devait en faire il y aurait
sûrement un grand risque d'échec, risque que les intentions, si
louables soient-elles, ne soient sapées à la base. En ce sens,
nous sommes d'accord et solidaires avec nos partenaires du réseau. Par
ailleurs, et dans ce contexte, il ne faudra pas non plus demander au directeur
de la protection de la jeunesse d'être un surhomme ou un magicien, ni au
centre des services sociaux de faire des miracles. Le directeur sera
responsable de la protection de l'enfance au sein d'un centre, mais il ne
pourra régler les conflits de vocation non clarifiés, ni le sort
des individus qui ont tendance à toujours remettre à d'autres des
responsabilités qui leur reviennent. Nous avons confiance en nos
collaborateurs. Nous avons confiance en notre capacité d'établir
les liens nécessaires à l'atteinte des objectifs de fond. Nous
savons que nous pouvons compter sur des partenaires compétents et
disponibles. Nous osons croire que ces attentes sont réciproques.
Le dernier volet, et non le moindre, sur lequel nous voulons attirer
tout particulièrement votre attention consiste en l'étude des
fondements juridiques de la protection de la jeunesse. Cette étude,
menée par les avocats oeuvrant au sein des centres de services sociaux,
nous permet d'affirmer que le cadre constitutionnel actuel autorise
l'Assemblée nationale du Québec à légiférer
en matière de protection de la jeunesse, à accorder au Tribunal
de la jeunesse tous les pouvoirs d'application des mesures de protection, y
compris celles de prononcer la déchéance de l'autorité
parentale et de déterminer et la tutelle légale et son cadre.
Cette option a pour effet de créer une homogénéité
en matière de protection de la jeunesse, tant et aussi longtemps que
nous n'aurons pas un tribunal unique et spécialisé pour
décider les matières touchant la famille.
Pour vous livrer les fondements de nos prétentions, je
demanderais à Me Paule Gaumond de vous adresser la parole.
Mme Gaumond (Paule): M. le Président, dans leur
étude du projet de loi de la protection de la jeunesse, les contentieux
des centres de services sociaux, comme vient de le souligner M. Sabourin, ont
tenté de répondre aux questions suivantes: Premièrement,
d'où nous vient le système de protection de la jeunesse et quel
est son fondement constitutionnel? Deuxièmement, quelle est
l'autorité judiciaire compétente pour administrer les lois
édictées en vertu d'un tel système? Troisièmement,
nous nous sommes interrogés, à savoir si la notion de
déchéance d'autorité parentale pouvait être
attribuée au Tribunal de la jeunesse. Enfin, à la question de la
tutelle légale.
Le système de protection de la jeunesse est avant tout une
application moderne du "Poor Law System" qui existait en Angleterre. Ce
système s'est vu introduire au Canada vers 1760 et il a
été consacré dans l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique. Nous avons explicité ce point dans le mémoire et
nous n'entendons pas y revenir ce matin. Toutefois, nous pouvons, dès
maintenant, vous expliquer que le "Poor Law System" anglais constituait un
ensemble des mesures législatives adoptées par l'Etat et visant
à prendre en charge des personnes ayant besoin de protection.
C'était ce qu'on appelait, en droit anglais, l'exercice de l'Etat, de sa
prérogative royale à titre de "parens patriae".
Avec la venue du pacte confédératif de 1967, les
législatures se sontvu confier une compétence exclusive pour
édicter des lois en vue de cette prise en charge par l'Etat des
personnes en besoin de protection sociale. Ce champ des compétences est
prévu au paragraphe 7 de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique. C'est donc au niveau de l'article 92.7 que réside le
fondement constitutionnel, d'une législation visant la mise sur pied par
l'Etat d'un système de protection de la jeunesse, tel que le
préconise le projet de loi actuel.
Il revient donc à une Législature et à une
Législature seule d'établir un tel système de protection.
Cette compétence exclusive, conférée à la
Législature, a d'ailleurs été maintes fois
confirmée par la Cour suprême du Canada, notamment dans un
arrêt de 1938 intitulé: "In re Adoption Act". Cette
compétence exclusive, que possède le Québec, de
légiférer sur cette matière est très vaste. Il
serait trop long ici, ce matin, d'essayer de vous en donner toute
l'étendue de ce pouvoir conféré au Québec par le
paragraphe 7 de l'article 92.
Cependant, nous sommes toutefois en mesure de vous affirmer que le
Québec jouit des pleins pouvoirs pour légiférer sur toutes
les mesures à prendre pour rendre efficace le système de
protection de la jeunesse, c'est-à-dire, par exemple, que vous avez le
pouvoir constitutionnel de créer un Tribunal de la jeunesse pour veiller
au respect des dispositions de la Loi de la protection de la jeunesse.
Vous pouvez également constituer un tel tribunal et y nommer des
juges et des officiers de justice, de même que toute autre personne
nécessaire pour l'application des mesures prévues par votre
législation.
En effet, d'une part, ces mesures prévues dans cette
législation en sont qui, de par leur nature, pourraient s'insérer
dans le champ exclusif des compétences de l'Assemblée nationale
et, d'autre part, l'actuel projet de loi ne vise pas à accorder aux
membres du Tribunal de la jeunesse une juridiction sur des matières qui,
avant 1867, relevaient de la juridiction des tribunaux
énumérés à l'article 96 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, ce qui aura eu comme conséquence
d'empêcher la constitution d'un tribunal où les juges seraient
nommés par l'Assemblée nationale.
Parmi les mesures préconisées par le projet de loi de
protection de la jeunesse, apparaît également la notion de
déchéance de l'autorité parentale. Nous sommes d'accord
avec ce principe. Toutefois, nous nous sommes interrogés pour voir
s'il était possible que cette déchéance soit
prononcée par le Tribunal de la jeunesse plutôt que par la Cour
supérieure. Nous sommes aujourd'hui en mesure de vous prouver que le
Tribunal de la jeunesse serait parfaitement compétent pour se prononcer
sur la déchéance de l'autorité parentale. Si on regarde le
principe posé par la Cour suprême du Canada en 1973 dans
l'arrêt du Séminaire de Chicoutimi, il a été
décidé que ne peuvent être du ressort d'une cour autre
qu'une cour supérieure les matières entrant dans la juridiction
exercée en 1867 par la Cour supérieure. Or, rien dans le projet
de loi actuel nous permet de croire que les matières traitées
relevaient avant 1867 d'une cour supérieure.
Au contraire, la notion de déchéance de l'autorité
parentale est un concept de droit nouveau. Cependant, malgré ce fait, il
existait quand même déjà certaines formes de
déchéance en droit québécois. Qu'il suffise de
parler de suspension ou du retrait de certains attributs de l'autorité
parentale qui étaient déjà présents chez nous.
Qu'il suffise de mentionner cette notion que l'on retrouve à l'article
7b de la Loi de l'adoption. Les décisions rendues à ces fins
l'ont toujours été par des juges appartenant à des cours
autres que la Cour supérieure.
Il est donc clair que le Québec a le pouvoir d'attribuer au
Tribunal de la jeunesse le soin de décréter la
déchéance de l'autorité parentale, et nous croyons
souhaitable que la responsabilité de la protection de la jeunesse
incombe à une seule instance, à savoir le Tribunal de la
jeunesse.
Avant de terminer, j'aimerais vous dire quelques mots sur la notion de
tutelle. Contrairement à ce qu'on croit trop souvent, au Québec
il n'y a pas que des tutelles datives. Bien que les auteurs comme Migneault,
Sirois, Trudel reconnaissent le fait que les tutelles sont datives au
Québec, ils n'en reconnaissent pas moins l'existence d'une tutelle
légale. Même nos tribunaux ont sanctionné cet état
de fait. Si cette tutelle légale existe, nous croyons que dans le cadre
d'une Loi de protection de la jeunesse qui trouve son application dans la
situation où ceux qui avaient pour mission d'assurer la protection de
l'enfant, n'ont pu, pour diverses raisons, réaliser cette fin, il est
important, sinon essentiel, que l'on prévoie l'existence d'une tutelle
légale.
On se doit de saisir l'occasion qui nous est offerte par l'actuel projet
de loi pour déterminer les tenants et les aboutissants d'une telle
tutelle.
Dans cette optique, nous vous proposons que l'article 67 de l'actuel
projet de loi soit remplacé de façon que le directeur de la
protection de la jeunesse soit d'office désigné comme tuteur
légal des enfants dans les cas suivants: Premièrement, lorsque le
Tribunal de la jeunesse aura prononcé la déchéance de
l'autorité parentale ou en aura suspendu certains attributs.
Deuxièmement, lorsque ce même tribunal aura
déclaré judiciairement des enfants abandonnés.
Troisièmement, enfin, lorsque des enfants auront
été trouvés.
Cette tutelle légale pourra être
déléguée par le directeur de la protection de la jeunesse
à une personne qu'il désignera. Cependant, si la personne
désignée en est une qui n'oeuvre pas au sein d'un
établissement, nous suggérons que pour que cette
désignation soit valable, qu'elle reçoive l'approbation du
Tribunal de la jeunesse.
Enfin, cette tutelle légale pourra prendre fin, soit à
l'échéance de l'ordonnance de protection, soit au prononcé
d'un jugement d'adoption en faveur de l'enfant, ou enfin dans les cas où
il y aurait un tuteur de nommé à l'enfant par la Cour
supérieure, conformément aux dispositions prévues au Code
civil. Mais, dans ce dernier cas, nous souhaiterions que le directeur de la
protection de la jeunesse soit mis en cause dans ces procédures.
Quant aux devoirs et pouvoirs du directeur de la protection de la
jeunesse comme tuteur légal, nous croyons qu'il est possible qu'il ait
les devoirs et les pouvoirs d'un tuteur nommé conformément aux
prescriptions du Code civil, exception faite des responsabilités du
tuteur prévues aux articles 1054 et 2030 du Code civil. Merci.
Le Président (M. Laplante): Merci, juste 20 minutes.
M. le ministre d'Etat au développement social.
M. Marois: M. le Président, simplement une première
remarque et une première question. Je pense qu'il s'agit d'un
mémoire qui on le voit bien a été
drôlement fouillé; je pense que vous avez fait un travail
remarquable, parce qu'il fallait le faire, entre autres toute cette partie,
relever toute l'histoire juridique des pouvoirs constitutionnels du
Québec. C'est une question sur laquelle il faut forcément
s'arrêter et penser sérieusement, d'autant plus que, pour
être très franc et très honnête, compte tenu de la
nature du problème en question, compte tenu aussi de l'urgence
d'aboutir, il n'a jamais été dans notre intention de commencer
des bagarres à n'en plus finir avec le fédéral. On a
essayé de ramasser les morceaux en essayant de percevoir le mieux
possible les pouvoirs constitutionnels du Québec, à partir d'un
certain nombre de choses qui nous semblaient être des droits fondamentaux
des jeunes, des principes de paramètre clef de la loi, et il y en a sur
lesquels on a déjà eu à amorcer des discussions avec le
fédéral, notamment cette question de la responsabilité des
jeunes de douze ans à quatorze ans, etc. Il y a eu des premières
discussions avec le fédéral, mais je pense que c'est remarquable
et on vous remercie de l'éclairage que vous nous apportez sur ce
point.
Je voudrais cependant revenir et ce serait la question que je
poserais à ce que vous avez évoqué, M. Sabourin, au
début, et qui est au fond une clef de tout le projet de loi. Je pense
que vous avez raison parce qu'on aura beau faire tous les papiers qu'on voudra,
il est évident que la clef, c'est ce qu'on va être capable de
faire sur le plan concret de l'application de la loi. C'est cela qui est
capital; le reste deviendrait un peu du placotage et de la théorie si
cela ne devait pas aboutir et déboucher de façon concrète.
Mais en respectant profondément l'esprit de cette loi, vous avez,
évo-
quant les difficultés d'application de la loi, fait état
de la nécessité... CSS devenant un point de chute, d'une part, et
une plaque tournante, en quelque sorte, autour duquel... et qui implique une
collaboration de tous les éléments que vous avez appelés
"les éléments du réseau". Egalement, vous avez fait
état et je crois que vous avez raison de la
nécessité de mettre à contribution les groupes
bénévoles, les groupes communautaires du milieu, qui peuvent
aussi, mais qui trop souvent, par le passé, ont peut-être
été laissés complètement en marge et qui, dans
certains coins du Québec en tout cas d'après ce que j'ai
pu voir personnellement ont fait un travail qui est drôlement
remarquable compte tenu du contexte et des difficultés que cela
impliquait.
Concernant précisément cette collaboration, notamment avec
les différents éléments ou agents du réseau, vous
avez formulé dans votre intervention c'est ce que j'ai cru
comprendre en vous posant la question qu'il faudra voir comment on
interprétera certains articles.
Est-ce qu'à votre point de vue il faudrait, pour qu'il soit bien
clair que l'économie générale de la loi ou l'esprit de la
loi doit permettre au plus haut point cette collaboration de tous les agents
impliqués du réseau, est-ce qu'à votre point de vue le
projet de loi, tel qu'il est présentement, est suffisamment clair?
Est-ce qu'il faudrait, le cas échéant, le modifier? Ou, est-ce
qu'à votre point de vue, tel qu'il est formulé
présentement, le projet de loi s'interprète clairement dans le
sens de cette collaboration que vous avez évoquée?
M. Sabourin: Je pense que l'économie
générale du texte de la loi actuelle ne s'interprète pas
facilement dans le sens d'une collaboration claire. Les discussions que j'ai pu
avoir avec plusieurs membres du réseau, quant à leur
interprétation et à leur lecture des faits, m'amène
à croire qu'il est facile de penser pour le réseau que le centre
de services sociaux a une certaine domination et un certain pouvoir de
s'immiscer presque dans la gérance des autres établissements.
Je pense, en particulier, à nos relations avec les centres
d'accueil. Je nomme ceux-là parce que ce sont quand même quelques
milliers d'enfants qui sont placés dans ces milieux. Lorsqu'on lit que
le centre d'accueil est tenu de recevoir un enfant et que cela fait trois ou
quatre ans que nous essayons de développer des comités
régionaux d'admission pour en arriver à être vraiment
complémentaires et à s'auto-influencer quant à notre
fonctionnement, lorsqu'on lit que le centre d'accueil, ou même
l'hôpital, est tenu de recevoir le jeune, c'est facile, à partir
de là, d'interpréter qu'il y aurait une domination,
jusqu'à un certain point, du centre de services sociaux. Ceci, à
notre point de vue, est inacceptable parce qu'un établissement ne peut
pas en subordonner d'autres.
Qu'il y ait des situations d'exception... Je pense à M. Goyer ou
à son successeur, M. Pinard, qui avaient des pouvoirs presque d'urgence.
Je ne pense pas qu'il soit arrivé de situations où il ait fallu
imposer des décisions. On est toujours arrivé à
s'entendre. Lorsque nous avons décrété des si- tuations
d'urgence, nous l'avons fait avec l'accord des centres d'accueil
concernés.
Alors, à mon point de vue, il y aurait lieu, dans la loi, de
clarifier certains termes, ou de dire quelque part que c'est une loi
d'exception et que la Loi sur les services de santé et les services
sociaux s'applique préalablement. C'est un facteur important et, pour
nous, c'est un facteur de succès.
M. Marois: Si vous permettez, M. le Président, je pense
bien qu'il doit être clair qu'il ne s'agissait pas de récrire,
dans cette loi d'exception, la loi qui régit l'ensemble des services de
santé et des services sociaux. Donc, il faut interpréter ce
document à la lumière de l'autre, d'une part. Je pense que c'est
important.
Deuxièmement, est-ce que vous admettez quand même qu'il
faut, parce que ce dont on parle, ce sont quand même des jeunes... Il me
semble, en tout cas, qu'il y a une chose fondamentale. Que ce soit l'ensemble
des éléments ou des agents du réseau, cela vaut d'ailleurs
autant pour les groupes bénévoles, tous doivent être
d'abord au service des jeunes. Je pense que c'est une clé. Si on
n'accepte pas cela, je pense bien qu'on ne parle vraiment plus le même
langage.
Dans des textes de loi, on accorde parfois des pouvoirs, parce que,
précisément, il peut se présenter des cas d'abus, ce qui
ne veut pas dire... On espère toujours, forcément, que les
pouvoirs qui sont accordés à quelqu'un vont toujours être
appliqués, utilisés, avec le minimum de jugement,
d'à-propos et de pertinence par rapport aux problèmes qui se
posent.
Cependant, de toute façon, j'ai noté vos commentaires.
J'aimerais vous entendre, sur la deuxième partie de la question que je
vous posais, en ce qui concerne les groupes bénévoles, les
groupes communautaires.
Mme Marois (Pauline): M. Marois, je pense qu'à ce titre,
effectivement, comme l'autre volet qui est les relations entre les membres du
réseau, ce n'est pas très clair. Pour pouvoir répondre
à votre question, je pense qu'il faut se baser sur l'histoire, si courte
soit-elle, de nos expériences passées. Il faut bien avouer qu'au
niveau de la collaboration avec les groupes bénévoles ou les
groupes volontaires du milieu, cela n'a pas nécessairement
été notre plus grande force. Par contre, il faut aussi se
rappeler que notre mission, notre responsabilité en est une de seconde
ligne, en est une qui intervient une fois qu'effectivement, un ensemble de
dynamisme, de collectif, dans un milieu, a tenté de s'assumer, a
tenté de s'assurer...
Dans ce sens, donc, l'expérience n'est pas grande, la loi non
plus n'est pas nécessairement très claire et c'est
peut-être aussi par un autre intermédiaire ou un autre organisme
du réseau qui est la base, qui est notre porte d'entrée, qui est
l'intervention de première ligne et, à ce titre, un autre
partenaire qui est le centre local de services communautaires où on sent
mieux logée cette capacité de collaboration, de communication,
etc., n'excluant pas pour nous un organisme de deuxième ligne, mais le
rendant tout de même, admettons-le, un peu plus complexe.
M. Sabourin: M. Marois, je voudrais demander à M. D'Amours
de compléter ma réponse.
M. D'Amours (Oscar): M. le Président, le ministre d'Etat
mentionne que la loi de la protection de la jeunesse peut être
considérée comme une loi d'exception. En tout cas, entendons-nous
sur le mot loi d'exception, c'est-à-dire qu'elle n'a pas pour effet de
rendre inopérante la Loi sur les services de santé et les
services sociaux et c'est sur ces points-là que je voudrais ajouter
certains commentaires.
Dans la réglementation édictée en vertu de la Loi
sur les services de santé et les services sociaux, à l'article
346 sont prévus des comités d'admission. Il est prévu
aussi, à l'article 344 de cette même réglementation, que
les centres d'accueil, dans les cas d'urgence, doivent admettre des enfants; je
pense que c'est aussi une question humanitaire qui va être
discutée. Ce ne sera pas tous les jours la question d'urgence. Mais les
enfants qui pourront être dirigés vers des centres d'accueil, si
on accepte le principe que la Loi sur les services de santé et les
services sociaux continues aussi à exister, cette même loi
prévoit que les centres d'accueil auront des critères. Je pense
qu'il serait anormal, pour un directeur de protection de la jeunesse, de placer
dans un centre d'accueil, qui s'occupe de la réhabilitation, des cas qui
ne vont pas là du tout, parce que ça ne répond pas aux
critères, à leur spécificité ou à leur
expertise développée dans le traitement de certains enfants.
Je pense que cette loi prévoit déjà des
dispositions qui peuvent compléter et, comme vous l'avez
mentionné, vous ne pouvez pas reprendre les 169 articles de la Loi sur
les services de santé et les services sociaux pour les inclure dans la
loi de protection de la jeunesse.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre des Affaires
sociales.
M. Lazure: M. le Président, ce dont on discute dans le
moment, c'est la section II, à la page 11 du projet de loi, mesures
d'urgence. Je rappelle aux représentants de l'Association des CSS qu'il
s'agit bien de mesures d'urgence. L'article 42 dit: "Le directeur de la
protection de la jeunesse peut appliquer provisoirement provisoirement
les mesures suivantes: retirer immédiatement l'enfant du lieu
où il se trouve, faire héberger l'enfant sans délai dans
un centre d'accueil, une famille d'accueil, un centre hospitalier ou un
organisme approprié."
Je pense qu'il est important de nuancer les commentaires qui viennent
d'être faits par les représentants de l'Association des CSS. Il ne
s'agit pas, dans notre esprit, d'établir un système où la
règle voudrait que le directeur, d'office, place des enfants et que les
établissements soient obligés de les accepter.
Il s'agit de mesures d'urgence, il s'agit de placements dans des
organismes appropriés et je pense que c'est le devoir du directeur de la
protection de la jeunesse, dans chaque CSS, de bien connaître son
réseau d'organismes appropriés.
Enfin, je pense qu'il ne faut pas faire une ba- taille inutile. Cela
n'est pas l'intention ou l'objectif de cet article, de brimer le droit de
gérance ou l'autonomie de chaque conseil d'administration d'admettre les
enfants. Ce n'est pas là l'objectif. L'objectif, c'est de s'assurer,
qu'il s'agisse d'une fin de semaine, d'un congé férié ou
de n'importe quoi, que l'enfant aura accès à un service
approprié.
Nous sommes convaincus je suis convaincu, pour avoir
travaillé dans le réseau des affaires sociales assez longtemps
qu'il est nécessaire, pour des mesures urgentes, de confier
à une personne ou à un organisme, le droit de
décréter un hébergement provisoire, comme le texte le
dit.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous une réponse,
monsieur?
M. Myre (Jean-Guy): M. le Président, je suis d'accord avec
l'interprétation du ministre des Affaires sociales, mais je voudrais
attirer son attention sur l'article 58. L'article 42 prévoit les
situations d'urgence. Je pense qu'il faut vraiment que le directeur puisse
avoir le pouvoir de placer un enfant en situation d'urgence, pour s'assurer que
ses droits fondamentaux seront respectés.
A l'article 58, il s'agit maintenant, à la suite d'une ordonnance
du tribunal, de l'hébergement obligatoire d'un enfant, et cela peut
être pour traitement. On y dit que tout centre d'accueil ou centre
hospitalier, désigné par un directeur, est tenu de recevoir
l'enfant visé par l'ordonnance.
Il me semble qu'on devrait, soit le signaler ici ou comprendre que cela
doit être fait dans le cadre de la Loi sur les services de santé
et les services sociaux l'article 3.4.4, je pense, qui prévoit...
non, pas l'article 3.4.4 mais qu'on passe par le comité
d'admission du centre d'accueil.
M. Lazure: M. le Président, si on me permet de
répondre. Au départ, je n'ai pas d'objection quand il s'agit de
cas non urgents, qu'on recoure au mécanisme normal du comité
d'admission.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je voudrais, M. le Président, être bien
sûr qu'on comprend le message que nous livre le représentant de
l'Association des centres de services sociaux. Dans un certain sens, je
comprends que vous avez voulu, particulièrement, étant
donné ce qu'on retrouve dans les journaux ce matin, rassurer vos
collègues de l'Association des centres d'accueil quant à l'esprit
avec lequel, quelque loi que ce soit, celle-ci ou une autre
légèrement modifiée, serait appliquée. C'est
quelque chose dont vos collègues de l'Association des centres d'accueil
pourront peut-être vous être reconnaissants.
Mais est-ce que vous allez au-delà de cela, au-delà d'une
affirmation de l'esprit de collaboration avec lequel vous voulez appliquer la
loi? Est-ce que vous faites vraiment une suggestion positive d'éliminer
cette capacité, dans la loi, du direc-
teur de la protection de la jeunesse, d'imposer un placement,
évidemment de l'imposer quand il a besoin de l'imposer, non pas de
l'imposer quand il n'a pas besoin? Est-ce que vous allez jusqu'à
maintenir...?
M. Sabourin: Pour être clair sur cette question, ce que
nous voulons, c'est éliminer toute confusion possible. Quant à
nous, l'interprétation que nous en avons faite, c'est une
interprétation de collaboration ou une interprétation où
la Loi sur les services de santé et les services sociaux
prédomine sur tout le reste.
Mais comme on entend des commentaires de toutes parts, j'ai voulu, d'une
part, comme vous le dites, prévenir des inquiétudes inutiles et
vous demander, dans la mesure du possible, de modifier certains mots, ou les
déplacer, ou inscrire un article disant je ne suis pas
très fort en jurisprudence quelque part, qu'il y a une loi qui
précède l'autre, de façon à nous légitimer
dans notre action.
Je pense que c'est là le message important. L'autre dimension de
ce message, c'est qu'on se dit: S'il n'y a pas cela, je pense que la loi sur la
protection de la jeunesse va être difficilement applicable.
M. Forget: Si je peux poursuivre ma question, une des
façons de faire cela, serait de dire, dans l'article que vous visez, que
le centre de services sociaux ou le directeur de protection de la jeunesse peut
ordonner un placement, mais compte tenu de l'autre loi, la signification de
cela, je ne suis pas sûr ce qu'elle serait. Cela pourrait vouloir dire
qu'un centre d'accueil qui juge que ses critères d'admission, tels
qu'appliqués à un cas particulier, interdisent l'admission de cet
enfant, peut utiliser cet argument pour faire obstacle. Est-ce que vous iriez
jusque-là?
M. Sabourin: Je pense qu'on pourrait aller jusque là,
parce que c'est tous les jours que cela arrive, mais c'est tous les jours qu'on
trouve des solutions à cela aussi.
M. Forget: Même en face de l'expérience des
comités d'admission, même en face de l'expérience...
M. Sabourin: Même en face de l'expérience des
comités d'admission, on pense que l'économie
générale de nos activités avec les autres organismes du
réseau, ce n'est pas toujours facile, on fait souvent face à des
critères d'admission qui ne sont pas très larges, mais c'est la
réalité de l'établissement, c'est avec cela qu'il faut
composer.
Je pense que dépasser cela, c'est une intrusion un peu trop
forte, à mon point de vue, dans le cadre des relations actuelles avec le
réseau, c'est une relation un peu trop forte.
M. Forget: Excusez-moi d'insister, M. le Président, mais
vous avez d'autres dispositions dans le projet de loi qui changent
énormément le fardeau de trouver une solution. Par exemple, ce
n'est plus le tribunal qui décide du placement, mais il décide
s'il doit y avoir un placement, quitte à laisser au directeur de la
protection de la jeunesse le choix des moyens d'effectuer le placement. Il y a
un moyen d'action qui est enlevé à l'intervenant social, aux
centres de services sociaux. Il ne peut plus s'adresser au tribunal pour
obtenir une ordonnance de placement dans les cas où il y a une mise en
échec par les circonstances, pour toutes sortes de raisons. Etes-vous
confortable voyant le problème du point de vue des centres de
services sociaux avec une situation où, d'une part, la loi vous
dit que si le tribunal juge qu'il doit y avoir placement, le directeur doit
l'effectuer, mais il est libre, il a le choix des moyens et, d'autre part, une
situation qui vous prive d'un moyen effectif de vous assurer que le placement
pourra se faire si jamais vous avez des problèmes, parce qu'il y en a eu
des problèmes dans la passé? On peut espérer qu'un bon
esprit de collaboration régnant, les problèmes vont être
éliminés. Mais est-ce que vous êtes confortable avec cette
situation où, contrairement à la situation actuelle, vous ne
seriez plus en mesure de faire intervenir la cour? Vous seriez en face d'une
responsabilité sans aucun pouvoir équivalent.
M. Myre: Peut-être que nous pouvons dire que notre position
est sans doute ambivalente. C'est parce que nous hésitons, d'une part,
entre la nécessité de voir à ce que les droits de l'enfant
soient respectés; c'est-à-dire que, parfois, nous avons des
enfants et il faut les placer dans un centre d'accueil, et on sait qu'il y a un
certain nombre d'enfants et de jeunes qui sont identifiés dans le
réseau et dont personne ne veut et c'est pour cela que, d'une part, nous
aimerions conserver peut-être cette prérogative nous permettant de
placer parfois, mais de façon exceptionnelle. Il ne faudrait pas que
cela devienne monnaie courante, sinon nous allons brûler les ressources
du milieu. Notre ambivalence tient à cela.
D'une part, nous voulons nous assurer de pouvoir placer des enfants
comme cela, des enfants dont personne ne veut. D'autre part, nous ne voudrions
pas parquer dans des centres d'accueil des gens qui n'y sont pas
préparés. Cela explique peut-être notre ambivalence.
Si nous avions les ressources adéquates pouvant couvrir toutes
les catégories de besoins que nous avons, nous ne ferions pas face
à ce problème.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Pointe-Claire.
Vous avez quelques mots à ajouter, M. D'Amours?
M. D'Amours: Oui, Je voudrais ajouter ceci: II n'y a rien de
nouveau sous le soleil. Si l'on regarde, à l'article 49 de la Loi de la
protection de la jeunesse actuelle, chapitre 220 des statuts refondus de 1964,
on dit que, dans un cas d'urgence, le ministre des Affaires sociales peut
prendre tous les moyens pour assurer cette protection.
M. Sabourin, le directeur général de l'association dit
ceci, dans son message: II faut assurer une collaboration entre les
différents intervenants dans un réseau. Je pense qu'en
règle générale, la Loi sur les services de santé et
les services sociaux prévoit, à l'article 3.4.6., des
mécanismes d'admission. Mais je pense qu'il est important, à un
moment donné... mais il ne faut pas abuser. Les pouvoirs, c'est bon,
mais c'est bon quand on n'en abuse pas trop. A un moment donné, il va
être nécessaire d'utiliser un pouvoir d'urgence. Il est
déjà prévu, dans les anciennes lois, 1950... mais je pense
qu'il est servi à la moderne, parce que le législateur, ce qu'il
veut, il me semble, dans ce projet de loi, c'est rapprocher les
décisions dans les régions des personnes qui pourront
répondre de leurs actes aux autres interlocuteurs dans le réseau
de protection de la jeunesse, mais aussi à l'intérieur d'un
réseau des affaires sociales.
L'esprit, c'est d'abord de créer cette collaboration. C'est cela
qui est important, que les gens, que toutes les personnes qui ont à
intervenir dans le réseau des affaires sociales sachent très bien
qu'on est là pour protéger des enfants. S'il n'y avait pas
d'enfants maltraités, si tous les parents étaient dans des
situations ou pouvaient assumer toutes les obligations de soins, d'entretien et
d'éducation des enfants, on ne serait pas là. C'est comme pour
les médecins. Il n'y aurait pas de médecin, s'il n'y avait pas de
maladie.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Merci, M. le Président. Premièrement, j'ai
lu tout votre mémoire et vous n'avez pas mentionné du tout le
fait qu'il n'y avait pas de description dans le projet de loi, des
qualifications qu'un directeur de la protection de la jeunesse devrait avoir.
Vous avez la section 29 et la section 30 qui impliquent aussi ses
délégués. Est-ce que vous êtes craintifs quant
à donner à un centre de services sociaux le pouvoir de nommer
quelqu'un? Ses qualifications ne sont pas décrites du tout.
M. Sabourin: Là-dessus, il ne faut pas aller plus vite que
le violon. La loi a été déposée récemment.
Chaque fois qu'on réfléchit à cela, c'est toujours en
attendant qu'autre chose arrive. Dieu sait qu'on en a eu des discussions
célèbres concernant le directeur de la protection de la jeunesse!
M. Forget est là pour ie savoir.
Il y a un autre élément qu'il faut considérer ici.
Je pense que c'est une autre façon d'aborder les choses dans une optique
de réseaux. Il va y avoir une mission d'implantation de la Loi sur la
protection de la jeunesse, à laquelle nous contribuerons avec la
Justice, les Affaires sociales, les centres d'accueil et les centres de
services sociaux.
C'est clair que ce n'est pas là qu'on va faire la description de
tâche, si je comprends bien, du directeur de la protection de la
jeunesse. C'est sûrement là qu'on va tenter de définir les
modes d'opération ou d'opérationnalité de la loi. C'est
vrai qu'on n'a pas, dans notre mémoire, défini son rôle, sa
fonction, mais laissez-moi vous dire que, depuis le temps qu'on en parle, si
vous nous demandiez un après-midi de vous faire une description de
tâche, je pense que ce ne serait pas un problème. Si vous aviez lu
nos rapports antérieurs, vous en auriez eu plusieurs
là-dedans.
M. Shaw: Je ne parle pas des tâches. C'est bien
décrit dans le projet de loi. Je parle des qualifications de ceux qui
seront nommés, les qualifications.
M. Sabourin: La qualité professionnelle? M. Shaw:
Oui, c'est cela.
M. Myre: Ce qu'on peut dire, c'est que le directeur de la
protection de la jeunesse va être nommé par le conseil
d'administration du centre sur recommandation du directeur
général. Je ne pense pas que ce soit à la loi de
prévoir les qualifications du directeur général, du
directeur des services professionnels ou du directeur de la protection de la
jeunesse, pas plus que la loi ne prévoit que c'est telle
spécialité qu'il faut avoir pour être chef d'une salle de
chirurgie. Je ne sais pas si vous saisissez le sens.
Je me dis: On prévoit ici un mode de nomination du directeur
général. Il est évident que, lors de la mission
d'implantation de cette loi, des précisions seront apportées
quant aux qualifications du directeur de la protection de la jeunesse. Je ne
sais pas si vous voudriez que les qualifications du directeur de la protection
de la jeunesse soient prévues dans la loi?
M. Shaw: Alors...
M. Lazure: Si vous permettez, M. le député,
l'article 29 prévoit exactement ce que vous venez de proposer.
M. Shaw: Je le sais, mais je vois que cela ne donnera pas
seulement des pouvoirs au directeur de la protection de la jeunesse, mais aussi
à ses délégués. On ne fait pas du tout de
description de ses pouvoirs, de ses qualifications. Peut-être
prévoyez-vous que cela va être dans les règlements, mais,
à mon avis, je crois que c'est important de décider si ces
pouvoirs vont être en règle avec ses qualifications...
M. Sabourin: Je pense que pour...
M. Shaw: Nous avons des différences partout dans la
province. Les pouvoirs de ce directeur seront peut-être plus grands que
ceux d'un juge, dans certaines circonstances.
M. Bédard: Je ne crois pas qu'il soit opportun de
décrire cette nécessité dans la loi au niveau des
qualifications. Les pouvoirs, d'accord, mais les qualifications...
M. Sabourin: Je pense que c'est une responsabilité
fondamentale de l'établissement. C'est son
droit de gérance de déterminer qui fait quoi dans son
établissement, et si l'individu a telle responsabilité, il
devrait avoir les qualifications pour y faire face. Quant à ses
délégués, n'importe qui peut recevoir une
délégation directe et personnelle du DPJ, du directeur de la
protection de la jeunesse. Un directeur de la protection de la jeunesse
pourrait confier un enfant, et d'une façon personnelle, à un
directeur de centre d'accueil, à un directeur d'hôpital ou
à toute autre personne qu'il jugerait utile. Il n'y a pas de
délégation, il n'y a pas de qualité spécifique
à une délégation si ce n'est la capacité de la
recevoir et l'intelligence pour l'exercer.
M. Shaw: Je vais continuer sur ce sujet à un autre
moment.
Nous connaissons maintenant une période d'attente pour la
jeunesse actuelle qui est dans le réseau. Nous connaissons une
période d'attente avant que les cas soient pris en main par vos
travailleurs sociaux. Est-ce que vous pouvez nous donner des renseignements
à savoir combien d'enfants y sont impliqués, qui sont
menacés et déjà dans une situation d'attente avant
d'être servis?
M. Sabourin: J'ai le goût de vous dire que la ville de
Montréal est remplie d'enfants qui sont en danger et on ne le sait pas,
mais vous dire exactement le nombre d'enfants actuellement qui sont en attente
de services, je pense qu'on peut dire que, dans l'ensemble, les enfants dont on
a la charge, dont on a connaissance, sont globalement pris en charge. Qu'il y
ait des attentes pour passer, par exemple, d'un centre d'accueil de
première ligne à un centre d'accueil de deuxième ligne,
qu'il y ait des attentes pour placer un enfant dans une famille d'accueil
appropriée, je pense que c'est une réalité très
quotidienne. Je ne serais pas en mesure de vous dire, au Québec, le
nombre d'enfants qui sont en attente entre telle ou telle situation. Mais je
peux vous dire qu'il y en a assez, pour ne pas dire davantage.
M. Shaw: Je pose la question parce que la loi implique que
certains pouvoirs donnés au directeur de la protection de la jeunesse
doivent être appliqués tout de suite avec les mesures d'urgence.
Mais si nous voyons maintenant que... Je sais, que dans le secteur anglophone,
il y a 212 enfants qui attendent le placement. Je ne sais pas exactement le
nombre d'enfants qui attendent le placement maintenant. Cela implique, avec de
nouveaux pouvoirs, un nombre d'enfants qui sera plus grand qu'actuellement.
Est-ce que cela va impliquer des problèmes pour les centres de services
sociaux?
M. Sabourin: Je suis convaincu que dans les 212 enfants dont vous
parlez, ce n'est pas la majorité qui se retrouverait en situation
d'urgence avec solution dans les 21 jours. C'est déjà une
première chose. Parmi ces cas-là, s'il y a 21 jours, il va
falloir que ça se fasse dans les 21 jours. Actuellement, dans la
majorité des cas, surtout pour l'accueil-évaluation, par exemple,
à bien des en- droits, ça se fait en moins de 21 jours pour plus
de 80% des enfants. Il y a peut-être 150 enfants dans le groupe de 200
qui attendent un placement en famille d'accueil. Quand vous dites: II y a 200
enfants qui attendent, ils attendent quoi? Je ne sais pas. S'ils attendent une
famille d'accueil, c'est une chose. S'ils attendent un placement en milieu
sécuritaire, c'en est une autre. S'ils attendent un placement en milieu
de rééducation, c'en est une autre. S'ils attendent un placement
pour une hospitalisation dans un hôpital psychiatrique, c'est autre chose
aussi. Ils attendent quoi, les 200 enfants? Je ne le sais pas. Mais parmi les
cas où on a des mesures à exécuter, ça se fait dans
les délais prévus. Dans ce cadre-là, même
actuellement, on n'a pas de problèmes vraiment énormes de
collaboration avec les éléments du réseau.
M. Shaw: Dans la...
M. Sabourin: Je réponds ou je ne réponds pas. Je ne
sais pas exactement où vous voulez en venir.
M. Shaw: Je veux savoir, premièrement... Vous avez des cas
qui sont maintenant dans une situation d'attente, pour la détention
fermée ou la détention ouverte, familles d'accueil ou
hôpitaux psychiatriques, et vous dites que la plupart, 90% de ces cas,
sont placés en 21 jours, maintenant, dans le système actuel.
M. Sabourin: Je pense que vous mélangez des
catégories je m'excuse de devoir mettre des enfants en
catégories vous mettez les enfants... Quand je parle de ceux qui
passent en accueil-évaluation, c'est ceux pour lesquels il y a eu un
délit ou pour lesquels il y a une demande de protection et qui exigent
l'évaluation par une équipe d'experts afin de trouver la
meilleure orientation possible. C'est pour ces cas-là que je vous dis
que cela se fait dans les 21 jours. A partir du moment où il y a un
jugement par le juge pour placer l'enfant à tel endroit, habituellement,
il y a eu des contacts préalables, et lorsque cela ne fonctionne pas, le
juge va souvent utiliser l'article 347, qui a été un instrument
très utile dans les années passées, pour arriver à
placer des enfants au sujet desquels on avait de la difficulté à
exécuter le jugement ou la décision du juge.
Mme Marois (Pauline): M. le Président, je pense que cette
question rejoint un peu les interrogations que posait M. Forget, tout à
l'heure. On peut avoir tous les pouvoirs, mais il demeure qu'en fin de compte,
il faut aussi avoir les moyens.
Je veux bien dire, à un moment donné, à un centre
d'accueil: II est nécessaire et essentiel que ce jeune
bénéficie des mesures de réadaptation que vous pouvez lui
offrir et ce centre peut aussi me répondre: A condition que j'aie les
places et que j'aie le personnel pour le faire.
Je pense qu'actuellement, il y a des jeunes en attente, en attente d'une
ressource adéquate, d'une ressource qui répond vraiment à
leurs besoins. Ils ne sont pas, pendant cette période d'at-
tente... Ils sont assumés, ils sont pris en charge par des
praticiens, par des intervenants; ce n'est pas une attente dans le vide sans
qu'on les supporte ou qu'on les aide au niveau de cette attente. Il demeure
qu'à cause des ressources limitées et du contexte de
rareté dans lequel on oeuvre, je pense que cette situation existe et
risque aussi de continuer d'exister.
M. Shaw: Dans le système actuel, vous avez des
interventions avant que le cas ait été présenté en
cour. Dans le système actuel, vous avez des travailleurs sociaux qui
prennent les cas en main. Alors, comment voyez-vous la différence avec
le pouvoir du directeur de la jeunesse? Prévoyez-vous que son pouvoir
d'enlever un enfant à une famille va être plus efficace ou
avez-vous d'autres moyens pour aller le chercher maintenant?
M. Myre: Peut-être peut-on dire qu'actuellement, quand nous
faisons ce travail, nous procédons bona fide, la loi ne nous permet pas
de faire cela actuellement. Nous faisons actuellement, à la cour, un
certain tamisage des cas parce que les procureurs veulent bien que nous le
fassions avec eux. Ce que cette loi va venir changer, c'est qu'elle va venir
nous donner les pouvoirs et, deuxièmement, elle va forcer les gens... Je
pense, notamment, aux policiers qui ne pourront pas prendre un cas et aller
directement au tribunal pour dire: Nous portons plainte contre cet
enfant-là. Ils l'amèneront au directeur de la protection de la
jeunesse qui, lui, pourra évaluer la situation, au moins sommairement,
avant de décider de l'envoyer, par exemple, au tribunal. Il y a au moins
ceci qui changerait, c'est que la loi nous permettrait de faire des
choses...
M. Shaw: Pour éviter la cour.
M. Myre: ... pour éviter la cour, pour
déjudi-ciariser au maximum. Nous le faisons actuellement, plus ou moins,
mais il n'y a aucune assise juridique à cette fonction que nous
assumons. Nous le faisons bona fide et parce que certains procureurs acceptent
que nous le fassions, mais les procureurs, à la cour, pourraient
très bien nous dire: Cela ne vous regarde pas.
M. Shaw: Prévoyez-vous aussi qu'avec un avantage, et c'est
l'avantage que l'on recherche d'éviter à la plupart des cas
d'aller en cour... C'est un avantage que nous recherchons pour la jeunesse,
mais, d'un autre côté, pour la protection de la famille ou la
protection de l'enfant lui-même, avec le système que vous
prévoyez, la décision pour le jeune impliqué d'aller en
cour pour avoir une décision juridique sur sa situation est
enlevé parce que la décision de procédure en cour ou non
va être laissée au directeur de la jeunesse.
M. Myre: II y a, par ailleurs, des cas qui sont prévus
où nécessairement le directeur de la protection de la jeunesse
devra, conjointement avec un représentant du ministère de la
Justice, notamment pour les jeunes de 14 ans et plus qui au- ront commis des
délits importants et pour les enfants ou les parents qui refuseront
l'application de mesures volontaires, il y aura des cas où le directeur
devra nécessairement orienter le cas. Soit qu'on essaie, une autre fois,
d'appliquer des mesures volontaires ou qu'on décide d'aller au Tribunal
de la jeunesse. Il y a des cas qui sont prévus par le présent
projet de loi.
M. Marois: En fait, M. le Président, ce sont les articles
56 et 57 du projet de loi qui sont très clairs là-dessus.
M. Shaw: Votre mémoire suggère que le directeur
intervienne dans les cas d'actes criminels. Ce n'est pas prévu dans la
loi. Pour quelle raison? C'est une des suggestions de votre mémoire.
C'est à la section 35. Vous jugez à propos de mettre une section
I qui va donner au directeur de la jeunesse le pouvoir de réagir dans
les cas d'actes criminels. Pour quelle raison?
M. Sabourin: Je m'excuse, M. le Président, mais on ne
comprend pas très bien la question. Nous aimerions bien y
répondre, mais nous ne comprenons pas clairement votre question.
M. Myre: Je m'excuse, mais je pense avoir compris la question.
Dans les libellés des projets précédents, on avait
prévu que les cas de protection ne couvraient pas seulement les enfants
abandonnés et les enfants privés de conditions matérielles
ou d'existence appropriée, mais aussi les cas de jeunes ayant commis des
délits.
Nous avons vraiment été étonnés de voir que,
dans l'actuel projet de loi, on avait éliminé cette
catégorie d'enfants. Nous pensons que les jeunes qui ont commis des
délits je pense aux jeunes délinquants devraient
être couverts... Cette catégorie de jeunes devraient entrer dans
les cas prévus à l'article 35. Nous pensons que les jeunes, qui
ont commis des délits, ne doivent pas être
considérés comme des criminels. Nous pensons qu'ils ont besoin
d'aide, qu'ils ont besoin d'être protégés, eux aussi. Je ne
sais pas si cela répond à votre question et si j'ai bien compris
votre question.
M. Shaw: Oui, c'est ce que je voulais entendre, parce que je suis
totalement d'accord.
Je vois que les pouvoirs du directeur de la jeunesse sont forts. Il a
des droits qui sont quasi judiciaires. Est-ce que vous êtes d'accord pour
que les impliqués soient assez protégés de l'autre
côté? Croyez-vous que ses pouvoirs soient trop forts? Est-ce qu'il
devrait être plus responsable?
M. Myre: Nous pensons que, pour protéger certains enfants,
le directeur de la protection de la jeunesse doit avoir des pouvoirs assez
grands, tous les pouvoirs dont il peut avoir besoin pour protéger un
enfant.
Il est évident que nous ne voudrions pas que s'introduise dans le
système québécois de la protection un nouvel arbitraire,
un arbitraire social qui viendrait présumément remplacer un
arbitraire
judiciaire. C'est évident. Nous pensons qu'il faut éviter,
bien sûr, que s'introduise un arbitraire nouveau et que le directeur de
la protection de la jeunesse soit à l'abri de tout.
Nous pensons, par ailleurs, que l'actuel projet de loi réduit
considérablement ce risque d'arbitraire, notamment par l'introduction du
droit d'appel des décisions des différents intervenants et,
deuxièmement, par l'introduction d'un système qu'on pourrait
appeler d'interpellation réciproque des différents
intervenants.
Il y a le comité de la protection de la jeunesse qui va avoir
"à l'oeil" le directeur de la protection de la jeunesse. Il y a le
tribunal aussi qui est là. Les enfants, les parents, peuvent en appeler
des décisions du directeur. Je pense que les risques de cette
introduction d'arbitraire et d'un pouvoir considéré comme trop
grand sont diminués par ces mesures, ces dispositions prévues
dans l'actuel projet de loi.
M. Shaw: Alors, vous êtes d'accord qu'il y a assez de
droits d'appel à d'autres lieux pour protéger les droits de ceux
qui sont impliqués.
M. Myre: Ecoutez, évidemment, on n'a pas fait
l'expérience de ce nouveau système. Nous pensons que tel que
prévu actuellement, il devrait y avoir suffisamment d'interpellation
entre le Tribunal de la jeunesse, le comité de protection de la jeunesse
et le directeur de protection de la jeunesse. Si, à l'expérience,
on découvrait qu'il s'introduisait un arbitraire nouveau, nous
demanderions au législateur de modifier cette loi.
M. Shaw: Une dernière question, M. le Président, ce
projet de loi... excusez.
M. D'Amours: M. le Président, je voudrais simplement
ajouter quelque chose. Encore une fois, il n'y a rien de nouveau sous le
soleil. Si je me reporte à la Loi de protection de la jeunesse, qui est
en application; chapitre 220, on mentionne ici à l'alinéa 2 du
paragraphe 1 de l'article 15: Toute personne en autorité peut conduire
un enfant devant le tribunal, la Cour de bien-être social. Toute personne
en autorité, ça peut être des agences, des maires, des
échevins, tout ça, des personnes qui s'occupent de
l'éducation. Mais dans cette loi, M. le Président, on ne
mentionne aucun délai. Alors, les pouvoirs accordés au directeur
de protection de la jeunesse ne sont pas des pouvoirs nouveaux, mais mieux
réglementés par rapport à ce qui existe dans la loi
votée en 1950.
De cette façon, comme le mentionnait M. Myre aussi, les droits
sont mieux protégés et en raison de l'interpellation des
différents intervenants. C'est ce que je voulais ajouter, M. le
Président.
M. Shaw: Encore ma dernière question, M. le
Président. Ce projet de loi implique l'application... avez-vous
déjà fait des études pour savoir si vous êtes
adéquatement préparés, soit avec votre réseau de
personnel ou soit avec le réseau des centres d'accueil, ou des
hôpitaux, des maisons pri- vées, des maisons d'accueil, le
réseau de la communauté, est-ce que vous avez fait une
étude qui va peut-être accepter les pouvoirs de cette nouvelle
loi?
M. Sabourin: M. le député, ça nous pend sur
la tête depuis quatre ou cinq ans. Je pense qu'on est
préparé à faire face à ces responsabilités.
Je me souviens qu'il y a deux ans, on nous a dit: Préparez-vous, vous
allez avoir besoin de services continus, 24 heures par jour. Aux
dernières négociations, on a tenté des expériences
avec les cadres, dans certains CSS, et on a réussi à
négocier des horaires pour 24 heures. On nous a dit: Vous allez avoir
besoin d'un secteur accueil-évaluation à la cour,
dépêchez-vous, parce que les lois étaient toujours pour
dans trois mois. Les services d'accueil-évaluation-orientation sont
là.
Ce que je peux vous dire, M. le député de Pointe-Claire,
c'est que les structures sont prêtes, les mentalités sont
prêtes, depuis le temps qu'on en parle, on a le goût de dire: C'est
le temps qu'on commence.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verchères, s'il vous plaît. M. le ministre.
M. Bédard: Juste une remarque; on a mentionné tout
à l'heure qu'en vertu de l'article 35, l'énumération qu'on
y retrouve ne fait pas état des enfants qui ont pu être
accusés de délits mineurs. J'aimerais qu'on aille un peu plus
loin dans le projet de loi, à l'article 56, où on
spécifie: "Toute décision concernant l'orientation d'un enfant
est prise conjointement par le directeur et une personne désignée
par le ministre de la justice dans les cas suivants, à savoir lorsque
des actes contraires à une loi ou à un règlement en
vigueur au Québec sont imputés à l'enfant." Et en relation
avec l'article 57, dans ces cas-là, où il peut y avoir un
délit mineur, c'est à ces cas qu'on fait référence,
à ce moment-là, il peut y avoir une décision indiquant de
confier l'enfant au directeur, de lui appliquer des mesures volontaires, de
saisir le tribunal du cas ou de fermer le dossier.
Donc, je crois que ça touche...
M. Myre: M. le Président, à la page 17 de notre
mémoire, nous avions précisément indiqué
qu'à l'article 56, le mécanisme d'orientation de ce type d'enfant
tenait compte de ce type de situation. Dans l'avant-projet de loi de 1975, on
avait indiqué que les jeunes délinquants faisaient partie de
toute cette catégorisation de situations d'enfants en besoin de
protection. Nous avons été étonnés de voir qu'il
avait été supprimé dans l'actuel projet de loi. Nous avons
simplement voulu indiquer qu'on pourrait ajouter, à l'article 35, le
paragraphe suivant: S'il lui est imputé des actes contraires à
une loi ou un règlement en vigueur du Québec.
Je comprends qu'il est là implicitement.
M. Bédard: Oui, ce n'est pas supprimé, il est
inséré autrement.
M. Lazure: C'est dit autrement.
M. Myre: C'est simplement une réponse au
député de Pointe-Claire.
M. Bédard: Peut-être que c'est conforme à
l'attitude de prudence que nous avons prise au ministère de la Justice,
pour éviter tout conflit juridictionnel.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent, sur le même sujet.
M. Forget: Sur le même sujet. Je crois que la
réponse que donne le ministre de la Justice n'est pas une mauvaise
réponse à la question que vous vous posez. Cependant, je pense
que votre souci dépasse un peu simplement la question de la
mécanique quant à la question d'orientation. Seule une
étude mot à mot du projet de loi pourrait vraiment
répondre à la question.
Il y a quand même un élément additionnel lorsque
l'on dit qu'automatiquement, l'enfant que l'on soupçonne, sur lequel
porte un doute qu'il a été impliqué dans une
activité criminelle, etc., doit être considéré comme
étant menacé dans son développement, sa santé et sa
sécurité.
Selon l'avant-projet, cela peut être fait d'une autre
façon, bien sûr, mais simplement le fait de coller
l'étiquette sur un enfant, en quelque sorte, si on peut s'exprimer
ainsi, que sa santé, sa sécurité et son
développement sont menacés à cause de ce
phénomène, qu'une accusation criminelle existe contre lui,
pouvait avoir d'autres conséquences que simplement donner au
comité d'orientation une juridiction quant à son orientation.
Cela déclenche, cela lui donne une espèce de statut d'enfant qui
a la protection de la loi quant à tous les articles de la loi, pas
simplement quant au rôle du directeur de la protection de la jeunesse,
quant à son orientation.
Il est possible qu'en substance, on ait, dans la rédaction
actuelle, la même signification, mais je n'en serais pas absolument
certain, à moins d'éplucher chacun des articles. Il serait
peut-être possible de l'inclure sous la rubrique d'enfant menacé
et, justement, de lui permettre de bénéficier de l'ensemble de la
loi et non seulement des articles où c'est mentionné
spécifiquement.
M. Bédard: L'important, c'est l'intention de base que nous
avons exprimée tout à l'heure. Le reste, c'est peut-être
une technicité légale qui pourrait avoir pour effet qu'à
l'article 35, on fasse référence aux enfants qui sont
visés par les articles 56 et 57.
M. Forget: Si on me permet d'ajouter ce détail, c'est le
mécanisme que certaines provinces ont utilisé pour traiter, comme
des cas de protection, l'ensemble des enfants qui sont mis en accusation sous
la loi des jeunes délinquants. Des années avant que l'idée
nous en soit venue ici, il y a certaines provinces qui ont dit:
Automatiquement, un enfant qui est sujet à la Loi sur les jeunes
délinquants est un cas de protection aussi, en même temps et
automatiquement.
M. Bédard: On n'a pas voulu faire de
référence spécifique à la Loi des jeunes
délinquants...
M. Forget: Je comprends, mais en le faisant par ce
mécanisme, cela avait le même effet qui est bienfaisant.
Le Président (M. Laplante): J'aimerais mettre en garde les
membres de la commission à savoir que l'on n'étudie pas la loi
article par article, pour que je ne sois pas obligé d'intervenir
inutilement. Le député de Verchères.
M. Charbonneau: Très rapidement, M. le Président,
parce que j'ai l'impression que les questions du député de
Pointe-Claire ont amené certaines précisions. J'aimerais savoir
si vous aviez des données un peu plus précises quant au
délai en ce qui concerne les placements par le truchement des
comités d'admission, avec les partenaires du réseau. Ces
données existent-elles?
M. Sabourin: M. le député de Verchères, je
pense qu'il n'y a pas de réponse unique à ce sujet.
M. Charbonneau: Je comprends qu'il y a différentes
catégories.
M. Sabourin: Je pense que c'est directement en fonction du type
d'établissement. Plus vous avez un type d'établissement
spécialisé, qui est de long terme, plus il y a des listes
d'attente, plus c'est long, pour un individu qui a besoin de cette ressource
spécialisée, d'y entrer. Evidemment, c'est normal.
Quand on se place vis-à-vis des centres d'accueil qui n'ont pas
des vocations de rééducation, qui durent dix-huit mois ou deux
ans..
M. Charbonneau: Comme Boscoville, par exemple.
M. Sabourin: L'exemple que j'avais en tête était
Boscoville ou Sainte-Hélène. Je pense que ce sont les plus
compliqués et ils ont des critères bien précis, il y a une
dynamique interne qui impose un rythme d'admission.
Quant à d'autres centres d'accueil, je pense que c'est fonction
de leurs critères d'admission, que c'est fonction du statut du centre
d'accueil, de sa vocation, de son programme d'action etc., de sorte qu'il n'y a
pas de réponse.
Mme Marois (Pauline): En fait, M. le Président, il y a
peut-être une clientèle qui, actuellement, risque de rester
peut-être un peu plus longtemps en liste d'attente; ce sont les jeunes
garçons, entre autres, de 12 à 18 ans qu'on identifie comme
"mésadaptés sociaux affectifs" ou "jeunes en état de
besoin". C'est particulièrement là qu'on retrouve, actuellement,
les plus grandes listes d'attente.
M. Myre: Surtout quand il y a une incidence psychiatrique. C'est
encore pire quand il y a une
incidence psychiatrique; il n'y a pas de ressources pour ce type de
jeunes et là, on est vraiment mal pris.
M. Charbonneau: Cela m'amène à vous poser une autre
question, un peu à la suite de l'intervention de madame. On parle de
ressources qui sont inadéquates ou inexistantes dans bien des domaines.
A-t-on pu évaluer, en termes des besoins... Je sais que, dans ce
domaine, finalement, des besoins, plus on gratte, plus on s'aperçoit
qu'ils sont considérables, mais a-t-on pu évaluer ce qui nous
manque actuellement, au Québec, en termes de ressources humaines et
physiques, pour donner un service, dans ce domaine, qui soit
adéquat?
M. Sabourin: II y aurait deux réponses à votre
question. Premièrement, il y a les missions, non pas les missions, mais
les comités régionaux de...
Mme Marois: Les tables de concertation.
M. Sabourin: Non pas les tables de concertation, les
commissions...
M. Lazure: Les commissions administratives.
M. Sabourin: ...administratives au niveau du CRSSS qui sont en
fonction, dans la plupart des régions, pour étudier justement ce
phénomène et, antérieurement à cela, il y a eu les
tables de concertation régionales qui ont apporté une bonne
connaissance des milieux. Je pense que cela commence.
M. Charbonneau: Cela commence.
M. Sabourin: Deuxièmement, on parlait de ressources
adéquates. Je pense qu'il y en a qui me voient venir. Je sais que ce
n'est pas le temps de dire qu'on a besoin de $14 millions pour faire ceci ou
pour faire cela, c'est inutile, sauf que je voudrais vous informer qu'il existe
une masse d'argent de $34 millions qui est à notre disposition
exclusive, c'est-à-dire la masse qui sert à payer la pension des
enfants en familles d'accueil. Ce que vous ne savez pasje pense qu'il y
en a qui le savent c'est que c'est illimité, c'est qu'on pourrait
en placer plus et que vous paieriez.
Ce qu'on demande, depuis un an et demi on l'a dit au
congrès à M. Lazure, il a paru très
intéressé; on l'a dit à M. Forget aussi, je pense,
quelques mois avant ce qu'on aimerait, c'est qu'on puisse utiliser cette
masse financière à d'autres fins que le paiement en familles
d'accueil. On pourrait éliminer le placement d'enfants en familles
d'accueil strictement en payant une gardienne pendant trois, quatre ou cinq
mois à un père seul, chef de famille.
Il y en a qui disent: II ne faut pas développer un réseau
parallèle à l'aide sociale. Je dis: Qu'ils continuent à le
dire, sauf que nous savons très bien que, dans la réalité
concrète, si on avait la moitié de cet argent, le tiers de cet
argent, on serait en mesure de développer, avec une masse
financière existante, des ressources alternatives qui nous permettraient
de trouver autre chose que des familles d'accueil pour placer des enfants qui
n'ont pas nécessairement besoin d'aller en centres d'accueil, où
il suffirait d'un foyer de groupe, où il suffirait d'une auxiliaire
familiale ou d'une gardienne à domicile de 8 heures à 18 heures
à un prix X. Je pense que c'est une masse financière et, si on
nous le permettait et si on travaillait ensemble avec les fonctionnaires du
ministère pour trouver les modes d'utilisation, les moyens de maximiser
ces montants d'argent qui existent déjà, de toute façon,
dans les fonds publics et de les réorienter différemment, je
pense qu'on pourrait je pense, on n'a pas encore eu la chance de faire
cet exercice arriver à un développement de ressources
alternatives qui seraient peut-être des réponses à
plusieurs listes d'attente qui ne sont peut-être pas utiles.
M. Charbonneau: En tout cas...
Le Président (M. Laplante): Vous avez une remarque.
M. Lazure: Seulement une parenthèse pour réagir
à ceci. Dans l'état actuel des choses, il est possible pour
chaque centre de services sociaux de diminuer les investissements dans le
placement des enfants en familles d'accueil et d'utiliser ces montants pour
augmenter le nombre de personnel auxiliaire familial. Il y a des centres de
services sociaux qui, déjà...
M. Sabourin: On ne peut pas utiliser la masse financière,
M. le ministre, qui sert à payer les familles d'accueil, parce que cet
argent, on le reçoit directement, c'est une autre
comptabilité.
M. Lazure: Non, écoutez. Le jeu des livres de
comptabilité, c'est une autre affaire. Dans la mesure où un CSS
est très vigilant là-dessus et s'abstient de placer, de
façon non pas inutile, mais de façon un peu superflue, un enfant
en famille d'accueil et essaie plutôt d'utiliser les montants qu'il a
c'est peut-être insuffisant, ces montants pour des
auxiliaires familiales aussi, dans la même mesure, je vous dis
qu'à ce moment, on dépensera moins pour le placement d'enfants en
famille d'accueil.
M. Sabourin: Là, M. Lazure, vous me dites: Placez moins
d'enfants en famille d'accueil, donc, vous allez avoir plus de monde pour faire
autre chose. Ce n'est pas cela que je vous dis. Je vous dis: La somme d'environ
$30 millions qui sert à payer, non pas les travailleurs sociaux qui
placent les enfants, mais les familles elles-mêmes, c'est une somme qu'on
ne peut toucher. C'est clair que si on diminue le nombre de placements
d'enfants en famille d'accueil, on pourra faire des réaffectations. Je
pense que l'objet de mon intervention n'est pas là. C'est une
activité quotidienne de gestion. Je pense que cela se fait, compte tenu
des nouveaux programmes qu'on a à assumer dans le cadre de nos budgets
actuels. Cette somme existe. On ne vous demande pas de l'augmenter. On vous
demande d'envisager avec vous une possibilité d'utilisation
différente et plus intelligente, de mon point de vue.
M. Shaw: Une autre question, M. le Président, sur le
même sujet. Est-ce que les foyers de groupe sont encore gelés?
M. Lazure: Ils ne sont pas gelés. Le député
de Pointe-Claire demande si les foyers de groupe sont gelés. Ils ne sont
pas gelés. Ils sont tempérés, seulement
tempérés. Ce qui a été fait pour les foyers de
groupe, c'est que j'ai constaté que le per diem d'allocation variait de
$10 à $50 par enfant dans les foyers de groupe. J'ai demandé aux
fonctionnaires de geler temporairement le montant de l'allocation quotidienne
à $20. C'est encore gelé. L'étude achève. Elle est
pratiquement finie. On pourra avoir, selon certains critères, une plus
grande souplesse. Actuellement, ce qui a été gelé, c'est
un plafond sur le montant quotidien.
M. Charbonneau: En fait, je voulais simplement ajouter que je
considérais les remarques faites par les représentants des CSS,
à la fin, sur les ressources, comme extrêmement importantes.
J'apprécie la clarté de vos précisions. Je voulais
seulement ajouter aussi qu'il y a deux problèmes: II y a le
problème d'utiliser une même masse d'argent d'une façon
différente. Il y a le problème, dans une société
comme la nôtre, d'essayer de débloquer et de convaincre une
société que ce n'est pas superflu de mettre plus d'argent dans le
social, et que ce n'est pas parce qu'on met de l'argent dans le social qu'on ne
s'occupe pas de l'économique. Là aussi, il y a un rôle
politique, pas seulement du gouvernement, mais de l'ensemble des intervenants
sociaux, de convaincre peut-être les gens dans la société
qu'un gouvernement et qu'une société qui se donne plus de soins
sociaux s'occupe peut-être aussi d'autres problèmes. Actuellement,
on se fait rabattre les oreilles à chaque fois qu'on a le malheur
selon certains d'intervenir dans le domaine social. Ce n'est pas un
rôle politique uniquement du gouvernement et des partis politiques,
à mon sens. Vous avez un rôle considérable à jouer
dans ce domaine.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Drummond.
M. Clair: Merci, M. le Président. Me Gaumond a
parlé tantôt de la tutelle légale contre la tutelle dative.
On voit tout de suite qu'il y aurait des avantages à la tutelle
légale en termes de simplicité des procédures et
d'accélération du processus. Est-ce qu'elle y verrait ou est-ce
que M. Sabourin y verrait d'autres avantages que des avantages de délai
simplement, parce qu'on doit situer cela également dans la dialectique
de pouvoirs arbitraires ou non au centre des services sociaux, plus
spécifiquement, au directeur de la protection de la jeunesse? J'aimerais
vous entendre là-dessus.
Mme Gaumond: Je pourrais commencer, pour vous rassurer
peut-être, par la notion d'arbitraire.
Au moment où nous avons parlé de tutelle légale, il
faut bien comprendre qu'on la limite à des cas précis. Ce n'est
pas nécessairement tous les enfants des services sociaux. C'est la
responsabilité des centres des services sociaux qui pourront avoir le
directeur comme tuteur légal.
C'est uniquement dans les cas où il y aura une
déchéance d'autorité parentale de prononcée par le
tribunal, dans les cas où les enfants auront été
déclarés judiciairement abandonnés et, enfin, dans les cas
des enfants trouvés, parce que l'actuel projet de loi abroge la Loi des
enfants trouvés de 1909.
Or, c'est dans ces trois derniers cas. Déjà, je crois que
la notion d'arbitraire, c'est vraiment un état de fait qui va
nécessiter une prise en charge par une autorité légale sur
ces enfants, dans ces trois cas-là.
M. Clair: Oui, je comprends, mais, finalement, les cas que vous
énumérez sont à peu près ceux que prévoient
déjà l'article 67. Ce n'était pas surtout sur l'aspect
arbitraire ou de possibilités de décisions arbitraires en
interprétant ce qu'est un enfant abandonné. Mais la question
tendait surtout à savoir si vous voyez d'autres avantages que des
avantages strictement en termes de simplicité de procédure
à la tutelle légale par rapport à la tutelle
prononcée par jugement de la Cour supérieure?
M. D'Amours: M. le Président, je pourrais ajouter ceci
à votre question. Ce n'est pas uniquement une question d'avantages de
procédure. Je vais essayer de vous placer dans un contexte et vous
donner des exemples concrets.
Le Président (M. Laplante): Très court, s'il vous
plaît.
M. D'Amours: Oui, d'accord. Quand un enfant est retiré de
ses parents, parce que les parents n'ont pas assumé, de fait, le soin,
l'entretien ou l'éducation ou les ont mal assumés, est-ce que
vous croyez que ces personnes peuvent aussi être en mesure d'assumer
l'exercice de la tutelle nommée en vertu des dispositions du Code civil,
parce qu'il faut un conseil de famille? Je vais vous donner un cas concret.
Un enfant est placé en famille d'accueil, suite à une
ordonnance de la Cour du bien-être social. L'enfant a un accident. Les
parents apprennent que l'enfant a eu un accident et disent: On va
réclamer l'indemnité. On va dire: II n'y a pas de
problème. Même si les parents l'ont, la curatelle publique va
surveiller l'administration de ces biens-là. Mais le rapport vient au
bout d'un an. Dans la pratique quotidienne, des avocats de pratique
privée sont venus dire: Est-ce qu'il y a possibilité qu'une
tutelle légale s'exerce? Parce que je suis convaincu que si ces parents
sortent avec le chèque de $3000, $5000, $10 000, $20 000, dans six mois,
il n'aura plus d'argent, cet enfant, et l'enfant aura toujours le handicap. On
dit: La tutelle légale, c'est un moyen de protéger les droits de
l'enfant. Ce n'est pas uniquement en termes de procédure
qu'on voit des avantages, mais c'est aussi en termes de protection des
droits de l'enfant. A ce chapitre, je peux vous dire que les centres de
services sociaux ond déjà plus de $46 000 de
récupérés dans les cas d'accident d'automobile ou de toute
autre blessure au bénéfice de l'enfant, et cet argent lui est
remis à sa majorité. Notamment, un enfant dernièrement a
atteint l'âge de 18 ans, il n'avait plus de parents, et cela lui a permis
quand même de faire son cours de CEGEP. Alors, si un oncle l'avait
administré, où est-ce qu'il l'aurait cherché, son
argent?
On présume la bonne foi, on présume que tout le monde est
pour la vertu, mais, parfois, c'est bon de protéger, d'une façon
plus adéquate, certains droits d'enfants qui ont plus de
difficulté que d'autres en raison de leur situation sociale.
M. Clair: Mais l'exemple que vous donnez me semble mettre
l'accent surtout sur la protection des biens ou des intérêts de
l'enfant. Sur cela, je concède facilement qu'il y aurait avantage
à amender certaines choses au niveau du Code civil à cet
égard. Mais il n'en demeure pas moins que l'optique fondamentale du
projet de loi no 24, c'est d'abord et avant tout de protéger les droits
de l'enfant. Moi, je pense, par exemple' aux pouvoirs... On dit que la tutelle
peut être... A l'article 67, on dit que le juge peut prononcer la
déchéance de l'autorité parentale et déférer
la tutelle de l'enfant au directeur ou à une autre personne que le
directeur recommande. Je pense aux enfants qui sont placés en famille
d'accueil, par exemple. S'il y a automatiquement tutelle légale en
faveur du directeur de la protection de la jeunesse, est-ce réellement
un avantage, est-ce vraiment dans l'esprit de respecter les droits de l'enfant
de favoriser son maintien dans un cadre juridique le plus normal possible?
Parce que si vous proposez que...
M. Sabourin: La tutelle n'est pas...
M. D'Amours: Je ne saisis pas exactement le sens de votre
question, M. le Président.
M. Clair: Le sens de ma question, c'est le suivant. L'exemple que
vous me donnez, c'est un exemple où les intérêts financiers
de l'enfant peuvent être en cause.
Je suis d'accord avec vous là-dessus, mais la tutelle, telle
qu'envisagée par le projet de loi, à mon sens, ne vise pas tant
à protéger les intérêts financiers de l'enfant
qu'à protéger ses droits, dont le principal, selon moi, est de
pouvoir s'épanouir et de pouvoir vivre dans un milieu aussi normal que
possible. Si on donne une tutelle légale, automatique, dans certains
cas, au directeur de la protection de la jeunesse, et qu'un enfant, par
exemple, est déjà placé en famille d'accueil, est-ce que
cela ne causera pas un problème pour savoir qui aura l'autorité
parentale, qui assumera cette tutelle vis-à-vis de l'enfant? A mon sens,
il serait de l'intérêt de l'enfant que la tutelle soit
exercée, si tel devait être le cas, par la famille d'accueil
plutôt que par le directeur.
M. D'Amours: D'accord, M. le Président, alors il y a deux
possibilités. Si vous lisez complètement la section qui touche la
tutelle légale, vous allez constater qu'on demande qu'il y ait
possibilité de déléguer cette tutelle légale, soit
à des gens qui oeuvrent à l'intérieur d'un
établissement, soit à des gens qui oeuvrent à
l'extérieur. Dans le cas où les personnes seront à
l'extérieur des établissements, on demande que le Tribunal de la
jeunesse puisse sanctionner cette délégation.
Si vous continuez, vous constaterez qu'il n'y a rien qui empêche
une personne de demander à être nommé tuteur,
conformément aux dispositions du Code civil, à savoir une tutelle
dative. La seule précaution qu'il faut prendre, c'est que le directeur
de la protection soit mis en cause pour voir à exprimer les objections
qu'il pourrait avoir concernant le tribunal qui aura à se prononcer sur
la tutelle dative.
M. Clair: Cela va. Dans un autre ordre d'idée,
tantôt, M. Sabourin ou l'un de ses collaborateurs
mentionnait qu'à toutes fins pratiques, la Loi 24 réduisait
considérablement le danger d'arbitraire au niveau de l'intervention
sociale. Il a bien dit "réduit considérablement".
Personnellement, je pense que trop souvent certains, par le
passé, ont jugé que les centres de services sociaux avaient
posé des gestes arbitraires. Je pense justement au déplacement
d'enfants en famille d'accueil. Cet aspect doit être
privilégié autant que faire se peut.
J'aimerais savoir quand vous dites que cela réduit
considérablement si vous êtes vraiment allés au bout
de votre pensée ou s'il y a autre chose dans la loi, telle que
proposée, qui vous semble favoriser l'arbitraire au niveau de
l'intervention sociale. Je pense notamment à une recommandation que vous
faites à propos des pouvoirs du commissaire-enquêteur pour le
directeur de la protection de la jeunesse.
Dans votre rapport, vous dites: D'accord pour l'immunité du
commissaire-enquêteur, mais non aux pouvoirs du
commissaire-enquêteur. Est-ce que c'est par souci de réduire les
possibilités d'arbitraire ou y a-t-il d'autres problèmes de cette
nature?
M. D'Amours: Concernant votre dernière question, M. le
Président, il faut faire attention quand on parle de
déjudiciariser. Ce n'est pas pour accorder un pouvoir judiciaire
à quelqu'un qu'on le déplace sur une chaise administrative. Ce
pourquoi on dit que les pouvoirs accordés au directeur de la
protection... On dit qu'on ne devrait pas avoir besoin de cela, parce
qu'à ce moment-là on fait du quasi-judiciaire. Les personnes qui
sont nommées en vertu de la Loi des commissions d'enquête ont le
pouvoir de condamner pour outrage au tribunal; ils ont le pouvoir d'assigner
des gens par subpoena. Je trouve cela un peu fort.
L'immunité, par ailleurs, permet aux gens de fonctionner de bonne
foi dans l'étude des dossiers. Mais je pense qu'il serait contre
l'esprit d'une déjudiciarisation que de donner des pouvoirs judiciaires
à un organisme administratif,
parce qu'il n'y aurait pas de contrôle. Cela empêche
justement, et c'est dans l'esprit d'objectivité plus grande...
c'est-à-dire qu'on fonctionne suivant les principes d'une profession qui
concerne les relations humaines.
M. Clair: Mais, à partir de ce que vous dites, si je
reviens à la tutelle légale, n'est-il pas dangereux justement
qu'en donnant le pouvoir au directeur général, avec un
contrôle du Tribunal de la jeunesse, on atteigne un résultat
contraire à celui qu'on recherche?
M. D'Amours: Vous me permettrez, pour la troisième fois,
de dire qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil.
Dans les dispositions de l'article 45 de la Loi de la protection de la
jeunesse, le ministre est tuteur d'office des enfants placés. Dans la
loi des enfants immigrants, la personne qui est responsable de ces enfants est
aussi tuteur légal. Dans la loi des enfants trouvés de 1909,
à l'article 4, il existe aussi une tutelle légale. Dans la loi
des Indiens, du Parlement fédéral, il existe aussi ces tutelles
légales. Est-ce que le fait que cela existe, c'est dangereux pour des
décisions arbitraires?
M. Clair: Je pense que vous pourriez répondre à la
question aussi bien que moi. Une toute dernière question, si vous le
permettez, M. le Président. En ce qui concerne les assesseurs, il n'y a
pas de branle-bas de combat qui est sonné par votre association.
Cependant, vous dites: Peut-être, comme M. Sabourin le disait
tantôt, que l'argent qu'on pourrait utiliser pour ces services pourrait
être utilisé d'une autre façon et d'une façon plus
productive. Est-ce que vous pensez que ce serait possible que les assesseurs
soient facultatifs, sur demande du procureur ou de l'enfant ou de ses parents
ou du directeur, peu importe ce qu'on pourrait imaginer, que ce soit facultatif
à la demande d'un intervenant, d'une part, et que, d'autre part, tant
dans le milieu juridique d'un district juri-diciaire donné que dans le
milieu social des travailleurs sociaux, CSS, CLSC ou autres, on
décentralise véritablement cette responsabilité et que la
partie de la justice, régionalement parlant, délègue
quelqu'un qui n'aurait pas à supporter des frais spéciaux
puisqu'il serait déjà dans la région et qui pourrait
siéger, un peu comme dans un "conseil arbitral", comme assesseur sur
demande d'un intervenant? J'aimerais avoir vos commentaires
là-dessus.
M. Sabourin: Je pense qu'on ne fera pas de bataille rangée
sur la question des assesseurs. C'était notre vision des choses, on se
disait: On va faire aussi notre effort de guerre et on va essayer
d'économiser, mais toute formule qui rendrait possible l'existence
d'assesseurs à un coût minime, pour notre société,
je pense que ce serait acceptable. C'est même acceptable si cela
coûtait quelque chose, mais, compte tenu du cadre d'économie et de
rareté, je pensais que notre argument, sans être un argument
fondamental, était plutôt un argument d'économie de sorte
qu'une forme ou une autre qu'on pourrait utiliser ou toute formule, c'est pour
nous très acceptable. On n'est pas contre. On dit: Ce n'est
peut-être pas utile dans les circonstances si on n'a pas l'argent pour le
faire. Si on a l'argent pour le faire ou si on a une autre formule
économique, je pense qu'on serait pour.
M. Clair: A partir de votre connaissance du réseau, du
côté social, est-ce que ce serait envisageable, selon vous, que,
dans chacune des régions, plus spécifiquement dans chaque
district judiciaire, il y ait, à un moment donné, une
réunion des agents sociaux, des intervenants sociaux, d'une part, et des
intervenants du domaine juridique, d'autre part, en vue de
déléguer quelqu'un comme assesseur et que cette personne agisse
à titre bénévole, simplement dans l'intérêt
des enfants? Avec votre connaissance du réseau, dans le milieu
social...
M. Sabourin: C'est la notion de bénévole, je ne
sais pas ce que vous entendez. Si vous voulez dire que c'est quelqu'un, un
employé du réseau, qui est prêté pour être
assesseur, si c'est cela votre notion, je pense qu'on est pour cela.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: J'aimerais, M. le Président, poser deux
questions qui sont soulevées par l'organisme qui est devant nous dans la
partie de son mémoire qui traite des articles particuliers. Ce n'est pas
pour discuter comme tels les articles particuliers, en essayant de ne pas se
mettre dans une position antiréglementaire, il reste qu'il y a un point
général qui est soulevé relativement à la
délégation. Je fais référence au paragraphe 4
où on dit que, dans l'article 30, on souligne la possibilité de
délégation; on dit: II y avait anciennement, dans l'avant-projet
de la loi de 1975, un libellé qui était plus explicite. Si je me
souviens bien, le libellé utilisé à ce moment-là,
c'était de dire que tous les droits, les responsabilités et les
pouvoirs que la loi donnait au directeur étaient donnés à
la personne qu'il déléguait. C'était très
explicite, la délégation, et vous avez, un peu plus loin, au
paragraphe 12, l'article 65 où vous dites: Quand cet article impose
l'obligation au directeur de visiter lui-même l'enfant, c'est
peut-être un peu onéreux, à moins qu'on ne parle,
évidemment, de son délégué.
Pour terminer, vous suggérez qu'on enlève cette
expression, "qui soit obligé de visiter". A mon avis, il y a
peut-être une ambiguïté entre les deux paragraphes. Dans le
premier paragraphe, vous semblez être d'accord avec leur notion d'une
pleine délégation. Dans le deuxième, vous dites,
peut-être que ce n'est pas ça qu'on veut dire, donc on ne devrait
pas imposer au directeur, par opposition à ses
délégués, une responsabilité aussi personnelle,
aussi personnalisée.
Il me semble, si on me permet d'exprimer une préférence,
comme Me d'Amours l'a souligné tout à l'heure, que vous avez,
dans ce projet-ci, par rapport à la loi actuelle de 1950, un certain
nombre d'obligations ou de pouvoirs qui sont dans les
lois traditionnelles, donnés au ministre, que le ministre n'a
jamais exercés personnellement, ni de près ni de loin, donc,
c'est une espèce de fiction juridique. Mais dans les textes plus
récents, vous avez l'intention très claire de donner les droits
et les pouvoirs à ceux qui sont en contact personnel avec l'enfant. Cela
se fait par le mécanisme d'un directeur qui, ensuite,
délègue; parce qu'il n'est pas possible, dans une loi,
d'énumérer tous les employés de tous les centres de
services sociaux, il y a un problème de gestion interne dans le
fond.
Mais est-ce que ce n'est pas ça qu'il faut privilégier,
c'est-à-dire cette liaison, ce lien très personnalisé qui
permet à celui qui est face à face avec l'enfant, face à
face avec les problèmes concrets de l'enfant, de lui donner les
pouvoirs, les droits et les obligations qui vont avec...
Je serais d'accord avec votre première remarque en disant que si
c'est ça qu'on veut, qu'on le dise encore plus explicitement dans la
loi. On s'attend que ce soit toujours délégué à un
individu qui va être chargé de cet enfant de façon
très personnelle et alors, conservons l'obligation qu'il le visite.
Parce qu'on sait que cela s'est produit sans faire de reproche à
qui que ce soit dans le passé, que des chargés de cas
aient été de longs moments, pour ne pas dire plus, sans visiter
leur protégé. Je pense que ce n'est pas superflu de les obliger,
dans la loi, à le voir au moins de temps en temps.
Est-ce que vous seriez d'accord sur le fait de renforcer, partout
où on peut, cette liaison entre l'enfant et l'intervenant social? Ce
n'est pas une critique que je fais au gouvernement, parce que j'ai
vérifié mon dernier texte de l'automne dernier et je me suis
rendu compte avec surprise que ce libellé, qui me plaisait beaucoup dans
l'avant-projet, a été transformé, probablement par les
légistes, qui y ont peut-être vu quelque chose d'absolument
équivalent. Je pense que quand il va sans dire, il va encore mieux, dans
ce cas-là en particulier, quand on le dit.
Enfin, en vous voyant opiner du bonnet, vous êtes d'accord avec
moi là-dessus, on devrait peut-être essayer de renforcer cet
élément.
M. D'Amours: Quant à la délégation,
l'exprimer comme il l'était dans l'avant-projet de loi de 1975.
M. Forget: Si vous êtes d'accord là-dessus,
ça ne pose pas de problème dans mon esprit. Mais je vous poserais
tout de suite une question. De façon générale, le
rôle du directeur de la protection de la jeunesse, dans l'orientation
initiale de l'enfant... Voici la question que je vous pose dans le moment. Le
projet actuel diffère de l'avant-projet en ce qu'il élimine le
comité d'orientation. Bon. Le comité d'orientation, on s'en
souvient, était constitué essentiellement de trois personnes dans
chaque région auprès de chaque cour et auprès de chaque
centre de services sociaux, une personne désignée ou
émanant des centres de services sociaux, une autre
désignée par le ministre de la Justice et une troisième
qui devait être un citoyen neutre, dans le fond.
La loi actuelle conserve le même mécanisme, mais ne va pas
jusqu'à lui donner un nom et une responsabilité propre,
c'est-à-dire que le directeur, par son délégué, va
participer à ça, le ministère de la Justice, par son
représentant, dans les cas seulement où il y a bris d'une loi de
la part de l'enfant et, finalement, s'ils ne réussissent pas à
s'entendre, on va nommer un arbitre. Etant donné qu'en pratique, le
directeur de protection de la jeunesse sera de toute manière
délégué à des gens qui vont devenir assez
spécialisés dans cette fonction, toutes ces
responsabilités vis-à-vis de l'évaluation initiale et de
l'orientation, est-ce que ça ne vous semble pas placé, sur le
centre de services sociaux, un fardeau un peu embêtant, en ce sens que
vis-à-vis des décisions du délégué du
directeur, le centre de services sociaux, va être un peu dans la position
de celui qui se voit imposer des décisions ou appliquer des
décisions.
Le directeur, par un de ses délégués, va prendre
des décisions, et par un autre de ses délégués, va
subir la décision. C'est une autre façon de dire qu'il va
être juge et partie, dans un certain sens.
Est-ce que ce n'est pas un peu injuste, surtout que cela va très
loin pour déjudiciariser un tas de choses, de le placer dans une
situation comme celle-là, où il va peut-être avoir de la
difficulté à être cohérent tout le temps,
étant donné que, de toute manière, quand il y aura des cas
difficiles, on va faire appel à un arbitre? Est-ce que, dans le fond,
malgré l'apparente lourdeur je conçois que cela peut avoir
l'air d'une structure de plus on va, dans les faits, avoir la structure,
mais avec les possibilités d'impasse et, quand il y aura des impasses,
la nécessité de faire un appel spécial pour avoir un
arbitre et engager un processus qui va quand même être plus lourd
que d'avoir les gens déjà sur place, en mesure de décider
immédiatement?
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez une
réponse?
M. Myre: Nous sommes tout à fait d'accord avec la position
du député de Saint-Laurent. Il est évident que
l'avant-projet de 1975 évitait ce type de problème. Par ailleurs,
il l'évitait par l'introduction d'une structure qui était
très lourde et très coûteuse.
Il est évident que cela va causer des problèmes au
directeur de protection de la jeunesse, mais je pense que là, il y a
peut-être un problème de coordination. Peut-être qu'à
certains moments, il pourra être juge et partie, par personne
interposée, mais je pense que dans toute gérance, ce sont des
problèmes qui se produisent.
Actuellement, le responsable, le directeur des services aux programmes
qui a un praticien à l'accueil-évaluation, et qui décide
d'envoyer quelqu'un dans un autre service du CSS... l'autre service peut aussi
refuser de prendre ce cas-là, parce qu'il y a trop de prises en charge
actuellement.
S'il décide de faire appel à une famille d'accueil, il va
faire appel à un autre service. Je me dis que c'est un problème
de coordination. L'arbitre,
dans ces cas-là, devrait être le directeur de protection de
la jeunesse. Je me dis qu'il est là, c'est le patron de ces
gens-là, il devra, à certains moments, imposer des
décisions.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verdun, dernière question.
M. Lacoste: De Sainte-Anne.
Le Président (M. Laplante): De Sainte-Anne, je m'excuse,
M. le député.
M. Lacoste: C'est pour revenir au tribunal pour
l'hébergement obligatoire au niveau de l'enfant, lorsque le tribunal
doit voir à l'hébergement de l'enfant dans des conditions
adéquates.
Il est évident que la question de l'hébergement
obligatoire pose un problème très délicat, tant pour
l'enfant que pour le centre d'accueil ou autres services donnés au
niveau de l'enfant, mais elle ne corrige pas qu'il est essentiel que tout
enfant en difficulté, dans une région donnée, puisse
trouver les personnes et les organismes qui le prendront en charge. En plus,
que ce personnel en question ne rejette pas l'enfant. Première
question.
M. Sabourin: Je pense que nous sommes complètement
d'accord avec vous et je ne pense pas que ce qui existe actuellement soit le
contraire de ce que vous me dites. Je n'ai pas l'impression, en tout cas, notre
expérience quotidienne je ne sais pas ce que les autres en
pensent ne se situe pas dans ce "range" d'interventions.
M. Myre: Peut-être que j'ajouterais qu'on ne peut pas se
présenter comme des modèles de vertu, on sait très bien
que dans nos établissements, il y a parfois des manques d'éthique
professionnelle, mais aussi des manques de ressources.
Je pense que la situation que vous décrivez s'explique parfois
par le fait que les gens n'ont pas toujours les ressources adéquates
pour répondre aux besoins qui leur sont présentés. Il peut
arriver parfois qu'il y ait des problèmes d'éthique
professionnelle, mais on va essayer d'améliorer ces
choses-là.
Le Président (M. Laplante): Merci. Une très courte
question, M. le ministre des Affaires sociales.
M. Lazure: Oui, une très courte question. Pour revenir,
pour que ma position soit bien claire, vis-à-vis de ce qu'on pourrait
appeler le placement obligatoire de l'enfant par le directeur, je vous
ramène à l'article 58. On parle d'un endroit, un hôpital ou
un centre d'accueil, peu importe, qui est désigné par le
directeur.
Je répète encore une fois que dans notre esprit, les
comités d'admission doivent continuer de fonctionner et fonctionner
encore plus. Ce qui veut dire, en pratique, que le centre désigné
par le directeur, j'espère qu'il sera, neuf fois sur dix, un centre
où le directeur a été d'accord, le directeur du centre et
le directeur se sont parlé et il y a eu un accord. Et la
désignation devient une formalité pure et simple à ce
moment-là.
M. Sabourin: Même, souvent, dans le rapport de l'accueil
évaluation, il y a la ressource de désigner...
M. Lazure: C'est cela.
M. Sabourin: ... et, habituellement je pense que c'est
comme cela que cela se passe il y a accord.
M. Lazure: Je voulais que ce soit bien clair. On ne veut pas
freiner le travail des comités, au contraire, on veut qu'il se fasse
encore mieux.
Deux de vos suggestions ont retenu mon attention, la
disponibilité des juges... Je pense que les services juridiques, surtout
à l'enfant, doivent, de plus en plus, devenir disponibles, sept jours
par semaine, 24 heures par jour. Les services hospitaliers, malgré
toutes leurs lacunes, font cela depuis des générations et des
générations et je ne vois pas pourquoi les services juridiques ne
seraient pas accessibles, sous un système de garde d'un juge du Tribunal
de la jeunesse, les fins de semaine et les jours fériés.
Deuxième remarque, concernant les parents consultés au
lieu d'être avisés. Il s'agit de l'article 52. Quand un
hébergement volontaire doit continuer, je réagis positivement
à votre suggestion pour que les parents ne soient pas seulement
avisés, comme le texte le dit, mais consultés.
Au sujet des assesseurs, dans mon esprit en tout cas, on devrait avoir
abondamment recours au personnel déjà payé, comme vous le
dites M. Sabourin, dans le réseau, qui pourrait, à l'occasion,
agir comme assesseur, plutôt que de dépenser des montants d'argent
pour toute une série de nouveaux fonctionnaires parapublics.
Enfin, concernant les ressources, on sera prêt, M. Sabourin, d'ici
peu de temps, à discuter de façon détaillée des
ressources, pas seulement au sujet des économies du côté
des placements en familles d'accueil, mais aussi de certaines
réallocations à l'intérieur de vos propres budgets. Quant
à savoir s'il y aura de nouveaux crédits, on pourra vous donner
plus de précisions d'ici quelque temps. Je remercie les
représentants de leurs excellentes suggestions.
Le Président (M. Laplante): Mesdames, messieurs, les
membres de cette commission vous remercient du mémoire que vous avez
bien voulu leur présenter. Oui, M. Sabourin.
M. Sabourin: M. le Président, compte tenu qu'on n'a pas
utilisé nos vingt minutes, pourrait-on avoir le privilège d'une
dernière intervention?
Le Président (M. Laplante): On n'ira pas jusque là.
D'ailleurs, vos vingt minutes, vous les avez employées, mais si vous
avez une dernière question, posez-la.
M. Sabourin: Une dernière intervention à
l'intention de M. Marois.
Le Président (M. Laplante): Une dernière
intervention.
M. Sabourin: Je la laisserai à M. D'Amours.
M. D'Amours: M. le Président, je ne veux pas de
réponse, je veux seulement faire un commentaire pour clarifier quelque
chose. Quand M. le ministre d'Etat a dit: Quand on a fait la loi, on n'a pas
voulu toucher à des problèmes constitutionnels intéressant
le fédéral, je ne voudrais pas que cette commission parlementaire
reste avec l'impression que les recherches juridiques ou que le volet juridique
qui a été présenté était de cette nature ou
était fondamentalement axé sur l'étude historique de la
juridiction, non plus qu'on disait que, d'après le partage
constitutionnel, on avait tous ces pouvoirs.
M. Marois: M. le Président, sur ce point très
précis, au cas où il y aurait quelque ambiguïté que
ce soit en ce qui concerne ce que j'ai dit, je n'ai surtout pas voulu
mentionner le fait qu'il n'était pas question, qu'on ne voulait pas
toucher au problème constitutionnel, mais pas du tout. Que ce soit bien
clair!
J'ai évoqué le fait que j'étais très heureux
de voir qu'un groupe avait fouillé toute la perspective historique
juridique pour essayer de mettre clairement en relief les droits
constitutionnels qu'a le Québec d'intervenir dans ce domaine. Je lis
peut-être trop entre les lignes, mais s'il faut le dire plus clairement,
il est bien clair et net dans notre esprit qu'on a l'intention d'occuper
normalement le champ de juridiction qui revient au Québec dans ce
domaine.
Le Président (M. Laplante): Merci. J'appelle l'Association
des centres d'accueil du Québec. Les membres de cette commission vous
souhaitent la bienvenue. Si vous voulez vous identifier, de même que
votre groupe et les membres qui vous accompagnent, s'il vous plaît!
Association des centres d'accueil du
Québec
Mme Séguin-Desnoyers (Marguerite): M. le Président,
l'Association des centres d'accueil du Québec vous présente les
délégués à cette présentation de son
mémoire: A l'extrême droite, Mme Michèle Bouchard,
directeur des services professionnels à l'Association des centres
d'accueil; à ma droite, M. Jean-Louis Parr, directeur des services de
réadaptation...
Le Président (M. Laplante): Jean-Louis...
Mme Séguin-Desnoyers: Parr.
Le Président (M. Laplante): ... Parr.
Mme Séguin-Desnoyers: ... directeur des services de
réadaptation au relais Saint-François à
Sherbrooke; à ma gauche immédiatement, M. Pierre Cloutier,
directeur général de l'Association des centres d'accueil du
Québec; à sa gauche, M. Gilles Langelier, conseiller aux affaires
professionnelles de l'association; je suis moi-même Marguerite
Séguin-Desnoyers, directeur du centre Marie-Vincent et présidente
du conseil d'administration de l'Association des centres d'accueil du
Québec. Evidemment, je ne vous présenterai pas tous les membres
qui nous accompagnent et qui sont dans cette salle. Ils sont là pour
appuyer les positions que nous allons défendre en leur nom. Ils ne sont
certainement pas aussi nombreux que ceux qui étaient présents
à la commission parlementaire sur l'assurance automobile, mais il faut
dire que nos professionnels sont moins capables de laisser leurs clients que
les courtiers d'assurances. Ils sont quand même bien présents et
ils appuient les positions que nous apportons ce matin.
Je vous rappelle brièvement que l'ACAQ résulte de la
fusion, en 1974, de l'Association des centres d'accueil pour adultes et de
l'Association provinciale des institutions pour enfants, qu'elle regroupe 320
établissements, c'est-à-dire 215 d'hébergement et 105 de
réadaptation, qu'elle dispense des services à une
clientèle de plus de 30 000 adultes et enfants, dont environ 8000
enfants, et qu'elle a à son service, si on peut dire, 20 000
employés professionnels. Dans ce réseau oeuvrent 20 000
employés professionnels. Nous avons une permanence qui se compose de 13
personnes. L'ACAQ est dynamique et présente dans tous les domaines
où les membres et établissements ont des droits à faire
valoir.
Je pense que je vais répéter à peu près ce
que tous les groupes qui vont défiler devant cette commission vont dire,
à savoir que l'Association des centres d'accueil était
très heureuse de voir renaître rapidement le projet de protection
de la jeunesse et qu'elle considère que ce dernier projet de loi no 24 a
de grandes améliorations sur les projets précédents.
Evidemment, à force de le ramener sur la table, on finit par se
perfectionner. Entre autres perfections ou perfectionnements qu'on retrouve
dans ce mémoire ou plutôt dans ce projet de loi, nous voulons
souligner qu'il s'appuie sur le respect des droits de l'enfant, qu'il fait
moins de place à l'arbitraire dans les décisions qui concernent
les enfants, qu'il marque un progrès très net en affirmant
l'antériorité du social sur le judiciaire, qu'il crée une
institution qui s'appelle le Tribunal de la jeunesse et qu'il tend à
maintenir l'enfant dans son milieu naturel. Cependant, il semble à
l'Association des centres d'accueil qu'il faut aller plus loin dans
l'affirmation des droits de l'enfant, qu'on doit vraiment assurer la prise en
charge de l'enfant en lui accordant une aide véritable à lui et
à son milieu naturel, et ce, tout spécialement pour la
clientèle qui est spécifique aux centres d'accueil. Pour ce
faire, il faudrait accentuer les dimensions de prévention, protection et
réadaptation qui ont été complètement
ignorées par le législateur.
Enfin, il nous semble, et c'est là le point majeur de notre
présentation, qu'on doit redéfinir
dans la loi le rôle des centres d'accueil, comme partenaires et
comme collaborateurs, dans tout le réseau qui doit assurer la protection
des jeunes en difficulté.
Il faut affirmer leur rôle de complémentarité et de
participation aux décisions et la place unique que les centres d'accueil
doivent jouer dans les mesures d'aido à apporter aux enfants
mésadap-tés.
Les droits de l'enfant: L'article 3 du chapitre II de la loi affirme,
dès le début, les droits de l'enfant en assurant qu'ils doivent
être la base qui doit déterminer les décisions prises
à son sujet, et l'article 4, que ces décisions doivent tendre
à garder l'enfant dans son milieu naturel ou, autant que possible,
à mettre sur pied des mesures qui se rapprochent du milieu familial. Une
telle affirmation, M. le Président, ne peut que rallier le consentement
de tout le monde. C'est une mesure de bon sens.
Il nous semble que nous sommes, avec cette affirmation brève et
générale, très loin d'une charte des droits de l'enfant
qui devrait inspirer cette loi et être partout en filigrane aux mesures
qui sont préconisées. Les autres dispositions, en effet, du
chapitre II qui s'intitulent: Droits de l'enfant, ne tendent qu'à
protéger l'enfant contre les abus possibles du système et,
à cet égard, je n'ai pas besoin de vous dire, M. le
Président, que nous avons légèrement réagi à
l'article 9. Vous permettrez que je vous le cite: "Un centre d'accueil ne peut
prendre de mesures disciplinaires à l'égard d'un enfant qu'il
héberge que conformément à des règles internes qui
doivent être affichées bien en vue dans l'établissement et
dont copie doit être remise par l'administration à l'enfant, s'il
est en âge de comprendre, à ses parents, au comité, au
ministre des Affaires sociales, au conseil régional et au centre de
services sociaux". Pourquoi pas à la presse?
Il nous semble donc qu'il faut aller plus loin dans l'affirmation des
droits de l'enfant, aller plus loin surtout en reconnaissant qu'il existe des
enfants ou une catégorie d'enfants qui sont les enfants
mésadaptés, qui ont droit à des services plus
spécialisés. En ce sens, le rapport du comité Bat-shaw
vous avez tous en mémoire, j'imagine, les travaux de ce
célèbre comité disait ceci: "Que la Loi de la
protection de la jeunesse soit une véritable charte des droits de
l'enfant et définisse des mécanismes sociaux et judiciaires pour
protéger ses droits".
La Commission des droits de l'enfant inadapté, au congrès
mondial de Beyrouth, affirmait, de la même façon, que l'enfant
inadapté a droit à toute l'éducation et à toute
l'amélioration dont il est capable et que la rééducation
de l'enfant inadapté doit faire l'objet d'un travail d'équipe et
constituer une chaîne dont aucun maillon ne soit rompu. Et, finalement,
le CQEE, dans sa déclaration des droits de l'enfant, propose, à
l'article 18, que l'enfant, physiquement, psychologiquement psychiquement,
mentalement ou socialement désavantagé doit recevoir le
traitement, l'éducation et les soins spéciaux que
nécessite son état ou sa situation.
Il nous semblerait donc de bonne guerre, M. le Président, que
l'affirmation des droits des enfants mésadaptés soient
énoncée clairement dans le projet de loi no 24.
La prise en charge: Le chapitre III du projet de loi no 24, M. le
Président, se préoccupe beaucoup de la prise en charge des jeunes
par la création d'un Comité de la protection de la jeunesse et
par la création d'une direction de la protection de la jeunesse. Il y a
là, bien sûr, un souci nécessaire et évident de
remédier aux situations pénibles et abracadabrantes auxquelles
ont été soumis les jeunes.
Nous ne ferons pas de sensationnalisme, les journaux s'en sont souvent
chargés, en rappelant les changements multiples auxquels les enfants ont
été soumis, le peu de stabilité dans l'approche qu'on a
auprès d'eux, le manque d'unité d'action et d'approche.
Mais il nous semble que les dispositions du projet actuel
n'amélioreront pas grand-chose à la situation qui est faite aux
enfants mésadaptés.
Peut-on parler de prise en charge par un comité? Peut-on parler
de prise en charge par un bon père de famille qui doit veiller
personnellement aux intérêts de ces quelques centaines et milliers
d'enfants?
C'est peu rassurant, c'est peu personnel et pas tellement unifié.
Il me semble que c'est très éloigné de la notion de prise
en charge que redéfinissait tantôt M. le député de
Saint-Laurent en disant que cette prise en charge devait être
l'établissement d'un lien significatif entre l'enfant et celui qui est
immédiatement le répondant de cet enfant.
Nous sommes encore loin, il nous semble, des recommandations du
comité Batshaw qui voulait que la relation soit personnalisée.
Peut-être ces dispositions de la loi sont-elles suffisantes pour une
certaine catégorie de la clientèle touchée par la loi, les
enfants qui ont besoin d'hébergement en famille d'accueil ou en foyer de
groupe d'hébergement parce que la famille naturelle est absente, les
enfants maltraités, les enfants abandonnés pour adoption, mais
certainement pas les enfants requérant le recours aux services d'un
centre d'accueil de réadaptation.
Cette prise en charge aussi générale et aussi
éloignée ne peut certes pas satisfaire leurs besoins. Quand M. le
ministre des Affaires sociales nous affirmait, tantôt, qu'il y avait un
trop grand nombre d'enfants en institution, croyez bien, M. le
Président, que nous sommes les premiers à le déplorer.
Nous sommes aussi les premiers à réclamer, depuis fort longtemps,
qu'il y ait des ressources alternatives au placement en institution. Si nous
sommes la province qui place le plus, nous sommes la province qui a le moins de
ressources alternatives aussi.
Pour cette clientèle, nous affirmons la nécessité
d'une collaboration et d'une concertation très étroite entre tous
les intervenants et tous les partenaires du réseau. Le comité
d'admission qui existe, de par le chapitre 48 des lois de 1971, nous semble
l'organisme le mieux défini pour atteindre cet objectif de collaboration
et de concertation
puisqu'il met autour d'une même table la source
"référante" qui a fait l'accueil-évaluation, le
diagnostic-orientation et qui est en mesure de demander une ressource pour
l'enfant en état de besoin, et le responsable des centres d'accueil qui
est capable ou pas d'affirmer sa capacité de satisfaire les besoins
décrits pour l'enfant. Il nous semble que l'expérience dans ce
domaine est fort concluante, même si elle est jeune. Il est vrai que nous
avons mis un peu de temps à mettre sur pied le rouage ou le
mécanisme des comités régionaux d'admission, mais depuis
quelques mois ils fonctionnent un peu partout à un rythme satisfaisant
et, semble-t-il, aussi à la satisfaction des différents
partenaires, de manière à répondre aux besoins des
enfants.
Je serais étonnée qu'on puisse dire qu'actuellement des
enfants sont refusés par les centres d'accueil aux comités
régionaux d'admission pour des raisons futiles ou pour des oppositions
systématiques. Nous voulons aussi affirmer pour notre clientèle
des centres de réadaptation, donc pour la clientèle des
mésadaptés sociaux affectifs, la nécessité de la
prise en charge par le centre d'accueil.
Il est vrai, M. le Président, que l'Association des centres
d'accueil ne veut pas d'un pouvoir externe auquel elle soit subordonnée.
Le rapport du comité Batshaw, les déclarations de M. Jacques
Brunet, sous-ministre aux Affaires sociales, le rapport du comité
tripartite sur la réinsertion sociale qui regroupait des membres de
l'Association des Centres de services sociaux, l'Association des centres
d'accueil du Québec et du ministère des Affaires sociales; donc
tous ces rapports sont fort éloquents sur la nécessité de
rendre le centre d'accueil premier et unique responsable de l'enfant qui lui
est confié, tant pour le traitement auquel il a droit que pour sa
réinsertion sociale. Il est trop facile de dire qu'il y a des abus et
des refus de la part des centres d'accueil. Il faut peut-être aussi se
rappeler qu'on a souvent voulu utiliser les centres d'accueil à toutes
Jes sauces parce qu'on avait des enfants sur les bras dont on ne savait pas
quoi faire. Il faut se rappeler que la mission des centres d'accueil n'est pas
de soulager le réseau et de lui donner bonne conscience, mais bien de
donner aux jeunes les services auxquels ils ont droit eu égard à
leurs besoins, et les centres d'accueil ne sont pas si sélectifs qu'on
veut bien le dire.
L'affirmation des droits de l'enfant et le désir si ce mot
rend bien la pensée de l'association, je devrais presque dire
l'impératif qu'a l'association de voir confier à ses
centres d'accueil la responsabilité, la prise en charge réelle
des enfants, nous amène, M. le Président, à parler du
rôle du centre d'accueil tel que défini, ou plutôt tel que
non défini dans le projet de loi qui nous intéresse actuellement.
A notre avis, aucun document n'a été aussi dévalorisant
pour les centres d'accueil et nous sommes très heureux que l'Association
des centres de services sociaux soit d'accord avec nous sur ce point. Les
termes mêmes du projet de loi considèrent le centre d'accueil
comme un centre d'hébergement. Evidem- ment, on prend la
précaution, au chapitre 1, de bien dire que le centre d'accueil sera
entendu dans ce projet de loi au sens du chapitre 48 de la loi, mais nulle part
ailleurs on n'emploie les termes de réadaptation, prévention,
traitement, en parlant des centres d'accueil. On parle d'hébergement. Si
on se réfère justement aux définitions du chapitre 48,
l'hébergement n'était pas le fait des centres d'accueil et de
réadaptation.
Il est significatif, nous semble-t-il, qu'on ne fasse aucune allusion
à la fonction de réadaptation des centres d'accueil, qu'on ne
donne aucune précision quant aux besoins des jeunes de recevoir des
services de réadaptation, qu'on ne prévoie aucune disposition
pour leur assurer les services de réadaptation requis. C'est à se
demander, en lisant ce projet de loi, si nous rêvons, si une telle
clientèle existe ou si on a peur de cette réalité et de
ces mots.
Nous sommes aussi étonnés de voir la place qu'on a faite
au centre d'accueil dans ce projet de loi. Nulle part on ne mentionne qu'il a
part aux décisions. Je fais ici allusion au comité d'admission
que nous ne retrouvons pas dans le projet de loi 24. On aura beau dire que le
chapitre 48 de la loi a prévalence sur la loi 24, il semble qu'on ne
manquerait pas beaucoup en ajoutant cette petite précision que, de toute
façon, les comités d'admission vont continuer à
siéger et à avoir le rôle privilégié qu'ils
avaient selon le chapitre 48.
De toute façon, nous savons aussi très bien que les lois
sont éphémères, qu'elles sont facilement changeables.
Est-ce qu'on ne nous annonce pas justement que le chapitre 48 va être
complètement révisé dès janvier? Qu'est-ce qu'il en
restera de ces comités d'admission au chapitre 48 révisé?
S'ils étaient assurés à la loi 24, nous aussi, nous nous
sentirions, plus rassurés.
On nous fait cependant beaucoup de devoirs. On ne nous met pas comme
partenaires, mais on nous impose beaucoup de devoirs. Nous sommes tenus
d'héberger, en cas d'urgence, lorsque le tribunal le recommande et
même à l'article 52, pour exécuter une mesure volontaire.
Contrairement à ce qu'on disait tantôt, ce n'est pas seulement en
hébergement obligatoire qu'on oblige le centre d'accueil à
recevoir un jeune. Partout, le jeune est obligé d'être reçu
en centre d'accueil.
Articles 42b et c, 58 et 52. C'est ici, encore une fois, l'absence de
références aux articles 3.4.3 et 3.4.4 des règlements
adoptés en vertu du chapitre 48. Non seulement on nous impose des
devoirs, mais on nous impose des contraintes. Les références sont
faites sous forme de sentence. Le jeune aura à faire une période
de six mois en centre d'accueil. Le centre d'accueil pourra avoir des visites
d'inspection professionnelle, de la part du DPJ. Mais où sont nos
droits, droits qui correspondent à la rencontre des besoins de l'enfant,
parce que nous avons d'autres droits que de rencontrer ceux des besoins des
enfants qui nous sont confiés.
Où sont reconnus nos droits à être concertés
dans l'accueil d'un jeune, de façon nommée? Où sont
reconnus nos droits de nous reconnaître ou
pas une compétence dans les services demandés ou requis?
Où sont reconnus nos droits à établir une concertation
avec les autres intervenants?
Encore une fois, c'est trop facile de dire que la bonne foi devra
rencontrer ces exigences, que nous nous entendrons comme de bons partenaires,
d'un bon système et d'un bon réseau, pour le meilleur bien des
enfants.
Le Président (M. Laplante): A ce moment-ci, je suis
obligé de vous interrompre. Il vous resterait cinq minutes encore pour
faire votre exposé.
Mme Séguin-Desnoyers: En cinq minutes, je devrais
être capable de terminer...
Le Président (M. Laplante): Si les membres de la
commission acceptent de terminer à 13 h 5. sans que ce soit une coutume?
Oui, merci. Continuez.
Mme Séguin-Desnoyers: Merci. Où sont nos droits de
décider profesionnellement du laps de temps que doit passer un enfant en
centre d'accueil, eu égard à ses besoins, les droits
professionnels, pour répondre aux besoins de cet enfant? Et enfin,
où sont nos droits face à l'appel? Nous sommes les seuls à
ne pas en avoir dans ce projet de loi. Tout le monde en a, sauf nous.
Nous ne voulons pas être paranoïaques, M. le
Président, mais il nous semble qu'on garde encore, à
l'égard des centres d'accueil, une méfiance. Il faut
protéger l'enfant contre la mesure centre d'accueil et je
réfère encore à l'article 9 du chapitre II.
Il me semble qu'il faille, à ce moment-ci, tenir compte de
l'évolution rapide des centres d'accueil et de leur capacité de
répondre aux besoins de la population spécifique qui est la
leur.
Il faut surtout qu'on arrête de considérer le centre
d'accueil comme la mesure de dernière ligne, de bout de chemin, de
désespoir, restante, quand on n'a plus rien d'autre chose, qu'on a tout
essayé, qu'on a perturbé l'enfant, en le transpor- tant d'une
place à l'autre. Il va aller en centre d'accueil.
L'Association des centres d'accueil du Québec
s'élève contre ces conceptions. Les centres d'accueil sont
nécessaires. C'est un mal nécessaire comme les hôpitaux,
mais ils sont quand même nécessaires. Ils ont un rôle
important et spécifique à jouer et ils veulent le jouer. Ils
demandent que la loi leur permette de jouer ce rôle, en reconnaissant le
droit des enfants mésadaptés à recevoir des services
spécialisés, en conservant et en notant clairement, dans ce
nouveau projet de loi, le processus d'admission comme étant
conservé dans le processus de référence et en confiant aux
centres d'accueil la responsabilité première, c'est-à-dire
la prise en charge de l'enfant.
Il est clair que le centre d'accueil ne veut pas être une chasse
gardée, fermé sur lui-même, et qu'il entend exercer tous
ses droits avec les autres partenaires du réseau. Il veut l'exercer en
collaboration avec la source référante. Il est même
prêt à faire régulièrement des rapports
périodiques sur l'évolution des jeunes qui lui sont
confiés et sur les mesures additionnelles qui sont requises. Mais nous
ne voulons pas être un exécutant, une gare, une salle d'attente,
un parking, une filiale de quelque organisme que ce soit, une pseudo-prison
d'enfants. C'est pourquoi, M. le Président, nous demandons que les
recommandations qui ont trait à toutes mesures qui peuvent
améliorer le rôle du centre d'accueil dans le réseau soient
reprises dans le projet de loi no 24.
Le Président (M. Laplante): Merci, madame. Vous êtes
prête à revenir après la période des questions?
Je vous ferai remarquer que toute manifestation est interdite.
Nous suspendons les travaux jusqu'après la période des
questions de l'Assemblée nationale cet après-midi, ce qui peut
aller vers 16 heures, 16 h 15.
(Fin de la séance à 13 h 3)
Reprise de la séance à 16 h 22
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!
Reprise des travaux de la commission des affaires sociales et de la
justice pour la réception des mémoires en vertu du projet de loi
24. Sont membres de cette commission: M. Alfred (Papineau), M. Bédard
(Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M.
Burns (Maisonneuve), M. Charbonneau (Verchères), M. Charron
(Saint-Jacques), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Clair (Drummond), M. Fontaine
(Nicolet-Yamaska), M. Forget... Oui, monsieur.
M. Grenier: Un instant, remplacé par M. Grenier
(Mégantic-Compton).
Le Président (M. Laplante): M. Forget (Saint-Laurent), M.
Gosselin (Sherbrooke), M. Gravel (Limoilou), M. Grenier
(Mégantic-Compton)... Je m'excuse, monsieur, votre nom était
déjà là.
M. Grenier: D'accord. Alors, c'est pour M. Shaw.
Le Président (M. Laplanfe): M. Shaw est ici aussi,
monsieur.
M. Grenier: D'accord.
Le Président (M. Laplante): M. Johnson (Anjou), M. Laberge
(Jeanne-Mance), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M.
Lazure (Chambly), M. Marois (Laporte), M. Martel (Richelieu), Mme Ouellette
(Hull), M. Paquette (Rosemont), M. Saindon (Argenteuil), M. Samson
(Rouyn-Noranda), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Springate (Westmount), M.
Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Tardif (Crémazie), M. Vaillancourt
(Jonquière).
Je demanderais la coopération des gens, des spectateurs et des
gens autour de la table. On se plaint beaucoup de la fumée et de la
chaleur. Vu qu'on est incapable d'ouvrir les fenêtres à cause de
la construction, on vous demanderait on ne peut pas vous le
défendre en guise de coopération, de ne pas fumer de
l'après-midi, ou le moins possible. Mais autant que possible, ne pas
fumer. M. le ministre.
M. Grenier: ... respirer.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
le groupe de s'être exprimé avec, je pense bien, beaucoup de
franchise je vais le dire comme je le pense: une franchise qui a pu
paraître brutale à l'occasion pour nous faire part de son
point de vue face au projet de loi no 24.
J'ai noté, quand même, qu'au point de départ vous
étiez d'avis que le projet de loi, aussi imparfait qu'il puisse
être, marquait un progrès par rapport à ce qui avait
déjà été mis au point. Bien sûr, à
force de le remettre sur le métier... Il va falloir, à un moment
donné, arrêter de remettre sur le mé- tier, parce qu'il
s'agit du problème de la jeunesse. Il va falloir aboutir, en acceptant
qu'il y ait des imperfections et qu'en cours de route on ait, tous ensemble,
à faire les efforts pour faire les ajustements qui pourront
s'imposer.
Ceci étant dit, il m'a semblé, peut-être que j'ai
mal compris votre mémoire, peut-être que j'ai mal saisi ce que
vous nous avez dit ce matin, mais il me semble se glisser une
ambiguïté qu'il m'appa-raît essentiel d'éclaircir.
Vous avez fait largement état des enfants mésadaptés.
Je crois qu'il est extrêmement important, parce que vous avez
accroché à ça et à l'interprétation, entre
autres, du rôle que vous voyez dessiné par les centres d'accueil
dans le projet de loi 24, vous avez accroché, notamment, à cette
notion que vous trouvez beaucoup trop étroite, toute une série de
remarques et de commentaires concernant, notamment, les enfants
mésadaptés, les mésadaptés sociaux affectifs.
L'ambiguïté me semble tenir essentiellement au point
suivant: D'une part, on me dit qu'il y aurait présentement entre 25 000
et 27 000 enfants qui seraient placés soit dans des centres d'accueil,
soit dans des familles d'accueil. De ce nombre, 17 000 le seraient en vertu de
mesures volontaires et sur la base, notamment, de l'application du chapitre 48,
pour l'essentiel, en bonne partie, et inclurait, dans ces 17 000, le bloc
essentiel, clé, précisément de ces enfants qui sont des
cas de mésadaptés sociaux affectifs ou de déficients
mentaux.
Bien sûr, il reste un certain nombre de zones grises,
forcément, d'enfants qui, tout en étant des
mésadaptés sociaux, peuvent aussi présenter des
problèmes qui tomberaient sous la coupe du projet de loi 24,
c'est-à-dire une éventuelle loi de protection de la jeunesse.
Or, ces enfants, précisément, ne tomberaient pas sous la
coupe, comme tels, du projet de loi 24, sauf encore les cas qui sont des cas de
zones grises ou les cas qui, précisément, pourraient tomber sous
la définition de ces enfants présentant des problèmes
prévus et évoqués au projet de loi 24. En d'autres termes,
pour l'essentiel de ce que vous avez évoqué, sur ce plan, autour
de ces questions, le chapitre 48, la Loi des services sociaux et des services
de santé, non seulement demeure là, mais en plus,
présentement, il y a devant l'Assemblée nationale un projet de
loi, le bill 10, qui modifie la Loi des services de santé et des
services sociaux, notamment, qui prévoit une nouvelle définition
concernant les centres d'accueil.
Concernant cette nouvelle définition, je pense que c'est
très important qu'on se comprenne bien, parce qu'il s'agit de deux
temps, deux morceaux de législation qui, au fond, dans la pratique, vont
devoir se recouper, dans le concret, pour le monde en vie qui est pris avec les
problèmes. Il ne faut quand même pas les perdre de vue l'un et
l'autre et dans l'interprétation de l'un, ignorer complètement
l'autre, non plus.
Donc, non seulement le chapitre 48 va continuer à exister, mais
en plus, il y a des amendements prévus, notamment en ce qui concerne la
définition des centres d'accueil. Je vous inciterais
à regarder très attentivement le projet de loi 10 qui est
présentement débattu, puisque, entre autres, et c'est une des
choses que vous avez évoquées, sur lesquelles on est parfaitement
d'accord avec vous, toute cette dimension de prévention, de plan de
traitement, pour favoriser la réinsertion sociale ou la
réintégration sociale des jeunes.
Dans la nouvelle définition, précisément, on
utilise même cette expression comme telle, dans le projet de loi 10.
Donc, cette vocation de réinsertion sociale va être très
bientôt concrétisée dans le chapitre 48 tel
qu'amendé par le projet de loi 10.
Cela dit, il reste forcément et là, c'est difficile
de couper les cheveux en quatre, ce n'est pas si simple que cela quand il
s'agit d'humains, mais on essaie de se retrouver là-dedans quant
au bloc d'enfants, les 8000 à 10 000 qui se retrouvent placés en
centre d'accueil ou ailleurs, suite à des ordonnances de la cour, il
s'agit précisément de ceux-là où il nous a
semblé normal dans le sens nettement de ce qui a été
évoqué ce matin, lors de la rencontre avec le groupe
représentant les CSS, de trouver le moyen de faire en sorte que chacun
des agents se sente pleinement impliqué, s'élabore, se
développe et s'amplifie, à partir de ce qui est
déjà là, ce qui a été évoqué,
les conférences administratives régionales, une véritable
collaboration de chacun des agents. On vous demande de faire le maximum pour
vous mettre à contribution et donner un coup de main
là-dessus.
Cela était pour essayer d'éclaircir ce qui me semblait
être une ambiguïté importante. Deuxièmement, vous avez
fait plusieurs références au rapport Batshaw. Je pense qu'il faut
bien comprendre que le rapport Batshaw s'adressait à l'ensemble des
enfants en centre d'accueil de réadaptation. Or, ce ne sont pas
nécessairement tous les enfants inadaptés qui sont
forcément automatiquement des cas de protection de la jeunesse.
C'est ce que je viens d'évoquer en disant qu'il fallait faire une
distinction entre ce qui relève du chapitre 48 et votre rôle qui
est non seulement là, mais qui, normalement, doit continuer à se
développer, précisément dans le sens que vous avez
évoqué ce matin. Encore là, il semble y avoir une
ambiguïté quant à la notion de protection.
Par ailleurs, je serais prêt à admettre, en tout cas, je
suis certainement prêt à le regarder de très près,
qu'il y a peut-être un trou dans le projet de loi 24 sur les droits des
enfants. Peut-être qu'il y aurait lieu d'apporter un certain nombre de
précisions ou d'ajustements. En tout cas, je crois que cela
mérite d'être regardé de très près.
Une dernière remarque à ce stade-ci. Le projet de loi 24
ne touche pas, dans le détail, loin de là, comme vous l'avez
évoqué, aux différentes fonctions et rôles du centre
d'accueil. On est obligé de procéder comme cela. Je sais bien
que, parfois c'est du jargon juridique. Seulement, il faut bien utiliser ce
jargon, en essayant de le rendre le plus accessible possible, mais il doit
être aussi le plus balisé possible pour ne pas prêter le
flanc à toutes sortes d'interprétations devant les tribunaux,
surtout si vraiment on veut que des droits soient autre chose que du papier ou
du "placotage", que ce soit des droits qui puissent devenir
opérationnels, applicables, surtout quand il s'agit notamment... Cela
vaut pour tous les groupes, mais à plus forte raison pour des
jeunes.
Le projet de loi 24 ne touche donc pas aux fonctions, en détail,
des centres d'accueil. Forcément, il faut se référer
à l'autre loi qu'est le chapitre 48. En ce sens, les comités
d'admission vont forcément continuer à fonctionner.
J'avais dit que c'était ma dernière remarque, mais il y en
a effectivement une toute dernière que je voudrais rapidement soulever
au passage. Il me semble qu'il faudrait aussi... Peut-être que le texte
n'est pas suffisamment clair, il faudra voir. Vous avez fait état et
vous avez comme mis en opposition le fameux délai de six mois
d'hébergement et vous l'avez mis en opposition, si j'ai bien
compris ce que vous appelez un plan de traitement de l'enfant.
Au passage, je voudrais signaler une chose. Vous avez
évoqué cette idée dans votre mémoire. Vous ne
l'avez pas reprise ce matin, mais, dans votre document que j'ai lu, vous
évoquiez cette idée que le plan de traitement devrait être
soumis à l'enfant, aux parents. Je pense que c'est une chose qui
mérite qu'on s'y arrête très sérieusement. Comme
suggestion, je pense que c'est intéressant.
Vous avez quand même mis en opposition le fameux délai de
six mois par rapport au plan de traitement. Je pense qu'il doit être bien
compris, en tout cas, c'est vraiment l'esprit qui nous animait au moment
où on a essayé de le formuler sous la forme d'un jargon juridique
que cela prend forcément dans une loi.
Le délai de six mois est là pour faire obligation de
réévaluer les cas. En d'autres termes, notre
préoccupation, et je pense que c'est la préoccupation de tout le
monde, est de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'enfants qui soient
oubliés, laissés pour compte, et qu'il y ait constamment des
réévaluations périodiques qui soient faites. Ce qui ne
vient absolument pas en contradiction avec un plan de traitement qui lui,
forcément, peut s'échelonner sur une période qui est plus
longue pour toutes sortes de raisons que les gens de métier, comme vous
autres, connaissez encore bien mieux que je ne puis les connaître
moi-même. Il n'y a pas contradiction fondamentale, à notre point
de vue. Je pense que c'est vraiment l'esprit. Ce qu'il faut retenir, c'est
l'esprit qui nous animait au moment où on a mis au point ces
articles.
Une dernière chose, et là, c'est plus une idée que
je lance en l'air qu'autre chose, un élément de
réflexion... Parce que vous avez semblé constamment revenir sur
cette idée voulant que les centres d'accueil, à votre point de
vue, à l'interprétation que vous faites, et des articles, et de
l'économie générale du projet... Vous ne vous sentiez pas
suffisamment impliqués, concernés. Je pense qu'une chose qu'on
doit tous admettre, c'est que forcément, il y a des choses qui sont
déjà là et qui sont en marche, je l'ai
évoqué tantôt. Je ne veux pas revenir plus longuement, mais
notamment, les conférences administratives et cela, tout le monde
espère, vous autres les premiers, qu'elles vont devenir de plus en plus
des tables, non seulement de
collaboration, mais presque, au sens strict de ce mot, de concertation,
sans penser que le rêve va automatiquement et nécessairement se
réaliser demain matin; mais enfin, il y a des étapes qui ont
été franchies dans ce sens.
Une des choses qui m'apparaît très importante, c'est qu'on
ne perde pas de vue, à la fois les deux pentes de législation
qui, forcément se recoupent quelque part dans la pratique et dans le
concret, et le fait des préoccupations fondamentales qui nous animaient
au moment où on a préparé le projet de loi
éminemment perfectible, j'en conviens.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre des Affaires
sociales.
M. Lazure: Mon collègue a touché plusieurs points
sur lesquels je voulais intervenir, alors, je vais faire rapidement. Au
départ le groupe qui vous a précédés,
l'Association des centres de services sociaux y a fait allusion je pense
qu'on a mal interprété l'intention de ceux qui ont
travaillé à ce projet; le groupe de ce matin et votre groupe,
quand vous dites, et je cite l'expression de M. Sabourin: "On fait fi de
l'expertise des professionnels dans les centres d'accueil", je ne vois pas
où on va chercher cela.
Il y a des mécanismes qui ne doivent pas apparaître ici,
qui sont déjà prévus dans le chapitre 48 et ailleurs dans
le Code des professions, des mécanismes qui permettent aux institutions
de se conformer à des critères, à des qualités,
à des normes, à des niveaux de qualité de soins, de
pratique professionnelle. Ce n'est pas à une loi comme celle-ci
d'intervenir et de statuer sur le genre de programme, de traitement, la
qualité des professionnels on l'a vu ce matin dans une discussion
à un moment donné ou sur les qualifications du personnel
qui doit intervenir. Cela fait véritablement partie de votre travail
quotidien et de vos juridictions. Vous avez des organismes professionnels, vos
corporations professionnelles à qui vous devez rendre des comptes, et
aussi des organismes dans le ministère des Affaires sociales, la
direction de l'agrément, la programmation, qui sont là à
la fois pour vous aider et pour surveiller, au nom du public, la qualité
des traitements ou des soins.
Deuxième remarque: hébergement. Je pense que c'est
peut-être dommage que ce terme-là ait été
utilisé et comme mon collègue le disait tantôt, on n'est
certainement pas à cheval sur des mots. Ce n'est pas parce que le mot
"hébergement" est utilisé ici dans un sens très,
très large que vous devez ensuite l'utiliser pour faire opposition
à "réadaptation". Je pense que c'est une fausse piste. Je
comprends que vous ayez pu y mettre une intention, mais l'intention n'est pas
là. Ce terme-là, pour autant que je suis concerné, peut
être révisé. Encore une fois, on veut s'assurer que le
jeune est accepté dans un centre d'accueil et on veut aussi s'assurer,
par bien d'autres mécanismes que j'ai cités tantôt, que la
qualité de l'attention qu'on va lui porter va être la plus
élevée possible.
Troisième remarque: les programmes de trai- tement mis à
la connaissance des enfants et des parents. J'en suis, et je ne comprends pas
pourquoi vous vous opposiez ce matin à ce que le programme disciplinaire
de l'institution soit aussi mis à la disposition des enfants ou des
familles. Je pense que vous avez fait des gorges chaudes ce matin quand vous
avez dit à un certain moment: Et pourquoi pas à la presse? Non.
On trouve qu'une discipline normale, dans un centre d'accueil, à toutes
fins pratiques, fait partie d'un programme de traitement.
On pense qu'il y a eu des abus dans le passé, qu'il y en a
encore, et on ne sera jamais trop prudent pour éviter que les enfants ne
soient victimes de certains abus. Au sujet des six mois en question,
rapidement, j'endosse les remarques de mon collègue. Encore une fois, il
ne s'agit pas d'une contrainte, le traitement peut se poursuivre par la suite.
Qu'il s'agisse d'un hébergement volontaire ou obligatoire, c'est dans le
but de réviser non seulement vous, mais aussi les autres
organismes concernés l'étape où se trouve rendu le
traitement.
Enfin, concernant les relations personnalisées dont vous parliez
tantôt, vous reprochez au texte de loi de parler de structure, mais
encore là je vous renvoie à un droit de gestion normale, sur le
plan interne de chaque centre d'accueil. Bien sûr qu'on souhaite que la
relation entre le personnel d'un centre d'accueil et l'enfant, comme entre une
infirmière et un patient, soit la plus personnalisée possible. Je
vous réponds que c'est tout à fait dans le domaine de vos
attributions. La meilleure chose pour les ressources alternatives, dans la
mesure des moyens financiers, c'est d'accepter de plus en plus de ressources
qui ne soient pas des ressources institutionnelles.
L'obligation de recevoir l'enfant, et c'est ma dernière remarque.
Je note à votre attention que ce n'est pas une obligation qui est
particulière aux centres d'accueil. L'article 32 dit très bien
"centres d'accueil, centres hospitaliers ou autres organismes
appropriés." En somme, c'est ma conclusion: Je trouve qu'il y a une
bonne part de malentendu et il n'y a sûrement pas, de notre part, une
intention de rendre plus difficile le travail des centres d'accueil, on sait
qu'il l'est déjà assez.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre.
Voulez-vous réagir tout de suite aux propos du ministre des
Affaires sociales et du ministre d'Etat au développement social?
Mme Séguin-Desnoyers: Cela pourrait ensuite, M. le
Président, orienter le reste des questions et des réponses, en
effet.
Je pense bien, M. le Président, que nous serions mal
placés pour dire que nous faisons un procès d'intention à
ceux qui ont rédigé le projet de loi. Ce n'est pas du tout notre
intention et si le ton de notre mémoire est un peu vif et si la
présentation s'est voulue un peu ferme, c'est peut-être parce
qu'il y a dans ce projet de loi des besoins d'enfants qui ont à
être satisfaits et que nous nous sentons peut-être les
défenseurs de la veuve et de l'orphelin.
Les enfants qui vont venir en centre d'accueil vont nous être
confiés. Nous nous sentons une responsabilité réelle
à leur endroit et nous voulons avoir les meilleurs mécanismes
pour leur rendre les services auxquels ils ont droit.
Afin que tous, sachent jusqu'à quel point nous sommes de bonne
volonté, ceci étant dit, si nous avons mentionné à
plusieurs reprises certains articles du projet de loi 24, concernant
l'hébergement des enfants, ou l'obligation qui est faite aux centres
d'accueil de recevoir des enfants, laquelle minimisait le rôle propre du
centre d'accueil, c'est peut-être parce qu'il y avait une
différence notable avec le chapitre 48, et que nous n'avons pu,
complètement, nous référer chapitre 48.
J'explique ce que nous voulons dire. Il y a trois formes de placement
possibles en centre d'accueil, l'urgence, l'obligatoire et la volontaire. Dans
le chapitre 48, la volontaire est faite par le mécanisme du
comité d'admission, qui respecte, bien sûr, l'article 3.4.4 ou
3.4.3 et les critères d'admission des centres d'accueil. Il y a aussi
placement d'urgence et placement obligatoire qui font qu'un centre d'accueil
peut être obligé, temporairement, ou par ordonnance de cour, de
recevoir un enfant. Mais dans la loi 24, il y a là un changement de
mentalité. Tout placement d'enfant est fait sans appel pour le centre
d'accueil, en tout cas, dans sa formulation, c'est ce qu'il dit. Les articles
42, 58 et 52 obligent le centre d'accueil à recevoir un enfant, que ce
soit en placement volontaire, en placement obligatoire ou en urgence. Cela va
beaucoup plus loin que Je chapitre 48.
C'est pour cela que nous nous sommes posés la question du respect
du comité d'admission. Puisque même le placement volontaire sera
imposé aux centres d'accueil ou pourra être imposé aux
centres d'accueil par la loi 24, qu'advient-il des dispositions du chapitre 48?
C'est de là que toute notre problématique est partie. Nous nous
sommes dit: Nous ne sommes plus maintenant des gens avec lesquels on travaille
à un plan d'approche pour des jeunes, à un comité
d'admission qui respecte des critères d'admission, mais nous sommes
toujours en état d'être obligés de recevoir un enfant. Cela
a été, je pense, notre point de départ. Peut-être
qu'en le disant, on éclaircira justement le climat
d'ambiguïté que soulignait M. Marois tantôt,
ambiguïté bien sûr qui tient aussi aux clientèles,
mais nous y reviendrons un peu plus loin.
Je ne sais pas dans quelle mesure cette première mise au point
peut éclaircir tout le reste du débat. Peut-être que ce qui
se passe actuellement, avec le dépôt de la loi 10, qui est une
réforme des services sociaux et de santé, dans une certaine
mesure, va corriger cette impression que nous avons, mais nous n'en sommes pas
sûrs. Nous croyons vraiment que les dispositions en vertu desquelles un
centre d'accueil sera obligé de recevoir un enfant, amènent
presque la mise en veilleuse, si ce n'est pas la destruction des comités
d'admission. Même si on dit: On ne veut pas cela, les termes sont
là. Il va falloir les changer pour dire qu'un centre d'accueil peut
recevoir un en- fant, si on veut vraiment éviter l'ambiguïté
à laquelle je fais allusion.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, j'ai l'impression que
l'échange auquel on vient d'assister ne nous permet pas d'avoir
véritablement un dialogue constructif parce qu'il y a un certain nombre
de questions auxquelles les deux ministres n'ont pas, dans mon esprit du moins,
répondu de façon satisfaisante.
Nous avons discuté ce matin avec l'Association des centres de
services sociaux de la notion de délégation ou de prise en
charge. Les représentants ont convenu, avec la commission, je pense,
qu'ils attachaient une très grande importance à cette notion.
Cependant, ce que nous avons envie de leur poser comme question il y
aurait peut-être possibilité de le faire ultérieurement
c'est si, dans leur esprit, cette notion de délégation, de
prise en charge, est exclusivement destinée à l'usage des centres
de services sociaux ou si elle peut s'étendre jusqu'à s'appliquer
aux centres d'accueil.
Il y a différents niveaux auxquels on peut aborder le sujet.
Evidemment, on peut l'aborder plutôt cyniquement, en termes d'une
rivalité institutionnelle, et en se demandant qui va être
chargé, qui va avoir le "case load" que représentent 17 000 ou 20
000 enfants dans le réseau et qui, sur la base de ce "case load", pourra
faire la meilleure représentation auprès du ministère pour
obtenir des crédits additionnels. C'est une façon cynique et,
à mon avis, un peu superficielle de traiter le problème.
Je crois que ce que nous avons entendu de la part des centres d'accueil
ce matin, c'est une inquiétude réelle qui trouve sa justification
dans le fait que ceux qui sont effectivement auprès de l'enfant, pendant
80% ou 90% du temps pendant lequel il est un pupille de la loi de protection de
la jeunesse, ce sont des éducateurs et, de façon
générale, le personnel professionnel des centres d'accueil.
A mon avis, il est capital de savoir si, dans l'esprit des ministres du
gouvernement et dans l'esprit aussi des centres de services sociaux, ils
acceptent la notion que cette délégation, donc une grande partie
des pouvoirs, des droits, des obligations et des pouvoirs réels
d'intervention que la loi prévoit, ces pouvoirs peuvent être
exercés effectivement par le centre d'accueil ou si le centre d'accueil
sera sous une espèce de tutelle professionnelle du chargé de cas
au sein du centre de services sociaux.
Dans toute l'immense discussion, l'espèce de roman-fleuve de
discussion qui a précédé la journée d'aujourd'hui,
il en a été question à plusieurs reprises. Je sais qu'il
n'y avait certainement pas d'unanimité là-dessus. Mais il me
semblait qu'on se dirigeait vers une situation où la prise en charge
serait effectivement confiée à l'éducateur dans le centre
d'accueil c'est du moins ma ten-
dance personnelle là-dessus, je ne m'en cache pas et il me
semble que ça répondrait largement à l'inquiétude
qu'expriment les centres d'accueil, à juste titre. Parce que, s'il faut
constamment se référer au chargé de cas au centre de
services sociaux pour des décisions quant au programme de
rééducation d'un enfant confié à un centre
d'accueil, effectivement, on n'aura pas fait grand-chose pour faire progresser
l'humanisation et la personnalisation des soins là-dedans. Et le
rôle professionnel, propre au centre d'accueil, d'être un
instrument de réadaptation et de réinsertion sociale, ne sera pas
atteint.
Je pense que, si l'Association des centres d'accueil nous indique que
c'est bien là sa préoccupation, j'aimerais que l'un ou l'autre ou
les deux ministres nous indiquent s'ils comprennent la loi de cette
façon. S'ils la comprennent de cette façon, peut-être qu'au
niveau de la formulation dans la loi, il peut y avoir des améliorations,
mais déjà un large élément de malentendu sera
éclairci. Ce sera ma première question. J'en aurai d'autres, mais
je ne veux pas mélanger les choses. Je me limiterai à ça
pour l'instant.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre des Affaires
sociales.
M. Lazure: Sur ce point, pour la compréhension; dans notre
esprit, il s'agit, quand on parle d'hébergement obligatoire, de cas
d'urgence. Encore une fois, comme je le disais ce matin, si on retourne
à l'article 42, la section Mesures d'urgence, il dit bien: "Le directeur
peut appliquer provisoirement... et à b) faire héberger l'enfant
sans délai dans un centre d'accueil, une famille d'accueil, un centre
hospitalier ou un organisme approprié".
Un peu comme c'est le cas dans le chapitre 48, la Loi sur les services
de santé, qui oblige un hôpital, qui oblige un médecin,
à porter secours, à toujours recevoir un individu qui a besoin
d'un soin d'urgence, je ne pense pas que vous contestiez cela.
L'autre partie, c'est peut-être plus discutable. Ce matin, je
disais aux gens du CSS, l'article 52, là où c'est volontaire, il
n'est peut-être pas nécessaire de le formuler ainsi. Dans la
mesure où les comités d'admission vont bien jouer leur
rôle, on peut envisager une formulation différente. Dans notre
esprit, c'était dans le but d'éviter que des enfants puissent non
seulement être refusés dans un centre d'accueil, en cas d'urgence,
mais aussi, en cas de non-urgence, un besoin quand même important, qu'ils
soient refusés dans une série de centres d'accueil, à
cause de critères d'admission qui, souvent, ne sont pas
complémentaires d'une institution à l'autre.
Je sais qu'il y a des progrès de faits de ce côté
là, mais vous allez admettre car moi je sais que ce n'est pas
encore parfait qu'il y a encore des enfants qui sont refusés d'un
centre d'accueil à un autre, parce qu'on dit: Le problème de cet
enfant ne correspond pas à nos critères d'admission.
Mais dans la mesure où une commission administrative sur les
mésadaptés sociaux prend l'engagement de trouver toujours une
place à l'enfant, quel que soit son problème, à
l'intérieur des mécanismes de la commission administrative et des
comités d'admission, nous sommes prêts à envisager un
changement de formulation.
M. Forget: M. le ministre, si vous le permettez, c'est
peut-être un aspect de la question, mais l'autre aspect qui, je pense,
est important, c'est la question de savoir qui est, en définitive,
responsable, durant le séjour en centre d'accueil, de l'enfant, sur le
plan professionnel. Est-ce que, dans votre esprit, le monopole de la charge de
cas est donné au centre de services sociaux ou si, effectivement, le
centre d'accueil doit se considérer comme le responsable du programme
entier de réadaptation, de réinsertion sociale de cet enfant,
à partir du moment du placement. Bien sûr que...
M. Lazure: Pour moi, c'est très clair. C'est le centre
d'accueil qui est responsable, de la même façon que lorsqu'un
malade mental, par exemple, est envoyé, sur un ordre de la cour,
à un hôpital psychiatrique, l'organisme responsable du traitement
et de la réadaptation, c'est l'équipe de l'hôpital
psychiatrique. De la même façon, c'est l'équipe du centre
d'accueil.
M. Forget: Donc, dans le cas où la loi parle du directeur,
le directeur, pour les fins de. la cause, une fois le placement
effectué, c'est essentiellement le centre d'accueil?
M. Lazure: Le directeur de protection délègue au
centre d'accueil... Ma réponse est oui.
M. Forget: Est-ce que cela clarifie un peu une partie de vos
problèmes?
Mme Séguin-Desnoyers: Ceci nous aide beaucoup, M. le
député, parce qu'il n'était pas clair dans la terminologie
même de la loi, que le directeur de l'ADPJ pouvait justement
déléguer au directeur du centre d'accueil, la pleine
responsabilité de l'enfant.
En fait pour répondre dans le sens de la prise en charge,
à M. Forget, à M. Marois et même à M. Lazure, devant
les quelques ambiguïtés qui risquent encore de subsister sur la
prise en charge, quand nous résistons aux fameux six mois, je dis
ceci:
Vous vous étonnez que nous résistions aux fameux six mois,
c'est justement parce qu'il nous semble qu'il y a là un modèle
donné d'approche et de prise en charge, un modèle qui nous est
imposé.
Je veux bien redire que nous sommes prêts à travailler en
collaboration. Je veux bien redire que nous ne voulons pas être un enclos
fermé où personne va avoir quoi que ce soit à dire sur les
enfants qui sont sous notre garde ou notre responsabilité. Mais si nous
sommes les responsables de l'enfant qui entre dans nos centres d'accueil, de
par les comités d'admission qui devraient continuer à exister et
à jouer les rôles extrêmement intéressants qu'ils
jouent depuis quelque temps, il
va falloir que nous soyons aussi responsables du modèle
d'approche auprès de ces jeunes. La loi nous en impose un. C'est un
modèle que nous appelons "sentenciel". L'enfant a une "sentence",
mettons-la entre guillemets avec tout ce que cela veut dire, de six mois au
centre d'accueil. On la lui communique. On la communique à ses parents
et on la communique également au centre d'accueil.
Bien sûr que les rédacteurs des lois et les légistes
vont dire "qu'il n'y a rien là", que tout ce qu'on veut, c'est
protéger les droits des enfants; que tout ce qu'on veut, c'est s'assurer
que des enfants ne pourrissent pas dans des situations d'attente dans des
centres d'accueil, nous en sommes. Mais les cliniciens, les professionnels de
la réadaptation sont tous d'accord pour dire qu'une pareille approche
met grandement en danger le traitement des enfants.
Un jeune de quinze ou seize ans à qui on dit qu'il va aller faire
six mois, va attendre sa sortie. L'engager dans un plan de changements, dans un
plan de modifications de ses aptitudes et de ses comportements, dans son
traitement, afin qu'il soit capable de retourner à l'extérieur
on n'a pas peur d'utiliser ces mots va être beaucoup plus
compliqué et beaucoup plus difficile. Même si vous dites que cette
période pourrait être reconduite, ces deux notions ne vont pas
ensemble, d'après nous, et c'est contre ce modèle que nous en
avons.
Nous vous proposons, dans notre mémoire, un autre modèle,
un modèle qui dit: Concertons-nous. Que tous les intervenants, qui sont
préoccupés par les besoins des enfants et par les services que
doivent recevoir ces enfants, se retrouvent autour d'une même table, au
comité d'admission. Qu'après l'accueif-évaluation,
qu'après le diagnostic-orientation, on fasse, tous ensemble, l'enfant
étant partie prenante ainsi que ses parents, un plan de traitement
auquel tout le monde acquiescera et que le centre d'accueil ait la
responsabilité propre de rendre compte de ce plan de traitement, du
cheminement de l'enfant à travers ce plan de traitement et des mesures
additionnelles qui pourraient être indiquées. Qu'on ne vienne pas
lui imposer la visite d'un grand inspecteur des PJ qui vient voir ce qui se
passe. Il va aller lui-même, s'il est responsable, rencontrer les gens du
CSS au comité d'admission ou au comité d'orientation et leur dire
comment ça va.
C'est simplement une différence de modèle. Tout ce que
nous voulons faire ressortir, c'est que, si nous voulons vraiment prendre en
charge l'enfant, 0n ne peut pas avoir un modèle "sentenciel". L'enfant
ne pourra pas ne pas sentir qu'il y a là une-sentence. Si on dit que
oui, que l'enfant va le sentir, vraiment, tous ceux qui sont en
réadaptation vont vous dire que ce n'est pas possible.
Ce n'est déjà pas facile de travailler avec cette
clientèle. Mettez-lui six mois à faire, vous allez voir comment
elle va réagir. Elle va attendre de sortir.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, suivant les remar- ques qui
viennent d'être faites et dans cette optique, j'aimerais soulever un
deuxième point concernant également les remarques initiales qui
ont été faites par l'Association des centres d'accueil. Je
conçois très bien qu'on éprouve une grande
difficulté avec ce modèle "sentenciel". Cependant, je crois qu'il
y a des limites qui sont difficiles à franchir de ce
côté-là. J'y reviendrai tantôt.
Ce qui me paraît assez frappant dans ce que l'Association des
centres d'accueil a dit, c'est qu'on ne semble tenir aucun compte, par exemple,
des recommandations du comité Batshaw relativement au rôle du
centre d'accueil quant à la réinsertion sociale, à la
rééducation, à la réhabilitation, et je crois
qu'effectivement c'est vrai. C'est d'ailleurs plus vrai dans la
rédaction que dans l'esprit, qui se retrouve entre les lignes du projet
de loi, mais cela ne veut pas dire que cela ne devrait pas se retrouver dans la
lettre du projet de loi.
Il me semble que le chapitre sur les droits des enfants pourrait
c'est vraiment une question que je pose à nos invités
peut-être être complété par l'addition d'un article
nouveau qui prévoirait que, lorsqu'un enfant est admis dans un centre
d'accueil, le centre d'accueil devrait dresser, dès son admission et
suivant dans cela les recommandations du comité d'études sur les
enfants mésadaptés sociaux, un plan de réinsertion
sociale, c'est-à-dire, tout de suite, essayer, de déterminer,
pour cet enfant, un objectif de réinsertion sociale et d'en faire
découler un certain nombre de propositions quant au programme de
rééducation et de réhabilitation qu'on veut mettre sur
pied pour lui. Ce serait en faire un droit de l'enfant de l'obtenir dès
son admission qui renforcerait, je pense bien, le caractère exceptionnel
du placement et cela situerait immédiatement le centre d'accueil dans le
tableau de l'admission et dans le tableau aussi de l'aspect professionnel
plutôt que de l'aspect de l'hébergement. C'est une suggestion que
je fais. J'aimerais avoir les commentaires de nos invités
tantôt.
Avant de leur demander leurs commentaires là-dessus, j'aimerais
peut-être leur suggérer que, même s'ils se hérissent
un peu vis-à-vis de l'aspect sentenciel de la loi, il ne faut pas perdre
de vue une chose, c'est que cette loi est une loi d'exception dans un sens
différent de celui qu'on a utilisé ce matin. Ce n'est pas
seulement parce que cela fait du placement d'urgence. C'est une loi
d'exception, dans le sens que ce sont des dérogations aux droits des
enfants et des familles dans tous les cas, puisque l'on dit à un enfant
même que l'on veut protéger que l'on va s'en occuper, de
préférence à sa famille, par exemple dans le cas où
on est en face d'un cas clair de protection. Il ne s'agit pas d'émettre
une sentence adressée à l'enfant, mais il reste qu'on suspend les
droits normaux de la famille de s'en occuper, dans l'intérêt
supérieur de l'enfant, bien sûr, mais c'est malgré tout une
intervention exceptionnelle qui doit être limitée dans le temps.
C'est un argument qui peut être utilisé, mais je pense qu'il a son
poids.
D'autre part, vous avez un autre phénomène
dans le domaine de la santé, dans la loi de protection du malade
mental, où, sans intervenir du tout dans le traitement et je
pense que là, la distinction est très marquée il y
a une révision périodique des dossiers qui est effectuée
par la Commission des affaires sociales pour éviter qu'on oublie
quelqu'un dans le processus. C'est déjà arrivé avant que
cette loi existe. Du côté des malades mentaux, il y a eu des gens
qui ont été, pendant 24 ans, dans des institutions psychiatriques
cela se trouve dans les rapports annuels des années
antérieures avec un mandat du lieutenant-gouverneur, soi-disant
qu'ils étaient incapables de subir leur procès. Ils sont
restés 24 ans dans cet état sans être accusés et
sans qu'on décide de leur état de santé une
deuxième fois.
Ce sont des situations, évidemment, qui ne pourraient pas durer
24 ans dans le cas des enfants ce ne seraient plus des enfants; c'est le
moins qu'on puisse dire mais qui, malgré tout, dans les gros
systèmes dans lesquelles on vit, malheureusement, sont susceptibles de
se produire. C'est dans cet esprit qu'il y a certaines dispositions dans la
loi. Je serais inquiet qu'on les enlève totalement. Cependant, s'il
était possible d'affirmer le rôle du centre d'accueil, sa
responsabilité vis-à-vis de l'enfant pour établir,
dès son admission, un programme de réinsertion sociale, donc,
l'impliquant nécessairement dans tout programme que le directeur met sur
pied, toute décision quant à son orientation, il y aurait
peut-être moyen de s'assurer que le centre d'accueil n'est pas
considéré comme un simple dépotoir, un simple endroit
où on laisse l'enfant pour faire du temps. Certainement, tout ce qu'on
peut faire pour éviter cela, je pense que cela doit être fait, ne
serait-ce que pour souligner des choses qui, encore une fois, sont dans
l'esprit de la loi, de façon générale, mais qui
mériteraient d'être mentionnées plus explicitement.
Mme Séguin-Desnoyers: Si vous me permettez, M. le
Président, si l'Association des centres d'accueil obtenait cet
après-midi que soit reconnue sa responsabilité face au traitement
des enfants qui lui sont confiés, responsabilité qui veut dire
prise en charge et que ce soit nommément écrit dans la loi, elle
aurait déjà gagné, semble-t-il, un des points majeurs
qu'elle défend devant cette commission. Evidemment, la loi qui
protège le malade mental avait à préserver le malade qui
ne pouvait pas se défendre on dira: C'est aussi le cas de
l'enfant de certains abus du système. Il reste que je pense que,
maintenant, il y a aussi des mécanismes qui sont prévus, qui
protègent beaucoup l'enfant, ne serait-ce que les tables de
concertation, les commissions administratives, les révisions
périodiques qui sont faites à l'intérieur même des
établissements.
M. Forget: Mais pour ce qui est de la possibilité d'avoir
un article qui spécifie que, dès son admission, un enfant devrait
susciter un plan d'intégration personnalisée de
réinsertion sociale, croyez-vous que c'est une obligation qui serait
trop lourde?
Mme Séguin-Desnoyers: Pas du tout.
M. Cloutier: Je pense que c'est une chose tout à fait
achetable pour nous et je pense que, même dans la très grande
majorité des cas, ce plan-là existe en ce moment. On pourrait
même aller aussi loin que d'ajouter dans ce plan l'obligation qu'il y ait
des périodes de révision, c'est-à-dire qu'on le regarde
à nouveau et qu'il soit par exemple remis au comité d'admission
qui lui, est chargé de mesurer le "output, input" des enfants.
M. Lazure: C'est vraiment l'esprit de la chose. Si cela peut vous
rassurer sur nos intentions comme M. le député de
Saint-Laurent I'exprime et quelqu'un l'a soulevé ce matin
d'élaborer un peu plusdans la section II des droits de l'enfant et
introduire le concept d'un plan de traitement. Pour ce plan de traitement,
cependant, nous continuons de croire que le mécanisme de révision
périodique est nécessaire pour la protection un peu comme le
malade mental, même si c'est seulement un cas sur 1000, ce
mécanisme de révision est nécessaire. Il n'empêche
en rien les professionnels du centre d'accueil de continuer à
administrer leur plan de traitement.
M. Marois: Une dernière remarque, je ne veux pas
empêcher les autres d'intervenir, mais il y a une chose qui
m'inquiète. Je veux bien, comme on le fait abondamment, faire parler
l'esprit de la loi, mais faisons attention. J'ai vu de généreuses
intentions dans des textes de loi qui étaient du papier et qui ne
rimaient strictement à rien dans la pratique. Parce qu'on avait
prévu de très belles structures, des super-comités, des
super-patentes, tellement lourdes que, de toute façon, beaucoup de gens
avaient de la misère à s'y retrouver. Le monde en vie, aux prises
avec ces problèmes-là sur le plan humain, il faut qu'il se
retrouve là-dedans.
Arriver à des choses qui demeurent le plus souples possible, et
qui tiennent compte que, dans la vie, il n'y a rien de figé dans le
béton. Les choses évoluent. Les plans de traitement, je veux
bien. Mais si ma mémoire est bonne, le rapport Batshaw fait état,
je cite de mémoire, je peux me tromper, il me semble que c'est quelque
chose comme 27 écoles ou modèles de plans de traitement. Donc,
à tout le moins, ce qu'on peut dire, peu importe les chiffres, c'est
qu'il y a des écoles, il y a des courants, il y a des choses qui ne sont
pas figées, qui évoluent avec le monde en vie. Je trouve cela
très généreux et cela fait parler abondamment et largement
l'esprit de la loi que de vouloir préciser "plans de traitement" dans la
loi.
Mais si vous le faites déjà, si le chapitre 48 vous permet
non seulement de le faire, mais que le projet de loi 10 va, en plus, dans la
définition, à votre demande, préciser davantage la
dimension de la réintégration et de la réinsertion
sociales. Il me semble qu'il faut faire attention. Il y a un point
au-delà duquel la vertu risque de devenir parfois bêtise quand on
cherche à la figer dans des textes de loi. Toute la souplesse de la vie
qui avance, disparaît. Je veux bien croire aux forces
créatrices
du droit, mais on ne rencontre pas cela à tous les coins de rues
non plus, ni à tous les jours. Quand c'est figé dans un texte de
loi... On cherche à remplacer une loi qui date de 1950, des choses qui
sont temporaires, mais tellement temporaires qu'elles ont la faculté de
durer terriblement longtemps.
Si on se comprend sur l'approche et l'esprit, je crois qu'on pourrait de
notre côté faire un effort pour voir quels ajustements peuvent
être requis au texte qui est là. Il y a une dernière chose
que j'ai peut-être mal comprise, mais qui me laisse perplexe. Cela fait
deux fois, et je crois même que c'est la troisième fois que je
vous l'entends évoquer. Je crois que je vous cite à peu
près, vous me corrigerez si je me trompe. Faisant allusion à cet
article qui prévoit que le directeur peut, et même a le pouvoir de
se rendre sur place, vous semblez constamment, chaque fois que quelque chose du
genre est évoqué à savoir que quelqu'un de
l'extérieur puisse aller voir... Vous avez vous-même repris cette
expression en disant: II n'a pas besoin de venir, nous allons y aller leur
raconter comment cela se passe. J'avoue qu'il y a quelque chose qui
m'inquiète là-dedans. Pourquoi s'opposerait-on à ce qu'un
directeur de la protection de la jeunesse, s'il y a cette volonté de
collaboration, tous les agents impliqués dans une région
donnée... A quoi cela tient-il?
Je ne comprends pas, j'avoue que je ne comprends pas et il faudrait
peut-être se poser un certain nombre d'autres questions aussi, sur, entre
autres, les enfants qui sont dans les familles d'accueil. Je comprends que
c'est un autre problème, mais c'est relié. Je m'excuse, ce n'est
pas le ministre, mais le député qui parle. Très souvent,
on entend dans nos comtés des citoyens qui viennent nous rencontrer pour
nous raconter le cas de l'enfant qu'ils ont chez eux depuis huit mois, neuf
mois, dix mois, un an, deux ans, l'enfant qu'on a sorti, sans qu'ils
réussissent à obtenir des explications qui leur semblent
satisfaisantes, où ils avaient l'impression qu'ils avaient fait un
effort important comme famille d'accueil pour favoriser la
réintégration d'un enfant dans un milieu familial naturel ou, en
tout cas, plus naturel. Tout à coup, pour toutes sortes de raisons,
c'est sorti. Il y a quelqu'un, quelque part, qui a le dossier et à peu
près personne ne peut obtenir d'explications. Ce sont des cas concrets
que j'ai vus dans certaines régions. Quand on met cela en cause on nous
dit... Il y a des gens, ce sont des experts, qui examinent les dossiers, ils
connaissent cela, cela nous mène jusqu'où cette espèce de
logique? J'avoue que je me pose des questions.
Mme Séguin-Desnoyers: Malheureusement, M. le ministre,
nous ne pourrons pas répondre à cette dernière question.
Nous en avons plein les bras des enfants qui sont en centre d'accueil sans
avoir ceux qui sont en famille d'accueil, ceux-là appartiennent aux CSS.
Nous sommes, nous aussi, aux prises avec des enfants qui sont et en centre
d'accueil et en famille d'accueil, nous vivons le double problème. Ce
n'est pas un petit problème non plus. Je pense qu'on n'est pas rendu au
bout de trouver des solutions pour aider des enfants en difficultés.
Cela nous permet de vous dire qu'à ce moment on comprend difficilement
que certains enfants ne soient pas inclus dans la loi 24, que des enfants
soient régis par la loi 48 et d'autres, par la loi 24. Pour nous, il n'y
a pas cette division; on ne l'avait pas sentie ou on l'avait mal
interprétée, mais on ne l'a jamais vue; parce que, quand on lit
les notes explicatives de la loi 24, elle dit ceci; "Elle vise essentiellement
à assurer la protection et la réinsertion familiale et sociale de
tout enfant dont la sécurité ou le développement est
compromis on peut dire en gros: Article 15 ou qui a commis des
actes contraires à une loi ou à un règlement en vigueur au
Québec en gros encore: Article 20 Nous disons que tous nos
enfants sont là-dedans, nos mésadaptés sociaux sont
là, ils ne sont pas seulement dans la loi 48 et exclus de la Loi 24; les
voilà bien présents, bien touchés par ce projet de loi.
C'est pourquoi nous avons réagi comme étant concernés par
ce projet de loi.
Pour vos autres questions, je vais laisser M. Cloutier vous
répondre.
M. Cloutier (Pierre): La question de fond dans ce que vous
citiez, par rapport à "l'inspecteur", ou à la personne qui vient
regarder des dossiers, je pense qu'il a été suggéré
dans le passé des tonnes de mécanismes pour l'inspection. Il en
existe encore au ministère des Affaires sociales, la direction
générale de l'agrément en assume une bonne partie.
Quant à nous, à l'association, on a déjà
participé à un truc qui s'appelle le conseil de l'agrément
des services à l'enfance mésadaptée, on a maintenant
changé de politique, on est à la veille de proposer au ministre
des Affaires sociales une façon d'évaluer nos services. Cela est
fait à partir des centres d'accueil, c'est donc vous dire l'esprit
positif dans lequel on s'enligne pour vous dire: Oui, venez regarder nos
services; venez voir comment cela se passe dans les centres d'accueil et ne
vous gênez pas, c'est ouvert. Je pense que là-dessus, l'ensemble
des membres de l'association... en tout cas, on se veut un rôle moteur,
d'ouvrir les portes de nos boîtes pour que les gens puissent venir voir
ce qui se passe là-dedans. Il n'y aura absolument rien à cacher,
soyez en sûrs. Sauf que c'est une question de prise en charge, qui est
responsable des enfants placés en centre d'accueil?
A notre avis, pour éviter les dédoublements, pour
éviter les surcharges au bureau du DPG je vous cite
Montréal où il y aura peut-être 2000 ou 3000 enfants et
probablement pas mal plus, qui seront sous sa coupole de bon père
je pense qu'il va y en avoir déjà suffisamment. On vous dit: Ceux
qui sont dans les centres d'accueil, vous disposez là des services
compétents pour assumer complètement ces enfants. Ecrivons dans
notre loi que les enfants placés en centre d'accueil sont la
responsabilité du centre d'accueil, qu'il doit y avoir un plan de
traitement ou pas et qu'il y a des systèmes de révision de
prévus et le centre d'accueil prendra ses responsabilités. Vous
avez, je
pense, en ce moment, tous les mécanismes pour vérifier la
bonne marche de cette opération, cela se fait en collaboration avec les
CSS, puisqu'ils sont, au niveau des comités d'admission, au niveau des
comités régionaux d'admission, aux tables de concertation, aux
commissions administratives, les CRSSS aussi sont là.
Ils sont quand même des créatures du ministère des
Affaires sociales. Vous avez là, je pense, toute une série de
mesures vous garantissant que les enfants ne pourriront pas chez nous, qu'ils
vont faire quelque chose et qu'ils vont en sortir. C'est une notion de prise en
charge. Le responsable de l'enfant en centre d'accueil a tout ce qu'il faut
pour assumer complètement sa prise en charge.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous d'autres questions,
M. le député de Saint-Laurent?
M. Forget: Oui, mais j'ai été un peu
précédé par madame qui a soulevé ce problème
qui m'avait surpris dans les remarques du ministre d'Etat selon lesquelles il y
aurait un certain nombre de mésadaptés sociaux qui ne tomberaient
pas sous le coup de la loi 24.
J'allais lui poser cette question: Comment expliquer cette distinction
entre des enfants qui seraient dans des centres d'accueil, en vertu seulement
du chapitre 48, et d'autres qui le seraient en vertu de la loi 24? Il me semble
que cette distinction ne peut pas être faite. Elle découle
peut-être d'une notion ancienne d'enfants placés par la cour et
d'enfants placés par les agences ou par les centres de services sociaux.
Mais je ne vois pas, dans le contexte très compréhensif de la loi
24, comment on pourrait maintenir une distinction comme celle-là,
à moins qu'on n'ait mal compris.
Est-ce que le ministre d'Etat pourrait éclairer notre lanterne
là-dessus? Est-ce qu'il y a une distinction que le gouvernement fait
entre différents types d'enfants ou cette loi vise-t-elle tous les
enfants?
M. Marois: Je ne veux pas recommencer ce que j'ai expliqué
au début. Il y a deux textes de loi. Le chapitre 48, c'est une chose.
C'est un plan de législation qu'on ne peut dissocier d'un autre, qui est
le projet de loi 24. C'est à la lumière de l'ensemble et du
projet de loi 10, qui amende en plus le chapitre 48, qu'on peut, entre autres,
préciser la dimension et mettre sur papier la réinsertion
sociale.
Je pensais qu'il était raisonnable, au moins, d'établir
clairement les choses qui relèvent de telle loi et celles qui
relèvent de telle autre loi. La réalité relève
d'elle-même. Les faits sont là.
Ce qui est important, c'est que le rôle, les fonctions et les
pouvoirs de chacun des agents, des intervenants soient bien
précisés, bien nets, bien marqués par l'une ou l'autre des
lois. S'il devait subsister quelque ambiguïté, ce serait notre
responsabilité comme parlementaire de trouver les formules qui
s'imposent et faire les ajustements en cours de route. J'ai indiqué
qu'on était pleinement ouvert, mais je ne veux pas allonger plus longue-
ment la discussion. Je sais qu'il y a d'autres députés qui
veulent...
M. Forget: Si c'est important pour les intervenants de savoir
quelle loi s'applique, c'est important aussi pour la clientèle. La
question est: Est-ce que toute la clientèle, pour employer ce mot, des
centres d'accueil va pouvoir se réclamer de la loi 24 quant à ce
qui est des droits, des procédures et tout, sans exception?
M. Lazure: La réponse est oui. M. Forget: Sans
exception. M. Lazure: Oui.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Merci, M. le Président. J'ai quelques questions,
qui sont pas mal importantes, je crois, sur votre mémoire. Vous avez
parlé du nombre de clients présentement dans les institutions au
Québec. Vous dites que le Québec a présentement plus de
monde dans les institutions qu'ailleurs.
Est-ce que vous avez vu le rapport Batshaw qui a donné des
renseignements pour essayer d'éviter qu'autant de personnes se
retrouvent dans les institutions? Est-ce qu'on a déjà fait des
changements dans la politique des centres d'accueil pour essayer
d'éviter le nombre de personnes qui sont en institution?
Mme Séguin-Desnoyers: Je dois d'abord vous dire que c'est
M. le ministre des Affaires sociales qui nous a dit, ce matin, qu'il y avait au
Québec, plus que partout ailleurs, des enfants en institution. Cela
n'est pas notre affirmation.
Nous disons qu'il y a peut-être, si M. le ministre des Affaires
sociales le dit, plus d'enfants en institution au Québec et qu'il y a
certainement moins de ressources alternatives pour répondre aux
différents besoins des enfants.
C'est en parlant de ressources alternatives, M. le député,
que je peux vous dire que nous essayons, bien sûr, de trouver des formes
d'approche différentes de celle de la mise en institution.
Les tables de concertation, dans les différentes régions,
qui deviendront des commissions administratives de par la loi 10, ont fait des
études sérieuses dans plusieurs régions. De tous les
services qui sont actuellement rendus aux enfants, compte tenu des besoins de
ces enfants, il y a un mouvement très grand qui se fait depuis quelques
mois vers une sortie des enfants des centres d'accueil pour les diriger vers
les foyers de groupe, par exemple, vers les ressources en centre de jour.
Je pense que c'est là un mouvement qui doit s'accentuer. Ce que
nous disions ce matin, c'est qu'il y aura toujours un certain nombre d'enfants
qui auront besoin de leurs ressources internes, essayons de les rendre le plus
thérapeutiques possibles.
M. Shaw: Je vous pose cette question pour
une raison spécifique; on prévoit un projet de loi qui va
améliorer, disons, les droits des enfants, en essayant d'éviter
le recours aux tribunaux pour les enfants. C'est très important. On
donne plus de pouvoirs aux centres de services sociaux pour agir auprès
des enfants.
Mais ça prend aussi une équipe au complet; comme centre
d'accueil, vous pouvez fonctionner dans ce domaine, maintenant, après
l'adoption d'un projet de loi. Est-ce que vous croyez maintenant, avec les
données que vous avez, que vous travaillerez maintenant... J'ai
posé la question ce matin à propos de la liste d'attente pour
placement. Est-ce que vous avez des listes d'attente pour placement?
Mme Séguin-Desnoyers: Bien sûr qu'il y a des listes
d'attente pour placement. Les centres de services sociaux sont encore plus en
mesure que nous de vous dire qu'il existe de telles listes. Elles existent, ces
listes, parce qu'il manque certainement de places-ressources pour
répondre aux besoins des enfants, d'une part. Peut-être que les
besoins des enfants pourraient être satisfaits par des mesures
différentes de celles des centres d'accueil. Je répète que
nous cherchons aussi à mettre sur pied des mesures alternatives, comme,
d'ailleurs, les CSS le font depuis quelque temps. Ils mettent sur pied des
foyers d'hébergement afin de pallier la carence des familles
d'accueil.
Mais je pense que le nombre de places qui est assez réduit, quoi
qu'on en dise, que le peu de ressources alternatives nous amènent
à avoir des listes d'attente.
M. Shaw: Est-ce que vous avez d'autres renseignements?
M. Parr (Jean-Louis): Pour compléter ce que Mme
Séguin vient de dire, la situation dans les centres d'accueil pourrait
un peu s'apparenter à celle qu'on retrouve dans les hôpitaux. Vous
pouvez mettre votre nom sur une liste d'attente dans un hôpital pour
recevoir un traitement spécial qui peut être relativement long,
mais qui ne demande pas une urgence. Par contre, vous pouvez entrer dans une
salle d'urgence tous les jours, tous les soirs, 24 heures par jour. Dans les
centres d'accueil, c'est un peu la même façon d'agir. Un policier
ou quelqu'un qui découvre une situation d'urgence pour un jeune peut
entrer dans un centre d'accueil. Il y a des centres d'accueil qui sont
prévus pour ça; vous pouvez entrer un jeune dans un centre
d'accueil 24 heures par jour.
Par contre, pour des traitements plus précis et plus en rapport
avec les besoins particuliers d'un enfant, évidemment, il est possible
qu'il y ait des jeunes qui soient sur des listes d'attente. Les comités
d'admission régionaux, les mécanismes qui ont été
mis en place par la loi 48 prévoient et essaient de réduire ces
listes d'attente au minimum et les mécanismes de concertation et les
commissions administratives vont avoir comme rôle de voir à ce que
des ressources alternatives et des mandats de centre d'accueil soient
modifiés de façon que ces listes d'attente disparaissent
complètement.
Elles sont beaucoup moins longues et beaucoup moins onéreuses
qu'elles ne l'étaient il y a quelques années et elles sont
actuellement plus onéreuses qu'elles ne vont l'être l'an
prochain.
M. Shaw: Une autre question que je veux poser. Vous avez
demandé d'avoir un contrôle des clients dans vos institutions pour
leur réinsertion; vous avez parlé d'une sentence, un
système de six mois et vous voulez garder le pouvoir de contrôler
la longueur du "client stay". Est-ce que c'est un conflit
d'intérêts pour le client lui-même que le centre d'accueil
ait le contrôle de la longueur de son séjour dans vos
institutions?
M. Parr: Le plan de traitement qu'on propose, déjà,
actuellement, et beaucoup plus à l'avenir, va être
déterminé par le praticien qui va avoir identifié le
problème de l'enfant; il va être déterminé on
souhaite qu'il soit déterminé avec le centre
d'accueil.
Nous ne sommes pas opposés au problème de révision
de placement. Ce qu'on souhaite, c'est que la loi dise bien les intentions du
législateur pour que personne ne puisse prêter d'intention
à qui que ce soit et que les choses disent bien ce qu'elles veulent
dire.
Si je me permets de prendre l'article 52, qui dit qu'un
hébergement volontaire dans une famille d'accueil ou un centre d'accueil
est fait pour une durée maximale de six mois, cela ne dit pas une
révision au bout de six mois. Cela dit une durée de placement de
six mois.
On voudrait et on pense être les personnes-ressources pour
déterminer quels sont les plans de traitement; on voudrait que les plans
de traitement soient décidés avec nous en collaboration, en
concertation avec le centre de service social, et qu'ils soient
révisés régulièrement, mais pas
déterminés d'une façon sentencielle, comme la loi
l'indique, telle que rédigée.
M. Cloutier: Si vous me permettez de compléter, c'est un
peu comme si on prescrivait à un patient qui s'en va voir un
médecin qu'il va se faire traiter en physiothérapie pour trois
mois.
M. Lazure: Juste une correction, parce que cela risque de devenir
un slogan, ce système sentenciel. C'est presque tendancieux de dire
cela. Cela dit: Maximum, six mois; cela ne dit pas: Minimum, six mois, alors
qu'une sentence ou une prescription, comme vous dites, de trois mois, c'est un
minimum, trois mois. C'est un maximum, six mois. Surtout dans le cas d'un
hébergement volontaire, si les gens se concertent, le directeur de la
protection et toutes les personnes impliquées, cela peut très
bien être seulement six semaines.
Ce n'est pas sentenciel, c'est prudentiel. On vous a expliqué
tantôt l'intention de cela, c'est de s'assurer qu'il y ait des
révisions au bout de six mois. Mais cela peut certainement être
plus court ou plus long.
Mme Séguin-Desnoyers: Je pense que nous en sommes
là exactement à ce que nous disions tantôt, à savoir
deux modèles d'approche. Cela revient exactement à cela.
Même si le traitement appelons cela autrement même si
la durée de séjour de l'enfant est de six semaines, six mois,
deux fois six mois, trois fois six mois, il reste que l'enfant, dès le
début, va être mis au courant de ce qui l'attend en termes de
temps. C'est seulement à cela que nous nous en prenons et c'est toute la
problématique que nous avons fait valoir tantôt, que je ne veux
pas reprendre, pour ne pas alourdir la discussion.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez d'autres
questions, M. le député de Pointe-Claire?
M. Shaw: Oui. Il y a différentes formes de
détention, si vous voulez, car vous avez des détentions
fermées, et une question comme une période de temps dans un
système de détention fermée, une période de six
mois, c'est peut-être trop long. Si nous voulons garder le système
qui est actuellement dans nos institutions, un système qui dit que le
contrôle de la durée de séjour des clients est fait par les
centres d'accueil au lieu d'avoir une précision dans la loi qui soit
dans l'intérêt de la jeunesse, parce que nous avons d'autres
centres qui sont totalement différents, vous avez un centre de
réadaptation. Cela peut être une autre situation qui peut
requérir un séjour plus long, mais la loi doit maintenir le droit
de chaque enfant d'avoir une révision de sa sentence, si vous voulez,
parce que, pour lui, peut-être que c'était une sentence que de le
soustraire à sa situation familiale ou communautaire.
Mme Séguin-Desnoyers: En fait, M. le député,
il faut peut-être faire la différence avec les placements dans le
centre sécuritaire, que vous appelez un centre de détention. A
l'article 87e, il est fait mention que les jeunes qui vont être
référés en centre sécuritaire vont l'être
pour trois mois et je pense qu'il y a là une bonne garantie pour cette
clientèle très particulière.
Quant aux autres, je pense qu'on ne peut que redire ce que nous avons
affirmé tout au long du dépôt de ce mémoire et en
réponse aux questions, il n'est pas question de ne pas réviser ce
qui est fait pour l'enfant. Il faut le réviser périodiquement.
C'est au modèle, encore une fois, que nous nous en sommes pris.
M. Parr: J'aimerais ajouter, concernant l'article 87e, sur les
hébergements sécuritaires, qu'il y a un énorme danger que
les hébergements sécuritaires de trois mois soient
apparentés à des détentions en prison
déguisée.
Il faut réaliser que va, dans ces endroits, ce qu'on pourrait
appeler la clientèle à peu près la plus perturbée.
La loi telle que rédigée risque de drôlement enfarger les
professionnels qui travaillent à l'intérieur de ces centres
d'accueil et qui essaient, pour une dernière fois, d'aider un jeune
à s'en sortir.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Seulement une question que je voudrais essayer de
préciser. En fait, c'est tout le problème fondamental. J'ai
travaillé dans un centre d'accueil, au Centre Saint-Vallier, assez
longtemps pour savoir ce qu'est une prison pour jeunes. Le problème
qu'on se pose, actuellement, quand vous parlez d'une approche qui ne devrait
pas être sentencielle est le même finalement pour les
détenus adultes. Il y a deux écoles de pensée. Il y a
l'école des gens qui disent qu'on devrait avoir, au niveau des adultes,
des sentences indéterminées et, pour les jeunes, finalement,
qu'on appelle cela autrement, ces gens perçoivent cela souvent, comme le
député de Pointe-Claire le soulignait, comme des sentences. On
peut bien appeler cela, nous autres, des traitements, mais eux vont le voir
comme une mesure que la société leur impose, de toute
façon.
La question qu'on peut se poser: Est-ce qu'on ne dénigre pas...
Je n'ai pas encore la réponse. J'ai travaillé dans ces milieux.
Est-ce qu'on ne brime pas les droits des jeunes de la même façon
qu'on pourrait brimer les droits des adultes si on décidait
d'incarcérer ou de détenir, ou de mettre des gens dans un centre
d'accueil pour des périodes indéterminées? C'est cela
finalement le problème. Est-ce acceptable, au niveau des droits de
l'homme, par exemple?
Je suis bien d'accord au niveau du traitement, cela donnerait
peut-être de meilleurs résultats, mais comment va-t-on le
percevoir, comment les jeunes vont-ils le percevoir et comment la population et
la société est-elle prête à accepter cela?
Mme Séguin-Desnoyers: Si vous me permettez, M. le
député, on a dépassé, je pense, cette motion de
placement indéterminé. Le modèle auquel nous faisons
référence, qui inclut un plan de réinsertion sociale,
dès l'entrée de l'enfant en centre d'accueil, doit essayer de
déterminer le temps du placement de l'enfant, et cela, avec tous les
intervenants. C'est la façon, encore une fois, dont on le fait à
laquelle nous nous en prenons; mais il n'est pas du tout question pour nous de
dire que les enfants vont venir en centre d'accueil et vont y rester tant que
les professionnels vont décider qu'ils doivent y rester et l'enfant ne
sera pas du tout impliqué dans ces décisions, la famille non plus
ne sera pas impliquée et il y a une espèce de concertation des
professionnels pour travailler quasi à l'insu de tout le monde
auprès de l'enfant. Je pense que cette notion est
dépassée, puisqu'on essaie, de plus en plus, d'aller vers une
notion d'aide précise dans le temps et dans l'espace.
M. Charbonneau: Si, à votre avis, à votre niveau,
c'est dépassé, est-ce qu'au niveau de la mentalité sociale
dans la société, c'est-à-dire est-ce que les gens
comprennent cela et est-ce qu'ils sont prêts à accepter cela?
Est-ce que cette approche, au niveau de la société
québécoise, est acceptable actuellement? Il y a beaucoup de gens,
même si on est plein de bonnes intentions, qui
peuvent percevoir cela comme quelque chose de négatif.
D'ailleurs, il y a des expériences qui ont été
tentées auprès d'une certaine population adulte qui est
détenue et on lui a demandé ce qu'elle préférait.
Elle aimait bien mieux savoir pour combien de temps. Si on faisait la
même chose, si, du temps où j'étais à Saint-Vallier,
il avait fallu que je demande aux jeunes s'ils étaient prêts
à accepter non pas un hébergement, mais un placement dans un
centre d'accueil pour une période, vous dites, qui est
déterminée par un plan traitement, mais, le plan traitement,
comme on le soulignait tantôt, il évolue également, il peut
évoluer d'une façon positive pour faire en sorte que le type
reste moins longtemps que prévu par le plan de traitement, mais il peut
également évoluer d'une façon négative et va faire
en sorte qu'il va rester plus longtemps que le plan de traitement original le
prévoyait...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sherbrooke suivi du député de Mégantic-Compton.
M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais bien avoir
des commentaires avant.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous posé des
questions? Avez-vous compris les questions?
M. Parr: Oui.
Le Président (M. Laplante): D'accord, allez-y.
M. Parr: La réponse, M. le député, vous
l'avez, parce que vous avez travaillé à l'intérieur d'un
centre d'accueil et vous savez quelle est la formule qu'il faut
privilégier. Ce que vous trouvez difficile, c'est de mettre,
premièrement, la satisfaction du besoin de l'enfant avant l'opinion
publique que vous allez avoir à affronter en présentant le projet
de loi.
M. Charbonneau: Ce n'est pas seulement l'opinion du public. C'est
également l'opinion des gens qui vont vivre ces situations, qui est le
premier public concerné. Je comprends qu'il ne s'agit pas seulement de
dire: On va se fier à l'opinion publique, mais le premier public qui est
concerné, est-ce qu'il va comprendre
M. Cloutier: II est sûr qu'en regard de cette notion, les
gens, les adultes aiment mieux savoir combien de temps ils ont à faire.
Oui, ils font du temps très fréquemment. Vaut mieux le faire et
mon problème sera réglé, je vais sortir de la
boîte.
Aux centres d'accueil, on ne vient pas faire du temps. Je pense qu'on
l'a suffisamment dit. On se rabat, en termes de modèles
thérapeutiques, sur le plan de traitement. On dit: Avec cela, on va
évoluer. C'est vrai qu'à un moment donné ce que
vous appelez la négative on va être obligé de faire
un peu plus long que prévu, dans un premier temps. Cela va arriver.
L'enfant en est informé, ainsi que ses parents et tout le monde, au
besoin, mais il suit le cheminement dans ce cas. Il va constater lui-même
qu'il n'est peut-être pas prêt à sortir. C'est notre "job"
de l'embarquer là-dedans. La détermination du temps au sens
où on l'entend chez les adultes... Cette notion est très
contestée dans le secteur adulte aussi. On n'en est pas à la
vérité là-dessus. Nous autres, on a donné une
réponse à cela qui est un plan de traitement évolutif dont
l'enfant est informé.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sherbrooke.
M. Charbonneau: J'aurais seulement une question
additionnelle.
Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît, parce
que je voudrais présenter l'autre mémoire avant. Il ne reste que
trois heures d'audition et je ne voudrais pas être dans l'obligation de
retourner les gens à Montréal ou ailleurs en province pour une
demi-heure. Je voudrais qu'on...
M. Charbonneau: Dans ce cas, je vais faire vite. Je voudrais que
vous teniez compte la prochaine fois qu'il y a des députés
"back-bencher" qui aimeraient participer aussi à la commission et avoir
parfois le temps de poser des questions.
Le Président (M. Laplante): Vous le direz autour d'une
table, lors d'un caucus de votre parti.
M. Charbonneau: C'est seulement pour savoir si vous avez
actuellement des données sur le travail, sur l'approche que vous
préconisez.
Est-ce que vous avez des données qui nous permettraient de
regarder ce que cela a donné, notamment chez les gens qui sont
concernés, cette approche de plan de traitement, avec, au départ,
un temps fixé, et qui évolue, de toute façon?
Mme Séguin-Desnoyers: Je pense que ce que nous sommes
à faire actuellement, c'est implanter ce modèle qui, bien
sûr, nous a été proposé par le rapport du
comité Batshaw, par les travaux du comité tripartite sur la
réinsertion sociale. Actuellement, dans les régions, autour des
tables de concertation, il y a vraiment un effort d'implantation de ce
modèle, mais il n'y a pas encore de recherche qui puisse nous donner des
chiffres par rapport à cela.
M. Charbonneau: Merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sherbrooke.
M. Gosselin: Je ne peux pas m'empêcher, à ce moment,
de vous traduire une certaine déception, un certain agacement en regard
de l'allure très fermement défensive que prend votre point de vue
ou toute votre argumentation dans le mémoire que vous soumettez sur la
loi 24. Vous pouvez sûrement avoir des mobiles à défendre,
des choses, mais je cherche en vain l'affirmation positive et le modèle
d'articulation idéal au niveau des solutions.
II y a certains droits affirmés à l'intérieur du
projet de loi 24, comme le droit pour l'enfant d'être le plus possible
maintenu dans son milieu naturel, d'être le plus possible
écarté ou, en tout cas, le moins possible soumis à
l'arbitraire de certains types de décisions. Dans la définition
du mandat, dans votre mémoire, vous semblez exclure toute notion de
coresponsabilité ou de partage des responsabilités. En tout cas,
je ne sens pas très vivement l'affirmation de la coresponsabilité
que vous entendez exercer avec d'autres intervenants auprès de l'enfant.
Je ne le sens pas au point que cela pourrait vouloir dire qu'un plan de
traitement, dans une institution, pourrait être modifié par la
présence d'un tiers qui continuerait d'être le répondant de
l'enfant.
Dans d'autres mémoires, à l'intérieur des
débats qui vont suivre, et c'est une idée qui se fait de plus en
plus ouverte, on parlera des accompagnateurs de l'enfant. On parlera de famille
pilote pour l'enfant, au-delà du concept des familles d'accueil; on
parlera d'un quasi-tutorat. On pense qu'un enfant pourrait être
placé dans un centre d'accueil, mais resterait rattaché à
cette personne. Cette personne pourrait rester conjointement solidaire ou
conjointement responsable du plan de traitement.
On ne trouve pas l'affirmation en tout cas je ne l'ai pas
trouvée, j'ai peut-être mal lu l'affirmation de ce principe
de coresponsabilité avec quelqu'un du centre d'accueil. Vous semblez
dire: Nous avons la responsabilité du plan de traitement, nous ne
voulons pas voir saboter notre plan de traitement par quelque intervention.
C'est ce que je sens. Je ne sens pas l'affirmation positive.
Mme Séguin-Desnoyers: M. le Président, je suis, moi
aussi, doublement sidérée d'apprendre que vous percevez notre
intervention dans le sens d'une fermeture sur nous-mêmes. Ce qui nous a
surpris dans le projet de mémoire, c'est justement qu'on ne nous
considère pas comme des collaborateurs. Ce que nous affirmons tout au
long de notre mémoire, et il me semble de façon assez claire,
c'est notre volonté de travailler avec le Centre de services sociaux, de
travailler avec tous les intervenants. Quand on défend la notion de
prise en charge, c'est simplement pour assurer qu'il y ait quelqu'un qui soit
répondant de cet enfant-là et qui fasse le lien avec toutes les
autres instances capables de l'aider dans son cheminement. Que ce soit sa
famille naturelle, une autre famille d'accueil, l'école
extérieure, le centre de loisirs, le praticien social qui l'a
déjà suivi, la ressource du CLSC qui le recevra après;
tout notre mémoire, me semble-t-il, est dans cette veine.
Peut-être que l'approche que nous avons faite aujourd'hui a
été un peu plus centrée sur nos "doléances", et que
nous nous sommes sentis un peu frustrés de ne pas être
suffisamment mis en valeur dans ce projet de loi. C'est possible. Mais que nous
ne voulions pas collaborer, cela me renverse vraiment.
M. Gosselin: Personnellement, si vous me permettez simplement de
relever, en page 24 de votre mémoire, "que l'article 9 soit
reformulé ainsi", et voilà la formulation que vous
suggérez: "Les mesures du contrôle du comportement doivent
être prises dans l'intérêt de l'enfant et l'action des
intervenants doit se faire à partir de règles internes
acceptées par le Conseil d'administration de l'établissement et
diffusées aux personnes concernées". Il me semble que vous auriez
pu aller un peu plus loin. Il me semble que vous auriez pu dire que vous
pourriez ne pas être les seuls définisseurs du plan de traitement
et que l'intervenant préalable qui était le travailleur social,
qui accompagnait l'enfant, ou la famille-tuteur qui, pour un temps, confie
l'enfant à un centre d'accueil, pourrait rester très
immédiatement rattachée au praticien dans l'établissement
du plan de traitement et dans la révision du plan de traitement. Je ne
sens pas cela très affirmé.
Mme Séguin-Desnoyers: Mais c'est le modèle que nous
proposons lorsque nous demandons qu'il y ait concertation à
l'entrée de l'enfant en centre d'accueil, justement. Nous demandons que
tous les intervenants soient là et qu'ils participent à
l'élaboration de ce plan.
M. Cloutier: On dit que la rampe de lancement de ce programme se
fait au centre d'accueil. C'est là que l'enfant vit pendant six mois, un
an. Les CSS, une fois que l'enfant est rendu au centre d'accueil, ne sont pas
étrangers au problème de l'enfant, au contraire. Ils continuent
à travailler avec les équipes multidisciplinaires. Ils sont
partenaires dans ce processus. Ils sont aussi partenaires dans le processus de
réinsertion sociale. Cela a été clairement défini
dans un comité tripartite qui a siégé et ce
portrait-là me semble vraiment fait en collaboration avec ces
gens-là. Au contraire, une des demandes importantes qu'on a faites c'est
d'avoir de plus en plus de travailleurs sociaux dans nos boîtes pour
qu'ils puissent s'embarquer dans ces affaires-là. Ils continueront, au
besoin, d'appartenir aux CSS. On le fera à deux. Mais on dit que
l'enfant vit dans un établissement, qui est le centre d'accueil, et la
prise en charge on revient à cela et j'arrête il
faut que quelqu'un, quelque part, soit responsable. On vous dit: nous sommes
capables d'assumer cela.
M. Gosselin: C'est qu'il y a une philosophie, toute la question
de la philosophie des centres d'accueil est peut-être impliquée
là-dedans. Personnellement, je considère le centre d'accueil
si vous me le permettez comme une sorte d'organisation relais
où, à la rigueur, je serais parent pilote d'un enfant ayant
à être placé dans un centre d'accueil et j'en serais
toujours responsable; même s'il est dans le centre d'accueil, j'aurais
des rencontres serrées avec le praticien et je serais coauteur du plan
de traitement, ou encore on définirait cela ensemble. Or, je ne sens pas
cela affirmé et il me semble que ce serait affirmé si, au moins,
vous reconnaissiez le principe que, quand un enfant est placé en centre
d'accueil, il y a une limite de temps à être fixée ou des
protocoles. Vous ne définissez pas ces protocoles; j'avoue que je
persiste dans mon malaise.
M. Parr: M. le député de Sherbrooke, il ne faudrait
pas voir dans ce partage, cet échange, ce mécanisme de
concertation avec d'autres organismes, une critique de l'article 9; c'est tout
simplement une critique de l'article du projet de loi qui parle des mesures
disciplinaires à l'intérieur d'un centre d'accueil. Ce n'est pas
cet article qu'on va déterminer notre intention, notre désir, et
tous les mots qui ressemblent à cela, de collaborer avec tout le milieu
ambiant. On travaille avec à peu près tous les milieux et de plus
en plus. Cette année, avec la mission d'intégration scolaire, on
travaille en collaboration avec les écoles, on est rendu dans les
centres de loisirs, les gens viennent chez nous en centre de jour, on
n'arrête pas d'aller constamment davantage en collaboration avec tous les
organismes de la région, tous les organismes qui nous entourent. Il ne
faudrait pas s'arrêtera notre remarque sur l'article 9 pour
déterminer une intention du centre d'accueil de travailler en
collaboration avec d'autres.
M. Gosselin: J'avoue que c'est une impression
générale qui dépassait un peu l'article 9, qui se
dégageait peut-être du ton dans lequel les choses sont faites,
mais aussi par les formulations et par le fait que j'aurais souhaité que
vous alliez plus loin dans la définition de certaines choses, de
certaines attentes que vous pourriez avoir.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Forget: Pour une fois qu'on a un concours pour savoir qui va
être responsable des enfants en difficulté, je pense qu'on devrait
plutôt se réjouir que le déplorer. Je pense qu'un des
grands problèmes qu'on a peut-être eus, dans le fond, sans faire
de reproche à personne, c'est que, justement, la responsabilité
vis-à-vis des enfants, on n'a jamais trop bien su où elle
résidait et que, pour une fois qu'il y a des gens qui viennent devant
nous nous dire: Nous, on a le goût de se sentir responsable
vis-à-vis des enfants parce qu'on est avec eux et qu'on essaie de les
aider, je pense qu'il ne faut quand même pas dire: Ils devraient, au nom
de la collaboration avec tout le monde, ne plus se sentir responsables. Je
pense qu'on devrait plutôt les féliciter de vouloir être
responsables parce que, finalement, ce sont des responsabilités, ce sont
des obligations qu'ils veulent assumer. De fait, qu'ils veuillent les assumer
avec d'autres, je pense que cela peut les aider et ils ne refuseront pas de le
faire, mais l'essentiel, c'est qu'ils se sentent responsables et je ne vois pas
de quoi se décourager dans le fait qu'on se fasse dire: Enfin, on veut
être sûr qu'on est responsable; au contraire.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, brièvement parce que
le temps achève, je voudrais remercier l'Association des centres
d'accueil d'être ici et de nous fournir un rapport bien
étoffé. Pour connaître plu- sieurs de ces gens qui sont
devant nous... On sait que, si l'association affiliée existe depuis
1974, depuis beaucoup plus longtemps, on oeuvre dans ce secteur; on remonte
à 1964, mais, bien avant cela, il y a de ces gens qui étaient
déjà dans le secteur et on sait autour de cette table de quoi on
parle aujourd'hui et les arguments qu'on amène sont vraiment
fondés et valables.
Je voudrais remercier cette association de ce mémoire qui nous
rend service et qui nous éclaire vraiment, de façon valable pour
les députés autour de cette table. Vous avez affaire à une
brochette de députés qui sont au courant, tant du
côté ministériel que de l'Opposition, des problèmes
d'ordre social au Québec. Vous le voyez, du côté
libéral, du côté gouvernemental et de l'Union Nationale,
cela nous intéresse. Nous sommes désireux d'entendre les
explications que vous nous donnez et d'autres question additionnelles.
Je voudrais vous demander, aux articles 42, 52 et 58... les autres
questions ont été posées avant sur d'autres sujets, mais
c'est un point un peu brûlant. L'article 42 dit: "Faire héberger
l'enfant sans délai dans un centre d'accueil, une famille d'accueil, un
centre hospitalier ou un organisme approprié".
Pour avoir été directeur de deux centres d'accueil,
j'aimerais que vous nous donniez un projet d'amendement à cet article,
qu'on puisse débattre autour de cette table, non pas pour faire grief au
gouvernement, ce n'est pas la raison, mais pour servir le gouvernement, pour
aider à corriger cet ariticle. Je ne vous cache pas que tant
d'autorité venant de l'extérieur d'un centre d'accueil, moi aussi
cela m'inquiète. Il est difficile, à partir de là, de
programmer, dans un centre d'accueil, sachant qu'il peut nous arriver plusieurs
personnes recommandées par un DPJ. Cela devient difficile à
contrôler pour les personnes mises en place. Alors, s'il y avait un
amendement, peut-être qu'il pourrait faire l'affaire du gouvernement,
aussi qu'il pourrait y avoir une collaboration avec les institutions et qu'on
soit plus informé.
Evidemment, s'il arrive une personne, cela va assez bien quand il y a
trois lits de prêts, mais si on décide d'en envoyer sept, et qu'on
peut en recevoir trois, cela devient un problème. Quant à
l'autorité qui vient d'en haut, il y aurait peut-être lieu de
corriger cela et d'amener un élément de solution plus acceptable.
Je ne sais pas si vous auriez des propositions. Si vous n'en avez pas
présentement, j'aimerais entendre votre intervention, quitte à
revenir ensuite avec une proposition écrite pour nous aider à
corriger cet article 42 qui a des répercussions sur les articles 52 et
58.
Mme Séguin-Desnoyers: En fait, M. le député,
dans nos recommandations de fin de mémoire, il y a là des
dispositions qui pourraient corriger certaines situations, nous semble-t-il. Il
reste que l'intervention que j'ai faite au début de cette période
de questions s'inscrivait exactement dans le sens de votre intervention,
c'est-à-dire que nous relevions que les articles 42, 52 et 58 faisaient
une obligation au centre d'accueil de recevoir tous les
jeunes qui lui seraient déférés par le DPJ ou une
ordonnance de la cour. C'est pourquoi nous nous demandions jusqu'à quel
point les comités d'admission pourraient continuer à
siéger et si les dispositions prévues au bill 48 n'étaient
pas par le fait même en danger. Je pense que nous en avons parlé
au début. Il nous semblait donc qu'au moins dans les mesures
d'hébergement volontaire, on pourrait rendre le centre d'accueil
disponible à recevoir. On pourrait dire qu'il peut recevoir un jeune si
cela correspond à ses critères d'admission et s'il est capable de
le recevoir, en comptant que le comité local et le comité
régional d'admission vont voir à ce que les enfants entrent en
centre d'accueil. On ne veut pas qu'une obligation soit faite au centre
d'accueil de recevoir automatiquement tous les enfants. C'est dans ce
sens-là...
M. Grenier: Le ministre d'Etat au développement social
parlait tout à l'heure d'un papier large, d'un papier
généreux, je ne vous cache pas qu'on a été
témoin d'un papier qu'on a voulu large et qui s'appelait la loi 101.
Pour l'avoir laissé large à l'article 69...
Des Voix: A l'ordre!
M. Lazure: Antiréglementaire.
M. Grenier: Pour l'avoir laissé large... Je demande votre
intervention pour nous aider à préciser un article de loi, pour
l'avoir voulu large, ce qui fait que bon nombre de cas sont actuellement devant
les tribunaux pour régler une partie de l'article. Quand on parle, dans
cet article de loi, d'un terme qui est pour moi un peu vague, qui a
peut-être été précisé par des gens qui
n'étaient pas des législateurs, c'est là que je fais la
demande d'une collaboration pour nous aider à le préciser afin de
ne pas faire face à des éventualités de ce genre.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Beauharnois.
M. Grenier: Je n'ai pas terminé, M. le
Président.
Dans ce milieu, celui des personnes âgées, on parle de 6
vieillards en hébergement par 100 vieillards, c'est une moyenne
acceptable. Je sais qu'il y a des personnes on parle d'un cas bien
spécifique depuis 1 heure ou 1 heure 30 qui ne devraient pas
dépasser six mois, mais il y a quand même d'autres cas qui sont
là pour leur adolescence. Quelle est la moyenne requise, au
Québec, quelle est la proportion, le pourcentage pour répondre
aux besoins de ces enfants?
Mme Séguin-Desnoyers: Est-ce que vous demandez la moyenne
de durée de séjour, M. le député, dans les centres
d'accueil?
M. Grenier: Oui.
Mme Séguin-Desnoyers: Je pense que cette moyenne varie
selon qu'on a affaire à un centre d'accueil qui est le dépannage
ou de transition. Il est prévu que ça ne devrait pas
dépasser quatre à six semaines. Les centres d'accueil, qui ont
une approche à court terme, accueilleront les enfants entre un an et 18
mois. Ceux à long terme, qui sont peu nombreux, le feront pendant
environ deux ans.
M. Grenier: Environ deux ans.
Mme Séguin-Desnoyers: En moyenne deux ans, deux ans et
demi.
M. Grenier: Cela n'inclut pas l'autre groupe. Pour ceux de longue
durée, vous parlez d'une moyenne de deux ans.
Mme Séguin-Desnoyers: Evidemment, selon l'évocation
des centres d'accueil. Si vous avez un centre d'accueil de réadaptation
à plus long terme, qui reçoit donc une population qui a besoin
d'une approche à plus long terme je dis bien que ce n'est pas
pour la majorité de nos enfants vous aurez une moyenne de
séjour de deux ans à deux ans et demi. C'est juste.
M. Grenier: Merci. Quelle est la moyenne d'enfants, pour un
pourcentage donné de population, qui a besoin de centres d'accueil?
M. Cloutier: En ce moment, on a 8000 enfants, en gros, au
Québec, pour une population de 5 millions ou 6 millions. On sait qu'on
manque un peu de ressources et on s'organise avec ça. Il n'y a pas de
ratio officiel à travers le monde, en termes de besoins
là-dessus. Il y a les alignements qu'on connaît.
M. Grenier: II y en a au niveau des vieillards.
M. Cloutier: II y en a au niveau des personnes
âgées, mais, encore là, ce sont des ratios qui sont
inventés à partir d'un certain nombre de théories qui sont
encore très discutables. C'est encore plus discutable pour le secteur de
l'enfance.
M. Grenier: J'ai, dans mon comté, une institution vraiment
formidable, qui s'occupe d'enfants majoritairement mongols, je pense. Est-ce
que vous préconisez leur intégration dans un milieu familial
d'abord on a cette formule en Ontario - plus que dans des
institutions à nombre élevé d'enfants?
Mme Séguin-Desnoyers: Je pense que dès le
début de cette commission, en présentant notre mémoire ce
matin, nous avons donné notre accord total à l'esprit de la loi
qui veut que l'enfant soit d'abord et avant tout dans son milieu naturel et
qu'il faut faire tout ce qu'on peut pour le maintenir dans son milieu naturel
et que le sortir de son milieu doit être une mesure d'exception.
M. Grenier: Vous iriez jusqu'à ce que le gouvernement
intervienne dans la loi qui fait qu'un en-
tant... On voit souvent des caricatures à ce sujet-là, les
femmes, à leur corde à linge, disent: Donne-moi tes enfants, je
vais prendre les tiens, afin d'avoir du bien-être social, afin d'avoir de
l'aide pour les enfants handicapés.
Vous préconiseriez une mesure pour que les enfants qui sont des
enfants dans le besoin reçoivent cette aide du gouvernement, même
a domicile?
Mme Séguin-Desnoyers: Oui.
M. Grenier: Merci.
Le Président (M. Laplante): Très courte question,
M. le député de Beauharnois.
M. Lavigne: Je voudrais profiter de l'occasion pour apporter
quelques remarques sur certaines constatations. Je ne voudrais pas faire d'un
cas particulier des généralités, mais ce que je voudrais
signifier ici aux responsables des centres d'accueil, c'est le choix de
certains de leurs professionnels.
J'ai constaté, à quelques reprises, qu'il y a certains
professionnels qui sont embauchés ou engagés dans les centres
d'accueil et je pense, je ne voudrais pas le dire méchamment... Mais il
m'apparaît que leurs connaissances en psychologie ou leurs études
en psychologie laissent à désirer pour leur confier des enfants
qui sont des mésadaptés sociaux. Chacun y va un peu de sa petite
expérience personnelle, pensant que sa façon de procéder
pourrait être meilleure que celle de son voisin.
Je connais un centre d'accueil où chaque moniteur a,
jusqu'à un certain point, le privilège de faire des essais de
redressement évolutif sur le groupe d'enfants dont il est responsable.
Je me demande jusqu'à quel point c'est sérieux. Je
préconiserais une espèce d'encadrement, à ce
niveau-là, et je pense que c'est essentiel. Dans ce sens-là, tant
et aussi longtemps... Remarquez que je ne voudrais pas jeter la pierre, parce
que les centres d'accueil, c'est relativement nouveau; je ne voudrais pas
minimiser tous les efforts qui ont été mis de l'avant pour
corriger une lacune sociale qu'on connaît par le nombre grandissant de
nos mésadaptés socio-affectifs, mais il n'en reste pas moins que
l'espèce de mesure sentencielle de six mois serait une sorte de garantie
en attendant qu'on puisse avoir cette assurance de la qualité du service
professionnel qu'on devrait retrouver normalement dans les centres
d'accueil.
Tant et aussi longtemps que ce groupe de professionnels, et je ne les
mets pas tous dans le même bain, bien sûr, il y a sûrement
des gens qualifiés...
Mais je connais personnellement un centre d'accueil, sans le nommer
je ne suis pas ici pour le déprécier, je viens seulement
m'en servir comme exemple sans être psychologue ou sociologue, il
m'apparait, en tout cas à première vue, que ce sont des jeunes
qui sortent à peine du CEGEP et à qui on confie des traitements
d'en- fants qui ont des problèmes socio-affectifs. J'aimerais avoir
votre opinion là-dessus. Est-ce que j'exagère une situation ou
est-ce que c'est un état de fait?
Le Président (M. Laplante): II vous reste trente secondes,
madame.
Mme Séguin-Desnoyers: Qu'il existe des centres d'accueil,
comme vous le dites, M. le député, où il n'y a pas de
qualité professionnelle à haut standard, ce serait à
déplorer. Que ce soit impossible, je ne suis pas capable de l'affirmer.
Il y a une chose qui est certaine, c'est que cela ne devrait pas se continuer.
Nous sommes les premiers à l'association à le déclarer,
nous avons mis sur pied un comité d'étude des normes et standards
de pratique dans les centres d'accueil qui auraient certainement des effets
assez forts sur les centres d'accueil.
De toute façon, je trouve également que le
ministère des Affaires sociales, avec sa direction
générale de la programmation est là pour aider les centres
d'accueil qui éprouveraient des difficultés de cette
espèce. Il y a quand même des chargés de programmes qui
vont dans les centres d'accueil et j'imagine qu'ils sont capables de donner un
coup de main aux centres d'accueil qui auraient de pareilles
difficultés. Je ne comprends pas qu'aujourd'hui on ait cela.
Le Président (M. Laplante): Très bien, madame, tout
est terminé. Vous avez un dernier mot?
M. Marois: M. le Président, simplement pour remercier
l'association de son mémoire. On conviendra tous qu'au point de
départ il s'agissait d'un document assez chargé, spontané
et franc aussi. On est obligé de l'admettre. Les discussions qu'on a
eues ont certainement permis de s'éclairer mutuellement, ce n'est pas
mauvais, et surtout, parce que plusieurs intervenants ont utilisé
passablement l'expression "derrière la lettre", parce que c'est cela
essayer de voir quel était au fond l'esprit et, en un certain sens, les
longueurs d'onde communes. Votre point de vue jette un éclairage
particulier. Chose certaine, dans la poursuite de nos travaux, on va conserver
à l'esprit vos recommandations et on va continuer à les
étudier, à les gratter au mérite et prendre les
décisions qui nous sembleront les mieux appropriées dans les
circonstances pour assurer la meilleure protection de la jeunesse.
Une Voix: Merci.
Le Président (M. Laplante): Merci, madame. Merci,
messieurs.
M. Lazure: M. le Président, je veux simplement ajouter un
mot et relever l'invitation que l'association fait publiquement, en
collaboration avec le ministère quant à l'agrément, quant
à l'établissement de standards de qualité.
Là-dessus, on sera très heureux de collaborer. On vous
remercie.
Le Président (M. Laplante): La séance est suspendue
jusqu'à 20 heures. Le prochain groupe sera l'Association des
hôpitaux de la province de Québec. A 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
Reprise de la séance à 20 h 12
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!
Reprise de l'audition des mémoires de la commission des affaires
sociales et de la justice. Vous remarquerez qu'il n'y a plus de cendrier nulle
part. On vient de demander de ne plus fumer parce qu'on n'est plus capable
d'ouvrir les fenêtres parce qu'elles sont déjà
fermées par l'extérieur avec des feuilles de plastique, à
cause des travaux. Cela devient énormément chaud et les gens dans
la salle se sont plaints qu'ils étouffaient, à un moment
donné. On vous demande ne plus fumer. Cela se rapporte autant aux
membres de la commission qu'aux auditeurs. Il y a des endroits en
arrière. Vous pourrez aller, ceux qui ont envie de fumer, aux deux
extrémités. Maintenant, vous avez 20 minutes pour l'exposé
de votre mémoire. Pour la période de questions, je vous
demanderais d'être très courts dans vos questions et vos
réponses parce qu'on aimerait aussi entendre l'autre groupe ce soir,
pour qu'il ne soit pas obligé de retourner à Montréal et
de revenir. Si vous voulez vous identifier et identifier votre mouvement et les
membres qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
Association des hôpitaux du
Québec
M. Robitaille (Paul): Merci, M. le Président. Le
président de l'Association des hôpitaux de la province de
Québec, M. Maurice Cardinal, a dû nous quitter au cours de
l'après-midi. Il m'a chargé de le remplacer. Mon nom est Paul
Robitaille. Je suis membre du conseil d'administration de l'Association des
hôpitaux. Je suis accompagné, à ma droite, de M. Louis
Pagé, qui est membre de l'exécutif de l'Association des
hôpitaux de la province de Québec; à ma gauche, Me
André Des Rochers, de l'Association des hôpitaux, et Me
André Pa-quin.
Je voudrais, en premier lieu, remercier le président et les
membres de la commission de nous permettre de présenter un court
mémoire au nom de l'Association des hôpitaux de la province de
Québec.
L'Association des hôpitaux de la province de Québec a
étudié le projet de loi sur la protection de la jeunesse et
désire, dans ce mémoire, soumettre ses commentaires et
recommandations quant à l'impact, sur nos centres hospitaliers, de
certaines dispositions proposées.
Nous sommes conscients que l'intérêt de l'enfant justifie
des prises de position radicale afin d'assurer sa protection et souscrivons
à la philosophie qui anime ce projet de loi.
Toutefois, l'Association des hôpitaux a constaté que
certaines mesures préconisées dans le projet de loi ne tenaient
pas compte des droits et obligations énoncées dans d'autres
textes législatifs et, en particulier, de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux qui gouverne les établissements que
nous représentons.
C'est pourquoi nous avons recommandé des modifications aux
articles que nous jugions essentiels pour l'intérêt de nos
membres, sans minimi-
ser pour autant notre préoccupation commune d'assurer une
protection adéquate à la jeunesse. Notre rapport se résume
à quelques recommandations qui sont, pour un certain nombre, des
recommandations de concordance. Pour les présenter, je demanderais
à Me André Des Rochers de le faire.
M. DesRochers: Merci, M. Robitaille. Dès le départ,
avec l'assentiment du président de la commission, je voudrais soumettre
une requête pour restreindre la présentation de notre
mémoire à quatre recommandations sur onze, compte tenu de
l'heure, de la dure journée que les membres ont dû traverser et du
caractère plus spécifique de l'intérêt que nous
portons à ces quatre recommandations, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): D'accord.
M. DesRochers: Merci. Ces quatre recommandations sont, dans
l'ordre, la recommandation numéro 2 que vous trouverez à la page
3, les recommandations numéros 7, 8 et 9 qui sont de concordance avec
les pages et porteront essentiellement sur l'accès au dossier
médical; dans un deuxième temps, sur l'hébergement et
l'admission, l'hébergement et l'admission obligatoires ainsi que sur
l'hébergement obligatoire. Sans plus attendre, je passe
immédiatement, avec votre autorisation, à la recommandation
numéro 2 qui porte sur l'article 25 du projet de loi.
L'article 7 de la Loi sur les services de santé et les services
sociaux consacre le principe de la confidentialité des dossiers
médicaux, lequel principe doit selon nous être, de toute
évidence, préservé. Tout en connaissant la
nécessité pour le comité, au sens du projet de loi, de
recevoir l'information pertinente au cas d'un enfant, afin d'exercer les
fonctions et pouvoirs prévus à l'article 22, nous
suggérons que le texte proposé soit modifié afin de
permettre la transmission de certains documents, sans pour autant autoriser un
libre accès audit dossier. Enfin, toute information nous en
faisons une proposition là aussi transmise au comité
devrait être confidentielle et la loi devrait exiger
péremptoirement une telle confidentialité. Nous croyons que la
mécanique législative utilisée par le législateur
dans le projet de loi 24, à l'instar des commentaires que nous avons
déjà faits lors de la première étude du projet de
loi concernant les handicapés, fausse les règles du jeu. En
effet, le législateur, à l'article 2 de la Loi sur les services
de santé et les services sociaux, prévoit que ladite loi et ses
règlements s'appliquent nonobstant toute loi générale et
spéciale.
Or, ici encore, dans une loi particulière, on fait une autre
exception à la règle et, sur le plan de la pratique, il devient
excessivement difficile de lire simultanément toutes les exceptions aux
exceptions. Donc, notre recommandation face à l'article 27 peut se lire
comme suit: Le comité peut, dans l'exercice de ses fonctions et de ses
pouvoirs, obtenir sur demande justifiée de sa part et adresser au
directeur des services professionnels, ou à défaut de tel
directeur, au directeur général d'un établissement une
copie, un extrait ou un résumé de dossier pertinent au cas d'un
enfant. Les informations ainsi obtenues par le comité demeurent
confidentielles.
Dans notre esprit, M. le Président, le reste de l'article et la
mécanique à établir devraient rejoindre les dispositions
de l'actuel article 7 selon lequel si un directeur des services professionnels
ou si un directeur général d'un centre hospitalier refuse
l'accès de cette information au comité, le comité aurait
l'utilisation de toutes les voies de droit ordinaire qui sont ouvertes à
tous les citoyens du Québec lorsqu'on refuse l'accès à un
tel dossier.
Sans plus attendre, avec votre permission, je passe à la
recommandation 7 qui se trouve à la page 7 du document que vous avez en
main. Comme je l'ai souligné, cette recommandation traite de l'article
42 relative à l'hébergement et à l'admission. En effet, le
pouvoir du directeur de faire héberger l'enfant dans un centre
hospitalier nous apparaît discutable. Pourquoi? Parce que, d'une part,
l'article 3.2.1.3 du règlement édicté en vertu de la Loi
sur les services de santé et les services sociaux prévoit deux
conditions pour l'admission d'une personne dans un centre hospitalier de soins
de courte durée, à savoir: a) une demande d'admission à
son sujet est faite par écrit, sur une formule appropriée
ceci est important par un médecin ou un dentiste; et b) un
diagnostic provisoire établi par un médecin ou par un dentiste
conclut à la nécessité de cette admission et l'article
3.2.2.3 stipule quant à la sortie que: Lorsque le médecin ou le
dentiste traitant est d'avis qu'il n'y a plus de raison d'ordre médical
pour qu'une personne sous ses soins demeure au centre hospitalier, il doit en
autoriser la sortie.
D'autre part, en vertu de l'article 36 de la Loi de la protection de la
santé publique, la prestation de soins médicaux pour un enfant
âgé de plus de 14 ans n'est possible que sujet à
l'obtention du consentement de ce dernier.
En conséquence, et sous réserve des commentaires que nous
formulons dans notre mémoire quant à l'article 44, nous ne nous
expliquons pas qu'un tel pouvoir soit laissé au directeur si on
désire respecter, en particulier, les dispositions prévues dans
les lois citées ci-dessus.
Dans ce cadre d'idée, M. le Président, notre
recommandation suggère de lire maintenant le paragraphe b) de l'article
42 comme suit:
Faire héberger l'enfant sans délai dans un centre
d'accueil, une famille d'accueil ou un organisme approprié. Il va de soi
qu'il faut lire cette recommandation en liaison directe avec la suivante sur
laquelle nous avons des commentaires à faire, no 8, qui porte sur les
dispositions de l'article 44 et spécifiquement les stipulations à
l'article 44, deuxième paragraphe, in fine.
Ainsi, l'article 3.2.1.6 du règlement édicté en
vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux oblige
tout établissement à s'assurer que toute personne qui
nécessite des soins d'ur-
gence reçoive le traitement requis par son état sans que
soient nécessairement satisfaites les conditions prévues aux
articles 3.2.1.3 ou 3.2.1.4 qui ont trait aux procédures d'admission
normales, soit le diagnostic préalable et ainsi de suite.
De plus, l'article 37 de la Loi de la protection de la santé
publique stipule qu'un établissement ou un médecin doit voir
à ce que soient fournis les soins ou traitements à toute personne
dont la vie est en danger. Il n'est pas nécessaire, si la personne est
mineure, d'obtenir le consentement du titulaire de l'autorité parentale.
En conséquence, les CH sont déjà soumis à
l'obligation de recevoir tous les patients nécessitant des soins
d'urgence. Toutefois, nous vous soulignons qu'un enfant peut avoir besoin de
soins médicaux durant la période où les mesures d'urgence
prévues dans le projet de loi s'appliquent et peut être
traité en externe, via une inscription au lieu d'une admission, sans
pour autant nécessiter une admission dans le centre hospitalier.
C'est pourquoi nous demandons que l'article 44 énonce, de
façon explicite, que le directeur a le pouvoir d'autoriser, durant la
période des mesures d'urgence, la prestation de services
médicaux, d'autres soins et l'admission de l'enfant, si
nécessaire, dans un centre hospitalier. Il serait toutefois abusif selon
nous de retenir que tout centre hospitalier soit alors tenu de recevoir
l'enfant que le directeur lui confie, considérant que le médecin,
dans un premier temps, est le seul professionnel habile, après un
diagnostic provisoire, à décider de l'admission d'un patient;
dans un deuxième temps, que les vocations des établissements
doivent être, selon nous, respectées en termes de professionnels
ayant l'autorité nécessaire pour faire une intervention, et que
dans un troisième temps, tous les participants à cette commission
se sont dit unanimes à vouloir promouvoir un programme de collaboration
où chacun des types d'établissement oeuvre dans son secteur
d'activité spécifique avec et là c'est très
important les ressources qu'il a à gérer et rien de plus.
Parce que peu importe que l'on ajoute une autre obligation au fardeau
déjà existant des centres hospitaliers, il est certain que le
centre hospitalier ne pourra pas plus admettre d'enfants maltraités
qu'il ne pourra admettre d'autres types de patients si ses limites sont
déjà poussées à l'extrême, M. le
Président.
Donc, permettez-moi de vous formuler la recommandation no 8. Nous
aimerions que l'article 44, deuxième alinéa, se lise comme suit:
"Durant la période où les mesures d'urgence sont
appliquées, que le directeur autorise, en cas d'urgence, la prestation
de services médicaux et d'autres soins, de même que l'admission de
l'enfant dans un centre hospitalier, si nécessaire, sans obligation
d'obtenir le consentement des parents ni une ordonnance du tribunal à
cet effet."
Finalement, M. le Président, quant à la recommandation no
9, cette dernière porte sur l'article 58 où nous croyons bien
humblement que s'est glissée une erreur de transcription, car toute la
section IV du projet de loi porte sur l'héberge- ment obligatoire. Or,
hébergement, dans notre esprit, ne réfère pas du tout
à une admission, au sens technique du mot, dans un centre hospitalier,
compte tenu que le tribunal, au sens de cet article, demande au directeur de
désigner un centre d'accueil ou une famille d'accueil lorsqu'il autorise
l'hébergement obligatoire, article 58(1), et que tout le reste de
l'article en découle, compte tenu que nos commentaires et notre
recommandation no 7 demandent d'exclure l'expression "centre hospitalier" du
paragraphe b) de l'article 42 et qu'un centre hospitalier n'a pas une vocation
d'hébergement mais de dispensation de services.
A titre d'illustration de ce que nous croyons être une erreur de
concordance, il est à souligner que le texte, dans sa version anglaise,
ne retient pas les mots "centre hospitalier" dans le degré de latitude
laissé au directeur pour donner suite à une ordonnance du
tribunal.
Dans ces conditions, M. le Président, nous recommandons de
modifier le deuxième alinéa de l'article 58 comme suit: "Tout
centre d'accueil désigné par un directeur, conformément
aux dispositions du présent article ou du paragraphe b) de l'article 42
nous rejoignons notre recommandation antérieure est tenu
de recevoir l'enfant visé par l'ordonnance. Celle-ci peut être
exécutée par tout agent de la paix."
C'est l'essentiel de nos recommandations, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Lazure: Je m'aperçois, M. le Président, que vous
avez lu très attentivement, dans toutes ses versions, le texte du projet
de loi 24. Pour avoir réussi à relever, peu importe la version,
la non-correspondance évidente entre le texte français et le
texte anglais de l'article 58. Cela démontre que vous l'avez
fouillé très sérieusement et très
attentivement.
Etant donné que vous avez eu la délicatesse, pour l'autre
groupe qui attend de présenter aussi son mémoire ce soir, de
procéder rapidement et, en plus, la délicatesse d'attendre toute
une journée pour nous faire part de vos commentaires, il va de soi qu'on
a noté, qu'on a pris bonne note des autres recommandations de votre
mémoire et qu'on va les étudier au mérite.
M. DesRochers: Merci.
M. Marois: Je voudrais simplement, à ce stade-ci, revenir
sur une de vos recommandations. Je vais laisser à mes collègues
le soin d'intervenir, le cas échéant, sur les autres. En ce qui
concerne les dossiers, il s'agit de votre recommandation no 2. Votre
préoccupation est évidemment une préoccupation de
confidentialité des dossiers.
Je me demande cependant si, dans la proposition que vous nous faites
quant à une formulation d'un éventuel article 25, il n'y a pas
quelque chose qui risque d'être ambigu. Il arrive, et il pourrait arriver
que le comité de protection de la jeunesse,
par exemple, dans son rôle d'ombudsman que prévoit le
projet de loi, ait à faire enquête sur des cas où
l'établissement en question, quel qu'il soit, pourrait être en
cause. Cela pourrait fort bien arriver.
Dans ces cas, est-ce que l'établissement en question qui
préparerait les copies, l'extrait ou un résumé du dossier,
est-ce que cet établissement, dans ce contexte, ne serait pas, en
quelque sorte, en plein conflit d'intérêts, s'il a, tel que je le
crois, à la lecture de la façon que vous formulez l'article 25,
le pouvoir de refuser de dévoiler le dossier au complet?
Par ailleurs, si ce que je dis est exact, si ces cas-là peuvent
se présenter et que cela risque de contrevenir, en quelque sorte,
à l'objectif, je pense que tout le monde comprend clairement, quant au
rôle qu'on voudrait voir dévolu au comité de protection de
la jeunesse, au sens strict du mot, un groupe d'interpellation, de relance et
d'ombudsman des droits des enfants, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen
d'arriver... On comprend, je crois, votre préoccupation de
confidentialité. C'est une chose. C'est un morceau dans la balance.
Est-ce qu'il n'y aura pas moyen, pour faire le contrepoids de cela, de
peut-être y arriver par un autre moyen qui pourrait j'avoue que je
réfléchis tout haut et il va falloir l'étudier de
très près peut-être qu'il y aurait
possibilité de renforcer les obligations du comité de protection
de la jeunesse, en matière de confidentialité.
Cela permettrait à ces gens, le cas échéant, de
mettre la main sur les dossiers, si c'est légitime à leur point
de vue, pour préserver les droits de ceux qui ont des droits à
faire valoir, notamment les jeunes, mais de baliser davantage les règles
de confidentialité en ce qui concernerait le comité. Est-ce que
cela recouperait quand même votre préoccupation?
M. DesRochers: Tout à fait, M. le Président. Je
partage..
M. Marois: Je m'excuse, est-ce que vous...
M. DesRochers: Je suis très sensible à vos
commentaires, spécifiquement en ce qui a trait à la
possibilité d'équilibrer... J'avoue que, dans notre
préoccupation, celle-ci n'était pas entrée en ligne de
compte et est maintenant très pertinente. Immédiatement, sur le
vif, je pense qu'il y a possibilité, en prévoyant un
mécanisme de réglementation qui établirait les cas pour
lesquels le comité pourrait exiger...
Le point que l'on défend, M. le Président, c'est qu'il y a
une loi-cadre qui garantit et qui met la confidentialité au-dessus
d'à peu près tout. Il y a tellement de choses sous-jacentes
à cela que, si on permet à des organismes administratifs de
s'immiscer dans la confidentialité des rapports des professionnels avec
leurs patients et leurs malades, je pense que ce sera très lourd de
conséquences, et c'est là notre préoccupation.
C'est la raison pour laquelle je verrais acceptable d'amender notre
proposition en disant que les cas où le comité peut exiger du
fiduciaire du dossier, le centre hospitalier, l'accès à
l'information ne devraient pas être laissés à la latitude
du comité, mais devrait faire l'objet de l'assentiment du gouvernement
dans un décret, dans un règlement, qui dirait que, dans tel cas,
le centre hospitalier est tenu de fournir l'information, mais on ne doit pas
lui laisser toute latitude. On connaît malheureusement trop les
excès auxquels on a assisté, tous, dans nos expériences
propres, en termes de bris de confidentialité. C'est peut-être le
principal cheval de bataille de l'association, sauvegarder cette
confidentialité.
M. Shaw: M. le Président, est-ce que je peux poser une
question?
Le Président (M. Laplante): Accessoire?
M. Shaw: Vous avez l'article 93 qui donne un pouvoir sur la
question des dossiers. Je suis d'accord avec les témoins pour
sauvegarder le droit dans le système quotidien, mais sur les questions
spécifiques, vous avez le pouvoir, à l'article 93, de donner au
directeur ou au tribunal les renseignements du dossier confidentiel. Pour cette
raison, je crois que nous pouvons accepter les propositions de nos...
M. Marois: Je voudrais simplement vous faire remarquer
qu'à l'article 93, ce dont on parle, ce n'est pas le dossier
médical, c'est le dossier du tribunal. Si vous lisez attentivement
l'article 93, vous allez voir que ce n'est pas du même type de
confidentialité qu'on parle.
M. Shaw: En anglais, c'est différent, parce qu'en anglais,
c'est "every record"...
M. Marois: "Every record of the Youth Court". M. Shaw:
Every record, c'est tous les...
M. Marois: ...of the Youth Court. Les dossiers du tribunal...
M. Shaw: Peut-être que nous pouvons faire des changements
à l'article 93 pour donner accès aux dossiers médicaux ou
à tous les dossiers pour éviter le problème qui arrive
maintenant avec des dossiers, avec des centres de services sociaux, quant
à la compilation des statistiques et des autres choses comme cela, qu'on
vit maintenant.
Le Président (M. Laplante): Vous avez d'autres questions,
M. le ministre? M. le ministre des Affaires sociales.
M. Lazure: J'endosse les commentaires de mon collègue.
J'ajouterais aussi une autre remarque et le chapitre 48 le spécifie
bien. C'est de plus en plus ancré aussi dans la compréhension des
établissements. Le propriétaire du dossier, que ce soit un
hôpital ou un centre d'accueil, c'est le bénéficiaire, ce
n'est pas l'établissement. Evidem-
ment, là où cela devient litigieux, c'est dans des cas
où le bénéficiaire en question, le jeune en question, par
exemple, ne serait pas en mesure, parce qu'il est trop jeune, selon
l'âge, ou que ses parents ne seraient pas aptes à donner le
consentement. Il s'agit d'une minorité de cas. Bien souvent, ces cas
tombent lorsqu'il y a nécessité d'une enquête par le
comité de protection.
La deuxième observation concernant ce qui s'appelle
l'hébergement, encore une fois, on l'a dit aujourd'hui à un ou
deux groupes, le terme devrait peut-être être mieux défini
ou changé. Chose certaine, c'est qu'on doit pouvoir, un peu comme c'est
le cas avec la Loi pour la protection du malade mental et avec d'autres lois,
on doit pouvoir, dans certains cas, permettre à un tribunal d'ordonner
l'admission, que ce soit comme patient externe ou patient interne, d'un patient
pour traitement. On doit pouvoir le faire dans certains cas.
M. DesRochers: Mon commentaire à cette remarque est que
nous avons vécu par le passé des expériences assez
pénibles à ce niveau, quand des centres hospitaliers de courte
durée de soins aigus se voyaient contraints par une ordonnance
judiciaire d'héberger un malade psychiatrique. Je suis parfaitement
d'accord avec le fait qu'il y a peut-être de l'information à
diffuser et un effort à faire de ce côté, mais il faut
être sensible à l'application qu'entraîne un tel principe;
et si on s'adresse immédiatement à la bonne ressource, il n'y a
pas de problème. Nous partageons tout à fait votre pensée
en ce sens que c'est une obligation sociale que doit assumer n'importe quel
établissement de collaborer dans un plan d'ensemble, mais c'est
lorsqu'on vient rompre l'équilibre de vocation qui s'est établi
par la volonté du gouvernement en laissant peut-être trop de
latitude... Pour l'histoire du tribunal, nous partageons votre avis, mais
lorsqu'on arrive avec une autre instance administrative, que ce soit au niveau
du CSS via le directeur ou au niveau du tribunal, je pense qu'il faut
être beaucoup plus prudent dans I'octroi de pou-voirs spéciaux qui
viennent, comme je dis, détruire l'harmonie d'interrelation qui
s'était établie entre chaque type d'établissement.
M. Lazure: Je reviendrai tantôt, M. le
Président...
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je veux remercier et
féliciter l'association des hôpitaux. Les intéressés
ont fait une étude très détaillée de ce projet de
loi et je dois dire que même si j'essayais de le faire avec encore plus
de détermination, les points qu'ils soulèvent sont tellement
clairs que je ne vois pas beaucoup de questions à poser. Sauf sur un
point. Je ne sais pas si c'est une question, c'est plutôt une remarque
parce qu'en général je suis assez d'accord avec l'ensemble des
recommandations. Toutefois, la dernière suggère que le directeur
ne soit pas tenu de produire par le tribunal des études ou des
évaluations médicales et psychologiques, à moins de les
avoir déjà en sa possession.
M. DesRochers: Excusez-moi, M. le Président. Avec votre
permission, je fais la requête de retirer cette recommandation qui s'est
glissée par mégarde.
M. Forget: Alors, si...
Le Président (M. Laplante): Laquelle, monsieur?
M. DesRochers: La dernière. M. Forget: La
onzième.
Le Président (M. Laplante): La onzième? Vous
demandez que la onzième recommandation soit retirée de votre
mémoire.
M. DesRochers: La onzième recommandation, M. le
Président...
Le Président (M. Laplante): D'accord, pour les fins du
journal des Débats, c'est important.
M. Forget: C'est la seule qui me créait des
problèmes. Pour le reste, je n'ai vraiment rien d'autre à ajouter
comme question ou commentaire.
Le Président (M. Laplante): Vous avez bien scruté
vous aussi.
Le député de Pointe-Claire.
M. Shaw: M. le Président, premièrement, est-ce que
je peux adresser ma question au ministre des Affaires sociales? Y a-t-il,
maintenant, des enfants de 14 à 18 ans en prison?
M. Lazure: Au moment où on se parle, je l'ignore; mais
malheureusement il y en a encore un certain nombre qui y séjournent,
malgré te fait que, surtout dans la région de Montréal,
avec le Centre de services sociaux et certains centres d'accueil, on ait un
mécanisme sur pied depuis plusieurs mois, qui fonctionne 24 heures par
jour, 7 jours par semaine, pour recevoir les enfants amenés par la
police. Malgré cela, il y a encore, dans la période d'environ six
mois, je pense, à peu près 70 adolescents qui ont
séjourné en prison, dont les deux tiers dans la région de
Montréal. Je n'ai pas l'information précise. Ce qui est
embêtant, c'est qu'il semble que la majorité de ces enfants et
adolescents sont placés en prison sur ordre du juge et non pas, comme
c'était plus souvent le cas autrefois, parce qu'on ne trouvait pas de
place dans les centres d'accueil ou parce que les centres d'accueil les
refusaient. Il semble que c'est presque toujours une décision du juge de
la Cour du bien-être social de placer temporairement l'enfant ou
l'adolescent en prison d'adultes. Il a le droit de le faire.
M. Shaw: Je ne parle pas contre la situation. Je voulais
seulement être renseigné parce que je trouve qu'il doit arriver
des situations où il y a des adolescents de 17 ou 18 ans, ou de 15 ou 16
ans, qui sont encore des adolescents, qui ne sont pas acceptables dans les
milieux disponibles présentement. Je vois la recommandation de
l'association des hôpitaux comme une proposition très valable. Si
nous devons placer des enfants en prison, nous devons les garder à part
des autres adultes. C'est pourquoi je voulais savoir...
M. Lazure: Evidemment nous ne pensons pas que cela soit valable,
autrement on l'aurait inclus, autrement on n'aurait pas fait le travail.
D'ailleurs, mon prédécesseur a fait un travail semblable avec les
services sociaux pour essayer d'éliminer la présence de jeunes
dans les prisons d'adultes.
Il y a maintenant suffisamment, à travers le Québec, de
centres d'accueil pour mésadaptés sociaux qui ont des
unités sécuritaires. Il y en a suffisamment. J'ai même vu,
dans une région pour ne pas la nommer, près des
frontières de l'Ontario un centre d'accueil pour jeunes
délinquants avec des cellules à sécurité maximale
non utilisées et, à côté, dans la prison des adultes
de la même ville, des adolescents en prison.
M. Shaw: Deuxième question, sur la responsabilité
des professionnels de donner des rapports sur les abus. Nous en avons
discuté dans un petit groupe de recherche sur le projet de loi et je
voudrais le demander aux responsables, aux témoins d'aujourd'hui, parce
que cela arrive dans les hôpitaux que des enfants qui sont
maltraités par leurs parents arrivent à l'hôpital. Mais
cela implique une question des valeurs personnelles d'un médecin. Comme
cela est dit dans le projet de loi, est-ce que cela implique une
responsabilité civile, à part la loi, de rapporter tous ces cas
d'abus? Cela est très important, à mon point de vue, parce
qu'à chaque fois, un médecin doit prendre une décision sur
les circonstances. Est-ce que tous les cas doivent être rapportés?
Je voudrais le savoir des deux côtés; premièrement, des
témoins et, deuxièmement, du ministre.
M. Marois: La loi l'exige déjà pour les enfants
maltraités, M. le député, présentement. C'est la
loi 78 qui réglemente les enfants maltraités.
M. Shaw: Oui, je le sais, mais ce n'est pas appliqué parce
que c'est toujours la question de savoir qu'est-ce qu'un abus. Comment
décrit-on un abus? Parce qu'un enfant arrive avec le nez cassé?
Est-ce un abus? C'est très intéressant, au point de vue
légal, dans le nouveau projet de loi, la responsabilité des abus
des enfants.
M. DesRochers: C'est une responsabilité statutaire et non
pas une responsabilité civile, dans ce cas.
M. Forget: Je pense qu'il serait peut-être bon de
préciser étant donné que tout cela est enre-
gistré que, dans la mesure où une loi dit qu'on ne peut
pas prendre excuse du secret professionnel pour poser ou ne pas poser un acte,
je crois qu'il y aurait peut-être possibilité, ouverture à
une responsabilité civile, mais je pense qu'on ne peut pas affirmer
aussi catégoriquement qu'il n'y a pas de responsabilité civile
parce que, ce qui fait obstacle à la responsabilité civile, c'est
le secret professionnel. Mais si une loi dit que le secret professionnel ne
tient pas dans ce cas, cette défense-là tombant, il serait
possible pour le tuteur ou l'enfant qui a éventuellement
été battu par ses parents, et le fait n'ayant pas
été rapporté par le médecin ou l'hôpital, de
prendre une poursuite en dommages-intérêts contre le
médecin ou l'hôpital. Je le pense, enfin, ce serait au moins une
théorie qu'on pourrait explorer.
M. DesRochers: Avec l'assentiment du président, et ce
n'est certainement pas notre intention de venir faire un exposé de droit
théorique devant la commission, je pense que la commission n'a pas
besoin d'un tel exposé, mais enfin, en réponse à la
question qui a été posée plus spécifiquement, c'est
que, dans le cas précis d'un médecin qui ne déclarerait
pas un abus, la responsabilité civile ne pourrait être
engagée que lorsqu'on prouverait que le défaut de
déclaration a entraîné un dommage; mais quel pourrait-il
être? C'est très difficile à déterminer.
M. Forget: Oui, bien sûr.
M. Shaw: Le problème est double parce qu'on ne demande
pas, dans le projet de loi, de démontrer la source d'une question
d'abus. A un moment donné, un médecin peut dire que le nez
cassé de cet enfant est un abus. Cet enfant peut être
enlevé d'une maison et les parents n'auront pas accès à la
source de ces renseignements. C'est clairement indiqué dans le droit.
Cela implique une question très importante pour la protection des
parents. Parfois, il arrive que ce ne soit pas une question d'abus, que c'est
un accident dans une famille qui implique le nez cassé de cet
enfant.
Nous avons besoin de songer sérieusement à ce sujet, parce
qu'à un moment donné, vous, comme professionnel, vous aurez un
pouvoir et une responsabilité. Est-ce que nous avons besoin de
déclarer que cette mâchoire cassée a été
causée parce que le parent a abusé d'un enfant ou parce que
c'était un accident, un coup de main?
M. Forget: Tout dépend du problème que vous voulez
résoudre. Le problème n'est pas que l'on persécute les
parents parce qu'on les accuse injustement de maltraiter leurs enfants. Il a
été démontré assez abondamment qu'il y avait
énormément d'enfants maltraités pour lesquels, dans le
fond, la vérité ne sort pas parce que les gens en sont
empêchés, soit par des questions de secret professionnel ou de
responsabilité légale, si elles enfreignent le secret
professionnel.
Si c'est cela le problème qu'on a à résoudre, je
pense qu'il faut choisir évidemment le risque
inévitable que, dans certains cas, par malice, un professionnel
accuse des parents isolément. Je pense que la question adressée
par le député de Pointe-Claire est un peu injuste. L'abus qu'on
essaie de réprimer, ce sont les enfants battus, ce ne sont pas les
parents accusés injustement.
M. Shaw: Pour moi, on peut garder l'article 40. On peut le garder
d'un côté si on enlève l'autre. Mais si on regarde les deux
côtés, c'est contre les intérêts des cas... Si on
dit: Nul ne peut dévoiler ou être contraint de dévoiler
l'identité d'une personne qui a agi conformément aux articles 36
ou 38 sans son consentement...
M. Clair: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): II y a quelque chose
là...
M. Clair: Une question additionnelle.
Le Président (M. Laplante): Une question additionnelle,
d'accord.
M. Shaw: M. le Président, on parle maintenant d'une
recommandation...
Le Président (M. Laplante): Je pense, M. le
député de Pointe-Claire, qu'il y a une ambiguïté,
quelque chose dans votre question. Il faudrait que votre question s'en tienne
au mémoire. Posez votre question directement à ceux qui
présentent le mémoire, pour essayer d'avoir une réponse
d'eux. Après la réponse que vous aurez eue d'eux, peut-être
qu'il serait sage de la refiler à un des ministres responsables pour
pouvoir être éclairé plus facilement.
M. Shaw: Alors, je parle de votre recommandation no 4.
M. DesRochers: No 4?
M. Shaw: No 4. Tout professionnel, dans votre recommandation,
même lié par le secret professionnel, qui, à l'occasion de
l'exercice de ses fonctions, etc. Sur la même question, on donne un
pouvoir à l'article 36 et on enlève la responsabilité qui
est une partie de ce... Moi, comme professionnel, si je vois que quelqu'un a
été battu par un parent et que c'est évident, je suis
aussi prêt à accepter les conditions d'identification, mais si on
protège ceux qui...
Le Président (M. Laplante): ... une première partie
de réponse.
M. DesRochers: Oui, concernant la première partie, ma
compréhension du texte est exactement l'inverse.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Pointe-Claire.
M. DesRochers: La personne que l'on pro- tège, c'est le
délateur, celui qui a porté à l'attention du comité
l'existence d'un cas d'abus et non pas la personne qui a abusé. C'est
l'inverse. On protège celui qui, proprio motu, va dévoiler
l'existence d'un cas d'abus contre tout recours en dommages et
intérêts ou statutaire.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez bien
compris la réponse, monsieur?
M. Shaw: Non.
Le Président (M. Laplante): Voulez-vous
répéter lentement? Non, parfois, il y a des choses qui...
M. Shaw: Vous dites que c'est le parent qui...
M. DesRochers: Je vais vous donner un exemple...
M. Shaw: Oui.
M. DesRochers: L'article 40 face à l'article 44, à
mes yeux, signifie que, si un policier amène un enfant qui manifestement
a été victime d'abus de quelque nature, le médecin qui le
reçoit à l'urgence constate l'existence d'un cas d'abus et le
signale aux autorités compétentes. Ceci signifie qu'à
l'occasion d'une action en dommages et intérêts contre
l'hôpital, on ne pourrait pas assigner l'infirmière qui a
assisté à la scène, au téléphone, pour la
contraindre à dévoiler le nom du docteur qui a rapporté le
cas au comité. C'est la signification de l'article 40, selon ma
compréhension, M. le Président.
M. Clair: Peut-être qu'il y a une dimension du
problème que le député de Pointe-Claire oublie, c'est le
fait qu'en ce qui concerne la profession juridique, on a de la
difficulté à obtenir que les avocats respectent l'article 36,
parce qu'ils se sentent en conflit d'intérêt d'une façon
bien particulière. Je pense à l'avocat qui représente un
père accusé d'inceste. C'est difficile de savoir si oui ou non il
est libéré de son secret professionnel au strict plan moral et
peut-être que du côté médical, à certains
moments, c'est le même problème qu'on connaît.
Peut-être que les délateurs ne sont pas assez nombreux. Le
problème n'est pas de protéger, le but n'est pas de
protéger les gens qui maltraitent des enfants, c'est de protéger
les enfants et d'encourager ceux qui ont connaissance de mauvais traitements
à des enfants à les rapporter, afin qu'on remédie à
la situation. Les articles 39 et 40, selon moi, sont là pour encourager
les gens à dé-later, à rapporter des cas dont ils auraient
connaissance alors que les enfants auraient été
maltraités.
M. Shaw: Est-ce que nous pouvons changer l'exemple? Disons
qu'à un moment donné, vous avez un voisin et vous faites un
rapport au directeur de la protection de la jeunesse indiquant que cet enfant a
été abusé sexuellement par son père. Alors, le
directeur de la protection de la jeunesse
vient à la maison enlever l'enfant et n'a pas besoin de donner de
renseignements au père à savoir pourquoi ceci se produit. Cela
donne une chance à l'abus.
M. Clair: Je ne pense pas, ils n'enlèveront pas l'enfant
si ce n'est pas exact.
M. Shaw: On agit sur représentation de quelqu'un qui n'est
pas responsable de son acte.
Le Président (M. Laplante): Je vais être
obligé de vous arrêter là, M. le député de
Pointe-Claire. Cela peut faire l'objet de l'étude article par article du
projet de loi. Parce qu'on n'en sortira pas. On est entré dans un
labyrinthe. Est-ce que vous auriez d'autres questions à poser, s'il vous
plaît?
M. Shaw: Oui, j'ai deux autres questions à poser.
M. Clair: M. le Président, j'aurais une question vraiment
sur le même sujet, pas une question pour l'étude article par
article, mais bien sur le secret professionnel. Ce serait de demander aux gens
de l'Association des hôpitaux du Québec, justement, si à
leur connaissance, avec la loi 78 telle qu'elle existe actuellement, il y a une
certaine pudeur des normes professionnelles qui ferait que des professionnels
de la santé auraient trop de retenue pour rapporter justement des cas de
mauvais traitements? Parce que ça existe, comme je vous le dis, à
ma connaissance, chez les avocats. On se pose toutes sortes de questions sur le
secret professionnel...
M. DesRochers: Je ne possède pas de renseignements
à ce sujet.
M. Clair: Est-ce qu'à votre connaissance, le même
problème se présente chez les professionnels de la
santé?
M. DesRochers: Je ne suis pas en mesure de porter un jugement,
parce que je n'ai pas d'informations pertinentes, mais la seule chose que je
peux vous dire, c'est que d'un point de vue objectif, ne travaillant pas dans
un hôpital, je pense que ça va à l'encontre d'une longue
tradition de confidentialité qui a toujours entouré les relations
patients et professionnels de la santé. C'est tout ce que je peux me
permettre d'affirmer en ces lieux.
M. Shaw: ...continuer sur le sujet. Je suis allé à
un colloque sur le même sujet où on a constaté que les 2/3
des abus ne sont pas rapportés, parce que les professionnels sont "out"
des problèmes de représentation en vertu des déclarations
qui sont faites. Cela implique les Etats-Unis, où vous avez une
responsabilité sévère et si vous avez fait une
constatation contre quelqu'un, vous êtes responsable pour des dommages
matériels en termes d'argent. Mais si on enlève le droit de
protéger les personnes qui sont impliquées sur les deux
côtés, je crois que c'est important.
Je veux poser une autre question, concernant la recommandation no 7. Il
s'agit du droit d'accepter des enfants dans les centres hospitaliers. Combien
de vos hôpitaux ont des centres de traitement pour les enfants qui ont
utilisé des drogues?
M. Des Rochers: Qui ont employé des drogues?
M. Shaw: Oui.
M. DesRochers: Des unités comme telles?
M. Shaw: Des unités comme telles.
M. DesRochers: M. le Président, la loi oblige de recevoir
ces patients au même titre que des patients ordinaires, en ce sens qu'on
nous force à ne plus distinguer celui qui est un toxicomane ou un
alcoolique, d'un autre malade, selon la loi. Les centres hospitaliers sont
contraints de les considérer comme d'autres malades. C'est la seule
information que je peux vous fournir.
M. Shaw: Mais je suis convaincu que le ministre veut... Disons
que vous avez un patient qui s'est cassé une jambe à votre
hôpital, et que vous n'avez pas les services disponibles pour le traiter
vous pouvez le transférer à un autre hôpital. Il doit
être traité. C'est cela que vous voulez, je crois? Vous ne pouvez
pas forcer un centre hospitalier à accepter des patients s'il n'y a pas
de place disponible, selon le projet de loi?
M. Lazure: Surtout dans le cas de centres hospitaliers,
peut-être que l'expression "héberger " est encore plus mal
choisie. C'est peut-être l'expression "admettre ' qui serait plus
appropriée. Dans le cadre d'un hôpital, "admettre" exprime en
externe autant qu'en interne. "Admettre" veut dire que le médecin doit
dispenser des soins d'urgence nécessaires. Il n'a pas le choix, il doit
le faire.
A savoir s'il l'hospitalise ou non, s'il le garde ou non, on revient au
raisonnement que l'Association des hôpitaux, tantôt, nous faisait
et que je respecte. C'est une évaluation professionnelle de l'individu,
à savoir s'il a besoin d'être traité comme patient interne
ou comme patient externe seulement.
M. Shaw: A mon point de vue, je vois les circonstances dans
lesquelles le projet de loi va être appliqué. Je vois selon le
projet que nous avons maintenant, que nous avons un centre à West Island
qui accepte les jeunes qui ont des problèmes, soit que leurs parents
abusent d'eux, soit qu'ils sont victimes d'un "drug trip"; c'est toujours un
problème qui implique un diagnostic médical.
Le directeur de la protection de la jeunesse, à mon point de vue,
doit avoir accès aux hôpitaux pour avoir les renseignements
désirés, avant que ces enfants ne soient placés
ailleurs.
M. DesRochers: Si je peux me permettre de répondre, M. le
Président, on est tout à fait d'ac-
cord, et l'hôpital est ouvert aux enfants maltraités comme
à n'importe quel autre patient. Ce n'est pas contre cela qu'on en a. On
en a contre le fait de laisser à un fonctionnaire autre qu'un
médecin qui oeuvre au sein d'un centre hospitalier, la latitude de
décréter l'admission dans un centre hospitalier. Nous nous
opposons à cette formule. Que le directeur dirige l'enfant vers un
centre hospitalier et demande aux ressources compétentes de faire
l'analyse et l'évaluation appropriées pour décider, s'il y
a lieu, à traitement médical et à admission ou inscription
en externe, nous sommes 100% d'accord, il n'y a aucun problème.
Où le problème se pose, je le répète, c'est
de laisser la latitude à quelqu'un qui exerce des fonctions
administratives, ou un aspect professionnel autre que médical, de
décider du traitement médical d'un individu.
M. Shaw: D'accord. J'accepte cela totalement. La dernière
chose est les coûts payés par les parents. J'ai une
expérience dans votre projet. J'ai vu une jeune fille de 14 ans avec des
broches aux dents et les parents sont presque des millionnaires qui n'ont pas
voulu accepter leur enfant. J'ai besoin de constater... J'étais
prêt à envoyer cette enfant au Queen Elizabeth Hotel et remettre
les frais aux parents, parce que forcer un centre d'accueil à
l'accepter...
Je voudrais demander au ministre: Pourquoi limiter le montant qui
était prévu comme responsabilité des parents?
M. Lazure: Je n'ai pas bien saisi la question.
M. Shaw: Je parle de la recommandation no 10.
M. Lazure: Est-ce une recommandation que l'association a
retenue?
M. DesRochers: Nous avons retenu cette recommandation en nous
basant sur le principe et sur l'incertitude, parce que, malheureusement, compte
tenu de difficultés tout à fait incontrôlables, nous
n'avons eu que très peu de temps... Nous nous excusons des erreurs qui
ont pu se glisser, tant sur le plan rédactionnel que quant au fond, mais
la base du raisonnement qui justifie cette recommandation est que, si les
parents s'entendent d'un commun accord pour refuser, à ce
moment-là, cela devient un hébergement coercitif et ils n'ont
plus à payer.
Il y a aussi la mécanique de l'allocation familiale que les
parents pourraient continuer à retirer, alors que c'est l'Etat qui
assume les frais et a l'enfant à sa charge.
Le Président (M. Laplante): Posez à nouveau votre
question au ministre.
M. Shaw: Je constate seulement que j'appuie la position de
l'Association des hôpitaux du Québec sur la recommandation no
10.
Le Président (M. Laplante): D'accord.
M. Lazure: J'imagine que vous comprenez bien l'esprit dans lequel
a été fait l'article 61 selon lequel, en cas de placement
obligatoire, on ne facture pas, à ce moment-là, aux parents...
Evidemment, c'est peut-être vu comme un incitatif à ce que les
hébergements deviennent obligatoires. Si je comprends bien, certains
peuvent comprendre cela comme cela, mais cela m'étonnerait que les gens
recourent à... Enfin, on prend note de votre recommandation.
M. Forget: L'Association des centres de services sociaux a
soulevé le même point ce matin.
M. Marois: C'est ce que j'allais dire, M. le Président.
C'est tiré d'un certain nombre de mémoires qui nous ont
été soumis; d'ailleurs, pas seulement deux, mais plus de deux. On
va certainement examiner cette question au mérite.
M. Shaw: Je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y aurait d'autres
questions par d'autres membres? Messieurs, les membres de cette commission vous
remercient beaucoup pour le mémoire que vous leur avez
présenté. Bonsoir.
J'appelle maintenant la Fédération des CLSC du
Québec. Messieurs, si vous voulez identifier votre organisme et
identifier les membres qui vous accompagnent, vous avez nos traditionnels vingt
minutes pour présenter votre mémoire.
Fédération des CLSC du
Québec
M. Wilkins (Jacques): C'est bien. Je suis Jacques Wilkins,
permanent à la Fédération des CLSC du Québec. Les
gens qui m'entourent sont Jacqueline Boudreault, intervenante-jeunesse au CLSC
Centre-Sud, Pierre Poupart, responsable du module social au CLSC
Hochelaga-Maisonneuve, et Michel Morin, intervenant-jeunesse au CLSC
Sherbrooke.
La Fédération des CLSC est relativement jeune.
Actuellement, on peut dénombrer 5 CLSC qui ont des projets
spécifiques auprès des jeunes et 17 autres qui ont des projets au
niveau de l'organisation communautaire.
Nous vous avons remis un mémoire parce qu'on croyait que notre
proximité des organismes communautaires car on est tout
près des organismes communautaires que nos préoccupations
d'ajouter une dimension préventive à nos pratiques et notre
position privilégiée d'être près de la population
nous autorisent à vous formuler certains commentaires et à vous
remettre trois recommandations précises.
C'est un fait que cette loi s'avérait nécessaire.
Maintenant qu'elle est déposée comme projet, il nous semble
important de vous sensibiliser à certaines de ses faiblesses. Les plus
évidentes, à notre avis et selon notre expérience, se
situent au niveau de l'absence d'interventions préventives. La loi
s'adresse à des enfants en difficulté, à des jeunes en
difficulté. Elle ne dit aucun mot des autres jeunes.
C'est le silence presque complet face à un recours possible
à un CLSC et/ou à un organisme communautaire. Ces deux ressources
sont pourtant pertinentes, à notre avis.
Notre mémoire souligne des expériences concrètes,
comme vous avez pu le noter à la lecture, auprès des jeunes.
C'est suite à ces expériences que nous vous soumettons trois
recommandations précises que je reformule devant vous.
La première recommandation, c'est que le gouvernement ajoute
à ce projet de loi des mesures permettant la création de
ressources communautaires à partir de groupes déjà
existants et/ou de centres locaux de services communautaires pour les enfants
et les jeunes.
La deuxième recommandation, c'est que le travail d'accompagnateur
soit reconnu comme type de travail social, qu'il soit rattaché aux
ressources communautaires et qu'il serve de support pour le jeune dans ses
démêlés à la fois avec la structure sociale et la
structure judiciaire.
La troisième recommandation, c'est que les centres locaux de
services communautaires soient les lieux privilégiés de solutions
rapides et souples pour maintenir le jeune dans son milieu naturel.
Compte tenu de l'heure tardive, nous voulons laisser jouer le jeu des
questions avec vous pour approfondir davantage ces trois recommandations et
peut-être souligner aussi la pertinence de notre deuxième
recommandation, qui est celle du type d'accompagnateur. Si nous avons
formulé cette recommandation, c'est que nous avons
expérimenté cette formule qui nous vient directement des
organismes communautaires. Nous aussi, tous les quatre, venons d'organismes
communautaires. Notre conversion au CLSC est très récente.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Marois: Je vais immédiatement enchaîner sur
l'invitation que vous nous faites de procéder par questions. Il est vrai
que les mots comme prévention et autres n'apparaissent pas formellement
dans le texte de loi.
Par ailleurs, un texte de loi qui compte préciser des droits, des
mécanismes par lesquels on puisse les exercer et les faire valoir
n'exclut pas, loin de là, tout ce qui existe, les programmes qui
existent, ceux qui doivent être créés, ceux qui doivent
être développés, en vertu des pouvoirs qui sont
conférés à des agents, à des groupes, que ce soit,
par exemple, les CLSC, en vertu du chapitre 48 ou de quelque autre texte de loi
que ce soit.
Pour être plus précis, recommandez d'abord que le
gouvernement ajoute à ce projet de loi des mesures permettant la
création de ressources communautaires à partir de groupes
déjà existants, et autres centres, et le reste.
Pourriez-vous préciser cela un petit peu pour qu'on puisse voir
un peu plus concrètement ce à quoi précisément vous
faites référence sur la base des expériences, je
présume, qui ont été déjà vécues,
expérimentées aux CLSC? Vous avez fait état, je crois, de
cinq CLSC qui ont déjà en marche des projets
spécifiques.
Ma deuxième question concerne, et, je pense, elle pourra vraiment
intéresser tous les membres de la commission, ce que vous avez
évoqué en tout dernier lieu, cette notion d'accompagnateur.
Est-ce que vous pourriez préciser cette notion, concrètement?
Est-ce que cela existe? Comment cela se présente-t-il
concrètement, sur la base des expériences vécues, et, le
cas échéant, comment verriez-vous que cela puisse s'accrocher au
projet de loi actuel?
M. Morin (Michel): Je vais répondre à la
première question d'abord. Une chose qui nous est venue tout de suite
à l'idée quand on a lu la loi, c'est qu'il y a une structure
judiciaire qui existe actuellement, qui reçoit les jeunes en
difficulté. On s'apercevait qu'avec la loi le jeune entrait dans une
structure sociale qui nous semblait assez imposante. On se disait, entre
autres: Un bureau de juge et un bureau de DPJ, cela doit se ressembler assez.
Le jeune, là-dedans, va-t-il se sentir pareil?
Une chose qu'on dit, entre autres, dans notre mémoire, et je
cite: "C'est une bonne chose de prévoir l'antériorité de
l'intervention sociale sur l'intervention judiciaire. Il y en a une meilleure,
qui est de s'organiser pour minimiser le recours à l'intervention
sociale.
L'intervention sociale, telle qu'on la connaît, se veut
individuelle, de cas à cas. On prend les individus chacun dans son
milieu.
On les évalue et on les oriente selon leurs besoins propres.
Quand on parle de création de ressources communautaires, le DPJ, avec
l'aide des CLSC, qui sont d'une façon très proche liés
à la population dans laquelle ils sont implantés, le DPJ pourrait
donc avec les CLSC et avec les organismes privés qui ont le souci du
bien-être de la population et de la jeunesse contribuer à la
création de ces ressources.
Je pourrais donner un exemple qui concerne un peu plus Sherbrooke
où je travaille. A un certain moment, on s'apercevait qu'une des
carences qu'il y avait à Sherbrooke au niveau de la jeunesse
c'était que, pour les adolescents, il n'y avait pas autre chose à
faire que de faire les "parkings" et enlever les pneus radiaux qu'il y avait
sous les autos, etc., et toute la gamme de délits qui peut
s'ensuivre.
Il y avait aussi, et on rencontre cela partout, des problèmes
d'isolement. Les jeunes regardent la télévision, restent chez
eux. Il y a un ennui et un problème de délits.
Parce qu'on fait du travail de rue et du travail auprès des
jeunes, là où ils sont, et cela fait un peu
référence à la notion d'accompagnateur, on rejoint les
jeunes où ils sont et quand ils y sont, à un moment donné,
j'ai été à même de rencontrer des groupes de jeunes
qui ne savent pas quoi faire de leur peau, des gars et des filles de 15, 16 ou
17 ans. On s'est assis avec eux et on s'est dit: D'accord, il n'y a rien
à faire, la ville ne fait rien, l'école ne fait rien. Une fois
qu'on eut fait le tour des critiques qu'il y avait à faire, on s'est
demandé ce
qu'on allait faire pour améliorer nos conditions. Les jeunes ont
défini eux-mêmes des projets où, eux-mêmes,
pourraient se donner ce qu'on a appelé aujourd'hui, à plusieurs
reprises, des ressources alternatives. Au lieu d'appartenir à des choses
qui existent déjà, que ce soit les cinémas, les
restaurants, les centres d'accueil ou n'importe quelle institution ou
entreprise privée, ils ont défini les ressources qui
correspondaient à leur situation et à leurs intérêts
pour pouvoir s'y impliquer.
Les jeunes ne pouvaient pas faire partie de ligues organisées de
baseball ou de hockey, parce qu'ils n'étaient pas assez bons et qu'ils
n'avaient pas assez d'argent pour se payer les équipements que cela
prenait. Ils se sont organisé des ligues, avec l'appui d'animateurs. On
était là pour leur fournir une aide technique et ils se
trouvaient eux-mêmes l'argent qu'il fallait. Ils ont aussi
organisé un local de rencontres, etc. C'est cela parler de
création de ressources communautaires. On fait en même temps
référence à une question de prise en charge par le milieu,
de l'amélioration de ces conditions de vie. C'est fournir à la
jeunesse l'occasion de se créer elle-même pas seulement
à la jeunesse, mais aussi aux parents ...
On a beaucoup parlé des jeunes aujourd'hui, mais on n'a pas
beaucoup parlé des parents. Si on travaille avec eux, les parents
peuvent beaucoup contribuer à l'amélioration de leur rôle
de parents et de leurs relations avec leurs enfants. C'est en gros les moyens
qui... C'est de la création très simple à partir de gens
qui sont sur le terrain, qui pourraient être identifiés par le
DPJ, des gens qui sont sur le terrain et qui peuvent travailler avec les forces
vives du milieu, que ce soient des adultes, de bons pères de famille, et
aussi des jeunes. Eux peuvent en créer des ressources.
M. Marois: Juste une remarque additionnelle là-dessus. En
d'autres termes, si je comprends concrètement le concept de
l'accompagnateur, c'est une personne-ressource qui est là
notamment dans le cas que vous avez évoqué, elle était
rattachée à un CLSC qui a fait son bout de chemin pour
donner un coup de main aux jeunes pour qu'ils se prennent eux-mêmes en
charge et se donnent un certain nombre de ce que vous avez appelé des
ressources alternatives correspondant à leurs besoins ou leur
façon de voir les choses.
Ce que je voulais précisément vous poser comme question...
parce que vous évoquez comme recommandation: "que le gouvernement ajoute
à ce projet de loi des mesures permettant la création de
ressources communautaires," et dans un deuxième temps "que le travail
d'accompagnateur soit reconnu". A votre avis, dans le projet de loi tel qu'il
est formulé présentement, ce double aspect qui, au fond, si je
comprends, se recoupe dans le concret, dans la pratique, sur la base des
expériences que vous avez évoquées, y a-t-il des choses
dans le projet de loi, tel qu'il est formulé, qui empêcheraient
cela? Parce que je comprends que votre recommandation 3 est en même temps
une recommandation que vous nous formulez à nous, à la
commission; mais je comprends, si je l'interprète bien, que c'est aussi
une recommandation que vous formulez à l'ensemble de tous les agents,
même ceux du "réseau", appelés à intervenir dans
l'ensemble du dossier de la protection de la jeunesse?
M. Wilkins: Dans la loi, rien n'empêche la création
de ces ressources communautaires et rien n'empêche de travailler en
complémentarité avec ces ressources, mais il n'y a rien qui
l'encourage non plus. C'est là qu'est le problème et ce qui nous
inquiète à ce moment je ne me réfère pas
nécessairement à mon expérience dans les CLSC parce
qu'elle est très récente mais à mon expérience
d'avoir mis sur pied un organisme communautaire à Montréal et de
l'avoir dirigé pendant cinq ans c'est que cette structure des
affaires sociales, c'est une structure absolument étrange pour le jeune,
c'est l'étrangeté même. S'il n'y a personne qui lui sert de
lien entre cette structure et ce qu'il lui arrive, vous persistez dans sa
"marginalisation"; c'est tout ce que fait la structure des affaires sociales
actuellement.
On essaie actuellement, simplement au niveau vocabulaire, dans les CLSC,
de simplifier, de ne pas dire au type, on va te donner une approche globale,
mais on va s'occuper de "toé". C'est rendu au niveau vocabulaire qu'il
faut recommencer, mais c'est une conversion totale qu'il faut exiger des
intervenants. Quand j'ai lu le projet de loi et que j'ai vu la structure du DPJ
je connais l'expérience du Comité de protection de la
jeunesse actuellement j'étais content qu'on rattache le
Comité de protection de la jeunesse parce que je calcule qu'il a fait un
travail bien intéressant. Mais quand j'ai vu raccrocher cela aux CSS
j'ai dit: Maudit, les jeunes ne comprendront rien là-dedans. Nous
autres, on travaille avec les jeunes et cela nous prend tout pour frapper aux
bonnes portes aux CSS, ce n'est pas une critique que je leur fais,
c'était la même chose dans les CLSC à un moment
donné. Je me dis: Ce sont des conversions. Ce matin par exemple,
j'entends parler d'une mission provinciale, je me dis: Les CLSC n'ont pas
encore été impliqués dans cette mission provinciale qu'on
est en train de mettre sur pied; on va être encore les grands absents,
mais pourtant c'est nous qui avons un pied à terre dans ie concret.
D'accord, on n'est pas tellement organisé dans Je concret, on est
seulement 80 CLSC à travers la province, mais quand même, on a 22
CLSC qui sont préoccupés par la jeunesse et je me dis: Profitez
de cette préoccupation et c'est peut-être par là qu'il va
falloir enlever toute cette étrangeté de la loi pour le jeune. Je
vous le dis, le jeune ne comprendra rien là-dedans.
M. Marois: M. le Président, une dernière question.
Qu'est-ce qui, à votre avis, encouragerait, pour reprendre votre
expression, concrètement ce que vous évoquez?
M. Wilkins: Par exemple, je pense... cela ne sert à rien
de citer des exemples concrets, mais je pense à des organismes
communautaires qui exis-
tent un peu partout, mais qui doivent quêter leurs subventions
d'année en année et le pire c'est qu'ils les obtiennent
d'année en année. Pourquoi ne nous les donneraient-ils pas sur
une base de trois ou quatre ans? Pendant cinq ans, à mon organisme, j'ai
affronté six lettres de fermeture la sixième
dernièrement c'est cela, on ne pourrait pas mettre une
mécanique? Est-ce que le "réseau des affaires sociales" pourrait
accepter de travailler avec des organismes qui sont un peu en marge de leur
structure? Est-ce possible? M. Batshaw soulignait aussi cela dans son rapport;
il citait un exemple qui avait été fait au Massachussetts, aux
Etats-Unis, à savoir qu'on négocie des ententes avec des
organismes populaires, des organismes communautaires, sur une base de deux ou
trois ans. Je pense, par exemple, en fin de semaine, lors du discours de M.
Lazure au congrès de la Fédération des CLSC, il disait
qu'il était surpris de voir que très peu de CLSC ont des ententes
de services. Mais cette idée d'ententes de services n'est pas encore
acquise; faire des ententes de services avec des organismes communautaires,
cela fait un peu peur, on ne se le cache pas, cela fait un peu peur. Mais je me
dis: C'est aussi cette conversion et il faudrait, il me semble, en arriver
à ce que les organismes communautaires cessent de dépendre d'une
subvention au compte-gouttes, qu'ils soient subventionnés pour trois
ans.
D'abord, cela va les renforcer et, pour les centres locaux de services
communautaires, tout le monde sait, j'espère, depuis la fin de semaine,
qu'on se reprend pas mal en main et qu'on veut, de plus en plus, appliquer des
services très concrets et très près des gens. Je pense que
la notion d'accompagnateur, c'est encore ce que je disais tantôt, c'est
le lien entre l'étrangeté de cette structure, parce que c'est une
très belle structure. On peut difficilement demander mieux, mais, pour
le jeune, ce n'est peut-être pas le même style de "puzzle" qu'il
aime.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre des Affaires
sociales, le député de Chambly; c'est un beau nom aussi.
M. Lazure: Oui. Je remercie les gens de la
Fédération des CLSC pour leur présentation. Moi aussi, je
retiens, peut-être comme la contribution la plus intéressante,
cette suggestion de développer un rôle, une fonction qui serait
non professionnelle et que vous appelez accompagnateur. Vous avez
répondu tantôt à mon collègue que rien dans la loi
actuelle n'empêche cela. Peut-être faudrait-il y faire allusion de
façon plus positive. Quant à moi, cela me plaît beaucoup,
cette notion. On a à déplorer trop souvent une
professionnalisation à outrance et superflue pour des services qui
peuvent être donnés par des non-professionnels. Dans la plupart
des articles qui concerne le DPJ, le directeur, il est dit qu'il doit recourir
aux organismes appropriés.
Je voudrais faire remarquer aux gens que le pourcentage de jeunes qui
ont besoin d'aide, qui vont être touchés dans la pratique par
cette loi et qui vont se rendre au directeur de la protection de la jeunesse
est quand même infime et des organismes comme les CLSC ou d'autres
organismes bénévoles auxquels vous avez fait allusion doivent
continuer d'assumer le gros de la jeunesse qui a besoin d'aide. On
espère bien, dans l'application, pour la minorité des jeunes qui
auront à se rendre, par la police ou autrement, jusqu'au directeur de la
protection de la jeunesse, on espère bien que ce directeur va mettre
à contribution, aura des ententes, qu'elles soient écrites ou
non, peu importe, avec les CLSC de sa région ou de son quartier. On ne
s'attend pas que le CSS fasse tout. On espère que ces organismes vont
recourir aux ressources. Quant à vos remarques sur les subventions
gouvernementales aux organismes bénévoles, je pense que cela
tombe pile. On a demandé je ne sais pas jusqu'à quel point
on aura du succès aux autorités une augmentation
très substantielle de ces subventions, justement parce qu'on ne veut pas
miser entièrement sur les fameuses structures qui sont de plus en plus
lourdes et on veut favoriser l'éclosion de services, pas seulement parce
que c'est moins coûteux, mais aussi parce que c'est plus réel,
c'est plus motivé et souvent plus efficace. M. le Président,
c'est...
Le Président (M. Laplante): Je pense que le dialogue
était bien abordé.
M. Marois: M. le Président, très rapidement, une
remarque additionnelle là-dessus. Je pense qu'il y a une idée
clé que vous avez évoquée et qui mérite
certainement qu'on s'y arrête très sérieusement; c'est la
mise à contribution, au fond, du milieu lui-même. Cela a
été une tendance importante, depuis un certain nombre
d'années, d'aller dans une direction carrément opposée.
Quant au problème des subventions, je n'ai pas besoin de vous raconter
ma vie pour vous dire que je suis personnellement très sensible à
ce genre de problème, surtout quand il s'agit précisément
de ces groupes du milieu qui se prennent en charge eux-mêmes et qui sont
capables d'apporter une contribution. Il s'agit là de voir quelle sorte
de formulation cela peut prendre, parce que vous conviendrez avec moi que les
expériences varient énormément d'une région
à une autre, d'une localité à une autre, les ressources
communautaires sont très différentes d'un coin à un autre.
Comment réussir à insérer cela dans un texte de loi? Il me
semble qu'en mettant un peu d'imagination, il y a peut-être moyen
d'ouvrir des avenues nouvelles et d'être plus incitatif dans ce sens,
quant à la mise à contribution.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Mégantic-Compton. Vous avez une réponse à cela,
monsieur?
M. Poupart: Je voulais seulement noter, M. le Président,
qu'on est conscient, en vous présentant ce mémoire, qu'on ne vous
donne pas de propositions, comme l'ont fait les autres organismes, aujourd'hui,
très concrètes, visant des articles très concrets pour
appliquer ces propositions.
Cependant, je ne voudrais pas reprendre ce que mes collègues ont
dit, ce matin, vous parliez de pieuses intentions qui étaient plus
difficiles à articuler dans la réalité. Pour nous, avec
les moyens du bord, actuellement, souvent on est pris à articuler des
réalités qui sont plus bureaucratisées dans des
réalités qu'on ne retrouve pas dans un texte de loi et qu'on ne
retrouvera jamais.
Mais il me vient un exemple qu'on a vécu au CLSC où je
travaille, quand on parle de création de ressources alternatives ou de
groupes populaires. Jusqu'à maintenant, les placements d'enfants, si on
peut exprimer ainsi, sont de la juridiction des CSS. Or, il y a toutes sortes
de besoins qui seraient de beaucoup plus courte durée et qui auraient
avantage à trouver des solutions dans la communauté plutôt
que d'avoir recours aux services continus. Je parle du CSSSM, puisque c'est
là que je travaille, c'est-à-dire que c'est dans cette
région que je travaille.
Si on a un enfant à placer de façon urgente, parce qu'il
est vendredi, 17 heures, et il y a crise, on doit avoir recours aux services
continus du CSSSM. Si on avait des ressources et si on avait les moyens de
créer des réseaux d'entraide dans un milieu donné, on
pourrait peut-être trouver une solution beaucoup plus locale que de faire
recours à cette bureaucratie.
Quand on parlait de ressources alternatives, dans cet esprit, on
commence à les créer, et la loi ne nous en empêche pas,
comme vous le disiez. Ce qu'on souhaiterait, c'est que la loi permette la
multiplication d'exemples comme ceux-là. C'est-à-dire qu'on ait
les moyens, peut-être même juridiques à un moment
donné, de placer un enfant pour de très courtes périodes,
sans avoir recours à des superorganismes comme le CSS, avec lequel on
fait affaires. C'est un exemple.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Mégantic-Compton. Allez-y, c'est votre tour.
M. Grenier: M. le député de Saint-Laurent... Le
Président (M. Laplante): Non.
M. Grenier: Quelques brèves questions. Est-ce que vous
trouvez qu'il y a un effort suffisant pour le maintien des enfants dans leur
milieu naturel? Evidemment, on peut toujours en mettre un peu plus, mais je
veux dire dans le contexte.
M. Poupart: Là-dessus, notre réaction a
été... Il y a quelques années, je crois, dans les
avant-projets de loi, on parlait du milieu familial naturel, si je ne m'abuse.
Maintenant, on parle du milieu naturel. Par contre, toute la structure qui est
proposée, c'est celle du CSS, alors que le CLSC, à notre avis en
tout cas et ceux qui existent travaillent peut-être beaucoup plus
près des milieux naturels. Or, on en parle dans la loi à un seul
endroit. Eventuellement, le directeur de la protection pourrait faire
référence au CLSC. Je pense qu'on sent, comme disait M. Marois,
ce matin, qu'il y a une intention, mais elle est, à notre avis, non
palpable comme CLSC. C'est nous qui allons devoir le faire, parce qu'on n'est
pas appuyé dans ce projet de loi.
M. Grenier: Parmi les 22 CLSC qui s'occupent de jeunesse et
exclusivement de jeunesse, dans les autres qui font partie de votre
fédération, quel est le pourcentage de travail qui se fait,
est-ce qu'on peut l'évaluer vis-à-vis des jeunes comparativement?
J'étais en contact, hier, avec des gens de CLSC une partie de la
soirée et on semblait s'inquiéter du fait que l'effort du CLSC
était plutôt orienté vers les personnes
âgées.
M. Wilkins: C'est un fait que seulement 22 CLSC ont
développé des approches auprès de la jeunesse. Pour les
autres CLSC, on a déposé en fin de semaine justement un rapport
bilan qui explique l'activité des CLSC depuis cinq ans en termes de
statistiques. D'ailleurs, il y a des copies qui ont été
adressées aux membres de l'Assemblée nationale. Les autres CLSC
travaillent dans les soins de santé de première ligne, les
services sociaux de première ligne et, effectivement, une grosse partie
des activités des CLSC regarde les personnes âgées et les
handicapés, les soins à domicile pour le maintien à
domicile des personnes âgées.
M. Morin (Michel): Pardon... M. Grenier: Oui,
complétez.
M. Morin (Michel): ... si vous me le permettez, il arrive que
dans certaines régions, il y a des CLSC qui sont très
organisés et qui ont une certaine histoire au niveau de la jeunesse, ils
travaillent depuis un certain temps. Il y a d'autres régions où
ce sont des CLSC en implantation et il y a des coins où il n'y a pas de
CLSC, tout simplement, où ça commence tranquillement.
Par contre, le DPJ va être partout; du fait qu'il est partout, il
peut intervenir dans toutes les régions. A ce moment-là, tel que
nous l'avons compris dans la loi, s'il intervient au niveau de l'intervention
sociale, comme je l'expliquais tout à l'heure, encore là, c'est
une grosse structure.
Si le DPJ avec ses intervenants, avec qui il va travailler, a
plutôt un rôle d'intervention de quartier, à ce
moment-là, il est beaucoup plus présent à ce qui se passe
dans chaque milieu et il contribue beaucoup plus à maintenir les jeunes
dans leur milieu naturel, voyez-vous? Dans la loi actuelle, d'après ce
qu'on comprend, c'est beaucoup plus une structure sociale où il y aura
orientation par rapport aux centres d'accueil, par rapport aux familles
d'accueil, référence aux CLSC de temps en temps, là
où il y en a et, là où il y a une intervention-jeunesse
appropriée.
M. Grenier: Je n'ai pas les chiffres, vous les avez sans doute
dans vos dossiers. Est-ce qu'il y a des chiffres pour les familles d'accueil
pour jeunes? Est-ce que cela commence à être assez
développé?
M. Wilkins: Quant aux familles d'accueil, disons que les CLSC
n'ont pas affaire à cela actuellement. Les CLSC ne recrutent aucune
famille d'accueil.
M. Grenier: Ni pour jeunes, ni pour adultes, c'est laissé
aux CSS?
M. Wilkins: II n'y en a pas. C'est laissé aux CSS. On
parlait tantôt des projets d'organisation communautaire. Je connais
beaucoup d'expériences actuellement à travers le Québec,
qui consistent, dans des petits coins de campagne, à créer un
lieu d'appartenance pour les jeunes, un lieu où le jeune va aller
là-dedans, décorer cela à sa façon, va pouvoir
s'amuser un peu, rencontrer ses camarades, faire circuler un peu d'information,
s'organiser des soirées d'information sur toutes sortes de domaines.
Les organisateurs communautaires travaillent à créer ces
lieux d'appartenance. Il faut être bien conscient que cela prend bien du
temps à installer un lieu comme cela, parce que d'abord, les gens sont
très sévères vis-à-vis d'un cheminement de cet
ordre. On commence par dire: C'est un endroit où ils vont aller fumer du
"pot", c'est un endroit où ils vont aller rencontrer les filles, c'est
un endroit où ils vont gueuler contre les parents, etc.
Il faut quand même gagner la population, tranquillement pas vite,
pour que les jeunes puissent s'organiser un local. C'est très lent. On a
vu, à certains endroits, le CLSC être obligé de retarder
son projet et faire le tour des organismes sociaux, les clubs sociaux, pour
leur faire comprendre que le lieu d'appartenance des jeunes n'est quand
même pas un lieu de débauche, c'est un lieu où les jeunes
vont s'amuser.
M. Grenier: C'est la question que j'allais vous poser. Est-ce que
c'est un élément de réponse ou de définition que
vous avez aux lieux privilégiés et de solutions rapides et
souples pour...?
M. Wilkins: Une solution rapide et souple pour maintenir le jeune
dans son milieu naturel, ce matin, l'Association des CSS l'a dit et les centres
d'accueil en ont fait mention, je crois, c'est que quand il nous arrive le cas
d'un petit jeune... En tout cas, je vous mets au défi ce soir
d'être pris avec un jeune et d'essayer de le référer
quelque part. Il n'y en a pas de ressources. Il n'y en a absolument pas. Il ne
faut pas se le cacher.
A Montréal, il n'y a pas tellement longtemps qu'une maison
d'accueil peut accueillir les femmes qui sont mises à la porte par leur
mari, à deux ou trois heures de la nuit, avec leurs enfants. C'est
très récent, ces ressources. Il n'y en a pas de ressources, ou il
n'y en a pratiquement pas. Voyez-vous? Maintenir le jeune dans son milieu
naturel, cela serait, autant que possible, le retourner dans le quartier
où il retrouve encore un peu des liens d'amitié avec les amis et
que des gens, dans le coin, puissent s'en occuper.
Cela nous a pris trois ans à faire le tour des dépanneurs
dans notre coin, quand les gars fai- saient des recels et vendaient cela au
dépanneur, que le dépanneur ne le "stoole" pas à la police
tout de suite, mais qu'il nous le dise, pour que nous allions voir le gars.
Cela a pris trois ans à faire le tour des dépanneurs.
C'est cela, retourner le jeune dans son milieu naturel, c'est avoir une
ressource près et être capable de travailler en collaboration,
à la fois avec les dépanneurs et à la fois avec les
différents intervenants et demander à la police de ne pas trop
sauter quand il arrive quelque chose. C'est cela.
M. Poupart: Cela ne se retrouvera jamais dans des structures
comme les CSS, avec sa direction de protection de la jeunesse ou dans les
autres structures qui sont prévues dans les lois. Ces structures ont
d'autres vocations et n'auront jamais cela. Pour nous autres, le milieu
naturel, ce n'est peut-être pas le milieu familial, mais le jeune, le
lendemain, va devoir retourner à sa même école où il
allait la veille, même s'il est sorti de sa famille pour une
période de crise. Cela veut dire que nous autres, on a trouvé une
autre famille, dans le coin. Le CSS va peut-être m'en trouver une
famille, mais si je suis dans Hochelaga ou Maisonneuve, ils vont me la trouver
à Ahuntsic. C'est dommage, parce que la famille qui est disponible,
c'est celle d'Ahuntsic. Le jeune, le lendemain, n'ira pas à son
école, il va végéter. Ce qu'on veut, c'est être
capable de trouver des solutions là, mais il faut entre autres, avoir
les moyens pour cela.
Cela nous est arrivé, en tout cas, je parle pour le CLSC que je
connais, de faire des placements d'enfants, mais on se faisait un peu cogner
sur les doigts, en riant, par le CSS qui nous disait: Ecoutez, ce ne sont pas
vos affaires. Il avait un peu raison. Placer les enfants, ce n'est pas notre
mandat.
M. Grenier: J'aurais peut-être une question à poser
au ministre plus tard. Cela ne concerne pas les CLSC.
Le Président (M. Laplante): Oui, il veut répondre
aussi.
M. Lazure: Seulement sur ce sujet, si vous permettez, en toute
équité pour les CSS, je ne suis pas ici pour les défendre,
mais il y a beaucoup de CSS qui ont de multiples points de service, des
succursales, comme on les appelait autrefois qui, à toutes fins
pratiques, constituent des équipes dans des quartiers. Il ne faut quand
même pas parler comme si le CSS, c'était une grosse maison
mère dans chacune des quatorze régions, qui n'avait pas d'attache
dans les milieux, localement. Je veux seulement faire cette mise au point. On
pourra peut-être enchaîner, mais tout cela nous ramène
à ce que les éléments dans le réseau des affaires
sociales se parlent beaucoup plus et qu'ils travaillent beaucoup plus
ensemble.
Mme Boudreault: C'est surtout qu'il y ait, à mon avis,
entre la grosse boîte, qu'on appelle le CSS, et le milieu qui a un
élément transitoire...
pour que les gens qui connaissent, d'une part, le milieu et, d'autre
part, leur réseau officiel, puissent composer avec cela pour que, de
toute façon, le jeune ne se retrouve pas seul, soit dans le milieu, soit
dans le réseau officiel.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: J'ai terminé. Je me suis réservé
une question qui n'est pas du ressort de ces personnes, si vous me
permettez.
Le Président (M. Laplante): Allez-y, s'il veut y
répondre tout de suite.
M. Grenier: Cela n'intéresse pas les groupes, on y
reviendra à la fin.
Le Président (M. Laplante): C'est après cela,
d'accord. M. le député de Sherbrooke.
M. Gosselin: Sur ce concept des accompagnateurs qui est un peu
nouveau et qui, malheureusement, n'est pas complété au point de
pouvoir s'insérer très nettement quelque part dans la loi, il
faudrait sûrement trouver le moyen de le faire. Je veux simplement
renchérir sur un modèle d'intervention, à mon avis, qui
peut sûrement être développé, qui existe
déjà de facto.
Un des intervenants du côté des CLSC est un de mes
compatriotes de Sherbrooke et je peux citer, dans nombre d'exemples, la
situation à Sherbrooke... Non, c'est un milieu dynamique, Sherbrooke, M.
le député de Mégantic-Compton, c'est la capitale de
l'Estrie, Sherbrooke. Je crois qu'on est dynamique un peu dans tout l'Estrie,
mais à Sherbrooke particulièrement, on a donné l'exemple
au Québec dans bien des secteurs.
M. Grenier: Cela se reflète chez nous.
M. Gosselin: Je veux signaler que, quand il a existé, chez
nous, des organismes-ressources, comme des centres de regroupement d'aide aux
chômeurs, actuellement, il y a tous les gens qui s'occupent du placement
des jeunes sans emploi, les 15-25 ans, quand on sait que la moitié de la
population des chômeurs, chez nous, dans une localité comme
Sherbrooke ou d'une ville comme Sherbrooke a moins de trente ans, c'est un
phénomène social aigu, et quand il existe un organisme-ressource
comme cela, on constate qu'il y a tout un paquet d'organisations-relais ou de
lieux physiques de rencontre, de lieux récréatifs, etc., qui en
fin de compte empêchent ou diminuent considérablement le taux de
criminalité, les besoins de curatifs au niveau social.
On a eu aussi des infrastructures volontaires au niveau de projets
communautaires comme l'Accent où des animateurs non professionnels,
en l'occurrence, il y avait le curé d'une des paroisses du
centre-ville jouaient couramment le rôle de travailleur social; je
m'excuse, et, actuellement, il y a des médecins au Centre local de
services communautaires à Sherbrooke qui jouent couramment le rôle
de travailleur social. Ils ne sont pas payés comme travailleurs sociaux
pour le faire. Il y a des gens... J'ai joué, à certains moments,
à l'intérieur tout simplement de mon rôle ordinaire, le
rôle d'accompagnateur qui, à toutes fins pratiques,
équivalait à un rôle de travailleur social.
Je voudrais peut-être poser une question. Est-ce que vous vous
êtes appliqués à regarder à l'intérieur du
projet de loi les articles ou les lieux où il y aurait peut-être
moyen d'insérer ce concept.
Je regarde l'article 50, par exemple, où on parle des mesures
volontaires qui peuvent être prises dans les cas de protection, que
l'enfant soit maintenu dans son milieu familial et que les parents fassent
rapport périodiquement sur les mesures qu'ils appliquent à
eux-mêmes ou à leur enfant pour corriger la situation
antérieure, que certaines personnes s'abstiennent d'entrer en contact
avec l'enfant, que l'enfant soit confié à d'autres personnes,
qu'une personne oeuvrant au sein du centre de services sociaux ou d'un
établissement apporte aide, conseil ou assistance à l'enfant et
à sa famille...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sherbrooke, je ne voudrais pas tomber dans l'étude article par article.
S'il vous plaît...
M. Gosselin: Ce que je veux dire...
Le Président (M. Laplante): ... si vous avez une question
à poser qui se rapporte à l'article 50 et qui est dans le
mémoire du groupe des CLSC... S'il vous plaît, je suis
forcé de vous rappeler à l'ordre là-dessus.
M. Gosselin: Je vais poser une question insidieuse dans le sens
de demander: Est-ce que, parmi les personnes reconnues aptes à agir au
nom de l'enfant ou auprès d'un enfant, il n'y aurait pas moyen
d'inscrire, précisément à l'article 50, par exemple, ce
concept d'accompagnateur? En tout cas, c'est une question que je pose. Il y a
là et il y a peut-être ailleurs. Je voudrais savoir si vous avez
fouillé précisément à certains endroits du texte de
loi pour trouver une manière d'inscrire cela.
M. Wilkins: Honnêtement, on n'a pas fouillé la loi
pour savoir où insérer ce concept. On voulait surtout profiter de
l'occasion de notre rencontre avec vous pour vous dire: Cela peut être la
clef essentielle de ce projet de loi. Pour nous, c'est la clef de voûte.
Alors, on le dit, on se contente de le dire, mais, peut-être par la
suite, si on peut apporter notre collaboration, se retirer un peu et
l'étudier plus profondément, article par article, et voir
où on pourrait le situer, on est prêt à collaborer à
une étude de cette envergure. Honnêtement, on n'a cherché
à l'entrer nulle part.
M. Poupart: Cependant, on a remarqué, quand on a vu le
projet de loi, qu'on pourrait inclure, par exemple dans l'article 50, la
notion
d'accompagnateur, mais cela suppose que l'enfant est déjà
rendu au DPJ et la suite, c'est-à-dire les décisions volontaires
ou non volontaires. L'enfant est déjà rendu là. Alors que
les interventions qu'on a faites sont plus pour éviter à la fois
la structure sociale qui est là et la structure judiciaire qui, pour
l'enfant, de toute façon, sont aussi complexes l'une que l'autre. Notre
intervention était plus dans le sens d'éviter cela. Ce serait
sûrement une bonne chose qu'on ait la collaboration, une fois que cela
sera établi, du directeur de la protection de la jeunesse, et de tous
les autres organismes. C'est sûr.
Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y a d'autres
questions, M. le député de Sherbrooke?
M. Gosselin: J'imagine que la loi pourrait également
créer certaines ouvertures. Dans certains milieux, il est arrivé
que les CLSC aient joué des rôles pilotes du côté de
la protection de la jeunesse, du côté de la prévention, il
arrive qu'en d'autres endroits, les CLSC n'aient pas joué ces
rôles. Il arrive qu'en certains endroits, la dimension communautaire dans
les CSS soit très forte. Il arrive qu'en d'autres endroits, elle soit
pratiquement inexistante. On me signalait, à cet égard, qu'on
avait tendance, actuellement, dans les CSS, dans certaines régions tout
au moins, à diminuer encore, au cours des dernières
années, le nombre d'emplois communautaires inscrits à
l'intérieur des définitions de fonctions. On peut penser que,
d'une région à l'autre, d'une municipalité à
l'autre au Québec, il y a peut-être des formules
différentes d'application qui peuvent s'inscrire. Il faudrait
peut-être fouiller à l'intérieur du concept pour voir de
quelle manière on ne pourrait pas se laisser des marges de manoeuvre
pour prescrire des modes d'initiation à la formule qu'on cherche
à appliquer.
M. Wilkins: C'est évident. Je pense que, d'ailleurs, tous
les rapports bilans qui ont existé sur les CLSC font mention qu'il y a
trois types de CLSC, le CLSC urbain, semi-urbain et rural. La notion
d'accompagnateur va être vécue de façon très
différente d'un endroit à un autre.
M. Gosselin: Ceci dit, je signalerais que je trouve pertinent que
cette notion soit davantage fouillée. J'imagine que, sans
nécessairement que vous ayez à produire un autre mémoire,
parce que ce n'est plus possible devant cette commission, j'imagine que cela
pourrait drôlement éclairer les ministres en titre et les membres
de cette commission que de connaître les résultats d'une
réflexion plus avancée.
M. Wilkins: On ne demande pas mieux que de collaborer.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Premièrement, pour clarifier quelque chose, lors
de l'étude des crédits du minis- tère, nous avons vu qu'il
y a 82 CLSC dans la province et seulement 15 donnent des services. Est-ce que
c'est déjà changé, M. le ministre?
M. Lazure: Si vous permettez une réaction. C'est 20 ou
22...
M. Wilkins: C'est 22 CLSC qui ont une petite dimension
jeunesse...
M. Lazure: Oui, pour la jeunesse.
M. Wilkins: ... mais cela ne les empêche pas de faire autre
chose.
M. Lazure: J'étais tenté tantôt de
réagir. Quoiqu'un a dit: On donne des services sociaux de
première ligne partout, ce qui est vrai, mais des services de jeunesse
seulement dans 22.
Peut-être faudrait-il appliquer aux CLSC le même
raisonnement que vous appliquez aux CSS, à savoir ne pas trop se
spécialiser et se compartimenter. Il y a quand même beaucoup de
services aux jeunes qui devraient être donnés à
l'intérieur d'une première ligne sociale.
M. Wilkins: C'est cela. Mais cela se fait aussi au niveau de la
première ligne sociale. Par exemple, il y a beaucoup de CLSC qui font de
la suppléance dans les écoles, alors le service social de
première ligne se fait dans les écoles et il s'adresse à
des jeunes, à ce moment-là. Je parlais tantôt de 22 projets
spécifiques, c'est-à-dire que quelqu'un a un dossier jeunesse
spécifique. Sa préoccupation, c'est les jeunes. Voyez-vous? C'est
en ce sens qu'il n'y a que 22 CLSC. Mais pour les autres, c'est une
préoccupation. C'est une préoccupation, mais je ne vous cache pas
que les gens ont un peu de difficulté à s'ajuster à cette
préoccupation. C'est alors le rôle de la fédération
des CLSC de développer avec eux des approches simples. C'est ce qui se
fait actuellement. On ramasse les 22 expériences sur lesquelles on peut
avoir une certaine expertise et on essaie de les faire circuler pour que cela
déclenche d'autres projets dans les autres CLSC. C'est ce qui se fait
actuellement.
M. Shaw: Je voudrais appuyer votre position. Si nous pouvons
aller chercher l'appui des réseaux communautaires, c'est bien
évident que, premièrement, nous aurons la prévention, ce
qui est très important, et, deuxièmement, les ressources humaines
normalement gratuites. On voit l'expérience des CSS juifs, Jewish
Community Services, à Montréal. On constate que, dans le secteur
de la protection de la jeunesse, c'est un système efficace, effectif,
parce que l'identification du service avec la population est là. Le
rôle des CLSC, dans chaque région, est d'avoir l'aide de la
population régionale pour donner un lieu temporaire à des
services, comme une maison d'accueil, des soins au domicile même de
l'enfant, pour surveiller un enfant pendant une certaine période. La
question de ta protection est démontrée. Je
constate moi-même que, si vous avez autant de ressources que vous
le dites, et c'est encore une question, s'il y a assez de CLSC pour faire face
aux responsabilités dont vous parlez... La lacune, c'est vraiment le
problème.
Si une ville a à faire face à un problème local qui
est réglé par le curé ou par un autre service social
régional dans la ville de Mégantic-Compton ou à Lac
Mégantic, est-ce que nous avons besoin de les remplacer par un CLSC ou
avons-nous à employer le système utilisé dans la ville
actuellement? Mais nous devons admettre que le réseau familial, avec
l'appui de la communauté, est toujours la ressource la plus valable dans
les situations concernées dans le projet de loi.
Il y a deux ou trois questions que je voudrais vous poser. Avez-vous
l'expertise ' dans vos CLSC pour vous impliquer avec le directeur de la
protection de la jeunesse? Avez-vous cette sorte d'"expertise" dans vos
CLSC?
M. Wilkins: Cela dépend des CLSC. Vous savez qu'il y a des
CLSC qui fonctionnent, d'autres qui sont en démarrage, d'autres qui sont
en implantation. Les CLSC qui fonctionnent ont tous une équipe de
travailleurs sociaux assez réduite. Ces travailleurs sociaux sont
pratiquement identiques aux travailleurs sociaux des CSS. Ils ont donc
sûrement l'expertise ' pour travailler en collaboration avec la direction
de la protection de la jeunesse, mais ils sont en nombre restreint dans les
CLSC. Les CLSC, dans bien des endroits, sont surtout articulés pour des
services de santé de première ligne et non pas pour les services
sociaux.
M. Shaw: Ce n'est pas un double emploi de responsabilités
si le directeur de la protection, le DPJ, devient du CSS, et si nous avons un
autre organisme qui peut y être impliqué?
M. Wilkins: Non, parce qu'un CLSC est un organisme de
première ligne, tandis qu'en ce moment, la DPJ, direction de la
protection de la jeunesse, telle que prévue dans la loi, est un
organisme qu'on appelle communément un organisme de deuxième
ligne. A ce moment, il n'y a pas double emploi, mais
complémentarité.
M. Shaw: Votre responsabilité est plutôt dans la
prévention que dans la protection elle-même? Aucune autre
question, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le
député de Beauharnois.
M. Lavigne: Quand je regarde tout cela, je trouve que plus
ça va, aux affaires sociales, plus on a d'organismes. Je ne voudrais pas
jeter une douche d'eau froide, aussi bien sur les CSS que sur les CLSC, que sur
la direction de la protection de la jeunesse ou les CRSSS; mais, plus ça
va, plus il y a de S et de C qui s'accumulent. D'abord, cela coûte
extrêmement cher. Je parle très librement, comme citoyen du
Québec. Moi, autant que vous, on a tous à payer cette
histoire-là. Je me demande si on n'est pas en train de développer
à un point exagéré des services qui, d'ailleurs, ne sont
pas toujours connus comme ils devraient l'être, dans chacun des milieux
où ils sont implantés. Je me demande jusqu'à quel point on
a rentabilisé ces services auprès de la population; je pense
qu'il y a des lacunes actuellement, et je me demande, si je faisais le tour des
personnes dans mon comté à tout hasard, sur le trottoir, combien
j'en rencontrerais qui savent qu'il y a un CSS chez nous et ce qu'il a comme
rôle social à jouer, combien il y en a qui savent qu'il y a un
CLSC et quel est son rôle social, etc. Je pense que c'est une infime
minorité de la population qui pourrait répondre
adéquatement à ces questions. En fait, on sait très bien
que cela coûte très cher. C'est une approche qui me met un peu sur
mes gardes pour continuer le développement de ces services et donner des
sous-champs d'action à ceux qui sont déjà existants, sans
considérer que, finalement, à travers tout cela, je suis en train
de me demander si on n'est pas rendu à faire que les gens faisant partie
de cette société et n'ont plus rien à faire. Ils jouaient
dans le passé une espèce de rôle d'agents sociaux, chacun
dans leur quartier. Cela pouvait être le curé, un échevin,
un commissaire d'école, un bon père de famille qui, à un
moment donné, prenait en charge un club de balle molle dans son patelin
et un autre, un club de poches, etc. On dirait que la vie moderne, la vie
d'aujourd'hui, n'est pas tout à fait ce qu'elle était il. y a 20
ou 25 ans. On s'organisait mieux socialement, je pense, il y a un certain temps
qu'on arrive à le faire aujourd'hui. C'est peut-être dû au
fait qu'on a à vivre une vie bien différente de celle du
passé. Je suis sûr que dans chacun de nos quartiers, il y a encore
cette vie, que le potentiel est là et j'ai peur qu'en instaurant autant
de services sociaux qu'on est en train de le faire, on va finir par
éteindre à tout jamais les ressources humaines dont chacun a
encore en lui le potentiel. Il va dire: Ce n'est plus à moi à
jouer ce rôle, parce qu'on a mis tel service et tel autre service. Je ne
suis pas certain que, pratiquement, tous ces services qu'on mettra sur pied
seront aussi efficaces que ce qu'ils nous coûteront en argent. J'ouvre
ici une parenthèse. Je suis un peu sceptique. C'est votre histoire
d'accompagnateur qui m'a amené à réfléchir un peu
à cela et je pense qu'à partir du moment où les CLSC sont
déjà existants, on pourrait peut-être y trouver cette
dimension. L'accompagnateur, je le vois dans le sens de ne pas prendre la place
des gens qui pourraient encore oeuvrer au niveau des organisations sociales de
leur quartier, mais de susciter un intérêt réel à y
oeuvrer. Dans ce sens, la dimension d'accompagnateur, je pense, aurait un
rôle important; elle aurait sa place dans ce sens. Maintenant, il ne
faudrait pas et cela je le maintiens faire que tous ces
organismes sociaux prennent la place de gens qui devraient encore avoir leur
rôle social à jouer chacun dans son milieu. J'ai vécu une
expérience cette année. Je demeure en banlieue de Valleyfield, je
pense que vous connaissez un peu le coin, Saint-Stanislas,
ce n'est pas à la porte, et, depuis quelques années, il
n'y avait rien qui se passait dans ce village. Pas seul, mais avec d'autres,
j'ai suscité une espèce d'intérêt et j'ai fait en
sorte qu'à un moment donné une équipe mette sur pied des
activités sportives. Tout cela est fait bénévolement et
cela a fonctionné.
Au champ de balle, la municipalité a participé à
l'installation de lumières, le curé a participé à
sa façon, et tout le monde a participé de sorte qu'il y a eu une
activité...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Beauharnois, ce serait bon de revenir au mémoire.
M. Lavigne: Je suis toujours sur la dimension d'accompagnateur.
Ce n'était pas un gars qui venait du CSS ou du CLSC qui l'a fait et il a
bien joué son rôle. Je pense qu'avec cette façon de voir
les choses, vous auriez un rôle à jouer dans ce
sens-là.
Le Président (M. Laplante): Je m'excuse, M. le
député de Papineau. Il n'y a pas de question.
M. Alfred: Je ne vous poserai pas de question.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous le goût de
réagir là-dessus?
M. Poupart: Cela susciterait une ou deux réactions
à ce que monsieur disait; mais peut-être très
brièvement, si vous le permettez. Je pense qu'il y a une partie de ce
que vous dites sur laquelle je suis d'accord et je me dis que cela fait
justement partie des choses qu'on veut recréer et on n'est pas sans
savoir que... Tantôt d'ailleurs, je trouvais que M. Lazure avait fait un
beau lapsus; quand nous parlions de groupes populaires, il a parlé de
groupes bénévoles. Je pense que ce n'est pas tout à fait
le sens qu'on donne à un groupe populaire et quant à investir
dans des groupes populaires, on ne parlait pas nécessairement de
bénévolat. On s'est aperçu que la mise sur pied
d'organismes, par exemple, de CLSC dans certains petits villages, a tué
le bénévolat. Je me dis qu'il va falloir peut-être
retourner à cela. Quand on parle d'accompagnateurs, c'est entre autres
pour cela. Il va falloir redonner aux gens le goût de reprendre en main
certaines zones de leur vie qui leur appartiennent et que
peut-être...
M. Lavigne: C'est cela.
M. Poupart: ... par des choses comme vous l'expliquiez, ils ont
perdu... On est sensible à cette dimension en se disant qu'en même
temps, il ne faut pas tomber, non plus, 50 ans en arrière sur certaines
choses.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Papineau.
M. Alfred: M. le Président, je ne poserai pas de question
à mes collègues qui viennent de faire leur exposé. Je me
bornerai à faire des commen- taires. Je pense que le rapport qu'ils nous
ont présenté dénote que, franchement, ce sont des gars qui
travaillent. Il ne nous ont pas présenté une grande thèse
théorique parce qu'ils sont déjà trop pris dans le concret
pour se borner à faire des études que personne ne comprendrait.
Ce que je me permets de dire, par exemple, c'est qu'ayant vu le fonctionnement
des trois CLSC de mon comté, c'est-à-dire le CLSC des draveurs,
le CLSC le moulin, le CLSC de Buckingham, je tiens à vous dire que
d'après moi, c'est le mécanisme, l'organisme dans le
réseau des affaires sociales, qui est le plus près du milieu et
qui fait un travail, bien sûr, que je peux qualifier d'extraordinaire. Ce
que je tiens aussi à dire publiquement, c'est qu'ayant vu le travail
fait par les CLSC et leur implication dans le milieu, je me permets, bien
sûr, de devenir une sorte de missionnaire auprès des ministres
concernés pour appliquer aux CLSC deux concepts qui sont
déjà en cours au ministère de l'Education,
c'est-à-dire le concept de décentralisation et aussi de
déconcentration au niveau des CLSC. Quand je vois le mécanisme
bureaucratique dans lequel s'insèrent les CLSC, il y a un concept encore
que je retiens pour les CLSC, pour qu'ils aient un travail plus efficace
auprès du milieu, c'est ce que j'appellerais l'autonomie locale des CLSC
à l'intérieur de leur territoire. Alors, c'est très
important d'arriver à définir comme il faut ces concepts.
Le travail présenté ici, c'est très bien. Il y a un
concept cependant que vous avez pris, ce concept d'accompagnateur que
j'aimerais voir préciser davantage et que nous allons essayer de
préciser et de concrétiser pour que vous soyez plus en mesure
encore de rendre service à la communauté où vous
êtes. Donc, mon intervention c'était de signaler l'importance du
travail que je vois qui est fait par les gens des CLSC; deuxièmement, de
vous dire qu'ayant vu ce travail, je me permets de parler avec les ministres
qui s'occupent des affaires sociales de la capacité de donner un peu
plus d'autonomie locale pour que vous puissiez fonctionner; par exemple, quand
je parle d'autonomie locale, cela implique aussi l'autonomie financière
et quand je pense qu'un CLSC a besoin de ressources humaines, il appartiendrait
à cet organisme local de décider où il doit envoyer cette
ressource humaine au lieu, par exemple, de décider soit au niveau
régional, soit au niveau de Québec, que ces gars-là
doivent être affectés à tel poste en particulier.
Merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Papineau, d'accord. Je me voyais obligé de vous rappeler à
l'ordre, parce qu'on ne traite pas des CLSC, on traite de la loi 24.
Maintenant, le dernier mot appartient au ministre.
M. Marois: Très rapidement, M. le Président. Je
voudrais remercier les membres de la Fédération des CLSC. Je
pense que tous mes collègues de la commission vont admettre que vous
avez été jusqu'à maintenant les seuls à attirer
notre attention sur une dimension qui est peut-être en même temps
la plus difficile à cerner pour les fins de ré-
daction de textes de loi, soit la mise à contribution des
ressources communautaires, qu'elles soient bénévoles ou
organisées, peu importe.
Je pense que vous avez nettement senti l'accueil très positif des
membres de la commission. On va honnêtement faire ce qui est humainement
possible pour voir de quelle façon... Si vous avez des idées
là-dessus, ne vous gênez pas pour les soumettre. On a du travail
à faire, on va cheminer encore pendant une couple de semaines,
sûrement, je présume, avant de pouvoir passer à travers
tout le projet de loi et toutes les étapes pour qu'il soit finalement
adopté. C'est donc dire que, si vous avez des idées, ne vous
gênez pas pour voir comment, concrètement... Le problème,
au fond peut-être que je simplifie c'est que c'est à
la fois quelque chose de nouveau et quelque chose de très ancien, la
dimension communautaire au Québec, mais quelque chose qui est
profondément enraciné chez nous. C'est un des
éléments.
En même temps, l'autre élément, c'est comment
réussir à insérer cette dimension comme
préoccupation, comme incitation sans la figer dans la loi. C'est quelque
chose de profondément vivant et en la figeant, on peut la tuer. C'est
aussi le danger. Il y a cette espèce d'équilibre. Je n'ai pas la
réponse, mais on peut dire que tous, je pense, on est plus qu'ouverts et
réceptifs à une idée comme celle-là et on va
essayer de trouver les formules.
Encore une fois, merci infiniment.
M. Lazure: J'ajoute aussi mes remerciements et je me
réjouis de ce que cette notion que la fédération nous a
laissée ce soir s'inscrit tellement bien dans la ligne de pensée
que j'ai exposée en fin de semaine, à savoir des
expériences innovatrices dans le domaine communautaire et je les en
félicite.
Le Président (M. Laplante): ... au nom de l'Union
Nationale?
M. Grenier: Je vais terminer, M. le ministre, si vous permettez
de remercier les gens des CLSC qui sont ici de nous avoir fourni ce
mémoire ayant une valeur vraiment humaine. De plus, j'aimerais remercier
les ministres de nous avoir présenté quatre mémoires qui
sont importants. Je pense que la sélection a été
excellente et ça nous a permis, de connaître autant les CSS que
les CLSC, l'Association des centres d'accueil et l'autre qui nous a
été présentée ici, l'Association des
hôpitaux. Je pense qu'on commence à avoir une lumière assez
complète sur ce problème. Je voudrais vous en remercier au nom de
notre parti.
Le Président (M. Laplante): C'est dangereux ce que vous
venez de dire. Mademoiselle, messieurs, au nom des membres de cette commission,
nous vous remercions de votre participation. Avant d'ajourner les travaux
à demain, 10 heures, je me permets de vous donner la liste...
M. Grenier: Je m'excuse, je m'excuse, j'avais une question
à poser au ministre avant la fin, étant donné qu'on est en
commission parlementaire des affaires sociales. Est-ce que ce serait possible
de demander au ministre des Affaires sociales de répondre demain en
Chambre, sans que j'aie posé la question, sur l'état du CLSC
Fleur de Lys de Weedon?
M. Lazure: C'est un beau nom, ça. M. Grenier:
Oui.
Le Président (M. Laplante): Je crois que c'est une
question qui peut être posée à...
M. Grenier: C'est pour préparer un dossier pour
répondre demain.
M. Lazure: La question, c'est quoi?
M. Grenier: Pardon?
M. Lazure: La question, c'est quoi?
M. Grenier: C'est de faire l'état de la question sur le
CLSC.
M. Lazure: L'état de la question sur le CLSC Fleur de
Lys.
M. Grenier: C'est cela, pour demain, si c'est possible.
Le Président (M. Laplante): Les organismes
convoqués pour demain.
M. Marois: On pourrait peut-être demander au
président de la fédération de nous fournir la
réponse.
Le Président (M. Laplante): Alors, pour demain matin, dix
heures: 14, Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle; 8, Commission
des services juridiques; 7, Association des psychoéducateurs. Trois,
demain matin. Après la période de questions, on continuera
à entendre les autres. Trois pour la journée.
C'est la liste qu'on vient de me faire parvenir pour la deuxième
séance, mercredi, le 26 octobre 1977.
M. Shaw: Est-ce que la commission parlementaire va siéger
en même temps que la journée des députés?
Le Président (M. Laplante): Demain, on aura la commission
parlementaire en même temps que la journée des
députés. Cela ira selon l'ordre de l'Assemblée
nationale.
M. Shaw: D'accord.
Le Président (M. Laplante): Tout ce que j'ai à
faire, c'est de convoquer pour dix heures, demain matin. Ajourné.
(Fin de la séance à 22 h 5)