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(Vingt heures quinze minutes)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission des affaires sociales se réunit pour
poursuivre l'étude du programme 6 du budget 1984-1985 intitulé:
Prestations d'aide sociale.
Je m'excuse, mais il faut que je répète la liste des
membres parce que c'est une autre commission. Mme Bélanger
(Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Blouin (Rousseau),
M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Champagne
(Saint-Jacques), M. Gravel (Limoilou), M. Lavigne (Beauharnois), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Leduc (Fabre), M. Martel (Richelieu), M. Middlemiss
(Pontiac), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Paré (Shefford), M.
Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier). Est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Leduc
(Fabre) est remplacé par M. Beaumier (Nicolet).
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Cela nous fait plaisir.
La parole est au député de Laurier. Je pense que cet
après-midi...
M. Sirros: On a été gentils avec les gens qui
étaient ici.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est cela. On leur a
laissé toute la place qu'ils désiraient. M. le
député de Laurier.
Mesures d'aide à la jeunesse (suite)
M. Sirros: Mme la Présidente, dans le temps qui nous
reste, j'aimerais revenir un peu sur les trois mesures et après cela
parler un peu plus généralement des prestations d'aide sociale
comme telles. Il y a peut-être une question préalable que
j'aurais. Dans le cahier des crédits, au programme 6, on a une somme de
2 047 000 000 $. Je voudrais savoir en commençant si les sommes
prévues pour les trois mesures se retrouvent à l'intérieur
de cela. Elles ne sont pas comptabilisées là?
Mme Marois: Non. L'argent qu'on a prévu pour les trois
mesures concernant le travail communautaire, les stages en entreprise et le
rattrapage scolaire se trouve au programme 10, en fait, et non au programme 6.
D'accord?
M. Sirros: D'accord. On le regardera demain. Mais, étant
donné qu'on se retrouve en commission des affaires sociales seuls, on
peut peut-être reprendre cela un peu moins rigoureusement par rapport au
temps. Que la ministre se sente à l'aise de parler et quand elle parlera
trop, on va lui dire qu'elle parle trop. Ce que je voudrais, c'est d'avoir
beaucoup plus de précisions quant au fonctionnement des trois mesures
comme telles. En ce qui concerne les stages en industrie, comment est-ce que
les secteurs dans lesquels les gens vont oeuvrer ont été choisis?
Est-ce qu'ils ont été effectivement choisis jusqu'à
maintenant? On a lu beaucoup de journaux qui disaient: II y a les
problèmes vis-à-vis des employeurs qui ne participent pas encore.
Il y a un genre de blitz qui se fait actuellement. Est-ce qu'on est en mesure,
à ce moment-ci, de me dire sur quels critères les secteurs, les
différentes industries ont été choisis pour que les jeunes
fassent leurs stages? Quel genre de mécanisme vous a amenée
à identifier tel ou tel secteur, si cela a été fait? Quels
sont ces secteurs, évidemment?
Mme Marois: D'accord. L'encadrement général retenu
- et cela a été l'objet de discussions, entre autres, entre
différentes instances gouvernementales dont, évidemment, le
Conseil des ministres - est ce qui encadre la politique de développement
économique du Québec. Ce sont les deux énoncés de
politique sur lesquels l'action gouvernementale tente de s'appuyer en
priorité, soit Bâtir le Québec et Le virage technologique.
Il y a un certain nombre de secteurs qui y sont prioritaires. À partir
de là, cependant, il faut voir comment dans le concret il peut y avoir,
je dirais, des écarts quant à cette réalité ou
quant à cette grande politique selon le vécu régional, si
on veut.
Je reviens à la façon dont va être assumée
cette mesure et sur les organismes qui vont en assumer la
responsabilité, soit les commissions de formation professionnelle. Il
faut savoir qu'il y a des commissions de formation professionnelle dans toutes
les régions du Québec. On a exactement douze commissions de
formation professionnelle qui ont en satellite, si on veut, des conseils
consultatifs régionaux selon les secteurs industriels.
Évidemment, il y a, je pense, une centaine de conseils consultatifs
régionaux selon qu'on touche, par exemple, aux industries des
pâtes et papiers, selon qu'on touche au secteur de type services, selon
qu'on touche au secteur agro-alimentaire. Selon les secteurs industriels, il y
a des conseils consultatifs régionaux qui sont formés, comme je
le disais, de façon paritaire de représentants d'employeurs et de
travailleurs et de travailleuses et, évidemment, la base de
départ, pour ce qui est des stages en entreprise, ce sont les
entreprises ou les secteurs industriels qui sont représentés au
sein des commissions de formation professionnelle et des conseils consultatifs
régionaux qui correspondent d'abord à un besoin de la
région proprement dite et qui s'inscrivent aussi dans la perspective du
développement socio-économique du Québec avec,
évidemment, certains écarts puisqu'on a les secteurs
traditionnels qui y sont représentés. Nous avons, je pense, comme
gouvernement supporté les secteurs traditionnels dans la perspective
qu'ils puissent cependant éventuellement se moderniser et se modifier,
etc. Il faudra peut-être avoir une main-d'oeuvre la mieux
préparée possible pour faire face à ces changements qui
pourraient arriver dans ces industries. La base de départ, c'est
celle-là. Ce sont donc les entreprises existantes et les partenaires
sont assis à un certain nombre de tables ensemble. C'est un premier
élément de choix ou d'orientation.
Un second. Nous avons dans chacune de nos grandes régions du
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
des économistes régionaux qui - je ne sais pas si c'est le bon
terme. On me dit que c'est comme cela qu'on les appelle exactement -font
régulièrement - je ne sais pas si j'ai un exemplaire du Journal
du travail - des analyses de l'état de la situation en ce qui concerne
la main-d'oeuvre: d'une part, les lacunes qui risquent de se produire si on a
du développement; d'autre part, les secteurs en perte de vitesse
où il ne faut pas recommander, par exemple, à des jeunes d'aller
s'inscrire. Évidemment, ils ont, comme encadrement global quant au type
d'analyse à privilégier en ce qui a trait à la
main-d'oeuvre, ces deux grandes politiques du gouvernement,
particulièrement Le virage technologique. À ce moment, il y a une
jonction entre nos centres Travail-Québec et nos commissions de
formation professionnelle par l'intermédiaire d'un certain nombre de
personnes sur le terrain, mais aussi par nos économistes
régionaux qui s'assurent que les données qu'ils analysent soient
transmises aussi aux commissions de formation professionnelle. On
privilégie là certains secteurs industriels dans chacune des
régions ou certains types d'entreprises. Le contact se fait par la suite
entreprise par entreprise; on n'en sort pas.
Prenons un secteur industriel - je prends toujours celui-là parce
que j'ai eu une rencontre où on en a un peu discuté - le secteur
des pâtes et papiers dans certaines grandes régions du
Québec. D'abord, on a aux tables régionales, évidemment,
ses représentants. Déjà, cela fait une bonne base, si on
veut; on part de là. Encore faut-il, même si ce sont des
représentants d'employeurs et de travailleurs et de travailleuses, aller
voir l'entreprise nommément, prévoir un contrat, prévoir
comment cela pourra se produire, etc.
Ce que je voulais dire quand j'ai fait une bifurcation ou ouvert une
parenthèse, c'est qu'on publie chaque mois, au ministère, un
document que je trouve très intéressant, parce que,
précisément, il fait régulièrement état des
analyses des économistes, celles qui se font en région, de telle
sorte qu'on a un portrait de la situation de la main-d'oeuvre, de ses besoins,
des taux de chômage, des taux d'insertion sur le marché du
travail, et on en retrouve régulièrement dans cette publication
du ministère.
Il y a une autre chose que j'ajouterais, parce que cela nous
paraît une mesure importante qui peut être d'avenir, nous
semble-t-il. J'ai commencé à procéder à un travail
de sensibilisation, d'information et aussi, je dirais, de mobilisation tant
pour les représentants des travailleurs et des travailleuses, les
syndicats, les groupes syndicaux, que pour les entreprises. J'ai
déjà rencontré certains groupes syndicaux. Dès la
semaine prochaine, je vais continuer à rencontrer d'autres centrales
syndicales. Je vais rencontrer aussi le Conseil du patronat et certains
organismes patronaux comme ceux-là pour qu'on aille plus en profondeur
sur le type de questions qu'ils pourraient avoir à ce moment-ci, le type
de difficultés qu'ils pourraient envisager. Je suis déjà
allée au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre où
on retrouve, paritairement, des représentants des travailleurs et des
travailleuses et des représentants d'entreprises. Déjà,
à partir des questions qu'ils ont soulevées ou des commentaires
qu'ils ont faits, on a modifié certains éléments de la
mesure "stage en entreprise". Je dirais maintenant que c'est vraiment le
travail sur le terrain, très concret, entreprise par entreprise, selon
le secteur privilégié, selon l'encadrement qu'on s'est
donné, et il faut essayer d'aller voir comment c'est possible, comment
cela peut s'opéra-tionnaliser. Évidemment, s'il n'y avait que la
ministre qui fasse cela, ce serait un peu désolant, parce qu'il y a un
grand territoire au Québec et il y a de nombreuses grandes, petites et
moyennes entreprises. Alors, nous avons prévu que les
professionnels ou les personnes engagées pour assumer le suivi
des stages et l'encadrement des stages puissent, dans leurs fonctions, faire un
travail très concret de contacts auprès de l'entreprise.
Stages en entreprise
M. Sirros: Pouvez-vous me dire s'il y a une différence
entre les stages en industrie, tel qu'on les discute ici, et d'autres stages en
industrie que les CFP pourraient mettre sur pied par le biais de la politique
de la main-d'oeuvre ou de la formation professionnelle?
Mme Marois: D'abord, il faut bien dire que les commissions de
formation professionnelle vont continuer à assumer les rôles ou
les responsabilités qu'elles assument déjà jusqu'à
maintenant. Il faut bien dire que le type de stages qui existent - il en existe
actuellement dans les entreprises - sont orientés dans une...
C'est-à-dire qu'ils visent habituellement les travailleurs ou
travailleuses d'une entreprise nommément identifiée ou d'un
secteur industriel pouvant couvrir différentes entreprises. Ces stages
sont pensés pour les travailleurs et les travailleuses
déjà en entreprise. À ce moment-là, ce qu'on me
souligne, c'est davantage de la formation en entreprise, plutôt que le
modèle qu'on tente de développer au niveau des stages en
entreprise.
M. Sirros: C'est là que je voulais en venir. Si je
comprends bien, ce n'est pas tant la formation en entreprise qu'on vise par les
stages en industrie. Ce que j'essaie de saisir, c'est ce qu'on vise
précisément par ce programme en termes de formation. (20 h
30)
Mme Marois: II faut bien voir que c'est un concept nouveau qu'on
développe. J'ai rencontré, la semaine dernière, le
ministre délégué à l'Emploi, de la France, qui me
faisait part des programmes qui existent là-bas. D'ailleurs, c'est
très intéressant tout ce qui peut se faire. Soit dit en passant,
l'aide sociale pour les gens qui sont au bout de l'assurance-chômage est
extrêmement limitée dans certains pays, dont la France, qui sont
pourtant considérés comme des pays très progressistes
à bien des égards. On discutait justement à ce moment des
différentes formules de stages ou d'apprentissage ou de formation, si on
veut, et eux aussi ont ces mêmes formules, développées un
peu différemment. Effectivement, je pense que c'est fort
différent. Quand on pense à la formation en entreprise telle
qu'exercée par les commissions de formation professionnelle, c'est
beaucoup plus fait, à ce moment, sur mesure pour un groupe
d'employés dans l'entreprise qui vont se spécialiser ou devenir,
d'autre part, plus généralistes selon le type d'entreprise. C'est
fait dans des périodes de temps très limitées et c'est
reliée à la politique de développement de l'entreprise.
D'accord?
Dans le cas qui nous préoccupe, il y a une incidence importante
de formation, mais il y a aussi une incidence d'expérience dans le sens
de participation à un monde organisé du travail; on veut aller
chercher des expertises concrètes dans certains métiers ou
certaines professions, mais on n'a pas la prétention d'arriver avec une
formation, soit de spécialiste de certains métiers, ou de
personnes qui posséderaient l'ensemble des techniques d'une formation.
On espère pouvoir arriver le plus largement possible à faire en
sorte que ces jeunes, de l'expérience vécue, puissent retirer un
certain nombre d'acquis, mais il faut bien imaginer que toute la trame de tout
cela est un peu différente de ce qui se fait quand c'est une formation
sur mesure pour un certain nombre de besoins identifiés dans une
entreprise. D'autre part, l'alternance avec la formation pourrait même,
dans certains cas, permettre à des jeunes de compléter des
études commencées ou de plus systématiser les
apprentissages faits dans l'entreprise. C'est cela pour l'instant.
M. Sirros: Finalement, si je comprends bien, les stages dans
l'industrie tels qu'on les discute ici ne sont pas des stages de formation
à l'industrie. Ce sont des occasions qu'auront des jeunes de passer un
certain temps en industrie en espérant finalement que cette
expérience leur sera valable par rapport à leur contact avec le
marché du travail, le monde réel du travail, mais on ne semble
pas dire qu'on vise pour chacun des jeunes qui va aller en stage dans
l'industrie une formation particulière par rapport à l'industrie
qu'on choisit. Si c'est exact, ma deuxième question serait: Quel sera,
à ce moment, le lien qui sera fait entre le stage que la personne va
faire en industrie et la formation possible - parce qu'il me semble que ce
n'est pas automatique - en institution par après?
Mme Marois: Je m'excuse. Je n'ai pas compris le sens de la
deuxième question.
M. Sirros: Le lien qui sera fait entre la formation en
institution, parce qu'il y a un élément de 30% qui est
prévu pour la formation en institution... J'ai cru comprendre,
d'après vos paroles, que ce n'est pas nécessaire que chaque jeune
qui ira en stage en industrie ait aussi une composante de formation en
institution. D'abord, est-ce que cela est exact et quel est le lien?
Mme Marois: Toujours il sera prévu, dans tous les contrats
de stages et dans
chacun des stages, une composante formation. J'ai essayé de faire
la distinction et j'avoue que ce sont des concepts nouveaux, effectivement, et
ce n'est pas toujours facile de les véhiculer clairement. Il y a une
composante de formation prévue pouvant varier de 10% à 30%. Cette
formation peut se faire effectivement en institution, mais elle peut se faire
aussi dans l'entreprise, d'accord? Mais on dit: Ce qu'on voulait faire
ressortir de telle sorte qu'on puisse encadrer les stages dans cette
perspective, c'est qu'on puisse avoir un temps clairement identifié
où, dans l'entreprise, on puisse, à partir des connaissances
acquises, tenter de systématiser un peu cette formation finalement,
parce que c'en est de la formation, de la systématiser par une
élaboration un peu plus théorique ou systématique en
termes de concept, si l'on veut. Cela peut se faire dans l'entreprise et en
institution.
Selon le type d'entreprise ou de stage, cela peut être en
institution qu'on va aller compléter par des cours formels l'acquisition
de connaissances théoriques. Quel exemple pourrais-je prendre qui
traduirait un peu? Imaginons que l'on se trouve dans une entreprise de type
ébénisterie ou travail du bois. Il y a des techniques très
particulières que l'on doit posséder, mais il y a aussi des
connaissances systématiques que l'on doit avoir, par exemple, la
qualité des bois que l'on peut utiliser pour produire une oeuvre de
telle ou telle nature ou qui peut servir de telle ou telle façon, selon
que l'on fait une table, une chaise, une armoire ou autre chose. La
résistance des types de produits, etc. Il faut essayer de
systématiser un peu ce que l'on peut apprendre en accomplissant des
tâches. Il faut essayer de systématiser un peu ces
connaissances-là en les encadrant plus théoriquement. Cela peut
être de cet ordre-là, comme cela peut être un cours plus
général que l'on pourrait prendre à l'éducation des
adultes dans le système scolaire de façon générale,
qui pourrait être un cours en mathématiques, si l'on veut. Je
reprends toujours ce même exemple, qui est intéressant, où
l'on doit avoir un minimum de connaissances de mathématiques de base,
à la limite de géométrie, etc., afin de pouvoir travailler
dans le secteur de l'ébénisterie. Ceci est un type d'exemple.
Si l'on va dans le secteur des services, on pourrait choisir des
entreprises qui se spécialisent dans la comptabilité, s'occupent
de gestion d'entreprises. On peut fort bien être associé à
un analyste dans l'entreprise afin de voir de quelle façon il aborde les
problèmes soulevés par l'entreprise et que cela puisse être
jumelé à un cours de base, si l'on veut, de quoi se compose le
contrôle de gestion, de ce qu'est la comptabilité dans une
entreprise. Je sais que ce n'est pas facile à visualiser, si l'on veut,
mais pour nous les dimensions sont assez clairement énoncées. Au
fur et à mesure que nous allons définir dans chacune des
entreprises le type de formation qui peut se faire et le type d'acquisition que
l'on peut aller chercher, nous allons dégager des modèles qui
pourront, par la suite s'appliquer à l'ensemble de certains secteurs.
Mais, au bout de la ligne, il y a une formation sur laquelle on veut pouvoir
compter afin qu'effectivement cela puisse, je dirais, permettre encore plus aux
personnes qui auront participé à ce type de stage de s'inscrire
dans un processus de recherche d'emplois où l'on peut compter sur
quelque chose par-devers soi.
M. Sirros: Est-ce que ce serait injuste de ma part de dire, pour
utiliser le jargon du ministère, afin que l'on se comprenne, que les
stages en industrie ne donneront pas finalement une formation "qualifiante"
dans le sens que c'est mis de l'avant dans la politique d'éducation des
adultes?
Mme Marois: Cela s'inscrit parfaitement dans la politique
d'éducation permanente. Je vais répondre particulièrement
à votre question, par la suite. Si vous relisez les documents et
l'analyse qui a été faite par la commission Jean, une des mesures
qu'on recommandait, entre autres, était justement le type de mesure
qu'on a adopté: stage en entreprise. Peut-être qu'on l'appelait
différemment - je ne me souviens plus des mots exacts - mais
c'était d'ouvrir largement sur cette approche.
Dans ce sens, la mesure stage en entreprise s'inscrit parfaitement dans
l'énoncé de politique d'éducation permanente et de
formation professionnelle. Je l'ai souvent dit: C'est sur une base
expérimentale. On va développer là aussi pour nous des
connaissances et des modèles qu'on pourra corriger en cours de route et,
éventuellement, étendre, si cela s'avère positif.
Peut-être qu'on le réduira à certains types de secteurs
industriels ou à certains types d'entreprises, etc.
Au bout de la ligne, il est prévu qu'il y ait une reconnaissance
de la formation plus systématique qu'on sera allé chercher.
D'accord? Selon le type de stage, cette reconnaissance, évidemment,
pourrait être plus large selon le métier qu'on aura, à ce
moment-là, touché. On sait fort bien que, pour certains
métiers, l'apprentissage, M. Chaput, est très long. C'est 8000
heures dans certains, par exemple. C'est très réglementé.
On a un certain nombre d'heures à passer en termes d'apprenti, de
compagnon, etc. La rédaction des termes, soit dit en passant, est
très au masculin, on pourrait essayer de féminiser cela un peu.
Il faut qu'on le fasse, dans le ministère, à chaque
fois, mais je sens que la volonté commence à être
plus là.
M. Sirros: C'est une armée d'hommes...
Mme Marois: Ne faites pas de commentaires sur mon armée de
femmes. J'en ai quelques-unes qui font fort bien leur travail, cependant.
Ce qui fait que, pour nous, la perspective est qu'il y ait une
reconnaissance de la formation plus systématique, plus encadrante, si
l'on veut, plus formelle, et, d'autre part, selon le type de métier,
d'industrie. Dans certains cas, on pourrait reconnaître effectivement un
certain nombre d'heures comme pouvant servir éventuellement à
s'inscrire dans un métier où ces exigences existent, si l'on
veut, mais comme, d'autre part, on a exclu certains métiers
réglementés - je pense à ceux de la construction, entre
autres - évidemment, on ne pourra penser à ceux-là.
M. Sirros: Est-ce qu'il serait juste de résumer tout cela
en disant que la réponse serait que, dans certains cas, il y aurait une
formation "qualifiante", mais probablement pas dans beaucoup de cas?
Mme Marois: D'abord, la formation, l'apprentissage qu'on y fera.
Je n'aime pas utiliser le terme "apprentissage", j'essaie de l'éliminer
parce que cela réfère à certains termes très
précis dans certains métiers réglementés, et je
voudrais essayer de l'éviter.
Les acquis de connaissances qu'on pourra aller chercher, c'est
évident que cela qualifiera les gens; c'est qualifiant dans le sens
où on part avec un bagage plus important.
Dans tous les cas, il y aura de la formation systématique plus
formelle pour laquelle, évidemment, il y aura une reconnaissance. Selon
le secteur, la formation, l'acquis qu'on aura pu aller prendre, il pourra se
développer. C'est un peu ce que je disais à votre collègue
d'Argenteuil cet après-midi. Cela s'inscrira dans la politique
générale de reconnaissance des acquis, où on est
très conscients que tout n'est pas à faire. Il y a un certain
nombre de choses qui sont faites et on peut s'en inspirer pour
développer le modèle de reconnaissance des acquis. Il y aura des
reconnaissances d'acquis, qui mèneront à un diplôme formel?
Non! On en est très conscients et c'est une des limites de cette mesure.
Est-ce qu'on devra la développer plus largement pour faire en sorte
qu'elle puisse s'étendre, par exemple, sur un temps plus long, qu'on
puisse entrer dans certains secteurs auxquels on n'a pas songé, etc.?
C'est évident qu'il y aura une reconnaissance de la formation plus
systématique ou plus formelle - pour essayer de distinguer - et, d'autre
part, selon le type d'acquisitions qui aura pu se faire au moment du stage.
Cela s'inscrit parfaitement dans la foulée de la politique
d'éduction permanente à cet égard. (20 h 45)
La clientèle
M. Sirros: Peut-être pour changer un peu la discussion
pourrions-nous voir un autre aspect du même programme. Pour les 30 000
stages, comment en êtes-vous arrivée à ce chiffre? Comment
avez-vous identifié 30 000? Sur quelle base?
Mme Marois: Essentiellement, on a tenté de fixer cet
objectif à partir de ce qui nous apparaissait d'abord l'une des mesures
les plus intéressantes en termes de développement et à
partir des besoins de la clientèle.
Si nous avons 80 000 personnes seules aptes au travail, si nous avons
116 000 bénéficiaires d'aide sociale de moins de 30 ans,
comprenant donc les couples, les chefs de famille monoparentale, l'ensemble des
ménages, si on parle de 116 000 personnes, de l'intérêt
manifeste que ces personnes, que ces jeunes, suite à des discussions,
des échanges et des sondages, avaient manifesté à
l'égard de mesures qui leur apparaîtraient répondre
davantage à leurs besoins... Soit dit en passant, 76% des jeunes
interrogés ont nettement marqué leur préférence
pour ce type de mesures, si on veut, comme un des moyens pour se
réinsérer dans le monde du travail.
M. Sirros: Je ne sais pas si vous faites référence
au même genre de sondage que j'avais vu. De quel sondage s'agit-il?
Mme Marois: C'est essentiellement un sondage interne du
ministère à partir du moment...
M. Sirros: Scientifique, échantillonné, etc.?
Mme Marois: Oui, un sondage qu'on essaie de faire le plus
scientifique possible à partir des méthodes qu'on peut avoir,
mais c'est essentiellement un sondage interne du ministère.
Je m'excuse, je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre
question. Vous m'avez fait perdre le fil de mon idée.
M. Sirros: La question était à savoir comment vous
en étiez arrivé au chiffre de 30 000. Vous m'avez...
Mme Marois: D'accord. Essentiellement à partir d'une
analyse des besoins de notre clientèle et des
bénéficiaires qu'on retrouve
à l'aide sociale et de leurs attentes à l'égard de
mesure qui pourraient répondre à leurs besoins.
M. Sirros: Est-ce que, d'un autre côté, vous avez
fait quelque étude que ce soit, sondages ou quoi que ce soit du
côté des besoins des entreprises?
Mme Marois: Oui, il y a eu aussi certains sondages qui ont
été faits du côté de l'entreprise. Soit dit en
passant, la réponse des entreprises à cet égard, les
critiques des entreprises à l'égard de la préparation de
nos jeunes à l'emploi étaient qu'elles devaient investir de
façon importante au moment de l'entrée des jeunes dans
l'entreprise. Ceci pour former ces jeunes de façon très
concrète, évidemment, à la tâche dans l'entreprise
mais aussi de façon plus générale par rapport à
certaines distorsions qu'il peut y avoir entre la perception qu'on a du monde
du travail ou du monde de l'entreprise et la capacité réelle
d'être productif dans l'entreprise au moment où on y entre.
À cet égard, elles ont mentionné que les personnes
qui entraient directement, formées soit au secondaire ou à la
limite au collégial, avaient besoin d'une formation à
l'entrée en emploi qui exigeait un investissement important de la part
de l'entreprise. Une des recommandations qu'elles nous faisaient, un des
souhaits qu'elles exprimaient, c'était qu'on puisse les aider au niveau
de cette formation pour le stage en entreprise - qui se disait autrement, je ne
sais pas comment on l'appelait, mais enfin - qu'une expérience puisse
être acquise, si on veut, dans un monde organisé du travail, de
telle sorte que pour les entreprises aussi cela semblait être une attente
assez marquée.
M. Sirros: Je crois comprendre que j'ai dépassé mes
20 minutes. Je voulais dire...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Non, j'ai essayé
d'être un peu moins rigide que cet après-midi. Si le
député de Laurier a une autre petite question, bien volontiers on
va lui donner le temps de la poser.
M. Sirros: Je n'ai aucune objection non plus à ce que des
gens interviennent...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Après cela, c'est
parce que... Alors, allez-y pour une autre question, M. le député
de Laurier.
M. Sirros: C'était simplement une question. Serait-il
possible d'obtenir copie des conclusions du sondage dont vous avez fait
mention?
Mme Marois: Je m'excuse, M. le député.
M. Sirros: Serait-il possible d'obtenir copie des conclusions du
sondage dont vous avez fait mention? Les deux, celui concernant les employeurs
également.
Mme Marois: Effectivement, en ce qui a trait au sondage sur
l'emploi et les jeunes au Québec, je pense qu'on peut fort bien rendre
disponibles les résultats de ce sondage.
M. Sirros: Merci.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci.
Mme Marois: D'ailleurs, je pense qu'on parle au cahier qu'on vous
a remis...
M. Sirros: Oui, effectivement on en parle, mais on n'a pas
le...
Mme Marois: ...de l'emploi et des jeunes au Québec.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): M. le
député de Laurier, probablement que vous pourrez revenir par la
suite, mais je vais passer la parole au député de
Rivière-du-Loup.
M. Boucher: Merci, Mme la Présidente. Mon collègue
de Laurier semble inquiet face au programme de stage en entreprise. J'ai
l'impression, à écouter ses propos, que, lorsqu'il parle
d'entreprises, il songe tout de suite à des industries de production
où les jeunes seront intégrés pour apprendre à
produire. Il reste que le mot "entreprise" a un sens plus large que simplement
"industrie", au sens que des entreprises peuvent prendre des jeunes dans des
stages, par exemple, dans le domaine de la sylviculture. Ce ne sont pas des
industries comme telles, au sens qu'on donne au mot, mais des entreprises de
production de plants.
J'aimerais qu'à ce niveau, lorsqu'on évaluera les projets
de stages en entreprise, on essaie d'envoyer les jeunes dans des domaines
d'avenir et non pas dans des domaines où on va leur faire faire des
stages et, que par la suite, le jeune qui arrivera sur le marché du
travail sera incapable de se placer ou de se trouver un emploi. J'espère
qu'on ne l'enverra pas faire des stages dans des entreprises de
débosselage, comme on l'a fait dans certaines écoles de
métiers où on apprend encore aux jeunes à
débosseler les autos. On sait qu'aujourd'hui les entreprises de
débosselage dans les garages emploient rarement des jeunes qui ont ce
genre de métier.
L'idée que je me suis faite à partir du
moment où le gouvernement a des projets actuellement, dans le
domaine de la relance, de création de nouvelles entreprises... Dans le
domaine de la sylviculture, on sait que le gouvernement veut investir
énormément pour la plantation de nos forêts. Si on pense
qu'on n'a pas fait beaucoup de plantation en forêt jusqu'à
aujourd'hui et que demain, à partir du moment où le gouvernement
s'est donné des objectifs, on pourra passer de 65 000 000 à 300
000 000 de plants par année et replanter tout cela, cela va nous prendre
du monde tantôt qui saura comment le faire.
Je pense que le stage en entreprise, à ce moment, devient
essentiel à partir du moment où on n'a pas actuellement en main
des jeunes préparés en sylviculture qui ont toute la formation
requise pour entreprendre ce métier. On est persuadé qu'au moment
où les jeunes iront faire un stage, soit en pépinière,
à partir de la pépinière et, par la suite, sur les
plantations, avec les entreprises qui existent déjà dans ce
domaine, ils pourront acquérir un véritable métier.
On nous dit que ce ne sera pas nécessairement un métier,
mais je pense que quand ils auront franchi toutes les étapes, à
partir de la pépinière jusqu'à la plantation, les mesures
que le gouvernement... Moi j'ai passé une fin de semaine dans un
colloque écho-santé pour me rendre compte que, je pense,
l'ère des arrosages des forêts est terminée. La population
demande à grands cris d'interrompre ce genre d'arrosage. À partir
de ce moment-là il va falloir faire quand même de la
prévention de façon mécanique et pour la culture
mécanique dans les plantations, il va falloir du monde tantôt, des
gens qui connaissent cela. À partir du moment où il y a un
programme qui peut former des jeunes dans ce type d'entreprises, où nous
aurons besoin de main-d'oeuvre, je n'ai pas d'inquiétude concernant ce
genre de stages.
Je pense que cela ne viendra pas prendre la place d'autres emplois ou
n'enlèvera pas des employés dans des entreprises qui existent
déjà. Cela aidera justement à préparer une
relève pour demain, pour ceux qu'il y a actuellement, qui sont en nombre
insuffisants. Cela m'apparaît le programme idéal et
j'espère, au niveau du ministère, que l'on essaiera dans les
stages entrepris...
On parle du domaine de la tourbe aujourd'hui. Je pense que c'est un
domaine qui est appelé à prendre de l'expansion, la
transformation de cette tourbe. Nous nous sommes contentés depuis des
années à prendre la tourbe, à l'empaqueter dans des sacs
et puis à l'envoyer aux États-Unis, lesquels nous fournissaient
les sacs. Ils nous font parvenir les sacs, nous l'empaquetons et la faisons
parvenir aux États-Unis. C'est évident que le marché de la
tourbe est aux
États-Unis. Nous en consommons à peu près 10% de la
production et puis le reste va au marché américain. Des
études ont été faites à l'Université de
Sherbrooke sur la tourbe, qui démontrent que ce produit-là a des
propriétés de transformation dans à peu près tous
les domaines, que cela soit pour les médicaments à base de
tourbe, les matériaux de construction ou toute autre transformation de
la tourbe. Il y a un paquet de choses que l'on peut faire avec de la tourbe qui
permettraient à un moment donné d'entraîner les techniques
de ces transformations ou ces techniques de la tourbe. Nous n'avons personne
aujourd'hui qui les connaisse et qui a pu suivre des orientations, des stages
dans ce domaine.
C'est la raison pour laquelle je recommande fortement que l'on... Je
pense que la ministre pourrait en tenir compte, afin que nous n'envoyions pas
des jeunes dans des stages où on leur apprendra un métier ou on
leur fera faire un bout d'entraînement et où, à leur sortie
du stage, ils ne seront pas plus avancés qu'avant. Essayons de trouver
dans le domaine de ces stages des choses assez originales pour leur permettre,
évidemment, d'avoir un avenir dans les emplois qu'ils
détiendront.
Il reste une chose. C'est une des questions que je voudrais adresser
à la ministre. Nous avons dit cet après-midi, au niveau des
travaux communautaires, que les jeunes seraient référés
par les modules jeunesse, à partir des centres Travail-Québec. Je
sais que les modules jeunesse ont commencé ce travail. Or il
m'apparaît, dans ma région du moins, au niveau des centres de
main-d'oeuvre du Québec, que nous n'avons sûrement pas les
effectifs humains nécessaires pour répondre aux demandes qui
seront faites à partir du moment où le programme commencera
à être en vigueur. Est-ce que le ministère a prévu
des effectifs supplémentaires au niveau des modules jeunesse dans les
centres de main-d'oeuvre?
Mme Marois: J'aimerais revenir sur certains commentaires que vous
faisiez qui, effectivement sont pertinents, et peut-être en même
temps revenir, dans le sens des questions que nous avions tout à
l'heure, sur la valeur que peut avoir le stage, le type d'entreprise où
il va se faire. (21 heures)
Ce qu'il faut bien voir, c'est que nous ouvrons une porte qui n'avait
jamais été ouverte, qui est nouvelle, une avenue nouvelle. Je
veux revenir sur cela, parce qu'à ce moment-là nous comprendrions
mal ce qui se fait en formation professionnelle actuellement au Québec,
pour bien voir que le stage en entreprise a son créneau et répond
à un certain nombre de besoins. Ce qui se fait par
l'intermédiaire, actuellement, de la formation professionnelle par
les
commissions de formation professionnelle ou par l'aide à la
formation, c'est vraiment, pour utiliser une expression qui est chère
à mon collègue des Affaires sociales, qui était à
l'Éducation, une formation, même en emploi, pointue, dans le sens
où ce qui se fait maintenant c'est regarder les besoins d'une entreprise
en particulier ou d'un secteur industriel en particulier et fonction soit d'un
changement qui arrive dans l'entreprise, soit d'un élargissement des
activités de l'entreprise, on prépare les employés qui y
oeuvrent par une formation très fermée, si on veut, à cet
égard, donc très pointue, pour faire en sorte que les
travailleurs et les travailleuses puissent assumer les tâches que va leur
demander l'entreprise dans sa nouvelle orientation ou dans les changements
qu'on y vit.
Il y a cette formation qui est possible et il y a la formation par le
réseau scolaire ou par le monde scolaire. Ce qu'il faut bien voir c'est
qu'on ouvre entre les deux, dans le fond, un champ qu'on n'avait jamais investi
où, effectivement, on jumelle une formation plus systématique et
un vécu dans le monde organisé de l'entreprise en allant chercher
un certain nombre d'acquis. Cela m'apparaissait important de faire cette
distinction parce que c'est vraiment neuf. Ce n'est pas quelque chose qui
existe, ce n'est pas quelque chose qu'on faisait. À cet égard,
étant au stade de l'expérimentation, c'est évident qu'il y
aura des ajustements de tir qu'on va devoir faire. D'ailleurs, on sait aussi
que l'objectif de 30 000, cette espèce de défi qu'on s'est
lancé à nous-mêmes, parce qu'on pense que les jeunes qui
sont dans le champ n'ont pas le même choix que nous, comme
société, de se lancer un certain nombre de défis, on
serait très déçu de ne pas l'atteindre. Mais on est
conscients d'être un peu optimistes.
Maintenant, M. Boucher, mon adjoint parlementaire, soulevait -
d'ailleurs je suis fière que vous soyez là, je veux le souligner
aux membres de la commission - un certain nombre de questions ou de
questionnements qu'on a eus et qu'on continue d'avoir sur le terrain en ce qui
a trait aux types d'entreprises ou aux types d'industries parce que le mot
"entreprise", effectivement, doit être entendu au sens très large.
Ce n'est pas l'entreprise du secteur manufacturier, c'est l'entreprise au sens
général du terme. Cela peut être une entreprise de
services, cela peut être une entreprise de type manufacturier, de type
secondaire, primaire. Vous parliez de la tourbe; il y a là du primaire,
il y a du secondaire si on fait le traitement. Évidemment, à cet
égard, on essaie de privilégier des métiers ou des
professions d'avenir. D'ailleurs, on a aussi d'autres guides pour nous aider.
On a une liste de professions d'importance nationale qu'on a définies et
pour lesquelles on privilégie l'aide à la formation dans les
entreprises. De la même façon on devrait se guider sur cette liste
pour orienter nos jeunes vers les entreprises où il est possible
d'exercer ce type de profession, ce type de métier.
Il y a le secteur des services aussi qui n'est pas effectivement
à négliger puisqu'on sait que dans l'évolution de nos
sociétés le secteur des services prend de plus en plus de place.
Il peut aussi se complexifier et, à cet égard, il est important
que des jeunes puissent aller y chercher une expertise, des connaissances et
une formation.
Il y a nos secteurs plus traditionnels, mais qui sont des secteurs dans
lesquels on n'aura pas d'autre choix, comme société, que de
procéder à des investissements. 0e trouve que le plus bel exemple
de cela c'est le reboisement que vous souligniez tout à l'heure.
Effectivement, il faut avoir des connaissances pour pouvoir faire cela, pour
monter une serre, pour suivre l'évolution de la plantation, pour faire
en sorte qu'on réussisse au bout de la ligne. Au Québec on sait
fort bien qu'on est en train d'atteindre des ruptures de stock au niveau de
l'approvisionnement pour les usines de pâtes et papiers, entre autres, et
qu'il est important de reboiser notre territoire, d'investir, tout compte fait,
dans l'avenir. Si on conserve -d'ailleurs je pense qu'on n'a pas le choix
finalement - ce rythme d'investissements au cours des années à
venir, on va atteindre un rythme de 300 000 000 de plants en terre par
année autour de 1987. Pardon? Actuellement, on est à 65 000 000,
effectivement; mais je pense qu'on atteindra le rythme en 1987 ou 1988,
c'est-à-dire. Alors, si on maintient ce rythme - et on n'a pas le choix,
finalement - ce sont des emplois permanents qu'on va créer dans ce
secteur-là, des emplois durables.
Effectivement, cela exige un apprentissage et des techniques
particulières, qu'il va falloir posséder, que nos jeunes devront
posséder.
Soit dit en passant, là on parle peut-être plus de travail
de type manuel, mais qui peut être très valorisant en fin de
compte aussi. Je trouve toujours cela un peu frustrant de travailler soit dans
un domaine politique ou dans un domaine intellectuel, où souvent on ne
voit pas nos résultats très concrets, alors qu'il y a certains
métiers où l'évidence est visible à l'oeil nu et
c'est satisfaisant aussi pour les personnes qui s'y inscrivent.
À la marge et peut-être, parfois, de façon plus
importante qu'on ne le voudrait, il est évident qu'il y a des risques
que certains stages soient vécus dans des types d'entreprises pour
lesquelles les besoins de main-d'oeuvre, en termes de volume, vont soit se
stabiliser ou être moins importants. Évidemment, on tente
d'éliminer ces secteurs-là. On va tenter de ne pas les
privilégier ou les envahir, si on veut, à partir des
guides dont j'ai parlé depuis le début des discussions qu'on a ce
soir. Mais, à la marge, il y en aura sûrement.
Cela va me permettre d'arriver à une autre réalité.
Quand on parle de 115 000 ou 116 000 bénéficiaires d'aide sociale
de moins de 30 ans, qu'on parle de 80 000 personnes seules ou enfin qui sont
les bénéficiaires qui reçoivent la plus basse prestation,
si on veut, il faut savoir - je pense que, pour avoir travaillé,
certains d'entre vous, ceux et celles qui sont là, dans le monde des
services sociaux ou le monde de l'intervention sociale, vous le savez - qu'il y
a des jeunes qui sont profondément détériorés,
désorganisés et que, finalement, à la limite, c'est quasi
une espèce d'apprentissage à la vie que certains jeunes vont
faire. Je ne pense pas trop exagérer quand je dis cela, dans le sens
où ils ont perdu toute espèce de forme d'autodiscipline, toute
espèce de goût et de motivation même à s'inscrire
dans un processus d'apprentissage ou de travail. Ils sont complètement
démolis et démotivés, finalement, devant leur avenir et
devant l'avenir de la société dans laquelle ils s'inscrivent.
Pour ces jeunes, c'est quasi du B.A. -Ba qu'on va faire et on en est
très conscient, si on veut. Cela demande un suivi, à ce
moment-là, très constant, ne serait-ce pour ces jeunes qu'un
contact systématique suivi avec le monde du travail, le monde
organisé, un petit peu plus encadrant, ou un type de formation plus
formelle qu'ils pourraient avoir. Cela pourrait être, à la limite,
des cours très généraux qui se donnent parfois à
l'éducation des adultes, une espèce d'apprentissage à
organiser sa vie, cela peut aller jusque-là. Il faut en être
conscient. À ce moment-là, le choix du type d'entreprises devient
peut-être moins prioritaire pour ce type de jeunes, dans le fond, qui ont
besoin de se restructurer, de faire un apprentissage à la vie
organisée. Donc, à la marge, il est possible que des jeunes
vivent leur stage dans des entreprises qui sont moins des entreprises de
pointe, dans des métiers qui ne sont pas nécessairement des
métiers d'importance nationale, mais on viserait, à ce
moment-là, un autre objectif et un autre segment, si l'on veut, de la
clientèle que nous avons à l'aide sociale. Pour avoir
été en contact avec des milieux très démunis, des
milieux de pauvreté, on sait fort bien que ces difficultés
existent. Ces jeunes-là, soit dit en passant, ne prendront pas d'emplois
existants, dans bien des cas.
M. Boucher: Est-ce que, par exemple, le jeune, dans un premier
temps, sera orienté vers un stage en entreprise advenant qu'il
réalise quand même, à ce moment-là, qu'il serait
peut-être mieux d'aller parfaire son instruction? Est-ce que les
programmes seront assez souples pour que les transferts puissent se faire en
cours de stage si le jeune, à un moment donné, veut aller
parfaire ses études? Est-ce qu'il pourra transférer d'un
programme à l'autre?
Mme Marois: Tout à fait. La seule limite que nous avons -
elle est quand même importante, mais je me dis qu'on y va sur une base
expérimentale et on verra comment on peut ouvrir peut-être plus
largement, parce que je sens qu'on va arriver rapidement à cette
difficulté ou cette contrainte - c'est qu'il sera possible de le faire
si on s'est inscrit dans un projet de stage, par exemple, et, au bout de
quelques mois, qu'on dise: C'est assez évident que si j'avais
terminé - et puis même le contact avec le monde de cette
entreprise - même le secondaire, sûrement qu'après cela
deviendrait plus intéressant pour moi. Je serais mieux
équipé pour entrer sur le marché du travail.
Il sera possible, en cours d'année où le jeune participera
à l'une ou l'autre des mesures, de passer du travail communautaire au
rattrapage scolaire, du travail communautaire au stage en entreprise, du stage
en entreprise au rattrapage scolaire ou, à la limite aussi, si cela
n'allait pas du tout dans le type d'entreprise qui a été choisi
et qu'il y a une possibilité d'aller vers du travail communautaire,
d'abandonner le stage parce qu'il ne correspond pas du tout aux attentes qu'il
avait exprimées et qu'il y rencontre des difficultés
particulières. Ce sera possible.
La limite ou la contrainte que nous avons, c'est qu'un jeune ne pourra
participer à une mesure pour un temps plus long qu'un an. Donc, il devra
pouvoir faire ses différents choix ou ses changements sur une
période d'un an. Remarquez que, dans le temps, cela peut être plus
long qu'un an; ce peut être sur une période d'un an et demi. Un
jeune pourrait être en stage dans une entreprise pendant quelques mois -
imaginons deux mois - et souhaiter vraiment se réorienter. Rien ne va.
On a à bâtir avec lui un programme de rattrapage scolaire. Il peut
y avoir un laps de temps de deux mois avant qu'il ne s'inscrive au rattrapage
scolaire. Tout cela devra cumuler, pour lui, pour ce jeune ou pour cette
personne, un an de participation.
Une voix: C'est un an pour...
Mme Marois: Alors là, c'est beaucoup mieux. Je ne pensais
pas qu'on était arrivé à cela à la suite des
discussions qu'on a eues... Je m'excuse. Je corrige.
J'avais interprété, parce que nous avions eu de longues
discussions autour de cela, que c'était effectivement seulement
pour un an, pour la même personne, tout en variant sa
participation à l'une ou l'autre des mesures. Mais c'est encore mieux
que cela. C'est extraordinaire.
Ce qu'on peut faire, c'est qu'un jeune qui aurait participé,
pendant quelques mois, à des travaux communautaires pourrait s'inscrire
pour un stage d'un an en entreprise, et cela pourrait cumuler plus d'un an pour
le même jeune. Je n'avais pas l'impression qu'on avait résolu
ça. Alors, c'est résolu.
La limite que je trouvais la plus importante, qui va rester quand
même encore, c'est la limite d'un an. Imaginons un jeune qui a un
rattrapage important à faire au niveau du secondaire. Il y en a un
certain nombre. On pourrait vous donner des statistiques fort
intéressantes et en même temps attristantes, où on voit des
jeunes qui ont terminé une septième année, une
sixième année et cela s'arrête là. Peut-être
que pour ces jeunes ce rattrapage scolaire sera beaucoup plus long, s'ils
souhaitent le faire. Cela pourrait prendre deux ans ou trois ans. Il y a quand
même là une limite due au fait que, si on fait du rattrapage
scolaire pendant un an, la mesure s'arrête au bout de l'année. (21
h 15)
Je vous donne, juste à titre d'exemple, comme donnée, la
clientèle totale des ménages à l'aide sociale. Si on prend
les moins de 30 ans aptes et disponibles, qui ont entre une et sept
années de scolarité, c'est 6000, et 69 000 pour les plus de 30
ans. Pour les plus de 30 ans, cela peut varier beaucoup. Mais, si on regarde
ceux qui n'ont pas terminé leur secondaire, on parle de 85 655 personnes
aptes et disponibles de moins de 30 ans. Alors là, cela pose un certain
nombre de problèmes. Donc, il y a une limite, qui est d'un an dans la
même mesure. Comme je le disais - je l'ai dit et redit et je pense que
c'est important de se le rappeler encore - c'est sur une base
expérimentale, mais dans une perspective où sûrement on
pourrait conserver... Je pense que l'approche de base développée
sera maintenue et conservée à long terme. Maintenant, est-ce
qu'on ne pourra pas songer au fait que des jeunes puissent participer à
certaines mesures? Pas toutes, cependant, parce qu'on continue, on
perpétue la dépendance et ce n'est pas l'objectif. C'est de faire
en sorte que nos jeunes deviennent autonomes ou mieux équipés
pour être autonomes. Le rattrapage scolaire, par exemple, pourrait
être une des mesures qui pourraient s'élargir. Vous aviez
posé une autre question.
M. Sirros: Je cherchais, un moment!.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que je pourrais
suggérer que vos réponses soient un peu plus courtes parce qu'on
dépasse les 20 minutes? J'ai voulu être bien tolérante,
mais s'il y avait moyen que les réponses soient abrégées
un peu.
Mme Marois: Je vais tenter de les raccourcir, Mme la
Présidente. À la question sur les effectifs, il est
évident qu'on a toujours un certain problème à
l'égard des effectifs. On a déjà, à tout le moins,
fait confirmer que nous pourrions avoir les mêmes effectifs occasionnels
que ceux de l'année dernière alors qu'il était
prévu que ces effectifs devaient être demandés à
nouveau pour l'année qui vient. Nous les avons fait confirmer, ce qui
fait qu'à tout le moins le niveau d'effectifs personnes occasionnelles
que nous avions dans les centres Travail-Québec pour administrer
l'ensemble des programmes dont nous assumons la responsabilité sera
maintenu. C'est déjà un peu mieux. Je vous ai dit, tout à
l'heure, pour ce qui est de la mesure stage en entreprise, évidemment,
qu'on avait un ajout important de personnes, mais on sait fort bien que le
nombre d'effectifs pourrait être plus important dans certains cas.
Cependant, nous avons les limites qu'ont le gouvernement et l'ensemble
des ministères à cet égard: essayer de faire mieux et plus
avec moins ou à nombre égal.
M. Boucher: Seulement quelques petites questions qui
complètent les questions du député d'Argenteuil.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Écoutez, allez-y
avec une petite question.
M. Boucher: C'est pour compléter la question du
député d'Argenteuil qui parlait d'obtenir la ventilation des
montants qui pourraient être alloués soit par comté ou par
région. Vous avez dit que ce serait peut-être possible de fournir
cette ventilation. Compte tenu du fait qu'actuellement les centres de
Travail-Québec sont structurés ou sont définis par les
MRC, sur le plan des MRC, est-ce qu'il serait possible de faire cette
ventilation suivant la population de la MRC ou suivant les jeunes qui sont en
chômage dans les MRC plutôt que par comté directement?
Mme Marois: Ce qu'on me dit, c'est que les données ne sont
pas cueillies sur la base des découpages des MRC actuellement, mais sur
la base des régions administratives. Cela va? J'imagine qu'au fur et
à mesure qu'on va terminer l'intégration - parce qu'il y a
l'intégration qui n'est pas complètement terminée
physiquement un peu partout sur le territoire - des centres de main-d'oeuvre
avec les bureaux d'aide sociale qui sont devenus le réseau
Travail-Québec, on va développer davantage notre instrumentation.
Maintenant, je ne sais pas si c'était prévu
qu'on cueille les données sur la base des MRC?
M. Boucher: Je ne comprends pas que les données ne soient
pas connues sur la base des MRC. J'ai un bureau de travail et main-d'oeuvre
à Trois-Pistoles qui dessert la MRC des Basques et la clientèle
ils la connaissent. Ils ont les listes des jeunes. Je me demande pourquoi ces
données ne sont pas disponibles.
Mme Marois: D'accord. Nous avons les données de
clientèle sur la base des MRC, oui. Nous les avons, mais ce que nous
n'avons pas ce sont les mesures que nous mettrons en place et parfois certains
programmes d'aide à l'emploi, quoique la majorité de ceux qui
étaient administrés par notre ministère, nous les avions
sur la base et des MRC et des comtés, d'ailleurs, car j'ai fait parvenir
la ventilation dans les comtés. Pour ce qui est des mesures que l'on met
en place actuellement, par exemple, pour des travaux communautaires, nous avons
fait une ventilation générale par région administrative
et, d'autre part, il faut bien dire selon le type de travaux concernés
ou de services concernés. Évidemment, on s'appuie sur les
organismes du milieu -certains milieux sont un peu structurés, d'autres
un peu moins - et ce sont eux qui vont venir présenter les demandes
à cet égard dans les centres Travail-Québec.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II y en a un à 31
minutes, et puis l'autre à 33 minutes. Alors, cela s'équilibre,
c'est pas mal.
M. Sirros: C'est comme le score, semble-t-il, c'est 2-2?
M. Boucher: Mme la Présidente, on peut vous laisser votre
part.
Sylviculture et reboisement
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je ne prendrai pas 33
minutes.
Première question, et puis je voudrais des réponses
brèves. Au moment du lancement du plan de relance économique, au
mois de novembre, il avait été annoncé un programme de
sylviculture auquel le député de Rivière-du-Loup a fait
allusion, qui prévoit qu'en 1987 nous serons rendus à 300 000 000
de plants. Ceci, j'imagine, impliquait une entente avec le gouvernement
fédéral. Est-ce que ces ententes ont été
signées au niveau de l'aide à la plantation, du reboisement?
Mme Marois: II faut bien comprendre que nous avons parlé
tout à l'heure de sylviculture et de reboisement dans la perspective
où l'on a dit que ce programme, cette mesure était
administrée par le ministère de l'Énergie et des
Ressources. Que je sache, il ne faut pas d'entente avec le gouvernement
fédéral; cela dépend essentiellement du ministère
de l'Énergie et des Ressources. Il y a des ententes à faire avec
les entreprises, évidemment, qui s'approvisionnent, etc.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): J'entends la part du
gouvernement fédéral pour ce plan de reboisement.
Mme Marois: Je ne voudrais pas induire les membres de la
commission en erreur, évidemment, je ne suis pas responsable de ce
programme, mais il n'y a pas, à ce que je sache, d'entente à y
avoir avec le gouvernement fédéral. Cela m'étonne que vous
posiez la question, comme nous en avons parlé; cela ne me dérange
pas non plus en même temps, mais il y a un lien à faire, que mon
adjoint parlementaire a fait dans le sens où des jeunes pourraient aller
participer à des stages...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): On peut bien discuter de
stage, on peut bien discuter de reboisement, de toutes ces choses-là,
mais si l'argent n'est pas là? Si vous me dites que tout l'argent vient
du Québec, il n'y a pas de problème, mais apparemment vous n'avez
pas la réponse.
M. Boucher: Dans ce programme-là, Mme la
Présidente, à ma connaissance il n'y a pas lieu d'avoir
d'entente, cela a été annoncé dans les mesures de relance
du Québec.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, mais est-ce que cela
ne....?
M. Boucher: Les ententes avec le gouvernement
fédéral, actuellement, sont à renouveler concernant les
groupes forestiers, l'aménagement de la forêt, mais apparemment le
gouvernement fédéral semble vouloir y aller tout seul. Nous avons
su que les sociétés d'aménagement avaient des subventions
qui leur tombaient du ciel actuellement, mais il reste que, dans le domaine de
l'augmentation de la production de plants et de la plantation, c'est une
initiative essentiellement du Québec.
Mme Marois: Les ententes sont à faire avec les entreprises
forestières ou avec les coopératives forestières ou les
autres groupes d'entreprises, mais moi non plus je n'ai pas du tout
l'impression que dans ce programme, en particulier, il y ait d'entente à
y avoir.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): L'autre point sur lequel
je voulais revenir, Mme la ministre, insistait sur le fait qu'avec
le programme d'emplois communautaires nous allons redonner à
cette jeunesse qui est désorganisée, qui est
désorientée des habitudes de travail. Là-dessus je ne
voudrais pas qu'on fasse une longue discussion. Mais je me permets encore
aujourd'hui de différer d'opinion, comme je l'ai fait il y a quelque
temps, parce que je ne pense pas que des jeunes qui n'ont jamais connu un
horaire régulier de travail pourront acquérir cette discipline
dont vous parliez avec 20 heures de travail. Je sais que vous m'avez
expliqué, dans le temps, que vous espérez qu'au-delà de
ces 20 heures on en prendra d'autres pour suivre des cours et faire d'autres
activités. Mais je pense que la question demeure encore, si vraiment on
veut donner de la discipline, des habitudes de travail aux jeunes, il faut que
les jeunes s'habituent à fonctionner au rythme de travail d'une personne
régulière ou d'un travailleur régulier.
Prestations d'aide sociale
Mais je vais laisser ces commentaires pour, maintenant, aborder la
question de l'aide sociale. Tout à l'heure, Mme la ministre - je vous
remercie d'avoir remis les chiffres que nous vous avions demandés lors
de l'étude du projet de loi 65 - vous avez beaucoup insisté sur
le fait qu'il est vrai que cela diffère beaucoup d'une province à
l'autre. Vous avez insisté, évidemment, sur les plus pauvres, sur
ceux de Terre-Neuve.
Mme Marois: Je les ai cités à titre d'exemple.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Marois: C'est vrai en Alberta aussi, vous savez. Alors...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'est parce que c'est la
catégorie qui est, évidemment, la plus faible et, ensuite,
progressivement, on pourrait parler de l'Îe-du-Prince-Edouard, du
Nouveau-Brunswick et ainsi de suite.
Mais quand on arrive - à peu près toutes les provinces, je
l'ai examiné très rapidement - aux jeunes de moins de 30 ans qui
ne résident pas chez eux, la différence avec le Québec,
c'est que l'on prévoit pour eux une allocation de logement qui leur
permet de ne pas simplement subsister, ou à peine subsister, quand ils
doivent à la fois assumer leur logement, leur nourriture et ainsi de
suite.
Je voudrais, à cet égard, poser une question à la
ministre. Des cas de jeunes m'ont été rapportés, qui ne
vivent pas chez leurs parents, qui ont pour allocation 159 $ par mois - ceci,
c'est le dernier ajustement qui a été fait - et qui, se trouvant
tellement coincés avec une allocation aussi petite que celle-là,
ne sont pas capables de respecter leurs obligations quant à
l'électricité ou au gaz. Par la suite - si je me trompe, je
voudrais que la ministre me le dise - ils se font retenir, sur leur
chèque de 159 $, leur compte d'électricité ou de gaz
qu'ils n'ont pas pu payer. Est-ce que ceci est exact ou non?
Mme Marois: J'essaie de bien comprendre la question. Vous dites
qu'on prélève de l'argent directement du chèque...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui.
Mme Marois: ...pour pouvoir payer des services publics ou des
services généraux...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui. Mme Marois:
...de type électricité ou...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ou, encore, on
enlève l'électricité ou le gaz et on ne le
rétablira pas à moins que les comptes soient payés, ce qui
devient, à toutes fins utiles, une chose impossible si vous avez 159 $
pour votre nourriture et votre logement dans un mois.
Mme Marois: Effectivement, ce qu'on me dit, c'est qu'il y a des
ententes s'il y a des arrérages pour certains comptes; prenons celui de
l'électricité, en particulier, où, effectivement, il y a
une demande qui est faite au jeune pour qu'il y ait entente pour qu'il y ait
une rétention de faite sur son chèque, de telle sorte qu'on
puisse assumer ces arrérages ou ces paiements qui n'ont pas
été faits au moment où il était dans une autre
situation, j'imagine, parce que cela doit se présenter à peu
près comme cela. Mais j'avoue que c'est la première fois que je
l'apprends, à ce moment-ci.
Je pense qu'effectivement ces jeunes se retrouvent en chambre et
pension, si on veut, ou dans d'autres situations. Souvent, d'ailleurs, des
jeunes se regroupent de telle sorte qu'ils puissent voir baisser le coût
pour chacun d'eux de ces besoins reliés à ce type de service
demandé. (21 h 30)
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je ne sais pas si Mme la
ministre réalise que cela place les jeunes dans une situation
intolérable. Je pense que quelqu'un qui a un revenu, même s'il est
au seuil de la pauvreté, peut peut-être organiser son budget pour
satisfaire à ses obligations face à l'électricité.
Mais, quand vous n'avez même pas le nécessaire pour subsister et
qu'ensuite on fait des rétentions sur des montants aussi ridicules, il
faut bien le dire, on peut placer des jeunes dans des situations tout à
fait désespérées. Ce sont des cas...
Mme Marois: Écoutez, j'ai convenu, au moment où on
a eu une partie de cette discussion cet après-midi avec le
député de Laurier, qu'effectivement - et je l'ai dit à
d'autres reprises aussi - ce sont des sommes minimes, finalement, pour remplir
l'ensemble des besoins et qu'à cet égard il est imaginable - et
c'est une préoccupation qu'on a toujours eue - d'essayer de voir comment
on pouvait corriger le tout sans, d'autre part, y allouer des dizaines et des
centaines de millions de dollars, car c'est ce que cela veut dire. On a
abordé ce questionnement.
Ce qu'on me dit sur les cas très précis de jeunes
bénéficiaires qui auraient une prestation plus basse, il semble
que ce sont des cas exceptionnels où c'est très très rare
que cela se produise, cette rétention faite sur le chèque pour
compenser un compte accumulé, si l'on veut, soit
d'électricité ou autre chose. Ce serait davantage pour des
familles ou des gens bénéficiaires de l'aide sociale depuis
déjà un certain temps.
Cela n'atténue pas le problème, mais, en termes
d'évolution, il faut bien voir que cette situation existe depuis 1970 en
ce qui concerne une forme de distinction selon les types de
bénéficiaires et que le type de prestations versées
diffère selon qu'on est locataire, chambreur, etc. Actuellement on l'a
ramené à un barème uniforme pour l'ensemble des jeunes
bénéficiaires de moins de 30 ans. Cependant, on a tenté
d'indexer quand même leurs prestations au môme rythme que
l'ensemble des prestations versées.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mme la ministre, je pense
qu'il ne faut pas mêler les choses. Cet après-midi, on a
discuté assez abondamment - et j'y ai fait allusion tout à
l'heure - à partir du tableau que vous nous avez remis. Il semble de
toute évidence que dans les autres provinces, moins les trois provinces
que j'ai mentionnées, pour les jeunes qui ne résident pas chez
eux, on tient compte de leurs frais de logement, d'une façon plus ou
moins généreuse, mais assez généreuse si on compare
au Québec. Mais, laissons ce problème de côté. Vous
dites qu'il faut des millions pour le régler. Cela viendra
peut-être. On ne les a pas, c'est un problème.
Le deuxième, même s'ils sont quelques cas isolés, et
là je ne veux pas entrer dans tous les problèmes
d'Hydro-Québec et des coupures... Mais, je vous dis ceci: Vous
êtes avec des jeunes à 159 $; vous avez beau dire que vous les
avez uniformisés et que vous les avez indexés, je défie
qui que ce soit ici de vivre avec 159 $ et qu'ensuite on vienne
récupérer sur votre chèque les arrérages
d'Hydro-Québec. Je trouve que quelque chose ne fonctionne pas.
Mme Marois: Écoutez, je peux m'engager à ce
moment-ci à ce qu'on regarde cette question. J'avoue que c'est la
première fois qu'elle m'est apportée. Je peux effectivement
regarder de quoi il s'agit, combien il y a de personnes concernées et
s'il n'y a pas des modifications qu'on peut faire. Je m'engage à le
faire auprès des membres de la commission. On pourra en reparler
à un moment ou l'autre soit de nos travaux ou d'autres discussions qu'on
pourrait avoir, mais effectivement c'est la première fois que cela m'est
soulevé comme question. Juste sur les autres provinces; ce ne sont pas
seulement les provinces les plus pauvres, si vous regardez certaines provinces
comme l'Alberta, où certaines modifications ont été
apportées - je n'ai pas la dernière version, vous avez vu, on a
essayé d'être le plus complet possible, mais on ne pouvait pas
mettre à jour... Quoique les premières données
concernaient l'ensemble des provinces, on a mis à jour les
dernières provinces, c'est-à-dire un certain nombre de provinces,
si on veut. Regardez l'Alberta, qu'on ne peut quand même pas
considérer comme une province pauvre; qu'elles résident ou non
chez leurs parents, les personnes seules, aptes au travail et
âgées entre 18 et 55 ans sont admissibles à l'aide
individuelle, mais pour une période maximale de deux mois. Après
deux mois l'aide est suspendue automatiquement même si la personne est
encore en chômage - en chômage dans le sens de ne pas être
bénéficiaire de l'assurance-chômage - n'a pas d'emploi. Ces
personnes peuvent redevenir admissibles à l'aide dans des circonstances
exceptionnelles, c'est-à-dire si elles ont fait des efforts très
sérieux de recherche d'emplois et qu'elles sont encore au chômage.
On ne parle pas à ce moment-ci d'une province qui est
particulièrement pauvre.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je vous ferai remarquer,
Mme la ministre, que, si on doit faire la preuve qu'elles n'ont pas
cherché un emploi d'une façon sérieuse, elles ont quand
même droit à 47 $ par mois, plus le coût réel du
logement, jusqu'à un maximum de 290 $. J'ose espérer aussi que le
gouvernement actuel du Québec ne voudra pas prendre comme modèle,
au plan social, le gouvernement de l'Alberta.
Mme Marois: J'en conviens, Mme la Présidente, je suis tout
à fait de votre avis à cet égard. Mais, ce que je voulais
faire ressortir, c'est que des provinces qui sont considérées -
là je ne fais pas référence au modèle - comme des
provinces riches ne versent pas des montants de prestation plus
généreux. Mais, à cet égard, on en convient, ce
n'est pas le modèle qu'on a privilégié, que je sache.
Le Présidente (Mme Lavoie-Roux): Une
autre question très concrète que je veux vous poser, les
allocations sont calculées au 29 août 1983, alors elles ne seront
pas exactes. Je vois que dans les allocations de l'aide sociale vous accordez
à un adulte avec trois enfants 594 $. C'était en août 1983.
Vous accordez à deux adultes avec un enfant 692 $ et, avec deux enfants,
734 $. Je sais qu'il y a la question des allocations familiales qui intervient
avec le troisième enfant, en particulier, mais est-ce que ceci est
suffisant pour justifier la différence entre un adulte et trois enfants
à 594 $ et deux adultes avec un enfant à 692 $? Je sais qu'il y a
eu des considérations de cet ordre: ce sont des adultes, alors les
obligations sont plus grandes, etc. Mais, quand vous pensez que des femmes
seules vont se retrouver avec trois adolescents de douze, quatorze et seize
ans, je vous assure qu'ils peuvent manger autant que votre adulte de 32 ans ou
de 40 ans. Alors je voudrais juste savoir si vraiment on tient bien compte des
réalités de ces familles monoparentales qui ont des
adolescents.
Mme Marois: Ce qu'on me dit ici c'est que dans les barèmes
que vous nous donniez, peu importe à quel moment on les prend, et comme
ils sont indexés on pourrait les reprendre maintenant, vous avez raison
sur cela.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): C'étaient les
chiffres que j'avais devant moi pour août 1983. Ils ont été
indexés en conséquence depuis mais c'est sous la
différence entre...
Mme Marois: Effectivement, dans les données que vous
donnez, cela ne comprend pas l'allocation familiale, tant
fédérale que provinciale, et, d'autre part, le crédit
d'impôt pour enfant.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Pour ces gens qui sont
sur l'aide sociale?
Mme Marois: Oui. À ce moment-là, ils ont un
crédit dans le sens où il y a une allocation qui est
versée en sus, si on veut. C'est la notion de crédit et non pas
de déduction qui s'applique. Je n'ai pas la consolidation.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce qu'on pourrait
examiner... On se rencontrera de nouveau la semaine prochaine.
Mme Marois: On va le consolider pour le type de clientèle
que vous soulevez ou le type d'exemple. On pourra le faire pour
différents couples ou personnes seules avec un, deux ou trois enfants.
On va le consolider par rapport à la prestation de base et l'ajout. Nous
l'avons sur tableau mais je ne peux moi-même le consolider ici. Je
pourrais essayer de voir ces distinctions parce qu'effectivement c'est par la
compensation qu'on retrouvait par l'allocation familiale, tant
fédérale que provinciale, qu'il y avait un jeu sur les
barèmes pour que, dans les faits, il y ait une reconnaissance de la
présence d'enfants.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Oui, je pense que cela
s'impose. D'un autre côté, je veux vraiment savoir, une fois la
consolidation faite, si la répartition est juste parce que, des
adolescents qui sont à l'école aujourd'hui, il y a beaucoup
d'exigences pour eux par rapport à leur père. C'est sans doute
plus difficile pour eux de s'en passer que pour un adulte. C'est pour cela
qu'il faudrait être bien certain qu'on ne les pénalise pas.
Mme Marois: Je vais vous apporter un tableau
consolidé.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ma dernière
question, bien que j'en aurais bien d'autres, est celle-ci. Est-ce que ce qui
est admis en gain de travail en sus des allocations d'aide sociale sera
modifié ou doit demeurer le même et quel est-il au moment
où on se parle?
Mme Marois: II y a effectivement des exemptions pour gain de
travail.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Mais de quel montant?
Mme Marois: C'est de 25 $ pour une personne seule; 40 $ pour un
ménage, auxquels peuvent s'ajouter 5 $ par enfant.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Quand ces barèmes
ont-ils été fixés et depuis quand...
M. Sirros: Est-ce que c'est vrai que c'est depuis 1970 que cela
n'a pas été indexé?
Mme Marois: Effectivement, ils n'ont jamais été
réajustés.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Ils n'ont jamais
été réajustés?
Mme Marois: Non. Ils n'ont jamais été
réajustés.
Effectivement, la seule exemption qu'on fait c'est que le premier mois
de retour au travail pour un bénéficiaire d'aide sociale est
carrément exempté.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Est-ce que c'est
l'intention du ministère de les réajuster avant 1990?
SUPRET
Mme Marois: Oui. Il y a des études de faites à cet
égard et il y a une perspective qui va peut-être plus dans le sens
d'une intégration du SUPRET au programme d'aide sociale. Vous savez
qu'il existe depuis 1979 un supplément au revenu de travail qui ne joue
que la seconde année du retour au travail, enfin que l'année qui
suit l'année de retour au travail puisque c'est au moment où on
fait la déclaration de revenus que là on peut être
compensé par le supplément au revenu de travail. (21 h 45)
II est évident que le problème de rentrée de fonds
ne se présente pas l'année qui suit, mais davantage au moment
où on veut entrer sur le marché du travail. À cet
égard, la perspective qu'on développe actuellement pourrait
être, effectivement soit de toucher à ces exemptions ou
carrément intégrer le supplément au revenu de travail et
qu'il soit instanter, c'est-à-dire qu'il puisse s'appliquer dès
le moment où quelqu'un entre sur le marché du travail,
plutôt que de procéder par compensations par la suite.
L'intérêt du SUPRET - c'est quand même important - est qu'il
s'applique à l'ensemble de la population qui est sur le marché du
travail et qui a un revenu. Il tient compte, naturellement, de la notion de
besoins pour combler ces revenus.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Je pense qu'on aborde un
autre problème. Il y a des personnes qui n'iront jamais chercher
même les conditions d'admission - en gains -pour le supplément au
revenu de travail. Vous avez des gens qui peuvent essayer d'améliorer
leur revenu d'aide sociale par des gains très, très modestes. On
parle de 25 $ par mois. Ces choses-là, ces gains qui leur sont permis
seront-ils ajustés à la hausse -j'ai parlé de 90 $ en
ironisant - avant longtemps?
Mme Marois: Je dois vous dire qu'on l'a effectivement
regardé sous différents angles. Je ne peux vous dire maintenant:
Oui, on va l'augmenter dans l'année qui vient. Ce que je peux vous dire
c'est qu'il y a des études et des analyses qui ont été
faites quant à l'aspect d'incitation, mais, aussi, il faut faire en
sorte qu'on puisse continuer à combler les besoins et que la prestation
de travail puisse être rémunérée sans qu'on perde
nécessairement l'aide sociale.
Dans la foulée d'ailleurs des discussions qu'on a autour du livre
blanc sur la fiscalité, ce type de questionnement se fait.
Je voudrais quand même revenir sur la notion d'intégration
du SUPRET. Cela donne exactement le même effet. Il faut être bien
conscients de cela parce que cette notion est basée sur le fait qu'il y
a un revenu de travail qui, sur la base du revenu gagné, ne comble pas
les besoins qu'on a à assumer, de façon ...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Vous avez
déjà quelqu'un qui travaille, au moins, au salaire minimum,
à ce moment-là?
Mme Marois: Pas nécessairement. À la limite, oui,
parce que c'est une loi d'ordre public, la Loi sur les normes du travail, qui
touche le salaire minimum. À cet égard, ce devrait effectivement
être des personnes qui travaillent au salaire minimum, mais
l'intégration du SUPRET peut couvrir des gens qui sont au salaire
minimum comme il peut le faire pour des gens qui ont un salaire un peu plus
élevé, à ce que je sache.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Merci, Mme la ministre.
Je passe la parole au député de Laurier.
M. Sirros: Je peux juste enchaîner quoique je constate
qu'on a encore près de douze minutes. Je suis convaincu qu'on n'adoptera
pas le programme 6 ce soir. Je proposerais même qu'on le laisse pour
jeudi et qu'on continue. Cela ne changera pas grand-chose dans le cours des
discussions.
D'après la discussion que vous venez d'engager sur le SUPRET,
actuellement il ne s'applique pas à des personnes qui sont à
l'aide sociale. Il s'appliquerait uniquement à des personnes qui ont des
revenus, des gains de travail.
Quand vous parlez de l'intégration du SUPRET, comment voyez-vous
le jumelage entre l'aide sociale et le SUPRET?
Mme Marois: Effectivement, on peut atteindre le même
objectif dont Mme la présidente parlait tout à l'heure dans une
perspective où les gains de travail pourraient être comblés
par le supplément au revenu de travail ou par l'intermédiaire de
l'aide sociale, dans le sens où c'est un supplément au revenu
qu'on obtient en travaillant. C'est le principe du SUPRET.
Il y a différentes façons d'aborder cette question. On
peut bien augmenter les exemptions pour gains de travail. Soit dit en passant,
ce serait peut-être intéressant de souligner que, pour les
personnes qui n'ont droit qu'au petit barème ou à la prestation
la plus basse, les gains de travail peuvent être plus
élevés: on a droit à 207 $ de revenus de travail si on
réside chez ses parents et à 292 $ si on est hors du foyer, en
sus de la prestation qu'on peut recevoir. L'effet peut être le
même. Évidemment, il s'agit d'analyser le programme et de
l'appliquer selon des règles un tant soit peu différentes, c'est
tout, au bout du compte.
L'autre aspect de l'intégration du
SUPRET c'est qu'il faut bien voir - cela se fait maintenant avec un an
de décalage -qu'immédiatement, dans le même mois, par
exemple, on a compensation par le SUPRET si les gains obtenus ne sont pas
suffisants pour...
M. Sirros: On a compensation par le SUPRET, actuellement,
uniquement si on a un revenu de travail. Je parle de la personne
bénéficiaire de l'aide sociale qui a une exemption de 25 $ ou 40
$, selon le cas, de gains, de revenus de travail qu'elle peut toucher sans que
ses prestations d'aide sociale soient diminuées. Si elle fait plus, son
taux effectif d'imposition est d'environ 95% à l'heure actuelle. Donc,
c'est quasiment impossible. La personne bénéficiaire de l'aide
sociale qui arrive à se trouver un emploi, à un moment
donné, pour qu'il soit payant pour elle d'aller travailler, il faut
quasiment qu'elle passe de l'aide sociale à un emploi qui la
rémunère à un taux...
Quand vous parlez de l'intégration du SUPRET, ma question
précise est la suivante: Envisagez-vous le SUPRET comme étant
accessible aux personnes qui continuent de bénéficier de l'aide
sociale?
Mme Marois: Cela pourrait effectivement être la perspective
et c'est celle-là qu'on a regardée. C'est essentiellement une
question de technique, à la limite. Soit qu'on puisse gagner tant sans
que la prestation soit versée, soit que le gouvernement la verse par
l'intermédiaire d'un autre programme. Que la technique soit l'une ou
l'autre, cela devient une question technique. D'accord? Et on aboutit
essentiellement aux mêmes résultats au bout de la ligne.
M. Sirros: Pour que la discussion qu'on a ne soit pas uniquement
théorique, comme vous avez...
Mme Marois: Pardon? Je m'excuse.
M. Sirros: Je dis que pour que la discussion qu'on a ne reste pas
uniquement au niveau théorique, vous avez dit tout à l'heure
qu'une série d'hypothèses sont étudiées en relation
avec le livre blanc. Est-ce uniquement en relation avec le livre blanc que le
ministère regarde cette question ou a-t-il des projets particuliers,
indépendamment du livre blanc qui, comme on le sait, est reporté
à une date indéterminée? Si c'est au niveau d'un livre
blanc, avant que cela ne se concrétise, on risque de passer plusieurs
mois. Est-ce que ces discussions existent indépendamment du livre blanc
au niveau du ministère, ou est-ce uniquement au niveau du livre
blanc?
Mme Marois: Effectivement, ces discussions se sont faites; elles
ont encore cours depuis déjà un bon bout de temps. En ce qui
concerne, entre autres, l'approche par une intégration du SUPRET, c'est
depuis l'automne dernier qu'on envisage un certain nombre d'hypothèses
à cet égard. Mais il faudrait peut-être se rappeler aussi
qu'à ce moment il y a des discussions et des échanges à
avoir avec Ottawa sur cette question puisqu'il faut aussi la voir dans la
perspective des frais qu'on peut ou qu'on ne peut pas partager. Actuellement,
le SUPRET est un programme essentiellement québécois. À
partir du moment où on souhaite l'intégrer, cela implique encore
là des discussions et des échanges pour voir si une partie pourra
continuer à être partagée ou non, puisque actuellement le
SUPRET ne l'est pas comme mesure.
M. Sirros: Je dois comprendre qu'il y a certaines discussions,
indépendamment du livre blanc, qui pourraient aboutir quelque part.
Mme Marois: Ces discussions n'ont pas cours seulement depuis un
mois.
M. Sirros: J'aimerais vous lire les propos que M. Pierre Marois a
tenus le 3 mai 1983, il y a presque un an, où il disait: Nous regardons
également de très près le supplément au revenu de
travail pour voir de quelle façon non seulement il serait possible de
mieux l'harmoniser avec le régime actuel d'aide sociale, mais aussi de
quelle façon il serait possible, si tant est que ce soit la meilleure
formule, de l'intégrer ou d'assurer une intégration bien faite
des deux programmes, etc.
Est-ce que, entre le 3 mai 1983 et un an plus tard, aujourd'hui, il y a
eu quelque chose qu'on peut voir quelque part au lieu que les mêmes
choses nous soient répétées? Je me choque parce que
franchement - ce n'est pas personnel - c'est frustrant de venir ici entendre
dire qu'on regarde cela de très près, qu'on aboutit, qu'on
aboutit et, un an plus tard, d'entendre exactement la même chose.
Mme Marois: Je soulevais, tout à l'heure, la question
d'Ottawa. Nous avons même discuté avec Ottawa de
l'intégration du SUPRET. Sauf qu'il y a des blocages, le partage ne
devient plus possible; c'est toujours cela qui est en discussion entre nos
fonctionnaires ici à Québec et ceux d'Ottawa, à cet
égard. Il est évident que ce qui devient plus intéressant,
c'est une approche plus positive et le supplément au revenu de travail
devient plus intéressant en termes même de valorisation - on le
sait très bien; cela a un effet quand même -qu'une approche par
l'intermédiaire d'un
programme de transfert de type aide sociale où il y a, je dirais,
des préjugés, des images d'accolées à cette
réalité. Cela a donc dépassé le stade des souhaits,
des études des projets.
Je peux vous dire aussi que mon excollègue est venu, à
quelques reprises, discuter avec les membres du gouvernement, tant les
députés que les ministres, de programmes ou de projets où
on modifait le barème d'aide sociale pour les moins de 30 ans.
Différentes solutions de rechange ont été
envisagées. Il y a eu les avantages et les inconvénients qui ont
été évalués dans l'ensemble des cas. A chaque fois,
les formules qui ont été proposées présentaient,
d'une part, trop d'inconvénients à l'égard d'un certain
nombre d'autres principes ou d'autres réalités qu'on peut vouloir
défendre et, d'autre part, à partir du moment où on
voulait répondre à l'ensemble des attentes qu'on avait, bien
là on tombait dans l'autre problème qui était le
problème des coûts qu'on pouvait rencontrer quant à ces
types de modifications qu'on pouvait apporter.
Mais sur le SUPRET, il y a eu des discussions; il y a encore des
discussions quant à cet aspect-là, même avec Ottawa.
M. Sirros: Je conviens qu'il y a des discussions, qu'il y a eu
des discussions et qu'il y aura des discussions avec Ottawa. Ce que je veux
savoir, c'est, très concrètement, si des études ont
été faites quant à la façon dont l'on pourrait
intégrer ces choses-là, si différentes hypothèses
auraient été développées, que vous auriez en main
et pour lesquelles vous avez aussi un échéancier quelconque.
Mme Marois: Ce sont, pour l'instant, des documents de travail.
Nous avons, effectivement, différentes hypothèses. Quant à
l'échéancier dans le temps, j'imagine que si, dans les quelque
six mois qui viennent, on peut continuer la discussion ou la reprendre,
à la limite, avec Ottawa, on pourra arriver à proposer des choses
intéressantes dans le cours de l'année.
M. Sirros: Cela veut dire que vous avez, actuellement, des
pourparlers réguliers avec Ottawa sur cette question-là.
Mme Marois: Nous en avons eu, effectivement, plusieurs, et assez
intenses jusqu'à décembre. A partir de là, cependant, je
dois vous dire qu'on a quand même mis la priorité, et dans les
discussions et dans l'opérationalisation, sur la réorientation
qu'on fait à l'égard de l'aide sociale et qui concerne les trois
mesures que nous avons adoptées dernièrement.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): II est 22 heures. Je
pense que le député de
Laurier a exprimé la possibilité qu'on n'adopte pas
immédiatement le programme 6...
M. Sirros: Oui, poursuivre...
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): ...pour en poursuivre la
discussion. Les gens sont d'accord?
M. Boucher: Demain matin? M. Sirros: Non, cela va aller
à jeudi. Mme Marois: Cela ne me fait rien. M. Sirros:
Jeudi prochain.
Mme Marois: Je vous souligne juste -combien y a-t-il de
programmes, au total? -qu'il y a dix programmes; évidemment, certains
sont sûrement moins lourds que d'autres.
M. Sirros: Mme la Présidente, on arrivera, à la fin
de l'exercice, à adopter l'ensemble des programmes, sauf que, en ce qui
concerne l'aide sociale, c'est quand même le programme le plus
important...
Mme Marois: Oui.
M. Sirros: ...et financièrement et en termes de tout le
reste. En tout cas, j'ai encore des questions. Et sur les deux nouveaux
programmes qui restent, on a passé à travers le stage en
entreprise, plus ou moins.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Finalement, on a pris
à peu près une demi-heure sur l'aide sociale elle-même.
Tout le temps a été consacré au programme de...
M. Boucher: Oui, il n'y a aucune objection à ce qu'on
discute les programmes les plus prioritaires, si on peut dire cela; ils sont
tous prioritaires, mais disons ceux qui... A la fin, on acceptera
l'ensemble.
M. Sirros: On l'adoptera.
La Présidente (Mme Lavoie-Roux): Alors, la commission des
affaires sociales ajourne ses travaux au vendredi 13 avril 1984, à 10
heures, à la salle 91 de l'Hôtel du Parlement.
(Fin de la séance à 22 h 1)