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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Thursday, September 19, 2024 - Vol. 47 N° 27

Special consultations and public hearings on Bill 69, An Act to ensure the responsible governance of energy resources and to amend various legislative provisions


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures vingt-trois minutes)

Le Président (M. Montigny) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je vous souhaite bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre leur sonnerie d'appareils électroniques.

La Commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 69, Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques en modifiant diverses dispositions législatives. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président, M. Sainte-Croix (Gaspé) est remplacé par M. Lemay (Masson); M. Fortin (Pontiac) par Mme Dufour (Mille-Îles); et Mme Zaga Mendez (Verdun) par M. Bouazzi (Maurice-Richard).

Le Président (M. Montigny) : Merci. Alors, ce matin, nous entendrons les organismes suivants : le Regroupement des organisations... des organismes environnementaux en énergie et l'Association coopérative d'économie familiale du Nord de Montréal.

Alors, je souhaite donc maintenant la bienvenue au Regroupement des organismes environnementaux en énergie. Je vous rappelle que vous disposez donc de 10 minutes pour votre exposé. Puis, par la suite, nous procéderons à une période d'échange avec les membres ici, de la commission. Donc, vous, je vous invite à vous présenter et à débuter votre exposé. Merci.

M. Finet (Jean-Pierre) : Bien, merci beaucoup. Merci de nous accueillir. Bonjour à tous les députés, Mme la ministre. Je me présente, je m'appelle Jean-Pierre Finet. Je suis analyste en régulation économique de l'énergie pour le regroupement des organismes environnementaux en énergie. Je suis accompagné de Me Gabrielle Champigny, du cabinet de Franklin Gertler, qui est le cabinet qui accompagne la ROEE depuis 27 ans maintenant. La ROEE, c'est un regroupement de 11 organismes environnementaux. Donc, vous avez la liste dans notre mémoire, là, mais ça inclut, entre autres, Nature Québec, Fondation Rivières, Fondation David Suzuki, l'Association québécoise des médecins pour l'environnement, etc. On a plusieurs principes directeurs, mais ce que vous devez retenir, finalement, c'est qu'on favorise l'économie d'énergie avant toute production, même d'énergie renouvelable? On a participé dans différentes commissions parlementaires au cours des dernières années, dont celle sur le projet de loi n° 34, le projet de loi n° 2 aussi, le projet de loi n° 41 récemment, avec le ministre de l'Environnement, et maintenant celui-ci, le projet de loi n° 69.

Donc, je vais passer simplement à travers les messages clés. On a déposé un mémoire tard hier soir, qui, je suis désolé, mais ça a pris plus de temps que prévu, on voulait vous faire quelque chose le plus complet possible, mais... Donc, c'est ça, je vais passer à travers les messages clés, puis ma collègue pourra compléter, là, sur différents points particuliers, là, qui sont plus l'aspect juridique. Donc, nous, les messages clés de un, selon nous, le p. l. 69 surestime les besoins en énergie plutôt que de favoriser la diminution de la consommation énergétique. Les besoins sont gonflés, sont gonflés par la demande industrielle qui représenterait 25 % de la croissance de la demande d'ici 2035. Donc, selon nous, puis je pense que vous l'avez entendu quelquefois à date aussi d'autres intervenants, plus on va produire de l'électricité, plus les tarifs augmenteront, c'est mathématique. Donc, on a tout intérêt à limiter nos besoins et favoriser avant tout la réduction de la consommation énergétique du Québec, notamment par l'efficacité énergétique et la sobriété énergétique. La nouvelle production d'électricité, les nouvelles infrastructures de transport généreront des enjeux d'acceptabilité sociale, de respect des droits des peuples autochtones sur le territoire et les ressources, ainsi que de préservation de la biodiversité.

La décarbonation représente un important défi qui devrait être la priorité prioritaire du gouvernement du Québec. Et enfin, le p. l. 69 ne doit pas sous-estimer le potentiel d'efficacité énergétique. Juste un mot là-dessus. Selon nous, en ce moment, Hydro-Québec sous-estime pourrait sous-estimer considérablement le potentiel d'économie d'énergie au Québec qui est basé sur des vieux coûts évités de 2013 et ces coûts-là ont doublé depuis ce temps-là. Donc, il y aurait lieu de croire que...

M. Finet (Jean-Pierre) : ...le potentiel aurait suivi, là, si on regarde les tableaux d'analyse de sensibilité. Et ça, le problème, c'est qu'Hydro-Québec fait le potentiel, l'étude du potentiel à tous les 10 ans. Et donc la dernière fois, c'était en 2021. Et nous, on pense qu'il faudrait remettre à jour dans la perspective où on étudie le projet de loi n° 69. Le p. l. 69 fragilise le rôle et les pouvoirs de la Régie de l'énergie, selon nous. Donc, le plan de gestion intégrée des ressources, qu'on appelait il y a 27 ans, lors de la création de la Régie de l'énergie, la planification intégrée des ressources. Là, ce n'est pas nouveau. La PGIRE a été à l'origine de la création de la Régie de l'énergie. Ça n'a pas duré, cependant, là, mais donc ce n'est pas... ce n'est pas nouveau, là. Ça constitue une avancée, mais la PGIRE mais la concentration des pouvoirs dans les mains du ministre et des distributeurs n'est pas souhaitable. Un PGIRE ferait... qui ferait une trop grande place au développement industriel nuirait aux efforts de décarbonation. Le p. l. 69 devrait établir des balises pour que la PGIRE s'appuie sur une véritable planification intégrée des ressources, un concept central reconnu... un concept central au rôle reconnu à la Régie lors de sa création en 1996. L'assouplissement des règles concernant les appels d'offres pour de nouveaux approvisionnements ne doit pas ouvrir aussi la participation du secteur privé ultérieurement. Le ROEE s'oppose à la modification de l'article 60 qui favorise la privatisation des ressources naturelles via l'autoproduction et les contrats de gré à gré entre un fournisseur et un client qui constitue une brèche au monopole de distribution d'Hydro-Québec. Le caractère public de cette société d'État doit demeurer. En plus, bon, c'est ça, le ROEE craint que le p. l. 69 cristallise la place accordée au gaz naturel dans le paysage énergétique québécois, donc le gaz de sources renouvelables, souvent un produit à partir de gaz fossile, demeure une forte source d'émission de GES et son utilisation devrait être restreinte... restreinte aux procédés industriels difficilement électrifiables. Plusieurs modifications à la loi sur la Régie de l'énergie prévue par le p. l. 69, incluant la notion de transition énergétique ordonnée et au moindre coût, introduite dans l'article 5 sur la mission et les fonctions de la Régie favorise indûment le gaz naturel et la biénergie plutôt que des solutions électriques telles que le déplacement des charges grâce au stockage thermique. Là-dessus, on en parle un peu dans notre mémoire du stockage thermique. Puis, dans une réplique récemment, dans un article de La Presse, je mentionnais que le premier ministre, d'ailleurs, loue ses appartements de fonction à l'édifice Price, est chauffé par un accumulateur de chaleur qui a sorti le gaz au début des années 2000.

• (11 h 30) •

Donc ce n'est pas impossible de sortir le gaz des bâtiments, même dans les gros bâtiments. Je ne sais pas s'il pourrait vous organiser une visite, là, mais ça serait bien. Donc, offert sur une base d'achat volontaire, le gaz de sources renouvelables devrait être réservé aux usages difficilement électrifiables. Autrement, il devrait être socialisé à l'ensemble de la clientèle en respect du principe du pollueur payeur. La responsabilité et le risque associés à la valorisation de l'intensité carbone du GSR, donc des attributs environnementaux dans un marché concurrentiel, sont une activité non réglementée et devraient appartenir au producteur et non à Énergir en tant que distributeur de gaz naturel. Énergir, sa job, c'est de distribuer du gaz, mais pas de faire du courtage d'unités de conformité. Le plafonnement à 3 % des tarifs domestiques est une fausse solution à un problème créé par l'appétit énergétique du gouvernement. Le gouvernement ne devrait pas intervenir dans la fixation des tarifs d'électricité. C'est la compétence de la Régie qui a prouvé à maintes reprises par le passé qu'elle pouvait gérer les chocs tarifaires appréhendés, notamment quand il y a eu des hivers très froids qui ont provoqué des hausses de tarifs, ou quand le gouvernement a forcé Hydro-Québec à acheter de l'énergie à un postmatrimoniale à fort prix, alors qu'on n'en avait pas de besoin. Les dossiers tarifaires doivent être étudiés à la régie sur une base annuelle,  considérant la nécessité de décarboner le secteur énergétique. On ne peut pas faire ça, là, surtout considérant les gaps de planification d'Hydro-Québec. L'interfinancement tarifaire, il en a été beaucoup question aussi même si c'est pas spécifiquement indiqué dans le projet de loi, en faveur des tarifs domestiques doit être maintenu.  Autrement, le gouvernement devrait agir de façon très graduelle, tel que recommandé par la Régie de l'énergie, dans son avis au ministre de l'Énergie de l'époque en 2015. Le p. l. 69 concentre indûment les pouvoirs entre les mains du ministre ou de la ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie. Donc c'est... c'est l'essentiel de nos messages qu'on voulait faire passer aujourd'hui. S'il reste... S'il nous reste quelques minutes, M. le Président, je laisserais peut-être ma collègue compléter.

Le Président (M. Montigny) : Il reste 1 min 50 s.

M. Finet (Jean-Pierre) : Parfait...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Champigny (Gabrielle) : Parfait! Merci beaucoup. Bonjour à tous. Donc, je voudrais juste peut-être revenir sur le concept de planification intégrée des ressources dont M. Finet vous a parlé. C'est un concept, comme il vous l'a dit, qui est à la base de la création de la régie. Et c'est un concept important puis il faut lui donner toute sa substance, sa signification. Puis on vous a mis dans le mémoire une section expliquant un peu plus ce concept-là puis ce à quoi on s'attend d'une véritable planification intégrée des ressources dans le cadre du projet de loi qui est présenté, du projet de loi n° 69. Puis le... C'est un concept, dans le fond, qui est assez simple à résumer, là, c'est d'examiner toutes les solutions possibles en priorisant les économies d'énergie puis de, dans le fond, ne pas avoir d'a priori, là, de ne pas, donc, penser qu'acheter toujours plus de gaz naturel et d'électricité, ce sont les seules solutions possibles. Donc, il faut examiner toutes les solutions puis faire un choix éclairé à partir de ça. Donc, c'était, comme je vous dis, à la base des pouvoirs de la régie en 96. Puis juste un petit point aussi peut-être sur certaines dispositions qui sont très larges dans le projet de loi actuel, je pense entre autres à l'article... à la modification proposée à l'article 60 de la Loi sur la régie...

Le Président (M. Montigny) : 10 secondes.

Mme Champigny (Gabrielle) : ...puis aux définitions, par exemple, des gaz des sources renouvelables ou gaz naturel renouvelable. On propose des...

Le Président (M. Montigny) : Merci. Merci beaucoup.

Mme Champigny (Gabrielle) : ...d'augmenter les balises.

Le Président (M. Montigny) : Je suis désolé, votre temps étant écoulé, c'est maintenant le moment de laisser la parole à Mme la ministre. Vous disposez donc de 15 minutes 15 secondes.

Mme Fréchette : Oui. Merci, M. le Président. Écoutez, j'aimerais offrir de mon temps à Me Champigny pour terminer son mot. Elle a été un peu bousculée, là. Donc, voilà, je vous laisse poursuivre.

Mme Champigny (Gabrielle) : Merci beaucoup. Donc, ce que je disais, ce que c'est sûr, ces concepts-là qu'on introduit, par exemple, à l'article 60, là, sur les sources d'énergie renouvelable, c'est un concept qui devrait être précisé. Puis plus on met de balises... En fait, c'est... ça aide véritablement les tribunaux, par la suite, à faire une bonne interprétation de cette loi-là. Puis, dans le cadre de l'urgence climatique, bien, je pense que c'est nécessaire de mettre certaines balises puis orienter, vraiment, la formulation de l'article vers... vers son objectif, qui devrait être, comme on vous l'a présenté, la décarbonation.

Mme Fréchette : Merci. Alors, merci à nouveau, M. le Président. Merci à vous deux, M. Fiset, Me Champigny, pour votre présence et pour nous partager votre vision et de venir en audience, très apprécié. Donc, moi, j'aimerais vous entendre sur le projet de loi n° 69, sur sa dimension de flexibilité. On sait que le contexte énergétique a évolué à grande vitesse, hein, ces dernières années, ça a changé rapidement. Est-ce qu'à votre avis le projet de loi n° 69 comporte des éléments de flexibilité suffisants pour faire en sorte que, justement, on va pouvoir ajuster nos décisions, nos orientations en fonction de l'évolution du contexte, là, ce qui, en soi, est un... est un défi? Est-ce que vous trouvez que ça comporte ces éléments-là de manière adéquate?

M. Finet (Jean-Pierre) : Bien, parlant de flexibilité, si vous faites référence à la modification à l'article 74.1 puis la procédure d'appel d'offres, oui, on comprend que la procédure d'appel d'offres pour des projets éoliens d'envergure comme celui qui a été annoncé récemment, qui découle de la stratégie éolienne d'Hydro-Québec... oui, on pense que c'est nécessaire, là. Et ça, ça peut offrir la flexibilité. Sauf qu'il y a un paquet d'autres... Sauf qu'il y a un paquet d'autres choses dans le projet de loi qui est... qui fait problème, là, tu sais. Mais ça, on est d'accord, là, on n'est pas déraisonnable. Là où on n'est pas d'accord, c'est, entre autres, la façon dont on a modifié l'article 60 pour dénaturer son objectif original, là, qui était de valoriser la biomasse, là, en autoproduction, là. Là, on parle d'adjacence, mais, comme on a vu avec le projet de test, là, l'adjacence est pas mal élastique, là, ça couvre des centaines de territoires. Tout ça, là, c'est ça... Quant à nous, le projet de loi... le projet test est... il ne correspond absolument pas à l'esprit de l'article 60 qui a été... qui a été adopté à l'époque...

M. Finet (Jean-Pierre) : ...donc, c'est ça. Puis la conclusion d'un contrat de gré à gré, vous avez entendu, M. Sabia la semaine passée, qui a répété sensiblement la même expression que j'avais utilisée en novembre dernier à l'annonce du projet de test que ça va être le Far West énergétique, là. Ce n'est pas... Ce n'est pas souhaitable de mettre de la concurrence à Hydro-Québec. Le faut préserver le monopole d'Hydro-Québec. On n'a pas le temps, là, tu sais, avec tous les investissements qu'Hydro-Québec peut faire, on ne peut pas se permettre d'avoir de la concurrence à l'interne comme ça. Il faut conserver le monopole d'Hydro-Québec.

Mme Fréchette : Merci, M. Finet. Désolé, je l'ai dit, la langue m'a fourché tout à l'heure. J'avais bien noté, mais j'ai mal lu. Alors bon, vous misez beaucoup sur l'efficacité énergétique, la sobriété énergétique dans votre approche, est-ce que vous pourriez nous parler plus en détail des moyens que vous proposez pour justement réduire la consommation énergétique, soit des individus ou des entreprises? Aussi, parce qu'on pense souvent j'ai l'impression, aux individus quand on vient de quand on vient parler de sobriété énergétique. Mais les entreprises aussi, les joueurs industriels, commerciaux doivent être appelés par ça. Donc voilà, j'aimerais vous entendre sur les mesures que vous mettriez de l'avant.

M. Finet (Jean-Pierre) : Il y en a plusieurs d'ailleurs. Un des seuls points avec lesquels j'étais d'accord avec votre prédécesseur, c'était qui disait qu'il y avait 50 % de trop de voitures sur les routes et donc de favoriser une conversion énergétique plutôt qu'une transition énergétique. C'est un problème si on passe de l'auto solo à essence à l'auto solo électrique, ce n'est pas une bonne chose à faire puis on n'y arrivera pas. Même à Québec, là, il commence à y avoir beaucoup de trafic de ce que j'ai pu voir. Donc c'est... c'est donc qu'il faut réduire à la source. Et c'est la même chose aussi pour les entreprises où il y a beaucoup de potentiel d'économie d'énergie dans les entreprises. D'ailleurs, Hydro-Québec dans son eau voit sa nouvelle cause tarifaire à la Régie de l'énergie, prévoit même plus d'économie d'énergie qui va venir du secteur industriel, entre autres, par l'adoption de plans de gestion, comment qu'on appelle ça, don, avec la norme ISO 50001. Donc, pour en faire des plans de gestion de l'énergie à l'interne, des systèmes de gestion de l'énergie.

Mme Fréchette : Et comment dans tout ça aussi susciter de l'acceptabilité sociale? Parce qu'on vient quand on vient parler de sobriété énergétique, je pense qu'il faut que la population.

M. Finet (Jean-Pierre) : Bien, justement, là-dessus. Puis en passant, Hydro... BC Hydro, hier, a annoncé un programme où ils vont rénover en profondeur 11 000 bâtiments. Et ça, c'est une... BC Hydro, oui, en Colombie-Britannique. Mais, là, excusez, vous me disiez, là, j'ai... on parlait...

Mme Fréchette : Comment embarquer? Comment générer de l'acceptabilité sociale par rapport aux changements de comportement énergétique qu'on doit susciter?

• (11 h 40) •

M. Finet (Jean-Pierre) : L'approvisionnement qui a le moins problème d'acceptabilité sociale, là, c'est l'efficacité énergétique. Non seulement il n'y a pas de problème d'acceptabilité sociale, mais ça améliore le pouvoir d'achat des individus, donc ça lui permet plus facilement d'acheter des voitures électriques qui sont encore dispendieuses, là, ça améliore la position concurrentielle des entreprises. Ça a juste des bénéfices, l'efficacité énergétique, ça, c'est ça. Et donc, c'est pour ça qu'on a... en harnachant ces énormes potentiels-là, gisement d'énergie, là, je pense que tout le monde est gagnant à plusieurs, plusieurs niveaux. On a mis aussi dans notre mémoire une petite, un petit extrait d'un rapport sur les trajectoires qui a été remis au ministre de l'Environnement en 2021 qui dit que si on implantait l'entièreté du potentiel d'efficacité énergétique, on augmenterait le PIB de 4 milliards de dollars par année au Québec. Donc, je pense que c'est quelque chose qui est acquis et auquel le gouvernement est sensible, l'augmentation du PIB, et donc ça a juste des aspects bénéfiques et ça créerait même 20... ça créerait et maintiendrait 25 000 emplois. Donc, pour vous dire, si Hydro-Québec monopolise toute la force, la main-d'œuvre, sur la construction d'équipements et non pas... je pense qu'autrement, on pourrait mettre à l'oeuvre, là, toute la petite et moyenne entreprise à l'amélioration de l'efficacité énergétique du Québec. En même temps, harnacher des ressources, stimuler l'économie en même temps, ce n'est pas juste de tout mettre nos œufs dans les... dans le même panier des grosses entreprises qui, des fois, représentent des investissements risqués.

Mme Champigny (Gabrielle) : C'est ce que j'allais ajouter, dans le fond, c'est que ça a non seulement un impact sur la facture d'électricité, juste économiser l'énergie, mais ça a aussi un impact sur et à quel point on va gruger nos ressources naturelles. Et puis les impacts sur les territoires sont visibles, sont ressentis par la population. Quand on parle de parcs éoliens dans des dimensions assez importantes, les citoyens réalisent en fait que ces projets-là de consommation qui résultent de la consommation d'énergie, est très, très faramineuse...

Mme Champigny (Gabrielle) : ...bien, il y a des impacts environnementaux.

M. Finet (Jean-Pierre) : Juste, si je pouvais rajouter, quand c'est pour le bien commun, l'acceptabilité sociale est généralement plus présente. Si c'est pour des entreprises comme TES, bien là, vous allez voir que l'acceptabilité sociale, ça représente tout un... toute une barrière. Donc, je pense que même les gens alentour de la Mauricie ne seraient pas... ne seraient pas contre avoir un parc éolien, mais, si c'est pour profiter à une entreprise, qui par surcroit, en passant, pourrait envoyer la totalité de sa production en Europe, là, parce qu'il n'a pas besoin d'infrastructure, là... non, l'acceptabilité sociale ne serait surtout pas là, là.

Mme Fréchette : Vous semblez considérer que le secteur privé devrait être complètement écarté, en fait, des nouveaux approvisionnements qui seront nécessaires dans le contexte de la transition énergétique. Est-ce le cas ou...

M. Finet (Jean-Pierre) : Pas nécessairement . Dans la mesure... dans la mesure où on vous maintient l'article 74.1 pour les appels d'offres dans les milieux qui sont plus habités, tout ça, moi, je... tu sais, le privé doit continuer de jouer un rôle.

Mme Champigny (Gabrielle) : Et aussi dans la mesure où la distribution de l'énergie demeure dans le secteur public, donc demeure contrôlé par la Régie de l'énergie.

Mme Fréchette : O.K. Merci. Je vais céder la parole aux collègues, M. le Président.

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup. C'est maintenant le temps de céder la parole au député de Masson, vous disposez donc de six minutes.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Merci d'être ici avec nous aujourd'hui en commission. Vous savez, dans une de vos premières recommandations, à la page 10 de votre mémoire, vous parlez de l'article 126 du projet de loi n° 69, avec la cible ou l'objectif d'atteindre 255 térawattheures à l'horizon 2035. Puis vous avez un grand argumentaire pour dire que c'est trop comme... bien, en fait, c'est mon impression quand je lis votre mémoire, que vous dites qu'on devrait revoir à la baisse cette cible et de ne pas surestimer nos besoins énergétiques, parce que ça pourrait avoir un impact sur les tarifs futurs, mais, bref, j'aimerais avoir plus d'explications de ce côté-là. Considérant quand même qu'Hydro-Québec, on a une cible de réduire de 8,2 térawattheures au niveau de l'efficacité énergétique. Et vous l'avez mentionné tantôt, dans votre exposé initial, que vous avez participé aux consultations du projet de loi n° 41 menées par le ministre de l'Environnement, de la Lutte aux changements climatiques, de la Faune et des Parcs... et qu'on s'en vient avec un Code du bâtiment durable pour justement avoir plus d'efficacité énergétique dans nos bâtiments existants et futurs. Donc, j'aimerais vous entendre sur cette cible de 255 térawattheures.

M. Finet (Jean-Pierre) : C'est-à-dire qu'on va en avoir besoin, d'électricité, quand même, même si on faisait tout le potentiel d'économie d'énergie qu'on aurait besoin, surtout si on fait une conversion, là, de un à un, de... de l'auto solo à essence, comme je disais, vers l'auto solo électrique, là. Mais il reste que, même si on réduit nos besoins, on va avoir quand même besoin d'énergie.

Le problème là, c'est qu'en ce moment... puis, oui, là, les mesures qui visent le bâtiment, tout ça, ça va aider, le 8,2 térawattheures, en passant, là, c'est sur le plan d'approvisionnement, Hydro-Québec, dans son plan d'action 2020 à 2035, parle de 21 térawattheures, mais on ne sait pas si c'est net ou pas net, là, donc c'est encore pas évident. Mais oui, mais si on ajoute puis on monte à 255 térawattheures puis qu'on alloue, comme on vient de faire avec le ministre précédent, l'entièreté des blocs de puissance de cinq mégawatts et plus à l'industrialisation, sans réduction nette de CO2, bien là, on fait juste pelleter par en avant le problème, là, on ne priorise pas la décarbonation, là. Et donc il faut favoriser d'abord et avant tout l'économie d'énergie plutôt que le productivisme.

M. Lemay : ...la stratégie de développement durable 2000... je crois que c'est 2023-2028, mentionne que les 110 organismes et ministères sont assujettis, et par conséquent doivent adhérer aux 16 principes du développement durable. Donc, pourquoi est-ce que vous venez mentionner que des projets qui viennent... en lien avec l'augmentation des gaz à effet de serre, alors qu'on a quand même nos cibles de ce côté-là et qu'ils sont tous assujettis donc en... tu sais, si on... sans que ce soit spécifié précisément à cet endroit-là, n'en reste que l'objectif de décarbonation, c'est un objectif global pour le gouvernement du Québec.

M. Finet (Jean-Pierre) : C'est un objectif, mais qui ne se traduit pas nécessairement dans les politiques réels. Et je vais vous donner un bon exemple, le programme écoperformance, pour les grands émetteurs, il y a... Le gouvernement a accordé quatre subventions pour à peu près un peu plus que 115 millions de dollars. Tous ces projets-là, tous ces... qui ont été faits, c'était pour de la production additionnelle décarbonée, zéro réduction nette de de GES, là. Et c'est juste... On les paie un peu comme une rançon pour éviter qu'ils en rajoutent. On fait du sur place, là, quand on... quand on fait ça, là. Puis il n'y a pas de loi-cadre non plus au gouvernement qui oblige chacun des ministères à implanter des mesures. Il y a des guides, là, par exemple, un guide pour l'exemplarité de l'État pour les bâtiments, mais...

M. Finet (Jean-Pierre) : ...c'est encore de façon, là, assez volontaire, là, ce n'est pas... il n'y a pas de loi-cadre qui l'exige, là.

Le Président (M. Montigny) : Parfait. C'est maintenant le temps de passer la parole au député de Rouyn-Noranda Témiscamingue. Il vous reste 2 minutes.

M. Bernard : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Finet. Bonjour, Mme Champigny. Dans votre mémoire, je voyais que Fondation... Rivières, pardon, et un de vos membres dans votre organisation. Fondation Rivières se sont présentés ici hier ou avant-hier, et on a eu un échange sur la définition de qu'est ce qui était une entreprise privée versus des projets communautaires. Et il y avait vraiment une genre de confusion dans qu'est ce qu'ils appelaient «privé». Faites-vous une distinction de votre part, là, le regroupement, entre qu'est ce qui est une... un projet privé versus un projet communautaire? Puis qu'est-ce que j'entends par projet communautaire, le cas qui avait été parlé, c'était dans ma circonscription, un projet qu'eux appelaient «privé», mais qui était détenu par la MRC, deux communautés anichinabées puis la communauté de Mashteuiatsh. Alors, j'aimerais voir, de votre côté, quelle est la distinction entre un projet privé puis un projet communautaire.

M. Finet (Jean-Pierre) : Je n'ai pas suivi ces débats-là, on était occupés à rédiger notre mémoire, là, je n'ai pas... je ne les ai pas tous suivis, j'en ai suivi quelques-uns, mais oui, je dirais qu'un projet qui regroupe des MRC puis des communautés autochtones se qualifierait pour être un projet communautaire. Là, par contre, si on cède des ouvrages, par exemple, au privé puis qu'on permet de faire une vente directe, bien, ce n'est plus des projets communautaires, là.

M. Bernard : Bien ça, je comprends très bien. L'autre point à la page 20, et tout, vous avez... vous faites un long plaidoyer sur la définition de site adjacent. Alors, j'aimerais vous... Puis vous dites : C'est un terme flou. Avez-vous une définition que vous voudriez proposer de sites adjacents?

Le Président (M. Montigny) : En 10 secondes, je suis désolé. En 10 secondes

M. Finet (Jean-Pierre) : Écoutez, je vais essayer de le faire en 10 secondes, là. Si je mets un panneau solaire sur ma maison, là, c'est chez nous, mais si j'en mets partout, sur tous les voisins, là, ce n'est plus adjacent.

Le Président (M. Montigny) : Merci. Le temps est maintenant écoulé. Merci. Maintenant, c'est le temps de céder la parole à Mme la députée de Saint-Laurent. Merci.

Mme Rizqy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci d'être présents avec nous. Aussi, merci de votre mémoire. Tantôt, j'écoutais l'échange avec le député de Masson qui disait qu'il y avait des cibles, qu'il ne comprenait pas pourquoi que les entreprises n'iraient pas de l'avant, mais peut-être qu'on pourrait mettre les choses en contexte. C'est important, les cibles, bien évidemment, mais il faut aussi outiller les entreprises pour faire ce pas qui est assez important, n'est-ce pas?

M. Finet (Jean-Pierre) : Bien oui. Puis je ne sais pas si vous référez à l'article d'avant-hier dans La Presse, mais quand le ministre...

Mme Rizqy : ...les articles de la... du Journal de Montréal, j'ai les Forges de Sorel, j'ai aussi les Vegpro aujourd'hui de Francis Halin, j'ai aussi First Phosphate du Journal de Montréal. Puis ça continue. Les gens nous écrivent.

• (11 h 50) •

M. Finet (Jean-Pierre) : Oui. Non, mais le problème, c'est qu'avant-hier le ministre de l'Environnement disait que c'est normal de ne pas octroyer des blocs de puissances ou de refuser des projets de décarbonation, et ça, ça m'a irrité un peu beaucoup, dans la mesure où ce n'est pas la prérogative seulement du ministre de décider qui va décarboner et quand. Je donne l'exemple... Forges de Sorel ou n'importe quelle autre organisation qui a des chaudières qu'il veut convertir à l'électricité. Les chaudières sont arrivées à fin de vie utile, là, quand même qu'on aurait un bloc de puissance de 1 500 mégawatts dans trois ans, il va être trop tard. Il va falloir que la décision se prenne là. Donc, soit qu'on remplace avec d'autres chaudières au gaz qui vont durer encore 40, 50 ans et/ou on va électrifier. Donc, c'est ça, ce n'est pas la simple prérogative du gouvernement, là, il faut suivre la marche, il faut... il y a des règles du marché, là. Et sinon, bien, si on leur dit : Mettez du gaz naturel renouvelable, bien là, écoutez, le gaz naturel renouvelable est beaucoup trop cher en ce moment, c'est pour ça qu'il y en a peu qui en achètent. D'ailleurs, même les fabricants de batteries vertes en passant, utilisent du gaz brun puis les fabricants de... Bien, en tout cas. Donc, c'est ça. Bien, plusieurs usines donc vont favoriser le gaz traditionnel parce que ça coûte moins cher. On fabrique même du gaz renouvelable avec du gaz fossile.

Mme Rizqy : ...de la question du député de Masson, parce que ça a quand même défrayé les manchettes depuis maintenant deux semaines, particulièrement les Forges de Sorel. Et nous, on est allés sur place lundi, on était dans l'usine, et le P.D.G., M. Lapierre-Boire nous le disait, là, eux, en ce moment, ils ont déjà investi 16 millions pour une nouvelle cuve, et il va y avoir d'autres investissements, mais c'est là qu'ils prennent leur décision. Puis c'est un effet domino. Donc, ils veulent se décarboner. Et vous savez, ils sont aussi assujettis au marché du carbone, donc s'ils ne le font pas, ils ont une pénalité...

Mme Rizqy : ...financière en plus.

M. Finet (Jean-Pierre) : Exactement. Donc, on... C'est pour ça qu'il faut être à l'écoute de l'industrie, beaucoup plus que de leur dire : Bien, toi, tu fais ci, toi, tu fais ça, puis toi, attends, tu passes ton tour, puis, bien, achètes du gaz cher en attendant.

Mme Rizqy : ...qui passent leur tour, c'est collectivement qu'on passe notre tour.

M. Finet (Jean-Pierre) : Bien, aussi, puis on ne réduit pas les émissions de gaz à effet de serre dans ce temps-là.

Mme Rizqy : Bien, écoutez, je suis contente de vous entendre parce qu'on a aussi une autre entreprise qui est au Saguenay, qui, elle, veut faire des batteries, mais elle a juste besoin de 10 mégawatts. Puis il y a 90 millions de dollars qui sont en jeu parce qu'ils veulent faire l'investissement, mais on ne peut pas faire un investissement de 90 millions de dollars si on n'a pas les mégawatts, puis on n'est pas capable de le faire de façon électrique, puis l'objectif, c'est qu'en plus il faut que ce soit vert. Alors là, j'ai l'impression qu'on tourne en rond si on n'a pas les mégawatts, puis on a des gens d'ici... pas de la Corée du Sud, là, d'ici, là, à Chicoutimi... Non, pardon, La Baie. Oui, je le sais, j'habitais La Baie, vous le savez.

M. Finet (Jean-Pierre) : Donc, oui, mais encore là, ça, ça serait de la production qui ne réduirait pas nécessairement les gaz à effet de serre. Je ne dis pas qu'on est contre le développement industriel. Dans le deal d'Hydro-Québec, ça nous disait 75 % décarbonation, 25 % industrialisation. On n'avait pas de problème avec ça dans la mesure où il ne faut pas arrêter l'économie pour autant. Le problème, c'est que, dans la réalité, ça a été 100 %...

Mme Rizqy : ...batteries qui iraient dans les Teslas.

M. Finet (Jean-Pierre) :! bien, O.K., c'est moins pire que si ça va dans des Hummer puis des Silverado, comme celles de GM à Bécancour, mais, bon. Donc, oui, ça va décarboner un peu au Québec si on achète des Hummer électriques, mais, bon, ça, c'est une autre affaire.

Mme Rizqy : Oui, mais là, moi, je vous parle de Teslas électriques.

M. Finet (Jean-Pierre) : Mais donc, c'est ça. Mais il faut... c'est pour ça... c'est à ça que ça sert un PGIRE, dire : Bien, un PGIRE, il faut que ce soit basé sur des cibles de réduction de GES claires, il y a une politique industrielle claire. Là, en ce moment on nous dit que 75 %... on nous laisse penser que la priorité va aller à la décarbonation en disant : 75 % de la prochaine énergie va aller là puis 25 % à l'industrialisation. Sauf que quand on regarde le bilan, c'est 100 % qui a été à l'industrialisation puis 0 % qui a été à la décarbonation.

Mme Rizqy : Moi, je suis toujours surprise parce que le gouvernement dit, puis il n'arrête pas de le dire... Mais les mégawatts qu'on a donnés à Northvolt, sans aucune clause de péremption, là, là, ils sont gelés, avec une situation financière qui est présentement très chancelante, et c'est un euphémisme, ce que je dis. Le gouvernement dit : Non, non, mais ça sert à décarboner. Mais moi, j'ai une photo de Pierre Fitzgibbon avec en dessous : Non, ça ne sert pas à décarboner.

M. Finet (Jean-Pierre) : Oui. Et il avait raison, M. Fitzgibbon, à moins les quelques autos qu'on va acheter qui vont être équipées de ces batteries-là, là, vont décarboner, mais non. Mais pour M. Fitzgibbon, lui, TES Canada, ça produisait 800 000 tonnes de GES... est réduite, mais ce n'est pas ça du tout. La production d'hydrogène ne réduit rien. L'utilisation de cet hydrogène-là éventuellement pour un remplacement de combustible fossile, ça va être un projet de décarbonation. En passant, le mot «décarbonation» n'apparaît pas dans le p.l. n° 69.

Mme Rizqy : Ah! mais le «en passant», ce n'est pas pour nous, hein? J'imagine que c'est pour l'autre côté. On est bons preneurs, on va le prendre. On le prend en note. Je vais céder la parole à ma collègue la députée de Mille-Îles.

Le Président (M. Montigny) : Parfait. C'est maintenant le moment pour la députée de Mille-Îles, je vous cède la parole. Merci beaucoup.

Mme Dufour : Merci, M. le Président. Merci, M. Fiset. Et je m'excuse, je n'ai pas votre nom devant moi. Merci d'être présents tous les deux. Écoutez, le ministre de l'Environnement a dit que c'était normal de refuser des projets de décarbonation pour favoriser finalement des projets qui favoriseraient des entreprises étrangères à venir ici créer de l'emploi. C'est ce qu'on nous dit. Mais de ce que je comprends et de ce que je lis dans votre mémoire, de décarboner les entreprises d'ici, c'est aussi payant au niveau économique.

M. Finet (Jean-Pierre) : Oui. Cependant, ça me donne l'opportunité de parler justement de primes vertes dans les tarifs. Les tarifs, là, ce n'est pas juste pour des entreprises manufacturières, les tarifs, ça va... les tarifs généraux puis les tarifs M, là, ça va pour les écoles, les hôpitaux puis, etc. Ce n'est pas tout le monde qui a une valeur ajoutée à sa production parce qu'il achète de l'électricité verte. Si c'était le cas, bien, il fallait vendre l'électricité plus cher aux fabricants comme Northvolt puis à des entreprises comme TES Canada qui, c'est ça, vendent de l'électricité verte, qui vendent des produits verts.

Mme Champigny (Gabrielle) : Si je peux bondir un petit peu, là, je pense que, vraiment, ce qu'on dit, c'est : Occupons-nous des usages existants, de ce qui existe déjà sur territoires qui produisent des GES et décarbonons ces projets-là, ces usages-là au lieu d'en ajouter et de dire : Bien, on va toujours gruger plus de ressources et contribuer au bilan GES du Québec.

Mme Dufour : Les forges de Sorel nous disaient à quel point...

Mme Dufour : ...pour eux, c'était essentiel de faire ce projet-là pour préserver les emplois, les 320 emplois qui sont ici. Vous mentionnez dans votre rapport que l'efficacité énergétique permettrait aussi de créer ou maintenir 25 000 emplois et faire croître le PIB du Québec de 4 milliards de dollars par année. C'est beaucoup.

M. Finet (Jean-Pierre) : C'est ce à quoi je référais tout à l'heure dans l'étude, là, le document qui a été déposé au ministère de l'Environnement par la firme Dunsky. C'est une citation qui vient directement de ce document-là qui a été fait pour le ministère de l'Environnement. Oui.

Mme Dufour : Donc, c'est un document du... que le ministre de l'Environnement devrait connaître.

M. Finet (Jean-Pierre) : Exactement.

Mme Dufour : Quand il dit : C'est normal de refuser des projets qui permettraient de créer des emplois et en plus améliorer notre bilan de GES et aider les entreprises de chez nous, bien, finalement, ce n'est pas normal. C'est ce que je comprends.

M. Finet (Jean-Pierre) : Malgré que le remplacement...

Mme Dufour : On devrait les favoriser, au contraire.

M. Finet (Jean-Pierre) : Oui. Malgré... Oui.

Mme Dufour : Bien, merci beaucoup pour votre temps.

Mme Rizqy : On va redonner notre temps au Parti québécois.

Le Président (M. Montigny) : C'est parfait. Merci. Il y avait consentement aussi de l'ensemble des gens autour de la table pour faire ça. Ça fait plaisir. Alors, il y a deux minutes 52 qui va être attribué au Parti québécois. Maintenant, on va y aller dans l'ordre. On a le député de Maurice-Richard qui a la parole pour trois minutes 49.

M. Bouazzi : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup d'être ici parmi nous aujourd'hui. Donc, ce que je comprends de ce que vous dites, c'est que, d'abord, le mot «décarbonation» n'existe pas, effectivement, dans le projet de loi, c'est bien ça?

M. Finet (Jean-Pierre) : Oui.

M. Bouazzi : Que vous évaluez que, les différents développements de nouvelles énergies, plus il va y en avoir, plus l'électricité va coûter cher aux Québécoises et Québécois, c'est bien ça?

M. Finet (Jean-Pierre) : Oui.

M. Bouazzi : Et que, si on investit plus dans la sobriété et dans l'efficacité, ça va rapporter plus et ça va moins augmenter l'électricité, et même, en fait, comme on va consommer moins d'électricité, ça va coûter moins cher, c'est bien ça?

M. Finet (Jean-Pierre) : L'efficacité énergétique, là, un kilowattheure économisé pour Hydro-Québec, là, en 2019, ça coûtait... ça revenait à 0,016 $ du kilowattheure.

M. Bouazzi : Et est-ce que vous... Parce qu'on comprend qu'une vision qui s'appuie sur beaucoup plus de développement économique, beaucoup plus de développement de barrages ou autres devrait se retrouver dans le PGIRE ou une autre vision, c'est-à-dire qu'il y a une vision à choisir au niveau du PGIRE entre l'une des deux visions dont on parle, une...

M. Finet (Jean-Pierre) : ...un PGIRE offre un paquet de scénarios dans lequel... parmi lesquels on va choisir, là, quel est le meilleur remède, là...

M. Bouazzi : ...vous... Est-ce que vous considérez que ce projet de loi a un biais envers un de ces scénarios déjà?

M. Finet (Jean-Pierre) : Bien, pas juste le projet de loi, mais je pense que les agissements du gouvernement à date, là... Là, si on a un PGIRE qui est adopté en 2026, là, on va avoir le temps de dilapider combien de blocs additionnels de puissance à l'industrialisation pendant qu'on ne réduit pas les gaz à effet de serre? Puis là après on va dire : Bon, bien, O.K., pour décarboner, bien, il va falloir prendre du nucléaire, il va falloir harnacher des rivières, etc., tandis qu'on aurait déjà pu faire du chemin avec les mégawatts qu'on avait pour décarboner en priorité.

Mme Champigny (Gabrielle) : Comme vous dites, les deux visions sont possibles. Donc là, maintenant, on a l'opportunité, dans le projet de loi, d'orienter cette vision-là, il faut la saisir.

• (12 heures) •

M. Bouazzi : Et vous, vous dites... pour éviter de choisir celle qui va coûter plus cher, avec tous les problèmes d'acceptabilité sociale dont vous avez parlé, un de vos points, c'est de dire : On ne démantèle pas la nationalisation d'Hydro-Québec.

M. Finet (Jean-Pierre) : C'est primordial, là, que l'électricité demeure dans le giron public, là, c'est... Et d'ailleurs je pense qu'il y avait hier la représentante de l'Union des consommateurs qui vous disait que l'expérience internationale, où il y a eu la libéralisation des marchés, ça a eu un effet à la hausse sur les tarifs encore davantage.

D'ailleurs ce matin aussi... je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps, mais, ce matin, il y avait eu un article dans le... Radio-Canada qui dit que les tarifs auraient pu augmenter de 5,6 % ou 7 %, je pense, plutôt que de 3,9 %, donc, qui était là, parce qu'on a pelleté par en avant, là, les coûts reliés à la végétation, là. On n'a même pas encore commencé à absorber les... l'effet des investissements massifs d'Hydro-Québec dans la production puis dans les lignes de transport. Juste l'entretien de la végétation, juste la fiabilité du réseau va amener un impact tarifaire à la hausse, là. Là, on vient exacerber ça en rajoutant un paquet de productions...

Le Président (M. Montigny) : ...30 secondes.

M. Finet (Jean-Pierre) : ...c'est ça, oui.

M. Bouazzi : ...c'est de dire que la Régie de l'énergie doit avoir un rôle particulier pour s'assurer de la réussite, justement, et qu'il soit renforcé. Est-ce que vous voyez des risques dans ce projet de loi par rapport à la régie?

M. Finet (Jean-Pierre) : Ah! beaucoup. Puis on en a identifié plusieurs. D'ailleurs, le fait que le ministre a des... a pratiquement un droit de veto, même, sur le PGIRE, qu'il pourrait décider qu'à la dernière minute... que, finalement, ça, ça ne fait pas, puis on va mettre un petit réacteur nucléaire...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Finet (Jean-Pierre) : ...quelque part, tout ça. Non, non, il faut vraiment concentrer les pouvoirs dans les mains de la régie. C'est pour ça qu'elle a été créée.

Le Président (M. Montigny) : Merci, merci beaucoup. Il n'y a plus de temps. Maintenant, c'est le moment de céder le nouveau temps au député de Jean-Talon. Vous disposez donc maintenant de 2 min 52 s Merci.

M. Paradis : Vous parlez à la page 28 de votre mémoire du Fonds d'aide à la clientèle domestique d'Hydro-Québec, qui est créé pour financer un programme d'aide financière visant à limiter l'impact de la hausse des... hausse des tarifs de distribution d'électricité d'Hydro-Québec pour la clientèle domestique. Vous dites que ce fonds-là va... vise en fait à compenser la société d'État, Hydro-Québec, pour les pertes de revenus induites par le plafonnement à 3 % des augmentations de tarifs jusqu'en 2026. Quand on dit que ça vise à compenser la société d'État, qui compense la société d'État? Avec quel argent on fait ça?

M. Finet (Jean-Pierre) : Bien là, en ce moment, Hydro-Québec, c'est à même ses profits, là, dans... parce qu'Hydro-Québec a appliqué ce principe-là avant même, là, que la loi soit passée. Mais, éventuellement, de ce qu'on a vu, là, c'est... je pense, c'est le Fonds des générations. De toute façon, ça va être les impôts des particuliers qui vont compenser ça, là. Rien ne se perd, rien ne se crée. Ce n'est pas... On ne fait pas disparaître ça par magie. Et là, vous avez vu, cette année c'était 60 millions, mais ça aurait dû être beaucoup plus, si on avait appliqué les principes tarifaires réguliers de solder les frais d'entretien de la génération... de la végétation dans la même année.

Donc, non, ce n'est pas une bonne idée. Nous, on dit: Laissez la régie s'occuper de ça, la régie fait une bonne job pour ménager les clientèles à faibles revenus, entre autres, et c'est sa job d'établir les tarifs.

M. Paradis : Donc, est-ce que vous êtes d'accord que, malgré ce que le gouvernement dit... On nous parle tout le temps: C'est limité à 3 %. Contribuables, là, consommateurs, ça ne vous coûtera pas plus que 3 % d'augmentation par année. Malgré tout, ce que le projet de loi dit, c'est qu'à la fin du compte les contribuables vont payer plus cher à même leurs impôts.

M. Finet (Jean-Pierre) : Oui. Ça, c'est jusqu'en 2026. Parce qu'après, ça se pourrait qu'il n'y ait plus 3 %, là.

M. Paradis : Il n'y a pas de garantie...

M. Finet (Jean-Pierre) : Bien non, c'est ça.

M. Paradis : ...dans le projet de loi, nulle part?

M. Finet (Jean-Pierre) : Et donc, c'est ça. Là, on va voir augmenter beaucoup le nombre d'ententes de paiement avec Hydro-Québec, le nombre de ménages qui vont se faire couper l'électricité aussi et tout ça. Non, ce n'est pas viable. Nous, on est signataires du Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable, et là-dedans il y a un paquet de principes, dont le respect de la capacité de payer des individus, là. Et c'est ça... Si vous voulez maintenir les tarifs plus bas, bien, faites payer les entreprises comme Northvolt puis TES Canada le prix marginal, ou de s'approcher du coût marginal de l'électricité. Comme ça, vous allez voir que les tarifs ne vont pas augmenter tant que ça, on n'aura pas besoin de les caper à 3 %.

M. Paradis : Le projet de loi n° 69, tel qu'il est actuellement, ce n'est pas ce qu'il dit, il dit: Les individus, M. et Mme Tout-le-monde vont payer plus cher à travers leurs impôts pour le fonds.

M. Finet (Jean-Pierre) : Oui. On a l'impression que le gouvernement a commandé un énorme buffet, puis que là il nous consulte sur savoir comment on va payer la facture... comment on va... la facture.

Le Président (M. Montigny) : En conclusion, pour 10 secondes.

M. Paradis : On aurait eu besoin de se parler beaucoup plus, hein, avant d'arriver ici?

M. Finet (Jean-Pierre) : Bien, on a besoin de faire un PGIR avant de... de dilapider tous les blocs de puissance à gauche, à droite.

Le Président (M. Montigny) : Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends donc les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 06)

(Reprise à 12 h 08)

Le Président (M. Montigny) : Alors, bonjour. Nous débutons nos travaux à nouveau. Je souhaite maintenant la bienvenue à l'association Coopérative d'économie familiale du Nord de Montréal. Je vous rappelle que vous disposez donc de 10 minutes pour votre exposé. Puis, par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé maintenant.

Mme Guillemette (Roxanne) : Merci beaucoup. Roxanne Guillemette, responsable de la défense des droits à l'association coopérative d'économie familiale du Nord de Montréal, plus communément appelée l'ACEF du nord de Montréal. Je suis accompagnée aujourd'hui de ma collègue, Mme Émilie Laurin-Dansereau, responsable du dossier Accès à l'énergie et conseillère budgétaire à l'ACEF.

M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Merci de l'invitation aujourd'hui. Depuis 1974, l'ACEF du nord de Montréal aide et défend les droits des consommateurs et consommatrices. Nous sommes un organisme communautaire de défense collective des droits. Nous luttons depuis plus de 40 ans pour un meilleur accès à l'énergie pour l'ensemble des ménages québécois. Chaque année, nous négocions auprès d'Hydro-Québec des ententes pour des ménages en difficulté de paiement. Je laisse Mme Laurin-Dansereau vous présenter les principaux éléments de notre mémoire.

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Merci. Bonjour à tous et toutes. Alors, on est ici aujourd'hui pour porter la voix des centaines de milliers de personnes qui ont de la difficulté à payer leurs factures d'électricité. Parce que, même si on a des tarifs d'électricité parmi les plus bas en Amérique du Nord, de plus en plus de personnes n'arrivent pas à payer la facture. Au Québec, c'est 16 % de la population qui est en situation de précarité énergétique. Dit autrement, c'est un ménage sur sept qui éprouve des difficultés à avoir l'énergie nécessaire dans son logement pour satisfaire ses besoins de base ou qui y arrive au détriment d'autres besoins essentiels comme manger.

Pour se situer, la précarité énergétique, c'est la combinaison de trois... de trois causes : le manque de revenus, les mauvaises conditions de logement et le coût de l'énergie. Le problème est exacerbé par deux crises majeures, la crise climatique et la crise du logement. La précarité énergétique, c'est un problème qui mérite plus d'attention au Québec parce qu'elle a des impacts sur la santé de la population. La question énergétique ne peut pas être réduite à un simple enjeu technique ou économique. Je vous le rappelle, c'est un drame d'être privé d'électricité ou de ne pas en avoir assez. Il est donc impératif de veiller à ce que l'énergie reste abordable.

• (12 h 10) •

Malheureusement, le projet de loi n'apporte pas de réponse à ce problème. Au contraire, il risque de l'accentuer et on se prive au Québec d'une occasion en or de s'attaquer à cet enjeu. Je vais me concentrer aujourd'hui sur les trois éléments principaux de notre mémoire. Le premier concerne la lutte contre la précarité énergétique. Le projet de loi ne propose actuellement aucune mesure conséquente pour lutter contre ce problème, contrairement à ce qu'on a souvent entendu, consommer de l'énergie dans son logement, ce n'est pas un choix, c'est essentiel pour répondre à ses besoins de base et être en santé. Le chauffage et la climatisation peuvent être une question de vie ou de mort. Rappelons-nous la vague de chaleur de juillet 2018 qui a causé directement la mort de 210 personnes au Québec. La précarité énergétique représente un danger pour la santé. Les habitations froides et humides augmentent le taux de mortalité et de maladies, principalement de maladies cardiovasculaires, respiratoires et de maladies mentales. Rappelons aussi qu'une coupure d'énergie prive d'eau courante les personnes qui ont des puits artésiens. La précarité énergétique est une source de souffrance morale et physique qui cause honte, stigmatisation, isolement et exclusion sociale.

Les bénéfices de la lutte contre la précarité énergétique pour la société sont également très importants. Ça diminue les coûts directs sur le système de santé et indirects comme l'absentéisme au travail ou à l'école, la perte de productivité, et autres. La précarité énergétique est un véritable enjeu de santé publique.

On voit quand même dans le projet de loi l'intention du gouvernement de vouloir venir en aide aux consommateurs résidentiels avec le programme d'aide aux ménages. On se questionne quand même sur le moyen choisi. D'abord, la proposition est floue. Les modalités ne sont pas définies. Ensuite, le programme annoncé est facultatif. Le gouvernement n'a pas l'obligation de le mettre sur pied. Ça laisse les ménages à la merci des choix politiques qui seront faits dans le futur. Le projet de loi ne donne aussi aucune indication sur la façon dont les ménages pourront bénéficier de l'aide. On veut ici mettre en garde le gouvernement contre le phénomène de non-recours aux droits...

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : ...à l'ACEF du Nord, on croit que les ménages ont besoin de mesures structurantes, pas d'un programme de soutien qui vient pallier à l'augmentation des tarifs. Le programme d'aide ne devrait pas remplacer une action plus large qui s'attaque aux causes structurelles de la précarité énergétique. C'est pourquoi l'ACEF propose d'inclure la mise en place d'une stratégie nationale de lutte contre la précarité énergétique au projet de loi. On recommande aussi de modifier l'article 76.2 de la Loi sur la Régie de l'énergie pour interdire la coupure d'électricité ou du gaz dans le logement principal pour les personnes qui n'arrivent pas à payer leurs factures. Les coupures d'énergie sont déshumanisantes et inutilement punitives. Ça sanctionne les personnes dont la seule faute est d'être trop pauvre pour payer la facture d'électricité. Il faut protéger tous les ménages de l'expérience traumatisante du débranchement. Le projet de loi actuel est une occasion unique de régler ce problème.

Le deuxième élément concerne l'importance d'une transition juste. Malgré la promesse du gouvernement de limiter les hausses de tarifs à 3 %, le projet de loi n° 69 ne comporte aucune mesure concrète en ce sens. Si aucun changement n'est fait, la population québécoise devra inévitablement assumer une part significative des coûts de la transition à travers ses factures d'électricité. Sachant que plus on produit d'énergie, plus les tarifs d'électricité vont augmenter, la prudence est de mise.

La décarbonation et le développement économique sont des cibles politiques. C'est donc la responsabilité de l'État et non celle des clients et clientes résidentiels d'Hydro-Québec. Utiliser les tarifs d'électricité pour financer la transition équivaut à une taxation régressive. Ça fait porter une proportion injuste des coûts de la transition sur les ménages à faibles revenus, qui consacrent déjà une part plus importante de leurs revenus à la facture d'électricité, alors qu'ils sont ceux qui ont le moins contribué à la crise climatique. Pour protéger davantage les ménages des hausses de tarifs, on devrait réserver l'électricité du bloc patrimonial au secteur résidentiel. Le gouvernement devrait également arrêter de se financer à même la facture d'électricité.

Comme c'est un service essentiel, l'électricité ne devrait pas être taxée. L'abolition de la taxe de vente sur la facture d'énergie est une action simple qui permettrait aux ménages d'économiser. Comme plusieurs groupes, l'ACEF du nord de Montréal considère que le projet de loi arrive trop tôt. On a d'abord besoin d'un débat de société sur l'avenir de notre énergie. C'est seulement après avoir réalisé le PGIR qu'un nouveau projet de loi pourra véritablement être légitime. Pour minimiser les hausses de tarifs, il faudrait miser davantage sur la réduction systémique de la consommation plutôt que sur le développement massif de nouvelles sources de production. On devrait mettre en place des mesures de sobriété collective en investissant davantage dans les services publics, comme le transport en commun. Il est primordial d'envisager la transition dans sa globalité pour que les ménages les plus fragiles n'en subissent pas l'essentiel des coûts.

Le dernier élément concerne l'efficacité énergétique. L'ACEF du nord de Montréal déplore l'absence de mesures s'attaquant au problème des logements mal isolés. Pourtant, les avantages des programmes visant l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments sont nombreux. À l'heure actuelle, les programmes d'efficacité énergétique sont porteurs de nombreuses injustices. Aucun programme n'existe pour les locataires. Les locataires à faible revenu ont juste accès au programme Éconologis qui mise sur des mesures légères d'efficacité énergétique. On peut questionner l'impact réel de ces mesures. Ils peuvent aussi entraîner des hausses de loyer ou des rénovictions et actuellement, ce sont les plus riches qui en profitent le plus parce que les programmes financent une partie seulement des travaux et les subventions sont données une fois les travaux réalisés. Il faut développer une politique inclusive d'amélioration de l'enveloppe thermique pour s'assurer que tous et toutes, locataires et propriétaires, aient accès et que ces programmes n'entraînent pas d'augmentation abusive de loyer ou de rénovictions.

Sur la tarification dynamique maintenant. Pour nous, il faudrait retirer l'article 130.1. On pense que c'est la Régie de l'énergie qui devrait débattre de sa pertinence ou non. C'est simple, la tarification dynamique, c'est inéquitable. L'option crédit hivernal récompense les clients qui réussissent à s'effacer en période de pointe. Ça favorise les personnes qui vivent dans des logements bien isolés et qui ont des meilleurs équipements moins énergivores. Ces personnes sont généralement mieux nanties. Au final, on se retrouve avec deux tarifs, un pour ceux qui peuvent s'effacer et un autre pour ceux qui ne peuvent pas. L'option de tarif flex qui fait payer plus cher les kilowattheures consommés en période de pointe est encore plus dommageable, car elle risque de coûter très cher aux personnes qui ne peuvent pas diminuer leur consommation. La tarification dynamique est souvent présentée comme une mesure d'efficacité énergétique ou de réduction de la consommation.

Or, il n'en est rien. La tarification dynamique comme méthode de gestion de la pointe, ce n'est rien de plus qu'une mesure de déplacement de la consommation. Partir un lave-vaisselle à minuit, ça ne consomme pas moins d'énergie qu'à 5 heures. La notion de signal de prix en électricité résidentielle, ça ne fonctionne pas parce que l'utilisation d'un signal de prix suppose qu'on puisse y réagir. La majorité des gens ne peuvent pas diminuer ou déplacer leur consommation d'électricité. Donc, on doit être très prudent avec l'idée d'un signal de prix. Il faut aussi se rappeler qu'il n'y a pas d'adéquation directe entre la consommation d'électricité et la capacité de payer des clients. Les impacts pourraient être dévastateurs sur les personnes qui ne peuvent pas y réagir. Finalement, un signal de prix basé sur un tarif, ça ne veut rien dire pour les gens...

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : ...parce qu'on fait une facture et non un tarif.

En conclusion, la transition énergétique ne doit pas causer plus de vulnérabilité. Nous sommes d'accord que c'est pressant de décarboner l'économie du Québec, mais mener une transition qui laisserait des gens en plan serait un échec majeur. La précarité énergétique, c'est un problème qui ne doit plus être ignoré des pouvoirs publics. Compte tenu du nombre important de ménages québécois qui y sont confrontés, la résolution de ce problème devrait faire partie intégrante des discussions relatives à une transition énergétique juste. Le projet de loi porte sur la gouvernance responsable des ressources énergétiques. Une gouvernance responsable doit prendre en compte la précarité énergétique. Merci.

Le Président (M. Montigny) : Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange avec les membres de la commission. Mme la ministre, vous avez la parole pour 15 minutes sept secondes.

Mme Fréchette : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci, Mesdames, Mme Laurin-Dansereau, Mme Guillemette, merci de votre participation. Merci de prendre le temps aussi de vous investir dans ce dossier-là complexe et qui est d'importance, en fait, pour les personnes que vous représentez. Alors, moi, je vous amènerais, dans un premier temps, là, sur certaines de vos propositions, notamment la taxe de vente sur l'électricité. Donc, vous proposez d'abolir la taxe de vente sur l'électricité et que l'électricité qui provient du bloc patrimonial soit réservée au secteur résidentiel et vous ne voulez pas que l'on aille dans la tarification dynamique, là, si ça a pour effet d'augmenter les tarifs. En même temps, vous considérez la sobriété énergétique comme étant essentielle. Donc, j'aimerais ça savoir de quelle manière est-ce que vous envisagez qu'on puisse faire changer les comportements, changer la consommation énergétique s'il n'y a pas aucun signal de prix qui puisse être envoyé? Parce que, souvent, c'est ça qui génère les transformations. Donc, de quelle manière vous proposez qu'on opère si ce n'est pas dans cette voie-là?

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Bien, d'abord, quand on... On a beaucoup parlé, là, des comportements des ménages. On met souvent la faute, là, sur les ménages pour la grande consommation d'énergie du Québec, mais il faut quand même se rappeler qu'il y a plusieurs secteurs d'activité qui consomment vraiment beaucoup plus que le résidentiel puis que le développement économique est grandement responsable, en ce moment, là, de la hausse de la demande d'électricité. On peut se demander, là, tu sais, ça prend combien de se... ne pas chauffer pour équivaloir, là, la consommation d'énergie d'une minière par exemple. Aussi, tu sais, ce qu'il faut voir, c'est que 54 % de la facture d'électricité, c'est pour le chauffage puis 20 %, c'est pour le chauffe-eau. Donc, on a presque 75 % de la facture qui est consacrée, là, à ce qu'on pourrait mettre dans la grande catégorie de chauffage, là. Puis c'est des choses sur lesquelles les gens n'ont pas beaucoup de contrôle, donc ne peuvent pas vraiment réagir à un signal de prix par rapport à ça. Ceci dit, si on veut amener les consommateurs à changer leurs comportements, bien, nous, on pense qu'il faut leur donner les moyens de le faire, donc on envisagerait plutôt un large programme, là, de rénovation des logements pour améliorer, là, l'enveloppe thermique, ce qui permettrait d'améliorer la santé, le confort mais diminuer aussi la consommation.

Mme Fréchette : O.K. Et... Bon, globalement parlant, si on abolit la taxe sur l'électricité, bien, il y aura des pertes de revenus pour Hydro-Québec. Donc, de quelle manière est-ce que vous proposez qu'on compense cette perte de revenus si on abolit la taxe?

• (12 h 20) •

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Bien, on n'a pas... je n'ai pas vraiment de solution à proposer sur comment compenser Hydro-Québec, mais peut-être quand même porter à votre attention qu'il y a des provinces canadiennes qui ont fait le choix d'abolir la taxe de vente. En Colombie-Britannique et en Alberta, on ne taxe pas l'électricité résidentielle. Donc, c'est possible de le faire.

Mme Guillemette (Roxanne) : Puis aussi j'ajouterais que, alors que taxer l'électricité, c'est une forme régressive d'imposition, les impôts, c'est une forme qui pourrait permettre aux plus riches de participer plus à compenser ce manque-là.

Mme Fréchette : Merci. M. le Président, je vais passer la parole au collègue.

Le Président (M. Montigny) : Parfait, merci beaucoup. Alors, je vais passer la parole maintenant au député de Dubuc. Vous disposez donc, M. le député, de 11 minutes 45 secondes.

M. Tremblay : Merci, M. le Président. Bonjour à vous. Je tiens à saluer votre force d'engagement. Bravo! Merci beaucoup pour l'exposé aussi. Dites-moi, vous parlez de stratégie nationale de lutte contre la précarité énergétique, d'investir entre autres sur ce qu'on appelle les passoires. Hier, on a eu... on a eu en commission l'APCHQ, je ne reprendrai pas l'exposé, mais ils sont venus, finalement, nous présenter l'ensemble de l'oeuvre, avec la réalité du terrain, avec chiffres à l'appui...

M. Tremblay : ...et puis eux semblaient y voir... En tout cas, moi, j'aurais signifié que j'y voyais, au regard de ce qu'ils nous disaient, un chantier dans le chantier. Autrement dit, eux voient des opportunités très intéressantes de s'investir, entre autres dans le PGIR puis dans toute la... dans cette réflexion collective que la ministre, que le gouvernement propose et amorce, vous en faites partie. Par rapport à ça, si on considère qu'il y a un potentiel, là, puis je ne parle pas de pénurie de logements, mais je parle aussi des normes, du fait de mieux isoler les passoires, de peut-être même travailler sur certains axes législatifs à ce niveau-là. On avait même fait allusion à p.l. 41 à leur niveau. Quand je vois que vous souhaitez, entre autres, reporter l'adoption du projet de loi n° 69, comment vous concilier cette fenêtre-là d'opportunité d'une réflexion collective et d'avancées sur vos champs de compétences aussi où vous intervenez? Comment vous le concilier versus l'agenda parallèle qui s'accélère dans un contexte d'opportunité de réformes de l'énergie? Si on retarde p.l. 69, et qu'il y a beaucoup de travail à faire en amont sur plusieurs fronts, comment vous voyez qu'on puisse évoluer dans la dynamique? J'aimerais vous entendre sur la stratégie nationale de la lutte, comment vous l'envisagez?

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Il y a beaucoup de questions dans votre question.

M. Tremblay : Ah, allez-y comme vous le sentez. Est-ce que c'était assez clair ou c'était trop éclaté?

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Bien, on va répondre. Puis si on ne répond pas adéquatement vous nous le direz. Mais d'abord, pour nous, pour revenir sur le PGIR, là, pour nous, un PGIR qui serait réussi, c'est un PGIR qui est réalisé, là, avec une multiplicité d'acteurs en concertation. On pense que ça prend vraiment un large débat public pour s'entendre collectivement sur les orientations, sur la vision, qu'est ce qu'on veut faire de notre énergie? On peut la réserver pour quels usages? Et ça, on pense que ça doit être plus large, là. Même si on salue la commission ici, c'est un début, mais pour nous, il faudrait, là, que toute la société civile puisse participer, autant des experts que M. et Mme Tout-le-monde, puis qu'on s'assure que la voix des consommateurs, là, est entendue. Ça fait que, ça, c'est la première chose.

Par rapport à la stratégie nationale de lutte, tu sais, je pense que ça peut se faire même si on n'adopte pas le projet de loi, parce qu'il n'y a rien actuellement dans le projet de loi qui porte là-dessus. Puis, pour nous, c'est vraiment, là, essentiel de mettre ça en place. Le Québec a beaucoup de retard sur cette question de la précarité énergétique, parce qu'on a longtemps été dans l'idée que, comme on a les plus bas tarifs au Québec, il n'y en a pas de problème d'accès à l'énergie, mais, dans les faits, ce n'est pas vrai. Alors qu'en Europe ils en discutent depuis beaucoup plus longtemps, là. Le Royaume-Uni qui est précurseur, c'est depuis les années 80 qu'ils parlent de ça. Donc, ils ont quand même mis en place beaucoup de choses. Ils n'ont pas non plus réglé à 100 % le problème, mais on pourrait s'inspirer, là. Puis il y a plusieurs pays d'Europe qui se sont dotés de stratégies nationales qui sont incluses, là, dans des lois, donc, qui les rendent formelles.

Mme Guillemette (Roxanne) : Je pourrais aussi dire que si on est pour reculer d'un pas, pour avancer dans la bonne direction, la bonne direction étant celle qu'on s'entend collectivement et socialement pour laquelle on veut avancer, c'est mieux que devoir corriger le tir dans 10 ou 15 ans, si on ne s'est pas entendus préalablement.

M. Tremblay : O.K. O.K. J'ai d'autres questions. Vous permettez? J'ai encore du temps, M. le Président? Bien, au niveau de l'agenda puis de l'échéancier qui est enclenché, est-ce que je comprends que vous trouvez que c'est trop précipité ou vous avez, sans dire l'ambition, mais la capacité de vous impliquer puis de suivre la cadence avec les autres partenaires. Je donnerai des exemples, on entend parler d'avancées avec l'éolien, avec le solaire, avec d'autres sources de biénergie aussi, puis ça, ça peut créer des retombées en région puis du développement en région aussi, puis ça, ça vient contribuer. En tout cas, vous êtes axées sur Montréal, moi, je suis au Saguenay, je pense que l'opportunité de développer puis d'apporter des plus-values au niveau de la tarification, puis de la suite, comment vous concilier les deux? Voyez-vous l'opportunité d'avancer dans le projet?

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Bien, nous, juste dire qu'on n'est pas contre le développement économique du Québec, là, on pense juste que ça ne doit pas se faire au détriment de la...

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : ...santé de la population. Puis on pense que... C'est important pour nous que la transition soit juste et qu'elle ne laisse personne de côté et qu'on... que toute cette... ce développement industriel là ne soit pas fait... financé par les tarifs d'électricité, parce que ça fait porter une proportion injuste, là, des coûts sur les ménages à faibles revenus. De toute façon, les clients d'Hydro-Québec financent déjà le développement économique. Depuis 1981, Hydro-Québec remet une partie de ses profits au gouvernement. C'est actuellement 75 %. Il y a une taxe de vente aussi sur la facture d'électricité. Donc, le gouvernement se finance deux fois à même la facture d'électricité. Puis cet argent-là sert au développement économique, là, aussi. On a beaucoup opposé clients et contribuables, là, mais, en fait, c'est la même personne. Donc là, les gens financent deux fois : une fois à travers leurs factures puis une fois à travers les impôts. Donc, pour nous, tu sais, il ne faudrait pas aller plus loin dans cette voie-là. Après, si je reviens à la stratégie nationale, bien, c'est une chose différente qui peut se faire en parallèle puis en même temps.

Le Président (M. Montigny) : Et, à ce stade-ci, je vais céder la parole au député de Gatineau.

M. Bussière : Oui. Bonjour et merci de participer à cette consultation. Vous avez mentionné qu'il serait important de créer des programmes pour inciter les propriétaires à investir pour, finalement, la réduction de la consommation électrique. Beaucoup de grands immeubles au Québec sont appartenus par des propriétaires privés sur lesquels beaucoup de gens y habitent, surtout... souvent des gens qui sont dans le besoin, qui ont des revenus qui sont quand même souvent, même, en bas de la moyenne et sur lesquels les locataires paient eux-mêmes leur propre électricité. Comment amener le propriétaire, lui, à investir pour, justement, emmener à une réduction de consommation lorsque les bâtiments sont mal isolés et tout ça? Finalement, ils n'ont pas à gagner, finalement, à investir là-dedans parce que ce n'est pas eux qui paient l'électricité. Avez-vous des recommandations à faire ou suggestions?

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Mais ça, c'est une excellente question à laquelle tous les experts... que tous les experts, partout dans le monde, se posent actuellement, puis il n'y a pas une réponse claire qui a été trouvée, là, pour cette question-là. Parce que c'est vrai que, comme vous le dites, tu sais, c'est complexe, c'est le locataire qui va bénéficier des économies... des investissements faits pour les économies d'énergie parce que... en termes de confort mais aussi de diminution de la facture, mais c'est le propriétaire qui doit faire les investissements. En même temps, c'est bénéfique pour lui aussi parce que ça garde son actif en bon... en bon état. En même temps... Bon, donc ce n'est pas simple, mais, pour nous, c'est fondamental de trouver une... tu sais, de commencer à réfléchir à cette question-là.

On est en 2024. Ce n'est pas normal, là, qu'on laisse des gens vivre dans des taudis puis qu'on se penche... tu sais, qu'on n'arrive pas à trouver des solutions pour ce problème-là. Nous, on pense que, si on s'y met collectivement, on va... on va y arriver.

• (12 h 30) •

Donc, c'est important de lancer rapidement un chantier pour réfléchir à ces questions. Il y a beaucoup d'expériences qui ont été faites partout dans le monde. On peut s'en inspirer, les adapter pour le Québec. Comme je disais, on a beaucoup de retard ici sur ces questions-là. Donc, il faut... il faut commencer, là, à mettre en place des programmes qui sont plus bénéfiques. Surtout qu'en ce moment, les programmes qui existent, bien, ils creusent les inégalités, parce que, finalement, c'est une catégorie de propriétaires... Parce que même les propriétaires, il y a des propriétaires à faibles revenus qui n'arrivent pas non plus, là, à se qualifier pour les programmes, là, ce n'est pas juste une question de locataires versus propriétaires. Donc... Puis on... Donc, on a des gens qui vont être exclus, là, complètement des logements qui ont une bonne performance énergétique. Puis ça a des impacts sur la santé, puis ça, c'est des coûts qu'on paie aussi collectivement, là, en soins de santé.

Mme Guillemette (Roxanne) : ...

Le Président (M. Montigny) : Oui, allez-y, madame.

Mme Guillemette (Roxanne) : ...aussi ajouter que c'est un peu indécent qu'au Québec on se laisse... on laisse la possibilité aux propriétaires de louer des immeubles qui sont invivables, qui sont remplis de moisissures, où ce n'est pas possible d'habiter. Donc, c'est... je vous retourne peut-être la question : Pourquoi on ne veut pas mettre des lois en place, peut-être un système de cotation énergétique, tout en prenant en compte qu'on ne veut pas trop d'augmentations pour que les locataires puissent continuer à y habiter? Mais il y a des moyens, là, législatifs pour améliorer le bâti.

Le Président (M. Montigny) : C'est le moment, à ce stade-ci, de laisser la parole au député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue pour une période d'une minute deux secondes.

M. Bernard : Parfait. Merci, M. le Président. Excusez. Mme Laurin-Dansereau...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Bernard : ...Mme Guillemette, je vous remercie beaucoup d'être ici. J'ai naturellement regardé vitement votre mémoire, et il était vraiment essentiel qu'on l'ait soulevé. Premièrement, la notion de précarité énergétique, je ne l'avais jamais entendue, donc... puis votre mémoire est bien fait, il l'explique bien, puis on voit que c'est multifactoriel. Ça touche autant du côté des revenus que pour les locataires qui sont pris dans des habitations ou des logements qui ne sont vraiment pas adéquats.

Je ne vous pose pas de questions, je voudrais simplement vous remercier parce que la ...  n'est plus maintenant présente à Rouyn-Noranda, d'ailleurs, que vous mentionnez dans votre mémoire, le nombre de débranchements, mais en tant que député, c'est un dossier qui nous arrive fréquemment, des gens qui viennent nous voir pour être rebranchés pour différentes raisons et autres, puis on réussit à le faire.

Le Président (M. Montigny) : Merci.

M. Bernard : Alors, je suis très sensible à votre mémoire puis à votre... Merci de votre présence.

Le Président (M. Montigny) : Le temps est maintenant écoulé. C'est maintenant le moment de céder la parole à Mme la députée de Mille-Îles pour 9 min 32 s.

Mme Dufour : Merci, M. le Président. Merci, mesdames... mesdames... bon, Mme Laurin-Dansereau et Guillemette, pour votre présence et votre mémoire qui est quand même très exhaustif, là, il est quand même assez volumineux. Vous avez mentionné, là... vous avez parlé beaucoup de la précarité énergétique. C'est un enjeu. Des gens arrivent difficilement à payer leur facture d'électricité, mais ce n'est pas nécessairement parce que la facture d'électricité a beaucoup augmenté, mais il y a certainement une pression beaucoup plus grande dans les dernières années des coûts de loyer, j'imagine. Ça, on a dû vous en parler beaucoup, là.

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Oui, effectivement. Bien, c'est pour ça qu'on dit : La précarité énergétique, c'est vraiment trois causes : manque de revenu, conditions de logement, coût de l'énergie, puis c'est les trois ensemble quand même. Donc, on ne peut pas juste en prendre un. Puis quand on dit : manque de revenus, bien, évidemment, c'est des revenus trop bas, mais ça peut aussi être lié au fait qu'il y a dépenses contraintes, là, des dépenses fixes, donc logement puis alimentation, tout ça augmente, ce qui laisse moins de marge de manœuvre après. Une fois qu'on a payé le loyer, bien, il ne reste plus rien, là, pour payer finalement l'épicerie. Ça fait que c'est sûr que l'augmentation des loyers, c'est un facteur important, là, qui contribue. C'est pour ça qu'on dit que la crise du logement contribue à exacerber la précarité énergétique.

Mme Dufour : Oui, tout à fait. Puis il y a des logements... Souvent, les loyers les plus bas sont malheureusement des logements mal isolés. On a vu beaucoup, beaucoup de cas. Et en tant que porte-parole du dossier de l'habitation, là, c'est quelque chose dont je suis bien au fait. Vous, vous nous dites, là, qu'on devrait investir massivement dans la rénovation des logements et prioritairement les passoires énergétiques. Vous voyez ça comment? Comment ça pourrait s'opérer sur le terrain? Puis je vous mets juste en contexte qu'il y a un projet de loi, le projet de loi n° 41 sur l'efficacité énergétique des bâtiments, qui a été adopté plus tôt cette année et qui prévoit éventuellement un système de cotation de bâtiments et une façon d'investir, mais avec une priorité... on commencerait avec les bâtiments industriels plutôt qu'avec les bâtiments résidentiels. Donc, vous, vous voyez ça comment, compte tenu de cette information-là?

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Bien, vous avez raison de dire que c'est les gens avec moins de revenus... vivre dans des logements moins bien isolés. C'est un peu une roue qui tourne, là, ils ont moins de revenus, ils vivent dans des logements moins isolés. Puis parce que le logement est moins bien isolé, ça augmente la facture, mais c'est le manque de revenus qui les rend captifs de ces logements-là, finalement. Tu sais, donc, c'est un cercle vicieux duquel c'est difficile de sortir.

Tu sais, on manque beaucoup de données pour bien comprendre le problème de précarité énergétique, autant au niveau de qui sont les ménages qui sont touchés. Parce que comme c'est un problème multifactoriel, ce n'est pas uniquement les ménages à faible revenu, il y a des ménages qui ne sont pas à faible revenu qui sont aussi victimes de précarité énergétique. Donc, on les connaît... tu sais, nous on les connaît, on les rencontre, là, mais je veux dire avoir une connaissance plus fine et théorique, là, de la question, on ne sait pas tant ils sont où ni c'est qui, et même chose pour les logements aussi, on connaît peu l'état du bâti au Québec. Donc, pour nous, déjà d'avoir une cotation énergétique sur le bâtiment, ça pourrait être intéressant pour comprendre, elles sont où, les passoires énergétiques, c'est où que, prioritairement, on doit faire les interventions. C'est sûr que, dans un monde idéal, on les rénove tous, là, mais ça ne pourra pas tout être fait la même année. Donc, faire un plan qui soit le plus près, là, des besoins du terrain.

Mme Guillemette (Roxanne) : Puis j'ajouterais également qu'on n'est pas un organisme en logement. Donc, je vous invite, peut-être, dans vos prochaines commissions... je sais que c'est des groupes de base, mais les organismes en défense des droits des locataires sont aussi à même de venir parler peut-être mieux de l'expérience du côté logement...

Mme Guillemette (Roxanne) : ...locataires.

Mme Dufour : Merci beaucoup. Pour pallier à... Parce que, là, on... je pense que tout le monde convient que les tarifs d'électricité, si on construit, si on investit massivement dans la production de nouvelle électricité, éventuellement les tarifs vont augmenter, parce que le coût... le coût, là, du nouveau kilowattheure va coûter beaucoup plus cher à... tu sais, à produire que celui... le patrimonial.

Il y a un fonds d'aide qui est prévu dans le projet de loi. Mais vous, vous dites que le projet de loi ne propose aucune mesure conséquente pour lutter contre cette précarité énergétique. Donc, j'aimerais vous entendre sur ça, là, qu'est-ce... pourquoi le fonds d'aide, pour vous, ça ne répond pas à la... à cet élément-là.

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Bien, d'abord, le fonds d'aide... c'est difficile de se prononcer, parce que le... la mesure est extrêmement floue à l'heure actuelle puis c'est un peu un fourre-tout. On ne sait pas exactement qu'est-ce que ça va être ni qui ça va toucher, comment on va rejoindre les ménages, puis c'est aussi facultatif, là, tu sais, à la... tu sais, si le gouvernement veut, mais c'est... il n'est pas obligé de le faire. Donc, ça rend quand même les ménages à la merci des choix politiques.

Puis, pour nous, bien, de venir... si on dit que c'est le 3 %, parce que c'est beaucoup ça qu'on a entendu, bien là, on vient compenser les ménages, tu sais, les aider avec... pour compenser les hausses de tarifs. Mais, nous, on pense qu'il faut trouver des solutions qui sont plutôt à la base du problème, et non pas une mesure qu'on pourrait dire un peu un... venir mettre un plasteur sur le problème, donc s'attaquer vraiment aux causes structurelles, protéger en amont les consommateurs. On a dit : Il y a trois causes à la précarité énergétique. Bien, ça prendrait des solutions structurantes pour chacune de ces trois causes-là.

Puis, aussi, tu sais, il faut regarder... Bien, j'avais mis... on a fait un schéma, là, dans le mémoire, peut être... vous l'avez vu, mais pour montrer aussi que les gens n'arrivent pas tous en situation de précarité énergétique par la même porte. Donc, il y en a que ça va être plus le revenu, d'autres, c'est plus les conditions de logement. Donc, d'avoir... Puis il y en a que c'est temporaire,  ils ont une situation difficile, il y en a, ça va être... toute leur vie, ça va être ça. Donc, il faut trouver des solutions aussi qui tiennent compte vraiment, là, du... de la situation et du vécu de chaque personne.

Mme Guillemette (Roxanne) : Puis, également, si on arrive à un programme d'aide qui est inclus dans une telle loi pour décarboner l'économie, si on arrive à un tel... l'importance d'un tel programme, c'est qu'on a un peu fait une décarbonation en laissant une certaine tranche de la population en plan.

Mme Dufour : Pour en revenir, là... le fonds d'aide... si je comprends bien, dans le fond, il faudrait soutenir les ménages les plus... les ménages les plus vulnérables. Le fonds d'aide, ce qu'on comprend, c'est que ça pourrait être quelque chose qui serait un peu, disons, généralisé à l'ensemble de la clientèle résidentielle pour limiter les hausses à 3 %. Vous, ce que vous soulignez, c'est que... Puis il y a d'autres groupes qui sont venus parler de ça, que ce serait mieux... Je comprends qu'il y a des... il faudrait investir dans les mesures structurelles et tout ça. Mais, à plus court terme, là, pour aider les ménages les plus vulnérables à absorber la facture, dans le fond, d'autres groupes nous ont dit : Bien, il faudrait vraiment plutôt quelque chose qui viendrait soutenir ces ménages-là seulement, et non pas toute la clientèle résidentielle, pour encourager d'ailleurs les grands consommateurs peut-être à réduire. C'est ce qu'ils nous disaient. Vous en pensez quoi, de ça?

Mme Guillemette (Roxanne) : Bien, peut-être, dans un premier temps, pour protéger les ménages, même à faibles revenus, c'est premièrement de les inclure dans une discussion collective. Là, c'est sûr qu'on porte la voix de certaines personnes. Mais, à la base, si ces personnes-là n'ont pas choisi ces investissements-là, n'ont pas envie que des usines viennent construire des batteries, bien là, on les laisse en plan aussi.

• (12 h 40) •

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Bien, nous, on est quand même plutôt frileux, là, à l'idée de cibler un groupe en particulier. Pour nous, l'électricité, c'est un service public puis c'est un service essentiel, donc c'est pour tout le monde. Et, quand on cible des groupes particuliers, bien, il y a des risques de stigmatisation aussi qui peuvent faire en sorte que les gens ne vont même pas demander l'aide, parce qu'ils ont peur, là, du jugement ou des préjugés. Donc, on vous parlait notamment du phénomène de non-recours aux droits, aussi. Donc, quand c'est trop ciblé, bien là, il y a le danger d'échapper des gens.

Puis il n'y a pas, tu sais, d'adéquation entre la quantité d'énergie consommée et le revenu. On a toujours l'impression que les plus riches consomment plus, mais ce n'est pas forcément vrai. Nous, on a vu beaucoup de trois et demie dans Parc-Extension à Montréal, par exemple, qui consomment plus que des «monster houses» à Terrebonne, parce que le logement, il est mal isolé. Donc, ce n'est pas... il n'y a pas juste une question, là, de revenus. Puis il y a des personnes plus riches qui chauffent leur piscine l'été, mais qui passent l'hiver en Floride. Donc, tu sais, ça... au final....

Puis en Europe, par exemple, ils y ont mis beaucoup ça en place, des chèques énergie, puis partout, là, ils ont vu le phénomène de non-recours puis ils ont échappé des gens. Puis, aussi, on dit : Bien, ce n'est pas seulement les personnes à faibles revenus. Donc, si on met un plafond, bien, après ça, il y a tous ceux qui...

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : ...sont au-dessus, modestes, mais qui seraient quand même en situation de précarité énergétique, qui en aurait besoin, le pourcentage qui est... qu'ils consacrent à la facture d'énergie est trop élevé, bien, eux, ils ne se qualifieront pas, là, puis nous, on pense que c'est plutôt la régie qui doit déterminer les tarifs, pour terminer, en train 30 secondes.

Mme Dufour : Il reste très peu de temps, mais je voulais juste vous dire que je vous ai entendus. Pour ce qui est de la... que les... ces gens-là devraient faire partie dans le fond de la conversation. Nous, on... je le rappellerai, là, qu'on avait demandé qu'il y ait une conversation nationale, une commission itinérante qui aille à la rencontre de tous les Québécois pour discuter justement de nos besoins futurs. Et ça aurait permis, justement, d'aller à la rencontre de ces gens-là. Merci beaucoup.

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Maurice-Richard pour trois minutes, 11 secondes.

M. Bouazzi : Merci. Vous avez parlé un peu... évoqué l'aspect régressif, en fait, des revenus que l'État ferait sur le... les bills d'électricité, les factures d'électricité. Est-ce que vous pouvez développer un peu?

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Pourquoi on dit que c'est régressif? Bien, parce que c'est le même tarif pour tout le monde, et donc ça fait en sorte que plus on est pauvre, plus on paie un pourcentage important de nos revenus pour la facture d'électricité, alors que les impôts sont plus progressifs. Parce que, plus on fait d'argent, plus on contribue. On voit que la moyenne pour le paiement, là... du revenu consacré au paiement de la facture au Québec, c'est autour de 3 %, alors que les ménages à faibles revenus vont payer, là, facilement huit, neuf, 10 % de leurs revenus. Et on a vu des gens que c'est même plus que ça, là.

M. Bouazzi : Puis vous avez aussi dit que les personnes les moins nanties sont plus souvent dans des maisons mal isolées par rapport aux plus nantis, ça fait qu'en plus leur 20 degrés leur coûte plus cher de toute façon.

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Oui, ils ne l'atteindront jamais, ils vont chauffer... Nous, on a eu des gens qui nous ont dit : Moi, je chauffe beaucoup, puis je n'ai jamais vu plus que 16 degrés dans ma chambre, ou ils vont faire le choix eux-mêmes... bien, un choix entre guillemets, là, ils vont prendre la décision de baisser le chauffage pour essayer d'économiser, là, sur la facture. En fait, on critique beaucoup les ménages en disant qu'ils consomment trop en ce moment, mais il y a beaucoup de gens qui s'autorestreignent puis que, pour leur santé, ils auraient besoin de consommer davantage.

M. Bouazzi : Hier, on a reçu les représentants du patronat qui nous ont dit qu'il fallait laisser de côté l'interfinancement et assumer vraiment, avec un front qui leur est propre, le fait que les factures d'électricité vont donc augmenter plus vite pour les particuliers que pour les industries. On a aussi reçu toutes sortes d'industriels qui nous ont expliqué à quel point c'était important que l'électricité patrimoniale n'augmente pas, puis évidemment qu'ils aient droit à une grosse partie, etc. Dans votre mémoire, vous dites que l'électricité patrimoniale doit rester réservée aux particuliers. Est-ce que vous pouvez développer sur cette idée?

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Bien, pour nous, c'est une solution qu'on peut mettre en place pour limiter les hausses de tarifs. L'électricité patrimoniale interfinancement, c'est quand même des résultantes du pacte social aussi. C'était à la base pour remercier les Québécois d'avoir pris le risque financier de mettre en place Hydro-Québec. Puis l'interfinancement, entre autres, c'était aussi parce qu'on a voulu inciter les gens à changer leur système de chauffage pour passer du gaz mazout à l'électricité. Donc, si on l'abolit maintenant, bien, c'est un peu aussi comme si on ne respecte plus notre part du contrat, maintenant que tout le monde a changé, bien là, vous allez payer de gros prix.

Mais il faut penser, tu sais, les gens ont déjà de la difficulté à payer la facture d'électricité. Si on abolit l'interfinancement ou si on ne réserve pas le bloc patrimonial, bien, ça va faire augmenter, là, vraiment beaucoup la facture. On risque d'arriver à un choc tarifaire. Puis les gens, ils n'y arriveront juste plus.

M. Bouazzi : Et vous me laisserez rajouter que, si la plus grosse partie de l'électricité dont on va avoir besoin à partir de maintenant est pour l'industrie, et qu'on répartit proportionnellement notre électricité patrimoniale, bien, plus ça va, plus on fait des cadeaux à...

Le Président (M. Montigny) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon, deux minutes, 25 secondes.

M. Paradis : Vous nous dites, dans votre mémoire, que, malgré la promesse du gouvernement de limiter les hausses de tarifs à 3 %, le projet de loi n° 69 ne comporte aucune mesure concrète en ce sens. Et vous continuez en disant que si le projet de loi, il est adopté tel quel, ce que ça va vouloir dire, c'est pour les contribuables, pour toutes les citoyennes et citoyens, des augmentations de coût pour l'électricité, c'est bien ça?

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : C'est ça qu'on dit.

M. Paradis : Et ce que vous nous rappelez, tout de suite après, c'est que, là, on a beaucoup entendu, ici, en commission, des gens nous dire : Ah! bien, il y a des gens en résidentiel qui ne paient pas ce que ça coûte vraiment, produire de l'électricité, puis ce n'est pas juste, ils veulent rééquilibrer ça. C'est ce qu'on appelle l'interfinancement. Vous, vous nous arrivez avec l'argument de la justice sociale, mais de l'autre côté, en disant que, là, actuellement, il y a un travail de décarbonation à faire et que le projet de loi n° 69, ce qu'il fait...

M. Paradis : ...actuellement, c'est qu'il fait porter le fardeau de cette transition-là sur ceux qui ont le moins contribué à la crise climatique. C'est ce que vous dites?

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : C'est ce qu'on dit.

M. Paradis : Pourquoi?

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Mais en utilisant les tarifs d'électricité pour financer la transition, ça fait porter une proportion injuste des coûts de la transition sur les ménages à faibles revenus, qui sont ceux qui ont le moins contribué à la crise climatique. Pour nous... Bien, je vais le répéter, mais la décarbonation, c'est important, mais c'est une cible politique puis c'est collectivement qu'on doit y arriver. La diminution des gaz à effet de serre, c'est bon pour tout le monde, ce n'est pas bon seulement pour les clients d'Hydro-Québec. Donc, c'est collectivement qu'on doit financer la transition, ce n'est pas la responsabilité des clients d'Hydro-Québec, d'autant que ça va impacter particulièrement, là, les ménages à faible revenu qui y ont moins contribué.

M. Paradis : Une autre chose qu'on a beaucoup entendu, c'est que là il faut envoyer un signal de prix, parce que là on dépense trop d'énergie, donc il faut monter les prix des gens. Et là vous nous rappelez, vous, que ça a été démontré qu'il n'y en a pas d'élasticité, que les gens qu'on vise ils ne seront pas capables de changer leur consommation, parce que, comme vous le disiez tout à l'heure, les grandes maisons ou des logements mal chauffés, c'est bien ce que vous dites, c'est que ça ne marchera pas, ça.

Mme Laurin-Dansereau (Émilie) : Ça ne marchera pas. Les gens n'ont pas la capacité de réagir au signal de prix en électricité résidentielle. Puis ceux qui avaient la capacité, ils l'ont déjà fait le plus possible. Mais il y a beaucoup de facteurs qui influencent la consommation puis c'est souvent des facteurs sur lesquels on n'a pas de contrôle : l'âge des habitants, le nombre de personnes dans le logement, le lieu d'habitation...

Le Président (M. Montigny) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux. La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 49)


 
 

14 h (version non révisée)

(Reprise à 14 h 03)

Le Président (M. Montigny) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre leurs sonneries d'appareils électroniques.

Nous poursuivons la consultation particulière et auditions publiques sur le projet de loi n° 69, Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives.

Cet après-midi, voici l'ordre... l'ordre du jour de cet après-midi. M. Jean-François Blain, Nature Québec et l'Alliance de l'énergie de l'Est.

Maintenant, sans plus tarder, je souhaite maintenant la... bienvenue à M. Jean-François Blain. Je vous rappelle que vous allez disposer de 10 minutes pour votre exposé, puis par la suite, nous procéderons à un échange avec les membres de la commission. Je vous invite tout de suite à vous présenter et à débuter votre exposé maintenant. Merci.

M. Blain (Jean-François) : Merci, M. le Président. Alors, merci à tous les membres de la commission. Bonjour, Mme la ministre, députés, membres des partis d'opposition. M. le Président, une demande spéciale pour vous, parce que j'ai toujours plus de contenu que le temps accordé, faites-moi un signe quand il restera deux minutes, puis une minute. Ce sera apprécié.

Le Président (M. Montigny) : Avec plaisir.

M. Blain (Jean-François) : J'ai énormément de matériel à partager avec vous. Le document déposé fait 37 pages, dont la partie principale est le mémoire que j'ai préparé conjointement avec Bertrand Shepherd et qui a été publié par l'Institut de recherche et d'information socioéconomique, l'IRIS, d'ailleurs déposé au cabinet de Mme Fréchette dès la fin de la semaine dernière, auquel s'ajoutent cinq annexes que je ne pourrais pas aborder dans le détail. Je vais simplement faire une énumération rapide, une description sommaire des documents pour... en guise d'introduction, après quoi je commencerai mon développement de ce qui m'apparaît être les enjeux fondamentaux.

Alors donc, aux fins de cette présentation-là, j'adopte comme mien le mémoire préparé conjointement et publié par l'IRIS, et intégralement. Et je vous énumère simplement, de façon descriptive et rapide, le contenu couvert par les cinq annexes qui se sont rajoutées.

D'abord, l'annexe A est une représentation détaillée des volumes d'approvisionnement et des coûts d'approvisionnement que nous allons encourir d'ici 2035, selon les valeurs unitaires revenus et coûts, de même que les volumes d'approvisionnement additionnels prévus en vertu du plan d'action 2035 d'Hydro-Québec et son plan en approvisionnement actuellement en vigueur. J'ai rajouté à l'annexe A... En fait, c'est une reproduction des graphiques deux et trois du document principal. J'ai rajouté simplement la colonne 2035 parce qu'il y avait seulement la colonne 2050 à l'horizon de décarbonation. Puis évidemment, si on regarde ça, on peut se dire, bien, on aura le temps de rectifier le tir. Mais non, d'ici 2035, on a un projet qui est déjà sur la table, c'est le plan d'action d'Hydro-Québec, avec des conséquences énergétiques et financières immédiates.

À l'annexe B, bien, c'est une estimation détaillée de l'impact du plan d'action 2035 d'Hydro-Québec sur les tarifs. Sommairement, on calcule de la façon la plus conservatrice possible que ce sera un impact cumulatif de l'ordre de 65 % à 75 % sur les 11 prochaines années, donc entre 5,2 % et 6,3 % par année en moyenne. Il y a aussi à l'annexe B une illustration de ce qui constitue le principal risque d'emballement tarifaire. Et ce risque-là, c'est celui de la non-concrétisation de la croissance des volumes de vente qui sous-tend le plan d'action. Les volumes de vente, c'est le dénominateur par lequel on divise les revenus requis d'année en année pour déterminer le tarif. Si les volumes ne se concrétisent pas, mais que les investissements et les approvisionnements ont été engagés, on va devoir récupérer ces coûts-là sur un moins grand nombre d'unités vendues.

À l'annexe C, là, ce qui est illustré, c'est l'impact tarifaire des 2 500 mégawatts à peu près qui ont été accordés par votre prédécesseur, Mme la ministre, des blocs de puissance accordés principalement dans la filière batterie, les nouvelles filières dites vertes, acier vert, hydrogène vert, de même qu'à un certain nombre de centres de données. Donc, il y a une mesure précise de l'impact tarifaire de ces volumes d'électricité là qui ont été consentis à des investisseurs industriels. C'est la mesure en...

M. Blain (Jean-François) : ...en fait, précises de l'écart entre les revenus qui seront générés au tarif L... en prenant un tarif de départ de 2024, et les coûts d'approvisionnement qu'on va devoir engager, qui sont de l'ordre de plus de deux fois plus élevé que les revenus qui sont générés. Ça se traduit par une dette à éponger sur le plan tarifaire de l'ordre de 23 milliards de dollars sur les 20 prochaines années.

À l'annexe D, puisqu'on vient de parler des clients industriels, des volumes qui leur ont été consentis, c'est l'illustration des volumes de vente au tarif L, la proportion des volumes de ventes au tarif L qui se sont prévalues et qui bénéficieront, possiblement jusqu'en 2032, du rabais offert en vertu du programme d'aide au financement de l'investissement payé par le ministère des Finances. D'ailleurs, il n'y a pas eu de mise à jour de ça depuis la fin 2023, qui était la date limite pour le dépôt des demandes.

À l'annexe E, j'aborde en parallèle différentes options, parmi celles qui ont été proposées, pour assurer la protection des acquis patrimoniaux, notamment l'idée de plafonner les tarifs résidentiels et d'autres propositions, alors je les examine avec leurs avantages et inconvénients respectifs. Et, pour conclure l'annexe e, il y a également un document de travail qui a été partagé dans des échanges avec Hydro-Québec, et je pensais que c'était utile, de le rendre public et de l'offrir à la réflexion du ministère, comme les oppositions, comme quoi on a des façons d'améliorer le signal de prix des différents tarifs, des différentes catégories tarifaires et de rapprocher du coût marginal les niveaux de consommation qu'on considère excessifs tout en protégeant le coût moyen, les acquis patrimoniaux pour les niveaux de consommation les plus faibles et qui sont dédiés aux usages de base, donc, sans pénaliser personne.

Le projet de loi n° 69 a suscité de grandes interrogations, pour ne pas dire de grandes inquiétudes, dans la société civile avec laquelle... au milieu de laquelle, finalement, je navigue. Comme analyste indépendant dans le secteur de l'énergie, je peux vous dire que j'ai rarement vu, au cours des 25 dernières années, une telle mobilisation coordonnée sur le plan de la réflexion entre tous les acteurs de la société civile, ce qui témoigne de l'importance et des conséquences que ce projet de loi là pourrait avoir à tous égards, non seulement d'un point de vue économique, mais quant à la réalisation même d'une décarbonation de notre économie et aussi sur le plan environnemental et social, je mentionnerai même, et j'y reviendrai, sur le plan de la cohésion démocratique. Donc, depuis un an, la plupart des acteurs, groupes sociaux, représentants de différents groupes de consommateurs, groupes environnementaux, grandes centrales syndicales, à tour de rôle, Institut de recherche en économie contemporaine, l'IRIS plus récemment, les HEC Montréal, l'institut de recherche Trottier, de Polytechnique, tous ont, à leur propre initiative, organisé ou participé à différents colloques, différents débats publics sur les enjeux soulevés par le projet de loi n° 69.

• (14 h 10) •

Ce projet de loi là, ce qui est problématique, c'est qu'il est présenté sous le principal motif d'amorcer une transition énergétique. Mais la transition énergétique aujourd'hui, en 2024, ça veut dire commencer à réduire notre usage d'énergies fossiles. Et, pour ça, ça prend un dispositif, ça prend un dispositif assorti de moyens précis, de moyens qui sont contraignants, d'objectifs de réduction à des échéances déterminées et ça prend aussi un mécanisme de suivi et de reddition de comptes. On n'a rien de ça sur la table. On n'a pas de plan de décarbonation contraignant, garant de résultat devant nous. On n'a pas non plus de plan financier du gouvernement. On a, par délégation de responsabilité, le plan d'action d'Hydro-Québec, avec des investissements prévus de l'ordre de 160 à 180 milliards de dollars d'ici les 11 prochaines années. 180 milliards de dollars, soit dit en passant, c'est à peu près le double de la valeur totale d'Hydro-Québec au 31 décembre 2023, pour mettre les choses en perspective. Et ce plan d'action là, ce qu'il va faire, c'est qu'il va engager des dépenses colossales qui devront être ponctionnées à partir des tarifs de la collectivité. Et ce qui est absurde dans cette approche-là, c'est qu'on risque... on ne risque pas, on va faire porter au tarif d'électricité de la collectivité la forme d'énergie propre qu'on devrait vouloir favoriser, les...

M. Blain (Jean-François) : ...coût généré par les externalités économiques, sociales et environnementales de l'usage des produits des énergies fossiles. Alors, c'est exactement le contraire du principe de causalité des coûts qui nous inciterait...

Le Président (M. Montigny) : Il vous reste...

M. Blain (Jean-François) : ...qui devrait nous amener à réinternaliser la valeur de ces dommages-là dans le prix des produits pétroliers.

Le dernier problème, et non le moindre, c'est l'absence d'un processus adéquat. Ça fait maintenant au moins deux ans qu'à peu près tous les groupes concernés, tous les acteurs de la société civile réclament un débat à la hauteur de ce que requiert la planification d'une transformation aussi profonde que celle-là. Amorcer une transition énergétique, ce qui implique non seulement de remplacer des énergies fossiles par des énergies propres, mais aussi de remplacer des équipements, des procédés industriels, des véhicules, tant pour les ménages, que pour les entreprises. Leur capacité n'est pas uniformément répartie. Les coûts et les bénéfices de la transition énergétique ne seront pas uniformément répartis. Et c'est une raison de plus qui devrait nous inciter à être d'une grande prudence et même parcimonieux dans la hiérarchisation des moyens.

Le Président (M. Montigny) : Très bien. Merci beaucoup. Alors, maintenant, c'est la période d'échange avec les membres de la commission. Mme la ministre, je vous laisse la parole. Vous avez 16 minutes 30 secondes.

Mme Fréchette : Merci. Merci, M. le Président. Alors, merci, M. Blain, pour votre présence, pour votre participation, pour l'élaboration d'un mémoire avec beaucoup de matière. Je sais que vous y avez travaillé ardemment, là, on en parlait tout à l'heure. Donc, entrons dans le vif du sujet. Je vous poserai quelques questions, de même que mes collègues. Alors, bien, d'une part, vous expliquez, dans votre mémoire, là, que, selon vous, les prévisions d'Hydro-Québec qui apparaissent dans le plan, donc, et qui présentent une augmentation de production d'électricité de 100 à 200 térawattheures d'ici 2050, vous les considérez comme étant irréalistes, à moins que je me trompe, là, précisez la nature de votre analyse là-dessus. Mais je me demandais, en fait, quelles sont vos estimations à vous de hausse que vous considériez comme étant réalistes en comparaison de celles offertes par Hydro-Québec?

M. Blain (Jean-François) : C'est une bonne question, une question de base. D'abord, le plan d'action d'Hydro-Québec, à l'horizon 2035, vise l'ajout de 60 térawattheures d'énergie en disponibilité, 8000 à 9000 mégawatts de puissance additionnelle. Ça, c'est une trajectoire, si on la projette de façon linéaire jusqu'en 2050, qui reflète un objectif puis là un peu de référence, là, un objectif linéaire d'ajouter, au total, 150 térawattheures d'électricité par rapport à notre consommation actuelle, disons, 2024, d'un peu moins que 180 térawattheures.

Alors, votre sous-question, donc... Donc là, première chose, je constate qu'Hydro-Québec, elle-même, ne met pas un scénario qui impliquerait de doubler notre capacité de production, un scénario un petit peu plus conservateur. Et aussi, à l'intérieur de ce scénario, d'un ajout de 150 térawattheures à l'horizon 2050, bien, il y a un relèvement des objectifs d'efficacité énergétique de 15 à 20 térawattheures. Donc, Hydro-Québec considère que la transition énergétique, si elle devait se réaliser, pourrait se faire avec 120 à 130 térawattheures de capacité de production additionnelle, auxquelles s'ajouterait une vingtaine de térawattheures obtenue par la remise en disponibilité de capacités dont on dispose déjà, mais qu'on pourrait éviter de consommer. C'est à peu près ça, le portrait.

Et moi, personnellement, si vous me demandez mon opinion d'analyste, bien, il y a plusieurs des... Il y a plusieurs raisons pour lesquelles, en fait, j'en viens à une conclusion qu'effectivement on pourrait faire une décarbonation complète de l'économie du Québec pour, possiblement, autour de 120 térawattheures, notamment parce que, bien, il y a une partie des usages des énergies fossiles qui ne sont pas énergétiques entre 4 % et 5 % qui sont de l'énergie... En fait, c'est des sources d'énergie fossile utilisées à des procédés pétrochimiques, par exemple, et puis aussi qui a une proportion des usages des énergies fossiles aujourd'hui dans le secteur industriel en particulier, qui ne sont pas électrifiables, parce que les procédés... En fait, il n'y a pas d'alternative aux procédés basés sur les énergies fossiles pour l'instant. Alors donc, si on met tout ça bout à bout, bien, en fait, on ne peut pas décarboner à 100 % toutes les activités économiques du Québec.

Et puis j'oublie, j'oublie aussi un facteur important, c'est que, pour ce qui est du transport notamment, on a besoin d'une... En fait, on a un facteur d'efficacité beaucoup plus élevé pour la propulsion des véhicules en utilisant l'électricité qu'en utilisant les énergies fossiles qui peuvent se traduire par une perte de chaleur jusqu'à... dans une proportion de 90 %. Donc, le taux...

M. Blain (Jean-François) : ...de l'énergie consommée par un moteur pour la proportion d'un véhicule est de l'ordre de 2 à 3 fois plus élevé quand on utilise l'électricité plutôt que les énergies fossiles. Toutes ces raisons-là, mises bout à bout, bien, mènent à conclure que, si la décarbonation est vraiment l'objectif collectif qu'on se donne, on pourrait la réaliser d'ici 2050, ou mieux pour à peu près... avec à peu près 120 térawattheures de plus. Et puis même là, c'est une estimation prudente, plutôt à la hausse qu'à la baisse, là. Oui.

Mme Fréchette : O.K. Merci. Dans quelle mesure est-ce qu'à votre avis on devrait s'en remettre aussi au potentiel de la sobriété énergétique pour atteindre...

M. Blain (Jean-François) : Ah! bien, ça aussi c'est une très bonne question. Choisir de rajouter de la capacité de production, c'est la façon la plus coûteuse et la plus risquée financièrement pour la collectivité d'amorcer une décarbonation, parce que ça implique de produire de l'électricité aujourd'hui à un coût de 11 ou 0,12 $ le kilowattheure, alors que le coût moyen des approvisionnements dont on dispose aujourd'hui, 90 % des volumes étant de l'électricité patrimoniale, à peu près à 0,035 $, et 11 % des volumes étant des achats postpatrimoniaux d'une valeur de 11 à 0,12 $, donc la somme des approvisionnements dont on dispose déjà comporte un coût moyen de 0,046 $ le kilowattheure, valeur moyenne pondérée. Et donc on aurait évidemment... de là, ça coûterait 2 à 3 fois moins cher au bas mot de mettre... de remettre en disponibilité une partie de l'énergie dont on dispose déjà en évitant de la consommer. Donc, il y a des économies d'énergie ou des réductions de nos besoins en puissance, surtout à la pointe, que de choisir l'avenue la plus à risque et la plus coûteuse qui est de produire de l'électricité additionnelle à un coût de 0,11 $, 0,12 $ le kilowattheure, c'est-à-dire presque trois fois plus.

Mme Fréchette : O.K. Est-ce que vous pensez qu'Hydro-Québec pourrait à elle seule fournir le surplus d'énergie qui sera requis ou il faut que le secteur privé y mette du sien également? Puis voilà quels avantages ou inconvénients que ça...

M. Blain (Jean-François) : La première question à se poser, c'est l'énergie additionnelle qu'on prévoit produire ou dont on aurait besoin, dont il faudrait pouvoir disposer pour remplacer les produits des énergies fossiles, bien, elle sera utile à condition qu'on a un plan de décarbonation et qu'on commence à réduire notre consommation totale de produits pétroliers et gaziers. Il n'y a aucun indicateur qui pointe dans ce sens-là, là, pour l'instant, il n'y a aucun indicateur qui pointe vers même une amorce de décarbonation de notre économie. Les chiffres de 2023, notre consommation totale de carburant, ont été rendus publics par Statistique Canada. Ça fait à peine une semaine, là, c'est 9 000 000 000,2 litres d'essence et 3,2 ou presque milliards de litres de mazout. Donc, mettons, 12,4 milliards de litres de carburant. Je n'ai pas vérifié le coût moyen de l'essence et du mazout, là, c'est vérifiable facilement sur le site de la régie. Mais, si on prend une hypothèse d'un dollar 60 par litre, ça veut dire que nous avons dépensé collectivement à peu près presque 20 milliards de dollars juste à mettre des carburants dans des véhicules. Et ça, c'est malgré la lente, mais quand même qu'il faut mentionner, là croissance de la proportion de véhicules qui sont de motricité électrique au Québec.

• (14 h 20) •

Alors, il y a... il n'y a pas de diminution de notre consommation, au contraire, il n'y a pas de diminution du nombre de véhicules, au contraire, il y a même une augmentation non seulement du nombre de véhicules, du calibre de véhicules, du poids des véhicules sur nos routes. Alors... puis là, je vous parle juste du secteur du transport. Je ne sais pas si ça fait le tour de votre question. Oui.

Mme Fréchette : Oui. Oui, c'est bon. J'ai une autre question pour vous. Alors, bien, le projet de loi, là, propose de réviser le rôle de la Régie de l'énergie. Alors, comment est-ce que vous voyez que cette instance-là, la régie, là, puisse jouer son rôle pour assurer un encadrement transparent, efficace, là, pour les orientations énergétiques que l'on souhaite mettre en place?

M. Blain (Jean-François) : Je reprends la conclusion de la dernière question, parce que j'ai oublié un élément important de votre question, puis je reviens au rôle de la régie. Est-ce que... est-ce que le sens de votre question, c'est : Est-ce qu'Hydro-Québec serait capable à elle seule...

Mme Fréchette : Peut à elle seule, oui.

M. Blain (Jean-François) : ...oui, de suppléer à tout ça? Oui. Hydro-Québec a des capacités de lever des emprunts dans des meilleures conditions financières, à des meilleurs taux que n'importe quel compétiteur ou éventuel partenaire privé. Mais, si on veut absolument qu'Hydro-Québec soit incapable de fournir une tâche comme celle-là, il n'y a rien de mieux que le scénario qui est actuellement mis sur la table, que j'appelle un scénario pharaonique, qui va se traduire par une pression financière, tant sur Hydro-Québec que sur les tarifs, parce que ça demeure être ça, la pompe financière, les tarifs de la collectivité... que ça va en fait discréditer soit la société d'État, soit sa capacité...

M. Blain (Jean-François) : ...de tout faire dans ces circonstances-là. Évidemment, la barre est mise tellement haute, mais de façon inutile en absence du plan de décarbonation, qu'on ne peut pas arriver à un autre résultat que : La maison est en feu, Hydro-Québec n'est pas capable. On aurait voulu mettre en scène qu'on n'aurait pas fait autrement.

Maintenant, le rôle de la régie, bien, c'est essentiel. Moi, comme analyste, j'ai fait des dizaines et des dizaines, je ne les ai pas comptés, de dossiers de réglementation depuis un quart de siècle, pas juste dans le secteur électrique, le secteur gazier aussi, quelques participations à des dossiers d'encadrement du prix des produits pétroliers. Et j'ai vu les intervenants les plus aguerris, les plus préoccupés d'intérêt public, d'indépendance institutionnelle de notre tribunal administratif prendre à répétition la défense de la régie au fur et à mesure que les gouvernements qui se succédaient amendaient et réamandaient sa loi et réréréamandaient sa loi. Donc, il y a une question de séparation des pouvoirs qui n'a pas été respectée — puis là ce n'est pas une accusation particulière au gouvernement actuel — par à peu près tous les gouvernements depuis 25 ans. Et puis, bien, les projets de loi n° 34, puis n° 2, puis n° 13 que votre propre gouvernement a adopté n'ont pas amélioré les choses, tout au contraire. Ça a été des interventions qui ont eu comme conséquence d'entraver une fixation des tarifs et des décisions réglementaires quant aux secteurs non seulement électriques, mais énergétiques, à répétition, et puis sans... avec des résultats qui, finalement, ne corroboreraient pas les intentions ni les objectifs visés par votre prédécesseur, M. Fitzgibbon.

Et donc l'indépendance de la régie... Je vois des éléments dans ce projet de loi là qui accordent d'une part un peu plus de responsabilités à la régie, mais je vois aussi, en contrepartie, des éléments qui accordent au ministre plus de pouvoirs d'intervention encore. Alors, je me dis : Bien, plus de délégation de pouvoirs quand c'est assorti de plus de possibilités d'intervention politique face à un tribunal qui est supposé être non seulement compétent, mais indépendant, ce n'est pas souhaitable.

Mme Fréchette : En tout cas, on intègre, dans la mission de la Régie de l'énergie, l'objectif de transition énergétique. Donc, ça, ça devrait contribuer à une prise de décision qui va être en concordance avec notre objectif de décarbonation d'ici 2050, là.

M. Blain (Jean-François) : Ça, c'est une avancée intéressante que de redéfinir la mission élargie de la régie, mais pour qu'elle puisse se prononcer et rendre des décisions susceptibles d'application, encore faut-il qu'on ait un plan de décarbonation, qu'on ait un dispositif pour ça.

Mme Fréchette : Bien, le plan de décarbonation viendra avec le PGIRE, là. On crée le cadre qui fera en sorte que le PGIRE va devenir la référence. Parce que si on adoptait un PGIRE sans avoir un cadre qui amène à cette référence-là, commune, c'est sûr qu'il vivrait par lui-même, mais sans impact réel. Donc là, à partir du moment où le PGIRE... et après le projet de loi qui permet un encadrement mieux défini, ça va aider à mettre en place le plan d'action dont on aura besoin.

M. Blain (Jean-François) : Oui. Vous faites bien de m'amener sur le sujet du PGIRE justement parce que je voulais conclure sur la question du processus, puis on va manquer de temps pour nos échanges...

Mme Fréchette : Oui, c'est ça, je voudrais céder la parole...

M. Blain (Jean-François) : ...mais, rapidement, le PGIRE... la planification intégrée des ressources, c'est d'abord un processus démocratique. Ce n'est pas supposé arriver après un projet de loi qui nous annonce : On va faire une transition, puis on va faire... Non. La planification intégrée des ressources, c'est d'abord réunir, et de façon concertée, tous les acteurs concernés, les personnes compétentes pour déterminer un objectif. Si c'est la décarbonation, l'objectif dont on convient collectivement, bien, après ça, on définit les moyens qu'on va utiliser puis leur ordonnancement. Et après avoir convenu de l'objectif, déterminer les moyens... fermer nos cellulaires, on arrive à l'étape d'élaborer un projet de loi ou des règlements pour la mise en œuvre d'une feuille de route.

Alors là, j'ai de la difficulté à constater, malheureusement, que ce processus-là, qui est proposé dans le projet de loi, il est tout à l'envers, malheureusement, la planification intégrée des ressources, ça aurait déjà commencé il y a trois ans. Et toutes les questions fondamentales qui sont énoncées dans le mémoire de l'IRIS, on ne les a pas débattues, évidemment, on ne les a pas... on n'a pas de réponse à ça, mais c'est des questions préliminaires qui sont inévitables.

Mme Fréchette : Alors, comme je disais, bon, on crée le cadre avec le projet de loi n° 69 pour faire en sorte que le plan, le PGIRE, soit une référence commune. Et puis on entend un ensemble d'acteurs, dont vous êtes, pour justement prendre le pouls des principaux acteurs concernés par le secteur énergétique, et puis les défis collectifs auxquels on fait face...

Mme Fréchette : ...et puis on fera aussi une démarche de nature participative dans le cadre de l'élaboration du PGIRE. Donc, c'est notre action, c'est notre volonté aussi de s'inscrire dans cette idée de prise de participation des principaux acteurs. Mais bon, je vais m'arrêter ici parce que je voudrais céder la parole à mes collègues qui ont aussi des questions pour vous. Merci.

Le Président (M. Montigny) : Donc, pour deux minutes 30 s, je vais laisser la parole au député de Dubuc pour commencer.

M. Tremblay : Merci, M. le Président. M. Blain, d'abord, je veux... je veux saluer votre intelligence. Vous êtes visiblement un passionné. Je n'ai pas la prétention de votre niveau d'expertise, ceci dit, quelques questions.

Vous craignez des partenariats financiers avec les communautés locales, avec les MRC, avec les communautés autochtones. Chez nous, au Saguenay, terre d'accueil qui est privilégiée par ma collègue de Saint-Laurent d'ailleurs, j'allais dire il y a du potentiel éolien, il y a du potentiel hydroélectrique aussi. Pourriez-vous imager, nous permettre de mieux comprendre, s'il vous plaît?

M. Blain (Jean-François) : Oui, oui. Depuis la nationalisation... On a... On a mis en commun, depuis la nationalisation du secteur électrique, on a créé une société d'État, dont notre gouvernement est l'actionnaire unique, et on a créé des processus financiers qui consistent à mettre en commun nos ressources financières par l'entremise de nos tarifs, hein, perçus par notre distributeur monopolistique sur l'ensemble du territoire, qui versait des dividendes et d'autres... et des revenus sous d'autres formes d'ailleurs au gouvernement, redevances hydrauliques, frais de garantie d'emprunt, je ne les nommerai pas toutes. Et donc, par l'entremise de l'actionnaire public, il y avait, en contrepartie de notre... de la mise en commun de nos ressources financières, une redistribution universelle de la richesse.

Là, c'est un tout autre régime, si on introduit des partenariats dans chacun des projets ou dans chacune des filières. Puis les aspirations des régions sont bien légitimes, là, non seulement sont légitimes, mais elles sont réelles. C'est d'abord des aspirations d'avoir un peu d'oxygène économique, des sources de revenus autonomes. Ça, c'est... c'est clair. Mais on n'a pas besoin...

Le Président (M. Montigny) : 30 secondes.

M. Blain (Jean-François) : ...on n'a pas besoin de morceler la propriété et l'actionnariat des projets, et donc graduellement, l'actionnariat de tous les projets dans lequel participera Hydro-Québec par la suite, parce qu'Hydro-Québec est elle-même promoteur de ces partenariats-là, pour amener cet oxygène économique là aux régions. On pourrait prévenir toute forme de surenchère, hein, des revendications, là, ou de distorsion dans la valeur économique qu'on leur attribue à ces partenariats-là...

Le Président (M. Montigny) : Merci.

M. Blain (Jean-François) : ...en créant par exemple un Fonds national de développement des régions...

Le Président (M. Montigny) : Merci...

M. Blain (Jean-François) : ...dans lequel Hydro-Québec serait tenue de verser annuellement...

Des voix : ...

M. Blain (Jean-François) : ...10 %, 15 %, 20 % de ses bénéfices et qui seraient répartis. C'est ce fonds-là qui serait alimenté à hauteur de centaines de millions de dollars par année selon des critères déterminés par les instances de toutes les communautés, la FQM, en fonction du taux d'emploi, du taux d'éloignement, de la densité de population. De sorte que les régions disposeraient d'une alimentation financière statutaire, hein, garantie pour diversifier leur économie puis apporter l'oxygène économique dont elles ont besoin.

• (14 h 30) •

Le Président (M. Montigny) : Mme la députée de Saint-Laurent, c'est à vous. C'est sur votre temps maintenant. Je vous cède la parole.

Une voix : ...

Le Président (M. Montigny) : Non, non. C'est maintenant le temps de la députée de Saint-Laurent. C'est votre temps à vous. Allez-y.

Mme Rizqy : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Blain, merci d'être avec nous. Merci pour votre mémoire très détaillé.

Vous nous avez dit plusieurs choses, mais je vais me concentrer sur un élément qui est très important, le PGIRE, planification. Vous avez dit que ça a été fait à l'envers, qu'on aurait dû commencer il y a trois ans. Or, en 2020, le gouvernement a signé un contrat pour la vente d'électricité avec New York. Puis par la suite, trois semaines après avoir signé le contrat, on nous apprend, bien, finalement, on manque d'énergie. Et là, rapidement, le gouvernement s'est dit il faut trouver une solution. J'ai l'impression qu'on est victimes ici du gouvernement et de leurs propres turpitudes. Mais c'est intéressant, ce que vous nous amenez. La planification aurait dû être faite il y a trois ans. J'ai l'impression, pour reprendre la formule consacrée par le premier ministre, qu'ils sont en train de construire l'avion en plein vol. Ça me donne ça comme impression.

M. Blain (Jean-François) : C'est une bonne... C'est une bonne... C'est un bon exemple que vous soulevez là, le contrat signé avec New York, là. D'abord... D'abord, il faut que je précise une chose. Quand on dit qu'on est en surplus d'énergie, c'est Hydro-Québec, dans ses activités de distribution, son obligation de servir tous les clients québécois, qui a engagé des achats sur la base de ses prévisions...


 
 

14 h 30 (version non révisée)

M. Blain (Jean-François) : ...de ventes à long terme et ces prévisions-là ne se sont pas concrétisées. Et donc, on a des livraisons à recevoir d'énergie éolienne, de toute filière, en plus du volume d'électricité patrimoniale, qui sont en excédent par rapport à nos besoins réels. Donc, on est... on se retrouve en situation de surplus. Aujourd'hui, on nous dit... on appréhende un déficit, mais un déficit par rapport à quoi? Par rapport au niveau de ventes qu'on prévoit dans cinq ans ou dans 10 ans. Mais, évidemment, si la perspective de croissance des ventes d'Hydro-Québec sur les 11 prochaines années, là, ça serait 56 TWh de croissance de la consommation d'électricité au Québec, ça ne s'avérera pas.

Mme Rizqy : Donc, quand vous dites qu'ils ont vendu... Le déficit, ça représente des ventes. Est-ce qu'ils ont vendu ce qu'ils n'avaient pas? En d'autres mots, est-ce qu'ils ont shorté l'électricité?

M. Blain (Jean-François) : Oui, il faut distinguer l'obligation de fournir d'Hydro-Québec dans ses activités de production, qui est limitée au volume d'électricité patrimoniale, 179 TWh par année, incluant pertes, de sa marge excédentaire. Une fois qu'elle s'est acquittée de son obligation de fournir l'électricité patrimoniale, il lui reste une marge excédentaire de l'ordre de 35 maintenant... même 35 à 40 TWh par an qu'elle vend sur les marchés extérieurs. Là, on a engagé deux contrats fermes d'une durée de 20 ans qui vont accaparer 10 TWh par année chacun.

Mme Rizqy : ...20 et le second, celui de New York qui a été signé en 2020, c'est 25 ans.

M. Blain (Jean-François) : Bon. Mais on a engagé de façon ferme à peu près 20 des 35 TWh qu'on peut exporter. Il reste 15 TWh sur 35 qu'on vend dans les marchés de court terme, à discrétion, en fonction des prix qui prévalent. Ces 15 TWh-là, là, il n'y a rien qui nous empêche de les rapatrier temporairement et de les ajouter à une réduction de notre consommation, donc libérer une partie des kilowattheures à 0,045 $, dont on dispose déjà, pour amorcer la décarbonation. Ça se ferait donc à un coût bien inférieur à... par rapport à celui de lancer d'immenses projets de production à 0,11 $, 0,12$ le kilowattheure et plus. En toute logique financière, là, c'est ça qu'on devrait prioriser. Puis on lève après l'argument : Oui, mais la réduction des émissions de GES, c'est une affaire internationale, il ne faut pas se limiter à nos frontières. En pratique, là, quand on vend de l'électricité à un client hors frontières, il n'y a pas de comptes à nous rendre après. Il n'y a aucune garantie qu'il l'affecte en totalité ou même à 50 % à la décarbonation. Ça peut être sa propre croissance de la consommation. Alors que, si on rapatrie ces térawattheures-là pour quelques années, nous, on a la possibilité de les... de les allouer, mais véritablement, à la décarbonation de notre économie. Donc, voyez-vous, là, cette logique-là? Que la décarbonation se fasse ici ou ailleurs, c'est quand même contributif à la décarbonation et à la réduction des GES à l'échelle mondiale. La différence, c'est que, si on dédie nous-mêmes l'excédent de production dont on dispose à notre propre décarbonation, on est sûrs du résultat.

Mme Rizqy : Mais vous avez entendu le ministre de l'Environnement hier par rapport à l'allocation des blocs d'énergie pour la décarbonation, il ne veut pas prendre d'engagements là-dessus, là. Ça vous laisse sans mots?

M. Blain (Jean-François) : Le ministre de l'Environnement, ça me laisse sans mots.

Mme Rizqy : D'accord. Tantôt vous parliez que maintenant des nouveaux kilowattheures, on parle de 0,12 $ le kilowattheure.

M. Blain (Jean-François) : Oui.

Mme Rizqy : C'est quand même très important comme augmentation par rapport au bloc patrimonial. Il y a eu des projets qui sont lancés, puis on a entendu des experts en matière d'énergie solaire qui disaient que le coût avait grandement diminué. Puis, avec la technologie qui s'accélère, non seulement les panneaux solaires diminuent, mais aussi les batteries de stockage coûtent de plus en plus moins cher. Est-ce qu'on aurait intérêt... Hier, on nous soulevait c'est autour de 0,07 $ à 0,08 $ maintenant le kilowattheure? Alors, est-ce que ça pourrait être une avenue aussi à considérer pour l'autoproduction résidentielle notamment, mais aussi, vous savez, toutes les entreprises qui ont des gros toits, là, à qui on a donné des gros blocs d'énergie. Vous savez que par exemple, eux, on ne leur a même pas demandé de faire leur propre effort de guerre à ces entreprises pour avoir soit des panneaux solaires sur leurs toits, mais aussi ce qu'on appelle les murs énergétiques. Moi, j'en ai dans Saint-Laurent. Il ne semble que tout le monde devrait faire leur effort de guerre.

M. Blain (Jean-François) : Il y a un gros potentiel solaire inexploité. Il y a un gros potentiel géothermique qui est complètement inexploité au Québec, il y a différentes filières qui ne sont pas développées du tout. Maintenant, quand on décide de diversifier nos sources d'énergie, il faut se poser la question : est-ce que cette forme d'énergie là, de la façon dont elle va être produite, de la façon dont, par exemple, les clients résidentiels ou même commerciaux, institutionnels injecteraient dans le réseau le surplus d'énergie solaire dont ils n'ont pas besoin pour leur propre consommation...

M. Blain (Jean-François) : ...consommation, est-ce que ça réduit les coûts unitaires de desserte de l'ensemble de la clientèle ou si, au contraire, ça contribue à augmenter les coûts unitaires? Ce que je veux dire, c'est que si, vous ou moi, on a des panneaux solaires sur notre toit, là, mais qu'à la pointe... et qu'on réduit donc la quantité d'électricité qu'on attend d'Hydro-Québec, vu qu'on a un peu notre propre production, mais qu'à la pointe hivernale, nos panneaux solaires, en absence de stockage et d'une autonomie prolongée, ne peuvent pas... Mais, en fait, on ne peut pas suppléer à nos besoins de chauffage avec l'énergie solaire, là, pas très longtemps, même si on avait des batteries.

Et donc le résultat, c'est qu'Hydro-Québec vendrait, sur une base annuelle, des moins grands volumes d'énergie, aurait des coûts, à la pointe, aussi élevés, parce que les clients qui produisent une partie de leurs besoins, avec l'énergie solaire, ne couvraient pas leurs besoins en puissance dédiée au chauffage. Et donc ce qu'on appelle le facteur d'utilisation du réseau serait plus bas encore et les coûts unitaires à récupérer, tant pour les investissements en production d'Hydro-Québec elle-même et en transport et distribution, seraient non seulement répartis sur un moins grand nombre de kilowattheures vendus, mais on aurait les mêmes coûts à la pointe, avec une pointe hivernale encore plus disproportionnée par rapport à la demande.

Mme Rizqy : Mais, hier, on disait que les nouvelles batteries de stockage, ça pouvait être de sept à 10 jours maintenant, qu'il y a vraiment une nette amélioration. Parce qu'avant c'était... on parlait de quelques heures qu'une batterie de stockage pouvait nous alimenter. Maintenant, les nouvelles, on parle de, carrément, sept à 10 jours. Évidemment, si vous en avez deux, vous pouvez multiplier les nouvelles technologies qui s'appellent le Plug and Play. Donc, on peut immédiatement se brancher à la maison avec le panneau solaire, avec la prise de courant, et on peut carrément même retourner cette énergie. Ça existe d'ailleurs dans d'autres marchés, notamment européens, et c'est vendu au grand public, là. 

M. Blain (Jean-François) : Donc là, Mme Rizqy, je ne fais pas un plaidoyer pour disqualifier l'énergie solaire, ce dont je vous parle, c'est justement du... de l'importance du stockage. Et puis on ne parle pas de petit stockage dans des batteries, pour un autoproducteur résidentiel, on parle de stockage de beaucoup plus gros calibre qui est effectivement un moyen de gestion des pointes du réseau qui va se développer dans les prochaines années. Alors là... Donc, la critique que je vous faisais, là, était relative à la dispersion de plein de petites capacités solaires entre des milliers d'autoproducteurs qui se trouvent tous à avoir quand même besoin d'Hydro-Québec à la pointe hivernale. C'est ça, la problématique dont je parlais.

Mme Rizqy : Non, non, c'est très bien. Oui, oui, bien, merci.

M. Blain (Jean-François) : O.K. Il faut distinguer les deux, là.

Mme Rizqy : Non, mais, au contraire, j'apprécie beaucoup votre éclairage, parce que c'est très clair et, en fait, on aimerait peut-être vous garder pour le reste de l'étude détaillée. Mais, bon, je pense que ça serait pertinent. Je ne sais pas si votre emploi du temps nous le permet.

Et, en terminant, il me reste juste 20 secondes. Est-ce qu'il y a quelque chose que vous aimeriez ajouter à la commission?

• (14 h 40) •

M. Blain (Jean-François) : Bien, en fait, je n'ai pas eu le temps de conclure mon adresse à la ministre. Le processus jusqu'ici, puis c'est un dossier dont vous héritez, bon, dans les circonstances qu'on connaît, là, le processus a été tellement inadéquat par rapport à l'ampleur des défis d'une transition énergétique, si on veut vraiment en mettre une en place, là. Je vous implore, à toutes fins pratiques, de reconsidérer non seulement sur le fond, le contenu du projet de loi...

Le Président (M. Montigny) : C'est maintenant le moment de céder la parole au député de Maurice-Richard.

M. Bouazzi : Je vous laisse finir votre phrase. Vous implorez... 

M. Blain (Jean-François) : Je vous implore en pratique, Mme Fréchette, de reconsidérer non seulement le contenu du projet de loi dans son entièreté, de le mettre sur la glace. Il vous reste deux ans à votre mandat gouvernemental. Vous avez le temps d'amorcer une véritable planification, un véritable exercice de planification intégrée des ressources. Ça serait un très beau legs à laisser plutôt qu'un fiasco.

M. Bouazzi : Très rapidement, j'ai peu de temps. Merci beaucoup pour vos éclairages. Moi, je vais rester sur, justement, toutes les décisions qui ont été prises sans plan, en tout cas, sans plan public, et leur impact sur le prix que les Québécoises et Québécois vont payer. Donc, à l'annexe C de votre mémoire, vous chiffrez le coût des 2500 mégawatts qui ont déjà été distribués sur les 18 derniers mois par M. Fitzgibbon. C'est bien ça?

M. Blain (Jean-François) : Oui.

M. Bouazzi : Je vois qu'étant donné que le coût marginal, donc, de la nouvelle électricité est autour de 0,11 $ actuellement et qu'on leur vend au tarif L, il y a une perte de 190 millions la première année, 387, la deuxième. À partir de 2028, on dépasse déjà le milliard. Et, si on additionne tout ça sur 20 ans, on a perdu 22 milliards de dollars...

M. Bouazzi : ...juste avec les décisions qui ont été prises sur les 18 derniers mois par M. Fitzgibbon. C'est bien ça?

M. Blain (Jean-François) : C'est ça. C'est le déficit des revenus générés au tarif L par rapport au coût des approvisionnements additionnels qu'on va devoir acquérir. En prenant l'hypothèse de départ du tarif L de 2024, le revenu unitage généré par le tarif L, 5,43 cents, et en prenant une hypothèse de coût unitaire des approvisionnements en 2024 de 11 cents par kilowattheure, ce qui est moins que ce qui est déjà dans le plan de coût, donc c'est conservateur, et en indexant ces deux coûts unitaires de départ là, de 2 % seulement par année, ce qui aujourd'hui est encore une hypothèse très conservatrice, on aurait 22,9 milliards de dollars de déficit de revenus à éponger sur 20 ans.

M. Bouazzi : Plus de 1 milliard par an. Vous avez aussi donné l'exemple de la production du privé. On sait déjà que le privé prend une cote à chaque fois qu'on vend de l'électricité, c'est à ça que sert le privé, le coût plus une cote, c'est les revenus. Mais en plus, vous dites : Oui, mais le privé, quand il s'endette, il s'endette à un taux qui est supérieur à celui d'Hydro-Québec, qui est, lui, par contre, le même que celui du gouvernement du Québec, qui est à peu près le plus bas possible. Donc, dans les coûts du privé, le taux associé aux prêts, évidemment, est supérieur. Et celui-là, bien, on va le payer, vous et moi, à chaque facture.

M. Blain (Jean-François) : Bien, en fait... en fait, le privé a une capacité d'emprunt et la possibilité de lever des capitaux qui est... qui n'est pas celle d'Hydro-Québec. Donc, en principe, il y a... il y a effectivement un risque, de façon générale, que le financement de leurs projets soit plus coûteux.

Le Président (M. Montigny) : 30 secondes.

M. Blain (Jean-François) : Mais ce risque-là, de toute façon, à partir du moment où il s'agit d'un engagement d'achat d'Hydro-Québec, bien, il est transféré à Hydro-Québec, qui le récupère dans les... Donc, le risque financier est de toute façon transféré à la collectivité.

M. Bouazzi : Et on le paie.

M. Blain (Jean-François) : Oui.

M. Bouazzi : Et le dernier risque que vous dites, c'est que, si on engage trop d'argent dans les développements et qu'on ne vend pas tout de suite cette électricité-là, bien, ça, ça va faire que ça va coûter encore plus cher parce qu'on aura mal planifié nos affaires.

M. Blain (Jean-François) : C'est ce que j'appelle le risque de déraillement et d'emballement tarifaire principal, l'éventualité que la croissance des volumes de vente prévus par Hydro-Québec ne se concrétise pas.

Le Président (M. Montigny) : Merci...

M. Bouazzi : C'est un manque de planification qui va nous coûter cher.

Le Président (M. Montigny) : Merci. C'est maintenant la parole au député de Jean-Talon. Merci beaucoup. M. le député de Jean-Talon, c'est à vous.

M. Paradis : Bien, continuons justement sur cette thématique. Vous dites dans votre mémoire que «la démarche privilégiée par le gouvernement actuel, qui a mené à la présentation de ce projet de loi, n'a satisfait aucune des exigences préalables, n'a pas donné lieu à un véritable examen des enjeux ni à un débat public qui soit à la hauteur des défis posés par la transition énergétique.» Si la ministre s'entête à continuer avec ce projet de loi là puis ne répond pas à votre appel de retirer le projet de loi, que plusieurs nous ont fait ici, c'est quoi, les risques? Qu'est-ce qui va arriver?

M. Blain (Jean-François) : Bien, c'est un risque... c'est un risque de légitimité démocratique, c'est un risque de cohésion, c'est un risque de... C'est un risque pour la collectivité. D'abord, c'est un risque financier, et c'est un risque non seulement de morcellement de la propriété entre une multitude d'intérêts particuliers, je dis «intérêts particuliers» parce que c'est des capitaux privés mais mis au service de partenaires communautaires, premières nations, municipalités. Mais ce n'est pas seulement un risque de morcellement de la propriété par l'impartition de l'actionnariat. C'est un risque aussi de morcellement de la cohésion quant à l'usage et à l'occupation du territoire aux fins de la production d'énergie, et même du commerce de l'énergie parce qu'il y a même des partenariats en matière de transport qui ont... il y a un précédent déjà.

M. Paradis : Parce que notamment, vous dites : «Le projet de loi n° 69 prépare une privatisation accélérée de la production et du commerce de l'électricité et que ça va faire un renversement important du principe de mise en commun des ressources énergétiques et financières et de redistribution universelle des bénéfices hérités de la nationalisation du secteur électrique.» Donc, ça veut dire, en fin de compte, c'est les gens qui vont payer pour ça.

M. Blain (Jean-François) : C'est nous tous, pas seulement d'un point de vue financier, d'un point de vue de la cohésion, de la pertinence des choix, et je dirais même des processus décisionnels, de la cohésion démocratique. Parce qu'une fois... une fois qu'on a attisé les attentes économiques, financières de x partenaires en région, là, puis qu'on cède petit à petit davantage de participation financière, donc d'actionnariat...

Le Président (M. Montigny) : 30 secondes.

M. Blain (Jean-François) : ...c'est l'actionnariat d'Hydro-Québec qui s'égrène à petit... à petit feu, puis c'est une dénationalisation par encerclement progressif.

M. Paradis : Et vous dites que «le projet de loi n° 69, avec le plan annoncé par Hydro-Québec, pourrait entraîner des hausses tarifaires de 65 % à 75 % sur 11 ans et il va appauvrir les ménages, notamment.» Mais, pourtant, le projet... le gouvernement dit : On va vous limiter ça à 3 % par année.

M. Blain (Jean-François) : Oui. Je pense qu'il y a un député qui a utilisé le mot «stratagème». Vous allez voir à l'annexe...

Le Président (M. Montigny) : Je vous remercie pour...

M. Blain (Jean-François) : ...à l'annexe e...

M. Blain (Jean-François) : ...la qualification du temps étant des options...

Le Président (M. Montigny) : Je vous remercie beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission. Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux prochains groupes de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 48)

(Reprise à 14 h 51)

Le Président (M. Montigny) : Nous reprenons nos travaux et je souhaite maintenant la bienvenue à Nature Québec. Je vous rappelle que vous disposez donc de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer maintenant votre exposé.

Mme Simard (Alice-Anne) : Merci. Merci, M. le Président. Mme la ministre, bonjour, Mmes et MM. les députés, bonjour. Je m'appelle Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec. Je suis accompagnée de Mme Anne-Céline Guyon qui est analyste Climat-Énergie pour Québec et de Mme Emmanuelle Rancourt qui est la coordonnatrice de la Coalition Sortons le gaz!. Alors, on a décidé, là, d'inviter à notre audition, là, la Coalition Sortons le gaz! dont nous sommes membres afin de présenter leurs recommandations spécifiques concernant la sortie du gaz dans les bâtiments et les industries. Nature Québec, en tant qu'organisme qui œuvre à la lutte à la crise climatique et à la protection de la biodiversité, on a bien sûr à cœur la transition énergétique du Québec, mais cette transition-là ne doit pas être mise en œuvre sans être en harmonie avec le vivant. C'est donc dans cette perspective-là qu'on a étudié le projet de loi n° 69, même s'il y a une grande majorité de l'électricité qui est produite au Québec, qui provient d'une source renouvelable. Il n'en demeure pas moins, en fait, qu'il y a encore 54 % de notre énergie qui est consommée et qui provient d'énergies fossiles. Et en plus, il y a 70 % des émissions de gaz à effet de serre du Québec qui sont liées à la production et à la consommation d'énergie, principalement à cause de notre dépendance au pétrole dans le domaine du transport et de notre dépendance au gaz naturel d'origine fossile, là, dans les bâtiments et les industries. Donc, décarboner notre système énergétique, c'est crucial et urgent pour atteindre nos objectifs de carboneutralité, là, d'ici 2050. Et dans ce contexte, le développement des énergies renouvelables, c'est évidemment souhaitable, mais il ne faut pas que ça se fasse sur le dos des ménages les plus vulnérables ou de la biodiversité. Malheureusement, là, en l'absence présentement d'un grand débat de société qui aurait pu orienter la transition énergétique au Québec, le projet de loi n° 69 tel qu'il est présenté, là, aujourd'hui, il ne remplit pas les bons objectifs. Non seulement il ne va pas permettre la décarbonation du Québec, mais il introduit aussi des dispositions qui sont profondément injustes sur le plan social et néfastes sur le plan environnemental. On est particulièrement inquiets et inquiètes des impacts que va avoir la transition énergétique proposée par le gouvernement du Québec, là, sur le bio... sur la biodiversité et sur le territoire. Donc, on tient à rappeler, là, qu'il n'existe pas seulement une crise environnementale. Il y a deux crises environnementales et la crise de l'effondrement de la biodiversité remettent tout autant en question notre avenir collectif que la crise climatique. Jusqu'à présent, les politiques qui visent à lutter contre la...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...la crise climatique et celle pour la biodiversité ont été abordées indépendamment l'une de l'autre. Mais ces deux crises-là, elles sont interreliées et on doit s'y attaquer conjointement. Notamment, la transition énergétique doit tenir compte de nos cibles de conservation et de restauration des écosystèmes, elle doit être cohérente avec le futur plan nature du Québec, elle doit être cohérente aussi avec la protection de l'habitat du caribou forestier montagnard et, entre autres, les nouvelles orientations, là, gouvernementales en matière d'aménagement du territoire, là, les OGAT.

Il faut aussi que le gouvernement comprenne et intègre la notion de limites planétaires à ses politiques publiques. Les scientifiques qui ont développé ce concept-là ont identifié neuf processus clés du système terrestre, dont chacun a une limite qui, si elle est franchie, pourrait compromettre la stabilité des écosystèmes et rendre la planète moins habitable pour l'humanité. Donc, rester dans ses limites planétaires, c'est essentiel pour préserver les conditions naturelles qui ont permis à la civilisation humaine de prospérer.

Pourtant, le projet de loi n° 69 amènera le Québec complètement dans la mauvaise direction, en mettant l'accent sur la production énergétique pour favoriser le développement de nouvelles filières industrielles, ce, au détriment de la décarbonation réelle de notre économie, et surtout en continuant sur le modèle de la croissance infinie qui ne respecte pas les limites planétaires.

Miser sur la sobriété est essentiel pour respecter ces limites et rendre la transition énergétique la plus juste, socialement, principalement en évitant des coûts inutiles pour la société et les plus vulnérables. Le mégawatt le moins cher restera toujours celui qu'on ne produit pas. Et notre mémoire présente justement plusieurs recommandations qui visent à améliorer le projet de loi pour que la notion de sobriété énergétique et le respect des limites planétaires soient au cœur de la transition énergétique du Québec.

Notamment, bon, ce qu'on recommande, c'est que les futurs projets énergétiques ne fassent pas obstacle à l'atteinte de notre cible de conservation de 30 % des territoires d'ici 2030 et que le concept des limites planétaires soit intégré au futur plan de gestion intégrée des ressources énergétiques. On recommande aussi qu'un plan de réduction de la consommation énergétique décliné par secteurs soit élaboré en coconstruction avec tous les secteurs concernés. Et on recommande que les impacts cumulatifs du développement industriel sur l'environnement et sur les populations soient mieux analysés.

On demande aussi que la notion de sobriété énergétique et le respect des limites planétaires soient intégrés à la mission de la Régie de l'énergie, à la mission d'Hydro-Québec et à la mission du ministère de l'Économie, de l'innovation et de l'Énergie.

Et on recommande que le gouvernement déclare un moratoire sur l'octroi de capacités électriques ou de fonds publics à de nouvelles entreprises énergivores tant qu'on n'est pas alignés sur le respect de nos objectifs climatiques et que la sécurité énergétique de la population n'est pas assurée.

Alors que les impacts des dérèglements climatiques, là, se font de plus en plus ressentir, il y a des communautés entières qui sont évacuées à cause des feux de forêt, il y a des ménages qui doivent quitter en toute urgence leurs habitations à cause des inondations, on doit plus que jamais accélérer la sortie des énergies fossiles.

À ce niveau, la coalition Sortons le gaz, là, présente aussi dans son mémoire plusieurs recommandations pour que l'électricité propre du Québec soit utilisée avant tout pour décarboner les bâtiments et les industries existants et non pour accélérer la croissance industrielle et favoriser les entreprises étrangères.

Notamment, là, la coalition Sortons le gaz recommande que le projet de loi soit révisé pour que l'électricité bénéficie de conditions d'adoption plus compétitives que le gaz. La Loi sur la Régie de l'énergie doit aussi être modifiée pour que la mission de la Régie se concentre exclusivement sur l'intérêt public, sans conciliation avec les intérêts des distributeurs et transporteurs de gaz et sans subventionner des pertes de revenus d'entreprises comme Énergir.

Le gouvernement du Québec doit aussi privilégier le déploiement de systèmes de chauffage basés sur la combinaison, là, thermopompe-accumulateur de chaleur pour la gestion de la pointe de la demande électrique au lieu de la biénergie électricité-gaz naturel fossile pour réduire les coûts pour les consommateurs et surtout pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

Donc, la transition énergétique, là, ça ne se résume pas simplement à ajouter de la capacité de production d'énergie renouvelable. Ça implique avant tout de réduire notre consommation globale d'énergie, en particulier en ce qui concerne les énergies fossiles. Et malheureusement, le projet de loi n° 69 se concentre principalement sur l'augmentation de la production, tout en maintenant un soutien au gaz naturel, sans fixer d'objectifs contraignants de réduction de la consommation de ces énergies polluantes.

Donc, pour nous, c'est clair que le projet de loi ne constitue pas le véhicule dont le Québec a besoin pour encadrer notre avenir énergétique. On recommande sa révision en profondeur et l'adoption de mesures structurantes pour nous permettre d'atteindre nos objectifs de décarbonation en harmonie avec le vivant, tout en protégeant les ménages québécois. Merci.

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Mme la ministre, vous disposez maintenant de 16 minutes 30 secondes.

Mme Fréchette : Merci. Merci, M. le Président. Alors, merci, Mesdames Simard, Guyon et Rancourt...

Mme Fréchette : ...merci pour votre présence et pour participer à ce débat, à cet échange de point de vue et d'avoir pris le temps de préparer un mémoire. Donc, je vous ramène sur le concept de sobriété énergétique. Est-ce que vous êtes d'avis qu'on devrait utiliser une tarification dynamique pour envoyer un signal de prix pour inciter les gens à s'inscrire dans un cadre de sobriété énergétique? Est-ce que c'est une mesure que vous favorisez? Et, si tel n'est pas le cas, bien, quelles autres mesures vous verriez que l'on puisse mettre en place pour inciter à la sobriété énergétique tant pour les consommateurs résidentiels que pour les consommateurs industriels et commerciaux?

Mme Guyon (Anne-Céline) : Bonjour, Mme la ministre. Bonjour, messieurs, Mesdames les députés. Bien, déjà, concernant la tarification dynamique, je me permettrai de dire que vous avez eu, en commission parlementaire, l'Union des consommateurs notamment, ce matin aussi, l'ACEF du Nord. Nos recommandations, à ce niveau-là, sont totalement alignées avec eux autres. Il est clair que, pour nous, le... Mme Simard l'a dit, il faut absolument que la transition énergétique soit juste socialement et que... donc, il faut absolument que... notamment au niveau de la tarification dynamique, à notre avis, l'industrie doit faire beaucoup plus sa juste part qu'à l'heure actuelle. Ça, c'est une chose.

Concernant maintenant la sobriété, je rappellerai qu'en termes de mesures de sobriété la transition énergétique n'est pas juste une question de mégawatts à produire. C'est beaucoup plus large que ça. La transition énergétique s'inscrit dans la transition écologique et sociale que nous devons mener. Et, en ce sens, la manière dont on voit les choses, c'est clairement que, tu sais, il faut consommer moins. Il n'y a pas plus tard que la semaine dernière, RECYC-QUÉBEC, lui-même, disait que l'économie du Québec va au-delà des limites planétaires. On consomme beaucoup trop. De manière générale, je vous inviterais à... n'importe où vous posez votre regard, à l'heure actuelle, il faut voir que chaque objet, c'est de la matière qu'on a extrait de quelque part, qu'on a transformée et qu'on a transportée. Si on veut travailler sur la sobriété énergétique, il faut absolument travailler sur l'ensemble de cette chaîne-là et pas juste sur la question de comment on produit de l'énergie et à partir de quoi. Il faut vraiment chercher à réduire le plus possible notre consommation énergétique et notre consommation de ressources naturelles. C'est la seule manière qu'on aura de travailler la sobriété. D'autres organismes alliés avec nous, avant nous, dans cette commission-là, ont nommé le transport, par exemple qu'il fallait d'abord voir l'aménagement du territoire, développer les transports collectifs, ensuite seulement électrifier l'auto solo, qui est vraiment le dernier maillon de la chaîne à ce niveau-là. Le bâtiment, c'est pareil. Peut-être même que je laisserai la parole à ma collègue Emmanuelle sur la question de l'efficacité énergétique du bâtiment.

• (15 heures) •

Mme Rancourt (Emmanuelle) : O.K. Je n'étais pas sûre si j'avais cliqué ou pas, si c'est automatique. Oui, exactement, nous, c'est vraiment le point qu'on met de l'avant, c'est la sortie du gaz naturel des bâtiments. Ça, ça passe bien sûr par la sobriété énergétique, qui est une des solutions apprises à prioriser. Entre autres, on peut penser à tout ce qui enveloppe du bâtiment. On prône à ce qu'éventuellement toute nouvelle construction soit basée sur une empreinte carbone zéro, ça passe... c'est ça, l'enveloppe, mais aussi tout ce qui est accumulation de chaleur, tout ce qui est thermopompe, c'est des choses qui ont été prouvées. Par exemple, thermopompe pour une... il y a une étude d'écohabitation, je ne sais pas si vous connaissez, qui a montré, là, à travers différentes études de différents types de bâtiments, que ça peut réduire jusqu'à 17 % la facture énergétique. Juste de faire ce changement-là, c'est beaucoup plus efficace que des plaintes classiques, qui sont encore subventionnées par Hydro-Québec. Donc, on se pose la question : Pourquoi est-ce que ce n'est pas plus mis de l'avant? C'est ça qui est la vraie solution.

Mme Fréchette : Merci. M. le Président, je vais céder la parole au collègue.

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup. C'est maintenant le temps de céder la parole au député de Dubuc. Vous disposez donc de 12 minutes 25.

M. Tremblay : Merci. Bonjour. Merci pour la contribution. On est au cœur d'un débat. J'aimerais mieux comprendre. Dites-moi, est-ce que... Vous plaidez qu'il est... qu'il serait pertinent de reculer, de réfléchir davantage, de consulter davantage. Votre prédécesseur, éminent expert, mentionnait tout à l'heure qu'il y avait une fenêtre d'opportunité, selon son expertise, il y a trois ans. Là, je me posais la question. Si c'était pertinent il y a trois ans, c'est un peu de dire que c'est encore plus pertinent aujourd'hui puis que d'entreprendre le chantier...


 
 

15 h (version non révisée)

M. Tremblay :...vous parlez de gestion énergétique de bâtiments. On a reçu l'APCHQ qui ont signifié du potentiel à ce niveau-là, qui ont le goût de s'impliquer au PGIR. On a parlé d'éolien, on a parlé de solaire. Le débat est polarisé, on en convient. Maintenant, il a même été question de mettre un peu tout ça à l'abri des aléas politiques et économiques, alors que le Québec, la conjoncture internationale, est politique, est économique aussi. Et puis il y a des conjonctures où il faille, je pense, accélérer certaines réflexions. Je dis accélérer, mais ça veut aussi dire de s'impliquer collectivement. Et puis là, on a plusieurs intervenants qui sont en train de vivre un exercice, là, qui est démocratique selon ma lecture. Et puis j'ai fait mes devoirs, autant au cégep qu'à l'université, au niveau de la définition de la redistribution équitable de la richesse.

Moi, j'aimerais mieux comprendre, au regard du potentiel qu'on nous a présenté de développement dans des régions, de tout ce que ça peut amener comme avancées pour la société du Québec, je comprends qu'il y a des irritants, qu'il y a des éléments qui se confrontent, mais est-ce que vous reconnaissez... puis à quels égards que la démarche est une opportunité? À mon sens, je pourrais même dire historique, mais je vais dire, c'est une opportunité intéressante de poursuivre cette réflexion-là qui a été amorcée, qui est en continuité avec la ministre, avec le gouvernement, avec les oppositions, à la limite. Comment vous voyez un accostage en zone d'équilibre?

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, écoutez, vous dite... L'expert qui nous a précédés a mentionné que la fenêtre d'opportunité était il y a trois ans, moi, je vous dirais, la fenêtre d'opportunité, c'était dans les années 70, quand les scientifiques nous ont dit qu'il fallait faire une transition énergétique de notre économie, de notre société, parce qu'on s'en allait vers le mur. Maintenant, nous, notre Québec et plusieurs, plusieurs autres organisations de la société civile, ça fait plus d'un an et demi qu'on demande au gouvernement du Québec un débat public large sur l'avenir énergétique. Donc, le... Québec, au moins, ça fait déjà depuis un an et demi qu'il le sait, que cette demande-là est faite. Et une commission parlementaire particulière, des audiences particulières avec invitation, ce n'est pas un débat large, public sur l'avenir énergétique, c'est trop important, ça implique tout, ça implique tous les aspects de la société. Ça implique tellement le quotidien des gens, vers où on s'en va, tout le monde ensemble. Ça ne peut pas être seulement quelques jours d'audiences à l'Assemblée nationale qui peuvent suffire pour remplacer un large débat public tel qu'on le demande depuis un an et demi.

Donc, on est d'accord que oui, il faut aller vite. Ce qu'on demande dans notre mémoire, comme plusieurs autres organisations de la société civile, c'est qu'en premier, la première étape, c'est le PGIR c'est le plan de gestion intégrée des ressources énergétiques. Par la suite, c'est le projet de loi qui devrait être remanié. Donc, pendant qu'on élabore le PGIR, c'est là qu'on aurait l'opportunité de tenir ce débat public là, et on pourrait, après ça, se pencher sur les aspects de gouvernance, finalement, qui sont au cœur du projet de loi n° 69.

Mme Guyon (Anne-Céline) : Si je peux compléter ce que ma collègue vient de dire, pour nous, cette commission-là ne constitue pas le débat public dont on a besoin au Québec pour faire cette fameuse transition énergétique et cette transition écologique et sociale. Par contre, pour nous, c'est clairement l'occasion de commencer la conversation et c'est l'occasion de vous convaincre de la nécessité d'un tel débat. Oui, tout ça est une question extrêmement complexe. Il y a des enjeux environnementaux, il y a des enjeux sociaux, il y a des enjeux économiques. Nous ne pouvons que vous inviter à embrasser cette complicité... cette complexité en termes de gouvernement. Nous, on est prêts à avoir cette conversation-là. Je pense qu'il y a énormément d'acteurs de la société civile québécoise qui vous le demandent et qui sont prêts à avoir cette conversation-là et qui sont prêts, justement, à essayer de trouver les chemins de passage pour arriver à faire en sorte que la transition écologique et sociale, qui est le le plus gros projet de société que le Québec peut se donner, peut avoir, doit... peut être là, en tout cas. C'est vraiment ça, là. Juste, moi, le message que j'ai envie de vous envoyer, c'est qu'on est prêts et on est prêts à collaborer.

Mme Rancourt (Emmanuelle) : Je fais juste rajouter aussi. C'est un débat qui implique des régions administratives, des régions du Québec qui sont dans des situations très différentes les unes des autres. Ça implique donc, vraiment, de se déplacer sur le territoire pour être sûr que toutes ces personnes-là peuvent être entendues. Je trouve... C'était juste un élément que je voulais rajouter. Mais on se fait quand même contacter régulièrement par des groupes citoyens d'un peu partout dans la province qui...

Mme Rancourt (Emmanuelle) : ...ne veulent qu'être entendus. Et ils passent par nous parce qu'ils savent qu'on a peut-être une tribune qui écoute un peu plus, mais même nous, on n'a pas été invités, on a eu la gracieuseté d'être invités grâce à Nature Québec, là. Donc, ça illustre quand même ce besoin-là.

M. Tremblay : O.k. O.k. Mais, sans dire que je persiste, il y a... il y a une certaine effervescence, il y a une fenêtre d'opportunité. Ce que j'ai l'impression d'en comprendre, à travers une palette d'intervenants et de groupes, là, de différents horizons, avec des opinions et des positions très, très diverses, c'est un peu comme si on souhaitait que le gouvernement délègue l'agenda, alors qu'il est imputable d'orienter le Québec vers un agenda. Puis là, alors qu'on en exercice démocratique d'une commission qui est reconnue par l'État, par le Québec, un processus additionnel de réflexion, est-ce que... est-ce qu'il ne nous amènerait pas vers ce même point là, où on est aujourd'hui, au terme d'une discussion très élargie? Vous comprenez? J'essaie de voir dans quelle mesure il faudrait encore davantage aller plus loin dans la réflexion, alors qu'on est actuellement en train de travailler. Voilà.

Le Président (M. Montigny) : ...

Mme Simard (Alice-Anne) : Premièrement, il ne faut pas prêter d'intention, là. Il n'y a personne qui a mentionné qu'on souhaite que le gouvernement délègue quelque agenda que ce soit, là. Ce n'est pas le cas du tout, là. Ce qu'on dit, c'est qu'entre autres il y a des éléments dans le projet de loi qui sont... qui n'ont jamais été présentés à la population avant. Quand on parle notamment des possibilités de contrat gré à gré, de... il y a plusieurs experts, expertes qui l'ont mentionné avant nous, tu sais, une ouverture à une possible dénationalisation d'Hydro-Québec, ça n'a jamais été présenté avant à la population. Ça n'a surtout pas été présenté dans la... durant les élections, les dernières élections, finalement, de la part du gouvernement qui est en... qui est au pouvoir en ce moment. Bref, c'est... c'est tout nouveau. Il y a des... Il y a des changements majeurs qui sont... qui sont présentés dans ce projet de loi là et qui ont été finalement... qu'il n'y a pas eu ce débat-là qui a été fait. Et, en tout respect, cette institution est importante. Une commission, c'est un exercice démocratique important, puis on est d'accord. C'est pour ça qu'on y participe puis on y participe à plusieurs commissions parlementaires. Mais pour nous, ce n'est pas suffisant, pour la société civile, ce n'est pas suffisant. C'est trop gros, c'est trop important, c'est majeur. C'est toute notre société, notre économie qui doit être repensée. Ce n'est pas seulement une commission parlementaire qui peut s'attaquer à cette tâche-là.

• (15 h 10) •

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup. C'est maintenant le temps de céder la parole au député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Vous disposez donc de trois minutes 33 secondes.

M. Bernard : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, Mesdames, merci d'être ici aujourd'hui.

Je vais y aller très rapidement parce que vous venez juste d'aborder le sujet. Puis je reviens à votre recommandation numéro neuf, qui s'inquiète, là, de la privatisation des actifs d'Hydro-Québec. Puis je vais prendre en référence les propos que j'ai tenus hier avec d'autres organismes. C'est comment considérez-vous les organismes, les entités communautaires qui veulent faire soit la mise en place de barrages, minibarrages hydroélectriques ou sinon des projets de nature éolienne? Considérez-vous ça comme de la privatisation ou un outil, je vous dirais, de développement des milieux? Parce que, dans chacune des régions, les gens veulent se prendre en main, et particulièrement entre autres dans le cas du Témiscamingue, les Premières Nations Anishnabe qui veulent devenir partenaires et avoir une mainmise sur leur propre développement.

Mme Guyon (Anne-Céline) : Oui. C'est une question extrêmement intéressante. Je pense qu'on est... on n'est pas forcément contre, effectivement, le fait que les régions puissent se prendre en main jusqu'à une certaine mesure, grâce à des projets de développement d'énergies renouvelables. Ceci dit, je pense que plusieurs de nos collègues, et notamment le Front commun pour la transition énergétique avec son annexe sur la privatisation en cours à travers le projet de p.l. 69, le montrent extrêmement bien. Et M. Blain le disait aussi, on est face à un projet de loi qui est en ce moment assez insidieux à ce niveau-là et qui est une forme dense de dénationalisation en forme d'encerclement d'Hydro-Québec. Ça, là-dessus, pour nous, c'est extrêmement clair. Et notamment, à travers la participation des municipalités ou des communautés et ou des communautés autochtones, il faut être clairs que, par exemple, après... Notamment, d'ailleurs, l'APNQL le dit elle-même, elles auront des difficultés, les communautés, à être partenaires financiers...

Mme Guyon (Anne-Céline) : ...des projets, et donc devront aussi elles-mêmes se mettre en partenariat, certainement avec des entreprises privées, etc. Et le projet de loi, à l'heure actuelle, ne balise absolument pas le pourcentage que pourraient avoir ces entreprises privées en partenariat avec des municipalités ou des communautés autochtones. Et c'est... bien, forte chance qu'à un moment donné il y ait un débasculement et rien ne les empêcherait de devenir actionnaire majoritaire, par exemple, à un moment donné. Donc, tu sais, on voit, là, qu'il y a une porte qui est ouverte et, croyez-moi, je ne me fais aucune illusion sur le fait que la porte, elle sera traversée.

Le Président (M. Montigny) : M. le député, il vous reste 50 secondes.

M. Bernard : O.K. Je vais ramener le développement éolien. J'aurais revenu là-dessus, mais le développement éolien, croyez-vous — puis j'ai vu votre mémoire aussi — qu'il soit possible de faire du développement éolien, tout en préservant la biodiversité?

Mme Simard (Alice-Anne) : Oui, tout à fait. Et justement, l'important, c'est de s'assurer que les impacts cumulatifs des projets soient analysés. Et c'est pour ça que ça prend un organisme qui a une vue d'ensemble. Puis on a accueilli favorablement, justement, qu'Hydro-Québec se lance dans cette... dans le développement de cette filière-là, puis ça va nous permettre d'avoir une meilleure vue d'ensemble. Donc, c'est possible. Évidemment, c'est des chemins, évidemment, c'est de la dégradation, c'est de la fragmentation d'habitats, mais il y a possibilité de le faire à des endroits qui sont moins névralgiques pour les espèces, notamment sur les espèces menacées.

Le Président (M. Montigny) : Merci.

Mme Simard (Alice-Anne) : L'important... tout ce qu'on se dit, c'est qu'il faut juste s'assurer que le bien-fondé de ces projets-là existe réellement.

Le Président (M. Montigny) : Très bien, merci. Merci beaucoup. C'est maintenant le moment de céder la parole à Mme la députée de Mille-Îles pour 10 min 24 s.

Mme Dufour : Merci, M. le Président. Merci, Mmes Simard, Guyon et Rancourt pour votre plaidoyer et avec beaucoup de passion, d'ailleurs. Vous avez mentionné que vous demandez depuis... clairement depuis 18 mois qu'il y ait un débat public. Je peux vous dire que d'autres groupes sont venus nous dire qu'ils le demandent depuis même plus longtemps que ça. Et nous-mêmes en avons fait une demande, là, de tenir, notamment, une commission nationale itinérante. Donc, c'est quelque chose, là, qu'on... si on l'avait fait au moment que tous ces groupes-là et vous-même l'avez demandé, bien, on ne serait pas ici aujourd'hui et on serait en train de préparer ce fameux plan de gestion que vous souhaitez faire avant. Vous n'êtes pas les seuls non plus à l'avoir dit, là`, plusieurs groupes ont dit qu'on était en train de faire les choses à l'envers. Donc, votre souhait, si je comprends bien, là, c'est de suspendre le projet de loi n° 69, de commencer par ce débat national, ensuite la planification et, par la suite, revenir avec un projet de loi.

Mme Simard (Alice-Anne) : Oui.

Mme Dufour : C'est clair. Excellent. Merci. Votre deuxième recommandation, elle, parle d'une sortie graduelle des énergies fossiles. Quand vous entendez... bien, je ne sais pas si vous avez pris connaissance des nouvelles dans les derniers jours, mais il y a eu l'exemple des Forges de Sorel, qui est une entreprise d'ici, qui est à Sorel, comme son nom le dit, et qui fait appel à des énergies fossiles et qui souhaitent sans s'en départir, qui aimerait décarboner ses procédés. Parce que, un, il y a un coût économique, là, cette entreprise-là est sur la bourse du carbone. Et là, vous... tu sais, on apprend que, dans le fond, ça leur a été refusé, cces mégawatts là qu'ils avaient besoin pour se décarboner. Ça, ça vous dit quoi sur l'objectif, dans le fond, de l'octroi de nos mégawatts actuels?

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, c'est comme on le disait, la priorité du projet de loi, puis ce qui semble être la priorité en ce moment du gouvernement, c'est vraiment d'aller vers attirer ici des entreprises pour développer encore plus le... Bon, faire du développement industriel principalement, ça apporte toutes sortes d'enjeux. On l'a vu dans le cas de Northvolt, pour ne pas le nommer, et que ça peut apporter où est-ce que... O.K., on réserve des blocs finalement d'électricité pour ces entreprises-là qui sont finalement sujettes aux aléas du marché, bien, il peut arriver ce qui arrive présentement. Et pendant ce temps là, bien, évidemment, des entreprises ici, au Québec, qui souhaitent décarboner, bien, doivent trouver d'autres façons de le faire. Ça, c'est quelque chose qui est déplorable. C'est pour ça qu'on mentionne que, notre électricité propre au Québec, ici, c'est... elle est excessivement précieuse, elle fait l'envie de plusieurs États dans le monde. Elle doit être utilisée en premier pour décarboner notre économie, pour assurer l'avenir énergétique de notre population et, par la suite, pour faire du développement industriel.

Mme Dufour : C'est clair. Quand vous... pour vous, là, les blocs d'énergie qui ont été attribués à Northvolt puis que, présentement, ne sont pas utilisés, est-ce que, pour vous, ça contribue à décarboner le Québec, comme le mentionnait le ministre de l'Environnement?

Mme Simard (Alice-Anne) : Présentement, non, parce qu'il n'y a pas de projet qui... présentement, c'est mis un peu sur la glace. Donc, présentement, non, ça ne contribue pas. Éventuellement, on le souhaite, évidemment.

Mme Dufour : Mais si le projet se réalise, est-ce que... Puis ça, c'est s'il se réalise, on est rendu probablement...

Mme Dufour : ...2029 et au-delà, est-ce que ça va quand même contribuer à décarboner le Québec, selon vous?

Mme Guyon (Anne-Céline) : Bien, ça va... Encore une fois, c'est un projet, on le sait, qui... Tu sais, il n'y a rien de dit que les batteries qui seront produites là seront utilisées au Québec, déjà un. Deux, je pense qu'il faut être clair qu'on parle ici de GES évités, mais pas de GES retirés. Donc, tu sais, il y a ça aussi, là. C'est comme... On parle surtout de vouloir aider à l'échelle mondiale. Bien sûr, évidemment, les GES n'ont pas de frontières, on s'entend, mais il y a quand même une priorité. À un moment donné, il y a des limites à habiller Jacques... à déshabiller Paul pour habiller Jacques, là. C'est un peu comme avec le dossier gazier où on nous dit, par exemple, qu'on n'a pas assez d'électricité pour aider les villes québécoises à sortir du gaz, et en même temps on est très fiers de dire que New York va se départir du gaz grâce à notre hydroélectricité. À un moment donné, il y a une question de cohérence et de bonne gestion responsable de notre hydroélectricité.

Mme Dufour : Donc, c'est incohérent. Ce serait incohérent, ce qu'on comprend, actuellement?

Mme Rancourt (Emmanuelle) : Puis, si je pouvais juste ajouter aussi, on l'a mentionné tantôt, l'énergie qui coûte la moins chère, c'est l'énergie pas consommée. Puis je regardais les passages de certains de nos membres de la coalition plus tôt en commission, puis je pense que c'était Mélanie Busby, du Front commun, justement, qui avait mentionné tout l'enjeu, justement, à ces batteries-là qui vont être pour des autos électriques. On peut se poser la question : Est-ce que les autos électriques, c'est la panacée ou est-ce qu'on doit reréfléchir aussi à notre système de transport, le transport en commun, le transport actif? Tout ça, c'est des questions, justement, qu'on pourrait vraiment creuser davantage si on prenait le temps d'avoir ce débat-là.

Mme Rizqy : Écoutez, je vous entends très bien dans ce que vous venez de dire, mais, transport collectif, vous comprendrez qu'aujourd'hui le gouvernement, et avec les citoyens, a voté pour les conservateurs, alors, clairement, ils vont retirer le financement pour le tramway, alors que nous sommes la seule capitale en Amérique du Nord avec plus de 500 000 habitants sans transport collectif structurant. Il n'y a même pas de question là-dessus.

Mme Dufour : Mais j'allais... j'allais justement parler, parce que vous avez mentionné le transport collectif. D'ailleurs, l'ancien ministre de l'Énergie et de l'Économie a fait un plaidoyer pour la réduction du nombre de véhicules sur nos routes. Est-ce que, selon vous, ça prend plus de transport collectif pour atteindre cet objectif-là?

• (15 h 20) •

Mme Simard (Alice-Anne) : On sort vraiment, là, d'un peu, là, de l'étude d'aujourd'hui, là, du projet de loi n° 69. Donc, évidemment, ça prend plus de transport collectif, c'est indéniable. Mais toutes ces questions-là, tous ces débats-là, tout ce manque de cohérence, évidemment, c'est pour ça que c'est essentiel de prendre notre temps, c'est pour ça, c'est essentiel d'analyser, de prendre... de prendre le temps d'avoir le débat public et d'analyser, finalement, quelles sont les ressources qu'on a actuellement, quel est le potentiel de ressources aussi qu'on peut développer, et que notre territoire peut supporter, et que la biodiversité peut supporter aussi. Et, maintenant, comment on distribue tellement ces ressources-là énergétiques, pour quel usage, où est-ce que c'est le plus pertinent, où est-ce que ça va nous permettre de décarboner l'économie, de s'assurer que la population a de la... une sécurité énergétique? Et ça, c'est par le plan de gestion intégrée des ressources énergétiques, c'est par un débat de société. Donc, toutes ces incohérences-là pourraient être réglées avec ça. Et c'est pour ça qu'on dit : Les choses sont faites à l'envers présentement. Il faut, par exemple, commencer par le PGIRE d'abord.

Mme Dufour : Oui, tout à fait. Même si ce n'est pas le sujet, le transport collectif, reste que, quand on lit que la ministre des Transports nous dit : Il y a plus d'argent pour le transport collectif, et que, d'un autre côté, on nous... on est devant, ici, des investissements majeurs, qu'on nous dit qu'on va avoir besoin d'investir et de dépenser des milliards, des milliards, des milliards pour créer de l'énergie qu'on a déjà vendue à des entreprises, qu'on est... ce n'est pas clair s'ils vont nous permettre de nous décarboner ou de nous amener là où on a besoin, et qu'on empêche des entreprises de chez nous de se décarboner. Il y a... Il y a énormément d'incohérences. Donc, je comprends que le transport collectif, ce n'est pas le sujet, mais il y a un lien malgré tout parce que c'est des vases communicants. L'argent qu'on met pour créer des nouveaux kilowatts, bien, c'est de l'argent qu'on... visiblement, on n'a pu pour le transport collectif.

Mme Simard (Alice-Anne) : Évidemment, il y a des liens parce que l'énergie, elle est partout dans notre vie et dans notre transport. Elle est là aussi dans nos bâtiments. Elle est là partout.

Le Président (M. Montigny) : ...

Mme Simard (Alice-Anne) : Évidemment qu'il y a des liens très forts. Mais c'est pour ça qu'on demande le débat public et surtout ça, qu'on... on veut s'assurer qu'avant tout on va vers une réelle décarbonation de l'économie du Québec qui est en harmonie avec le vivant, qui est au service aussi des ménages les plus défavorisés.

Mme Guyon (Anne-Céline) : Chose certaine, c'est que ça montre une chose, c'est que la question de la transition énergétique, ce n'est pas juste une question de production d'énergie. Il faut absolument travailler aussi sur l'aménagement du territoire, il faut travailler sur la gestion de nos matières résiduelles, il faut travailler sur notre agriculture, il faut travailler... Et c'est pour...

Mme Guyon (Anne-Céline) : ...aussi que j'ose aussi dire, on n'a peut-être pas la... les organes de gouvernance capables de, présentement, nous permettre cette interrelation entre les différents sujets sur lesquels il faut agir.

Mme Dufour : Oui. Et d'ailleurs vous mentionnez, dans votre rapport, c'est votre recommandation 5, de subordonner le PGIR à la Loi sur la qualité de l'environnement. Puis aussi, plus loin, de subordonner aussi à la politique-cadre sur les changements climatiques. Actuellement, on est plutôt sous l'impression que c'est l'inverse et donc que c'est le PGIR qui va dicter nos nouveaux objectifs climatiques. Donc, voilà. Alors, ça, c'est la compréhension, là?

Mme Simard (Alice-Anne) : Donc, en fait, présentement, c'est la transition énergétique qui servira à la transition socioéconomique, mais c'est le contraire, il faut voir quelle transition socioéconomique on a besoin et utiliser finalement la transition énergétique pour y arriver. Puis notamment, nous, c'est sûr qu'on déplore aussi le fait que Transition énergétique Québec a été, là, réabsorbé au sein de l'appareil gouvernemental. Pour nous, c'est clair que, pour s'assurer qu'on a une instance indépendante de toute ingérence politique partisane ou tout intérêt privé, on doit avoir... le mandat de la gouvernance du PGIR, finalement, devrait être donné à un organe indépendant qui serait un peu comme le nouveau ancien Transition énergétique Québec, là.

Le Président (M. Montigny) : 30 secondes.

Mme Dufour : Oui. Pour diminuer notre dépendance aux énergies fossiles, il faut aussi rapprocher nos chaînes d'approvisionnement. On parle... vous avez parlé de l'alimentaire, l'autonomie alimentaire. Quand on nous... on refuse des mégawatts à une entreprise qui pourrait faire une serre et nous nourrir chez nous et avoir le transport près, est-ce que ça aussi ça fait partie de l'incohérence du gouvernement?

Le Président (M. Montigny) : 10 secondes.

Mme Simard (Alice-Anne) : Exactement. Et ça fait partie, justement... ça montre bien, encore une fois, tous les liens, comment que l'énergie fait partie de toute notre vie et pourquoi ça prend une vision d'ensemble, là, pour tout ça.

Mme Dufour : Merci.

Le Président (M. Montigny) : Merci. Le temps est écoulé. Je cède maintenant la parole au député de Maurice Richard pour 3 min 28 s.

M. Bouazzi : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Mesdames, pour vos éclairages. Vous, et d'ailleurs plusieurs autres groupes, mais vous, vous l'avez fait avec beaucoup plus de passion, vous nous avez parlé de l'importance de sobriété, efficacité, et, ensuite, développement énergétique si on en a besoin. Est-ce qu'il y a des articles que vous pouvez nous pointer dans ce projet-là? Puisqu'on comprend qu'il y a plein d'articles pour le développement, est-ce qu'il y en a qui feraient référence... justement, qui faciliteraient la question de la... ou encadreraient la question de la sobriété ou de l'efficacité?

Mme Guyon (Anne-Céline) : Présentement, non, il n'y a pas d'article qui porte là-dessus. Au contraire, on voit très bien, par exemple dans la mission... dans la mission du ministre, on voit que le ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie aura pour mission de permettre le développement... excusez-moi, je retrouve la ligne exactement : «Pour mission en matière d'énergie, d'assurer une gestion responsable et intégrée des ressources énergétiques dans une perspective de transition énergétique et de développement économique». On voit très bien, là, qu'il y a vraiment... la manière dont est rédigé le projet de loi à l'heure actuelle, on voit vraiment qu'on est sur produire et très peu de vocabulaire... bien, pas du tout, en fait, de vocabulaire qui porte sur la sobriété. Puis j'ai envie de vous dire : On nous parle d'efficacité dans ce projet de loi là, ne confondons pas sobriété et efficacité, s'il vous plaît, ce qu'on a toujours tendance à faire. Donc, évidemment, l'une participe à l'autre, mais il faut vraiment qu'on fasse un travail de réduire notre consommation énergétique. Et, à l'heure actuelle, on ne le fait pas du tout. Tu sais, puis on n'est pas les seuls à le dire. En Europe, à l'heure actuelle, il existe plusieurs pays qui sont en train de mettre en place des politiques énergétiques avec des cibles de réduction. La France, par exemple, a une cible de 40 % de réduction, là.

M. Bouazzi : Et est-ce qu'on est d'accord pour dire que ce n'est pas parce qu'on fait du développement de nouvelles énergies qu'on baisse nos émissions de GES?

Mme Guyon (Anne-Céline) : Ah, bien, complètement.

M. Bouazzi : Alors que si on fait de l'efficacité ou de la sobriété, on est sûrs de baisser nos émissions de GES. C'est quand même évidemment inquiétant que, sur les trois piliers, il en manque deux. Et, sur le pilier qui reste, on ne l'encadre même pas pour s'assurer qu'il baisse les GES.

Vous avez fait un plaidoyer au début pour rappeler les enjeux, hein, qui sont les limites des capacités de la planète et puis même l'avenir de notre genre humain, de notre existence même sur cette planète. Comment vous voyez, vous, l'encadrement, justement, de la question de la sobriété pour respecter les limites de la planète?

Mme Simard (Alice-Anne) : Mais, déjà, c'est pour ça qu'on recommande. Juste qu'il y a... tant Hydro-Québec que le ministère de l'Énergie, l'Économie, l'Innovation, bref, que la Régie de l'énergie...

Le Président (M. Montigny) : 30 secondes...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...au cœur de leur mission déjà, puis que le gouvernement reconnaisse que la planète a des limites et qu'on ne peut pas exploiter indéfiniment les ressources naturelles, une croissance infinie est impossible et qu'on va être devant un mur éventuellement. Donc, déjà, juste de le reconnaître, de l'inscrire au cœur des missions et de se rappeler finalement qu'il y a des limites planétaires à respecter, c'est le territoire du Québec qui va devoir être... on ne peut pas forer partout pour avoir des minéraux critiques et stratégiques. Par exemple, on ne peut pas avoir des éoliens partout....

Le Président (M. Montigny) : Très bien.

Mme Simard (Alice-Anne) : ...on ne peut pas avoir des lignes électriques partout.

Le Président (M. Montigny) : Très bien. Merci. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon pour 3 min 38 s.

M. Paradis : Vous nous dites que le projet de loi n° 69 fera injustement reposer le coût du développement industriel sur les tarifs d'électricité, et donc vous nous recommandez d'éviter de faire ce que le projet de loi fait, c'est-à-dire de faire augmenter les tarifs résidentiels d'électricité.

Ensuite, vous nous dites que plusieurs dispositions du projet de loi n° 69 pavent la voie à la privatisation puis la production d'énergie, et vous nous dites, au contraire, qu'il faudrait que le projet de loi reconnaisse que l'énergie, c'est un service public dont les actifs sont stratégiques, ce qui ne devrait pas être confié au secteur privé. Mais surtout, et c'est là-dessus que j'aimerais vous entendre, c'est que vous nous dites : Sur ces questions-là, il n'y a pas eu de débat de société. On étudie le projet de loi, puis on n'a pas discuté de ça. Mais vous savez que vous êtes plusieurs à dire ça et que la ministre et le gouvernement va dire : Bien, oui, mais l'été passé, il y a eu des consultations, parce que, vous vous souvenez, il y a eu des consultations, là, et des questionnaires qui ont été passés, puis là on va vous dire : Ces consultations particulières, là, c'est un forum de débat public. C'est un peu l'échange que vous aviez avec mon confrère de Dubuc.

Est-ce que... C'est quoi, la différence? Qu'est-ce qui ferait que vous auriez un débat public? Vous, si on vous pose des questions, parce que vous pouvez poser des questions à la ministre ou au gouvernement... expliquez-nous c'est quoi avoir un véritable débat public puis quels sont les impacts de ne pas en avoir un.

• (15 h 30) •

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, il peut y avoir des consultations régionales qui sont... et on a vu dans plusieurs autres projets de loi ou plan ou stratégie. Nous, on suit plusieurs dossiers comme ça. Tu sais, dans le dossier caribou, par exemple, il y a eu des consultations d'une commission indépendante qui a parcouru le Québec, qui a pris en compte des considérations, des solutions mises de l'avant par les partenaires régionaux. Bref, il peut y avoir des... ce type de consultation là, au moins que les gens puissent se faire entendre, que les acteurs puissent se faire entendre. Ça reste que c'est bien intéressant, on est choyés d'être ici puis on est choyés d'être invités, mais ça reste une poignée d'acteurs de la société civile qui ont la chance de venir s'exprimer en commission. Il faut aller plus largement que ça.

Puis, pour revenir juste sur les tarifs, ce que vous le mentionnez, c'est l'analyse mathématique est aussi simple. Présentement, ça coûte environ 0,03 $ du kilowattheure pour produire de l'électricité. Ça va en coûter 0,11 $ pour la nouvelle production. Il va falloir éventuellement que quelqu'un paie ça quelque part. Puis ce n'est pas Nature Québec qui le dit, c'est l'Union des consommateurs. Avec ce projet de loi là, les factures résidentielles d'électricité pourraient doubler d'ici 2035.

Mme Guyon (Anne-Céline) : Moi, j'ai juste envie de dire la création d'Hydro-Québec a façonné le Québec d'aujourd'hui. Les décisions qu'on prendra aujourd'hui façonneront le Québec de demain. C'est pour ça que ça prend un débat éclairé et public, parce que tout le monde a son mot à dire. Les Québécois et les Québécoises doivent être engagés autour de ce débat-là.

Le Président (M. Montigny) : Merci. Alors, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission. Je suspends les travaux pour quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 31)


 
 

15 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 15 h 35)

Le Président (M. Montigny) : Nous reprenons donc nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue à l'Alliance de l'énergie de l'Est. Je vous rappelle que vous disposez donc de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons par la suite à des échanges avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé dès maintenant.

M. Lagacé (Michel) : Merci, M. le Président de la commission, Mme la ministre, distingués membres de la commission, l'Alliance de l'énergie de l'Est tient à saluer le dépôt du projet de loi n° 69 assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques par le gouvernement du Québec. Ce projet marque une avancée cruciale dans la transition énergétique de notre province, une transition que nous considérons comme l'un des plus grands défis de notre temps et nous offre l'occasion de revoir en profondeur notre manière de consommer, de produire de l'énergie afin d'atteindre les objectifs ambitieux de carboneutralité d'ici 2050. Pour réussir cette transformation, il est impératif de renforcer notre production d'énergies renouvelables, notamment en mobilisant les municipalités, les MRC et les Premières Nations. Ces acteurs locaux doivent être au cœur des décisions car leurs territoires seront directement impactés par les projets de développement énergétique. Parallèlement, l'optimisation et le renforcement des réseaux de transport électrique sont essentiels à la mise en place de nouvelles infrastructures d'énergies renouvelables. Aujourd'hui, nous avons l'opportunité d'amorcer un virage historique en matière d'énergie. C'est pourquoi nous remercions la Commission de nous permettre de contribuer à ce débat crucial pour l'avenir de nos régions et de notre société. Les recommandations que nous soumettons aujourd'hui s'inscrivent dans cette vision de développement énergétique régional. Elles visent à faciliter l'atteinte des objectifs collectifs tout en répondant aux réalités spécifiques des territoires de l'Est du Québec. Nos propositions s'articulent autour des quatre axes de développement de l'Alliance soit le transport électrique, l'éolien, la petite hydroélectricité et le solaire. Avant de commencer, permettez-moi de vous présenter brièvement l'Alliance des énergies de l'Est. L'Alliance fut fondée en 2023, mais ses racines remontent à 2014. Elle est le fruit d'une initiative régionale regroupant 209 communautés locales, 15 territoires de la MRC, la communauté maritime des Îles-de-la-Madeleine, de même que la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk. Notre mission est simple et ambitieuse : développer et exploiter des projets d'énergies renouvelables sur notre territoire. Nous avons à cœur d'optimiser l'impact économique, social, environnemental de ces projets en travaillant moins main dans la main avec les promoteurs privés et Hydro-Québec. Par cette approche, nos collectivités locales se réapproprient les projets énergétiques et s'assurent qu'ils répondent à leurs besoins en termes d'acceptabilité sociale et d'intégration harmonieuse dans leur développement... dans leur environnement, excusez. L'Alliance joue aujourd'hui un rôle clé dans le secteur de l'éolien au Québec, avec des partenariats de plus de 326 mégawatts en exploitation et de 1 400...

M. Lagacé (Michel) : ...26 mégawatts en développement. Nous sommes reconnus pour notre leadership et notre capacité à mobiliser les acteurs locaux autour d'une vision durable et innovante de l'énergie. L'Alliance de l'énergie de l'Est a démontré le succès de son modèle de partenariat égalitaire avec des producteurs privés dans la filière éolienne avec ses 326 mégawatts de projets en opération. Les communautés membres actionnaires, les 340 000 actionnaires de l'Alliance ont généré plus de 80 millions de dollars de revenus autonomes depuis 2016. L'Alliance incarne une réussite en matière de transition énergétique juste et de réconciliation économique avec les Premières Nations. Ces partenariats permettent d'allier l'expertise des promoteurs... producteurs privés en développement éolien à la capacité de l'alliance à garantir l'acceptabilité sociale des projets.

Un exemple marquant est le projet Madawaska, d'une puissance de 278 mégawatts, développé avec Hydro-Québec et EDF renouvelable, facilitant ainsi l'intégration d'Hydro-Québec dans le secteur éolien. Ces collaborations ont permis de développer rapidement des projets énergétiques compétitifs qui répondent aux besoins du Québec, tout en maximisant les retombées économiques pour les communautés locales. C'est pourquoi le gouvernement et Hydro-Québec ont favorisé cette approche dans les récents appels d'offres d'approvisionnement en électricité.

L'alliance recommande vivement de maintenir ces partenariats dans les futurs projets énergétiques et espère appliquer l'expérience acquise dans l'éolien à d'autres filières d'énergies renouvelables. Notre première recommandation concerne le plan de gestion intégrée des ressources énergétiques. Nous recommandons d'amender l'article 14.3 de la Loi sur le ministère de l'Économieet de l'Innovation, tel que proposé dans l'article quatre du projet de loi n° 69, afin d'y inclure une obligation de consultation des municipalités et des Premières Nations. En effet, ces acteurs doivent être pleinement intégrés à la gouvernance des ressources énergétiques. Les régions doivent être directement associées à la conception et la rédaction du plan de gestion intégrée des ressources énergétiques.

Pour ce faire, l'équipe chargée de la préparation du PGIR, qu'elle soit politique, administrative ou hybride, devrait aller en région pour discuter avec les préfets, les maires, les populations locales et bien entendu les premières communautés, les communautés autochtones. Il ne s'agit pas seulement de tenir compte des orientations et priorités des différents milieux, il faut les associer directement aux discussions et aux décisions.

• (15 h 40) •

La deuxième recommandation vise la capacité d'exploiter une centrale hydroélectrique dans le cadre d'un partenariat égalitaire. L'Alliance propose de modifier la loi sur les compétences municipales pour permettre l'exploitation de centrales hydroélectriques dans le cadre de partenariats égalitaires entre le secteur privé et les collectivités locales. Tel qu'actuellement rédigée, la loi sur les compétences municipales ne permet pas de transposer à la filière hydroélectrique l'approche de partenariat égalitaire qui est privilégiée non seulement par les membres de l'Alliance, mais également par les appels d'offres d'approvisionnement en électricité d'Hydro-Québec depuis 2013, lesquels favorisent la participation communautaire jusqu'à 50 % ou plus pour faire suite au décret adopté en ce sens par le gouvernement du Québec.

Dans le cadre légal actuel, lorsqu'une municipalité locale ou régionale souhaite exploiter une entreprise qui produit de l'électricité au moyen d'une centrale hydroélectrique, les deuxièmes alinéas des articles 17.1 et 111 de la Loi sur les compétences municipales exigent aux municipalités de contrôler ladite entreprise. À cet égard, il est difficile de justifier cette différence de traitement entre la filière hydroélectrique et les filières de production de l'électricité provenant de d'autres sources d'énergie renouvelable. Il est donc proposé de considérer un amendement de ces alinéas afin d'accorder un partenariat égalitaire, une reconnaissance équivalente au contrôle municipal.

La troisième recommandation vise l'aliénation d'immeubles destinés à l'exploitation d'ouvrages hydroélectriques, dont la puissance attribuable à la force hydraulique du domaine de l'État est égale ou inférieure à 100 mégawatts. Cette volonté du gouvernement est en phase avec le désir préalablement énoncé de l'Alliance et des communautés locales visées de voir les installations hydro... hydrauliques de Métis un et deux appartenant à Hydro-Québec production... d'être valorisées et, par le fait même, redonner aux citoyens l'accès aux berges de la rivière métisse en aval de la majestueuse chute du même nom.

Nous préconisons la mise en place d'un calendrier de mise en œuvre spécifique pour les dispositions des articles 116 à 119 du projet de loi. Cette recommandation est particulièrement importante pour ce projet de valorisation des installations hydroélectriques Métis un et deux. Ce calendrier permettrait à ces installations de bénéficier des dispositions facilitant l'aliénation des immeubles concernés et ainsi accélérer le processus de mise en valeur de ces infrastructures pour le bénéfice de la transition énergétique.

Notre quatrième recommandation est un lien avec la planification du réseau de transport. Depuis de nombreuses années, une portion grandissante du territoire de l'alliance est affectée par une congestion du réseau de transport qui limite grandement son développement énergétique. De façon générale, le déploiement de projets d'énergie renouvelable a été ralenti, voire...

M. Lagacé (Michel) : ...été empêché par les nombreuses incertitudes entourant la possibilité de les raccorder au réseau de transport. L'Alliance va donc d'un œil très favorable l'élaboration d'une stratégie sur le transport qui tiendrait compte de son grand potentiel énergétique, de ses capacités à répondre adéquatement aux besoins de la transition énergétique québécoise.

Nous suggérons d'amender l'article 85.1.1 de la Loi sur la Régie de l'énergie pour inclure encore une fois une obligation de consultation des municipalités, MRC et Premières Nations. Il est crucial que les communautés locales aient leur mot à dire dans la planification des infrastructures énergétiques, car ces projets auront un impact direct sur leur quotidien. De plus, nous recommandons d'ajouter une notion de révision périodique tous les six ans afin de s'assurer d'une planification adaptée aux réalités en constante évolution.

Dans la même veine, nous proposons d'amender l'article 85.1.2 pour que les informations sur les capacités de raccordement au réseau de transport électrique soient rendues accessibles au moins une fois par an. Une meilleure transparence dans l'accès à ces données permettrait une planification plus efficiente des futurs projets énergétiques.

En conclusion, l'Alliance de l'énergie de l'Est se tient prête à collaborer avec le gouvernement et les parties prenantes pour faire avancer ces réformes essentielles. Nous croyons que le projet de loi n° 69 constitue une opportunité unique de... de moderniser notre cadre législatif en matière d'énergie et de mettre en place des conditions qui sont propices à un développement durable et inclusif de nos ressources énergétiques.

Tout simplement pour illustrer, les projets éoliens au Bas-Saint-Laurent, qui ont été mis en place, bien, il y a 80 % de l'énergie produite par ces parcs-là, au Bas-Saint-Laurent, sont consommées au Bas-Saint-Laurent. Il y a une étude qui a été faite par le FabRégion il y a de cela deux ans. Et il y a aussi une réalité : plus de 50 % de l'énergie qui est consommée au Bas-Saint-Laurent, ce sont des combustibles fossiles, donc il y a encore matière à amélioration.

Nous tenons à vous remercier, M. le Président, Mme la ministre, distingués membres de la commission, pour votre écoute et votre engagement envers ce processus législatif. Ensemble, nous avons la chance de tracer la voie vers un avenir énergétique plus vert, plus juste et plus résilient. Merci.

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup, M. Lagacé, pour votre exposé. Alors, nous allons maintenant commencer la période d'échange. Mme la ministre, vous disposez d'un temps de parole de 16 minutes 30 secondes.

Mme Fréchette : Oui. Merci, M. le Président. Merci, M. Lagacé. Merci à vous quatre d'être des nôtres. J'avais bien hâte de vous rencontrer parce que j'ai fréquemment entendu parler de l'Alliance, soit de par mes collègues ou quand j'étais en Gaspésie récemment. Vous êtes vraiment un cas d'exemple. Et quand vous dites qu'il faut ouvrir la voie pour l'avenir de l'énergie au Québec, bien, vous, vous l'avez déjà commencé, ce processus d'ouverture de la voie pour renouveler les approches. Donc, mes félicitations, parce que vraiment, vous avez une approche novatrice qui, manifestement, donne des belles retombées.

J'aimerais ça entendre parler d'ailleurs davantage, là, des retombées que ça a pu générer pour votre... vos communautés, en fait. Donc, vous avez parlé de 80 millions de dollars en retombées depuis 2016. Comment ont été utilisés ces revenus-là? À quoi ça a servi? Est-ce que c'est pour renforcer votre initiative de départ ou c'est pour redistribution dans les communautés? Parlez-moi un peu de ces flux, là, des retombées.

M. Lagacé (Michel) : Je dirais que c'est propre, je dirais, à chaque territoire des MRC. Dans le cas des deux régies qui composent l'Alliance de l'Est, 60 % des bénéfices sont versés en faveur de la Régie de l'énergie du Bas-Saint-Laurent, qui regroupe les huit territoires des MRC, la Première Nation... de même qu'on a mis en place, il y a de cela quelques années, un fonds de développement régional pour soutenir des initiatives régionales qui répondent aux besoins des Bas-Laurentiens. C'est le cas... On fait en immigration notamment, donc en développement social, en agroalimentaire, donc on fait des investissements colossaux. Dans le cas du CRB, le fonds, il y a eu 5 millions en bénéfices éoliens qui ont été transférés envers le CRB. Ça a permis de lever des ententes, notamment avec des ministères du gouvernement du Québec, des ententes d'une valeur de plus de 50 millions de dollars. Donc, c'est clair que ça a un impact intéressant.

Dans le cas de la MRC de Rivière-du-Loup, on souhaite... on soutient notamment des organismes qui viennent en soutien à des personnes qui vivent en contexte de vulnérabilité, des organismes communautaires notamment. Donc, on soutient des initiatives territoriales. Puis les communautés qui sont actionnaires, bien, reçoivent aussi des bénéfices qui leur permet notamment de mieux, je dirais, répondre aux besoins citoyens. Je pense à la ville de Rivière-du-Loup, qui, il y a de cela quelques années, a appuyé un projet de développement du... à l'époque, on appelait ça les commissions scolaires, et c'était... c'était un centre intérieur pour la pratique du soccer, notamment, puis des activités liées... sportives. Donc, il y a... ces sommes-là servent de...

M. Lagacé (Michel) : ...leviers pour mieux répondre aux besoins des citoyens, puis je vous dirais que dans le cas de la MRC de Rivière-du-Loup, durant la pandémie, on a utilisé beaucoup de ces sommes-là pour assurer des messages de... pour favoriser une meilleure contribution des citoyens aux objectifs de faire attention en lien avec les mesures sanitaires. Donc, on s'en est beaucoup servi et on a travaillé de façon très étroite avec le CISSS du Bas-Saint-Laurent pour... justement pour faire percoler des messages. Notamment parce qu'il n'y avait plus d'école, il y avait de l'inquiétude par rapport aux enfants qui pouvaient se retrouver dans des contextes difficiles, donc il y avait des éléments de vigie qui ont été mis en place entre les MRC, les municipalités locales et le CISSS du Bas-Saint-Laurent.

Mme Fréchette : Intéressant. Dans quelle mesure vous pensez que votre expérience à vous est transposable à d'autres régions, là? Qu'a été le... la flamme de départ que... le détonateur, là, qui a permis de mettre en place, là, tout ce que vous avez expliqué?

M. Lagacé (Michel) : Bien, je dirais essentiellement que, lorsqu'il y a eu les premiers appels d'offres en... des projets communautaires de moins de 25 mégawatts, il y avait eu des discussions au Bas-Saint-Laurent sur : Est-ce qu'on fait des mises en commun? Il n'y a pas eu... Il n'y a pas eu ce niveau d'adhésion là à ce moment-là. Mais, en 2014, on a eu des discussions entre le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, en se disant : Est-ce qu'on se fait compétition entre nous ou on s'entend, on fait des mises en commun au niveau des ressources, on va chercher les ressources compétentes puis on fait une mise en commun pour diminuer les risques via nos possibilités de financement? Puis on a eu une entente qui a été intéressante entre les deux régions administratives, mais on a mis en compétition nos partenaires privés. Donc, le gouvernement du Québec... Hydro-Québec a eu des prix intéressants par l'entremise de la mise en compétition des partenaires privés.

Dans le cas de la... du territoire de l'alliance, en 2023, on a additionné les territoires de MRC de Montmagny, L'Islet. Donc, aujourd'hui on couvre, de Montmagny aux Îles-de-la-Madeleine, 209 communautés. C'est vraiment cela, le... Dans le fond, aujourd'hui, peu importe où est le projet, les communautés et les MRC actionnaires reçoivent un bénéfice et reçoivent aussi une partie des redevances qui sont en lien avec la mise en place de parcs éoliens. Donc, on a décidé de travailler ensemble, puis, dans le cas du Bas-Saint-Laurent, on a une espèce de forme de péréquation où chaque territoire de MRC prend un même risque et chaque territoire de MRC a accès à un même bénéfice. Donc, la MRC des Basques, qui a 8 800 de population, retire le même bénéfice que la MRC de Rimouski-Neigette, avec plus de 50 000 citoyens.

• (15 h 50) •

Mme Fréchette : Qu'elle participe ou non aux initiatives que vous mettez de l'avant, il y a un bénéfice, une retombée qui est prévue, là?

M. Lagacé (Michel) : Oui. Ils participent via le financement des projets...

Mme Fréchette : O.K.

M. Lagacé (Michel) : ...et les bénéfices sont répartis de façon équitable.

Mme Fréchette : Répartis. O.K., intéressant. Qu'est-ce que vous associez comme plus-value, comme retombées quand la communauté... les communautés, les acteurs terrain, là, participent à ces initiatives-là? Il y a une forme d'acceptabilité sociale qui est intrinsèque, là, j'imagine, là.

M. Lagacé (Michel) : Oui, tout à fait, tout à...

Mme Fréchette : Parlez-nous un peu des retombées positives de cette approche-là.

M. Lagacé (Michel) : Tout à fait. Il faut se rappeler de 2004. Il y avait eu le projet SkyPower, sur le territoire de la MRC de Rivière-du-Loup, un projet qui avait été déposé en l'absence de toute consultation avec les communautés locales, avec le territoire de la MRC. Ça a fait école au Québec, il y a eu un BAPE qui a été désastreux pour le projet, mais très instructif pour la MRC de Rivière-du-Loup puis les partenaires publics. La population locale a bien vu qu'on avait intérêt non pas à vendre notre territoire, mais à développer notre territoire, ce qui a permis, à la suite, là, de développer un projet à la hauteur de la MRC de Rivière-du-Loup, un projet communautaire de 24,6 mégawatts.

Mais il est clair que la... lorsqu'il y a des projets qui ne se sont pas réalisés dans le passé, on pense à Sainte-Luce ou SkyPower, dans la MRC de Rivière-du-Loup, c'est parce que ça s'était fait derrière des portes closes, en l'absence de consultation avec les communautés locales et avec les MRC. Aujourd'hui, l'actionnariat fait en sorte que chaque territoire de MRC, chaque communauté locale reçoit un bénéfice intéressant qui lui permet de mettre en place une réponse aux besoins citoyens, communauté par communauté, territoire par territoire, puis, dans le cas de la première nation Wolastoqiyik, là aussi, on a une collaboration extraordinaire avec la première nation, parce qu'on a développé des arrimages qui nous permettent de mieux travailler ensemble.

Mme Fréchette : Donc, pour vous, la place du privé dans la production et les projets énergétiques, ça a sa propre valeur, là, ça a des retombées intéressantes si ça concerne les communautés, particulièrement?

M. Lagacé (Michel) : Je dirais qu'on a développé... Vous savez, ça n'a pas été un passage facile, là. Les premières années, quand le public s'avançait la tête, souventefois on se faisait dire : Whoosh, whoosh! Mais les gens ont compris qu'un projet qui se réalise amène des retombées économiques. Un projet qui ne se réalise pas en l'absence de partenariats, bien, bien entendu, il n'y a pas de retombées économiques, puis les sommes investies pour le développement, bien, elles sont perdues. Ça fait que l'arrivée des partenaires publics dans l'actionnariat, c'est intéressant. D'ailleurs, quand il y a eu l'appel d'offres...

M. Lagacé (Michel) : ...2021. On a voulu aussi intéresser Hydro-Québec Développement. On a eu une entente avec Hydro-Québec Développement. Hydro-Québec s'est virée dans sept semaines pour nous offrir une réponse qui était quasi inimaginable au départ. Et donc, dans sept semaines, ils sont arrivés à la conclusion qu'ils souhaitaient embarquer dans l'actionnariat avec nous. C'est le projet que je parlais tantôt, le projet Madawaska, tiers, tiers, tiers. Et c'est une façon intéressante d'amener les expertises des uns et des autres, les publics que nous sommes par rapport à l'acceptabilité sociale, mais l'intégration paysagère notamment, parce qu'on a une préoccupation sur l'insertion, l'intégration paysagère. Hydro-Québec, avec sa capacité, effectivement, financière... Mais, au-delà du financement, c'est d'aller aussi à la rencontre des populations, le partenaire privé en lien avec une connaissance technologique des éléments, turbines, pales, les plus appropriés pour la mise en place d'un projet de parc éolien.

Mme Fréchette : Et comment vous verriez qu'on doit organiser la consultation auprès des acteurs municipaux, auprès des Premières Nations dans le cadre de l'élaboration du PGIRE. Est-ce que votre expérience à vous, là, donnerait des... comment dire, des leçons à tirer sur la bonne façon de s'y prendre pour le PGIRE?

M. Lagacé (Michel) : Bien, c'est clair, comme on le disait tantôt, là, qu'il y ait des arrimages à la hauteur des territoires de MRC avec les MRC concernées, avec les Premières Nations. C'est sûr que ça, c'est... je dirais, c'est un passage nécessaire, je vous dirais, même c'est un passage obligatoire, parce qu'on occupe nos régions, on occupe nos territoires, on est présents dans nos territoires, on connaît les sensibilités citoyennes. Puis ça... ça pourrait permettre effectivement d'avoir des plans de gestion intégrée des ressources énergétiques qui pourraient mieux répondre aux attentes du citoyen. Puis je dirais que, dans les dernières années... Bien, les deux dernières années, ce qu'on a vu, c'est... encore une fois, c'est la réaction citoyenne, parce que... devant l'inconnu. Devant l'inconnu, des fois on en a... on est un peu plus hésitant. Donc, d'interpeler les élus, les préfets, les préfectures, les maires, les conseils municipaux, les... puis ils vont pouvoir aller à la rencontre de leurs citoyens, ça, je pense que ça serait davantage gage de réussite puis ça... ça permettrait à tout le monde de... d'identifier de quelle façon on peut se projeter par rapport au développement énergétique sur notre territoire. Puis, comme je me plais à dire, le développement des énergies renouvelables, ça ne peut pas être uniquement la panacée d'une région, d'un territoire, ça doit concerner tous les Québécois. Parce que la transition énergétique, ça concerne tout le monde. Puis, quand on parle de diminution des gaz à effet de serre, bien, ça concerne tout le monde. Puis, quand on voit ce qui s'est passé cet été, notamment dans le coin de Louiseville, pratiquement en plein centre-ville industriel, quatre pieds d'eau, bien, ça veut dire qu'il y a un dérèglement, puis la meilleure façon d'adresser le dérèglement, bien, c'est de s'affranchir des combustibles fossiles, notamment. La sobriété, l'efficacité énergétique, on en est aussi, on le souhaite, et, dans nos milieux, on y travaille.

Mme Fréchette : Et j'imagine qu'une fois que vous avez commencé à initier des projets, bien, ça a convaincu d'autres communautés à proximité, adjacente, parce qu'ils ont vu les retombées, puis ils se sont dit : Bien, nous aussi, finalement, on serait intéressés. C'est comme ça... ça a pris de l'ampleur?

M. Lagacé (Michel) : Oui, tout à fait, tout à fait. Il y a de cela quelques semaines, on était avec M. Thériault à la MRC des Sources, où ils ont des projets d'énergie renouvelable. Dans le cadre d'un forum citoyen élu, on a partagé l'expérience de l'Alliance d'énergie de l'Est. Puis, le préfet nous rappelait que... il nous disait que ça avait été une expérience intéressante pour la population locale, qui avait pu voir que des... il pouvait y avoir des expériences positives au travers du développement à des énergies renouvelables. Je dirais qu'on ne manque pas une occasion. À toutes les fois où est-ce qu'il y a des gens qui nous interpellent, appellent, on se déplace. On est généreux de notre présence. Parce qu'on pense que le modèle qui est développé dans l'Est du Québec peut être aussi initié ailleurs, en faveur des citoyens et des communautés. Parce que, je le répète, quand tu utilises davantage l'énergie renouvelable, bien, tu t'affranchis des combustibles fossiles.

Mme Fréchette : Oui. Merci. Très inspirant, vraiment. Je vais céder la parole aux collègues, M. le Président.

Le Président (M. Bernard) : Merci, Mme la ministre. Je cède donc la parole au député de Masson. Vous disposez d'une période de quatre minutes 45 secondes.

M. Lemay : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci d'être avec nous en commission. Je vais aller avec votre recommandation numéro quatre à la page neuf de votre mémoire. Vous venez de mentionner justement le fait que... attendez, je vais aller... tourner à la bonne page. Vous venez de mentionner qu'au niveau du transport puis de l'interconnexion au niveau de la distribution... Dans le fond, ce que vous dites, c'est que vous êtes limités, présentement, vous avez de la difficulté à pouvoir avoir de la prévisibilité sur les coûts d'interconnexion puis vous n'avez pas la capacité... justement, nous étions à Rimouski dernièrement, et... ont mentionné que tous les projets pour lesquels on avait... on avait de l'appétit pour aller de l'avant avec des projets, notamment en éoliens...

M. Lemay : ...bon, là, je comprends que si vous ne savez pas comment ça peut coûter puis si vous êtes capable de la distribuer sur le réseau, ça peut être problématique. Alors, vous venez proposer, à votre recommandation numéro 4, de faire un amendement, à l'article 58 du projet de loi, qui vise l'article 85.1.1 d'une autre loi, là, justement, sur le transport d'électricité, par laquelle on doit soumettre à la régie un plan d'approvisionnement. Dans le fond, c'est le distributeur d'électricité qui doit soumettre ce plan d'approvisionnement. Est-ce que je comprends votre amendement, ça serait d'intégrer le fait qu'il y a des consultations du monde municipal, mais aussi des communautés autochtones? Donc, s'il y avait ces... consultations-là, puis vous dites aussi même qu'il pourrait y avoir une révision aux six ans pour être en phase avec d'autres articles du projet de loi, ce que je comprends, est-ce que vous... Si vous aviez ces consultations-là, c'est quels éléments que vous présenteriez dans le plan de développement du réseau de transport d'électricité?

M. Thériault (Jean-François) : Bien, merci pour la question. Donc, l'intervention des communautés dans la planification du réseau de transport, c'est surtout en lien avec la capacité d'exploiter les ressources naturelles du territoire, en toute connaissance de cause, sur le développement et l'utilisation actuelle du territoire. Donc, par la présence sur le territoire des différentes communautés, par les plans de développement, les plans d'aménagement, on connaît bien l'utilisation qui en est faite. On est capable tôt, dans le processus consultatif, d'identifier les territoires qui sont propres à l'exploitation de la ressource plutôt que d'agir a posteriori lorsqu'il y a un développement théorique qui serait prévu.

Donc, la consultation, la consultation initiale permet ce partage de connaissances là sur la potentialité de l'acceptabilité sociale d'une portion du territoire ou de la totalité de celui-ci lorsqu'on est consulté.

M. Lemay : Donc, vous, vous êtes... O.K. Puis, après ça, votre révision aux six ans pour être en cohérence avec le PGIR.

• (16 heures) •

M. Thériault (Jean-François) : Bien, donc l'utilisation du territoire, c'est un processus qui est évolutif. Donc, ce qu'on connaît aujourd'hui de la façon qu'il est exploité, de la façon qu'il est aménagé, est en constante évolution. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il faut s'inscrire dans un processus itératif pour s'assurer que l'évolution de son utilisation, son aménagement est transposé dans la planification du réseau, sil y a des interventions à faire sur le territoire.

M. Lemay : O.K. Je comprends qu'il reste 30 secondes environ.

Le Président (M. Bernard) : Une minute, 13.

M. Lemay : Une minute, 13. Bon, écoutez, au niveau du solaire et du stockage que vous venez de mentionner, c'est que, si on faisait... si vous pouviez y aller, notamment pour les communautés autochtones que vous avez sur votre territoire, ça pourrait être intéressant. Est-ce que ça serait seulement pour les communautés autochtones, ou vous pourriez l'utiliser aussi avec le stockage et le solaire ailleurs sur votre territoire?

M. Durany (Gabriel) : C'est sur l'ensemble du territoire. Merci pour la question. Le développement solaire et le développement stockage pour nous, c'est dans notre terroir énergétique. Parce que la question que vous posez, c'est toutes les régions vont avoir leur terroir énergétique, leur réalité. Nous, dans notre réalité, la congestion de réseaux, le fait d'être en bout de ligne, et tout ça, d'amener du solaire puis du stockage, c'est vu comme une démarche de renforcement du réseau, ce qui ne serait pas forcément la même réflexion à Montréal, tu sais. C'est quand on parle de PGIR puis de plan de transport, de réaliser que la réalité régionale va amener un regard différent sur les différentes technologies, puis une utilisation différente sur le réseau aussi. Dans notre cas, c'est ouvert à tout le monde. Puis nos partenaires autochtones, bien entendu, ont le même intérêt que nos membres municipaux, là. Cette énergie-là, d'ailleurs, en Gaspésie, vous savez peut-être qu'une des trois communautés de... micmaque a déployé un projet solaire dans une des communautés, donc, c'est déjà en mouvement.

Le Président (M. Bernard) : Merci. Merci beaucoup. Le temps est écoulé. Je cède maintenant la parole... excusez-moi, à l'opposition officielle, Mme la députée de Saint-Laurent, vous disposez d'une période de 10 minutes, 24 secondes.

Mme Rizqy : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, messieurs. Bienvenue à notre commission. Merci aussi pour votre mémoire. Nous, on a eu, la semaine passée, des échos par rapport aux Îles-de-la Madeleine, où est-ce qu'il y a eu un projet en partenariat public-privé , où ça s'est fait dans le respect évidemment avec la population locale, où est-ce que les gens ont été vraiment consultés pour l'implantation de deux éoliennes? Ça s'est bien passé, c'est ce qu'on nous a rapporté. Vous avez d'autres projets qui pourraient voir le jour, est-ce que c'est le même exemple que vous aimeriez, un tiers la ville, un tiers qui est privé, puis un tiers, Hydro-Québec? Ça, c'était dans le cas des Îles-de-la-Madeleine.

M. Lagacé (Michel) : Bien, dans le cas des Îles-de-la Madeleine, tu pourras peu- être poursuivre tantôt, Jean-François, mais dans le cas des Îles-de-la-Madeleine, ce qui est intéressant, c'est quand on parle de transition énergétique, puis je disais tantôt, d'affranchisssement des combustibles fossiles...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Lagacé (Michel) : ...a permis le retrait de 7 millions de litres de mazout. Donc, ça, c'est une excellente nouvelle. Le prochain projet, qui s'appelle Grosse-Île pourrait avoir des impacts aussi fort intéressants, mais en ce qui a trait à la consultation populaire...

M. Thériault (Jean-François) : Bien, les Îles-de-la-Madeleine, effectivement, c'est un projet qui a été développé en collaboration avec la communauté maritime, la régie intermunicipale était en Gaspésie à l'époque, et Hydro-Québec... parce qu'on a identifié la potentialité du territoire, identifié le site, on a consulté... on a rapidement constitué un comité de liaison pour aller à la consultation de la population tôt dans le processus. Puis Hydro-Québec, dans ce projet-là, est un partenaire qui n'est pas un partenaire à l'intérieur du projet, mais bien un partenaire sur le territoire, parce que tout ça s'intègre avec le réseau isolé des Îles-de-la-Madeleine. Mais le processus de consultation est demeuré.

Donc, les comités de liaison sont hyperimportants et pertinents dans tout développement éolien. Puis l'expérience vécue avec les Îles-de-la-Madeleine, entre autres, nous a permis d'adapter cette démarche-là à l'ensemble de nos projets où on... Même lorsqu'il y a des appels d'offres et les consultations publiques ne sont pas une disposition ou une obligation dans les appels d'offres, on exige à nos partenaires d'aller à la rencontre des populations. On accompagne nos partenaires dans ces consultations-là, même pour des projets qui sont que des projets potentiels, donc qui seront ultimement déposés aux appels d'offres pour s'assurer que les populations ont été consultées, on recueille leurs commentaires. Ça fait souvent évoluer les projets, ça fait aussi... ça porte réponse de toutes les parties. Donc, on apprend beaucoup sur l'utilisation du territoire de cette façon-là et les populations apprennent aussi beaucoup sur la façon qu'on veut mener à bien les projets. Donc, les Îles-de-la-Madeleine a été un bon exemple de ce processus consultatif là qui a été mis de l'avant.

Mme Rizqy : Et de façon plus spécifique à ma question au niveau du partage, un départ, ce serait quoi l'idéal?

M. Thériault (Jean-François) : Bien, effectivement. Donc, le projet, qui est un bon exemple, c'est le projet de Madawaska qui a vu le jour à la suite de l'appel d'offres 2021-01, où, effectivement on a un partenariat tiers-tiers-tiers avec l'alliance, le partenaire privé qui est EDF Renouvelables et Hydro-Québec, où, comme M. Lagacé le mentionnait, on trouve que chacun apporte à la table son niveau d'expertise et sa plus-value. Et ce serait un... c'est un modèle, effectivement, qui serait reproductible et efficace à notre... selon ce qu'on voit et selon l'expérience qu'on vit présentement. Donc, c'est aussi encore là une belle école de mettre un premier projet de l'avant, d'apprendre de ces expériences-là, mais, effectivement, on trouverait un bon modèle pour la suite des choses, pour notre territoire du moins.

Mme Rizqy : Là, on parlait de l'éolien. Là, je vais aller dans une de vos recommandations au niveau des barrages. Une exploitation d'une centrale hydroélectrique dans le cadre d'un partenariat égalitaire entre le milieu local et le secteur privé. Présentement, on a quand même plusieurs municipalités qui ont de la misère d'un point de vue financier. Ce serait quoi, les garanties? Parce qu'exploiter un barrage hydroélectrique, ça vient quand même avec un effort financier considérable.

M. Lagacé (Michel) : Bien, je vais peut-être... dans le cas des projets éoliens, puis, après ça, je vais aller vers les minis centrales. Le projet éolien, on en a, et je le disais tantôt, pour 1 426 mégawatts. À 3 millions du mégawatt, c'est 4,2 milliards en investissements pour le 1 426 mégawatts. C'est pour cela que, d'ailleurs, on est 16 territoires de MRC, la Première Nation. On a décidé de faire une mise en commun de nos possibilités d'investissement.

Dans le cas d'une mini centrale, les investissements sont beaucoup moins importants. Puis ce qu'on aime bien, nous, c'est diminuer le risque. Diminuer le risque par justement un partenariat égalitaire privée, publique, ça nous permet de diminuer les... On a la certitude que ça diminue les risques pour les partenaires publics parce qu'effectivement on n'a pas les connaissances requises en lien avec l'opération d'un barrage. On n'a pas les connaissances requises non plus dans... même si on a beaucoup développé dans les dernières années en lien avec l'opération d'un parc éolien, mais la façon dont on voit les choses pour ce qui est des minis centrales, si on souhaite effectivement qu'on puisse développer des projets de façon égalitaire avec des partenaires privés... Puis pour le financement, le risque financier, Jean-François.

M. Thériault (Jean-François) : Bien, je dirais aussi... je rajouterais que les partenariats égalitaires, une des choses que ça nous...

M. Thériault (Jean-François) : ...que ça nous apporte, c'est qu'il y a un enlignement des intérêts avec les partenaires. Donc, en ayant un partenariat 50/50, qu'il soit en investissements et en droits de vote, on est assuré que les parties à la table partagent les mêmes intérêts lors de la réalisation des projets. Contrairement à une relation contractant/mandataire, si on était actionnaire à 100 % d'un ouvrage puis qu'on devait faire faire le développement technique par différents fournisseurs. Donc, le partenariat égalitaire permet cette relation-là qui est saine puis qui est facile à mettre de l'avant.

Puis concernant l'implication financière, bien, un projet hydraulique, pour nous, comme a été mentionné par M. Lagacé, est d'une plus petite envergure, considérant qu'on a un potentiel qui regroupe les 209 municipalités. Donc, c'est sûr qu'au sein de l'alliance on voit les investissements avec une façon différente que lorsque c'est une municipalité locale unique. Donc, la mise en commun des ressources des 209 communautés, donc des 16 territoires de MRC de la Première Nation, nous permet d'avoir une diversification des risques, entre autres, par la diversification de notre portefeuille. Donc, on regarde maintenant toute initiative qui pourrait apporter, là, une contribution à la transition énergétique.

Mme Rizqy : Je vous entends, mais je n'arrive pas à réconcilier la chose suivante : c'est que, premièrement, le projet de loi veut... on augmente de 50 mégawatts à 100 mégawatts. La responsabilité de l'État, une de ses missions, c'est de fournir de l'électricité à tous les Québécois. Vous, les municipalités, votre mission, c'est d'offrir des services évidemment publics à vos concitoyens. Mais le privé, leur principale fonction, un partenaire privé, c'est par définition le rendement pour leurs actionnaires qui ne seront pas les citoyens. Alors, c'est pour ça que je n'arrive pas à réconcilier les intérêts entre Hydro... Si vous me dites un partenariat entre vous et Hydro-Québec, ça, je peux comprendre. Vous puis les Premières Nations, ça aussi, je suis capable de comprendre. Mais purement privé, je n'arrive pas à réconcilier, parce qu'automatiquement les intérêts ne sont pas convergents.

• (16 h 10) •

M. Lagacé (Michel) : Bien, je dirais que l'intérêt financier, il est convergent, là. L'intérêt financier, le partenaire privé souhaite avoir un retour sur l'investissement de façon importante. Les partenaires publics, on bénéficie aussi de ce retour là, de cette volonté là d'aller chercher un maximum de bénéfice par rapport à l'investissement effectué. C'est dans la même façon qu'on opère les parcs éoliens. Les partenaires privés sont intéressés à avoir des bénéfices, nous sommes intéressés à avoir des bénéfices, on travaille ensemble pour diminuer les risques. Parce que, développer un parc éolien, il y a des risques, donc on doit s'assurer de diminuer les risques de façon importante. D'ailleurs, s'il y en a d'entre vous qui souhaitent venir éventuellement sur le territoire de l'alliance, ça nous ferait plaisir de vous accueillir puis de vous parler comment ça se vit au quotidien, le maillage, quand on parle de la mise en place d'un parc éolien.

Mme Rizqy : Non, mais je suis allé voir. Je suis allé voir sur le terrain. Moi j'étais vraiment... Je suis allé, là, je... Là-dessus, je tiens à vous rassurer. Mais dans votre loi constituante, qui est... une ville, évidemment ça a des pouvoirs qui sont légiférés, mais aussi ce n'est pas... il n'y a pas... nulle part, je n'ai pas trouvé nulle part le rendement, le profit, c'est vraiment il y a des services qui doivent être donnés, puis évidemment vous avez des budgets à gérer. Mais moi, ce qui m'inquiète, c'est parce qu'en ce moment, Hydro-Québec, c'est dans ses obligations légales d'offrir ce service. Et là, des barrages hydroélectriques, on ouvre la porte, pour la première fois depuis qu'on a nationalisé, cette porte au privé. Alors, c'est pour ça que je n'arrive pas à concilier. Si Hydro-Québec a cette obligation-là de rendre ce service, je ne vois pas pourquoi qu'aujourd'hui on franchirait un pas depuis la nationalisation depuis Jean Lesage, depuis Robert Bourassa, depuis René Lévesque, d'aller à ce pas là, alors que les autres partenaires, par exemple, dans l'éolien, ça a vraiment été avec les Premières Nations, ça a été avec des MRC là-dessus, mais on n'a pas ouvert un secteur au niveau des barrages électriques, les mini centrales, de dire : Parfait, on va, entre guillemets, déresponsabiliser Hydro-Québec...

Le Président (M. Bernard) : 20 secondes.

Mme Rizqy : ...puis, avec un partenariat privé. C'est pour ça que je n'arrive pas à réconcilier les intérêts que vous dites, qui peuvent être convergents, parce que, par définition même, eux, le privé va devoir répondre à des actionnaires et vous à des concitoyens.

Le Président (M. Bernard) : 7 secondes.

M. Lagacé (Michel) : Brièvement, là, dans le cas des deux centrales, Mitis-I, Mitis-II, ça fait quelques années qu'elles sont fermées, la population n'y a pas accès. La Première Nation Wolastoqiyik qui a des... qui souhaite faire de la pêche au saumon, y a difficilement accès. Le fait qu'on puisse remettre en...

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup, M. Lagacé. Désolé. Je cède maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition, le député de Maurice Richard, vous disposez de 3 min 28 s.

M. Bouazzi : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, monsieur....

M. Bouazzi : ...et effectivement eu la chance de vous rencontrer lors de mes cinq jours de tournée en Gaspésie, Bas-Saint-Laurent. Dans le système actuel, vous êtes , je pense, ce qu'on peut faire de mieux. Tout le monde le dit. Vous mettez en concurrence le privé plutôt que l'inverse. On a vu ce que ça a donné dans d'autres régions, hein, Centre-du-Québec, Montérégie, Mauricie, en Estrie, où il y a eu toutes sortes de problèmes. Vous pointez aussi du doigt quelque chose d'important, c'est le manque de planification dans le réseau de transport et pas juste dans la production. Parce que, dans votre cas, évidemment, l'acceptabilité sociale au bout de 20 ans est vraiment là. Moi, je l'ai... je l'ai vu clairement. Il y a même une fierté, hein, de concitoyens par rapport aux éoliennes. Mais le réseau n'a pas été planifié, et donc en fait était saturé. On a été obligé de faire des appels d'offres dans des endroits où il y a moins de vent, mais plus de place dans le réseau de transport, et tous les problèmes d'acceptabilité sociale qu'on a pu malheureusement voir dans la dernière année. Et donc, là-dessus, vraiment bravo de montrer cette voie-là.

Sur la question de la place du privé, comme vous le savez, nous, on pense qu'Hydro-Québec doit être maître d'oeuvre et on pense que vous devez avoir des compensations du fait de vous, vous retrouvez avec des éoliennes sur votre territoire. Et donc l'idée de garantir des revenus sur le long terme, donc des contrats sur 20 ans, une éolienne, typiquement, c'est 20 ans, si on pousse un peu, c'est 30 ans, pour assurer les revenus et vous éviter justement des endettements colossaux qui sont disproportionnés par rapport à vos budgets de MRC ou de villes, mais qui sont possibles parce qu'Hydro-Québec prend tout le risque, évidemment à la place du privé, puisqu'ils garantissent un prix différent, etc. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Est-ce qu'être partenaire avec Hydro-Québec serait une mauvaise idée?

M. Lagacé (Michel) : Bien, je dirais, d'abord de vous dire que les redevances, c'est à peu près 1 $. Et, pour les bénéfices, c'est 7 $. Ça fait que se contenter du dollar, lorsqu'on a la... lorsqu'on voit ces turbines-là arriver dans nos territoires, alors qu'on pourrait aller chercher un 7 $ supplémentaire, bien, c'est clair que c'est... 1 million par rapport à 7 millions, 8 millions au total, au lieu de se contenter d'un, bien, c'est un peu ce que je vous avais dit en août dernier, l'importance que les communautés et les territoires de la MRC investissent, qu'il y ait un retour par rapport à l'investissement de façon importante, puis ça permet de dégager des sommes importantes pour soutenir des réponses aux demandes citoyennes. Ça fait que la... c'est clair que la... les redevances, ce n'est certainement pas la voie de passage. Ce qu'on a besoin... ce qu'on a demandé depuis tantôt, c'est des partenariats égalitaires. Des partenariats égalitaires, ce n'est pas pour avoir des redevances, c'est pour avoir un véritable actionnariat. On a vécu ça dans le passé, là, lors des appels d'offres où il y avait de l'actionnariat de façade, où les communautés locales se contentaient de miettes.

Le Président (M. Bernard) : 30 secondes.

M. Bouazzi : J'ai très peu de temps. Ceci étant dit, quand vous vous endettez ou le privé s'endette, ou que vous... et surtout le privé, parce que votre parti à vous, nous, on l'appuie, là, mais que le privé se garde une cote, bien, c'est tous les citoyens, y compris les vôtres, qui vont payer plus cher l'électricité. Ça fait que l'idée, ça serait de trouver un mécanisme qui vous garde ça, qui vous enlève le risque associé à des prêts disproportionnés par rapport à ce que vous avez, hein, qui ne marchent que parce que c'est Hydro-Québec qui prend le risque, donc nous tous qui prenons le risque, en fait, et de l'autre côté, garder la cote qui est envoyée au privé, là, c'est ça que je pense qui répondrait à beaucoup de ce qu'on a entendu jusqu'à date, là.

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup. Malheureusement, le temps est écoulé. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon pour une période de deux minutes 38 secondes.

M. Paradis : Qu'est-ce que vous entendez par partenariat égalitaire? Qu'est-ce que ça veut dire, ça, en termes de pouvoir décisionnel, de partage de la propriété des actifs?

M. Lagacé (Michel) : Bien, partenaires égalitaires, lorsqu'on parle, exemple, de Nicolas Rioux, le parc éolien Nicolas Rioux dans la MRC des Basques, et de Rimouski-Neigette, c'est un partenariat égalitaire, la... on fait une véritable mise de fonds initiale à la hauteur de 50 %, le... quand je dis 50 %, c'est 15 % par rapport à l'endettement total, mais le privé fait la même chose, on est propriétaire des actifs. Puis la... au conseil d'administration, les décisions se prennent de façon, je dirais, commune. Le partenaire privé ne peut pas indiquer d'aller à gauche si ce n'est pas dans l'intérêt des... du partenaire public. Donc, on a des ressources qui nous accompagnent, notamment M. Thériault, dans des... dans des conseils d'administration, pour s'assurer que les intérêts des partenaires publics sont protégés et mis à l'avant.

M. Paradis : Vous avez peut-être entendu que ce modèle, qui remporte beaucoup de succès de votre alliance, c'est vu à la fois comme une...

M. Paradis : ...par les gens localement de leur développement énergétique et donc de leur développement économique. Puis d'autres, par contre, y voient une porte ouverte vers la privatisation parce qu'il peut y avoir des participations majoritaires du privé. Vous, est-ce que vous seriez prêts à ce que, quand on parle de partenariats, on dise que les partenaires publics, Hydro-Québec, les partenaires locaux comme les municipalités, sont majoritaires dans le pouvoir décisionnel puis dans la propriété?

M. Lagacé (Michel) : Quand on regarde le projet Madawaska, c'est un peu ça, là. On est tiers-tiers-tiers. Donc... Puis je vous le dirais, là, que la... dans le projet Madawaska, c'est nous qui avons couru après Hydro-Québec pour les amener à la table de l'actionnariat. Puis on est fiers parce que la... Habituellement, on était sur des partenariats égalitaires 50-50 avec des partenaires privés. En mai 2022, on a sollicité les échanges...

Le Président (M. Bernard) : 30 secondes

M. Lagacé (Michel) : ...avec Hydro-Québec, puis on a eu une réponse positive, et on a gagné un projet tiers-tiers-tiers, puis c'est un beau projet.

M. Paradis : Donc, vous dites : Ce modèle-là existe déjà. Dans son plan, Hydro-Québec... Dans son... Dans sa stratégie de développement éolien, Hydro-Québec dit : Bien, Hydro-Québec est maître d'oeuvre, mais ce n'est pas défini. Est-ce que, dans les prochaines étapes de ce développement-là, on pourrait prévoir ça, on pourrait encadrer de telle sorte qu'on dise : Le public est majoritaire dans ces projets-là?

Le Président (M. Bernard) : Deux secondes.

M. Lagacé (Michel) : Bien, c'est ce qui se fait actuellement pour le projet sur la Côte-Nord avec la Première Nation Pessamit, la MRC de Manicouagan et Innergex. Lorsqu'on additionne le public, c'est-à-dire la MRC de Manicouagan avec la nation Pessamit, ils sont majoritaires.

Le Président (M. Bernard) : Merci. Désolé de vous interrompre. Alors, je vous remercie beaucoup, aux représentants de l'Alliance de l'énergie de l'Est, pour votre contribution aux travaux.

Maintenant, avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des audiences publiques.

Je voudrais vous remercier, Mme la ministre, tous les membres de la commission, pour la qualité de vos travaux. Je remercie également le personnel de l'Assemblée et ceux de la commission parlementaire.

Alors, la commission ayant accompli son mandat, elle ajoute ses travaux au mardi 24 septembre à 9 h 45, où elle entreprendra un nouveau mandat. Merci.

(Fin de la séance à 16 h 20)


 
 

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