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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Thursday, September 12, 2024 - Vol. 47 N° 24

Special consultations and public hearings on Bill 69, An Act to ensure the responsible governance of energy resources and to amend various legislative provisions


Aller directement au contenu du Journal des débats


 

Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Montigny) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'Agriculture, des Pêcheries, de l'Énergie et des Ressources naturelles ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre leur sonnerie de cellulaire ou tout appareil électronique, s'il vous plaît. Maintenant, on a consensus, après discussion, comme on débute en retard, de prolonger un peu les travaux jusqu'à 13 heures pour être capable de permettre, là, d'avoir un peu plus de temps de discussion.

Alors, la commission est réunie aujourd'hui afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 69,Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements aujourd'hui?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Ciccone (Marquette) est remplacé par Mme Dufour (Mille-Îles); et Mme Zaga Mendez (Verdun); par M. Bouazzi (Maurice-Richard).

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup, Mme la secrétaire. Ce matin, nous entendrons les organismes suivants : la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et Manufacturiers et exportateurs du Québec.

Donc, je souhaite maintenant la bienvenue à la Fédération des travailleurs, travailleuses du Québec. Je vous rappelle que vous disposez... que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Maintenant, par la suite, ça serait suivi par une période d'échange. Je vous demande de vous présenter et, par la suite, de débuter immédiatement votre présentation de 10 minutes. Merci.

M. Bolduc (Denis) :Merci. Merci, M. le Président. Mme la ministre, mesdames messieurs, membres de la commission, je vous remercie sincèrement, au nom de la FTQ, de nous donner l'occasion de nous exprimer aujourd'hui sur le projet de loi n° 69. Mon nom est Denis Bolduc. Je suis secrétaire général de la FTQ, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Et je vous présente les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui : à ma gauche, à moi, Patrick Gloutney, président du SCFP Québec, affilié à la FTQ...

M. Bolduc (Denis) :...à ma droite, Sami Dellah, qui conseiller à l'environnement à la FTQ, et, à l'extrême gauche, Pierre-Guy Sylvestre, économiste et conseiller syndical au SCFP-Québec.

• (11 h 40) •

La FTQ représente plus de 600 000 membres au Québec présents dans tous les secteurs économiques du Québec. Des dizaines de milliers de travailleurs et travailleuses oeuvrent dans le secteur énergétique, qui sont nos membres. La presque totalité des employés d'Hydro-Québec sont syndiqués, membres de la FTQ, d'où la présence avec moi aujourd'hui de représentants du SCFP-Québec. D'ailleurs, les dirigeants des sections locales d'Hydro se sont déplacés cette semaine pour assister à l'important processus démocratique amorcé mardi. Ils sont présents dans la salle. Leurs membres, par leur expertise, leur engagement, leur dévouement, sont les piliers sur lesquels repose la société d'État.

Je vous assure, M. le Président, que notre intervention s'inscrit dans une volonté de dialogue constructif, basé sur des valeurs de justice sociale, de protection de l'environnement et de gouvernance démocratique. Avant même l'annonce du départ du parrain du projet de loi n° 69, M. Pierre Fitzgibbon, la FTQ arrivait à la conclusion que cette pièce législative n'est pas bien placée dans le temps. Selon nous, il fallait retirer ou, du moins, suspendre le projet de loi n° 69 et mettre en place un processus de consultation élargie qui amènerait le gouvernement à proposer un plan de gestion intégrée des ressources énergétiques.

La FTQ aurait espéré qu'en quittant la scène politique l'ex-ministre Fitzgibbon emporte avec lui un projet de privatisation controversé qui risque d'accroître les inégalités et de nuire à notre souveraineté énergétique. Cela offrait une opportunité unique au premier ministre du Québec de faire preuve de vision et de courage politique. Il a plutôt demandé à la nouvelle ministre de prendre le relais d'un projet de loi qui n'est pas le sien. Elle ne s'en plaindra pas publiquement, on le sait, on le comprend, il n'en demeure pas moins, quand même, M. le Président, qu'on ne lui laisse pas le temps de faire les choses dans le bon ordre.

Il aurait été essentiel de commencer par la mise en place d'un solide plan de gestion qui permettrait au gouvernement de faire une évaluation rigoureuse des besoins énergétiques réels des capacités en matière d'efficacité et de sobriété énergétique et des impératifs de justice sociale. Une fois que cette vision serait définie et claire, il serait alors temps de faire des changements réglementaires et législatifs nécessaires. Ce plan doit être élaboré en concertation avec tous les acteurs de la société civile, y compris évidemment les syndicats, les communautés locales, les Premières Nations et les groupes environnementaux. Cette approche garantirait une transition énergétique juste et équitable où personne n'est laissé pour compte.

La FTQ, fidèle à son engagement historique en faveur du bien commun, réaffirme son attachement à une gestion publique des infrastructures énergétiques. Les ressources énergétiques du Québec doivent rester un bien commun, géré de manière transparente et démocratique. Nous croyons fermement que ce modèle est le seul capable de garantir l'accès équitable à l'énergie pour toutes et tous.

Dans cet esprit, nous demandons que le mandat d'Hydro-Québec soit non seulement préservé, mais élargi pour inclure l'ensemble des sources d'énergie renouvelables. Nous comprenons à sa lecture que le projet de loi centralise les pouvoirs décisionnels au sein du ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie. Nous risquons ainsi de marginaliser des considérations cruciales, notamment environnementales, sociales et démocratiques. C'est pourquoi nous recommandons que les interventions du ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs soient obligatoires dans l'approbation des projets énergétiques et nous recommandons que les évaluations d'impact environnemental soient obligatoires pour tout projet énergétique d'envergure. On aurait peut-être ainsi évité tous les débats gênants du dossier Northvolt.

Reste la question de la modulation tarifaire prévue après 2026. La FTQ exprime de vives préoccupations quant à l'incertitude que cela fait peser sur les ménages québécois et sur notre tissu économique. Il est crucial que les décisions soient dépolitisées pour garantir qu'elles servent l'intérêt général. Et juste avant de passer la parole à mon collègue du SCFP Québec, je tiens à dire que nous compatissons avec la ministre qui hérite du projet de loi de l'ex-ministre Fitzgibbon. Nous sommes toutefois convaincus, M. le Président, qu'elle saura être à l'écoute de nos demandes et fera...

M. Bolduc (Denis) :...preuve de toute l'humilité nécessaire pour remettre les choses dans le bon ordre.

M. Gloutney (Patrick) : M. le Président, Mme la ministre, Mesdames et Messieurs membres de la commission, bonjour. Avant, d'entrée de jeu, je veux vous mentionner notre grande déception au niveau du SCFP Québec. On représente la majorité des employés d'Hydro-Québec, et le gouvernement de la CAQ n'a pas daigné nous inviter et nous permettre d'avoir un 10 minutes, comme tous les intervenants devant vous. Cependant, on va vous résumer notre présentation en cinq minutes, comme le président l'a mentionné.

Le SCFP Québec représente 139 000 membres, 750 000 membres au Canada. Le SCFP représente plus de 16 000 travailleurs et travailleuses dans le secteur énergie. Travaillant principalement chez Hydro-Québec, sept sections locales du SCFP Québec représentent les personnes salariées chez Hydro-Québec.

Comme mon temps est limité, je vais me limiter à nos cinq recommandations. La première recommandation, que l'article 76 du projet de loi faisant passer la limite de la capacité des centrales sous contrôle de municipalités locales de 50 à 100 mégawatts soit abrogé. J'aimerais rappeler à la commission qu'avant 1963 il y avait 80 réseaux municipaux électriques au Québec, avec une qualité de service inégale et des tarifs inéquitables. Nous ne souhaitons pas retourner en arrière, bien évidemment, et surtout nous y voyons de façon de permettre la cession des barrages d'Hydro-Québec aux PPP entre les municipalités et les entreprises privées.

Notre deuxième recommandation, qu'une consultation publique sur le PGIRE soit faite avant le projet de loi n° 69 ne soit adopté et que des moyens précis et quantifiables soient élaborés de façon consensuelle afin d'atteindre des objectifs de réduction des GES pour la province de Québec. Si on souhaite décarboner le Québec, bien, ça nous prend une feuille de route précise et élaborée. Il est primordial que l'on attaque... qu'on s'attaque à la consommation des produits pétroliers et que le plan soit le plus précis possible. Une entente sur le PGIRE passe par une acceptabilité sociale. Comme Mme Sophie Brochu l'a mentionné avant de quitter, ne soyons pas le Dollorama de l'électricité.

Recommandation trois, que les articles du projet de loi n° 69 ajoutant des fonctions liées à la transition vers une économie durable à la ministre de l'Économie soient abrogés. Pourquoi? Tout simplement parce que je rappellerais à la commission qu'on a un ministre des Luttes aux changements climatiques. Si le premier ministre du Québec, M. François Legault, a jugé nécessaire de créer un ministère des Luttes aux changements climatiques, bien, qu'on les laisse faire leur travail. Le développement durable comporte d'autres dimensions qu'économiques et qui doivent être prises en compte aussi.

Notre quatrième recommandation, que les grands ouvrages qui seront nécessaires, et nous savons tous qu'ils seront nécessaires, pour l'avenir énergétique du Québec soient lancés et menés uniquement et seulement par Hydro-Québec. Petit-Mécatina, par exemple, est un projet qui pourrait voir le jour, il devrait être mené exclusivement et seulement par Hydro-Québec et ses travailleurs et ses travailleuses. On tient à vous rappeler, que l'expertise en production et en distribution d'électricité, ce sont nos membres qui la détiennent et personne d'autre.

Notre dernière recommandation, la recommandation simple que les articles 38 à 40 du projet de loi n° 69 soient abrogés afin qu'Hydro-Québec conserve le droit exclusif, je dis bien «exclusif», d'exploiter son réseau de distribution. Pour nous, ça signifie qu'il pourrait y avoir des pertes de contrôle sur le réseau. Est-ce qu'on veut vraiment revenir en arrière? Je ne pense pas. Bien, en tout cas, nous, on ne veut pas.

Merci. Je terminerais en disant : Hydro-Québec, on l'a bâtie ensemble. Gardons nos services publics, nos services d'électricité publics. Et, Mme la ministre, est-ce que vous voulez que les générations futures... je rappelle, du gouvernement de la CAQ qui aurait mis à mal l'héritage d'Adélard Godbout et de René Lévesque? Merci.

Le Président (M. Montigny) : Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange, Mme la ministre, vous avez la parole pour 14 minutes et 30 secondes.

Mme Fréchette : D'accord. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci, merci à vous tous d'être présents. Je suis contente qu'on ait l'occasion d'échanger sur ce projet de loi fort important mais auquel vous attribuez des conséquences ou impacts potentiels qui ne sont pas dans la ligne de mire de notre action. J'entendais de la part de votre... du représentant, en fait, les objectifs que vous semblez décoder à travers...

Mme Fréchette : ...ce projet de loi là. Notamment, la question, là, de privatiser Hydro-Québec, bien, j'aimerais souligner, en fait, qu'il est hors de question de privatiser Hydro-Québec. Ce n'est pas du tout l'intention du gouvernement. Et nous allons agir dans le cas... en concordance avec cet objectif-là, de ne pas privatiser Hydro-Québec, mais de décarboner le Québec. L'objectif du projet de loi, c'est de décarboner le Québec d'ici 2050 et puis d'utiliser le potentiel, particulièrement, d'Hydro-Québec pour y parvenir. Et, ce faisant, on va en faire bénéficier l'ensemble des Québécois, parce qu'Hydro-Québec, ça appartient aux Québécois et ça va continuer d'appartenir aux Québécois. Alors, si l'entreprise ou l'organisation se déploie dans des nouvelles zones, dans des nouveaux secteurs d'activité, eh bien, ce sera au bénéfice des Québécois. Alors, c'est vraiment cette ligne-là qui est la nôtre, cette orientation-là qui nous guide.

• (11 h 50) •

Et même si je suis nouvellement arrivée au ministère, il n'en demeure pas moins que ce projet-là a été discuté au sein du parti, que ce soit avec les membres du caucus, que ce soit en comité ministériel, que ce soit au conseil des ministres, c'est un document, un projet de loi dont on a discuté, alors j'étais déjà en appui et au fait de ce projet de loi là. Donc, je n'arrive pas, je dirais, sans assise, et je n'arrive pas avec une attitude neutre à l'endroit d'Hydro-Québec. Je vous dirais que je suis une fière hydro-québécoise, en ce sens où, bien, mon père a travaillé pendant plus de 30 ans pour Hydro-Québec. Alors, Hydro-Québec, ça a été mon sujet de discussion à la maison, aux repas de famille, je vous dirais, à peu près cinq fois par semaine. Donc, c'est vraiment une organisation qui m'a toujours inspirée, stimulée. Et je crois qu'on est à une période de notre développement où ce qui peut être fait en lien avec Hydro-Québec peut nous propulser à un étage, des étages supérieurs. Et c'est essentiel pour nous de prendre action en ce sens-là parce qu'on a là une possibilité inégalée pour les Québécois. Et c'est pour eux qu'on le fait. C'est pour eux qu'on veut travailler à déployer l'entreprise, l'organisation dans des nouveaux créneaux, parce qu'on est à une ère où il faut décarboner. Et il se trouve qu'on a un des réseaux électriques les plus verts au monde, si ce n'est pas le plus vert, ce n'est vraiment pas loin, alors on a un atout là qui est inestimable et qui doit être mis au profit du développement de la société québécoise pour enrichir les Québécois, faire connaître notre savoir-faire, le déployer, le mettre à contribution.

Donc, quand vous me disiez : Je compatis, si vous voulez partager mon état d'esprit, eh bien, moi, je vous dirais que : Soyons enthousiastes, fébriles et déterminés pour mettre ça en place parce que c'est un immense chantier qui nous attend. C'est peut-être le plus grand chantier que le Québec n'ait jamais connu. Parce qu'il nous faut agir quand même rapidement, la décarbonation, ça ne peut pas attendre éternellement, alors il faut se donner les outils, les moyens pour y parvenir. Mais que l'on fasse ça ensemble, moi, je pense que c'est ça qui va faire la force de notre action, c'est si on procède ensemble à l'élaboration et à la mise en place de ce grand chantier là.

Et là-dessus, j'aimerais ça vous entendre, tout comme d'ailleurs on va entendre des groupes de la société qui sont des groupes environnementaux, on en a entendu déjà, on va en entendre d'autres. On va recevoir cet après-midi l'Assemblée des Premières Nations. Alors, la consultation à laquelle vous en appelez, eh bien, c'est maintenant qu'elle se tient. Tout le monde qui est intéressé à participer à la commission peut le faire par le dépôt d'un mémoire. On les y invite d'ailleurs, parce qu'on veut entendre le plus grand nombre de points de vue possible. Mais sachez que cette consultation-là, elle est ouverte et puis évolutive et constructive. Et voilà, c'est notre souhait, que chacun y prenne part.

Alors moi, sur un des principaux défis qui existent, j'aimerais ça vous entendre sur nos besoins en main-d'oeuvre et ce dont on dispose en ce moment en termes de savoir-faire pour lancer ce grand chantier là, et qu'est-ce qu'il nous faudrait ajouter comme initiative, comme action, pour faire en sorte qu'on puisse répondre à l'ensemble des besoins. J'entends Hydro-Québec dire qu'il nous faut 35 000 travailleurs par année jusqu'en 2035. Est-ce que vous êtes d'avis qu'au niveau de la main-d'œuvre, il y a ce qu'il faut, que le bassin est suffisant ou il faut développer des actions en matière de mise à niveau des qualifications, de formation accrue de nos jeunes ou encore d'immigration? Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur le côté main-d'oeuvre, parce qu'il y a... il y a là le socle de notre grand chantier...

M. Bolduc (Denis) :...il y avait beaucoup d'éléments.

Mme Fréchette : Bien, dans votre mémoire aussi.

M. Bolduc (Denis) :Il y avait quand même beaucoup d'éléments. Mais, en fait, ce qu'on dit principalement, c'est que le chapeau est à l'envers, c'est-à-dire, on dit : On n'a pas de plan de gestion intégrée des ressources énergétiques. Actuellement, on n'a pas fixé nos objectifs à long terme, on n'a pas fixé notre vision à long terme, les moyens pour arriver à nos objectifs, tout ça, puis les indicateurs de suivi qu'on doit se donner pour permettre d'arriver aux objectifs. Il me semble qu'il faut faire ça avant de déposer... de légiférer ou de réglementer. Principalement, c'est pour ça qu'on dit : Il me semble que le truc est pris à l'envers.

Vous tentez de nous rassurer, là, concernant la privatisation d'Hydro-Québec. Quand on regarde l'article 38 du projet de loi, bien, nous, on est extrêmement inquiets. On est inquiets, parce que selon nous ça fait perdre à Hydro-Québec le droit exclusif d'exploiter son réseau de distribution électrique, on va permettre à d'autres entités de distribuer de l'électricité. On parle du voisin, là, dans le projet de loi, mais... Donc, il y a ça.

Bien, pour... Et je sais que, pour... mes collègues vont vouloir ajouter, là. Concernant la décarbonation, c'est l'objectif qui est... qu'on donne au projet de loi. Mais, quand je regarde les articles dans le projet de loi, je ne vois pas d'articles spécifiques à la décarbonation du Québec, il me semble que ça manque dans le projet de loi. Et, pour la main-d'oeuvre, bien, moi, ce que je vous dirais, les gens... puis ce n'est pas pour rien que les représentants dirigeants des syndicats d'Hydro-Québec sont présents ici toute la semaine, c'est qu'il y a une préoccupation à ce qu'Hydro-Québec demeure publique, bien commun et que l'ouvrage qui se fait en hydroélectricité au Québec, bien, reste entre les mains d'Hydro-Québec puis des ouvriers, de la force ouvrière qui est actuellement à Hydro-Québec.

Pour les besoins de main-d'œuvre, 35 000 travailleurs par année, il va falloir se creuser les méninges, parce qu'il y a là-dedans peut-être le principe qu'il va falloir déshabiller Jean pour habiller Paul, ou le contraire, je ne sais plus, là, mais c'est beaucoup de monde, là. Mais sur ce point-là, je ne sais pas si on a des idées, là.

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Écoutez, M. le Président, écoutez, par rapport à la main-d'œuvre, c'est sûr que, des bonnes conditions de travail, des programmes de formation, on est en faveur. Vous savez, pour la construction des ouvrages d'Hydro-Québec, ce sont des employés de la construction, donc des entreprises privées. Pour l'entretien, le maintien et l'exploitation, ce sont des employés d'Hydro-Québec, donc, évidemment, des bonnes conditions de travail, des bonnes formations.

Mais, si vous me permettez, étant donné que c'est un échange, M. le Président, j'aimerais poser une question à la ministre très précise par rapport au mémoire du Syndicat canadien la fonction publique que vous avez entre les mains, probablement. Sinon on a une copie ici. Nous, on est le plus grand affilié de la FTQ, mais, par rapport à la privatisation, puis je vous remercie de nous rassurer, mais on a une question très précise par rapport à la page 21. En 2010, selon Statistique Canada, il y avait 2 000 mégawatts de capacité privée. Ce sont des chiffres publics. En 2020, on était à 4 682, donc on a doublé en termes de mégawatts. En 2030, quel est l'objectif du gouvernement actuel? Quel est l'objectif de la ministre? Est-ce que c'est d'augmenter ce pourcentage-là ou ce nombre de mégawatts là, ou encore de le diminuer?

Parce que votre prédécesseur, malheureusement... on l'avait rencontré... D'ailleurs si vous êtes intéressé à rencontrer le syndicat qui représente les 16 000 travailleurs d'Hydro-Québec, ça va nous faire plaisir de vous rencontrer pour échanger sur des aspects techniques, mais nous, ce qu'on veut savoir du gouvernement actuel, est-ce qu'il va y avoir plus que 4 682 mégawatts en 2030 puis en 2050 ou moins? Parce que selon les estimations qu'on fait, si on prend seulement la moitié des 13 500 mégawatts dont parlait M. Fitzgibbon, l'ancien ministre, j'en conviens, bien, nous, on a des craintes. Si on en prend seulement la moitié puis qu'on le met dans le privé, qu'on met l'autre moitié dans le public puis qu'on ajoute... par exemple, si l'entreprise comme TES Canada rajoute un 1 000 mégawatts d'autoproduction, si on fait la somme de ça, dans notre mémoire à la page 22, on a un pourcentage de 19 % de production totalement privé. Si on ajoute à ça l'autoproduction, c'est 7,6%..

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : ...% au total, on aurait 26.6 % de production privée, d'autoproduction et de privé. Ça laisserait seulement 73,4 %. Trois quarts de la production d'électricité serait faite par Hydro-Québec. Donc on comprend que vous ne voulez pas privatiser Manic. On comprend, M. le Président, que la ministre ne veut pas privatiser LG2. Ça, on a compris. On ne commencera pas à faire des actions là-dessus, émettre des actions, ce serait un scandale, là, évidemment. Puis je reprendrais les mots aussi de M. Sabia, ce serait stupide, là, la privatisation, ce serait stupide. On est d'accord. Mais par contre, pour le parc de production future, là, on a déjà 4 000 mégawatts d'éoliennes dans le privé ou en sorte de PPP avec des consortiums, bon, qui rapportent à ces municipalités-là. Mais cette rente de... de monopole là, cette rente économique là, on l'avait donnée. On avait décidé collectivement qu'Hydro-Québec la reprenait. C'est autour de trois, quatre, 5 milliards... 3, 4 milliards de dividendes, des sources de revenus, là, de 6 milliards au total pour le gouvernement québécois, par exemple, pour Hydro-Québec, en plus des dividendes.

• (12 heures) •

Donc, nous, notre question qu'on adresse à Mme la ministre : De combien de mégawatts on va avoir au privé en 2030, puis quel est votre objectif? Parce que, nous, ce qu'on demande, c'est de renationaliser les parcs éoliens qui sont au privé puis de s'assurer que l'ensemble de la production, puis on ne parle pas de l'autoproduction, on parle de la production privée, là, on ne veut pas revenir derrière pour Rio Tinto Alcan. Mais quel est ce pourcentage-là que vous voyez dans le futur, M. le Président? On pose la question à Mme la ministre. Merci.

Le Président (M. Montigny) : Il vous reste 2 min 25 s, Mme la ministre.

Mme Fréchette : Oui. Bien, écoutez, nous, on est en consultations, donc on veut entendre vos propositions, vos avis, vos recommandations. Et, suite à ça, on va prendre nos décisions. Donc, on est en mode écoute, on veut comprendre vos propositions, vos attentes et, à partir de là, on fera le cumul de tout ce que l'on aura entendu et puis voilà, on va définir la ligne à suivre. Mais on n'est pas dans un scénario où on a décidé à l'avance l'ensemble des éléments qui vont nous guider, et puis après ça, on fait semblant de vous écouter et vous consulter. Ce n'est pas ça l'idée. Donc la logique, c'est que vous nous partagiez vos recommandations, alors c'est ce à quoi je m'attends.

Mais je vous amènerais, pour le peu de temps qui nous reste, là, sur la notion d'acceptabilité sociale. Là, on a besoin de décarboner l'économie. J'imagine que vous endossez cet objectif-là, décarboner l'économie pour 2050, comme nous. Alors, il faut qu'on voie de quelle manière on va procéder, de quelle manière on va se rendre à cet objectif-là. Il y a une partie qui viendra de l'efficacité énergétique accrue, mais il y a une partie qui devra venir aussi de l'augmentation de la production. Alors, j'aimerais vous entendre sur qu'est-ce que vous verriez, vous, comme sentier pour cheminer vers la décarbonation.

Le Président (M. Montigny) : Merci...

M. Dellah (Sami) : Je vais essayer d'être... d'être bref et concis, hein? Bien, écoutez, pour décarboner, en fait, oui, certainement qu'on est pour cette décarbonation-là. Mais il faut vraiment penser à comment on le fait. Et il n'y a pas de meilleure manière de savoir comment le faire qu'en commençant par planifier de façon intégrée les ressources énergétiques. Pas en faisant un projet de loi qui vient modifier quelque chose comme 15 lois, sept règlements ou quelque chose comme ça. Là, moi, j'ai l'impression que... Disons, imaginons qu'un instant que notre société, c'est un corps humain, le cerveau, son gouvernement, le cœur, son peuple, puis le sang, son énergie, ses organes, c'est les... c'est les différents ministères. Mais là, en ce moment, ce qu'on est en train de dire, c'est qu'on a besoin d'assainir notre corps avec la décarbonation, mais on est en train de dire qu'on va mettre tout de suite le chirurgien dans le dossier avant même d'avoir fait un diagnostic complet puis une planification éclairée. Donc moi, c'est ça que je ne comprends pas, en fait.

Le Président (M. Montigny) : Très bien. Merci. Merci. En conclusion.

M. Dellah (Sami) : Ce que je voudrais, c'est vraiment une planification intégrée avant d'arriver à ça.

Le Président (M. Montigny) : Merci. Il ne reste plus de temps maintenant. Merci beaucoup, Mme la ministre. Maintenant, je cède la parole à la députée de Saint-Laurent. Vous avez une période de temps qui vous est allouée de neuf minutes huit s. Merci.

Mme Rizqy : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, messieurs. Je vais aller très rapidement parce que le temps file.

Dites-moi, tantôt vous avez fait référence à M. Adélard Godbout, M. Lévesque, il y a eu aussi Lesage et évidemment M. Bourassa. Depuis qu'on a nationalisé Hydro-Québec dans l'objectif très clair de, un, être maîtres chez nous, mais rappelons-nous qu'à une certaine époque les gens par exemple de Rivière-du-Loup payaient trois fois leur électricité plus chère que les gens de Montréal. Est-ce que c'est la première fois qu'on a une brèche qui pourrait faire en sorte qu'on retourne sérieusement en arrière?

M. Bolduc (Denis) :Bien, l'éolien... l'éolien était une brèche. Ça n'aurait jamais dû... Le développement de l'éolien au Québec, au début, n'aurait jamais dû être accordé au privé, aurait dû être piloté, géré, planifié par Hydro-Québec. D'ailleurs, dans le futur, je pense que c'est ça qu'il faut faire aussi, là, s'il y a...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Bolduc (Denis) :...des projets éoliens futurs à développer, bien, il faudra que ce soit Hydro-Québec qui en soit le maître d'oeuvre. Depuis longtemps, hein, le capital, le privé salive à l'idée de mettre la main sur Hydro-Québec ou une partie d'Hydro-Québec, ou de remplacer Hydro-Québec dans la distribution, la vente d'électricité. Moi, je me dis : Bien, il y en a peut-être quelques-uns actuellement qui ont peut-être commencé à sabler le champagne.

Mme Rizqy : Dites-moi, en matière de production, distribution, là on ne parle pas d'autoproduction, on parle de production, distribution, là on enlève le mot «exclusivité». C'est ça que vous faites référence en matière de brèche vers le privé, oui ou non?

M. Bolduc (Denis) :Oui, effectivement. Puis j'ai mes... 

Mme Rizqy : Puis ça, c'est une première, oui ou non?

M. Gloutney (Patrick) : Bien, écoutez, oui, effectivement, c'est une première. Puis c'est pour ça qu'on demande à la ministre de retirer, dans le projet de loi n° 69, actuellement, les articles 38 à 40. Parce que, pour nous - oui, vous avez raison - on a raison quand on dit qu'on ne veut pas privatiser Hydro-Québec, on s'entend là-dessus. On est conscient de ça. Cependant, avec l'avènement du cheval de Troie, parce que, pour nous, en... si on maintient l'article 38, on fait rentrer le cheval de Troie dans Hydro-Québec. Et qu'est-ce qui va arriver dans la production et dans la distribution? C'est là. Nous, notre crainte, c'est que la production et la distribution soient privatisées sur le réseau.

Mme Rizqy : Merci.

Une voix : ...

Mme Rizqy : Ça ne sera pas long, juste poser une autre question tout de suite, parce que le temps va... Inquiétez- vous pas. Je vais vous donner le temps de la parole, M. Sylvestre. Monsieur Gloutney, le premier ministre est habile, il dit toujours en Chambre : Mais non, il n'y a pas personne qui veut privatiser Hydro-Québec. Il n'est pas question de vendre les actions. On est tous d'accord, il n'est pas question de vendre ici les actions d'Hydro-Québec. C'est dans les opérations, c'est de mettre fin au monopole au niveau de la production et la distribution, parce qu'on enlève un mot qui est important, c'est-à-dire exclusivité. M. Sylvestre, la parole est à vous.

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Bien, écoutez, rapidement. Merci pour la question. L'article 38 du projet de loi remplace le droit exclusif qu'a Hydro-Québec d'exploiter un réseau de distribution d'électricité. On remplace par un droit exclusif de distribuer de l'électricité à un consommateur. Ça, c'est une nouvelle brèche. Donc, non seulement avec le poste patrimonial qui peut déjà être privé, qui peut déjà être privatisé, mais on l'encourage avec le projet de loi n° 69. Mais le grand danger qu'on voit là, puis on insiste là-dessus, c'est que l'article 38 ouvre la porte à la privatisation des opérations, à la privatisation même de la propriété de réseau de distribution. Ça, il y a plusieurs impacts sur la sécurité énergétique, sur la rente économique, sur un paquet de choses, même le développement stratégique d'Hydro-Québec. Parce que le mix énergétique qu'on va avoir par la suite, si on a trop... qui est au privé, toutes les réserves vont devoir être assumées par Hydro-Québec.

Et donc ce risque zéro, là, parce qu'on s'appuie... on va appuyer le risque des entreprises privées sur Hydro-Québec, bien, ça, c'est comme si on donnait un cadeau. Hydro-Québec n'a pas besoin d'aide des entreprises privées pour le financement ou pour autres. Ce sont les entreprises privées qui ont besoin d'aide.

Mme Rizqy : Dites-moi, on parle de décarboner? On a donné plusieurs... depuis plusieurs jours, l'exemple de l'entreprise des Forges Sorel qui, elle, veut se décarboner, se fait dire non pour 26 mégawatts. Pendant ce temps-là, le gouvernement, eux, s'en vont dire : Bien non, on a des entreprises, des jeunes pousses qui n'ont pas encore fait leurs preuves, qui on ne sait où ils vont prendre leur main-d'œuvre, peut-être de la Corée du Sud, et eux, on leur donne 360 mégawatts et d'autres entreprises à coups de 50 et 75 mégawatts. Décarboner, ce n'est pas... dans le projet de loi, mais, dans les faits - sortons une seconde du projet loi - dans les faits, les entreprises d'ici qui ont demandé des mégawatts pour se décarboner, il n'y en a pas beaucoup qui sont sorties publiques pour dire : Hé! On en a reçu. Est-ce que je me trompe?

M. Bolduc (Denis) :Bien, je pense que 100 % des blocs futurs d'énergie sont attribués à des des entreprises à venir. C'est ce que je comprends, moi. Et, comme vous, on se questionne sur le soutien qu'auront les PME dans le processus de décarbonation du Québec. C'est clair pour nous. Puis une question qu'on se pose, c'est : Est-ce que la ministre aura le temps de vérifier si tous les projets dans lesquels son prédécesseur s'est engagé, en valent vraiment la peine pour le Québec?

Mme Rizqy : Bien, je vais d'abord l'inviter à, un, vous appeler puis vous rencontrer. Ça serait, je pense, une première des choses au niveau... pour finir avec la boucle, au niveau... votre crainte du privé. On m'a transmis deux documents importants, un qui parle de... d'une proposition d'accompagnement pour les modèles d'affaires, pour les petits aménagements, 100 mégawatts...

Mme Rizqy : ...pour ceux qui nous suivent, 100 mégawatts, ma compréhension, ça peut fournir environ 100 000 maisons ce n'est quand même pas rien, hein?. Et là-dedans, on parle d'une des options, c'est de la vente. Et on m'a aussi fourni un avis juridique de comment vendre ces petits aménagements. Et pas n'importe lesquelles : Chute-des-Chats, Mercier, Hart-Jaune,  Chute-Hemmings, Lac-Robertson, Mitis qui sont opérationnelles? Mais d'autres aussi. Là-dedans, c'est 682 mégawatts. Est-ce que vous avez des craintes que finalement ce projet de loi, ce qui est écrit, puis aussi qu'est-ce qui se passe ailleurs qu'on a... que Pierre Fitzgibbon, dans son entrevue de sortie, il dit la chose suivante. Je vais le répéter ici : il y a le projet de loi, mais aussi d'autres discussions qui n'ont pas encore lieu, qui s'en viennent, puis c'est ça mais le premier ministre ne voulait pas faire vraiment peur au monde, ça fait qu'il a calmé le jeu en le faisant démissionner mais des discours qui doivent avoir lieu d'ici le 25, 26, peut-être 27. Est-ce que c'est de ça que vous parlez, de Cheval de Troie?

• (12 h 10) •

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Oui. Bien, écoutez, tout à fait, parce que vous voyez l'article 76, en plus, du projet de loi, il fait passer la capacité des centrales sous contrôle d'une municipalité, de 50 mégawatts à 100 mégawatts. D'un autre côté, on entend puis on le met dans le mémoire du SCFP, on parle d'un barrage à Saint-Narcisse. Donc d'un côté, c'est comme si Hydro-Québec disait : ce n'est pas vraiment rentable, en tout cas, une partie d'Hydro-Québec, d'une équipe du Québec dit que ce n'est peut-être pas rentable. Cela dit, on voit dans les journaux, on voit dans les médias qu'il y a beaucoup d'intérêts d'entreprises privées. Puis, entre vous et moi, un barrage hydroélectrique, ça ne peut qu'être rentable. Maintenant, si on donne à une entreprise privée ou à une sorte de PPP parce qu'il faut faire attention, nous on est en faveur des partenariats, là. Si les communautés autochtones puis Hydro-Québec font un partenariat, c'est une excellente nouvelle, avec une transmission d'expertise vers ces communautés-là. Mais, par contre, les privatisations, les partenariats public-privé, là où il y a une entreprise privée qui irait chercher un 20, 30 % de rente économique avec une municipalité puis une communauté autochtone en rachetant ces barrages-là, nous, on voit vraiment qu'il y a un problème. Puis, par exemple, à Saint-Narcisse, il y avait un barrage qu'on était sur le point de vendre. Évidemment, ce que vous rapportez, ça nous inquiète au plus haut point. Parce que si l'employeur, si je puis, pardonnez-moi, Hydro-Québec cherche des façons de céder ces barrages-là à des entreprises privées,  quelle est l'intention ici? Est-ce que c'est vraiment d'améliorer nos barrages? Est-ce que c'est vraiment d'améliorer notre efficacité...

Mme Rizqy : Bien, je veux juste prendre mon dernier 30 secondes pour dire : Moi, j'été quand même. Je tiens à rappeler que M. Sabia, parce que j'ai posé la question et il a répondu clairement : ça serait stupide. Je ne peux faire que miens ses propos.

Le Président (M. Montigny) : Pour un dernier 30 secondes...

M. Bolduc (Denis) : Mais si vous me permettez, j'ajouterais, Mme... M. le Président, l'interrogation qu'on a puis je vais revenir sur les forges de Sorel, l'interrogation qu'on a quand on a rencontré Pierre Fitzgibbon,  puis j'espère que la ministre les a dans son bureau, ces fameux dossiers-là, parce que les fameux projets qui sont sur la table de M. Fitzgibbon, personne ne les connaît à part que lui. Quand on l'a rencontré le 5 septembre dernier, il y avait ça d'épais. Il nous a dit : il y avait ça d'épais de dossiers sur son bureau. Quels sont ses projets? Est-ce que c'est des projets qui sont acceptables socialement?

Le Président (M. Montigny) : En conclusion. Merci. Le temps est maintenant écoulé. Je cède maintenant la parole au député de Maurice-Richard pour 3 min 3 s.

M. Bouazzi : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, messieurs, d'être ici. On touche avec vous à un problème que, bizarrement, n'a pas été adressé depuis que cette commission a commencé. Nous, on a demandé, on a envoyé une lettre au leader du gouvernement pour que le syndicat d'Hydro-Québec soit invité, y compris l'IRIS et d'autres groupes environnementaux, parce qu'ils manquent aujourd'hui à cette conversation. Et on voit bien à quel point elle est importante. On a entendu la ministre nous dire : Ne vous inquiétez pas, pour moi, Hydro-Québec, c'est important. Il n'est pas question de privatiser. Vous faites la liste d'un certain nombre de centrales électriques qui produisent moins de 100 mégawatts. Dans un de vos mémoires, donc, Chute-des-Chats, Rapides-des-Coeurs, Chute-Allard, Bryson, Rapides-1, Rapides-2, Mercier, etc. Il y en a comme ça une quinzaine. Aujourd'hui, ce qu'on comprend du projet de loi, c'est qu'Hydro-Québec va pouvoir vendre tous ceux qui sont entre 50 et 100, ce qui n'était pas possible. Est-ce que vous avez la même compréhension?

M. Dellah (Sami) : Oui, bien, en effet, c'est exactement ça qu'on voit. Puis, pour moi, ça parle vraiment, en un sens, de ce qu'on appelle la fragmentation du monopole. On vient permettre de se départir d'actifs importants qui sont des sources de revenus. Mais au-delà de ces sources-là, c'est des éléments de cohérence également dans notre sécurité énergétique. Donc, pourquoi, encore une fois, est-ce qu'on veut prendre quelque chose qu'on maîtrise déjà, qu'on le redivise ailleurs avec du privé?

M. Bouazzi : On est d'accord. Je vais vous demander des réponses courtes. J'ai très peu de temps. On est d'accord...

M. Bouazzi : ...que ça apporte de la complexité dans la gestion du réseau. Plus il y a des morceaux au privé, plus ça va être compliqué pour stabiliser le réseau, là. Parlons entre ingénieurs, là, c'est bien ça?

M. Dellah (Sami) : Oui, la complexité, l'incohérence.

M. Bouazzi : On est d'accord que plus il va y avoir de l'autoproduction et de la vente au privé, du privé au privé, et puis évidemment un équilibrage par les barrages d'Hydro-Québec, ça apporte de la complexité et des coûts pour Hydro-Québec?

M. Dellah (Sami) : Absolument. Puis une compétitivité qui est inutile, qui va augmenter les coûts pour les résidents également.

M. Bouazzi : Le problème de ce projet de loi, c'est qu'il ne répond pas à la question que vous avez posée, M., depuis le début, qui consiste à dire : Mais au bout du compte, là, quel pourcentage va se retrouver dans le projet? Il n'y a pas une ligne qui nous dit. Tout ce que ça fait, c'est que ça ouvre des brèches où on peut se retrouver avec beaucoup plus de privé, plus de complexité, plus de coûts. C'est un des... un des problèmes de ce projet de loi qui est central parce qu'on ne sait pas c'est quoi, le plan. Mais on est en train d'ouvrir toutes sortes d'ouvertures. Ça fait que, moi...

Le Président (M. Montigny) : ...

M. Bouazzi : Moi, j'invite la ministre à rajouter trois jours de consultations parce que ce n'est pas possible d'avoir une conversation sur quelque chose d'aussi grave que... Ah oui! Je conclurai que j'ai posé la question à M. Sabia ici même pour lui dire : Est-ce que vous comptez vendre ces barrages-là? Il m'a dit : Ah non, en tout cas, pas tout de suite. C'est ce qu'il m'a dit. Vous irez voir le verbatim. Dans quel monde on vit pour accepter des choses comme ça, sans avoir un plan, sans avoir écouté les gens concernés?

Le Président (M. Montigny) : ...le temps étant écoulé, merci. C'est le temps maintenant de céder la parole au député de Jean-Talon pour deux minutes 19 secondes.

M. Paradis : Donc, non seulement les représentants des milliers de travailleurs d'Hydro-Québec, l'intelligence d'Hydro-Québec n'a jamais été consultée sur le projet de loi n° 69, mais en plus, vous nous dites que vous avez demandé à être entendus ici, puis on vous a refusé ça. C'est bien ça?

M. Gloutney (Patrick) : C'est bien ça. J'ai parlé à M. Fitzgibbon à deux reprises, et il m'a référé au secrétariat parce que c'est eux qui avaient le pouvoir. Et je savais très bien que c'est... c'est M. Fitzgibbon qui avait le pouvoir de décider qui était ici en commission parlementaire.

M. Paradis : Stupéfiant. Parce qu'en plus, vous arrivez, vous, avec des calculs et des tableaux clairs. Si je regarde bien votre tableau dans votre mémoire, si on adopte le projet de loi n° 69 de la ministre avec les articles 38 à 40 actuels, la part de la production privée va passer de 4,9 % à 19 %, selon vos calculs. J'ai bien compris?

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Oui. Tout à fait. Selon notre estimation, à partir des dires de M.  Fitzgibbon, de 13 500 mégawatts. Tout à fait. Oui.

M. Paradis : Hydro-Québec dit dans ses propres chiffres que c'est 6 milliards par année aux revenus du Québec qu'Hydro-Québec contribue. On nous dit qu'on va doubler Hydro-Québec. Ça, ça veut dire qu'on ferait 12 milliards à l'horizon 2030-2035. Est-ce que je vous ai bien compris?

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Tout à fait. Si on va rapidement.

M. Paradis : Et qu'avec cette privatisation prévue dans le projet de loi n° 69, ça veut dire qu'on se priverait à peu près de 3 milliards par année de revenus au gouvernement du Québec?

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : C'est ce qu'on dit aussi, 3 milliards. On perdrait une rente économique importante.

M. Paradis : Un CHUM par année, 80 labs-écoles qui vient d'être coupé, là. C'est ça, là, qu'il faut que les Québécois comprennent, là. C'est ça, la privatisation. On va se priver de ces revenus-là, nous, les Québécoises et les Québécois. C'est bien ça que vos chiffres disent?

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : C'est ce qu'on craint. C'est ce que nos chiffres disent.

M. Paradis : Et ce qui est intéressant, c'est que vous, vous avez fait une planification parce que vous avez réfléchi à ça, puis vous avez insisté, tout le monde ici, pour dire qu'on est arrivés ici, en commission, on ne devrait pas être ici, en commission parce qu'on n'a pas le plan, on n'a pas la vision du gouvernement du Québec, qui n'a pas fait ces calculs-là. C'est bien ça?

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Tout à fait. On veut décarboner, mais ça prend un plan avant le projet de loi.

M. Paradis : Avant le projet de loi.

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Bien sûr.

M. Paradis : Donc, vous invitez la ministre à retourner faire ses devoirs, en quelque sorte?

M. Sylvestre (Pierre-Guy) : Tout à fait. Mais on sera là pour collaborer avec.

M. Paradis : Merci.

Le Président (M. Montigny) : Alors, merci. Le temps étant écoulé, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends donc les travaux pour quelques instants afin de permettre aux prochains invités de se présenter à l'avant. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 19)

(Reprise à 12 h 22)

Le Président (M. Montigny) : Alors, merci. Nous redébutons nos travaux.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants Manufacturiers et exportateurs du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons, par la suite, à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé immédiatement. Merci.

Mme Proulx (Véronique) :Excellent! Alors, bonjour à tous! Véronique Proulx, présidente-directrice générale des Manufacturiers exportateurs. Et je suis accompagnée aujourd'hui...

Mme White (Julie) : ...de Julie White, directrice principale chez Tact, et qui collabore avec Mme Proulx.

Le Président (M. Montigny) : Merci. Bienvenue!

Mme Proulx (Véronique) :Excellent! Alors, Mme la ministre, M. le Président, mesdames et messieurs, bonjour. Merci beaucoup de prendre le temps de nous accueillir aujourd'hui. Manufacturiers exportateurs du Québec, c'est une association d'affaires qui regroupe 1100 entreprises manufacturières, des PME, des grandes entreprises, des grands industriels, qui sont établis partout en région, à l'image du tissu industriel économique du Québec.

Alors, aujourd'hui, on vous présente cinq grandes recommandations que je vais parcourir. Je vous dirais, d'entrée de jeu, qu'on a fait un sondage récemment qui nous a permis de constater que 35 % des entreprises manufacturières québécoises manquent d'énergie pour leurs besoins actuels. Alors, vous comprendrez que le projet de loi qui est déposé prend tout son sens, a beaucoup d'importance pour nous. Il y a cinq recommandations, mais, dans les faits, on a vraiment deux grandes préoccupations, priorités. La première, c'est l'accès aux blocs d'énergie. On a plusieurs de nos membres de grands industriels, à travers le Québec, qui se sont vu refuser l'accès au bloc d'énergie. Ce sont des entreprises qui voulaient investir, qui voulaient décarboner leurs opérations. Et la deuxième grande priorité, bien, c'est la question de la tarification. On comprend que le tarif, ce n'est pas le seul levier. En fait, on comprend... ce n'est pas le seul levier, mais c'est un levier de compétitivité pour s'assurer que nos manufacturiers soient compétitifs ici, à l'échelle locale et internationale.

Alors, je me lance. Je n'aurai pas le temps d'aller dans tout le détail, mais ça me fera plaisir de répondre à vos questions par la suite. La première recommandation : maintenir les tarifs qui visent à assurer la compétitivité des manufacturiers. Alors, on fait ça comment? La première chose, c'est de cesser l'interfinancement. Alors, pour nous, nos membres sont prêts à payer leur part, leur juste part, mais on s'attend à ce que chaque clientèle, chaque segment puisse payer sa part qui lui revient en lien avec la consommation énergétique. Je rajouterais, et je le réitère, les manufacturiers sont des grands exportateurs, 86 % des exportations québécoises, ce sont des biens manufacturiers, notamment à destination des États-Unis. Il y a une concurrence qui est très féroce à l'international. Et le tarif, notamment le tarif L, mais les tarifs hydroélectriques font partie des leviers de compétitivité de nos entreprises depuis toujours. Alors, vous comprendrez que ça nous préoccupe beaucoup quand on entend le premier ministre dire «que les frais, les frais qui sont reliés à l'augmentation des coûts de services seront payés ou devront être payés par les entreprises, notamment les manufacturiers».

Deuxièmement, on comprend qu'il y aura des investissements importants qui vont être faits du côté d'Hydro-Québec. On souhaite qu'il y ait une transparence, le plus de transparence possible pour s'assurer qu'il y ait une saine gestion et s'assurer que les coûts n'explosent pas compte tenu des investissements qui seront nécessaires. Troisièmement, ne pas indexer le volet du tarif L...

Mme Proulx (Véronique) :...lié au bloc patrimonial. Je vous dirais que ce qui est important pour nous là-dedans, c'est de s'assurer, globalement, que ça soit le bloc patrimonial ou l'indexation des coûts de service pour le tarif L. Encore une fois, qu'on garde en tête que ce tarif-là contribue à la compétitivité de nos entreprises qui sont confrontées, encore une fois, à... en concurrence très forte du côté international, que ça soit aux États-Unis, en Europe ou ailleurs. Quatrièmement, assurer une prévisibilité des tarifs. Alors, quand on fait des projets d'investissement dans le secteur manufacturier, on les planifie sur plusieurs années. On veut pouvoir avoir de la prévisibilité, au moins sur cinq ans, pour les tarifs, comme ça, on peut l'incorporer dans notre structure de coûts et dans nos prévisions en lien, toujours, avec ces projets d'investissement.

Deuxième grande priorité... ou recommandations, plutôt, favoriser l'accès aux blocs d'électricité aux entreprises déjà établies ici. Alors, je le mentionnais, plusieurs de nos membres se sont fait refuser des projets. Puis on comprend qu'il y a... l'énergie, elle est limitée, mais ce qu'on souhaite, c'est qu'on puisse prioriser les entreprises qui sont déjà établies ici, qui sont en région, qui contribuent au développement économique régional depuis de nombreuses années, qui investissent, qui offrent des bons emplois aussi.

Alors, trois sous recommandation. Dans un premier temps, que les données sur les blocs disponibles soient accessibles via une carte interactive. Ça va permettre à nos entreprises d'être capables de prévoir où est-ce qu'ils peuvent investir, s'implanter, en sachant quelle est la disponibilité, mais aussi à tous les organismes et au gouvernement qui les accompagne d'avoir plus de prévisibilité en ce sens. Deuxièmement, je le mentionnais, favoriser les entreprises qui sont déjà implantées au Québec. Et, troisièmement, préciser les balises pour l'octroi des blocs, donc plus de clarté, de transparence sur qu'est-ce qui nous permet, finalement, de se qualifier pour avoir accès aux blocs de plus de cinq mégawatts.

Troisième recommandation, accélérer, faciliter l'autoproduction. Alors, dans le cadre d'un même sondage qu'on a fait, 82 % des entreprises sondées nous ont dit être ouvertes à l'autoproduction pour leurs propres besoins. Alors, dans un premier temps, on propose au gouvernement de mettre en place des programmes, des mesures fiscales, des incitatifs pour inciter les entreprises à investir pour leur permettre de produire pour leurs besoins. Dans un premier temps, ça va nous permettre d'accélérer... d'accélérer la disponibilité d'énergies renouvelables pour nos besoins et, dans un deuxième temps, de permettre aussi de revendre cette énergie à des sites adjacents. Donc là, ce qu'on demande, c'est de s'assurer que la notion de sites adjacents encourage le déploiement d'un programme d'achat d'électricité entre deux entreprises. Et on cite en mémoire... dans le mémoire un exemple, un parc industriel en Ontario où c'est possible d'alimenter l'ensemble du parc via une ou deux entreprises qui produisent pour les autres. Donc, c'est un exemple parmi d'autres, mais ça permettrait, à notre avis, d'accélérer, encore une fois, la cadence et d'augmenter la disponibilité sur le réseau.

Quatrième recommandation, s'assurer de l'efficacité d'Hydro-Québec pour répondre aux besoins du développement économique. Je mentionnais tout à l'heure, il va y avoir des investissements importants qui seront faits. On veut s'assurer, bien sûr, qu'il y ait une saine gestion, de la transparence pour éviter une explosion des coûts, qui sera ultimement refilée aux consommateurs, dont le secteur manufacturier. Mais je vous dirais que ce qu'on souhaite également, puis je comprends que la ligne est mince, en fait... l'équilibre est difficile entre les deux, c'est de ramener, en fait, l'obligation, les critères d'exigence de contenu local dans les contrats d'Hydro-Québec pour permettre à nos entreprises qui fabriquent ici de pouvoir soumissionner sur les contrats ou d'avoir accès, en fait, aux contrats. Et on a vraiment une belle filière, au Québec, d'entreprises manufacturières qui sont des fournisseurs d'Hydro-Québec. On a une filière qui est en développement au niveau de l'énergie renouvelable aussi. Donc, en ramenant ces critères de contenu local là, bien, on favorise l'émergence et la pérennité, j'ai envie de dire, de ces entreprises.

Cinquième recommandation, s'assurer que le PGIRE réponde réellement aux objectifs poursuivis. Donc, qu'est-ce qu'on veut dire par ça? Premièrement, bien, que le PGIRE soutienne l'ensemble des filières énergétiques qui permettront d'atteindre la carboneutralité. Donc, chez les Manufacturiers et exportateurs du Québec, on pense qu'on doit regarder... on doit soulever toutes les roches. Que ça soit la biomasse, que ça soit le nucléaire, le GNR, l'hydrogène, il faut vraiment regarder l'ensemble des filières qui sont disponibles pour s'assurer, encore une fois, de se donner le maximum d'opportunités et de chances de déployer l'énergie qui est nécessaire pour les entreprises manufacturières, mais pour l'ensemble des segments et pour le Québec également. On souhaite, dans le cadre du PGIRE, que tous les ministères concernés soient consultés. Pourquoi on dit ça? Bien, on pense, par exemple, à certains exemples dans l'éolien, où des projets ont été retardés dans la construction de parcs éoliens parce que l'infrastructure de transport n'était pas en place. Donc, s'assurer, vraiment, qu'il y ait une consultation... une concertation complète pour s'assurer de l'efficience de ces projets-là qui doivent aller de l'avant. Troisièmement, consulter les distributeurs pétroliers gaziers dans le cadre du PGIRE. Pourquoi? Bien, parce qu'on a encore besoin de gaz naturel et de pétrole. Ces entreprises-là doivent être autour de la table pour voir qu'est-ce qu'ils ont dans leurs projets, les innovations puis comment ils peuvent contribuer, encore une fois, à la transition énergétique du Québec. Et finalement...

Mme Proulx (Véronique) :...organisé une consultation spécifique au secteur manufacturier. Pourquoi? Parce qu'on veut s'assurer d'être partie prenante, on veut pouvoir partager nos orientations, nos besoins futurs. Donc, finalement, faire partie, faire partie de la solution. Alors, je vais m'arrêter ici, mais ça va me faire plaisir de prendre vos questions et d'échanger avec vous pour la suite.

• (12 h 30) •

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup pour votre exposé. Maintenant, nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Mme la ministre, la parole est à vous. Vous disposez de 14 min 30 s.

Mme Fréchette : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Proulx, toujours très efficace dans vos communications. Mesdames, merci d'être là, de participer à cet exercice très important autour d'un projet porteur pour le Québec. On est en train de façonner les contours d'un grand chantier qui va occuper le Québec. Et d'ailleurs, j'aimerais vous entendre tout à l'heure sur les enjeux de main-d'œuvre, à savoir est-ce qu'on a la main-d'œuvre requise pour mettre de l'avant tout ça? Mais j'aimerais, dans un premier temps, vous entendre sur les tarifs. Bon, vous proposez fait que le tarif L lié au bloc patrimonial soit gelé et donc par conséquent ne soit pas indexé. Dans quelle mesure vous expliquez qu'il faille un gel pour que nos entreprises restent compétitives? Parce que, dans un contexte inflationniste, les coûts augmentent, les coûts s'accroissent. Et puis on a, par ailleurs, une ressource énergétique qui est prisée dans un contexte de transition énergétique. Alors, pourquoi devrait-on ne pas capter, à la fois, la pression inflationniste qui s'exerce et également le côté vert qui répond au besoin très vaste de décarbonation? Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Proulx (Véronique) :Deux choses, en fait, dans un premier temps, compte tenu des investissements qui seront requis, notre préoccupation, c'est que le coût de service qui sera imputé explose, et il va exploser. Alors, comment, comme manufacturier, on s'assure d'avoir accès à une énergie renouvelable dont on a besoin pour la décarbonation, mais qui soit aussi à un tarif qui maintienne notre compétitivité? En fait, ultimement, c'est toujours ça qui va revenir. Puis je vais le répéter souvent, ce mot-là, qui, à la fois, ne veut rien dire et veut tout dire. Les tarifs, les tarifs d'hydroélectricité ont permis au Québec d'attirer et de maintenir des investissements. Ce n'est pas la seule, ce n'est pas la seule chose qui fait qu'on est productifs ou compétitifs, mais ça fait partie du panier ou des leviers du gouvernement. Alors, en bloquant, en gelant le bloc patrimonial, sachant que la deuxième partie, finalement, du tarif va augmenter, sera indexé en fonction des coûts de services, déjà, il risque d'y avoir une augmentation significative, et c'est notre préoccupation que ça ait un impact sur notre compétitivité, sur notre capacité à investir, à réinvestir et à croître.

Mme Fréchette : Est-ce que le gel proposé concerne aussi les entreprises commerciales? Donc, c'est au-delà de l'industriel ou c'est que pour l'industriel que vous proposez le gel?

Mme Proulx (Véronique) :Pour l'industriel, pour nos grands industriels qui sont davantage...

Mme Fréchette : O.K. Le maintien de la situation, le statu quo, dans le fond.

Mme Proulx (Véronique) :Bien oui, parce qu'ils sont davantage confrontés à la concurrence internationale. Ce sont nos grands exportateurs, ceux qui sont les plus exposés.

Mme Fréchette : Et qui, ultimement, devraient payer la facture du développement des futures infrastructures? Parce que, vous l'évoquiez, les prochaines infrastructures vont avoir un coût marginal plus important. Donc, qui devrait assumer le paiement? Est-ce que c'est réparti équitablement entre l'ensemble des types de clientèle, à votre point de vue, qu'il faudrait que ça se fasse?

Mme Proulx (Véronique) :Mais en fait c'est la première... En fait, le premier point, c'est que c'est difficile d'évaluer jusqu'à... quels seront les coûts compte tenu des investissements qui seront requis. Notre prémisse, c'est de dire : Il faut cesser l'interfinancement, que chacun paie sa juste part. Mais, en même temps, ou en plus, j'ajoute le fait, j'y reviens, les entreprises contribuent au développement économique du Québec, paient des impôts, paient des taxes, créent des emplois, des bons emplois payants, ça fait que , nous, ce qu'on aimerait, c'est que ce soit considéré lorsque viendra le temps d'établir ce tarif-là. Parce que le tarif, encore une fois, fait partie des différents leviers, au même titre que les crédits d'impôt à la RDEI, que des programmes que vous mettez de l'avant, ça a toujours été le cas, et on souhaite que ça continue, que ça soit un outil, un levier qui permette aux entreprises de continuer à prospérer ici.

Mme Fréchette : Une des choses dont on ne parle peut-être pas assez, c'est le volet efficacité énergétique, ça aussi, c'est une gestion de la demande, un élément qui est fort important de l'équation. Comment est-ce que vous voyez que les entreprises manufacturières puissent contribuer à accroître l'efficacité énergétique et justement réduire la pression sur la demande? Est-ce que ces entreprises, qui sont vos membres, sont déjà engagées dans cette mouvance là ou c'est plutôt à venir? Et dans quelle mesure ça va générer une réduction, à votre point de vue?

Mme Proulx (Véronique) :Alors, c'est une bonne question, au niveau de la transition énergétique, on a fait une analyse il y a deux ans, c'était au niveau pancanadien, mais les données du Québec étaient très similaires, où on voyait que 50 % des entreprises de plus de 500 employés s'étaient fixé des objectifs de carboneutralité, donc, sont bien...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Proulx (Véronique) :...dans le mouvement.

Puis là je prends un pas de recul. Au Québec, on a 13 000 entreprises manufacturières, il y en a seulement 1 000 qui ont plus de 100 employés. Donc, on comprend que nos grands manufacturiers, pour la plupart, se sont dotés d'objectifs, certaines sont des entreprises cotées en bourse, sont publiques, donc vont aller de l'avant nécessairement. On voit qu'au niveau de la PME, ça peut parfois être plus difficile parce que ce n'est pas toujours la priorité numéro un parmi toutes leurs priorités. Je le dis souvent, là, une entreprise qui a 100 employés, qui est basée, je vais dire, à Granby, le P.D.G. s'occupe des ressources humaines, des finances, de la production, il lui manque cinq employés, il y a des projets d'exportation, problèmes de chaîne d'appro. On lui parle de décarbonation ou d'efficience, on parle juste d'efficacité énergétique, oui, il trouve ça important, mais ce n'est pas toujours dans les priorités.

Maintenant, plus les grandes entreprises avancent, plus elles se retournent vers leur chaîne d'approvisionnement. Et elles mettent de la pression nécessairement sur leurs fournisseurs pour qu'ils puissent commencer à faire un bilan et qu'ils soient en mesure d'apporter les changements nécessaires si elles-mêmes, elles veulent être capables d'atteindre leurs objectifs. Alors, c'est en mouvance, mais il y a encore beaucoup de travail à faire, je vous dirais, pour qu'on puisse avancer dans ce sens.

Puis je me permets de faire le lien avec le Inflation Reduction Act aux États-Unis puis la question précédente. Parce que quand on parle de mesures et de programmes, on sait qu'aux États-Unis ils ont annoncé le Inflation Reduction Act, c'est 340 milliards pour stimuler l'investissement vert industriel, qui est un incitatif important. Au Québec, on a Hydro-Québec puis on a des tarifs qui sont compétitifs, et je pense qu'on peut en faire encore plus pour inciter nos entreprises à aller de l'avant pour investir pour décarboner. Alors, c'est pourquoi j'y reviens, sur l'importance puis la notion de la compétitivité des tarifs pour la compétitivité du secteur, mais aussi dans une perspective de transition énergétique et de décarbonation.

Mme Fréchette : Et est-ce que vous verriez que les initiatives ou appuis supplémentaires, additionnels viennent d'Hydro-Québec surtout ou si Investissement Québec peut être de ces éléments, ces catalyseurs, je dirais, d'une plus grande efficacité énergétique?

Mme Proulx (Véronique) :Oui. Alors, si je posais... je n'ai pas posé la question directement à mes membres, mais je posais la question, ils nous diraient, dans le fond : Ce qui va être le plus simple, le plus prévisible, le plus efficace. Parce que parfois, des programmes, ça peut être lourd à gérer, il n'y a pas toujours de prévisibilité. Quand qu'on connaît les tarifs sur cinq ans, ça nous permet de mieux planifier.

Mme Fréchette : Abordons le... maintenant le volet main-d'oeuvre. Donc, ne serait-ce que pour Hydro-Québec, on parle de la nécessité d'avoir 35 000 travailleurs par année jusqu'en 2035. C'est important comme bassin de talents. Alors, est-ce qu'à votre avis on a ce qu'il faut pour répondre à cette... à cette nécessité d'avoir les 35 000 travailleurs qui s'engagent? Est-ce que vous craignez un impact sur vos membres par ailleurs? Et puis quel type de mesures on devrait prendre pour s'assurer que le savoir-faire est au rendez-vous?

Mme Proulx (Véronique) :En fait... En fait, oui, il y a une préoccupation. Dans le secteur manufacturier, on compte encore 13 000 postes vacants. La pénurie de main-d'œuvre demeure un enjeu pour notre secteur. Je vais faire le lien avec le secteur de la construction dans un instant. Et je vous dirais que, quand on regarde notre secteur, ce n'est plus l'urgence du jour comme ça l'était peut-être il y a un an ou deux ans parce que le marché a ralenti, on voit le nombre de postes vacants qui a diminué. Mais quand on regarde les départs à la retraite au cours des prochaines années, on voit que ça va redevenir une préoccupation, que ça va redevenir une urgence, d'autant plus que le gouvernement fédéral vient d'annoncer des mesures pour réduire les travailleurs étrangers temporaires. Alors, la question : Est-ce qu'on a suffisamment de main-d'oeuvre, est-ce qu'on a des préoccupations? Oui, parce que nous-mêmes, présentement, on en manque. Et compte tenu des besoins grandissants d'Hydro-Québec, bien, c'est clair que ça va venir, aller chercher des travailleurs qui sont dans notre industrie. Ça, on a souvent vu des gens dans le secteur manufacturier vont quitter lorsque le secteur de la construction part en croissance, soit parce qu'il y a des meilleures conditions ou dans un autre contexte. Alors, c'est une préoccupation grandissante pour nos membres. Ça devient un frein à notre croissance, un frein à l'investissement aussi, parce que quand tu n'as pas la main-d'œuvre nécessaire, bien, nécessairement tu vas reporter certains projets d'investissement. On l'a vu dans les analyses, dans des données, puis on le voit sur le terrain aussi. Alors, c'est une préoccupation tant pour nous que pour Hydro-Québec, qui a besoin de cette main-d'œuvre-là pour être capable de réaliser ses projets.

Les fournisseurs également. On a plusieurs de nos membres qui sont des fournisseurs d'Hydro-Québec, qui sont des fournisseurs dans le secteur de la construction et qui peinent à répondre à la demande présentement.

Mme Fréchette : Est-ce que vous voyez le programme d'Investissement Québec au sujet de la productivité pour aider, engager davantage les PME dans des mesures de rehaussement de la productivité comme une solution pour à la fois décarboner, réduire les coûts, réduire la recherche d'une main-d'oeuvre spécialisée?

Mme Proulx (Véronique) :Oui, c'est un très bon point. En fait, lorsqu'on... Ça a été démontré que lorsqu'on investit pour augmenter notre productivité, que ce soit par l'entremise d'un renouvellement d'un parc d'équipements, par des équipements qui sont moins... qui consomment moins, bien, d'une part, on augmente notre productivité, on fait plus avec moins, on est moins dépendants de main-d'œuvre dans des postes d'entrée puis on réduit nos GES par le fait même. Mais il y a vraiment un retard, notamment au niveau de la petite et de la moyenne entreprise, pour toutes sortes de bonnes et de mauvaises raisons, là, qui font en sorte que les entreprises...

Mme Proulx (Véronique) :...les entreprises n'ont pas toujours investi ou n'ont pas la capacité d'investir. Ça fait que je pense que le gouvernement... Nous, on peut faire mieux, et le gouvernement peut faire mieux aussi pour accompagner ces entreprises-là. Les grandes entreprises comprennent l'importance d'investir, de réduire leur bilan carbone et de rehausser leur compétitivité, parce que leur concurrence, elle est à l'international, elle est très, très forte. Au niveau de la PME, ça comporte davantage de défis.

• (12 h 40) •

Mme Fréchette : Parlons justement de l'international. Qu'est-ce que vous voyez comme potentiel pour le Québec, l'économie du Québec pour un positionnement à l'international avec l'énergie verte qui est la nôtre, un réseau d'électricité parmi les plus verts au monde, la recherche d'une décarbonation à l'échelle de la planète? Ça nous ouvre des opportunités, là, ça, clairement. Comment est-ce que vous voyez qu'on puisse profiter de ça, de ce contexte-là avec les ressources que l'on a, le savoir-faire qu'on a? Il y a des cartes à jouer. Qu'est-ce que vous voyez comme potentiel?

Mme Proulx (Véronique) :En fait, le Québec est à un... a un positionnement ou l'opportunité de se positionner à l'échelle internationale avec son énergie renouvelable dans des filières comme, on a vu, la filière batteries, mais en attirant d'autres industries qui vont venir contribuer à développer, diversifier et faire grandir le tissu industriel à travers le Québec.

Je réitère ce que j'ai dit tout à l'heure, je pense qu'il doit y avoir une priorité aux entreprises qui sont établies ici puis qui contribuent. Mais, on l'a vu avec la filière batteries qui est venue s'installer ici, je pense qu'en déployant davantage, en investissant davantage dans le développement énergétique du Québec, on sera en mesure d'assurer une croissance pérenne de l'industrie au Québec et de l'économie également. Il y a peu de nations dans le monde qui ont cette opportunité-là.

Mme Fréchette : Oui, je pense qu'on a une opportunité en fait incroyable, là, pour justement capitaliser et devenir un catalyseur aussi de toute l'expertise qu'on a déployée et développée au fil des ans.

Dans votre mémoire, vous parlez de votre ouverture de la vente d'électricité entre deux entreprises situées sur des sites adjacents de même que par rapport à l'autoproduction, là. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur les avantages que ça peut générer, que ce type de fonctionnement de... d'autoproduction avec vente à un terrain adjacent, là, de l'électricité?

Mme Proulx (Véronique) :Bien, en fait, en ayant... en... Bon. Premièrement, sur l'autoproduction... Je vais prendre un pas de recul. On a des entreprises qui, faute d'avoir accès à l'énergie nécessaire, font... achètent des PPA, mais vont les acheter aux États-Unis. Ça fait que la première chose, c'est que certaines entreprises veulent vraiment réduire leur empreinte carbone parce qu'elles ont des objectifs de carboneutralité. Ne pouvant pas le faire au Québec, elles ont choisi d'investir aux États-Unis ou ailleurs pour acheter des contrats de... les PPA, qui leur permettent de réduire sur papier leur bilan carbone. Alors, c'est quand même malheureux que ces investissements-là se fassent aux États-Unis plutôt que se faire au Québec, et que ça réduise réellement leur empreinte ici au Québec. Alors, pour nous, ça prend toute son importance.

Maintenant, une entreprise qui peut faire de l'autoproduction pour ses propres besoins, bien, ça permet de réduire la pression sur le réseau, notamment en période de pointe, ça lui permet... ça lui génère plus de flexibilité et de capacité, ce qui est un enjeu dans le contexte actuel, où Hydro-Québec... où Hydro-Québec manque de... pas de flexibilité, mais qu'il y a des enjeux de puissance, en fait, sur le réseau. Et les sites adjacents, bien, ça permet justement à une entreprise, une entreprise sœur, à un voisin — puis là, je reviens à ma notion de parc industriel, parce que, moi, je pense que ça doit être étendu — bien, ça permet d'alimenter ces entreprises-là sans mettre de pression sur le réseau.

Mme Fréchette : Et vous parliez tout à l'heure de la volonté de vos membres de décarboner puis de contribuer à la réduction de l'empreinte carbone. Qu'est-ce que vous voyez comme perspective pour ce qui est de payer une prime à l'énergie verte? Est-ce que les entreprises, les industries sont rendues à ce point-là de dire : Bien, dans la mesure où un fournisseur m'offre un produit, un intrant qui est vert, bien, moi, je vais capitaliser là-dessus, je vais m'assurer de m'approvisionner auprès de ces entreprises-là, parce que maintenant le marché reconnaît cette valeur-là et est à la recherche de ça? Est-ce que vous considérez qu'on a atteint ce point-là ou que c'est à venir, et voilà l'impact que ça pourrait avoir?

Mme Proulx (Véronique) :Donc, par exemple avec le GNR, si on prend l'exemple du GNR, qui est plus coûteux, on voit que les entreprises l'intègrent, mais au bout de la ligne il y a quand même toujours l'enjeu de la structure de coûts. Alors, je vous dirais qu'on... j'ai envie dire qu'on commence. On voit que certaines entreprises s'y intéressent de plus en plus, puis, justement pour des questions de carboneutralité, vont aller à ce sens. Mais c'est encore émergent au sein du tissu industriel au Québec, parce que le marché n'est pas encore tout à fait là, c'est-à-dire que la demande de leurs clients n'est pas encore rendue là.

Mme Fréchette : Il y a peut-être des mesures qu'on pourrait... 

Le Président (M. Montigny) : Pour 30 secondes.

Mme Fréchette : ...des actions qu'on pourrait développer justement pour mettre ça de l'avant, parce que ça nous avantagerait, en fait, comme économie, là, qui repose sur...

Mme Proulx (Véronique) :Absolument, d'inciter pour réduire... pour produire davantage, réduire les coûts.

Mme Fréchette : Oui...

Mme Proulx (Véronique) :Oui, oui, absolument.

Mme Fréchette : ...et pour faire reconnaître la vraie valeur de notre électricité verte.

Mme Proulx (Véronique) :Oui, puis même au sein du gouvernement du Québec, dans ses propres achats aussi.

Mme Fréchette : Tout à fait. Donc, ça complète. Bien, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Montigny) : Merci.

Mme Proulx (Véronique) :Merci à vous.

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup. Maintenant, je cède la parole à la députée de Saint-Laurent pour 9 min 8 s Merci.

Mme Rizqy : Merci...

Mme Rizqy : ...beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Proulx, bonjour, Mme White, merci de participer à nos travaux. On n'a pas beaucoup de temps, mais j'imagine que vous avez sûrement écouté l'entrevue hier, à Tout un matin, qui portait... avec M. Lapierre, qui est le président-directeur général de l'entreprise les Forges de Sorel. Et il résumait, je pense, un peu ce que certaines des entreprises que vous représentez ont eu comme réponse, c'est-à-dire qu'ils ont soumissionné pour avoir des blocs d'énergie dans le but de se décarboner et ils ont reçu une fin de non-recevoir sans grille d'analyse. Et il a dit la chose suivante : «On ne sait pas pourquoi, pas de grille d'analyse, pas de question sur l'impact économique, social ou environnemental du projet.» Il va plus loin, par la suite, M. Lapierre, il explique la chose suivante : Nous, pourquoi qu'on veut se décarboner? C'est qu'on est sur le marché de la carbone.

Alors, si on ne le fait pas, ça va nous coûter plus cher d'opération.» Et, par la suite, M. Masbourian lui demande la question suivante : Est-ce qu'on parle d'emplois qui sont menacés? Et il répond sans aucun faux-fuyant : Absolument. Est-ce que c'est une réalité pour les entreprises dans un marché mondial très compétitif que non seulement il y a le coût de l'énergie, mais il y a aussi le bloc d'énergie pour soit les expansions, soit aussi pour se décarboner, qui sont nécessaires lorsqu'on prend une décision, à savoir : Qu'est-ce qu'on fait pour la suite des choses avant d'annoncer des investissements majeurs?

Mme Proulx (Véronique) :En fait, on a... on a effectivement certains membres qui nous ont dit clairement : Compte tenu qu'on n'a pas accès aux blocs d'énergie puis qu'on n'a pas de prévisibilité... parce que, tu sais, c'est une chose de ne pas avoir accès, puis là on a demandé plus de clarté au niveau des critères. C'est une chose de ne pas avoir accès, mais est-ce qu'on va avoir accès dans un an, dans deux ans, dans cinq ans? Parce qu'on veut planifier nos investissements. Et, n'ayant pas eu de réponse à ces questions, certains membres ont dit : Bon, des entreprises qui ont des sites au Canada, aux États-Unis, les investissements vont se faire du côté américain. Donc, à terme, ça veut dire quoi? On investit dans de l'infrastructure, dans des agrandissements. Alors, ça peut remettre en question la pérennité de certains emplois qui sont au Québec, certainement.

Mme Rizqy : M. Paul Journet, de La Presse, écrivait aujourd'hui, et je cite : «L'État n'est pas cohérent. Des entreprises locales n'ont pas eu la chance des géants étrangers. Elles n'ont pas reçu l'électricité demandée pour décarboner leurs usines. Ce même gouvernement les pénalise ensuite en les faisant payer pour leur pollution. Cela ne les aide pas à vendre des produits verts à l'étranger.» Là, il fait, je pense, référence évidemment, encore une fois, au marché carbone parce qu'on est au Québec. Alors, ça, c'est une réalité que nous avons. Est-ce qu'on n'est pas ici, en fait, en plein dans le choc des visions entre M. Sabia et le gouvernement, le premier ministre, lorsque M. Sabia dit : «Peut être qu'on devrait refaire un rééquilibre et s'assurer que les mégawatts vont pour des entreprises d'ici, qui sont déjà établies ici, qui veulent se décarboner avant de penser à des entreprises futures étrangères? Vous, est-ce que vous pensez qu'on devrait d'abord prioriser les entreprises d'ici qui sont déjà établies?

Mme Proulx (Véronique) :On pense, effectivement... Dans nos recommandations, on le souligne qu'on souhaite que les entreprises qui sont déjà établies au Québec soient priorisées. Mais je souligne un point que vous venez de mentionner, pour des projets de décarbonation, notamment, ça doit être priorisé, ça doit être dans les critères, encore une fois, pour permettre à nos entreprises qui sont engagées dans des objectifs de carboneutralité pour leurs propres entreprises, mais qui vont contribuer aussi à la décarbonation du Québec, qu'elles puissent le faire ici. Donc, pour nous, ça nous apparaît comme étant une priorité.

Mme Rizqy : Juste pour précision, ce sont... je le dis, mais c'était M. Sabia, un homme avec une feuille de route encore plus garnie que... beaucoup, beaucoup plus garnie que moi, bien humblement. Alors... Bien, merci.

Et, dans votre mémoire, j'aimerais aller vraiment sur le contenu local. Ça, je pense, c'est très important, parce que, jusqu'à tout récemment, il y avait des appels d'offres d'Hydro-Québec où est-ce que le contenu, c'était 50 % québécois et, précision, 35 % de contenu régional. Là, maintenant, sans aller dans le pourcentage, nécessairement, mais, pour vous, c'est un incontournable. On a l'expertise québécoise, oui, et, deux, on est capable de fournir. Alors, pourquoi c'est tellement important, ce contenu local québécois?

Mme Proulx (Véronique) :Je vous donne un exemple concret. Dans le secteur éolien, on a une entreprise que je ne nommerai pas, mais qui qui fabrique... qui fabriquait au Québec, dans deux usines en région, et avec une Inflation Reduction Act, aux États-Unis, bien, ces produits sont cités, c'est-à-dire que les produits qui doivent être fabriqués aux États-Unis, pour pouvoir être achetés par le gouvernement américain, et compte tenu qu'il n'y a pas de...

Mme Proulx (Véronique) :...et si elle n'a pas réussi à commercialiser ses produits ou à se positionner, puis sachant qu'il n'y a plus non plus de critères au niveau du contenu local, bien, vous comprendrez que ce sont des lignes de production qui sont présentement à l'arrêt puis des employés qui ne travaillent pas. Alors, maintenant, ça prend toute son importance, la notion de contenu local, parce que ça permet justement à des entreprises qui sont ici de soumissionner, ça leur donne une chance et ça permet de développer puis de maintenir notre filière industrielle en lien avec Hydro-Québec.

• (12 h 50) •

Mme Rizqy : Dites-moi... Toujours dans votre mémoire : «Ne pas indexer le volet du tarif L lié au bloc patrimonial». La ministre, elle, elle disait que c'était un cadeau qui avait été fait à l'industrie. Juste pour ramener les choses dans leur contexte, on est au Québec, vos entreprises... La concurrence extérieure, est-ce qu'elle est parfaitement loyale ou elle peut être un petit peu déloyale, notamment lorsqu'on a des pays qui injectent de l'argent directement avec des fonds souverains, je vous donne un secteur d'activité, par exemple l'aluminium?

Mme Proulx (Véronique) :Non, effectivement. Puis on vient de voir qu'il y a eu des annonces récemment avec des tarifs sur l'acier puis l'aluminium, le Canada qui taxe... qui taxe l'importation, en fait, d'acier, d'aluminium chinois compte tenu des pratiques déloyales. Puis, en même temps, ce que ça fait, c'est que nos entreprises québécoises, canadiennes qui s'approvisionnent d'acier puis d'aluminium chinois pour des composantes qu'ils ne trouvent pas ici, aux États-Unis, bien, ils se retrouvent avec des tarifs additionnels de 25 %. Donc, les manufacturiers québécois et canadiens sont vraiment sous pression. Ça arrive d'un peu partout, en fait, et ça devient très difficile de demeurer compétitif dans ce contexte-là. Alors, ça nous ramène au tarif d'Hydro-Québec. Je réitère, ce n'est pas le seul, mais c'est un des leviers de compétitivité que le gouvernement du Québec a pour s'assurer que nos entreprises investissent ici et restent ici. L'idée, ce n'est pas d'avoir une concurrence à qui offre le plus de subventions ou de programmes, mais il faut s'assurer qu'il y ait un environnement d'affaires qui soit concurrentiel, qui soit compétitif et les tarifs en font partie.

Mme Rizqy : Parce qu'hier on entendait même, et aujourd'hui ça a été répété, cette fameuse prime verte, taxe verte, parce qu'on veut enlever le cadeau et... le mot «cadeau» n'est pas... je cite, là, je vais être très claire, du tarif L, mais est-ce... On a eu d'autres personnes qui sont venues de groupes qui nous ont dit : Ça peut mettre à risque des emplois parce que... M. Allard, par exemple, du secteur aluminium, il disait : Dans un conseil d'administration, nous, on a besoin de prévisibilité avant... pour nos maintiens de nos actifs, nous aussi, pour nos annonces. Il a dit la chose suivante : Ça ne prend pas grand-chose dans un conseil d'administration, lorsqu'il y a des hausses d'annoncées et de l'imprévisibilité, pour peut-être mettre un frein à des annonces d'investissement. Est-ce qu'on... Est-ce que vous êtes du même avis?

Mme Proulx (Véronique) :Bien, la prévisibilité, c'est le nerf de la guerre. Ça prend de la prévisibilité si on veut être capables de stimuler l'investissement au Québec, indépendamment, j'ai envie de dire, de ce qui sera mis en place. Mais la compétitivité, ce qui est dangereux, là, c'est que ça s'effrite tranquillement. Puis on ne le voit pas. Tu sais, le jour où une entreprise décide d'investir ailleurs parce que, justement, elle trouve que le coût est trop élevé, que l'environnement d'affaires est plus propice, elle ne va pas nécessairement faire une annonce ou un communiqué de presse pour le dire, elle va tout simplement se déplacer. Ça fait que je réitère, l'idée, ce n'est pas de faire une compétition à la subvention puis aux programmes, mais c'est de s'assurer qu'il y ait un écosystème fort puis qu'on maintienne une compétitivité. Pourquoi? Pour qu'on continue à offrir des bons emplois bien payés dans toutes les régions du Québec?

Mme Rizqy : En parlant de bons emplois bien payés, pouvez-vous, s'il vous plaît, rassurer le premier ministre? Parce qu'il disait : Des emplois à 20 $ de l'heure. Il y a plusieurs entreprises que vous représentez, qu'on parle des emplois de 40, 50 et même plus. C'est des bons emplois. Et surtout, même en région, n'est-ce pas?

Le Président (M. Montigny) : 30 secondes.

Mme Proulx (Véronique) :...Le salaire moyen dans le secteur manufacturier est de 27 $ de l'heure. Puis on a des besoins de gens de tous les horizons et à tous les niveaux pour être capable de faire fonctionner une usine au Québec, une ligne de production.

Mme Rizqy : Un immense merci, Mme Proulx, de participer à nos travaux. Merci aussi, Mme White, d'être avec nous. Merci.

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Maurice-Richard pour 3 min 3 s.

M. Bouazzi : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, mesdames, d'être ici. Je vais revenir avec vous sur votre recommandation. Concernant les critères d'attribution des blocs particulièrement, vous avez dit qu'il faudrait plus de transparence, plus de prévisibilité. Est-ce que vous pensez... Dans la situation actuelle, est-ce que les critères, pour vous, ils ne sont, donc, pas transparents et pas prévisibles?

Mme Proulx (Véronique) :En fait, nos membres n'ont pas beaucoup de visibilité ou n'ont pas nécessairement vu la grille qui leur permet... qui permet au gouvernement d'évaluer quels projets sont retenus ou non. Et, quand on parle de transparence, bien, c'est de le rendre disponible, d'être capable de comprendre comment on qualifie les projets et comment on fait les choix de projets. Ultimement, il y aura toujours des gens qui sont satisfaits, des gens qui ne sont pas contents, mais au moins, avec cette transparence-là, on sait dans quoi on s'embarque et on comprend mieux les décisions.

M. Bouazzi : Donc, on comprend que des «bullet points» quelque part sur une page, sur un site Web qui dit : La baisse de CO2, c'est important pour nous, n'est pas une grille?

Mme Proulx (Véronique) :On voudrait... On voudrait une grille avec une priorisation, un pointage comme il se fait...

Mme Proulx (Véronique) :...dans d'autres secteurs.

M. Bouazzi : Idéalement, non seulement elle est publique, mais quand on vous répond, on vous dit : Voici pourquoi on ne vous a pas pris.

Mme Proulx (Véronique) :Effectivement. Et est-ce que... est-ce que... est-ce que je représente mon projet dans un an, dans deux ans, dans trois ans, donc est-ce qu'il y a encore des chances que j'y ai accès pour déterminer si on fait nos investissements ici ou non.

M. Bouazzi : Et idéalement, la personne qui définit la grille et les critères n'est pas la même que celle qui étudie s'ils ont été atteints ou pas.

Mme Proulx (Véronique) :Écoutez, je n'ai pas... on n'a pas étudié la gouvernance actuelle du processus, mais c'est sûr qu'on a besoin du plus d'impartialité possible et d'objectivité dans la sélection des projets. Ça, c'est clair.

M. Bouazzi : Bien, je vous simplifie le processus actuel. Parce que j'étais dans le projet de loi et j'avais été très vocal à l'époque, même «flabbergasté» de la négligence face à une saine gouvernance. Donc, il y a une personne qui définit les critères. Les critères ne sont pas publics. La même personne décide ou pas si les critères sont atteints ou pas. Et il n'y a aucune procédure d'appel. Et dans la réponse, bien, on ne vous dit pas quels sont les critères et pourquoi ils n'ont pas été atteints. Et cette personne-là, à l'époque, était le ministre, M. Fitzgibbon. Est-ce qu'on est d'accord qu'il faudrait que ça change, par respect pour la saine gouvernance et puis les dépenses d'électricité qui nous appartiennent à tous, incluant une procédure d'appel? J'imagine, ça serait un peu logique.

Mme Proulx (Véronique) :Absolument. On a besoin de plus de transparence, plus de prévisibilité, des critères clairs. Il faut s'assurer de l'objectivité du processus et de la décision.

Le Président (M. Montigny) : 30 secondes.

M. Bouazzi : Merci. Concernant les tarifs, on vous entend, et puis vous n'êtes pas les seuls à dire : Bien là, si on n'est pas contents, on va investir ailleurs, il n'y aura plus de jobs, ça coûte... ça... il ne faut pas nous indexer, jamais... Je pense que la ministre sera peut-être contente de ce que je vais dire. Mais disons que la nouvelle électricité qui arrive, est-ce que vous êtes prêts à dire : Bien, O.K., on reste dans le pas indexé, mais dans tout le nouveau, à 11 sous le kilowattheure, vous le payez au juste prix?

Mme Proulx (Véronique) :En fait, là, puis je veux juste revenir, on ne menace pas. On ne menace pas de partir. Il y a vraiment un environnement d'affaires qu'il faut comprendre. Il y a des décisions qui se prennent ici ou à l'extérieur...

Le Président (M. Montigny) : Merci. Merci beaucoup.

Mme Proulx (Véronique) :C'est vraiment de regarder encore une fois l'impact global.

Le Président (M. Montigny) : Le temps est écoulé. Je suis désolé. Merci. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon pour deux minutes 19 secondes.

M. Paradis : Vous dites que s'il y a une indexation des tarifs pour les grandes entreprises, le fameux tarif L, ça briserait un consensus social. Il y a un autre consensus social, c'est sur celui des tarifs pour le résidentiel, M. et Mme Tout-le-monde. La phrase qui suit deux de vos recommandations, là, «cesser l'interfinancement et ne pas indexer le volet du tarif L lié au bloc patrimonial», la suite de ça, c'est «et donc, permettre une hausse ou favoriser une hausse des tarifs pour le secteur résidentiel.» Est-ce que ce n'est pas ça, la phrase suivante?

Mme Proulx (Véronique) :Bien, quand on dit effectivement qu'il faut cesser l'interfinancement puis s'assurer que tout le monde paie leur juste part, effectivement, le résidentiel doit aussi payer sa juste part. On ne peut pas mettre tout sur le dos des manufacturiers ou des entreprises, comme le premier ministre l'a sous-entendu.

Puis pour le double... le bloc patrimonial, j'y reviens, l'idée, c'est que globalement, le tarif nous permette d'assurer une compétitivité et de réduire la pression qui est quand même très forte sur le secteur manufacturier, d'atténuer l'impact de la pression.

M. Paradis : Ce qui veut dire que nous, là, comme législateurs, ce que vous nous demandez de faire, c'est d'aller voir M. Mme Tremblay, qui en arrachent dans un secteur, pas de richesse, puis de dire : Vous, on va augmenter vos tarifs parce qu'on veut protéger les tarifs des grandes entreprises, dont certaines font des centaines de millions de profits et paient des salaires pharaoniques à leurs dirigeants. C'est ça que vous nous demandez de faire.

Mme Proulx (Véronique) :En fait, ce que le gouvernement peut faire aussi. Il peut choisir de compenser, il peut choisir de le financer autrement. Mais le secteur manufacturier, encore une fois, contribue au PIB du Québec. C'est le plus grand contributeur d'ailleurs, à 12.8 %, le secteur qui contribue le plus. On est partout en région. On offre des bons emplois. Et il faut le considérer dans la balance lorsque viendra le temps de voir quel coût on impute au secteur manufacturier via le tarif L ou via le tarif pour la moyenne entreprise aussi.

Le Président (M. Montigny) : 30 secondes.

M. Paradis : Ce qui est très vrai. Mais c'est tout aussi vrai que, dans les deux dernières décennies, on a vu une augmentation fulgurante des revenus qui sont touchés par les grandes entreprises, notamment les multinationales, et les salaires qui sont payés. C'est quand même le choix devant lequel vous nous placez.

Mme Proulx (Véronique) :Oui. Tu sais, on représente les grands industriels, mais on représente aussi les PME, qui sont des petites, moyennes entreprises, des entreprises dont les entrepreneurs sont basés ici.

Le Président (M. Montigny) : Très bien.

Mme Proulx (Véronique) :Ce sont des entreprises qui sont aussi confrontées à une concurrence internationale. Le Québec n'est pas en vase clos.

Le Président (M. Montigny) : Très bien. Merci beaucoup. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux.

La Commission suspend ses travaux jusqu'à 14 h.

(Suspension de la séance à 12 h 59)


 
 

13 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 14 h 01)

Le Président (M. Montigny) : Bonjour. À l'ordre, s'il vous plaît. La Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes de la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques, cellulaires, etc. Nous allons maintenant poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 69, Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives. Cet après-midi, nous entendrons l'Union des producteurs agricoles, l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador et l'Union des municipalités du Québec. Je souhaite maintenant la bienvenue à l'Union des producteurs agricoles. Je vous rappelle, messieurs, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé puis nous procéderons tout de suite par la suite à l'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé dès maintenant.

M. Caron (Martin) : Bien, merci. Merci, M. le Président. Messieurs les députés, merci bien. Peut-être avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de présenter mes félicitations à la nouvelle ministre au niveau de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, sa nomination la semaine dernière par le premier ministre. Et vous savez, Mme la ministre, que l'agriculture et la foresterie, c'est un secteur névralgique au niveau du développement de l'économie, ici, au Québec, que ce soit au niveau par rapport à la vitalité de nos régions puis j'espère pouvoir collaborer avec vous dans un grand projet de société là. Je vous remercie tous de nous offrir l'occasion de présenter la position de l'Union des producteurs agricoles sur le projet de loi n° 69 intitulé La Loi assurant la gouvernance des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives. Je suis Martin Caron, producteur laitier, de céréales et de légumes de transformation à Louiseville, en Mauricie et président général de l'UPA, et je suis accompagné de David Tougas, qui est de la direction des politiques agricoles de l'UPA. Nous représentons plus de 42 000 agriculteurs, agricultrices du Québec exploitant 29 000 entreprises agricoles, et ce, seulement sur un modèle familial. L'UPA considère la question de la gouvernance énergétique comme cruciale pour l'avenir de notre secteur. Alors que l'UPA célèbre son 100e anniversaire, rappelons que l'électrification rurale accélérée par la nationalisation de l'électricité et de la création d'Hydro-Québec a joué un rôle essentiel dans les campagnes et l'accès équitable de l'électricité pour tous. Le p.l. 69 ne doit pas revenir en arrière en favorisant la privatisation de la production de la distribution d'électricité risquant de compromettre cet acquis historique. Le projet de loi n° 69 propose des changements importants qui visent à améliorer la gestion de la gouvernance des ressources énergétiques du Québec. Bien que nous accueillons favorablement plusieurs propositions, nous croyons que certaines nécessitent des ajustements pour refléter adéquatement les réalités et les besoins de notre secteur et de l'ensemble des Québécois. Le p.l. 69 semble privilégier un développement énergétique rapide et intensif au détriment d'une approche équilibrée et durable risquant d'exacerber des tensions entre un développement économique et la...


 
 

14 h (version non révisée)

M. Caron (Martin) : ...protection de l'environnement. Cette orientation pourrait mener à une surconsommation des ressources et une pression accrue sur les territoires et mettre en péril la gestion durable et les objectifs de décarbonation, y compris pour le territoire agricole.

Tout d'abord, l'UPA appuie la mise en place du plan de gestion intégrée des ressources énergétiques, le PGIR, sous la responsabilité du gouvernement qui serait élaboré tous les six ans pour une période de 25 ans. Ce plan constitue un cadre essentiel pour guider le développement énergétique dans un contexte de transition écologique. Toutefois, le succès de ce plan repose sur la qualité inclusive des consultations menées à chaque mise à jour du PGIR. À ce titre, l'UPA insiste sur l'importance que toutes les parties prenantes, y compris les producteurs agricoles et forestiers, soient pleinement consultées. Le PGIR doit considérer et intégrer les préoccupations et les besoins de tous les acteurs concernés afin d'assurer l'accessibilité sociale des projets à venir. En outre, nous croyons fermement que le secteur agroalimentaire doit être reconnu comme prioritaire pour l'attribution des blocs d'électricité disponibles en particularité pour les projets nécessitant plus de cinq mégawatts d'électricité. Cette priorisation est essentielle pour le maintenir et l'amélioration de l'autonomie alimentaire de la province. L'article 38 du projet de loi propose la vente directe de l'électricité renouvelable entre un producteur et un consommateur sur des emplacements adjacents. Nous estimons que cette mesure constitue un retour en arrière par rapport à la nationalisation de l'électricité et pourrait mener à la création d'une fragmentation du marché de l'électricité. La zone agricole du Québec, couvrant seulement 4 % du territoire total, est une ressource limitée et essentielle pour notre autonomie et sécurité alimentaire, tout comme le potentiel acéricole du Québec, tant sur les terres privées que publiques. Permettre la vente privée d'électricité pourrait multiplier les infrastructures énergétiques sur le territoire agricole, générant des conflits d'usage et compromettant la pérennité de notre secteur. De plus, une transition énergétique nécessiterait d'importantes ressources, qu'il s'agisse de matériel, d'équipement, de main-d'œuvre pour la production d'électricité renouvelable ou des ressources naturelles comme les gisements éoliens, le côté hydraulique, les terres agricoles. Cela entraînerait une concurrence accrue pour accélérer ces ressources au cours des prochaines années, voire des prochaines décennies. Cette situation aura pour des conséquences de limiter la capacité d'Hydro-Québec à mettre de l'avant des projets de production d'électricité, d'éoliennes au bénéfice de la société québécoise. L'UPA recommande donc de retirer l'article 38 du projet de loi et de prioriser les projets énergétiques collectifs intégrés au réseau d'Hydro-Québec qui bénéficient ici à l'ensemble des Québécois.

En ce qui concerne les tarifs d'électricité, l'article 27 du p.l. 69 propose de ramener l'intervalle de révision des tarifs à trois ans. L'UPA soutient cette mesure qui permet de réduire les risques de chocs tarifaires tout en limitant les coûts administratifs pour toutes les parties prenantes. Cependant, nous tenons à souligner l'importance de prévoir des modalités tarifaires particulières pour le secteur agricole. Les entreprises agricoles, notamment les serres et les autres productions à haute densité énergétique... intensité énergétique, pourraient être pénalisées par une structure de tarifs progressifs.  Il est crucial que les révisions tarifaires prévues en 2026 tiennent compte des spécificités du secteur agricole et prévoient des tarifs compétitifs et adaptés.

L'article 117 du p.l. 69 élargit les motifs pour lesquels le personnel d'Hydro-Québec peut accéder sur les immeubles sans autorisation préalable. Bien que l'UPA comprenne la nécessité des dispositions de certains travaux, elle souligne l'importance et le respect strict des protocoles de biosécurité et de certification qui exigent... qui est exigé en milieu agricole. Nous recommandons donc que toute intervention serait effectuée avec le plus grand respect de ces protocoles.

En conclusion, l'UPA soutient plusieurs éléments du projet de loi, notamment la mise en place du PGIR, l'intervalle de trois ans proposée par les dossiers tarifaires. Cependant, nous nous demeurons préoccupés par l'impact futur des projets énergétiques sur le territoire agricole et le potentiel acéricole, l'évolution des tarifs de l'électricité pour notre secteur et l'instauration d'une vente privée de l'électricité renouvelable. Nous appelons le gouvernement à adopter une approche équilibrée et inclusive reconnaissant la valeur stratégique du secteur agricole dans les transactions...

M. Caron (Martin) : ...les transitions énergétiques du Québec, il est impératif que les changements législatifs ne compromettre pas notre capacité de nourrir la population du... des Québécois, tout en préservant nos terres agricoles. Nous espérons que mps recommandations seront prises en compte pour un avenir énergétique qui soit au bénéfice de tous les Québécois et Québécoises. Merci.

• (14 h 10) •

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange avec les membres de la commission. Mme la ministre, la parole est à vous. Vous disposez de plus de 16 minutes.

Mme Fréchette : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci, MM. Caron et Tougas, de votre participation. C'est sûr que votre contribution, votre vision des choses est importante, considérant la nature de vos activités. Et j'en sais quelque chose puisque, dans mon comté, il y a près de 70 % du territoire qui est de nature agricole. Alors, c'est sûr que vous êtes des acteurs importants, incontournables dans cette réflexion et cette discussion. Alors, merci d'avoir pris le temps de déposer un mémoire et puis de venir nous le partager.

Je me demandais quelles sont, en fait, vos propositions pour que l'on puisse faciliter la transition énergétique, considérant les impacts potentiels que peuvent avoir certaines sources d'énergie sur les terres agricoles. Comment est-ce qu'on peut intégrer, dans le fond, les préoccupations du milieu agricole dans la démarche dans laquelle on doit s'inscrire, la transition énergétique avec, pour objectif, la décarbonation d'ici l'année 2050? Quel rôle vous voyez pour le secteur agricole dans cette réflexion-là et la mise en commun de nos actions respectives?

M. Caron (Martin) : Bien, merci, Mme la ministre, pour la question. Puis, d'entrée de jeu, le PGIR va nous permettre ça, d'avoir un plan de se doter puis d'avoir cette vision-là. On le mentionne bien souvent par rapport aux territoires agricoles, des terres agricoles, c'est moins de 2 % qu'on est capable de cultiver. C'est sûr qu'il faut avoir une planification et éviter la zone agricole dynamique dans un premier temps. Ça, c'est la base de tout.

Un autre élément qu'on a mentionné dans le projet de loi, où est-ce qu'on dit qu'il faut enlever, c'est par rapport à avoir des projets privés. Déjà, présentement, en Mauricie, on a un projet privé, pour le nommer, TES Canada qui est là, et qui est arrivé, puis que ça a fait vraiment beaucoup d'impact au niveau des terres agricoles puis beaucoup, je dirais, d'inquiétude face aux producteurs, parce c'est un privé qui arrive puis qui décide. Donc, cette vision-là, que ça passe par rapport à Hydro-Québec puis d'avoir un plan, cet élément-là, je pense que ça nous sécurise. Ça permet aussi d'avoir une vision un petit peu plus à long terme, comme on l'a eue aussi avec le gouvernement, que ce soit sur la PNAAT, Politique nationale d'architecture, d'aménagement du territoire, où est-ce qu'on se donne, avec les OGAT, des orientations de travailler tout le monde ensemble. Mais il faut vraiment éviter à tout prix les terres ou la zone agricole vraiment dynamique. Et c'est pour ça, un plan, c'est un des atouts essentiels qu'on puisse se parler.

Mme Fréchette : Donc, vous, le milieu agricole doit absolument être préservé dans son intégralité, en totalité, ou il y a moyen d'aménager...

M. Caron (Martin) : Quand on parle des zones dynamiques agricoles, c'est vraiment des noyaux, puis ça, ce n'est pas juste nous qui le disons. Même quand je parlais au niveau de la politique nationale, ça avait été déjà dit. C'est, quand vous avez une zone agricole dynamique, que c'est vraiment dynamique dans l'ensemble, n'allez pas faire d'autres usages non agricoles là, parce qu'on vient de déstructurer cette zone agricole là par rapport aux activités. Ça fait que, vraiment, on a déjà des noyaux, qu'une zone dynamique agricole, il faut surtout éviter ces noyaux-là puis ces endroits-là. Ensuite de ça, je pense qu'il y a des lignes qui s'en vient pour acheminer l'électricité, mais, encore là, il y a des étapes qui sont là. Puis, face à ça, il y a la régie, la Régie de l'énergie qui est là aussi, qui est évaluée.

Mme la ministre, je fais juste rajouter un point à votre question, c'est qu'ici, au Québec, dans les demandes qui sont faites, puis, si on regarde d'un historique depuis 1998 à 2022, les demandes, qui avaient été passées pour des parcs éoliens en zone agricole, 99 % de... a accepté, pour les lignes de transport, 97 % des projets ont été acceptés. C'est pour ça, quand je vous dis, le privé, on a une crainte par rapport à ça, parce que, présentement, avec Hydro-Québec... Et d'ailleurs Hydro-Québec, dans sa nouvelle stratégie, reconnaît l'importance de l'agriculture puis de la biodiversité, pour nous, c'est pour ça qu'on veut vraiment que les projets passent avec Hydro-Québec, qui ont cette notion-là de préservation de ce territoire-là agricole.

Mme Fréchette : Quels sont les critères qui, à votre avis, devraient justement nous guider pour l'acceptabilité de projets dans le milieu agricole? Sur quoi, vous vous baseriez?

M. Caron (Martin) : Bien, dans les critères, il y a déjà des critères qui sont là par la zone, comme je le disais, zone dynamique agricole, c'est un des aspects qui est là au niveau de la commission. Ça fait que c'est vraiment un des aspects qu'il faut plancher là-dessus. Puis la commission fait, entre autres, son...

M. Caron (Martin) : ...travaille là-dessus. Puis c'est comme au niveau de la Régie de l'énergie. C'est un cadre administratif indépendant, un tribunal administratif indépendant, je pense qu'il faut être capables de s'en servir là-dessus. Puis je pense qu'on est capables de faire les choses intelligemment au Québec, il s'agit qu'on puisse s'entendre puis d'avoir un plan concret, entre autres.

Mme Fréchette : Ça fait que quel est le rôle que vous vous associez pour que justement ça se passe bien puis que ça respecte vous et vos critères, vos préoccupations?

M. Caron (Martin) : Bien, je vous dirais que présentement, si je prends exemple avec Hydro-Québec, on a quand même des ententes-cadres quand ils arrivent pour faire des travaux sur les terres agricoles, et c'est les producteurs qui décernent. Mais il reste qu'il y a quand même des ententes qui sont déjà conclues puis qui balisent des choses. Ça fait que je pense qu'il faut continuer dans ce sens-là pour s'assurer qu'on puisse, entre autres, faire des choses, mais des choses intelligemment, puis qui ne mettent pas à risque qu'il y ait des impacts au niveau des producteurs, productrices agricoles.

Mme Fréchette : Donc, vous diriez qu'actuellement vous êtes consultés, en amont, suffisamment, en amont, pour que la suite des choses se développe adéquatement?

M. Caron (Martin) : Moi, je pense qu'il y a... Mme la ministre, je pense qu'il y a place à amélioration. Parce que qu'est-ce qu'on a vu sur les derniers mois, quand c'est arrivé que des promoteurs ont débarqué sur tout le territoire agricole, et on n'avait pas cadré le terrain de jeu, où est-ce qu'ils pouvaient aller, c'est là que ça a créé des impacts. Je vais utiliser le terme far west, là, c'est un peu ça. Des gens débarquaient sur les fermes, là, directement, puis n'ayant pas cette notion-là de préservation du territoire agricole. Il ne faut plus que ça arrive, ces choses-là.

Mme Fréchette : Bon. Vous nous parliez tout à l'heure d'une tarification spéciale pour le milieu agricole. Pouvez-vous nous en parler un peu plus? Puis en quoi la tarification actuelle vous désavantage, et qu'est-ce que vous verriez qui soit à améliorer?

M. Caron (Martin) : Je vais commencer, puis David pourra compléter. Mais présentement, sur le développement puis par rapport à l'autonomie alimentaire, on a, au niveau du Québec, une priorité nationale du développement de la sécurité et de l'autonomie alimentaire. Et d'ailleurs, le gouvernement a instauré un tarif privilégié pour les producteurs de serre au Québec. Ça nous a permis de doubler les superficies en producteurs de serre pour avoir, exemple, soit des fraises ou d'autres légumes durant toute l'année, entre autres. Ça fait que ça, ça en est un exemple aussi que ça a permis de développer ce secteur-là. Je ne sais pas si David tu veux rajouter.

M. Tougas (David) : Oui. Bien, en fait, là, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut tout simplement prendre en compte des particularités du secteur agricole. On comprend qu'il y a des économies de... notamment en puissance qui est recherchée. Du côté de certaines productions, on ne peut pas nécessairement toujours s'effacer en pointe parce que, je parle de la production laitière notamment, souvent la traite des vaches, malheureusement, c'est en pointe du matin, en pointe du soir. Donc il faut juste être conscients de ça puis adapter les tarifs en conséquence.

Puis, dans le fond, sans embarquer dans le dossier tarifaire actuel, on voit déjà que... une volonté de tarifer les surconsommateurs. Malheureusement, les producteurs, les productrices agricoles, les entreprises agricoles, ils sont qualifiés par défaut de consommateurs parce qu'ils consomment beaucoup dans le tarif D puis DP, donc... Ça fait qu'il faut juste simplement avoir... être sensibles à cette réalité-là puis adapter les tarifs en conséquence dans le futur.

Mme Fréchette : O.K. Dans quelle mesure vous voyez que les agriculteurs puissent contribuer à une plus grande efficacité énergétique? Est-ce qu'il y a vraiment des gains importants qu'on peut espérer voir se développer? Est-ce que c'est déjà amorcé comme phénomène, comme processus? Est-ce que, vos agriculteurs, vous les sentez vraiment sensibilisés à ça ou il y a encore un autre tour de roue qui est à faire? J'aimerais avoir votre... le pouls là-dessus.

M. Caron (Martin) : Moi, je vous dirai oui, il y a place à amélioration. Mais il y a déjà quand même un service qui est là puis qui pourrait... qui devrait être plus valorisé. On a un service sur l'efficacité énergétique au niveau de nos entreprises agricoles. C'est-à-dire, on a des conseillers qui peuvent venir puis évaluer par rapport sur la façon qu'on utilise l'électricité présentement. Ça fait que ça, je pense qu'on aurait place à amélioration de ce volet-là.

Puis, de l'autre côté, bien, il y a des transferts qui se fait. On parle de décarbonation, entre autres. Mais, c'est sûr, si on prend du côté acéricole, les producteurs acéricoles, il y a beaucoup eu de demandes pour aller sur le triphasé parce que ça va diminuer au niveau des demandes, que ce soient eux ou que ce soient nos producteurs de grains aussi. On a des nouveaux systèmes de séchoirs qui sont mieux adaptés, puis avec des systèmes ou des applications directement qui abaissent les demandes, etc., puis qui vont travailler dans des temps opportuns selon la température pour sécher le grain. Ça a été beaucoup d'innovation et de technologie, puis ça, je pense que c'est un investissement qu'il va falloir être capables de mettre en place. Mais les producteurs, oui, on est prêts à faire face à ça puis à diminuer notre empreinte carbone.

Mme Fréchette : L'empreinte. Oui. Donc, vous voyez que c'est une sensibilité qui est suffisante. Est-ce que les connaissances aussi sont suffisantes? Est-ce que c'est les coûts en capitaux qui posent un enjeu surtout ou c'est la méconnaissance?

M. Caron (Martin) : Moi, je vous dirai...

M. Caron (Martin) : ...c'est les deux, c'est qu'il y a... Je pense qu'il faut être capable d'amener la promotion. Puis, vous comprenez, en tant que producteur agricole, avec des situations économiques présentement qu'on a vécu ces dernières années, l'investissement n'est peut-être pas nécessairement là, mais j'y crois beaucoup. Puis je reviens entre autres sur la décarbonation. Toutes nos entreprises agricoles, que ce soit avec le changement climatique ou l'adaptation à la transition écologique, je pense qu'il faut être capable... ça fait qu'il va falloir qu'on ait un meilleur soutien par rapport à cette efficacité énergétique là puis avoir un soutien au niveau... sur ces investissements-là par rapport au niveau des infrastructures. Il y en a déjà, mais je pense qu'on est capables d'aller beaucoup plus loin par rapport à cet élément-là.

• (14 h 20) •

Mme Fréchette : Est-ce que vous, vous êtes donnés, comme organisation, à un objectif de décarbonation?

M. Caron (Martin) : Je vais laisser aller David peut-être sur un aspect puis je vais revenir après.

M. Tougas (David) : En fait, comme organisation, UPA, non. Mais, par contre, il y a beaucoup de nos secteurs spécialisés, là, qui se sont donné des cibles. Je sais que les producteurs de lait visent la neutralité, là, dans 2050 puis je sais qu'il y a des plans, là, de réduction de GES du côté des producteurs acéricoles. Donc, c'est nos secteurs de production spécialisés affiliés à l'union qui se dotent de ce genre de plan là.

M. Caron (Martin) : Si je peux me permettre de rajouter, chacun de nos secteurs commence à avoir des plans. Peut-être un des enjeux qu'on a, c'est qu'on ne doit pas juste viser la décarbonation. Parce qu'en même temps on nous en demande beaucoup, on nous demande d'augmenter la biodiversité au niveau de nos entreprises agricoles par rapport à l'ensemble... parce qu'une entreprise agricole, c'est un écosystème, et, à l'occasion, il y a des gestes qu'on peut y aller avec une décarbonation mais qui va avoir un impact sur la biodiversité. Alors donc, on est dans un écosystème qu'il faut voir un petit peu plus large que juste cet élément-là, mais c'est élément-là est pris en compte et est très important.

Mme Fréchette : C'est sûr qu'un des enjeux importants, là, dans la phase de transition énergétique, ça va être l'acceptabilité sociale. Comment est-ce que vous voyez qu'on puisse procéder pour susciter, générer davantage d'acceptabilité sociale, notamment chez les agriculteurs, pour mettre en place des mesures qui vont nous aider à atteindre l'objectif de décarbonation d'ici 2050? Ce n'est pas... Ce n'est pas des enjeux faciles à gérer. Je pense que le fait d'inclure les gens le plus en amont possible, ça peut aider. Est-ce que vous voyez des choses à garder en tête ou une approche particulière à adopter pour qu'on puisse cheminer ensemble?

M. Caron (Martin) : Vous savez, Mme la ministre, ça m'ouvre la porte sur qu'est-ce que je vous ai mentionné au tout début. Les producteurs, la première priorité qu'ils se disent : Pourquoi que l'agriculture, l'agroalimentaire n'est pas un projet de société, n'est pas le premier projet de société, vraiment une priorité nationale? Ça, c'est un des éléments de base pour nous, de se faire reconnaître par rapport au travail qu'on fait au quotidien. Ça fait que ça, c'est un des premiers éléments. Puis, je pense, le deuxième élément, mais vous le mentionnez : d'être plus en amont puis de regarder, parce que l'aménagement du territoire, bien, on le sait, on... c'est nous qui avons des superficies au niveau du Québec, puis il faut être capable de travailler ça ensemble. Il y a déjà des schémas d'aménagement, des OGAT qui sont là puis qui disent de prioriser ces terres-là. Moi, je pense, la confiance... l'acceptabilité va venir par rapport à cette reconnaissance-là, vraiment, du monde agricole et du secteur agroalimentaire et va être poussée pour dire qu'il ne faut pas juste soutenir ce secteur-là, mais il faut investir dans ce secteur-là.

Mme Fréchette : ...qu'il y a des nouvelles lignes, là, de transmission qui traversent des secteurs agricoles. C'est... C'est fort probable qu'on en arrive à ça, là, avec l'ampleur des... de la production additionnelle qu'on doit déployer. Comment faire en sorte de bien préparer le terrain, entre guillemets?

M. Caron (Martin) : Oui, c'est ça. Je ne le sais pas. David, si tu veux y aller...

Bien, je pense que... Dans le fond, si on regarde de façon globale, M. Caron l'a mentionné, 2 % du territoire est utilisé par les entreprises agricoles. Si on est capables, déjà là, d'exclure la majorité des des chantiers de production énergétique, déjà là, on va faire un gain parce que nécessairement, vous avez raison, on va... on va recevoir ces lignes-là sur le territoire agricole, on va ramener l'énergie proche des centres de consommation. Puis les centres de consommation, bien, ils se trouvent qu'ils sont proches des centres de production agricole. Donc, si... Au moins, si, la première étape, on est capables de limiter les effets, on n'aura pas le choix de vivre avec le deuxième, où, heureusement, on a quand même une entente-cadre avec Hydro-Québec sur les lignes de transport. On travaille avec... avec Hydro-Québec depuis plusieurs... même plusieurs décennies avec cette entente cadre là. Donc, on se connaît mutuellement puis on est habitués de travailler ensemble, oui.

Mme Fréchette : Et qu'est-ce que vous pensez de la production, par exemple, d'éthanol vert? Est-ce que c'est le genre de production d'activité qui s'exerce déjà dans les rangs de vous... de vos membres. Tout ce qui... tout ce qui concerne le biocarburant, en fait, il y a là...

Mme Fréchette : ...secteur qui est en émergence. On nous a... On nous en a parlé d'ailleurs hier pendant les audiences. Est-ce que c'est quelque chose qui est discuté au sein de votre organisation puis valorisé puis dans lequel les gens sont déjà engagés?

M. Caron (Martin) : Bien, il faut mentionner que la création du secteur de l'éthanol ou proéthanol dans le temps, ça a été quand même mis en place par rapport au niveau des producteurs agricoles, des producteurs de grains entre autres, qui fêtent leur 50e anniversaire. C'est juste pour vous dire, déjà, on était à la base là-dessus. Ça fait qu'il faut... il faut travailler ensemble. Puis c'est tout au niveau de la transformation.

Il y a un chiffre qui est important. C'est qu'ici au Québec présentement, sur les productions agricoles, 66 % de toutes les productions agricoles sont transformées au Québec. Le reste des autres provinces au Canada, c'est 25 %. Ça fait qu'on est habitués ici à produire puis à le transformer. Puis je pense qu'avec une vision de développement, puis de développement de l'agriculture, de l'agroalimentaire, je pense qu'on est capables d'augmenter ça. D'ailleurs, on serait capables d'augmenter la productivité ou la production de 23 % au niveau du Québec, juste le secteur agricole, agroalimentaire. L'exemple que vous donnez, ça en fait partie. Je pense qu'on est capables de transformer. Puis c'est ça qui amène la plus-value, pas juste la plus-value pour le Québec, mais pour chacune de nos régions aussi.

Mme Fréchette : Et est-ce que vous favorisez l'autoproduction de vos membres, l'autoproduction d'énergie pour que vos membres deviennent autonomes, si on veut?

M. Caron (Martin) : Il y a quelques producteurs qui ont commencé à faire ça pour trouver des façons de faire. On peut penser au niveau solaire, quelques bâtiments, des nouveaux bâtiments, mais c'est vraiment rattaché sur les bâtiments, soit sur les toits ou sur le côté. Ça fait qu'il y a des façons de faire comme ça pour le côté énergétique. Il y a d'autres éléments aussi qui ont été travaillés.

Le Président (M. Montigny) : Merci. En conclusion.

M. Caron (Martin) : Mais c'est peu. C'est peu pour qu'est-ce... qu'est-ce qu'on peut faire.

Mme Fréchette : Merci.

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup. Alors, merci, Mme la ministre. Maintenant, je cède la parole à la députée de Saint-Laurent pour plus de 10 minutes.

Mme Rizqy : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour. Merci d'être avec nous aujourd'hui.

Tantôt, vous avez parlé de sécurité alimentaire. Qu'est-ce que vous craignez?

M. Caron (Martin) : La première affaire, quand on parle de sécurité alimentaire, c'est le territoire agricole. C'est moins de 2 %. Les gens, peut-être, les députés ne sont pas au courant, mais ici, on a le plus bas ratio par habitant par hectare. C'est 0,24 hectare par habitant. En Amérique, là, on est le plus bas ratio, là, de terre. Puis la population augmente, ici, au Québec. Et on se fait gruger. Puis, veux veux pas, on a une pression sur les terres agricoles. Ça fait que pour nous, quand on parle de sécurité alimentaire, le premier outil qu'on a pour faire de l'agriculture, c'est les terres agricoles. Ça fait qu'il faut être capables de les préserver puis de les protéger davantage. Et d'ailleurs, le ministre, M. Lamontagne, a lancé une consultation là-dessus. Puis on continue à vouloir protéger. Mais la sécurité alimentaire, c'est cet aspect-là. Puis on l'a vu dans le temps de la pandémie, où est-ce que le côté alimentaire est venu comme un besoin essentiel. Puis je pense qu'on fait des bonnes choses ici, au niveau du Québec. Comme je l'ai mentionné tantôt, les ratios sont là pour démontrer qu'on fait de l'agriculture, mais qu'on la transforme ici.

Mme Rizqy : Puis, si je continue sur la même veine, justement, durant la pandémie, on a vu, c'était déjà un service essentiel, l'alimentaire, mais c'est surtout au niveau de la chaîne d'approvisionnement qu'on s'est rendu compte que malheureusement, on avait une grande dépendance. Je vous vois hocher de la tête. Est-ce que ça, ça fait en sorte que plus on gruge sur nos terres, ça va faire en sorte que notre dépendance va continuer de s'accroître?

M. Caron (Martin) : Bien, c'est sûr que c'est... c'est un élément quand même assez important. La base de tous les pays, c'est d'avoir leurs terres pour être capables de nourrir puis de décider, eux, de quelle façon qu'ils veulent faire cette nourriture-là. Nous, ici, on a des ententes sociétales avec la population sur une façon de faire les aliments comparativement à d'autres pays. Ça fait que, donc, ça nous met à risque aussi de ce côté-là, sur la sécurité et l'autonomie alimentaire aussi.

Mme Rizqy : On s'entend que tout ce qui est importé, bien, n'arrive pas ici par magie. Ça vient par camion, ça vient... ça cause des GES, n'est-ce pas?

M. Caron (Martin) : Exactement. Puis c'est un des aspects pourquoi qu'on a lancé une application Mangeons local, entre autres, qui regroupe 1 200 producteurs qui sont bien ciblés pour les achats locaux. Parce que le premier geste au quotidien que les citoyens, citoyennes peuvent faire, c'est acheter des produits locaux. D'ailleurs, on est le seul endroit ici, au Québec, où le nombre d'entreprises agricoles s'est maintenu ou a augmenté légèrement comparativement aux autres provinces où est-ce qu'il y a eu des diminutions. Ça fait que je pense qu'on démontre l'effort. Mais, comme je vous dis, on a quand même des enjeux de transfert de nos fermes, et cet enjeu-là, ça va nous frapper très bientôt. Ça fait qu'il faut trouver une façon de faire aussi pour avoir des gens qui vont continuer, mais avoir cette vision-là, de priorité nationale.

Mme Rizqy : J'ai vu dans d'autres juridictions que dans plusieurs, il y a les fermes et l'agriculture, mais sur les bâtiments, ils ont...

Mme Rizqy : ...ils ont installé des... beaucoup, beaucoup de panneaux solaires. Au Québec, je le vois un peu moins. Qu'est-ce... C'est quoi, le principal frein? Parce que je pense que vous avez... vous en avez dans vos membres qui sont prêts à le faire, mais qui n'ont peut-être pas les outils nécessaires pour être accompagnés là-dedans.

• (14 h 30) •

M. Caron (Martin) : Mais justement on en parlait. Je vais laisser aller David là-dessus.

M. Tougas (David) : Bien, en fait, à ma connaissance, c'est surtout un enjeu économique, là, c'est-à-dire que... bien, en fait, on a déjà accès à l'électricité verte par le réseau de distribution, alors, dans le fond... Et, la plus-value, mettons, si on parle aux États-Unis, il y a une plus-value à produire sa propre énergie solaire compte tenu que qu'est-ce qu'ils reçoivent sur le réseau de distribution n'est pas nécessairement vert. Au Québec, on n'a pas cet enjeu-là. Donc, c'est le côté économique, c'est-à-dire que ce que j'en comprends, c'est que les panneaux solaires, bien que ça coûte de moins en moins cher produire de l'électricité à partir de panneaux solaires, on n'est pas encore rendus à un point où est-ce que ça va coûter moins cher pour produire notre propre électricité que ce qu'il nous est fourni par Hydro-Québec.

Mme Rizqy : Aux États-Unis puis en Colombie-Britannique, l'achat non seulement des panneaux solaires ainsi que la batterie de stockage sont subventionnés. Est-ce que ça pourrait être un souhait formulé par l'UPA, pour vos membres, pour vous aider?

M. Caron (Martin) : C'est sûr. C'est sûr que je pense que c'est un des aspects. Entre autres, quand des producteurs sont capables d'avoir accès là-dessus, il faut juste faire attention à ça, c'est qu'on veut vraiment des panneaux solaires sur les bâtiments...

Mme Rizqy : Oui.

M. Caron (Martin) : ...et non dans les champs, parce que, là, on vient de se tirer dans le pied.

Mme Rizqy : Ce serait contre-productif.

M. Caron (Martin) : Absolument. Ça fait que je pense que c'est un des aspects. Mais il faut réaliser quelque chose, le côté solaire est intéressant, mais en même temps on a un petit frein parce que... vu qu'on est dans un endroit de nordicité. Ça fait que c'est sûr, le soleil est moins là durant l'hiver. Ça fait que, durant l'hiver... on prend exemple des producteurs acéricoles, quand ont fait les travaux, ça fait que, même si j'ai des panneaux solaires, ça ne peut pas combler parce que le temps d'ensoleillement est moins... est moins là, là. Ça fait qu'il faut juste être capable d'adapter, là...

Mme Rizqy : Ça s'est quand même grandement amélioré, même en hiver, on a eu un expert qui est venu nous en parler. Dans votre mémoire le point quatre, vente directe d'électricité renouvelable. Qu'est-ce que vous craigniez?

M. Caron (Martin) : Bien, tantôt on l'a mentionné, ce que nous, on a des ententes avec Hydro-Québec, on a cette vision-là du côté collectif, on ne va pas revenir en arrière. Puis, durant notre 100 ans... il faut juste dire quelque chose. Dans les années 45, là, quand ça l'a commencé, l'électrification, là, bien, c'était privé. Et qu'est-ce qui arrivait? Bien, l'électricité était juste en ville et non dans les campagnes. Il a fallu que les producteurs s'unissent ensemble pour former des coopératives pour s'assurer du développement, entre autres, de tous les systèmes pour avoir de l'électricité. Ça fait qu'on ne veut pas qu'il y ait des privés puis qu'ils s'installent, puis là on rajoute toutes des infrastructures où le gouvernement ou d'Hydro-Québec ne le contrôlera pas. Et là ça va mettre d'énormes pressions et ça va déstructurer cette zone dynamique agricole là, que j'ai parlé tantôt. Ça fait que c'est ça, le risque qu'on voit. C'est pour ça, nous, on se dit : Bien, c'est un bien collectif, c'est nationalisé, ça doit être là, puis c'est une vision pour la collectivité du Québec, entre autres.

Mme Rizqy : ...vous craigniez, par exemple, que... là, en ce moment, il y a deux enjeux, là, on cherche les mégawatts, là, tout le monde en cherche, que, si, par exemple, Hydro-Québec n'est pas capable de vous raccorder, ils vous disent : Ah! bien, parfait, regardez, l'article 38 a été adopté, il y a un producteur qui est adjacent à une terre agricole, arrangez-vous avec celui-ci pour vous fournir au prix que celui-ci voudra vous facturer.

M. Caron (Martin) : Oui. Puis je l'ai mentionné tantôt, on vit déjà quelque chose dans le coin de la Mauricie avec TES Canada puis qu'on ne veut pas revivre. Parce que, les producteurs, là, ça l'a des impacts... sur l'acceptabilité sociale d'eux-mêmes, les producteurs qui ne veulent pas les voir, puis en même temps... le côté des citoyens et citoyennes. Ça fait qu'on ne veut pas vivre qu'est-ce qui s'est passé avec ce projet-là puis de l'avoir un peu partout au niveau du Québec. Ça fait que je pense qu'il faut être vraiment... C'est pour ça qu'on est préoccupés puis qu'on veut enlever cet article-là.

Mme Rizqy : Est-ce que vous avez fait part de vos préoccupations de TES Canada à l'ancien ministre, M. Fitzgibbon?

M. Caron (Martin) : On a fait part de ça. C'est la fédération régionale, entre autres, qui en a fait part sur ce côté-là, sur cet élément -à. D'ailleurs, il y a eu des rencontres qui ont été faites avec notre organisation régionale en... avec cette compagnie-là aussi pour voir tout cet impact-là. Puis ça me permet juste de vous dire quelque chose, hein? Parce que, ça, je l'entends beaucoup : Bien là, on place juste des éoliennes ou c'est des tours. C'est juste vous dire, dans tous ces travaux-là, il y a tout des chemins d'accès, là. Puis ça, c'est sur nos terres agricoles. Les éoliennes, ce n'est pas Bluetooth, là, c'est tout des fils, tout ça, là. Ça fait que c'est tout ça, là. Ce n'est pas juste le carré de l'éolienne ou de la structure. C'est juste ça qu'il faut comprendre, là. Parce que nous, on le vit...


 
 

14 h 30 (version non révisée)

M. Caron (Martin) : ...parce que c'est nous qui travaillons sur les terres. Ça fait que c'est ça qu'il faut juste voir quand dans une zone dynamique, quand on passe ça bien, directement, il y a des chemins, puis il y a des accès qui sont là, ça fait que ça brise beaucoup plus puis ça amène, entre autres, une déstructuration de l'homogénéité, entre autres, de tout le domaine agricole.

Mme Rizqy : Dites-moi donc, vous avez fait part de vos préoccupations au gouvernement, donc, ils vous ont entendu, mais est-ce qu'on vous a écouté?

M. Caron (Martin) : Bien, moi, je pense que sur cet aspect-là, TES, c'est une affaire. Aujourd'hui, on est là par rapport à ce projet de loi là. Puis, comme je l'ai mentionné tantôt à la ministre, il y a des choses qui sont passées dernièrement, plus à l'automne passé, puis qu'on ne veut pas revivre. Je pense que, là, aujourd'hui, on est avec un projet de loi où est-ce qu'on parle d'un PGIRE qui est intéressant, qu'on va avoir un plan de travail. Mais, pour nous, c'est sûr que l'article 38, d'enlever au niveau du privé, est quand même assez important.

Mme Rizqy : Donc, si je veux bien résumer votre propos pour que ça soit clair, là. Quand vous me parlez de TES Canada, vous avez fait part de vos préoccupations au gouvernement parce que ça a un impact sur les terres agricoles. Mais là, l'article 38 nous est encore inscrit. Vous, vous craignez que TES CANADA soient multiplié à travers l'article 38 partout au Québec, notamment sur vos terres agricoles?

M. Caron (Martin) : Absolument, absolument. C'est qu'on ouvre la porte à ça avec pas beaucoup de contrôle. Nous, ce qu'est-ce qu'on voit présentement dans le projet de loi, et c'est pour ça d'ailleurs qu'on a demandé de retirer cet article-là.

Mme Rizqy : Est-ce qu'on vous a dit c'était quoi, l'intention du gouvernement par rapport à cela ou non?

M. Caron (Martin) : Non. Je vous dirais que c'est. On est dans les premières discussions présentement, là, puis je pense que la commission, elle donne la place pour dire nos enjeux qu'on a, parce qu'on représente quand même l'ensemble des producteurs agricoles.

Le Président (M. Montigny) : 30 secondes.

Mme Rizqy : Est-ce que 30 secondes, je vais les prendre pour vous dire merci parce que, oui, on parle beaucoup en ce moment d'énergie, mais tout ce que... les membres que vous représentez font au quotidien, très tôt, très tard, la nuit, sept jours sur sept pour nourrir les Québécois et les autres. Un sincère merci, ce n'est pas toujours facile. Ça n'a pas été évident, mais sincèrement, je lève mon chapeau parce que ce n'est pas tout le monde aujourd'hui qui voudrait être producteur agricole.

Le Président (M. Montigny) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Maurice-Richard pour 3 min 28 s.

M. Bouazzi : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup pour votre mémoire et votre présence. C'est drôle qu'on parle de TES Canada. J'ai déposé moi-même une pétition aujourd'hui même qui m'avait été demandée par des citoyens de Mauricie qui s'opposent justement à la privatisation de la production d'électricité et au projet TES Canada particulièrement, qui pose toutes sortes de problèmes, y compris au niveau des terres agricoles d'ailleurs. Je sais que votre section de Mauricie a été beaucoup plus, est allée encore plus loin pour dire nous, on ne veut plus aucune éolienne sur nos terres, un point c'est tout. Je comprends que votre position dit : Bien, avec pour les gros poteaux, on a déjà un accord-cadre et puis il peut bien y avoir des exceptions, mais a priori on veut plus avoir de la production de nouvelles énergies sur nos terres. Avant vous, on a écouté les syndicats d'Hydro-Québec nous expliquer toutes sortes de problèmes techniques qui sont dus au fait d'avoir des productions privées. J'aimerais vous écouter. Est-ce que je comprends bien que le fait que s'il y a une multiplication d'acteurs privés qui vont faire comme TES Canada mettre des éoliennes, ça vous complique la vie par rapport à un accord-cadre que vous avez une fois pour toutes sur plusieurs décennies avec Hydro-Québec? C'est bien ça?

M. Caron (Martin) : Oui, c'est bien ça. Puis je rajoute des éléments nouveaux, ce qu'est-ce que j'ai dit : des producteurs ont engagé dans différents secteurs sur la décarbonation en même temps qu'est-ce qu'on nous demande que ce soit fédéral, provincial de répondre aux enjeux de la biodiversité, de la sécurité alimentaire. Et ça, c'est des COP qu'on doit aller internationales. On a eu quelque chose ici au mois de mai dernier à Québec, entre autres, en lien avec ça. Pour la première fois, sur 300 personnes qui étaient là, il y avait 100 producteurs agricoles, dont 66 producteurs agricoles, pour lancer un cri, là : la biodiversité des producteurs, c'est la solution par rapport à lutter contre les changements climatiques, c'est la solution. Mais ça, on a besoin de nos terres agricoles, puis de nos forêts pour faire ça, parce que les gens ne savent pas, mais 25 % de la biodiversité se retrouve dans les terres agricoles. Quand vous mettez de l'asphalte puis du ciment, c'est fini à jamais. Ça fait que quand on commence à faire des chemins, des voies d'accès pour ces endroits-là ou d'autres, bien, c'est ça, là, qu'on draine puis c'est ça qu'on s'enlève comme...

M. Caron (Martin) : ...en tant que producteur agricole. Ça fait que c'est un enjeu. Ça fait que, puis je veux bien préciser, nous ne sommes pas contre les éoliennes, nous sommes juste contre quand on met ça dans une zone dynamique agricole, c'est la différence. Il faut être capable de planifier, d'aménager ça vraiment directement, mais quand on laisse aller les privés là-dessus, nous, on pense qu'on il va y avoir une perte de contrôle, là, puis il va y avoir une perte d'acceptabilité sociale aussi en même temps.

• (14 h 40) •

Le Président (M. Montigny) : 30 secondes.

M. Bouazzi : Surtout, 98 % des terres ne sont pas agricoles, si 2 % des terres sont agricoles, donc ça laisse la place pour mettre ailleurs. Et je rajouterai aussi que la base en béton de... est absolument immense, c'est des éoliennes de plus de 200 mètres, hein, plus haut que la place Ville-Marie, elles font trois mètres de profondeur et quand on les enlève, on enlève juste le premier mètre de béton pour mettre de la terre, ça fait que c'est des terres qu'on perd à tout jamais. Merci beaucoup. On va beaucoup tenir compte de vos propositions dans les analyses.

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon pour 2 min 38 s.

M. Paradis : Très bien. Alors donc, vous, l'UPA s'oppose totalement à l'article 38, qui élargit la notion d'autoproduction ou la soi-disant autoproduction, parce que, je vous cite, «c'est une première étape vers l'institutionnalisation de la vente privée d'électricité au Québec», c'est bien ça? Ensuite, vous nous rappeler que les terres agricoles, c'est précieux et que, selon certaines expériences de vos membres, il est arrivé des cas où les entreprises privées débarquent comme dans le Far West, c'est bien ce que vous nous avez dit.

M. Caron (Martin) : Oui.

M. Paradis : Ce qui est intéressant, c'est que vous nous rappelez aussi qu'Hydro-Québec a un plan pour le développement de l'éolien qui rappelle, je le cite, que «la protection de la biodiversité et du territoire agricole est un élément important qu'il faut intégrer dans la planification». Et ce que vous nous dites dans votre mémoire et dans votre témoignage, c'est qu'à défaut de connaître la vision du plan du... et le plan du gouvernement en matière de production, le projet de loi n° 69, lui, l'article 38 ne respecte pas, ne cadre pas ou n'est pas bien aligné par rapport à cette priorité-là fixée par Hydro-Québec, c'est bien ça?

M. Caron (Martin) : Oui, absolument, c'est bien ça. Puis je rajoute là-dessus, c'est quand on a une entente avec Hydro-Québec, comme ça vient d'être mentionné, juste pour vous dire, sur les piliers, les choses, il y a déjà des ententes qui sont prévues à la hauteur où est-ce que les lignes de transport vont se faire au niveau des sols, du top soil, de quelle façon gérer le top soil... toutes les choses sont balisées avec Hydro-Québec présentement, là, mais... qu'on arrête le privé, bien, on ne le sait pas. Puis que s'il arrive dans 20 ou 25 ans, ces outils-là qui sont défaits, mais de quelle façon qui vont être défaits? Est-ce qu'on a une garantie? Présentement, quand on fonctionne avec Hydro-Québec, s'il y a des balises, puis on est habitués de travailler avec eux autres, puis il y a un respect de ces normes-là. Et là, du côté privé, bon, on se dit : O.K., ça va aller. Mais comment qu'on va être capables? Est-ce qu'on va faire des ententes privées avec tous ces gens-là? Nous, on n'y croit pas, puis c'est un élément pourquoi qu'on demande d'enlever l'article 38.

M. Paradis : ...donc, non seulement cet article-là, le projet de loi n° 69 ne respecte pas les propres orientations d'Hydro-Québec, mais vous nous dites aussi, dans votre mémoire, que ça pourrait compromettre l'atteinte des objectifs gouvernementaux en matière de décarbonation par l'appropriation des ressources par le secteur privé, c'est bien ça?

M. Caron (Martin) : Oui.

M. Paradis : Il me reste quelques secondes, mais je comprends que je n'aurai pas le temps.

Le Président (M. Montigny) : 20 secondes.

M. Paradis : Avez-vous quelque chose à ajouter sur cette question-là?

M. Caron (Martin) : Non, mais je pense qu'on a tout dit. Puis un grand merci à tout le monde de nous avoir écoutés. Merci.

Le Président (M. Montigny) : Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 14 h 43)

(Reprise à 14 h 47)

Le Président (M. Montigny) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Assemblée des premières nations, Québec, Labrador. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons par la suite à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé quand vous le désirez.

M. Picard (Ghislain) :(S'exprime dans une langue autochtone).Bonjour à toutes et à tous, M. le Président, Mme la ministre, les membres de cette commission. Permettez-moi tout d'abord de reconnaître que nous sommes sur un territoire ancestral non cédé, et je tiens à remercier le territoire qui nous permet ce dialogue aujourd'hui. Je tiens également à remercier la Commission de l'Agriculture, des Pêcheries, de l'Énergie et des Ressources naturelles qui permet que la voix des premières nations trouve sa place dans le cadre de vos travaux sur cet important projet de loi qui aura des impacts sur nos territoires et nos relations de gouvernement à gouvernement.

Je me permets, à ce moment-ci, de reconnaître que nous avons des collègues, des chefs et des grands chefs qui sont avec nous aujourd'hui, qui nous accompagnent. Et je me permettrais peut-être, pour la période questions et réponses tout à l'heure, de les présenter un après l'autre. Notre présence aujourd'hui, en tant que gouvernement des premières nations aux travaux de la commission, doit être reçue par votre gouvernement comme une démonstration de notre bonne foi. Néanmoins, notre présence et notre participation ne peuvent pas constituer une consultation avec les Premières Nations, selon notre définition. Et nous sommes... nous sommes détenteurs de droits et beaucoup plus que des parties prenantes. Tous nos gouvernements doivent être consultés en bonne et due forme.

Ceci dit, notre volonté est de participer au développement énergétique dans un partenariat réel, inclusif, significatif, qui bénéficie à l'ensemble de nos populations. Le gouvernement du Québec doit agir dans le respect de l'honneur de la couronne, comme lui a récemment rappelé la Cour supérieure du Québec. Un forum distinct de consultation qui cherche à obtenir le consentement préalable, libre et éclairé des premières nations, doit suivre la démarche de cette commission parlementaire. Notre droit à l'autodétermination est inhérent à nos peuples, tout comme le titre aborigène et nos droits ancestraux. Nos gouvernements ont leurs propres structures de gouvernance et elles nous permettent d'établir des relations politiques de gouvernement à gouvernement - au pluriel. C'est donc également dans cette position que nous nous présentons aujourd'hui...

M. Picard (Ghislain) :...les droits des Premières Nations en lien avec le territoire, les ressources et l'énergie qu'on peut en tirer sont très concrets, d'une importance indéniable en matière de développement, et n'ont jamais été et ne sont pas des obstacles au développement. Le gouvernement actuel de la province de Québec doit mettre un terme à son interprétation erronée de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il doit plutôt dès maintenant y donner suite, donner suite à l'engagement pris en octobre 2019 par votre Assemblée nationale le dirigeant... dirigeant le gouvernement d'engager avec nous des discussions pour sa mise en œuvre.

• (14 h 50) •

L'APNQL, que je représente, le rappelle régulièrement au gouvernement provincial. Et je me dois de le réitérer encore aujourd'hui. Il est essentiel d'inscrire dans le rapport de la présente Commission l'obligation pour le gouvernement provincial de respecter les droits des Premières Nations dans ses législations politiques et réglementations touchant les territoires, les ressources et le développement énergétique.

En janvier dernier, les chefs de l'Assemblée des Premières nations Québec Labrador ont adopté une résolution sur la position politique sur l'énergie qui fait consensus, que vous allez d'ailleurs retrouver dans notre mémoire. L'avis déposé présente de façon détaillée notre position. Également, l'APNQL veut se présenter avec des solutions concrètes qui nous mènera vers une ère renouvelée de relations respectueuses et bénéfiques.

L'APNQL est en effet plus que jamais convaincue que les relations entre les gouvernements des Premières Nations et les autres gouvernements, notamment celui de la province de Québec, méritent que soit établi un cadre de relations qui soit à la hauteur du mandat que nous confient nos populations. L'idée d'un forum permanent de relations et d'échange entre nos... entre nos gouvernements respectifs a été annoncée à plusieurs reprises, et ce, depuis le gouvernement Lévesque de 1983. L'APNQL travaille à mettre sur pied une instance formelle qui accueillera les représentants des autres gouvernements, dont celui de la province de Québec, à un forum dont l'objectif sera de développer des relations intergouvernementales paritaires et permanentes.

Je me tourne maintenant du côté du chef Gilbert Dominique pour la suite.

M. Dominique (Gilbert) : «Tshinashkumitin», Ghislain. «Kwaï...»  Moi aussi, je très heureux d'être ici pour avoir un dialogue transparent, structurant entre deux niveaux de gouvernement qui occupent le même territoire, probablement un des plus beaux territoires au monde, celui que nous partageons.

Pour ma part, je vais vous partager de façon un peu plus détaillée les principes qui font consensus et qui doivent guider nos travaux et notre partenariat pour la transition énergétique et le développement économique.

Les Premières Nations ont le droit de décider du développement sur leur territoire et leurs eaux. Les gouvernements des Premières Nations ont la compétence pour déterminer du développement énergétique sur leur territoire. Il est impératif que le projet de loi reflète la place inhérente des Premières Nations dans la gouvernance de l'énergie au Québec.

Les Premières Nations doivent ainsi être représentées significativement, notamment sur le conseil d'administration ainsi que dans les postes de direction, des postes-clés, des postes stratégiques d'Hydro-Québec.

Cette collaboration de gouvernement à gouvernement doit également s'inscrire dans l'élaboration de toute politique, de toute stratégie énergétique susceptibles d'affecter nos territoires, les eaux et les ressources de nos Premières Nations, y compris le plan intégré... le Plan de gestion intégrée des ressources énergétiques, communément appelé le PGIRE.

Les Premières Nations ont le droit de produire, d'acquérir, de vendre, de transporter et de distribuer de l'électricité. Les projets réalisés par les Premières Nations ou en codéveloppement avec celles-ci font partie de la solution pour réaliser la transition énergétique.

Les Premières Nations doivent jouir d'un droit de préférence en leur faveur pour toute aliénation d'immeubles d'Hydro-Québec. Seules les Premières Nations, à titre de détentrices des droits sur leurs territoires, doivent pouvoir distribuer de l'électricité, à l'exception d'Hydro-Québec.

Les Premières Nations sont préoccupées par la forme actuelle du projet de loi n° 69, qui ouvre la porte à un approvisionnement direct des industriels auprès de producteurs privés, entraînant une pression accrue sur nos territoires.

La participation des Premières Nations dans les projets et les infrastructures énergétiques doit être facilitée par la création de mécanismes de financement...

M. Dominique (Gilbert) : ...gérés par les Premières Nations et par la mise en place d'un ensemble de mesures fiscales adaptées à leurs réalités.

Les gouvernements des Premières Nations doivent pouvoir conclure des ententes avec Hydro-Québec sans l'approbation du gouvernement du Québec. Le cadre juridique actuel complique la conclusion d'ententes entre Hydro-Québec et les Premières Nations et nie le droit des Premières Nations à s'autogouverner. Hydro-Québec doit prioriser des partenariats avec les Premières Nations dans tous ses projets. Une cible minimale d'approvisionnement auprès des entreprises des Premières Nations doit être fixée dans le projet de loi.

Les Premières Nations exigent des mesures pour réduire la demande énergétique et la pression croissante exercée sur leur territoire et leurs eaux. L'efficacité énergétique est un pilier essentiel de la transition énergétique. La ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie doit également en faire sa mission.

Il est grand temps que les Premières Nations bénéficient de l'exploitation et de l'occupation de leur territoire par les promoteurs énergétiques, incluant Hydro-Québec, et qu'elles en reçoivent les redevances. Des mesures doivent être prises en place dans le projet de loi n° 69 afin de respecter les droits des Premières Nations. Les Premières Nations doivent avoir la possibilité d'être actionnaires d'Hydro-Québec afin d'obtenir une juste part des dividendes et des retombées de l'exploitation de leur territoire.

Pour leur consommation d'électricité, les Premières Nations doivent disposer de tarifs et de mesures fiscales adaptées à leurs réalités, à leurs besoins et à leurs droits.

Hydro-Québec tient sa réussite de l'exploitation des ressources qui se trouvent sur le territoire sur lequel les Premières Nations détiennent des droits, et le Québec en bénéficie directement. Or, le développement a eu des impacts majeurs sur leurs droits et leur territoire. Les Premières Nations doivent être compensées pour la perte et les dommages passés et actuels en lien avec l'exploitation du territoire et le développement énergétique, et ce, au moyen d'une indemnisation juste et équitable.

En conclusion, les Premières Nations ne se veulent pas un frein au développement. Cependant, nous affirmons notre place centrale et légitime dans cette transition et de développement énergétique, elle est fondamentale et non négligeable. Il est temps pour le gouvernement du Québec de concrétiser notre place à part entière dans l'avenir énergétique.

Le Président (M. Montigny) : (S'exprime dans une langue autochtone). Merci beaucoup.

M. Dominique (Gilbert) : (S'exprime dans une langue autochtone).

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup. Maintenant, le temps étant écoulé...

Une voix : ...

Le Président (M. Montigny) : ...vous pouvez laisser davantage de temps. Est-ce que vous aviez eu le temps de compléter? Mme la ministre vous donne un peu de temps. Je suis désolé.

Alors, Mme la ministre, maintenant, la parole est à vous. Vous disposez d'un peu plus de 16 minutes.

Mme Fréchette : D'accord. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, MM. les chefs Picard et Dominique, je tiens à vous remercier grandement d'être venus à notre rencontre. C'est vraiment une grande opportunité pour nous de tenir ce débat sur un projet de loi qui est important et pour lequel les Premières Nations sont des alliés de premier niveau. Alors, merci d'avoir partagé votre point de vue, d'être venus nous le présenter, et j'espère que nos discussions nous permettront d'avoir des avancées constructives pour la suite des choses.

Je voyais que mon prédécesseur, M. Fitzgibbon, a annoncé le 4 juin dernier, alors qu'il y avait une rétroaction, là, suite à des discussions qu'il avait eues avec vous, qu'il avait été décidé de créer une table Québec-Premières Nations et Inuit sur l'énergie afin de favoriser une meilleure participation des communautés et des organisations autochtones à l'élaboration du PGIR, qui était quand même un élément clé du projet de loi n° 69.

Alors, je me demandais : Quel est votre point de vue sur le déroulement de ces travaux, de cette table de concertation qui a été mise sur pied? Est-ce que ça... ça avance à votre satisfaction? Est-ce qu'il y a des possibilités que vous entrevoyez pour assurer une bonne participation des différentes Premières Nations qui sont conviées à cette table?

M. Picard (Ghislain) :Bien, je peux peut-être tenter une réponse et demander à mon collègue de compléter, certainement. Mais je vais me permettre de présenter les chefs qui nous accompagnent aujourd'hui : le chef Réal McKenzie, de la première nation innue de Matimekush, le chef Mike McKenzie, de Uashat mak Mani-Utenam, première nation innue également, le chef Réal Tettaut, première nation innue de Nutashkuan, le grand chef Rémi Vincent, Huron-Wendat... nation Huron-Wendat, à Wendake, et le conseiller Jérôme Bacon St-Onge, de la première nation innue de Pessamit.

Donc, à votre question...

M. Picard (Ghislain) :...c'est clair que ce que nous aurions souhaité avant tout, c'est qu'on puisse disposer d'un processus qui respecte le statut de gouvernement que nous affirmons au nom des communautés qui siègent à notre table. Donc, un processus qui se situe en dehors de vos... du processus dans lequel nous sommes engagés aujourd'hui. Nous acceptons de... en quelque sorte de participer à vos travaux, malgré nous, et nous aurions souhaité qu'il y ait une place beaucoup plus importante qui soit accordée devant les intérêts que nous représentons.

• (15 heures) •

Donc, le PGIR est un accessoire important en marge du projet de loi n° 69, ça, nous le comprenons très, très bien et je pense que ça mérite une discussion approfondie entre le gouvernement et les gouvernements que nous représentons. Et c'est très clair que nous voulons être proactifs dans la démarche, mais dans la mesure où une partie ne conditionne pas l'autre, et ça, c'est extrêmement pour nous. Est-ce que... est-ce que... on ne veut pas se retrouver subordonnés à une démarche, c'est pour ça que nous avons été extrêmement réticents... hésitants plutôt, jusqu'à maintenant, à emboîter le pas au niveau du... pas au niveau du PGIR, dans la structure qui nous était soumise. Est-ce que c'est possible de revoir tout ça? C'est... c'est vraiment une question aussi qui vous appartient. Je sais qu'a été notamment soulevée la possibilité que le PGIR soit un peu plus... un peu plus indépendant du gouvernement. Et ça, c'est quelque chose qui, à nos yeux, semble aussi intéressant.

Mme Fréchette : Les changements climatiques, bon, nous affectent tous, mais je pense que les Premières Nations sont au rang de ceux qui sont parmi les plus impactés. En termes de finalité du processus, derrière le projet de loi n° 69, il y a cette idée de décarboner la société, notre objectif étant d'avoir une décarbonation d'ici 2050. Est-ce que... est-ce que vous partagez cette finalité, cet objectif? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez fait vôtre?

M. Dominique (Gilbert) : Oui, absolument. On partage entièrement, là, ces visés, parce qu'effectivement le message que nos aînés qui occupent encore le territoire... sont conscients des changements qui affectent leur mode de vie, leur quotidien, donc, puis ils sont grandement inquiets. Donc, oui, il y a assurément, là, comme sociétés qui cohabitent sur le même territoire, il y a des changements, là, significatifs, je pense, là, qu'il faut entamer.

Un des changements... puis je vais juste compléter, là, les commentaires du chef régional, M. Picard, par rapport au PGIR, puis je comprends, c'est un axe qui est fondamentalement important dans ce qui s'en vient, c'est un élément clé, si on veut, pour la suite des choses. Et on salue, là, bien sûr, la volonté d'inscrire un groupe de discussion avec les Premières Nations, O.K.? Mais il faut... il faut être vigilant, parce qu'on a le sentiment... parce qu'il y a cinq groupes de mémoire, là, qui sont constitués, dont un au niveau des Premières Nations. Il faut être vigilant pour... pour éviter de venir particulariser les Premières Nations. Puis, à ce moment-là, on s'aperçoit qu'on oublie rapidement nos préoccupations ou nos propositions. La relation entre gouvernement et gouvernement, là, puis par elle... rapport à la présence, c'est la reconnaissance des lois des Premières Nations. Elle doit être transversale à l'ensemble de vos enjeux, l'ensemble de vos décisions que vous prenez à l'égard du développement énergétique qui se fait sur nos territoires. Donc, une vigilance que nous vous... voulons également vous ramener en lien avec cet aspect.

Mme Fréchette : Comment est-ce que l'on peut s'assurer de la bonne représentativité des différentes nations? Cet enjeu se pose de manière régulière, bon, à la table de concertation. C'est un des lieux où il faut avoir cette représentativité. On parle aussi d'une représentation au conseil d'administration d'Hydro-Québec, l'entreprise, l'organisation clé dans toute cette mouvance de transition énergétique. Alors, comment est-ce qu'on peut s'assurer qu'on y va de la bonne façon pour ce qui est d'assurer une bonne représentativité des nations autochtones?

M. Picard (Ghislain) :Bien, écoutez, la diplomatie, chez nous, elle est en bonne santé. Et c'est ce que je vais fournir comme première réponse. Sachez que notre présence ici est la conclusion finalement de 18 mois de discussions, en dépit de la diversité, je ne veux pas sonner trop négatif. Mais il y a cette réalité-là également qui est présente...


 
 

15 h (version non révisée)

M. Picard (Ghislain) :...chez nous. Au-delà de la géopolitique, hein, qui fait qu'il y a des groupes qui sont en négociation, il y a des groupes qui ne le sont pas, il y a des groupes qui ont déjà négocié. Et donc il y a une géopolitique qui fait en sorte que le paysage politique du côté des premières nations au Québec, c'est... Il y a des conventionnés, des groupes conventionnés, donc, qui ont un traité en main, d'autres qui ne le sont pas. Donc, en dépit de tout ça, on a réussi à aller chercher une position consensuelle sur le développement énergétique au Québec et de la façon que ce développement-là nous affecte collectivement. Donc, ce sera très certainement facile pour nous de convenir, par exemple, bon, si c'est une personne, si c'est deux, si c'est trois, au niveau de la gouvernance d'Hydro-Québec, de faire ce choix-là en fonction des connaissances que nous avons et de la confiance qui existe entre nous, très certainement.

Mme Fréchette : Bon, c'est sûr que le partenariat qui... les partenariats qui existent sont fondamentaux. Je me demandais quelle forme de partenariat, entre les communautés autochtones, les MRC, Hydro-Québec, permettrait aux communautés des premières nations de bénéficier des retombées des énergies renouvelables. Parce que là on se lance dans un grand projet de développement des énergies renouvelables accrues, alors, comment faire en sorte d'avoir un partenariat qui réponde adéquatement à vos attentes?

M. Dominique (Gilbert) : Bien, c'est c'est fort simple, Mme la ministre, hein, tout d'abord, c'est la relation, là, de gouvernement à gouvernement. C'est un élément qui est fondamentalement important. Donc, ça fait en sorte qu'on nous reconnaît aussi, là, comme des acteurs de premier plan qui ont des droits et un titre sur nos territoires respectifs. O.K. Donc, moi, je pense que le point de départ est à ce niveau-là. Par la suite, bien entendu, la collaboration peut prendre différentes formes, notamment celle que certaines communautés ont développée, dont la mienne, en relation gré à gré avec Hydro-Québec. Donc, on a évacué, bien sûr, pour le moment, là, l'ensemble des acteurs privés. On s'est assis, là, avec Hydro-Québec dans une relation davantage, là, de type, là, gouvernement à gouvernement, pour se donner des objectifs.

Par la suite, nous, on s'est assis avec le milieu régional pour voir comment est-ce qu'on se concerte pour tenter de parler d'une seule voix, sachant bien entendu que le développement va bénéficier, oui, pour les Premières Nations, mais peut aussi, là, bien bénéficier, là, l'ensemble de nos régions, hein, ceux qui cohabitent avec nous, là, sur nos territoires. Donc, c'est des formules, à notre sens, ce qui est important, avant, bien entendu, là, d'explorer l'hypothèse, là, de faire appel à des grandes entreprises parce qu'ils ont, bien entendu, un certain niveau d'expertise à ce niveau-là. L'autre élément... Donc, ça prend des processus qui facilitent ça, bien entendu, une directive du gouvernement du Québec à cet égard, pour s'assurer que ça se passe dans cette relation-là.

L'autre élément, ça prend bien sûr, là, des leviers qui sont intéressants pour les Premières Nations, notamment des leviers financiers, pour nous permettre aussi, là, d'être des acteurs qui vont nous permettre de pouvoir réinvestir dans ces aventures économiques, O.K., et aussi nous permettre d'être aussi un actionnaire de premier plan chez Hydro-Québec. L'Ontario l'a fait là, hein, il y a une centaine de communautés qui sont actionnaires chez Hydro One, O.K. Je pense que le Québec pourrait, là, envoyer un message, là, positif inspirant dans cette relation renouvelée que nous recherchons ensemble, en s'assurant que les Premières Nations puissent être aussi, là, actionnaires chez Hydro-Québec. Ça nous permettrait, bien entendu, par la suite, de pouvoir, la, être un élément d'influenceur positif, là, dans la gouvernance, par exemple, de cette société d'État.

M. Picard (Ghislain) :Ce que ce que je peux me permettre d'ajouter, je pense que les Premières Nations recherchent une opportunité de créer leur propre richesse. Et, en ce sens, il y a des précédents qui sont très concluants dans le domaine du développement éolien, notamment, chez la nation micmaque, hein? On parle d'une histoire qui a maintenant, peut-être, 13, 14 ans et qui permet aujourd'hui avec les bénéfices chez ces trois communautés-là, qui leur permet de participer financièrement à des projets d'expansion ailleurs, dans le même type de développement. Je pense qu'il y a là très certainement... je veux dire, ce n'est pas...

M. Picard (Ghislain) : ...c'est une histoire à succès et nous, nous cherchons les moyens de les multiplier et c'est l'opportunité qui se présente à nous en marge de l'étude du projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui, mais c'est très clair qu'on voit beaucoup plus loin.

• (15 h 10) •

Mme Fréchette : Merci. Vous avez fait état dans votre présentation de l'importance qu'il y aurait d'avoir des cibles minimales d'approvisionnement auprès des Premières Nations. Qu'est-ce qui, à votre avis, là, correspondrait à une cible adéquate en termes d'approvisionnement auprès des Premières Nations? Est-ce que déjà vous avez des idées aussi de secteurs qui pourraient être concernés par ce type de cibles?

M. Picard (Ghislain) : Bien, il y a, il y a... Il y a deux éléments de réponse à la question. Le premier, c'est peut-être plus au niveau d'une anecdote qui est venue à mes oreilles, ça fait déjà quelques années, d'une communauté que je ne nommerai pas et qui disait : Bon, écoute Ghislain, il me semble qu'il nous faut plus qu'un simple contrat de conciergerie dans une centrale isolée d'Hydro-Québec. Et ça, je pense que c'est tout à fait. C'est beaucoup plus que légitime. En même temps, ceci étant dit, on n'a pas fixé de pourcentage réel, mais c'est très clair qu'on doit aller, on doit viser beaucoup plus, beaucoup plus haut que 5 % qui est un peu un pourcentage qui est déterminé par une politique fédérale en la matière. Donc, je pense que si c'est un point de départ, bien, c'est certainement quelque chose qui serait recevable de notre côté, qui veux en.

M. Dominique (Gilbert) : En complément, Mme la ministre, ça serait, là,  un super beau chantier, là, à développer pour identifier un peu les différentes mesures, ça peut être, là, une fourchette entre cinq, 10, 15 %, on pourra l'évaluer. Les créneaux, c'est clair qu'on ne peut pas, là, nécessairement, là, les fixer outre la question des turbines, c'est clair que probablement, ça serait immensément trop, trop complexe. Mais outre ça, je pense que ça nous permettrait, nous, là, de pouvoir. Parce que plusieurs Premières Nations, là, ont entamé déjà des développements, là, avec des contrats de ce genre, avec des grandes entreprises. Ça nous permet, nous, O.K., de la prévisibilité pour développer ou venir soutenir le développement, là, d'expertise dans certains champs. O.K., donc, ces projets-là sert de levier pour nous permettre après ça de bâtir des entreprises avec des compétences qui sont bien souvent en partenariat avec d'autres acteurs sur le plan régional. Et après ça, ils sont capables de faire leur niche dans le marché régulier. O.K., donc...

Mme Fréchette : Ça devient un catalyseur.

M. Dominique (Gilbert) : Absolument.

Mme Fréchette : Intéressant. Est-ce que vous considérez... Quels sont, en fait, les éléments que vous considérez dans le projet de loi n° 69, qui nous permettent de mettre en place les conditions nécessaires pour s'engager dans la transition énergétique? Qu'est-ce qui vous apparaît être, le PGIRE en fait certainement partie, quels sont les éléments vous diriez de ce projet-là, là,  qui nous propulsent vers une phase de transition énergétique en accéléré?

M. Picard (Ghislain) : La réponse simple à votre question, puis, en fait, elle se retrouve en grande partie dans... à travers les passages que nous vous avons soumis et qui interpellent plusieurs législations existantes. Et si ça se transformait par, je veux dire, au-delà de la loi, ça se transformer par une volonté politique réelle de nous consentir, nous accorder de la place. Je pense que c'est ça l'opportunité qui se présente à nous à tous les niveaux. C'est pour ça qu'on revient presque en répétition, là, au niveau de certaines lois existantes. C'est vrai pour la Régie de l'énergie, c'est vrai sur la loi d'Hydro-Québec, par exemple, au niveau de la gouvernance, si on nous consent, cette place-là qui, selon nous, est beaucoup plus que légitime, bien, je pense qu'on peut faire la démonstration de nos preuves.

Mme Fréchette : Bien, merci beaucoup, messieurs les chefs et les grands chefs, que je salue d'ailleurs. Merci d'être là également. Merci d'être venus partager vos perspectives, vos ambitions, vos attentes. Alors on va s'assurer de travailler en partenariat de nation à Nation avec vous, vous tous. Merci.

Le Président (M. Montigny) : Merci, Mme la ministre. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Saint-Laurent pour une période de 10 min 24 s. Merci.

Mme Rizqy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, kwei. Merci d'être présents, à vous les chefs et les grands chefs. C'est une importante délégation qui s'est... qui est avec nous aujourd'hui nous avons demandé... Bien, d'abord, permettez-moi juste de préciser, mon beau-père, Geoff Kelley et mon mari, Greg Kelly, vous saluent tous les deux, vous tous. Et on m'a aussi acheminé quelques questions. Dans un premier temps, on a posé, nous, la question : Si...

Mme Rizqy : ...Hydro-Québec. S'il y avait un membre des Premières Nations au conseil d'administration. Puis la réponse est non. Pensez-vous que ça peut être souhaitable d'avoir un membre, au moins un siège, pour les Premières Nations au conseil d'administration d'Hydro-Québec?

M. Picard (Ghislain) :Bien, c'est très clair pour nous que c'est un minimum. Et je crois que, je me permets de dire, la transformation de la société d'État depuis les cinq dernières années nous permet très certainement de concevoir une intention qui serait celle de finalement répondre à cette, je dirais, incontournable nécessité d'assurer que la diversité puisse être représentée au sein de la gouvernance d'Hydro-Québec. Et d'ailleurs, on en a fait une recommandation très, très claire, en marge de l'étude du projet de loi no 69. Je pense qu'on est finalement à une étape où on se doit d'assurer que la meilleure représentation qui soit pour promouvoir nos intérêts comme Premières Nations, c'est nous qui devons l'assurer. Et ça passe également par une représentation adéquate au sein du conseil d'administration d'Hydro-Québec.

Mme Rizqy : Permettez-moi de citer M. Michael Sabia, le P.D.G. d'Hydro-Québec qui était avec nous cette semaine, en parlant de la loi. Là, je cite : «Elle n'est pas suffisante en soi. Il faudrait continuer à répondre à des défis importants dans l'exécution. Premièrement, il faut que le gouvernement du Québec accélère de manière importante le processus de réconciliation avec les Premières Nations et les Inuits. C'est fondamental. Il faut mettre fin aux approbations paternalistes du gouvernement pour chaque entente entre Hydro-Québec et les communautés autochtones. On perd jusqu'à 8 à 10 mois». Fin de citation.

Alors ça, c'est le P.D.G. d'Hydro-Québec, M. Michael Sabia. Je sens clairement une volonté du côté d'Hydro-Québec, mais il nous indique que, peut-être, s'il y a un peu moins de volonté, ça viendrait du côté du gouvernement. Quand on parle d'accélérer de manière importante, qu'est-ce que le gouvernement doit faire pour qu'on arrête de perdre jusqu'à 8 à 10 mois?

M. Picard (Ghislain) :Bien, d'abord, pour compléter ce que j'avançais plus tôt, Hydro-Québec, sous une ancienne administration et quand même est allé très, très loin à l'automne 2021, finalement référant précisément au passé d'Hydro-Québec, qui n'est pas aussi glorieux que certains peuvent le croire dans sa relation avec les Premières Nations. Et avec la nouvelle administration, le pas a été emboîté. Même tendance. Et d'ailleurs, je me permettrais peut-être de faire une parenthèse parce que nous avons comme assemblée de chefs, donc une assemblée politique, reçu le P.D.G. d'Hydro-Québec en septembre 2023, une première, qu'un dirigeant de la société d'État prenne le temps de nous rencontrer et une rencontre qui s'est d'ailleurs répétée à d'autres niveaux.

Donc, pour une première fois, la société d'État en fait un peu une profession de foi par rapport à son passé. Et pour nous, ça, c'est exactement quelque chose qui sonne positif à nos oreilles. Et ceci étant dit, sans le citer évidemment, j'ajouterais au commentaire que vous nous partagez ce que M. Michael Sabia nous a déjà dit, c'est qu'on n'arrive pas à la perfection, mais à tout le moins, s'il y a un engagement soutenu, réel de part et d'autre, bien, on peut certainement entretenir un dialogue qui soit non seulement positif, mais productif également.

M. Dominique (Gilbert) : Si vous le permettez, peut être je pourrais compléter.

Mme Rizqy : Vous êtes un grand chef. Je vous permets. Vous pouvez vous permettre ça.

M. Dominique (Gilbert) : Parce que ce que le chef régional vient de mentionner, c'est fondamentalement important. Puis vous savez la clé, là, de réussite pour assurer, là, la mise en œuvre de votre plan de transition énergétique, la relation avec les Premières Nations, c'est une condition essentielle. Sinon, là, ça va faire beaucoup, beaucoup de cailloux dans vos mocassins. O.K.? Donc, c'est fondamentalement important. Et...

M. Dominique (Gilbert) : ...cet objectif de permettre, là, ou de permettre justement à Hydro-Québec doit pouvoir convenir d'ententes avec les Premières Nations, je pense que le gouvernement devrait, là, donner une certaine latitude pour que ça se passe plus rapidement, parce qu'effectivement, là, il va se passer plusieurs mois, et inévitablement, pendant cette période-là, il y a de la frustration qui s'installe. Il y a des projets qui vont être en démarrage ou il y a des projets qui vont être bloqués. Moi, je pense qu'il y aurait, dans les processus, probablement, là, des façons de faire qui pourraient permettre, bien entendu, là, à Hydro-Québec de s'avancer avec les Premières Nations.

• (15 h 20) •

Mme Rizqy : Dites-moi, l'article 38, dans le projet de loi, ouvre la porte à la production puis à la vente d'électricité privée. Présentement, tel que c'est écrit, c'est à l'intérêt... à un consommateur adjacent. En quoi ça peut avoir un impact sur les Premières Nations? Parce que vous avez... vous aussi, vous avez la production d'électricité, vous aussi, vous pouvez en vendre, s'il y a d'autres compétiteurs et peut-être aussi sur certains territoires présentement au Québec.

M. Dominique (Gilbert) : Bien, je vous dirais, là, spontanément que ce serait immensément difficile pour un privé, là, de s'aventurer là-dedans sans l'accord au préalable des Premières Nations, O.K.? Donc, moi, je pense que c'est des choses qui sont faisables dans la mesure où il y a des ententes avec les Premières Nations, parce que nous avons aussi cette capacité. Et je suis convaincu qu'il n'y a pas une première nation au Québec, là, qui accepterait, là, ce fait-là, là, aussi facilement, O.K.? Mais, ceci étant dit, moi, je pense que, dans la mesure où les Premières Nations sont impliquées, à ce moment-là, il y aurait, là, certainement, là, des avenues possibles pour que ça puisse se faire, quoique ce n'est pas nécessairement notre option en priorité. On est davantage tournés, là, vers une propriété collective, hein, le gouvernement du Québec et les gouvernements de Premières Nations tant qu'à... quant à la propriété de l'énergie au Québec.

Mme Rizqy : Si on prend un petit pas de recul, en... lorsque... au moment de la signature du gouvernement actuel du contrat de New York, par la suite, trois semaines plus tard, il revenait, puis on nous annonçait que, ah!, on n'a presque plus d'électricité, et il va falloir construire des barrages, faire de l'éolien, du solaire, du nucléaire. Si on prend un peu de recul par rapport au projet de loi, qui... aujourd'hui on nous demande d'aller plus vite, faire beaucoup plus en matière de barrages, ça, ça veut dire qu'il faut harnacher des rivières, il me semble que la première des choses, c'est aussi se poser la question : Pourquoi en sommes-nous rendus là?

M. Picard (Ghislain) :Bien, écoutez, je peux tenter une première réponse, et en... et en référant, d'ailleurs, à mon collègue qui disait, il y a quelque temps à peine, dans un autre dossier qui fait l'objet de préoccupations et de priorités chez nous, c'est le dossier de la situation précaire du caribou, et s'il faut revoir certains projets, je pense qu'il y a une disposition du côté des Premières Nations de réfléchir à tout ça. Et, par rapport à l'exemple que vous... que vous me présentez aujourd'hui, bien, c'est à peu près la même réflexion que nous avons. Je pense que, si on est... on dispose finalement de la place, d'une place qui nous permet d'être un peu déterminant, si on veut, quant à l'horizon, à court et à moyen terme, à long terme, bien, c'est très certainement quelque chose que nous prenons avec tout le sérieux que ça demande. Et je pense qu'il y a quand même des démonstrations qui ont été faites par les communautés, de leur, finalement, capacité à vraiment non seulement prendre des décisions qui touchent leur communauté, mais des décisions qui touchent l'ensemble de la société également.

Mme Rizqy : Alors, en terminant, parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, dans... vous en êtes rendus où avec les négociations?

M. Picard (Ghislain) :Ce n'est pas... dans mon cas, ce n'est pas un dossier sur lequel j'ai une participation, c'est... Nous, on en est au chapitre des principes. Je parle de l'Assemblée des Premières Nations. C'est ce qu'on veut faire valoir aujourd'hui. Il y a sans doute autant de projets qu'il y a de chefs ici aujourd'hui, et ça, c'est vraiment des processus qui lui... leur appartiennent. C'est le cas pour mon collègue également, M. le chef Gilbert Dominique.

Mme Rizqy : Bien, merci beaucoup.

Le Président (M. Montigny) : Merci. Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Maurice-Richard pour une période de trois minutes 28 secondes.

M. Bouazzi : Merci, M. le Président...

M. Bouazzi : ...à vous, merci beaucoup de nous avoir partagé toute cette réflexion parce que je suis persuadé qu'il y a eu vraiment beaucoup de réflexion autour de comment voir une... j'ai l'impression, une lecture décoloniale, en fait, des rapports de la vision, de l'avenir, de l'énergie.

Je voudrais peut-être être sûr de... Je ne voudrais pas mettre des mots dans votre bouche, mais je vais vous lire ce que j'ai compris de ce que... de ce que vous avez... de ce que vous avez exprimé aujourd'hui. Moi, j'entends l'idée de dire : Bien, il y a deux institutions politiques, une que vous représentez, une qui est représentée par le gouvernement, et puis il y a une véritable volonté de collaborer pour l'avenir énergétique du Québec. Et cette collaboration vient se faire à travers plusieurs institutions, celle d'Hydro-Québec. Vous nous dites : Il faut qu'on en soit... qu'on soit dans le C.A., il faut qu'on puisse en être actionnaires. L'idée de pouvoir aussi participer à la construction des infrastructures. Et là vous dites : Bien, il y a de la prévisibilité. Si on n'a pas les expertises, bien, il va falloir travailler ensemble à cet avenir pour qu'on puisse aussi en être maître d'oeuvre dans l'avenir et avoir notre... tu sais, c'est... Je vous inviterais peut-être à développer. Est-ce qu'il y a quelque chose de ce que j'ai dit qui ne correspond pas à cette idée? Parce que ce n'est vraiment pas... À date, ce n'est vraiment pas ce qu'on retrouve dans le projet de loi, là, on s'entend qu'on a vraiment l'impression qu'il y a toutes sortes de projets à la pièce, mais, cette vision globale sur les rapports de nation à nation, au-delà de : on va être copropriétaire de quelque chose, vous allez avoir des dividendes, on ne retrouve pas, et donc c'est ça que vous apportez aujourd'hui dans le débat.

M. Picard (Ghislain) :Bien, je vais y aller... Très, très bonne question, et je vais y aller avec un exemple et... un exemple qui est très, très réel. Il y a à peu près quatre... 11 ans, on était dans la même... dans la même pièce aujourd'hui, avec presque autant, sinon plus de chefs, et, à ce moment-là, on était à l'étude d'un projet de loi qui visait à réformer la Loi sur les mines qu'on jugeait désuète, et on est arrivés... comme c'est arrivé trop souvent, d'ailleurs, dans le passé et même encore récemment, on est arrivés un peu comme un cheveu dans une soupe. C'est vraiment... On sort vraiment du décorum qui vous est familier où on amène, nous, une réalité qui est encore sujette à un déni. Et c'est ça que nous voulons changer. Et pourquoi? Bien, c'est que le monde autour de nous évolue, mais on semble avoir stagné ici. Et je pense que ça, c'est important. En même temps, bien, il y a, pour les chefs et les grands chefs qui sont avec nous aujourd'hui, le double défi de répondre aux priorités qui sont exprimées par leurs bases, leurs populations. Et c'est ça que, pour nous, nous voulons mettre en évidence, c'est-à-dire qu'en même temps un rappel du passé...

Le Président (M. Montigny) : En conclusion.

M. Picard (Ghislain) :...Hydro-Québec, le P.D.G. le fait, et en même temps, bien, trouver une façon de pouvoir bénéficier des opportunités qui se présentent à nous.

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon pour deux minutes 38 secondes.

M. Paradis : Chef Picard, chef Dominique, «kwe». Est-ce que vous avez été consultés sur le projet de loi n° 69 avant qu'il soit présenté?

M. Picard (Ghislain) :Pas du tout.

M. Paradis : Faisons abstraction d'Hydro-Québec, de son plan et de ses propres consultations. Vous nous avez dit que vous avez rencontré, notamment, Michael Sabia. Sur la vision de ce gouvernement, de ce qu'elle voit sur les ressources naturelles et sur les territoires, est-ce que vous avez été consulté avant de venir ici aujourd'hui?

M. Picard (Ghislain) :Bien, ce que je peux peut-être juste très, très brièvement ajouter, je pense qu'il y a... il y a... il y a peut-être une collision de deux définitions de la consultation ici, il y a la nôtre et il y a celle du gouvernement. Ce que nous avançons comme position, si dans une véritable relation de nation à nation, de gouvernement à gouvernement, les conditions d'un ne doivent pas primer sur l'autre. Et c'est ça qui n'existe pas actuellement. Et, pour nous, ça demande une révision profonde de cette relation-là. Et on... Il est triste qu'on doive profiter d'un projet de loi qui est déjà écrit, alors que, finalement, si cette véritable relation existait, on aurait... on aurait fait partie de la réflexion qui nous amène vers le projet de loi n° 69. Et c'est vrai pour d'autres projets de loi également.

M. Paradis : Dans...

M. Paradis : ...ce contexte. Malgré le fait qu'on n'a pas la vision du gouvernement sur son plan de développement, le projet de loi n° 69, je comprends, a des impacts considérables pour les Premières Nations du Québec. Le fait que vous n'avez pas que vous n'ayez pas été consultés, qu'est-ce que ça dit sur le respect de votre droit à être consultés sur ce projet de loi là?

• (15 h 30) •

M. Dominique (Gilbert) : C'est fondamentalement important. O.K.? L'objectif ou, en tout cas, ce que je décode du gouvernement du Québec à ce moment-ci dans sa transition énergétique, c'est l'équivalent d'une demi-Hydro-Québec de plus pour ne pas dire 10 000 mégawatts de plus. C'est 10 000 mégawatts de plus vont se développer où? Sur nos territoires traditionnels, et nous n'avons pas été impliqués, là, dans cette réflexion, dans cette stratégie en amont. C'est là où le bât blesse. O.K.? On nous informe, on a des relations ici et là, mais ce n'est pas comme aujourd'hui.

Le Président (M. Montigny) : En conclusion.

M. Dominique (Gilbert) : On n'est pas un processus de consultation adéquat. Vous voyez, on a des droits puis on construit un gouvernement, là, comme le vôtre...

Le Président (M. Montigny) : Merci...

M. Dominique (Gilbert) : ...et on est obligés d'utiliser une plateforme comme l'ensemble...

Le Président (M. Montigny) : Je suis désolé. J'ai le rôle ingrat de calculer le temps et je vous remercie tellement pour votre contribution aux travaux de la commission. Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux prochains groupes de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 31 )


 
 

15 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 15 h 36)

Le Président (M. Montigny) : Merci et bienvenue. On reprend nos travaux. Alors, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de l'Union des municipalités du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé maintenant.

M. Damphousse (Martin) : Merci. Donc, je suis Martin Damphousse, maire de Varennes et président de l'Union des municipalités du Québec. Je suis accompagné par M. Simon Deschênes, président du Comité sur la production d'énergie renouvelable et maire de Sainte-Anne-des-Monts, en plus d'être premier vice-président de l'Alliance d'énergie de l'Est, et Mme Charlotte Legault Bélanger, conseillère aux politiques à l'Union.

Mme la ministre de l'Économie et de l'Innovation, de l'Énergie, félicitations pour votre nomination. M. le Président de la commission, mesdames, messieurs les membres de la commission, nous vous remercions de l'opportunité de commenter le présent projet de loi.

Nous souhaitons tout d'abord saluer la volonté du gouvernement de moderniser le cadre législatif pour soutenir la transition énergétique et atteindre la carboneutralité d'ici 2050. Les municipalités sont engagées au quotidien envers ces mêmes objectifs. L'UMQ a lancé en 2023 son plan énergie, qui met de l'avant la volonté des municipalités à utiliser tous les leviers disponibles pour contribuer aux efforts collectifs en matière d'efficacité énergétique et de production d'énergie renouvelable. Dans ce plan, nous mettons de l'avant quatre grands leviers d'intervention, soit : consommer différemment ou plus intelligemment, favoriser l'acceptabilité sociale, accélérer la production d'énergie et de développement de partenariats. Ces quatre leviers sont au cœur de notre stratégie.

Par leur connaissance approfondie des réalités locales et grâce à leur communication de premier plan avec la population, les municipalités soutiennent l'acceptabilité sociale des projets d'énergie renouvelable sur leurs territoires et favorisent les mesures d'efficacité énergétique. Elles contribuent également à la sobriété énergétique par le renforcement des milieux de vie et le développement du transport en commun. De plus, les municipalités, grâce à leur expertise en aménagement du territoire, permettent de concrétiser les objectifs gouvernementaux tout en tenant compte des spécificités locales.

Un chantier majeur en aménagement du territoire débute et son intégration avec le Plan de gestion intégrée des ressources énergétiques sera essentielle pour accélérer les résultats tout en protégeant les milieux naturels et les terres agricoles. Il est donc crucial que l'UMQ et les municipalités soient impliquées dès le début et tout au long du processus d'élaboration du plan de gestion. Nous souhaitons que le projet de loi reflète le rôle fondamental des municipalités et leur engagement à placer l'aménagement du territoire au cœur des résultats en intégrant les facteurs clés pour l'acceptabilité sociale et en levant certains obstacles à l'action municipale. Les collaborations structurantes sont essentielles...

M. Damphousse (Martin) : ...afin de surmonter les défis de la transition énergétique, les municipalités sont prêtes à collaborer activement avec vous. Je passe maintenant la parole à M. Deschênes.

• (15 h 40) •

M. Deschênes (Simon) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, M. le Président de la commission, distingués membres de la commission, donc je poursuis le discours de l'Union des municipalités du Québec. Donc, nous saluons la mention stipulant qu'Hydro-Québec doit garantir les approvisionnements nécessaires pour répondre aux besoins en électricité du Québec. La crise énergétique actuelle ne doit pas se reproduire. Cependant, nous avons des préoccupations concernant les modifications apportées à l'article 76 de la Loi sur la Régie de l'énergie. Bien que les défis liés à la capacité électrique soient réels, il est crucial que le projet de loi précise les modalités d'utilisation de l'énergie. Nous craignons que ces modifications ne limitent la capacité des municipalités à développer leurs projets, à dynamiser leur économie régionale et à décarboner leur activité.

Près de la moitié des municipalités du Québec font face à des obstacles au développement économique dû au manque d'électricité. Il est donc essentiel que le projet de loi précise que le ou la ministre ne peut refuser des raccordements résidentiels, institutionnels et commerciaux et qu'elle doit garantir une équité territoriale dans l'analyse des raccordements industriels.

L'évolution de la production d'énergie éolienne au Québec démontre l'importance de l'acceptabilité sociale des projets. L'exemple de l'Alliance de l'énergie de l'Est en Gaspésie et au Bas-Saint-Laurent, que je connais bien, illustre cette dynamique de participation communautaire et représente un modèle intéressant à suivre.

Le cadre actuel d'appel d'offres assure une participation communautaire dans les projets et la maximisation du contenu local, cela permet de créer des emplois verts, d'attirer des entreprises de fabrication énergétique, d'impliquer les municipalités dans la recherche de sites et la mise en place de mesures de mitigation et surtout de diversifier les revenus municipaux.

Notons qu'une compensation financière à la communauté qui accueille le projet ainsi que la recherche de relations harmonieuses avec les communautés autochtones sont également des critères à respecter.

Un recul par rapport à l'un de ces critères nuirait à l'acceptabilité sociale des projets. Ainsi, nous recommandons de les intégrer directement à l'article 74.1 sur la Loi de la Régie de l'énergie.

Le projet de loi accorde plus d'autonomie à Hydro-Québec pour les appels d'offres, il est crucial de renforcer la collaboration avec tous les acteurs, y compris les municipalités, pour réaliser les objectifs de production d'énergies renouvelables et de décarbonation du Québec. La réussite des projets dépend de leur acceptabilité sociale et des engagements fermes sont essentiels pour garantir celle-ci. Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup. Alors, merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter, là, la période d'échange avec les membres de la commission. Mme la ministre, la parole est à vous. Vous disposez de plus de 16 minutes.

Mme Fréchette : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Damphousse, M. Deschênes, Mme Legault Bélanger, merci de votre présence, de venir nous partager vos propositions, votre vision des choses et votre expertise aussi. Et je sais qu'elle est longue, cette expertise-là, elle est dense. Alors moi, j'aimerais beaucoup vous entendre à nouveau, là, la poursuivre sur le thème de l'acceptabilité sociale. Je pense que c'est un des grands défis que l'on a. À partir du moment où on cherche à changer des comportements, il faut qu'il y ait de l'acceptabilité sociale et il faut qu'on trouve les meilleures pratiques pour faire en sorte de développer cette acceptabilité. Les actions que l'on va prendre ne sont pas encore choisies, elles le seront via le PGIR, mais, quelle que soit l'action choisie, il y aura des impacts pour des citoyens et, par conséquent, il devra y avoir une acceptabilité sociale adéquate. Alors, j'aimerais vous entendre sur des meilleures pratiques dont on pourrait s'inspirer. Puis j'ai notamment en tête l'Alliance de l'énergie de l'Est, parce que j'en entends parler régulièrement depuis quelques semaines, et ça fait un heureux, et j'aimerais savoir, bien, d'une part, qu'est-ce qui a fait le succès de cette alliance-là et dans quelle mesure c'est transposable à d'autres régions ou à d'autres types de projets? Eh bien, sinon, quelles autres pratiques devraient attirer notre attention pour faire en sorte qu'on ait un terreau fertile?

M. Damphousse (Martin) : Je suis particulièrement content de la première question, parce qu'honnêtement la mission que je me suis donnée comme président de l'UMQ lorsque je suis arrivé, c'est justement l'enjeu énergétique. Et j'ai dû répéter une cinquantaine de fois, sans exagérer, là, les succès de l'alliance. Puis je vais sûrement laisser la parole à Simon pour vous donner des exemples plus concrets...

M. Damphousse (Martin) : ...mais quand je reviens dans mon territoire, ma MRC, Marguerite-D'Youville, je m'inspire de ce qu'ils ont fait parce que la participation communautaire du milieu municipal regroupé dans une MRC, deux MRC, trois MRC, une grande région comme chez eux, améliore le taux de succès de l'acceptabilité sociale de façon fulgurante. Et le plus bel exemple, on l'a vécu il n'y a pas tellement longtemps dans le Centre-du-Québec, cette communauté-là n'avait pas eu le temps de s'organiser. Ils ont lancé des appels d'offres. En fait, Hydro-Québec a lancé des appels d'offres. Et là, malheureusement, des entreprises privées, vous le savez, sont allées chercher des ententes avec des agriculteurs. Et là, malheureusement, ça n'a pas fonctionné parce que le milieu municipal n'était pas prêt, n'était pas organisé. On est en train de faire exactement l'inverse. On se prépare actuellement chez nous, mais c'est inspiré des bonnes pratiques de ce qu'ils ont fait là-bas. Mais, Simon, je vais t'inviter à bonifier ma réponse.

Mme Fréchette : ...l'alliance, là, son succès.

M. Deschênes (Simon) : Tout d'abord, c'est né, ça, en Gaspésie avec une Régie intermunicipale de l'énergie Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine. Le Bas-Saint-Laurent a emboîté le pas. On se parlait. Et au fil du temps, on s'est dit : Écoutez, il faut s'allier ensemble. La raison est fort simple d'augmenter notre niveau de participation dans les projets énergétiques. Je parle au niveau de l'actionnariat. Donc, quand vous parlez d'acceptabilité sociale, Mme la ministre, plus on a un pourcentage élevé dans l'actionnariat, plus on est partie prenante, plus on prend en considération les besoins de nos organismes environnementaux, nos populations, les producteurs agricoles, etc. Et notre modèle aujourd'hui fait en sorte que nous exigeons 50 % à aller jusqu'à maintenant, donc 50 % de l'actionnariat, ce qui fait en sorte qu'on a un modèle égalitaire. Donc, même notre population ne peut pas... Bien, on le sait, vous êtes toujours seulement un pion. Non, pas du tout. On a... On est partie prenante, 50 % de l'actionnariat, 50 % du contrôle et 50 % du partage des bénéfices. Donc.

Mme Fréchette : C'est 50 % des risques aussi. Oui.

M. Deschênes (Simon) : Exactement. Merci, Mme Fréchette, la ministre. Effectivement. Donc, à ce moment-là, on s'implique, on s'implique avec... À l'époque, c'était avec les promoteurs privés. Dorénavant, on souhaite que ça soit avec Hydro-Québec, là. Donc, l'implantation d'un projet énergétique sur n'importe quel territoire, d'avoir une participation égalitaire, bien, on décide nous aussi, là. On n'est pas à 10 %, on n'est pas 3 %, on respecte les projets énergétiques qu'il y a une participation moindre, mais le modèle qui tend à obtenir le maximum d'acceptabilité sociale découle du fait qu'on a 50 % du contrôle. Et si j'ajoute 50 % des bénéfices distribués, c'est des leviers économiques de développement extraordinaire pour l'ensemble des régions du Québec qui ont le modèle, comme nous avons chez nous à l'Alliance de l'énergie de l'Est.

Mme Fréchette : Dans le cas d'Hydro-Québec, on est 100 % actionnaires, les Québécois. Alors, comment faire en sorte d'engager aussi les communautés à un second niveau, dans le sens où ils sont déjà actionnaires, si on veut, propriétaires d'une entité comme Hydro-Québec? Est-ce qu'il y a des formules de partenariat qu'on pourrait imaginer qui rende les gens investis dans un projet pour lequel ils sont déjà... auquel ils sont déjà associés ou s'il faut y aller vraiment en dehors?

M. Damphousse (Martin) : Bien, je vous dirais qu'en étant partenaire d'Hydro-Québec, la population a au moins le sentiment qu'ils ont des retombées financières directement chez eux.

Mme Fréchette : Oui, c'est ça, mais néanmoins il y en a.

M. Damphousse (Martin) : C'est ça, mais la réalité, c'est qu'entre le modèle de l'alliance et celui d'Hydro-Québec, les retombées financières à 50 % de partenariat, c'est 50 % de la part des profits qui leur revient. Et les redevances sont retournées aux propriétaires terriens où on retrouve des éoliennes. Donc, il y a des avantages palpables qui se transforment très souvent. Je vous donne un exemple simple. Une municipalité, pendant 10 ans, souhaite rénover son aréna, mais n'a pas les moyens. Mais le fait d'avoir un projet éolien dans son secteur et avec 50 % de profit, ils sont capables d'expliquer à la population très clairement. Vous voyez, là, on a enfin réussi parce qu'on s'est donné des moyens additionnels. C'est une grande différence. Je ne pense pas qu'Hydro aurait subventionné la restauration de l'aréna.

Mme Fréchette : Est-ce que les municipalités, les villes ont les outils nécessaires pour planifier leur développement, incluant leur transition énergétique? Parce que c'est quand même un domaine nouveau. Est-ce que les municipalités, vous estimez qu'elles sont suffisamment outillées? Ou comment pourraient-elles le devenir? Parce qu'on aura besoin d'avoir des estimés, des plans de transition énergétique par région, par municipalité. Donc, est-ce qu'on a ce qu'il faut pour aller de l'avant, de ce côté...

M. Damphousse (Martin) : ...en fait, on a réalisé, il n'y a pas longtemps, qu'on a l'obligation de s'investir très sérieusement dans ce volet-là. On parle beaucoup de décarbonation. À l'Union des municipalités du Québec, on a lancé un plan de décarbonation des bâtiments municipaux de la flotte de véhicules. Ça fait qu'on a cette sensibilité-là qui est très grande, mais, je vous dirais, pourquoi on a accéléré le processus, c'est la la motivation que j'avais pour mettre en place le plan énergie puis contribuer à la sensibilisation de la population. C'est que, quand, à l'époque, il n'y a pas longtemps, M. Fitzgibbon a participé aux assises de l'union en mai passé, et il est venu nous dire qu'il avait, et je répète ce qu'il a dit, il a 174 projets majeurs sur son bureau aujourd'hui, de partout au Québec, il est capable d'en accepter un. On a compris que, pour nous, le milieu municipal, c'est une situation qui est dramatique parce que c'est l'économie locale d'un peu partout en région où des projets... Avant, les entreprises ne se posaient pas la question puis le milieu municipal ne se posait pas la question. On avait hâte d'émettre le permis et que la construction puisse commencer. Mais, aujourd'hui, on est confronté, puis on n'a jamais connu ça dans le milieu municipal, à un frein énergétique et non l'approvisionnement en eau, les routes, c'est vraiment le manque d'énergie.

• (15 h 50) •

Donc, le milieu municipal, mieux qu'Hydro-Québec et mieux que le gouvernement, en étant connecté directement à notre population, les gens nous écoutent. On a le pouvoir de faire passer des messages. Donc, quand on parle de consommer plus intelligemment, puis quand on parlera de production énergétique verte, de production verte, mais on comprend que la population soit davantage à l'écoute. Mais c'est un travail collectif, c'est le travail du gouvernement, d'Hydro-Québec, et le milieu municipal a un rôle déterminant à jouer dans ce contexte-là.

Mme Fréchette : Merci. Je vais céder la parole aux collègues. Merci.

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup. À ce stade-ci, je céderais la parole au député de Côte-du-Sud.

M. Rivest : Très heureux de vous recevoir ici. Merci d'être présents. Tout ce que j'entends est un peu de la musique à mes oreilles, de parler de l'Alliance de l'est, d'abord, de parler aussi des orientations, des OGAT, au fait, et de l'orientation 9, on vient de le souligner, là, de toute la production éolienne. Si je ne me trompe pas, là, je n'ai pas les données exactes, là, mais, pour citer un exemple, au Kamouraska, dans les territoires, dans les TNO, c'est 2 millions pendant 30 ans de retombées qui... qui sont attendues à l'intérieur d'un travail collectif mené par Michel Lagacé, les gens de l'Alliance, l'ensemble des gens. Puis je suis content d'entendre que ce modèle-là fait écho un petit peu partout au Québec, puis d'être fier de ça, d'être fier aussi de se dire que le gouvernement du Québec a mis sur pied la possibilité de faire ce développement-là et d'en arriver aujourd'hui à quelque chose de concret qui permet d'aider les municipalités du Québec à avoir un développement qui va aller au-delà de ce qu'on peut faire. Je vous entendais parler de la rénovation d'un aréna. Serait-il possible de rénover une piscine avec des retombées et de l'éolien à l'intérieur d'un secteur tel que Kamouraska, par exemple? Donc, d'entendre ce dialogue-là et de voir combien ça devient important pour les municipalités du Québec et combien le travail préalable qui a été réalisé nous permet d'arriver là, je trouve ça assez exceptionnel.

Je voyais aussi dans votre mémoire cette idée-là d'accepter, puis je pense qu'on aura un travail collectif à faire, d'accepter de consommer, vous le dites vous-même, les leviers, hein, consommer différemment, de favoriser l'acceptabilité sociale, d'accélérer la production d'énergie, d'accélérer la production d'énergie et de développer des partenariats. Je pense qu'on est en train, effectivement, de mettre ce modèle-là sur pied. Ce n'est pas parfait. On aura besoin de l'ensemble des acteurs qu'on écoute en ce moment pour y arriver. Puis moi, je me réjouis de voir ces éléments-là.

Puis j'avais une question pour vous. Au fait, j'ai fait un grand préambule, mais pour vous dire que... Justement, avec les OGAT, comment vous voyez... comment l'Union des municipalités peut être consultée d'une bonne façon pour faire... s'assurer que ces liens-là se fassent avec nos orientations, évidemment, et le plan avenir? De quelle façon vous voyez ça? Quels sont les éléments qu'on doit mettre en premier lieu, là, pour s'assurer qu'on n'oublie rien?

M. Damphousse (Martin) : ...je suis convaincu que Mme Legault-Bélanger a des pistes pour vous, mais j'ai le goût de rebondir sur un élément, la collaboration. On collabore. Le milieu municipal et l'UMQ collaborent étroitement avec le gouvernement sur à peu près tous les aspects, le volet des OGAT, l'aménagement du territoire, le volet de la responsabilité commune en énergie est important. Mais, quand on a parlé tantôt de consommer mieux, là, je peux vous donner un exemple très local. On a collaboré avec Hydro-Québec pour lancer le fameux programme Hilo, mais le Hilo municipal. On l'a mis en place, ville avec un projet pilote, juste pour voir est-ce que la communication...

M. Damphousse (Martin) : ...municipale peut être un outil accélérant à l'adhésion d'îlots. Imaginez-vous donc, en trois mois, on a démontré 10 fois plus que la moyenne de taux de pénétration chez les citoyens, parce que le milieu municipal était collaborateur. Et là, Hydro-Québec est en train de mettre en place un programme, qui devrait sortir bientôt, avec l'Union, pour justement intégrer davantage d'adhérents. Et ça, c'est consommer mieux et c'est consommer plus intelligemment. La meilleure façon d'économiser, c'est de ne pas consommer trop ce qu'on fait, mais, pour les OGAT, je vais laisser Mme Legault-Bélanger commenter.

Mme Legault-Bélanger (Charlotte) : Oui, merci. En fait, les orientations gouvernementales en aménagement du territoire, les nouvelles OGAT, il y en a neuf. Elles ont déjà été publiées. Elles vont entrer en vigueur le 1ᵉʳ décembre prochain. D'ici 2028, l'ensemble des MRC vont devoir avoir fait l'exercice de les intégrer dans leur schéma d'aménagement. Donc, comment assurer la... Pour nous, la recommandation qu'on fait, c'est d'amender le projet de loi pour que le PGIR, ce soit précisé qu'il est conforme, là, aux... aux OGAT. Pour nous, l'aménagement du territoire devrait être au cœur des réflexions énergétiques. M. Damphousse l'a mentionné, il y a des leviers, dans les OGAT, on favorise la consolidation des milieux, réduire les déplacements pour réduire la dépendance à l'auto. On agit donc en termes de sobriété énergétique. On améliore aussi le cadre bâti. Donc, il y a le projet de loi n° 41, la loi 41 sur la performance environnementale des bâtiments, qui va faire en sorte qu'un code de... sur le bâtiment durable va être publié dans les... dans les prochains mois, prochaines années.

Donc, c'est... pour nous, c'est important de... qu'il y ait une collaboration interministérielle, donc évidemment, mais de... pour nous, les OGAT, c'est une façon de l'assurer et de nous mettre dans... officiellement dans les discussions. Comme M. Damphousse l'a dit, on a une très bonne collaboration avec le gouvernement. Pour nous, c'est important d'être dans la discussion tout au long et puis d'assurer aussi une bonne communication du PGIR aux municipalités avant la publication, là, puisqu'il va... il va certainement y avoir des impacts au niveau du territoire pour nos membres.

M. Damphousse (Martin) : M. Deschênes souhaite compléter un peu.

M. Deschênes (Simon) : Puis je vais faire même un retour sur une première question de Mme la ministre, tout à l'heure. Donc, l'Alliance de l'énergie de l'Est, ça inclut aussi maintenant la MRC de -L'Islet et Montmagny. Donc, c'est 209 municipalités, qui incluent... qui sont membres, les Premières Nations... c'est important de le souligner. Ils ne sont pas en partenariat avec nous, ils sont membres du mouvement, donc ils sont inclus. Ça, c'est important. Et aménagement du territoire, pour tenter de répondre à votre question, je donne un exemple qui me vient en tête rapidement. Aux Îles-de-la-Madeleine, on a initié de mettre un projet éolien, un tout petit projet éolien en place et ça a été issu du milieu municipal. Donc, l'archipel avec les aménagistes ont ciblé les endroits que ça allait être interdit et d'autres endroits que ça allait être possible. Et, à ce jour, on a implanté deux petites éoliennes et dès l'an 1 de mise en service, les deux, c'est 6 millions de mazout lourd qui n'a pas été brûlé. Donc, c'est des milliers de tonnes de GES non émises. Ce qui fait en sorte que c'est un exemple sur le haut niveau de... de l'acceptabilité sociale et de l'implication du milieu municipal.

M. Rivest : Vous l'avez nommé, tout à l'heure, puis on a reçu des représentants des Premières Nations, puis peut-être pour rebondir sur ce que vous venez de mentionner, à ma connaissance, parce que j'habite le Kamouraska, je suis très, très proche aussi de... du grand chef Tremblay, là, d'entendre tout ce qui se passe. Peut-être, si vous voulez partager un peu cette expérience-là de... parce qu'à mon sens, ce travail-là s'est fait dans un bon esprit et avec des ententes qui ont été facilitantes, justement, pour l'acceptabilité, mais aussi pour s'assurer que l'occupation du territoire se fasse d'une belle façon. Donc, peut-être prendre quelques instants pour partager votre expérience là-dessus.

Le Président (M. Montigny) : ...

M. Damphousse (Martin) : En fait, je vais m'assurer... 30 secondes? Donc, fais ça vite, mais si tu peux donner l'exemple dont on a parlé tantôt, vas-y.

M. Deschênes (Simon) : Dernier appel d'offres, il y a une grille de pondération pour la participation communautaire, mais il y avait aussi des points pour une participation des Premières Nations. Le Mouvement de l'Alliance de l'énergie de l'Est n'a pas pu se qualifier pour les points de la participation des Premières Nations parce que les autochtones des Premières Nations n'étaient pas à part. Ils étaient avec nous et grand chef Tremblay a grandement exprimer son mécontentement auprès de chez Hydro-Québec de ne pas avoir droit aux points.

Le Président (M. Montigny) : Merci. Je dois maintenant, à ce stade-ci, céder la parole à la députée de Saint-Laurent pour 16 minutes 30 secondes.

• (16 heures) •

Mme Rizqy : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, messieurs, bonjour aussi Charlotte Legault-Bélanger...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Rizqy : ...madame, merci d'être présente avec nous. Je vais juste vous laisser terminer parce que je pense que vous avez besoin peut-être de quelques secondes pour terminer votre pensée.

M. Deschênes (Simon) : Donc, j'ai fait ça vite. Merci. C'est gentil, Mme Rizqy. Donc, le message du grand chef Jacques Tremblay, c'était de ne pas avoir deux colonnes dans les grilles de pondération lors d'appels d'offres ou autres. C'est de se sentir, avec un mouvement comme le nôtre, inclus dans un mouvement de 209 municipalités. Donc, on forme une unité, nous, avec les Premières Nations dans notre mouvement de l'Alliance de l'énergie de l'Est.

Mme Rizqy : Merci beaucoup. M. Damphousse, je vous ai entendu très souvent à la télévision. Oui, quand même, vous avez plusieurs présences, puis vous parlez au nom de plusieurs municipalités, puis vous êtes confrontés à des réalités, puis à des défis, j'ai le goût de dire presque à chaque jour plus importants, plus grands, plus complexes. Celui de l'habitation, il est majeur. C'est bien la première fois que je suis peut-être juste légèrement un peu plus jeune que vous, mais c'est vraiment la première fois qu'on voit des Québécois qui, des fois c'est suite à une séparation, se retrouvent à dormir carrément dans leur auto. Et on voit les maires, les maires se battre dans l'eau bénite pour essayer de trouver des endroits pour s'assurer de sortir des logements hors terre. Mais on a appris par Hydro-Québec qu'il y a aussi des problèmes aujourd'hui pour raccorder. Donc, même si vous vous émettez des permis, Hydro-Québec n'est pas en mesure de brancher certains endroits. Moi, tantôt, quand vous avez dit : Sur 174 projets majeurs, un seul a accepté, ça, c'est M. Pierre Fitzgibbon, pas plus tard qu'au mois de mai dernier. Pouvez-vous me préciser, 174 projets majeurs. Dans quel secteur,  est-ce que c'est pour le municipal, est-ce que c'était pour l'habitation ou est-ce que c'était en gros partout au Québec, les 174 projets majeurs?

M. Damphousse (Martin) : En fait, c'est... ce qu'on a compris, 174 projets majeurs. Donc, on comprenant que c'est davantage industriel, on ne parle pas de projets résidentiels, dans ce cas-là.

Mme Rizqy : O.K. Vous, auprès de vos membres, nous, on sait déjà qu'en Outaouais, notamment en Outaouais, aussi dans les Laurentides, les Basses-Laurentides, Lanaudière, qu'il y a eu des endroits où est-ce que les promoteurs Hydro-Québec leur a dit : En ce moment de nous, ces endroits-là, on ne peut pas vous raccorder, on ne peut pas vous brancher. Donc, c'est un frein pour eux. Mais vous avez reçu, vous avez aussi reçu l'avis qu'il va falloir même faire des branchements carrément avec du gaz. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire mieux? Parce que présentement, je pense que vous, vous voulez absolument loger le monde, comme tout le monde, mais visiblement on manque d'électricité.

M. Damphousse (Martin) : En fait, on a, on en a parlé tantôt dans notre présentation. On veut s'assurer que dans la réserve énergétique que nous avons actuellement que le volet résidentiel reste toujours priorisé. Le volet commercial aussi. Mais on comprenait que le volet industriel, quand on est dans un contexte de crise énergétique, qu'on puisse prendre davantage de temps, mais pas le résidentiel. Je pense qu'honnêtement tout le monde reconnaît que quand il y a des... Il ne faut pas se permettre de vivre d'enjeu résidentiel, on est à la même place. Mais il y a aussi les délais de branchement. On est confronté avec des délais qui ont connu une explosion, là. On parle plus de semaines, on parle de mois, puis, dans certains cas, d'années. Donc, honnêtement, je pense que ça va prendre un effort additionnel d'Hydro-Québec pour éviter ça. Mais on a vécu des projets davantage locaux. Je peux en parler parce que Saint-Bruno n'est pas tellement loin de Varennes. Ils avaient un extraordinaire projet écoquartier qui devait être branché exclusivement à l'électricité pour éviter le gaz fossile. Mais Hydro-Québec est allée leur dire que malheureusement, ils n'avaient pas le volume d'énergie nécessaire pour ces écoquartiers-là. Ça fait que c'est des gens de situations qu'on veut tous collectivement éviter. Et c'est pour ça que l'angle un du plan énergie de l'UMQ axe beaucoup sur la consommation intelligente. Les programmes d'Hilo dont on parle. Quand je vois, quand j'ai vu que le taux de pénétration était si faible, ce n'est pas normal avec autant d'argent consacré chez Hydro-Québec. Donc, il fallait faire mieux. Et je savais que le milieu municipal, on avait une cote d'écoute qui était bonne auprès de la population. Donc, ça fait partie du travail collectif qu'il faut mettre de l'avant rapidement. Mais l'électricité, soyons francs, ne coûte pas cher. C'est difficile pour la population de dire : Bien, je vais faire beaucoup d'efforts pour que ça me coûte moins cher. Ce n'est pas tant pour que ça coûte moins cher, c'est pour favoriser d'autres projets, surtout dans les fameuses périodes de pointe, ce qui aide beaucoup...

M. Damphousse (Martin) : ...

Mme Rizqy : ...oui, une de vos priorités d'ailleurs, c'était consommer de façon intelligente, mais il y a encore des citoyens qui, malheureusement, sont logés dans des appartements qui, honnêtement... pratiquement, on chauffe l'extérieur, parce que c'est vieux, ça coûte des sous, rénover. Il y en a qui sont propriétaires, d'autres qui sont locataires, qui, évidemment, vont entendre, si le propriétaire fait des rénovations... Il y avait une mesure qui était le... un programme pour aider les propriétaires à rénover leurs logements, leurs habitations. Là, ça a été aboli. Est-ce que ça doit être ramené? Parce que, financièrement, il y a des gens qui doivent choisir, là, en ce moment, là. Il n'y a personne qui est contre la vertu, au Québec, mais, comme vous le savez, par définition, les ressources sont limitées, incluant les ressources financières, et vous en savez quelque chose, le milieu municipal. Alors, est-ce que ça, ça peut être quelque chose qu'on ramène pour aider les gens à mieux rénover leur chez-soi pour consommer de façon intelligente?

M. Damphousse (Martin) : J'entendais aussi des groupes de pression parler de locataires. Puis, honnêtement, vous marquez un point là-dessus, puis j'ai été sensible à ça, quand on parlait du fameux programme Hilo pour les propriétaires de maisons unifamiliales, c'est leur chez-soi, de trouver une formule pour qu'ils puissent... qu'on puisse s'assurer qu'ils consomment plus intelligemment, surtout dans les périodes de pointe. Il y a une logique à ça, puis elle est facilement acceptable. Mais vous avez raison qu'auprès de locataires, dans des bâtiments moins bien isolés, bien, eux, leur effort est probablement infaisable, parce que, si on leur fait baisser leur chauffage dans les périodes de pointe, bien, en période hivernale, ça va devenir trop froid, puis c'est invivable. Est-ce que les programmes dont vous parlez de rénovation, assurément, devraient être là? Mais comme des programmes... Maison verte, un programme fédéral pour l'intégration de solaire... On ne parle pas du solaire, depuis tantôt, on parle beaucoup d'éolien, mais le solaire est une belle opportunité. Je vous ai entendu parler, poser des questions sur la biométhanisation, le gaz vert. Je suis président de la... le plus gros centre québécois. Je suis très fier. Ça fait qu'il y a d'autres angles possibles, mais le volet des subventions est essentiel. Ça faciliterait des gens à être encore meilleurs, et on devient plus sensible à sa consommation d'énergie quand on fait des gestes énergétiques. Hydro-Québec a un rôle assurément important à jouer là-dedans.

Mme Rizqy : Nous, on a proposé, le député de Jacques-Cartier, d'avoir ce qu'on appelle les microréseaux, c'est-à-dire, justement, les panneaux solaires, mais, en plus, la batterie de stockage, parce que, vous savez, ça arrive de plus en plus, hein, les grandes pluies qui nous privent de courant, et que, là, les gens chez eux se rendent compte que, ah! l'épicerie qui était dans le frigidaire, après deux, trois jours, bien, la viande, elle n'est plus bonne... Alors, c'est une perte, oui, d'énergie, mais c'est surtout une perte économique pour les Québécois lorsqu'ils ont... lorsque malheureusement ils ne pourront pas conserver leur épicerie.

Dans d'autres juridictions, notamment aux États-Unis, mais aussi en Colombie-Britannique, ils ont annoncé des subventions importantes pour aider les citoyens à mettre ces fameux panneaux solaires, mais aussi à acheter la batterie de stockage. Est-ce que ça, pour vous, ce serait une bonne avenue?

M. Damphousse (Martin) : C'est drôle, parce que je l'ai plaidé souvent...

Mme Rizqy : Oui.

M. Damphousse (Martin) : ...je trouve que c'est une bonne avenue, mais je pense que... Parce qu'après j'écoute des grands spécialistes, un gars comme Karim... anciennement d'Hydro-Québec, que j'adore, en passant, il me dit : Martin, attention, parce qu'il faut évaluer le modèle économique. Est-ce que c'est la bonne chose à faire, de stocker? Il dit : Il y a des fois, il y a d'autres façons de faire qui sont probablement aussi bonnes, sinon meilleures. Mais, honnêtement, nous, on est prêts à évaluer tous les aspects, parce que de jumeler le solaire avec la batterie, admettons, dans le résidentiel, il y a une logique parce que le solaire arrive de jour, puis les pointes de consommation, il n'y a pas encore d'énergie solaire, bien là, ce serait la batterie. Puis on le sait, que la batterie Tesla fait un peu ça, elle sort l'énergie dont on a besoin puis elle la garde dans la voiture. Ça fait qu'il y a une logique, mais il faut s'assurer... Puis il y a assurément des spécialistes chez Hydro-Québec, des spécialistes en batterie, en solaire, en énergie, qui vont nous dire que tel modèle économique mérite davantage d'être subventionné pour inciter la population à embarquer. Je fais confiance aux grands joueurs, mais, honnêtement, vous pouvez compter sur le milieu municipal pour collaborer. Le jour où le meilleur choix sera fait, on sera là pour vous supporter.

Le Président (M. Montigny) : Moins d'une minute.

Mme Rizqy : Ah bien, écoutez, je vais faire ça rapidement. Bien, d'ailleurs, moi, dans mon arrondissement, à ville Saint-Laurent, la ville a mis sur son toit des panneaux solaires. Et là je vois des grands manufacturiers étrangers qui viennent s'installer, mais on ne leur demande pas, à eux, de faire un effort énergétique et de mettre sur leurs propres toits des panneaux solaires, notamment. Mais même... toujours dans... à ville Saint-Laurent, j'ai même découvert un mur énergétique. Alors, je suis allée avec M. Pierre Fitzgibbon, et on nous a présenté ce fameux...

Mme Rizqy : ...mur énergétique, mais c'était vraiment quelque chose qui était innovant. Alors, ça, je me rends compte que, le côté municipal, vous avez réfléchi des affaires bien avant-gardistes pour nous. Pensez-vous que, pour... notamment les grands... les grands toits, notamment tout ce qui est public, parapublic devrait...

• (16 h 10) •

Le Président (M. Montigny) : Merci. Je suis désolé, il ne reste plus de temps.

Mme Rizqy : Une minute, ça passe donc bien vite.

Le Président (M. Montigny) : Ça va très rapidement. Je cède maintenant la parole au député de Maurice-Richard pour une période de 3 min 28 s.

M. Bouazzi : Merci, M. le Président. Donc, je n'ai pas beaucoup de temps, je vais être rapide. Il y a trois choses que je voudrais échanger avec vous. D'abord, nous, à Québec solidaire, on est tout à fait pour le fait que les municipalités reçoivent de l'argent associé au fait que, sur leur territoire, les MRC, etc. sur le territoire, il y a des développements énergétiques. J'ai d'ailleurs fait tout le tour de la Gaspésie et du... et du Bas-Saint-Laurent, j'ai rencontré beaucoup de partenaires. Et, effectivement, le modèle de l'Est est un modèle très intéressant. Ceci étant dit, moi, ma question pour vous, c'est entre le fait qu'Hydro-Québec appartient à tout le monde et le fait d'avoir... d'être coactionnaire d'une compagnie. Est-ce que vous seriez ouverts à avoir des modèles qui vous permettent justement de garder ces revenus récurrents, une éolienne, c'est 20 ans, donc, disons, un contrat sur 20 ans, vous avez des revenus récurrents, plutôt que d'être actionnaire avec le privé dans un... dans ce modèle-là?

M. Damphousse (Martin) : Et pourquoi pas actionnaire?

M. Bouazzi : Parce que... bien, je vous pose la question. C'est... je.... vous vous endettez de quantités totalement énormes par rapport aux budgets des municipalités, et, avec la ministre, vous avez dit que vous partagez le risque. Mais, en fait, dans les faits, ça ne fonctionne que s'il n'y a pas vraiment de risque, parce que, s'il y a une faillite derrière, bien, ça serait terriblement catastrophique. Si demain l'éolienne ne peut plus être réparée sur un long terme et que vous avez des contrats avec Hydro, bien, en fin de compte, ça serait catastrophique. Et puis derrière j'espère qu'on ne vous laissera pas faire faillite, mais l'un dans l'autre, c'est un modèle qui, d'un point de vue financier, est basé sur... sur une fausse prémisse, c'est qu'on met beaucoup d'argent basé sur le fait qu'il n'y a pas de risque parce que c'est Hydro-Québec qui le prend pour vous. Nous, on dit : Ayons des revenus fixes qui correspondent, hein, aux mêmes ordres de grandeur que ceux-là, mais évitons d'avoir un actionnariat avec le... avec le privé dans les travaux, par exemple, qu'Hydro-Québec va entreprendre pour... parce qu'Hydro-Québec va être propriétaire des infrastructures.

M. Deschênes (Simon) : Il faudrait voir la notion d'autre modèle avant, je pense, de pouvoir s'avancer, mais on croit fermement que notre modèle est... fait partie des modèles qui sont une recette gagnante, et je m'explique. En étant partie prenante, ça amène à un niveau beaucoup plus supérieur d'implication et de s'assurer que ça fonctionne pour ne pas qu'il y ait de faillites. Il y a des projets énergétiques, au Québec, avec des implications communautaires qui ont viré au vinaigre, là. Tu sais, ce n'est pas... il y a eu des... il y a eu quelques... quelques fautes à quelques endroits. Mais, ceci dit... Et de dire que ça ampute les budgets municipaux, ce n'est pas tout à fait vrai, et je m'explique. J'aimerais ça le clarifier. Nous, ce que nous faisons, c'est qu'on... notre rassemblement, je vais prendre l'exemple chez nous, on fait un règlement d'emprunt d'un montant X que nous avons besoin de mettre et, lorsque notre... le règlement d'emprunt approuvé par le ministère des Affaires municipales est approuvé, on prend cette somme d'argent là et on fait notre mise de fonds, et le reste est mis sur une date... sur la durée du projet. Donc, à l'an 1, on rembourse le service de la dette et on distribue aux communautés. Donc, ça n'ampute pas les budgets municipaux.

M. Bouazzi : Ce n'est pas ça que j'ai dit, j'ai dit juste que la dette est disproportionnée par rapport aux budgets. Mais ça n'ampute pas, c'est un prêt par définition, et puis ensuite vous le payez.

Le Président (M. Montigny) : Il ne reste plus de temps. Maintenant, c'est le temps de céder la parole au député de Jean-Talon pour 2 min 38 s.

M. Paradis : Votre message principal, c'est donc de lever le frein énergétique, c'est de permettre de renforcer la capacité municipale à être un acteur de premier plan en matière énergétique, si je résume bien. C'est ça?

M. Damphousse (Martin) : Bien, lever le frein, on n'a pas parlé de lever le frein. À partir du moment où on invite les gens à consommer mieux et plus intelligemment...

M. Paradis : Lever les freins à l'action municipale, c'est ce que vous avez dit tout à l'heure...

M. Damphousse (Martin) : Ah!

M. Paradis : Excusez-moi si je me suis mal exprimé. Mais donc vous nous parlez d'énergie solaire décentralisée, les barrages municipaux existants. Intéressant. Vous nous parlez bien sûr d'éolien. Quelle est... Quelle est la place du privé que vous voyez, là, dans... Vous nous avez parlé notamment des Premières... des Premières Nations, donc les nations autochtones. Alors, il y a l'Alliance de l'Est. Et là, pour l'avenir, là, si on se projette dans l'avenir, comment vous voyez la place des acteurs privés là-dedans, compte tenu notamment aussi de la proposition d'Hydro-Québec, là, dans son très récent plan...

M. Paradis : ...sur l'énergie éolienne, vous voyez ça comment... vous voyez ça comment du côté municipal?

M. Damphousse (Martin) : Eh bien, en fait, le quatrième volet de notre plan énergie, c'est le partenariat, puis honnêtement, l'expertise du privé est nécessaire. Nous ne possédons... Le milieu municipal ne possède pas l'expertise en éolien, en solaire, en biométhanisation. Donc, il est essentiel d'avoir le privé comme partenaire et non de laisser le privé faire ce qu'il veut faire sur l'ensemble de nos territoires. Ça, on n'est pas d'accord. L'exemple, encore une fois, que je répète sans arrêt de l'Alliance de l'Est, ils sont partenaires avec le privé, mais ils ne laissent pas le privé faire, et je trouve que pour l'instant, là, c'est le meilleur modèle que j'ai vu.

M. Deschênes (Simon) : Petit complément, si c'est possible. Lors de l'appel d'offres 2021, notre mouvement, c'est nous qui avons approché Hydro-Québec en collaboration avec nos partenaires privés et nous avons remporté un projet éolien de manière égalitaire, avec 33 % chez Hydro-Québec, 33 % à l'Alliance et 33 % avec notre partenaire privé. Donc, c'est nous qui avons initié que le privé ait accepté de laisser de l'argent sur la table, d'introduire Hydro-Québec et de refaire le modèle...

Le Président (M. Montigny) : Un dernier 30 secondes.

M. Paradis : Le projet de loi n° 69, lui, ce qu'il dit, c'est bien, on va laisser plus de place au privé pour développer ses propres projets. Ça semble être un modèle différent de ce que vous nous proposez, vous.

M. Damphousse (Martin) : La différence, c'est que si on laisse seulement le privé faire, ils vont se confronter à l'acceptabilité sociale sans le milieu municipal comme partenaire. Ce qu'on plaide aussi, honnêtement, ça va faire comme le Centre-du-Québec, il y aura beaucoup de friction puis ça risque de ne pas fonctionner.

Le Président (M. Montigny) : Merci.

M. Damphousse (Martin) : Sans le milieu municipal, ça ne passera pas.

Le Président (M. Montigny) : Merci beaucoup. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission. La commission ajourne ses travaux au mardi 17 septembre 2024, à 9 heures.

Une voix : Merci, M. le Président.

(Fin de la séance à 16 h 17 )


 
 

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