(Neuf
heures cinquante minutes)
Le Président
(M. Lemay) : Je déclare la séance de la Commission de
l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles
ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Alors, aujourd'hui,
nous sommes réunis afin de procéder aux consultations particulières et aux
auditions publiques sur le projet de loi n° 21, la Loi visant principalement à mettre fin à la recherche et à la
production d'hydrocarbures ainsi qu'au financement public de ces
activités.
Alors, M. le
secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président, un seul remplacement.
M. Tanguay (LaFontaine) est remplacé par M. Arcand (Mont-Royal—Outremont).
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires, puis nous
nous entendrons, par la suite, les témoins suivants : la Fédération
québécoise des municipalités, le Front commun pour la transition énergétique
ainsi qu'Environnement Vert-Plus.
Remarques préliminaires
Alors, nous débutons
de ce pas avec les remarques préliminaires, et j'invite d'abord le ministre de
l'Énergie et des Ressources naturelles à faire ses remarques préliminaires,
pour une durée maximale de six minutes.
M. Jonatan Julien
M. Julien :
Oui, merci. Merci infiniment, M. le Président.
D'entrée de jeu, je
tiens à saluer mes collègues qui sont présents ici aujourd'hui pour nos
discussions sur le projet de loi n° 21. Je tiens également à remercier toutes les
personnes, tous les organismes qui vont s'adresser à nous à l'occasion des
consultations particulières sur le projet de loi n° 21. Honnêtement, la
participation de tous à cet exercice démocratique est hyperimportante.
Comme vous le savez,
ce projet de loi vise principalement à mettre fin à la recherche et à la
production d'hydrocarbures ainsi qu'au financement public de ces activités sur
l'ensemble du territoire québécois. Je suis confiant, M. le Président, que nous
réussirons, tous ensemble, avec les collègues, à faire cheminer rondement ce
projet de loi en vue de l'adopter le plus rapidement possible.
Je crois sincèrement
qu'on a un objectif commun, soit celui de mettre fin à l'exploration, à
l'exploitation des hydrocarbures au Québec. Je conviens également, M. le
Président, que certains éléments nécessiteront des discussions entre nous
puisque, sur certains aspects, sur certains enjeux, notre vision peut différer.
Je pense entre autres au volet indemnisation, je pense entre autres au volet
pipeline au Québec, je pense également à la notion de projet pilote. Mais, bien
que ces éléments puissent nous amener, certainement, à des échanges un peu plus
corsés, avec des échanges un peu plus fondamentaux, je crois qu'on ne doit pas
laisser ceux-ci nous distraire et nous dévier de l'objectif commun qu'on a. Il
y aura des discussions, certes, mais je reste convaincu que le projet de loi
qui est déposé actuellement est raisonnable, qu'il est responsable, et ce, à
tous les points de vue.
On l'a dit à
plusieurs reprises, M. le Président, pour nous, l'avenir, au Québec, est aux
énergies vertes, pas aux énergies fossiles. On s'est donné des objectifs
ambitieux à atteindre pour réduire, justement, l'empreinte carbone au Québec.
Le gouvernement veut être cohérent et respecter ses engagements. C'est une
étape majeure qui démontre clairement que le Québec est résolument sur le
chemin de la transition énergétique.
Le projet de loi n°
21 repose sur quatre grands volets, M. le Président. Dans un premier temps, le
projet de loi met fin à la recherche d'hydrocarbures, ou des réservoirs
souterrains, ou à la production d'hydrocarbures, à l'exploitation de saumure.
S'il est adopté, le projet de loi révoquera les licences d'exploitation et de
production d'hydrocarbures ainsi que les autorisations d'exploiter de la
saumure en vigueur sur tout le territoire du Québec et il prévoit que les
titulaires de licences révoquées devront procéder à la fermeture définitive des
puits ayant été forés en vertu de ces dernières. Il prévoit également une
restauration des sites.
Le deuxième volet,
c'est... le projet de loi prévoit un programme d'indemnisation qui vise à
offrir des compensations justes et équitables pour les titulaires voyant leurs
licences révoquées. Ce programme serait administré par le ministère de
l'Énergie et des Ressources naturelles pour assurer un traitement conforme aux
critères établis. Il est également prévu, M. le Président, qu'un vérificateur
externe soit responsable du calcul des indemnités. L'indemnité couvrirait les principaux
frais depuis le 19 octobre 2015.
Dans
un troisième temps, le projet de loi prévoit de maintenir en vigueur certaines
licences de stockage de gaz naturel et la possibilité de construire et
d'utiliser des conduites intraprovinciales de gaz naturel et de pétrole. À cet
égard, il est prévu que la Loi sur les hydrocarbures soit modifiée pour
s'appeler Loi sur le stockage de gaz naturel et sur les conduites de gaz
naturel et de pétrole.
Finalement, quatrième
point, le dernier volet, c'est le volet projet pilote qui prévoit que le
ministre peut autoriser la mise en place de projets pilotes. Mais, M. le
Président, il faut bien le spécifier, la loi permettrait au ministre
d'autoriser la réalisation de projets pilotes avant la fermeture définitive des
puits et leur restauration, mais uniquement pour favoriser l'acquisition de
connaissances. En aucun temps ces projets pilotes ne pourraient permettre
l'exploitation d'hydrocarbures au Québec.
Alors, en terminant,
M. le Président, c'est le temps de fermer ensemble, ensemble, tous ensemble, ce
chapitre une bonne fois pour toutes. L'avenir économique du Québec n'est pas
dans les hydrocarbures. Au point de vue économique et pour le développement
durable, on doit miser sur notre hydroélectricité, l'hydrogène vert, la
bioénergie. On a un grand potentiel de développement avec des énergies vertes
parce qu'on a les connaissances, on a l'expertise et surtout parce que c'est
l'avenir du Québec.
En 2022, il apparaît
clairement qu'il n'y a pas d'acceptabilité sociale pour l'exploitation de gaz
et de pétrole au Québec. On est fiers de notre territoire, et c'est une
richesse qu'on doit protéger. Il faut dès maintenant se donner les moyens de
nos ambitions afin de construire une économie verte et prospère. C'est dans cet
esprit que j'ai déposé le projet de loi n° 21, et je
pense que, tous ensemble ici, dans cette salle, il est temps qu'on prenne
position, et aujourd'hui je sens qu'on se met à la bonne place ensemble,
justement, pour marquer l'avenir du Québec. Alors, je vous remercie, tous et
toutes.
Le Président
(M. Lemay) : Merci, M. le ministre, pour ces remarques
préliminaires.
J'invite maintenant
le député de Mont-Royal—Outremont
à faire ses remarques préliminaires, pour une durée maximale de quatre minutes.
M. Pierre Arcand
M. Arcand :
Merci, M. le Président. Évidemment, à titre de député de Mont-Royal—Outremont et ayant déjà exercé les fonctions de ministre de
l'Énergie, je n'ai pas besoin de vous dire jusqu'à quel point ce projet de loi
nous semble important.
D'entrée de jeu,
cependant, je dirais que le projet de loi, comme tel... il y a un petit côté
marketing de ce projet de loi, parce qu'on annonce, évidemment, qu'il faut
mettre fin à la recherche d'hydrocarbures au Québec. La réalité, M. le Président,
c'est que, dans les faits, il y a eu, pendant les 30 dernières années
minimum, d'énormes possibilités, semble-t-il, mais qui n'ont jamais rien donné.
Quand on regarde, M. le Président, la situation au Québec, aujourd'hui le
Québec n'est même pas sur la liste de Ressources naturelles Canada comme
producteur de pétrole. Alors, c'est pour ça que, quand on est intervenus, on a
dit, bon : Ce qu'on annonce, c'est véritablement quelque chose qui n'est
pas véritablement... qui n'existe pas, actuellement, au Québec, parce qu'on ne
produit pas de pétrole.
Ce
qui me semble important à ce stade-ci, dans le projet de loi, c'est beaucoup
plus les vraies réalités, c'est-à-dire les
puits, entre autres, la question des puits, et cette question-là nous semble
particulièrement importante, et éventuellement, également, d'avoir les opinions des gens sur un certain nombre d'enjeux.
Et, parmi ces enjeux, également, bien, évidemment, c'est quoi, les intentions du ministre... que ce
qu'on a bien vu, c'est que le gouvernement, comme tel, dit qu'il veut
interdire toute activité, entre autres, d'exploration ou d'exploitation, mais
ce qu'on a compris également, c'est la possibilité, peut-être, qu'il y ait des échappatoires. Alors, il est clair, M. le
Président, qu'on va poser certainement des questions là-dessus.
On va poser des
questions sur la valeur des estimations, éventuellement, et des estimations à
100 millions de dollars. Nous comprenons très bien, notre formation
politique, qu'il y a peut-être des coûts qui peuvent être remboursés, parce
que, premièrement, quand on donne un permis et qu'on le retire, il y a quand
même une licence qui existe, d'une part, et, d'autre part, il y avait des
obligations, également, à avoir ce permis, mais il y aura certainement une
discussion extrêmement serrée sur cette question-là, parce qu'évidemment le
rôle de l'État, dans ce cas-ci, c'est d'être juste, mais en même temps de ne
pas exagérer.
Et on a vu... moi,
j'ai vu par le passé, entre autres parce que j'ai vécu toute l'époque de l'île
d'Anticosti, entre autres, où certaines pétrolières ont véritablement exagéré,
et on avait le choix d'essayer de régler, d'aller en cour. C'était toujours le
débat qui était devant nous. Souvent, aller en cour coûte plus cher que de
régler à l'extérieur. Alors, c'était une situation que l'on devait faire, à ce
stade-ci, et évidemment on va espérer que, dans l'esprit du ministre, on
puisse, évidemment, aller chercher le minimum de remboursement de la part du
gouvernement dans ces dossiers.
Alors, je vous dirais
que ce sont les éléments qui, à ce stade-ci, a priori, là, nous semblent les
éléments les plus importants. Il va falloir juste s'assurer, encore une fois,
est-ce qu'on en a fini pour de bon avec l'exploitation des hydrocarbures.
Est-ce qu'il y a encore des trous, encore, dans cette loi-là? Je pense que
c'est les questions qu'on va se poser. Et
est-ce qu'on va régler, finalement, la question des puits, évidemment, une fois
pour toutes? Alors, voilà, M. le Président.
• (10 heures) •
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, M. le député de Mont-Royal—Outremont.
Je cède maintenant la
parole au deuxième groupe d'opposition et la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques
à faire ses remarques préliminaires pour une durée d'une minute.
Mme Manon
Massé
Mme Massé : Merci, M. le
Président. Bonjour, tout le monde. En une minute, j'ai le temps de vous dire
qu'il est clair que notre vision peut différer, il est clair que notre vision
diffère. Notre vision diffère parce que, quand on parle de responsabilité, je n'ai pas de responsabilité face à une
industrie qui, depuis des décennies, crée la crise climatique dans
laquelle nous sommes. Elle a des responsabilités, cette industrie, face au
peuple québécois, face à la planète.
Alors, oui, qu'on mette fin — enfin,
j'ai envie de dire — à
l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures, peu importe sa forme, ici,
au Québec, j'en suis. On va être là. On peut le bonifier, l'améliorer, j'en
suis certaine. Mais là où on va batailler fort : les Québécois et Québécoises
paient régulièrement, on le voit encore ce matin, dans les puits orphelins,
paient encore et pour toujours ce que l'industrie, elle, n'a pas payé. Alors,
on va être au rendez-vous pour faire les débats et donner justice au peuple
québécois.
Le Président (M. Lemay) : Merci,
Mme la députée. Est-ce que vous avez une demande à faire?
Mme Massé : Oui,
M. le Président, je vais vous demander d'être remplacée par ma collègue de
l'Abitibi-Témiscamingue après mes remarques préliminaires, si le... Mais
je... Oui.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien, oui. Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix : Consentement.
Le
Président (M. Lemay) : Consentement. Merci beaucoup, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Sur ce, je cède maintenant la parole au
troisième groupe d'opposition et le député de Jonquière à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale d'une minute.
M. Sylvain
Gaudreault
M. Gaudreault : Oui, merci, M. le
Président.
Trois choses. Il faut quand même constater
l'évolution. Ce type de projet de loi et de commission parlementaire était
impensable il y a cinq ans, il y a six ans. Là-dessus, je veux reconnaître que
le Québec évolue, le Québec a évolué, puis il faut envoyer un signal à la
population que ça s'inscrit dans une dynamique mondiale de décarbonation, de se
libérer de notre dépendance à l'égard des hydrocarbures.
Deuxième élément — après les fleurs, le
pot — il
faut aller beaucoup plus loin. Sur deux... deux choses sur lesquelles
j'insiste, évidemment nous sommes contre toute indemnité à l'égard des
entreprises qui verront retirer leurs permis. Trois précédents : aucune
compensation, en 2011, avec Nathalie Normandeau, pour les droits d'exploitation
dans le fleuve; sur le gaz de schiste, en 2010, le CQDE disait déjà qu'il n'y
avait pas d'indemnité; et la Loi sur la qualité de l'environnement actuelle qui
le prévoit.
Auditions
Le Président (M. Lemay) : Merci,
M. le député de Jonquière.
Ceci termine la rubrique des remarques
préliminaires, et nous allons maintenant débuter les auditions.
Alors, je souhaite la bienvenue aux
représentants de la Fédération québécoise des municipalités et je vous rappelle
que vous disposez d'un temps de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la
suite, il y aura une période d'échange avec les membres de la commission.
Alors, avant de débuter, je vous demande simplement de vous nommer ainsi que
votre titre, et vous pouvez y aller avec votre exposé. La parole est à vous.
Fédération québécoise
des municipalités (FQM)
Mme Boisjoly (Audrey) : Alors,
bonjour, M. le Président, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources
naturelles, Mmes et MM. les députés.
Alors, bonjour, je me présente, Audrey Boisjoly,
je suis mairesse de la municipalité de Saint-Félix-de-Valois et également deuxième vice-présidente de la Fédération québécoise des municipalités, et aujourd'hui je suis accompagnée de
M. Pierre Châteauvert, notre directeur des politiques, à la Fédération
québécoise des municipalités.
Alors, premièrement, je remercie les membres de
la commission pour cette opportunité donnée à la fédération, à titre de
porte-parole des régions, qui représente plus de 1 020 municipalités
locales et régionales qui sont membres sur une base volontaire, de vous
présenter nos commentaires sur le projet de loi n° 21.
La Fédération québécoise des municipalités a été
très active au cours des dernières années pour s'assurer que le développement de ressources naturelles se fasse
dans le respect de l'environnement et de l'ensemble des communautés du
Québec. Le dossier des hydrocarbures a souvent été au coeur de ces débats, et
de vives discussions ont longtemps eu lieu sur le développement de cette
filière avec l'objectif de trouver un encadrement acceptable.
Dès 2010, la Fédération québécoise des
municipalités recommandait au gouvernement dans un mémoire déposé à la commission
sur le développement durable de l'énergie des gaz de schiste... de l'industrie
des gaz de schiste qu'une nouvelle réglementation sur les hydrocarbures prenne
en considération l'arrimage des opérations gazières aux objectifs
du schéma d'aménagement et de développement de chaque MRC, qu'elle prenne aussi
en considération la réalisation obligatoire
d'une étude d'impact sur l'environnement pour toute exploration et exploitation
gazière, qu'il y ait l'obligation
pour les entreprises d'informer les municipalités et les MRC avant les travaux
d'exploration et d'exploitation et qu'elle instaure des redevances sur
les ressources gazières pour les régions afin, bien sûr, de maximiser les
retombées économiques pour les populations locales. De plus, la FQM ajoutait le
remplacement des énergies fossiles par les énergies propres renouvelables au
tableau des objectifs à atteindre dans ce domaine.
En 2013, le débat continuait d'évoluer au sein
de la fédération, et elle demandait, lors des consultations sur les enjeux
énergétiques du Québec, le respect des 16 principes de la Loi sur le
développement durable pour développer correctement cette filière.
Entre 2016 et 2018, la FQM a réitéré ses
positions lors du dépôt de la Politique énergétique 2030 et de l'étude de
la législation qui en a découlé. L'acceptation sociale des projets de recherche
et d'exploitation d'hydrocarbures figurait alors au coeur de nos
préoccupations.
Comme vous pouvez le constater, nous avons
toujours souligné l'importance des enjeux environnementaux et communautaires,
la nécessité de protéger nos sources d'eau et l'aménagement de nos territoires
dans tout ce débat. Ces enjeux demeurent donc au coeur de nos préoccupations,
et ce sujet est donc important. Et le gouvernement, par le dépôt du projet de loi n° 21, confirme d'un
pas de plus... qu'un pas de plus doit être fait. Pour la fédération, ce projet
de loi s'inscrit dans la progression de
l'opinion publique. Donc, le choix du gouvernement, pour nous, est légitime et
pertinent.
Pour les régions, l'heure est maintenant au
développement des énergies renouvelables. Sur ces questions, la Fédération
québécoise des municipalités, de concert avec ses membres, oeuvre à accentuer
le développement des énergies propres comme la petite énergie hydraulique et
particulièrement l'énergie éolienne. Dans ce contexte, nous comptons
travailler, bien sûr, avec M. le ministre pour lui permettre d'atteindre ses
objectifs et pour nous assurer que le retrait des promoteurs privés se fasse
dans le respect des plus hauts standards environnementaux et dans la plus
grande transparence possible.
Concernant les propositions contenues dans le
projet de loi, la FQM salue la volonté du ministre d'assurer la réhabilitation
des puits et la remise en état des sites comme condition préalable à toute
forme d'indemnisation. Selon nous, il incombe, évidemment, aux entreprises
ayant effectué des activités de forage de procéder à la restauration des sites
selon les critères environnementaux les plus stricts.
De plus, il est essentiel que le gouvernement de
proximité... que les gouvernements de proximité soient informés des opérations
qui ont lieu sur leurs territoires. Pour suivre adéquatement la fermeture de
ces sites, la fédération souhaite que le
gouvernement, premièrement, identifie l'ensemble des puits, la municipalité
touchée, le responsable de leur fermeture, l'état du puits avant les
travaux de fermeture ainsi que le niveau de risque, qu'elle informe
immédiatement les municipalités dans l'éventualité où un puits changerait de
niveau de risque et qu'elle regroupe et donne accès au monde municipal à
l'ensemble de la documentation pour chacun des puits présents sur leurs
territoires.
En plus des documents concernant la fermeture
des puits, la fédération souhaite que le gouvernement regroupe et partage avec
les communautés plus d'informations sur les activités qui ont lieu sur chacun
de ces sites. Ces informations sont essentielles pour nous pour suivre
l'évolution de ces sites à moyen et long terme.
Les municipalités sont très inquiètes des
impacts de la filière hydrocarbures sur les différentes sources d'eau potable,
et ce, depuis plusieurs années. C'est pourquoi la FQM recommande que le
gouvernement s'assure que le territoire de l'étude hydrogéologique couvre
toutes les sources d'eau potable à proximité, dont les bassins versants.
Nous rappelons d'ailleurs, encore une fois, la
nécessité d'éliminer la préséance de la planification de l'industrie des
hydrocarbures et de l'industrie minière sur celle du schéma d'aménagement et de
développement de chaque MRC. Le maintien de
ce privilège prive le monde municipal d'un véritable outil pour encadrer le
développement des ressources naturelles sur nos territoires. La FQM
demande donc que le gouvernement modifie la Loi sur l'aménagement et
l'urbanisme afin d'abroger l'article 246.
De plus, la permission, dans ce projet de loi,
d'effectuer des projets pilotes pour toute autre activité qui favorise la
transition énergétique ou qui participe à l'atteinte des objectifs de lutte
contre les changements climatiques ne doit en aucun cas permettre de contourner
l'esprit même de cette loi.
La FQM recommande donc que le gouvernement maintienne
son intention de mettre fin à toute recherche et toute production d'hydrocarbures, et ce, même dans les nouveaux projets
pilotes. Cette recommandation est particulièrement importante avec le
retour du gaz de schiste sous forme de projet pilote de gaz naturel au Centre-du-Québec.
D'ailleurs, l'annonce récente d'une entente entre une entreprise et une
communauté autochtone nous inquiète au plus haut point. Il serait en effet
dommage que des revendications de territoires viennent à l'encontre des choix
faits par l'Assemblée nationale en ce domaine.
Je vous remercie, et il nous fera plaisir de
répondre à vos questions.
• (10 h 10) •
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. Merci beaucoup.
Donc, ce que je comprends, c'est qu'il n'y a pas
de commentaire supplémentaire de M. Châteauvert, c'est ça, à ce stade-ci?
M. Châteauvert
(Pierre) : C'est ça.
Le Président (M. Lemay) : Parfait.
Très bien.
Donc, on va
passer tout de suite à la période d'échange avec les membres de la commission,
et je cède maintenant la parole au ministre pour un temps de parole
d'environ 16 min 30 s.
M. Julien : Oui.
Oui, merci. Merci, M. le Président. Je tiens à remercier, d'entrée de jeu, en
fin de compte, la FQM et ses représentants, là, pour le mémoire qui a été
déposé, qu'on a pris connaissance avec rigueur puis avec un certain plaisir
aussi de voir votre implication à ce niveau-là dans vos interventions.
Naturellement, j'ai quelques questions à poser,
à la lumière de vos recommandations que vous avez soumises à l'intérieur du
mémoire. D'entrée de jeu, une question qui est peut-être plus générale...
Tantôt, j'entendais mon collègue de Jonquière mentionner qu'il y a cinq, six
ans on n'aurait pas pensé, aujourd'hui, être à la place qu'on est.
Effectivement, on sent qu'il y a une évolution assez rapide du domaine de
l'énergie puis de l'acceptabilité sociale, du positionnement du Québec. Et ma
question, là, c'est : Vous qui représentez au-dessus de 1 000 municipalités,
certaines d'entre elles, dans le passé,
étaient favorables à certains projets d'exploration, d'exploitation gazière et
pétrolière sur leurs territoires, notamment pour la notion de perception
de redevances ou de bénéfices, pensez-vous que la décision de mettre un terme
définitif à la filière des hydrocarbures fait la quasi-unanimité, sinon
l'unanimité de vos membres?
Mme Boisjoly
(Audrey) : Oui. Bien, un peu comme M. le député disait tout à
l'heure, effectivement, l'évolution s'est faite au niveau des énergies.
Il y a une... l'heure est aux énergies renouvelables. Donc, évidemment, qu'il y
ait eu cette transition-là... Et, pour nos membres, le projet de loi, comme on
dit, il est tout à fait pertinent dans ce sens-là parce qu'effectivement la
FQM, elle représente des membres. Ces membres-là sont des municipalités, des
MRC, qui, elles, représentent la population. Donc, évidemment, on est rendus
aux énergies renouvelables, cette transition devait être faite, et aujourd'hui
les membres sont d'avis que cette transition-là est pertinente.
M. Julien : Donc, si je
comprends bien, là, dans le dépôt du projet de loi qui a été fait il y a
quelques semaines déjà, dans l'énoncé qu'on avait fait déjà l'an dernier, il n'y
a pas eu de montée au créneau, en réalité, de vos membres pour dire :
Bien, on n'est pas confortables avec cette proposition-là.
Mme Boisjoly (Audrey) : Pas du
tout, M. le ministre.
M. Julien : Parfait. Je voyais
également, là... je voyais vos recommandations, là, puis on prévoit, là, que...
dans une mesure, dans le p.l. n° 21, là,
notamment, un processus d'approbation environnementale pour chaque fermeture de
puits, donc, d'une consultation des parties prenantes. Est-ce que, pour vous,
c'est suffisant? Parce que, tantôt, j'écoutais, là... Je vais mettre deux
questions dans la même, là. Tu sais, il y a 182 licences au Québec, elles
sont connues, certaines licences détiennent des puits. Donc, il y a
62 puits. Moi, là, je suis... j'entendais, ce matin, ou je voyais des
articles, que ce n'était pas clair où étaient ces puits-là, mais, moi, c'est
assez clair. Je pense, il y a des comités de suivi qui sont en place. Alors...
Mais, si on doit en faire plus, moi, je suis tout ouvert à en faire plus. Donc,
qu'est-ce qu'il vous manque, là, en termes de connaissance des enjeux, par
rapport aux 182 licences qui sont visées par le projet de loi et les
62 puits qui y sont relatifs?
Mme Boisjoly (Audrey) : Dans le
fond, ce que la fédération demande, c'est surtout d'assurer que ce suivi-là
pour la fermeture des puits soit fait avec une rigueur, que les études soient
faites de façon rigoureuse, surtout que les populations soient informées de la
fermeture, tout le processus dans la fermeture des puits, donc qu'on ait toute
l'information sur toutes les activités qui ont été faites par le passé, donc,
par exemple, s'il y a eu de la fracturation, s'il y a eu des produits qui ont
été utilisés et autres, les municipalités veulent être informées de toutes les
activités passées, et également qu'elles soient informées des activités à
venir, donc, dans le processus de fermeture des puits. On veut avoir ces
informations-là parce que, bien, vous savez, les municipalités du Québec,
notamment, investissent des milliers de dollars en recherche d'eau potable,
investissent des millions de dollars pour forer des puits pour abreuver leurs
populations. Et une des craintes des populations locales, c'est la
contamination, notamment, avec les puits, les puits municipaux. Donc, c'est pour
cette raison, notamment, qu'on demande que les études hydrogéologiques
s'étendent aux bassins versants et qu'on ait toutes les informations
pertinentes par rapport à la fermeture des puits.
Donc, je pense que ça, c'est essentiel pour le
monde municipal, c'est essentiel pour les gens des territoires de savoir les
activités qui vont se faire pour la fermeture des puits, mais aussi... Parce
que, vous le savez, M. le ministre, les maires, mairesses des municipalités
sont les premiers en ligne de front dans... On est des gouvernements de
proximité, donc on est les premiers à être informés et questionnés sur les
activités qui se passent sur nos territoires. Donc, je pense que cette
transparence-là doit être faite... et que toutes les informations soient transmises
aux municipalités pour que nous... par la suite, on peut mieux informer nos
populations, là, des échéanciers et des travaux qui auront lieu, là, sur ces
territoires.
M. Julien : Soyez
assurée que je comprends très bien la notion de gouvernement de proximité des
municipalités, j'y étais il n'y a pas si longtemps, et effectivement, là, vous
êtes le premier rempart, définitivement, auprès de certaines préoccupations de
citoyennes et de citoyens.
Il est prévu... Parce que le projet de loi ne
vient pas modifier, en soi, tant les exigences de fermeture des puits,
c'est-à-dire que, là, on vient exiger, en fin de compte, à l'intérieur d'un
processus avec indemnisation, mais... Puis ce qu'on a en place, actuellement,
ou ce qui est déjà sur la table, là, c'est un processus de fermeture des puits
qui est proposé avec une approbation à la fois du MERN mais surtout du MELCC,
du ministère de l'Environnement, qui prévoit, justement, un suivi des eaux
souterraines, une remise en état des sites, etc. Donc, ce que vous me dites, ce
n'est pas tant la force ou non de ce processus-là, mais la pleine transparence
de ce processus-là également pour vous informer des détails?
M. Châteauvert
(Pierre) : Si vous permettez...
Mme Boisjoly (Audrey) : ...
M. Châteauvert
(Pierre) : Oh! excusez-moi.
Si vous permettez, M. le ministre, par rapport à ça, effectivement, on
voit la volonté, et elle est clairement exprimée dans le projet de loi, et on
l'apprécie. D'ailleurs, on est très contents de ça. Et nous, on fait aussi
affaire avec le gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, depuis
plusieurs années, et ce n'est pas toujours ce que nous avons vécu comme
processus, de là l'importance pour nous de réitérer l'ensemble de ces
éléments-là.
Je vous signale qu'actuellement il y a encore
des municipalités qui voient, bon, quelqu'un qui débarque puis qui creuse un
trou, puis ils ne savent pas pourquoi, puis, dans le fond, c'est parce que,
finalement, c'est de la prospection minière et que le conseil municipal n'a pas
été informé, ce qui fait que les citoyens débarquent tous à la réunion. Vous
savez... vous êtes passé dans un conseil municipal, vous savez ce que c'est.
Donc, par rapport à ça, on tient à réitérer...
on apprécie énormément la volonté qui est inscrite dans la loi, mais on tient à
réitérer quand même qu'on veut que le processus soit rigoureux, et que le
politique s'assure que ça soit ainsi, et que... mais aussi que, bon, il y a
les... effectivement, les puits qui sont cartographiés, qui sont connus, mais
il y a aussi, ce qu'on croit comprendre, sur
le territoire, qu'il y a beaucoup de puits aussi qui ne sont pas
nécessairement... en fait, les orphelins et les historiques, qui, eux,
causent problème aussi. Une municipalité... on a plein de cas, là, on est... nous sommes obligés, puis, si on le fait,
de protéger nos sources d'eau potable, ça a des impacts sur les
propriétaires terriens, les agriculteurs ici. En fait, c'est beaucoup d'argent,
et on veut protéger ça, on veut... nos membres tiennent à protéger ça.
M. Julien : Parfait. Bien, je
conçois très bien ça, puis voyons comment on peut s'assurer de renforcer ces
éléments-là, le cas échéant. Tantôt, j'écoutais mon collègue de
Westmount-Outremont, hein, c'est...
Une voix : ...
M. Julien : ...Mont-Royal,
excusez-moi, mentionner qu'il ne se faisait pas d'exploitation, d'exploration,
puis il parlait de marketing. Mais essentiellement vous avez probablement
suivi, là, le processus qui était en cours l'an dernier, spécifiquement, là, en
Gaspésie, où une entreprise mettait en doute le règlement... l'article 23
du règlement qui émane aussi de la loi sur la protection des milieux hydriques,
là, c'est-à-dire les lacs et les rivières. Puis, à la fin, bien, en première
instance... on est en appel, puis je ne veux pas trop aller loin là-dessus,
mais, somme toute, là, le jugement de première instance a mentionné que
l'article 23, bien, il ne pouvait pas être utilisé pour la protection du
milieu hydrique, les lacs et les rivières. Est-ce que cet élément-là a amené
des préoccupations chez vos membres ou, pour eux, c'était... ce n'était pas un
enjeu?
Mme Boisjoly (Audrey) : Je vais
te laisser répondre, Pierre.
M. Châteauvert
(Pierre) : D'accord. C'est... En fait,
c'est... ça s'ajoute aux préoccupations. Actuellement, les MRC sont en train de
faire la cartographie, sont en train de cartographier les milieux humides.
C'est la première fois qu'on le fait, au Québec, ça va avoir un impact. Moi, je
considère que ça va avoir un impact aussi important que le zonage agricole sur la gestion du territoire. Ces milieux humides là,
on s'aperçoit qu'ils sont encore plus fondamentaux, qu'ils sont
absolument essentiels à la gestion, notamment, de l'eau, et que ça soit de
l'eau souterraine, de l'eau de surface puis lors des coups d'eau, et tout ça,
donc ce qui vient...
Notre conception des choses, c'est que, si on
arrive avec une application... Et c'est pourquoi qu'on demande aussi la
modification à la Loi sur l'aménagement. Le schéma d'aménagement doit être un
élément essentiel, et c'est là-dedans qu'on va gérer les milieux humides, qu'on
va les identifier puis qu'on va les gérer, en fonction aussi des objectifs
nationaux inscrits dans les lois et les règlements et aussi par rapport à nos
priorités.
Donc, ce qui... ça s'ajoute. Tout ce qui vient à
l'encontre de ça, bien, ça s'ajoute, puis c'est un problème, parce qu'on le sait, que, si on ne gère pas quelque
chose, actuellement, plus tard on va payer, la société va payer, la
communauté va payer, le territoire, et on va avoir des problèmes. On n'est pas
parfaits par rapport à la gestion, mais disons que ça avance assez rapidement.
Donc, toute cette question-là nous préoccupe, là.
M. Julien : ...j'ai aussi...
Le Président (M. Lemay) : On a
d'autres collèges, M. le ministre, aussi.
M. Julien : Une dernière
question.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien.
• (10 h 20) •
M. Julien : J'ai aussi
également noté que vous aviez des préoccupations par rapport aux projets
pilotes. Bon, pour nous, c'est clair, là, puis on le mentionne, puis je pense
que c'est clairement inscrit que les projets pilotes ne permettront pas
d'extraction, là, ou les dossiers que vous avez nommés, là, sans répéter leurs
noms, là, qui prétendent qu'on va faire de l'exploitation puis qu'on va faire
ça carboneutre. Nous, en fin de compte, c'est des projets pilotes de géothermie ou de captage de carbone, alors sans extraction,
sans exploitation. Est-ce que vous... Ceci étant, est-ce que vous pensez que
c'est assez fort, assez formel à l'intérieur du projet de loi?
Mme Boisjoly (Audrey) : Dans le
fond, au niveau des projets pilotes, bien sûr, nous, dans le fond, ce qu'on
demande, à la fédération, c'est que toutes les nouvelles filières se fassent
dans le même esprit que le projet de loi n° 21, donc que ça se fasse
avec... dans le fond, que les MRC, les municipalités soient aussi impliquées
dans les démarches et qu'il y ait aussi une rigueur aussi importante que pour
la fermeture des puits.
Donc, pour tout nouveau projet, que ce soient
ces projets pilotes là d'hydrogène vert et autres, on demande que les
municipalités, les MRC soient impliquées dans les démarches, qu'il y ait des
processus environnementaux qui soient faits, parce que, justement, bon, peu
importe, là, ce qui va se faire sur les milieux, bien, on va... Comme je vous
disais tout à l'heure, M. le ministre, les citoyens viennent nous voir pour
nous questionner, veulent savoir ce qui se passe
sur leur territoire, et on veut aussi avoir... savoir c'est quoi, les impacts
de ces projets pilotes là, est-ce qu'il y aura des risques pour les
municipalités, est-ce qu'il y aura des risques au niveau de l'environnement. Donc,
je pense que ce qu'on souhaite, c'est vraiment avoir une transparence, et avoir
toute l'information sur les projets, et de s'assurer qu'il n'y aura pas de
risque, là, pour les milieux.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. Donc, M. le député de Bourget, la parole est à vous.
M. Campeau : Merci, M. le
Président.
Mme Boisjoly,
bonjour. M. Châteauvert, content de retrouver. La dernière fois, on ne
parlait pas d'hydrocarbures, on
parlait d'eau. Je vous ferai remarquer, il y a quelque chose qui ne marche pas
dans votre présentation, M. Châteauvert, parce qu'on parle de
puits, puis vous avez une pancarte, à côté, «Dig for victory». Il me semble...
quelque chose qui ne marche pas. On veut les boucher et puis ne pas creuser,
là.
M. Châteauvert
(Pierre) : C'est une pancarte historique,
mon cher monsieur.
M. Campeau : Question que
j'aurais, c'est : Quand vous dites que vous voulez être informés... bien
sûr, c'est une excellente idée, mais vous voulez faire quoi avec ça?
Voulez-vous en faire partie? Juste d'être tenus au courant? Vous vous inquiétez
de la sécurité publique. Vous voyez-vous faire un travail relié à la fermeture
des puits en même temps, ou c'est uniquement une question d'être tenus au
courant, l'acceptabilité et sécurité?
Mme Boisjoly (Audrey) : Moi, je
vous dirais que ce qu'on veut comme information, notamment, c'est d'avoir
l'information, tu sais, le calendrier des travaux, donc, pour savoir exactement
quand est-ce que les travaux vont être faits, d'avoir le plan définitif des
travaux, donc d'avoir l'échéancier, donc à quel moment on peut s'attendre que
la fin des travaux va être... que les sites seront restaurés. On veut avoir les
études hydrogéologiques qui auront été faites, comme tantôt... puis on demande
aussi qu'ils s'étendent pour s'assurer qu'il n'y ait pas de contamination qui
aurait eu lieu des puits de forage jusqu'à nos puits municipaux, donc, même
jusqu'aux bassins versants. On veut également, là, s'assurer qu'il y ait un
expert qui se penche sur le dossier puis qui atteste que les travaux ont été
faits conformément au projet de loi, donc au règlement qui aura... qui en
découlera, et tout autre document, là, qui seront jugés pertinents.
Dans le fond, c'est vraiment l'information que
l'on souhaite avoir pour s'assurer de suivre le dossier puis s'assurer qu'il
n'y aura pas de contamination par la suite et que, si... s'assurer également
qu'un coup que les puits seront fermés il n'y aura pas de... s'il arrive
quelque chose sur le territoire, que, bon, par exemple, un puits municipal
deviendrait contaminé, ou quoi que ce soit, bien, on aura eu l'information des
activités qu'ils ont eues préalablement dans la fermeture.
Donc, pour nous, c'est surtout au niveau de
l'information. On veut savoir ce qui se passe sur le territoire. On veut savoir
qu'est-ce qui a été fait avant. Donc, c'est vraiment au niveau de
l'information, je vous dirais.
M. Châteauvert
(Pierre) : Et, si vous permettez, M. le
député, peut-être, je peux juste ajouter quelque chose, effectivement, ce que Mme Boisjoly
a dit, nous devons être informés parce que les municipalités, les MRC sont
responsables de la gestion de l'aménagement de territoire, et, si on veut être
de vrais partenaires avec l'État, ça prend cette information-là. C'est parce
que c'est... Et en plus, Mme Boisjoly en a fait état, le ministre
également, ce sont les conseils municipaux, les conseils de MRC qui répondent
directement...
M. Campeau : Je vous reposerais
la même question par rapport aux projets pilotes. Vous voulez être informés ou
vous voulez participer?
M. Châteauvert
(Pierre) : On peut faire les deux. On est
ouverts à tout, hein? Je pense que Mme Boisjoly va le confirmer, mais
nous, on est ouverts à toute mesure importante. On parlait de géothermie
tantôt, pourquoi pas? On est là-dedans. Nos membres foncent dans la... en fait,
développent un peu partout... Puis on le voit dans l'éolien, M. le ministre est au courant, il se fait des
expériences absolument fantastiques en termes d'énergies renouvelables,
l'Alliance de l'Est, puis un peu partout, là, c'est vraiment intéressant. Donc,
nos membres sont... Le développement du territoire sous toutes ses formes, on
était... on est toujours là, là, on sera toujours là. Nos membres sont là,
c'est certain.
M. Campeau : Je vous remercie
beaucoup.
Le Président
(M. Lemay) : M. le député de Lac-Saint-Jean, il reste environ
1 min 30 s.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui,
je vais faire ça vite. Bonjour. Bonjour à vous, à vous deux. C'est agréable de
vous entendre.
Moi, c'est... je vais m'en... me diriger vers
les comités de suivi. Il existe des comités de suivi qui ont été mis en place
suite à la Loi sur les hydrocarbures en 2018. J'aimerais ça vous entendre
là-dessus, si c'est un bon outil, là, au niveau de vos membres. Qu'est-ce que
vous en pensez?
Mme Boisjoly (Audrey) : Je vais
te laisser répondre, Pierre.
M. Châteauvert
(Pierre) : Oui. Bien, oui, oui,
effectivement. Tous ces endroits-là où est-ce qu'il y a de la communication, à
partir du moment où est-ce que ce sont des sites connus puis des sites où
est-ce qu'on a... Mais le problème, souvent,
qu'on a, c'est selon les sites qu'on ne connaît pas ou les sites orphelins où
est-ce qu'il n'y a aucune mesure de suivi puis la connaissance n'est pas
suffisante, il y en a, et on sait qu'il y en a beaucoup sur le territoire,
mais... oui.
Et je peux vous dire que, lors des dernières
élections municipales, il y a beaucoup de maires et de
conseillers, maires, mairesses, qui viennent... qui proviennent... qui étaient impliqués
dans ce dossier... dans ces dossiers-là qui se sont fait... qui se sont présentés et qui se sont refait élire. Donc,
c'est certain que, nous, tout lieu d'échange... Mais, dans le processus
d'aménagement du territoire, il y a un lien organique puis... entre le
gouvernement et la MRC via le schéma, puis après ça s'en va au niveau des
municipalités locales. Nous, c'est ce qu'on souhaite qui soit valorisé encore
plus, parce que l'instance officielle qui gère le territoire et qui gère des
ressources par rapport au territoire, l'eau potable, on l'a mentionné, c'est la
MRC et après la municipalité locale. Donc, c'est pour ça qu'il faut aussi
valoriser les liens organiques officiels entre l'État québécois et le monde
municipal.
Le Président (M. Lemay) : Merci,
M. Châteauvert.
Et, sur ce,
nous allons maintenant passer la parole à l'opposition officielle. M. le député
de Mont-Royal—Outremont, la parole est à vous pour
environ 11 minutes.
M. Arcand : Merci infiniment.
Mme Boisjoly, M. Châteauvert, un
plaisir de vous revoir et de discuter un peu de ce projet de loi qui,
évidemment, est important. On a parlé beaucoup, dans les discussions que vous
avez eues avec le ministre et avec les gens, également, du gouvernement, du...
de tout l'aspect communication, et je voulais revenir sur un certain nombre de
points importants. Par exemple, le règlement sur les hydrocarbures,
actuellement... Parce que, dans le fond, ce que j'entends de vous, c'est que
vous êtes un peu loin du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles.
Par exemple, le règlement sur les
hydrocarbures oblige, actuellement, les détenteurs de permis à soumettre au
ministère, chaque semaine, un rapport détaillé sur leurs activités
quotidiennes. Est-ce que je comprends que vous n'en recevez jamais une copie?
Mme Boisjoly
(Audrey) : À ma connaissance, Pierre, on ne reçoit pas ces
informations-là. Puis d'ailleurs c'est ce qu'on demande dans nos
recommandations, de recevoir les rapports journaliers de toutes les activités
qui ont été faites.
M. Châteauvert
(Pierre) : Ça, c'est... Effectivement, là-dessus, je vous
avouerai que le... effectivement, historiquement, les relations entre le
monde municipal, le processus d'aménagement des MRC et le ministère n'a pas toujours
été très facile. Mais, depuis quelques années, on discute, notamment au
niveau... en fait, dans bon nombre de... et il y a des améliorations sensibles
qu'on apprécie.
Il y a des
orientations dans ce projet de loi qui nous intéressent, et on veut profiter de
l'occasion pour consolider, notamment, l'ensemble de cette
information-là, parce que les gens... Et on le dit, l'article qui donne
préséance à l'ensemble du monde... en fait, l'ensemble des hydrocarbures et du
système... et de l'industrie minière sur les schémas d'aménagement cause
problème. Et c'est cette approche-là qui est... qui vient des temps immémoriaux
puis de la gestion de l'État par rapport au territoire, et là il y a un
processus, qui est plus local, de gestion du territoire. Nous, on prétend
qu'il... et on pense qu'il faut que le... c'est le processus local, et
l'information doit circuler beaucoup mieux que ce qu'on a. Ces dernières
années, il y a des améliorations, mais on veut encore aller plus loin.
M. Arcand : D'accord. Mais actuellement,
par exemple, il y a quand même des éléments dans les lois, comme par exemple
l'article 8 de la Loi sur les hydrocarbures, qui exigent du ministre qu'il
inscrive au Registre foncier une déclaration qui fait état de la localisation
des puits. Alors, est-ce que... quelle est l'information... une fois qu'il a
fait ça, quelle est l'information qui manque au milieu municipal?
• (10 h 30) •
M. Châteauvert
(Pierre) : Nous, ce qu'on... comme dans
notre mémoire, ce qu'on dit clairement, c'est... En fait, c'est... De façon
systématique, bon, là il faut aller chercher le registre. Effectivement, il est
là, notre monde y vont. Les ressources ne sont pas... Elles ne sont pas
illimitées, elles ne sont pas aussi grandes que... dans un ministère, dans un
domaine d'activité. Donc, une MRC, une municipalité, avec les ressources
qu'elles ont, les territoires qu'elles ont, d'aller à chaque semaine sur le
registre, il y a des choses... chercher l'ensemble... faire la démarche, ça
peut constituer aussi une limitation à la transmission de l'information.
Nous, ce qu'on...
bien, on apprécierait, c'est qu'il y ait transmission d'information aussi de la
part de... Et on ne le voit pas juste au ministère de l'Énergie et des
Ressources naturelles, on le voit dans d'autres ministères. Nous, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait un processus, et avec
les technologies d'aujourd'hui, ce n'est pas... ce n'est pas compliqué, et
transmission de l'information. Donc, pas nécessairement juste d'aller chercher
toujours l'information, parce que ça, ça demande des ressources, et tout ça,
avec l'ensemble des... mais on veut qu'il y ait transmission de l'information,
vous comprenez, qu'il y ait une approche un peu différente...
M. Arcand : D'accord. Mais, à part la
localisation, qu'est-ce que vous voulez avoir d'une façon
supplémentaire?
M. Châteauvert (Pierre) : Regrouper l'information... l'ensemble des informations, tu sais, sont
comme compartimentées, les regrouper et qu'il y ait transmission
systématique de l'information au niveau, peut-être, de... pour que... de la MRC, qui, elle, va probablement
transmettre l'ensemble à ses municipalités membres. C'est ces habitudes-là
qui ne sont pas là puis qui sont héritées de la façon que ça a été géré dans le
passé et... mais on a... et, nous, ce qu'on aimerait, c'est ça, c'est donc une
transmission systématique d'informations regroupées, dossiers complets, tu
sais, pour faire le suivi, qui nous
permettrait de faire le suivi à court, à moyen et à long terme de ces puits-là
et de ces installations-là...
Mme Boisjoly
(Audrey) : Tout à fait, tout à fait, parce qu'il y a une différence
entre avoir accès aux... à la documentation et qu'elle soit transmise. Donc, on
voit qu'il y a une approche plus collaborative avec le milieu municipal, avec
le milieu des MRC, si cette transmission d'information là se fait, et qu'elle
soit, comme M. Châteauvert expliquait,
toute regroupée, dans laquelle on va avoir accès à l'information de façon
rapide. Donc, on veut établir un certain partenariat avec le ministère dans ce sens-là pour avoir des données à
moyen... à court, moyen, long terme pour pouvoir suivre l'évolution, là,
des travaux qui auront eu lieu. Donc, c'est un changement de façon de faire
qu'on souhaite, là, instaurer.
M. Arcand : Donc, pour être poli, ce
partenariat aurait avantage à être amélioré, c'est un peu ce que vous nous
dites.
M. Châteauvert
(Pierre) : ...vous savez, M. le député,
que... En fait, ce que moi, je disais d'entrée de jeu, là, pour répondre à
votre question, l'historique des relations entre les MRC et le ministère n'ont
pas toujours été de... si bonnes, mais il y a un travail qui se fait, ces
dernières années, qui est intéressant. On comprend qu'il y a des intérêts,
qu'il y a des pratiques, il y a des responsabilités, et tout ça, puis ça va
prendre du temps pour changer, mais disons qu'il
y a des choses qui changent, qui bougent, qui nous intéressent et qui sont
intéressantes. Évidemment, nos membres revendiquent beaucoup là-dedans
aussi, donc il faut concilier tout ça.
M. Arcand :
Non, je comprends, mais la seule chose, c'est parce que c'est dans les
lois, c'est ça, mon... le point que j'essaie de vous expliquer puis qui est
important, c'est que c'est déjà... ça déjà été dans des lois qui ont été
votées, dans des règlements qui sont intervenus, alors c'est pour ça que je
vous pose la question. Par exemple, il y a les dispositions, par exemple, d'un
article 28 de la loi actuelle sur les hydrocarbures qui parle de comité de
suivi, qui exige du ministre qu'il crée un comité de suivi avec la
participation des partenaires locaux pour chaque permis d'exploration. Alors,
moi, je veux savoir si les comités de suivi ont satisfait le milieu municipal.
Est-ce qu'il y a une démarche qui est manquante dans ça? Est-ce qu'il y a une
information qui est nécessaire? Est-ce que ça marche, les comités de suivi?
C'est ça, ma question.
M. Châteauvert (Pierre) : Ça semble fonctionner, dans la mesure où est-ce qu'ils se réunissent,
là, tu sais. Il y en a beaucoup, de ces comités-là, effectivement. Mais,
oui, il y a des choses qui peuvent se faire, mais nous, on pense que ce serait
encore plus efficace si l'information nous était transmise de façon
systématique et de façon regroupée. À ce moment-là, ce serait encore plus...
Parce qu'il y a comme une... c'est qu'on met en place comme une instance
parallèle à l'ensemble du processus, qui devrait être valorisé, à ce moment-là.
Vous savez, le lien, via l'aménagement du territoire, tu sais, entre une MRC et
le ministère, où est-ce que, si on y allait de façon systématique, la
transmission de l'information regroupée, à ce moment-là, localement... la MRC
aurait la responsabilité... en fait, transmettrait à l'ensemble des groupes,
l'ensemble des municipalités concernées, et il y aurait un suivi encore plus
rigoureux. Là, ici, c'est... ça ne se réunit
pas toujours, c'est... là, mais, nous, ce qu'on pense c'est que... de valoriser
le système d'aménagement, en fait, de profiter du système qui est là, le
valoriser et l'utiliser serait encore plus efficace que le...
M. Arcand : De mémoire, une des
choses qui faisaient bien peur aux municipalités, et non sans raison
d'ailleurs, c'est le fait que, lorsqu'il a été question, à un moment donné, de
fracturation hydraulique ou d'exploration, on était très inquiets, du côté des
municipalités, entre autres, de l'utilisation des composés chimiques, par
exemple, des produits chimiques qui étaient utilisés. Est-ce que le milieu
municipal, de façon générale, a été adéquatement informé sur ces produits-là,
sur les nappes phréatiques, sur la qualité de l'eau potable? Est-ce que vous
êtes satisfaits à ce niveau-là?
M.
Châteauvert (Pierre) : On ne peut pas dire...
excusez-moi, là, vous me permettrez, mais on ne peut pas dire qu'on était
satisfaits, parce que le problème, dans toutes ces notions-là, c'est que c'est
la dépendance par rapport à la... au promoteur, à celui qui veut réaliser le
puits, qui veut faire le puits, et tout ça. C'est... On est beaucoup les... ce
qui est en place, actuellement, on dépend pas mal de la volonté du promoteur
là-dedans et on ne peut pas dire que c'est... Et c'est de là notre demande
d'être systématiquement informés, que l'information nous soit transmise de
façon regroupée. La MRC, qui est un corps
public dirigé par des élus qui sont redevables devant la population, à ce
moment-là, eux autres, ils vont être en mesure d'informer. Donc, c'est
pour ça que nous, on pense que ça va être beaucoup plus efficient et que la
démarche serait bonifiée et plus satisfaisante pour les citoyens qui ont à
vivre ça sur leur territoire. Donc, on trouve que c'est... il faut aller plus loin.
M. Arcand : D'accord.
Je voulais vous parler des montants, entre autres, que le gouvernement alloue
pour des différentes compensations. Le gouvernement s'est donné un montant de
100 millions. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus? Est-ce que vous
avez un... Est-ce que vous pensez que le gouvernement doit compenser? Est-ce
que vous pensez que... ce montant-là, selon ce que vous savez, vous semble
suffisant?
Mme Boisjoly (Audrey) : Pour
nous, M. le député, dans le fond, l'important, c'est... comme on le martèle
depuis tout à l'heure, c'est vraiment la sécurité dans la fermeture des puits,
la transmission de l'information, la transparence. Puis, le processus du projet
de loi n° 21, comme on l'a dit tout à l'heure, on le
trouve pertinent. Ça s'inscrit dans une logique de tendre vers les énergies
renouvelables, puis les Québécois sont rendus là aujourd'hui. Donc, pour nous,
le projet de loi, il est pertinent.
Par contre, ce qu'on souhaite, c'est qu'on soit
informés dans toutes les étapes du processus de fermeture des puits, qu'on nous
transmette l'information, comme M. Châteauvert le précisait, que cette
transmission-là... de se faire de façon systématique et qu'elle soit facile,
donc qu'on établisse un partenariat avec le ministère. Donc, pour... les
questions des indemnisations, je vous dirais que, nous, c'est surtout la
sécurité, l'environnement puis la transparence, là, qui nous préoccupent pour
la suite des choses.
Le Président (M. Lemay) : Merci,
Mme Boisjoly. Désolé, M. le député de Mont-Royal—Outremont, ceci complète cette rubrique.
Et je cède maintenant la parole à la députée d'Abitibi-Témiscamingue,
en vous rappelant que vous disposez d'environ 2 min 45 s.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président. De Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Le Président (M. Lemay) : Ah!
excusez-moi.
Mme Lessard-Therrien : Je suis
toujours flattée qu'on me prenne pour la représentante de cette belle grande
région.
Merci, Mme Boisjoly, pour votre
présentation. L'une des recommandations de votre mémoire, c'est supprimer la
préséance des hydrocarbures, des mines sur les schémas d'aménagement des
municipalités. En d'autres mots, vous proposez d'abroger l'article 246 de la
Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Est-ce que vous avez des craintes que
certains projets pilotes qui découleraient du projet de loi n° 21
ne respectent pas la volonté des municipalités?
Mme Boisjoly (Audrey) : Dans le
fond, quand on demande que, effectivement, la Loi sur les hydrocarbures ou la
Loi sur les mines n'aient pas préséance sur les SADR, donc nos outils qui sont
des outils de développement. Donc, dans le
fond, ce qu'on souhaite, c'est que, justement, toutes les industries, que ce
soient les industries d'hydrocarbures, mines, n'aient pas préséance sur
nos outils d'aménagement, qui sont la volonté... dans le fond, qui sont des
outils qu'on a eus des consultations avec nos populations locales, nos régions et
qui sont ces outils de développement là. Donc, pour nous, que la Loi sur les hydrocarbures, la Loi sur les mines
passent par-dessus et viennent contraindre le développement de nos
régions, pour nous, bien, c'est une revendication depuis toujours, et on souhaite
qu'effectivement cette loi-là... cet article de loi soit abrogé, là, en ce
sens-là.
• (10 h 40) •
M. Châteauvert
(Pierre) : Rapidement, si vous permettez,
on ne peut rien exclure sur nos territoires. Une municipalité, une MRC ne peut
pas exclure quelque chose, mais on veut... on pense qu'on est la meilleure
instance, nos membres sont la meilleure instance pour gérer le territoire,
donc, en ce sens-là. Donc, c'est en ce sens-là. Donc, on ne peut rien exclure.
Donc, il y a un projet, il peut toujours être bon, et tout ça. Donc, il faut
laisser la chance au coureur, à quelque part. On n'a pas le droit de
dire : Non, ça, on ne veut pas ça, mais on pense qu'on est la meilleure
instance pour gérer le territoire, de là notre revendication historique.
Mme Lessard-Therrien : Puis, tu
sais, à votre avis, ce serait quoi, tu sais, pour que vous soyez assis autour
de la table, là? Quelle forme devrait prendre cette collaboration-là pour être
incluse à toutes les étapes de la décision? Où est-ce que vous voyez... Comment
vous la voyez, cette collaboration-là?
Mme Boisjoly (Audrey) : Bien, à
vrai dire, je pense que, justement, cette revendication historique là d'abroger
l'article 246 viendrait faire en sorte qu'on pourrait planifier notre
territoire. Donc, on serait déjà en avant de ça, parce qu'on viendrait,
justement, déterminer dans quels territoires on souhaite faire ces
explorations-là ou autres projets pilotes. Donc, je pense que, déjà, si on
répond à cette demande-là en abrogeant l'article 246, d'une certaine
façon, les territoires vont être consultés, c'est les territoires qui vont
avoir préséance. Donc, on va pouvoir déterminer à quels endroits on va faire
ces projets pilotes là. Donc, je pense que ça viendrait répondre à votre
question.
Mme Lessard-Therrien : Bien...
Le Président (M. Lemay) : Merci,
Mme Boisjoly. C'est ce qui complète cette rubrique.
Et je cède maintenant la parole au troisième
groupe d'opposition. M. le député de Jonquière, pour la même chose,
2 min 45 s.
M. Gaudreault :
Oui, merci. Bonjour, bienvenue.
Je voudrais que vous me donniez des exemples
récents, sur les territoires de municipalités qui sont membres chez vous, de puits ou de forages qui sont mal
entretenus ou laissés à l'abandon. Je ne parle pas de puits, là, du
XIXe siècle, là, mais des... Avez-vous des exemples à nous donner de
choses récentes, d'événements récents?
Mme Boisjoly (Audrey) : Pierre,
en as-tu?
M. Châteauvert
(Pierre) : Oui, bien, en fait, au Centre-du-Québec, il y a eu beaucoup d'activités en ce sens-là. D'ailleurs, il y
a eu plusieurs municipalités qui se sont mobilisées dans ce sens-là. Bien, vous
les connaissez, là, toute l'expérience, M. le ministre en a parlé, de la
Gaspésie au niveau de la protection des sources d'eau potable. Dans le sud de
Lanaudière aussi, il y a eu plusieurs municipalités qui se sont mobilisées
suite à des puits qui étaient là et qui... abandonnés, parfois aussi encore sur
les listes officielles, qui causent problème, tant au niveau des communautés
que des résidents. À plusieurs endroits sur le territoire québécois,
effectivement, on a ce genre d'exemples là, des élus qui... des maires, et qui se retrouvent... D'ailleurs, ce
matin, on en... on voyait dans le journal, là, effectivement, dans Le
Devoir, où est-ce qu'on citait quelques cas, mais Centre-du-Québec, Gaspésie,
coin de la Matapédia, le sud de Lanaudière, c'est des endroits où est-ce qu'il
y a beaucoup de cas, là.
M. Gaudreault : Et cela,
évidemment, cause des problèmes sur votre territoire, des enjeux, des
inquiétudes, par exemple, reliées à l'eau potable, mais est-ce que vous ne
trouvez pas que ceci serait suffisant en soi pour dire à l'industrie :
Bien, c'est bien de valeur, mais il n'y aura pas d'indemnisation?
Mme Boisjoly
(Audrey) : À vrai dire... que... nous, dans le fond, M. le
député, ce qu'on demande, c'est qu'effectivement le suivi soit fait.
Donc, je vais oser me répéter, mais, dans le fond, c'est que, pour la suite, ce
qu'on souhaite, justement, c'est que les municipalités et les régions soient
consultées, soient informées de ce qui va se passer pour la fermeture de ces
puits-là. M. Châteauvert, je pense que vous vouliez rajouter...
M. Châteauvert
(Pierre) : Oui, bien, c'est ça, c'est une
relation qui s'est faite entre le droit qui a été donné par l'État... donc
c'est à l'État, donc c'est à vous à décider par rapport à cette gestion-là.
Nous, on s'occupe de l'ensemble de la gestion du territoire au niveau local, et
tout, puis on se... nos commentaires sont... portent sur ces questions-là. La
question des droits et des compensations, et tout ça, c'est aux députés à
l'Assemblée nationale de se... de traiter de cette...
M. Gaudreault : Est-ce que vous
trouvez, sur les projets pilotes, que c'est suffisamment clair dans le projet
de loi n° 21 qu'ils ne doivent s'inscrire que dans une optique d'atteinte
de la carboneutralité?
Le Président (M. Lemay) : Brièvement.
M. Châteauvert
(Pierre) : Nous, en fait, la volonté, elle
est là, et on va discuter avec le ministre, effectivement, pour s'assurer,
comme on l'a dit, nous... C'est ce que le ministre nous a annoncé puis ce qu'il
nous a parlé encore ce matin. On est ouverts à tous les projets, mais, nous,
dans le cadre de ce qu'on a dit dans notre mémoire, donc le respect de
l'environnement, des communautés, l'acceptabilité sociale, protection des
sources d'eau, et tout ça, donc, on est prêts à travailler avec le ministre,
évidemment.
Le Président (M. Lemay) : Voilà.
Alors, merci beaucoup, Mme Boisjoly ainsi que M. Châteauvert, pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Et je vais suspendre dans quelques instants pour
permettre au prochain groupe de prendre place, virtuellement, bien entendu.
Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 47)
(Reprise à 10 h 54)
Le Président (M. Lemay) : Alors,
bonjour. Nous reprenons nos travaux.
Et la Commission de l'agriculture, des
pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles vous souhaite la
bienvenue, aux représentants du Front commun pour la transition énergétique. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, par
la suite il y aura une période d'échange avec les membres de la commission.
Mais, avant de débuter, j'aimerais simplement que vous puissiez vous
identifier, ainsi que votre titre, à la caméra, bien, à tous les membres de la
commission. Et ensuite, bien, vous... la parole est à vous.
Front commun pour la
transition énergétique (FCTE)
Mme Prud'homme
(Maude) : Alors bonjour, je suis Maude Prud'homme, déléguée à la
transition du Réseau québécois des groupes écologistes et membre élue du comité
de coordination du Front commun pour la transition énergétique.
Je suis en compagnie de Carole Dupuis, porte-parole du Mouvement écocitoyen
UNEplanète, elle aussi membre élue du comité de coordination du Front commun
pour la transition énergétique.
Le Président
(M. Lemay) : Allez-y avec votre exposé. Merci. Bienvenue à la
commission.
Mme Prud'homme
(Maude) : Merci à vous. Alors, bien, on vous remercie d'abord de nous
accueillir pour offrir nos points de vue sur le projet de loi n° 21 visant
principalement à mettre fin à la recherche et à la production d'hydrocarbures
ainsi qu'au financement public de ces activités.
Pour présenter un peu
le Front commun, d'abord, pour s'assurer, là, qu'on soit bien compris, situés,
créé en 2015, le Front commun pour la
transition énergétique regroupe des organisations qui contribuent à
l'élaboration collective et à la mise
en oeuvre d'une transition énergétique structurante et porteuse de justice
sociale. Il regroupe 90 organisations environnementales,
citoyennes, syndicales, communautaires et étudiantes qui représentent
collectivement 1,8 million de personnes environ, soit près de la moitié de
la population active du Québec.
Conscient de l'interdépendance
des dimensions écologique, énergétique, économique et sociale et guidé par la
conviction que la transition énergétique est une occasion exceptionnelle de
transformations profondes à tous ces égards, le Front commun pour la transition
énergétique promeut une transition structurante et porteuse de justice sociale.
Fort de la diversité de ses membres, de leurs multiples ancrages dans toutes
les régions du Québec, il mise sur le dialogue social pour soutenir l'émergence
d'un mouvement collectif d'ampleur en faveur de ces transformations de fond.
Nous nous réjouissons vivement du dépôt du projet de loi qui nous réunit ce
matin. Nous avons toutefois certaines réserves, et je passe la parole à
Mme Dupuis pour expliciter plus avant ces éléments.
Mme Dupuis (Carole) : Bonjour.
Merci de nous accueillir, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les
députés.
Tout d'abord, la
première chose très importante à dire, c'est qu'à nos yeux le projet de loi
n° 101 amène une loi qui est vraiment nécessaire. C'est une pièce
législative de première importance dans le présent contexte d'urgence
climatique, parce que ça envoie un signal très fort au Canada et partout dans
le monde, dans le contexte de l'urgence climatique actuelle, évidemment. Le
projet de loi n° 21, c'est aussi un projet de loi qui est nécessaire pour
les communautés touchées. L'opposition au développement de la filière des
hydrocarbures est intense, vous le savez, depuis l'intrusion intempestive de
l'industrie du gaz de schiste au Québec. Donc, le projet de loi vient soulager
des centaines de communautés qui s'étaient retrouvées à la merci d'une
industrie polluante et invasive.
Enfin, les
représentants de la FQM l'ont bien exprimé, la loi est nécessaire pour la
protection des eaux, puisque l'exploitation des réserves d'hydrocarbures au
Québec aurait présenté des risques inacceptables de contamination des eaux,
tant souterraines et de surface. En conséquence de ces différents éléments,
bien, nous souhaitons vivement... nous recommandons que l'Assemblée nationale
exerce toute la diligence possible pour bonifier et adopter rapidement le projet de loi et que le gouvernement mette la
loi en vigueur avant la fin de la présente période de travaux
parlementaires.
Comme ma collègue l'a
exprimé, c'est aussi un projet de loi qui devrait, à notre avis, être bonifié,
malgré toute la joie qu'il nous inspire, et nos deux... les deux aspects sur
lesquels j'ai le temps de... que j'ai le temps de mentionner ce matin, elles
sont le programme d'indemnisation et les projets pilotes.
En ce qui concerne le
programme d'indemnisation, à la lecture de ce qui est présenté dans le projet
de loi, on... ça semble faire abstraction de plusieurs facteurs qui doivent
absolument être pris en compte avant de décider d'ouvrir les coffres de l'État.
Premièrement, selon l'analyse du Centre québécois du droit de l'environnement,
vous le savez, le Québec n'a pas d'obligation légale d'indemniser les
titulaires de licences annulées.
Deuxièmement, il n'a
pas été démontré que les titulaires des licences annulées vont subir un tort,
et je vous réfère, ici, aux travaux de Marc Durand en géologie et d'Éric
Pineault en économie, qui tendent à démontrer... peut-être pas à démontrer,
mais qui demandent vraiment d'avoir des chiffres très précis, dont nous ne
disposons pas, qui démontreraient que ce ne sont pas des actifs échoués, parce
que tout tend à démontrer que ce sont actuellement des actifs échoués qui n'ont
pas de valeur, ces licences-là.
Enfin, troisièmement,
l'interdiction d'extraire des énergies fossiles était prévisible, ce n'est pas
une surprise pour les compagnies.
Quatrièmement, les
coûts des dommages causés par les forages sur les eaux avoisinant les puits
déjà creusés ne sont pas connus à ce moment-ci et doivent être pris en considération
avant de penser à dédommager qui que ce soit.
Cinquièmement, il y a
plusieurs facteurs, les puits existants représentent une dette écologique
illimitée. On sait que le... ni le ciment ni l'acier ne sont des matériaux
éternels, et ces puits-là, qui vont être fermés éventuellement, vont laisser
échapper du métal, et c'est une dette écologique qui est laissée indéfiniment.
Sixièmement,
on ne connaît pas les avantages fiscaux consentis aux investisseurs, on n'a pas
de chiffres là-dessus. Qu'il s'agisse d'investisseurs, de compagnies ou
de particuliers, on sait qu'il y a des crédits d'impôt importants qui sont
accordés. Donc, ce ne serait pas naturel que le gouvernement du Québec et la
population du Québec remboursent deux fois les mêmes montants à ces compagnies-là.
Et enfin les coûts
sociaux, les coûts des soins de santé attribuables aux tentatives d'intrusion
de l'industrie pétrolière et gazière dans les milieux de vie doivent être pris
en considération. On pense à des communautés divisées, on pense à des querelles
familiales, on pense à tout ce que ça a coûté en temps, et en énergie, et en
stress aux élus municipaux. C'est des coûts réels, et dont on devrait tenir
compte.
Pour
toutes ces raisons, on recommande que soient rendus publics, en complète transparence,
tous les coûts que la société
québécoise a déjà absorbés et devra assumer à l'avenir en lien avec l'incursion
de l'industrie pétrolière et gazière et que, sur cette base-là, aucun
cadeau ne soit donné aux compagnies titulaires de licences suite à l'adoption
de la loi.
Pour ce qui est du deuxième point... Ça va?
Le Président
(M. Lemay) : Oui.
• (11 heures) •
Mme Dupuis (Carole) : Pour ce
qui est des projets pilotes, on lit, au chapitre VII du projet de loi, que
le ministre pourra autoriser des projets visant à acquérir des connaissances
géoscientifiques relatives au potentiel de diverses filières liées à la
transition énergétique. On reconnaît que c'est important de poursuivre des
recherches sur les nouvelles filières. Néanmoins, nous observons que ce
chapitre ouvre très largement des portes vers des perspectives... (panne de
son) ...très vagues, et cela nous inquiète.
Notamment, nous constatons... on parle de deux
compagnies, ça aurait pu être d'autres, peut-être, mais on a analysé plus
précisément les cas de Questerre Energy et de Ressources Utica, deux importants
titulaires de licences qui vont être révoquées.
Ces compagnies-là sont aux premières loges pour
tirer avantage du chapitre VII. Ce sont des compagnies qui sont toutes deux détenues majoritairement par des
actionnaires étrangers, et ces compagnies-là ou celles... parce qu'il y
a eu des ventes d'actifs importants, là, celles qui les ont précédées, leur
établissement au Québec a été fait avec l'aide du gouvernement du Québec. Depuis
qu'elles sont ici, elles n'ont ménagé aucun effort de lobbyisme pour faire
pencher nos lois en leur faveur. Elles n'ont jamais renoncé à tenter d'enfoncer
leurs projets dans la gorge des communautés et des administrations municipales.
Elles ont intenté des procédures judiciaires à Gaspé, à Ristigouche-Sud-Est, et
elles ont récemment intenté des procédures judiciaires contre le gouvernement
du Québec et lui réclament aujourd'hui, dans le contexte du projet de loi n° 21, des indemnisations qui totalisent des centaines de
millions de dollars.
À présent, en consultant le Registre des
lobbyistes du Québec, on voit que ces compagnies-là reviennent à la charge sous
une bannière verte pour exploiter différemment les mêmes territoires, qu'ils
sont à nouveau en lice pour profiter de la
manne gouvernementale associée aux nouvelles filières. Cela suscite des
appréhensions bien compréhensibles au sein des groupes citoyens qui
luttent depuis plus de 10 ans pour se libérer de leur emprise.
Les nouvelles technologies dont il est question
ici sont probablement intéressantes jusqu'à un certain point, mais sont tout
aussi inconnues de la population que le gaz de schiste l'était en 2006. Il est
très important, à notre avis, d'avancer dans ce dossier-là sans plonger les communautés
dans des affrontements comparables à ceux que l'industrie pétrolière et gazière a provoqués dans un passé
récent. On ne sait pas de quel genre d'installations il s'agit, on ne
connaît pas les risques, on ne connaît pas l'invasivité. Est-ce que c'est
bruyant? Qu'est-ce que ça implique pour le voisinage? Est-ce que c'est des
situations de boom économie comme le pétrole? On ne sait pas.
Donc, dans ce contexte-là, on recommande
vraiment la plus grande prudence. Plus précisément, on voudrait qu'il soit
précisé que les... Bien, première chose, il y a une imprécision, là. On
voudrait qu'il soit précisé que des projets pilotes ne pourront être menés que
dans les puits existants. Ce n'est pas écrit dans la loi, comme tel, que les
projets pilotes soient explicitement assujettis à la Loi sur la qualité de
l'environnement, ce qui implique, dans les cas où ça s'impose, que les projets
pilotes fassent l'objet d'enquêtes publiques du BAPE. En parallèle...
Le Président (M. Lemay) :
Mme Dupuis, est-ce que vous avez encore beaucoup d'exposé? Parce que vous
avez atteint votre 10 minutes.
Mme Dupuis (Carole) : Oupelaïe!
Peut-être que je peux conclure en disant...
Le Président (M. Lemay) : Allez-y,
en conclusion.
Mme Dupuis
(Carole) : ...oui, que le... qu'on vous dirait que les projets
pilotes soient... qu'il y ait une évaluation environnementale
stratégique, suivie d'un BAPE, sur l'ensemble des filières de la transition,
pas seulement celles qui sont prévues dans le projet de loi, mais l'ensemble,
et qu'on décide sur cette base-là, avec la population, en informant la
population et en évitant les tensions sociales, où est-ce qu'on investit
collectivement, où est-ce qu'on met notre énergie et comment les choses vont se
passer.
Le
Président (M. Lemay) :
Très bien. Donc, merci beaucoup, Mme Prud'homme et Mme Dupuis, pour
cet exposé.
Nous allons maintenant passer à la période
d'échange avec les membres de la commission, et, M. le ministre, la parole est
à vous.
M. Julien : Oui. Bonjour,
mesdames, et merci infiniment, là, pour le document que vous avez produit, qui
est hyperintéressant, qui révèle une dizaine de recommandations qu'on a bien
étudiées, de notre côté. Et, en réalité, je vais avoir des échanges avec vous puis même des réponses à plusieurs égards,
là, à vos interrogations, puis on aura l'occasion de préciser ensemble,
là, vos préoccupations.
Pour les projets pilotes, bon,
l'article 42, Mme Dupuis, mentionne clairement : «Un projet
pilote mis en oeuvre en vertu du présent
chapitre ne peut avoir pour effet de permettre la recherche d'hydrocarbures ou
de réservoirs souterrains, la production d'hydrocarbures, l'exploitation
de saumure.» Bref, l'exemple que vous avez mentionné, Questerre, là, on
s'entend clairement, là, que ça ne répond pas à l'article 42. Puis je le
réitère, là, les projets pilotes ne visent pas, aucunement, l'exploitation,
l'exploitation; géothermie, captage de carbone, mais ce n'est rien d'autre.
Vous avez mentionné également, Mme Dupuis,
que ce n'était pas précisé que c'étaient uniquement les puits existants, les
62 puits des 182 licences. Je vais regarder avec les gens du
juridique, pour nous autres, c'est implicite, c'est que ce n'est que ça. Et au
besoin, là, puisque c'est confirmé de notre bord, on va voir est-ce qu'on doit
amener une précision supplémentaire, parce que c'est clair que c'est vers ça
qu'on souhaite aller.
Maintenant, j'aimerais
vous entendre un peu plus sur... Parce que, moi, là, quand on donne, en
réalité, là, «le ministre peut
déterminer»... Donc, je comprends bien, Mme Dupuis, que votre groupe
souhaiterait que cette détermination-là passe par un processus beaucoup
plus large, a priori, soit de consultation et d'approbation. Parlez-m'en un peu
plus, Mme Dupuis.
Mme Dupuis (Carole) : Bien, un
peu à la manière de la Fédération québécoise des municipalités, qui s'est
exprimée ce matin, on pense que les promoteurs et les promoteurs qu'on connaît,
entre autres, dont on connaît la culture et tout, ne doivent pas être autorisés
à débarquer dans les milieux de vie ou dans les milieux naturels, hein, parce
qu'il y a des forêts, aussi, qui sont menacées dans ce genre de contexte là
sans que les gens aient eu l'occasion de prendre connaissance des enjeux,
autant matériels...
On parle de risques, par exemple, stocker de
l'hydrogène, est-ce qu'il y a des risques rattachés à ça?, les gens ne le savent pas; stocker de la captation du
carbone, est-ce que ça peut fuir, à un moment donné?, bon, ce genre de
choses là, les impacts économiques qu'une arrivée... que ce genre de projets là
peuvent avoir dans la région et les impacts sociaux.
On parlait... dans le cas du gaz de schiste, on parlait de boomtown, d'effet
boomtown, de choses comme ça. Quels sont les enjeux? Qu'est-ce que ça
implique et quels sont les apports de ces filières potentielles à la
transition? Donc, que la population en
général soit vraiment, véritablement, informée. C'est pour ça qu'on parle d'une
évaluation environnementale stratégique, que tout se soit passé en
revue.
Parce qu'il y a aussi plusieurs filières qui ne
sont pas du tout mentionnées, ici. Et là on comprend que ce n'est pas dans le
contexte du projet de loi, mais les premières filières pour faire la transition
énergétique, c'est la sobriété énergétique,
premièrement, c'est l'efficacité énergétique, deuxièmement, et c'est
l'électrification ensuite. Donc, est-ce que l'argent de la transition...
est-ce que les cerveaux, dans nos administrations publiques, qui travaillent
pour la transition vont être concentrés sur des projets qui, finalement, sont
marginaux par rapport aux besoins de la transition, alors que d'autres
aspects... ou des promoteurs moins... je vais utiliser un anglicisme, là, moins
agressifs, moins insistants ne sont pas là pour défendre nécessairement ces
filières-là qui sont plus nouvelles, qui sont un petit peu plus difficiles à
développer? Ça répond à votre question?
• (11 h 10) •
M. Julien : Oui, merci. Un
autre volet que vous avez apporté, Mme Dupuis, puis, encore là, je l'ai
entendu à quelques reprises, donc je vais prendre le temps de le préciser, là,
pour pour les fins de tous, vous avez parlé de crédit d'impôt, de l'aide
gouvernementale, etc. L'indemnisation qui est prévue au projet de loi vise à
retourner six ans derrière, c'est-à-dire 2015. Pourquoi? C'est le délai de
prescription des documents fiscaux. Alors, on veut être capables de toucher les
investissements qui ont été faits pour maintenir les licences, se conformer aux
lois et règlements. Donc, c'est des frais qui ont été faits dans les six
dernières années, on ne retourne pas aux calendes grecques, et c'est des montants qui vont être remboursés, nets de toute
aide gouvernementale. Donc, si, par exemple, il y a eu des
investissements pour 1 million et que
les crédits, autre chose, c'est 500 000 $, bien, le remboursement, le
cas échéant, serait de 500 000 $. Puis, naturellement, on ne
retourne pas aux calendes grecques. Donc, je voudrais vous entendre.
Puis je vais
compléter ma question. Votre deuxième recommandation, c'est comme tous les
impacts... l'évaluation, en fin de compte, de tous les impacts de
l'incursion de l'industrie pétrolière et gazière sur le territoire du Québec.
Mais on sait, là, qu'actuellement, là, il
n'y a aucun projet qui n'a jamais été en production commerciale au Québec, donc
c'est beaucoup plus de la prospection. On retourne dans les six dernières
années, et j'essaie de voir, là, le lien entre ce potentiel-là... Tandis que
nous autres, ça va être sur preuve d'investissement net des crédits, parce
qu'on met un terme à un droit quasi immobilier. Donc, j'essaie de faire le lien
entre ces deux volontés-là, puis vous entendre, maintenant que je vous dis qu'on va faire la soustraction des
aides financières gouvernementales, comment vous voyez ce processus
d'indemnisation.
Mme Dupuis
(Carole) : Écoutez, il y a vraiment plusieurs éléments, là,
dans votre question et dans notre mémoire.
Pour ce qui est des crédits d'impôt à
l'exploration qui peuvent être consentis à des personnes ou à des entreprises,
s'ils ne sont pas dans le champ... dans la durée, dans la période dont vous
allez tenir compte, j'imagine qu'on doit en faire abstraction.
Mais, cela dit, les dépenses, si un
investisseur, si une entreprise décide d'engager des dépenses pour un projet
qui est voué à l'échec, soit parce que le gisement n'a pas de potentiel
exploitable, comme tend à le démontrer... tendent à le démontrer certaines
analyses de Marc Durand, professeur de géologie à la retraite, ou si c'est des
actifs qui ne peuvent jamais être exploités, qui n'ont aucun potentiel
d'exploitation à cause de l'absence d'acceptabilité sociale qui était reconnue
par l'industrie dans son ensemble — et ici je vous réfère au
mémoire à venir de M. Éric Pinault, du Collectif scientifique sur les
questions énergétiques au Québec — à ce moment-là, si une entreprise décide
d'engager des dépenses, c'est la responsabilité... on estime que c'est
probablement la responsabilité de l'entreprise et non celle de la population du
Québec, qui n'a pas demandé à faire venir ces gens-là sur leur territoire.
C'est en...
M. Julien :
Mais, pour faire du pouce là-dessus, Mme Dupuis, si vous permettez,
d'un autre côté, on ne retourne pas, je le mentionne, aux calendes grecques, on
retourne en 2015. Donc, ça serait de venir dire aux investisseurs qui ont
investi dans un cadre légal qui le permettait, qui ont acquis des licences qui
étaient exigées et qui se sont conformés à un processus et une loi, une
réglementation, entre 2015 et aujourd'hui, c'est-à-dire dans les six dernières
années, plus ou moins... Je comprends quelqu'un qui... si quelqu'un avait fait
un investissement, c'est pour ça aussi qu'on limite dans le temps, c'est... À
un moment donné, il n'y a pas d'expectative, mais vous, vous nous dites que les gens qui auraient investi, le cas échéant,
dans les six dernières années, l'ont fait, sachant très bien qu'il n'y
avait pas d'expectative. Je trouve ça particulier parce
que, tu sais, je ne retourne pas il y a 20 ans, là, mais pourquoi ces
gens-là se seraient investis dans les six dernières années, sachant ce que vous
mentionnez?
Mme Dupuis
(Carole) : Écoutez, je ne peux que spéculer. Je n'aimerais pas prêter
des intentions, mais je vois qu'aujourd'hui ils réclament 500 millions de
dollars, c'est ça?
M. Julien :
Ce n'est pas ce que prévoit le projet de loi.
Mme Dupuis
(Carole) : Je ne veux pas faire de procès d'intention.
M. Julien :
Mme Dupuis, c'est très intéressant. Rapidement, là, avant de passer la
parole à mes collègues, bien, je réitère que je vous remercie pour les
10 recommandations. Je pense qu'il y en a certaines qui sont beaucoup plus
larges que le projet de loi, mais qui méritent certainement réflexion plus
avant. Et honnêtement, là, je pense que le travail a été fait, bien fait. Je
retiens que vous êtes favorables, mais qu'il y a des enjeux beaucoup sur les
projets pilotes et sur le volet indemnisation. Je vois qu'il y a peut-être une
autre intervention, là, de votre collègue.
Mme Prud'homme
(Maude) : Bien, c'est qu'il y a des aspects qui sont corollaires. Bien
qu'on puisse se réjouir du projet de loi, on se souviendra, à l'époque — puis
moi, je suis résidente de la Gaspésie — on se faisait chauffer les
oreilles, à dire : Ah! mais là il faut que vous soyez responsables, puis,
si on consomme des hydrocarbures, on devrait en assumer la production en sol
québécois. C'était un discours qui était très fréquent.
Or, si on combine cet
esprit de responsabilisation à la situation climatique, à la situation
écologique, ça nous amène effectivement à se responsabiliser dans la réduction
de notre consommation d'hydrocarbures, dans la réduction de notre dépendance
aux hydrocarbures, ce qui amène à un projet de société beaucoup plus vaste que
le cadre, ici, de cette commission, mais qui est non moins nécessaire, et c'est
pour ça que notre recommandation est beaucoup plus large, au niveau d'un BAPE générique sur une transition énergétique,
puisque c'est corollaire en termes de responsabilité. Je pense qu'on le
voit, dans les circonstances, là, avec la COVID, lorsqu'il n'y a pas cohésion,
cohérence, et partage, et consensus autour de mesures drastiques à prendre pour
transformer des situations, bien, on s'en trouve fort dépourvus lorsque
l'application fut venue.
M. Julien :
J'aime bien La Fontaine, ici. Écoutez, je suis parfaitement d'accord, comme
ministre responsable de la Transition énergétique, je pense qu'il y a un
chantier bien plus large que le projet de loi, ici, qui a une visée et un
objectif très clairs. Et je vous rejoins... tantôt, je ne sais pas laquelle de
vous deux a mentionné, là, que... Puis, quand je parle avec Sophie Brochu, ont
convient tous les deux que l'électron qui coûte le moins cher, c'est celui
qu'on économise, l'énergie qui coûte le
moins cher, c'est celle qu'on économise, puis vous prêchez à un converti.
Merci, mesdames.
Je ne sais pas s'il y
a des collègues qui sont intéressés à intervenir...
Le Président
(M. Lemay) : Très bien. Merci, M. le ministre.
Donc,
M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est à vous. Il reste environ
quatre minutes à la formation politique.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Bonjour,
Mme Prud'homme et ainsi que Mme Dupuis. Ça fait plaisir d'entendre,
là, vos propos. Et, tout comme vous, le gouvernement... Vous mentionnez que
vous avez hâte que ce projet de loi là soit adopté avant la fin des travaux
parlementaires, que la loi soit en vigueur, et vous mentionnez aussi que c'est
un nouveau chapitre dans l'histoire des ressources naturelles, vous l'avez même
dit, que c'est une victoire, lors d'une de vos sorties publiques. Et, tu sais,
dans ce message-là qu'on envoie, selon vous, un message... est-ce que ce message-là est positif aux acteurs du secteur
énergétique au Québec, et voire dans le monde aussi?
Mme Prud'homme (Maude) : Bien,
certainement que le message est positif, dans la mesure où il
s'accompagne, effectivement, des corollaires en termes d'investissements
publics nécessaires, à savoir : Que fait-on des ressources que nous avons?
Est-ce que nous voulons compenser des compagnies qui se sont aventurées de
manière, somme toute, un peu téméraire dans un contexte où le consentement
était fort loin d'être acquis de l'ensemble des communautés concernées ou
est-ce qu'on veut investir les deniers publics dans les infrastructures et les
processus collectifs qui vont nous permettre d'effectivement sortir de notre
dépendance aux hydrocarbures, donc non seulement de les laisser dans le sol,
mais d'être responsables de notre vie énergétique? Donc, oui, bien sûr, cela
peut tout à fait faire partie d'un immense pas dans une direction exemplaire.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : Toujours dans une perspective de transition
énergétique, j'imagine, tout comme moi, que... je sais que vous êtes conscients
que, lorsqu'on investit dans des énergies renouvelables, telles le solaire,
l'éolien, les bioénergies, que ça prend quand même énormément de capitaux pour
soutenir ces projets-là, et je prends à titre d'exemple un projet chez nous,
dans ma région du Saguenay—Lac-Saint-Jean,
le projet Val-Éo, d'éoliennes qui, sans la participation de capitaux de grands
partenaires, n'aurait pas pu voir le jour. On sait qu'on est des leaders aussi
en matière de transition énergétique. Ce n'est pas souhaitable d'envoyer un
message positif aux investisseurs étrangers, comme l'a fait, en fait, le
programme d'indemnisation dans notre projet de loi?
Mme Dupuis
(Carole) : Si je peux répondre à cette question, je pense qu'on
n'encourage pas le gouvernement à ne pas respecter ses engagements légaux,
c'est certain, ce qui pourrait ternir la réputation du Québec. Pour ce qui est d'aller plus loin, je pense qu'on ne veut pas envoyer le
message non plus que le Québec est un État complaisant ou naïf où les
investisseurs étrangers peuvent tout simplement venir se servir, et utiliser le
territoire, et partir avec les profits, et,
quand ça ne fonctionne pas à leur guise, de poursuivre à gauche et à droite,
hein? On sait que c'est une industrie qui a une culture d'intimidation
juridique bien enracinée. D'envoyer le message que le Québec ne tolère pas ce
genre de culture-là et n'encourage pas une industrie qui a sciemment travaillé
pour empirer la crise climatique, je ne vois pas en quoi ça pourrait ternir la
réputation du Québec.
Cela dit, mon âge me
permet peut-être de rappeler que le Québec a très bien développé son potentiel
énergétique, avec certaines nuances importantes par rapport à certaines
populations autochtones et autres, mais, quoi qu'il en soit, a très bien
développé son potentiel énergétique sans dépendre des investisseurs étrangers,
dans le passé. L'hydroélectricité est un modèle qu'on ne doit pas perdre de
vue, probablement.
• (11 h 20) •
Le Président (M. Lemay) : Merci,
Mme Dupuis. Ceci complète la période d'échange avec la partie
gouvernementale.
Et je cède maintenant
la parole au député de Mont-Royal—Outremont pour sa période d'échange.
M. Arcand :
Merci, merci. Alors, bonjour, Mme Dupuis, Mme Prud'homme. Très
heureux de vous voir.
Je vais essayer de
vous lire quelque chose à propos des compensations puis j'aimerais que vous me
disiez si vous... si on peut essayer... J'écoutais les conversations que vous
avez eues avec le ministre, là, et les collègues, tout à l'heure, de la partie
gouvernementale, mais, si je disais la chose suivante : «Il est justifié
de rembourser aux détenteurs de licences révoquées les dépenses engagées afin
d'obtenir les licences en question, mais il est hors de question d'inclure d'autres dépenses et encore moins les
revenus que les entreprises concernées espéraient réaliser
éventuellement», est-ce que ça, c'est quelque chose qui vous paraît acceptable?
Mme Dupuis
(Carole) : Écoutez, pour ce qui est de ne... Il y a de l'écho,
actuellement.
Bon, pour ce qui est
de ne pas rembourser des présumés revenus anticipés, je pense qu'il n'y a
aucune ambiguïté sur ce point-là.
Pour
la première section de la citation que vous lisez, honnêtement, on est une
vaste coalition, au Front commun, on
ne peut pas, comment dire, parler au nom de tous nos membres, au dollar près,
pour dire : Il faut absolument que tel détail ou telle petite
dépense soit remboursée ou pas. Je peux vous dire qu'il y aurait probablement
l'unanimité pour dire que, les dépenses de lobbyisme, on ne pense pas que c'est
quelque chose de très intéressant à rembourser.
M. Arcand :
...il y aurait unanimité ici aussi.
Mme Dupuis
(Carole) : Je pense que oui. On parle quand même d'un million de
dollars, là, si j'ai bien vu. Mais je pense qu'il y a consensus aussi sur le
fait que, quand on fait les comptes, on met les plus mais on met les moins
aussi, et qu'on a... qu'il nous manque beaucoup, beaucoup de chiffres pour
savoir quel est l'état réel et que c'est... de ce qui pourrait être dû ou ne
pas être dû et qu'il faut être... qu'il ne faut pas tenir compte seulement des
dépenses des compagnies, mais aussi de celles du gouvernement et de la société
québécoise.
M. Arcand :
Très bien, merci. Enfin, j'espère que, lorsqu'on en sera rendus à l'étude
détaillée, on pourra nous donner beaucoup plus d'information, justement, sur
ces montants-là, parce qu'il y a des gens qui nous disent : Écoutez, c'est
beaucoup trop, ça n'a aucun sens. Puis il y en a d'autres qui nous disent :
Le gouvernement n'a pas assez d'argent. Alors, comme on n'a pas l'information
que le ministre possède, j'espère qu'à ce moment-là on pourra avoir beaucoup
plus de détails lors de l'étude en commission parlementaire, lorsqu'on sera
rendus article par article.
Vous avez mentionné
l'importance de procéder à des études hydrogéologiques, parce que, de toute
façon, elles sont prévues au règlement sur les eaux, sur la protection. Est-ce
que je comprends que cette étude avait été escamotée dans le passé? Est-ce que
vous avez des cas à nous signaler par rapport à ça?
Mme Dupuis
(Carole) : Je pensais que Maude allait répondre.
Écoutez, ce qu'on
sait, c'est que ces études-là n'ont pas été complétées, à ce moment-ci, et
qu'il ne semble pas... en tout cas, le texte du projet de loi n'est pas
explicite à savoir comment ces choses-là seront faites. Nous, on souhaite que
ce soit fait de manière très exhaustive et avant que toute indemnisation soit
versée et que les coûts de décontamination soient pris en compte.
On connaît un cas,
qui est celui de Bourque, actuellement, où il semble y avoir eu contamination
de la nappe... je parle du puits Bourque, là, en Gaspésie, où il semble y avoir
eu, en territoire micmac, contamination de la nappe phréatique, et il y a énormément
d'inconnues pour ce qui est du reste des puits qui ont été forés récemment ou
dans le passé plus lointain. Donc, voilà, ce qu'on souhaite, c'est que ce soit
beaucoup plus encadré, beaucoup plus clair, que les exigences soient beaucoup
plus claires.
M. Arcand :
J'aimerais que vous me parliez de ce qui s'est passé aussi à Batiscan,
parce qu'on a eu un puits qui est entré en éruption à Batiscan, entre autres,
et quatre résidences ont dû être évacuées. Et encore aujourd'hui c'est un puits
qui est sur un terrain qui appartient au ministère des Transports, qui provoque
des fuites sur les propriétés environnantes et, semble-t-il, qui n'est pas
protégé ni sécurisé, actuellement. Comment ça peut être possible, d'après vous?
Est-ce que vous avez eu à gérer cet élément-là auprès de vos membres?
Mme Dupuis
(Carole) : Oui, c'est sûr que ça a fait partie des dossiers qui ont
préoccupé plusieurs de nos membres. Le puits de Batiscan, ce qui était vraiment
troublant, ça a été de découvrir, quand il y a eu l'éruption qui a donné lieu à
l'explosion, que des rapports d'inspection faisant état de problèmes avaient
été déposés dans le passé et qu'il n'y avait pas eu de suivi, que le travail
n'avait pas été... que la réfection n'avait pas été faite, deux années de suite,
là, les deux années précédentes. Alors, c'est ce qui nous amène... Et c'est un
chapitre qu'on n'a pas eu le temps de couvrir, là, de notre mémoire, où,
comment dire... Dans l'intention, on est très en accord avec le projet de loi,
qui demande que la fermeture des puits se fasse avant que les indemnisations
soient versées, que ce soit fait en conformité avec les exigences du ministère,
mais, dans la pratique, on sait que, dans le passé, il y a eu vraiment un très
grand nombre de situations où la rigueur n'était pas au rendez-vous comme on
aurait pu le souhaiter, où l'industrie a semblé bénéficier de passe-droits
importants. Entre autres, ça, c'est l'épisode le plus marquant, sans doute,
c'est le moment où on s'est rendu compte que 200 puits qui avaient été
déclarés conformes aux normes environnementales, en fait, n'avaient jamais été
localisés par les inspecteurs, ça s'est passé il y a quelques années.
Donc, c'est une de nos recommandations dont on
n'a pas parlé, mais c'est d'être... de vraiment appliquer une très, très grande
rigueur dans ces examens-là, dans tout ce processus-là de fermeture des puits
et par la suite, parce qu'on sait que les puits, ce n'est pas parce qu'ils sont
fermés qu'ils ne vont pas se mettre à causer des dégâts, des fuites de méthane
ou de contamination, ultérieurement.
M. Arcand : On a parlé, entre
autres, des... il semble qu'on parle des 82 puits qui sont récents, dans
lesquels, évidemment, on va retirer les permis, mais pour les autres puits qui
ont été creusés avant 2000, on n'a pas beaucoup d'information. Et comment cela, selon vous, est possible? Parce que,
tant qu'à régler le dossier, il faut régler tous les dossiers.
Mme Dupuis (Carole) : Écoutez...
Tu veux... C'est bon, Maude?
Mme Prud'homme (Maude) : Je
peux m'essayer, tu compléteras, là, au besoin.
Bien, il y a un travail terrain qui avait
d'ailleurs déjà été amorcé par des citoyens et citoyennes qui étaient
préoccupés et qui faisaient le travail qui aurait dû être réalisé par des
employés du gouvernement. Dans nos membres, on compte d'ailleurs plusieurs
syndicats, et plusieurs sont à dire que les effectifs manquent pour réaliser
les ambitions des plans gouvernementaux.
Il y a aussi un investissement à faire pour
s'assurer qu'on a les forces en présence, les outils, le matériel et les
personnes, les gens ont les connaissances pour effectuer ce travail-là, et ce,
ad vitam. Ce qui est l'autre aspect, à savoir que, dans cette notion-là de
remboursement, et de qui paie le prix, et de compensation, il est très difficile
de chiffrer quel sera le coût de cet entretien ad vitam de ces infrastructures
qui demeureront source de risques, inéluctablement. Tu sais, c'est sûr que ça va s'user. Et comment, dans 300 ans,
400 ans, les communautés qui vivront là devront être en mesure
d'accéder à des produits comme du béton et de l'acier? Dans quelles
circonstances ils seront pour entretenir tout ça?
Bref, ce qui nous est légué comme responsabilité
puis comme dette est immense. Ça nous semble, dans ce sens-là, un peu odieux de
demander compensation de leur part. Puis c'est aussi comme si c'étaient les
seuls à avoir payé un prix de ces explorations-là, alors que les communautés
qui vivent ce stress, qui ont vécu ces chocs-là, qui ont vu des puits exploser,
qui ont vu des forages se faire, qui sont inquiets pour leur eau potable, qui
ont vécu des déchirements sociaux ont payé un prix immense sans y avoir investi
quoi que ce soit de manière consentie. Donc, dans ce sens-là aussi, ça nous
apparaît fort dommageable.
Puis, pour ce qui est de l'investissement massif
et si on veut sécuriser les capitaux... Puis je pense qu'on peut apprendre de
beaucoup des erreurs qui ont eu lieu, là, dans le cas des dossiers
d'exploration pétrolière, notamment la notion d'un consentement préalable, libre
et éclairé de toutes les communautés concernées, du respect des droits des premiers peuples à travers le déploiement de
toutes les technologies qui seraient mises de l'avant, de toutes les
infrastructures qui seraient mises de l'avant.
Donc, je vais
plus loin, mais je pense que c'est en lien avec l'esprit de votre question, à
savoir la responsabilité... les communautés, la santé publique, la
responsabilité gouvernementale à travers ça est intrinsèquement systémique. On
ne peut pas le traiter au cas par cas, ça implique tout un déploiement
d'instances à la fois gouvernementales, de forces sur le terrain, de vigilance
des communautés, d'outils, de capacités, de vigilance dans des lieux qui sont
parfois éloignés, difficiles d'accès. Bref, s'il s'agit de sécuriser non
seulement les investisseurs, mais aussi les populations, le mandat est beaucoup
plus vaste.
M. Arcand : Il
y a des gens qui, à une certaine époque, disaient que ça prendrait presque un
organisme indépendant pour s'assurer,
justement, du suivi de ça. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez déjà
regardé, que vous envisagez?
Mme Prud'homme (Maude) : C'est
quelque chose que plusieurs de nos membres ont effectivement déjà recommandé.
On pourrait espérer que les ordres professionnels des personnes engagées lors
de ce type de travaux pourraient garantir une certaine indépendance des
travaux. Une saine distance entre les gouvernements et les compagnies
concernées pourrait aussi entretenir une certaine indépendance. Bref, il y a
plusieurs facteurs, mais, oui, on soutient l'esprit d'indépendance au niveau de
l'évaluation.
Le Président (M. Lemay) : Merci,
Mme Prud'homme.
Alors, je cède maintenant la parole au deuxième
groupe d'opposition pour une durée d'environ 2 min 45 s.
• (11 h 30) •
Mme Lessard-Therrien :
Oui, merci, M. le Président. Bonjour à vous, mesdames. Merci beaucoup pour
cette allocution, cette intervention, qui est extrêmement riche et pertinente.
Je pense que vous ne serez pas surprise de savoir que Québec solidaire est pas
mal en phase avec le Front commun et qu'on est des bons alliés sur ce projet de
loi.
J'ai seulement deux minutes et demie, donc, moi,
j'aimerais peut-être vous donner encore un peu de temps sur la question, tu
sais, des indemnités puis la recommandation que vous faites qu'aucun cadeau ne
soit donné aux compagnies pétrolières et gazières. Tu sais, dans le fond, là,
il y a l'indemnisation pour ce que ça va avoir coûté aux pétrolières, qu'est-ce
qu'ils ont investi au moment de l'exploration, puis il y a toute la question de
la réhabilitation des puits. Donc, le cadeau, il se situe où? Tu sais, est-ce
qu'on ferme, pour vous, complètement le robinet sur la question des
indemnisations, autant pour le volet... ce qui s'est fait plus en exploration
que le volet restauration ou la réhabilitation des puits? Moi, j'ai le goût de
vous donner comme encore deux minutes pour faire valoir votre point de vue, là,
surtout auprès du ministre.
Mme Dupuis (Carole) : J'y vais.
Oui, merci de la question. Écoutez, comme je l'ai mentionné plus tôt, on est
une vaste coalition, donc on ne voudrait pas se prononcer au dollar près est-ce
que telle dépense ou telle autre dépense devrait être admissible, ne pas être
admissible et tout. Mais là où on a la certitude d'avoir un consensus au sein
de notre membership, c'est vraiment que tous les investissements du Québec,
toutes les dépenses du Québec et de la population québécoise doivent être pris
en compte, et ça ne donne pas... on n'a pas l'impression, actuellement, que
c'est le cas. Ça, c'est la première chose. Entre autres, on a parlé de l'eau,
là, vraiment, il faut savoir quel est l'état des eaux de surface et des nappes
phréatiques autour des puits forés par ces compagnies-là avant de savoir
qu'est-ce qui... quels seront les coûts pour le Québec de cette aventure. Les
coûts futurs des puits qui seront inactifs et qui vont devenir à la charge de
la population québécoise, ce n'est certainement pas quelque chose de facile à
évaluer, mais ça doit être pris en compte parce que c'est... on le sait, qu'il
y a déjà un pourcentage important des puits qui ont été forés, y compris dans
les dernières décennies, qui fuient. Donc, à l'avenir, ça va être pareil, le
ciment n'est pas éternel, le béton n'est pas éternel, l'acier n'est pas éternel,
ça va arriver.
Le
Président (M. Lemay) : Merci, Mme Dupuis. Je dois vous interrompre,
à ce stade-ci. Donc, je vais maintenant... Merci, Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
M. le député de Jonquière, la parole est à vous.
M. Gaudreault : Oui. Alors,
bonjour, merci beaucoup pour votre présentation très, très pertinente. Dans le
fond, ce que je comprends, c'est que vous dites à l'industrie : Vous
voulez des indemnisations, on va faire les comptes, tu sais, on va faire les
comptes des pour puis des contre, des coûts de santé, des coûts sociaux, etc.
Et je viens d'entendre la réponse que vous avez
donnée à ma collègue, mais est-ce que vous êtes capables d'estimer, tu sais, ça
peut ressembler à combien, ces comptes, quand on fait les comptes en question?
Est-ce que vous êtes capables de l'estimer sur les coûts, par exemple, de
santé, de capage des puits, etc.? Et sinon comment on pourrait faire pour bien
le calculer? Avez-vous des suggestions à nous faire?
Mme Dupuis (Carole) : Écoutez,
je pense que, d'abord, il faut tenir compte des dépenses réelles des
compagnies, et je vous réfère encore, ici, au mémoire à venir de
M. Pineault, qui n'a pas pu vous rencontrer ce matin, mais il va vous
fournir des chiffres à cet effet-là. Pour ce qui est des coûts sociaux et des
coûts futurs, je pense... non, on n'a pas de
chiffres à vous présenter. Je crois qu'il faut se référer à des spécialistes de
la quantification de ces choses-là.
M. Gaudreault : Mais vous nous
dites : Ça serait important de faire ces comptes-là.
Deuxième
élément sur lequel je veux vous entendre, quand vous parlez des programmes
rigoureux, là, d'inspection des eaux souterraines et de surface, vous
voulez que le ministère des Ressources naturelles se dote de ces programmes
pour bien évaluer et bien inspecter les eaux souterraines et de surface. Est-ce
que vous nous suggérez de l'inclure dans la loi,
carrément, dans le projet de loi n° 21, d'arriver avec un amendement pour
dire qu'il faut avoir ces programmes-là?
Mme Dupuis (Carole) : Bien,
c'est-à-dire qu'en ce qui concerne les eaux, il y a déjà quelque chose dans le
projet de loi, on souhaite que ce soit beaucoup plus explicite, que ce soit...
que ces choses-là soient explicitement soumises au RPEP, au fameux RPEP, là.
Mais, pour ce qui est des autres aspects qui ne sont pas prévus, oui, que ça
devrait être pris en compte dans le texte de loi.
M. Gaudreault : O.K., quand
vous parlez des autres aspects qui ne sont pas prévus : le suivi, le
contrôle des opérations de fermeture, etc.
Mme Dupuis (Carole) : Oui,
bien, c'est-à-dire, c'est dans la mise en oeuvre, là. Attendez un petit peu, je
cherche le... Oui.
M. Gaudreault : Bien... Oui,
mais ce n'est pas grave là, je comprends l'idée, donc, de préciser davantage
dans le projet de loi, là, tout ce volet sur les programmes d'inspection, en
amont et en aval, donc dans les suivis, et ainsi de suite. C'est ce que vous
nous dites, au fond.
Mme Dupuis (Carole) : Oui,
exactement.
Le
Président (M. Lemay) : Merci beaucoup, Mme Prud'homme ainsi
que Mme Dupuis. Ceci termine les périodes d'échange avec les membres de la
commission.
Et
je vais maintenant suspendre quelques instants pour permettre au prochain
groupe de prendre place virtuellement. Merci.
(Suspension de la séance à 11
h 39)
(Reprise à 11 h 49)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, la Commission de
l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles
reprend ses travaux.
Et je souhaite la
bienvenue aux représentants d'Environnement Vert-Plus. Et je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, par la suite il y
aura une période d'échange avec les membres de la commission. Mais tout
d'abord, si vous voulez simplement vous nommer et débuter avec votre exposé.
Environnement Vert-Plus (EVP)
M. Bergeron (Pascal) : Je m'appelle Pascal Bergeron, je suis
porte-parole d'Environnement Vert-Plus depuis 2016.
Mon groupe est
beaucoup plus vieux que moi, il a été fondé... bien, plus vieux que moi comme
porte-parole, il a été fondé en 1986. On a participé à plusieurs luttes au fil
du temps, au tournant des années 2000, l'incinérateur de déchets toxiques
à Bennett, qui a avorté suite à une mobilisation populaire; il y a eu une mine
d'uranium qui était proposée à Pointe-à-la-Croix, qui était appuyée par
Nathalie Normandeau, à l'époque, qui a avorté aussi en partie à cause de notre
action. Dans les deux cas, Environnement Vert-Plus a surtout beaucoup jeté un
éclairage sur ces projets industriels là, et l'information crédible qu'on a
présentée au public, à des intervenants clés, combinée avec des actions terrain
ont joué un rôle crucial dans l'arrêt de ces projets industriels là.
Bon, dans le cas de
la cimenterie, vous avez peut-être entendu parler de nous, on a poursuivi pour
avoir un BAPE. Cette poursuite-là a été matée par une loi confirmant
l'assujettissement des projets de cimenteries, etc., à... bien, en fait,
c'était la loi qui disait qu'il n'allait pas y avoir de BAPE. C'était, je
pense, la première fois qu'on faisait ça au Québec. Et, dans ce cas-là, bien,
Environnement Vert-Plus a échoué, mais c'est tous les Québécois, toutes les
Québécoises qui ont échoué, dans la mesure où on n'a pas eu l'information
essentielle sur ce projet-là avant qu'il soit implanté en Gaspésie, et, quand
il n'y a pas l'information essentielle par rapport à un projet industriel,
c'est toujours... (panne de son) ...du projet.
Dans le cas de
l'industrie pétrogazière au Québec, on a été aux premières loges quand Gastem
est débarqué à Ristigouche-Sud-Est.
Finalement, on connaît le résultat du procès, la facture qui a été imposée par
la juge n'a toujours pas été payée.
Environnement Vert-Plus a joué, par rapport à cette industrie-là, un rôle d'information de manière prédominante.
• (11 h 50) •
Les sources
auxquelles on s'abreuvait, c'était majoritairement des documents obtenus en
vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et de la
protection des renseignements personnels. Mais le régime d'accès à
l'information autour de l'industrie extractive ne tient pas exclusivement dans
cette loi-là, il est encadré par trois lois — là, je tombe dans le coeur du
sujet et de mes recommandations : c'est la Loi sur les mines, la Loi sur
les hydrocarbures et la Loi sur l'accès qui encadrent l'accès à l'information
dans le contexte des projets extractifs au Québec
et dans le contexte de l'industrie pétrogazière. Pourquoi? Parce que, jusqu'à
l'adoption de la Loi sur les hydrocarbures, jusqu'à son entrée en
vigueur, en septembre 2018, c'était le régime d'accès à l'information de la Loi
sur les mines qui prévalait. Puis le régime d'accès à l'information de la Loi
sur les mines, il est superintéressant parce que, depuis 2013, tous les
documents et renseignements obtenus des titulaires de droits miniers par le
ministère aux fins de l'application de la
Loi sur les mines sont publics, et le fait que ces renseignements-là soient
publics nous a permis d'avoir accès à des informations clés par rapport
à des... à certains projets en Gaspésie. Je vais vous en nommer deux : on
a eu une demande de 800 quelques pages dans lesquelles on a eu la soupe
chimique qui a été injectée à Bourque et on a eu toutes les informations
économiques par rapport au projet Galt de l'entreprise Junex, à l'époque. Et
pourquoi c'est important? Bien, parce que
maintenant, on sait, la contamination qu'il
y a à Bourque, d'où elle émane, c'est
quoi, les produits chimiques qu'il y a dedans. Puis on sait aussi que le
projet de Junex à Galt n'était, de manière très, très, très probable,
absolument pas rentable sans un apport massif de fonds publics.
Nos recommandations
sur l'accès à l'information, c'est de poursuivre, dans la... (panne de son) ...du
p.l. n° 21. Le régime d'accès à l'information du p.l.
n° 21 est beaucoup plus ouvert que celui qui
prévalait dans la Loi sur les hydrocarbures. La Loi sur les hydrocarbures, en
fait, restreignait l'accès à tous les documents jusqu'à plusieurs années;
jusqu'à 20, 25 ans après l'ouverture d'un puits, on ne pouvait pas avoir
accès aux documents déposés par l'entreprise, et ça, c'était un régime lamentable,
surtout considérant qu'on mettait fin à un régime d'accès de la Loi sur les
mines qui était beaucoup plus permissif.
Et on... (panne de
son) ...le projet de loi n° 21 en rendant l'ensemble des documents,
l'ensemble des documents qui émanent de la Loi sur les hydrocarbures
accessibles de la même manière que si cette industrie-là était restée assujettie à la Loi sur les mines, bien, ces
documents auraient été publics. D'ailleurs, on fait des suggestions
d'amendements qui vont en ce sens-là.
Ensuite... Ça fait que ça, c'est pour le volet
accès à l'information. Pour moi, c'est vraiment une question centrale,
déterminante, même, pour la fermeture de cette industrie-là. Il faut savoir
qu'est-ce que cette industrie-là a fait, il faut savoir
qu'est-ce qu'elle nous laisse puis il faut savoir ce qui reste dans le sol.
Puis ça, qu'est-ce qu'elle nous laisse, bien, il y a des inspections annuelles
qui sont prévues par la Loi sur les hydrocarbures. Les anciennes inspections
annuelles, celles qui se faisaient par les entreprises sous la Loi sur les
mines étaient accessibles au public. Les inspections annuelles qui sont
maintenant faites par les entreprises en vertu de la Loi sur les hydrocarbures
sont secrètes, et, si le p.l. n° 21 reste comme ça,
bien, les inspections annuelles qui sont visées par le chapitre... de mémoire,
VIII, je crois, elles vont rester secrètes aussi, inspections annuelles de
l'entreprise.
Ensuite... (panne de son) ...que le p.l. n° 21 va maintenir une inspection annuelle après son
adoption, il se pourrait que l'article... je ne l'ai pas, vite de même, mais ce
que le p.l. n° 21 prévoit, c'est qu'ils doivent faire
une inspection annuelle — c'est
l'article 11 — dans
les 120 jours de la date de l'entrée en vigueur de la loi. Et après ça il
n'y a pas d'autres inspections annuelles qui sont prévues, même si la fermeture
des puits peut s'échelonner dans le temps. Puis vous allez voir, dans mon
mémoire, je détaille un exemple de puits qui a... (panne de son) ...je suis de retour. Vous allez voir un exemple de puits qui a
explosé au Québec, c'était en février 2020, à Batiscan, et c'est un
puits pour lequel on avait des rapports d'inspection annuels. Ceux que j'ai
réussi à consulter démontrent qu'il y avait une non-conformité, et que cette
non-conformité-là était connue du ministère, et que, si elle avait été
corrigée, le puits n'aurait probablement pas explosé. Puis on parle d'un puits
qui a explosé... ce n'était pas dans un centre urbain, mais c'était à un jet de
pierre du bureau de poste, donc c'est un lieu qui est extrêmement passant,
puis, si c'était arrivé pendant le jour, il aurait pu y avoir des morts.
Donc, pour moi, il faut que... tous les puits
qui ne sont pas fermés définitivement, il faut qu'ils soient inspectés annuellement et qu'on... et que le public puisse
avoir accès aux résultats de ces inspections annuelles. Mais, c'est ça,
le p.l. n° 21,
ce n'est pas clair qu'après son adoption ce serait encore annuel, l'inspection, puis ça, il faudrait que ce soit corrigé.
Par rapport
aux études hydrogéologiques, ce qu'on... (panne de son) ...p.l. n° 21, c'est un pouvoir discrétionnaire du ministre de
l'Environnement de demander une étude hydrogéologique pour les puits. On
demande que ce ne soit pas discrétionnaire, mais que ce soit inscrit comme
obligatoire pour tous les puits qui ne sont pas fermés définitivement.
Et on suggère
aussi... puis peut-être qu'avec des consultations avec vos hauts fonctionnaires
vous allez trouver une autre solution, mais on suggère une manière de
procéder pour obtenir ce qui serait l'équivalent d'une caractérisation initiale de l'eau dans... autour des puits
d'hydrocarbures, parce que c'est la comparaison avec l'état initial... des
échantillons d'eau autour du puits avec l'état initial qui permet de
déterminer, bien, s'il y a eu fuite, s'il y a contamination.
Au chapitre de la responsabilité corporative,
j'ai mis deux recommandations, mais je vous en nomme une maintenant...
Le Président (M. Lemay) : M. Bergeron.
M. Bergeron (Pascal) : Oui?
Le Président (M. Lemay) : Dans
le fond, vous êtes dans votre dernière minute, là, ça fait que, si vous voulez
aller avec votre conclusion.
M. Bergeron (Pascal) : Je vais
terminer sur cette recommandation-là, que ce ne soit pas juste le gouvernement
qui puisse poursuivre, qui puisse intenter une action en justice pour la perte
de valeur de non-usage, parce qu'on sait pertinemment que, si c'est le cas, ça
n'arrivera jamais. C'est comme le Canada qui a inscrit, dans les
années 50, qu'il était le seul à pouvoir poursuivre pour génocide. Bien,
malgré les pensionnats, malgré toutes les horreurs que les Premières Nations
ont subies au Québec... au Québec et au Canada, bien, le gouvernement canadien
ne s'est jamais autopoursuivi pour ça. Donc, ça ne peut pas être juste le
gouvernement qui peut intenter ce genre de poursuite là, sinon l'article est
vain, il ne servira tout simplement à rien. Il faut que tout citoyen intéressé
puisse profiter de ça.
Puis sinon, bien... (panne de son) ...que les
projets pilotes soient assujettis à la Loi sur la qualité de l'environnement,
minimalement, s'ils sont pour rester dans le projet de loi.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. Donc, ceci complète la période d'exposé.
Nous allons maintenant débuter la période
d'échange, et je cède la parole au ministre pour une durée d'environ
16 min 30 s.
M. Julien : Oui, merci, M. le
Président. Merci, M. Bergeron, pour votre mémoire. Malheureusement, on l'a
reçu un peu tardivement, là. Je l'ai lu rapidement, là, ça doit être de ma
faute, là, je ne l'avais pas en main, mais j'ai vu plein de choses puis je vous
ai également entendu. Et soyez assuré que, comme tous les mémoires qu'on
reçoit, là, je vais faire usage à bon escient de vos recommandations pour bien
les comprendre et voir leur applicabilité.
Une question simple en partant,
M. Bergeron : Le projet de loi n° 21, c'est bon ou ce n'est pas
bon?
M. Bergeron (Pascal) : Un gros
pas dans la bonne direction. Il était temps qu'on arrive là au Québec puis
qu'on se débarrasse de cette industrie.
• (12 heures) •
M. Julien : Parfait. Donc,
question claire, réponse aussi claire.
Vous avez mentionné à
plusieurs reprises les enjeux d'accès à l'information, de rendre disponibles
ces informations-là. Bon, de ce que j'en conçois, à l'intérieur de
l'article 63, puis, encore là, de la façon qu'il est écrit, je ne suis pas
capable de le lire comme ça, mais ce que ça résume, l'article 63, de
mémoire, c'est que tous les plans de fermeture
définitive, les grilles d'inspection annuelle, les plans d'intervention
d'urgence, les plans de communication avec les communautés locales, les
rapports d'inspection à la fois du MERN et des promoteurs vont être rendus
publics. Clairement, c'est ce que dégage l'article 63.
Alors, ceci étant,
est-ce que c'est suffisant ou... Parce que je voyais dans votre recommandation
qu'il y avait des ajouts, je voudrais concevoir ce que vous proposez comme
ajouts.
M. Bergeron
(Pascal) : Il y a spécifiquement trois chapitres qui sont exclus par
rapport à l'article 63, ce sont... je vais les rechercher, c'est... ce
sont les programmes d'indemnisation, les projets pilotes et tout ce qui relève
des inspections et des enquêtes, les chapitres VI, VII et VIII de la loi
mettant fin à cette industrie-là.
Et, pour moi, bien,
tu sais, les projets pilotes, je peux comprendre qu'il puisse y avoir des
secrets industriels et commerciaux, mais il faut vraiment délimiter le secret
industriel et commercial à l'intérieur des projets pilotes puis de ce qu'on
rend... ce qu'on empêche d'être accessible, puis moi, là-dessus, je pense que
ça devrait se limiter strictement à ce qui est relatif au brevet, parce qu'en
ce moment, dans la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics, un
secret industriel et commercial, c'est tout >renseignement financier,
technique, syndical, c'est les articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès,
puis ça, je le détaille dans mon mémoire. Bien, puis après ça c'est tout ce qui
pourrait, si c'est divulgué, nuire à la négociation. Le fardeau de la preuve
pour le tiers devant la commission est tellement faible que c'est pratiquement
systématiquement donné. Puis je vous donne des exemples de ce qu'on n'est pas
capables d'obtenir en raison de comment c'est écrit, mais, par exemple, il y a
le montant des garanties que les entreprises ont déposées au MERN pour la
fermeture de... (panne de son) ...ça, en ce moment, ce n'est pas disponible, ce
n'est pas disponible. Je suis en train de me battre devant la commission pour
avoir ces informations-là, pour avoir le montant, pour avoir la forme des
garanties, parce que ce qui était prévu dans la Loi sur les hydrocarbures,
c'était que les états financiers pouvaient être déposés, mais un état financier
d'une compagnie qui est sur le bord de la banqueroute maintenant, puis qui ne
l'était peut-être pas avant, bien, ça vaut le papier sur lequel c'est écrit. Ça
ne vaut pas plus cher que ça, là.
Donc... Puis, par
rapport aux projets pilotes, bien, si on est pour implanter des projets pilotes
dans nos communautés, il faut avoir le maximum d'informations. Il faut que ces
projets pilotes là soient assujettis à la Loi sur la qualité de l'environnement.
Il faut que ces projets pilotes passent par le BAPE. Il faut qu'on ait
l'acceptabilité sociale. Il ne faudrait pas que les projets pilotes créent le
même genre de régime que celui qui a permis à l'industrie des hydrocarbures de s'implanter sur le territoire
au tournant des années 2000. Il manque de précision sur cet aspect-là,
les projets pilotes, il y a beaucoup d'incertitudes dans le projet de loi.
Donc, il y aurait lieu de bonifier ce bout-là, mais minimalement, minimalement,
que ce soit assujetti à la LQE puis que les informations soient disponibles.
M. Julien :
Parfait. Merci.
Un autre élément,
d'entrée de jeu, lors des allocutions préliminaires, là, de mon collègue de
l'opposition, mon collègue de Mont-Royal—Outremont, celui-ci mentionnait que le projet de loi qu'on a devant nous, c'est
essentiellement un projet de loi marketing.
Vous devez vous rappeler que, l'an dernier, j'ai passé trois belles
journées, là, au mois de mars, là, à
défendre un règlement, là, bec et ongles par rapport à l'industrie. Est-ce que
vous considérez, ceci étant, que le p.l. n° 21 est un projet de
loi marketing ou qu'il amène une différenciation importante pour le Québec?
M. Bergeron
(Pascal) : Je me souviens très bien du procès, j'ai assisté à chaque
minute de ce procès-là. Je pense que ce projet-là... de loi là est essentiel
pour mettre fin à la filière. Non, je ne crois pas que c'est un coup de marketing. Je crois que les gens qui ont appuyé la
CAQ aux dernières élections, dans la mouvance Québec Fier, qui est une
mouvance qui a été financée par Michael Binnion, le P.D.G. de Questerre, je crois
que ces gens-là risquent de décrocher de la
CAQ. Donc, je crois que vous perdez une partie de votre électorat qui croyait
que vous alliez être le parti qui allait amener cette industrie-là jusqu'au bout au Québec. C'est la lecture qu'on
faisait, nous, avant les dernières élections. Donc, voilà.
M. Julien :
...décevoir par rapport à notre position. Des fois, ça coupe un peu, mais
je voulais vous rassurer que mon collègue,
ici, s'occupe de l'Internet haute vitesse, ce qui n'avait pas été fait aussi
auparavant. Donc, dorénavant, ça va beaucoup moins couper aussi nos
interventions ensemble.
Écoutez,
vous avez mentionné, tantôt, les projets pilotes par rapport à certains
assujettissements supplémentaires. On a entendu ça aussi dans d'autres
groupes. Moi, je ne suis pas fermé à l'idée, là, on verra, là, au moment de
l'étude article par article, puisque, naturellement, les projets pilotes, pour
moi, on le réitère, c'est des projets pilotes sans extraction ni exploration et
qui visent essentiellement, là, soit la géothermie, ou d'autres avancées
technologiques, ou captage de carbone. Dans votre intervention, c'est comme,
vous avez mentionné, si les projets pilotes sont maintenus. Alors là, je voulais voir, voir : Est-ce que,
quand vous dites ça, c'est parce que vous pensez qu'on ne devrait pas les
maintenir, au-delà, en fin de compte, du fait qu'ils devraient être, selon
vous, assujettis à un plus large éventail de contrôles?
M. Bergeron
(Pascal) : Je n'ai pas... Je crois qu'il y a des bonnes raisons pour
maintenir les projets pilotes. Ma position n'est pas complètement fixée
là-dessus. Il va falloir voir comment ça se passe. Je crois qu'il y a certains
motifs qui sont plus légitimes que d'autres pour les projets pilotes. La
géothermie profonde peut apparaître comme une bonne idée. Le stockage de CO2
est... je déteste dire ça, mais il va falloir en faire, parce que l'échelle à
laquelle on éprouve les changements climatiques en ce moment n'est pas
soutenable pour l'humanité. Et il ne faut pas que ces projets de captation et
de stockage de carbone là soient un prétexte pour brûler plus de fossiles. Ça
fait que c'est là que j'ai des réserves... des réserves que j'ai, en fait.
Sinon, par rapport à la saumure, il y a comme un
paradoxe que je relève en... que j'ai relevé entre l'article 42 puis 43,
c'est-à-dire qu'on...
Le
Président (M. Lemay) : Simplement vous mentionner qu'on a juste
perdu la connexion quelques instants avec M. Bergeron. On y travaille.
On va suspendre les
travaux quelques instants, juste pour permettre de rétablir la connexion.
(Suspension de la séance à 12
h 09)
(Reprise à 12 h 10)
Le Président
(M. Lemay) : Donc, sans la caméra de M. Bergeron, mais avec
le son, nous reprenons les travaux. Vous pouvez poursuivre votre réponse.
M. Bergeron
(Pascal) : Oui. Dans... J'ai relevé une contradiction apparente entre
les articles 42 et 43 du projet de loi, au chapitre des projets pilotes.
L'article 42 interdit l'exploitation de la saumure. L'article 43
permet des projets pilotes où on exploiterait la saumure pour en extraire des
minéraux critiques et stratégiques. En faisant quelques recherches, ce qu'on
comprend, c'est qu'il est surtout question du lithium par rapport à la saumure.
Ça prend des taux de lithium significativement élevés pour pouvoir extraire...
pour pouvoir en extraire de la saumure. Il faudrait valider ça avant de
l'autoriser, parce que sinon, bien, on maintient la contradiction dans le
projet de loi.
Sinon, moi, il y a
une autre chose qui... Oui, sinon, il y a une autre chose qui m'apparaît un
peu... je ne sais pas comment dire, là, un peu en porte-à-faux, c'est le fait
que, bien, on autorise des projets pilotes pour trois ans, maximum cinq
ans, puis après ça on ferme tous les puits. Mais, si on a... si on fait de la
géothermie profonde dans un puits et qu'on en... et qu'on en est capable, à
long terme, d'extraire de la chaleur puis que, bien, au niveau énergétique, on
arrive à quelque chose de censé, eh bien, pourquoi est-ce qu'on le fermerait
après cinq ans, ce puits-là? Puis ce n'est pas... ce n'est pas ma... en tout
cas, voilà.
M. Julien :
Parfait. Bien, écoutez, si ce n'est pas limpide comme ça, on verra à
apporter des ajustements. Vous avez parfaitement raison que le projet pilote,
dans sa durée, c'est en termes de projet pilote, mais effectivement, à partir
du moment où il démontrerait une efficience ou une efficacité en termes de
géothermie, à titre d'exemple, on comprend bien qu'on voudrait qu'il soit plus
pérenne dans le temps. Je vais voir, en fin de compte, comment, excusez-moi
l'anglicisme, adresser cette situation-là à l'intérieur du projet de loi.
Là,
ça continue de fonctionner? Tout est correct? C'est super. Mais, écoutez, pour
moi, là, ça fait... Indemnisation sur les six dernières années, avec démonstration
de maintien des coûts de licence nets des subventions gouvernementales suite et uniquement suite à la réhabilitation des
puits acceptés par le MELCC, MERN, que ces frais-là seraient déboursés,
vous en pensez quoi?
M. Bergeron
(Pascal) : A priori, je pense que cette industrie-là devrait... ne
devrait rien recevoir. Un, ils savent depuis six ans qu'elle est vouée à
fermer définitivement. Je veux dire, les changements climatiques sont là. Mario
Lévesque, d'après une personne très près de lui, avait planifié poursuivre le
gouvernement du Québec dès l'achat des licences... des actifs de Junex, ça
faisait partie de son plan d'affaires. On n'est pas devant... Puis Questerre
avait radié ses actifs au Québec en 2013, Pallinghurst Energy avait radié
ses actifs au Québec en 2012 parce qu'il n'y avait pas de rentabilité
démontrée. Il n'y a jamais eu de rentabilité possible pour cette industrie-là.
Alors, ce qu'on croit, c'est que, bien, un coup qu'on a un billet de loterie
perdant entre les mains, bien, Loto-Québec ne donne rien au propriétaire du
billet de loterie perdant. Puis l'exploration pétrogazière, c'est une loterie,
puis ils ont perdu à leur loterie, ils ne devraient rien avoir pour leur billet
perdant en retour. Ça, c'est la position de base.
Maintenant, on peut
comprendre qu'il y a des craintes, en vertu du droit international, de subir
des poursuites. On pense que l'Assemblée nationale devrait beaucoup plus se
pencher sur les accords internationaux puis la manière dont ils nous lient puis
les mécanismes de compensation quand on met fin à une industrie comme celle-là
que de compenser cette industrie-là. Puis...
M. Julien :
Parfait. Mais, d'un autre côté, votre analogie avec le billet de loterie
venait, en fin de compte, je l'ai entendu, là, plus de quelqu'un qui prétendait
qu'on devait rembourser de manière spéculative des gains potentiels assez faramineux. Mais, ici, je pense que
qu'est-ce qu'on fait, c'est qu'il n'y a pas de tirage, il n'y a pas de gros
lot, on rembourse le billet. Mais, pour moi, c'est quand même une
distinction. Je ne sais pas si mes collègues ont des questions.
Le Président (M. Lemay) : ...donc,
M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est à vous. Il reste environ
3 min 30 s.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
O.K. Bien, je vais faire ça vite parce que je sais que j'ai d'autres
collègues aussi. Donc, bonjour, M. Bergeron.
Écoutez, j'ai regardé
vitement aussi, là, votre mémoire, et ce que je comprends, c'est que vos
préoccupations... vous avez de grandes préoccupations pour la qualité des eaux
souterraines, hein, on parle des mesures de protection des eaux souterraines.
Et moi, ma question, c'est : Pensez-vous, là, que les garanties
supplémentaires soient... que des garanties supplémentaires soient requises?
M. Bergeron
(Pascal) : Pour la qualité des eaux souterraines... bien,
que, oui, il faut que l'étude hydrogéologique soit obligatoire et il
faut prélever... puis je ne sais pas comment on va le faire, mais il faut
prélever des échantillons d'eau supplémentaires.
Normalement, de la façon que ça fonctionne avec l'étude hydrogéologique, c'est
qu'on a trois puits d'observation de la nappe phréatique, un en amont,
deux en aval du puits d'hydrocarbures, et on prélève l'eau avant de forer le
puits d'hydrocarbures, donc on a une caractérisation initiale. Mais là, le
puits qu'on va forer en amont, on ne peut plus être certain de sa
caractérisation initiale, donc on doit reculer en amont hydrogéologique du puits jusqu'à ce qu'on ait une constante pour s'assurer
qu'on a quelque chose qui ressemble vraiment à une caractérisation
initiale à partir de laquelle on peut comparer les résultats de la nappe
phréatique autour du puits.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. Merci, M. Bergeron.
M. le député de Bourget, à ce stade-ci, je vous
cède la parole. Il reste deux minutes.
M. Campeau : Juste un
commentaire. Votre commentaire sur le fait qu'on aurait perdu de la clientèle
de la CAQ m'a beaucoup surpris. Moi, j'ai démarré le comité environnement de la
CAQ en 2013, en 2014, au moment où je n'étais pas... puis je n'étais
pas député, puis tout ce que j'ai essayé de faire, c'est d'être pragmatique,
puis je ne vois pas le... où est-ce qu'il y a une perte de clientèle là-dedans.
Je suis très surpris du commentaire.
Vous avez parlé que seul le gouvernement pouvait
poursuivre. Ça veut dire quoi? Je ne comprends pas. Est-ce qu'on veut
poursuivre, poursuivre, poursuivre ou on veut juste finir de parler de ça, de
ce sujet-là? Ça me surprend que... Je ne comprends pas l'esprit en arrière.
S'il vous plaît.
M. Bergeron (Pascal) : Je
réfère... par rapport à ce point-là en particulier, là, je réfère à
l'article 28 de la loi. Je vais essayer de les retrouver dans son
intégralité rapidement. 28, l'article 28, prévoit que le gouvernement...
qu'il peut y avoir une poursuite pour «la perte de valeur de non-usage liée aux
ressources publiques, notamment en raison d'émanation ou de migration de gaz ou
d'écoulement de pétrole ou d'autres liquides». Bon, eh bien, on veut recouvrer
les dommages, s'il y en a, de ce côté-là, puis proportionnellement à la
contamination qu'il va y avoir.
Par contre, l'article 28 précise que «seul
le gouvernement peut prendre une action en justice pour recouvrer la perte de
valeur de non-usage liée aux ressources publiques», et ça, eh bien, c'est un
libellé qui est hérité de la Loi sur les hydrocarbures, qui visait à limiter le
pouvoir des citoyens à intervenir sur cette question-là devant les tribunaux.
Puis ce que nous, on croit, c'est qu'il n'y a pas... Si seul le gouvernement
peut poursuivre, eh bien, il n'y aura pas d'action
en justice, et la contamination risque d'être entièrement à la charge du
gouvernement ou simplement laissée derrière.
Le Président (M. Lemay) : Je
dois vous interrompre, désolé, le temps est écoulé.
Donc, je vais maintenant céder la parole au
député de Mont-Royal—Outremont,
porte-parole de l'opposition officielle.
M. Arcand : Merci beaucoup, M.
le Président.
Bonjour, M. Bergeron, un plaisir de vous
revoir. Et ma première question, c'est qu'il y a beaucoup de choses dans votre
document, alors la première chose que je vais vous demander, c'est :
Dites-moi, dans les choses qu'il faut changer dans le projet de loi n° 21,
qu'est-ce qui, pour vous, est la priorité des priorités?
M. Bergeron (Pascal) : Faites-moi
un signe de la main si la caméra coupe, là... si le son coupe, je vais fermer
ma caméra.
Pour moi, la priorité des priorités, c'est le
régime d'accès à l'information, c'est vraiment de le rendre intégral à la Loi
sur les hydrocarbures. Donc, chapitres VI, VII, VIII, qu'on ait accès à
tous les documents, ça, c'est le gros morceau qui, pour moi, est prioritaire.
Puis l'autre morceau qui est vraiment
prioritaire, c'est l'application de la Loi sur la qualité de l'environnement,
articles 31.1 à 31.9, aux projets pilotes. C'est-à-dire que, s'il y a un
projet pilote, le public doit être au courant, il doit pouvoir demander un BAPE
puis ne pas avoir à se battre. Il faut que ce soit automatique, parce que c'est
des technologies nouvelles, puis les risques technologiques... On est dans le
sous-sol, on est dans les projets qui ont les conséquences environnementales
potentiellement plus aléatoires. Il faut pouvoir en discuter publiquement.
Ce sont les deux priorités, pour moi, par
rapport aux modifications...
M. Arcand : Le ministre, tout à
l'heure, parlait de projets pilotes puis il parlait de géothermie, parlait
d'hydrogène, il parlait de toutes sortes de choses. Est-ce qu'il y a des
choses, là-dedans, qui vous inquiètent, dans ces nouvelles technologies là,
plus que d'autres?
• (12 h 20) •
M. Bergeron (Pascal) : L'hydrogène,
on ne croit pas que c'est une filière d'avenir, ça devrait être utilisé
exclusivement en... quand l'électrification des usages n'est pas possible. Puis
là, de ce qu'on voit du duo Énergir—Hydro-Québec, on voudrait aller beaucoup plus
loin, beaucoup plus rapidement, on voudrait injecter de l'hydrogène dans le
réseau d'Énergir pour pouvoir maintenir le réseau. Pour nous, ce n'est pas une solution.
Ça fait que ce n'est pas une solution non plus de le stocker sous la terre.
Puis les projets de saumure, c'est les projets
qui ont le potentiel... qui ont un potentiel du plus grand rejet dans
l'environnement. Ah non, ce n'est pas vrai. Les projets de stockage de CO2 — ça,
je relate un épisode dans mon mémoire,
c'est... ça appartient aux États-Unis — il
y a un pipeline de CO2 qui a explosé puis il y a un village au
complet qui a failli être décimé par cette rupture de pipeline là. Donc, le CO2,
quand il y en a des grandes quantités dans l'air, ça devient toxique pour
l'humain. Et, en ce moment... plein de pipelines pétrogaziers au transport de CO2.
Et c'est un pari qui est hyper risqué de croire que ces
infrastructures-là qui ont été faites pour le méthane, pour le pétrole peuvent
toffer le CO2, qui est... en tout cas, qui est potentiellement plus
abrasif, ce n'est pas le mot que je... en tout cas, vous comprenez ce que je
veux dire.
M. Arcand : Oui, oui, oui.
Mais, si on parle des saumures, comme telles, bon, la question, c'est :
Pourquoi interdire, par exemple, l'exploitation des saumures si cette
exploitation n'a jamais eu lieu? Vous comprenez ce que je veux dire? Pourquoi
l'extraction, par exemple, du lithium ou du niobium dans des réservoirs
souterrains, par exemple, serait-elle plus risquée ou nocive que l'extraction
des mêmes ressources dans la roche-mère, comme telle?
M. Bergeron (Pascal) : Je me
pose les mêmes questions, je me pose les mêmes questions. Je n'ai pas de
certitude là-dessus, et je pense que c'est pour ça que, s'il y a un projet
comme celui-là qui doit voir le jour, il doit être soumis au BAPE. Puis,
personnellement, je ne suis pas fermé à l'idée que l'exploitation des saumures
ne soit pas d'emblée exclue à l'article 42, mais il faut... ça prend des
garde-fous, comme on en a certains dans la Loi sur les mines.
M. Arcand : O.K.
Je vais revenir sur le côté... le côté information, vous m'avez dit :
Voici, la priorité, c'est l'information, il faut qu'il y ait beaucoup plus de
transparence dans ce qui se passe. Dans votre mémoire, vous expliquez, entre
autres, il y a une chose qui m'a intéressé, parce que, tout à l'heure, on
parlait de Batiscan, et vous avez dit : «Actuellement, dès qu'un tiers
demande qu'un avis de non-conformité soit gardé secret, le bureau d'accès à
l'information du ministère accepte, même s'il s'agit de contravention à des
lois d'ordre public. Cela expliquerait pourquoi les risques d'explosion à
Batiscan ont été gardés secrets pendant des années.»
Alors, est-ce que... je comprends le sens de
votre intervention en disant : Comment cela est-ce possible? Et c'est
quelque chose que vous voudriez changer dans le projet de loi?
M. Bergeron (Pascal) : Effectivement,
dans l'état actuel des choses, dans l'état actuel des choses... en tout cas, ma
compréhension, c'est que les rapports d'inspection annuels produits par
l'entreprise ne seraient pas... ne seraient pas nécessairement rétroactivement
accessibles. Il y a un puits au Québec pour lequel on a les rapports
d'inspection annuels des entreprises, puis... de l'entreprise, puis c'est celui
qui a explosé, on n'a rien d'autre. Le ministère nous dit qu'il n'a jamais reçu
les documents, ça veut dire qu'il ne les a jamais... qu'il ne les aurait jamais
même demandés aux entreprises. Pour moi, il faut qu'il y ait un suivi qui soit
fait sur tous les puits fermés temporairement à ce niveau-là, là. Ça fait que,
oui, il y a des risques pour la population, il y a des risques pour
l'environnement, et cela doit être mitigé, corrigé rapidement.
M. Arcand : Et ce que vous
demandez également, c'est que, sur le fameux montant de 100 millions, que
ce soit rendu public, que ces compensations-là soient expliquées à la
population, c'est un peu ça que vous dites.
M. Bergeron (Pascal) : On veut
que l'ensemble versement soit expliqué, oui. On veut avoir de la transparence
sur cet aspect-là et on veut surtout qu'il n'y ait pas de discrétionnaire,
qu'il n'y ait pas de surprise là-dessus. Il y a l'article 36 du projet de
loi qui prévoit qu'il... un montant forfaitaire. Ce n'est pas clair à quoi ce
montant forfaitaire là pourrait servir, mais on veut de la clarté.
M. Arcand : Et est-ce que vous
croyez que le gouvernement est quand même justifié de rembourser les licences,
entre autres, là, qui ont été révoquées, à tout le moins? Je comprends les
différentes demandes, là, des entreprises, mais, à tout le moins, au niveau des
licences, est-ce que vous pensez que ça peut être justifiable ou, dans votre
esprit, c'est zéro puis une barre?
M. Bergeron (Pascal) : Ce que
j'ai dit tantôt, c'est que c'était un billet de loterie perdant, puis ça fait
un bout qu'on le sait, ça fait un bout que les entreprises le savent. Le plan
d'affaires dudit cas, c'était de poursuivre le gouvernement s'il ne réussissait
pas à forer dans la vallée du Saint-Laurent. Sachant que la population ne
voulait absolument pas cette filière-là, pour moi, c'est assez clair qu'il n'y
a jamais eu de valeur à ces licences-là, outre ce que les entreprises pouvaient
en tirer des fonds gouvernementaux. Le principal gisement au Québec, il n'est
pas sous terre, il est dans les poches des contribuables, puis c'est là que les
pétrogazières sont allées puiser depuis des années puis promettaient d'aller
puiser aussi. Si on regarde l'analyse économique du gisement Galt qui a été
produite par Junex, on parle d'aller continuellement chercher dans les poches
des contribuables pour maintenir l'exploitation à gaz. Pour nous, c'est un
modèle d'affaires qui ne tient pas la route, puis en conséquence, bien, il n'y
a pas lieu de rembourser quoi que ce soit aux entreprises.
M.
Arcand : Vous avez parlé, M. Bergeron, vous avez parlé
tout à l'heure — est-ce
que j'ai bien compris? — vous avez dit : Écoutez, à toutes fins pratiques, même
pour des questions de projets pilotes, comme tel, ça prendrait un BAPE de façon
à peu près automatique, on n'a pas à... dès que ça arrive dans un coin du
Québec et même si c'est un... Est-ce qu'il y a des cas particuliers où il n'y
aurait pas besoin de BAPE ou si, pour vous, ça prend un BAPE automatique à
chaque fois?
M. Bergeron (Pascal) : Pour
nous, ça prend un BAPE automatique à chaque fois, comme ça aurait pris un BAPE pour chaque puits foré au... Je ne dis pas
qu'il aurait fallu faire un BAPE par puits, mais il aurait fallu qu'il y
ait un BAPE générique,
par exemple, en Gaspésie, sur la filière hydrocarbures. On n'y a pas eu droit,
puis ça, c'est la loi n° 106, que vous-même avez passée sous
bâillon en décembre 2016, qui empêchait que le public soit consulté sur
ces puits-là. C'était une grosse erreur. Ça a déchaîné le mouvement environnemental.
C'était d'autant plus inacceptable qu'on se faisait bâillonner sur la question.
Je crois que les projets pilotes ne doivent pas passer par le même chemin. Si
on a un projet de stockage d'hydrogène, il y a des risques technologiques
importants, par exemple des risques d'explosion. On doit bien situer le projet,
on doit prendre des garanties par rapport aux puits, et le public doit être
consulté là-dessus, puis la façon de le faire, au Québec, c'est par le BAPE.
Bien, si on a un projet de stockage, de séquestration de CO2, il y a également beaucoup de risques
technologiques, comme il y en a dans une exploitation minière. Et ces
projets-là, avec des... eh bien, ils sont soumis à une audience publique
au Québec, et c'est ce qui doit être fait pour les projets pilotes.
M. Arcand : Et, si j'avais à vous demander, par exemple,
lorsqu'on parle... Est-ce qu'il y a certaines filières qui, à vos yeux, peuvent être plus... si j'enlève la
question des hydrocarbures, mais, si j'allais, par exemple, dans le domaine
du lithium, par exemple, c'est-tu quelque
chose... Une mine de lithium, pour vous, est-ce que c'est quelque chose de
valable?
Le Président (M. Lemay) : M. Bergeron,
vous pourrez peut-être répondre à cette question-là plus tard ou nous la transmettre
à la commission parce qu'on doit passer au deuxième groupe d'opposition. Mme la
députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue,
pour une période de 2 min 45 s.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président. Bonjour, M. Bergeron. Ça me fait grand plaisir de vous
retrouver ici, aujourd'hui, à la commission. Je pense qu'on est pas mal, là,
sur la même longueur d'onde sur beaucoup d'aspects sur ce projet de loi là.
Moi, j'aurais envie de vous poser la question,
dans la petite fenêtre de temps que j'ai, sur la question des projets pilotes.
C'est sûr qu'on est toujours dans l'optique d'améliorer le projet de loi. Une
de vos recommandations sont que les comités de suivi incluent des membres
désignés par le milieu. Bon, là, vous allez prêcher à une convaincue. Moi, je
reconnais toute cette importance-là, qu'ont ait des... que les gens du milieu
soient représentés sur les comités de suivi, mais j'aimerais vous laisser le
temps qu'il me reste pour faire valoir vos arguments puis cette nécessité-là à
la partie gouvernementale de s'assurer... puis pourquoi c'est important, en
fait, d'avoir des gens du milieu impliqués sur les comités de suivi. Merci.
• (12 h 30) •
M. Bergeron (Pascal) :
Essentiellement, là, le projet de loi n° 21 reprend ce que la Loi sur les
hydrocarbures avait prévu en termes de comités de suivi. Puis ce qu'on a su par
notre personne infiltrée dans Utica Resources, c'est que les comités de suivi
sont... sont bidons, en fait. Les gens qui sont choisis par l'entreprise, c'est
des gens qui n'ont pas l'indépendance
requise. Et, la preuve, on a essayé de la faire, mais la preuve de... difficile
à faire. On n'a pas réussi à faire
des grosses sorties publiques là-dessus, et c'est quelque chose qui est resté
lettre morte, même si c'était un enjeu crucial, que l'outil chargé de
surveiller l'entreprise soit nommé par l'entreprise selon un processus que
lui-même met au point.
Donc, les deux suggestions, les
deux recommandations qu'on fait là-dessus, c'est que
deux représentants des groupes... un du conseil régional de
l'environnement, un autre des groupes environnementaux autonomes, puissent
effectuer une surveillance adéquate. C'est les gens qui ont des dents en
matière d'environnement, potentiellement. Je ne dis pas que c'est toujours le
cas, mais c'est qu'ils... c'est les dents qui ont... potentiellement, les dents
en matière d'environnement, puis qui peuvent poser des questions justes aux
entreprises.
Puis ce qu'on a vu, par exemple, dans le cas du
comité de suivi à Bourque, c'est un comité qui ne s'informe pas du dossier, un
comité qui est complaisant puis qui n'était même pas au courant de la
contamination du puits, alors que ça fait trois ans que la compagnie le
savait puis qu'ils n'en parlaient pas, il n'y avait pas de demandes de
divulgation supplémentaires.
Mais d'avoir des gens qui sont nommés par le
milieu, ça permet d'avoir des gens qui sont critiques par rapport au projet puis qui vont poser des questions, des
questions qui vont être pertinentes par rapport à l'avenir de ce projet-là,
et on va arrêter de se chercher des contacts
pour peut-être ne pas en trouver, pour avoir nos réponses auprès
d'entreprises. Puis, en mettant des responsables désignés du milieu, bien, on
va pouvoir aller chercher directement l'information dont on a besoin, parce que
l'entreprise, elle est obligée de répondre au comité de suivi, c'est inscrit
dans la loi...
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Bergeron, ça complète ce segment.
M. le député de Jonquière, la parole est à vous.
M. Gaudreault : Oui, merci.
Bonjour. Bienvenue à la commission.
Je voudrais revenir sur la question des
explosions ou de l'explosion du côté de Batiscan.
Vous m'avez
l'air d'un spécialiste des demandes d'accès à l'information ou des demandes
d'accès à la non-information, alors, ça, en soi, c'est un enjeu, là. Est-ce
que, selon vous, il existe des rapports sur d'autres situations qui pourraient
conduire à des contextes semblables à ce qui est arrivé à Batiscan? Donc,
est-ce qu'il y a d'autres rapports qui permettraient de prévenir, je dirais,
des situations semblables à ce qui est arrivé à Batiscan?
M. Bergeron (Pascal) : La
question est devant la... d'information en ce moment. Le débat n'est toujours
pas réglé. Et la réponse, c'est : Je ne le sais pas, s'il y en a d'autres.
Du côté du ministère de l'Énergie, on me dit que ces rapports-là n'ont jamais
été produits par les entreprises, donc qu'il n'y a pas d'autres rapports qui
existent... les puits n'étaient pas officiellement fermés temporairement. Moi,
j'ai des documents qui me démontrent qu'il y avait plein de puits
fermés temporairement à cette époque-là et qu'il devrait y avoir des rapports.
Et je veux questionner le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles
là-dessus devant la Commission d'accès à l'information, et même ça, ça semble
s'aligner pour être très difficile, devant la commission.
M. Gaudreault : O.K. Je
voudrais vous entendre un peu plus sur ce que vous appelez le modèle d'affaires
de l'industrie, qui serait basé sur, un peu, de la spéculation, par rapport à
faire des poursuites, là, pour obtenir des gains. J'aimerais ça vous entendre
davantage là-dessus et, quand même, sur le fait qu'il y a un constat qu'on peut
établir, c'est qu'en matière d'industrie pétrolière et gazière au Québec, on
n'a jamais eu de majeures, là, dans le... tu sais, on n'a pas eu les Total, les
Valero de ce monde ou les Shell, ça a toujours été des entreprises mineures par
rapport aux autres. Quelle est votre analyse par rapport à ça?
M. Bergeron (Pascal) : Effectivement,
les seniors ne se sont jamais pointées ici en disant qu'il y avait quelque chose à faire, à part peut-être un V.P. de Total
qui a été sur Utica brièvement au début, là, un genre de... mais sinon il
y a... Une des choses, c'est que le puits le plus profitable de l'histoire du
Québec dans la vallée du Saint-Laurent, la courbe de production est nettement
inférieure à ce qui se passe dans le... de l'Utica, puis ça, je le tire d'un
blogue de Marc Durand, ingénieur géologue, qui est très crédible quant à ces
informations-là. Et ce qu'on sait, c'est qu'aux États-Unis le gaz de schiste
n'a jamais été rentable. En tout cas, au tournant de 2019, il n'y avait pas de
rentabilité qui s'était dégagée de cette industrie-là. Donc, au Québec, là où
les courbes de production de gaz sont inférieures dans les puits, on ne voit
pas comment c'est possible qu'il y ait une rentabilité.
Et, bien, le modèle d'affaires de poursuite, on
a... qui poursuit, on a Utica qui poursuit et on a Questerre qui poursuit pour
des dommages.
Le Président (M. Lemay) : Merci,
M. Bergeron. Je dois vous interrompre, puisqu'on a déjà atteint la limite
de notre temps d'échange. Je vous remercie pour votre contribution à nos
travaux.
Et la commission suspend ses travaux jusqu'après
les affaires courantes. Merci à tous et à toutes.
(Suspension de la séance à 12 h 36)
(Reprise à 15 h 23)
Le Président (M. Lemay) : Alors,
à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'agriculture, des pêcheries, de
l'énergie et des ressources naturelles reprend ses travaux. Et je demande à
toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs appareils technologiques.
Alors, nous poursuivons les consultations
particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 21, la
Loi visant principalement à mettre fin à la recherche et à la production
d'hydrocarbures ainsi qu'au financement public de ces activités.
Et cet après-midi nous entendrons les témoins
suivants : Solidarité Gaspésie, le Centre québécois du droit de
l'environnement, l'Association pétrolière et gazière du Québec ainsi que le
Pr Richard Ouellet.
Mais tout d'abord je souhaite souhaiter la
bienvenue aux représentants de Solidarité Gaspésie, et je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, et par la suite il y
aura une période d'échange avec les membres
de la commission. Tout d'abord, je vous invite à vous nommer, et vous pouvez y
aller avec votre exposé. Merci.
Solidarité Gaspésie
M. Saucier (Carol) : Donc, vous
me voyez bien?
Le Président (M. Lemay) : Oui.
M. Saucier (Carol) : Parfait.
Alors, écoutez, Carol Saucier, citoyen de Gaspé et porte-parole du regroupement
Solidarité Gaspésie.
Quelques mots en guise d'introduction, si vous
le permettez. Le regroupement citoyen Solidarité Gaspésie tient à remercier les
membres de cette commission parlementaire de nous avoir invités à présenter un
mémoire dans le cadre du dépôt récent du projet de loi n° 21 par le
ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles du Québec. Nous tenons à
souligner que le gouvernement du Québec a posé, le 2 février dernier, un
geste important en déposant à l'Assemblée nationale ce projet de loi. Comme de
nombreuses organisations, nous saluons ce geste décisif, tout en souhaitant que
ce projet de loi soit bonifié à la suite de cette commission parlementaire et
avant d'être adopté.
Quelques mots, donc, concernant le plan de ma
présentation. Qui sommes-nous? Il y aura un bref retour historique sur les
mobilisations citoyennes en Gaspésie concernant les hydrocarbures, l'exposé,
aussi, de cinq motifs qui ont, donc, appuyé
nos démarches, la mobilisation plus large au niveau du Québec, et enfin des
questions et commentaires concernant le projet de loi lui-même, et une
brève conclusion.
Donc, qui sommes-nous, Solidarité Gaspésie?
C'est sans doute... c'est peut-être la première fois que vous entendez parler
de nous, on ne sait pas. Alors, nous avons été créé en 2018. C'est un
regroupement citoyen non partisan mobilisé pour le développement de la
Gaspésie. Nous nous intéressons à plusieurs enjeux socioéconomiques, culturels,
environnementaux et de gouvernance qui sont soulevés par
ce développement. Nous agissons en vue de créer un vaste mouvement citoyen
capable de redonner un élan soutenu et un pouvoir d'action accru aux habitants
de notre territoire. En plus de notre mobilisation à l'encontre du projet
pétrolier Galt, nous travaillons sur d'autres dossiers, notamment le transport
aérien et ferroviaire, l'importance d'élire au suffrage universel les préfets
de MRC, et bien d'autres encore. Alors, voilà qui nous sommes.
Un bref historique, maintenant, des
mobilisations citoyennes en Gaspésie. Rappelons, hein, que la Gaspésie est,
depuis fort longtemps, questionnée par la problématique du développement
potentiel des énergies fossiles. La première découverte de pétrole de surface
remonte au XIXe siècle, figurez-vous. Toutefois, beaucoup plus près de
nous, notons les mobilisations suivantes : en 2012, il y a
l'intensification de la lutte citoyenne contre Pétrolia et son projet de forage
avec fracturation hydraulique à Haldimand, donc en plein coeur de Gaspé; un peu
plus tard, de 2013 à 2018, rappelons-nous la lutte acharnée de la municipalité
Ristigouche-Sud-Est contre Gastem afin de préserver son eau potable; 2017‑2018,
une autre action fort importante, Environnement Vert-Plus participe à
l'établissement du camp de la rivière en opposition au puits Galt 4 situé
à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Gaspé.
Depuis mars 2019, donc depuis deux ans, Solidarité
Gaspésie s'oppose à Galt et, plus largement, à l'établissement d'une filière des hydrocarbures. En 2020 et 2021, nous
avons mené, donc, les actions suivantes : l'opposition à la
poursuite intentée par Gaspé Énergies contre le MERN, celui-ci ayant refusé sa
demande de permis d'exploration au puits Galt 6. Une manifestation est
organisée à Gaspé le 25 avril 2021, à laquelle participent plus de
200 personnes. Il y a également la mise
en circulation, en mai, d'une importante pétition contre les investissements
publics dans le projet Galt qui est parrainée par notre députée,
Mme Méganne Perry Mélançon. Pourquoi donc toutes ces mobilisations?
Essentiellement pour cinq motifs, donc, pour lesquels nous nous opposons à la
fois à la poursuite de Gaspé Énergies contre le MERN, au projet Galt lui-même
et au développement d'une filière des hydrocarbures.
Le premier motif, il est simple, mais il est
important, c'est pour protéger, la protection, donc, du milieu hydrique.
Galt 6 est localisé dans un secteur où le milieu hydrique est très
vulnérable à la contamination des eaux de surface. Que se passerait-il en cas
de déversement de produits toxiques dans la rivière Petite Fourche, qui est
située, rappelons-le, à moins de 800 mètres du site projeté du puits, le
puits Galt 6? Cette petite rivière se jette elle-même dans la rivière
York, qui est une rivière fort prisée des touristes, une rivière à saumon.
Le deuxième motif, tout aussi important, est
l'absence d'acceptation sociale du projet Galt par les populations concernées.
Disons à cet effet que l'atteinte de l'acceptabilité sociale d'un projet
entraîne que le promoteur fournisse une information soutenue auprès des autres
parties prenantes afin que celles-ci puissent exercer leur pouvoir d'influencer
la prise de décision. Dans le cas du projet Galt, l'absence d'information
systématique et soutenue de la part de Gaspé Énergies est criante. Un comité de
suivi se fait lui aussi très discret et ne transmet pas d'information à la
population. Bref, sans information ni consultation, il n'y a pas d'acceptation
possible.
Troisième motif, nous avons ici une
multinationale étrangère — vous
allez comprendre pourquoi on passe de Gaspé Énergies à une multinationale
étrangère — aux
intérêts pour le moins questionnables. Nous faisons face ici à un acteur
économique dont les intérêts financiers risquent d'être bien éloignés des
préoccupations de développement de notre territoire et de la Gaspésie. En
effet, Gaspé Énergies est en fait une filiale d'un groupe beaucoup plus
important, si vous voulez, Ressources Utica, qui est elle-même un fonds
spéculatif étranger qui détient une forte majorité du capital de Gaspé
Énergies.
Quatrième motif, l'incompatibilité de la filière
des hydrocarbures avec la nécessité d'une transition énergétique durable. Le
développement pétrolier dont on parle cadre très mal avec l'importance pour le
Québec d'amorcer une transition énergétique convaincante, hors des combustibles
fossiles et faisant appel aux énergies renouvelables, rappelons-le, qui sont
bien acceptées chez nous, notamment en Gaspésie, quand on pense au
développement éolien. De plus, l'alliance internationale de l'énergie nous
rappelle avec insistance la nécessité de ne pas développer, dans le monde, de
nouveaux projets pétroliers et gaziers.
Dernier motif, les investissements publics mis à
risque. On peut constater, et ça a été affirmé par, donc, des intervenants à la commission au cours de cet avant
midi, madame... notamment Carole Dupuis, la filière des hydrocarbures en
Gaspésie et, plus largement, au Québec ne saurait subsister sans un apport
massif de fonds publics. Plusieurs investissements publics distincts se sont
soldés par une perte d'argent évidente dans le cas de Junex. Dans le cas de
Galt, avec Gaspé Énergies, mentionnons que Ressources Québec, une filiale
d'Investissement Québec, a misé plus de 8 millions de dollars directement
dans ce projet pour en devenir partenaire à hauteur de 17 %.
• (15 h 30) •
Ceci dit, hein, Solidarité Gaspésie est loin
d'être seule à s'être mobilisée, donc, nous sommes nombreux à nous mobiliser
depuis plusieurs années. Nous tenons à souligner que les luttes contre la
recherche et l'exploitation des hydrocarbures se sont exprimées de manière
éloquente dans plusieurs régions du Québec. Je parle ici, notamment, de trois
groupes : le Regroupement Vigilance Hydrocarbures Québec, plus connu sous
RVHQ, le groupe bas-laurentien Prospérité sans pétrole et le Comité de citoyens
responsables de Bécancour. Ces trois groupes ont mis... En annexe du mémoire de
Solidarité Gaspésie, vous retrouvez, donc, un mémoire, pour chacun de ces
groupes, qui décrit la nature des activités qu'ils ont développées au cours des
dernières années. Le dénominateur commun de leurs luttes, c'est : non à
l'exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent. Mentionnons
aussi que le comité de citoyens de Bécancour est très préoccupé par le
chapitre VII du projet de loi concernant les projets pilotes.
Maintenant, les questions et commentaires plus
précis sur le projet. Si nous saluons le geste important que le gouvernement du
Québec pose par le dépôt du projet de loi n° 21, Solidarité Gaspésie
demeure par ailleurs très préoccupé par l'ampleur des indemnités qui sont
prévues en guise de versements aux pétrolières et gazières, comme il est écrit, d'ailleurs, dans le chapitre VI du
projet de loi. Rappelons que la décision d'indemniser les entreprises
constitue un choix politique et non une obligation
légale, comme nous le rappelait, il y a fort peu longtemps, le Centre québécois
du droit de l'environnement. Dans l'article 35 plus précisément, au
chapitre VI du projet de loi, il est indiqué que des frais seront
remboursés aux entreprises pour couvrir leurs frais relatifs à l'exploitation
des puits pour la période historique de 2015
à 2021. Le MRN évalue à 67 millions le montant total qui pourrait être
versé aux entreprises à ce chapitre.
Nous avons, à ce sujet, quelques questions. À
partir de quels critères d'évaluation ce montant-là a-t-il été obtenu?
Deuxièmement, les pétrolières et gazières ont déjà reçu d'importantes aides
financières au cours des dernières années, à
quel montant le MRN estime-t-il ces aides aux entreprises? D'autre part, ces
aides seront-elles soustraites des indemnités prévues? Nous aimerions
que ces informations soient rendues publiques. De nombreuses aides publiques,
donc, ont été consenties aux entreprises, jusqu'à maintenant, sous forme de
crédits d'impôt, de participation au capital ou de subventions. Pourquoi les
contribuables du Québec devraient-ils de nouveau mettre la main dans leurs
poches pour offrir des indemnités aux pétrolières et gazières?
Le Président (M. Lemay) : Et en
conclusion.
M. Saucier (Carol) : En
conclusion, considérant toutes les luttes citoyennes qui ont été menées,
considérant l'absence d'acceptation sociale tant des projets locaux que de la
filière énergétique elle-même par les populations concernées, considérant enfin
que l'argent public doit servir à financer la transition énergétique et non pas
à enrichir encore plus les pétrolières et gazières, nous demandons au
gouvernement du Québec de passer à l'action en adoptant, au plus tard d'ici la
fin de la présente session parlementaire, le projet de loi n° 21,
mais que celui-ci soit amendé, notamment au chapitre des indemnités qui
pourraient être versées aux entreprises. Cette demande de ne pas octroyer de
nouveaux fonds publics aux pétrolières et gazières en guise d'indemnité est
faite de concert avec de nombreuses organisations environnementales et
citoyennes de tout le Québec. Nous avons déjà beaucoup donné, c'est assez.
Merci de votre attention.
Le Président (M. Lemay) : Merci,
M. Saucier, pour votre exposé.
Nous allons maintenant passer à la période
d'échange avec les membres de la commission. M. le ministre, la parole est à
vous.
M. Julien : Oui, merci. Merci
infiniment, M. Saucier, pour votre mémoire et les commentaires que vous
venez de porter.
Naturellement, là, je pense qu'on est, vous et
moi, au même endroit sur plusieurs éléments. Vous me rappeliez, au début votre intervention, un peu le printemps
dernier, là, la fin de l'hiver et le printemps dernier, quand je suis allé
en cour, donc vous connaissez bien le
dossier. Et effectivement, là, c'est des souvenirs qui ne sont pas très
plaisants, mais qui, somme toute,
démontraient clairement notre volonté de prendre nos responsabilités dans les
dossiers d'hydrocarbures au Québec.
D'entrée de jeu, si vous permettez, vous avez
posé trois questions à l'intérieur de votre mémoire, donc, si je pouvais juste rapidement donner des réponses, qui
ne seront pas parfaites, mais qui visent à répondre à vos trois
questions. Vous demandiez : À partir de quels critères d'évaluation les montants
ont-ils été obtenus par rapport au volet, en fin de compte, indemnisation?
C'est des frais d'exploitation et de mise en valeur qui ont été payés, qui ont
été évalués sur des bases de données qui sont actuellement dénominalisées.
Alors, on a des frais qui sont dus, justement, à des crédits d'impôt. On a de
l'information au ministère des Finances. Donc, ces données-là, là, c'est
tangible, c'est vérifiable, et on est capables, pour les six dernières années,
puisqu'il y a une perception des documents, en fin de compte, qui est
disponible, de toucher exactement à ces montants-là.
Vous mentionniez, en deuxième question :
Ils ont déjà reçu d'importantes aides financières. C'est des pétrolières, et
effectivement on a déjà une estimation des sommes qui ont été reçues qui
devront être remboursées au net dans les indemnisations. On parle de 11 à
12 millions actuellement, là, selon les documents qu'on a en place pour
les 182 licences et les 62 puits.
Puis alors pourquoi ces informations ne
sont-elles pas publiques?, troisième question. Bien, justement, on aura un
programme d'indemnisation qui va venir préciser de manière très, très stricte
et directe tous les éléments qui vont rentrer dans le calcul. Et naturellement,
pour éviter l'enjeu de certains éléments, là, de manière fine puis des enjeux
de confidentialité, on va soumettre ce programme d'indemnisation à un
vérificateur externe indépendant qui va être en mesure d'appliquer directement
ces mesures-là. Donc, si on prend, par exemple, l'entente qu'il y a eu sur
Anticosti à une autre époque, je serais bien curieux que vous... que quelqu'un
ici puisse me dire quels étaient les critères, quels étaient les barèmes et
quelles étaient, en réalité, les validations pour finir à ces montants-là. Moi,
je ne les vois pas, je ne suis pas en mesure d'y toucher. Nous, on veut avoir
un programme d'indemnisation clair et appliqué de manière uniforme, équitable
auprès de tous les joueurs et connu de tous. Alors, le programme
d'indemnisation, pour moi, doit être transparent et doit être appliqué de
manière équitable. Maintenant, c'était pour vos trois questions.
Si je reviens sur... Une fois qu'on a dit ça,
avec les questions que vous me posez à l'intérieur de votre mémoire, malgré
tout, pour vous, vous nous dites qu'on ne doit pas indemniser les pétrolières
puis vous prenez à témoin, M. Saucier, là, le Centre québécois du droit de
l'environnement, que j'entends beaucoup. J'ai hâte de les avoir ici parce que
j'entends souvent cette citation-là. Mais, dans le même document qu'ils produisent,
ils disent deux choses, puis c'est comme si, le deuxième volet, on ne le
répétait jamais, lui. Ils disent, naturellement : «Bien qu'il soit tout à
fait possible légalement de procéder sans
indemniser, certaines considérations d'ordre politique, par exemple,
l'apparence», etc. Alors là, on dit «la politique», et plus loin ils
viennent dire, précisément : «En vertu de certaines dispositions du droit
international, des investisseurs étrangers pourraient exiger des
indemnisations.» C'est drôle, cette phrase-là... Est-ce que
vous en êtes conscients? Et est-ce qu'en termes de droit international, de
commerce international et en termes, en fin de compte, de réputation pour le
Québec, vous n'estimez pas qu'il serait hasardeux de ne pas prévoir ces
indemnisations auprès des gens qui ont investi dans un cadre légal qui leur
permettait, de bonne foi... pour payer des licences et des frais
d'exploitation?
• (15 h 40) •
M. Saucier (Carol) : Oui.
Alors, est-ce que vous me voyez? Oui, vous me voyez toujours à l'écran?
Parfait.
Je pense que ce qui nous apparaît important,
d'une part, parce que, bon, vous invoquez... le gouvernement invoque, mais
d'autres acteurs aussi, notamment du milieu financier, invoquent le fait que la
réputation du Québec est en jeu. Je dirais qu'on est un petit peu dans un cas
d'espèce, ici, par rapport à la filière des hydrocarbures, hein? Je pense que,
dans le cas des mines ou dans d'autres secteurs, ça se passe... selon le point
de vue, en tout cas, de Solidarité Gaspésie, ça se passe autrement. D'une part,
bon, des collègues qui m'ont précédé ont bien dit que c'étaient des
investissements, aussi, qui pouvaient être risqués. Je crois que les acteurs
économiques... les pétrolières et gazières le savaient, et c'est pour ça aussi
qu'elles comptent beaucoup sur le financement public pour appuyer leur
démarche.
Et, quand je dis «un cas d'espèce», c'est dans
ce sens-ci : je ne suis pas certain, par exemple, que les minières
seraient à ce point impressionnées si, effectivement, on disait : Écoutez,
il n'y aura pas d'indemnités, puisque vous avez déjà touché des fonds
importants. Je ne pense pas que ça réduirait la possibilité pour le Québec de
pouvoir capter des investissements étrangers, notamment pour les énergies
renouvelables, la transition énergétique. Je pense que ces acteurs-là sont très
conscients du cas d'espèce particulier du mode de fonctionnement de ces
entreprises dans le cas des filières d'hydrocarbures. Alors, bon, je suis quand
même moins sensible à ça.
Il est possible qu'au niveau du droit
international, bon, il y ait des choses qui doivent bouger. Je vous dirai que
nous ne sommes pas des spécialistes à ce niveau-là. De toute façon, hein, vous
savez très bien que les pétrolières et gazières s'apprêtent à intenter une
poursuite contre le gouvernement, alors on verra bien, à ce moment-là, ce qui
va se passer, ce qui serait, d'ailleurs, très dommage, parce qu'ils ont l'air
fort compétents dans ce type de stratégie, de poursuivre le gouvernement. Je
pense que vous en êtes un bon illustrateur, vous avez goûté à la sauce, comme
on dit.
L'autre élément, c'est que j'aimerais qu'on
parle des indemnités peut-être en renversant un peu le mode de raisonnement.
Bon, d'une part, effectivement, bon, je pense que de rembourser le coût des
licences... De toute façon, l'acquisition des claims ou des permis, hein, coûte
extrêmement... très, très peu cher au Québec, bon, comparativement à la
Colombie-Britannique, etc., bon. Alors, d'une part, ils ont acquis ces droits,
ces claims à un coût dérisoire, alors rembourser
ça, bon, effectivement, c'est totalement... c'est tout à fait marginal. Je
pense qu'il n'y a pas de problème là.
Quand on
parle des frais d'exploitation, effectivement, si vous avez des factures,
encore là, il faudra s'assurer que les
subventions, que les aides publiques aient été retranchées. Mais, encore là,
c'est que... je n'en ai pas parlé spécifiquement dans le mémoire, mais il y a toute la question de la fermeture des
puits. D'ailleurs, vous parlez de ça avec un engagement de couvrir 75 %
des coûts de fermeture. Alors, le problème, c'est que vous avez mis, bon, une
provision d'environ 33 millions, mais, en tout cas, après en avoir discuté
avec plusieurs groupes, on pense que ça pourrait coûter beaucoup, beaucoup,
beaucoup plus cher que ça quand on regarde aussi, là, l'expérience passée sur
la fermeture des puits.
Le dernier élément, à ce niveau-là, qui me
questionne aussi : pourquoi les contribuables québécois, pourquoi les
contribuables publics devraient-ils payer la note, notamment de la fermeture
des puits? Si on se mettait à retrancher, hein, de ce que, normalement, on
entend leur donner, les coûts de fermeture éventuels des puits, c'est peut-être
eux qui devraient nous rembourser, c'est peut-être eux qui devraient nous
rembourser des sous, hein? Alors, dans un cas comme celui-là, est-ce que, d'une
part, les entreprises accepteraient de rembourser? Je ne suis pas certain.
Alors, c'est un peu tout ça. Je pense qu'il faut
regarder ça de très, très près au niveau des compensations. Et nous, on pense
que nous avons déjà beaucoup contribué, qu'à toutes fins pratiques il n'y
aurait pas de préjudice important en disant : Écoutez, c'est terminé,
hein, le bar ouvert est terminé. Voilà.
M. Julien : Juste un petit
commentaire, là, pour faire du pouce avec ce que vous avez mentionné, qui est
très intéressant, puis, naturellement, c'est des questionnements qu'on a eu, a
priori, à la préparation du projet de loi, puis qu'on aura certainement avec
les collègues, là, aussi, là, à l'étude article par article, éventuellement.
Naturellement, quand vous dites : Bien,
s'ils devaient rembourser ces sommes-là, est-ce que ça ne serait pas eux qui
devraient faire un paiement? Bon, à terme, là, les 44 millions
d'estimations, c'est sur les plans de fermeture qui sont actuellement tous
disponibles par rapport aux 182 licences, avec des montants de
contingence, somme toute, appréciables et de manière conservatrice qui ont été appliqués par le ministère. Donc, ça donne 44 millions,
33 millions potentiellement à la charge du gouvernement. Et, naturellement, ce qu'on trouvait appréciable dans
cette démarche-là, c'est de dire : Tant et aussi longtemps que vous n'obtenez pas les autorisations et la
démonstration du ministère de l'Environnement et du MERN comme quoi la
réhabilitation des sites n'est pas adéquate, vous ne pourrez pas jamais toucher
à l'autre 66 millions, c'est-à-dire le deux tiers restants. Donc, pour
nous, c'est un enjeu, en fin de compte. Si quelqu'un décide de ne pas se
conformer, c'est non seulement à somme nulle
pour le gouvernement... on assumera les frais de fermeture, mais on ne
déboursera pas, en fin de
compte, des indemnités. Alors, c'est un petit peu là qu'on en est. Je pense que
les bases de calcul vont être bonnes.
Ce que je comprends également dans votre
intervention, puis je pense qu'on l'a eue déjà à quelques reprises, c'est qu'on
va peut-être gagner à préciser, à tout le moins de manière assez claire, les
intentions par rapport au programme d'indemnisation pour que celui-ci, là, soit
transparent le plus tôt possible, même dans la démarche du projet de loi
actuel, justement pour éviter les qui propos éventuels sur à quoi pourrait
ressembler ce programme-là. Donc, je pense qu'on va gagner à le préciser parce
que j'entends souvent, en réalité, ces commentaires-là. Donc, si ce n'est pas
clair, bien, on a un enjeu, puis je veux que ça soit très clair. Donc, on le
fera au fur et à mesure.
Je vais laisser mes collègues vous poser
quelques questions, si vous permettez.
Le Président
(M. Lemay) : Très bien. Donc, M. le député de Lac-Saint-Jean, la
parole est à vous.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Alors,
bonjour, M. Saucier. Très heureux de vous entendre, surtout les gens de la
Gaspésie. J'ai eu la chance dernièrement — bien, en 2020 — d'avoir
des consultations sur la mise en valeur du territoire
et j'ai rencontré vos élus chez vous. C'était très intéressant, ce qu'ils nous
mentionnaient au niveau de l'économie de la Gaspésie, toute la question
du tourisme et bien d'autres économies, entre autres l'énergie renouvelable.
Moi, je veux revenir avec le projet de loi. Vous
savez que le projet de loi prévoit tout un mécanisme pour la fermeture des
puits. Et j'aimerais vous poser la question : Est-ce que vous croyez que
votre communauté gaspésienne vont avoir toute l'information nécessaire? Et
croyez-vous aussi qu'elles vont être rassurées par ce mécanisme-là dans le projet
de loi?
M. Saucier (Carol) : Écoutez,
je l'espère, je l'espère parce qu'on a été lourdement échaudés. M. Pascal
Bergeron, un peu plus tôt, hein, aujourd'hui, avec Environnement Vert-Plus, a
parlé aussi de ce qui s'est passé à Bourque, donc, des puits. Bien là, vous me
parlez des fermetures à venir, mais tout ce qu'on a vécu dans le passé, vous
savez, on est sur nos gardes, hein, on est méfiants, on est méfiants, c'est
très clair. Et donc il y a des dizaines de puits, voire davantage, au Québec,
et notamment à Bourque, où on note actuellement de la contamination,
effectivement, dans les eaux souterraines, alors... et ça va coûter extrêmement
cher, tout ça, à l'État, hein? Donc, bon, j'ose espérer, mais on reste un peu
méfiants. On verra à l'usage si les mécanismes de fermeture des puits seront
suffisants dans ce qui est prévu par la loi.
Ce que
j'aimerais peut-être ajouter, en élargissant un peu, si vous me permettez, M.
le député, là, du Lac-Saint-Jean, je
crois, c'est que, dans toute cette question-là des indemnités à donner, à ne
pas donner, le montant, etc., c'est qu'il y a comme un raisonnement qui
est sous-jacent, qui est le suivant : c'est comme si ce type d'entreprises
là... Et je ne veux pas généraliser du tout, hein, à l'ensemble des
entrepreneurs ou des entreprises, loin de là, mais, par rapport aux pétrolières
et gazières, j'ai l'impression que le raisonnement qui est fait, c'est :
On va s'organiser... Bien sûr, hein, ce sont des entreprises capitalistes, et,
bon, ça fait partie de l'ADN, donc il faut réaliser un certain nombre de
bénéfices, de profits, mais c'est comme s'ils essayaient d'optimiser leurs
revenus ou leurs revenus potentiels, mais tout ce qui pourrait être le passif,
les effets indirects, les coûts, les pertes, on va les socialiser, on va
essayer de socialiser tout ça, et c'est l'État qui ramasse ça.
L'État, c'est nous, hein? Alors, c'est ce que
j'appelle la privatisation des bénéfices et la socialisation des pertes. Et
c'est ça, au fond, qui nous fait beaucoup réfléchir par rapport aux indemnités
parce que... Bon, je n'ai pas parlé aussi... Mme Dupuis en a parlé ce matin,
avec raison, dans le Front commun pour la transition énergétique, la question des coûts de santé, la question, aussi, des coûts
psychologiques, donc tous ces préjudices qui ont été causés aux
communautés, hein, qui ont, finalement, vécu des divisions internes qui ont
vécu... Alors, ça, c'est, bon, c'est sûr que c'est difficile à comptabiliser et
à quantifier, mais il reste que c'est encore une forme de socialisation des
effets indirects, hein? Alors... Et c'est comme si les entreprises, ces
entreprises-là, n'étaient pas conscientes de ça ou s'en foutaient, tout
simplement. Ça fait partie des effets collatéraux.
• (15 h 50) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Je
laisserais la parole à mon collègue. Merci, monsieur.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. Donc, M. le député de Bourget, environ 1 min 30 s.
M. Campeau : Question assez
courte. Vous avez parlé d'acceptabilité sociale. Il y a donc des gens, aussi,
qui étaient en faveur des projets pétroliers. Alors, maintenant qu'on va
arrêter les projets pétroliers, est-ce que les tensions vont tomber, vont se
transformer? Comment vous voyez ça?
M. Saucier (Carol) : Bon, vous
avez raison de dire, hein, que par rapport à... ce sont des dossiers qui ont
été très controversés, hein? Alors, il y a eu, bien sûr... même au sein de la
population de Gaspé, notamment, mais ailleurs au Québec aussi, il y a des gens
qui ont soutenu ces projets-là, et il y en a plusieurs qui s'y sont opposés
aussi. Alors... Mais la question de
l'acceptabilité ou encore la façon d'arriver à une acceptation sociale, c'est
aussi de dire : S'il n'y a pas un
oui clair et net de la part d'une majorité de populations concernées, c'est
non. C'est ça aussi, hein? S'il n'y a pas un oui clair, il n'y en aura
pas. Et, pour arriver à un oui clair, bien, il aurait fallu que les entreprises
donnent de l'information largement en amont, partagent cette information avec
les parties prenantes, discutent, tiennent compte, etc., bon. Alors, ça ne veut
pas dire pour autant que les projets auraient été acceptés, mais il n'y a
jamais eu de ça, de ce processus-là... de large consultation et de concertation
publique. Alors, qu'est-ce qui va se...
Le Président (M. Lemay) : M. Saucier,
ceci complète la période d'échange qu'on avait avec les membres du
gouvernement.
Et je dois maintenant céder la parole à
l'opposition officielle. M. le député de Mont-Royal—Outremont, pour une période d'environ 11 minutes.
M. Arcand : Merci, M. le
Président.
Bonjour, M. Saucier. Je suis en train de
regarder votre mémoire et, si je comprends bien, dans ce que vous dites
également, non seulement... Évidemment, je pense qu'il n'y a aucun parti
politique qui conteste le fait qu'il faut sortir des hydrocarbures. Ce que vous
dites également, vous voulez voir le gouvernement sortir des hydrocarbures dans son rôle d'émetteur de permis, mais vous voulez
également le voir sortir dans son rôle d'investisseur, et ce que ça veut dire,
c'est qu'Investissement Québec, la Caisse de dépôt, des fonds comme les Fonds
de solidarité, etc., ne devraient jamais intervenir dans ça.
M. Saucier (Carol) : C'est
clair, c'est clair. De toute façon, actuellement, il y a des... on le sait,
qu'il y a des pressions qui sont faites auprès de la Caisse de dépôt pour
qu'elle retire de son portefeuille les investissements notamment au niveau des
sables bitumineux en Alberta ou au niveau des grands projets pétroliers ou
gaziers. Alors, Investissement Québec...
Je vous soulignerai aussi, quand on regarde la
session parlementaire, donc, de l'Assemblée nationale au printemps dernier,
Mme Perry Mélançon a posé un certain nombre de questions au ministre de
l'Économie et de l'Innovation, M. Fitzgibbon, sur les investissements
publics, donc d'Investissement Québec, dans Galt, à un moment donné, il était
tout de même un peu mal à l'aise pour justifier, bon, ce 8,4 millions qui
avait été donné. Et je vous dirai que, pour
avoir entendu le P.D.G., directement, aussi d'Investissement Québec, qui
mentionne : On n'a plus aucun intérêt dans ce genre
d'investissement, c'est exactement ce qu'il disait.
Alors, j'espère que ce genre de position va se
développer et va se généraliser aussi. Je pense qu'il faut que l'État... On ne
doit plus servir... se servir des fonds publics pour encourager ce type
d'entreprises. On doit se servir, au contraire, des fonds publics, hein, qui ne
sont pas non plus infinis, pour financer la transition énergétique, qui, elle,
va nécessiter des coûts aussi extrêmement importants, à la fois d'entrepreneurs
privés, mais aussi de l'État, alors qu'on mette l'argent là.
M. Arcand : En fait, ce que
vous dites, essentiellement, je pense que l'ensemble des gens, ici, sont
d'accord avec ça, il n'y a pas véritablement d'enjeu. La difficulté, c'est que,
si vous me permettez l'expression, on vit toujours dans un monde... ce que j'appelle le monde réel, et, dans le monde réel,
très souvent, lorsqu'on décide de retirer, comme ça, des permis,
évidemment, il y a des négociations qui sont entreprises avec les gens à qui on
retire le permis, et ces négociations ont lieu. On voit qu'à un moment donné on
en arrive à une période vraiment où l'État doit décider un certain nombre de
choses, doit décider de ne pas céder rien ou de se retrouver en cour, et là ça
risque de coûter encore plus cher à l'État.
Pendant la période de questions, tout à l'heure,
parce que le député de Jonquière avait parlé d'un cas en particulier qui
n'était pas tellement loin de chez vous, qui était le cas de l'estuaire du
Saint-Laurent, qui... et on parlait de la fameuse compagnie Lone Pine
Resources, qui avait poursuivi... et j'ai vu, à un moment donné, une poursuite,
là, je ne sais pas quel est le résultat, jusqu'où on est rendus, mais ils
avaient poursuivi le gouvernement fédéral pour à peu près 119 millions,
probablement le gouvernement fédéral parce qu'on était dans des secteurs
marins, là. Mais, juste pour vous dire, si, demain matin... Est-ce que... Quand
vous vous retrouvez dans une situation comme ça, est-ce que vous croyez qu'il
est toujours nécessaire d'avoir une position très inflexible dans ce domaine-là
ou si, à un moment donné, l'intérêt qui doit prévaloir, c'est l'intérêt du plus
grand réalisme? C'est-à-dire que l'État essaie de payer le moins possible,
essaie de payer de la façon dont ils doivent fonctionner, mais il y a une
décision, à un moment donné, de jugement à prendre par rapport à ça.
M. Saucier (Carol) : Ce que je
pense, M. Arcand, sur ça... bien, en fait, ce que nous pensons aussi, à
Solidarité Gaspésie... Bien sûr, bon, vous faites allusion à des intérêts de
négociation, le monde réel. Ce que j'aimerais, dans cette négociation-là, c'est
que l'on fasse valoir le principe non pas de l'intérêt privé, mais du bien
commun et de l'intérêt général, que ce soit ce principe-là qui prévale
davantage, en tout cas, et, à partir de ce principe-là, que le politique,
effectivement, évalue ce qu'il est possible, bon, de faire. Mais, nous, notre
position, c'est de dire : Soyez attentifs à tout prix au bien commun, et à
l'intérêt général, et au fait qu'on a déjà beaucoup contribué en tant que
citoyens et citoyennes du Québec. Voilà.
M. Arcand : Non, je comprends,
je comprends. Et je donnais l'exemple ce matin, par exemple... ce n'est pas
relié à la Gaspésie, mais c'était relié à une compagnie minière qui avait eu un
permis du ministère près du lac Barrière — c'est en Abitibi — et il
y avait eu des enjeux, et le permis avait été retiré, et il a fallu compenser,
à ce moment-là. Ce n'était pas dans le pétrole, là, ce n'est pas dans le
domaine pétrolier, mais il avait fallu compenser cette entreprise-là, à un
moment donné, qui avait investi et qui avait eu des coûts, etc., et là on s'est
retrouvés avec un problème où la communauté algonquine, à ce moment-là, ne
voulait pas de ce projet minier là et était intervenue.
Alors, à un moment donné, la question est... on
peut se dire : Écoutez, on ne donnera aucune compensation, mais à un
moment donné il faut aussi avoir un équilibre dans ça.
M. Saucier (Carol) : Ce sera
aux politiques de voir ça dans les prochaines semaines, mais nous allons
surveiller ça de près.
M. Arcand : D'accord. Dans
l'épisode de ce que la Gaspésie nous a appris, je comprends qu'un puits de
forage peut contaminer des sources d'eau potable, et même si la tête de puits
se trouvait à distance réglementaire. Et donc, avant de fermer définitivement
les puits, est-ce que vous recommandez, en fait, de faire des études
hydrogéologiques qui sont conséquentes par rapport à ça? Parce que le danger,
évidemment, c'est qu'on ne règle pas le problème de façon définitive et qu'il
peut y avoir des fuites importantes. Est-ce que vous avez une opinion par
rapport à ça?
• (16 heures) •
M. Saucier (Carol) : Bien,
nous sommes tout à fait d'accord avec la nécessité qu'il y ait des études
hydrogéologiques conséquentes qui soient faites, tout à fait.
M. Arcand :
Et vous jugez que le gouvernement devrait le faire dans tous les cas?
M. Saucier
(Carol) : Disons que je vais... Honnêtement, je ne suis pas capable,
disons, de répondre «dans tous les cas», mais là où ça s'impose, oui, il
faudrait que ce soit fait.
M. Arcand :
D'accord. On a vu aussi certaines entreprises, M. Saucier, certaines
entreprises pétrolières, en fait, regarder la possibilité de faire affaire avec
certaines communautés autochtones et de dire, finalement, ces communautés-là
sont plutôt... s'autodéterminent d'une certaine façon, que les lois du Québec
ne s'appliquent pas tout à fait, etc. Je sais que vous avez une communauté
micmaque qui, probablement, a la même approche que vous avez à ce stade-ci,
mais est-ce que vous ne craignez... On a vu que, dans certains cas... en tout
cas, je crois que c'est Questerre qui a commencé à dire qu'ils avaient fait une
entente, entre autres, avec les Attikameks, ou quelque chose comme ça. Est-ce
que c'est quelque chose qui risque, à vos yeux, de représenter un problème à un
moment donné?
M. Saucier
(Carol) : Bon, écoutez, je crois, M. Arcand, que le cas, donc,
auquel vous faites allusion, c'est éventuellement le projet pilote de Questerre
avec la communauté de Wôlinak, qui sont, donc, près de Bécancour. Ce sont des
Abénaquis, alors...
M. Arcand :
Ah! c'est des Abénaquis, O.K.
M. Saucier
(Carol) : ...dont on a entendu parler, là, il y a quelques semaines,
avec M. Binnion, notamment, de Questerre.
Alors, c'est une
question qui est très complexe, hein, je dois vous le... on doit l'avouer.
C'est une question qui est complexe par rapport, aussi, aux droits des
communautés autochtones sur leur territoire, le droit d'exploiter de manière
autonome, aussi, les ressources de leur territoire. Alors, je pense qu'il faut
le regarder, que ce soit par rapport... pas uniquement par rapport à Questerre
ou dans d'autres cas. La difficulté, c'est souvent... comme, d'ailleurs, on a
été confrontés à ça dans certaines communautés en Gaspésie aussi, où il y a des
problèmes de dévitalisation, il y a des problèmes de sous-développement
économique et social, il y a un manque d'emplois. Donc, il y a une
vulnérabilité économique et sociale qui rend les gens très fragiles et
vraisemblablement parfois plus réceptifs à des projets dont l'intérêt
environnemental ou même l'intérêt à long terme du développement de la communauté
n'est pas assuré. Mais, à court terme, ça apparaît un peu comme, si vous voulez,
une planche de salut, une bouée de sauvetage. Alors, ce n'est pas simple de
traiter de ces questions-là, et je pense que, dans... Il faut regarder,
effectivement... Nous, on a des rapports quand même assez intéressants, ici,
avec les Micmacs, d'ailleurs, qui ne vivent pas dans une réserve, mais qui sont
totalement intégrés aussi à la communauté de Gaspé. Et je pense qu'il faut voir
aussi... il faut tenir compte de l'avis des communautés autochtones aussi, bien
sûr. Là aussi, il y a des négociations qui doivent se faire.
Le Président
(M. Lemay) : Merci, M. Saucier et M. le député.
Nous
allons maintenant céder la parole au deuxième groupe d'opposition. Mme la
députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue,
pour une durée de 2 min 45 s.
Mme Lessard-Therrien :
Oui, merci beaucoup, M. le Président.
Bien le bonjour. J'ai
beaucoup apprécié, là, vous entendre. Provenant d'une région dite éloignée, moi
aussi, je trouve qu'on a quand même des
enjeux qui se ressemblent, notamment sur la question de la diversité, de la
diversification économique. Ce sont des questions très, très importantes.
D'entrée de jeu, là,
je tiens à vous rassurer que nous sommes sur la même longueur d'onde sur la
question du programme d'indemnisation. Moi, je vous dirais, par chez nous, il
n'y a pas beaucoup d'hydrocarbures, c'est davantage des enjeux miniers qui nous
touchent. J'aimerais peut-être, là, approfondir ma connaissance au niveau des
puits, des puits abandonnés en Gaspésie. Ça ressemble à quoi?
M. Saucier
(Carol) : Écoutez, sur cette question-là, je pense que, là aussi, je
vais faire preuve de modestie. M. Bergeron, probablement, serait plus à
même... Je n'ai pas, disons, suivi, là, en détail la situation de l'ensemble
des puits. Je sais qu'à Bourque il y a de gros, gros, gros problèmes qui ont
été mis en évidence il y a quelques semaines aussi, on a découvert des
contaminants importants dans les eaux, donc, de ce puits. Et d'ailleurs la
décontamination sera aux frais de l'État également, c'est probablement vrai
dans plusieurs autres puits. Est-ce qu'on a aussi un suivi de ça qui est...
Alors, en dehors de Bourque, je ne pourrais pas vous dire, là. Le cas de
Bourque est un cas patent pour nous, mais je ne pourrais pas vous dire... Dans
le cas de Galt, évidemment, et de Haldimand, il n'y a pas eu, donc, de
recherches, là, plus précises parce que ce sont... Galt était en cours, alors,
effectivement... en cours, je dirais, d'activité, pas... il a été aussi en cour
juridique, mais, comme ce sont des projets, fort heureusement, qui vont se
terminer d'ici quelques semaines, nous l'espérons, bon, on verra bien ce qui va
se passer, mais il y a un suivi, dans le projet de loi, qui est prévu, là, pour
la fermeture des puits, là.
Mme Lessard-Therrien : Je
reviens sur la question de la diversification économique pour la Gaspésie. Tu
sais, là, on parle beaucoup, bon, d'indemniser les compagnies. Puis là j'ouvre
vraiment une porte, là, moi, j'aurais peut-être aimé vous
entendre là-dessus, tu sais. Bien sûr, on ne veut pas nécessairement indemniser
les compagnies. Est-ce qu'il y aurait, quelque part, un endroit où on devrait
plutôt insérer cette question-là de la diversification économique? Je ne sais
pas ce serait quoi, le meilleur chemin, mais pour ajouter ça à la réflexion,
peut-être, pour le gouvernement du Québec, tu sais, non seulement il ne devrait
pas indemniser les hydrocarbures, les industries, mais devrait plutôt aller
chercher de l'argent pour doter la Gaspésie d'un fonds de diversification
économique. Est-ce que vous avez un peu réfléchi à ces questions-là?
Le Président (M. Lemay) : En
quelques mots, en quelques mots, peut-être.
M. Saucier (Carol) : On a
réfléchi à ces questions-là, certainement, madame. D'ailleurs, on a publié, il
y a un peu plus d'un an, Solidarité Gaspésie, un document qui s'appelle Pistes
de réflexion et propositions pour une sortie de crise postpandémie COVID-19.
Si vous allez sur le site Web de Solidarité Gaspésie, le document est en ligne,
ce document, bon, qui présente plusieurs pistes de solution pour, bon, sortir
de cette crise économique et sociale.
Le Président (M. Lemay) : Merci,
M. Saucier. Donc, on a déjà écoulé le temps, alors nous allons passer au
député de Jonquière.
M. Gaudreault : Oui. Alors,
bonjour, M. Saucier. Alors, j'ai d'abord un message à vous transmettre,
là, la députée de Gaspé m'a dit à peu près 10 fois, tout à l'heure, puis
vient de me texter encore, de saluer M. Saucier. Alors, le travail est
fait, vous avez les salutations de ma collègue de Gaspé.
Et puis moi, je voudrais vous entendre d'abord
concernant les projets pilotes... les projets pilotes, oui, qui sont prévus
dans les articles... je pense, c'est 42 et suivants, là, du projet de loi n° 21. Est-ce que vous avez une réflexion là-dessus? Et est-ce que, selon vous, les projets
pilotes sont suffisamment encadrés tels que présentés dans le projet de
loi?
M. Saucier (Carol) : Écoutez,
Solidarité Gaspésie n'a pas approfondi... on n'a pas pu approfondir cette
question-là, là, de manière plus marquée. Sauf que, si vous regardez dans les
annexes qui sont là, il y a le mémoire, donc, du Comité citoyens responsables
de Bécancour, et, dans ce mémoire, il y a un ensemble de questions et de
recommandations qui s'adressent au chapitre VII, donc, pour les projets
pilotes. Alors, je vous invite... on a mis ce mémoire-là en relais d'un autre
pour qu'effectivement vous puissiez aussi avoir accès aux préoccupations que
les citoyens de Bécancour portent à cet effet-là.
Je dirais que, sans aller dans le détail, par
rapport aux projets pilotes, nous sommes tout à fait dans la foulée de ce que
Mme Carole Dupuis disait cet avant midi, hein, de la part du front commun
en transition énergétique, nous sommes tout à fait en phase avec ça.
• (16 h 10) •
M. Gaudreault : O.K., donc, un
plus grand encadrement dans le projet de loi que ce qui est présenté à l'heure
actuelle. On va travailler là-dessus.
J'aimerais vous entendre aussi... Vous dites,
dans votre mémoire... un des points importants, là, c'est le manque de
transparence du ministère de l'Énergie et Ressources naturelles pour estimer le
montant qui pourrait être versé aux compagnies pour les fameuses indemnités,
là, ou les indemnisations. Pouvez-vous nous en parler un petit peu plus, là, de
ce que vous entendez par le manque de transparence? Quelle est votre expérience
là-dessus?
M. Saucier (Carol) : Bien,
c'est que, quand il y a la... pardon, quand il y a eu ce dépôt du projet de
loi, qui, encore une fois, est un geste très important, je crois, bon, on
apprend, dans une conférence de presse aussi, qui suit le dépôt à l'Assemblée
nationale par M. le ministre Julien, qu'effectivement il y a des montants
provisionnés, notamment, là, de 67 millions pour les frais d'exploitation,
mais on ne sait pas sur quelle base ces montants-là... Alors, bon, le ministre Julien nous en a parlé tout à l'heure,
mais c'est un débat qui est très complexe, le commun des mortels ne s'y
retrouve pas. Alors, ce serait important
qu'il y ait de l'information, qu'il y ait... qu'on maximise l'information pour
permettre aux gens de comprendre les
enjeux qui sont derrière ça, et c'est ça aussi qu'on veut mettre de l'avant
comme groupe citoyen.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Saucier. Et ceci complète notre période d'échange que nous
avions avec vous. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.
Et je vais
suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place
virtuellement. Merci encore.
(Suspension de la séance à 16 h 11)
(Reprise à 16 h 17)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, la Commission de
l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles
reprend ses travaux.
Et je souhaite maintenant la bienvenue aux
représentants du Centre québécois du droit de l'environnement. Et je vous
rappelle que vous disposez d'une durée de 10 minutes pour faire votre
exposé, et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission.
Mais tout d'abord, je vous invite à vous présenter ainsi que la personne qui
vous accompagne, puis vous pourrez débuter votre exposé. La parole est à vous.
Centre
québécois du droit de l'environnement (CQDE)
Mme Doré (Anne-Sophie) :
Oui, merci, M. le Président.
D'abord, je me
présente, Anne-Sophie Doré, je suis avocate au Centre québécois du droit de
l'environnement, et je suis accompagnée par Hugo Tremblay, qui est avocat,
professeur à la Faculté de droit de l'Université de Montréal et membre du
comité juridique du CQDE.
Donc, M. le ministre,
Mmes et MM. les députés, merci de nous recevoir. Le Centre québécois du droit
de l'environnement est toujours heureux de participer à vos travaux
parlementaires, j'ai presque envie de dire aujourd'hui encore plus, considérant
l'objet du projet de loi n° 21.
Donc, d'entrée de
jeu, le Centre québécois du droit de l'environnement salue la volonté du
législateur de mettre fin aux activités de recherche et d'exploitation d'hydrocarbures
sur le territoire québécois. Ce projet de loi s'inscrit dans la continuité avec
les engagements et les actions du Québec dans les dernières années tant au plan
de la lutte contre les changements climatiques que de la transition
énergétique.
La filière des
hydrocarbures a connu, comme vous le savez, une évolution notable dans les
dernières années : mobilisations citoyennes et absence totale
d'acceptabilité sociale pour les gaz de schiste, abandon des travaux... des
projets à Anticosti, adoption de la Loi sur les hydrocarbures, qui resserre
l'encadrement juridique de la filière, adoption de la Politique
énergétique 2030, qui pose de nombreuses conditions à l'exploitation
d'hydrocarbures en plus de miser résolument sur la transition énergétique.
Cette série d'événements pave le chemin de façon prévisible et cohérente à
l'annonce de la fin des hydrocarbures au Québec.
Le projet de loi
n° 21 s'inscrit dans la mission du ministre de l'Énergie et des Ressources
naturelles, qui doit notamment promouvoir la transition énergétique et mettre
en oeuvre des programmes et des mesures pour faciliter cette transition. À
l'heure où l'Agence internationale de l'énergie recommande aux États de
n'autoriser aucun nouveau projet gazier ou pétrolier et de mettre fin aux
subventions à ces industries afin d'assurer l'atteinte de la carboneutralité
d'ici 2050, la transition énergétique impose tout naturellement la fin des
hydrocarbures au Québec.
Comme le mentionne le
rapport de l'Agence internationale de l'énergie, la transition énergétique
s'inscrit, en plus, dans un contexte plus large de lutte contre la crise
climatique. La science climatique établit également, en effet, la nécessité de
fermer la porte à tout nouveau projet pétrolier et gazier.
• (16 h 20) •
L'engagement d'atteindre
la carboneutralité d'ici 2050 par différentes étapes pour respecter l'Accord de
Paris visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C s'est
également transposé au Québec, alors que le Plan pour une économie verte fixe
cet objectif pour la province.
Le Québec doit
cependant rehausser la barre de ses actions alors qu'il est en voie d'échouer
dans l'atteinte de la cible de réduction des émissions de GES fixée pour 2020
au regard des dernières données disponibles. Les actions entreprises doivent
aller au-delà de celles qui avaient été proposées par le Plan d'action 2013‑2020,
donc notamment de réaliser la transition énergétique. C'est d'ailleurs l'une
des recommandations du comité consultatif sur la lutte contre les changements
climatiques dans son premier avis public qui a été rendu public à l'automne
dernier.
Dans ce contexte, le
CQDE salue que des gestes concrets et prévisibles, comme le dépôt du projet de
loi n° 21, mettent en oeuvre l'objectif de mettre fin à la recherche et
l'exploitation des hydrocarbures au Québec. Bien entendu, la science du climat
exige que la quasi-totalité des autres États devront suivre le pas à court
terme. Les modalités de sortie québécoise des hydrocarbures serviront donc sans
doute de précédent pour ces autres juridictions, donc leur justesse est
d'autant plus importante. Le leadership du Québec emporte ainsi un certain
fardeau d'exemplarité qui doit être gardé à l'esprit tout au long des travaux
législatifs et réglementaires liés au projet de loi n° 21.
En ce qui concerne
les indemnisations, en juin dernier le CQDE a publié un rapport sur la fin des
hydrocarbures qui conclut que l'Assemblée nationale a tous les pouvoirs pour
mettre fin à la filiale des hydrocarbures, et ce, même sans les indemnisations,
à condition que cela... que cela, pardon, soit explicité dans une loi. Le CQDE
constate que le choix a plutôt été fait de prévoir des indemnisations.
À l'heure où les
crises climatique et de la biodiversité s'accentuent et que les effets
s'aggravent, les gouvernements de tous les États doivent opérer rapidement la
transition énergétique et écologique, et le CQDE estime que, dans ce
contexte-là, ne pas indemniser une industrie qui participe à ces crises
environnementales est légitime.
Nous saluons
cependant l'intention annoncée de limiter au maximum le montant des
indemnisations qui pourraient être versées à l'industrie. Plusieurs raisons
militent en faveur de cette limitation, notamment le fait que l'industrie a
bénéficié d'un soutien généreux de l'État durant de nombreuses années, sans
qu'elle ne génère de retombées économiques
conséquentes, créant plutôt des risques environnementaux, y compris des risques
de contamination des nappes
phréatiques. Considérant le passif environnemental légué par cette industrie,
rendre l'indemnisation conditionnelle à
la fermeture définitive des puits et à la remise en état des sites est
également un élément essentiel du projet de loi n° 21.
De manière plus
précise, sur la mécanique du programme d'indemnisation, le CQDE estime que la
période de couverture de l'indemnisation est injustifiée. L'alinéa deux de
l'article 34 de la loi mettant fin aux hydrocarbures, là, qu'on a appelée
ainsi, là, la loi qui est instituée par le chapitre I, prévoit que le
programme indemnisera les titulaires de licence
pour les dépenses qui sont faites entre le 19 octobre 2015 et le
19 octobre 2021, ce qui nous apparaît trop long.
Le CQDE propose de
modifier la date de départ de l'indemnisation, et, pour ce faire, plusieurs
options sont offertes au législateur. L'une de celles-ci, ce serait d'adopter
le délai de prescription de droit commun de l'article 2925 du Code civil
du Québec, qui prévoit une prescription de trois ans. Le législateur pourrait
également choisir comme point de départ de la période d'indemnisation la date à
laquelle est entrée en vigueur la Loi sur les hydrocarbures, puisqu'il s'agit
de la loi en vertu de laquelle les licences ont été délivrées ou en vertu de
laquelle elles ont été réputées avoir été délivrées.
Si le législateur choisit
de rembourser les sommes dépensées durant une période de six ans, le CQDE
estime que la date de référence pour calculer ce six ans devrait être
modifiée. Le projet de loi fixe la date au 19 octobre 2021, la date à
laquelle le premier ministre a annoncé l'intention gouvernementale de mettre
fin aux hydrocarbures. Or, cette annonce ne présentait qu'une intention. D'un
point de vue juridique, il serait plus cohérent de choisir la date d'entrée en
vigueur de la loi mettant fin aux hydrocarbures comme point de départ pour
déterminer la couverture du programme d'indemnisation.
Je le mentionne également, il est possible de
prévoir une date butoir après laquelle aucune dépense n'est admissible à une
indemnisation sans lier cette date à un point de départ. Ainsi, le CQDE estime
que, dans tous les cas, les dépenses faites après le 18 octobre 2021 ne
devraient pas être admissibles au programme d'indemnisation.
En ce qui concerne les projets pilotes, la loi
mettant fin aux hydrocarbures envisage en effet l'autorisation de certains
projets pilotes. Pour le Centre québécois du droit de l'environnement, il est
essentiel que ces projets pilotes ne puissent pas, en aucun cas, servir de
manière détournée à poursuivre des activités de recherche et d'exploitation des
hydrocarbures.
Selon nous, il est clair que l'article 42
de la loi mettant fin aux hydrocarbures a préséance sur l'article 43.
Ainsi, aucun projet pétrolier ou gazier ne pourra être autorisé. Cependant, là,
à la lecture de l'article 43 de la loi mettant fin aux hydrocarbures, ça
nous semble moins limpide, là, le texte de cet article-là, ici.
Dans sa présentation aux médias du projet de loi
n° 21, le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles a mentionné
que les projets pilotes serviraient à acquérir des connaissances
géoscientifiques sur les puits qui sont déjà existants. Or, le texte de
l'article n'est pas suffisamment clair, à notre avis, en ce sens.
Au niveau des risques de faillite, donc, le
Centre québécois du droit de l'environnement invite le législateur ainsi que le
gouvernement à porter une attention particulière aux risques que les titulaires
de licence se prévalent des régimes régissant la faillite et l'insolvabilité
avant de réaliser les travaux de fermeture définitive des puits et de restaurer
les sites, obligations qu'ils auront en vertu de la loi.
Le CQDE estime que, même en cas de faillite, les
titulaires de licence et leurs syndics de faillite et autres ayants droit
devraient être tenus d'assumer les coûts de ces obligations en priorité sur les
autres créances. L'État ne devrait pas avoir à assumer entièrement les coûts de
fermeture et de restauration en cas de faillite d'un titulaire de licence. La
décision... Orphan Wells, pardon, de la Cour suprême du Canada peut d'ailleurs apporter
des enseignements à cet effet.
En ce qui concerne l'article 69 de la loi
mettant fin aux hydrocarbures, le Centre québécois du droit de l'environnement
est rassuré par le fait que cet article aura pour effet de mettre fin aux
divers litiges auxquels fait face le Québec de la part de l'industrie des
hydrocarbures. Cela étant, le CQDE est d'avis que cet article pourrait
bénéficier d'une formulation plus explicite afin d'exprimer plus clairement...
le plus clairement possible aux poursuivants actuels et futurs que leurs
recours sont voués à l'échec.
Soyons clairs, à notre avis, le texte actuel de
l'article 69 a déjà pour effet d'éteindre les poursuites actuelles et de
rendre impossibles les poursuites futures, mais notre suggestion vise à
s'assurer que le message soit le plus clair possible de manière à prévenir tout
débat judiciaire.
En terminant, là, la dernière section du mémoire
du CQDE présente plusieurs propositions d'amendement à différents articles de
la loi mettant fin aux hydrocarbures, notamment afin d'ajouter à l'objet de la
loi, d'éviter certains problèmes
d'interprétation et d'assurer l'encadrement des projets pilotes sur... par la Loi sur la qualité de l'environnement et
ses règlements, donc en fonction de l'impact possible de ces projets pilotes là
sur l'environnement.
Donc, en conclusion, on rappelle qu'on est tout
à fait en accord avec l'objet de ce projet de loi là qui est de finalement
mettre fin à l'industrie, l'exploration, la recherche d'hydrocarbures sur le
territoire du Québec, et il nous fera plaisir de répondre à vos questions.
Le Président (M. Lemay) : Alors,
merci, Mme Doré, pour cet exposé.
Et nous
allons maintenant débuter la période d'échange avec les membres de la
commission, et je cède maintenant la parole au ministre pour une période
d'environ 16 min 30 s.
M. Julien : Oui, merci. Merci
infiniment pour la production du mémoire, Me Doré et M. Tremblay,
puis pour votre présence, également, ici aujourd'hui, parce que, vous savez,
vos oreilles doivent vous siler régulièrement, parce qu'on parle souvent, en
fin de compte, de vos positions pour valider certains attributs, surtout sur
l'indemnisation. Moi, je ne suis pas avocat, je suis comptable, mais j'entends
bien chez vous, Me Doré, quand même, des nuances que je voulais juste
valider, parce que j'entends toujours : Bien oui, mais vous savez, là, le Centre
québécois des droits de l'environnement dit qu'on n'est pas obligés
d'indemniser, mais, en réalité, ça me semble être beaucoup plus nuancé que ça,
hein, puis alors c'est là que je veux valider avec vous. Vous dites :
Légalement, si je conçois bien, là, cette loi-là fait en sorte que le Québec ne
serait pas obligé d'amener d'indemnisation. Toutefois, selon certains droits...
le droit international, certains pourraient
prétendre qu'ils doivent être indemnisés. Puis on a des cas, là, avec l'ALENA,
justement, là, qui se sont avérés. Puis là vous dites, donc : Il est
légitime de penser à une indemnisation.
Alors, j'entends ces termes-là. Pour moi, c'est
beaucoup plus nuancé que quelqu'un qui dit : Bien, écoutez, là, le Centre
québécois des droits de l'environnement nous disent que l'indemnisation,
c'est... non. Alors, est-ce que je comprends bien votre position? Est-ce que
c'est la première version ou la deuxième version qui est la bonne?
Mme Doré (Anne-Sophie) : Merci
pour votre question. En fait, là, dès le départ, là, nous, dans notre rapport qu'on a publié en juin dernier, on a mentionné,
là, que c'est légitime de ne pas indemniser cette industrie-là, que l'Assemblée
nationale peut le faire. Bien entendu, on a également
aussi mentionné, je vous dirais, un bémol par rapport aux accords
internationaux. Cependant, tu sais, il est évident que le fait d'accorder une
indemnisation ne va pas annuler entièrement le risque de poursuite autant au
niveau interne qu'au niveau du droit international. Il est possible que ces
indemnisations diminuent le risque, mais on ne peut pas non plus faire, disons,
l'équation si simple de dire : S'il y a indemnisation, il n'y a aucun risque
de poursuite, celui-ci est complètement annulé.
J'ajouterais également que cette possibilité-là,
aussi, qu'il y ait des poursuites à l'international ne doit pas non plus être vue comme un frein à interdire
l'industrie, là, au Québec. C'est comme une forme de... une tentative
d'intimidation, là, je vais le dire ainsi,
là, de mentionner, dès à présent, qu'il y aura des poursuites, peu importe ce
qui sera adopté, puis cette tentative-là ne devrait pas impacter la
volonté du Québec d'agir de manière responsable et dans l'intérêt général en
mettant fin à la recherche et l'exploitation des hydrocarbures. Puis je
laisserais Hugo, aussi, compléter ma réponse.
• (16 h 30) •
M. Tremblay (Hugo) : Oui, mais
en fait, Me Doré, je n'ai pas grand-chose à ajouter. Je pense que c'est
une question qui est très importante, et vous avez tout à fait raison de le
souligner, M. le ministre. J'ai l'impression, quant au droit international, que
les choses ont beaucoup évolué depuis l'ALENA. Les nouveaux patrons, si l'on
veut, d'accords internationaux en matière de protection des investissements
étrangers sont généralement beaucoup plus balancés, disons, en faveur de la
protection de l'action publique et l'action des gouvernements en faveur de, justement,
la protection de l'intérêt public et de l'environnement.
Donc, la situation évolue. On peut toujours se
poser la question : Est-ce que ce sont... c'est une évolution qui pourrait
se voir dans la façon dont les panels d'arbitrage internationaux vont trancher
ce genre de dispute à l'avenir? La question est ouverte, elle n'est
certainement pas résolue. Comme vous le mentionnez, M. le ministre, on attend
encore le résultat de plaintes qui ont été portées en vertu de l'ALENA, mais ce
sont des plaintes qui, en tout cas, jusqu'à très bientôt, là, vont peut-être
devoir se plier à de nouvelles façons de régler ces disputes-là.
M. Julien : Encore là, pour
faire du pouce un peu sur ce que vous mentionnez, là, parce que j'essaie de
capter tous les éléments, là, qui sont plus nuancés, donc, j'entendais
Me Doré qui disait : Oui, mais indemniser, ça ne nous prémunit pas du
risque. Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais c'est ce que
je comprends. Moi, dans ma tête, c'est : Oui, mais ne pas indemniser, ça
augmente le risque. Moi, j'ai des aviseurs juridiques, ici, là, au procureur, à
l'intérieur de mon ministère, qui ont cette position-là. Puis, nous, ce qu'on
essaie de préconiser, à l'intérieur du projet de loi, c'est est-ce qu'on a une
approche pragmatique qui rembourse seulement les frais encourus, qui ne sont
pas sur des frais qui seraient tendancieux à des perspectives, là, je le
répète, là, des récits homériques de milliards de dollars. Non, non, écoutez,
là, on va vous rembourser les dépenses. J'ai entendu Me Doré, là, déjà,
qui, dans son cheminement, une fois qu'elle a dit que ce n'était pas
obligatoire, a quand même évalué, là, les délais de prescription selon
différents motifs.
Donc, si je ramène ça sur le terrain du projet
de loi, une fois qu'on a dit ça, est-ce que le fait de prévoir des indemnités
basées sur des éléments factuels, démontrables par, en fin de compte, là...
Nous autres, on a pris le délai de six ans, prescription fiscale, puis c'est
lié au crédit, on le paie au net. Est-ce que c'est une méthode, justement,
puisqu'elle est vérifiable, responsable et, je dirais, à tout le moins,
équitable, qui serait une méthode à adopter, le cas échéant, si on adhérait au
fait qu'on doit indemniser?
Mme Doré (Anne-Sophie) : Bien,
je l'ai mentionné dans ma présentation, en fait, nous, ce qu'on constate, en
effet, c'est que le choix est fait de faire une indemnisation, puis, dans ce
contexte-là, nous, on salue la volonté que ce soit une indemnisation qui soit
la plus minime possible et prévisible, avec des balises qui sont bien intégrées
dans une loi, et que ce soit un programme d'indemnisation, là, qui vienne par
la suite, là, mais que les balises soient bien intégrées dans la loi et
qu'elles soient limitées au minimum.
M. Julien : Parfait.
Parce que j'entendais mon collègue, dans une autre discussion, mon collègue de
l'opposition, de...
Une voix : ...
M. Julien : ...Mont-Royal
mentionner qu'à titre d'exemple, dans le passé, il avait eu à négocier, puis là
c'est une négociation, un «give and take», puis éventuellement on a eu une
espèce de deal, puis là le deal, bien, c'est un peu Anticosti, là, tu sais, on
ne sait pas trop qu'est-ce qu'il y a dedans, mais il existe, et il y a une
poignée de main qui se donne, pas pires amis. Je n'aime pas beaucoup ça, moi,
personnellement. J'aime mieux, en fin de compte, de venir dire : Bien,
écoutez, le programme d'indemnisation, ça va être noir sur blanc, là, et, si la
dépense, là, ce n'est pas celle qui est nommée et qui est vérifiable par un
vérificateur externe, bien, fin des discussions, là. Donc, j'aime bien ça. Ça
peut paraître un peu encadrant et rigoureux, mais j'ai l'impression que c'est
le volet équitable, justement, de la démarche d'indemnisation qui va être à
l'intérieur du programme d'indemnisation. Est-ce que... Encore là, si on prend
pour acquis qu'on indemnise, est-ce que c'est une méthode que vous privilégiez
ou plutôt une méthode où c'est plus du jugement de négociation, un peu, où on
n'est pas capable de toucher les motifs qui ont validé le calcul?
Mme Doré
(Anne-Sophie) : Bien, il est évident que, pour nous, la
prévisibilité puis un minimum de transparence dans le processus, ce sont des points positifs. La négociation derrière
des portes closes n'est pas une solution, évidemment, que nous
privilégions par rapport à ce qui est proposé. Donc, en effet, la prévisibilité
et le minimum de transparence, ce sont des éléments qui sont bienvenus. Je ne
sais pas, Hugo, si tu veux ajouter.
M. Tremblay
(Hugo) : Oui, tout à fait. Bien, je suis d'accord avec Me Doré
puis j'ajouterais, en fait, que l'application d'un barème clair, comme vous
dites, M. le ministre, est certainement mieux venue, là, que le serrage de main
derrière des portes closes. Donc, ça, c'est certainement un bon point.
Quant à nous, il y a des questions qu'on se pose
quand même à l'égard du projet de loi et en particulier à l'égard, de mémoire,
de l'article 36, qui, me semble-t-il, pourrait être d'une portée
incertaine, en tout cas, dans ma lecture, là, très sommaire ou, en tout cas, ma
compréhension très sommaire, là, du projet de loi. J'ai de la difficulté à
saisir exactement à quoi ça pourrait s'appliquer, dans le sens où les deux
articles précédents, soit les articles 34 et 55, semblent viser des chefs
d'indemnisation qui sont assez prévisibles, qui pourraient être développés,
évidemment, par le programme d'indemnisation.
Par contre, la question qu'on se pose,
c'est : À quoi ça ferait référence, exactement, l'article 36? Et,
dans la mesure du possible, encore une fois, comme vous le dites, M. le
ministre, d'appliquer des barèmes qui soient clairs d'emblée, que des lignes directrices soient imposées par la loi est
certainement mieux venu, encore une fois, que quelque chose qui soit
plutôt de nature discrétionnaire.
M. Julien : Parfait. Puis
j'entends bien ce que vous dites. Honnêtement, c'est certain que la réflexion
que vous portez, actuellement, là, me porte, moi également, à réfléchir. On
aura l'occasion, avec les collègues, d'en discuter à l'article par article.
Pour moi,
bien que ce soit un programme d'indemnisation qui n'est pas inscrit totalement
à l'intérieur de la loi, j'ai
clairement l'intention de l'amener ici, l'intention, là, claire de ce
programme-là, pour qu'a posteriori, bien, quelqu'un va pouvoir dire que c'était l'intention du
législateur. Je ne sais pas comment ça va fonctionner, mais les avocats vont me
dire ça.
Mais pour dire, là, il n'y aura pas de cachette,
a priori, de l'adoption du projet de loi, on sera conséquents avec ce qu'on
aura déterminé ensemble comme programme d'indemnisation, le cas échéant où,
finalement, on convient tous qu'il y aura indemnisation, et ça, on aura
d'autres discussions là-dessus.
Une dernière
petite question avant de passer la parole à mes collègues. Donc,
l'article 69, quand même, là, vous le concevez comme moi, qu'il vient mettre un chapeau sur les recours.
L'interprétation que vous en faites est la même que moi?
Mme Doré (Anne-Sophie) : Oui,
exact. Donc, dans le fond, nous, c'est vraiment... l'interprétation qu'on en
fait, là, à la lecture de l'article, c'est que ça met fin à tous les recours
éventuels et les recours actuels, là, qui sont... qui contestent la validité,
notamment, des règlements qui ont été adoptés en vertu de la Loi sur les
hydrocarbures.
M. Julien : Bien, moi aussi,
c'est ça, mes intentions. Ça fait qu'on m'a dit il fallait que je le mentionne
clairement, c'est ce que je fais aujourd'hui. Merci. Je passe la parole à mes
collègues.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. Donc, M. le député de Lac-Saint-Jean, en vous rappelant qu'il reste
environ cinq minutes à votre formation politique.
• (16 h 40) •
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci,
M. le Président.
Alors, bonjour à vous deux. On a parlé beaucoup
des indemnisations, bien entendu, puis j'ai vu un peu dans votre mémoire,
aussi, que c'est lié aussi, en fait, avec toute la question de la
réhabilitation des puits. Puis vous mentionnez aussi la remise en état, que,
selon vous, que ça doit demeurer une condition préalable nécessaire, aussi,
pour les versements des indemnisations.
Vous savez que, dans le projet de loi, bien, on
prévoit entre autres la fermeture, on prévoit aussi un encadrement
environnemental strict. Bien entendu, c'est le ministère de l'Énergie et le
ministère de l'Environnement qui devront, notamment,
approuver les travaux de fermeture de ces sites avant même de verser des
indemnités. Et, selon vous, est-ce que ces protections sont suffisantes,
à vos yeux?
Mme Doré (Anne-Sophie) : Bien,
a priori, il y a quand même certains questionnements, là, qui subsistent sur
les risques futurs que ces puits-là peuvent comporter. C'est évident que c'est
quand même une préoccupation, il faut vraiment s'assurer qu'à ce stade-ci ce
sont les meilleures pratiques qui sont employées pour assurer la fermeture et
la restauration des sites, parce que, justement, ça peut quand même créer aussi
un passif environnemental dans bien des années, au-delà d'une période qui sera
couverte par le projet de loi n° 21, donc s'assurer vraiment qu'il y a
beaucoup de rigueur et de suivi, un suivi continu.
Donc, au-delà de ce qui est présenté dans le
projet de loi, il y a beaucoup d'éléments qui relèvent davantage de la mise en
oeuvre de celui-ci. Donc, ça serait extrêmement important d'avoir une mise en
oeuvre rigoureuse, également, pour assurer qu'il y ait le moins d'impact
possible sur l'environnement et sur les communautés, là, qui sont à proximité
de ces puits qui seront l'objet de travaux de fermeture et de restauration.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci.
Et je vais laisser d'autres collègues.
Le Président (M. Lemay) : M. le
député de Bourget, pour environ trois minutes.
M. Campeau : Merci. Vous avez
parlé, au début de la présentation, du leadership du Québec là-dedans. Je pense
que c'est quand même évident, on est dans les premiers, ce qui veut dire qu'il
faut innover, à ce moment-là, et en même temps, de préférence, ne pas se
tromper, parce qu'il y en a qui nous regardent.
Vous
avez parlé de six ans à partir du 15 octobre 2015, le six ans à partir de
l'entrée en vigueur de la loi ou d'une prescription de droit commun de trois
ans. C'est quoi, une prescription de droit commun? Pourquoi ça s'appliquerait?
Et pourquoi vous avez parlé de ça? J'aurais aimé ça comprendre plus ce que ça
veut dire.
Mme Doré
(Anne-Sophie) : Bien, en fait, par prescription de droit commun, c'est
simplement... c'est la prescription qui, d'emblée, s'applique automatiquement à
tout recours personnel, hein, c'est ce qui est prévu par le droit civil
québécois, donc par le Code civil. Donc, de manière générale, c'est, je vous
dirais, la prescription la plus courante, c'est une prescription de trois ans.
Donc, c'est pour cette raison-là que nous, on le mentionne parmi les
possibilités qui s'offrent au législateur, là, pour fixer la période de
couverture, là, de l'indemnisation. Mais on fait quand même une série d'autres
recommandations ou d'autres propositions, disons-le ainsi, pour fixer la
période d'indemnisation, qui nous semblaient, nous, peut-être, un peu plus
cohérentes avec l'objet de la loi, là, au-delà d'aller... de la période de
prescription, là... de conservation des données fiscales.
M. Campeau :
Et cette prescription-là, ça s'est déjà appliqué dans un domaine
environnemental ou un domaine semblable?
Mme Doré (Anne-Sophie) : Bien,
de manière générale, tu sais, on peut prendre, par exemple, juste,
simplement, la responsabilité pour une faute
environnementale, par exemple, s'il y a une atteinte à l'environnement, ce sera
quand même une prescription du droit
commun qui pourra s'appliquer. Hugo, est-ce que tu as un élément à ajouter sur
la prescription?
Le Président
(M. Lemay) : Peut-être, M. le ministre...
Une voix : ...
Le Président
(M. Lemay) : Mais, attendez, je crois que M. le ministre... Il
reste une minute, allez-y
M. Julien :
Bien, juste pour faire du pouce sur la question de mon collègue, parce
qu'on a quand même des poursuites, actuellement, suite au règlement, et à la
loi, puis le règlement adopté en 2018, donc il y a des gens qui, déjà, là, sont
dans un cours de... un cadre légal, quatre ans en arrière, trois ans et demi,
quatre ans. Puis là, si je m'en vais dans les trois ans, bien, ils sont déjà
dans un schème d'appel de droit. Donc, pour vous, ça ferait sens, le trois ans,
considérant ce qu'il y a actuellement en cour puis les litiges? Oui?
Mme Doré
(Anne-Sophie) : Bien, c'est une des options qu'on présente, mais c'est
sûr qu'il y en a d'autres, aussi, qu'on
rattache davantage à la Loi sur les hydrocarbures, notamment, l'entrée en
vigueur de la Loi sur les hydrocarbures qui, même ça, nous semble plus
cohérente, en fait, avec le cadre, justement, dans lequel s'inscrit le projet
de loi, que de se baser sur la prescription, là, la durée durant laquelle il
faut conserver les données fiscales.
Le Président
(M. Lemay) : Merci beaucoup. C'est ce qui complète la période
d'échange avec les membres du gouvernement.
Nous allons passer
maintenant à l'opposition officielle. M. le député de Mont-Royal—Outremont, pour environ 11 minutes.
M. Arcand :
Merci, M. le Président. Bonjour, Me Doré. Bonjour, Me Tremblay.
Tout à l'heure, je discutais
avec mon collègue de Jonquière, qui n'a pas beaucoup de temps, alors on essaie
de s'entraider, dans une certaine mesure, il y a quand même quelques poursuites
qui sont présentes. Tout à l'heure, on parlait de la fameuse Lone Pine
Resources ou quelque chose comme ça. Est-ce que vous avez des informations?
Est-ce que ces gens-là ont une cause? Est-ce que la cause est considérée
farfelue? Parce que j'ai vu, à un moment donné, des poursuites de 100 quelques
millions de dollars, j'ai vu... bon, il y a Questerre, etc. Est-ce qu'à votre
avis il y a quelqu'un quelque part qui a une cause là-dedans, ou ce sont des
procédures un peu farfelues?
Mme Doré
(Anne-Sophie) : Je vais quand même faire attention dans la formulation
de mes commentaires, parce qu'il s'agit...
M. Arcand :
Correct, non, mais moi, je pose la question, puis vous répondez comme...
Mme Doré
(Anne-Sophie) : Bien, il s'agit quand même de causes qui sont
pendantes devant les tribunaux et, en fait, des causes auxquelles a participé
le Centre québécois du droit de l'environnement, là, à titre d'intervenant.
Mais il y a un
élément que j'aimerais quand même préciser, là, notamment par rapport à Lone
Pine. On parle quand même d'un avis d'intention qui a été fait en 2012, là, il
y a 10 ans. C'est toujours en délibéré. C'est un contexte qui est différent
également et c'est des bases qui sont différentes, là, pour instituer une
poursuite. Donc, oui, on peut regarder qu'est-ce qui s'est fait avec Lone Pine,
mais il faut quand même se replacer dans le contexte actuel pour envisager
d'éventuelles poursuites en fonction des accords internationaux.
M. Arcand : ...ça, madame,
qu'ils poursuivent le gouvernement fédéral. Parce que j'ai vu qu'ils
poursuivaient le gouvernement fédéral, là, c'était... c'était ça, là.
Mme Doré
(Anne-Sophie) : Exact. Puis en fait je laisserais peut-être Hugo
poursuivre sur... il est quand même bien au fait de Lone Pine. Est-ce que tu
voulais ajouter un élément sur cette poursuite?
M. Tremblay (Hugo) : Non, bien,
d'abord, je dois mentionner que moi-même, j'ai agi un peu dans Lone Pine, là,
donc je vais limiter mes commentaires. Je signale néanmoins, là, que la
réclamation de Lone Pine a été réduite de moitié depuis le début des
procédures. Donc, ça, c'est premièrement.
Ensuite, quelles sont les chances de gagner, ça,
c'est vraiment encore dans l'air, puis je ne me permettrais pas de me prononcer
là-dessus, compte tenu que je ne suis pas un expert en droit économique
international. Par contre, les bases des recours qui sont pris en droit
interne, là, si l'on veut, en droit canadien québécois, par, par exemple,
Questerre, par rapport à Gaspé Énergies, etc., ces bases-là sont très
différentes.
On peut distinguer deux fondements. D'abord, un
fondement en droit administratif, c'est-à-dire l'action administrative, le
contrôle administratif de l'État, la façon de donner des licences, d'annuler
des licences n'a pas été faite correctement, illégalement, si l'on veut. Ça,
c'est le premier fondement. Puis le deuxième fondement, ce sont des recours en
dommages, c'est-à-dire que c'est très souvent lié à des fondements sur la base
d'expropriation des droits réels miniers d'exploitation, d'exploration des
hydrocarbures. Donc, c'est deux fondements à distinguer. Et non seulement les
délais de prescription pour ces affaires-là, ces deux fondements-là sont
différents, mais aussi les chances de gagner sont toutes très différentes non
seulement en fonction de la position des entreprises de façon très spécifique,
elles-mêmes, c'est quoi, les bases de droits qu'elles ont, d'une part, mais
aussi les arguments qu'elles font valoir. Donc, c'est malheureusement trop
difficile à répondre, en tout cas, de façon générique, à mon avis.
M. Arcand : D'accord. Ma
question aussi, c'est que le ministre a mis quand même, dans son projet de loi,
là, un montant d'une centaine de millions pour les compensations. Compte tenu
de ce que vous savez, est-ce que ça vous apparaît réaliste?
Mme Doré (Anne-Sophie) : Mais
en fait, sauf erreur, le projet de loi ne mentionne quand même aucun montant
d'indemnisation, là, c'est plutôt, là, dans les communications publiques.
M. Arcand : Non, non, mais il y
a un budget, là, quand même.
Mme Doré (Anne-Sophie) : Oui,
il y a un budget qui est dans la tête du ministre, mais qui ne se reflète pas
dans le projet de loi. Moi, à titre d'avocate, c'est difficile pour moi de me
positionner sur est-ce que c'est suffisant parce que, notamment, j'ai peu de
connaissances sur les montants qui sont nécessaires, là, pour assurer la
restauration complète des sites. Je n'ai pas l'expertise nécessaire pour me
positionner sur la suffisance de cette portion-là, mais je peux simplement
mentionner que ce n'est pas un montant qui est fixé dans le projet de loi à ce
stade-ci, là, il n'y a pas, notamment, de plafond d'indemnisation qui est fixé.
• (16 h 50) •
M. Arcand : Très bien. Vous
avez parlé, entre autres, d'un précédent, là, qui est celui de la rivière
Richelieu. Vous avez dit : «Le législateur peut exproprier sans
indemnisation, en autant qu'il précise son intention.» C'est pour ça que vous
suggérez, en fait, cette demande-là que vous avez faite à ce niveau-là. Ma
question, c'est : Pareille forme d'expropriation, est-ce qu'elle a déjà eu
lieu, au Québec, lorsqu'on se retrouvait avec un détenteur des droits qui a dû acquitter des dépenses directes ou indirectes pour
obtenir ses permis? Est-ce qu'il y a déjà eu un cas comme ça où il y a
eu zéro compensation, à votre connaissance?
Mme Doré (Anne-Sophie) : Oui,
d'abord, en fait, nous, on ne s'est pas positionnés dans le rapport à l'effet
qu'il s'agisse d'une expropriation. En fait, nous, on estime davantage, là,
qu'il n'est pas nécessaire d'entrer dans le régime de l'expropriation, dans ces
cas-ci. Puis, pour un précédent, bien, il y a quand même eu la fin...
l'interdiction, là, de toute activité pétrolière et gazière dans le fleuve
Saint-Laurent, qui a mis une forme de moratoire sur ces activités puis qu'il
n'y a pas eu de compensation, d'indemnisation dans cette première loi là qui a
été adoptée par l'Assemblée nationale. Donc, il s'agit quand même d'un exemple
assez probant, là, à cet effet-là. Est-ce que, Hugo, tu avais quelque chose à
ajouter là-dessus?
M. Tremblay (Hugo) : Non...
bien, enfin, peut-être très brièvement, là. Aux alentours de 2009, je pense que
la loi sur les ressources en eau, qui a un nom très, très long, là, dont je ne
me rappelle pas par coeur, là, mais a, disons, stérilisé toute potentielle
réclamation de cette nature-là parce que le statut juridique des eaux
souterraines était incertain. Il y a plusieurs arguments à l'effet que les eaux
souterraines, avant 2009, étaient assujetties à la propriété de ceux qui
étaient, justement, les propriétaires du sol, du terrain. Donc, pour parer à
toute éventualité de réclamation de la sorte, en fait, le législateur québécois
a décidé de mettre en place une disposition similaire à celle qu'on trouve
actuellement dans le projet de loi. Donc, ça pourrait être un précédent. Comme
vous le dites, M. le député, il y a aussi la rivière Richelieu, là, la loi sur
la rivière Richelieu, qui est un autre précédent. Puis je rappelle quand même
un projet de loi, le projet de loi n° 37, de 2013 ou 2014, qui est mort au
feuilleton, là, mais qui prévoyait une autre disposition de la sorte en
matière, justement, d'hydrocarbures.
M. Arcand : O.K. Très bien.
Vous avez dit que le choix d'indemniser, c'est un choix politique plutôt qu'une
obligation légale, c'est ce que je crois comprendre dans votre mémoire. Par
contre, vous proposez un amendement à l'article 34,
et là ça semble ouvrir la porte — et c'est
peut-être moi qui comprends mal, là — à une
indemnisation personnelle des promoteurs qui sont détenteurs de permis. Est-ce
que j'ai bien compris? Est-ce qu'il n'y a pas là une espèce de contradiction
apparente?
Mme Doré (Anne-Sophie) : Une
contradiction par rapport à notre position initiale, j'imagine que c'est...
M. Arcand : Oui. Bien, c'est
parce que vous vous ouvrez la porte à une indemnisation personnelle...
Mme Doré (Anne-Sophie) : Bien,
en fait, nous, c'est... Je me permets de préciser, tu sais, dans un certain
point, aussi... Ce n'est pas nous qui allons écrire la loi. Donc, nous, on fait
nos commentaires, qui sont, d'entrée de jeu, ceux que j'ai mentionnés dans
notre présentation, mais par la suite, bien, on embarque un peu dans le train
en ce sens que, oui, on veut quand même proposer des amendements au projet de
loi qui vont faire en sorte qu'il y aura le plus de barèmes de modalités
établies par la loi concernant l'indemnisation et que celle-ci sera limitée au
strict minimum. Donc, c'est dans cet esprit-là que nous proposons des
amendements au projet de loi.
M. Arcand : O.K. Et vous dites
également que... lorsque vous parlez du programme d'indemnisation du ministre, vous acceptez, en fait, qu'il y ait ce
que j'appelle un rapport confidentiel de la part d'un vérificateur
indépendant qui puisse assurer les citoyens que cette indemnisation est
raisonnable. Est-ce que j'ai bien compris ça? Est-ce que ce ne serait pas mieux
de mettre tout ça dans un projet de règlement, éventuellement?
Mme Doré (Anne-Sophie) : En
effet, là, nous, la proposition que l'on fait, c'est qu'il y ait une assurance,
là, d'indépendance de la part du vérificateur, là, notamment au regard de ses
actions par rapport à l'industrie et une indépendance relativement au
gouvernement. Mais en effet nous, on ne fait pas la proposition que le
programme d'indemnisation soit créé par règlement. Ça ne fait pas partie des
propositions que nous faisons à l'heure actuelle.
M. Arcand : O.K. Lorsqu'on parle de
ce projet de loi, le ministre semble ouvrir la porte à un certain nombre de
projets dans le cadre de nouvelles technologies, et plusieurs des intervenants,
depuis le début, disent : Écoutez, même pour des projets qui sont des
projets de transition énergétique, entre guillemets, qu'il faudrait
obligatoirement avoir une consultation de citoyens, un BAPE, et ainsi de suite.
Est-ce que ce que vous partagez... Est-ce que vous avez, d'abord, des
inquiétudes sur cette espèce de projet de transition, là, dont on parle? Je
pense que le ministre avait parlé de géothermie ce matin, et puis d'autres, là.
Est-ce que vous avez des inquiétudes par rapport à ça? Est-ce que vous
recommanderiez la même chose, c'est-à-dire une vaste consultation à chaque
fois, un BAPE, ou que ce soit même inscrit dans la loi?
Le Président (M. Lemay) : Mme Doré,
est-ce que vous pouvez dire oui ou non?
Mme Doré
(Anne-Sophie) : Oui. Je vais dire : Oui, ça fait partie de
nos recommandations, parce qu'on demande l'application de la Loi sur la
qualité de l'environnement en fonction des impacts sur l'environnement reliés à
ce projet.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. Merci.
Donc, sur ce,
je cède maintenant la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, pour environ 2 min 45 s.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président.
Bonjour à vous. J'ai très peu de temps. Le
collègue est allé un peu sur la question que je voulais vous poser sur les précédents par rapport aux indemnisations.
Vous savez, on a abondamment brandi votre rapport, votre recommandation
qui disait qu'effectivement les indemnités, c'est un choix politique, ce n'est
pas une obligation légale. Donc, on loge à la même place que vous à ce
niveau-là.
J'aimerais peut-être vous entendre davantage sur
le précédent que vous venez juste d'évoquer parce que, pour moi, ça, c'est vraiment superimportant. Si on
indemnise dans ce cas-ci, j'ai l'impression qu'on se met un peu le bras
dans le tordeur puis que, pour la suite, si, éventuellement, on veut légiférer
sur d'autres secteurs économiques, bien, on va toujours être condamnés à devoir
indemniser. Ça fait que j'aimerais peut-être revenir sur cette question-là du
précédent.
Mme Doré (Anne-Sophie) : En
fait, je me permets d'ajouter, dans le cadre de cette réponse-ci... Bon, il y a
eu, comme je l'ai mentionné, là, tout ce qui était exploration, exploitation
dans le fleuve. On peut penser également à tout ce qui est exploitation de
l'amiante, qui a été interdite. Par contre, là, je pense que ce qui est
vraiment essentiel, c'est de se dire que, même s'il y a indemnisation, dans ce
cas-ci, il faut que ce soit, justement, extrêmement bien circonscrit, bien
balisé, pour comprendre quel est le contexte actuel dans lequel ces indemnisations
sont faites, pour ne pas que ça crée un précédent, non plus, pour, justement,
dans le futur, qu'il y ait une obligation, là, qui se forme de devoir
indemniser d'éventuelles industries qu'on pourrait vouloir limiter sur le
territoire. Donc, c'est quand même important, dans le cadre de vos travaux,
aussi, qu'il y ait cette attention qui soit portée là aux balises qui sont
mises, là, pour le programme d'indemnisation.
Mme Lessard-Therrien : Il
me reste une minute? Est-ce qu'on a d'autres... Est-ce que... Puis là c'est
peut-être... ça touche peut-être moins l'environnement, je ne sais pas
si vous allez être capable de me répondre, mais, tu sais, j'essaie
de penser à d'autres secteurs, peut-être avec le tabac, par exemple, quand on a
interdit les publicités, on n'a pas nécessairement compensé les compagnies de
tabac. Est-ce qu'on a des exemples positifs aussi... Bien là, vous venez d'en
nommer, là, mais peut-être en avoir davantage, en fait?
Mme Doré (Anne-Sophie) : Je ne
sais pas, Hugo, s'il y a autre chose qui te vient à l'esprit que ce qu'on a
déjà mentionné, là.
M. Tremblay (Hugo) : Il y a
quelque chose qui me vient en tête, en fait, c'est l'affaire Strateco, là,
donc, l'espèce de moratoire relatif à l'exploration sur l'uranium, qui est peut-être
un autre exemple à garder en tête.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. Donc, merci beaucoup pour cette réponse.
Et nous allons maintenant céder la parole au
député de Jonquière pour environ, lui aussi, 2 min 45 s.
M. Gaudreault : Oui, merci.
Alors, comme toujours, CQDE, extrêmement pertinent et intéressant. Moi, j'aimerais vous entendre aussi sur la question des
précédents, peut-être, Me Tremblay, parce que vous avez une expertise,
certainement, à l'heure actuelle, d'ailleurs, dans le domaine du droit de
l'environnement, sur les articles 115.10.1 et suivants de la Loi sur la
qualité de l'environnement, où on parle nommément que, selon l'évolution de la
science, on peut suspendre ou révoquer un permis, et 115.10.3 nous dit :
Ça ne donne lieu à aucune indemnité de la part de l'État. Alors, est-ce que ces
articles, en l'espèce, peuvent s'appliquer ou nous inspirer pour aller dans le
même sens, dans la loi que nous avons devant nous présentement, dans le projet
de loi?
• (17 heures) •
Mme Doré (Anne-Sophie) : Oui,
ça peut être une source d'inspiration, là. Par contre, je précise que, dans ce
cas-ci, dans la Loi sur la qualité de l'environnement, on prévoit que des
autorisations pourraient être demandées pour la même activité en fonction de
conditions différentes. Donc, bien que ce soit, en effet, une source
d'inspiration, c'est quand même un contexte qui est très différent, considérant
que le projet de loi n° 21 ferme la porte
complètement à toute possibilité d'activité.
M. Gaudreault : O.K. Mais
115.10.1 parle quand même que, selon, par exemple, l'évolution x de la science
ou des connaissances... et que ça peut causer des préjudices aux espèces
vivantes. Je veux juste bien comprendre la nuance que vous apportez, là.
Mme Doré (Anne-Sophie) : En
fait, c'est que 115.10.1 permet au ministre de l'Environnement de révoquer une
licence, mais n'empêche pas à ce détenteur d'autorisation de demander une
éventuelle autorisation pour la même activité, s'il modifie, par exemple, son
projet. C'est la nuance que j'apporte.
M. Gaudreault : Oui, je
comprends. Maintenant, je voudrais vous entendre un petit peu plus sur les
projets pilotes que le ministre veut inclure dans son projet de loi. On en a
parlé un petit peu tout à l'heure, mais je voudrais vous entendre
davantage : Est-ce que vous trouvez que c'est assez balisé, dans l'esprit
de l'atteinte de la carboneutralité ou des cibles de réduction de gaz à effet
de serre du gouvernement? Est-ce qu'on devrait aller plus loin là-dessus pour
attacher ça encore mieux?
Mme Doré (Anne-Sophie) : Bien,
nous, on demande, en fait, justement, à ce que tous les projets soient
assujettis à la Loi sur la qualité de l'environnement parce que, justement,
c'est cette loi-là qui va permettre d'évaluer s'il y aura un impact sur
l'environnement, sur la lutte contre les changements climatiques, et c'est le
ministre de l'Environnement qui a cette compétence-là, plutôt que le ministre
de l'Énergie et des Ressources naturelles, donc une autorisation qui vient de
ce ministère-là serait plus appropriée à notre sens.
M. Gaudreault : O.K.
Le Président (M. Lemay) : C'est
ce qui complète la période d'échange avec la commission. Merci beaucoup,
Mme Doré et M. Tremblay, pour votre participation aux travaux de la
commission.
Et je vais maintenant suspendre quelques
instants pour permettre aux prochains de pouvoir prendre place. Merci beaucoup,
encore une fois.
(Suspension de la séance à 17 h 02)
(Reprise à 17 h 14)
Le
Président (M. Lemay) :
Alors, la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des
ressources naturelles reprend ses travaux.
Et je souhaite maintenant la bienvenue au
représentant de l'Association pétrolière et gazière du Québec,
M. Tetrault. Et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
faire votre exposé, par la suite nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous
invite à vous présenter et à débuter de ce pas.
Association
pétrolière et gazière du Québec (APGQ)
M. Tetrault (Eric) : Merci
beaucoup, M. le Président.
M. le ministre, Mmes, MM. membres de la
commission, d'abord un merci très sincère de prendre le temps d'écouter ce que
l'association a à dire sur le projet de loi n° 21. Nous sommes très
heureux de pouvoir discuter avec vous
aujourd'hui, et en fait je vais exposer quelques arguments que nous aurions
aimé pouvoir discuter avec le gouvernement dans les dernières années. Ça
n'a pas été possible pour toutes sortes de raisons, mais profitons-en
aujourd'hui.
D'abord, vous dire d'entrée de jeu que nous
comprenons très bien, je dirais, le «statement» politique que fait le
gouvernement en disant qu'on va se sortir des hydrocarbures. Évidemment, de
notre point de vue, c'est... on ne le voit pas comme ça. On ne sort pas des
hydrocarbures tant qu'on les consomme au Québec, ici et ailleurs, dans le reste
du monde également, on sortira des hydrocarbures le jour où les gens ne
mettront plus d'essence dans leurs voitures ou le jour où l'industrie n'aura
plus recours au gaz naturel comme c'est le cas encore en ce moment. Et donc,
pour nous, le projet de loi n° 21, ce n'est pas une sortie des
hydrocarbures, c'est renoncer à produire chez nous le gaz naturel dont on a
besoin.
Ça, c'est vrai, c'est une chose, mais, de notre
point de vue, puisque nous avons des technologies... ça a beaucoup évolué,
évidemment, parce que nous avons des technologies pouvant produire le gaz
naturel pratiquement sans émissions, vous comprendrez que, de notre point de
vue, le projet de loi consiste à se condamner pendant encore plusieurs années,
probablement des décennies, à importer tout notre gaz naturel, ce qui crée
beaucoup plus d'émissions que si on le produisait chez nous avec ces
technologies modernes. Et ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'École
polytechnique, c'est le CIREQ, ce sont nos experts au Québec, et c'est un
rapport qu'on a fait faire il y a deux ans déjà, où on a étudié quatre
scénarios différents de chaînes d'approvisionnement. Alors, j'ai fait parvenir
une copie de ce rapport à la commission aujourd'hui, alors je laisse ça à vos
bons offices... savoir si vous voulez le distribuer, mais je pense que ce
serait une lecture essentielle, dans les circonstances.
Il faut bien s'entendre sur ces technologies. On
ne dit pas que ces technologies sont sans failles. Ce qu'on dit, c'est qu'il
faudrait les tester au moyen de projets pilotes. Et ce qu'on pense, c'est que
l'urgence avec laquelle on vit aujourd'hui de réduire les émissions le plus
rapidement possible commande de tout essayer et de faire confiance aux
solutions que l'industrie apporte elle-même.
Alors, c'est un projet de loi qui s'adresse à
l'industrie d'il y a 10 ans, si vous voulez. Elle a beaucoup évolué. Il
faudrait être capables, au moins, de tester cette technologie-là. Si au moins,
dans les documents officiels, on avait une date de péremption quelconque du gaz
naturel, à la limite, je pense qu'on comprendrait que... si on savait qu'on en
aurait peut-être pour cinq ou sept ans, pas plus... consommer le gaz naturel au
Québec, ça ne vaudrait certainement pas la peine de le produire chez nous, mais
ce qu'on pense... une opinion que partage, d'ailleurs, M. Pineau, aux HEC,
que j'ai entendu sur la question hier ou avant-hier, ce qu'on pense, c'est
qu'on en a encore pour des décennies.
Alors, ce que le projet de loi fait, c'est
condamner le Québec à importer tout son gaz naturel des États-Unis, de l'Ouest
canadien pendant encore très longtemps, en créant trois fois plus d'émissions.
Ça ne règle rien, du point de vue des émissions globales, ça ne règle
strictement rien du point de vue de l'environnement.
Et la question toute simple que je pose,
c'est : Pourquoi ne pas l'essayer? Qu'est-ce qui nous empêche d'au moins
l'essayer? Nous avons invité tous les partenaires intéressés à faire partie
d'un projet pilote à venir, sans aucune obligation de leur part, pour pouvoir
constater sur place que ces technologies-là peuvent fonctionner. Alors, la
question toute simple : Pourquoi refuser d'au moins l'essayer au moyen
d'un projet pilote? C'est la première section de notre mémoire, la section
environnement. Essentiellement, je vous l'ai résumée. Alors, M. le ministre et
plusieurs membres de la commission, nous
vous tendons la main, encore une fois, pour pouvoir être capables de tester ces
technologies-là.
La deuxième section, c'est sur l'économie.
Encore là, nous avons fait faire un rapport par les experts au Québec en la
matière, qui sont KPMG. J'ai envoyé copie de ce mémoire également ce matin au
secrétariat de la commission. Je pense qu'il faut absolument prendre
connaissance de ces chiffres-là. Et ce que ça dit, en fait... je vais le
résumer succinctement, ce que ça dit, c'est que nous avons pour 45 à
200 milliards de valeur de gaz naturel dans le sous-sol québécois. Notre
gaz est de bien meilleure qualité que celui qu'on importe, il a de meilleures
concentrations et coûtera moins cher à
exploiter, très probablement moins cher sur le marché que le gaz actuel,
également il sera 100 % sécuritaire. On sait que la question des
chaînes d'approvisionnement se pose avec beaucoup d'acuité aujourd'hui. Ça
signifie également des revenus de 150 à 300 millions par année pour le
gouvernement et entre 300 000$ et 500 000$ pour chaque municipalité
qui pourra être l'hôte de puits sur son territoire servant à produire ce gaz
naturel propre, ce gaz presque zéro émission que nous sommes en mesure de
produire.
• (17 h 20) •
Alors, évidemment, pour ce qui est de
l'économie, ce sont des chiffres extrêmement intéressants, dans le contexte où
le Québec est aux prises avec, encore une fois, un déficit de plusieurs
milliards, où il faut sans doute refinancer le réseau de la santé dans les
prochaines années, le renforcer pour qu'il soit à même d'apporter une meilleure
réponse, certainement en cas de pandémie, mais de façon générale. Alors, je
vous invite à prendre connaissance de ces chiffres dans ce rapport fait par
KPMG, rapport indépendant.
Le troisième point, je ne peux pas ne pas
aborder la question des droits autochtones et je suis franchement surpris de la
position du gouvernement quant aux droits autochtones. Une entreprise qui est
membre chez nous a signé une entente avec le Conseil des Abénakis de Wôlinak.
La lecture qu'on en fait, nous, c'est que la déclaration sur les droits des autochtones des Nations unies, qui leur
donne le droit à l'utilisation, le plein droit à l'utilisation des
ressources sur leurs territoires, et la loi fédérale C-15, c'est-à-dire la loi
qui fournit un cadre de reconnaissance et de mise en vigueur de cette loi-là,
est très claire, elle est très claire, ce sont les articles 32, 1 et 2. Je
l'ai... j'en ai écrit un extrait directement dans le
mémoire pour que vous puissiez le lire, mais je vous invite à lire la loi au
complet, la loi C-15, sur le site du gouvernement du Canada. Je pense que c'est
très clair que les autochtones doivent être capables de disposer des ressources sur les territoires traditionnels,
des territoires qu'ils revendiquent. Je suis surpris de voir que
l'interprétation du gouvernement est contraire, mais je suis également surpris
de voir qu'ils ne sont même pas consultés dans cette commission parlementaire
pour savoir ce qu'ils ont à dire sur la question. Non seulement c'est dans la
loi, il faut les consulter sur la question des ressources, mais je pense que,
politiquement, ça aurait été un bon geste de pouvoir les recevoir ici. Ils ont
fait une demande. Je ne sais pas s'ils ont reçu encore une réponse et s'ils ont
été refusés, je ne leur ai pas parlé, malheureusement, aujourd'hui, mais je
sais qu'ils auraient beaucoup aimé s'exprimer sur la question.
Mon quatrième point, c'est sur l'acceptabilité
sociale. Pendant des années, l'industrie s'est fait dire d'aller chercher
l'acceptabilité sociale, sinon il n'y aurait pas de discussion. Moi, j'étais
bien d'accord avec ça. Je trouvais que l'industrie aurait dû commencer par ça
il y a une dizaine d'années, une douzaine d'années. Et, même s'il n'y a jamais
eu de balises gouvernementales, pour toutes sortes de bonnes ou de mauvaises
raisons, l'industrie a pris sur elle-même d'aller chercher l'acceptabilité
sociale, et nous sommes allés la chercher chez des partenaires qui sont
directement concernés par les projets pilotes que nous aurions aimé faire dans
les basses terres du Saint-Laurent. Nous avons fait faire un sondage
Léger, qui date d'il y a quelques mois à peine, un sondage totalement
indépendant. Léger a lui-même trouvé et posé les questions parce que
nous-mêmes, nous voulions en avoir le coeur net. Alors, je vais faire parvenir
également ce sondage au secrétariat de la commission aujourd'hui, je vous
invite à en prendre connaissance, je pense que les chiffres parlent
d'eux-mêmes. Je pense que les Québécoises et les Québécois, en général, font
preuve de pragmatisme et nous disent : Ça vaudrait peut-être au moins la
peine de l'essayer avant de refuser carrément d'aller de l'avant vers les
solutions de l'industrie. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, je vous invite à en
prendre connaissance.
Ça amène une question également, parce que le
gouvernement précédent comme le gouvernement actuel nous répète qu'il n'y a pas
d'acceptabilité sociale, mais, personnellement, je n'ai jamais vu de chiffres,
je n'ai jamais vu de sondage ou quoi que ce soit qui démontrait la véracité de
cet argument-là. Je me suis beaucoup promené sur le terrain dans les dernières
années, moi, ça ne correspond pas à ce que j'entends. Le sondage correspond à
ce que j'entends, mais pas la déclaration selon laquelle il n'y a pas
d'acceptabilité sociale. J'aimerais que le gouvernement puisse au moins
produire des documents en ce sens-là pour qu'on puisse les comparer.
Cinquième et sixième points, très rapidement, je
prends 30 secondes, M. le Président, les deux projets pilotes, j'en
ai parlé. Nous tendons la main au gouvernement, encore une fois, aujourd'hui,
pour qu'on puisse réaliser ces projets pilotes, sans aucune condition de notre
part, on est prêts à faire des compromis, et vous l'avez dans les
articles 43.1 et 43.5, M. le ministre, dans le projet de loi que vous
soumettez aux parlementaires en cette commission.
Et finalement, pour ce qui est des
compensations, vous avez lu notre position dans les journaux, on s'est exprimés
succinctement là-dessus. Pour nous, ce n'est pas une compensation, c'est une
confiscation. On a beaucoup, beaucoup de difficulté à comprendre la position du
gouvernement là-dedans. On pense que, si c'était le cas de n'importe quelle
autre industrie sauf la nôtre, il y aurait des compensations qui seraient
équivalentes au montant des investissements qui ont été consentis. Mais ce
qu'il faut comprendre dans le cas de l'industrie, c'est qu'on a été convenus
par le gouvernement actuel, le gouvernement précédent et l'autre avant à venir
faire de l'exploration et de l'investissement au Québec. C'est à l'invitation
du gouvernement qu'on l'a fait, et les gouvernements successifs nous
promettaient un cadre dans lequel on pouvait opérer. Il n'a jamais été question
d'interdire la production. On change les règles du jeu à la fin, il faut une
compensation adéquate. Je pourrai revenir sur cette question-là lors de nos
échanges, M. le Président.
Le Président (M. Lemay) : Merci,
M. Tetrault.
Donc, nous allons maintenant céder la parole au
ministre pour notre période d'échange.
M. Julien : Oui, merci. Merci,
M. le Président.
Merci, M. Tetrault, pour votre allocution.
Bien, je vais avoir quelques petites questions. Merci pour vos documents. Donc, je comprends que l'Association
pétrolière et gazière du Québec, vous représentez, en fin de compte...
vous représentez, essentiellement, les pétrolières et les gazières puis vous le
faites bien.
Je veux ramener quelques éléments qui ont été
discutés ou que j'ai entendus dans les médias de votre part ou de... pour voir,
là, pour bien concevoir, là, qu'est-ce qu'il en est. Premièrement, vous êtes
les premiers qui nous disent que les indemnisations ne sont pas suffisantes.
Donc, je prends note de ça. Il y a M. Binnion qui a utilisé l'analogie
d'un billet de loterie gagnant dont on ne rembourserait que le prix d'achat,
l'empêchant de réclamer son gros lot. Si le billet était réellement gagnant,
pourquoi est-ce qu'on n'a pas réclamé le gros lot avant?
Moi, je vais avoir 50 ans, là, le mois
prochain, là, je vais être admissible à la FADOQ, ça a de l'air, c'est bien,
mais ceci étant je perçois que l'âge d'or, en réalité, du gaz et du pétrole est
peut-être d'une autre époque. C'est ma perception. Encore là, on joue sur des
perceptions. Puis vous avez mentionné vous-même, on a beaucoup évolué. Comment
ça se fait que, dans une période d'âge d'or au Québec... puis là j'ai fait le
retour, ça fait 160 ans, certains disent 190 ans, puis actuellement,
au Québec, là, vous nous dites que, franchement, il y a ces potentiels
fantastiques de gros lot, puis ça ne s'est jamais avéré. Pourquoi?
M. Tetrault (Eric) : Bien,
parce que vous n'avez pas voulu qu'on procède à des projets pilotes, tout
simplement. Tout ce qu'on demande, c'est de tester la technologie en question.
C'est très simple, comme demande. Je ne pense pas que ça implique beaucoup de
choses.
Et, pour répondre
directement à votre question, M. le ministre, si nous savions, comme industrie,
qu'on n'aura plus besoin de gaz naturel au Québec, je dirais, dans cinq ans,
sept ans, même 10 ans, pourquoi le produire chez nous? Je ne verrais pas
la pertinence de ça. Mais je pense, comme bien des gens, qu'on en a pour des
décennies encore. Ce que l'industrie tente de faire, c'est d'être plus rapide
que les gouvernements et les autres secteurs de l'économie vers le zéro
émission, vers la carboneutralité, et moi, je pense sincèrement... et c'est la
raison pour laquelle j'avais accepté ce mandat-là, je pense sincèrement que
l'industrie va y arriver avant les autres. La dernière conférence à laquelle
j'ai assisté dans l'Ouest canadien portait uniquement sur la capture et le
stockage du carbone, il n'y a pas eu d'autre sujet que celui-là. L'industrie
s'est mise en tête d'être la meilleure là-dedans, parce qu'elle connaît son
produit, elle connaît son infrastructure puis elle dispose encore du capital
nécessaire pour investir là-dedans.
Ce qu'on vous dit, en fait, M. le ministre,
c'est : cesser par la contrainte le recours aux hydrocarbures risque de
prendre encore beaucoup, beaucoup de temps, à moins de forcer les gens à
changer leurs habitudes, ce qui n'est probablement pas le premier choix d'un
gouvernement. Nous, ce qu'on dit, comme industrie, c'est : puisqu'on en a
encore pour un certain temps, est-ce qu'on est capables de le faire sans créer
d'émissions? Est-ce qu'on aurait cette technologie-là chez nous? Moi, je vous
dis que oui puis je pense que ça vaut la peine de la tester, par exemple, avec
un projet pilote avec nos collègues autochtones. Je vois très bien ça dans les
cartons du gouvernement. Je pense que c'est très jouable. Je pense que ce
serait sage, dans les circonstances.
• (17 h 30) •
M. Julien : Vous mentionnez,
M. Tetrault, en fin de compte, des enjeux... entre autres, là, dans votre
allocution initiale, des enjeux, potentiellement, par rapport à la chaîne
d'approvisionnement, bon. On sait très bien qu'au Québec, actuellement, 100 %
du pétrole et du gaz vient des États-Unis et du Canada, là, donc... Alors, en
termes de robustesse de la chaîne d'approvisionnement, je dors assez bien le
soir, personnellement, mais... Puis je comprends également qu'effectivement il
y a plus de 50 % de l'énergie au Québec qui est encore de l'énergie
fossile, mais, quand vous me tenez le discours, là, d'un projet carboneutre
avec toute l'expertise... Je comprends également que des endroits comme dans
l'Ouest canadien, par exemple, où, économiquement, leur base économique, leur
développement... tu sais, ils sont à la recherche de ces solutions-là, puis
déjà ils en exploitent beaucoup, beaucoup, beaucoup et... on conviendra que
c'est une voie de salut momentanée, mais où je ne vous rejoins pas, par le
sophisme, des fois, qui est utilisé, c'est de dire : On en a besoin, on va
en produire.
Moi, je regarde en avant de moi, je me
dis : 2035, c'est la fin des véhicules à essence au Québec, c'est un
engagement, c'est clair pour nous. Probablement qu'en 2042, là, la flotte de
véhicules va être pas mal tout électrique, sauf pour ceux qui voudront garder
des voitures à long terme. 2050, la carboneutralité, c'est demain, ça, c'est
demain, ça, pour nous. Mais c'est comme si vous nous disiez : Non, non, on
n'y arrivera pas, puis c'est clair que ce qu'on n'a pas fait dans les 50
dernières années, au Québec, qui ne s'est pas avéré, soudainement, même si on
n'est plus dans l'âge d'or puis on est en transition, c'est maintenant que ça
va arriver, momentanément. Vous comprenez que j'ai de la difficulté avec ça?
M. Tetrault (Eric) : Oui. En
fait, notre position, ce n'est pas de dire qu'on n'y arrivera pas. Notre
position, c'est de dire qu'on va y arriver plus vite comme ça.
Pour ce qui est de l'électrification des
véhicules, et tout ça, vous verrez dans les communiqués qu'on a produits, on
vous a toujours supportés là-dedans. La stratégie du Québec d'électrifier le
transport est une excellente stratégie, le recours à l'hydrogène, l'hydrogène
vert en particulier. On pourrait discuter de l'hydrogène bleu longtemps, on a
beaucoup de projets avec des partenaires norvégiens pour ce qui est de
l'hydrogène bleu. On pense que ça va être prêt pour le marché et beaucoup moins
cher que l'hydrogène vert, ça pourrait faire partie des discussions qu'on a,
mais on pense que les stratégies du gouvernement du Québec sont les bonnes et
on vous a soutenu publiquement là-dedans.
Ce qu'on vous dit, c'est que, si vous voulez que
les Québécoises et les Québécois lâchent le pétrole, il va falloir les
contraindre. Regardez les chiffres, regardez l'État de l'énergie du Québec, les
trois dernières années, vous y êtes allé comme invité d'honneur, c'est clair
que, sans contraintes très fortes sur la population pour qu'elle cesse
d'acheter des SUV, pour qu'elle cesse d'acheter des véhicules à essence, ça va
être un coup de force politique. Je ne voudrais pas être le gouvernement qui
dit aux gens qu'il faut absolument changer leurs habitudes de vie, je sais que
ça va être difficile. Mais, nous, ce qu'on fait, c'est qu'on prend acte de ça,
M. le ministre, puis on se dit : O.K., probablement que ça ne fonctionnera
pas. Qu'est-ce qu'on a, nous, dans nos cartons, comme solutions pour ça? Bien,
on se dit : Faisons-le, zéro émission, pour ce qui est du gaz naturel. Là,
je parle strictement du gaz naturel, je ne parle pas du pétrole comme tel, je
veux être clair, je parle du gaz naturel qu'on importe...
M. Julien : Juste là-dessus,
M. Tetrault, avez-vous un exemple clair de démonstration probante de ce
qui est énoncé, en fin de compte, comme production carboneutre, actuellement?
M. Tetrault (Eric) : Oui.
M. Julien : Puis, oui,
laquelle, nommément?
M. Tetrault (Eric) : Je peux
vous parler d'une PME qui s'appelle groupe Patoine, à Fortierville. Je les ai
rencontrés déjà il y a un an et demi, deux ans. La facture de propane est de
400 000 $ par année, c'est beaucoup d'argent pour une PME. Ils sont
dans la production porcine et dans la production de moulée porcine. Le gaz
naturel produit chez nous lui coûterait à peu près moitié prix. C'est
considérable pour une PME, puis c'est très important pour lui.
Et le groupe Patoine ne demanderait pas mieux que ce qu'on ait... qu'on mette à
l'essai ces technologies-là pour voir si ça peut fonctionner.
M. Julien : Ma question n'est
peut-être pas claire. Mettre à l'essai une technologie... avez-vous une
démonstration quelque part que cette technologie, actuellement, fonctionne?
M. Tetrault (Eric) : Non, nous
voulons la tester au Québec. Et la raison pour laquelle nous voulons la tester
au Québec plutôt que, par exemple, en Norvège... je parle de la Norvège parce
que, pour ce qui est du membre Questerre chez nous, comme vous le savez,
c'est... il y a beaucoup d'investisseurs norvégiens derrière cette
entreprise-là, la raison pour laquelle on veut le faire au Québec, c'est que,
pour être zéro émission, nous avons absolument besoin d'électrifier l'ensemble
des opérations, exactement comme le gouvernement veut le faire avec le
transport, et c'est au Québec que ça va coûter le moins cher. Le même projet
pilote... par exemple, on parle d'un projet pilote, M. le ministre, d'à peu
près une centaine de millions, le même projet pilote aux États-Unis, ou en
Norvège, ou ailleurs coûte le double ou le triple parce que l'électricité n'est
pas accessible et n'est pas aussi bon marché qu'au Québec. C'est la raison pour
laquelle on veut le tester chez nous, mais c'est la raison aussi pour laquelle,
lorsqu'on a eu une discussion entre les membres, moi, ce que je disais,
c'est : Il faut absolument commencer par un projet pilote où vous allez
inviter tous les gens, parce que vous ne pouvez pas dire tout simplement...
puis je pense que c'est le sens de votre question, vous ne pouvez pas dire tout
simplement : Ça va marcher, laissez-nous aller. Ce n'est pas ça du tout,
du tout qu'on veut faire.
M. Julien : Non, mais mon
principe... puis je vais laisser la parole à mes collègues, je n'ai rien qu'une
petite dernière question, mon principe c'est : il y a des États qui
exploitent de manière hyperimportante, qui ont des enjeux clairs par rapport à
ces défis-là, puis ils n'y arrivent pas, puis nous autres, on dit : Bien,
on va y arriver, puis on n'en fait pas encore. Mais j'entends ce que vous dites
comme projet pilote. Dernière petite question pour moi. Comment qu'il reste de
temps?
Le Président (M. Lemay) : Vous
êtes correct.
M. Julien : Oui, mais pour une
autre après ou...
Le Président (M. Lemay) : Cinq
minutes.
M. Julien : O.K., je veux
laisser mes collègues aussi.
M. Tetrault (Eric) : Non, c'est
correct...
M. Julien : Vous avez mentionné
un 2 février, M. Tetrault : Le montant indemnité pourrait
probablement se chiffrer en milliards.
M. Tetrault (Eric) : Oui.
M. Julien : Puis après ça
M. Lévesque estimait plutôt à 500 millions. Vous connaissez
M. Lévesque, moi, je le connais assez bien depuis le printemps dernier.
Puis alors... Puis là après ça, bien, c'est basé... de milliards sur des
revenus potentiels, 500 millions. Puis ce qu'on observe, actuellement, là,
c'est... il y a une seule découverte importante, découverte exploitable, on
parle de 34 barils, là, par jour, de mémoire, là, qui est identifiée dans
les registres. Donc, la seule, c'est
34 barils par jour, identifiée dans les registres d'exploitation au
Québec, puis vous, vous nous parlez de milliards?
M. Tetrault
(Eric) : On a besoin de se parler sérieusement, M. le
ministre, parce que les évaluations indépendantes et externes qu'on a
fait faire, c'est beaucoup plus que ça, là. Le Québec possède des réserves
considérables de gaz naturel. On peut remplacer tout le gaz naturel qu'on
importe par le gaz du Québec pendant une quarantaine d'années.
M. Julien : Pourquoi ce n'est
pas inscrit, ça, en fin de compte, dans les projets potentiels, là, qui doivent
être inscrits? Le seul qui est inscrit, actuellement, c'est 34 barils par
jour, ça...
M. Tetrault (Eric) : Les
autorisations n'ont pas été faites au gouvernement.
M. Julien : Pourquoi?
M. Tetrault
(Eric) : Parce qu'on veut procéder par des projets pilotes
sur des technologies zéro émission d'abord.
M. Julien : O.K.
M. Tetrault
(Eric) : Mais je pense que ça amène une bonne discussion de fond. Sur
les montants, juste pour vous dire, il y a deux types de montants pour nous. La
compensation, pour nous, c'est ce qui devrait équivaloir aux investissements
qui ont été consentis depuis une trentaine d'années au Québec. Ça, le chiffre
de 500 millions, on s'approche de la vérité. Il nous
reste à calculer beaucoup de choses parce qu'il faut calculer le prix moyen du
gaz naturel, etc. Mais, lorsque je parlais de compensation, lorsque l'industrie
parlait de compensation, elle parlait d'être remboursée sur les investissements
qu'elle a consentis. La somme de milliards, c'est un chiffre approximatif qui
demeure à préciser également, mais ce chiffre-là correspond à tous les profits
qui ont été perdus depuis une quinzaine d'années... depuis une trentaine
d'années au Québec. Alors, ça, on parle de deux choses différentes.
M. Julien :
Merci.
M. Tetrault
(Eric) : Encore là, ça amène, je pense, à une discussion...
M. Julien :
Je pense que mon collègue a une question pour vous.
M. Tetrault
(Eric) : ...oui, d'accord, à une discussion avec vous.
Le Président
(M. Lemay) : Très bien. M. le député de Bourget, la parole est à
vous pour environ trois minutes.
M. Campeau :
Bien, vous êtes le seul à venir présenter un mémoire dans le sens que vous le
faites aujourd'hui, puis il n'y a pas de problème, ce n'est pas parce qu'on a
raison ou pas raison, dans ce temps-là. Je dirais même que j'ai du respect pour
ça.
Mais je vais
reprendre un peu l'argument du ministre, mais d'une façon un peu différente. On
a dit qu'on se dirigeait vers 1,5 million de voitures électriques en 2030.
Le projet de loi n° 102, à l'étude actuellement, fait
quelques changements en nous dirigeant vers ça. On dit qu'on n'aura plus de
voitures neuves à essence en 2035, on dit que c'est ici qu'on a le moins de
GES, mais on veut les réduire par 37,5 %. Il y en a qui trouvent que ce
n'est pas assez, mais ce n'est pas la question d'aujourd'hui. C'était écrit
dans le ciel que ça s'en venait.
Puis l'autre chose,
c'est : dans les dernières années, avez-vous produit beaucoup ou avez-vous
investi beaucoup? Alors, elle est où, la valeur marchande des droits révoqués?
Je ne la vois pas.
M. Tetrault (Eric) : Bien, elle est dans l'évaluation des rapports
externes qui ont été faits, puis je pense, M. le Président, que je vais
les déposer dès demain pour lecture, parce que vous avez absolument besoin de
prendre connaissance de ces études-là. La raison pour laquelle il n'y a pas eu
de production, c'est qu'on est allés d'interdictions en moratoires, en BAPE, en
études stratégiques, en BAPE sur l'étude stratégique. C'est à peu près tout ce
qu'on a fait dans les 10 dernières années. On n'aurait même pas eu le
temps de produire, puis on a participé de bonne foi à tous ces travaux-là.
Encore une fois, je vous reviens avec mon argument, on se fait dire pendant
15 ans qu'on va avoir un cadre pour les produire, pour se faire dire à la
fin qu'on va les interdire. Vous comprendrez que...
Puis, à la limite, je
peux comprendre qu'un gouvernement, politiquement, change les règles du jeu,
c'est la prérogative d'un gouvernement, mais
il va falloir s'entendre sur une forme de compensation adéquate, à ce moment-là,
si d'aventure on ne peut pas au moins tester certaines technologies en
attendant, ce qui est une des deux demandes qu'on fait aujourd'hui, en fait.
Alors donc, pour répondre à votre question, c'est ça.
Je peux comprendre
que... Je comprends très bien et les gens de l'industrie comprennent très bien
que les gens veulent en finir le plus rapidement possible avec l'usage des
hydrocarbures dans le monde, et je ne sais pas si je vous surprends en disant
ça, mais les gens de l'industrie eux-mêmes le savent, c'est pour ça qu'ils
cherchent des solutions pour réduire très rapidement l'empreinte, ils sont
parfaitement conscients de ça. Il ne faut pas voir l'industrie comme étant des
gens qui cherchent des moyens pour faire perdurer l'usage des hydrocarbures. Ce
n'est pas ça du tout qu'on dit, ce n'est pas ça du tout qu'on dit. Ce qu'on
dit, c'est que l'industrie a changé, elle possède des technologies qui risquent d'aller plus rapidement que les
stratégies gouvernementales, mais qu'on demande à ce que ça soit au minimum
testé.
• (17 h 40) •
Le Président
(M. Lemay) : Merci, M. Tetrault, et simplement pour vous
mentionner que les documents que vous avez mentionnés dans votre exposé initial
sont sur le site Greffier, disponibles pour les parlementaires, et, si vous en
transmettez d'autres, on les rendra disponibles, bien entendu.
M. Tetrault
(Eric) : Donc, c'est possible demain, c'est ça?
Le Président
(M. Lemay) : Oui, sans problème.
M. Tetrault (Eric) : D'accord.
Merci.
Le Président (M. Lemay) : Alors, nous allons maintenant céder la parole au
député de Mont-Royal—Outremont pour
une période d'environ 11 minutes.
M. Arcand :
Merci, M. le Président.
M. Tetrault,
bonjour, bienvenue. Très franchement, j'imagine que vous avez une position qui
n'est pas facile, là, parce qu'évidemment vous n'êtes pas la personne peut-être
la plus populaire au Québec, pas parce que c'est vous, mais parce que... ce que
vous représentez, disons, comme industrie.
Moi, ma première question par rapport à ça,
c'est... D'abord, je sens dans votre mémoire, très franchement... vous êtes une
personne qui avez beaucoup d'expérience dans le domaine des relations
publiques, et du lobby, et de tout ça, mais je sens
derrière cette présentation-là une certaine dose d'agressivité, dans le sens
que vous reprenez, par exemple... puis je vais simplement donner deux exemples,
vous reprenez les propos du Pr Pineau, vous dites, écoutez... et vous le citez
abondamment : «C'est une hypocrisie de ne pas vouloir produire localement,
de ne pas vouloir réglementer la production et de se faire un point d'honneur
d'importer le pétrole et le gaz.» Ça, c'est une des citations que je retrouve
dans votre mémoire. Puis la deuxième citation : «La démarche du
gouvernement est à ce point inacceptable que son image auprès des investisseurs
étrangers s'en trouve déjà entachée, peu importe la suite. Le Québec attire
déjà cinq fois moins d'investissements étrangers directs que l'Ontario. Sa
façon de traiter l'industrie alourdit son cas.»
Bon, moi, je me rappelle d'une discussion... et
j'entends ce que vous dites là, que vous avez des projets, etc., mais je me
rappelle d'une discussion que j'avais eue, je crois que c'était en 2009 ou en
2010, avec le président d'une entreprise qui s'appelait GDF Suez, Gaz de France
Suez, M. Mestrallet, qui était le président à ce moment-là, qui a d'ailleurs
changé le nom et qui s'est appelé ENGIE, hein, qui ont changé leur nom à un
moment donné, alors... et là il m'avait dit, déjà en 2009‑2010 : Écoutez,
il faut changer de façon considérable le modèle d'affaires, et ils se sont lancés dans l'éolien, ils se sont lancés dans
toutes sortes de choses. Et on dirait que, du côté de vos membres... je
comprends, là, vous avez le projet
Wôlinak... Wôlinak ou, peu importe, cette nouvelle technologie-là, mais j'ai
beaucoup de difficulté... Vous avez
ici, devant vous, les membres de l'Assemblée nationale, quatre partis
politiques différents, qui vont de gauche à droite, et ainsi de suite,
et qui ont tous passablement accepté le principe de ce projet de loi qui est
devant nous. Alors, à partir du moment où il y a cette espèce d'unanimité de
gens qui représentent le Québec par rapport à la nécessité, comment se fait-il que des gens de l'industrie
n'ont pas pu voir ça venir de façon évidente? Pourquoi ne pas vous être
lancés dans le solaire, dans les biocarburants, dans l'hydrogène vert, dans
d'autres formes d'énergie qui auraient
représenté certainement un défi, mais dans lesquelles le Fonds vert aurait
participé? Il y aurait eu véritablement là des efforts.
Alors, on a
l'impression... puis je vous le dis très franchement, puis peut-être que je me
trompe, mais l'impression qu'on a,
c'est que, dans le fond, vous ne voulez pas changer votre façon de faire. Vous
dites : Bon, on va essayer peut-être de les accommoder avec de
nouvelles technologies auxquelles... on n'est pas sûrs que vous y croyez
vraiment. Mais est-ce que... Bien, ma question est simple : Est-ce que vos
membres... puis je ne parle pas de vous personnellement, vous parlez à vos
membres sur une base régulière, est-ce que vos membres croient fondamentalement
qu'ils peuvent en arriver éventuellement à lâcher les hydrocarbures puis
d'arriver avec des produits qui sont compatibles avec ce que la population veut
actuellement?
M. Tetrault (Eric) : Allons-y
point par point. D'abord, vous avez une mauvaise impression de l'industrie. Ce
qu'on propose, là, le gaz naturel zéro émission, ça a pas mal plus de potentiel
de réduire les émissions que les éoliennes ou le solaire. Je n'ai pas à vous
énumérer à quel point les éoliennes et le solaire ont besoin d'hydrocarbures,
juste pour les construire, les aménager, stocker l'énergie que ça produit. La
réalité c'est que, dans l'industrie...
M. Arcand : Je suis content que
vous me disiez ça, parce que Mme Brochu, elle, à l'époque, je lui
demandais de faire du gaz naturel renouvelable, c'était un petit peu compliqué.
M. Tetrault (Eric) : Oui, mais
ça, ça n'aboutit pas. Je ne veux pas en parler aujourd'hui, mais je sais que le
contribuable le paie trois fois puis le paie trop cher. Puis on est très
sceptiques face à la possibilité d'en injecter 60 % d'ici 2030, ça, on
pense qu'on rêve en couleurs.
Mais, pour répondre à votre question, vous avez
une impression qui n'est pas la bonne de l'industrie. On préfère des projets de
gaz naturel zéro émission à n'importe quel projet d'éolienne ou de solaire
parce que ce n'est pas fiable. Regardez l'exemple de la Grande-Bretagne ou de
l'Allemagne, actuellement, la Grande-Bretagne, ils sont en crise de gaz
naturel, là, ils paient 400 % de plus, au moment où on se parle. Pourquoi?
Parce que ça fait deux ans qu'il ne vente pas en mer du Nord, ça fait qu'à
moins d'inventer du vent, là, ils sont dans le trouble pour un petit bout de
temps encore. On ne peut pas se fier à ça.
Puis d'ailleurs, si on veut produire de
l'électricité à 65 % plus dans les prochaines années, comme les documents
officiels du gouvernement le disent, pour tout électrifier au Québec, ça va en
prendre combien, d'éoliennes, puis où, puis avec quelle acceptabilité sociale,
puis avec quelle fiabilité? Regardez les chiffres là-dessus, ils ne sont pas
bons. La réalité, c'est que l'éolien et le solaire n'est pas prêt, et on ne
cesse de repousser la date où ça va être prêt.
Bien, nous, on pense qu'on a de meilleurs
projets que l'éolien et le solaire. On pense que le gaz naturel zéro émission,
ça vaut 100 fois l'éolien et le solaire. Alors, oui, on a évolué. Nous,
notre perception, c'est qu'on évolue encore plus vite et plus rapidement que
celles et ceux qui ne cessent d'évoquer l'énergie alternative, qui n'est
jamais, jamais au rendez-vous. On n'a pas encore parlé de l'acheminer aux
marchés, de forcer l'industrie à changer tous ses procédés industriels pour s'y
conformer, ça va être des sommes astronomiques sans savoir si c'est fiable.
Pourquoi, dans nos installations, dans notre réseau de la santé, il est prévu
du gaz naturel? Parce que, en bon Québécois, c'est le seul backup fiable qu'on
va avoir. Je ne voudrais pas être sur la table d'opération, moi, quand il n'y a
plus d'électricité, là. Et c'est ça, l'idée, il faut toujours être soutenus par
quelque chose qui est fiable.
Ça fait que, oui, on est conscients de l'image
qu'on projette et on sait qu'on est une espèce de vérité inconvenable. Je le
sais, les gens de l'industrie le savent, mais c'est ça qui nous pousse à faire
toutes sortes d'efforts pour proposer les solutions. Puis je vous répète, je
suis convaincu, personnellement, que l'industrie peut y arriver plus
rapidement, à la carboneutralité, que n'importe quelle stratégie
gouvernementale qu'on va avoir. Je suis convaincu de ça. Pour moi, le secret,
c'est le libre marché, la concurrence, la venue des technologies et la
facilitation par les gouvernements à tous
les niveaux de la circulation des capitaux nécessaires pour qu'on puisse y
arriver avec la technologie.
Regardez l'histoire du
monde. On devait mourir de faim dans les années 70, et la technologie a
réglé ça. On s'en allait dans une ère glaciaire, en 1978. J'ai trouvé un vidéo
de Spock, de Star Trek, sur YouTube, qui nous disait, avec le plus grand
sérieux, qu'on s'en va dans une ère glaciaire en 1978. Je ne blâme pas les
gens, ce que je dis, c'est que c'est toujours la technologie qui est venue au
secours de l'humanité, et je pense que ça va être encore une fois ça, beaucoup
plus que la contrainte sur les comportements des gens qui va l'emporter, et
c'est ce qui explique notre position. Et je vous remercie d'être conscient que
le rôle n'est pas facile, mais je peux vous assurer que, personnellement, je
suis très ouvert aux discussions, et puis je suis très ouvert aux échanges.
• (17 h 50) •
M. Arcand : Mais,
M. Tetrault, juste comme question... Moi, j'ai eu affaire à Énergir
pendant longtemps. Énergir, on leur demandait de faire du gaz naturel
renouvelable. Le gaz naturel, il y a eu des projets à Saint-Hyacinthe avec des matières résiduelles. Il y avait une
possibilité... je pense que c'était à Dolbeau, il y avait une possibilité, avec
des copeaux de bois, avec les résidus
forestiers, de faire du gaz naturel, mais c'était extrêmement laborieux. Alors,
la question est la suivante : En
quoi cette nouvelle technologie que vous avez... parce que de la façon dont
vous vous exprimez, c'est quelque chose
de révolutionnaire. Alors, en quoi... expliquez-moi en quoi cette nouvelle
technologie-là pourrait être révolutionnaire et pourquoi le ministère de
l'Énergie et des Ressources naturelles ne semble pas comprendre ça aujourd'hui.
M. Tetrault
(Eric) : Deux raisons fondamentales. D'abord, il faut bien
comprendre qu'Énergir est un distributeur de gaz naturel bien plus qu'un
producteur, et nous, on représente des producteurs de gaz naturel. Alors, si
vous voulez savoir comment faire du Coke, demandez aux gens qui font le Coke,
demandez-le pas aux gens qui distribuent le Coke. On est capables de le faire
parce qu'on a la capacité technologique, la capacité financière de le faire et
on pense que ça va aller beaucoup plus rapidement que le gaz naturel
renouvelable.
L'autre raison pour s'intéresser à notre projet
est d'ordre économique. Nous, on ne demande pas un sou au gouvernement, pas un
sou, pas un rond. Ce sont des capitaux entièrement privés qui vont aller dans
le projet pilote, évalué à une centaine de millions. On ne demande pas un sou
au gouvernement. Combien le gouvernement dépense à chaque année en subventions,
là, pour le gaz naturel renouvelable, puis supporter l'étendue du réseau, puis
etc.? Le calcul rapide, là, on est rendus à quelques centaines de millions, là.
Alors, c'est un distributeur de gaz naturel qui n'est pas du tout le concurrent
pour nous, soit dit en passant. Ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il devienne le
distributeur du gaz le plus propre au monde, qui se trouverait à être beaucoup
moins cher.
Le Président (M. Lemay) : M. Tetrault,
c'est ce qui complète cette période d'échange.
Maintenant, je cède la parole... avant de céder
la parole, est-ce qu'il y a consentement pour que la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques
puisse reprendre...
Des voix : ...
Le Président (M. Lemay) : Oui.
Très bien, consentement.
Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
pour une durée d'environ 2 min 45 s.
Mme Massé : Merci, M. le
Président.
Depuis 10 ans, votre association tente de
pousser à travers la gorge des Québécois et Québécoises des projets de forages
pétroliers et gaziers dont les Québécois et Québécoises ne veulent rien savoir.
Votre association a fait du lobbying intensif auprès des dizaines d'élus
provinciaux, municipaux partout au Québec. Vous avez utilisé et utilisez encore
parfois des rhétoriques un peu fallacieuses pour essayer de dépeindre votre
industrie comme étant un acteur responsable. Vous avez appuyé Keystone XL,
vous avez appuyé la campagne pour GNL Québec, et j'en passe. Vous faites la
promotion d'un pétrole qui, soi-disant, respecte l'environnement et d'un gaz
fossile qui réduit les GES. Bien, voyons donc, voyons donc! En 2016,
d'ailleurs, vous disiez que la fracturation hydraulique était un procédé tout à
fait sécuritaire. Sur votre page Web, vous avez photoshopé une magnifique
plante, une magnifique plante dans un brûleur de gaz, il faut le faire. Ça, on
appelle ça de l'écoblanchiment. On va se parler honnêtement, c'est la nouvelle
marque de commerce de votre industrie partout à travers la planète.
Malheureusement pour vous, les citoyens et citoyennes
du Québec, ils ont vu à travers ce jeu-là. Partout, dans toutes les régions,
ils se sont tenus debout devant vos membres qui utilisaient le «free mining»
pour débarquer dans leur cour puis essayer de forer sans leur permission, sans
leur consentement. Les citoyens, là, ils ont gagné cette bataille historique,
puis votre industrie a perdu. Vous avez perdu et vous venez ici réclamer des
indemnités, malgré les permis que vos membres ont eus à rabais, malgré les
pertes de Ressources Québec, malgré les passifs des puits orphelins qu'on a
encore peine à bouger actuellement, malgré les impacts sur le territoire des
dérèglements climatiques.
D'ailleurs, quand on lit la documentation
financière de votre industrie, vous avertissez vos investisseurs que l'exploration
du pétrole et du gaz comprend des risques inhérents. Pourquoi, tout d'un coup,
vous voulez nous faire assumer collectivement ces risques? Ma question :
Quel est le niveau de responsabilité que vos membres reconnaissent dans la
présente crise climatique?
Le Président (M. Lemay) : Il
vous reste environ 15, 20 secondes.
M. Tetrault (Eric) : Bien,
rapidement, vous lirez le sondage Léger, je pense qu'il n'y a rien qui rentre
dans la gorge des Québécois, vous vous trompez lourdement là-dessus.
Pour ce qui est du lobby,
le ministre en sera témoin, je pense qu'on ne s'est pas parlé depuis un an et
demi, deux ans. Ça fait que je ne sais pas à
quoi vous faites référence quand vous dites qu'on passe notre temps à faire du
lobby auprès du gouvernement. Keystone XL, le président américain regrette
beaucoup sa décision. GNL Québec, on pense que
c'est une très mauvaise décision, il y a un excellent marché pour le GNL. Vous
lirez les rapports de Morgan Stanley, la
fracturation est parfaitement sécuritaire, vous lirez le rapport de... les deux
rapports du BAPE et l'étude environnementale stratégique du Québec.
Quant aux puits orphelins, ils appartiennent à la SOQUIP et non pas au secteur
privé.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. Donc, maintenant, je cède la parole au député de Jonquière pour environ
2 min 45 s.
M. Gaudreault : Oui. M. le
Président, moi, j'ai l'impression qu'on a devant nous un fumeur qui dit :
Moi, je veux arrêter de fumer, mais je vais vendre des cigarettes. Ça, c'est la
première chose qu'on a devant nous.
Puis la deuxième chose qu'on a devant nous,
c'est une association qui se présente sous un faux nom. L'association de
l'énergie du Québec, ça n'existe pas, c'est l'Association pétrolière et gazière
du Québec. On a vérifié encore ce matin dans le registre des entreprises, le
nom «association de l'énergie du Québec» n'existe pas. Alors, ça, ça en dit long de deux manières :
premièrement, c'est comme si quelqu'un avait honte de sa vraie nature;
deuxièmement, ce n'est pas une association qui fait la promotion de l'énergie
sous toutes ses formes, incluant le renouvelable, c'est une association qui
fait du lobby organisé pour faire la promotion de l'énergie fossile. Ça, c'est
l'Association pétrolière et gazière qui existe au Québec. Le plus choquant,
c'est que cette association se permet de donner des leçons au Québec en disant
que de ne pas indemniser si on retire des droits, c'est agir comme une
république de bananes. Moi, en ce qui me concerne, c'est davantage une
association de ce type qui dit ça du Québec qui nuit à l'image du Québec.
Dans son mémoire, l'Association pétrolière et
gazière nous dit que le Québec est en retard puis il prône une approche
moderne. Bien, moi, je pense que le retard, il a changé de côté. Quand je regarde
les grandes institutions financières internationales, la Banque européenne
d'investissement, la Caisse de dépôt et placement du Québec, les grands groupes
d'investissement mondiaux comme BlackRock, les grandes compagnies d'assurance,
ils se retirent des énergies fossiles puis ils constatent qu'il y a beaucoup
plus de risques dans les énergies fossiles que dans d'autres types
d'investissements. Donc, M. le Président, moi, je dis, quand le Québec est le
champion des énergies renouvelables, que nous en sommes si fiers, ce n'est pas
le moment, quand l'ensemble de la planète essaie de sortir des énergies
fossiles, que nous, on plonge là-dedans, ça serait complètement à contresens.
Je termine en vous disant que, sur la question
des indemnités, que ce soit sur l'amiante, que ce soit sur le fleuve ou
l'estuaire à l'époque de Mme Normandeau, que ce soit avec les articles,
présentement, qu'ils le permettent dans la Loi sur la qualité de
l'environnement, le Québec n'a jamais été mis au bas de la planète pour agir
comme ça. Merci.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. Donc, M. Tetrault, c'est ce qui complète la période d'échange avec
les parlementaires. Alors, je vous remercie de votre contribution aux travaux
de la commission.
Et je vais suspendre les travaux quelques
instants pour permettre au prochain groupe de prendre place virtuellement.
Merci, M. Tetrault.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise à 18 h 08)
Le
Président (M. Lemay) : Alors, la Commission de l'agriculture, des pêcheries,
de l'énergie et des ressources naturelles reprend ses travaux.
Et je souhaite maintenant la bienvenue à
M. Richard Ouellet, professeur titulaire de l'Université Laval. Je vous
rappelle que vous allez disposer de 10 minutes pour faire votre exposé, et
ensuite il y aura un échange avec les membres de la commission. Alors,
M. Ouellet, la parole est à vous.
M. Richard Ouellet
M. Ouellet (Richard) : Merci
beaucoup, M. le Président.
Donc, j'interviens à titre personnel. Je tiens à
dire que je ne suis pas un expert des enjeux énergétiques, je suis plutôt
penché vers le droit international économique. Je suis professeur de droit
international économique depuis maintenant 21 ans à l'Université Laval. Donc,
je m'intéresse au contenu des accords de libre-échange, au droit du commerce,
au droit de l'investissement. Et donc c'est un peu dans ce sens-là que je
voudrais, aujourd'hui, un petit peu partager avec vous quelques idées que j'ai
sur le projet de loi, mais mes commentaires vont se centrer autour du préambule
ou d'un éventuel préambule, peut-être, à cette loi-là et aussi sur le programme
d'indemnisation, donc le chapitre VI de la loi.
Ce que je voudrais d'emblée souligner, c'est que
j'ai beaucoup apprécié l'étude de ce projet de loi. Je décode dans le projet de
loi un souci d'équilibre. D'abord, d'un côté de la balance, le fait d'envoyer
un signal fort que le Québec devient une juridiction qui prend un virage vert,
qui pose ici un geste concret dans ce sens-là, qui répond à l'urgence
climatique. Bon, évidemment, on ne règle pas globalement l'urgence climatique,
mais là je vois un geste concret assez fort, un signal
assez important. Donc, ça, c'est d'un côté de la balance. Et, dans
l'autre plateau de la balance, je vois un souci pour le Québec de demeurer une
juridiction accueillante pour les investisseurs étrangers qui traitent
convenablement les gens d'affaires qui viennent chez nous tenter de développer
les choses. Et, pour moi, ça me semble assez important parce que, bon,
évidemment, à cause de mon champ d'expertise, sans doute... il ne faut pas
faire peur aux investisseurs. Nous sommes dans un monde de plus en plus petit,
de plus en plus globalisé, et, bon, ici, aujourd'hui, il est question des
hydrocarbures, mais tantôt on voudra accueillir aussi des investisseurs dans le
secteur... puis on le fait déjà, dans le secteur des technologies de
l'information, pour développer des vaccins ou dans le secteur du bois, comme on
le fait déjà aujourd'hui, donc c'est important, je pense, d'envoyer des signaux
équilibrés.
• (18 h 10) •
Entendez-moi bien, dans la présentation que je
vais faire maintenant, je ne viens pas, ici, défendre la position des entreprises ou des investisseurs étrangers. Je
voudrais rendre compte de la réalité du droit international économique,
de comment ça se passe devant les tribunaux, devant les arbitres quand on
tranche un litige à connotation économique. Donc, ne tirez pas sur le messager
quand je vous parlerai de la façon dont ça se passe dans un dossier comme Lone
Pine ou quelle est l'attitude de ceux qui réclament quand vient le temps de
prendre des décisions comme celles qu'on prend aujourd'hui.
Ma première remarque porterait donc sur le
préambule de la loi. Je serais assez partisan d'affirmer les choses de façon
assez forte dans un préambule de cette loi-là. Je m'explique. Ici, le Québec
devient une juridiction qui fait un choix affirmé, un choix assez
tranché : il n'y aura plus d'exploration des hydrocarbures chez nous,
c'est terminé; l'exploitation de la saumure, c'est terminé. C'est un signal qui
est relativement fort et que beaucoup d'autres juridictions vont regarder. C'est une loi qui va inspirer les choses et
c'est une loi aussi — et ça,
je vais revenir là-dessus tout à l'heure — qui risque de se
retrouver devant, peut-être, des arbitres, peut-être les tribunaux. On va
essayer d'éviter ça, mais c'est possible que ça se retrouve là. Et donc
exprimer les intentions du gouvernement dans un préambule assez fort serait, pour moi, un signal important, et ce
serait quelque chose sur lequel, je pense, ça vaut la peine de travailler
dans le contexte que l'on connaît. Donc, ce
serait ma première, si j'ose dire, recommandation, si je peux employer ce
terme-là.
Je voudrais ensuite aller vers le
chapitre VI, donc le chapitre sur le programme d'indemnisation. Ce qui est
important quand on met en place un programme comme celui-là, puis je pense que
c'est ça, l'équilibre que j'ai senti en lisant la loi, c'est d'éviter les
poursuites, c'est d'éviter les arbitrages, donc, les poursuites devant nos
tribunaux ici, au Québec, et les arbitrages, les arbitrages internationaux. Et
pour qu'un programme d'indemnisation comme celui-là fonctionne, d'abord, il ne
doit pas être... ça ne doit pas être un bar ouvert. Ça, c'est une
préoccupation. J'ai assisté à quelques auditions, là, aujourd'hui, dans le
cadre de la commission, et je pense que tout le monde est d'accord là-dessus,
ça ne doit pas être un bar ouvert, ça, c'est sûr. Je pense que tout le monde
sera d'accord là-dessus. Mais il faudra que ce soit suffisamment attirant,
suffisamment alléchant pour qu'un investisseur, pour qu'une entreprise se
dise : Je ne vais pas engager une firme d'avocats, me lancer dans des
procédures qui vont prendre des années, me lancer dans des frais importants
pour réclamer un peu plus que ce que j'obtiendrais dans le cadre du programme
d'indemnisation. Il faut que le programme d'indemnisation soit suffisamment
intéressant pour qu'idéalement la totalité des entreprises, le plus grand
nombre d'entreprises se disent : Je vais m'asseoir avec le gouvernement,
je vais m'asseoir avec le comptable externe désigné dans la loi, et on va
régler comme ça. Ce sera très heureux que ça se fasse comme ça, parce que ça se
fera, éventuellement, sur une base contractuelle. Le gouvernement, donc, versera
des sommes, et la compagnie renoncera à tout
recours, accordera quittance, puis le dossier est fermé et bien fermé, et on ne
sera plus en mode inquiétude, à se
demander combien de poursuites ou combien d'arbitrages internationaux on va se
faire demander.
C'est vrai,
ce que j'énonce là, sur deux plans : sur un plan interne, quant aux
recours qu'il pourrait y avoir devant les tribunaux, et il y en a déjà,
des poursuites devant les tribunaux, donc je n'invente rien, ça existe, et
c'est ça qu'on veut éviter par le programme d'indemnisation; on veut aussi
éviter des arbitrages en vertu d'accords commerciaux internationaux, et, là
encore, je n'invente rien, le cas de Lone Pine, tout le monde le connaît, on
attend la décision dans... probablement dans les semaines qui viennent.
Donc, se dire que l'on n'indemnisera pas, c'est
certainement un principe ou une idée intéressante, mais ce n'est pas comme ça
que réagit l'industrie, et il n'y a pas de véhicule juridique ni même de
véhicule politique pour empêcher ces gens-là de mobiliser des recours, et, si
l'indemnisation n'est pas suffisamment intéressante, ils vont mobiliser des
recours. Donc, l'idée centrale, c'est que les entreprises ne voient pas
d'avantage à aller devant les tribunaux ou à demander l'arbitrage. C'est ça,
l'idée.
Et, quand je lis le programme d'indemnisation,
qui me semble assez bien équilibré, qui me semble assez bien conçu, il y a deux
petits constats pour lesquels je serais porté à suggérer des retouches. Le
premier, c'est celui du délai de six ans. Donc, on a compris que les recours...
pardon, la période, pendant laquelle on pourra indemniser s'étendra du 19
octobre 2015 au 19 octobre 2021. J'entends bien la justification que nous
fait valoir le ministère, M. le ministre, que j'ai entendue aujourd'hui
également, c'est une idée... c'est l'idée de la prescription fiscale, c'est
l'idée que tout le monde a encore tous les papiers qu'il faut pour qu'on puisse
faire une vérification comptable complète pour l'ensemble de ce qui est
indemnisé. Le souci, c'est si quelqu'un nous dit : Oui, mais moi, je les
ai encore, mes papiers, pour 20 ans, mettons, et l'essentiel de mes
dépenses, je les ai faites en 2013, par exemple, et votre programme
d'indemnisation, il ne m'intéresse pas. Si vous n'indemnisez pas mes années 2013‑2014,
je vais y aller, devant les tribunaux, m'essayer, ou je vais y aller, en
arbitrage, m'essayer.
Je croirais qu'il y a là lieu d'avoir une petite
porte ouverte pour éviter beaucoup de recours, parce que je comprends que ce n'est pas tout le monde qui a
investi entre 2015 et 2021, on va avoir des gens qui diront : Oui, mais
moi, j'ai suffisamment à aller chercher en
dehors de cette période-là pour que ça vaille la peine que je me passe du
programme d'indemnisation puis que je
m'essaie ailleurs, et ce n'est pas tout à fait ça qu'on veut, ce n'est pas ça,
l'objectif de la loi.
L'autre retouche que je
ferais, peut-être, je pense qu'elle est sans conséquence financière ou presque
sans... ou, en tout cas, une conséquence financière minime, minime, quand on va
en arbitrage ou quand on va devant les tribunaux et qu'on demande d'être
compensé, on demande toujours la juste valeur marchande de ce qu'on a perdu, et
là, pour l'instant, le projet de loi
indemnise... bon, indemnise pour la fermeture des puits à hauteur de 75 %.
Ça représentera une dépense de plus ou moins 33 millions, d'après
les évaluations qu'on a. Il y a aussi les autres frais pour les renouvellements
de licences, le maintien des lieux. On arrive, globalement, à un total d'une
centaine de millions. Alors, j'imagine qu'au ministère les calculs se sont
faits, mais il y aura des gens qui diront : Moi, je veux qu'on me
rembourse mon gain potentiel, et, en arbitrage, ça marche souvent, ça marche
souvent.
Ce que je ferais comme retouche au projet de
loi, c'est que je permettrais le recours, l'indemnisation pour la valeur
potentielle. Pour qui? Pour ceux qui ont déclaré un gisement exploitable en
date du 19 octobre 2021, et j'entends qu'il n'y aurait qu'une seule entreprise
et que le gisement est tout petit. Là, on enverrait le signal de la part du
gouvernement du Québec qu'on a joué d'après les règles, les règles d'arbitrage,
les règles d'indemnisation, et il y a eu un cas où il y a une perte potentielle
de profit, on va l'indemniser et on va lui offrir, à cette entreprise-là. Si
jamais on se retrouvait devant un arbitre, bien, on pourra dire : Écoutez,
on a fait une offre raisonnable à cet investisseur-là, et, si jamais la loi
était contestée, on dira : Écoutez, la loi est tout à fait conforme à la
pratique dans le domaine, donc on... Et, encore une fois, j'insiste là-dessus,
on est devant une industrie... et ça, c'est quelque chose qu'il faut toujours
garder à l'esprit... l'industrie pétrolière,
l'industrie gazière, c'est une industrie où ces gens-là sont habitués de faire
des investissements à perte. Pour neuf tentatives de forage
d'exploration, il y a... ils vont avoir un gain une fois sur 10, donc ils sont
habitués à ça.
Le Président (M. Lemay) : En
conclusion.
M. Ouellet (Richard) : Oui.
Alors, ce que je voudrais dire, c'est que c'est une bonne voie que d'avoir la
voie qui mènera à ces règlements-là. Par contre, il faudra avoir des contrats
extrêmement bien signés, et j'invite à la prudence là-dessus. Il faudra obtenir
des quittances, des renoncements aux recours, des choses comme ça. Il faudra
aussi avoir une très bonne tenue des registres pour savoir qui sont les
investisseurs pour éviter que le jeu corporatif fasse qu'il y ait des gens
qu'on ne voit pas venir.
Donc, c'était l'essentiel des remarques que je
pouvais faire, que je voulais faire. On pourra rediscuter de tout ça par la
période de questions, ça me fera plaisir de développer un peu ma pensée.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. Merci, M. Ouellet, pour votre exposé.
Nous allons débuter maintenant la période
d'échange avec les membres de la commission, et, M. le ministre, la parole est
à vous.
M. Julien : Oui, merci. Merci
infiniment, M. Ouellet, parce que vos réflexions sont hyperintéressantes. C'est
une discussion qu'on a eue aussi entre nous, mais peut-être pas de manière...
en tout cas, pas sur les mêmes thèmes, exactement, de ce que vous apportez,
puis je trouve ça très intéressant. C'est beaucoup d'éléments, de
préoccupations, mais, encore là, quand je vous écoute, bon, j'aime bien le
volet, là... Potentiellement, vous avez raison, il y en a un, en réalité, qui
est déposé, 34 barils par jour. Donc, si c'est pour s'éviter des problèmes,
considérant que c'est assez à la marge comme prétention, alors on verra, on
discutera ici puis avec nos aviseurs juridiques. Mais ce que j'entends bien,
quand même, vous nous dites : L'indemnisation, là, puis c'est de manière
assez éclairée, là, doit permettre d'éviter le plus possible... Bien, alors,
c'est un équilibre, je vais l'interpréter comme un équilibre.
Plus... C'est sûr que si, demain matin, on
disait : Ça va être x milliards de dollars, là, des montants faramineux,
bien, certainement qu'il n'y aurait pas beaucoup d'arbitrages qui se feraient,
puis ce serait «take the money and run». Si ce n'était rien, bien,
naturellement, ça va être la fin du monde. Mais moi, en tout cas, comme
ministre, comme membre du gouvernement, je veux être présentable, mais je vais
accepter, en fin de compte, les recours. Je veux être... Je veux dire, on est de bonne foi, on fait une
proposition, mais je ne serai pas prêt à faire, en fin de compte, puis peut-être
que... peut-être que mes collègues sont
prêts à le faire, on aura les discussions, mais à faire, en fin de compte, une
espèce de surenchère. Oui, bien, je pense qu'à ce niveau-là... moi, je pense
qu'on est au bon niveau.
Vous le dites, c'est six ans, certains frais, il
y a... le mieux qu'ils peuvent faire c'est récupérer les billes pour six ans, il n'y a pas de gain, il n'y a pas...
bon, «that's it». Peut-être pour un projet, quand vous dites... la JVM, parce
que, là, il y aurait une démonstration, mais, moi, c'est ce que je propose à
l'intérieur du projet de loi, puis c'est ce qu'on aura l'occasion de discuter.
J'aime bien aussi quand vous mentionnez :
Bien, on parle d'investisseurs. Puis c'est vrai qu'ici, là, on avait une autre
présentation avant vous, là, qui était un peu moins... comment je dirais ça,
pas moins heureuse, mais plus difficile, à tout le moins, mais, tu sais, à la
fin, si ça avait été des droits immobiliers pour un camping qui avaient été
octroyés par le gouvernement, bien, c'est encore le gouvernement qui a octroyé
ces droits-là. C'est-à-dire qu'on a une responsabilité, comme gouvernement, on
a adopté des lois, des règlements, puis on a octroyé... Bon, peut-être qu'on
n'aime pas nécessairement, pour certains, la nature de l'industrie, mais ça
infère quand même le fait que l'investisseur, lui, s'est investi légalement
parce qu'on lui a permis de venir avec nos lois et nos règlements. Donc, si des
fois il faut peut-être faire un peu fi de qu'est-ce qu'ils font parce que ça
peut nous toucher au coeur, bien, à la fin, on a une responsabilité aussi, comme État, comme gouvernement, d'avoir mis des
lois et des règlements qui permettaient de poser des gestes, et les gens
l'ont fait de manière légale. Donc, encore là, moi, je pense qu'on doit trouver
le juste milieu.
Maintenant
que j'ai tout dit ça, donc, pour vous, est-ce que ce serait impensable qu'il
n'y ait pas d'indemnisation?
M. Ouellet
(Richard) : Écoutez, ma position d'expert... Là, je parle comme
l'expert qui connaît le droit des investissements. Ma position citoyenne, c'est
que j'aimerais donc ça que ça ne coûte rien à mon gouvernement. Ma position
d'expert, c'est de dire : ne pas verser d'indemnisation, bien, vos
procureurs vont se retrouver devant les tribunaux à répétition, puis tout le
monde va s'essayer en disant : Le gouvernement du Québec ne m'a rien
donné, je ne peux pas croire, puis ce n'est pas de même que ça marche
d'habitude, j'avais des permis qui m'ont été donnés par l'État; dans certains
cas, même, l'État a été partenaire avec moi, puis là on me dit, du jour...
bien, pas du jour au lendemain, mais, en tout cas, dans le cadre d'un projet de
loi on me dit : Tiens, c'est fini, ce que tu avais comme... d'affaires,
comme activité... ton entreprise, c'est terminé, mais normalement on est
indemnisés dans ces cas-là.
Puis la loi est bien écrite là-dessus, on a
soigneusement évité de dire que c'est une expropriation, parce que je pense
que, si jamais on se retrouve en cour, on pourra prétendre que ce ne sont pas
des expropriations. Donc, là-dessus, la loi
est bien écrite, me semble-t-il, mais essayer de ne pas indemniser personne, ça
me semble utopique. Donc, pour répondre, la réponse courte à votre question, c'est : Je ne pense pas que ce
soit possible de n'indemniser personne, il faut en donner.
M. Julien : Parfait. Puis,
quand je vous écoutais, au regard du projet de loi qui est devant vous, que
vous avez regardé, est-ce que je décodais que, selon vous, le processus
d'indemnisation prévu à la loi est dans la bracket de pas généreux, dans votre
perception?
• (18 h 20) •
M. Ouellet (Richard) : Non, il
est dans... moi, je pense qu'il est dans une bracket qui correspond assez bien
à l'état de l'industrie au Québec. Parce que c'est quoi, l'état de l'industrie
au Québec? C'est des gens qui avaient des permis, c'est des gens qui ont eu des
frais, c'est des gens qui ont eu des opérations, mais ce n'est pas des gens qui
ont eu des gisements exploitables. Alors, on a dit : Bien, on va vous
rembourser les dépenses que vous avez faites, mais des expectatives de profits,
bien, vous n'en avez pas. Un peu comme ça a été dit avec le témoin avant moi, si
c'était le pactole, il aurait fallu nous le dire avant.
Donc, moi, je dirais tout simplement... pour
être tout à fait dans l'état du marché puis de la pratique, je dirais... je
maintiendrais le projet de loi tel qu'il est là, j'ajouterais peut-être juste
une petite ouverture en disant : Si jamais vous faites des pertes... vous
avez des pertes potentielles parce que vous, vous aviez un gisement exploitable
en date du... alors, mettons, le
19 octobre 2021, vous aviez un gisement déclaré exploitable, nous, on va reconnaître
qu'il y avait peut-être du commerce à faire avec ça, à vous, on ouvre
cette porte-là. Alors, la loi pourrait dire : Si vous aviez un gisement
exploitable en date de... vous, les pertes potentielles, on peut les envisager;
les autres, vous ne nous avez rien déclaré. Si le billet de loterie était
gagnant, bien, il fallait passer au dépanneur avant, là.
M. Julien : Parfait. Mais
alors, maintenant que vous me dites ça, donc, tu sais, on a un gisement qui est
nommé exploitable, là, qui a des documents, là, 34 barils par jour... Il y en a
un au Québec, là, le reste, en réalité, bon, c'est 182 licences,
62 puits. Mais a contrario, parce que c'est vrai que j'entends aussi le
discours, là, puis je vous le dis, là, on
entend le discours : Oui, mais ils savaient qu'il n'y avait pas de
bénéfice potentiel. Et donc il y a des gens qui prétendent, en fin de
compte, que c'était même un «scheme» pour venir chercher de l'argent. Moi, j'ai
de la misère à croire à ça, mais, à la fin, comme gouvernement, je suppose
qu'on a aussi une responsabilité, parce que, si, ici, tout le monde prétend
qu'il n'y avait pas de possibilité, on n'aurait pas dû octroyer des droits.
M. Ouellet (Richard) : C'est
ça. Puis, si vous ne donnez rien, comment l'industrie risque de réagir?
Personne ne le souhaite, là. Je ne souhaite pas ce que je vais dire maintenant,
on ne veut pas ça, mais qu'est-ce qui peut arriver? Il pourrait arriver que
certaines compagnies disent : Parfait, vous ne voulez plus de moi, je m'en
vais. Oui, mais le puits? Ah! bien, le puits, arrange-toi avec et... alors que,
là...
M. Julien : Oui, mais, encore
là, sur la notion de puits... Parce que le projet de loi, M. Ouellet, le
bout, comme comptable, que j'aime bien, là, c'est : Je t'aide à fermer tes
puits puis je te rembourse les frais. Moi, si tout le monde se sauve demain
matin, ça me coûte 44 millions, là.
M. Ouellet (Richard) : C'est
ça.
M. Julien : Ça fait qu'en
termes économiques, là... O.K.? Alors, tu sais, on a une enveloppe à près d'une
centaine de millions avec les frais d'exploitation, mais on ne rembourse pas
les frais d'exploitation s'il n'y a pas la fermeture du puits. Donc, quand vous
donnez cette expectative-là, bien, avec le programme actuel, on est quand
même... on mitige ce risque-là, mais celui qui voudrait s'en aller, bien, il
n'aura pas son remboursement, indemnisation sur les frais d'exploitation.
M. Ouellet (Richard) : C'est
ça, c'est ça. Tandis que, là, le projet de loi, qu'est-ce qu'il prévoit, au
fond? Il ne le dit pas comme ça, mais l'État dit : Je vais être partenaire
avec toi, je vais payer 75 % de la facture. On va s'assurer que les choses
se font comme il faut, que les sites sont bien réhabilités. Je vais te
rembourser ce que tu as payé jusqu'à maintenant.
Tu ne me présentes pas de billet de loterie, ça fait que tu n'avais pas gagné,
on va bien fermer les choses, et le Québec
est une juridiction où l'exploitation des hydrocarbures est terminée. Alors,
moi, je pense que c'est la bonne façon de faire. Il y a les deux petits
ajustements que je propose, mais, pour le reste, je pense qu'on est dans la
bonne ligne.
M. Julien : Parfait, merci. Je
vais laisser mes collègues poser les questions. Merci, M. Ouellet.
Le Président
(M. Lemay) : Très bien. Donc, M. le député de Lac-Saint-Jean, la
parole est à vous.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui,
bonjour, monsieur. Écoutez, très intéressant de vous entendre, puis, entre
autres, au niveau des indemnisations, je sais que vous êtes... vous avez fait
vos recherches, vous êtes quand même quelqu'un qui est un spécialiste en la
matière. Puis, avant d'aller vraiment où est-ce que je veux vous amener,
j'aimerais quand même... Parce que vous parlez de l'indemnisation, d'un montant
qui vous semble dans les cadres, tout ça, mais vous avez parlé... s'il n'y en
aurait pas, d'indemnisation, toutes les procédures judiciaires qu'il pourra y
avoir, et je ne pense pas que vous avez évalué jusqu'à combien ça pourrait...
parce qu'on vit dans un monde... oui, comme citoyens, on ne veut pas, mais il y
a des lois, il y a des règles, puis on vit dans un monde réel aussi, donc,
comment ça pourrait représenter? J'ose m'imaginer, juste en termes d'image,
là... Je ne sais pas, vous n'avez sûrement pas dû faire la démonstration, mais...
M. Ouellet (Richard) :
Évidemment que je n'ai pas chiffré, ça, c'est sûr. Par contre, comme juriste,
comme professeur de droit, ce que je peux vous dire, c'est que ce qui est
évident, c'est que vous allez avoir trois phénomènes. Le premier, c'est que vous
allez avoir des entreprises qui vont dire : Si je ne suis pas indemnisée,
je m'essaie devant les tribunaux. Alors là, vos procureurs vont être devant les
tribunaux, avec ce que ça coûte, puis on va finir par, probablement, payer une
indemnisation. Vous avez des gens qui vont mobiliser l'arbitrage international
en vertu de l'ACEUM, qui mène à l'ALENA, puis on va se retrouver là. Puis vous
avez aussi vos procureurs au ministère de l'Environnement qui vont probablement
être obligés de poursuivre certaines compagnies qui vont dire : Moi, le
puits, je le laisse comme ça puis je m'en vais, puis vous allez être obligés de
prendre des recours pour dire : Ça ne marche pas de même, referme ton
puits convenablement. Vous allez prendre des poursuites contre cette compagnie-là.
Vous allez devoir peut-être, dans certains cas, exécuter à leur place.
Alors, c'est l'ensemble de ces choses-là qui
risquent d'arriver s'il n'y a pas de programme d'indemnisation. Moi non plus, je n'ai pas envie qu'on mette des
fonds publics à donner à ces entreprises-là, mais la réalité du marché,
la réalité des choses, la réalité du
fonctionnement des affaires dans ce secteur-là et dans le droit des
investissements, c'est ça.
M. Girard
(Lac-Saint-Jean) : C'est
intéressant. Puis vous mentionnez les règles internationales, qui sont
assez complexes, puis ça m'amène aussi sur un autre élément aussi, toute la
question de la réputation du Québec en termes internationaux. Et on sait, entre
autres... puis ce matin je l'ai posée, cette question-là, quand vient le temps
des énergies renouvelables, des projets aussi vers la transition énergétique,
hein, tout ce qui est de l'éolien, du solaire, on sait qu'on a besoin
d'investisseurs, des fois, des capitaux étrangers aussi. Puis je vous donne un
exemple, entre autres, dans ma région,
Valeo, qui est une coopérative d'éoliennes qui, sans des capitaux étrangers,
n'aurait pas été en mesure de réaliser ce projet, qui est extrêmement
important.
Donc, c'est toute la question de l'image, et
si... En y allant avec notre position, au niveau des indemnisations, bien,
est-ce que vous croyez que ça envoie quand même une image positive à dire aux
gens : Regardez, venez investir dans notre transition énergétique?
M. Ouellet (Richard) : Ça
montre la recherche d'équilibre pour le législateur québécois, et c'est ça que
j'aimerais qu'on lise un peu plus dans la loi, notamment dans le préambule puis
dans certains énoncés de la loi. Parce que je ne suis pas à votre place, hein,
c'est vous qui... ça émane de chez vous, le projet de loi, ce n'est pas moi qui
l'ai écrit, mais ce que je constate, c'est
une espèce de recherche d'équilibre, et cette recherche d'équilibre là, je
l'expliciterais dans la loi, je dirais que ça a été ça, le... ça été une des
lignes directrices de la rédaction de la loi.
Le Président (M. Lemay) : ...nous
allons passer la parole au député de Bourget pour environ trois minutes.
M. Campeau : Merci,
M. Ouellet. J'ai beaucoup apprécié votre présentation. Juste un
commentaire puis la question qui va suivre.
Vous avez mentionné que, si quelque chose avait été investi avant 2015, comme
2013, 2014, il y a des gens qui pourraient dire : Oui, mais ce
n'est pas juste pour moi, je veux être compensé. Je ne suis pas surpris de la
rhétorique, mais ça me rappelle plusieurs projets que j'ai connus qui étaient
dans les centres de recherche puis... étudiés pendant bien des années, et ça
n'arrimait à rien, alors je me suis dit : Ça fait partie du risque de
l'industrie. Il me semble que six ans, dans ce cas là, quand même, une
industrie mature... il me semble que c'est généreux, mais je me demande si...
J'ai bien l'impression qu'on s'ouvre trop, trop en disant : On va exclure
avant 2015, il me semble.
La question que j'aurais, c'est... Le CQDE, ce
matin, nous disait... nous parlait d'une possible prescription de droit commun
qui serait pour trois ans. Comment voyez-vous ça? Est-ce que vous voyez ça
comme applicable, pas une bonne idée ou... Qu'est-ce que vous en dites?
• (18 h 30) •
M. Ouellet (Richard) : Il
faudrait que j'y réfléchisse, hein? J'ai le plus grand respect pour le CQDE et
pour les gens qui ont témoigné devant vous. Donc, je réagis un petit peu à
froid, là, j'ai fait ma réflexion en les entendant. Une prescription, c'est
donner un effet juridique à l'écoulement du temps. Alors, il y a des
prescriptions extinctives, on perd un droit parce qu'on ne s'en est pas servi
pendant un certain temps. C'est le cas, par exemple, pour un recours, hein,
vous aviez un droit de recours, vous ne vous en êtes pas servi pendant trois
ans, il n'y en a plus, de droit de recours. N'essayez pas d'aller devant le
juge, ça ne marche plus. Ça, c'est une prescription qui éteint un droit. Et
vous avez aussi des prescriptions acquisitives : ça fait tant de temps que
les choses se passent comme ça, bien, ça vous donne un droit au fil du temps.
Là, ici, une prescription
de trois ans, ce serait pour retourner en arrière en disant : La loi vient
de dire que tu n'as plus le droit d'opérer ce que tu voulais opérer, puis, par
l'effet d'une prescription, on va remonter juste trois ans. Ça voulait dire
qu'il y avait, quoi... il y avait un droit d'action, il y a trois... J'avoue
que je ne saisis pas très bien la dynamique, là, qui serait derrière ça. Pour
moi, ce n'est pas tout à fait ça, une prescription. Mais je vous réponds avec
beaucoup de bémols puis beaucoup de réserves, parce qu'Anne-Sophie puis Hugo
sont des gens que je connais et pour qui
j'ai une immense estime, ils ont certainement réfléchi à ça, mais, sur le coup,
je n'ai pas très bien vu le raisonnement.
M. Campeau : Bien, ce qu'on en
vient, avec votre présentation, c'est qu'on a besoin d'avoir une base solide.
On pense l'avoir, là, mais ce n'est pas pour rien qu'il y a des discussions,
c'est pour s'assurer qu'elle est solide. Puis deuxièmement...
M. Ouellet (Richard) : Mais ma
petite...
M. Campeau : ...bien, on n'a
pas avantage à aller devant les tribunaux, si on peut l'éviter. Ceci dit, on
n'est quand même pas pour dire à tout le monde : On ne veut pas y aller,
on ne veut pas y aller, on a peur. Mais c'est quand même... la situation idéale
serait de ne pas avoir à y avoir recours. Je me répète pas mal avec le verbe
«avoir», là.
O.K., bien,
je vous remercie beaucoup de votre présentation. Je pense qu'il ne reste plus
de temps de toute façon, hein?
Le Président (M. Lemay) : Exactement.
Donc, sur ce, nous allons passer au porte-parole de l'opposition officielle. M.
le député de Mont-Royal—Outremont,
la parole est à vous.
M. Arcand : Merci beaucoup, M.
le Président. Et bonsoir, M. Ouellet.Très heureux pour... de vous
entendre ce soir. Vous amenez effectivement des points qui sont intéressants et
qui nous amènent, évidemment, à réfléchir de façon
importante, parce qu'on parle quand même de possibilités de beaucoup d'argent
dans ça, on parle de compensations, on parle de situations délicates,
difficiles.
Vous qui avez quand même une expertise sur le
plan du droit international, est-ce que vous avez fait des vérifications pour
savoir s'il y avait une situation, dans certains États dans le monde, qui
pouvait se comparer un peu au Québec? Est-ce qu'il y a des États qui ont
dit : Nous, on ne fait plus d'hydrocarbures, qui ont été obligés de s'entendre avec les entreprises? Est-ce que vous
avez des cas ou avez entendu parler de cas spécifiques à ce niveau-là?
M. Ouellet (Richard) : Non, je
vais être très honnête avec vous, ce n'est pas le genre de recherche que j'ai
menée. Ce que j'ai surtout vérifié, c'est à la lumière de l'affaire Lone Pine,
en droit international, c'est cet arbitrage qui est maintenant pendant puis
pour lequel on attend la décision prochainement. Je suis surtout soucieux de
savoir est-ce qu'on va reconnaître un argument du Canada dans l'affaire Lone
Pine. Je pense que c'est vous, plus tôt aujourd'hui, qui l'évoquiez en disant
que Lone Pine avait poursuivi le gouvernement du Canada. Est-ce qu'on va
reconnaître l'argument canadien qui dit : On n'est pas, ici, devant une
expropriation, on a utilisé des pouvoirs publics sans discrimination, dans l'intérêt public, pour atteindre un objectif,
ici, de protection environnementale, protection de la qualité des eaux, etc., et donc ce n'est pas
considéré comme une expropriation, donc ça ne donne pas lieu à de
l'indemnisation?
Si l'affaire Lone Pine devait mener à ça, là, il
y aurait un argument pour les gens qui disent : Il ne faut pas indemniser
du tout, mais c'est un argument parmi d'autres, parce que j'insiste sur le fait
qu'en droit des investissements, tout est jugé beaucoup au cas par cas, et, si
vous cherchez de la jurisprudence, si vous cherchez des arbitrages qui disent
blanc, noir, bleu, rouge, vert, vous allez toujours en trouver. Il y en a pour
tout le monde et pour son père dans l'arbitrage en droit des investissements.
Donc, ce qui est intéressant de voir, c'est comment Lone Pine va se régler puis
comment ça doit nous inspirer, nous, au Québec.
M. Arcand : Êtes-vous en train
de me dire qu'avant de mettre ses critères le ministre devrait attendre la
décision sur Lone Pine, à ce moment-là?
M. Ouellet (Richard) : C'est
très embêtant parce que, si la décision dans Lone Pine ne nous aide pas, on va
être dans de beaux draps.
M. Arcand : O.K. Très bien.
Vous avez dit que vous aviez beaucoup de respect pour le centre québécois de l'environnement,
mais ce que je comprends, vous dites : Écoutez, des obligations à une
indemnisation, c'est pratique courante en
matière internationale. Le centre québécois de l'environnement est d'avis
contraire, il pense que l'indemnisation n'est pas une obligation légale.
Alors, à votre avis, pourquoi le centre québécois de l'environnement a tort?
M. Ouellet (Richard) : Ah! bien, en
fait, ils ont raison quand ils affirment une chose, c'est qu'il y a désormais
des accords de libre-échange, par exemple l'accord de libre-échange que nous
avons avec l'Union européenne qui dit bien un peu ce que j'énonçais tout à
l'heure : si on a affaire à une mesure prise dans l'intérêt public, sans
discrimination, en vue d'atteindre un objectif légitime, ça peut fort bien ne
pas être considéré comme une expropriation et une... quand ce n'est pas une
expropriation, il n'y a pas d'indemnisation, donc on n'a pas à indemniser. Ce
raisonnement là du Centre québécois du droit de l'environnement, il a ses
fondements, il a ses sources, il est très solide.
Cela étant, ce n'est pas tout le monde qui voit
les choses comme ça en droit des investissements, et je dirais qu'au plan
pratique il est évident que des investisseurs vont mobiliser de la
jurisprudence puis des arbitrages qui disent : Tu as
le droit d'être indemnisé, on va appeler ça une expropriation, allons devant
des arbitres, allons devant un juge puis réclamons, puis le gouvernement du
Québec ne t'offre rien, alors il faut absolument se battre. Et c'est sûr que ça
va arriver si le gouvernement du Québec n'offre rien, et ces gens-là n'auront
rien à perdre, dans le sens où je vais payer
un peu mes avocats puis je vais aller faire un gain. Là, au moins, avec un
programme d'indemnisation, il y aura un nombre important, me
semble-t-il, d'entreprises qui diront : Écoute, sans se battre, là, on va
aller discuter avec le comptable externe, qui est prévu dans la loi, on va
recevoir un chèque sans avoir à embaucher des avocats puis se retrouver devant
le juge ou devant les arbitres, réglons ça au plus simple puis allons-y comme
ça. C'est pour ça que je pense que le programme est bien.
M. Arcand : Ce
que... Je crois avoir bien entendu M. Tetrault, tout à l'heure, qui
semblait indiquer, évidemment, que les montants n'étaient pas,
évidemment, ceux à quoi les industries s'attendaient, évidemment. On comprend
aussi qu'un gouvernement a une responsabilité de gérer de façon responsable les
deniers publics. Je sais que le ministre nous dit : Écoutez, il faut
mettre des critères, ce sur quoi... on ne peut pas être en désaccord avec ça.
Mais la réalité, c'est que les entreprises, de façon générale... d'après ce que
j'ai entendu il y a environ 15, 20 minutes, là, j'ai l'impression que les
entreprises n'accepteront pas nécessairement les offres du gouvernement, et, à
partir du moment où on a quand même un nombre assez considérable de permis, les
choses risquent de durer très longtemps.
M. Ouellet (Richard) : Oui. Ma
vision des choses...
• (18 h 40) •
M. Arcand : Je ne veux pas être
pessimiste, là, mais on s'entend que ça... il risque d'y avoir véritablement,
là, un débat qui est... qui risque d'être assez long.
M. Ouellet (Richard) : Oui. Je
pense que la position qu'a prise le représentant de l'association gazière... pétrolière et gazière du Québec visait beaucoup
aussi à balancer l'ensemble des autres témoignages que votre commission a entendus, la position que prennent certains des
députés, qui disent : Il ne faut pas mettre un sou, alors lui arrive avec
sa demande.
Il faut savoir que, dans cette industrie-là,
c'est plutôt courant que d'arriver avec des quantums, donc des demandes
chiffrées, extrêmement gonflés. Rien que dans l'affaire de Lone Pine, il faut
savoir que la poursuite a commencé à 250 millions,
puis ils ont eux-mêmes baissé à 119 millions, puis on peut s'attendre à ce
que, si éventuellement ils gagnent, ce qui n'est pas du tout évident,
ils vont toucher quelque chose comme une dizaine de millions. Alors, entre le
montant de base demandé au début puis le mandat qu'ils toucheront, ils ont
multiplié par 25. Alors, le chiffre du milliard qui a été évoqué plus tôt cet
après-midi me semble farfelu.
Et je pense que le rôle, peut-être, de quelqu'un
qui représente cette industrie-là, c'est de dire : Mettez assez d'argent,
puis c'est ça, sa stratégie, pour qu'éventuellement, les entreprises récupèrent
un peu. Je ne crois pas beaucoup au fait que ces entreprises-là vont
systématiquement se retrouver devant les tribunaux. Ce sont des gens d'affaires
qui sont pragmatiques, et, quand on leur offrira un programme d'indemnisation
qui couvre les frais encourus, je suis convaincu qu'un nombre important de ces
entreprises-là va dire : On va éviter d'aller devant les tribunaux, avec
les délais et les coûts que ça suppose.
M. Arcand : Est-ce que je me
trompe... je ne suis pas avocat, est-ce que je me trompe en disant que, quand
on a des poursuites comme ça, qui sont des montants, je dirais, farfelus, entre
guillemets, ce n'est pas très bon? Moi, on m'a toujours expliqué... les avocats
que j'ai eus ont toujours expliqué que, quand on décide de faire une poursuite,
il faut mettre le plus possible les justes coûts, parce que, si, à un moment
donné, vous mettez trop, ce n'est pas vrai que vous allez aller chercher plus, au contraire ça enlève de la crédibilité
à votre poursuite. Est-ce que vous êtes de cet avis-là?
M. Ouellet (Richard) : Je suis
de cet avis pour l'essentiel des recours juridiques, tel qu'ils s'exercent de
façon normale. Mais, dans le secteur du droit des investissements, on a vu
souvent des demandes artificiellement gonflées de façon très importante.
M. Arcand : D'accord.
M. Ouellet
(Richard) : La jurisprudence, je pourrais vous la citer, mais
le temps ne le permet pas, là, mais il y a eu plusieurs cas où on a
demandé de multiples fois le montant qui était réaliste.
M. Arcand : Quand
M. Tetrault est intervenu, il a parlé de l'image à l'international du
Québec, que cette façon de faire d'un gouvernement, ça pouvait être nuisible au
niveau de l'image internationale du Québec. J'aimerais avoir votre avis
là-dessus.
M. Ouellet (Richard) : Je pense
qu'il faut avoir un souci de l'image du Québec, ça me semble évident. Je ne
crois pas, contrairement à ce qu'il a énoncé... je ne crois pas que l'image du
Québec soit déjà ternie par le projet de loi, je ne crois pas à ça. Je pense
que l'exercice auquel se livre l'Assemblée nationale par la commission, par les
travaux que vous faites montre que nous sommes des interlocuteurs sérieux, au
Québec, et qu'on va arriver avec une loi équilibrée, et c'est ça que les
investisseurs observent.
Ce qui est très
important pour les investisseurs, c'est la prévisibilité : Est-ce que, si
j'investis dans cette juridiction-là, je saurai à quoi m'en tenir, je saurai
quelles sont les conditions dans lesquelles je pourrai avoir mes affaires? Quant aux autres gouvernements, ce qu'ils
observent, c'est le processus démocratique, c'est la transparence, et ça, Dieu
sait qu'au Québec nous sommes des leaders là-dedans, et donc je ne vois pas
très bien en quoi l'image du Québec serait déjà souillée, là. C'est quelque
chose que, j'avoue, là, ne fait pas partie de mon écran radar. Je ne vois pas
très bien à quoi on réfère quand on dit ça.
M. Arcand :
O.K. Une de mes questions porte également... Parce qu'on a toujours vu le
secteur pétrolier et gazier un peu comparable au secteur minier. Or, dans le
secteur minier, il y a déjà eu des compensations qui ont été données à des
entreprises qui, pour toutes les raisons du monde, se sont vu retirer le
permis. Est-ce qu'à votre avis on est dans des situations qui peuvent être
similaires?
M. Ouellet
(Richard) : Oui, et c'est la pratique d'un gouvernement comme le
gouvernement du Québec que d'indemniser. Ça s'est manifesté dans le contexte
minier, alors tout le monde s'attend à ce que ce soit sensiblement la même
chose dans d'autres domaines. Il y a des activités qu'on ne veut plus sur notre
territoire. Il y a des gens qui avaient investi, avec des permis donnés par l'État,
où, dans certains cas, même, l'État était partenaire. Il est normal et habituel
qu'on verse une indemnité, qu'on veut la plus petite possible, mais qu'on verse
quand même.
M. Arcand :
Mais est-ce que les...
Le Président
(M. Lemay) : En conclusion, en conclusion.
M. Arcand :
Oui, oui, oui. Alors, certains... je vais terminer là dessus, certains des
montants qui ont été versés dans les cas de règlements miniers, est-ce que ça
peut avoir, à votre avis, une influence sur des règlements futurs dans le
domaine des entreprises pétrolières?
M. Ouellet
(Richard) : Ça pourra éventuellement être un guide, oui. Je ne suis
pas au courant des chiffres, je n'arrive pas... je ne pourrais pas vous dire
que je connais les chiffres versés, mais c'est sûr que c'est un guide.
M. Arcand :
Très bien. Merci infiniment, M. Ouellet.
Le Président
(M. Lemay) : Merci, M. Ouellet.
Et, sur ce, je cède
maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour environ
2 min 45 s.
Mme Massé : Merci, M. le Président.
Bonsoir, M. Ouellet. En fait, vous me voyez bouleversée, bouleversée
de parler du droit des investissements
versus le droit de nos enfants d'avoir une planète viable. J'en ai de la misère
à respirer.
Ceci étant dit, j'ai
deux minutes et j'ai deux questions.
Une première :
le CQDE nous dit que l'Assemblée nationale du Québec est souveraine et elle
peut donc dire qu'on retire des biens sans indemnisation, à condition que ce
soit clairement écrit dans la loi, que son intention soit claire, je vais
vouloir vous entendre là-dessus.
Et,
l'autre élément, vous nous parlez de Lone Pine, c'était sous l'accord de
libre-échange de l'ALENA. Maintenant, on
est rendus à l'ACEUM. Et le même CQFD nous dit que, selon lui, l'ACEUM ne prévoit
pas, désormais, le type de recours utilisé par Lone Pine au Canada, ce
n'est pas dans l'ACEUM. Alors, j'aimerais vous entendre sur ces deux choses.
Le Président
(M. Lemay) : ...
M. Ouellet
(Richard) : Oui, merci. Alors, je répondrais d'abord à votre deuxième
question. Ce que dit le CQDE est juste. Cela étant, l'ACEUM prévoit aussi, à
son annexe 14-C, que, jusqu'au 1er juillet 2023, un investisseur qui
a investi pendant l'avis de l'ALENA peut encore exercer un recours. Donc,
jusqu'au 1er juillet 2023, une compagnie minière pourrait dire : Je
me prévaux du chapitre 11 de l'ALENA et j'exerce le même type de recours
que Lone Pine. Et c'est ça qui est prévu dans l'ACEUM. Cela étant, il est vrai
que, pour la suite des choses, l'ACEUM ne prévoit pas le recours
investisseur-État.
Pour votre première
question, sachez que je suis entièrement d'accord avec vous. Moi aussi, je suis
un père de famille, entre le droit à la santé puis à un environnement sain de
mes enfants puis le droit des investisseurs, le choix est vite fait, puis ce
n'est pas les investisseurs. Puis, encore une fois, comme je disais au début de
mon intervention, ne tirez pas sur le messager, je suis juste venu dire c'est
quoi, l'état du droit international sur ces enjeux-là. C'est sûr qu'il y a des
compagnies qui vont s'essayer si on ne leur donne pas quelque chose.
Mme Massé : Et
donc notre... Ah! il ne me reste plus rien. C'est très...
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, il vous reste 20 secondes, si vous voulez.
Mme Massé :
Oh! 20 secondes. Je pensais que ça, ça voulait dire «plus rien».
20 secondes.
Alors, ce que ça veut
dire c'est, comme législateurs, c'est, comme État dûment élu, on est obligés de
se plier devant cette logique-là, alors que, dans Lone Pine, le Canada nous dit
que c'est possible de se tenir debout dans la mesure
de... dans l'intérêt public. Alors, moi, je pense que je comprends que nous
pouvons aller vers une non-indemnisation en se tenant debout pour nos
enfants.
Le
Président (M. Lemay) : Merci. Ceci termine ce bloc.
Et nous passons
maintenant la parole au député de Jonquière.
M. Gaudreault :
Oui. Alors, bonjour, M. Ouellet. On s'est déjà connus dans une autre
vie.
M. Ouellet
(Richard) : Oui, c'est ça.
M. Gaudreault :
Ça me fait plaisir de te revoir.
M. Ouellet
(Richard) : Plaisir partagé.
M. Gaudreault : Alors, je vais me
permettre cette familiarité. Le droit, tu sais, dans le fond, il y a deux
manières de voir ça, on peut dire : C'est comme ça que ça marche, il y a
les précédents, il y a la doctrine, mais on peut le voir aussi comme étant : Bien, on fait du droit
nouveau, puis là on fait de façon raisonnable, en mesurant bien comme il
faut, comme nous sommes des parlementaires raisonnables... puis on fait du
droit nouveau, et ça existe aussi. Donc, dans le fond, là où il y a un point
commun entre ton avis et celui du CQDE, c'est que tout dépend d'une volonté
politique, mais ce n'est pas interdit, en soi, de ne pas indemniser.
M. Ouellet
(Richard) : En fait, je pense que c'est vrai de dire qu'en définitive
c'est un choix politique. Si on suit, par exemple, cet avis-là en disant :
Le droit qui est en train de s'écrire nous dit : On n'a pas à indemniser,
on peut le faire, on peut le faire. Cela étant dit, moi, j'y vois deux
inconvénients. Le premier, c'est que ça me semble inévitable que les
compagnies, représentées par le témoin qui est venu avant moi à la commission,
ils vont s'essayer devant les tribunaux. Puis là ça nous coûte combien en
avocats? Puis ça nous coûte combien en arbitrage? Puis ça prend combien de
temps? Puis c'est quoi, le trouble qu'on a? Puis c'est quoi, l'incertitude
autour de ça? Puis le deuxième inconvénient, c'est que vous ayez des gens à
l'étranger qui regardent ça de loin, hein, à notre époque de médias sociaux où
on regarde tout en 20 secondes, puis qu'ils disent : Ah! au Québec,
ils ont fait ça comme des cow-boys.
• (18 h 50) •
M. Gaudreault :
Oui, mais tantôt vous...
M. Ouellet
(Richard) : C'est cette image-là qui pourrait rester, tu sais.
M. Gaudreault : Mais en même temps,
tantôt, tu disais : Ça ne ternit pas nécessairement l'image
internationale, on n'a pas l'air nécessairement des cow-boys, dans la mesure où
c'est bien fait. On n'est pas une république de bananes, on n'est pas une
dictature...
M. Ouellet
(Richard) : C'est sûr.
M. Gaudreault : ...donc
on travaille de façon démocratique. Et, bien, en gros, c'est ça, là, que je
voulais voir avec toi.
M. Ouellet
(Richard) : Oui. Bien, en fait, moi, je pense que l'approche qui est
prise dans le projet de loi, c'est une approche, comme je le disais, un peu
d'équilibre, c'est-à-dire un message très clair quant à la fin des
hydrocarbures au Québec, en tout cas, pour ce qui est de la production, puis
une indemnisation, une certaine collaboration, si on veut, avec les
investisseurs étrangers.
M. Gaudreault :
Mais un mot...
M. Ouellet
(Richard) : Mais on peut jouer la carte du... (panne de son) ...aussi.
M. Gaudreault :
Oui, un mot, parce qu'il reste 15 secondes, là, mais, tant qu'à ça, est-ce
qu'on est... Moi, j'ai l'impression qu'ils vont... ils risquent de poursuivre
pareil, alors est-ce qu'on n'est pas mieux de s'affirmer clairement puis
dire : Il n'y en aura pas, d'indemnité, puis on se verra en cour?
M. Ouellet
(Richard) : Si on décide de jouer cette carte-là, ma crainte, c'est
qu'ils vont tous s'essayer parce qu'ils n'auront rien à perdre. Puisque, de
toute façon, le gouvernement m'offre zéro, je vais payer un peu un avocat, puis
c'est sûr que je vais aller au moins chercher quelque chose, un petit quelque
chose, puis c'est autant de frais...
Le Président
(M. Lemay) : Merci beaucoup, monsieur...
M. Ouellet
(Richard) : ...les membres du Barreau vont être contents.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, M. Ouellet, pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Et la commission
ajourne maintenant ses travaux jusqu'à demain, mercredi le 23 février
2022, après les affaires courantes, où elle poursuivra les auditions publiques
sur le projet de loi n° 21. Merci. Au revoir.
(Fin de la séance à 18 h 53)