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(Onze heures vingt minutes)
Le Président (M. Lemay) :
Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission des agricultures, de la pêcherie, de l'énergie et des
ressources naturelles ouverte, et je demande à toutes les personnes présentes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
Alors, aujourd'hui, nous sommes réunis
afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur
le projet de loi n° 97, la Loi modifiant la Loi sur
les normes d'efficacité énergétique et d'économie d'énergie de certains
appareils fonctionnant à l'électricité ou aux hydrocarbures.
Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a
des remplacements?
La Secrétaire
: Oui, M.
le Président. M. Rousselle (Vimont) est remplacé par M. Arcand
(Mont-Royal—Outremont).
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Alors, cet avant-midi, nous allons débuter par les remarques
préliminaires puis, ensuite, nous entendrons M. Pierre-Olivier Pineau,
qui est professeur titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie de
HEC Montréal.
Alors, avant de débuter, est-ce qu'on a consentement
pour répartir le temps des groupes qui ne sont pas présents? Oui, consentement.
Merci.
Remarques préliminaires
<Donc, puisque nous débutons avec
les...
Le Président (M. Lemay) :
…nous entendrons M. Pierre-Olivier Pineau, qui est professeur
titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie de HEC Montréal.
Alors, avant de débuter, est-ce qu'on a
un
consentement pour répartir le temps des groupes qui ne sont pas
présents? Oui,
consentement. Merci.
>Donc, puisque nous débutons
avec les remarques préliminaires, j'invite d'abord le ministre de l'Énergie et
des Ressources naturelles à faire ses remarques pour une durée maximale de six
minutes.
M. Jonatan Julien
M. Julien : Oui, merci. Merci,
M. le Président. Bien, d'entrée de jeu, un grand plaisir d'être ici aujourd'hui,
là, pour cette discussion-là. Je tiens à saluer, d'ailleurs, les collègues, collègues
d'opposition et les collègues qui sont ici avec nous aujourd'hui pour cette
rencontre-là. Je suis heureux, je suis heureux, là.
Premièrement, j'ai pris connaissance du
mémoire de Pierre-Olivier Pineau, toujours un plaisir d'échanger avec M. Pineau.
On le fait plusieurs fois par année. On a même eu l'occasion, il y a quelques
mois, là, d'intervenir dans un cours universitaire, là, où... des échanges, là,
lui et moi, là, sur différents concepts énergétiques. Et je vous dirais que mon
ministère, et le gouvernement, prend toujours acte des propositions de M. Pineau,
qui sont des propositions avisées — on n'est pas toujours d'accord — mais
certainement qui nous amènent à cheminer, au point de vue énergétique, vers les
meilleures pratiques. Alors, j'ai lu avec attention le mémoire et j'ai bien
hâte d'écouter M. Pineau, là, justement, nous entretenir sur ce sujet-là.
Vous savez autant que moi que les
questions liées à l'efficacité énergétique, liées aussi à la consultation
particulière sur le projet de loi n° 87 nous interpellent grandement. Le projet
de loi n° 97 est un projet de loi… c'est une pièce législative qui revêt
une importance majeure dans l'action gouvernementale pour favoriser la
transition énergétique du Québec et l'atteinte de nos objectifs d'efficacité
énergétique.
Pour vous mettre en contexte, la Loi sur
les normes d'efficacité énergétique et d'économie d'énergie de certains
appareils fonctionnant à l'électricité ou aux hydrocarbures permet au gouvernement,
justement, de fixer par règlement les normes d'efficacité énergétique
applicables aux appareils d'usage courant qu'il détermine.
Nous avons d'ailleurs, M. le Président, en
décembre 2018, modifié le règlement sur l'efficacité énergétique d'appareils
fonctionnant à l'électricité et aux hydrocarbures justement pour harmoniser nos
normes minimales de performance énergétique de 50 catégories d'appareils
avec celles du gouvernement fédéral. Ce contexte d'harmonisation là est
essentiel puisque d'avoir des niveaux de normes qui seraient de manière...
diamétralement non harmonisés, ça serait non fonctionnel.
Cependant, notre loi ne nous permet pas
actuellement de viser un champ plus large d'appareils ou de produits à
réglementer, comme le fait la loi fédérale, comme le font également d'autres
lois provinciales. En effet, notre loi ne vise que les appareils électriques ou
fonctionnant avec des hydrocarbures, tandis qu'on pourrait couvrir un plus
large éventail d'appareils visés, comme par exemple, là, les exemples qu'on
donne, les <portes…
M. Julien : ...de produits à
réglementer, comme le fait la loi fédérale, comme le font également d'autres
lois provinciales. En effet, notre loi ne vise que les appareils électriques ou
fonctionnant avec des hydrocarbures, tandis qu'on pourrait couvrir un plus
large éventail d'appareils visés, comme
par exemple, là, les
exemples
qu'on donne, les >portes et les fenêtres, alors ce n'est pas visé, les
robinets de cuisine, les pommes de douche, les puits de lumière, les pneus.
Donc, on veut pouvoir élargir à ce type de produits là, justement, pour avoir
plus d'efficacité énergétique et d'avoir des normes qui les visent également.
C'est pourquoi on a déposé, à l'Assemblée
nationale, le présent projet de loi, qui propose de définir les appareils visés
par la loi comme tout dispositif ayant un effet sur la consommation d'énergie.
Cette modification va nous permettre d'accroître la capacité potentielle du règlement
à contribuer à la réduction de la consommation énergétique et, par le fait
même, des émissions de gaz à effet de serre, en plus de poursuivre plus
efficacement les démarches d'harmonisation de coopération réglementaire en
matière d'efficacité énergétique avec la réglementation fédérale. Je le dis
souvent, pour atteindre nos objectifs, ça prend un bouquet de mesures. Ici, c'est
une des mesures, ce n'est pas suffisant en soi, mais on doit additionner des
mesures pour arriver à nos objectifs audacieux au Québec.
Je souligne, en terminant, que cette modification
répond également à la réalisation de la mesure 45 du Plan directeur en transition,
innovation et efficacité énergétique du Québec 2018-2023 et s'inscrit dans
nos actions en matière de lutte contre le changement climatique. Il s'agit donc
d'une manifestation concrète de notre volonté d'agir, d'agir pour une économie
plus verte au Québec.
Alors, encore une fois, merci, merci pour
votre présence, et je suis convaincu que les discussions d'aujourd'hui
contribueront à bonifier et améliorer l'efficacité énergétique du Québec.
Merci.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, M. le ministre. Donc, j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition
officielle en matière d'énergie et de ressources naturelles et député de Mont-Royal—Outremont à faire ses remarques préliminaires pour
une durée maximale de quatre minutes.
M. Pierre Arcand
M.
Arcand
:
Merci infiniment, M. le Président. Encore une fois, j'ai l'impression de
revivre un peu mon passé. Je revois, derrière le ministre, des gens que...
certaines personnes que j'ai eu l'occasion de côtoyer par le passé. Et donc c'est
un grand plaisir d'aborder ces questions qui sont, évidemment, très
importantes. Je le dis tout de suite, d'entée de jeu, d'ailleurs, je ne pense
pas que l'opposition va faire un débat d'une centaine d'heures avec ce projet
de loi, très clairement.
J'en profite évidemment pour saluer le ministre,
les collègues de l'Assemblée nationale qui sont ici présents, de même que les
gens du ministère qui accompagnent le ministre à ce niveau-là. Je vous dirais
que je salue aussi, bien sûr... je suis heureux de retrouver, moi aussi, le Pr Pineau,
avec qui nous avons eu l'occasion d'échanger pendant de nombreuses années. Et
je revoyais à <travers, d'ailleurs, le...
M. Arcand
:
...qui accompagnent le
ministre à ce niveau-là. Je vous dirais que je
salue aussi,
bien sûr... je suis heureux de retrouver, moi aussi, le Pr Pineau,
avec qui nous avons eu l'occasion d'échanger pendant de nombreuses années. Et
je revoyais à >travers, d'ailleurs, le discours qu'il avait, certaines
des positions qui étaient les siennes depuis fort longtemps d'ailleurs. Alors,
c'est un plaisir, Pr Pineau, de vous retrouver.
Je vous dirais que, dans ce projet de loi — évidemment,
c'est un projet de loi — la première chose qu'on s'est posée comme question :
Pourquoi un projet de loi? Est-ce que ça aurait été plus facile de le faire simplement
par règlement? Mais je comprends, là, que, sur le plan technique, ça prenait,
semble-t-il, un projet de loi pour pouvoir faire ces changements-là. Alors,
nous allons étudier ce projet de loi là plus tard.
Aujourd'hui, j'aurai certainement des
questions à poser au Pr Pineau parce qu'évidemment la question des enjeux
reliés aux économies d'énergie sont des questions fondamentales pour l'avenir
du Québec. Et une des questions, puis je le dis tout de suite au ministre, que
j'aurai l'occasion de lui poser lorsqu'on sera rendus... La seule chose qui me
fait un petit peu tiquer, si vous me permettez l'expression, c'est toute la
question des inspecteurs. Pourquoi? Est-ce qu'il va y avoir des normes
différentes au niveau des inspecteurs? Qui va être appelé à inspecter? Je
comprends que ce ne seront pas seulement les gens du ministère, on veut aller
ailleurs, mais encore faut-il préciser un petit peu qu'est-ce qu'on veut dire
par «gens qui auront la capacité d'inspecter». Alors, ce sont... c'est un des
éléments sur lesquels, évidemment, je vais certainement avoir l'occasion de
poser des questions.
Je dois vous dire également que ce projet
de loi, évidemment, si ça permet d'améliorer la situation sur le plan des économies
d'énergie, ça permet de nous donner un Québec plus vert. Évidemment, nous en
sommes de façon importante. Notre formation politique avait déposé, en 2016, la
Politique énergétique. Il y avait à la fois des mesures de réduction des
hydrocarbures, il y avait des mesures pour, évidemment, qu'on soit de plus en
plus verts, et évidemment nous avions à l'époque créé TEQ, qui malheureusement
a été aboli par la suite.
Et donc on aura l'occasion de revenir plus
tard en commission parlementaire, mais je peux assurer le gouvernement de notre
collaboration au niveau de ce projet de loi pour qu'on puisse probablement
l'adopter assez rapidement lors de la reprise de la session. Alors, voilà, c'étaient
quelques-uns de mes commentaires, mais j'aurai certainement des questions pour
le Pr Pineau tout à l'heure. Merci infiniment, M. le Président.
• (11 h 30) •
Le Président (M. Lemay) :
Merci à vous, M. le député de Mont-Royal—Outremont.
Auditions
Donc, nous allons maintenant débuter les
auditions. Alors, je souhaite maintenant la bienvenue à M. Pierre-Olivier Pineau,
qui est <professeur titulaire à la Chaire...
>
<421
M.
Arcand
: …lors de la reprise de la session. Alors, voilà,
c'était quelques-uns de mes
commentaires, mais j'aurai certainement des
questions pour le Pr Pineau tout à l'heure. Merci infiniment, M. le
Président.
Le Président (M. Lemay) :
Merci à vous, M. le député de
Mont-Royal—Outremont
.
Donc, nous allons maintenant débuter les auditions. Alors, je souhaite
maintenant la bienvenue à M. Pierre-Olivier Pineau, qui est >professeur
titulaire à la Chaire de gestion du secteur de l'énergie de HEC Montréal, et je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la
suite, nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission. Donc,
la parole est à vous.
M. Pierre-Olivier Pineau
M. Pineau (Pierre-Olivier) : Merci
beaucoup. Merci beaucoup pour l'invitation. Je tiens, donc, à vous remercier
de… pour cette invitation, et peut-être à m'excuser d'être le seul qui a
maintenu son audition. J'ai l'impression que j'ai des collègues qui avaient été
sollicités et qui se sont désistés, mais donc peut-être que c'est à cause de
moi que vous vous réunissez aujourd'hui. Mais je pense que ça vaut la peine, quand
même, de prendre ce temps-là pour parler d'efficacité énergétique, parce que
c'est un sujet, comme vous le savez, extrêmement important.
Comme M. Julien l'a mentionné, le projet
de loi n° 97 est un petit projet de loi qui apporte des modifications qui
auront un impact, mais qui sont, somme toute, mineures dans l'ensemble du
dossier de l'efficacité énergétique. Moi, j'accueille avec beaucoup d'aspects
positifs les deux principales modifications qui sont suggérées par le projet de
loi, c'est-à-dire, donc, de passer d'équipements plus spécifiques à un terme
plus générique et plus large, plus englobant de «produits qui peuvent consommer
directement ou avoir un impact sur la consommation d'énergie». Je pense que
c'est important d'avoir des normes pour, effectivement, cet éventail plus large
de produits.
Et je pense aussi que c'est important de
pouvoir donner de la flexibilité dans le choix des inspecteurs au ministère, et
donc sortir de la… du cadre d'avoir seulement des inspecteurs qui sont des
employés du ministère est une bonne chose. Mais évidemment… et, dans mon
mémoire, je ne me suis pas vraiment attardé sur les aspects plus techniques ou
des qualifications que ces inspecteurs-là, les personnes qui vont être nommées,
devront avoir et de leur impartialité, mais c'est évidemment des éléments
extrêmement importants que le ministère devra s'assurer de mettre de l'avant
pour que les inspecteurs soient véritablement des gens neutres, et qualifiés,
et compétents, choses qui n'étaient pas non plus garanties en ayant un employé
du ministère. Mais donc les deux changements sont accueillis, de ma part,
avec… sont très bien accueillis de ma part.
Mais… Et c'est la raison… La principale
raison pour laquelle j'ai accepté de venir parler et que j'ai écrit un mémoire,
c'est parce qu'autant ces changements sont nécessaires, autant le dossier de
l'efficacité énergétique demande d'agir de façon beaucoup plus agressive et
large, et on n'a pas encore, dans l'encadrement législatif québécois, les
éléments qui sont propices, le contexte qui est propice à des véritables
avancées significatives en efficacité énergétique. Les équipements, les
produits énergétiques, oui, consomment de l'énergie, mais, quand on regarde… et
je me suis attardé sur le secteur des bâtiments dans mon mémoire, quand on
regarde dans le secteur des bâtiments, les maisons <unifamiliales, c'est
70 % de l'énergie qui…
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
...
propices, le contexte qui est propice à des véritables avancées
significatives en efficacité énergétique. Les équipements, les produits
énergétiques, oui, consomment de l'énergie, mais quand on regarde… et je me
suis attardé sur le secteur des bâtiments dans mon mémoire... quand on regarde
dans le secteur des bâtiments, les maisons >unifamiliales, c'est
70 % de l'énergie qui est consommée pour le chauffage. Dans les
appartements, c'est 60 %. Dans les bâtiments institutionnels commerciaux,
c'est un petit peu moins, c'est 45 %. Mais, dans tous les cas, dans tous
les bâtiments, ce ne sont pas les équipements ou les produits connexes qui
consomment de l'énergie. C'est de l'énergie dont on a besoin pour le chauffage,
et donc, si on veut vraiment faire des avancées majeures, au Québec, en
efficacité énergétique dans les bâtiments, il va falloir s'attaquer aux
enveloppes thermiques de nos bâtiments de manière essentielle et centrale.
Et donc, dans le mémoire, je documente les
améliorations qu'on a, au fil des ans, dans les normes techniques, et donc,
selon l'âge de construction du bâtiment, comme vous pouvez le constater, on a
des très grandes améliorations. Les bâtiments construits avant les
années 50, plus de 250 kilowattheures de consommation par mètre carré
par an. Des bâtiments beaucoup plus récents, on est autour de 60 kilowattheures
de consommation, kilowattheure par mètre carré, par an. Donc, c'est énorme, c'est
de l'ordre de 75 % de réduction. Mais même les bâtiments récents
consomment beaucoup plus que ce qu'on sait qu'on peut faire avec des bâtiments
qu'on appelle des bâtiments passifs ou des bâtiments extrêmement performants,
qui... En fait, on les appelle les bâtiments passifs parce qu'ils n'ont pas
besoin de chauffage actif. On arrive à 15 kilowattheures d'apport
énergétique par mètre carré, par an, pour le chauffage uniquement. Donc, de 60 kilowattheures,
qui est la norme, la moyenne actuelle des bâtiments récents, on peut passer à
15 kilowattheures. Donc, vous pouvez… c'est des pas de géant qu'on peut réaliser,
et là le… ce que, souvent… donc là les normes, aujourd'hui, du Québec en termes
de construction de bâtiments ne sont pas encore à ces normes-là de bâtiments
passifs.
Si on pense arriver à la carboneutralité
pour 2050, c'est essentiel d'arriver à des bâtiments qui sont extrêmement
sobres en énergie, au-delà des normes actuelles. Et notre parc de bâtiments,
comme vous le savez, est un parc qui ne se renouvellera pas complètement d'ici
2050, donc il est, encore une fois, impératif de penser à des rénovations
profondes des enveloppes thermiques de nos bâtiments et d'avoir un cadre
complet, un cadre législatif, réglementaire, et d'incitatifs, et
d'accompagnement des consommateurs et des entreprises qui gèrent les bâtiments,
qui nous amène à ces niveaux de très faible consommation énergétique.
Il y a différents avantages quand on a des
très faibles niveaux de consommation énergétique. Certains pensent qu'au
Québec, comme on chauffe à l'hydroélectricité, ça ne pollue pas, eh bien qu'on
peut… on n'a pas d'économies d'électricité à réaliser dans l'efficacité
énergétique, mais, quand on voit le plan du gouvernement qui pense à
électrifier énormément de secteurs, eh bien, il va falloir de l'électricité, et
chaque kilowattheure qu'on pourra économiser dans nos bâtiments, c'est de
l'électricité qu'on pourra utiliser ailleurs, pour faire de l'hydrogène, pour
exporter, pour électrifier les transports, pour électrifier des industries. Et
donc, dans le secteur des bâtiments, il va… on a un gisement d'efficacité
énergétique qui <est…
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
...énormément de secteurs, eh bien, il va falloir de l'électricité,
et chaque kilowattheure qu'on pourra économiser dans nos bâtiments, c'est de
l'électricité qu'on pourra utiliser ailleurs, pour faire de l'hydrogène, pour
exporter, pour électrifier les transports, pour électrifier des industries. Et
donc dans le secteur des bâtiments, il va… on a un gisement d'efficacité
énergétique qui >est énorme et qu'il faut pouvoir réaliser dans les 30 prochaines
années pour arriver, en 2050, avec un parc de bâtiments qui soit extrêmement
performant et qui... au lieu d'être un fardeau supplémentaire pour
l'approvisionnement en électricité auprès d'Hydro-Québec, eh bien, qu'on soit
passés à d'autres choses.
La beauté de l'amélioration de
l'efficacité énergétique dans les bâtiments, c'est que ça génère de l'activité
économique dans les régions québécoises, ça nous rend plus performants et, d'un
point de vue de la transition équitable et juste, eh bien, ça nous amène à
avoir des ménages, souvent, à faibles revenus qui ne sont plus vulnérables à
des hausses des frais de l'énergie, parce que, justement, ils sont dans des
logements à... ils seront, ultimement, on le souhaite, dans des logements à
très faible consommation énergétique. À 15 kilowattheures par an, par
année, par mètre carré, eh bien, la facture énergétique n'est plus un enjeu
pour les ménages à faibles revenus. Et donc, à travers ce type de programmes,
on aurait une manière de protéger les ménages à faibles revenus et de pouvoir
avoir une politique énergétique, tarifaire qui est beaucoup plus enlignée avec
nos objectifs d'efficacité énergétique.
Pour arriver à ça, donc, pour arriver à
réduire notre consommation d'énergie, il faut, à la fois, des mesures sur la
productivité énergétique... J'en parle dans mon mémoire, on est des cancres de
la productivité énergétique parmi les pays de l'OCDE, au Canada et au Québec.
Qu'est-ce que c'est, la productivité énergétique? C'est la richesse qu'on
génère avec une unité d'énergie. Le Danemark génère, par exemple, deux fois
plus de richesse avec la même unité d'énergie que nous, au Canada, nous
générons, et le Québec se situe dans la moyenne canadienne. Donc, nous sommes
les cancres de la productivité énergétique.
La productivité, c'est un indicateur que
nous devrions tous voir comme étant essentiel. On doit faire plus avec nos
ressources naturelles, plus avec notre énergie, et donc c'est un indicateur qu'il
faudrait davantage suivre, se donner des objectifs, comme l'Allemagne l'a fait,
par exemple, comme d'autres pays le font. Et le Québec devrait se donner des
indicateurs de productivité énergétique et, évidemment, des incitatifs pour y
arriver.
En termes d'incitatifs, il faut revenir
sur le contexte économique, les incitatifs économiques. C'est un joyau au
Québec, le fait qu'on ait de l'hydroélectricité à faible prix, à faible coût de
production et à faible prix. Historiquement, on a toujours basé notre prix sur
le coût de production. Ça nous a beaucoup servi, mais, à long terme, c'est une
erreur que nous faisons parce que nous dilapidons un capital, une richesse. On
s'entend tous pour dire que l'hydroélectricité, c'est l'électricité qui a la
plus grande valeur, et c'est celle qu'on vend au plus petit prix. Les meilleurs,
souvent, on les paie le prix… un prix élevé, et non pas ce que ça leur coûte
pour se loger, se nourrir et s'habiller. Alors, notre <électricité,
qui...
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
…une richesse. On s'entend tous pour dire que l'hydroélectricité, c'est l'électricité
qui a la plus grande valeur, et c'est celle qu'on vend au plus petit prix. Les
meilleurs, souvent, on les paie le prix… un prix élevé, et non pas ce que ça
leur coûte pour se loger, se nourrir et s'habiller. Alors, notre >électricité,
qui a tant de valeur, il faudrait que son prix reflète cette valeur-là. On n'a
pas ça au Québec. Il va falloir accepter, un jour, pour favoriser l'efficacité
énergétique, qu'on mette le prix sur les choses qui ont de la valeur. Et, quand
on pollue, il faut aussi mettre un prix beaucoup plus clair, beaucoup plus net,
et ce prix-là va être extrêmement important pour nous amener à faire les
efforts d'efficacité énergétique, de productivité énergétique qui sont
mentionnés.
• (11 h 40) •
Je terminerais en disant simplement que la
transition énergétique que nous voulons tous ici ne pourra pas être une légère
promenade champêtre où le gouvernement distribue des petites subventions ou des
grosses subventions aux consommateurs. Ce serait agréable que tout se fasse
dans la joie et l'allégresse, et je le souhaite, que ça se fasse dans la joie
et l'allégresse, mais il faut avoir un discours honnête envers la population et
les consommateurs et envoyer le message que ça doit, ça va forcément coûter plus
cher. Il va y avoir des contraintes à l'avenir si on veut atteindre notre
objectif de carboneutralité d'ici 2050. Les changements à réaliser sont tels qu'on
ne pourra pas simplement compter sur le bon vouloir volontaire, étalé dans le
temps, comme on l'a fait ces 20 dernières années, parce que ça ne donne
pas les résultats que nous devrions avoir. Nos émissions de gaz à effet de
serre, dans les deux derniers inventaires, ont augmenté, et ce n'est pas le
genre de tendance que nous pouvons accepter.
Et pourquoi on en est là? Parce qu'on
n'agit pas de manière assez musclée, avec des contraintes. Malheureusement, il
va falloir des contraintes, pas seulement des contraintes, aussi un
accompagnement des Québécois et des Québécoises. Et surtout la perspective est
assez palpitante parce que ça va nous amener dans un monde bien plus équilibré,
d'un point de vue environnemental, et aussi plus riche, plus prospère pour le
Québec. Parce que — je vais terminer là-dessus — comme je
le disais, on est des piètres consommateurs. Et donc tous les efforts que nous
allons faire vont nous amener dans un monde où, en fait, on sera plus
productifs, plus riches et plus verts, et c'est ça que nous voulons. Merci
beaucoup, et je suis évidemment disponible pour la suite de la commission.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, merci, M. Pineau, pour votre exposé. Et nous allons maintenant
débuter avec la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous, vous
disposez d'un temps de 19 min 15 s.
M. Julien : Oui, merci, M. le
Président. M. Pineau, je vais essayer d'être succinct dans mes questions
pour laisser plus de place à vos réponses, puis qui sont nettement plus
intéressantes que… avec toutes vos connaissances.
D'entrée de jeu, merci pour votre présence,
toujours très éclairant. Vous avez abordé des notions, là, qu'on a l'occasion… Puis,
à chaque année, quand vous déposez l'état de l'énergie, là, on se rappelle de
certains résultats qui sont… disons qu'on ne va pas assez vite pour certains
résultats. Pour ma part, j'ai toujours l'occasion aussi de mentionner qu'on est
dans une courbe exponentielle, quand même, et peut-être que les résultats d'aujourd'hui
ne sont pas ceux qu'on aura dans cinq ans et dans 10 ans, mais vous nous
rappelez à <l'ordre…
M. Julien : …de certains
résultats qui sont… disons qu'on ne va pas assez vite pour certains résultats.
Pour ma part, j'ai toujours l'occasion aussi de mentionner qu'on est dans une
courbe exponentielle, quand même, et peut-être que les résultats d'aujourd'hui
ne sont pas ceux qu'on aura dans cinq ans et dans 10 ans, mais vous nous
rappelez à >l'ordre par rapport à la productivité, naturellement, par
rapport à ce qu'est le Québec. C'est sûr qu'à 0,07 $, 0,08 $ le kilowattheure
on n'a pas les mêmes tendances qu'ailleurs quand c'est 0,21 $ 0,30 $
le kilowattheure, en termes de perspective d'économie d'énergie et d'efficacité
énergétique.
On a fait une annonce la semaine dernière,
vendredi dernier, là, avec la mairesse de Montréal, Mme Plante, par rapport à
la cotation énergétique pour les bâtiments institutionnels et commerciaux, où
on vient dire : On va commencer par être transparents sur la consommation,
parce qu'on parlait de bâtiments, là, naturellement, c'est institutionnel et
commercial, on va commencer par être transparents sur la donnée, à la fois, la
consommation énergétique et le type de consommation, et, éventuellement, on va
venir sur des mesures de performance, là, 2023‑2024. Et à la fin on vise deux
choses, c'est, oui, de venir mesurer cette performance-là... Je pense qu'on va
amener une pression, puisque l'information va être transparente, par rapport
aux consommateurs, par rapport aux locataires, par rapport aux individus, à la
population.
C'est quoi, les enjeux que vous voyez dans
cette approche-là? Parce que, tu sais, on disait : Si on réduisait, juste
dans le commercial et l'institutionnel, de 10 % de la consommation
d'énergies fossiles, ça représente à peu près 480 000 tonnes de GES, là,
l'équivalent de 130 000 véhicules électriques... ça va être quoi,
l'enjeu qui nous guette par rapport à cette approche-là, là, dans les étapes
subséquentes, et quels gestes le gouvernement devrait poser pour aller plus
loin à cet effet-là?
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
Bien, disons, c'est une très bonne annonce, je pense que ça fait très longtemps
que le gouvernement devrait imposer une cotation des audits obligatoires, au
moins à la vente d'un bâtiment commercial ou résidentiel. Je pense que… En
fait, je m'étonne toujours qu'on n'ait pas ça plus tôt et je m'étonne qu'on ne
soit pas directement allés pour tous les bâtiments, en disant : Il faut
les faire coter, ne serait-ce qu'à la vente, pour que les vendeurs... ou un
acheteur sache s'il achète un citron ou il achète une star immobilière, en
termes d'efficacité énergétique. On vit dans le manque de transparence, dans la
noirceur sur la consommation énergétique. Si vous avez acheté une demeure ou
vous devez... récemment, là, vous devez vous plonger dans des factures d'Hydro-Québec,
de Gaz Métro, qui ne sont pas faciles à vérifier, qui ne sont pas faciles à
comprendre, ce n'est pas standardisé, alors qu'on a des programmes... Le
gouvernement finance aujourd'hui des programmes en rénovation domiciliaire pour,
justement, faire des audits. Je parle régulièrement avec des gens qui sont sur
le terrain et qui ont du financement, là, du Fonds d'électrification et de
changements climatiques pour ces audits-là, je pense que c'est Rénoclimat ou
RénoVert. Il y a des audits, mais ils ne peuvent pas faire de publicité pour,
justement, faire connaître leurs services, et ils ont des limites sur les
budgets qui sont donnés, et ce n'est pas <obligatoire…
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
...
sur le terrain et qui ont du financement, là, du Fonds
d'électrification et de changements climatiques pour ces audits-là, je pense
que c'est Rénoclimat ou RénoVert. Il y a des audits, mais ils ne peuvent pas
faire de publicité pour, justement, faire connaître leurs services, et ils ont
des limites sur les budgets qui sont donnés, et ce n'est pas >obligatoire,
c'est sur la bonne volonté des gens.
Donc, même les choses qui sont non
contraignantes... comme un simple audit n'est même pas... est fait de manière
volontaire, alors qu'il faudrait commencer, le plus rapidement possible, à
donner à tout le monde une connaissance de la conservation énergétique des bâtiments
et, aussi, une perspective sur comment l'améliorer. Parce que, quand on fait
ces cotations-là, eh bien, ça nous dit où notre bâtiment se situe un petit peu
dans le spectre des consommations énergétiques possibles, et, en général, ça
vient avec des recommandations assez génériques, assez générales sur qu'est-ce
qu'on peut faire. Mais, au moins, ça met dans la tête des consommateurs
qu'est-ce qu'il va falloir faire dans les cinq, 10 prochaines années. Et
ça ne va pas se faire du jour au lendemain, mais il faut commencer le plus
rapidement possible.
Donc, bravo pour votre annonce avec
Mme Plante, mais il faut aller... surtout sur des mesures comme ça, qui ne
sont pas contraignantes à court terme, il faut les généraliser à l'ensemble du
parc de bâtiments et, rapidement, rendre ces audits-là obligatoires de
manière... en débutant par la vente ou dans une perspective des cinq prochaines
années. Et on pourrait imaginer, après, de faire une sorte d'écofiscalité, où
on dit à ceux qui sont retardataires et qui, après cinq ans de leur audit,
n'ont pas fait les améliorations qui étaient possibles, bien... on leur dit :
En termes de taxation, vous allez avoir, par exemple, une augmentation de votre
fiscalité municipale si vous ne faites pas des efforts et si vous ne participez
pas à des programmes qui sont disponibles. Parce que le gouvernement met à la
disposition des consommateurs beaucoup de programmes, mais, comme il n'y a pas
de petit bâton pour amener les consommateurs vers ces programmes-là, bien,
souvent, ces programmes-là ne sont pas entièrement performants ou ne livrent
pas toute la marchandise.
M. Julien : Pour faire du
pouce sur ce que vous mentionnez, Pr Pineau, parce que vous parlez de
bâton, vous en avez parlé dans le mémoire, puis, à un moment donné, c'est
beaucoup, en réalité, un élément que vous apportez, donc, selon vous, cette
transparence-là, cette divulgation-là des indices de performance, où les
immeubles vont être cotés, vous ne pensez pas que ça va être suffisant pour que
la clientèle, c'est-à-dire un locataire ou un acheteur, vienne mettre une
pression suffisante pour obliger l'amélioration, par le fait même, dans une
perspective de marché?
Moi, je me dis, bien, il faut qu'on ait l'information,
qu'elle est transparente. Si quelqu'un est mauvais joueur, bien, il va y avoir
un impact sur, à la fois, son revenu de location ou son prix de disposition,
qui devrait faire en sorte qu'il se comporte autrement dans l'amélioration de
son efficacité énergétique. Pour vous, ce ne sera pas suffisant?
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
Non, ça ne peut pas être suffisant. C'est nécessaire mais non suffisant. Pensez
au tabac. Ce n'est pas parce qu'on a simplement mis sur les paquets de
cigarettes des poumons encrassés de nicotine que les gens ont cessé de fumer.
Il a fallu aussi des taxes et aussi de la réglementation. Pensons aussi aux
sacs de chips et aux cannettes de boisson gazeuse, là. Les informations
nutritionnelles, elles sont inscrites sur ces produits-là. On ne peut pas dire
que les gens ne savent pas qu'ils mangent du gras, et du sel, et du sucre. Ils
le <savent...
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
...
poumons encrassés de nicotine que les gens ont cessé de fumer. Il a
fallu aussi des taxes et aussi de la réglementation. Pensons aussi aux sacs de
chips et aux cannettes de boissons gazeuses, là. Les informations nutritionnelles,
elles sont inscrites sur ces produits-là. On ne peut pas dire que les gens ne
savent pas qu'ils mangent du gras, et du sel, et du sucre. Ils le >savent,
personne n'est imbécile. Tout le monde sait qu'un paquet de chips, c'est rempli
de gras et de sel. On en mange quand même et on a des problèmes d'obésité au
Québec, au Canada, en Occident. Les tendances ne sont pas à l'amélioration.
Et l'information seule est nécessaire mais
n'est certainement pas suffisante. Il va falloir aussi faire des contraintes, on
le sait quand on regarde l'alimentation et le tabac. C'est la même chose pour
l'efficacité énergétique. Les gens vont le savoir, mais ils vont s'en
accommoder, à moins qu'ils aient, par ailleurs, des incitatifs et un contexte économique
qui les amènent à faire plus proactivement ces changements-là.
M. Julien : Et donc
j'aime les comparaisons. D'un autre côté, je me dis juste : Si j'ai une
tour à bureaux à Montréal et, après ça, j'ai des locataires, disons, institutionnels
ou, peu importe, moi, j'ai l'impression qu'il va y avoir une pression de plus
en plus importante pour s'assurer qu'on loge nos locaux à l'intérieur d'un
bâtiment qui est responsable. Mais vous avez raison, peut-être que ça prend un
et l'autre, et vous semblez en être convaincu.
Si je vous amène sur une autre question...
On a amené la notion, qui pouvait être contre-intuitive, mais qui, à mon avis,
est la bonne en termes d'efficience, là, la biénergie, c'est-à-dire l'utilisation,
en fin de compte, avec Hydro-Québec et Énergir, ça a été déposé à la Régie de
l'énergie, dans une perspective de venir dire : On pense que ce
maillage-là, c'est un peu la loi de Pareto, on va obtenir 80 % des
résultats attendus, en termes de réduction, pour 40 % de l'effort
financier, en termes d'efficience. C'est la bonne approche. C'est sûr qu'on
vise la carboneutralité. On a du gaz naturel renouvelable. Mais comment vous
voyez cette approche-là dans la tendance actuelle? Est-ce que c'est la bonne
approche pour le Québec?
• (11 h 50) •
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
Oui, je pense que c'est la bonne approche. Moi, j'accueille avec joie... et je
suis très positif par rapport à cette combinaison-là. C'est quelque chose qui a
l'avantage de pouvoir se faire, potentiellement, très rapidement et de donner
des résultats, mais ça ne doit pas nous éloigner, malgré tout, de nos efforts
sur les enveloppes thermiques. Il faut... On a trop souvent tendance à penser
qu'au Québec, comme on a de l'hydroélectricité propre, on va pouvoir chauffer
nos bâtiments sans faire des efforts, mais ce que je dis ne pourra pas se faire
du jour au lendemain. Donc, il y a de la place à la fois pour de la biénergie,
pour gérer la pointe... mais il faut garder à l'esprit que la tendance pour
2050, ça doit être la réduction de la consommation d'énergie du parc de
bâtiments au complet et que ça, on n'y arrivera pas avec la biénergie. La
biénergie va être utile, parce qu'on ne va pas changer tout le monde tout de
suite, mais, que... si, d'ici 2050, on a renouvelé le parc de bâtiments puis on
a baissé de l'ordre de 80 % notre consommation énergétique dans le parc de
bâtiments, on <aura...
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
...
du parc de bâtiments au complet, et que ça, on n'y arrivera pas avec
la biénergie. La biénergie va être utile, parce qu'on ne va pas changer tout le
monde tout de suite, mais, que... si, d'ici 2050, on a renouvelé le parc de
bâtiments puis on a baissé de l'ordre de 80 % notre consommation
énergétique dans le parc de bâtiments, on >aura vraiment atteint notre
objectif. La biénergie aura joué son rôle pendant les 10, 20 premières
années et, probablement, va continuer à jouer un petit rôle pour assurer la
pointe des jours froids qu'il va continuer à y avoir en 2050, mais on aura
libéré des kilowattheures et des mètres cubes de gaz naturel, qu'on n'aura pas
à substituer par du gaz naturel renouvelable.
Donc, les deux sont complémentaires, mais,
oui, l'approche de biénergie est une excellente approche. C'est très important
qu'il y ait un meilleur dialogue et une meilleure intégration de toutes les
formes d'énergie.
M. Julien : Une dernière
question, pour ma part, puis je ne sais pas si les collègues auront des
questions, mais on est dans une course, puis je ne veux pas faire de la politique
pour dire... mais on a les objectifs de 2030, là, assez audacieux, puis on est
dans une course, puis, à toutes les fois que je discute avec mes collègues, je
cherche la mesure la plus efficiente, dans une perspective de délai.
C'est-à-dire, on a des sommes gouvernementales qui sont limitées, bien qu'on a
mis 6 milliards et quelques, puis on dit... J'essaie d'avoir la mesure la
plus efficiente, c'est-à-dire transformer mes ressources financières au maximum
de résultats.
Avez-vous fait une évaluation, M. Pineau,
là, de ce que vous mentionnez, là, c'est-à-dire que, si on devait accompagner,
dans une structure où on vient... On peut le faire légalement, c'est-à-dire à
l'intérieur d'un cadre législatif, puis après ça ça prend un accompagnement, naturellement,
pour venir aider financièrement ou supporter financièrement ces rénovations
dans une perspective énergétique. Avez-vous fait des évaluations de
l'efficience de cette approche-là par rapport aux résultats obtenus?
M. Pineau (Pierre-Olivier) : Alors,
oui, on a un article, que je cite, qui est déjà publié dans le mémoire, qui
montre qu'en fait, sur... On a fait l'étude sur une maison unifamiliale typique
du Québec et on trouve que c'est rentable, à moins de 0,09 $ le
kilowattheure, de faire... d'amener la maison au Novoclimat et de la faire
passer à la thermopompe. Puis ça, donc, on sait.
Et là, plus récemment... Puis ça, c'est un
rapport qu'on va sortir d'ici quelques semaines, avec un étudiant de la chaire
qui a travaillé de manière très précise, beaucoup plus précise qu'auparavant,
sur, justement, les différents types de bâtiments québécois et où est-ce qu'on
a... quelles mesures sont les plus profitables, et on en a. Et, en fait, il y a
deux grandes zones climatiques au Québec, il y a la zone 7 et la zone 6.
La zone 7, c'est un petit peu Trois-Rivières et au nord. Mais c'est sûr
que là où il fait plus froid, c'est là où il faut aller travailler sur ces
maisons-là, plutôt que sur des nouvelles maisons.
Donner des subventions aux Montréalais qui
achètent des maisons neuves, c'était une erreur. Il ne faut pas donner des
subventions à des Montréalais qui ont des maisons neuves. Donc, déjà, il
devrait y avoir des critères discriminants, dans les programmes du
gouvernement, où on donne priorité à ceux qui habitent dans des régions plus
froides, plus nordiques, qui chauffent plus, dans des plus vieux logements,
pour leur permettre de faire des rénovations. Et ça, c'est des critères qui ne
sont pas, aujourd'hui, utilisés.
Évidemment, ils ne sont pas utilisés parce
qu'on ne veut pas donner <l'impression...
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
des critères discriminants dans les programmes du gouvernement, où on
donne priorité à ceux qui habitent dans des régions plus froides, plus
nordiques, qui chauffent plus, dans des plus vieux logements, pour leur
permettre de faire des rénovations. Et ça, c'est des critères qui ne sont pas,
aujourd'hui, utilisés.
Évidemment, ils ne sont pas utilisés
parce qu'on ne veut pas donner >l'impression que certains Québécois sont
favorisés par rapport à d'autres. On veut avoir des programmes universels. Mais
ce n'est pas forcément plus efficace, parce qu'on a beaucoup d'opportunistes
qui vont venir changer leurs fenêtres dans leur bâtiment qui a été construit en
2005, puis là on est en 2021. Ils veulent des nouvelles fenêtres, mais là le
gouvernement va donner un 2 000 $, mais c'est un 2 000 $
inefficace par rapport à un 2 000 $ qui aurait été investi pour
quelqu'un de Sept-Îles qui a une plus vieille maison, qui aurait pu faire
beaucoup plus. Et là-dessus, je crois que, dans nos programmes, on pourrait
être beaucoup plus discriminants pour aller cibler les consommateurs qui en ont
le plus besoin.
M. Julien : C'est bien. Je ne
sais pas s'il y a des collègues qui avaient une question, sinon j'en aurais eu
d'autres, mais… Parfait. Vous êtes bien aimables.
On a tout le volet industriel, M. Pineau,
Pr Pineau, qui nous interpelle beaucoup, avec certaines difficultés à
électrifier certaines charges, justement, là, par le volet même, en fin de
compte, de la nature de l'industrie. Quelles sont, selon vous, les bonnes
pistes pour s'attaquer à la consommation énergétique des industries? Bien qu'on
sorte un peu du cadre, là, efficacité énergétique pure, comment vous entrevoyez
ça, Pr Pineau?
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
Bien, on sait qu'il y a un potentiel d'efficacité énergétique qui est là, en
industrie. Hydro-Québec est en train de faire… va sortir bientôt l'évaluation
la plus récente, là, de ce potentiel, du potentiel technico-économique
d'efficacité énergétique résidentielle, commerciale et industrielle. Donc, il y
a des pistes qui vont être établies là. Il faut lire ces documents... ce
document qui arrive très bientôt. Il faudra le lire avec énormément d'attention
parce que ce sont des gens, donc, des experts, des consultants en efficacité
énergétique, qui ont été sur le terrain, qui ont analysé et qui peuvent dire
qu'est-ce qu'on peut faire avec l'efficacité énergétique, et il y a beaucoup de
choses à faire.
Évidemment, il y a... Donc, il faut, premièrement,
faire ça, avec un accompagnement et puis certaines contraintes. Je dis souvent
le mot «contraintes», ce n'est pas parce que j'aime les contraintes, mais c'est
parce que je veux que ça fonctionne, et un jour il va bien falloir accepter
qu'on travaille… Et l'ingéniosité humaine est très bonne, se développe beaucoup
plus sous contrainte que dans un espace entièrement libre. Et je suis,
évidemment, complètement pour la liberté, mais il y a des contraintes qu'il
faut s'auto-imposer pour être plus performants.
Donc, l'efficacité énergétique en
industrie, après, bien, vous le savez, pour l'hydrogène, on a... dans les
aciéries québécoises, pour le secteur de l'acier, on va avoir des besoins en
hydrogène, donc là ça va être très important de pouvoir cibler des programmes
pour aider, pour que les aciéries québécoises soient les premières à faire le
saut vers l'intégration de l'hydrogène dans leurs processus. Ça, ça va être
intéressant. En aluminium, c'est complètement différent, c'est un autre défi
technologique, mais il va falloir aussi s'assurer d'accompagner.
Le défi des industries, c'est que chaque <industrie
a sa…
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
…
des programmes pour aider, pour que les aciéries québécoises soient les
premières à faire le saut vers l'intégration de l'hydrogène dans leurs
processus. Ça, ça va être intéressant. En aluminium, c'est complètement
différent, c'est un autre défi technologique, mais il va falloir aussi
s'assurer d'accompagner.
Le défi des industries, c'est que
chaque >industrie a sa spécificité, et donc il faut vraiment y aller au
cas par cas. Pour les cimenteries, ça va être aussi un éventail un peu plus
complexe de solutions. On a récemment travaillé sur les cimenteries dans le
cadre d'un projet de recherche où il faut, justement, permettre de brûler
différents produits, matières premières. Il y a de la réglementation
contraignante qui empêche les cimenteries, parfois, de brûler. Même si elles
pourraient les brûler de manière efficace, la certification est parfois très
lourde pour que ces cimenteries puissent brûler certaines matières, qui ne
pollueraient pas parce que c'est brûlé à tellement… à 1 500 degrés,
donc ça n'a pas d'émanations toxiques. Mais le cadre réglementaire en
environnement est très contraignant, donc elles doivent refuser certaines
matières qui ne sont pas certifiées, même si on pourrait avoir l'assurance que
ça ne pollue pas.
Donc, il y a une panoplie de mesures qu'il
faut… sur lesquelles il faut se pencher.
M. Julien : Parfait.
M. Pineau, bien, en terminant, là, c'est toujours un plaisir, là,
premièrement, d'avoir ces discussions-là parce que vous avez l'avantage du
pragmatisme universitaire, avec une approche... Naturellement, toute la notion
de contraintes, on l'entend bien. Puis, à quelque part, au Québec, on a un peu
la force de nos faiblesses, ou les faiblesses de nos forces. Naturellement, je
le réitère, là, que notre grande richesse hydroélectrique, avec, en réalité,
une énergie abordable, quand on se compare, là... très abordable.
Je comprends la notion de contraintes. J'espère
qu'on va parvenir à atteindre nos cibles sans cette notion-là, parce que... Naturellement,
là, on a l'occasion d'en discuter. Même mon collègue ici, de l'opposition, qui
me questionnait sur l'inflation, là, qui augmente un peu par rapport à l'an
dernier, naturellement, de manière conjoncturelle, à mon avis, mais, tu sais,
on a eu un gel... une hausse en bas de 2 %, on va voir qu'est-ce que… Et, déjà,
ces hausses-là, qui sont des contraintes de prix, qui sont peut-être sur un
modèle inflationniste, on sait que c'est très sensible pour les consommateurs
au Québec. Puis c'est un peu un avantage aussi qu'on a, puis ça nous
appartient, l'hydroélectricité.
Donc, je mets ça dans ma pipe, comme on
dit. Il faut trouver un moyen d'aller plus vite, d'atteindre nos objectifs, et,
naturellement, je comprends bien cette notion de contraintes là, qui pourrait
être une avenue, mais que... j'espère qu'on va réussir plus, en étant
convaincants, sur une approche commune, comme société, de dire : On veut
aller vers là parce que c'est bon pour tout le Québec. Mais je reçois bien vos
commentaires, Pr Pineau, et c'est toujours un plaisir. Puis j'ai hâte de
vous revoir, là, en personne pour pouvoir avoir ces discussions-là à bâtons
rompus. Merci.
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
Merci à vous.
• (12 heures) •
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. le ministre. Alors, je cède maintenant la parole au porte-parole
de l'opposition officielle, M. le député de Mont-Royal—Outremont.
Vous disposez de 13 min 45 s.
M.
Arcand
:
Merci beaucoup, M. le Président. <Rebonjour, Pr Pineau…
>
<17855
M.
Julien : ...et j'ai hâte de vous revoir, là, en personne, pour pouvoir
avoir ces discussions-là à bâtons rompus. Merci.
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
Merci à vous.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. le ministre. Alors, je cède maintenant la parole au
porte-parole
de l'opposition officielle, M. le député de
Mont-Royal—Outremont.
Vous disposez de 13 min 45 s.
M.
Arcand
:
Merci beaucoup, M. le Président. >Rebonjour, Pr Pineau.
Toujours un plaisir également de vous retrouver.
Ma première question, c'est que vous...
Clairement, dans votre mémoire, vous parlez évidemment de... vous croyez plus
aux bâtons plutôt qu'aux initiatives, je dirais, positives de la part du gouvernement.
Si j'avais à vous demander les... Vous avez une série de propositions que vous
faites, si j'avais à vous demander quelle est la principale mesure, pour vous,
ou les deux principales mesures qui permettraient justement d'améliorer la
situation sur le plan d'efficacité énergétique, qu'est-ce que ce serait?
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
On a... On connaît... Merci pour votre question, M. Arcand. Et c'est évidemment
aussi un plaisir partagé, là, de vous retrouver, comme tous les membres du gouvernement
et de l'opposition.
Je pense qu'il faut que l'information soit
plus claire. Donc, ce qu'on a dit sur la cotation énergétique et l'accès au
financement, c'est très important. Donc, une fois... L'accès au financement,
c'est important parce qu'on s'aperçoit que le taux d'intérêt, le taux
d'actualisation auquel les initiatives d'efficacité énergétique sont rentables
a un très, très grand rôle. Donc, si vous empruntez à 10 %, il n'y a rien
qui va être rentable dans... quasiment rentable pour votre... pour vos efforts d'efficacité
énergétique. Par contre, si vous avez du financement à très faible coût, à
1 %, à 0 %, eh bien, ça devient... tout de suite, la perspective de
rentabilité s'améliore grandement.
Donc, jusqu'à un certain point... Je ne
dis pas qu'il faut éliminer les subventions, mais il faut les réduire au
maximum, des subventions directes de capital qui sont données aux consommateurs
ou aux promoteurs, mais simplement dire : On vous donne du financement à
faible coût d'intérêt, à faible taux d'intérêt pour certaines mesures qu'on a
validées auparavant.
Et tous les potentiels technicoéconomiques
qu'Hydro-Québec et Énergir font réaliser par des gens extrêmement connaissants
sur le terrain... Parce que moi, je suis professeur à HEC Montréal. Je ne suis
pas sur le terrain. Je ne suis pas dans les bâtiments. Je ne suis pas un
technicien de l'efficacité énergétique. J'ai connaissance des grandes mesures,
mais il y a des gens qui vont plus sur le terrain et qui en font, ces potentiels
technicoéconomiques, qui identifie qu'est-ce qui est rentable. Et là, si le gouvernement
dit : Voici le programme des éléments qui sont rentables, voici, dans les
6 milliards de dollars que nous avons actuellement dans le Plan
d'électrification et de changements climatiques, on met 1 ou 2 milliards
de financement en prêts à taux d'intérêt très favorables, et bien là... et
qu'après on contraint les gens sur un échéancier raisonnable, mais on leur dit :
Dans les 10 prochaines années, vous avez le devoir d'améliorer la performance
de votre bâtiment de tel niveau à tel niveau... On sait que c'est possible, vous
avez le financement pour le faire, maintenant vous vous devez de le <réaliser...
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
...
à taux d'
intérêt très favorables, et bien, là... Et qu'après on
contraint les gens sur un échéancier raisonnable, mais on leur dit : Dans
les 10 prochaines années, vous avez le devoir d'améliorer la performance
de votre bâtiment de tel niveau à tel niveau. On sait que c'est possible. Vous
avez le financement pour le faire, maintenant, vous vous devez de le >réaliser
à travers un ensemble de maîtres d'oeuvre, qui sont connus sur le marché, les
acteurs de la rénovation et de l'efficacité énergétique. On a, au Québec, des
très grandes firmes d'efficacité énergétique qui savent le mettre en place mais
qui attendent d'avoir, justement, certaines contraintes ou certaines
obligations de performance, un échéancier. On dit aux entreprises, aux
gestionnaires de parc immobilier : Vous avez 10 ou 15 ans pour
améliorer la performance de vos bâtiments, on vous met du financement à très
faible coût sur la table, et vous y avez accès. Et,+ si, après 10 ou
15 ans, vous n'avez pas atteint ces cibles, bien là, vous avez des
pénalités, parce qu'on vous a donné les outils pour le faire. Donc, c'est une
contrainte, mais ce n'est pas que des bâtons, c'est qu'il y a des carottes qui
sont accompagnées, mais on dit : Ultimement, si vous ne le faites pas, il
y aura des pénalités.
M.
Arcand
:
D'accord. Une des questions qui m'apparaît aussi importante dans ce domaine-là,
au-delà du financement à faible taux, il y avait, à un moment donné, un
programme qui s'appelait RénoVert. Lorsqu'il y a eu le dernier budget du
gouvernement, RénoVert ne faisait plus partie des priorités du gouvernement.
Entre autres, l'APCHQ avait dénoncé cet état de choses. Est-ce que, pour vous,
c'était un programme qui était valable?
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
D'une manière générale, dans... les programmes des dernières années n'ont pas
livré la marchandise, en général. Donc, moi, je suis très critique sur
l'ensemble des programmes que votre gouvernement avait mis en place, le Conseil
de gestion du Fonds vert, justement pour permettre de mieux analyser ces
éléments-là de performance. On a perdu le Conseil de gestion du Fonds vert,
qui, de façon très, très, très tardive, avait commencé à se pencher, de manière
plus systématique, sur la performance des programmes.
Malheureusement, on souffre, au Québec,
là, d'un manque de rigueur dans l'évaluation des programmes. Je ne veux pas me
prononcer personnellement sur un programme spécifique, mais, de manière
globale, c'est certain qu'on n'a pas livré la marchandise de manière globale
dans ces programmes-là et que, surtout, on n'a pas fait d'évaluation rigoureuse
de chacun des programmes pour pouvoir prendre des décisions les plus éclairées
possible. Alors, il faudrait se donner les moyens d'évaluer ce qui a fonctionné
et avoir la sagesse de reconnaître ce qui n'a pas fonctionné, pas pour donner
des blâmes et pas pour blâmer qui que ce soit, mais simplement pour ne pas
réitérer les écueils du passé. Et malheureusement de l'argent dépensé dans des
programmes qui n'ont pas vraiment livré la marchandise... et on en a beaucoup d'exemples,
parce qu'il y a beaucoup d'opportunisme. Je vais redonner l'exemple de
changement de fenêtres. Il y a beaucoup de gens qui changent leurs fenêtres
parce qu'ils reçoivent un chèque du gouvernement, puis ils trouvent ça le fun.
C'est bien. Mais ce n'est pas forcément les programmes les plus efficaces en
termes de réduction de consommation par rapport au dollar investi. Et on manque
de données pour vraiment évaluer ça de manière rigoureuse et transparente.
M.
Arcand
:
Donc, si je vous comprends bien, <depuis...
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
...
Il y a beaucoup de gens qui changent leurs fenêtres parce qu'ils reçoivent un
chèque du gouvernement, puis ils trouvent ça le fun. C'est bien. Mais ce n'est
pas forcément les programmes les plus efficaces en termes de réduction de
consommation par rapport au dollar investi. Et on manque de données pour
vraiment évaluer ça de manière rigoureuse et transparente.
M.
Arcand
:
Donc, si je vous comprends bien, >depuis le début de cette discussion,
ce que vous suggérez, c'est littéralement une banque du climat, c'est une
espèce de banque du climat qui pourrait prêter aux gens, avec... évidemment,
ça, ça serait la carotte, mais avec un bâton au bout qui serait assez serré si
les résultats ne sont pas au rendez-vous. C'est un peu ça que vous dites.
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
Mais on a, au Québec... c'est ce type d'instruments... on a au Québec, je le
cite dans mon mémoire, la SOFIAC, qui est une nouvelle société qui a été créée
avec Econoler, une participation du gouvernement du Québec, justement pour
avoir... offrir du financement et des actions en efficacité énergétique, mais c'est
ce genre d'institution, que ça soit centralisé ou qu'il y en ait plusieurs. Il
peut y avoir des gains à en avoir plusieurs. Il peut y avoir des gains à en
avoir une, banque centrale ou un organisme central qui le fait. Mais il faut
que ça soit un organisme très terre à terre, qui peut analyser, allouer des
sommes pour les programmes plus efficaces et qui est tenu d'obtenir des
résultats. Parce que, jusqu'à aujourd'hui, malheureusement, on a des
programmes, on n'atteint pas les résultats, ça s'oublie.
On n'atteint pas nos cibles. Les électeurs
l'oublient. On ne parle plus des cibles de 2020, mais, les cibles de 2020 en
termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, on ne va pas les
atteindre. Mais ça ne va pas être un enjeu sur la place publique parce qu'on ne
parle plus des cibles de 2020, malgré l'échec fort probable que le Québec
connaîtra par rapport à ces cibles.
M.
Arcand
:
Pr Pineau, lors de l'étude du projet de loi n° 44, Hydro-Québec
disait que, d'ici 2030, il y aurait probablement un déficit énergétique au
Québec, et peu importent les efforts d'efficacité énergétique. C'est ce
qu'Hydro-Québec disait lors de l'étude. Alors, moi, je vous pose la question de
façon générale : Est-ce que vous pensez qu'il est possible d'atteindre une
efficacité, une productivité sur le plan énergétique pour ne pas avoir à
augmenter la capacité d'Hydro-Québec? Parce que, quand on écoute Hydro-Québec,
ils nous disent : Écoutez, on n'aura pas le choix, on va devoir augmenter,
on va devoir trouver des façons d'augmenter cette production. Je voulais juste
comprendre où vous vous situez par rapport à ça.
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
Mais je comprends qu'Hydro-Québec dise cela parce qu'Hydro-Québec vit dans le
carcan tarifaire qu'on lui impose, que la Régie de l'énergie, le gouvernement
québécois imposent à Hydro-Québec. Donc, dans le cadre de ces contraintes
réglementaires là, c'est très difficile pour Hydro-Québec de déployer et de
réaliser le potentiel d'efficacité énergétique. Maintenant, si on... même sans
une augmentation tarifaire, en ayant des programmes ciblés, en étant très
agressifs et en obligeant un petit peu à... comme un peu on vient de le dire,
là, avec des prêts à <faible taux...
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
...
c'est très difficile pour Hydro-Québec de déployer et de réaliser le potentiel
d'efficacité énergétique. Maintenant, si on... même sans une augmentation
tarifaire, en ayant des programmes ciblés, en étant très agressifs et en
obligeant un petit peu à... comme un peu on vient de le dire, là, avec des prêts
à >faible taux, et en ayant des programmes mieux ciblés, je pense qu'en
10 ans on pourrait réaliser beaucoup plus que ce qu'on réalise en termes d'efficacité
énergétique. Hydro-Québec l'a elle-même dit qu'elle allait... elle avait doublé
récemment ses ambitions en termes d'efficacité énergétique, mais là on parle
encore de très petits pourcentages.
• (12 h 10) •
Quand on regarde le potentiel
technicoéconomique qu'Hydro-Québec, a elle-même évalué à 30 térawattheures
il y a quelques années... et là on va avoir, dans les études plus récentes qui
vont être probablement rendues publiques cet automne, on va probablement avoir
un autre 30 térawattheures de potentiel
technicoéconomique d'efficacité énergétique réalisable sur un horizon de cinq à
10 ans. Donc, c'est énorme, 30 térawattheures. Ça permettrait, dans
une grande partie, d'éviter de construire, mais ça demande un engagement, une
mobilisation autant d'Hydro-Québec que de la part des consommateurs, que de la
part du gouvernement, un contexte qui favorise cette mobilisation-là pour
réaliser ce potentiel d'efficacité énergétique.
Et ça, ça demande un contexte favorable,
qui demande des efforts qui ne sont, en général, pas le genre d'efforts que la
classe politique se sent prête à demander aux citoyens québécois, parce qu'on
ne se fait pas élire en demandant des efforts, on se fait plutôt élire,
malheureusement, en distribuant des bonbons. Et ça, c'est un problème qu'on a
dans notre démocratie, c'est de ne pas avoir un contexte qui permet de dire les
vraies choses aux consommateurs, pour le bien de tous, le bien de la
collectivité. Ça demande des efforts pour arriver à atteindre des résultats.
M.
Arcand
: Il
y a un des efforts... parmi les efforts qu'on demandait aux gens, une des
choses qui avait été intéressante puis qui n'a jamais décollé... puis je
voulais juste avoir votre opinion là-dessus, parce qu'aujourd'hui on parle très
peu du solaire, actuellement, comme étant... Et, à un moment donné, on disait
même... il y avait un programme d'Hydro-Québec qui disait que, si vous aviez...
vous investissiez un montant d'argent pour le solaire, eh bien, vous pouviez
même fabriquer de l'énergie puis vous auriez un crédit sur votre facture
d'Hydro-Québec. Ces programmes-là n'ont jamais vraiment décollé, et est-ce que
vous voyez un avenir en ce sens-là, ou le solaire est comme, pour l'instant,
relégué aux oubliettes, on dirait, au moment où on se parle?
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
Bien, si on croit à l'efficacité énergétique comme j'y crois personnellement et
comme votre question précédente semblait montrer que vous y croyez aussi, on a davantage
à réaliser en réduisant notre consommation qu'en ajoutant des équipements. Et
donc ajouter des équipements solaires, ça fait partie du même concept que
d'ajouter de la production. Et donc, je dirais, dans le contexte actuel, ça
coûte moins cher faire de l'efficacité énergétique.
On a aussi un ensoleillement, au Québec,
mais qui n'est pas le plus favorable sur la planète. On a des ressources
éoliennes qui sont bien... (panne de son) ...de nos ressources
hydroélectriques. Donc, il y a d'abord d'autres avenues à explorer. Le solaire
va être <intéressant...
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
...
efficacité énergétique. On a aussi un ensoleillement, au Québec, mais qui n'est
pas le plus favorable sur la planète. On a des ressources éoliennes qui sont
bien... (panne de son) ...de nos ressources hydroélectriques. Donc, il y a
d'abord d'autres avenues à explorer. Le solaire va être >intéressant, et
on... parce que les coûts de production du solaire sont en diminution puis les
coûts du stockage le sont aussi. Donc, il y a des combinaisons intéressantes,
mais ça va être plutôt du cas par cas et décentralisé, mais pas... et, au
Québec, ça va être assez tardif. Donc, ce n'est pas une priorité pour le Québec
de se lancer. Ce n'est pas à exclure, aucune filière ne doit être exclue, mais
c'est loin d'être une priorité dans nos préoccupations.
M.
Arcand
: Et
si j'avais à vous demander d'évaluer l'efficacité de la bourse du carbone
jusqu'ici? Depuis nombre d'années maintenant, le Québec et la Californie sont
les deux seuls qui sont dans ça. La bourse du carbone a l'avantage, quand même,
de forcer les entreprises à être plus efficaces sur le plan énergétique, à
réduire les GES. Comment vous voyez l'avenir de ce côté-là?
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
Bien, moi, je suis un très grand fan de la bourse du carbone. Je remercie Jean
Charest, à chaque fois que j'ai la possibilité, d'avoir mis en place... de
s'être battu pour le mettre en place, ce marché du carbone, avec la Californie.
C'est, à mon avis, une grande réalisation du Québec, qui fonctionne jusqu'à maintenant
dans sa mécanique, mais malheureusement pas encore dans la réduction des
émissions.
Et le grand problème qu'on a avec le
marché du carbone, c'est que le gouvernement, depuis longtemps, n'est pas assez
transparent dans la baisse des plafonds d'émissions, et donc on n'indique pas
assez aux émetteurs que les plafonds d'émissions, il y a des règlements qui
sont très, très clairs sur la baisse des plafonds d'émissions jusqu'en 2030, et
ça, ça va être une vraie contrainte qui va nous amener... parce que c'est un
marché à une pénurie de droits d'émissions, qui va nous amener à un choc
tarifaire, parce qu'aux enchères, à un moment donné, il n'y aura plus assez de
droit d'émissions. Il y aura des enchérisseurs, parce que les émetteurs vont
aux enchères, et on va avoir une poussée des prix subite d'ici quelques années,
d'ici 2024, 2025, 2026, ce n'est pas clair encore parce qu'il y a de
l'incertitude, mais c'est certain que... d'ici 2030, à moins qu'on renverse la
tendance et que nos émissions chutent drastiquement pour une raison que
j'ignore et qui est imprévisible. Mais on ne communique pas assez le choc
tarifaire à venir.
Donc, M. Julien voulait éviter des
contraintes qui vont peser sur la population d'ici 2030, mais, chose certaine,
la contrainte, elle est déjà là, les plafonds d'émissions sont déjà là, et les
prix vont monter. Et, vous le savez, le gouvernement fédéral a annoncé un prix
de 170 $ la tonne pour 2030. Au Québec, il va falloir qu'on soit là en
2030. Aujourd'hui, on est à 23 $, 24 $ la tonne. Au niveau fédéral,
on a 40 $ la tonne. On n'annonce pas assez aux Québécois le choc tarifaire
à venir dans le marché du carbone. Et, si on l'annonçait, notre myopie
collective serait un petit peu corrigée, et là ça nous inciterait à faire les
efforts d'efficacité énergétique qu'on ne fait pas encore. Et le problème, c'est
que...
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Pineau, ceci complète l'intervention, le temps que nous avions.
Mais merci beaucoup, M. le député de <Mont-Royal...
M. Pineau (Pierre-Olivier) :
...
dans le marché du carbone. Et, si on l'annonçait, notre myopie collective
serait un petit peu corrigée, et là ça nous inciterait à faire les efforts
d'efficacité énergétique qu'on ne fait pas encore. Et le problème, c'est que...
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Pineau, ceci complète l'intervention, le temps que nous avions.
Mais merci beaucoup, M. le député de >Mont-Royal—Outremont,
pour vos questions, M. le ministre, chers collègues, pour votre participation
aux travaux. En fait, c'était bref mais très enrichissant, mais, pour aujourd'hui,
ça conclut nos travaux.
Et nous allons ajourner nos travaux à
mercredi le 25 août, à 9 h 30, afin de débuter un nouveau
mandat. Merci.
(Fin de la séance à 12 h 16)