Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Onze heures vingt-cinq minutes)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation se réunit pour poursuivre
l'étude article par article du projet de loi 48, Loi sur les
pêcheries et l'aquaculture commerciales et modifiant d'autres
dispositions législatives.
Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M. Beaumier
(Nicolet), M. LeMay (Gaspé), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M.
Blouin (Rousseau), M. Garon (Lévis), M. Houde (Berthier) remplacé
par M. Maltais (Saguenay), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata),
M. Lincoln (Nelligan), M. Ciaccia (Mont-Royal) et M. Côté
(Charlesbourg).
Les intervenants sont: Mme Bacon (Chomedey), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Dubois (Huntingdon),
Mme Juneau (Johnson), M. Lachance (Bellechasse), M. Laplante (Bourassa), M.
Middlemiss (Pontiac) et M. Picotte (Maskinongé).
Hier, nous en étions à l'article 1 et à
l'étude d'un amendement proposé par le ministre, qui se lit
ainsi: "L'article 1 est modifié par le remplacement, à la
deuxième ligne du paragraphe 3, du chiffre "2" par le chiffre "3"."
Alors, je pense que le député de Nelligan avait d'autres
interventions là-dessus.
Pêcheries commerciales (suite)
M. Lincoln: Oui. J'avais commencé à demander au
ministre... D'abord, il y avait une question posée par mon
collègue de Mont-Royal que le ministre devait prendre en
considération. Je me demande s'il peut nous donner une réponse
sur la question des droits des autochtones par rapport à la convention
de la Baie James.
M. Garon: II n'y a rien de touché là-dedans, cela
reste exactement comme auparavant. Il s'agit des eaux sans marée. Vous
remarquerez que le plan des pêches -on parle du plan de gestion des
pêches en vertu de la Loi sur la conservation de la faune - va comprendre
quatre parties: premièrement, l'aspect de la reproduction;
deuxièmement, la pêche de subsistance, qui est essentiellement la
pêche des autochtones; troisièmement, la pêche sportive et,
quatrièmement, la pêche commerciale. Alors, il a été
de façon très claire établi que la pêche concernant
les Indiens autochtones était une pêche de subsistance et qu'elle
ne relèverait pas de la loi 48. Elle va relever, comme auparavant, de la
Loi sur le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Lincoln: Mais mon collègue avait soulevé le fait
que les autochtones ont un certain droit de pêche commerciale.
D'après ce que je comprends - j'ai lu les interventions qui ont lieu
maintenant dans le cadre du changement de la Loi sur la conservation de la
faune - j'ai une note qui dit que le ministre confirme que tout ce qui a trait
aux pêches commerciales, ce sont les permis, mais qu'arrive-t-il s'il y a
des pêches commerciales dont les droits sont possédés par
les autochtones? C'est le point qui avait été soulevé par
le député de Mont-Royal.
M. Garon: Ce n'est pas traité comme une pêche
commerciale. La pêche des autochtones est traitée comme une
pêche de subsistance.
M. Lincoln: Quant aux questions...
M. Garon: II est arrivé que, dans le Nord, nous ayons fait
des travaux de recherche avec les Inuits; nous en avons présentement sur
le potentiel de pêche qu'il y a dans le Nord. On n'en a pas fait avec les
Indiens de la baie James. C'est à la demande même de la
société Makivik que nous avons un projet de recherche conjoint,
les gens du ministère et les Inuits, pour évaluer le potentiel de
la région. Dans le passé, j'ai rencontré le maire de
Povungnituk et nous avons travaillé avec lui pour développer les
techniques de fumage de l'omble de l'Arctique. Non seulement cela, j'ai dit
à ces gens, s'ils avaient des problèmes, de communiquer
directement avec mon bureau, de sorte que, quand il y a eu des questions de
pêche avec les Inuits, ils ont pu communiquer directement avec mon
cabinet et les problèmes se sont réglés rapidement.
M. Lincoln: Vous insistez, à l'article 1 de la loi, pour
justement tenir compte de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la
faune, parce qu'il y a des problèmes de juridiction qui se touchent dans
l'une et
l'autre des lois. C'est ce que mon collègue suggérait,
d'inscrire que c'est en tenant aussi compte de la convention de la Baie
James.
M. Garon: Oui, on n'a pas besoin de l'inscrire, on en tient
compte. La loi ne peut pas aller contre la convention. On ne va pas contre la
convention. Quand on a fait des ententes avec Makivik, ce furent des ententes
contractuelles de développement et de recherche.
M. Lincoln: Pour en revenir à la Loi sur la conservation
de la faune, elle est maintenant en train d'être amendée. On ne
sait même pas comment cela va se terminer, car la loi est maintenant
à l'étude. Ce soir, on commence l'étude article par
article et on ne sait pas comment cela va finir. Est-ce que cela n'aurait pas
été plus sage d'attendre tous les changements qui vont avoir lieu
dans la Loi sur la conservation de la faune avant de présenter votre
projet de loi? Dès l'article 1, il y a des problèmes comme
l'aquaculture, la pisciculture, etc., qui sont des problèmes de
juridiction double entre votre ministère et celui du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche. Est-ce que cela n'aurait pas été
plus sage d'attendre que cette loi soit adoptée avant d'aller de l'avant
avec la vôtre? On ne sait même pas comment cela va se terminer. Les
deux sont en procès en même temps.
M. Garon: Elles doivent se lire l'une par rapport à
l'autre. Il faut commencer par une et on commence par la nôtre
actuellement, et ensuite, ce sera la Loi sur la conservation de la faune. D'ici
à l'ajournement de décembre, c'est-à-dire dans quinze
jours ou trois semaines, les deux seront adoptées. On ne peut
fonctionner plus simultanément que cela.
M. Lincoln: C'est votre loi qui est sujette à celle de la
conservation de la faune puisque vous dites que la gestion de la pêche
est établie en vertu de la Loi sur la conservation de la faune. C'est
cette loi-là qui prime sûrement la vôtre ici, pour cet
article des eaux sans marée et c'est clair. Ce n'est pas le contraire
qui se passe.
M. Garon: Oui, c'est parce que, dans les eaux sans
marée... Quand on a établi les quatre types de pêche,
c'est, un peu sans le dire, un ordre de priorités: Dans les eaux sans
marée, la pêche pour aider à la reproduction, pour
favoriser la reproduction des espèces; deuxièmement, la
pêche de subsistance, et on entend par pêche de subsistance, la
pêche des autochtones; troisièmement, la pêche sportive;
quatrièmement, la pêche commerciale. Tout cela est très
courant. Nous allons essayer de mettre en place des politiques de
développement pour qu'en faisant le développement de la
ressource, il y ait une partie commerciale plus importante et essayer de
proposer de faire une pêche commerciale dans les plans d'eau qui ne sont
pas exploités de façon optimale. Autrement, si les sportifs ne
pèchent pas les poissons, les poissons vont mourir de toute
façon; aussi bien les pêcher commercialement en fonction du
potentiel génétique des plans d'eau.
M. Lincoln: En tout cas, M. le ministre, on va aller de l'avant
avec l'article 1. Tout ce qu'on veut faire, c'est une mise en garde encore une
fois, sur la question provinciale-fédérale qui, selon nous, n'a
pas été expliquée très clairement dans la
discussion d'hier; c'est tout à fait flou. Deuxièmement, nous
pensons que l'article 1 ne vous donne aucun pouvoir additionnel. Au contraire,
vous-même avez dit que c'était - je cite vos mots - "restreindre
votre marge de manoeuvre", quand on vous a interrogé, à
l'alinéa 1, sur les espèces de poissons, etc. Pour bien situer le
cadre, vous avez même parlé de "restreindre votre marge de
manoeuvre".
Tout ce que cela donne, c'est d'élaborer à chaque
année un programme favorisant le développement de la pêche
commerciale que vous auriez de toute façon, parce que vous avez le droit
de faire tous les programmes que vous voulez. Alors, on ne comprend pas trop
bien ce que tout cela vient faire. Il semble que ce soit quelque chose qui ne
devrait pas se placer dans une loi, qui aurait pu se faire entre le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le
vôtre, d'après une entente qui situerait exactement les
juridictions. Vous en avez de part et d'autre, de toute façon.
Pour cette raison, on met une mise en garde sur toute la question
constitutionnelle qui semble très floue. C'est la suite d'un article qui
semble ne vous donner aucun autre pouvoir que celui de faire un programme, qui
ne situe pas réellement toutes les possibilités conflictuelles
entre deux ministères que vous-même avez admises sans un projet
d'entente qui aurait pu se faire en dehors de la loi. Cela ne fait
qu'établir les grandes lignes. Si vous voulez aller de l'avant, nous
voterons l'article sur division. On ne peut l'accepter.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'amendement
lui-même...
M. Lincoln: Si vous voulez présenter votre amendement,
nous allons voter sur division, et sur l'amendement et sur l'article.
Le Président (M. Desbiens): Alors, amendement
adopté sur division. L'article 1 est adopté sur division, tel
qu'amendé.
J'appelle l'article 2. Est-ce que l'article 2 est adopté?
M. Lincoln: À l'article 2, c'est sûr que nous sommes
contents de voir que le programme doit subir l'approbation du gouvernement.
Cela met une restriction possible dans l'attitude du ministre de faire ce qu'il
veut de façon unilatérale. D'un côté, c'est une
soupape de sûreté. En même temps, on se demande si le
ministre a besoin d'une loi pour lui donner - comme l'a souligné
plusieurs fois mon collègue hier - le droit d'élaborer un
programme et le soumettre. Il fait des programmes tous les jours. Il n'a pas
besoin d'une loi pour lui dire qu'il a besoin de faire un programme.
J'espère qu'il fait des programmes sur le développement de la
pêche commerciale et autres sans avoir une loi qui lui dise qu'il faut
qu'il fasse un programme. Pour nous, tout cela se tient. L'article 1 ne semble
lui donner aucun pouvoir qu'il n'a pas maintenant de faire un programme.
L'article 2 se rallie à l'article 1. Voilà les remarques que nous
voulions faire. Nous pensons que tout cela est redondant, que cela n'a...
Le Président (M. Desbiens): L'article 2 est
adopté?
M. Lincoln: Sur division.
Le Président (M. Desbiens): Sur division. Adopté
sur division. Section II: Concessions. J'appelle l'article 3. Est-ce que
l'article 3 est adopté?
Concessions
M. Lincoln: N'y a-t-il pas une proposition fédérale
maintenant de mettre sous forme de convention formelle, de légitimer la
juridiction du Québec dans les eaux sans marée, partant de
Trois-Rivières à la pointe est de l'île d'Orléans,
là où commencent les eaux salées? N'y a-t-il pas une
proposition formelle pour situer exactement cette juridiction et étendre
la définition des eaux sans marée de Trois-Rivières
à la pointe est de l'île d'Orléans jusqu'aux eaux
salées? Cette proposition n'a-t-elle pas été faite et
n'est-ce pas par là qu'on devrait commencer?
M. Garon: Pouvez-vous répéter votre question encore
une fois?
M. Lincoln: Est-ce que le gouvernement fédéral n'a
pas fait une proposition pour que la juridiction du Québec soit
légitimée formellement dans une convention qui situerait, par
exemple, la définition des eaux sans marée, surtout dans le cas
de la partie allant de Trois-Rivières jusqu'aux eaux salées?
M. Garon: M. le Président, on me dit qu'il y aurait eu des
discussions à ce sujet cet été entre les gens du
gouvernement fédéral et ceux du ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche. À toutes fins utiles, si on regarde la
définition du règlement fédéral concernant la
pêche dans la province de Québec, les eaux à marée
comprennent le golfe Saint-Laurent, la baie des Chaleurs à l'est du pont
de Campbellton, le fleuve Saint-Laurent en aval du pont Laviolette de
Trois-Rivières, la rivière Saguenay en aval du pont de
Chicoutimi. C'est la définition des eaux à marée selon le
règlement fédéral de la pêche dans la province de
Québec.
M. Lincoln: Les eaux à marée? Sans
marée?
M. Garon: Les eaux sans marée. C'est-à-dire que
c'est l'un ou l'autre. Quand on dit les eaux à marée, c'est en
aval du pont Laviolette, qui est le pont de Trois-Rivières.
M. Lincoln: Oui, oui.
M. Garon: Alors, en amont, ce sont les eaux sans marée.
C'est la définition du règlement fédéral. Quand on
parle d'eaux à marée ou d'eaux sans marée, la
démarcation, c'est le pont de Trois-Rivières. C'est
indiqué dans le règlement fédéral.
M. Lincoln: Oui, je suis d'accord avec vous, M. le ministre. Je
comprends très bien. Du reste, je fais référence à
l'intervention faite hier par le député... Je m'excuse, j'ai
oublié le nom de son comté.
Le Président (M. Desbiens): Le député de
Saint-Hyacinthe.
M. LeMay: Le député de Nicolet.
M. Lincoln: Pardon? Le député de Nicolet a
parlé du lac Saint-Pierre. Alors, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait
clarifier la question de la juridiction des eaux sans marée. En fait,
cela aurait été en faveur du Québec de redéfinir
cela pour aller au-delà de Trois-Rivières, pour aller jusqu'aux
eaux salées. On a eu l'information qu'il y a eu une proposition du
gouvernement fédéral de passer une convention formelle avec le
Québec et légitimer cela par une entente qui situerait toutes les
eaux sans marée allant précisément au-delà du pont
de Trois-Rivières jusqu'aux eaux salées. C'est de cela que je
vous parle. Alors, vous me dites qu'il y a eu des discussions entre le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le
gouvernement fédérai là-dessus.
M. Garon: Non, on me dit que cela a été
discuté cet été, mais je n'ai pas entendu dire qu'on
parlait d'eaux salées... J'ai
entendu dire déjà qu'on a parlé du pont de
Québec ou de l'île d'Orléans comme démarcation.
Quand on parle d'eaux salées, on tombe dans des zones grises, parce que
l'eau salée...
M. Lincoln: Non, non, on parle de la pointe est.
M. Garon: II y a un grand débat là-dessus. Si vous
rencontrez les gens de Kamouraska, il y en a qui disent que cela commence
à la Rivière-Ouelle; d'autres disent que c'est en bas de
Montmagny. Alors là, on va chercher l'eau salée avec des
éprouvettes.
M. Lincoln: Je suis d'accord avec vous, M. le ministre.
M. Garon: II y a une démarcation nette avec le pont de
Trois-Rivières. Si, à un moment donné, c'est changé
pour le pont de Québec, ce sera le pont de Québec.
M. Lincoln: Mais ne pensez-vous pas que c'est important, si on
peut changer cette définition pour aller de Trois-Rivières... Eux
proposent la pointe est de l'île d'Orléans, ce qui est un bon bout
de chemin jusqu'à Trois-Rivières. Est-ce qu'on ne devrait pas
formellement ratifier cette convention que le gouvernement
fédéral est prêt à accepter?
M. Garon: Si le gouvernement fédéral accepte, il va
mettre cela dans son règlement. Il ne fera pas de convention, il va
mettre cela dans son règlement. Il n'a qu'à redéfinir les
eaux à marée et, à ce moment-là, dire que c'est
à la pointe est de l'île d'Orléans. (11 h 45)
M. Lincoln: Ce que je veux vous mentionner, c'est quand on dit:
"Le ministre peut, dans les eaux sans marée du domaine public...
D'accord?
M. Garon: Le fédéral ne fonctionne pas comme cela.
Écoutez ne nous contons pas...
M. Lincoln: Je ne suis pas au fédéral, alors je ne
sais pas...
M. Garon: Au fédéral, qu'est-ce qui est
défini? Je ne veux pas vous faire un cours de droit. Lisez la
définition de "ministre". Dans le règlement
fédéral, vous allez voir ce qu'on y dit: Le ministre
désigne, dans ce règlement-là: a) en ce qui a trait
à la pêche commerciale et sportive dans les eaux à
marée, sauf la pêche des espèces anadromes et catadromes,
le ministre des Pêches et des Océans du Canada; b) dans tous les
autres cas, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche du
Québec ou le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation du Québec, selon le cas. Il ne détermine pas si
cela va être le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ou
le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il ne
s'occupe pas de cela. Il dit dans les eaux à marée. C'est lui qui
le définit ici. Et quand vous allez dans les eaux à marée,
il vous dit quelles sont les eaux à marée. Alors, si le
fédéral décide, à un moment donné, que les
eaux à marée arrêtent à l'île
d'Orléans, bien elles arrêteront à l'île
d'Orléans. Sauf que ce ne sera pas complètement exact, parce
qu'il y a de la marée. À Saint-Nicolas - je reste dans mon
comté - il y a de la marée et pas mal à part cela. Alors,
s'il veut étendre sa juridiction totale au Québec jusqu'à
l'est de l'île d'Orléans, qu'il le dise, sauf qu'il ne pourra pas
dire qu'il n'y a pas de marée au pont de Québec. C'est une
question de fait, qu'il y ait de la marée ou qu'il n'y ait pas de
marée. Les gens se sont entendus pour dire le pont de
Trois-Rivières. Cela peut être plus bas que cela. Mais,
actuellement, c'est le pont de Trois-Rivières.
Alors, si le gouvernement fédéral veut
déléguer entièrement les pêches au Québec
jusqu'à l'est de l'île d'Orléans et, à partir de
l'est de l'île d'Orléans, dire que cela va être un autre
régime, c'est à lui de le dire dans son règlement. Mais
là, je ne veux pas m'embarquer dans un débat inutile.
M. Lincoln: Je ne pense pas... Excusez-moi, M. le ministre. Si
cela est un débat inutile... On parle ici justement des pouvoirs du
Québec dans le domaine de la pêche commerciale. On parle de
l'article 3 qui dit très clairement: Le ministre peut, dans les eaux
sans marée du domaine public, concéder, etc. Plus large est la
définition des eaux sans marée le mieux c'est pour le
Québec. Alors, pour moi, c'est une question très importante, ce
n'est pas une discussion inutile. Je vous ai posé la question. Selon nos
informations, il y a une proposition fédérale. Vous-même
m'avez dit hier que, lorsque le ministre fédéral a parlé
de la question de la rétrocession de 1922, le 11 juillet, il a dit,
apparemment, d'après ce que vous avez dit, que les eaux sans
marée, cela ne l'intéresse pas; ce sont les eaux à
marée qui l'intéressent.
Alors, plus la définition des eaux sans marée est large,
mieux c'est pour le Québec. Alors, je vous ai demandé: Est-ce
qu'il y a une proposition fédérale qui a été faite,
à vous ou bien au ministre? Je sais qu'il peut faire cela par
règlement, mais peut-être qu'il voudrait situer cette
question-là pour que ce soit plus clair, pour qu'il n'y ait pas toute
cette discussion infernale maintenant qui a lieu, de situer dans une...
M. Garon: Ce n'est pas infernal, sauf qu'on ne pourra pas mettre
dans un
règlement qu'à un endroit, il n'y a pas de marée
alors qu'il y en a. Voyons donc. Alors, s'il veut, par son règlement,
transférer la juridiction complète jusqu'à l'est de
l'île d'Orléans, qu'il le dise. Sauf qu'il ne pourra pas dire
qu'entre le pont de Trois-Rivières et l'est de l'île
d'Orléans, il n'y a pas de marée, car il y a de la marée.
Je ne peux pas être plus clair que cela. Alors, il va falloir qu'il
procède différemment, mais il n'y a pas d'objection à ce
qu'il dise qu'il voudrait que le régime des eaux sans marée soit
appliqué dans la portion du fleuve Saint-Laurent comprise entre le pont
de Trois-Rivières et l'est de l'île d'Orléans.
M. Lincoln: D'accord.
M. Garon: Alors, il va dire, à ce moment-là, que ce
sera le régime des eaux sans marée qui s'appliquerait dans ce
territoire-là, même s'il y a marée.
M. Lincoln: Je vais refaire ma phrase pour que... Je comprends
que c'est une redéfinition des eaux sans marée. C'est une
redéfinition. Tout ce que je vais vous demander maintenant est ceci: Ne
pensez-vous pas, comme ministre de l'Agriculture qui est en charge des
pêches commerciales pour le Québec, qu'il serait à
l'avantage du Québec de négocier vous-même avec le
gouvernement fédéral pour que ce règlement soit
étendu le plus loin possible et, si possible, jusqu'à l'est de
l'île d'Orléans? Allons demander cela de cette façon. Ne
pensez-vous pas que cela vaut la peine au moins de négocier pour qu'il
le fasse?
M. Garon: Je peux peut-être être plus clair.
L'étendue de la marée telle que définie par le
gouvernement fédéral ne change rien aux droits du Québec
de concéder des droits de pêche. Cela ne change rien. Qu'on soit
à Trois-Rivières, à Québec ou à l'île
d'Orléans, le fond du lit appartient au Québec partout à
ces endroits. Cela ne change rien à la base, sauf si le gouvernement
fédéral veut qu'on applique son règlement en même
temps que le nôtre jusqu'à l'est de l'île d'Orléans.
On n'a pas d'objection. Il n'a qu'à le dire.
M. Lincoln: M. le ministre, vous savez très bien...
M. Garon: On n'a pas d'objection à cela, sauf qu'il n'a
qu'à le dire. Mais cela ne changera pas les juridictions sur les
pêches sauf qu'il y aura une délégation administrative du
règlement fédéral pour une portion plus grande du
territoire.
M. Lincoln: M. le ministre, vous savez très bien qu'il y a
une distinction. Il y a une distinction très importante, parce que tout
cela a trait aux eaux à marée. On parle des engins fixes et vous
avez ajouté les engins déposés. Par exemple, il y aura une
discussion à savoir ce qu'il adviendra des filets attachés
à des bateaux dans les rivières à saumon.
M. Garon: Oui, sauf qu'en réalité, entre le pont de
Trois-Rivières et l'est de l'île d'Orléans, il n'y a pas
d'agrès de pêche mobiles qui sont utilisés. C'est un
débat... On peut discuter du sexe des anges, on discuterait de la
même chose. On fait la même chose pour les pêches
actuellement. Entre l'est de l'île d'Orléans et le pont de
Trois-Rivières, ce n'est pas un problème ce que vous mentionnez,
parce que les engins utilisés sont des engins fixes. S'il fallait
commencer le chalutage dans le lac Saint-Pierre, je vous dis qu'on le viderait
vite.
M. Lincoln: Non, non. Je pense qu'il ne faut pas exagérer.
Votre collègue lui-même a dit qu'au lac Saint-Pierre, cette
question pose un problème. Il a mentionné cela lui-même
hier, que cela causait tout un problème de savoir ce qui
dépendait de votre ministère, du ministère du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche, que toute cette question se pose au lac
Saint-Pierre.
M. Garon: Sur le plan administratif.
M. Lincoln: Oui, d'accord, mais tout cela est relié.
M. Garon: Oui. Ce que vous dites est évident. C'est pour
cela que l'entente de 1922 est importante. Il y a deux choses à propos
de l'entente de 1922: ou bien on dit que le gouvernement fédéral
a dit, en passant l'entente de 1922: Le Québec s'écrase et dit:
Moi, dans les pêches, je ne joue plus aucun rôle, ou bien il dit:
J'exerce mes droits. Et là, on revient avant 1922, ce que je dis depuis
le mois de juillet. Depuis la déclaration de M. De Bané, j'ai dit
ceci: M. De Bané a annoncé que le règlement
fédéral des pêches au Québec fonctionnerait de telle
façon et qu'il n'y aurait plus d'entente. C'est lui qui administrerait
le règlement fédéral des pêches. Il n'y a pas de
problème, c'est possible. Sauf qu'on se retrouve avant 1922, avec autant
de juridiction qu'avant 1922. C'est parce que le Québec a une
juridiction dans le secteur des pêches qu'on a eu l'entente de 1922,
à la suite de décisions des tribunaux antérieures à
1922, principalement en 1920, qui ont déterminé que le
gouvernement fédéral n'avait pas un droit exclusif, que le droit
sur les pêches du gouvernement fédéral devait se comprendre
dans le cadre constitutionnel où le Québec avait juridiction sur
la propriété et les droits civils. Alors, il faut être
conscient que le gouvernement fédéral, en
passant l'entente de 1922, a décidé d'administrer
lui-même sa juridiction. Mais il ne pouvait pas faire le postulat que
nous, on abandonnerait notre juridiction. Alors, on en revient à
administrer nous-mêmes notre juridiction. Idéalement, ce qui
serait le plus intelligent serait qu'on en revienne à une entente -
peut-être pas celle de 1922 - mais qui pourrait être une nouvelle
entente. Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? C'est le gouvernement
fédéral qui a décidé de briser l'entente de 1922,
de façon unilatérale. Je l'ai appris par des journalistes qui
m'ont appelé un lundi matin. Ils m'ont réveillé - parce
que j'étais en vacances -pour me dire que M. De Bané faisait une
conférence de presse à 11 heures et qu'il enlèverait sans
doute les droits du Québec dans les pêches...
M. Lincoln: Oui, mais M. le ministre...
M. Garon: ...et ils m'ont dit qu'ils me
téléphoneraient de nouveau après sa déclaration
pour connaître mes impressions.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Garon: C'est cela qui est arrivé.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: Une très courte question d'information. Vous
avez parlé, M. le ministre, des eaux sans marée qui partent du
pont Laviolette vers Montréal et les eaux à marée... C'est
cela, le terme? Les eaux avec marée, en tout cas...
M. Garon: C'est ce qui est défini dans le règlement
fédéral sur les pêches.
M. Gagnon: C'est du pont de Trois-Rivières?
M. Garon: Le pont Laviolette. Les eaux à marée sont
en aval du pont Laviolette, c'est-à-dire en bas du pont de
Trois-Rivières, tandis qu'en amont, ce sont les eaux sans
marée.
M. Gagnon: C'est uniquement sur le fleuve.
M. Garon: Oui.
M. Gagnon: Je veux dire que, dès qu'on touche aux
rivières, parce que les rivières ont aussi des
marées...
M. Garon: Non, c'est défini dans le règlement.
M. Gagnon: D'accord!
M. Garon: Eaux à marée, ça comprend le golfe
Saint-Laurent, la baie des Chaleurs à l'est du pont de Campbellton,
c'est-à-dire le pont qu'on enjambe pour aller au Nouveau-Brunswick
à Campbellton, ce sont des eaux à marée; le fleuve
Saint-Laurent, en aval du pont Laviolette, à Trois-Rivières,
c'est-à-dire à l'est du pont Laviolette, on dit que ce sont des
eaux à marée; la rivière Saguenay, en aval du pont de
Chicoutimi...
M. Gagnon: D'accord!
M. Garon: ...à l'embouchure, on dit que ce sont des eaux
à marée. L'estuaire de la rivière York, en aval du pont de
Gaspé, cela aussi ce sont des eaux à marée. En aval, cela
veut dire en allant vers la mer, à partir du pont de Gaspé. Cela
définit ce que l'on entend par eaux à marée.
M. Gagnon: D'accord!
M. Garon: Or, a contrario, en droit, pour
l'interprétation, on veut dire que ce qui est en amont de ces cours
d'eau, il s'agit d'eaux sans marée, ou ailleurs on assume que c'est le
régime des eaux sans marée.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan, M. le député de Saguenay.
M. Lincoln: Je vous laisse la parole.
M. Maltais: M. le ministre, parmi les affluents du Saint-Laurent,
sur la Côte-Nord, est-ce qu'il y a des rivières, à
l'exception du Saguenay, - la rivière Bersimis, par exemple - des
rivières à saumon principalement... Vous savez qu'il y a une
partie de ces rivières où il y a marée...
M. Garon: Oui.
M. Maltais: Les considérez-vous également
là-dedans?
M. Garon: J'estime que toutes ces rivières font partie des
eaux sans marée.
M. Maltais: Mais on sait très bien qu'il y a une
marée sur la rivière Bersimis jusqu'à huit ou neuf
milles.
M. Garon: Oui.
M. Maltais: II y a aussi la Manicouagan.
M. Garon: Pour les fins du règlement fédéral
qui considère et qui s'applique dans les eaux à marée. Il
le dit: Mon règlement s'applique dans les eaux à marée.
Voici ce que j'appelle eaux à marée dans ses définitions
du début. Le ministre fédéral des Pêches et des
Océans désigne, en ce qui a
trait à la pêche commerciale et sportive dans les eaux
à marée, sauf la pêche des espèces anadromes et
catadromes... Le saumon est un anadrome. Cela veut dire que le ministre des
Pêches et des Océans du Canada s'occupe de la pêche
commerciale et sportive dans les eaux à marée, sauf, même
dans les eaux à marée, quand il s'agit des espèces
anadromes et catadromes. Or les espèces anadromes et catadromes,
à toutes fins utiles, sont le saumon, l'éperlan, le poulamon,
l'anguille et l'esturgeon. Il y en a trois qui sont vraiment touchées,
parce qu'il y a une interdiction par le gouvernement fédéral
concernant le poulamon et l'éperlan où on dit qu'on n'a pas
besoin de permis pour pêcher le poulamon et l'éperlan. De sorte
que le régime qu'on peut considérer administrer touche
principalement l'esturgeon, l'anguille et le saumon. Traditionnellement, comme
le saumon est essentiellement une pêche sportive, aujourd'hui, parce que
la ressource est beaucoup moins considérable qu'auparavant, on a
traité le saumon plus comme une espèce sportive, sauf sur la
Côte-Nord où on pêche le saumon de façon commerciale
parce que c'est moins accessible aux sportifs. Traditionnellement, c'est la
pêche commerciale qui se faisait sur la Côte-Nord. Il se fait aussi
de la pêche sportive, mais il y a une pêche commerciale plus
importante sur la Côte-Nord.
M. Maltais: Dans le fleuve, pas dans les rivières.
M. Garon: Non, non. Dans le fleuve. Pour l'anguille et
l'esturgeon, on considère que c'est une pêche commerciale. Alors,
traditionnellement, l'anguille et l'esturgeon ont toujours été
administrés par ceux qui s'occupaient des pêches maritimes,
c'est-à-dire des pêches commerciales.
M. Maltais: On pourrait peut-être enlever l'esturgeon de la
définition parce qu'il n'y en a plus depuis plusieurs années.
M. Garon: Non, non, actuellement il revient.
M. Maltais: On parle de l'esturgeon de mer, on ne parle pas de
l'esturgeon d'intérieur.
M. LeMay: II parle de l'esturgeon de mer.
M. Garon: On parle de l'esturgeon en tant que catadrome.
M. LeMay: Mais on en pêche de plus en plus dans la
rivière Saguenay.
M. Garon: L'esturgeon et l'anguille sont des catadromes.
M. LeMay: II revient dans la rivière Saguenay.
M. Maltais: Dans la rivière Saguenay?
M. Garon: II y a de plus en plus d'esturgeons dans la
rivière Saguenay.
M. Maltais: Le dernier esturgeon capturé dans la
rivière Saguenay remonte à 1978.
M. LeMay: Je m'excuse, mais, cet été, à
Saint-Fulgence, il s'en est pris plusieurs.
M. Garon: La pêche à l'esturgeon revient. Vous
remarquerez par exemple, que cet été, à Montmagny,
plusieurs personnes annonçaient qu'elles vendaient de l'esturgeon frais
ou fumé. L'esturgeon remonte le fleuve. (12 heures)
M. LeMay: L'esturgeon fumé...
M. Maltais: II revient. Il a quand même presque disparu de
la carte à un moment donné, il n'y en avait plus.
M. LeMay: Effectivement.
M. Garon: On faisait un lancement récemment, avec M.
Gingras de Saint-Nicolas, d'une façon d'apprêter l'esturgeon, du
fumage de l'esturgeon d'une façon particulière. Je suis
persuadé que l'esturgeon va connaître un développement au
cours des prochaines années, parce qu'il revient. Comme c'est un poisson
qui vit longtemps, qui vit vieux, s'il est bien protégé...
M. Maltais: On ne fera pas de caviar avec, s'il n'est pas
à la bonne...
M. Garon: Oui, on en fait du caviar. M. Maltais: Oui?
M. Garon: Oui. C'est parce que cela n'a jamais été
beaucoup fait. Il y a deux ans, j'ai acheté du caviar d'esturgeon du lac
Témiscamingue, qui est aussi bon que le caviar russe. C'est parce qu'au
Québec, traditionnellement, on a considéré que la
pêche dans les eaux douces était de la pêche sportive, alors
que ce n'est pas exact. Il y a une partie qui est sportive. La truite est une
espèce sportive, le saumon est une espèce qui pourrait être
aussi commerciale que sportive, mais on n'a pas le volume. Les espèces
comme l'esturgeon ou l'anguille sont des espèces commerciales et, quand
un sportif pêche une anguille, les trois quarts du temps il est mal pris,
il ne sait pas quoi en faire. Il coupe sa ligne souvent.
Une voix: Plutôt que de la décrocher.
M. Garon: Plutôt que de la décrocher, parce que prendre une
anguille, c'est quelque chose. Je me souviens du premier esturgeon quej'ai pêché et que j'ai voulu faire cuire. Je vous dis qu'on...
J'étais justement avec le député de Louis-Hébert,
dans sa maison. Demandez-lui l'expérience qu'on a faite la
première fois qu'on a essayé de faire cuire un esturgeon
ensemble. On ne savait pas comment faire cuire cela. On a passé la
soirée sur l'esturgeon. Finalement, on ne savait pas quoi en faire.
M. Maltais: ...le "pleumer" aussi. Vous avez dû avoir du
plaisir.
M. Garon: II a une carapace. L'esturgeon est quasiment un poisson
dinosaure. On était étudiant à ce moment. On était
à la pêche aux poissons des cheneaux et on avait acheté
l'esturgeon. On ne l'avait pas pêché, on l'avait acheté. On
n'avait pas vraiment réussi à le faire cuire parce qu'on n'avait
pas la méthode.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 3 est
adopté?
M. Lincoln: Non. Une...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. le ministre, je reviens à l'entente de
1922. Si je lis cette entente, on y parle d'une décision du conseil, en
date du 13 avril 1921, en vertu de laquelle le ministre de la Marine et des
Pêcheries était autorisé à prendre charge de
l'administration des pêcheries dans les eaux du Québec sujettes
à la marée, navigables et accessibles de la mer par voie de
navigation. On dit que, d'après le jugement du Conseil privé de
novembre, le gouvernement de la province seul a le pouvoir d'accorder des
permis, de se servir d'engins fixés au sol où le dit sol
appartient à la couronne représentée par l'autorité
provinciale.
C'est sûr qu'il y a une grande distinction dans l'entente de 1922
par rapport aux eaux à marée et aux eaux sans marée.
D'après l'entente de 1922, la compétence fédérale
est beaucoup plus étendue dans les eaux à marée que dans
les eaux sans marée. Nous reconnaissons cela.
Tout ce qu'on vous demande depuis le début, c'est: Avons-nous
quelque chose à perdre en essayant d'étendre la définition
des eaux sans marée, même quand c'est dans des régions
où il y a de la marée? Nous sommes tout à fait d'accord.
Ce qu'on veut, c'est que les eaux visées qui font partie de ce
règlement - l'étendue du règlement s'est élargie -
soient soumises au régime des eaux sans marée, même quand
ce sont des eaux à marée, en fait, physiquement. Nous sommes
d'accord avec cela.
M. Garon: À ce moment, le gouvernement
fédéral confierait l'administration de son règlement pour
une portion plus étendue du fleuve Saint-Laurent tout simplement.
M. Lincoln: Tout simplement, mais n'est-ce pas important pour
nous d'aller chercher cela et d'essayer de...
M. Garon: Je serais d'accord. Il s'agit simplement de l'indiquer
dans le règlement. Jusqu'à maintenant, pour nous confier
l'administration, pour changer le règlement au mois de juillet, M. De
Bané n'a pas fait beaucoup de consultations. Je vous dis tout de suite
que, s'il veut nous confier l'administration de son règlement pour une
portion plus large du fleuve Saint-Laurent, on est d'accord.
M. Lincoln: Mais vous nous avez vous-même dit hier qu'il
vous a dit, quand il a annoncé en juillet sa décision de
reprendre le reste de la juridiction, que le plus gros avait été
repris le 5 janvier 1982 et non le 11 juillet 1983. On n'a rien fait pendant un
an et demi. C'est bien important de souligner que cela n'a pas commencé
le 11 juillet, mais le 5 janvier 1982 avec M. LeBlanc, et non M. De
Bané.
M. Garon: Ce n'est pas exact de dire que rien n'a
été fait.
M. Lincoln: Qu'est-ce que vous avez fait?
M. Garon: M. LeBlanc, le 5 janvier, n'a pas repris la
juridiction. Il m'a écrit une lettre disant qu'il songeait à le
faire.
M. Lincoln: Mais, tout de suite, cela a été
appliqué.
M. Garon: Non, attendez un peu. Je lui ai
téléphoné le lendemain ou le surlendemain, après
avoir reçu la lettre. Si ma mémoire est bonne, la lettre
était datée de décembre. Je l'ai reçue le 5
janvier. Aussitôt que j'ai eu la lettre, j'ai
téléphoné immédiatement à M. LeBlanc pour
lui demander ce qui n'allait pas et pourquoi il voulait faire cela. Au
début, il ne se rappelait pas m'avoir écrit la lettre.
Après avoir réfléchi un bout de temps, il a dit: Oui,
apparemment, il y a une question de statistiques. J'ai dit: Qu'est-ce qu'il y a
dans les statistiques? II a dit: Mes fonctionnaires auraient des
problèmes à recevoir les statistiques. Je lui ai dit que je
n'avais jamais entendu parler de cela. Je lui ai demandé quels
étaient les problèmes. Apparemment, ils n'auraient pas les
statistiques aussi rapidement qu'ils le voudraient. Il me disait cela tout
bonnement,
comme cela.
Je n'avais jamais entendu parler de cela, alors je lui ai
demandé: Est-ce parce qu'on les a et qu'on ne vous les donne pas ou
parce que nos fonctionnaires ne sont pas plus rapides que les vôtres? On
a parlé de cela tout bonnement. Je lui ai demandé s'il ne croyait
pas que sa menace était un peu forte, en parlant de rapatrier une partie
des pêches parce qu'il n'avait pas certaines statistiques assez vite. Je
n'ai jamais entendu parler de cela. Si le problème est là, lui
ai-je dit, dites-moi exactement ce que vous voulez et on va régler cela.
Ce n'est pas un gros problème à régler, les statistiques.
Il m'a dit: De toute façon, il faudrait se reparler. Il n'avait pas
l'air trop au courant de la lettre qu'il avait signée. D'abord, il ne
s'en souvenait pas. Je n'ai pas compris cela, car cela ne faisait pas des mois
qu'il l'avait signée, à moins qu'elle n'ait été
signée des mois auparavant et envoyée à ce moment.
C'était une lettre qui datait de quelques jours auparavant, du temps des
fêtes. On sait que le service postal est moins vite.
Immédiatement après sa réception, je lui ai
téléphoné. On devait, se contacter dans les dix jours. Il
m'a dit qu'il partait pour quelques jours de vacances et qu'à son
retour, il me contacterait. Je lui ai dit que c'était parfait. Il n'y a
pas eu de contact de sa part depuis. On a essayé de le rappeler à
son bureau. J'ai eu le sentiment qu'il ne voulait pas qu'on se parle de
nouveau. Je voyais bien qu'on ne pouvait le contacter.
Je lui ai écrit une lettre - c'est un hasard que ce soit
arrivé comme cela - et elle est partie la veille de la publication de
son règlement dans la Gazette officielle. Je lui disais qu'il y avait
deux mois qu'on essayait de le rejoindre et qu'on n'était toujours pas
capable d'entrer en communication avec lui. Elle était un peu plus dure.
Le lendemain, il n'avait pas reçu la lettre, mais la publication de son
règlement dans la Gazette officielle avait eu lieu. J'ai bien compris,
à ce moment-là, que l'affaire des statistiques était un
prétexte. Il ne voulait pas régler le problème des
statistiques, mais bien prendre une partie de la juridiction des
pêches.
Une fois le règlement adopté, j'ai parlé avec M.
LeBlanc et là, ce que je ne savais pas, c'est que c'était une
position de négociations, c'était définitif dans son
esprit. Quand j'ai parlé avec lui, il m'a laissé entendre que
c'était une position de négociations. Il était
réceptif à revenir à l'entente initiale. Je n'ai pas voulu
faire de l'esclandre nulle part. J'aurais pu faire des tollés. Je n'en
ai pas fait parce que, naïvement sans doute, j'ai cru qu'il était
sincère dans ce qu'il disait. J'ai essayé de dire: On va se
rencontrer, on va essayer de voir ce qui vous accommoderait, les
problèmes que vous avez par rapport à ce que vous nous dites pour
que l'entente fonctionne, qu'on revienne à l'entente et qu'on
négocie tout cela. Le tout est resté comme cela jusqu'à la
nomination de M. De Bané, au mois de septembre.
D'ailleurs, cela vous donne un peu la preuve que, quand vous dites que
je cherche la confrontation avec le fédéral, ce n'est pas vrai.
J'aurais eu une excellente occasion de confrontation. J'aurais pu sauter
là-dessus à pieds joints pour faire de la confrontation, mais je
ne l'ai pas fait. Encore là, j'ai rencontré M. De Bané,
ici à Québec, on a mangé ensemble au restaurant
Continental et on a passé l'après-midi là à jaser.
Je lui ai dit: Lorsque tu arrives au ministère, ta première
préoccupation n'est peut-être pas celle-là. Tu as
passablement de problèmes. Je sais ce que sont les pêches au
Québec et j'imagine qu'avec les cinq provinces maritimes, tu dois avoir
des problèmes. Maintenant, j'aimerais être sensibilisé
à l'affaire de l'entente. J'ai été en pourparlers avec M.
LeBlanc et, à la première occasion, on peut revoir tout cela. Il
n'avait pas l'air au courant. On a parlé de la façon dont on
voyait les choses et il m'a dit: Écoute, j'arrive. On a convenu d'en
parler plus tard. Lui-même, à ce moment-là, ne savait pas
ce qui arriverait au rapport Kirby; il n'était pas publié. Il a
été annoncé au mois de novembre de cet automne-là
et a été publié au mois de février. Je n'ai fait
aucune escarmouche, si vous le remarquez. Si vous regardez les journaux, vous
ne verrez jamais de déclaration offensive ou agressive parce que moi je
suis porté à une entente. Je suis certain que, dans le secteur
des pêches dans l'Est du Canada, quel que soit le statut politique du
Québec, il devra y avoir des ententes, parce que c'est une eau qui est
un peu commune. J'ai l'impression que le gouvernement fédéral en
avait décidé autrement et que la déclaration de M.
Trudeau, c'était la fin du fédéralisme coopératif
et que cela s'appliquait de cette façon dans les pêches. C'est ce
que j'en ai déduit, mais ce n'est pas ce que je souhaitais.
M. Lincoln: M. le ministre, très brièvement, avant
de passer la parole à mon collègue de Saguenay, je voudrais
revenir à l'article 3 qui m'intéresse, les eaux sans
marée. Je vais vous demander, à cette commission parlementaire,
de tirer avantage de cette ouverture qui vous a été faite le 11
juillet, selon laquelle - c'est ce que vous avez vous-même
déclaré hier - le fédéral n'est pas
intéressé par les eaux sans marée, et vous inviter
à faire une proposition formelle et pratique d'étendre la
définition des eaux sans marée pour que ce soit le plus large
possible. Il est clair que, dans les eaux sans marée, vous avez beaucoup
plus de
flexibilité de juridiction que dans les eaux à
marée et que plus cette définition sera large dans les
règlements fédéraux, le mieux ce sera pour le
Québec.
On vous demande de tirer avantage de toutes les ouvertures possibles. Si
vous ne faites rien et si M. De Bané ne fait rien, rien ne sera fait. On
vous demande à vous de prendre les devants et de demander au
gouvernement fédéral d'élargir la définition des
eaux sans marée, malgré que ce soit physiquement des eaux
à marée; si la définition peut être étendue
le plus loin possible, le mieux ce sera pour le Québec et le moins de
conflits cela posera.
M. Garon: Ce que le gouvernement fédéral peut
faire, c'est de spécifier ce que sont les eaux à marée,
parce que ce ne sont pas toutes les eaux à marée qui sont
indiquées là. Il n'a qu'à dire qu'il s'occupe des eaux
à partir du pont de Québec ou à l'est de l'île
d'Orléans, parce qu'il dit que, dans les autres cas qui ne sont pas
relatifs aux eaux à marée, c'est le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche du Québec ou le ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries ou de l'Alimentation, selon le cas. Le gouvernement
déterminera après cela qui s'en occupe.
M. Lincoln: Si on se parle de cela seulement entre nous, rien ne
se fera. Même si on dit qu'il serait bon que cela soit inclus, il faudra
que quelque chose se fasse.
M. Garon: Si le gouvernement fédéral veut nous
confier l'administration de cette portion excédentaire, il n'y a pas de
problème, on est disposé à en assumer l'administration au
complet. La négociation est terminée, s'il veut nous le
concéder, il n'a qu'à changer son règlement. Aucun
problème. On est bien disposé, on veut faire l'administration de
toutes les pêches.
M. Lincoln: Vous faites cela par une loi qui va faire une
confrontation, c'est cela que nous vous disons tout le temps. Vous dites que
les journaux n'en parlent pas; moi, je peux vous citer quatre, cinq ou six
journaux qui, eux, observent la scène...
M. Garon: Ce n'est pas une confrontation.
M. Lincoln: Pas nous, pas le fédéral...
M. Garon: Les deux niveaux de gouvernement ont une juridiction
dans ce secteur-là. Tout simplement, si le gouvernement
fédéral, pour éviter la double administration, nous confie
l'administration de son règlement, il peut le faire. C'est cela qu'il a
fait en 1922. M. De Bané peut, demain matin, en confier plus qu'il n'en
confie là en changeant le règlement fédéral.
M. Lincoln: La question est bien simple. Il me semble qu'on est
en train de tourner en rond. Est-ce que vous, vous êtes prêt ou non
à contacter M. De Bané, ou son ministère, ou les
fonctionnaires de ce ministère? Sans doute que M. De Bané serait
réceptif...
M. Garon: Je ne demanderai certes pas à M. De Bané
de nous donner jusqu'à l'île d'Orléans quand on veut faire
une entente qui comprend tout le territoire. Voyons donc!
M. Lincoln: Si vous voulez faire une entente...
M. Garon: S'il veut nous confier une portion de plus, il peut le
faire, mais je n'irai pas lui demander cela. Ce n'est pas cela qu'on demande,
c'est l'ensemble du territoire.
Une voix: Ah bon!
M. Garon: On veut revenir à l'entente de 1922. (12 h
15)
M. Lincoln: L'ensemble du...
M. Garon: Ou l'équivalent, si l'on veut.
M. Gagnon: En fait, vous ne voulez pas négocier à
la baisse.
M. Garon: C'est un peu comme si, à un moment donné,
je veux avoir 5 $ et qu'on me dit de demander 10 cents...
M. Lincoln: Là vous êtes en train de changer toute
la question. Tout ce dont on parle, pour le moment, c'est de la
définition des eaux sans marée. On n'est pas là pour
parler de l'entente de 1922, la délégation administrative et
tout. Ce n'est pas de cela qu'on parle.
On parle de l'article 3 qui parle de la définition des eaux sans
marée. C'est de cela qu'on veut parler. Vous pouvez aller
négocier tout ce que vous voulez et n'importe quand, et lui peut aller
négocier n'importe quand des choses beaucoup plus globales, mais
là, spécifiquement, on parle de l'article 3 qui définit
les eaux sans marée.
Nous, nous vous proposons de suggérer, parce que cela nous
donnera beaucoup plus de flexibilité dans l'application de nos droits et
de nos mesures d'exécution, qu'il y ait une définition plus large
des eaux sans marée. C'est tout ce qu'on vous demande. Ce n'est pas
incompatible avec tout le reste que vous voulez faire. C'est cela qu'on vous
demande. Alors, je présume que votre réponse est non, comme
d'habitude.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Y a-t-il une définition - je vais attendre que
le ministre... - des eaux sans marée?
M. Garon: Non.
M. Ciaccia: Ne croyez-vous pas que, pour clarifier et
réduire autant que possible les ambiguïtés, il devrait y
avoir, comme dans tout autre projet de loi, quand vous utilisez certains
termes, habituellement au début...
M. Garon: Ce n'est pas nécessaire.
M. Ciaccia: ...dans l'article, une définition...
M. Garon: Ce n'est pas nécessaire.
M. Ciaccia: ...des eaux sans marée? Autrement, il pourrait
y avoir des chicanes et des ambiguïtés.
M. Garon: Pas vraiment. Dans le fond, il y a deux juridictions
sur les pêches: la juridiction fédérale et la juridiction
du Québec, par le biais du droit de propriété sur le fond.
Alors, nous, la réglementation québécoise s'applique sur
tout ce qui nous touche, ce sur quoi on se raccroche, au droit de
propriété. Alors, pour notre question, il n'y a pas de
problème.
Comme le gouvernement fédéral a juridiction, en vertu de
la constitution, sur les pêches, il a adopté une loi et un
règlement et il confie l'administration de son règlement sur une
partie du territoire. On n'a pas vraiment besoin de définition d'eaux
à marée ou d'eaux sans marée, mais le gouvernement
fédéral a défini l'aspect des pêches qu'il voulait
confier à la province, en définissant les eaux à
marée et les eaux sans marée. C'est de cette
façon-là qu'on a fonctionné dans le passé.
M. Ciaccia: Est-elle acceptée, cette définition du
gouvernement fédéral?
M. Garon: C'est une façon de faire. Je pense que ce n'est
pas mauvais en soi.
M. Ciaccia: Ne serait-il pas mieux de clarifier dans la loi
quelle...
M. Garon: C'est pour cela que je disais tout à l'heure, je
pense, avant que vous arriviez, que, si le gouvernement fédéral
voulait nous confier une administration un peu plus grande, dans la
définition des eaux à marée, il ne définit pas
toutes les eaux à marée ici... Il y a d'autres endroits où
il y a des marées.
Il pourrait dire quant au fleuve Saint-Laurent, dans le
règlement: Plutôt qu'en aval du pont Laviolette ou du pont de
Trois-Rivières, c'est en aval du pont de Québec ou de l'est de
l'île d'Orléans.
M. Ciaccia: Je présume que vous lisez les
règlements du gouvernement fédéral. Il y a au moins une
définition, vous dites que cela peut être...
M. Garon: Pas vraiment parce que... M. Ciaccia: ...un
genre de définition...
M. Garon: ...il ne dit pas que toutes les eaux à
marée sont ces eaux-là. Il parle des eaux à marée
dont il s'occupe. Dans la définition de "ministre", il dit: "Le ministre
désigne: a) en ce qui a trait à la pêche commerciale et
sportive, dans les eaux à marée, sauf la pêche
d'espèces anadromes et catadromes, le ministre des Pêches et des
Océans du Canada." C'est lui qui s'occupe de la pêche dans les
eaux à marée, à la fois sur le plan sportif et
commercial.
Ensuite, il définit les eaux à marée, pour les fins
de son règlement. Il n'est pas obligé de définir toutes
les eaux à marée. Il en définit un certain nombre. Il dit:
"Dans tous les autres cas, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche du Québec ou le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, selon le cas."
Dans les autres cas, qui sont les eaux sans marée ou à
marée, mais qui ne sont pas définies dans les eaux à
marée du règlement, il s'agit à ce moment-là d'une
délégation administrative de l'application de son
règlement.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: En tout cas, je vais laisser à mes deux
collègues la chicane fédérale-provinciale
là-dessus. Ils n'ont pas l'air de vouloir s'entendre.
M. Garon: II n'y a pas de chicane entre nous autres. C'est une
question de...
M. Maltais: Vous n'avez pas peur d'en créer une avec votre
collègue, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, en
plaçant vos installations commerciales, par exemple, dans l'estuaire des
rivières? On ne connaît pas la réglementation,
malheureusement, ce n'est pas facile pour nous autres. Mais vous savez
très bien par exemple que vous émettez des permis de pêche
à fascine dans l'estuaire des rivières à pêche
commerciale, à pêche sportive au saumon.
Vous savez pertinemment, M. le ministre, que cela a fait l'objet de
différentes colères, de différentes saisies; bref,
la chicane est autant entre les deux ministères qu'entre le
fédéral et le provincial. Est-ce que, dans la
réglementation que vous allez nous soumettre, vous allez tenir compte
aussi des pratiques courantes du ministère du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche?
M. Garon: Ce que vous dites là est complètement
inexact. Au contraire, il y a eu une entente entre les deux ministères
pour faire des représentations au gouvernement fédéral
pour changer les lieux de pêche au saumon. Là-dessus, il y a eu
des changements qui ont été faits dans le règlement
fédéral pour déterminer à quel endroit la
pêche au saumon se fait dans les rivières du Québec. Et
c'est décrit: à l'embouchure de telle rivière, dans telle
zone, on ne peut pas poser de filet. Tout cela est décrit dans le
règlement.
Au contraire, il y a eu une entente entre les deux ministères. Il
n'y a pas de chicane entre les deux ministères là-dessus.
M. Maltais: Vous en avez eu des drôles avec les
Indiens.
M. Garon: Ah, les Indiens, je n'ai pas affaire aux Indiens.
M. Maltais: Non, non...
M. Garon: II s'agit d'une discussion entre le ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche et les Indiens alors qu'il n'y a pas
eu entente complète entre les Indiens... Il y a des ententes à
des endroits et, à d'autres endroits, il n'y a pas d'entente. 3e peux
vous dire que, pour la pêche au saumon, au point de vue de
protéger la ressource et de changer le règlement pour faire en
sorte que, dans les embouchures de rivières, dans l'estuaire des
rivières, on prévoie exactement à quel endroit peuvent se
poser les...
M. Maltais: Les filets à saumon.
M. Garon: ...filets à saumon qui sont piqués dans
le sol, il y a eu entente là-dessus et ensuite le règlement a
été modifié. C'est cela qu'on administre conjointement
actuellement. Il y a même plus que cela, il y a une surveillance
conjointe pour la pêche au saumon depuis deux ans entre le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
pour faire une surveillance combinée; ces gens surveillent la
rivière, nous surveillons en plus la mer et, dans
l'hélicoptère qui fait la surveillance, se trouve un agent de
chaque ministère.
M. Maltais: Mais vous êtes aussi au courant, M. le
ministre, que vous avez reçu, pas vous mais votre collègue, le
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, a reçu de
nombreuses plaintes de la part des administrateurs des ZEC et des
rivières à saumon, concernant ces pêches-là,
concernant la pêche au saumon particulièrement, qui est...
M. Garon: Oui, mais c'était avant qu'il y ait les
changements dans ces règlements-là. Depuis les nouveaux
changements, je n'ai pas entendu parler qu'il y avait eu des plaintes cette
année, véritablement. Je n'ai pas entendu parler qu'il y avait eu
des plaintes cette année. Le règlement a été
changé l'an dernier, mais cela a été plus connu,
véritablement, cette année. On a délimité les
embouchures de protection dans chacune des rivières pour la pêche
au saumon.
Une voix: Est-ce que vous avez une juridiction...
Le Président (M. Desbiens): Le député de
Gaspé a demandé la parole.
M. Garon: Je n'ai pas une juridiction sur le saumon. Mais
comme...
M. Ciaccia: Vous ne l'excluez pas dans l'article 3?
M. Garon: Non, c'est parce que, dans le règlement
fédéral sur le saumon, on dit qu'il peut y avoir des prises
accidentelles de saumon et que la surveillance en mer est faite par notre
ministère alors que la surveillance dans les rivières est faite
par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche; et on
disait aussi que les pêcheurs commerciaux, lorsqu'ils pêchaient
d'autres espèces, pouvaient faire des prises accidentelles.
M. Maltais: Ils sont obligés de les remettre à
l'eau.
M. Garon: Pardon?
M. Maltais: Ils sont obligés de les remettre à
l'eau.
M. Garon: Non, ils ne sont pas obligés de les remettre
à l'eau.
M. Maltais: Oui, oui, oui. M. Garon: Ils les gardent.
Une voix: Mais là, la façon...
M. Garon: Sauf que la critique qu'il y avait au point de vue de
la surveillance, c'est qu'il y avait des pêches accidentelles
qui n'étaient pas des pêches accidentelles, parce qu'on
disait que les filets avaient été placés de telle
façon qu'on était certain de prendre du poisson, du saumon, parce
qu'il n'y avait pas d'autre espèce qui passait à cet
endroit-là.
M. Maltais: M. le ministre...
M. Garon: Alors, ce qu'on nous a demandé on a fait des
surveillances conjointes - c'est de faire en sorte de surveiller les filets, de
la façon qu'ils sont placés, parce qu'il est évident que,
si l'on pêche la morue et qu'on a un filet qui est sur le dessus de
l'eau, la morue ne passe pas sur le dessus de l'eau, c'est le saumon qui passe
là. Alors, avec un filet à morue bien dans le fond de l'eau, ils
ne pouvaient pas faire une prise accidentelle; ce n'est pas une prise
accidentelle si on met le filet dans les 20 pieds supérieurs de l'eau
quand il y a 80 pieds d'eau, alors que la morue passe dans le fond de
l'eau.
M. Ciaccia: Mais la...
M. Garon: C'est pour cela que, lorsqu'on parle de filets
maillants à morue, ils sont ancrés au fond de l'eau; c'est pour
cela qu'on dit "attaché au sol". Alors que, lorsqu'on pêche le
saumon, c'est une espèce qui nage plutôt près de la surface
de l'eau.
M. Ciaccia: Dans l'article 3, tel qu'il est rédigé
maintenant, cela donne le droit au ministre, au gouvernement, de
concéder des droits de pêche pour le saumon...
M. Garon: Non, parce que...
M. Ciaccia: ...à des fins commerciales. Oui, mais vous
dites que le ministre peut, dans des eaux sans marée...
M. Garon: Sans marée. Le saumon ne vient pas
véritablement dans les eaux sans marée.
M. Ciaccia: Si vous...
M. Garon: II n'y a pas de concession de pêche au saumon
dans les eaux sans marée, je n'en connais pas. Le ministre peut, dans
les eaux sans marée du domaine public... Le saumon, essentiellement, est
pêché dans les eaux à marée.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Gaspé.
M. LeMay: Pour compléter l'information faisant suite
à l'intervention du député de Saguenay, il y a eu
effectivement des plaintes l'an passé. Mais ces plaintes venaient de
pêcheurs commerciaux qui pêchaient le saumon contre les
pêcheurs côtiers qui mettaient leurs filets trop près. C'est
à la suite de cela qu'il y a eu des saisies de filets et des saisies de
saumon. Il y en a eu cette année comme il n'y en a à peu
près jamais eu parce qu'il y a eu une entente entre le ministère
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour surveiller
davantage. À la suite de cela, il y a eu énormément de
saisies de filets, principalement dans le secteur où je suis.
M. Maltais: Je regrette, mais on n'a pas la même
interprétation ni les mêmes renseignements, parce que les
pêcheurs côtiers à fascines prennent accidentellement et
régulièrement du saumon, particulièrement dans la
rivière Saguenay. Cette année, les gens du ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche ont passé l'été
assis sur le coin des pêches pour remettre les saumons à l'eau.
Alors, ne venez pas me dire qu'on ne remet pas les saumons à l'eau; on
le fait. C'est obligatoire, c'est exclu du permis; ce sont des pêches
accidentelles. Mais les saumons qui entrent par mégarde sont remis
à l'eau. On en a des exemples frappants. C'est peut-être
particulier au cas des pêches à fascines, mais ne venez pas me
dire qu'ils ne les remettent pas à l'eau; ils les remettent à
l'eau.
M. LeMay: Dans le cas des pêches à filets maillants,
où souvent le saumon est mort quand ils vont lever leurs filets, ils ont
des prises accidentelles. Il s'agit de savoir ce qu'est une prise accidentelle.
Est-ce que c'est prendre 25 saumons un matin comparativement à 1 ou
2?
M. Maltais: Non, mais vous changez de sorte de pêche. Moi,
je vous parle des pêches à fascines.
M. LeMay: Oui, mais moi, je vous parle de la pêche
commerciale au saumon en Gaspésie.
M. Maltais: Premièrement, il n'y a pas de pêche au
saumon en Gaspésie. Est-ce qu'il y en a?
M. LeMay: De la pêche commerciale?
M. Maltais: Oui.
M. LeMay: Ah oui, il y en a.
M. Maltais: II y en a combien?
M. LeMay: II y en a dans les deux secteurs. Cette année,
on en avait 39 dans un secteur et...
Le Président (M. Desbiens): Je pense qu'on
s'éloigne un peu du sujet. On n'est pas à l'étude des
crédits. On est à l'étude du projet de loi 48. Alors,
l'article 3 est-il adopté?
M. Lincoln: Moi, je veux poser une dernière question au
ministre avant de...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. le ministre, vous avez parlé des
espèces anadromes et catadromes qui devraient être exclues pour
certaines raisons. Est-ce qu'il n'aurait pas dû y avoir une
référence à ces espèces dans l'article 3?
M. Garon: Non, c'est comme dans les eaux sans marée, cela
comprend toutes les espèces incluant les espèces anadromes et
catadromes quand elles sont dans les eaux sans marée. On peut
pêcher l'esturgeon dans les eaux à marée ou dans les eaux
sans marée. L'anguille, on peut la trouver dans les eaux à
marée ou dans les eaux sans marée. On peut aussi trouver de
l'éperlan, du poulamon dans les eaux à marée et les eaux
sans marée, je pense. Mais on ne trouvera pas beaucoup de saumon,
aujourd'hui, ou exceptionnellement, dans les eaux sans marée; on ne
trouvera pas beaucoup de saumon aujourd'hui. Ils commencent à remonter
le fleuve un peu, mais... Les espèces anadromes et catadromes,
théoriquement, vont dans les eaux à marée ou dans les eaux
sans marée et c'est d'ailleurs pour cela que le gouvernement
fédéral a... Attendez un peu, je parlais du fleuve Saint-Laurent;
ils remontent la rivière aussi. Actuellement, pour le gouvernement
fédéral, cela devient compliqué à administrer parce
que c'est une espèce pêchée... Ce ne serait pas possible
que le gouvernement fédéral nous confie l'administration de son
règlement là-dessus parce que les espèces anadromes et
catadromes...
M. Maltais: Alors, vous allez avoir un problème pour le
frai, par exemple. Il va frayer chez vous et il s'en retourne vivre au
fédéral, comme cela se passe actuellement.
M. Garon: C'est cela.
M. Maltais: Cela va lui prendre un drapeau de chaque bord.
M. LeMay: C'est le Labrador qui le pêche. (12 h 30)
M. Garon: C'est pour cela que le gouvernement
fédéral, s'il voulait vraiment protéger le saumon du
Québec, devrait faire une chose, retarder la pêche à
Terre-Neuve de 15 jours. À ce moment-là, 80% du saumon, qui vient
de nos rivières, reviendrait dans nos rivières. Il aurait
seulement à l'arrêter à l'endroit où il est
principalement pris, je pense que c'est à Port aux Basques...
M. LeMay: Entre l'île d'Anticosti et...
M. Garon: Non, c'est plus bas que cela. Il y a une passe à
un endroit et c'est là que le saumon québécois, qui vient
des rivières du Québec, est pris. On dit que, si le gouvernement
fédéral retardait la pêche seulement de 15 jours, 80% du
saumon reviendrait dans nos rivières. On aurait intérêt
à développer davantage l'espèce. Avec le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, je suis allé rencontré
le ministre des pêches commerciales et le ministre des pêches
sportives du Nouveau-Brunswick - les deux ministres - pour justement faire
front commun et demander au gouvernement fédéral de retarder de
15 jours la pêche à Terre-Neuve. J'en ai même parlé
personnellement au ministre des pêches commerciales - et je sais que M.
Chevrette de son côté en a parlé au ministre des
pêches sportives - afin qu'il puisse retarder de 15 jours la pêche
au saumon à Terre-Neuve. Il y aurait autour de 75% à 80% du
saumon qui reviendrait dans nos rivières. Actuellement, dans son
périple, le saumon fait le tour de Terre-Neuve et est pris à un
endroit bien déterminé. Il y a eu des recherches dans le
passé qui disent que le saumon passe à des dates précises.
Si on retardait la pêche de 15 jours, 75% à 80% du saumon qui
vient de nos rivières y reviendrait et, à ce moment-là, il
y aurait un intérêt...
J'ai même expliqué au ministre des Pêches de
Terre-Neuve que, sur une période de quatre ou cinq ans, en
développant la ressource dans nos rivières au moyen de
pouponnières à saumons, si on veut, le nombre de saumoneaux
serait tellement plus grand que, même si la pêche était
retardée de 15 jours, après quelques années, en
développant la ressource dans nos rivières, on en prendrait
autant, mais cela prendrait quatre ou cinq ans.
M. LeMay: On aurait besoin d'ensemencer nos rivières.
M. Garon: Bien non... C'est là qu'on les
ensemençait le plus.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je voudrais poser une question au ministre. Est-ce
que vous nous dites...
M. Garon: Pour la pêche des espèces anadromes et
catadromes, pour répondre plus
directement à votre question, vous allez trouver cela dans le
plan de pêche des eaux sans marée.
M. Ciaccia: Voulez-vous dire que le gouvernement
fédéral n'a aucune juridiction, par exemple, sur le saumon s'il
est dans les eaux sans marée?
M. Garon: Je n'ai pas dit cela. Il a une juridiction sur le
saumon pour sa part et on a une juridiction pour notre part, sauf que, comme ce
serait difficile à administrer pour lui, il a
délégué cela au Québec. On administre le
règlement fédéral pour les anadromes et les
catadromes.
M. Ciaccia: D'accord. En dehors de l'administration qu'il vous a
confiée, à des fins commerciales, même si le saumon est
dans les eaux sans marée, qui en a la juridiction? Est-ce le
gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial?
M. Maltais: À l'heure actuelle, c'est le provincial.
M. Ciaccia: Non, vous l'administrez. M. Garon: Dans les
eaux sans marée?
M. Ciaccia: Dans les eaux sans marée, à des fins
commerciales, qui a la juridiction du saumon?
M. Garon: Le Québec. M. Ciaccia: Par...
M. Garon: En vertu de la délégation
administrative.
M. Ciaccia: Administrative, mais pas en vertu de la
constitution.
M. Garon: Dans les eaux sans marée, nous sommes
propriétaires du fond et propriétaires de ce qu'il y a dans ces
eaux.
M. Ciaccia: Alors, le saumon dans les eaux sans marée est
entièrement sous la juridiction du Québec.
M. Garon: Du Québec.
M. Ciaccia: II n'y a pas des discussions là-dessus?
M. Garon: II y a une compétence législative du
fédéral sur la manière de pêcher. C'est pour cela
qu'on retrouve ces choses-là dans le règlement.
M. Ciaccia: S'il y a une compétence législative
fédérale sur la manière de pêcher, votre article 3
ne le reflète pas. S'il y a une compétence fédérale
législative sur la manière de pêcher...
M. Garon: On ne parle pas de la compétence
législative fédérale là-dedans.
M. Ciaccia: Vous vous donnez tous les droits à des
fins...
M. Garon: Non, non.
M. Ciaccia: Bien oui! Quand je lis l'article 3, je dis que vous
pouvez concéder le droit de pêcher à des fins commerciales,
et cela n'exclut pas les anadromes. Il n'y a aucune référence
qu'il y a une autre compétence législative d'un autre niveau de
gouvernement.
M. Garon: Où est le problème? Le droit de
pêche ici, dans les eaux sans marée, est un accessoire du droit de
propriété du fond.
M. Maltais: M. le ministre, dans la pratique...
M. Garon: Cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas respecter la
réglementation fédérale sur la pêche, à
condition qu'elle soit ultra vires, pour les saisons de pêche, etc.
M. Maltais: Quels sont les permis de pêche que vous allez
émettre dans les...
M. Garon: Cela ressemble un peu aux oiseaux migrateurs.
M. Maltais: II y a des ambiguïtés dans cela. La
pêche au saumon est sous juridiction provinciale à l'heure
actuelle et on n'a pas de permis de pêche commerciale pour cela.
M. Garon: Pardon?
M. Maltais: La pêche au saumon, à l'heure actuelle,
lorsqu'elle tombe sous la juridiction provinciale dans les eaux sans
marée...
M. Garon: Non. C'est parce qu'il n'y en a pas.
M. Maltais: ...il n'y a pas de permis de pêche.
M. Garon: Ce sont des affaires théoriques. Il n'y a pas
vraiment de saumon dans les eaux sans marée du Québec. Il y en
avait dans le temps de Jacques Cartier, mais il n'y en a plus aujourd'hui.
M. Maltais: Bien, il y en a dans les rivières. M. le
ministre, le saumon s'en va frayer dans les rivières. Il fraie dans les
eaux sans marée.
M. Garon: II est réservé à la pêche
sportive. On ne le pêche pas commercialement.
M. Maltais: Non, non. C'est cela.
M. Garon: C'est cela. Je ne fais pas de règlement pour des
poissons qu'on ne pêche pas, au cas où on en pêcherait un
jour.
Le Président (M. Desbiens): L'article 3 est adopté?
Sur division?
M. Maltais: Oui.
Le Président (M. Desbiens): L'article 3 est adopté
sur division. J'appelle l'article 4. Est-ce que l'article 4 est adopté?
M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: M. le ministre, je pense que l'article 4 est
l'article clé du projet de loi, de même que l'article 6. C'est
l'article qui nous oppose le plus, qui pose le plus grand nombre de
problèmes parce qu'on y parle de donner des pouvoirs au ministre dans
les eaux à marée.
M. Garon: C'est cela. Dans les eaux à marée.
M. Lincoln: Dans les eaux à marée. À ce
moment, cela lui donne la possibilité de concéder le droit
d'utiliser la portion de la rive ou du lit qui fait partie du domaine public -
sans aucune définition de ce que sont les eaux à marée,
sans aucune définition de ce qu'est le domaine public - pour y fixer ou
y déposer des engins ou des installations -sans aucune définition
de ce que sont ces installations - destinés à la pêche
commerciale.
Or, tout cela vise ceux qui ont les droits sur les eaux à
marée et sur la situation dans le golfe du Saint-Laurent. C'est clair
que cela va être une question constitutionnelle qui va aller en cour.
Tous les précédents semblent dire que le fédéral a
juridiction sur les eaux du golfe. Avant, on parlait d'engins fixes; là,
vous parlez aussi des engins déposés. Est-ce qu'un engin
déposé est un engin fixe? Je vous réfère à
un passage de l'étude du professeur Henri Brun qui a été
cité hier par le chef de l'Opposition en Chambre: "II nous faut donc
conclure que le territoire du Québec continue d'être dans le golfe
du Saint-Laurent celui qu'il était en 1867."
Le professeur Brun délimite très clairement que
l'état actuel du droit canadien nous oblige donc à conclure que
le territoire québécois dans le golfe Saint-Laurent s'est
terminé en 1867 à la côte. Le territoire se rendait au
moins à la ligne des basses eaux. Le Québec ne serait pas
entré dans la Confédération nanti d'une mer
territoriale.
En fait, c'est consédé par votre ministre Jacques-Yvan
Morin qui n'accepte pas en principe le fait que cela existe comme cela.
Lui-même, dans son étude, Rapport de la commission d'étude
sur l'intégrité du territoire du Québec, rapport Dorion,
en mai 1970, fait état de l'avis consultatif de la Cour suprême
sur les droits miniers sous-marins de 1967. Il cite le jugement de la Cour
suprême: La Cour suprême s'est également prononcée
dans le même avis sur la compétence législative à
l'égard du lit et du sous-sol de la mer s'étendant au-delà
des eaux territoriales, le plateau continental.
Le professeur Brun dit que les eaux territoriales s'arrêtent
certainement à la côte et qu'elles ne vont pas au-delà dans
le golfe. M. Jacques-Yvan Morin dit: La Cour suprême s'est
également prononcée dans le même avis sur la
compétence législative à l'égard du lit et du
sous-sol de la mer s'étendant au-delà des eaux territoriales, le
plateau continental.
Après avoir longuement cité in extenso la convention de
1958 et divers documents américains et britanniques intéressant
le plateau sans que le lien entre ces citations et la question
constitutionnelle à l'étude apparaisse clairement, la cour
tranche la question en quelques lignes, comme suit. Nous allons le citer pour
les fins du dossier, car je pense que c'est très important. Je cite un
extrait de l'étude de M. Jacques-Yvan Morin qui cite la décision
même du tribunal: "As with the territorial sea, so with the continental
shelf. The two reasons why British Columbia lacks right to explore and exploit
and lacks legislative jurisdiction: First, the continental shelf is outside the
boundaries of British Columbia; second, Canada is a sovereign State which will
be recognized in international law as having the rights stated in the
convention of 1958. It is Canada, not the province of British Columbia, that
would have to answer the claims of other members in the international community
for breach of the obligations and responsibilities imposed by the convention.
There is no historical, legal or constitional basis upon which the province of
British Columbia could claim the right to explore and exploit or claim
legislative jurisdiction over the ressources of the continental shelf."
M. Jacques-Yvan Morin va plus loin: "II ne convient pas de nous
étonner davantage sur l'aspect de la question qui a déjà
été traitée par G. Brossard. Du point de vue du statut des
eaux du golfe Saint-Laurent, compte tenu de la jurisprudence qui nie aux
provinces le droit de propriété sur le lit et la mer
territoriale, l'avis de la Cour suprême constitue un
précédent redoutable qui ne manquera pas d'être
invoqué dans toute discussion ou négociation sur le plateau
continental."
Nous sommes d'accord avec lui que, de son point de vue philosophique, il
n'accepte pas de bon gré cette décision. Le fait qu'il cite la
décision semble confirmer l'étude du professeur Brun.
Aujourd'hui, avec l'article 4, sans négociation pour essayer
d'établir une entente quelconque sur ce sujet, le ministre se donne des
droits dans les eaux à marée qui vont en fait plus loin du point
de vue des engins. Il va encore plus loin et il dit que ce n'est pas seulement
des engins fixes, ce sont des engins déposés. Il parle
d'installation. Qu'est-ce que sont les installations? Il parle des eaux
à marée. Que sont les eaux à marée? On ne sait rien
de tout cela. Il n'y a pas de délimitation des eaux à
marée dans le projet de loi. Il n'y a pas de définition de ce que
sont des engins fixes ou déposés. Est-ce que des engins
déposés sont des engins fixes? On se pose beaucoup de questions
là-dessus. Qu'est-ce que sont les installations dans son projet de loi?
Rien n'est défini.
Est-ce que l'article 4 donne le pouvoir au ministre de fixer des quotas,
de fixer des contingentements, de faire respecter ces contingentements, de
contrôler le processus de la pêche? Installation se
réfère à la mise en place de quelque chose. Est-ce que
cela lui donne des droits de faire des installations destinées à
la pêche commerciale? Prenons l'exemple d'un port de mer en eau profonde.
À l'article 4, est-ce que le ministre va avoir un droit de veto sur les
installations portuaires en eau profonde? Pourrait-il par l'article 4 dire:
J'ai maintenant le droit de faire des installations destinées à
la pêche commerciale? Ce sont des installations portuaires. Installation,
selon Larousse: "La mise en place de quelque chose. La mise en place d'un objet
quelconque." Est-ce que le ministre se donne des pouvoirs dans les eaux
à marée? Où se terminent les eaux à marée,
selon lui? Où est-ce que ces eaux à marée se
délimitent?
Prenons la baie des Chaleurs. Tire-t-il un trait dans le milieu de la
baie des Chaleurs pour dire que les eaux à marée qu'il
contrôle sont la moitié de la baie des Chaleurs et l'autre
moitié, c'est le Nouveau-Brunswick? Jusqu'où va cette affaire?
Où est-ce que vous définissez maintenant votre territoire?
D'après vous, le territoire est-il tout le golfe Saint-Laurent, la
moitié de la baie des Chaleurs? À priori, est-ce que cela vous
donne tous les droits que maintenant le fédéral a dans les eaux
à marée par rapport au lit? Comment conciliez-vous cela avec la
décision dans l'affaire de la Colombie britannique en 1967? Cela parlait
très bien de cela. J'ai cité l'étude de M. Jacques-Yvan
Morin qui est très claire. Je vais y référer encore une
fois, car lui croit que cela en parle. Il dit, par exemple: II ne convient pas
de nous étendre davantage sur cet aspect de la question qui a
déjà été traitée par Gilles Brossard. Du
point de vue du statut des eaux du golfe Saint-Laurent, compte tenu de la
jurisprudence qui nie aux provinces le droit de propriété sur le
lit de la mer territoriale - c'est ce qu'il dit - l'avis de la Cour
suprême constitue un précédent redoutable. (12 h 45)
M. Garon: On ne parle pas de cela à l'article 4.
M. Lincoln: Le fait est que le ministre parle des eaux à
marée.
M. Garon: Bon.
M. Lincoln: M. le sous-ministre, je ne crois pas que les eaux de
la rivière Saguenay soient des eaux à marée. À ce
moment, définissez ce que sont les eaux à marée, selon
vous. Vous ne le dites pas. Est-ce que le golfe Saint-Laurent est une eau
à marée ou non? Où s'arrête votre...
M. Garon: L'article est très bien fait. Regardez, c'est
écrit: "Le ministre peut, dans les eaux à marée,
concéder le droit d'utiliser la portion de la rive ou du lit qui fait
partie du domaine public." Il y a des eaux à marée qui font
partie du domaine public dans le territoire québécois. C'est ce
dont il est question là.
Je comprends que vous parliez...
M. Lincoln: Mais où? Comment? Quoi?
M. Garon: Attendez un peu. Vous dites qu'il y a des parties
contestées; vous parlez du plateau continental. C'est une partie qui est
contestée, mais il y a des parties qui ne sont pas contestées.
Pourquoi partez-vous un débat qui n'est pas indiqué? On dit tout
simplement ceci: "Le ministre peut, dans les eaux à marée,
concéder le droit d'utiliser la portion de la rive ou du lit qui fait
partie du domaine public." Il y a des grandes parties du territoire
québécois où il n'y a aucune contestation.
M. Lincoln: M. le ministre, c'est ce que vous nous dites. On
parle d'un projet de loi. Vous dites, sans le définir: "Le ministre
peut, dans les eaux à marée"... Les eaux à marée
dont vous parlez maintenant, cela peut être la rivière Saguenay.
Cela peut inclure aussi les eaux de la baie des Chaleurs, les eaux du golfe.
Cela peut être n'importe où.
M. Garon: Cela peut être...
M. Lincoln: Alors, est-ce que cela n'est pas...
M. Garon: Je n'émettrai pas de droit de permis en France.
On pourrait se dire que
je vais en émettre dans l'océan Atlantique, dans
l'océan Pacifique.
M. Lincoln: Mais, justement...
M. Garon: Vous pourriez parler des eaux autour de la terre de
Baffin. Qu'est-ce qu'on dit ici? "Le ministre peut, dans les eaux à
marée, concéder le droit d'utiliser la portion de la rive ou du
lit qui fait partie du domaine public."
M. Lincoln: Mais c'est justement ce qu'on vous demande. Vous
n'irez pas émettre des permis en France, vous n'irez pas en
émettre dans...
M. Garon: Non.
M. Lincoln: Mais peut-être irez-vous, selon votre
perception des choses, émettre des permis à des gens qui vont
pêcher dans le golfe du Saint-Laurent ou dans la baie des Chaleurs.
Considérez-vous que cela fait partie des eaux à marée?
Personne ne sait ce que vous avez en tête. Personne ne le sait.
M. Garon: ...
M. Lincoln: Personne ne sait ce que vous avez en tête par
rapport au domaine public. Qu'est-ce, selon vous, que le domaine public?
Qu'est-ce, selon vous, que le territoire du Québec? Rien n'est
défini. Personne ne sait ce que sont des installations. Laissez-moi vous
poser une question.
M. Garon: Là n'est pas le débat. M. Lincoln:
C'est là le débat.
M. Garon: Ce n'est pas là le débat. C'est comme si
je préparais une loi et qu'on disait, par exemple, que les avions de
Quebecair voleraient là où ils n'ont pas le droit de voler.
Pourquoi prétendez-vous qu'on va donner des permis à des endroits
où on n'a pas le droit d'en donner? Si on donne des permis à des
endroits où on n'a pas le droit de le faire, cela va être
contesté et déclaré illégal. Pensez-vous que j'ai
intérêt à faire déclarer des choses
illégales? J'ai intérêt à ce que le règlement
et la loi fonctionnent. Pensez-vous que je vais donner le plaisir à M.
De Bané de faire sauter mon règlement?
M. Lincoln: Monsieur, est-ce que vous concédez
aujourd'hui...
M. Garon: Pensez-y un instant. Pensez-vous que je vais donner le
plaisir à M. De Bané de dire: Je fais sauter son
règlement?
M. Lincoln: Monsieur...
M. Garon: Je peux vous dire que M. De Bané n'aura pas ce
plaisir en 1984.
M. Lincoln: M. le ministre, on ne parle pas de M. De Bané,
on ne parle pas de M. le ministre Jean Garon, on ne parle pas de
personnalités, d'individus. On parle d'une loi qui va exister pendant -
je sais que c'est amusant - des années. On parle d'une loi. Vous allez
passer, M. De Bané va passer. Les humains changent, mais les lois
restent. On parle d'une loi.
M. Garon: ...
M. Lincoln: On parle de quelque chose.
M. Garon: C'est parce que vous ne croyez pas à la
réincarnation.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, à
l'ordre! M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: C'est le sérieux avec lequel vous faites rire
vos amis. C'est très amusant. On parle d'une question beaucoup plus
importante que vous traitez avec beaucoup de désinvolture. La question
est la suivante: Vous donnez le pouvoir, dans les eaux à marée,
de concéder des droits d'utiliser la portion de la rive ou du lit. Vous
donnez le droit de fixer des engins. Nous sommes d'accord que le Québec
avait des droits sur les engins fixes, mais, là, vous donnez aussi le
droit de déposer des engins. On se pose beaucoup de questions du point
de vue constitutionnel. Vous donnez des droits pour faire des installations
destinées à la pêche commerciale, sans rien définir.
Si on lit le projet de loi, vous avez beau me dire: Je ne vais pas le faire
sans... Naturellement. Est-ce que vous voulez dire que vous donnerez des droits
et que cela ne va pas être contesté, si vous allez prendre des
droits que vous, vous percevez comme légitimes? Ils le sont pour vous,
mais que feriez-vous si quelqu'un d'autre dans ce cas, le fédéral
ou le Nouveau-Brunswick, décide que ce n'est pas légitime pour
vous?
Prenons des exemples pratiques. Vous avez un pêcheur du
Nouveau-Brunswick qui vient pêcher dans la baie des Chaleurs, qui
dépose des cages à crabe, ou bien...
M. Garon: II viendra demander un permis du Québec...
M. Lincoln: Attendez un instant, je vais finir.
M. Garon: ...pour mettre ses cages sur notre fond.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, à
l'ordre, s'il vous plaît! C'est au député de Nelligan
à parler.
M. Lincoln: Un instant. Vous avez des pêcheurs de
Terre-Neuve qui pèchent au large de Blanc-Sablon avec les pêcheurs
québécois, de façon historique, la morue, etc. Qu'est-ce
qui arrive à ces pêcheurs-là? Ils entrent dans les eaux.
Est-ce que vous allez dire: Un pêcheur de Terre-Neuve est obligé
d'avoir un permis du Québec pour pêcher? Vous allez dire au
pêcheur du Nouveau-Brunswick: Vous êtes obligé d'avoir un
permis du Québec pour pêcher? Est-ce que ce permis-là,
ça se situe juste quand le pêcheur du Nouveau-Brunswick traverse
une ligne quelconque, que vous avez décidée dans votre
tête, dans la baie des Chaleurs? Est-ce que c'est à un mille du
rivage, est-ce que c'est à deux milles, est-ce que c'est à trois
milles? Il n'y a rien pour nous permettre de savoir cela. C'est une affaire
tout à fait louche, tout à fait floue je veux dire, tout à
fait floue, tout à fait flexible. On n'a aucune définition de ce
que vous entendez, vous, par les eaux à marée.
Quand vous dites les eaux à marée, dites-nous ce que
c'est. Vous dites que ce sont les eaux dans lesquelles vous avez des droits
maintenant. Mais, selon vous, vous avez des droits partout parce que vous, vous
voyez le territoire du Québec comme étant beaucoup plus grand
peut-être que ne le voit, par exemple, le gouvernement
fédéral.
M. Garon: Vous, vous voulez le rapetisser.
M. Lincoln: M. le ministre, c'est parce que moi, ce que j'ai
envie de faire valoir, ce que j'ai voulu dire, c'est que, d'après vos
interventions en Chambre, vous nous avez expliqué que vous vouliez des
droits... Prenons un exemple, celui des pêcheurs de crabe. Il y a des
pêcheurs de crabe... Je sais que le député de Gaspé
a rigolé à mon sujet, quand j'ai parlé des homards en
pleine mer, moi, je vais lui dire que je sais que ce n'est pas le cas dans le
Québec, mais dans le cas de la Nouvelle-Écosse, on pêche le
homard à 50 milles du rivage.
Oui, vous avez parlé de cela, vous avez dit que je ne connaissais
pas mon affaire. Mais je vais vous dire...
M. Garon: Vous m'avez mal compris.
M. Lincoln: D'accord, excusez-moi, si je vous ai mal compris.
J'ai mal compris. D'accord. Mais seulement...
M. Garon: On ne parle pas de la Nouvelle-Ecosse.
M. Lincoln: ...dans le cas des crabes, par exemple, il n'y a pas
d'argument possible, parce que les crabes, cela se pêche à
plusieurs milles du rivage, parfois 20, 25 milles, etc., entre le
Nouveau-Brunswick, où on va le pêcher, et le Québec.
Qu'est-ce qui arrive si vous avez un pêcheur qui va pêcher
là et que vous, vous décidez qu'il a besoin d'un permis du
Québec? Est-ce que le pêcheur québécois va aller
maintenant dans des eaux où les pêcheurs des autres provinces
pêchent couramment, l'un et l'autre? Est-ce qu'un pêcheur d'une
province va avoir un permis et celui du Québec va-t-il être
obligé d'avoir deux permis, ou l'inverse va-t-il se produire? Comment
allez-vous réglementer tout cela? Dans votre tête, où
s'arrête ce pouvoir que vous avez sur les eaux sans marée?
Dites-nous où vous voyez cela. Parce que vous ne nous le dites pas, on
est obligé de prendre votre parole que vous allez... Est-ce que c'est
à un mille du rivage, deux milles, quatre milles? Où cela
va-t-il? Cela va dans la baie des Chaleurs, cela va dans le golfe, où
cela va-t-il s'arrêter?
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Garon: Je souhaiterais qu'il y ait une histoire du Parti
libéral qui soit rédigée, parce que le problème du
golfe est une question que les gouvernements du Québec, depuis M.
Lesage, ont toujours voulu éviter de faire trancher de façon
définitive par les tribunaux. Vous voudriez actuellement que je tranche
la question du golfe dans l'esprit de la loi alors que les gouvernements
libéraux précédents, tant celui de M. Lesage que celui de
M. Bourassa, n'ont pas voulu trancher cette question-là par voie de
législation. Aujourd'hui, vous me demandez de faire ce que vous n'avez
jamais fait et n'avez jamais voulu faire. Pourquoi voudriez-vous que l'on mette
dans la loi ces questions-là alors que les gouvernements libéraux
antérieurs n'ont jamais voulu le faire?
M. Lincoln: Mais c'est exactement ce qu'on vous souligne. C'est
que les gouvernements libéraux antérieurs ont eu assez de sagesse
pour dire: On ne va pas aller faire des lois qui vont identifier les eaux
à marée qui peuvent inclure le golfe, des lois qui vont finir
devant les tribunaux parce que le fédéral va dire: Là, il
y a une atteinte possible à une juridiction. Cela va finir. C'est
ça que les gouvernements libéraux ont essayé
d'éviter. Parce que, si l'on va en cour et que vous perdez, vous jouez
quitte ou double.
M. Garon: Alors, qui vous fait présumer que nous voulons
jouer quitte ou double?
M. Ciaccia: Eh bien, le fait de faire une loi qui porte à
ambiguïté, qui ne définit pas, quelqu'un va pouvoir la
contester. Ce n'est pas seulement vous. Une fois qu'une loi
est déposée et adoptée, dans l'application de votre
loi, un individu va pouvoir contester...
M. Garon: Théoriquement, si un règlement...
M. Ciaccia: La situation que vous venez de décrire,
à savoir que le gouvernement de M. Lesage et le gouvernement
libéral n'ont pas voulu définir parce qu'ils n'ont pas voulu
trancher, vous...
M. Garon: Dans les lois.
M. Ciaccia: ...ouvrez la porte à cela avec cet
article-là.
M. Garon: Pas du tout. M. Ciaccia: Mais oui.
M. Garon: C'est parce que vous pensez, vous assumez que... Vous
voyez que la loi ne donne pas d'ouverture à cela. La loi est correcte.
Vous l'avez dit vous-même, M. Marx l'a dit et les intervenants
libéraux l'ont dit. Vous présumez maintenant que je vais faire
faire cela par règlement et que ce ne sera pas dans la loi. Mais
là, vous présumez une chose. Ce n'est écrit nulle
part.
M. Ciaccia: Non, mais cela vous donne des pouvoirs...
M. Garon: Pas à moi. Cela donne des pouvoirs au
gouvernement.
M. Ciaccia: Au ministre, oui. Le ministre peut, par exemple,
fixer des quotas, faire respecter les contingentements...
M. Garon: Non.
M. Ciaccia: C'est inclus là-dedans.
M. Garon: Où cela? Cela n'est pas marqué à
l'article 4.
M. Lincoln: C'est marqué à l'article 6. M.
Ciaccia: C'est inclus.
M. Lincoln: À l'article 6. Oui, oui, lisez l'article
6.
M. Garon: Pardon? Non, non, non.
M. Ciaccia: C'est inclus dans l'article 4.
M. Garon: II faut que vous sachiez lire un article.
M. Ciaccia: C'est inclus dans l'article 4. Quand vous
donnez...
M. Garon: Remarquez que, dans le programme approuvé par le
gouvernement et quand on se réfère à l'article 1, dans le
programme, on dit "dans les eaux sans marée".
M. Ciaccia: C'est dans l'article 4.
M. Garon: Non, non, non. Cela ne va pas plus loin. L'article 6...
Il faut lire les articles 3 à 11 inclusivement pour comprendre l'article
1. Et à l'article 6...
M. Ciaccia: Non, non.
M. Garon: ...il est question des eaux sans marée.
M. Ciaccia: Oublions l'article 6 et parlons de l'article 4.
Une voix: Parlons de l'article 4. M. Garon: D'accord.
M. Ciaccia: On arrivera à l'article 6 après. Dans
l'article 4, vous concédez le droit d'utiliser le domaine public pour y
fixer ou y déposer des installations, etc. Concéder un droit,
cela inclut le pouvoir de fixer des quotas, de faire respecter des
contingentements et de contrôler l'effort de pêche. C'est inclus.
C'est dans l'article 4 et c'est cela qu'on dit, c'est-à-dire que vous
vous donnez des pouvoirs qui sont sujets certainement à contestation.
Peut-être que vous ne l'exercerez pas, mais, dans l'article 4, vous avez
ce pouvoir-là.
M. Maltais: C'est clair. Quand tu concèdes des droits,
tu...
M. Ciaccia: Maintenant, vous nous dites que vous ne l'exercerez
pas. Ah! C'est une autre affaire. Mais le droit, vous l'avez.
M. Garon: Je n'ai pas dit qu'on fixait des quotas. Où
voyez-vous cela, des quotas?
M. Ciaccia: C'est inclus dans le droit d'utiliser.
Une voix: Non, ce n'est pas inclus. M. Garon: Non, non,
non. M. Maltais: Voyons donc! M. Garon: Non, non, non. M.
Ciaccia: Bien, voyons!
M. Maltais: Tout le monde a le droit de s'acheter une auto, mais
on sait que cela prend des plaques d'immatriculation.
M. Garon: Non, non, non.
M. Maltais: C'est aussi simple que cela.
M. Garon: Le règlement des quotas se réfère
à la pêche plus qu'au droit de propriété. Le nombre
d'engins se réfère au droit de propriété. Dans
telle baie, il y aura 100 cages à crabes. On ne donne pas la permission
de mettre des cages à crabes, à homards, pour plus que telle
quantité. Mais, je ne peux pas dire combien tu vas prendre de
homards.
M. Ciaccia: Mais le droit d'utiliser, vous pouvez le dire. Vous
nous dites...
M. Garon: C'est pour cela...
M. Ciaccia: Le droit d'utiliser l'inclut. Voyons!
M. Garon: ...qu'il faut interpréter maintenant qu'on n'est
plus dans le cadre de l'entente de 1922. Alors, il faut voir la
réglementation fédérale et la réglementation
québécoise ensemble. Elles vont se compléter. Le
gouvernement fédéral va dire: Vous pouvez prendre tant de
homards. Il peut établir des quotas. Nous n'établirons pas de
quotas dans les eaux à marée, mais nous pouvons dire combien de
concessions nous donnons. On peut donner 10, 50, 100, 200 concessions. On peut
en donner deux fois plus que de permis fédéraux, on peut en
donner deux fois moins, mais on ne fixera pas de quotas.
M. Lincoln: M. le ministre, est-ce qu'on peut vous poser une
question pratique?
M. Garon: Et celui qui aura besoin des deux permis pour
pêcher, si on lui donne un permis du Québec, on n'assumera pas
qu'il aura automatiquement un permis fédéral. Mais le
gouvernement fédéral ne pourra pas assumer que, lorsqu'il donne
un permis, l'individu aura automatiquement un permis du Québec.
M. Lincoln: D'accord. Disons que nous avons un pêcheur de
Matane. M. le ministre?
M. Garon: Oui.
M. Lincoln: Nous avons un pêcheur de Matane. Il pêche
dans le fleuve, il ne va pas dans le golfe. C'est un pêcheur côtier
qui reste dans...
M. Garon: Oui.
M. Lincoln: II a un permis du Québec. Qu'arrive-t-il du
pêcheur des Îles-de-la-Madeleine? Lui, il est dans le golfe, en
plein milieu de l'océan. Il va pêcher là. Est-ce qu'il a
besoin d'un permis du Québec et d'un permis fédéral?
Est-ce qu'un pêcheur québécois aura deux permis et qu'un
autre pêcheur québécois n'aura qu'un permis?
M. Garon: C'est possible.
M. Lincoln: Ah bon, c'est possible. Alors, c'est possible qu'il y
ait deux catégories de permis.
M. Garon: Oui.
M. Lincoln: II est possible que vous ayez des pêcheurs
québécois qui vont avoir deux permis.
M. Garon: Oui. C'est même souhaitable.
M. Lincoln: Ah, c'est souhaitable? (13 heures)
M. Garon: Je vais vous dire une chose. Depuis que notre loi est
déposée, il y a déjà des pêcheurs qui sont
venus me voir et qui sont intéressés à des espèces
qui sont sédentaires. Ils sont intéressés à
développer tel type de pêche à condition d'avoir une
portion du territoire qui leur est réservée.
M. Lincoln: Ah bon, vous allez la réserver.
M. Garon: Avec notre loi, cela va être possible.
M. Lincoln: Cela devient plus flou que jamais. Nous allons avoir
des pêcheurs qui vont avoir des portions de territoire. Il y aura deux
qualités de pêcheurs, une avec un permis et l'autre avec deux
permis. Des Québécois vont avoir des permis différents.
C'est l'égalité, la démocratie.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que vous avez
l'intention d'adopter l'article 4?
M. Garon: C'est très important.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Garon: C'est très important.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! Il est 13 heures. Est-ce que vous avez l'intention d'adopter
l'article 4 immédiatement?
M. Lincoln: Non.
Le Président (M. Desbiens): La commission suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 01)
(Reprise de la séance à 16 h 01)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation reprend ses travaux. Nous en étions à
l'étude de l'article 4. Est-ce que l'article 4 est adopté?
M. Lincoln: Non, on veut revenir à l'article 4. À
l'article 4, M. le ministre vous avez dit, ce matin, qu'il y avait
possibilité de deux catégories de permis. Peut-être qu'il y
aurait des pêcheurs québécois qui auraient un seul permis
et d'autres qui en auraient deux. Je lisais récemment deux articles de
journaux à la suite de la loi 48. L'éditorial de Raymond Giroux.
On a discuté, par exemple, de la question du golfe Saint-Laurent. Vous
avez dit: Nous, nous n'irons pas plus loin que ce que la loi nous permet. Je
vois dans l'éditorial de Raymond Giroux, dans le Soleil du 19
novembre... Ce n'est pas nous qui inventons cela, c'est un observateur de la
scène qui dit: "Sous le couvert de son interminable querelle verbale sur
le dos des pêcheurs québécois avec son froid partenaire
Pierre De Bané, le ministre Jean Garon vient de proclamer
unilatéralement le droit de propriété du Québec sur
les deux tiers des eaux du golfe Saint-Laurent. "De question bassement
partisane, électoraliste, le débat vient ainsi de sauter au plus
haut niveau politique à la grande joie des constitutionnalistes de toute
option. À moins d'une ligne, le projet de loi 48 déposé
cette semaine bouleverse toutes les données." Ce n'est pas une
constation partisane de l'Opposition, c'est un journaliste qui parle de
l'article 4 en disant: "Le ministre peut, dans les eaux à marée
concéder...", lit-on à l'article 4 du projet gouvernemental
inspiré de nombreuses études, à partir d'analyses jadis
préparées par l'actuel ministre Jacques-Yvan Morin pour la
Commission Doyon sur l'intégrité du territoire
québécois dans les années soixante, jusqu'à la
récente somme de "Droit constitutionnel" du professeur François
Chevrette et du député libéral Herbert Marx,"
Plus loin il dit: "II ne faudrait toutefois pas que le suivi
donné au dossier 13 ans plus tard retombe une journée de plus sur
le dos des pêcheurs et des travailleurs et travailleuses des
pêcheries, qui ne liront jamais les 143 pages écrites sur les eaux
du golfe par Jacques-Yvan Morin."
Il y a Florent Plante qui écrit dans le Soleil du 17 novembre:
"...Québec a décidé de faire de même et mettra sur
pied son propre système de délivrance de permis pour tous les
pêcheurs commerciaux qui utiliseront des engins fixes ou
déposés au fond de l'eau dans le territoire immergé du
Québec. ... Son ministère revendique le droit de délivrer
des permis pour exploiter ses ressources et cela touchera les pêcheurs
des autres provinces qui viendront pêcher dans les eaux
québécoises à l'aide d'engins fixes. ... Le ministre Garon
n'a pas déposé en annexe la carte qui trace les limites
territoriales immergées du Québec. À cause des
Îles-de-la-Madeleine, le Québec pourrait prétendre que ces
eaux englobent environ les deux tiers du golfe du Saint-Laurent."
Il y a deux journalistes qui arrivent à la conclusion que, selon
votre article 4, vous pourriez aller revendiquer les deux tiers du golfe du
Saint-Laurent. C'est pour vous dire qu'il y a d'autres gens qui se posent
beaucoup de questions et qui soulignent même - comme M. Plante - qu'il
n'y a aucun cadre qui nous dise ce que vous entendez par les eaux à
marée.
On se pose beaucoup de questions. Par exemple, celle-ci: Que se
passe-t-il si un pêcheur d'une autre province veut venir pêcher
dans des eaux que vous considérez être de votre juridiction d'y
concéder des droits? Qu'arrive-t-il s'il n'a pas de permis du
Québec? Est-ce que votre appareil de surveillance a le droit de saisir
les bateaux des pêcheurs d'une autre province?
Inversement, qu'arrive-t-il si un pêcheur du Québec
décide de ne pas prendre de permis? S'il refuse de prendre un permis
parce que, par exemple, il va voir son avocat ou il consulte les gens du
fédéral qui lui disent: Ah non! Vous n'avez pas besoin de permis,
notre permis couvre la situation complètement, et le pêcheur ne
prend pas de permis du Québec. Qu'arrive-t-il à ce moment? Est-ce
que vous saisissez son bateau?
Qu'arrive-t-il de vos inspections? Par exemple, pour prouver que votre
service d'inspection a l'autorité nécessaire, il faut
naturellement que vous puissiez prouver que la pêche a été
faite à l'aide d'engins ou d'installations fixes déposées
sur le lit. Vous devez presque prendre le pêcheur sur le fait.
Qu'arrive-t-il si un pêcheur n'a pas le permis du Québec, qu'il
est allé déposer sa cage à crabes, etc., que vous savez
qu'il va pêcher là, mais que vous ne le prenez pas sur le fait?
À ce moment-là, comment prouvez-vous qu'il est en délit
par rapport au permis du Québec qu'il n'aurait pas?
Ne pensez-vous pas que tout cela va causer une espèce de
confusion totale dans ce milieu, que vous allez avoir des pêcheurs qui
vont refuser de prendre le permis du Québec sous prétexte que
vous n'avez pas l'autorité de le donner? Ne pensez-vous pas qu'il y aura
toutes sortes de problèmes avec les pêcheurs d'outre-province,
comme les pêcheurs de Terre-Neuve ou de la Nouvelle-Écosse qui
vont venir pêcher sans permis du Québec?
Si votre service d'inspection va faire une saisie, ne pensez-vous pas
que cela va provoquer fatalement, un jour ou l'autre,
demain, après-demain, le jour d'après, une confrontation
quelconque et que ces gens vont aller se défendre en cour? À ce
moment, on va arriver à ce sur quoi nous vous mettons en garde,
c'est-à-dire une question de conflit constitutionnel qui va aller
à la cour et qui va être jugé à un moment
donné. Qu'arrive-t-il si cela se tourne contre le Québec? Vous
allez presque provoquer les mêmes situations qu'avant, que vous
décriviez sous les gouvernements de M. Lesage, de M. Bourassa, de M.
Bertrand et tous les autres qui nous ont précédés, qui ont
justement évité d'aller chercher cette espèce de
définition de ce qu'est la juridiction du Québec dans le golfe du
Saint-Laurent. N'est-ce pas là le grand danger? Pouvez-vous nous dire
comment s'applique votre service de surveillance dans toute cette affaire de
l'article 4 du projet de loi?
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Garon: M. le Président, le projet de loi 48
énumère les pouvoirs du gouvernement ou du ministre par
règlement. Il est prévu un peu plus loin quelles sont les
sanctions administratives, les genres d'inspection, les saisies et les
confiscations possibles comme pénalité pour ceux qui ne
respecteront pas la loi. Il y a aussi des dispositions pénales au
chapitre VI du projet de loi que nous aurons l'occasion d'étudier.
À ce moment, ces dispositions vont s'appliquer.
Le projet de loi 48 - et vous pouvez vérifier auprès des
avocats - est tout à fait constitutionnel et légitime. Ce n'est
pas une loi pour Noël. Elle va s'appliquer autant que la loi
fédérale. Nous allons l'appliquer nous-mêmes. Nous ne
demanderons pas aux agents fédéraux de l'appliquer, nous allons
appliquer nous-mêmes notre loi et nos règlements et les agents
fédéraux vont appliquer leur loi et leurs règlements.
Comme il s'agit du domaine public québécois, de la
même façon que, lorsqu'ils viennent en automobile au
Québec, ils respectent notre code de la route, lorsque les gens du
Nouveau-Brunswick voudront venir pêcher sur le territoire
québécois, ils seront soumis aux lois québécoises.
Maintenant, tant qu'il n'y a pas de loi au Nouveau-Brunswick, les gens ne
peuvent pas appliquer un règlement ou une loi qu'ils n'ont pas. Et si le
Nouveau-Brunswick fait une loi et un règlement au même effet que
le nôtre, nos pêcheurs devront le respecter.
M. Lincoln: M. le ministre, là vous rentrez justement dans
le cadre même de ce que nous soulevons. Vous faites une analogie, par
exemple, avec une auto qui saute la frontière du Nouveau-Brunswick pour
arriver au Québec ou qui va du Québec pour aller en Ontario. Mais
cela est tout à fait clair.
Par exemple, les frontières sont délimitées, c'est
clair, l'endroit où la terre du Québec s'arrête et
où celle du Nouveau-Brunswick ou de l'Ontario commence. Alors là,
il n'y a aucun problème. C'est sûr qu'il n'y a aucun
problème. On sait très très clairement où l'on se
tient, dans les frontières terrestres.
Là, on parle de la mer. Mais vous ne nous dites pas... Vous
parlez du territoire du Québec, sans le définir, sans cadre,
comme le souligne M. Giroux ou M. Florent Plante, sans aucune
délimitation, sans annexe, sans quelque chose dans votre projet de loi
qui indique ce que vous avez en vue. Alors, est-ce que les pêcheurs qui
vont venir pêcher ici, du Nouveau-Brunswick ou d'ailleurs, ou de
Terre-Neuve, vont arriver à une certaine ligne dans la baie des
Chaleurs, par exemple, où ils diront: Ah bien là, peut-être
que nous sommes dans le territoire du Québec, d'après le ministre
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation? Ou, ne le
sommes-nous pas? Est-ce que vous publiez quelque chose pour le
démontrer, que c'est ou ce n'est pas cela? Et, qu'est-ce qui arrive
s'ils n'acceptent pas votre définition de ce que c'est, le territoire
québécois? C'est cela qu'on vous souligne.
À un moment donné, si quelqu'un met une cage à
crabe ou une trappe à un endroit quelconque que vous considérez
comme une partie du territoire du Québec et que la province voisine
n'accepte pas cette définition, ou que le fédéral conteste
la définition, ce qui est tout à fait probable puisqu'il l'a fait
dans le cas de la Colombie britannique déjà pour un autre cas
minier... Alors, est-ce que, fatalement, on ne cherche pas justement à
aller régler cette affaire-là en cour? Parce que c'est impossible
pour des pêcheurs qui viennent d'ailleurs, qui historiquement ont
toujours pêché, pendant des années et des années, ou
bien du côté de Blanc-Sablon ou bien dans la baie des Chaleurs,
etc., de savoir ce que vous avez en vue, parce que vous-même ne pouvez
pas nous dire aujourd'hui ce que cela implique, le territoire du Québec.
Est-ce que cela s'arrête à l'entrée du golfe? Est-ce que
cela inclut ou non la baie des Chaleurs? Est-ce que cela inclut une zone de
tant de milles autour des îles-de-la-Madeleine? Qu'est-ce que vous avez
en vue vous-même? Qu'est-ce que c'est que le territoire du Québec?
Vous ne pouvez pas nous le dire ou vous ne voulez pas nous le dire. Mais,
comment est-ce qu'un pêcheur va le savoir? Et qu'est-ce que vous avez
réellement en vue? Ce n'est pas comme une route où on saute et on
a là la frontière de l'Ontario, la frontière du
Nouveau-Brunswick; on le sait exactement, ce n'est pas la même chose du
tout.
M. Garon: Quand les pêcheurs pêchent à l'est,
dans le banc George...
M. Lincoln: Oui.
M. Garon: Vous connaissez le banc George?
M. Lincoln: Oui.
M. Garon: Bon. Là, vous pouvez passer du Canada aux
États-Unis et il n'y a pas de feu rouge dans l'eau pour indiquer que
vous traversez la frontière! Mais les pêcheurs doivent savoir
où arrêtent les États-Unis et où commence le Canada.
Alors ici, ce sera la même chose. Quand on donnera un permis d'utiliser
des agrès sur le fond, on va dire sur quel fond; cela ne sera pas un
permis général utilisé sur tous les fonds
québécois. On va dire: Vous pouvez poser vos cages dans tel
espace, à tel endroit. Et comme tous les pêcheurs ont des
boussoles sur leur bateau et qu'ils ont des gréements qui peuvent situer
leur position, ils vont pouvoir déterminer où ils se trouvent.
(16 h 15)
M. Lincoln: Vous m'estomaquez de plus en plus. Quand vous parlez
de la limite entre les États-Unis et le Canada, tout cela est couvert
par les traités internationaux. Cela fait l'objet de conférences
internationales. Par exemple, les États-Unis n'ont pas accepté la
zone de 200 milles. Des discussions ont été amorcées avec
le Canada pendant quelque temps. Il y a aussi la cartographie qui
démontre où commence le territoire marin des États-Unis et
où commence celui du Canada. Il y a des concessions historiques qui ont
été faites; il y a des traités, il y a des coutumes depuis
plusieurs années. Depuis que le Canada et les États-Unis
existent, il y a eu une évolution. On sait exactement quand un
pêcheur des États-Unis ou, inversement, un pêcheur de la
Nouvelle-Écosse pêchera sur le banc George. On peut même
voir sur les cartes - j'ai celle de la Nouvelle-Écosse devant moi - ce
qu'est exactement le territoire canadien et ce qu'est exactement le territoire
américain. C'est une tout autre affaire. On parle, ici, d'un territoire
qui n'a pas été défini. Toute cette question est tout
à fait floue. La seule décision qui a été prise par
la cour, est celle concernant la Colombie britannique. Les seules études
que nous avons du professeur Brun semblent démontrer que le territoire
québécois est celui qui était en place en 1867 quand la
confédération canadienne s'est faite. Cela s'arrête aux
basses marées et tout le reste est d'appartenance
fédérale. On va plus loin en disant: Le gouvernement
fédéral possède l'eau, mais nous possédons le lit
de la mer. Vous allez encore plus loin et, en plus de parler d'engins fixes,
vous parlez d'engins déposés, vous parlez d'installation pour la
pêche commerciale. Si, par exemple, dans votre définition future,
une installation pouvait être une installation portuaire, si vous
construisez un port en eaux profondes, est-ce que le gouvernement
fédéral sera obligé de venir vous demander un permis avant
de construire une installation portuaire?
M. Garon: II le fait déjà.
M. Lincoln: II le fait purement à cause de la question des
basses marées, c'est cela.
M. Garon: II le fait.
M. Lincoln: II le fait maintenant à cause de la question
des basses marées. En fait, si c'était une installation en eaux
profondes dans le milieu de la mer, il ne serait pas obligé de venir
vous demander de faire une installation ou de planter une foreuse, par exemple,
au milieu du golfe Saint-Laurent ou au milieu de la baie des Chaleurs, tandis
que, là, vous introduisez une nouvelle notion de territoire, le
territoire du Québec, sans nous dire où cela s'arrête. Vous
dites que le pêcheur du Nouveau-Brunswick devrait savoir seul à
quel moment il pénètre sur le territoire du Québec.
On vous donne des exemples typiques des pêcheurs terre-neuviens
qui viennent pêcher au large du Québec, à Blanc-Sablon ou
des pêcheurs du Nouveau-Brunswick qui viennent pêcher dans la baie
des Chaleurs. Comment sauront-ils à quel point ils ont besoin d'un
permis du Québec? Est-ce qu'ils doivent diviser la baie en deux?
Comment? Par magie? Qu'est-ce qui arrive si, n'ayant pas de permis du
Québec, selon votre propre conception, ils sont passés sur votre
territoire? Qu'est-ce que vous faites à ce moment-là? Vous
saisissez leur bateau, vous les punissez, vous allez en cour? Qu'est-ce qui
arrive s'ils vont en cour, aidés du fédéral, pour aller
contester cela et qu'on reconnaît que vous n'avez pas de droits
là-dessus? Est-ce que vous ne perdrez pas les droits politiques que vous
avez maintenant, des droits de négociation ou la marge de manoeuvre que
vous avez maintenant? C'est cela la question fondamentale. Il semble, selon les
journalistes comme M. Giroux, que c'est ce qui saute aux yeux quand il dit que
le ministre peut, dans les eaux à marée, concéder les
droits dans l'article 4 du projet de loi inspiré de nombreuses
études; il dit: "Québec s'empare des deux tiers du golfe." M.
Florent Plante a fait aussi la constatation que, d'après cet article,
vous pourriez réclamer les deux tiers du golfe par le fait même
que les Îles-de-la-Madeleine sont au milieu de l'océan. Il faut se
poser des questions là-dessus; c'est ce qu'on veut savoir. Qu'est-ce que
vous attendez? Vous n'avez pas de carte, vous n'avez pas d'annexe, vous n'avez
pas de définition et vous voulez laisser cela flou, sur dessin,
parce que vous ne voulez pas vous situer afin de vous garder une
espèce de marge de manoeuvre; il en résultera tout le
contraire.
Qu'est-ce qui arrive, par exemple, si un pêcheur refuse d'accepter
votre permis du Québec? S'il dit: J'ai un permis du gouvernement
fédéral et je vais aller pêcher là. Vous dites alors
que les pénalités mentionnées au chapitre 6 vont
s'appliquer. Est-ce que vous croyez qu'il va accepter les
pénalités si, par exemple, on en vient à la saisie de son
bateau? Est-ce qu'il va accepter cela? C'est sûr que la province à
laquelle il appartient, si c'est le cas d'un pêcheur d'une autre province
ou si c'est un pêcheur québécois, et le gouvernement
fédéral vont l'appuyer pour qu'il aille en cour trancher
l'affaire. Qu'est-ce qui arrivera si vous perdez? C'est cela qu'on essaie de
vous dire parce qu'il n'y a aucune définition d'eau à
marée, il n'y a aucune définition de domaine public et de
territoire, il n'y a aucune définition de ce que c'est que de
déposer des engins, il n'y a aucune définition d'engin, il n'y a
aucune définition d'installation. C'est tellement flou que vous avez
sans doute fait cela à dessein, mais il me semble que cela ne dit rien.
Cela laisse toutes les inquiétudes et toutes les questions que tous les
gens se posent. Pour nous, ce n'est pas une question partisane parce que je
vous ai cité des gens qui ne sont pas de notre parti et qui, eux aussi,
en arrivent à la même constatation sur l'article 4.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 4 est
adopté? M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Je pense qu'il y a encore des points... Ce matin,
à l'article 3, le ministre reprochait à la loi
fédérale de réglementer, au niveau des eaux, les basses
marées et de les délimiter, de dire des points
spécifiques. Je ne comprends pas, il persiste, à l'article 4,
à dire qu'il ne veut pas délimiter. Si lui ne le fait pas, cela
va être un autre qui va le faire. Je comprends que le ministre n'est pas
intéressé à ce qu'on dit, mais, quand même, ce n'est
pas nous qui avons convoqué la commission parlementaire pour
l'étude article par article. S'il n'y a personne qui va faire la
délimitation, si vous ne la faites pas dans le projet de loi, c'est une
cour qui va la faire. Et une cour, cela entraîne des chicanes. Qui va
payer la note? Ce sont les pêcheurs. Voyons donc! C'est toujours de
même que cela se termine. Cela fait quatre ans que vous vous chicanez
avec les pêcheurs. Pourquoi ne pas le faire tout de suite pour
éviter cela?
M. Garon: Ne parlez pas, vous! Dans votre territoire, chez vous,
vous preniez 3 000 000 de livres de poisson, quand on est arrivé au
gouvernement, et aujourd'hui vous êtes rendus à 30 000 000 de
livres. On prend dix fois plus de poisson aujourd'hui sur la Côte-Nord
qu'on en prenait du temps des libéraux.
M. Maltais: Ce n'est pas la faute du ministre.
M. Garon: Restez dans les "sex bars", vous êtes meilleur
là.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Maltais: II y a bien des poissons.
Le Président (M. Desbiens): Sur l'article 4.
M. Lincoln: C'est inacceptable, à l'article 4.
Le Président (M. Desbiens): L'article est-il
adopté?
Des voix: Sur division.
Le Président (M. Desbiens): Adopté sur division.
Article 5.
M. Garon: L'article 5 dit...
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre
M. Garon: "Lorsqu'une portion de la rive ou du lit des eaux avec
ou sans marée ne fait pas partie du domaine public, le ministre peut,
après s'être entendu avec le propriétaire de cette portion,
concéder le droit de l'utiliser pour y fixer ou y déposer des
engins ou des installations destinés à la pêche
commerciale." Cet article s'applique à toutes les eaux du Québec
et il s'agit de concéder le droit d'utiliser le fond pour y fixer ou y
déposer des engins, quand il s'agit de portions de rive ou de lit des
eaux qui ne sont pas dans le domaine public. C'est le régime que nous
appliquons actuellement aux fins de pêche à l'anguille et à
l'esturgeon.
M. Lincoln: Est-ce que le fédéral ne maintient pas
certaines juridictions - par exemple, on a parlé ce matin du saumon,
etc. - même dans des territoires qui ne sont pas du domaine public?
M. Garon: Le fédéral, lui, dans les eaux à
marée parle des types d'engins. Il n'y a pas de problème sur les
engins. On s'entend sur les différents types d'engins. Je peux vous
dire, par exemple, et cela peut vous intéresser, que, quand on parle du
règlement fédéral concernant la pêche dans la
province de Québec, quand on parle d'engin fixe, c'est
défini. On dit: L'engin fixe a le même sens que dans le
règlement de pêche de l'Atlantique, "fixed gear". Alors, quand
vous lisez le règlement de pêche de l'Atlantique, qu'est-ce qu'on
dit à engin fixe? Vous voyez que ces notions sont très larges:
Engin fixe désigne un engin de pêche qui est placé dans la
mer de manière que: a) une extrémité de l'engin soit
fixé à la rive et l'autre extrémité, ancrée
dans la mer; b) Que chaque extrémité de l'engin soit
ancrée dans la mer comme une palanque ou un filet; c) Que chaque
extrémité de l'engin soit fixée à la rive; d)
Qu'une extrémité de l'engin soit ancrée dans la mer et
l'autre, fixée à un bâtiment; e) Qu'une
extrémité de l'engin soit laissée à la
dérive dans la mer et l'autre, fixée à un bâtiment;
f) Qu'une extrémité de l'engin soit ancrée dans la mer et
l'autre, laissée à la dérive dans la mer ou g) Qu'une
extrémité de l'engin, fréquemment désignée
par l'expression "ligne à main" ou turlutte, soit à bord du
bâtiment et que l'autre extrémité soit remontée et
descendue dans la mer à la main ou au moyen d'un dispositif
mécanique. C'est ce qu'on appelle des "fixed gears".
M. Lincoln: Est-ce que...
M. Garon: Quand on parle d'engin mobile, on dit qu'on prend les
chaluts à panneaux, les seines à poche et les dragues à
pétoncles. À ce moment, on dit qu'il s'agit de "mobile
gears".
M. Lincoln: Est-ce que vous souscrivez à cette
définition d'engin?
M. Garon: Oui.
M. Lincoln: Pourquoi n'indiquez-vous pas cela ici?
M. Garon: Ce n'est pas nécessaire. M. Lincoln:
Pourquoi?
M. Garon: Parce que tout cela n'est pas nécessaire; le
législateur ne doit pas parler pour ne rien dire.
M. Ciaccia: D'abord, enlevez l'article 1.
M. Garon: Que dit le législateur ici? Il dit:
Concéder des droits d'utiliser la portion de la rive ou du lit des eaux
lorsqu'une portion de la rive ou du lit des eaux, avec ou sans marée, ne
fait pas partie du domaine public.
C'est évident que, lorsqu'on parle d'utiliser la rive ou le lit
des eaux, on parle d'utiliser des engins comme ceux-là.
M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous donner quelques exemples
de portion de la rive ou du lit des eaux avec marée qui ne fasse pas
partie du domaine public? Pouvez-vous nous décrire des eaux avec
marée qui ne fassent pas partie du domaine public? De quoi parlez-vous?
Pouvez-vous nous le décrire un peu?
M. Garon: Certainement. M. Lincoln: Oui. D'accord.
M. Garon: Dans des droits seigneuriaux les patentes, les
grèves patentées étaient accordées, on disait,
jusqu'à la marée basse, aussi loin que peut aller un cheval blanc
sans nager. On disait que, lorsqu'un cheval blanc pouvait aller... Une fois la
marée baissée, le cheval blanc entrait dans l'eau et, quand l'eau
lui touchait le poitrail, on était rendu à la limite de la
concession. Voyez-vous il peut y avoir des concessions de grèves.
Je sais que, lorsque je demeurais à Saint-Michel de Bellechasse,
mon père avait un terrain dont la grève était
patentée, c'est-à-dire qu'on était propriétaires de
la grève jusqu'à la marée basse. Lui n'avait pas un cheval
blanc. Si ma mémoire est bonne, on n'avait pas le cheval blanc. À
Beaumont...
M. Maltais: Cela dépendait de la couleur du cheval.
M. Garon: Cela donnait un peu plus loin quand le cheval blanc
pouvait aller dans l'eau.
M. Lincoln: C'est...
M. Garon: Je ne sais pas pourquoi les gens disaient un cheval
blanc. C'était la façon de concéder des grèves
patentées dans ce temps-là. Alors, il y a des grèves qui
sont patentées au Québec et d'autres qui ne le sont pas. Quand on
parle de pêche à l'anguille, à l'esturgeon, par exemple,
c'est très important parce qu'on peut concéder des droits
d'utiliser des rives ou le lit des eaux pour ces fins quand ils ne sont pas
dans le domaine public. C'est cet article qui va permettre de le faire.
M. Maltais: Cela inclut la loi des trois chaînes aussi.
M. Garon: Non, cela n'a rien à voir avec les trois
chaînes. Les trois chaînes, c'est plutôt à terre.
M. Maltais: Non, mais ils mesuraient quand même la limite
des marées.
M. Garon: Les trois chaînes, c'est sur le bord des
lacs.
M. Ciaccia: Non, non. Mais les trois chaînes allaient de
l'autre côté. C'était pour
mesurer...
M. Maltais: L'autre côté. M. Garon:
C'étaient des bois.
M. Ciaccia: ...le terrain. C'était plutôt pour
mesurer...
M. Garon: Je n'ai jamais beaucoup étudié la loi sur
les trois chaînes.
M. Ciaccia: C'était une distance de l'eau. Ce
n'était pas...
M. Garon: À partir de l'eau.
M. Ciaccia: Le cheval blanc dont vous me parlez, c'est dans
l'eau.
M. Garon: C'est dans l'eau.
M. Ciaccia: Les trois chaînes, c'est de l'autre
côté, dans l'autre direction.
M. Lincoln: M. le ministre, si ces droits sont déjà
reconnus historiquement, pourquoi allez-vous chercher maintenant à
régler et contrôler cela encore plus? Qu'allez-vous chercher dans
votre loi à concéder le droit d'utiliser etc.? Pourquoi en
avez-vous besoin, si ces droits existent? Comme votre père avait des
droits jusqu'à la basse marée, que l'autre avait des droits
jusqu'au principe du cheval blanc... Qu'avez-vous besoin de contrôler si
ce n'est pas dans le domaine public? Pourquoi allez-vous mettre votre nez
là? (16 h 30)
M. Garon: Ce ne sont pas des concessions pour des fins de
pêche. Pour aller déposer des engins de pêche
destinés à la pêche commerciale, cela a toujours
été une concession publique. Même sur des territoires
privés, cela a toujours été la coutume. C'est de cette
façon que cela se fait.
M. Lincoln: Si c'est de cette façon et que cela reste du
domaine public malgré tout parce que c'est la pêche, le
fédéral a toujours son mot à dire, il a toujours la
juridiction, passé la ligne des basses marées.
M. Garon: Non, écoutez, ce n'est pas cela qu'on dit.
À l'article 5, on dit: "Lorsqu'une portion de la rive ou du lit des eaux
avec ou sans marée ne fait pas partie du domaine public..."
Dépassé le cheval blanc ou dépassé la ligne basse
des eaux, on est dans le domaine public. Quand il y avait des concessions de
grève qu'on appelle les grèves patentées, les
grèves étaient privées. Au Québec, il y a des
grèves qui sont privées parce que, historiquement, il y a eu des
concessions et elles ont été transférées. On n'est
pas dans le domaine public mais privé. M. Lincoln: C'est cela
que...
M. Garon: Quand les grèves n'étaient pas
patentées, elles étaient publiques.
M. Lincoln: D'accord. On revient au même point de
départ. Quelle était la situation avant votre loi? Quelle est la
situation de la personne qui a un droit de grève privée? Elle n'a
pas besoin de permis de vous? Pourquoi voulez-vous encore amener la
bureaucratie, un autre permis, un autre pouvoir de votre part? Qu'est-ce qui
arrive maintenant? A-t-il besoin d'un droit de permis de vous?
M. Garon: Oui.
M. Lincoln: Pourquoi allez-vous vous ingérer
là-dedans pour contrôler? C'est sûrement restreint, ces
droits privés.
M. Garon: Attendez un peu.
M. Lincoln: Pourquoi avez-vous besoin de vous ingérer
là-dedans?
M. Garon: C'est comme cela que cela s'est toujours fait. On
n'invente rien, on consacre légalement ce qui se fait actuellement. Dans
l'ancienne loi des pêches qui a été abrogée... Quand
Elizabeth est-elle arrivée? Soit 11, 12, Elizabeth II. Ce n'est pas dans
mon temps 11 ou 12 Elizabeth II, article 5 c'est dans le temps de Jean Lesage.
Cette loi a été faite par Jean Lesage. On reproduit un article.
Vous voulez condamner Jean Lesage, au fond.
M. Lincoln: S'il est déjà là, pourquoi
devrait-on le faire?
M. Garon: Ici, on dit: Terre concédée. Du
consentement du propriétaire et dans un but d'administration seulement,
le ministre peut prendre le contrôle des droits de pêche
appartenant à des terres concédées situées le long
de quelqu'une des eaux de la province pour leur donner plus de valeur ou pour
les louer ou émettre des permis s'y rapportant, selon le cas,
conjointement avec ceux appartenant à des terres non
concédées le long de ces eaux.
M. Ciaccia: II faut que vous vous entendiez avec le
propriétaire.
M. Garon: Oui, il faut s'entendre avec le
propriétaire.
M. Ciaccia: Si vous ne vous entendez pas?
M. Garon: Quoi?
M. Ciaccia: Si vous ne vous entendez pas.
M. Garon: II n'arrive rien.
Le Président (M. Desbiens): L'article 5 est-il
adopté?
M. Garon: II faut toujours dire que tout cela doit se lire
conjointement avec la loi québécoise et la loi
fédérale. Quand le fédéral dit, sur les anadromes
et catadromes... Ce sera des catadromes qu'on va prendre. Ce genre
d'agrès de pêche...
M. Ciaccia: Le président...
M. Garon: Ceci est pour les catadromes, essentiellement pour les
anguilles et l'esturgeon... Quand j'étais petit gars, on prenait aussi
des bars; maintenant, il y a moins de bars à cause de l'exposition de
1967; ils sont morts. Il s'agit de catadromes dont l'administration est
confiée au Québec qui va administrer à la fois le
règlement fédéral et la loi québécoise. Il
faut lire tout cela ensemble. C'est le régime qui va s'appliquer.
M. Lincoln: C'est exactement cela. Vous avez admis, en fait, que
même sur cette question de domaines privés...
M. Garon: ...les eaux à marée...
M. Lincoln: Oui, je sais, je vous ai demandé cela sur les
eaux à marée. Il y a une implication du gouvernement
fédéral. Qu'est-ce qui va arriver si vous contrôlez et que
vous émettez des permis, qui sont des permis conflictuels avec le
gouvernement fédéral? Est-ce que le propriétaire pourrait
exiger un dédommagement de votre part ou du gouvernement
fédéral si ses droits sont affectés parce qu'il y a un
conflit de juridiction entre vous et le fédéral?
On parle de domaines privés à marée. Est-ce que
cela n'introduit pas encore une espèce de situation floue...
M. Garon: Non.
M. Lincoln: ...dans laquelle il y a toutes sortes de conflits ou
de positions conflictuelles.
M. Garon: II n'y a pas de conflit là-dedans. Cela va
très bien marcher. Ce ne sera pas compliqué.
M. Lincoln: II n'y a rien de compliqué pour vous,
même l'article 4. Tous les autres disent que c'est compliqué, mais
enfin...
M. Garon: Pardon? Non, ce n'est pas compliqué. L'article 4
est compliqué parce que vous faisiez des hypothèses
compliquées, mais nous n'en faisons pas.
M. Lincoln: C'est cela le problème.
M. Ciaccia: Si le propriétaire refuse, vous dites qu'il
pourra - je présume que vous vous êtes entendu avec lui - exiger
un dédommagement, une entente avec vous. Supposons qu'il refuse, qui
contrôlera la pêche quand les captures ne proviendront pas du
domaine public, s'il n'y a pas d'entente?
M. Garon: S'il n'y a pas d'entente, quoi? S'il n'y a pas
d'entente, il n'y aura pas de pêche.
M. Ciaccia: Qui contrôlera la pêche quand les
captures ne proviendront pas du domaine public?
M. Garon: II faut dire qu'on administre les deux. Quand on va
émettre un permis de pêche pour tel territoire, il faudra que
l'individu puisse le faire parce que nous avons une entente ou que, lui, si on
n'a pas d'entente, s'entende. C'est nous qui donnons le permis de
pêche.
M. Lincoln: Ce que veut vous dire mon collègue, c'est que
vous dites que s'il n'y a pas d'entente, il n'y aura pas de pêche. Si
quelqu'un a un terrain privé et qu'il décide que, passé la
marée basse, il va fixer son engin au sol ou faire quoi que ce soit, ce
n'est pas à vous qu'il va demander la permission, il va aller
pêcher. Qu'est-ce que vous faites alors? Est-ce que vous pouvez l'en
empêcher? S'il pêche maintenant, qu'il a un permis
fédéral qui lui donne une permission de pêcher, il va aller
pêcher.
M. Garon: II ne pourra pas.
M. Lincoln: Qu'est-ce que vous allez faire?
M. Ciaccia: Pourquoi?
M. Garon: Parce qu'il sera sur notre terrain.
M. Ciaccia: Non. Vous dites qu'il est le propriétaire de
cette portion, ce n'est pas votre terrain. C'est le terrain du
propriétaire. Vous dites: "Le ministre peut, après s'être
entendu avec le propriétaire de cette portion..." Ce n'est pas votre
terrain; c'est le terrain du propriétaire. C'est à lui.
M. Garon: C'est cela. S'il est propriétaire, il sera
soumis aux règlements. Il n'aura pas plus le droit de pêcher parce
qu'il est propriétaire. Ce n'est pas lui qui donne les droits de
pêche.
M. Ciaccia: Si c'est sous juridiction fédérale et
qu'il ne vous le demande pas à vous, il a sa
propriété.
M. Garon: Cela ne fait rien.
M. Ciaccia: Vous dites qu'après vous être entendu
avec le propriétaire, vous pouvez concéder le droit d'utiliser
etc. Si le propriétaire l'a fait parce que c'est sa propre
propriété...
M. Garon: II faut lire les deux lois: le règlement
fédéral et la loi du Québec. S'il est propriétaire
et qu'il veut pêcher, il est soumis au règlement
fédéral que nous administrons. Dans ce type de pêche, il
s'agit essentiellement des catadromes. Il sera soumis au règlement
fédéral. Dans les catadromes, c'est nous qui administrons le
règlement fédéral. Quand on parle de cela, on parle
essentiellement, au fond, de l'anguille et de l'esturgeon. Pas d'autre
chose.
M. Ciaccia: II me semble que, quand vous dites, dans l'article,
que vous devez vous entendre avec le propriétaire pour concéder
certains droits, le propriétaire, lui, peut exercer ses droits sans
votre consentement. Il semble y avoir une lacune là-dedans. Il y a une
lacune dans cet article. Vous pouvez faire, si vous consentez... Qu'est-ce qui
arrive si le propriétaire exerce ce droit? Il faut le lire avec la loi
fédérale. Quand on regarde ce projet de loi, il faut
l'interpréter tel que l'article se lit. On ne fait pas
référence, dans ce projet de loi, à d'autres sujets,
à certains droits qui sont acquis.
M. Garon: C'est cela. Là, il est dans les eaux à
marée ou dans les eaux sans marée. S'il est dans les eaux
à marée, le règlement fédéral joue. Il ne
peut pas commencer à pêcher comme cela. Comme nous appliquons le
règlement fédéral pour ces choses, il a besoin d'un permis
quand même. Quand il est dans les eaux sans marée, on administre,
encore là, pour nos fins et pour les fins fédérales.
M. Ciaccia: Autrement dit, cet article ne prive pas le
fédéral de sa juridiction et ne donne pas au Québec une
juridiction qu'il n'a pas. Alors, pourquoi l'article?
M. Garon: De la même façon que nous, quand on veut
avoir un droit...
M. Ciaccia: Que fait l'article? S'il ne vous enlève pas de
juridicton et n'en donne pas...
M. Garon: On n'a jamais nié la juridiction
fédérale. Il faut être bien clair.
Cette loi n'est pas une négation de la juridiction
fédérale, d'aucune façon. Il n'y a pas de
confrontation...
M. Ciaccia: Ce n'est pas une négociation dans le sens que
vous le dites. Vous ne dites pas: Dans la loi, je nie la juridiction
fédérale. C'est une négation dans le sens que
peut-être, dans l'interprétation, vous ouvrez la porte à
certaines interprétations qui sont en conflit avec la juridiction
fédérale. Dans ce sens, cela ouvre la porte à une
négation. Je suis d'accord avec vous. Je n'ai pas vu d'article dans la
loi disant: Je nie la juridiction fédérale, mais il y a des
articles dans la loi où, par implication, par les pouvoirs que vous
exercez, l'interprétation sera qu'il y a une négation du droit
fédéral. Il y a certainement un conflit. À l'article 4 et,
je ne sais pas; à l'article 5. Peut-être pas à l'article 5
parce que cet article n'accorde pas de droit ou n'enlève pas de
droit.
M. Garon: On n'a pas le choix, l'article 5 est nécessaire
parce qu'on voit trois hypothèses. Dans l'hypothèse où on
est propriétaire du fond, on peut donner un droit de pêche dans
les eaux sans marée. Dans les eaux à marée où on
est propriétaire, on peut donner un droit d'utiliser le sol ou la rive.
Quand on n'est pas propriétaire, on peut soit donner un permis dans le
cadre du règlement fédéral qu'on administre ou faire une
entente avec le propriétaire, puis donner un droit de pêche
à quelqu'un qui n'est pas le propriétaire de ce fond. Autrement,
on ne pourrait pas le donner parce que ce n'est pas dans le domaine public et
on n'est pas propriétaire.
M. Ciaccia: Voulez-vous, on va aller à l'article 6?
Le Président (M. Desbiens): L'article 5 est-il
adopté? Adopté sur division. Article 6? Est-ce que l'article 6
est adopté? M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: À l'article 6, c'est la même chose
qu'à l'article 4. C'est une extension de l'article 4. Vous dites: "Le
ministre peut, dans les limites et pour chaque endroit indiqué dans le
programme approuvé par le gouvernement..."
M. Garon: À l'article 6, il y a un amendement.
M. Lincoln: Vous avez un amendement. Peut-être que vous en
êtes arrivé au bon sens. Quel est votre amendement? (16 h 45)
M. Garon: Un amendement qui demande du courage. L'amendement dit:
L'article 6, première ligne, est modifié en ajoutant un
"s" à la fin du mont "indiqué".
M. Lincoln: My goodnessl C'est cela votre amendement? C'est un
amendement sensationnel. C'est vraiment... C'est un amendement très
dynamique. Ajouter un "s". On fait de petites plaidoiries d'orthographe.
Une voix: C'est un amendement de fond.
M. Lincoln: Oui. C'est un bel amendement de fond. "Le ministre
peut, dans les limites et pour chaque endroit indiqués -vous voulez
être sûr que vos pouvoirs sont indiqués au pluriel, n'est-ce
pas? - dans le programme approuvé par le gouvernement, octroyer le
nombre de concessions qu'il fixe et déterminer, pour chaque concession,
les espèces et la quantité de produits aquatiques qui peuvent
être péchés."
D'abord, vous vous donnez là des pouvoirs immenses parce que vous
allez me dire que tout cela est indiqué dans le programme selon
l'article 1. Mais vous pouvez faire le programme presque illimité. Vous
vous donnez des limites...
M. Garon: Vous ne voudriez pas que je dérange l'Opposition
pour adopter des projets de loi pour me donner des pouvoirs insignifiants?
M. Lincoln: Ce n'est pas ce qui nous tracasse. C'est seulement
quand vous vous donnez des pouvoirs illimités, des pouvoirs qui sont
presque illimités dans leur étendue, où vous pouvez
octroyer le nombre de concessions que vous, vous fixez, que vous
déterminez et, pour chaque concession, les espèces et la
quantité de produits aquatiques qui peuvent être
pêchés. Voulez-vous dire que vous entrez dans les quotas, que vous
entrez dans les contingentements, que vous déterminez à qui vous
donnez les concessions, que vous déterminez les conditions selon
lesquelles vous donnez des concessions? Ne pensez-vous pas que cet article est
complètement au-delà de vos juridictions, que c'est un article
qui, comme l'article 4, va engendrer la confrontation presque directe? Comment
voulez-vous, dans votre programme, si vous faites un programme et que vous
dites: On va limiter telle espèce, on va donner tel quota à telle
personne...
M. Garon: La confrontation avec qui?
M. Lincoln: La confrontation avec la juridiction
fédérale. C'est tout à fait clair.
M. Garon: Bien non. On est dans les eaux... On va être dans
les eaux sans marée.
M. Lincoln: Où dites-vous cela?
M. Garon: On vient de le dire. C'est...
M. Lincoln: Où dites-vous que c'est sans marée?
M. Garon: Parce qu'on dit "dans le programme approuvé par
le gouvernement". Or, le programme approuvé par le gouvernement, c'est
le programme de l'article 1.
M. Lincoln: Cela ne dit pas cela.
M. Garon: II faut se référer à l'article 1.
Bien oui.
M. Lincoln: Qu'arrive-t-il si vous faites un programme
approuvé par le gouvernement...
M. Garon: Programme approuvé à l'article 2. Le
programme de l'article 1 est approuvé, selon l'article 2, par le
gouvernement. Si vous vous référez à l'article 1, vous
voyez qu'il s'agit des produits aquatiques pêchés dans les eaux
sans marée du domaine public. Alors, il n'y a aucun conflit. Toute cette
question des pêches est déléguée au Québec en
vertu du règlement fédéral sur les pêches dans le
Québec.
M. Ciaccia: Dans l'article 4, on parle des eaux à
marée. Est-ce que le programme ne pourrait pas inclure aussi des eaux
à marée, parce que l'article...
M. Garon: L'article 4 ne parle pas du programme.
M. Ciaccia: Non. L'article 4 donne certains droits pour les eaux
à marée. Cela serait possible dans votre programme. C'est vrai
que le programme de l'article 1... Vous n'avez pas besoin de l'article 1, mais
vous l'avez...
M. Garon: II n'y a pas de programme.
M. Ciaccia: Dans l'article 1, vous soumettez un programme au
gouvernement et le gouvernement...
M. Garon: Non, non.
M. Ciaccia: Vous pourriez faire une référence...
Bien, l'article 4 doit vouloir dire quelque chose.
M. Garon: Je dois justement aller à Ottawa lundi prochain
et on va discuter des quotas dans les eaux à marée. Les quotas
sont déterminés par le gouvernement fédéral et non
par le gouvernement du Québec.
M. Ciaccia: Les quotas, cela ne veut pas dire la
quantité?
M. Garon: C'est cela.
M. Ciaccia: Mais, selon l'article 6, pour la quantité,
c'est le ministre qui décide.
M. Garon: Oui, mais dans les eaux à marée, c'est le
gouvernement fédéral. À l'article 6, on est dans les eaux
sans marée. "Le ministre peut, dans les limites et pour chaque endroit
indiqués dans le programme approuvé par le gouvernement..." Or,
le programme, c'est l'article 1, le programme de l'article 1...
M. Ciaccia: Alors, pourquoi nous dites-vous...
M. Garon: II se réfère uniquement aux eaux sans
marée.
M. Lincoln: Est-ce que, même dans les eaux sans
marée, le fédéral n'a pas juridiction? On a parlé
de quotas de saumon, par exemple, tout à l'heure. Vous avez
vous-même admis qu'il a juridiction sur les quotas de saumon, même
dans les eaux sans marée. À ce moment, est-ce que...
M. Garon: C'est théorique.
M. Lincoln: Comment, c'est théorique! Ou bien c'est
légal ou ce ne l'est pas. Ce n'est pas une question de théorie.
Qu'arrive-t-il...
M. Garon: II n'y a pas de pêche au saumon dans les eaux
sans marée.
M. Lincoln: Vous avez dit vous-même que toute la question
des eaux sans marée en est une de définition par règlement
qui peut changer. En fait, vous avez reconnu vous-même que les eaux avec
marée aussi bien que les eaux sans marée sont
considérées dans le règlement. C'est vous-même qui
avez dit cela. On peut jouer sur les mots. On peut, demain matin,
étendre cette définition ou la restreindre. Cette
définition est contenue dans le règlement fédéral.
Ce n'est pas dit que, dans la loi... Vous-même vous n'adoptez pas une
définition par règlement qui sera tout à fait
différente de celle du fédéral. Il pourrait y avoir toutes
sortes de juridictions. On vous a demandé, ce matin, si vous alliez
négocier une entente quelconque avec le fédéral pour
situer la question de juridiction partagée dans les eaux sans
marée de façon tout à fait catégorique pour
délimiter exactement quel est le territoire du Québec par rapport
aux eaux sans marée. Vous m'avez dit qu'il n'y aurait pas de
négociations, que c'était à M. De Bané qu'il
incombait de procéder par règlement. S'il arrive que, dans ses
règlements, il change toute l'affaire, que va-t-il arriver par rapport
à votre article 6?
M. Garon: J'ai consulté des juristes à ce sujet.
Disons ceci: pour les fins du droit, les eaux à marée... C'est
une question de fait, il y a des eaux qui ont des marées et d'autres qui
n'en ont pas. La constitution se réfère aux eaux à
marée. Le gouvernement fédéral, pour des fins
administratives, ne comprend pas toutes les eaux à marée pour les
fins de son règlement, dans son administration. Il définit ce
qu'il entend par eaux à marée pour des fins administratives: a)
il définit ce qu'il entend par eaux à marée; b) dans les
autres cas - il ne distingue pas s'il s'agit d'eaux sans marée ou
à marée - il s'agit surtout d'eaux sans marée, mais il
reste aussi des eaux à marée. Il s'agit de fins administratives.
La constitution nous donne le droit de réglementer les eaux à
marée, mais le gouvernement fédéral ne les
réglemente pas toutes. Il donne un régime administratif à
certaines eaux à marée. Il donne le même régime
administratif que celui des eaux sans marée.
D'après nos experts, j'ai passé mon examen.
M. Lincoln: Mais là...
M. Ciaccia: Tant mieux pour eux.
M. Lincoln: Cela pose plus de questions que cela ne donne de
résultats. Justement parce que, dans les eaux qui sont autres que les
eaux à marée, vous avez et des eaux sans marée et des eaux
à marée, n'est-ce pas?
M. Garon: Lorsque vous parlez d'eaux à marée,
parlez-vous d'eaux à marée au sens constitutionnel du terme ou au
sens administratif?
M. Lincoln: Je parle au sens administratif, celui que
définit le gouvernement fédéral dans ses
règlements. Il parle d'eaux à marée où il exerce sa
compétence, sa juridiction incluant la juridiction administrative que,
soit dit en passant, vous voulez changer.
M. Garon: Je ne veux rien changer. M. Lincoln: Oui,
ensuite...
M. Garon: Non, on ne change pas l'administration. Je ne peux pas
changer la constitution. Si je change la constitution, ce sera
déclaré illégal. On ne fera pas cela.
M. Lincoln: Parce que vous parlez des eaux.
M. Garon: Uniquement dans un cadre légal.
M. Lincoln: Alors là, vous parlez encore de question
administrative parce que, dans l'entente de 1922, cela parlait de question
administrative, de délégation de pouvoirs administratifs. Vous
parlez d'autres cas, c'est-à-dire le cas des eaux autres que les eaux
à marée, qui peuvent inclure des eaux avec marée, mais qui
sont principalement des eaux sans marée. Tout cela n'est pas
défini dans votre projet de loi.
M. Garon: À marée, en deux mots?
M. Lincoln: Oui, oui, on se comprend.
On en arrive au point où il n'y a aucune définition dans
votre projet de loi. Vous dépendez de la définition, en fait, du
règlement fédéral.
M. Garon: De la constitution. Nous nous référons
à la constitution, à l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique.
M. Lincoln: Pourquoi ne dites-vous pas dans le projet de loi que
les eaux sans marée et les eaux à marée sont selon la
définition de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et non
selon la définition du règlement? Là, je peux voir que
votre juriste lui-même s'est trompé. Il faudrait être
clair.
M. Ciaccia: II va vous donner une autre interprétation,
votre juriste.
M. Lincoln: Oui, oui, je sais cela... C'est cela, le point.
M. Garon: Le point, c'est que la constitution écrite, le
BNA Act, le British North America Act, comme tel, ne parle pas d'eaux à
marée. Il dit: "inland fisheries".
M. Lincoln: Oui.
M. Ciaccia: C'est le Canada Act maintenant. Ce ne n'est plus le
British North America Act.
M. Garon: Or, comme les gens se demandent: C'est quoi, les
"inland fisheries"...
M. Ciaccia: C'est le Canada Act.
M. Garon: Non, parce qu'on se réfère à
l'origine, au vrai document, au document de base.
M. Lincoln: Au document de 1867. Oui, d'accord.
M. Garon: C'est écrit: "inland fisheries".
M. Lincoln: "Inland fisheries".
M. Garon: "Inland fisheries", c'est quoi? Il a fallu que ce soit
défini. Cela a été défini par les tribunaux, au
Conseil privé.
M. Lincoln: D'accord, mais, en plus de cela, il y a des
définitions réglementaires, par règlement...
M. Garon: Oui.
M. Lincoln: ...sur la question administrative, n'est-ce pas?
M. Garon: C'est cela.
M. Lincoln: Ces définitions sont différentes de ce
que les tribunaux...
M. Garon: C'est cela.
M. Lincoln: ...ont pu statuer sur la question des "inland
fisheries".
M. Ciaccia: À laquelle vous...
M. Lincoln: Vous trouvez une différence. Mais à
laquelle vous référez-vous? C'est cela la question. Vous ne vous
référez pas... Est-ce que vous faites référence aux
règlements fédéraux? Vous ne dites rien. Tout cela est
tellement flou.
M. Garon: Nous faisons référence à la notion
physique, au sens de "inland fisheries".
M. Lincoln: D'accord. Alors, si vous faites
référence à la notion physique...
M. Garon: Telle qu'interprétée par les
tribunaux.
M. Lincoln: D'accord.
M. Garon: Le terme "inland fisheries" tel
qu'interprété par les tribunaux.
M. Lincoln: Si vous vous référez à la notion
physique, quand nous avons parlé, à l'article 1 et à
l'article 3, des eaux sans marée, si c'est la définition
physique, c'est différent de ce que vous nous avez dit à
l'article 3.
M. Garon: Je vais demander à Me Brière de vous
donner un bref résumé...
M. Lincoln: Non, non. Si vous me donnez un cours, Me
Brière, cela va être encore plus confus qu'auparavant, lorsque le
ministre interprétait pour vous. Ce que j'ai envie de vous demander, Me
Brière, c'est ceci: Quand on a parlé de l'article 1 et de
l'article 3 ce matin, j'ai fait le point, à savoir que, quand on parlait
des eaux sans marée, il y avait une proposition fédérale,
selon ce qui se discute, et le gouvernement
fédéral serait réceptif à une
négociation pour dire que les eaux sans marée définies
dans le règlement peuvent être des eaux physiquement sans
marée ou physiquement avec marée. Nous sommes d'accord. Cela
pourrait être défini en allant plus loin que le pont de
Trois-Rivières, en se rendant peut-être jusqu'à l'est de
l'île d'Orléans. On ne parle pas de mer physique ou d'eaux
physiques, on parle d'une juridiction administrative, c'est-à-dire que
certaines eaux avec marée sont visées dans ce règlement et
pourraient être définies comme eaux sans marée pour les
questions administratives. (17 heures)
Maintenant, le ministre nous dit, quand on discute de l'article 6. Ah
non, c'est la définition constitutionnelle qu'on entend par "inland
fisheries" dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. C'est une
question tout à fait différente parce que l'une est une chose et
l'autre est une autre chose. Dans l'article 6, il ne définit pas du tout
ce que c'est. Vous nous dites que c'est "terminal fisheries". Pourtant,
lorsqu'on a discuté de l'article 3, je me souviens très bien
qu'on a discuté de cette même question des eaux sans marée
et que le ministre nous a dit que c'était la définition qui
découlait des règlements fédéraux qu'il a
même cités. Il m'a même dit que, si le gouvernement
fédéral voulait étendre cela jusqu'à l'est de
l'île d'Orléans, il n'avait qu'à le faire et que
c'était à lui de le faire.
Ce n'était donc pas cela qu'il entendait par les eaux sans
marée. Est-ce que sa vision des eaux sans marée à
l'article 3 est différente de celle de l'article 6? Cela n'a pas de
sens. Cela nous inquiète encore plus.
M. Garon: Je ne comprends pas pourquoi vous êtes
inquiet.
M. Lincoln: Je suis inquiet et je ne suis pas le seul à
être inquiet. Je vous ai cité des articles de journaux. Il y a
beaucoup de gens qui sont inquiets.
M. Garon: Si vous me le permettez, je vais donner une information
purement juridique, très brièvement, indépendamment du
débat. Évidemment, la notion des eaux à marée et
des eaux sans marée est une notion physique. Je pense qu'il ne peut pas
en être autrement au point de vue constitutionnel et voici pourquoi: La
constitution reconnaît au public un droit de pêche dans les eaux
à marée. La jurisprudence a défini que seul le
gouvernement fédéral était habilité
constitutionnellement à réglementer ce droit de pêche
reconnu au public en général. Cela vient de la coutume
constitutionnelle anglaise; c'est le droit de découverte qui a
conféré cela aux premiers colons et, à partir du droit de
l'accès depuis la mer, on a reconnu - et les tribunaux ont
tranché cela en droit anglais depuis très longtemps et la
jurisprudence canadienne aussi - au public le droit de pêcher. On a dit
que, dans ces eaux où le droit public de pêche existait, seul le
gouvernement fédéral avait une compétence
législative.
Le gouvernement fédéral, fort de cette compétence
législative, peut très bien décider de faire des lignes
administratives et décider que la marée part du pont de
Trois-Rivières et ça s'arrête à tel endroit. Nous
n'avons pas cette compétence législative. C'est hors de notre
juridiction. Il nous faut donc respecter ce droit public de pêche. Or, ce
droit public de pêche existe partout où il y a une marée.
On ne pourrait pas prétendre donner des droits exclusifs de pêche
à un endroit où il y a une marée, même si le
règlement fédéral exclut cet endroit-là de la
réglementation fédérale. Il y a un droit qui est
supérieur à notre juridiction qui est celui du public de
pêcher dans toutes les eaux à marée, entendant les eaux
physiquement à marée. Cela limite notre juridiction même
comme propriétaires du lit dans ces endroits-là. Par exemple,
dans une rivière qui n'est pas énumérée dans le
règlement fédéral, nous n'aurions pas la compétence
législative pour donner à M. X un droit exclusif de pêche
parce que le droit public de pêche existe. C'est la limite importante que
je voulais souligner. Je ne sais pas si cela a ajouté de la
confusion.
M. Lincoln: Je comprends cela, mais il y a certainement une
confusion du point de vue des droits que le ministre se donne. Vous dites que
la façon de voir l'article 6 est d'interpréter ce que sont les
eaux avec ou sans marée de façon physique.
M. Garon: Dans tout le projet de loi, je soumets que c'est la
notion physique qui est en cause. Nulle part, dans ce projet de loi, quand on
parle des eaux à marée... Pour des fins d'attribution de droit,
il peut s'agir d'une définition donnée dans le règlement
fédéral mais je ne verrais pas comment.
M. Ciaccia: Admettons qu'on accepte, pour le moment, que c'est la
notion physique. Dans l'article 1, le ministre se donne le droit de proposer un
programme au gouvernement dans les eaux sans marée. Maintenant, dans
l'article 2, le gouvernement peut modifier ce programme; on ne dit pas comment;
on ne dit pas s'il s'agit des eaux à marée ou des eaux sans
marée. On dit qu'il peut modifier ce programme.
M. Garon: Mais le programme ne porte que sur les eaux sans
marée.
M. Ciaccia: Oui, mais il peut le modifier.
M. Garon: Vous voulez dire l'étendre, par exemple, aux
eaux sans marée.
M. Ciaccia: Oui, le gouvernement pourrait le faire.
M. Garon: Ce serait inconstitutionnel.
M. Ciaccia: On ne l'en empêche pas par ce projet de loi. On
ne limite pas le pouvoir d'approuver le programme ou non. On va même plus
loin.
M. Garon: On lit la loi en présumant qu'elle est conforme
à la constitution.
M. Ciaccia: Oui mais on va même plus loin. On dit qu'on
doit présumer qu'elle va être conforme.
M. Garon: C'est une règle d'interprétation.
M. Ciaccia: On va dans l'article 4, puis là on fait
référence aux eaux à marée. Maintenant, vous venez
de nous dire que, dans les eaux à marée, c'est la juridiction
fédérale, le droit public.
Mais dans l'article 4, c'est vrai que vous faites allusion à "la
portion de la rive qui fait partie du domaine public". Vous vous limitez
à l'endroit des eaux à marée où il y a le domaine
le public qui est propriété du Québec.
M. Garon: Sur tout ce qui suit, oui.
M. Ciaccia: Oui, mais pour y fixer des installations
destinées à la pêche commerciale. La porte est un peu
ouverte parce que, si vous lisez l'article 4, la pêche n'est pas
limitée au domaine public du Québec. Parce que si vous mettez des
installations, vous ouvrez la porte, à l'article 4, à donner un
permis destiné à la pêche commerciale plus loin que le
domaine public. Où arrêtez-vous? Alors, la porte est ouverte pour
aller un peu plus loin que X.
M. Garon: Je veux seulement attirer votre attention sur le fait
qu'à la troisième ligne avant le deuxième mot, il y a un
"y".
M. Ciaccia: Oui. "Ou y déposer des engins...
M. Garon: Oui.
M. Ciaccia: ...ou des installations destinés à la
pêche commerciale".
M. Garon: "Y fixer ou y déposer." Le "y", c'est le domaine
public.
M. Ciaccia: Oui, oui, mais vous mettez...
M. Garon: Alors, cela ne peut pas aller au-delà du domaine
public.
M. Ciaccia: Les installations... M. Garon: Oui.
M. Ciaccia: ...peuvent être déposées
là, mais la pêche peut être plus loin que le domaine public,
dans l'article 4. C'est vrai que l'installation sera faite sur le domaine
public.
M. Garon: D'accord.
M. Ciaccia: Mais la pêche n'arrêtera pas là.
Le type va continuer avec son bateau et le reste. Je ne sais pas tous les
détails, je ne suis pas un expert dans la pêche.
M. Garon: Seulement une précision, si vous le
permettez...
M. Ciaccia: Oui.
M. Garon: ...là-dessus, parce que je pense que c'est
important. La jurisprudence a reconnu un droit public de pêche, c'est
sûr. La seule compétence ou la seule juridiction que la
jurisprudence a reconnue aux provinces, c'est celle qui concerne les engins qui
sont déposés sur le fond.
M. Ciaccia: Oui.
M. Garon: Donc, c'est l'utilisation ou c'est l'occupation, si
vous voulez, de la juridiction, telle que la jurisprudence l'a reconnue aux
provinces.
M. Ciaccia: Bon, très bien.
M. Garon: Donc, on peut régir les engins
déposés sur le fond, mais on ne peut pas régir la
pêche. Le poisson qui passe tout droit, on ne peut pas s'en occuper.
M. Ciaccia: Vous ne pouvez pas la régir, mais vous la
limitez. Moi, je fais une distinction entre ce que les tribunaux ont
interprété et une loi qui pourrait être
interprétée par son libellé au-delà des droits qui
nous ont été accordés soit par la constitution ou par les
tribunaux. Ce que nous essayons de faire ici aujourd'hui, c'est nous assurer
que le libellé de vos articles se conforme à la loi telle qu'elle
a été interprétée par les tribunaux, par la
constitution, et ne va pas plus loin pour ne pas ouvrir la porte aux conflits
juridictionnels, à des contestations qui pourraient, dans ce
cas-là, aller à l'encontre des intérêts du
Québec parce qu'il y a certains endroits maintenant qui sont ouverts
à la négociation. Si jamais il y avait des procédures qui
fixaient les droits, disant:
Bon, vous n'avez pas ce droit-là, on serait beaucoup plus
limités et cela nous enlèverait notre pouvoir de
négociation.
Ce que je vous suggère, c'est que le libellé de l'article
6, qui n'est pas limitatif, sauf de dire "programme approuvé par le
gouvernement", ne limite aucunement l'octroi des concessions aux eaux à
marée si on le lit avec les articles 1, 2, 4 et 5. Vous ouvrez la porte
complètement. Peut-être que ce n'est pas l'intention du ministre
actuel de le faire, mais on ne légifère pas seulement pour le
ministre actuel, il peut changer de ministère. C'est cela que la loi
dit. Cela ouvre la porte à ce conflit, cela ouvre la porte à une
interprétation qui pourrait être déclarée
légale et cela ouvre la porte à ce genre d'interprétation
qui n'est pas conforme aux décisions des tribunaux ou à la
constitution.
M. Garon: Si vous me le permettez, techniquement encore, si un
gouvernement ou un ministre donnait une interprétation disons ultra
vires de l'une ou l'autre de ces dispositions en prétendant l'appliquer
à un cas où elle n'est pas applicable constitutionnellement, ce
que je vous suggère, c'est que la loi serait alors
déclarée invalide, quant à son applicabilité
à ce cas; elle ne serait pas nécessairement
déclarée invalide elle-même, n'est-ce pas?
M. Ciaccia: Non.
M. Garon: Elle serait déclarée inapplicable pour
des raisons constitutionnelles.
M. Ciaccia: Elle serait inapplicable à ce cas. Selon le
cas, cela pourrait établir un principe non seulement pour ce cas, mais
pour la situation que ce cas représente qui serait exactement ce qu'on
ne veut pas. C'est cela qu'on recherche. Lorsque vous dites que c'est
l'intention de l'appliquer en tenant compte de la constitution, il peut y avoir
des différences d'opinions.
M. Garon: Je n'ai pas exprimé d'intentions puisque je n'en
ai pas.
M. Ciaccia: Je comprends, vous parlez comme juriste.
M. Garon: Ce que je veux vous souligner, c'est cela.
M. Ciaccia: Nous parlons comme politico-juristes,
politico-juridiquement. Il faut tenir compte de l'application de l'aspect
juridique par les politiciens; on ne peut pas faire autrement. On essaie de
limiter cela et de le rendre aussi clair, aussi peu ambigu et peu ouvert
à des interprétations conflictuelles que possible. On dit que,
selon la façon dont c'est libellé maintenant, c'est plus que
possible de l'interpréter facilement d'une façon qui serait
conflictuelle avec la juridiction fédérale.
M. Garon: Je vais donner un exemple. Le Code du travail tel que
libellé, on pourrait prétendre l'appliquer à une
société qui exerce des activités dans une aire de
juridiction fédérale, comme Bell Canada ou un poste de radio ou
de télévision, et on se ferait dire par les tribunaux que cela
n'est pas applicable. Par analogie, c'est un peu la même chose ici.
M. Ciaccia: Excepté que votre exemple n'est pas bon; on
n'a pas ces problèmes avec le Code du travail. À ma connaissance,
personne n'a soulevé de questions de juridiction récemment.
M. Garon: Ah oui, très souvent!
M. Ciaccia: Très souvent, mais non pas de la
façon...
M. Garon: Ah, peut-être.
M. Ciaccia: Nous ne sommes pas dans les mêmes
problèmes pratico-pratiques, comme dans les pêcheries, où
nous avons un véritable problème conflictuel.
M. Garon: C'est concurrent, bien sûr.
M. Ciaccia: On sait qu'il y a un conflit, qu'il y a des
problèmes des différences d'opinions. Nous ne pouvons pas faire
autrement qu'interpréter la loi en tenant compte...
M. Garon: Oui, avec cela en arrière-plan.
M. Ciaccia: ...de ce qui se passe dans le champ entre les
différents ministres.
M. Garon: On peut toujours regarder cela aussi comme des lois,
des juridictions complémentaires qui fonctionnent ensemble. Nous sommes
toujours prêts à administrer une entente équivalente
à l'entente de 1922, ce n'est pas notre faute s'il n'y en a plus.
M. Ciaccia: Je viens d'entendre le député de
Beauharnois dire qu'on serait mieux souverains. C'est exactement cette
idée qui nous porte à être beaucoup plus prudents dans
l'interprétation des articles. On sait l'intention exprimée par
le député de Beauharnois.
M. Garon: II ne faut pas oublier que c'est Jean Lesage qui a
adopté la Loi de la pêche, chapitre 203 des statuts refondus de
l'époque, ou 11-12 Elizabeth II, chapitre 39.
C'est tout de même lui qui, à ce moment, a fait une loi sur
la pêche au Québec, qui, par inadvertance, complaisance ou
ignorance, a été abrogée par le chef de l'Union Nationale
c'est-à-dire qu'il n'était pas chef de l'Union Nationale à
ce moment; il était ministre du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche - M. Loubier. Cela a été sanctionné par la
suite par le gouvernement Bourassa, comme nous a dit M. Gérard D.
Levesque l'autre après-midi. On ne fait pas école, au fond. Si
cette loi était demeurée en vigueur, nous n'aurions pas eu besoin
d'en adopter une autre sans doute.
M. Ciaccia: Je ne sais pas si cette loi était identique
à la loi que vous proposez aujourd'hui. Là, c'est
complètement une autre affaire.
M. Garon: Nous avons été plus succincts parce que
cette loi était longue.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement à
l'article 6 est adopté?
M. Ciaccia: Un instant. Le porte-parole de l'Opposition, mon
collègue va venir...
M. Lincoln: Je veux demander au ministre si M. Brière a le
texte de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Je
veux voir quelque chose.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'amendement est
adopté?
M. Ciaccia: Avec le "s".
M. Lincoln: Avec le "s", il n'y a pas de problème.
M. Garon: Nous vous remercions de votre audace. (17 h 15)
M. Ciaccia: On ne peut être trop prudent.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 6 est
adopté?
M. Lincoln: Sur division.
Le Président (M. Desbiens): Tel qu'amendé sur
division.
L'article 7? Est-ce que l'article 7 est adopté? Y a-t-il des
amendements à l'article 7?
M. Garon: Non.
M. Lincoln: Non, il n'y a pas d'amendement à l'article 7.
Il n'y a pas de "s" ou de "t" à ajouter. "Le ministre choisit les
concessionnaires selon des critères et une procédure qu'il
détermine. Ces critères et cette procédure sont rendus
publics de la manière que fixe le ministre."
Est-ce que vous incluez les concessions selon l'article 4?
M. Garon: Pardon?
M. Lincoln: Est-ce que vous incluez les concessions selon
l'article 4?
M. Garon: Toutes les concessions.
M. Lincoln: Cela inclut les concessions dans les territoires
à marée?
M. Garon: Qui.
M. Lincoln: Alors, vous choisissez les concessionnaires selon des
critères et une procédure que vous déterminez et ils sont
rendus publics de la manière que fixe le ministre.
M. Ciaccia: Vous n'êtes pas gêné.
M. Lincoln: Vous ne vous gênez pas du tout. Il y a une
discrétion presque ouverte. Vous pouvez choisir les concessionnaires.
Quels sont les critères? Comment les déterminez-vous. Faites-vous
cela par lettre de cachet, comme les grands seigneurs d'antan, les monarques?
Comment cela se produit-il? Vous donnez même des concessions, selon
l'article 4, dans les eaux à marée. Comme travaillent-elles, vos
fameuses concessions dans les eaux à marée, parce que, dans les
eaux à marée, vous dites que vous avez des droits sur tout ce qui
est déposé sur le lit de la mer. Qu'arrive-t-il? Vous donnez des
concessions ou quoi? Quelles sont ces concessions? Pouvez-vous dire, par
exemple, qu'un groupe de pêcheurs, une organisation, une
coopérative ou un pêcheur a droit à une concession
territoriale sur un coin quelconque où lui ou un groupe ou une
coopérative pourrait aller pêcher de façon exclusive?
Est-ce le droit dont vous vous prévalez?
M. Garon: Je pense qu'il faut lire tous les articles. Il ne faut
pas en lire seulement un. L'article 7 dit: "Le ministre choisit les
concessionnaires selon des critères et une procédure qu'il
détermine." C'est pour le choix, pour choisir les concessionnaires. "Ces
critères et cette procédure sont rendus publics de la
manière que fixe le ministre."
Il ne faut oublier l'article 8, où l'on dit: "Lors de l'octroi
d'une concession, le ministre peut prescrire toute condition, restriction ou
interdiction qu'il juge à propos. Le concessionnaire est en outre
assujetti à toute condition, restriction ou interdiction que le
gouvernement peut fixer par règlement."
M. Ciaccia: C'est encore pire.
M. Lincoln: C'est encore pire. On ne sait pas du tout ce que cela
va être.
M. Garon: Mais non, il va y avoir des concessions. Par
règlement, il peut y avoir des conditions particulières
fixées par le ministre. D'une façon générale, les
conditions qu'il va y avoir seront fixées par le règlement. On
dit: "Le ministre choisit les concessionnaires selon des critères et une
procédure qu'il détermine." Au fond, on avait déjà
une procédure et la nouvelle procédure va lui ressembler.
M. Lincoln: Pour revenir à ces concessionnaires, parce que
ce qui nous tracasse surtout, c'est l'article 4 où vous donnez des
droits dans les eaux à marée qui sont clairement du domaine
fédéral, où c'est sûr qu'on va aller dans une
situation de confrontation. Vous dites - "concéder le droit d'utiliser
la portion de la rive ou du lit", à l'article 4. Là, vous vous
donnez le droit de concéder des droits d'utilisation. Vous
régissez comment cela va se passer quand vous allez donner ces
concessions. On vous demande: Est-ce que vous pouvez me donner un exemple?
Est-ce que vous allez dire, par exemple, à quelqu'un: Écoutez,
nous, on va vous donner une concession au large, je ne sais pas, de la
Côte-Nord, de la Gaspésie, ou au large de Matane; on donne une
concession à X coopératives ou groupes de pêcheurs, etc.
Est-ce que c'est cela, le genre de concessions que vous allez donner? Qu'est-ce
que c'est que ces concessions? Comment cela va-t-il se donner? Est-ce que ce
sont des concessions de droits de pêche que vous allez peut-être
donner à un groupe d'un certain endroit, à un autre d'un autre
endroit, un droit de pêche pour certains types d'espèces? Comment
cela va-t-il se pratiquer exactement? Est-ce que vous pouvez nous donner des
exemples?
M. Garon: Oui. On va déterminer de quelle façon on
va faire le choix des concessionnaires.
M. Lincoln: Je parle de la pêche dans les eaux à
marée, là.
M. Garon: Oui. C'est cela.
M. Lincoln: Alors, qu'allez-vous dire? Vous allez dire: Dans
certaines limites territoriales, il n'y a, par exemple, qu'un groupe de
pêcheurs de X qui pourra aller pêcher là. Les
pêcheurs, disons, du Nouveau-Brunswick ne vont pas être admis dans
cette concession. C'est ce genre de chose que vous allez faire?
M. Garon: Je n'ai pas dit cela.
M. Lincoln: Non, mais je vous le demande.
M. Garon: II va falloir faire une demande. Il y aura des
comités de sélection des concessionnaires avec des gens du
ministère et j'ai l'intention de demander aussi à des gens, des
pêcheurs de participer localement à l'émission des permis.
Cela se fera publiquement et non pas clandestinement. Maintenant, il va falloir
cartographier davantage le sous-sol - on l'a fait dans le passé - pour
déterminer des endroits plus précis. Si des gens, par exemple,
veulent utiliser le fond marin pour faire une pêche de telle
espèce, on va permettre aux pêcheurs de poser leurs agrès
ou leurs engins fixes, si c'est au sol, selon telle ou telle modalité,
de fixer tant d'agrès.
M. Lincoln: Dans un territoire précis, d'après ce
que vous dites.
M. Garon: Cela va dépendre du type de pêche. Selon
certains types de pêche, cela va être plus précis et, pour
d'autres types de pêche, cela va être moins précis.
M. Lincoln: Là, vous allez avoir le pouvoir de
déterminer des concessions territoriales, le droit de fixer les limites,
les critères, tout ce qui va avoir trait à ces concessions, par
des règlements qu'on ne connaît même pas. Vous, vous nous
dites: Voilà, c'est dans la loi. Il faut accepter cela selon votre bonne
foi. Si vous étiez de très bonne foi, d'accord. Qu'est-ce qui
arrive...
M. Garon: Vous pensez que je ne suis pas de bonne foi?
M. Lincoln: Non, admettons que vous soyez de bonne foi.
Là, on parle d'une loi. Vous vous donnez des pouvoirs presque immenses
de décider qui va avoir une concession, comment vous allez
délimiter ces concessions par des règlements, qui peuvent
être changés. On s'en souvient, les règlements peuvent
être changés d'un jour à l'autre. Vous n'avez pas besoin de
changer la loi pour changer les règlements. D'un jour à l'autre,
vous pouvez peut-être décider, vous, qui sont les gens que vous
allez favoriser avec les concessions, qui sont les gens que vous n'allez pas
favoriser avec les concessions. Est-ce que vous croyez que là on n'entre
pas, avec l'article 4, l'article 7, dans un système qui doit
obligatoirement aboutir à une confrontation quelconque, à une
contestation? Disons que vous donnez une concession à quelqu'un dans un
territoire limité pour aller déposer ses agrès, comme vous
dites, ou fixer ses agrès, et qu'un pêcheur d'outre-province, ou
un pêcheur qui décide après avoir parlé avec son
avocat qu'il n'a pas besoin d'avoir votre permis
comme concessionnaire, va pêcher dans cette concession. Qu'est-ce
que vous faites à ce moment? Vous saisissez, vous appliquez les
pénalités? Est-ce que vous êtes sûr de ne pas aller
en cour, tester cela encore? On va adopter une loi sans savoir du tout, parce
que vous ne voulez même pas nous le dire, quels sont les critères
dont vous allez vous servir. Vous dites que c'est la même chose
qu'à présent. Mais tout cela est nouveau. Avant, vous ne donniez
pas de concessions dans les eaux à marée. Tout cela est
nouveau.
M. Garon: Oui.
M. Lincoln: Quand les avez-vous données? Quelles
concessions avez-vous données avant aujourd'hui?
M. Garon: On les donnait avant. Quand on donnait des permis de
pêche, les deux choses étaient incluses dans le même
processus. La seule chose, actuellement, c'est qu'on ne donnera pas de
contingents, on ne donnera pas de permis de pêche. On va donner un droit,
un permis d'utiliser des fonds marins avec un certain nombre d'agrès, en
spécifiant les agrès. On va pouvoir spécifier aussi, selon
le type de pêche et avec plus ou moins de précision, dans quelle
partie du territoire marin le pêcheur pourra poser ses agrès au
sol.
M. Lincoln: Alors, quelqu'un aura une concession de fond marin
comme s'il avait une ferme. Il aura ses frontières, ses limites, sa
concession sur le fond marin, sur le sol marin. Il va avoir une concession.
Qu'est-ce qui arrive - c'est cela qu'on vous demande -si un pêcheur
d'ailleurs - même un pêcheur québécois - venait
déposer des agrès à côté, un pêcheur
qui a un permis fédéral ou un pêcheur qui a un permis de
Terre-Neuve, etc?
M. Garon: S'il est dans le territoire québécois,
cela va lui prendre un permis québécois.
M. Lincoln: Mais aujourd'hui? M. Garon: Une
concession.
M. Lincoln: Aujourd'hui, aujourd'hui? Ce même pêcheur
qui vient pêcher ici n'a jamais eu besoin de permis
québécois, n'est-ce pas? Qu'est-ce qui arrive aux pêcheurs
du Québec qui vont pêcher de l'autre côté de cette
ligne de démarcation invisible? Est-ce que vous croyez que les
pêcheurs des autres provinces qui viennent pêcher chez nous sans
permis du Québec depuis des générations, parce que vous
allez donner des concessions selon vos critères à vous,
d'après des règlements qu'on ne connaît même pas,
vont accepter de laisser des pêcheurs québécois aller
pêcher? Est-ce qu'eux aussi vont faire leurs petites barrières
invisibles? C'est sûr que cela va finir par une affaire juridique. Est-ce
que c'est cela que vous cherchez?
M. Garon: Non, non.
M. Lincoln: Mais comment pouvez-vous éviter cela?
M. Garon: Quelle est la différence? Quand on donnait des
permis de pêche au homard, on donnait le permis de poser tant de cages
à homard dans telle baie. C'est cela qu'on faisait. Là, le
gouvernement fédéral va pouvoir seulement donner des permis de
pêche au homard et ne pourra pas donner le permis de poser des cages
à homard sur notre fond. C'est à nous qu'il faudra demander le
permis de pouvoir utiliser le fond marin.
M. Lincoln: II y a toute une différence. Avant, on a eu
une rétrocession - en 1922 -de la question administrative qui
était purement donnée au Québec, à 100%.
Après, cela a été retiré. En 1982, 1983, enfin,
cela a été retiré. Le gouvernement fédéral a
repris sa juridiction et, selon son intention sans doute et selon sa vision des
choses, il contrôle les permis. Là, vous dites: Ah non, il ne
contrôle plus les permis, comme, en fait, il le fait dans toutes les
autres provinces, en Nouvelle-Écosse, etc. Il a retiré sa
délégation de pouvoir administratif. Il l'a retirée et il
la reprend. À tort ou à raison, on va laisser cela de
côté. Son job a été fait comme cela. Peut-être
que cela aurait dû être fait tout à fait différemment
ou ne pas être fait du tout, mais, enfin, cela a été fait.
Là, il la retire.
La différence, c'est que vous, vous dites: On va maintenant
émettre des permis pour le fond marin, parce que c'est nous qui le
contrôlons si, par exemple, il y a des agrès, des engins ou des
installations qui y sont déposés. C'est une chose tout à
fait différente. À ce moment-là, il faut que le
fédéral accepte le fait que le fond marin appartient au
Québec et que les autres provinces acceptent que le fond marin de baies
contiguës, par exemple, la baie des Chaleurs, appartient au Québec.
Mais ce n'est pas...
M. Garon: Ils n'ont pas à accepter. C'est une question de
fait, de droit. Le fond marin appartient au Québec et on n'a pas de
permission à demander à personne. C'est du domaine public
québécois. (17 h 30)
M. Lincoln: M. le ministre, je vous ai cité les
études du professeur Brun. Je vous ai cité les
déclarations qu'a faites M. Jacques-Yvan Morin.
M. Garon: Lui, il trace une limite. Il dit: Le domaine public
québécois ne va pas plus loin que tel endroit.
M. Lincoln: Exactement. M. Garon: Oui, oui.
M. Lincoln: Exactement, c'est là toute la question, mais
vous, vous ne tracez pas de limite. Dans votre tête, vous avez une limite
que vous avez sûrement tracée avec vos fonctionnaires. Vous avez
dû tracer de petites limites et je suis sûr que votre limite ne va
pas être restrictive. Cela va être une limite dans le domaine du
possible. Dans votre tête, vous avez des limites que vous allez
peut-être établir dans vos règlements qu'on ne
connaît pas. Là, vous avez des limites sûrement à
vous qui vont beaucoup plus loin que les limites qui sont, par exemple,
concédées dans l'étude du professeur Brun ou même
dans celle de M. Jacques-Yvan Morin, des limites qui vont peut-être aller
au-delà des Îles-de-la-Madeleine, au milieu de la baie des
Chaleurs, etc. Qu'est-ce qui se passe, à ce moment-là, si vous
avez des concessions dans des limites qui n'ont jamais été
considérées comme une partie du territoire marin du
Québec?
Vous dites: Non, ce fond-là nous appartient. Ne pensez-vous pas
qu'automatiquement cela finit par une bagarre juridique qui va se régler
en cour? Pouvez-vous éviter cela d'une façon ou d'une autre,
parce que cela va se passer presque tout de suite aussitôt que la loi
sera adoptée? Ou bien, à ce moment-là, définissez
ce que vous entendez. Ou bien un ou bien l'autre. Si, réellement, vous
êtes tellement sûr que le fond marin vous appartient, qu'il est du
domaine public du Québec et que vous voyez le domaine public du
Québec comme beaucoup plus grand que les experts constitutionnels, comme
le professeur Brun, l'ont vu, à ce moment-là, dites-le dans votre
loi. Mais non, vous ne voulez pas dire cela dans votre loi de peur que,
justement, ce soit testé en cour. C'est l'un ou l'autre.
Là, on ne sait pas de quoi on parle. Pas du tout. Vous voulez
qu'on accepte un projet de loi qui dit: Bon! Vous allez donner des concessions.
Vous allez limiter le nombre de concessions. Vous allez décider quelles
espèces, etc., pourvu que cela touche le fond marin, mais on ne sait
même pas où, quand ni comment. Le règlement va arriver
après. Cela n'a pas de sens. Là, on est obligé d'accepter
cela sur votre bonne foi personnelle.
M. Garon: Ce n'est pas cet article-là qui détermine
cela. L'article 7 dit ceci...
M. Lincoln: C'est l'article 4.
M. Garon: ..."Le ministre choisit les concessionnaires selon des
critères et une procédure qu'il détermine." On dit qui va
être concessionnaire. "Ces critères et cette procédure sont
rendus publics de la manière que fixe le ministre." C'est tout.
Là, on parle seulement du choix des concessionnaires. Les autres
conditions, cela vient aux articles 8, 9, 10 et 11, mais, à l'article 7
qu'on étudie actuellement, il s'agit seulement du choix des
concessionnaires et de la procédure pour choisir les
concessionnaires.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne suis pas tout à
fait d'accord avec l'interprétation du ministre. L'article 8...
M. Garon: On est à l'article 7.
M. Ciaccia: On est à l'article 7, mais vous avez dit que
les autres conditions viennent à l'article 8. L'article 8 ne restreint
pas le pouvoir arbitraire du ministre. Vous dites que le concessionnaire va
être assujetti à toute autre condition, restriction ou
interdiction que le gouvernement peut fixer par règlement. Ce n'est pas
une obligation. Peut-être que le gouvernement va les fixer ou
peut-être pas. Mais les articles 7 et 8, même si vous les lisez
tous les deux ensemble, donnent un pouvoir arbitraire complet au ministre. J'ai
rarement vu cela. Je ne peux pas penser à une autre loi où le
pouvoir du ministre est si arbitaire et si discrétionnaire que cela.
Vous n'avez pas d'obligation que ce soit fait publiquement. Je ne doute pas du
tout de votre bonne foi, mais seulement le processus normal de donner ce genre
de pouvoir - vous allez fixer les procédures, fixer les critères,
vous allez déterminer - c'est un précédent dangereux,
même pour...
M. Garon: La loi fédérale.
M. Ciaccia: Je ne parle pas de la loi fédérale.
M. Garon: Non, non, mais on est dans le même domaine.
M. Ciaccia: Non, non, je veux vous parler de la loi du
Québec.
M. Garon: Je vais vous lire la loi fédérale pour
vous donner une idée de ce qui est discrétionnaire ou non.
M. Ciaccia: Peut-être qu'eux aussi devraient l'amender. Je
ne le sais pas.
M. Garon: La loi fédérale dit quoi? "Le ministre
peut, à sa discrétion absolue, lorsque le droit exclusif de
pêche n'existe pas déjà en vertu de la loi, émettre
des
baux de pêche, des permis pour l'exploitation des pêcheries
et des permis de pêche ou il peut en autoriser l'émission à
quelque endroit que ces pêcheries soient situées ou que les
pêches doivent se pratiquer." Vous voyez? Il peut, à sa
discrétion absolue.
M. Ciaccia: Oui, mais vous avez le même pouvoir
discrétionnaire. Je ne comprends pas que vous citiez cette loi. Je pense
qu'une partie de votre problème, c'est que vous vous plaignez de la
façon dont le gouvernement fédéral agit dans ce dossier.
J'espère que vous ne prenez pas comme exemple la loi
fédérale contre laquelle vous vous plaigniez déjà.
Cela ne sert à rien de répéter les erreurs des autres. Je
trouve que c'est dangereux, même comme précédent, dans une
loi au Québec de donner ce genre de discrétion au ministre. Ce
n'est pas comme si vous étiez le président d'une
société privée. On peut inclure cela dans les
règlements. Le président peut donner des concessions et faire ce
qu'il veut. Nous sommes dans le domaine des fonds publics.
M. Garon: Quand je suis arrivé dans le domaine des
pêches, on tirait les permis de pêche dans un chapeau. J'ai
été le premier à établir une procédure
écrite au Québec discutée avec les pêcheurs et
rendue publique. J'ai inclus dans cette loi le même critère. "Le
ministre choisit les concessionnaires selon des critères et une
procédure qu'il détermine."
M. Ciaccia: Vous ne dites même pas qu'il doit la rendre
publique.
M. Garon: Oui, oui.
M. Ciaccia: Où le dites-vous?
M. Garon: "Ces critères et cette procédure sont
rendus publics de la manière que fixe le ministre."
M. Ciaccia: Oui, de la manière que vous le fixez.
M. Garon: Oui, de la manière que je le fixe!
M. Ciaccia: Vous pouvez fixer que vous allez...
M. Garon: Je peux le faire paraître dans les journaux.
M. Ciaccia: Supposons que ce n'est pas vous le ministre, pour un
instant. Pensez-vous que donner des pouvoirs aussi larges que cela à un
ministre peut ouvrir la porte à toutes sortes d'abus? On veut vous
protéger contre vous-même.
M. Garon: Oui. C'est émis de cette façon. Je vais
vous dire pourquoi. On dit: "Ces critères et cette procédure
seront rendus publics,"; si on n'avait pas marqué "de la manière
que fixe le ministre", automatiquement c'était la Gazette officielle.
Sur la Côte-Nord, la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine,
la Gazette officielle n'est peut-être pas la lecture la plus
courante.
M. Ciaccia: Même à Montréal et à
Québec.
M. Garon: Oui, nulle part. Alors...
M. Ciaccia: Cela n'a pas la même cote qu'Allo-Police.
M. Garon: ...on dit: "de la manière que fixe le ministre"
parce que ce sera une manière plus accessible au public que la Gazette
officielle. Ce sera sans doute dans notre revue.
M. Ciaccia: On vous souligne les dangers. On a le même
problème aux articles 7 et 8. Il doit y avoir d'autres moyens de choisir
les concessionnaires sans vous atribuer ces pouvoirs artitraires,
discrétionnaires que vous avez.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 7 est
adopté?
M. Ciaccia: Non.
Le Président (M. Desbiens): Sur division?
M. Ciaccia: Absolument.
Le Président (M. Desbiens): L'article 7 est adopté
sur division. J'appelle l'article 8.
M. Lincoln: À l'article 8, c'est exactement la même
chose. Vous vous donnez un droit presque illimité, arbitraire et vous ne
faites aucune distinction entre les eaux à marée et les eaux qui
ne le sont pas.
M. Ciaccia: J'ai l'impresssion qu'avec ce projet de loi vous vous
préparez pour faire une vraie guerre au fédéral. Vous
direz ensuite: La loi me donne ce droit; le fédéral dit non et
là, cela va éclater. On verra.
M. Garon: Je suis un homme pacifique.
Une voix: Le ministre des Affaires intergouvernementales l'a dit
tantôt.
M. Ciaccia: Vous allez mener une guerre pacifique. Cela ne sera
pas violent.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que
l'article 8 est aussi adopté sur division?
M. Lincoln: Non. Cela vaut la peine d'en parler au ministre. Ce
qui nous tracasse avec ces histoires, c'est tout ce qu'il y a autour de cela.
Cela tracasse sans doute des gens comme Raymond Giroux et M. Fessou du Soleil,
qui parlent de la même chose. Vous avez dit en Chambre que le ministre de
l'Éducation, M. Laurin, n'avait pas dit ou qu'il ne s'était pas
expliqué... Pourtant, il parle de ce projet de loi 48 comme de la
première étape du conflit constitutionnel que le comité
sur la question nationale a décidé de mettre en marche. Il dit
que c'est la première étape. Vous dites: Non, ce n'est pas cela.
Mais, en fait, c'est lui qui l'a déclaré à la Presse et
c'est ce qui nous rend bien craintifs. C'est justement une façon de
faire une bataille constitutionnelle et de chercher la bagarre. Est-ce que vous
niez que le ministre de l'Éducation, M. Laurin, ait dit cela?
M. Garon: Pardon?
M. Lincoln: M. le ministre de l'Éducation a dit que la loi
48 faisait partie des discussions de votre comité.
M. Garon: Tout ce que j'ai dit, c'est que je n'étais pas
à l'entrevue qui a eu lieu entre le journaliste et M. Laurin. Je peux
vous dire une chose, c'est que ce que j'ai lu dans le journal La Presse n'est
pas exact. Cette loi a été faite au ministère avec les
juristes, quelques conseillers du ministère qui connaissent les
pêches et moi. Je peux vous dire que le comité sur la question
nationale, tel que vous le mentionnez, n'a aucunement participé à
l'élaboration de cette loi.
M. Lincoln: On n'a pas dit qu'il a participé à
l'élaboration de la loi. Mais il dit: "C'est aussi de lui, ajoute-t-il,
que vient la loi Garon pour contrer le plan De Bané." Il parle de
l'idée de la chose. Il en a sûrement parlé; sinon, comment
se fait-il que le ministre qu'on a tous cité en Chambre quand on a fait
le débat n'ait pas nié cette déclaration?
M. Garon: L'idée de la chose s'est faite la journée
même de la déclaration de M. De Bané, le 11 juillet.
À la suite de sa déclaration, j'ai donné une
conférence de presse au téléphone aux journalistes qui
m'appelaient là-bas. Je n'ai pas voulu donner d'entrevue à la
télévision parce je prenais une semaine de vacances; je n'avais
pas envie de donner une entrevue en shorts ou en costume de bain. La même
journée, en après-midi, j'ai téléphoné au
bureau pour parler à M. Boudreau qui était ici tout à
l'heure et à des gens de mon cabinet pour que les travaux commencent
immédiatement concernant un projet de loi où le Québec
occuperait les juridictions qui étaient siennes et qu'il aurait
occupées en 1922 s'il n'y avait pas eu d'entente.
À ce moment, j'ai parlé des différents points de
droit parce que j'avais déjà eu l'occasion d'étudier ces
questions. Un comité de travail s'est mis à l'ouvrage qui,
d'ailleurs, s'est réuni avant mon retour de
l'Île-du-Prince-Édouard où il y avait une conférence
fédérale-provinciale sur l'agriculture. Ensuite, je peux
même vous dire que j'ai téléphoné directement de
l'Île-du-Prince-Édouard à Me Brière. Il n'y avait
pas de comité sur la question nationale. Le comité sur la
question nationale a été formé après
Pointe-au-Pic...
M. LeMay: Après Gatineau.
M. Garon: Non. Après Pointe-au-Pic.
M. Lincoln: Vous avez tellement de conférences au sommet
que vous ne vous souvenez même plus si c'est Gatineau, si c'est
Pointe-au-Pic, si c'est Compton.
M. Garon: C'était un caucus à Gatineau. Non, non,
c'était à Pointe-au-Pic. Je peux vous dire que le comité
sur la question nationale n'a jamais étudié cette question sauf
que les gens, quand j'ai présenté ce projet de loi au Conseil des
ministres... Il y a beaucoup de travail là-dedans; ne nous trompons pas,
il y a beaucoup d'ouvrage dans les deux projets de loi 48 et 49.
M. Ciaccia: Quand vous avez fait référence à
l'article 8 - parce qu'on disait que vous aviez trop de pouvoirs à
l'article 7 - vous avez dit: Bien non, il faut lire l'article 7 avec l'article
8. Dans l'article 7, vous dites que vous allez choisir les concessionnaires
selon des critères et une procédure que vous déterminerez.
Et, dans l'article 8, vous dites: Même quand j'aurai
déterminé, je peux prescrire les conditions, les restrictions,
les interdictions que je juge à propos. Ce n'est pas vraiment limitatif
à votre discrétion. Dans l'article 7, vous dites: J'ai la
discrétion; dans l'article 8, vous dites: Je peux exercer cette
discrétion de la façon que je veux, de la manière que je
veux. Ce n'est pas encourageant. C'est en plus des pouvoirs qui peuvent
créer des difficultés constitutionnelles.
M. Garon: Non. C'est la coutume, dans le secteur des
pêches, de donner des pouvoirs assez importants au ministre.
M. Ciaccia: Dit le ministre des Pêcheries.
M. Garon: Par ailleurs, nous avons
assorti ces pouvoirs de toutes sortes de restrictions, de
procédures publiques, pour les rendre le moins discrétionnaires
possible.
M. Lincoln: Où dit-on cela?
M. Garon: Un peu partout dans la loi.
M. Lincoln: Un peu partout dans la loi?
M. Garon: Oui. À l'article 7, on dit que la
procédure et les critères doivent être rendus publics,
alors qu'au fédéral, essayez de savoir les critères.
M. Lincoln: Écoutez, M. le ministre, nous sommes au
provincial.
M. Garon: Vous n'en trouverez pas. (17 h 45)
M. Lincoln: Pour ce qui est du fédéral, vous
pourrez demander à M. Léger d'aller poser la question s'il se
fait élire. Mais là "le concessionnaire est assujetti à
toute restriction que le gouvernement peut fixer par règlement". Vous
pouvez faire des règlements n'importe quel jour, vous pouvez les changer
n'importe quel jour, c'est-à-dire que vous avez une discrétion
presque illimitée.
M. Garon: Non. C'est écrit ici à l'article 8: "Lors
de l'octroi d'une concession, le ministre peut prescrire toute condition,
restriction ou interdiction qu'il juge à propos." Il faut aussi lire le
paragraphe deuxième qui dit...
M. Ciaccia: On le lira ensemble avec vous. On va vous
écouter le lire. Vous le lirez sans rire, par exemple.
M. Garon: "Le concessionnaire est en outre assujetti...
M. Ciaccia: Non seulement assujetti à votre caprice, en
plus de cela il va être assujetti aux caprices du gouvernement si le
gouvernement désire être capricieux. C'est cela que le tout
dit.
M. Garon: ...à toute condition, restriction ou
interdiction que le gouvernement peut fixer par règlement." C'est
évident que le gros des conditions va être dans le
règlement du gouvernement. S'il y en a d'autres qui peuvent être
nécessaires en dehors des conditions du gouvernement, il s'agira de les
mettre dans les conditions faites par le ministre en émettant le permis.
Mais je peux vous dire une chose: Je n'en ai jamais émis dans le
passé. Quand j'ai administré des règlements dans le
passé... À toutes fins utiles, il faut être
réaliste, de la manière que cela se fait il s'agit sans doute de
milliers de permis. Premièrement, ce n'est pas moi qui les
émets.
M. Ciaccia: Lisez donc l'article 9, en plus.
M. Garon: Vous savez bien que concrètement je ne pourrais
pas émettre des permis à tout le monde. Les permis sont
émis par des comités. Les comités vont essentiellement
mettre des conditions qui sont fixées par le gouvernement. Il peut
arriver d'une façon exceptionnelle qu'il y ait une condition
particulière pour des raisons exceptionnelles. Ce n'est pas moi qui vais
émettre les permis. Je n'ai pas le temps de faire cela. Il va y avoir
des comités qui vont appliquer la réglementation et qui vont
émettre les permis.
M. Ciaccia: C'est pire parce que vous nous dites que ce seront
les fonctionnaires qui vont pouvoir exercer toute la discrétion.
M. Garon: II va y avoir un droit d'appel.
M. Ciaccia: Lisez donc l'article 9 sans rire. Juste pour en
ajouter un peu, mais sans rire.
M. Garon: Article 9. "La durée d'une concession est de 12
mois."
M. Ciaccia: Mais "Le ministre peut toutefois fixer une
durée moindre".
M. Garon: "Le ministre peut toutefois fixer une durée
moindre". Je vais vous donner un exemple. C'est très utile. Notamment,
le député de Saguenay, qui est ici, peut apprécier. Quand
j'administrais les permis de pêche de la Côte-Nord dans le cadre du
règlement fédéral, on a découvert du crabe sur la
Côte-Nord. C'est évident que le crabe est plus payant que la
morue. Il aurait pu être dangereux pour les pêcheurs de la
Côte-Nord d'avoir un permis avec 150 cages par permis. On les a
consultés et ils ont demandé d'avoir 40 cages par permis, si ma
mémoire est bonne, d'émettre un permis de crabe à chaque
pêcheur, mais seulement avec 40 cages. Comme la pêche à la
morue sur la Côte-Nord est une pêche très
délimitée dans le temps et de courte durée,
c'est-à-dire moins de deux mois, si on donne le permis de crabe
concurremment au permis de morue, comme le crabe est plus payant que la morue,
les gens vont laisser passer la morue et vont aller pêcher le crabe au
cas où d'autres le pêcheraient avant eux et qu'à cause des
quotas la pêche arrête à un moment donné.
Ce qu'on a fait, on a dit: La pêche au crabe commence à
telle date. On a fixé une date où la pêche intensive
à la morue était terminée de sorte qu'on pouvait faire
une
saison de pêche normale, sur la Côte-Nord, beaucoup plus
longue et plus équitable pour tout le monde. Les autres savaient que,
dans cette période, ils pêchaient la morue. Quand cette
période serait passée, ils pourraient aller à la
pêche au crabe sans craindre qu'avant cette période les autres
soient à la pêche au crabe. Cela a été le bonheur de
tous les gens de la Côte-Nord. Il y avait un régime
équitable pour tout le monde et sans danger que les gens
s'enlèvent le crabe les uns les autres. C'est une condition
particulière à cause d'une ressource qui agit d'une façon
particulière dans ce territoire. Je vais vous dire que c'est à la
satisfaction de tous les gens.
Ailleurs, on m'a demandé d'appliquer le régime qu'on avait
appliqué sur la Côte-Nord. Comme sur la Côte-Nord
c'était un crabe local auquel les autres provinces n'avaient pas
accès, on pouvait faire cela et on l'a fait. Dans le bout des
Îles-de-la-Madeleine, j'ai eu beaucoup de demandes. Au lieu d'avoir sept
personnes qui ont un permis de pêche au crabe avec 150 casiers chacune et
qui vont devenir millionnaires dans l'espace de trois ou quatre ans, les gens
auraient voulu qu'on baisse le nombre de permis pour en donner à plus de
monde. J'ai été rencontré M. De Bané et je lui ai
dit que nos gens souhaitaient que, pour la pêche au crabe, au lieu
d'avoir 150 casiers qu'ils n'ont pas le temps de lever tous les jours, ce soit
75 ou 100 casiers; le nombre n'est pas encore déterminé. Je lui
ai demandé. Es-tu ouvert - quand on se parle, M. De Bané et moi,
on se tutoie parce qu'on se connaît depuis le temps de
l'université - à ce que nos permis pour la pêche au crabe
soient pour un nombre de cages moins considérable, de sorte qu'on puisse
permettre à un plus grand nombre de pêcheurs de gagner un bon
revenu avec le crabe, mais sans que cela fasse en sorte qu'on ne pêche
plus de crabe? Il a parlé à un de ses fonctionnaires, un
dénommé, M. Parsons, qui est sous-ministre adjoint, qui a dit
qu'il n'était pas capable de surveiller le nombre de cages pour la
pêche au crabe et qu'il avait peur que, si les gens avaient des permis
avec 100 cages de crabe, ils auraient 150 cages quand même.
Je trouvais cela un drôle de raisonnement. Pourquoi, alors, mettre
150 s'il n'est pas capable de les surveiller? Cela peut-être 200 quand
ils ont 150. C'est la raison qu'il a donnée. Je trouvais que cela
n'avait pas de bon sens. Idéalement, je crois qu'il aurait
été mieux que les gens aient droit à peut-être 75 ou
100 casiers et qu'on établisse le nombre parce qu'il y a des places
où il n'y pas de pêche alternative. À ce moment, au lieu
d'avoir sept pêcheurs aux Îles-de-la-Madeleine, il y en a
peut-être une douzaine ou une quinzaine.
M. Lincoln: On ne parlait pas du nombre; on parlait du temps. On
parle d'une durée à l'article 9.
M. Garon: Cela peut être cela. La ressource n'est pas
encore parfaitement connue dans le golfe. Les gens parlent beaucoup de
l'état la ressource, mais la ressource n'est pas encore tellement
connue. Il y a encore beaucoup de recherche à faire dans ce domaine. Il
y a des espèces qu'on commence à pêcher. Par exemple,
à Rimouski, on commence à pêcher les oursins et il y a un
bon marché pour cette pêche. D'après moi, nous avons des
oursins d'excellente qualité et pour lesquels nous obtenons un bon prix.
On ne pêchait pas l'oursin. Au Québec, on pêche le crabe
depuis 1968. Je me rappelle qu'avant ce temps on m'avait raconté qu'au
début des années soixante un Français était
allé sur un quai en Gaspésie et il avait vu un pêcheur qui
avait une poche de crabes sur le bout du quai. Le Français avait dit au
pêcheur: Qu'avez-vous là dedans? Il a dit: J'ai des crabes.
Sont-ils à vendre? Le pêcheur l'a regardé surpris parce que
le crabe ne se vendait pas en Gaspésie avant 1968. Il a dit: Oui.
L'autre a dit: Combien? Il a dit 1 $ pour la poche. Le Français a
donné 1 $ et il est parti avec la poche de crabes. Quand le
Français a été rendu assez loin pour ne pas qu'il
l'entende, le pêcheur dit: Est-ce que je l'ai eu à votre
goût, le Français? Il considérait qu'il avait fait un
marché extraordinaire d'avoir vendu une poche de crabes 1 $ à un
Français. Dans le fond, le Français était très
content. C'était deux personnes heureuses parce qu'une poche de crabes
pour 1 $, c'était pour rien. Mais c'était une ressource qui
n'était pas exploitée. Actuellement, on commence à
exploiter les oursins en Gaspésie. Les ressources du fleuve
Saint-Laurent ne sont pas connues véritablement.
L'autre jour, je parlais avec un restaurateur au concours du
Mérite de la restauration, qui me disait qu'il avait fait un plat
d'écrevisses extraordinaire avec des écrevisses du lac
Saint-Pierre. On me parlait, par exemple, d'un problème que j'aurais
réglé d'une autre façon. Vous êtes d'origine
italienne, j'ai une bonne histoire pour vous. On avait des problèmes
avec des oiseaux le long du canal Beauharnois. Les cultivateurs trouvent qu'il
y a trop d'oiseaux.
M. Lincoln: On est rendu dans les oiseaux!
M. Garon: C'est pour vous donner des exemples qu'on n'utilise pas
les ressources véritablement. Il y a des carouges et les cultivateurs
n'aiment pas ces oiseaux puisqu'ils mangent les grains. À un moment
donné, on a essayé de trouver un moyen pour en diminuer le
nombre. On m'a dit que les
Italiens aimaient beaucoup ces oiseaux, qu'ils allaient en faire la
chasse et qu'ils les consommaient. J'ai dit: Le mieux serait de laisser la
chasse plus libre aux Italiens parce que, s'ils aiment cette sorte d'oiseaux,
pourquoi ne pas leur permettre de les chasser? Cela ferait l'affaire des
Italiens et des cultivateurs. Les gens qui habitent dans ce territoire ne
mangent pas ces oiseaux.
M. Lavigne: Les étourneaux à épaulettes
rouges.
M. Maciocia: Est-ce que vous en avez parlé au ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche?
M. Garon: Quand on a parlé d'une réserve faunique
sur le bord du canal Beauharnois, j'ai dit: J'aimerais cela qu'on règle
ce problème. On parlait des oiseaux migrateurs, eux, ils parlaient de
les exterminer. J'ai dit: Non, n'exterminons pas ces oiseaux. Si les Italiens
trouvent qu'ils sont bons à manger, laissons-les chasser. Cela ne nous
coûtera pas une "cenne" et on n'aura rien à dépenser.
Une voix: On va attirer au moins les Italiens! On va nourrir les
Italiens!
M. Maciocia: Cela fait le bonheur des autres!
M. Garon: Non, mais je veux dire que ces ressources-là
sont peu connues au Québec. Je suis estomaqué de voir à
quel point il y a des ressources qui sont peu connues. Il y a un potentiel
considérable, mais il faut qu'il soit exploité de façon
prudente pour ne pas le dilapider.
M. Lincoln: M. le ministre, est-ce que l'on peut revenir aux
articles 8 et 9 et laisser un peu les plats d'écrevisses, d'oiseaux,
etc? Tout cela semble succulent, mais là, on parlait des pouvoirs
extraordinaires que vous vous donnez aux articles 8 et 9. Nous disons que ces
pouvoirs semblent presque illimités. Vous-même admettez qu'ils
sont très grands. Cela vous a fait rire quand vous l'avez
réalisé. Cela vous a donné une joie de penser que vous
avez des pouvoirs presque sans fin. Alors, on vous demande: Est-ce que vous ne
pensez pas qu'il y aurait une façon de décrire ces pouvoirs, de
nous laisser voir le règlement que vous préparez, pour nous
laisser savoir à quel point vous allez essayer de contrôler ces
pouvoirs immenses que vous vous donnez aux articles 8 et 9? C'est ça le
point.
M. Garon: Ce qui est mentionné dans le projet de loi, ce
sont beaucoup plus des pouvoirs si le besoin survient. Il ne s'agit pas de
poser un tas de restrictions dans les permis de la part du ministre. Cela va
être prévu dans le règlement qui va être public.
M. Lincoln: Le chef de l'Opposition, M. Levesque, vous avait
demandé si vous pourriez nous laisser voir les règlements.
M. Garon: Ils ne sont pas faits, les règlements. Ils sont
en train de travailler aux règlements. On est dans des choses nouvelles
actuellement, pour nous. Alors, on n'a pas le règlement. Ce que je peux
faire, je pourrais vous montrer de quelle façon on émettait les
permis avant, jusqu'à maintenant. Et on va essayer de prendre ce
modèle-là d'émettre des permis. Mais on va les
émettre en vertu du fond plutôt qu'en vertu de la pêche.
M. Lincoln: Alors, on parle d'une tout autre affaire. On parle
d'une concession, presque territoriale, sur le fond de la mer, dans des
territoires dont vous ne savez même pas s'ils sont à vous. Alors,
cela va être intéressant avec les pouvoirs immenses que vous
avez.
M. Garon: Non, mais il faut faire attention. Vous vous rappelez
la loi 116? Non, vous n'étiez pas au Parlement dans le temps de la loi
116.
M. Lincoln: Non, je me rappelle les lois 101 et 111.
M. Garon: La bataille avait été menée par
l'Union Nationale parce que le Parti libéral était d'accord avec
nous sur cette loi-là, qui était pour amender la loi sur la
Régie des marchés agricoles. À sa face même,
c'était épouvantable, les pouvoirs que le ministre se donnait, si
on lisait cela littéralement. Mais, dans les faits, ce n'était
pas exact. Je me rappelle, entre autres, les gens qu'on appelait des dissidents
et leurs procureurs - dont votre député actuel de
Brome-Missisquoi - qui disaient, par exemple: Le ministre va vous dire quand
semer, quand récolter, à quelle heure, etc. Lorsque vous lisiez
la loi, il y avait un pouvoir comme celui-là, sauf que ce pouvoir
s'applique essentiellement pour les fins des conserveries, parce qu'entre le
moment où on récolte les pois et le moment où les pois
doivent être dans la boîte de conserve il ne faut pas qu'il se
passe plus de quatre heures, autrement le pois commence à faire...
Une voix: II chauffe.
M. Garon: ...de l'amidon il chauffe et il change de goût.
S'il n'y a aucune réglementation sur les livraisons, tout le monde va
arriver en même temps les journées de beau temps. Alors, il y a
des horaires de livraison pour ce genre de
légume, mais pas ailleurs. Alors, on faisait peur aux gens. On
leur disait: On va vous dire quand récolter votre foin. Voyons donc,
qu'est-ce que cela nous donnerait de dire aux gens quand récolter leur
foin ou des choses comme cela?
Là-dedans, c'est la même chose. C'est des pouvoirs qui sont
prévus pour les cas où c'est nécessaire, d'une
façon générale. Il n'y a pas d'ensemble de conditions
comme celles-là de posées.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 8 est
adopté?
Est-ce que l'article 9 est adopté? Vous les avez discutés
en même temps.
M. Lincoln: Les articles 8 et 9, sur division.
Le Président (M. Desbiens): Les articles 8 et 9, sur
division.
Est-ce que l'article 10 est adopté?
M. Garon: L'article 10 n'est pas difficile: "Le concessionnaire
doit payer au ministre la redevance fixée par règlement. Il doit,
dans l'exercice de ses fonctions, utiliser et fournir au ministre les livres,
registres et autres documents déterminés par
règlement."
M. Ciaccia: Tracasseries!
M. Lincoln: Vous avez un double coût pour les
pêcheurs.
M. Garon: Cela se fait actuellement.
M. Lincoln: Non, non. Actuellement il n'y a pas deux permis.
Maintenant, vous lui imposez un double permis, n'est-ce pas?
M. Garon: Sauf, qu'actuellement tout cela est fait pour des fins
de fiches statistiques et pour d'autres fins. Comme le gouvernement du
Québec est celui qui subventionne la construction ou les
réparations des bateaux et les prêts aux pêcheurs pour
l'achat de leur bateau, les paiements de remboursement sont faits en payant
à l'entreprise qui fait la transformation du poisson un montant à
même les paiements que cette entreprise fait au pêcheur sur le
poisson qu'il lui vend.
Ces statistiques sont, de toute façon, nécessaires pour le
financement. On les a mises là parce que cela nous permet, en même
temps, de faire une compilation statistique, et celui qui obtient son permis
s'engage aussi à fournir des statistiques. C'est cela au niveau
fédéral ou québécois et je suis autorisé
aussi à conclure des ententes avec le gouvernement fédéral
- et cela fait partie de la décision du Conseil des ministres - pour
négocier les questions statistiques.
M. Lincoln: Laissons l'affaire des statistiques de
côté. Vous donnez un permis sur une partie du fond marin à
un pêcheur. Il a déjà un permis pour son bateau qu'il
détient du gouvernement fédéral. Cet article 10 ne dit-il
pas, en fait, que vous avez le droit d'imposer ce second permis et qu'il y aura
une double redevance pour le pêcheur? Et on ne sait même pas
combien vous allez exiger à ce pêcheur pour le droit que vous lui
donnez sur le fond marin. Pouvez-nous nous indiquer combien il aura à
payer en plus de son permis fédéral qu'il détient
déjà quitte à laisser les statistiques pour le moment? Les
pêcheurs s'en fichent des statistiques.
M. Garon: Quel montant?
M. Lincoln: Quel est le montant, oui, de ce dont vous parlez.
M. Garon: Cela ne sera pas plus que le montant
fédéral.
M. Lincoln: C'est en plus de ce que paye le pêcheur
maintenant. Déjà, il doit payer un permis. Déjà, il
a toutes sortes d'embêtements de la bureaucratie, la paperasserie. Vous
lui imposez un autre permis.
M. Garon: Mais, en retour, on lui paye la moitié de ses
assurances sur son bateau, et le gouvernement fédéral ne lui en
paye pas un sou. On le subventionne à 35% pour la construction de son
bateau et le gouvernement fédéral ne dépasse jamais 100
000 $. On lui consent des prêts pour la construction de son bateau...
M. Ciaccia: M. le Président, il est 18 heures.
M. Garon: ...et le gouvernement fédéral ne
débourse pas un sou. On fait du financement pour la réparation et
le gouvernement fédéral ne débourse par un sou.
M. Ciaccia: II est 18 heures, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'on adopte l'article
10 avant de partir?
Des voix: Non.
M. Ciaccia: Je ne voudrais pas qu'il nous donne une indigestion
pour le souper.
Le Président (M. Desbiens): II est 18 heures. La
commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 03)