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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Marquis): La commission parlementaire de
l'aménagement et des équipements reprend ses travaux afin de
procéder à une consultation particulière sur le projet de
loi 13, Loi sur les parcs nationaux. Je demanderais à M. le
Secrétaire s'il y a des remplacements prévus.
Le Secrétaire: II n'y en a aucun, M. le
Président.
Le Président (M. Marquis): Merci beaucoup. Nous
accueillons nos premiers invités, ce matin, les représentants du
Jardin botanique de Montréal avec, comme porte-parole, M. André
Bouchard, conservateur du Jardin botanique. C'est cela?
M. Bouchard (André): C'est cela.
Le Président (M. Marquis): Vous êtes
accompagné.
M. Bouchard: De M. Jean-Luc Bourdages qui est à la
faculté d'aménagement de l'Université de
Montréal.
Le Président (M. Marquis): Très bien. Alors, M.
Bouchard, la parole est à vous.
Jardin botanique de Montréal
M. Bouchard: Je vous remercie beaucoup. Permettez-nous, en
premier lieu, de remercier la commission de l'aménagement et des
équipements de nous avoir invités à apporter nos
commentaires sur le projet de loi 13 intitulé Loi sur les parcs
nationaux.
Ce projet de loi, déposé par l'ex-ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche, M. Guy Chevrette, remplacerait la Loi sur les
parcs adoptée en 1977. Essentiellement, ce projet de loi ajoute le
concept de parc national, mais diminue les garanties de protection du milieu
naturel que contient l'actuelle loi, en enlevant la distinction entre parc de
conservation et parc de récréation.
Avant de discuter davantage du contenu du projet de loi, nous
désirons vous faire part de nos interrogations sur la pertinence
même du projet. En effet, nous nous demandons dans quelle mesure la
préparation d'une nouvelle loi sur les parcs fait suite à des
requêtes fréquentes de la part des intervenants du milieu dans le
domaine des parcs. Rappelons d'ailleurs que l'actuelle Loi sur les parcs ne fut
sanctionnée qu'en 1977 et que la politique sur les parcs fut
présentée en 1982, voilà donc seulement trois ans. Nous ne
prétendons aucunement que l'actuelle loi soit parfaite et qu'elle ne
nécessite aucune modification. Par exemple, certains changements
seraient souhaitables au niveau du zonage, de la consultation publique et de
l'expropriation. Toutefois, cette même loi a permis et permet encore de
créer plusieurs parcs. Ainsi, tout récemment, le gouvernement
créait les parcs de conservation d'Aiguebelle, en Abitibi, de
l'Île-Bonaventure et de Miguasha, en Gaspésie. En 1984, le parc de
conservation du Bic et le parc de récréation des
Îles-de-Boucherville étaient créés. À cela
s'ajoutent ceux établis depuis 1977: les parcs de la Gaspésie, de
la Jacques-Cartier, des Grands-Jardins, du Mont-Orford, du Mont-Tremblant, du
Saguenay et de ta Yamaska. Le ministère annonçait même, le
9 mars dernier, la tenue prochaine d'une audience publique au sujet de la
création d'un parc de conservation à Pointe-Taillon, en bordure
du lac Saint-Jean. Et tout cela, en s'accommodant très bien du* principe
de classification prévu par l'actuelle loi. En fait, il subsiste un seul
problème, celui du parc du Mont-Saint-Bruno dont les audiences remontent
déjà à décembre 1982. La lecture du Journal des
débats nous porte d'ailleurs à croire que le projet de loi 13 n'a
été présenté que pour régler ce seul
problème.
La Loi sur les parcs de 1977 permet la création de parcs de
conservation et de parcs de récréation. Le premier a comme
objectif prioritaire - vous avez dû l'entendre plusieurs fois
déjà - la protection permanente de territoires
représentatifs des régions naturelles du Québec ou de
sites naturels à caractère exceptionnel tout en les rendant
accessibles au public pour des fins d'éducation et de
récréation extensive, alors que le second favorise la pratique
d'une variété d'activités récréatives de
plein air tout en protégeant l'environnement naturel.
C'est très important de réaliser que les
Québécois ont un besoin pressant des deux genres de parc.
Cependant, les parcs de conservation sont les seuls à répondre
aux critères et à la tradition des grands réseaux de parcs
nationaux du Canada et des États-Unis. Par exemple, le parc de
récréation de
la Yamaska joue un rôle important - je ne veux pas du tout, par
mon intervention, faire croire que je ne crois pas que ces parcs ne sont pas
importants - mais ne saurait s'appeler le parc national de la Yamaska. Les
touristes étrangers qui nous arriveraient des États-Unis par
l'autoroute, qui font le tour des réseaux de parcs nationaux
américains et canadiens, seront étonnés de voir de tels
territoires porter cette appellation. Demandez à vos parents, à
vos amis ce que représentent pour eux les parcs nationaux. Ils vous
parleront alors de Banff, de Forillon, de Yosemite, de Yellowstone, de la
Mauricie. Au Québec, nous pourrions ajouter, et nous serions
justifiés de le faire, les parcs de la Jacques-Cartier, des
Grands-Jardins, du Saguenay, de la Gaspésie, etc.
À notre avis, il aurait été plus pertinent
d'amender la Loi sur les parcs de 1977 pour y inclure les
éléments nécessaires à une meilleure administration
et application de celle-ci. Au contraire, plutôt que d'introduire
certains éléments suggérés au cours de diverses
audiences publiques, le projet de loi 13 élimine les quelques garanties
d'une protection adéquate des éléments
représentatifs ou exceptionnels du patrimoine naturel
québécois. À vrai dire, le seul élément
positif que nous avons noté dans ce projet de loi se trouve à
l'article 2, lequel prévoit un pouvoir explicite d'expropriation qui
pourrait permettre au ministère de régler les litiges lors de la
création de nouveaux parcs, litiges qu'il a connus d'ailleurs dans le
cas de la création du parc d'Aiguebelle, en Abitibi.
Le projet de loi crée des ambiguïtés en
remplaçant la classification en parcs de récréation ou de
conservation par l'identification d'objectifs moins bien définis. La
diminution des garanties de protection vient surtout de l'ambiguïté
des deux objectifs mentionnés et qui se réfèrent aux
définitions des deux types de parcs prévus par la loi de 1977. En
effet, le premier objectif correspond à la définition du parc de
conservation dont on a pris soin d'enlever deux notions importantes, celles
d'éducation et de récréation extensive. Le second objectif
se rapproche sensiblement de la définition du parc de
récréation. Cependant, le projet de loi ne spécifie pas si
un de ces objectifs peut ou doit primer l'autre.
Par contre, le second aliéna de l'article 23 laisse croire que
les futurs parcs nationaux assujettis à cette loi seraient à la
fois des parcs de conservation et de récréation puisque la
classification des parcs existants serait substituée par les deux
objectifs prévus è l'article 1.
Mais la confusion est d'autant augmentée par l'aliéna qui
suit les deux objectifs et qui précise que: "Le décret
établissant un parc national doit spécifier pour lesquels de ces
objectifs il est établi".
C'est donc dire que d'autres objectifs viendront se greffer aux
précédents. Alors qu'est-ce qui primera? Nous craignons que
l'objectif fondamental du concept de parc national devienne bien secondaire par
rapport au développement d'infrastructures récréatives et
au tourisme. Or, le parc national doit prioritairement poursuivre des objectifs
de préservation du milieu naturel, auxquels s'ajoutent des objectifs
sous-jacents comme la récréation extensive de plein air et le
tourisme. Nous ne nions aucunement le rôle important d'un réseau
de parcs au sein d'une politique d'ensemble du tourisme et du
développement régional. Au contraire, il importe que le
gouvernement du Québec réalise enfin l'importance des deux grands
réseaux de parcs nationaux, celui des Etats-Unis et celui du Canada,
comme éléments essentiels de leur politique du tourisme, bien que
ceux-ci assurent un haut niveau de préservation des sites naturels.
La diminution des garanties de protection résulte aussi du fait
que le ministre n'aura plus à tenir d'audiences publiques s'il
décide de modifier les objectifs pour lesquels un parc a
été établi. Rappelons que la loi actuelle oblige !e
ministre à tenir des consultations s'il désire changer la
classification d'un parc. Le pouvoir discrétionnaire du ministère
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche s'en trouverait donc accru.
D'autre part, bien que le ministère compte beaucoup, par ce projet de
loi, atténuer les rares et finalement assez rares confrontations sur la
question de la classification, nous sommes persuadés que le retrait de
la distinction entre les deux classes de parcs n'empêcherait pas les
confrontations normales et saines entre les conservationnistes et les
récréationnistes; elles sont là pour demeurer, ces
confrontations, elles sont tout è fait naturelles. Au contraire, les
discussions se transposeraient au niveau des objectifs, du schéma
d'aménagement et, particulièrement, du plan de zonage. On n'aura
donc pas réglé le problème en enlevant cette distinction,
bien au contraire.
Il est intéressant de constater que le projet de loi ajoute une
disposition concernant le zonage dans le pouvoir réglementaire. Mais
cette disposition demeure négligeable si l'on considère que le
ministère a toujours préparé un plan de zonage lors de la
création d'un parc. Elle est aussi beaucoup trop sommaire, car il s'agit
là d'une question fondamentale qui réclame plus d'analyses
préalables et qui devrait constituer un enjeu important dans les
débats en audience publique. Outre la question de l'expropriation, celle
du zonage constitue l'une des seules véritables faiblesses de l'actuelle
loi, en raison de la possibilité pour le ministère de faire
modifier les décrets au chapitre du zonage, une fois un parc
établi. Lors de
certaines audiences, le ministre d'alors s'était dit conscient du
pouvoir discrétionnaire dont il bénéficiait et, par le
fait même, des craintes manifestées, par plusieurs intervenants.
Il suggérait - donc de modifier la Loi sur les parcs surtout pour
corriger cette lacune. Or, il serait illusoire de penser que la seule
inscription, dans la loi, du pouvoir réglementaire de diviser un parc en
zones puisse assurer une meilleure gestion et un meilleur contrôle de
l'utilisation du territoire. L'emphase doit plutôt être mise sur
les modalités entourant l'élaboration et la modification des
plans de zonage et des plans directeurs. D'ailleurs, c'est un aspect qui est
extrêmement important dans la procédure que prend Parcs Canada
lorsqu'il consulte la population sur l'élaboration des plans de zonage.
Il faut donc que la loi comprenne des modalités précises à
ce sujet.
Nous croyons avoir abordé les éléments fondamentaux
du projet de loi sur les parcs nationaux. À nos yeux, les
éléments nouveaux apportés au chapitre II sur
l'administration, au chapitre IV sur les dispositions pénales et au
chapitre V sur les dispositions transitoires et finales nous paraissent
secondaires secondaires par rapport à ce qui précédait
-dans l'ensemble de la problématique des parcs. Dans plusieurs cas, il
s'agit de modifications au niveau de la forme et, dans d'autres cas, d'ajouts
qui permettront de faciliter la gestion et le contrôle des parcs.
En conclusion, étant donné la diminution des garanties de
protection du milieu naturel et devant l'ampleur des inconvénients et
des remaniements qu'impliquerait l'adoption du projet de loi 13, il est
préférable de conserver l'actuelle Loi sur les parcs. La richesse
et la diversité du patrimoine naturel du Québec doivent
être protégées d'une manière adéquate et
rendues accessibles à la population si nous voulons développer au
Québec un réseau de parcs comparable à ceux du Canada et
des États-Unis.
On nous a souvent accusés de faire de la sémantique au
sujet de la classification des parcs. Mais voilà que, dans ce projet de
loi, on ne s'intéresse qu'à l'épithète
accolée au concept de parc, sans aucun égard à la
philosophie déjà centenaire du concept de parc national.
Pourtant, aujourd'hui, on s'entend à l'échelle internationale sur
des critères bien précis de sélection et de gestion des
parcs nationaux.
L'Union internationale pour la conservation de la nature et de ses
ressources, une organisation internationale dépendant de l'ONU, une
organisation à laquelle adhère le gouvernement du Québec,
résume ainsi ces critères: "Les parcs nationaux sont des
régions terrestres ou aquatiques relativement étendues qui
contiennent des échantillons représentatifs de régions
naturelles importantes, de traits ou de panoramas d'importance nationale ou
internationale, où les animaux et les plantes, les sites
géomorphologiques et les habitats présentent un
intérêt particulier du point de vue scientifique, éducatif
et récréatif. Ils contiennent un ou plusieurs
écosystèmes entiers qui n'ont pas été
matériellement altérés par l'exploitation ou l'occupation
humaine. Des mesures sont prises par les autorités compétentes du
plus haut niveau pour empêcher ou éliminer dès que possible
l'exploitation ou l'occupation de la région et pour faire entrer
effectivement en vigueur le respect des traits écologiques,
géomorphologiques ou esthétiques qui ont entraîné
son établissement. "La ressource est gérée et mise en
valeur de manière à pouvoir y poursuivre durablement les
activités de loisir et d'éducation de manière
contrôlée. La région est gérée de
manière à rester dans un état naturel ou semi naturel. Les
visiteurs y pénètrent dans des conditions particulières,
à des fins d'inspiration, d'éducation, de culture et de
détente. "
Vous pouvez comprendre alors que des parcs tels que ceux des
Îles-de-Boucherville et de la Yamaska ne correspondent en rien au concept
de parc national. Si le projet de loi 13 devait être adopté, il
deviendra nécessaire pour le MLCP de tenir des audiences publiques au
sujet de l'abolition de ces parcs et du transfert de leur juridiction à
des municipalités régionales de comté ou à des
municipalités. De même, il est possible que le ministère
doive réviser les plans de zonage de certains parcs à la faveur
d'une protection accrue de certains éléments naturels.
La Loi sur les parcs et son application sont beaucoup trop
récentes pour en faire disparaître la philosophie de conservation
qui y prévaut. II est préférable de laisser le
Québec acquérir une expertise dans la gestion des sites naturels,
avant d'adopter une nouvelle loi qui affaiblirait la protection de notre
patrimoine naturel et qui invaliderait la politique sur les parcs
québécois adoptée en 1982.
Le Président (M. Marquis): Merci beaucoup, M. Bouchard.
Avant de donner la parole au ministre, je vais rappeler les règles du
jeu. Lorsque nos invités ont fini leur intervention, il reste une
enveloppe de temps, au maximum une heure, avec la lecture ou la
présentation du mémoire. On divise le temps entre les deux
partis, le parti gouvernemental et l'Opposition. C'est à
l'intérieur de chaque équipe à partager ce temps.
Dans le cas présent, si on arrondit, il reste entre 20 et 25
minutes de chaque côté. Alors, c'est à vous autres à
le partager, sinon le président devra imposer la fin des
discussions, comme j'ai dû le faire hier. Il faudra vous entendre
avec votre collègue pour partager quelque 20 minutes. M. le
ministre.
M. Brassard: M. le Président, je serai très bref,
quant à moi. Je voudrais d'abord remercier le Jardin botanique de
Montréal de participer à cette consultation particulière
et, du même coup, de manifester son vif intérêt pour
l'établissement de parcs nationaux au Québec.
D'après ce que je peux voir, le débat se poursuit. Le
débat commencé hier se poursuit, en particulier l'article 1, sur
le fait que l'on enlève du projet de loi toute référence
à une classification. Je pose un peu la même question que celle
qu'on a posée hier aux organismes qui ont témoigné devant
nous. Quand on prend connaissance de votre mémoire, on se rend compte -
là-dessus, je suis pleinement d'accord avec vous - que le débat
ou l'enjeu, quand on crée un parc national, doit porter sur les
objectifs, les intentions d'aménagement, le zonage. Je pense que c'est
là vraiment que se retrouve l'essentiel. Ce sont là vraiment les
véritables enjeux. C'est à partir du zonage, des intentions
d'aménagement, des objectifs poursuivis qu'on peut véritablement
bien voir ce qu'on entend faire avec cette portion de territoire qu'on veut
établir comme parc.
À partir de ce moment, quand on lit votre mémoire, c'est
ce qu'on constate. D'ailleurs, vous recommandez que le zonage soit l'objet de
consultation publique et que ce soit bien indiqué dans la loi. A partir
de ce moment, est-ce que vous ne pensez pas que le maintien de la
classification, dans la loi actuelle, risque de faire dévier le
débat au cours d'audiences publiques, que le débat ne porte pas
vraiment sur l'essentiel, alors que le projet de loi actuel indique que la
consultation et le débat, par conséquent, vont porter sur les
objectifs, donc sur la vocation, et également sur les intentions
d'aménagement? Vous ajoutez le zonage, j'en conviens, mais, à
partir du moment où on discute des intentions d'aménagement,
naturellement, on discute aussi du zonage.
Je vous avoue que je parviens difficilement à prendre conscience
qu'en ne mettant pas dans la loi la classification, on affaiblit ou on augmente
les risques que le milieu naturel soit moins bien protégé.
J'aimerais avoir des précisions là-dessus, sur les enjeux. Est-ce
qu'on est d'accord pour dire que les enjeux véritables, quand on fait un
parc, c'est la vocation, les objectifs poursuivis, les intentions
d'aménagement, ce qu'on a l'intention de faire dans le parc et aussi le
zonage, évidemment?
M. Bouchard: En fait, ces enjeux sont certainement les enjeux
principaux. La classification est peut-être vue comme une première
grande division quant à ce qui va suivre à la fois dans les plans
de zonage d'un type de parc et dans l'autre type de parc. Ce qui donne, dans le
moment, à partir de la classification, une protection accrue, c'est que,
lorsqu'un parc est déclaré parc de conservation, ce parc de
conservation doit être voué d'abord à la protection des
sites naturels et peut permettre la récréation extensive,
seulement, et l'éducation, alors que les parcs de
récréation, en se servant de la loi telle qu'elle existe dans le
moment, ouvrent une porte qui est beaucoup plus considérable. C'est avec
l'exemple des parcs qui ont été créés depuis que la
loi a été adoptée qu'on peut voir la différence. Le
parc du Mont-Orford, manifestement, au point de vue de la qualité du
site naturel, avait un potentiel qui aurait pu en faire un parc de conservation
puisqu'il représentait une région naturelle très
particulière.
Mais, à ce moment-là, on voulait y grossir des
infrastructures de ski alpin et on sentait que, si on le classait parc de
conservation, on ne pourrait y mettre ce genre d'infrastructures. Il est donc
vrai que la loi donnait de plus grandes garanties au parc de conservation qu'au
parc de récréation. La preuve est là, si on analyse la
classification qui s'est faite des parcs au Québec. Lorsqu'on a voulu
qu'un parc ait de plus grandes infrastructures, on l'a classé parc de
récréation, même s'il avait un potentiel biophysique
très clair. Que ce soit le parc du Mont-Tremblant ou le parc du
Mont-Orford, ces deux parcs avaient tout à fait le potentiel
d'être des parcs de conservation, peut-être plus que d'autres qui
ont été déclarés par la suite parcs de
conservation.
Donc, ce n'est pas de la sémantique. Quand un parc est un parc de
conservation, il y a certaines activités récréatives qui
ne peuvent pas s'y faire si elles sont classées dans les
activités récréatives dites intensives. Donc, c'est une
protection qu'a le parc de conservation par rapport au parc de
récréation. C'est dans les faits. Si on regarde les parcs
classifiés, vous avez un moins grand développement.
M. Brassard: Au fond, vous confirmez que ce sont les objectifs et
les aménagements qu'on entend faire dans un parc qui sont importants.
À partir de là, on peut classer, mais ce n'est pas la
classification qui m'apparaît importante.
M. Bouchard: Non, je serais d'accord avec vous, parce que, sans
cela, ce serait...
M. Brassard: On pourrait dire d'un parc que c'est un parc de
conservation et prévoir un certain nombre d'aménagements et
d'objectifs à atteindre. On pourrait à la rigueur changer sa
classification et dire que
c'est un parc de récréation et conserver exactement les
mêmes objectifs et les mêmes aménagements. Donc, ce n'est
pas tellement la classification qui importé que ce qu'on a l'intention
de faire à l'intérieur du parc et les objectifs qu'on entend
poursuivre.
M. Bouchard: Je suis fondamentalement d'accord avec vous à
savoir que, si les objectifs étaient définis de façon plus
contraignante quant à ce qui peut se faire comme type de
récréation, s'ils faisaient l'objet d'audiences publiques et que,
lorsqu'on voudra changer les objectifs, ce qui n'est pas le cas dans le texte
de loi actuel, il faille revenir encore en audiences publiques, si
c'était accompagné d'un plan de zonage, idéalement, cela
donnerait à peu près le même résultat, si on allait
dans ce sens-là. Je serais porté à croire que... (10 h
30)
Mais une chose qui est certaine, c'est que, dans la loi actuelle, un
parc qui a été classé parc de conservation jouit d'une
plus grande protection qu'un parc de récréation. Je crois que
cela est indéniable, puisque, pour le parc de conservation, on dit qu'il
est restreint à de la récréation extensive. Je pense qu'on
ne peut pas nier cela. Maintenant, si on veut arriver au même
résultat en faisant sauter la classification -je n'y tiens pas de
façon absurde; je ne vais pas me rendre ridicule en disant que c'est la
seule chose au monde qui peut protéger des parcs - si on devait laisser
tomber la classification, il faudrait que les objectifs soient mieux
articulés et que, lorsqu'ils sont donnés, ils ne soient pas
changeables sans audiences publiques.
M. Brassard: Je vous comprends bien. Actuellement, le projet de
loi, tel que libellé, indique que les objectifs sont soumis à la
consultation lorsqu'on établit un parc. Ce que vous suggérez
également, ce qui assurerait de meilleures garanties, c'est que,
lorsqu'on a l'intention de modifier les objectifs, cela soit également
soumis aux audiences publiques. Est-ce que, à ce moment-là, si
une pareille chose était introduite dans le projet de loi, cela
comporterait suffisamment de garanties? Quand on dit que les objectifs sont
définis sommairement, à l'article 1, c'est bien évident
que, lorsqu'on établit un parc, cela va être plus
élaboré. C'est clair qu'on va mieux définir les objectifs
dans un texte. On ne se contentera pas de dire qu'on établit un parc
pour mettre en valeur tel site naturel ou pour protéger tel territoire
représentatif. On va davantage préciser et élaborer, pour
les soumettre aux audiences publiques, les objectifs qu'on vise.
Une fois les objectifs déterminés, vous dites qu'il y a un
risque que le ministère modifie ces objectifs de façon
substantielle sans qu'il y ait eu consultation publique. Est-ce que vous...
M. Bouchard: C'est un risque qui existe dans le texte de loi
actuel.
M. Brassard: Oui, d'accord. Est-ce que vous admettez, à ce
moment-là, qu'à partir du moment... Si on amendait le projet de
loi pour que toute modification importante des objectifs soit également
soumise aux audiences publiques, est-ce que cela vous apparaîtrait comme
étant une garantie suffisante?
M. Bouchard: Bien, ce serait certainement une amélioration
substantielle. Il demeure pour moi une inquiétude par rapport, disons...
Le système actuel a été essayé sur à peu
près une douzaine de parcs, on peut savoir à peu près ce
qui était conservation et ce qui était récréation.
Dans le cas de la conservation, cela faisait un nombre très
précis et restreint d'objectifs. Ce qui peut être dangereux,
évidemment, c'est que, si on en arrive à dire que cela peut
être beaucoup d'objectifs, à un moment donné, on peut
aboutir avec cinq objectifs et, finalement, au moment des audiences,
peut-être pas de façon malveillante, on dira: Voyez, le premier
est quand même la conservation des sites naturels, et il arrivera un
dernier objectif, en cinquième place, qui laisse une porte ouverte. Vous
savez, dans tout ce qui est long, parfois, on finit, avec ce qui est en
dernière ligne, à annuler ce qui est au début du
paragraphe. Si les objectifs sont bien articulés, ne laissent pas des
portes ouvertes à tout bout de champ, on pourra arriver au même
résultat. Vous voyez ce que je veux dire. C'est évident que, si
on dit que les objectifs... Vous êtes membres de l'Assemblée
nationale, vous êtes habitués à voir des textes de loi
continuellement, vous voyez que parfois la liste de ce qui est permis est
tellement grande que la dernière chose vient annuler la première,
ou à peu près. Donc, dans ce sens, j'aurais une inquiétude
et je pourrais seulement vous dire dans sept ans, en allant réanalyser
les cas qui vont venir, si effectivement cela a donné les mêmes
garanties. Théoriquement, cela pourrait donner les mêmes
garanties.
M. Brassard: Ce que vous dites, au fond, et je termine
là-dessus, M. le Président, c'est qu'il faudrait "prioriser" les
objectifs.
M. Bouchard: Effectivement, que cela soit "priorisé"
fortement et que cette "priorisation" se reflète peut-être,
justement, dans le plan de zonage de façon claire. Là, on voit
vraiment le lien entre les objectifs et le plan de zonage. Évidemment,
je ne sais
pas si la loi peut aller jusque-là, mais j'aimerais qu'on
indique, si c'est possible, que les parcs sont avant tout pour des
activités récréatives de type extensif, que l'industrie
privée, de toute façon, a à maintenir. Outre les cas
historiques du parc du Mont-Tremblant et du parc du Mont-Orford
-éventuellement, peut-être du mont Sainte-Anne parce que là
aussi il y a un cas historique - dans l'ensemble, à mon avis, le
gouvernement du Québec doit d'abord faire des parcs qui sont dans la
philosophie des parcs nationaux américains et canadiens,
c'est-à-dire pour protéger de grands territoires et les rendre
accessibles à la population. Cette population qui y va, elle y va en
famille la plupart du temps. Elle n'y va pas pour faire du camping, de la
pêche, ce genre d'activités; elle n'y va pas pour les centres de
ski ou des infrastructures de ce type. J'ai toujours été d'accord
qu'on devait tenir pour acquis que le parc du Mont-Orford et le parc du
Mont-Tremblant étaient des cas historiques et qu'on ne pouvait pas les
juger à partir de ce principe parce que c'étaient des parcs
déjà créés. Dans l'avenir, ce dont il faudra
toujours se méfier - c'est la même chose pour la ville de
Montréal -c'est que, une fois que vous avez le parc du Mont-Royal ou un
parc à Montréal, c'est évident, au moment où il est
créé - comme le parc Lafontaine - que tout le monde s'entend pour
dire: Cela doit demeurer un grand espace vert. La tentation, avec le temps,
c'est qu'il arrive des projets et on se dit: Bon, on a une nouvelle
bibliothèque municipale, où est-ce qu'on peut la mettre? Cela
coûte plus cher d'acheter des terrains que de la mettre dans le parc.
Quand les Olympiques arrivent et qu'il faut faire des pyramides olympiques,
c'est compliqué; finalement, c'est peut-être moins
compliqué de les mettre dans le golf municipal. Il y a toujours une
pression évidente pour que les grandes infrastructures envahissent les
sites naturels. Les Montréalais en sont conscients dans leurs propres
parcs et ils font beaucoup de pression pour qu'on les protège. C'est ce
que je viens vous demander indirectement. C'est un peu la même chose au
niveau...
Si la loi pouvait être plus spécifique sur ce qu'on entend
par récréation, éventuellement, et jusqu'où on peut
aller en infrastructures, peut-être que ce serait plus acceptable.
M. Brassard: Je vous remercie.
Le Président (M. Marquis): Merci, M. le ministre. M. le
député de Charlesbourg.
M. Côté: J'ai une première question. À
la page 1, au troisième paragraphe, on dit: "En effet, nous nous
demandons dans quelle mesure la préparation d'une nouvelle loi sur les
parcs fait suite à des requêtes fréquentes de la part des
intervenants du milieu dans le domaine des parcs. " Je pense que la
réponse vient assez rapidement. Je n'ai pas entendu encore beaucoup de
gens du milieu qui ont revendiqué cette loi.
On a l'impression, de notre côté, que c'est une loi - et
cela a été, je pense, assez clairement dit dans le cas de
l'ex-ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche -pour régler
le cas du parc du Mont-Saint-Bruno. Ma question est la suivante: N'avez-vous
pas l'impression que les difficultés deviennent plus grandes lorsqu'il
s'agit de classer, par exemple, un parc de conservation qui est situé
à proximité d'un grand centre? À la lumière de ce
qu'on a vécu jusqu'à maintenant, dans une région un peu
plus éloignée des grands centres, cela ne cause pas
d'énormes problèmes. On peut parler d'Aiguebelle, cela en est un,
compte tenu des milieux miniers, mais, dans le cas de Saint-Bruno, vous vous
rapprochez d'un grand centre qui est Montréal et toute sa
périphérie, et on bloque. N'avez-vous pas l'impression que c'est
un peu relié au centre?
M. Bouchard: Je crois que c'est relié à cela, mais,
pour ma part, je demeure convaincu que c'est une mauvaise analyse du
problème. Vous me permettrez de reprendre mes exemples à
Montréal. À Montréal, la communauté urbaine a
décidé de créer huit parcs régionaux.
Évidemment, vous en avez beaucoup entendu parler parce qu'il y a
certaines de ces décisions qui ont été prises par
l'Assemblée nationale. Si on regarde les huit, c'est évident que
l'île de la Visitation, qui est juste derrière l'église de
la Visitation, est un parc pour recevoir beaucoup plus de gens en même
temps, il n'y a pas d'éléments naturels spectaculaires è
cet endroit.
Mais il y a un continuum dans cela. À l'autre bout des huit
parcs, vous avez le plus spécial qui est le bois de Saraguay. Le bois de
Saraguay va être - d'après ce qu'on sait jusqu'à
maintenant; ce sera toujours des batailles à faire, il faut toujours les
faire -aménagé, tout compte fait, selon les concepts et les
principes qu'il y a dans la partie des parcs de conservation de la loi
actuelle.
Le parc du Mont-Saint-Bruno, à moins que le gouvernement ne
veuille y faire des infrastructures qu'on ne connaît pas, même une
fois qu'il aura été déclaré parc de conservation,
continuera à recevoir des foules énormes. Parce qu'un parc de
conservation, cela n'a pas de normes en fonction de dire: II faut exclure du
monde. À côté de San Francisco, juste au nord de San
Francisco, vous avez un bois qui s'appelle le bois Muir Woods, pour
protéger les séquoias qui ont 300 pieds de haut. C'est en fait un
parc de conservation, un parc national et il y a
énormément de monde. Il y a même un chemin pour les
aveugles avec des plaques en braille.
Cela enlève la possibilité de faire de grandes
infrastructures dans le style des piscines, des pistes de ski alpin ou quelque
chose du genre. En soi, comme je vous le dis, je pense que la communauté
urbaine va faire des parcs de conservation, même sur l'île de
Montréal, certainement avec Saraguay et peut-être avec
Cap-Saint-Jacques.
M. Côté: À la page 8 du mémoire, on
fait état de la définition de l'Union internationale pour la
conservation de la nature et de ses ressources. J'ai pu prendre connaissance
d'un article que vous avez publié dans le Devoir du jeudi 22 mars 1984.
On y retrouve un certain paragraphe qui, je pense, est assez évocateur
et ajoute même à ce qu'on a déjà dans le
mémoire. Vous disiez ceci: "D'ailleurs, les parcs nationaux sont avant
tout la responsabilité du gouvernement national d'un État. En ce
sens, le ministère québécois du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche devrait se préoccuper en priorité de ses parcs de
conservation ou des parcs nationaux du Québec. "
Cela fait trois mémoires qu'on entend et les trois sont
exactement sur la même longueur d'onde. Le message - à moins que
je ne comprenne mal ou que je ne saisisse mal - est très clair. Ce que
vous dites au gouvernement du Québec, c'est: Occupez-vous d'abord des
parcs de conservation, et la responsabilité des parcs de
récréation devrait relever d'autres milieux ou d'autres
intervenants, quitte à ce qu'ils soient aidés
financièrement par les gouvernements provincial ou
fédéral. Ai-je bien compris?
M. Bouchard: II y a à cela des risques. Personnellement,
je crois que cela demeure vrai dans l'ensemble. Ce que j'ai dit, c'est que la
responsabilité du gouvernement du Québec, surtout dans le cadre
même de la constitution canadienne, qui donne une juridiction provinciale
sur les ressources naturelles, c'est de protéger ses parcs et de les
appeler parcs nationaux. Ceux-là sont des parcs de conservation. Quant
aux parcs de récréation, il y a un problème, je crois,
d'évolution sociale. C'est-à-dire que des grandes villes comme
Montréal, comme Laval, comme Québec sont probablement
déjà assez bien outillées pour se voir transférer
des juridictions de parcs de récréation. Dans d'autres
situations, c'est peut-être plus délicat; un parc pourrait
être près d'une petite ville qui n'a pas beaucoup de traditions,
etc. Évidemment, les gens misent beaucoup sur les municipalités
régionales de comté. Or les municipalités
régionales de comté sont au début de l'élaboration
de leur schéma d'aménagement et ont peu d'expertise, de
façon générale. C'est un des arguments pour moi pour
garder l'ancienne loi, c'est-à-dire, que cela donne encore au
gouvernement du Québec la possibilité de faire ses parcs
nationaux au moyen des parcs de conservation. Les parcs de
récréation, il va continuer à les faire, mais dans le sens
que - parce qu'il y a un trou dans le moment - ce n'est pas impensable que, si
les MRC étaient plus articulées, dans quelques années, ce
serait une juridiction qui pourrait leur revenir. Ce n'est pas quelque chose
qui serait mauvais en soi. D'autant plus que cela donnerait un exemple à
d'autres municipalités régionales de comté qui voudraient
faire des parcs régionaux en même temps puisqu'elles verraient
quelques municipalités régionales de comté être
encouragées à le faire. Pour l'instant, je ne trouverais pas
absurde que le gouvernement juge qu'il n'est pas opportun maintenant de les
transférer immédiatement aux MRC, compte tenu qu'il n'est pas
sûr de la possibilité pour ces MRC de pouvoir les
gérer.
Si la loi devait être adoptée telle quelle, les parcs
d'Orford et du Mont-Tremblant devraient redevenir beaucoup plus des parcs de
conservation, en y incluant qu'il y a une exception historique qui s'est faite
pour ces parcs, que cela ne change rien à la politique
générale, mais qu'on l'accepte vu qu'il y a un côté
historique. Dans le fond, l'envergure du parc du Mont-Qrford... Ce que je vous
dis, c'est que, si l'Américain qui a pris l'autoroute, près de
Sherbrooke, en arrivant au mont Orford voit "parc national du Mont-Orford",
s'il y entre, sauf pour la piste de ski - il va trouver cela curieux qu'au
Québec on fasse de pistes de ski dans nos parcs nationaux - il va
trouver que ce parc a l'envergure du concept qu'il a dans sa tête de ce
qu'est un parc national. S'il continue sur la même autoroute et qu'il
voit "parc national de la Yamaska", surtout s'il est pressé d'arriver
à Montréal, mais qu'il se dit: II faut quand même que
j'aille tous les voir... Les gens qui font des tournées de
réseaux de parcs nationaux, c'est comme faire des tournées de
cathédrales en Europe. Les gens les voient avec tant d'étoiles et
ils veulent arrêter, ne pas en manquer. S'il sort à Yamaska, je
vous dis qu'il va être pas mal déçu et on va passer pour
des pas bien fins. Il va aller voir cela et il va se dire: Ils appellent cela
un parc national! Mais cela n'a pas de bon sens; chez nous, cela serait
à peine un parc d'État ou un arrêt sur le bord de la route.
(10 h 45)
II ne faut pas oublier que la définition que donne l'Union
internationale pour la conservation de la nature, à laquelle on
adhère comme gouvernement, c'est que cela doit être "des
régions terrestres ou aquatiques relativement étendues qui
contiennent des échantillons représentatifs de
régions naturelles importantes. " Or, vous arrivez à un
endroit qui est un terrain de camping, même pas un terrain de camping de
nuit, mais un terrain de pique-nique de jour. C'est pour cela que je trouve
qu'il y a des choses à régler dans cela parce qu'on va faire rire
de nous, c'est certain.
Moi, je sais bien que je n'inviterai jamais des amis en leur disant:
Automatiquement, faites la tournée de tout ce que vous voyez comme parcs
nationaux, parce que l'étiquette que vous allez mettre sur les cartes du
Québec, à partir du jour où vous allez mettre "parc
national", c'est une étiquette qui a une connotation importante pour les
Américains et les Canadiens. Cela veut dire quelque chose de beau et
d'important. Souvent les gens planifient ensuite leur visite en fonction de
cela. Je l'ai fait moi-même et j'ai beaucoup d'amis qui l'ont fait. En
allant vers la Nouvelle-Écosse, vous regardez une carte et vous dites:
II ne faut pas manquer Fundy, il faut aller à Cap-Breton, il faut aller
à tel endroit. En règle générale, vous avez
tendance è laisser tomber les plus petits parcs et vous faites un
réseau de parcs comme cela. Les Américains font la même
chose aussi. Ils font encore beaucoup plus: rendus à l'âge d'or,
ils s'achètent une roulotte et passent la moitié de leur vie
à voyager. Ils vont dans les réseaux.
Évidemment, quand ils vont voir ici tel territoire s'appeler
"parc national", ils ne comprendront plus rien. Au contraire, on va
dévaluer l'ensemble. Pour des petits cas comme cela, les gens vont dire
qu'il n'y a rien de fiable dans cela.
M. Côté: Ce que je comprends, finalement, c'est
qu'on aurait intérêt comme gouvernement à intégrer
davantage le développement de nos parcs au contexte
nord-américain pour que tout le monde s'y retrouve.
M. Bouchard: C'est ça.
M. Côté: Une autre question, lorsqu'on parte de
zonage et de classification, pour bien saisir ce que vous nous dites. Je
pourrais peut-être vous fournir l'exemple du parc de la Gaspésie
que vous devez bien connaître, j'imagine.
Compte tenu d'une ressource naturelle qui est assez spécifique,
le caribou - on sait qu'il y a 150 à 250 têtes qui ont beaucoup de
difficulté à survivre - on faisait, demain matin, du mont Albert,
de la montagne de la Table et d'une partie du mont Jacques-Cartier une zone de
conservation intégrale, cela poserait le problème suivant. Il y a
des excursions en montagne, l'escalade du mont Albert par des sentiers de la
nature est un attrait récréatif et touristique assez important
pour le parc de la Gaspésie. Est- ce que vous iriez jusqu'à
éliminer cette pratique?
M. Bouchard: Dans le domaine de la conservation, vous avez tout
le gradient des extrémistes aux autres extrémistes.
Personnellement, dans toutes les situations que j'ai vues... J'ai plutôt
travaillé sur un parc qui est semblable, celui de Gros-Morne, à
Terre-Neuve, qui a beaucoup d'analogie avec celui de la Gaspésie. Mon
expérience, c'est que, tant que ce sont des sentiers, que c'est bien
aménagé, que c'est fait en bordure, etc., cela ne peut pas causer
des torts si irréparables que cela. Sûrement que les
étudiants de mon cours d'écologie trouveraient que je vieillis.
Je crois qu'il y a quand même beaucoup de choses qui sont conciliables.
Je crois d'ailleurs que c'est une des choses qui nuisent à la position
des conservationnistes. Souvent, certains d'entres nous prennent des positions
qui sont vues comme étant extrêmes et cela nous nuit, d'autant
plus que ceux qui sont contre nous ont l'habitude de ne rapporter que
celles-là et de les grossir. Je crois qu'il y a beaucoup de cela qui est
conciliable. Maintenant, cela peut être dans le nombre de personnes qui
peuvent y aller et, évidemment, de quelle façon, etc. Je crois
qu'il y a des choses comme celles-là qui peuvent être
conciliables.
M. Côté: Merci.
Le Président (M. Marquis): Très bien. M. le
député de Chambly.
M. Tremblay: Merci, M. le Président. On a parlé
beaucoup, et je pense que c'est presque la trame de fond des discussions,
depuis le début des travaux de la commission, de la classification
internationale. Moi, je ne suis pas familier -peut-être que vous
l'êtes, vous - avec ce qui se fait dans les autres pays. Ma
première question est de connaître de vous ce qui se fait. Est-ce
qu'aux États-Unis on a des parcs de récréation et des
parcs de conservation?
M. Bouchard: Aux États-Unis, même dans les
réseaux de parcs nationaux, les parcs nationaux sont des parcs de
conservation. Mais le National Park System soutient aussi des parcs qui sont ce
qu'ils appellent des National Monuments - ils ont une classification assez
complexe - qui vont se rapprocher des parcs nationaux comme tels, mais il va y
avoir des National Seashore Areas qui sont plus orientés vers la
récréation.
Donc, ils sont conscients du spectre des besoins des citoyens - c'est
pour cela que, tout à l'heure, j'ai tant insisté sur le fait
qu'il y a un spectre de besoins - et ils essaient de le remplir.
C'est-à-dire que Cape
Cod, par exemple, a beau être sous la responsabilité des
parcs nationaux américains, cela ne porte pas le titre de parc national
de Cape Cod, cela porte un autre nom du style National Seashore Area of Cape
Cod. Tandis que, si vous allez juste un peu au nord, vous allez à Acadia
National Park, vous tombez dans autre chose et vous savez que c'est un parc
national.
M. Tremblay: Essentiellement, un parc national, c'est un parc de
conservation aux États-Unis?
M. Bouchard: Certainement.
M. Tremblay: Est-ce que vous ne croyez pas que, finalement, c'est
ce qu'on fait avec le projet de loi 13?
M. Bouchard: Non, parce qu'on...
M. Tremblay: Puisque, dès lors qu'on a un parc national et
presque tous les parcs qu'on a au Québec - vous excluez Boucherville et
Yamaska - y inclus Saint-Bruno, il serait possible de les désigner comme
parcs nationaux.
M. Bouchard: Oui. Moi, je pense que la plupart des parcs actuels,
de ceux qu'on a -évidemment, il reste à voir - il y en a qui sont
un peu petits. Mais, quand même, Parcs Canada s'est laissé aussi
passer quelques petits parcs, comme celui de la pointe Pelée. On a
peut-être, proportionnellement, un peu plus de petits parcs que ce qu'ont
normalement les réseaux de parcs nationaux, mais, même
là-dessus, cela serait acceptable comme concept. L'affaire, c'est que,
quand vous classez quelque chose parc national, vous restreignez pas mal le
type de développement que vous pouvez faire dans le parc. La loi
actuelle, cela, elle ne le fait pas.
Dans un parc national américain ou canadien, vous ne pouvez pas
faire de développements d'infrastructures importants. Cela doit
être essentiellement voué à la conservation et à
l'éducation. C'est à ce point fort que, même le parc des
Adirondacks, qui est au sud de Montréal, aux États-Unis, dans
l'État de New York, ce parc - cela, c'est un exemple unique - est
même protégé dans la constitution de l'État de New
York. Pour faire des changements dans ce parc, il faut faire un amendement
à la constitution de l'État.
Donc, les gens ont habituellement raison de vouloir demander de bonnes
garanties de protection, parce que c'est la nature humaine, ça. Un site
naturel, cela vit en soi, cela a son intérêt en soi. Il n'y a pas
tellement de gens qui sont prêts à le comprendre. Vous avez un
ensemble de personnes, à côté de cela, qui pensent toujours
en fonction que ce qui est vert, c'est une banque pour certains
développements. On a connu cela à Montréal et on peut
connaître cela à bien des endroits.
Évidemment, les dangers, vous ne les voyez pas
immédiatement, mais les parcs régionaux de la communauté
urbaine, dans le moment, les gens sont en train de se donner des
règlements assez précis pour les contrôler. S'ils ne se
donnaient pas de règlements précis dans le moment, nul doute que,
dans dix ans, quelqu'un arriverait et dirait: Tout compte fait, pourquoi, dans
celui de Bois-de-Liesse, qui est prêt d'une petite rivière,
pourquoi ne pas faire une grande marina? Pourquoi ne pas faire de
l'équitation et faire telle affaire? Finalement, vous aboutissez au fait
que ce parc a perdu toute son intégrité naturelle.
Donc, il y a toujours un lobby très bien organisé, pas mal
intentionné en soi. Le vert, c'est une présence, mais, pour bien
des gens, c'est une absence. C'est uniquement une banque de terrains pour
quelque chose qu'on fera un jour. Cela, ce n'est pas la philosophie des parcs
nationaux américains, ni la philosophie des parcs nationaux
canadiens.
M. Tremblay: Est-ce que je simplifierais trop en disant que vous
ne verriez pas d'un mauvais oeil, dans le projet de loi 13, d'enlever les
désignations, s'il y avait des provisions dans la loi qui donnaient ces
garanties?
M. Bouchard: Comme je le disais tantôt, une loi se juge sur
le texte, cela se juge aussi sur son application. Disons que sur papier cela me
semblerait probablement assez acceptable. Maintenant, il faudrait voir si
l'application... Comme je le disais tantôt, si on nomme cinq objectifs et
que, finalement, le dernier permet de contredire le premier, là, je ne
le sais pas. C'est plus facile pour moi d'évaluer la loi actuelle parce
qu'on a eu neuf cas pour juger comment elle fonctionne tandis que là
c'est de juger de l'avenir qu'on ne peut pas nécessairement
connaître.
M. Tremblay: II y a aussi le problème véritable. Je
m'avance peut-être un peu, mais vous avez parlé de Tremblant,
d'Orford; je connais mieux le mont Saint-Bruno. Il y a dans ces parcs - et
peut-être dans d'autres -des infrastructures qui sont
considérées de récréation intensive. Par contre, il
y a aussi, dans tous ces parcs, des éléments qui colleraient
très bien à la désignation d'un parc national tel que
connu internationalement. Ne trouvez-vous pas cela un peu malheureux que,
simplement parce qu'il faut les désigner d'une manière ou d'une
autre, on mette en danger des éléments qu'on voudrait
protéger d'une façon plus particulière?
M. Bouchard: Vous savez, si vous regardez le cas du mont
Saint-Bruno, par exemple, et du mont Saint-Hilaire, le mont Saint-Hilaire a
été laissé, par testament, à l'Université
McGill. Si vous regardez le testament du colonel Gault, il est bien moins
sévère que la loi ou que les lois qu'on s'est données au
Québec et, pourtant, il y avait une tradition de l'Université
McGill de dire: le mont Saint-Hilaire, il faut que ce soit conservé dans
le sens d'un parc national. De cette façon, j'aimerais vous faire
remarquer que le mont Saint-Hilaire a été désigné
par l'UNESCO - ce n'est quand même pas rien, cela - qui a
désigné peu d'endroits - il y en a deux ou trois au Canada, je
pense bien -Réserve de la biosphère au sens de l'UNESCO, le mont
Saint-Hilaire qui est la petite montagne qui est juste à
côté.
Si vous allez là les fins de semaine, c'est rempli de monde au
mont Saint-Hilaire. Vous êtes obligé de stationner jusqu'en bas de
la côte et tout cela. Cela attire énormément de monde. Les
gens ont l'impression - c'est une fausse idée - que, si on fait un parc
qui est dans le sens de la conservation, c'est uniquement pour les
écologistes barbus et aux cheveux longs qui vont aller regarder quelques
oiseaux en fin de semaine et qu'on va éliminer tout ce qui bouge. Ce
n'est pas vrai, cela. Allez voir le mont Saint-Hilaire! Pourtant, le mont
Saint-Hilaire aurait les capacités d'être un parc de conservation.
Il a eu l'honneur d'être désigné Réserve de la
biosphère de l'UNESCO et, pourtant, il est juste à
côté du mont Saint-Bruno.
Je serais curieux de faire une étude comparative du nombre de
personnes qui vont dans les deux sites. Il y a peut-être autant de gens
qui vont à l'autre site. Il se fait du ski de fond au mont
Saint-Hilaire, mais on a empêché les développements qui
auraient été de gros développements comme des pistes de
ski ou quelque chose du genre, et Dieu sait que le mont Saint-Hilaire a
peut-être plus de potentiel de ce côté que le mont
Saint-Bruno parce qu'il a une plus grande élévation, etc. C'est
un choix qu'on a fait. On a fait cela dans les années cinquante et on
l'a gardé comme cela, mais il n'y a rien dans le testament du colonel
Gault qui défende à McGill de faire une piste de ski. C'est
marqué qu'il laisse le mont Saint-Hilaire pour la jouissance des
jeunesses à venir.
Je pense que le mont Saint-Bruno, il n'y a aucune raison pour laquelle
il ne pourrait pas être aménagé dans l'esprit qui
prévaut au mont Saint-Hilaire. D'ailleurs, lors des audiences publiques,
le ministre Chevrette avait été un peu imprudent en posant cette
question, mais il avait dit: Pourquoi tant insister pour que le mont
Saint-Bruno soit un parc de conservation quand vous en avez déjà
un avec le mont Saint-Hilaire? Évidemment, la réponse est facile
à donner. C'est un peu curieux de se dire qu'on va faire protéger
nos ressources naturelles par une institution privée et, par
surcroît, l'Université McGill, qu'on n'assumera même pas
nous-mêmes notre responsabilité première dans la loi.
Je pense que - de la même façon qu'aux États-Unis on
a beaucoup réalisé cela - dans le fond, les infrastructures
lourdes, il est beaucoup mieux de les laisser à l'industrie
privée qui peut les installer sur des territoires qui lui appartiennent,
les gérer selon le changement des clientèles, selon ce que les
gens veulent, etc. Je ne crois pas qu'a été
particulièrement profitable le centre de ski du mont Orford dans les
deux ou trois dernières années. Cela a amené pas mal de
problèmes, probablement, au niveau du gouvernement, qui a
été forcé de réinvestir parce qu'on se disait: Si
on fait ce pas de plus... La compagnie de gestion Orford s'est plainte, en tout
cas, pendant deux ans, qu'elle ne faisait pas d'argent, que c'était
presque en faillite, etc. Je pense qu'on est mieux de laisser l'industrie
privée s'occuper de ce genre d'infrastructures et, comme gouvernement,
nous, de s'occuper de ce que la population ou une bonne partie de la population
veut avoir: de véritables parcs de verdure pour se promener. (11
heures)
Le Président (M. Marquis): Une dernière question,
M. le député.
M. Tremblay: C'est ma dernière, Tout cela fait partie de
ce que l'on appelle les équipements de récréation
intensifs qui sont déjà dans nos parcs. Tout à l'heure,
vous avez donné l'exemple d'un parc - je ne me souviens pas duquel - en
disant: Les gens vont là en famille pour faire du camping et de la
randonnée. Selon votre interprétation, est-ce qu'un terrain de
camping, c'est un équipement récréatif intensif ou
extensif?
M. Bouchard: S'il est planifié dans des zones qui ne sont
pas particulièrement sensibles, il est normal d'avoir dans les parcs
nationaux, compte tenu des distances et des coûts énormes
qu'auraient à assumer des familles pour se loger au motel ou à
l'hôtel, des terrains de camping bien aménagés dans des
zones qui peuvent plus le supporter que d'autres, c'est-à-dire là
où le sol est de till ou de moraine de fond, tel genre de
végétation. C'est acceptable. C'est accepté à la
fois dans le réseau des parcs nationaux du Canada et dans le
réseau des parcs nationaux des États-Unis.
M. Tremblay: Donc, vous considérez un terrain de camping
comme un équipement extensif?
M. Bouchard: Extensif, mais il ne faut pas les multiplier...
Le Président (M. Marquis): Vous pouvez terminer, M.
Bouchard.
M. Bouchard: II ne faut pas que cela commence par un terrain de
camping qui peut recevoir tant de personnes. Vous avez une pression
illimitée pour cela. Au Jardin botanique, si on suivait ce que les gens
nous demandent, on n'aurait que des terrains de stationnement. Finalement, on
aurait peut-être juste une serre au bout. Il y a toujours une pression
qui vient et, si on ne sait pas la contrôler et si on ne veut que lui
répondre, on va faire des choses absurdes, finalement.
M. Tremblay: J'aurais eu d'autres questions. Malheureusement, le
temps...
Le Président (M, Marquis): Je n'en doute pas. Alors, merci
beaucoup à M. André Bouchard et M. Jean-Luc Bourdages pour leur
présence et leur témoignage devant cette commission
parlementaire.
J'invite maintenant les représentantes de la
Société d'animation du Jardin et de l'Institut botaniques
à prendre place.
Nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission
parlementaire. Je pense m'adresser à Mme Céline Arseneault,
présidente...
Mme Arseneault (Céline): C'est cela.
Le Président (M. Marquis):... ainsi qu'à Mme Nicole
Gagnon, écologiste. C'est bien cela? Alors, la parole est à vous
pour nous présenter le contenu de votre mémoire.
Société d'animation du Jardin et de
l'Institut botaniques
Mme Arseneault: Je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui.
Alors, la SAJIB est la Société d'animation du Jardin et de
l'Institut botaniques. Pour ceux qui ne la connaîtraient pas, c'est une
société à but non lucratif qui existe depuis dix ans - je
vais le dire tantôt - et dont les objectifs visent la diffusion des
connaissances en botanique, en horticulture et en écologie à
partir des ressources du Jardin botanique, mais on a également des
objectifs conjoints qui sont la protection de l'environnement et surtout des
sites naturels.
Je commence donc mon mémoire. La SAJIB est donc heureuse de
pouvoir exprimer son opinion sur le projet de loi 13, Loi sur les parcs
nationaux, visant à remplacer la Loi sur les parcs telle qu'on la lit
dans les Lois révisées du Québec, chapitre P-9.
En effet, en tant que mouvement oeuvrant dans le loisir scientifique au
Québec depuis bientôt dix ans et regroupant près de 1500
membres, je dois vous dire qu'on est plus grosse, du moins une des plus grosses
sociétés en loisir scientifique au Québec, non seulement
dans les domaines des sciences naturelles, mais en loisir scientifique. Nous
sommes donc les porte-parole d'une partie de la population
québécoise. De plus, de par nos objectifs propres et notre
implication répétée dans le domaine des parcs provinciaux
et régionaux, nous nous sentons concernés par le peu d'importance
accordée à la conservation dans les parcs par ce nouveau projet
de loi.
Alors, j'ai divisé mon intervention en quelques grands
thèmes; chacun n'a pas la même importance. Le premier est de
l'éducation et du rôle de la conservation. La SAJIB
préconise la conservation des milieux naturels. Nous croyons que nous
sommes déjà lésés par la loi actuelle puisque, dans
son application, on a déjà été très
tolérant vis-à-vis du degré de conservation réelle
dans les parcs de conservation et ceci, sans souligner la quasi-absence des
secteurs protégés dans les parcs de récréation.
Donc, on inclut des zones de récréation dans les parcs de
conservation et, quelquefois, on ne fait pas le contraire. Mais, du moins,
cette loi garantit-elle l'appellation "parc de conservation" en rapport avec la
définition d'objectifs de conservation. Ainsi, un parc de conservation
est présentement, et je cite la loi actuelle: "un parc dont l'objectif
prioritaire est d'assurer la protection permanente de territoires
représentatifs des régions naturelles du Québec ou des
sites naturels à caractère exceptionnel tout en les rendant
accessibles au public à des fins d'éducation et de
récréation extensive".
Dans l'esprit du public, la volonté de conservation se
perçoit alors clairement. Cet énoncé, d'ailleurs, rejoint
dans son principe un des buts premiers de la SAJIB, qui est l'animation en
sciences naturelles à des fins de sensibilisation à la protection
du patrimoine naturel. Dans cette optique, les parcs de conservation
constituent pour nous l'endroit privilégié où chacun,
selon ses connaissances, peut mieux prendre conscience de la valeur
exceptionnelle du monde qui l'entoure. Ce cheminement peut être
réalisé par les programmes d'interprétation de la nature
destinés au public.
Présentement, ces programmes ne se retrouvent majoritairement que
dans les parcs de conservation, à l'exception du parc des
Îles-de-Boucherville et du parc Paul-Sauvé. Pourtant, l'existence
de tels programmes est primordiale dans tous les parcs, d'une part parce qu'ils
s'intègrent dans une politique gouvernementale d'éducation en
matière de respect de l'environnement, d'autre part parce qu'ils
incitent la population à venir découvrir des milieux non
perturbés plutôt que de les inciter à venir exercer des
activités récréatives nécessitant l'installation
d'infrastructures complexes au détriment du milieu naturel. Ces
activités sportives, mais bien souvent sociales,
pourraient avoir lieu dans d'autres endroits, si nombreux soient-ils,
comparativement aux milieux naturels protégés. C'est là
qu'une distinction s'impose entre récréation intensive et
extensive, seule la dernière permettant un contact réel avec la
nature.
Des écosystèmes à protéger. La SAJIB
s'intéresse principalement à la protection de la
végétation. C'est elle, en effet, qui est à la base de
tout écosystème, tout en étant la première
touchée par toute nouvelle orientation d'un parc, en particulier par
l'installation d'infrastructures ou l'utilisation récréative
intensive. Pour ces raisons, on doit étayer notre connaissance de la
végétation d'études analytiques en fonction des autres
composantes biophysiques. Ceci nous permet de mieux prévoir
l'aménagement des parcs, mais également de les répartir
géographiquement dans l'ensemble du Québec,
particulièrement près des zones urbaines ou des secteurs
susceptibles d'être modifiés par l'exploitation économique
ou touristique. Cette conservation du patrimoine naturel est l'essence
même d'un réseau de véritables parcs nationaux,
réseau qui vise la protection en fonction des générations
futures comme témoin d'un milieu non perturbé.
Une nomenclature adaptée aux besoins. L'appellation même de
parcs nationaux, mentionnée dans le projet de loi 13 et employée
indifféremment selon leurs objectifs prioritaires, risque de susciter
une confusion inutile avec les parcs nationaux du Canada dont le but premier
est la conservation. Nous ne voyons aucune contradiction entre la
désignation de parcs provinciaux de récréation ou de
conservation et celle de parcs régionaux ou urbains, tel qu'on le
justifie dans les notes explicatives au projet de loi 13.
Des objectifs à définir et en devenir. Enfin,
attardons-nous aux objectifs spécifiés lors de
l'établissement des parcs, selon le projet de loi 13. Ainsi, on peut
lire que le premier objectif est de protéger et mettre en valeur des
sites naturels à caractère exceptionnel ou des territoires
représentatifs des régions naturelles. Nous voudrions savoir si
c'est cela l'objectif de conservation, même si on ne le précise
pas. La mise en valeur dont on parle ne risque-telle pas de nuire à la
protection? Y inclut-on la notion d'éducation et de
récréation extensive, comme on le fait vraiment dans la loi
actuelle? Y inclut-on d'autres approches, telle la mise en valeur touristique
requérant des infrastructures qui détruisent peut-être le
milieu naturel et ce, à quel niveau? Cet objectif ne décrit pas
plus le pourcentage du territoire voué à la conservation que ne
le prévoit la loi actuelle, mais, du moins, cette dernière
définit-elle qualitativement la conservation par rapport à la
récréation. Quant au deuxième objectif qui vise à
favoriser la pratique d'activités de plein air, dans quelle mesure ne
sera-t-il pas jugé prioritaire par rapport au premier objectif? Le
projet de loi sous-entend que les deux objectifs peuvent être
utilisés de pair dans un même parc. On lit, en effet, que "le
décret établissant un parc national doit spécifier pour
lesquels de ces objectifs il est établi". Même si, dans le
décret, à la suite d'audiences publiques, l'objectif de
conservation devenait prioritaire, quelle certitude aurions-nous qu'il le
demeure! Et à quel point la population pourra-t-elle distinguer les
différentes vocations dans le réseau de parcs?
Au sujet des parcs existants, l'article 23 du projet de loi dit que "le
gouvernement peut, par décret, modifier l'appellation d'un parc pour y
insérer le mot "national" et substituer à la classification d'un
parc les objectifs prévus aux paragraphes 1 et 2 de l'article 1". La
protection du territoire des parcs de conservation classifiés selon
l'actuelle loi sera-t-elle permanente si le ministre peut décider quand
il lui semble d'une nouvelle interprétation des objectifs prioritaires?
De même, au paragraphe 2 de l'article 11, le ministre pourra adopter des
règlements pour "diviser un parc en différentes zones", sans
consultation préalable.
Voici la conclusion de ce très court mémoire, mais qui dit
vraiment ce que nous pensons. En regard des failles majeures du projet de loi
13, particulièrement de ses lacunes en matière d'éducation
et de conservation, la SAJIB le rejette. Nous souhaitons beaucoup plus
l'amélioration de l'application des concepts de conservation
précédemment établis dans la Loi sur les parcs. Je vous
remercie beaucoup.
Le Président (M. Marquis): Merci beaucoup, Mme Arseneault.
La parole est au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Brassard: Je voudrais d'abord remercier la
Société d'animation du Jardin et de l'Institut botaniques d'avoir
bien voulu participer à cette consultation particulière et
j'aurais trois questions portant sur son mémoire.
D'abord, à la première page, vous affirmez de façon
péremptoire, et je cite: "Nous croyons que nous sommes
déjà lésés par la loi actuelle puisque, dans son
application, on a déjà été très
tolérant vis-à-vis du degré de conservation réelle
dans les parcs de conservation et ceci, sans souligner la quasi-absence des
secteurs protégés dans les parcs de récréation. "
C'est là une affirmation assez grave que vous faites et, comme ministre
responsable du réseau des parcs nationaux au Québec, je
souhaiterais beaucoup que vous apportiez certaines preuves ou certains faits
qui fondent et
justifient une pareille affirmation. J'imagine que vous avez
visité un certain nombre de parcs parmi la douzaine qui existent
actuellement. Comment pouvez-vous affirmer une telle chose en regard de ce qui
se fait présentement dans les parcs nationaux? Comment pouvez-vous
affirmer que l'application de la loi, actuellement, dans le réseau des
parcs de conservation, fait preuve de tolérance vis-à-vis du
degré de conservation réelle? Ce que je voudrais savoir, c'est
sur quoi vous vous basez pour affirmer une telle chose.
Mme Gagnon (Nicole): D'accord, je peux répondre. C'est
que, justement, dans un travail sur les parcs naturels du Canada et du
Québec fait par Jean-Luc Bourdages, André Bouchard et Marie-Odile
Trépanier, à un moment donné, on parle de l'importance
relative des zones de conservation dans les parcs québécois. Des
zones de conservation, dans les parcs de conservation, on en retrouve environ
un tiers de la superficie qui est zoné pour la conservation tandis que
dans les parcs de récréation, il y en a un cinquième qui
est zoné pour la conservation, comparativement au parc national de
Forillon où il y a environ 90% de la superficie qui est zonée
pour la conservation. Dans les parcs de l'Ontario, il y en a environ 90%. Dans
ce sens, on veut dire qu'on est déjà lésé par
rapport à la quantité de territoires qui sont vraiment
zonés de conservation. (11 h 15)
M. Brassard: Cela dépend beaucoup de la façon dont
on zone, sauf que, dans le zonage qu'on applique au Québec, qu'on
retrouve dans la politique sur les parcs, on parle de la zone d'ambiance. La
zone d'ambiance n'est peut-être pas qualifiée de
préservation, mais les aménagements qu'on peut retrouver dans la
zone d'ambiance sont très légers. On y pratique surtout des
activités à caractère éducatif, fondées sur
la découverte et l'exploration du milieu ambiant. Vous savez en quoi
consiste la zone d'ambiance. Elle peut être... C'est vrai que cela ne
s'appelle pas zone de préservation, mais dans le fond vous savez
très bien que c'est une zone de protection.
Mme Gagnon (Nicole): Oui, mais dans le sens que, lorsque vous
présentez un parc, ce qu'on voit, ce sont vraiment les zones de
conservation, la zone d'ambiance, les zones de récréation
intensive dans les parcs de récréation et les zones de service.
Il y a quand même une possibilité d'un aménagement plus
intensif et vous pouvez changer le zonage par rapport... Vous pouvez
peut-être augmenter une zone de récréation extensive ou...
Dans ce sens, c'est...
M. Brassard: Si je comprends bien, votre affirmation repose sur
des statistiques dans le sens qu'à partir du zonage vous avez une
certaine portion du territoire des différents parcs qui est zonée
zone de préservation et, ensuite, une partie du territoire qui est
zonée zone d'ambiance, zone de service.
Mme Arseneault: II faudrait comprendre, M. le ministre, que ce
n'est pas là nécessairement un reproche; on dit un fait, c'est
une constatation. Je crois que, si on calcule, sur la base du zonage, le
pourcentage, au moins, dans les parcs de conservation, on est plus sûr
qu'il y a un certain pourcentage de territoires réservé à
la conservation alors que, dans les parcs de récréation, ce
pourcentage diminue assurément beaucoup plus. C'est surtout ce point
qu'on voulait mentionner.
M. Brassard: C'est un point de vue que vous défendez, mais
je pense que, quand on parle de territoires où l'on assure une
protection du milieu naturel et qu'on veut faire une analyse purement
quantitative du territoire où la protection du milieu naturel est
assurée, il faudrait inclure les zones d'ambiance. C'est une question de
point de vue.
Deuxième question, c'est normal qu'une société
comme la vôtre insiste beaucoup sur les fins d'éducation que l'on
doit poursuivre dans le réseau des parcs. Cela fait partie de votre
vocation, de votre mission, en quelque sorte, c'est tout à fait normal
que vous insistiez là-dessus.
J'ai d'ailleurs indiqué hier que c'était là aussi
une activité essentielle, fondamentale, qui devait s'exercer dans les
parcs nationaux du Québec et que, pour éviter toute
ambiguïté, nous allions apporter un petit amendement à la
loi pour qu'on retrouve cela dans la loi également, comme on le retrouve
dans la loi actuelle où on parle d'éducation.
Je voudrais vous demander, comme vous vous intéressez beaucoup
à l'interprétation de la nature, quelle est votre
appréciation des programmes d'interprétation de la nature qu'on
retrouve actuellement dans la plupart des parcs, dans tous les parcs qui ont
l'appellation de conservation.
Mme Arseneault: Je pense qu'il y a quelques années il y
avait eu quand même un très fort mouvement en vue de
l'interprétation de la nature des parcs, dans les parcs. Cependant, on
note - je n'aurais pas de chiffres à vous donner, c'est surtout, en
fait, une appréciation personnelle - quand même une perte au
niveau total des activités par rapport à l'éducation, par
rapport aux programmes d'interprétation de la nature. Je pense que, dans
plusieurs parcs, il y a eu des programmes qui sont tombés ou qui ont
fait l'objet de coupures; non pas dans tous les
parcs. Je sais que, dans certains parcs, même encore de
récréation, il existe des programmes d'éducation. Je crois
qu'on devrait aussi mettre plus d'accent au niveau de la protection par le
public, c'est-à-dire que, dans les parcs, qu'ils soient de conservation
ou de récréation, peut-être que les programmes
d'interprétation de la nature attirent une certaine clientèle et
l'éducation peut se faire à tous les niveaux, à partir de
la personne qui arrive dans le stationnement jusqu'à la personne qui
suit une visite de quelques heures par un naturaliste. Toutes ces
clientèles sont attirées selon différents besoins, mais
elles ont toutes besoin d'éducation. C'est peut-être là
probablement - je ne dirais pas la faille, du moins, ce serait trop fort - le
point sur lequel on devrait mettre l'accent dans les prochaines
années.
D'autre part, lorsque vous dites que vous allez amender le projet de loi
et que vous allez ajouter la vocation éducative, je crois que c'est
vraiment très bien. Je vous remercie beaucoup. Le seul problème,
c'est qu'on croit que parfois cela devrait aller de pair avec la conservation.
On peut vraiment bien faire de l'éducation dans un milieu non
pertubé et qui est conservé dans sa plus grande totalité;
si on calcule que l'éducation n'est pas incompatible avec la
récréation extensive, on peut vraiment viser des niveaux
d'éducation très grands. À ce point, justement, lorsque,
dans vos objectifs, vous ne définissez pas tout de suite la
priorité de conservation ou de récréation, c'est là
que cela nous inquiète. On croit que l'éducation peut être
à certains niveaux incompatible avec la récréation
intensive. Autrement dit, cela laisse moins de territoire.
M. Brassard: J'aurais une- troisième question. À la
page 3, quand vous parlez de nomenclature adaptée aux besoins, vous
indiquez que l'appellation de parcs nationaux risque de susciter une confusion
inutile avec les parcs nationaux du Canada dont le but premier est la
conservation. Juste pour mémoire... Je dois d'abord vous dire que le
terme "national", je ne pense pas que ce soit un monopole exclusif du
gouvernement fédéral. Il y a l'Assemblée nationale, il y a
les musées nationaux du Québec, enfin, le terme "national", je ne
crois pas qu'il y ait un décret divin qui stipule que c'est une
propriété exclusive du gouvernement fédéral.
Mme Arseneault: Absolument pas.
M. Brassard: Le terme "national" pourrait être
utilisé également au Québec pour bien marquer
l'intérêt du site qu'on établit en parc, l'ampleur de
l'intérêt, donc, qui est d'un intérêt national. Quand
vous dites que les parcs nationaux du Canada dont le but premier est la
conservation, je ne l'ai pas tout lu, mais je vous renvoie au document dont
vous me parliez tantôt, des étudiants Bourdages, Bouchard et
Trépanier qui, portant sur les parcs du Canada, affirme en page 10,
parlant des parcs du Canada, et je cite: "Certains parcs sont plutôt
voués à la protection du milieu naturel ou même d'une
espèce en particulier alors que d'autres constituent des sites
récréatifs en nature. "
Mme Arseneault: Sites en nature.
M. Brassard: Même si cela n'apparaît pas - et je vous
signale aussi qu'il n'y a pas de classification dans la loi sur les parcs
fédéraux - dans les faits, il y a des parcs dont
l'élément fondamental est le paysage et l'état naturel, le
milieu naturel et il y en a d'autres qui sont surtout destinés à
la récréation. Il y a même une troisième
catégorie, les parcs qui ont pour fonction de préserver un genre
particulier de flore et de faune. C'est le document dont vous parliez
tantôt. Quand vous dites "dont le but premier est la conservation", on
peut dire cela du réseau des parcs actuels du Québec, de la
douzaine ou des treize qui existent présentement. Ce sont d'abord des
parcs de conservation.
Mme Arseneault: Ce que je voulais dire surtout par conservation,
c'était comme l'exemple de M. Bouchard tantôt. C'était que,
quand même, dans les parcs nationaux du Canada, il y a une vocation.
Même si elle est récréative, c'est une
récréation extensive, donc qui n'est pas incompatible avec la
protection, mais qui, au contraire, vise même l'éducation dans les
sites de protection. Je ne vois aucune incompatibilité à nommer
"parcs nationaux" les parcs du gouvernement du Québec; au contraire, ce
n'est pas là mon point. C'est plutôt parce que, selon les
objectifs, il n'y aurait plus de classification, à ce moment-là,
entre le parc de la Yamaska ou le parc des Îles-de-Bouchervilie et celui,
peut-être, du Mont-Orford qui pourrait devenir un parc de conservation,
ou du moins dans une grande partie. C'est à ce niveau-là surtout.
Quand je dis que le but premier est la conservation, c'est l'objectif premier,
la conservation, même s'il y a une récréation extensive
dans les parcs, et c'est en vue des générations futures. Donc, en
vue des générations futures, cela implique vraiment une
conservation. C'est à ce niveau-là.
M. Brassard: II y a aussi de la conservation dans les parcs qui
ont un statut de parcs de récréation au Québec...
Mme Arseneault: Oui.
M. Brassard:... et dans le réseau des parcs relevant du
gouvernement fédéral, on
retrouve la même chose aussi. Vous parlez de
récréation intensive ou extensive. Je vous signale qu'à
Banff, qui est le premier des grands parcs créés par le
gouvernement fédéral, il y a des équipements de
récréation intensive aussi. Il y a des pistes de ski alpin
à Banff.
Mme Arseneault: Oui, c'est encore là une raison
historique. Je veux dire qu'il y a toujours des raisons...
M. Brassard: Comme au Mont-Orford.
Mme Arseneault: Oui, mais, si on les agrandit au détriment
du milieu naturel, ce ne sont plus des raisons historiques, ce sont des raisons
économiques.
Le Président (M. Marquis): Je vous remercie, M. le
ministre. La parole est à M. le député de
Charlesbourg.
M. Côté: M. le Président, je voudrais
accueillir la présentation de Mme Arseneault et de Mme Gagnon et
peut-être un peu corriger le ministre quant aux étudiants
Bourdages, Bouchard et Trépanier, nos prédécesseurs
à la présentation des mémoires. À ce que je sache,
le conservateur M. Bouchard a peut-être fait des études à
temps partiel, mais il n'est plus étudiant. Je ne crois pas que Mme
Trépanier, qui est avocate et urbaniste, soit encore aux
études.
J'aimerais en savoir davantage - ce n'est pas une méconnaissance
du dossier -sur la société elle-même. Votre
société, on apprend qu'elle est fondée depuis dix ans et
qu'elle a 1500 membres. De quelle manière fonctionnez-vous au plan
financier? À combien de personnes dispensez-vous votre savoir
annuellement, si c'est possible de l'évaluer? Hier, le
député de Chambly nous faisait part d'un sondage scientifique, en
matinée, et d'un sondage maison en après-midi, pour parler du
Mont-Saint-Bruno. J'ai l'impression que vous représentez davantage
l'utilisateur de ces espaces-là et que vous nous donnez une expertise
assez intéressante.
Mme Arseneault: La société regroupe 1500 membres
qui sont répartis vraiment dans tout le territoire
québécois. Environ 35% sont dans la grande région de
Montréal. Le but premier d'adhérer à notre
société, c'est surtout pour les objectifs qu'on défend. La
SAJIB vise en premier, comme je l'ai dit, la diffusion des connaissances, donc
elle a un rôle d'éducation en botanique, en horticulture et en
écologie. C'est donc très vaste, c'est pourquoi on a vraiment un
éventail de membres assez vaste. Nous avons tout autant M. Tout-le-Monde
qui est habitant de Rosemont ou citoyen de Montréal. Nous avons aussi
des écologistes, des gens qui travaillent au jardin et à
l'institut, évidemment, et des sens de tous les secteurs,
gouvernemental, institutionnel... (11 h 30)
Nos activités sont assez diversifiées. Cela part
évidemment de l'implication quotidienne. Nous sommes autosuffisants au
niveau financier, nous ne recevons aucune subvention. Même si nous avons
été appelé "organisme national de loisir scientifique"
depuis un an et demi, nous n'avons reçu aucune subvention. Les seules
subventions que nous obtenons, et nous en sommes très fiers, c'est
lorsque nous présentons des projets qui visent la création
d'emplois ou qui visent vraiment des projets très spécifiques.
Ainsi, Mme Gagnon, qui est écologiste, a pu travailler pendant plusieurs
mois grâce à une subvention du ministère de l'Environnement
qui a été accordée pour un programme de création
d'emplois qui visait à une meilleure connaissance des sites naturels
protégés du sud du Québec.
Alors, ça vous donne un aperçu vraiment de nos
activités. Cela part de l'atelier où on apprend à bouturer
des plantes, ce qui s'adresse à des spécialistes en horticulture
ou à des amateurs, et va jusqu'à de grands projets qui visent
vraiment l'éducation et la conservation.
La dernière activité qui nous permet aussi de diffuser
beaucoup plus de connaissances, c'est notre bulletin, qui est une revue dont
les coûts sont complètement absorbés par les membres et qui
est un organe de diffusion en vulgarisation scientifique au Québec. Il
est publié quatre fois par année. D'ailleurs, ce mémoire
fera sûrement l'objet d'un article à l'intérieur du
bulletin, puisque nous y mettons l'information diffusée par la SAJIB,
mais, également, des articles de nos membres, que ce soit sur les parcs,
sur les plantes rares.
Nous avons eu, dans le cas du dossier Saraguay, énormément
d'impact puisque c'était un parc tout près de nous. Comme 35% de
nos membres sont dans la région de Montréal, cela avait beaucoup
d'importance pour nous. Alors, on a défendu ce dossier. On en a fait un
bulletin spécial qui est encore aujourd'hui une source d'information
assez importante. C'est le genre de dossier dans lequel on s'implique. On s'est
impliqué aussi dans les audiences publiques du mont Tremblant et du mont
Orford. Ce sont des exemples dans lesquels on s'est impliqué.
Évidemment, la coexistence de deux institutions un peu
mères avec la nôtre, cela favorise beaucoup l'échange de
connaissances. D'autre part, nous, on donne l'impact du public,
c'est-à-dire une variété de votants, si on peu appeler
ça comme ça, de citoyens qui ont beaucoup de
préoccupations, mais qui, lorsqu'ils adhèrent à la SAJIB,
je crois, sont d'accord avec nos objectifs primordiaux.
M. Côté: Juste une dernière question sur le
financement. Vous avez un budget de fonctionnement de combien? Je vous ai
entendu dire tout à l'heure que vous n'aviez pas de subvention. Bien
souvent, on a comme réponse que c'est parce qu'on n'en a pas
demandé. Dans votre cas, est-ce que cela a été
demandé?
Mme Arseneault: Oui, on en a demandé l'année
dernière au MLCP. Je crois que c'était la première
année qu'on le demandait. On l'a redemandé cette année. On
n'a jamais eu de mauvaises relations avec le MLCP, qu'il soit libéral ou
péquiste. Mais disons que, l'année dernière,
c'était la première année qu'on demandait une subvention
et on ne l'a pas eue.
Mais on n'attend pas ça pour vivre. On a un employé
à temps partiel; on a un budget de fonctionnement de 20 000 $. Cela,
c'est sans compter, évidemment, les projets de création
d'emplois, autant fédéraux que provinciaux. On a eu des projets
vraiment fantastiques, comme diriger toute l'animation au niveau plus
spécialiste.
Lors des Floralies internationales de Montréal, on avait
formé des guides. On les a employés grâce à un
projet du gouvernement du Canada. On a également dirigé des
projets beaucoup plus communautaires, tels La Cité écologique,
qui est encore un programme du gouvernement du Canada, qui a été
repris cette année sous un autre vocable, Ensemble, un quartier vert,
qui est dans le comté de Rosemont, au niveau fédéral, et
qui vise la sensibilisation du public à l'écologie et à
l'embellissement urbain.
Ce sont des exemples qui nous permettent vraiment de fonctionner et de
mieux diffuser notre rôle, mais qui, à un stade journalier, ne
nous aident pas. Mais je crois qu'on a toujours un bon contact avec tous les
paliers gouvernementaux.
M. Côté: Pour revenir au projet de loi, on retrouve
à la page 4, au dernier paragraphe avant la conclusion, une
préoccupation: "La protection du territoire des parcs de conservation
classifiés selon l'actuelle loi sera-t-elle permanente si le ministre
peut décider quand il lui semble d'une nouvelle interprétation
des objectifs prioritaires?" Dans la loi actuelle, à l'article 1c, on
parle de "protection permanente de territoires représentatifs".
Hier, à l'Association des biologistes du Québec, j'ai
posé la question: Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y ait un danger et
que ça puisse être un recul? Cela a été une
réponse plutôt négative. Est-ce que je dois comprendre de
votre affirmation qu'il y a un danger, que vous craignez à ce
niveau?
Mme Arseneault: Comme M. Bouchard l'a mentionné, lorsqu'on
crée un nouveau parc, on définit des objectifs. Dans le cas des
parcs déjà existants, ils ont déjà des objectifs de
conservation ou de récréation. Cela va parce qu'il va y avoir des
audiences publiques lors de la création d'un nouveau parc; lorsqu'il y a
eu dénomination ou classification: parc de conservation et parc de
récréation, il y a eu des audiences publiques. La population a
donc eu la chance d'exposer ses idées là-dessus. Je crois surtout
que c'est lorsqu'on mentionne qu'on pourrait adopter des règlements pour
diviser un parc en différentes zones par décret que c'est un peu
dangereux. C'est à ce stade, si cela s'applique aux nouveaux parcs, mais
en plus si cela s'applique aux anciens parcs. Les "batailles", entre
guillemets, qui ont été gagnées ou perdues pour la
récréation ou la conservation, on devrait vraiment savoir... Il
devrait peut-être y avoir des audiences publiques à nouveau
lorsqu'on doit diviser ou changer le zonage. C'est surtout à ce niveau,
je crois, qu'est le danger. C'est un danger qu'il faut considérer.
Mme Gagnon (Nicole): Je voudrais ajouter quelque chose aussi,
c'est que vous substituez à la classification d'un parc les objectifs,
c'est-à-dire les deux objectifs: conservation et
récréation, ce qui va un peu à l'encontre de sa
classification antérieure qui est de conservation.
M. Côté: Ma collègue de Chomedey...
Mme Bacon: J'aurais peut-être quelques petites questions,
M. le Président. À la page 2 de votre mémoire, je reviens
à l'élément "éducation" et au rôle de la
conservation. Vous semblez privilégier le fait qu'on offre davantage une
éducation quant à l'interprétation de la nature, par
exemple, dans des parcs, et vous voulez que cela s'intègre dans une
politique gouvernementale d'éducation en matière de respect de
l'environnement. Je suis tout à fait d'accord avec cela. Je pense qu'on
ne peut pas dissocier l'un et l'autre. En même temps, une question me
vient à l'esprit: Est-ce que vous compteriez, à ce moment, sur du
bénévolat? Est-ce que nous avons suffisamment de gens? Vous avez
parlé de formation, quand même, par la diffusion de votre
information, d'une éducation que vous faites auprès de vos
membres qui sont déjà des gens sensibilisés dans le
domaine. Il y a des gens qui le sont plus ou moins. Est-ce que vous trouvez que
nous avons suffisamment de gens qui seraient formés et prêts
à transmettre cette éducation, cette formation?
Mme Arseneault: Je pense qu'il y a suffisamment,
présentement, au Québec, d'organismes à but non lucratif
qui
s'intéressent à ce domaine et ils sont répartis pas
mal dans l'ensemble du Québec. On est peut-être localisé
tout en étant très national, mais il y a des organismes
régionaux aussi, des sociétés d'horticulture et
d'écologie, des organismes qui visent, admettons, la connaissance de la
faune ailée. Je crois que le bénévolat peut se mettre
surtout au niveau de la sensibilisation. C'est déjà une
clientèle cible. Quand nous faisons des activités par le
Comité de la flore québécoise, nous avons nos propres
animateurs. Nous allons dans ces parcs; nous sommes déjà
formés. Nous avons des animateurs écologistes ou amateurs
avertis, mais je vous donne ma parole que ce sont d'aussi bons
écologistes et ils sont prêts, eux, ces gens, à diffuser
leurs connaissances à ceux qui sont invités lors des
activités. Nos activités ne sont pas restreintes seulement
à nos membres. Nous faisons de la publicité pour nos
activités. Je crois qu'au niveau régional ce serait d'autant plus
important que le ministre puisse encourager ces mouvements à
croître, à se multiplier.
Mme Bacon: Vous devancez la question que je voulais vous poser:
Est-ce que vous verriez d'un bon oeil le fait que tout ce groupe de
bénévoles ou de gens intéressés soit
encadré, peut-être, dans un soutien technique qui pourrait
être donné par le ministère du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche ou celui de l'Environnement? Je ne sais pas si vous verriez cela
d'un...
Mme Gagnon (Nicole): Si vous entendez un soutien administratif,
il existe déjà des structures - souvent assez lourdes, d'ailleurs
- au niveau régional, au niveau national: le Conseil de
développement du loisir scientifique, les conseils régionaux. Ces
gens, je pense, sont tous en mesure d'offrir un soutien administratif. Quant au
soutien technique, je crois qu'il faut faire bien attention, également.
Il y aura toujours des organismes qui vont n'être créés que
pour cela. Il ne faut pas non plus avoir un organisme qui ne naisse que pour
faire du bénévolat dans un parc national. Je crois que ces
objectifs doivent être beaucoup plus vastes et doivent englober des
objectifs beaucoup plus permanents et un peu extérieurs aux parcs.
Il y a aussi d'autres organismes qui vont être créés
qui seront beaucoup plus lucratifs et qui auront tendance à offrir le
même type de services que des organismes à but non lucratif, mais
qui vont amener les gens en autobus, qui vont les véhiculer et qui vont
devenir des mini-organisateurs de voyages. Non pas que ces gens-là ne
doivent pas être appuyés au niveau touristique, mais il appert que
ce sont quand même des organismes à but lucratif. Il faudrait
quand même les dissocier des objectifs dont la portée d'action est
beaucoup plus vaste.
Mme Bacon: Verriez-vous d'un bon oeil des contrats qui pourraient
être accordés à un organisme comme le vôtre, par
exemple, par un ministère? Là, vous ne vous sentiriez pas
encadrés massivement par une bureaucratie pour ni plus ni moins livrer
la marchandise...
Mme Arseneault: Oui, c'est évident.
Mme Bacon:... parce que vous auriez les gens
nécessaires...
Mme Arseneault: Oui, je crois...
Mme Bacon:... et cela ne vous tient pas à la merci d'un
pouvoir discrétionnaire ministériel.
Mme Arseneault: Absolument. C'est là, d'ailleurs, une de
nos préoccupations dans le cadre du projet Archipel, par exemple,
où on parle d'un nouveau parc, où on a les ressources humaines,
tant pour l'animation que pour l'étude de la végétation.
De par nos membres, nous avons suffisamment de potentiel pour que cela ne
représente pas qu'une institution, mais bien un ensemble de personnes.
C'est à ce niveau-là. Évidemment, on fait des
démarches et, d'ailleurs, on a été très bien
reçus. On a été entendus. J'espère que cette
communication va pouvoir continuer.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Marquis): Merci beaucoup, Mme Arseneault
et Mme Gagnon, pour votre présence et votre témoignage devant
cette commission parlementaire.
Alors, sur ce, la commission parlementaire suspend ses travaux
jusqu'après la période des affaires courantes cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 11 h 42)
(Reprise à 16 h 39)
Le Président (M. Marquis): La commission parlementaire de
l'aménagement et des équipements reprend ses travaux afin de
procéder à une consultation particulière sur le projet de
loi 13, Loi sur les parcs nationaux. Nous nous excusons, auprès de nos
invités pour le retard dû à des travaux parlementaires qui
se sont prolongés dans l'autre salon et nous invitons là-dessus
le premier groupe qui était prévu à 15 heures, l'Union
québécoise pour la conservation de la nature, à se
présenter à la table et à nous livrer son
exposé.
Alors, je pense qu'il s'agit de M.
Harvey Mead qui est le président...
UQCN M. Mead (Harvey): C'est cela.
Le Président (M. Marquis):... et de M. Yves Bédard
- c'est bien cela? -...
M. Bédard (Yves): Oui.
Le Président (M. Marquis):... qui est le
vice-président à la conservation. Alors, la parole est à
vous.
M. Mead: J'aimerais remercier la commission de recevoir nos
commentaires et, d'une certaine façon, j'aimerais excuser l'absence d'un
mémoire écrit. Lorsque nous avons été
avisés, au mois de novembre, de la tenue d'une commission, nous avons
consulté les affiliés. Mais, croyant, par la suite, que le projet
de loi n'allait pas revenir sur la table, nous n'avons pas continué la
démarche en vue de la préparation d'un mémoire
écrit.
Ce que j'aimerais faire, cet après-midi, se ferait en deux
étapes. Premièrement, j'aimerais essayer de situer notre
intervention dans un contexte un peu plus global que le contexte du projet de
loi comme tel. Par la suite, on aimerait faire quelques commentaires sur le
projet de loi en le comparant à la loi actuelle. J'ai soumis à la
commission, cet après-midi, le texte d'un communiqué de presse
que nous avons émis la semaine dernière ainsi qu'un document
produit par la Fédération canadienne de la nature avec laquelle
l'UQCN maintient des contacts assez étroits.
Je crois que, pour nous situer, le communiqué me permet
d'indiquer trois aspects du problème dans lequel se situe la question du
projet de loi sur les parcs. Nous croyons, en fait, qu'un réseau de
parcs dans la province est essentiel. Il est accepté par le
ministère et nous n'avons pas d'objection comme telle à la
volonté du ministère de maintenir ou d'instaurer un réseau
de parcs québécois. Par contre, les questions de conservation,
nous le croyons vraiment, englobent plus que cela et - dans le
communiqué, nous en parlons - les espèces indigènes de la
province ne sont pas protégées de façon que nous
considérons adéquate. Nous croyons que les parcs comme tels ne
peuvent pas s'adresser à cet aspect de la question de conservation. Nous
espérons que la commission prendra note de cette carence dans les
dispositions législatives qui existent actuellement. De la même
façon, les parcs - tout dépendant de la façon dont on
interprète les premiers articles et surtout si on s'en tient à la
loi actuelle - répondent à des objectifs assez précis,
spécifiés dans la loi. Ils visent la protection de sites
représentatifs ou exceptionnels, si je m'en tiens à la
première catégorie de parcs.
Il existe tout un autre domaine de sites, d'habitats qui ne sont pas
protégés, qui ne sont pas visés par la Loi sur les parcs
et qui ne devraient peut-être pas être visés par une telle
loi. Il s'agit dans ce cas-ci de ce qui est appelé, au niveau du
ministère, les habitats fauniques et, encore une fois, l'UQCN croit que
c'est essentiel que la Loi sur les parcs soit complétée par une
loi portant sur une protection différente, importante pour des sites
fauniques, selon le mandat du ministère, mais pour les habitats de la
province.
Dans les deux cas, le cas des espèces indigènes et le cas
des habitats, des projets de loi sont prêts et nous espérons que
la commission tiendra compte de cela et que les deux projets de loi seront
déposés ce printemps. Le ministre a promis qu'il y aurait une
commission parlementaire sur la question des habitats fauniques. C'est dans ces
contextes que je fais des remarques sur les habitats fauniques.
Alors, je ne sais pas si vous avez eu le temps de lire le
communiqué mais ces remarques se situent dans un contexte que l'union et
l'exécutif trouvent inquiétant mais qui répond assez bien,
quand même, à notre expérience depuis quelques
années. C'est-à-dire que, une étude qui est une
première étude et qui a certainement des failles - je suis
prêt à répondre à des questions si vous en avez -
une étude de la Fédération de la nature en utilisant neuf
catégories portant sur les questions de la conservation, classe le
Québec neuvième sur dix au Canada en ce qui concerne
l'implication dans le domaine de la conservation, dans le domaine de
l'environnement.
Nous trouvons que cette situation pourrait être corrigée de
façon importante en adoptant les deux lois dont je parlais, la loi des
espèces menacées et la loi des habitats fauniques. D'autres
mesures, évidemment, vont prendre plus de temps.
Dans le communiqué, par contre, nous disons que nous croyons que
la loi actuelle est supérieure, est meilleure que la loi qui est
proposée dans le projet de loi 13.
Dans cette partie de notre intervention, j'aimerais faire quelques
commentaires sur les deux lois. Dans le communiqué, nous demandons tout
simplement que le projet de loi soit retiré. Il y a des failles dans la
loi actuelle. Nous n'essayons pas de dire que c'est parfait, mais nous la
croyons beaucoup plus importante, beaucoup plus impressionnante du point de vue
législatif que la loi que vous proposez.
Je peux commencer avec les définitions, peut-être, en guise
de présentation. L'Union québécoise pour la conservation
de la nature est affiliée, est membre de l'Union internationale pour
la
conservation de la nature. Cette, union internationale a
déjà adopté une définition de parc qui, nous le
croyons, devrait quand même guider la réflexion de la commission.
Si on compare la définition... Je pense que je peux la lire, avec votre
permission, ce n'est pas dans le communiqué: Un parc national...
D'ailleurs, c'est un des changements importants dans le projet de loi 13, le
nom serait changé. On a quelques réticences è ce propos,
mais cela ne vise pas l'essentiel de notre problème. Un parc national
est un territoire relativement étendu qui présente un ou
plusieurs écosystèmes généralement peu ou pas
transformés par l'exploitation ou l'occupation humaine, où les
espèces offrent un intérêt spécial du point de vue
scientifique, éducatif et récréatif ou dans lesquels
existent des paysages d'une grande valeur esthétique et dans lesquels la
plus haute autorité du pays a pris les mesures pour empêcher ou
éliminer, dès que possible, sur toute sa surface, cette
exploitation ou cette occupation et pour y faire, effectivement, respecter les
entités écologiques, géomorphologiques ou
esthétiques ayant justifié sa création et dont la visite
est autorisée, sous certaines conditions, à des fins
récréatives, éducatives et culturelles.
Quant à nous, cette définition rejoint l'objectif
visé par la loi actuelle. La distinction entre parc de conservation et
parc de récréation, dans la loi, cause des problèmes. Il y
a peut-être des moyens qu'on peut viser pour améliorer le
processus, mais les définitions comme telles... Surtout pour faire la
comparaison avec la définition de l'UlCN, la définition de parc
de conservation correspond vraiment aux objectifs que l'UQCN se fixe dans le
domaine des parcs et que le gouvernement s'est fixés.
Je crois bien que le ministère ne cherche pas à
démolir le réseau actuel, mais je crois qu'il faut vraiment
constater que le projet de loi, en mettant dans le premier article
"protéger" et "mettre en valeur" dans la même phrase, cherche
vraiment à affaiblir ce qui semble assez fort dans la loi actuelle,
c'est-à-dire que le parc de conservation, dans les définitions de
l'article 1, a comme objectif prioritaire d'assurer la protection permanente.
Il n'est pas question de mise en valeur comme telle et nous considérons
que c'est vraiment une insertion, un changement important,
La question de la récréation extensive est clairement
identifiée aussi dans la loi actuelle. Cela disparaît, si je ne me
trompe, dans le projet de loi. Nous croyons que, sans vérification
absolue, cette distinction est importante. Cela répond aussi,
évidemment, à la définition de parc national faite par
l'UICN. La récréation est toujours en fonction de la protection
et la récréation extensive correspond à cet objectif dans
la loi actuelle.
Il reste peut-être à régler la question de parc de
récréation. On a eu quelques petits débats à propos
au Mont-Tremblant et au Mont-Saint-Bruno. Si le gouvernement veut créer
des parcs nationaux, nous croyons que le réseau qui va englober ce qui
est distingué dans la loi actuelle risque de perdre l'objectif premier
qui est la conservation. La politique des parcs du gouvernement, d'ailleurs,
spécifie ou identifie, je crois que c'est 44 ou 45 régions, qui
devraient être représentées. Nous sommes d'accord avec cet
objectif de faire représenter les régions naturelles. Encore une
fois, cela correspond à la définition que je viens de lire.
Dans la nouvelle loi, d'ailleurs, d'autres parties de la
définition semblent disparaître. À la fin de la
définition on lit: "à des fins d'éducation et de
récréation extensive". Or "récréation extensive"
tombe, "éducation" aussi. Bref, nous croyons qu'avec la loi actuelle,
nous avons une loi qui permet, en partant d'une décision du ministre
quant à la catégorie de parcs dans laquelle va s'insérer
la proposition, de créer un réseau de parcs nationaux, qui
seraient des parcs de conservation. Nous sommes d'accord avec cela, nous
voulons garder cette loi avec cette définition de parc de conservation.
Si vous voulez les appeler parcs nationaux, c'est tout à fait
raisonnable et correct, mais cela peut comporter quelques problèmes,
croyons-nous, quant aux petits parcs, aux parcs de petite superficie et aux
parcs de récréation où l'on peut sous-entendre les parcs
de récréation intensive, les parcs où il y a du ski alpin,
par exemple.
Un autre changement - peut-être que c'est le seul autre point
principal - qu'on voudrait souligner, se rapporte à la question de
zonage. On a un choix entre la loi actuelle et le projet de loi qui est
présenté. On peut faire confiance au ministère au niveau
du zonage ou on peut faire confiance au ministère au niveau de la
classification, des objectifs. L'union préfère faire confiance
sur le zonage plutôt que sur la classification. Donnez-nous des parcs de
conservation et on est prêt à comprendre que le zonage à
l'intérieur de ceux-ci va se définir, va se réaliser en
fonction de l'objectif premier. Mais si on est obligé... Il semble,
selon l'article 5, qu'il y aurait des audiences publiques sur un plan de
zonage; je crois qu'il serait difficile de s'attendre qu'un gouvernement puisse
vraiment présenter, dès le départ, des plans de zonage qui
seraient retenus intégralement. Cela risque de créer des
problèmes au niveau des audiences et au niveau de la consultation.
Sur ces deux points, je pense que je vois une différence entre
les deux lois. Dans les deux cas, on préfère de beaucoup la loi
actuelle, où il y a quelques améliorations à apporter; une
surtout, c'est au niveau de
l'expropriation. C'est un pouvoir important pour le ministère,
pour le gouvernement; nous sommes certainement d'accord avec cet ajout à
l'article 2 du projet de loi. Mais il n'y a rien qui empêche un
amendement à la loi actuelle, pour y inclure l'expropriation comme un
pouvoir dans ce contexte.
Je pense que cela suffit pour exprimer nos préoccupations. On
serait prêt à répondre à vos questions.
Le Président (M. Marquis): Merci beaucoup, M. Mead. Je
passe la parole au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Brassard: Je voudrais remercier l'Union
québécoise pour la conservation de la nature d'avoir bien voulu
participer à cette consultation particulière de la commission de
l'aménagement et des équipements. Je voudrais aussi, par la
même occasion, rendre hommage au travail tout à fait remarquable
et exemplaire que vous accomplissez au Québec en matière de
conservation et de protection des milieux naturels. Je pense que c'est
important de le souligner. Vous êtes l'un des organismes les plus
vigilants et les plus dynamiques au Québec en cette matière,
actuellement.
Ceci étant dit, vous avez raison d'exprimer votre conviction que
la politique sur les parcs ne constitue qu'un volet d'une politique plus
globale en matière de conservation de la nature. Effectivement, nous
sommes à mettre au point, actuellement, un énoncé de
politique ou une proposition de politique portant sur les habitats fauniques,
qui devrait faire l'objet d'une consultation le plus tôt possible, je
l'espère, et qui devrait aussi donner lieu à un projet de loi
qui, sans aucun doute, pourrait être soumis à une consultation en
commission parlementaire.
J'aurais quelques petites questions, M. le Président, compte tenu
du temps qu'il nous reste. D'abord, l'étude dont vous parlez au tout
début de votre communiqué de la Fédération
canadienne de la nature qui classe assez mal le Québec - j'en parlais
tantôt au sous-ministre adjoint, on n'a pas eu connaissance de cette
étude au ministère -est-ce qu'elle est récente?
M. Mead: Je vous en ai envoyé une copie la semaine
dernière. Je m'excuse, si vous ne l'avez pas encore reçue. Elle a
été publiée jeudi dernier.
M. Brassard: Ah bon! On va en faire une analyse minutieuse. On va
scruter cette étude pour en vérifier le bien-fondé. Pour
ce qui est de la Loi sur les parcs, je vois que vous demandez, comme d'autres
organismes l'ont fait, le maintien du statu quo en quelque sorte
c'est-à-dire, le maintien de la loi actuelle. Je comprends les objectifs
que vous poursuivez: assurer la conservation des milieux naturels. Mais je
parviens difficilement à percevoir comment le projet de loi actuel peut
comporter des risques en matière de conservation des milieux naturels
puisque - au fond je répète un peu toujours la même chose -
ce n'est pas uniquement par la classification de parcs qu'on assure et qu'on
obtient des garanties de protection des milieux naturels, c'est bien plus par
les objectifs qu'on poursuit, par les intentions d'aménagement et par le
zonage.
Je trouve un peu bizarre que, tout à l'heure, vous ayez dit: On
est prêts à faire confiance au ministère en matière
de zonage. Contrairement à ce que d'autres organismes nous ont
exprimé ce matin et hier, vous dites: On est prêts à faire
confiance au ministère pour ce qui est du zonage - ce qui est pourtant
une opération fondamentale lorsqu'on établit un parc, parce que
la conservation est assurée en très grande partie et presque
totalement par le biais du zonage, dans nos parcs - par contre, on lui fait peu
confiance pour ce qui est des objectifs poursuivis et de l'appellation qu'on
veut accorder aux parcs. J'avoue que je reste un peu perplexe devant vos
propos. J'accepte bien la confiance que vous manifestez à l'égard
du ministère en matière de zonage, mais je vois mal comment cette
confiance peut accompagner ou être associée à une
espèce de méfiance ou de mise en doute du ministère
lui-même en matière d'objectifs à poursuivre et
d'appellation même du parc. Si on mérite votre confiance pour ce
qui est du zonage - et le zonage, c'est une opération essentielle en
matière de conservation de la nature - il me semble qu'on devrait aussi
la mériter pour ce qui est de déterminer les objectifs. D'autant
plus que les objectifs, en vertu du projet de loi actuel, sont soumis à
des audiences publiques, alors que pour le zonage, ce n'est pas le cas. Les
objectifs sont soumis à des audiences publiques. Vous faites preuve de
méfiance pour des objets qui sont soumis à des audiences
publiques et vous faites preuve de confiance pour des choses qu'on fait sans
être obligés d'aller en audience publique. J'avoue que je parviens
mal à rattacher les fils. (17 heures)
M. Mead: Je peux m'expiiquer. En assumant que la proposition est
pour un parc de conservation, l'article 2 de la loi actuelle - je comprends mal
le mot "exclusives", mais en tout cas - parle d'affecter un parc, "à des
fins exclusives de conservations ou de récréation... ". Je dis:
Si c'est un parc de conservation qui est proposé, les objectifs du
zonage vont être nécessairement en fontion de la conservation. Si,
par contre, c'est une réponse peut-être trop simple, si je me dis:
Bon, où mettre la confiance, où voir le
travail important du ministère par comparaison au travail du
public, je dirais qu'en nous donnant un parc de conservation affecté
à des fins exclusives de conservation, c'est un acquis très
important, alors qu'avec la nouvelle loi, même si vous consultez sur les
questions de zonage, c'est évident que cela va changer en cours de
route. Il me semble que c'est évident, c'est nécessaire.
Mais, l'objectif est beaucoup plus vague: protéger et mettre en
valeur. Apparemment, on peut s'attendre à d'autres objectifs, mais quand
même, il n'y en a pas un seul qui a la clarté de la
définition actuelle. Alors, si on sait que vous allez faire un zonage en
fonction de la conservation, allez-y, mais si on ne sait pas cela, on ne peut
pas le savoir avec le projet de loi actuel. On trouve que c'est
regrettable.
M. Brassard: On va faire un zonage en fonction des objectifs
poursuivis. C'est cela qui est important. Comme les objectifs sont soumis aux
audiences publiques, la population, les organismes vont pouvoir vérifier
quelles sont les objectifs. Si ce sont des objectifs de conservation, à
ce moment-là, vous jugerez les objectifs de conservation. On va les
déterminer au moment des audiences publiques. On va déterminer
que ce sont des objectifs de conservation et le zonage, évidemment, en
découlera. Le zonage va être en fonction des objectifs qu'on aura,
qu'on veut atteindre.
M. Mead: Oui, mais je pense que les groupes de citoyens ne
veulent pas être obligés de débattre à chaque
proposition de parc la question de l'objectif. On ne veut pas être
obligé de débattre si cela coïncide avec un objectif de
conservation. On peut s'attendre, selon le projet de loi, à
peut-être une dizaine d'objectifs, je ne sais pas. J'en vois trois ici,
deux regroupés dans le premier alinéa et le deuxième, tout
seul. D'accord. Protéger et mettre en valeur, d'un côté, et
favoriser la pratique d'activités de plein air. Alors, les groupes ne
veulent pas être obligés de se remettre à défendre
les objectifs qui sont clairement identifiés dans la loi actuelle. Cela
correspond très bien, quant à nous, à la définition
de parc national de l'union internationale. On perd un acquis, cela va remettre
des débats beaucoup plus lourds que ce qu'on connaît maintenant.
Quand vous dites que vous proposez un parc de conservation, on sait à
quoi s'attendre, on connaît la limite du débat. Mais, quand vous
allez présenter un objectif différent pour chaque parc - on peut
s'attendre à cela, apparemment - je pense que le rôle des
audiences publiques devient extrêmement lourd.
M. Brassard: Donc, vous voulez que les audiences publiques, si je
comprends bien, continuent de porter sur les sujets qu'on retrouve dans la loi
actuelle. Je vous signale qu'il s'agit exclusivement du périmètre
et de la vocation.
M. Mead: C'est cela. Créez des parcs de conservation et on
va participer pour essayer de faire des suggestions quant au plan
d'aménagement, le zonage, au périmètre, mais c'est
cela.
M. Brassard: Vous ne trouvez pas pertinent, comme c'est le cas
dans le projet de loi actuel, que, à l'occasion des audiences publiques,
les intentions d'aménagement du ministère soient soumis à
la consultation? Vous ne trouvez pas cela pertinent?
M. Mead: On le voudrait bien et on s'attend que... D'ailleurs,
dans toutes les audiences jusqu'ici, on a eu un plan quelconque. Mais, cela
n'était jamais approfondi. Ces plans sont complexes et difficiles
à établir et on ne s'attend pas que, lors de la création
d'un parc... Je pense qu'au niveau fédéral, cela prend cinq ans,
il y a des plans de cinq ans pour arriver à un zonage, mais je peux me
tromper.
On voudrait bien participer à une évaluation de vos
projets de zonage, mais vous avez quand même un personnel qualifié
pour cela et l'objectif principal, qui reste plutôt politique que
professionnel, je dirais, est la conservation. Cela est dans la loi actuelle et
cela disparaît dans la loi que vous proposez.
M. Brassard: Je vous remercie.
Le Président (M. Marquis): M. le député de
Charlesbourg.
M. Côté: M. le Président, j'aimerais qu'on
s'attarde peut-être davantage à l'étude qui a
été rendue publique la semaine dernière et qui fait
l'objet de votre premier paragraphe au sujet des parcs. Effectivement comme l'a
constaté le ministre, elle constitue un jugement très
sévère sur les efforts accomplis par le gouvernement du
Québec en comparaison avec les autres. J'aimerais peut-être vous
entendre davantage... Je remarque principalement la page 2, au tableau 1, ce
qui nous concerne davantage à ce moment-ci au niveau des parcs, gestion
de la faune et parcs provinciaux, le Québec obtient des notes "C" et des
notes "F". Or, dans vos barêmes "F" est inférieur à 50.
J'aimerais avoir quelques explications, même si j'ai tenté de voir
la méthodologie très rapidement en écoutant votre
conversation.
M. Mead: Comme point de départ le site... Cette
étude est basée sur une analyse
comparative des différents gouvernements. Le "A" ne signifie pas
un idéal mais plutôt le meilleur dans la classification. Il y a
toujours un "A" dans chaque étape.
Dans la question des parcs, c'étaient des chiffres donnés
par les différents gouvernements provinciaux. M. le ministre peut
vérifier, mais je n'ai pas fait une étude. Apparemment ce sont
des chiffres du ministère. Pour spécifier, dans la question des
parcs, c'est à la page quinze, il y a deux évaluations. La
première c'est le pourcentage de superficie de parc par province.
Là c'est une des failles, si vous voulez. Il y a des parcs en Ontario ou
en Colombie-Britannique qui se classent en premier et où la coupe
forestière est permise, alors que le Québec a des réserves
fauniques qui sont distinguées de façon très claire des
parcs. Par contre le seul parc, je croirais, de Quético en Ontario
engloberait tous les parcs provinciaux du Québec. Je peux me faire
corriger sur cela. En tout cas, la différence entre 5% du territoire et
0, 22% est énorme. C'est cela l'échec.
Dans les dépenses par personne, le Québec est
classé neuvième sur dix, je crois, dans les dépenses par
personne investies dans le réseau des parcs. Là on a justement un
investissement dans le cas d'Archipel qui, apparemment, englobera
énormément d'argent. Il faudrait au moins essayer de balancer
cela avec les besoins du réseau des parcs de conservation en milieu
naturel.
Alors, pour la gestion de la faune, nos commentaires portent surtout sur
le fait qu'il semblerait qu'il faut un effort beaucoup plus grand en ce qui
concerne les habitats fauniques. Le Québec investit 6 $
vérifions, c'est à la page onze - et c'est très bien par
rapport aux autres provinces, la troisième au pays, 6 $ pour chaque
dollar de revenu qu'apportent la chasse et la pêche. C'est quand
même une dépense plutôt qu'un revenu en comparaison à
la gestion forestière, mais c'est très faible. On le voit parce
que les habitats fauniques et les habitats en général ne sont pas
protégés.
Les espèces menacées, le débat sur l'ail des bois,
finalement, donne l'idée de ce qu'il y a. Cela se vend au marché.
Il n'y a aucune protection pour les espèces quant à leurs
habitats, quant au commerce, etc. Je ne sais pas si cela répond à
vos...
M. Côté: Oui, j'ai pu voir dans la
méthodologie que vous avez eu certaines difficultés à
obtenir des statistiques récentes auprès de certains
gouvernements. C'est une étude qui date quand même de... avec des
chiffres d'il y a deux ou trois ans.
M. Mead: De Statistique Canada. Cela date
généralement de 1981-1982. C'est seulement dans le cas de la
gestion forestière au Québec que je verrais personnellement une
différence sensible par rapport à ces années-là. Il
y a une augmentation de l'investissement dans la sylviculture, j'espère,
je soupçonne, je crois, au Québec mais dans les autres domaines,
je ne pense pas qu'il y ait lieu de croire qu'il y a un gros changement.
M. Côté: Sur les parcs, c'est 1983-1984, les
statistiques comme...
M. Mead: Cela, c'est cette année. C'était une
consultation auprès du ministère.
M. Côté: Dans les espèces menacées,
j'aimerais peut-être vous entendre davantage parce qu'en entendant cela,
j'avais l'impression, au départ, que c'était concernant les
habitats fauniques et je me suis rendu compte par la suite qu'on le trouvait
sur la deuxième page du communiqué. J'aimerais peut-être
vous entendre davantage sur les espèces menacées.
M. Mead: En fait, l'Association des biologistes a
présenté un mémoire, hier ou ce matin, je ne sais pas, je
ne sais pas s'ils en ont parlé mais ils ont fait une étude, c'est
le groupe COSEMEC qui étudie les espèces indigènes de la
province, depuis plusieurs années. Ils ont fait une étude de six
espèces, en particulier, l'an dernier. Actuellement, les fonds ne sont
même pas investis pour identifier les problèmes. On en
connaît plusieurs, sans aucun doute. L'identification d'une espèce
en danger comporte l'identification de son habitat, de ses besoins du point de
vue migration et souvent de son exploitation. Dans le cas du beluga, cela a
été chassé pendant longtemps. Cela est
arrêté. Il reste, maintenant, la question de l'habitat.
Dans la Loi sur la conservation de la faune, il y a quelques articles
qui portent, en fait, sur la défense de chasser, piéger ou
pêcher des animaux sans permis. C'est une protection pour un animal, mais
pas pour l'espèce. Je ne sais pas quelle sorte de réponse vous
voulez, mais l'identification des espèces se fait, au ministère
de l'Environnement, mais il n'y a rien pour les protéger et il faut
procéder, je crois, conjointement, probablement avec d'autres
ministères, quand cela concerne l'habitat.
M. Côté: Ce qui m'étonne, c'est de voir qu'un
projet de loi visant la protection des espèces indigènes est
actuellement à l'étude au ministère de l'Environnement
et,d'autre part, vous avez au ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche un projet de loi qui est en préparation sur
la protection des habitats fauniques. Alors, il me semble que pour la
conservation de la faune, l'initiative devrait peut-être revenir au
ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche. Non?
M. Mead: En fait, je pense que la division s'est faite au fil des
années. On ne cherche pas à intervenir de ce côté.
C'est pour cela qu'on parle de problèmes interministériels. Je
pense qu'il y a des ententes, quand même, assez bonnes entre les deux
ministères, que je sache. De toute façon, je n'ai pas un mot
à dire à ce propos. De façon générale, le
ministère de l'Environnement prend les plantes et le MLCP prend la
faune, mais il y a moyen quand même de déléguer à un
ministère l'application de la loi tout en utilisant les services de
l'autre ou de plusieurs autres. Le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation est très important dans le portrait
des milieux humides.
M. Côté: Comme le temps est quand même
limité, je m'excuse, ma collègue de Chomedey aurait des
questions.
Le Président (M. Marquis): Mme la députée de
Chomedey.
Mme Bacon: Puisque vous le mentionnez dans votre document, je
vais déborder sur l'environnement. Vous parlez des contenants
consignés et vous nous dites que plusieurs provinces ont des
dispositions législatives ou administratives plus progressistes que
celles qui existent actuellement au Québec. Est-ce que vous avez
è l'esprit une province en particulier?
M. Mead: À l'Île-du-Prince-Édouard, il n'y a
pas un contenant dans le domaine des boissons qui est jeté,
c'est-à-dire que tout est consigné. Il faudrait que je
vérifie, mais il y a plusieurs provinces qui contrôlent beaucoup
plus la quantité, le volume de contenants qui peuvent être
jetés plutôt que recyclés.
Mme Bacon: Est-ce qu'à
l'île-du-Prince-Édouard ce n'est pas le verre surtout?
M. Mead: Je ne sais pas si les canettes ne sont tout simplement
pas défendues. Je ne peux pas vous répondre de façon
détaillée.
Mme Bacon: II y avait autre chose au niveau de votre
évaluation de l'environnement. Vous y dites: On peut inclure le public
comme des participants actifs dans la préparation et la révision
de documents de révision.
M. Mead: Vous êtes où, s'il vous plaît?
Mme Bacon: À la page 20 de votre mémoire...
M. Mead: Merci.
Mme Bacon:... vous dites qu'une évaluation de
l'environnement comprend normalement l'évaluation des moyens alternatifs
pour réaliser un projet et on peut inclure le public comme des
participants actifs dans la préparation et la révision de
documents de révision. Si on revient aux canettes et aux consignes,
est-ce que vous trouvez, à ce moment, qu'on ne devrait pas laisser au
milieu le soin de trouver des solutions à des situations qui
méritent des corrections.
M. Mead: Dans le communiqué de presse, nous apppuyons le
ministre de l'Environnement dans ses efforts d'exiger la consigne. Je pense que
le processus...
Mme Bacon: Mais vous savez que cela ne fonctionne pas bien en ce
moment.
M. Mead: Excusez-moi.
Mme Bacon: II y a des problèmes en ce moment avec les
consignes.
M. Mead: C'était prévisible.
Mme Bacon: Est-ce qu'on ne peut pas demander au milieu de
trouver, peut-être, certaines solutions, à ce moment, et de faire
des propositions au gouvernement?
M. Mead: Mais si vous voulez dire qu'on devrait peut-être
laisser au jeu du marché, au jeu des questions financières de
chaque citoyen la décision...
Mme Bacon: Non, non. Ce qui est le problème, en ce moment,
c'est que cela devient un problème économique et non un
problème de protection de l'environnement. Quand on fait ces lois c'est
pour protéger l'environnement; ce n'est pas qu'un problème
économique.
M. Mead: Je ne vous suis pas, je m'excuse. C'est un
problème économique dans le sens que les dépanneurs et les
détaillants...
Mme Bacon: Ils trouvent qu'ils ont des prix à payer pour
la consigne et tout cela. Ils ont l'impression qu'ils font les frais et qu'ils
ont toujours fait les frais quand ils ont des reprises au niveau des
bouteilles, par exemple, du verre.
M. Mead: Mais ces canettes...
Mme Bacon: Ils auront à payer les frais de la même
façon au niveau des canettes. Je simplifie, mais c'est ce qu'ils disent
en ce moment. À ce moment-là, cela devient un
problème économique, mais il faut penser à un
problème environnemental. (17 h 15)
M. Mead: En fait, le communiqué en parle. Toute la
question de changer le contenant de verre en aluminium comporte un
problème environnemental et économique, parce que c'est une
question de création d'emplois dans le domaine des alumineries. Nous
demandons une réévaluation de cela. On s'est
inquiété dès le départ de cette démarche.
Mais les canettes actuellement consignées remplacent les bouteilles
consignées. Alors, on n'est pas capable quand même de comprendre
le problème que connaît le détaillant quand il dit qu'il ne
veut pas les canettes mais qu'il a accepté les bouteilles depuis des
décennies.
Mme Bacon: Peut-être que cela fait trop longtemps qu'il les
accepte.
M. Mead: Pardon?
Mme Bacon: Cela fait peut-être trop longtemps qu'il les
accepte, c'est pour cela.
M. Mead: Je crois que c'est une très bonne affaire.
Mme Bacon: Vous n'avez pas pensé à aller plus loin
dans votre recherche à ce sujet-là. Vous êtes d'accord avec
ce qui se fait, vous n'avez pas pensé d'aller plus loin dans la
recherche.
M. Mead: Nous essayons, justement ces temps-ci, de
réévaluer la situation. Mais on n'a pas de position
définie, actuellement...
Mme Bacon: D'accord.
M. Mead:... autre que celle du communiqué.
Le Président (M. Marquis): Alors, je remercie, au nom des
membres de la commission...
M- Tremblay: M. le Président, une très
courte...
Le Président (M. Marquis): Très courte.
M. Tremblay: Merci, M. le Président. Est-ce que, selon
vous, les objectifs énoncés à l'article 1 du nouveau
projet de loi 13 seraient conformes à la déclaration de l'UlCN
relativement aux parcs nationaux dans leur cas, ce qui ressemble
étrangement à ce que sont, avec l'ancienne loi, les parcs de
conservation?
M. Mead: Non. Je crois que la notion de "protéger" en
enlevant "protection permanente" et en ajoutant "mettre en valeur", ceci fait
que cet objectif premier ne correspond plus à la définition de
pare national de l'UlCN.
M. Tremblay: Et la deuxième partie où il est
question de favoriser les activités de plein air, est-ce que cela
irait?
M. Mead: Non, il n'est pas question de cela dans un parc national
pour l'UlCN ou pour le réseau américain ou canadien. On ne ferait
pas des parcs nationaux pour la récréation. C'est pour cela que
je dis qu'il y a peut-être des questions à se poser à ce
niveau. Un parc national, de la tradition mondiale, est un parc de conservation
et on ne parle pas de mettre en valeur en même temps qu'on parle de
protection. On ne s'oppose pas à la mise en valeur de ces parcs, c'est
évident qu'il faut que les gens les visitent.
M. Tremblay: Merci.
Le Président (M. Marquis): MM. Mead et Bédard, nous
vous remercions beaucoup de vous être déplacés et
d'être venus témoigner devant la commission parlementaire sur le
projet de loi 13. On s'excuse encore une fois d'être obligés
d'écourter vos interventions, compte tenu du temps limite et des
circonstances qui nous ont amenés à faire cela cet
après-midi.
M. Mead: On est bien prêt à céder la parole
au RONLQ pour la question des parcs de récréation. Je vous
remercie M. le Président, M. le ministre.
Le Président (M. Marquis): Très bien. J'inviterais
à prendre place devant nous les représentants du Regroupement des
organismes nationaux de loisir du Québec, avec comme porte-parole, je
pense, M. Pierre Trudel, qui est le président du secteur plein air. Je
lui demanderais de nous présenter les deux personnes qui l'accompagnent,
ensuite de livrer à la commission le message qu'ils ont. M. Trudel.
RONLQ
M. Trudel (Pierre): Merci, M. le Président. Les deux
personnes qui m'accompagnent sont, à ma gauche, Daniel Caron, qui est le
responsable du dossier accessibilité aux terres publiques, au
regroupement secteur plein air et, à ma droite, Pierre Lefebvre, du
même secteur.
On profite de l'occasion pour vous rappeler l'importance croissante des
activités de plein air dans le monde du loisir et de vous souligner
l'une des plus récentes démonstrations de vitalité du
secteur, soit le symposium qui s'est tenu dernièrement, en novembre
dernier. Il réunissait pas plus de
six représentants des divers secteurs plein air de la
société québécoise, résolus à donner
à cette forme de loisir une place importante à cette dimension
essentielle, la qualité de la vie. Une de ces formes de
résolutions est, entre autres, de vous soumettre nos réactions
suscitées par l'étude du projet de loi 13 sur les parcs
nationaux.
Au nom des organismes nationaux de plein air, j'inviterais M. Daniel
Caron, qui est notre responsable à ce dossier, à vous
présenter nos réactions.
Le Président (M. Marquis): M. Caron.
M. Caron (Daniel): Notre intervention va porter, en fait, sur six
thèmes, à savoir: L'appellation et les objectifs; la pratique des
activités de plein air - est-elle favorisée ou prohibée
dans les parcs - l'entretien des parcs, une obligation; la réserve de
parcs nationaux, un outil indispensable et quelques autres réflexions
qui découlent de ces points.
Au niveau de la dénomination et des objectifs, nous sommes
disposés à considérer favorablement la dénomination
de parcs nationaux sous certaines conditions. L'ouverture que nous manifestons
en ce sens s'appuie sur le fait que le nombre de sites naturels et de
territoires concernés à l'échelle nationale est
extrêmement important. En conséquence, il est probablement
utopique de lier à une seule instance politique la fonction de
protéger tous ces territoires et de les mettre en valeur. De plus, nous
croyons que l'intérêt de la conservation d'éléments
naturels admissibles à un statut de parc national se place
définitivement au-delà de la notion de responsabilité
administrative. C'est pourquoi nous croyons à la primauté des
caractéristiques naturelles objectives sur les modalités de
gestion.
La suite de notre réflexion s'appuie sur la définition de
"parc national" adoptée en 1969 par l'assemblée
générale de l'Union internationale pour la conservation de la
nature et des ressources naturelles, comme l'ont fait nos
prédécesseurs qui l'ont mentionné. Non pas que cette
définition soit une loi, une règle absolue ou que les organismes
nationaux de plein air aient l'intention de se transformer en groupes
d'intervention au niveau écologique, mais plutôt parce que cela
donne une sorte de voie directrice qui est admise au niveau international.
Nous découvrons, dans le premier élément de cette
définition, ce qui semble, pour nous, l'essentiel de la politique des
parcs nationaux. Il nous apparaît fondamental que les espaces naturels
soient effectivement peu ou pas altérés par l'intervention
humaine et qu'ils soient spéciaux, en termes scientifiques,
éducatifs, récréatifs ou esthétiques, è
l'échelle nationale. Il existe bien sûr, en Europe plus
particulièrement, des parcs dits nationaux qui sont passablement
altérés par l'intervention humaine. Toutefois, nous croyons que
le Québec a encore la possibilité d'appliquer son statut de parc
national à des espaces naturels peu ou pas altérés, ce qui
fait sûrement l'envie des pays contraints à agir autrement.
En fait, la définition de l'UICN rejoint en substance la notion
de parc de conservation de la loi sur les parcs de 1977 et la première
fin pour laquelle le gouvernement peut établir un parc national, selon
la loi 13 qui nous est actuellement proposée. Ce second objectif, dans
la mesure où le décret établissant un parc national doit
identifier pour lesquels de ces objectifs il est établi, nous
apparaît, pris séparément, comme inopportun et d'ailleurs
inapte à justifier à lui seul un parc national. De fait, il nous
apparaît beaucoup plus souhaitable de fusionner les deux fins
proposées pour les rendre compatibles à la définition de
l'UICN, à savoir qu'un parc national doit protéger les sites
naturels à caractère exceptionnel ou des territoires
représentatifs des régions naturelles et les mettre en valeur en
favorisant plus particulièrement la pratique d'activités de plein
air compatibles avec la notion de conservation.
De plus, nous croyons qu'il serait beaucoup plus opportun de
considérer la création de parcs de récréation
intensive -ce que d'ailleurs, à cause de notre origine, nous appuyons
fortement, les parcs de récréation, comme notion - sur la base de
parcs régionaux ou même de parcs urbains.
Au chapitre de la responsabilité administrative, comme nous
l'avons annoncé plus tôt, nous croyons que les
considérations plus scientifiques devraient prédominer dans la
création d'un parc ayant un statut national et que le fait, comme le
mentionne l'UICN, que ce soit la plus haute autorité officielle d'un
pays qui crée un parc national nous semble plutôt secondaire dans
la mesure où ce sont vraiment des critères objectifs qui
devraient présider à un tel statut.
Nous souscrivons également à l'importance de
définir des conditions permettant d'exercer le droit d'entrer dans un
parc national. Il nous apparaît évident que la conservation du
milieu naturel passe par un certain nombre de mesures visant à sa
conservation. Pour rejoindre encore une fois la loi sur les parcs de 1977, nous
soulignons que la définition de récréation extensive,
c'est-à-dire impliquant une faible densité d'utilisation et des
équipements peu élaborés, rejoint bien notre conception
des besoins de mise en valeur et de conservation.
Quant à l'étendue, je pense que c'est une notion qui est
considérée par tout le monde comme flexible.
La deuxième partie de notre
intervention: Les activités de plein air sont-elles
favorisées ou prohibées par la loi 13? Nous sommes heureux du
fait que la notion d'activités de plein air devienne un concept
légalisé dans ce projet de loi. Toutefois, il nous apparaît
évident encore aujourd'hui, malheureusement pour nous, que cette notion
d'activités de plein air, bien que de plus en plus
véhiculée, comporte encore un certain flou et tout
particulièrement auprès du public. C'est pourquoi, afin d'assurer
notre compréhension d'activités de plein air dans le texte de
loi, nous considérons que ceci doit sous-entendre, en fait, comme base
minimale, les activités de plein air mentionnées dans la
première édition des documents relatifs à la politique des
parcs du ministère et, éventuellement, une ouverture à un
plus large éventail d'activités. Mais, pour nous, en tout cas, le
minimum d'activités de plein air, c'est ce qui existe dans les
documents, notamment le document 4 du ministère sur sa politique.
On trouve aussi dans la loi un article qui dît qu'il y a une
ouverture à la possibilité, à l'article 2, de prohiber
certaines activités de plein air. Évidemment, cela suscite
quelques interrogations de notre côté. Dans la mesure où la
pratique d'activités de plein air est favorisée, que celles-ci
sont bien identifiées dans le document que j'ai mentionné relatif
à la politique des parcs et qu'elles sont soumises, de toute
façon, aux exigences propres à la conservation, on s'interroge
sur la pertinence de l'article. On serait intéressé à
avoir des précisions sur les raisons qui pourraient justifier, par
exemple, qu'une activité dans un parc soit prohibée.
De même, la loi spécifie que des règlements
pourraient confier aux employés tout pouvoir ou devoir portant sur une
matière relative à l'admission et aux activités. Nous
osons croire que cette délégation de pouvoir, qui est sans doute
justifiée pour des facilités administratives, en est une de
gestion de principe et d'activité admise dans la politique des parcs.
Donc, on revient toujours à ce document.
Au niveau de l'entretien des parcs, on croit que la création d'un
parc implique une responsabilité au niveau de l'entretien qui va bien
au-delà d'un simple pouvoir comme c'est mentionné dans la loi,
qui mentionne que le ministre a le pouvoir d'effectuer des travaux d'entretien,
etc., mais se situe plutôt au niveau de devoir. La création d'un
parc se fait toujours aux dépends d'autres usages possibles. Il s'agit
donc d'une prise de responsabilité qui doit être pleinement
assumée par celui qui en est l'instigateur. L'entretien des parcs et des
infrastructures qui sont mises en place n'est pas une possibilité mais
une obligation.
Au niveau d'un outil qu'on considérait utile dans le cadre,
éventuellement, de la
Loi sur les parcs, c'est ce qu'on appellerait la notion de
réserve de parcs nationaux. On est bien conscient que la création
de parcs nationaux nécessite des disponibilités
financières qui sont difficiles à dégager au niveau des
budgets gouvernementaux dû à l'état actuel de
l'économie. Cependant, on considère que l'importance de conserver
les sites naturels à caractère exceptionnel et les territoires
représentatifs des régions naturelles du Québec devrait se
placer au-delà de ces considérations. C'est pourquoi nous
suggérons, en fait, considérant cette absence potentielle de
moyens financiers adéquats, d'ajouter à la présente loi un
mécanisme de mise en réserve de territoires qui pourraient
devenir des parcs nationaux. Il nous apparaît inacceptable qu'un
territoire remplissant les critères précédemment
énoncés au niveau de sa valeur telle que définie, entre
autres, par l'UICN, ne puisse être protégé parce que dans
l'immédiat, les ressources financières nécessaires pour
l'acquisition ne seraient pas disponibles. Le mécanisme pourrait
peut-être s'apparenter au mécanisme de zonage appliqué au
niveau municipal. C'est bien sûr que cet instrument légal devrait
s'accompagner de mesures visant à s'assurer que le territoire ne sera
pas endommagé et/ou victime de spéculations indues, parce que,
éventuellement, une réserve de parcs pourrait provoquer assez
rapidement des spéculations.
De plus, la durée de l'application du mécanisme pourrait
être précisée en termes de temps, ce qui aurait
peut-être pour effet de rassurer les "conservationistes" et les amateurs
de plein air sur l'éventualité que faute de ressources
immédiatement disponibles, certains gestionnaires retirent de
façon définitive des plans de développement des parcs qui
sont déjà prévus. D'ailleurs, on a des rumeurs assez
persistantes concernant le retrait des gorges de la rivière Malbaie qui
est au plan quinquennal de développement du ministère. Ce projet
aurait été retiré, du moins si on se fie aux rumeurs. Ces
mises en réserve devraient être soumises au public, tout comme le
retrait, et le gouvernement devrait impliquer les intervenants du milieu dans
la sélection de territoires à mettre éventuellement en
réserve.
Dans le cadre d'une perspective plus large, on profite de l'occasion qui
nous est offerte pour reconnaître la quantité et la qualité
du travail réalisé dans le domaine des parcs au Québec
depuis l'adoption de la loi 77. Toutefois, nous déplorons que la
volonté gouvernementale ne se soit pas nécessairement traduite
par une disponibilité financière vraiment accrue. Nous
déplorons que l'entretien, l'animation et l'éducation dans les
parcs aient particulièrement écopé dans les
dernières années des restrictions budgétaires. (17 h
30)
En fait, ces programmes devraient, à tout le moins, être
aussi importants sinon plus importants que l'installation d'infrastructures
souvent beaucoup plus coûteuses. Nous aimerions également
souligner que la création de parcs de petite taille le cas qui nous
vient à l'idée, c'est évidemment Miguasha - est
particulièrement intéressante; il s'agit d'appliquer un statut
à un plus petit territoire. Évidemment, un tel discours nous
amène à nous poser des questions à savoir quels seraient,
dans ce cadre-là, nos véritables parcs dits nationaux. Dans ce
sens-là, nous sommes tentés de reconnaître de prime abord,
comme parcs nationaux, les parcs suivants, parmi les parcs qui sont
déjà créés: Parcs de la Gaspésie, du Bic,
Saguenay, des Grands Jardins, Jacques-Cartier, Mont-Orford et
Mont-Tremblant.
Quant aux deux autres, c'est-à-dire celui de la Yamaska et des
Îles-de-Boucherville, le statut de parcs nationaux dû à la
position qu'on explique depuis tout à l'heure nous apparaît un
statut inapplicable. Ces parcs se placeraient beaucoup plus dans le cadre de
parcs de récréation régionale. C'est un peu le même
cas pour le parc national de l'Archipel qui, tel que défini, correspond
beaucoup plus pour nous à un parc de grande envergure à
l'échelle régionale, mais qui n'est quand même pas
admissible à un statut de parc national.
Donc ce que nous recommandons, face à tout cela, c'est que le
gouvernement puisse établir un parc national aux fins de:
Protéger les sites naturels à caractère
exceptionnel ou des territoires représentatifs des régions
naturelles et les mettre en valeur en favorisant plus particulièrement
la pratique d'activités de plein air.
Que les activités de plein air favorisées soient celles
identifiées dans les documents relatifs à la politique des parcs
et, éventuellement, qu'il y ait une possibilité d'étendre
cette liste.
Que les pouvoirs ou devoirs confiés aux employés par la
réglementation sur une matière relative à l'admission ou
aux activités en soient de gestion des éléments de la
politique des parcs.
Que le ministère doit autoriser ou effectuer tout travail
d'entretien des lieux susceptibles de maintenir ou d'améliorer la
qualité d'un parc et que le ministère se dote d'une politique
d'entretien des parcs nationaux dans les plus brefs délais.
Que soit ajoutée dans la loi la possibilité de mettre en
réserve des territoires admissibles au statut de parcs nationaux et que
le ministère se dote des instruments pour ce faire.
Que le gouvernement démontre une reconnaissance accrue de
l'intérêt national d'un réseau de parcs
québécois en y consacrant des ressources plus importantes.
Que parmi les parcs créés selon la loi des parcs (1977),
seulement ceux qui satisfont pleinement à la première partie de
la définition de l'UICN deviennent des parcs nationaux et que
l'appellation de parcs nationaux soit réservée pour
désigner ceux-ci. Nous sommes donc très heureux d'avoir pu
exprimer notre point de vue sur le projet. Soyez assurés de notre
volonté de participer dans la mesure de nos moyens à
l'amélioration du réseau des parcs québécois.
Merci!
Le Président (M. Marquis): Merci, M. Caron. J'inviterai
maintenant M. le ministre à intervenir s'il a des questions à
poser ou des observations à apporter.
M. Brassard: M. le Président, je voudrais,
évidemment, remercier le Regroupement des organismes nationaux de loisir
du Québec de participer aux travaux de cette commission. Je voudrais le
remercier aussi pour le mémoire bien articulé et bien
étoffé sur le projet de loi 13. Si j'ai bien compris, vous
considérez comme étant un certain progrès sur la loi
actuelle, le projet de loi 13. Autrement dit, vous ne semblez pas, comme
certains organismes l'ont réclamé avant vous, demander le retrait
du projet de loi 13 et le retour au statu quo. Est-ce que je me trompe? Est-ce
que vous considérez qu'il n'y a pas, avec le projet le loi 13,
d'affaiblissement des garanties en matière de conservation des milieux
naturels?
M. Trudel: Effectivement, on est plutôt en accord avec le
projet de loi, avec les conditions dont on vient de vous faire part. Nous
sommes pour des parcs qui vont permettre de réaliser des
activités de plein air. Là où on se pose des questions,
c'est que lorsqu'on parle d'un parc national on devrait avoir ou conserver des
critères qui sont admis internationalement. À ce
moment-là, on est dans une drôle de situation. On ne veut
absolument pas perdre de territoire, on en a assez peu. Si on peut créer
des parcs nationaux où on peut entretenir et pratiquer certaines
activités, bravo! À notre avis, le vocable "national"
paraît inopportun pour certains parcs qui existent maintenant sous ce
vocable.
M. Brassard: Est-ce que je vous comprends bien si je vous dis que
vous êtes plus ou moins d'accord, finalement, avec la création de
parcs de récréation, comme on peut le faire selon la loi
actuelle, avec le statut de parc de récréation? Vous semblez
être en désaccord avec un tel type de parc. D'après la
proposition que vous faites, vous voulez fusionner l'objectif
d'activités de plein air, qui est distingué dans le projet de loi
actuel, avec les premiers objectifs, soit la conservation de sites
exceptionnels ou de milieux représentatifs.
M. Trudel: Si on parle de parc national?
M. Brassard: Oui.
M. Trudel: Avec le qualificatif national ou international?
M. Brassard: Oui, c'est bien sûr. M. Trudel:
D'accord.
M. Brassard: Dans le réseau des parcs nationaux; tout en
reconnaissant que des activités de plein air doivent se retrouver dans
le réseau des parcs nationaux, je dis bien. Vous ne semblez pas
tellement d'accord, dans le réseau des parcs nationaux, avec l'existence
de parcs de récréation.
M. Trudel: Effectivement, on est porté à maintenir
le vocable "conservation" dans un parc qualifié "national". On a une
certaine crainte de voir dans des parcs qu'on appelle "nationaux", des
activités qui, à notre avis, ne sont pas des activités de
plein air, qui sont incompatibles avec le milieu, en tout cas, avec la vocation
d'un parc de conservation ou un parc national. Chez nous, c'est à peu
près la même chose. Si on parle de parc de
récréation, on n'est pas contre, mais ce n'est pas ce projet.
M. Brassard: Ce n'est pas comme cela que je l'ai vu non plus.
Vous n'êtes pas contre des parcs de récréation, mais vous
n'êtes pas très chauds non plus pour les voir
intégrés dans le réseau des parcs nationaux.
M. Trudel: C'est cela.
M. Caron (Daniel): On voit difficilement, en fait, l'appellation
"parc national". On voit plus facilement "parc national de conservation" et
très difficilement "parc national de récréation". C'est
à ce niveau que cela se joue. On pense que les activités de plein
air sont un excellent moyen et peut-être le moyen idéal de mettre
en valeur un parc national. Dans ce sens, on pense que les activités de
plein air devraient être bienvenues à l'intérieur d'un
territoire de parc national sauf qu'elles doivent être, en fait, non pas
l'objectif premier, mais un moyen de mise en valeur, de se placer au niveau du
moyen de mise en valeur, alors que dans un cadre de parc de
récréation, par définition, l'objectif principal est la
récréation. Donc, il y a une partie de conservation qui va
automatiquement être sacrifiée. Il y a une primauté plus
grande du loisir dans l'autre cas.
M. Brassard: Je vous remercie.
Le Président (M. Marquis): M. te député de
Charlesbourg.
M. Côté: M. le Président, je suis heureux de
constater que parmi tous les mémoires que nous entendrons, il y a
unanimité sur un point, je pense, pas nécessairement sur tout,
mais sur le point que "parc national de récréation", c'est faire
injure, si je ne m'abuse, à l'UICN. Quand on parle de parc national,
partout on parle d'un parc national de conservation.
Ma question provient de votre conclusion de la page 16, deuxième
phrase du premier paragraphe où vous dites: "La progression
éminemment positive du dossier des parcs au Québec depuis
quelques années nous apparaît extrêmement
intéressante et devrait être garante d'un avenir prometteur. "
Par contre, lorsque je vois le mémoire à la page 11,
deuxième paragraphe, vous dites: Le gouvernement doit, en l'absence de
moyens financiers adéquats, ajouter à cette dernière un
mécanisme de mise en réserve de parcs, comme vous avez
parlé tantôt et vous y allez plus allègrement à la
page 12 dans les perspectives plus larges, au deuxième paragraphe,
où vous dites: "Nous déplorons que l'entretien, l'animation et
l'éducation dans les parcs écopent tout particulièrement
dans le cadre des restrictions budgétaires actuelles. En fait, ces
programmes devraient être à tout le moins aussi importants sinon
plus importants que la réalisation d'infrastructures coûteuses,
plus visibles mais sans vie. " Vous citez l'exemple du cas de la
Jacques-Cartier, qu'on a cité hier au début des audiences, ainsi
que celui de Mont-Tremblant. Il me semble que votre conclusion, dans cette
hypothèse, est un peu généreuse. J'ai plutôt
l'impression que c'est au niveau de l'immobilisation que votre critique est
beaucoup plus ferme en ce qui concerne l'entretien. Est-ce que je me
trompe?
M. Trudel: C'est évident. Notre conclusion souligne qu'on
n'avait pas de parcs récemment et que maintenant on en a. Ce n'est pas
suffisant. Il faut arrêter des... On est pour la création de
territoires, c'est évident, sauf que cela nous... Comme beaucoup de gens
le pensent, créer un territoire, y donner une certaine infrastructure
sans l'entretenir, ce n'est pas intéressant. C'est une des remarques que
l'on fait dans le mémoire. Évidemment, elle est
particulièrement importante.
M. Côté: Si le ministre vous demandait conseil
demain matin, parce qu'il a, lui aussi, des restrictions budgétaires
assez importantes, on l'a vu avec le dépôt des crédits
cette semaine, avec une diminution au niveau des parcs, s'il vous disait:
Est-ce que ma priorité serait la création de nouveaux parcs, ou
prendre l'argent
d'immobilisation que j'ai et bien entretenir les parcs actuels, de
façon que les sentiers de la Jacques-Cartier soient ouverts? Je pense
que votre réponse est très claire, c'est: Allons d'abord rendre
potable et convenable ce que l'on a créé et mettons en
réserve - pour ne pas faire un jeu de mots -la création de
nouveaux parcs.
M. Trudel: Vous l'avez dit. Notre priorité serait d'abord
d'essayer de voir s'il n'est pas possible de faire quelque chose pour mettre en
réserve d'autres territoires que ceux qui sont actuellement
créés sous forme de parc et d'améliorer la qualité
de nos parcs actuels.
M. Côté: Vous placez le ministre dans une
drôle de situation. On va avoir des choix difficiles à faire
concernant le parc de Pointe-Taillon. Quant à une question qui a
été posée au ministre à l'intérieur du
mémoire et qui n'a pas été relevée par le ministre,
je la retrouve à la page 9, vous parliez de prohiber certaines
activités de plein air. Je pense que votre question a été
assez précise. J'aimerais bien entendre la réponse du ministre.
C'est à la page 9, premier paragraphe: "Prohiber certaines
activités de plein air?"
M. Brassard: Oui, de quelles activités parle-t-on?
M. Côté: Je pense que c'est clair. On pose la
question. La question a été posée par l'intervenant. Il
peut peut-être préciser la question. Mais j'aimerais bien avoir la
réponse.
M. Brassard: Article 11?
M. Caron (Daniel): Ce que je disais dans le mémoire, c'est
que, dans la loi, il y a un article, je pense que c'est l'article 2, où
l'on trouve une possibilité de prohiber certaines activités de
plein air. Considérant que, sur l'ensemble de la loi, cela vise, entre
autres, à favoriser la pratique de certaines activités, que les
activités de plein air sont placées comme un moyen de mise en
valeur et donc, soumises aux priorités de conservations, on remarque
qu'il y a la possibilité de prohiber des activités, on aimerait
savoir sur quels critères. Cela représente quoi, on veut un
exemple de l'application du fait de prohiber une activité. Quelle
pourrait être la raison?
M. Brassard: Eh bien, la raison pourrait être le zonage et
les objectifs poursuivis dans un parc. Si dans un parc, en fonction du zonage
adopté et des objectifs poursuivis, une activité de plein air
risque de perturber le milieu et de le mettre en danger, il faut avoir la
possibilité de prohiber cette activité.
M. Caron (Daniel): Oui, mais je pense que de toute façon,
dans un sens, on le spécifiait bien dans notre intervention. C'est clair
pour nous que l'activité de plein air pratiquée dans un parc dans
la mesure où on est les tenants des parcs de conservation, en plus,
c'est clair pour nous qu'on est subordonné; en fait, la pratique d'une
activité ne sera tolérée que dans la mesure où elle
est en harmonie avec la capacité de support, etc. Donc, si
effectivement, la possibilité de prohiber s'arrête là, pour
nous, on ne voit pas à quoi cela sert. (17 h 45)
M. Brassard: II y a certaines activités qu'on peut
qualifier de plein air qui sont interdites par le règlement actuellement
en vigueur dans les parcs, la motoneige, par exemple.
M. Trudel: On ne considère pas non plus, chez nous, que
c'est une activité de plein air.
M. Brassard: Pardon!
M. Trudel: Nous ne considérons pas que c'est une
activité de plein air. C'est une activité motorisée,
c'est...
M. Brassard: Oui, c'est une question de point de vue. J'imagine
que la fédération des motoneigistes est d'une autre opinion.
M. Trudel: Sûrement.
M. Côté: Je viens de comprendre pourquoi il ne
répondait pas tantôt.
M. Caron (Daniel): II y aurait peut-être un truc que je
voudrais ajouter à la suite de l'intervention du député de
Charlesbourg. À ce qu'il m'a semblé, vous faisiez le
parallèle entre des choses qui n'ont pas exactement le même poids.
Vous dites qu'en conclusion, évidemment, on vante le travail qui a
été fait dans le domaine des parcs et vous nous reprenez sur nos
arguments...
M. Côté: Ne me prêtez pas de mots que je n'ai
pas prononcés, "vanter", non.
M. Caron (Daniel): Vous nous dites qu'on trouve extrêmement
positive, en tout cas, la progression dans ce domaine et vous nous reprenez sur
le fait qu'à un endroit on dit que l'entretien, l'animation et
l'éducation sont dans un état déplorable. Il faudrait
quand même voir que depuis 1977, pour les gens qui interviennent dans le
domaine de la conservation et du plein air, il y a quand même un grand
bout de chemin qui a été fait, avec l'adoption d'une loi
applicable sur les parcs qui exclut, entre autres, un paquet de trucs qui se
passaient dans ■ les parcs avant, que ce soit de l'exploitation
forestière, ou autre. Il y avait une lutte
d'intérêts qui était toujours en cause. Pour nous, c'est
déjà un gros pas en avant et il y a aussi le fait qu'il s'est
créé, depuis 1977, un paquet de parcs qui existent
légalement. C'est donc une intervention positive. C'est sûr qu'on
a des points faibles qu'on relate, mais je pense qu'il y a deux poids deux
mesures dans cela.
M. Côté: Je ne veux pas qu'on poursuive la
discussion inutilement, mais quand vous me parlez de progression, j'ai
trouvé des chiffres que j'ai cités hier - ce n'est pas moi qui
les ai inventés - la superficie, en termes de parcs, est passée
de 14 000 kilomètres carrés à 4000.
M. Caron (Daniel): Oui, cela pourrait peut-être introduire
un autre débat avec le choix du territoire à protéger.
C'est une autre dimension du débat que nous n'avons pas abordée
là-dedans.
Le Président (M. Marquis): Merci beaucoup aux
représentants du Regroupement des organismes nationaux de loisir du
Québec pour leur présence et pour l'éclairage que vous
avez apporté aux membres de la commission. Merci et bon retour.
J'inviterais maintenant, pour nous faire la présentation de leur
mémoire, les représentants des Laboratoires de géographie
de l'Université du Québec à Chicoutimi. Il s'agit du Dr
Jules Dufour, accompagné...
Une voix: M. Gilles Lemieux.
Le Président (M. Marquis):... du Dr Gilles Lemieux. Comme
vous avez accepté de bonne grâce de nous présenter
l'ensemble de votre document de façon assez rapide -nous nous excusons
quand même des inconvénients qui ont été
causés cet après-midi - le document va rester là et les
gens du ministère en feront sûrement un usage important dans leur
réfexion. M. Dufour, nous vous écoutons.
Laboratoires de géographie de l'UQAC
M. Dufour (Jules): Avec plaisir, merci beaucoup. M. le
Président, M. le ministre Brassard, messieurs les députés,
mesdames et messieurs, nous sommes heureux d'être ici cet
après-midi - pratiquement ce soir - et nous vous remercions d'avoir
accepté de nous recevoir et de recevoir notre mémoire. En tant
que Jeannois et vivant au Saguenay au coeur de la forêt boréale,
dans cette oasis tempérée comme on l'appelle, il me fait plaisir
de parler de parcs.
Nous suivons ceux qui nous ont précédés, le RONLQ,
l'UQCN et nous voudrions dire que nous sommes membres aussi de l'Union
québécoise pour la conservation de la nature, ce qui explique
peut-être en partie la teneur de notre mémoire.
Sans aller dans tous les détails du mémoire, j'aimerais
quand même vous dire ceci. Notre société d'aujourd'hui,
marquée par le capital, qu'on appelle capitaliste, et très
productiviste, que nous avons construite au cours du dernier siècle, a
profondément bouleversé notre environnement naturel. Alors, un
très grand nombre d'écosystèmes ont été
altérés, des espèces fauniques ont disparu - d'ailleurs,
on parlait de menace d'extinction tout à l'heure - le cours de
nombreuses rivières a été grandement modifié, les
eaux ont été fortement acidifiées, et on en sait quelque
chose, des territoires très étendus ont été
inondés, etc. Bref, le milieu naturel de la péninsule du nord-est
américain que constitue le Québec a subi des impacts
considérables qu'il est encore bien difficile d'évaluer.
Dans un tel contexte, quel rôle peut jouer un parc? Quelle est la
fonction d'une aire protégée dans un espace capitaliste? En
d'autres mots, est-il possible de vouloir protéger une partie du
territoire quand le reste est soumis à des processus d'exploitation
intensive?
Le présent projet de loi favorisera-t-il le développement
de meilleures pratiques d'aménagement et de conservation au
Québec?
Ce bref rapport contient, en fait, quatre recommandations, à
partir d'un certain nombre de considérations. Nous nous interrogeons sur
l'avenir de notre patrimoine naturel et historique, celui qu'on est en train de
construire au Québec pour les générations actuelles et
futures. Il y a deux recommandations sur le présent projet de loi.
Le premier point que j'aimerais développer rapidement, c'est un
peu l'interrogation majeure que nous avons presque toujours, notre rôle
en tant qu'économie. Notre économie au Québec a
été une économie axée sur les matières
premières, donc sur l'extraction, dans un monde industrialisé
nord-américain. Alors, il y a eu des impacts considérables. Il
nous semble opportun, à ce moment-ci, au moment où on s'interroge
sur un projet de loi, on s'interroge sur une loi que nous avons
déjà, de s'interroger sur ce contexte dans lequel nous vivons.
Est-il possible de sauvegarder au Québec les ressources naturelles et
d'assurer leur renouvellement? Est-il possible de développer, c'est
surtout cela qui est important, des pratiques de conservation quand les
secteurs industriels les plus importants et les plus dynamiques sont
fondamentalement intégrés à l'appareil de production de
biens d'équipement militaire? Cela peut paraître surprenant
d'entendre cela dans un rapport sur des parcs, mais c'est absolument important
de le souligner. Il
ne faut pas oublier que la moitié des industries de guerre
canadiennes se retrouve au Québec, soit 100 sur 200.
S'il est aussi possible de créer une économie qui soit
mise au service des besoins fondamentaux des communautés
régionales, si l'État peut encore intervenir pour
réorienter l'économie vers cet objectif ultime - et moi, je suis
un régional comme mon collègue, on vit en région et on se
pose souvent la question - alors, à cette question, il nous semble que
oui. Oui, l'État pourra le faire en agissant notamment de la
manière suivante: en établissant une politique forestière
démocratique, une politique qui fasse appel à la participation de
tous les intervenants, de tous les citoyens intéressés; en
faisant disparaître progressivement les industries de guerre au
Québec - c'est un gros projet - en transformant l'économie
agricole en économie moins productiviste, diversifiée et
orientée vers la production d'aliments de base.
Et quatrièmement, en ce qui nous concerne, en mettant en place un
réseau d'espaces protégés qui puissent permettre le
développement chez tous d'attitudes de conservation qui puissent nous
permettre de réapprendre à respecter la terre, l'eau et la vie.
C'est le titre, d'ailleurs, du mémoire: Des parcs pour
l'éducation à la conservation.
Et première recommandation: Que le gouvernement du Québec
déploie tous les moyens mis à sa disposition pour doter le
Québec d'un système économique endogène,
foncièrement basé sur l'exploitation douce des ressources
naturelles renouvelables et orienté vers la satisfaction des besoins
fondamentaux des communautés régionales.
Deuxième point majeur. Je pense que le ministère a fait
des efforts considérables depuis la promulgation de la loi 19, Loi sur
les parcs, mais il reste encore beaucoup à faire. Ce deuxième
point, c'est que nous recommandons que le réseau des espaces
protégés soit complété. Alors, ici je pourrais
spécifier: Compléter le réseau de parcs de conservation et
principalement sous les latitudes médionordiques; Établir un
réseau de rivières du patrimoine - je ne pense pas qu'on ait
encore ce système à l'intérieur du Québec -
Développer davantage le concept des réserves fauniques et
élaborer une politique à cet effet; Consolider le réseau
des ZEC; Développer le réseau des réserves
écologiques en utilisant comme cadre spatial le bassin hydrographique;
Développer un réseau de parcs historiques; Mieux circonscrire
l'aire des refuges d'oiseaux migrateurs et créer les parcs urbains et
péri-urbains nécessaires.
Deuxième recommandation: Que le gouvernement du Québec
complète le réseau des parcs et des espaces analogues et ceci,
dans les meilleurs délais.
Ici, je me réfère maintenant à la troisième
partie, à la loi elle-même, au projet de loi lui-même:
d'autres parcs nationaux. Comme question: est-ce qu'il est opportun d'amener ce
nouveau vocable, cette nouvelle appellation de "parc national"?
Déjà la carte des espaces protégés est
suffisamment complexe au Québec. Pourquoi introduire le concept de parc
national provincial alors que l'appellation "parc national" a un sens
spécifique partout dans le monde? Je pense que les intervenants
antérieurs ont suffisamment parlé à ce sujet.
Or, l'introduction d'une nouvelle catégorie à
l'intérieur des espaces protégés au Québec ne nous
semble pas maintenant nécessaire et, cela, pour plusieurs raisons. La
première: la Loi sur les parcs, qu'on appelait la loi 19,
sanctionnée le 29 novembre 1977, a permis de créer de
véritables parcs de conservation au Québec. Le réseau
actuel en témoigne. Cette loi très précise fait une
distinction essentielle entre conservation et récréation.
Troisièmement, à notre connaissance, cette loi n'a pas
été remise en question par l'ensemble des citoyens du
Québec. La pression exercée sur le ministère pour la
modifier nous semble venue de quelques groupes intéressés par
l'exploitation des ressources forestières, minières et
touristiques. Tout projet de modification de la Loi sur les parcs devrait
découler d'une profonde évaluation des opérations de
création des nouveaux parcs depuis 1980. Si cette évaluation
existe, a-t-elle été rendue publique? C'est une question.
À partir de ces considérations, nous proposons ceci: Qu'un
moratoire soit institué avant de procéder à l'adoption du
présent projet de loi pour permettre aux différents intervenants
du milieu de connaître les motifs fondamentaux qui animent le MLCP dans
cette opération.
Quatrième et dernier point: les parcs, l'éducation, la
récréation et les loisirs de plein air, des
éléments intimement liés. Le parc de conservation
constitue le milieu naturel par excellence pour l'éducation
environnementale, la pratique d'activités de récréation
extensive et le développement du loisir de plein air. Je pense que les
représentants antérieurs l'ont bien démontré.
Le présent projet de loi réaffirme cette relation, au
premier paragraphe. Cependant, le texte est fort imprécis. Au premier
alinéa, en effet, la mise en valeur des territoires pourrait
correspondre à bien des choses comme par exemple à l'exploitation
forestière, minière, hydroélectrique, touristique.
Si le présent projet de loi est éventuellement
adopté, nous recommandons ce qui suit. Que le texte du premier
paragraphe soit modifié et se lise ainsi: Assurer la conservation des
territoires représentatifs des régions naturelles - en
fait, on reprend pratiquement le texte du projet de loi - et la
protection des sites naturels exceptionnels du Québec et les mettre en
valeur à des fins d'éducation, de récréation
extensive et de loisir de plein air.
Conclusion. Je pense que les questions fondamentales sur l'avenir de
notre société restent posées. Pourquoi cette nouvelle loi?
Est-elle conçue pour permettre à l'État de ne plus parler
de conservation? Facilitera-t-elle l'identification, l'établissement, la
gestion des parcs actuels et futurs? Favorisera-t-elle une meilleure
définition du découpage fonctionnel interne des nouveaux parcs,
si vous voulez, le zonage? Va-t-elle contribuer à subordonner les
nécessités de la conservation aux impératifs de la
production? Permettra-t-elle de mieux saisir la valeur excessivement
élevée de la conservation pour la société?
L'application de cette loi, comme celle des parcs, rencontrera plusieurs
obstacles de taille qu'on connaît et, notamment, le manque de
volonté politique de la part des citoyens du Québec, en bien des
cas, pour conserver leurs ressources naturelles et la faiblesse chronique de
l'appareil d'État dans ce domaine. Je ne me réfère pas au
MLCP ici.
Enfin, nous aimerions reprendre ici les propos que nous avons tenus dans
la lettre que nous avons adressée au premier ministre René
Lévesque en novembre dernier: Nous croyons que la Loi sur les parcs,
dont dispose présentement le gouvernement du Québec,
possède un contenu de grande qualité et que son application
pourrait être facilitée non pas en en révisant la
substance, mais plutôt en développant en cette matière une
plus grande volonté politique et en y apportant les ressources
nécessaires.
Nous souhaitons que le MLCP passe au premier rang des ministères
dans le gouvernement du Québec. Alors, vous avez une
légère bibliographie qui appuie ce mémoire.
Le Président (M. Marquis): Merci, M. Dufour. Les
réactions, M. le ministre.
M. Brassard: Je voudrais vous remercier de votre mémoire,
de votre participation à la commission. Compte tenu de l'heure, je me
contenterai de quelques remarques.
D'abord, ce qu'on pourrait qualifier de rétablir les faits, quand
vous dites que ce nouveau projet de loi est peut-être issu de pressions
exercées sur le ministère pour le modifier, de quelques groupes
intéressés par l'exploitation des ressources forestières,
minières et touristiques... en tout cas, je peux vous affirmer que ce
n'est pas le cas. Ce n'est pas exact. Il y a peut-être d'autres motifs,
mais ce n'est sûrement pas celui-là, d'autant plus que votre
inquiétude, quant à la mise en valeur, ne m'apparaît pas
fondée.
(18 heures)
Quand on parle de mise en valeur des territoires, à l'article 1,
cela ne veut absolument pas signifier exploitation forestière,
minière, hydroélectrique, ou touristique, puisque vous savez
qu'à l'article 7, on interdit toute forme d'exploitation de ressources
dans un territoire ou dans un parc. Par conséquent, je pense que c'est
peut-être bon de bien se comprendre sur ce point. Il n'y a pas eu de
pressions de quelque groupe que ce soit intéressé directement
à l'exploitation des ressources qui voulait modifier la loi sur les
parcs, affaiblir les garanties en matière de conservation des milieux
naturels, je pense que c'est exclu. Bien au contraire, on précise
davantage les interdictions, dans le projet de loi, en matière
d'exploitation des ressources. Si ce n'est pas encore assez clair, en cours
d'étude article par article, on précisera encore davantage.
Vous avez également indiqué que dans votre réseau
d'espaces protégés, vous souhaitez développer un
réseau de parcs historiques. Est-ce que vous souhaiteriez que la
création de parcs historiques soit possible par le biais de la Loi sur
les parcs nationaux?
M. Dufour: C'est-à-dire que si on accepte de vraiment
consacrer les parcs nationaux en des parcs de conservation ou pour
l'éducation à la conservation, parce qu'il faut quand même
voir cela en termes de projet de société, les parcs historiques
pourraient être créés à l'intérieur de cette
loi et servir aussi à l'éducation. Les parcs historiques, c'est
pour la conservation, l'éducation, la connaissance de notre patrimoine
historique. En ce qui me concerne, cela serait compatible.
M. Lemieux: Pas uniquement l'histoire des Blancs, mais l'histoire
des peuples qui ont agi sur le territoire québécois depuis des
siècles, depuis des millénaires.
M. Brassard: Oui, bien sûr. Vous connaissez certainement
Val-Jalbert qui est un site historique qui appartient d'ailleurs au
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui est
administré par le MLCP, mais qui n'est évidemment pas un parc
historique parce qu'il n'y a aucune loi qui permet la création de ce
type de parc. Vous verriez d'un bon oeil que la Loi sur les parcs puisse
permettre l'établissement de parcs historiques?
M. Dufour: Oui, je serais d'accord, en tout cas, nous serions, je
pense, d'accord. M. Lemieux pourrait apporter des nuances, peut-être.
J'aimerais redire que - je pense que d'autres l'ont répété
- si on parle de parc national, il va falloir garder, à
l'intérieur de
ce concept, le concept de la conservation, assurer pour l'avenir, pour
les générations futures, le renouvellement des ressources
naturelles. Par contre, il est possible de créer d'autres
catégories de parcs, par exemple, un parc de récréation.
À mon avis, la récréation intensive ne devrait pas
être à l'intérieur d'un parc comme on l'appelle dans le
vocable général. Des parcs urbains devraient être
créés, mais cela n'empêche pas de protéger et de
conserver aussi, dans d'autres parcs. En d'autres mots, la conservation doit
être générale au Québec mais, si vous l'appelez le
parc national, le parc qu'on appelle aujourd'hui le parc de conservation, c'est
vraiment l'espace qui sert à l'éducation, à la
conservation. On aimerait, en tout cas, que cela reste du moins dans les
concepts. Si le ministère garantit que, dans la création d'un
parc national, au niveau des objectifs, la conservation va être
prioritaire, là on serait d'accord mais ce n'est pas clair dans le
premier article.
M. Brassard: Une dernière petite question, M. le
Président. Je trouve un peu étonnantes vos réflexions sur
le concept de parc national. Vous semblez vouloir en réserver le
monopole au gouvernement fédéral. Je ne vois pas pourquoi ce
terme ne serait pas également utilisé pour des parcs
créés par le gouvernement du Québec. On connaît bien
le parc Saguenay, c'est un site tellement exceptionnel, je ne vois pas
pourquoi, parce que c'est un parc créé par le gouvernement du
Québec, il n'aurait pas droit à l'épithète
"national", compte tenu de la valeur du site, du caractère exceptionnel
de ce milieu.
M. Dufour: Non, je suis d'accord avec vous. Il n'y a aucun doute
que le parc du Saguenay est un site exceptionnel. On peut l'appeler parc
national, mais, encore une fois, ce n'est pas le fait qu'on l'appelle parc
national qu'on... Il faut voir l'objectif fondamental qui est la conservation.
Quand on l'a créé, c'était un parc de conservation.
Maintenant, si vous dites: On l'appelle parc national, il faut que l'objectif
fondamental, l'objectif premier soit la conservation, et cela, je pense qu'on
s'entend là-dessus.
Le Président (M. Marquis): Merci. M. le
député de Charlesbourg.
M. Côté: Deux petites questions. À la page 4,
vous dites que le réseau des espaces protégés doit
être complété et, dans la nomenclature, le ministre s'est
servi de l'élément: développer un réseau de parcs
historiques. Il y a un autre élément un petit peu plus loin
où vous parlez de consolider le réseau des ZEC. J'aimerais vous
entendre davantage là-dessus.
M. Dufour: Avec plaisir. Je pense que dans les réflexions
ou l'analyse qu'on peut faire de l'ensemble du réseau des ZEC - on a
créé énormément de ZEC et cela est très
récent, c'est une création récente - c'est, à mon
avis, extrêmement important de s'assurer que les espaces qu'on dit
protégés, les zones d'exploitation contrôlées au
Québec, aient tout le support et tout l'appui, non seulement de
l'État, mais de l'ensemble des citoyens, pour qu'on puisse vraiment leur
permettre de remplir leur rôle.
Quand vous regardez la carte des espaces des Laurentides, dans
l'ensemble, c'est pratiquement vert, c'est pratiquement tout en ZEC, mais cela
va au-delà. Chez nous, c'est quand même vraiment impressionnant,
on a la plus grande ZEC du Québec. Alors, c'est de savoir si on va
garder tout cet espace en ZEC que nous avons ou bien si nous allons le
réduire, mais vraiment lui assurer le rôle que cette zone doit
remplir dans la société. C'est un peu l'idée, ici, de
consolider le réseau des ZEC. Si on en a trop, si on n'est pas capable
de les supporter, il faudra les réduire.
M. Côté:... se situe au niveau du "C" des ZEC, en
termes de contrôle, zone d'exploitation contrôlée. C'est un
peu là l'inquiétude, je pense, de ceux qui veulent la
conservation. On devait avoir 6 000 000 d'agents de conservation et je pense
qu'on s'est rendu compte qu'on avait des agents de consommation. C'est la faune
qui en subit les conséquences.
M. Dufour: C'est cela. C'est dans ce sens.
M. Côté: L'autre question, recommandation trois:
Qu'un moratoire soit institué avant de procéder à
l'adoption du présent projet de loi pour permettre aux différents
intervenants du milieu de connaître les motifs fondamentaux qui animent
le MLCP dans cette opération. Tantôt, vous aviez des
interrogations, des pressions qui venaient du milieu forestier, minier ou
touristique. Là, on voit que la réponse du ministre est
très claire: cela ne vient pas de là. Maintenant, est-ce que vous
partez satisfaits en vous disant: On peut éliminer notre recommandation
trois parce que maintenant on sait d'où viennent les pressions?
M. Dufour: Je dirais que s'il existe, par exemple, une analyse
qui a été menée, conduite par le ministère ou, je
ne sais pas, un autre agent de l'État sur les exploits de la loi 19, la
Loi sur les parcs, comment elle s'est comportée, quels sont les
résultats qu'elle a donnés, je pense que tout le monde est
satisfait; à mon avis, en tout cas. Il y a une évaluation qui...
Si cette évaluation a été faite, j'aimerais bien la
connaître; si
elle a été faite, si elle a été
consignée dans un document, si le ministère l'a faite. Si cela
est fait et que cela n'a pas donné les résultats
escomptés, que la Loi sur les parcs n'est pas bonne ou n'a pas
donné les résultats escomptés, à ce
moment-là, il faut la modifier et cette modification est
commandée par une analyse. C'est simplement une interrogation dans ce
sens-là. Alors, par exemple, ce moratoire peut durer cinq minutes, le
temps d'une réponse, comme tout à l'heure, mais cela peut durer
une semaine ou deux, si on nous donne vraiment les motifs fondamentaux.
M. Côté: Avant de poser la question au ministre,
est-ce que vous croyez que la loi 19 de l'époque et maintenant la loi
qui est en application, on l'a appliquée suffisamment de temps pour voir
tous les vices qu'elle pourrait avoir ou si on ne devrait pas attendre encore
quelques années pour voir les effets?
M. Dufour: Je pense qu'il faudra attendre encore quelques
années parce qu'on a créé, on a quand même
modifié les parcs. Cela a duré quoi? Les quatres parcs existants,
on les a modifiés en 1978, 1979, 1980 et, là, on a
commencé vraiment à créer de nouveaux parcs assez
récemment. Évidemment, cela peut être une modification. Si
on dit que le projet de loi 13, c'est une modification mineure à la loi
pour l'aider à mieux être appliquée, d'accord, mais, comme
on hésite sur le premier paragraphe - et je ne pense pas qu'on soit les
seuls - il faut vraiment attendre, voir ce que le MLCP nous présente
à ce sujet.
M. Côté: Maintenant, ma question s'adresse au
ministre. C'est une question fort pertinente qui est venue de vos concitoyens
qui posent la question très clairement: Est-ce qu'il y a eu une
étude au ministère sur l'application de la loi 19? Si oui, est-ce
que cette étude pourrait être rendue publique? Je suis convaincu
que, de bonne grâce, nos invités accepteraient d'éliminer
la troisième recommandation, probablement.
M. Brassard: M. le Président, je dois dire que je suis
d'accord avec nos invités quand ils disent que la Loi sur les parcs
actuelle est une bonne loi. C'est une bonne loi. On est parfaitement d'accord
là-dessus. J'ai voté pour, d'ailleurs.
M. Côté: Moi aussi, c'est clair.
M. Brassard: Tout le monde a voté pour; cela a
été unanime. Donc, c'est une très bonne loi, la loi
actuelle, mais à la pratique, au cours des années, les quelques
années qu'elle a été mise en vigueur et en application, on
s'est quand même rendu compte qu'elle avait besoin d'être
améliorée, complétée, précisée,
clarifiée dans beaucoup de ses points.
Depuis le début de cette consultation, le débat et les
interventions de nos invités ont porté presque exclusivement sur
l'article 1, sur le fait qu'on écarte la classification telle qu'on la
retrouve dans la loi actuelle et qu'on la remplace par un article qui porte
surtout sur les objectifs. Presque toutes les interventions ont porté
là-dessus. Il est évident que c'est leur droit, c'est le droit
des organismes d'exprimer leur point de vue sur l'aspect qui les
intéresse, mais cela ne veut pas dire que c'est la seule modification
qu'on retrouve dans le projet de loi 13. Plusieurs amendements, plusieurs
modifications, plusieurs précisions, clarifications, ajouts
également, ont été apportés pour se donner un
meilleur outil en matière de création d'un réseau de
parcs. Il est évident qu'à l'intérieur du
ministère, à la direction des parcs, on a procédé
à l'identification des problèmes posés par l'application
de la loi actuelle. On n'a pas le temps de passer en revue tout cela, mais je
pense aux pouvoirs d'expropriation; on a eu des difficultés à ce
niveau. On a eu des procédures judiciaires devant les tribunaux qui
venaient du fait que ce n'était pas clair dans la loi actuelle. Alors,
il fallait préciser cela également. Les pouvoirs des agents de
conservation de la faune aussi sur le territoire des parcs, il y a des
précisions à apporter à ce niveau.
En d'autres termes, l'expérience - elle n'est pas longue - de
quelques années a quand même fait apparaître un certain
nombre de difficultés qu'il convenait d'aplanir par des amendements. Il
est évident que le principal amendement sur lequel porte presque toutes
les discussions, c'est l'article 1, mais il y en a plusieurs autres.
Évidemment, en commission parlementaire et à l'occasion du
débat sur le principe, je vais aborder longuement aussi les autres
modifications qu'on apporte à la loi.
Il y avait suffisamment de ces modifications, de ces clarifications
à apporter pour en arriver à la conclusion qu'il valait
peut-être mieux, plutôt que d'arriver avec un projet de loi qui
amende la loi actuelle, d'arriver avec un texte complètement nouveau,
qui reprenne plusieurs des libellés, plusieurs des articles de la loi
actuelle, mais qui en modifie certains et qui en ajoute aussi certains autres.
Sur la simple question de lecture, c'est pas mal plus facile à
étudier quand on a un texte complet plutôt que les fameux projets
de loi qui amendent un autre projet de loi. C'est plus difficile à
comprendre, à suivre et à étudier.
Il y a évidemment eu, en réponse au député
de Charlesbourg, une analyse, une identification des problèmes, qui
vient de la pratique, de l'expérience, et qui fait que, au
bout d'un certain nombre d'années, il convient de modifier,
d'amender la loi actuelle tout en affirmant - en terminant, M. le
Président - que cela ne signifie pas que la loi actuelle est une
mauvaise loi, bien au contraire.
M. Côté: Peut-être une dernière
question dans cette veine, parce que c'est une question qui est revenue
à plusieurs reprises dans les mémoires. J'imagine qu'il y a eu
une foule de représentations de la part du milieu pour qu'il y ait des
amendements à la loi?
M. Brassard: Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit. La
plupart de3 amendements viennent de l'expérience en matière de
création de parcs et cela provient du ministère lui-même,
de la direction générale des parcs. Pour la plupart des
amendements, on s'est rendu compte en cours de route que, comme je le
mentionnais tantôt, à partir de la création, du
fonctionnement et de la gestion des parcs, cela comportait certaines
difficultés et qu'il convenait de clarifier les choses.
Le Président (M. Marquis): Nous vous remercions beaucoup,
MM. Lemieux et Dufour, pour votre présentation devant cette commission
parlementaire. Nos travaux sont suspendus jusqu'à ce soir, 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 15)
(Reprise à 20 h 16)
Le Président (M. Marquis): La commission de
l'aménagement et des équipements reprend ses travaux afin de
poursuivre la consultation particulière sur le projet de loi 13, Loi sur
les parcs nationaux. Ce soir, nous recevons comme premier intervenant M. Pierre
Bannon, président de la Société québécoise
de protection des oiseaux Inc. La parole est à vous, M. Bannon.
Société québécoise de
protection des oiseaux Inc.
M. Bannon (Pierre): Mercil Juste une correction, je ne suis pas
président de la société, je suis président du
comité de conservation.
Le Président (M. Marquis): Nous acceptons la
correction.
M- Bannon: Alors, mesdames, messieurs les membres de la
commission, j'aimerais d'abord remercier le ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche de donner à la Société
québécoise de protection des oiseaux, que j'appellerai SQPO pour
abréger, l'occasion d'exprimer son avis sur le projet de loi 13.
Toutefois, avant d'aborder ce sujet - et probablement que j'en aurai le temps
parce que je ne crois pas utiliser les 30 minutes qui me sont allouées -
j'aimerais fournir les précisions suivantes sur la société
que je représente. La SQPO est l'une des plus anciennes
sociétés d'histoire naturelle du Québec et l'une des plus
dynamiques. Elle a, en effet, été fondée en 1917 et
regroupe environ 600 membres habitant surtout la région de
Montréal. Les principaux objectifs poursuivis par la
société consistent à promouvoir la protection de nos
oiseaux indigènes, à faire connaître le rôle
important qu'ils jouent dans l'environnement et à contribuer à
différentes études relatives aux oiseaux du Québec. Les
nombreuses activités de la SQPO comprennent, entre autres,
l'organisation d'excursions et de conférences publiques, ainsi que la
publication de différents documents sur les oiseaux du
Québec.
La société a toujours étroitement collaboré
avec les autres groupements régionaux, nationaux ou internationaux.
Ainsi, par exemple, elle fut, en 1951, l'hôte de la conférence
annuelle de l'American Ornithologists' Union et, en 1971, elle participait a la
fondation de la Fédération canadienne de la nature.
La société a également joué un rôle
très concret en matière de conservation en mettant sur pied un
programme d'acquisition d'habitats menacés ou sensibles aux
activités humaines. Par exemple, la société possède
et gère un sanctuaire d'oiseaux près de Philipsburg; elle est
également propriétaire de l'île aux Perroquets, qui fait
partie du sanctuaire de la baie de Brader et qui est un lieu reconnu pour ses
oiseaux marins nicheurs, au large de la côte nord du Saint-Laurent.
Récemment, la société a fait l'acquisition de deux
îles du Saint-Laurent, près de Varennes. Ces îles englobent
des marais d'eau douce très représentatifs du Haut-5aint-Laurent
et essentiels pour plusieurs espèces d'oiseaux nicheurs du sud-ouest du
Québec.
La société commandite également des
activités de conservation menées par d'autres associations, tel
le Centre de recherche sur les oiseaux de proie du Collège Macdonald, et
accorde, d'autre part, des bourses pour des étudiants gradués,
engagés dans des études sur l'avifaune du Québec. La SQPO
s'est également intéressée à l'avenir des parcs
québécois et a présenté des mémoires aux
audiences publiques sur le parc du Mont-Tremblant et sur le parc du
Mont-Saint-Bruno.
Dans le présent mémoire, la SQPO s'interroge
particulièrement sur les amendements touchant les aspects fondamentaux
de la Loi sur les parcs, c'est-à-dire ceux touchant la conservation
du
patrimoine naturel, l'éducation du public au milieu naturel,
ainsi que la participation du public au processus décisionnel. Nous
avons, par ailleurs, consacré peu de temps à l'étude des
articles qui touchent l'administration des parcs, où l'on ne retrouve,
de toute façon, que peu de modifications. Également, nous ne nous
sommes pas attardés sur la réglementation, de même que sur
les dispositions pénales et législatives dont le but n'est
d'ailleurs que d'assurer la concordance avec le nouveau projet de loi.
Après étude du projet de loi 13 sur les parcs nationaux,
la SQPO croit que ce projet accuse un net recul sur la loi 19, tout
particulièrement en ce qui a trait è la notion de conservation et
à la participation du public. Les modifications proposées
étonnent quelque peu puisqu'elles n'ont fait suite à aucune
pression de la part du public. Nous nous interrogeons donc sur les motivations
qui ont poussé le gouvernement à modifier la loi 19.
Ce projet propose en premier lieu que les parcs soient
désignés comme parcs nationaux plutôt que provinciaux afin
de les distinguer des parcs régionaux et des parcs urbains. Pourtant, la
désignation de parcs provinciaux les distinguait tout aussi bien de ces
deux dernières catégories de parcs. La nouvelle
désignation contribuera, d'autre part, à créer une
certaine confusion dans l'esprit des visiteurs qui associent ordinairement la
notion de parc national à l'administration fédérale.
Toutefois, notre désaccord avec ce type de désignation se
situe à un autre niveau et concerne plutôt le fait qu'il y a,
à notre sens, plusieurs parcs du Québec qui ne méritent
tout simplement pas la désignation de parcs nationaux. En effet,
plusieurs des parcs provinciaux actuels ou projetés, notamment dans la
région de Montréal, ne cadrent pas très bien avec la
conception de parcs nationaux puisqu'ils sont plutôt identifiés
à des parcs régionaux dont la vocation principale est la
récréation intensive. Ces parcs sont généralement
de faible superficie et supportent des équipements plutôt lourds.
De tels parcs ne devraient pas bénéficier de l'appellation parcs
nationaux, car ils ne jouent pas vraiment le rôle de parcs nationaux tel
qu'on le conçoit à l'échelle internationale et qui
consiste principalement à protéger des éléments
caractéristiques du patrimoine naturel. De plus, il semble illogique
d'attribuer le statut de parcs nationaux, même à nos parcs de
conservation, sans en modifier préalablement le zonage. En effet, les
zones de préservation dans ces parcs n'occupent en moyenne que le tiers
du territoire. À titre de comparaison, le parc national de Forillon
consacre plus de 90% de son territoire à la préservation.
À l'examen détaillé des premiers articles du projet
de loi, nous constatons que le système de classification en parcs de
conservation et de récréation est mis de côté, de
même que la notion de récréation extensive. Tels que
formulés à l'article 1, les deux objectifs associés
à l'établissement d'un parc ne semblent pas mutuellement
exclusifs, ce qui laisse supposer que le ministère pourrait
simultanément attribuer les deux objectifs à un parc ou
même lui en assigner d'autres. Même si nous nous opposons à
la dualité conservation-récréation, puisque, selon nous,
il ne devrait y avoir que des parcs de conservation, nous pensons que la loi 19
est beaucoup plus explicite en ce qui concerne la définition d'un parc
de conservation. Elle offre certainement plus de garanties, tandis que le
projet de loi 13 demeure très vague sur la question des parcs de
conservation qui seront, par conséquent, voués à
être défavorisés. L'article 23 raffermit, d'ailleurs,
l'appréhension que les parcs de conservation existants pourraient perdre
leur statut de parcs de conservation.
Attardons-nous maintenant à l'énoncé des objectifs
présentés à l'article 1. Le paragraphe 1°, qui se veut
une substitution à la définition de parc de conservation, a
été malheureusement amputé de la notion de permanence qui
avait été associée auparavant à la protection de
territoires et de sites naturels. Doit-on en conclure que le seul gestionnaire
du patrimoine naturel québécois ne peut plus garantir une
protection permanente de nos sites naturels? De plus, une préoccupation
fondamentale, celle de l'éducation du public au milieu naturel, a
été mise de côté dans ce paragraphe. Alors que
l'éducation et l'interprétation de la nature étaient
reléguées à l'arrière-plan dans la loi 19, elles
sont maintenant carrément mises aux oubliettes. Ce
désintéressement pour l'éducation constitue donc un recul
difficilement concevable, car l'interprétation et les activités
en grande nature sont les raisons d'être des parcs nationaux. En effet,
la conservation de ces territoires naturels n'est justifiée que pour
autant qu'elle permette aux visiteurs de découvrir et de mieux
comprendre la faune, la flore et les principaux écosystèmes.
Le paragraphe 2° de l'article 1, tout comme le paragraphe
précédent, a également perdu beaucoup d'étoffe. En
effet, l'objectif de protection de l'environnement naturel, qui était
tout de même au second plan dans les parcs de récréation, a
été complètement oublié lors de la rédaction
du projet de loi. Est-ce à dire que le ministère ne peut plus
assurer la protection de l'environnement dans les parcs de
récréation?
D'autre part, en ce qui concerne la participation du public, encore
là, le projet de loi 13 a beaucoup moins à offrir que la loi 19.
Comme auparavant, le ministre devra entendre les intéressés en
audience publique
lors de l'établissement d'un parc, de son abolition ou de la
modification de ses limites, mais non plus lors de la modification de sa
classification ou de ses objectifs. La classification des parcs de conservation
existants pourrait donc être modifiée sans aucune consultation
publique. Qu'est-il donc advenu de la volonté du ministère
d'associer la population à la planification et au développement
du réseau des parcs québécois?
Il est donc clair que le projet de loi 13 offre moins de garanties que
la loi 19 relativement à la conservation et à la participation du
public. Devant ce recul du ministère, la SQPO ne peut qu'être en
désaccord avec ce projet de loi. Le seul aspect positif de ce projet se
retrouve à l'article 2 qui stipule que le ministère peut
acquérir par expropriation tout bien qu'il juge nécessaire
à l'établissement d'un parc ou à la modification de ses
limites.
Toutefois, nous ne croyons pas que les retranchements importants
à la superficie des parcs, observés depuis 1977, soient
reliés à l'absence d'un pouvoir d'expropriation, mais
plutôt aux intentions dissimulées du gouvernement de vouloir
favoriser une fois de plus les impératifs économiques,
principalement l'exploitation minière et forestière, le
développement touristique et la récréation.
La SQPO réclame donc le retrait immédiat du projet de loi
13 et le maintien de la loi actuelle, tout en proposant au ministère des
modifications à cette loi. À notre avis, deux aspects de la loi
19 devraient faire l'objet d'amendements. En premier lieu, la SQPO
déplore l'antagonisme entre la conservation et la
récréation. Cette polarisation du problème est inutile
puisque le but de la loi est d'abord de conserver un territoire. Nous croyons
donc qu'il ne devrait exister qu'un seul type de parc, soit le parc de
conservation Les activités récréatives permises dans ces
parcs ne devraient être que celles qui s'intègrent bien avec la
fonction éducative et les programmes d'interprétation de la
nature. Aucun équipement de récréation
élaboré n'est souhaitable à l'intérieur des parcs
québécois.
Comme dans les parcs nationaux canadiens et américains,
l'établissement de centres d'interprétation, où des
naturalistes qualifiés se chargent de faire connaître aux
visiteurs les différents éléments du milieu naturel,
devrait être l'approche privilégiée à
l'intérieur de nos parcs provinciaux et, plus particulièrement,
dans les parcs situés à proximité des centres urbains
où l'on retrouve un plus grand nombre de visiteurs. Le MLCP doit, avant
tout, gérer efficacement notre patrimoine naturel et non exploiter le
milieu naturel à des fins de récréation intensive.
En second lieu, nous déplorons également le fait que le
ministère n'ait pas tenu compte dans son projet de loi du désir
exprimé par de nombreux intervenants, lors des audiences publiques sur
les parcs, concernant le zonage dans les parcs. En effet, ces intervenants ont
demandé à maintes reprises que le plan de zonage et le plan
directeur d'aménagement soient soumis à des audiences publiques
et offrent certaines garanties légales. Jusqu'à maintenant, le
plan de zonage et l'aménagement du parc peuvent faire l'objet de
changement de la part du gouvernement sans préavis auprès du
public. L'omission de tels amendements dans le projet de loi est d'autant plus
décevante que, lors de l'audience publique sur le parc du
Mont-Saint-Bruno, le ministre de l'époque avait fait part de son
intention d'apporter des amendements à la loi qui garantiraient la
révision par le public de modifications apportées au plan de
zonage et au plan directeur. (20 h 30)
Au sujet du plan directeur, la SQPO souhaite également que le
ministère accorde plus d'importance aux inventaires biophysiques avant
de présenter son plan directeur. La connaissance des
caractéristiques biophysiques s'est avérée souvent
déficiente et trop fragmentaire lors de la présentation des
propositions gouvernementales. Il serait donc préférable, comme
l'ont proposé d'autres regroupements, que le plan directeur final ne
soit adopté et discuté publiquement qu'après un
délai de quelques années suivant la création d'un parc,
c'est-à-dire après que toutes les études pertinentes ont
été complétées.
Comme dernière remarque, la SQPO souhaite, d'autre part, que le
ministère étudie la possibilité d'accroître la part
du budget consacrée au développement du réseau des parcs
québécois. Le budget consacré à cet objectif est
actuellement infime et ne permet pas une évolution suffisante du
réseau de parcs québécois. En outre, il semble que l'on
assistera au transfert d'une partie du budget affecté aux parcs
provinciaux au profit du parc de l'Archipel. Il serait fâcheux que le
parc de l'Archipel empêche le développement normal des autres
parcs en drainant une partie importante de leur budget.
En terminant, je remercie sincèrement les membres de la
commission pour leur attention apportée à l'audition de ce
mémoire et je vous prie d'accepter mes salutations les plus
distinguées. Merci.
Le Président (M. Marquis): Merci beaucoup. M. le ministre,
avez-vous des questions?
M. Brassard: M. le Président, je remercie la
Société québécoise de protection
des oiseaux de sa participation aux travaux de la commission et
également de son mémoire. Il semble que les organismes
invités se soient en quelque sorte - je ne sais pas si c'est le cas,
mais on le croirait -donné le mot, puisqu'on retrouve les mêmes
inquiétudes et les mêmes commentaires sur le projet de loi 13, en
particulier dans les remarques qui portent sur la conservation, où l'on
prétend que le projet de loi 13 constitue un net recul - c'est
l'expression que vous utilisez - par rapport à la loi actuelle.
Il me semble que ce n'est pas en inscrivant un peu partout dans la loi
le mot "conservation" que cette dernière va nécessairement
être assurée. On ne le retrouve pas du tout dans la loi
fédérale sur les parcs. Pas une seule fois on ne retrouve le mot
"conservation" dans la loi fédérale sur les parcs. Comme vous
l'avez signalé, cela ne signifie absolument pas que, dans les parcs
fédéraux, la conservation du milieu naturel n'est pas
assurée. Ce qui compte, par conséquent, ce sont les objectifs
poursuivis, le zonage, comme vous l'avez mentionné, les intentions
d'aménagement. C'est cela, au fond, qui est important. Ce sont là
les vrais enjeux.
Je ne sais pas sur quoi vous vous basez. Depuis l'adoption de la Loi sur
les parcs, en 1977, est-ce que vous êtes en mesure d'affirmer que le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche n'a pas accompli
son devoir ou n'a pas assumé ses responsabilités en
matière de "conservation dans le réseau des parcs nationaux? En
d'autres termes, vos inquiétudes se fondent-elles sur une mauvaise
expérience depuis l'adoption de la loi? Parce qu'on retrouve, un peu
dans tous les mémoires, une espèce de méfiance. J'aimerais
savoir sur quoi vous vous fondez pour exprimer une pareille méfiance.
Dans le passé, depuis l'adoption de la loi en 1977, est-ce que dans la
pratique, de façon concrète, le ministère a mal
assumé ses responsabilités en matière de la conservation
de la faune à l'intérieur du réseau des parcs? J'aimerais
savoir l'origine de cette méfiance soudaine.
M. Bannon: La question n'est pas là. Je pense
qu'actuellement on nous propose un projet de loi qui offre beaucoup moins que
la loi 19 sur les parcs provinciaux. La question est là. On ne comprend
pas pourquoi le gouvernement nous arrive avec un projet de loi qui offre moins.
Personne ne comprend pourquoi on veut absolument changer la loi 19. Pourquoi
exactement voulez-vous changer la loi 19? C'est cela, la question; on ne le
comprend pas.
M. Brassard: Pour que les débats, à l'occasion des
audiences publiques et des consultations de la population, portent sur les
véritables enjeux et ne soient pas déviés.
Quand les débats portent sur une étiquette et non pas sur
le contenu, sur l'essentiel de ce qu'on a l'intention de faire dans un
parc...
M. Bannon: Vous comprendrez que les bases légales sont
d'une extrême importance. Je veux bien croire que les enjeux sont
importants, mais la loi est extrêmement importante aussi.
M. Brassard: Oui, je conviens qu'elle est importante, la base
légale, mais je vous signale que du côté
fédéral - est-ce que vous connaissez la loi sur les parcs
fédérale? -c'est très fragile comme base légale et
cela ne les empêche pas d'avoir un grand souci de conservation à
l'intérieur de leurs parcs. Il ne faut pas, non plus, s'imaginer que
tout est dans la loi et que tout peut être dans la loi. Il y a
également une politique qui est issue d'une loi et qui comporte pas mal
plus d'éléments.
M. Bannon: Encore une fois, j'insiste: Pourquoi voulez-vous
modifier la loi 19?
M. Brassard: Pour bien des raisons, il y en a plusieurs.
Évidemment, comme je le mentionnais avant l'ajournement de 18 heures,
jusqu'à maintenant, la discussion n'a porté que sur l'article 1,
mais quand on examine l'ensemble de la loi il y a plusieurs autres raisons qui
expliquent les amendements et les modifications qu'on a apportés au
projet de loi actuel et qui constituent des progrès par rapport à
la loi actuelle qui n'est pas - je le répète - une mauvaise loi,
mais qui méritait d'être clarifiée sur certains points.
À l'article 1, on a voulu indiquer les objectifs. On a voulu que, dans
l'établissement d'un parc, les objectifs soient l'élément
essentiel plutôt que l'appellation de conservation ou de
récréation, de façon que le débat public porte
véritablement sur les enjeux réels, les enjeux essentiels.
De toute façon, quand vous parlez d'affaiblissement, par exemple,
vous dites qu'on recule également sur le plan des audiences publiques.
Pourtant, par rapport à la loi actuelle, les objets qui vont être
soumis à la consultation sont plus nombreux. Dans la loi actuelle, ce ne
sont que le territoire ou la délimitation et la classification, alors
qu'avec le projet de loi 13 on inclut également dans les audiences
publiques les intentions d'aménagement, ce qui n'est pas le cas dans la
loi actuelle.
M. Bannon: Je pense que vous avez laissé tomber le point
le plus important.
M. Brassard: C'est-à-dire?
M. Bannon: Maintenant, le public ne
peut plus se prononcer sur la modification de la classification des
parcs.
M. Brassard: Oui, mais il peut se prononcer sur les objectifs ou
les motifs. Vous ne trouvez pas que cela revient au même, si le public
peut se prononcer sur les objectifs ou les motifs?
M. Bannon: Bien, je ne vois pas cela dans la loi. Où
voyez-vous les objectifs?
M. Brassard: À l'article 1.
M. Bannon: Parce que la consultation du public, c'est à
l'article 3.
M. Brassard: Oui, l'article 4: "L'avis prévu au paragraphe
1° de l'article 3. "
M. Bannon: Oui, mais ça, c'est l'avis. Regardez l'article
3: "En vue de l'établissement d'un parc, de son abolition ou de la
modification de ses limites, le ministre doit... " C'est là qu'il aurait
fallu inclure "et de ses objectifs", et non è l'article 4.
M. Brassard: II doit les "entendre en audience publique" et
l'avis qui prévoit les audiences publiques est à l'article 4.
M. Bannon: Oui, c'est seulement l'avis.
M. Brassard: Si on le donne en avis, c'est parce que c'est
ça qui va faire l'objet de l'audience publique.
M. Bannon: Ce n'est pas clair, ce n'est pas très clair.
Pourquoi la question des objectifs n'a-t-elle pas été incluse au
début de l'article 3? Pourquoi n'avez-vous inclus que
"l'établissement d'un parc, son abolition, la modification de ses
limites... " Pourquoi ne pas avoir inclus "et de ses objectifs" à cet
endroit-là?
M. Brassard: Si, dans l'avis, on doit indiquer "les objectifs et
les limites envisagés; dans le cas de l'abolition d'un parc, les
motifs", c'est évidemment pour les soumettre en audience publique.
M. Bannon: Moi, je ne vois pas cela comme ça. Si on
recommence à lire l'article 3: "En vue de l'établissement d'un
parc, de son abolition ou de la modification de ses limites, le ministre
doit... " Ensuite, il y a trois sous-paragraphes. Regardez le troisième
qui fait suite à cela. "En vue de l'établissement d'un parc... le
ministre doit entendre en audience publique les personnes visées. "
C'est ça, c'est tout simplement cela.
M. Brassard: C'est ça.
M. Bannon: En vue de l'établissement d'un parc, il aurait
fallu inclure "de ses objectifs" à cette place-là.
M. Brassard: À l'occasion de l'établissement, de
l'abolition et des modifications de limites, à ces trois
occasions-là, le ministre va en audience publique et l'audience publique
porte sur les objets contenus dans l'avis, c'est-à-dire, en particulier,
les objectifs de l'établissement ou les motifs de l'abolition. C'est
comme ça que je le comprends.
M. Bannon: Vous admettrez comme moi que cela laisse place
à de l'interprétation. C'est ce qu'on reproche à cette
loi-là. Elle est vague, elle n'est pas claire, elle est confuse, on peut
l'interpréter de mille et une façons. Elle est beaucoup moins
claire que la loi 19. Elle est très vague. Cela peut
s'interpréter de toutes sortes de façons.
M. Brassard: Enfin, c'est une question de point de vue.
M. Bannon: Je voudrais vous poser une question. Est-ce qu'il y a
eu de la part du public une certaine pression, une demande pour changer la loi
19? Qui vous a demandé de changer la loi 19?
M. Brassard: II n'y a pas eu d'organismes qui l'ont fait ou de
pétitions qui ont circulé.
M. Bannon: Pourquoi vous la changez alors, si elle plaît
à tout le monde?
M. Brassard: On la change parce qu'en cours d'expérience,
à partir du moment où on a commencé à créer
et à mettre sur pied le réseau des parcs, il est apparu un
certain nombre de difficultés. Il est apparu qu'un certain nombre
d'articles de la loi actuelle manquaient de précision, un certain nombre
de carences aussi. C'est pour toutes ces raisons qu'on a décidé
de réviser la loi et de l'amender.
M. Bannon: Vous la changez parce que cela fait votre affaire,
quoi, et non l'affaire de la population.
M. Brassard: Écoutez! Dans le cas des parcs, il faut bien
dire que ce n'est pas...
M, Bannon: C'est pour alléger vos difficultés.
M. Brassard: Pardon?
M. Bannon: Vous la changez pour alléger vos
difficultés, comme vous avez dit.
M. Brassard: Sur le plan pratique, oui, il y a un certain nombre
de difficultés qui
sont apparues.
M. Bannon: II me semble que ce n'est pas là un objectif
très noble.
Une voix: Je ne comprends pas pourquoi quelqu'un se forcerait
pour rester dans la "marde".
Mme Bacon: II faut quand même respecter, M. le
Président...
M. Côté: II faut tirer comme conclusion que la loi a
été faite pour le public et pour l'utilisation du public. Ce
n'est plus le public qui est visé, mais ce sont certains
éléments du ministère qui ont de la difficulté
à l'appliquer.
M. Brassard: Est-ce que j'ai perdu le droit de parole?
M. Côté: Elle est au service du ministère,
elle n'est pas au service de la population. (20 h 45)
M. Brassard: La Loi sur les parcs nationaux vise à
créer un réseau de parcs nationaux en vue de protéger
certains sites exceptionnels ou des milieux naturels représentatifs,
comme c'est indiqué dans la loi actuelle et comme c'est aussi
indiqué dans le projet de loi. Or, il est arrivé qu'en cours
d'établissement de ces parcs plusieurs articles sont apparus incomplets,
imprécis et ont donné lieu, d'ailleurs, dans certains cas,
à des démêlés judiciaires. Il nous est apparu
essentiel, à ce moment-là, de corriger ces articles, de revoir un
certain nombres de dispositions de la loi.
C'est évident que la Direction générale des parcs,
qui a vécu la mise en place du réseau, a été une
des principales sources pour indiquer et identifier les dispositions dans la
loi qui devaient être modifiées ou amendées. C'est bien
évident que c'est une des principales sources. Enfin, c'est clair aussi
que, dans le cas des parcs, il n'y a pas de lobby puissant comme dans d'autres
cas, comme dans les négociations des secteurs public et parapublic. Des
lobbies très puissants et très bien organisés, dans le cas
de parcs, ça n'existe pas; à regret, peut-être.
M. Bannon: Enfin, si c'est là votre unique raison, cela ne
me satisfait pas du tout.
M. Brassard: Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Marquis): Mme la députée de
Chomedey.
Mme Bacon: Moi, je dois vous dire que je vous trouve bien
courageux de venir faire face à la commission parlementaire de
l'aménagement et des équipements, tout seul, comme ça. Il
faut que vous soyez drôlement impliqué dans votre dossier et que
vous croyiez au bien-fondé de ce que vous avez à nous dire. Vous
avez tout mon respect d'avoir le courage, la générosité de
passer le temps, d'avoir préparé votre dossier et d'être
venu nous le présenter. Moi, je dis chapeau à ça.
Je pense que des gens de votre milieu sont très
préoccupés par vos dossiers et, surtout, y croient beaucoup.
C'est pour ça, je pense, que votre présence est importante ici,
devant nous, et je la respecte beaucoup.
M. Bannon: Merci.
Mme Bacon: Je dois dire que, moi aussi, ça
m'inquiète un peu d'entendre le ministre dire que tous ont les
mêmes inquiétudes et font les mêmes commentaires. C'est
presque un aveu de la part du ministre que lui seul a le pas et les autres,
non, parce que lui ne pense pas comme les groupes qui sont venus nous
rencontrer. Même ceux qui avaient un certain accord avec le projet de loi
se demandaient si c'était venu du milieu et eux-mêmes avaient des
objectifs à poursuivre qui étaient sensiblement certains
objectifs que vous avez, vous aussi.
Si on reprend votre document, à la page 1, vous nous expliquez ce
qu'est la Société québécoise de protection des
oiseaux et certains objectifs qui sont poursuivis par votre
société et vous mentionnez la protection, évidemment, des
oiseaux indigènes et faites connaître le rôle important
qu'ils jouent dans l'environnement. Est-ce que vous avez inventorié les
différentes espèces que nous pouvons avoir au Québec? Si
oui, est-ce qu'il a des espèces qui sont en voie de disparition, par
exemple, faute de soins qu'on peut leur apporter ou faute de
possibilités d'avoir des endroits où on peut les garder?
M. Bannon: Évidemment, il y a déjà des
espèces qui sont disparues du territoire québécois. Je
crois qu'il y en a trois ou quatre qui sont disparues au cours du siècle
dernier ou au début du siècle et il y en a actuellement. Je crois
que c'est même le ministère de l'Environnement actuel qui vient de
publier une liste qui contient 24 espèces d'oiseaux qui sont
considérés comme vulnérables ou menacés
d'extinction. Cette liste a été publiée par la Direction
des réserves écologiques et des sites naturels.
Mme Bacon: II existe - j'en ai déjà visité -
aux États-Unis, par exemple, des endroits où on interprète
- on parle ici d'interprétation de la nature - les différentes
espèces d'oiseaux. Par exemple, on prend un sentier dans un parc et on y
voit les
oiseaux. C'est déjà expliqué dans des
dépliants qu'on nous remet au départ et il y a même des
gens sur les lieux qui peuvent nous donner des informations. Comptez-vous
plusieurs endroits comme ceux-là ici, des parcs où l'on fait
cela?
M. Bannon: Nous croyons que cela fait défaut dans la
province, ce genre d'activité d'interprétation de la nature. Je
crois que nous sommes très en retard, comparés aux
États-Unis et au reste du Canada, dans ce domaine. C'est, d'ailleurs,
l'aspect de l'éducation du public que j'ai abordé dans mon
mémoire qui fait énormément défaut au
Québec. Il était, d'ailleurs, mentionné dans la loi 19 et
on l'a complètement laissé tomber dans le projet de loi 13. On ne
parle plus du tout, à aucun endroit, d'éducation ou
d'interprétation de la nature alors que c'était inscrit dans la
loi 19.
Mme Bacon: Est-ce que les espèces plus vulnérables
y trouveraient leur compte à un moment donné si cela existait?
Est-ce qu'on pourrait les sauver?
M. Bannon: Évidemment, tout dépend...
Mme Bacon: C'est une question d'habitat, à un moment
donné.
M. Bannon: C'est sûr que, si on veut protéger les
espèces menacées et vulnérables, il faut d'abord
protéger leur habitat. Si ces espèces perdent leur habitat,
évidemment, elles ne survivront plus. Il faut absolument protéger
l'habitat des espèces menacées si on veut les conserver.
Mme Bacon: Dans votre association ou société,
avez-vous suffisamment de membres - question de membership - pour organiser des
bénévoles ou des gens qui pourraient, même avec un
encadrement ou un soutien technique ou financier, donner cette éducation
à la population? II faut dire qu'ici on n'est pas très
près de cela et qu'il y a une éducation à faire dans le
grand public.
M. Bannon: On a des bénévoles à
l'intérieur de notre société qui acceptent de diriger des
excursions à différents endroits. Toutes les fins de semaine il y
a des excursions qui sont dirigées dans la région de
Montréal, autour de Montréal. Je suis moi-même responsable
de quelques-unes de ces excursions. Évidemment, si on avait un soutien
financier, peut-être que ce serait amélioré. On pourrait
évidemment offrir plus; c'est toujours difficile de trouver des
bénévoles, etc.
Mme Bacon: Est-ce que vous avez un soutien du
ministère?
M. Bannon: Non.
Mme Bacon: Vous n'en avez jamais eu?
M. Bannon: Non.
Mme Bacon: En avez-vous déjà demandé?
M. Bannon: Non.
Mme Bacon: Non plus. Même au ministère de
l'Environnement?
M. Bannon: La Société québécoise de
protection des oiseaux Inc. dépend strictement de dons de
particuliers.
Mme Bacon: Le membership.
M. Bannon: Le membership et les dons de particuliers.
Mme Bacon: Mais, vous ne vous opposeriez pas, à un moment
donné, à avoir un soutien financier pour poursuivre votre oeuvre
d'éducation ou d'information?
M. Bannon: Aucunement.
Mme Bacon: Par contrat ou autrement, sans que ce soit
discriminatoire envers qui que ce soit.
M. Bannon: Aucunement.
Mme Bacon: Le ministre a posé certaines questions tout
à l'heure. Je pense que vous faites quand même part de votre
préoccupation quant à la participation des citoyens à des
audiences, par exemple. Je dois dire que je suis tout à fait d'accord
avec vous qu'on pourrait modifier des limites ou la classification des
objectifs sans retourner à la population et demander par audiences si la
population voit des dangers ou pas, si elle est d'accord ou pas.
Là-dessus je dois dire que je suis tout à fait d'accord avec
vous. C'est quand même très important de retourner à la
population. Est-ce que ce serait basé sur une espèce
d'expérience que vous avez du milieu qui verrait cela d'un mauvais
oeil?
M. Bannon: Est-ce que vous voulez répéter votre
question? Je n'ai pas très bien compris.
Mme Bacon: Est-ce que le milieu que vous représentez
verrait d'un mauvais oeil qu'on modifie la classification et les objectifs de
certains parcs, par exemple, sans retourner le consulter par des audiences
publiques?
M. Bannon: Bien oui. Si on le
mentionne dans le mémoire, c'est que... Mme Bacon: Cela
répond aux...
M. Bannon:... c'est un objectif important. On devrait conserver,
je crois, dans la loi ce point-là.
Mme Bacon: D'accord. Aussi, à la page 11 de votre
mémoire, vous indiquez les inventaires biophysiques et vous dites qu'il
est préférable, comme l'ont proposé des regroupements,
"que le plan directeur final ne soit adopté et discuté
publiquement qu'après un délai de quelques années suivant
la création d'un parc". Est-ce que vos suggestions, c'est basé
sur votre expérience ou si c'est basé sur la demande du milieu ou
sur des discussions que vous avez eues dans votre regroupement?
M. Bannon: J'ai moi-même, disons, présenté un
mémoire, par exemple, aux audiences publiques sur le parc du
Mont-Tremblant, mais je me suis aperçu, en consultant la documentation
qui était disponible sur le parc du Mont-Tremblant, qu'elle était
très déficiente, qu'il n'y avait rien de vraiment disponible. On
se demandait sur quoi le gouvernement se basait, par exemple, pour
déterminer le zonage à l'intérieur du parc alors qu'il n'y
avait aucune étude qui avait été faite sur la faune et la
flore du parc. En tout cas, par exemple, dans le domaine des oiseaux, il y
avait très peu de publications disponibles. Il n'y avait rien de
disponible. Les publications qu'on nous a offertes, c'étaient des choses
qui dataient de 25 ou 30 ans, des études qui avaient été
faites il y a 25 ou 30 ans et, même, ce n'étaient pas des
études très poussées, très sérieuses.
Mme Bacon: Est-ce qu'il y a beaucoup de recherche dans ce domaine
en ce moment?
M. Bannon: Dans le domaine de... Mme Bacon: Des
oiseaux.
M. Bannon: Disons que oui. Je ne pourrais pas, personnellement,
étant un amateur, m'aventurer dans ce domaine, à savoir quel type
de recherche on fait au niveau des universités.
Mme Bacon: Vous pouvez quand même comparer, j'ai
l'impression, si vous êtes très intéressé, avec
certains pays qui sont plus sensibilisés peut-être.
M. Bannon: Au niveau de la sensibilisation, je crois que le
Canada anglophone est beaucoup plus sensibilisé à ces choses - de
même que les Britanniques et les Américains aussi - que les
Québécois en général.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Marquis): M. le député de
Charlesbourg.
M. Côté: II n'y a pas de problème.
Mme Bacon: On n'aura pas fini notre temps.
M. Côté: II n'y a pas de problème; M. le
député de Chambly, si vous voulez parler.
M. Tremblay: Je ne serai pas long. J'ai juste deux questions. La
première est celle-ci; M. Bannon, je crois?
M. Bannon: Oui.
M. Tremblay: Vous défendez, en fait, dans votre
mémoire - c'est votre droit - la loi actuelle. D'un autre
côté, dans le même mémoire, vous dites très
clairement que vous souhaiteriez qu'il n'y ait qu'un seul type de parcs...
M. Bannon: Oui.
M. Tremblay:... soit les parcs de conservation. Comment
pouvez-vous concilier ces deux choses ensemble?
M. Bannon: C'est évident que, si on nous propose un projet
de loi sur les parcs nationaux qui nous offre beaucoup moins que ce que pouvait
nous donner la loi 19, à la loi 13, on préfère la loi 19.
Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas avoir mieux que cela, comprenez-vous?
C'est dans cette optique que je l'ai dit.
M. Tremblay: Donc, vous considérez qu'il serait...
M. Bannon: C'est pour cela qu'on propose des amendements à
la loi 19.
M. Tremblay: Mais, est-ce que vous ne pourriez pas aussi proposer
des amendements à la loi 13 qui donneraient les mêmes
résultats?
M. Bannon: II faudrait revenir, je crois, il faudrait
réinclure toutes sortes de choses comme la consultation du public, par
exemple, concernant les objectifs, la classification des parcs, qui ont
été exclues maintenant...
M. Tremblay: C'est un bon exemple. M. Bannon:... du projet
de loi 13.
M. Tremblay: Cela pourrait être une solution, donc. (21
heures)
M. Bannon: À mon avis, il faudrait reconsidérer
tout ce qui a été exclu du projet de loi 13, principalement dans
les cinq premiers articles qui, en fait, concernent la philosophie, la base;
c'est vraiment la philosophie de la loi. Le reste, évidemment, ce sont
des détails d'administration et tout.
M. Tremblay: Est-ce que, selon vous, la philosophie de la loi
actuelle par rapport au projet de loi 13 est très différente?
M. Bannon: Vous voulez dire par rapport à la loi 19?
M. Tremblay: La loi actuelle, oui, la loi en vigueur, la loi 19,
dans le temps.
M. Bannon: Bien oui. Si vous m'avez suivi durant mon
exposé, je crois que la notion de conservation telle qu'elle existait
dans la loi 19, on ne la retrouve pas du tout dans le projet de loi 13. La
consultation du public et son éducation, on ne retrouve rien à ce
sujet dans le projet de loi 13. Ce sont toutes des choses qui étaient
spécifiées dans la loi 19, qui sont tombées dans le projet
de loi 13.
M. Tremblay: Oui. Mais, vous avez dit dans votre exposé -
et d'autres l'ont dit aujourd'hui - que, présentement, dans les parcs de
conservation, il y a 30% du territoire qui est zoné véritablement
de conservation.
M. Bannon: De conservation, oui.
M. Tremblay: Si un nouveau zonage était fait avec la
nouvelle loi et s'il y avait 40% du territoire zoné de conservation,
est-ce que cela améliorerait, à votre point de vue, la situation
des parcs?
M. Bannon: Pourquoi 40%? Pourquoi pas 90%?
M. Tremblay: Là, en tout cas, c'est difficile de zoner un
stationnement en...
M. Bannon: Pourquoi le parc de Forillon, par exemple, est-il
zoné à 90% en conservation? Pourquoi pas le parc des
Grands-Jardins, le parc de la Gaspésie?
M. Tremblay: Je ne peux pas répondre à cela, mais
il est possible que le type de désignation de conservation soit
différent, dans la loi des parcs du fédéral, de celui qui
est dans notre loi. Peut-être qu'ici on désigne seulement de
conservation les zones d'un parc qui sont exclusivement dévolues
à cela, tandis que peut-être, on dit, pour un parc
fédéral, que même les aires de stationnement, tout est
voué à la conservation.
M. Bannon: Ah bien, là! Cela me surprendrait
énormément qu'un terrain de stationnement fasse partie d'une zone
de conservation dans un parc fédéral.
M. Tremblay: Vous comprendez que j'ai caricaturé un peu.
Il reste que cela peut être cela.
J'ai une autre question.
Le Président (M. Marquis): La dernière.
M. Tremblay: Oui, cela va être la dernière. Donc, un
seul type de parcs, pour vous, serait souhaitable, des parcs de conservation,
des parcs nationaux, en fait, puisque c'est la désignation qu'on
utilise...
M. Bannon: C'est cela.
M. Tremblay:... qui est approuvée mondialement...
M. Bannon: C'est cela.
M. Tremblay:... pour désigner des parcs de
conservation.
M. Bannon: C'est cela.
M. Tremblay: Je vous ferai remarquer, entre parenthèses,
que c'est comme cela qu'on veut désigner nos parcs. Mais il y a, vous
n'êtes pas sans le savoir, dans les parcs, actuellement, et dans ceux
qu'il reste à créer, j'imagine - je ne les connais pas -dans ceux
qui sont déjà créés, des équipements de
récréation intensive. Qu'est-ce que vous faites avec cela?
M. Bannon: Écoutez, actuellement, les équipements
lourds, on les retrouve dans des zones quand même assez restreintes, qui
pourraient être exclues du parc, à mon avis.
M. Tremblay: Cela veut dire que, selon...
Le Président (M. Marquis): Est-ce que cela va?
M. Tremblay:... vous, éventuellement, par exemple un
centre de ski alpin, qui serait la propriété de l'entreprise
privée, pourrait être démantibulé et vendu pour du
développement domiciliaire. Personne ne pourrait empêcher cela
parce que c'est une entreprise privée et les gens ont le droit de
construire là?
M. Bannon: Là, tout de même, cela me
surprendrait qu'on aille construire en haut du mont Tremblant, sur la
montagne à Mont-Tremblant. Je ne sais pas où vous voulez en venir
exactement, je ne vous suis plus du tout.
Le Président (M. Marquis): Merci, M. le
député. Je passe la parole à M. le député de
Charlesbourg.
M. Côté: Pour une courte question. À la page
2 de votre mémoire, vous faites état de certaines
activités de la société, entre autres, d'acquisition
d'habitats menacés; cela me paraît une expérience assez
intéressante. Faute de gestes concrets des gouvernements, c'est le
milieu qui doit aller sauvegarder...
M. Bannon: Exactement.
M. Côté:... ces endroits. Vous avez 600 membres,
aucune subvention gouvernementale; il doit certainement y avoir une
participation de dons...
M. Bannon: Ce sont des dons privés. M.
Côté: Des dons privés. M. Bannon: Oui.
-
M. Côté: Dans ces cas-là, je voyais, à
certains égards aussi, que vous faites de la gestion. Est-ce que cela
veut dire que ce sont des territoires qui peuvent appartenir à
l'entreprise privée, mais qui vous sont confiés pour la gestion
par la suite? "Par exemple, la société possède et
gère un sanctuaire d'oiseaux près de Philipsburg. "
M. Bannon: C'est-à-dire qu'on peut, par exemple,
entretenir des sentiers d'observation sur des terrains privés, avec
l'accord des propriétaires, évidemment.
M. Côté: Est-ce que tous les cas où vous
êtes impliqués sont mentionnés ici ou s'il y en a plus?
M. Bannon: Non. On a aussi un terrain dans la région de
Piedmont, dans les Laurentides, qui n'est pas mentionné. Je crois que
tout est mentionné.
M. Côté: C'est une expérience qui est
valable. Je pense à la loi 9. Si je ne m'abuse, au moment où on
avait parlé de saumon, il y avait eu une fondation pour la conservation
de la faune créée dans le cadre de la loi 9 qui supporte le
milieu, finalement, dans la préservation de certains habitats. Je ne
sais pas si une fondation comme celle-là - le ministre pourrait
peut-être nous informer - pourrait être d'un secours pour vous.
M. Bannon: Oui, en tout cas, nous sommes particulièrement
fiers du récent achat que nous avons fait de deux îles du
Saint-Laurent où il y a des habitats essentiels. Nous espérons
que le ministre, dans son projet de parc Archipel, va considérer cette
zone comme une zone d'habitat faunique. Actuellement, si j'ai bonne
mémoire, cette zone était prévue pour être une zone
de récréation intensive, ce qui pourrait nuire
énormément à la reproduction de la faune dans ces marais,
dans ces habitats.
M. Côté: Vous parlez en particulier des deux
îles que vous possédez?
M. Bannon: Oui, dans la région de Varennes.
M. Côté: Est-ce que cela voudrait dire que le
ministère devrait vous exproprier, à ce moment-là?
M. Bannon: Non, je ne crois pas qu'il soit
intéressé à nous exproprier.
M. Côté: Cela va, merci.
Le Président (M. Marquis): Merci beaucoup, M. Bannon, de
votre présence, de vos commentaires et de la présentation de
votre mémoire devant la commission.
M. Bannon: Merci beaucoup!
Association québécoise des groupes
d'ornithologues
Le Président (M. Marquis): J'inviterais maintenant les
représentants de l'Association québécoise des groupes
d'ornithologues. Le porte-parole est M. Gilles Seutin, directeur
général; c'est bien cela?
M. Seutin (Gilles): Exactement.
Le Président (M. Marquis): Pourriez-vous, avant de nous
faire la présentation de votre mémoire, nous présenter
également tes gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît?
M. Seutin: Je tenais justement à le faire. Je pense que M.
le député avait une question à vous poser. Je le voyais
lever la main tout à l'heure.
M. Perron: Non, cela va.
M, Seutin: M. le Président, Mme la vice-présidente,
chers membres de la commission, je vous présente M. Claude Simard,
président du Club des ornithologues du Québec. Cet organisme est
un de nos organismes membres, voué è l'observation ornithologique
depuis qu'il est né, en 1955,
et qui est actif, dans la région de Québec plus
particulièrement, depuis maintenant 30 ans. Je suis aussi
accompagné par M. Normand David qui travaille, entre autres, au Centre
de recherches écologiques de Montréal, un ornithologue
émérite depuis bientôt quinze ans. Il est
présentement secrétaire de l'exécutif de l'Association
québécoise des groupes d'ornithologues.
Notre association est un organisme à but non lucratif, né
il y a quatre ans de la volonté des sociétés et clubs
régionaux d'observation ornithologique d'être regroupés au
niveau provincial. L'association a pour but de promouvoir le loisir
ornithologique et de défendre l'intérêt des observateurs
d'oiseaux au Québec. Il me fait donc plaisir de remercier
immédiatement la commission, aujourd'hui réunie pour nous
entendre sur un sujet qui est sans contredit d'une importance majeure pour nos
membres.
Notre association représente, à ce jour, quelque 3000
membres individuels qui sont regroupés, sur une base régionale,
par douze clubs. Chacun de ces clubs oeuvre dans une région
particulière du Québec, plus ou moins regroupés en
fonction des régions loisirs, tel que défini par le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Il faut
constater que les chiffres, 3000 membres, 12 clubs, ne représentent que
très partiellement l'intérêt des Québécois
pour l'observation des oiseaux. En effet, depuis seulement cinq ans,
c'est-à-dire la première parution d'un guide d'ornithologie, d'un
guide d'identification d'oiseaux en langue française au Québec,
on a assisté à la vente de plus de 75 000 copies. Il existe
maintenant deux guides. C'est donc démontrer l'intérêt
profond des Québécois pour l'observation ornithologique.
Mais, il faut aussi comprendre que l'intérêt de nos membres
ne peut pas se réduire à la simple compilation de la
présence ou de l'absence d'une espèce, ou d'une forme d'une
espèce dans une région donnée, l'observation
ornithologique prenant tout son sens quand elle intègre l'observation
des interactions des oiseaux entre eux et de leur habitat. Un des buts
fondamentaux de l'association est donc de promouvoir toute cette
intégration des différentes disciplines au sein de l'ornithologie
avec comme base générale pour nos membres l'ornithologie, leur
faisant comprendre l'intégration des différents systèmes
écologiques. À la lumière de ce fait, vous comprendrez
l'importance que revêt pour nous la préservation des habitats
écologiques et, a fortiori, des habitats fauniques du Québec.
L'orientation "conservationniste" dont nous sommes représentants et dont
nous n'étions pas seuls, je suis sûr, aujourd'hui,
représentants, nous semblait partagée par le législateur
lorsqu'il a adopté en 1977 la Loi sur les parcs, la loi 19.
Faute de temps, contraints par le temps et les possibilités
matérielles et physiques, nous devons malheureusement aujourd'hui
restreindre nos commentaires à certains éléments qui, dans
le projet de loi, peuvent avoir des conséquences importantes sur
l'orientation conservatrice que se donnait le législateur. Ces
éléments sont le principe de classification des parcs, la
compatibilité des activités de plein air et de la conservation
des parcs et, finalement, le plan de zonage des parcs.
Pour ce qui est de la classification des parcs, une modification majeure
que propose le projet de loi se trouve à l'article premier. Nous nous
inquiétons aujourd'hui de voir le ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche prôner l'abolition de la distinction
légale entre parcs dits de conservation et de récréation.
Les parcs de conservation fournissent à de très nombreux
observateurs québécois et à leurs invités
outre-frontière, aussi bien français, allemands, suisses
qu'américains ou ontariens, des espaces prévilégiés
d'étude des communautés aviennes indigènes de nos
régions. Force nous est malheureusement de constater la rareté
croissante de ces habitats, de ces territoires naturels préservés
et conservés, représentatifs des écosystèmes
québécois, en périphérie des grands centres
urbains.
Ceci nous oblige comme Québécois et comme
Québécoises à exiger des autorités, dont les
gouvernements et plus particulièrement le gouvernement provincial,
qu'elles prennent les mesures nécessaires pour la protection permanente
de ces territoires. La classification d'un territoire comme parc de
conservation en vertu de la loi de 1977 garantit, selon nous, la permanence de
cette protection. L'abolition de la distinction entre parc de conservation et
parc de récréation réduirait, à notre avis,
l'assurance d'une protection è long terme des territoires
désignés comme parcs et nous ne pouvons donc souscrire à
cette mesure.
Pour ce qui est des activités de plein air qui peuvent avoir lieu
à l'intérieur des parcs, il faut tout d'abord comprendre - et
nous sommes un des artisans de cette mutation actuelle du concept
d'activités de plein air - que ce concept a fortement changé
depuis les dernières années au Québec. Via les
interventions de groupes, de confédérations comme le RONLQ,
Regroupement des organismes nationaux de loisirs du Québec, qui s'est
doté d'une table de plein air, il y a de cela six ans, le concept de
plein air a changé et dépasse son simple objet
récréatif pour intégrer maintenant des objectifs
éducatifs, socioculturels, scientifiques. Nous sommes
représentants aujourd'hui, je pense, du secteur scientifique du plein
air. Nous soucrivions donc à l'intention du ministère de modifier
l'appellation "activités récréatives de plein air" telle
qu'elle s'est présentée
dans la loi de 1977 par, simplement, "activités de plein air".
Mais, ce qu'il faut comprendre, c'est que la conception de plein air dont nous
venons de parler reste l'apanage d'un petit nombre de pratiquants. Pour le
grand public, plein air signifie encore majoritairement, et peut-être
malheureusement, des activités de récréation sportive. (21
h 15)
Ce qui nous inquiète dans le projet de loi actuel c'est la
possibilité qu'aura le ministère de jouer sur ce double
entendement du terme "activités de plein air" si le projet de loi devait
être adopté. Bien plus que de prétendre à
l'incompatibilité entre la pratique d'activités de plein air et
l'objectif de conservation des parcs nationaux appelons-les nationaux - nous
demandons que soit consacrée la suprématie de cet objectif -
l'objectif de conservation bien entendu.
La loi de 1977 limitait aux "activités extensives" les
activités de plein air autorisées dans les parcs de conservation.
La définition ambiguë donnée au terme "activités
extensives" a créé certains problèmes, nous devons
malheureusement le constater. Plutôt que d'éliminer ce terme,
comme le propose le projet de loi» nous estimons souhaitable - voire
nécessaire - de le mieux définir. Nous sommes de plus d'avis que
l'objectif de conservation des parcs sera mieux servi si les limites au
développement des activités de plein air sont établies
dans un cadre légal plutôt que réglementaire ou politique.
Nous demandons donc que soient contenus dans toute loi future sur les parcs les
critères en fonction desquels une activité de plein air sera
jugée compatible à l'objectif de conservation des parcs.
La question du zonage. La nécessité d'avoir un plan de
zonage propre à chaque parc est apparue évidente à tous
avant même l'adoption de la Loi sur les parcs de 1977. En 1970, le
ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche proposait un
premier plan de zonage concernant le parc du Mont-Tremblant. L'abolition
proposée de la distinction entre parc de conservation et parc de
récréation ferait que tout le débat entourant la
création d'un parc serait maintenant dirigé sur le plan de zonage
qui y serait proposé. Plutôt que de faire porter les discussions
sur "des choses concrètes", comme le disait M. Guy Chevrette alors
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, le 18 septembre 1984,
nous appréhendons que le projet de loi, s'il est adopté, aura
l'effet inverse. En effet, le projet de loi ne prévoit aucun
mécanisme de consultation avant l'adoption du plan du zonage
définitif d'un parc. La consultation des intéressés, les
utilisateurs ou leurs représentants, serait donc réduite à
la discussion d'hypothèses de zonage. Au surcroît, aucune
consultation ni même avis préalable ne sont prévus dans le
cas de modifications, aussi importantes soient-elles, aux plans de zonage des
parcs existants. Nous constatons donc que le projet de loi tel que
présenté réduit substantiellement la possibilité
pour les intéressés de s'exprimer sur les enjeux fondamentaux
entourant la création et l'utilisation des parcs. Ceci ne nous semble
pas propre à assurer la protection à long terme des territoires
désignés.
En conclusion, l'ensemble de ces considérations nous forcent
à conclure que, comparativement au projet de loi 13, la loi de 1977
offre des meilleures garanties de protection et de conservation permanente des
territoires représentatifs des régions naturelles du
Québec. Nous demandons donc le maintien de la Loi sur les parcs de 1977,
bien que certaines modifications doivent y être apportées. En ce
sens, nous nous limiterons à discuter de certaines modifications. Nous
estimons surtout qu'il aurait été plus profitable aujourd'hui
d'entreprendre une discussion sur les parcs régionaux, sur leurs fins et
sur le cadre légal et réglementaire devant les régir.
C'est un peu la conclusion que je peux tirer. Il est évident que
ce mémoire ne peut être considéré comme complet. Un
grand nombre d'autres considérations auraient pu ou peut-être
dû être abordées.. Je pense que nous avons
développé une expertise précise sur un certain nombre de
domaines qu'il aurait été intéressant de présenter
aujourd'hui, mais force nous est de constater - et vous en conviendrez avec moi
- qu'une commission parlementaire convoquée à neuf jours d'avis
laisse très peu de temps aux intervenants pour se préparer. Si
notre mémoire n'est pas très complet, c'est à cause de ce
manque de temps. Merci.
Le Président (M. Marquis): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Brassard: M. le Président, merci. Tout d'abord, je veux
remercier l'Association québécoise des groupes d'ornithologues
d'avoir accepté de présenter leur mémoire à cette
commission et de participer à cette consultation.
J'aurais simplement deux questions portant sur leur mémoire. En
page 5, quand vous parlez de la question du zonage des parcs, vous indiquez que
l'abolition proposée de la distinction entre parcs de conservation et
parcs de récréation fera que tout le débat entourant la
création d'un parc sera dirigé sur le plan de zonage qui sera
proposé. Vous semblez considérer cela comme peu souhaitable. Je
vous avoue que cela m'étonne un peu parce que, quand on est vivement
préoccupé par la conservation du milieu naturel, il me semble
qu'on est forcément préoccupé par le zonage que l'on veut
faire dans un parc, puisque c'est par le zonage
que l'on assure la protection de certains milieux jugés plus
fragiles. Ils sont, à ce moment-là, classés comme zone de
préservation, parfois même zone de préservation
extrême quand le milieu est très fragile.
En matière de conservation du milieu naturel, cela
m'apparaît - j'aimerais que vous me donniez quelques explications
là-dessus - souhaitable que, plutôt que de porter sur les
appellations "parc de conservation", "parc de récréation", le
débat porte sur le zonage, compte tenu que le zonage est
extrêmement important en matière de protection et de conservation.
Ne trouvez-vous pas que ce serait souhaitable qu'à l'occasion
d'audiences publiques et de consultation de la population une bonne partie du
débat et, donc, un des enjeux importants de cette consultation, ce soit
précisément le zonage? Cela m'étonne de voir une pareille
phrase d'une association qui, à juste titre d'ailleurs, est fortement
préoccupée de conservation.
M. Seutin: Tout d'abord je voudrais remercier le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, parce que c'est peut-être un
manque dans notre mémoire que de ne pas reconnaître l'appui qu'a
apporté à notre association le ministère du Loisir de la
Chasse et de la Pêche. Nous sommes en fait subventionnés pour une
partie de nos activités par le ministère dans le cadre de son
programme de politiques de reconnaissance et de financement des organismes
nationaux de loisir et je l'en remercie.
En guise de réponse à votre question, il est
évident que le plan de zonage d'un parc revêt une importance,
sinon fondamentale, du moins majeure en ce qui a trait à l'utilisation
de ce parc. Il est évident qu'au sein d'un parc certaines aires plus
vulnérables doivent être classées sous un statut
différent, doivent être zonées différemment de
certaines autres aires.
Le seul problème que nous voyons, c'est de restreindre le
débat à cela. Selon moi, l'objectif que doit promouvoir le
gouvernement est l'implication du citoyen dans la décision qui va
être prise sur un territoire qui le préoccupe. En ce sens, en
ayant dans l'idée de rester sur les questions fondamentales tout
d'abord, pour après cela aller vers les cas particuliers, il nous faut,
premièrement, déterminer en fonction de quel grand objectif on va
utiliser un territoire, c'est-à-dire la conservation, et les objectifs
secondaires, qu'ils soient socioculturels, éducatifs, scientifiques ou
quoique ce soit; deuxièmement, aborder la question du zonage.
M. Brassard: Je suis d'accord avec vous pour dire que le zonage
est un enjeu important, mais qu'il y a d'autres sujets qui doivent être
soumis à la consultation, entre autres ce qu'on a l'intention de faire
ou d'aménager dans le parc. Et c'est la raison pour laquelle dans le
projet de loi 13 les intentions d'aménagement du ministère vont
désormais être soumises à la consultation publique. Donc,
la population et les organismes intéressés vont pouvoir se
prononcer et donner leurs points de vue sur ce qu'on a l'intention de faire
dans le parc. Je pense que c'est cela qui intéresse beaucoup les
citoyens.
Ma deuxième question c'est sur le plein air ou la notion
d'activité de plein air. Vous jugeriez utile ou même
nécessaire que, dans la loi même, on établisse et on
indique les critères en fonction desquels une activité de plein
air sera jugée compatible à l'objectif de conservation des parcs.
J'aimerais peut-être voir un peu concrètement ce que cela peut
vouloir dire. Est-ce que vous avez en tête des exemples de ce genre de
critères? Est-ce que vous jugez vraiment utile d'intégrer cela
dans une loi? Cela ne devrait-il pas plutôt faire partie d'une politique
des parcs qui, elle, est issue de la loi?
M. Seutin: Ce qui est tout d'abord important de noter c'est que
la loi' de 1977 prévoyait des critères. Quand on parlait
d'activité extensive et d'activité intensive, l'une était
exclue des parcs de conservation alors que l'autre était
privilégiée dans les parcs de récréation.
C'était déjà un critère. Selon nous, il aurait
peut-être été préférable d'aménager ce
critère-là en fonction d'une définition plus
précise mais tout en le conservant.
En écrivant le mémoire, nous n'entendions pas qu'à
l'intérieur de la loi soient prévus 92 petits règlements.
Je connais déjà les tracasseries que peuvent représenter
les politiques pour justement passer à travers les 92 critères de
représentativité demandés dans la politique de
reconnaissance, par exemple, du ministère du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche. Évidemment, il est impensable d'inclure ça dans
une loi. Mais certains grands critères, certains grands principes, selon
nous, doivent être conservés dans la loi.
M. Brassard: Vous reconnaissez tout de même que
l'expression "activité récréative extensive ou intensive"
c'est aussi assez ambigu, c'est flou, c'est imprécis.
M. Seutin: C'est imprécis parce qu'il n'y a jamais eu,
selon nous, de volonté de les mieux définir, de mieux
démarquer ce qu'est une activité récréative
extensive, une activité intensive, de faire une démarcation
claire entre les deux. De là vient l'ambiguYté.
L'ambiguïté, selon nous, vient
beaucoup plus de l'utilisation qui a été faite de ces
termes et de certains cas historiques. Par exemple, pensons au parc du
Mont-Tremblant, la présence de pentes de ski, donc un facteur purement
historique, a créé toutes sortes de pépins quand est venue
la volonté de classer ce parc comme parc non pas de
récréation mais de conservation. On ne pouvait plus le classer
comme parc de conservation parce que des activités intensives avaient
lieu là. C'est vraiment par l'utilisation qui a été faite
des termes et par un contexte historique que les termes eux-mêmes sont
devenus flous, beaucoup plus que parce qu'ils étaient de façon
inhérente des termes imprécis.
M. Brassard: Je vous remercie.
Le Président (M. Marquis): M. le député de
Charlesbourg.
M. Côté: M. le Président, à la page 3,
dans la classification des parcs, il y a un petit paragraphe assez
intéressant qu'on a soulevé précédemment avec un
autre organisme: ''Force nous est malheureusement de constater la rareté
croissante des territoires naturels, représentatifs des
écosystèmes québécois, et ce surtout en
périphérie des grands centres urbains".
Il ne faut pas se le cacher, non, il n'y a pas eu de pressions
populaires - il y a bien du monde qui l'ont dit ici - pour amener des
changements à la Loi sur les parcs. C'est une initiative, on le sait
maintenant, du ministère. Est-ce que vous n'avez pas l'impression que
cette initiative est due principalement à tout l'imbroglio autour du
parc de Saint-Bruno et que, lorsqu'on parle d'endroit à conserver en
priorité près des grands centres, Saint-Bruno est un exemple
typique de ce que vous dénoncez-là?
M, Seutin: Je ne peux tout d'abord pas dire que je dénonce
une situation. Je constate, "force nous est malheureusement de constater".
C'est malheureux, c'est ça, c'est dû à une situation
historique qui, je pense, est beaucoup plus due à une certaine
conception chez les Québécois de la nature et de sa conservation
qu'à une volonté administrative ou politique. Cela, c'est une
première considération que je veux faire.
Maintenant, pour ce qui est du cas du futur parc - espérons-le,
un jour - du Mont-Saint-Bruno, nous aimerions que ce parc, conformément
aux voeux d'un grand nombre, soit classé comme parc de conservation, si
la loi tient, évidemment. Je préférerais, aujourd'hui, ne
pas faire le procès de tout le débat qui a eu lieu il y a deux
ans et demi sur cette question.
M. Côté: Je vérifiais, tout à l'heure,
la liste des intervenants et je pense que vous n'aviez pas, à
l'époque, déposé de mémoire.
Il y la deuxième partie de ce paragraphe, où, finalement,
vous préférez -si je comprends bien - qu'on s'en tienne à
la loi actuelle en ce qui concerne "protection permanente", au lieu de
"protéger", qu'on retrouve dans le texte de la loi 13, si je saisis
bien.
M. Seutin: En gros, oui. Nous pensons que, malheureusement, une
simple initiative sur un coup de tête - là, je n'accuse aucun
fonctionnaire ou qui que soit - soit d'un individu soit d'une institution, peut
occasionner de trop grands dommages pour qu'on puisse la permettre.
Le Président (M. Marquis): Cela va. Est-ce qu'il y a
d'autres questions? Je remercie les représentants de l'Association
québécoise des groupes d'ornithologues qui se sont
présentés pour nous expliquer leur mémoire et
répondre aux questions des membres de la commission. Nous vous
remercions, donc, et un bon retour chez vous.
M. Côté: M. le Président, avant de terminer,
je voudrais faire une demande à la commission ou au ministre. Le
secrétaire des commissions a reçu, au cours des dernières
semaines, la demande de certaines personnes représentant des groupes
afin d'être entendues à la commission et cela a été
refusé parce que le mandat de l'Assemblée nationale était,
à ce moment-là, spécifique à certains
mémoires. J'ai rencontré une personne aujourd'hui qui m'a
donné un mémoire et m'a demandé, si c'était
possible de le déposer tout simplement et qu'il soit
considéré comme ayant été reçu par la
commission, compte tenu du fait que cette personne avait déjà
déposé un mémoire - il portait le no 24 - au niveau des
audiences sur le Mont-Saint-Bruno.
Je ne sais si on pourrait accepter de déposer le mémoire
et qu'il soit considéré comme ayant été
déposé à la commission?
M. Brassard: M. le Président, quant à moi, je n'ai
pas d'objection. Je ne sais pas si mes collègues en ont?
M. Côté: Vous êtes bien
généreux!
Le Président (M. Marquis): II s'agit de quel
mémoire?
M. Côté: II s'agit du mémoire de M.
Latulippe, au nom de l'Association libérale du comté de Chambly,
qui était fait.
M. Perron: On aurait dû poser la question avant!
Mme Bacon: Le député de Duplessis
est encore naïf!
M. Côté: Je remercie le ministre et ses
collègues de leur bonne compréhension.
Le Président (M. Marquis): Comme il s'agit d'une
permission qui relève, d'après l'article 158 de notre
règlement, du président de la commission parlementaire de
l'aménagement et des équipements et s'il y a consensus des deux
côtés de cette table, ça me fait plaisir d'acquiescer
à votre demande et de verser ce mémoire dans les archives de la
commission.
Merci beaucoup pour votre présence et votre collaboration.
Là-dessus, nous ajournons nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 21 h 35)