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(Onze heures onze minutes)
Le Président (M. Marquis): La commission de
l'aménagement et des équipements est réunie afin de
procéder à une consultation particulière sur le projet de
loi 13, Loi sur les parcs nationaux.
L'ordre du jour: déclarations d'ouverture jusqu'à midi; de
midi à 13 heures, ce sera l'Association des biologistes du Québec
et, de 16 heures à 17 heures, le Comité de protection du mont
Saint-Bruno. Je demanderais au secrétaire de la commission de nous
donner la liste des membres présents et des remplacements, s'il y a
lieu.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Membres
présents: M. Assad (Papineau), Mme Bacon (Chomedey), M.
Côté (Charlesbourg), M. Gravel (Limoilou), M. Le Blanc
(Montmagny-L'Islet), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M.
Marquis (Matapédia), M. O'Gallagher (Robert Baldwin), M. Tremblay
(Chambly), M. Vaillancourt (Orford), M. Brassard (Lac-Saint-Jean) et M. Perron
(Duplessis).
Déclarations d'ouverture
Le Président (M. Marquis): Merci, M. le secrétaire.
La parole est au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche pour sa
déclaration d'ouverture. M. le ministre.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci, M. le Président. Nous allons amorcer,
aujourd'hui, des discussions en commission parlementaire sur le projet de loi
13 concernant les parcs nationaux du Québec. J'en suis,
évidemment, fort heureux, parce qu'il s'agit d'un sujet qui me tient
à coeur et aussi parce que le projet de loi dont il est question
constitue, à mon sens - c'est mon jugement personnel -une contribution
assez extraordinaire à une entreprise qu'on peut qualifier de noble au
Québec, celle de la protection et de la mise en valeur du milieu
naturel.
Dans les prochains jours, nous allons donc procéder à la
discussion sur le principe de ce projet de loi. À cette occasion, je me
permettrai une intervention un peu plus substantielle sur les principes, les
fondements de ce projet de loi, ainsi que sur la manière dont le
gouvernement, depuis 1977, depuis la mise en vigueur de la loi actuelle veut
doter le Québec d'un réseau de parcs nationaux.
Pour l'instant, je me contenterai de quelques considérations
préliminaires, de quelques remarques préliminaires aux
discussions que nous aurons au cours des prochaines heures, des prochains jours
avec des organismes du milieu.
La Loi sur les parcs qui est actuellement en vigueur, je ne peux pas
dire que ça constitue un enjeu politique de taille, un enjeu politique
de premier rang. Cela ne veut pas dire que l'acte gouvernemental
d'établissement d'un parc national, le geste consistant à
créer un parc national ne peut pas, à l'occasion, soulever des
débats ou des controverses. C'est déjà arrivé
à l'occasion d'audiences publiques. Cela est tout à fait normal,
je pense, quand des intérêts sont touchés, quand certaines
habitudes sont dérangées et aussi quand ça implique des
fonds publics.
Mais, malgré cela, je ne pense pas qu'on puisse dire que la Loi
sur les parcs constitue un enjeu politique de premier rang. Mais, en tout
état de cause, le texte de la loi lui-même n'a jamais
suscité de grands débats, ni politiques, ni scientifiques. C'est
donc avec raison que l'Assemblée, d'ailleurs, avait adopté
à l'unanimité, en 1977, la loi actuelle sur les parcs.
Ceux qui m'ont précédé et le gouvernement
lui-même, depuis cette date, s'étaient abstenus de réviser,
de modifier ou d'amender le texte de la Loi sur les parcs tant et aussi
longtemps que des correctifs majeurs ne s'imposaient pas d'eux-mêmes. Or,
il s'avère que certaines dispositions de la loi actuelle méritent
d'être clarifiées, complétées parfois ou
modifiées, de telle sorte que la règle de droit qui
préside à l'établissement, è l'aménagement
ou à l'exploitation de parcs nationaux soit plus claire, bien claire et
bien comprise aussi de tous.
Lors de la discussion sur le principe, qui viendra bientôt, et
à l'occasion de l'étude du projet article par article, je vais
évidemment m'efforcer de préciser les objectifs visés par
le gouvernement, par le Conseil des ministres, en modifiant cette loi, et je
ferai part, évidemment, des modifications proposées à
l'Assemblée nationale. Pour l'instant, je voudrais souligner
l'importance que j'accorde et que mes collaborateurs du ministère
accordent à cette phase de la discussion du projet de loi qui permet
à des organismes du milieu de faire
entendre leur voix.
Nous accordons à ce qu'on appelle maintenant cette consultation
particulière, prévue par notre règlement, une importance
d'autant plus grande que le dossier des parcs nationaux, on ne peut pas dire
qu'il jouit d'un lobby naturel, spontané, puissant. En effet, il nous
arrive plus souvent qu'à notre tour de poser des gestes souvent majeurs
d'aménagement du territoire - quand on fait un parc, je pense que c'est
un geste majeur d'aménagement du territoire et de protection de la
nature - sans que cela suscite l'enthousiasme et l'appui que ces gestes
mériteraient, au fond. Cela se fait même parfois, dans certains
cas, dans l'indifférence.
Il est donc heureux, je trouve très satisfaisant, très
encourageant que des organismes préoccupés par la
préservation du milieu naturel et par les loisirs de plein air aient eu
le réflexe de demander eux-mêmes à être entendus,
puisque c'est l'objet de la commission, en commission parlementaire dès
lors que le gouvernement envisageait de modifier, de façon parfois assez
substantielle, la législation actuelle.
Je ne sais pas encore, puisque je n'ai pas vu leurs mémoires -
comme c'est une consultation particulière, on n'a pas suivi les
règles habituelles, les mémoires n'ont pas été
déposés un certain temps avant la tenue des audiences - je n'ai
pas encore pu prendre connaissance de leurs mémoires, sauf d'un, celui
du Regroupement des organismes nationaux, je ne peux pas dire, pour le moment,
ce que ces organismes ont à nous exprimer, quels seront les points de
vue qu'ils voudront bien exprimer, mais, d'ores et déjà, en
partant, ce que je peux leur dire, en tout cas, c'est que je peux les assurer
d'une écoute attentive et sympathique aussi, parce que je crois que leur
intervention permettra, le cas échéant, de bonifier ce que nous
considérons comme étant déjà un excellent projet de
loi.
Or, il se peut que certaines remarques nous seront faites,
fondées - ce sont des choses qui arrivent - sur une mauvaise
interprétation de nos visées, de nos objectifs, d'une lecture
peut-être incorrecte du texte législatif. Dans ce cas, nous
tenterons de dissiper le malentendu, de clarifier la situation, qui doit
l'être. Il se peut également que des organismes nous fassent voir
des aspects de la réalité que nous aurions pu omettre, par
défaut, bien entendu, et qui méritent, par conséquent,
certaines corrections. Dans ces cas, bien sûr, M. le Président,
nous serions ouverts à toute entreprise, à toute proposition de
bonification du texte du projet de loi qui nous est proposé. Car ce
texte de loi - je pense qu'on vient de le dire à ce moment-ci
n'appartient ni au ministre qui en défend le contenu et qui le parraine,
comme on dit à l'Assemblée nationale, ni au gouvernement, ni au
ministère qui est responsable des parcs nationaux, ni aux fonctionnaires
qui ont travaillé à ce projet de loi. Je pense qu'un tel projet
de loi, une telle Loi sur les parcs nationaux appartient à l'ensemble de
la population. C'est en quelque sorte le repère légal de tous
ceux qui voudront surveiller avec vigilance les gestes du gouvernement dans son
oeuvre de protection et de mise en valeur du milieu naturel - ce qui est
l'objet du projet de loi - et dans son entreprise qui est déjà
bien amorcée et bien enclenchée, dans son entreprise
d'établissement d'un réseau de parcs nationaux.
Il m'arrivera aussi sans doute, après avoir entendu chaque
organisme, de poser quelques questions. Je pense que c'est l'objet même
d'une commission parlementaire de rechercher des éclaircissements pour
bien comprendre - mes collègues aussi, sans aucun doute - les points de
vue exprimés. Je me permettrai aussi sans aucun doute de réagir
parfois à certains propos ou à certains points de vue. Mais, pour
ce qui est de mon point de vue plus substantiel, je pense que je l'exprimerai
à l'occasion de l'adoption de principe à l'Assemblée
nationale. J'aurai eu le temps, à ce moment-là, de prendre
connaissance de façon plus substantielle et plus attentive des
commentaires et des mémoires qui auront été
déposés à cette commission parlementaire et de les prendre
en considération également.
M. le Président, comme remarques préliminaires, je pense
que c'est suffisant. Je nous souhaite à tout le monde une séance
de commission riche de contenu et d'échanges. Je remercie, et le ferai
d'une façon particulière pour chacun des organismes, les neuf
organismes qui ont demandé à être entendus et qui seront
entendus. Je les remercie de leur dévouement et de leur
disponibilité, et aussi de leurs bons conseils. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Marquis): Merci, M. le ministre. M. le
député de Charlesbourg.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté: M. le Président, c'est avec plaisir
qu'enfin nous entamons cette consultation particulière qui avait
été un peu retardée à cause du changement de
ministre. C'est le prédécesseur du ministre actuel, le
député de Joliette, qui, à ma suggestion, avait
accepté d'entendre des gens du milieu quant aux changements
proposés par la loi 13, amendements, dans certains cas, substantiels de
la loi adoptée en 1977, la loi 19.
Pour une bonne compréhension de ce que nous allons faire
aujourd'hui, il est peut-être bon de se souvenir de certains grands
principes que défendait le député de Saint-Maurice et
ministre d'alors du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche, M. Duhaime, le 18 octobre 1977, dans son
discours en deuxième lecture pour vanter les mérites de sa loi.
Je pense qu'il avait quand même réussi à convaincre
l'Opposition, car l'Opposition avait voté en faveur du projet de loi 19
à l'époque. Comme le ministre l'a dit tantôt, c'est une loi
qui a été adoptée à l'unanimité de
l'Assemblée.
On retrouve au Journal des débats du 18 octobre 1977, à la
page 3520, un certain point que j'aimerais relever à ce moment-ci et
qu'avait évoqué le ministre. Il disait: "Le premier objectif du
présent projet de loi est de clarifier cet état de choses et de
faire en sorte que nous ayons au Québec deux catégories de parcs,
des parcs de conservation d'une part, et des parcs de récréation
d'autre part. " C'était très clair dans l'esprit du ministre
à l'époque. L'objectif poursuivi par le projet de loi 19
était de créer deux types de parcs au niveau du
Québec.
Lorsqu'on va plus loin et c'est très intéressant, c'est
à la même page, dans un même discours, le ministre disait:
"Ce que je voudrais souligner, M. le Président, c'est d'abord et avant
tout cet effort de démocratie, cet effort de consultation que vous
retrouverez dans la section II du projet de loi, en particulier à
l'article 4 qui établit très clairement le mécanisme de
création... " Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui on se retrouve devant un
projet de loi qui est déposé devant l'Assemblée nationale,
outre les bonnes intentions que le ministre nous révélait
tantôt très sommairement dans son énoncé
d'ouverture? Il y a tout le phénomène du parc du
Mont-Saint-Bruno. Il faut le dire parce que c'est présent dans les
débats et c'est peut-être de là qu'est née
l'idée de changer. On se souviendra des propos du ministre lors de
l'étude des crédits, à peu près à pareille
date l'an dernier, sur le problème du parc du Mont-Saint-Bruno, propos
pas très tendres vis-à-vis de ceux qui étaient venus
revendiquer les droits ou les aspirations du milieu. Lorsqu'on parle de
démocratie, il ne faut jamais oublier que, des mémoires
concernant le parc du Mont-Saint-Bruno, 104 prônaient la conservation, 5
la récréation et 10 étaient sans opinion
définie.
On se retrouve aujourd'hui devant un projet de loi de l'Assemblée
nationale qui -pas dans sa totalité - vise à régler un
problème qui est celui du parc du Mont-Saint-Bruno et d'autres
aussi.
Lorsqu'on parlait de démocratie, à l'époque... La
démocratie va vers la consultation. Et j'imagine que, si on prend la
peine d'aller consulter, c'est pour en retirer quelque chose et tirer un
consensus de la consultation, ce qui n'est pas le cas pour le parc du
Mont-Saint-Bruno. Même à l'époque, si je ne m'abuse - le
député de Chambly pourra me corriger - le Parti
québécois du comté de Chambly faisait partie des 104 qui
voulaient un parc de conservation. Donc, sur l'aspect de la démocratie,
un des principes défendus à ce niveau en a pris pour son rhume,
du moins dans le cas du parc du Mont-Saint-Bruno.
Ils poursuit en disant: "L'autre point majeur qui ressort de ce projet
de loi est très certainement l'article 7b. Dans le passé, nous
avons connu des situations où, entre autres, Hydro-Québec, les
entrepreneurs, le gouvernement, le ministère des Travaux publics, le
ministère des Terres et Forêts, des exploitations minières
pouvaient à peu près sans frein, sans aucune
réglementation sérieuse, devraîs-je dire, procéder
à des travaux d'exploitation ou de prospection sur les territoires du
Québec. A l'article 7b, vous lirez que "toute forme de prospection,
d'utilisation ou d'exploitation des ressources à des fins de production
forestière, minière ou énergétique, de même
que le passage d'oléoduc, de gazoduc et de ligne de transport sont
interdits à l'intérieur d'un parc. " Il n'y a qu'une
réponse à cette affirmation, à ces bonnes intentions de
1977: Aiguebelle, c'est assez évocateur. On se rappellera les petites
sautes d'humeur de votre prédécesseur.
Quatrièmement, on retrouvait, à la fin de son
énoncé, à la page suivante: Bâtir un réseau
de parcs. Ce que le ministre disait à ce moment-là, c'est: "II me
paraît important aussi - comme l'a fait aussi le ministre tantôt -
de souligner que ce projet était un projet de mon
prédécesseur, un ministre libéral. " Il n'y a pas que des
mauvaises choses qui ont été pensées par le Parti
libéral, "coudon"! C'est un projet de loi que nous avons
amélioré.
M. le ministre, je ne vous ai pas interrompu tantôt. Je vous ai
laissé aller. S'il vous plaîti Vous aurez beaucoup trop de choses
à redire. Conservez cela pour la fin. "C'est un projet de loi que nous
avons amélioré, dans le sens que nous avons voulu, tant à
l'article 4 qu'à l'article 7, lui donner un peu plus de corps - pour
être capable de faire face à la tempête; la tempête
Saint-Bruno, la tempête Aiguebelle - lui donner un peu plus de
sérieux, un peu plus de rigueur ou de vigueur, devrais-je dire. En fait,
ce projet de loi consitue très certainement le premier jalon pour
bâtir au Québec un véritable réseau de parcs, qu'ils
soient de conservation ou encore de récréation. "
Voilà les principes évoqués à
l'époque par le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et
député de Saint-Maurice; des principes.
Regardons la situation actuelle. Finalement, avant d'analyser tout cela
et d'être capable de tirer profit de cette consultation
particulière et de l'expérience que vivent dans les
différents milieux les
gens affectés, regardons la situation actuelle. La superficie du
territoire récréo-touristique, de 1976 à aujourd'hui, a
diminué de 70%. Elle est passée de 14 ZOO kilomètres
carrés à 4420 kilomètres carrés. C'est une
constatation très nette. Je lisais un article de la revue
Actualité du mois d'août 1984 signé de Georges
Hébert, qui disait: Le patrimoine vert et bleu du Québec est donc
atteint en profondeur. Dans ce même article, i! poursuivait: On
précisait qu'il fallait dépenser au-delà de 100 $
d'essence et trois heures de voiture pour atteindre un parc. C'est important;
ce sont des données que des gens constatent dans le milieu. Ce sont des
gens de Montréal qui ont à le vivre. (11 h 30)
On s'est lancé, depuis un certain nombre d'années, dans la
création d'un réseau de parcs. On annonce un parc à
Miguaska, on annonce un parc à Aiguebelle, le parc du Saguenay, on y va:
partout il y en a des parcs, on en annonce. Comme s'il suffisait d'en annoncer,
de se promener dans la province pour annoncer des parcs, pour avoir un
système, un réseau de parcs qui corresponde aux aspirations et
aux besoins des gens.
C'est une première constatation. Comme le ministre l'a dit
tantôt, au moment de la deuxième lecture, on aura l'occasion d'y
revenir. Mais, pour vérifier si la volonté exprimée dans
le texte du ministre de 1977 s'est concrétisée de manière
très palpable, il y a un moyen: il s'agit d'aller voir dans les budgets.
Hier, pas plus tard qu'hier, des documents très frais ont
été déposés par le président du Conseil du
trésor. Je sais que le ministre a probablement participé à
la ronde finale - il était peut-être un peu tard - de la
discussion des crédits au niveau du ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche.
Or il y a des constatations absolument épouvantables. Est-ce que
votre gouvernement vous prend au sérieux? Est-ce que le Conseil du
trésor vous prend au sérieux? Dans un budget de 216 000 000 $ en
1983-1984, on est rendu aujourd'hui à un budget de 207 000 000 $; 4, 1 %
de moins par rapport à l'année précédente, sans
tenir compte de l'inflation. J'imagine que vos coûts aussi font face
à l'inflation, c'est une réalité qui est là. Vous
regardez au chapitre de la ventilation des crédits, plein air, parcs et
réserves: un budget de 68 900 000 $ par rapport à 83 578 000 $,
l'année précédente. Au niveau des parcs, une diminution de
presque 1 000 000 $ sans tenir compte de l'inflation. Aujourd'hui, on amorce
des consultations pour tenter de dire au monde: Donnez-nous vos idées et
on va tenter de les exploiter, on va continuer de créer des parcs, mais
on doit vous dire qu'en termes d'argent, d'immobilisation, on n'en a pas trop.
On a vu cela au Jardin zoologique de
Charlesbourg, l'an passé. Il a fallu des pressions de commission
pour être capable d'avoir 200 000 $ sur un coin de table. De plus, en
termes de budget d'entretien - cela est moins palpable, moins visible - il y a
des répercussions que l'on constate en se promenant dans les parcs.
Je ne voudrais mentionner au ministre qu'un petit témoignage
contenu dans une lettre ouverte parue dans le Soleil. Je n'ai pas la date, je
m'excuse, je pensais l'avoir, mais j'ai l'article ici. La lettre était
coiffée du titre: "Des sentiers à l'abandon". Si le ministre en
veut une copie, je pourrai lui en faire une copie. Je m'excuse de ne pas avoir
la date de la source. Elle était signée de Jean-François
Berton, Lucie Boulanger du Lac-Saint-Charles et André Lemay de
Québec, trois personnes. Que disaient-ils? Un dimanche de septembre,
nous nous sommes rendus dans le parc de la Jacques-Cartier, dont la vocation
est depuis quelques années un parc de récréation. Si
beaucoup d'efforts ont été investis pour l'accès au parc,
il n'en n'est pas de même, hélas, pour les activités
offertes. Au niveau des sentiers, c'est le désastre. Le sentier du mont
des Loups, un sentier familial assez sportif, est fermé. Ce n'est pas
tout d'avoir l'accessibilité au parc, il faut avoir l'accès aux
sentiers. Même chose pour le sentier Quatre Jumeaux, le seul qui
méritait le titre de sentier de la Grande Randonnée. Quant
à celui de la Croisée, il est coupé par un pont
brisé et non réparé.
Cette situation, d'ailleurs, reflète très bien ce qui se
passe au niveau du Québec et les retards énormes en
matière de sentiers par rapport aux autres provinces. Aux
États-Unis, près de chez nous, le seul sentier des Appalaches:
3200 kilomètres. En France -vous y référez assez souvent,
merci, vous pourriez vous y référer dans ce cas-là aussi -
30 000 kilomètres de sentiers balisés.
Et ils concluaient: "En attendant, nous allons nous diriger vers le sud,
vers des sentiers de montagnes du Maine ou du Vermont où nous
rencontrerons de nombreux Québécois qui, comme nous, laisseront
quelques centaines de dollars aux Américains. "
Je pense que ce sont des critiques qui ne viennent pas d'un
libéral. Ce sont des critiques qui viennent de gens impliqués
dans le milieu et qui vont au milieu.
Il y a pis que cela. J'espère que le ministre sera un peu plus
loquace quant au budget de la direction du plein air. Ce n'est pas très
reluisant. Ce n'est pas très significatif d'une volonté ferme,
comme le disait le ministre, avec du corps, avec des intentions très
fermes de développer ce secteur. Alors que vous aviez prévu, dans
les plans originaux, dix-huit personnes pour ce service, vous en avez six: un
professionnel, qui a passé des examens, et cinq
occasionnels. Cela ne fait pas très fort, pas très
sérieux.
Finalement - parce que le temps avance et je sais que le
député de Chambly a demandé la parole - il y a quand
même des distinctions dont il faut tenir compte, entre le projet de loi
13 et le projet de loi 19, pour être capable d'avoir une bonne
compréhension de votre volonté, laquelle n'est pas toujours
très transparente dans ce projet de loi. Bien sûr que, dans un
projet de loi, vous ne donnez que quelques intentions. Mais il a probablement
autre chose derrière la tête, qui n'est pas écrit, mais qui
peut peut-être se lire entre les lignes.
Finalement, je pense qu'il y a un certain nombre de choses sur
lesquelles il faudra se parler, entendre les gens du milieu qui ont des choses
à dire et tirer des conclusions. Vous avez, à ce niveau,
montré une certaine ouverture. Ce n'est pas la première fois que
les gens du milieu, en consultation, se font dire par un ministre qu'il y a de
l'ouverture. C'est une première étape.
La deuxième, c'est que, de manière concrète, ce
soit inclus dans les amendements futurs aux papillons, parce que c'est votre
lot maintenant d'apporter bien des papillons au niveau des projets de loi.
À partir de ce moment-là, je suis convaincu que le
député de Chambly aussi aura des choses très
intéressantes à nous révéler sur le mont
Saint-Bruno.
Il y a donc la disparition de la distinction entre conservation et
récréation. Ce sont des points d'inquiétude, ce sont des
pointa qui seront sans doute soulevés par les gens du milieu directement
concernés par ce projet de loi. Je pense - j'aimerais que le ministre me
convainque du contraire - qu'en termes de démocratie c'est un recul
très net. Si c'est l'expérience du mont Saint-Bruno qui a
occasionné et provoqué ce projet de loi, c'est
assurément... Cela confirme, dans les faits, que c'est un recul
très net quant à la démocratie. Bien sûr qu'il y
aura d'autres consultations sur la création de parcs, sur l'abolition de
certains parcs, où vous devrez faire des consultations. Mais vous avez
un pouvoir discrétionnaire quant à certaines modifications
à l'intérieur d'un parc. C'est à la discrétion du
ministre. Le ministre, c'est un bon gars. Bien sûr que, concernant le
parc Saguenay, cela va être un gars très ouvert, c'est un gars qui
est dans sa région, c'est un parc de sa région. Mais il y en a
d'autres ailleurs. Le ministre aura probablement la même ouverture
d'esprit, c'est un bon gars. On ne sait jamais qui peut le remplacer. Dieu sait
qu'au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche il y a
plusieurs ministres qui se retrouvent là; comme l'a si bien dit le
ministre, on ne choisit pas le MLCP, son ministère; on prend le
ministère que le premier ministre nous demande d'occuper et on est bien
heureux. On n'est pas toujours nécessairement préparé
à occuper cette fonction. Je suis sûr que cela ne met pas en doute
les bonnes intentions et la bonne volonté du ministre.
Ce qui est étonnant au niveau de la définition de la
conservation, c'est qu'il y a la disparition du terme "protection permanente",
pour le remplacer par "protéger". Quelle est l'astuce? Quelle est la
vérité dans tout cela? C'est plus français? Cela
correspond davantage au sens que vous allez vouloir lui donner
éventuellement? Il y a quand même des choses auxquelles il faudra
avoir des réponses. On tentera de les obtenir. La protection permanente
de l'espèce, cela me paraît clair. C'est permanent. Lorsqu'on
change cela pour "protéger", je ne sais pas qui on veut protéger.
Le ministre pourra nous le dire.
Ce qui est étonnant aussi dans les modifications, c'est qu'il y a
beaucoup de définitions d'objectifs qui seront faites par
décrets. On sait ce que veut dire "décret". Votre
prédécesseur disait qu'il faut éliminer le
réglementation. On a au ministère 160 règlements,
imaginez-vous. Le gars qui part avec sa valise pour aller pêcher ou pour
aller chasser, pour être bien sûr qu'il a les bons
règlements, cela lui prend les 160. On va essayer de réduire cela
à 100. On va administrer par décrets! On sait ce que cela vaut,
être administré par décrets.
Ce qui est étonnant aussi, c'est que, dans la loi 19, lorsqu'on
décidait qu'un parc était classé de conservation, il
était de conservation. Mais là, on se donne la prérogative
de peut-être faire des enclaves à l'intérieur du parc, de
pouvoir dire éventuellement... Prenons, à titre d'exemple - c'est
un bon exemple, dans ce cas-là - le parc de la Gaspésie, la
montagne de la Table, le mont Jacques-Cartier, le mont Albert, un troupeau de
150 ou 200 caribous qui ont de la difficulté à survivre, le
développement près du lac Cascapédia et du lac
Galène, avec des possibilités de réseaux touristiques, de
sentiers. Donc, il y aurait peut-être possibilité, si je comprends
l'astuce, à l'intérieur du parc de la Gaspésie, dans ce
cas-là, de délimiter un territoire qui serait de conservation
totale. C'est nouveau par rapport au projet de loi 19. Si c'est, dans le cas du
parc de la Gaspésie, dans le cas de la protection de l'espèce
caribou, à ce niveau, le ministre nous le dira. Je pense que, quant
à moi, le projet de loi 13 est un recul très net sur le plan de
la conservation par rapport au projet de loi 19 et cela, c'est
inquiétant. Parce que le ministre a quand même la
responsabilité, à l'article 2 de la Loi sur la conservation et la
mise en valeur de la faune, de protéger en totalité les
espèces.
C'est un propos très rapide. On aura l'occasion pendant une heure
d'échanger sur
ces bonnes idées, au moment de l'appel de la deuxième
lecture du projet de loi. Voilà quelques réflexions que je
voulais soumettre au ministre dans le cadre des origines du projet de loi 19,
avec les objectifs visés, ce qu'on vit ou ce qu'on pense vivre
actuellement. Je n'ai pas la prétention de savoir tout ce qui se passe
et d'avoir toutes les informations. Celles que j'ai, je les transmets au
ministre et par le fait même au public, de façon que tout le monde
soit alerté.
Quant aux objectifs très clairs, très nets, les objectifs
officiels et officieux - les objectifs officieux, on ne sait pas trop
-poursuivis par le projet de loi 13, j'aimerais qu'on entende le ministre, en
deuxième lecture, être plus concret là-dessus, ou au cours
des discussions avec les gens qu'on a invités à témoigner
devant nous. Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Marquis): Merci, M. le
député. La parole est au député de Chambly.
M. Luc Tremblay
M. Tremblay: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord rassurer le député de Charlesbourg quant au retard de la
commission. Je ne sais pas jusqu'à quel point les changements de
ministre ont influencé ce délai, mais je voudrais lui dire qu'en
ce qui me concerne, dès le mois de décembre, au moment où
on a déposé le projet de loi 13 et où on a annoncé
qu'il y aurait des groupes qui seraient invités à venir
témoigner, j'avais consulté les gens de mon comté, et plus
particulièrement le Comité de protection du mont Saint-Bruno. Ce
dernier m'avait indiqué qu'il trouvait court le délai du 13
décembre. Or, je me suis permis de faire des pressions auprès du
ministre pour qu'on reporte cette consultation populaire, sachant très
bien qu'il n'y avait pas une urgence nationale à l'adoption de cette
loi, puisque les parcs présentement sont déjà
protégés, sont déjà aménagés et que
cela permettrait à ces groupes de faire des représentations,
ayant eu plus de temps pour faire des consultations dans leur milieu.
Je voudrais, M. le Président, souhaiter la bienvenue à
tous ceux qui vont venir témoigner devant cette commission parlementaire
de l'aménagement et des équipements, mais plus
particulièrement aux membres du Comité de protection du mont
Saint-Bruno qui ont accepté l'invitation de l'Assemblée nationale
de venir nous faire part de leur réflexion quant à la teneur de
la Loi sur les parcs nationaux, puisque, depuis 1974, l'association des
citoyens dont ils sont issus se préoccupe de la qualité de cet
équipement privilégié.
On se rappellera que le gouvernement du Québec a
désigné zone de protection faunique - je crois que c'est le terme
qui était utilisé à l'époque - pour épargner
ces territoires de la construction domiciliaire, ce que nous connaissons
aujourd'hui sous le nom de parc du Mont-Saint-Bruno, à la suite de
pressions afin d'empêcher la construction d'un développement
domiciliaire sur la montagne. Ce qui a mis en marche le processus qui nous
amènera, dans un avenir rapproché, à créer,
légalement - puisque, dans les faits, le parc du Mont-5aint-Bruno et
plusieurs autres parcs sont déjà créés - le parc
national du Mont-Saint-Bruno. Depuis ce temps, les dépenses
d'immobilisation, principalement des acquisitions de terrains,
s'élèvent à 7 896 000 $, exclusivement pour le parc du
Mont-Saint-Bruno. (11 h 45)
L'implication du comité dans ce dossier n'est donc pas
spontanée. En 1982, encore une fois, le comité s'est
impliqué profondément dans le processus des audiences publiques
visant la création légale du parc. Ces audiences nous ont
d'ailleurs démontré clairement que la loi actuelle incitait les
groupes qui se présentaient devant nous à se prononcer sur la
désignation de ce que l'on appelle, ou ce que certains ont
appelé, l'étiquette plus que sur le contenu, soit les intentions
d'aménagement et de zonage proposées par le ministère.
Mais déjà, il était évident que ce que les
citoyennes et les citoyens recherchaient, c'était de faire en sorte que
le parc du Mont-Saint-Bruno soit protégé le mieux possible afin
de préserver au maximum la très grande richesse que
représente cet équipement communautaire et ce site
privilégié.
À cet effet, je crois que je peux me permettre d'affirmer que les
citoyens du comté de Chambly connaissent le parc pour l'avoir
visité et se disent satisfaits des aménagements existants. En
effet, un sondage scientifique effectué auprès de la population
du comté de Chambly, en même temps que se tenaient les audiences
publiques que j'ai eu l'honneur de présider, les 11, 12 et 13
février dernier auprès de mes commettants, indique que 69, 8% -
c'est-à-dire tout près de 70% des citoyennes et des citoyens du
comté de Chambly - ont répondu oui à la question:
Avez-vous déjà visité le parc du Mont-Saint-Bruno? Et
c'est à 94, 2% que s'établit le pourcentage de oui lorsque la
question est posée aux résidents de la ville de
Saint-Bruno-de-Montarville. À la question: Pouvez-me dire si vous
êtes très, assez, peu ou pas du tout satisfaits des
aménagements actuels du parc provincial du Mont-Saint-Bruno? 23, 5%
répondent qu'ils sont très satisfaits; 42, 4% répondent
qu'ils sont assez satisfaits; seulement 5, 3% se disent peu ou pas du tout
satisfaits; quant aux indécis qui représentent 20, 1%, il est
normal de penser qu'ils se retrouvent parmi ceux ou celles qui n'ont pas eu la
chance de le visiter.
Si on analyse les réponses par municipalité, le sondage
indique que 82, 5% des répondants de la ville de
Saint-Bruno-de-Montarville sont très et assez satisfaits des
aménagements et que seulement 9, 1% de ceux-ci se disent peu ou pas
satisfaits. Il faut considérer que les refus de répondre ne sont
pas inclus dans ces chiffres; il y a un pourcentage, je crois, d'à peu
près 8% de refus de réponse. Alors 82, 5% des citoyens de
Saint-Bruno-de-Montarville ont affirmé catégoriquement qu'ils
étaient satisfaits des équipements présentement
installés dans le parc du Mont-Saint-Bruno. Ces chiffres
éloquents confirment ce que j'ai toujours perçu et nous
permettent de mieux comprendre la volonté des citoyennes et des citoyens
du comté de Chambly de faire en sorte que le parc du Mont-Saint-Bruno ne
soit pas modifié sans leur consentement ou altéré par une
utilisation excessive des aménagements.
Quant aux résultats des audiences publiques dont je faisais
mention précédemment, il m'est apparu évident que s'est
développée une certaine méfiance de la part des citoyens
face aux intentions futures du ministère du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche. Cette méfiance les porte à réclamer dans
la loi des mécanismes qui rendront plus difficiles d'éventuels
ajouts au plan d'aménagement ou encore des modifications au plan de
zonage. D'autre part, les groupes qui se sont présentés aux
audiences ont clairement indiqué leur volonté de pouvoir
participer aux décisions qui ont trait à la gestion de ce lieu
exceptionnel qu'est le parc du Mont-Saint-Bruno. Quant à moi, c'est avec
l'esprit ouvert que j'entreprends l'étude des mémoires qui nous
seront présentés aujourd'hui et demain, et je souhaite ardemment
que cette attitude d'ouverture sera partagée par tous les intervenants
au cours de ces audiences publiques. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marquis): Merci, M. le
député. M. le député de Charlesbourg.
M. Côté: Juste une question, si le
député de Chambly me le permet. Vous avez parlé d'un
sondage scientifique.
M. Tremblay: Oui.
M. Côté: Fait par qui?
M. Tremblay: Que j'ai fait faire moi-même.
M. Côté: Quand on parle de sondage scientifique - je
ne mets pas en doute les chiffres que vous avez donnés - est-ce SORECOM
ou...
M. Tremblay: Non, vous pouvez faire vos propres sondages, vous
allez voir que cela va arriver aux mêmes résultats.
M. Côté: Ce n'est pas...
M. Tremblay: Je dis scientifique, parce que la façon, le
choix de l'échantillonnage a été fait très
scientifiquement, très au hasard, selon les règles de l'art et
selon la méthode normale par téléphone.
M. Côté: Par un groupe de
téléphonistes que vous avez formé vous-même ou...
Merci.
Auditions
Le Président (M. Marquis): Cela va? Les remarques
préliminaires étant faites, j'invite les représentants de
l'Association des biologistes du Québec à s'approcher. Cette
association est représentée par M. Robert Hamelin,
vice-président, et Mme Danielle Lalonde, qui l'accompagne. S'il y a des
changements, vous voudrez bien nous en informer et je vous cède
immédiatement la parole.
Association des biologistes du Québec
M. Hamelin (Robert): Merci, M. le Président. L'Association
des biologistes regroupe près de 500 membres actifs. Déjà,
depuis plusieurs mois, nous nous intéressons au projet de loi 13 et nous
avons formé, à cet effet, un comité qui s'est
penché sur les détails de cette loi. Mlle Lalonde, ici avec moi,
a eu le plaisir de coordonner le travail de cette équipe. Avant de lui
laisser la parole, je voulais, tout d'abord, préciser le cadre de notre
intervention.
Pour l'Association des biologistes, il est extrêmement important,
lorsque l'on parle de parcs, d'y associer l'élément conservation
qui, pour nous, est un objectif prioritaire. De fait, notre organisme
prône également les principes de l'UICN, l'Union internationale de
la conservation de la nature.
Essentiellement, on ne nie pas que, dans certaines régions du
Québec, il y a également des zones d'intérêt
récréatif qui sont existantes actuellement. Cependant, on
considère qu'il est extrêmement important, dans ces milieux
naturels, d'associer ou de limiter les interventions d'ordre
récréatif, de façon à ne pas dépasser la
capacité de support de l'habitat.
Dans ce contexte, M. le Président, nous considérons que la
loi 13 comporte des lacunes importantes au niveau de cet objectif de
conservation et nous aimerions vous donner quelques éléments de
réflexion à ce sujet. Je passe la parole immédiatement
à Mme Lalonde.
Le Président (M. Marquis): Mme
Lalonde.
Mme Lalonde (Danielle): Merci, M. le Président. D'abord,
pour ce qui de la définition de "conservation", telle que
libellée dans la loi de 1977, qui préconise, par exemple, que les
parcs de conservation permettent de protéger le milieu naturel, donnent
accès au public à des fins d'éducation à ce milieu
naturel et permettent seulement des activités d'ordre extensif,
c'est-à-dire des activités de ski de fond, qu'on imagine
être de ski de fond, des activités légères, nous
croyons qu'il y a quelques problèmes dans la définition de
"conservation" dans ce libellé.
Avec le projet de loi 13, nous entrevoyons de nouveaux problèmes
et, finalement, nous considérons que notre objectif prioritaire de
conservation des milieux naturels est plus ou moins bien observé. Par
exemple, dans le projet de loi 13, il y a élimination d'un objectif
prioritaire de conservation, puisqu'on élimine les deux classes de parc:
de conservation et de récréation. En fait, on veut établir
des parcs nationaux, mais il n'y a aucun classement de ces parcs soumis
à une procédure légale.
On va créer des parcs, on va leur donner des objectifs, mais ces
objectifs seront les objectifs qui pourront être modifiables dans
l'avenir par un règlement de zonage. Je m'explique. Lorsqu'on veut
établir les limites d'un parc, créer un nouveau parc,
éliminer un nouveau parc ou bien modifier ses limites, ces modifications
sont soumises à des audiences publiques, à des consultations
publiques.
Seulement, le zonage, en aucune façon, ni dans la loi de 1977, ni
dans le projet de loi 13, n'est soumis à ces consultations. Si le
gouvernement décidait, par exemple, de modifier, de prendre une zone de
préservation où on ne peut installer des routes, où le
milieu naturel, s'il y a des fleurs rares ou des choses comme ça... Si
le gouvernement décide d'en faire une zone d'ambiance, il pourra y
introduire des routes, des accès et le milieu risque de se
dégrader tout simplement à cause de cette construction.
Alors, on s'interroge sur les questions de zonage a ce sujet. Rien dans
la loi 13 ne protège vraiment les milieux qu'on dit zones à
préserver et rien dans la loi de 1977 ne le faisait non plus.
Nous nous interrogeons aussi sur la définition des
activités extensives et intensives telle que libellée dans la loi
de 1977. En effet, un parc de conservation ne doit contenir que des
activités de type extensif. Que signifie ce mot "extensif"? Doit-on
exclure toute activité motorisée, j'entends le yatching, la
motoneige, l'aménagement de ski alpin ou non? Ce n'est pas clair dans la
loi de 1977 et c'est complètement disparu dans le projet de loi 13. Nous
croyons que ces définitions devraient être inscrites dans une loi
sur les parcs, à notre sens, bien entendu.
De même que la terminologie plein air, que signifie-t-elle? Est-ce
qu'on accorde le statut d'activité de plein air à une
activité de ski alpin ou non? Je ne pourrais pas l'affirmer, mais je
crois que l'Union internationale de la conservation de la nature, dans la
définition de plein air, exclut ce genre de choses. En fait, nous, on
n'en a aucune garantie; dans la loi, il n'y a aucune précision.
De plus, dans le projet de loi 13, il y a un article qui précise
que pourra être permise la lutte contre différentes maladies ou
insectes nuisibles ou prédateurs nuisibles dans le parc. Nous croyons
qu'il serait bon de définir les cas extrêmes d'intervention. C'est
possible, par exemple, qu'on se permette de détruire des insectes
piqueurs parce qu'ils sont nuisibles aux campeurs. Est-ce qu'on va employer des
insecticides, de quel ordre, sur une grande échelle ou non? II y a un
certain danger à cela, si on veut garder un milieu naturel. On
détruit une espèce, on risque de perturber l'équilibre
écologique, et on ne connaît pas les répercussions de
toutes ces choses. Nous nous interrogeons sur cette permission qui est
accordée dans le projet de loi 13.
De plus, il y a un point qu'on trouve essentiel, c'est la question
éducative. Dans le projet de loi de 1977, tous les parcs de conservation
se devaient d'avoir une vocation éducative. Seulement les parcs de
récréation où sont permises des activités plus
intensives n'exigent pas la présence d'activités ou de centre
d'interprétation. Dans le projet de loi 13, l'éducation, on n'en
parle plus. Nous sommes inquiets face à cette question; on
considère que des activités d'interprétation sont
indispensables pour faire avancer l'opinion publique en matière de
conservation de la nature. Les progrès qu'on a faits au Québec
depuis une vingtaine d'années sont immenses, et il faut les poursuivre.
C'est certain qu'actuellement, au fédéral, il y a des coupures en
matière d'environnement et d'interprétation, mais je crois qu'ici
ce Parlement pourrait se permettre de ne pas faire les mêmes erreurs.
C'était peut-être là la question qui touche tous les
aspects de la conservation.
Maintenant, que faire avec le problème des parcs de
récréation? Actuellement, on a deux types de parc, comme nous le
soulignons: il y a des parcs de conservation et des parcs de
récréation. Le gouvernement veut abolir, par son projet de loi,
ces deux distinctions. Nous préconisons de n'avoir que des parcs de
conservation. On considère qu'un milieu naturel qui a le moindrement de
valeur devrait être conservé.
Qu'est-ce qu'on devrait faire avec nos
parcs de récréation? Le gouvernement devrait
peut-être s'interroger sur ces parcs qu'on a créés un peu
partout - Orford, Mont-Tremblant - ces parcs qui, finalement, présentent
de vastes zones naturelles. On devrait plutôt transformer leur
appellation de récréation en "parcs de conservation". Je pense
que cela a été une erreur de les nommer parcs de
récréation.
En fait, il n'y a pas une grande différence entre les deux types
de parc. Dans le parc de récréation, on pourrait mettre des
pistes de ski alpin, etc., de la récréation intensive, et il se
pourrait qu'il n'y ait pas formellement d'activités d'éducation
d'inscrites obligatoirement. Mais je crois que tout le monde est d'accord avec
le principe qu'on ne peut pas, sans détruire un milieu naturel,
installer beaucoup d'équipements lourds. À ce moment-là,
pourquoi ne pas en faire que des parcs de conservation? (12 heures)
Cependant, on convient que certaines petites régions, près
des centres urbains, de petites zones où il y a des oiseaux qui sont en
train de nidifier et qui passent obligatoirement par ces régions sont
à préserver. Pourquoi ne pas créer des refuges d'oiseaux
ou des monuments nationaux? Je fais référence au National
Monument des États-Unis. Pourquoi ne pas en développer d'autres
catégories ou tout simplement développer une loi sur les parcs
régionaux et les parcs urbains où on aurait quand même
comme objectif de conserver au maximum le milieu naturel?
C'était, globalement, le sens des principaux points à
débattre au sujet du projet de loi 13. Comme recommandations, nous
préférons maintenant le statu quo qui permet au moins de
créer des parcs de conservation où le milieu naturel est
conservé.
Nous avons comme suggestion d'inclure dans une loi très
acceptable des pourcentages minimaux au niveau des zones à
préserver. Je pense qu'actuellement, dans les parcs de conservation, il
y a peut-être un tiers des zones qui sont dites à préserver
et où on ne peut pas construire de routes. Dans les parcs de
récréation, il y en a le cinquième environ.
Peut-être qu'il y aurait lieu de définir ces pourcentages et de
les augmenter. En Ontario, selon les sources assez sûres que j'avais,
quelque chose comme 90% de la superficie du parc, des zones, à
préserver. Il y a peut-être lieu de faire quelque chose de
semblable ou de rapproché dans les limites du possible, bien
sûr.
Donc, on préfère le statu quo, mais bien évidemment
on préférerait y voir inclus des amendements dans le sens de ceux
qu'on a mentionnés. Je repasse la parole à mon
collègue.
Le Président (M. Marquis): M. Hamelin.
M. Hamelin: M. le Président, j'ai peut-être une
précision. Il est clair actuellement que, dans les parcs de
récréation, il y a des aménagements qui sont existants.
L'intervention de l'association n'a pas pour effet de demander que les pistes
de ski du mont Tremblant ou d'ailleurs soient démantelées et que
l'on revienne à une étape uniquement de conservation. Notre
objectif est plutôt de dire que la présence de ces installations
ou de ces équipements n'est pas en soi une contrainte qui empêche
l'établissement d'un parc de conservation, en ce sens que l'on peut
conserver effectivement les aménagements existants tout en s'assurant
que les zones qui ont un caractère à conserver et qui sont
à proximité ou adjacentes bénéficient d'une
protection adéquate. C'est dans ce sens-là qu'on peut se souvenir
de l'existence dans certains parcs de corridors de transmission
d'énergie où les pylônes n'ont pas été
déplacés; ils sont toujours en place, ils sont conservés
tels quels.
Il faut rappeler la notion de capacité de support. Dans, les
régions qui sont très urbanisées ou à
proximité de régions urbanisées, il est évident
qu'il y a des besoins en termes de récréation, il est
évident que l'on retrouve aussi à ces endroits des
éléments à protéger. Dans ce sens-là, il ne
faudrait pas qu'un développement extensif d'aménagements
récréatifs vienne détruire ou dépasser la
capacité de ce milieu d'absorber ces éléments
récréatifs.
Il y a d'ailleurs beaucoup de gens qui s'intéressent à ce
domaine-là et qui se demandent quelle est l'utilité de conserver
la dénomination de parc de récréation. Somme toute, c'est
peut-être un problème de sémantique que l'on se pose. Je
pense que les objectifs prioritaires sont une conservation et une utilisation
rationnelle là où elle est déjà existante.
Merci.
Le Président (M. Marquis): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Brassard: M. le Président, je voudrais d'abord
remercier l'Association des biologistes du Québec de
l'intérêt qu'elle manifeste à l'égard du projet de
loi, mais aussi, je pense, à l'égard de tout le réseau des
parcs nationaux au Québec. Je voudrais aussi, évidemment,
souligner le rôle extraordinairement bénéfique que joue
l'Association des biologistes du Québec en matière de
conservation de nos milieux naturels. Je pense qu'il est important, au
départ, de le mentionner et de lui rendre hommage. D'ailleurs, c'est un
rôle toujours positif et extrêmement bénéfique.
Évidemment, votre intervention porte surtout sur la
classification, compte tenu de
vos intérêts et de vos préoccupations; je le
comprends. Vous ne traitez pas des autres modifications qui sont
apportées par le projet de loi 13.
Sur la classification, on s'est finalement rendu compte - c'est vrai que
l'expérience du parc du Mont-Saint-Bruno a été un
élément important dans cette prise de conscience - qu'il y avait
beaucoup de débats plus ou moins productifs autour de la classification
des parcs. Vous l'avez d'ailleurs souligné vous-même. À un
moment donné, c'est madame qui faisait une remarque en disant qu'il y a
finalement peu de différence entre un parc de conservation et un parc de
récréation comme la loi actuelle le prévoit. Il est loin
d'y avoir incompatibilité entre les deux, et les aménagements
qu'on retrouve dans l'un, on les retrouve souvent dans l'autre. Les
interdictions qu'on retrouve dans l'un, on les retrouve parfois souvent dans
l'autre. Ce qui différencie les deux, c'est parfois, dans les parcs de
récréation, certains équipements. Vous parliez
tantôt de ski alpin, par exemple, ce qu'on ne retrouve pas vraiment dans
les parcs classés comme étant de conservation. Dans l'ensemble,
les activités qu'on retrouve dans un parc de conservation, on les
retrouve la plupart du temps dans un parc de récréation.
Par conséquent, on s'est rendu compte finalement qu'un
débat autour de la classification était peu productif et
suscitait bien plus de malentendus qu'autre chose et que ce qu'il était
important de discuter, ce sur quoi devait porter la discussion, le
débat, c'est la vocation et les objectifs poursuivis en créant un
parc, en décrétant que telle partie du territoire
québécois sera un parc national. C'est là-dessus que
devrait porter la discussion et que les audiences publiques devraient surtout
porter; c'est sur les objectifs poursuivis. C'est un peu pour cette raison que,
dans le projet de loi 13, on élimine ce que le député de
Chambly, tantôt, a appelé les étiquettes ou la
classification, mais on retient les objectifs en vue de la création du
parc.
C'est l'article 1 qui dit qu'on peut établir un parc national sur
les terres domaniales aux fins de, premièrement, protéger et
mettre en valeur des sites naturels à caractère exceptionnel ou
des territoires représentatifs des régions naturelles;
deuxièmement, favoriser la pratique d'activités de plein air. De
sorte que, à l'occasion d'une audience publique, quand on crée un
parc, si cette nouvelle loi était adoptée et en vigueur, le
gouvernement va indiquer dès le départ les objectifs qu'il
poursuit en créant tel parc. C'est évidemment là-dessus,
c'est sur les objectifs que le débat devrait porter. Les gens devraient
dire s'ils sont d'accord ou non sur les objectifs poursuivis. Là,
vraiment, cela devient un débat productif et véritable
plutôt que ce qui s'est produit, dans certains cas auparavant, avec la
classification telle qu'on la voit dans la loi actuelle.
Je voudrais savoir vraiment si vous ne considérez pas que le
libellé du projet de loi, tel qu'on le retrouve devant nous, n'est pas
préférable et ne permet pas véritablement que le
débat porte sur l'essentiel plutôt que de maintenir la loi
actuelle qui parle de classification. Est-ce que vous ne considérez pas
qu'avec le libellé du projet de loi qui parle de définition
d'objectifs, est-ce que vous ne trouvez pas que, finalement, cela a plus de
chance de faire en sorte que le débat porte sur l'essentiel?
Le Président (M. Marquis): Mme
Lalonde.
Mme Lalonde (Danielle): M. le ministre, si on regarde le
libellé exact du projet de loi, je ne crois pas que cela clarifie
beaucoup les choses. Je crois que les débats vont se poursuivre, mais
peut-être à un autre niveau. Vous avez cité les deux
objectifs pour lesquels on devrait spécifier à quoi devrait faire
référence le parc qui serait construit ou qui serait
établi, mais il y a une petite clause qui dit ceci: "Le décret
établissant un parc national doit spécifier pour lesquels de ces
objectifs il est établi. " On s'étonne du mot "lesquels"; c'est
simplement dans la formulation française. Lesquels, est-ce que cela
signifie un ou l'autre, ou les deux? Cela ne spécifie pas non plus dans
quel pourcentage. Alors, s'il y avait eu, par exemple, le mot "lequel", avec
des "s" entre parenthèses, on se serait dit: Ils vont choisir entre l'un
ou l'autre. Mais là, à la limite, on pourrait établir
qu'un parc national a les deux objectifs prioritaires et la question ne serait
pas close. Les gens seraient tout aussi inquiets, à savoir si le parc va
être vraiment conservé. De toute façon, on pourrait
même décider de ne favoriser que la pratique d'activités de
plein air, c'est-à-dire le deuxième objectif. A ce
moment-là, le milieu naturel va-t-il être protégé?
Dans les parcs de récréation, dans la loi actuelle, au moins on
devait protéger le milieu naturel. Là, ce n'est même plus
certain.
Ensuite, ce libellé ne permet pas de protéger un parc
comme tel. Par exemple, on peut développer des objectifs. On pourrait
décider qu'il y aurait tel ou tel objectif prioritaire, mais, si on
change le pourcentage de zone à préserver, supposons qu'on le
fait passer d'une demie à un tiers, il n'y a aucune protection. Les gens
ne seront pas convoqués nécessairement à des audiences
publiques. Auparavant, si on classait un parc comme parc de conservation, qu'on
voulait le modifier et en faire un parc de récréation, si on
voulait augmenter l'objectif prioritaire de récréation, par
exemple, si on décidait de
faire passer d'une demie à un tiers, cela changeait
nécessairement la classification du parc. Or, la classification. du parc
est soumise aux audiences publiques. Cela lui accordait donc une certaine
protection et les gens se sentaient davantage rassurés. Avec le projet
de loi 13, on ne voit aucune assurance que les zones à préserver
vont l'être puisqu'on pourra modifier facilement les objectifs. Vous
aurez les mêmes débats stériles, j'en suis convaincue. Les
gens vont vouloir se battre. Ils vont même ajouter, cette fois-là:
Mettez des pourcentages, incrivez-les dans la loi qui va créer le parc
ou dans le règlement qui va créer le parc. Les gens vont
être encore davantage inquiets. Vous aurez probablement plus de
problèmes. J'ai bien l'impression que cela ne réglera pas
grand-chose. Merci.
M. Brassard: Ce qu'il faut regarder, ce n'est pas uniquement
l'article 1. Je pense qu'il faut le mettre en rapport aussi et tenir compte
d'autres articles du projet de loi. Quand on parle des objectifs, je pense
qu'il faut conserver le pluriel parce qu'il peut arriver qu'en créant un
parc on poursuive, suivant les intentions d'aménagement et du plan de
zonage, plus d'un objectif. On peut créer un parc, poursuivre l'objectif
de mettre en valeur des sites naturels et on peut favoriser la pratique
d'activités de plein air, suivant les intentions d'aménagement et
suivant le plan de zonage.
Parlant d'aménagement, c'est pour cela qu'on veut que le
débat porte là-dessus à l'occasion d'audiences publiques
plutôt que de porter sur des étiquettes ou une classification. On
veut qu'il porte sur des objectifs, mais également sur des intentions
d'aménagement, ce que la loi actuelle ne nous oblige pas à faire,
à l'occasion d'audiences publiques. La loi nous dit qu'on doit
uniquement tenir des audiences publiques sur le périmètre et sur
la vocation, donc, la classification. Évidemment, l'habitude s'est
prise, par exemple, à l'occasion des audiences publiques - heureusement,
d'ailleurs - d'aller plus loin et de faire connaître, à l'occasion
des audiences publiques, le plan directeur d'aménagement provisoire de
façon que les organismes et les personnes puissent se prononcer aussi
sur le plan directeur d'aménagement.
(12 h 15)
Dans la loi - c'est l'article 5, je pense - on l'inscrit dans la loi;
c'est dans le projet de loi 13, ce qui n'était pas dans la loi actuelle.
On dit qu'à l'occasion d'audiences publiques le ministre devra
déposer ses intentions d'aménagement, de telle sorte que le
débat porte vraiment là-dessus. C'est là qu'on verra si la
conservation du milieu naturel, des sites naturels, des sites exceptionnels
sera vraiment atteinte. On pourra le voir dans les intentions
d'aménagement qui seront déposées, qui seront en
consultation à l'occasion des audiences publiques.
Une dernière remarque, à propos du zonage. C'est vrai
qu'on n'est pas obligé de tenir des audiences publiques quand on fait le
zonage, mais il va être connu en même temps que les intentions
d'aménagement, c'est bien évident. Les intentions
d'aménagement sont en liaison directe avec le zonage; les deux sont
étroitement liées, vous le savez bien. On ne peut pas
élaborer des intentions d'aménagement ou un plan
d'aménagement sans, au préalable, avoir déterminé
le zonage du territoire. C'est directement relié. Donc, le zonage va
être connu en même temps que les intentions d'aménagement.
C'est là que les gens vont voir si ce qui vous préoccupe
beaucoup, votre souci tout à fait légitime de conservation du
milieu, si cette préoccupation est vraiment respectée, si les
objectifs de conservation du milieu naturel sont vraiment respectés.
Là, vraiment, les audiences publiques - c'est ce que je pense, en tout
cas - vont porter sur l'essentiel et pas uniquement sur une étiquette;
elles vont vraiment porter sur l'essentiel, le zonage, les intentions
d'aménagement.
Quant au zonage ou à votre crainte de voir des changements
effectués au zonage, je pense que ce n'est pas tout à fait
fondé, dans le sens que le zonage d'un parc, vous le savez très
bien, est fondé sur des données biophysiques qui ne changent pas.
Quand on change de ministre, quand on change de fonctionnaires ou quand on
change de gouvernement, les données biophysiques d'un parc ne changent
pas. À moins que vous n'ayez des exemples où il y a eu des
modifications de zonage, je pense qu'une fois que le zonage est établi,
c'est fondé sur des données tellement stables et permanentes
qu'il n'y a pas de raison de le modifier, à moins qu'on ne mette en
doute, de la part du ministère responsable de l'établissement des
parcs, sa volonté de conserver le milieu naturel.
Le Président (M. Marquis): Mme
Lalonde.
Mme Lalonde (Danielle): M. le ministre, l'article 5, en effet,
présume des intentions d'aménagement, et nous en sommes fort
contents, bien sûr. Seulement, pour ce qui est de la question de zonage,
il y a de petits problèmes que l'on voit. Même dans
l'établissement du zonage d'un parc, celui-ci, par exemple, est d'abord
établi d'après des études préliminaires - c'est
bien dit "préliminaires" - puisque vous déposez votre plan de
zonage au début, lors de la création d'un parc.
Or, les études écologiques ne sont pas faîtes dans
ces cas-là. Elles ne sont pas
encore faites. Ce sont des études globales qui l'ont
été, Souvent, on va se baser sur les 44 régions naturelles
pour déterminer si l'on va faire un parc dans ce secteur ou non,
régions naturelles qui sont basées sur des études
physiographiques du milieu, c'est-à-dire l'aspect du paysage. On n'a pas
tenu compte des écosystèmes qu'on retrouve dans la nature et il y
a un élément biologique, contrairement à ce que vous
affirmez, je crois - j'en suis un peu désolée - mais
l'élément écologique n'est pas vraiment pris en compte
dans tout son ensemble. De plus, c'est difficile, il me semble, de zoner de
façon définitive, à long terme, quand on n'a pas fait les
études écologiques complètes. On pense, au contraire,
qu'on devrait faire un zonage provisoire, quitte, après que les
études écologiques seront complétées, après
quelques années, cinq ans, possiblement même plus longtemps,
à ce qu'on fasse un zonage plus solide, basé vraiment sur ce
qu'il y a dans ce parc.
Or, sur ce premier point, on peut s'interroger. Effectivement, la nature
ne bouge pas de façon exceptionnelle, mais on connaît, on sait par
notre expérience qu'il y a une certaine dynamique, quand même,
dans l'environnement. Seulement, on n'a pas tout découvert quand on
crée un parc, parce que ce sont des milieux naturels où, souvent,
les gens n'ont pas accès facilement et on doit procéder à
des études scientifiques. Cela se fait seulement si on a conservé
le milieu. C'était mon premier point pour ce qui est du zonage.
Maintenant, si vous voulez éviter des débats
stériles, nous pensons que, dans le fond, il vaudrait mieux
éliminer, justement, l'objectif de récréation. Si on
mettait comme objectif principal de conserver le milieu naturel, ce à
quoi devrait servir un parc "national", - entre guillemets - peu importe cette
étiquette, il me semble que c'est là pour conserver un patrimoine
naturel. Si on veut y établir de nouvelles pistes de ski alpin - je dis
bien de nouvelles - à ce moment-là, on ne croit pas que cela
devrait avoir sa place dans un parc national. L'Union internationale de la
conservation de la nature ne préconise pas, de toute façon, ce
genre d'intervention. S'il y a des développements subséquents qui
se font avec les générations futures et qu'on n'a pas
protégé les principaux écosystèmes mondiaux, on
risque de voir une perte génétique importante et, possiblement,
une perte au niveau de la survie de l'humanité en général
puisque nous faisons partie intégrante de cet écosystème,
de ces écosystèmes.
Aussi, pourquoi ne pas simplement considérer que les parcs
nationaux seront des parcs où on conservera d'abord les zones naturelles
et que l'aspect récréatif ne sera là que pour avoir
accès à ces zones naturelles? Vous éviterez beaucoup de
problèmes, vous éviterez beaucoup de débats, vous pourrez
établir votre parc, c'est vrai, avec des audiences publiques, avec un
plan de zonage provisoire et, face à cela, si vous mettez quelques
garanties qu'il y aura un minimum de zones à préserver dans ces
parcs, vous pourrez même procéder à des changements de
zonage puisqu'on sera assuré d'avance qu'il n'y aura pas de
réduction. Vous pourrez, à ce moment-là, faire des
changements de zonage dans un sens très écologique. Si on
s'aperçoit qu'il y a une zone qui n'a pas été
protégée et qu'il faudrait le faire, vous pourrez le faire. Avec
un zonage préétabli, définitif, vous bloquez toute
modification qui pourrait aider à préserver ce milieu, je ne sais
pas si mon collègue voulait ajouter quelque chose.
Le Président (M. Marquis): M. Hamelin.
M. Hamelin: En fait, M. le ministre, je pense qu'il y a tout un
degré dans ce qui est dit et ce qui doit être perçu. Je
reviens souvent à l'exemple un peu terre à terre du verre d'eau
qui est à moitié vide ou à moitié plein et je pense
que, lorsqu'on parle de parc, pour nous, c'est clair qu'il y a
nécessité, lorsqu'on fait un parc, d'associer à cela -
c'est partie intégrante - l'aspect de la conservation. Mais cet aspect
de la conservation n'est pas un empêchement d'utilisation du parc
à des fins récréatives; qu'il soit admissible de
façon à ne pas réduire ou nuire à l'aspect de la
conservation. Je pense que lorsqu'on parle de parc, pour nous, c'est clair,
c'est l'aspect de la conservation qui est là au point de départ,
ce qui ne doit pas être perçu comme une étiquette qui
empêche de tourner en rond, qui empêche l'utilisation de ce
milieu.
Lorsqu'on laisse place à deux objectifs, on pourrait clairement,
et c'est utile dans certains endroits, dire: Bien là, c'est un site
à caractère récréatif exceptionnel, on veut le
développer, on lui donne un objectif prioritaire. On pense le
développer, on part avec huit ou douze sentiers et on veut
peut-être finir dans quinze ans par en avoir le double, des choses comme
cela. Ce sont des zones où on peut le faire, mais est-ce que cela doit
être un parc? Est-ce que c'est vraiment la dénomination qui doit
être là? Là où on fait un parc, c'est qu'on
prétend au point de départ qu'il y a des éléments
importants à conserver, qu'il y a une unicité en termes
d'éléments ou de composantes et qu'on veut donner un accès
qui soit logique face à cette conservation.
Cela crée, quant à nous, un faux problème que de
partir avec deux objectifs; on pense qu'il devrait y en avoir un, que ce soit
en modifiant l'actuelle loi de 1977 ou en l'insérant dans la loi 13. On
devrait partir avec un objectif, qui est un objectif de conservation, et
définir ce que sont la
conservation et les activités qui sont permissibles dans ce
cadre-là, et là, je pense que vous aurez des débats qui ne
seront pas stériles sur l'utilisation ou le degré de conservation
ou de récréation.
M. Brassard: En terminant et en conclusion, M, le
Président, simplement deux petites remarques, l'une sur ce dont on vient
de parler. Il nous apparaît essentiel d'inscrire que l'un des objectifs
serait de favoriser la pratique d'activités de plein air. Vous venez
d'ailleurs de le souligner, il ne faut pas exclure les activités de
plein air dans un parc. Si on crée un parc, il faut qu'il soit
accessible, il faut qu'il y ait certaines activités possibles pour les
citoyens qui s'y rendent. À notre point de vue, il faut inscrire dans la
loi que c'est un des objectifs. Sinon on va créer... Si on poursuit
exclusivement l'objectif de la conservation, il y a une institution pour cela,
c'est la réserve écologique. On en a créé une chez
nous - je m'en souviens - il y a deux ans, une réserve
écologique. Une réserve écologique, c'est exclusivement de
la conservation et de la préservation du milieu naturel; personne ne
peut aller là, c'est interdit. Il n'y a pas d'aménagement qui se
fait dans la réserve écologique. Les seules personnes qui peuvent
pénétrer sur le territoire de la réserve
écologique, ce sont des chercheurs et il leur faut une autorisation
expresse du ministre de l'Environnement pour aller faire des recherches
spécifiques. Donc, une réserve écologique est
conçue à des fins exclusives de conservation et de
préservation du milieu naturel. Un parc, ce n'est pas cela. Si on veut
poursuivre l'objectif de préservation exclusive, on crée une
réserve écologique. Si on veut, tout en préservant le
milieu naturel, et c'est par le zonage qu'on y arrive, rendre accessible ce
territoire, on permet un certain nombre d'activités de plein air, donc
d'activités récréatives. C'est ce qu'on retrouve
d'ailleurs dans l'ensemble du réseau des parcs existants.
Dernière remarque concernant le zonage. C'est évident et
vous avez raison, madame, de dire que les études ne sont jamais finies;
c'est sûr, ce n'est jamais complété. S'il fallait avoir des
études complètes sur les données biophysiques d'un
territoire avant de créer un parc, il n'y en aurait pas un de
créé, j'en suis convaincu. C'est sans fin, les études qui
peuvent être faites sur la flore et sur les espèces animales dans
un territoire comme un parc. Je pense que les études faites sont
suffisantes pour en arriver à un zonage qui a de grandes chances de ne
pas être modifié substantiellement par la suite. Je n'ai pas
participé à la création ni aux audiences publiques des
autres parcs du réseau, mais je vais en tenir bientôt sur un
projet de création d'un parc national à la pointe Taillon, dans
ma région, et, à première vue, en tout cas - je ne suis
pas un spécialiste ni un expert, je ne suis pas biologiste - il m'a
semblé que les études faites sont suffisantes pour
déterminer un zonage qui a peu de chance d'être modifié par
la suite. C'est l'impression que j'ai. J'avoue que c'est l'impression d'un
profane. Voilà, M. le Président, les quelques remarques que
j'avais à faire en terminant.
Le Président (M. Marquis): Merci beaucoup. M. le
député de Charlesbourg.
M. Côté: M. le Président, j'ai suivi avec
intérêt la discussion avec le ministre. J'ai été un
peu étonné de l'entendre nous dire qu'un parc de conservation,
tel qu'on l'entendait au moment où la loi 19 a été
adoptée... Dans mon esprit, au moment où cela a été
adopté, un parc de conservation, c'était un parc de conservation.
Il me semble que c'est clair. C'était tellement clair qu'au niveau de
l'article 1 on dit: "un parc dont l'objectif prioritaire est d'assurer la
protection permanente de territoires représentatifs des régions
naturelles du Québec... " Il me semble que c'est clair. Vous venez de
nous envoyer sur la voie d'évitement en disant: Allez donc voir
Ouellette avec les réserves écologiques. Cela, c'est la loi 19,
celle qui est encore en vigueur aujourd'hui. (12 h 30)
Vous nous arrivez avec la loi 13 et c'est là que je demanderais
un peu plus-d'éclaircissement de la part de nos invités. Au
niveau de la loi 13, article 1: "protéger et mettre en valeur des sites
naturels à caractère exceptionnel... " Dans mon livre -je ne suis
pas un spécialiste - à moins que je ne comprenne mal, c'est de
beaucoup moins fort, cela a moins de muscle que la définition qu'on
retrouvait au projet de lot 19. Je ne sais pas si vous avez le projet de loi
19, à l'article 1c: "un parc dont l'objectif prioritaire est d'assurer
la protection permanente de territoires représentatifs des
régions naturelles du Québec... ", alors que là, on parle
de protéger uniquement. Est-ce que protéger, pour vous, cela
suffit, vous, les biologistes, qui êtes à la base de toute la
science de la conservation?
Mme Lalonde (Danielle): Je dois vous avouer qu'on n'avait pa3
relevé cet état de fait. Du moment qu'on nous assure qu'il y a
une protection, que ce soit permanent ou non, on peut le sous-entendre, mais,
enfin, je ne crois pas que ce soit un détail d'une grande importance. Je
ne sais pas si je peux me permettre de répondre un peu aux affirmations
du ministre.
Tantôt, vous avez dit...
M. Côté: On est en consultation.
Mme Lalonde (Danielle):... M. le ministre, que vous n'avez, dans
un parc de conservation, qu'un but de conservation, que cela est une chose et
qu'à un parc national, on doit permettre aux gens d'y accéder.
Pourtant, dans la définition de parcs de conservation, que monsieur n'a
pas complétée, on pourrait lire ce qui suit: la protection, etc.
- pour cela, d'accord - tout en les rendant accessibles au public pour des fins
d'éducation et de récréation extensive. L'accès est
permis. Il n'y a pas de problème quant à l'accès au niveau
récréatif. Mais, alors, pourquoi ne pas tout simplement conserver
ce libellé pour un parc dit national, en définissant ce que veut
dire "récréation extensive", pour donner une certaine assurance
qu'on n'implantera pas tout un réseau de ski alpin, et peut-être
d'autres types, de la motoneige, etc., pour éviter de polluer les lacs?
Vous savez que les motoneiges, quand elles circulent sur les lacs, vont laisser
nécessairement des dépôts d'essence, d'huile, et tout et
tout.
Pourquoi ne pas tout simplement employer cette définition de
récréation extensive? Les gens vont être d'accord. Nous
voulons aussi avoir accès à ces zones naturelles, c'est bien
certain, mais on ne veut pas qu'on y fasse n'importe quoi. Je pense que
c'était très complet dans la loi de 1977, que vous avez
établie par le biais d'un autre ministre, c'était très
correct. Je pense que cela n'a rien à voir avec la question des
réserves écologiques. Nous, les biologistes, on ne veut pas que
conserver et jamais n'y mettre les pieds, ce n'est vraiment pas notre
intention.
Pour ce qui est de la question du zonage, c'est certain... Je ne voulais
pas dire par là qu'on va faire des études ad vitam aeternam avant
de décider d'un zonage, mais il y a une différence entre des
études préliminaires, qui se font en été, et des
études étalées sur cinq ans. C'était simplement une
question de raffinement du zonage qu'on y voyait. La procédure, si vous
croyez qu'elle est suffisante comme cela, c'est possible; mais c'est possible
aussi que cela vous encarcane inutilement. Enfin!
De toute façon, le zonage peut être modifié à
la suite de cela; ce n'est pas lié à la loi. Il n'y a pas de gros
problèmes, mais on voudrait au moins les garanties minimales que nos
parcs aient un caractère de conservation du patrimoine naturel.
M. Hamelin: Pour répondre à... M.
Côté: Oui.
M. Hamelin:... la question de M. le député, quand
vous parlez de conservation, "conserver de façon permanente", pour nous,
cela a un sens un peu péjoratif, parce que la conservation, dans le
domaine des écosystèmes, c'est une conservation dynamique. Cela
veut dire essentiellement que, si on s'en tient à des échelles
géologiques, un lac va devenir une forêt, en passant par une
tourbière, un marécage et toutes ces choses-là.
Quand on parle du principe de la conservation, qu'on associe le mot
"permanent" ou pas à cela, cela veut dire pour nous qu'on laisse le
milieu évoluer de façon naturelle, sans intervention humaine qui
vienne perturber la finalité de cet élément. Je ne sais
pas si cela répond un peu à votre question, mais, pour nous,
conservation, cela va dans le sens de ne pas faire d'interventions dans ce
milieu qui soient de nature à modifier la finalité ou à
l'accélérer jusqu'à un certain point, pour autant qu'on
puisse prendre ce terme-là.
Le Président (M. Marquis): M. le député de
Charlesbourg.
M. Côté: Vous avez fait état de la
création de refuges, d'y aller... J'ai l'impression que vous faisiez
allusion à une place où on protège les oies, comme le
refuge, des oies près de La Malbaie. C'est cela que vous aviez à
l'esprit ou, peut-être, la protection de certains espaces au niveau du
lac Saint-Pierre où Canards Illimités fait des travaux
actuellement, mais peut-être davantage des refuges. C'est un peu cela que
vous aviez à l'esprit quand vous parliez de conservation en
périphérie des villes. Dans votre énoncé de
départ - on n'en a pas de copie, malheureusement - vous avez dit que
vous préconisiez la création de parcs de conservation, qu'on
oublie la récréation et qu'on crée, si je vous ai bien
saisis, en banlieue de villes, des refuges. II me semble que j'ai entendu cela,
à moins que...
Mme Lalonde (Danielle): J'aurais peut-être deux exemples
à apporter: la question du parc national l'Archipel et la question du
mont Saint-Bruno. C'est vrai que la question des villes, c'est une question
délicate. On a affaire à des zones où il y a des centres
urbains importants, où il y a très peu de sites naturels,
où il y a un morcellement de ces sites naturels. Effectivement, la
petitesse de ces sites, peut-être, ferait en sorte qu'on devrait les
protéger à tout prix, étant donné
l'accessibilité et, donc, la vulnérabilité de ces sites.
À ce moment, effectivement, le refuge, c'est une bonne chose. Je peux
penser, peut-être, à des héronnières où
nichent des hérons. Effectivement, il y aurait lieu de créer des
refuges, c'est bien certain.
Pour la question, par exemple, du mont Saint-Bruno, je crois qu'il y a
plus qu'un refuge à y mettre. En fait, je dois vous avouer que je ne
connais pas exactement
quelles sont les choses qui sont incluses dans un refuge. Est-ce qu'il y
en a au niveau provincial? Probablement, je crois, à Cap-Tourmente. Je
sais que Cap-Tourmente, c'est fédéral, mais...
M. Brassard: C'est ce qu'on appelle plutôt un refuge
faunique, d'après la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la
faune. On appelle cela un refuge faunique. C'est un outil qui existe.
Mme Lalonde (Danielle): D'accord, mais je ne connais pas vraiment
le détail, disons, de protection de ces sites; alors, je serais bien mal
placée, je vous avoue, pour vous en parler. Dans le cas du mont
Saint-Bruno, il s'agit plus d'une région qui a une espèce
d'unité. Il y a une montagne, il y a des écosystèmes, des
lacs. On pourrait en faire un parc de conservation, je crois, sans
problème. Il faut bien penser, par exemple, que les
Montérégiennes font partie des 44 régions naturelles du
Québec à préserver. C'est une zone très
spéciale; il y en a seulement quelques-unes, de ces montagnes.
Évidemment, si on veut avoir ces régions
représentées, on doit s'arranger de sorte qu'il y ait au moins
une montagne qui soit préservée. Pourquoi pas le mont Saint-Bruno
vu que c'est le plus proche, le plus vulnérable à cause de sa
proximité? Il y a plusieurs plantes rares menacées, actuellement,
par des développements. On s'inquiète drôlement. Justement,
on doit y mettre, à ce moment, le maximum de protection. Que ce soit un
parc ou un refuge, j'imagine, du moment que ce sera un parc où on
conserve le milieu naturel, ce serait très correct.
La question du parc de l'Archipel, je ne sais pas s'il y a lieu d'en
parler ici. C'est le cas typique du morcellement de parc. C'est une question
qu'on s'est posée. C'est une question qu'on n'a pas eu le temps,
malheureusement, de débattre et je serais un peu mal placée,
malvenue de donner une opinion au nom de l'ABQ. En tout cas, on pourrait au
moins poser des questions ou vous permettre de vous interroger sur la question,
à savoir: Ce parc, est-ce que vraiment il y a lieu d'en faire un parc
dit national? Est-ce que les territoires qu'on veut mettre en valeur sont
suffisamment riches, suffisamment naturels pour les protéger? Il
faudrait y penser. Peut-être qu'il y aura lieu de créer,
plutôt, un parc régional, de chercher à le conserver, mais
de ne pas y donner autant d'ampleur. Vous savez, quand on donne le nom de parc
national a un site, les Américains, les étrangers vont y venir.
Par exemple, je pense aux îles de Boucherville. Si les gens n'y trouvent
que des champs, il vont dire: Qu'est-ce que c'est que cela? C'est censé
être un parc national. Il y a une espèce de confusion qui peut
s'installer.
Donc, il y a lieu de s'interroger là-dessus, mais c'est possible
qu'on puisse en faire un parc de conservation morcelé, c'est possible.
On devra, à ce moment, quand même considérer que ces zones
devraient être conservées justement, peut-être, parce que
c'est autour d'une grande ville, il n'y a presque plus de terrains. Quand
même, la région de Montréal est une région naturelle
du Québec, en tout cas, la plaine du Saint-Laurent et à la suite
du développement industriel, du développement des banlieues, du
développement agricole ou du développement urbain, il n'y a
presque plus de zones naturelles, il faut bien les représenter d'une
façon ou d'une autre. Si on n'arrive pas à faire un beau
territoire homogène, tant pis, on va faire ce qu'on peut! Mais, il faut
absolument protéger ces sites, protéger les endroits où
les canards vont passer ou les endroits où il y a des plantes rares.
Je ne sais pas si les gens ici le savent, mais la région de
Montréal est la limite nord de distribution d'un très grand
nombre de plantes rares et même de certains animaux et, si jamais on. ne
les conserve pas d'une manière ou d'une autre, cela va être perdu
à jamais pour le Québec, en tout cas.
Le Président (M. Marquis): M. le député.
M. Côté: Peut-être juste une dernière
question qui s'adresse davantage au ministre. Dans votre exposé vous
avez parlé - et je n'ai pas entendu le ministre répondre à
cela - de la vocation éducative qui disparaissait du projet de loi 13.
En tout cas, je ne vous ai pas entendu répondre à cela. Cela
m'apparaît important.
Une voix: Effectivement, dans le projet de loi actuel, quand on
définit dans la section sur l'interprétation, on indique que
l'accessibilité sera permise ou autorisée pour des fins
d'éducation. On ne retrouve pas une expression similaire dans le projet
de loi. Cela ne doit pas être interprété comme signifiant
que tout ce qui relève de l'interprétation de la nature va
être exclu ou ignoré dans le réseau des parcs. Je pense que
cela demeure un des objectifs et les programmes d'interprétation de la
nature, les activités d'interprétation de la nature demeurent,
évidemment, des activités essentielles dans les parc nationaux du
Québec et elles vont continuer de le demeurer.
Le Président (M. Marquis): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Oui, M. le Président, mercil J'ai
écouté, avec beaucoup d'attention
et d'intérêt, votre présentation ainsi que vos
réponses et je trouve que... Je vais vous dire bien franchement que je
m'attendais à une présentation plus déconnectée que
cela de votre part. Je trouve que votre approche est très
réaliste, de toute évidence, de la part de biologistes. Les
préjugés que j'avais étaient faux, n'étaient pas
fondés. J'ai été très intéressé par
votre approche qui dit, finalement, qu'il ne devrait y avoir qu'une sorte de
parcs et cela devrait être des parcs de conservation, de façon
à bien démontrer que, lorsque le gouvernement du Québec
crée un parc, c'est avant tout pour protéger, autant que
possible, ces lieux. Finalement, est-ce que vous ne croyez pas que, pour une
partie, c'est ce que fait le nouveau projet de loi 13, puisque nous ne
créons qu'une sorte de parcs, des parcs nationaux, qui devraient
s'occuper de conservation, en particulier aussi?
Mme Lalonde (Danielle): Non, je ne crois pas, en fait, je dois
vous l'avouer. Si vous regardez, on avait défini, dans le projet de loi
13, deux objectifs: protéger et mettre en valeur des sites naturels
à caractère exceptionnel ou des territoires représentatifs
des régions naturelles et favoriser la pratique d'activités de
plein air. Tout de suite après, on dit: "Le décret
établissant un parc national doit spécifier pour lesquels de ces
objectifs il est établi. " À ce moment-là, on peut choisir
le premier, le deuxième ou les deux, établir des pourcentages,
comme je l'ai dit précédemment. À ce moment-là,
même à la limite, si on choisit le deuxième, comme je l'ai
déjà dit, on peut ne favoriser que la pratique d'activités
de plein air, ne mettre aucun avis, aucun objectif de protection, aucun
objectif d'éducation - de toute façon, l'éducation n'est
même pas spécifiée - rien du tout. Alors, c'est même
encore plus séparant, je dirais; je cherche un terme, mais c'est
même encore plus radical que dans la loi précédente
où on demandait au moins de protéger les deux sites, dans les
deux cas. Je vois vraiment tout le contraire de ce que vous venez d'affirmer,
finalement, mais je... (12 h 45)
M. Tremblay: Mais, est-ce que vous ne croyez pas que le fait de
ne créer qu'une sorte de parc, dorénavant, au Québec, cela
rejoint un de vos objectifs qui est d'avoir une seule sorte de parc? D'autre
part, il y aurait peut-être lieu de faire en sorte que, dans le projet de
loi 13 qui est devant nous présentement, il y ait des provisions pour
faire en sorte que la conservation soit un élément reconnu,
important et déterminant dans la création d'un parc.
M. Hamelin: II est extrêmement important de comprendre que,
lorsqu'on parle d'associer au mot "parc" l'aspect de la conservation, c'est
qu'on voudrait que les actions soient posées à travers un filtre
qui s'appelle conservation. Je pense que, pour un gouvernement
québécois ou tout autre, il y a un aspect non négligeable
qui est l'aspect de la rentabilité et du financement des
activités. Sans vouloir vous dire qu'un parc doit devenir une industrie
lucrative, loin de là, il faut comprendre qu'il serait de mauvais aloi
de ne pas profiter des retombées économiques que peuvent fournir
certaines activités récréatives qui sont compatibles avec
des aspects de conservation. Dans ce sens, ce qu'on veut dire, c'est que, la
conservation étant un objectif prioritaire, on pourrait poser la
question de la façon suivante: Quelle est ou quelles sont les
activités à caractère récréatif que l'on
pourrait effectuer dans le parc que l'on veut créer qui ne soient pas
dérangeantes ou contradictoires avec les objectifs de conservation pour
développer ces activités récréatives au maximum de
leurs possibilités, jusqu'à ce qu'on en vienne à dire:
Au-delà de cette intensité d'utilisation, de
développement, on ne respecterait plus l'objectif prioritaire que l'on
avait au point de départ, qui est la conservation? Cela m'apparaît
vraiment important.
Là où le problème devient très aigu, c'est
lorsqu'on a une région où cela devient très
morcelé. Quelle est l'approche? Je vous avoue qu'on n'a pas de solution
miracle au niveau de l'association. Le problème se pose. Les
activités récréatives sont déjà en place; il
faut, je pense, les conserver. Est-ce que l'action ne doit pas, à ce
moment-là, sortir du cadre des parcs et trouver un cheminement qui va
permettre de conserver les secteurs adjacents qu'on juge pertinent de
conserver? Évidemment, encore là, c'est une question de
degré. C'est une question de débat, c'est une question de termes.
Est-ce qu'on fait des refuges? Est-ce qu'on fait autre chose? Est-ce qu'on
regroupe tout cela dans un parc parce que le zonage indique qu'il y a quand
même possibilité, à l'intérieur d'un parc,
d'assujettir tout cela dans une harmonie souhaitable? Je pense que cela devient
un peu un exercice de cas par cas à l'intérieur d'une philosophie
d'action qui, elle, est plus générale.
Le Président (M. Marquis): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: En ce qui concerne les parcs existant au
Québec présentement - je dis qu'ils sont existants parce qu'on ne
part pas de rien, il y a des choses installées un peu partout, il y a
des centres de ski, il y a, dans certains parcs, des terrains de camping - ne
vous apparaît-il pas comme normal, finalement, que tous les débats
autour de la création d'un parc se fassent plutôt au niveau du
plan d'aménagement et
du plan de zonage, compte tenu qu'il y a des choses qui sont là
et que, par la loi, le ministère, lorsqu'il crée un parc,
énonce son plan d'aménagement et son plan de zonage et que, par
ce mécanisme, les citoyens puissent discuter, en définitive, des
différentes vocations que peut avoir un parc? Je pense que c'est le cas
à Orford; il y a un centre de ski alpin et, vous le dites
vous-même, il y a des espaces où il serait intéressant de
faire de la conservation. Par le simple fait que l'on donne une
étiquette au parc, il est impossible de faire fonctionner le centre de
ski alpin au Mont-Orford et, parce qu'il y a ce centre de ski au Mont-Orford,
on ne peut pas aussi protéger et conserver les aménagements et
les autres terrains qui sont alentour. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est
avec le plan de zonage et le plan d'aménagement que, finalement, on va
identifier clairement, dans un parc donné, quelles seront la vocation et
l'utilisation qu'on fera d'un espace et de l'autre?
Une voix: M. Hamelin.
M. Hamelin: M. le député, il est extrêmement
important de s'entendre sur les termes que l'on utilise. Je vous dirai...
Prenons trois cas hypothétiques qui vont bien illustrer le sujet: Si
l'on décide, dans un parc donné, par le zonage - en fin de
compte, c'est le zonage qui, à notre avis, est un outil et un moyen
d'intervention - si, par ce zonage, on en arrive à la conclusion que la
presque majorité du parc sera utilisée à des fins
récréatives, alors, n'appelons plus cela un parc, appelons cela
autrement ou faisons autre chose avec cela, mais ne donnons pas toute une
structure administrative de gestion et d'éléments qui ne sont
principalement qu'à caractère récréatif.
D'autre part, à partir d'une zone ou d'un territoire
délimité qu'on veut appeler parc, il est fort possible que, dans
le zonage qui est toujours un outil de gestion, on en arrive au
démantèlement de certaines activités; par exemple,
certains sentiers de motoneige qu'on va condamner pour redonner au milieu son
caractère de conservation. Donc, il peut y avoir des actions de retour
à la conservation du milieu naturel. Alors, nous, ce qu'on dit,
essentiellement, c'est que le zonage est un excellent outil, c'est l'outil de
travail que l'on doit privilégier, sauf qu'il y a une certaine limite
à ne pas dépasser pour que cela vaille la peine de faire un parc
et cette limite est fonction de la conservation.
Alors, on vous dit: Définissez globalement ce qu'est la
conservation. On peut la définir de façon objective: la
conservation, c'est cela ou on peut la définir de façon
négative: la conservation, c'est telle activité, mais excluant
telle chose.
Cela va donner un cadre de travail. À partir de ce cadre de
travail, utiliser des outils que l'on appelle le zonage, oui, excellent, bravo!
Cela va dans le sens, exactement, de ce que nous, on voudrait. Mais, si on n'a
pas de définitions ou de volonté qui sont à
caractère de conservation au point de départ, on peut arriver
avec des aménagements, selon les éléments qui sont
présents dans le milieu, à privilégier parce que c'est
souhaitable, des activités récréatives et,
essentiellement, le caractère de conservation va être tellement
minime à l'intérieur de cela que cela ne vaut peut-être
plus la peine d'appeler cela un parc. C'est peut-être mieux de faire un
refuge ou de faire autre chose.
C'est un peu à ce niveau-là que se situe notre
intervention.
M. Tremblay: Alors, si je comprends bien ce que vous dites, c'est
qu'il ne devrait pas y de parc de créé lorsque
l'élément de la récréation dépasse un
certain pourcentage d'utilisation du parc. Quel serait votre pourcentage,
rapidement?
Mme Lalonde (Danielle): De récréation intensive et
même...
M. Tremblay: Oui, oui, oui.
Mme Lalonde (Danielle):... dans un parc de conservation, de
récréation extensive, c'est bien certain.
M. Tremblay: Oui, on se comprend. C'est certain que les gens qui
font du ski de fond dans un parc, c'est de la récréation. Mais ce
ne sont que les équipements qui ne sont pas intensifs.
Mme Lalonde (Danielle): Regardez, M. le député, on
est inquiet; par exemple, pensons au Mont-Saint-Bruno. Il y a eu beaucoup
d'aménagements...
M. Tremblay: J'y pense beaucoup, madame.
Mme Lalonde (Danielle):... de faits depuis ces dernières
années, on a ouvert beaucoup de pistes. D'ailleurs, d'une piste à
l'autre, on voit l'autre piste à travers les arbres, on commence
à voir presque au travers du Mont-Saint-Bruno tellement il y a de
pistes. J'exagère à peine! Puis on a agrandi...
M. Tremblay: Est-ce que, d'après vous, il y a plus de
pistes qu'il n'y en avait avant la création du parc?
Mme Lalonde (Danielle): Je le crois, mais, de toute façon,
il n'est pas encore décrété comme parc.
M. Tremblay: Non, mais avant que le gouvernement l'achète,
en 1974?
Mme Lalonde (Danielle): Ah oui! Je crois qu'on a multiplié
le nombre de pistes de ski de fond, enfin, je connais des gens qui y sont
allés souvent, à différentes périodes, et c'est ce
qu'ils affirment. Si on agrandit les aires de stationnement, si on ajoute des
tables à pique-nique, admettons qu'on installerait un casse-croûte
è l'arrivée, un petit refuge, qu'on rajoute, je ne sais pas, moi,
un dépanneur, ensuite, vous savez, qu'on facilite un peu trop
l'accès, qu'on installe un petit terrain de camping à la base,
qu'on fasse toutes sortes d'aménagements de ce type, bien, vous allez
avoir une augmentation de la population qui va y accéder. Vous mettez
des pistes de cyclotourisme, vous pouvez faire bien des choses. Mais, à
un moment donné, le milieu, lui, ne sera pas capable de supporter cela.
Il va y avoir de plus en plus de gens, ils vont quitter les sentiers et il y
aura du pilotage, on peut dire, sur les sites et, finalement, cela va devenir
un peu plus boueux. Le caractère naturel, le sous-bois va se
dégrader. Il y a des gens qui vont arriver avec leur canif, ils vont
faire des petits coeurs dans les arbres. J'en mets, j'exagère
peut-être, mais c'est un peu tout cela. Les oiseaux vont finir par
quitter parce qu'il y aura trop de bruit. Vous avez tout ce genre de
problématique qui intervient. Sans en interdire l'accès, à
un moment donné, il faut tenir compte de tout cela et permettre qu'un
certain nombre de gens puissent y aller, sans plus. On est inquiet face
à ces questions. On se dit que, s'il y a un objectif fondamental de
conservation à la base, on a en plus des garanties légales que le
site va être préservé.
M. Tremblay: Vous prenez le parc du Mont-Saint-Bruno comme
exemple, je n'osais pas le prendre parce que c'est un parc qui me tient
à coeur, je ne voulais pas en faire un débat particulier.
Admettons, par exemple, que le parc du Mont-Saint-Bruno soit
peut-être désigné parc de conservation, est-ce que vous
croyez que, présentement, cela ferait en sorte qu'il y aurait moins de
gens qui utiliseraient le parc? Est-ce que vous croyez que cela ferait un
changement dans les faits, présentement?
M. Hamelin: Une première chose que cela pourrait faire,
c'est de s'assurer d'abord de bien doser l'utilisation qui est actuellement
faite de cet endroit...
M. Tremblay: Ma question était pour savoir... Si, il y a
deux ans, par exemple...
M. Hamelin: Oui.
M. Tremblay:... il avait été désigné
parc de conservation, est-ce qu'il y aurait une différence dans le parc,
présentement?
M. Hamelin: C'est probable qu'il y en aurait une. Cela ne
voudrait pas dire qu'il y aurait une utilisation moindre, cependant. On aurait
peut-être désigné que le nombre de sentiers ou de
kilomètres de sentiers de fond était trop important ou dans une
zone qui aurait dû être peut-être plus è gauche, ou
plus à droite, ou des choses comme cela, décrété
aussi une limite. Est-ce qu'on l'a dépassée actuellement? Je ne
le sais pas. Mais, essentiellement, si on vise un caractère de
conservation, c'est qu'on va en arriver à un maximum d'utilisation. Si,
au niveau du Mont-Saint-Bruno, on l'a dépassé, il y aurait lieu
de revenir peut-être en arrière, au niveau de certaines zones, et
de restreindre les utilisations. Par contre, il y a peut-être une
possibilité de développer d'autres types d'utilisation à
l'intérieur des mêmes sentiers ou de façon connexe, qui
sont également un besoin pour la population, mais qui ne viendront pas
interférer avec le caractère de la conservation.
C'est toute une question de dosage. Nous, en fait, quand on parle de
parcs avec l'aspect de la conservation, ce qu'on veut dire, c'est qu'il faut
utiliser le milieu au maximum. Mais, est-ce que la façon dont le
Mont-Saint-Bruno est développé actuellement va dans ce
sens-là? Je ne suis pas convaincu de cela. Probablement qu'il y aurait
des réaménagements à faire en termes d'utilisation. Est-ce
que cela conduirait essentiellement à une diminution du nombre de
personnes qui le fréquentent? Je ne pourrais pas vous le dire. C'est
possible comme c'est possible que ce soit vers un statu quo ou vers une
réorientation.
Le Président (M. Marquis): Merci beaucoup.
M. Tremblay: Juste une dernière question.
Le Président (M. Marquis): La dernière, quinze
secondes.
M. Tremblay: Une dernière observation. Vous savez que,
lors des audiences publiques de 1982, où le ministère avait
déposé son plan d'aménagement, la loi actuelle a fait
qu'il y a eu très peu d'interventions à ces dernières
audiences sur les points que vous touchez présentement, des sentiers,
par exemple, qui étaient déjà marqués. Je ne pense
pas qu'il y ait eu de modifications importantes au parc ou de nouvelles pistes
de faites depuis 1982. Très peu de personnes, à cause du
mécanisme de consultation, sont venues dire ces choses, lesquelles
m1 apparaissent importantes; c'est ce que vous
dites aujourd'hui. La loi actuelle, à mon avis, a cette
très grande faiblesse, c'est qu'elle déplace les discussions pour
les amener au simple point de vue presque philosophique quand on devrait
être au point de vue un peu plus pratique.
Le Président (M. Marquis): C'est une observation? Alors,
merci beaucoup à Mme Lalonde et à M. Hamelin pour leur
présence et leurs témoignages apportés devant cette
commission.
M. Hamelin: Merci, messieurs. Mme Lalonde (Danielle):
Merci.
Le Président (M. Marquis): La commission suspend ses
travaux jusqu'après les affaires courantes, c'est-à-dire vers 16
heures.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise à 16 h 23)
Le Président (M. Marquis): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de l'aménagement et des équipements
reprend ses travaux, avec le mandat d'entendre des organismes lors d'une
consultation particulière sur le projet de loi 13, Loi sur les parcs
nationaux. Nous invitons immédiatement les représentants du
Comité de protection du mont Saint-Bruno à se présenter
pour se faire entendre, s'il vous plaît.
Alors, il doit y avoir M. Jean-Guy Gaudette, le président,
à qui nous souhaitons la bienvenue. Nous lui demandons de
présenter les personnes qui l'accompagnent. M. Gaudette.
Comité de protection du mont
Saint-Bruno
M. Gaudette (Jean-Guy): À ma gauche, il y a Me Campeau,
qui agit en tant que procureur du comité. À ma droite, se trouve
Mme Elizabeth Chénier, qui est la secrétaire du Comité de
protection du mont Saint-Bruno.
M. Campeau (Jean-Guy): Alors, au nom du Comité de
protection du mont Saint-Bruno, nous voudrions d'abord remercier
l'Assemblée nationale pour l'occasion qu'elle nous donne de venir
exprimer notre point de vue sur les amendements importants proposés par
le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche à la Loi sur
les parcs.
Il est évident que toute modification au cadre légal
préoccupe grandement notre comité, ainsi que le nombre
impressionnant de personnes et d'associations (104 au total) qui sont venues
témoigner leur attachement à cette composante de notre patrimoine
naturel que constitue le mont Saint-Bruno. On se réfère ici aux
audiences de décembre 1982 quant à la classification, à la
vocation et aux limites du parc du Mont-Saint-Bruno.
Il y a lieu de rappeler ici que plusieurs des organismes qui ont
souscrit aux objectifs de notre comité, lors des audiences publiques
tenues en 1982 par le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche de
l'époque, l'honorable Guy Chevrette, ont une envergure régionale
ou provinciale et qu'il s'agit d'organismes à caractère non
seulement écologique, mais également social, économique et
même politique. Les luttes au sujet de l'avenir de cette montagne se sont
d'ailleurs succédé depuis les dix dernières années
et ces luttes se poursuivront, indépendamment du cadre légal,
tant et aussi longtemps qu'il subsistera des menaces en ce qui concerne son
avenir.
Nous désirons faire remarquer ici que l'Association des
biologistes du Québec, qui a eu l'occasion de témoigner avant le
Comité de protection du mont Saint-Bruno, avait d'ailleurs
déposé un mémoire lors de ces audiences. II est bien
apprécié que l'Assemblée nationale ait reconnu
l'importance de cet organisme en l'invitant aux présentes audiences. Il
y avait aussi l'Association québécoise des groupes
d'ornithologues Inc., qui avait déposé un mémoire; ils
sont aussi invités aux présentes audiences. Il y a eu d'autres
organismes aussi, qui ont d'autres caractères, comme la Chambre de
commerce du Québec qui s'était prononcée en faveur de la
conservation; des associations politiques comme les associations
libérales des comtés de la rive sud, ainsi que l'Association du
Parti québécois pour le comté de Chambly, laquelle avait
une résolution des autres associations de comté de la rive sud du
Parti québécois favorisant la conservation. Plusieurs clubs
d'horticulture, des cercles de fermières, des commissions scolaires, des
associations sociales, mère-enfant, etc., se sont prononcés lors
de ces audiences; en somme, beaucoup de personnes.
Il va sans dire que, même si l'avenir du mont Saint-Bruno nous
préoccupe tout particulièrement, nous sommes conscients des
répercussions du projet de loi 13 sur l'ensemble des parcs qui sont de
juridiction provinciale. Il va sans dire également qu'un cadre
légal mieux adapté est, pour nous, de la plus haute importance et
c'est avec de vives inquiétudes que nous avons pris connaissance du
projet de loi 13.
Dans un premier temps, nous nous proposons donc de vous faire part de
nos inquiétudes. Nous avons aussi l'intention de signaler ce qui nous
semble des améliorations par rapport à la loi actuelle. Nous
terminerons, finalement, en vous faisant des propositions sur d'autres
améliorations que
nous souhaiterions voir apporter à la loi actuelle, car il nous a
semblé qu'il serait de beaucoup préférable de bonifier la
loi actuelle que de la remanier d'une façon aussi fondamentale. Cette
loi, malgré 8es faiblesses, est de beaucoup préférable au
projet de loi 13, à notre avis.
Nous nous sommes, d'ailleurs, demandé ce qui a incité le
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche à modifier d'une
façon aussi radicale cette loi et nous espérons bien, dans le
cadre de cette commission, recevoir des éléments de
réponse valables à cette question. Ce point a, d'ailleurs,
été mentionné ce matin, lors des discours
d'introduction.
Le titre même de la loi. Le titre prévu est "Loi sur les
parcs nationaux". Ce titre porte à confusion. Le gouvernement
fédéral exploite déjà des parcs qui portent le
qualificatif de national. Il y aurait donc lieu de trouver pour les parcs de la
province un qualificatif qui tienne compte de cette réalité. De
toute façon, partout dans le monde, pour qu'un parc mérite le
qualificatif de national, il doit habituellement avoir pour objectif
prioritaire d'assurer la protection permanente d'un site représentatif
d'une région naturelle ou d'un site à caractère
exceptionnel. Si le législateur retenait cette dénomination, nous
soutenons qu'elle ne devrait s'appliquer qu'aux parcs de conservation ou
à vocation de conservation. Un parc de récréation ne
mérite donc pas l'épithète de parc national et, sur ce
point, je crois que nous rejoignons les représentations qui vous ont
été faites par les représentants de l'Association des
biologistes du Québec.
Le projet de loi contient aussi des notes explicatives. Dans ces notes,
-il est fait état de trois types de parcs, à savoir des parcs
nationaux, des parcs régionaux et des parcs urbains. Cependant, les
critères qui devraient permettre d'établir si un parc a un
caractère national, régional ou urbain ne sont définis
nulle part dans la loi. La loi devrait être plus explicite à ce
sujet et définir clairement ce que le législateur entend par parc
national, parc régional ou parc urbain. Il devrait également
être clairement établi qui pourrait être propriétaire
et exploiter chaque type de parc.
Nous ne sommes pas sans savoir que certains intervenants dans ce
débat sont d'avis que la définition de parc national qui devrait
être retenue est celle qui a été adoptée par l'Union
internationale pour la conservation de la nature en 1969, comme on l'a vu ce
matin dans le cadre de la présentation de l'Association des biologistes
du Québec. Nous croyons que c'est une excellente suggestion.
Si l'on en croit les déclarations d'un haut fonctionnaire du
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche,
rapportées dans la revue L'Actualité en août 1984, il
serait raisonnable de penser qu'un parc régional correspondrait alors
à un parc de récréation tel que défini dans la Loi
sur les parcs. Cela étant dit, nous désirons faire
immédiatement la mise au point suivante. Si le législateur
adoptait la définition de l'UICN, ceci ne devrait pas être un
prétexte pour le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche de déclarer, une fois cette définition
acceptée, que le parc du Mont-Saint-Bruno ne répond pas aux
critères d'un parc national et que l'épithète
"régional" lui conviendrait mieux. Ce serait le comble du cynisme,
surtout après que notre député, le député de
Chambly, eut tenu des audiences publiques en février dernier pour
connaître l'opinion de la population locale sur les amendements qu'elle
souhaiterait voir apporter au projet de loi 13 pour mieux protéger le
mont Saint-Bruno et après que les plus hauts représentants du
ministère eurent accusé notre comité de mener une guerre
d'épithète ou une querelle de sémantique.
En passant, nous prenons bonne note de la mention faite par le
député de Chambly, ce matin, è savoir qu'il verrait d'un
bon oeil ce qu'il a coiffé du titre de parc national du
Mont-Saint-Bruno. Nous ne savons pas s'il s'agit d'une déclaration
d'intention de la part du gouvernement ou si le ministre endosse ces propos,
mais c'est quand même une mention qui a des conséquences.
Nous osons croire, d'ailleurs, que l'étude sur la faune
ailée du mont Saint-Bruno, qui a été commandée par
ce ministère - étude, en passant, qui aurait dû être
faite avant qu'une décision soit prise sur la vocation du parc, selon
nous - lui permettra de porter un jugement mieux éclairé sur la
valeur intrinsèque de ce milieu et qu'elle lui permettra
également d'arriver à la même conclusion que les experts de
notre comité, à savoir que cette montérégienne est
plus riche écologiquement que ses voisines et qu'en conséquence
elle est représentative de cette région naturelle. Si on examine
le document contenant la politique du ministère, cela correspondrait
à la région connue sous le vocable L 9.
Quant aux autres points du préambule, il en est question dans des
articles spécifiques de la loi et nous en reparlerons en commentant ces
articles.
Nous aimerions maintenant nous attarder aux articles principaux du
projet de loi, soit les articles 1 et 3 du projet de loi 13; vous pouvez aussi
ajouter l'article 4. Comme il a été mentionné ce matin,
nous nous interrogeons quant aux motifs qui inspirent le ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche à vouloir modifier les articles 1 et 3 de
la Loi sur les parcs par les articles 1, 3 et 4 de la Loi sur les parcs
nationaux. Nous pouvons avoir de bonnes idées quant à ce qui peut
motiver le
ministre, mais puisque ce n'est pas toujours défini, ni
mentionné de façon claire, nous nous posons certaines autres
questions malgré tout.
La Loi des parcs provinciaux dans les Lois révisées de
1964 visait essentiellement à réglementer l'exploitation du parc
provincial des Laurentides, du parc provincial du Mont-Tremblant, du parc
provincial de la Gaspésie et du parc provincial du Mont-Orford sans
prévoir spécifiquement la création systématique de
nouveaux parcs.
Sous l'égide de l'honorable Yves Duhaime - je m'excuse pour la
correction qui doit apparaître au mémoire - une politique...
Pardon?
M. Côté: M. Léger, c'est des îles, pas
des parcs.
M. Campeau:... de création de nouveaux parcs fut
instaurée, des crédits furent alloués au ministère
à cette fin et une loi fut votée définissant les
critères et objectifs précis en vertu desquels de nouveaux parcs
seraient créés. Je suis en entier accord avec une telle loi.
Par sa définition des objectifs de récréation et de
conservation, cette loi permettait une définition claire des enjeux lors
de la création d'un parc et permettait à la population de bien
comprendre les intentions du gouvernement lors de la création d'un parc.
Dans de telles situations, il était alors loisible à la
population d'endosser ou de contester la décision gouvernementale, comme
nous le prouve la situation actuelle quant au parc du Mont-Saint-Bruno. On peut
aussi citer le cas du parc des îles-de-Boucherville où, dans ce
cas, à la grande majorité, il semble que la décision
gouvernementale ait été endossée par la population.
De plus, si on parle de la loi de 1977, en plaçant le
débat avec la population au niveau de la vocation ou de l'objectif
prioritaire du parc, la loi permettait d'éviter des débats
où des promesses politiques quant à des aménagements
particuliers pouvaient fausser les discussions et les interventions. Il
n'était pas question, dans ces cas, de parler d'instaurer soit un
hôtel, soit un terrain de camping, soit un aménagement particulier
qui pourrait intéresser certaines personnes et fausser le débat.
Nous prétendons que le débat était placé de
façon réelle, au bon endroit. Le débat portait alors sur
la vocation la plus apte à mettre en valeur un site donné
plutôt que sur la vocation la plus apte à rapporter des votes lors
d'une élection.
Si la loi de 1977 n'est pas assez rentable ou si elle est trop
coûteuse sur le plan électoral, nous prétendons que seule
la procédure de discussion avec la population devrait être
changée et non les principes fondamentaux sous-jacents à la loi
de 1977.
La fonction éducative d'un parc de conservation prévue
dans la loi actuelle a été éliminée dans le projet
de loi. Cette fonction, nous le soumettons, est primordiale puisque nos
populations sont de plus en plus sensibles à la qualité de leur
environnement. En conséquence, il devient de plus en plus
nécessaire de leur aménager des oasis de verdure où elles
pourront vraiment prendre conscience de la richesse des
écosystèmes qui les entourent et du rôle que jouent ces
derniers dans l'amélioration de leur bien-être. Elles seront par
le fait même plus conscientes de l'importance de protéger et de
mettre en valeur nos milieux naturels. Il faut comprendre que, dans un parc de
conservation, il y a des obligations qui sont imposées aux usagers, il y
a un certain respect de la nature qui est imposé, qui n'existe pas
toujours dans d'autres circonstances.
La notion de récréation extensive est aussi disparue du
projet de loi 13, ce qui ajoute à son imprécision et à sa
confusion. En effet, par cette notion, le législateur reconnaissait que
certaines activités n'avaient pas de place dans un parc dont l'objectif
prioritaire est la protection permanente du milieu. Sans cette balise, il n'y a
plus aucun critère qui limite les interventions du ministère dans
un parc. Sur ce point, nous rejoignons aussi les représentations qui
vous ont été faites par l'Association des biologistes du
Québec, ce matin.
Nous insistons pour que la notion d'objectif prioritaire, que l'on
retrouve à l'article 1 de la loi actuelle sur les parcs, soit maintenue
dans la nouvelle loi. On parle bien d'objectif prioritaire. Évidemment,
la classification obligatoire de conservation ou de récréation,
incluse à l'article 3 de la loi actuelle, doit se retrouver dans la
nouvelle loi - ici, nous faisons un aparté - à moins qu'un parc
national ne soit par définition un parc de conservation, selon la
définition de l'UICN.
Sur ce point particulier, nous nous réjouissons de la
déclaration du ministre, ce matin, à savoir qu'il vise
essentiellement à ce que la discussion avec la population porte
réellement sur les objectifs visés lors de la création
d'un parc. Nous sommes entièrement d'accord avec cette position. Ce que
nous soumettons, c'est que cette discussion doit porter sur des enjeux bien
définis, bien clairs et non pas sur des sujets où on ne cesse de
se courir après parce qu'on ne parle jamais de la même chose.
Dans ce dossier, on a beaucoup parlé de querelle de
sémantique. La vocation donnée à un territoire est loin
d'être une querelle de sémantique. La vocation conditionne a la
fois le plan de zonage, le plan d'aménagement, la réglementation,
les modes de gestion et les critères d'évaluation
des résultats obtenus après un certain nombre
d'années d'exploitation. C'est d'ailleurs pourquoi notre comité
souhaite un parc de conservation à Saint-Bruno, non pas pour le nom et
l'étiquette, mais pour les conséquences à long terme que
cette classification entraînera. Si le débat n'était qu'une
querelle de sémantique, comment pourrait-on expliquer la persistance des
citoyens bénévoles qui doivent peiner laborieusement depuis 1970
pour faire valoir leur point de vue?
D'autre part, nous ajoutons que, si c'était strictement une
question de sémantique, nous ne pourrions pas comprendre les raisons qui
ont empêché le ministère de procéder au
développement et à l'exploitation du parc du Mont-Saint-Bruno,
simplement parce qu'il aurait placé une étiquette qui n'aurait
aucune différence par rapport à une autre étiquette. Si le
ministère a choisi d'attendre avant de placer une étiquette,
c'est qu'il voyait une conséquence à l'application d'une
étiquette au mont Saint-Bruno.
De plus, on doit retrouver des parcs de conservation dans tous les types
de milieux naturels au Québec. Si l'homme a réussi à
domestiquer certains animaux et certaines plantes, s'il a réussi, par
des croisements, à créer des races avec des
caractéristiques bien spécifiques, il est loin d'avoir
réussi à domestiquer le monde des insectes et le monde des
micro-organismes. Ces animaux et ces plantes, qui ont souvent été
développés pour résister à certaines maladies ou
à certains insectes, perdent avec les années leur
immunité. Il faut sans cesse créer de nouvelles
variétés pour contrer ce phénomène.
Si, à la limite, nous vivions dans un monde entièrement
domestiqué, nous ne posséderions plus de réserves
génétiques pour créer de nouvelles races, réserves
que l'on ne peut retrouver que dans les milieux gardés à
l'état naturel. Il est donc essentiel de conserver des territoires qui
demeurent à l'état naturel, de façon à y
préserver notre potentiel génétique. C'est un rôle
essentiel que sont appelés à jouer les parcs de conservation et
oublier cette dimension serait une grave erreur et un manque flagrant de
clairvoyance qui pourrait avoir des conséquences désastreuses.
Notre jeunesse a compris ce besoin de nature et notre génération
actuelle a la responsabilité de ne pas consommer tout ce qui est
disponible autour des grands centres urbains pour satisfaire des besoins
à court terme.
Nous avons aussi remarqué d'autres lacunes flagrantes à
l'article 1 du projet de loi. Entre autres, on n'y retrouve plus la notion de
protection permanente qui a été discutée ce matin avec le
député de Charlesbourg. Il n'y a aucune définition de ce
que sont la protection et la mise en valeur d'un territoire à
protéger. On n'y donne aucune borne à l'intervention du
gouvernement et de ses fonctionnaires et on y laisse tout à leur
discrétion.
Nous croyons donc que le projet de loi devrait inclure cette notion de
protection permanente du milieu et introduire tout à la fois des balises
à l'action du gouvernement. Il y aurait ensuite lieu de prévoir
le mécanisme de consultation approprié qui éviterait au
gouvernement la nécessité, dans le cadre actuel, de payer le prix
politique d'une décision impopulaire, tout en permettant un dialogue
sérieux avec la population quant aux enjeux réels.
Quant à l'article 2, nous en reconnaissons le bien-fondé
et nous croyons qu'il est nécessaire.
Les articles 3 et 4 du projet de loi 13. Avec ce projet de loi qui ne
contient aucune notion de protection permanente et d'objectif prioritaire, l'on
pourrait se retrouver facilement dans la situation aberrante suivante: le
zonage d'un parc pourrait prévoir une zone de préservation du
milieu limitée à un espace très restreint où se
retrouve une espèce rare de faune ou de flore et créer autour de
cette zone des aménagements de plein air incompatibles. Par contre, un
objectif prioritaire bien arrêté - conservation ou
récréation - conditionne automatiquement, comme nous l'avons
déjà signalé, le plan de zonage. Comme nous l'avons
également signalé, une connaissance approfondie du milieu est
essentielle à l'élaboration d'un tel plan. En passant, nous
soulignons que le projet de loi ne prévoit rien à cet effet,
quant à l'élaboration d'un plan ou à la connaissance du
milieu avant l'élaboration d'un plan.
La loi actuelle a été suffisante pour classifier tout
récemment le parc des Îles-de-Boucherville, le parc du Bic et le
parc de la Yamaska. Nous trouvons étrange que l'on doive faire tomber
les distinctions fondamentales citées dans la Loi sur les parcs avant de
créer le parc du Mont-Saint-Bruno. Il est évident que cette
nouvelle loi viendra contrecarrer les résultats des audiences publiques
de 1982, à savoir, 104 mémoires favorisant la conservation.
Les articles 1 et 4 du nouveau projet de loi, tels que formulés,
sont trop flous et une version améliorée de l'article 3 de la loi
actuelle devrait remplacer ces articles.
L'article 4 de la loi de 1977 imposait un débat populaire et
limitait ce débat à trois sujets: le projet de créer un
parc, les limites du parc et la classification du parc. Les autres questions
étaient laissées à la discrétion
ministérielle qu'on retrouve à l'article 9 ou au pouvoir
judiciaire, à l'article 8. Le nouvel article 3 ne fixe pas assez bien le
cadre de l'audience publique et fait en sorte que les autorités
judiciaires auront un moins bon contrôle sur l'activité
gouvernementale. En effet, cet article consacre la tendance à
gouverner par règlement, selon l'humeur du gouvernement, au lieu de
gouverner par la loi, selon l'humeur de l'Assemblée nationale. Les
mécanismes de consultation qui avaient été promis par
l'honorable ministre Chevrette, dans l'éventualité où son
ministère voudrait amender le zonage, ne sont pas non plus prévus
dans le projet de loi.
L'article 5 du projet de loi qui demande au ministre de présenter
un plan d'aménagement devrait être amendé pour dire que le
ministre ou son représentant présentera des variantes
d'aménagement ou de zonage en fonction des deux vocations possibles pour
un parc. Nous avons eu à déplorer, lors des audiences sur les
limites et la classification du parc du Mont-Saint-Bruno, qu'une seule variante
ait été présentée en fonction d'un parc de
récréation. Les représentants du ministère se sont
ingéniés par tous les moyens à vendre cette variante et,
pis encore, à nous faire croire que le plan d'aménagement serait
le même, quelle que soit la vocation retenue,
Nous déplorons fortement cette attitude des représentants
du MLCP. À notre avis, plutôt que de donner l'impression de venir
consulter sur une décision qui semble avoir déjà
été prise, il serait de beaucoup préférable que ces
représentants informent la population des répercussions et des
conséquences des deux types possibles de parc et soumettent des
variantes d'aménagement en fonction de ces deux types. Autrement dit,
l'information diffusée avant les audiences ne doit pas prendre la forme
d'une campagne de publicité gouvernementale, mais favoriser la diffusion
des idées de ceux qui sont intéressés à la
question. D'ailleurs, nous désirons rappeler ici qu'il a
été admis, lors des audiences publiques, que le ministère
n'avait fait aucune étude de ce qui pourrait survenir quant à
l'impact sur le milieu, dans le cas de la création d'un parc de
conservation. Au surplus, aucune étude d'impact n'était
disponible lors des audiences publiques quant à l'implantation d'un parc
sur le mont Saint-Bruno. (16 h 45)
Devant l'attitude du MLCP avant les audiences de 1982, nous avons
dû nous appliquer à informer la population des enjeux
réels. Ceci a, d'ailleurs, donné une très grande
crédibilité à notre comité, ce qui s'est
confirmé par la nature, la qualité et le nombre impressionnant
des mémoires qui ont été déposés lors des
audiences. Au-delà des lois et des réglementations, il y a donc
lieu d'espérer une évolution des comportements dictée par
une évolution des mentalités et par un meilleur équilibre
entre le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et la
possibilité des citoyens d'influencer le processus
décisionnel.
Quant à l'article 5 de la loi actuelle, nous ne pouvons
comprendre pourquoi est disparu le premier paragraphe de cet article. L'article
disait: "Les terrains faisant partie d'un parc ne peuvent faire l'objet de
vente ou d'échange. " Il devrait donc se retrouver intégralement
dans le projet de loi.
Quant à l'article 6 du projet de loi, nous disons qu'on devrait
ajouter les mots qui apparaissent dans notre mémoire, à savoir:
"en autant que ces travaux soient conformes à l'objectif prioritaire et
au plan d'aménagement acceptés. "
De plus, nous ne pouvons comprendre pourquoi le troisième
paragraphe de l'article de l'ancienne loi a été biffé. Il
devrait se retrouver intégralement dans le projet de loi.
Nous avons pris note de la reformulation de l'article 7. Nous comprenons
que le législateur veut traiter dans des articles différents les
questions relevant de la chasse et de la pêche et les questions relevant
des autres formes d'exploitation du milieu. Au troisième paragraphe,
nous suggérons que le mot "opération" soit remplacé par le
mot "exploitation". À la dernière ligne, le mot
"déjà" devrait être ajouté entre les mots
"énergie" et "installés" pour limiter les exploitations permises
à celles qui auront été complétées au moment
de la création du parc.
Nous en venons ensuite à l'article 8 de la loi actuelle. On ne le
retrouve pas, quant à son deuxième paragraphe, dans le nouveau
projet de loi. La disparition du deuxième paragraphe de l'article 8 de
la loi actuelle va de pair avec les modifications proposées dans le
projet de loi 13 et auxquelles nous nous sommes opposés. Ce paragraphe
est fondamental puisqu'il limite les interventions du ministre en
deçà de la vocation donnée au parc et permet des recours
judiciaires contre un ministre qui passerait outre. Je souligne
immédiatement que, dans le document de politique des parcs
québécois qui a été publié par le
ministère, une erreur de reproduction de la loi se retrouve au
deuxième paragraphe de l'article 8 où le mot "culturel" devrait
être remplacé par le mot "naturel". Il devrait donc se retrouver
intégralement dans la nouvelle loi. Cet article, complété
par l'article 3, est celui qui consacre que le Québec et sa population
sont gouvernés par les lois de l'Assemblée nationale plutôt
que par les décrets du gouvernement.
L'article 10 du projet de loi. Nous comprenons par cet article que le
législateur veut confier la responsabilité de certaines
activités à des entreprises. Nous ne pouvons pas nous opposer
à une telle politique. Nous croyons cependant qu'une supervision
très étroite de ces activités devrait être
exercée pour éviter toute forme de mercantilisme ou autres abus
du genre qui n'ont pas leur place
dans un parc national digne de ce nom.
L'article 11 du projet de loi. À l'alinéa 2, nous
recommandons d'ajouter les mots suivants: "qui soient conformes à
l'objectif prioritaire du parc et qui tiennent compte des
caractéristiques morphologiques et biophysiques du milieu, telles que
déterminées par des études sérieuses. Tout projet
de changement du plan de zonage ou du plan d'aménagement devrait
être soumis à une comité formé des organismes
intéressés. " Évidemment, cela tient compte du fait que
nous sommes en faveur d'un objectif prioritaire. Nous avons remarqué
aussi que le mot "récréatif" a disparu de l'alinéa 12, ce
à quoi nous nous opposons pour les motifs invoqués
précédemment, à moins, comme mentionné plus haut,
que les parcs nationaux ne soient effectivement des parcs de conservation.
L'article 23, premier paragraphe. Étrangement, le
règlement adopté le 23 mars 1983, décret 567-83, cadre
tout à fait bien avec le projet de loi 13 puisqu'il ne tient pas compte
des différences fondamentales entre les notions de parc de conservation
et de parc de récréation. Nous avions d'ailleurs
dénoncé ce décret à l'époque.
Quant au deuxième paragraphe, il confirme dans les faits le
pouvoir qu'a le ministre de changer la vocation d'un parc et ceci, sans
consultation. C'est donc dire qu'un parc déjà classifié
parc de conservation perd son caractère et sera régi par les
mêmes règles que les parcs de récréation ou les
parcs sans objectif prioritaire. De même, un parc de
récréation, créé en vue d'en retirer des
bénéfices politiques, peut voir sa vocation changer et ceci, sans
consultation. Il est donc inacceptable que le ministre se donne le pouvoir de
changer la vocation d'un parc après qu'il y a eu consultation sous forme
d'audiences publiques.
Plus particulièrement, nous dénonçons les
représentations faites à la population depuis 1980 quant à
la vocation des parcs créés depuis cette date, alors que le
gouvernement envisageait déjà de modifier la loi selon le projet
de loi présentement à l'étude. Nous
dénonçons aussi le fait que tous les bénévoles qui
auront tenté de convaincre le gouvernement de la justesse de leurs
opinions lors des débats épiques au sujet du mont Tremblant, du
mont Orford et du mont Saint-Bruno verront leurs efforts réduits
à l'inutilité puisqu'en vertu de l'article 23 du projet
proposé le ministre aura toute latitude pour donner libre cours à
son imagination et à ses besoins politiques immédiats.
Nous avons des propositions à faire pour améliorer la loi.
Nous ne voyons aucun avantage aux changements fondamentaux apportés par
le projet de loi 13 à la Loi sur les parcs. Bien au contraire, ce
projet, selon nous, constitue un recul inacceptable. Par contre, les
améliorations suivantes devraient être apportées à
la loi telle qu'elle existe présentement: 1. Améliorer le
processus de consultation. L'une des lacunes les plus flagrantes de la loi
actuelle est la position de juge et de partie du ministre. Un processus
similaire à celui du BAPE, du ministère de l'Environnement
devrait être instauré. 2. Toute modification au plan de zonage ou
au schéma d'aménagement devrait être soumise au processus
de consultation. Ceci éviterait la répétition de
situations comme celle qui s'est produite au mont Tremblant. 3. Tel que
mentionné dans nos commentaires à l'article 5, il y a lieu de
modifier cet article de façon que des variantes d'aménagement
soient présentées en audiences, en fonction des deux objectifs
possibles. La loi devrait également exiger des études
biophysiques et d'impact sérieuses avant que soit
présentée la proposition du ministère, ce qui n'a pas
été fait, du moins dans le cas du mont Saint-Bruno.
Nous retenons des discussions de ce matin avec l'Association des
biologistes du Québec que l'accessibilité au public est une
nécessité dans le cas des parcs dans la mesure, cependant,
où on assure la protection du milieu relativement à ce nouvel
achalandage dans ce cadre biophysique.
Il est inacceptable que ceux qui ont l'intention de procéder
à une intervention d'envergure sur le territoire soient soumis à
des études d'impact alors que certains ministères en sont
exemptés. 4. Reconnaître une valeur aux interventions en fixant le
délai en deçà duquel le ministre doit rendre sa
décision après les audiences publiques.
Ici, nous faisons remarquer que les audiences publiques ont eu lieu en
mai 1982 pour le mont Saint-Bruno et qu'une décision n'est pas encore
rendue. Cependant, au parc des Îles-de-Boucherville, la décision
est déjà rendue et les audiences ont eu lieu en même
temps.
Conclusion. Comme l'indique la teneur de notre intervention, nous
avons de sérieuses réserves quant au projet de loi 13 tel que
formulé. C'est une loi habilitante qui donne des pouvoirs
discrétionnaires exorbitants au ministre et à ses fonctionnaires.
Compte tenu de ce qui s'est passé aux audiences de décembre 1982,
il est évident que le dossier du parc du Mont-Saint-Bruno n'est pas
étranger aux amendements proposés, tel qu'il a été
admis ce matin.
En conséquence, au nom de 104 des 119 intervenants qui se sont
donné la peine de participer au processus de consultation lors des
audiences, nous demandons instamment
au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche que soit
respecté leur voeu en faveur d'un parc de conservation et que la loi ne
soit pas amendée de façon à lui permettre de passer outre.
Si le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche tenait absolument
à donner au parc du Mont-Saint-Bruno une vocation
récréative, nous recommandons que ce territoire soit
transféré sous la juridiction du ministre de l'Énergie et
des Ressources. Cela pourrait, dans de telles circonstances, éviter un
certain embarras politique au ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche. Ce ministère pourrait alors confier ce territoire à
son service de l'éducation à la conservation pour qu'il en fasse
un centre d'interprétation. Ce transfert serait d'autant plus
souhaitable que les centres d'interprétation administrés par ce
ministère sont loin des bassins importants de population. Ce territoire
pourrait aussi être transféré sous la juridiction du
ministère de l'Environnement qui pourra sans aucun doute prévoir
une utilisation du site qui soit plus compatible avec sa valeur
intrinsèque.
L'une ou l'autre de ces solutions serait intéressante puisque,
d'une part, ceci rendrait inutiles les amendements proposés è la
Loi sur les parcs qui sont préjudiciables à l'ensemble des parcs
du Québec. D'autre part, ceci éviterait au MLCP d'oeuvrer dans un
domaine qui semble avoir peu d'intérêt pour lui, à savoir
la fonction éducative d'un parc. Il semble évident que
l'intérêt de ce ministère se porte davantage sur
l'exploitation et la gestion des éléments de notre faune qui sont
propices à la chasse et à la pêche. Une autre solution plus
globale serait de transférer tous les parcs nationaux, tel
qu'envisagé, sous la juridiction du ministère de l'Environnement.
À bien y penser, est-ce trop demander à un ministère dont
la mission est de s'occuper de loisir, de chasse et de pêche
d'administrer des parcs que l'on veut coiffer de l'épithète de
"national"? Merci!
Le Président (M. Marquis): Alors, merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Brassard: M. le Président, je voudrais remercier le
Comité de protection du mont Saint-Bruno d'avoir accepté de
participer à cette consultation particulière de la commission
parlementaire sur l'aménagement et lui indiquer, dès le
départ, que les propositions d'amendement contenues dans son
mémoire seront étudiées sérieusement et certaines
suggestions probablement retenues. En particulier, j'indique tout de suite que,
sur la question de l'objectif d'éducation dans les parcs nationaux du
Québec - les biologistes en ont parlé ce matin, on en parle de
nouveau cet après-midi - j'avais indiqué, ce matin, que les
programmes d'interprétation de la nature, les programmes
éducatifs dans les parcs nationaux m'apparaissaient essentiels.
C'était déjà essentiel dans le passé; cela va
continuer de l'être dans l'avenir. C'est une des fonctions fondamentales
d'un parc d'éduquer le public, la population à mieux
apprécier, à mieux protéger, à mieux
connaître aussi les milieux naturels.
Par conséquent, je vais mettre un terme immédiatement
à toute ambiguïté là-dessus. On apportera un
amendement au projet de loi pour dissiper tout malentendu et tout procès
d'intention là-dessus, pour éviter que les accusations ne se
multiplient, ne continuent. Elles sont absolument non fondées, elles
sont injustifiées. Il est bien évident qu'un parc national, cela
doit viser des objectifs éducatifs essentiels; donc, on le retrouvera
sous forme d'amendement dans le projet de loi actuel pour mettre un terme,
ainsi, à toute ambiguïté, a tout malentendu sur ce
sujet.
Cela étant dit, comme remarques générales à
votre mémoire, je pourrais citer toute une série de phrases et de
paragraphes, en particulier la conclusion, l'introduction mais l'on retrouve
des éléments un peu partout dans votre mémoire. Pour
quelqu'un qui lit votre mémoire - en tout cas, c'est comme cela que je
réagis après la lecture de votre mémoire - la conclusion
générale à laquelle il arrive est très claire: il
est évident que- votre comité n'a absolument aucune confiance ni
dans le ministre, ni dans le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, ni dans la Direction générale des parcs, ni dans
chacune des directions de chacun des parcs du Québec. En d'autres
termes, quand on lit votre mémoire, la conclusion m'apparaît
très claire, c'est que le gouvernement du Québec, le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui est
responsable de l'établissement d'un réseau de parcs au
Québec, les fonctionnaires à l'intérieur de ce
ministère qui ont pour fonction de gérer et de prévoir
l'établissement de parcs au Québec, les ministres successifs
à la tête de ce ministère, il faut absolument ne pas faire
confiance à tout ce monde en matière de conservation des milieux
naturels, en matière d'établissement d'un parc, en matière
de protection de sites exceptionnels ou de milieux naturels
représentatifs du Québec. Quand on lit votre mémoire et
après vous avoir entendus, il y a visiblement une question de confiance
très évidente et très flagrante. Il est bien clair que je
ne pourrai pas, quant à moi - je pourrais peut-être faire des
efforts, mais cela m'apparaît vain d'essayer - restaurer cette confiance.
Il me semble qu'elle est totalement absente. (17 heures)
Je vous dis, en partant, que ce n'est pas justifié. Cela ne fait
pas très longtemps que j'assume la direction du ministère,
mais
suffisamment pour dire que la Direction générale des parcs
et réserves à l'intérieur du ministère du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche accomplit une excellente besogne en
matière de gestion des parcs, en matière de prévisions de
création de parcs et qu'on ne peut absolument pas mettre en doute son
souci et sa préoccupation de protéger le milieu naturel, les
sites exceptionnels, naturels, au Québec. C'est le point de vue que
j'exprime et que j'ai rapidement adopté après peu de temps
passé à la tête de ce ministère. On peut être
d'un avis différent, j'en conviens. On peut avoir un point de vue
différent, mais c'est celui que j'ai adopté peu de temps
après avoir accédé à la tête du
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
Cela étant dit, quelques questions tout de même. Vous
attachez beaucoup d'importance au maintien de la classification et,
forcément, vous faites allusion à un dossier qui vous
intéresse d'une façon très légitime, celui du parc
du Mont-Saint-Bruno. Partant de ce dossier-là, vous affirmez qu'il faut
maintenir la classification actuelle: parc de conservation, parc de
récréation. Pourtant, vous soulignez - fort justement, d'ailleurs
- que les audiences publiques, la consultation de la population doivent porter
sur les véritables enjeux, que ces enjeux doivent être bien
définis. En d'autres termes, il faut que les objectifs qu'on vise en
créant un parc soient bien précisés, que les intentions
d'aménagement soient également bien connues, que le zonage aussi,
par conséquent, soit également connu, car on ne peut pas
aménager sans avoir une bonne idée du zonage du parc et,
là-dessus, vous avez raison. C'est là-dessus que le débat
doit porter.
Il y a une question qui m'est venue à l'esprit en vous
écoutant, surtout en écoutant vos commentaires sur votre
expérience concernant le mont Saint-Bruno. Supposons que, demain matin,
on vote un décret qualifiant le parc du Mont-Saint-Bruno de
conservation. On dit: Bon, voilà, c'est un parc de conservation selon la
classification de la loi actuelle. C'est un parc de conservation, le parc du
Mont-Saint-Bruno, ce que vous souhaitez, contrairement aux intentions du
ministère à l'origine qui étaient de dire: Ce sera un parc
de récréation. Étant donné que vous attachez
beaucoup d'importance à la classification, voici la question que je vous
pose: Dans le cas du mont Saint-Bruno, si on faisait cela, si on disait: Ce
sera un parc de conservation, ce serait quoi, la différence,
concrètement, sur le plan pratique, sur le terrain? Cela changerait
quoi, par exemple, au plan d'aménagement du mont Saint-Bruno, de
façon substantielle? Qu'est-ce qui changerait?
Si c'est tellement majeur de conserver ces étiquettes, cette
classification, cela veut donc dire que choisir l'un ou l'autre a des
conséquences considérables sur ce qu'on fait dans le parc. Or, le
plan directeur d'aménagement du mont Saint-Bruno est connu. II est connu
de tous ceux qui s'y intéressent. Par conséquent, si demain matin
on disait: Bon! Très bien, c'est un parc de conservation, vous
changeriez quoi dans le plan directeur d'aménagement, de façon
substantielle? Cela pour voir s'il y a vraiment une différence
fondamentale entre les deux types de classification.
M. Campeau: M. le Président, j'aimerais d'abord
répondre au premier commentaire quant à la question de confiance.
Je désirerais faire remarquer à l'honorable ministre qu'en 1981
c'est à la demande du Comité de protection du mont Saint-Bruno
que le dossier a été confié au ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche en qui le comité avait assez confiance en
1981 pour lui demander de prendre charge de son dossier. C'est à la
suite des audiences publiques, au cours desquelles 104 intervenants sur 119 se
sont prononcés en faveur de la conservation, opinion qui n'a pas
été suivie par le ministre, que la question de confiance s'est
peut-être soulevée. Mais, au début, la confiance
était là. La question de confiance, je vous le soumets
respectueusement, dépend strictement d'une question
d'expérience.
Quant à la question de la classification, avant d'entreprendre
son action, le Comité de protection du mont Saint-Bruno a
commencé par demander une opinion juridique pour savoir quel
était le meilleur moyen d'action pour assurer la conservation de ce qui
existait sur le mont Saint-Bruno. En examinant la Loi sur les parcs, il est
apparu évident que, si le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche acceptait de donner une vocation de conservation au parc du
Mont-Saint-Bruno, à partir de ce moment-là, toutes les
activités du ministre pourraient être suivies par le Comité
de protection du mont Saint-Bruno et, dans les cas où les discussions ne
seraient pas suffisantes, elles pourraient même être soumises aux
tribunaux en vertu de l'article 8, paragraphe 2: "Celui-ci - en parlant du
ministre - peut autoriser la mise en marche du projet, quel qu'il soit,
à la condition que la réalisation de ce projet continue d'assurer
la conservation du milieu naturel ou le maintien du potentiel
récréatif suivant l'objectif prioritaire du parc. "
Puisque cet article assurait des recours aux citoyens face aux actions
gouvernementales après qu'une décision gouvernementale eut
opté pour un objectif prioritaire de conservation, il s'agissait alors
du meilleur moyen pour les citoyens de s'impliquer dans la gestion de leur
milieu, la protection de leur patrimoine et la protection du patrimoine
national que nous
avons à cet endroit. Ce sont les raisons qui, à ce
moment-là, ont poussé le Comité de protection du mont
Saint-Bruno à demander que des audiences publiques soient tenues,
après que le ministre aurait opté pour soit la
récréation, soit la conservation en vertu de la loi.
Vous pourrez demander en quoi cela pourrait changer les
aménagements demain. Quels que soient les aménagements demain,
chacun de ceux-ci serait alors sujet à discussion et à
révision, alors que tant que vous n'avez pas donné ce qu'on
appelle communément une épithète à la vocation de
ce parc il n'existe aucun recours, aucun moyen pour les citoyens de discuter
sur une base solide avec les représentants gouvernementaux. C'est pour
cela, M. le ministre, que depuis le mois de décembre 1981 il est
demandé instamment au ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche de prendre position de façon finale dans ce dossier
favorisant la conservation.
D'autre part, quand le ministère aura pris une position finale de
ce côté, nous sommes convaincus qu'il sera possible d'aller de
l'avant avec les projets qui sont déjà dans les tiroirs du
ministère. La question qui se pose, c'est la suivante: Le
ministère indique qu'il ne s'agit que d'une guerre
d'épithètes. S'il ne s'agissait que d'une guerre
d'épithètes, le ministère n'aurait qu'à dire: C'est
un parc de récréation et allons de l'avant. Vous savez
très bien que, dans la mesure où le ministère dira que
c'est un parc de récréation, il devra en subir le contrecoup
politique: 104 intervenants ont requis du ministre une épithète
de conservation. Si, d'autre part, le ministre va du côté de la
conservation, à ce moment-là, je suis certain que le
ministère est conscient des conséquences de l'article 8 et
peut-être que ces projets, qui sont présentement dans les tiroirs
du ministère, ne pourront pas être facilement mis en oeuvre.
Nous prétendons que c'est là le dilemme auquel fait face
le ministère et en vertu duquel il n'a pas pu, jusqu'à
présent, classifier le parc du Mont-Saint-Bruno à titre de parc
de récréation ou de conservation alors qu'il a pu le faire dans
des cas autres, comme le parc des Îles-de-Boucherville.
Le Président (M. Marquis): M. le ministre.
M. Brassard: Oui.
Une voix: Est-ce qu'il y a d'autres questions?
M. Brassard: Ce n'est pas moi qui ai présidé ces
audiences publiques, c'est mon prédécesseur, mais on m'a
informé que, pour ce qui est du plan directeur d'aménagement du
mont Saint-Bruno l'ensemble des intervenants, sinon tous les intervenants
avaient exprimé que le concept d'aménagement et le plan
d'aménagement prévus leur convenaient. En tout cas, c'est
l'information que j'ai. Vous pouvez l'infirmer ou la confirmer, mais je vous
dis que, sur le concept d'aménagement et sur le plan directeur
d'aménagement qui ont été présentés à
l'occasion des audiences publiques, il s'était dégagé un
large consensus parmi les intervenants pour dire: Cela a du bon sens comme
concept d'aménagement. Mais le débat portait sur la
classification.
M. Campeau: M. le Président, sur cette question, le
mémoire déposé par le Comité de protection du mont
Saint-Bruno était très clair. Ce mémoire indiquait: La loi
nous oblige à ne traiter que des questions suivantes: la création
d'un parc, la modification de ses limites ou sa classification. En
conséquence, le comité a refusé de discuter des
aménagements puisqu'il ne faisait pas partie, en vertu de la loi, des
attributs donnés au ministre lors de telles audiences publiques de
discuter des aménagements qui peuvent avoir lieu dans de telles
circonstances. D'ailleurs, je me rappelle vos commentaires de ce matin selon
lesquels il serait avantageux d'inclure, maintenant, dans la loi la
possibilité de faire de telles discussions.
Cependant, dans le cas de certains intervenants, oui, il y a eu des
discussions quant aux aménagements. Nous vous disons que ces discussions
devraient être reprises pour permettre aux gens qui se sentiront alors
bien placés pour le faire, dans le cadre d'un débat,
d'émettre leur opinion quant aux aménagements, ce que le
comité n'a pas fait lors des audiences de 1982, ainsi que d'autres
intervenants. Je crois que le président du Comité de protection
du mont Saint-Bruno, M. Gaudette, aurait aussi quelques éléments
de réponse à vous donner sur cette question.
M. Gaudette: Oui, M. le ministre. Je crois que, quand on parie de
vocation et quand on parle d'aménagement dans un parc ou de plans
d'aménagement, on se situe à deux niveaux très
différents. Je crois qu'il est très facile pour une population de
profanes comme votre tout dévoué, ici, de saisir,
peut-être, l'enjeu en ce qui concerne la vocation d'un parc, soit la
conservation, soit la récréation, parce que cela peut
répondre à des connaissances assez générales du
milieu. Mais si on veut parler de plans d'aménagement, cela
nécessite absolument -surtout dans le cas d'un parc de conservation -
des études biophysiques sérieuses. Quand je dis qu'on parle sur
un plan différent, c'est qu'à ce moment, pour discuter de
façon sérieuse d'aménagement, cela devient un travail
d'experts: des biologistes et autre
personnel de formation professionnelle qui, eux, peuvent
réellement discuter de différentes variantes d'aménagement
en fonction du potentiel et des caractéristiques du milieu. C'est ce que
des profanes qui vont en audiences publiques pour discuter de la vocation n'ont
pas. C'est facile, à ce moment, de demander à des profanes, en
leur montrant une belle feuille en couleur, s'ils sont d'accord ou pas avec cet
aménagement. Des fois, c'est plus difficile pour ces gens de
réellement apprécier l'impact ou les résultats à
long terme sur le milieu des aménagements proposés.
Il y a aussi le fait qu'on s'en tient, jusqu'à maintenant,
à parler strictement d'aménagement. Il y a une autre chose aussi
qui est très importante, c'est la façon dont le parc sera
géré. Comme on l'a dit, d'ailleurs, la question de la vocation,
cela a un impact aussi sur les modes de gestion du parc. Si on a un parc de
conservation, je crois qu'on sera beaucoup plus conscient des
répercussions que les activités qui pourront avoir lieu dans le
parc auront sur cet environnement. Si on a un parc de récréation,
on sera beaucoup moins soucieux de la valeur, des qualités ou des
caractéristiques du milieu. C'est, d'ailleurs, très bien
défini dans votre politique où l'on dit très clairement
que, dans un parc de récréation, on pourra tolérer des
accommodements qui sont indéfendables dans un parc de conservation.
Dans quelques années, lorsqu'on voudra évaluer les
résultats obtenus, les critères ou la vocation qu'on aura
donnés au parc seront très importants. À ce moment, on
parlera, si on a un parc de conservation, de la façon dont le milieu a
pu être restauré et remis en valeur alors que, si on parle d'un
parc de récréation, on mettra surtout l'emphase sur les
populations qu'on a pu desservir, sur le nombre de personnes qui ont
fréquenté le parc. À ce moment, les critères
d'évaluation sont différents suivant qu'on ait un type de parc ou
l'autre.
Le Président (M. Marquis): Dernière question, M. le
ministre. (17 h 15)
M. Brassard: M. le Président, j'aurais une dernière
question relativement aux audiences publiques. Dans votre mémoire, vous
indiquez que les articles du nouveau projet de loi concernant les audiences
publiques ne fixent pas suffisamment bien le cadre de ces audiences. Pourtant,
en tout cas, j'ai le sentiment, j'ai même la conviction qu'on
précise davantage le cadre par rapport à la loi actuelle dans le
sens, par exemple, que dans l'article 5 on doit présenter les intentions
d'aménagement, ce qui n'apparaît pas du tout dans la loi actuelle.
On indique aussi que, dans le cas de l'établissement d'un parc, les
objectifs que l'on vise doivent être rendus publics, connus et doivent
faire l'objet d'audiences publiques. J'aimerais savoir dans quelle mesure vous
considérez que dans le projet de loi les audiences publiques sont moins
bien encadrées que dans la loi actuelle.
M. Campeau: Alors, M. le Président, je vais
répondre à M. le ministre. Une des questions à discuter
lors des audiences publiques en vertu du nouveau projet de loi 13, c'est des
objectifs. Or, je crois que les représentants de l'Association des
biologistes du Québec ont été très clairs ce matin:
pour eux, il était pratiquement impossible de définir des
objectifs précis, conformément à l'article 1 du projet de
loi 13, plus particulièrement quand on dit, au bas de l'alinéa
2°: "Le décret établissant un parc national doit
spécifier pour lesquels de ces objectifs il est établi. " Il y a
seulement deux objectifs qui sont mentionnés dans la loi. Si on dit
"lesquels", je m'attends fortement à ce que la création d'un parc
soit faite pour les objectifs suivants, et je cite: 1° protéger et
mettre en valeur un site naturel à caractère exceptionnel ou un
territoire représentatif d'une région naturelle, selon le choix
qu'on prendra; 2° favoriser la pratique d'activités de plein
air.
À partir de ces deux objectifs spécifiés lors de la
création d'un parc, comment voulez-vous avoir une discussion bien
encadrée dans de telles circonstances? Rien n'engage le
ministère, ni le ministre, ni le gouvernement à aller dans un
sens particulier, à respecter un cadre fixe ou une avenue
particulière d'exploitation et rien, par la suite, ne permet aux gens de
discuter d'un changement d'azimut qui aurait pu être choisi par le
ministère dans l'exploitation après les audiences publiques.
Rien.
Je reconnais avec vous qu'il pourrait être avantageux de discuter
des aménagements qui sont prévus pour un parc lors d'audiences
publiques, ce que nous avons déjà mentionné dans notre
mémoire. Cependant, comme vous le mentionnait M. Gaudette, il serait
important aussi de tenir compte du fait que seuls des spécialistes
peuvent se prononcer de façon adéquate sur des
aménagements précis. Il ne faudrait pas, sur une base qui
pourrait être démagogique -et là, je ne parle pas d'un
parti en particulier ou de quoi que ce soit; je parle de situations qui peuvent
survenir dans n'importe quel cas - dire: Vous avez eu l'occasion de discuter
des aménagements spécifiques prévus pour ce parc et vous
ne l'avez pas fait. Si les gens ne se considèrent pas compétents
pour le faire ou n'ont pas les expertises requises à ce
moment-là, il faudrait quand même bien comprendre ce
fait-là. Si les gens ont plutôt opté pour s'adresser au
ministre qui préside les audiences sur la question des objectifs qui
sont en jeu, je crois que c'est aussi un autre choix qu'il faut
respecter. Mais nous ne sommes pas contre le fait de discuter des
aménagements sauf, évidemment, dans la mesure où ce qui
est survenu lors des audiences du parc du Mont-Saint-Bruno pourrait survenir.
Il y avait, à ce moment-là, des gens qui voulaient discuter des
aménagements pour la raison simple que c'était le seul moyen de
s'exprimer en ne parlant pas des objectifs prioritaires. Les gens qui voulaient
appuyer la décision ministérielle d'un objectif de
récréation n'avaient pas le droit, en vertu de la loi, d'aller
présenter un mémoire au ministre et le seul moyen qu'ils ont
choisi était de discuter des aménagements. II ne faudrait pas que
cela serve à toutes les sauces. Quand on discute des objectifs, qu'on
classifie les questions très clairement, qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté et que le débat soit très clair. Ensuite,
si on veut discuter des aménagements, on pourra en discuter, mais je
crois qu'il n'y a absolument rien qui empêche d'avoir des discussions qui
soient bien limitées et bien définies quant à la question
qui est en jeu.
Le Président (M. Marquis): M. le député de
Charlesbourg.
M. Côté: M. le Président, un premier
commentaire parce que, si je regarde l'heure, le temps presse. Je suis un petit
peu étonné que le ministre ait choisi de nous parler, dès
le départ, de cette confiance que les gens du comité n'auraient
plus envers le ministère. Je suis un peu étonné que cela
ait été la première remarque. Ce n'est pas le premier
domaine où vous perdez la confiance des gens. Dieu sait que dans
d'autres domaines vous faites des efforts surhumains en termes de
publicité et en termes de démarche, et même de
désaveu de vos principes essentiels de parti pour tenter de retrouver la
confiance des gens. Cela peut se faire dans d'autres domaines aussi.
M. Brassard: Aux prochaines élections.
M- Côté: Avec une ouverture d'esprit et certains
amendements à la loi, vous pouvez retrouver la confiance des gens du
milieu qui se sont battus pour protéger ce qui pour eux apparaissait
essentiel.
M. Gaudette, à la page 2 de votre document, au dernier paragraphe
avant le titre, vous dites: "Nous nous sommes d'ailleurs demandé ce qui
a incité le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche
à modifier d'une façon aussi radicale cette loi. " Vous dites:
J'espère bien qu'en cours de discussions on va finir par savoir ce que
c'est. Vous devez avoir des idées. Est-ce que ce n'était pas un
peu pour régler le problème du mont Saint-Bruno?
M. Gaudette: Juste un élément de réponse
à votre question, M. Côté. L'élément qui me
vient à l'esprit en premier, ce sont certaines déclarations d'un
député du caucus ministériel, à savoir que le
nouveau projet de loi 13 aurait pour objet de trouver une solution au
problème du mont Saint-Bruno, effectivement. C'est, d'ailleurs, ce qu'a
confirmé, je crois, le ministre ce matin. D'autres raisons qui, à
notre avis, auraient pu motiver la décision du ministre, c'est
peut-être les audiences de 1982 qui ont donné des résultats
sans doute très différents de ce que le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche du temps avait espéré. Maintenant, je
crois que nous sommes dans une situation assez privilégiée, en ce
sens que nous avons maintenant un nouveau ministre et je crois qu'il pourrait
facilement donner au parc du Mont-Saint-Bruno une vocation de conservation sans
être placé dans une impasse politique de la nature de celle
où pouvait se trouver le ministre du temps, lorsqu'il a annoncé
des audiences publiques.
Évidemment, une autre raison qu'on semble déceler dans les
motifs que le ministre aurait invoqués pour modifier la loi, c'est qu'il
semble qu'il veuille éviter de retomber dans une impasse similaire
à celle dans laquelle il est tombé dans le dossier du mont
Saint-Bruno. Une des façons d'éviter cette impasse serait de
limiter sérieusement les possibilités d'intervention des
citoyens. Cela pourrait aussi lui permettre d'avoir les coudées franches
dans ses intentions au niveau de tous les autres parcs du Québec. Ce que
nous souhaiterions, c'est que, plutôt que le ministre modifie la loi
d'une façon aussi radicale, il modifie simplement la procédure de
consultation pour éviter, justement, de tomber dans une impasse comme
celle qu'il a eu à vivre dans le dossier du mont Saint-Bruno.
M. Côté: Cela s'adresse aussi bien à M.
Campeau qu'è M. Gaudette. À la page 13, à l'article 8, si
je comprends bien ce qui est écrit, vous aimeriez que le pouvoir
législatif, le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif ne
soient pas un "melting-pot", avec tous les pouvoirs entre les mains du
ministre. Est-ce que c'est une bonne compréhension de ces trois pouvoirs
où chacun peut exercer son rôle et, si la population désire
avoir un recours, qu'elle puisse l'obtenir?
M. Campeau: Oui, en vertu de la loi de 1977, vous aviez
effectivement une telle division. Vous pouvez voir que, dans les premiers
articles, la loi imposait un devoir au ministre qui était très
spécifique, c'est-à-dire que, dans le cas de la création
d'un parc, il devait prendre une option et la défendre. Une fois qu'il
avait pris cette option et qu'il l'avait proposée, il tentait ensuite de
la défendre et, quand il ne
pouvait pas la défendre, évidemment, il pouvait changer
d'idée. À ce moment-là, la décision qu'il prenait
était définitive et, en vertu de l'article 8 tel que je l'ai lu
tout à l'heure, au second alinéa, il devait vivre selon la
décision qu'il avait prise. Les actions de son ministère
étaient limitées à la décision qu'il avait prise,
c'est-à-dire que le recours judiciaire était clair et
défini parce que le mandat du ministre était lui-même
très bien défini. Dans le cas présent, si les objectifs
étaient ceux que j'ai lus et qu'on retrouve au paragraphe 1 du projet de
loi, le mandat du ministre ne serait clair d'aucune façon et il serait
d'autant plus difficile d'obtenir qu'il soit limité à un mandat
où les limites ne sont pas claires.
Nous ne retrouvons pas, dans le nouveau projet de loi, la
séparation des pouvoirs qui a toujours été sous-jacente
à toutes nos lois, jusqu'à ce jour. Nous retrouvons plutôt
une forme de gouvernement par réglementation qui, je crois, est à
réprimer dans les circonstances puisque nous ne sommes pas
habitués à un tel système de gouvernement dans la province
de Québec, pour ne pas dire dans notre système politique
actuel.
M. Côté: Avant de poser, peut-être à la
fin, une dernière question au ministre sur ce sujet, parce que cela a
quand même une implication très importante, et afin de savoir si
le ministre est conscient de toutes les implications de cela, dans les
convocations de personnes ou d'organismes à entendre sur le
problème spécifique de la loi 13, il y a la MRC de la
Vallée-du-Richelieu qui n'est pas invitée. Au moment où on
s'est consulté sur les noms des comités invités, ce
n'était pas un nom qui figurait, mais j'imagine que, comme c'est une
créature du gouvernement qui a certaines responsabilités, ces
gens doivent avoir des choses à dire. Est-ce qu'ils font partie de votre
mouvement? Est-ce que ce sont des gens qui se sont prononcés sur le parc
du Mont-Saint-Bruno?
M. Campeau: Je crois que M. Gaudette pourrait très bien
répondre à cette question.
M. Gaudette: Si j'ai bonne mémoire de la nature de
l'intervention de la MRC aux audiences de 1982, sa position était que
son schéma régional d'aménagement n'était pas
complété. Le représentant de la MRC a prié
instamment le ministre d'opter pour une situation de statu quo et de mettre un
moratoire sur tout aménagement dans le parc du Mont-Saint-Bruno tant et
aussi longtemps que son schéma régional d'aménagement
n'aura pas été approuvé. D'ailleurs, le règlement
de contrôle intérimaire de la MRC était arrêté
à ce sujet. Il était inclus dans ce règlement une clause,
à savoir que toute construction dans les Montérégiennes,
soit le mont Saint-Bruno et le mont Saint-Hilaire, est prohibée à
moins que ce ne soit pour la restauration naturelle du milieu. D'ailleurs, M.
Chevrette, si je me souviens bien, le 22 juin 1983, lors de l'approbation du
règlement de contrôle intérimaire de la MRC, a
demandé à la MRC son avis en ce qui concerne les interventions
possibles ou prévues dans le parc du Mont-Saint-Bruno. À une
séance du 1er septembre, la MRC a statué en vertu de l'article
83. 334, en ce qui concerne la façon dont le ministre a consulté
la MRC.
Alors, si vous la permettez, je lirai la résolution de la MRC au
sujet de l'intervention proposée par le ministre du Loisir, de la Chasse
et de la Pêche au mont Saint-Bruno: "Attendu le règlement de
contrôle intérimaire en vigueur sur le territoire de la MRC;
attendu que, selon les dispositions de l'article 149 de la loi 125, le
gouvernement doit demander avis au conseil de la MRC face à des
interventions projetées en mentionnant l'objet et les motifs de
l'intervention; attendu que la MRC a reçu cette demande d'avis alors
même que les interventions étaient en voie de réalisation;
attendu que les motifs exprimés dans la demande d'avis sont nettement
incomplets et que la MRC n'a pu obtenir aucune information adéquate
relativement au site précis touché par ces interventions,
principalement en ce qui a trait aux aires de stationnement; attendu que ces
interventions touchent un parc provincial au sujet duquel la MRC n'a pas encore
obtenu du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ses
orientations préliminaires conformément à l'article 11 de
la loi 125; attendu que les conclusions des audiences publiques tenues en
décembre 1982 par le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche ne sont pas encore connues. "En conséquence, il est
proposé par M. Michel Chapdelaine, appuyé par M. Ferdinand
Borremans, et résolu que le conseil juge non conforme à l'article
149 de la loi 125 la demande d'avis présentée par le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche; que le conseil
craint que l'attitude du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche reflète l'attitude du gouvernement face à la loi 125;
que le conseil demande au gouvernement et à ses mandataires de nous
préciser quel sera le processus de consultation que ceux-ci comptent
adopter à l'avenir conformément à l'article 149 de la loi
125. "
Alors, il semble que le conseil de la MRC ne soit pas trop heureux du
mode d'intervention du MLCP en ce qui concerne le parc du Mont-Saint-Bruno.
M. Côté: Et c'est pourtant une créature de ce
gouvernement. Ce matin, le député de Chambly nous faisait part
d'un sondage dit scientifique...
M. Tremblay: Maison, mais scientifique. (1? h 30)
M. Côté:... maison, mais scientifique. Il nous a
donné des chiffres. Pour vous qui êtes à la base de toute
l'action menée autour du combat du mont Saint-Bruno, est-ce que ce sont
des chiffres qui vous apparaissent assez réalistes, les chiffres que
nous a transmis ce matin le député de Chambly?
M. Campeau: Nous avons entendu les chiffres qui ont
été cités ce matin...
M. Tremblay: Voulez-vous que je vous les redonne?
M. Campeau: Non, je les ai... par le député de
Chambly et ces chiffres nous semblent hautement incompatibles avec les opinions
qu'il avait reçues lors des audiences publiques de 1982. Si on se
souvient bien, à la fin de l'année 1981, le député
de Chambly avait été pris à partie, lors d'une
réunion, par des intervenants locaux pour obtenir que des audiences
publiques soient tenues quant à la création du parc du
Mont-Saint-Bruno dans un proche avenir. Pourquoi? Parce que, durant cette
période, il y avait des aménagements ou des travaux qui se
faisaient sur le site de la réserve faunique. Les gens craignaient que
d'autres travaux ne se fassent et ils voulaient avoir un moyen de
contrôle sur les travaux qui se faisaient sur ce site
particulièrement exceptionnel. À ce moment-là, le
député de Chambly n'avait pu prendre position en faveur de la
conservation ou de la récréation et, de toute façon, il
n'avait pas été requis de le faire. Cependant, lors des audiences
publiques de 1982, le député de Chambly a été
requis de prendre position et sa position a alors été:
Écoutez, je ne prends pas position. Ce que je ferai, c'est que
j'entendrai les intervenants lors des audiences publiques et je me rallierai au
consensus populaire de mes électeurs. À ce moment-là, 104
intervenants sur 119...
M. Tremblay: M. le Président, je dois ici l'arrêter
sur une question de fait.
Le Président (M. Marquis): Laissez-le finir.
M. Tremblay: Il faut corriger les faits.
Le Président (M. Marquis): Non. Vous aurez l'occasion de
parler tout à l'heure.
M. Campeau: Lors des audiences publiques, 104 intervenants sur
119 se sont prononcés en faveur de la conservation. Parmi ces 104
intervenants, il y avait, entre autres, l'Association du Parti
québécois pour le comté de Chambly qui s'est
prononcée en faveur de la conservation. En plus de cela, il y avait
aussi, présentées par cette association, des résolutions
émanant de toutes les associations de comté du Parti
québécois de la rive sud favorisant la conservation.
Malgré tout cela, nous sommes encore à attendre une
déclaration du député de Chambly disant qu'il favorise la
conservation au parc du Mont-Saint-Bruno. Au contraire, après les
audiences publiques, ce qui est ressorti comme explication habituelle
était: Je préfère, moi, me fier à la nouvelle loi
qui va sortir bientôt et qui pourra rallier tous les intervenants dans le
dossier. Nous alléguons que, si les consultations publiques qui ont eu
lieu lors des audiences publiques de 1982, si les événements qui
sont survenus depuis ce temps-là et les manifestations... Il y a eu un
brunch qui a réuni plus de 700 intervenants dans une salle pouvant en
contenir 480. Il y a eu aussi une réunion populaire sur le site du mont
Saint-Bruno lors de laquelle ce député était
présent et au cours de laquelle il a donné une certaine opinion
quant à l'application de l'article 8 qui ne tenait pas compte du
deuxième alinéa, qui tenait strictement compte du premier
alinéa de l'article.
M. Tremblay: M. le Président, il se trompe de
réunion.
M. Campeau: Non, je ne me trompe pas de réunion- et nous
pourrons vous fournir l'enregistrement de vos propos lors de cette
réunion, si vous le désirez. Cependant, je désirerais
mentionner que, si un sondage additionnel était requis et si d'autres
sondages additionnels sont requis pour qu'il arrive à ses fins et qu'il
puisse obtenir le sondage qui ferait son affaire, je vous dis respectueusement
que j'aimerais vérifier de façon spécifique les
façons dont de tels sondages sont faits puisqu'ils ne me semblent pas
correspondre aux voeux de la population.
M. Côté: Une avant-dernière question. Si le
ministre actuel ou son prédécesseur avait décidé de
classer le parc du Mont-Saint-Bruno comme un parc de récréation,
dans le cadre de la loi actuelle, est-ce que vous auriez envisagé des
recours devant les tribunaux?
M. Campeau: M. le Président, dans de telles circonstances,
nous aurions été satisfaits que le ministre prenne position pour
une simple raison qui est la suivante: en prenant une telle position, le
ministre aurait accepté de subir la décision de la population
quant à une telle décision. Si cette décision était
populaire, il en serait, je crois, très fier. Si cette décision
n'était pas populaire, je crois qu'il en subirait les contrecoups de
façon assez cinglante, vu l'intérêt manifesté par
tous les intervenants jusqu'à aujourd'hui dans ce dossier sur une
base locale, ainsi que sur une base régionale, pour ne pas dire,
dans le cas de certains intervenants, sur une base provinciale.
M. Côté: Une toute dernière question au
ministre concernant l'article 8 qui semble accrocher, à certains
égards, quant au triple pouvoir: législatif, exécutif et
judiciaire. Le ministre a-t-il des opinions à ce moment-ci à nous
faire partager ou a-t-il l'intention de regarder cela de très
près?
M. Brassard: Je vais surtout regarder cela de très
près. Comme je ne suis pas juriste...
M. Côté: Moi non plus. Entre professeurs, les
avocats peuvent nous passer bien des choses.
M. Brassard: Je vais faire faire par les juristes une analyse des
conséquences de l'application de l'article 8. Sûrement.
M. Côté: On aura à y revenir au niveau de la
deuxième lecture et de l'étude article par article
éventuellement. Je voudrais remercier les gens du comité pour la
qualité de leur mémoire et leur très grande connaissance
du dossier. Merci bien.
M. Campeau: Merci.
Le Président (M. Marquis): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord souligner la présence dans la salle de celui que le Parti
libéral a choisi comme candidat è la prochaine consultation
électorale dans le comté de Chambly et lui souhaiter qu'il ait
une visite heureuse sur la colline parlementaire.
M. Côté: Vous auriez l'occasion de vous mesurer
à lui si vous acceptiez de l'entendre demain, parce qu'il a son propre
mémoire.
M. Tremblay: Nous ne sommes pas ici pour nous mesurer, M. le
député, mais pour...
M. Côté: Mesurer vos idées?
M. Tremblay:... travailler à l'amélioration de la
loi.
M. Côté: Donc, c'est non.
Le Président (M. Marquis): Je voudrais seulement...
M. Tremblay: Ce n'est pas à moi de prendre cette
décision. Comme vous le savez, la Chambre nous a donné un mandat
et nous l'exécutons.
Le Président (M. Marquis): Cela va, M. le
député.
M. Côté: Est-ce que vous seriez prêt à
accepter, vous?
M. Tremblay: Pardon?
M. Côté: Est-ce que vous seriez prêt à
accepter?
Le Président (M. Marquis): À l'ordre!
M. Tremblay: Je n'ai pas à accepter cela ou pas, ce n'est
pas moi qui mène les travaux ici.
Le Président (M. Marquis): M. le député, je
vous fais simplement remarquer que le temps est dépassé depuis
une quinzaine de minutes. En conséquence, je vous inviterais à
être très bref dans vos questions et je demanderais aux
invités d'être également brefs dans leurs réponses
afin que nous puissions ajourner la séance le plus tôt
possible.
M, Tremblay: Je vais l'être dans la mesure où vous
allez demander au député de Charlesbourg de ne pas
m'interrompre.
Le Président (M. Marquis): Deux paroles de trop.
M. Tremblay: Bon! Tout d'abord, une couple d'observations. On a
beaucoup parlé des avantages politiques ou des désavantages
politiques dans votre mémoire. Je vous ferai simplement remarquer que,
si cela eût été le seul objectif du ministre, cela ferait
longtemps qu'on aurait donné satisfaction au Comité de protection
du mont Saint-Bruno. Il était bien plus facile dans ce dossier de
prendre position pour la conservation dans le milieu à cause du travail
que vous avez fait et qui est très sérieux, je le reconnais.
D'ailleurs, je trouve votre mémoire important. C'est un document
important pour l'éclairage de la commission. Mon seul regret à ce
point-ci, c'est de ne pas l'avoir eu plus rapidement de façon à
pouvoir mieux préparer non seulement mes travaux d'aujourd'hui, mais
aussi ceux qui s'en viennent, parce qu'il y a une analyse sérieuse
à faire là-dessus. Je ne suis pas en mesure présentement,
parce que je l'ai eu, comme tous mes collègues, à 11 heures ce
matin, d'en faire une analyse rigoureuse.
En ce qui concerne le sondage maison dont j'ai fait état ce
matin, vous n'êtes pas obligé de le croire, mais pas du tout! Je
vous invite, par exemple, a faire une consultation scientifique et vous verrez
que c'est cela, le résultat. Vous n'avez pas à le croire. Je
préfère même que vous n'y croyiez pas.
Une voix:...
M. Tremblay: Je m'excuse, j'ai quand même droit à
des commentaires.
En ce qui concerne la lecture de l'article 8 dont le procureur du
comité a fait état, je lui ferai humblement remarquer que ce
n'était pas à l'occasion du brunch, mais à l'occasion de
la manifestation sur la montagne. Il n'y avait pas 800 personnes, il y avait
à peine 200 personnes. Oui, vous étiez là effectivement
et, d'ailleurs, le candidat libéral choisi pour la prochaine
élection était là aussi.
Une voix: Au brunch.
M. Tremblay! Au brunch, il y avait 800 personnes, oui, mais pas
sur la montagne.
Une voix: Vous aviez parlé de...
M. Tremblay: Pardon? Oui, comme c'était convenu. Vous avez
remarqué?
Tout à l'heure, le ministre en a touché un mot. En ce qui
me concerne, cela fait quatre ans que je suis ce dossier plus
régulièrement, même je dirais très
régulièrement. Or, jamais n'avons-nous eu l'occasion d'entendre
le Comité de protection du mont Saint-Bruno nous dire quels seraient tes
aménagements présents au mont Saint-Bruno qu'il désirerait
voir éliminés ou quels seraient ceux qu'il voudrait voir
installés. Je suis persuadé que vous avez vos opinions
là-dessus puisque vous êtes très près du dossier.
J'aimerais les entendre.
M. Campeau: C'est la question?
M. Tremblay: Oui.
M. Campeau: M. le Président, tout d'abord, quant à
la consultation scientifique qu'on nous demande de faire, je suis certain que
M. le député de Chambly est au courant des moyens financiers
très limités qui sont à la disposition des
bénévoles du Comité de protection du mont Saint-Bruno. Je
ne sais pas si l'on doit comprendre que c'est une invitation qu'il nous fait et
qu'il nous fournira des fonds pour qu'on fasse une consultation scientifique
qu'il n'a pas pu faire. Mais il nous fera certainement plaisir d'en faire une
si les fonds nous sont fournis.
D'autre part, quant à la question du discours sur la montagne ou
du brunch, j'aimerais tout simplement dire clairement et répéter
ce qui a été mentionné tout à l'heure, à
savoir que l'interprétation de l'article 8, faite par le
député de Chambly, a été faite lors d'une
réunion populaire sur la montagne et non pas lors du brunch qui avait
été tenu à la polyvalente du mont Saint-Bruno. On
pourrait, s'il a lieu, à un moment donné, donner l'opinion que le
député de Chambly avait émise à la population lors
d'une telle réunion, qui, je vous le soumets à titre de
conseiller juridique, n'est pas conforme au contenu de la loi.
D'autre part, quant aux aménagements que le Comité de
protection du mont Saint-Bruno désirerait voir sur le mont Saint-Bruno,
nous vous disons respectueusement que, depuis le tout début, M. le
député de Chambly, nous avons maintenu la position qu'il est trop
tôt pour parler d'aménagement, qu'il est trop tôt pour
parler de ce qui sera contenu à l'intérieur du parc du
Mont-Saint-Bruno puisque les études d'impact sur le milieu n'ont
même pas encore été faites par le ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, dépendant des
différentes installations qui pourraient être faites.
Depuis le tout début, le Comité de protection du mont
Saint-Bruno réclame que des études d'impact sur le milieu soient
effectuées sur le mont Saint-Bruno et tout ce qui est envisagé ou
qui est fait jusqu'à présent, c'est une étude de
l'inventaire de la faune ailée sur le mont Saint-Bruno,
évidemment, à part les études qui ont existé dans
le passé; lesquelles ne couvrent d'aucune façon une étude
des impacts que pourrait avoir sur le milieu l'installation d'un parc. Il est
soumis par le Comité de protection du mont Saint-Bruno que, si nous
désirons discuter de la vocation, de l'objectif prioritaire qui doit
être donné au parc, il est impartant de le faire dans les
meilleurs délais et de mettre en place les mécanismes pour qu'une
étude d'impact sur le milieu du mont Saint-Bruno soit faite dans les
meilleurs délais, pour bien comprendre les enjeux réels qui
existent sur cette montagne.
Le comité a déjà fait des études ou fait
faire des relevés concernant les inventaires qui existent sur la
montagne. Je ne crois pas que le contenu de toutes ces études soit connu
du ministère. Je ne crois pas, non plus, que cela ait été
demandé de façon spécifique par le ministère
jusqu'à présent. Cependant, nous sommes convaincus d'une chose:
il n'y a pas encore eu une seule étude d'impact sur le milieu
effectuée avant de décider qu'un parc devait être
créé sur le mont Saint-Bruno.
M. Tremblay: Votre position, c'est que tant et aussi longtemps
qu'il n'y a pas d'étude d'impact, il ne devrait pas y avoir de plan
d'aménagement, ni de plan de zonage.
M. Campeau: Avant de s'acheter un pantalon, il faut au moins
regarder de quoi on a l'air une fois qu'on l'a mis.
M. Tremblay: Les biologistes, ce matin, nous ont
suggéré - en fait, c'était le gros de leur mémoire
- que nous devions clarifier les
termes utilisés. Dans la présente loi, on utilise le terme
"équipement extensif ou intensif". Quelle est votre perception de
récréation extensive? (17 h 45)
M. Campeau: Alors, selon la loi actuelle, c'est un fait que les
termes récréation intensive et récréation extensive
sont utilisés, alors qu'aucune définition précise n'existe
de ces termes dans la loi. Curieusement, au paragraphe 1 de la loi, il existe
différentes définitions des termes utilisés dans la loi,
mais les termes récréation intensive et récréation
extensive n'y sont pas définis. Nous sommes d'accord avec l'Association
des biologistes du Québec d'après laquelle une meilleure
définition des termes utilisés dans la loi serait utile de
façon à mieux définir les enjeux lors d'une
consultation.
M. Tremblay: Est-ce que cette terminologie serait suffisante -
vous qui êtes juriste - devant un tribunal pour empêcher, par
exemple, le ministre de prolonger ou de créer une nouvelle piste de ski
de fond?
M. Campeau: La terminologie actuelle? M. Tremblay:
Oui.
M. Campeau: Écoutez, c'est très simple. Si la loi
ne définit pas l'intention du législateur, le juge qui a à
trancher un débat doit rechercher l'intention du législateur, y
compris en utilisant les dictionnaires ou autres documents qui sont disponibles
à cet effet, et c'est, évidemment, ce qui serait fait dans de
telles circonstances, II est évident qu'à défaut de
définition on prend ce qui nous reste. C'est pour cela que nous
souhaitons qu'une précision soit ajoutée, mais,
évidemment, cela n'empêcherait pas un juge d'en venir à une
conclusion selon l'interprétation qu'il fait des termes
récréation extensive ou récréation intensive.
M. Tremblay: Vous n'êtes pas en mesure de dire si une piste
de ski de fond dans un parc de conservation serait un équipement
permissible?
M. Campeau: Je peux avoir une opinion, mais je ne peux pas
prédire ce qu'un tribunal dirait.
M. Tremblay: Quelle est votre opinion?
M. Campeau: Mon opinion est qu'une piste de ski de fond est un
élément de récréation extensive plutôt qu'un
élément de récréation intensive. Mais je crois que
M. Gaudette a un autre point à apporter sur cette question.
M. Gaudette: Ce n'est pas seulement ta question de savoir si on a
une piste de ski de fond ou si on n'a pas une piste de ski de fond; c'est de
savoir combien on a de longueur de pistes de ski de fond sur un territoire
donné et jusqu'à quel point ces pistes sont utilisées.
Dans la loi, on parle d'exploitation des parcs et, quand on parle
d'exploitation, on pense à l'exploitation forestière, on pense
à l'exploitation minière.
Je devrais ajouter que l'utilisation d'un territoire par une population
constitue aussi une forme d'exploitation qui peut avoir des
répercussions plus ou moins néfastes sur le milieu compte tenu de
divers paramètres tels la façon dont le terrain est
aménagé, la façon dont les gens utilisent le territoire,
évidemment, et le nombre de personnes qui fréquentent ce
territoire. Il y a plusieurs paramètres qui font que le milieu est bien
ou mal utilisé compte tenu aussi de l'objectif qu'on a, suivant qu'on
adopte le principe de conservation ou le principe de récréation.
C'est cela qui va nous guider pour savoir si le milieu est surutilisé,
pas assez utilisé ou trop utilisé.
M. Campeau: À la question sur l'opinion juridique,
j'aimerais vous mentionner que je présumais que vous parliez d'une piste
de ski de fond normale. Evidemment, si on parle d'une piste de ski de fond
où les gens se rencontrent et peuvent se donner la main en passant d'un
côté ou en passant de l'autre et faire la chaîne, cela
devient, évidemment, un élément de
récréation assez intensive.
Le Président (M- Marquis): M. le député, une
dernière question.
Une voix: II reste 10 minutes. On travaille jusqu'à 18
heures.
Le Président (M. Marquis): Non, monsieur. La commission
devait se terminer à 17 h 22.
M. Tremblay: Oui, mais rien ne nous empêche de continuer
jusqu'à 18 heures. On a le droit.
Le Président (M. Marquis): M. le député, je
vous permets une dernière question.
M. Tremblay: Dans votre mémoire de 1982, vous
suggériez la création d'un comité du parc du
Mont-Saint-Bruno ou de tous les parcs et vous suggériez de l'inclure
dans la loi. À moins que cela ne m'ait échappé, je n'ai
pas vu la même suggestion dans votre document d'aujourd'hui. Est-ce que
vous croyez toujours qu'il serait utile que les parcs nationaux soient
dotés de comités de parcs?
M. Gaudette: Oui, c'est mentionné si je
peux trouver la page.
M. Tremblay: Je m'excuse.
M. Gaudette: En fait, l'esprit, c'est qu'on doit avoir un
comité, des organismes, des personnes intéressées. Je ne
crois pas qu'il soit avantageux de consulter la population à chaque
intervention que le ministre ou le ministère veut faire sur le
territoire.
M. Tremblay: Cela ne sert à rien de le chercher. Ce qui
est important, c'est de savoir que vous poursuivez cette idée.
M. Gaudette: Certainement.
M. Tremblay: Comment voyez-vous qu'il serait choisi, ce
comité?
M. Gaudette: Je pense qu'une façon, ce serait de lancer
une invitation aux organismes, aux personnes intéressées à
oeuvrer au sein de ce comité. Je crois qu'on ne va pas forcer les gens
à participer à une action de ce genre. Il y a sûrement
d'autres organismes que notre comité, non seulement à
Saint-Bruno, mais dans la région immédiate ou dans la
région de Montréal, qui seraient intéressés
à oeuvrer au sein d'un comité de ce genre. Je ne peux pas croire
que, parmi les 119 intervenants qui se sont présentés aux
audiences sur le mont Saint-Bruno, il n'y en ait pas là-dedans qui
soient intéressés à poursuivre l'action au sein d'un
comité conjoint.
M. Tremblay: Et cela serait;, selon vous, un comité
consultatif?
M. Gaudette: Évidemment, c'est qu'actuellement la loi
donne les pouvoirs de décision au ministre. Je conçois mal qu'un
comité de ce genre-là ait un pouvoir décisionnel.
M. Tremblay: Merci.
M. Gaudette: Je ne crois pas que cela relève d'un
comité comme cela.
Le Président (M. Marquis): Merci, M. le
député. Merci à nos invités qui
représentaient le Comité de protection du mont Saint-Bruno. Merci
de votre présence et de votre mémoire, ainsi que des
réponses que vous avez apportées aux membres de la
commission.
Là-dessus, ta commission ajourne ses travaux à demain
matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 17 h 51)