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Version finale

29th Legislature, 3rd Session
(March 7, 1972 au March 14, 1973)

Thursday, March 8, 1973 - Vol. 12 N° 106

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes).

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Dépôts de rapports de commissions élues.

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Déclarations ministérielles.

Déclarations ministérielles

LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice.

Nouvelle enquête sur l'accident du mont Wright

M. CHOQUETTE: M. le Président, en vertu de l'article 29 de la Loi des coroners, je vais demander une nouvelle enquête du coroner sur les circonstances de l'accident qui s'est produit au mont Wright. Je tiens à dire à la Chambre qu'un juge de la cour des Sessions de la paix de Québec sera désigné pour diriger cette nouvelle enquête.

LE PRESIDENT: Dépôts de documents.

Dépôts de documents

Rapport annuel du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre

M. COURNOYER: J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre pour l'année 71/72.

LE PRESIDENT: Questions orales des députés.

Questions orales des députés

LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Tarif des autoroutes

M. LOUBIER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre responsable des autoroutes, le député de Bourassa. Est-ce qu'il est vrai que l'office s'apprête à augmenter considérablement le tarif sur les autoroutes à péage? En second lieu, est-il vrai que même aux heures de pointe, il y aurait modification dans le tarif, de sorte que les travailleurs ne bénéficieraient plus d'une réduction?

M. TREMBLAY (Bourassa): M. le Président, à la première question, quant au tarif qui va être changé, je peux assurer le chef de l'Opposition officielle que si les tarifs sont changés, ils le sont pour donner justice à toute la population de la rive nord et des Cantons de l'Est. Pour ce qui est des Laurentides, il n'y aura aucun changement, je peux vous en assurer.

Deuxièmement, aux heures de pointe, à l'heure actuelle, pour ce qui est des trois postes de péage sur l'autoroute des Laurentides, il n'y a aucun changement, les taux n'ont pas changé, il en coûte $0.10 aux heures de pointe.

M. LOUBIER: Si je comprends bien, ça ne toucherait que l'autoroute des Cantons de l'Est; il y aurait donc augmentation quant au tarif sur l'autoroute des Cantons de l'Est?

M. TREMBLAY (Bourassa): Il n'y aura aucune hausse de tarif. La seule chose que je peux dire à cette Chambre, c'est que j'ai demandé une enquête, un tableau donnant des taux.

Je ne trouvais pas sensé que sur l'autoroute des Laurentides on paie $0.10 aux heures de pointe et que sur l'autoroute de la rive nord et celle des Cantons de l'Est les travailleurs paient $0.25 aux heures de pointe. Vu la dette et le déficit de l'Office des autoroutes, j'ai demandé un tableau contenant les normes, tableau dont toutes les personnes peuvent se servir, les camionneurs, etc. Le premier tableau ne me satisfaisait pas. Hier matin, à 11 heures, on m'a remis un deuxième tableau, et, encore là, je ne suis pas satisfait. J'en ai bien le droit, comme ministre responsable. Je ne suis pas seulement ministre, je suis responsable, en plus. Ce deuxième rapport ne me satisfait pas. Il y a d'autres mécanismes avec lesquels je peux travailler, mais je m'aperçois que c'est moi-même qui vais être obligé d'y travailler. Je vais préparer autre chose pour rendre justice à tout le monde sans étatiser les compagnies privées. Ce sera la justice, au sein du gouvernement, pour les gens de la rive nord et les gens des Cantons de l'Est.

M. LOUBIER: Si je comprends bien, le ministre responsable prend ses responsabilités et n'accepte pas les commentaires faits par les responsables des différents tableaux.

M. TREMBLAY (Bourassa): Messieurs, je n'ai rien contre les journalistes, ceux de la Presse, etc. Ils peuvent écrire, de gros titres en première page. Seulement, ils ne se sont pas informés auprès du ministre responsable, parce qu'il les aurait renseignés autrement. Le ministre responsable veut rendre justice à toute la population qui se sert des autoroutes et il leur aurait donné un autre renseignement que celui-ci.

M. LAURIN: J'ai une question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre, qui est plus responsable que ministre, pourrait nous expliquer ce que vient faire l'entreprise privée là-dedans, puisque l'Office des autoroutes est quand même un organisme gouvernemental? Comment explique-t-il la référence qu'il a faite à l'étatisation — qu'il ne désire pas d'ailleurs — des entreprises privées?

M. TREMBLAY (Bourassa): Si le chapeau vous fait, vous pouvez le porter. C'est seule-

ment une allusion que j'ai faite pour le chef de l'Opposition officielle.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

L'hôpital Préville

M. SAMSON: M. le Président, j'adresserai ma question à l'honorable ministre des Affaires sociales, concernant la question de l'hôpital Préville. Est-ce que le ministre est en mesure, ce matin, de nous faire le point sur la situation, à la suite de certaines démarches qu'il a entreprises, je pense.

M. CASTONGUAY: J'ai eu un premier rapport verbal, hier soir. Il est clair qu'avant de prendre des décisions, il me faudra un rapport complet, écrit, d'autant plus que l'étude de certains aspects de l'enquête n'est pas terminée.

Nous demandons, par exemple, au Collège des médecins de faire enquête sur la qualité des actes médicaux qui sont posés dans cet hôpital et je pense que c'est une donnée importante. On a vu, dans le mémoire, certaines allusions à des certificats de décès qui seraient signés avant que les gens meurent. Il faudrait bien vérifier de quoi il retourne. Etant donné que nous étudions présentement les lois des professions, on sait que c'est le collège qui doit faire ces contrôles. Toutefois, le rapport verbal que j'ai eu à la suite de la visite de quatre médecins, de quatre infirmières et d'une diététicienne indique que l'aspect dramatique de ce qui était contenu dans le mémoire parait hautement exagéré. Il y a des problèmes, c'est clair, mais cet aspect paraît hautement exagéré.

Il y a eu de grandes améliorations, semble-t-il, au plan de la propreté, de l'hygiène. Egalement, au plan de la sécurité des incendies, d'autres améliorations ont été apportées depuis que le certificat a été émis. On a vérifié la question des portes qui sont fermées de l'extérieur. Evidemment, si on ne fait état que de portes fermées à clé de l'extérieur, la nuit, cela peut sembler présenter un grand danger, mais il ne faut pas oublier que nous avons là des personnes qui, si elles s'échappent, peuvent présenter aussi d'autres dangers. Un plan d'évacuation a été dressé et, en cas d'incendie — il y a évidemment, toujours, certains dangers; il n'est pas possible de les réduire complètement à zéro — il y a une procédure pour que les portes soient ouvertes le plus rapidement possible et pour que l'évacuation s'effectue.

Au plan des médicaments, il y a un contrôle qui a été fait et qui se poursuit. Selon les premières indications, il n'y a pas un usage abusif de médicaments, comme on aurait pu l'imaginer dans ce type d'institution, comme possibilité.

Il y a un autre fait aussi. On a parlé de deux Esquimaux qui étaient placés dans la cave. Il faut se comprendre. La cave signifie le sous-sol, c'est-à-dire l'endroit où est la cuisine qui est très propre — d'ailleurs, je l'ai déjà visitée; donc, je parle avec une certaine connaissance de cause — et également la cafétéria. C'est ce qu'on appelle la cave. On disait, si j'ai bien lu certains articles des journaux, qu'il n'y avait aucune toilette au sous-sol. C'est faux.

Le Dr Laberge me faisait remarquer qu'il y en avait deux. Il y a un trop grand nombre de patients, de sorte que certains ont été placés sur cet étage mais cela ne veut pas dire qu'ils sont dans ce qu'on pourrait imaginer comme étant un genre de caveau noir. C'est un peu l'image que laissait ressortir le document.

Enfin, le problème majeur, c'est celui d'un trop grand nombre de patients et aussi d'une mauvaise sélection de certains patients. Ceci ressort de façon très claire et c'était d'ailleurs une des raisons pour laquelle, je l'ai mentionné l'autre jour ici en cette Chambre, le permis n'avait pas été accordé. Ce sont les données que l'on m'a transmises. L'enquête se poursuit et vous pouvez être assurés que les décisions appropriées seront prises dès que l'enquête sera terminée.

M. SAMSON: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous dire, à sa connaissance, à quel moment a été faite la dernière inspection générale de l'hôpital avant que les représentants de la CSN s'y rendent? La deuxième partie de ma question est: Est-ce que le ministre a pensé, étant donné l'importance de la question, à inviter quelques parlementaires, peut-être les membres de la commission des Affaires sociales, à se rendre sur place visiter les lieux? Considérant que les représentants de la CSN y sont allés, ont fait grand état du résultat de leur visite, peut-être serait-il intéressant que des membres de l'Assemblée nationale puissent également visiter les lieux et peut-être même discuter avec les personnes qui sont responsables?

M. CASTONGUAY: M. le Président, la dernière inspection complète a été effectuée dans la première partie de 1972; c'est à ce moment que nous avions envoyé une longue lettre au propriétaire, donnant la liste des choses qui devaient être corrigées. Par la suite, certaines visites de contrôle ont été effectuées; je n'ai pas les dates en mémoire, malheureusement.

Quant à votre deuxième question, je crois qu'il ne m'appartient pas d'y répondre étant donné que nous avons eu tout à fait récemment, et d'ailleurs le député de Dorchester a assisté à cette rencontre, une séance du comité directeur de la commission des affaires sociales et de la justice qui étudie le projet de loi de la protection de la jeunesse.

Nous avons convenu de faire certaines visites dans des établissements. Il s'est posé un certain nombre de questions de principe par rapport à ces visites. Je crois qu'il ne m'appartient pas de répondre à cette question, étant donné que,

présentement, les budgets de l'Assemblée nationale et le fonctionnement tel que convenu dans nos règlements des commissions de l'Assemblée nationale ne tiennent pas compte de cette possibilité. Je peux vous dire que, si vous voulez, comme membre de l'Assemblée nationale, vous rendre à l'hôpital Préville et constater sur place, de même que certains de vos collègues, rien ne vous en empêche. C'est un établissement où vous avez le droit de pénétrer.

LE PRESIDENT: Dernière, s'il vous plaît.

M. SAMSON: Est-ce que le ministre, au niveau du ministère, pourrait pallier ce problème en invitant lui-même un représentant de chaque parti, soit avec le ministre ou avec quelqu'un du ministère, à se rendre sur place, visiter les lieux, officiellement?

M. CASTONGUAY: M. le Président, il y a une distinction très claire, à mon sens, entre la section administrative du gouvernement, qui est constituée du cabinet et des ministères, et la section législative. En tant que députés, nous sommes dans la section législative. Je crois que les gestes que nous posons en tant que membres responsables d'un ministère, avec nos fonctionnaires, constituent quelque chose d'autre. Vous pouvez nous interroger ou scruter ce que nous faisons au moment de l'étude des crédits, au moment où nous présentons notre législation. Mais je crois que ce serait poser un autre précédent que d'associer des membres de l'Opposition lorsque nous posons des gestes administratifs comme ministres responsables d'un ministère.

M. LAURIN: Question additionnelle, M. le Président. Etant donné que l'hôpital Préville fonctionne depuis longtemps sans permis et que les faits qui font l'objet de l'enquête sont nombreux et peut-être graves, est-ce que le ministre ne jugerait pas approprié de mettre l'hôpital en tutelle aussi longtemps que l'enquête ne sera pas terminée et que le ministère ne sera pas prêt à prendre une décision?

M. CASTONGUAY: M. le Président, pour mettre l'hôpital en tutelle, je dois me référer aux dispositions de la loi 65. Ces dispositions sont assez explicites. Il doit y avoir des indications de mauvaise administration ou même de fraude ou encore il doit y avoir des indices très sérieux que la santé ou la sécurité des personnes est réellement en danger.

Les rapports que nous avons indiquaient, comme je l'ai mentionné, une situation qui n'était pas acceptable, mais je ne crois pas qu'elle l'était à tel point que nous devions recourir à la tutelle. A la suite du rapport que nous a envoyé la CSN, nous vérifions de nouveau les faits d'une façon aussi sérieuse que possible, comme je l'ai mentionné hier. Quatre médecins, quatre infirmières, une diététicienne, de plus, un pharmacien devaient s'y rendre; un inspecteur du ministère du Travail, je crois, est retourné sur les lieux pour s'assurer que sur le plan de la sécurité, tout est bien conforme aux normes du ministère du Travail.

Alors, avant de poser un geste tel que la mise en tutelle qui, qu'on le veuille ou non, constitue un jugement sévère quant à l'administration d'un établissement, je dois attendre les rapports complets.

M. LAURIN: Question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre a demandé à ses enquêteurs, médecins, infirmières ou pharmaciens, de questionner les malades sur la façon dont ils ont été traités dans les mois ou dans les années qui ont précédé? Car c'est là une source de renseignement valable et qui doit être ajoutée aux autres informations que l'on possède.

M. CASTONGUAY : La très grande majorité des patients sont des personnes séniles, des déficients mentaux profonds. Il y a un certain nombre de malades chroniques mais encore là, c'est assez difficile de faire la distinction. Dans certains cas, ce sont des malades chroniques physiques, mais également atteints d'une détérioration assez marquée sur le plan des facultés intellectuelles. Nous avons demandé au Dr Laberge de faire une réévaluation de chacun des patients pour voir quels sont ceux qui devraient être déplacés en priorité étant donné qu'il y a un trop grand nombre de patients. Cela est clair. Avant de commencer à questionner ces gens, je pense qu'il faut les évaluer parce qu'on va entendre toutes sortes d'histoires.

LE PRESIDENT: Dernière question, s'il vous plaît.

M. LAURIN: Est-ce qu'on a fait aussi une enquête auprès du personnel?

M. CASTONGUAY: Je ne sais ce que vous entendez par enquête.

M. LAURIN : Poser des questions. M. CASTONGUAY: Evidemment.

M. LOUBIER: Question additionnelle. Est-ce que le ministre a nommé un représentant spécial de son ministère qui va coordonner les données qui ont été recueillies, d'une part, par les pharmaciens, les médecins, les infirmières et d'autres?

Qui est responsable de cette coordination et qui est chargé de faire la synthèse de ce rapport pour le présenter au ministre?

M. CASTONGUAY: Le Dr Martin Laberge, directeur de l'agrément.

M. LOUBIER: Sur les lieux ou...

M. CASTONGUAY: Il était sur les lieux hier. Il y a des membres de son équipe qui sont encore là aujourd'hui.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Question additionnelle, M. le Président. Le ministre, dans sa réponse tout à l'heure, a fait état de mauvaise administration. Est-ce que le ministre pourrait nous dire si le gouvernement accorde le même per dieu, autrement dit si le coût est le même pour le gouvernement dans le cas des hôpitaux de ce genre et dans le cas des hôpitaux publics qui sont sous la responsabilité directe du gouvernement?

M. CASTONGUAY: M. le Président, si j'ai parlé de mauvaise administration tantôt, il faut être bien précis. J'en ai fait état, dans les dispositions de la loi 65, disant qu'il fallait avoir des indications très sérieuses de mauvaise administration avant de mettre un établissement en tutelle. Je n'ai pas accusé le responsable de mauvaise administration. La question m'a été posée l'autre jour quant au per diem que nous versons à cet établissement et qui est de $10.71. Il est clair que dans des hôpitaux qui sont administrés par une corporation sans but lucratif nous payons dans un certain nombre de cas des per diem plus élevés... Encore là, tout dépend de la catégorie des patients. Il y a aussi un autre point, c'est que jusqu'à maintenant il a toujours été impossible d'avoir les états financiers des établissements privés. Il est donc assez difficile de dire si ces établissements n'avaient pas des fonds suffisants ou en avaient suffisamment. Avec la loi 65, pour la première fois cette année, nous allons obtenir les états financiers des établissements privés et nous serons en mesure de voir si vraiment ils font un profit raisonnable, s'ils font un profit exagéré ou si, comme certains le prétendent, nous sommes en train de les forcer à fermer leurs portes.

Les per diem ont donc été négociés et compte tenu de la nature des services rendus dans ces établissements, il y en a toute une gamme. J'ai donné celui qui s'applique à cet établissement l'autre jour.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

Nouvelle politique sur les COFI

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre de l'Immigration. Est-il exact que le ministère a adopté une nouvelle politique qui limite à 300 le nombre d'immigrants inscrits aux COFI et à 24 le nombre de classes, ce qui entrafnerait le démembrement du COFI de Laprairie?

M. BIENVENUE: Le député pourrait-il recommencer sa question? J'ai manqué le début.

M. LAURIN: D'accord. Est-il exact que le ministère de l'Immigration entend adopter une nouvelle politique en ce qui concerne les COFI politique qui limiterait à 300 le nombre des immigrants inscrits et le nombre de classes à 24, ce qui entrafnerait le démembrement du COFI de Laprairie?

Deuxièmement, est-ce que le ministère entend, comme le lui recommande la Fédération des enseignants, doubler la période d'apprentissage de la langue française?

Troisièmement, est-ce que le ministre entend adopter une politique pour assurer la sécurité d'emploi aux enseignants du COFI, comme le recommande la commission Gendron?

M. BIENVENUE: Il est exact, M. le Président, que le ministère que je dirige a décidé de réduire le nombre de classes accordées au COFI de Laprairie afin de transférer ces classes à d'autres COFI, notre politique étant qu'un nombre plus rationnel, un nombre idéal de 20 à 24 classes par COFI est plus propice à un meilleur enseignement et à l'intégration des immigrants.

D'ailleurs, les gens du syndicat auquel fait allusion le député de Bourget sont d'accord sur les objectifs de cette politique nouvelle de mon ministère qui favorisera davantage l'immersion des immigrants dans des milieux plus propices et moins éloignés.

Pour ce qui est de la seconde question du député de Bourget, au sujet de la possibilité de doubler le nombre de classes de français...

M. LAURIN: La durée d'apprentissage du français.

M. BIENVENUE: ... la durée d'apprentissage du français, le ministère que je dirige a pensé à cette politique bien avant la parution du rapport Gendron, c'est-à-dire au cours de l'été dernier. Mon sous-ministre de l'époque avait, à cette fin, eu des rencontres avec les autorités fédérales, rencontres qui seront suivies d'autres. Mais les difficultés proviennent, vous le comprendrez, de ce que les fonds qui servent à dispenser des cours dans ces COFI, à payer les professeurs et les immigrants viennent à 100 p.c. du fédéral. En vertu du vieux principe "No taxation without representation", le fédéral a un mot à dire. Je crois au dialogue et je veux continuer ces négociations, dans l'espoir que nous arrivions, un jour, à augmenter la durée des cours de français par rapport à ce qu'ils sont aujourd'hui.

Quant à la troisième question, nous ne pouvons pas, dans le contexte actuel, assurer la sécurité d'emploi aux professeurs qui dispensent ces cours dans les COFI parce que nous n'avons absolument aucun lien d'ordre juridique avec eux. Nous accordons ces contrats à des COFI sur une base annuelle. Les institutions que l'on reconnaît comme COFI sont des sous-traitants avec qui nous renouvelons nos

contrats, une fois par année. Le député comprendra que cette situation découle directement du fait que nous ignorons, autant que le fédéral d'ailleurs, quel sera le nombre d'immigrants qui viendront à Montréal ou dans le Québec, d'une année à l'autre. Nous ne pouvons assumer le risque de nous lier par contrats à l'avance avec ces enseignants ou leur syndicat, sans connaître le nombre de cours qui seront dispensés et qui peuvent varier de six mois en six mois.

M. LAURIN: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce que le ministre, qui nous l'avait promis, entend rencontrer bientôt les parties intéressées pour discuter de ce problème de la sécurité d'emploi? Et, s'il ne peut pas lui-même assurer la sécurité d'emploi, est-ce qu'il a d'autres solutions à proposer aux organismes plus habilités, afin d'assurer cette sécurité d'emploi?

M. BIENVENUE: J'ai rencontré, via les officiers de mon ministère, à deux reprises les membres des syndicats en question. Mes hauts fonctionnaires devaient avoir avec eux une autre rencontre, cette semaine. Mais les représentants de ces syndicats ont décidé de poursuivre le dialogue par la voie des journaux. C'est une méthode qui ne me convient pas.

Chacun a ses goûts, évidemment, sa façon de voir les choses. Je crains fort que, loin d'aider la poursuite de nos rencontres, cela ne nuise considérablement. J'aime beaucoup mieux discuter directement avec mon interlocuteur et de nombreuses raisons me justifient.

Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas, je l'ai dit, les pouvoirs d'accorder ou de favoriser cette sécurité d'emploi. Les seules personnes ou organismes qui peuvent le faire sont les COFI, les institutions avec qui nous traitons et avec qui nous avons des relations contractuelles. Ou, alors — je n'émets pas d'opinion, je pense tout haut — possiblement, le ministère du Travail ou celui de l'Education, mais qu'on ne prenne pas cette dernière assertion comme une suggestion de ma part.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, question additionnelle. Est-ce que le ministre pourrait nous dire de quel budget dispose son ministère en vertu des ententes du gouvernement central en ce qui concerne les COFI? Le ministère de l'Education du Québec ne pourrait-il pas distraire une partie de son important budget et le mettre à la disposition du ministre de l'Immigration pour faire fonctionner ces COFI sans qu'il y ait interférence du gouvernement central?

M. BIENVENUE: Pour ce qui est du montant que nous recevons du gouvernement central, les subventions sont de l'ordre de $3 millions et je ne sais combien de $100,000. Quant à la deuxième partie de la question du député de Chicoutimi, à savoir si le ministère de l'Education du Québec ne pourrait pas distraire, de son important budget, les fonds nécessaires, j'aimerais mieux qu'il dirige sa question à mon collègue, le ministre de l'Education.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre de l'Immigration ne pourrait pas la diriger lui-même et discuter avec son collègue de l'Education pour régler ce point litigieux?

M. BIENVENUE: Je peux toujours le faire, mais je dirai au député de Chicoutimi que je suis en train d'arracher à mon collègue de l'Education des sommes assez substantielles pour d'autres fins qui sont toujours bonnes et favorisent l'intégration des immigrants. Pour le moment, je veux être sobre et raisonnable dans mes demandes.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

Problème à l'USECO

M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser une question au ministre de la Justice. Est-ce que le ministre de la Justice peut nous informer des critères qu'il a l'intention de choisir ou d'arrêter pour définir la ligne d'autorité qui doit prévaloir au sein de l'USECO? Deuxièmement, jusqu'où iront les consultations que le ministre entend poursuivre avant de prendre une décision finale concernant le problème interne qui existe à l'USECO?

Troisièmement, envisage-t-il de rencontrer personnellement les enquêteurs de l'USECO? Enfin, si les démarches du ministre de la Justice ne s'avéraient pas fructueuses, est-il de son intention de faire appel aux qualités exceptionnelles d'excellent médiateur que possède son collègue, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, pour déchiffrer ce problème comme il a réussi à le faire à l'occasion de la grève de l'Hydro-Québec?

M. CHOQUETTE: M. le Président, non, pour le moment, je n'entends pas faire appel aux qualités exceptionnelles de mon collègue et ami, le ministre du Travail, parce que je ne pense pas que son intervention soit requise dans les problèmes dont le député de Maskinongé à traité dans sa question.

J'ai l'intention de poursuivre des consultations, comme je l'ai dit hier, avec les principaux intéressés. Quelle sera l'étendue de ces consultations? C'est encore une matière sur laquelle je ne suis pas prêt à m'engager publiquement à l'heure actuelle. Je suis déjà passablement familier avec la situation qui prévaut à l'intérieur de l'unité spéciale d'enquête sur le crime organisé. Par conséquent, il se peut que certaines personnes ne soient pas consultées directement par moi, mais cela ne signifie pas que je fais abstraction, que j'ignore leur point de vue que je connais, par ailleurs, et qui m'a été présenté par d'autres personnes.

Je ne peux pas non plus dire au député de Maskinongé quels seront les critères dont je m'inspirerai dans les réformes que j'apporterai à l'intérieur de l'unité pour faire en sorte qu'elle donne son plein rendement. Je crois que, pour le moment, il serait prématuré d'exprimer des critères. Je pense qu'il ne sert à rien que je définisse immédiatement ces critères d'autorité. C'est à la suite des consultations que je serai en mesure d'arrêter des décisions qui permettront que l'enquête donne tout le rendement que j'en attends.

Je ne voudrais pas opposé une fin de non-recevoir absolue à toutes les questions très intéressantes posées par le député de Maskinongé. Mais il comprendra, comme les autres députés, qu'il s'agit ici d'une question d'administration interne, d'une question qui ne mérite pas nécessairement d'être débattue sur la place publique. Et d'ailleurs, je regrette que ces matières paraissent dans les journaux parce que s'il y a des problèmes qui existent, je le reconnais, ces problèmes peuvent être dirigés normalement vers les autorités compétentes pour être résolus et ne méritent pas nécessairement de faire l'objet de débat public. D'autant plus que nous savons que les adversaires de l'enquête peuvent profiter justement de ces problèmes pour essayer de l'arrêter. Je pense que, actuellement, l'enquête a déjà prouvé qu'elle mérite d'être instituée. Elle a le support, à mon sens, de la grande majorité de la population et je ne me laisserai pas arrêter ou abattre par des problèmes d'administration, des problèmes de régie, des problèmes de gestion interne.

Si j'avais un souhait à exprimer, ce serait qu'on laisse le ministère de la Justice, avec les directeurs des corps policiers intéressés et les autorités de l'unité, comme d'ailleurs le personnel de l'unité, régler les problèmes de façon que l'enquête ne soit pas, en somme, ternie d'une certaine façon par des questions qui se situent au niveau administratif.

M. PAUL: Une question additionnelle. Est-ce que le ministre peut nous dire si, oui ou non, il a reçu jusqu'à maintenant des démissions de certains membres de l'unité, et, en second lieu, si la remise des séances du comité d'enquête était motivée ou justifiée par ce qui semble exister actuellement au sein de l'unité entre, d'une part, le personnel enquêteur et, d'autre part, ceux qui ont la responsabilité de diriger cette enquête sur le crime organisé?

M. CHOQUETTE: Pas du tout. L'ajournement des séances n'a eu aucun rapport avec les problèmes qui ont été soulevés hier. L'ajournement était prévu et faisait partie du calendrier qui avait été arrêté par la Commission de police avec les avocats qui représentent l'unité spéciale devant ladite commission.

On sait qu'après avoir fait entendre un certain nombre de témoins, il était nécessaire, pour les personnes qui composent l'unité, d'examiner la preuve qui avait été recueillie pour reprendre l'enquête à la date fixée. Je pense que c'est le 23 mars, si je ne m'abuse. Je pense que les séances reprendront à la date qui a déjà été fixée. Le député de Maskinongé ne devrait donc voir aucune relation entre ces problèmes dont il a fait état et l'ajournement des séances.

Quant à la première question du député, je ne me souviens plus précisément...

M. PAUL: Le ministre a-t-il reçu des démissions de la part de...

M. CHOQUETTE: Non. Je n'ai pas reçu, M. le Président, de démission d'aucun membre de l'unité à l'heure actuelle. Je ne pense pas que j'en recevrai. Je crois pouvoir apporter les correctifs voulus pour faire en sorte que l'unité fonctionne dans l'harmonie. Je pense surtout, M. le Président, que les policiers et les autres personnes qui composent cette unité vont mettre leur sens du devoir au-dessus de certains problèmes très limités et très particuliers qui peuvent survenir lorsqu'un groupe d'hommes est réuni, comme cela, dans une toute nouvelle chose qui est une enquête sur le crime organisé.

LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière. Tournée Informa-tour

M. BELAND: Ma question s'adresserait à l'honorable ministre des Affaires municipales ou au vice-premier ministre. A l'occasion de la tournée Informa-tour, est-ce que le gouvernement a l'intention de faire connaître les activités de la Société d'habitation du Québec ou d'annoncer de nouvelles politiques d'habitation au Québec?

M. GOLDBLOOM: Je pense, M. le Président, qu'il serait prématuré pour moi de parler de nouvelles politiques de la Société d'habitation. Des examens doivent se faire prochainement. Le président de la société a été en dehors de la province pour quelques jours et vient de revenir. Je dois le rencontrer incessemment et j'ai certainement l'intention d'examiner avec lui non seulement la politique québécoise en matière d'habitation, mais également les relations fédérales-provinciales dans ce domaine important.

M. BELAND : Une question supplémentaire, M. le Président. Est-ce que, dans ce cas, vous avez l'intention de renseigner la population sur les activités présentes de la Société d'habitation du Québec?

M. GOLDBLOOM: Certainement, M. le Président. C'est une politique que je voudrais poursuivre dans tous les domaines. S'il y a eu des renseignements qui ont été fournis par le

passé et si la population trouve qu'ils n'ont pas été suffisants, nous verrons à les augmenter.

LE PRESIDENT (M. Lavoie): L'honorable député de Lafontaine.

Rapport Hanigan

M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales. Est-ce que le ministre peut répondre? Est-il exact, concernant le rapport Hanigan, faisant suite à la commission d'étude Hanigan sur la Communauté urbaine de Montréal et touchant l'aménagement du territoire, l'urbanisme, le transport, etc., que le ministre ne veut pas déposer ce rapport avant le mois de mai? Si c'est exact, pour quelle raison est-ce, étant donné la relation qu'il y a exactement entre ce rapport et le projet de loi sur l'aménagment du territoire du Québec? Troisièmement, est-ce que le ministre actuel prend à son compte le projet de loi déposé par le ministre des Affaires municipales qu'il l'a précédé sur l'aménagement du territoire et de l'urbanisme?

M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement, je voudrais simplement, afin que ce soit bien clair, qu'on ne se réfère pas à un projet de loi, mais plutôt à un avant-projet.

M. LEGER: D'accord, entendez avant-projet dans ma question.

M. GOLDBLOOM: Il est vrai, M. le Président, que le rapport du comité d'étude sur la communauté urbaine de Montréal sera déposé avant la fin du mois de mai. Ce rapport était attendu à la fin de décembre, mais un prolongement du mandat a été accordé. Même avec ce prolongement, il faut dire que l'on trouve difficilement un exemple comparable d'une étude de cette envergure accomplie en si peu de temps et le délai nous a semblé tout à fait justifié. Les rapports des sous-comités doivent parvenir au comité central au cours de ce mois-ci. La compilation et la rédaction du rapport définitif se feront alors et c'est à la fin de mai qu'il sera déposé.

Quant à notre intention de publier ce rapport, j'ai déjà dit qu'il sera publié immédiatement. Je prendrai tout simplement le temps d'en prendre connaissance, ce qui me semble raisonnable, et je le rendrai public de façon à permettre un débat à son sujet.

Quant à sa relation avec l'avant-projet de loi, c'est-à-dire le document de travail déposé sur la planification urbaine et l'aménagement du territoire, elle est évidemment importante, mais il y a également une relation avec la loi constitutive de la communauté urbaine qui exige, comme le député le sait, le dépôt, en 1973, d'un plan d'aménagement du territoire. Je fais certainement mien l'avant-projet, comme document de travail, comme matière à discussion. De façon provisoire, nous visons le 22 mars comme première journée d'audiences publiques sur le sujet.

LE PRESIDENT: Deux courtes réponses. L'honorable ministre des Affaires municipales, sur sa lancée, pourrait terminer par une réponse.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, hier, le député de Lotbinière m'a posé une question sur le dépôt des rapports annuels de la Société d'habitation du Québec. Je suis en mesure de l'informer que le rapport 1970-1971 ira à l'imprimeur au début de la semaine prochaine. Il y a eu des délais à cause de changements administratifs à l'intérieur de l'organisme. Un texte dactylographié pourra être mis à la disposition des députés dès mardi prochain, si on le désire. Dès que le texte reviendra de chez l'imprimeur, il sera distribué aux députés en Chambre. Le rapport 1971-1972 suivra aussitôt que possible.

LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail.

Embauche des travailleurs pour la baie James

M. COURNOYER: Je voudrais répondre à la question du député de Rouyn-Noranda, hier. Je remarque qu'il n'est pas ici pour entendre la réponse, mais son collègue lui transmettra sans doute l'expression de mes meilleurs sentiments.

M. ROY (Beauce): Le député de Rouyn-Noranda sera ici dans quelques secondes.

M. COURNOYER: Je voudrais faire l'exposé, en pourcentage cumulatif, des employés qui travaillent à la baie James par rapport aux employés de la région de l'Abitibi. En provenance du Centre de main-d'oeuvre de Rimouski, seulement 5.10 p.c; de Chicoutimi, 5 p.c; de Québec, 2.69 p.c; de Trois-Rivières, 3.84 p.c; de Sherbrooke, 1.92 p.c; de Montréal, 28.62 p.c; de Hull, 2.02 p.c; de Rouyn, 40.35 p.c; de Sept-Iles, 0.38 p.c; de l'extérieur du Québec, 0.09 p.c; de Fort George, 1.92 p.c; de Chibougamau, 8.07 p.c.

La promesse que nous avions faite ici que les gens de la région immédiate aurait préférence est, à mon sens, totalement respectée. Quant à la conduite des gens, lors de leur assemblée à Rouyn la semaine dernière ou cette semaine, dites-vous bien que je ne suis pas très heureux, lorsque les officiers de mon ministère prennent la peine d'aller à une assemblée, qu'ils soient insultés et qu'on déchire les formules qui nous permettraient peut-être d'aider davantage les gens de la région. Je n'aime pas ça et je pense que personne n'aimera que des fonctionnaires du ministère soient maltraités lors d'assemblées publiques. En conséquence, je n'ai pas l'inten-

tion de participer ou de laisser participer mes fonctionnaires à quelque assemblée publique que ce soit, à moins qu'on ne me donne des assurances qu'ils ne seront pas aussi maltraités qu'ils l'ont été la dernière fois.

M. AUDET: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question?

LE PRESIDENT; Question additionnelle.

M. AUDET: Les rapports que vous venez de donner sont-ils récents ou s'ils font suite à une demande de priorité dans le choix des travailleurs du Nord-Ouest? Est-ce que ces rapports résultent de l'activité récente qui prône cette priorité ou s'il y a longtemps que ce rapport est connu?

M. COURNOYER: C'est cumulatif au 31 octobre 1972. On sait, vous et moi, que, depuis ce temps, il n'y a pas tellement de grandes activités qui ont eu lieu au point de vue de l'emploi sur le chantier. Ce sont les employés au 31 octobre. Ce sont des montants cumulatifs pour l'année 1972 et c'est tout ce que j'ai. Quant à l'état actuel des choses, il y aurait, sur le chantier, actuellement, 4,880 personnes qui y travaillent, dont 1,944 sont des employés de l'Hydro-Québec qui sont sujets à rappel en vertu des conventions collectives de l'Hydro-Québec et qui ne sauraient entrer dans le système de la préférence qu'on peut donner à l'occasion de ce projet, des employés permanents de l'Hydro-Québec.

Il en reste donc 2936 dont 948 sont des gens du Nord-Ouest. Neuf cent quarante-huit, donc le tiers. Les chiffres que je vous ai donnés tantôt étaient cumulatifs au mois de novembre il y a eu des mises à pied depuis ce temps-là. Mais on recommencera l'emploi bientôt, vu le printemps qui est à nos portes. Il est possible que nous continuions, et normalement, nous allons continuer ce que nous avons dit, mais si les gens ne veulent pas remplir les formules, les brûlent et disent qu'ils vont venir régler ça au Parlement, j'ai bien des nouvelles pour eux, c'est là-bas que ça se règle, non pas ici.

LE PRESIDENT: Dernière question.

M. AUDET: Est-ce que ce rapport, qui est très intéressant pour les gens de ma région, a été donné auparavant? Est-ce la première fois qu'il est rendu public?

M. COURNOYER: Je le rends public pour la première fois, puisque hier, le charmant député de Rouyn m'a posé la question et j'ai pris sur moi de lui répondre le plus rapidement possible. Je le fais ce matin.

LE PRESIDENT: Affaires du jour.

Motion de censure de M. Fabien Roy

Avant de procéder à la motion privilégiée de censure du Ralliement créditiste, je demanderais aux leaders, si on peut convenir du même partage de temps que nous avons effectué la semaine dernière, ce partage étant de 40 minutes, comprenant le premier discours et le droit de réplique du député de Beauce qui a inscrit la motion. Donc 40 minutes en tout. Quinze minutes à l'Union Nationale, 15 minutes au Parti québécois et une enveloppe de 45 minutes du côté ministériel, se terminant par la réplique du député qui a inscrit la motion, et enfin, le vote.

M. LEVESQUE: Cinq minutes, M. le Président? Comme la dernière fois, était-ce cinq minutes?

LE PRESIDENT: Ce serait trente et dix.

M. ROY (Beauce): J'ai demandé trente et dix. Cela revient au même, c'est 40 minutes de toute façon.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.

M. Fabien Roy M. ROY (Beauce): M. le Président...

LE PRESIDENT: J'inviterais les députés à prendre leur place et à garder le silence. A l'ordre! Messieurs! Prenez vos sièges, s'il vous plaît!

M. ROY (Beauce):... nous avons inscrit une motion de censure à l'endroit du gouvernement à ce stade-ci de nos travaux parlementaires, parce que nous avons cru qu'il était de notre devoir et de notre responsabilité de soumettre à l'attention du gouvernement et à l'attention des membres de cette Chambre certains faits, certaines situations qui prévalent à l'heure actuelle au Québec à l'endroit de catégories de personnes qui auraient peut-être, non seulement peut-être, mais qui auraient le plus besoin d'écoute et de compréhension de la part du gouvernement et de tous les membres de l'Assemblée nationale.

Je vais donc tenter, au cours des prochaines minutes mises à ma disposition, de me faire le porte-parole d'un fort pourcentage de notre population au Québec qui, à l'heure actuelle, connaît des problèmes énormes, épouvantables, je dis bien le mot épouvantable, causés par une réglementation, par une certaine législation, et surtout, par certains moyens d'application de cette réglementation qui constitue une discrimination, des abus conduisant 10 p.c. à 12 p.c. de notre population québécoise au rôle d'éternelles victimes de notre système économico-politique, compte tenu du fait qu'on les place dans une situation sur le plan social qu'on peut considérer comme inhumaine dans une économie que nous pourrions organiser de façon à leur donner beaucoup mieux.

Je dis que, de par la motion dont je fais la lecture ici pour le journal des Débats, cette assemblée est d'avis que le gouvernement doit être blâmé, 1 ) pour avoir mal évalué la situation dans laquelle se trouvent les personnes défavorisées; 2) pour avoir instauré des mesures restrictives et coercitives, ne tenant pas compte de la réalité en maintenant des politiques mal conçues, favorisant la persécution sociale d'une part et le gaspillage et la fraude, d'autre part.

Troisièmement, pour avoir négligé d'adopter des mesures pour y mettre un terme par l'établissement d'une vraie politique de sécurité sociale qui respecterait la dignité humaine. Or, M. le Président, ces trois points, ces trois grandes considérations font en sorte que nous avons à l'heure actuelle comme conséquence, premièrement, des politiques qui favorisent la dépossession des pauvres; deuxièmement, la persécution sociale, parce qu'il y a des gens qui, à l'heure actuelle, subissent un régime de terreur, je dis bien un régime de terreur; l'obligation de mentir et frauder le gouvernement pour pouvoir vivre et manger dans la province de Québec en 1973; quatrièmement, on ouvre les portes à l'abus sous toutes ses formes; cinquièmement, on favorise le gaspillage et, sixièmement, on tente d'établir la pauvreté en permanence pour un certain groupe de personnes, surtout pour que ce nombre de personnes augmente de plus en plus.

Or, M. le Président, pour illustrer ces faits, je me permettrai de citer à l'attention du gouvernement certains cas particuliers. Je vais taire les noms pour respecter la dignité de ces personnes mais je pourrais dire les noms, les numéros de dossier, et je veux assurer tout de suite le gouvernement et les membres de cette Assemblée que ces dossiers ne sont pas de mon comté. J'ai vérifié dans toutes les régions du Québec, y compris le grand Montréal métropolitain, et j'ai retrouvé la même situation parce que ces dossiers ou ces cas illustrent des situations qui découlent de la réglementation qui est appliquée dans toute la province de Québec.

La dépossession des pauvres. Certaines personnes ont des petites propriétés autres qu'une résidence. Nous voyons cela dans les milieux ruraux surtout parce que la propriété privée est beaucoup plus accessible que dans les grands milieux urbains. Certaines personnes ont des petites propriétés ayant peu de valeur. Je songe par exemple à un lot boisé qui a été accordé il y a quelques années, à une priorité additionnelle, à un emplacement, à différents petits lots d'appoint que des personnes peuvent avoir. Le gouvernement, dans le cas d'une deuxième propriété, ne fait aucune différence avec une personne qui aurait une maison à logement qui pourrait valoir $20,000, $25,000 ou $50,000. On s'attaque donc à la petite propriété.

Après avoir fait beaucoup de recherches, après avoir insisté beaucoup pour connaître les règlements de l'application de la Loi de l'aide sociale, j'ai constaté qu'il est impossible pour les membres de l'Assemblée nationale de connaître cette réglementation. Elle n'est pas publiée dans la Gazette officielle, le gouvernement ne l'a pas publiée non plus dans les documents qu'il nous a remis. C'est confidentiel et réservé aux agents de sécurité sociale. C'est donc impossible pour nous de savoir quoi que se soit.

M. le Président, j'ai fini quand même par découvrir le cas d'une veuve, avec quatre enfants, qui avait une petite propriété qu'elle ne pouvait pas vendre parce qu'elle n'avait pas de valeur marchande. Je pourrais donner le nom au ministre et je tiens à dire que ce n'est pas dans mon comté, c'est en ville. On lui a donc refusé l'aide sociale pendant un certain nombre de mois. Elle a dû vivre de la charité publique, de personnes qui ont quêté pour elle. On lui a fait parvenir cette lettre que je lis à l'intention du ministre et à l'intention du gouvernement: A compter du premier janvier 1972, nous devons suspendre toute forme d'aide sociale et cela de la décision du bureau régional.

Remarquez bien, M. le Président. Pour ce qui est de votre propriété, vous devrez contacter un agent d'immeuble. Vous ferez mettre votre propriété en vente et cela pour les deux tiers de sa valeur.

La dépossession des pauvres et la persécution des pauvres. On oblige ces personnes par une réglementation, à vendre leur propriété aux deux tiers de la valeur. J'aimerais que le ministère des Affaires sociales ou le gouvernement puisse mener une enquête pour savoir qui les achète ces propriétés. Comment se fait-il qu'ils apprennent à un moment donné que telle propriété peut être à vendre? Dans quelle région? De quelle façon procède-t-on? Ce serait probablement intéressant.

Dans un autre cas, qui encore n'est pas dans mon comté, une veuve depuis 19 ans, qui avait élevé de peine et de misère sa famille de 8 enfants, on l'a obligée à vendre sa propriété parce que, du fait qu'elle était propriétaire, elle n'avait droit qu'à un très petit montant.

Elle avait droit à $89 par mois, alors que si elle avait été locataire, elle aurait eu droit à $23 de plus. On accorde $10 par mois pour l'entretien d'une propriété en 1972 et en 1973. On a donc privé cette personne de ses allocations sociales parce qu'elle avait décidé de se départir de sa propriété et de la vendre pour les dettes qu'elle avait contractées envers ses enfants qui, eux aussi, avaient la charge d'une famille. Elle a été privée pendant onze mois de ses allocations sociales parce qu'elle avait vendu sa propriété à ses enfants pour pouvoir y demeurer un peu quand même par la suite, pour être en mesure de vivre, quitte à payer un certain loyer.

M. le Président, cette façon de procéder du ministère des Affaires sociales est inhumaine. C'est une honte. Je dis, M. le Président, que c'en est presque gênant de vivre dans la province de Québec.

M. le Président, j'ai parlé tout à l'heure de persécution sociale. Au niveau de la persécution

sociale, c'est la même chose. Je suis d'accord qu'il y a des cas de fraude et que le gouvernement doit sévir, mais de là à envoyer des états de compte, comme le fait le ministère des Affaires sociales, à tout le monde, pour toutes sortes de raisons, il y a quand même une marge. Je suis en train de me demander si l'intelligence et le jugement sont des choses qui peuvent être utiles au ministère des Affaires sociales. Je suis en train de me demander si cela est nécessaire. Je pense que c'est un critère, à l'heure actuelle, peut-être, pour l'engagement de certaines personnes. Je ne m'en prends pas aux agents de sécurité sociale, qui subissent et qui sont obligés d'appliquer ces politiques. Je parle du ministère, pas des bureaux locaux.

M. le Président, je vais donner quelques exemples de persécution sociale et du régime de terreur qui est en train de s'établir au Québec. On envoie à une personne une réclamation de $155 puis on traîne la réclamation. On en envoie à une autre personne une de $105, à une autre une de $157. Tout cela pour des erreurs qui ont été commises par les agents de sécurité sociale, pour de petites différences dans l'évaluation des revenus alors que bien des revenus sont organisés de façon fictive. A une autre, on envoie une réclamation de $323, à une autre, une réclamation de $76. On ne peut pas dire que ce sont des gens qui ont fraudé. M. le Président, je pourrais citer des centaines de cas identiques. Ces personnes à qui on demande de rembourser le gouvernement n'ont comme seul revenu que l'allocation de l'aide sociale. Elles n'ont pas autre chose et elles n'en ont pas suffisamment pour vivre dans des conditions logiques et dans des conditions normales. C'est la situation dans laquelle on place ces personnes. Pour sauver le régime, pour sauver "l'establishment" ou tâcher de camoufler un peu le déficit du gouvernement, on envoie des comptes aux assistés sociaux, aux pauvres, aux défavorisés et ceci figure dans les comptes recevables du bilan de l'Etat. Cela paraît bien, cela sauve la face. C'est comme ça que ça se passe et c'est comme ça qu'on va, à l'heure actuelle, dans le Québec.

J'ai dit, M. le Président, que d'un autre côté on obligeait ces personnes à mentir et à frauder pour vivre. J'aimerais que le ministre des Affaires sociales me dise comment un couple résidant à cinq milles du village, dans une petite maison, peut vivre, faire face à ses obligations avec $114 par mois. J'aimerais que le ministre me le dise. J'aimerais que le ministre me dise comment le député d'un comté doit agir lorsqu'il doit recevoir à son bureau des personnes qui sont obligées de payer leurs taxes parce qu'elles sont poursuivies devant les tribunaux pour arrérages de taxes. J'aimerais que le ministre nous réponde là-dessus.

J'aimerais que le ministre nous dise également comment d'autres couples, dont l'homme et la femme sont tous les deux sous les soins de médecins, tous les deux obligés de voyager à l'hôpital régulièrement, presque à chaque semaine, peuvent vivre dans la province de Québec, entretenir une automobile ou encore payer des taxis avec $125 par mois pour deux personnes? J'ai lu ce matin, la déclaration parue dans le journal Le Devoir de Montréal, rapportant que les églises canadiennes s'adressaient à M. Sharp, disant que le Canada contribue à élargir le fossé entre riches et pauvres. C'est vrai. Le ministre Marc Lalonde disait, hier, dans les journaux, qu'il y a des provinces, à l'heure actuelle, où c'est vraiment honteux la façon dont les politiques sociales sont établies.

M. le Président, sur un autre point, j'ai dit, tout à l'heure, qu'on ouvrait la porte à la fraude.

Selon la réglementation établie par le ministère des Affaires sociales, à l'heure actuelle, il y a quatre critères de base pour être admissible à la Loi de l'aide sociale. Il n'est pas question de veuves, de mères nécessiteuses, d'aveugles, d'invalides, de personnes âgées, non. Cela ne compte pas. Quatre critères. Il faut être sans travail, sans argent, sans actifs et se déclarer dans le besoin. C'est comme ça qu'on est admissible à la Loi de l'aide sociale au Québec.

Ceci fait en sorte qu'une personne ayant gagné $8,000 en huit mois, dans une année, peut s'adresser au bureau de l'aide sociale et aller retirer de l'aide sociale pendant les quatre autres mois si elle ne retire pas d'assurance-chômage, se faire acheter des meubles et bénéficier des traitements spéciaux, parce que c'est la première fois qu'elle en fait la demande.

M. le Président, nous voyons énormément d'abus, énormément de gaspillage. On est obligé de priver d'autres personnes pour donner à ces gens qui essaieront toujours de vivre aux dépens des autres et au crochet de la société.

Je cite cet exemple à l'attention du ministre qui pourra vérifier cela dans les règlements de l'aide sociale. Je sais que le ministre ne pourra pas dire que ce n'est pas vrai. Je ne veux pas parler en son nom. Il aura certainement, tout à l'heure, quelque chose à ajouter sur ce sujet.

M. le Président, en plus d'obliger des personnes à mentir et à frauder pour vivre au Québec, en plus d'ouvrir les portes aux abus de toutes sortes, le gouvernement favorise le gaspillage des deniers publics et je vais en citer quelques exemples.

Nous savons que la Loi de l'aide sociale, qui a été votée en 1969 par l'ancien gouvernement et qu'on a voulue unique, contribue à camoufler ou à cacher certains problèmes économiques que certaines régions et certaines catégories de la population avaient à vivre. Nous savons que, dans les milieux ruraux, compte tenu du remue-ménage qui se fait en agriculture, des politiques centralisatrices et autres, plusieurs cultivateurs marginaux ont dû avoir recours à l'aide sociale pendant plusieurs mois. Justement, parce qu'ils avaient des actifs, on les a

départis de leurs actifs, on les a obligés à vendre. Ils sont devenus des assistés sociaux permanents, sans aucune possibilité de recyclage, compte tenu que ce sont des personnes de 50, 55, 56 ans, non admissibles aux cours, non admissibles aux autres lois adoptées tant par le gouvernement fédéral que par le gouvernement provincial pour permettre à certaines personnes de se placer ailleurs, de gagner leur vie et d'être un actif dans la société.

Je suis obligé de citer des exemples pour prouver au gouvernement les conséquences de sa législation et de sa réglementation de l'aide sociale. A l'article "bois et chauffage", on sait de quelle façon, dans les milieux ruraux, on procède sur cet article. Il faut que ceux qui sont bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale achètent leur bois chaque mois. Il faut qu'ils le paient chaque mois parce qu'on ne permet pas à ces personnes de se procurer ce dont ils ont besoin pour être capables de se chauffer dans la province de Québec.

J'ai dû faire une intervention, j'ai dû écrire au ministère des Affaires sociales et voici ce qu'on m'a répondu. "Nous avons bien pris connaissance des représentations faites par le député de Beauce relativement aux frais afférents à l'habitation pour le chauffage. Nous vous informons que le ministère des Affaires sociales, en collaboration avec le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation, est à réaliser un projet d'élaboration de nouvelles formules d'aide correspondant aux problèmes actuels de nos bénéficiaires ruraux, lesquels sont des cultivateurs marginaux".

On n'a pas encore assez de "cocologie", je dis bien de "cocologie", pour être capable de régler le problème sans encore faire une commission d'enquête et des commissions interministérielles, alors que c'est si simple à régler. Durant ce temps-là, on attend et, parce que ça favorise le trust de l'huile et les grosses compagnies — le gouvernement aime ça — on oblige ces gens à s'installer des systèmes de chauffage à l'huile qui coûtent $500, $600, $700 et $800 et on les oblige à avoir l'air climatisé dans leurs maisons.

Là où cela commence à être encore plus fort, c'est lorsque le gouvernement permet l'achat d'un système de chauffage et s'engage à le rembourser, mais à condition qu'on hypothèque la propriété. Si on hypothèque la propriété sur billet à la caisse populaire, ce n'est pas bon. Cela prend au moins $100 de frais de notaire pour pouvoir faire les titres, passer l'hypothèque, radier ce qui doit être radié pour que la caisse populaire puisse avoir le bon titre de propriété, faire faire les enregistrements au bureau d'enregistrement et tout le tralala. Le gouvernement est généreux. Le gouvernement paie. C'est intelligent comme cela. C'est ainsi que le gouvernement fonctionne.

C'est encore un autre point sur lequel je dis qu'il y a du gaspillage énorme. On pourrait venir même à se poser des questions sur la façon dont on autorise l'achat de biens spéciaux, c'est-à-dire qu'on favorise l'accès aux besoins spéciaux. Nous avons tous, dans nos comtés, des marchands favorisés, des marchands qui ont le don et le tour de faire accepter leurs soumissions au bureau de l'aide sociale alors que, si on passe par d'autres marchands, on a des problèmes. Autrement dit, on laisse une certaine liberté, les complications commencent et les personnes ne peuvent pas avoir recours aux besoins spéciaux quand elles doivent y avoir recours, parce qu'avec les montants que j'ai mentionnés tout à l'heure, il n'y a pas possibilité pour ces gens de s'en sortir. C'est la façon dont on procède.

Il y a un autre point. Et je dis qu'à l'heure actuelle, c'est beaucoup plus grave. J'ai dit tout à l'heure qu'on était en train d'établir la pauvreté en permanence en obligeant ces personnes à s'endetter envers l'Etat. J'ai des cas ici qui nous démontrent que le gouvernement de la belle province en est rendu à faire parvenir au gouvernement fédéral les relevés de compte des assistés sociaux pour faire retenir sur le chèque de sécurité de vieillesse un montant à chaque mois pour rembourser les dettes qui auraient été contractées envers le gouvernement de cette province, alors que les gens ont contesté les mêmes décisions des bureaux régionaux. Nous avons des cas où on réclame des chèques pour des allocations versées en 1966. Et si le ministre n'est pas au courant, je pourrais lui donner des noms personnellement et les numéros de dossiers. On retient à des personnes $25 par mois sur leur chèque de sécurité de vieillesse parce que la personne aurait réalisé en 1966 quelques dollars pour la vente de sa seule propriété, alors qu'au lieu de la réalisation d'un actif, les gens qui travaillent au ministère des Affaires sociales ne font pas de différence entre une capitalisation ou une dépense courante, ou entre un revenu ou la réalisation d'un actif. On a considéré la réalisation de cet actif comme étant un revenu de l'année et cela, après sept ans, on oblige des personnes âgées à rembourser le gouvernement provincial pour des erreurs qui auraient été commises ou encore pour des décisions qui ont été mal rendues parce que, justement, ces personnes n'ont plus le courage, l'énergie nécessaire et n'ont pas les moyens de toujours se promener dans les bureaux d'avocats et d'attendre que la justice suive son cours, c'est-à-dire pendant au moins 18 mois, avant de pouvoir avoir gain de cause.

Tout cela fait que notre gouvernement de Québec est en train d'établir en permanence chez nous un régime de pauvreté garantie avec revenu maximum permis. C'est en quelque sorte ce que cela donne. Cela est très préjudiciable à l'économie de la province. Je vais donner un exemple qui me vient à la mémoire.

Nous savons que dans la plupart des régions rurales du Québec nous allons, dans quelques jours, commencer la période des sucres. Lorsque nous savons qu'il est impossible pour le

cultivateur de se trouver de la main-d'oeuvre, il y a des gens qui ne demanderaient pas mieux que de travailler pendant un mois; mais à cause des lois, des restrictions et à cause des dangers de perdre leur privilège, de perdre, autrement dit, ce qu'ils ont réussi à obtenir après trois, quatre, cinq ou six mois, ces gens ne sont pas intéressés à recommencer et à retourner sur le marché du travail seulement pour un mois à récolter un produit d'exportation même — et je sais que je vais faire plaisir au vice-premier ministre — qui contribue à améliorer la balance des paiements de la province de Québec, un produit de chez nous, authentiquement québécois, qui a contribué à faire connaître le Québec ailleurs.

Ce sont des conséquences de cette législation stupide, je dis bien stupide, qui encourage la dépossession, et c'est là que je reconnais les caractéristiques socialistes du ministère des Affaires sociales. La première caractéristique du socialisme, c'est la dépossession de la propriété, de toute propriété. Evidemment, on commence par déposséder les petits, on commence par déposséder ceux qui ne sont pas syndiqués. Je regardais les gens du Parti québécois applaudir quand j'ai parlé de socialisme, M. le Président. Nous irons dans leurs comtés à la prochaine compagne électorale, nous irons leur citer des phrases qu'ils ont citées devant l'Assemblée nationale et je vous garantis qu'ils ne seront pas très heureux.

M. LAURIN: Ils vont les renier.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'ai peur.

M. ROY (Beauce): Comme leur cas est un cas temporaire, je ne perdrai pas de temps là-dessus.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous me faites trembler.

M. ROY (Beauce): Je dis que c'est une des premières caractéristiques et cela démontre clairement qu'on commence par déposséder ceux qui possèdent peu pour en faire des prolétaires, des éternels prolétaires. Les gens du Parti québécois trouvent cela drôle, cela les amuse. Je sais bien qu'un député est bien payé et qu'il n'a pas ces problèmes-là.

Il y a un deuxième point, c'est qu'on augmente l'aide. Cela a pour conséquence, M. le Président, d'augmenter les conflits sociaux. Nous avons vu des défilés devant le parlement, nous voyons des groupes qui s'organisent un peu partout. Les gens sont désespérés d'être sous la tutelle de ce ministère ignoble, je dis bien ignoble, des Affaires sociales. Je m'excuse, M. le Président, si je suis violent. J'ai dit que je tenterais ce matin d'être le porte-parole en cette Chambre d'à peu près 10 p.c. de la population du Québec. Si elle était ici à ma place, elle aurait des propos beaucoup plus violents que ceux que je peux avoir. Ce n'est pas toujours agréable pour nous d'être obligés d'intervenir et de revenir à la charge aussi souvent. Mais je reproche à ce moment-ci d'avoir mal évalué la situation et d'avoir fait une erreur au point de départ. Lorsque la loi 26 a été adoptée, par l'ancien gouvernement, elle établissait certains principes à l'article 2 et à l'article 3. On dit: Le ministre est autorisé à accorder l'aide sociale dans les cas prévus par la présente loi à toute personne seule qui y a droit en vertu de la présente loi et des règlements. L'article 3 se lit comme suit: "L'aide sociale est accordée sur la base du déficit qui existe entre les besoins d'une famille et d'une personne seule et les revenus dont elle dispose pourvu qu'elle ne soit pas exclue en raison de la valeur des biens qu'elle possède." Dans cette loi il y a seulement un grand pouvoir de réglementation qui permet aux technocrates et au ministre de fixer lui-même les montants que l'on accorde à ces catégories de population, sans que la Chambre ait un mot à dire. Encore une preuve du pouvoir des technocrates. Nous protestons contre le pouvoir abusif de réglementation que le gouvernement est en train de se donner. L'ancien gouvernement a péché par excès de confiance à ce moment-là, je suis obligé de le dire. Nous avons fait confiance au pouvoir de réglementation pour régler tous les problèmes. L'esprit de la loi est bien, je dirais qu'il est noble, mais la réglementation contredit de fond en comble tout l'esprit de la loi parce qu'on n'a pas appliqué la loi selon son exprit.

Il y avait des lois avant. Je parle de la loi concernant les personnes âgées, chapitre 61 de 1965, article 3. Cela fut voté par l'Assemblée nationale, donc les députés avaient droit de s'exprimer et de parler sur ce sujet. On garantissait $75 par mois, en 1965. La même chose pour la Loi des invalides, chapitre 60 de 1965, dans laquelle l'article 3 accorde également une allocation de $75 par mois. Ce fut décidé à l'Assemblée nationale, les députés furent consultés, les députés avaient leur mot à dire. Ils pouvaient voter pour, il pouvaient voter contre, ils pouvaient proposer des amendements, faire des suggestions. Même chose pour la Loi des aveugles, chapitre 59 de 1965. Même chose pour le chapitre 123 des Statuts refondus de 1964, article 11, dans le cas des mères nécessiteuses, alors qu'un adulte et un enfant avaient droit à $85 par mois et c'était dans la loi. On accordait $10 additionnels par mois.

On a pris des lois votées par l'Assemblée nationale, elles ont toutes été abrogées par une loi qui dit que les députés n'ont plus un mot à dire là-dedans. Les fonctionnaires vont décider, les technocrates, les penseurs, ceux qui pensent au nom de toute le monde. Même à l'heure actuelle, c'est dépassé parce qu'ils ont commencé à engager des repenseurs. Eux, il faut qu'ils repensent les politiques que les penseurs ont pensées avant.

M. SAMSON: Et des dépenseurs.

M. ROY (Beauce): Il y a aussi les dépenseurs, comme vient de le dire le député de Rouyn-Noranda. C'est là le problème. Depuis 1970, nous sommes dans cette Chambre et, depuis 1970 le ministère des Affaires sociales nous charrie sans que nous soyons en mesure d'intervenir, sinon en posant quelques questions à l'intérieur de nos règlements. Nous ne pouvons pas faire de débats, ni nous exprimer sur ce point. C'est tellement vrai que le ministère des Affaires sociales nous charrie qu'à la suite des demandes que nous avions faites nous étions heureux de voir qu'après un an et demi d'efforts soutenus de notre part le ministre avait fini par comprendre qu'il était possible d'enlever la question des obligés en loi. Mais le ministre nous annonce que, du fait que les obligés en loi étaient enlevés, on pouvait enlever $10 par mois à ceux qui étaient bénéficiaires de la loi. Il se trouve qu'il y avait des personnes qui gardaient chez elles, des invalides qui n'étaient pas bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale. A cause de l'augmentation du coût de la vie, ces mêmes personnes ont été obligées... Il me reste deux minutes, M. le Président. Je regarde l'honorable leader du gouvernement, je ne sais pas s'il regardait l'heure pour m'arrêter.

M. SAMSON: Il en reste quatre.

M. ROY (Beauce): J'ai commencé à 11 heures précises.

M. LEVESQUE: Je voulais simplement rendre service au député de Beauce parce qu'il avait mentionné qu'il voulait se garder dix minutes pour la réplique. S'il continue, il va commencer à l'entamer.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'ai 40 minutes en tout.

M. LEVESQUE: Oui, oui!

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Il vous reste encore trois minutes.

M. ROY (Beauce): Merci, M. le Président, Je vais conclure rapidement.

M. LEVESQUE: C'est bien dommage, M. le Président, mais ce n'est pas vrai.

M. ROY (Beauce): Le ministère des Affaires sociales, comme je le disais, a enlevé $10 aux bénéficiaires de la loi pour personnes invalides, de sorte qu'à l'heure actuelle les faibles salariés, les personnes âgées qui doivent garder un membre de la famille chez eux se sont trouvés privés de $10 par mois sans aucune compensation face aux augmentations constantes du coût de la vie. C'est un autre point sur lequel le gouvernement et le ministère, de façon unilatérale, sans soumettre le cas devant l'Assemblée nationale, nous annoncent, par une déclaration ministérielle, qu'ils sont à régler un problème de sécurité sociale au Québec en déterminant eux-mêmes quels sont les montants que les personnes doivent recevoir en fonction de telle ou telle réglementation.

Or, pour ces considérations, je dis que le gouvernement actuel du Québec est à blâmer et nous allons exiger un vote enregistré sur cette motion. Le gouvernement est à blâmer d'avoir agi de la sorte parce qu'à l'intérieur du montant d'argent que le gouvernement dispose, si ces questions avaient été débattues devant l'Assemblée nationale, des suggestions auraient été faites de façon que les personnes vraiment pénalisées, comme les veuves, les mères nécessiteuses, les aveugles, les invalides et les autres, auraient pu bénéficier d'allocations supplémentaires sans qu'il en coûte un sou de plus au budget de la province, donc aux contribuables de la province de Québec. Comme on veut à tout prix établir une dictature — je pense que c'est flagrant, cela en est encore une preuve — un certain groupe de technocrates et de socialistes en puissance au sein du gouvernement se servent, à l'heure actuelle, de leur pouvoir de réglementation et de l'influence qu'ils ont auprès des membres du cabinet pour tâcher de soustraire à l'Assemblée nationale ses pouvoirs et ses prérogatives et le pouvoir des élus du peuple de se prononcer sur ces questions pour décider de façon unilatérale, en étant bien protégés, eux, ces messieurs, avec des bonnes clauses de sécurité d'emploi dans les cadres de la fonction publique et avec toutes les bénédictions que vous pouvez trouver. Alors, c'est la population qui se trouve pénalisée.

Je demande aux membres de cette Chambre de voter pour la motion de blâme que nous avons présentée ce matin.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Gabriel Loubier

M. LOUBIER: J'ai écouté les propos du député de Beauce qui a tenté de décrire la situation de confusion, de frustration et même d'indignation, surtout pour les contribuables, que soulèvent les polittiques sociales du gouvernement ou plutôt, leur application. Et je pense que la litanie d'exemples qu'il a cités à l'attention des membres de cette Chambre peut être vérifiée par chacun des députés, et plus particulièrement, par les députés qui représentent des circonscriptions rurales, semi-urbaines, ou même des députés de quartiers ou de comtés plus défavorisés de la ville de Montréal. Tous ces députés sont à même de constater la véracité des faits rapportés par le député de Beauce. D'une part, on est en train de créer un climat de frustration, de confusion chez les assistés sociaux et, d'autre part, on est en train, dans le grand public et pour les contribuables, de créer un sentiment d'indignation qui pousse certaines

personnes à commettre des excès de langage à l'endroit des politiques sur le plan social.

Je voudrais tout d'abord faire la distinction au départ entre ce qu'on pourrait appeler le socialisme et le phénomène de socialisation qui est propre à tout Etat civilisé, phénomène de socialisation surtout pour aider les plus défavorisés, les moins bien nantis et qui est le propre de toute société en évolution et surtout de tout pays ou de tout Etat qui connaît une certaine prospérité.

Partant de là, je pense qu'il n'y a aucun député dans cette Chambre qui soit contre l'intervention de l'Etat dans ce secteur, l'Etat qui doit être le leader, qui doit coordonner, planifier, surveiller et surtout, qui doit contrôler mais qui, par ses politiques sociales, ne doit absolument pas aboutir au résultat du découragement ou du manque d'incitation au travail ou d'encouragement à la paresse dans un secteur important de notre population.

Il est devenu admis par tous les Québécois, le moindrement bien renseignés que nous avons, en 1971, d'après les statistiques, au Québec, au-delà de 225,000 familles pauvres et un nombre total de personnes pauvres qui atteignait près de 1,200,000, soit un Québécois sur cinq, vivant dans un état de pauvreté ou d'indigence inacceptable pour une collectivité, une communauté comme la nôtre qui est, tout de même, privilégiée dans son ensemble sur le plan économique, comparaison faite avec la majorité des autres pays.

Même si je souscris entièrement à plusieurs propos tenus par le député de Beauce, je ne voudrais pas qu'on donne l'impression dans le peuple que l'Etat, en intervenant, est en train de créer un socialisme social répugnant parce que ce phénomène de socialisation, nous le rencontrons dans tous les pays le moindrement évolués.

Sauf que l'application des politiques sociales du gouvernement, la surveillance, les normes, les critères, le contrôle, les mécanismes de contrôle, nous semblent absolument déficients et il faudrait distinguer de façon très claire et très nette entre les vrais assistés sociaux — même si je n'aime pas employer cette expression — et les faux assistés sociaux. On se rendrait compte, si l'enquête était faite de façon sérieuse, s'il y avait des mécanismes de contrôle mieux huilés et mieux répartis dans la province, qu'il y a peut-être des dizaines et des dizaines de millions de dollars qui sont littéralement volés par de faux assistés sociaux, par des gens qui usent de tous les subterfuges, qui, comme on le disait tout à l'heure, trouvent la porte ouverte à la fraude sous toutes ses formes, s'y jettent tête baissée, deviennent des permanents au gouvernement — non pas des occasionnels — se considèrent à toutes fins pratiques comme des employés de l'Etat, recevant leur juste part pour le travail qu'ils ne font pas.

Je pense, M. le Président, qu'il y aurait lieu, pour le ministère des Affaires sociales, d'envisa- ger d'abord la mise en place de mécanismes de contrôle plus efficaces qui pourraient être plus décentralisés, dont le rendement serait assuré par une décentralisation encore plus réaliste. Je pense qu'en plus de ces mécanismes de contrôle, le gouvernement devrait mettre sur pied des politiques d'incitation au travail. Incitation au travail pour les économiquement faibles qui reçoivent des prestations, des allocations du gouvernement. Incitation au travail qui pourrait les conduire à une participation sur le plan des travaux publics de l'Etat, incitation au travail qui pourrait même rejoindre le champ de l'entreprise privée sous forme de subventions ou d'encouragement quelconque. Dès qu'un économiquement faible ou quelqu'un qui reçoit une allocation sociale a encore le désir — et il s'en trouve — de travailler, de gagner honorablement son pain, on l'a signalé tout à l'heure, il se trouve pénalisé pour vouloir travailler et pour vouloir apporter un peu plus chez lui. Il se trouve dans le dilemme, s'il pose un geste d'homme responsable, de père de famille conséquent et conscient de ses responsabilités, de dire: Si je travaille, je ne recevrai plus mes allocations. Combien de temps cela prendra-t-il avant de pouvoir les recevoir? A quelle enquête devrai-je être soumis? A quel mécanisme de torture dans les questionnaires devrai-je littéralement me prêter? C'est là que l'on crée, justement, ce climat de paresse. Au lieu de s'efforcer de revaloriser ces individus, on est en train, et c'est ce qui est le plus psychologiquement condamnable, je pense, de créer non pas une génération d'assistés sociaux, mais peut-être deux ou trois générations parce que ces gens se rendent compte que l'enfant qui voit son père recevoir des allocations se dit: Si je travaille un peu pour essayer de vous apporter un peu plus de bien-être, on va tout couper.

Vous seriez surpris de constater, M. le Président, jusqu'où, dans plusieurs régions et dans plusieurs foyers, on s'est accommodé de cette situation. Cela devient une philosophie partagée non seulement par tous les membres de la famille, mais à un moment donné cela devient contagieux. Ce sont des rangs entiers, des quartiers entiers, des paroisses entières qui cherchent par tous les moyens à obtenir, eux aussi, de l'argent du gouvernement sans travailler.

Dans ces circonstances, M. le Président, je pense que ces mécanismes de contrôle, ces politiques d'incitation au travail devraient être mis sur pied par le gouvernement. Il y a cependant, à la base de tout cela, peu importe le gouvernement au pouvoir, peu importe qui compose le gouvernement aujourd'hui, qui l'a composé hier ou qui composera le gouvernement de demain, au centre de toutes ces politiques, dans leur conception, dans leur planification, dans leur application, dans leur surveillance, ce que j'appellerais ce cancer des relations fédérales-provinciales. On revient, qu'on le veuille ou non, M. le Président,

continuellement à cette question fondamentale des relations ou encore des déficiences que l'on retrouve dans le domaine constitutionnel. Cela, peu importe quelle serait l'option politique de demain. Indépendamment de cela, nous devrons toujours négocier.

Je pense que le ministre actuel a fait de sérieux efforts pour essayer de récupérer, de rapatrier la souveraineté du Québec dans ce champ d'action bien précis, c'est-à-dire tout ce qui a trait à l'épanouissement de la personne humaine, que ce soit la santé, le bien-être, les loisirs, l'éducation ou le travail. Il y a eu des efforts de faits. Mais, malheureusement, ces efforts ont été annihilés par une obstination absolument incompréhensible du gouvernement central. Le Québec ne peut pas dans ce secteur, comme dans d'autres secteurs, avoir la pleine latitude, la plénitude de ses pouvoirs pour tracer ses priorités, pour que ses politiques sociales tiennent compte des particularismes exclusifs, pratiquement, au Québec, particularismes sur le plan démographique, particularismes sur le plan physique, particularismes sur une foule de plans. Le gouvernement, quel qu'il soit, se trouve dans une situation telle que ses politiques ne peuvent être le reflet véritable des besoins du Québec.

Mais pour en revenir au texte de la motion du député de Beauce, je dis qu'il est bien évident que cela ne peut pas continuer ainsi. Il n'y aurait pas, à mon sens, humiliation et le ministre ne diminuerait aucunement dans l'estime des Québécois s'il modifiait sensiblement ses politiques et surtout leur application. Si le ministre apportait des mécanismes de contrôle plus efficaces, si le ministre, dans certains secteurs, modifiait presque radicalement les réglementations, je pense que ces actes et ces attitudes du ministre rétabliraient un certain climat de paix sociale. On l'a signalé, souvente-fois c'est source de conflit, source d'affrontement. Le ministre des Affaires sociales devrait veiller à ce que les vrais assistés, les vrais économiquement faibles, ceux qui sont dépourvus véritablement, ceux qui ne peuvent d'aucune façon travailler pour les raisons que l'on connaît et qui correspondent à la loi reçoivent des allocations ou un revenu tels qu'ils puissent vivre avec au moins le minimum vital. Je pense qu'on pourrait utiliser des formules qui pourraient répondre à toutes ces questions. On pourrait se poser collectivement les questions suivantes: Serait-il préférable de recourir à une combinaison de formules de sécurité de revenu pour atteindre les objectifs fondamentaux que nous nous sommes fixés ou de les abandonner en faveur d'un seul programme de revenu garanti? Serait-il possible d'éliminer réellement les programmes existants ou ne serait-on pas dans l'obligation d'en conserver quelques-uns? S'ils pouvaient être discontinués, est-il réellement possible d'assurer à tout le monde un revenu garanti? Est-ce que c'est possible? Est-ce qu'on l'a étudié? Est-ce que toutes les analyses, par des actuaires, ont été faites dans ce sens? Et quelle formule de revenu garanti serait la plus appropriée pour les Québécois? Un impôt négatif sur le revenu ou des dividendes sociaux? Ce sont toutes des questions que l'on doit se poser individuellement et ce sont des questions auxquelles le gouvernement devrait s'attaquer pour en arriver à des conclusions ou à des choix définitifs. L'une et l'autre formule ont fait, ces dernières années, l'objet d'études plus ou moins approfondies. La formule de l'impôt négatif sur le revenu proposée par l'économiste Friedman dès 1962, dans son volume "Capitalism and Freedom", a été discutée et légèrement modifiée par la suite par plusieurs autres économistes, parmi lesquels Christopher Green et M. Lampman. On peut d'ailleurs avoir une bonne idée de la question dans le livre de Green, Negative Income Tax and the Poverty Problem.

Je cite cela pour que le ministre puisse peut-être y référer ou inviter de ses collaborateurs à y référer. Nous sommes tous à la recherche d'amélioration dans ce domaine.

M. le Président, je dois terminer d'une façon un peu abrupte. Vous me rappelez que le court laps de temps que j'ai à ma disposition est terminé. Mais dans ce domaine des Affaires sociales, il y a eu une évaluation qui ne correspond peut-être pas à la réalité. Il y a peut-être eu également des politiques mises de l'avant qui manquent de réalisme. Mais, de toute façon, je tiens à redire aux membres de cette Chambre que, dans notre société, dans un monde civilisé comme le nôtre, cette justice distributive dont on se gargarise partout doit être traduite dans ces phénomènes de socialisation qui sont le propre de nos sociétés modernes.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, la souffrance des assistés sociaux qui reçoivent des allocations sociales insuffisantes n'est que trop réelle. La dépersonnalisation graduelle des soins constitue également un problème inquiétant. Par contre, nous nous refusons à apporter de l'eau au moulin des sorcières qui se contentent de glapir leur dénonciation à l'endroit de ces insuffisances, qui exploitent démagogiquement, pour des fins politiques, les souffrances des milieux les plus défavorisés.

Nous nous refusons à apporter notre appui à des formations politiques qui n'apportent, comme remède, que des solutions mythiques ou simplistes. Nous savons que le problème est très réel et les solutions sont très connues. La solution est l'intégration de tous les programmes d'assistance sociale et de santé.

Cette intégration demande, par contre, un transfert inconditionnel de pouvoirs politiques

et également de ressources afin d'instaurer les mesures de revenu minimum garanti et de politiques de maintien et de sécurité du revenu dont la commission Castonguay-Nepveu a indiqué que nous en avions une absolue nécessité. Mais, pour cela, nous savons, étant donné l'obstination du fédéral, qu'il faudra recourir à l'indépendance politique qui, seule, nous en donnera les moyens politiques et les ressources. C'est la raison pour laquelle nous ne voulons pas commenter davantage la résolution créditiste, nous réservant de proposer au ministre les représentations ainsi que les mesures qui nous semblent pertinentes lors de l'étude des crédits.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'ai écouté avec attention les commentaires du député de Beauce, ceux du chef de l'Opposition officielle ainsi que ceux du député de Bourget. Je crois qu'il importe, au départ, de bien situer la question, ou encore, de faire un certain état de la question et de rappeler que, au Québec, au cours des douze ou treize dernières années, nous avons vu l'établissement de l'assurance-hospitalisation qui a rendu possible l'hospitalisation des gens, sans frais.

Nous avons également vu, au Québec, la réforme de l'éducation s'effectuer, ce qui a rendu possible à des centaines et des centaines de milliers de jeunes Québécois l'instruction alors que, auparavant, ils étaient condamnés, dans bien des cas, à une instruction de deuxième ordre ou à quitter l'école très tôt. C'est une des raisons pour lesquelles nous nous retrouvons aujourd'hui avec des problèmes de maind'oeuvre, des problèmes de chômage.

Nous avons également vu l'établissement du régime de rentes au Québec qui donne une protection aux veuves, aux invalides, protection qui a d'ailleurs été augmentée sensiblement au mois de janvier dernier, qui donne aussi, par l'épargne des Québécois, un réservoir de capitaux extrêmement important qui contribue de plus en plus à renforcer et à développer notre économie.

Nous avons vu et connu l'établissement, en 1967 ou en 1968, du régime québécois d'allocations familiales, sous l'ancien gouvernement. Ce régime s'est accompagné de l'élimination, pour les enfants de moins de 16 ans, des exemptions pour les personnes à charge. Cela demandait, de la part de ce gouvernement, je le reconnais, un certain courage de faire ce changement. Je me demande si le gouvernement fédéral aura le même courage lorsqu'il présentera son programme, au mois d'avril prochain.

Nous avons également, en novembre 1970, assisté à l'établissement de l'assurance-maladie qui rend les soins médicaux et les soins des optométristes accessibles sans aucun frais. Nous avons vu également, en novembre 1970, la nouvelle Loi de l'aide sociale mise en application. Jusqu'à ce moment-là, on dénonçait le système d'aide sociale, depuis des années, à cause de l'arbitraire dans le traitement des bénéficiaires, arbitraire qui se reflétait de façon très évidente dans les montants très disparates de prestations qui étaient octroyés.

Nous avons également, en août dernier, assisté à la mise en application de l'assistance-médicaments, ce qui permet aux bénéficiaires de l'aide sociale de recevoir les meilleurs médicaments possible, gratuitement, lorsqu'ils en ont besoin. Nous sommes en voie d'implanter aussi un réseau de centres locaux de services communautaires et nos priorités ont porté sur les personnes les plus défavorisées.

Si je mentionne ceci, M. le Président, c'est que, premièrement, on semble oublier, dans bien des cas, la situation antérieure et ne mettre en relief que certains des problèmes que l'on retrouve dans l'application de ces mesures. Mais, si l'on se reporte à la situation antérieure ou s'il l'on compare avec d'autres endroits où de telles mesures n'existent pas, c'est là qu'on peut voir jusqu'à quel point des progrès énormes ont été réalisés sur le plan social au Québec. Nous n'avons qu'à aller que chez nos voisins aux Etats-Unis, qui ont une richesse énormément plus grande que celle du Canada ou du Québec, et, encore, une personne qui élève une famille, si elle ou un des membres de sa famille est atteint de maladie, peut se retrouver avec des frais de plusieurs milliers de dollars et elle doit les payer; sans cela, elle est poursuivie. On peut imaginer quel genre de catastrophe peut résulter d'une telle situation.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque un peu le règlement.

M. CASTONGUAY: J'ai laissé parler chacun des membres...

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de règlement? Le député de Beauce sur une question de règlement.

M. ROY (Beauce): Je ne veux pas être désagréable à l'endroit de l'honorable ministre, mais nous avons présenté une motion pour blâmer le gouvernement d'avoir mal évalué la situation des personnes défavorisées. Le ministre est en train de nous parler d'assurance-maladie. Je n'en ai pas glissé un mot dans la motion. C'est cela que je veux faire remarquer. Si le ministre veut en parler, je n'ai pas d'objection, mais je tiens quand même à lui dire que nous n'avons pas parlé de l'assurance-maladie.

M. CASTONGUAY; Assoyez-vous et laissez-moi poursuivre. Je ne vous ai jamais interrompu.

Quant à l'aide sociale elle-même, depuis novembre 1970, dès la première année après

l'application de la loi, les prestations ont augmenté de 26 p.c. en moyenne. Depuis, nous avons apporté, à la suite des représentations qui ont été faites ici en Chambre, de nombreuses modifications au règlement. Encore, en janvier 1973, les prestations moyennes pour les familles ont été augmentées de $17 par mois. J'ai les données concrètes, telles qu'elles ressortent.

Nous avons également, sur ce plan, pour donner un meilleur service aux bénéficiaires, augmenté considérablement le nombre des bureaux d'aide sociale. Nous avons augmenté le personnel. Nous avons des cours de perfectionnement qui se poursuivent.

Je dois aussi souligner, à ce moment-ci, un fait assez important. Dans ces mesures que je viens d'énumérer, toutes, à l'exception d'une, ont été mises en vigueur soit sous le gouvernement libéral actuel ou sous le gouvernement libéral des années 1960 à 1966. Je pense que c'est important de le mentionner.

Il est clair, si on se reporte à certaines situations aux Etats-Unis ou dans plusieurs pays d'Europe, que la situation au Canada et au Québec est de beaucoup meilleure que dans ces pays; il ne s'agit que de voyager quelque peu pour le constater.

Il n'en demeure pas moins que le phénomène de la pauvreté est un phénomène relatif et que la pauvreté existe lorsqu'il y a des écarts trop grands dans la situation entre des gens qui vivent ensemble. Il y a également, malgré tout ce que j'ai mentionné, et c'est exact, des cas de pauvreté réelle non pas seulement des cas de pauvreté relative, mais des cas de pauvreté réelle qui subsistent et ceci, je crois, M. le Président, est un des faits de toute société humaine. Il n'est possible à aucun membre dans cette chambre d'indiquer un seul pays au monde, peu importe lequel, où on a réussi à établir l'Etat ou la société parfaite où il ne reste plus de problèmes. Je pense que c'est prêcher de l'utopie, c'est faire de la démagogie que d'essayer de laisser croire aux gens que nous serions capables, en un tour de main, en y mettant un minimum de bonne volonté ou encore, comme le disait le député de Beauce, en ne faisant pas le jeux des "trusts" de pouvoir du jour au lendemain vivre dans un monde utopique. C'est faux, M. le Président. Il n'en demeure pas moins que nous devons continuer nos efforts et c'est ce que nous faisons. Sur ce plan, je crois, et le député de Bellechasse l'a mentionné, nous avons fait des efforts considérables pour énoncer une politique — le député de Bourget l'a mentionné également — de sécurité de revenu, une politique sociale cohérente, une politique de sécurité de revenu, une politique de sécurité sociale, où les objectifs sont bien énoncés, sont clairs et semblent être, de façon générale, acceptés également.

Nous nous sommes butés, il est vrai, à des difficultés au plan des relations fédérales-provinciales. Ces difficultés ont été parfois extrêmement frustrantes. C'est pourquoi, lors des dernières rencontres que nous avons eues j'ai mis tant d'efforts pour convaincre les autres provinces de la justesse de nos positions, et vous savez que nous avons fait énormément de progrès sur ce plan. Je sais malgré tout, et j'en suis bien conscient, que le fait de convaincre les autres provinces n'est pas nécessairement une garantie de succès auprès du gouvernement fédéral. C'est pourquoi, au mois de février, j'ai insisté pour que le nouveau ministre, M. Lalonde, nous convoque à Ottawa et que nous ayons une conférence de telle sorte que, avant qu'il élabore le modèle dont il parlait dans son discours à la Chambre des communes, il soit bien conscient des priorités du Québec, il soit bien conscient de la situation au Québec. Et c'est justement ce qui a été dit dans cette Chambre ce matin sur la situation difficile de bien des Québécois, la situation difficile au plan des faibles prestations qu'ils reçoivent, la situation difficile vis-à-vis du manque d'incitation au travail que comportent certains programmes ou encore, le fait que certains programmes peuvent apparaître plus avantageux, programmes d'assistance sociale, d'assurance-chômage, que le marché du travail. Nous avons exposé de façon très claire au nouveau ministre notre position sur ces questions et je crois avoir reflété très fidèlement les problèmes — non pas les exagérations, mais les problèmes — qui ont été mis en relief ici ce matin. J'attends, comme vous le savez, à la fin du mois de mars ou au cours du mois d'avril, de voir ce que seront' les propositions du gouvernement fédéral avant de prendre position quant à cette notion de modèle et cette réforme que veut entreprendre le nouveau ministre de la Santé nationale et du Bien-être social à Ottawa.

Je voudrais aussi parler, M. le Président, de quelques-uns des points soulevés par le chef de l'Opposition de façon plus spécifique. Il a mentionné qu'un très grand nombre de bénéficiaires de l'aide sociale sont des bénéficiaires chroniques, que nous entretenons en d'autres termes, la pauvreté par cette situation. Il est vrai que le nombre de bénéficiaires qui demeurent en permanence bénéficiaires de l'aide sociale est relativement élevé mais nous avons analysé, comme il le suggérait, de façon assez précise, la situation et nous comptons le refaire de façon périodique. Nous aurons l'occasion d'en discuter lors de l'étude des crédits pour voir de façon plus précise quel est le portrait de ces gens qui reçoivent de l'aide sociale.

Nous constatons qu'un nombre assez élevé de personnes sont soit des invalides soit des aveugles, soit des personnes qui sont dans l'incapacité, pour diverses raisons, de retourner sur le marché du travail. Ce n'est pas un défaut du programme, ce n'est pas un défaut de l'économie qui crée cette situation, peu importe le fonctionnement de notre économie, peu importe le niveau des prestations que nous pourrions verser, peu importe les programmes de recyclage que nous pourrions avoir. Ces

personnes, pour diverses raisons, comme je viens de le mentionner, ne peuvent réintégrer pleinement la vie ou l'activité de travail qui est le lot d'un très grand nombre de Québécois du même âge.

Quant aux autres, nous avons été assez impressionnés de voir le mouvement qui existe entre l'aide sociale et le retour au marché du travail. Le nombre de personnes qui quittent l'aide sociale pour retourner au travail et qui, à certains moments, reviennent sur l'aide sociale, est beaucoup plus grand que je ne le croyais à tout le moins. Ceci indique qu'à mesure que notre économie se renforcera, à mesure que nous bâtirons des dispositions dans notre réglementation d'aide sociale qui favoriseront davantage le retour au travail, il y a des indices d'espoir d'une amélioration de la situation. D'ailleurs, je pense qu'il est important de souligner, parce que nous ne discutons pas dans l'absolu, qu'alors qu'en janvier 1972, le nombre de personnes seules bénéficiaires de l'assistance sociale était de 112,000, le nombre de familles était de 105,000; en janvier 1973, le nombre de personnes seules était baissé à 100,000 et le nombre de familles était baissé de 105,000 à 89,000. Ce sont des chiffres qui, malgré tout, demeurent élevés mais au moins ce sont des chiffres qui n'ont pas augmentés. Phénomène nouveau, pour la première fois, depuis un certain nombre d'années, nous constatons des baisses de façon substantielle.

Quant au contrôle dont a parlé le chef de l'Opposition, nous en effectuons, c'est clair, mais il nous faut garder aussi un certain équilibre. D'ailleurs, le député de Beauce dénonçait justement certains de ces contrôles en même temps qu'il dénonçait certains des abus. Nous essayons de garder un équilibre et de traiter ces gens aussi humainement que possible, de la même façon que nous le faisons pour les autres personnes qui entrent en contact avec l'administration québécoise. Les études que nous avons effectuées après l'opération que nous avons conduite en février dernier lorsque nous avons demandé aux bénéficiaires de l'aide sociale de venir recevoir leurs chèques à nos bureaux d'aide sociale indique que le taux de fraude ou le taux d'erreur ou de paiements trop élevés est beaucoup plus faible que certains veulent le faire croire.

En fait, les chiffres étaient à peu près ce que nous comptions qu'ils seraient avant de commencer cette opération.

Quant au député de Beauce, je crois qu'il y a certains aspects qui méritent d'être dits de façon plus spécifique par rapport à ses commentaires. Lorsqu'il mentionne en premier lieu que la réglementation de l'aide sociale est confidentielle, c'est faux. Les règlements de l'aide sont publiés. Les normes ou le guide que nous remettons aux agents des bureaux d'aide sociale demeurent des documents de travail confidentiels. Mais il y a une...

M. CASTONGUAY: ... distinction malgré tout. Dans le journal des Débats et vis-à-vis de vos électeurs, quand vous dites que la réglementation est confidentielle, ils comprennent qu'on cache quelque chose d'important.

M. ROY (Beauce): Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. CASTONGUAY: Nous ne cachons rien d'important, simplement, les outils de travail de nos agents d'aide sociale à nos bureaux, c'est quelque chose. La réglementation est connue de tout le monde.

M. ROY (Beauce): Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. CASTONGUAY: Oui.

M. ROY (Beauce): Lorsque j'ai parlé des instructions que reçoivent les agents de sécurité sociale, disant que l'on demande aux gens de vendre leur propriété aux deux tiers de leur valeur, c'est que ça n'existe dans aucun des règlements que nous avons. Ce sont des directives qui sont comprises dans le livre confidentiel remis. C'est à ça que j'ai voulu faire allusion. Je me suis peut-être trompé, j'ai fait peut-être erreur dans les termes, mais c'est à ça précisément que j'ai fait allusion.

M. CASTONGUAY: Très bien. Vous savez, aussi M. le Président, que nous avons mis sur pied une commission d'appel de l'aide sociale.

Lorsqu'on fait état de cas où les agents d'aide sociale traitent de façon très injuste les bénéficiaires ou les soumettent à des conditions inhumaines, les bénéficiaires d'aide sociale peuvent en appeler. Ils ont deux recours: le bureau régional et la commission d'appel. Le nombre des appels reçus, le nombre de ceux qui maintiennent les décisions de nos agents par rapport à ceux où la commission d'appel apporte des changements est très instructif. Alors qu'au début, lorsque la loi a été mise en vigueur, la commission d'appel changeait un nombre assez élevé de décisions prises par les agents, de plus en plus, les décisions prises par les agents s'avèrent exactes et conformes à la loi et aux règlements si on en juge par les jugements rendus par cette commission d'appel. A ma connaissance, les membres de la commission d'appel n'ont jamais été critiqués quant à leur objectivité ni quant au sens assez humain qu'ils démontrent dans leur travail.

C'est un point qui mérite aussi d'être mentionné; il y a des recours s'il y a vraiment injustice.

Dans les cas que le député de Beauce a mentionnés, on doit également tenir compte de l'erreur humaine. Certains fonctionnaires — et nous en avons 1500 qui travaillent dans nos bureaux d'aide sociale — sont sujets à l'erreur humaine, comme tout le monde, ils sont sujets à des erreurs d'interprétation, comme tout le monde. Certains aussi font face à la difficulté

de leur travail: problème de communication avec des gens qui entrent peu souvent en contact avec l'administration gouvernementale, problème aussi de communication avec des gens qui bien souvent sont aigris, problème aussi de critiques qui leur sont formulées d'autre part par les contribuables qui trouvent que l'aide sociale impose un fardeau trop lourd. On peut donc imaginer quelles sont les difficultés auxquelles les gens de l'aide sociale ont à faire face. Il me paraît normal, même si on doit viser à réduire ceci au strict minimum, que des agents commettent des erreurs, donnent de mauvais conseils ou, encore, effectuent mal leur travail. C'est justement pourquoi nous sommes de plus en plus sévères dans la sélection des agents et sur les types de cours qu'ils doivent recevoir afin d'améliorer constamment leur travail.

On a mentionné aussi certaines dispositions qui portent à des abus. Par exemple, la question de l'achat des meubles. On a fait état du fait qu'il y avait du favoritisme dans ce secteur. C'est un des points sur lequel je suis d'accord avec le député de Beauce. C'est une des dispositions qui se sont avérées les plus difficiles à administrer dans l'application de la Loi de l'aide sociale et, d'ici peu, des changements vont être apportés pour corriger cette situation. Nous avons envoyé directive sur directive pour essayer de faire en sorte que ces abus soient réprimés et que les gens soient traités d'une façon plus équitable, mais, malgré tout, nous continuons à nous buter à des difficultés. Nous allons donc prendre une approche différente quant à cette question d'ameublement, de literie, par exemple. Elle sera annoncée bientôt.

Je voudrais aussi rappeler, parce que je crois que c'est extrêmement important, que malgré tous les efforts qu'un gouvernement peut faire, malgré l'ampleur des ressources qu'il peut y consacrer, malgré la justesse des politiques et des objectifs qui sont les siens, il restera toujours une marge ou une espèce de champ au-delà duquel un gouvernement ne pourra pas agir avec efficacité. Et c'est là qu'intervient l'entraide communautaire, l'entraide entre concitoyens.

Je crois que si nous voulons faire oeuvre utile, dans cette Chambre, si nous sommes du côté gouvernemental ou de l'Opposition, si nous travaillons à améliorer nos politiques, nous devons aussi rappeler à nos concitoyens que l'entraide entre citoyens, l'entraide communautaire est quelque chose qui doit demeurer parce que les politiques gouvernementales, les services organisés ne pourront jamais, dans aucune société, répondre à tous les besoins. Je pense que le député de Beauce n'a pas fait suffisamment attention à ce point.

Enfin, M. le Président, je pense qu'il est important de rappeler aussi une autre chose dans tout ce contexte, c'est que les Québécois consacrent — je le dis bien objectivement parce que je suis conscient et je suis convaincu du fait qu'aussi bien dans l'administration de l'aide sociale que dans l'administration des allocations familiales il n'y a pas de gaspillage — à l'aide sociale un effort fiscal relativement lourd. Lorsque l'on reporte le budget de l'aide sociale au Québec sur une base de revenus et que l'on compare avec certaines provinces, l'on voit que le contribuable québécois fait un effort beaucoup plus grand, par exemple, que son voisin en Ontario. Ceci tient non seulement au fait qu'il y a des abus, mais à notre position, au plan de l'économie, par rapport à une province comme l'Ontario, à titre d'exemple.

C'est là que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle plus grand que celui qu'il joue présentement par le biais de mesures comme celle du régime canadien d'assistance publique. Egalement, les Québécois consacrent un effort plus grand au secteur de la politique sociale et de la sécurité du revenu par la présence du régime québécois d'allocations familiales. Ce régime bénéficie davantage aux personnes à faible revenu que dans les autres provinces où un tel régime n'existe pas et où l'on retrouve les exemptions pour les personnes à charge dans le cadre des lois de l'impôt sur le revenu. Les Québécois font donc un effort et je crois que, lorsque l'on demande de changer brusquement la situation et de hausser les prestations de telle sorte qu'elles s'établissent à un niveau qu'il serait peut-être très désirable d'atteindre, il nous faut tenir compte de ce phénomène, de notre capacité de payer et aussi de la nécessité de réviser certains des mécanismes de redistribution qui existent présentement à l'intérieur du Canada.

En définitive, M. le Président, c'est ce que j'avais à répondre sur le fond de la question. Je puis vous assurer que nous allons poursuivre nos efforts pour améliorer la situation non seulement au plan de l'aide sociale, mais au plan de l'établissement d'une politique réelle de sécurité du revenu, tel que j'ai eu l'occasion de l'exposer à plusieurs reprises.

Quant à la forme maintenant, à plusieurs reprises, j'ai écouté les interventions des députés du Ralliement créditiste. Je voudrais encore une fois, à ce moment-ci, leur poser certaines questions bien précises.

Est-ce qu'ils pensent vraiment qu'un jour il sera possible d'éliminer tous les problèmes de sécurité du revenu, les problèmes de pauvreté, les problèmes de chômage, les problèmes d'habitation, c'est-à-dire d'en arriver à la société utopique qu'ils se plaisent à faire miroiter devant des gens de bonne foi, mais qui ne sont pas toujours capables de faire les nuances?

Est-ce qu'ils pensent vraiment qu'il est possible, d'une part, de donner des revenus à tout le monde et de réduire, d'autre part, les impôts?

Est-ce qu'ils pensent que nous allons gober leur dénonciation des trusts en même temps que leur profession de foi constance dans l'entreprise privée?

Pour moi, c'est de l'utopie qu'on prêche, c'est de la démagogie. Ce n'est que faire appel

au manque d'information d'une population qui est de bonne foi, et la tromper.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La réplique de l'honorable député de Beauce.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): M. le Président, la motion de ce matin m'aura, au moins, permis de constater une chose entre autres, que je tiens à souligner au début. Notre ministre des Affaires sociales, qui se voulait l'homme intègre, l'homme posé, clame, au-dessus de toute partisanerie politique, vient de nous prouver qu'il est devenu un petit politicien comme les autres.

Je pense que c'est contagieux au sein du Parti libéral.

M. le Président, j'ai souligné certains points, ce matin, à l'attention du gouvernement et à l'attention du ministre. Le ministre a fait, tout à l'heure, l'éloge du Parti libéral des années soixante. Il ne faisait même pas partie du cabinet et nous devons souffrir encore les embêtements des politiques d'alors. Il nous a fait aussi l'éloge et l'apologie de certaines de ses politiques et certaines de ses réalisations. Il a terminé son intervention en me posant des questions. Je me suis demandé si je devais y répondre. Mais, comme elles sont inscrites au journal des Débats, je vais prendre au moins une couple de minutes pour y répondre. D'abord, les premières questions du ministres étaient utopiques. Il a parlé d'utopie, alors je vais lui répondre dans les mêmes termes. Je n'ai jamais parlé, dans mes propos de ce matin, de demander au ministre de nous donner au Québec une société idéale, d'éliminer toute la pauvreté, de régler tous les problèmes du logement, puis les problèmes de M. Tout-le-monde. Je n'ai jamais dit cela, en aucun moment et d'aucune façon et jamais aucun de mes collègues du Ralliement créditiste n'a réclamé une telle chose. Un moment donné, un homme politique devient aveuglé par la partisanerie. C'est par des propos partisans, de la partisanerie et de la mesquinerie politique que le ministre des Affaires sociales a traité la motion que nous avons présentée ce matin.

M. GARNEAU: Vous pensez que tout le monde agit comme vous autres?

M. ROY (Beauce): M. le Président, je suis déçu.

M. GARNEAU: Vous faites de la projection.

M. ROY (Beauce): M. le ministre, si vous voulez intervenir, vous interviendrez. Je ne vous permets pas de poser des questions, parce que j'ai dix minutes, M. le Président.

M. GARNEAU: Vous ne comprenez même pas ce que vous dites.

M. ROY (Beauce): Je vous demanderais de rappeler vos perroquets à l'ordre.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. GARNEAU: Je le dis et je le répète.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Beauce a dix minutes pour faire son intervention et je prierais les membres de cette Chambre de bien vouloir le laisser terminer.

M. ROY (Beauce): Il y a une chose sur laquelle le gouvernement pèche et c'est pour ça que les socialistes vous encensent et vous appuient. Vous n'avez jamais voulu faire de distinction entre la sécurité sociale et l'aide sociale. Parlons de sécurité sociale. A l'heure actuelle, les personnes bénéficiant du régime de rentes ne sont pas tenues de subir l'inquisition de vos 1,600 agents de sécurité sociale au Québec. Elles ne sont pas obligées. Il y a des normes de permanence en matière de sécurité sociale, et je parle des aveugles, des personnes invalides, des personnes âgées et des mères nécessiteuses. Ils sont considérés au même titre que si c'étaient des personnes qui bénéficient de l'aide sociale de façon temporaire. Tant que le gouvernement se bouchera les yeux et demeurera les yeux bouchés sur ce point, les problèmes ne seront jamais réglés. Mais le problème est à la veille d'être réglé parce que nous sommes à la veille de prendre le pouvoir, et je pense que la population en est consciente.

C'est justement pour cette question que l'honorable ministre des Affaires sociales, qui est ordinairement calme, a été pris de panique ce matin, il a perdu les pédales, il a bafouillé et il a dit des stupidités.

M. GARNEAU: En parlant de bafouillage, vous devez vous reconnaître.

M. ROY (Beauce): M. le Président, j'ai le droit de parole.

M. GARNEAU: Vous devez vous reconnaître.

M. VEILLEUX: Le député de Beauce s'écoute.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. ROY (Beauce): M. le Président, on a parlé de démagogie, c'est bien facile quand on n'a rien à dire. C'est de la démagogie et de l'utopie. J'ai cité à l'honorable ministre des faits.

Si l'honorable ministre comprenait qu'il y a une différence entre ceux qui sont des permanents, ceux qui ont besoin de sécurité sociale de façon permanente, et ceux qui y sont de façon

temporaire, si le ministre avait compris ça, il économiserait des millions à son ministère. Il y aurait beaucoup moins de discrimination et les gens seraient traités avec beaucoup plus de justice qu'ils ne le sont présentement.

M. le Président, on a dit qu'on leurrait la population. Je ne sais pas si ce n'est pas le ministère des Affaires sociales qui leurre la population avec sa commission d'appel. On a dit: Si vous êtes traités avec injustice, appelez à la commission d'appel. On dit ça à tout le monde, dans tous les comtés de la province de Québec. La commission d'appel a dit: Quant à nous, les règlements, les normes, la loi a été appliquée. Dans 95 p.c. des cas, ça donne zéro et on oblige les assistés sociaux et les personnes défavorisées à des dépenses additionnelles, on leur donne une lueur d'espoir, ils retournent chez eux complètement déçus. C'est de là que découle la frustration dont nous avons parlé.

Nous n'avons jamais réclamé la société parfaite. Le gouvernement ne veut pas comprendre, je viens d'en avoir la preuve la plus évidente, parce que ce n'est pas lui qui gouverne, c'est la technocratie, ce sont les syndicats des fonctionnaires, les hauts fonctionnaires qui dirigent, contrôlés par le Parti québécois qui, lui, ne veut pas faire de politique mais il dit que, si le Québec se sépare, ça va se régler.

Là, on aura la société idéale, tous les problèmes vont être réglés parce que c'est une question de confédération, c'est une question constitutionnelle. Je n'ai parlé à aucun moment du Ralliement créditiste comme tel. Je n'ai pas voulu faire de politique dans cette question parce que j'ai dit, ce matin, que je voulais me faire l'interprète d'un fort pourcentage de la population qui était sans voix non syndiqué, incapable de faire de grève et que le gouvernement ignorait, que le gouvernement ne voulait pas écouter.

Les propos du Dr Laurin, ce matin — je m'excuse — du député de Bourget, je m'excuse d'avoir manqué à notre règlement...

M. SAMSON: Cela ne fait rien, ce n'est pas mieux un que l'autre.

M. ROY (Beauce): M. le Président, on nous a dit qu'on ne voulait pas parler ce matin parce que c'était de la démagogie. J'ai compris; parce qu'il n'y avait pas de journalistes dans les galeries au moment où le député de Bourget parlait. Mais consolez-vous, mon cher docteur, demain matin, vos propos vont être bien interprétés dans les journaux. N'ayez aucune inquiétude de ce côté-là.

Vous ne voulez pas appuyer notre motion. Nous ne sommes intéressés d'aucune façon à avoir l'appui des socialistes et des séparatistes de cette Assemblée nationale.

Je reviens sur les questions fondamentales que nous avons mentionnées tout à l'heure. On nous a charriés dans tous les pays au monde. Nous sommes dans la province de Québec, nous avons des problèmes ici, au Québec, nous avons tous les mécanismes, nous avons le personnel, nous avons un gouvernement qui se vante d'être majoritaire et d'être capable de prendre des décisions. Nos problèmes, au Québec, ce ne sont ni les Américains, ni les Chinois, ni les Japonais, ni les Grecs, ni les Ukrainiens, ni les Russes, ni les Cubains qui vont venir les régler.

Il nous appartient à nous, à vous, de prendre les décisions. Nous avons fait des suggestions pertinentes. Nous vous avons mis au courant de certaines choses dont vous n'êtes peut-être pas informés. Nous vous avons informés de ces choses-là ce matin. Il n'y a pas de démagogie là-dedans. Si mes propos ont montré de la démagogie, ça prouve justement le ridicule de la situation, l'ampleur du problème et la nécessité d'apporter des solutions le plus rapidement possible vis-à-vis de ces classes de notre société.

M. le Président, le ministre a dit tout à l'heure qu'il y avait le régime de rentes au Québec et le chef de l'Union Nationale a justement parlé des relations fédérales-provinciales. Toutes sortes de belles excuses.

On nous garroche partout pour dire: Nous ne sommes pas capables de régler le problème parce qu'il faut d'abord sauver le parti, sauver la politique et, surtout, sauver le parti libéral à Ottawa. C'est bien important de sauver le parti libéral à Ottawa parce qu'il y a des élections qui s'en viennent. On fait des conférences fédérales-provinciales. On va discuter des questions constitutionnelles. La commission parlementaire n'est pas convoquée pour que nous puissions connaître, analyser, étudier et faire des suggestions au gouvernement avant qu'on aille à ces réunions. Les propos et les conférences sont confidentiels. La presse n'est pas admise. La population n'a pas le droit d'avoir de l'information et on s'assure, surtout, que personne de l'Opposition ne puisse y assister parce que cela pourrait déranger certains plans, certains projets. C'est la façon dont on travaille. C'est la façon dont on procède. On berne la population. On leurre la population et c'est toujours ce qu'on fait.

Je pense qu'il me reste à peu près une minute.

M. SAMSON: Il est meilleur que les autres.

M. ROY (Beauce): Je pense, quand même, que le problème demeure posé, la situation de fait demeure. Elle est là. Le gouvernement a la responsabilité d'agir et la population du Québec aura aussi à prendre ses responsabilités à un certain moment. Elle aura des décisions à prendre. Et la population du Québec, à l'heure actuelle, commence à en avoir assez de ce régime économique dans lequel nous vivons. On aura beau nous prêter toutes sortes d'intentions, nous dire toutes sortes de qualificatifs, je dis que nous...

M. VEILLEUX: La Banque du Canada.

M. ROY (Beauce): ... ne sommes pas nerveux...

M. VEILLEUX: Cela s'en vient.

M. ROY (Beauce): ... comme le député de Saint-Jean, qui achève ses jours à l'Assemblée nationale.

UNE VOIX: L'ancien député de Saint-Jean.

M. ROY (Beauce): L'ex-député de Saint-Jean. Nous ne sommes pas nerveux comme d'autres députés dont il semble que les jours sont comptés.

M. VEILLEUX: Le député de Beauce viendra se présenter dans le comté de Saint-Jean. On va voir ce qu'on va faire avec lui.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!

M. ROY (Beauce): Il serait à propos qu'ils commencent à corriger la situation le plus rapidement possible.

La motion que nous avons présentée ce matin mérite d'être écoutée, d'être entendue par tous les membres de l'Assemblée nationale. Dans quelques minutes, un vote sera pris sur cette motion. Dans vos comtés respectifs, vous avez exactement les mêmes problèmes que nous. Les gens de vos comtés ne sont pas différents des nôtres. Vous serez jugés par la décision que vous prendrez tout à l'heure. Vous êtes prêts à endosser les politiques du gouvernement? Défendez-les dans vos comtés. Mais, en ce qui nous concerne, nous savons à quoi nous en tenir. Nous avons vu, ce matin, de quel bois le ministre des Affaires sociales se chauffait. Nous avons vu de quelle façon le gouvernement envisageait la situation. Et nous avons vu également, parce que nous avons fait d'une pierre deux coups, de quelle façon les séparatistes envisagent la question. Pour nous, le problème est posé; aux membres de l'Assemblée nationale de prendre leurs responsabilités.

LE VICE PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce qu'on demande un vote?

M. ROY (Beauce): Un vote enregistré. Nous voulons savoir qui est quoi.

Vote sur la motion

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable député de Beauce veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Samson, Roy (Beauce), Latulippe, Brochu, Drolet, Guay, Béland, Audet, Loubier, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Vincent, Cloutier (Montmagny), Boivin, Lafontaine, Lavoie (Wolfe), Gagnon, Russell, Croisetière, Demers, Simard (Témiscouata), Masse.

LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaft.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Castonguay, Garneau, Tessier, Tremblay (Bourassa), Goldbloom, Quenneville, Tetley, Drummond Lacroix, Bienvenue, Saint-Pierre, Toupin, Massé, Cournoyer, Mailloux, Arsenault, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Kennedy, Saindon, Séguin, Picard, Fraser, Fortier, Assad, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Giasson, Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Ostiguy, Pelletier, Pepin, Pilote, Veilleux, Gallienne, Gratton.

LE PRESIDENT: Abstentions?

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Laurin, Tremblay (Sainte-Marie).

LE SECRETAIRE: Pour: 22. Contre: 45. Abstention: 2.

LE PRESIDENT: La motion est rejetée.

M. LEVESQUE: M. le Président, je suggérerais que l'on suspende la séance jusqu'à 15 heures.

LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Fin de la séance à 12 h 38)

Reprise de la séance à 15 h 7

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!

Projet de loi no 255 Deuxième lecture

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre des Affaires sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no 255, Loi sur la pharmacie.

Le ministre des Affaires sociales.

M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

M. le Président, au moment où nous abordons l'étude du projet de loi no 255 sur la pharmacie, il est bon de dire que ceci fait suite à certains conseils qui m'ont été donnés par des opinants au moment de l'étude d'autres projets de loi. Il y a peut-être lieu de situer ce projet de loi dans l'ensemble des mesures prises et des mesures en voie d'être prises relativement à la question des médicaments. J'espère avoir l'indulgence des députés si je sors quelque peu du sujet d'une certaine façon. Mais si je le fais, c'est pour mieux situer le projet de loi que nous allons discuter, soit celui de la pharmacie. Il touche directement la distribution du médicament au consommateur, la protection du public dans cette fonction de distribution et aussi le rôle du pharmacien.

Les actions qui ont été prises ou qui continuent de l'être, ou qui sont en voie de l'être, en ce qui a trait au gouvernement du Québec, touchent trois aspects, ou se situent à trois niveaux: En premier lieu, la protection de la santé publique, ceci dans le cadre de la loi 30 que nous avons adoptée au cours du mois de décembre dernier; au plan de l'accessibilité financière, c'est-à-dire dans le cadre de l'assistance-médicaments, en rappelant, en passant, que, pour les patients qui sont hospitalisés en vertu de l'assurance-hospitalisation, les médicaments sont couverts; au plan d'autres mesures qui visent à réduire le coût des médicaments.

En ce qui a trait plus spécifiquement à la question de la protection de la santé publique, il y a trois types de mesures qui, à mon sens, doivent être soulignées ou mentionnées. D'abord, comme nous l'avons vu ou comme nous l'avons fait au mois de décembre dernier, l'insertion, dans la nouvelle Loi de la protection de la santé publique, d'une disposition qui autorise maintenant le lieutenant-gouverneur à établir des normes assurant la bonne qualité des médicaments et également à déterminer la nature et la sécurité des contenants et aussi des inscriptions qui doivent y apparaître.

Au moment de la discussion de cette question, les membres de la commission parlementaire des affaires sociales sont tous tombés d'accord sur la nécessité d'introduire de telles dispositions, aussi bien pour la protection des usagers des médicaments, face aux dangers que les contenants peuvent présenter pour les enfants, face aux dangers que les médicaments peuvent présenter si les informations qui sont inscrites sur ces contenants ne sont pas adéquates, et ceci s'appliquant aussi bien aux médicaments d'ordonnances qu'aux médicaments brevetés.

Egalement, les normes de sécurité ou de qualité ont été vues comme un moyen d'ajouter au contrôle qu'exerce le gouvernement fédéral, par la voie de sa division des aliments et drogues. Malgré les efforts qu'effectue le gouvernement fédéral sur ce plan, il demeure toujours possible que certains médicaments soient jugés comme devant être retirés du marché par le ministère des Affaires sociales. Nous avons maintenant le pouvoir de le faire en vertu de la Loi de la protection de la santé publique. Je crois que c'est une disposition extrêmement importante. Nous n'entendons pas utiliser cette disposition de façon générale ou de façon très répandue car nous croyons que les mesures prises par le gouvernement fédéral, même si elles ne donnent pas encore tous les effets escomptés, sont des mesures positives, des mesures qui s'imposaient, qui donnent déjà de meilleurs résultats et qui sont susceptibles d'en donner davantage.

J'ai lu, comme les membres de cette Chambre, certains articles qui ont été publiés récemment, où l'on dénonçait certaines faiblesses du programme de contrôle de la qualité du gouvernement fédéral. J'ai fait vérifier les faits qui étaient rapportés par les membres de notre Conseil de pharmacologie. On peut imaginer que, dans certains cas, les faits n'étaient pas exacts. On peut peut-être aussi émettre l'hypothèse que, dans certains cas, on a été beaucoup plus critique à l'endroit de ce programme non pas tellement parce qu'on en a contre ce programme mais parce qu'on est contre le principe de la substitution des médicaments.

C'est un moyen, en fait, d'attaquer le principe de la substitution des médicaments si on met en cause la valeur des contrôles de qualité qui sont exercés. C'est une hypothèse que je fais, mais une hypothèse qui n'est peut-être pas tellement fausse.

Nous avons également institué, toujours au plan de la protection de la santé publique, un conseil consultatif de pharmacologie. Ce conseil a dressé une première liste de médicaments pour les fins du régime d'assistance-médicaments. Comme je l'ai déjà dit dans cette Chambre, à plusieurs reprises, le critère le plus important qui nous a guidés dans la constitution de cette liste est celui de la qualité. Si je le mentionne à ce moment-ci, ce n'est pas pour élaborer longuement, mais c'est que nous avons

maintenant, avec cette liste, un outil important qui est mis à la disposition des médecins et des pharmaciens et qui peut les aider grandement dans l'identification des meilleurs médicaments parmi tous ceux qui sont sur le marché.

Cette liste sera étendue aux établissements hospitaliers en vertu des dispositions de la loi 65, qui nous permettent de le faire, de telle sorte que les difficultés que nous avons rencontrées au départ quant à l'utilisation de cette liste devront graduellement se résorber puisqu'elle sera utilisée d'une façon de plus en plus généralisée.

Enfin, le gouvernement, toujours au plan de la protection de la santé publique, a fait porter ses efforts sur le problème de la surconsommation des médicaments. A ce sujet, je rencontrais, l'an dernier, le Collège des médecins et le Collège des pharmaciens pour leur faire part de notre inquiétude. Il est clair que nous appuyons le Collège des pharmaciens dans ses efforts pour renseigner davantage la population sur les dangers d'une surconsommation de médicaments. Aussi, nous avons demandé à cette époque aux deux collèges de collaborer dans l'échange d'informations, dans l'échange des moyens à prendre pour qu'ensemble les médecins et les pharmaciens, qui jouent évidemment le rôle prédominant dans ce domaine, puissent faire en sorte que la hausse constante de consommation des médicaments dont nous sommes témoins soit davantage contrôlée.

Egalement — et j'y reviendrai — nous avons entrepris auprès du gouvernement fédéral des pourparlers en ce qui a trait à la publicité relative aux médicaments brevetés. Ceci touche également à la protection de la santé publique.

On sait que depuis quelque temps, cela a été mentionné à plusieurs reprises, un certain nombre de médicaments brevetés sur le marché sont vendus sans qu'il soit possible d'en connaître exactement les contenus ou les composants, ce qui de nos jours parait inadmissible à tous ceux qui se sont penchés le moindrement sur cette question.

Le médicament peut être trop dangereux pour qu'il soit possible de vendre à la population de telles substances sans indiquer quel est le contenu. On exige aujourd'hui pour des produits qui n'ont aucune nocivité, pour les produits alimentaires, par exemple, d'en indiquer les contenus; ceci parait tout à fait normal, il n'y a pas de raison de nos jours qu'il n'en soit pas de même en ce qui a trait aux médicaments brevetés.

Nous avons formulé cette demande et nous avons demandé que la question soit inscrite lors de la prochaine conférence fédérale-provinciale des ministres de la Santé. Et ceci, nous ne l'avions pas fait seuls mais en tant que conférence de tous les ministres de la Santé des provinces au Canada.

Sur le plan de l'accessibilité financière aux médicaments, je rappelle brièvement l'adoption de la loi 69 par cette Chambre et la mise en vigueur, au 1er août dernier, du programme destiné à rendre gratuits les médicaments pour les bénéficiaires de l'aide sociale. Encore là, le souci premier a été de faire en sorte que les médicaments soient avant tout des médicaments de première qualité. Donc, les médicaments qui sont compris sur la liste dressée par le Conseil consultatif de pharmacologie.

Les mesures visant à réduire les coûts. Le coût des médicaments est un élément qui est souvent discuté avec des données plus ou moins complètes et quelquefois aussi à partir d'exemples tout à fait individuels. Lorsque l'on regarde cette question sous certains de ces aspects, il est clair que certains médicaments coûtent extrêmement cher. Lorsque l'on regarde l'ensemble des médicaments, que l'on compare la hausse des coûts des médicaments par rapport à la hausse des prix des aliments, des vêtements, d'autres composantes d'indice des prix, on peut conclure que les médicaments n'ont pas nécessairement augmenté au même rythme.

Un autre aspect qui inquiète dans bien des cas est le fait qu'il soit possible d'obtenir dans une pharmacie un médicament à un prix de beaucoup inférieur ou supérieur, selon le cas, à celui du même médicament dans une autre pharmacie d'officine ou encore qu'il soit possible d'avoir un médicament dont la valeur thérapeutique est exactement la même ou semble être la même qu'un autre médicament, à des prix très différents.

Tout ceci provient, en définitive, M. le Président, d'abord d'une évolution rapide dans ce secteur qui a fait bénéficier la population de bienfaits énormes provenant des efforts de recherche faits dans le domaine des médicaments. Encore récemment certaines maladies étaient très répandues, et avec l'introduction ou la découverte de nouvelles substances, des progrès considérables ont été atteints.

Mais en même temps on sait fort bien que l'industrie de fabrication des produits pharmaceutiques est une industrie extrêmement puissante et que, dans certains cas, la concurrence ne joue pas. Egalement au niveau des pharmaciens d'officine, il me paraît assez clair que la nécessité de protéger la population a fait en sorte que certaines règles limitent hautement la concurrence, une saine concurrence entre les pharmaciens d'officine quant au niveau des prix des médicaments.

A cette fin, nous croyons que la liste des médicaments constituée par le conseil consultatif de pharmacologie peut constituer un élément extrêmement important. Nous avons maintenant, de même que les médecins, les pharmaciens, des informations précises qui permettent de faire des choix. Et en plus de l'existence de cette liste, nous proposons, dans le projet de loi qui est présentement à l'étude, la mesure complémentaire c'est-à-dire la possibilité de substituer des médicaments qui ont la même valeur thérapeutique.

Alors nous avons là deux outils, un qui est à

point, un qui existe, un autre que nous proposons ici, qui permettront, j'en suis assuré, d'avoir un rôle important sur le plan du coût des médicaments.

Nous n'imposons pas toutefois aux pharmaciens l'obligation de substituer des médicaments; nous y mettons les sauvegardes nécessaires pour respecter le libre choix que peuvent faire des individus et nous y mettons aussi des sauvegardes en ce qui a trait au médecin qui veut bien soigner son patient, de la façon qui lui paraît la plus appropriée. Nous ouvrons largement la porte à tous ceux qui voudront s'en servir d'une façon intelligente. Je crois que des résultats extrêmement positifs pourront se dégager de cette disposition qui est comprise dans le projet de loi.

A la dernière conférence des ministres de la Santé, tenue à Régina en octobre 1972, les ministres de la Santé ont convenu de recommander avec grande insistance au gouvernement fédéral que la question de la publicité sur les médicaments, particulièrement la publicité sur les médicaments d'ordonnance, soit réévaluée de façon attentive par le gouvernement du Canada. Il est clair que le coût de cette publicité, qui ne vise pas, dans bien des cas, à transmettre une information à caractère scientifique aux médecins, mais plutôt à mettre de l'avant une marque de commerce, influe d'une façon très marquée sur le coût du médicament lorsque le consommateur l'achète. Cette publicité tend, bien plus souvent qu'autrement, à stimuler la consommation.

Nous avons fait des propositions précises. Je crois que j'ai déjà eu l'occasion d'en faire état. Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait allouer des montants limités à ce type de publicité. Tout montant excédant une certaine limite ne devrait plus être déductible aux fins de la Loi de l'impôt sur les corporations. Voilà, M. le Président, un certain nombre d'aspects ou de mesures qui ont été prises, de gestes que nous posons dans des domaines sur lesquels nous continuerons d'insister, qui touchent à cette question du médicament et qui situent mieux, à mon sens, dans quel contexte s'inscrit le projet de loi sur la pharmacie dont nous abordons l'étude cet après-midi.

En ce qui a trait plus spécifiquement à ce projet de loi, je crois que sa caractéristique première est que, pour la première fois, nous voulons attribuer clairement aux pharmaciens un rôle de conseillers.

De cette façon, ils ne demeureront pas uniquement des agents de distribution dans le processus qui commence au moment de la fabrication du médicament et qui se termine au moment où l'utilisateur reçoit son médicament.

En d'autres termes, nous voulons faire en sorte que le pharmacien retrouve son rôle de professionnel d'une façon beaucoup plus complète que ce n'est le cas présentement. Il s'agit de lui faire jouer un rôle de conseiller, en plus de son rôle traditionnel de pharmacien.

Egalement, nous leur donnons comme mission, un rôle, en fait, qui nous paraît extrêmement important, celui de communiquer des renseignements sur l'usage prescrit ou encore, lorsqu'il n'est pas nécessaire d'obtenir un médicament par voie d'ordonnance, sur l'usage reconnu des médicaments ou des poisons sur lesquels ils ont le contrôle. Ainsi, la population, les médecins, tout le monde qui entre en contact avec le médicament sera mieux informé et le pharmacien, dont la spécialité, dont les connaissances, sur le plan des médicaments, ont un caractère beaucoup plus précis que celles de tout autre professionnel, pourra jouer vraiment son rôle.

Toujours dans le contexte de ce rôle plus professionnel que nous croyons nécessaire de conférer, par ce projet de loi, aux pharmaciens, le projet de loi prévoit — et ceci est extrêmement important — dans l'exercice de la pharmacie compris comme tel, la constitution d'un dossier-patient pour chaque personne à qui le pharmacien livre des médicaments sur ordonnance et aussi l'étude pharmacologique de ce dossier.

Nous savons que bien des pharmaciens, à l'instigation du Collège des pharmaciens, ont commencé à dresser de tels dossiers-patients. J'en ai vu certains. Ils peuvent contenir des informations fort valables, fort instructives sur toutes sortes de plans. Je crois que le fait de consacrer ce rôle dans le projet de loi, de façon très claire, constitue un pas en avant sur la voie de la protection de la santé publique et, également, dans le but de redonner un rôle authentique de professionnel au pharmacien.

Voyons maintenant, de façon un peu plus spécifique, ce qui a trait à la question de la substitution. Cette question, évidemment, est importante non seulement au plan des coûts, mais au plan d'un bon service à la population dans des délais brefs.

Au plan aussi de la possibilité pour un pharmacien de livrer toujours des médicaments d'une qualité bien reconnue, compte tenu de l'existence de la liste dont j'ai fait état plus tôt.

Le projet de loi prévoit des dispositions. Sur le plan de ces dispositions, étant donné le caractère très délicat de cette question, nous avons écouté et étudié attentivement les représentations qui ont été faites depuis la réimpression du projet de loi. A la suite de ces représentations, de ces recommandations, de leur étude, de leur discussion, je proposerai lors de l'étude article par article certains changements au projet de loi. Au lieu de faire en sorte que, pour les fins d'identifier ce qui est un médicament et ensuite déterminer ceux qui peuvent être substitués, on oblige le collège à dresser une nouvelle liste, ce qui aurait pu occasionner une certaine confusion, une certaine complication, nous allons en revenir à des notions qui s'apparentent davantage à celles contenues dans la loi actuelle quant à l'identification de ce qu'est un médicament. Quant à la

substitution, nous allons utiliser l'outil qui est tout à fait indiqué à cette fin, soit la liste conçue par le Conseil consultatif de pharmacologie.

Quant à l'autre disposition complémentaire, c'est-à-dire celle qui touche aux motifs pour lesquels un médecin ne voudrait pas que dans un cas donné il y ait substitution, nous savons également que cette question est assez complexe. Nous en avons eu des exemples lors de la discussion en commission parlementaire. Nous avons eu également des exemples montrant comment les dispositions touchant la substitution peuvent être contournées par certains fabricants. Nous allons modifier quelque peu les dispositions proposées de telle sorte que le médecin n'aura plus à indiquer le motif pour lequel il voudrait s'opposer à la substitution. Nous maintiendrons, toutefois, l'obligation qu'il le fasse par écrit de telle sorte qu'il n'y ait pas de possibilité d'éviter là question de façon systématique simplement par la voie d'un imprimé préparé par certains fabricants.

Il y a également dans ce projet de loi, au plan de l'accessibilité aux médicaments, deux aspects qui, à mon sens, méritent d'être mentionnés. La question de l'accessibilité aux médicaments a été soulevée à certaines reprises en cette Chambre ou en commission parlementaire. C'est pour cette raison que dans le projet de loi nous retrouvons deux possibilités. Le projet de loi prévoit que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra, par règlements, déterminer les circonstances où, à cause de la faible densité de population ou encore l'absence d'un pharmacien dans un endroit donné, un médecin pourra obtenir un permis valable pour une période donnée et renouvelable. Nous ne nous en tiendrons pas à des normes aussi strictes et rigides inscrites dans la loi que par le passé.

Nous croyons qu'une telle disposition permettra à la situation d'évoluer selon les besoins. On sait, par exemple, que depuis l'introduction de l'assistance-médicaments, un certain nombre de pharmaciens sont allés s'établir dans des régions, des municipalités ou des localités où, avant la mise en vigueur de l'assistance-médicaments, ils n'auraient pas osé aller, sachant d'avance qu'il aurait été à peu près impossible d'obtenir un revenu suffisant pour maintenir une pharmacie d'officine.

C'est pourquoi je dis que nous sommes dans une situation où l'évolution est susceptible d'être beaucoup plus rapide que par le passé et que nous croyons qu'il est beaucoup plus sage de prévoir un pouvoir réglementaire sur ce plan que des dispositions établies dans la loi elle-même.

Egalement — dans le même but — le projet de loi prévoit que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra, par règlement, déterminer à quels endroits et à quels moments les établissements auxquels sont attachés des pharmaciens ou des médecins — je pense plus particulièrement à des hôpitaux, évidemment — pourront vendre ou fournir des médicaments à des personnes qui ne sont pas nécessairement admises ou inscrites dans ces hôpitaux, en d'autres termes vendre à la population s'il n'y a pas de médecin ou de pharmacien qui s'acquitte de cette fonction dans une région, toujours dans le but que l'accès aux médicaments devienne de moins en moins un problème.

Ce sont deux dispositions extrêmement importantes, M. le Président. Je crois que certains des problèmes d'accès qui ont été soulevés à plusieurs reprises, dans cette Chambre, trouveront graduellement réponse par la voie de ces dispositions.

Nous retrouvons également dans le projet de loi la disposition habituelle touchant la délégation des actes. Je crois qu'il est important que nous retrouvions une telle disposition car, autrement, des problèmes très concrets, très pratiques ne trouveraient pas réponse dans un tel projet de loi. Nous serions peut-être obligés de les aborder d'une façon beaucoup moins adéquate par d'autres moyens. Je pense, entre autres, au rôle du commis pharmacien, rôle qui vous a sûrement impressionné lors de la commission parlementaire, rôle qui est joué par le commis pharmacien vis-à-vis du client, qui est très important mais qui demande, malgré tout, d'être encadré, soit qu'il est nécessaire qu'il y ait des pharmaciens dans nos pharmacies d'officine ou qu'il n'est pas nécessaire qu'il y en ait. Nous avons opté franchement, comme je l'ai dit plus tôt, pour un rôle accru, un rôle beaucoup plus professionnel pour le pharmacien et la logique veut, évidemment, que, dans ce contexte, le personnel auxiliaire qui entoure le pharmacien, qui l'assiste dans son travail puisse accomplir des actes valables, des actes significatifs, pour que la population soit bien desservie et que cela se fasse dans un contexte bien organisé, bien précisé, bien délimité.

Je crois que la clause de délégation permettra également d'apporter des réponses précises, concrètes qui feront aussi bien l'affaire des pharmaciens que celle des commis pharmaciens, tout en protégeant adéquatement la population.

Avec l'ensemble des mesures que j'ai décrites, je crois que, grâce à ce projet de loi, nous allons franchir une autre étape extrêmement positive dans la voie de la protection de la santé publique face aux médicaments qui, comme nous le savons, bien qu'ils aient apporté des effets extrêmement bénéfiques, des effets qui n'auraient pu être imaginés, dans certains cas, il n'y a encore que quelques années, présentent — on ne peut l'oublier — bien des dangers également. La population, en définitive, bénéficiera du travail qui a été effectué aussi bien en commission parlementaire que dans cette Chambre dans la révision de cette Loi sur la pharmacie, révision qui, évidemment, est relativement complexe.

C'est un projet de loi qu'il me fait plaisir de présenter à cette Chambre, et j'écouterai avec grande attention les commentaires des autres

députés de cette Chambre qui parleront dans le cadre de ce débat.

LE VICE PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je constate avec plaisir que le ministre a retrouvé une bonne partie de sa vigueur, de son agressivité. Le député de Saint-Maurice appellerait cela de la gaillardise. Le ministre est gaillard. Il a commencé à causer. Son discours, cet après-midi, sur les pharmaciens est beaucoup plus complet; même, M. le Président, avec votre permission et notre consentement, il a élargi le cadre du débat. Je pense que c'est ainsi que cela doit se faire. Il s'agit de situer les corporations professionnelles dans tout l'appareil de la santé. Cela nous permet de faire des remarques et d'aborder le problème de façon beaucoup plus complète.

Je n'entreprendrai pas le même tour d'horizon que le ministre a fait. Il a situé la loi actuelle par rapport au pharmacien et le pharmacien par rapport à la loi actuelle, le bill 30, Loi de la protection de la santé publique, à la loi 69 qui permet la distribution des médicaments aux assistés sociaux et aussi à d'autres mesures d'accessibilité ou administratives qui ont été prises durant les dernières années et qui touchaient directement le pharmacien, soit dans son officine ou dans l'établissement public.

Ce serait une répétition de dire qu'il s'agit là d'une loi importante pour une profession importante, mais le seul fait de ne pas le dire pourrait être interprété de façon péjorative. C'est peut-être une redondance de le dire, une répétition banale, mais c'est la profession elle-même, ces dernières années, qui nous l'a prouvé.

Si la profession des pharmaciens n'avait pas évolué comme elle a évolué, nous nous poserions aujourd'hui de sérieuses questions. Il y a une grande différence entre le pharmacien d'aujourd'hui — j'ai fait la comparaison hier pour les dentistes — et celui d'il y a quelques années dont l'officine passait presque inaperçue dans l'établissement qui l'abritait, au travers de l'amoncellement de toutes sortes de marchandises. L'absence trop répétée du pharmacien a porté le public en général à se poser des questions sur la nécessité de maintenir la profession. Heureusement, les pharmaciens se sont ressaisis, ils ont donné un sérieux coup de barre, et c'est là qu'on reconnaît les véritables professionnels qui sont conscients des obligations qu'ils ont envers le public en général et qui donnent des services qui font suite à la formation qu'ils ont reçue et qui posent l'acte professionnel pour lequel ils ont été préparés.

Les pharmaciens ont commencé par appliquer la Loi de pharmacie qu'ils avaient. Il y avait des dispositions dans leur loi qui n'étaient, à toutes fins pratiques, pas appliquées ou on n'en tenait pas compte suffisamment. Les professionnels, les pharmaciens d'officine ont décidé, à un moment donné, de prendre toute la responsabilité de la distribution des médicaments dans leur officine. Ils ont également commencé à examiner la façon dont se distribuaient les médicaments, le nombre de médicaments, la complexité, la publicité, tout ce qui entourait ce qu'on a qualifié de commerce mais qui ne doit pas l'être, qui est un acte professionnel. Egalement, ils ont commencé à faire des études sur la rémunération du pharmacien. Pour les médecins, on les rémunérait à l'intérieur des lois étatiques de l'assurance-maladie à l'acte médical. Les pharmaciens ont fait des propositions pour la rémunération à honoraires professionnels, de sorte qu'on distinguait bien les deux composantes; d'une part, l'achat et le coût du médicament qui est fabriqué par ceux qui sont dans cette industrie et, d'autre part, l'honoraire professionnel qui correspond à l'acte professionnel posé par le pharmacien.

C'était là une réflexion importante de la part de cette profession. Et finalement ils se sont associés très étroitement aux travaux de la commission parlementaire. D'abord, ils ont participé aux travaux sur différentes lois, en particulier la loi 69 qui les concernait directement, ils ont produit des mémoires à la commission, mémoires qui touchaient également tous les problèmes relatifs à leur profession. Quand je parle de la participation des pharmaciens aux travaux de la commission parlementaire, je ne veux pas oublier tous les autres groupes de professionnels, les autres groupes de pharmaciens propriétaires, pharmaciens salariés, associations de pharmaciens; on a passé deux jours à les écouter, à la commission parlementaire.

Il y a le Collège des pharmaciens, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, l'Association professionnelle des pharmaciens salariés, la Société professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux du Québec, les universités, l'Association canadienne de l'industrie du médicament, l'Association des aides-pharmaciens, l'Association professionnelle des pharmaciens de l'Université du Québec, l'Association des étudiants en pharmacie de l'Université de Montréal, l'Association des fabricants du Québec de produits pharmaceutiques, l'Association des grossistes en médicaments du Canada et la compagnie Hoffmann-La Roche Limitée.

Alors c'est le sujet, c'est la profession qui a amené devant la commission parlementaire le plus de groupes et, je pense, qui a retenu le plus longtemps l'attention de la commission parlementaire. Ils ont donc apporté une contribution importante à nos travaux. Depuis ce temps, à la suite de la réimpression du projet de loi, ils ont apporté de très bonnes suggestions, suggestions qui étaient déjà contenues dans les premiers mémoires, mais qui pour une raison ou pour une autre n'avaient pas retenu l'attention du gouvernement et du ministre des Affaires sociales.

Mais là on a apporté d'autres témoignages,

on a poussé plus loin la réflexion et l'étude sur certains sujets. Ils nous ont fait parvenir des mémoires additionnels où on a très bien exposé les sujets sur lesquels ont désire voir cette loi améliorée. Leur discussion n'est pas basée sur des choses éparses ou des choses occasionnelles ou des arguments de circonstance. Leur suggestion d'amélioration du projet de loi est basée sur des principes. C'est à partir de principes de base qu'on a fait ces remarques ou ces suggestions de modification à la loi.

Et je pense qu'on doit être d'accord sur les quelques principes de base que nous avons cru déceler dans tous ces travaux. Premièrement le médicament ne peut pas être considéré comme une marchandise commerciale. Je pense que cela va de soi. Si, dans l'officine ou dans l'établissement où le pharmacien exerce sa profession, il y en a une partie qui est commerciale, par contre il y a, dans l'officine du pharmacien, des marchandises qui ne sont pas commerciales.

Le médicament — je pense que tout le monde en est conscient et il faut le redire de temps en temps — c'est aussi un poison. Les pharmaciens manoeuvrent et distribuent des poisons en substance et cela va de soi. D'où la nécessité pour cette profession d'avoir des contrôles aussi serrés, peut-être plus que pour d'autres professions de la santé. Le contrôle, étant donné qu'il s'agit d'un poison en substance, doit être exercé non pas par n'importe qui mais par un spécialiste de ce contrôle.

Et le pharmacien est le seul spécialiste, à notre avis, à exercer ce contrôle. Je me pose une première question, parce que je pense qu'il faut situer à un moment donné le débat. Il faut situer là où se trouvent le ou les problèmes qui concernent la profession dont on étudie la loi, les problèmes de cette corporation professionnelle et aussi les problèmes qu'elle peut avoir par rapport aux autres professions qui sont dans le même champ, dans le même secteur.

Je me pose une première question. Quand on parle des pharmaciens, quand on parle de l'acte professionnel qui concerne les pharmaciens, étant donné la définition du pharmacien que l'on retrouve dans le projet de loi, moi je me demande à qui je m'adresse. Est-ce que je m'adresse au pharmacien ou au médecin? Dans la définition du projet de loi on décrit le pharmacien comme comprenant également le médecin.

Alors disons que pour les fins de discussion, nous y reviendrons en ce qui concerne le médecin, moi, je m'adresse au pharmacien quand je parle de pharmacie. Le Collège des pharmaciens à la suite, se basant sur les principes que j'ai énumérés tantôt, formule des recommandations, des recommandations qui le conduisent à proposer des amendements. J'étais heureux tantôt d'entendre le ministre dire qu'il aurait certains amendements à proposer sur certains sujets plus délicats, entre autres, en ce qui concerne la substitution des médicaments.

Nous annoncer à ce moment-ci, même si nous n'avons pas la formulation, que le ministre est disposé lui-même à apporter des amendements, je pense que c'est de bon augure pour le débat que nous allons avoir en commission parlementaire.

Comme première recommandation, à la suite des principes que nous avons énoncés, est-ce que le pharmacien a l'exclusivité de la juridiction de la pharmacie? Tenant compte de l'observation que je viens de faire, alors que la définition du pharmacien englobe le médecin, je ne crois pas que le pharmacien, même si on lui donne, par une loi, l'exclusivité du champ de pratique, y soit seul. Il y a des exceptions sérieuses. La plus sérieuse des exceptions qu'on a rencontrées jusqu'à maintenant dans toutes les lois spécifiques, c'est au chapitre des définitions. Dans les autres lois, c'étaient des permissions qui étaient accordées; nonobstant l'exclusivité, on pouvait poser certains actes, dans certaines circonstances. Là, le médecin n'a pas de limitation quant à la Loi sur la pharmacie elle-même.

L'exclusivité n'est pas totale puisqu'on fait allusion, dans certains articles que je ne veux pas réciter en détails, à la distribution des médicaments dans les établissements. On prévoit aussi que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra déterminer les cas où un établissement, au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, pourra vendre ou fournir des médicaments aux personnes qui n'y sont pas admises ou inscrites. Pour revenir aux médecins, la loi 255 spécifie également que le médecin pourra obtenir un permis et tenir une pharmacie vu la faible densité de la population ou l'absence d'un pharmacien dans un endroit donné, permis qui est émis pour cinq ans et qui est renouvelable.

Je ne veux pas dire que je suis contre cette disposition. On sait comment le problème s'est posé à l'état aigu, surtout l'an dernier au moment de l'instauration de l'assistance-médicaments, et il fallait prévoir une certaine période de transition. L'une de ces modalités de transition a été la permission accordée aux médecins, dans certaines régions, de continuer à agir comme pharmaciens et à distribuer les médicaments.

La deuxième recommandation, qui découle des principes, est que les mots "médicaments et drogues" soient définis de façon uniforme dans les différentes lois. Il intervient cependant une autre considération; il y a deux niveaux de Parlement qui légifèrent sur les médicaments. Alors, il peut être un peu plus difficile d'assurer l'uniformité. Le ministre nous a parlé tantôt des points qui seraient à l'ordre du jour des futures conférences des ministres de la Santé. En plus d'y inscrire la publicité dont il a parlé tantôt, on devrait peut-être inscrire aussi la question de la rédaction à l'effet d'atteindre, dans les définitions en tout cas, plus d'uniformité, ce qui serait de nature à faciliter le travail de tous ceux qui utilisent l'appareil législatif.

La troisième recommandation faite par les

pharmaciens demande que la présence du pharmacien soit assurée au niveau de la préparation, du contrôle, de la délivrance du médicament dans tous les établissements du secteur public et du secteur privé où on délivre des médicaments. On prévoit, dans notre loi, à l'article 30, que "nul propriétaire ou administrateur de pharmacie ne doit laisser son établissement accessible au public sans que tout service pharmaceutique qui s'y rend soit sous le contrôle et la surveillance constante d'un pharmacien."

Le ministre, tantôt, a dit: Il nous a fallu trancher, à un moment donné, dans le débat. Le pharmacien, qui est un professionnel, est là dans son officine et il prend la responsabilité de la préparation de l'ordonnance et de la délivrance du médicament aux patients ou aux clients.

On sait qu'avant que le collège n'applique dans toute sa rigueur l'article 21 les commis pharmaciens, même si le pharmacien n'était pas dans son officine, pouvaient assez librement répondre aux besoins de la clientèle, si bien qu'au cours des années il s'est constitué un groupe important de ce qu'on appelle les commis pharmaciens ou les aides-pharmaciens qui, maintenant, se sont formés en association. Elle s'appelle l'Association des préparateurs d'officine Inc. C'est le dernier nom qui a été enregistré en 1972. Je n'ai pas la date exacte, mais c'est à la suite de la séance de la commission parlementaire du mois d'août. Ce doit être depuis l'automne 1972.

Tantôt, le ministre nous a dit, dans son allocution de deuxième lecture, que la loi prévoyait suffisamment de clauses pour tenter de résoudre le problème des commis pharmaciens ou des aides-pharmaciens, si vous voulez. L'Association des préparateurs d'officine Inc., regroupe actuellement 500 des 1,200 commis pharmaciens. Les critères d'admission au sein de l'association sont ceux-ci: les membres doivent avoir dix ans de service continu dans une pharmacie d'officine; être à l'emploi d'un pharmacien licencié; avoir continuellement travaillé à la vente de produits pharmaceutiques sous ordonnance médicale. Les membres en règle — je l'ai dit tantôt — sont au-delà de 500 et on peut prévoir évidemment qu'avec la clause des dix ans de service leur nombre va augmenter chaque année, possiblement jusqu'à se situer aux alentours de 1,200.

Ce problème nous avait été exposé à la commission parlementaire à deux reprises. D'abord, quand nous avons étudié la loi no 69, le ministre avait répondu à l'association qu'il étudierait plus tard, au moment de l'étude du code des professions, leur mémoire. Effectivement, ils sont revenus devant la commission parlementaire l'an dernier et ils nous ont également soumis un mémoire que la commission a reçu de façon assez sympathique et bienveillante. On a compris qu'il y avait là un problème pour ces 1,200 commis pharmaciens dont, autrefois, la FTQ se faisait le porte-parole. Maintenant, ils ont pour eux une association bien structurée.

Je ne veux pas entrer, à ce moment-ci, dans le débat complet de ce sujet. Nous le ferons en commission parlementaire quand nous passerons sur les articles spécifiques. Le problème est celui-ci: d'accord, on donne un statut professionnel aux pharmaciens, mais le pharmacien est habitué à travailler aussi avec des assistants. Ces assistants posent des actes — on le voit par ces 500 commis pharmaciens ou aides-pharmaciens; cela fait dix ans et plus qu'ils posent ces actes — sous la surveillance du pharmacien depuis le moment où on a appliqué l'article 21, en 1968 ou en 1969. Avant cela, c'était sous la responsabilité du pharmacien.

Il y a là une classe d'assistants, de collaborateurs des professionnels. Comme dans d'autres disciplines professionnelles, il y a aussi des assistants et des collaborateurs. On s'est penché chaque fois sur ces problèmes. Dans certains cas, ils ont obtenu un statut suffisant pour leur permettre de continuer à assister, à rendre aux professionnels les services dont ceux-ci ont besoin. Alors, il y a des suggestions qui ont été faites et nous en discuterons en commission plénière. Je ne sais pas si — je n'ai pas eu le temps de pousser la réflexion suffisamment loin — le projet de loi, tel que rédigé, est suffisant à la fois pour bien donner aux pharmaciens toute la responsabilité de l'acte qui est posé dans son officine et également pour permettre à l'assistant-pharmacien de continuer à travailler en collaboration avec le pharmacien. Des suggestions ont été faites à la commission parlementaire. On avait suggéré, entre autres, de lui accorder un statut d'assistant-pharmacien, conformément au projet de loi actuel, suivant certaines conditions de vérification et de contrôle par un comité mixte du Collège des pharmaciens et de l'exécutif de leur association. Cela, il faudra en discuter sérieusement et voir toutes les implications; voir si, en pratique, c'est possible et nécessaire qu'on aille jusque-là.

Deuxièmement, l'article 30 du projet de loi actuel les touche directement. Si on acceptait la première suggestion, il ne faudrait pas abroger l'article 30 et dire que l'assistant-pharmacien ou le préparateur d'officine pourra vendre des produits pharmaceutiques sous ordonnances médicales, sous la responsabilité d'un pharmacien licencié. C'est cela qu'il faudra trancher, pour voir si le projet de loi va suffisamment loin et s'il ne faudrait pas franchir une autre étape, tout en respectant les objectifs que l'on poursuit, c'est-à-dire la protection du public. C'est le seul critère qui devra nous guider dans cette discussion que nous ferons en commission plénière.

Je voulais poser ce problème qui concerne directement les pharmaciens. Pour une bonne partie des pharmaciens le projet de loi tel que rédigé peut créer certains problèmes pour les petites et moyennes pharmacies si l'assistant-pharmacien n'agit que sous sa responsabilité. Je pense que c'est un problème dont nous devrons discuter franchement, sans aucun préjugé. Il faut voir que cela a des implications pour les

pharmaciens salariés. Tous ces groupes se tiennent et il faudra examiner ce problème à fond.

Un autre problème, qui est extrêmement important et dont les pharmaciens nous ont parlé à plusieurs reprises, sur lequel ils insistent énormément, avec raison d'ailleurs, c'est la publicité. Le ministre a dit tantôt que c'était un point qu'il inscrira à l'ordre du jour des conférences fédérales-provinciales, étant donné que c'est un problème qui doit se discuter à cet endroit. Je ne vois pas comment le Québec seul pourrait intervenir et de quelle façon on pourrait intervenir efficacement dans ce domaine, puisque la publicité se fait particulièrement par les grands média d'information, la presse électronique.

C'est un problème que nous vivons, particulièrement depuis quelques années, depuis l'avènement de la télévision. C'est un problème qui devient véritablement aigu. Tout le monde en est témoin. On est assis devant le téléviseur et, à intervalles réguliers, on voit apparaître une annonce — fort bien faite d'ailleurs, on doit le dire — sur les médicaments.

Je ne parle pas ici de l'information que nous voudrions connaître, à savoir l'aspect scientifique, le contenu scientifique, l'information scientifique au sujet de ce médicament. On nous décrit cela comme ayant une vertu miraculeuse. Plus on est perméable à cette publicité télévisée, plus on se laisse influencer.

La publicité sur le médicament est une question fort délicate. Je pense qu'il faudra qu'on réussisse à trouver une façon de régler ce problème, d'influencer le cours des événements parce que cela ne peut pas continuer en s'accentuant comme cela se produit actuellement.

Mais il y a aussi l'autre aspect de la publicité, la publicité qui serait faite — si on me permet l'expression — de façon plus locale ou plus régionale, entre les différents pharmaciens de façon à amener, si on veut, la clientèle ou à renseigner le public et essayer d'influencer la clientèle. Cela est une arme à deux tranchants. On peut faire de la publicité pour abaisser le coût des médicaments, pour donner, dans la publicité, le coût du médicament, dire que dans une pharmacie, à un endroit, on vendra le produit moins cher qu'ailleurs, sans mentionner un autre endroit mais en disant que c'est l'endroit tout désigné pour avoir tel produit, aux meilleures conditions possibles.

Il y a là le phénomène qui entre en ligne de compte. Ce qu'on veut atteindre, c'est la libre concurrence entre différents points de distribution. M. le Président, quelle pourrait être la conséquence de cette publicité, sinon d'augmenter la consommation des médicaments? Je pense que c'est inconciliable. J'ai réfléchi à ce problème, j'ai essayé de voir comment deux pharmacies qui sont situées, disons, sur la même rue, à deux coins de rue différents, pourraient, à force de publicité dans les journaux quotidiens, les journaux hebdomadaires, les circulai- res, la radio — évidemment, je ne veux pas entrer dans des applications trop concrètes, avec tel nom de produit — pourraient se faire une concurrence réelle sur le plan des prix sans inciter la population à les utiliser ou sans continuellement lui rappeler que ces médicaments existent, qu'il faut les utiliser et que c'est moins cher. On le fait pour des marchandises, vêtements et aliments, parce que ce sont des produits de consommation dont on a besoin régulièrement, qui ne sont pas dommageables à la santé même s'ils peuvent être dommageables au porte-monnaie, mais on ne prend pas des médicaments par plaisir mais par besoin, sur ordonnance. Je ne vois donc pas comment on peut concilier la libre concurrence de la publicité et la diminution de la consommation des médicaments.

Une suggestion dont nous discuterons à la commission parlementaire, je crois bien que les pharmaciens seront d'accord pour discuter des services que le pharmacien, la profession médicale peut donner, comme conseiller. Le ministre, tantôt, a utilisé une expression qui est assez juste: Les pharmaciens doivent, en plus du rôle traditionnel du pharmacien, être des conseillers. Par les services qu'il rend à celui qui vient le consulter, celui qui vient à son officine, soit pour une ordonnance ou même, s'il n'a pas besoin d'une ordonnance, pour demander des conseils sur certains points, le pharmacien peut être, dans le domaine de la santé, un conseiller très précieux.

Je pense que ce rôle est important. La profession des pharmaciens doit en être consciente. Et c'est plutôt là-dessus que la pharmacie devra axer sa publicité — si on peut appeler ça de la publicité — à l'effet qu'à tel endroit tel professionnel est en mesure de rendre des services qu'un autre ne désire peut-être pas rendre, ou il ne prend pas les moyens pour les dispenser à la population.

Je pense que la surconsommation de médicaments est un point important. Au sujet de la publicité, les témoignages devant la commission parlementaire ont été suffisamment éloquents. Même les pharmaciens ont été les premiers à l'admettre et leur travail se poursuit pour qu'il n'y ait pas abus de médicaments, mais usage modéré. Je pense bien que tous les professionnels de la santé qui sont conscients de leurs responsabilités doivent être de cette opinion qu'on doit user modérément de la médication.

Quant à la surconsommation des médicaments, on a apporté des témoignages devant la commission parlementaire à l'effet que dans le Québec il y avait une surconsommation exagérée, par rapport à d'autres populations, d'autres régions. Et les statistiques ont été fort révélatrices. J'ai été surpris d'apprendre que, même si on consommait beaucoup de médicaments dans le Québec, on en consommait encore pas mal moins que dans certains autres pays, comme l'Angleterre et la France.

J'ai ici le journal des Débats, nous pourrions

y référer. Un témoignage nous a été donné par quelqu'un qui est venu devant la commission parlementaire. Je ne sais pas si c'est quelqu'un de l'Association des fabricants de médicaments, mais certains témoignages avaient l'air assez documentés. On disait que dans certains pays, aux Etats-Unis même, la consommation de médicaments était bien supérieure à ce que l'on voyait ici dans le Québec.

M. CASTONGUAY: C'était sûrement un fabricant.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je dis que son témoignage me paraissait documenté. Si nous poussions plus loin, il y aurait peut-être lieu d'apporter des correctifs, mais disons qu'il ne faut pas prendre panique non plus devant la surconsommation des médicaments. C'est tellement facile dans ce domaine d'avoir surconsommation.

Nous le constatons d'ailleurs par les statistiques lorsque nous voyons arriver les lois dans le domaine de la sécurité sociale. J'ai parlé de l'Angleterre tantôt et de la France, où on nous a dit qu'il y avait plus de consommation de médicaments. Et ça pourrait peut-être s'expliquer par la législation sociale qui couvre le prix des médicaments dans un programme d'assurance-maladie.

Là, il n'y a pas de barrière d'accessibilité. Cela pourrait être compréhensible. Mais ici il faut prendre des mesures pour enrayer, si nous le pouvons, la hausse de consommation des médicaments avant que nous élargissions les lois sociales, avant que l'assurance-maladie n'entre d'une façon générale dans le domaine des médicaments. Il faut inculquer à la population des habitudes de modération dans ce domaine.

Et ceux qui sont mieux placés pour le faire, je pense que ce sont encore les professionnels qui prescrivent, qui rédigent les ordonnances et même ceux qui les exécutent. C'est là où véritablement la conscience professionnelle peut entrer en jeu et ils doivent être conscients qu'ils ont des devoirs et des responsabilités vis-à-vis du public.

Il y aurait le problème — le ministre en a parlé tantôt — de la substitution des médicaments. Je ne m'y arrêterai pas à ce moment-ci, je sais que le député de Maskinongé a des exhibits en sa possession. J'en ai moi aussi, quand vous les utilisez, si vous pesez sur ce crayon, il apparaît une inscription dont on pourrait se servir pour empêcher la substitution.

Le député de Maskinongé, qui a des outils en main, qui a tout un appareillage, pourra faire la démonstration tantôt et avec la vigueur, la gaillardise qu'on lui connaît, nul doute que sa démonstration sera très éloquente.

M. le Président, le Collège des pharmaciens a récemment entrepris une action très énergique et pour laquelle on doit le féliciter. C'est celle de la lutte contre les médicaments brevetés. C'est un problème qu'on doit aborder en dehors de toute passion et en toute objectivité. Il est clair qu'il y a sur le marché actuellement une foule de médicaments brevetés, 2,000 à 3,000 environ; depuis toujours, à toutes fins pratiques, le public n'a pas été sensibilisé et personne n'a jamais alerté l'opinion publique sur le danger que pouvaient comporter ces médicaments brevetés.

On a fait des études, des analyses probablement assez dispendieuses, et on nous a fait part, dans des conférences de presse, de certaines conclusions qui nous ont surpris, je dois dire, et qui nous inquiètent. Il y a là un sujet sur lequel le Collège des pharmaciens a raison de faire porter son action. Ce n'est pas facile, cela demande une certaine dose de courage. J'espère que l'action du collège dans ce domaine va se poursuivre, non pas — et je sais que ce n'est pas là le motif que poursuit le Collège des pharmaciens — pour se créer du prestige, non pas pour asseoir sur des bases solides une profession, non pas pour promouvoir ses propres intérêts, mais dans une prise de conscience de ses responsabilités à l'endroit du public. Us ont décidé d'entreprendre cette action. Ce n'est pas une action facile. Mais il faudra qu'ils aillent au bout de cette action, de cette démarche qu'ils ont entreprise.

Le public ne se contentera pas des premières révélations qui ont été faites. Maintenant, non seulement notre curiosité a été éveillée, mais aussi notre besoin de savoir. Le souci que nous avons comme législateur de voir à ce que la protection du public soit véritablement assurée leur impose l'obligation d'aller plus loin dans leur démarche. J'espère que les gouvernements... Je sais que le ministre des Affaires sociales n'a aucune objection, même, je crois bien — il ne l'a pas mentionné expressément tantôt, du moins, s'il l'a fait, ça m'a échappé — qu'il approuve cette démarche que fait le Collège des médecins pour voir si, dans ces médicaments qui sont offerts sur le marché, le public est protégé.

A un autre niveau de gouvernement, j'ai entendu le ministre de la Santé, au fédéral, nous dire, dans sa réponse aux conférences de presse et aux révélations que nous a faites le Collège des médecins, que, s'il n'y avait pas abus, ces médicaments brevetés ne comportaient aucun danger.

Il ajoutait que de toute façon ça faisait longtemps qu'ils étaient sur le marché et qu'il n'y avait pas, à son avis, de situation qui le justifiait d'intervenir de façon dramatique et de façon urgente. Je crois que c'est le sens de la réponse qu'a donnée le ministre fédéral de la Santé, M. Lalonde.

Alors, M. le Président, cette action du collège est commencée. Il l'a poursuivie à l'occasion du projet de loi. Les pharmaciens suggèrent qu'on retire du marché les produits brevetés, de façon à protéger le public. Et dans le dossier qu'ils ont dressé, qu'ils ont révélé au public, il y a plusieurs preuves à l'appui des

propositions que les médicaments brevetés présentent dans certains cas un danger réel pour la santé publique.

M. le Président, il est vrai que nous entrons ici dans un autre champ de juridiction, de là la complication, et la loi de la fabrication et de la publicité relève du fédéral. Alors de quelle façon pouvons-nous encourager l'action du Collège des pharmaciens à ce moment-ci? Je pense bien que le ministre a des réponses. D'abord l'inscription du sujet à l'ordre du jour des conférences fédérales-provinciales serait une façon d'en discuter de façon sérieuse, d'en discuter de façon complète, et de mettre en place un comité conjoint d'étude qui pourrait se pencher sur ce problème des médicaments brevetés, de façon que le Québec ne soit pas absent de ce travail qui serait entrepris dans ce domaine-là et que l'on débouche, le plus tôt possible, avec le consentement du Québec, avec la collaboration du Québec et avec la connaissance du Québec, sur une action véritablement positive.

Ce sont les remarques que je voulais faire relativement à la Loi sur la pharmacie et je termine. J'ai des collègues qui veulent intervenir sur cette loi spécifique. Je voudrais dire en terminant, M. le Président, que le Collège des pharmaciens et les autres associations de pharmacien nous ont apporté une contribution véritablement importante et positive.

Ils ont fait des suggestions depuis la parution de la deuxième version du projet de loi. Ils ont fait des suggestions positives et des suggestions, à mon sens, que le législateur devrait accepter si ce n'est dans la rédaction qu'ils ont proposée, du moins dans l'esprit où ils l'ont proposée. Et ils ont eu l'occasion, dans bien des circonstances, d'échanger des réflexions avec nous depuis la réimpression du projet de loi, et nous pouvons les assurer qu'en commission parlementaire nous allons discuter, aussi longuement qu'il le faudra, des suggestions fort opportunes qu'ils nous ont faites.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire perdre inutilement le temps de la Chambre, je vais donc me limiter à quelques brèves remarques. La loi qui est en discussion actuellement, Loi sur la pharmacie, va régir à l'avenir une profession, un groupe de professionnels qui existe depuis plusieurs années. Je pense que c'est vers les années 1700 que nous connaissons ces professionnels qui sont devenus les pharmaciens.

Autrefois, le rôle de ce que l'on appelle aujourd'hui le pharmacien était bien différent de celui d'aujourd'hui...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je voudrais m'excuser auprès de mon collègue, je veux signaler que nous n'avons malheureusement pas quorum.

M. BIENVENUE: Je voudrais appuyer le député de Chicoutimi qui m'a précédé de quelques secondes.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés.

M. GUAY: M. le Président, je disais donc qu'autrefois c'était l'apothicaire qui devait préparer lui-même dans son laboratoire, si je peux m'exprimer ainsi, tous les médicaments. Depuis 1790, le rôle du pharmacien s'est beaucoup transformé. A la commission parlementaire, différents groupes ont tenté de démontrer le rôle revalorisé du pharmacien. Avant la présentation de cette loi, le pharmacien se limitait, dans ses activités, presque à un rôle de commis. Le rôle même du pharmacien était assez mal connu. On se rend compte jusqu'à quel point ce rôle a été transformé, puisque, de nos jours, presque aucune ordonnance ne nécessite de préparation difficile, car .365 prescriptions sur un million sont des prescriptions magistrales, c'est-à-dire préparées en pharmacie.

Le ministre a fait mention de ce rôle revalorisé que j'appellerai le vrai rôle du pharmacien. Ce serait beaucoup plus un rôle de conseiller auprès des consommateurs de médicaments. Le pharmacien devrait peut-être être celui qui prépare l'information, celui qui décrit les dangers de la consommation de certains médicaments, en deux mots, celui qui s'occupe de l'information. Je pourrais vous référer, M. le Président, à la page 4725 du journal des Débats où il a été grandement question de ce rôle qui devrait être confié aux pharmaciens, en plus de celui d'exercer une surveillance bien étroite sur la distribution des médicaments et d'interpréter l'ordonnance médicale.

Le pharmacien d'aujourd'hui s'intéresse davantage à l'interprétation de l'ordonnance et des dangers qui en découlent.

Il ne faut pas perdre de vue que les médicaments sont des substances chimiques, lesquelles, introduites dans l'organisme, peuvent modifier certaines fonctions vitales. Il importe donc d'être bien prudent en ce qui concerne non seulement la distribution des médicaments, mais également leur manipulation.

On a fait état, il y a quelques instants, des contenants de ces médicaments, dangereux pour les enfants par exemple. Ce sujet a été touché à la commission parlementaire, et je suis très heureux de trouver dans la loi quelque chose qui peut protéger davantage le public dans ce sens. Je suis également heureux de constater qu'à l'intérieur du projet de loi le ministre a tenu compte de plusieurs recommandations de différents groupes dans ce domaine, non seulement de l'industrie mais aussi de la distribution des médicaments.

On a également touché, à la commission

parlementaire, le problème de la pénurie de pharmaciens dans certaines régions de la province. Quelques jours avant qu'on entende ces groupes connaissant bien le problème, je me souviens d'avoir fait des recommandations au ministre. J'ai eu l'heureuse surprise de constater, à cette séance de la commission parlementaire, que le Collège des pharmaciens était également soucieux d'offrir un service plus efficace à la population. Le Collège des pharmaciens y a même touché. Il répétait presque mot à mot la recommandation que je faisais au ministre précédemment.

On peut lire à la page B-4698 du journal des Débats, du 22 août 1972: "Pour ce qui est des circonstances où le médecin peut fournir des médicaments, elles sont reliées à la définition du mot "autorisation" dont nous avons traité précédemment. Une autorisation devrait être accordée au médecin en vue d'avoir dans son cabinet un dépôt de médicaments et d'en délivrer aux personnes auxquelles il donne ses soins dans les endroits où il n'y a pas de pharmaciens, cette autorisation se justifiant par la nécessité de pourvoir aux besoins de la population. "Il faut comprendre qu'une telle autorisation ne doit pas être donnée dans l'intérêt du médecin, mais bien dans celui de la population. C'est pourquoi nous nous permettons de suggérer au législateur des textes en vertu desquels cette autorisation serait considérée comme une exception de droit. "Renouvelable en principe, elle serait révocable dès qu'un pharmacien se serait installé dans les districts concernés."

C'est donc là un élément très positif qui a été apporté à la commission parlementaire, puisque nous vivons actuellement des problèmes concernant ce point particulier dans le domaine des médicaments. Je suis également heureux que le ministre y ait touché tantôt dans son discours de deuxième lecture.

Même avec cette exception, je pense que nous sommes en droit de soutenir le principe: Aux médecins, les soins; aux pharmaciens, les médicaments. A la commission parlementaire, on s'en souviendra, les pharmaciens-propriétaires ont abordé un problème non moins aigu, celui de la publicité. On se souviendra de cette démonstration qui a été faite à la commission parlementaire, avec un amas de "gadgets" publicitaires. Ceci a permis aux législateurs de prendre conscience qu'il fallait réglementer, dans ce domaine, la publicité. Cependant, je m'empresse d'ajouter qu'il ne faudrait pas non plus, dans le cas des pharmaciens, qu'on appelle cela de l'information et, quand ce serait d'autres professionnels, qu'on appelle cela de la publicité.

Il faudrait peut-être définir ce qui est bon et ce qu'est justement l'information.

Il faudrait faire en sorte que tout ce qui est de la mauvaise publicité soit rayé le plus possible.

Donc, le droit de la population d'obtenir des médicaments de qualité et au moment où elle en a besoin est un droit fondamental. Je pense que le projet de loi doit le permettre.

Un autre point, qui a été soulevé à la commission parlementaire et dont je voudrais parler, c'est celui qui concerne le dossier du patient. Le pharmacien pourra conserver un dossier du patient, ce qui lui sera utile comme document d'information, document pertinent sur chaque cas particulier. Je soutiens que c'est un principe bien valable. Cependant, il faudrait se rappeler que ce dossier du patient a sa raison d'être en autant que les mêmes clients s'approvisionnent aux mêmes pharmacies. Sans cela, le client peut aller un peu n'importe où et il faudra que chaque établissement conserve un dossier du patient. Celui-ci sera très difficile à tenir à jour.

Nous avons remarqué, cependant, que d'autres mémoires, qui nous sont arrivés depuis la réimpression du projet de loi 255, s'opposent à la nouvelle Loi sur la pharmacie. Par exemple, dans le domaine des spécialistes de la santé. Ils disent que ce projet de loi, sur des points majeurs, est imprécis et inacceptable pour la profession médicale. Il s'agira donc, lors de l'étude en commission plénière et en troisième lecture, de bien scruter, de regarder attentivement et même, si c'est nécessaire, de consulter certains professionnels de la santé pour savoir si le respect de la prescription se fera de façon intégrale. Si, pour le pharmacien, une partie de son rôle est d'interpréter l'ordonnance médicale, il faudra donc s'assurer également que cette ordonnance soit respectée intégralement.

M. le Président, il y a beaucoup d'autres points que nous pourrions traiter sur ce projet de loi, Loi sur la pharmacie. Cependant, je retiens ces propos pour la discussion en troisième lecture et pour la commission plénière en indiquant, cependant, que nous donnerons un accord de principe au projet de loi 255.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, la profession de pharmacien a longtemps été considérée comme une des parentes pauvres parmi les professions de la santé. Ceci se traduisait au niveau de la formation universitaire où la pharmacie a été trop longtemps considérée comme une profession comportant un prestige moins grand que celui des autres professions de la santé. Ceci se manifestait également par des programmes d'étude qui, à certains égards, laissaient à désirer.

Mais ce n'est pas qu'à l'université, au niveau de la formation, que cette infériorité, que ce manque de pratique se manifestait. Cela se manifestait également au niveau de la pratique de la profession où, trop longtemps, le pharma-

cien s'est trouvé coincé, pour ne pas dire écartelé, entre la profession médicale et l'industrie pharmaceutique. D'une part, la profession médicale lui fournissait des ordonnances nombreuses que le pharmacien se contentait d'exécuter à la façon d'un subalterne, sans avoir un quelconque droit de regard dans l'exécution de cette ordonnance et, d'autre part, le pharmacien devait procurer aux clients, qui venaient le consulter, des produits qu'il ne préparait plus lui-même comme dans l'ancien temps.

Ces médicaments lui arrivaient tout faits, ils lui étaient envoyés par une industrie pharmaceutique qui pratiquait la production en masse avec des moyens supérieurs, perfectionnés. Aussi, il faut bien le dire, ces produits étaient, au point de vue de la qualité, bien supérieurs à ceux que l'on pouvait produire dans une époque d'artisanat.

C'est probablement la raison pour laquelle le pharmacien, ainsi coincé, dévalorisé, s'est senti obligé de recourir à d'autres méthodes pour assurer sa subsistance et qu'il a dû faire de son établissement, à toutes fins pratiques, un établissement de commerce, une sorte de magasin général où l'on retrouvait toutes sortes d'articles hétéroclites, au point qu'un chansonnier français célèbre a pu faire à ce sujet une chanson qui a fait le tour aussi bien du Québec que de la France et de tous les pays francophones, "Les pharmacies du Canada".

Mais la situation a bien changé depuis lors. Les pharmaciens ont pris conscience de cet état de crise, d'infériorité, de baisse de prestige accéléré et ils ont réagi vigoureusement. Ils ont d'abord réagi au niveau de l'université. Depuis quelques années, nous avons vu rapidement se revaloriser le cours de pharmacie, dont les crédits se sont multipliés et dont la qualité s'est grandement améliorée. Le corps professoral est devenu plus nombreux et de beaucoup plus haute qualité, au point que l'on peut dire maintenant que le cours de pharmacie qui se donne dans nos universités non seulement est égal, en qualité, à celui qui se donne ailleurs au Canada ou aux Etats-Unis, mais peut être classé comme l'un des meilleurs qui soient.

Je pense que c'était là la réforme de base à faire, car, si le pharmacien ne peut pas faire état d'une formation adéquate et plus qu'adéquate, il ne peut revendiquer aucun des droits auxquels sa formation, le service et la protection du public lui donnent droit. Mais cette réforme a été faite et a été bien faite.

Par la suite on a vu la corporation professionnelle animée d'un mouvement profond de renouveau et de réforme, elle aussi. Elle est devenue ce que certains appellent agressive et ce que l'on devrait simplement appeler dynamique, car elle a pris justement conscience de son insertion dans le cadre des professionnels de la santé, de la contribution essentielle qu'elle devait apporter au public et elle a tenté d'en tirer les conséquences à tous les niveaux. D'abord, au niveau universitaire, puisqu'elle est devenue le chien de garde de la compétence professionnelle, en incitant l'université à améliorer sans cesse son programme d'études, la qualité de son personnel professoral et à hausser les méthodes d'évaluation de ses étudiants. Elle a continué ce travail en exigeant d'être représentée à tous les niveaux où on retrouve le médicament, c'est-à-dire au niveau de la fabrication du médicament, au niveau du réseau de distribution du médicament, ainsi que dans les contacts que le pharmacien doit avoir avec le public.

Je pense que cette omniprésence du pharmacien va de soi.

S'il est vrai que la pharmacie constitue une profession, s'il est vrai que le pharmacien constitue le seul véritable spécialiste du médicament, il s'ensuit logiquement qu'il faille le retrouver partout où un médicament se fabrique, est dispensé, que ce soit dans les établissements hospitaliers, dans les foyers pour personnes âgées, pour malades psychiatriques, dans les cliniques externes, que ce soit enfin dans les officines, que ce soit dans ce qu'il est convenu d'appeler traditionnellement les pharmacies.

Je pense que cette omniprésence et également cette présence constante du pharmacien, qui tantôt agit comme spécialiste expert au niveau de la fabrication, tantôt comme spécialiste expert au niveau de l'évaluation ou au niveau de contrôle, s'impose, si l'on veut non seulement conserver au pharmacien son statut de professionnel, mais également si l'on veut que le pharmacien améliore la qualité des services qu'il dispense au public.

C'est donc là une réforme, un renouveau qui, pour s'être fait attendre trop longtemps, n'en est maintenant que plus apprécié par les gouvernements et tous les professionnels de la santé.

Une autre modalité de cette réforme a été d'effectuer une distinction depuis longtemps indispensable entre la partie commerciale et la partie professionnelle de l'activité du pharmacien. Je ne me suis pas étonné, pour ma part, que le pharmacien ait exigé d'être payé selon les mêmes modalités que les autres professionnels, c'est-à-dire sous forme d'honoraires professionnels ou sous forme de salaire.

Je pense même qu'il faudrait aller plus loin et envisager un moment, une époque, où le pharmacien ne serait plus rémunéré qu'à la vacation, qu'à l'honoraire ou qu'au salaire, et qu'il ne retire plus aucune rémunération de ses autres activités. Je sais qu'il y a des périodes de transition à envisager ; je sais par exemple que si un commerçant — et le pharmacien est encore commerçant à certains égards — vend certains articles, il faut qu'il fasse au moins ses frais, et il a droit à une certaine rémunération pour les opérations administratives qu'il doit effectuer.

Mais je crois quand même que, si l'on veut continuer ce travail de purification, de professionnalisation, il faudra en arriver à une époque où le pharmacien devra se débarrasser complètement de ces autres articles qu'il continue à

vendre aujourd'hui, ou qu'il ne retire plus aucun profit, sauf les frais d'administration, de la vente de ces autres articles.

Je pense que cela irait très loin aux yeux du public, comme aux yeux des autres professionnels de la santé, dans la revalorisation du statut professionnel du pharmacien. Ce renouveau s'est également manifesté au sein de la corporation par une nouvelle définition du rôle idéal que devrait jouer le pharmacien dans notre société.

Ce rôle, le pharmacien ne veut plus qu'il soit celui de simple exécutant, de subalterne de la profession médicale ou d'esclave de l'industrie pharmaceutique. Il veut mettre à profit, utiliser les connaissances étendues qu'il acquiert maintenant à l'université. Il veut évaluer le médicament, l'ordonnance qui lui est envoyée par le médecin. Il veut utiliser un pouvoir décisionnel en certains cas, s'il se rend compte que l'ordonnance est mal faite ou qu'elle ne correspond pas aux besoins du patient ou qu'elle se heurte à des impasses ou des difficultés qu'il a appris à connaître dans l'exercice de sa profession.

Ce rôle, il veut l'exercer non pas à temps et à contretemps, mais d'une façon opportune, selon que le requièrent les circonstances.

Il veut donc évaluer, il faut aussi interpréter l'ordonnance et ce rôle d'interprétation de l'ordonnance, il ne peut le jouer que si on lui permet d'avoir un contact professionnel avec le patient, c'est-à-dire avoir l'occasion de lui expliquer l'ordonnance qu'on vient de lui remettre, le rôle que jouera le médicament à l'intérieur de son organisme, les effets secondaires qui peuvent en résulter, les incompatibilités qu'il se doit d'éviter, et le mettre en garde également contre les dangers qu'amènerait une surconsommation ou une sous-consommation du produit qu'on lui prescrit.

Il aimerait enfin, au niveau de l'hôpital cette fois, jouer un rôle pédagogique, c'est-à-dire s'introduire dans l'équipe multidisciplinaire, informer les autres membres de cette équipe multidisciplinaire de l'aspect proprement phar-macologique ou pharmaceutique que l'équipe multidisciplinaire doit jouer, informer les membres de cette équipe du rôle complémentaire au sien qu'ils peuvent et doivent jouer, également parfaire leur formation en ce domaine, car cela peut s'avérer extrêmement important.

Ces rôles me semblent, encore une fois, découler logiquement, tout naturellement, de cette professionnalisation accrue, renouvelée du pharmacien. Et non seulement je ne m'y oppose pas, mais je l'accepte entièrement, tellement il faut être logique avec soi-même et à partir du moment où on a accepté un principe, il faut en accepter toutes les implications, toutes les conséquences. Je suis donc heureux que le législateur, par cette nouvelle loi sur la pharmacie, apporte sa contribution à la revalorisation du statut professionnel du pharmacien. Il est sûr que maintenant les pharmaciens ne pourront plus trouver comme excuse une loi désuète, une loi surannée, une loi insuffisante, une loi incomplète, puisque le législateur leur remet entre les mains un instrument qui, s'il n'est pas parfait, colle du plus près qu'il est possible, après analyse, au nouveau rôle, au rôle approfondi que les pharmaciens entendent jouer dans notre société.

Je sais que la corporation n'entend pas s'arrêter en si bon chemin et qu'elle pense à de nouvelles façons d'améliorer ce statut professionnel comme, par exemple, une meilleure réglementation de la tenue des officines, une incitation à la pratique de groupe chez les pharmaciens; ce sont là deux avenues très intéressantes, d'autres se dessineront, j'en suis sûr, dans un proche avenir, mais ceci est à l'honneur de cette profession. J'espère qu'avec le nouvel instrument qu'on leur remet maintenant entre les mains, ils seront encouragés dans leur marche en avant et qu'ils continueront à oeuvrer pour le plus grand bénéfice de la communauté d'abord et, ensuite, du professionnel, qui se sentira mieux motivé, plus fier de la profession à laquelle il appartient, plus conscient de son rôle et plus heureux de le jouer.

C'est là, je pense, le premier volet de cette réforme. Dans son exposé de deuxième lecture, le ministre en a touché un autre qui est celui de l'accessibilité aux médicaments. Il disait, à juste titre, que le gouvernement avait fait déjà un grand pas dans cette direction par l'adoption de la loi 69, en vertu de laquelle les assistés sociaux auront droit maintenant à la gratuité des médicaments. Il est bien évident que cette accessibilité aux médicaments qui constitue maintenant un droit fondamental qui est presque inscrit dans la loi 65 ne pourra être obtenue qu'au prix d'autres réformes. Il faudra, bien sûr, généraliser la gratuité du médicament à toutes les classes de la société. Je sais que le ministre aurait l'intention de nous présenter une législation demain matin, s'il avait en main les ressources nécessaires pour financer cette réforme.

Nous y reviendrons, d'ailleurs, dans quelques instants. Mais je pense que cette accessibilité aux médicaments ne peut pas n'être que le fait du gouvernement, que ce soit par la généralisation du système d'assurance-maladie ou par l'incitation que le gouvernement peut donner à l'établissement dans toutes les régions du Québec de pharmaciens.

Déjà, comme le ministre le signalait, depuis cette instauration partielle de l'assurance-médicaments, le nombre de pharmaciens qui se sont installés dans les régions rurales ou semi-urbaines a augmenté. On peut donc penser que, si l'assurance-médicaments était généralisée à toutes les classes de la société, ce processus continuerait. Nous assisterions bientôt, peut-être, à une multiplication généralisée, dans les centres ruraux et semi-urbains, des professionnels de la pharmacie et on pourrait accéder, beaucoup plus tôt que nous le prévoyons maintenant, à la couverture complète de toutes nos régions.

Mais il reste, encore une fois, que ce n'est

pas au gouvernement d'assumer ces responsabilités. La corporation professionnelle, elle aussi, a une responsabilité à prendre à cet égard. Je pense qu'il lui revient, avec l'imagination qu'on lui connaît maintenant, de contribuer pour sa part à la découverte de nouveaux moyens qui inciteraient les nouveaux diplômés de la faculté de pharmacie et même certains pharmaciens installés parfois en trop grand nombre dans les centres urbains à migrer vers ces centres ruraux ou semi-urbains, afin justement qu'on n'assiste plus à ces maux que l'on dénonce régulièrement dans cette Chambre et qui font que le malade n'a pas l'accès voulu aux médicaments.

Il reste cependant l'obstacle du coût. Je sais que l'assurance-médicaments généralisée coûterait cher et qu'il faut peut-être, auparavant, trouver des méthodes qui amèneront une réduction des coûts. Le ministre en parlait également dans son intervention de deuxième lecture. Il disait que la confection par le comité consultatif de pharmacologie d'une liste de médicaments, les meilleurs et de la plus haute qualité, à laquelle les médecins peuvent avoir accès pourra justement contribuer à réduire les coûts.

Je ne doute pas, moi aussi, que la généralisation du mécanisme de substitution puisse contribuer à diminuer les coûts, mais je pense qu'il faudra faire davantage en ce domaine. Par exemple, il faudra réduire les coûts de publicité. Je ne conçois pas, pour ma part — et j'aime bien le dire au ministre — qu'on permette de publicité, ni à la radio, ni à la télévision, pour aucun médicament.

Je ne vois pas ce que le public a à gagner à se faire imposer une publicité sur quelque médicament que ce soit, puisqu'il revient au médecin de le prescrire et au pharmacien de le dispenser et de conseiller le client. La publicité ne devrait s'adresser qu'à ceux qui sont en mesure de prescrire ou de dispenser le médicament. Peut-être éviterait-on ainsi cette surconsommation médicale. Peut-être évitera-t-on ainsi également ces maladies iatrogéniques, c'est-à-dire qui sont causées par l'absorption massive de médicaments et qui donnent lieu, chaque année, à des empoisonnements dont le nombre augmente constamment.

Je pense que l'interdiction de la publicité ne devrait pas ne s'étendre qu'aux médicaments brevetés qui, le plus souvent, sont inefficaces et qui peuvent être dangereux, mais qu'elle devrait s'étendre également à tous les médicaments, puisque le consommateur qu'elle vise n'est pas l'agent avisé en l'occurrence et que cette publicité ne peut que l'inciter à faire des pressions et auprès du pharmacien et auprès du médecin pour se faire prescrire les médicaments de son choix.

Il est bien suffisant qu'il existe certaines revues ou certains journaux où on peut voir certaines chroniques médicales ou pharmaceutiques qui incitent les clients à demander aux médecins tel ou tel médicament.

Cela est déjà bien suffisant sans qu'on y ajoute une publicité additionnelle et superflue. Je sais que le ministre dans l'Etat provincial que l'on connaît, n'a peut-être pas tous les pouvoirs constitutionnels qui lui permettraient d'agir, mais je pense que dans cette conférence fédérale-provinciale, où il a déjà fait des recommandations, il pourra aller encore plus loin dans ses recommandations, en ce sens, même si j'approuve celle qu'il a déjà faite, c'est-à-dire de faire imprimer sur la bouteille de médicament breveté le contenu de la formule, ce qui aboutit, à toutes fins pratiques, à l'abolition du brevet et, d'autre part, à ne pas faire porter au client le poids de la publicité que fait la compagnie mais de le faire porter par la compagnie.

Je pense qu'il devrait aller plus loin et recommander que toute publicité soit interdite à la radio et à la télévision sur les médicaments. Je me demande, par ailleurs, si, avec notre Loi de la protection du consommateur, notre Office de protection du consommateur et notre nouvelle Régie des services publics, nous ne pourrions pas utiliser les quelques moyens que nous avons pour rendre beaucoup plus difficile la publicité. Si nous ne le pouvons pas constitutionnellement, peut-être le pouvons-nous administrativement et réglementairement, ou du moins pouvons-nous rendre la partie plus difficile à ceux qui se font une spécialité d'attiser les besoins de consommation médicale qui existent en tout être humain et qui sont, de fait, archaïques, primitifs et infantiles.

Je pense que par l'utilisation de ces méthodes on pourrait en arriver à une réduction des coûts. Peut-être aussi l'Etat pourrait-il envisager plus tard d'autres mesures avant d'en arriver à la mesure qui, au fond, me semble la seule opportune et radicale en l'occurrence, c'est-à-dire un contrôle toujours plus serré de l'Etat sur la fabrication du médicament, sur la distribution du médicament et sur le prix du médicament. Toutes les mesures qui ont été adoptées jusqu'ici ont été des mesures indirectes et il faudra peut-être en venir à un moment où il faudra appliquer des mesures directes car cette réduction des coûts me paraît absolument essentielle dans l'objectif que le ministre poursuit et que nous poursuivons de l'accessibilité la plus totale possible aux médicaments. On l'a dit plusieurs fois, à quoi sert de traiter gratuitement une maladie si on ne peut pas procurer au malade le médicament qui, au fond, fait partie de son traitement?

Je voudrais également toucher quelques autres points qui me paraissent importants dans cette loi. Le pouvoir réglementaire, par exemple, que s'attribue le lieutenant-gouverneur en ce qui concerne la tenue des officines. Je ne doute pas que le lieutenant-gouverneur prendra avis de la corporation lorsque le moment arrivera pour lui de faire cette réglementation, mais je me demande, étant donné ce que je viens de dire sur le mouvement de renouveau,

de réforme qui souffle dans la corporation, s'il ne serait pas plus opportun de remettre cette responsabilité à la corporation qui a déjà étudié le sujet depuis de longues années et qui a probablement un règlement tout prêt à édicter et qui correspondrait probablement de beaucoup plus près à la réalité et qui aurait le grand mérite de pouvoir être appliqué beaucoup plus rapidement.

Quant aux préparateurs d'officine, j'endosse entièrement les remarques qui ont été faites à cet égard par le député de Montmagny. Il y a actuellement beaucoup de préparateurs d'officine, 1,200 a-t-on dit. Sans penser à leur appliquer d'une façon automatique la clause grand-père, ce qui pourrait se justifier, il faut penser surtout à l'injustice dont ils peuvent être l'objet du fait précisément que la Corporation des pharmaciens se revalorise. Si, à une époque où cette valorisation n'était pas encore effective, les préparateurs d'officine ont joué un rôle important, utile et même essentiel pour la communauté, il ne faudrait quand même pas qu'ils soient pénalisés, maintenant qu'ils ont vieilli sous le harnais, maintenant qu'il leur serait difficile de penser à se recycler dans une autre profession.

Il serait injuste de les pénaliser pour le progrès que connaît maintenant la profession.

Si le gouvernement ne peut leur assurer un emploi identique, adéquat dans d'autres secteurs, il me semble qu'on devrait s'assurer, avant d'adopter cette loi, que justice leur soit rendue, qu'ils ne soient pas pénalisés par le progrès, qu'ils ne soient pas les victimes du progrès et qu'on leur permette de continuer d'exercer dans un milieu qu'ils connaissent bien, qu'ils aiment et auquel ils ont rendu des services, des activités pour lesquelles, à force d'expérience, ils peuvent être devenus compétents. Je sais bien que le ministre, par l'article qui permet une délégation de pouvoirs, a rendu possible la recherche d'une telle solution. Mais il reste quand même que l'assurance ne nous en est pas donnée, puisque le résultat des négociations à intervenir entre la Corporation des pharmaciens et l'Association des préparateurs d'officine, qui n'est pas une corporation, même si elle est un groupement représentatif, ne peut être assuré à l'avance.

Il est possible que, dans les actes multiples que comporte l'acte pharmaceutique, pris dans un sens plus général, il y ait plusieurs activités subsidiaires auxquelles paraîtrait tout naturellement destiné le commis-pharmacien, que ce soient des tâches d'employé de bureau ou des tâches de manutention. Mais il reste que je tiendrais, pour ma part, à ce que les droits acquis, si l'on peut parler de droits acquis dans la matière, de ces commis-pharmaciens soient préservés dans toute la mesure du possible. Il nous restera, bien sûr, lorsque nous arriverons en commission plénière, à discuter des diverses modalités qu'un projet de loi n'oserait peut-être pas imposer, mais que les discussions de la commission parlementaire pourraient peut-être suggérer à la Corporation des pharmaciens, pour le jour où elle entreprendra cette négociation avec les préparateurs d'officine.

Un autre point que je voudrais soulever, c'est celui de la représentation des pharmaciens au sein du conseil de leur ordre. Je sais qu'en la matière le projet de loi se conforme à peu près à tous ceux que nous avons examinés jusqu'ici, c'est-à-dire que la représentation des pharmaciens est basée sur les régions, les districts où se trouvent ces pharmaciens. Il reste cependant que nous avons peut-être affaire, ici, à un cas un peu particulier puisque, sans que l'on puisse parler véritablement de spécialités, il existe des catégories différentes de pharmaciens dont les rôles, dont les activités, dont les intérêts sont variables, selon l'endroit où ils exercent leur profession.

Je ne pense pas, par exemple, qu'un pharmacien qui travaille à l'emploi d'une industrie pharmaceutique pour la préparation, le contrôle de la fabrication d'un médicament, ait un rôle identique à jouer à celui que joue un pharmacien d'officine. On pourrait dire la même chose d'un pharmacien qui se spécialise dans l'enseignement ou d'un pharmacien qui se spécialise dans la pratique hospitalière. Je faisais allusion tout à l'heure au rôle de plus en plus important que le pharmacien d'hôpital est appelé à jouer au sein de l'équipe multidisciplinaire, que ce soit dans les comités de pharmacologie, où il joue un rôle absolument essentiel, que ce soit au niveau de la formation des étudiants en médecine, des résidants, de ses collègues d'autres professions ou que ce soit par la contribution qu'il est appelé à jouer au sein du comité consultatif des professionnels.

Je pense qu'il s'agit là de variétés de pratique qui comportent peut-être des obligations, des préoccupations ou des motivations particulières. Il me semble que la Corporation professionnelle des pharmaciens serait privée de cette bigarrure, de cette variété enrichissante, si le mode de représentation ne permettait pas ou presque pas à ces catégories de professionnels d'être représentés au niveau du bureau de la corporation.

Je n'ai pas d'amendement précis à suggérer pour le moment. Notre réflexion se continue. C'est notre réflexion commune, celle de tous les partis représentés en cette Chambre, qui pourrait nous permettre de trouver un amendement qui ne dérogerait pas au cadre général prévu pour la constitution des bureaux mais qui permettrait quand même d'enrichir cette représentation par l'apport des diverses catégories des professionnels de la pharmacie.

Je voudrais aussi ajouter un mot sur la présence, qui me paraît indispensable, du pharmacien dans tous les endroits où peuvent se distribuer des médicaments. Là encore, je sais qu'il y a un article du projet de loi qui laisse entendre que dans tous ces endroits il devra se trouver un pharmacien ou un médecin. Mais j'ai

bien dit "qui laisse entendre". Cela ne me paraît pas encore assuré, d'autant plus que je suis parfois inquiet de la situation qui prévaut dans certains endroits où les médicaments sont dispensés. Je sais par exemple que, dans certains foyers pour personnes âgées où une infirmière est appelée à travailler ou dans certains foyers pour malades psychiatriques où une surveillance éloignée, même assez éloignée parfois, s'effectue de la part de l'institution mère, des médicaments sont distribués sans que, à mon avis, un contrôle adéquat soit effectué par le pharmacien. Ce contrôle est parfois trop spora-dique, trop distant, trop périodique dans le temps. Il me semble que la santé des patients qui sont appelés à bénéficier de ces services n'est pas assurée d'une façon adéquate.

Je ne sais pas si le ministre ne pourrait pas regarder à nouveau cet article et le formuler d'une façon qui assure la présence constante et le contrôle constant et étroit du pharmacien sur ce mode de distribution de médicaments.

Evidemment, je ne peux pas terminer mon intervention sans parler, encore une fois, de la dimension linguistique, précisément parce que l'on retrouve maintenant le pharmacien dans presque tous les établissements hospitaliers, dans les cliniques externes aussi bien que dans les pharmacies. Le pharmacien est appelé à rencontrer toutes espèces de public, quelle que soit la langue de la pharmacie ou de l'établissement hospitalier dont il fait partie. Etant donné ce brassage de population, étant donné, encore une fois, que le français est la langue commune du pays québécois, il me semblerait tout à fait normal que la connaissance d'usage de la langue française soit édictée par la corporation ou le législateur comme une des conditions essentielles de l'exercice de la profession de pharmacien.

En conclusion, il me semble que nous avons dans le projet de loi 255 un excellent projet de loi, qui vient à point nommé, qui fournira la coup de pouce additionnel dont la profession avait besoin pour continuer son travail de revalorisation professionnelle. Il reste, cependant, qu'avec ce nouveau projet de loi, une fois qu'il sera adopté, la corporation aura un défi à relever. Ce sera à elle de nous prouver, de prouver à la société qu'elle est capable d'exercer le rôle qu'elle revendique auprès de la population, rôle de conseiller surtout, rôle d'information, information individuelle avec le patient qui se rend à la pharmacie, information au niveau collectif également par des émissions de radio, de télévision ou par des colloques. C'est elle qui aura à nous prouver qu'elle est capable et qu'elle veut jouer ce rôle critique, ce rôle d'évaluation, de contrôle qu'elle entend jouer à tous les niveaux.

Si après quelques années on se rend compte que cet idéal n'était qu'un idéal et qu'il doit rester lettre morte, que la pratique de la profession n'a guère changé dans les faits, que trop de professionnels de la pharmacie continuent de s'acquitter de leurs tâches de la même façon routinière que dans le passé, ils ne pourront plus blâmer d'autres qu'eux-mêmes.

Ils s'exposeront, bien sûr, à d'autres interventions de la part du législateur qui seraient, celles-là, beaucoup plus restrictives.

Je n'évoque, M. le Président, ces sombres images, que pour des fins de rhétorique, car je sais très bien que tel ne serait pas le cas. Je sais que, grâce aux efforts des facultés de pharmacie, grâce aux efforts de la corporation, grâce aux efforts de tous les professionnels de la pharmacie, bien au contraire, l'adoption de ce projet de loi pourra être marquée d'une pierre blanche, en ce sens qu'elle constituera un stimulus additionnel pour le progrès que nous avons constaté au cours des dernières années. Je ne doute pas que tous les professionnels de la pharmacie prendront davantage conscience de leur nouveau rôle, tout en en étant très fiers, mais aussi de leurs responsabilités à l'égard de la société, de leurs responsabilités également comme agents du progrès social et du progrès de l'homme.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank); Le député de Saint-Maurice.

M. Philippe Demers

M. DEMERS: M. le Président, je remercie toutes ces bonnes personnes pour leur appui de pupitre.

M. VEILLEUX: Cela peut être différent après!

M. DEMERS: J'ose espérer qu'à la suite de mes propos, il en restera au moins assez dans cette salle qui ne dormiront pas pour réveiller les autres que j'aurai endormis.

M. le Président, le projet de loi sur la pharmacie, comme l'ont si bien dit ceux qui m'ont précédé, vient à son heure. Je crois que, dans le cadre des professions, il fallait replacer la pharmacie à l'endroit qui leur revient de fait.

Je pourrais, M. le Président, si vous me le premettez, brosser à grands traits un historique de l'évolution pharmaceutique non pas à travers les âges, mais dans les derniers siècles, Vous vous rallierez à l'opinion que je me suis faite en constatant l'évolution qu'a subie cette profession au cours des âges.

Que de chemins parcourus, alors que le pharmaciens, qu'on appelait apothicaire, courant les prés et les bois à la recherche de simples pour en faire des médicaments. Que de chemins parcourus alors que, dans ce sanctuaire qu'était le laboratoire de cet homme de l'art, on préparait les alcoolats, les élixirs et toute cette gamme de médicaments, les philtres d'amour, les potions, toutes sortes de choses, élixirs aphrodisiaques, élixirs de jouvence, apothicaire qui préparait, à la demande des courtisanes de nos souvenirs de l'époque, certains philtres amoureux destinés à reviver la flamme vacillan-

te de leur royal ami Que de chemins parcourus! On avait même abusé, à l'époque, de ces préparations, à un tel point que la Voisin avait mis la dose si forte que le tout a dégénéré en poison et qu'elle dut expier, sur la place de Grève, le résultat de potions où elle avait mis plus de poison que de médication.

M. le Président, au cours de ma pratique de médecin vétérinaire, j'ai rencontré, au tout début, un pharmacien qui m'a ouvert l'esprit aux connaissances pharmaceutiques et m'a expliqué d'une façon précise ce qu'était la pharmacie à l'époque où elle était réllement la pharcie.

J'ai revu plus tard, à mon entrée dans cette Chambre, un jeune homme qui avait été élu à la même époque que moi. Il représentait un comté qui passe sur le bord du fleuve et coudoie une rivière du même nom. Il avait, M. le Président, vous vous le rappelez, à l'époque où il y avait une réponse à l'adresse et un proposeur, fait état des abus considérables qu'on voyait dans le domaine médical et dans la vente des médicaments.

Ce jeune homme, brillant, intelligent, célibataire dans le temps, amélioré aujourd'hui, nous avait convaincus de la nécessité qu'il y avait et pour le législateur et pour le monde médical, à se pencher sérieusement sur ce domaine. Profitant de ces conseils et devant cette loi qui nous est soumise, j'en viens à faire quelques remarques moi aussi, non pas comme spécialiste de la question, mais comme représentant d'un comté, et c'est mon boulot, je crois, de donner mon opinion.

Si, par hasard, je venais à toucher d'une façon un peu trop acerbe et vigoureuse à certains professionnels qu'on appelle pharmaciens, je m'en excuse au tout début, et je ne voudrais, en aucune façon blesser leur susceptibilité. Mais je crois qu'il y a quelque chose qu'il faut dire dans le domaine de la pharmacie.

Si on prend la définition de ce mot, la pharmacie se définit science qui a pour objet la préparation des médicaments. Or, c'est la seule chose qu'on ne fait plus en pharmacie. C'est un paradoxe extraordinaire que lorsque l'on pratique la science qui s'occupe de la préparation des médicaments, qu'on ne prépare pas le médicament. On pourrait — et si j'ai tort, on me réfutera — dire science qui a pour but le comptage des dragées, des pilules, l'emboîtage — si je peux ainsi m'exprimer — des onguents, l'embouteillage des sirops que l'on prend dans le gallon en-dessous du comptoir. Ce serait cette science.

Je ne veux en aucune façon mépriser cette profession, mais qu'on me prouve qu'en pratique il y a beaucoup d'autres choses que cela, et je m'incline, et je tire mon chapeau. Mais je crois qu'à l'étude de cette loi, on a peut-être manqué un peu — et je m'en excuse auprès du ministre — péché par omission. On traite exactement de ce que devrait être la loi, mais on ne traite pas de ce que c'est en fait.

On définit — et le ministre en a parlé longuement, je ne veux en aucune façon revenir sur ses propos — l'acte professionnel "celui qui a pour objet de préparer ou de vendre avec ou sans ordonnance un médicament. Préparer, ça, c'est plus rare.

Il y a des médecins dans cette Chambre, que l'on fasse le relevé de la prescription magistrale, et vous me direz bien que ce sera une découverte. Autrefois, dans le laboratoire du pharmacien il y avait ce qu'il fallait pour préparer un onguent, le pilon, le mortier — il est encore là comme symbole — la pierre où l'on brassait l'onguent, la balance, les éprouvettes, les erlenmeyer.

Aujourd'hui on a encore tout cela mais c'est un peu comme ce qu'on a fait ici, en cette Chambre, avec la tabatière et la bofte à priser, tout ce qu'il y avait sur la table qui encombrait — on ne pouvait pas mettre de bill, dans ce temps-là — c'étaient simplement des symboles. Il y avait aussi l'hygromètre alors que c'est la place la plus sèche qu'on ait jamais vue.

M. le Président, nous en sommes là, je crois, dans ce domaine. On dira peut-être que je juge a priori; j'en mets peut-être un peu mais c'est pour faire ressortir un aspect qui, je le crois, n'a pas été assez précisé. On voit dans cette loi tout ce qu'il faut pour contrôler ce qui est médical: médicaments, poisons, la liste des médicaments devant être vendus par le pharmacien selon les recommandations du Conseil de la pharmacologie. La liste des poisons, très bien. Ce qu'il faut faire pour devenir pharmacien, très bien. Mais lorsqu'on entre dans la pharmacie, on voit ce qu'il faut pour faire de la plongée sous-marine, en certains endroits, ce qu'il faut pour jouer au baseball, ce qu'il faut pour décorer l'arbre de Noël, ce qui est nécessaire pour pelleter de la neige et nettoyer une cour, tout ce qu'il faut est en avant, à part ce qu'il y a dans cette loi-là.

La loi aurait pu il me semble, prévoir un chapitre spécial pour tout ce qui est parapharmaceutique, parce qu'il y a plus de "para" qu'il y a de "pharmaceutique" dans la pharmacie. Ceci est dit sans arrière pensée. Je sais qu'on a fait des efforts considérables. On nous dit que c'est par mesure d'appoint que le pharmacien est obligé de vendre autre chose. Tant mieux si c'est ça. Est-ce qu'un matin on pourra faire disparaître ces mesures d'appoint? Ce professionnel n'a pas appris à vendre des ballounes et ces choses-là, jamais. Il a une formation de chimiste, chimie organique, chimie minérale, chimie biologique, il a une formation anatomi-que au point de vue médical, physiologique, matières médicales, pharmacie, pharmacopée, toutes ces choses-là, il s'est préparé. Est-ce qu'un matin on va pouvoir parler de pharmacie réellement dans la pharmacie et ne pas voir un peu de "hardware", comme on dit, dans la pharmacie, des cordes à danser, des plongeoirs, des baignoires, des balles et mettez-en tant qu'il y en a , et des journaux, des revues et de la "porno" tout ça c'est un aparté que je fais.

On a défini tout, la loi est excellente pour des gens qui font de la pharmacie mais je demanderais qu'un matin les pharmaciens en viennent à ne faire que de la pharmacie. On a demandé de les payer, d'accord, qu'ils soient payés à la pièce, à l'acte, qu'on les paie, mais qu'on les délivre de ce fléau qui les encombre. Qu'on les délivre d'un autre fléau aussi, l'obligation qu'ils ont de tenir — et qu'ils avaient surtout — tous les médicaments recommandés par le voyageur qui a fait le tour des médecins. Cela en est drôle, le voyageur en pharmacie, la seule personne qu'il ne visite pas c'est le pharmacien. C'était comme ça. Le voyageur va chez le médecin et le médecin ne tient pas de médicaments. Il va lui expliquer la dernière découverte: Docteur, notre maison vient de découvrir telle chose, on a mis ça, c'est bon pour ci, ça, ça et ça; c'est bon, c'est effrayant.

J'étais dans la médecine vétérinaire et j'ai vu des voyageurs tout le temps dans mon bureau et, à chaque fois qu'ils arrivaient avec un médicament, je disais: C'est fini, je ne traiterai plus jamais cela, je n'ai qu'à donner ça et ce sera réglé. Il y a des limites dans les capacités médicales et dans l'efficacité médicamenteuse.

Je reviens à mon voyageur, assis dans le bureau du médecin et qui lui vante le produit.

Le médecin dit: C'est bon, je vais le prescrire. Dis au pharmacien d'en prendre, je vais le prescrire. Il retourne chez le pharmacien et dit: J'ai vu quatre médecins, achètes-en. Ils en prescrivent très bien. Ils en prescrivent une fois, le pharmacien, lui, s'approvisionne, il accumule. La semaine suivante ou un mois après, il en arrive un autre qui vend le même type de médicament, la même formule mais pas sous le même nom. Mais on a ajouté un antispasmodique un peu plus fort, quelque chose comme ça. Là il va revoir le médecin, il dit: On a quelque chose, c'est mieux que l'autre. Prescrivez-en, le pharmacien va en acheter. C'est inouï, impossible. Il faudrait que dans notre loi il y ait une disposition. De toute façon, quant au rôle du bureau, il faudra qu'on en vienne à définir exactement des limites. Là comme le disait le député de Bourget, c'est là qu'on abuse du consommateur.

Aucune publicité sur aucun médicament, ce n'est pas nécessaire. Des médicaments miracles on en a assez, c'est du charlatanisme, c'est de l'ignorance. C'est une période révolue, c'est l'équivalent du gars au bout du rang qui guérissait une entorse en attachant une laine autour d'un pied. Il n'y a pas de propriété guérissante dans les quatre cinquièmes de ces médicaments qui sont vendus à grand renfort de publicité. Il y a aussi cet autre aspect de la situation-, lorsque la liste des médicaments sera déterminée, ils devront être vendus spécifiquement par le pharmacien.

Hier ou avant-hier nous avons adopté en deuxième lecture la Loi des médecins vétérinaires. Nous avions attiré l'attention du ministre de l'Industrie et du Commerce qui remplaçait le ministre des Affaires sociales, qui était malade. Nous avions attiré son attention sur l'obligation qu'il y aurait de laisser au médecin vétérinaire la vente des produits dont il a besoin. Avec cette disposition dans la loi des pharmaciens, lorsque le conseil et les pharmaciens auront décidé qu'il n'y aura qu'eux pour vendre des médicaments, on enlèvera, au médicin vétérinaire le droit de vendre. Les distances en milieu rural entre les pharmacies étant assez longues, le cultivateur et l'éleveur seront privés de mesures susceptibles de les aider à réchapper le cheptel.

Article 24. M. le Président, je m'excuse, je n'ai pas le droit, mais vous l'avez accordé tantôt au ministre. Ce n'était peut-être pas vous mais, de toute façon, le ministre a parlé à peu près de tout sauf du principe de la loi. Je m'excuse encore auprès du ministre, si je ne suis pas gentil à son endroit, mais ça n'a pas l'air de lui faire mal, il sourit plus que jamais.

UNE VOIX: Il était prévenu d'ailleurs.

M. DEMERS: L'article 24 spécifie que la raison sociale de la pharmacie devra disparaître. On devrait donner à la pharmacie le nom du véritable propriétaire. Nous avons eu certaines remarques, nous dans l'Opposition et probablement les gens du pouvoir en ont eu aussi, à l'effet que ça coûterait énormément cher à ceux qui depuis plusieurs années font affaires sous tel nom. Il faudrait qu'ils se privent du profit que leur apportait ce nom avec la publicité qu'ils ont fait pendant plusieurs années.

Il faudra, je crois, lorsque nous étudierons en commission cet article, y penser sérieusement et peut-être accorder un laps de temps pour en arriver au changement. Très peu ici à Québec, parce que tout le monde se connaît, mais dans la métropole on ne sait pas qui est propriétaire de la Pharmacie Montréal. Cela a déjà été quelqu'un qu'on connaissait, mais je pense bien qu'il est mort aujourd'hui, ce sont d'autres propriétaires.

Il y a peut-être intérêt, il y a peut-être utilité pour la protection de tout le monde et du consommateur qu'on sache le nom. Mais dans nos villes comme Sherbrooke, Trois-Rivières, Shawinigan, ces villes-là, si la pharmacie s'appelle la Pharmacie nouvelle à Shawinigan, on sait que c'est M. Jean-Baptiste Untel qui en est le propriétaire.

Je ne vois pas ce qui pourrait nous pousser à faire changer ce nom immédiatement, ce qui impliquerait le changement de tout l'étiquetage, l'élimination des enseignes, etc., et causerait des préjudices sérieux à ces gens qui ont toujours servi le public avec désintéressement et au meilleur de leurs capacités.

M. le Président, ce sont les quelques remarques que je voulais faire sur l'étude de ce projet de loi. La loi, comme l'ont dit ceux qui m'ont précédé, est excellente. Elle a été bonifiée par l'étude en commission et on pourra y retoucher en commission plénière. Je crois qu'elle rendra

service aux pharmaciens et à la collectivité. Les lois sont faites non seulement pour les professionnels; elles sont faites en fonction de ceux qui bénéficient des services professionnels. Il faut que ces lois aient de la souplesse et présentent une sécurité assez marquée afin de pouvoir rendre service à cette collectivité.

M. le Président, je vous remercie de l'attention que vous m'avez portée et j'espère qu'il n'y aura pas de représailles de la part de ces professionnels auxquels j'ai peut-être dit certaines vérités. Ils seront les premiers, je crois, à reconnaître que, dans le fond, c'est fait avec une bonne intention.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, depuis le début de l'étude de la deuxième lecture du projet de loi sur la pharmacie, la discussion s'est orientée sur cette réforme que le professionnel de la pharmacie s'est imposée depuis quelques années.

Le Collège des pharmaciens, dans la présentation de son mémoire, a défendu les principes que nous rappelait tout à l'heure le député de Montmagny, à l'effet que le médicament ne peut être considéré comme une marchandise commerciale, qu'en substance le médicament est un poison, que, dans des circonstances, il ne peut être délivré sans contrôle, que ce contrôle, il va de soi, doit être exercé par un spécialiste et qu'enfin le pharmacien est le seul spécialiste en la matière.

Si nous nous arrêtons aux différents mémoires que nous avons reçus à la commission parlementaire, surtout depuis la réimpression de ce projet de loi, nous ne sommes pas sans nous interroger pour savoir lequel de ces deux corps professionnels, le pharmacien ou le médecin, doit être au service ou à la remorque de l'autre. Dans son langage coloré, le député de Saint-Maurice a, en quelque sorte, rappelé certains événements passés, mais qui nous réfèrent à la source même de la pharmacie. Dans l'exercice de ma profession, j'ai eu, à maintes reprises durant les premières années, à défendre certains marchands généraux qui étaient poursuivis par le Collège des pharmaciens parce qu'ils avaient eu l'audace de vendre, par exemple, des aspirines ou d'autres médicaments du même genre, sous prétexte que la vente de ces produits devait être l'exclusivité du pharmacien.

Par contre, il nous est arrivé trop souvent de constater que le pharmacien était devenu quasi un commerçant ou un marchand général. Tous se rappellent ces pharmacies qui, autrefois, facilitaient l'achat de tout ce dont une ménagère, en résumé, pouvait avoir besoin.

Heureusement, le professionnel pharmacien s'est ressaisi. Grâce au travail de l'Association des pharmaciens du Québec et au dynamisme de son bureau de direction, le pharmacien a tout mis en oeuvre pour se revaloriser à un tel point, qu'aujourd'hui le pharmacien, celui qui, normalement, retire sa seule source de revenus de la vente des médicaments, est celui qui s'élève devant la publicité et la surconsommation des produits pharmaceutiques.

De plus en plus, le pharmacien est devenu, demeure et, je le souhaite, est davantage un professionnel au service du public, conscient des responsabilités qu'il doit assumer et toujours soucieux de ne servir que le public, dans l'intérêt du public.

Mon collègue, le député de Montmagny, a parlé de cette revalorisation de la profession de pharmacien. Je voudrais m'interroger surtout, interroger quelque peu le ministre des Affaires sociales, aux fins de savoir quels seront les droits acquis ou quelle attitude aura le gouvernement dans le respect des droits acquis, surtout pour ceux qui, médecins, prétendent que, par l'exercice de la profession de pharmacien, depuis quelques années, ils ont, de ce fait, obtenu le droit de continuer à pratiquer la pharmacie.

Lorsque l'on parle de surconsommation des produits pharmaceutiques, je n'irai pas jeter la pierre aux pharmaciens, mais aux médecins, victimes qu'ils sont d'une publicité bien orchestrée et qui succombent facilement aux "gadgets" ou aux trucs de publicité de toutes sortes qu'on leur offre. Je connais certains médecins, propriétaires de pharmacies, qui, il y a deux ans ou l'an dernier, ont gagné une automobile parce qu'ils étaient les plus gros vendeurs de vitamines au Québec. Il arrive que ces médecins reçoivent beaucoup d'assistés sociaux et que, par hasard, ils prescrivent davantage de médicaments et ce, au détriment des véritables professionnels de la pharmacie que sont les pharmaciens.

On se présentera au bureau du médecin pour lui offrir en prime le lanceur de disque; n'ayez crainte, M. le Président, je ne le produirai pas comme document sessionnel. On se présentera au bureau du médecin avec un produit excellent dans le cas de la fièvre des foins et on y inclura un petit bonnet de bain. Qu'est-ce à dire de ces beaux stylos qu'on offre aux médecins pour stimuler la vente de superproduits pharmaceutiques? C'est dommage que l'on ne puisse pas les inscrire au journal des Dâbats. Je crois que ce seraient des pièces à conviction.

Les pharmaciens ne font pas le commerce des produits pharmaceutiques, parce que ce ne sont pas eux qui prescrivent la médication ou les médicaments aux malades, je regrette. Heureusement, il y a des exceptions, mais, en général, les médecins sont les fidèles propagandistes ou promoteurs des médicaments que consomme la population du Québec. C'est tellement important, ce monopole, que l'on veut, à tout pris, le garder. Les manufacturiers de produits pharmaceutiques ou de remèdes, en prenant connaissance de la Loi sur la pharmacie, spécialement quant au pouvoir de substitu-

tion que l'on va donner aux médecins, ont déjà convaincu les savants médecins d'utiliser une estampille que l'on a distribuée dans presque tous les bureaux de médecin et où il est dit: "Pas de substitution". Je l'exhibe; je ne peux pas la déposer, mais je l'ai en main. J'ai même le nom de la compagnie. Déjà, les médecins ne voudront pas perdre l'exploitation du malade à qui ils prescrivent, en abondance, des médicaments. Lorsque, d'un autre côté, on voit la lutte intensive menée par l'Association des pharmaciens du Québec, je me demande si le Collège des médecins a raison de s'opposer sous prétexte d'une psychologie professionnelle, à ce que le pharmacien, en certaines circonstances, ait le droit de substitution à un médicament, tel qu'on le lui donne dans l'article 20 du projet de loi 255.

Il y a également certains hauts fonctionnaires à l'emploi du gouvernement, qui sont médecins et qui possèdent d'excellentes pharmacies, ici même à Québec.

Ces médecins conserveront-ils ce qu'ils appellent un droit acquis ou si nous allons permettre aux médecins de diagnostiquer, de prescrire, de soigner les malades, et aux pharmaciens de fournir la médication que lui prescrit le médecin? Nous souhaitons que la médication prescrite soit toujours la plus appropriée, excellente et la seule qui convienne à l'état du malade, sans tenir compte de ces primes que les maisons pharmaceutiques ou les fabricants de remèdes offrent à leurs excellents clients que sont les médecins.

M. le Président, personnellement, je respecte beaucoup les médecins, les professionnels de la santé. Il y en a un, actuellement, assis à mes côtés. Je suis sûr, déjà, qu'il sent les bienfaits de ma présence près de lui.

M. le Président, il ne s'agit pas de faire le procès de la médecine, il ne s'agit pas de faire le procès de la pharmacie. Il s'agit tout simplement de protéger ce professionnel qu'on appelle le pharmacien qui, lui aussi, devra avoir un code d'éthique professionnelle, un code de déontologie et qui fera disparaître de ces pharmacies le commerce que l'on y trouve et qui n'a aucune relation avec la profession qu'il exerce. Que le pharmacien ne soit pas un marchand général, qu'il soit un vendeur de médicaments, un fabricant de remèdes soucieux de remplir l'ordonnance du médecin; et que le médecin se contente de diagnostiquer, d'opérer, de suivre l'évolution de la maladie de son patient, mais qu'il ne soit pas un commerçant de remèdes au détriment d'un confrère professionnel, je ne dis pas d'un confrère médecin mais d'un confrère professionnel.

M. le Président, le ministre a eu raison d'inscrire, dans la loi, cette possibilité de substitution de médicaments. Dans certains cas, le ministre nous a dit, dans son discours de deuxième lecture, qu'il verra à faire disparaître cette clause de justification de la part du médecin, excellente mesure.

Je sais, M. le Président, que mon temps est déjà terminé depuis une minute. Mais si vous me le permettez, je voudrais tout simplement signaler quelques points au ministre, pour lui dire tout d'abord que le Bureau des administrateurs n'est pas conforme aux données du projet de loi no 250, parce que nous devrions avoir 24 administrateurs au lieu de 21, en raison du nombre des professionnels.

En second lieu, je voudrais demander au ministre d'attirer l'attention de ses fonctionnaires sur le tableau des districts judiciaires auquel on fait référence, parce qu'il y a des erreurs. Et je crois que nous aurons l'occasion de travailler pour améliorer, si possible, cette loi, tout en tâchant de garder la dignité professionnelle de chacun de ceux qui oeuvrent dans le monde de la santé: médecins, pharmaciens, spécialistes. Ainsi, cette loi-cadre, le projet de loi 250, et, en l'occurrence, cette loi 255, contribueront à la revalorisation du pharmacien et, par voie de conséquence, le public n'en retirera que des bénéfices et avantages.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Beauce.

M. Fabien Roy

M. ROY (Beauce): Je n'en ai que pour quelques minutes. Je ne voudrais pas que le ministre des Affaires sociales pense que j'ai l'intention de reprendre les propos de ce matin. J'ai l'intention de me limiter exclusivement à quelques observations concernant le projet de loi 255.

Je vais être très bref parce que mon collègue, le député de Dorchester, qui a fait un excellent travail au cours des séances des commissions parlementaires, qui a suivi toutes les activités de cette commission depuis le début, est le porte-parole officiel de notre groupe. Lors de son intervention, tout à l'heure, il a clairement indiqué le point de vue de notre groupement politique sur ce point et les propos qu'il a tenus, je les appuie entièrement.

Il y a un point sur lequel je veux attirer l'attention du ministre. Il y a évidemment, dans l'exercice de la pharmacie, des personnes qui travaillent dans ce domaine. Pour aller au plus court — je ne veux pas revenir sur le sujet ce soir, lors de la reprise de nos travaux à huit heures quinze — au cours des quatre minutes qui restent, je veux attirer l'attention du ministre afin qu'il vous fasse connaître les intentions de son ministère, dans toute cette loi, en ce qui a trait aux aides-pharmaciens.

On sait que ces aides sont venus devant la commission parlementaire, ils ont produit des mémoires au gouvernement. Aujourd'hui, j'ai entendu toutes les observations qui ont été faites. A aucun moment, on n'a fait référence — du moins dans tout ce que j'ai entendu — au cas de ces personnes.

Je m'excuse, on me dit que le député de Montmagny en a dit quelques mots, mais quand même. Elles sont venues ici présenter un mémoire, ont souligné le rôle qu'elles avaient à jouer. Je vais citer quelques paragraphes de leur mémoire: "Il y a plus de dix ans, les fabricants de produits pharmaceutiques se sont appliqués à mettre sur le marché des produits déterminés avec dosage étiqueté. Plus la recherche dans ce domaine s'accentue, plus la mise en marché se simplifie. Il est maintenant devenu fréquent et courant dans la mise en marché au détail que, si par hasard des potions devenaient nécessaires, les fabricants dans les laboratoires en assurent à ces détaillants la distribution. Il n'existe donc plus de secret maintenant dans la composition des produits pharmaceutiques, des termes génériques sont utilisés. Le dosage et les ingrédients sont fournis et étiquetés de sorte que dans nos pharmacies,. et ce depuis plusieurs années déjà, la fabrique des potions est inexistante, sauf exception. Nous devons répéter ici que seul le médecin ayant le droit d'exercer sa profession a le pouvoir de remplir une ordonnance médicale pour son patient. En vertu de la loi existante, seul le pharmacien licencié a le pouvoir de recevoir l'ordonnance, d'interpréter et livrer au patient les médicaments prescrits par le médecin. Le pharmacien n'a pas le droit d'interroger le client, de rechercher la cause de sa maladie — choses qui ont été définies tout à l'heure — d'ailleurs il doit strictement délivrer la marchandise qu'il lui est ordonné de délivrer dans l'ordonnance remplie par le médecin. Ce que le médecin prescrit est défini, désigné, déterminé. De ses tablettes, le fabricant fournit au détaillant le dosage prescrit que le médecin connaît par la publicité qu'il a reçue du fabricant. Dans son rapport sur le mécanisme de distribution des médicaments, François Lacasse a bien analysé le rôle du pharmacien d'officine en ces deux termes: exactitude et qualité du produit prescrit.

Il a été établi que 60 p.c. des ventes dans les pharmacies du Québec sont faites sans ordonnance médicale. Ce sont des chiffres qui nous ont été fournis. Ceci confère davantage le monopole de la distribution de tous les produits pharmaceutiques à une profession qui, en plus, a seule en vertu de la loi le pouvoir de posséder une pharmacie. En regard de la loi existante, les 1,200 aides-pharmaciens que nous représentons exercent illégalement leur métier ou profession. Parmi ces 1,200 plus de 700 d'entre eux ont sept années ou plus d'expérience et de service dans la pharmacie. Ils sont employés spécifiquement dans la vente au détail des produits pharmaceutiques avec ou sans ordonnance."

M. le Président, c'était le point que je voulais souligner à l'honorable ministre. J'aimerais que le ministre, lors de sa réplique, nous indique quelles sont les intentions de son ministère à ce sujet, parce que ces personnes ont des droits acquis.

Je pense que le rôle que ces personnes jouent est quand même important en vue d'assurer le meilleur service possible à la population, puisqu'elles ont une certaine expérience, une compétence et des connaissances acquises.

M. le Président, je termine mes observations en disant qu'il y a un grand principe général qu'il ne faudrait oublier, dans aucune de ces dispositions législatives. C'est le droit de la population d'avoir un service. Ce droit implique également, entre autres obligations, celles que ce service soit de la meilleure qualité possible et au meilleur marché possible. Mais il faut également que ce service soit accessible.

Parlant d'accessibilité, M. le Président, en ce qui nous concerne, nous nous interrogeons sérieusement sur toutes les dispositions de cette législation qui font en sorte de respecter le droit pour les pharmaciens — nous le respectons, d'ailleurs, et nous voulons qu'il soit respecté — d'exercer leur profession et de remplir leur rôle, alors qu'il y a, quand même, beaucoup de régions au Québec où une pharmacie ne peut pas être exploitée sur une base rentable et sur une base intéressante pour le pharmacien.

Il va falloir que le gouvernement prévoie ces choses. Je dis, en terminant, que peu importe la personne, quel que soit son statut ou quel que soit l'endroit où elle demeure, elle a droit aux mêmes services que ceux qui demeurent dans les grands centres ou dans les régions où tous les services sont à la disposition de la population.

M. CASTONGUAY: Je demande, M. le Président, la suspension du débat et j'exercerai mon droit de réplique à la reprise.

M. LOUBIER: Si le ministre peut nous affirmer qu'il n'en a que pour cinq ou dix minutes, on pourrait le laisser faire sa réplique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il est six heures. On va aller manger. Le ministre est malade un peu.

LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance à 18 h 1 )

Reprise de la séance à 20 h 28

LE PRESIDENT (M. Lavoie): A l'ordre, messieurs! La réplique de l'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: M. le Président, certains points, je crois, méritent de bref commentaires et peut-être certaines clarifications, informations, ou explications additionnelles à la suite des exposés faits par les différents députés qui ont participé au débat sur le projet de loi concernant la pharmacie.

Je les prends dans l'ordre où je les ai notés. On a soulevé l'ambiguité possible qui comporte la défintion de "pharmaciens", particulièrement en ce qui a trait à l'inclusion globale possible de tous les médecins dans cette définition. Tel n'est évidemment pas le cas. Quant à nous, les pharmaciens sont couverts par la Loi sur la pharmacie et ont les droits, les responsabilités et les devoirs contenus dans cette loi. Il y a aussi certains médecins, comme nous l'avons expliqué cet après-midi. Il y aura correction sur ce point pour enlever toute ambiguïté. Je crois que cela répond largement aux interrogations qui ont été soulevées, à savoir si c'est une loi pour les pharmaciens ou si c'est une loi plus ou moins bien définie quant aux personnes qu'elle touche directement.

Par la même occasion, je crois qu'il est important de mentionner qu'en ce qui a trait à la question des droits acquis, nous respecterons ceux qui ont été déjà consacrés, mais nous voulons nous en tenir au plus strict minimum possible. Je pense que tous sont d'accord sur le fait que la pharmacie doit être exercée par les pharmaciens et que, les conditions changeant, le nombre de pharmaciens augmentant, les moyens de communications changeant, les établissements se développant, etc., il est sage de continuer dans cette voie, c'est-à-dire de réserver l'exercice de la pharmacie aux pharmaciens.

On a parlé du problème du contrôle de la distribution des médicaments dans les établissements; il est clair que c'est une question importante, mais je ne crois pas que nous devrions régler, par cette loi, des problèmes qui touchent à l'organisation des établissements de santé pas plus que, par la Loi médicale, par exemple, nous touchons à l'organisation interne des hôpitaux.

Ceci est fait par la loi no 65, par la réglementation en vertu de cette loi et aussi par voie de mesures administratives lorsque nécessaire. Nous sommes conscients du problème qui a été soulevé, c'est-à-dire la possibilité de contrôles qui ne sont pas exercés de façon suffisante sur la distribution et la consommation de médicaments dans certains établissements. Nous avons déjà posé certains gestes. Nous poursuivons les discussions pour corriger cette situation. Je ne crois pas qu'il serait sage de faire un écart, une exception en ce qui a trait à la pharmacie, et régler un problème qui touche, en fait, à l'organisation et au fonctionnement des établissements, par le biais d'une loi professionnelle.

Je ne crois pas non plus qu'il serait sage et possible même de prévoir la présence d'un pharmacien en tout temps, dans chacun des établissements, compte tenu du nombre de ces établissements et dans certains cas même, de leur taille. Dans les établissements, nous sommes dans des milieux organisés, avec du personnel compétent. Je crois que les méthodes de contrôle peuvent être améliorées, il n'y a aucun doute là-dessus. Mais ceci ne requiert pas pour autant la présence à temps complet ou encore la présence, sur une base permanente, d'un pharmacien dans chacun de tous les établissements que nous avons, à partir des foyers pour personnes âgées en passant par toutes les autres formes d'établissements que l'on trouve dans le secteur des affaires sociales.

La question des aides-pharmaciens a été soulevée, et afin de ne pas fausser la discussion sur ce plan, je crois d'abord qu'il est bon de mentionner que rien, dans cette loi, n'est susceptible de les pénaliser, à mon sens. Nous sommes aussi conscients que tous les membres de l'Opposition du rôle que ces aides-pharmaciens ont joué et jouent, rôle fort utile, comme je l'ai d'ailleurs mentionné dans ma propre intervention ou dans mon propre exposé. Si j'ai fait état de la clause de délégation qui me parait le mécanisme le plus approprié pour aborder cette question, je crois qu'il y aurait lieu d'ajouter que si le règlement qui doit être préparé à cet effet par le bureau de l'ordre, en discussion avec l'association qui les représente, ne se concrétisait pas, il reste toujours la possibilité que l'Office des professions fasse adopter un tel règlement. Il y a toujours cette possibilité lorsque les discussions ne donnent pas les résultats escomptés.

Je ne vois pas, dans la logique des choses, si ces gens, comme c'est le cas, rendent des services valables à des pharmaciens ou dans le cadre de pharmacies d'officine qui les emploient depuis de nombreuses années, pourquoi, subitement, il y aurait changement d'attitude de la part des pharmaciens à leur endroit. Avec cette clause, avec la soupape qui permet à l'office d'adopter un règlement, je crois que nous avons là un mécanisme approprié.

J'ai noté, avec grand intérêt, les commentaires qui ont été faits en ce qui a trait à la publicité sur les médicaments. Je puis dire que, dans l'ensemble, je partage totalement ce qui a été dit. Il ne semble pas, en effet, que la publicité, que ce soit pour stimuler la consommation ou la vente, que ce soit pour les médicaments d'ordonnances ou pour les médicaments brevetés, ait vraiment une place. Qu'il y ait de l'information sur le contenu des médicaments, sur leur valeur thérapeutique, sur les contre-indications, c'est une chose. Mais la

publicité, qui tend à favoriser une marque de commerce uniquement ou encore à stimuler la consommation, ne semble pas avoir de place, à mon sens. J'étais bien intéressé d'entendre les opinions exprimées par les membres des divers partis d'Opposition sur ce sujet.

Maintenant, au niveau des pharmacies d'officine, je crois que c'est le député de Montmagny qui a fait état de ces réflexions et qui en serait venu à la conclusion que si nous ne sommes pas prudents, quant à la publicité que les pharmaciens d'officine sont susceptibles de faire, elle peut avoir pour effet de stimuler la consommation.

En fait, ce que nous avons à l'esprit, ce n'est pas ce type de publicité. D'ailleurs, j'ai regardé les dispositions du projet de loi. Quitte à ce que nous les précisions davantage, elles me semblaient raisonnablement claires. Mais ce sont des informations touchant le type de services que les pharmacies offrent, les heures d'ouverture, etc.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si le ministre me le permet, le mot "publicité", en lui-même, est très large. C'est pour cela qu'il faudrait, même si cela se fait par règlement, le restreindre peut-être dans le projet de loi. Ce sera une protection. Je ne sais pas quel terme il faudrait employer, on en discutera en commission plénière. Mais il faudrait le qualifier dès maintenant dans le projet de loi.

M. CASTONGUAY: Bien. La publicité relativement aux heures d'ouverture, par exemple, peut être fort utile. Je prends, à titre d'exemple, mon cas.

Dimanche dernier, le docteur est venu me voir et j'ai eu toutes les misères du monde à trouver une pharmacie ouverte, dimanche après-midi, à la haute-ville de Québec. Si un bon système de rotation des pharmaciens était établi, qu'on l'annonçait et qu'on mettait un peu moins d'emphase sur le type de publicité qu'on trouve dans certains journaux, je pense que ce serait beaucoup plus avantageux et beaucoup plus utile pour le public. C'est à ce type de publicité que je songe, c'est-à-dire une publicité qui fait état des services réels et concrets que les pharmaciens peuvent rendre à la population.

Quant à la publicité qui touche à l'augmentation de la consommation, je suis d'accord avec tous ceux qui ont parlé sur ce sujet.

On a également parlé des médicaments brevetés. Je pense qu'encore là, c'est le député de Montmagny qui a posé certaines questions. Si je n'ai pas été suffisamment précis cet après-midi, comme je viens de le dire en ce qui a trait à la publicité, je pense que mon point de vue est clair. Il y a l'importance de bien indiquer ce que sont les contenus des médicaments brevetés. Il est aussi important de bannir, d'éliminer du marché ceux qui ne répondent pas aux normes reconnues de qualité. Je crois que ce sont les aspects les plus importants qui touchent la question des médicaments brevetés. Si on veut que tous les médicaments brevetés soient vendus dans les pharmacies d'officine, par contre, je ne suis plus d'accord parce que je ne vois pas en quoi la population serait davantage protégée. La population est assez adulte, je crois, aujourd'hui. Si on lui souligne les dangers possibles d'une consommation trop grande de certains de ces produits, si les contenus sont connus, s'il y a de bonnes normes de qualité, si les épreuves nécessaires sont effectuées pour assurer sur le marché uniquement la présence de produits de qualité, je crois que nous avons ce qu'il faut. Si la population trouve plus utile d'acheter ce type de produits dans un endroit plutôt que dans un autre, on devrait lui laisser cette possibilité.

J'appuie, évidemment, les efforts du Collège des pharmaciens dans sa campagne concernant les médicaments brevetés, mais dans le contexte que je viens de décrire.

On a également mentionné que la Loi de la protection du consommateur constitue un outil qui peut être utilisé de façon fort utile dans cette question de la publicité ou de l'information. D'ailleurs, j'ai discuté de cette question avec mon collègue, le ministre responsable, et la question a été confiée à l'Office de la protection du consommateur.

Déjà, en collaboration avec le Conseil de pharmacologie, le travail a été amorcé. Je dois dire que nous sommes dans un domaine où malheureusement, les fabricants...

UNE VOIX: C'est fort!

M. TETLEY: Il faut féliciter le ministre des Affaires sociales pour son travail et pour sa coopération à ce sujet.

M. PAUL: Est-ce que vous avez l'impression que vos coDègues de l'Exécutif peuvent vous faire le même compliment?

M. TETLEY: J'accepte tous les compliments qui sont néanmoins très rares, c'est vrai.

M. CASTONGUAY: Je saisis l'occasion pour dire que le ministre des Institutions financières a accepté avec empressement et grand plaisir de demander à son Office de la protection du consommateur d'étudier cette question de la publicité. Le travail est commencé. Le président du Conseil de pharmacologie a rencontré certaines des personnes de l'office.

Je dois dire et déplorer que certains fabricants ne respectent pas, sur ce plan, également, les règles du jeu. Alors que l'office a adopté certains règlements touchant la publicité qui s'adresse aux enfants, règlements qui étaient fort nécessaires, qui ont été reçus de façon extrêmement positive par la population, on retrouve dans certaines pharmacies, et exposés de façon extrêmement évidente, non plus le type de publicité que l'on retrouvait ancienne-

ment, mais les médicaments ou des vitamines dans des contenus qui les rendent extrêmement attrayants aux enfants. Par un moyen détourné, on atteint la même fin. Je dois souligner que sur ce plan, on a vanté cet après-midi et on a souligné le travail positif que les pharmaciens et le Collège des pharmaciens font. Ils pourraient aussi poursuivre leur travail et dénoncer ces pratiques des fabricants qui ne visent qu'à contourner les dispositions qui ont été prises dans le cadre de la protection du consommateur.

Enfin, on a parlé de deux aspects de la composition du bureau du collège ou de la corporation de l'ordre des pharmaciens. Le député de Bourget a mentionné le fait qu'il y aurait peut-être avantage à introduire dans la composition du bureau, des mécanismes permettant à divers types de spécialités ou à des pharmaciens s'adonnant à diverses activités d'être représentés.

Je pourrais faire la remarque, et je la fais, non pas dans un esprit négatif, que le même problème se présente, et s'est toujours présenté dans l'ordre des médecins.

A ma connaissance, la médecine préventive ou la médecine d'hygiène publique et certains autres types, la médecine industrielle, par exemple, ont toujours été sous-représentées au niveau de ce bureau. J'ai bon espoir qu'avec la disparition définitive du rôle de protection des intérêts économiques des membres par ces ordres ils vont se rendre compte maintenant de l'importance de voir à ce que les membres qui composent leur bureau représentent l'éventail des activités que l'on peut retrouver dans une corporation. Et au lieu de le faire par législation et imposer encore un mécanisme plus lourd d'élection, je crois qu'il s'agit d'un problème qui peut être fort bien réglé par les membres eux-mêmes.

J'ai déjà participé à des élections dans d'autres groupes où le même type de problème se posait et où des solutions ad hoc ont pu être développées. Le problème se pose, j'en conviens, il se pose aussi dans des ordres comme l'ordre des médecins. Je crois que, les préoccupations changeant, il y aurait grand avantage à ce que les membres de ces ordres se concertent entre eux pour, justement, assurer une meilleure représentation à leurs membres selon les activités qui sont les leurs.

Le député de Maskinongé a souligné, je crois, le fait que le bureau tel que constitué dans le projet de loi ne répond pas tout à fait aux normes. Nous avions gardé le même nombre de membres que nous trouvons présentement dans le bureau du Collège des médecins et les mêmes districts. Nous allons apporter, après discussion avec le Collège des pharmaciens et leur accord sur ce point, des amendements qui permettront que les mêmes dispositions que celles que nous retrouvons de façon régulière s'appliquent.

Le député de Shawinigan, dans son intervention très colorée et très intéressante, a parlé de la tenue des pharmacies d'officine. Avec le pouvoir réglementaire que nous trouvons dans le projet de loi et peut-être certaines petites clarifications, il s'agira d'une responsabilité que devront continuer d'assumer les pharmaciens eux-mêmes et leur ordre. Ainsi, la pharmacie d'officine sera de plus en plus une pharmacie d'officine et de moins en moins ce qui a été décrit cet après-midi.

Le député de Maskinongé a souligné avec raison le fait que la surconsommation de médicaments ne doit pas être imputée uniquement aux pharmaciens, mais qu'une partie doit aussi être imputée aux médecins. C'est exact. D'ailleurs, c'est pour cette raison que, l'an dernier, j'ai demandé au Collège des médecins de s'intéresser à cette question et d'en discuter conjointement avec le Collège des pharmaciens, de telle sorte que les deux organismes, qui sont tous les deux responsables de ce secteur, jouent leur rôle pleinement et qu'on en vienne à contrôler, d'une façon plus efficace que ce n'est le cas présentement, cette question de consommation.

Enfin, M. le Président, je crois qu'il y a un détail que j'aurais dû souligner, lors de la deuxième lecture et qui apporte une garantie additionnelle sur ce plan. C'est celui que nous retrouvons dans l'assistance-médicaments et qui a trait au paiement d'honoraires, même si un pharmacien juge qu'il ne peut remplir une ordonnance qui lui a été livrée par un médecin, si cette ordonnance est défectueuse sur un plan quelconque et ceci semble être assez souvent le cas. On a souligné ceci à l'extérieur du Québec à plusieurs reprises, comme étant une innovation qui méritait d'être soulignée et qui donnait au pharmacien un rôle que l'on ne semble retrouver dans aucune autre juridiction dans les pays développés.

Je crois que cette innovation dans l'assistance-médicaments méritait d'être soulignée parce qu'elle vise également à donner un rôle beaucoup plus positif de protection et de responsabilité aux pharmaciens. C'est pourquoi je tenais à le souligner avant de terminer mon intervention.

Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. PAUL: M. le Président, nous demandons un vote enregistré. Nous sommes quatre de notre côté plus le député de Bourget.

M. LEVESQUE: Pardon?

M. PAUL: Nous avons demandé un vote enregistré. Imaginez!

LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!

Vote sur la deuxième lecture LE PRESIDENT: Nous allons procéder à la

mise aux voix. Que ceux qui sont en faveur de la deuxième lecture du projet de loi no 255 veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Castonguay, Garneau, Tremblay (Bourassa), Goldbloom, Tetley, Bienvenue, Vaillancourt, Arsenault, Houde (Fabre), Phaneuf, Brown, Brisson, Picard, Leduc, Fortier, Bacon, Caron, Carpentier, Cornellier, Faucher, Houde (Limoilou), Lamontagne, Marchand, Pelletier, Pilote, Paul, Tremblay (Chicoutimi), Cloutier (Montmagny), Lafontaine, Gagnon, Roy (Beauce), Latulippe, Brochu, Drolet, Guay, Béland, Laurin, Charron, Masse (Montcalm).

LE SECRETAIRE: Pour: 40. Contre: 0.

LE PRESIDENT: La motion est adoptée.

Projet de loi déféré à la commission

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que le projet de loi no 255 soit déféré à la commission parlementaire spéciale des corporations professionnelles.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: Article 15.

Projet de loi no 265 Deuxième lecture

LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no 265, Loi des techniciens en radiologie.

M. CASTONGUAY: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à la Chambre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il n'a pas encore pris ses vacances, il doit être fatigué.

LE PRESIDENT: A l'ordre! Le ministre des Affaires sociales.

M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: Ce projet de loi contient, avec le code des professions, je crois, toutes les dispositions qui permettront à cette corporation d'être pleinement structurée, de s'organiser pour fonctionner vraiment comme une corporation professionnelle. C'est un premier aspect qui mérite d'être souligné lorsque l'on examine en parallèle les dispositions de la législation actuelle.

Egalement, et cela me paraît un point digne de mention, avec les mécanismes que l'on retrouve maintenant à la fois dans le code des professions et dans ce projet de loi, la formation de même que l'admission des membres, à la pratique de cette profession, vont être beaucoup plus appropriées que ce n'est le cas présentement. Non pas que les techniciens en radiologie ne soint pas compétents, mais lorsqu'on examine les dispositions du projet de loi, sur ce plan également, je crois que les nouvelles dispositions vont constituer une amélioration sensible.

Le point fondamental, qui distingue toutefois le nouveau projet de loi de la législation actuelle, réside dans le fait que le mécanisme de l'ordonnance est introduit, alors que dans la législation actuelle, c'est le concept de responsabilité qui gouverne. Nous avons vu, en commission parlementaire, d'une part, jusqu'à quel point ce concept de responsabilité ne colle pas à la réalité, puisque les techniciens en radiologie eux-mêmes nous ont dit qu'en temps normal, bien souvent, ils exercent leur profession avec un minimum de surveillance ou de contrôle, bien souvent sans avoir d'indications précises quant à la façon d'effectuer leur travail sur le plan, soit diagnostique, soit thérapeutique. En temps de grève, comme ce fut le cas à une couple de reprises, les dispositons de la loi peuvent être utilisées comme signifiant que le technicien ne peut travailler que sous la surveillance immédiate d'un médecin radiologiste.

Lorsqu'une loi peut donner lieu à ce type de situation, il est grand temps de la modifier et de l'adapter à des conditions plus réalistes. Le mécanisme d'ordonnance, qui est utilisé dans le domaine de la santé de façon très générale, trouve sa place également ici. Il est un mécanisme éprouvé, que ce soit pour les médicaments, pour les verres ou pour d'autres fins et il n'y a pas de raison qu'il ne soit pas utilisé ici. Il permet aussi de garder des dossiers beaucoup plus précis quant aux indications données, soit pour les fins de diagnostic ou pour les fins de traitement, que la situation actuelle ne semble le permettre.

Egalement, en cas de problème, il sera beaucoup plus facile de déterminer les responsabilités respectives.

Alors, je crois que ce mécanisme d'ordonnance, qui a fait ses preuves de façon séculaire dans le domaine de la santé et que l'on retrouve maintenant dans le projet de loi des techniciens en radiologie, va constituer une amélioration considérable par rapport à la situation présente.

Enfin, depuis la réimpression du projet de loi, on a attiré notre attention sur le fait que, dans la définition de l'exercice et des conditions qui l'entourent, il y aurait avantage à distinguer entre la radiologie diagnostique et la radiologie à des fins thérapeutiques. Dans ce dernier cas, il est dit que seul le médecin peut prescrire à des fins de radiologie diagnostique. Je crois qu'il y a là une distinction importante. Nous l'apporte-

rons, par voie d'amendement, lors de l'étude article par article.

Alors, compte tenu de l'utilisation toujours plus fréquente que l'on fait de la radiologie, aussi bien à des fins diagnostiques qu'à des fins thérapeutiques, compte tenu des dangers que présente l'utilisation des appareils et la nécessité qu'ils soient bien utilisés et uniquement par des personnes compétentes, dans un cadre bien défini, bien clair, qui précise clairement les responsabilités et qui permet au technicien de bien connaître ce que sont les instructions de celui qui prescrit, je crois que nous avons là un projet de loi qui, même s'il est bref, permettra également d'améliorer la protection du public et aussi la qualité des services que ce public reçoit.

LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, la Société des techniciens en radiologie médicale du Québec, qui deviendra la Corporation professionnelle des techniciens en radiologie, en vertu du projet de loi 265, compte actuellement 2,000 membres au Québec. Ces personnes exercent deux genres de travail ou de fonction. Il y a les radiologistes de diagnostic qui sont les plus nombreux et les radiologistes de radiothérapie qui le sont beaucoup moins.

Ce qu'il y a de remarquable dans cette loi, c'est que le ministre en donne plus que le client veut en avoir. C'est un cas d'exception parce que dans nulle autre loi spécifique des corporations professionnelles nous trouvons une telle générosité de la part du ministre. Je vous citerai, tout à l'heure, l'opinion de M. Gagné, président de la Société des techniciens en radiologie médicale du Québec sur ce point.

Ce projet de loi a pour but principal, comme principe premier, comme objet, d'abroger la Loi des techniciens de radiologie médicale du Québec, comme je vous le mentionnais il y a quelques instants, pour la remplacer par une corporation professionnelle qui ne soit pas limitée au domaine de la radiologie médicale et qui concorde avec beaucoup de dispositions du code des professions.

Le projet de loi 265 rendra le technicien en radiologie tout à fait autonome, contrairement à la première version du projet de loi 265 qui obligeait le technicien en radiologie à exercer sa profession sous la surveillance d'un médecin, d'un dentiste, d'un détenteur de permis de radiologie ou de radiothérapie délivré conformément à l'article 173 du code des professions ou d'une personne désignée par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil, la nouvelle version exige simplement que le radiologiste agisse selon les prescriptions d'un médecin, d'un dentiste ou d'un détenteur de permis de radiologie ou de radiothérapie, et ce conformément aux prescriptions du chapitre VI, articles 174 et suivants du projet de loi no 250.

Cela, à toutes fins pratiques, M. le Président, revient à dire qu'une fois qu'il a reçu une ordonnance d'un médecin... Je voudrais immédiatement souligner au ministre qu'en commission élue je suggérerai, tant pour la protection des radiologistes que pour fins de contrôle, que l'ordonnance soit écrite plutôt qu'orale. Je constate que la loi est muette sur ce point et je suis certain que le ministre reconnaîtra qu'il est d'intérêt public, d'abord, qu'un certain contrôle s'exerce et que le technicien radiologiste lui-même ait une preuve d'un mandat reçu de la part d'un médecin ou d'une personne compétente à le faire, conformément aux dispositions du bill 265. Une fois que cette autorisation aura été donnée au technicien radiologiste, il agira comme il l'entend, sans aucune surveillance ou responsabilité de la part du médecin.

Comme l'a noté dans son mémoire de la Fédération des médecins spécialistes du Québec à la commission parlementaire spéciale des professions, mémoire datant du mois de septembre, je crois, et complété par des notes additionnelles en date du 6 février 1973, cette disposition de la loi inquiète avec raison la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

On lit effectivement dans ce mémoire additionnel du 6 février 1973, les notes suivantes: "Il ne devrait pas être nécessaire de répéter que l'usage des radiations ionisantes à des fins thérapeutiques comporte de graves dangers et que, partout au monde, le traitement des malades par radiations est confié à des médecins hautement spécialisés dans ce domaine". J'ai fort apprécié, il y a quelques instants, cette distinction que se propose d'adopter le ministre par un amendement à la loi, aux fins de faire la distinction entre la radiologie thérapeutique et la radiologie de diagnostic. "C'est à eux que reviennent le choix des radiations à mettre en oeuvre et des doses à employer, la surveillance des malades et le traitement des complications inévitables de la radiothérapie. Le technicien en radiologie apporte un concours technique qui se limite à la manipulation des appareils, sous la direction immédiate du radiothérapeute. "Au Québec, le projet de loi no 265 rendrait le technicien en radiologie autonome. Non seulement pourrait-il, sans supervision, traiter comme il l'entend les cancéreux ou les présumés cancéreux sur simple ordonnance d'un médecin, sans égard aux qualifications de ce dernier — un omnipraticien, par exemple — dans le domaine de la radiothérapie, mais encore pourrait-il administrer des radiations ionisantes à tout individu à la demande d'un chiropraticien ou d'un podiatre. "Il est impensable que les législateurs permettent pareille régression de la médecine au Québec.

Le traitement des malades, cancéreux ou

autres, par les radiations ionisantes, doit demeurer la responsabilité de radiothérapeutes certifiés.

Sur ce point, M. le Président, le ministre nous informe d'une situation de fait qui se produit régulièrement et il a voulu consacrer, dans un texte de loi, ce qui, à toutes fins pratiques, se passe dans les hôpitaux ou chez ceux qui ont charge de la radiothérapie.

Je me permets de signaler au ministre qu'à mon humble point de vue, ce n'est pas une raison suffisante. J'ai beaucoup de respect pour la médecine et les spécialistes, pour autant qu'ils oeuvrent dans le champ de leur propre compétence. S'il y a un domaine qui doit rester sous le contrôle, la surveillance de la médecine et des spécialistes, surtout des spécialistes, c'est bien la radiologie ou la radiothérapie. Même les principaux intéressés verraient d'un mauvais oeil cette liberté d'action, cette autonomie que l'on veut accorder aux membres de la profession. Je soumets, respectueusement, qu'il y a un danger qui peut compromettre la santé sinon la vie d'un patient. Ce sont des hommes hautement qualifiés qui émettent une telle opinion, qui nous invitent à la prudence, nous, législateurs que nous sommes, parce qu'il est extrêmement dangereux de manipuler sans aucune directive, sans aucune prescription, sans aucune technique — ils ont sûrement la technique — mais sans aucun contrôle, ces traitements en radiologie.

Je vous mentionnais tout à l'heure que le ministre en donne plus que le client veut en avoir. Il en donne plus que les membres de la société ou de la nouvelle corporation professionnelle veulent en avoir. C'est le président de cette corporation, M. Gagné, qui, entendu devant la commission spéciale des corporations professionnelles, le 21 septembre 1972, disait ceci: "Sur la radiothérapie, il est entendu que le technicien n'exécute jamais un traitement en radiothérapie sans la présence d'un médecin radiothérapeute. Et ce n'est pas pour ce groupe que nous demandons. Nous n'excluons pas la surveillance. Dans le domaine de la radiologie, nous n'excluons pas non plus, en radiodiagnos-tic, certains examens qui se font toujours avec l'assistance du médecin en radiologie. Par exemple, prenons les examens de radio ou de fluoroscopie ou en cinéradiologie ou en cardio-vasculaire ou en neuroradiologie. Ce sont des examens qui nécessitent la présence d'un radiologiste. Alors, la même chose dans le diagnostic. Il y a certains examens qui, par habitude et par nécessité de compétence et de responsabilité — nous en sommes conscients — se font en collaboration et avec la surveillance immédiate ou la présence du médecin radiologiste et ceci devra demeurer."

C'est le président de la société qui parle. Et il ajoute: "Il est entendu que dans les faits et peut-être sur papier, éventuellement, il s'agira d'établir spécifiquement quel examen peut être fait par un technicien seul ou avec la présence du médecin radiologiste comme on en fait d'habitude."

Voici que les membres de la Société des techniciens en radiologie médicale du Québec n'osent pas assumer seuls certaines responsabilités, conscients qu'ils sont du danger que comporte la manipulation de leur instrument.

C'est pourquoi j'inviterais le ministre des Affaires sociales à envisager peut-être un modus videndi pour que, d'une part, ils se conforment à l'état de fait qu'il nous a signalé ce soir et, d'un autre côté, pour satisfaire à l'invitation à la prudence que nous faisait la Fédération des médecins spécialistes du Québec, au mois de février dernier, et pour satisfaire également à la prudence que recommande le président de la Société des techniciens en radiologie médicale du Québec.

M. le Président, vous permettrez à un pauvre profane que je suis de terminer ici mes remarques, conscient cependant que les hauts conseillers du ministre verront à bonifier davantage cette loi en précisant ou en limitant cette autonomie que l'on veut donner aux radiologistes et ce, pour la protection même des radiologistes, et surtout, dans le but de satisfaire aux exigences de la médecine et, enfin, pour que le premier bénéficiaire d'une telle prudence demeure toujours le public.

En terminant, M. le Président, je dois vous signaler — et cela ne vous surprendra pas — que nous voterons pour le principe de cette loi en deuxième lecture.

LE PRESIDENT-SUPPLEANT (M. Séguin): Le député de Dorchester.

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, quelques brèves remarques concernant le projet de loi 265, Loi des techniciens en radiologie. Je viens d'entendre les propos du député de Maskinongé et je dois dire que je m'étonne un peu. J'ai également relevé des propos dans le journal des Débats, à la page B-5805, et j'ai examiné la définition demandée par la Société des techniciens en radiologie médicale du Québec.

Si vous me permettez, j'aimerais faire la lecture de ces quelques lignes. On dit: "Ainsi, nous proposons que l'article 7 soit lu de la façon suivante: — et ce, pour dire que le projet de loi respecte entièrement le voeu de ces personnes compétentes dans le domaine — Constitue l'exercice de la profession de technicien en radiologie, tout acte qui a pour objet d'exécuter un travail technique comportant l'utilisation de rayon X et de radio-éléments pour des fins thérapeutiques ou diagnostiques".

M. le Président, si je regarde le projet de loi, il reproduit très fidèlement le voeu des membres de la Société des techniciens en radiologie médicale du Québec. Autrefois, la loi qui existait, c'est-à-dire la loi qui prévaut encore aujourd'hui, à l'article 8 du chapitre 251 de la

loi de 1964, exigeait que le technicien en radiologie travaille sous la responsabilité d'un médecin radiologiste. La nouvelle loi enlève cette obligation. Cependant, dans un autre article de la loi qui est proposée maintenant, on dit que ces professionnels sont des techniciens qui exécutent un travail, selon la prescription d'un médecin dentiste, d'un médecin, ou d'une personne détenant un permis. Dans la définition qui est proposée, parce qu'en fait c'est presque tout le projet de loi, étant donné que les autres articles de loi sont de concordance, le ministre a été assez large pour accorder aux techniciens en radiologie cette définition. Je voudrais cependant attirer l'attention du ministre et mentionner la formation des techniciens en radiologie.

J'ai posé la question à la commission parlementaire, à M. Pelletier qui représentait ce groupe, de la façon suivante: Quelle est la durée de la formation pour devenir technicien en radiologie?

M. Gérard Pelletier: "C'est deux années théoriques dans les CEGEP pour l'obtention du diplôme d'enseignement collégial. Cela se termine par une année d'internat avec des techniciens moniteurs dans les services de radiologie des hôpitaux accrédités qui ont à peu près toutes les options possibles en radiologie."

Après avoir terminé les deux années théoriques, l'étudiant se dirige vers un centre accrédité qui est inspecté conformément aux exigences de l'Association médicale du Canada qui groupe différents organismes de santé. Ils sont suivis par des professeurs, des moniteurs. Ils subissent des examens avec les radiologistes déjà en place, et douze mois après ils ont un examen théorique obligatoire qui est exigé par le corporation.

Cet examen réussi, le technicien a le droit de pratiquer. C'est trois années comprenant le diplôme d'enseignement collégial, plus le diplôme de la corporation qui est obligatoire pour avoir le droit de pratiquer au Québec. M. le Président, si je mentionne ce qui est nécessaire comme étude pour un technicien en radiologie, c'est qu'il a également été dit en commission parlementaire, je n'ai pas le droit d'en parler immédiatement, mais ç'a été mentionné, que d'autres personnes ont également des études dans ce domaine et qu'on devra peut-être leur donner cette même largeur d'esprit, leur consentir autant de portée concernant la compétence qu'ils démontrent.

On fait donc confiance aux techniciens radiologistes concernant l'aspect technique de la radiologie qui est le domaine de ces professionnels concernés par le projet de loi. Sur le principe de ce projet de loi bien sûr, nous sommes d'accord, parce qu'il respecte, je pense bien, cette compétence des gens concernés qui sont formés pour être des techniciens en radiologie.

Je répète que je serai d'accord sur le principe du projet de loi 265. Cependant j'aurai beaucoup de questions à poser au ministre lors de l'étude en commission.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Le député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, le pas que franchit le législateur en modifiant la loi ancienne qui obligeait le technicien en radiologie à travailler sous la responsabilité du médecin, en transformant, dis-je, ce concept en celui d'un travail fait sur prescription médicale est extrêmement important. Même s'il ne s'agit que d'un simple changement de termes, il faut bien se rendre compte que sous cette minime modification se profile un changement total de statut.

C'est là un très grand pas en avant. C'est là un très grand écart avec la législation antérieure. Comment évaluer ce bond en avant? D'un côté il ne fait pas de doute que la technique radiologique a connu de très grands progrès depuis quelques années, ce qui fait que l'enseignement qui est donné aux techniciens en radiologie a connu évidemment des améliorations identiques.

Je me rappelle du temps où les techniciens en radiologie n'étaient même pas formés dans une école, encore moins une école reconnue, et se contentaient de faire leur apprentissage dans des services hospitaliers. Ce n'est qu'avec le temps qu'on a créé des écoles de technologie radiologique et ce n'est que graduellement, également, que cet enseignement s'est amélioré, aussi bien quantitativement que qualitativement.

Il n'est donc pas surprenant que les techniciens en radiologie, au fur et à mesure qu'ils prennent conscience des connaissances qu'ils ont acquises, des services signalés qu'ils rendent, aspirent à fonctionner d'une façon autonome. Je ne dis pas qu'ils aspirent à se libérer de la tutelle des médecins radiologistes, malgré que l'on pourrait peut-être retrouver cette préoccupation dans les conversations privées que nous pouvons avoir avec eux.

On sent, de toute façon, qu'au fur et à mesure qu'ils prennent conscience de leur valeur, de la valeur de la discipline, ils aspirent à agir d'une façon autonome. Je pense que c'est parfaitement compréhensible, d'autant plus qu'ils se sont dotés graduellement, de la même façon, d'un code d'éthique où ils s'imposent à eux-mêmes des obligations, au nom de la protection du public.

Il reste qu'il y a un autre domaine à considérer, la gravité des actes qu'ils peuvent être appelés à poser. Ont-ils assez évolué, sont-ils maintenant assez savants pour pouvoir poser tous les actes que comporte l'autonomie nouvelle, non encore complète, mais importante cependant, que leur confie le ministre par la voie de la présente loi? Je pense qu'ici il y a lieu de distinguer. Il y a certains actes radiologiques de nature diagnostique ou thérapeutique qui sont relativement simples. Je pense, par exemple, aux techniques radiologiques éprouvées comme la prise de cliché pulmonaire, la

prise de cliché orthopédique ou, dans le domaine diagnostique, je pense à certaines irradiations thérapeutiques utilisées pour guérir ou soulager des maladies inflammatoires.

Il est, par contre, d'autres conditions où les techniques radiologiques, aussi bien diagnostiques que thérapeutiques, deviennent extrêmement complexes ou revêtent une très grande gravité. Je pense, par exemple, aux clichés angiographiques; lorsqu'on veut soumettre un patient à une investigation radiologique dans le champ de l'angiologie, ce qui peut s'avérer nécessaire, par exemple, lorsqu'il s'agit de diagnostiquer certaines conditions cérébrales, la technique radiologique devient extrêmement complexe et même dangereuse. Il s'agit d'injecter, à l'intérieur de l'organisme, dans des vaisseaux, des produits qui ne sont pas de manipulation facile, dans un temps extrêmement rapide, qui peuvent amener des accidents subits, exigeant à leur tour une intervention immédiate qui, si elle n'est pas pratiquée selon les règles de l'art, peut entrafner la mort d'un patient. C'est l'exemple extrême du point de vue du diagnostic.

Sans aller jusque-là, il y a d'autres...

M. CASTONGUAY: Est-ce que le député me permet une question?

M. LAURIN: Oui.

M. CASTONGUAY: Dans cet exemple que vous nous donnez, est-ce que le médecin n'est pas automatiquement présent, justement à cause du fait qu'une injection est requise, comme vous venez de le décrire? A ce moment, je comprends qu'il y a toujours le concept de l'ordonnance qui se maintient, mais le principe est le même que pour l'infirmière, dans une unité de soins intensifs, qui est appelée à intervenir dans un cas extrêmement difficile et qui doit accomplir certains actes qui ont énormément d'importance au plan de la responsabilité. Elle les accomplit, mais elle ne les accomplit que parce qu'elle est dans un milieu organisé, au sein d'une équipe. Est-ce bien le cas?

M. LAURIN: Oui, c'est bien le cas. Je pense qu'en pratique ces examens de radiologie diagnostique devront continuer d'être faits dans un centre hospitalier, et même dans les centres hospitaliers très spécialisés. J'essaie d'aller jusqu'au bout de la logique de l'autonomie. On peut peut-être s'imaginer que quelqu'un d'autre qu'un médecin pourrait faire une ordonnance, un jour, pour un examen, prescrivant une angiographie cérébrale.

A supposer qu'il n'ait pas toutes les connaissances qu'un neuro-chirurgien a, on peut penser que le technicien en radiologie, un jour très lointain, pourrait faire cet examen dans son propre établissement où il se serait doté de l'équipement nécessaire. Je ne pense pas que cela se produise, mais on peut quand même l'envisager dans la logique extrême de l'autonomie que l'on confie ou que l'on confère maintenant aux techniciens en radiologie. Lorsqu'on introduit un principe en législation, il faut essayer de voir jusqu'où l'application de ce principe pourra se répercuter dans l'avenir. Je pense qu'on peut le saisir encore mieux en prenant des exemples extrêmes.

Encore une fois, même si un technicien en radiologie ouvrait son propre laboratoire ou établissement et se contentait d'irradier certaines régions du corps dans les cas d'inflammations, par exemple, cela pourrait se concevoir avec une ordonnance. Mais je verrais difficilement que cela puisse se concevoir dans le cas d'examens aussi complexes et requérant des connaissances aussi approfondies. Comme vient de me le soumettre le ministre, il est des cas où il ne sera pas suffisant de faire une ordonnance. Il faudra que le médecin soit présent quand l'ordonnance sera remplie. Même si le technicien qui, du point de vue technique, est responsable de l'exécution de l'ordonnance, le médecin ou le spécialiste devra continuer d'assister comme maître de jeu, de diriger les interventions des techniciens, ne serait-ce que pour prévenir certains dangers, et aussi, au cas où il y aurait un accident, pour réparer les erreurs techniques, ou même, s'il n'y a pas eu erreur, pour réparer les effets malencontreux qu'auraient produit certaines techniques. C'est un cas extrême que je pousse à l'absurde précisément pour essayer de visualiser à l'avance les conséquences du principe qui est inscrit dans le projet de loi.

Le même cas peut se poser, bien que d'une façon moins grave, pour d'autres types d'examens radiologiques qui, sans revêtir le même danger, peuvent quand même s'avérer très complexes. Je pense, par exemple, à tous les examens de la fonction du foie ou de la fonction intestinale. Là aussi, nous procédons par injection dans l'organisme, soit au niveau des vaisseaux, soit au niveau du tractus gastrointestinal, de produits qui peuvent avoir eux aussi des effets malencontreux, ou encore, qui peuvent exiger des manipulations que seul un homme de l'art peut suggérer au technicien ou demander au technicien. Comme la radiologie diagnostique est une science qui connaît un développement foudroyant depuis quelques années, on peut penser que le nombre et la complexité de ces examens diagnostiques complexes va augmenter au cours des prochaines années.

Sur le plan de la thérapeutique, on peut connaître les mêmes complications, si je peux m'exprimer ainsi. Lorsqu'on envoie un patient dans un laboratoire de radiothérapie pour recevoir un traitement radiologique ou un traitement au cobalt, il est bien évident que la précision est de rigueur et qu'une surveillance très attentive est de rigueur également pour noter, non pas seulement les effets des radiations au niveau local, mais pour noter les effets

des radiations sur le plan systémique général. Les radiations n'ont pas qu'un effet au point d'application de la radiation, mais elles ont un effet également sur le système, sur tout l'appareil métabolique, sur tout l'organisme en général.

Je ne crois pas que, même avec la formation que reçoivent actuellement les techniciens en radiologie, ils soient en mesure d'évaluer les effets systémiques des radiations et même certains effets locaux des radiations. Cependant, on peut entrevoir, dans l'avenir, si ce principe introduit dans la législation est poussé jusqu'à sa conclusion, que ces actes radiologi-ques thérapeutiques pourront être posés en dehors d'un centre hospitalier, ne serait-ce que parce qu'ils sont prescrits par d'autres professionnels de la santé que les médecins.

Il est donc très important de se rendre compte, d'une façon prospective, des effets possibles de l'introduction de ce nouveau principe dans le projet de loi ou de ce changement que l'on y introduit. Encore une fois, il importe, d'une part, de considérer l'évolution de la technique radiologique, la crédibilité plus grande qu'on doit accorder à cette profession, les exigences légitimes de travail autonome que, à l'exemple de tous les autres professionnels de la santé, le technicien en radiologie peut éprouver, et je suis d'accord. Mais, d'autre part, il faudrait peut-être, avant d'introduire ce nouveau principe, faire montre d'un jugement prudentiel qui nous amène à en considérer toutes les conséquences.

Justement, pour régler ce problème, peut-être ne faudrait-il pas introduire tout uniment un nouveau principe, mais en limiter, ne fût-ce que temporairement, l'application à certains cas précis, a certaines conditions particulières. Là, je rejoins ce que disait, tout à l'heure, le député de Maskinongé. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de faire ce qu'on a fait dans le projet de loi sur la pharmacie. Au lieu de définir le mot "médicament", au lieu de différencier, d'une façon absolument scientifique, "médicament" et "poison", le ministère a résolu le problème par une approche pratique. Il recommande d'établir une liste de ce qu'on peut considérer comme étant un médicament, une liste de ce qu'on peut considérer comme étant un poison. Dans le présent projet de loi, il faudrait peut-être penser à établir une liste des actes, aussi bien thérapeutiques que diagnostiques, que le technicien en radiologie pourrait poser d'une façon autonome, non plus sous la responsabilité, comme antérieurement, d'un homme de l'art, mais en accomplissement d'une ordonnance qui lui est remise. Aussi, on pourrait penser établir une autre liste d'un certain nombre d'actes, aussi bien thérapeutiques que diagnostiques, qui, pour le moment, devraient continuer d'être accomplis sous la responsabilité d'un homme de l'art, quitte à ce que cette liste soit révisée au fur et à mesure des progrès de la technique radiologique et au niveau de formation des membres qui appartiennent à cette nouvelle corporation.

Peut-être n'y a-t-il pas d'autre façon de s'avancer, d'une façon sage et prudente, dans un domaine où la protection du public entre, d'une façon considérable, en ligne de compte. De toute façon, en deuxième lecture, on ne peut guère aller plus loin que poser ces principes pour la réflexion du ministre et de ses conseillers. Mais en commission plénière, une fois cette réflexion avancée, nous pourrons peut-être continuer la discussion et essayer de préciser d'une façon qui protège aussi bien les intérêts du public que les exigences légitimes des techniciens en radiologie.

Comme on l'a dit avant moi, il n'est guère d'autre aspect important dans ce projet de loi, et si le député de Maskinongé n'avait pas fait écho aux inquiétudes des spécialistes, j'y aurais sûrement fait écho moi-même, non pas pour simplement épouser la cause d'un groupe de spécialistes mais surtout au nom de l'intérêt public.

Le seul autre point qui pourrait donner lieu à certaines remarques, c'est encore celui de la dimension linguistique pour la seule et simple raison que ces techniciens en radiologie ne se contentent pas de manipuler des appareils, ils entrent aussi en contact avec des hommes, avec des patients qui, à cause de la diversité, de la bigarrure de nos hôpitaux, maintenant, reçoivent aussi bien des clients francophones qu'anglophones, à quelque hôpital ou établissement qu'ils appartiennent. Encore une fois, je pense qu'étant donné ce contact qu'ils sont appelés à avoir avec une population qui est francophone à 80 p.c, même les techniciens anglophones en radiologie, les nouveaux en tout cas, devraient posséder une connaissance d'usage de la langue française.

Pour le reste, je crois qu'il ne s'agit que d'articles de concordance. Et malgré non pas les réserves mais les questions, les considérations que je soumets à l'attention du ministre, il nous fera sûrement plaisir d'appuyer ce projet de loi.

LE PRESIDENT-SUPPLEANT (M. Séguin): La deuxième lecture de ce projet de loi est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): La deuxième lecture du projet de loi no 265 est adoptée.

LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

Projet de loi déféré à la commission

M. BIENVENUE: Je fais motion, M. le Président, pour que ce projet de loi soit déféré à la commission spéciale des professions.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Cette motion est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Adopté.

M. BIENVENUE: Article 14.

Projet de loi no 256 Deuxième lecture

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Article 14, projet de loi no 256, Loi sur l'optométrie.

L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Là on aura le ministre à l'oeil!

M. Claude Castonguay

M. CASTONGUAY: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

UNE VOIX: Vous avez des lunettes?

M. CASTONGUAY: De bonnes lunettes d'un optométriste!

M. le Président, je pense bien qu'il est approprié de commencer ce texte en soulignant l'importance d'avoir une bonne vision et de pouvoir corriger, avec les moyens appropriés, les défauts de la vision ou encore les déficiences que l'âge peut entraîner dans l'exercice de cette faculté. Si je mentionne ceci, c'est que nous en avons donné des démonstrations très concrètes dès l'établissement de l'assurance-maladie en couvrant les services optométriques, ceci non pas parce que la loi fédérale comportait cette couverture puisqu'elle ne la comporte pas ou, en d'autres termes, ne prévoyait pas de partage des coûts sur ce plan, mais bien parce que nous croyions important que ces services soient couverts.

Nous avons démontré de façon très claire l'importance que nous attachions à cette question, à l'époque. Je crois qu'au moment où nous avons abordé la révision des lois des corporations professionnelles, toutes les interrogations que nous nous sommes posées vis-à-vis de la Loi sur l'optométrie, de la Loi des opticiens d'ordonnances de même que des autres dispositions législatives touchant d'autres professionnels qui oeuvrent dans ce champ, provenaient de cette préoccupation qui est la nôtre.

Malheureusement, je dois dire que, malgré tout ce souci de notre part, tout l'intérêt que nous démontrons à ce secteur et tout le travail qui a été effectué par la commission parlemen- taire, je ne crois pas que nous ayons atteint les résultats que nous aurions pu atteindre. Je ne sais pas si je parle, à ce moment-ci, pour les autres membres de la commission parlementaire mais certainement, en ce qui me concerne, ce que je dis présentement est bien ressenti.

Nous sommes dans un secteur où les besoins sont grands, nous sommes dans un secteur où un travail de collaboration entre professionnels de diverses qualifications s'impose et où, si cette collaboration existait, si ce travail beaucoup plus étroit entre professionnels de diverses catégories s'effectuait, la population en bénéficierait hautement.

J'ai cru, à certains moment, pendant les travaux de la commission, que nous étions en voie de déboucher sur certaines propositions qui seraient éventuellement incorporées, soit dans ce projet de loi, soit dans d'autres, et qui permettraient de faire progresser cette collaboration que nous souhaitons tous et qui ne semble pas exister, si l'on en juge par les manifestations d'opposition que nous avons vues récemment entre les opthalmologistes, les optométristes, les opticiens d'ordonnance.

Et ce qui me parait le plus malheureux dans tout ceci, c'est que les personnes qui appartiennent à ces groupes, participant à de telles luttes, devant les yeux de la population, n'acquièrent certainement pas une stature plus grande et n'acquièrent certainement pas une confiance plus grande de la part de la population.

Je crois que les membres de la commission parlementaire, tout au cours de leur travail, ont souligné cette importance, ont travaillé tout autant que nous à essayer d'effectuer certains rapprochements, de semer l'idée d'une plus grande collaboration. Si je mentionne ceci, c'est que je sais que je rejoins leur point de vue et qu'il me paraissait nécessaire de le faire avant même d'aborder le contenu de ce projet de loi. Parce que ce dernier, comme les projets de loi connexes, à mon sens, ne peut être interprété et analysé d'une façon aussi objective et d'une façon aussi axée sur la protection du public que cela aurait pu être le cas si nous avions des groupes qui travaillent en collaboration.

Je pense bien que je n'ai pas à en dire davantage sur le sujet, mais je croyais nécessaire de le faire parce qu'on peut poser certaines questions dans chacune de ces lois. Comme le mentionnait le député de Maskinongé hier, plus d'un groupe oeuvre dans ce secteur et, dans chacune des lois que nous allons étudier, nous devons garder à la mémoire que nous avons des limitations qui nous sont imposées, non pas par les mêmes préoccupations que nous avons eues dans d'autres domaines, mais par cette situation à laquelle je viens de faire état.

Malgré ceci, il serait négatif et faux de présenter ce projet de loi comme ne constituant pas une amélioration par rapport à la loi actuelle. La définition de l'exercice de l'optométrie que l'on y retrouve est certainement une définition améliorée par rapport à la définition

actuelle. Elle tient compte de l'évolution positive qu'a connue l'optométrie au cours des années et reconnaît le rôle plus large, le rôle plus articulé de l'optométriste dans l'exercice de sa profession. Egalement, même si la prévention ne peut être réservée en exclusivité à un type de professionnel — c'est la même question que l'on retrouve dans chacun des projets de loi — le projet de loi confie ou demande aussi à l'optométriste de s'intéresser de façon toujours plus attentive à la prévention des problèmes de la vision et à la promotion des moyens de favoriser une bonne vision.

Encore là, cet aspect du contenu de l'exercice de l'optométrie est beaucoup plus conforme à ce que la population et tous ceux qui s'intéressent à la question s'attendent quant à la nature des services que les optométristes peuvent leur dispenser.

Le changement majeur apporté dans la nouvelle version du projet de loi, par rapport à la version première qui avait été présentée au moment du début des travaux de la commission spéciale sur les corporations, réside évidemment dans l'autorisation qui est maintenue de vendre des lentilles opthalmiques, autorisation qui n'existait pas dans le premier projet de loi.

On peut se demander à juste titre — certains y ont même vu des motifs très noirs, des interventions de toutes sortes — comment il se fait que le gouvernement ait changé d'attitude sur cette question. Premièrement, je pense que les commissions parlementaires servent justement à clarifier une question, et si rien n'était modifié au terme d'une commission parlementaire, il ne vaudrait pas la peine de tenir de telles séances et demander aux gens de nous exposer leurs points de vue.

Le travail en commission parlementaire est ce qui nous a indiqué la nécessité de réviser notre position à cet égard. Je ne veux pas dire que nous le faisons pour une question de fond, mais pour nous conformer à certaines réalités. Je crois que comme objectif à long terme ou à moyen terme, la version originale était supérieure à la version réimprimée, mais nous devons aussi nous en tenir, je pense bien au monde du réel et tenir compte de la situation telle qu'elle est.

M. PAUL: Je m'excuse auprès de l'honorable ministre, c'est un projet de loi très intéressant, très important et je regrette pour lui qu'il soit abandonné ainsi par les siens. Nous ne sommes pas trente, M. le Président.

M. TETLEY: Ils sont trois à l'Union Nationale.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les députés!

L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: M. le Président, les raisons pour lesquelles nous avons effectué ce changement peuvent être données de façon très précise et je les énumère brièvement.

En premier lieu, le réseau de distribution des opticiens d'ordonnance, lorsqu'on l'examine, lorsqu'on regarde la localisation de ces professionnels à travers le territoire du Québec, n'aurait pu — et je crois que ceci est un fait qui est ressorti assez clairement lors des audiences, nous l'avons vérifié par la suite de façon plus précise — dans un délai raisonnable par rapport au problème qui aurait été posé par le retrait du droit de vente des lentilles aux optométristes, répondre d'une façon satisfaisante à la demande alors que les optométristes, comme ils nous l'ont démontré et comme nous avons pu aussi le constater à la suite des séances — nous Pavons vérifié — couvrent de façon beaucoup plus adéquate toutes les régions du Québec, mêmes les régions les plus éloignées. Il y a donc là un premier aspect qui ne pouvait être ignoré.

En second lieu, il y a un certain aspect pratique, dans une situation de conflit comme celle que nous connaissons, qui est de permettre aux individus, s'ils se dirigent vers l'optométriste, d'obtenir un service complet. C'est-à-dire que s'ils ont besoin de lentilles, à la suite des examens nécessaires, ils peuvent les obtenir.

Egalement, on peut se poser une autre question — cette deuxième question n'est pas prioritaire dans les motifs qui nous ont conduits à changer d'opinion — mais je crois qu'elle a un certain poids. C'est une question, en tout cas, qui peut être valablement posée si l'on en juge par l'expérience dans certaines autres juridictions. Le maintien de la possibilité de vendre des lentilles ophtalmiques aussi bien par les optométristes que par les opticiens d'ordonnances maintient une certaine concurrence qui peut être saine sur le plan des prix. Au besoin, lors de l'étude en commission parlementaire, je pourrai expliquer davantage ma pensée sur ce point.

Je me réfère à certains exemples dans d'autres juridictions. Alors il y a là, sur le plan des prix, un aspect qui mérite d'être souligné, parce que le fait d'octroyer le monopole à un groupe pourrait avoir des conséquences que l'on retrouve dans bien des cas lorsqu'il y a monopole. En ce qui a trait aux autres dispositions du projet de loi, elles n'ont pas évidemment la même importance que ce changement, mais sur d'autres plans, ce sont des dispositions qui méritent d'être soulignées.

En premier lieu, le projet prévoit ou comporte des dispositons en vertu desquelles le bureau de l'ordre des optométristes doit, en collaboration avec l'ordre des médecins du Québec, établir des normes suivant lesquelles les cas pathologiques devront être soumis à un médecin. Enfin, lorsque l'on se pose objectivement devant une telle disposition, qu'on l'examine, il n'y a aucun doute que ce serait la situation la meilleure pour la population si un tel but pouvait être atteint.

Entre ce moment-ci et le moment où nous

allons passer à l'étude article par article j' ose encore espérer que le fossé qui semble exister entre les ophtalmologistes et les optométristes pourrait être quelque peu comblé de telle sorte qu'une telle disposition puisse être maintenue et qu'on ne la voie pas comme une tentative de subjuguer les optométristes aux ophtalmologistes.

En fait, si l'on se place au strict point de vue de la protection du public, cette disposition a tout son sens. Par ailleurs, si c'est le motif de déclenchement d'un conflit, et l'aggravation d'une situation que j'ai suffisamment déplorée depuis le début de mon exposé, évidemment, nous pourrons toujours considérer des modifications lors de l'étude article par article. Mais j'espère que le bon sens primera d'ici là.

Le projet de loi comporte également des dispositions qui confient au bureau de l'ordre des optométristes une responsabilité qui me paraît extrêmement importante, soit celle de donner son avis au ministre des Affaires sociales, sur la qualité des services d'optométrie fournis et également sur les normes à suivre pour relever le niveau de la qualité de ces services. Le projet de loi dit: La qualité des services d'optométrie fournis dans les établissements.

On sait fort bien toutefois que présentement, très peu, sinon aucun optométriste n'oeuvre à l'intérieur de nos établissements. C'est une situation qui, évidemment, ne pourra durer indéfiniment et qui, à un moment donné, devra être corrigée par un moyen ou par un autre si elle ne peut être corrigée par la bonne collaboration et la bonne volonté de tous les intéressés. Alors, la disposition apparaît dans le projet de loi. Je crois qu'elle est importante, et si elle ne donne pas les résultats escomptés, un bon jour, il faudra revenir sur cette législation pour faire disparaître les obstacles qui s'opposent à une telle participation des optométristes au travail dans les établissements.

Enfin, le projet de loi comporte une disposition qui paraît nécessaire, soit celle interdisant à un optométriste d'avoir un intérêt direct ou indirect dans une entreprise de fabrication ou de vente de lentilles ophtalmiques.

Compte tenu de la situation qui avait été exposée lors de la commission parlementaire, soit l'existence d'une entreprise qui rend de grands services et qui compte un grand nombre d'optométristes parmi ses actionnaires, optométristes du Québec qui ont lancé cette entreprise, qui l'ont fait de bonne foi, qui se sont intéressés à son développement, des droits acquis sont compris dans le projet de loi à leur endroit, mais des droits acquis qui, évidemment, ne dépassent pas certaines limites dans le temps, comme nous pouvons le constater à la lecture des dispositions du projet de loi.

Je crois qu'il y a là une exception qui s'impose dans la réalité et qui, je l'espère bien, recevra l'assentiment de tous les membres des partis d'Opposition. Nous visons à améliorer non pas en créant des situations sur d'autres plans, non pas en créant des torts à des individus qui ont agi de bonne foi; nous visons plutôt, avec ce type de dispositions, à éliminer dans l'avenir et pour les situations nouvelles, susceptibles de se développer, les conflits d'intérêts qui pourraient se développer dans l'exercice de la profession de l'optométrie. Quant à la situation que je viens de décrire, je crois que ce que nous aurions gagné sur le plan de l'élimination des conflits d'intérêts aurait été plus que dépassé par ce qui aurait pu être perdu sur bien d'autres plans. Je rappelle encore qu'il me parait évident que tous ceux qui ont participé à la création de cette entreprise l'ont fait de bonne foi; c'est pourquoi il me parait raisonnable que des droits acquis soient prévus dans un tel projet de loi.

En terminant, comme je le mentionnais, malgré les difficultés qui se présentent dans ce domaine, malgré les difficultés à rédiger un projet de loi qui s'en tienne aussi strictement au principe qu'on désire, malgré le fait que certaines dispositions, qui visent essentiellement la protection du public, sont vues dans une optique fort différente, je crois que nous avons un projet de loi qui constitue une étape positive dans cet ensemble de projets de loi qui sont devant l'Assemblée. Le rôle que l'on a suggéré de confier à l'Office des professions, rôle de promotion du rapprochement entre groupes professionnels, rôle visant à faire en sorte que les professionnels qui doivent travailler ensemble le fassent concrètement, le fassent volontairement, le fassent de la façon la plus efficace possible, j'espère que l'office pourra avoir de meilleurs résultats que nous en avons obtenus jusqu'à présent et que l'ancien ministre en a obtenus également.

En terminant, j'espère qu'au cours des discussions article par article du projet de loi il nous sera possible de constater, peut-être d'ici ce moment, un certain progrès sur ce plan qui nous permettrait de maintenir les dispositions qui me paraissent fort importantes.

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de Montmagny.

M. Jean-Paul Cloutier

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, même si le ministre nous a déclaré solennellement que le lieutenant-gouverneur avait pris connaissance de ce projet de loi et qu'il nous en recommandait l'adoption, nous allons quand même prendre le temps de l'examiner à fond puisque je soupçonne le lieutenant-gouverneur de ne pas en avoir saisi toute la dimension et la complexité.

M. LEVESQUE: M. le Président, question de privilège. Je suis allé chez le lieutenant-gouverneur pour une sanction à six heures moins quart et je puis assurer le député de Montmagny que

ce que le ministre des Affaires sociales a dit est exact.

M. PAUL: Un instant, il n'a pas dit qu'il ne l'avait pas examiné à fond.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que celui qui porte des lunettes et qui a déjà eu accès au service optométrique ne peut pas porter un jugement beaucoup plus complet et subtil que celui qui n'a jamais eu recours à l'optométriste?

M. LEVESQUE: Parlez-vous du lieutenant-gouverneur?

M. CLOUTIER (Montmagny): Non, non, je parle des membres de cette Chambre qui portent des lunettes et des autres qui n'en portent pas.

Le ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives a conservé toute la vigueur de ses yeux...

M. DROLET: Mais il a perdu ses cheveux, par exemple.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... son acuité visuelle...

M. TETLEY: Mon avantage, c'est que je suis un peu sourd.

M. PAUL: C'est pour ça que vous ne voyez pas ce qui se passe dans votre ministère.

M. CLOUTIER (Montmagny): Il n'y a pas d'autre projet de loi que le projet de loi no 256 et l'autre qui lui est connexe, celui des opticiens d'ordonnance, qui a fait couler autant d'encre et suscité autant de débats ces dernières années, sauf peut-être celui qu'au terme des travaux de cette Chambre nous aborderons sur la chiropraxie.

Le ministre a fait allusion, il y a un instant, au peu de succès relatif qu'il a lui-même obtenu, comme ministre des Affaires sociales, que j'ai obtenu comme ministre l'ayant précédé et que la commission parlementaire a obtenu dans les tentatives de rapprochement des trois professions en cause: les ophtalmologistes, les optométristes et les opticiens d'ordonnance. Il y a véritablement, on le voit, un problème très complexe puisque, malgré les tentatives de rapprochement de plusieurs années, de plusieurs personnes, de groupes de parlementaires, malgré la pression qu'exerce la comparution en commission parlementaire, la pression des questions et des réponses, malgré tout cela et malgré les dispositions du code et de la législation spécifique qui nous est proposée, nous n'en sommes pas ressortis avec des résultats concrets. Si bien que nous avons...

M. LEVESQUE: Il appert que cela a eu le même succès que le regroupement des forces de l'Opposition.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est moi qui lui ai soufflé cela. Je dois souffler pour le parti au pouvoir.

M. PAUL: M. le Président, voulez-vous inviter le député de Chicoutimi à reprendre son fauteuil?

LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): En effet, j'allais le faire.

M. DROLET: Mettez de l'ordre.

M. CLOUTIER (Montmagny): Le député de Chicoutimi en quelque endroit dans cette Chambre qu'il soit assis, garde toujours la même présence d'esprit, mais nous le préférons assis ici, avec nous.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'était pour aider le gouvernement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Donc, au terme de nos travaux en commission parlementaire et au moment d'entreprendre l'étude détaillée en commission plénière de ce projet de loi, nous nous retrouvons avec les mêmes difficultés. En définitive, ce sera au législateur et au gouvernement à trancher et à prendre des décisions sur certains aspects controversés de cette législation.

On n'a qu'à consulter les journaux récents pour voir qu'il y a véritablement un problème entre ces trois corporations. On n'a qu'à voir rapidement les titres des journaux de février et mars derniers. De tous les quotidiens. J'en prends quelques-uns au hasard: "Les optométristes décidés à faire bouger le gouvernement".

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ils vont avoir du mal.

M. CLOUTIER (Montmagny): "Les ophtalmologistes reprochent à Québec d'avoir accordé trop de privilèges aux optométristes.'"

M. PAUL: Eux autres, ils ne voient pas clair.

M. CLOUTIER (Montmagny): "Les opticiens voient rouge". "Les ophtalmologistes en guerre contre les optométristes." "Les opticiens accusent le gouvernement d'avoir cédé aux pressions des optométristes contre l'intérêt du public".

Je pourrais reprendre les journaux depuis quelques années et nous aurions, à intervalles réguliers, des titres qui ressemblent à ceux-là et, évidemment, le contenu des articles qui donnent la substance des discussions qui sont intervenues ou qui auraient dû intervenir dans la solution des problèmes.

Je ne ferai pas l'historique des tentatives de rapprochement que nous avons faites et que le ministre actuel a faites. On n'a qu'à référer aux nombreux arrêtés en conseil. On n'a qu'à référer aux déclarations publiques que nous avons faites, aux nominations aux différents comités. Je pense que les titulaires du ministère des Affaires sociales, autrefois, le ministère de la Santé, ont fait tout ce qui était humainement possible, dans les circonstances, pour tâcher que ces deux groupes, particulièrement les ophtalmologistes et les optométristes, et, dans une proportion moindre, les opticiens d'ordonnance, puissent s'asseoir à la même table et tenter de trouver des compromis qui leur auraient permis d'agir et d'évoluer normalement.

Les optométristes sont entrés dans le régime d'assurance-maladie. Le ministre, tantôt, y a fait allusion en disant que, pour donner à la population les services et les soins dont elle avait besoin et favoriser davantage l'accessibilité, c'est une décision qui a été prise au moment de l'entrée en vigueur de cette loi. Nous avions, nous-mêmes, dans une première proposition législative, en 1970, avant l'élection, suggéré que les optométristes fassent partie du régime d'assurance-maladie. Alors, il y avait véritablement un problème. Il y avait urgence et il était important que, dès le début du régime, les services rendus par cette profession soient couverts par l'assurance-maladie.

Le problème est posé devant l'opinion publique pour tous ces faits que je viens de raconter et, également, parce que les optométristes font partie du régime d'assurance-maladie. A ce titre, dans ce régime, ils côtoient les autres professionnels de la santé que sont les médecins. Dans le régime général de l'assurance-maladie, nous avons donc deux groupes. Nous avons les ophtalmologistes, qui sont une spécialité de la médecine, et les optométristes. Ce sont les deux seuls groupes de professionnels qui font partie, d'une façon générale, de l'assurance-maladie, sauf pour ce secteur qu'on appelle la chirurgie buccale. Les autres sont des programmes partiels, c'est-à-dire les dentistes, ainsi que les médicaments, dans le cadre du projet de loi 69. C'est un régime partiel.

C'est une raison qui devrait rapprocher ces deux groupes de professionnels, étant donné qu'ils travaillent à l'intérieur du même régime étatique, étant donné que les clients, les patients, la population, qui s'adresse à l'une ou l'autre de ces professions, reçoit les mêmes bénéfices sociaux. Les modalités de paiement, d'acquittement des honoraires se font de la même façon, par le même organisme. Nous avons l'impression que, malgré toutes ces occasions qu'on aurait d'effectuer des rapprochements — je ne sais pas si c'est la même chose pour nos collègues — ces deux groupes s'éloignent l'un de l'autre, si l'on se base sur les derniers témoignages que nous avons entendus à la commission parlementaire. Comment se fait-il que deux groupes de professionnels, qui oeuvrent dans le même champ, dans le même secteur, ne puissent pas trouver de moyen terme? Comment se fait-il qu'on ne puisse pas trouver de commun dénominateur entre ces deux professions?

Est-ce que c'est parce qu'il y a 75 ans, le législateur aurait commis une hérésie en reconnaissant que l'optométrie devait être englobée dans une loi, que l'optométrie devait être un secteur où il y aurait une activité bien précise dans le domaine de la santé?

Le législateur a touché à la loi à trois reprises, M. le Président: en 1906, en 1924 et en 1937, élargissant un peu à chaque fois, surtout en 1937, le champ d'exercice de l'optométrie, en en modifiant la définition. Depuis 1937, cela fait 36 ans que nous nous retrouvons avec la même définition qui a permis à l'optométrie de se développer jusqu'à aujourd'hui.

Il y a longtemps, M. le Président, que même si on ne réussit pas à asseoir ces groupes autour de la même table, nous avons saisi quelle pouvait être la pierre d'achoppement qui empêche la solution de ce problème. Je pense que dans le public en général, tant qu'on n'a pas eu l'occasion de pousser notre recherche un peu plus loin sur la cause de ces différends, on peut être porté à penser que l'optométrie est une partie de l'acte médical, est une partie qui s'est détachée de l'acte médical. On peut être porté à penser que c'est le fait, que c'est ce qui est arrivé, en pratique. Si c'était le cas, les ophtalmologistes et les médecins auraient raison de dire : Nous devons avoir l'exclusivité de cet acte qui est posé dans le domaine du champ visuel.

Mais je pense que même pour un profane, on peut réussir à saisir d'instinct. Je ne pourrais pas en faire la démonstration scientifique. Je ne suis pas un expert dans ces disciplines. Je pense que, d'instinct, on peut trouver qu'il y a là deux sciences, deux arts différents et que chacun a une mission bien différente dans le service à rendre au public. L'ophtalmologie est basée essentiellement sur la science de la pathologie de l'oeil, là où intervient une maladie, à la frontière, là où l'optométrie cesse son champ visuel, son analyse du champ visuel, de l'acuité visuelle, de cette lentille qui nous permet de bien voir ou de mal voir. Je pense que d'instinct, c'est comme cela qu'on voit la distinction entre l'ophtalmologiste et l'optométriste.

M. le Président, ces deux professions oeuvrent dans le même champ mais je ne vois pas qu'elles accomplissent le même acte professionnel. Je pense que c'est là toute la difficulté. Il est possible que l'ophtalmologiste pose l'acte de l'optométriste. C'est possible. Forcément, il pose cet acte, parce que s'il ne le posait pas, je me demanderais s'il est encore nécessaire que l'ophtalmologiste continue d'exister, étant donné le faible taux de pathologies médicales. M. le Président, il n'y a à peu près que 15 p.c. des cas de défauts de l'oeil qui sont des pathologies, les autres cas étant des cas qui pourraient aussi bien être réservés à l'optométriste. Je m'interro-

ge, M. le Président, sur le petit nombre d'ophtalmologistes qui sont formés à chaque année. Je n'ai pas eu l'occasion, aujourd'hui, de vérifier des chiffres récents mais on m'a dit qu'il y a seulement trois ophtalmologistes en formation, actuellement, qui seront diplômés en 1973. L'année précédente, je crois qu'on a formé deux ophtalmologistes. Il y a deux ou trois ans, ils étaient cinq et, il y a quatre ans, dix.

Il y a 160 opthalmologistes actuellement. Comment voulez-vous qu'avec un tel recrutement de spécialistes dans cette spécialité médicale, on assure à la population du Québec tous les soins qu'ils voudraient donner — c'est ce que j'en ai conclu devant la commission parlementaire — qu'ils voudraient se réserver pour donner à la population du Québec, alors qu'il y a 530 optométristes et que les faiblesses de la vue, dans 85 p.c, ne sont pas des cas pathologiques mais des cas qui ont trait à l'optique ou à l'acuité visuelle?

La mauvaise répartition des effectifs sur le territoire du Québec — on sait que les 160 opthalmologistes sont concentrés dans les grands centres alors que les optométristes sont mieux répartis sur le territoire du Québec — quelles en sont les conséquences? Pour avoir un rendez-vous chez un opthalmologiste comme dans presque toutes les spécialités actuellement, il faut un assez long délai. C'est pour cela que lorsqu'on me dit que s'il y a un danger à ce que le patient fréquente un optométriste, si l'optométriste ne décèle pas une pathologie, qu'il le réfère en retard, il peut y avoir la perte d'un oeil ou des yeux.

Quand on demande une entrevue à un opthalmologiste et que cela prend six ou sept mois avant de l'avoir, est-ce qu'il n'y a pas danger qu'au cours de ce laps de temps il y ait une détérioration de l'oeil? II faut invoquer des arguments qui démontrent que nous veillons vraiment à la protection du public, et non pas à la protection des intérêts d'une corporation, malgré que j'aie beaucoup de respect pour les opthalmologistes. Je sais que nous tous sommes exposés à recourir à leurs très bons services, des soins très spécialisés. Mais nous avons mission dans cette Assemblée nationale, au moment où nous étudions les lois, comme préoccupation première, de voir à la protection du public et pour autant que la protection du public est raisonnablement sauvegardée par les articles, par la rédaction, par le contenu du projet de loi. Il y a d'autres considérations qui entrent en ligne de compte, et on doit en tenir compte. Cela fait 75 ans que l'optométrie existe. Les différents Parlements qui se sont succédé ont touché à cette loi. Le premier Parlement, en 1906, 1924, 1937. Chacune des Assemblées législatives du Québec a consacré dans une définition le champ d'activités, le champ d'exercice de la profession de l'optométrie. En 1937, on l'a élargi. Est-ce que la Chambre a erré? Est-ce que cela était une hérésie? Est-ce que tout le monde s'est trompé? Une erreur historique? Une hérésie scientifique?

Je pense bien que l'on aurait abrogé la loi avant aujourd'hui parce que cela aurait été un désastre épouvantable. Je ne vois pas de désastre dans la partie qui est passée, dans les 75 ans. L'opthalmologie, sauf erreur, est une spécialité qui est née au début des années cinquante. On me corrigera si je me trompe. Je le donne de mémoire. Cette spécialité a seulement 23 ans d'existence.

Si la Chambre a eu tort, dans le passé, d'accepter des lois au sujet de l'optométrie, si on a eu tort de créer une école d'optométrie et de donner une formation davantage poussée aux optométristes avec un minimum de 17 ans de scolarité, au niveau universitaire, est-ce qu'on a eu tort également — on peut se poser la question — en médecine, de donner une spécialisation aussi poussée aux opthalmologistes? Quatre ans de spécialisation pour la pathologie de l'oeil.

Si c'est cela, il faudra revoir tout l'ensemble du problème, enlever des exigences quant aux ophtalmologistes, ajouter des exigences quant aux optométristes et ne faire qu'une profession, M. le Président. Je pense qu'il va falloir... A un certain moment, le problème va se poser dans ces termes. Pourquoi les ophtalmologistes n'acceptent-ils pas de donner des cours dans les facultés universitaires sur la pathologie, pour détecter la maladie, la pathologie de l'oeil, pour porter un diagnostic, si, véritablement, on craint que la protection du public soit en danger? Il faudrait être logique quelque part. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans tout l'exposé qu'on nous fait d'un côté comme de l'autre, et plus du côté des ophtalmologistes. Il faut être conscient qu'il y a des choses qu'on doit dire et il faut les dire.

L'optométrie, personnellement, après avoir fouillé ce problème depuis plusieurs années, après avoir entendu des témoignages de part et d'autre, je pense qu'on peut accepter que c'est une science autonome, qui ne doit pas dépendre d'une autre profession. Quel que soit le degré de formation, quelles que soient les années de spécialisation, elle ne doit pas être sous la tutelle d'une autre profession. C'est une science autonome. Elle s'est développée complètement en marge de la médecine et, si ce n'était pas le cas, M. le Président, si le législateur avait erré dans les années passées, on n'aurait qu'à consulter la jurisprudence. C'est facile.

J'ai ici une étude légale. C'est la meilleure étude légale, au sujet de l'optométrie, que j'ai eu l'avantage de consulter. Je pense que le ministre l'a en main. Elle est récente et on donne, dans cette étude, tout le processus législatif, à quel moment la Chambre s'est prononcée, dans quels termes, quelles sont les définitions qu'on a retenues, pourquoi, quelles en sont les conséquences et de quelle façon, par la suite, la population en général et les autres corporations professionnelles se sont compor-

tées à l'endroit de cette législation, les cas très rares qui ont été soumis en cour. M. le Président, je pense qu'on peut se fier à de tels documents que nous utiliserons en commission parlementaire quand nous en arriverons à la rédaction et au contenu de la loi.

C'est un des problèmes, et c'est le principal problème qui est posé, c'est-à-dire la définition du champ d'exercice. Je pense qu'il faut se préoccuper du temps passé, les 75 ans. On peut baser une argumentation à partir de ce qu'on a comme appui, comme bagage, mais la législation qu'on a ne doit pas seulement s'appuyer sur le passé et protéger des droits acquis, même si c'est important. Il faut aussi regarder de quelle façon ces professions sont appelées à évoluer. J'en ai dit un mot tantôt, M. le Président, quand on voit le recrutement que cette spécialité de la médecine, l'ophtalmologie, peut faire dans le moment. Je pense que, du côté de l'avenir, c'est peut-être un gros point d'interrogation. On a posé des questions devant la commission parlementaire — on n'aura qu'à référer au journal des Débats — sur la diminution possible des cas de pathologie de l'oeil avec le dépistage plus précoce, la prévention. Ce n'est pas seulement dans le domaine de l'oeil. On a parlé du domaine dentaire hier. On a eu des commentaires qui nous révèlent qu'avec la prévention, les programmes législatifs, le dépistage précoce, les soins particuliers pour les enfants, on s'aperçoit que les soins curatifs et thérapeutiques seront beaucoup moins coûteux dans l'avenir.

L'idéal serait qu'on puisse s'exempter d'être obligé d'avoir recours aux spécialistes de cette discipline pour des soins curatifs. La même chose dans le domaine de l'oeil. Si les cas de pathologie médicale sont beaucoup moins fréquents justement à cause de ces mesures qui sont prises, à ce moment-là, taux de pourcentage des cas de pathologie diminuant — lequel est le taux des cas d'optométrie? C'est automatique, ce taux-là augmente et ce sont normalement les optométristes et les ophtalmologistes qui sont habilités à rendre ces services.

M. le Président, je voudrais citer ici un passage d'un document qui m'est personnel, qui m'a été adressé par un optométriste; je pense que l'on décrit bien dans ce document la façon dont l'optométrie et la science médicale d'autre part ont évolué.

On y parle de la difficulté d'établir un consensus pour ces professions: "Je retiens cependant que le vice fondamental tient au fait que l'on ne comprend pas ou ne veut pas comprendre que la science de l'optométrie n'a pas évolué comme une conséquence de l'évolution de l'ophtalmologie (qui est la science de la pathologie et de la chirurgie oculaires). Elle a évolué à partir des perfectionnements de la physique (l'optique), de l'optique physiologique et des récents développements que nous a apportés le domaine de la psychologie, de la physiologie et de la psychoneurophysiologie.

L'optométriste aborde l'oeil sain, l'ophtalmologiste l'oeil malade, c'est pourtant clair. Connaissant très bien ce qu'est l'oeil sain, l'optométriste peut facilement reconnaître celui qui ne l'est pas sur le plan pathologique et le référer à qui de droit. Les dangers que brandissent les ophtalmologistes n'existent pas et leur argumentation sur ce plan ne saurait résister. Que les ophtalmologistes admettent que, pour tout ce qui n'est pas pathologique, ils font de l'optométrie. "D'ailleurs, les optémétristes, pour des raisons historiques que le législateur a sanctionnées, n'ont pas d'objection à ce qu'ils en fassent. Ce qui est inacceptable, c'est que l'on tente, devant l'ampleur du champ optométrique, en prenant des cas particuliers, de prouver que les optométristes font de la médecine, et de faire peur au monde. Ces discussions sur des points précis ne sont pas du domaine du législateur, mais de l'homme de science et s'avèrent souvent une question de fait par la suite que le législateur constate par des lois. "D'ailleurs, si les optométristes avaient fait tant d'actes de médecine, donc des actes illégaux, il n'y aurait pas qu'une seule cause de rapportée depuis cinquante ans. Donc, on peut facilement établir que l'optométrie est une science autonome, que sa pratique a évolué sans cesse en demeurant toujours à l'intérieur de ses propres limites, limites qui ne sont pas encore atteintes." M. le Président, voilà un témoignage, je crois, que moi, en tout cas, j'ai retenu par sa clarté. Je pense que c'est un témoignage qui n'est pas passionné, ce n'est pas une charge contre qui que ce soit, c'est un exposé véritable de la situation de fait.

C'est un des problèmes qui existe et que soulève cette législation qui nous est proposée, dans la définition du champ d'exercice. Je n'ai pas l'intention de prendre ce soir les champs d'exercice proposés par la loi 265, première version, deuxième version, et le champ d'exercice dans la loi actuelle de l'optométrie, le champ d'exercice de l'opticien d'ordonnances, le champ d'exercice que d'autres corporations professionnelles ont proposé, les ophtalmologistes en particulier.

Je n'ai pas l'intention d'entrer dans le détail, mais je pense qu'en commission parlementaire, il faudra peser chaque terme de la définition et voir véritablement, avec les conseillers juridiques, quelles en sont les implications. A partir du moment où on a fait cet essai de raisonnement, pour essayer d'aller au coeur du problème, à partir de ce moment-là, on pourrait peut-être trouver une définition qui traduise bien ce qu'on comprend dans le champ de pratique de l'optométriste et dans le champ de pratique de l'ophtalmologiste.

Il y aura aussi, dans cette définition, à parler de cet autre élément qu'a introduit le ministre dans sa deuxième version, en ce qui concerne l'orthoptique. Nous en discuterons en commission parlementaire et également, nous discute-

rons de cette notion de l'acuité visuelle qui est la seule notion que les ophtalmologistes voudraient voir inscrite dans la définition. C'est le terme qu'ils voudraient voir employer, l'acuité visuelle et non pas la vision ou le champ visuel, parce qu'on dit que c'est trop vaste, que cela déborde la compétence des optométristes.

Il y a un autre point que je voudrais toucher brièvement. Dans la deuxième version du projet de loi, le ministre a introduit un nouvel article; il a établi un nouveau principe. Je pense qu'on peut dire que c'est un nouveau principe. A l'article 10, on dit que le bureau de la Corporation professionnelle des optométristes devra, par règlement: a) établir, en collaboration avec l'Ordre des médecins du Québec — donc, les ophtalmologistes, en l'occurrence — des normes suivant lesquelles les cas pathologiques doivent être soumis à un médecin. Le ministre en a parlé tantôt brièvement. La première question qui me vient à l'esprit est celle-ci: Etant donné les difficultés que l'on connaît dans ce dialogue avec les deux corporations professionnelles impliquées, je me demande si une rédaction comme celle-là ne voudra pas dire, en pratique, la tutelle d'une corporation professionnelle sous la dépendance de l'autre corporation professionnelle.

Je sais que ce n'est pas l'esprit dans lequel cet article a été rédigé. Peut-être que ce que le ministre a voulu introduire dans sa loi, c'est une stipulation du genre de celle que l'on retrouve pour les infirmières et les médecins, quand on dit que des actes... C'est une stipulation du même ordre, mais ce n'est pas exactement la même essence. Dans le cas des médecins et des infirmières, il s'agit de déterminer des actes qui, par arrêté en conseil, seront reconnus par le lieutenant-gouverneur en conseil et qui pourront être posés par les infirmières, avec le consentement des médecins. Ici, c'est pour établir des normes. Des normes, c'est plus vaste, plus vague, plus difficile à établir que des actes précis que l'on nomme.

Quand on dira qu'une infirmière a le droit de faire une injection intraveineuse — le député de Bourget pourra me corriger — peut-être est-ce un acte qui était réservé au médecin, mais, à partir du moment où, dans l'arrêté en conseil, on le mentionne, l'infirmière, dans certaines circonstances, pourra poser cet acte. Là, il s'agit d'établir des normes suivant lesquelles des cas pathologiques doivent être soumis à un médecin. Il faut bien préciser qu'il y aura, pour les deux corporations professionnelles, un code de déontologie. Il y a, pour les optométristes, un code de déontologie que le bureau doit établir; s'il ne l'établit pas, c'est l'Office des professions qui va l'établir. Dans le code d'éthique, de déontologie, on va dire, comme actuellement, j'imagine — je n'ai pas vu le code, mais on doit dire ceci — que, dans tel cas précis, l'optomé-triste est obligé, en conscience, de référer le patient à l'ophtalmologiste, au spécialiste.

La formation de l'optométriste devrait lui indiquer ou lui indique — sauf qu'il faudra tenir compte de la réserve que j'ai faite tantôt, si sa formation n'est pas suffisante, donnons-lui davantage de formation, mais il devrait être en mesure de le faire, par sa formation actuelle — de référer un cas à un ophtalmologiste. S'il ne le fait pas, il n'assume pas sa responsabilité. Le contrôle de l'acte professionnel et l'inspection professionnelle devraient de révéler si l'optométriste a respecté le code de déontologie et s'il a bien référé son patient quand il devait le faire.

Il faudra en discuter en commission parlementaire. Le ministre a peut-être une idée de quelle façon ces normes pourraient être établies. Qui va les établir? Qui va en discuter? Sur quelle base? Est-ce que cela ne devrait pas être un cas patent qui devrait être étudié par ce mécanisme dont j'ai parlé et qui serait la responsabilité de l'Office des professions ou du Conseil interprofessionnel qui aurait pour mission, à cette table dont on a parlé, de rapprocher les différentes corporations professionnelles qui oeuvrent dans le même secteur?

Plus avancent nos travaux, plus on voit que pour toutes ces professions, toutes les professions de la santé et celles d'autres domaines, comme on l'a vu aussi pour les urbanistes, les architectes, les ingénieurs, les comptables, les administrateurs, les professions légales, il serait important que ce mécanisme soit bien en place et que quelqu'un, quelque part, un organisme, une structure, enfin quelqu'un soit responsable d'amener ces groupes. Si ce n'est pas suffisant par l'incitation, il devrait y avoir un pouvoir de coercition, après une certaine période, pour les amener à s'asseoir à la même table pour discuter de ces problèmes.

Je répète une remarque que j'ai déjà faite en cette Chambre au sujet, je crois, des médecins ou des dentistes. Il est inconcevable que ce soit le législateur qui soit obligé, après des années, pour des professionnels qui pratiquent dans le même champ d'activité, dans le même secteur et qui posent des actes professionnels qui sont ou complémentaires ou identiques, d'intervenir d'autorité et de dire: Voici quelle sera votre limite, et à l'autre groupe aussi: Voici quelle sera leur limite.

La première raison de la création de la corporation professionnelle est pourtant la protection de l'intérêt du public et aussi le maintien, par voie de conséquence, d'un statut professionnel basé sur la qualité d'un acte, basé sur un code d'éthique, basé sur une tradition de pratique. Il est important que les professionnels soient conscients que l'étude que nous faisons actuellement, n'est pas seulement pour rédiger des textes de loi. Si nous prenons le temps de faire une revue en profondeur, c'est pour que les professionnels, avec nous depuis plusieurs mois et pendant les mois qui suivront, fassent cet effort de réflexion comme d'autres groupes qui sont l'objet de lois en Chambre, lois sur lesquelles ils ne sont pas toujours d'accord.

C'est le moment, pour ces groupes, de faire un effort de réflexion. C'est ce que nous leur demandons.

Nous en sommes conscients, chacun y met de la bonne volonté, les deux groupes dont nous parlons et le troisième groupe, les opticiens d'ordonnances, dont nous parlerons aussi...

M. ROY (Beauce): Je m'excuse, M. le Président. Je dois vous faire remarquer que nous n'avons pas quorum.

M. LEVESQUE: Cela vous a pris du temps à vous en apercevoir.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Est-ce que je pourrais inviter les honorables députés à reprendre leur siège?

Qu'on appelle les députés.

L'honorable député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, il y a un troisième point important que je voudrais traiter brièvement. Mon temps de parole achève. Le ministre en a parlé aussi. Il a parlé du changement majeur entre la deuxième version et la première version, à savoir la vente des lentilles ophtalmique par les optométristes, privilège qui leur avait été enlevé, c'est-à-dire permission qui leur avait été enlevée, ce n'est pas un privilège, dans la première version. Le ministre nous a dit pour quelle raison il avait décidé de modifier cette clause et de permettre, dans la définition, dans le champ d'exercice, la vente de la prothèse.

Evidemment, les travaux de la commission parlementaire nous ont permis de nous faire une meilleure opinion, une opinion plus complète de l'ensemble du problème. Mais il reste aussi que deux commissions d'enquête, qui ont fait un travail de recherche très poussé, la commission Castonguay et la commission Lacasse, avaient recommandé que les opticiens d'ordonnance aient l'exclusivité de la vente de la lunette et de la prothèse.

Si — mais ce n'est pas le cas — j'avais reçu le rapport de la commission Castonguay comme ministre des Affaires sociales et que j'y avais vu une telle clause — je vais rassurer le ministre — je ne l'aurais pas adoptée illico sans la regarder de plus près. C'était une recommandation draconienne sur la situation qui existe actuellement. Le ministre dit qu'il fallait prendre conscience de certaines réalités, d'une situation de fait. Cela fait bien des années que ça se passe comme cela, que les optométristes ont l'autorisation de faire le commerce. Je comprends que les optométristes disent que cela fait partie de toute l'opération à partir du début: le diagnostic, la vérification, l'installation de la prothèse, une vérification subséquente, des corrections. C'est une opération qui fait partie d'un ensemble. D'accord. Mais il reste que c'est le même problème que pour les denturologistes. Il s'agit de prendre les données qu'il faut et de recommander le port d'une prothèse.

Pour ma part, je ne sais pas si le ministre a véritablement pris la bonne décision. Les opticiens d'ordonnance, quand ils ont vu la première version du projet de loi, évidemment, ont été très satisfaits. Quand ils ont pris connaissance de la deuxième version du projet de loi sur l'optométrie, il y a eu des réactions. J'y ai fait allusion tantôt en parlant des articles de journaux et titres. Alors, il y a eu une réaction qui était à prévoir.

Est-ce que pour les optométristes la vente de la lentille ophtalmique est véritablement le problème fondamental pour qu'ils conservent le statut professionnel?

Comme pour les dentistes, est-ce que la vente de la prothèse amovible complète, s'il n'y a pas de contre-indication, s'il n'y a pas de complication, si tout est normal, est véritablement une composante de l'acte professionnel? Alors que pour le pharmacien, la préparation magistrale de l'ordonnance, c'est un acte professionnel.

Si on ne peut pas répondre à cette question, si on ne peut pas dire que c'est une composante de l'acte professionnel, que c'est ce qui confère le statut professionnel à l'optométriste, je concevrais difficilement qu'il en fasse une guerre à finir avec le législateur, si cette continuité ne lui était pas consentie.

Il reste qu'il y a des droits acquis; c'est un argument important. Il reste que pour le service à la clientèle, pour accommoder les clients, cela aussi... Mais pour la protection du public — parce que c'est la principale raison qui nous occupe — étant donné qu'il a l'exclusivité, il est dans la liste des organismes à champ d'exercice exclusif, l'acte ne serait-il pas aussi bien posé par l'opticien d'ordonnances que par l'optométriste? Je ne sais pas s'il n'y aurait pas lieu d'examiner cette question, en commission parlementaire, peut-être de discuter avec des optométristes, mais d'une période de transition. Au lieu de faire ce changement radical, ce changement draconien que le ministre, avec raison, ne pouvait pas accepter, je pense que dans la première version c'était trop draconien, si on donnait une période de transition qui permettrait tout de même aux deux corporations professionnelles de s'ajuster. Les opticiens d'ordonnances sauraient que dans un avenir x, ils auraient l'exclusivité de la vente de la prothèse et les optométristes sauraient qu'ils doivent se diriger davantage vers l'acte professionnel qui leur est réservé. Les ophtalmologistes, eux aussi, sauraient, le champ qui leur est réservé. Ces derniers se consacreraient à la pathologie. Chacun étant dans son secteur, on pourrait légiférer véritablement en prévision de l'avenir. C'est là que l'évolution se ferait de façon harmonieuse, non pas en s'appuyant sur des difficultés passées, mais en entrevoyant des jours les plus rapprochés possible où ces difficultés trouveront des réponses que je souhaiterais, pour ma

part, ne pas venir du législateur mais venir des corporations elles-mêmes, par l'office des professions, par le conseil interprofessionnel, par les bureaux des corporations.

Voilà des remarques que je voulais faire sur ce troisième point, sur la vente de la lentille ophtalmique. Nous aurons l'occasion, en commission plénière, d'y revenir lors de l'étude détaillée de chacun des articles.

M. le Président, sur ce, je termine. Mes collègues auront l'occasion d'ajouter aux propos que je viens de tenir, étant donné qu'il faudrait prendre beaucoup plus de temps que je n'en ai pris, pendant l'heure qui m'a été allouée, pour faire le tour de tout ce problème complexe que, comme le ministre des Affaires sociales, actuellement, j'ai vécu et je continue de vivre depuis plusieurs années et dont, malheureusement, nous n'avons pas trouvé la solution au terme des travaux de la commission parlementaire.

Comme pour les autres, nous allons voter pour cette loi avec les réserves que j'ai exprimées, cependant, et sous réserve — comme le ministre nous l'a dit tantôt, il y aura des modifications à faire — que nous poussions plus loin, en commission plénière, l'analyse de certains points extrêmement importants.

Comme pour les autres lois aussi, je sais que le ministre en est conscient. Il nous l'a dit dans son intervention. Et tous les partis, en cette Chambre, tâcheront, à la lumière de l'expérience personnelle que chacun de nous a vécue, la connaissance que chacun a de ces professions et les travaux de la commission parlementaire, de trouver la meilleure rédaction législative, celle qui, véritablement, protégera les intérêts du public.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M.Picard): L'honorable député de Dorchester

M. Florian Guay

M. GUAY: M. le Président, le projet de loi 256 que nous sommes à discuter actuellement touche un problème que je ne qualifierais pas de particulier mais un problème qui est assez complexe, qui a déjà été discuté mais qui n'est pas pour autant résolu.

A entendre les propos du ministre des Affaires sociales dans son exposé, on se rend bien compte qu'il a été informé par le Collège des optométristes qu'il était en désaccord avec la loi proposée.

Les optométristes ont démontré leur mécontentement de façon assez ferme. Les optométristes ont-ils raison? C'est la question qui se pose. Reste maintenant à faire l'analyse des arguments à partir des données que nous avons. A la commission parlementaire, nous nous sommes bien rendu compte que dans ce secteur d'activités, le domaine de la vision, il existait des problèmes depuis assez longtemps, et nous avons senti également que, sans la participation, sans la collaboration des trois groupes impliqués, soit les ophtalmologistes, les optométristes et les opticiens d'ordonnance, il serait très difficile dans un court délai de trouver une solution qui conviendrait à ces trois groupes de professionnels impliqués dans le domaine.

Le Collège des optométristes a exprimé également son étonnement quant à la façon dont l'Etat a disposé des recommandations formulées dans leur mémoire à la commission parlementaire et dont nous pourrions mentionner des passages.

L'optométrie, qui est actuellement une profession distincte et indépendante de la médecine, craint maintenant d'être sous la tutelle du Collège des médecins. Et si on regarde la définition de l'activité médicale qui dit "toute déficience de la santé", je pense que, au fond, ils n'ont pas tout à fait tort.

Les optométristes craignent d'être conduits, d'être dirigés — et je pense que le mot qui convient le mieux est encore tutelle — d'être sous la tutelle d'un ophtalmologiste, du médecin. Et l'optométriste se dit — et ils nous l'ont répété — De deux choses l'une: ou l'optométriste est incompétent pour dépister des cas de pathologie oculaire, et par voie de conséquence, il est incapable de les référer, ou il est assez compétent pour les dépister et est inutile de lui imposer d'autres obligations que celles de son code de déontologie.

Je qualifierais de complémentaires les actes posés par l'ophtalmologiste et l'optométriste. Si on se réfère au passé, on se rend compte que l'optométriste a joué un rôle très important et cela, depuis fort longtemps.

Et nous n'avons qu'à analyser les activités de ces professionnels en milieu rural, par exemple, pour constater qu'ils déploient énormément d'efforts pour donner au maximum des services de qualité, même si c'est parfois assez difficile. J'ai posé plusieurs questions à la commission parlementaire au sujet des cas qui nécessitent une pathologie et que l'optométriste, normalement, devrait référer à ce professionnel qui est l'ophtalmologiste. La question a été posée à plusieurs groupes de professionnels qui oeuvrent dans ce domaine et nous avons vu justement à cet article que la collaboration existait très peu et que ces professionnels semblaient, je ne dirai pas se détester, mais vivre un conflit très profond. Le problème qui est décrit par les optométristes se résume comme suit: ils sentent bien qu'avec l'extension de la définition de l'acte médical à toute déficience de la santé, désormais l'ophtalmologiste pourra traiter directement avec un autre groupe, les opticiens d'ordonnance, et de ce fait éviter complètementle champ de pratique de l'optométriste.

Il est donc évident que l'optométriste ne se sent pas en sécurité avec la loi qui est présentée actuellement. L'optométriste nous dit également que cette définition de l'acte médical donne ouverture à l'intrusion de la médecine

dans le champ d'activité réservé jusqu'à ce jour à l'optométrie. Et si on fait la lecture des mémoires présentés par les optométristes, ils nous disent clairement qu'ils n'ont ni l'intention ni le désir de faire de la pathologie. Je me demande s'il ne serait pas normal également que l'ophtalmologiste ne fasse pas d'optométrie. Bien sûr qu'à un moment donné il faudra bien, si ce conflit persiste, que le législateur tranche, mais entre-temps il s'agit de chercher, de découvrir et de savoir qui pratique dans le champ de qui. Donc, le principe du projet de loi qui est présenté repose uniquement sur la définition du champ de pratique. Et si, à une commission parlementaire ces professionnels ne sont pas entendus et les membres de la commission n'ont pas semblé suffisamment éclairés pour imposer dès maintenant une définition bien claire du champ de pratique de chacun de ces professionnels, je pense qu'il sera absolument nécessaire que la commission qui étudiera le projet de loi en deuxième lecture prenne tout le temps nécessaire afin de faire en sorte que le public soit bien protégé et que ces professionnels se sentent bien chez eux dans leur champ de pratique.

M. le Président, on a vu plusieurs publications dans les journaux démontrant la profondeur du problème, l'ampleur du problème mais également, là comme ailleurs, on a vu très peu de solutions. Le projet de loi qui est présenté actuellement, au dire même des optométristes, ferme également la porte à toute spécialité. Je pense qu'en 1973, c'est chose inacceptable, parce que, contrairement à la réalité où on tend à se spécialiser dans un secteur donné, là comme ailleurs, naîtront des groupes de professionnels qui seront spécialisés dans ce domaine, celui de la vision.

Il ne faudrait pas que cette loi, ce projet de loi, ferme la porte à l'addition de professionnels spécialisés dans le domaine. D'autres groupes, qui oeuvrent dans ce même champ, dans ce champ de la vision, qui est assez vaste, semblent se méfier de la compétence des optométristes, parce qu'on veut constamment la présence de médecins pour déterminer ce qui constitue la pathologie visuelle.

Un bon matin, il va falloir s'entendre sur des définitions. Il va falloir que ces professionnels partagent ce champ d'exercice. Je pense que, si le ministre a voulu présenter un code des professions, des lois particulières, ça lui revient d'établir ce champ de pratique, compte tenu de la volonté des professionnels, de la réalité qui a été vécue dans le passé.

Alors, M. le Président, si l'Etat décide d'utiliser spécifiquement l'optométrie comme dépisteur de la pathologie oculaire, on est porté à se demander pourquoi il n'a pas agi de la sorte avec d'autres professionnels. Il aurait pu le faire, probablement, avec les omnipraticiens, qui possèdent beaucoup moins de compétence dans le domaine de l'optométrie que les optométristes.

M. le Président, il ne faut pas oublier non plus un autre aspect très important, celui de la prévention. Je pense que l'optométriste est peut-être le professionnel le mieux placé pour faire du dépistage, en vue de corriger ou d'améliorer certaines situations. Je pense, par exemple, qu'il pourrait oeuvrer dans le domaine scolaire. Il pourrait se donner des moyens afin de diminuer au maximum les déficiences de la vue, spécialement chez les enfants.

Le problème reste posé. La solution n'est pas encore trouvée. Mais on espère que ces professionnels de la santé, ou du domaine paramédical, vont collaborer en tentant d'indiquer au législateur la solution qui lui semblera la meilleure, afin d'éviter, si possible, des conflits et protéger le public, tout en permettant de laisser un choix à celui qui requiert des services dans le domaine, de laisser la liberté de choix, autant que possible, à celui qui doit payer ces services.

M. le Président, j'aurais beaucoup à dire sur le sujet. On pourrait référer aux débats de la commission parlementaire. On pourrait reprendre les mémoires. Comme il ne semble pas que les situations, les solutions soient toutes faites, il restera, bien sûr, en commission parlementaire, en troisième lecture, à discuter de ce gros problème et à chercher ensemble la solution la plus appropriée.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): Le député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, par le présent projet de loi, le législateur affirme, pour la première fois, d'une façon formelle et solennelle, que l'optométriste est le professionnel par excellence de la vision. Il lui confie la totalité du champ qui lui est imparti. C'est là une responsabilité très importante et il suffit de parcourir le projet de loi pour s'en rendre compte.

C'est, en effet, l'optométriste qui, au premier chef, aura à se préoccuper de tout le champ de la vision, d'examiner les yeux de chacun des citoyens, de faire l'analyse de la fonction visuelle, de s'occuper, en première ligne, des problèmes visuels, de promouvoir tous les moyens susceptibles de favoriser une bonne vision, de prévenir les troubles visuels et d'apporter les traitements de première ligne qui doivent être prescrits lorsque l'on constate les déficiences.

C'est là un moment très important pour la profession. Je pense que le législateur ne pouvait quand même pas faire autrement ; il a déjà posé des gestes qui laissaient prévoir l'orientation qu'il a prise aujourd'hui et ces gestes ont été tellement importants que, sous peine de se contredire, le législateur ne pouvait que les confirmer.

Lorsque, par exemple, le législateur inclut les soins optométriques dans la liste des soins

couverts par l'assurance-santé et lorsqu'il confie à la profession optométrique la mission d'assumer pour lui cette responsabilité, je pense qu'il montrait par là la confiance qu'il faisait à la profession et également le mandat dont la population devait la charger. De la même façon, lorsque le gouvernement, par l'intermédiaire des subventions qu'il verse aux universités, favorise le développement de l'Ecole d'optométrie, améliore son rendement, il pose encore une fois un geste qui démontre la confiance qu'il fait à la profession et la responsabilité dont il entend la charger.

Il serait en effet inconcevable que, d'un côté, l'Etat confie à une profession une responsabilité très importante dans le champ des soins et qu'il subventionne cet enseignement et que, d'autre part, il ferme ou limite l'accès à la pratique à laquelle précisément le prépare cette formation. Il faut donc être logique et cohérent. Par le geste que le gouvernement pose aujourd'hui, il ne vient qu'entériner, confirmer une orientation ou une décision implicite qu'il avait déjà prise. Ceci ne veut pas dire, évidemment, qu'il n'y a plus de problème. Dans un domaine comme celui qui nous concerne, l'optométrie, qu'elle le veuille ou non, s'avance sur un terrain qui avait déjà été occupé par une autre profession, c'est-à-dire la médecine et sa spécialité, l'ophtalmologie.

Je pense d'ailleurs que c'est à l'honneur de la médecine d'avoir été la première à explorer ce champ et elle a continué de le faire en poussant ses recherches dans le domaine de l'optique médicale. Tout médecin qui fait aujourd'hui ses études consacre un bon nombre d'heures à l'étude de la vision, à l'anatomie, à la physiologie, à la pathologie de la vision; par la suite, lorsqu'un médecin désire se spécialiser dans le champ de l'ophtalmologie, il pousse, durant quatre autres années, ses études et ses recherches dans ce domaine même si, alors, l'accent porte davantage sur la pathologie que sur la physiologie. L'optométrie, par ailleurs, s'est développée à partir d'un autre point de départ qui est celui de l'optique physique. Elle a eu également du mérite à le faire; c'est tout à son honneur d'avoir défriché ce champ, de l'avoir poussé. Mais il reste, à un moment donné, même si ses objectifs au départ étaient différents, qu'elle débouche également sur des problèmes que l'on pourrait qualifier de problèmes pathologiques. C'est là que nous nous trouvons en présence de zones grises, zones grises que les tenants de l'ophtalmologie ou de l'optométrie appellent de noms différents mais qui recouvrent quand même une réalité identique.

L'optométriste parle, pour sa part, de disfonctionnement, de mauvais fonctionnement. Il parle de problèmes visuels, de troubles visuels, de troubles de l'adaptation, de l'apprentissage visuel, alors que le médecin, habitué à son langage, n'utilise qu'un seul terme, celui de pathologie oculaire.

Mais il reste que, partant de points différents de l'horizon, les deux professions débouchent sur une réalité qui est la même, identique, et où chacun d'ailleurs trouve à s'employer dans l'optique qui lui est propre. C'est ce champ de zones grises, c'est ce problème des zones grises que tente de résoudre à sa façon le projet de loi. Est-ce qu'il y arrivera? On peut encore se poser des questions à la suite des conflits qui, au lieu de s'atténuer, à mesure que se rapproche l'adoption du projet de loi, risquent de se concrétiser. Il est permis d'en douter.

Il reste cependant qu'une solution doit être trouvée, ne serait-ce que pour éclairer la lanterne de la population, qui attend la décision du législateur pour confier ses problèmes à ceux qui sont le plus aptes à les règler.

Comment résoudre ce problème? Peut-être est-il opportun de faire un biais en examinant d'un peu plus près le mode de formation des optométristes. Ce mode de formation, au cours des récentes années, s'est considérablement amélioré, au point que nous pouvons constater maintenant que le cours d'optométrie est non seulement un cours spécifiquement universitaire, mais qu'il comporte un nombre de crédits, c'est-à-dire 145 crédits, aussi important que le nombre de crédits que doit obtenir l'étudiant en médecine.

Il importe aussi de souligner que le programme est axé uniquement sur les problèmes de la vision, ce qui, au départ, nous garantit un sérieux, une compétence qu'il faut louer. Bien sûr, le programme n'est pas encore parfait. Il y faudrait des modifications. Par exemple, il peut sembler difficile de faire contenir dans un curriculum de trois ans 145 crédits, alors que, dans les autres facultés, ces 145 crédits s'obtiennent sur un espace de quatre ans. Il est difficile aussi de concevoir qu'une science qui se développe à un point tel que le fait l'optométrie ne comporte pas encore un enseignement officiel de pathologie oculaire. Ces problèmes me paraissent susceptibles d'être réglés dans l'avenir et ils le seront probablement avec plus de célérité et d'efficacité, si les facultés de médecine veulent bien y collaborer en prêtant, comme elles le font à d'autres facultés, leur personnel professoral pour dispenser cet enseignement.

De toute façon, lorsque nous avons affaire à une profession, à un professionnel qui, pour obtenir son titre, doit se soumettre à une formation universitaire de quatre ans, il semble bien que nous soyons en présence de garanties que le législateur et le public, à bon droit, exigent. Cependant, malgré que cette formation se soit améliorée considérablement au cours des présentes années, elle ne peut se substituer à l'expérience.

C'est la raison pour laquelle il faudrait peut-être prévoir également une amélioration quant à la formation clinique des optométristes par la multiplication ou l'amélioration des stages qu'ils doivent effectuer avant d'avoir accès au diplôme.

Il reste que cette formation, une fois terminée, il est difficile de disputer à l'optométriste le champ qu'il revendique, ce champ, encore une fois, consistant dans l'analyse de la vision normale et des conditions qui doivent la favoriser et également, bien entendu, l'évaluation des problèmes qui peuvent se présenter, problèmes que l'on peut classifier de diverses façons: par exemple, problèmes d'adaptation, problèmes de focalisation, problèmes d'apprentissage, de vi-suomotricité, problèmes de binocularité. Mais il demeure que, pour tous ces problèmes, que pour toutes ces responsabilités, la formation dispensée à l'école d'optométrie prépare suffisamment le professionnel à les assumer.

Dans ces conditions, il devrait être facile d'envisager une collaboration entre l'optométriste et l'ophtalmologiste. Les optométristes, d'ailleurs, ne dénient pas à l'ophtalmologiste la capacité qu'il a do couvrir une certaine partie du champ qu'ils occupent eux-mêmes, comme, par exemple, les problèmes de réfraction. Malgré que pour ma part il me semble qu'avec la formation ultra-spécialisée que possède l'ophtalmologiste, il serait peut-être préférable, aussi bien pour des raisons d'économie logique que d'économie financière, qu'il en arrive, de plus en plus, à se limiter aux actes visant exclusivement la pathologie, qui ne peuvent être posés que par lui à l'aide de toutes les connaissances et de toutes les techniques qu'il a acquises.

On devrait peut-être envisager un temps où les soins de première ligne, que dispense actuellement l'ophtalmologiste, je pense aux problèmes de réfraction, devraient être graduellement abandonnés à l'optométriste qui peut parfaitement les poser. Ce qui veut dire que, selon moi, de plus en plus, l'ophtalmologiste, comme l'interniste, comme tous les autres spécialistes médicaux, devrait devenir un consultant à qui les professionnels de première ligne, que ce soit les omnipraticiens, les médecins de famille, les optométristes ou d'autres spécialistes, envoient les cas complexes, les cas qui ressortissent d'une façon spécifique à la discipline qu'ils exercent. De cette façon, nous pourrions envisager une collaboration harmonieuse, une efficacité plus grande des services et, en même temps, une réduction des coûts, ce qui est quand même un objectif que nous devons viser.

Par ailleurs, je pense qu'on pourrait également exiger du professionnel de première ligne que veut être l'optométriste de se limiter aux actes qu'il peut poser et qu'il peut seul poser. On pourrait exiger de lui que s'il découvre, parmi les problèmes, les troubles, les anomalies, les mauvais fonctionnements, des caractéristiques qui dépassent le champ de sa compétence, qui dépassent le champ des connaissances qu'on lui a transmises ou qu'il a acquises par lui-même, par un code de déontologie approprié qu'il défère immédiatement au spécialiste concerné ces patients, encore une fois au nom de l'intérêt bien compris du patient.

Dans mes conversations avec les membres de l'Ordre des optométristes, je me suis rendu compte que les optométristes n'étaient pas du tout rebelles, réfractaires à cette suggestion, qu'ils étaient tout disposés à élaborer un code de déontologie qui obligerait tous leurs membres à ne pas poser des actes qui dépassent le seuil de leur compétence, d'une part, et deuxièmement, qui les obligerait à référer aux spécialistes appropriés tous les cas où ils constatent des anomalies, des déficiences, des difficultés qui dépassent à ce point leurs capacités et qu'ils s'imposent de ne pas les traiter eux-mêmes.

C'est quand même là la meilleure garantie que l'on puisse trouver que celle de l'autodiscipline. Aussi longtemps qu'on forcera, par des méthodes restrictives, coercitives, impérialistes, des professionnels que l'on veut mettre en tutelle à référer des cas à une autre spécialité, on se heurtera soit à une mauvaise volonté, soit à du truquage, soit à des manoeuvres parfois frauduleuses, ou à une opposition systématique, ce qui n'est guère mieux. Il vaut mieux s'en remettre à des professionnels qui ont reçu non seulement une formation scientifique appropriée, mais également qui sont pénétrés des principes qui doivent animer tous les professionnels de la santé; il vaut mieux s'en remettre à leur sens moral, à leur fierté professionnelle, à leur sens social pour en arriver à cette harmonisation. Une fois que le législateur s'est entouré des garanties didactiques professionnelles nécessaires, je pense qu'on n'a plus d'autre recours que de s'en remettre aux qualités humaines que possèdent et que doivent posséder les professionnels, quitte à ce que des dispositifs soient ajoutés, comme celui des comités de discipline ou des comités d'inspection professionnelle pour aider la vertu là où elle défaille parfois.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je ne crois guère à l'article du projet de loi qui fait obligation aux deux corporations d'établir conjointement des normes de références. Je n'y crois pas, non pas en principe, puisque je viens de dire que ce serait là l'idéal, mais dans l'état actuel des relations qui existent entre la profession optométrique et les ophtalmologistes — je ne parle pas de la profession médicale en général — il serait illusoire d'espérer une entente. J'ai eu l'occasion de lire le modèle de normes de références qu'ont préparé les ophtalmologistes et je crois que les positions que l'on devine dans ce...

M. ROY (Beauce): M. le Président, je m'excuse. J'invoque l'article 27 de notre règlement. Je dois vous faire remarquer que nous n'avons pas quorum, même si, en ce qui nous concerne, nous avons en Chambre près de 50 p.c. de nos membres.

M. VEILLEUX: C'est vrai que vous n'êtes pas nombreux !

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Giasson): Qu'on appelle les députés! Le député de Bourget.

M. LAURIN: M. le Président, si l'on examine d'un peu près ce protocole, si on essaie d'en saisir l'esprit derrière la lettre des articles, on décèle dans ces propositions un caractère à ce point rigide et impérialiste que je ne crois pas qu'une autre profession puisse l'accepter. L'optométrie est forte de ses traditions qui remontent maintenant à 70 ans.

Comme cette profession est fière des services qu'elle a rendus à la population, comme cette profession ne cesse de se perfectionner, d'avancer dans le champ de la recherche, je ne pense pas qu'il faille s'attendre qu'elle cède un pouce de terrain qu'elle croit légitimement occuper.

Si, en ce moment, on peut prévoir un échec presque certain de cette tentative d'harmonisation, je me demande s'il ne faudrait pas penser d'emblée à une autre solution et s'en remettre, comme je le disais tout à l'heure, à l'esprit professionnel des optométristes, appuyé sur un code de déontologie rigoureux, marqué au coin de l'objectivité et de la rigueur morale aussi bien que scientifique, code de déontologie qui, d'ailleurs, serait visé par les membres de l'Office des professions et qui pourrait, avec le passage des mois et à l'aide des consultations appropriées, être susceptible d'améliorations, jusqu'à ce qu'il colle complètement aux objectifs que l'on poursuit.

En ce qui concerne un autre problème que le ministre considère majeur, c'est-à-dire celui des prothèses visuelles, j'ai constaté, en effet, moi aussi, qu'il y a des différences fondamentales entre le premier et le deuxième projet de loi.

Le ministre nous a donné les trois raisons qui l'ont guidé, qui sont plutôt des raisons circonstancielles, et je n'ai rien à y ajouter car je les crois absolument valables et plausibles.

Je crois, cependant, constater un certain regret chez le ministre. Il aurait préféré, si la chose eût été possible, si les raisons circonstancielles qu'il a invoquées n'eussent été trop impérieuses, il aurait préféré quand même le premier projet de loi. Je le comprends et je partage, jusqu'à un certain point, son sentiment. Mais pas entièrement. Il est possible, en effet, que la préparation, ou la pose, ou l'ajustement de prothèses visuelles fasse partie intégrante de l'acte optométrique. Il est possible, en effet, qu'il revienne à l'optométriste, comme cela est le cas pour le dentiste, de voir lui-même à la préparation et à l'ajustement d'une prothèse pour l'atteinte plus efficace, plus complète des objectifs thérapeutiques qu'il poursuit.

Cependant, je pense que je comprends le ministre car, ce qui l'a fait hésiter, c'est l'aspect commercial de l'opération. Il voit, évidemment, que l'optométriste va retirer un profit de l'opération, qui n'a plus rien à voir avec l'acte professionnel qu'il pose. Et là aussi, je partage son avis.

Pas plus pour le dentiste que pour l'optométriste, la pose ou la préparation d'une prothèse ne devrait risquer de venir entacher le caractère professionnel de l'acte qu'il pose.

Mais il y a peut-être un moyen de sortir de l'impasse. Il est difficile d'accepter qu'un dentiste fasse plus de profit en posant une prothèse qu'un denturologiste peut en faire. Non seulement les profits excessifs doivent être condamnés, mais peut-être même les profits mineurs doivent l'être car, en ces matières, il est bien difficile de tracer une ligne de démarcation. Peut-être s'imposerait-il, tout en laissant à l'optométriste comme au dentiste le droit qu'ils ont de poser des prothèses, de faire en sorte de trouver des mécanismes qui élimineraient la notion de profit. Par exemple, s'il était décidé que, pour ce qui concerne cet aspect, on ne pourrait demander au patient, ou à l'Etat qui peut se substituer au patient, on pourrait ne demander qu'un prix qui est le prix coûtant plus les frais d'administration.

Il est possible que dans l'avenir ce soit vers cette solution que l'on soit obligé de s'orienter et je pense que tout le monde y trouverait son profit. Jamais plus on ne pourrait accuser le professionnel de faire le commerce des lunettes ou de faire le commerce des prothèses dentaires, ou de faire le commerce des médicaments, tellement l'exécution d'une prescription médicale pour le pharmacien, l'exécution d'une ordonnance optométrique ou l'exécution d'une ordonnance dentaire serait liée à l'acte diagnostique et à l'acte thérapeutique. Et aussi, le public et la collectivité y trouveraient leur profit puisqu'ils ne pourraient plus se méfier de ces professionnels, étant donné qu'ils n'auraient plus à poser, qu'ils sauraient qu'ils ne retirent aucun profit de cette partie qui a un aspect commercial de leurs activités; ils y trouveraient un autre profit également en ce sens que le coût de ces prothèses, qui atteint parfois des sommes astronomiques dans le cas des prothèses orthopédiques, serait quand même limité à son maximum.

C'est là un principe général que je propose au ministre; je ne sais pas ce qu'il en fera, on pourra en discuter plus à fond lors de la commission parlementaire. Il me semble, à première vue, en tout cas, qu'il y a là une façon de sortir d'une impasse qui a fait l'objet d'accusations venant de tous les coins de l'horizon et surtout d'impasses qui ont maintenu un climat de méfiance au sein du monde professionnel et au sein du grand public.

En ce qui concerne le problème de la dimension linguistique, j'aurais à faire les mêmes remarques que j'ai faites lorsque je traitais des autres professions, pour la simple et unique raison, encore une fois, que l'optométriste traite avec des personnes et qu'il est appelé à rencontrer des personnes de toutes langues et que, dans un pays où la langue commune est le français, il faudrait que tous les nouveaux diplômés à tout le moins puissent avoir une connaissance d'usage de la langue française.

Tout ceci étant dit, M. le Président, je pense que la loi telle qu'elle nous est présentée colle à la réalité, qu'elle correspond aux conditions actuelles de l'exercice de l'optométrie, qu'elle

fait certaines concessions qui devront peut-être être révisées dans un avenir prochain, mais comme nous possédons maintenant les mécanismes qui nous permettent d'effectuer ces révisions au fur et à mesure qu'elles s'imposeront, je pense qu'il faut se féliciter de la loi telle qu'elle est et c'est la raison pour laquelle nous appuierons ce projet de loi.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): L'honorable député de Saint-Henri.

M. Gérard Shanks

M. SHANKS: M. le Président, relativement à ce projet de loi, je recevais à mon bureau deux étudiants en optométrie de mon comté; ceux-ci me confiaient qu'ils ne voulaient pas faire trois ans d'études pour vendre des lunettes. Dans le même sens, j'aimerais lire devant les membres de l'Assemblée nationale quelques lignes d'un texte de Solange Chalvin, paru dans le Devoir du 6 mars 1973: "Les 115 étudiants en optométrie de l'Université de Montreal étaient en journée d'étude hier non pas pour protester contre les frais de scolarité mais pour manifester leur inquiétude et leur désaccord face à l'adoption prochaine du bill 256 du code des professions. Ils iront aujourd'hui à Québec et tenteront de rencontrer les membres de la commission parlementaire des affaires sociales et de sensibiliser les députés de l'opposition à leurs problèmes. Les optométristes ne sont pas des techniciens, a-t-on dit au cours d'une conférence de presse improvisée, mais les seuls véritables spécialistes de la vision formés pour dépister contrôler et rééduquer les déficiences de la vision.

Or, le projet de loi, loin de reconnaître à l'optométriste cette fonction, restreint au contraire ses responsabilités, le réduisant à jouer un rôle de simple technicien.

Pourquoi faire trois années d'études universitaires pour vendre des lunettes? a demandé l'un des étudiants. Rappelons que l'ophtalmologiste est un médecin qui a fait un an de résidence et qui s'est spécialisé pendant trois ans en ophtalmologie. Il soigne, opère et traite des personnes atteintes de maladie. L'optométriste s'occupe exclusivement de la vision, dépiste et corrige des pathologies et l'opticien d'ordonnance vend des prothèses, lunettes, etc.

On a accusé les optométristes de conflit d'intérêts. En effet, ils dépistent des défauts de vision, prescrivent et vendent des lunettes dans la majorité des cas. Les étudiants en optométrie, sans doute moins mercantiles que leurs aînés, ne sont pas intéressés au commerce des lunettes. Ceci devrait revenir aux opticiens d'ordonnance, a dit leur porte-parole hier à Montréal. Un peu plus loin, l'article se termine ainsi: "Pourquoi réduire les optométristes à des rôles de techniciens, alors qu'ils ont la formation reconnue partout en Amérique du Nord pour dépister et contrôler les déficiences visuel- les? C'est la question que poseront aujourd'hui au ministre Castonguay les futurs optométristes.

M. le Président, ce projet de loi s'inscrit dans l'avenir du Québec et les étudiants en optométrie, qui font partie de cet avenir, mettent le gouvernement en garde contre des prescriptions qui pourraient les encarcaner et les restreindre dans leur idéal. Devant l'inquiétude du ministre des Affaires sociales relativement à la division manifeste des trois groupes travaillant aux problèmes des yeux et de la vision, je lui suggère de laisser permanente la commission parlementaire sur le code des professions, ce qui pourrait lui éviter, dans ce cas précis, de faire un faux pas qui pourrait être funeste pour la protection du public.

La version originale était supérieure à la version corrigée. Ce sont les termes mêmes du ministre. Je le mets en garde contre une précipitation qui pourrait avoir des conséquences néfastes. Je ferai remarquer que les opticiens d'ordonnance viennent d'inviter les ophtalmologistes et les optométristes à un dialogue ouvert. Espérons que ces groupes répondront à leur appel. Les différences qui ont été apportées dans les projets de loi entre la première et la deuxième impression sont très substantielles, et il est impératif de sauvegarder l'intérêt public.

Pour ce faire, il n'est pas requis de porter atteinte à l'une ou l'autre des professions. Lorsque ces législations seront étudiées en commission parlementaire, je serai en mesure d'apporter des propositions constructives et que je crois, de nature à satisfaire toutes les parties concernées.

M. le Président, je vous remercie.

LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce qu'on veut bien m'entendre ou si je peux proposer l'ajournement du débat?

M. LEVESQUE: On va vous entendre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous voulez m'entendre? J'ai vingt minutes, M. le Président.

M. LEVESQUE: Tout dépend.

M. PAUL: C'est une motion débattable que vient de faire l'honorable député de Chicoutimi.

UNE VOIX: C'est toujours agréable d'entendre le député de Chicoutimi.

M. PAUL: Qui parle encore? Pourriez-vous parler en temps utile et dire quelque chose qui a du bon sens? M. le Président, en vertu de l'article 78, le député vient de faire une motion qui peut être débattue. Je pense que le président va trancher de lui-même cette épineuse

question. Une chose est certaine, nous allons nous rendre à minuit et cela n'avancera pas.

M. LEVESQUE: Est-ce que le député est fatigué?

M. PAUL: Oui, c'est clair.

M. LEVESQUE: D'accord, assoyez-vous.

M. PAUL: Merci.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je propose l'ajournement du débat.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, puis-je demander le consentement unanime de la Chambre pour revenir à l'étape du dépôt de documents?

M. BURNS: Est-ce débattable, M. le Président?

LE PRESIDENT: Non, c'est le consentement.

M. LEVESQUE: Tiens, de la visite ; comment était-ce au hockey?

LE PRESIDENT: Messieurs, je voudrais déposer, avec l'accord des leaders parlementaires des quatre partis, comme document parlementaire, aux archives de l'Assemblée nationale, un nouveau projet de règlement de l'Assemblée nationale, rajusté et amendé.

Une copie a été remise depuis quelques jours et après plusieurs rencontres et réunions de travail des leaders parlementaires. Je pense bien que demain midi nous pourrons distribuer à tous les membres de la Chambre une copie de ce projet de règlement.

M. PAUL: Il faudrait nous laisser quelques jours parce que nous l'avons reçu hier.

LE PRESIDENT: Avec aujourd'hui et comprenant la journée de demain, cela fait au pluriel deux jours. C'est le règlement rajusté.

M. LEVESQUE: M. le Président, puis-je dire qu'il s'agit là d'un avis qui pourra être traduit demain au feuilleton?

LE PRESIDENT: Un avis à votre nom.

M. LEVESQUE: C'est cela. Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. PAUL: Avant d'ajourner, M. le Président, le ministre des Affaires sociales pourrait peut-être nous donner l'ordre du jour afin qu'il soit porté à la connaissance de tous les députés?

M. CASTONGUAY: Certainement. Après ce projet de loi, nous prendrons celui des opticiens d'ordonnance et, par la suite, nous descendrons aux pieds et nous nous retrouverons avec les podiatres. Ensuite, nous remonterons et nous prendrons les techniciens en prothèses auditives, les audioprothésistes.

M. LEVESQUE: M. le Président, je propose à nouveau que la Chambre s'ajourne à demain, dix heures.

LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 23 h 48)

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