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(Quinze heures neuf minutes)
M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Affaires courantes. Présentation de pétitions. Lecture et
réception de pétitions. Présentation de rapports de
comités élus.
Commission des bills privés et publics
M. BLANK: M. le Président, la commission des bills privés
et des bills publics a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre
son quatrième rapport.
Votre commission a décidé de rapporter avec des
modifications les bills suivants: bills 109, 123, 175 et 180.
M. LE PRESIDENT: Ce rapport sera-t-il accepté?
M. PAUL: Accepté.
M. LE PRESIDENT: Accepté.
Présentation de motions non annoncées. L'honorable chef de
l'Opposition.
Félicitations aux Alouettes et à M.
Springate
M. BERTRAND: M. le Président, j'ai une motion d'un
caractère très particulier, qui ne reviendra pas souvent. Je
voudrais proposer que cette Chambre vote des remerciements et des
félicitations au club des Alouettes pour la victoire que cette
équipe a remportée en représentant le Québec.
Félicitations à Sam Etche-verry et, en particulier, à
notre collègue, excellent joueur, député du comté
de Sainte-Anne, M. Springate. J'invite le premier ministre à faire appel
à l'esprit de combativité et d'agressivité du
député de Sainte-Anne pour renforcer son équipe.
M. BOURASSA: M. le Président, j'avais l'intention, à
l'appel des déclarations ministérielles j'en avais
prévenu le président de dire quelques mots. Je remercie le
chef de l'Opposition d'avoir parlé au nom de toute l'Assemblée
nationale et de tous les députés pour féliciter
chaleureusement le député de Sainte-Anne et les membres du club
des Alouettes pour leur victoire spectaculaire.
Comme chef de parti, M. le Président, je puis dire que la
performance du député de Sainte-Anne souligne d'une façon
certaine le caractère polyvalent, une fois de plus, de la
députation libérale. Je suis convaincu que le
député de Sainte-Anne saura montrer en Chambre le même
dynamisme, le même esprit de combativité qu'il a montrés
sur le terrain de jeu, mutatis mutandis comme l'aurait dit l'ancien
député de Champlain, M. Bellemare.
M. LACROIX: M. le Président, je dirai à l'honorable
Opposition de faire attention: le député de Sainte-Anne est un
botteur de précision.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! s'il vous plaît.
M. SAMSON: M. le Président, nous aurions aimé, nous aussi,
être les premiers à féliciter le député de
Sainte-Anne pour sa magnifique performance, mais nous devons reconnaître
que nous avons été battus par quelques verges par le chef de
l'Opposition. Cependant, c'est avec plaisir ... Je vous demande pardon...
M. BERTRAND: J'ai déjà joué à ce
jeu-là. UNE VOIX: Ça ne paraît pas.
M. SAMSON: C'est probablement pour ça qu'on voit partir des
ballons de temps à autre de la part de l'Opposition officielle.
De toute façon, M. le Président, c'est avec plaisir que
nous offrons nos hommages et nos sincères félicitations à
l'honorable député de Sainte-Anne.
M. SPRINGATE: M. le Président, je voudrais remercier le premier
ministre,...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. SPRINGATE: ...le chef de l'Opposition et le leader des
créditistes pour les hommages qu'ils m'ont rendus personnellement ainsi
qu'à mes coéquipiers des Alouettes. Je dois vous dire que le
football est un sport qui fait beaucoup pour le Canada, et d'avoir
remporté la coupe Grey a haussé le prestige de Montréal et
de la belle province de Québec à travers le pays.
En terminant, je dois dire que tout ce qu'il me reste à faire,
c'est de faire sept convertis en cette Chambre, ici.
M. LEGER: Vous ne nous avez pas encore touchés.
M. LE PRESIDENT: Si vous me voyez lancer le mouchoir, c'est un signe de
hors-jeu, n'oubliez pas!
Motions non annoncées
M. BURNS: M. le Président, j'aimerais faire motion pour que le
nom de Robert Burns soit substitué à celui de Guy Joron, à
la commission des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives.
M. LEVESQUE: M. le Président, qu'il me soit permis de proposer
que M. William Tetley soit substitué à M. Jean-Marie Pelletier,
comme membre de la commission parlementaire perma-
nente des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives.
M. LE PRESIDENT: Ces motions seront-elles adoptées?
M.PAUL: Adopté. M. LE PRESIDENT:
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics.
M. LEVESQUE: Article d).
M. LE PRESIDENT: Article d). Est-ce que le projet de loi est
imprimé?
M. LEVESQUE: Oui.
Projet de loi no 54 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Santé propose la
première lecture du projet de loi abrogeant la Loi concernant les
services médicaux. Le ministre de la Santé.
M. CASTONGUAY: Ce projet abroge la Loi concernant les services
médicaux 1970, c'est-à-dire le bill 41.
M. PAUL: Est-il imprimé? Est-ce qu'il sera distribué?
M. CASTONGUAY: II sera distribué.
M. LE PRESIDENT: Déclarations ministérielles. Oui?
Excusez-moi. Est-ce que cette motion de première lecture est
adoptée?
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à une prochaine
séance.
Déclarations ministérielles. L'honorable ministre de
l'Education.
Commissaire-enquêteur à
l'éducation
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, à la suite de ma
déclaration en Chambre le 19 novembre dernier, je voudrais informer les
membres de l'Assemblée nationale de la nomination d'un
commissaire-enquêteur. Il s'agit de M. l'abbé Gérard Dion,
professeur au département des relations industrielles à la
Faculté des sciences sociales. Ce dernier jouera le rôle
d'ombudsman dans tous les cas que je mentionnerai, à savoir les cas
touchant le comportement des enseignants qui auraient pu se prêter
à des formes d'endoctrinement ou de propagande politique à tous
les paliers de l'enseignement.
Son mandat sera essentiellement le suivant, à savoir
étudier les plaintes présentées au ministre de
l'Education, juger de leur fondement et les acheminer avec les recommandations
appropriées aux instances responsables de prendre les décisions
qui s'imposent en vertu de l'article 18 de la Loi de l'Instruction publique,
des conventions collectives en vigueur ou d'autres documents juridiques. Dans
le cas précis de l'article 18, si la plainte est fondée, celle-ci
sera portée sous serment par le commissaire-enquêteur
lui-même.
Ce mandat aura une durée de trois mois et sera restreint aux cas
touchant le comportement d'enseignants ou de professeurs durant l'année
scolaire en cours. A la demande du commissaire-enquêteur, un
commissaire-enquêteur adjoint sera nommé d'ici quelques jours.
De plus, je voudrais rappeler à cette Chambre que cette
décision de la part du ministre de l'Education vise essentiellement
à établir un mécanisme pour s'assurer que les griefs des
parents, des étudiants ou même des professeurs soient
effectivement reçus par quelqu'un et que suivant les dispositions de la
loi, nous puissions atteindre les fins poursuivies par notre système
d'éducation. Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.
M. CARDINAL: M. le Président, je sais bien qu'à la suite
d'une déclaration ministérielle, on ne peut ni ne doit poser de
questions. J'avais cependant posé une question le 27 novembre à
l'honorable premier ministre.
Le ministre, dans sa déclaration, vient d'y répondre
puisqu'il indique que cette enquête se fait à tous les niveaux.
Cette enquête part certainement d'un bon naturel; il y a certainement eu,
du temps de l'administration actuelle comme de l'administration passée,
des plaintes venant de parents qui pouvaient être réglées
en vertu de l'article 18 de la Loi de l'instruction publique.
Le ministre veut probablement, comme il l'a mentionné en dehors
de cette Chambre, revaloriser le rôle de l'enseignant dans le
Québec. Cependant, je ne puis m'empêcher de trouver malheureux que
cette décision survienne au moment où nous sommes dans une crise
et au moment où, par conséquent, le geste posé peut
être interprété comme étant partie ou suite de cette
crise. On sait les réactions qu'il y a présentement. Je pense que
les autres commentaires devront être exprimés plus tard, au moment
où l'on verra comment se déroulera je ne sais pas si je
puis employer ce terme cette enquête. C'est aux fruits qu'on
reconnaît les arbres et non pas aux intentions dont parfois les enfers
sont pavés.
J'ai donc hâte, j'éprouve une certaine
anxiété je l'emploie dans le sens français du mot
de voir le résultat du travail d'un commissaire-enquêteur
et d'un adjoint qui doivent travailler sur tout le territoire du Québec
et à tous les niveaux, semble-t-il, même au niveau universitaire.
Ici, sans être méchant, je rappelerai au premier ministre que,
moi-même, je me trouvais à ce niveau comme enseignant à
l'université, même député, lorsque j'étais
doyen; à mon tour, je suis enseignant à l'université.
Comment ceci nous affecte-t-il?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, cette déclaration arrive
à point. Nous avions déjà réclamé, dans le
passé, qu'une certaine enquête soit faite sur les agissements de
certains professeurs qui endoctrinaient politiquement certains des
étudiants. Nous souhaitons que la nomination de l'abbé Dion soit
la bonne; cependant, nous n'en sommes pas certains. Est-ce que son rôle
verra à protéger les parents contre l'abus de certains
enseignants, dans le domaine de l'endoctrinement politique de nos
étudiants, ou est-ce que ce sera vice versa?
Nous posons la grande question et nous espérons que cette
nomination sera la bonne et qu'elle apportera des résultats
concrets.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: Qu'il nous soit permis, d'abord, M. le Président, de
saluer l'occasion de pouvoir enfin nous exprimer sur cette décision,
puisque l'annonce en avait été faite au moment du discours du
député de Verchères sur la crise et il nous avait
été impossible de poser des questions à ce
moment-là. Nous avons dû suivre.
M. BOURASSA: Le député aurait pu commenter cette
décision le lendemain.
UNE VOIX: Vous n'êtes pas pour ça, vous.
M. CHARRON: Par la suite, M. le Président, il est quand
même permis de dire que cette décision demeure extraordinairement
malheureuse. Elle arrive dans une crise où tous les corps de la
société ont subi le fiel d'une autre société qui en
était plus mal à l'aise et au moment aussi où le groupe
enseignant au Québec est déjà engagé dans des
négociations qui peuvent être touchées gravement par
l'espèce de décision que vient de prendre le ministère de
l'Education.
Je pense que le mécanisme en place est déjà
amplement suffisant pour assurer l'honnêteté et
l'objectivité du corps enseignant. Il a été trop
coûteux à établir pour qu'on accepte de façon aussi
rapide qu'au milieu d'une panique générale les enseignants soient
les derniers à y goûter après les journalistes,
après les partis de l'Oppo- sition, après les syndicats. Cela a
été trop coûteux à établir pour que nous
acceptions en silence de tomber dans la période d'inquisition
invraisemblable qui risque de se produire, quel que soit l'homme qui dirige
cette commission d'enquête sur le comportement des enseignants. C'est
trop grave pour qu'on accepte, d'un revers de la main, que ça passe et
qu'on l'oublie demain matin. C'est la dernière étape de la
dégradation politique que le Québec a connue depuis un certain
temps.
M. LACROIX: Vous n'avez pas constaté ça à Cuba!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, est-ce que la Chambre me
permettrait d'intervenir pendant deux secondes pour rétablir
peut-être les faits? Je tiendrais à établir un fait que le
député de Saint-Jacques n'a pas soulevé. C'est que, pour
régler l'ensemble des plaintes, il y a actuellement, c'est vrai, des
mécanismes, entre autres, l'article 18. Plus que ça, la
Corporation des enseignants du Québec, par son article 78, je crois, a
les mécanismes voulus, une espèce de code de discipline par
lequel elle peut juger des plaintes. Mais, à la fois les enseignants et
le ministère doivent reconnaître qu'aucune plainte n'a
été portée depuis deux ans touchant ce problème
particulier.
S'il y a un problème, je pense que nous devons assumer nos
responsabilités, établir clairement le degré
d'endoctrinement et le nombre de professeurs impliqués pour, d'une part,
cerner le problème et corriger les lacunes qui pourraient exister et,
d'autre part, pour revaloriser ceux qui injustement peut-être sont
blâmés par d'autres secteurs de la profession. Le fait que nous
entamions des négociations provinciales ne doit pas être un
argument qui nous empêche de prendre nos responsabilités. C'est
dans cette perspective que j'ai annoncé des mesures la semaine
dernière et la nomination de l'abbé Dion, aujourd'hui.
M. LESSARD: Est-ce que ça va se faire des deux
côtés, cette étude-là?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre de la Justice.
Suspension de surveillants de prison
M. CHOQUETTE: M. le Président, le ministre de la Justice a
suspendu de leurs fonctions pour une période d'un mois, avec traitement,
MM. Stanley Summerville, assistant-chef des surveillants au centre de
détention de Québec, c'est-à-dire la prison d'Orsainville;
Marcel Mathieu, Hector Lamoureux et Yves Mecteau, tous trois surveillants
à cette prison, pendant la durée d'une enquête
déjà ordonnée sur l'administration de cette prison.
Le 5 novembre 1970, M. Marc O'Neil, directeur de l'établissement,
a été suspendu de ses fonctions pour une période de deux
mois, pendant la durée de l'enquête. Entre autres, l'enquête
porte sur les allégations de mauvais traitements envers des
détenus au cours de leur détention. Un rapport
préliminaire a été reçu, mais il appert
nécessaire de clarifier les questions qu'il soulève.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, sans vouloir passer pour un
prophète de malheur, nous avions, il y a environ quinze jours,
signalé au ministre de la Justice certaines mesures de
sécurité qui s'imposaient pour éviter d'autres
évasions à la prison de Charlesbourg.
M. CHOQUETTE: J'invoque le règlement, M. le Président. Je
pense que l'honorable député est complètement à
côté de la question. Il ne s'agit pas d'évasions du tout,
dans cette déclaration ministérielle.
M. PAUL: Je comprends, M. le Président, mais les suspensions qui
se produisent actuellement sont inexplicables quand on sait qu'il y a un manque
de personnel pour protéger la société contre les
évadés éventuels de la prison d'Orsainville.
J'espère qu'à la lumière des renseignements qui nous
seront communiqués et des événements qui se sont produits,
on s'empressera de réintégrer M. O'Neil dans ses fonctions
puisque, durant qu'il a occupé ses fonctions à la prison de
Québec, aucune évasion n'a été signalée. Le
ministre de la Justice est aux prises avec une situation qui justifie une
enquête, et nous espérons que la lumière complète
sera faite et que nous n'aurons pas à déplorer certains arrosages
à cette période de l'année.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, l'honorable ministre de la Justice
nous annonce certaines suspensions. Nous ne sommes pas certains que ce soit la
bonne solution parce qu'il semble qu'à la prison d'Orsainville, lorsque
le personnel était au complet, tout le monde pouvait en sortir;
maintenant qu'on suspend le personnel, est-ce que tout le monde pourra
rentrer?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, un peu comme mes deux collègues
qui m'ont précédé, je pense qu'à l'occasion de
cette enquête, le ministre de la Justice devrait vérifier
très sérieusement les plaintes des agents de la paix
eux-mêmes qui prétendent qu'ils sont en nombre insuffisant.
Ce serait peut-être l'occasion. Le fait de suspendre des gens ne
règlera pas ce problème-là, il ne fera peut-être que
l'augmenter.
Alors, j'engage le ministre de la Justice à examiner très
sérieusement ce problème de manque de personnel dont les agents
de la paix se plaignent régulièrement.
M. CHOQUETTE: M. le Président, puis-je dire simplement un mot?
Les honorables députés de l'Opposition ne semblent pas avoir
compris la portée de la déclaration. Il ne s'agit pas
d'évasion à l'occasion de ces suspensions.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres déclarations
ministérielles?
Dépôts de documents.
Lettre d'intention non déposée
M. CASTONGUAY: M. le Président, jeudi dernier j'ai annoncé
mon intention de déposer, aujourd'hui, la lettre d'intention
signée avec la Fédération des médecins
spécialistes. Toutefois, dans la poursuite des négociations,
depuis, les négociateurs des deux parties ont signifié le
désir que cette lettre d'intention ne soit pas immédiatement
rendue publique afin de faciliter la poursuite des négociations.
Alors, j'ai consulté, hier, les trois représentants des
partis d'Opposition les plus intéressés aux questions de
santé et je leur ai fait part de mon désir de reporter le
dépôt de ce document. Merci.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres dépôts de
documents?
Questions des députés. L'honorable chef de l'Opposition.
Questions et réponses
Loi des référendums
M. BERTRAND: M. le Président, au cours de l'automne 1969,
j'avais, au nom du gouvernement, déposé un projet de loi, le
projet 55, intitulé Loi des référendums. Au sujet de ce
projet de loi, nous avons tenu deux séances à la commission
parlementaire de la Constitution, la première le 27 novembre 1969 et la
deuxième le 12 février 1970. Ma question s'adresse au premier
ministre: A-t-il l'intention de déposer à nouveau ce projet de
loi au cours de la présente session?
M. BOURASSA: Pas au cours de la présente session, M. le
Président. Mais, je considère sérieusement la suggestion
du chef de l'Opposition. Si nous sommes convaincus, au conseil des ministres,
qu'il peut être utile de convoquer à
nouveau cette commission parlementaire et de déposer le projet de
loi au cours de la prochaine session, nous le ferons. Mais je ne peux faire
autrement, au stade actuel, que de prendre avis de la suggestion du chef de
l'Opposition.
M. BERTRAND: Merci. M. le Président, j'avais d'autres questions,
mais je laisse à celui à qui nous confions d'habitude la
discussion des affaires sociales, le député de Montmagny, de
poser ces questions.
M. LE PRESIDENT: Je vais permettre immédiatement la question du
député de Montmagny.
Livre blanc fédéral sur la
sécurité sociale
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'aurais certainement
une question et probablement des questions supplémentaires à la
suite des réponses que me donnera le premier ministre sur un sujet
extrêmement important et d'actualité qu'est le dépôt
du livre blanc du gouvernement fédéral sur la
sécurité du revenu.
Je voudrais d'abord, comme première question, demander au premier
ministre s'il y a eu consultations entre le gouvernement fédéral
et les provinces, et en particulier le Québec, avant le
dépôt du livre blanc. S'il y a eu des consultations, à quel
niveau se sont-elles faites?
M. BOURASSA: M. Munro a rencontré M. Castonguay à
Québec, il y a une dizaine de jours, pour discuter de cette
question.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, une question
supplémentaire. Est-ce que le dépôt du livre blanc, les
mesures et les propositions qu'il contient sont interprétées, par
le premier ministre et le gouvernement du Québec, comme un refus
catégorique d'accéder au désir et aux
représentations du Québec de rapatrier la sécurité
sociale notamment le champ des allocations familiales et la
sécurité de la vieillesse?
M. BOURASSA: M. le Président, nous interprétons cela comme
une position de départ dans des négociations qui auront lieu.
Nous attendons sous peu, quant à nous, le dépôt de la
cinquième tranche, je crois, du rapport Nep-veu-Castonguay sur la
sécurité du revenu. Nous avons dit que nous publierions
très prochainement un livre blanc sur la main-d'oeuvre. Donc, à
la lumière de ces deux documents, à la lumière de la prise
de position du gouvernement du Québec au cours de la dernière
conférence constitutionnelle, nous établirons la position
officielle du Québec. Mais il est évident que le livre blanc qui
a été déposé hier au Parlement du Canada ne change
en aucune façon la position actuelle du gouvernement du Québec
sur la question de la sécurité sociale telle
qu'énoncée dans notre mémoire soumis à la
conférence constitutionnelle.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, une autre question
supplémentaire.
M. LE PRESIDENT: Je permettrai au député de Montmagny une
dernière question. Autrement, cela devient un contre-interrogatoire.
M. CLOUTIER (Montmagny): Une dernière question. M. le
Président, je voudrais pouvoir résumer dans cette question toutes
les...
M. LE PRESIDENT: Je pense qu'on aurait besoin de plus d'une
demi-heure.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, étant
donné que le livre blanc qui a été déposé
entre dans plusieurs secteurs : les allocations familiales, le régime
des rentes, la sécurité de la vieillesse, évidemment, tous
des points qui ont des implications sur notre législation à nous,
je voudrais demander au premier ministre quelles sont les initiatives qu'il
entend prendre maintenant. Plusieurs initiatives ont été prises
dans le passé, par le gouvernement du Québec, notamment la Loi
des allocations scolaires, la Loi du régime des rentes, la Loi du
régime québécois d'allocations familiales et notre Loi
d'aide sociale qui allait plus loin. Dans l'esprit du premier ministre et du
futur ministre des Affaires sociales, quelles sont maintenant les mesures que
le gouvernement pourrait prendre, avec la collaboration et l'approbation de
l'Opposition, pour ajouter, pour reprendre des initiatives qui pourraient faire
prévaloir le point de vue du Québec?
M. BOURASSA: J'ai déjà répondu partiellement
à cette question, M. le Président. On ne doit pas
considérer le livre blanc comme une politique définitive. Qu'on
se souvienne de l'exemple du livre blanc sur la fiscalité. J'ai obtenu
des modifications importantes dans le livre blanc sur la fiscalité, au
cours du mois d'août, notamment dans le secteur minier. J'ai dit, il y a
quelques jours, que le ministre de la Santé et le ministre du Travail
avaient rencontré leurs collègues fédéraux pour
discuter de cette question. Nous attendons actuellement le rapport de la
commission Nepveu-Castonguay, le cinquième volume,
précisément sur cette question de la sécurité du
revenu, pour déterminer, d'une façon définitive, la
position du Québec, à la lumière des principes qui ont
été énoncés dans le passé par le
gouvernement actuel du Québec et par les précédents
gouvernements.
M. LAURIN: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Une question supplémentaire sur le même
sujet?
L'honorable député de Bourget.
M. LAURIN: Etant donné qu'à la conférence de
Winnipeg, le premier ministre a dit que la responsabilité prioritaire
appartenait au gouvernement du Québec dans ce domaine, étant
donné que lors de la campagne électorale, le programme du Parti
libéral prévoyait le rapatriement complet des pensions de
vieillesse et des allocations familiales, ce qui est très précis
et très net, étant donné que dans les intentions qui nous
ont été communiquées hier, il y a l'annonce de projets
portant sur ces deux points particuliers, est-ce que le premier ministre
entend, sur ces deux points au moins, affirmer immédiatement ce qu'il a
toujours affirmé ou au contraire, s'il ne le peut pas, est-ce qu'il peut
manifester son intention d'aligner la politique du Québec sur celle
d'Ottawa?
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai répondu tantôt.
Si le député de Bourget avait écouté...
M. LAURIN: J'ai écouté...
M. BOURASSA: J'ai dit que le livre blanc qui a été
déposé hier ne changeait d'aucune façon le point de vue du
Québec, qui avait été exprimé à la
conférence constitutionnelle de septembre. Si le député de
Bourget avait écouté, il ne poserait pas de question inutile.
M. LAURIN: J'ai bien écouté, mais de nouveau, vos
réponses m'ont semblé confuses et imprécises.
M. BOURASSA: C'est confus pour le député parce qu'il veut
trouver cela confus, parce que, précisément, cela crée de
la confusion chez lui.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Lotbinière.
Don fédéral de blé
M. BELAND: M. le Président, en l'absence du ministre de
l'Agriculture et de la Colonisation, je poserai une question à
l'honorable premier ministre. A la suite de l'annonce du don de 100,000 tonnes
de blé, d'une valeur de $7 millions, fait par le gouvernement canadien
à la Turquie blé provenant de l'Ouest canadien le
premier ministre a-t-il l'intention de demander au gouvernement
fédéral de faire des dons équivalents aux producteurs
agricoles du Québec aux prises présentement avec une situation de
misère?
M. BOURASSA: Je m'excuse. Je parlais avec mon collègue. Vous avez
parlé de la Turquie, de ce qui avait été fait pour la
Turquie?
M. BELAND: Je reposerai volontiers ma question à l'honorable
premier ministre. A la suite de l'annonce du don de 100,000 tonnes de
blé, d'une valeur de $7 millions, fait par le gouvernement canadien
à la Turquie blé provenant de l'Ouest canadien le
premier ministre a-t-il l'intention de demander au gouvernement
fédéral de faire des dons équivalents aux producteurs
agricoles du Québec aux prises avec une situation de misère?
M. BOURASSA: Le ministre de l'Agriculture a assisté à la
conférence fédérale-provinciale sur la politique
fédérale en matière d'agriculture. Il a fait valoir le
point de vue du Québec. Il pourra répondre, demain probablement,
à des questions de cette nature. Le député traite d'une
question très générale: l'aide qu'un pays comme le Canada
doit apporter au Tiers-Monde dans différents secteurs, notamment dans le
secteur agricole. Je pense que le député pourra poser sa question
au ministre de l'Agriculture.
M. BELAND: Une question supplémentaire, M. le Président. A
la suite justement de cette rencontre fédérale-provinciale du
ministre de l'Agriculture avec son homologue du fédéral, est-ce
que le ministre a obtenu la certitude du remboursement des $10 millions de
subsides sur le lait annulés aux producteurs de lait du
Québec?
M. BOURASSA: Vous poserez la question au ministre.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
Spectacle destiné aux CEGEP
M. SAMSON: J'aimerais poser une question à l'honorable ministre
de l'Education. Nous apprenons qu'une troupe théâtrale ayant
joué dans la région de Gaspé l'été dernier,
dont les recettes ont profité apparemment à la Maison du
pêcheur libre et dont, selon mes informations, les participants se
produisent de façon indécente sur scène, serait sur le
point de se produire lors d'une tournée de certains CEGEP. Selon toute
apparence, les arrangements seraient déjà fait. Est-ce que le
ministre peut dire s'il a l'intention d'empêcher ce genre de choses dans
nos CEGEP.
UNE VOIX: Cela relève des Affaires culturelles.
M. SAINT-PIERRE: II y a réellement beaucoup d'hypothèses
et de suppositions dans votre question. Je suis pour la liberté
individuelle, mais je suis aussi d'avis lorsque la liberté individuelle
atteint celle des autres de voir à ce que l'ordre soit
rétabli.
M. SAMSON: M. le Président, je conçois que
le ministre a le droit de me répondre ou de ne pas me
répondre; mais s'il n'a pas bien compris ma question, je pourrais la
reprendre. Il s'agirait de spectacles soi-disant indécents qui seraient
sur le point de se produire dans nos CEGEP. Et je voudrais savoir si le
ministre est d'accord avec cela, oui ou non.
M. LE PRESIDENT: Je ferai remarquer au député de
Rouyn-Noranda que, dans la forme de sa question, il y a beaucoup
d'hypothèses et de suppositions, ce qui n'est pas permis d'après
les règlements. Le député de Rouyn-Noranda pourrait
peut-être poser la même question sous une autre forme.
M. SAMSON: II me fait plaisir de me plier à vos directives et de
reprendre la question. Il s'agit de la troupe de théâtre "La
Trinité" au sujet de laquelle j'ai un article de journal en main. Je
n'ai pas le droit de le citer, mais je pourrai le donner au ministre si cela
l'intéresse.
M. SAINT-PIERRE: Je prends avis de la question, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
Investissements à la baie James
M. PAUL: M. le Président, est-ce que je pourrais demander
à l'honorable premier ministre, lui qui est toujours heureux de nous
annoncer des mesures susceptibles de stimuler l'économie, s'il a des
renseignements supplémentaires à nous communiquer au sujet de
l'investissement éventuel des Caisses Populaires Desjardins dans un
grand, grand projet qu'on situerait à la baie James?
M. BOURASSA: M. le Président, je pense que le gouvernement ne
peut pas annoncer de politique définie sur cette question avant d'avoir
reçu le rapport de rentabilité de l'HydroQuébec. Il y a
différentes hypothèses de manière à favoriser la
participation des Québécois et de manière à
permettre au Québec de tirer bénéfice au maximum de ces
ressources qui peuvent être discutées. Mais, la politique
définie du gouvernement du Québec ne pourra être
énoncée que lorsque nous aurons le rapport de
l'Hydro-Québec sur la rentabilité du projet.
M. PAUL: M. le Président, je remercie le premier ministre; cela
complète les renseignements fournis par le ministre de l'Education.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
Rencontres
fédérales-provinciales
M. LAURIN: Ma question s'adresse au premier ministre. La semaine
dernière, le premier ministre a annoncé toute une brochette de
rencontres importantes avec des ministres fédéraux; ainsi par
exemple, il nous avait dit que le ministre des Finances devait rencontrer son
homologue, M. Benson; que lui-même devait rencontrer M. Andras, celui qui
s'occupe des logements, et aussi M. Marchand. J'aimerais poser les questions
suivantes au premier ministre. La première: Est-ce que le gouvernement
fédéral contribuera au financement des travaux de voirie de $162
millions déjà annoncés, étant donné qu'il
nous avait dit que l'entente transcanadienne n'était pas
renouvelable?
La deuxième: Est-ce que l'entente concernant les $180 millions
destinés à l'habitation a pu être signée?
La troisième: Est-ce que le gouvernement a réussi à
faire débloquer les fonds nécessaires pour financer un programme
de rénovation urbaine, étant donné que les chiffres
avancés restaient encore dans l'imprécision et la confusion?
M. BOURASSA: M. le Président, de fait, le ministre des Finances a
rencontré M. Benson. J'ai discuté, personnellement, durant
quelques heures, avec MM. Andras et Marchand. Les résultats de toutes
ces rencontres, je suppose, seront connus au cours du discours sur le budget
prononcé par M. Benson jeudi soir.
Je peux répondre d'une façon plus précise à
la deuxième question: Le gouvernement du Québec a reçu une
lettre du ministre, M. Andras, lui disant qu'il pouvait engager les fonds de
$150 millions, la contribution provinciale étant de $30 millions, donc
la somme totale est de $180 millions, pour la construction d'habitations
à loyer modique créant par là près de 20,000
nouveaux emplois.
M. LAURIN: J'ai une autre question supplémentaire. Il reste donc
que, pour les deux autres projets, on sera obligé, encore, d'attendre
les annonces et les décisions d'Ottawa.
M. BOURASSA: Le député de Bourget, avec son
expérience maigre mais quand même suffisante, devrait comprendre
que le gouvernement du Québec ne peut pas... Le député
doit savoir qu'un discours sur le budget est quelque chose de secret que le
gouvernement ne peut pas dévoiler. De toute façon, ce n'est pas
à lui d'énoncer ces programmes; il peut avoir fait ses
représentations. Nous avons fait les représentations du
Québec auprès de M. Andras, de M. Benson et de M. Marchand, mais
c'est le gouvernement fédéral qui prendra les décisions
finales; c'est normal, puisque c'est M. Benson, le ministre
fédéral des Finances, qui va faire le discours, jeudi soir.
Ce que me demande le député de Bourget, c'est de dire ce
que M. Benson va déclarer dans son discours sur le budget, jeudi soir.
Je trouve étonnant qu'il me pose une telle question.
M. LAURIN: C'est parce qu'il s'agissait de vieux projets, que le
gouvernement connaît bien et pour lesquels la population du Québec
attend une décision depuis longtemps, surtout dans la crise
actuelle.
M. BOURASSA: Un discours sur le budget aura lieu dans les 48 heures.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Maurice;
Carte d'identité
M. DEMERS: Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Le ministre
de la Justice pourrait-il dire à cette Chambre s'il a pris oui ou non
connaissance du sondage à l'effet que la population serait favorable
à la carte d'identité, dans la mesure de 83 p. c. ?
M. CHOQUETTE: Oui.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beau ce.
UNE VOIX: C'est un oui éloquent. M. DEMERS: Cela vous
impressionne?
Taxe du progrès social
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question à
poser à l'honorable premier ministre. Par suite de l'annonce faite par
M. Trudeau, la semaine dernière, à l'effet que les $230 millions,
que devait recevoir le Québec pour la taxe de progrès social, ne
lui seraient pas remis, le premier ministre pourrait-il informer les membres de
cette Chambre si c'est l'intention de son gouvernement d'entreprendre de
nouveaux pourparlers en vue de récupérer cette somme pour les
différents besoins du Québec?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je crois que cette question a
été posée à plusieurs reprises depuis quelques
semaines. J'ai remarqué également, jeudi ou vendredi dernier, que
le premier ministre a répondu, d'une manière assez
élaborée, à cette question. Ce n'est pas à moi de
répéter la réponse. Quand même, plusieurs
députés ont des questions à poser et je crois qu'on a
répondu d'une manière très explicite et à la
satisfaction de la Chambre. Je ne sais pas si le député de Beauce
était absent.
M. ROY (Beauce): J'étais présent, M. le Président,
mais disons que je voulais demander au premier ministre s'il y avait eu de
nouveaux pourparlers ou de nouvelles démarches de faites en fin de
semaine à ce sujet-là.
M. BOURASSA: M. le Président, des démar- ches constantes
se font sur ce sujet-là. Je viens de répondre au
député de Bourget. Je réfère le
député à l'article 679, à la suggestion du leader
parlementaire de l'Opposition.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.
Travaux de voirie
M.TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, ma question s'adresse
au premier ministre. Le premier ministre est-il d'accord avec les
déclarations de son ministre du Travail, à l'effet que les
investissements récemment annoncés dans le domaine de la voirie
ne créeraient aucun nouvel emploi et serviraient tout simplement
à maintenir le niveau actuel des emplois?
M. BOURASSA: M. le Président, je pense que le
député fait un jeu de mots. Le ministre du Travail a
déclaré que les nouveaux emplois que nous créons par les
investissements publics accrus au niveau provincial et fédéral
vont empêcher la hausse du chômage. Cela crée de nouveaux
emplois, mais le problème est qu'il y a une hausse du chômage due
à une conjoncture nord-américaine et à des
événements qui sont survenus au Québec. Le fait que le
gouvernement du Québec agisse, et agisse substantiellement une
dizaine de mesures ont été annoncées
révèle que le gouvernement du Québec est conscient du
problème.
M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Question supplémentaire, M. le
Président.
UNE VOIX: C'est donc malheureux!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Le ministre du Travail a bel et bien
annoncé que cela ne créerait aucun nouvel emploi.
M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement. Le
député de Sainte-Marie prend un titre de journal pour conclure
que le ministre du Travail a dit telle chose. Le ministre du Travail a dit, de
fait, que les investissements publics qui étaient faits
empêcheraient une hausse plus grande du chômage. C'est ce qu'il a
dit. Le député ne peut pas nier que de nouveaux emplois seront
créés, quand même! C'est évident que les $162
millions de travaux de voirie et les investissements dans Sidbec, dans
l'habitation ou dans les autres secteurs vont créer
inévitablement de nouveaux emplois.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Une dernière question, M. le
Président. Etant donné que j'aimerais être renseigné
là-dessus, est-ce que je dois prendre la déclaration du premier
ministre ou celle du ministre du Travail?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Lafontaine.
United Aircraft et aéroport de
Sainte-Scholastique
M. LEGER: Une question supplémentaire au premier ministre. Etant
donné qu'on est dans le domaine des emplois nouveaux qui ne remplacent
pas les anciens emplois qui ont été perdus, le premier ministre
serait-il prêt à donner une réponse aux questions que j'ai
posées la semaine dernière et dont il a dit qu'il prenait avis,
concernant la United Aircraft et Sainte-Scholastique? Dans le premier cas, je
lui disais que le gouvernement avait accordé une subvention de $5
millions dans le but justement de permettre à la compagnie United
Aircraft d'investir $40 millions additionnels qui amèneraient 650
emplois de plus. D'après nos renseignements, il y avait
déjà 700 mises à pied.
M. LEVESQUE: M. le Président, les renseignements, le
député...
M. LEGER: Est-ce que je puis terminer ma question?
M. LEVESQUE: ...s'il veut les donner...
M. LE PRESIDENT: Une question de règlement.
M. LEVESQUE: Un instant. Est-ce qu'on demande des renseignements ou si
on veut en donner?
M. LEGER: Je n'ai même pas terminé ma question, M. le
Président.
M. LEVESQUE: D'après moi, la question a été
posée la semaine dernière. Elle est terminée et la
réponse sera donnée au cours de la semaine.
M. LEGER: Alors, la deuxième question, pour Sainte-Scholastique,
la même chose?
M. LEVESQUE: Même chose.
M. LEGER: Avec sa grande expérience, on n'avance pas.
M. CHARRON : Cela ne presse pas, de toute façon!
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Sauveur.
La prison d'Orsainville
M. BOIS: M. le Président, est-ce que le ministre de la Justice
pourrait dire à cette Chambre par qui et comment on a pu faire enlever
du contrat de construction de la prison ou de la pouponnière
d'Orsainville, si vous préférez, les tours de contrôle en
périphérie, ainsi que les clôtures de béton qui
dégagent près de la moitié du complexe de la prison?
M. CHOQUETTE: Est-ce que le député pourrait
répéter sa question? Je ne l'ai pas comprise.
M. BOIS: Le ministre de la Justice sait-il par qui et comment on a fait
enlever du contrat de construction de la prison, j'ajouterai même de la
pouponnière d'Orsainville, les tours d'observation en
périphérie, ainsi que les clôtures de béton qui
dégageraient près de la moitié du complexe de la
prison?
M. CHOQUETTE: Je n'ai pas compris la question. C'est une question qui
est trop compliquée pour le ministre de la Justice.
M. LESSARD: M. le Président... M. BOIS: Merci, M. le ministre.
UNE VOIX: Au feuilleton.
M. CHOQUETTE: J'invite le député à poser sa
question au ministre des Travaux publics.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le député de Saguenay.
Le Conseil régional de l'Est du
Québec
M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre
responsable de l'Office de développement de l'Est du Québec. En
fin de semaine dernière, le ministre déclarait à Rimouski
que le Conseil régional de développement de l'Est du
Québec ne serait plus son interlocuteur valable. Il a également
laissé entendre qu'il serait favorable à la disparition de cet
organisme de consultation qui, selon lui, ne joue plus le rôle qui lui
revient.
Ma première question est celle-ci: Le ministre peut-il d'abord
nous dire s'il a été bien cité? Il semble que oui. Est-ce
que le ministre a été bien cité cette fois?
M. TESSIER: Très bien.
UNE VOIX: Comme à Halifax?
M. LESSARD: Très bien cité. Ma deuxième question
s'adresse au premier ministre:
Cette déclaration représente-t-elle la position du
gouvernement vis-à-vis du CRD de l'Est du Québec et les CRD en
général?
M. BOURASSA: M. le Président, je n'ai pas pris connaissance de la
déclaration en question, mais je crois, si je comprends bien la question
du député, que le CRD, dans la vue du ministre,
ne serait pas l'interlocuteur exclusif de la région.
M. LESSARD: Ne serait plus l'interlocuteur valable.
M. BOURASSA: Or, si c'est le sens de la déclaration...
M. LESSARD: M. le Président, on vient de dire qu'il a
été bien cité. J'ai pris la précaution de lui faire
dire qu'il a été bien cité.
M. BOURASSA: Est-ce que le député va me laisser le temps
de lui répondre?
M. LESSARD: Allez-y, mais répondez directement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BOURASSA: Le ministre a dit, si j'ai bien compris, que le CRD
n'était pas l'interlocuteur exclusif de la Gaspésie, que les
députés avaient un rôle à jouer. C'est ce que le
ministre a dit. Nous sommes d'accord avec le ministre.
M. LESSARD: Est-ce que vous pourriez informer le premier ministre?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable ministre des Affaires
municipales.
M. TESSIER: M. le Président, j'aimerais apporter certaines
précisions. Comme je l'ai dit, au moins un journal parce que
c'est le seul que j'aie lu aujourd'hui a rapporté mes propos
d'hier soir à Rimouski, lors d'une causerie devant la chambre de
commerce et les clubs sociaux. J'ai lu le journal Le Soleil qui a parfaitement
rapporté mes déclarations. Je disais ceci: Je crois qu'on doit se
poser la question et repenser le rôle que doit jouer le CRD parce que je
crois qu'actuellement la population du territoire est saturée et
même écoeurée de l'animation et de la consultation, et que
l'on doit redonner aux députés du territoire leur
véritable rôle comme élus du peuple pour faire les
représentations qui s'imposent auprès de l'ODEQ et du ministre
responsable du plan de développement. Il y a lieu également de
redonner aux conseils municipaux leur rôle en tant qu'élus du
peuple, leur rôle consultatif, de même qu'aux chambres de commerce
et autres associations comme l'UCC et les syndicats.
C'est ce que j'ai déclaré hier soir à Rimouski. Je
tiens à le préciser de nouveau devant cette honorable Chambre et
je crois que, dans ce cas-là, le journal Le Soleil a très bien
rapporté mes déclarations.
M. LESSARD: Question supplémentaire. Est-ce que le ministre
pourrait nous dire s'il prévoit d'autres organismes de planification,
puisqu'on sait actuellement, par exemple, qu'auprès de l'Office de
planification et de développement économique du Québec ce
sont les CRD qui sont les interlocuteurs valables? Le ministre pourrait-il nous
dire quand même s'il veut laisser la planification au petit patronage ou
s'il prévoit d'autres organismes qui représenteront
l'intérêt de l'ensemble de la population?
M. LEVESQUE: M. le Président, pourrais-je attirer votre attention
sur le genre de question qui vient d'être posée par l'honorable
député? Ce n'est pas une question.
M. CHARRON: C'est "achalant".
M. LEVESQUE: C'est "achalant" mais ce n'est pas selon les règles
parlementaires. Et si on met de côté et je parle
particulièrement à l'intention du député de
Saint-Jacques les règles parlementaires, on s'attaque directement
à l'Opposition, parce que, justement, les règles parlementaires
sont faites pour protéger l'Opposition et les minorités, dans
cette Chambre.
UNE VOIX: C'est ça.
M. LEVESQUE: C'est justement pour protéger les minorités
dans cette Chambre. Vous n'avez qu'à faire fi des règles
parlementaires, vous n'avez qu'à mettre de côté le livre de
règlements, et en même temps vous mettez de côté
votre liberté d'expression.
M. PAUL: M. le Président, j'invoque le règlement. Je vous
demande de ne pas mettre de côté le règlement ni aucune des
mesures suggérées par le leader du gouvernement parce qu'en
partie il a raison.
Et, ayant le privilège d'être debout, est-ce que je
pourrais demander à l'honorable ministre l'insigne privilège de
recevoir une copie de son discours?
M. TESSIER: M. le Président, malheureusement, je n'avais pas de
texte.
M. BERTRAND: Cela a dû être un de vos bons.
M. TESSIER: J'ai parlé avec des notes, mais avec votre
permission, M. le Président, je vais essayer de deviner la question qui
m'était posée...
DES VOIX: Non, non.
M. TESSIER: ... par mon honorable collègue qui a peur du
patronage.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il n'y a pas eu de question à cet
effet-là, à ma connaissance.
M. TESSIER: Je voudrais, M. le Président,
avec votre permission, préciser davantage au sujet de la
déclaration que j'ai faite tout à l'heure...
M. CARDINAL: II n'y a pas eu de question et nous ne donnons par la
permission.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela allait bien...
M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'honorable ministre des Affaires
municipales aimerait expliciter la réponse qu'il a apportée tout
à l'heure?
M. TESSIER: D'accord, c'est ça, M. le Président, que je
veux faire. J'ai, de plus, déclaré que le CRD, dans la nouvelle
entente, ne serait pas le seul et unique interlocuteur pour représenter
la population vis-à-vis des gouvernements. C'est ça que j'ai
précisé...
M. PAUL: Vous rejoignez presque la suggestion du premier ministre.
M. TESSIER: ... comme la chose existait et existe dans l'entente
actuelle, signée en mai 1968 mais qu'en plus le CRD coûte
énormément cher à la population, puisque le CRD
reçoit des subventions de l'ordre d'environ $300,000 annuellement, ce
qui veut dire $1,500,000 en cinq ans. Je crois par conséquent, que cette
somme de $1,500,000 peut être dépensée à bien
meilleur escient, à réaliser des projets et à créer
des emplois nouveaux dans le territoire. C'est pour cela que je crois qu'il
vaut mieux qu'il n'y ait pas qu'un seul interlocuteur mais que les
députés soient consultés à l'avenir, tout comme les
conseils municipaux.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question
supplémentaire. Suite à sa déclaration, est-ce que le
ministre pourrait nous dire si c'est son intention ou l'intention du
gouvernement de reconsidérer complètement la politique de
subventions aux conseils économiques régionaux et aux conseils
régionaux de développement? J'avais posé une question
là-dessus la semaine dernière.
M. TESSIER: Je n'ai pas, M. le Président, du tout
considéré cette question. Je sais, par contre, que la plupart des
CRD, dans toute la province, reçoivent une subvention d'environ $30,000.
Je crois que la somme de $30,000 est raisonnable mais non pas la somme de
$300,000 annuellement. Je veux que le CRD de l'Est du Québec soit, en
somme, sur un pied d'égalité avec les CRD des autres territoires
de la province.
M. VINCENT: Question supplémentaire, M. le Président. A
quel moment le CRD doit-il présenter son rapport annuel
d'activités?
M. TESSIER: Je regrette, mais je ne pourrais pas répondre
à cette question.
M. LE PRESIDENT: Je vais permettre... M. TESSIER: Je l'ignore.
M. LE PRESIDENT: ... deux dernières questions aux
députés de Mégantic et de Chicoutimi.
Enseignants non payés
M. DUMONT: Ma question, M. le Président, s'adresse au ministre de
l'Education. Au-delà de 25 enseignants de la région de Matane et
de la régionale des Monts n'ont pas été payés
depuis le début de l'année scolaire. Est-ce que le ministre de
l'Education songe à résoudre ce problème, qui devient
très grave dans cette région?
M. SAINT-PIERRE: Oui, nous avons déjà eu des discussions
avec le ministère des Finances. Nous comptons, d'ici une dizaine de
jours, pouvoir dans ces cas précis, transmettre des subventions,
même lorsqu'il y a eu des déficiences marquées au niveau de
la perception de la taxe locale pour qu'avant la période des
fêtes, tous les professeurs reçoivent leur traitement.
M. DUMONT: A Noël, pas à Pâques. M. SAINT-PIERRE:
Pardon?
M. DUMONT: A Noël, pas à Pâques. Cela va être
réglé pour Noël.
M. SAINT-PIERRE: J'ai dit dans dix jours.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je
préfère ne pas parler après le député de
Mégantic. Je poserai ma question demain!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Affaires du jour.
Question de privilège
Article du Nouvelliste
M. LEVESQUE: M. le Président, sur une question de
privilège, je voudrais faire simplement une mise au point à la
suite d'un article publié dans le Nouvelliste de Trois-Rivières,
en date du 24 novembre 1970, concernant la fermeture de la Wabasso de son usine
de Grand'Mère.
Un journaliste, M. Jean-Pierre Gagnon, m'avait
téléphoné pour me demander si le ministère
de l'Industrie et du Commerce allait donner une subvention à la
Wabasso, si cette compagnie s'installait ailleurs. J'ai répondu, entre
autres, à la questions suivante: Si l'industrie s'établit
à tel endroit, est-ce que vous allez verser une subvention? J'ai
répondu que, dans ce territoire, il y avait des subventions de l'ordre
de 25 p. c. .
C'est toujours là le danger lorsque le ministre de l'Industrie et
du Commerce répond, et surtout d'une façon incomplète,
parce qu'on ne peut non plus donner toutes les lois ni surtout toutes les
circonstances qui entourent quelquefois des demandes de cette sorte. Le titre
de cet article est: "Wabasso pourrait profiter d'une prime à
l'investissement de $1,250,000." M. le Président, je dois
premièrement rappeler à ce journaliste que la loi prévoit
un maximum de $500,000 d'investissement. Et même si je dis que c'est une
zone de 25 p. c, on ne peut pas tenir pour acquis que, s'il y a un
investissement de $5 millions, il y a une subvention de $1,250,000. Ces choses
m'ont été signalées en fin de semaine. Je tiens à
dire que cet article n'est ni conforme aux faits, ni conforme à notre
loi.
Je puis simplement ajouter, pour compléter ma réponse,
qu'encore faudrait-il qu'une demande ait d'abord été
adressée au ministère fédéral de l'Expansion
économique régionale. Nous ne serions, en effet, habilités
à intervenir que dans le seul cas où une demande bona fide de
subvention aurait été refusée par Ottawa.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. LEVESQUE: Article 3.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose que je
quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité.
Cette motion sera-t-elle adoptée?
M. PAUL: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. HARDY (président du comité plénier): A l'ordre,
messieurs! Article 9 du bill 48.
Projet de loi no 48 Comité plénier
(suite)
M. CHOQUETTE: A l'article 9, M. le Président, lors de notre
dernière séance, le député de Maisonneuve avait
suggéré deux amendements: un à l'article 240 pour y
ajouter les mots "suivant les besoins" et un autre à l'article 240a)
pour y ajouter "s'ils ne l'ont pas abandonné".
Quant à la première suggestion, je crois devoir
répondre que l'amendement suggéré par le
député est conforme aux règles qui s'appliquent
habituellement en matière alimentaire, c'est-à-dire que la
pension alimentaire ou les aliments sont toujours dus en fonction des besoins
de celui qui réclame et en fonction des moyens de celui qui donne. Par
conséquent, je ne crois pas que l'amendement suggéré soit
nécessaire dans les circonstances puisque l'article 240 soumet les
devoirs alimentaires des parents et des enfants naturels aux règles qui
s'appliquent pour les enfants légitimes.
Je ferais une réponse identique quant à la suggestion
d'amendement à l'article 240a). Le député soulève,
à juste titre, je crois, une situation qui peut se produire, celle
d'abandon d'enfants. Evidemment, il faut se rappeler que même des parents
légitimes peuvent, en quelque sorte, abandonner leurs enfants ou ne pas
s'acquitter normalement de leurs devoirs alimentaires ou de leurs devoirs de
parents à l'égard de leurs enfants, mais ceci n'est pas une
raison pour qu'il n'y ait plus de devoirs alimentaires réciproques entre
les deux. Par conséquent, même si la suggestion du
député part de la constatation d'une situation réelle qui
peut se produire, d'une situation qui peut poser quelque problème, je
crois qu'il comprendra que le juge, qui serait appelé à statuer
sur des aliments qui pourraient être dus à des parents par
l'enfant naturel, considérera quand même sur le plan de
l'équité l'obligation de l'enfant naturel à l'égard
des parents qui l'auraient adandonné. Il va la considérer avec
toute la circonspection et avec tout le sérieux ou l'absence de
sérieux que mériterait une demande de cette nature-là.
Mais, je ne crois pas, en somme, même si la situation concrète,
soulignée par le député, peut correspondre à la
réalité dans certaines circonstances, que c'est une raison
suffisante pour mettre de côté le principe que nous cherchons
à faire passer dans ce projet de loi, c'est-à-dire, de
rétablir le statut de l'enfant naturel pour qu'il soit le plus possible
conforme à celui de l'enfant légitime.
M. BURNS: M. le Président, cette observation que j'ai faite
vendredi, à l'article 240, était beaucoup plus une question que
je posais au ministre de la Justice qu'une suggestion. Quant à l'article
240a), je faisais une suggestion, étant donné que, sans doute, le
comité de révision du code civil s'était penché,
lui, sur le problème et qu'il la faisait, cette suggestion-là. En
somme, je n'inventais rien en faisant cette suggestion. Je me demandais s'il
n'y avait pas lieu, tout simplement, de donner suite à la recommandation
textuelle du comité de révision du code civil qui, lui, mentionne
le phénomène de l'abandon. Il le mentionne, d'ailleurs, à
un autre endroit, un peu plus loin, mais le texte du bill 48 n'en tient pas
compte.
M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 9, adopté?
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais juste répondre
à l'honorable député et lui dire que Me Morin, qui
était à côté de moi et qui a préparé
le projet de loi définitif, a consulté Me Crépeau et Me
Myrand et qu'ils sont d'accord avec le texte final suggéré, en
rapport avec l'article 240a). Comme je le disais tout à l'heure, le
problème soulevé par le député est réel,
mais je crois qu'il faut faire confiance aux tribunaux pour régler ces
problèmes de façon équitable. Quant à l'abandon, je
ne pense pas que nous puissions introduire cette notion à l'occasion des
obligations alimentaires.
M. BURNS: Je crois qu'elle existe déjà ailleurs, M. le
Président. En tout cas, je n'insisterai pas là-dessus. Je
soulevais le problème.
M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 9, adopté. Article 10?
Adopté. Article 11? Adopté?
M. BERTRAND: L'article 2 avait été suspendu.
M. BURNS: M. le Président, à l'article 11, encore une
fois, je le souligne, c'est un autre endroit où l'office de
révision suggérait, à la fin du texte, d'ajouter "pour
autant qu'il n'y ait pas d'abandon". Evidemment, je pourrais faire les
mêmes remarques...
M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 11, adopté?
M. CHOQUETTE: Oui, nous avons voulu, encore ici, que nos lois situent
les enfants naturels sur un pied d'absolue égalité avec les
enfants légitimes.
M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 12, adopté? Adopté.
L'article 2 avait été suspendu.
M.PAUL: C'est ça.
M.BERTRAND: Etant donné le deuxième paragraphe, nous
voulions faire disparaître les derniers mots du premier paragraphe:
"L'enfant naturel mineur doit, pour contracter mariage, obtenir le consentement
de son père ou de sa mère."
M. CHOQUETTE: Me Morin me dit, en réponse à la suggestion
de l'honorable chef de l'Opposition, que les situations prévues au
premier alinéa et au deuxième alinéa quant à
l'abandon de l'enfant naturel ne sont pas exactement identiques. Au premier
alinéa, l'enfant mineur devrait obtenir le consentement du parent qui ne
l'a pas abandonné pour se marier. En somme, si le père a
abandonné l'enfant, on sera satisfait, en vertu du texte de loi, que
l'enfant ait le consentement de sa mère pour se marier, même
lorsqu'il est mineur.
Au deuxième alinéa, il s'agit d'une situation
différente, puisque les mots sont au pluriel, ce qui indique que les
deux parents auraient abandonné l'enfant et que, par conséquent,
l'enfant se trouverait privé de tout parent.
M.BERTRAND: Je n'ai pas d'objection, mais je pense que cela ne
répond pas à ma question.
M. LE PRESIDENT (Hardy): Article 2, adopté?
M. PAUL: Adopté.
M. LAURIN: M. le Président, avant que ne soit terminée
l'étude en comité plénier, malheureusement, je
n'étais pas ici quand l'étude a commencé est-ce que
le ministre pourrait nous dire où en sont les travaux de l'Office de
révision du code civil pour les autres matières qui concernent
les enfants naturels mais qui ne sont pas encore touchées, comme par
exemple la successibilité, l'ab intestat, etc?
M. CHOQUETTE: Je peux donner fort peu de renseignements à
l'honorable député, parce que je n'ai pas en mémoire les
renseignements qu'il me demande. Et comme il le sait lui-même, je crois,
il s'agit d'une matière extrêmement difficile sur le plan
juridique que celle du sujet qu'il a soulevé, d'ailleurs, dans son
intervention en deuxième lecture, c'est-à-dire tout le
problème de la famille naturelle, ou de la famille qui n'a pas de statut
juridique fondé...
M. LAURIN: Pleine égalité du statut. M. CHOQUETTE:
Pardon?
M. LAURIN: La pleine égalité du statut juridique de
l'enfant naturel par rapport à l'enfant légitime.
M. CHOQUETTE: Oui, mais je veux dire que la question qu'il pose
s'insère dans le contexte général de cette famille dont il
a lui-même parlé et on comprendra que, malgré tous les
prodiges d'imagination et de technique législative que l'on puisse
mettre à la disposition des députés, il sera impossible,
en définitive, d'en arriver à l'absolue égalité
sous tous les rapports et en toutes circonstances, parce qu'après tout,
il y en a un qui est fondé socialement sur des régies
acceptées, et l'autre s'est érigé en marge. Evidemment,
nous cherchons à corriger les situations les plus injustes pour
l'individu, pour la personne de l'enfant naturel. Je crois que c'est un
objectif qui a été manifesté par tous les
députés, à quelque parti qu'ils appartiennent. Mais, il
reste tout de même qu'on ne peut pas arriver à cette situation,
théoriquement idéale, de reconnaître autant de
validité à la situation irrégulière par rapport
à la situation régulière.
Mais je note l'intérêt du député, et je me
permets de l'assurer que j'en parlerai au président de l'Office de
révision du code civil pour que les travaux soient
accélérés dans ce domaine.
M. BERTRAND: Même si le ministre ne peut pas me donner de
précisions immédiatement, est-ce que je l'ai bien compris
lorsqu'il a dit que l'ensemble des travaux de l'Office de révision du
code civil, en vue de l'élaboration d'un nouveau code, serait
terminé d'ici deux ans, et que nous pourrions alors avoir un projet qui
serait examiné par une commission de la Chambre?
M. CHOQUETTE: C'est exactement ce que j'ai dit. M. Prévost m'a
dit que son calendrier de travaux, c'est-à-dire les comités qu'il
a mis sur pied dix-huit, m'a-t-il dit travaillent à
refaire toutes les parties du code civil, et je crois que, dans deux ans,
étant donné que nous serons encore là, occupant les
responsabilités du gouvernement...
M. BERTRAND: Je ne gagerai pas sur votre avenir.
M. CHOQUETTE: ... nous aurons le plaisir de déposer à la
Chambre un nouveau projet de code civil.
M. BERTRAND: Mais, vous aurez besoin de nous pour
l'améliorer.
M. CHOQUETTE: Sûrement.
M. HARDY (président du comité plénier): M. le
Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a
procédé à l'étude du projet de loi numéro
48, et il l'a adopté sans amendement.
M. LAVOIE(président de la Chambre): Est-ce qu'il y a
troisième lecture?
M. BERTRAND: Oui.
Troisième lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
troisième lecture du projet de loi numéro 48: Loi modifiant le
Code civil et concernant les enfants naturels. Est-ce que cette motion est
adoptée?
M. PAUL: Adopté.
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la deuxième
lecture du projet de loi numéro 42: Loi du ministère des Affaires
sociales.
L'honorable premier ministre.
Projet de loi no 42
Deuxième lecture
M. Robert Bourassa
M. BOURASSA: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur
de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande
l'étude à la Chambre.
Il est moins que jamais permis, aujourd'hui, à l'Etat d'ignorer
ou de négliger une partie quelconque de ses responsabilités.
L'économique, le social, le culturel, le politique sont à ce
point imbriqués les uns dans les autres, que le
sous-développement d'un secteur particulier risque de saper cet
équilibre toujours précaire sur lequel repose notre
société démocratique.
Cet équilibre n'est pas facile à atteindre. Il est encore
plus difficile à maintenir tant il est vrai que la complexité des
problèmes et la dynamique du changement imposent d'incessantes remises
en question de positions acquises.
Aussi, l'Etat doit-il tenter de faire face à la situation avec le
maximum de réalisme et de clairvoyance. Il lui faut savoir choisir, il
lui faut surtout savoir prévoir. Certes, l'Etat doit, à certains
moments, favoriser un secteur d'action, mettre l'accent sur une dimension
particulière des problèmes de la société; mais, il
ne doit surtout pas, alors, se désintéresser pour autant des
autres aspects de la réalité politique, car son action
privilégiée, dans un secteur donné, en-trafne
nécessairement des conséquences sur les autres secteurs
d'activité étatique.
La priorité, accordée à juste titre à
l'éducation durant la dernière décennie, était la
première étape de l'évolution de la société
québécoise, qui doit maintenant relever les défis de
développement économique, en général, et de
création de nouveaux emplois, en particulier. Notre action d'alors, dans
le domaine particulier de l'éducation, ne déterminait-elle pas
d'avance nos actuelles urgences économiques? Nous devrions pouvoir
tirer, de cette expérience passée, des leçons utiles.
Parmi ces leçons, sans doute qu'une plus grande prise de
conscience de la complémentarité naturelle des grands secteurs de
l'activité de l'Etat nous permettrait de donner à notre
développement un rythme plus régulier et plus fécond. Nous
pourrions éviter ainsi les risques considérables d'une action
gouvernementale trop exclusivement commandée par l'émergence de
crises ou d'urgences plus ou moins dramatiques.
Bref, établir une priorité, ce n'est pas
décréter une exclusivité. Nous croyons, évidemment,
qu'une amélioration sensible de la situation de l'emploi, un
accroissement général des salaires et des revenus, une
atténuation des disparités régionales, un
développement économique plus
articulé constituent des objectifs prioritaires. Ces objectifs ne
peuvent pas être exclusifs, comme nous le signalions au début de
cette session, car, même si nous parvenions à les atteindre d'une
façon raisonnable, nous n'aurions pas, pour autant, résolu les
tensions énormes qui confrontent notre société sur le plan
de la langue et de la culture, sur celui de la qualité de notre vie
démocratique et de nos institutions politiques et sur celui de la
justice et du progrès social.
C'est pourquoi, dans le programme du Parti libéral rendu public
au cours de la dernière campagne électorale, nous fixions quatre
grandes priorités: développement économique,
progrès social, épanouissement culturel, renouveau politique.
C'est dans cet esprit que le gouvernement propose aujourd'hui la
création du ministère des Affaires sociales. Ce nouveau
ministère des Affaires sociales cesse de se définir, selon
l'expression consacrée, comme un simple ministère des
conséquences. Ses pouvoirs et ses responsabilités
l'amèneront à s'attaquer aux causes elles-mêmes des
disparités et des injustices sociales.
Le nouveau ministère se souciera davantage d'harmoniser ses
politiques particulières avec l'ensemble de notre politique
d'éducation, de travail, de main-d'oeuvre et de développement
économique et culturel. Le cloisonnement étan-che entre les
différents services gouvernementaux, largement responsable d'une
certaine inefficacité administrative, doit pouvoir disparaître
à brève échéance. Le nouveau ministère des
Affaires sociales constitue un premier pas, mais important, dans cette voie, en
ce qu'il favorise l'intégration du domaine social à l'ensemble de
la politique de l'Etat.
Nous ne pouvons plus concevoir nos politiques sociales à partir
des anciens schèmes de pensée. Nous nous refusons à
perpétuer plus longtemps une certaine conception parternaliste des
problèmes sociaux du citoyen; conception qui ne révélait
souvent qu'un subtil désir de nous donner bonne conscience devant des
institutions dont nous étions les premiers responsables.
Nos lois sociales ne doivent plus prendre l'allure de concession aux
défavorisés.
Elles doivent venir sanctionner un droit légitime du citoyen et
témoigner du degré de respect que notre société
porte à la dignité et à la liberté de l'homme. Ce
respect de la liberté ne peut se référer uniquement aux
grandes libertés démocratiques et civiles. Il concerne aussi les
droits sociaux et économiques du citoyen, son droit à une
qualité et à un niveau de vie compatible avec les exigences de la
vie moderne. Malgré l'ampleur de ces objectifs, le futur
ministère des Affaires sociales se veut un instrument
particulièrement privilégié de progrès et de
justice sociale.
La création d'un ministère intégré et
fonctionnel des Affaires sociales n'est pas le fruit d'une improvisation
spontanée. Il y a déjà plusieurs années que l'on
songeait à regrouper le secteur de la santé et celui du
bien-être. L'accroissement des responsabilités de ces deux
ministères, la multiplicité des services sociaux, l'importance
exceptionnelle des budgets alloués, la nécessité de
contrôler la croissance inconsidérée des coûts, les
relations naturelles existant entre la santé et le bien-être,
voilà autant de raisons qui militaient en faveur d'une
intégration des deux ministères.
La simple efficacité de nos politiques sociales l'exigeait. Notre
dernier manifeste électoral, comme, sauf erreur, celui d'autres partis,
témoignait de cette volonté de transformer les ministères
de la Santé et de la Famille et du Bien-Etre social en un
véritable ministère des Affaires sociales, spécialement
chargé de la formulation et de l'application des politiques de
santé, de sécurité du revenu et de services sociaux, en
fonction des besoins de l'enfance, de la jeunesse, de la famille et de
certaines autres catégories de citoyens.
Il ne faudrait cependant pas croire que l'adoption d'un projet de loi
à cet effet réalise pour autant les objectifs d'efficacité
recherchés par la fusion des deux ministères. D'importantes
réformes s'imposent au niveau de l'administration interne des
ministères concernés. Une intégration sur papier n'aurait
on le comprend aisément que peu de résultats
pratiques. L'efficacité administrative n'est toutefois pas un objectif
en soi. Elle n'est qu'un moyen de servir les objectifs visés par une
politique en permettant une utilisation maximale des ressources humaines et
financières. Un simple regard sur l'organisation, le personnel et les
budgets consacrés aux Affaires sociales, nous convainc aisément
de la nécessité élémentaire d'en accroître
l'efficacité administrative.
On n'a qu'à constater, M. le Président, le pourcentage du
budget actuel qui est affecté aux affaires sociales en
général et qui est de loin le plus important accordé par
tous les ministères, près de 40 p. c, pour se convaincre et se
persuader de l'urgence d'accorder cette efficacité à ce
ministère, si nous voulons disposer de sommes suffisantes pour
répondre aux besoins sociaux.
On est souvent porté à garder une certaine distance devant
ces plaidoyers sur l'efficacité. On appréhende la froideur d'une
telle approche, surtout quand cette efficacité recherchée
s'applique à des politiques qui ont une résonnance aussi humaine
que celle de la politique sociale. Une politique sociale inefficace, c'est
nécessairement une politique qui comporte des ratés. C'est une
politique qui n'atteint pas ses objectifs; des énergies et des sommes
sont dépensées inutilement; des services requis sont rendus
inadéquatement. Les bénéficiaires de ces politiques en
sont alors les véritables victimes. Aussi, une plus grande
efficacité administrative, loin d'entraîner une
déshumanisation des rapports
sociaux, s'avère au contraire une garantie additionnelle du
respect de l'humain dans l'administration des affaires sociales.
Plus nous aurons de ressources disponibles, pour l'ensemble de la
population qui a droit à ces ressources, plus nous pourrons satisfaire
d'une façon appropriée ses propres besoins. Enfin, je voudrais
simplement rappeler que le présent projet de loi créant un
ministère des Affaires sociales est complété par celui
instituant le Conseil des affaires sociales et de la famille.
Nous avons voulu que la formation des politiques sociales de l'Etat
puisse se faire avec la participation des intéressés. S'il est un
domaine où les décisions unilatérales de l'Etat sont
malvenues, c'est bien celui des affaires sociales. Cette participation
nécessaire,c'est aussi la condition du succès de nos
politiques sociales.
Dans ce débat sur cet important projet de loi, le ministre de la
Santé, de la Famille et du Bien-Etre social, qui sera le nouveau
ministre des Affaires sociales, sera en mesure de répondre à la
Chambre à toutes les questions ou les interrogations sur le calendrier
ou les mesures pratiques qui vont être choisies pour mettre en vigueur ce
ministère des Affaires sociales.
Et je me permettrai, en terminant, de signaler que le
député de Louis-Hébert est particulièrement
compétent, en raison de son expérience passée, pour
assumer les nouvelles tâches de l'un des plus importants
ministères dans l'histoire du Québec.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Santé.
M. Claude Castonguay
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais, dans cette
allocution, toucher certains des points plus concrets que n'a pu le faire le
premier ministre dans son discours de présentation de ce projet de loi,
c'est-à-dire des points qui se collent davantage au principe de
fonctionnement du Ministère, des objectifs plus immédiats qui
sont recherchés et, avec votre indulgence, je vais tenter
d'éviter les répétitions, étant donné que
les représentants de l'Opposition n'ont pu encore prendre la parole dans
ce débat.
La réforme, comme l'indiquait le premier ministre, au terme de
son allocution, vise, en définitive, ou implique trois projets de loi,
c'est-à-dire la Loi du ministère des Affaires sociales, la Loi du
Conseil des affaires sociales et de la famille, la Loi modifiant le
Régime de rentes du Québec, et d'autres dispositions
législatives analogues qui y sont rattachées.
Si je mentionne ces trois projets de loi, c'est que les trois ont
été conçus dans un ensemble et à partir du principe
que les besoins et les problèmes de l'homme ne sont pas isolés
les uns des autres et que, trop souvent, bien souvent ils se complètent
et s'engendrent mutuellement. La réforme proposée par ces projets
de loi, et particulièrement par le projet de loi 42, vise justement
à intégrer certains secteurs de la politique sociale,
c'est-à-dire le secteur de la santé, des services sociaux, des
mesures de sécurité de revenus, de telle sorte que, par cette
intégration, on puisse retrouver davantage l'objet de ces mesures,
c'est-à-dire l'homme.
Elle est donc centrée, cette réforme, en fin de compte ou
en fin d'analyse, sur le citoyen dont les besoins essentiels
présentement ne sont pas toujours satisfaits, non pas
nécessairement par l'absence de politiques ou de mesures ou de
programmes appropriés, mais par le fait que, bien souvent, dans leur
application, ils sont fragmentés en des systèmes distincts et
particulièrement dans le domaine de la santé et des services
sociaux.
La réforme vise donc à ce que le citoyen n'ait plus
à se relier lui-même à ces divers systèmes de
services, mais que l'on puisse faire en sorte, par une plus grande
intégration, une plus grande coordination des services, qu'il lui soit
possible de trouver, pour satisfaire ses besoins, un ensemble réellement
coordonné et intégré. Ce qui ne suppose pas pour autant
et je désire le mentionner à ce stade-ci le
changement de statut d'organismes existants ou encore l'adoption d'un
modèle de constitution de services identique dans tous les secteurs,
mais il s'agit pour nous de viser à une plus grande intégration
et coordination de services, sans pour autant qu'on remettre
nécessairement toutes les formules à partir desquelles les
institutions fonctionnent, font appel à la participation des citoyens,
des intéressés à la dispensation des services.
La réforme est axée également sur le fait que
l'individu doit être envisagé comme une entité qui a sa vie
propre et dont les besoins essentiels doivent être satisfaits à
partir d'une approche plus globale. Il ne s'agit pas ici uniquement de faire en
sorte qu'à l'intérieur d'un système ou d'un domaine, celui
de la santé, nous ayons des services plus intégrés, mais
qu'également, dans des secteurs ou des domaines connexes comme celui de
la santé, des services sociaux, celui des mesures de
sécurité de revenu, il y ait davantage une conception
unifiée dans les politiques, dans l'organisation et la distribution des
services.
Dans cette réforme, nous voulons également continuer
d'apporter un intérêt particulier et, si possible, accru à
la famille. Même si nous ne retrouvons plus, dans l'appellation du
nouveau ministère, la désignation de la famille comme
étant un sujet de préoccupation c'est voulu cela ne
signifie pas pour autant un manque d'intérêt, un manque ou une
absence de reconnaissance du rôle extrêmement important que la
famille joue dans notre société.
D'autre part, il nous faut reconnaître que nous sommes dans une
organisation gouvernementale, que les ministères assument des res-
ponsabilités sectorielles et que les problèmes ou les
tensions auxquels fait face la famille impliquent toute la gamme, bien souvent,
des ministères ou, à tout le moins, un très grand nombre
de ministères. Ce qui importe donc davantage, c'est que non pas
seulement un ministère s'intéresse aux problèmes de la
famille, mais que surtout les politiques qui peuvent avoir des incidences sur
la famille soient bien identifiées, que les problèmes de la
famille soient également identifiés, analysés et que dans
ces politiques, dans les programmes qui sont mis en oeuvre par divers
ministères, l'on tienne compte de cette préoccupation.
C'est pourquoi nous avons voulu, dans un des trois projets de loi qui
font partie de cet ensemble, donner une responsabilité
particulière, dans l'étude, dans la consultation, à tout
ce qui a trait à la famille. Nous retrouvons d'ailleurs, dans le conseil
qui sera formé, cette particularité de façon très
claire, et même dans la désignation de ce conseil.
La réforme c'est un des points qui m'apparaît
nécessaire dans cette présentation un peu plus globale
doit également être envisagée dans une perspective à
plus long terme. Il m'apparaît de plus en plus nécessaire que nous
ayons non pas seulement un service de recherche et de planification au sein du
ministère, mais qu'il y ait également un organisme qui soit
dissocié dans une certaine mesure des responsabilités du
ministère, qui puisse se détacher aussi des problèmes
quotidiens, des problèmes à court terme, des problèmes
administratifs, qui puisse davantage prendre une vue d'ensemble, qui soit un
peu plus détaché des problèmes qui feront l'objet des
responsabilités du futur ministère des Affaires sociales. C'est
la raison première de la création, en même temps que
l'intégration des deux ministères en un seul, du conseil des
Affaires sociales et de la Famille, de telle sorte qu'il y ait
complémentarité entre les deux organismes.
Pour éviter que cette intégration donne lieu et
c'est un danger réel à un ministère trop complexe
ou encore à un ministère qui implique un personnel tellement
nombreux qu'il devienne assez difficile à administrer, il est
également apparu important dans cette réforme de
déléguer à certains organismes spécialisés,
habilités à administrer certains programmes qui font
présentement l'objet de responsabilités du ministère de
déléguer à ces organismes les fonctions purement
administratives reliées à ces programmes.
C'est pourquoi nous avons voulu, dans un premier temps, confier à
la Régie des rentes du Québec l'administration du régime
des allocations familiales de même que celle du régime des
allocations scolaires. Dans des étapes subséquentes, à
mesure que nous identifierons d'autres fonctions qui pourraient être
confiées à de tels organismes, nous le ferons soit par recours
à la législation ou encore par des décisions d'ordre
administratif.
Plus particulièrement en ce qui a trait au ministère des
Affaires sociales, je voudrais mentionner que, pour des raisons
d'économie au plan des dépenses pour fins administratives comme
aussi pour des motifs d'efficacité accrue, la mise en commun de services
propres à chacun des deux ministères, a déjà
été commencée sous le gouvernement
précédent. Ainsi, les services administratifs, comprenant la
gestion du personnel des deux ministères, les services
d'approvisionnement, d'organisation et de méthode, des finances, comme
aussi de l'information ont déjà été
regroupés à la faveur du rapprochement physique de ces
unités administratives qui se sont trouvées à être
logées sous un même toit à l'édifice Joffre, il y a
environ deux ans.
D'ailleurs, cette intégration des deux ministères
je crois qu'il faut aussi le mentionner se fera à partir du
principe de structures fonctionnelles conformes aux recommandations, à
tout le moins aux plus fondamentales, formulées dans le rapport Mineau,
à la suite d'une première étude du fonctionnement du
ministère de la Santé.
Alors, cette intégration des deux ministères n'arrive pas
de façon subite. Elle est la continuation d'un processus
déjà amorcé. Elle se fera à partir de principes
fonctionnels déjà identifiés comme devant être
utilisés en ce qui a trait, à tout le moins, au ministère
de la Santé. D'ailleurs, du côté du ministère de la
Famille et du Bien-Etre social, les modifications apportées au plan des
structures internes au cours des dernières années avaient
évolué dans cette direction.
Cette entreprise de fusion et d'intégration plus complète,
maintenant, des diverses directions des deux ministères est de nature
à favoriser non pas une mosaïque de fonctionnaires et de services
qui auraient tendance à traiter les problèmes de façon
dispersée ou isolée c'est bien souvent le cas
présentement, pour diverses raisons, soit le nombre assez
élevé des fonctionnaires, soit le fardeau de travail qui
empêche ou qui ne facilite pas nécessairement les communications
mais de faire également, à l'image du réseau
d'interdépendance que constitue toute société humaine, du
ministère des Affaires sociales un organisme vivant, capable de combiner
l'action de tous ces éléments au service d'une politique dans le
domaine des affaires sociales et familiales, de façon dynamique et
efficace. Nous voulons, également, qu'il soit aussi rapproché que
possible des citoyens auxquels cette politique s'adresse.
A ce sujet, le conseil des affaires sociales devra jouer un rôle
assez important. De même, c'est notre intention, dans un deuxième
temps, de proposer une régionalisation qui constituera une autre
étape dans cette recherche d'un ministère qui, dans l'application
des programmes et des politiques, se rapprochera davantage des citoyens.
Alors que les ministères de la Famille, du Bien-Etre social et de
la Santé doivent se faire,
en 1970 et dans les années à venir, les champions de la
réadaptation et de la prévention individuelle et collective, le
gouvernement se devait donc d'éviter de sous-estimer la
nécessité d'une réadaptation de sa propre organisation ou
de sa propre administration dans ce domaine, d'autant plus qu'il est de plus en
plus évident qu'il s'agit d'un domaine où les besoins
évoluent sans cesse et à un rythme de plus en plus rapide.
De nos jours, l'administration nouvelle des Affaires sociales a donc
besoin de plus en plus de souplesse pour la réalisation de ses
tâches qui vont constamment en s'accroissant. C'est pourquoi le nouveau
ministère fera une place plus grande à l'esprit d'initiative,
c'est du moins notre objectif, comme aussi à la participation des
usagers à ces activités. Et, sur ce plan, je voudrais rappeler,
encore une fois, l'importance du processus de confier des fonctions
administratives à des régies, l'importance de l'étape
subséquente de la décentralisation, de la régionalisation
et aussi l'importance de structures fonctionnelles.
De même, cette clarification des structures, cet allègement
du ministère devrait faire en sorte qu'il sera possible d'établir
dans l'avenir, encore davantage, une coordination plus étroite avec des
ministères à vocation sociale, comme les ministères de
l'Education, du Travail et de la Main-d'Oeuvre, de la Justice et d'autres
encore à vocation économique, avec lesquels nous devons
établir une coordination aussi étroite que possible.
Même si le gouvernement du Québec est en faveur de
réformes administratives, nous ne sommes pas moins conscients de la
nécessité de reconnaître que l'organisation
préconisée par les projets de loi qui forment cet ensemble
révèle, avant tout, un état d'esprit et qu'il est
nécessaire de favoriser l'éclosion d'un climat, tant
auprès des fonctionnaires qu'auprès du public qui s'accorde
pleinement avec les conditions psychologiques et sociales que suppose
l'intégration des deux ministères, ici, en cause. Et, sur ce
point, je fais davantage appel à notre désir d'intégrer
dans nos structures, à divers paliers et à mesure que nous
pourrons mettre de nouvelles formules à l'essai, une plus grande place
à la participation et à la consultation.
Les tâches, les directions et les services relevant respectivement
de l'un ou de l'autre des deux ministères en cause sont également
très divers. Rares sont ceux qui peuvent être accomplis
indépendamment les unes les autres, et aussi, accomplis sans qu'il nous
soit possible de le faire efficacement et en fonction des besoins, sans cette
participation et cette consultation.
Les actions et les programmes à développer, étant
tous complexes, requerront donc, non seulement d'être animés par
le ministre, ou les fonctionnaires qui en auront la responsabilité,
d'être coordonnés, d'être liés de façon
fonction- nelle avec les autres ministères, mais d'être
conçus constamment dans ce climat de participation et de
consultation.
En terminant, M. le Président, je voudrais mentionner que le
besoin de fondre en un seul ministère les nombreux services et les
directions s'explique par la nécessité première
d'éviter cette fragmentation à laquelle j'ai fait allusion au
début de mon allocution, de telle sorte, que les politiques, les
programmes, les services soient aussi coordonnés que possible dans leur
conception, dans leur administration, afin que l'homme, ou le citoyen qui est
la fin de l'action du ministère des Affaires sociales puisse recevoir de
ce ministère, des politiques et des lois qu'il applique, des services
davantage adaptés à ses besoins.
M. LE PRESIDENT (Bienvenue): L'honorable député de
Montmagny.
M. Jean-Paul Cloutier
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, c'est avec satisfaction
que je prends part à ce débat sur le projet de loi no 42 qui
concrétise une politique et des objectifs que nous avons poursuivis
pendant quatre ans, pendant que nous avons assumé les fonctions de
ministre de la Santé, de la Famille et du Bien-Etre social.
Nous assistons aujourd'hui à la création du plus important
ministère du gouvernement. D'abord par les budgets qui seront
impliqués.
Je ne sais pas si le ministre a fait un calcul, probablement qu'il l'a
fait rapidement; de la fusion des deux budgets de l'exercice en cours, 70/71,
il en résultera un budget global d'au-delà de $1,300,000,000,
auxquels il faut ajouter les dépenses d'immobilisation des programmes
financés par la Société d'habitation et aussi des
hôpitaux financés par le moyen d'obligations.
Il faut, également, ajouter à cela le budget de la
Régie de l'assurance-maladie, dont le ministre de la Santé est
responsable et qui, probablement, se révélerait plus proche de
$300 millions que de $266 millions. De toute façon, nous aurons
l'occasion d'en reparler, le ministre des Finances interviendra probablement,
à ce moment, dans le débat.
M. GARNEAU: Trois cents millions de dollars avec les frais
d'administration ou seulement pour les médecins?
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, je comprends, lorsque nous avons dit $300
millions, dans notre esprit c'était l'assurance-maladie sans
distinction.
M. le Président, cela veut dire que si nous ajoutons aux sommes
que je viens de mentionner, la Régie des rentes, le ministre de la
Santé le futur ministre des Affaires sociales est
responsable dans le budget d'au-delà de $2 milliards.
C'est ce qui faisait probablement dire au chef du Parti
québécois que le ministre de la Santé lui faisait penser
à un vieux chêne solide. Il a besoin d'être solide pour
assumer de telles responsabilités dans un ministère qui est
complexe, qui doit régler des problèmes complexes. D'ailleurs, on
l'a vu à l'occasion des législations qui nous ont
été présentées récemment et
particulièrement l'assurance-maladie.
M. le Président, je ne voudrais pas trop insister sur l'aspect
"importance du budget en argent". D'ailleurs, les remarques qui seront faites
au cours de ces débats par les différents orateurs mettront en
lumière, je pense bien, surtout les objectifs que doit poursuivre ce
ministère, la politique qu'il doit appliquer, les programmes qu'il doit
proposer. On a eu aussi raison d'insister, comme le ministre de la Santé
et le premier ministre l'ont fait tout à l'heure, sur la coordination
entre ce nouveau et important ministère et les autres ministères
du gouvernement.
Je voudrais rappeler au ministre des Affaires sociales je
l'appelle comme cela, c'est plus court que de le nommer par ses deux
ministères que j'ai attiré son attention, lors de
l'étude des prévisions budgétaires, sur les nouvelles
responsabilités qui pourraient être les siennes par suite de la
fusion de ce ministère et sur l'importance qu'il prendrait dans
l'appareil gouvernemental. Et le ministre, à ce moment-là, s'est
montré assez sensible, je crois, par la réponse qu'il m'a faite;
il m'a démontré qu'il était conscient que le
ministère sera important, qu'il prendra beaucoup de place dans les
budgets financiers du gouvernement. Le ministre devrait être prudent,
à ce moment, pour n'exercer que ses responsabilités, de
façon à ne pas empêcher le développement des autres
ministères qui sont appelés à le côtoyer.
Je me suis posé la question: Quel serait le rayonnement d'un
ministère moins considérable comme celui des Affaires
culturelles, comme celui de l'Economique, qui, toutes proportions
gardées avec un ministère comme celui des Affaires sociales,
disposent de budgets beaucoup moins importants et qui se verraient
peut-être paralysés dans leur action par une omniprésence
d'un ministère aussi important?
Je voulais revenir brièvement sur cette question, mais je sais
que le ministre en est bien conscient, aussi je n'insiste pas.
M. le Président, le ministre a fait allusion à
l'historique de la fusion de ces deux ministères en rappelant certaines
intégrations qui se sont accomplies. Je voudrais y revenir
brièvement pour montrer que, dans ce domaine particulièrement,
celui qui nous concerne: la création d'un nouveau ministère, cela
ne s'est pas produit spontanément ; il y a eu un travail
préparatoire important, et sur le plan physique et sur le plan du
conditionnement, et la préparation de la mentalité et de
l'idée de cette fusion.
Le premier geste, je le rappelle avec plaisir, d'ailleurs je l'ai fait
antérieurement en 1968. On pourra se référer au
débat sur le budget qu'il y a eu en Chambre, de la page 1132 à la
page 1142 des Débats de 1968. J'avais exposé, à ce
moment-là, toute la politique d'intégration des deux
ministères avec l'objectif d'une fusion à plus ou moins long
terme, suivant l'état d'acceptation, dans les deux ministères, et
l'état de préparation de cette opération importante. Je ne
voudrais pas reprendre les termes du discours que j'ai prononcé à
cette occasion, mais je voudrais mentionner, brièvement, les principales
étapes afin que les nouveaux députés, qui siègent
en cette Chambre, voient comment on en est arrivé à
présenter aujourd'hui cette loi importante.
D'abord, en 1966, le 1er avril, le titulaire du ministère de la
Famille et du Bien-Etre social, M. René Lévesque, avait
posé un premier geste en nommant un directeur général de
l'administration au sein du ministère de la Famille, avec fonction
particulière d'étudier, à plus ou moins long terme, la
possibilité d'intégration de certains services. A ce
moment-là, il y avait deux titulaires de ministères distincts: M.
Kierans était titulaire du ministère de la Santé, et M.
Lévesque était titulaire du ministère de la Famille et du
Bien-Etre social. Ils ont travaillé en étroite collaboration
à la première loi, la Loi d'assistance médicale qui,
à ce moment-là, essayait de concilier les impératifs et
les besoins des deux ministères.
D'un côté, un impératif afin de satisfaire les
assistés sociaux, et de l'autre côté, pour tenir compte des
besoins dans le domaine de la santé. On a vu, par la suite, étant
donné que chacun de ces deux titulaires a pris un chemin
différent, qu'il aurait peut-être été difficile,
à certains moments, qu'ils concilient leur propre point de vue sur le
développement futur du ministère des Affaires sociales.
Les étapes suivantes ont été, en juin 1966, la
nomination d'un seul ministre, avec deux ministres d'Etat, une équipe de
trois, responsable de ces deux ministères. Je crois que c'était
réellement là le premier geste gouvernemental significatif de
l'orientation que l'on voulait donner, ou du moins la coordination, d'abord
coordination très étroite, que l'on voulait demander à ces
deux ministères-là de mettre en pratique et qui
déboucherait éventuellement plus tard sur une fusion.
Donc, nous avons assumé ces responsabilités de
coordination et nous avons mobilisé et sensibilisé les
fonctionnaires supérieurs du ministère par certains gestes que
nous avons posés tels que l'intégration de certains services. Le
ministre, il y a un instant, a mentionné les plus importants. On peut
relever surtout une direction unique pour le personnel, une direction unique
pour les relations de travail, une direction unique pour l'administration, une
direction unique pour l'information, la coordination et le rapprochement des
services financiers, et aussi
l'intégration de certains services administratifs primaires tels
que la poste, les messageries, la bibliothèque et tout ce qui est
à la disposition d'un ministère. Cette politique
d'intégration par petits secteurs nous a permis d'établir une
espèce de consensus à l'intérieur du ministère et
d'éprouver le système. Elle nous a permis de roder la machine en
vue d'une fusion plus considérable plus tard.
J'ai mentionné, dans cette intervention à laquelle j'ai
fait allusion tantôt, l'intervention de 1968, que ce qui nous retenait
particulièrement et ce qui nous faisait hésiter à poser
plus rapidement des gestes, c'est que ces deux ministères, pendant des
années, avaient été appelés à travailler
indépendamment l'un de l'autre. Chacun avait adopté sa propre
mentalité, sa propre façon de travailler, et avait
développé aussi, dans ce domaine social, certaines optiques qui,
parfois, étaient assez différentes.
Il nous fallait donc rapprocher d'abord les deux ministères dans
un lieu physique, avant de rapprocher les deux mentalités. C'est
pourquoi nous avons emménagé en 1967-1968 dans l'édifice
Joffre, où les deux ministères sont maintenant logés.
M. le Président, nous avons donc posé ces gestes et nous
étions en train de reprendre et de réétudier les
organigrammes à l'intérieur du ministère. J'avoue que,
personnellement et le ministre l'a probablement constaté
ça allait plus rapidement du côté du ministère de la
Famille et du Bien-Etre social que du côté de la Santé,
pour toutes sortes de raisons sur lesquelles je n'ai pas besoin de
m'étendre aujourd'hui.
De toute façon, nous voulions, en procédant avec
succès à l'opération d'un côté, que
ç'ait un effet d'entraînement sur l'autre ministère et sur
les structures que nous élaborions. Nous tenions compte aussi du fait
qu'à un moment donné, les structures du ministère de la
Santé viendraient s'agencer à cet organigramme. Le
ministère de la Famille et du Bien-Etre social était, dans le
temps, mon ministère de gauche et le ministère de la Santé
était mon ministère de droite. Ceci sans allusion
évidemment; il s'agit d'un emplacement ou plutôt d'une position
géographique, s'il y en a qui veulent y voir vraiment autre chose.
Le ministre nous présente aujourd'hui un projet de loi
créant la fusion. Sur le principe du projet de loi, nous sommes
complètement d'accord et j'ai expliqué brièvement
pourquoi, parce que c'était une opération que nous avions
nous-mêmes envisagée. D'autre part, je m'interroge un peu sur les
modalités envisagées pour effectuer cette opération
importante. J'ai retenu les paroles du ministre de la Santé tout
à l'heure. Il a dit souvent qu'il est réellement convaincu
je sais que c'est sa conviction personnelle, parce qu'il l'a dit dans cette
Chambre et à l'extérieur de la Chambre de l'importance de
la consultation et de la participation.
Dans cette opération importante, nous avions hésité
quant à l'échéancier que nous devions adopter pour la mise
en oeuvre de cette fusion, parce que je l'ai dit tantôt et j'y
reviens il ne s'agit pas seulement de dire, par une loi: Nous fusionnons
deux ministères en un seul. Nous fusionnons des budgets, nous fusionnons
des programmes. Il faut aussi que, dans cette équipe de 4,000 à
5,000 fonctionnaires, qui vont en fin de compte continuer les
opérations, la mise en place des politiques, le développement des
politiques, des propositions de législation, il faut, dis-je qu'ils
sentent réellement qu'ils participent eux aussi à cette
opération. Car, après que nous aurons adopté ce projet de
loi, après que le ministre, un peu plus tard peut-être,
détaillera un peu devant la commission l'échéancier qu'il
nous propose, il reste un fait, évident, c'est que ce seront ces
équipes de fonctionnaires, qui au ministère des Affaires
sociales, ici à Québec, au centre important à
Montréal et aussi dans toutes les régions, vont appliquer dans
les faits, en pratique et prolonger l'action du ministère des Affaires
sociales.
Je voudrais que le ministre en soit bien conscient. Peut-être
est-ce plus facile pour celui-là qui a exercé ces
fonctions-là et qui peut maintenant profiter d'un certain recul. Il
n'est pas directement impliqué dans l'opération. Peut-être
est-il plus facile d'apercevoir et de déceler les dangers d'un
échéancier insuffisamment préparé, d'un
échéancier trop rapide, d'un manque de consultation à
l'intérieur de son ministère et particulièrement de ses
officiers supérieurs. Et c'est important, parce que même si le
ministre a toute l'expérience, même si on lui reconnaît tout
le talent pour diriger de façon raisonnable et positive ce
ministère, il reste qu'il doit avoir autour de lui des collaborateurs
qui vont participer à l'opération.
Je crois que le ministre ne négligera rien et s'interrogera
sérieusement sur l'opération telle qu'elle s'est poursuivie
jusqu'à maintenant, à savoir si le ministre a mis de son
côté toutes les chances de succès. Ce qui me fait dire
qu'il peut y avoir certaines déficiences de ce côté, c'est
que des fonctionnaires travaillent au sein de ces deux ministères depuis
de nombreuses années particulièrement au ministère de la
Santé qui est un ministère âgé. Si ma mémoire
est bonne, il remonte à 1936, je crois, ou 1934. Le ministère de
la Santé a donc à son service des fonctionnaires de
carrière, des fonctionnaires de longue date qui pensent avec raison
avoir acquis à l'intérieur du ministère un certain statut
d'expérience et d'ancienneté et qui sont prêts à
mettre à contribution cette expérience acquise dans l'exercice de
leurs fonctions quotidiennes.
Je n'en ai pas contre le fait que le ministre ait requis les services
d'une maison de consultation de l'extérieur, une maison d'experts qui
avait déjà fait des travaux également pour la Régie
de l'assurance-maladie, mais cela peut comporter parfois certaines frictions et
certai-
nes frustrations vis-à-vis des fonctionnaires de son
ministère. Je voudrais le convaincre qu'il y a là un point
délicat et dangereux. Je voudrais ainsi que tous les membres de cette
Chambre, que non seulement cette opération de fusion des deux
ministères se déroule bien en Chambre, mais aussi, quand
l'opération sera terminée, que le ministre ait en main un outil
de travail. Ce n'est pas seulement le ministre qui va le manier, cet outil,
c'est toute son équipe de sous-ministres, de directeurs
généraux, de chefs de service et de ses 5,000 fonctionnaires
répartis à travers tout le Québec.
Le ministre a aussi mentionné tantôt la collaboration
interministérielle. Cela est extrêmement important.
Là-dessus, je crois que nous avions réussi je le dis
modestement à abattre certaines barrières entre le
ministère de la Santé et le ministère de la Famille et du
Bien-Etre social c'était pour ça, le rapprochement
mais aussi entre ces deux ministères et d'autres ministères,
grâce à des comités interministériels qui ont
réllement fait un excellent travail. Je voudrais mentionner
particulièrement le comité interministériel Famille et
Bien-Etre social-Education-Travail et Main-d'Oeuvre en ce qui concerne les
problèmes de formation de la main-d'oeuvre. C'est un comité qui a
fait un excellent travail. Il y a eu aussi ce comité qui, avec le
ministère des Finances, le ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre et le ministère de l'Industrie et du Commerce s'est
penché particulièrement sur le cas de la réhabilitation
des assistés sociaux et leur retour au travail. Ce sont des
comités qui ont assumé pleinement leurs responsabilités.
C'est ce qui a permis de déboucher sur des politiques, sur des
programmes dont nous voyons l'application pratique depuis quelques
années, particulièrement dans le cas des travaux de sylviculture,
dans le cas des travaux de reboisement, dans le cas de programmes de formation
de main-d'oeuvre et aussi dans la recherche d'emplois, dans l'exploration du
marché du travail chez les employeurs pour ramener au travail des
assistés sociaux.
Un autre comité qui a fonctionné de façon fort
efficace est le comité de l'enfance inadaptée qu'on appelait
autrefois l'enfance exceptionnelle. J'en parle parce que c'est
d'actualité. On vient de lire dans les journaux le compte rendu du
congrès qui a eu lieu en fin de semaine au sujet de l'enfance
inadaptée.
Ce comité-là a pris l'initiative de publier un livre
blanc. Je crois que, dans ce domaine de l'enfance inadaptée, le
ministère de la Famille et du Bien-Etre social cela a
été reconnu, je pense, au congrès dernièrement
a tenu un rôle de leader. Il a pris véritablement
l'initiative par la préparation du livre blanc, par la mise en place des
politiques, par la formation du personnel et par l'implantation de ressources
décentralisées dans toutes les régions du Québec.
Voilà un autre exemple d'un comité qui a réellement
répondu aux buts que nous nous étions fixés en le
créant.
Il y a eu d'autres comités, M. le Président. Je n'ai pas
l'intention de les nommer tous. Ce que je voudrais que nous retenions de cette
nomenclature que j'ai faite, c'est que des barrières ont
été abolies entre le ministère de la Santé, celui
de la Famille et les autres par cette politique de comités
interministériels. J'étais heureux d'entendre le ministre nous
dire qu'il voulait poursuivre davantage cette politique le premier
ministre l'a mentionné d'une façon non équivoque de
façon que ce ministère des Affaires sociales, au lieu d'avoir une
omniprésence trop exigeante vis-à-vis des autres
ministères soit au sein du conseil des ministres ou
peut-être aussi au sein du Conseil du trésor; nous le saurons dans
quelques jours ait un rôle de coordination et d'appui
vis-à-vis des autres ministères, étant donné que ce
n'est plus le ministère des conséquences, mais un
ministère dynamique qui propose des programmes et des politiques.
C'est devenu, avec les années, un ministère positif qui
veut être, dans tout l'appareil gouvernemental, un ministère
d'avant-garde qui entraîne après lui ou avec lui les autres
ministères. Pour cela, il faut, évidemment, que le ministre des
Affaires sociales et le gouvernement réussissent enfin à faire
admettre par un autre niveau de gouvernement ici, je ne veux pas entrer
dans un autre débat ou dans d'autres questions que nous avons
posées tout à l'heure que ce qu'ils poursuivent
véritablement, ce n'est pas une lutte de prestige pour
récupérer des millions ou des milliards de dollars. Ce que nous
poursuivions et ce que, je crois, le gouvernement va poursuivre, c'est une
politique de meilleure coordination dans ce secteur de la
sécurité sociale. C'est aussi une politique de rapatriement de
certains programmes, puisque c'était la seule façon d'en arriver
à cette véritable coordination et à cette véritable
efficacité dans le domaine social. Cela nous donnait aussi la
possibilité d'établir dans le domaine social, des politiques qui
collent à la réalité du Québec et qui tiennent
compte de notre aspect culturel. Ce sont toutes ces options que nous avions
fait valoir au gouvernement central lors des conférences
fédérales-provinciales. Je crois que toutes ces options et la
façon de les faire valoir sont encore valables, M. le Président.
J'incite le ministre des Affaires sociales et son gouvernement à
maintenir vigoureusement cette position et à poser les gestes on
faisait allusion, tout à l'heure, à des initiatives nouvelles
qu'il faut afin que, dans ce secteur de la sécurité
sociale, on reconnaisse enfin que les revendications du Québec ne sont
pas de vaines luttes de prestige, mais qu'elles correspondent
véritablement à quelque chose de réel, d'essentiel et de
vital, pour le Québec.
Le ministre a aussi mentionné qu'il pouvait arriver non
seulement il pouvait arriver mais il arrive, en fait que par la
réorganisation de son ministère, certains services comme le
programme des allocations scolaires, le programme
des allocations familiales seront transférés à la
Régie des rentes pour des raisons que le ministre nous a
indiquées. Par contre, dans l'avenir, il est possible aussi que certains
autres secteurs moins directement reliés aux services sociaux, à
la santé, à la sécurité du revenu soient
transférés à d'autres ministères. Nous en parlerons
en comité, M. le Président. Je crois bien qu'étant
donné que c'est, un peu, un geste de non-retour, il faudrait qu'avant
que ces amputations se fassent, au ministère des Affaires sociales, que
le ministre ait le temps d'étudier à fond chacun de ces
transferts afin de voir à ce que l'efficacité que l'on
connaissait dans ces services au ministère de la Santé ou au
ministère de la Famille et du Bien-Etre social ne soit pas compromise
par un transfert prématuré dans d'autres services, dans d'autres
organisations ou dans d'autres ministères moins bien
équipés en hommes, ou en expérience, pour recevoir ledit
service. Alors nous aurons l'occasion, en comité, de parler
particulièrement de ce point.
M. le Président, il y avait aussi un projet sur lequel nous
avions travaillé de façon particulière. C'était la
démographie. Le professeur Henri-pin avait fait des études en ce
sens. Nous avions même annoncé la création d'un institut de
démographie. Le ministre a semblé indiquer que tout ce qui
concerne la statistique, au ministère, la collecte des statistiques,
probablement, serait reliée à un autre ministère mieux
équipé, tel que le ministère de l'Industrie et du
Commerce. Même si cela se produisait, je ne suis pas en mesure,
aujourd'hui, de porter un jugement de valeur sur le transfert du
département de la statistique de nos ministères au
ministère de l'Industrie et du Commerce. Je sais que le ministre est
désireux de voir que l'appareil de son ministère soit le plus
parfait et le plus compétent possible. Mais il ne faudrait pas que la
démographie, l'aspect recherche sur l'évolution de la population,
sur les éléments qui composent la population... A l'occasion de
certains débats, particulièrement l'an dernier, pour le bill 63,
on a eu l'occasion de voir comment l'aspect démographique se relie
très étroitement à des problèmes ou à des
phénomènes auxquels nous assistons actuellement dans le
Québec et comment il est relié particulièrement au
phénomène de la famille. Le ministre a mentionné
tantôt, au sujet de la famille, que même si le mot famille
disparaissait dans l'appellation du ministère, il voulait tout de
même continuer de donner à ce secteur famille toute l'importance
qu'il avait au sein de l'ancien ministère de la Famille et du Bien-Etre
social parce que c'est le seul ministère, je donne cela sous
réserve en Amérique du Nord, qui portait le nom de
ministère de la Famille, qui avait le mot famille dans son appellation.
Ce n'était donc pas là seulement une question d'appellation, mais
cela traduisait, et cela devra continuer de traduire, dans l'avenir, un souci,
une préoccupation de l'établissement d'une véritable
politique familiale. Nous savons qu'il nous manquait des éléments
pour établir une véritable politique familiale. H nous manquait
entre autres, les moyens financiers. C'est pour cela que nous avions
réclamé, avec tellement d'insistance, le rapatriement des
allocations familiales pour l'ajuster à notre propre programme, pour
proposer une politique cohérente et solide dans le domaine de la
famille.
Je n'insiste pas, M. le Président, parce qu'il y a une motion au
feuilleton et si nous avions l'avantage de l'étudier, nous pourrions
élaborer plus avant dans l'importance de l'établissement de cette
politique familiale.
Je sais que le ministre, probablement, a eu des représentations
jusqu'à maintenant, depuis que les projets de loi ont été
déposés en Chambre.
Je sais quel est l'intérêt, actuellement, que les
mouvements familiaux, les organismes familiaux, le Conseil supérieur de
la famille qui sera aboli par notre projet de loi no 43, quel est
l'intérêt qu'ils portent véritablement à connaf-tre
la place qui leur sera réservée, non seulement dans
l'organigramme du ministère, mais aussi dans les politiques du
ministère. On a crée, en 1969, une Direction
générale de la famille et de la population, au sein du
ministère de la Famille et du Bien-Etre social. Il faudrait tout de
même que cette direction générale et le ministre
pourra me dire, en comité, où il la rattache dans son
organigramme soit en mesure de continuer son travail, parce que, dans ce
domaine-là, même s'il y a un Conseil des affaires sociales, dont
nous parlerons plus tard, même s'il y a un conseil qui a un rôle
consultatif, il reste que la Direction générale de la famille a
un rôle administratif, a un rôle d'exécution. Il ne faudrait
pas non plus qu'elle se désintéresse de la conception d'une
politique familiale, mais qu'elle la propose au ministère des Affaires
sociales et qu'elle se fasse le point de départ de la mise en place
d'une politique familiale aussi dans les autres ministères.
Ce n'est pas parce qu'on a une direction générale de la
famille, dans un ministère, que cela veut dire qu'on peut avoir, du jour
au lendemain, une politique familiale. Toutes les autres lois, les autres
ministères ont un impact et ont une incidence sur la politique
familiale. Que ce soient les lois que les ministres des Finances et du Revenu
nous apportent en fiscalité, cela touche de près à la
famille. Que ce soit le ministre de l'Education qui apporte une
législation, là aussi, cela touche à la famille. Alors il
n'y a pas beaucoup de ministères qui, par des programmes
législatifs, par des programmes administratifs, à certains
moments, ne touchent pas, de façon vitale, à ce secteur.
Alors la Direction générale de la famille doit continuer
d'être, dans le ministère des Affaires sociales,
véritablement le point central, le point de ralliement des
préoccupations dans le domaine de la famille.
Je voulais, M. le Président, faire ces brèves
considérations sur le projet de loi qui nous est
présenté, et en comité, nous aurons l'occasion de discuter
de façon plus détaillée de l'organigramme, de calendrier
que le ministre a préparé et qu'il entend mettre en partique pour
cette opération importante. Je voudrais dire, en terminant, M. le
Président, que nous sommes bien conscients de l'importance de cette
opération que nous accomplissons, par le projet de loi no 42, mais que
nous sommes conscients aussi que ce n'est là qu'un point de
départ, et que le ministre des Affaires sociales et le gouvernement
devront s'attaquer aux problèmes fondamentaux dans le domaine social,
problèmes qui ont été soulevés à certains
moments du débat que nous avons vécu, il y a quelques jours,
problèmes, dans le domaine social, qui ont été
suffisamment exposés pour en connaître toute l'acuité et
l'urgence.
M. Armand Bois
M. BOIS: M. le Président, je regrette aujourd'hui de prendre la
parole devant une Chambre où il semble que l'honorable gouvernement soit
devenu l'opposition.
A l'heure présente, nous avons devant nous...
M. DEMERS: Toute vérité n'est pas bonne à
dire...
M. BOIS: ...le projet de loi numéro 42 qui s'intitule: Loi du
ministère des Affaires sociales, et qui est certainement en voie
d'amener une modification profonde et radicale dans le gouvernement de cette
province.
Après une analyse succincte du projet de loi dans son ensemble,
j'aimerais ici formuler certains commentaires qui n'iront peut-être pas
d'emblée avec ce que le bill propose, mais qui, dans la pratique,
exprimeront sans doute un point de vue différent et que nous
apprécierions tout de même qu'on nous prête une oreille
attentive.
Il y a certains articles qui sont mentionnés dans ce bill, des
sujets divers, comme celui où, entre autres, on mentionne
l'amélioration ou encore l'appoint d'un niveau de vie convenable
à chaque individu ou à chaque famille. Je me demande vraiment si
c'est par la société de consommation que nous sommes en voie de
devenir que nous améliorerons vraiment le statut réel et
créateur des citoyens de cette province.
Nous sommes en voie, présentement, d'unir des parties de notre
gouvernement, des ministères et une régie; à la longue,
ils feront un colosse qui, nonobstant toutes les opinions, s'éloignera
davantage de ce que l'on appelle le contrôle du public et la
compréhension du peuple.
Nous comprenons fort bien, avec l'honorable ministre de la Santé,
que la protection sociale des individus est quelque chose qui doit
définitivement retenir l'attention du gouvernement.
Nous l'avons déjà manifesté l'été
dernier, lors de tous les débats que nous avons eus à la
commission sur la Santé; mais, à la même occasion, j'ai
aussi fait mention qu'il serait inopportun pour le présent gouvernement
d'en venir à unir des ministères qui constitueraient
éventuellement une partie du gouvernement du Québec, autant dans
sa création, dans la rétention des impôts et des taxes que
dans le versement du produit de ceux-ci à la population.
L'assainissement du milieu physique est quelque chose qui doit retenir
l'attention des législateurs. C'est exact. Cependant, nous ne croyons
pas que c'est par une loi de consommation de services sociaux que nous allons
vraiment faire disparaître le malaise qui règne dans les familles
de mon comté ainsi que dans les familles de plusieurs comtés de
la province de Québec.
Nous sommes actuellement intéressés, au même titre
que l'honorable ministre de la Santé ainsi que des députés
du gouvernement, à étudier ce qu'on appelle la participation et
les moyens de satisfaire aux besoins de la grande majorité. Mais,
certainement, nous ne croyons pas que c'est en réunissant trois colosses
de pauvreté que nous ferons une pauvreté riche. Cela semble
absolument faux, c'est un théorème qui semble difficile à
appliquer, lorsque dans l'ensemble on parle déjà d'avoir recours
à des sociétés, à des expertises, si vous voulez,
pour aider le gouvernement dans son administration.
Nous sommes d'accord pour dire que la population a besoin de
bénéfices sociaux. Mais, le vrai malaise, ce n'est pas là
qu'il réside. Ce n'est pas dans la concentration de trois
ministères dont nous sommes assurés qu'ils fonctionnent
déjà très bien, à l'exception d'une chose. Si nous
allons dans la rue, M. le Président, nous allons constater
immédiatement que le citoyen, lorsqu'il parle de lois sociales, ce n'est
pas la loi elle-même qu'il méprise, c'est le petit montant qu'il
en perçoit pour compenser ce qu'il vient de perdre, soit lorsqu'il est
malade, soit lorsqu'il est en chômage, ou encore lorsqu'il quitte son
travail en prenant sa retraite.
Lorsqu'un ministère est créé, lorsqu'une
organisation est créée et qu'elle en est au point d'administrer
près de 40 p. c. du budget de la province de Québec soit
tout près de $2 milliards nous sommes vraiment rendus à
croire que nous atteindrons le summum du gouvernement dans le gouvernement.
Nous atteindrons ce que nous appelons le contrôle par deux ou
trois personnes car, éventuellement, si on propose comme
j'entendais un collègue le faire tout à l'heure d'imiter
la même chose dans d'autres ministères, demain, la province de
Québec, ses budgets et ses dépenses seront décidés,
votés et contrôlés par qui? Par une toute petite
poignée de personnes.
Ce que nous voyons, dans le projet de loi qui
nous est soumis, c'est bien la mise en oeuvre d'un programme, oui, mais
pas d'un programme qui va donner compensation pleine et entière au
public pour des pertes dans le domaine de la santé, malgré
l'instauration d'un régime d'assurance-maladie qu'heureusement nous
verrons amélioré très bientôt. Même là,
il ne faudrait pas perdre de vue que trop de lois sociales peuvent devenir
socialisantes parce qu'elles amèneront définitivement le
contrôle de la très grande majorité silencieuse du peuple
par un tout petit nombre d'individus dans la province de Québec,
même si aujourd'hui nous savons que l'honorable ministre de la
Santé est un homme extrêmement bien intentionné et à
qui je n'oserais pas enlever un cheveu de sa tête.
M. CASTONGUAY: Merci.
M. BOIS: Je lui fais ce compliment, mais il reste quand même que
le ministre d'aujourd'hui ne sera peut-être pas le ministre de demain et
que la Chambre d'aujourd'hui ne sera peut-être pas la même Chambre
demain. Un autre facteur est celui que j'ai déjà mentionné
lors de l'étude du bill 8 et qui peut revenir ici aujourd'hui. J'avais
fait une constation qui m'avait assez frappé. Dans l'administration
publique, nous avons présentement un taux d'administration qui
dépasse 14 p. c.
Vraiment, nous ne sommes même plus compétitifs avec les
entreprises sociales, les entreprises indépendantes, les
sociétés de secours mutuel, entre autres. Il a fallu y participer
et avoir lu les bilans de ces corporations pendant des années pour
constater qu'à l'heure actuelle nous sommes en voie de créer trop
de partenaires dans l'administration d'une loi comme celle-ci. C'est justement
cela qui va ôter le pain à celui qui en aura le plus besoin.
Est-ce qu'on va vraiment améliorer une chose qui est déjà
difficile à administrer en la grossissant à un tel point qu'elle
ne sera plus vérifiable par personne à l'exception d'individus ou
de corporations comptables extrêmement spécialisés?
Je comprends bien qu'ici, dans le projet de loi, on mentionne la
possibilité de conclure des accords avec tout gouvernement.
Naturellement et comme toujours, cela comprend le gouvernement central. Est-ce
que, chaque fois que l'on comprend le gouvernement central, il n'y aurait pas
lieu plutôt de rapatrier vraiment une partie de la constitution
financière dont il est fait mention dans la charte de la Banque du
Canada et de l'apporter chez nous pour nous en servir en entier afin justement
d'avoir l'immense privilège d'enlever des articles comme ceux-là
qui, malgré tout, ne nous remettent jamais le contrôle personnel
de notre administration?
En fait, plus nous allons vers des condensations de ministères de
ce genre, même si c'est extrêmement bien intentionné, plus
je crois que nous sommes à faire une répartition de la
pauvreté et non pas une concentration de la richesse parce que nous ne
nous attardons pas à la création, à la production, aux
moyens d'amener la production aux familles. Nous sommes là et nous
créons toujours un immense ministère, un ministère
d'épuisement de la finance. Demain, où irons-nous chercher
exactement ce dont nous allons avoir besoin pour servir ce qu'il faudra parce
que ceux qui, aujourd'hui, se réclament des lois sociales... On sait
qu'il y a des abus là-dedans, mais même si on oublie les abus...
Je ne prends qu'un fait.
On m'a annoncé, encore hier, que des centaines d'employés
venaient de quitter une industrie comme celle de Valcartier. Où
iront-ils? Sur le marché du travail ou bien sur le marché de la
consommation des oeuvres sociales?
Ce que nous voudrions, ce n'est pas réformer la consommation des
oeuvres sociales, mais réformer le système qui va comptabiliser
la production pour l'amener chez nous, dans nos foyers. On a mentionné
tout à l'heure que l'intégration ne se ferait pas de façon
subite. Je comprends très bien; c'est une phrase extrêmement bien
dite. En effet, si l'intégration des bénéfices sociaux se
produisait demain matin, ça irait beaucoup plus mal chez le peuple qu'il
y à un mois à peu près. Pourquoi? Parce que beaucoup plus
d'individus comprendraient qu'il nous faudra toujours aller puiser les
mêmes taxes aux mêmes sources. Ce sont toujours les mêmes
individus, les mêmes corporations qui auront à faire les frais de
cette intégration: frais d'enquête, frais d'étude, frais
d'analyse, frais de recherche. On n'en finit plus avec ces commissions de
recherche qui augmentent l'administration à un point tel que
l'amalgamation de bénéfices sociaux de ce genre ne devient plus
rentable pour la province de Québec.
D'ailleurs, on l'a bien mentionné aussi tout à l'heure: On
veut confier à des régies l'étude des possibilités
administratives. Des administrateurs, on n'en manque pas. Il y en a
déjà d'excellents ici, dans la province de Québec. Nous
avons un tas de fonctionnaires; ces gens ont été nommés et
sont compétents. Ils connaissent déjà les structures
administratives. Pour compliquer l'administration d'une loi faible où
nous ne devenons que des consommateurs de pauvreté, il faudra encore
faire des études pour nous spécialiser dans la distribution de la
pauvreté.
M. le Président, il y a un point surtout sur lequel je
désirerais attirer l'attention des députés de cette
Chambre. C'est qu'actuellement, avec l'intégration de ministères,
avec un pouvoir d'achat, d'investissements, de dépense ou de transfert
d'argent appelons-ça comme nous le voulons aussi
volumineux et aussi gros, nous allons définitivement concentrer le
pouvoir d'administration entre les mains de quelques personnes. Il y a un autre
chose que nous
sommes en train de faire. Nous sommes en voie de présenter au
peuple ses propres chaînes sur un plateau d'argent. Merci, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.
M. Raymond Garneau
M. GARNEAU: M. le Président, je ne sais pas si, par mon discours,
j'ajouterai un maillon à la chafne du député de
Saint-Sauveur. Une chose est certaine, c'est que, pour quiconque a eu le
moindrement l'expérience de l'administration de la chose publique, il
est évident que la multiplication des services amène une
augmentation des coûts qui prive la population de bénéfices
auxquels elle a droit en vertu des impôts qu'elle paie.
C'est évident que le ministère des Affaires sociales ne
fera pas uniquement l'administration pure et simple d'un budget. Comme d'autres
ministères, il appliquera des lois. Le ministère des Affaires
sociales utilisera les fonds qui sont nécessaires pour appliquer des
lois qui ont été votées par cette Chambre, entre autres le
bill 26. Les bénéfices qui seront versés à la
population par le projet de loi no 26 ne sont pas laissés à la
seule discrétion du ministre, mais ils seront versés en vertu
d'une loi votée par cette Chambre.
C'est la même chose pour la Loi de l'assuran-ce-hospitalisation.
Les bénéfices sont payés à la population en vertu
de lois existantes. C'est la même chose pour l'assurance-maladie. Il faut
distinguer, je pense, M. le Président, entre une concentration
administrative qui aurait un pouvoir discrétionnaire sur l'ensemble des
sommes qui sont versées et une concentration administrative qui veut
gérer d'une façon plus efficace des lois votées par les
représentants du peuple.
Depuis une dizaine d'années, les demandes du public de services
fournis par l'Etat se sont accrues à un rythme peut-être plus
rapide que celui que ne pouvait normalement absorber une saine administration
de la chose publique. La nécessité d'une plus grande justice
sociale et économique n'est qu'un des facteurs qui ont amené
l'Etat à intervenir de plus en plus dans la vie de la
collectivité.
Le gouvernement québécois, à l'instar de ceux des
autres pays occidentaux, a accru ses services et ses activités dans bien
des domaines. La réforme de l'éducation, l'accroissement des
mesures à caractère social, la Loi de l'assurance-hospitalisation
et la Loi de l'assurance-maladie, la Loi de la nationalisation des compagnies
privées d'électricité, la création de Soquem, de
Sidbec, toutes ces politiques ont imposé à l'État des
responsabilités nouvelles. 11 est devenu impérieux de revoir les
structures administratives afin d'accroître au maximum
l'efficacité des sommes dépensées, mais aussi pour que la
population puisse recevoir la qualité des services à laquelle
elle a droit de s'attendre. Il n'y a certes pas de solution miracle à
pareil problème, mais nous croyons qu'il est possible de remédier
en partie aux faiblesses du système en concentrant nos efforts sur
l'amélioration de l'administration afin de tirer une meilleure
utilisation des ressources financières et humaines.
Certes, des efforts ont été faits pour adapter l'appareil
administratif gouvernemental aux nouvelles exigences, mais les besoins ont
évolué d'une façon telle qu'il faut apporter des
modifications profondes, non seulement à nos structures, mais aussi
à notre style de gestion. Après avoir augmenté la
quantité des services offerts à la population, il est maintenant
temps que le gouvernement se préoccupe d'en améliorer la
qualité et l'efficacité s'il veut être en mesure de faire
face à la croissance normale des coûts due à l'augmentation
des clientèles.
Créer de nouveaux organismes pour répondre à de
nouveaux besoins, telle fut la première étape que l'on pourrait
appeler celle du développement. Il s'agit maintenant d'adapter, de
regrouper, de mieux coordonner ces différents services mis sur pied. Il
s'agit, en somme, de gérer d'une façon plus efficace afin
d'être en mesure, comme je viens de le dire, de supporter l'augmentation
des coûts administratifs qui est due d'abord et avant tout à
l'augmentation des clientèles, sans pour autant devoir augmenter trop
lourdement le fardeau fiscal du contribuable.
Depuis 1968 et le député de Montmagny l'a
souligné tout à l'heure, un premier pas a été fait
en 1966, mais d'une façon particulière depuis 1968 des
études ont été effectuées concernant une meilleure
organisation de l'appareil gouvernemental et des organismes qui en font partie.
Dans ce domaine, il faut souligner le travail de recherche que le gouvernement
précédent avait confié à la compagnie Price
Waterhouse, dont M. Mineau, conseiller en administration de cette entreprise,
était le directeur de projets.
Parmi les principales constatations que l'on a retrouvées dans
cette étude et dans d'autres qui ont été faites concernant
l'administration des ministères de la Famille et du Bien-Etre social et
surtout de la Santé, il y a, entre autres, le fait que la gestion
financière n'est pas exercée et coordonnée dans des
structures centralisées. On souligne également l'insuffisance des
moyens de contrôle et d'analyse à long terme, l'insuffisance des
moyens aptes à accélérer la gestion financière dans
le traitement électronique des données, et l'insuffisance des
moyens d'analyse du rendement du personnel dans le secteur hospitalier.
Du côté de la planification, le même rapport souligne
que la plupart des études faites, soit par M. Mineau, soit par d'autres,
soulignent la dispersion des structures de planification, l'absence de
programmes d'action pour les services
du ministère, à court et à long terme, et
l'insuffisance de normes de rendement pour déterminer
l'efficacité des hôpitaux.
Du côté des structures, il y a le fait que le travail est
mal réparti à l'intérieur du ministère, que les
structures ne permettent pas l'évaluation et l'élaboration
intégrées des politiques, et qu'il n'existe pas de descriptions
des fonctions des principaux cadres. On parle aussi de l'absence de service de
coordination de la gestion financière.
Il convenait donc que des hommes comme le député de
Louis-Hébert s'attaquent de façon particulière à ce
problème, et je pense que le député de Louis-Hébert
est tout particulièrement bien préparé à
entreprendre cette réforme après les longues études qu'il
a effectuées alors qu'il était président de la commission
qui porte son nom. Le projet de loi que nous avons devant nous constitue, en
fait, le premier geste concret du gouvernement dans le sens d'une
réforme de l'administration, réforme qui se situe à deux
niveaux, celui des cadres institutionnels et celui du mode ou du style de
gestion.
Du point de vue administratif, le regroupement en une seule
entité du ministère de la Santé et du ministère de
la Famille et du Bien-Etre social comporte certains avantages. En premier lieu,
le nombre d'unités de services de soutien sera diminué. Il n'y a
déjà qu'un seul service comptable, et des efforts pour coordonner
les activités d'autres services avaient déjà
été amorcés au cours des années passées.
A long terme, il faut faire en sorte que le rapport entre les sommes
affectées au fonctionnement interne du ministère et celles
utilisées effectivement pour la production de biens et de services
à la population, soit plus avantageux pour cette dernière. La
mesure des coûts de production et de contrôle est une
opération fréquente dans l'entreprise privée. Elle doit
aussi le devenir dans le secteur public et la recherche de l'efficacité
passe par un contrôle strict du coût administratif de chaque
opération. La création du ministère des Affaires sociales,
en intégrant des services similaires, facilitera ce contrôle.
Le regroupement des deux ministères concernés, soit ceux
de la Santé et de la Famille et du Bien-Etre social, est aussi valable
pour plusieurs services sectoriels. L'examen du budget d'un hôpital ou de
celui d'une institution de bien-être pour l'enfance est en fait un acte
semblable appliqué à des sujets différents. Le
regroupement des deux ministères permettra donc l'uniformisation des
normes utilisées, la standardisation des procédés et la
coordination des opérations.
Le regroupement de ces deux ministères amène
également un second groupe d'avantages. La nécessité de
planifier le développement social et la croissance économique
exige la coordination et l'orientation des actions admi- nistratives dans le
cadre d'une politique d'ensemble. Pour être efficaces, ces actions
doivent être regroupées dans des programmes globaux qui couvrent
souvent plus d'un ministère et qui ont des répercussions sur
l'ensemble de la vie sociale et économique. Le système de la
rationalisation des choix budgétaires que nous avons l'intention de
mettre en application le plut tôt possible exige le regroupement
d'activités similaires car, pour choisir des priorités à
l'action gouvernementale, il faut exprimer les besoins et concevoir les
réponses dans un contexte global. Si on ne parvient pas, au niveau de la
direction générale de l'Etat, à posséder cette
vision globale, on se retrouve face à une impossibilité d'agir,
ce qui a pour conséquence la prise d'une foule de décisions
incohérentes, errotiques, sans influence sur la situation réelle
que l'on veut corriger. La création du ministère des Affaires
sociales répond donc, dans ce domaine, à un besoin
véritable d'une meilleure coordination afin de pouvoir profiter à
fond des ressources affectées dans ce secteur.
Enfin, le regroupement du ministère de la Famille et du Bien-Etre
social à celui de la Santé permettra à l'administration de
mieux évaluer les coûts des gestes posés et la valeur des
programmes mis en l'avant, en fait, d'évaluer l'impact de ces politiques
sur l'ensemble du secteur social et de mesurer dans quelle proportion cet
impact répond aux besoins et aux objectifs préalablement
définis.
Une telle évaluation n'apparaît en effet possible et
valable que lorsqu'elle comprend tous les domaines touchés, de
près ou de loin, par l'activité principale d'un secteur
administratif. Dans le cas qui nous intéresse présentement, le
ministère des Affaires sociales regroupera en quelque sorte sous une
même direction, l'ensemble des activités de bien-être et de
santé et permettra donc une meilleure réorganisation et un
meilleur contrôle de toutes les politiques gouvernementales à
caractère social.
Au début de mon exposé, je mentionnais non seulement
l'importance de modifier les structures administratives pour qu'elles
répondent aux besoins nouveaux, mais je disais aussi qu'il était
impérieux de modifier le style de gestion et le mode de consultation
entre l'administration et la population.
C'est pour cette raison qu'en présentant à cette Chambre
l'étude du projet de loi numéro 42, le gouvernement a cru qu'il
se devait de l'associer étroitement à un autre projet qui sera
étudié un peu plus tard et qui proposera la création du
Conseil des affaires sociales et de la famille. D'ailleurs le
député de Montmagny, comme l'avait fait antérieurement le
premier ministre et le ministre de la Santé, a souligné
l'avantage qu'il y avait d'associer ces deux projets.
Cet organisme consultatif aura pour fonction d'entreprendre des
études et recherches dans les domaines de la santé, des services
sociaux ainsi
que de l'aide des allocations et des assurances sociales, de recevoir et
d'entendre les suggestions qui peuvent venir des groupes, de la population et,
finalement, de faire des recommandations au ministre.
Il est évident que l'on peut parler, dans le cadre de ce projet
de loi, de la création d'un ministère qui serait immense,
gigantesque. Je pense que ce n'est pas là le but recherché par le
ministre de la Santé puisqu'il a indiqué lui-même en
présentant le projet de loi et là-dessus, je suis
parfaitement d'accord avec lui de dégager l'administration,
lorsqu'il parle, par exemple, des allocations scolaires, en particulier, et des
allocations familiales, de déplacer l'administration de ces politiques
à une régie d'Etat qui est déjà bien
équipée pour produire de tels services. Je pense que c'est
là une sage décision puisqu'elle permettra au nouveau
ministère des Affaires sociales non seulement de concevoir la politique
mais de confier l'administration technique, et uniquement technique,
puisqu'il s'agit de l'émission des chèques et du contrôle
d'une population apte à recevoir ces chèques à la
Régie des rentes du Québec.
En conclusion, les deux projets de loi, soit celui créant le
ministère des Affaires sociales et celui créant le Conseil des
affaires sociales, vont de pair. Ils revêtent deux des aspects de la
réforme administrative que nous entreprenons: la recherche de
l'efficacité et le contact étroit avec la population.
L'importance de ces deux projets de loi est intéressante parce
qu'ils constituent, en quelque sorte, un pas en avant dans cette voie de la
réforme administrative. Il ne faudrait cependant pas croire que ce
regroupement de ministères constitue une règle absolue que le
gouvernement appliquera à tous ses ministères et organismes
gouvernementaux sans discernement. Si nous regroupons le ministère de la
Santé et celui de la Famille et du Bien-Etre social, c'est que nous
croyons que, dans ce cas précis, l'efficacité de l'administration
publique et la qualité des services seront accrues. Il peut en
être autrement dans d'autres cas. Notre premier but n'est pas une
réduction du nombre des unités administratives mais une
amélioration de la qualité de leurs services et une meilleure
adéquation entre les structures et les responsabilités
confiées à ces structures.
Plusieurs autres projets de réforme seront
présentés en cette Chambre au cours de cette session et de celle
qui viendra, l'an prochain. L'un des projets importants concernera la
réorganisation ou le mode de la gestion financière. Dans tous les
cas, nous visons à doter le gouvernement québécois d'une
administration moderne, efficace, capable de s'adapter aux besoins changeants
de notre société, consciente du coût de ces
opérations et de la nécessité de tirer le maximum des
ressources financières et humaines dont dispose l'Etat. On ne juge pas
de la qualité d'un gouvernement uniquement par le nombre des
décisions qu'il prend, mais surtout par la justesse et
l'opportunité des choix qu'il effectue. On ne juge pas non plus de la
qualité de l'administration par la quantité de ressources que
cette administration consomme, mais par son aptitude à répondre
aux objectifs définis par le législateur et par le gouvernement,
ainsi que par l'efficacité de son action et la qualité des
services produits.
M. le Président, c'est pour répondre à ce besoin
que le gouvernement propose à cette Chambre le projet de loi
numéro 42 dont on demande l'approbation.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, est-ce que je puis, au nom du
député de Bourget, qui aurait à parler, demander la
suspension des travaux de cette Chambre, pour qu'ils reprennent à 20 h
15, si possible?
M. LE PRESIDENT: A quand?
M. LEGER: A 20 h 15.
M. LE PRESIDENT: Suspension?
M. LEVESQUE: M. le Président, le député de Bourget,
en effet, a mentionné qu'il devait quitter la Chambre et pourrait
participer au débat ce soir, et nous avions convenu que le ministre des
Finances interviendrait à ce moment-ci. Par contre, il y a
peut-être d'autres opinants, dans la Chambre, qui aimeraient se faire
entendre sur ce sujet.
Alors, dans les circonstances...
M. PAUL: Le député de Joliette.
M. CHARRON: Le député de Mégantic peut dire le
chapelet.
M. LEVESQUE: Nous allons conclure qu'il est six heures, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement unanime?
M. LEGER: Alors, le député de Bourget parlera à 20
h 15.
M. LEVESQUE: Cependant, j'en profiterais, M. le Président...
Est-ce que le député a mentionné quelque chose?
M. LEGER: J'ai simplement dit la conclusion de cette entente, c'est que
le député de Bourget parlera à 20 h 15.
M. LE PRESIDENT: A moins que le député de Lafontaine
demande lui-même la suspension.
II parlera deux minutes à 20 h 15 et il donnera la parole...
M. LEGER: Je pourrai présenter le député de Bourget
à 20 h 15.
M. LEVESQUE: Très bien. M. le Président, je crois que je
devrais en profiter immédiatement pour faire une motion qui va
peut-être prendre la moitié du temps qui reste.
M. LE PRESIDENT: Dans ce cas-là, il n'est pas six heures.
Commissions parlementaires
M. LEVESQUE: Je voudrais, avec le consentement unanime de la Chambre,
revenir aux motions non annoncées. M. le Président, avec le
consentement unanime de cette Chambre, qu'il me soit permis de faire motion
pour que la commission parlementaire permanente des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives, qui doit prendre en
considération le projet de loi no 45, Loi de la protection du
consommateur, et qui se réunira à compter de dix heures, demain
matin, puisse poursuivre ses travaux pendant que la Chambre est en
séance.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion est adoptée?
M. PAUL: M. le Président, avant que la motion soit
adoptée, j'aurais peut-être une explication à demander au
leader du gouvernement. Est-ce que c'est une mesure de sécurité,
cette intention du gouvernement de faire siéger cette commission pendant
que la Chambre procédera à ses travaux normaux, ou si c'est tout
simplement pour prévoir qu'éventuellement, d'ici la fin de la
session, cette commission pourra siéger, même pendant que la
Chambre siège?
M. LEVESQUE: On se rappelera qu'en deuxième lecture les diverses
Oppositions ont, à la suite du gouvernement, manifesté leur
intention de voir siéger la commission pour entendre toutes les parties
intéressées au problème. Depuis ce temps de nombreux
mémoires ont commencé à entrer au secrétariat des
commissions parlementaires.
Beaucoup de groupements ont fait connaître leur intention de venir
exposer leur point de vue devant la commission. Nous avons 19 mémoires
jusqu'à présent, venant de groupements qui ont fait
connaître leur intention de venir devant la commission. Or, nous voyons
que la session arrive à ses derniers jours. Il y a donc
déjà au programme des séances de la commission des bills
publics et privés, de la commission parlementaire des Richesses
naturelles, au sujet de l'Hydro-Québec, mercredi prochain.
Enfin, presque toutes les journées sont prises.
M. PAUL: Est-ce que...
M. LEVESQUE: C'est pourquoi nous avons cru bon d'apporter cette motion.
Mais cela ne veut pas dire, pour répondre directement à la
question du leader parlementaire de l'Opposition officielle, que nous allons
nécessairement nous en prévaloir très souvent d'ici la fin
de la session. C'est plutôt, comme on l'a mentionné, par mesure de
sécurité. Il est donc possible, si l'intérêt
manifesté jusqu'à maintenant pour les travaux de la commission
est réel et nous paraît aussi fondé que
présentement, que nous soyons prêts à présenter une
motion pour que cette commission parlementaire puisse siéger entre les
deux sessions.
M. PAUL: M. le Président, je me demande si le leader du
gouvernement n'a pas fait une restriction mentale volontaire, lorsqu'il a
parlé des commissions qui doivent siéger. Il les a
énumérées. Est-ce que c'est volontairement s'il n'a pas
mentionné la commission de l'Agriculture et de la Colonisation pour
étudier les politiques de l'Office des marchés agricoles?
M. LEVESQUE: On ne peut pas présumer de la volonté de la
Chambre.
M. CHARRON: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député...
M. LEVESQUE: Est-ce que ma motion... Très bien.
M. ROY (Beauce): M. le Président, nous voulons bien collaborer
avec le gouvernement de façon à faire avancer les travaux de
cette Chambre et de permettre à tous les partis de se faire entendre.
D'un autre côté, nous sommes face à deux projets de loi
extrêmement importants: soit le projet de loi du ministère des
Affaires sociales, et, d'autre part, le projet de loi concernant la protection
des consommateurs. Nous voulons évidemment participer le plus
attentivement possible aux travaux et prendre part à tous les
débats, mais, comme nous devons siéger à deux endroits en
même temps, il est difficile surtout pour l'Opposition, je pense, de
participer de façon intense aux deux endroits en même temps.
Maintenant, me serait-il permis de faire la suggestion au gouvernement
que la commission parlementaire siège de dix heures à une heure
de l'après-midi, de façon que nous puissions aller dîner et
revenir en Chambre pour trois heures? Ainsi, il n'y aurait peut-être pas
lieu de doubler les séances, c'est-à-dire de faire siéger
la commission en même temps que la Chambre.
M. LAURIN: M. le Président, nous admettons le bien-fondé
des raisons invoquées par le leader parlementaire. Il est vrai que
plusieurs organismes veulent se faire entendre. C'est leur droit et je crois
que la loi ne pourra qu'en profiter. Par ailleurs, comme tout le monde le sait,
nous ne sommes que sept députés de notre parti et nous entendons
participer à fond à tous les travaux de la Chambre, aussi bien en
commission que dans les débats. Nous n'avons malheureusement pas le don
d'ubiquité; peut-être aurions-nous pu être plus nombreux,
mais nous ne le sommes pas.
De toute façon, nous entendons aider le gouvernement dans la
mesure du possible, à condition, bien sûr,qu'il ne profite pas
trop de l'occasion pour nous placer dans des difficultés qui nous
mettraient en conflit avec notre devoir de député.
M. LEVESQUE: M. le Président, loin de nous une telle
pensée. Cependant, je pense qu'il est bon, à ce moment-ci, d'une
façon bien amicale et très objective, de rappeler que ces motions
pourraient être adoptées par la majorité, tout simplement.
Mais nous essayons d'avoir un consensus dans nos travaux parlementaires. Il est
bon de rappeler ces choses pour que l'on voie que de ce côté-ci
nous essayons de trouver un moyen pour que toutes les options puissent se faire
entendre, soit en Chambre, soit dans les commissions parlementaires.
D'un autre côté, il y a parfois des urgences qui
amènent le gouvernement à vouloir non pas précipiter les
choses... mais, pour ne pas être complètement paralysé,
nous suggérons à l'Opposition de convenir et de consentir de
plein gré à ce que nous procédions ainsi. De toute
façon, si c'est tel que prévu, nous ne pourrons pas, d'ici la fin
de la session, entendre tous les groupements qui se sont déjà
annoncés. Il sera peut-être plus facile demain, à la fin de
la séance, alors que plusieurs d'entre nous serons là, sans
doute, de nous consulter et voir si la séance doit être prochaine
ou plus éloignée, peut-être même entre les deux
sessions, comme je le mentionnais tout à l'heure.
M. BERTRAND: Si le leader du gouvernement me le permet, cela nous
aiderait à planifier nos travaux s'il pouvait, demain ou jeudi, nous
donner la liste des autres projets de loi que nous aurons avant le congé
de Noël. Cela nous permettrait d'établir un calendrier suivant
l'importance de ces lois. Est-ce qu'on doit avoir encore beaucoup d'autres
projets de lois?
M. LEVESQUE: C'est justement ce que nous sommes en train
d'établir. J'espère être en mesure, d'ici la fin de la
semaine, avec le consentement du gouvernement dans son ensemble et le concours
du premier ministre, de laisser entendre à cette Chambre, aussi
précisément que possible, quels sont les projets de loi qui
restent à étudier.
M. SAMSON: M. le Président, je pense que le leader du
gouvernement conviendra avec nous qu'il y a certains cas qui peuvent être
particuliers. Nous convenons que, dans certains domaines, nous puissions
siéger ici en Chambre en même temps qu'en commission. Cela va bien
et ça permet à tout le monde de s'exprimer assez librement. Dans
un cas particulier comme celui qui nous occupe, par exemple, le leader du
gouvernement nous demande si nous voulons bien collaborer. Je pense que c'est
de plein gré que nous allons le faire. Nous pourrions peut-être
aussi demander la même coopération au gouvernement. Pour la
question spéciale qui nous occupe présentement, ça
permettrait aux partis de l'Opposition de donner un rendement meilleur que
celui que nous donnerions si nous étions obligés de siéger
en même temps et de courir d'une chambre à l'autre, comme
ça nous est déjà arrivé l'été
dernier. Malheureusement, je crois que nous n'avons pas pu donner notre pleine
mesure. Je sais pertinemment que le gouvernement ne voudrait pas
bâillonner l'Opposition. On sait que nous pouvons aider plutôt et
non pas faire de l'obstruction. Pour toutes ces raisons, M. le
Président, je demande au gouvernement s'il y aurait possibilité,
pour ce cas particulier des affaires sociales, et de la protection des
consommateurs, qu'on ne siège pas en même temps. Cela permettrait
à tous les députés de l'Opposition de faire leur plein
travail.
M. LEVESQUE: C'est la raison pour laquelle j'avais suggéré
que, vers la fin de la séance demain, pour ce cas particulier, nous
pourrions avoir une consultation.
Alors, M. le Président, est-ce que la motion est
adoptée?
M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion est adoptée?
M. BERTRAND: Oui.
DES VOIX: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. LEVESQUE : Je proposerais que la Chambre suspende ses travaux
jusqu'à huit heures et quart.
M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à huit
heures et quart.
Reprise de la session à 20 h 20
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
L'honorable député de Bourget.
M. Camille Laurin
M. LAURIN: M. le Président, je voudrais d'abord remercier le
député de Montmagny pour avoir fait ressortir le rôle
positif qu'a joué l'ex-député de Laurier, maintenant chef
du Parti québécois, dans la structuration des ministères
dont il est ici question aujourd'hui.
M. LEVESQUE: M. le Président, vous me permettrez d'interrompre
l'opinant, avec beaucoup de regret. Est-ce que l'on a compris que le
député de Lafontaine devait continuer ce soir ou est-ce que
c'était...
M. LESSARD: M. le Président, sur le point de règlement,
c'est que, vers six heures moins dix, le député de Lafontaine a
proposé l'ajournement. Mais, tout à coup, le leader parlementaire
du parti au pouvoir a commencé à parler. C'est à ce
moment-là que le président de la Chambre a dit: Dans ce
cas-là, il n'est pas six heures. L'ajournement a été fait
par le leader parlementaire.
M. LEVESQUE: Je ne crois pas que personne n'ait ajourné le
débat autrement, M. le Président. De toute façon, je donne
mon consentement, avec plaisir.
M. PAUL: De toute façon, M. le Président, c'est un mandat
que le député de Lafontaine avait reçu, articles 1701 du
code civil et suivants.
M. LE PRESIDENT: C'est du député de Lafontaine au
député de Bourget et maintenant du député de
Bourget au député de Lafontaine. Mais avec le consentement
unanime...
M. LEVESQUE: Je crois que ça demande le consentement unanime,
parce que je ne voudrais pas que ça crée de
précédent...
M. PAUL: D'accord.
M. LEVESQUE: ... et qu'on procède par mandat à
l'intérieur de la Chambre.
M. PAUL: Très bien.
M. SAMSON: M. le Président, nous comprenons que ce n'est
peut-être pas conforme au règlement. Etant donné que les
quatre chefs du parti étaient en consultation, à un certain
moment, et que nous n'aurions pas eu la présence du député
de Bourget si nous n'avions pas concédé certaines choses, c'est
avec plaisir que nous consentons qu'il fasse son intervention.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget, avec le
consentement unanime de la Chambre.
M. LAURIN: Je remercie beaucoup la Chambre de son obligeance. Donc, je
voudrais remercier le député de Montmagny cela me donne le
plaisir de le répéter pour les paroles élogieuses
qu'il a eues à l'endroit de l'ancien député de Laurier,
qui a joué son rôle dans la structuration des ministères
dont il est question aujourd'hui. Je le souligne tout particulièrement,
parce que c'est la première fois depuis mon arrivée dans cette
Chambre que j'entends un éloge à l'endroit du
député de Laurier; je me devais de le souligner.
M. BERTRAND: II n'y a pas eu de sujet où on pouvait le faire.
M. LAURIN: Donc, en avril 1968 le Parti québécois,
dès les premières assises qui le constituaient en parti, avait
inscrit dans son programme la création d'un ministère des
Affaires sociales. C'est donc vous dire, puisque le Parti
québécois a été le premier parti politique à
inscrire publiquement et officiellement cette mesure dans son programme, le
plaisir que j'éprouve à parler aujourd'hui de ce projet de
loi.
Je sais bien que cette mesure peut paraître, à
première vue, dangereuse. Le député de Montmagny a
souligné, en effet, que le budget de ce double ministère
unifié équivaudrait à près des deux tiers du budget
total du Québec. Ce qui n'était qu'une appréhension chez
le député de Montmagny est devenu une crainte véritable
dans l'esprit de mes collègues créditistes.
Il est bien entendu que nous-mêmes avons, à première
vue, cette appréhension, même si nous n'avons pas cette crainte.
Mais je crois que cette objection est facilement réfutable avec des
raisons de fait et des raisons de principe. Des raisons de fait, puisque dans
presque toutes les sociétés, actuellement, nous voyons une
portion très importante du budget affectée au domaine de la
santé et du bien-être. Il s'agit, la plupart du temps, de
dépenses quasi incompressibles qui résultent de l'accumulation
des prestations que les gouvernements se doivent d'affecter à ces deux
domaines, aussi bien à cause du progrès de la médecine et
des institutions sanitaires qui en découlent qu'en raison des besoins
sociaux qui deviennent de plus en plus aigus dans cette société
moderne dans laquelle nous vivons. Il s'agit donc, si l'on regarde aussi bien
les salaires que les prestations, de dépenses incompressibles auxquelles
ont à faire face actuellement la plupart des gouvernements du monde et
surtout les gouvernements des sociétés occidentales les plus
évoluées.
Ces dépenses incompressibles, bien sûr, peuvent être
masquées et, dans certains pays, on a préféré
créer des régies gouvernementales qui administrent une certaine
partie de ces produits. Je crois que c'est d'ailleurs là l'intention du
gouvernement. Dans certains autres pays, on a créé plutôt
des caisses de sécurité sociale ou autres qui font que ces sommes
n'apparaissent pas au budget gouvernemental, même si nous savons que le
gouvernement y contribue cependant beaucoup.
Donc, du point de vue des faits, il s'agit d'une situation que nous
retrouvons dans presque tous les pays du monde. Mais, de plus, il y a un autre
argument. Cette question des besoins sociaux des citoyens de nos
sociétés, devient de plus en plus urgente, étant
donné les disparités sociales auxquelles a d'ailleurs
référé le député de Louis-Hébert, et
peut-être en raison même de l'accroissement de ces besoins, du
caractère plus impératif de ces urgences, il est devenu de plus
en plus nécessaire de consacrer une portion toujours plus importante du
budget des Etats à ces besoins.
Ce qui nous indique, dans ce domaine en particulier, la
nécessité d'un ministère unifié, que je ne crains
pas, pour ma part, d'appeler un superministère. C'est le premier
superministère que crée le gouvernement libéral. Je crois
qu'il sera appelé à en créer d'autres et que tous les
gouvernements qui se succéderont au Québec devront faire de
même.
C'est un peu la raison pour laquelle, dans notre parti, nous avons
prévu au programme la création de sept superministères, le
superministère de l'Economie en particulier dont le rôle, au point
de vue de la gestion, au point de vue de l'orientation, devient de plus en plus
important. Car, on confie, on confiera aussi à ces
superministères le soin d'élaborer les grandes politiques de
l'Etat qui doivent coordonner les activités de plusieurs
ministères, comme on les appelle aujourd'hui. Ce qui implique aussi
qu'il deviendra nécessaire de créer dans nos gouvernements de
plus en plus compliqués, qui doivent s'occuper de portions toujours plus
grandes de la vie collective, et même jusque dans les détails, non
plus un cabinet de 21, 23 ou 24 membres, mais à l'intérieur de
ces cabinets, l'exécutif de l'exécutif qui, d'une façon
plus cohérente, d'une façon plus continue, est appelé
justement à élaborer, au fil des mois, au fil des années,
ces grandes politiques et qui doit être chargé de donner aux
autres ministères, les grandes lignes de l'action gouvernementale.
Donc, nous n'avons pas peur de ces superministères. Nous croyons
que c'est dans la ligne de l'évolution et nous croyons que cette
évolution est appelée à se continuer pour
l'efficacité même de l'action gouvernementale qui est de
régler les problèmes de la collectivité le plus rapidement
possible, le mieux possible et avec la plus grande sagesse possible.
De toute façon, en ce qui concerne les domaines de la
santé, de la famille et du bien-être, il semble que le moment de
la création d'un pareil superministère soit arrivé, car,
nous le voyons couramment, l'interpénétration de ces divers
domaines se fait tous les jours d'une façon de plus en plus
marquée, au niveau même de l'activité des citoyens, au fur
et à mesure, justement, de l'évolution des
collectivités.
Et cette interpénétration est due, pour une grande part,
à deux facteurs: d'abord le progrès des sciences, qui est tel
qu'en médecine on est obligé de s'occuper de sociologie, en
sociologie on est obligé de s'occuper de médecine, et dans ces
deux domaines on ne peut plus rien faire actuellement, on ne peut plus rien, en
tout cas, traduire au niveau des réalités si on ne tient pas
compte du facteur économique. On appelle ce phénomène
l'interdisciplinarité, et cette interdisciplinarité est devenue
la marque de commerce de toute la science moderne. Il serait bien
étonnant qu'elle ne soit pas obligée de se traduire au niveau de
l'action gouvernementale.
De la même façon, nous assistons, en ce qui concerne les
modes de vie, à une évolution qui nous force à jeter un
regard neuf sur la façon dont ces besoins doivent être
aménagés. Je n'ai pas besoin de vous souligner les progrès
extrêmement rapides de la technologie; je n'ai pas besoin de souligner
les caractéristiques de la société de consommation, ainsi
que les conséquences extrêmement importantes de l'urbanisation
progressive du Québec.
Si vous mettez ensemble ces trois facteurs, une technologie qui est
naturellement sans âme, puiqu'elle ressortit aux sciences de la nature,
si vous ajoutez les impératifs de la société de
consommation et les conséquences de l'urbanisation, nous nous rendons
compte qu'on ne peut traiter de ces différents aspects sans
l'interdisciplinarité, non plus maintenant vécue au niveau des
principes, au niveau des principes du savoir, mais au niveau de la vie
existentielle de chaque citoyen.
En raison donc de cette interdisciplinarité et de cette
convergence de plusieurs facteurs, nous voyons que
l'interpénétration est devenue une réalité
quotidienne. La meilleure preuve, d'ailleurs, en est que, même dans les
lois actuelles, nous voyons que le législateur n'a pas pu
s'empêcher de traduire ces impératifs au niveau de la
réalité. J'en prends comme exemple la Loi de l'aide sociale qui,
à plusieurs de ses paragraphes, prévoit une aide sanitaire et une
aide médicale.
Je vois aussi dans le projet de loi de l'assurance-chômage, qui
est prévu au livre blanc du gouvernement fédéral, que
même en ce qui a trait à l'assurance-chômage,
c'est-à-dire un domaine qu'on avait l'habitude de relier au travail, le
législateur fédéral pense à faire des intrusions
dans le domaine des services, d'abord, et même dans le domaine des
services médicaux, ce qui montre bien que, nolens,
volens, le législateur est obligé de s'introduire dans le
niveau des services sociaux ou médicaux, même s'il ne le voudrait
pas, même si sa compétence le lui interdit quelquefois.
De la même façon, nous voyons que, dans les normes
opérationnelles actuelles des divers programmes, nous assistons à
une accentuation de ce caractère de liaison du social et du sanitaire.
Je pense, par exemple, à cette notion d'équipe pluridisciplinaire
qui existe de plus en plus, aussi bien dans nos hôpitaux que dans les
organismes de bienfaisance. Nous savons maintenant que nous ne soignons plus le
malade dans un lit d'hôpital; de plus en plus, nous le soignons à
la clinique externe. Nous le soignons au foyer de postcure, parfois bien plus
longtemps qu'à l'hôpital et d'une manière beaucoup plus
efficace.
Ces soins communautaires, qu'ils précèdent ou qu'ils
suivent la cure, exigent, la plupart du temps, une immixtion marquée
dans le champ du social, puisqu'il s'agit souvent de procurer un secours
financier ou technique à des familles ou à des individus qui en
ont un très grand besoin. De la même façon, nous avons pu
lire le projet Castonguay-Nepveu, qui prévoit la création
d'équipes pluridisciplinaires au niveau local, ensuite au niveau
régional et ensuite au très haut niveau des centres
hospitalo-universitaires. Tous ces centres sont marqués au coin de cette
notion d'équipe, équipe pluridisciplinaire qui postule
nécessairement la conjonction de l'élément social et de
l'élément sanitaire.
Donc, toutes les normes opérationnelles actuelles et, encore
beaucoup plus, futures, exigent cette polyvalence, exigent cette coordination,
exigent cette intégration du social et du sanitaire, aussi bien au
niveau des principes qu'au niveau de la réalisation des programmes. Je
crois que ceci sera de plus en plus nécessaire non seulement parce que
la logique nous y mène, mais également pour éviter des
obstacles, des dangers que, malheureusement, nous avons commencé
à noter, comme, par exemple, le cloisonnement dont parlait le
député de Montmagny, avant l'ajournement, ou, ce qui peut
être encore plus grave, le dédoublement qui coûte tellement
cher sur le plan des énergies, aussi bien qu'au niveau de l'argent, ou
encore ce chevauchement qui amène souvent des conflits à
l'intérieur même des ministères ou entre les
ministères, tout cela se traduisant par une inefficacité des
services et la négation même de l'idéal gouvernemental.
D'ailleurs ce décloisonnement, comme je l'ai noté, encore
une fois, dans l'historique que faisait le député de Montmagny
tout à l'heure, est commencé déjà depuis plusieurs
années. Mais je crois, et ici je suis d'accord avec le
député de Louis-Hébert, qu'il importe de pousser,
d'accélérer ce décloisonnement, afin que nous en arrivions
le plus tôt possible à cet idéal que la logique nous impose
de suivre et pour une autre raison aussi qu'a soulignée le
député de Louis-Hébert, et ici encore je suis tout
à fait d'accord avec lui, à cause de l'urgence des besoins
sociaux, à cause des très nombreuses et très criantes
disparités sociales, à cause des réformes urgentes qui
s'imposent dans ces domaines, surtout lorsque l'on songe à la crise qui
ébranle actuellement le Québec jusque dans ses profondeurs.
Donc, nous sommes d'avis que la création de ce ministère
des Affaires sociales, non seulement favorisera une politique globale qui
s'impose, mais que cette politique globale qui s'impose ne serait pas
réalisable autrement. Et cela doit d'abord se faire au niveau des
principes et de la philosophie. Non pas parce qu'il faut privilégier les
principes et la philosophie, non pas parce qu'il faut y perdre indûment
notre temps, mais nous savons très bien que ces principes et cette
philosophie, si on les néglige, nous serons obligés d'en faire
plus tard, pour réparer les dégâts qui accompagnent la
négligence que trop souvent on accorde à cette philosophie et
à ces principes. Car avant de se lancer dans une action, il faut quand
même la concevoir, il faut quand même essayer d'en connaître
les articulations principales, afin que l'exécution soit
programmée, pour employer un terme plus moderne, selon les lois de la
logique et la connaissance que nous avons de notre milieu.
Cette politique, comme on l'a souligné, doit être au
service de l'homme et non le contraire. Trop souvent, les tenants de
l'empirisme et du pragmatisme, à leur insu, ont une philosophie et
précisément cette philosophie se retrouve à mettre l'homme
au service des structures qu'il invente, au service des mécanismes qu'il
met en branle et cela amène très souvent des pertes de temps et
des injustices.
Quant à moi, je préfère mettre les principes et la
philosophie d'abord, comme on met le cheval avant la charrue, afin de savoir
exactement et très clairement, où l'on va.
Je pense qu'il faut tendre d'abord comme le soulignait le
député de Louis-Hébert à l'humanisation de
toutes les structures que nous possédons déjà et qui nous
coûtent très cher, soit nos structures hospitalières et nos
structures sociales. Combien de fois avons-nous répété en
cette Chambre et ailleurs que, dans une société basée sur
la notion de profit et où les progrès des sciences de la nature
ont été beaucoup plus rapides que ceux des sciences humaines,
nous courons le risque d'oublier l'homme et de le sacrifier à des
impératifs plus techniques.
Je pense que ce souci d'humanisation doit être au fond de toutes
les tentatives que nous faisons de réformer les structures. Cette
tentative d'humanisation, bien sûr, doit se traduire rapidement au niveau
de la réalité afin d'éviter cette fragmentation dont
parlaient à juste titre les orateurs qui m'ont
précédé, car il importe de considérer l'homme et
non pas l'individu. Je préfère de beaucoup cette notion d'homme
à
celle d'individu dont on entend parler si souvent lorsqu'on analyse les
programmes de sécurité du revenu. En effet, l'homme n'est pas
qu'un numéro ou une unité statistique, mais il est un ensemble de
motivations, un ensemble de besoins, animé par des facultés
supérieures. Cet homme a des besoins que la collectivité, par le
moyen de l'Etat, doit absolument lui permettre de réaliser.
A ce titre, nous retrouvons justement ces disparités, ces
injustices dont on a parlé et qu'il importe, pour un programme de
sécurité sociale, de faire disparaître ou, du moins,
d'atténuer le plus possible.
L'homme aussi doit être conçu dans le sein de sa famille
et, là, je rejoins les préoccupations de ceux qui m'ont
précédé. Même si l'appellation "ministère de
la Famille" doit disparaître, il est bien évident que ce souci de
protection, de développement et d'épanouissement de la famille
doit rester très vivant dans nos préoccupations et inspirer des
mesures pratiques que nous serons obligés d'adopter.
Mais, il n'est pas suffisant de ne penser qu'à l'homme et de ne
penser qu'à la famille. Cet homme, cette famille vivent dans une
société de plus en plus complexe, de plus en plus dynamique, de
plus en plus mouvante sur tous les plans, que ce soit le plan économique
ou le plan politique. Ici, nous retrouvons cette conjonction dont je parlais
tout à l'heure du social et du sanitaire. Cette préoccupation,
nous pouvons maintenant l'avoir à partir des principes dont je parlais
jusqu'à la réalité concrète dans ces exigences qui
nous sont posées dans notre travail de tous les jours; par exemple, au
niveau de l'homme, cette nécessité de lier la prévention,
le traitement et la réadaptation.
Je vois, d'ailleurs, que les boîtes de l'organigramme du
ministère des Affaires sociales font justement la part belle à
ces trois types de préoccupations: prévention,
c'est-à-dire avant que nous ayons affaire à une difficulté
afin de tenter de le prévenir; traitement pour la corriger et ensuite
réadaptation afin de faciliter la nouvelle insertion de l'homme dans la
société.
Ceci épouse la démarche naturelle du clinicien, que ce
clinicien soit médecin, travailleur social ou même animateur
social. Cette démarche naturelle du clinicien doit être
également celle de l'organisme supérieur qui doit régir,
organiser les efforts des cliniciens. C'est la raison pour laquelle, je me
réjouis de trouver dans cet organigramme une classification des
tâches, une fonctionnalisation des tâches beaucoup plus
appropriée que l'empirisme que l'on pouvait y trouver auparavant. Mais
également, ce souci doit se traduire au niveau concret, non seulement
pour l'homme, mais également pour la collectivité. Combien de
fois, à titre de praticien de la médecine, je me suis rendu
compte que certaines des maladies de mes clients étaient dues beaucoup
moins à des facteurs pathologiques que la médecine m'avait
enseignés, comme les microbes ou comme les irritations, qu'à des
facteurs sociaux qui avaient été négligés, qui
n'avaient pas été corrigés! Combien de fois me suis-je dit
que de la correction de ces facteurs sociaux par législations ou
règlements pourraient s'ensuivre des progrès qui
empêcheraient la maladie ou abrégeraient, à tout le moins,
sa durée!
De plus en plus, nous nous rendons compte, dans toutes les disciplines
médicales, dans toutes les disciplines sociologiques d'assistance
sociale que l'évaluation et la correction de certaines plaies sociales
sont absoluement essentielles pour toute politique de bien-être ou toute
politique sanitaire. C'est donc cette philosophie, ces principes qui doivent
s'incarner dans la réalité du ministère, dans la
réalité de l'action de ceux qui dépendent de lui, qui
travaillent au sein de ce ministère et que seule peut apporter une
intégration, une unification des deux ministères de la Famille et
du Bien-Etre social et de la Santé.
Mais, également, cette unification doit maintenant se retrouver
au niveau des programmes concrets. Là, nous voyons beaucoup de
programmes puisque on le rappelait tout à l'heure le
ministère de la Santé est un vieux ministère qui existe
depuis la Confédération. Même si le ministère de la
Famille et du Bien-Etre social est plus récent, il reste que plusieurs
des mesures qui sont administrées maintenant par le ministère de
la Famille et du Bien-Etre social existaient bien avant qu'existe ce
ministère. Il y a donc pléthore de programmes, programmes
anciens, programmes nouveaux je n'ai pas à les
énumérer assurance-hospitalisation, assurance-maladie,
prestations d'assistance sociale, toutes les mesures de protection de
l'enfance, protection de la famille, épanouissement de la famille, tout
le domaine des assurances sociales et, de plus en plus, maintenant, les mesures
de sécurité du revenu. Nous voyons également une
pléthore de programmes fédéraux et, là aussi, nous
les voyons augmenter d'année en année. Nous pouvons ne pas nous
entendre sur la compétence, la juridiction respective des deux
gouvernements. Mais si nous ne regardons que la somme de ces programmes, nous
voyons quand même qu'ils s'accroissent de plus en plus, qu'ils deviennent
de plus en plus nombreux, de plus en plus compliqués.
Je pense que cette unification s'impose parce que tous ces morceaux de
programmes se tiennent, ont des rapports les uns avec les autres et que, si on
ne parvient pas à les unifier, à les coordonner, à les
rationaliser, il y aura ces dédoublements et chevauchements dont je
parlais, bien sûr, au point de vue négatif mais, au point de vue
positif, on ne pourra pas leur faire produire tous leurs fruits. Je pense que
tous ces morceaux exigent une politique globale et, à toutes fins
pratiques, un ministère qui sera capable, qui aura les moyens, aussi
bien finan-
ciers que politiques, d'administrer, d'intégrer tous ces
programmes les uns avec les autres.
Ici, je voudrais joindre ma voix à celle du député
qui m'a précédé et qui a demandé au gouvernement de
ne pas s'éloigner de la ligne qui a été prise depuis dix
ans par les gouvernements successifs du Québec. Nous nous rendons
compte, de plus en plus, que tous ces programmes provinciaux ou
fédéraux doivent faire partie d'un programme unique, si on veut
que leur efficacité soit maximale. Nous savons que des efforts majeurs
ont été faits depuis une dizaine d'années. Je pense, par
exemple, au retrait des programmes conjoints, à l'équivalence
fiscale qui a permis de les continuer au Québec. Je pense à tous
ces programmes nouveaux que nous pouvons lire tous les jours dans les livres
blancs, qu'ils viennent du fédéral ou du provincial. Ce qui
revient à dire qu'il ne faut pas vider de leur contenu les politiques
que l'on veut instaurer au niveau du Québec. Et si l'on ne veut pas les
vider de leur contenu, il faudra unifier tous ces programmes, qu'ils soient
sanitaires, qu'ils soient sociaux ou qu'ils touchent à la
sécurité du revenu car, encore une fois, ce sont des morceaux
d'une même robe, et si on y crée des trouées, si on les
divise, ils perdent leur unité, ils perdent leur logique, ils perdent
leur efficacité. Qui en souffrira? C'est le citoyen
québécois.
Je ne voudrais pas, ici, répéter toutes les raisons qui
ont motivé l'attitude passée des gouvernements
québécois. Je ne veux en donner que celle-ci: cette
nécessité, dans une société de plus en plus
complexe, moderne, qui se veut efficace, de traiter en même temps tous
les aspects du problème, et cette autre, surtout, qui est
peut-être la plus importante, c'est que notre société
québécoise a ses caractéristiques socioculturelles
propres, ses besoins propres. Elle a son besoin d'identité, aussi. Elle
a sa fierté, sa dignité et peut-être que ses besoins ne
peuvent être nulle part mieux servis qu'au Québec, ne peuvent
être mieux servis que par un ministère québécois,
administré par des Québécois qui partagent, justement,
avec ceux qui l'administrent, les mêmes préoccupations, les
mêmes besoins, les mêmes aspirations, la même
philosophie.
Dans ce domaine de la sécurité sociale et de la
santé, qui est tellement lié à la vie quotidienne du
citoyen, qui est tellement lié à ses facultés
supérieures, qui est tellement lié à la
nécessité de son épanouissement et de son
développement sur tous les plans, cette préoccupation que je
n'appellerai pas nationale mais que j'appellerai simplement humaine, s'impose
de plus en plus. J'espère que les mauvaises nouvelles que l'on peut
avoir entendues ces jours-ci et qui laissent présager des affrontements
très prochains, se régleront dans le sens de cette
identité de plus en plus affirmée du Québec et se soldera
par le rapatriement complet de tous les programmes de sécurité
sociale.
Mais il faudra éventuellement continuer. Peut-être n'est-il
plus suffisant d'envisager simplement l'unification des programmes de
sécurité sociale et de santé. Peut-être faudra-t-il
y ajouter bientôt d'autres domaines. Contrairement, donc, à ceux
qui ont déjà un peu peur de l'extension du ministère, je
dis que, peut-être, il faudra ajouter certains autres domaines. Je
parlais tout à l'heure de l'assurance-chômage où, par
nécessité interne, on en arrive à faire des immixtions
dans le domaine de la santé et du bien-être, eh bien!
peut-être faudra-t-il rapatrier également...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je crois que l'intervention du
député de Bourget, que j'ai suivie, d'ailleurs, avec beaucoup
d'intérêt, jusqu'à il y a quelques minutes, était
tout à fait à point lorsqu'il est allé, vraiment, au fond
du problème de l'intégration des deux ministères de la
Santé, de la Famille et du Bien-Etre social.
En ce qui me concerne, je n'ai aucune objection à ce qu'il fasse
une révision de tous les besoins de santé et de bien-être
de la population du Québec. Personnellement, je n'y vois aucune
objection, mais je me demande si c'est permis dans les limites du débat
actuel. Je pense bien que le député de Bourget aura toutes les
occasions d'y revenir lors de l'étude des crédits du
ministère des Affaires sociales.
Je sais que la tentation est facile d'aborder toutes les questions de
bien-être, de rapatriement des allocations sociales, du bien-être
social et d'autres. Mais, je me demande si on n'élargit pas le
débat et si on ne verra pas, à ce moment-là, tous les
députés de cette Chambre traiter du sujet.
Je pense bien que le député de Bourget le fait par
corollaire, si vous voulez, pour ajouter quelque chose à son discours,
mais j'aimerais bien qu'il revienne au débat de deuxième lecture
du projet de loi que nous avons devant nous.
M. LAURIN: Très bien, M. le Président. Je me contente donc
d'émettre le voeu que, dans l'avenir, peut-être, il faudra
continuer d'élargir les responsabilités du ministère de
façon qu'elles incluent des domaines connexes, comme celui du travail,
ainsi qu'en témoigne l'évolution qui se dessine actuellement dans
le champ de l'assurance-chômage, des accidents du travail et des
politiques de main-d'oeuvre.
On a également parlé des difficultés, des
problèmes qui pourraient être causés par la création
de ce ministère unifié des Affaires sociales. J'en vois
plusieurs. Il est bien évident qu'avec un ministère aussi vaste,
qui comporte des responsabilités aussi variées, nombreuses et
lourdes, la difficulté de coordonner tous ces travaux et de faire
marcher de concert toutes les sections, tous les services, sera beaucoup plus
grande.
C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle notre
parti avait déjà prévu que, dans ce
superministère, on pourrait peut-être former, un jour, des
secrétariats d'Etat qui seraient affectés, d'une façon
plus particulière, à telle ou telle fonction qu'entend servir le
superministère. Mais, peut-être, en attendant la création
de ces secrétariats d'Etat que seul un régime présidentiel
pourrait nous donner, pourrons-nous, avec l'institution des comités
interministériels ou même des comités
intraministériels, étant donné que ce ministère
sera très élaboré, arriver à régler ce
problème de concertation et de coordination. Il s'agit, bien entendu,
d'éviter les obstacles que tout le monde connaît, lorsqu'on a
affaire à de vastes structures: les problèmes de lourdeur, de
lenteur et d'inertie. Je pense, quand même, qu'il y a moyen, avec les
techniques appropriées, d'obvier à cette lenteur ou à
cette lourdeur et de les remplacer par des mécanismes de gestion plus
efficaces.
D'ailleurs, le député de Louis-Hébert a
parlé de son objectif de fonctionnalisation. Je pense que nous en sommes
tous, malgré qu'il ne faudrait peut-être pas élever
à l'état de mythe l'efficacité de ces nouvelles techniques
de fonctionnalisation, centrées sur la budgétisation et sur la
programmation. Ce sont là des techniques qui doivent être mises,
bien entendu, au service de cette philosophie, de ces principes dont je parlais
tout à l'heure et qui, justement, rendent tous leurs fruits quand elles
ne remplacent pas l'idéal qu'elles prétendent servir.
De la même façon, je crois qu'il faudra accorder une grande
attention aux relations avec le secteur parapublic. Dans le domaine de la
santé, dans le domaine du bien-être, nous savons que, depuis
plusieurs années, justement parce que la charité, auparavant,
n'était pas une responsabilité gouvernementale, il existe encore
plusieurs organismes qui peuvent suppléer d'une façon utile
à l'action du gouvernement ou qui peuvent la compléter. Aussi
longtemps que ces organismes du secteur parapublic existeront, il faudra
prendre bien garde de s'assurer leur collaboration maximale et, pour cela,
prévoir les mécanismes appropriés.
Je voudrais surtout mettre l'accent, pour ma part, sur une des
préoccupations marquantes du futur ministre des Affaires sociales: la
régionalisation. Cette régionalisation nous parait
nécessaire à plusieurs égards: d'abord, pour
l'élaboration des politiques et, ensuite, pour l'administration des
programmes. Le ministre a parlé de la nécessité de la
consultation et de la participation. Je suis bien d'accord avec lui, beaucoup
plus, en tout cas, qu'avec le député de Rimouski, lorsqu'il nous
parlait tout à l'heure de l'ODEQ.
Justement, je crois que, plus particulièrement dans ce domaine
qui touche de si près à la vie quotidienne des personnes, la
consultation s'avère absolument essentielle, étant donné
que nous avons souvent affaire, là, à des gens qui connaissent
d'une façon intime les réalités de leur milieu et qui nous
rappellent parfois quelque vérité que les programmeurs seraient
portés à oublier.
De la même façon, au niveau de l'administration des
programmes, il est bien entendu que ces personnes et ces organismes qui sont en
contact avec la vie quotidienne sont parfois beaucoup plus capables de
comprendre les besoins, de corriger, par une souplesse humaine, ce que peuvent
avoir d'hiératique ou de rigide les normes opérationnelles ou
administratives.
C'est la raison pour laquelle on peut émettre le souhait que
lorsque le travail commencé depuis quelques années au domaine de
la régionalisation des services d'éducation, de santé, de
bien-être, sera complété, il sera possible de donner
à ces administrations régionales un budget qui leur permettra de
s'acquitter de leur tâche. Car ces deux impératifs doivent
s'articuler. Bien sûr, il reviendra toujours au gouvernement
d'élaborer les politiques globales, à l'aide des consultations
faites au niveau local, mais il reviendra toujours aux administrations locales
d'élaborer, d'administrer au jour le jour, avec la plus grande
efficacité possible, près du lieu où les besoins se font
sentir, les politiques gouvernementales.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, il nous semble
important de donner au futur ministre des Affaires sociales l'instrument dont
il a besoin pour appliquer la politique dont il nous a fait part tout à
l'heure. Et puisque le député de Montmagny y faisait allusion, je
n'ai pas de doute moi-même que ce chêne, non pas solide, mais
serein dont on avait parlé, saura faire rendre à cette Loi des
Affaires sociales tout le fruit et tout le progrès que nous en
attendons.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Mégantic.
M. Bernard Dumont
M. DUMONT: M. le Président, nous avons devant nous un projet de
loi qui veut créer, par son appellation, le ministère social de
l'épuisement financier et un ministère qui, à mon sens,
sera un ministère géant, un ministère du Roi-Etat, qui ne
sera d'ailleurs dépassé en milliards que par le Roi-Etat
fédéral Munro qui, lui, à son tour, dispensera à
son bon gré les millions qu'il aura récupérés du
Québec. Et, nombre de fois, la note sera très souvent
allégée d'un bon montant de $230 millions, comme nous le voyons
pour la taxe dite de progrès social; c'est d'ailleurs la même
chose que nous voyons cette année dans le domaine des sports.
M. le Président, même nous l'avons d'ailleurs vu
dans l'exposé que nous venons d'entendre, le supposé faux
nationaliste, membre d'un parti censé indépendantiste, votera en
faveur d'une loi permettant à notre ministère de
l'épuisement social financier de dépendre d'Ottawa et
d'être obligé d'accepter ses plans conjoints avec Ottawa, tout
simplement parce qu'il trouve dans le projet qui nous est
présenté suffisamment de socialisme pour l'appuyer.
Loin de moi l'idée de critiquer l'esprit administratif pour
l'Etat du ministre actuel de l'épuisement social financier; au
contraire, on lui reconnaît et tout le monde l'a reconnu dans
cette Chambre des qualités d'administrateur lui permettant de
dépenser à satiété les montants d'argent qui le
proclameront le Roi-Etat. Ce que le ministre, avec son chef, semble toutefois
oublier, c'est le droit inaliénable de l'homme à la vie, à
la liberté et à la poursuite du bonheur. Si ces mots ont un sens,
il s'agit d'une affirmation absolue du droit de l'individu pris collectivement
au-dessus de tout intérêt externe.
Mais cela ne signifie pas l'anarchie, ni ce que l'on appelle
communément l'individualisme, c'est-à-dire la subordination de
l'indivitu à l'idée des autres, à l'idée de celui
qui veut dominer dans son propre intérêt. La première
condition suggérée par ces projets de lois qui nous sont
présentés serait donc d'obtenir pour les individus un tel
degré d'initiative dans le rajustement des structures politiques et
économiques qu'ils puissent eux-mêmes bénéficier des
avantages de la science et du machinisme et qu'ils se trouvent dans une
situation telle que ces personnes aient la liberté de dire, avec une
indépendance de plus en plus grande, si elles participeront ou si elles
ne participeront pas à tout projet ou à toute oeuvre qu'on leur
proposera.
C'est à mon sens, fausser la vérité que de
découvrir, si cette liberté ne permet pas aux individus, en
retour d'un effort exercé comme un droit, non comme un privilège
ou une concession, qu'une équivalence économique ne leur soit
rendue. Les systèmes sont faits pour les hommes et non les hommes pour
les systèmes.
L'intérêt de l'homme, qui consiste en son
développement personnel, est au-dessus, à mon sens, de tout
système, qu'il soit même théologique, politique ou
économique, car l'être humain est la créature la plus
précieuse de toute société bien organisée. Tout
homme, en tant qu'être vivant doué de raison, tient, en fait, de
la nature, le droit fondamental d'user des biens de la terre, bien qu'il soit
laissé à la volonté humaine et aux institutions juridiques
des peuples de régler plus en détail les réalisations
pratiques de ce droit. C'est pourquoi le gouvernement doit, à mon sens,
servir l'homme et non l'asservir.
C'est d'ailleurs en vertu d'un droit naturel que les hommes choisissent
de s'associer entre eux en vue d'obtenir, pour chacun, un mieux-être dans
le domaine pour lequel ils se sont groupés. Les différentes
communautés ainsi formées peuvent présenter des
différences très considérables, mais dans tous les cas, ce
sont les personnes humaines qui les composent qui ont des droits
prioritaires.
Que ce soit au niveau des organisations locales ou professionnelles, ou
au niveau des collectivités nationales ou internationales, il faut
veiller à ce que les droits de chaque communauté soient
sauvegardés. En cas de conflit, il faut donner, tout d'abord, la
priorité aux droits des personnes, puis à ceux de la famille.
Plus un groupement, une association ou une communauté est proche de la
personne humaine, plus ces droits doivent être respectés. Ces
considérations valent surtout pour l'Etat ou la société
internationale. C'est pourquoi, dans les objections que vous avez entendues de
ce coin-ci de la Chambre cet après-midi, M. le Président, et que
je continue d'exprimer ce soir, vous ressentez réellement une opposition
à la réunion de ces projets de loi pour former ce que j'ai
appelé un ministère qui provoque le gigantisme.
Ce que chacun de nous désire, je crois, c'est une situation telle
qu'il serait possible à chacun d'avoir recours, sans restriction, aux
trésors de la science afin de réaliser nos propres idées
et de satisfaire nos légitimes désirs selon nos besoins.
Naturellement, ces idées ces désirs seront différents. Les
choses étant ce qu'elles sont, tout comme nos personnalités sont
différentes, elles le deviendront de plus en plus à la suite des
individus qui veulent eux-mêmes s'individualiser. C'est pourquoi il ne
faut pas considérer ces projets de lois qui nous sont
présentés, comme étant cette liberté d'action, mais
plutôt comme une certaine forme de socialisme d'Etat et un semblant de
fascisme.
Le rôle, au contraire, d'un gouvernement élu devrait
être de fournir la responsabilité au peuple des résultats
qu'il désire dans l'administration des affaires publiques, autant qu'il
soit physiquement possible et moralement souhaitable. Sauvegarder le domaine
intangible de la personne humaine et lui faciliter l'accomplissement de ses
devoirs doit être le rôle essentiel du pouvoir public. Il faut
toujours rappeler ce principe: la présence de l'Etat, dans le domaine
économique, si vaste et pénétrante qu'elle soit, n'a pas
pour but de réduire de plus en plus la sphère de l'initiative et
de la liberté personnelle des particuliers.
Tout au contraire, elle a pour objet d'assurer, à ce champ
d'action, la plus vaste ampleur possible grâce à la protection
effective, pour tous et pour chacun, des droits essentiels de la personne
humaine. Tout homme doit avoir la possibilité de choisir librement parmi
les choses moralement bonnes. La sécurité économique ne
doit pas être une entrave à l'exercice de cette liberté.
Elle doit, au contraire, en favoriser l'expression entière.
La liberté est le propre de ceux qui ont reçu la raison et
l'intelligence en partage. Et cette liberté, à en examiner la
nature, consiste dans la faculté de choisir entre les moyens qui
condui-
sent à une chose, en ce sens que celui qui a la faculté de
choisir une chose entre plusieurs autres, celui-là seulement est
maître de ses actes.
C'est pourquoi, M. le Président, considérant que la
famille constitue la cellule vitale de la société et que le
véritable but des activités économiques est d'assurer un
vrai bien humain, des ressources nécessaires à la vie du
foyer.
Considérant de plus, que tous les hommes ont un droit égal
à utiliser les biens terrestres en ce qui concerne les besoins premiers
et matériels de l'être humain, il convient que l'on ait pour rien
le plus de choses possible.
Considérant que les fruits de la production actuelle,
proviennent, pour une majeure partie, d'un capital social acculé depuis
des générations et que les fruits de ce capital social devraient
être distribués d'une façon sociale à tous et
à chacun.
Considérant que la garantie d'un minimum vital permettrait de
fournir ces besoins élémentaires de nourriture, de
vêtement, de logement et que cette façon de procéder serait
parfaitement réalisable aujourd'hui dans des conditions
économiques où se trouvent la production et la capacité de
production dans le Québec.
Considérant qu'avec l'avènement de l'automatisation, la
cybernétique et la mise en application de techniques nouvelles de
production, le travail productif de l'homme devient de moins en moins
nécessaire et cède la place au travail des machines dans des
usines de plus en plus automatisées.
Considérant que des économistes et des sociologues
américains ont réclamé, aux Etats-Unis, dans une lettre
ouverte, que la première condition pour éviter un désordre
économique et social sans précédent dans l'état
actuel de la production, qui libère le travail humain et ne
réussit pas à le réemployer utilement consiste d'abord
à assurer d'une façon non équivoque à chaque
individu et à chaque famille un revenu minimum qui lui sera garanti
comme un droit, c'est pourquoi, en présence de ces bills qui produisent,
comme je l'ai dit tout à l'heure, ce gigantisme en présence de
bills qui briment la liberté des individus, nous voterons contre ces
bills qui sont, à mon sens, une forme de socialisme qui nous
enchaîne petit à petit pour mieux nous étouffer
psychologiquement parlant et financièrement agissant.
D'ailleurs c'est ce qui a produit dans le passé, une
liberté enlevée petit à petit, de la part de nos
gouvernements modernes.
DES VOIX: Vote.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce. M. Fabien
Roy
M. ROY (Beauce): M. le Président, quelques mots seulement. Je ne
voudrais pas prolonger le débat sur ce bill que le gouvernement estime
extrêmement important, mais avant de débuter, je ne voudrais pas
répéter ce que mes collègues de notre groupement politique
ont dit, et je fais miennes les paroles des députés de
Saint-Sauveur et de Mégantic.
On nous propose le bill 42, Loi du ministère des Affaires
sociales, qui en quelque sorte favorise la fusion de deux importants
ministères dans le gouvernement, soit le ministère de la
Santé et le ministère de la Famille et du Bien-Etre social.
Le nom lui-même du projet de loi peut paraître
extrêmement intéressant, peut paraître tout à fait
alléchant, parce que, lorsqu'on parle d'affaires sociales, les gens sont
portés à penser que c'est un projet de loi qui va contribuer
à améliorer énormément leur sort et les conditions
sociales de tous les milieux du Québec et de toutes les classes de la
société.
Quant à la fusion, si on dit que ce grand objectif qu'annonce le
ministère des Affaires sociales est de regrouper ces deux importants
ministères, on pourra aussi bien prendre les mêmes arguments pour
regrouper aussi dans un seul ministère toutes les affaires
économiques et regrouper dans un autre ministère, les affaires
politiques. On pourrait se retrouver ainsi, en vertu du même principe,
avec trois grands ministères dans le gouvernement provincial, soit les
ministères des Affaires sociales, des Affaires économiques et des
Affaires politiques.
Or, M. le Président, le ministre des Finances nous a dit que cela
allait favoriser la coordination. Il est toujours possible de la favoriser sans
organiser la fusion, lorsqu'il y a de l'entente, qu'il y a de la collaboration
entre les différents ministères.
Je ne vois pas en quoi cela peut améliorer le sort de ceux qui
sont concernés par le ministère de la Santé et le sort de
ceux qui peuvent être concernés par le ministère de la
Famille et du Bien-Etre social. Si on veut parler de coordination dans le
gouvernement je ne fais pas plus de reproche au gouvernement actuel
qu'aux gouvernements passés je pense que, dans le gouvernement du
Québec, nous n'avons pas tellement vu de politique globale qui aurait
été justement une politique de coordination entre les
différents ministères. Si on parle de politique de coordination,
si on parle de politique d'efficacité, il est évident que la
coordination, avec une politique globale, il est assez difficile de s'y
reporter si on veut parler de la politique agricole, car elle est tout
simplement absente. On pourrait dire la même chose en ce qui a trait
à la politique commerciale du gouvernement. On pourrait dire aussi la
même chose en ce qui a trait à la politique financière du
gouvernement.
Il est évident qu'entre les différents secteurs de
l'activité économique du Québec, entre les
différents secteurs de l'administration du Québec, la
coordination ne semble pas tellement
exister. Mais si le projet de loi avait pour effet d'assurer une
meilleure coordination, nous disons, nous, qu'il n'était pas
nécessaire de le présenter pour assurer une meilleure
coordination entre les différents ministères.
M. le Président, je ne veux pas par mes paroles mettre en doute
la capacité du ministre actuel. Mes collègues l'ont dit tout
à l'heure: nous avons un ministre d'une grande compétence et nous
savons le reconnaître. Mais nous savons qu'aujourd'hui il est ministre et
que demain il y aura un autre ministre. Or, ce ministère a justement
pour effet de regrouper un budget qui dépasserait cet année
$1,350 millions. Avec le ministère de l'Education, les deux
superministères à eux seuls administrent 75 p. c. du budget de la
province de Québec, alors que les 22 autres ministères
n'administrent que 25 p. c. du budget, soit à peine plus de 1 p. c.
chacun.
Je pense que si on parle de coordination dans un sens, il y a
certainement un déséquilibre très prononcé dans un
autre sens. On pourrait tout simplement appeler cela du gigantisme. Je ne
voudrais pas me faire prophète de malheur et je souhaiterais me tromper,
mais autant le superministère de l'Education a pu perdre l'ancien
gouvernement Lesage, autant le gouvernement actuel prend des chances
énormes de se perdre par ce regroupement. Pourquoi? Parce qu'il est
évident que l'administration de ce superministère avec ses
énormes capitaux va être de plus en plus sous la
responsabilité des fonctionnaires, ce qui veut dire que toute la
sécurité sociale, toute la santé au Québec vont
être administrées par des fonctionnaires. Nous reconnaissons leur
compétence, mais nous savons aussi que les fonctionnaires ne sont pas
responsables devant le peuple du Québec. Les fonctionnaires sont bien
protégés par la Fonction publique et par un syndicalisme
omniprésent.
Je dis en terminant, M. le Président, que sur le plan
administratif, la fusion de ces ministères est plus que discutable, et
que sur le plan social, c'est antisocial.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. Camil Samson
M. SAMSON: M. le Président, nous reconnaissons dans la
présentation des trois bills qui sont devant nous, évidemment,
les bonnes intentions du ministre, les bonnes intentions des fonctionnaires qui
ont préparé ces bills et également les bonnes intentions
du gouvernement. Ceci dit, les bonnes intentions ne règlent tout de
même pas les problèmes. Ce n'est pas seulement avec de bonnes
intentions qu'on pourrait régler, par exemple, le problème du
chômage. Ce n'est pas seulement avec de bonnes intentions qu'on pourrait
régler le pro- blème de la pauvreté et le problème
qui se pose du respect de la liberté des individus.
Il est bien évident qu'avec toutes les bonnes intentions du
monde, on ne peut pas tout régler, car les bonnes intentions, à
ce qu'on sache, n'ont jamais encore remplacé les bonnes actions. Quoique
nous reconnaissions nous l'avons dit avec plaisir, je le
répète la grande compétence du ministre actuel, je
pense qu'il nous faut voir plus loin que ce qu'on nous présente
aujourd'hui. Il nous faut voir pour les années à venir. Un
gouvernement gouverne pour le présent, mais il doit aussi gouverner pour
l'avenir.
Qu'est-ce que l'avenir peut nous réserver avec ce qu'on nous
présente aujourd'hui, qui est en quelque sorte une espèce de
"package deal" où on a trois projets de loi ensemble?
Si on adopte le premier, les deux autres le sont automatiquement. Si on
n'adopte pas le premier, les deux autres ne valent rien. Or, on nous oblige
à discuter de trois projets de loi en même temps. Evidemment, on
voit dans le projet de loi numéro 42 les bonnes intentions du
gouvernement qui nous présente ces projets de loi. On y lit, à
l'article 3: "Le ministre doit plus particulièrement: "a) assurer la
protection sociale des individus, des familles et des autres groupes." Nous
sommes d'accord avec ça. "b) prendre les mesures requises pour assurer
la protection de la santé publique"; également, on doit
être d'accord avec ça. "c) voir à l'amélioration de
l'état de santé des individus et du niveau de santé de la
population". Il n'y a pas de problème à ce niveau-là. Nous
sommes d'accord sur le fait qu'il nous faut faire ça.
Mais, c'est dans la façon de s'y prendre que, nous, nous avons un
peu à redire, car ces projets de loi qui visent a regrouper des
ministères en un seul ministère géant, un
superministère, c'est évidemment de la centralisation. Je pense
qu'aujourd'hui, tout en nous en tenant à l'essence même du projet
de loi, nous devons quand même prendre pour exemple l'expérience
du passé et celle de certains autres ministères qui ont
essayé, à un certain moment ou à un autre, de faire de la
centralisation. C'est comme ça, par exemple, qu'on a vu, dans le domaine
de l'éducation, l'administration être centralisée de plus
en plus. Plus on a centralisé l'administration, plus on a
éloigné l'administration des parents, plus on a
éloigné l'administration des individus, plus nous nous sommes
créé de problèmes. Plus on s'éloigne du peuple,
plus on assiste à des regroupements; à ce moment-là, le
peuple se sent perdu à travers ces ministères géants ou
ces administrations géantes, de sorte que c 'est bien évident que
la population n'a pas le recours auquel elle aurait droit si on
décentralisait.
Or, ce qu'on nous propose aujourd'hui, c'est le contraire de ce qu'on
devrait nous proposer, c'est-à-dire qu'au lieu de nous proposer de
centraliser tout ça on devrait plutôt nous proposer de le
décentraliser pour le rapprocher
de la population. C'est ce qu'on ne fait pas. Evidemment, cela complique
la situation. Cela complique la situation à un tel point qu'aujourd'hui,
avec les budgets assez ronflants dont on doit se servir dans ces domaines de
l'assistance sociale, par exemple, on en est rendu à se demander
à quel moment on pourra modérer ces budgets, à quel moment
on pourra peut-être faire en sorte que soit allégé le
fardeau du contribuable, à un tel point qu'aujourd'hui le contribuable
est très chargé; surtout avec ces centralisations, nous allons le
charger encore plus. Nous allons créer des postes de contrôleurs,
de vérificateurs. Les contrôleurs vérifieront les
vérificateurs; les vérificateurs contrôleront les
contrôleurs. C'est à peu près cela qui va se produire et,
évidemment, on en arrive qu'on se perd dans cette machine, et, un jour
ou l'autre, le contribuable aura son voyage et demandera qu'on allège ce
fardeau. A ce moment-là, quelle solution nous apportera-t-on? On ne le
sait pas. Quelles seront les suggestions? Peut-être que quelqu'un de ces
centralisateurs nous proposera de taxer les assistés sociaux qui en
retirent plus pour en donner aux assistés sociaux qui en retirent moins.
Toutes les hypothèses sont bonnes.
Evidemment, avec cette centralisation, nous aurons c'est
déjà difficile aujourd'hui de la difficulté
à retrouver quelqu'un qui pourra prendre des décisions.
Aujourd'hui, les ministères ne sont pas regroupés, et c'est
déjà difficile. On nous transporte de l'un à l'autre. Il
semble que plus on se transporte de l'un à l'autre, moins on trouve
quelqu'un capable de prendre des décisions. On nous renvoie aux
sous-ministres; on nous transporte d'une région à une autre, de
l'administration provinciale à l'administration régionale. Tout
ceci pour dire que, lorsque dans ce domaine particulier de l'assistance sociale
où nous aurons à continuer à faire des demandes au
ministère pour des personnes qui se sentent, à tous les jours,
lésées dans leurs droits, eh bien, nous ne pourrons pas trouver
ce centre de décision.
Nous nous retrouverons, comme c'est le cas aujourd'hui, devant des
personnes qui viendront nous faire des plaintes, soit au bureau du
député ou au bureau de certains ministres, pour nous dire de
quelle façon on les reçoit. Pourquoi cela se produit-il comme
cela aujourd'hui? Pourquoi les assistés sociaux ont-ils de la
difficulté à être reçus? Pourquoi les
assistés sociaux ont-ils de la difficulté à faire
évaluer ce dont ils ont besoin? Tout simplement parce que, semble-t-il,
personne ne peut prendre de décisions.
Evidemment, avec la mise en pratique d'un tel ministère,
ministère gigantesque ou superministère on
s'éloignera de plus en plus, on rendra de plus en plus la vie difficile
aux citoyens, qui ne demandent pas mieux que de ne pas se servir de cette
assistance sociale mais qui n'ont pas tellement le choix aujourd'hui, surtout
avec le chômage qu'on nous annonce pour l'hiver qui vient.
Evidemment, dans la mise en pratique de ce superministère, nous
reverrons peut-être un échantillon de ce que nous connaissons
actuellement et de ce que nous avons connu dernièrement, par exemple,
lors de la mise en marche du plan d'assurance-maladie. On a centralisé,
avec ce plan d'assurance-maladie et les gens se plaignent. Pourquoi? Parce
qu'ils se sentent perdus dans cette administration de plus en plus
compliquée. Les médecins se sentent perdus, la population se sent
perdue et les patients se sentent perdus. Le résultat est le suivant:
tout le monde croit qu'il est lésé dans ses droits.
Je pense assurément que le ministre et le gouvernement sont de
bonne foi et de bonne volonté. Je pense qu'ils ne voudraient pas que
cela leur arrive. Pour ces raisons, nous leur demandons de réviser leurs
positions. Nous leur demandons de réviser ce fait qui obligera un seul
ministre à administrer presque 40 p. c. du budget, où un seul
ministre aura les cordons de 40 p. c. de la bourse gouvernementale. Evidemment,
si on crée un autre ou deux autres superministères, comme on nous
l'a laissé entendre, cela voudrait dire qu'à deux ou trois
ministres, ils auront à administrer la totalité du budget.
Je pense que c'est inconcevable. C'est inconcevable, parce qu'un
gouvernement démocratique doit décentraliser pour donner des
responsabilités et permettre à plus de personnes de participer
à certaines décisions.
Evidemment, ce superministère nous amènera à cette
grande centralisation et nous mettra devant le fait où ce seront les
fonctionnaires qui prendront les décisions les plus importantes. Comme
l'a dit mon collègue de Beauce tantôt si les décisions
proviennent des fonctionnaires, quoique nous respections ces personnes, il
demeure un fait établi, à savoir que ces gens n'ont pas besoin de
venir devant le peuple, que ces gens n'ont pas à rendre compte de leur
mandat. Si cela se fait au détriment des intérêts de la
population, ils n'auront pas à en rendre compte, alors que les ministres
doivent et devront un jour rendre compte de leur mandat devant le corps
électoral.
C'est le genre de situation devant laquelle nous nous trouvons, M. le
Président, en vertu du bill 43, avec le Conseil des affaires sociales.
Le bill 43, prévoit un conseil d'étude; cela fait partie de la
centralisation. Les conseils d'étude sont des conseils où les
gens en profiteront pour étudier, pour déterminer, et c'est ce
qui se fera, comme cela s'est fait dans le passé. On étudie, et
plus on étudie, moins on trouve quelque chose. A quoi cela servira-t-il?
En quelque sorte, cela servira à déterminer le pourcentage de
pauvres ordinaires que nous avons et le pourcentage...
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. SAMSON: ... de pauvres chroniques que nous avons, etc.
M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. SAMSON: Alors, M. le Président...
M. LEVESQUE: J'invoque le règlement. Je m'excuse auprès du
chef du Ralliement crédi-tiste de l'interrompre ainsi dans une
envolée. Je voudrais simplement que, pour respecter le règlement,
il nous confirme que le discours qu'il fait présentement sera
considéré comme un discours qui couvre son opinion sur les trois
lois auxquelles il réfère.
Autrement, je devrai m'opposer et lui demander de s'en tenir au projet
de loi à l'étude.
M. SAMSON: M. le Président, je m'excuse auprès du leader
parlementaire du gouvernement et je l'excuse aussi de m'avoir
arrêté dans ce qu'il a appelé une envolée oratoire.
Je l'excuse, parce que je pense qu'il m'est assez facile de recommencer. Si
cela dérange trop le leader parlementaire, je l'invite à
m'arrêter encore.
M. BOURASSA: II est en forme!
M.SAMSON: De toute façon, M. le Président, c'est ce qui
nous arrivera. L'opinion que j'émets là, je pense que le leader
parlementaire du gouvernement a parfaitement compris que c'est la mienne et, si
on m'a élu, c'est, d'ailleurs, pour venir donner mon opinion ici.
Alors, comme je le disais tantôt, toutes ces choses, nous les
savons par expérience. Actuellement, d'ailleurs, on n'a pas besoin
d'aller tellement loin; ce n'est même pas regroupé encore et nous
recevons des plaintes des citoyens contre le ministère, et contre les
bureaux de bien-être social. Les gens qui ont un urgent besoin d'argent
sont obligés d'attendre. Dans certains cas, des rendez-vous qui sont
donnés pour le 15 ou le 16 décembre ont été pris la
semaine dernière, alors que les gens ont un urgent besoin d'argent. Il
est bien évident qu'on ne peut pas blâmer les travailleurs sociaux
qui en ont par-dessus la tête. Quand même, si on centralise encore
plus, si on éloigne encore plus le pouvoir de décision, on
éloignera encore plus ces rendez-vous. A certains moments, nous avons
demandé de faire ajouter les employés nécessaires, mais,
malheureusement, les normes établies ne le permettent pas.
C'est écrit dans un de ces projets de lois, ici, qu'on devrait
établir des normes encore, alors que celles que nous avons, nous le
savons, ne sont pas faites pour la population; elles sont faites suivant
l'ensemble. Or, dans les cas de bien-être social, on ne peut pas
considérer l'ensemble, je pense. Il faut que chacun des cas soit
considéré particulièrement, si nous voulons, tel que l'a
dit l'honorable député de Bourget tantôt, humaniser le
système. Comment voulez-vous, d'un côté, humaniser le
système alors que, de l'autre côté, on établit des
normes pour tout le monde et qu'on passe tous les gens dans le même trou
ou dans le même carcan? A ce moment-là, on ne l'humanise pas, le
système; on le déshumanise. C'est tout simplement ça, la
différence.
M. le Président, en terminant, nous regrettons, mais, devant ces
faits, devant les arguments qu'on nous a présentés, nous devrons
maintenir nos positions. Malheureusement, pour le ministre que nous
considérons beaucoup, c'est évident que nous devrons voter contre
ce bill, lorsqu'on nous demandera de le faire tantôt. Sachez bien,
cependant, que, lorsqu'on voudra nous proposer une version modifiée
où l'on décentralisera et où l'on se rapprochera de plus
en plus de la population, à ce moment-là, comme dans le
passé, en voulant demeurer objectifs, nous serons d'accord. Pour le
moment, nous ne le sommes pas.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que cinq députés demandent le
vote?
M. DUMONT: Un vote enregistré, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés.
Que celle et ceux qui sont en faveur de cette motion de deuxième
lecture veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Hardy,
Castonguay, Madame Kirkland-Casgrain, MM. Tremblay (Bourassa), Parent,
Quenneville, Cloutier (Ahuntsic), Tetley, Drummond, Saint-Pierre, Lacroix,
Massé, Goldbloom, Vaillancourt, Mailloux, Houde (Fabre), Coiteux,
Bienvenue, Théberge, Perreault, Brown, Blank, Saindon, Picard, Pearson,
Leduc, Fraser, Fortier, Bacon, Berthiaume, Caron, Carpentier, Cornelier,
Dionne, Faucher, Giasson, Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne,
Lari-vière, Marchand, Ostiguy, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks,
Veilleux.
MM. Bertrand, Paul, Boivin, Cloutier (Montmagny), Loubier, Gagnon,
Gauthier, Simard.
MM. Laurin, Lessard.
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion de
deuxième lecture veuillent bien se lever.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Samson, Dumont, Roy (Beauce),
Béland, Drolet, Bois, Roy (Lévis), Brochu, Tétreault,
Guay.
M. LE SECRETAIRE: Pour: 59, Contre: 10. Yeas: 59, Nays: 10.
M. LE PRESIDENT: La motion est adoptée. L'honorable premier
ministre propose que je quitte maintenant le fauteuil et que cette Chambre se
forme en comité. Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. PAUL: Adopté. M. LAURIN: Adopté.
M. HARDY (président du comité plénier): A l'ordre,
messieurs! Article 1.
Comité plénier
M. CASTONGUAY: M. le Président, n'ayant pas pu parler au terme du
débat en deuxième lecture, au moment où nous prenons
l'article 1 j'aimerais faire de brefs commentaires, avec votre permission. Je
voudrais simplement rappeler, à la suite du député de
Montmagny et du député de Bourget, que le régime
d'assistance médicale, qu'on a identifié comme étant
l'origine ou la première mesure de rapprochement des deux mesures, alors
que M. Lévesque était ministre de la Famille et du Bien-Etre, et
M. Kierans, ministre de la Santé et avant qu'eux prennent action,
j'avais présidé le comité qui a préparé ce
régime.
Dans le temps, également, j'ai été associé
aux premiers gestes posés en vue de l'intégration de ces deux
ministères. J'aimerais relever également, très
brièvement, un aspect de la question en ce qui a trait au danger d'une
intégration trop rapide des deux ministères. Je voudrais rappeler
qu'il y a également un danger à ne pas procéder
suffisamment rapidement, étant donné l'incertitude que la venue
imminente d'une telle intégration suscite, à un moment
donné, chez les fonctionnaires du ministère. Autant, d'une part,
on peut, pour diverses raisons, ne pas vouloir aller trop rapidement, d'autre
part, il est nécessaire de procéder aussi avec une certaine
diligence, pour autant, évidemment, que l'on assure que, dans les
réaménagements, les fonctionnaires impliqués n'en
souffrent pas injustement.
Je voudrais dire également un bref mot en ce qui a trait à
la question de la démographie à laquelle a fait allusion le
député de Montmagny. Je suis tout à fait conscient de la
nécessité de ne pas confondre compilation de données
statistiques et étude ou préoccupation au plan
démographique. Simplement, si, à ce stade-ci, nous ne retrouvons
rien d'identifié de façon précise en ce qui a trait
à un institut, par exemple, d'études démographiques, c'est
que nous avons au Québec, au sein des universités, divers
projets.
Certains professeurs, des doyens de faculté, etc., à
l'Université de Montréal ont mûri un projet de centre
d'étude en politique sociale. Il en est de même à
l'Université Laval, et à l'université McGill.
L'Université du Québec également entend
s'intéresser à des études qui touchent plus
particulièrement le domaine de la rénovation urbaine et des
problèmes sociaux qui y sont associés. Il y a également le
rapport Henripin qui propose la création d'un institut d'études
démographiques. Devant toutes ces initiatives, il me paraît
nécessaire d'établir un certain consensus entre les diverses
universités et d'assurer une certaine coordination entre les efforts qui
sont faits au niveau du ministère par le Conseil des affaires sociales
et de la famille. A cette fin, nous entendons étudier avec tous ces
gens, tous les intéressés, les meilleures façons d'aborder
le problème afin d'éviter un éparpillement des ressources
qui sont extrêmement limitées, aussi bien au plan des chercheurs
qu'au plan des crédits disponibles.
Mes derniers commentaires ont trait aux remarques qui ont
été faites par les membres du Ralliement créditiste. On
voit dans l'intégration de ces deux ministères ce que l'on
appelle une centralisation un danger que la liberté des individus
soit brimée, à partir d'un énoncé d'une doctrine de
la liberté.
Je voudrais tout simplement faire mention du fait qu'en intégrant
deux ministères qui sont déjà en place, en
intégrant des services qui existent présentement, mais qui se
dédoublent bien souvent, nous ne centralisons rien de plus et, comme je
l'ai mentionné dans mes remarques, c'est notre intention, dans une
étape subséquente, de régionaliser les structures du
ministère et de permettre, dans cet effort de régionalisation,
d'introduire dans toute la mesure du possible une représentation des
usagers des services.
Comme l'a mentionné le ministre des Finances, le fait que le
budget combiné des deux ministères est relativement
élevé ne doit pas non plus être synonyme ou
considéré comme étant synonyme de pouvoirs
discrétionnaires. Les sommes qui sont affectées aux budgets des
deux ministères doivent être dépensées à
partir de lois qui sont précises; je pense par exemple aux allocations
familiales et scolaires. Dans d'autres cas, lorsqu'il s'agit de programmes
comme l'assurance-hospitalisation, c'est uniquement un véhicule pour
transmettre des sommes à des hôpitaux qui, comme vous le savez,
sont administrés par des corporations.
Lorsqu'on regarde l'utilisation de l'ensemble du budget des deux
ministères, on se rend donc compte assez rapidement que la marge de
latitude qu'a le ministre est relativement faible et que, de toute
façon, il doit s'en tenir aux politiques qui sont celles du
ministère et qui sont discutées lors de l'étude des
crédits.
C'étaient ces quelques remarques que je voulais faire, M. le
Président, à ce stade-ci.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, quelques brèves
remarques également, étant donné que j'ai eu l'occasion,
en deuxième
lecture, d'exprimer le point de vue de notre parti sur ce projet de loi
qui fusionne les deux ministères. Je voudrais dire comme première
remarque que le ministre de la Santé a raison quand il dit que
déjà en 1965, au moment de la préparation de la Loi de
l'assistance médicale... Etant donné qu'il était
responsable des travaux du comité de recherche sur l'assurance-maladie
il a présenté, si on se souvient bien, son rapport à la
commission mixte des deux Chambres, le Conseil législatif et
l'Assemblée législative qui formaient un comité pour
étudier le rapport soumis par la commission d'enquête que
présidait à ce moment-là M. Castonguay, qui est devenu,
par la suite, le ministre.
Etant donné que, dans ce temps-là, il travaillait beaucoup
plus dans l'ombre, comme fonctionnaire, évidemment nous avons omis de
metionner ce fait. Mais, je crois qu'il est juste de dire qu'il a
déjà, à ce moment-là, exprimé l'opinion que
les deux titulaires des deux ministères, M. Lévesque et M.
Kierans, devaient, dans cette législation précise de l'assistance
médicale, travailler en étroite collaboration.
Je n'ai pas l'intention, moi non plus, de reprendre les propos qui ont
été prononcés tantôt. Je n'ai pas à relever
les propos du député de Bourget. Je crois qu'ils sont bien dans
la ligne et dans l'esprit de cette législation. Je ne voudrais pas
insister de façon exagérée non plus sur les propos du
Ralliement créditis-te. Le ministre l'a fait il y a un instant.
Mais je voudrais revenir sur cette crainte qu'ont les
députés créditistes, à ce moment-ci, au sujet de
cette centralisation, c'est-à-dire cette fusion, cette
intégration des deux ministères. Cela comporte en soi une
contradiction. La contradiction serait celle-ci: c'est que s'il y a fusion,
s'il y a intégration de deux ministères, il est impossible de
rapprocher les services de la population. Les services seront rapprochés
de la population par la régionalisation, la décentralisation.
C'est une opération qui est bien engagée, qui est bien entreprise
avec la Loi de l'aide sociale, du côté du ministère de la
Famille et du Bien-Etre social. Il y a on sait comment ça
fonctionne 80 bureaux locaux et régionaux qui, dans le
territoire, vont servir la population en ce qui concerne l'aide sociale, si
j'ai compris l'argumentation du ministre, cet après-midi, et lors des
discussions à la commission parlementaire, lorsque nous avons
étudié les crédits des deux ministères, au moment
où j'avais demandé au ministre de la Santé et au ministre
de la Famille et du Bien-Etre social d'expliciter sa politique, comment il
concevait la politique de ses deux ministères. J'ai retenu, à la
suite de ses déclarations, que non seulement la décentralisation
se ferait aussi autour des bureaux régionaux et des bureaux locaux
chargés d'appliquer la Loi de l'aide sociale, mais aussi autour des
services sociaux qui, dans chacune des régions, seraient
coordonnés avec l'action des bureaux régionaux; les unités
sanitaires dans le domaine de la santé et les autres services de
santé qui eux aussi seraient rattachés, travailleraient en
étroite collaboration. D'ailleurs, c'était ce sens, cette
orientation que nous avions donnée nous-mêmes à la
décentralisation.
Je crois donc qu'il est exact de dire qu'il n'y a pas de contradiction
entre les objectifs poursuivis par cette fusion des deux ministères
à l'intérieur du bill 42, et la décentralisation des
services, à condition que les deux opérations soient
menées à bonne fin.
Evidemment, à ce moment-ci, on ne peut qu'exprimer un souhait et
un voeu: c'est que cette orientation qui a été indiquée
par l'ancien gouvernement, qui est poursuivie par le gouvernement actuel, se
précise davantage dans l'avenir, qu'elle se traduise par des gestes
concrets et qu'en définitive, cette fusion, cette intégration des
services permette d'éviter un dédoublement non seulement à
l'intérieur des deux ministères mais aussi facilite les contacts
et évite certaines contradictions. On a déjà eu
l'occasion, en cette Chambre, de dire combien, dans certains secteurs,
particulièrement ceux des personnes âgées et de l'enfance
inadaptée où, parfois, on se trouve dans des zones grises, il y a
des possibilités non seulement de dédoublement mais de
contradiction. Je crois que les craintes qu'ont exprimées les
députés créditistes et qui les ont portés, je pense
bien, à voter contre ce projet de loi, sont peut-être, à ce
moment-ci, trop prononcées. Ils pourront porter un jugement, comme nous,
de l'Opposition, nous pourrons porter un jugement et surveiller afin que les
objectifs poursuivis par le projet de loi no 26, par le projet de loi no 42 et
par la politique de décentralisation, atteignent véritablement
ceux qui ont été fixés.
M. le Président, je ne sais pas si, ce soir, étant
donné qu'il ne reste que trois minutes, on peut entrer... J'aurais voulu
poser au ministre des Affaires sociales...
M. LEVESQUE: M. le Président, je suggérerais qu'on fasse
rapport.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ma première question disons qu'il
en prendra avis serait pour lui parler de la structure du
ministère, de l'organigramme, et de nous dire quelle sera la charpente
de ce nouveau ministère. Ce sera la première question qui sera
posée lors de la reprise du comité.
M. HARDY (président du comité plénier): M. le
Président, le comité a procédé à
l'étude du bill 42 et demande la permission de siéger à
nouveau.
M. LAVOIE (Président): Quand siégera-t-il?
M. PAUL: Prochaine séance.
M. LE PRESIDENT: Prochaine séance.
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la
Chambre trois heures, demain après-midi.
M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux jusqu'à demain
après-midi, à trois heures.
(Fin de la séance: 21 h 59)