(Onze heures trente-deux minutes)
Le Modérateur : Bonjour à
tous et bienvenue à ce point de presse des oppositions sur les services
sociaux. Prendront la parole, lors de ce point de presse, Joël Arseneau, le
député des Îles-de-la-Madeleine et porte-parole en matière de santé, services
sociaux et soins à domicile pour le Parc québécois, ainsi que le député de Saint-Henri—Sainte-Anne
et porte-parole de Québec solidaire en matière de services sociaux.
Ils sont également accompagnés de M. Paul
Lupien, directeur général de la Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec, et de M. Dominique Salgado, directeur général du Comité
d'action des personnes vivant des situations de handicap et secrétaire du CA de
la COPHAN.
Alors, M. Arseneau.
M. Arseneau : Alors, merci
beaucoup. Bonjour à tous. Aujourd'hui, on est réunis en point de presse avec
les représentants de la COPHAN pour dénoncer les compressions budgétaires qui
affectent directement les personnes parmi les plus vulnérables, les personnes
qui vivent avec un handicap. Le gouvernement de la CAQ a lancé cet... ce
programme de compressions budgétaires véritablement à l'aveugle, sans
avertissement, et ce qu'on voit, c'est que c'est l'omerta dans le réseau de la
santé à savoir ce qui se passe véritablement et quels sont les impacts et
comment ils sont vécus par les citoyens, par les gens du milieu et
particulièrement dans les services sociaux.
Les témoignages nous parviennent par
dizaines, par centaines. Il y a des gens ici qui pourront en témoigner dans
quelques instants. Et ce qu'il faut dire, c'est que, contrairement aux propos
du ministre de la Santé, M. Dubé, ce sont véritablement les bénéficiaires, les
usagers des services sociaux et les patients qui paient le prix du régime de
compressions actuel, des coupes qui touchent, je l'ai déjà mentionné, de façon
disproportionnée les personnes en situation de handicap. Bon, on peut penser
évidemment aux coupures dans les chèques emploi-service, la réduction des
heures qui sont accordées également, l'interruption du programme d'adaptation à
domicile, et j'en passe.
Et plus grave encore, la CAQ refuse d'admettre
qu'il y a actuellement des compressions dans le réseau. Le gouvernement n'a
toujours pas donné son plan sur les compressions et sur ses impacts. Alors,
nous allons déposer, dans quelques minutes, une demande de mandat d'initiative.
En fait, ce qu'on veut, c'est que se tienne une commission parlementaire pour
pouvoir recevoir des groupes représentant les usagers du système de santé et
des services sociaux pour pouvoir aller au fond des choses et pour pouvoir
exiger, de la part du gouvernement, la transparence totale, transparence
également de Santé Québec, derrière lequel organisme, actuellement, le gouvernement,
se cache pour mieux rejeter l'idée que le système, actuellement, on y coupe de
façon extrêmement importante. Merci.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, Joël. Merci à la COPHAN d'être avec nous aujourd'hui. Merci beaucoup
de vous être déplacés. Malheureusement, vous n'aviez pas le choix de vous
déplacer, parce que vous aviez des choses à faire entendre, des choses à nous
dire et je vous remercie de prendre vraiment ce courage-là à deux mains et de
vous... de vous lancer dans cette aventure. Ça prend quand même beaucoup de
mobilisation puis de courage, donc merci d'être là aujourd'hui.
Écoutez, c'est toujours les plus
vulnérables qui paient le prix en premier dans ces coupes-là, malheureusement.
Et là il est évident qu'on a des exemples de plus en plus frappants. On a eu la
chance de poser plusieurs questions à la période de questions là-dessus. On a
eu des exemples absolument effroyables sur des gens pour lesquels on minutait,
là, tout d'un coup, le temps que ça prenait pour aller à la salle de bain. On a
eu des exemples sur des gens qui allaient perdre leur logement en raison de
manque de financement, d'adaptation de soutien à domicile. Il y a eu d'autres
exemples aussi de parents qui se voyaient... pas le choix que de penser à
envoyer leur jeune enfant mineur, vivant avec des situations de déficience
intellectuelle, auprès de CHSLD parce qu'ils allaient les perdre. Alors, c'est
absolument abominable ce qui se passe dans le réseau.
Et, quand on était au p.l. n° 15,
quand cette loi-là a été adoptée, on l'avait dénoncée. Et on avait dénoncé
aussi la déresponsabilisation du ministre de la Santé, du ministre des Services
sociaux, qui disaient, finalement, que Santé-Québec allait faire ces choix-là.
Et, au quotidien, c'est ce qu'on nous dit. On nous dit qu'on envoie des
briefings à Santé-Québec. On nous dit qu'il ne faut pas qu'on coupe dans les
services, mais la réalité, c'est le contraire. La réalité, c'est que c'est les
gens qui sont là sur le terrain, qui représentent les organismes, qui représentent,
en fait, les citoyens et les citoyennes vulnérables, qui nous disent : Au
contraire, on subit des coupes à tous les jours, on perd des services, la
situation est catastrophique, la situation est grave.
Alors, ce qu'on demande, nous, sans délai,
c'est qu'il n'y ait absolument aucune compression, aucune limitation de
services. Les gens ont droit à leur dignité de base, les gens ont droit au
service de base qui leur est dû. Ce sont des Québécois et des Québécoises à
part entière, et il faut les traiter comme tels. Alors, moi, je demande au
ministre Dubé, au ministre Carmant, à l'ensemble du gouvernement de reculer. Ça
suffit les coupures dans les services sociaux, ça suffit les coupures en santé.
Merci.
M. Lupien (Paul) : Alors,
merci beaucoup, MM. les députés, de nous accueillir aujourd'hui. Vraiment... Bon,
premièrement, je vais me présenter, je suis Paul Lupien, je suis le directeur
général de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec,
la COPHAN. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Dominique Salgado, secrétaire
du conseil d'administration de la COPHAN et directeur général du comité
d'action de personnes vivant des situations de handicap, le CAPVISH.
Le 1er décembre 2024 marquait le
premier jour de Santé Québec. Or, dès le lendemain, nous avons été confrontés à
des annonces de coupures en santé. Rapidement, il est apparu que ces
compressions touchaient directement les soins à domicile destinés aux personnes
les plus vulnérables de notre société, les personnes handicapées et les
personnes âgées du Québec.
Le 19 décembre 2024, la Commission
des droits de la personne et de la jeunesse publiait un avis inquiet quant aux
atteintes potentielles aux droits des personnes handicapées en matière de
soutien à domicile. La CDPDJ rappelle que toute décision prise doit respecter
la Charte des droits et libertés qui garantit l'égalité et interdit toute forme
de discrimination, qu'elle soit directe, indirecte ou systémique, et
aujourd'hui on peut parler beaucoup de systémique. Pourtant, malgré cet
avertissement, le gouvernement a poursuivi les coupes, dans le service de
santé, en... pour les personnes en situation de handicap, adoptant une approche
inspirée de la méthode Lean, dite Toyota. Cette approche industrialisée...
industrialise la gestion des soins, niant la dignité et la valeur humaine des
personnes concernées.
On nous assure qu'il ne s'agit pas de
coupures, mais plutôt d'une réévaluation des services. Pourtant, toutes les
réévaluations se traduisent par des réductions sans aucune augmentation de
services. Le chronométrage strict des interventions mène à des situations
inacceptables. Par exemple, limiter à 15 minutes un transfert aller-retour
sans considérer que la personne doit également aussi satisfaire ses besoins
physiologiques. Pire encore, il est proposé de remplacer des soins de base par
l'utilisation de couches, avec seulement deux changements par jour. Donc, on
vous en met une le matin et on va vous en changer une le soir. Ne faites rien
tout de suite dans votre couche quand ils vont vous la mettre parce qu'ils ne
la changent pas, et vous vivez avec, alors seulement... ce qui constitue une
atteinte flagrante à la dignité humaine.
De plus, les services de soins d'homicide
des CLCS fusionnent les programmes destinés aux personnes en situation de
handicap avec ceux pour les personnes âgées en perte d'autonomie, créant ainsi
une incohérence dans l'organisation des soins. Par exemple, les soins sont
dispensés à des horaires inadaptés aux besoins des travailleurs handicapés, ce
qui compromet leur autonomie et leur capacité à maintenir un emploi. L'hygiène
est également affectée par la réduction du nombre de bains et de toilettes
partielles. Par ailleurs, les organismes communautaires pourtant essentiels à
l'accompagnement des personnes handicapées voient leur financement sévèrement
fragilisé par l'absence d'indexation des subventions au coût de la vie,
réduisant ainsi leur capacité à offrir des services vitaux. Depuis 1992, ça n'a
jamais été indexé.
Le répit des proches aidants subit
également des coupes drastiques, voire des abolitions complètes dans certaines
régions. Pourtant, ces proches doivent souvent veiller 24 heures sur 24
sur leurs proches en situation de handicap.
Pendant ce temps, les salaires des
administrateurs de la santé sont augmentés et une nouvelle structure
administrative, Santé Québec, s'ajoute à l'existence... sans transparence ni
réelle reddition de compte. Le Québec est déjà en queue de peloton au Canada en
matière de qualité des soins à domicile, se classant 11e, avec un budget de 61 milliards,
pour une population de 9 millions d'habitants. En comparaison, l'Ontario,
avec 16 millions d'habitants, consacre 85 milliards à la santé et se
classe deuxième en qualité des soins à domicile. M. le premier ministre, vous
aimez ça, nous comparer à l'Ontario, vous devriez suivre l'exemple de
l'Ontario.
Lorsqu'il interpelle... Le ministre de la
Santé, M. Christian Dubé, et la ministre déléguée aux aînés, Mme Sonia Bélanger
ont publiquement déclaré, en décembre 2024, que ces décisions relevaient de
Santé Québec. Face à leur désengagement, nous avons sollicité une rencontre
avec le premier ministre, M. François Legault, qui a refusé, non pas une fois,
mais deux fois plus tôt qu'une, toute discussion, prétextant que ces mesures
sont inévitables.
Parallèlement, faute de budget, le
programme d'adaptation de domicile et les programmes d'intégration en centre...
d'intégration en emploi sont suspendus ou réduits. Réduction pour l'intégration
aux emplois, ça cause 12 personnes handicapées qui ont perdu leur emploi
dernièrement en Gaspésie, et il y a d'autres exemples ailleurs au Québec.
Pourtant, comment contacter Santé Québec?
À ce jour, il n'existe ni adresse, ni courriel, ni numéro de téléphone
accessible aux citoyens. Cet organisme public fonctionne en toute opacité, sans
rendre de compte à la population qui finance pourtant son fonctionnement. Et
tout organisme public a une obligation d'afficher son adresse des bureaux, ses
numéros de téléphone, et à donner des adresses courriel, mais, malheureusement,
on a mis des top guns, qui, eux, ça a l'air, ont un traitement à part.
Nous réclamons une mesure simple, mais
essentielle, la tenue d'une commission parlementaire, afin que les responsables
de ces décisions viennent s'expliquer et rendre des comptes enfin aux citoyens
du Québec. Les personnes en situation de handicap demandent uniquement le
respect de leurs droits à travers des services qui leur assurent l'autonomie,
dignité et accès au travail, ainsi que des logements et infrastructures
accessibles partout au Québec. Nous voulons vivre, comme tout le monde, dans
une société juste, respectueuse de la diversité, de l'équité et de l'inclusion.
Merci.
M. Salgado (Dominique) :
Alors, mesdames, messieurs, membres des médias, élus de l'Assemblée nationale,
citoyens engagés, bonjour. Bonjour à tous. Bonjour, Paul. Mon nom est Dominique
Salgado. Je suis directeur général du CAPVISH, qui est le Comité d'action des
personnes vivant des situations de handicap, et également secrétaire du conseil
d'administration de la COPHAN, la Confédération des organismes de personnes
handicapées.
Je prends la parole aujourd'hui avec un
sentiment d'urgence et aussi de colère. Urgence, parce que chaque jour, au
Québec, des milliers de personnes en situation de handicap et aussi des aînés
voient leurs heures de soins réduites et leurs services coupés, et ainsi leur
dignité bafouée. Colère, parce que ces décisions ne sont pas des erreurs
isolées, elles sont le résultat direct d'un système malade, géré avec une
froideur comptable et inspiré de méthodes de gestion inadaptées aux soins de
santé.
Nous avons atteint un point de rupture. Le
scandale récent d'un vieil homme à qui on a demandé de se déshabiller avant
même l'arrivée de sa préposée pour gagner du temps est la preuve ultime que
l'humain est maintenant sacrifié sur l'autel de la performance. Cette logique
dictée par la nouvelle gestion publique et de forme de «Lean Management» ne
doit plus guider l'organisation des soins à domicile. Optimiser un système de
production industrielle est une chose, gérer des soins aux personnes
vulnérables comme une chaîne de montage, c'en est une autre.
Depuis plusieurs années, le gouvernement
applique une vision strictement comptable et centralise des soins à domicile où
la priorité est donnée à la réduction des coûts et à la performance statistique
plutôt qu'à la qualité des soins. Eh bien le résultat : des coupures
massives dans les heures de service, des travailleurs épuisés, contraints
d'expédier des soins essentiels en un temps record, des patients laissés à
eux-mêmes, traités comme des chiffres plutôt que comme des êtres humains.
Il faut mettre fin à cette gestion
inhumaine et centralisée. Nous exigeons une commission parlementaire immédiate
sur l'état des soins à domicile au Québec. Une commission parlementaire
permettrait d'entendre des experts, des soignants, des patients et aussi des
proches aidants afin de faire toute la lumière sur la déroute des soins à domicile
et d'identifier des solutions durables.
Nous devons cesser de nous mettre en œuvre
un modèle de gestion inspiré du privé qui transforme la prestation des soins en
une course contre la montre où l'efficacité prime sur la dignité. Nous devons
décentraliser la gestion des soins à domicile, car les besoins des patients ne
peuvent pas être dictés par des quotas budgétaires fixés par le gouvernement.
Nous devons redonner aux régions aussi, aux CLSC et aux organismes
communautaires les moyens d'adapter les soins à la réalité des personnes sur le
terrain.
En terminant, je tiens à remercier les
deux partis d'opposition, Parti québécois et Québec solidaire, pour leur écoute
et leur soutien à notre demande de commission parlementaire. Votre engagement
est crucial pour faire pression sur le gouvernement et forcer un véritable
débat public sur l'avenir des soins à domicile.
Oui, maintenant, il est temps d'agir. Il
est temps d'écouter celles et ceux qui vivent chaque jour les conséquences de
ces choix absurdes. Il est temps de remettre l'humain au cœur des soins à
domicile. Il est temps aussi de cesser de traiter nos aînés et nos personnes en
situation de handicap comme de simples statistiques. Nous n'accepterons plus de
demi-mesures. Nous exigeons une commission parlementaire maintenant. Non, la
dignité humaine n'est pas négociable. Merci de votre attention.
Le Modérateur : Merci
beaucoup. C'est ce qui conclut le point de presse.
(Fin à 11 h 49)