(Neuf heures vingt-trois minutes)
M. Arseneau : Bonjour, tout
le monde. Aujourd'hui, jour d'interpellation, on va parler de soins à domicile,
et je pense que c'est un sujet qui est extrêmement important. Vous savez que la
Vérificatrice générale du Québec a remis un rapport sur ce sujet-là, il y a
déjà quelques années, et qui nous avertissait, là : On va frapper un mur
si on ne fait pas un virage majeur.
La Commissaire à la santé et au bien-être
a soumis un rapport en quatre tomes différents qui dit qu'il est urgent d'agir,
que le système de soins à domicile ne livre pas la marchandise, et, là encore,
on va frapper un mur. On le sait, actuellement, il y a à peine 5 % des
personnes... en fait, des services qui sont rendus, là, selon les besoins
calculés pour les personnes qui sont à domicile et nécessitent ces soins-là.
Donc, on ne couvre que 5 % des services nécessaires. Il y a 16 000 personnes
qui sont en attente d'un premier service de soins à domicile ici, au Québec.
On est au courant de tous ces
problèmes-là, mais, pourtant, la CAQ, depuis des années, s'est entêtée à
investir de façon massive dans les maisons des aînés, dans le béton et les
infrastructures, et à reporter les échéances. La dernière annonce de la CAQ,
bien, c'est de déposer, d'ici la fin de l'année 2025, une politique, faire
des consultations, la mise en oeuvre de cette politique-là, quels sont les
moyens qui sont déployés... On procrastine, on remet à plus tard et, pendant ce
temps-là, bien, évidemment, les services ne sont pas livrés.
On va nous dire : Bien, on n'a jamais
autant investi, 200 millions ont été investis. Avec quels résultats? À
peine 3 000 personnes, 3 000 usagers ont été desservis,
usagers supplémentaires, là, on parle... Entre 2022-2023 et 2023-2024, on est
passé de 366 000 à 368 000 personnes. C'est des chiffres qui
sont parlant sur l'absence de vision et l'absence de résultats, également.
Nous, on va rappeler qu'on a déposé un
plan, Vivre et vieillir dans la dignité, qui cherche et qui a pour objectif d'inverser
les sommes qui sont investies pour les personnes aînées en termes de proportion
de ce qu'on met pour l'institutionnalisation ou pour l'hébergement face aux
soins à domicile. En fait, on suivrait la voie des pays européens qui, eux, ont
mieux géré, là, justement ce phénomène-là.
Et s'ajoute à ça, et je vais finir
là-dessus, le projet de loi-cadre qu'on a déposé, également, juste avant les
fêtes, qui vise à jeter un regard plus large sur le vieillissement de la
population et qui vise le maintien de l'autonomie des aînés à maints égards, le
développement d'une stratégie. Et à l'intérieur de cette stratégie-là, bien, il
y a les soins et les services de maintien à domicile qui en est une composante,
mais qui doit être regardé justement de façon intégrale parce que ce n'est pas
sans lien, évidemment, avec les investissements qu'on fait par ailleurs dans la
santé. Mais il ne faut pas considérer les aînés qui ont besoin de soins à
domicile uniquement sous la lorgnette de la maladie ou des soins de santé, ce
sont des personnes à part entière qui peuvent encore contribuer à la société,
mais avec des services adéquats à domicile, elles peuvent continuer d'être
actives et c'est ça qu'on veut faire valoir à la ministre ce matin. Là-dessus,
je peux prendre vos questions.
Journaliste : M. Arseneau,
sur, donc, le dossier des soins à domicile, il y a un budget qui est en
préparation actuellement, on est en consultation prébudgétaire. Ça prendrait
combien? J'imagine, donc, de toute façon, ça va être un continuum
d'augmentation pour arriver à une cible, là, mais ça prendrait combien d'argent
au prochain budget pour au moins corriger une partie de la situation?
M. Arseneau : Je pensais que
vous alliez m'amener sur les circonstances de compression et notamment dans les
chèques emploi-service, mais on y reviendra si vous permettez. Mais nous, ce
qu'on avait proposé, c'était avant que la CAQ nous précipite dans un déficit
historique de 11 milliards de dollars, on avait proposé d'ajouter
2 milliards supplémentaires dans ce virage vers les soins et les services
à domicile. C'est le calcul, là, de 2022 pour un point de départ majeur. Est-ce
que pour le prochain budget, on pourrait au moins avoir non seulement des
sommes qui sont consenties, mais je dirais une réorganisation également qui
nous permette de s'assurer que les sommes qui sont investies descendent et
soient concrétisées dans les services rendus? Parce que, ça aussi, on
l'aperçoit quand on parle à des gens sur le terrain, les personnes qui en ont
besoin, leur famille, les ESAD par exemple, les organismes qui livrent des
services. Ces 200 millions-là ne semblent pas atterrir sur le terrain.
Et là je voudrais rajouter, si vous me
permettez, le fait qu'il y a une partie des soins à domicile qui sont livrés
par le biais des chèques emploi-service. Mais le signal que Santé Québec a
lancé il y a peu de temps, c'est qu'on va sabrer dans les chèques
emploi-service, donc on va encore reculer dans les soins et les services à
domicile plutôt qu'accélérer la cadence. Ça, c'est très inquiétant.
Journaliste : Les maisons des
aînés, le programme actuel qui... bon, il y en a qui sont en construction, mais
est-ce qu'on ne devrait pas geler ça? Est-ce qu'on ne devrait pas prendre les
sommes qui sont là, les retransférer en attendant de pouvoir au moins améliorer
le sort des gens qui veulent rester chez eux, mais avoir des soins et...
M. Arseneau : Bien, on l'a
demandé à de nombreuses reprises que les sommes qui sont disponibles pour les
soins aux personnes aînées en perte d'autonomie soient massivement investies du
côté des services à domicile, de façon à éviter de devoir construire, de façon
exponentielle, les établissements de soins, qu'ils soient les maisons des aînés
ou CHSLD conventionnels.
Là, la question que vous me posez, c'est :
Si on a construit la moitié d'une maison des aînés, est-ce qu'on complète le
travail? C'est une question qui est pertinente, mais qui est difficile, parce
qu'il y a effectivement des maisons des aînés qui vont aller remplacer des
CHSLD qui étaient devenus vétustes. Le gouvernement a décidé d'aller dans cette
voie-là. Est-ce qu'aujourd'hui, on doit stopper ça? Je pense qu'on doit finir
les projets qui sont en construction. Le problème, c'est qu'on a même de la
difficulté à ouvrir les places qui sont construites, parce qu'on manque de
personnel, mais, parallèlement, le ministre continue de nous dire qu'il n'y a
pas de coupe dans le personnel, alors que dans la réalité, au compte-gouttes,
on apprend que les coutures se multiplient. Encore ce matin, Radio-Canada
révélait qu'il y avait 1 700 travailleurs de moins dans le domaine de
la santé. Bien ça, c'est des travailleurs de moins pour ouvrir les maisons des
aînés qui sont prêtes. Puis, on en est là avec des décisions qui sont
chaotiques et incohérentes de la part de la CAQ, mais qui ont un impact direct
sur le report des échéances concernant les services de soins à domicile.
Journaliste : Qu'est-ce que
vous pensez, M. Arseneau, du rapport des observateurs indépendants qui ont
été déployés à l'école Bedford, qui recommandent, entre autres, que tous les
enseignants de partout en province soient évalués aux deux ans par des experts,
s'il le faut?
M. Arseneau : En fait, moi,
je pense que... D'abord, je dois vous dire qu'on n'a pas pris connaissance du
rapport. Le ministre a dit qu'il allait le rendre public. Nous, on voudrait en
prendre connaissance, l'étudier, en discuter en caucus. Il y a des... je pense,
des considérations qui sont fort importantes. C'est aussi un sujet qui est
celui de mon collègue, Pascal Bérubé. Alors, je remettrais la réponse sur le fond
à plus tard. Je suis vraiment désolé, on a appris ça, comme la plupart des
Québécois, ce matin, et on n'a pas de position tranchée à l'heure actuelle à
savoir si cette idée-là est valable, on voudrait l'étudier.
Journaliste : Mais n'empêche
qu'il y avait quand même certaines conclusions, là. Sur le fond, je peux
comprendre aussi, mais je veux dire, tu sais... Puis, hier, M. Drainville
disait : Je ne suis pas rassuré, là, ou soulagé, je suis aussi inquiet
qu'avant. Je veux dire, à la lumière de ce que vous avez lu quand même, ce
matin, c'est-tu préoccupant?
M. Arseneau : Mais en fait,
la situation qui nous a été révélée par les enquêtes journalistiques, on l'a
dit, c'était extrêmement préoccupant. Que se passe-t-il dans certaines écoles,
dans certaines classes? Donc, on a décidé de faire enquête, qu'on rende public
le rapport d'enquête, qu'on propose des recommandations, qu'on aille sur
l'évaluation ou, en quelque sorte, là, poser un regard sur ce qui se fait, à
savoir si, par exemple, les éléments du cursus scolaire sont appliqués dans
toutes les écoles, tous les éléments qui sont considérés obligatoires. Et si ça
passe par, je dirais, un regard plus approfondi, d'une façon plus régulière...
ou de façon plus régulière sur ce qui se passe dans les classes, nous, on est d'accord.
Est-ce que le remède dont on parle aujourd'hui, l'évaluation des enseignants
aux deux ans, ça répond à ces préoccupations-là? Est-ce que ça pose d'autres
enjeux? Il faut quand même y réfléchir un peu, là. Ça me fait un peu penser à
la proposition de l'ordre des enseignants qu'on veut créer, qui fait débat.
Donc, ça ramène tout ce dossier-là, puis vous me permettrez d'y réfléchir un
peu avec mon caucus avant de me prononcer.
Journaliste : Mais je vous
relance une dernière fois là-dessus, M. Arseneau. Vous avez quand même lu
dans les journaux, bon, ces gens-là suggèrent de modifier la loi sur
l'instruction publique, les formations d'enseignants, obligation de parler en
français partout, dans les couloirs, dans les cours d'école, interdire toute
activité religieuse avant ou après dans ces établissements-là. Est-ce que c'est
quand même des pistes de solution que... ou, en tout cas, de suggestion qui
vous paraissent sensées? On entend déjà les syndicats dire sur la formation des
enseignants aux deux ans : Wo, wo, wo. Vous?
M. Arseneau : Bien, écoutez,
la grande question... puis moi, j'ai été enseignant, là, au collégial, la
question de l'autonomie professionnelle des enseignants, moi, j'y crois. Mais
est-ce qu'il y a des balises qui doivent être mises en place absolument? Est-ce
qu'on doit s'assurer qu'à l'intérieur de l'autonomie professionnelle des
enseignants, qu'on puisse s'assurer que chacun puisse livrer le travail pour
lequel il a été embauché dans le cadre qui est imparti par le ministère, qui
est exigé du ministère, qui est attendu des parents? Ça, ça... Donc, on ne peut
pas, je pense, uniquement, au vu ou au-dessus de ce qu'on a appris au cours des
dernières semaines et des derniers mois, se dire que tout va bien, fermer les
livres, et dire : Bien non, ça, c'est exceptionnel, c'est une anecdotique,
ça va se régler. Je pense qu'il y a effectivement des moyens à mettre en place
pour s'assurer que l'autonomie professionnelle des enseignants soit respectée,
mais que le cursus scolaire le soit aussi et que le principe de laïcité soit
aussi observé dans l'ensemble des écoles. Donc, les propositions qui touchent,
par exemple, à l'usage du français ou encore à la séparation de la religion, de
l'enseignement et des écoles, bien, évidemment qu'on est d'accord avec ces
principes-là.
Journaliste : Troisième lien.
M. Arseneau : Oui.
Journaliste : Est-ce que
Mme Guilbeault essaie de faire un pont à l'est contre l'avis de ses
propres fonctionnaires? Vous avez vu notre papier ce matin sur Radio-Canada.
Est-ce qu'elle tente d'enfoncer ça dans la gorge des fonctionnaires du MTQ,
malgré leurs recommandations?
M. Arseneau : Bien, moi, je
vous ramène dans la déclaration de Mme Guilbeault du 19 avril 2023,
qui a dit : Le besoin n'est pas démontré pour un troisième lien. On va
prendre une décision responsable, une décision pragmatique, puis on abandonne
le projet. On sait que, pour des raisons politiques, on a changé d'idée, et là
on essaie d'imposer la fabulation électoraliste de la CAQ en s'accrochant, là,
sur la notion de sécurité économique, en faisant porter le poids de cet
argumentaire-là sur CDPQ Infra, ce que n'a jamais dit CDPQ Infra. Le rapport de
CDPQ Infra, c'est que le troisième lien n'est pas justifié.
Ce qu'on apprend aujourd'hui, c'est que
les fonctionnaires viennent corroborer le rapport de CDPQ Infra en disant :
Le troisième lien n'est pas justifié selon la vaste majorité des critères qu'on
peut appliquer et les orientations gouvernementales elles-mêmes. Alors, là, ce
qu'on voit, c'est un gaspillage de fonds publics où la ministre force les
fonctionnaires à essayer de trouver la quadrature du cercle, de faire rentrer,
là, un projet carré dans un cercle où ça ne fait absolument pas aucun sens. Et
si on va plus loin, en sachant qu'il y a Mobilité Infra Québec qui a été créée,
on peut se poser la question, également, là, jusqu'où va aller le gouvernement
pour mettre en oeuvre ou faire travailler les fonctionnaires ou des instances
gouvernementales à des fins politiques contre, je dirais, la réalité et contre
les principes mêmes, là, qui dictent, je dirais, l'intérêt public qui est
inscrit, là, dans toutes les orientations gouvernementales.
Journaliste : Est-ce que leur
argument de sécurité économique pourrait justifier de construire ça malgré tout
le reste, là, l'aménagement autour du territoire? Est-ce que la sécurité
économique, ça pourrait justifier ça, d'après vous?
M. Arseneau : Bien, on l'a
dit depuis le début : Pourquoi on voudrait aller à l'encontre d'un
projet... «pourquoi on voudrait aller à l'encontre d'un projet»? D'un rapport,
c'est-à-dire, qui nous dit que, non seulement on ne va pas améliorer la
mobilité, mais on va accentuer les difficultés à cet égard. Alors, pourquoi on
a une ministre de la Mobilité durable qui s'entête à vouloir enfoncer dans la
gorge des Québécois et des fonctionnaires un projet qui ne repose sur aucune
justification en matière de mobilité durable ou de transport?
Journaliste : La population
n'y croit pas, là, selon vous, en ce moment, là. Parce que vous dites :
Enfoncer dans la gorge des Québécois, et les fonctionnaires, mais enfoncer dans
la gorge des Québécois aussi.
M. Arseneau : Bien, à un
moment donné, je pense qu'il faut revenir à des bases qui sont ancrées dans la
réalité et dans la science. Si on a fait travailler des experts là-dessus
pendant des mois pour conclure que ce projet-là n'avait pas de sens et n'était
pas justifié, pourquoi le gouvernement continue de gaspiller des fonds publics
en exigeant des fonctionnaires qu'ils travaillent sur un projet et
qu'eux-mêmes, à sa face même, devant les conclusions qu'on voit aujourd'hui, ne
trouvent pas de justification non plus? Je sais que c'est en pure perte, là, mais,
encore une fois, ce qu'on demande à la ministre des Transports et de la
Mobilité durable... de passer à un autre appel, de passer à un autre sujet,
parce que ça devient lassant, à un moment donné, de répéter constamment que ce
projet-là n'a pas de sens, coûterait des sommes pharaoniques et accentuerait
les difficultés en matière de mobilité dans la région de Québec.
On le répète, il ne se réalisera jamais,
ce troisième lien-là, mais la CAQ veut l'utiliser pour une troisième élection
consécutive comme... ce qu'on appelle chez nous de la bouette électorale. Ça ne
fonctionne pas. Merci.
(Fin à 9 h 39)