(Onze heures trente-cinq minutes)
Le Modérateur : Alors,
bonjour à tous et bienvenue à ce point de presse du Parti Québécois en lien
avec le dépôt d'une pétition en appui aux travailleurs et travailleuses en CPE.
Prendront la parole lors de ce point de presse le député des
Îles-de-la-Madeleine et porte-parole du Parti québécois en matière de famille
et CPE, Joël Arseneau, suivi de Mme Lucie Longchamps, vice-présidente et
responsable des secteurs parapublic et privé de la Fédération de la santé et
des services sociaux CSN, Stéphanie Vachon, représentante du secteur des CPE de
la Fédération de la santé et des services sociaux CSN, Marylin Dion, directrice
générale de Ma place au travail, et Mariève Gaudet Péloquin, administratrice de
Valorisons ma profession.
M. Arseneau : Alors, bonjour,
tout le monde. Vous savez, on dit souvent que ça prend tout un village pour
élever un enfant, j'ai l'impression que tout le village est rassemblé ici
autour de moi, et ils sont là pour, justement, soutenir l'éducation à la petite
enfance pour nos enfants.
Et ce que ça prend aussi, au-delà de tout
un village, ça prend des services de garde éducatifs de qualité pour s'assurer
que tous les enfants aient accès à l'égalité des chances, essentiellement pour
développer leur plein potentiel dans la vie adulte. Et c'est le socle,
essentiellement, du système éducatif dont on parle aujourd'hui lorsqu'on parle
de l'éducation à la petite enfance. Et c'est la bonne journée pour le faire, c'est
la Journée mondiale de l'enfance, et c'est aussi la grande semaine des
tout-petits. Ce n'est pas un hasard, évidemment, si on a déposé tout à l'heure,
à l'Assemblée nationale, une pétition. Une pétition qui a été signée par près
de 20 000 Québécoises et Québécois qui ont à cœur le système d'éducation
à la petite enfance et les CPE, le réseau qu'on a mis en place en 1997 et qui,
aujourd'hui, il faut le dire, bat de l'aile, bat de l'aile parce qu'on voit qu'il
y a une qualité qui se dégrade dans le réseau. La Vérificatrice générale en a
fait état en mai dernier.
On a également des enjeux concernant le
développement du secteur privé, les garderies privées, les garderies privées
subventionnées qui viennent établir un système à trois vitesses, alors que ce
qu'on voulait, c'était un réseau le plus intégré et de qualité équivalente
partout à travers le Québec, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Et
surtout, surtout, ce qu'on souhaite, c'est que les enfants soient accompagnés,
soient guidés, soient éduqués par des éducatrices qui ont des conditions de
travail et des conditions salariales qui sont à la hauteur de la tâche extrêmement
importante et cruciale qu'on leur confie. Malheureusement, on est en retard à
cet égard, le salaire et les conditions qui sont offertes aux éducatrices sont
telles qu'elles quittent le navire à bout de forces. On a vu que, dans les
trois dernières années, il y a 10 000 éducatrices qui ont quitté, 4 000
dans la dernière année. Et la ministre, tout à l'heure, en période de
questions, nous disait : Oui, mais il y a aussi des gens qu'on arrive à
recruter. La question est de savoir si celles qu'on recrute ont la formation et
les qualifications pour remplacer celles qui ont quitté. Et est-ce qu'on en
recrute suffisamment? Invariablement, non. Est-ce que les conditions de travail
sont attractives? Absolument pas. Est-ce que le réseau de l'éducation, les
centres de services scolaires font compétition aux services de garde à la
petite enfance en attirant une partie des éducatrices qui cherchent
essentiellement à améliorer leur sort sur le plan des conditions de travail sur
le plan salarial? Tout ça fait partie de l'équation.
Je termine en disant que le gouvernement a
une occasion rêvée de signifier qu'il tient vraiment au réseau. Il est en
négociation avec les parties prenantes, évidemment la FSSS de la CSN, mais
également des autres accréditations syndicales. En fait, c'est cet automne qu'on
doit, une fois pour toutes, signifier à l'ensemble du Québec qu'on tient à
notre réseau, qu'on tient à ces éducatrices puis qu'on les valorise non
seulement à travers les mots, mais à travers les gestes et à travers les
ressources qu'on leur donne pour effectuer leur travail, devenir plus attractif
comme employeur, mais aussi retenir ces gens qui ont le cœur à la bonne place,
le cœur à l'ouvrage, et qui, évidemment, tiennent le réseau à bout de bras.
Là-dessus, Mme Longchamps.
Mme Longchamps (Lucie) : Oui.
Merci, M. Arseneau. En tout premier, je veux remercier des partenaires qui
se sont joints à nous aujourd'hui pour ce moment, soit Ma place au travail et
Valorisons ma profession. Merci beaucoup d'être présent aujourd'hui avec nous.
Comme vous l'avez entendu, nous sommes ici
aujourd'hui pour souligner le vaste appui de la population envers toutes les
travailleuses du réseau des CPE. Elles sont maintenant en négociation avec le
gouvernement de la Coalition avenir Québec et elles tiennent à obtenir des
conditions de travail décentes. Vous l'avez entendu, c'est près de
20 000 personnes qui ont apposé leur signature. Pour nous, c'est un
chiffre très significatif. L'action d'aujourd'hui coïncide avec la Journée
mondiale de l'enfance. On est accompagnées, entre autres, de deux enfants,
Xavier et Léa Maud. Ça souligne l'importance que tous les tout-petits reçoivent
le soutien nécessaire pour s'épanouir. Pour y arriver, chacun d'entre eux doit
bénéficier d'une place dans un service éducatif de qualité, comme le modèle des
CPE.
Ce joyau du Québec, cette référence en
matière d'éducation à la petite enfance, continue de dépérir sous le
gouvernement de la Coalition avenir Québec. Le Québec se fait faire même la
leçon par d'autres provinces comme l'Île-du-Prince-Édouard qui a compris qu'il
faut investir dans des services éducatifs publics de qualité. Nous sommes
devant un gouvernement qui manque de vision. Il a promis des places aux
familles du Québec, une place pour chaque enfant. Mais il néglige le fait que
de créer des places de qualité, ça prend des travailleuses qualifiées.
Plutôt que d'offrir des conditions
décentes aux travailleuses en CPE, ce gouvernement se dépêche à la va-vite de
créer des places en recrutant du personnel non qualifié. Elles quittent le
réseau après quelques mois parce qu'elles ne possèdent pas les outils
nécessaires pour faire face aux défis de cette profession. Parce que c'est une
profession, travailler en CPE, c'est être capable de faire face, à tous les
jours, à de nombreux défis.
Dans sa course aux places, le gouvernement
privilégie aussi les garderies privées, en dépit des problèmes de qualité de ce
modèle d'affaires, problèmes qui ont longuement été documentés, entre autres,
par la Vérificatrice générale du Québec. La recherche de profits est
incompatible avec l'éducation des tout-petits. Il faut se le dire, c'est
incompatible.
Nous demandons donc au gouvernement de la
CAQ d'offrir, une fois pour toutes, des conditions valorisantes aux travailleuses
en CPE afin de respecter sa promesse faite aux familles du Québec, une place
pour chaque enfant, de compléter le réseau des services éducatifs à l'enfance
avec des éducatrices formées qui resteront dans le réseau. Merci.
Mme Vachon (Stéphanie) : Bonjour.
On est aujourd'hui pour représenter 12 500 travailleurs et
travailleuses de toutes les appellations d'emploi qui oeuvrent dans les CPE,
qui les tiennent à bout de bras, qui offrent un service de qualité. On est ici
pour témoigner de leur réalité. Au cours des dernières années, les travailleurs
et les travailleuses se sont vus pelleter dans leur cour une multitude de
tâches de plus en plus lourdes. Leurs compétences sont malheureusement
dévalorisées. Elles sont épuisées par la surcharge de travail et voient leurs
conditions d'emploi se détériorer d'année en année. D'ailleurs, elles songent
de plus en plus à délaisser la profession. Plusieurs d'entre elles quittent
pour le secteur public, notamment le réseau scolaire, à qui le gouvernement de
la CAQ a consenti de bien meilleures conditions. Il est temps de rétablir
l'équité entre nos deux secteurs.
À l'heure actuelle, ce gouvernement nous
offre des augmentations salariales largement inférieures, et pour y avoir
droit, il nous demande d'importants reculs dans nos conditions de travail, dans
nos conditions actuelles d'emploi. Est-ce qu'il faut comprendre que les
travailleuses en CPE sont moins importantes? Est-ce qu'il faut comprendre qu'on
vaut moins?
Ce gouvernement envoie un très mauvais
message, particulièrement présentement en période de pénurie de personnel
vraiment, vraiment grave. Les travailleuses ne demandent pas la lune. Elles
réclament une rémunération comparable à celle qui est offerte actuellement dans
le secteur public. Elles proposent aussi des solutions qui permettraient
vraiment d'améliorer les services aux enfants. Ça leur tient à cœur,
énormément.
La CAQ a promis d'offrir une place à tous
les enfants du Québec d'ici mars 2025. Mais ça prend des places de qualité.
Encore le rapport de l'Observatoire des tout-petits nommait à quel point la
qualité est vraiment nécessaire pour offrir des places. Ça, c'est non
négociable. La CAQ devrait faire des pieds et des mains pour convaincre les
travailleuses expérimentées de rester dans le réseau et de pouvoir en attirer
de nouvelles. Mais présentement ils travaillent en l'envers.
Les solutions sont claires, ça prend une
bonification substantielle des conditions de travail, ça prend une bonification
substantielle des conditions de travail, ça prend une charge de travail moins
lourde et ça prend plus de services aux enfants. Nous demandons donc au
gouvernement de la CAQ d'offrir des conditions avantageuses pour tout le
personnel de toutes les appellations d'emploi qui oeuvrent dans les CPE, et
ainsi honorer sa promesse faite aux familles du Québec de compléter le réseau
des services éducatifs à l'enfance dans les CPE.
Mme Dion (Marylin) : Merci.
Ma place au travail représente des parents qui attendent une place en services
de garde éducatifs à l'enfance et ceux qui ont finalement réussi à en obtenir
une. Pour les premiers, rappelons que l'attente, ça correspond à des mois
d'attente et de stress et de conséquence professionnelle. Rappelons aussi que
le gouvernement, comme on le disait tout à l'heure, a promis d'offrir une place
à chaque tout-petit au sein du réseau des services de garde, une place de
qualité, espérons-le, c'est essentiel. Mais, avec plus de 34 000 enfants
qui sont encore en attente, ces familles-là, bien, elles attendent toujours. La
question pourrait se poser : Comment, donc, faire pour, enfin, compléter
ce réseau et assurer la qualité dans chaque place? Il existe quelques solutions,
mais il y en a une qui se démarque clairement, on en a parlé tout à l'heure.
Depuis tout à l'heure, tous les
intervenants disent la même chose : Ça prend des éducatrices qui sont
qualifiées, qui sont valorisées, et ça en prend beaucoup. Le problème, c'est
qu'on est vraiment loin de la valorisation présentement. Les conditions de
travail et le salaire d'une éducatrice sont tout simplement indignes du rôle
essentiel qu'elle occupe tous les jours auprès de nos tout-petits. Soyons
clairs, on ne viendra jamais à bout d'offrir une place de qualité à tous les
enfants si le gouvernement ne rectifie pas le tir en donnant un sérieux coup de
barre dans la valorisation de la profession.
Rappelons-nous les objectifs initiaux de
la création du réseau des centres de la petite enfance. En plus de l'égalité
des chances pour nos enfants, ce dernier avait, notamment, pour objectif, de
permettre aux femmes, aux mères de retourner sur le marché du travail, de
reprendre leurs études. Mais n'est-ce pas problématique de créer un réseau pour
permettre aux femmes de retrouver... de retourner travailler alors que ce sont
des femmes, en grande majorité, qui s'appauvrissent en prenant soin de nos
petits? Poser la question, c'est y répondre.
Cette semaine, c'est la grande semaine des
tout-petits. C'est l'occasion de se rappeler qu'il faut mettre la petite
enfance en priorité dans nos politiques publiques. Mais, pour prendre soin de
nos tout-petits, il faut aussi s'occuper des personnes qui prennent soin de ces
tout-petits-là et s'assurer qu'elles soient bien, qu'elles aient les
conditions, qu'elle aient les outils pour s'occuper adéquatement de nos
enfants. Il est primordial de prendre soin de celles et de ceux qui prennent
soin. Merci.
Mme Péloquin (Mariève) : Je
suis Mariève Péloquin, instigatrice du mouvement... co-instigatrice du
mouvement Valorisons ma profession. Je suis accompagnée avec mes collègues, Élizabeth
O'Farrell et Audrey Proulx. Quel honneur d'être ici aujourd'hui pour célébrer
la Journée mondiale de l'enfant. Dans des moments comme celui-ci, il est
important de se rappeler que les tout-petits aussi ont des droits, de se
rappeler que le développement du cerveau, pendant la petite enfance, ne dépend
pas uniquement de la génétique. Les constructions, les premières expériences de
vie jouent un rôle fondamental dans sa construction. À l'image d'un bâtiment,
des bases solides sont indispensables pour ériger des structures complexes.
Pensons à l'image d'une fondation d'une maison. Une base solide est
indispensable pour soutenir le développement futur du cerveau. Les interactions
de qualité, que les enfants vivent dès leurs premières années, agissent comme
des briques qui renforcent leur cerveau et favorisent leur apprentissage, leur
comportement ainsi que leur bien-être physique et mental tout au long de leur
vie.
Construire leur cerveau des personnes
éducatrices bien formées... Pour construire leur cerveau, pardon, ça prend des
personnes éducatrices bien formées, bien régulées et soutenues pour poser les
fondations, relier les éléments et les accompagner dans leur développement.
Plus les fondations sont fragiles, plus il est difficile et coûteux de les
réparer par la suite. Investir tôt dans la petite enfance, c'est donc s'assurer
que chaque enfant ait des meilleures conditions pour réussir dans la vie.
Hier, le journaliste Thomas Gerbet a
relevé que, depuis 2021, 10 000 éducatrices, éducateurs de la petite
enfance ont quitté le réseau de la petite enfance. C'est extrêmement
préoccupant. Chaque départ est un bris de relation et la littérature
scientifique mentionne l'importance du lien d'attachement pour les enfants, et
particulièrement, c'est plus vrai chez les tout petits. Le roulement de
personnel a des conséquences directes sur la qualité éducative. L'équipe de recherche
Qualité des contextes éducatifs de la petite enfance rappelle que cette qualité
est essentielle pour le développement des enfants. Il est donc important de
s'assurer que ces professionnels bénéficient des conditions nécessaires à leur
bien-être afin qu'elles puissent à leur tour offrir un environnement de qualité
aux enfants. Comme l'a souligné Rima Elkouri dans La Presse en fin de semaine,
au lieu de se dire que ça coûte trop cher d'investir dans la petite enfance, il
faut penser à tout ce que ça coûte de ne pas le faire. Merci.
Le Modérateur
: On va
pouvoir passer à la période de questions. S'il n'y a pas de questions en
français, on va y aller tout de suite en anglais.
Journaliste :
Mr. Arseneau, I just... I would love it
if you would just reiterate the petition itself and why it was important to
deposit it today.
M. Arseneau :
Well, today is the International Day
for Children, and it's also «la grande semaine des tout-petits» so it's the
week to signify to the government that something has to be done to save the
network, the CPE network that was put together in 1997. And in order to achieve
the quality and complete the network that we put forward, we absolutely need to
enhance or improve the working and salary conditions of the personnel. We have
seen people flee the network over the past three years. I mean, the numbers are
astonishing, 10,000 people fled. In the past year, it's 4,000. And it's also,
you know, as someone mentioned it, it's the quality of the educators that will
also be affected, because we know that some people are hired, but they don't
necessarily have the same level of qualification. So, today, what we're doing
is actually, you know, presenting a petition. Close to 20,000 people supported
the petition, that's quite exceptional. And that is certainly a strong signal
sent to the government that now is the time to save the network, to invest into
the network, but moreover, to invest into the quality of education right from
the get-go, right from the pre scholar system in order, as the theme of the
week says, in order to give everyone, every child in Québec the same quality of
service and the same chance to, you know, be a person who will achieve its
dreams in the future.
Journaliste :
And I understand what the government's
offering right now is around just under 13%, I believe. Is anyone comfortable
in English at all?
Une
voix : 12% actually.
Journaliste : 12%.
Une voix : 12.7%.
Journaliste :
12.7 %. So that's far too low.
What would you hope for instead?
M. Arseneau :
Well, I don't want to speak for people
negotiating at the table or for the unions, but one sure thing, what the goal
is and what we see right now is that there is a very large discrepancy in the
salary conditions that are offered to educators as opposed to people working in
the education system or in the public system in general. So, it shows that the
government doesn't value the work of educators as much as the work of other
civil servants. And that's what has to be corrected. So, basically, that's what
the petition says too. If we want to have quality services and quality
educators, we've got to pay them well and we've got to pay them what we pay
other civil servants or other educators, teachers and professors in higher
levels, because this is the basis, this is what we start from, and they've got
to be recognized as essential in the continuum of education or educative
services.
So, basically, you know,
without, you know, getting into the salary per hour, we know that PEI has
already, you know, shown us...
Journaliste :
PEI...
M. Arseneau :
...the province, yes, Prince Edward
Island, is, you know, raising salaries, because it seems like they have finally
understood what needs to be done. And, to me, it's a signal that Québec is
backwards towards you know, improving the system, and keeping the lead also. We
created a new system. All the jurisdictions of North America and elsewhere
envied our network. But, right now, we see the quality dwindling, and one of
the reasons is that we can't keep educators within the ranks, and we don't pay
them well enough.
Journaliste :
Is anybody comfortable speaking in
French, just what about you hear from people when they leave the profession,
why they are leaving...
M. Arseneau :
In French or in English?
Journaliste : En anglais, si
possible, mais sinon, en français, c'est bon aussi.
M. Arseneau : Pourquoi les
gens quittent? Est-ce que vous voulez... Allez-y.
Journaliste : Les raisons
qu'ils disent pourquoi ils quittent, j'ai lu que, des fois, il y a les salaires,
une place comme Costco, qui sont...
Mme Proulx (Audrey) : Oui,
mais, en fait, moi, je suis avec Valorisons ma profession, mais j'ai quitté, je
ne suis plus dans le réseau, mais je continue de me mobiliser parce que je sais
que c'est important. Entre autres, bien, c'est certain que le salaire, c'est un
gros enjeu, parce que le salaire, il va aller déterminer ensuite notre rythme
de vie, comment on va pouvoir, nous... tu sais, ça va être déterminant pour
pouvoir juste payer notre loyer, notre épicerie. Donc, si on a de la difficulté
à subvenir à nos besoins de base puis aux besoins de base de notre famille,
c'est sûr que ça serait comme un premier gros pas en avant. Mais ce n'est pas
la seule raison. De mon côté, puis je sais qu'il y a beaucoup de gens qui sont,
dans le fond, dans la même situation, là, c'était un épuisement, un épuisement
qui s'est... Tu sais, j'ai beaucoup essayé d'avoir de l'aide, d'avoir des
ressources, mais c'était toujours... ce n'était pas possible. Beaucoup
d'acharnement aussi, les conditions sont rendues vraiment difficiles. On nous a
ajouté, tu sais, petit peu par petit peu, on nous a ajouté des tâches, ce qui
fait que chaque tâche qu'on nous ajoute, bien, c'est du temps de qualité qu'on
a de moins avec les enfants. Puis là ça devient difficile d'équilibrer, nous,
on le sait comment c'est important, le temps de qualité avec eux, les
interactions que les personnes éducatrices vont avoir avec les enfants. Mais,
en même temps, on le sait aussi qu'on a toute notre liste de tâches à faire,
donc, on devient stressé, puis ça devient difficile.
On le sait qu'en faisant... tu sais, en
étant stressé avec nos tâches, on sait qu'on brime la qualité, mais on sait
aussi qu'on n'a pas le choix. Donc, ça devient un peu... C'est un gros conflit
intérieur, puis ça devient de plus en plus difficile aussi sur le lien
d'attachement des enfants qui deviennent... Bien, plus, nous, nos ressources
sont limitées, bien, plus eux, ils ont besoin de se faire entendre pour obtenir
des ressources de nous. Donc, ça devient une situation un peu chaotique, ça
s'envenime. Donc, l'épuisement, là, et je n'ai pas la statistique, mais on
entend beaucoup, beaucoup d'épuisement sur le terrain. Même moi, j'ai quitté il
y a trois ans, et là de ce que j'entends, les échos du terrain, ça s'est
dégradé encore plus que quand, moi, j'ai quitté.
Journaliste : Pour toi,
personnellement, je sais que tu as fait ton éducation complètement pour être
une éducatrice. Est-ce que c'était une décision difficile de changer de
profession comme ça?
Mme Proulx (Audrey) : Bien
oui, oui, oui. Bien, ça a été un gros deuil, là. J'ai eu vraiment de la
difficulté quand j'ai quitté. Bien, au départ, j'ai quitté en arrêt de travail.
J'ai trouvé ça difficile, parce que c'était... j'avais un groupe d'enfants de
quatre ans. Je les aimais beaucoup, je les avais énormément accompagnés. C'était
un groupe qui avait des besoins, des grands besoins, mais je les adorais. Pour
moi, j'avais vraiment un beau lien avec eux, même si mes journées étaient
terriblement difficiles, là, on va se le dire.
Au moment... Dans le fond, j'ai eu mon
arrêt de travail. Ensuite, bien, j'ai été trois mois environ en arrêt de
travail, mais mes prestations d'assurance-emploi ont été... m'ont été coupées.
Dans le fond, j'avais discuté avec une personne, là, par rapport aux assurances
maladie, je ne me souviens pas c'était laquelle, et mes assurances ont été
coupées. On m'a retournée au travail, là, malgré que mon médecin avait mon
papier d'arrêt de travail, puis moi, j'avais mentionné à la personne au
téléphone que c'était... j'allais mieux parce que maintenant j'étais capable de
me lever de mon lit pour aller faire une brassée de lavage dans ma journée.
Puis on m'a retournée au travail.
Donc, c'est là que j'ai démissionné, mais
j'avais tellement, tellement de peine parce que moi je voulais... je voulais
poursuivre, mais je ne me sentais pas capable, là. Je veux dire, me lever pour
faire une brassée de lavage, c'était mon accomplissement de la journée, mais on
me demande... Moi, je le sais tout ce que ça implique d'aller s'occuper toute
la journée d'un enfant... de 10 enfants de quatre ans qui ont des grands
besoins, donc je trouvais que ça ne faisait pas de sens que moi, avec mon
épuisement, je sois avec eux, et donc c'est... C'est la raison, là, pourquoi
j'ai démissionné puis je ne suis pas retournée parce que mon... l'impact de la
dépression s'est poursuivi, là, longtemps après.
Journaliste : Merci pour
partager.
Mme Proulx (Audrey) : Merci
beaucoup.
M. Arseneau : Just to sum it up in English a bit, it's a very touching testimony
because people... educators want to do a good job, they want to perform, they
want this relationship with the kids to go on. But, when they can't deliver,
they get exhausted and they don't have support, the support that they need.
That's another question. But what I want to say, is those people who are
holding the network, you know, together, some... some of them fall, but some of
them continue and some of them have to take a second job to make sure that they
can make ends meet. They so want the system to work that they will do anything,
and that's what the government does not recognize, and I think that's what
we've got to work on. These people takes care of our kids the same with the
parents would, and that has to resonate somewhere in the working... or the
salary and the working conditions that we offer them. That's basically, I
think, what the point we want to make today. Thank you very much.
Le Modérateur : Merci
beaucoup. C'est ce qui conclut le point presse.
(Fin à 12 h 02
)