(Treize heures trente-cinq minutes)
Le Modérateur : Bonjour.
Bienvenue à cette conférence de presse du Commissaire à la langue française, Benoît
Dubreuil. Il dépose aujourd'hui un rapport sur le français comme langue commune
qui s'intitule Comprendre le recul, inverser les tendances. Il est accompagné
aujourd'hui de Stéphanie Cashman-Pelletier, commissaire adjointe, et de Marc
Tremblay-Faulkner, analyste.
M. Dubreuil, sans plus attendre, je vous
laisse la parole.
M. Dubreuil (Benoît) : Merci
beaucoup. Bonjour à tous. Alors, le rapport que nous déposons aujourd'hui
répond à l'exigence prévue à l'article 198 de la Charte de la langue française,
qui demande au Commissaire à la langue française d'analyser le suivi
quinquennal de la situation linguistique réalisée par l'Office québécois de la
langue française et qui lui demande de présenter, dans les six mois, ses
conclusions et ses recommandations dans le but de favoriser l'utilisation du
français comme langue commune. Alors, pour répondre à cette exigence, nous
avons d'abord mené une série d'études complémentaires qui nous ont permis de
décrire plus précisément le recul du français et de mieux en comprendre les
causes.
Nous avons conclu que, depuis le début des
années 2000, l'usage du français avait diminué, d'une façon non
négligeable, dans les pratiques culturelles et sur le marché du travail, que
ces reculs étaient particulièrement visibles dans les régions de Montréal et de
Gatineau. Le rapport que nous publions aujourd'hui cherche à expliquer comment
ce recul a été possible, en dépit de la politique linguistique ambitieuse qui a
été menée par le Québec au cours des dernières décennies. Nous y soutenons que
la Charte de la langue française a permis de renforcer, de multiples manières,
le statut du français au Québec. Toutefois, elle a montré ses limites face aux
principales tendances qui alimentent aujourd'hui le recul de cette langue.
Alors, nous mentionnons quatre enjeux.
Premièrement, les mesures visant la sélection et la francisation des personnes
immigrantes n'ont pas permis d'atteindre, chez ces personnes, un équilibre
entre l'utilisation du français et de l'anglais qui soit comparable à celui
observé dans la société d'accueil. Deuxièmement, la fréquentation obligatoire
de l'école française, à elle seule, n'a pas permis de corriger ce déséquilibre,
parce que l'utilisation du français demeure insuffisante lorsque les jeunes ne
s'insèrent pas, de manière durable, dans des réseaux plus larges où le français
est utilisé de manière habituelle. Troisièmement, l'augmentation de la
connaissance de l'anglais, puis l'exposition croissante des Québécois à cette
langue dans l'univers numérique ont mené à son adoption dans un nombre
croissant de contextes professionnels, sociaux et culturels. Quatrièmement, l'évolution
de l'économie a mené, dans plusieurs secteurs, à une multiplication des
échanges avec l'extérieur du Québec et à une utilisation toujours plus grande
de l'anglais.
Nous concluons que le recul du français
observé au cours des deux dernières décennies n'est pas de nature
conjoncturelle. Et, de plus, en raison des écarts observés entre les
générations plus âgées et les générations plus jeunes, ce recul est susceptible
de se poursuivre au cours des prochaines années. Pourtant, l'avenir n'est pas
écrit. Il est toujours possible de freiner le recul d'une langue, même si le
niveau de difficulté augmente avec le temps.
Dans le rapport que nous présentons
aujourd'hui, nous proposons au gouvernement un ensemble de mesures qui visent à
infléchir de manière progressive les tendances défavorables que nous avons
relevées. Dans un premier temps, nous réitérons les recommandations que nous
avons formulées dans nos rapports précédents concernant l'importance d'accueillir
une immigration plus francophone. À la lumière des contraintes pratiques et
financières qui limitent l'efficacité de la francisation ainsi que de la
réalité sociolinguistique de la région de Montréal, une immigration plus
francophone est essentielle pour stabiliser la situation du français à moyen
terme.
Dans un deuxième temps, nous recommandons
au gouvernement de mettre en œuvre de nouvelles mesures touchant les domaines
de l'éducation, de la culture, de l'enseignement supérieur et de l'économie.
Ces mesures visent globalement deux objectifs : accroître les préférences
des jeunes et des nouveaux arrivants pour le français et renforcer les
contextes et les réseaux au sein desquels le français pourra s'imposer
facilement comme langue commune.
En culture, nous recommandons au
gouvernement du Québec de présenter rapidement, à l'Assemblée nationale, un
projet de loi sur la découvrabilité des contenus culturels francophones. Nous
lui recommandons également de réviser ses mécanismes de soutien à la culture
dans le but d'appuyer de manière cohérente la production et la diffusion de
contenus culturels québécois et francophones.
En éducation, nous recommandons justement
au gouvernement de faire de la découverte de ces contenus culturels québécois
et francophones un objectif stratégique du système d'éducation. Nous
recommandons également qu'ils mettent en œuvre, chaque année du primaire et du
secondaire, des jumelages entre écoles de milieux différents qui seront axés
sur la réalisation d'activités collaboratives, de découvertes culturelles. En
enseignement supérieur, nous recommandons que le gouvernement se fixe une cible
de 85 % d'enseignement en français dans le but d'accroître progressivement,
par un cumul de mesures, la place de cette langue dans les collèges et les
universités.
En économie, nous recommandons que le
gouvernement révise ses mécanismes de soutien au développement économique dans
le but d'y intégrer de manière cohérente et transparente les considérations
linguistiques. Nous recommandons également qu'il appuie, au sein des organismes
offrant des services réguliers à l'extérieur du Québec, l'intégration des
technologies langagières comme la traduction automatique dans le but de
faciliter l'utilisation du français.
En plus de ces recommandations qui visent
des domaines particuliers, nous demandons au gouvernement de mettre sur pied
une planification linguistique régionale, particulièrement dans les régions de
Montréal et de Gatineau. En effet, dans ces régions, la situation du français
est fragilisée, et cette langue parvient plus difficilement à s'imposer comme
langue commune, que ce soit à l'école ou dans les milieux de travail. Ces plans
régionaux devraient miser... mobiliser les différents acteurs gouvernementaux,
municipaux, communautaires dans le but d'accroître de manière cohérente la
préférence pour le français des jeunes et des personnes immigrantes, ainsi que
les réseaux et les contextes au sein desquels le français pourra s'imposer
facilement.
Le recul du français est le résultat d'un
ensemble de facteurs qui se sont mis en place progressivement au cours des
dernières décennies et qui, de manière cumulative, ont affaibli la capacité du
français à s'imposer dans les écoles, les milieux de travail et les activités
culturelles. Il ne faut pas pointer du doigt les individus, mais nous avons le
devoir de trouver des solutions collectives. Les mesures recommandées dans ce
rapport interpellent un grand nombre d'acteurs des milieux gouvernementaux,
culturels, éducatifs et économiques, alors j'en appelle à leur responsabilité.
L'approche que nous proposons part du
principe qu'il existe au Québec un large consensus à l'idée de maintenir le
statut du français comme langue commune. Elle part aussi du principe que seule
une intervention transversale et transformatrice qui dépasse les simples
mesures administratives sera susceptible de faire converger les Québécois de
diverses origines vers une utilisation plus fréquente du français comme langue
commune.
La question linguistique au Québec a
souvent été une source de division et de polarisation. Mais le renforcement du
français peut aussi être un projet rassembleur et une source de cohésion
sociale. Nous ne partons pas tous du même point, mais nous pouvons tous
contribuer, chacun à notre manière, à rendre le français un peu plus présent.
Alors, pour certains, cette contribution consistera à développer les
compétences de base qui leur permettront d'utiliser le français dans des interactions
simples. Pour d'autres, elle consistera à s'exposer un peu plus aux contenus
culturels québécois et francophones dont la diversité est plus grande que
jamais et qui nous permettent d'entrer en relation les uns avec les autres.
Pour d'autres encore, il s'agira de faire preuve de leadership dans leur milieu
et de partager avec leurs collègues, leurs amis ou leurs familles, leur passion
de vivre l'expérience unique d'une vie en français en Amérique du Nord.
Alors je vous remercie de votre attention
et je suis disponible pour répondre à vos questions.
Le Modérateur : Oui. C'est ce
qui nous mène à la période des questions, en commençant avec Patrick Bellerose,
Le Journal de Québec.
Journaliste : Bonjour à tous.
M. Dubreuil, vous proposez votre propre recommandation, là, pour l'enseignement
du français au niveau supérieur. Je présume que vous avez étudié l'idée de la
loi 101 au cégep. Pourquoi l'avoir écartée? En fait, est-ce que vous
l'écartez carrément et pourquoi ne pas avoir été dans ce sens-là?
M. Dubreuil (Benoît) : Alors,
l'application de la loi 101 au cégep, pour nous, c'est une proposition qui
est légitime, et globalement on pense que sa mise en œuvre contribuait...
contribuerait en fait à renforcer le français. Alors, cependant, nous pensons
que la proposition que nous avançons est plus pertinente. D'abord, elle
concerne l'ensemble de l'enseignement supérieur. Hein, c'est important parce
que nos études montrent que l'enjeu n'est pas propre aux collèges, mais
concerne tout autant les universités. Ensuite, c'est une approche qui offre une
grande flexibilité. Elle nous permettrait de renforcer aussi progressivement
car, j'insiste, la place du français en tenant compte de la réalité
particulière des établissements d'enseignement supérieur.
Finalement, je pense qu'elle nous
permettrait aussi d'éviter deux écueils. D'abord, éviter de compromettre la
viabilité financière des établissements anglophones et ensuite elle nous
éviterait aussi de ramener en fait, de manière soudaine, plusieurs milliers
d'élèves qui ont déjà adopté l'anglais comme langue habituelle vers les cégeps
francophones, notamment au centre de l'île, dans l'ouest de l'île, ce qui
pourrait y fragiliser d'autant plus la place du français.
Par ailleurs, peut-être terminer là-dessus,
en mentionnant que ça fait quand même un bon 25 ans qu'on discute de cette
possibilité d'élargir la loi 101 au collégial sans nécessairement réussir
à trouver de consensus. Alors, on pense qu'aujourd'hui on amène une proposition
qui a le mérite d'ouvrir la discussion de manière plus large, de créer
peut-être un nouveau monde de possibilités et de discussions entre les
différents établissements d'enseignement et les différentes parties prenantes
qui s'y intéressent.
Journaliste : Le 85 %
que vous proposez, c'est dans l'ensemble du réseau. Donc, il y a quand même des
cégeps et des universités qui fonctionneraient majoritairement en anglais.
Comment est-ce qu'on peut ramener les gens vers le français s'ils vont à
l'école, au cégep, à l'université et parlent anglais la plupart du temps?
M. Dubreuil (Benoît) : Oui.
Ce n'est pas évident. Je vous dirais que tout le rapport qu'on propose
aujourd'hui vise à nuancer peut-être la distinction qu'on a entre une école
française et une école anglaise. Traditionnellement, on se disait dans les
années 70, si les gens étudient en français, ils vont devenir des
francophones, s'ils étudient en anglais, ils vont devenir des anglophones.
Aujourd'hui, on comprend que ce n'est pas exactement ça qui se passe. Dans un
établissement, il y a toujours...
Journaliste : ...disent un
petit peu ça, là. C'est pour ça que je suis un peu surpris.
M. Dubreuil (Benoît) : C'est-à-dire
qu'il y a un impact, il y a clairement... Il y a un impact d'étudier en
français pendant plus longtemps, mais l'impact, il peut... il peut être de
différentes natures. C'est-à-dire, si vous ramenez aussi du côté francophone
des gens qui sont déjà habitués de socialiser en français, vous pouvez aussi
réduire les possibilités d'utiliser le français dans les collèges, dans les
collèges francophones.
Journaliste : Puis un exode
vers le côté... le réseau anglophone.
M. Dubreuil (Benoît) : C'est-à-dire
qu'à la fin du secondaire il y a une partie des jeunes qui sortent des écoles
françaises, qui sont déjà meilleurs en anglais, qui ont déjà l'habitude de
socialiser en anglais. On sait que dans certaines écoles secondaires, dans
certains milieux, ça va faire en sorte que ça va être même difficile de
socialiser en français et que l'intégration entre les amis va plutôt se faire
en anglais plutôt qu'en français dans le système francophone.
Il faut comprendre qu'il y a deux
dynamiques linguistiques dans une école, il y a de la langue classe, celle que
le prof impose en fait, ou qu'on... qui est imposée par le professeur, mais
ensuite il y a toute la socialisation autour. Et on se retrouve dans une
situation où les deux dynamiques peuvent être... peuvent être différentes. Le
français peut fonctionner comme ça et l'anglais s'imposer du point de vue
horizontal. Donc, c'est ça qu'il faut prendre en considération aussi.
Le Modérateur : Merci. Je
vais tout de suite... Je vais me permettre quelques questions, François
Carabin, Le Devoir, parce que je veux poursuivre sur le même sujet,
là. Vous dites dans votre rapport que le ratio de 85 % pourrait être
atteint par un cumul de mesures, et vous parlez notamment du plafonnement des
inscriptions ou du nombre de places dans les cégeps anglophones. Ça, c'est déjà
en place par le biais de la loi no 85... 96, pardon. Vous parlez aussi de
mesures susceptibles d'accroître la proportion d'étudiants internationaux dans
les établissements francophones. Vous avez vu le projet de loi de
M. Roberge, qui vise essentiellement à départager davantage, envoyer
davantage d'étudiants étrangers dans des programmes francophones. Est-ce donc
dire que le gouvernement du Québec a déjà posé des gestes qui vont vous
permettre... qui vont permettre, c'est-à-dire, d'atteindre cet objectif-là
assez facilement?
M. Dubreuil (Benoît) : À
atteindre, non, mais effectivement ça fait progresser. Puis moi, je suis
intervenu dans le débat en commission sur le projet de loi no 74 pour dire
que je pensais qu'on avait besoin d'une meilleure répartition linguistique des
étudiants dans les collèges et les universités. Donc, ça, oui, ça va quand même
faire progresser le français, ça le fait déjà d'ailleurs, on a déjà une
tendance un peu favorable qui est en... qui est en cours.
Cela dit, je pense que si on veut se
rendre aux 85 % dont je parle, il va falloir faire plus que ça. Je pense
que la principale mesure qui nous permettrait de nous en rapprocher, c'est - en
fait il y a deux principales mesures - c'est d'orienter la croissance des
effectifs vers les universités francophones, comme on l'a fait pour les
collèges, et aussi d'introduire une part de bilinguisme, des cheminements
bilingues, dans les universités anglophones.
Donc, l'idée de ça, elle est très simple,
c'est-à-dire qu'on comprend la motivation de plusieurs personnes qui sortent
des écoles secondaires françaises de vouloir améliorer leur anglais. Donc ça,
c'est tout à fait légitime. Mais aussi ce qui se passe, c'est qu'il y a
beaucoup de jeunes, comme je l'ai mentionné, qui sortent des écoles secondaires
et qui sont déjà très habitués de socialiser en anglais. Et pour eux, le
passage à l'enseignement supérieur en anglais est comme une espèce de
cheminement naturel.
Donc, l'idée, c'est d'avoir des mesures
qui vont permettre à ces jeunes-là de rester en contact avec le français. Donc,
on n'est pas dans des mesures radicales qui risquent de leur changer
complètement leur comportement. C'est simplement de se donner toutes les
chances que ces jeunes-là continuent de développer des compétences
professionnelles, certains espaces de socialisation en français, pendant leurs
études supérieures.
Journaliste
: En
sous-question. Bon, quand vous nous avez présenté les études puis vos constats
il y a quelques semaines, si je ne m'abuse, c'est trois semaines, deux
semaines, vous avez parlé de la probabilité qui était beaucoup plus grande pour
une personne qui étudiait au cégep et à l'université en anglais d'occuper un
emploi dans un milieu anglophone. Donc, vous faites une espèce de lien de
causalité. Mais est-ce qu'en fait on ne peut pas la prendre ou prendre cette
réflexion-là de l'autre bord puis se dire que c'est des personnes qui veulent
aller à travailler en anglais et donc qui s'en vont étudier en anglais au cégep
et à l'université? Comment on fait pour régler ce problème-là si... c'est ça,
si c'est un problème?
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
c'est-à-dire que les chiffres qu'on présente quand même, c'est un modèle
statistique qui neutralise, là, l'effet des différents secteurs économiques et
des différents niveaux d'emploi, aussi le parcours antécédent. Donc, c'est sûr
que, quand on fait un modèle statistique, on n'est jamais à l'abri, là, qu'il y
ait une variable qui vienne... qui vienne créer une fausse idée de causalité,
là. Donc ça, c'est toujours... c'est toujours possible, mais quand même, on est
confiant qu'il y a quand même un impact. Ça s'appuie aussi sur notre lecture de
la recherche, la recherche qualitative, où on est capables de voir en fait
quels sont les mécanismes. Le fait d'être exposé pendant des années, à une
langue dans un cadre formel, d'apprendre la terminologie, d'apprendre à faire
son travail, d'augmenter la probabilité aussi d'être en contact avec des gens
qui utilisent cette langue de manière habituelle, ce sont des mécanismes qui
expliquent le développement des préférences linguistiques. Donc, on est quand
même assez assez solides sur l'effet qu'a la scolarisation en anglais.
Cela dit, comme on l'explique dans notre
rapport, c'est un effet qui est cumulatif. Donc, il n'y a pas un moment où tout
à coup ça devient trop, puis là, tout à coup, on devient anglophone. Tu sais,
ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, c'est vraiment un cumul de facteurs.
Donc, le fait qu'il y ait des Québécois qui soient exposés à l'anglais dans
l'enseignement supérieur, des Québécois francophones, en soi, ce n'est pas un
problème. Pour moi, ce qui compte vraiment, c'est que les forces à terme
s'équilibrent pour que la situation linguistique soit stable. Donc, il faut
trouver des manières de répondre aux besoins des gens, de faire de l'immersion
anglaise, par exemple, d'être dans des contextes anglophones tout en s'assurant
qu'on minimise le risque, à l'échelle globale, le français s'affaiblisse. C'est
ça vraiment qu'on cherche à faire, là. On cherche à maintenir ces deux
objectifs-là en même temps.
Le Modérateur : Merci. Je
vais passer à Hugo Lavallée, Radio-Canada.
Journaliste : Oui. Bonjour,
M. Dubreuil. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a eu quand même pas mal de
protestations dans le réseau des cégeps quand le gouvernement a décidé
d'imposer trois cours, dans les différentes matières, en français. Là, si je
comprends bien, votre proposition, ce serait d'étendre ce genre de mesures là
puis de faire la même chose dans les universités aussi. Connaissant les enjeux
de liberté académique, enjeux aussi d'autonomie des universités, comment est-ce
qu'on peut atteindre cet objectif-là sans rogner dans cette autonomie-là?
M. Dubreuil (Benoît) : Oui.
Moi, ce qui m'a vraiment convaincu d'aller dans cette direction, c'est quand
j'ai vu ce qui se faisait en Catalogne, et le plan qu'ils ont développé, là,
pour renforcer la présence de la langue catalane. Et puis j'ai eu l'occasion de
discuter avec beaucoup de personnes qui ont été impliquées, là, dans ces
discussions-là, puis je leur ai posé vraiment les questions : Comment vous
faites concrètement? Et la manière d'y arriver, c'est vraiment d'engager une
discussion avec les établissements d'enseignement eux-mêmes et de s'entendre
sur des objectifs.
La réalité, c'est que pour de grandes
universités, il y a beaucoup d'occasions de mettre du français dans les
formations, particulièrement dans les gros programmes. Vous savez, il y a des
programmes, par exemple en administration des affaires, à Concordia, c'est
des... un nombre très, très, très élevé de jeunes qui entrent. Même chose avec
les... en informatique, par exemple, en génie informatique, on sait que c'est
des domaines qui sont très fragiles, par la suite, sur le marché... où le
français est très fragile, par la suite, sur le marché du travail, puis c'est
de grosses cohortes. Donc, on peut introduire une partie de l'enseignement en
français, je pense, sans déstabiliser le modèle d'affaires de l'établissement.
Et le jeune qui lui aura préféré étudier principalement en anglais, mais quand
même va avoir peut-être un certain nombre de cours, ça reste à déterminer, mais
qui vont lui permettre d'apprendre la terminologie. Puis dans ces cours-là,
quand même, il va s'assurer que son français demeure... demeure actif. On vise
principalement les jeunes qui sont issus du secondaire français, hein? Gardez
ça... on garde ça à l'esprit aussi, là, même si moi, j'aimerais aussi qu'il y
ait beaucoup plus d'anglophones, que ce soit du Québec ou du reste du Canada
qui viennent au Québec pour étudier en français. Je pense que ça, ça serait aussi...
ça nous aiderait aussi à atteindre un meilleur équilibre.
Journaliste : Vous avez
mentionné tout à l'heure, là, le fait qu'il y avait des limites à la
francisation dans le cas de l'immigration, puis que c'est la raison pour
laquelle vous incitiez le gouvernement à aller de l'avant puis à... en fait,
c'est déjà en train d'être implanté, là, avec la sélection d'immigrants qui ont
déjà une certaine connaissance du français. Il y a quand même ce discours
social qu'on a beaucoup entendu ces dernières années, que la francisation
allait régler les problèmes qu'on soulevait sur la question de la langue, là.
Si je déduis bien, par contre, de ce que vous nous dites, c'est que ce n'est
pas le cas, il y a une part de... quoi, de mythe, là, un peu derrière ça de
penser qu'on peut franciser tout le monde.
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
j'en ai parlé... j'en ai parlé, en fait, dans mes rapports, là, plus le
printemps dernier, la francisation, c'est important, c'est un droit. On l'a
reconnue comme un droit, et il faut le respecter, s'assurer que ce droit-là a
une réalité. Mais, par ailleurs, c'est vrai que, dans la dynamique
sociolinguistique plus large, le fait d'avoir ou pas accès à des cours de
français gratuit, c'est une des variables qui va amener la personne, un, à
apprendre la langue, et deux, à l'utiliser.
Le défi principal qu'on a, au Québec, en
matière d'usage du français, c'est qu'évidemment beaucoup de gens qui arrivent
au Québec, lorsqu'ils ne connaissent pas le français et qu'ils viennent spécifiquement...
ils ne viennent pas spécifiquement pour vivre en français, généralement, les
gens ont une connaissance de l'anglais, souvent, les gens vont se retrouver
dans des milieux où ça se déroule plutôt en anglais, vont se socialiser dans
des milieux où l'anglais est la langue habituelle. Et c'est là que ça devient
difficile, en fait, de faire basculer les gens, faire basculer une personne qui
a ses habitudes, qui est déjà dans un milieu, qui est déjà dans un réseau. Dire
qu'on va l'amener à changer ses comportements linguistiques en lui offrant des
cours gratuits, il y a une limite à ça.
Donc, évidemment, je veux qu'on me
comprenne bien, là, je ne suis pas en train de dire que ça ne sert à rien et
qu'il ne faut pas le faire, mais il ne faut pas avoir de pensée magique.
Le Modérateur : Vincent
Larin, La Presse.
Journaliste : Oui. Moi,
j'aimerais... une question de développement économique. C'est quand même tout
un changement de paradigme que vous proposez là. Est-ce que vous... est-ce que
vous reconnaissez que ça pourrait avoir un impact en termes de... ça pourrait
augmenter, donc, la bureaucratie, peut-être, réduire l'attrait du Québec pour
les entreprises, là, de certains domaines dont vous avez... vous avez parlé?
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
je pense que ça dépend comment on le met en œuvre. Je pense qu'on peut poser
exactement la même question des normes environnementales ou du droit du
travail, tu sais, tout ce qui fait partie de la responsabilité sociale des
entreprises, on peut toujours se poser la question. Ensuite, effectivement, il
faut faire une mise en œuvre de ça qui est intelligente.
Je ne pense pas que c'est très, très
compliqué de se poser la question. Je veux dire, il faut voir c'est quoi, la
nature des emplois, que font les gens dans leur vie, dans leur travail
quotidien et d'où vont venir les gens qui vont occuper les emplois. Donc, à
partir du moment où on répond à ces deux questions-là, moi, je peux vous dire
assez facilement si le français va réussir à s'imposer facilement comme langue
commune ou pas.
Puis je pense que cette information-là,
elle doit être prise en considération par les décideurs qui, ensuite, pourront
décider de dire : Bien non, nous on considère que c'est tellement payant,
tel domaine, que tant pis si des gens travaillent en anglais, on en a besoin
pour des raisons stratégiques. De la même manière qu'en environnement on fait
parfois aussi le choix de prendre des décisions qui ne sont pas optimales parce
qu'on considère qu'on en a besoin.
Journaliste : Une question
toute simple, en fait, sur la portée des mesures que vous suggérez aujourd'hui.
Si je prends l'annexe 2, avec l'énumération de toutes les mesures,
essentiellement, sept des huit mesures, vous dites que la portée de l'effet est
grande. Est-ce que je pourrais quand même vous demander de hiérarchiser,
peut-être, ou nous dire celle que vous pensez qui a le plus d'impact parmi
toutes celles que vous proposez aujourd'hui?
M. Dubreuil (Benoît) : Je me
doutais qu'on me poserait la question... qu'on me poserait la question. Bien,
en fait, j'ai vraiment de la difficulté parce que moi, je vois ça comme étant
une chaîne. C'est comme une sorte de chaîne causale. Donc, les gens rentrent,
avec l'immigration ou la naissance, ensuite, il y a l'école, ensuite, il y a le
contexte culturel, ensuite, il y a l'enseignement supérieur, ensuite, il y a le
marché du travail, puis tout ça est lié. Puis, quand on renforce un maillon, on
renforce tout ce qui vient par la suite. Puis, quand on affaiblit un maillon,
bien, on affaiblit tout ce qui vient par la suite. Donc, à chaque fois qu'on
fait du progrès sur une des recommandations qu'on a avancées, on facilite
l'atteinte de toutes les autres recommandations. Je ne sais pas si vous voyez
ce que je veux dire.
Si on a une immigration plus francophone à
l'entrée, la question d'avoir des plans régionaux pour amener les gens à
adopter le français, ça devient très facile parce que les gens vont juste
l'adopter sans qu'on ait besoin de ne rien faire. Vous comprenez? Donc, si on
réussit, à travers l'école, à bien faire en sorte que le français soit la
langue commune, que les gens s'identifient à la culture québécoise, à la
culture québécoise, qu'ils aiment ça, bien, ensuite, on diminue aussi l'intérêt
que les gens ont pour penser aux milieux anglophones aux études supérieures.
Donc, pour moi, là, vraiment, ça représente un continuum, puis, à chaque fois
qu'on travaille sur un morceau, on se facilite le travail pour les autres
morceaux.
Le Modérateur : Sébastien
Desrosiers, Radio-Canada.
Journaliste : Bonjour, M.
Dubreuil. Peut-être juste deux précisions. D'abord, sur l'économie, sur votre
proposition de... votre recommandation de réviser les mécanismes de soutien au
développement économique pour y intégrer des considérations linguistiques. Si
je prends un exemple d'actualité, Northvolt, disons, le gouvernement du Québec
décide de lui accorder un bloc d'énergie, on va demander à l'entreprise,
présentement, de répondre à un certain nombre d'exigences environnementales. Ce
que vous dites, c'est que, selon la recommandation que vous présentez,
l'entreprise aurait également dû s'engager à respecter un certain nombre
d'exigences linguistiques.
M. Dubreuil (Benoît) : Oui,
en fait, ou on aurait pu leur demander quel était leur plan, par exemple en
matière de dotation des 4 000 postes. Et peut-être que ça s'est fait,
moi, je ne le sais pas, mais moi, j'aimerais savoir d'où vont venir les
4 000 employés de Northvolt, d'où viendrait les 4 000 employés
de Northvolt, puis quelle est la nature des tâches qu'ils vont réaliser. Et sur
la base de cette information là, moi, je pourrais vous donner un avis assez
précis à savoir : Est-ce que c'est plausible ou pas plausible que les gens
vont pouvoir travailler en français, que le français va être la langue
habituelle de socialisation dans l'entreprise? C'est assez... je pense, c'est
assez facile sur la base de ce qu'on a comme compréhension des milieux de
travail.
Journaliste : Mais à votre
connaissance, donc, est-ce que ça se fait ou ça ne se fait pas
systématiquement?
M. Dubreuil (Benoît) : Moi,
je n'ai jamais entendu parler que ça se faisait. Donc, si ça se fait, je vais
être très... absolument ravi de savoir que ça se fait.
Journaliste : O.K., mais donc
vous dites : Il faudrait qu'on demande à l'entreprise de nous soumettre un
plan. Mais après ça, est-ce qu'il faudrait favoriser, selon vous, les
entreprises dont la main-d'œuvre va être francophone?
M. Dubreuil (Benoît) : Oui.
Bien, pour moi, ça doit être un intrant de la prise de décision, de la même
manière que les considérations environnementales. Donc, dans un monde idéal, si
on a le choix entre deux entreprises équivalentes ou deux stratégies de
développement économique qui vont donner à peu près la même chose sur le plan
économique, qu'on favorise celle qui est plus... qui va faciliter l'utilisation
du français, mais évidemment, on ne peut pas exclure que, des fois, il y a des
décisions économiques qui s'imposent d'elles-mêmes et qui vont nuire au
français. Ça peut être... il peut y avoir des situations où c'est légitime de
faire reculer le français, parce que le français, c'est une des variables,
c'est une des choses qui sont importantes pour nous, mais il y a d'autres
choses qui sont importantes pour nous aussi. Puis ça, c'est le travail des
politiciens, de justifier aussi les décisions qu'ils prennent, de justifier
leurs arbitrages.
Donc, même chose avec les évaluations
environnementales. Si on décide d'autoriser un projet malgré un avis négatif du
BAPE, bien, un moment donné, c'est le politicien aussi qui doit dire :
Bien, moi, je trouve que c'est tellement important que... C'est vraiment le
même type de raisonnement, là.
Journaliste : ...des
avantages et des inconvénients, peut-être une dernière précision. Vous avez
parlé d'orienter la croissance des effectifs en enseignement supérieur, là, la
croissance des effectifs vers les universités francophones. Est-ce que vous
plaidez pour l'instauration d'un plafond, un peu comme ça a été le cas pour les
cégeps après l'adoption de la loi n° 96?
M. Dubreuil (Benoît) : Oui.
Le plafond pour la loi n° 96, il est vraiment prévu
dans la loi, là. Ça peut être une avenue, mais je n'ai pas... je n'y tiens pas
nécessairement. Ça peut se faire aussi à travers la formule de financement.
Aussi, ça n'implique pas nécessairement un changement législatif, ça peut être
un plafond, un peu... comment on dit, là, mouvant, là, dans le sens où, par
exemple, un taux de financement qui diminue au fur et à mesure où on se
rapproche d'une cible.
Journaliste : Le maximum
d'étudiants dans les universités anglophones, par exemple.
M. Dubreuil (Benoît) : Je
n'ai pas nécessairement imaginé un plafond fixe. Je pense qu'il faut engager
une discussion pour voir comment, progressivement, on va déplacer les choses.
C'est vraiment important. Puis je veux aussi présenter ça d'une manière qui
suscite aussi la collaboration. Moi, j'ai beaucoup entendu, par exemple, de la
part des établissements anglophones puis de la communauté anglophone de manière
générale, une volonté de faire partie de la solution. Je pense qu'il y a des
manières de le faire. Il faut comprendre qu'il y a des intérêts aussi
institutionnels qui sont à préserver, qu'il y a des réalités institutionnelles
qui sont complexes, puis accepter de faire bouger les choses en travaillant
ensemble. Oui.
Journaliste : Merci.
Le Modérateur : Merci. Thomas
Laberge, La Presse canadienne.
Journaliste : Désolé, j'ai
manqué le briefing technique. Donc, si je pose une question que vous avez
répondue, bien, ce sera à moi de prendre le blâme. J'aimerais avoir une
précision concernant la question des cours en français dans les universités
anglophones. Vous avez donné l'exemple d'un programme en informatique où il
pourrait y avoir des cours en français, mais j'aimerais avoir plus de
précisions. Est-ce qu'il y aurait, par exemple, un quota minimal de cours que
les étudiants devraient prendre, par exemple? À quel point la liberté de choix
des étudiants sera encore présente dans ce genre de situation là?
M. Dubreuil (Benoît) : Oui.
Bien, c'est une bonne question. C'est-à-dire qu'on peut maintenir une liberté
de choix en disant : Bien, écoutez, à partir de maintenant, on va avoir comme
deux profils dans tel programme. Et puis le nombre de places dans ce profil-là
va être limité puis on va favoriser les gens qui viennent du secondaire anglais
ou du cégep anglais, par exemple. Et par ailleurs, il va y avoir un autre
profil qui va être ouvert à tout le monde, mais qui va avoir peut-être un
30 % d'enseignement en français. Ça peut être comme ça. C'est comme ça
qu'ils fonctionnent en Catalogne. Par exemple, si vous avez 15 groupes en
génie civil, par exemple, bien, si, en ce moment, il y en a huit qui s'offrent
en catalan, bien, la cible, c'est qu'éventuellement on passe à 12. O.K.? Puis
il y a beaucoup d'étudiants.... Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a
beaucoup d'étudiants que ça ne les dérange pas. Ce n'est pas un gros enjeu. La question
de la langue, ce n'est pas nécessairement un gros enjeu pour tout le monde.
Donc, moi, on m'a dit que, dans un
contexte de bilinguisme très élevé, je pense que Barcelone, Montréal, ça se
ressemble un peu dans des contextes de bilinguisme très élevé. Il y a beaucoup
de gens qui sont assez... qui sont prêts, en fait, à se prêter d'assez bonne
foi à ça. Beaucoup de gens qui n'ont pas un rapport très idéologique aussi par
rapport à la langue, hein? On voit chez beaucoup de jeunes, notamment les jeunes
issus de l'immigration, il y a un rapport assez instrumental, pas de
préférence, on l'a vu encore dans les études de l'OQLF hier. Donc, il y a
beaucoup de gens qui sont assez flexibles, en fait. Donc, moi, je pense qu'on
peut faire des progrès quand même assez importants sans rentrer dans des
grosses contraintes, sans que les gens se sentent acculés au pied du mur.
Journaliste : Juste une
précision sur ce que vous avez dit. Au fond, bien, par exemple, il y aurait
deux branches de... pour le même programme : un plus francophone, l'autre
plus anglophone. Vous avez dit : On privilégierait les étudiants qui
proviennent des cégeps francophones pour aller vers la branche francophone dans
le but qu'ils maintiennent un lien avec le français. Est-ce que c'est ça, la
logique?
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
je trouve qu'une des choses qui est importantes pour moi, puis, je pense, c'est
pour ça qu'il faut impliquer aussi la communauté anglophone puis les
établissements, c'est je trouve que c'est important au Québec... mais, enfin,
ça a toujours été jugé important qu'un jeune anglophone du Québec puisse faire
l'ensemble de sa scolarité en anglais, qu'il dispose d'un vaste choix de
programmes pour faire l'ensemble de sa scolarité en anglais. Donc, ça, je pense
que c'est un principe auquel on adhère, puis qui fait partie un peu d'un
contrat social avec la communauté anglophone aussi. Donc, cependant, pour ce
qui est des jeunes, effectivement, qui viennent du réseau plus français, il me semble
légitime de dire : On va vous demander de maintenir le lien avec le
français en faisant une partie de votre scolarité en français. Ce qui n'exclut
pas non plus qu'il y a des anglophones qui veulent faire une partie de leur
scolarité en français, moi, je pense, ce serait très positif.
Journaliste : Oui, mais c'est
ça, mais, au fond, vous ne voulez pas forcer des étudiants émanant de cégeps
anglophones à faire un cursus qui aurait plus de cours en français que ce qu'il
y a initialement?
M. Dubreuil (Benoît) : Il
faut voir. Est-ce qu'on voudrait travailler avec la catégorie d'ayants droit,
par exemple, qu'on a déjà reportée au niveau collégial, là, à partir de... la
question se pose. Oui.
Journaliste : Donc, ce n'est
pas exclu.
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
est-ce que, sinon, on est capables... est-ce qu'on est capables d'atteindre des
cibles raisonnables d'enseignement en français simplement juste en proposant
les choses? Est-ce qu'on atteindrait? Moi, je pense qu'il faut essayer. Est-ce
que les gens se prêteraient au jeu? Est-ce que les gens diraient : Bien
oui, moi, je trouve que c'est intéressant, puis je veux aller dans cette
branche-là, puis ça va me permettre de maintenir mes compétences en français,
puis...
Journaliste : Merci.
Le Modérateur : Juste avant
de passer aux questions en anglais, j'aimerais quand même vous entendre sur vos
propositions concernant la découvrabilité des contenus culturels francophones
et québécois. Bon, le ministre Lacombe a promis de déposer un projet de loi qui
devrait d'ailleurs ne pas tarder. Qu'est-ce que vous vous attendez à voir dans
un projet de loi comme celui-là, pas nécessairement des mesures précises, mais
c'est quoi l'objectif qu'il devrait avoir?
M. Dubreuil (Benoît) : Je
pense que les éléments vraiment essentiels que l'on mentionne, c'est qu'il faut
qu'on réussisse à établir avec les grandes plateformes de diffusion des
objectifs de mise en valeur. Donc, à travers les recherches, les requêtes que
l'on fait sur les plateformes, il faut qu'il y ait un certain pourcentage de
mise en valeur de contenus francophones originaux. Je pense que c'est le
concept qui était proposé dans le rapport, là, qui a été soumis au ministre, et
il faut aussi un cadre de mise en œuvre et de suivi qui est flexible, là, parce
que la réalité, c'est que c'est un monde qui est en changement extrêmement
rapide et parfois c'est difficile de comprendre exactement ce qui se passe. Les
grandes plateformes sont très secrètes sur ce qu'elles considèrent être des
secrets industriels. Et du côté de la fonction publique, on a de la difficulté
à rester à jour pour comprendre même comment l'écosystème évolue. Donc, il faut
se donner une marge de manœuvre, notamment sur le plan réglementaire, pour
pouvoir faire des ajustements au fur et à mesure que la situation va changer.
La manière traditionnelle de légiférer, hein, de prendre plusieurs années,
prendre conscience d'un problème, légiférer, prendre plusieurs années avant de
mettre en œuvre la législation, dans un contexte... avec la vitesse où changent
les choses dans l'environnement numérique, on ne peut plus avoir cette
approche-là. Il faut vraiment être réactif et agir.
Le Modérateur : Merci. On va
penser aux questions en anglais. Phil Authier, la Gazette.
Journaliste :
Good day, Mr. Dubreuil. Are you ready?
M. Dubreuil
(Benoît) :
Yes,
I was just switching language.
Journaliste :
In your document, on page 45, you say
the current proportion of students studying in English in college, in
university, at 22.4 %, is, in your words, too high. Can you tell us why that's
a bad thing?
M. Dubreuil
(Benoît) :
So,
the first thing is that it is not a bad thing that people choose to study in
English to improve their English. It's a good thing to study in a
different language to develop your language skills. The problem is that we have
an imbalance in higher education. So, we move from having... like, 9% of
students enroll in English schools, in elementary schools and high schools, to
more than 20% in colleges and universities. The issue is that it strengthens an
imbalance that exists at the end of high school, because we have a number of...
And this is not the fault of English language institutions, by the way, it is
linked to our implementation of the Charter of the French language in high
school and elementary schools. We are not... We have not been able, we have not
succeeded in making sure that every kid who ends up... who completes French
high school has adopted French as a common language to socialize in everyday
life, okay?
So, this imbalance is consolidated. When
people, at the end of high school, spend three, four, five, six years, studying
in English. And then we see this imbalance then on the labor market, especially
in areas like I.T., finance and other areas where we have documented a drop in
the use of French.
So, for me, it's not about preventing
people to study in another language, it's just that we need to make sure that
the transfer from one language to the other remains overall balanced, to make
sure that, at the end of the day, we don't have a system that works more at the
advantage of English than at the advantage of French.
Journaliste : You... When the
Government applied Bill 96, the measures in the CEGEP system imposing more
French course... courses in the CEGEP system, there was quite a bit of resistance,
and... it has proven to be very difficult to apply, as we've seen, from their
point of view. But, today, you say you want to use a similar logic, also on
page 45, similar logic to the university system. Now, how are you going to
apply that to a university system which defends its autonomy and has already
been hit by the other rules that have been imposed on non Québec students, the
tuition rules, so that basically they're dealing with a lot of financial
problems as a result of this? So, how can you proceed further? Why would you
recommend going further down this path?
M. Dubreuil (Benoît) : In
terms of the... in terms of Bill 96, I understand that there has been a lot of
criticism regarding especially the implementation and especially the fact that it
was very, very fast. I'm not sure that there was such a big resistance towards
the idea of adding at least a portion of education in French for kids who come
out of French high school. I don't think there is that much resistance against
the idea, but I think implementation was heavily criticized by the director
generals of the CEGEPs. I think the keyword here is «collaboration and
flexibility».
And that's why I draw from this experience
from Catalonia, where they have adopted a similar plan to strengthen the use of
Catalan language in universities with the ambitious objective of moving from
60% to 80% of teaching in Catalan over three or four... four or five years
and... But it requires a discussion with English language institutions to
see : What are you able to do? What would make sense, in terms of your
overall programing? We understand that, in some programs, it won't be feasible.
For instance, if you have a small program that depends from attracting students
from the rest of Canada or students from abroad, this program probably needs to
function in English only. But, if you have a big program that draws thousands
of students from French CEGEPs, English CEGEPs, but people who came from French
language high schools, it should be possible to include a certain proportion of
teaching in French, so that these kids remain in contact with French during the
duration of their higher education.
Le Modérateur : Merci. Cathy
Senay, CBC.
Journaliste : Mr. Dubreuil, I
remember when McGill and Concordia were trying to avoid the... an increase of
fees, tuition fees for out-of-province students studying in English in McGill
University. They had this counter proposition to increase the
number of... to make courses in French mandatory to their students. So, this...
this proposition exists already, and I think it's still... I think. Do you have
doubts actually, that it has not been applied?
M. Dubreuil
(Benoît) :
In
fact, in fact, those are courses of French, and we are talking about beginner
level courses to reach level five. So, that's a different... that's kind of a
different target.
Journaliste :
It isn't enough for you.
M. Dubreuil
(Benoît) :
It's
totally different. This one is about having people who come from the rest of
Canada or from abroad learn a bit of French to go through the beginner level,
which by the way, is not sufficient to have a professional job in French, but
it's a... The strategy that the government does apply is to say, if you are to
stay like three, four, five years in Québec, we'll have you do at least some
French, do at least some French. So, my approach is about something...,
something different, which is... Yes?
Journaliste :
When you go over all the the measures
that have been put in place in Bill 96 for cegeps, this policy... tuition
policy for McGill and Concordia, do you... so basically you believe that is not
enough, but you don't want to apply Bill 101 to cegeps and universities?
M. Dubreuil
(Benoît) :
Again,
the key word is flexibility. So, in terms of the regulation for students coming
from other provinces, I think we still don't have a perfect, clear view of what
will be the medium-term impact. So. This year, McGill, for instance, has
decided to provide scholarships to students to overcome counterweight of the
impact of the of the changes to tuition fee. I think that next year they said
that it would not be the case. So, will this provoke a drop in enrollments at
McGill? If it is the case, it means that we are moving closer to the target,
which means that the target will be easier to to achieve. OK? If they decide...
if the government also make a decision to have some real redistribution of
student permits for foreign students, this might also take us closer to the
objective. That's why I... the approach is to say, let's agree..., agree on a
target that would be a balanced solution that we should try to reach in the
medium term and see how we can bring different measures together by having a
discussion and allowing us to have flexibility. But I think the key... the key
difference, like if I take the biggest... the measure that would have the
biggest impact in terms of number is probably about introducing a part of
teaching in French in institutions. Yes?
Journaliste :
The anglophone institutions?
M. Dubreuil (Benoît) :
Yes, yes, yes.
Journaliste :
Because the 85%, you want to reach that
level when? When would that... would that be, which year?
M. Dubreuil
(Benoît) :
We
don't... we don't propose a time frame. It would be very tricky. Like to be
honest, we can't move very, very fast in higher education because when you have
a person that begins a degree, she's there for three or four years. So, between
the time you think of something, and it becomes reality in undergrad's studies,
it can take like four or five years. OK? So, I think like having a major, major
impact within three, four, five years is not really on the table. I think it's
more like five years and more that we can really have a shift. And again, I've
emphasized the need to approach this in a way that is sensitive to the
financial viability of institutions. I know that a lot of concerns we're
already focused on this, and I think that's also one of the benefits of saying
instead of just making English language institutions smaller, we will rather
promote French by including or introducing a part of French language education
in these institutions, we allow us more room, more flexibility to to avoid
putting the finances of these institutions at risk.
Journaliste :
And one last question. When you say to
reorient new investments in infrastructure towards francophone universities.
M. Dubreuil
(Benoît) :
Yes.
Journaliste :
I mean, that will spark a very strong
reaction from McGill, Concordia, and Bishops, because it's an accumulation of
measures that they will take into consideration.
M. Dubreuil
(Benoît) :
Like,
I know that...
Journaliste :
So, why don't you... Why do you go that
far?
M. Dubreuil
(Benoît) :
I
think at McGill, like, their number one issue is more about asset maintenance.
We have a big issue about asset maintenance. But should we invest to make
McGill, which is already like close to 40,000 students... should we invest new
buildings to reach like a capacity of 45,000, to reach a capacity of 50,000
students? Should we do that? Like, is it... And then what is the target and
what will be the impact on French? So, that's also the discussion that we need
to have. If we want... If we say we want to grow higher education institutions
bigger, then I would like to know how much... by how much we will make them
bigger.
Le Modérateur : Merci. C'est
ce qui met fin à cette conférence de presse. Bonne journée.
M. Dubreuil (Benoît) : Merci.
(Fin à 14 h 21
)