(Neuf heures dix-neuf minutes)
M. Derraji : Bonjour.
Bonjour. Merci d'être là un vendredi matin. Écoutez, aujourd'hui, je vais avoir
l'occasion de m'entretenir avec la ministre responsable des Transports et de la
Mobilité durable, mais on va aussi faire son bilan en matière de transport et
de mobilité durable. Ce que je constate depuis hier, nous avons commencé à
voir... La ministre, elle est quand même porte-parole de ce dossier depuis
quand même un bout, mais j'ai fait l'analyse de ce que ce gouvernement a fait
depuis qu'ils sont au pouvoir, ça fait six ans. Le constat est très clair :
un échec en matière de mobilité durable, un grand zéro en matière de projets
livrés.
La CAQ pendant six ans n'a pas initié ni
livré aucun projet en matière de transport collectif. Nos inquiétudes sont là.
Et malheureusement François Legault et Geneviève Guilbault nuisent à l'avenir
du tramway au niveau de la Capitale-Nationale. Je m'explique. François Legault
a passé toute la semaine à demander à Ottawa un seul sujet, il a même insisté à
ce que la question de l'urne devrait être l'immigration. On le sait très bien,
en demandant au Bloc québécois d'appuyer la motion du Parti conservateur, c'est
de faire tomber le gouvernement Trudeau. Mais il n'a pas pris aucun engagement
avec le parti qui risque de prendre le pouvoir sur l'avenir du tramway, sachant
que le chef du Parti conservateur du Canada l'a dit clairement : pas de
sous pour le tramway. Donc, le 1,4 milliard, on doit l'oublier.
Donc, est-ce que la politique de diversion
de François Legault l'aiderait à ne pas livrer le tramway? C'est une question
que je me pose, et surtout qu'il n'a pas mentionné, en aucun cas, dans ces
demandes au fédéral, aucun engagement d'aucun parti qui risque de prendre le
pouvoir sur le tramway. Je vous ai dit : Les deux nuisent. Mme Geneviève
Guilbault aussi essaie par tous les moyens de retarder encore une fois, parce
que jusqu'à maintenant l'entente n'a pas encore été signée avec la Caisse de
dépôt. Nous sommes au mois de septembre. Chaque mois qui passe, ce sont des
coûts supplémentaires, et, on le sait, le temps que nous avons perdu coûte
énormément aux contribuables québécois. Donc, aujourd'hui, si la
Capitale-Nationale n'a rien eu en matière de transport, je tiens... je cible
Geneviève Guilbault et François Legault, qui sont les deux responsables du
retard engendré en matière de ce projet très important pour la
Capitale-Nationale. Merci.
Journaliste : Est-ce que,
justement, le gouvernement gagne du temps en retardant la signature pour...
dans le contexte des élections fédérales, là, est-ce que c'est la stratégie que
vous estimez?
M. Derraji : Moi, je pense
que François Legault est un gars... et c'est quelqu'un qui comprend vraiment la
game politique. La sortie de l'automne de vouloir provoquer une élection plutôt
que tard nous laisse croire, nous laisse croire que c'est dans son intérêt que
de renverser le gouvernement, c'est parce qu'il a clairement un engagement de
la part de Pierre Poilievre qu'il n'aura aucun argent sur la table pour le
tramway. Est-ce que ça pourrait être une bonne porte de sortie pour François
Legault et, du coup, gagner 1,4 milliard de dollars? La question se
pose. Mais ce qui confère mes inquiétudes, c'est parce que les informations que
nous avons eues, c'est que jusqu'à maintenant l'entente intérimaire n'a pas été
encore signée avec la Caisse de dépôt. Et on sait, la Caisse de dépôt, ce n'est
pas un organisme à but non lucratif, c'est une entreprise. C'est du cash qui
est sur la table. Les discussions avec le ministère de Geneviève Guilbault
tournent autour combien ils doivent donner à la Caisse pour commencer leur
engagement en matière de ce projet.
Or, jusqu'à maintenant, depuis l'annonce
au mois de juin, il n'y a rien de concret. La Caisse nous a dit que ça avance.
Moi, les infos que j'ai qu'il y a des avancements, mais pas d'entente signée.
Mais on sait ce qui bloque, l'entente, c'est l'argent. Donc, au même moment, j'ai
Geneviève Guilbault qui appelle plusieurs partenaires pour arrêter des
chantiers, j'ai des coupures dans des programmes : transport scolaire,
écocamionnage. Vous avez vu la subvention pour l'électrification du transport.
Et il y a d'autres chantiers complètement arrêtés. Ça a été dit par les
ingénieurs de l'État. Donc, elle-même exerce une pression sur son ministère de
couper les budgets, parce qu'ils préparent une mise à jour budgétaire, qu'ils
veulent que ce soit une belle mise à jour budgétaire, mais, en parallèle, ils
doivent trouver des sous pour relancer l'entente intérimaire avec la Caisse de
dépôt.
Journaliste : Vous, vous ne
croyez pas que s'il n'y a pas d'entente, on... bien, en fait, si le
gouvernement tombe, on va garder le 1,4 milliard de dollars? Vous pensez
qu'on va le perdre aussi, il n'est pas sécurisé, à votre idée?
M. Derraji : Je vous invite à
aller voir le tweet de M. Poilievre qui date de... je veux juste... pour
ne pas dire n'importe quoi, le 13 juin 2024 : «Comme premier
ministre, je n'investirai pas une cent d'argent fédéral dans un projet de
tramway à Québec.» M. Legault, est-ce qu'il est au courant de ce tweet?
Qu'est-ce qu'il a fait cette semaine? Il voulait mettre la pression sur le Bloc
pour renverser le Parti libéral. Si on renverse le Parti libéral et l'équipe de
M. Trudeau, c'est clairement Poilievre qui va gagner. On sait, ce n'est pas le
Bloc qui va gouverner le Canada demain, là, et il le sait, M. Legault, mais il
sait très bien que M. Poilievre a pris un engagement de ne pas investir dans le
tramway. Or, qu'est-ce que M. Legault a fait toute la semaine? Une seule question :
l'immigration. Moi, ce que ça me laisse, comme conclusion : que M. Legault
s'en fout, du projet du tramway dans la capitale nationale.
Journaliste : Pourquoi le
premier ministre, en public, en juin, avec sa ministre à côté de lui dit :
On y tient, au projet de tramway, et que, selon vous, en coulisses, il
travaille pour le faire tomber? Pourquoi? C'est quoi son intérêt?
M. Derraji : Combien de fois
M. Legault a annoncé le troisième lien? Que vaut sa parole aujourd'hui? Je
ne le crois plus. Le jour où je vais voir une entente signée avec la Caisse de
dépôt, c'est le début du commencement. Le jour où je vais voir qu'on va
commencer à pelleter pour le tramway, je vais les croire. Écoutez, nous sommes
rendus à combien de versions pour le tramway? Et, encore une fois, il faut
qu'on arrête, il faut que ce gouvernement lance un message très clair qu'on
arrête de lier le troisième lien au tramway.
Journaliste : ...on a intérêt
que le projet de tramway dans la capitale nationale, qui est le seul projet de
transport collectif que la CAQ pourrait lancer, là, dans son mandat, selon ce
que l'opposition dit, quel sera son intérêt que ce projet-là tombe?
M. Derraji : Bien, écoutez,
il voit très bien qu'il y a une division au niveau de la capitale nationale par
rapport à ce projet. Est-ce que c'est un calcul politique? Est-ce que ce sont
des sondages? C'est un gouvernement de sondages depuis le début. Mais qu'est-ce
qu'ils ont fait? Ça fait depuis six ans. Il y avait un tracé, c'était un projet
libéral. On revient au tracé initial.
Nous avons fait perdre... ils ont fait
perdre aux gens de la capitale nationale six ans précieux et qui nous coûtent
de l'argent aujourd'hui. On est passé d'un projet aux alentours de 3 milliards,
à 9 milliards, à 3 milliards. Et l'erreur monumentale, c'est le lier
au troisième lien.
Donc, au lieu de voir M. Legault déchirer
sa chemise sur l'immigration, avec raison, c'est lui-même qui a inondé le
Québec avec des travailleurs temporaires étrangers, j'aurais aimé le voir, avec
la même ténacité, exiger du Parti conservateur du Canada un engagement ferme en
matière de tramway. Il le sait, il s'est engagé à ne pas le financer. Donc,
est-ce qu'il prend pour acquis que ça fait son affaire? M. Legault, il comprend,
quand même, la game politique.
Journaliste : Vous semblez
faire un lien entre le fait que le gouvernement du Québec est à la recherche
d'argent. Ça pourrait expliquer pourquoi il n'y a pas d'entente pour l'instant
avec CDPQ Infra, c'est ça?
M. Derraji : Bien, écoutez,
aujourd'hui, on apprend que le réseau de la santé doit couper 2 milliards.
Aujourd'hui, on apprend... Et la semaine dernière aussi, j'ai parlé avec
beaucoup de partenaires : beaucoup de programmes gelés, le programme
Écocamionnage... Moi, j'ai parlé avec des propriétaires, l'enveloppe de 30 millions,
il ne reste plus rien. Le mot est passé, dans la machine gouvernementale :
Retardez les paiements, on veut une mise à jour budgétaire qui a de l'allure au
mois de novembre. C'est ce que plusieurs partenaires m'ont dit, c'est que le
gouvernement, avec M. Girard, veut donner et... se donner une bonne image lors
de la mise à jour budgétaire. Donc, ce qu'on a dit, c'est qu'un arrêt de
paiement... Je vous ai dit, des chantiers arrêtés, les entrepreneurs, ils ont
fermé des chantiers parce que la consigne qu'on leur a donnée... il n'y a plus
d'argent. Pour les cégeps, ils ont capé les investissements. Ça veut dire je
vous ai autorisé 1 million de dollars, je vous dis : Ne pas
dépasser un demi-million. Le mot est passé dans tout le réseau.
Donc, au même moment que j'ai la ministre
du Transport qui met une pression sur ses dépenses, et il n'a pas signé
l'entente avec CDPQ Infra, mon hypothèse, c'est qu'un, à part le retard...
c'est que les discussions entre le ministère et la Caisse de dépôt, que, je
tiens à rappeler, ce n'est pas un organisme à but non lucratif, tournent autour
de combien la caisse devrait avoir. Et c'est là qu'on aimerait savoir
aujourd'hui à quel moment l'entente va signer. Et si la ministre veut être
sérieuse, qu'elle nous annonce aujourd'hui la date de signature de l'entente
avec la Caisse de dépôt Infra et la date du début du vrai chantier. Si elle est
sérieuse par rapport à son annonce, ça, c'est son rôle.
Et l'autre rôle que je veux, c'est que
François Legault... j'aimerais le voir se lever pour les gens de la capitale
nationale. C'est inacceptable. L'enjeu de l'immigration, c'est vrai, il touche
plusieurs régions du Québec, mais est-ce que c'est le seul enjeu des Québécoises
et des Québécois? Pourquoi il ne se lève pas pour garantir le financement qui,
déjà... qui a déjà été autorisé pour le tramway dans la ville de Québec?
Journaliste : Vous avez
évoqué la santé, là. Dans l'article de Radio-Canada, ce matin, où on demande
aux CIUSSS et aux CISSS de faire des... pas des compressions, mais... du côté
administratif, mais pas dans les services. Est-ce que vous pensez que c'est
possible?
M. Derraji : Bien,
permettez-moi de vous rappeler que la présidente du Conseil du trésor a dit
clairement qu'il n'y aura pas de coupure. Je tiens à vous rappeler que, lors du
discours du budget, M. François Legault, pour justifier ses
11 milliards de déficits, il a dit la chose suivante : Nous, on a
décidé d'investir en santé et en éducation. Or que ce qu'on voit aujourd'hui,
c'est le contraire. Et je vous le dis, de ce que j'ai eu comme information, ce
n'est pas uniquement M. Dubé qui a commencé les coupures. D'autres
ministères, ils ont commencé des coupures. Les partenaires, les acteurs avec
qui on parle, tous, unanimes, ils nous disent clairement : La machine nous
fait retarder nos projets. La machine nous dit qu'il n'y a plus d'argent. Ça,
là, ce n'est plus un secret, c'est partout dans la plupart des services. Que ça
soit en transport, en éducation, en santé, le mot est là : Retarder la
sortie d'argent. On a une mise à jour budgétaire qui s'en vient au mois de
novembre. Et malheureusement, ce sont les citoyens qui en paieront le prix.
Journaliste : Vous avez fait
une demande d'accès à l'information pour avoir une étude de la SAAQ. Comment
vous expliquez le fait que cette étude-là à ce jour demeure caviardée?
M. Derraji : Merci beaucoup
pour la question. Le rapport d'investigation du coroner, il est là. Il demande
clairement, clairement que le ministère du Transport et la SAAQ fassent une
étude sur le 0,05. Le ministère s'est lavé les mains, il ne voulait rien faire,
le ministère du Transport. La SAAQ a rempli le mandat, et ils l'ont fait. Ils
ont fait une étude. Et je l'ai l'étude parce qu'on a fait la demande d'accès
pour la voir. Et l'étude se résume dans de belles pages noires. C'est ça,
l'étude que j'ai reçue. Et l'étude... C'est drôle, l'étude a été publiée
10 jours avant que Mme la ministre assiste à son cocktail de financement,
le fameux cocktail de financement, où, parmi les participants, il y avait la
famille endeuillée. Et maintenant, moi, ce que je demande : Mme la
ministre, un, est-ce qu'elle a lu l'étude ou l'analyse? Et, deux, je l'invite à
la publier très... le plus tôt possible. C'est une information d'ordre public.
Donc, au lieu de se cacher derrière des arguments qu'elle et son ministère, ils
ont beaucoup investi, j'invite Geneviève Guilbault à dévoiler le plus
rapidement possible cette étude. Il ne peut plus la cacher. Ce n'est pas son
étude. L'ensemble des Québécoises et des Québécois doivent savoir qu'est-ce
qu'il y a dedans, quelles recommandations la SAAQ a faites. La SAAQ, c'est
l'organisme qui veille à la sécurité routière.
Journaliste : Comment vous expliquer
que, lorsque vous étiez en commission parlementaire sur le projet de loi de la
sécurité routière, elle n'ait pas présenté cette analyse-là, alors que vous
l'aviez demandé avec Québec solidaire?
M. Derraji : Très bonne
question. C'est parce que, depuis le début, même dans les motions
préliminaires, j'ai insisté. Comment Mme la ministre a pu prendre sa décision?
Donc, au lieu de me dire que c'était une décision politique, elle a commencé à
nous dire : On a les mesures les plus performantes en termes de sécurité
routière. Bien, on lui a dit : Quelles études? Parce que la plupart des
études scientifiques, je les ai utilisées. Or, on vient de voir que l'étude,
elle était disponible, et, malheureusement, Mme la ministre ne nous a pas dit
toute la vérité lors de l'étude détaillée du projet de loi, et même en
consultation, parce que son ministère a déjà fait l'analyse. Son ministère
savait que le coroner a demandé au ministère de se pencher sur la question du
0,05. Et je ne sais pas si elle a omis d'une manière délibérée de parler de
cette étude, mais beaucoup de questions se lèvent par rapport à ça. Mais moi,
je ne lâcherai pas le morceau. J'ai déjà déposé un projet de loi qui demande
l'instauration de mesures administratives à 0,05. Mais mon prochain cheval de
bataille, cette étude ne doit...
Journaliste : ...menti ou...
M. Derraji : Bien, elle a
carrément menti. Elle a carrément menti, Geneviève Guilbault. Parce que cette
étude ne doit plus rester caviardée. Cette étude... La SAAQ, c'est son rôle.
Donc là, maintenant, moi, je demande à Mme Geneviève Guilbault de dévoiler
l'étude. Elle ne peut pas se cacher derrière que la SAAQ utilise la loi à
l'accès à l'information. Ça, les fonctionnaires, ils ont fait leur rôle, mais
elle, si elle l'a lue... Un, je l'invite à la lire, si elle ne l'a pas lue. Si elle
l'a lue, cette information devrait être d'ordre public. L'ensemble des
Québécoises et des Québécois doivent savoir qu'est-ce qu'il y a à l'intérieur de
cette étude.
J'ai mon hypothèse. Parce que, si les
arguments à l'intérieur vont dans le sens de Mme la ministre, pensez-vous
vraiment que l'étude va rester caviardée? La ministre refuse depuis le début
d'aller au 0,05 en évoquant toutes sortes de choses. Mais aujourd'hui je trouve
ça inacceptable que, pour jouer mon rôle, je suis obligé de faire une demande
d'accès et recevoir des pages noires. C'est des pages noires, là. Et de quoi on
parle dans cette étude? C'est les vies humaines. Il y a des familles
endeuillées qui ont perdu un membre de leur famille. Et la seule réponse...
(Interruption)
M. Derraji : Désolé. Et la
seule réponse, et la seule réponse, c'est ça. Merci.
(Fin à 9 h 35)