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Point de presse de M. Haroun Bouazzi, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière d’énergie

Version finale

Le jeudi 6 juin 2024, 15 h 15

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quinze heures vingt-et-une minutes)

M. Bouazzi : Bien, bonjour. On va donc réagir à chaud sur le projet de loi qui vient d'être déposé. Trois points, rapidement. Le premier touche à la vente du privé au privé. On en avait parlé ce matin, c'était une crainte. Il y a d'ailleurs une... un article qui est abrogé, on voudrait attirer votre attention, c'est l'article 71.1 de la Régie de l'énergie, qui dit que «la fourniture d'électricité est destinée exclusivement à la satisfaction des besoins des marchés québécois». Cet article-là saute, on ne comprend pas très bien pourquoi. Il est possible que l'interprétation, c'est que des compagnies comme TES Canada soient, donc, dans la capacité de produire de l'énergie qui va servir à quelque chose qui sera exporté à l'étranger. On sait, évidemment, que TES est en train de créer... TES Monde est en train de créer un gaz méthanier en Allemagne, que le gaz naturel coûte 15 fois plus cher en Allemagne qu'ici, en Amérique du Nord. Il va falloir explorer tout ça, mais on ne comprend pas pourquoi est-ce que, tout d'un coup, la satisfaction des besoins des marchés québécois devrait sauter dans la production énergétique.

Le fait aussi que, maintenant, ça soit deux entités privées différentes qui vendent les unes aux autres, et, enfin, on a toujours un désaccord sur la notion d'«adjacent», étant donné que, dans le cas de TES Canada, on ne considère pas que Saint-Tite ou Sainte-Thècle, c'est adjacent à Shawinigan et qu'ils ont le droit d'explorer 200 kilomètres carrés d'énergie, de gisements éoliens publics.

Je rappelle encore une fois que le risque numéro un identifié par Hydro-Québec dans son plan d'action, c'est l'accès à la main-d'œuvre. Évidemment, permettre du privé au privé, bien, ça va prendre une partie de la main-d'oeuvre et mettre à risque ce plan d'action qui est pourtant essentiel dans la réussite des choses.

Rapidement, les deux autres points. Il y a toute la question de la tarification modulaire. Il y a un vrai débat à avoir. Nous, on est très heureux d'enfin pouvoir l'avoir, à Québec solidaire. Comme vous le savez, il y a des inégalités dans l'accès à l'énergie, il y a des personnes qui vivent dans des passoires énergétiques, qui, eux, pour arriver aux 20 degrés dont ils ont besoin à la maison, bien, ce 20 degrés-là, leur coûte plus cher que d'autres. De l'autre côté, évidemment, il y a d'autres besoins qui sont moins importants que de se chauffer l'hiver, chauffer un jacuzzi en plein hiver ou chauffer une piscine. Donc, il y a... il y a une conversation à avoir sur comment est-ce qu'on va moduler tout ça.

Et enfin, évidemment, ça, c'est une spécialité du ministre de l'Économie, il se donne beaucoup de prérogatives, il y a toute une planification de la consommation d'énergie au Québec qui devient, évidemment, sa responsabilité. Nous, on ne comprend pas pourquoi est-ce qu'il n'y a pas cette proposition-là déjà sur la table pour qu'on puisse parler du projet de loi en fonction aussi de ce que ce gouvernement-là envisage. Ça fait six ans qu'il est au pouvoir, on ne comprend pas trop la logique de se dire, bien, dans un an et demi ou un an, de ce qu'on a compris du ministre, vous aurez une planification, pour l'instant, donnez-moi juste tous les pouvoirs pour pouvoir le faire. Voilà.

Journaliste : Juste pour préciser, sur ce dernier point, donc, vous auriez voulu que le plan de gestion énergétique du gouvernement soit enchâssé dans la loi?

M. Bouazzi : Non.

Journaliste : Les objectifs du gouvernement...

M. Bouazzi : Bien, je pense que... Je veux dire, rien n'empêche le ministre de nous dire «voici notre plan», sans que ça soit dans la loi, là. Je veux dire, Hydro-Québec n'avait pas l'obligation de nous donner un plan d'action. D'ailleurs, le plan d'action, en tant que tel, ce n'est pas enchâssé dans la loi, contrairement au plan stratégique, et ils nous ont donné un plan d'action jusqu'à 2035, voire 2050, pour pouvoir avoir une conversation éclairée.

Là, la conversation... Vous savez, un jour, il nous dit : On ne veut pas de... on ne veut que du privé dans l'éolienne. Tout d'un coup, Hydro-Québec fait l'inverse. Hydro-Québec nous dit, en fait, la semaine dernière, qu'ils ont des craintes face au fait que le privé puisse vendre au privé parce que ça met à risque leur plan. Il y a quand même ça dans le projet. Il faudrait... S'ils ont deux visions différentes, entre M. Sabia et M. Fitzgibbon, ça serait bien d'au moins les avoir toutes les deux sur la table pour pouvoir trancher dans le débat public.

Journaliste : Sur le principe de la tarification modulaire, êtes-vous d'accord avec l'idée de... de moduler les tarifs d'électricité pour tant les commerces que les... que les individus?

M. Bouazzi : Oui, oui, il y a un vrai débat à avoir. Ce n'est pas... ce n'est pas des questions simples, je vous avouerais, parce que, nous, ce qu'on veut, c'est que les personnes qui sont dans la classe moyenne et puis évidemment dans le bas de l'échelle, toutes celles qui ont du mal à se chauffer de l'hiver, toutes celles qui chauffent l'extérieur parce qu'elles sont locatrices, et que les propriétaires ne font pas les travaux pour isoler, celles qui n'ont pas accès à un bon système de chauffage, tout ça, là, je veux dire, évidemment, il ne faudrait pas que ce soit eux qui trinquent si les tarifs augmentent, par rapport à d'autres besoins qui sont beaucoup moins essentiels et qui pourraient effectivement coûter plus cher. À ce stade, on comprend que c'est au niveau du choix et puis des propositions et on pense ça va être très, très sain comme conversation. Ce n'est pas une conversation simple, moi, je vous le dis.

Journaliste : Comment vous interprétez la façon dont le projet de loi est écrit? C'est-à-dire que le ministre, en gros, se donne une porte... en fait, ouvre une porte pour que la régie elle-même ait des réflexions sur la... la modulation tarifaire. Est-ce que le ministre se démet de ses... de ses fonctions comme ministre? Est-ce qu'il aurait dû trancher, selon vous, sur... là-dessus?

M. Bouazzi : Bien, on pense... Ça fait très longtemps qu'on demande un débat. Déjà, on va être obligés d'avoir enfin ce débat-là. Encore une fois, là, vous savez quand on nous dit : On découvre qu'on va manquer d'électricité. Je vous dirais, deux points, là.

D'abord, ça fait quand même longtemps qu'on sait qu'il va falloir que l'économie soit carboneutre. Pour n'importe qui qui s'intéresse à la question climatique, c'était zéro sur le radar. 50 % de l'énergie qu'on consomme, c'est de l'énergie fossile, on la passe électrique, on va manquer d'électricité, c'était écrit dans le ciel si on s'y intéressait. Bon. Ils ne s'y sont pas intéressés pendant des années. Une fois qu'ils sont intéressés, ça serait bien qu'ils nous donnent c'est quoi leur... leur vision.

Et puis, en fonction de ça, il y a quelque chose de frappant, là. Ce matin, je vous ai dit qu'une des questions, c'était le 75 % qui sert à décarboner versus le 25 % qui sert à créer de l'économie, que Fitzgibbon s'est empressé de donner à des multinationales qui n'étaient pas là. Aujourd'hui, si vous écoutez le point de presse qu'il a donné, dans les questions en anglais, il était sûr de lui en disant que 40 % de l'énergie qu'Hydro-Québec allait créer servait à décarboner. Je ne sais pas si vous vous rendez compte des chiffres dont on parle, là. C'est 40 % de 200 térawattheures, là. Ce n'est pas possible que le ministre de l'Économie ne sache pas quel pourcentage Hydro-Québec avait prévu pour décarboner, d'autant plus qu'il revoit ça à la baisse, c'est très, très inquiétant. Moi, je... je vois qu'il accorde beaucoup plus d'importance, effectivement, à toutes sortes de deal où les multinationales vont faire de l'argent avec l'énergie qu'à décarboner; ce qui devrait être une obsession, sachant toute la catastrophe climatique qui nous attend.

Journaliste : Juste revenir sur la question que j'ai posée avant parce que ce n'était pas trop clair dans ma tête. On comprend que le ministre veut partir un débat qui va se conclure pendant la campagne électorale de 2026. En 2026, Québec solidaire, qu'est ce que vous allez proposer? Est-ce que vous allez proposer une tarification modulaire? Est-ce que vous allez proposer une hausse des tarifs? Qu'est-ce que vous...

M. Bouazzi : Je vais... je vais vous décevoir, évidemment, je ne suis pas capable de vous dire ce qu'on va proposer en 2026. Par contre, ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a une analyse de classe à faire. La dernière fois qu'il voulait augmenter de 3 %, 5 %, 2 %, où on a eu un débat, la société civile est venue au complet pour dire : Donner à la régie la possibilité de le faire. Les seuls qui n'étaient pas d'accord, c'était le ministre et Hydro-Québec. À un moment, je pense qu'il faut écouter aussi les gens. Il y a un espace démocratique, la régie en fait partie, les joueurs sont là : l'industrie, les représentants des... des citoyens, des consommateurs, les PME, Hydro-Québec, le gouvernement, tout le monde est autour de la table, ça fait que c'est une bonne manière aussi d'imaginer.

Là où le bât blesse, là, c'est que, par exemple, il nous dit : Je vais créer un fonds qui ne sera pas... Donc, ce n'est... ce n'est pas la responsabilité d'Hydro-Québec, là, ça sera le gouvernement qui va créer un fonds qui ne va pas lier au fait qu'on bloque les augmentations à 3 % pour les citoyens. Mais, ce fonds-là, il n'est pas dans le projet de loi actuellement. Ce genre d'approche fait en sorte que ce n'est pas les plus pauvres qui vont payer pour la transition énergétique. Ça fait qu'a priori, on va voir les débats, mais a priori, on est plutôt pour, parce que la richesse commune, bien, les grandes entreprises y participent, les... c'est progressif, les personnes qui gagnent plus d'argent y participent plus que les autres. Donc, c'est un mécanisme qui peut effectivement corriger des inégalités plutôt qu'augmenter le prix de l'électricité pour les citoyennes et citoyens. Le problème, c'est qu'il nous dit : Je le fais jusqu'au jour des élections. Et puis, ensuite, ce n'est pas dans la loi et puis n'importe qui pourra... pourra l'enlever. Donc, ce n'est pas... ce n'est pas... Disons que, comme la vision doit aller jusqu'à 2050, faire des plans comme ça sur deux ans et demi, ce n'est pas sérieux. Mais on va avoir la... le débat pour voir si on devrait ou pas l'enchâsser mieux dans le projet de loi. On va faire notre travail législatif avec énormément de rigueur.

Journaliste : Merci.

M. Bouazzi : Merci beaucoup.

(Fin à 15 h 32)

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