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Conférence de presse de Mme France-Élaine Duranceau, ministre responsable de l’Habitation

Version finale

Le mercredi 22 mai 2024, 11 h 15

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Onze heures trente-trois minutes)

Mme Duranceau : Alors, bien, bonjour, tout le monde. Alors, je suis contente d'avoir déposé aujourd'hui le projet de loi n° 65, Loi limitant le droit d'éviction des locateurs et renforçant la protection des locataires aînés.

Avant d'aller plus loin, je tiens à saluer mes collègues de Québec solidaire, plus particulièrement Andrés Fontecilla et Christine Labrie. On partage l'objectif de protéger les personnes les plus vulnérables des impacts de la crise et on a eu une très bonne collaboration dans ce dossier jusqu'à présent.

Pour la mise en contexte, je tiens à rappeler que le projet de loi n° 31, adopté en février dernier, visait une modernisation de certaines dispositions du Code civil quant aux relations locataires-locateurs, et ce, nonobstant qu'il y ait une crise ou pas. Il fallait corriger des éléments qui fonctionnaient moins bien. Je le dis depuis le début, la vraie solution à la crise du logement, c'est d'augmenter l'offre. Et ça, par contre, ça n'arrive pas du jour au lendemain. Alors, en attendant, il faut protéger les plus vulnérables.

Dans le contexte actuel, une pause sur les opérations modifiant la disponibilité de logements s'avère nécessaire, et des protections additionnelles pour tous les locataires s'imposent. Une éviction ou encore une menace d'éviction, ça cause un stress immense, et l'on souhaite éviter à un maximum de Québécois de se retrouver dans une telle situation, considérant le peu d'alternatives à leur disposition présentement. En contexte de crise, le fait de perdre son logement peut avoir des conséquences immenses qui peuvent aller jusqu'à l'itinérance. Alors, il faut éviter ça.

Selon les chiffres de la SCHL, pour l'ensemble des villes du Québec de 10 000 habitants et plus, le taux d'inoccupation est en baisse depuis 2021 et se situe légèrement au-dessus de 1 % en 2023. Dans les régions de Québec, Trois-Rivières et de Gatineau, le taux d'inoccupation se situe à 1 % ou moins, alors que le taux d'inoccupation qui est jugé comme étant équilibré est de 3 %. Alors, je pense qu'on peut s'entendre tous pour dire que c'est une situation qui est exceptionnelle puis que ça mérite des mesures exceptionnelles.

Les causes de la crise du logement sur l'ensemble du territoire québécois sont multiples, et ne sont pas statiques, et trop souvent sont hors de notre contrôle. Alors, combinée aux facteurs économiques que l'on connaît, l'arrivée massive de résidents non permanents exerce une pression additionnelle importante sur le marché de l'immobilier et sur la disponibilité des logements. Puis c'est vraiment important qu'on saisisse l'ampleur du problème. Le Québec a accueilli, depuis deux ans, 560 000 immigrants temporaires, incluant les demandeurs d'asile. C'est l'équivalent de recréer la ville de Québec, mais sans logement. Alors, ce qui est frappant, c'est que, chaque mois, environ 15 000 nouvelles personnes arrivent au Québec. Mes collègues l'ont dit, c'est insoutenable. Nos demandes sont claires envers le fédéral. Ils doivent agir pour régler le problème qu'ils ont eux-mêmes contribué à créer et qui exerce une pression immense sur le logement et sur nos services publics.

Alors, considérant cette toile de fond et la forte demande pour des logements, certains propriétaires peuvent être tentés d'évincer leurs locataires dans le but d'obtenir une meilleure rentabilité financière. Malheureusement, en l'absence d'une offre suffisante de logements, les conséquences d'une éviction sont importantes et peuvent entraîner des situations précaires pour les citoyens visés. Ces situations difficiles auront des effets qui se répercuteront sur plusieurs facettes de notre société, notamment sur la demande des soins de santé, les ressources en matière d'itinérance et aussi les banques alimentaires.

Alors, pour éviter que plusieurs situations ne dégénèrent, nous proposons un temps d'arrêt, une pause pour permettre au marché d'absorber la demande et à nos efforts de construction de porter leurs fruits. Le projet de loi déposé aujourd'hui a principalement pour but de mettre en place un moratoire sur les évictions faites à des fins de changement d'affectation, de subdivision et d'agrandissement de logements. Je vais être claire, on vise vraiment les spéculateurs avec cette mesure. On agit sur les actions qui changent le portrait du marché locatif sans réellement augmenter l'offre de manière constructive. Les changements d'affectation contribuent à retirer des logements du marché. Les subdivisions, elles, contribuent à réduire le nombre de logements permettant de loger des familles. Enfin, les agrandissements participent à la diminution du nombre de logements tout en exerçant une pression à la hausse sur les loyers.

Alors, le moratoire est une mesure qui est forte et qui est justifiée par l'importance de la pénurie de logements actuelle. C'est un pas de plus que nous faisons pour faire face à la crise, pour aider les Québécois à traverser cette crise plus humainement. Comme mentionné, une telle pause est nécessaire le temps que nos efforts pour augmenter l'offre de logements portent leurs fruits. Ce projet de loi aura... aurait un impact réel sur la qualité de vie des gens, sur leur quiétude, sur leurs droits à leur maintien dans leur logement. Le moratoire entrerait en vigueur à la sanction du projet de loi, mais, pour éviter la course aux évictions, il viserait les processus d'éviction qui seraient amorcés dès aujourd'hui, date de la présentation du projet de loi. Le moratoire serait applicable à l'ensemble du Québec pour une durée maximale de trois ans, et le gouvernement pourrait, à tout moment, y soustraire des parties de territoire si la situation le justifie. De plus, durant cette période, si le taux d'inoccupation publié par la SCHL pour l'ensemble du Québec atteignait 3 %, le moratoire prendrait fin.

Par ailleurs, d'autres mesures visent à élargir les critères prévus au Code civil du Québec pour permettre aux personnes aînées d'être protégées contre les reprises et les évictions. Vous le savez, les personnes aînées ont des revenus souvent plus faibles que d'autres locataires, et, comme elles sont généralement à la retraite, leur capacité à augmenter leurs revenus pour se reloger est limitée. Actuellement, un locataire est protégé pour... contre une reprise ou une éviction s'il a 70 ans ou plus, il doit aussi occuper son logement depuis moins... au moins 10 ans et il doit avoir un revenu égal ou moindre au revenu maximal pour l'admissibilité à un logement à loyer modique. Aujourd'hui, nous proposons d'abaisser le seuil d'âge de 70 à 65 ans, soit l'âge généralement reconnu pour la retraite, et d'augmenter le revenu maximal de 25 %. Cette bonification protégerait environ 24 000 ménages aînés de plus annuellement contre les évictions ou les reprises, pour un total de 60 000 ménages. C'est aussi important de noter que les ménages protégés sont bien souvent des femmes seules.

Contrairement au moratoire, qui est d'une durée maximale de trois ans, l'élargissement des critères pour la protection des aînés est une mesure permanente. L'action de notre gouvernement s'inscrit dans le long terme et envoie un message clair que les aînés en situation de vulnérabilité doivent être protégés. Bien sûr, le projet de loi est complémentaire à d'autres initiatives mises de l'avant par notre gouvernement. Je pense, par exemple, aux dispositions des projet de loi n° 39, de la ministre des Affaires municipales... ou aussi le projet de loi n° 31. Je tiens d'ailleurs à souligner que le projet de loi n° 31 contenait des mesures spécifiques visant à mieux protéger les locataires contre les évictions et les expulsions abusives.

Depuis notre arrivée au gouvernement, c'est 6,3 milliards de dollars qui sont investis en habitation pour la brique et de l'aide à la personne. Résultat : près de 13 300 unités d'habitation ont été livrées ou sont en voie de l'être et près de 17 400 sont en développement ou le seront prochainement.

Nous avons tous notre part à faire. Chaque geste compte, individuellement et collectivement, au niveau municipal, provincial ou fédéral. Dans le contexte actuel, nous devons faire preuve de créativité, être proactifs, travailler en synergie et surtout nous adapter lorsque la situation l'exige, et c'est ce que l'on fait aujourd'hui. Ensemble, nous déployons diverses mesures visant à augmenter l'offre de logements. Cependant, il faudra du temps pour en ressentir pleinement les bénéfices. C'est pour cette raison qu'il est nécessaire de mettre de l'avant des mesures exceptionnelles pour collectivement traverser cette crise humainement en assurant la protection des locataires les plus vulnérables. Merci.

La Modératrice : Oui. Alors, les questions. Marc-André... Claudie Gagnon.

Journaliste : Claudie Gagnon?

La Modératrice : Côté, excusez.

Journaliste : Ce n'est pas grave. Comme tu me remplaces, Isa, ça va.

Claudie Côté, TVA Nouvelles. Bonjour, Mme la ministre. J'aimerais savoir qu'est-ce qui fait que vous avez soudainement vu la lumière et décidé d'aller dans ce sens, alors que vous avez adopté une loi il y a quelques mois à peine, au mois de février, puis que cette situation-là, sur la crise du logement, était déjà connue.

Mme Duranceau : Oui. Je vais le répéter. La loi n° 31 visait la modernisation de mesures du Code civil qui étaient d'application générale, qu'il y ait une crise du logement ou pas. C'était ça, mon état d'esprit. C'était ça, la loi n° 31, plus d'autres mesures qu'on a ajoutées à d'autres égards pour encourager la construction de logements.

Maintenant, on a des données qui sont claires, la situation... les taux d'inoccupation sont très faibles, et, bien que les locataires soient mieux protégés depuis la loi n° 31, bien, il n'y a pas de logement où aller. Alors là, la mesure, elle vient... elle vient mettre une pause, un temps d'arrêt, le temps que les logements se construisent et qu'un locataire qui doit se reloger ait des options.

Journaliste : Bon, il y a un moratoire qui est prévu, là. Bon, la loi pourrait être adoptée d'ici la fin de la session, sinon, bon, ça pourrait aller à la prochaine session parlementaire. Qu'est-ce qui garantit aux locataires qu'il n'y aura pas une espèce de ventre de feu, là, puis que les propriétaires qui avaient des projets d'évincer ne vont pas se mettre à envoyer des lettres tout de suite puis à accélérer le processus pour justement éviter d'être soumis à votre projet?

Mme Duranceau : Bien, il y a des règles transitoires qui sont prévues, là, pour adresser les cas dont vous parlez, mais c'est important que cette période-là, elle soit la plus courte possible, qu'on adopte le projet de loi le plus rapidement possible. Et je pense que Québec solidaire est tout à fait dans cet état d'esprit là. Donc, on espère que les deux autres oppositions vont collaborer à cet égard-là.

La Modératrice : Oui. Marc-André Gagnon... Côté.

Journaliste : Bonjour, Mme la ministre. Bien, je reviens sur la première question de ma collègue, quand même. Lorsque vous avez étudié, élaboré, tout ça, le... puis adopté, éventuellement, le projet de loi n° 31... Parce que là vous dites : «Maintenant, on a des données qui sont claires», mais, sauf erreur, ces données-là, sur les taux d'inoccupation, vous les aviez, là, quand même, au mois de février. Qu'est-ce... Qu'est-ce qui vous empêchait d'aller plus loin, d'aller là jusqu'où vous allez aujourd'hui?

Mme Duranceau : Bien, moi, j'ai toujours dit, là... depuis mes premières interventions en Chambre, si vous retournez il y a un an et quelques, là, j'ai toujours dit qu'il fallait protéger les locataires vulnérables. C'est ce qu'on a fait dans la loi n° 31 et dans un contexte qui sera permanent et qui est applicable qu'il y ait une crise ou pas.

Maintenant, l'arrivée massive de résidents non permanents, je pense que ça, ça change beaucoup l'équation, d'une part.

Journaliste : ...les conditions que vous décrivez prévalaient déjà lorsque vous avez adopté le projet de loi n° 31. Donc, qu'est-ce qui vous empêchait de le faire?

Mme Duranceau : Les chiffres de l'INSQ, là, ils ont été connus il y a quelques semaines. Moi, j'ai continué d'écouter les gens, de me questionner sur quelle était la meilleure mesure à mettre en place pour maintenir un équilibre malgré tout, dans tout ça, mais pour protéger, protéger ceux qui en avaient besoin.

Alors, ma réflexion a évolué, les données ont évolué, puis aujourd'hui, bien, je pense qu'on propose quelque chose qui va venir aider de manière concrète les gens qui en ont besoin.

Journaliste : ...répondez quoi au Parti québécois qui dit que c'est une entreprise de relations publiques pour réhabiliter votre image, qui a été ternie dans les derniers mois?

Mme Duranceau : Oui. Écoutez, moi, ça fait des semaines, sinon des mois, que je réfléchis à la meilleure façon d'intervenir, la meilleure politique publique dans les circonstances, pour maintenir un équilibre puis aider les gens vulnérables, puis vous me parlez de mon image publique? Sincèrement, c'est mal me connaître. Moi, je suis venue en politique pour améliorer les choses, puis c'est ce que je vais continuer de faire à chaque jour.

La Modératrice : Oui. Fanny Lévesque.

Journaliste : ...Fanny Lévesque, La Presse. Mais donc vous parlez que cette mesure-là, finalement, est en préparation depuis des mois. J'essaie de comprendre à quel moment, pour vous, c'est devenu clair que le projet de loi n° 31 avait certaines limites et que vous deviez aller plus loin. C'est arrivé quand, ça, au printemps?

Mme Duranceau : Bien, c'est arrivé dans les dernières semaines, les derniers mois. J'ai... J'ai toujours dit que je resterais à l'écoute. Encore là, ce n'est pas simple, hein, de trouver la bonne politique publique. Intervenir comme on le fait là dans le marché, suspendre l'application de mesures du Code civil, on me dit que c'est très audacieux, c'est très exceptionnel. Alors, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Il a fallu, d'une... d'une part, que moi, j'y réfléchisse puis que j'arrive aussi avec une présentation des faits à tout le monde qui est impliqué dans ce processus décisionnel là qui soit suffisamment convaincante, puis je pense qu'aujourd'hui on a amené tout le monde à la bonne place puis qu'on est dans un contexte où on a une mesure qui est équilibrée. Puis on est... Comme vous voyez, on n'est pas dogmatiques, on évolue dans l'approche. Puis là je pense qu'on est à la bonne place.

Journaliste : Mais donc, quand vous avez... vous avez procédé à l'adoption du projet de loi n° 31, est-ce que vous aviez déjà cette préoccupation-là de dire : Pour les évictions, il va falloir aller un petit peu plus loin? Est-ce que, cette notion-là, vous l'aviez déjà en tête?

Mme Duranceau : Le... Bien, c'est un autre contexte, là. La loi n° 31 ou le projet de loi n° 31, comme j'ai dit, c'était une modernisation de clauses dans le Code civil qui devaient... qui devaient être mises à jour parce qu'elles fonctionnaient... de notre point de vue, elles ne fonctionnaient plus bien. Alors, on était dans cet état d'esprit là au niveau des évictions, au niveau... Donc, ça, ça a été corrigé. Maintenant, on... on a passé cette étape-là en février, puis on a continué de se questionner. Ce n'est pas statique, là, la crise du logement, c'est multifactoriel. Il y a... Il y a plusieurs éléments. Je continue de rester à l'affût de ce qui se passe. Puis on a eu des données importantes en matière d'immigration, qui exacerbe la situation dans plusieurs... dans plusieurs villes, qui ramène les taux d'inoccupation à des niveaux qu'on n'a jamais connus. Donc, je pense que c'est tout ça ensemble qui a fait évoluer la réflexion puis qui m'a fait travailler pour convaincre tout le monde autour de moi qu'il fallait aller avec une mesure comme celle qu'on présente aujourd'hui.

La Modératrice : Oui. Simon Carmichael, Le Soleil.

Journaliste : Oui. Bonjour, Mme Duranceau. Simon Carmichael, Le Soleil. Je me rappelle que, pendant l'étude du projet de loi n° 31, vous avez fustigé l'opposition, que vous accusiez un peu de retarder le processus, là, en disant : C'est les locataires qui vont payer, ils vont perdre des droits si ce n'est pas adopté rapidement, etc. Là, vous nous présentez un moratoire à un petit peu plus d'un mois du 1er juillet, quand on sait très bien qu'il ne rentrera pas en vigueur pour les évictions qui prennent place le 1er juillet, là. Hier, vous nous parliez de mesures à effet immédiat. Est-ce qu'on n'a pas un peu raté la fenêtre d'opportunité pour la saison des déménagements en 2024?

Mme Duranceau : Écoutez, on agit. Il y avait des données, il y avait des analyses à faire, il y avait une réflexion à avoir pour trouver la meilleure politique publique dans les circonstances. Puis ça n'a pas été fait à la légère, comme je vous dis, c'est une mesure qui est exceptionnelle, de suspendre l'application d'articles du Code civil. Alors, on a fait nos devoirs comme il faut. Puis là on est là avec cette... ce moratoire-là qui demande une pause, un temps d'arrêt sur le marché. Puis je pense que ça va avoir un effet réel sur les locataires.

Journaliste : ...que le projet n° 31... que la loi n° 31, c'était vraiment plus des changements, que vous dites, qui étaient plus structurels, des trucs qu'on voulait corriger. Dès que vous êtes arrivée en poste, vous avez reconnu la crise du logement. Il n'aurait pas été opportun un peu de... d'échanger ces deux projets de loi là, de régler la crise puis par la suite s'attaquer aux enjeux structurels?

Mme Duranceau : Bien, ça ne réglera pas la crise, là. C'est une multitude de mesures. La vraie solution à la crise du logement, c'est d'augmenter l'offre. Puis la construction, là, ça prend 30, 24, 36 mois avant que ça sorte de terre. Alors, pour moi, c'était important de rapidement se donner les bases pour construire plus vite. Parce que c'est ça ultimement qui va aider les gens. Ce n'est pas d'intervenir dans le marché puis de mettre des plasteurs sur le bobo, c'est de construire plus rapidement. Donc, toutes les mesures dans la loi n° 31 sont principalement dirigées vers ça. Et là on vient agir spécifiquement avec une mesure ciblée dans le contexte de la crise du logement pour, comme je le dis, qu'on passe à travers de manière plus humaine puis qu'il n'y ait pas des drames pour différentes familles, différentes personnes, parce qu'il y a des... des objectifs purement spéculatifs qui prédominent.

Journaliste : ...en avoir le 1er juillet prochain. C'est juste que, là, le 1er juillet 2025, c'est là qu'on va voir les effets de ce projet de loi là.

Mme Duranceau : Mais il peut y avoir des avis d'éviction qui sont transmis à tout moment, là. Alors, on vient mettre justement, comme vous le mentionnez, un couvercle sur la marmite pour envoyer un message qui est clair, que, là, on ne touche plus au marché, là, on prend un temps d'arrêt, on laisse le... les constructions porter leurs fruits puis avoir un impact réel sur le marché.

La Modératrice : Oui. Sébastien Desrosiers, Radio-Canada.

Journaliste : Bonjour. Je vais revenir, moi aussi, à l'étude détaillée du 31 parce que les élus... bien, Joël Arseneau du Parti québécois puis M. Fontecilla de Québec solidaire, vous... bien, avaient plaidé à ce moment-là pour un élargissement de la loi Françoise David, ce à quoi vous aviez répondu que les locataires étaient déjà protégés par les mesures qui étaient contenues dans le projet de loi. Donc, aujourd'hui, le fait que vous redéposiez un projet de loi, est-ce que ce n'est pas dire, autrement dit, que le projet de loi n° 31, ce n'était pas assez pour les locataires?

Mme Duranceau : Bien, moi, je le dis depuis le début, la loi n° 31 a corrigé des éléments qui ne fonctionnaient plus bien dans le Code civil, puis ça, c'est des choses qui sont de nature permanente. Ensuite de ça, il y a des données additionnelles qui sont aujourd'hui disponibles, notamment en matière de... d'immigration temporaire, et ça fait en sorte que, clairement, l'impact ou la possibilité pour quelqu'un qui doit se reloger, bien qu'il est mieux protégé aujourd'hui avec la loi n° 31 qu'avant... bien, il n'y a pas d'option. Tu sais, tu as... tu es mieux protégé puis pour toujours, là, jusqu'à... Cette loi-là va mieux protéger les gens victimes d'éviction. Par contre, là, les gens victimes d'éviction n'ont même pas d'endroit où se loger. Alors, c'est ça que je viens adresser aujourd'hui avec le moratoire.

Journaliste : Mais vous disiez craindre, il me semble, que les propriétaires ne... fassent de la discrimination envers les aînés vulnérables, qu'ils soient moins susceptibles de leur louer des logements compte tenu des protections dont ils profitent.

Mme Duranceau : Oui. Ce à quoi vous faites référence, c'est l'élargissement, là, de 1959.1, là, au niveau des locataires aînés. Puis, effectivement, c'est un des éléments qui est soulevé, que ça pouvait avoir un effet discriminatoire. Mais, bien franchement, quand je dis que la réflexion a évolué puis qu'on a analysé ça, en bout de ligne, dans la balance des inconvénients, là où on s'en va, je pense que c'est une décision qui est raisonnable d'abaisser l'âge de 70 à 65 ans. Je pense que ça envoie un message qui est somme toute clair, simple à comprendre. Les aînés, on y fait attention. Puis je suis très à l'aise avec là où on est aujourd'hui.

Journaliste : Puis pourquoi ne pas avoir abaissé aussi la période d'occupation d'un logement de 10 ans à cinq ans? Parce que ça aussi, c'était une demande de l'opposition.

Mme Duranceau : Bien, on a abaissé de 70 à 65 ans, ça a le mérite d'être clair et simple à comprendre pour tout le monde, puis on a choisi d'augmenter de 25 % le seuil de revenus pour couvrir un plus grand nombre de personnes. Là aussi, en termes de données, c'est de cette façon-là qu'on... qu'on ratisse le plus large puis qu'on est capables de protéger le plus de gens possible, tout ça en maintenant un équilibre, de part et d'autre, entre locataire et locateur.

Journaliste : Je vais me permettre de poser des questions. Isabelle Porter, Le Devoir. Vous avez dit tantôt que vous avez des nouveaux chiffres de l'INSQ puis vous avez parlé des données additionnelles en matière d'immigration temporaire. C'est quoi, ces données-là, là, qui vous ont fait changer d'avis, là? Pouvez-vous être plus précise?

Mme Duranceau : Bien, on a parlé de l'arrivée de 175 000... juste en 2023, l'arrivée de... ou sur deux ans, là, 560 000 immigrants non permanents, que ça correspond à recréer une ville de Québec sans logement. Si vous surveillez les données, là, depuis quelques semaines, ça... c'est rapporté constamment, là, au quotidien, que l'immigration a un effet important sur l'ensemble des services publics puis, évidemment, ça a un effet sur l'habitation. Alors, je pense que ça, ça a contribué à la réflexion puis à dire : O.K., on a... on a mieux protégé les locataires avec la loi n° 31, mais il n'y a clairement pas d'option s'ils doivent se reloger. Alors, pour moi, quand je mets tout ça ensemble, je dis : O.K., bien là, dans le contexte actuel, il y a trop de drames humains qui se produisent, il faut... il faut aller plus loin. C'est tout.

Journaliste : Puis, sinon, dans le projet de loi, vous vous donnez la possibilité de suspendre le moratoire dans certains... certains endroits. Dans quelles circonstances pourriez-vous faire ça?

Mme Duranceau : Bien, pour nous, c'était important aussi d'avoir une mesure qui peut être adaptée selon les régions. Parce qu'on le voit, je pense, c'était dans La Presse, même, tantôt, les régions... les régions ont subi beaucoup... ou a accueilli énormément d'immigration, mais la réalité n'est pas la même à Montréal qu'en Gaspésie. Alors, s'il y a lieu, s'il y a des représentations qui sont faites par une ville, une MRC, une région, on pourra adapter... adapter ou lever le moratoire pour cette région-là. Pour le moment, je pense qu'il faut lui donner le temps de vivre, de voir les effets puis de s'assurer que les gens sont protégés dans le contexte.

La Modératrice : Je prendrais les questions en anglais. Ah! Thomas Laberge, LaPresse canadienne.

Journaliste : Désolé. J'aimerais revenir sur la question de mon collègue au sujet de l'élargissement de la loi Françoise David, là, parce que, c'est ça, vous aviez dit, donc, que ça pouvait provoquer des effets pervers. Là, vous dites : Bon, balance des... avantages... Ça fait que vous admettez encore les effets pervers potentiels au niveau de la discrimination des aînés, mais vous dites : C'est nécessaire dans le contexte actuel. C'est bien ce qu'on comprend?

Mme Duranceau : Écoutez, c'est une possibilité, mais on peut le voir de deux façons. Avoir un locataire aîné qui est tranquille, qui ne fera pas de bruit, qui est là pour longtemps, ce n'est pas négatif pour tous les propriétaires. Alors, je pense qu'effectivement certains propriétaires peuvent dire : Bon, bien là, c'est plus compliqué, je ne veux pas être lié à quelqu'un aussi longtemps. Alors, peut-être, pour certains, c'est négatif, pour d'autres, ce sera positif. Mais je pense que, somme toute, dans le contexte actuel, considérant l'ensemble des critères, aussi, de protection, c'est-à-dire la notion de revenu, la notion d'être 10 ans en logement... je pense que, pris dans son ensemble, l'effet discriminatoire, pour moi, après analyse, je suis capable de me réconforter qu'il n'aura pas un effet à ce point.

Journaliste : Vous avez parlé... Bon, tu sais, vous vous êtes adaptée, vous avez vu des nouveaux chiffres, vous avez... bon, projet de loi n° 31 qui a été déposé. Là, on en a un nouveau. On comprend donc qu'il pourrait y en avoir d'autres, des pièces législatives de la sorte, en fonction de l'évolution de la crise du logement.

Mme Duranceau : Bien, tout à fait. Là, comme je vous dis, on n'est pas... en tout cas, moi, je ne suis pas dogmatique. Je m'adapte, j'écoute, j'analyse. Puis on évolue puis on avance. Cette situation-là, on ne l'a pas vécue, personne, alors, effectivement, là il y a des mesures exceptionnelles compte tenu du contexte exceptionnel, puis on va continuer de rester à l'affût puis à l'écoute puis de s'adapter collectivement dans le contexte.

Journaliste : Mais, quand vous aviez déposé le projet de loi n° 31, vous étiez très ferme, vous disiez : J'ai une vision. Là, si vous dites : On dépose un projet de loi, on en dépose un autre, ah, peut-être un autre, peut-être un autre, ça ne donne pas un peu l'impression que vous avancez à tâtons, que vous construisez l'avion en plein vol, pour reprendre l'expression populaire?

Mme Duranceau : Écoutez, j'ai... j'ai une vision, je le sais, où je m'en vais, je sais... Je peux vous dire une chose : Intervenir comme on le fait là, dans le marché, ça mérite d'y avoir réfléchi. Puis, une fois que tu es au gouvernement, là, quand tu prends une décision, elle a des impacts, alors il faut s'assurer de voir l'ensemble de l'œuvre avant d'agir. Donc, moi, j'aime mieux quelqu'un qui y va méthodiquement puis par étapes puis qui s'adapte, qui va chercher toute l'information, que quelqu'un qui arrive puis qui fait n'importe quoi.

La Modératrice : Cathy Senay.

Journaliste : Minister Duranceau, how do you feel about this new housing bill?

Mme Duranceau : How do I feel?

Journaliste : Yes.

Mme Duranceau : I feel that I've listened, I've… I've analyzed the situation, I've adapted to the new situation, to the fact that we have… we have a high number of non residents… non permanent residents that have arrived here, in Québec. And I feel that this moratorium of three years on evictions is… will be protecting… better protecting all tenants and that we needed to take a pause not to disturb more the ecosystem and make sure that our construction efforts are going to kick in and it's going to be helpful.

Journaliste : The... Some people at home will try to understand how you had Bill 31, that was just adopted a few months ago, and now, you needed to go back and have a new bill again, as you could have covered this in your previous bill. So, it's a lot of work for what it could… what could have been done in the same bill. So, what do you say to people at home that are just saying : Why are we doubling the efforts?

Mme Duranceau : Well, not doubling the efforts. The moratorium is a distinct legislative piece, so it wasn't in Bill 31. Bill 31 was… contained measures to… that needed to be addressed, and we needed to modernise some… some dispositions of the Civil Code because they were outdated, not functioning as they should have been. And that's what we did, and that was necessary in the context of a housing crisis or not. Now, what we are doing is really addressing the very tight housing market. And a moratorium is something that is very unusual, and… but I feel that it's important right now because the situation is too tight because of the number of non resident permanent that has arrived in Québec. It puts a lot of pressure on the inoccupation rate, and tenants that have to move don't have any options.

Journaliste : But you told me many times that, in Bill 31, you had measures to protect tenants from evictions and that was enough at the time. That's just few months ago.

Mme Duranceau : It was just a few months ago. And I reiterate that what we did on evictions in the Bill 31 was necessary and… and is necessary that… if there is a crisis or there… if there is no crisis. What we are doing now is that we've strengthened the… we've strengthened the protection for elderly tenants, and after more analysis, after listening to everybody I needed to listen to, well, I'm there today, so... And I've been able to convince everybody I needed to convince to follow me in this… in this modification where we're reducing the age from 70 to 65 and increasing the eligible income by 25% to be protected.

Journaliste : And what made change your mind regarding seniors? Because when Québec solidaire's bill came back for debate this spring, you said : I don't think it's a good idea because it will... well, it may just get owners be... discriminate seniors. So, how come, like, now, you come back, and you say : No, no, let's protect seniors, more seniors?

Mme Duranceau : You know, it was one of the critics that was made against strengthening the rules regarding elderly tenants. But I've pushed the analysis, I've listened, and today, I'm there and I think it's the right decision. There are some... There are some pros and cons, but, in the end, I think that the pros are more important than the cons. And it sends a simple message and the right message that we need to protect the elderly and vulnerable elderly tenants. And that's what… that's the message I want to send today.

La Modératrice : O.K. Franca Mignacca de Global.

Journaliste : Merci. You've also said in the past, Minister Duranceau, when you were studying Bill 31, that you were concerned about overstepping when it came to the rights of homeowners. Why did you feel this bill is... was necessary? And what do you say to concerns that it might overstep?

Mme Duranceau : Well, it's always… it's always difficult to keep the balance between the rights of the tenants and… rights and obligations between tenants and landlords. That's why I needed to keep thinking about it, and it took some time, and we've listened to a lot of people, we've made other analysis, and I feel that, in the current context, with such low inoccupation rate and such an important arrival of non resident... non permanent resident… that, today, this is the right thing to do.

As I said, the housing crisis is evolving. There are multiple things that influence the situation. So, we need to be agile, and we need to adapt if situation needs to evolve, and I'm not afraid to do so, and that's why I'm here today with this new... this new proposition.

Journaliste : I also want to come back to something you said in French earlier in terms of not necessarily targeting small landlords with this. Is it fair to say that this bill would especially target what we call renovictions?

Mme Duranceau : Well, I want to be cautious with this term because «renovictions» is not a legal term, is not a legal term. So, this is really for when you subdivide a dwelling, when you increase the size of a dwelling or if you change its use. So, that's what it targets. And what you're referring to, the renovictions, are already covered in the Civil Code under «travaux majeurs», and you're not allowed to evict anyone for that. If you need to do work in an apartment, you have to take care of the tenant and the tenant can go back to the apartment. So, I'm not acting on that because it's already covered.

Journaliste : But the idea, if I understand correctly, is still to target more the bigger developers, those...

Mme Duranceau : I don't want to refer to the size of the developer or of the owner, it's more... it's more landlords that only have a speculative vision of their ownership right now. So, I'm telling them : You know what? You'll be able to do that in three years from now, but, right now, we are taking a pause. Let us build more, and then… then, the tenant you would like to evict, well, may have more options to move somewhere else in three years from now. So, that's really the idea.

La Modératrice : O.K. C'est beau? Oui, pardon.

Journaliste : …one more in English. Matt Grillo, with CTV. What's the ideal vacancy rate, in your mind, for Québec? What number do you want to see?

Mme Duranceau : Well, the known or generally known inoccupation rate that we look at to say that we have a balanced market is 3%, and I think it's CMHC that came up with that, or it's the generally... it's the generally accepted rate.

Journaliste : Is there a change of attitude towards tenants? I mean, we saw a whole bunch of controversy, especially when you tabled Bill 31. Has there been a change of attitude towards renters in Québec?

Mme Duranceau : No, no. Really, you have to know me. I believe... When I do something, it's because I believe it's the right thing to do, and Bill 31 included modifications to the Civil Code that needed to be done to modernise the relationship between tenants and landlords. Some aspects weren't working as they were supposed to work, and tenants needed to be protected better. That's what we did with Bill 31. So, I acted there. And now, the situation commends new measures because it's very complicated for a lot of tenants that have to relocate, and I'm... I feel that that is the right thing to do, and I'm here to do the right thing and to find the right policy, public policy that will maintain the balance between tenants we need to protect and people who own real estate in... So, it's a difficult balance, but that's where I am.

Journaliste : ...si jamais le 3 % n'est pas atteint dans les trois ans, espéré, par exemple que, dans trois ans, on est encore à 2 %, est-ce que vous pourriez à ce moment-là prolonger le moratoire?

Mme Duranceau : Bien, le... Comme je l'ai dit, un moratoire, c'est une mesure vraiment exceptionnelle, là, d'aller là, de suspendre l'application du Code civil. Alors, ce qu'on dit, c'est : Dans trois ans, permettons à l'Assemblée nationale de revoir la situation puis de se requestionner sur la pertinence de... du moratoire, parce qu'on vient quand même suspendre des droits, là. Alors, dans trois ans, on verra la situation, l'effet de la construction, puis on verra si on a toujours besoin de ça.

Journaliste : Autrement dit, vous, vous êtes convaincue, quand même, que tous les efforts que vous déployez, là, dans le 31 puis là-dedans... vous êtes convaincue que ça va porter fruit, que ça va vous mener au 3 % souhaité.

Mme Duranceau : Bien, écoutez, je ne dis pas que ça nous amène au 3 %. Ce que je dis, c'est qu'on met de l'avant un paquet de mesures structurelles, que ce soit au niveau des Affaires municipales, en Habitation, au niveau du Travail, au niveau de l'Emploi, pour avoir plus de travailleurs de la construction, être plus agiles du côté de l'industrie de la construction. Le cumul de ces mesures-là va avoir un effet, c'est sûr.

Maintenant, est-ce que... Il faut... Il faut aussi que le nombre de résidents non permanents réduise. Il y a plusieurs effets sur le taux d'inoccupation, là. Donc, il faut augmenter l'offre, ça, c'est certain, mais après ça, il faut que la demande, elle aussi, on la calme un peu. Puis la demande, actuellement, elle nous vient de l'immigration non permanente. Alors, il faut agir là-dessus.

La Modératrice : Une petite dernière de Simon, je pense.

Journaliste : Au terme de ces trois ans-là, est-ce qu'il y a des mesures pour éviter qu'au moment où le moratoire est levé il y ait une avalanche d'avis d'éviction qui... Puis est-ce que, selon vous, il devrait y avoir des mesures pour éviter que tout ce qui est un peu retenu durant le moratoire soit déversé, là, à la saison...

Mme Duranceau : Bien, c'est un... le moratoire... le moratoire aura une durée de trois ans. On va aussi s'assurer de bien communiquer. Il y a un grand enjeu de connaissance des droits et obligations de part et d'autre, hein, du côté locataire puis locateur. Donc, ça fait partie aussi de l'exercice qu'on va faire, de bien communiquer à tout le monde leurs droits et leurs obligations. Et puis à travers ça, bien, les gens aussi vont avoir une meilleure prévisibilité de ce qui peut s'en venir. Puis je pense que l'aspect prévisibilité est important. Si quelqu'un a une intention d'évincer, bien, plus tôt les gens peuvent être mis au courant, plus rapidement les gens peuvent se retourner de bord puis réagir.

Là, pour le moment, on prend une pause puis on laisse les mesures proposées faire leur œuvre.

La Modératrice : Merci.

(Fin à 12 h 12)

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