(Neuf heures deux minutes)
M. Arseneau : Alors, bonjour,
tout le monde. Effectivement, aujourd'hui, jour d'interpellation, on espère
pouvoir bénéficier de la présence du ministre de la Santé pour parler des
coûts, des véritables coûts de la santé. Puis on fera le travail en équipe,
Pascal Paradis et moi, qui est porte-parole en matière de travail, et moi, je
suis le porte-parole, comme vous le savez, en matière de santé et de services
sociaux. Puis on pourra répondre à des questions d'actualité, si vous voulez,
là, à la fin du point de presse.
Mais d'abord, c'est intéressant de pouvoir
parler des véritables coûts. Parce que le gouvernement, lors de son dernier
budget, a dit que ses deux priorités, c'étaient l'éducation et la santé. Et la
santé, évidemment, coûte cher, et est-ce qu'on peut effectivement espérer en
avoir davantage pour notre argent, alors qu'on sait que beaucoup de ressources
financières sont actuellement dépensées par le gouvernement pour enrichir des
entreprises privées? Qu'on pense, par exemple, aux agences de placement, là. On
sait qu'il y a au moins 1 milliard de dollars qui est dépensé dans
les agences de placement. Oui, il y a une loi qui a été adoptée, mais depuis l'adoption
de la loi, depuis la dernière année, le recours aux agences privées a continué
d'augmenter. Donc, on est probablement au-delà du milliard.
Et on sait que le déficit des CISSS à
travers le Québec est en grande partie lié au recours aux agences de placement,
aux gens, essentiellement, qui ont fui le système public parce que les
conditions étaient inadéquates pour favoriser la conciliation travail-famille.
Et donc, bon, il y a une entente avec la FIQ. On souhaite évidemment, là, qu'on
puisse obtenir des conditions qui permettent, justement, de rapatrier ces
ressources précieuses pour le système de santé.
On a également des contrats de l'ordre d'un
demi-milliard qui ont été signés avec des cliniques privées pour favoriser, là,
le... les chirurgies au... du côté du privé pour amoindrir les listes d'attente
en chirurgies. Mais est-ce que c'est une approche qui est temporaire, qui est
pour, justement, une période donnée ou est-ce que le gouvernement entend
continuer de... d'avoir recours aux services des cliniques privées pour
compenser les lacunes du service public, alors qu'on sait très bien que les
plateaux chirurgicaux sont libres, sont disponibles, mais n'ont pas la main-d'oeuvre
pour pouvoir, justement, opérer à plein?
En d'autres mots, le gouvernement, lorsqu'il
parle, par exemple, du recours au privé payé par la carte-soleil, puis ça ne
coûte rien de plus aux Québécois, en fait, les Québécois paient à travers leurs
taxes et impôts pour, justement, le service privé. Puis on ne voit pas le jour
où on va pouvoir se sevrer des cliniques privées, de la même façon qu'on ne
voit pas le jour où on va se sevrer également des agences de placement pour les
infirmières.
Puis le gouvernement en rajoute en gardant
en tête qu'il faut des mini-hôpitaux privés pour soutenir le système public,
alors que les infrastructures, notamment, du service public, s'effondrent, qu'on
pense, évidemment, là, à l'hôpital de Drummondville, qu'on pense à l'urgence de
Maria, qu'on pense aux infrastructures dans la région des Laurentides, où on
a... on a peine à inscrire les projets au PQI dans leur première phase, dans
leur deuxième phase, que ce soit à Saint-Jérôme, que ce soit à Mont-Laurier,
que ce soit à Sainte-Agathe. En fait, c'est un programme qui est extrêmement
vaste, puis l'orientation gouvernementale, là, actuellement, nous, on pense que
ça va continuer de drainer les fonds publics et les ressources du public vers
le privé. Et c'est la mauvaise direction.
Puis le dernier mot que je dirais, avant
de prendre vos questions, c'est qu'on a aussi, parallèlement, un système à deux
vitesses pour les gens des villes et les gens des régions. On continue d'avoir
des gens qui s'endettent pour se faire soigner dans les grands centres. On a un
régime d'indemnisation, de politiques de déplacement des usagers qui fait en
sorte qu'on va payer, par exemple, 20 sous du kilomètre parcouru... après
200 kilomètres, là, 20 sous du kilomètre parcouru pour aller se faire
soigner à partir de Gaspé, par exemple, pour Rimouski ou pour Québec, alors que
les professionnels de l'État, les fonctionnaires, eux, reçoivent 60 cents
de remboursement pour le kilomètre parcouru. Puis après ça, on va nous faire
croire que le santé... dans la santé, le patient est au cœur de nos
préoccupations. Puis je ne vous parle pas, là, des frais de séjour, qui sont de
108 $, et alors qu'évidemment il n'y a pas d'hôtel qu'on peut obtenir dans
la région de Québec en bas de 150 $ ou 175 $, puis surtout pas en été
puis surtout pas dans les périodes de pointe. Mais on ne choisit pas quand on
est malade ou quand on doit se faire soigner. Et ça, ça comprend également les
repas, alors qu'évidemment, la grille du Conseil du trésor, pour tout ce qui
est employés du secteur public est beaucoup plus adéquat. Alors, là aussi,
c'est un combat qu'on mène depuis cinq ans. Il faut que les frais véritablement
encourus par les patients des régions soient couverts si on veut dire que le
système de santé est encore universel et gratuit au Québec pour les gens, peu
importe où ils habitent.
Journaliste : Est ce que
Christian Dubé peut avoir des faux-fuyants aujourd'hui, là, alors qu'il y a une
entente de principe avec la FIQ, là? Il devrait avoir en main tous les outils
pour faire son grand virage, là?
M. Arseneau : Bien, moi, je
pense que vous avez raison de mentionner que, malgré tout le temps que ça a
pris de pouvoir enfin obtenir une entente avec les infirmières, si l'entente
convient aux infirmières, il y a quelque chose sur quoi on peut bâtir pour
consolider le réseau, atteindre l'objectif de rapatrier les infirmières dans le
réseau. Puis ensuite, on n'aura plus le faux-fuyant de dire : Bien, finalement,
il faut aller au privé parce qu'au public, les médecins peuvent être
disponibles, sauf qu'ils n'ont pas l'équipe de soutien, notamment des
infirmières, pour justement pratiquer les chirurgies dans les plateaux qui sont
disponibles. Alors, ça, ce serait déjà un gain extrêmement important.
Et puis, en fait, ce qu'on veut aussi
obtenir du ministre, c'est une espèce de profession de foi, comme quoi le
système public, là — bon, lui, il va parler de Santé Québec, sans
aucun doute — le système public, il faut le consolider pour pouvoir
avoir... atteindre l'objectif de Québécois qui soient mieux soignés et que ce
n'est pas en multipliant les passe-droits pour juste ceux qui veulent
développer le privé qu'on va y arriver. Je pense, par exemple, là, aux portes
tournantes, là, des médecins qui vont aller au public et au privé, là, puis qui
vont manger à tous les râteliers. À un moment donné, il faut que ça suffise. On
pourrait parler aussi de l'incorporation des médecins. Il y a 220 millions
à aller gagner de ce côté-là. Aller dans le domaine de la santé, là, c'est
aujourd'hui un secteur extrêmement lucratif, mais il faut penser aussi aux
sommes qui sont dépensées à la fois par l'État, mais aussi par le patient, de
plus en plus, qui doit recourir à la télémédecine, par exemple, pour un montant
de 300 $ pour avoir un diagnostic en quelques heures, plutôt qu'aller
poireauter à l'urgence, au péril de sa vie, dans certains cas, pendant des
heures et des heures.
Journaliste : J'irais sur un
autre sujet. Est-ce que vous êtes satisfait des explications de
Mme Lebouthillier puis M. Miller concernant l'industrie de la
crevette cette semaine?
M. Arseneau : Écoutez,
absolument pas. Le gouvernement fédéral est en train de provoquer une crise
extrêmement importante dans le domaine des pêches dans tout le Québec maritime,
d'abord par sa gestion de la conservation, sa gestion des quotas, l'ouverture
de la pêche au sébaste, l'abandon des flottilles de crevettes. Et là on en
rajoute une couche en disant aux entreprises de transformation, qui emploient
évidemment des centaines de personnes, qu'ils n'auront pas la main-d'œuvre
disponible pour opérer parce qu'on a décidé d'imposer un visa et de changer les
conditions à travers lesquelles les travailleurs qui viennent à chaque année
soutenir l'industrie, les travailleurs de... étrangers temporaires, qu'on y va
de façon absolument stricte, technocratique et obtuse, avec des délais qui
s'allongent de quatre à six semaines.
Et on va avoir, là, le résultat la semaine
prochaine, mais les entreprises qui, vraisemblablement, ne pourront pas traiter
les approvisionnements, et ça, ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'ils vont
aller ailleurs, dans les autres provinces, vraisemblablement. C'est ce qu'on me
faisait valoir. Il pourrait même y avoir des détournements des cargaisons vers
les États-Unis. Et c'est comme ça qu'on veut développer ou consolider le secteur
des pêches, c'est en privant les entreprises de leurs travailleurs? Et puis il
faut bien comprendre qu'on ne peut pas opérer, là, avec, par exemple, la moitié
des travailleurs d'usine, il faut avoir une masse critique de travailleurs,
puis on ne l'a pas dans les travailleurs locaux. Donc, les travailleurs locaux
aussi vont perdre leur emploi, si les travailleurs étrangers ne viennent pas en
soutien. C'est une dynamique qui est extrêmement complexe.
Et je ne comprends pas le manque de
volonté politique de la ministre Lebouthillier et du ministre Miller, qui
semblent encarcanés dans cette vision-là, que c'est le tout ou rien, alors
qu'il est tout à fait possible politiquement de dire que, pour la période
actuelle, là, on peut avoir un traitement dérogatoire pour ces gens-là, pour
cette industrie-là, sachant que, s'ils le savent d'avance puis que le visa est
là pour durer pour les prochaines années, que l'année prochaine, on n'aura pas
cette situation-là, elle est tout à fait contextuelle parce qu'on a annoncé, à
moins d'un mois du début de la pêche que ces travailleurs-là devaient faire
essentiellement le parcours du combattant pendant... pendant six semaines et ne
pourraient pas obtenir, là, justement, leur visa à temps.
Journaliste : Est-ce que ça
prend une aide directe d'Ottawa ou de Québec, ou des deux, pour ces
entreprises-là?
M. Arseneau : Bien, en
fait, les...
Journaliste : L'aide
financière, là, directe, pour éviter, justement, qu'ils partent...
M. Arseneau : Les
entreprises du domaine de la transformation dans ce dossier-là ne demandent pas
d'aide financière, demandent un soutien du ministère de l'Immigration du
fédéral pour collaborer.
Journaliste : Oui, mais là,
on est comme trop serrés, là...
M. Arseneau : Mais
l'aide financière ne peut pas, à l'heure actuelle, procurer des bras à
l'entreprise pour opérer. Ces gens-là ont été sélectionnés.
Puis il faut bien quand même comprendre
qu'il y a eu une étude d'impact sur le marché du travail qui a été réalisée
puis qui a été avalisée par le gouvernement fédéral pour tous ces
travailleurs-là. Parallèlement, on a fait la démarche auprès du gouvernement du
Québec. Un certificat d'autorisation du Québec a été émis. On a juste rajouté
une couche bureaucratique en disant : Maintenant, il faut que la demande
de permis de travail soit faite en préalable plutôt qu'au port d'entrée. Et le
traitement de cette demande-là peut prendre de six à huit semaines. Et le visa,
bien, c'est un... c'est une autre semaine ou deux supplémentaires parce qu'il
faut se déplacer à Mexico, dans le cas des travailleurs mexicains, remettre le
passeport, qu'il soit traité, estampillé, et tout. Cette procédure-là, qui se
rajoute à la procédure d'admission régulière, bien, c'est ça qui va faire en
sorte qu'on va passer les échéances pour la durée de la pêche. Donc, si on ne
peut pas transformer le poisson ou les fruits de mer pendant la période de
pêche, bien, il est trop tard.
Et j'ai fait le parallèle avec le secteur
de l'agriculture. Si on émettait les permis de travail aux travailleurs
étrangers temporaires en agriculture non pas durant... durant le printemps pour
qu'ils viennent à l'été pour les récoltes, mais qu'on le faisait au mois de
novembre ou décembre, bien, les fruits et les légumes, bien, ils resteraient à
pourrir dans les champs. On va... Est-ce qu'on va faire ça à l'industrie de la
transformation des produits marins?
On nous dit... hier, on nous a dit :
Non, non, on ne changera pas les règles, mais on va accélérer le traitement.
Mais, si le passé est garant de l'avenir, quand le gouvernement fédéral promet,
là, que le traitement bureaucratique des dossiers va aller plus rapidement, là,
bien, ce n'est pas... ce n'est pas gagné, là. Alors, moi, je pense qu'à l'heure
actuelle, on peut encore sauver la saison si le gouvernement fait preuve de
volonté politique suffisante pour le faire. Mais la volonté d'accélérer le
traitement des dossiers, moi, je n'y crois pas. Puis c'est malheureux. On a
encore quelques jours, là, pour y arriver. Donc, on continue le plaidoyer.
Journaliste : Je lance une
petite bouteille à la mer. Il y avait-tu un esprit de vengeance là-dedans :
Vous voulez un visa, on va vous l'imposer, vivez avec les conséquences?
M. Arseneau : Mais je ne
vois pas pourquoi on s'en prendrait aux travailleurs et aux entreprises du
milieu de la pêche.
Journaliste : Non, mais c'est
parce que ça nuit à des industries au Québec, là, alors que c'était réclamé. Le
visa était réclamé par le Québec. On a appliqué une règle, là, à telle heure,
tel jour, telle minute, puis on s'est dit : Bien, si vous rentrez dans la
règle, parfait, en sachant très bien... Mme Lebouthillier sachait très
bien que, si ça arrivait, la crevette de Matane, c'était fini, là, même si elle
est pêchée à Sept-Îles, là.
M. Arseneau : Moi, je...
je n'ose pas croire que la ministre Lebouthillier, originaire de la Gaspésie,
représentante de la Gaspésie et des Îles, va tenir la ligne dure face à
l'industrie qui fait vivre sa région pour se venger d'une demande du
gouvernement Legault de restreindre...
Journaliste : Je ne parle pas
d'elle. Je parle peut-être de certaines personnes dans son gouvernement qui
s'occupent de l'immigration puis qui se sont dit : Bien, on va appliquer
la règle, c'est ça que vous voulez.
M. Arseneau : Et si
c'est... si c'est par esprit de vengeance que le gouvernement... ou de revanche
que le gouvernement tient la ligne dure, il va certainement en subir les conséquences
tôt ou tard. Moi, je pense que le gouvernement est là pour servir la
population, pour favoriser le développement socioéconomique de nos régions.
Puis là, à l'heure actuelle, il semble avoir oublié ses responsabilités et son
rôle. C'est ce que je peux dire pour l'instant.
Journaliste : Parce qu'ils ne
peuvent pas plaider l'ignorance, là, tout le monde le sait, là, comment ça se
passe, là.
M. Arseneau : Absolument
pas. Maintenant, les conséquences étaient connues dès le jour 1. D'ailleurs,
l'industrie de la pêche, l'Association québécoise de l'industrie de la pêche,
les entreprises ont fait valoir très rapidement que ça risquait de leur poser
un problème majeur. Et il y a eu des rencontres aussi avec la ministre, tout
ça. Pourquoi cette fermeture? Bon, on se pose encore la question. Mais moi, je
ne veux pas présumer de leur mauvaise foi. Mais je n'arrive pas à comprendre,
si ce sont les fonctionnaires, par exemple, qui déterminent les règles ou si...
et si les représentants de la population, les politiques, les ministres ont
encore un pouvoir à Ottawa pour permettre que des politiques publiques servent
les intérêts du public.
Est-ce que... Oui, il y a peut-être...
M. Paradis : Sur un tout
autre sujet, simplement rappeler qu'aujourd'hui est la dernière journée pour
compléter la consultation en ligne du gouvernement du Québec sur la mobilité et
les transports à Québec. Et franchement, le fin mot de cette histoire, c'est :
Il était temps que ça finisse. Une initiative bâclée, une consultation dont on
ne sait pas à quoi elle va servir et dont la crédibilité va être douteuse à
cause de la méthodologie, n'importe qui pouvait participer à volonté.
Ça s'ajoute à l'étude qu'on a obtenue hier,
de HEC Montréal, qui conclut que le troisième lien est malheureusement un
exemple d'un projet mal planifié, qui ne reposait pas sur des données
probantes, et que le tramway est malheureusement, lui aussi, à Québec, un autre
exemple d'un projet qui a subi des ingérences politiques. Et donc il y a eu des
problèmes de gouvernance, c'est mentionné dans l'étude, à l'encontre des
meilleures pratiques internationalement reconnues.
Alors, on espère que le gouvernement va se
ressaisir dans ces deux dossiers-là, la Capitale-Nationale en a bien besoin.
(Fin à 9 h 18)