(Neuf heures dix-neuf minutes)
La Modératrice
: Alors,
bonjour. Merci d'être présents ce matin. Donc, point de presse transpartisan.
Le déroulement... en fait, prise de parole de Mme Brigitte Garceau, qui
est la porte-parole du Parti libéral du Québec en matière de condition
féminine, de Mme Ruba Ghazal, porte-parole de Québec solidaire en matière de
condition féminine, M. Joël Arseneau, porte-parole du Parti québécois en matière
d'habitation, également Mme Louise Riendeau, qui est la coresponsable des
dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de
violence conjugale, et Maud Pontel, qui est la coordonnatrice générale de
l'Alliance des maisons d'hébergement de deuxième étape pour femmes et enfants
victimes de violence conjugale. Ensuite, nous prendrons les questions
idéalement sur le sujet du jour, s'il vous plaît. Merci.
Mme Garceau : Merci. Bonjour,
bonjour à toutes et à tous. Merci d'être ici, mesdames et Joël, ce matin. On
est ici... C'est un sujet très, très sérieux. Combien coûte la vie d'une femme,
une femme victime de violence conjugale? Et c'est une question qui mérite
aujourd'hui toute notre attention. Pourquoi? Parce qu'on avait des engagements,
ce gouvernement a pris des engagements envers trois regroupements de maisons.
Elles sont représentées, aujourd'hui, ils sont ici, des femmes, des victimes de
violence conjugale, les conseils de direction des maisons d'hébergement,
également les directrices.
On travaille depuis trois ans, ces femmes
travaillent d'arrache-pied depuis trois ans pour monter des projets de maisons
d'hébergement, compte tenu des promesses et des engagements de ce gouvernement annoncés
en 2021 suite aux... la vague de féminicides sans précédent au Québec,
l'augmentation fulgurante de dossiers en violence conjugale. Et donc on a fait
tout le travail. Ça veut dire quoi, tout le travail? Je vais vous le dire,
parce que moi, j'étais présidente du Refuge pour les femmes de
l'Ouest-de-l'Île, j'ai été en poste en 2020. Donc, je sais c'était quoi,
qu'est-ce qui exigeait. On devait trouver des terrains, on devait trouver des
maisons, on devait trouver des architectes pour monter des plans, des
contracteurs. Il y avait toutes sortes de frais qu'on a dû débourser. On a
contracté des marges de crédit personnelles. Il y en a d'autres, c'est des
hypothèques. Des millions de dollars. En ce moment, ils paient des milliers de
frais d'intérêts pour continuer à maintenir ces maisons, les rêves, les rêves
de ces projets qui sont maintenant bloqués, bloqués.
630 nouvelles unités d'hébergement. On a
des besoins criants et urgents en matière de maisons d'hébergement. On le sait
très bien, on est déjà rendus à 45 % de refus en ce moment. On ne trouve
pas des maisons d'hébergement pour les femmes et les victimes de violence
conjugale. Et là la SHQ, Mme Duranceau, d'autres ministres qui sont... ils
sont parfaitement au courant des dossiers, que ce soit Mme Biron ou M. Carmant,
on bloque. Pourquoi est-ce qu'on bloque après trois ans? Là, là, il y en a, des
maisons. On est en chantier, puis là on est bloqués parce que, tout d'un coup,
ça ne... ce n'est pas conforme avec les critères administratifs du logement
social. Ça, là, puis les... les femmes vont vous en parler, c'est inconcevable,
c'est aberrant, parce que des maisons d'hébergement, ce ne sont pas du logement
social.
Sur ce, je vous dis, aujourd'hui, c'est
mon combat, ce n'est pas seulement mon combat à titre de députée et de
porte-parole en matière de condition féminine, mais c'est un combat personnel
que je vais mener jusqu'à bout, parce que ces femmes, ces enfants ont besoin de
notre sécurité, ils ont besoin de ces maisons. Merci beaucoup.
Mme Ghazal : Merci, merci
beaucoup, beaucoup, Brigitte, pour ce cri du cœur. Merci aussi, tout le monde,
toutes les femmes ici, qui avaient travaillé très, très fort, qui êtes ici avec
nous, ce matin, pour mener ce combat. C'est extrêmement important, la
mobilisation, là, pour ces places comme l'a si bien dit Brigitte.
Je veux commencer par dédier ce point de
presse à la mémoire de Gaëlle Fedida, qui a travaillé pendant de très
nombreuses années à l'Alliance des maisons d'hébergement 2e étape. Elle
aurait été, parmi nous, ici, aujourd'hui, debout encore pour sauver la vie des
femmes si elle n'a pas été fauchée par un accident cet été.
J'ai interpelé la ministre Duranceau, la
ministre de l'Habitation, à la période de questions, cette semaine, et je lui
ai dit que son programme, là, le PHAQ, non seulement il n'est pas capable de
sortir des logements sociaux, mais il n'est pas adapté du tout à la réalité et
aux besoins pour les maisons d'hébergement. Il y a une chose que je voudrais
que Mme Duranceau puis que le gouvernement de la CAQ retiennent : les
maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence, ce n'est pas du
logement social, c'est un service, c'est une partie... une étape dans le
continuum de services qui est donné pour sauver la vie de femmes qui sont à
risque de mourir d'un féminicide.
La ministre doit agir vite pour débloquer
les projets qui sont menacés de ne pas voir le jour. Il y en a plusieurs. Je
vais nommer deux exemples. En Abitibi-Témiscamingue, il y a deux projets qui
sont arrêtés, un à La Sarre et un à Rouyn-Noranda. À Rouyn-Noranda, là, la pelle
pourrait commencer aujourd'hui, là. La ministre, elle pourrait juste le décider
et la pelle pourrait creuser pour faire sortir de terre des... une maison
d'hébergement qui pourrait sauver la vie de femmes. À La Sarre, le projet
Émeraude n'est plus garanti. Ça n'a pas de bon sens. La maison... les maisons
d'hébergement... la plus proche de La Sarre, c'est à 100 kilomètres. Ça
n'a aucun bon sens. La co-porte-parole de Québec solidaire, Émilise
Lessard-Terrien, est en contact avec les organismes qui ont travaillé
d'arrache-pied pour que ces maisons-là voient le jour.
La ministre, elle a le pouvoir d'agir rapidement,
ça a déjà été fait, par exemple, par décret, pour s'assurer que ces maisons-là
sortent de terre. Et, de façon beaucoup plus structurante, il faudrait qu'il y
ait un programme spécifique pour les maisons d'hébergement, parce que les
programmes actuels ne répondent pas aux besoins. Merci.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
Alors, à mon tour, évidemment, d'appuyer ici les intervenantes, qui réclament
essentiellement du gouvernement qu'il tienne parole, qu'il livre les
engagements qu'il a annoncés en avril 2021. Souvenez-vous qu'il y avait une
vague de féminicides et, évidemment, ça a ému l'ensemble des Québécoises et des
Québécois, et le gouvernement au premier chef. Et c'est la ministre des... de
la Sécurité publique qui a fait des annonces. On vient de la voir passer ici,
là, devant nous. Elle a fait des annonces parce qu'ils étaient... il était
important pour le gouvernement d'agir. Et, trois ans plus tard, on se rend
compte que, si, sur le terrain, il y a des gens qui se sont mis à l'œuvre et
qui ont monté des projets pour ouvrir des unités de logement, en fait, des
maisons d'hébergement pour les femmes et les enfants victimes de violence
conjugale, eh bien, le gouvernement, aujourd'hui, semble avoir passé à un...
être passé à un autre appel et livre des réponses absolument inacceptables sur
le plan technocratique et bureaucratique, comme quoi, bien, ça ne cadre pas
dans les programmes actuels. Il y a là un bris d'engagement, un bris de
confiance également.
Et, à ce que je sache, la situation, si on
regarde l'actualité des dernières semaines et des derniers mois, elle n'est pas
meilleure pour les femmes ou pour les enfants qui se sentent menacés, qui sont
effectivement menacés dans leurs familles, dans leurs logements. Et les projets
sont prêts à démarrer. Ils sont prêts à construire. Il y en a plusieurs, on a
parlé du nombre d'unités. Le gouvernement, à mon point de vue, doit agir
prestement, rapidement. Il peut le faire par décret, le temps de développer un
programme qui va être adapté aux besoins, qui est identifié et qui a fait
l'objet, encore une fois, d'un engagement formel de la part du gouvernement en
2021. Le gouvernement doit livrer maintenant. Merci.
Mme Riendeau (Louise) : Bonjour.
On est ici avec des représentantes des trois associations de maisons pour
femmes victimes de violence parce que notre patience est à bout. Mais s'il
n'était que de notre patience, ça ne serait pas tellement grave. En fait, ce
qui est en jeu, c'est la sécurité, la vie de plein de femmes qui n'arrivent pas
à avoir accès à des services. Ça fait depuis 2017 que le ministère de la Santé
et des Services sociaux a mis sur pied un groupe de travail sur le manque de
places dans les maisons pour femmes. La Fédération des maisons d'hébergement,
le regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, on a
collaboré à ces travaux-là. L'Alliance des maisons de deuxième étape a eu des
discussions en parallèle. Il y a eu deux collectes de données, en 2019, en 2021,
qui ont démontré effectivement qu'il manquait de places dans plusieurs régions.
Une des solutions qui a été convenue, à ce
moment-là, ça a été d'augmenter les places dans les maisons d'aide et
d'hébergement et de créer des nouvelles unités dans les maisons de deuxième
étape. Ce qu'on constate, c'est que, depuis la pandémie, la demande de services
n'a cessé de croître. Les femmes téléphonent pour avoir des services, que ce
soit en hébergement, que ce soit en externe. À l'heure actuelle, les maisons
d'hébergement... les maisons d'aide et d'hébergement ont des taux d'occupation
de plus de 100 %. Ça, ça veut dire que, des fois, il faut sortir des
matelas, faire du dépannage pour des femmes qui sont en danger même si la
maison est déjà pleine. Puis on voit aussi que, dans les maisons de deuxième
étape, il y a 58 % de refus, faute de places.
Au lieu de contribuer à régler le
problème, la Société d'habitation du Québec bloque les projets. On a
l'impression que la main droite ne sait pas ce que la main gauche fait ou qu'on
est face à un problème de mémoire. Effectivement, on a pris des engagements et
là on ne s'en rappelle plus. Juste cette semaine, SOS violence conjugale nous
informait que, faute de disponibilité, il y a 45 % des demandes des femmes
qui ne peuvent pas trouver une réponse quand elles ont besoin d'un hébergement.
Ça, ça veut dire 17 demandes par jour. Ça veut dire près de
1 200 femmes, dans une année, pour qui on ne trouve pas d'hébergement
au moment où la femme cherche à fuir la violence.
En raison du manque de cohérence, ces
femmes-là, ces enfants-là, restent dans une situation de vulnérabilité et de
danger important, et on voit que le continuum de services en violence est
proche du point de rupture. Et la question qu'on pose, c'est : Est-ce que
ce gouvernement-là va être responsable de l'effondrement du continuum de services?
On peut décider de créer des nouvelles maisons, que ce soit d'aide et
d'hébergement ou que ce soient des maisons deuxième étape, mais on ne peut pas
en même temps bloquer la construction des bâtisses pour donner les services qui
devraient être offerts.
Mme Pontel (Maud) : Une
semaine après avoir interpelé le premier ministre suite à l'abandon de projets
de construction, nous n'avons toujours pas eu de réponse concrète, de solutions
concrètes. Hier encore, deux directrices de maison se questionnaient, étaient
désemparées lorsqu'elles ont reçu une demande d'aide de deux femmes qui étaient
à risque d'homicide. Où est-ce qu'elles allaient pouvoir les héberger? Le
Québec compte déjà quatre féminicides depuis le début de l'année. Est-ce que ça
va prendre une autre femme tuée aux mains de son partenaire pour que ce
dossier-là remonte sur la pile de priorités? Nous sommes ici pour faire
entendre les voix de nos membres qui travaillent corps et âme, jour et nuit
afin d'offrir des services visant la mise en sécurité de milliers de femmes et
d'enfants chaque année au Québec.
Alors, depuis les trois dernières années,
nous avons travaillé sans relâche, suite à l'appel du premier ministre lancé en
2021, pour augmenter le nombre de places d'hébergement. Nous faisons face à un
nombre considérable d'embûches causées par l'incohérence des programmes de
financement. Et ça se solde par quoi présentement? Un brouhaha entre trois
ministères qui ne semblent pas parler le même langage. Pendant ce temps, les
portes des maisons d'hébergement se ferment, faute de places. Quel est le
message que le gouvernement envoie? En tirant la plogue sur les projets
annoncés... (panne de son) ...démontre son incompréhension face à la situation
et l'urgence d'agir.
On nous dit que nos projets coûtent trop
cher. Il est bien certain qu'une maison d'hébergement de 10 unités va
coûter plus cher qu'un bloc de 10 appartements. Pourquoi? Parce qu'il ne
s'agit pas juste d'appartements, il s'agit aussi de lieux d'intervention,
d'espaces de répit pour les mamans, de locaux pour les adolescents, de cuisines
collectives, de buanderies communautaires, mais il s'agit aussi de 10 ex-conjoints
à gérer. Des milliers... Ce sont des milieux de vie où on fournit le nécessaire
pour permettre à ces personnes, qui ont fui des situations traumatisantes, de
se remettre sur pied. On fournit l'essentiel, on fournit la base. On n'est pas
des hôtels... (panne de son) ...la capacité de payer de l'État. Mais qu'en
est-il de la capacité de notre gouvernement à respecter ses engagements? À
l'heure où l'on se parle, les incohérences persistent et la sécurité, elle,
n'est toujours pas garantie, alors qu'il ne s'agit pas d'un privilège, c'est un
droit.
M. le premier ministre, il faut qu'un
mandat clair soit donné afin que nos projets sortent de terre, il en est de
votre responsabilité. Nous réitérons, nous sommes prêtes à nous asseoir dans
les plus brefs délais afin que les maisons puissent accueillir dignement les
femmes et les enfants qui fuient la violence. Merci.
La Modératrice : Merci
beaucoup. On est prêts à prendre les questions. Alexandre Duval, Radio-Canada.
Journaliste : Bonjour à vous
toutes et M. Arseneau. Mme Riendeau, Mme Pontel, j'aimerais
comprendre. Depuis votre sortie de la semaine dernière, quand vous dites :
On n'a pas eu de réponse, ça veut dire quoi concrètement? Donc, peut-être juste
préciser qu'est-ce qui s'est passé depuis votre sortie de la semaine dernière,
qui avait quand même fait grand bruit.
Mme Pontel (Maud) : Depuis la
semaine dernière, il y a eu des allers-retours, mais, je dirais, des
allers-retours qui ne sont pas significatifs, les projets sont toujours à
l'arrêt. Il n'y a pas de solution concrète sur le terrain pour savoir qu'est-ce
qui s'en vient. Et là, présentement, on a un projet qui va tomber dans quelques
jours. Donc, on est encore en attente de propositions concrètes pour, un,
débloquer les projets et, deux, savoir comment est-ce qu'on va agir avec les
projets qui s'en viennent.
Journaliste : Quand vous
dites «des allers-retours», est-ce qu'on peut comprendre avec qui, quels
cabinets, de quelle nature?
Mme Pontel (Maud) : On n'a
pas eu d'allers-retours avec les cabinets, on a eu des allers-retours avec la
SHQ. Mais je dirais qu'il s'agit d'allers-retours administratifs où on continue
à nous demander des documents...
(Panne de son)
Mme Riendeau (Louise) : ...je
rappellerais qu'on interpelait le premier ministre parce que, vraiment, en 2021,
c'est lui qui avait mis son poids dans la balance et qui avait demandé à Mme
Guilbault de prendre en charge et de coordonner les travaux. On a eu un accusé
de réception. C'est tout ce qu'on a reçu du bureau du premier ministre.
Journaliste : Est-ce que vous
êtes capable de me dire, dans les autres cabinets concernés, celui de Mme Biron,
celui de M. Carmant, quel genre d'appui vous avez? Parce qu'on comprend
que c'est surtout Mme Duranceau qui est en charge du dossier à cause de
son portefeuille, le Logement. Mais quel type d'appui ou de réponse vous avez
de la part de Mme Biron et de M. Carmant?
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
si on prend du côté de M. Carmant, l'argent pour les services est arrivé dans
les ressources. Donc, je pense que c'est un appui de taille. Ce qu'il ne semble
pas y avoir, c'est une décision conséquente de la Société d'habitation du
Québec de prioriser les projets que le ministère de la Santé et des Services
sociaux a lui-même priorisés. Alors, on se dit... c'est là qu'on se dit :
Est-ce que la main gauche sait ce que la main droite fait, et vice versa? C'est
vraiment une situation aberrante, là.
Mme Ghazal : Est-ce que je
peux juste ajouter quelque chose? En fait, vous avez dit : La semaine
passée, ça a fait vraiment grand bruit. Et ce que j'ai compris, c'est que la
ministre Duranceau... il n'y a personne du cabinet qui vous a... qui vous a
parlé, qui vous a contactées quand c'est sorti, là, la semaine passée, c'est ce
que je comprends. Moi, j'ai interpelé la ministre, puis ce qu'elle disait,
c'est que tout va bien, il n'y a aucun problème, et ça, c'est vraiment
incompréhensible. Normalement, la ministre aurait dû vous appeler après votre
sortie médiatique. Si vous voulez préciser...
Mme Pontel (Maud) : Alors,
oui... (panne de son) ...après la sortie médiatique parce que je pense que
c'était quand même une sortie quand même très importante. Cependant, on a... ça
a été un silence radio jusqu'à hier.
Journaliste : Puis... Bien,
je vais peut-être céder la place.
Journaliste : Il s'est passé
quoi hier?
Mme Pontel (Maud) : Jusqu'à
hier, on a reçu un appel du cabinet de Mme Duranceau nous disant : On est
très surprises de savoir que ça ne fonctionne pas, on pensait que ça allait
bien, on pensait que tout était correct. Je m'excuse, mais, quand trois
regroupements nationaux sortent dans les médias, c'est parce qu'il y a un
problème.
Journaliste : Justement, je
voudrais... sur Mme Duranceau. Vous avez expliqué tantôt, là, qu'il y a des
raisons qui fait que ça peut coûter plus cher, construire des logements.
Qu'est-ce qu'elle ne comprend pas dans ces coûts-là?
Mme Pontel (Maud) : Le gros
enjeu est que, présentement, il y a... il va y avoir une grille d'analyse pour
ces projets-là, on va parler de la grille d'analyse du logement social. Quand
on prend une maison d'hébergement... Une chance que ça coûte plus cher que du
logement social, parce que notre mission, c'est de protéger des femmes et des
enfants. Donc, on a besoin d'équipements de sécurité, on a besoin d'équipements
qui soient solides, parce qu'il y a du roulement dans les maisons, on a besoin
d'espaces d'intervention. Ce n'est pas juste des endroits où les femmes vont
habiter, c'est des endroits où les femmes vont se reconstruire. Donc, on a
besoin d'espaces d'intervention. Toutes ces... toutes ces choses-là vont
s'ajouter au prix de l'appartement, et c'est ça qui coûte plus cher, et c'est
ça que Mme Duranceau ne comprend pas.
Mme Garceau : Je vais
ajouter... J'aimerais ajouter quelque chose, parce que ça, c'est l'excuse.
L'argent est là. L'argent a été non seulement budgété en 2021, il y a eu un 900
millions, le plan d'action du gouvernement fédéral en 2021, dont 25 %
était consacré à l'hébergement, puis, en novembre 2023, l'annonce avec le
gouvernement fédéral, partenariat avec Condition féminine, 97 millions sur
quatre ans, et Mme Biron, en novembre 2023, a confirmé qu'une partie des sommes
iraient en maisons d'hébergement. Donc, ce n'est pas une question de coût, de
budget, là, c'est une question de volonté. Il y a un manque de volonté
politique de respecter les engagements qu'ils ont pris depuis 2021. C'est ça,
là, l'enjeu, aujourd'hui. Respectez vos engagements, vos paroles à ces femmes.
C'est ça qu'on demande aujourd'hui.
Journaliste : Puis juste pour
revenir à ce que vous me disiez sur Mme Duranceau... juste pour... ce que vous
me disiez sur Mme Duranceau, est-ce que vous avez l'impression que c'est un
prétexte ou, avec les échanges que vous avez eus avec elle et son équipe, il y
a vraiment... il y a vraiment... eux, ils ne comprennent pas que ça peut coûter
plus cher?
Mme Pontel (Maud) : Écoutez,
je pense qu'on a travaillé très fort pour faire comprendre quels étaient nos
enjeux et, encore au jour d'aujourd'hui, j'ai l'impression que ces enjeux-là ne
sont pas clairement compris et pris en compte dans les demandes que l'on fait.
Journaliste : ...
Mme Pontel (Maud) : Les
réponses, les réponses.... Quand on nous parle du coût la porte, pour moi, une
maison d'hébergement, on ne peut pas parler du coût la porte. Le coût la porte,
oui, pour du logement social. Du coût la porte pour des maisons d'hébergement,
ça ne fonctionne pas.
M. Arseneau : Est-ce que je
peux juste... Juste faire une petite intervention pour dire qu'il y a aussi
là-dedans une question de responsabilité ministérielle. Parce que, si on dit :
Bien, on s'attendait à ce que tout fonctionne comme si de rien n'était, puis
qu'on a dû prendre la parole publiquement par une lettre ouverte, par des
interventions médiatiques, et que la ministre n'est pas au courant du problème,
là, évidemment, il y a une question de responsabilité, de respect des
engagements, respect du travail qui est fait sur le terrain.
Et ça nous rappelle un certain modus
operandi, puis je dois le dénoncer, le gouvernement fait beaucoup de
communications publiques, politiques lorsque la pression est forte. On nous
fait des grandes annonces à coup de conférences de presse spectaculaires. Et
là, trois ans plus tard, bien, on laisse en plan les gens qui ont travaillé sur
le terrain pour livrer les services. C'est de ça qu'il est question. Donc, à un
moment donné, là, il faut que le gouvernement... au gouvernement, bien
évidemment, que les bottines suivent les babines. Et l'heure de vérité est
arrivée pour ces femmes qui sont menacées, pour ces femmes et aussi, en fait,
tous les intervenants et les intervenantes qui sont sur le terrain, qui sont
prêtes à agir maintenant à leur niveau pour installer des maisons de deuxième
étape notamment.
Mme Riendeau (Louise) : J'ajouterais :
M. Arseneau parle de responsabilité ministérielle, le cabinet de Mme
Duranceau a été vu à l'automne. Il y a eu des... Tu sais, on parle de la
semaine passée, mais il y a eu, entretemps, différentes communications. Il y a
deux documents qui ont été produits, qui ont été acheminés au cabinet disant :
Voici pourquoi ça ne fonctionne pas et voici ce que ça prendrait pour que ça
fonctionne. Donc, on ne devrait pas être dans un état de surprise de dire :
On pensait que tout allait bien. Il y a eu beaucoup de messages d'envoyés et
peu de gestes pour donner suite à ça et régler le problème.
Journaliste : Bonjour. Bien,
je m'excuse, on est dans le détail, mais je pense qu'on est incrédules. La
ministre, hier, là, elle n'était pas au courant que des personnes de son propre
ministère vous avaient dit que c'était trop cher la porte, elle ne le savait
pas.
Mme Riendeau (Louise) : En
fait, elle-même disait que c'était trop cher la porte avant-hier. Puis, quand
Maud parle d'une grille d'analyse, c'est... effectivement, quand ils reçoivent
l'analyse des projets, ça ne dit pas : Ah! il y a besoin de lieu
d'intervention, ah! il y a besoin de plus de sécurité. Ça dit : Voici,
nous avons tel projet, tant d'unités, et ça coûte tant la porte. Alors, toute...
C'est là qu'on dit que le programme n'est pas adapté puis que la grille
d'analyse ne l'est pas, parce que ça ne permet pas de tenir compte des
spécificités des maisons pour femmes violentées.
Journaliste : Puis je...
j'étais... je suis juste curieuse. Mme Garceau, vous dites qu'il y a des
chantiers en cours. Qu'est-ce qui arrive avec les chantiers? Concrètement, là,
je veux dire, on laisse un trou...
Mme Garceau : Ils sont
arrêtés, ils sont arrêtés, ils sont arrêtés.
Mme Pontel (Maud) : Ils sont
arrêtés.
Mme Ghazal : ...tu sais, on a
parlé de ceux en Abitibi-Témiscamingue. Il y a la Dauphinelle.
Mme Pontel (Maud) : La
semaine dernière...
Des voix : ...
Mme Pontel (Maud) : La
semaine dernière, on a décidé de faire la conférence de presse dans un... dans
ce qui devrait être normalement une maison d'hébergement de 14 unités, qui
devrait normalement pouvoir accueillir à peu près 44 personnes depuis le
mois de septembre. Vous l'avez vu à travers les images médiatiques, les photos,
les vidéos, le bâtiment est totalement dégarni, il n'y a absolument rien que
l'on peut faire. Le chantier est à l'arrêt, car nous n'avons pas de réponse, et
les déboursés ne se font pas. Si on prend, par exemple à Rouyn-Noranda, il y a
des pieux déjà. Il a fallu recouvrir le sol de bottes de foin pour éviter...
justement, pour pouvoir permettre, là, la continuité des travaux. Sauf qu'on
est en attente, et c'est inacceptable.
Journaliste : Qui a donné le
O.K., au départ, pour qu'on mette des pieux? C'est le ministère de
l'Habitation?
Mme Pontel (Maud) : Ce qu'il
faut comprendre par rapport à ça, c'est qu'il y a eu... les engagements étaient
tellement importants en 2021 que les équipes se sont dit : Face à la
crise, on y va, on ne lâche pas. Donc, il y a des terrains qui ont été achetés,
il y a des bâtisses qui ont été achetées. Les conseils d'administration se sont
engagés, les équipes se sont mobilisées, parce qu'on se disait, en 2021 : Le
premier ministre s'est engagé, on va... on lui fait confiance. On a décidé
d'aller de l'avant parce que des femmes étaient en train de se faire tuer, que
les demandes dans les maisons d'hébergement étaient en augmentation d'une
manière fulgurante. On ne pouvait pas rester les bras croisés, on devait agir.
Il faut comprendre aussi qu'avec le marché de l'immobilier, vous comprenez, là,
on ne peut pas faire attendre un vendeur alors qu'on a un bâtiment ou un
terrain qui correspond exactement au besoin d'une maison d'hébergement en
disant au vendeur : Bien, non, désolé, il faut qu'on attende le go de la
SHQ. Non, on a décidé... on a pris sur nous. C'était des risques calculés,
parce qu'on savait... on se disait que l'argent allait arriver.
Une voix : ...
Mme Garceau : Et ajouter à ça...
si vous permettez, là, parce que c'est quand même un enjeu très important,
parce qu'il y a le fédéral aussi. Il y a un 6 millions. On attend le 6... Le
6 millions du fédéral est confirmé pour ces projets... (panne de son)
...du gouvernement pour débloquer les sommes. Donc, ce 6 millions là,
aujourd'hui, est également à risque. Parce que, là, le gouvernement fédéral va se
dire : Bien, regardez, là, ça prend bien trop de temps. Il y en a, là...
C'est confirmé depuis même 2022, cet argent-là, pour certains projets. Donc, à
un moment donné, on va perdre cet argent.
La Modératrice : Sous-question.
Journaliste : ...si je peux
me permettre... puis je vois Mme Riendeau qui s'avance, sur un autre sujet
mais que vous connaissez bien. À propos de l'IVAC, on arrive... on commence à
voir les effets, là, de la limite temporelle qui a été imposée par la réforme
en 2021, hein? Parce que, ces temps-ci, les victimes reçoivent des lettres, là,
puis elles se font dire : Votre aide va être coupée en octobre 2024. Puis
on relit le... votre mémoire, le communiqué que vous aviez fait à l'époque,
puis c'est presque prophétique. Est-ce que... En fait, est-ce que vous, vous le
voyez, là, l'impact avec les personnes avec qui vous travaillez? Puis est-ce
que vous vous dites : Bien, on vous avait avertis, puis, malheureusement,
il arrive ce qu'on craignait.
Mme Riendeau (Louise) : Ce
qu'on a d'abord vu, nous, c'est l'allongement des délais pour avoir des
réponses, et les victimes se faisaient dire : Bien, il faut que vous
insistiez si vous ne voulez pas que ça soit trop long. Parce qu'effectivement,
avec le nombre de demandes qui a beaucoup augmenté, avec l'élargissement des
critères, il y avait des limites à ce que la machine était capable de traiter.
On n'a pas... (panne de son) ...les arrêts de paiement, là, au bout des deux
ans, mais certainement qu'on a vu... qu'on a vu les délais.
Mais je reviendrais sur votre question de
tantôt sur pourquoi les maisons se retrouvent avec des chantiers arrêtés ou
pourquoi elles se sont avancées. Je vais vous donner... C'est souvent aussi à
cause des critères pour être admissible aux subventions. Je vous donne
l'exemple de l'Abitibi-Ouest, qui avait un petit pécule de 100 000 $,
qui l'a mis pour acheter le terrain où elle voulait construire, parce que le
fédéral lui disait : On va vous confirmer le financement si le terrain est
acheté. Et le provincial lui disait : On va vous confirmer le financement
si le fédéral le confirme. Ça fait que vous voyez qu'on met les maisons dans
des situations impossibles, où elles doivent effectivement s'avancer, prendre
des risques pour être capables d'espérer avoir ce qu'il faut pour avoir la
bâtisse au bout du compte.
Journaliste : Je m'excuse, je
me permets une dernière question. Humainement, là, vous qui travaillez avec ces
femmes-là puis qui devez les refuser, comment vous vous sentez?
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
c'est absolument déchirant. SOS Violence conjugale qui chaque jour se ramasse à
dire à des femmes : Rappelez plus tard, rappelez un autre jour, non, je
n'ai pas de place. Et, dans les maisons, elles vivent la même chose quand les
femmes appellent. Et chaque fois on se dit : Est-ce que cette femme-là...
Tu sais, on fait une évaluation du risque puis on essaie de ne pas laisser de
femmes dans le danger, mais chaque fois qu'il y a une femme qui meurt, on se
dit : Est-ce que c'est une femme à qui on a été en contact? Est-ce qu'on
aurait pu faire quelque chose? En tout cas, c'est une situation qui met les
intervenantes au jour le jour dans des situations épouvantables.
Mme Pontel (Maud) : C'est
enrageant. C'est enrageant de se dire qu'on a la capacité de pouvoir faire une
différence, mais que, là, présentement, on est bloqués et qu'on ne peut rien
faire. Hier soir, là, passé 11 heures, mon téléphone a sonné parce qu'une
femme cherchait de l'hébergement. Ça arrive de temps en temps, et généralement
je les réfère vers SOS Violence conjugale. Mais au téléphone, là, qu'est-ce que
je peux lui dire à cette femme-là? C'est plein partout. Elle a appelé à SOS Violence
conjugale et, à SOS Violence conjugale, elle s'est fait.. elle s'est fait dire
qu'il fallait qu'elle rappelle plus tard parce que, présentement, il n'y avait
pas de place. C'est enrageant.
Journaliste : Oui. J'aimerais
juste comprendre quand on dit «trop cher la porte»... (panne de son) ...est-ce
qu'on a ça, cette donnée-là?
Mme Pontel (Maud) : Alors,
présentement, ce qui est considéré comme acceptable puis ce qui va passer
le... ce qui va être dans le seuil d'acceptation, on parle de 575 la porte,
575 000 $ la porte. Sauf que... Je vous donne un exemple. Nous, nos
projets vont être de l'ordre... certains projets vont être de l'ordre de
700 000 $, 800 000 $, parfois 900 000 $ la porte,
mais il faut comprendre que, par exemple, au niveau des normes d'AccèsLogis ou encore
au niveau des normes du PHAQ, on va nous imposer des choses qui ne font pas de
sens à l'intérieur des maisons d'hébergement. Par exemple, dans les normes...
PHAQ ou AccèsLogis?
Des voix : ...
Mme Pontel (Maud) : Les deux.
On nous demande de mettre des laveuses-sécheuses dans tous les logements. Sauf
que, dans les maisons d'hébergement, on préfère que ce soit des buanderies
communautaires. On nous a dit : O.K., pour les buanderies communautaires,
mais, au cas où, s'il vous plaît, installez les tuyaux pour les
laveuses-sécheuses, camouflez-les. Et ça, ça représente des coûts de
10 000 $ par unité. Donc, quand on compte un 14 logements, on
est à 140 000 $. Et, après ça, on va nous dire : Ça coûte trop
cher.
Journaliste : ...juste une
dernière relance. En fait, on sait que les maisons des aînés sont à
800 000 $ et plus la porte, et M. Legault nous dit toujours :
Il n'y a pas de prix pour nos aînés. Avez-vous l'impression qu'il y a un prix
pour les femmes?
Mme Pontel (Maud) : Écoutez,
c'est la question qu'on se demande. C'est quoi, le prix pour sauver la vie de
femmes et d'enfants qui sont à risque d'homicide et qui fuient des situations
de violence? C'est quoi, le prix?
Mme Ghazal : Merci beaucoup
(Fin à 9 h 52)