(Quatorze heures trente-cinq minutes)
M. Grandmont : Alors, bonjour
tout le monde. Merci d'être là. Je voulais réagir à quelque chose, dont j'ai
été témoin tout à l'heure, là, en étudiant dans la salle... où on étudiait tout
à l'heure, en commission particulière, le projet de loi n° 48. On avait, en
audience, un couple qui est venu à la fois avec des revendications sur la
question de l'alcool au volant, mais aussi témoigner de leur parcours de vie
puis de leur parcours aussi pour expliquer les démarches qu'ils ont faites pour
sensibiliser la classe politique à l'importance de réduire le taux d'alcool
permis quand on conduit de 0,08 à 0,05.
Je rappelle que M. Bittar et Mme Rivera,
bien, ont perdu leur fille dans un accident de la route. Et donc ils étaient là
pour représenter un groupe Mother Against Drunk Drivers. Et, pendant l'échange qui
a eu lieu, ils ont... ils ont mentionné qu'ils avaient dû payer 100 $
chacun pour pouvoir parler, avec la ministre des Transports, deux minutes. La
discussion était surréaliste, surréaliste. D'abord, je le rappelle, là, ils ont
perdu leur fille, parce qu'elle est morte, fauchée par un conducteur qui est en
état d'ébriété, puis on leur demande d'aller dans un cocktail de financement,
prendre un petit verre de vin, puis jaser avec la ministre pendant deux
minutes, puis de monnayer aussi leur accès à la ministre des Transports.
Ça n'a pas été trop difficile... J'ai des
enfants, j'ai trois filles. Ça n'a pas été trop difficile de me sentir un peu à
leur place puis de me dire : Qu'est-ce que j'aurais fait si on m'avait
offert une telle proposition pour convaincre des gens, pour convaincre les
pouvoirs publics, une ministre de devoir payer 200 $ pour parler quatre minutes
à cette personne-là? Ça n'a juste aucun bon sens. Pour vrai, là, ça m'a
complètement glacé le sang d'entendre ce que j'ai entendu. Je ne pense pas que
ça devrait exister, ce genre de situation là, ça n'a juste pas de bon sens.
Et j'aimerais vraiment, j'aimerais
vraiment, avec tout ce qu'on a entendu dans les dernières semaines, j'aimerais
vraiment que la vice-première ministre, que la ministre des Transports et de la
Mobilité durable, Geneviève Guilbault, s'explique sur les raisons... ou sur les
raisons qui ont mené à ce genre de décision là ou ce genre de pratique là à la
CAQ. Ça n'a juste pas de bon sens. Pour moi, là, on est à un niveau extrêmement
élevé de décisions qui sont complètement immondes. C'est hallucinant.
Journaliste : Est-ce que vous
avez l'impression qu'on a utilisé la détresse de parents endeuillés pour garnir
la caisse électorale de la Coalition avenir Québec?
M. Grandmont : Mais, écoutez,
je demande vraiment à la ministre d'expliquer les motifs qui sont derrière ce
genre de décision là, qu'elle accepte de se prêter au jeu, de se servir de
monnaie d'échange pour aller chercher des dons. Mais là, en plus, là, on est
habitués, on a entendu beaucoup parlé, dans les dernières semaines, de la
question des entrepreneurs, des maires, des mairesses, des conseillers, des
conseillères, municipaux, municipales, là on est dans un autre registre. Il y a
des gens qui sont endeuillés, puis on leur demande de payer de l'argent pour
pouvoir rencontrer la ministre. Puis, je le rappelle, c'est des gens qui ont
perdu leur fille par la faute d'une personne en état d'ébriété puis, en plus,
on leur demande de venir dans un cocktail de financement, où tout le monde a la
bière à la main, là, il y a quelque chose de juste... absolument immoral
là-dedans.
Journaliste : Est-ce que c'est
une erreur de jugement de la part du bureau de Marilyne Picard... Parce que Mme
Guilbault l'a dit tout à l'heure, elle dit : Je n'étais pas au courant que
ces gens-là allaient être au cocktail de financement. Je les ai rencontrés sur
place. Donc, l'erreur, au départ, est-ce que c'était une erreur de jugement de
la part du bureau de Mme Picard de dire à ces personnes-là : Mme Guilbault
sera avec nous le 12 octobre. Vous pouvez venir, c'est 100 $.
M. Grandmont : Il y a... On l'a
vu, là, dans les dernières semaines, il y a un caractère très systématique,
très organisé, là. C'est toujours la même façon de fonctionner, là. Mme
Guilbault, M. Fitzgibbon se sont rendus à, au moins, selon les décomptes, à 16
événements de ce type-là dans les dernières semaines, dans les derniers mois,
dans la dernière année, là. Je pense que... En tout cas, j'aimerais vraiment
que Mme Guilbault s'explique sur le caractère à la fois immoral de cet
événement-là précisément, mais aussi sur la répétition, sur l'organisation, le
côté systématique de cette façon de fonctionner là. Mais c'est clair qu'avec ce
qu'on a entendu avec M. Rivera... M. Bittar et Mme Rivera, là on atteint un
niveau, là, d'immoralité qui est absolument incroyable.
Journaliste : ...que vous
étiez en mesure de vous mettre dans la peau de ces parents-là. Je m'excuse de
devoir vous le faire faire, là : Mais si vous étiez dans cette situation-là
puis qu'on vous faisait miroiter devant la ministre, monnayable, un don au parti,
est-ce que vous l'auriez fait? Est-ce que vous seriez allé au cocktail pour
parler avec la ministre?
M. Grandmont : Je peux
comprendre qu'il y a des personnes... Puis on le voit, là, ils prennent ça
tellement à cœur, là. C'est beau ce qu'ils font, là, c'est beau. Ils veulent
que la mort de leur jeune fille, là, serve de moment historique pour qu'on
puisse se dire : Bien, plus jamais ça ne va se produire. Tu sais, je le
comprends, là, la démarche, là, ils sont en quête de trouver réparation, mais
au bénéfice de la communauté, là. C'est incroyable, là. Alors... puis Mme
Rivera l'a dit, là, quand on lui a offert de rencontrer la ministre pour
100 $ chacun, elle a dit : Je trouvais ça inacceptable. Puis
finalement ils ont fait le choix d'y aller quand même, parce que tu veux mettre
toutes les chances de ton côté pour que ce genre de situation là n'arrive plus
jamais.
Donc, je ne sais pas qu'est-ce que
j'aurais fait, je ne suis pas dans cette situation-là, mais je comprends très
bien qu'ils aient pris la décision d'y aller quand même. Mais ce qui est
épouvantable, c'est que des gens à la CAQ ne se soient pas posé la
question : Est-ce que ce que je suis en train de faire a juste du bon
sens? Est-ce que c'est moral de faire ça, en ce moment, de profiter de la
détresse d'une personne pour aller chercher un autre 200 $ à mettre dans les
coffres de la CAQ? Ça, c'est épouvantable.
Journaliste : ...donc ils
arrêteraient de prendre des dons privés, que, techniquement, ça ne devrait pas
réarriver. Mais, à partir de là, qu'est-ce qu'on fait avec le don que ce
couple-là a fait à la députée de Soulanges? Est-ce qu'ils devraient rembourser
le don de la famille...
M. Grandmont : Ils pourront
bien faire ce qu'ils veulent, puis c'est à eux de voir qu'est-ce qu'ils...
comment ils vont gérer ça, cette crise-là qu'ils ont eux-mêmes mise en place.
Mais rembourser M. Rivera... Mme Rivera puis M. Bittar, ça ne changera rien sur
le fond, ça ne changera rien sur le fond. La CAQ, pendant on ne sait pas trop
combien de temps, mais a mis en place un système dans lequel on met des têtes
d'affiche dans des cocktails de financement puis on monnaye leur accès à du
monde. Et puis, là, on l'a fait non seulement pour des entrepreneurs, non
seulement pour des élus municipaux, mais on le fait, en plus, sur le dos de
personnes qui ont perdu leur fille à cause d'un conducteur en état d'ébriété.
C'est épouvantable.
Journaliste : Allez-vous
demander une nouvelle enquête à la Commissaire à l'éthique et à la déontologie?
M. Grandmont : C'est une
bonne question. Puis on... Je vais laisser mon collègue Vincent Marissal se
saisir du dossier, là. Moi, je suis simplement venu témoigner de ce que j'avais
vu, parce que j'étais dans la commission quand ça s'est passé, mais je vais
laisser le porteur de dossier gérer cette partie-là, si vous le voulez bien.
Journaliste : Si on y va
vraiment sur le sujet de leur intervention, le 0,05 ici, comment est-ce
qu'on... vous expliquez que la ministre n'ait pas nécessairement montré
d'ouverture à baisser...
M. Grandmont : Ça aussi, il
va falloir... il va falloir éclaircir ça avec elle. La science est, quand même,
assez claire sur le fait que ça permet effectivement de réduire le nombre de
blessés graves et de décès sur les routes. C'était intéressant de voir la
ministre lors de l'audience avec le CAA Québec, alors que c'était le principal
objet de leur mémoire, là. Il y avait d'autres éléments, mais la ministre s'est
concentrée essentiellement sur ce qu'il y avait autour, mais sans jamais parler
de l'alcool.
Aujourd'hui, avec le groupe qu'on a
entendu, qui était représenté par M. Bittar et Mme Rivera, bien, on n'avait pas
le choix d'aborder cette question-là, mais il faudra demander à la ministre
pourquoi elle refuse, là, même d'envisager ça. À plusieurs reprises, là, dans
les derniers mois, même, il y avait une enquête du coroner sur cette
question-là, puis elle avait rejeté du revers de la main l'idée même d'aborder
ou d'étudier cette possibilité-là. Merci à vous.
(Fin à 14 h 43)