(Neuf heures trente-deux minutes)
M. Arseneau : Alors,
bonjour. Aujourd'hui, jour de budget, mais je voulais, avant de parler,
justement, du budget Girard d'aujourd'hui, revenir sur une initiative, qui est
absolument hallucinante, de la part du ministre de la Santé, hier, qui nous
fait part d'une campagne de valorisation du personnel de la santé. Alors, c'est un
grand «Merci pour votre travail inestimable».
Alors, on est extrêmement surpris de voir,
encore une fois, que le ministre de la Santé semble faire fi de la réalité
terrain, où les gens demandent le respect. Les travailleurs de la santé
demandent une valorisation, mais à travers une reconnaissance des conditions de
travail, qui sont absolument inhumaines, et qu'on travaille là-dessus, qu'on
leur permette aussi de négocier, dans la formule qu'on connaît, des
améliorations de leurs conditions de travail et salariales dans un processus
qui est connu plutôt que de se lancer dans une confrontation avec eux.
Il y a quelque chose là-dedans, là, qui
est assez absurde lorsqu'on voit que le gouvernement a les moyens d'agir et il
propose plutôt de faire des campagnes de publicité. C'est comme s'il voulait
masquer son attitude profonde, qui est celle, là, essentiellement, d'exiger de
la part des employés du système de santé public québécois qu'ils en fassent
encore davantage avec moins de moyens.
Moi, j'ai l'impression des fois que le
ministre Dubé a une attitude jovialiste qui, vraiment, transparaît dans toutes
sortes de mesures, toutes sortes d'annonces, d'écrans de fumée, là. Il est un
peu comme... je dirais, encore la semaine dernière, lorsqu'on parlait du temps
d'attente dans les urgences, bien, dire que les choses s'améliorent, alors que
les chiffres prouvent le contraire. Donc, il a cette manie d'avoir ses lunettes
roses ou de proposer des choses un peu comme le ferait un coach de vie, là :
Tu es beau, tu es bon, tu es capable.
Je pense que les gens, aujourd'hui, dans
le domaine de la santé, les employés en attendent beaucoup plus de la part du
ministre. Et cette campagne-là, moi, je pense qu'elle ne dupe personne. Si le
gouvernement tient à ses anges gardiens — c'est comme une nouvelle
version, là, 2.0 des anges gardiens — ce sont des actions qui
détermineront la suite des choses et non pas, là, des campagnes publicitaires
qui masquent la réalité, là, du fait que le gouvernement, à l'heure actuelle,
ne donne pas les conditions d'exercice aux professionnels de la santé auxquelles
ils sont en droit de s'attendre. Et conséquemment le système continue de
crouler malgré le fait qu'on le tienne à bout de bras du point de vue des
employés de l'État.
Sinon, jour de budget. On voulait
commenter le fait qu'il semble de plus en plus certain que le gouvernement
décidera de se priver de sommes importantes, là, on parle de 2 milliards de
dollars, pour attribuer des baisses d'impôt. C'est une promesse électoraliste
de la CAQ que le gouvernement Legault voudra maintenir. C'était déjà
irresponsable au moment de la campagne électorale compte tenu de l'incertitude
économique. Avec ce qu'on sait aujourd'hui, c'est carrément de l'entêtement. Le
gouvernement se prive de revenus. S'il va jusqu'à abaisser, là, les paliers
d'impôt, il se prive de revenus non seulement pour l'année, mais pour les
années à venir. Il va, en plus, piger dans le Fonds des générations, alors
qu'on devrait, justement, soulager la dette pour les générations à venir. C'est
un mauvais calcul politique, mais surtout économique pour la population, pour
les citoyens quand on sait que ce sont essentiellement les personnes qui
gagnent 100 000 $ et moins qui en profiteront davantage, alors qu'on
sait aussi que 35 % de la population sera laissée pour compte et n'aura
pas plus d'argent pour faire face aux difficultés économiques liées à la hausse
de l'inflation et également, là, à toute la question, là, de la hausse des taux
d'intérêt et des prêts hypothécaires.
La crise du logement, c'est un élément
qu'on souhaite vouloir... on souhaite que le gouvernement aborde de front
pendant l'exercice budgétaire. On espère qu'il a enfin compris le message qu'il
y a crise et qu'il faut agir avec une stratégie extrêmement forte et les
investissements conséquents.
On a également fait appel au gouvernement
pour qu'il puisse investir massivement dans le transport en commun, le
transport collectif. On a le rapport du GIEC aujourd'hui, là, qui fait la
manchette et qui prouve encore que le gouvernement n'en fait pas davantage. Un
premier pas, ce serait... le minimum, ce serait d'investir dans le transport en
commun, d'améliorer, évidemment, le service pour augmenter son attractivité. Le
geste, il faudra le poser tôt ou tard si on veut atteindre les objectifs de
carboneutralité puis de diminution de la production des gaz à effet de serre,
qui sont, comme vous le savez, en grande majorité produits par le transport, et
par l'auto solo en particulier.
Bref, on souhaite aussi que le
gouvernement puisse mettre en place des mesures qui touchent les personnes les
plus vulnérables, celles qui en ont le plus besoin. Soutenir le milieu
communautaire, ça va de soi, mais également le crédit à la solidarité, le
crédit d'impôt à la solidarité, c'est une façon de toucher les personnes les
plus démunies.
Puis, en terminant, il faudra continuer
d'investir dans la santé, dans l'éducation, mais particulièrement, pour les
personnes âgées, dans les soins à domicile. On sait qu'il y a un virage à
faire. Le gouvernement retarde les échéances, mais il faut le faire, il faut
donner le signal dès maintenant.
Là-dessus, je suis prêt à prendre vos
questions, si vous en avez.
M. Gagnon (Marc-André) : Bonjour.
M. Arseneau : Bonjour.
M. Gagnon (Marc-André) : Sur
les baisses d'impôt, vous dites : «C'est un mauvais calcul politique». En
même temps, je voyais les vox pop que mes collègues ont faits à la télé hier,
et il ne se trouve pas grand monde pour dire : Ah! une baisse d'impôt,
non, je n'en veux pas.
M. Arseneau : Bien,
évidemment, quand je parle d'un mauvais calcul politique, je parle d'une
mauvaise politique publique, en fait, pour l'avenir. Est-ce que, sur le plan de
la politique partisane du gain à court terme, le gouvernement peut être
gagnant? C'est possible. Lorsqu'on propose à des gens de leur remettre quelques
centaines de dollars dans leurs poches, c'est assez rare qu'ils disent non.
Ce qu'on ne leur dit pas, c'est quelles sont
les conséquences avec lesquelles ils devront vivre. Est-ce que c'est au prix,
par exemple, de la stagnation des... ou de la diminution des services de santé,
par exemple? Ou, en éducation, est-ce qu'on va améliorer la qualité de l'air
dans nos écoles? Est-ce qu'on va continuer à investir pour, justement,
améliorer le parc immobilier dans les conseils scolaires, et ainsi de suite?
C'est toutes les propositions ou tous les chantiers auxquels on va renoncer qui
ne sont pas, évidemment, partie prenante à la campagne du gouvernement
actuellement et qu'on découvrira au cours des prochains mois et des prochaines
années.
M. Gagnon (Marc-André) : Vous
avez parlé du rapport du GIEC. J'étais, il y a quelques minutes, dans le bureau
du premier ministre pour la prise d'images avec le ministre des Finances, et il
a fait référence à ce rapport-là en disant : Oui, il y aura, dans le
budget, de l'argent pour la lutte contre les changements climatiques.
Maintenant, la question que j'ai envie de
vous poser, c'est : Qu'est-ce que ce rapport-là dit sur le projet de
troisième lien? Est-ce que le gouvernement devrait, à la lumière de cet autre
rapport... Parce que, bon, il y avait ceux sur la qualité de l'air dans
Limoilou, il y a maintenant celui du GIEC, qui est évidemment plus général à
l'échelle mondiale. Est-ce que le gouvernement doit reculer, à la lumière de
tous ces rapports-là, sur son engagement-phare de faire un tunnel autoroutier?
M. Arseneau : Bien, je pense
que le gouvernement doit reculer, pendant qu'il en est encore temps, sur la
question du troisième lien. Les rapports s'accumulent pour signifier au
gouvernement que c'est un très mauvais choix, que ce serait une orientation
ruineuse sur le plan financier, mais surtout sur le plan environnemental et de
la santé publique.
Alors, je pense que c'est, encore une
fois, là, un appel qu'on peut lancer au gouvernement de ne pas aller de l'avant
avec un projet comme celui-là, pour lequel ses propres études n'existent pas.
Alors, arrêtons ça tout de suite, mettons ça de côté, travaillons sur les
vraies priorités.
M. Gagnon (Marc-André) : Bien,
elles existent, là. Il y a 60 millions d'études qui ont été commandées. Elles
existent quelque part, c'est juste qu'on ne les a pas encore vues. On nous dit
que ça s'en vient.
M. Arseneau : Oui. Bien, en
fait, on a des grands doutes à savoir qu'est-ce qu'il va advenir de ces
conclusions d'études. Si c'est retardé depuis... pas juste depuis, là, quelques
mois, là, si on peine à démontrer la faisabilité et même l'utilité du troisième
lien depuis quatre ans, bien, moi, je me dis que ces études-là, de deux choses
l'une, soit elles ne sont pas très approfondies, soit elles ne sont pas très
concluantes, mais, dans les deux cas, tournons la page.
M. Gagnon (Marc-André) : Vous
parliez tout à l'heure de faire davantage de projets en transport collectif.
Est-ce que tout ça, ça vous conforte sur la proposition que votre parti a faite
pendant la campagne électorale, c'est-à-dire, oui, de faire un lien sous-fluvial
entre les deux centres-villes, si je me souviens bien, mais avec un train
léger?
M. Arseneau : Oui. Bien, en
fait, quand il est question de mobilité durable, évidemment, on parle
d'infrastructures. La première chose qu'on demande au gouvernement, c'est
d'équilibrer les investissements, par exemple au PQI, pour avoir une somme au
moins de 50 % dans le transport collectif par rapport au transport
routier. C'est le premier élément.
Deuxième élément, c'est de développer,
effectivement, des réseaux de transport collectif qui incitent les Québécois à
se débarrasser de leurs deuxièmes voitures, voire même de leurs premières
voitures pour pouvoir emprunter le transport collectif, pourvu qu'ils y
trouvent, évidemment, un avantage sur le plan pécuniaire ou sur le plan de
l'efficacité, en fait, idéalement, aux deux points de vue.
Pour ce qui est du lien plus précisément
entre la Vieille Capitale... entre Québec et la Rive-Sud, on a exploré la
possibilité d'un lien collectif... de transport collectif sous-fluvial. Pour
nous, si on doit investir pour améliorer, justement, la mobilité dans la région
de Québec puis maintenir et améliorer la qualité de vie des gens qui y
habitent, c'est par, effectivement, un train sous-fluvial. Mais ce projet-là,
c'est une alternative au projet de troisième lien, mais, avec les changements
dans les habitudes, notamment de déplacement, liés au télétravail, il faudra...
Si le projet de troisième lien est abandonné, le projet de troisième lien autoroutier,
avant d'aller de l'avant avec un projet de lien sous-fluvial par train léger,
bien, nous, on fera les études appropriées pour prouver qu'on a aussi un gain
d'efficacité puis un gain en qualité de vie.
M. Gagnon (Marc-André) : Donc,
en clair, est-ce que vous demandez au gouvernement d'abandonner son projet de
tunnel autoroutier et de se rallier à votre proposition? Vous appelez ça une
alternative. Certains pourraient le voir comme un compromis.
M. Arseneau : Oui. Bien, en
fait, nous, ce qu'on voudrait, si on doit... En fait, si on veut améliorer la
mobilité dans la région de Québec, il faut faire le choix du transport
collectif, et, dans cette mesure-là, on a une proposition. Et on inviterait le
gouvernement, justement, à tourner la page sur le troisième lien et analyser,
avec les moyens du gouvernement, la possibilité d'un lien par train léger sous-fluvial...
et qu'on conclue éventuellement si l'investissement en vaut la peine et
correspond, là, à une demande. Parce qu'en fait l'étude d'Origine-Destination,
là, date de 2017, là, la dernière qu'on a vue, et je pense qu'il vaut la peine
de la revoir, de la mettre à jour.
M. Gagnon (Marc-André) : Justement,
sur la base des données qui ressortent de cette étude Origine-Destination,
Québec solidaire soutient, de son côté, que, plutôt que de faire un troisième
lien, on doit ajouter du transport collectif par les deux ponts existants parce
que c'est à l'ouest que se font l'essentiel des déplacements. Pourquoi ne pas
opter là-dessus? Parce qu'effectivement ce serait probablement moins coûteux.
M. Arseneau : Oui. Bien,
écoutez, bien, moi, c'est pour ça que je ne ferme pas à l'idée de... une fois
que le gouvernement décide de mettre de côté le projet de troisième lien, qu'on
garde la meilleure solution et le rapport qualité... tu sais, qualité-prix, en
fait, coûts et ce que ça peut nous rapporter. Et, nous, c'est clair qu'on s'est
dit : Si on doit faire un troisième lien, bien qu'il soit un lien en
transport collectif. Mais la question à savoir si, aujourd'hui, avec le
changement d'habitudes de transport, un troisième lien supplémentaire est
nécessaire, moi, je pense que ça peut faire l'objet d'une analyse plus
approfondie, là. On n'est pas fermés à l'idée d'étudier les moyens qui seraient
moins coûteux puis tout aussi efficaces si les habitudes de déplacement des
Québécois ont changé durablement.
M. Gagnon (Marc-André) : Juste
pour clarifier... Donc, vous doutez, même encore aujourd'hui, étant donné les
changements d'habitudes des gens, de la pertinence d'un troisième lien qui
serait dédié uniquement à du transport collectif?
M. Arseneau : Bien, nous, on
a proposé, encore une fois, un troisième lien qui serait en transport collectif
pour éliminer la possibilité qu'on fasse de l'étalement urbain avec l'auto solo,
qui continuerait d'être promue à travers un lien autoroutier. Mais est-ce que
moi, j'ai des études pour prouver qu'on aurait les moyens de le faire et que
l'achalandage serait à la hauteur des attentes, présentement, avec les
changements des trois dernières années? Est-ce qu'ils seront durables?
Moi, je pense que cette proposition-là
qu'on a faite... ce qu'on voudrait, c'est faire une étude approfondie pour voir
si, effectivement, c'est le meilleur moyen. On n'a pas la prétention d'avoir la
meilleure solution, mais une solution plus avantageuse que le gouvernement,
définitivement, puis, s'il y en a une meilleure encore, on est très ouverts au
débat.
Là-dessus, bien, je vous remercie beaucoup
de votre attention. Bonne journée.
(Fin à 9 h 46)