Conférence de presse de M. Matthias Rioux, député de Matane et président de la commission de la culture
Dépôt du rapport de la commission de la culture sur le Conseil des arts et les lettres du Québec et sur la Société de développement des entreprises culturelles
Version finale
Le jeudi 20 avril 2000, 12 h 03
Salle Evelyn-Dumas (1.30),
édifice Pamphile-Le May
(Douze heures trois minutes)
M. Rioux: Je remercie les gens de la presse d'être présents et je voudrais en profiter pour présenter les membres de la commission de la culture. J'ai le vice-président ici, à ma gauche, M. Cusano, qui est député de Viau, et Mme Line Beauchamp, qui est députée de Sauvé, le député de Saint-Hyacinthe, le député de Marguerite-D'Youville, M. François Beaulne, et le député d'Iberville, M. Bergeron. Il y a une petite correction dans le communiqué là, ça va vous être acheminé dans une minute ou deux.
Alors, les membres de la commission de la culture sont très fiers de déposer le rapport de leur mandat de surveillance d'organismes consacrés à la Société de développement des entreprises culturelles, de même que du Conseil des arts et des lettres du Québec. Il s'agit d'un rapport qui a été réalisé dans un esprit de concertation et qui se veut fidèle aux propos que nous avons entendus lors des auditions.
La commission a voulu faire siennes les grandes préoccupations des créateurs, des organismes artistiques, des entreprises culturelles. Sans pouvoir répondre à toutes les demandes qui ont été formulées, nous jugeons toutefois que ce rapport va pouvoir contribuer – on le souhaite, en tout cas – à l'amélioration des conditions de création, de production, de diffusion de tous les travailleurs du monde de la culture.
Il faut rappeler que la conjoncture et les événements ont quelque peu changé la donne au cours de notre mandat. C'est que la crise vécue dans le milieu de l'audiovisuel, la mobilisation des créateurs autour du Mouvement des arts et des lettres ont permis d'inscrire nos travaux dans le sens d'une réflexion plus large sur la politique culturelle du Québec, sur ses objectifs, ses retombées et, bien évidemment sur son financement.
Le rapport que je déposerai cet après-midi à l'Assemblée nationale aborde donc, dans un premier temps, trois éléments, trois à caractère général, qui sont contenus d'ailleurs dans l'ensemble de nos recommandations. Je vous rappelle que l'embargo est jusqu'au dépôt à l'Assemblée nationale.
D'abord, dans un premier temps, on s'est attardés à réfléchir sur le respect des prémisses de la politique culturelle du Québec, c'est-à-dire le respect du principe du guichet unique aux artistes et aux entreprises. Nous avons largement souligné que nous étions préoccupés par la multiplication des lieux de soutien et par la prolifération des fonds spéciaux qui ont cours actuellement. Notre rapport fait donc appel à la cohérence de l'action gouvernementale en matière de soutien au développement culturel, une cohérence qui va nécessairement aussi de pair avec un financement adéquat de la culture.
Le besoin de réinvestissements dans la création d'une distribution plus équitable des ressources entre les partenaires du milieu de la culture a également retenu énormément notre attention. Nous avons été interpellés par la triste condition de la majorité des créateurs dans notre société. Nous formulons donc des recommandations visant la création d'un fonds d'assurance-indemnisation pour les artistes et les travailleurs du milieu culturel afin de permettre à ceux-ci d'évoluer dans un environnement protégé et par un certain filet de sécurité sociale.
Nous recommandons donc la mise sur pied, également, d'un observatoire de la culture afin de doter le Québec d'un instrument efficace capable de documenter les grandes tendances et les besoins du milieu artistique de même que les entreprises culturelles. Enfin, un troisième point de consensus consiste à réintégrer l'importance de la démocratisation et la régionalisation de la culture au Québec.
Comme nous le soulignons à l'intérieur de notre rapport, il faut que le ministère de la Culture, le ministère de l'Éducation, le Conseil des arts et des lettres, la SODEC travaillent à rapprocher la culture de l'univers de tous et chacun. Il faut travailler à former les artistes et le public de demain aussi. Il faut aussi travailler à développer des conditions propices à la création et au maintien des industries culturelles en région, ce qui n'est pas toujours facile.
En ce qui a trait plus précisément au Conseil des arts et des lettres, plusieurs éléments ont retenu notre attention, et je voudrais en signaler quelques-uns. D'abord, le financement inadéquat du CALQ qui lui permettrait d'assumer ses responsabilités et de faire face à toutes les facettes de son mandat. La commission suggère donc fortement au gouvernement d'augmenter substantiellement et de façon récurrente le budget du Conseil des arts et des lettres.
Les jury, les comités des pairs au CALQ. Nous soutenons la demande visant la définition d'un code de déontologie plus étoffé pour les membres des jury et nous souhaitons également que leur composition reflète un peu plus la diversité ethnoculturelle, régionale et l'ensemble de la vie culturelle québécoise.
Difficultés actuelles du CALQ à offrir un soutien à plus long terme aussi aux associations. Nous appuyons cette recommandation des organismes culturels qui souhaitent un financement sur une base triennale.
La problématique des associations professionnelles. La commission considère qu'elles doivent être reconnues et recevoir un traitement équitable par rapport à leurs partenaires de l'industrie. On peut donner l'exemple, par exemple, des associations d'auteurs qui doivent négocier avec les grandes associations de producteurs, notamment des associations qui ont comme responsabilité de négocier des contrats, etc.
Le conseil d'administration du CALQ. Nous sommes d'accord que le mandat, que la demande visant à confier la présidence à une personnalité du milieu, c'est une bonne idée, avec celle visant également à élargir la composition du conseil. Les membres de la commission ont dit: Il n'y a peut-être pas de mal à faire entrer un peu plus d'oxygène dans la machine. Et, en élargissant le conseil à d'autres personnes qui ne sont pas nécessairement du milieu de la culture, ça peut aider.
En ce qui concerne la SODEC, maintenant. Je tiens à préciser et tout de suite qu'aucun témoignage ou mémoire soumis à la commission n'a fait mention de fraude, de malversation ou de rapports qui ont été entretenus avec cet organisme-là et le milieu de l'audiovisuel. Nous n'avons pas centré notre attention sur cette question, mais nous croyons tout de même que le suivi du rapport Lampron devrait être fait avec diligence. Parce que, dans le rapport Lampron, on retrouve des recommandations et on dit à la SODEC: Vous auriez peut-être intérêt à vous en inspirer, et rapidement.
Voici quelques éléments importants tirés des recommandations relatives à la SODEC. La SODEC doit préciser sa mission de banques d'affaires. Elle se doit de définir clairement ses champs d'intervention. Elle doit aussi réfléchir à son double rôle qui consiste à offrir un appui au développement culturel, tout en participant au développement économique du Québec et à la création d'emplois. Nous convions aussi la SODEC à un exercice de rigueur et de transparence. Le rapport Lampron faisait largement état de ce manque de transparence au sein de la société et il recommandait même une diffusion plus régulière d'information sur les aides octroyées par la SODEC, de même que toute la politique des crédits d'impôts.
En ce qui concerne la rigueur dans l'étude des dossiers des compagnies, la commission invite la SODEC à faire une étude approfondie de la santé financière de celle-ci avant d'octroyer une aide, et ce, afin de limiter les risques. Au fond, les membres de la commission ont dit: Lorsqu'on investit dans l'audiovisuel, il ne faut pas qu'il y ait seulement l'État ou une société comme la SODEC qui prenne des risques, il faudrait que tout le monde en mette, de l'argent.
Le partage de risques. La commission croit que la SODEC devrait viser et exiger un investissement personnel de la part des producteurs et de même, aussi, favoriser un meilleur partage du risque.
La diversification des outils financiers. Distinguer, par exemple, le champ d'action de la FICC et de la FIDEC pour que ces deux instruments soient complémentaires et non concurrents.
La commission recommande aussi au ministère des Finances d'évaluer l'impact sur les crédits d'impôts en matière de développement des entreprises culturelles.
Évidemment, je pourrais vous en parler encore longtemps, mais le temps presse. Mais je dois vous dire, en terminant, que nous sommes pas mal satisfaits, très satisfaits du travail qui a été accompli au cours de ce mandat. Nous sommes heureux d'avoir pu faciliter le dialogue entre les intervenants du milieu de la culture et les interlocuteurs respectifs du CALQ et de la SODEC. Nous sommes surtout confiants que nos recommandations vont améliorer le système de soutien à la création et aux industries culturelles. Pour être certains du suivi, nous allons convoquer d'ici un an le CALQ et la SODEC pour faire vérifier avec eux où est-ce qu'ils en sont dans leur réflexion et les modifications ou les changements qu'ils ont apportés à leur organisme. Au cours des prochaines semaines, nous allons rencontrer la ministre de la Culture et des Communications du Québec pour faire le point et aussi connaître ses réactions suite au dépôt de notre rapport. Alors, je vous remercie.
Alors, étant donné que nous sommes tous présents, ou à peu près, les membres de la commission, s'il y a des questions où vous vous sentez à l'aise pour répondre, je n'ai pas le monopole, ici, des réponses.
M. Delisle (Norman): M. Rioux, est-ce qu'on pourrait avoir quelques détails chiffrés concernant, notamment, votre recommandation n° 2 quant à la création d'un fonds d'assurance indemnisation et la recommandation n° 13 où on mentionne qu'il faudrait augmenter substantiellement et de façon récurrente le budget du Conseil des arts et lettres? Est-ce que vous pourriez nous chiffrer ça de manière plus précise?
M. Rioux: Vous chiffrer ça, là, ça serait très difficile. Et je sais que c'était une idée qui était très chère au député de Marguerite-D'Youville, François Beaulne, qui est ici présent. Mais on s'est dit: Nous, on n'avait pas l'équipement pour chiffrer notre recommandation. On n'avait pas ce qu'il fallait pour le faire. Mais soyez assuré d'une chose, par exemple, au cours des prochaines semaines, très certainement, lorsqu'on aura nos rencontres avec la ministre, on sera mieux équipés pour donner des chiffres et tenter de circonscrire, aussi, cette recommandation d'un peu plus près. Mais ce qu'on vise surtout, c'est de vraiment alerter le gouvernement, et la ministre de la Culture surtout, pour qu'on comprenne bien qu'il y a des artistes, des créateurs au Québec qui font une carrière extraordinaire, qui travaillent très dur pour faire leur marque dans le milieu, mais qui vivent dans un état de pauvreté qui est absolument lamentable. Nous, on a reçu ce message-là et on s'est dit: Il faut lutter contre ça. Et on va prendre nos responsabilités et on va recommander au gouvernement qu'il y a moyen d'agir là-dedans.
Je prends juste, par exemple, le filet de la santé et de la sécurité. Il y a des artistes qui sont venus nous dire qu'ils travaillaient dans des milieux absolument insalubres. On s'est dit: Écoute, la CSST, ça existe au Québec, les milieux de travail sont protégés. On se demande bien pourquoi le milieu de la culture ne le serait pas.
Maintenant, quant à l'augmentation des budgets du CALQ, nous, on n'a pas décidé de mettre 100 millions sur la table ou 70 millions ou 45 millions. Ce qu'on a constaté, c'est que, pour répondre aux exigences de la politique culturelle du Québec, le CALQ manque de ressources, manque de financement. Et ce qu'on dit au gouvernement puis ce qu'on dit à Mme Maltais, c'est que la CALQ, ça lui prend plus d'argent pour assumer sa mission et le faire en tout respect des politiques gouvernementales.
M. le député de Saint-Hyacinthe. M. Dion: Oui. Dans le même d'ordres d'idées – et je pense qu'il y a une recommandation dans le rapport qui est une clé par rapport à tout ce qu'on a dit au sujet de l'augmentation, qui est l'Observatoire du monde de la culture – je pense que ça va permettre à tout le monde d'avoir une idée plus exacte et de faire des évaluations qui soient plus faciles à soutenir quant aux besoins du monde de la culture.
M. Rioux: Je te remercie de le souligner, hein, parce que c'est vrai que si on est doté d'un Observatoire de la culture, on va pouvoir faire dans ce milieu-là comme dans tous les autres milieux, industriel, commercial ou autres, on va faire des évaluations plus serrées, plus réalistes et on va pouvoir peut-être y répondre aussi plus facilement. Oui, Mme Beauchamp.
Mme Beauchamp: Pour tout de même donner un ordre de grandeur, vous allez retrouver dans le rapport que le Conseil des arts et des lettres, par sa présidente, devant nous, a parlé d'un chiffre de 30 millions qu'elle souhaitait, bien que la ministre – en crédits la semaine passée – nous a précisé que, finalement, dans sa demande chiffrée par écrit à la ministre, le CALQ aurait demandé 26 millions. Mais devant la commission, le CALQ a demandé 30 millions en précisant que, sur deux ans, elle souhaitait effectivement que ça se rapproche plus de la revendication du Mouvement des arts et des lettres qui, lui, demandait immédiatement 45 millions supplémentaires au budget du CALQ.
M. Rioux: Au fond, l'argumentaire du MAL était simple, hein. C'est de dire: Ça fait cinq ans que le CALQ existe et son budget n'a jamais été augmenté. Alors, le MAL est venu dire haut et fort – et puis je pense que leur message a bien passé – c'est que cet organisme-là souffre de sous-financement. Et, d'ailleurs, la présidente l'a reconnu elle-même. Je pense qu'on n'annonce rien à personne. Mais mous, par exemple, comme députés, on dit au gouvernement et on dit à la ministre: Le 12 millions qui a été mis rapidement lors du budget du ministre Landry, qui est non récurrent d'ailleurs, ne règle pas le problème. Même si le MAL a dit: Oui, c'est très bien, on accueille ça comme une excellente nouvelle – ça a calmé le jeu, en tout cas, très certainement – on sait bien que, à plus long terme, il va falloir mettre plus d'argent. Oui, François.
M. Beaulne: Oui, simplement pour revenir sur la question du régime d'indemnisation, du Fonds d'indemnisation, l'idée, ce n'était pas de chiffrer ça pour les raisons qu'a indiquées le président, mais c'est surtout de souligner l'importance d'examiner la mise sur pied d'un régime d'indemnisation. On ne s'est pas avancé dans les détails parce que ça peut prendre différentes formes, ça pourrait être greffé à la CSST, ça pourrait être repris par une autre branche du gouvernement. Mais le principe est énoncé et, d'ailleurs, c'est un principe qui avait bien plu à l'éditorialiste du journal La Presse , Mario Roy, qui avait indiqué, à l'époque, que c'était une des principale recommandation qu'il trouvait intéressante parmi celles qui avaient été discutées. Alors, nous, on ne veut pas se lancer dans des précisions qui pourraient entraîner des chevauchements, alors on laisse ça aux experts de déterminer comment, où et de quelle manière ça va être greffé, soit au programme existant ou créé de toutes pièces.
M. Rioux: Il y aurait peut-être une petite remarque sur l'observatoire dont j'ai parlé tout à l'heure. Nous, dans notre rapport, on ne recommande pas de greffer l'observatoire à une place plutôt qu'à une autre, on pense que ça mérite un examen sérieux et que, à un moment donné, il va falloir se brancher, par exemple, où est-ce qu'on installe cet observatoire pour qu'il soit efficace, bien financé et qu'il réponde véritablement aux besoins du milieu, c'est-à-dire non seulement les industries, mais aussi les créateurs.
Je voudrais, à la toute fin, en dernier, vous dire qu'a régné au sein de la commission pendant tous ces travaux un esprit d'ouverture extraordinaire. Je voudrais rendre hommage à mes collègues députés ministériels, je veux rendre hommage aussi aux députés de l'opposition qui ont joué un rôle très constructif, et ça nous a permis de travailler dans un climat de confiance totale. Et on s'est parlé souvent et on s'est rencontrés souvent, écoutez, on a tenu plus que 20 rencontres, ce n'est pas fréquent que des commissions se rencontrent à 20 reprises. Ça veut donc dire que ce travail-là, on l'a fait sérieusement, on le dépose aujourd'hui; ce qu'on souhaite, c'est que tous les députés le lisent, et je suis convaincu que les créateurs en seront ravis. Alors, merci beaucoup.
M. Cloutier (Mario): M. Rioux, si vous permettez?
M. Rioux: Oui?
M. Cloutier (Mario): Je m'excuse, si on peut avoir une autre question, M. le Président?
M. Rioux: Allez, allez.
M. Cloutier (Mario): Une précision, en fait, sur votre toute première recommandation concernant la prolifération du soutien des fonds spéciaux, vous citez Mme Lavigne. Mme Lavigne, je crois, en commission parlementaire, mentionnait le fait que, dans les cartons du CALQ existait aussi un projet de fonds de stabilisation. Est-ce que, dans le fond – dans le fond du fonds – au fond du fonds, là, pour savoir votre fond là-dessus...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cloutier (Mario): ...ce n'est pas votre avis qu'un tel fonds devrait se retrouver au CALQ? Est-ce que ce n'est pas le corollaire de ce que vous dites dans votre première recommandation?
M. Rioux: Quelque part, on se rejoint, je sais que Mme Lavigne l'a évoqué, mais nous, on voudrait examiner la question dans une perspective où ce fonds soit créé et qu'il soit efficace, puis que sa mission soit clairement définie. Dans les propos de Mme Lavigne, moi, je n'ai pas senti qu'il y avait une très grande clarté au niveau de la définition de la mission. Alors, nous, on se donne cette chance-là, de bien réfléchir à ça puis d'aller plus loin, le moment venu, avec la ministre et le gouvernement.
Alors, je voudrais remercier tout le monde puis, encore une fois, remercier mes collègues, et on va essayer de faire du millage avec ça. Merci.
(Fin à 12 h 22)