Conférence de presse de Mme Diane De Courcy, ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles
Dépôt d'une nouvelle Loi sur l'immigration au Québec
Version préliminaire
Cette transcription est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs.
Le mardi 18 février 2014, 15 h 45
Salle Evelyn-Dumas (1.30),
édifice Pamphile-Le May
15 h 51 (version non révisée)
Mme De
Courcy
:
…date de 1968. Plusieurs changements sont intervenus depuis cette date, notamment
l'Accord Canada-Québec relatif à l'immigration. Bien que des amendements y
aient été apportés au cours des ans, la loi n'a jamais été refaite. Il faut
qu'elle reflète les enjeux actuels liés à la sélection des personnes
immigrantes, à la francisation, à la régionalisation, aux relations
interculturelles et à l'intégration économique, particulièrement en emploi.
Le gouvernement du Québec a récemment
ajouté 13,5 millions pour la francisation des personnes immigrantes; un
investissement sans précédent depuis des années. Plus de 30 000 personnes
utilisent cette année nos services au Québec ou à l'étranger. Pourtant, la
notion de francisation n'existe pas dans la loi. Nous avons accéléré le
développement de nos services d'intégration, notamment en misant sur la
préparation des candidats dès l'étranger et en s'assurant que, lorsque les immigrants
ont fini d'utiliser nos services, ils n'aient pas à recommencer à zéro en
arrivant à Emploi-Québec. Pourtant, la notion d'intégration, encore moins celle
d'intégration en emploi, n'existe pas dans la loi.
Nous travaillons avec chacune des régions afin
que 25 % des nouveaux arrivants s'installent à l'extérieur de la région
métropolitaine de Montréal d'ici 2020, par rapport à 20 % actuellement.
Pourtant, la notion de régionalisation n'existe pas dans la loi. Une nouvelle
loi est donc nécessaire pour l'ajuster à la réalité moderne de l'immigration et
au service du ministère.
La deuxième raison pour laquelle il nous
faut une nouvelle loi de l'immigration, c'est pour sélectionner les meilleurs.
Environ 50 000 immigrants par année arrivent au Québec; 15 000
d'entre eux arrivent en vertu de programmes humanitaires ou de réunification
familiale. Dans ces domaines, l'essentiel des pouvoirs est au gouvernement
fédéral, et il va de soi qu'un Québec souverain assumerait aussi ses
responsabilités humanitaires.
Donc, le Québec sélectionne environ
35 000 personnes en vertu des programmes d'immigration économique. Pour
ces programmes, le Québec a besoin de choisir les meilleurs talents pour
assurer son développement et la protection de la langue française. Nos interventions
dans ces domaines se déroulent dans un contexte international où la concurrence
est très forte. Ici, on ne parle plus d'ajuster la loi à la réalité, ce qui est
bien sûr nécessaire, mais de transformer en profondeur notre façon de choisir environ
35 000 des 50 000 immigrantes et immigrants qui s'installent au
Québec chaque année. C'est sûrement le changement le plus important que propose
le projet de loi.
Pour bien comprendre, il faut voir comment
on fait actuellement. Quand je suis arrivée au ministère, il y avait près de
100 000 dossiers en attente, tous analysés selon la bonne vieille méthode
du premier arrivé, premier servi. Dans certains cas, il se passait cinq ans
entre la réception du dossier et son analyse. Aujourd'hui, il y a environ
80 000 dossiers en attente. C'est moins pire, mais c'est quand même
beaucoup trop. Le Québec est perçu comme…
15 h 54 (version non révisée)
Mme De Courcy
:
…certains cas, il se passait cinq ans entre la réception du dossier et son
analyse. Aujourd'hui, il y a environ 80 000 dossiers en attente. C'est
moins pire, mais c'est quand même beaucoup trop. Le Québec est perçu comme une
destination de choix, et nous voulons que cela reste ainsi. Mais nos délais
de traitement actuels sont trop longs. Nos délais sont trop longs pour les
personnes immigrantes, qui mettent leurs projets de vie entre parenthèses en
attendant notre réponse. Ce n'est vraiment pas un signal d'ouverture aux
personnes immigrantes. Nos délais sont aussi trop longs pour la société
québécoise, puisque nous choisissons, aujourd'hui, en fonction des dossiers
reçus il y a quelques années et des besoins du Québec d'il y a quelques années.
Ce n'est vraiment pas un signal d'ouverture aux personnes immigrantes. Nous en
sommes là parce que le Québec est une terre d'immigration populaire, c'est un
beau problème, mais aussi parce que le gouvernement libéral n'a rien fait pour
s'ajuster, et ce malgré tous les discours d'ouverture. Pour le gouvernement
libéral, tant qu'on laissait entrer le nombre prévu d'immigrants, peu lui importait
qu'ils aient attendu des années, peu lui importait qu'ils aient été
sélectionnés en fonction du marché du travail de cinq ans plus tôt, et peu lui
importait qu'ils soient laissés à eux-mêmes à leur arrivée. Le gouvernement
libéral confondait ouverture et laissez-faire.
Dans le cadre actuel, nous avons limité
les dommages, mais il est temps de faire différemment et de faire mieux. Le
Québec et celles et ceux qui y vivent méritent que l'on fasse différemment et
que l'on fasse mieux. Ce que je propose dans ce projet de loi, c'est de rendre
possible la mise en place d'une gestion des demandes basée sur une déclaration
d'intérêt. Il s'agit d'une méthode en deux étapes : d'abord, les gens
s'inscrivent et déclarent leur intérêt à immigrer au Québec; ensuite, le Québec
décide quelles personnes sont invitées à déposer une demande d'immigration en
fonction de nos besoins et de leurs compétences. Il ne s'agit pas d'aller
chercher une personne précise pour l'embaucher dans une entreprise précise.
Pour l'université qui veut embaucher un professeur, pour le Cirque du Soleil
qui veut, par exemple, embaucher un acrobate, et pour la firme informatique qui
veut embaucher un programmeur, le programme des travailleurs temporaires
continuera d'exister. De plus, l'employeur qui veut embaucher plus d'un
travailleur pour le même type d'emploi n'aura maintenant qu'une seule démarche
à faire. Bien sûr, si le travailleur temporaire veut rester parmi nous pour
toujours, sa demande sera facilitée et traitée rapidement comme c'est le cas
maintenant. Il s'agit plutôt d'aller chercher des groupes de personnes
qualifiées, par exemple des ingénieurs spécialisés en électrification des
transports, des travailleurs miniers qui contribueront au Nord pour tous, ou
des orthophonistes pour nos écoles.
Cette méthode comporte de nombreux
avantages. La déclaration d'intérêt permettra de tirer parti du grand nombre de
demandes plutôt que d'engorger le système. La popularité du Québec deviendra
enfin un avantage en augmentant le bassin dans lequel recruter. La déclaration
d'intérêt permettra de…
15 h 57 (version non révisée)
Mme De
Courcy
:
…permettra de tirer parti du grand nombre de demandes plutôt que d'engorger le système.
La popularité du Québec deviendra enfin un avantage en augmentant le bassin
dans lequel recruter. La déclaration d'intérêt permettra de constituer une
banque de candidats et d'y choisir en continu ceux qui sont les plus aptes à
répondre aux besoins d'un secteur d'activités d'une région, d'une entreprise.
La déclaration d'intérêt permettra
d'accélérer le processus d'immigration. Les bonnes candidatures n'auront plus à
mettre leurs projets de vie entre parenthèses en attendant la réponse du
Québec.
La déclaration d'intérêt permettra enfin
de réduire considérablement le temps consacré au traitement des demandes d'immigration.
Puisque nous n'étudierons plus en détail chaque dossier reçu, nous n'aurons
plus à gérer des inventaires. Nos ressources et nos efforts seront ainsi mieux
investis.
La troisième raison pour laquelle il nous
faut une nouvelle loi de l'immigration, c'est pour renforcer la rigueur,
autrement dit l'intégrité de nos programmes d'immigration. Le processus de
reconnaissance des consultants en immigration sera mieux encadré. Ils seront
tenus de démontrer la véracité des renseignements fournis à l'appui de leurs
demandes de permis.
Il faut que le Québec ait les leviers
nécessaires pour prévenir et réprimer la fraude, pour mieux protéger les
personnes immigrantes.
En conclusion, je rappelle que le
ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles a investi beaucoup
d'efforts pour moderniser ces processus et améliorer ses services aux personnes
immigrantes. À titre d'exemple, il sera bientôt possible d'émettre l'évaluation
comparative des études de l'immigrant dès l'étranger puisqu'on veut qu'il se
prépare avant même d'arriver au Québec. C'est la moindre des choses. Mais un
tel retard informatique avait été pris que les gens doivent encore déposer
leurs demandes à leur arrivée au Québec.
Je suis fière d'avoir contribué à
accélérer cette modernisation et d'avoir contribué à mieux définir la cohérence
et la continuité de nos interventions en matière d'immigration, de
francisation, de régionalisation et d'intégration économique, particulièrement
en emploi.
Pour compléter cette modernisation,
l'adoption de ce projet de loi est nécessaire. Comme c'est mon habitude, j'ai
consulté cet automne les grands partenaires patronaux, syndicaux,
communautaires du milieu universitaire ainsi que du Migration Policy Institute,
un institut spécialisé basé à Washington et Bruxelles. Ces consultations ont
renforcé ma conviction d'être sur la bonne voie. J'espère maintenant que
l'Assemblée nationale, sous cette législature ou sous la prochaine, saura
étudier sérieusement et adopter rapidement l'essentiel de ce projet de loi.
Après nous être donné cette méthode efficace de sélection, il sera aussi
nécessaire de revoir l'énoncé de politique en immigration, qui a du mérite,
mais qui a vieilli depuis son adoption sous le gouvernement Bourassa.
Finalement, dans environ un an, la
consultation sur les niveaux d'immigration 2016‑2020 pourra se tenir sur de
bonnes bases.