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(Dix heures vingt-huit minutes)
Le Président (M. Lafrance): Veuillez prendre place, s'il
vous plaît! Si vous voulez prendre place, s'il vous plaît, nous
allons débuter. Je réalise que nous avons le quorum. J'aimerais
donc déclarer cette vingt-sixième séance de travail
ouverte, en rappelant à tous les membres que le mandat de notre
commission est de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 125, Code civil du Québec. Mme
la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Bleau
(Groulx) est remplacée par M. MacMillan (Papineau) et M. Hamel
(Sherbrooke) par Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata).
Le Président (M. Lafrance): Merci. J'aimerais vous
rappeler l'horaire pour ce matin. Nous avons convenu d'avoir une séance
de travail jusqu'à 12 h 30. On m'avise aussi que M. le ministre sera ici
d'une minute à l'autre puisqu'il est en route. Avec la
température actuelle, il est aux prises avec un problème de
trafic. Je vous rappelle que nous étions au livre dizième qui
traite du droit international privé et des dispositions
générales. Nous en étions au titre deuxième de ce
livre dizième, le titre deuxième qui traite des conflits de lois,
au chapitre troisième qui traite du statut des obligations et, de
façon plus précise, à la section II, c'est-à-dire
des dispositions particulières, et au sous-paragraphe troisième,
Du contrat de consommation.
Nous avions convenu, lors de notre dernière séance de
travail, de reprendre avec l'article 3094 que nous avions suspendu. En fait,
nous avions suspendu l'article 3094, appelé l'article 3095,
décidé, si vous vous souvenez, d'ajourner les travaux et convenu
de revenir sur l'article 3094. Alors, s'il n'y a pas de commentaires de
début de travaux, j'aimerais en conséquence appeler cet article
3094 qui n'a pas été amendé, je pense. Oui, Mme la
députée de Terrebonne.
Des conflits de lois Du statut des obligations
(suite)
Mme Caron: Oui, M. le Président. J'ai continué mes
réflexions sur l'article 3094 et, après vérification aussi
des articles suivants, dont principalement l'article 3127, après avoir
aussi pris connaissance auprès de Me Ouellette à l'effet qu'il y
aurait un amendement à 3145, donc, M. le Président, je serais
prête à passer à l'adoption de cet article dont j'avais
demandé la suspension.
Le Président (M. Lafrance): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Oui, c'est ça que je pense. Mme la
députée a dit qu'il est possible de l'adopter.
Le Président (M. Lafrance): Oui, oui. M. Kehoe:
D'accord.
Le Président (M. Lafrance): II n'y a pas de commentaires
additionnels? Ça va? Donc, l'article 3094 est adopté tel quel.
J'appelle maintenant l'article 3095 qui parle du contrat de travail.
M. Kehoe: II n'y a pas de modification encore, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Aucun amendement? Merci.
Mme Harel: M. le Président, c'est un article de droit
nouveau. Je crois comprendre qu'il s'inspire d'une convention internationale;
il serait certainement souhaitable que l'on nous explique la portée de
cette disposition à 3095.
M. Kehoe: Madame, ça s'inscrit dans la Convention de Rome
de 1980, et je demanderais au professeur Pineau de nous donner
l'explication.
Le Président (M. Lafrance): Certainement. Alors, Me
Pineau.
M. Pineau (Jean): Merci, M. le Président. L'article 3095
relatif au contrat de travail procède du même esprit que l'article
3094 relatif au contrat de consommation. Les parties peuvent choisir la loi qui
leur serait applicable, mais ce choix ne pourrait avoir pour résultat de
priver le travailleur de la protection que lui assurerait la loi ou les
dispositions imperatives, plus précisément, de la loi de
l'État où, normalement, il travaille. Donc, il est
protégé dans la mesure où il ne peut pas obtenir moins que
ce que lui procure la loi de son État, mais, en revanche, il pourrait
éventuellement obtenir plus si effectivement la loi qu'il choisit lui
est pour plus favorable que la loi de son propre État.
Mme Harel: II s'agit donc de droit supplétif. C'est en
l'absence de désignation des parties que s'applique à ce
moment-là la loi de l'État où le travailleur accomplit
habituellement son travail ou la loi de l'État où son employeur a
son domicile ou son établissement. C'est bien ça?
M. Pineau: C'est ça.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. S'il n'y a pas d'autres
commentaires, l'article 3095 est donc adopté tel quel. J'appelle
maintenant l'article 3096 qui touche la question du contrat d'assurance
terrestre.
M. Kehoe: M. le Président, il y a un amendement à
l'article 3096. L'article 3096 est modifié par l'ajout, à la
première ligne du deuxième alinéa, après le mot
"collective'' des mots "de personnes".
L'amendement proposé établit une concordance avec
l'article 2376. En raison de cet amendement, l'article 3096 se lira comme suit:
"Malgré toute convention contraire, le contrat d'assurance qui porte sur
un bien ou un intérêt situé au Québec ou qui est
souscrit au Québec par une personne qui y réside, est régi
par la loi du Québec dès lors que le preneur en fait la demande
au Québec ou que l'assureur y signe ou y délivre la police. "De
même, le contrat d'assurance collective de personnes est régi par
la loi du Québec, lorsque l'adhérent a sa résidence au
Québec au moment de son adhésion. "Toute somme due en vertu d'un
contrat d'assurance régi par la loi du Québec est payable au
Québec."
Le Préskient (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Chapleau. Est-ce qu'il y aurait des commentaires
touchant cet article 3096 tel qu'amendé?
Mme Harel: Dois-je comprendre que l'amendement a pour effet
d'écarter le contrat d'assurance collective de dommages à
l'application de 3096?
Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Pineau. M. Kehoe:
Oui, M. Pineau.
M. Pineau: La réponse est affirmative, M. le
Président. Excusez-moi.
Mme Harel: Alors, quel est le droit qui s'appliquerait à
l'égard du contrat d'assurance collective de dommages dans le droit
international privé? On dit avec l'amendement, au deuxième
alinéa: "De même, le contrat d'assurance collective de personnes
est régi par la loi du Québec, lorsque l'adhérent a sa
résidence au Québec au moment de son adhésion."
Le contrat d'assurance collective de dommages serait régi par
quelle loi à ce moment-là?
M. Pineau: Le contrat d'assurance collective de dommages ne
serait donc pas possible au Québec. Donc, ça ne serait pas un
contrat d'assurance collective de dommages qui serait conclu ici, il ne serait
pas valable.
Mme Harel: Et si ce contrat d'assurance collective de dommages
était conclu à l'extérieur du Québec?
M. Pineau: Si c'était conclu à l'extérieur
du Québec, je pense qu'on ne pourrait pas... On appliquerait les
règles générales de 3089 et suivants. Et, dans ce
contexte-là, sur le fonds des actes juridiques, les tribunaux appliquent
la loi de l'État qui, compte tenu de la nature de l'acte et des
circonstances qui l'entourent, présentent les liens les plus
étroits avec cet acte, s'il n'y a pas eu désignation d'une loi
particulière.
Mme Harel: Est-ce que le député de Chapleau qui
remplace le ministre...
M. Kehoe: Qui arrivera dans quelques minutes, entre
parenthèses, madame.
Mme Harel: D'accord. On peut peut-être suspendre
jusqu'à son retour. Je voudrais juste l'entendre nous dire qu'il est de
sa volonté de demander à l'Institut de réforme du droit
d'étudier cette question.
M. Kehoe: Premièrement, c'est difficile de répondre
pour le ministre. Mais bien sûr que, jusqu'à date, vous avez
noté sa coopération. Chaque fois qu'il a eu une demande
semblable, il a toujours répondu dans l'affirmative. Personnellement, je
ne peux pas prendre d'engagement pour lui, mais je suis sûr que vous
pourrez lui formuler votre question lorsqu'il arrivera dans quelques minutes.
Vous pourriez procéder à l'adoption de l'article
immédiatement puis formuler la demande dès son
arrivée.
Mme Harel: Très bien, on va suspendre jusqu'à son
retour.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Chapleau. Donc, l'article 3096 est laissé en
suspens tel qu'amendé. J'appelle maintenant l'article 3097 qui touche la
question de la cession de créance.
M. Kehoe: II n'y a pas d'amendement, M. le Président.
Mme Harel: II s'agit également, M. le Président,
d'un article de droit nouveau. Alors, peut-on demander au député
de Chapleau de nous en faire connaître la portée?
M. Kehoe: Encore une fois, Mme la députée, il
s'agit d'une loi qui s'inspire de la Convention de Rome et des applications
contractuelles de la loi suisse fédérale sur le droit
international
privé. Pour les détails, je demanderais au professeur
Pineau de les expliquer.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, à la cession de
créance, nous avons trois personnes qui sont liées: le
créancier cédant, le débiteur cédé et le
cessionnaire. L'article 3097 vient dire simplement que le caractère
cessible de la créance, de même que la façon dont les
rapports entre, d'une part, cessionnaire et débiteur cédé
ou les rapports entre débiteur cédé et créancier
cédant sont régis par la même loi, n'est-ce pas.
L'opération est soumise à la même loi. Cela répond
ainsi à une question qui aurait pu se poser dans l'hypothèse
où cette précision n'aurait pas été
apportée: Est-ce que les rapports cédé-cédant sont
régis par la même loi que les rapports
cession-naire-débiteur cédé?
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, Me Pineau.
Donc, l'article 3097 est adopté tel quel. J'appelle maintenant l'article
3098 qui traite de la question de l'arbitrage.
M. Kehoe: II y a un amendement, M. le Président. À
la fin de l'article 3098, les mots "du Québec si l'arbitrage s'y
déroule" sont remplacés par les mots "de l'État où
l'arbitrage se déroule".
M. le Président, l'amendement proposé vise à
bilatéraliser l'article. En raison de cet amendement, l'article se
lirait comme suit: "En l'absence de désignation par les parties, la
convention d'arbitrage est régie par la loi applicable au contrat
principal ou, si cette loi a pour effet d'invalider la convention, par la loi
de l'État où l'arbitrage se déroule."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le
député de Chapleau. Est-ce qu'il y aurait des commentaires sur
cet article 3098 tel qu'amendé?
M. Holden: M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le
député de Westmount.
M. Holden: Un arbitrage peut se dérouler... Par exemple,
je fais partie d'une commission d'arbitrage qui a siégé à
Montréal et à Los Angeles.
M. Kehoe: Justement, l'article dit "en l'absence", lorsque les
parties ne s'entendent pas. Si les parties s'entendent, ça peut
être contractuel entre les deux parties, elles peuvent s'entendre sur
l'endroit où ça peut se dérouler.
M. Holden: Mais on peut siéger dans deux États:
moitié du temps aux États-Unis et moitié du temps au
Canada.
M. Kehoe: J'imagine que les parties, à ce
moment-là, vont prévoir dans l'entente où elles vont
siéger.
M. Holden: Sinon, c'est le cas de non-entente.
M. Kehoe: En l'absence... c'est ça que l'article
3098...
M. Holden: Mais disons qu'il n'y a pas d'entente et qu'on
siège dans deux États différents.
M. Kehoe: Je pense que sûrement... M. Holden: Alors,
quelle loi s'applique?
M. Kehoe: Ce serait malhabile pour les parties de siéger
à deux endroits différents sans s'entendre d'avance sur quelle
loi va s'appliquer. J'imagine qu'il va y avoir une convention.
M. Holden: Oui, oui, on imagine toutes sortes de choses. Moi,
j'imagine le cas où il n'y a pas d'entente et où on siège
dans deux pays différents.
M. Pineau: Sur la même affaire?
M. Holden: Comment?
M. Pineau: Sur la même affaire?
M. Holden: Sur la même affaire. C'est vrai que,
normalement, on se met d'accord, mais c'est pour le cas où on ne se met
pas d'accord.
M. Kehoe: M. le député, c'est sûr que ce sera
l'endroit où le contrat principal a été passé. Si
c'était adopté et si c'était un contrat signé ici,
au Québec, j'imagine... pas j'imagine, ça serait la loi de la
province de Québec qui s'appliquerait. Si le contrat était
passé aux États-Unis... C'est l'endroit où le contrat
principal a été passé. C'est justement. À la
deuxième ligne de cet article, il est bien dit "si cette loi a pour
effet d'invalider la convention". C'est sous-entendu qu'il y a une convention
entre les parties.
Une voix: C'est ça.
M. Kehoe: Et c'est où la convention a été
passée que la loi s'appliquerait.
M. Holden: C'est très intéressant, parce que,
justement, dans le cas qui me préoccupe, il y a un argument sur la
validité et ils vont s'adresser à la Cour supérieure pour
avoir une décision sur la validité. Si la Cour dit que la
convention n'est pas valide, est-ce qu'on va appliquer la loi d'un autre
État ou...
M. Kehoe: On va appliquer la loi qui tend à valider le
contrat, la loi où le contrat a été passé
initialement, la loi de l'endroit où le contrat a été
rédigé, et passé, et signé entre les parties. (10 h
45)
M. Holden: En tout cas, on va voir ce que la Cour
supérieure décidera dans notre cas mais... Ha, ha, ha!
M. Kehoe: Ah! je suis sûr qu'elle va suivre nos avis.
M. Holden: Mais quand on dit "où l'arbitrage se
déroule", ça présume que ça ne se déroule
que dans un pays, et ce n'est pas le cas souvent dans les arbitrages. Ça
peut se dérouler dans plusieurs pays.
M. Kehoe: C'est sûr mais, au bout de la ligne, c'est
l'endroit où on tente de valider le contrat qui aura la juridiction.
Ça va sans dire dans le cas où l'arbitrage se déroule
à cet endroit-là aussi.
M. Holden: En tout cas...
Le Président (M. Lafrance): Merci.
M. Holden: Ce n'est pas clair dans - mon esprit mais c'est
peut-être clair dans l'esprit de tout le monde, alors...
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
de Terrebonne.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Non, pour rassurer le
député de Westmount, ce n'est pas clair dans la tête de
plusieurs, et même la Chambre des notaires avait recommandé
fortement l'inclusion d'une règle de conflit pour ces
contrats-là, lorsqu'il y avait absence de désignation de la loi
dans l'article. On avait fait une recommandation à cet effet. Pourquoi
n'a-t-on pas tenu compte de cette recommandation-là?
M. Kehoe: Je vais demander au professeur Pineau.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Pineau.
M. Pineau: Merci, M. le Président. Je m'excuse, mais je ne
suis pas sûr de vous avoir suivi, j'ai été distrait.
Mme Caron: Dans la même ligne que le député
de Westmount, la Chambre des notaires elle-même avait
recommandé...
M. Pineau: Oui.
Mme Caron: ...à la commission d'inclure une règle
de conflit pour ses contrats. Pourquoi n'a-t-on par retenu cette
recommandation?
M. Pineau: Pour la convention d'arbitrage? Je pense que l'article
3098 répond à cette...
Mme Caron: Non, pour les contrats de construction, les contrats
d'entreprises et de services.
M. Pineau: Ah!
Mme Caron: On voulait qu'on l'ajoute suite à l'article
3098.
M. Pineau: Oui, parce qu'il n'y avait pas lieu de faire un cas
particulier de ces contrats qui sont des contrats particuliers. La règle
générale s'applique à ces contrats, aux contrats que vous
venez de désigner, comme à n'importe quel contrat. Il n'y a pas
de règle particulière pour ces contrats de nature
particulière.
M. Kehoe: La règle générale, c'est l'endroit
où la convention d'arbitrage est régie par la loi applicable au
contrat principal, où le contrat principal a été
rédigé.
M. Pineau: Quelle que soit la nature du contrat.
Mme Caron: Mais le problème soulevé par le
député de Westmount reste entier, en cas de conflit.
M. Pineau: Mais le problème soulevé par M. le
député de Westmount, M. le Président, je ne suis pas
sûr qu'il ne puisse pas se résoudre conformément à
l'article 3098. Si je comprends bien, il n'y a pas eu de désignation de
la loi par les parties. Donc, la convention d'arbitrage est régie par la
loi applicable au contrat principal. À supposer que la loi applicable au
contrat principal aurait pour effet d'invalider la convention d'arbitrage,
à ce moment-là, cette convention d'arbitrage serait soumise
à la loi de l'État où l'arbitrage se déroule. Je
suppose, M. le Président, que les arbitres vont se réunir
à un endroit donné et c'est là où l'arbitrage se
déroule tout au moins au départ. Je suppose que la
première question que les arbitres auront à se poser, ça
sera celle-ci: Quelle est la loi applicable? Ils désigneront alors leur
loi applicable. Ça se déroule ici ou ça se déroule
ailleurs.
M. Holden: S'il y a désaccord, sur quelle loi doit-elle
s'appliquer?
M. Pineau: S'il y a désaccord entre les arbitres, je
suppose que les arbitres... S'il y a un arbitre unique, il n'y aura pas de
désaccord; s'il y a trois arbitres, il y a la loi de la majorité
qui, à ce moment-là, s'impose.
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président. Je voudrais faire
écho aux remarques de ma collègue de Terrebonne et aux
recommandations inscrites dans le mémoire de la Chambre des notaires
à la page 54, à l'effet que les contrats de construction, les
contrats d'entreprises ou les contrats de services devraient plutôt
bénéficier du même traitement que les contrats de
consommation, ou les contrats de travail, ou les contrats d'assurances
terrestre qui, eux, font l'objet de dispositions particulières. Est-ce
qu'il ne serait pas souhaitable que les contrats de construction, les contrats
d'entreprises, les contrats de services fassent l'objet de dispositions comme
les autres contrats que j'ai mentionnés tantôt, de manière
à clarifier non seulement le principe général... Je sais
qu'on peut retrouver le principe général à l'article 3089
- c'est bien le cas, c'est ça? - mais la Chambre recommandait fortement
l'inclusion d'une règle de conflit pour les contrats de construction,
d'entreprises ou de services, à l'effet qu'en l'absence de
désignation de la loi dans l'article il est présumé que la
loi applicable est la loi du lieu d'exécution du contrat. Est-ce que
vous considérez que ce serait faire oeuvre utile que d'inclure de telles
dispositions dans le Code?
M. Pineau: M. le Président, nous n'avons trouvé
aucune jurisprudence, aucune convention internationale, aucune
législation étrangère qui comporte une pareille
disposition.
M. Holden: Les notaires ont de l'imagination.
Mme Harel: Innovateurs, innovateurs. M. Holden: C'est
ça.
Mme Harel: Me Talpis n'est pas des nôtres. C'est
sûrement la tempête.
M. Holden: C'est le grand expert dans ce domaine.
Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres
commentaires sur cet article 3098, l'article 3098 est adopté tel
qu'amendé. Nous en arrivons maintenant à la sous-section qui
traite du régime matrimonial. J'aimerais appeler les articles 3099, 3100
et 3101.
M. Rémillard: II n'y a pas de modification, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): II n'y a aucun amendement.
Merci, M. le ministre.
Mme Harel: M. le ministre, nous comprenons que vous avez
traversé la tempête!
M. Rémillard: II y a comme ça parfois des
tempêtes qu'il faut traverser.
Mme Harel: Vous avez l'air d'en être sorti indemne.
M. Rémillard: Intact, je dirais.
Mme Harel: Intact?
M. Rémillard: D'aplomb, d'aplomb.
Le Président (M. Lafrance): Alors, est-ce qu'il y a des
commentaires touchant ces trois articles?
Mme Harel: Bon, pour ces trois articles, M. le Président,
je crois comprendre que ces articles, qui traitent du régime
matrimonial, reprennent essentiellement des dispositions actuelles. Est-ce
qu'on pourrait, malgré tout, nous indiquer la portée de ces trois
dispositions?
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, tout d'abord, le régime
matrimonial conventionnel, donc le régime qui a été choisi
par les époux. La loi applicable à ce moment-là est
déterminée par les règles générales
applicables au fonds des actes juridiques, donc nous devons nous
référer aux articles 3088, 3089 et 3090 du projet. Cela signifie
donc que les parties peuvent choisir, désigner expressément la
loi qu'elles entendent suivre.
Dans l'hypothèse où les époux se sont mariés
sans convention matrimoniale, dans ce contexte-là, le régime
matrimonial est choisi par la loi du domicile de ces époux au moment de
leur mariage, 3100, premier alinéa. Dans l'hypothèse maintenant
où les époux sont domiciliés dans des États
différents, 3100, alinéa deux prévoit que la loi
applicable sera celle de leur première résidence commune, donc
après leur mariage, ou, si on ne parvient par à déterminer
leur première résidence commune, la loi de leur
nationalité commune, s'ils ont une nationalité commune, bien
sûr, ou, si tel n'est pas le cas, la loi du lieu où le mariage est
célébré.
Quant à 3101, il prévoit l'hypothèse où il y
aurait mutabilité au cours du mariage, mutabilité du
régime, et donc, comme 3101 le dit, modification conventionnelle. Il
s'agit de savoir alors quelle loi est applicable à cette modification
conventionnelle et il s'agit de la loi du domicile des époux au moment
où la modification est demandée.
Si, donc, des époux, des étrangers qui ont choisi un
régime étranger, qu'il soit régime légal ou
régime conventionnel, viennent s'installer au Québec et que, au
cours de ce mariage, ils décident de changer de régime ou de
convention,
c'est la loi du Québec qui s'appliquera dans la mesure où
ils y sont domiciliés. Et, s'ils sont domiciliés dans des
États différents, puisqu'ils peuvent avoir un domicile distinct
bien que mariés, le deuxième alinéa de 3101 y pourvoit; la
loi applicable est celle de leur résidence commune. S'il n'y a pas de
résidence commune, si on ne parvient pas à la déterminer,
la loi qui gouverne leur régime, donc on revient à la loi
initiale.
Mme Harel: S'ils décident de changer de régime ou
de convention, venez-vous de mentionner, alors cette décision, Hs ne
pourraient la prendre que si elle est possible en vertu de leur
régime...
M. Pineau: Non, non, de la loi du Québec. À
supposer - je reprends - que deux époux français qui sont
mariés sous un régime français viendraient s'installer ici
et seraient domiciliés ici, ils pourraient changer de régime,
conformément à la loi québécoise, même si la
loi française ne prévoyait pas la mutabilité.
M. Holden: Et s'ils retournent s'établir en France
après, est-ce que la France va reconnaître le changement de
régime? C'est une question hypothétique, mais...
M. Pineau: Ce n'est pas nécessairement une question
hypothétique, mais je pense que la question pourrait se poser pour un
tribunal français de savoir s'il accepte ou non la mutabilité
effectivement et s'il considère que la mutabilité qui s'est
effectuée au Québec va à l'encontre de l'ordre public
international, je dirais.
M. Holden: Ce serait une belle cause.
M. Pineau: Je me permettrai peut-être d'ajouter
qu'actuellement, de plus en plus, le principe d'immutabilité s'estompe,
n'est-ce pas? Dans la plupart des pays maintenant, on admet le principe de la
mutabilité, contrôlée ou non, mais la mutabilité est
désormais acceptée.
M. Holden: Sauf pour le bill 147. Mme Harel: 147? 146.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau.
M. Holden: 146, je veux dire. Mme Harel: C'est donc
dire...
Le Président (M. Lafrance): Oui. Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: C'est une mutabilité en cours de
régime.
M. Pineau: Oui, c'est ça.
Mme Harel: C'est bien le cas. C'est donc dire que si, par
exemple, un couple québécois était domicilié
à l'étranger, en France, par exemple, peut-on reprendre
l'argument au contraire de ce que vous venez de nous indiquer,
c'est-à-dire qu'un couple québécois qui est
domicilié en France pourrait, en France, y modifier son régime ou
une des conventions et, à ce moment-là, cela se ferait en vertu
de la loi du lieu, conformément à la loi française?
M. Pineau: Si ce couple québécois s'était
marié ici - c'est l'hypothèse, n'est-ce pas? -conformément
à la loi québécoise, et que ces époux
s'installaient en France, ils seraient donc soumis à la loi
québécoise et, s'ils désiraient changer de régime,
conformément donc à la loi québécoise, je pense
qu'un tribunal français serait obligé de l'accepter parce que les
tribunaux français diront que les règles de la mutabilité
ou de l'immutabilité relèvent du régime matrimonial et non
point des effets du mariage, donc le tribunal français appliquerait la
loi québécoise.
Mme Harel: Donc, appliquerait la loi québécoise
permettant la mutabilité et, en appliquant la loi
québécoise qui permet la mutabilité, appliquerait la loi
française quant aux changements intervenus dans la convention ou le
régime.
M. Pineau: Non. Non, non, non. Il appliquerait la loi
québécoise. Parce que la loi des époux, du régime
des époux, c'est la loi québécoise, n'est-ce pas? (11
heures)
Mme Harel: Oui.
M. Pineau: Donc, si ces époux s'installent en France, Hs
demeurent soumis à la loi québécoise.
Mme Harel: Tandis que tantôt vous nous donniez un couple de
Français qui viendrait s'installer au Québec et qui y serait
domicilié.
M. Pineau: Oui.
Mme Harel: Et la loi du régime des époux, à
ce moment-là, c'est la loi française?
M. Pineau: C'est la loi française. Mais, compte tenu de
cette disposition sur la validité d'une modification conventionnelle que
propose l'article 3101, Hs pourraient néanmoins, ici, s'ils le
demandaient à un tribunal québécois...
Mme Harel: Oui. Et, en France, l'inverse ne
pourrait pas se faire parce que les époux québécois
ne pourraient pas demander à un tribunal français l'application
d'une disposition de la même nature que 3101 qui n'existe pas en droit
français. C'est ce qu'il faut comprendre?
M. Pineau: C'est cela.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau.
Mme Harel: Oui. Une autre question, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Dans le mémoire de la Chambre des notaires,
à la page 55, nous retrouvons l'affirmation suivante: Tous les experts
en droit international privé québécois se sont
prononcés en faveur du principe de la pleine mutabilité du
rattachement. Le moment est opportun pour le Québec de rejoindre la
communauté internationale. Alors, suivent diverses citations du
professeur Castel et diverses autres citations à l'appui de cette
affirmation. Alors, je dois comprendre qu'à 3101 c'est une
mutabilité qui est très relative en cours de régime...
M. Pineau: C'est ça.
Mme Harel: ...et non pas au moment de la dissolution. Tandis que
la pleine mutabilité que nous propose la Chambre des notaires, c'est au
moment de la dissolution.
M. Pineau: Non, c'est tout à fait autre chose.
Mme Harel: Je vous écoute!
M. Pineau: Ce qui est proposé par la Chambre des notaires,
c'est que des époux, qui se marient sans passer de convention
matrimoniale et qui donc sont soumis au régime légal de tel pays,
changent systématiquement de régime matrimonial dès lors
qu'ils établissent leur domicile dans un autre Etat. Alors, prenons le
cas d'un couple français, marié sous le régime
légal français, qui est la communauté réduite aux
acquêts, et qui viendrait s'installer au Québec. Il y
établirait son domicile et, de ce seul fait de l'installation, de
l'établissement du domicile au Québec, il serait désormais
marié sous le régime légal du Québec. Et si ces
mêmes époux déménageaient à Toronto et y
établissaient leur domicile, ils seraient alors soumis au régime
légal ontarien. Donc, on change de régime matrimonial dès
lors que l'on change de domicile.
C'est cela la mutabilité...
Mme Harel: La pleine mutabilité du rat- tachement.
M. Pineau: La pleine mutabilité dont il est question.
Alors, c'est ce qu'a adopté la Suisse, effectivement. Mais c'est ce qui
n'est pas proposé dans le projet de Code.
Mme Harel: Est-ce que c'est parce que les Suisses
n'émigrent pas beaucoup?
M. Pineau: Probablement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Holden: C'est peut-être plus que ça!
Mme Harel: Y a-t-il d'autres motifs à l'appui en Suisse,
à votre connaissance?
M. Pineau: Non. Les conventions semblent aller dans ce
sens-là. Mais il ne faut pas oublier que les conventions internationales
sont des compromis et que ça n'a pas été adopté en
tant que tel, n'est-ce pas? Et je ne vois vraiment pas - c'est une opinion - je
comprends difficilement qu'on puisse imposer à des époux de
changer de régime systématiquement alors qu'ils ont choisi
peut-être le régime légal en toute connaissance de cause.
Car il n'y a pas que des ignorants qui choisissent ce régime
légal.
M. Holden: M. le Président...
M. Pineau: Le régime légal peut être le
régime choisi par des époux. Alors, c'est aller à
l'encontre du choix des époux que d'accepter le principe de la pleine
mutabilité.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau. M. le
député de Westmount.
M. Holden: Merci, M. le Président, il y a peut-être
un argument en faveur du système suisse, en ce sens que, quand on
accepte d'être domicilié ou même peut-être citoyen
d'un autre pays, on adopte le système matrimonial avec le nouveau
pays.
M. Pineau: M. le Président, pas nécessairement
puisqu'on a le choix sous réserve, au Québec, du patrimoine
familial. On peut choisir un régime de communauté, un
régime de société d'acquêts, un régime de
séparation.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, s'il n'y pas
d'autres commentaires, les articles 3099, 3100 et 3101 sont donc adoptés
tels quels. J'appelle maintenant l'article 3102 qui touche la question de
certaines autres sources de l'obligation.
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le
Président.
Le Président (M. La trance): Merci, M. le ministre.
Mme Harel: II me semble que la jurisprudence était au
même effet. Est-ce que c'est bien le cas? C'est déjà une
question réglée depuis longtemps.
M. Pineau: Je pense que oui, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): L'article 3102 est donc
adopté tel quel. J'appelle maintenant les articles 3103, 3104, 3105 et
3106 qui traitent la question de la responsabilité civile.
M. Rémillard: II y a un amendement, M. le
Président. À l'article 3105, à la première ligne,
les mots ", quelle qu'en soit la source, " sont ajoutés après le
mot "meuble".
L'amendement proposé précise que l'article s'applique tant
à la responsabilité civile contractuelle qu'à la
responsabilité civile extracontractuelle. La relation entre l'article
3105 et les articles 3103 et 3104 se trouve, par le fait même,
précisée. En raison de cet amendement, l'article 3105 se lirait
comme suit: "La responsabilité du fabricant d'un bien meuble, quelle
qu'en soit la source, est régie au choix de la victime: "1° par la
loi de l'État dans lequel le fabricant a son établissement ou,
à défaut, sa résidence; "2° par la loi de
l'État dans lequel le bien a été acquis. "
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
est-ce qu'il y a des commentaires touchant ces articles 3103 à 3106
inclusivement? Donc, l'article 3103...
Mme Harel: Non, non, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui. Pardon, Mme la
députée de Hocheiaga-Maisonneuve.
Mme Harel: J'ai des commentaires. Oui. À 3103, 3104, la
Commission des services juridiques a fait des représentations, notamment
à 3103, pour recommander que cet article prévoie le cas où
le fait générateur d'obligations comporte une série
d'actes qui se produisent dans différents États. Dans un tel cas,
recommande la Commission des services juridiques, on devrait
préférer la loi du lieu où s'est réalisé le
préjudice plutôt que la loi du lieu où l'acte fautif a
été commis, puisqu'il faut d'abord protéger la victime. Il
cite à l'appui le professeur Castel, dans le Droit international
privé québécois.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée de Hocheiaga-Maisonneuve. M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, nous avons
évidemment analysé cette demande de la Commission des services
juridiques, ces commentaires et je vais demander à Me Pineau de nous en
donner la conclusion.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Me
Pineau.
M. Pineau: M. le Président, dans l'hypothèse
où nous aurions une série d'actes qui se seraient produits dans
des États différents, le préjudice qui s'ensuivrait
surviendrait forcément dans un autre État et, dans ce
cas-là, on appliquerait cette dernière loi, la loi de
l'État où le préjudice est survenu suivant les termes de
l'article 3103.
Mme Harel: À ce moment-ci, M. le Président, je
pourrais peut-être poursuivre les différentes questions que nous
avons sur cette section qui porte sur la responsabilité civile, mais je
vous proposerais de suspendre ces articles pour un examen plus attentif de
manière à ce que nous puissions y revenir
ultérieurement.
M. Rémillard: Très bien, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Toute la série?
Mme Harel: 3103 à 3106.
Le Président (M. Lafrance): O. K.
Mme Harel: Oui, c'est ça...
Le Président (M. Lafrance): Merci.
Mme Harel:... 3103, 3104, 3105, 3106.
Le Président (M. Lafrance): Alors, les articles 3103 et
3104 sont donc suspendus tels quels; l'article 3105, tel qu'amendé, est
suspendu et l'article 3106 est suspendu tel quel. J'appelle maintenant
l'article 3107 qui touche la question de la preuve.
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci.
Mme Harel: II s'agit également d'un article de droit
nouveau, M. le Président, mais je crois comprendre que ça reprend
une proposition de l'Office. Il y avait déjà une controverse
jurisprudentielle sur cette question de la preuve. Alors, peut-on demander au
ministre de nous indiquer la portée de cette nouvelle disposition?
M. Rémillard: M. le Président, de fait, tout le
problème de la qualification de l'admissibilité des moyens de
preuve a fait l'objet de décisions jurisprudentielles qui nous ont
amenés à discuter
beaucoup de cette question, une situation juris-prudentielle qui
n'était pas claire parce qu'on hésitait entre une qualification
de procédure entraînant l'application de la loi du tribunal saisi
et une qualification substantielle requérant l'application de la loi
applicable aux rapports juridiques qu'il s'agit de prouver.
Dans cet article, M. le Président, nous retenons la qualification
substantielle parce que c'est plus conforme à l'approche civiliste de
l'ensemble de notre Code civil, et il faut dire que cet article vise aussi
à favoriser l'établissement de la preuve. C'est en fonction de
ça, M. le Président, que l'article réserve l'application
de la loi du tribunal saisi. Je peux demander à Me Pineau de
compléter les commentaires.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, je pense que M. le ministre a
tout dit. Il s'agissait de trancher la question à savoir si les
questions de preuve relevaient de la procédure ou du droit substantif,
et 3107 prend parti pour le droit substantif.
Mme Harel: La Chambre des notaires, dans son mémoire,
à cet effet, mentionnait, et je cite: "Cet article s'inspire de
l'article 45 proposé par l'Office de révision du Code civil en le
simplifiant, ce qui le rend d'application plus difficile. Nous
préférons la solution proposée par Mes Talpis et Goldstein
qui a le mérite d'être claire et précise." Et suit une
proposition d'amendement. Est-ce que vous avez pris connaissance de cette
proposition d'amendement?
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, les légistes
en sont arrivés à la conclusion que cet amendement
proposé, qui a son mérite, remarquez bien, n'apparaissait pas
nécessaire, et je vais demander à M. le professeur Pineau de
préciser pourquoi.
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, la proposition de la Chambre
des notaires distingue la charge de la preuve, et l'admissibilité des
moyens de preuve, et la force probante des témoignages. Ce n'est pas,
nous semble-t-il, une simplification de l'article proposé. Si l'on
suivait la proposition de la Chambre, la charge de la preuve ne pourrait pas
être régie par la loi du tribunal saisi qui serait,
éventuellement, plus favorable à son établissement. Quant
à la force probante des témoignages, ce serait le seul aspect de
la preuve qui ne serait pas régi par la loi qui s'applique au fond du
litige, et on ne voit pas exactement pourquoi il en serait ainsi, et on ne voit
pas pourquoi non plus l'application de l'article 3107 serait moins aisée
que celle de l'article qui avait été proposé par l'ORCC.
L'amendement qui avait été suggéré par la Chambre
des notaires ne nous a pas paru nécessaire. (11 h 15)
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau. S'il n'y a
pas d'autres commentaires sur cet article, l'article 3107 est donc
adopté tel quel. J'appelle maintenant l'article 3108 qui touche la
question de la prescription.
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le
Président.
Mme Harel: M. le Président, c'est un article de droit
nouveau, je crois. On indique qu'il y a eu plein de controverses doctrinales
sur cette question de la prescription et que, maintenant, l'article 3108 va
mettre fin à ces controverses. Le commentaire, d'ailleurs, à cet
effet est assez explicite: "La prescription sera considérée comme
une question de substance régie par la loi qui s'applique au fond du
litige." Est-ce qu'il y a autre chose à ajouter quant à la
portée de cette disposition 3108?
M. Rémillard: Non.
M. Pineau: Pas grand-chose, M. le Président, si ce n'est
qu'il reprend la règle de l'article 2189, Bas Canada, laquelle
règle ne vise que les biens immeubles, et qu'on l'étend, n'est-ce
pas, à l'ensemble du droit de la prescription. Donc, ce que l'on
reprend, c'est l'article 2189 et ce qu'on laisse de côté, ce sont
les articles 2190 et 2191 qui portaient sur le reste et qui ne nous
paraissaient pas suffisamment clairs.
Mme Harel: Qu'est-ce que signifie le dernier paragraphe du
commentaire qui apparaît à l'article 3108? On lit ceci, à
ce dernier paragraphe, au dernier aliéna: "L'article a également
l'avantage d'empêcher le forum shopping. À la loi qui attribue un
droit, il appartient de fixer le délai dans lequel ce droit est
susceptible de s'exercer." Le "forum shopping" consistait à...
M. Pineau: C'est la tournée des tribunaux... M. Holden:
It is like cross...
Mme Harel: Allez-vous laissé ce paragraphe dans le
commentaire?
M. Holden: Choquant! Un mot anglais, choquant!
Mme Harel: "Shocking".
M. Holden: "Shocking". Ah! Je signale qu'on a trois
éminents anglophones à la table aujourd'hui.
Mme Harel: Éminents? M. Holden:
Éminents.
Mme Harel: Trois anglophones, oui, mais éminents...
M. Holden: Éminents.
Mme Harel: Ha, ha, ha!
Une voix: Deux anglophones et un...
Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres
commentaires sur cet article, l'article 3108 est donc adopté tel quel.
Nous en arrivons maintenant au chapitre quatrième qui traite du statut
de la procédure. Permettez-moi de vous lire le court texte
d'introduction à ce chapitre quatrième. "Le chapitre sur le
statut de la procédure ne comprend que deux articles: l'un
général, l'autre portant sur l'arbitrage. La procédure est
habituellement régie par la loi de l'État où le litige est
entendu."
J'appelle donc les articles 3109 et 3110 contenus dans ce chapitre
quatrième.
Du statut de la procédure
M. Rémillard: M. le Président, nous avons un
amendement. À la fin de l'article 3110, les mots "la loi d'un autre
État" sont remplacés par les mots "soit la loi d'un autre
État, soit un règlement d'arbitrage institutionnel ou
particulier".
M. le Président, l'amendement proposé vise à
couvrir les cas où les parties s'en remettraient à un
règlement d'arbitrage soit institutionnel, soit ad hoc. En raison de cet
amendement, l'article se lirait comme suit: "La procédure de l'arbitrage
est régie par la loi de l'État où il se déroule
lorsque les parties n'ont pas désigné soit fa loi d'un autre
État, soit un règlement d'arbitrage institutionnel ou
particulier."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y aurait des commentaires sur ces articles 3109 ou 3110 tels
qu'amendés?
Mme Harel: Juste une petite seconde, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je mettais en parallèle
l'article 3110 avec la disposition 3098 qui prévoit que la convention
d'arbitrage est régie par la loi applicable au contrat principal.
Là, à l'article 3110, on parle de procédure de
l'arbitrage. Compte tenu des questions que le député de Westmount
a posées au ministre concernant l'article 3098, à l'article 3110,
puisqu'il s'agit d'un article de droit nouveau, peut-on nous en indiquer la
portée? Donc, l'article 3098, c'est le droit substantif - c'est
ça qu'il faut comprendre - et l'article 3110, c'est la procédure.
Alors, peut-on nous indiquer la portée de l'un et l'autre des deux
articles?
M. Rémillard: Oui, M. le Président, je vais
demander à M. le professeur Pineau de faire cette relation entre
l'article 3098, qui établit le droit substantif concernant l'arbitrage,
et l'article 3110, donc, avec l'amendement que nous venons de proposer, qui
regarde les règles de procédure.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
Me Pineau.
M. Pineau: Merci, M. le Président. L'article 3098 concerne
les questions de fond quant à la convention d'arbitrage, tandis que
l'article 3110 se réfère aux règles de procédure.
L'article 3110 nous indique que la procédure d'arbitrage est
régie par la loi de l'Etat où se déroule l'arbitrage, dans
l'hypothèse où les parties n'ont pas désigné
effectivement des règles particulières de procédure, soit
encore la loi d'un autre État ou encore un règlement d'arbitrage
institutionnel. On peut penser aux centres d'arbitrage organisés ou
encore...
Mme Harel: Dois-je comprendre que l'amendement vient satisfaire
la... Excusez-moi.
M. Pineau: ...là un règlement tout à fait
particulier. Alors, cet amendement effectivement satisfait le Barreau...
Mme Harel: Vient satisfaire la recommandation de la Chambre des
notaires, c'est ça?
M. Pineau: ...et la Chambre des notaires également; une
demande de la Chambre.
M. Rémillard: Qui nous demandait, M. le Président,
de tenir compte des règles d'arbitrage, des centres d'arbitrage qui
existent dans différents pays, y compris au Québec, et des
règles de procédure d'arbitrage façonnées par les
parties pour un arbitrage ad hoc. Alors, il s'agissait d'une demande de la
Chambre des notaires, et on sait à quel point les notaires sont
impliqués dans tout ce processus d'arbitrage; entre autres, ils sont
très impliqués dans le Centre d'arbitrage commercial et
international du Québec.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Donc,
s'il n'y a pas d'autres commentaires, l'article 3009 est donc adopté tel
quel et l'article 3110 est adopté tel qu'amendé. J'aimerais
maintenant revenir en arrière, à l'article 3096,
M. le ministre, qui a été laissé en suspens et sur
lequel Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve désirait
vous poser une question précise. Alors, Mme la députée de
Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président. Donc, c'est
à l'article 3096. L'amendement qui est introduit à l'article
3096, au deuxième alinéa, a, je crois, pour effet d'ajouter les
mots "de personnes" aux mots "contrat d'assurance collective" de façon
à écarter l'application de l'article 3096 au contrat d'assurance
collective de dommages. C'est bien le cas? Alors, à la question que j'ai
posée, on m'a dit qu'effectivement c'était le cas, que les
contrats d'assurance collective de dommages sont ainsi écartés.
Je voulais simplement bien me faire confirmer par le ministre qu'il entendait
confier ce mandat en priorité à l'Institut
québécois de réforme du droit. Il a dû recevoir,
comme moi, d'autres missives. Là, j'en ai une boîte et j'en
reçois encore 200 à 300 par jour.
Cependant, j'en reçois également qui font valoir le point
de vue contraire, notamment de la société d'assurances
générales, la SSQ, qui recommande finalement une modification
semblable en invoquant que le consommateur serait gagnant par une
réduction des coûts inhérents à la structure
d'assurance individuelle. Il y a donc toute une analyse à faire de cette
question, alors je voulais en avoir la confirmation.
M. Rémillard: Oui, M. le Président, comme nous en
avons déjà discuté à quelques reprises bien
informellement, il apparaît évident, de par les consultations que
nous avons eues, qu'il est difficile actuellement de cerner la réelle
portée d'une disposition du Code civil qui prévoirait un contrat
d'assurance collective de dommages. Nous ne pouvons pas dire que c'est une
bonne chose, comme que ce serait une mauvaise chose; nous pouvons dire
qu'actuellement il est très difficile d'en cerner toutes les
conséquences d'application. Et, dans ce cas-là, après
beaucoup de consultations, après avoir entendu beaucoup de gens, nous en
sommes donc arrivés à la conclusion qu'il valait mieux, pour le
moment, se limiter au contrat d'assurance collective de personnes et non pas de
dommages, quitte à donner, parmi les premiers mandats que nous allons
donner à l'Institut, ce mandat de faire le point sur ces questions.
On sait que, déjà, on a identifié quelques sujets
importants. Je pense aussi à la situation des conjoints de fait qui
devrait être étudiée éventuellement aussi en
priorité par l'Institut. Alors, c'est certainement mon intention, M. le
Président, de demander à l'Institut de faire le point sur ce
sujet-là, dès sa création, et je vous souligne que, cet
après-midi, justement, je serai en Chambre pour présenter ce
projet de loi sur la création d'un institut québécois de
réforme du droit, pour l'adoption du principe.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui,
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, dois-je comprendre que nous ne siégerons
pas en commission parlementaire pour poursuivre l'examen du projet de loi 125
immédiatement après la période de questions?
M. Rémillard: Après la période de questions,
c'est simplement le principe de la loi.
Mme Harel: C'est le principe.
M. Rémillard: Donc, ce ne sera pas très,
très long, je crois.
Mme Harel: Mais il y a aussi le principe d'une seconde loi.
M. Rémillard: Oui, il y en a deux.
Mme Harel: D'une convention internationale...
M. Rémillard: Oui, une convention internationale sur le
transport.
Mme Harel: ...en matière de transport, et je crois
comprendre que mon collègue de Lévis, et porte-parole en
matière de transport, sera aussi des nôtres. Peut-être
sera-t-il celui qui viendra faire l'examen du projet de loi article par
article.
M. Rémillard: Si on en est au niveau article par article.
Est-ce qu'on en est au niveau article par article?
Mme Harel: On est en deuxième lecture. M.
Rémillard: Oui, à la deuxième lecture? Mme Harel:
Oui. M. Rémillard: Alors, à ce moment-là...
Mme Harel: Parce qu'il vaut mieux peut-être tout de suite
le faire savoir aux légistes et aux experts qui peuvent poursuivre le
travail.
M. Rémillard: Oui, pour les légistes. Remarquez que
je ne l'avais pas vu dans la perspective...
Mme Harel: Du transport.
M. Rémillard: ...des nouvelles que vous venez de
m'annoncer. J'en prends bonne note.
Mme Harel: Moi, ça ne m'est pas encore
confirmé. C'est une information qui m'a été
transmise. Peut-être qu'à l'ouverture de la Chambre je pourrai
vérifier, ce midi, ce qui en est. J'imagine que ça vous fait
plaisir de changer de député; ça va vous faire un peu de
changement.
M. Rémillard: J'ai toujours beaucoup de plaisir à
travailler avec vous.
Mme Harel: Vous allez peut-être plus m'apprécier.
Ha, ha, ha!
M. Rémillard: À ce moment-là, moi aussi, je
vais aller aux informations. Je vais aller aux informations parce que notre
priorité est ici, le Code civil. Ma priorité est aussi l'Institut
que je veux créer; je voudrais qu'on fasse les deux. Alors, en fonction
de ces priorités, je m'organiserai pour qu'on ait un programme qui nous
permette de réaliser le programme qu'on s'est fixé.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. (11 h
30)
M. Rémillard: Alors, je vais être en mesure de vous
en reparler incessamment.
Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres
commentaires, cet article 3096 est adopté tel qu'amendé. Nous en
arrivons maintenant au titre troisième qui touche la question de la
compétence internationale des autorités judiciaires et
administratives du Québec, soit les articles 3111 à 3132.
Permettez-moi de vous lire le texte d'introduction de ce titre
troisième.
De la compétence internationale des
autorités du Québec
II n'existe pas, à l'heure actuelle, de règles pour
déterminer la compétence des autorités judiciaires et
administratives du Québec dans les litiges présentant un
élément d'extranéité. La jurisprudence a
étendu les règles de compétence du droit interne,
prévues au Code de procédure civile, articles 68 et suivants,
à ces situations.
L'objectif général du titre troisième est de
remédier à cette lacune en prévoyant des règles
spécifiquement conçues pour déterminer la
compétence internationale des autorités du Québec,
tribunaux judiciaires ou administratifs et autorités administratives
diverses. Il est divisé en deux chapitres: l'un comportant des
dispositions générales et l'autre des dispositions
particulières aux matières personnelles à caractère
extrapatrimonial et patrimonial ainsi qu'aux matières réelles.
Les règles visent généralement à ne saisir les
autorités du Québec que des litiges qui présentent avec la
province des liens étroits dans un souci de courtoisie
internationale.
L'expression "autorités" a été retenue de
préférence à celle de "tribunaux" pour couvrir à la
fois les instances judiciaires et les instances administratives.
Également, l'expression traditionnelle de "conflits de juridictions" n'a
pas été reprise compte tenu qu'il s'agit ici uniquement de
déterminer dans quels cas les autorités québécoises
auront compétence pour entendre un litige présentant un
élément d'extranéité et non pas dans quels cas les
autorités étrangères auront compétence.
Le chapitre premier traite des dispositions générales et
est couvert par les articles 3111 à 3117. Permettez-moi de vous lire le
texte d'introduction à ce chapitre premier.
Dispositions générales
Le chapitre premier comporte des dispositions générales
relatives à la compétence internationale des autorités du
Québec, tribunaux judiciaires ou administratifs et autorités
administratives diverses. Il est composé de règles sur la
litispendance, le forum non conveniens, les demandes incidentes ou
reconventionnelles et sur la compétence subsidiaire des autorités
judiciaires et administratives du Québec.
J'appelle donc les articles contenus... Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: J'ai une autre information - juste quelques minutes
là - à transmettre au ministre. On m'a dit qu'un projet de loi de
son collègue, le ministre de la Main-d'?uvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, serait
appelé également cet après-midi, le projet de loi 173, je
crois, en fait un projet de loi sur lequel j'aurai à intervenir. Je
voulais qu'il le sache parce que je considère que nous ne pourrons pas
siéger en commission durant ce moment-là.
M. Rémillard: II s'agit de coordonner nos autres
responsabilités, M. le Président, avec aussi notre
échéancier ici. C'est difficile de parler de ça comme
ça.
Mme Harel: II vaudrait peut-être mieux, à ce
moment-là, laisser nos experts et les légistes se rencontrer pour
pouvoir poursuivre le travail, quitte à se le dire immédiatement
pour ne pas avoir de surprise cet après-midi.
M. Rémillard: Me permettez-vous de faire des... J'ai
demandé qu'on fasse des vérifications. Je vais faire les
vérifications et on va revenir.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. On
pourrait peut-être procéder à la lecture des amendements,
quitte à revenir sur cette question de coordination pour notre
disponibilité cet après-midi.
Mme Harel: M. le Président, juste une
petite remarque... Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel:... concernant les commentaires que vous nous avez lus,
notamment à la page 85. Je ne l'ai pas avec moi, mais nous avons tous
reçu, comme membres de cette l'Assemblée nationale, une lettre
signée par le président, M. Saintonge, nous recommandant de ne
pas utiliser l'anglicisme "juridiction" pour désigner le mot
"compétence". Alors, vous avez sans doute reçu cette même
lettre que j'ai reçue. Alors, il faudrait voir dans nos commentaires
à ce que cela soit corrigé. Le ministre a-t-il reçu cette
lettre? Enfin, ce serait plutôt le député de Jean-Talon qui
l'aurait reçue.
M. Rémillard: Oui. Écoutez, c'est peut-être
un anglicisme qui deviendra un mot français éventuellement comme
il y a bien des mots anglophones qui sont devenus... qui viennent du
français.
Le Président (M. Lafrance): Ça me semble moins pire
que "shopping"!
M. Rémillard: Oui et bien d'autres.
Mme Harel: Mais pour que le président lui-même nous
ait conviés à ne pas utiliser cette expression-là...
M. Rémillard: Oui, d'abord qu'on ne confond pas
"compétence" et "pouvoir", la compétence étant la
capacité et le pouvoir, la possibilité. Il y a des gens qui ont
des possibilités, mais ils n'ont pas la compétence de le faire.
Il y a des gens qui ont la possibilité, mais il n'ont pas la
compétence.
Mme Harel: Et il y en a qui n'ont ni l'un ni l'autre!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lafrance): J'appelle donc les articles
contenus dans ce chapitre premier des dispositions générales,
soit les articles 3111 à 3117 inclusivement.
M. Rémillard: M. le Président, nous avons cinq
modifications. Tout d'abord, dans l'intitulé du titre troisième
du livre dixième, les mots "judiciaires et administratives" sont
supprimés.
M. le Président, l'amendement proposé vise à
couvrir toutes les décisions rendues par les autorités
québécoises quel que soit leur nom ou leur caractère. Par
ailleurs, lorsque les dispositions du livre X donneront compétence dans
un cas donné aux autorités du Québec, il appartiendra au
droit québécois de déterminer quelles seront les
autorités habilitées à décider du litige. En raison
de cet amendement, l'intitulé du titre troisième du livre X se
lirait comme suit: "De la compétence internationale des autorités
du Québec".
Dans l'article 3111, les mots "judiciaires ou administratives" sont
supprimés.
M. le Président l'amendement proposé établit la
concordance avec celui proposé à l'intitulé du titre
troisième. En raison de cet amendement, l'article 3111 se lirait comme
suit: "En l'absence de disposition particulière, les autorités du
Québec sont compétentes lorsque le défendeur a son
domicile au Québec. "
Aux deuxième, quatrième et cinquième lignes de
l'article 3112, les mots "judiciaire ou administrative" sont
supprimés.
M. le Président, l'amendement proposé établit la
concordance avec celui qui est proposé pour l'intitulé du titre
troisième. En raison de cet amendement, l'article 3112 se lirait comme
suit: "Bien qu'elle soit compétente pour connaître d'un litige,
une autorité du Québec peut, exceptionnellement et à la
demande d'une partie, décliner cette compétence si elle estime
que les autorités d'un autre État sont mieux à même
de trancher le litige. "
À la première ligne de l'article 3114, le mot "doit" est
remplacé par le mot "peut".
M. le Président, l'amendement proposé vise à
laisser une certaine latitude à nos tribunaux pour accueillir ou rejeter
l'exception de litispen-dance à la lumière du cas d'espèce
qui leur sera soumis, conformément aux sources qui ont inspiré
l'article. En raison de cet amendement, l'article 3114 se lirait comme suit.
"L'autorité québécoise, à la demande d'une partie,
peut, quand une action est introduite devant elle, surseoir à statuer si
une autre action entre les mêmes parties, fondée sur les
mêmes faits et ayant le même objet, est déjà pendante
devant une autorité étrangère, pourvu qu'elle puisse
donner lieu à une décision pouvant être reconnue au
Québec, ou si une telle décision a déjà
été rendue par une autorité étrangère. "
Dans l'article 3117, M. le Président: 1° aux deuxième
et troisième lignes, les mots "domiciliée à
l'étranger" sont supprimés; 2° à la fin, les mots "si
elle y est domiciliée" sont remplacés par les mots "s'ils y sont
situés".
M. le Président, l'amendement proposé vise à rendre
l'article conforme aux sources qui l'ont inspiré, compte tenu que les
autorités du Québec seront compétentes, en vertu de
l'article 3118, pour prendre les mesures nécessaires à la
protection d'une personne ou de ses biens si cette personne est
domiciliée au Québec. En raison de cet amendement, l'article 3117
se lirait comme suit: "En cas d'urgence ou d'inconvénients
sérieux, les autorités québécoises sont
compéten-
tes pour prendre les mesures qu'elles estiment nécessaires
à la protection d'une personne qui se trouve au Québec, ou
à la protection de ses biens s'ils y sont situés."
Le Président (M. La trance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y aurait des commentaires touchant ces articles 3111 à 3117
inclusivement? Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. D'abord, M. le Président, quant au titre,
donc, l'amendement propose de biffer les mots "judiciaires et administratives".
Est-ce que, par exemple, ça pourrait, à ce moment-là,
référer aussi aux autorités politiques, par exemple?
Dorénavant, le titre tel qu'amendé se lirait comme ceci: "De la
compétence internationale des autorités du Québec". Alors,
est-ce que "autorités" ça peut aussi comprendre tout, y compris
politiques?
M. Rémillard: M. le Président, je vais
demander...
Mme Harel: Ecclésiastiques? M. Rémillard: Ou
ecclésiastiques.
Mme Harel: Le député de Westmount ajoute
"ecclésiastiques".
M. Rémillard: Ou tout autre genre d'autorités.
Alors, je vais demander à M. le professeur Pineau de faire le
commentaire, M. le Président.
Le Président (M. La trance): Merci, M. le ministre. Alors,
Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, l'amendement élargit
considérablement le domaine. Il semblerait qu'il y ait certains
ministres du culte, tels certains rabbins, qui auraient compétence pour
prononcer le divorce dans certains Etats ou il y a, dans certains pays
d'Afrique du Nord, des notables, les cadis, par exemple, qui ont la
compétence de célébrer des mariages. Ce sont des
autorités. Elles ne sont ni administratives ni judiciaires en tant que
telles.
Cependant, l'application de cette disposition dépendra de ce que
la loi québécoise elle-même désignera comme
autorités, en ce qui concerne les autorités
québécoises.
Mme Harel: La loi québécoise le désignera
à quel moment? Dans la loi d'application?
M. Pineau: Dans la loi d'application ou dans des lois
particulières, j'imagine, le cas échéant.
M. Rémillard: II faudrait voir, M. le Président. Ce
sera dans la loi d'application, mais il faut aussi voir la possibilité
que ce soit dans différentes lois particulières. Mais on pourrait
avoir une disposition dans la loi d'application aussi pour s'y
référer. C'est une possibilité qu'on étudiera.
C'est une porte ouverte.
Mme Harel: Parce que M. le professeur Pineau nous
réfère, en fait, à des autorités religieuses parce
que le cadi, c'est en vertu du Coran, je crois, et le rabbin, c'est en vertu de
la religion juive, donc du grand livre. Alors, ce sont là des
autorités religieuses, mais est-ce qu'elles ne sont pas aussi
administratives, en fait? Parce que là où elles exercent, si vous
voulez, leur magistère, je pense que. dans la loi du pays d'origine
où elles exercent, il y a une faculté d'administration qui leur
est attribuée.
M. Rémillard: M. le Président, comme on vient de le
mentionner, c'est une porte ouverte, mais, cependant, cette porte va s'ouvrir
sur les dispositions que la loi québécoise va prévoir.
Alors, il faut que ces gens d'autorité religieuse aient une
autorité reconnue par fa loi québécoise. Or, c'est dans la
mesure où cette loi québécoise reconnaîtra ces
autorités que, par le fait même, le titre troisième aura
son application. (11 h 45)
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Mme Harel: Donc, est-ce que je peux...
Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires? Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. La désignation des autorités va se
faire par le pays étranger, en fait. On n'aura pas à se poser la
question, par exemple: Est-ce une autorité judiciaire ou
administrative?, si tant est que, dans la loi du pays étranger, c'est
là une autorité en exercice.
M. Rémillard: M. le professeur Pineau, s'il vous
plaît, M. le Président.
Mme Harel: Je vais vous poser un problème. Je ne sais pas
si le ministre a déjà eu une représentation des nouvelles
sectes comme, mon Dieu, je crois que c'était l'Église de
Scientologie et quelques-unes. Il y en a eu deux qui sont venues me rencontrer
pour me faire valoir que c'était discriminatoire à leur
égard qu'elles ne puissent pas célébrer le mariage et
elles ont fait valoir, évidemment, que... C'était
également, je pense, une église protestante qui n'était
pas reconnue. Alors, dans notre société, c'est devenu un peu
complexe de désigner les critères en vertu desquels on
désigne qui détient de l'autorité telle que reconnue.
C'est moins évident que ça l'était quand on était
enfant, en fait.
M. Rémillard: Oui, d'une certaine façon, mais pas
nécessairement, parce qu'y y a quand
même des critères qui sont là, qui nous guident dans
le sens qu'il ne faut pas tomber aussi, je pense, dans le piège de
reconnaître toutes les nouvelles sectes qui pourraient naître
à droite ou à gauche. Mais lorsqu'on se réfère
à de grandes traditions religieuses, que ce soit au niveau musulman, ou
hébraïque, ou toute autre grande religion avec des assises
historiques et des assises aussi donc, par le fait même, administratives
bien établies, bien reconnues par les peuples, je pense qu'à ce
moment-là la difficulté ne se pose pas. Mais je vais demander
à M. le professeur Pineau de...
Mme Harel: Ce n'est pas toujours évident. Pensez à
cette grande tradition qu'est l'hindouisme, n'est-ce pas?
M. Rémillard: Pardon?
Mme Harel: Ce n'est pas toujours aussi évident qu'on le
croit là, en dehors de la religion judéo-chrétienne, du
livre avec un Dieu qui s'incarne. Pensez à l'hindouisme qui a 2200
dieux, qui n'a pas de hiérarchie de célébrants. Alors,
tous les brahmanes peuvent le devenir. Ce n'est pas si évident.
M. Rémillard: Je vois que Mme la députée a
été fort touchée par son séjour indien et je l'en
félicite. C'est une bonne mission. Peut-être que M. le professeur
Pineau - il n'est peut-être pas allé en Inde, je ne sais
pas...
M. Pineau: J'ai moins voyagé.
M. Rémillard: II pourrait nous faire quand même des
commentaires, répondre...
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, tout d'abord, le titre
troisième porte sur la compétence internationale des
autorités du Québec et non point des autorités d'ailleurs,
d'un État étranger. Ça, c'est un premier point. Et, un
second point, la loi québécoise désigne les
autorités compétentes. Et j'ai le souvenir, en matière de
célébration du mariage, par exemple, dans l'ouvrage de Mignault
qui date de 1898, qu'il y avait déjà une liste absolument
impressionnante de tous les ministres du culte. Il y avait trois pages
entières ou quatre pages entières de désignation de
ministres du culte compétents à célébrer les
mariages. C'est assez impressionnant. 1898.
Mme Harel: C'est intéressant. Vous savez, on s'imagine que
les choses changent et, en fait, l'histoire se répète.
M. Rémillard: Elles changent, évoluent.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. S'il n'y a pas d'autres
commentaires, le nouvel intitulé au titre troisième est
adopté tel que proposé. Les articles 3111 et 3112 sont
adoptés tels qu'amendés. L'article 3113 est adopté tel
quel. L'article 3114 est adopté tel qu'amendé.
Mme Harel: M. le Président, juste une seconde, s'il vous
plaît...
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Quelques secondes.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce que vous avez un
commentaire à ajouter?
Mme Harel: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Mme la députée
de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: À l'article 3112, il y a le mot
"exceptionnellement" que l'on retrouve: "Bien qu'elle soit compétente
pour connaître d'un litige, une autorité du Québec peut,
exceptionnellement et à la demande d'une partie, décliner cette
compétence si elle estime que les autorités d'un autre
État sont mieux à même de trancher le litige." J'aimerais,
M. le Président, puisqu'il s'agit d'un article de droit nouveau, que le
ministre puisse nous en donner la portée et nous indiquer ce qui lui
apparaîtrait comme des situations exceptionnelles qui permettraient
l'ouverture à 3112.
Le Président (M. Lafrance): L'article 3112 est donc
rouvert pour discussion. M. le ministre.
M. Rémillard: Oui. M. le Président, c'est du droit
nouveau. C'est un article qui reprend un peu ce qui est utilisé
fréquemment dans les systèmes de "common law", comme les
commentaires le mentionnent. On y lit, je me permets de m'y
référer: "L'exception fait l'objet de controverses doctrinales et
jurisprudentielles en droit québécois relativement à sa
recevabilité en l'absence de disposition législative permettant
au tribunal de décliner sa compétence." C'est dans ce
contexte-là qu'on établit cette règle législative
clairement dans le Code civil. Je vais demander au professeur Pineau d'en
donner toute la signification.
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, cet article, s'il est de droit
nouveau, codifie néanmoins cette exception du forum non conveniens,
c'est-à-dire du tribunal qui ne convient pas, à laquelle on a
très souvent recours dans un système de "common law". Donc,
l'article 3112 vient simplement
préciser que cette doctrine du forum non con-veniens
s'appliquerait désormais, serait reçue désormais dans le
droit international privé québécois. Il est évident
que ce n'est qu'une mesure d'exception...
Mme Harel: II y a un élargissement.
M. Pineau: C'est une mesure d'exception car, par
hypothèse, le tribunal auquel le litige est soumis a compétence,
n'est-ce pas, et ce tribunal, qui a compétence, se permet de
décliner cette compétence parce qu'il considère, de
façon exceptionnelle, qu'une autorité d'un autre Etat serait
mieux placée que lui-même pour trancher le litige.
Le Président (M. Lafrance): Oui. Est-ce que vous avez
terminé, Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve?
Mme Harel: Non. Là, il faut comprendre que, jusqu'à
maintenant, cela permettait à un tribunal de décliner sa
compétence. Là, il va y avoir une sorte d'établissement
parce que c'est toutes les autorités. En fait, il y a quand même
un élargissement qui est important. Et on nous dit que l'application va
cependant être limitée à des cas exceptionnels. Est-ce que,
dans le commentaire... Dans le commentaire de 3112, on ne retrouve pas de cas
exceptionnels. Est-ce que dans le commentaire... "Cas exceptionnels", ça
veut dire quoi?
M. Rémillard: C'est laissé, évidemment,
à la discrétion du tribunal. Est-ce qu'on devrait, si je
comprends bien la question de Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, donner des exemples? Est-ce qu'on devrait donner
certains critères? C'est une question peut-être qu'on peut se
poser, mais je pense que, du côté des légistes, il y a
beaucoup d'hésitations. Lorsqu'on va revoir les commentaires, parce
qu'on me dit que, dès le mois de janvier, il faudra se remettre à
revoir tous les commentaires, c'est certainement une question qu'on pourrait se
poser. Mais, de ce côté-ci, je sais que, du côté des
légistes, il y a des réticences et il faudrait être
extrêmement prudents, bien que, quand on a un terme comme "exceptionnel"
et que ça ouvre, de fait, sur quelque chose, des possibilités, il
est évident qu'on doive pouvoir mesurer toute la discrétion qu'on
accorde et voir s'il n'est pas plus juste de donner certaines balises, mais,
dans certains cas, c'est plus difficile que d'autres. Alors, ce serait
certainement mieux de pouvoir regarder, que nos experts en discutent lorsqu'on
abordera la révision de tous les commentaires.
M. Holden: M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le
député de Westmount.
M. Holden: L'article oblige une des parties à faire la
demande. Est-ce que le juge, proprio motu, peut le faire? Je ne me souviens pas
si, actuellement, un juge peut décliner sa juridiction ou sa
compétence. Dans l'article, est-ce qu'on ne devrait pas ajouter que le
juge peut proprio motu?
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, c'est une mesure
exceptionnelle et, si elle ne lui est pas demandée, je conçois
mal qu'il puisse prendre cette décision, cette initiative,
effectivement, car, si les parties ont soumis leur litige à ce tribunal,
c'est parce qu'elles entendaient que le tribunal tranche le litige.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau. Alors, s'il
n'y a pas d'autre commentaires sur cet article 3112, il est donc adopté
tel qu'amendé.
Mme Harel: À l'article 3114, je comprends que l'amendement
introduit vient satisfaire les recommandations de la Commission des services
juridiques, du Barreau et de la Chambre des notaires qui étaient
à l'effet de remplacer le "doit" par "peut surseoir". C'est bien le cas,
c'est ça?
M. Pineau: C'est ça. Le notariat...
M. Rémillard: Oui, c'est ça, M. le
Président. Je dois dire que, dans ces journées d'études du
Code civil en Louisiane, on a beaucoup parié de cet article. C'est une
des conclusions qui en est rassortie. On doit donner comme source à cet
article aussi la Convention de La Haye de 1971 sur la reconnaissance et
l'exécution des jugements étrangers en matière civiIe et
commerciale, son article 20. Ça répond donc aux demandes de la
Chambre des notaires, au Barreau, à la Commission des services
juridiques qui nous ont tous fait des demandes en ce sens.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y aurait d'autres commentaires? Oui, Me Ouellette.
Mme Ouellette (Monique): M. le Préskient, j'avais une
préoccupation en rapport avec l'article 3115. Je crois avoir posé
la question, je ne me souviens plus si on y a répondu. Donc, je vais la
reposer de nouveau. Je m'inquiétais, l'autorité
québécoise pouvant ordonner des mesures provisoires ou
conservatoires, si ça ne pouvait pas, à un moment donné,
servir à faire changer une garde d'enfant mais dans un contexte presque
de rapt d'enfant. Le fait qu'on donnerait une compétence presque
immédiate à l'autorité québécoise,
même si elle n'était pas compétente sur le fond, est-ce que
ça ne pour-
rait pas faire le jeu, disons, de certains parents qui se battent
constamment sur la garde d'un enfant? C'était uniquement en termes de
préoccupation de protection de l'enfant que je posais ma question.
M. Rémillard: Mon premier commentaire, M. le
Président, c'est de dire qu'à l'article 3115 évidemment,
comme Mme la professeure le sait bien, c'est en fonction de mesures qui sont
provisoires ou conservatoires, donc pas permanentes comme telles, au
départ. Maintenant, quant au fond de sa question, j'aimerais mieux
demander au professeur Pineau d'y répondre. (12 heures)
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, je pense qu'il s'agit de
mesures véritablement provisoires. Donc, une mesure provisoire peut
toujours être remise en question. Normalement, ça ne devrait pas
poser de problème à cet égard. Quant aux questions de
garde de l'enfant, l'article 3119 y pourvoit; s'il s'agit de protection de la
jeunesse, l'article 3117 y pourvoit. Par conséquent, je ne pense pas que
cela puisse être dangereux à l'égard des craintes qui sont
exprimées.
Mme Ouellette: M. le Président, je suis d'accord avec le
professeur Pineau là-dessus, mais, parfois, dans ce genre de
débat justement, la bataille est tellement acrimonieuse que ma crainte,
c'était qu'on se serve même de mesures provisoires, même si
elles sont provisoires, pour essayer de donner juridiction au tribunal
québécois, alors qu'il ne l'aurait pas. Mais je suis d'accord
avec l'interprétation et la réponse que vous donnez. Merci.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie.
M. Rémillard: M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui, M. le
ministre.
M. Rémillard: Je pense que c'était une question
importante et Mme la professeure dit qu'elle est d'accord avec M. le professeur
Pineau. Ce sont deux professeurs de Montréal qui sont d'accord ensemble.
Ce qui est intéressant souvent à nos débats, je le
souligne, M. le Président, c'est que nous avons des écoles de
Montréal, de Québec, de Laval, l'Université Laval, de
Sherbrooke, d'Ottawa et de Montréal aussi, il y a McGill. Alors, ce sont
tous des experts, tout le monde a été mis à contribution
et c'est intéressant de voir nos experts en arriver comme ça
à des consensus juridiques.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui, Me
Ouellette.
Mme Ouellette: M. le ministre, il y a parfois même deux
écoles à Montréal aussi.
M. Rémillard: Ah! il y a deux écoles à
Montréal. Nous pensons d'écoles de pensée,
évidemment.
Le Président (M. Lafrance): Merci. S'il n'y a pas d'autres
commentaires, l'article 3115 est donc adopté tel quel; l'article 3116
est adopté tel quel et l'article 3117 est adopté tel
qu'amendé.
Nous en arrivons au chapitre deuxième qui traite des dispositions
particulières. Permettez-moi de vous lire le texte d'introduction
à ce chapitre deuxième.
Dispositions particulières
Le chapitre deuxième comporte des dispositions
particulières aux matières personnelles à caractère
extrapatrimonial et patrimonial ainsi qu'aux matières réelles. Il
regroupe des dispositions sur la compétence internationale des
autorités du Québec dans des matières aussi diverses que
la garde, les aliments, la nullité du mariage, les effets du mariage, la
séparation de corps, la révision d'un jugement en matière
d'aliments, la filiation, l'adoption, les contrats en général, la
responsabilité civile, les contrats de travail, de consommation et
d'assurance en particulier, les successions et le régime matrimonial. La
compétence juridictionnelle concorde généralement avec la
loi applicable à une situation juridique donnée.
J'appelle donc les articles contenus à ce chapitre
deuxième, soit les articles 3118 à 3125 inclusivement qui
touchent la question des actions personnelles à caractère
extrapatrimonial.
M. Rémillard: M. le Président, il y a six
amendements. Tout d'abord, dans l'intitulé de la section I du chapitre
deux du titre trois, les mots "et familial" sont ajoutés après le
mot "extrapatrimonial".
M. le Président, l'amendement proposé vise à
couvrir plus adéquatement les matières comprises dans cette
section et notamment l'obligation alimentaire. En raison de cet amendement,
l'intitulé de la section I du chapitre deux du titre trois se lirait
comme suit: "Des actions personnelles à caractère
extrapatrimonial et familial".
Dans l'article 3118, M. le Président: 1° à la
première ligne, les mots "judiciaires ou administratives" sont
supprimés; 2e à la troisième ligne, les mots
"et familial" sont insérés après le mot
"extrapatrimonial".
M. le Président, l'amendement proposé établit la
concordance avec ceux proposés à l'intitulé du titre
troisième et à l'intitulé de la
section I du chapitre deux du titre troisième. En raison de ces
amendements, l'article 3118 se lirait comme suit: "Les autorités du
Québec sont compétentes pour connaître des actions
personnelles à caractère extrapatrimonial et familial, lorsque
l'une des personnes concernées est domiciliée au Québec.
"
Dans l'article 3119, les mots "qui est" sont remplacés par les
mots "pourvu que ce dernier soit".
M. le Président, l'amendement proposé précise le
rapport existant entre les articles 3118 et 3119 et vise à éviter
que l'article 3118 puisse servir à fonder la compétence des
autorités du Québec alors même que l'enfant ne serait pas
domicilié au Québec. En raison de cet amendement, l'article 3119
se lirait comme suit: "Les autorités québécoises sont
compétentes pour statuer sur la garde d'un enfant pourvu que ce dernier
soit domicilié au Québec. "
M. le Président, dans l'article 3120, les mots "ou sur la demande
de révision d'un jugement étranger rendu en matière
d'aliments qui peut être reconnu au Québec, " sont ajoutés
après le mot "aliments".
M. le Président, l'amendement proposé réunit les
articles 3120 et 3124, évitant ainsi les redondances. En raison de cet
amendement, l'article 3120 se lirait comme suit: "Les autorités
québécoises sont compétentes pour statuer sur une action
en matière d'aliments ou sur la demande de révision d'un jugement
étranger rendu en matière d'aliments qui peut être reconnu
au Québec, lorsque l'une des parties a son domicile ou sa
résidence au Québec. "
M. le Président, dans l'article 3123, à la
troisième ligne, les mots "depuis un an" sont supprimés.
L'amendement proposé établit une concordance avec
l'article 493 tel qu'amendé. En raison de cet amendement, l'article 3123
se lirait comme suit: "Les autorités québécoises sont
compétentes pour statuer sur la séparation de corps, lorsque l'un
des époux a son domicile au Québec ou qu'il y réside
à la date de l'introduction de l'action, "
M. le Président, l'article 3124 est supprimé. L'article
3124 est déplacé et intégré à l'article 3120
évitant ainsi les redondances.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y aurait des commentaires touchant ces articles 3118 à 3125
inclusivement? Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, d'abord, sur l'ensemble de ces
dispositions, dois-je comprendre que 3118 était de droit nouveau
également?
M. Rémillard: M. le professeur Pineau.
M. Pineau: M. le Président, tout est de droit nouveau,
puisque nous n'avons jamais eu de règle codifiant le droit international
privé. Cet article 3118 s'inspire également de la loi suisse, du
droit international et de la Convention de La Haye de 1961.
Mme Harel: Est-ce que cette Convention internationale de La Haye
de 1961 et le droit suisse s'appliquent également à des actions
en matière familiale ou si c'est seulement à caractère
extrapatrimonial?
M. Pineau: Je ne suis pas en mesure de le préciser, par
exemple.
Mme Harel: Est-ce que c'est nouveau, si vous voulez, innovateur,
que d'amender 3118 de manière à ce qu'on puisse maintenant
appliquer cette disposition pour connaître des actions personnelles
à caractère extrapatrimonial et familial?
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, on m'indique, en effet, que
ça fait référence à l'article 70 actuel du Code de
procédure civile, effectivement.
Mme Harel: D'accord. Et, à 3119, là, je dois dire
qu'il y a vraiment unanimité tant de la Chambre des notaires, tant du
Barreau, de la Commission des services juridiques, à l'effet d'ajouter
la juridiction du tribunal québécois à l'enfant qui a
aussi sa résidence habituelle. Moi, je suis, disons, assez
ébranlée par ce large consensus. Le ministre le disait
tantôt, il n'en va pas toujours ainsi. Mais on lit les commentaires de la
Chambre des notaires, on lit les commentaires du Barreau, on lit les
commentaires de la Commission des services juridiques et les trois, pour des
motifs qu'ils étayent, recommandent que 3119 attribue aux
autorités québécoises compétence pour statuer sur
la garde d'un enfant qui est domicilié au Québec, mais qui peut
aussi y avoir sa résidence habituelle.
Par exemple, le Barreau, à cet effet, indique que la formulation
de l'article pourrait être la suivante: Les autorités
québécoises sont compétentes pour statuer sur la garde
d'un enfant, pourvu que ce dernier ait son domicile ou sa résidence au
Québec. La Chambre des notaires ajoute: On devrait ajouter, à la
fin de cet article, les mots "où il a sa résidence habituelle",
car ce facteur de rattachement est extrêmement important en
matière de garde, à moins que le législateur ne
définisse le domicile comme étant la résidence habituelle,
ce qui est autre chose.
Et ils ajoutent: La résidence habituelle de l'enfant est
mentionnée dans la législation de toutes les autres provinces. On
en tient compte aussi dans la Convention de La Haye sur les aspects civils de
l'enlèvement d'enfants, conclue
le 25 octobre 1980, article 4. Il serait aussi important de retenir,
comme autre critère de rattachement, la présence physique de
l'enfant au Québec, ceci à titre d'exception - voir Ontario -
lorsque l'Intérêt de l'enfant l'exige, à la condition qu'il
ait des liens substantiels à ce moment-là, évidemment,
avec le Québec ou encore que sa santé physique et morale risque
d'être compromise si les autorités québécoises
déclinent toute compétence. Dans le domaine de la protection de
l'enfance, seul un large éventail de facteurs de rattachement est
capable de la rendre efficace. Ça, c'est le commentaire de la Chambre
des notaires. Et la Commission des services juridiques insiste, en ajoutant: II
peut arriver que l'enfant ait un domicile chez un parent par décision
judiciaire alors qu'il réside habituellement avec l'autre parent. Nous
croyons qu'en ce domaine le tribunal devrait avoir une grande discrétion
eu égard aux circonstances. Nous croyons que, même en l'absence de
domicile au Québec, le tribunal québécois devrait avoir
juridiction si l'enfant y a sa résidence habituelle.
Je ne sais pas si M. le ministre se sent prêt à traverser
immédiatement ce barrage d'arguments, mais...
M. Rémillard: Écoutez, ce qu'on peut dire... Je
sais que nos experts s'en sont parlé. Moi, le rapport qu'on m'a fait m'a
convaincu qu'il fallait, évidemment, être très prudent,
parce qu'il ne faut pas encourager le "kidnapping" non plus. Il faut être
extrêmement prudent, je suis parfaitement d'accord. Si on a à se
poser d'autres questions, on peut le suspendre et regarder, parce qu'on prend,
évidemment, beaucoup de soin à regarder toutes ces demandes qui
nous viennent de la Chambre professionnelle des notaires, de la Commission des
services juridiques et du Barreau sur un même article. Ça signifie
quelque chose. C'est évident qu'on ne rejette pas du revers de la main
ces commentaires. Bien au contraire, on les regarde très, très
attentivement. Mais si vous me le permettez, M. le Président, on peut
suspendre cet article pour de plus amples discussions entre nos experts et
consultation même avec les chambres professionnelles.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
est-ce qu'il y a d'autres commentaires touchant les autres articles?
Mme Harel: À 3120, je crois comprendre que l'amendement
introduit vient satisfaire une des recommandations contenues dans le
mémoire de la Chambre des notaires. Est-ce que c'est le cas?
M. Rémillard: Oui, entre autres. (12 h 15)
Mme Harel: La Chambre des notaires, à ce sujet, disait: II
faudrait remplacer l'expression "demande de révision" par "demande de
modification". On me fait valoir que partout dans le Code on retrouve "demande
de révision" et que c'est une question d'uniformité du
vocabulaire.
M. Rémillard: Je vais demander au professeur Pineau de
faire le commentaire, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Me Pineau.
M. Pineau: Oui, M. le Président. La Chambre des notaires
demande d'ajouter "habituelle" après "résidence", mais nous
savons que, dans le chapitre sur le domicile, on a défini la notion de
domicile et on a défini aussi la notion de résidence. Et il y est
question, à cet égard, de résidence habituelle. Dès
lors, chaque fois que l'on parle de résidence dans le livre sur le droit
international privé, on parle effectivement de résidence
habituelle. On n'a donc pas besoin de répéter le qualificatif
"habituelle".
Mme Harel: Et moi, je fais amende honorable. En fait, ce
n'était pas une recommandation de la Chambre des notaires qui est
satisfaite par l'amendement à 3120.
M. Pineau: C'est un recoupement des articles 3120 et 3124.
Mme Harel: C'est ça. À 3123, l'amendement vient
biffer "depuis un an". Alors, dorénavant, les autorités
québécoises seront compétentes en matière de
séparation de corps lorsque l'un des époux a son domicile au
Québec ou qu'il y réside à la date de l'introduction de
l'action. Alors, il n'y a plus cette exigence d'y résider depuis un
an?
M. Rémillard: Je pense que c'est une question de
concordance avec le fait qu'on a éliminé la séparation de
corps ou le fait que des époux soient séparés depuis un
an. Alors, il s'agissait d'établir la concordance entre les deux, si
vous voulez, en fonction de l'idée de l'article 3123.
Mme Harel: C'est une excellente modification qui est introduite
par l'amendement.
M. Rémillard: Ça va être bon.
Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres
commentaires touchant ces articles, le nouvel intitulé de la section I
est donc adopté tel que proposé; l'article 3118 est adopté
tel qu'amendé; l'article 3119 est laissé en suspens; l'article
3120 est laissé en suspens tel qu'amendé; l'article 3120 est
adopté tel qu'amendé; les articles 3121 et 3122 sont
adoptés tels quels; l'article 3123 est adopté tel
qu'amendé; l'article 3124 est supprimé et l'article 3125 est
adopté tel
quel. Nous en arrivons maintenant à la section II qui touche des
actions personnelles à caractère patrimonial.
Mme Harel: M. le Président, si vous me permettez.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. D'une part, j'ai obtenu l'information que je
souhaitais quant à l'intervention de mon collègue de
Lévis, porte-parole en matière de transport, sur le projet de loi
concernant la convention internationale. Alors, ce sera une intervention d'au
plus 20 minutes dans le cadre des interventions des députés.
Alors, donc, j'aurai à procéder à l'examen du projet de
loi, article par article, avec le ministre.
D'autre part, M. le Président, je demanderais la faveur de
pouvoir terminer maintenant. J'ai à interroger un collègue du
ministre, le ministre de l'Industrie et du Commerce, sur le projet
dévoilé hier. Alors je souhaiterais avoir peut-être les
quelques minutes qui nous restent pour pouvoir préparer cette
intervention.
M. Rémillard: Très bien, M. le Président,
mais est-ce que je peux demander à la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, vu qu'elle a peut-être plus d'informations que
moi, si ça signifie qu'on peut quand même faire du Code civil cet
après-midi, en fin d'après-midi, ou s'il faut oublier de
travailler cet après-midi?
Mme Harel: Ce qu'on m'indique, c'est qu'on procéderait
donc aux deux lois du ministre de la Justice et puis, là, je n'ai pas
encore la confirmation, mais on me laisse entendre qu'on procéderait
tout de suite avec la loi du ministre de la Main-d'?uvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. Il y a eu
une entente entre les leaders de façon à ce qu'il y ait une autre
commission qui siège cet après-midi. Nous on reprendrait à
20 heures.
Alors, la deuxième lecture de ces trois projets de loi serait
terminée et on reprendrait à 20 heures jusqu'à 24
heures.
M. Rémillard: Bon. Alors, M. le Président,
très bien.
Mme Harel: Donc, on ne siégerait pas cet après-midi
en commission parlementaire.
M. Rémillard: Toujours ayant en tête ce qu'on
s'était proposé d'établir comme programme,
c'est-à-dire de pouvoir aborder dès demain les questions en
suspens.
Mme Harel: Alors, ça donne cette
demi-journée...
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: ...aux experts pour se rencontrer.
M. Rémillard: C'est ça. Très bien. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Nous
allons suspendre nos travaux jusqu'à confirmation en Chambre, à
savoir si on siège en fin d'après-midi ou ce soir. Dans un tel
cas, je pense que ce sera ici, dans cette même salle Papineau. Sur ce,
s'il n'y a pas de commentaires additionnels, je suspends les travaux.
Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 22)
(Reprise à 20 h 20)
Le Président (M. Lafrance): Je veux souhaiter le bonsoir
à tous et déclarer cette séance de travail ouverte.
Documents déposés
Et avant de reprendre nos travaux, j'accepte le dépôt de
deux documents, de deux publications qui contiennent les commentaires
détaillés sur les dispositions du projet de loi. le Livre
septième, De la preuve, qui touche les articles 2790 à 2858 et
qui portera le code numérique 46D, et également les commentaires
détaillés sur les dispositions du projet de loi, le livre
huitième, De la prescription, qui touche les articles 2859 à 2917
et qui portera le code numérique 47D.
S'il n'y a pas de commentaires de début de travaux, j'aimerais
vous référer à la série d'articles contenus
à la section II qui touche les questions des actions personnelles
à caractère patrimonial. J'appelle donc les articles 3126
à 3129.
M. Rémillard: Un amendement, M. le Président. Au
3° de l'article 3126, les mots ", un fait dommageable s'y est produit" sont
insérés après le mot "subi".
M. le Président, l'amendement proposé vise à
attribuer une compétence aux autorités québécoises
dans le cas où un fait dommageable se serait produit au Québec en
l'absence de faute. En raison de cet amendement, l'article 3126 se lirait comme
suit: "Dans les actions personnelles à caractère patrimonial, les
autorités québécoises sont compétentes dans les cas
suivants: "1° Le défendeur a son domicile ou sa résidence au
Québec; "2° Le défendeur est une personne morale qui n'est
pas domiciliée au Québec mais y a un
établissement et la contestation est relative à son
activité au Québec; "3° Une faute a été commise
au Québec, un préjudice y a été subi, un fart
dommageable s'y est produit ou l'une des obligations découlant d'un
contrat devait y être exécutée; "4° Les parties, par
convention, leur ont soumis les litiges nés ou à naître
entre elles à l'occasion d'un rapport de droit déterminé;
"58 Le défendeur a reconnu leur compétence.
"Cependant, les autorités québécoises ne sont pas
compétentes lorsque les parties ont choisi, par convention, de soumettre
les litiges nés ou à naître entre elles, à propos
d'un rapport juridique déterminé, à une autorité
étrangère ou à un arbitre, à moins que le
défendeur n'ait reconnu la compétence des autorités
québécoises."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
là le seul amendement à ces articles?
M. Rémillard: Oui, c'est le seul amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y aurait des
commentaires, donc, touchant ces articles 3126 tel qu'amendé,
jusqu'à 3129?
Mme Harel: 3126 et suivants, 3127 et 3128 également, je
comprend qu'il s'agit de droit nouveau. Alors, je demanderais au ministre de
nous en préciser la portée.
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Il
s'agit de droit nouveau dans un secteur important aussi, les actions
personnelles à caractère patrimonial. C'est un droit qui
s'inspire des propositions de l'Office de révision du Code civil et
aussi qui est en relation directe avec la Convention de La Haye de 1971 sur la
reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en
matière civile et commerciale et celle de 1965 sur les accords
d'élection de for. Alors, M. le Président, je demanderais au
professeur Pineau de nous faire les commentaires sur ce droit nouveau.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
Me Pineau.
M. Pineau: Merci, M. le Président. Certains de ces
états de compétences sont déjà prévus par
l'article 68 du Code de procédure. Ce sont des dispositions qui sont
largement admises en droit international privé et, donc, 3126 nous
indique dans quels cas les autorités québécoises sont
compétentes en matière d'actions personnelles à
caractère patrimonial.
Donc, les principaux critères sont le domicile ou la
résidence au Québec du défendeur si le défendeur
est une personne physique et si le défendeur est une personne morale qui
n'est pas domiciliée au Québec mais y a un établissement,
dans la mesure où la contestation est relative à son
activité. Les autorités québécoises sont
également compétentes lorsqu'une faute a été
commise au Québec, ou qu'un préjudice y a été subi,
ou que, selon le troisième paragraphe de l'article 3126, une obligation
contractuelle devait y être exécutée.
Le quatrième paragraphe fait état également du
critère de la soumission des litiges par convention, des litiges
nés ou à naître entre elles à l'occasion d'un
rapport de droit déterminé et, dans le cinquième cas,
c'est l'hypothèse où le défendeur a reconnu la
compétence de ces autorités. Voilà les critères,
les cas prévus par l'article 3126 qui donne, donc, compétence aux
autorités québécoises. Il y a un deuxième
alinéa, après l'énumération des cinq cas; les
autorités québécoises n'ont pas cette compétence
lorsque les parties ont choisi de soumettre leurs litiges à une
autorité étrangère ou à un arbitre.
Mme Harel: Dans son mémoire, la Chambre des notaires
considérait que le choix du mot "faute" que l'on retrouve au
troisième alinéa de 3126 n'était pas heureux et
suggérait le texte suivant: "Un fait dommageable est survenu au
Québec, un préjudice d'ordre corporel ou matériel y a
été subi..." Dois-je comprendre qu'il proposait de remplacer
"faute" par "un fait dommageable"? Vous avez plutôt choisi d'ajouter, au
troisième alinéa, par l'amendement: "un fait dommageable s'y est
produit", aux autres causes.
M. Pineau: C'est cela. Troisièmement, l'amendement.
M. Rémillard: M. le Président, ce qu'il faut
comprendre, c'est qu'on a ajouté le fait dommageable par l'amendement
que nous avons, donc, produit aujourd'hui, ce qui fait que nous avons les deux
notions, parce qu'un fait dommageable peut être fautif, mais une faute
n'est pas nécessairement un fait dommageable.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Mme Harel: À 3126, il va y avoir lieu de modifier le
commentaire.
M. Rémillard: II faudra en prendre bonne note, M. le
Président.
Mme Harel: À 3141, on se réfère, je pense,
à 3126.
M. Rémillard: 3141?
Mme Harel: À 3141, on dit: "En l'absence de dispositions
particulières, la compétence des autorités [...]
étrangères est établie suivant les
règles de compétence applicables aux autorités
québécoises [...] compte tenu des adaptations
nécessaires." Faut-il comprendre, à ce moment-là, que la
règle de 3126, en l'absence de dispositions particulières,
s'applique pour déterminer la compétence des autorités
étrangères?
M. Rémillard: C'est parce qu'on a un amendement sur 3141.
Je ne sais pas si vous l'avez reçu, mais, à 3141, il y a un
amendement et il faut aussi se référer à 3145.
Mme Harel: On n'a pas encore eu d'amendement, je pense, à
3145. Il n'a pas été déposé encore.
M. Rémillard: Alors, il va arriver. Peut-être qu'on
pourra le voir tout à l'heure.
Mme Harel: Je note qu'à 3127 il y a également une
disposition qui assure une protection au consommateur et au travailleur, c'est
bien ça? Pour ces contrats de consommation et pour ces contrats de
travail, en plus des critères de 3126, à ce moment-là,
c'est finalement le lieu où le consommateur ou le travailleur a son
domicile ou sa résidence au Québec.
M. Pineau: Les autorités québécoises, M. le
Président, sont compétentes si, effectivement, le consommateur ou
le travailleur a son domicile ou sa résidence au Québec. Et 3127
ajoute que la renonciation de ce consommateur ou de ce travailleur à
cette compétence ne peut pas lui être opposée.
Mme Harel: Et à 3128, les autorités
québécoises ont également compétence dans les
contrats d'assurance lorsque l'assuré ou le bénéficiaire a
son domicile ou sa résidence au Québec.
M. Pineau: Ou lorsque le contrat porte sur un
intérêt d'assurance situé au Québec, ou lorsque le
sinistre est survenu au Québec.
Mme Harel: Là, il n'y a pas la même disposition
qu'à 3127 qui prévoit que la renonciation n'est pas opposable.
À 3128, faut-il comprendre que la renonciation de l'assuré
pourrait lui être opposable?
M. Pineau: Oui, M. le Président, la réponse est
affirmative.
Mme Harel: En fait, à 3127, on couvre la circulation des
biens et des personnes, n'est-ce pas, puisqu'il s'agit du contrat de
consommation et du contrat de travail. Donc, c'est la circulation des biens et
des personnes. Et là on assure une protection au consommateur et au
travailleur. Mais, à 3128, là, il n'est pas question de
circulation de biens ou de personnes. Il est question d'un contrat de services,
c'est ça? Et, à ce moment-là, si je prends, par exemple,
une assurance à l'aéroport de Chicago et s'il y a une clause qui
prévoit dans la police que tout litige doit être examiné
dans ce district, alors j'y ai tacitement renoncé. Ça pourrait
être tacite aussi, la renonciation?
M. Pineau: On pourrait prétendre qu'on a ainsi
renoncé à se prévaloir de la compétence devant les
autorités québécoises, conformément
à31...
Mme Harel: Première question, peut-être: Pourquoi
avoir choisi de légiférer sur les contrats d'assurance? On a vu
ce matin que tel n'était pas le cas en matière de contrat de
construction ou en matière de contrat de services. Pourquoi avoir
spécifiquement voulu une disposition traitant des contrats d'assurance,
auquel cas c'est la règle générale qui s'applique? Quelle
est la règle générale qui s'applique pour les autres
contrats qui ne sont ni d'assurance, ni de consommation, ni de travailleur?
C'est 3126?
M. Pineau: C'est ça.
Mme Harel: Pourquoi une règle particulière pour les
contrats d'assurance? Est-ce qu'il y a eu une représentation? Est-ce
qu'il y a des motifs qui plaident en faveur de traitement spécifique
pour les contrats d'assurance?
M. Pineau: M. le Président, on a reproduit, dans 3128, une
disposition qui existe déjà dans la législation
québécoise en matière de contrat d'assurance. On l'a
déportée dans ce chapitre.
Mme Harel: C'est au Code de procédure civile ou si...
M. Pineau: Au Code de procédure civile.
Mme Harel: C'est au Code de procédure civile.
M. Pineau: 69.
Mme Harel: D'accord. Et, à 3129, on fait
référence à l'article 3106. Je sais que, depuis le
début de l'examen du Code, c'est peu fréquent que les
légistes aient recommandé des renvois comme ça. Je crois
que vous avez tenté, de façon assez systématique, de les
éviter. Il y en a eu peut-être un ou deux, à ma
connaissance; je ne me rappelle pas qu'il y en ait eu plusieurs autres.
Celui-ci, 3106, est déjà suspendu. Alors, 3129 prévoit que
les autorités québécoises ont compétence exclusive
pour connaître, en première instance, de toute action
fondée sur la responsabilité prévue à l'article
3106.
Je comprends que ça ait déjà été
adopté. Donc, ça écarte la règle
générale de l'article
3126. Peut-on nous donner des cas où 3129 s'applique dans une
action fondée sur la responsabilité prévue à
3106?
M. Pineau: M. le Président, l'article 3106 est
relativement explicite à cet égard, puisqu'il nous dit que les
règles de ce projet de Code seraient censées s'appliquer
impérativement aux sujets relatifs à la responsabilité
civile, lorsqu'il s'agit d'indemniser un préjudice, que ce
préjudice ait été subi au Québec ou en dehors du
Québec, préjudice résultant soit de l'exposition à
une matière première provenant du Québec, soit de son
utilisation, que cette matière première ait été
traitée ou non. Donc, on prévoit l'hypothèse où une
matière première pourrait faire subir, de par sa nature, un
préjudice à certaines personnes.
Mme Harel: Je comprends, mais il s'agit d'une règle
d'exception.
M. Pineau: Une règle d'exception.
Mme Harel: Est-ce qu'elle a déjà trouvé
matière à application?
M. Pineau: À ma connaissance, non.
Mme Harel: Elle a été adoptée en 1984, je
crois, hein? Je ne sais pas. Je ne crois pas que ce soit 1984.
M. Pineau: 1989. Je pense que c'est 1989. Mme Harel: En
1989.
M. Pineau: Oui. M. le Président, c'est une
règle qui fait preuve d'une certaine précaution et qui pourrait
avoir une valeur préventive, le cas échéant, dans
l'hypothèse où des actions pourraient provenir de
l'étranger quant à un préjudice qui pourrait
résulter d'une matière première exploitée au
Québec.
Mme Harel: Je ne sais pas si le ministre avait pris connaissance
de la remarque que l'on retrouve dans le mémoire de la Chambre des
notaires, qui dit ceci: "II s'agit d'une règle d'exception qui a son
origine dans les nombreux procès qui ont été
intentés au sujet des dommages causés par l'amiante. On trouve
des dispositions presque identiques en Colombie-Britannique, mais qui se
rapportent à l'exécution des jugements étrangers. La
Chambre des notaires est d'avis que cet article n'a pas sa place dans le Code
civil. L'article devrait être supprimé du Code et se trouver dans
une loi spéciale." Quelle est la réaction du ministre quant
à cette recommandation?
M. Rémillard: C'est une disposition spéciale, oui,
mais c'est une disposition, quand même, qui s'inscrit fort bien dans le
cadre du Code civil en fonction du sujet que nous traitons, d'une
responsabilité civile impliquant du droit international. Par
conséquent, cette disposition, même si nous avons dit tout
à l'heure qu'elle n'avait jamais été utilisée, il
est bon qu'elle soit là. D'ailleurs, le Québec, comme vous venez
de le mentionner, n'est pas la seule province à avoir une telle
disposition. La Colombie-Britannique aussi a une telle disposition; je ne suis
pas certain, mais on me dit qu'il y a des États américains qui
ont des dispositions peut-être semblables aussi.
Alors, dans ce contexte-là, même si c'est une mesure
d'exception, on croit bon de l'insérer quand même dans cette
sous-section de la responsabilité civile qui est en fonction, donc, du
droit international.
Mme Harel: Mais, M. le Président, je crois comprendre
qu'en Colombie-Britannique il s'agit plus de ne pas reconnaître les
jugements étrangers que de décider que tout litige doit
être entendu par des tribunaux - je crois.
Je voudrais également que le ministre puisse réagir
à ce commentaire que l'on retrouve dans le mémoire du Barreau qui
indique, et je cite: "On peut douter de la pertinence de prévoir, dans
le Code civil - c'est à peu près au même effet, en fait -
une situation aussi particulière que celle qui est décrite
à cet article et qui vise une industrie spécifique. En outre, on
peut s'interroger sur la constitutionnalité de l'article, tel que
formulé, qui impose la loi du Québec au monde entier dès
lors que la matière première à l'origine du dommage
provient du Québec. Une alternative, ajoute le Barreau, aurait
été de ne pas reconnaître au Québec les jugements
étrangers en cette matière." En quelle année est-ce que
c'a été adopté?
M. Rémillard: C'a été adopté en 1989,
mais il faut savoir que c'est déjà au Code civil, à
l'article 8.1 qui est au Code civil, on me le fait remarquer: "Les
règles du présent Code s'appliquent de façon imperative
à la responsabilité de tout dommage subi au Québec ou hors
du Québec et résultant de l'exposition à une
matière première qui tire son origine du Québec ou de son
utilisation, que cette matière première ait été
traitée ou non." Et puis, ensuite, la disposition du Code de
procédure civile, à l'article... Attendez qu'on regarde.
Mme Harel: Ce que vous venez de me lire...
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: ...c'est quel article du...
M. Rémillard: 8.1 du Code civil du Bas Canada. (20 h
45)
Mme Harel: Qui était adopté quand, ça?
M. Rémillard: On l'a adopté en 1989, le chapitre
62, qui a été ajouté au Code civil du Bas Canada.
Mme Harel: Mais, évidemment, ce n'est pas une
argumentation, de dire qu'on l'a adopté il y a deux ans, pour le
justifier maintenant.
M. Rémillard: Bien, ce n'est pas une argumentation, mais,
à ce moment-là, l'intention du législateur était
vraiment d'en faire une règle faisant partie du code
général, c'est-à-dire du Code civil, parce qu'on jugeait
que le sujet était assez important pour être mentionné
comme étant une disposition principale de l'ensemble des autres
dispositions concernant le droit international privé.
Mme Harel: Mais que) serait l'effet d'une telle disposition dans
un cas de litige? Prenons le cas de l'amiante aux États-Unis, par
exemple. Si tant est qu'un litige survenait concernant cette matière
première, nous, on prétendrait, en vertu du Code civil, que c'est
une autorité québécoise qui a compétence.
M. Rémillard: Ce sont nos règles à nous. Ce
sont nos tribunaux à nous.
Mme Harel: Je veux croire, mais comment pourrions-nous... Est-ce
que les tribunaux étrangers, par exemple les tribunaux
américains, se dessaisiraient en considérant qu'à 3106 du
Code civil, dans son dispositif de droit international privé, le
Québec prévoit avoir seul l'exclusive compétence pour
connaître toute action fondée sur la responsabilité
prévu à 3106?
M. Rémillard: C'est une disposition qu'on avait
adoptée à l'unanimité, il y a maintenant deux ans,
à l'Assemblée nationale, ayant bien en tête que c'est
l'état du droit au Québec. Comme c'est l'état du droit au
Québec, quelqu'un qui veut poursuivre une entreprise en fonction d'un
produit venant du Québec, il doit se référer, à ce
moment-là, au droit québécois et le droit
québécois dit que ce sont nos tribunaux et nos règles qui
vont s'appliquer.
Mme Harel: Le ministre va comprendre. C'est l'état de
fatigue après cette longue journée, mais je ne peux pas imaginer
qu'on pourrait plaider devant un tribunal américain que ça a
été voté à l'unanimité. C'est parce que la
question...
M. Rémillard: Bien, c'est une expression claire. On ne
dira pas que c'est ambigu.
Mme Harel: Mais la question que je posais au ministre,
c'est...
M. Rémillard: Pas besoin d'être fatigué pour
comprendre que ce n'est pas ambigu. C'est clair.
Mme Harel: Est-ce qu'un tribunal américain accepterait de
se dessaisir, du fait que nous avons une telle disposition qui consacre, selon
nous, la compétence exclusive d'une autorité
québécoise?
M. Rémillard: Oui, mais, même s'il décidait
d'entendre la cause et de porter jugement, il faut que le jugement soit reconnu
au Québec pour que la personne qui est condamnée à des
dommages puisse obtenir l'exécution comme telle. Donc, par
conséquent, ce que ça signifie, ça signifie que vous avez
l'article 3142, 1°, qui est là.
Mme Harel: Est-ce que c'est fréquent en droit
international privé que les États se protègent avec des
dispositions semblables? Est-ce qu'on connaît des dispositions qui ont pu
Inspirer cet article-là?
M. Rémillard: II y a l'exemple de la Colombie-Britannique.
Je n'en connais pas...
Mme Harel: Je ne pense pas que ce soit un bon exemple. Je crois
que la Colombie-Britannique se protège contre les jugements
étrangers et non pas s'accorde la compétence exclusive.
M. Rémillard: Écoutez, je ne peux pas aller dans le
détail, mais je peux peut-être demander au professeur Pineau, qui
semble bien connaître le...
M. Pineau: Ça revient au même, en définitive,
parce que, même si un tribunal américain rendait jugement contre
un ressortissant québécois, un tribunal québécois
ne reconnaîtrait pas ce jugement. Donc, cela signifie qu'en
définitive le citoyen américain qui désirerait poursuivre,
s'il désirait obtenir satisfaction, il devrait venir se battre devant
les tribunaux québécois.
Mme Harel: Je me demande, par exemple pour l'accident survenu
à Bhopal - vous vous rappelez peut-être cet accident survenu il y
a très longtemps, il y a huit ans, je crois, dans une usine chimique, en
Inde - si tant est que les matériaux provenaient des États-Unis,
par exemple, la cause n'aurait pas pu être entendue et les victimes
être entendues par un tribunal de leur pays, mais il aurait fallu que la
cause se déroule aux États-Unis, en fait.
M. Rémillard: Mais là je me demande si
c'était une matière première. Dans ce cas-là, je ne
crois pas qu'il s'agissait de matière première. Ici, on est dans
le cas de matière première.
Mme Harel: Traitée ou non. C'est-à-dire que
la matière première aurait pu devenir un matériau
qui aurait été incorporé à autre chose. On en est,
là, à 3106, non seulement à la matière
première, mais c'est beaucoup plus large; je pense que c'est:
"...à une matière première provenant du Québec,
soit de son utilisation, que cette matière première ait
été traitée ou non."
Bon, on me fait valoir que, justement, dans la cause de Bhopal que je
citais, pendant quatre ans, la question de savoir quel était le tribunal
compétent a été l'objet d'un litige devant les tribunaux
américains et, finalement, la décision des tribunaux
américains fut de renvoyer toute l'action devant les tribunaux indiens.
Finalement, c'est donc devant un tribunal indien que la cause a
été entendue. En l'occurrence, ici, nous, nous disons que nous
aurions compétence exclusive pour l'entendre.
M. Pineau: M. le Président, indépendamment de cela,
tous les pays ont des dispositions de protection, donc on ne peut pas dire
qu'il s'agisse là d'une mesure tout à fait extraordinaire sur le
plan de l'exception, en définitive. Dans certains domaines, les
États se réservent des portes de sortie.
Mme Harel: Mais, de toute façon, avec les dispositions
amendées sur la question de la responsabilité du fabricant, ils
sont peut-être mieux de faire entendre la cause ici, au Québec.
Non? On me dit non, pas vraiment, malgré les amendements que nous avons
obtenus.
Le Président (M. Lafrance): Merci. S'il n'y a pas d'autres
commentaires, l'article 3126 est donc adopté tel qu'amendé. Les
articles 3127, 3128 et 3129 sont adoptés tels quels. Nous en arrivons
maintenant à la section III qui touche les questions des actions
réelles, et j'appelle donc les articles 3130, 3131 et 3132.
M. Rémillard: Nous avons trois amendements, M. le
Président. Dans l'intitulé de la section III du chapitre deux du
titre trois, les mots "et mixtes" sont ajoutés après le mot
"réelles".
M. le Président, l'amendement proposé vise à
couvrir plus adéquatement les matières prévues aux
articles 3131 et 3132. En raison de cet amendement, l'intitulé de la
section III, du chapitre deux du titre trois se lirait comme suit: "Des actions
réelles et mixtes".
M. le Président, dans l'article 3131 : 1° à la
troisième ligne du premier alinéa, les mots "ou l'un des
défendeurs" sont insérés après les mots "le
défendeur"; 2° à la première ligne du deuxième
alinéa, le mot "les" devant le mot "biens" est remplacé par le
mot "des".
M. le Président, l'amendement proposé vise à rendre
l'article conforme au droit actuel et à préciser que la situation
au Québec de seulement certains des biens de la succession permet de
fonder la compétence des autorités du Québec. En raison de
ces amendements, l'article 3131 se lirait comme suit: "En matière
successorale, les autorités québécoises sont
compétentes lorsque la succession est ouverte au Québec ou
lorsque le défendeur ou l'un des défendeurs y a son domicile ou,
encore, lorsque le défunt a choisi le droit québécois pour
régir sa succession. "Elles le sont, en outre, lorsque des biens du
défunt sont situés au Québec et qu'il s'agit de statuer
sur leur dévolution ou leur transmission."
Dans l'article 3132, à la dernière ligne, les mots "depuis
au moins un an" sont supprimés. L'amendement proposé
établit une concordance avec l'article 493 tel qu'amendé. En
raison de cet amendement, l'article 3132 se lirait comme suit: "Les
autorités québécoises sont compétentes en
matière de régime matrimonial dans les cas suivants: "1° Le
régime est dissout par le décès de l'un des époux
et les autorités sont compétentes quant à la succession de
cet époux; "2° L'objet de la procédure ne concerne que des
biens situés au Québec. "Dans les autres cas, les
autorités québécoises sont compétentes lorsque l'un
des époux a son domicile au Québec ou qu'il y réside
à la date de l'introduction de l'action."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a des commentaires sur ces trois articles 3130, 3131 et 3132?
Mme Harel: Oui, M. le Président. D'abord le titre, M. le
Président. Il faut donc comprendre que l'amendement vise à
ajouter les mots "et mixtes" au titre "Des actions réelles". On a dit
dans le commentaire: L'amendement proposé vise à couvrir plus
adéquatement les matières prévues aux articles 3131 et
3132. Alors, peut-être peut-on nous désigner les actions mixtes
qu'on veut couvrir?
M. Pineau: II s'agit, M. le Président, d'actions
réelles, dans le premier article, c'est-à-dire 3130, tandis que,
dans les articles 3131 et 3132, il s'agit de matière successorale et de
régime matrimonial. Alors, il s'avère, M. le Président,
que les actions qui sont exercées en matière successorale ou en
matière de régimes matrimoniaux ne sont pas, à proprement
parler, des actions réelles. Elles sont dites actions mixtes et c'est
pourquoi le qualificatif "mixtes" a été ajouté à
"actions réelles", pour mieux couvrir les articles 3131 et 3132.
Mme Harel: Donc, en matière successorale, à 3131,
il faut comprendre que 3131 reprend le droit actuel? (21 heures)
M. Pineau: L'article 74, Code de procédure, et cela est
conforme à ce que proposait l'Office de révision.
Mme Harel: Mais je...
M. Pineau: On ajoute... Il y a un ajout...
Mme Harel: ...comprends bien qu'il s'agit du droit actuel, c'est
ça? Ou il y a un élargissement?
M. Pineau: II y a un ajout, puisque 3131 retient la
compétence des autorités du Québec lorsque le
défunt a choisi le droit québécois pour régir, pour
gouverner sa succession, ce qui serait conforme à l'article 3074.
Mme Harel: Je prends connaissance du commentaire que l'on
retrouve dans le mémoire de la Chambre des notaires, à la page
78, à l'article 3131, et qui recommande, me semble-t-il, d'adopter le
principe de l'unité de la succession plutôt, en fait, que la
compétence basée sur le domicile du défendeur et la
situation des biens du défunt. Et on fait valoir dans le mémoire,
justement, qu'il y a déjà une convention internationale sur cette
question de l'unité de la succession. Alors, si je comprends bien, vous
avez choisi de maintenir le droit actuel plutôt que d'introduire ces
nouvelles dispositions de la convention internationale...
M. Pineau: C'est cela.
Mme Harel: ...contrairement à la pratique parce que, en
fait, la plupart des dispositions que nous avons adoptées dans ce titre
sont souvent inspirées par des conventions internationales; dans ce
cas-ci, non. Est-ce qu'on peut connaître les motifs qui vous ont
amené à choisir de maintenir le droit actuel?
M. Pineau: Lorsque, hier, a été mis de
côté, effectivement, le principe de l'unité de succession,
il a été dit qu'il s'agissait d'une question qui avait
été extrêmement discutée et contestée et que,
même si la tendance internationale allait dans ce sens-là, la
convention a été le résultat de compromis et qu'il
n'était peut-être pas prudent, dans le contexte
québécois, d'adopter, pour l'instant, ce principe de
l'unité de succession.
Mme Harel: Ça vous semble l'objet d'un compromis qui est
boiteux, alors?
M. Pineau: Certains, effectivement, contestent. Chaque
système, dirons-nous, a ses avantages et ses inconvénients. Le
principe de l'unité de succession a ses avantages; il a aussi ses
inconvénients. Et le droit actuel a peut-être des
inconvénients, mais il a aussi certains avantages.
Mme Harel: Pourriez-vous nous parler des inconvénients du
droit actuel?
M. Pineau: Si, par exemple, je suis propriétaire d'un
immeuble en France, ou copropriétaire indivis avec une ou deux autres
personnes et que je décède ici, l'unité de succession
voudrait que les litiges nés à propos de cet immeuble
situé en France soient réglés par les règles
québécoises. Or, les copropriétaires du défunt
pourraient ne pas être d'accord sur la question de l'application des
règles québécoises quant à un litige portant sur un
immeuble situé à l'étranger et il serait sans doute
difficile d'obtenir du tribunal français qu'il règle un litige
conformément à la loi québécoise. Et dans la mesure
où, même ici, on obtiendrait un jugement portant sur ce litige
relatif à un immeuble situé en France, il serait peu probable
qu'un tribunal français accepterait d'exécuter ce jugement.
Mme Harel: Là, vous nous avez fait part des
inconvénients de l'unité de la succession, mais je vous posais la
question de savoir les inconvénients du droit actuel.
M. Pineau: II est évident qu'il est plus facile
d'appliquer une seule loi plutôt que deux lois lorsqu'il s'agit de
régler une succession.
Mme Harel: Alors, il y a des avantages. Ah oui! d'accord. Vous
dites que ça, c'est un avantage.
M. Pineau: S'il y a unité de succession.
Mme Harel: C'est ça. Mais le droit actuel... Vous nous
disiez tantôt qu'il y avait à la fois, dans chaque régime,
des avantages et des inconvénients. Quels sont les
inconvénients?
M. Pineau: Les inconvénients de? Mme Harel: Du
droit actuel.
M. Pineau: Du droit actuel. Eh bien, cet inconvénient
consiste à, effectivement, devoir appliquer deux lois, la loi d'immeuble
ici, la loi québécoise concernant l'immeuble situé ici et
la loi étrangère relative à l'immeuble situé
à l'étranger. Ça peut créer des
inconvénients. On a deux lois à appliquer et à
gérer.
Mme Harel: Et dans la balance des inconvénients...
M. Pineau: Et les créanciers d'ici pourraient être
moins bien servis, n'est-ce pas, que s'il y a unité de succession.
Mme Harel: De succession. Dans la balance des
inconvénients, le ministre a choisi de donner compétence aux
autorités québécoises "lorsque
les biens du défunt..." En fait, pas nécessairement "les"
biens. Je vois, par exemple, que vous avez, par l'amendement, remplacé
"les" biens du défunt par "des" biens, comme le recommandait,
d'ailleurs, la Chambre des notaires qui disait: Si cet alinéa doit
être maintenu, on devrait dire: "lorsque des biens du défunt sont
situés au Québec." Alors, comme l'alinéa est maintenu,
"lorsque des biens du défunt sont situés au Québec", vous
avez donc choisi la compétence des autorités
québécoises.
M. Rémillard: C'est une suggestion que nous avons
retenue.
Mme Harel: C'est-à-dire que vous n'avez pas retenu la
proposition principale, vous avez retenu le prix de consolation.
M. Rémillard: C'est une façon de voir les choses.
Je suis certain qu'il y a des gens qui ne voient pas ça comme un prix de
consolation, bien au contraire. Le problème est que la Convention de La
Haye n'a pas encore été ratifiée par les États. Il
nous paraît donc prématuré d'adhérer à ses
principes si elle n'a pas encore été ratifiée. On verra
quand elle sera ratifiée. Peut-être bien qu'encore là
l'Institut pourra nous recommander de changer des choses. On ne sait pas. Mais,
pour le moment, elle n'est pas ratifiée. Très bien, il y a une
convention, mais si elle n'est pas ratifiée... On m'informe qu'il y a
deux États, je pense, qui l'ont ratifiée jusqu'à
présent. Alors, par conséquent, on a préféré
s'en remettre au droit actuel, avec quand même la suggestion, et nous
faisons donc l'amendement en conséquence.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Le
nouvel intitulé à la section III est donc adopté tel que
proposé. L'article 3130 est adopté tel quel. Les articles 3131 et
3132 sont donc adoptés.
Mme Harel: M. le Président, à 3132, je comprends
que l'amendement vient biffer "depuis au moins un an". C'était
là, d'ailleurs, une recommandation de la Commission des services
juridiques. Alors, à 3132, il faut donc comprendre que les
autorités québécoises sont immédiatement
compétentes lorsque l'un des époux a son domicile au
Québec ou qu'il y réside à la date de l'introduction de
l'action. En fait, c'est le cas. Est-ce qu'il y a un certain délai avant
qu'un des époux puisse introduire une action en matière de
régime matrimonial?
M. Rémillard: Alors, il faut se référer
à l'article 77, et on a donc recours à la notion de
résidence. On dit, à 77, que la résidence d'une personne
est le lieu où elle demeure effectivement, de façon
habituelle.
Mme Harel: Et c'est interprété comme signifiant
quel délai de résidence?
M. Rémillard: II n'y en a pas. C'est une question de fait
qui est appréciée par le tribunal.
Mme Harel: D'intention? C'est-à-dire que, par exemple, un
visa de touriste dure trois mois. Alors, est-ce qu'on pourrait venir introduire
une action au Québec en matière de régime matrimonial?
M. Pineau: Je ne crois pas, M. le Président, qu'il
s'agisse là d'une résidence habituelle. Je ne sais pas si on doit
se prononcer maintenant, puisque cela nous renvoie aux dispositions sur la
notion de domicile et sur la notion de résidence que l'on a au chapitre
relatif à ces sujets, aux articles 75 et suivants du projet de Code.
Mme Harel: On lit dans le commentaire, à 3132: "En vertu
de cet article, le tribunal québécois pourrait être saisi
tant de la dissolution du régime que de la question de la
détermination d'un bien comme propre ou acquêt, par exemple." Et
il faut comprendre, à ce moment-là, compte tenu des règles
antérieures que nous avons déjà vues, que ce sont les
dispositions du Québec qui vont prévaloir quant au régime
matrimonial des époux. Il peut y avoir mutabilité.
M. Pineau: Si les époux décident, au cours du
mariage, de changer de régime et choisissent un régime
québécois, effectivement, ils seront soumis à ce nouveau
régime.
Mme Harel: Et s'il y a dissolution, à ce
moment-là?
M. Pineau: S'il y a dissolution, on appliquera les règles
du régime matrimonial telles que connues en droit
québécois, c'est-à-dire non seulement on appliquera les
règles de la liquidation mais aussi les règles qui sont relatives
à la qualification des biens quant à la question de savoir s'ils
sont propres ou s'ils sont des acquêts, ce qui permettra d'évaluer
la créance de participation s'il s'agit, par exemple, du régime
de la société d'acquêts.
Mme Harel: Et cette évaluation-là, au moment de la
liquidation, se fera en vertu des règles québécoises.
M. Pineau: C'est cela.
Mme Harel: Et non pas de celles qui président aux
régimes matrimoniaux du pays où le mariage a été
contracté.
M. Pineau: C'est cela, puisque, dans l'hypothèse, ils ont
décidé, ils ont convenu de changer
de régime ou d'adopter un nouveau régime.
Mme Harel: Et s'ils n'ont pas changé de régime,
à ce moment-là? /
M. Pineau: On appliquera la règle qu'ils ont choisie,
s'ils ont choisi un régime, ou les règles du régime
légal du pays dans lequel ils se sont mariés. (21 h 15)
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Me Pineau. Donc,
les articles 3131 et 3132 sont adoptés tels qu'amendés.
Nous en arrivons maintenant au titre quatrième qui touche les
questions de la reconnaissance et de l'exécution des décisions
étrangères et de la compétence des autorités
étrangères et qui comprend les articles 3133 à 3144.
Permettez-moi de vous lire le texte d'introduction à ce titre
quatrième.
De la reconnaissance et de l'exécution
des décisions étrangères et de la
compétence des autorités étrangères
Le titre quatrième énonce les règles applicables
à la reconnaissance et à l'exécution des décisions
étrangères, de même que les règles relatives
à la compétence des autorités étrangères. Il
est divisé en deux chapitres qui correspondent à ces
matières. À l'heure actuelle, seul le Code de procédure
civile contient quelques règles applicables à la reconnaissance
et à l'exécution des décisions étrangères,
si l'on excepte les dispositions du Code civil du Québec relatives
à la reconnaissance des jugements étrangers d'adoption et
l'article 1220 du Code civil du Bas Canada, et ces quelques règles sont
largement dépassées. C'est pourquoi elles seront
remplacées par les dispositions des articles qui suivent et qui
s'inspirent de la Convention de La Haye de 1971 sur la reconnaissance et
l'exécution des jugements étrangers en matière civile et
commerciale. Cette convention rend plus facile la reconnaissance et
l'exécution des décisions étrangères, compte tenu
qu'il convient de manifester aux systèmes judiciaires étrangers
la même confiance qu'au nôtre. Il faut souligner, cependant, que la
reconnaissance et l'exécution ne seront pas automatiques, car le
défendeur pourra soulever certaines défenses, notamment l'absence
de compétence, suivant nos règles, du tribunal étranger
qui a rendu la décision. Les articles qui suivent ne distinguent pas,
comme c'est le cas des articles 178 à 180 du Code de procédure
civile, entre les décisions rendues hors du Canada et celles rendues
dans d'autres provinces.
Le chapitre premier touche les questions de la reconnaissance et de
l'exécution des décisions étrangères et comprend
les articles 3133 à 3140. Le texte d'introduction à ce chapitre
premier se lit comme suit.
De la reconnaissance et de l'exécution des
décisions étrangères
Le chapitre premier énonce les régies
générales applicables à la reconnaissance et à
l'exécution des décisions étrangères. Il y est
question des défenses que peut soulever le défendeur, de la
reconnaissance des décisions rendues par défaut et de celles qui
accordent des aliments par paiements périodiques, de la conversion des
condamnations en monnaie canadienne, des intérêts que porte
l'obligation de payer une somme d'argent contenue dans une décision
étrangère et des transactions.
J'appelle...
Mme Harel: Au niveau du commentaire, M. le
Président...
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: ...contenu à la page 113, sous le titre
quatrième. Alors, faut-il comprendre que, dorénavant, le
Québec traitera les décisions des autres provinces comme des
décisions étrangères?
M. Rémillard: Je crois que c'a toujours été.
Le droit international privé se réfère à un autre
système juridique, or les autres provinces ont d'autres systèmes
juridiques.
Mme Harel: À la page 113, la dernière ligne du
commentaire dit ceci: "Les articles qui survent ne distinguent pas, comme c'est
le cas - j'imagine, présentement - des articles 178 à 180 du Code
de procédure civile, entre les décisions rendues hors du Canada
et celles rendues dans d'autres provinces." Alors, étant donné
qu'on ne distinguera plus entre les décisions des tribunaux canadiens et
des tribunaux étrangers, faut-il comprendre que, dorénavant, nous
allons traiter sur un même pied d'égalité toutes ces
décisions et traiter les tribunaux canadiens comme des tribunaux
étrangers?
M. Rémillard: Écoutez, sur le plan juridique, il
s'agit de systèmes juridiques qui ne sont pas comme le nôtre, donc
qui nous sont étrangers, et, par conséquent, il y a des relations
qui doivent s'établir de coordination du droit et d'exercice des droits
des personnes vivant dans chacun de ces États, de ces provinces ou de
ces pays.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le
ministre. J'aimerais donc appeler les articles du chapitre premier, soit les
articles 3133 à 3140 inclusivement.
M. Rémillard: II y a trois amendements, M. le
Président. Dans l'intitulé du titre quatrième du livre X,
les mots "judiciaires et administratives"
sont supprimés.
L'amendement proposé vise à couvrir toutes les
décisions rendues par des autorités étrangères,
quel que soit leur nom ou leur caractère. En raison de cet amendement,
l'intitulé du titre quatrième du livre dixième se lirait
comme suit: "De la reconnaissance et de l'exécution des décisions
étrangères et de la compétence des autorités
étrangères".
M. le Président, dans l'article 3133: 1° à la
première et à la troisième ligne du premier alinéa,
les mots "judiciaire ou administrative" sont supprimés; 2° aux
troisième et quatrième lignes du premier alinéa, les mots
"à moins que le défendeur ne fasse l'une des preuves suivantes"
sont remplacés par les mots "sauf dans les cas suivants"; 3° le
6° suivant est ajouté: "6° La décision sanctionne des
obligations découlant des lois fiscales d'un État
étranger."
M. le Président, les amendements proposés visent, d'une
part, à permettre aux autorités du Québec de
contrôler d'office la conformité de la décision
étrangère avec les conditions énumérées
à l'article, quels que soient le nom ou le caractère de cette
décision. Ils visent, d'autre part, à éviter que les
autorités du Québec ne soient tenues de reconnaître une
décision étrangère en matière fiscale, à
moins que l'État d'origine de cette décision reconnaisse les
décisions rendues en ces matières au Québec,
conformément à l'amendement proposé à l'article
3139.1. En raison de ces amendements, l'article 3133 se lirait comme suit:
'Toute décision rendue hors du Québec est reconnue et, le cas
échéant, déclarée exécutoire par
l'autorité du Québec, sauf dans les cas suivants: "1°
L'autorité de l'État dans lequel la décision a
été rendue n'était pas compétente suivant les
dispositions du présent titre; "2° La décision, au lieu
où elle a été rendue, est susceptible d'un recours
ordinaire, ou n'est pas définitive ou exécutoire; "3° La
décision a été rendue en violation des principes
essentiels de la procédure; "4° Un litige entre les mêmes
parties, fondé sur les mêmes faits et ayant le même objet, a
donné lieu au Québec à une décision passée
ou non en force de chose jugée, ou est pendant devant une
autorité québécoise, première saisie, ou a
été jugé dans un État tiers et la décision
remplit les conditions nécessaires pour sa reconnaissance au
Québec; "5° Le résultat de la décision
étrangère est manifestement incompatible avec l'ordre public tel
qu'il est entendu dans les relations internationales; "6° La
décision sanctionne des obligations découlant des lois fiscales
d'un État étranger."
M. le Président, l'article 3139.1 suivant est
inséré après l'article 3139: "3139.1 L'autorité du
Québec reconnaît et sanctionne les obligations découlant
des lois fiscales d'un autre État où il en est ainsi pour les
obligations découlant des lois fiscales du Québec."
M. le Président, l'amendement proposé reprend l'article 21
du Code de procédure civile mais, contrairement à cet article qui
ne s'applique qu'aux autres provinces canadiennes, l'amendement vise
également les États étrangers, il est à souligner
que la reconnaissance de ce type de jugement est liée à une
situation de réciprocité. En raison de cet amendement, l'article
3139.1 se lirait comme suit: "3139.1 L'autorité du Québec
reconnaît et sanctionne les obligations découlant des lois
fiscales d'un autre État où il en est ainsi pour les obligations
découlant des lois fiscales du Québec."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
est-ce qu'il y aurait des commentaires, donc touchant ces articles 3133
à 3140 inclusivement, incluant, il va de soi, le nouvel article 3139.1?
Oui, Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, à 3133, au paragraphe
3° qui stipule que la décision a été rendue en
violation des principes essentiels de la procédure, la Chambre des
notaires fait valoir que ce paragraphe 3° n'indique pas s'il s'agit des
principes essentiels de la procédure en vigueur au lieu où la
décision a été rendue ou s'il s'agit de la
procédure en vigueur au Québec. Il faudrait, ajoute le
mémoire de la Chambre des notaires, préciser que le texte vise la
violation de principes essentiels, ressortissant à la conception
québécoise du droit de la procédure, notamment que le
défendeur n'a pas eu la possibilité de faire valoir sa
défense pleine et entière.
Est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi il n'a pas
jugé nécessaire de tenir compte de ce commentaire dans
l'amendement qui est introduit à 3133? Est-ce qu'il n'aurait pas
été utile de le modifier?
M. Rémillard: Le professeur Pineau a les fiches bien en
main. Donc, il peut faire les commentaires, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, il s'agit d'une
décision qui aurait été rendue en violation des principes
essentiels de la procédure. Donc, on se réfère à
ces principes essentiels suivant une conception qui se veut plus internationale
que celle qui est en vigueur au Québec. On pourrait faire le
parallèle avec la conception d'ordre public qui ne se
réfère pas nécessairement à l'ordre public
québécois, mais qui se réfère à une
notion d'ordre public international. Il s'agit ici, effectivement, des
principes fondamentaux de la procédure. On pourrait imaginer le cas
où une partie n'aurait pas été entendue. Il y aurait
là violation, effectivement, d'un principe fondamental.
Mme Harel: Est-ce qu'il n'aurait pas été judicieux,
comme c'est le cas pour des articles qu'on va voir, je crois, d'introduire que
c'est en référence aux principes du droit international?
M. Pineau: M. le Président, c'est ce que laisse entendre
la formulation qui vise les principes essentiels qui sont à peu
près les mêmes dans tous les pays.
Mme Harel: II y a des dispositions antérieures où
on a explicitement fait référence aux principes du droit
international. C'était à quel moment, déjà?
M. Pineau: Notion d'ordre public.
Mme Harel: Oui. Pour définir, justement, cette notion
d'ordre public. Et je pense que, même dans cette section ou dans ce
chapitre, on fait référence aussi, encore, à l'ordre
international.
M. Pineau: Pas explicitement, je ne pense pas.
Mme Harel: Au 5°.
M. Pineau: Manifestement incompatible... C'est la
référence à l'ordre public.
Mme Harel: Ah oui! Tel qu'il est entendu dans les relations
internationales. Est-ce qu'il n'aurait pas été utile de qualifier
les principes essentiels de la procédure, également, telle que
connue dans les principes internationaux? Non?
M. Pineau: Je crois, M. le Président, que, sur le plan de
la formulation, il est difficile de se référer à des
principes reconnus essentiels sur le plan international comme on le fait dans
le cadre de la notion d'ordre public. Tout le monde s'entend pour savoir
à peu près ce qu'est l'ordre public international. C'est une
question de formulation, M. le Président.
Mme Harel: Mais tout le monde sait, comme vous le dites, ce
qu'est l'ordre public international.
M. Pineau: Approximativement.
Mme Harel: Mais est-ce que tout le monde sait ce que sont les
principes essentiels de la procédure?
M. Pineau: II y a des principes qui sont admis par tous, de
même qu'on peut penser que tout le monde sait ce que sont les droits
fondamentaux.
Mme Harel: C'est-à-dire tous les pays de culture
judéo-chrétienne. Mais est-ce que ces principes essentiels de la
procédure sont connus? Par exemple, considère-t-on le droit
d'être présumé innocent comme un principe essentiel? (21 h
30)
M. Pineau: Je pense que oui.
Mme Harel: Vous pensez que oui?
M. Pineau: Je crois que oui. Contrairement à ce qu'on
raconte face au système français.
Une voix: Le système français, c'est
présumé coupable.
M. Pineau: Oui, on me fait remarquer, ce qui est tout à
fait juste, que le principe de la présomption d'innocence se pose sur le
plan du droit criminel...
Mme Harel: C'est vrai.
M. Pineau: ...et non point sur le plan du droit civil.
Mme Harel: Justement, je sentais que c'était là un
terrain glissant, duquel je m'apprêtais à me retirer du bout des
pieds.
M. Rémillard: Surtout, ne glissez pas, madame.
Mme Harel: Alors, est-ce qu'on doit comprendre que toutes les
règles, auxquelles on se réfère par les termes "principes
essentiels de la procédure", sont des règles qui sont connues par
leur expression latine? Des règles autres...
Une voix: Grecques.
Mme Harel: Grecques. Ha, ha, ha! Est-ce que c'est ça?
C'est-à-dire que les principes essentiels, il y en a un nombre
limité? C'est un peu, si vous voulez, pour le bénéfice de
cette commission. Évidemment, on en connaît quelques-unes, audi
alteram partem et quelques autres qu'on pourrait citer. Il n'y a pas cette
règle-là, n'est-ce pas: primo non nocere, non? Ça,
c'était Hippocrate: d'abord, ne pas nuire. Mais vous pensez que c'est
assez clair, les principes essentiels de procédure?
M. Pineau: Je pense que oui. Je crois que ça n'ajouterait
rien, M. le Président, d'ajouter "les principes reconnus essentiels en
droit international privé". Nous sommes dans un livre
qui concerne le droit international privé. Donc, ce sont les
principes essentiels en cette matière, dans ce domaine, dans ce
contexte.
Mme Harel: Et vous avez quand même cru bon de l'ajouter,
même si on était dans un livre en droit international
privé, quand ça a à voir avec l'ordre public.
M. Pineau: Oui, mais la notion d'ordre public est une notion qui
peut être cernée, même si elle peut être
considérée comme vague. On peut fort bien la cerner, mais il
s'agit là d'une notion. Tandis qu'au paragraphe troisième, on se
réfère à des principes de droit, donc contrairement
à l'ordre public pour lequel on se réfère à une
notion.
Mme Harel: À 3134, il s'agit donc là
également d'un article de droit nouveau qui porte sur les jugements, je
crois, les décisions qui sont rendues par défaut à
l'étranger. C'est bien le cas? Nous n'avions aucune disposition à
ce titre dans le droit actuel?
M. Pineau: Dans le droit actuel, M. le Président, il n'y a
strictement rien. On ne fait que reprendre la proposition de l'Office qui,
elle-même, s'inspirait de la Convention de La
Haye. Donc, toutes ces règles sont véritablement
reconnues. Il n'y a aucune innovation propre à cette
législation.
Mme Harel: À 3135, si je comprends bien, là, on met
fin à une certaine jurisprudence, notamment en matière de
divorce, qui refusait de reconnaître les jugements étrangers pour
le seul motif que le tribunal étranger n'avait pas appliqué la
loi qui était applicable d'après les règles du droit
international privé. Donc, 3135 s'inspire des conventions et puis
s'écarte, en fait, faut-il comprendre, de la jurisprudence actuelle.
M. Pineau: D'une certaine jurisprudence.
Mme Harel: Et puis à 3136, c'est l'exécution des
jugements étrangers en matière civile et commerciale. Il n'y a
plus d'examen, au fond. C'est ça qu'il faut comprendre?
M. Pineau: Exact. Ce qui est donc une innovation par rapport
à l'article 178 du Code de procédure.
Mme Harel: C'est quand même un changement assez
substantiel, à 3136. Il ne pourra plus y avoir des nouveaux moyens de
preuve, je crois. C'est ça?
M. Pineau: C'est cela, ce qui permet, comme le dit le
commentaire, de promouvoir l'efficacité des décisions sur le plan
international.
M. Rémillard: M. le Président, simplement, quand on
lit 3136, "L'autorité québécoise se borne à
vérifier", je trouve ça un petit peu agaçant, le mot
"borner".
Mme Harel: Le commentaire de 3136 mériterait sans doute
d'être vu.
M. Rémillard: Mais "borne"! Est-ce que ce ne serait pas la
même chose de dire: "L'autorité québécoise se limite
à vérifier"? Ça a l'air moins borné.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: C'est un amendement verbal, M. le
Président.
Mme Harel: Ha, ha, ha! Comme une parole verbale!
M. Rémillard: Ça limite!
Mme Harel: Ha, ha, ha! Mais, en matière de loi fiscale, on
n'a pas la même courtoisie que l'on propose à 3136, à la
dernière ligne du commentaire, n'est-ce pas? Parce que, dans la
dernière ligne de 3136, on peut lire: "II importe en effet de promouvoir
l'efficacité des décisions sur le plan international et de faire
preuve d'une plus grande courtoisie à l'égard des tribunaux
étrangers." Ça, ça vaut tant qu'il ne s'agit pas de
décisions fiscales, parce que, là, on introduit un régime
particulier à l'égard des décisions fiscales. Il y a 3139
qui est introduit et qui prévoit que l'autorité du Québec
ne reconnaîtra et sanctionnera les obligations découlant des lois
fiscales d'un autre État que si cet autre État a fait de
même, en fait, a établi la réciprocité pour les
obligations découlant des lois fiscales du Québec.
Alors, en l'absence de réciprocité, on n'aura pas la
même courtoisie. C'est bien ce qu'il faut comprendre?
M. Rémillard: C'est ça. Mme Harel:
Pourquoi?
M. Rémillard: S'il n'y a pas de réciprocité,
par conséquent, nous n'avons pas de raison de donner cet avantage, si je
comprends votre question.
Mme Harel: Oui, mais on le donne à 3136 dans toute autre
matière, en matière matrimoniale, notamment, en toute autre
matière, civile ou commerciale, en fait, plutôt. À 3136,
c'est plutôt en matière civile et commerciale. Et ça, c'est
le principe général. Mais, d'une certaine façon,
l'exception, c'est en matière fiscale.
M. Rémillard: Le principe était déjà
à
l'article 21 du Code de procédure civile, alors on l'a
élargi; il a été élargi.
Mme Harel: Est-ce que vous pourriez nous lire l'article 21?
M. Rémillard: Je peux faire ça pour vous: "Les
tribunaux du Québec reconnaissent et sanctionnent les obligations
découlant des lois fiscales d'une autre province canadienne où il
en est ainsi pour les obligations découlant des lois fiscales du
Québec." Alors, le principe de réciprocité - depuis 1965,
remarquez - existe donc avec les autres provinces canadiennes. Alors, il a
été élargi.
Mme Harel: Là, en fait, on l'élargit à tous
les États.
M. Rémillard: Oui
Mme Harel: On traite les provinces canadiennes comme étant
des États, c'est ça qu'il faut comprendre.
M. Rémillard: C'est ce qu'on a fait dans les autres
articles aussi.
Mme Harel: C'est ça.
M. Rémillard: Alors, on fait exactement la même
chose ici; au lieu de parler des autres provinces canadiennes, on parle des
États étrangers, comprenant alors les provinces canadiennes qui
ont des systèmes juridiques étrangers.
Mme Harel: Alors, ce qui est vraiment nouveau, à 3136,
c'est qu'on n'ait plus cette disposition du Code de procédure civile qui
permet aux parties, au moment de la demande en reconnaissance d'un jugement
rendu hors du Canada, de faire valoir devant le juge de nouvelles
défenses, d'invoquer de nouveaux faits ou de produire de nouveaux moyens
de preuve. Alors, c'est resté le droit actuel en matière fiscale,
sauf qu'il est élargi autant aux autres États qu'aux provinces
canadiennes. Mais c'est un renversement, finalement, du droit actuel en
matière civile et commerciale, puisque les autorités
québécoises ne vont plus vérifier que les conditions de
forme, en fait. C'est ça qu'il faut comprendre, hein?
M. Pineau: C'est ça.
Mme Harel: Contrairement aux matières civile et
commerciale où vous dites, dans le commentaire, que c'est une
règle qui est en vigueur dans un grand nombre d'États, la
règle voulant que l'autorité ne dort pas se livrer à un
examen au fond - n'est-ce pas? - en matière civile et commerciale,
faut-il comprendre que cette règle qui est en vigueur dans un grand
nombre d'États ne le serait pas en matière fiscale?
M. Pineau: Je ne suis pas sûr que nous parlions des
mêmes choses, M. le Président. 3136 nous dit simplement qu'un
tribunal québécois n'examinera pas au fond le jugement
étranger et se contentera d'examiner si ce jugement remplit les
conditions qui sont prévues dans ce chapitre, dans ce titre. Ça,
c'est une chose.
Quant aux questions d'ordre fiscal, c'est 3139.1, l'amendement qui est
apporté, qui dit simplement que l'autorité du Québec
reconnaît, sanctionne les obligations découlant des lois fiscales
d'un autre État. Donc, reconnaissons que, si on dit: Les obligations
découlant des lois fiscales d'un autre État, mais dans la mesure
où cet autre État reconnaît les obligations
découlant des lois fiscales du Québec, c'est la
réciprocité. Donc, si l'État étranger ne
reconnaît pas les lois fiscales du Québec, les obligations
découlant des lois fiscales du Québec, l'autorité
québécoise ne reconnaîtra pas les lois fiscales de cet
État étranger. (21 h 45)
Mme Harel: C'est une règle qui est
généralement admise entre les États?
M. Pineau: C'est une règle qui,
généralement, est admise et reconnue. C'est une véritable
réciprocité. Je ne vous reconnais que si vous...
Mme Harel: En matière fiscale, c'est...
M. Pineau: Je ne vous reconnais que si vous me reconnaissez.
Mme Harel: Ce qui n'est pas le cas dans les autres
matières, civile et commerciale.
M. Pineau: On ne met pas nécessairement cette
condition.
Mme Harel: 3137 et 3138, avant de nous arrêter. Alors, 3137
indique qu'il pourrait y avoir reconnaissance et exécution partielle, je
pense, des jugements étrangers en matière civile et commerciale
lorsque la demande contiendra plusieurs chefs qui seront dissociables. Je ne
pense pas que ça pose de difficultés, 3137. Mais, à 3138,
on dit: "La décision rendue hors du Québec qui accorde des
aliments par versements périodiques peut être reconnue et
déclarée exécutoire pour les versements échus et
à échoir." Dans le droit actuel, pour être reconnue et
exécutée, je pense qu'une décision doit être finale
et sans appel. Peut-être pas sans appel, excusez-moi, mais
définitive.
Oui, M. le Président, à 3138, doit-on comprendre qu'il
pourrait être possible, au moment de la demande d'exemplrfication,
d'obtenir une révision des aliments?
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Me Pineau, nous vous
reconnaissons.
M. Pineau: C'est fort aimable. Ha, ha, ha! J'y suis très
sensible.
Le Président (M. Lafrance): Ha, ha, ha!
M. Rémillard: Vous ne pouvez plus être
incognito.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pineau: 3138, M. le Président, ne parle pas de pension
provisoire, il parle des aliments qui ont été accordés, et
qui dit aliments dit versements périodiques par opposition à
somme globale. Et, en vertu de 3138, cette décision qui est rendue dans
un État étranger ou dans une province voisine accordant, donc,
des pensions alimentaires peut être reconnue par le tribunal du
Québec et déclarée exécutoire pour ce qui est
encore dû, n'est-ce pas, au cours des semaines ou des mois à
venir.
Alors, cela vient mettre un terme au débat qui existait hier,
dans la mesure où un jugement portant sur une pension alimentaire n'est
jamais définitif, parce que le créancier ou le débiteur
d'une pension alimentaire peut toujours demander au tribunal de revenir sur sa
décision dans la mesure où les moyens et les besoins du
créancier ou du débiteur se sont transformés.
Mme Harel: Quand on lit dans le commentaire: "Or, les
décisions en matière de pensions alimentaires sont
généralement susceptibles de révision", faut-il comprendre
qu'en l'occurrence, en matière d'application de 3138, la décision
rendue hors du Québec, qui accorde des aliments par versements
périodiques, pourrait être susceptible de révision?
M. Pineau: Nous avons, je pense, une disposition sur la
révision. Je retrouve l'article que je cherchais, 3120: "Les
autorités québécoises sont compétentes pour statuer
sur une action en matière d'aliments, ou sur la demande de
révision d'un jugement étranger rendu en matière
d'aliments qui peut être reconnu au Québec, lorsque l'une des
parties a son domicile ou sa résidence au Québec."
Mme Harel: Merci. Alors, 3140, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui, 3140, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: À 3140, le dernier article de ce chapitre, le
Barreau fait un commentaire qui invite le ministre, en fait, à
retrancher cet article. Je ne sais pas si le ministre en a pris connaissance.
L'argument est de poids.
L'article 3140 énonce que "les transactions exécutoires au
lieu d'origine sont reconnues et, le cas échéant,
déclarées exécutoires au Québec aux mêmes
conditions que les décisions judiciaires pour autant que ces conditions
leur sont applicables". Ce que le Barreau fait valoir, c'est qu'il y a
déjà, évidemment, dans la loi suisse. Je vais citer: "La
loi suisse contient une règle analogue, mais elle vise les transactions
judiciaires, ce qui est de toute évidence plus limité que ce que
prévoit l'article 3140. "C'est évidemment donner une force
exécutoire à quelque chose qui n'a pas fait l'objet d'un
débat ni devant un tribunal ni devant une instance administrative. Or,
au Québec, ce genre de force exécutoire n'existe pas et tout acte
ou toute transaction peut faire l'objet d'une contestation judiciaire. Il ne
faut pas oublier que le principe de la reconnaissance n'implique aucun examen
du mérite de la décision ou, dans ce cas-ci, de la transaction.
Le Barreau recommande donc de retrancher cet article."
M. Rémillard: On n'a pas les mêmes informations. Le
Barreau, ici, nous dit simplement d'ajouter le mot "judiciaire". Il y a quelque
chose qui ne va pas. Il y a peut-être une erreur de notre
côté. Article 3140, Barreau.
Mme Harel: À la page 6.
M. Rémillard: Oui, un, demander qu'on ajoute le mot
"judiciaire". Ils nous demandent de faire l'extension de la reconnaissance aux
actes non judiciaires.
Mme Harel: Remarquez que c'est le même esprit, en fait.
M. Rémillard: M. le Président, on m'apporte la
position du Barreau, qui est conforme à ce que vient de nous dire Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Le Barreau recommande, de fait,
de retrancher cet article, mais on a peut-être un peu de
difficultés à comprendre l'argumentation, parce que la
transaction exécutoire, en fait, est exécutoire parce qu'elle est
homologuée par le tribunal. Alors, M. le Président, à
2618, on dit bien que la transaction a, entre les parties, l'autorité de
la chose jugée et que la transaction n'est susceptible
d'exécution forcée qu'après avoir été
homologuée. Alors, j'avoue que j'ai de la difficulté à
comprendre. Peut-être que M. le professeur Pineau pourrait nous apporter
plus de commentaires.
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, je crois que 3140 ne
présente pas de difficultés, car on nous dit que les transactions
exécutoires au lieu d'origine sont reconnues déclarées
exécutoires au
Québec. Or, c'est exécutoire lorsque la transaction est
homologuée par le tribunal. Donc, c'est exécutoire, à ce
moment-là, de la même façon qu'un jugement rendu par un
tribunal.
Mme Harel: L'homologation dont parle le ministre... C'est
peut-être moi qui fais erreur, M. le Président, mais je crois
comprendre que la transaction exécutoire au lieu d'origine n'a pas
besoin d'être homologuée. L'article 3140, tel que
rédigé, ne vient-il pas, justement, prévoir que cette
transaction exécutoire ailleurs devient exécutoire au
Québec sans avoir besoin d'être homologuée? À moins
que je n'aie pas bien saisi, là, je demande juste à bien
comprendre; mais, tantôt, quand le ministre nous a parlé
d'homologation, je ne pensais pas que ça s'appliquait dans le cas de
3140.
M. Pineau: Oui, c'est exact, M. le Président. On nous dit
que les transactions exécutoires au lieu d'origine, dès lors que
la loi étrangère indique que telle transaction est
exécutoire dans ce pays-là, cette transaction a donc la
même force exécutoire qu'un jugement. Il est donc difficile
à l'autorité québécoise de ne pas reconnaître
cette transaction, alors qu'elle reconnaîtrait un jugement de ce
même État. C'est cela, le but de 3140. En d'autres termes, on
reconnaît force exécutoire à une transaction qui serait
reconnue par le tribunal étranger, de la même façon que
l'on reconnaîtrait ici le jugement du tribunal étranger.
Mme Harel: Prenons le cas, par exemple, du droit français.
Je comprends qu'il y a cette force exécutoire des contrats, je pense.
Non?
M. Pineau: Non.
Mme Harel: Où peut-on retrouver une disposition sur la
force exécutoire d'un contrat?
M. Pineau: Je ne me souviens plus précisément du
droit français à cet égard, mais les contrats de
transaction sont tout à fait... Les transactions sont permises en droit
français. Je vérifie, cependant; un instant.
Mme Harel: C'est la même chose.
M. Pineau: Elles ne sont pas soumises. Vous faites allusion
à la force exécutoire des actes authentiques.
Mme Harel: C'est ça, des actes authentiques.
M. Pineau: Mais les contrats de transaction, en droit
français, ne sont pas soumis...
Mme Harel: Non. (22 heures)
M. Pineau: ...à la forme authentique, n'est-ce pas? Donc,
c'est exactement comme ici.
Mme Harel: Alors, où peut-il se produire qu'il y ait des
transactions exécutoires?
M. Pineau: Cette transaction passée en France, dès
lors qu'elle serait exécutoire en France, elle serait reconnue par le
tribunal québécois comme serait reconnu le jugement d'un tribunal
français.
Mme Harel: Oui. Mais dès lors qu'elle serait
exécutoire en France, comme vous l'indiquez, elle le serait en vertu de
la loi française.
M. Pineau: Oui.
Mme Harel: Et tantôt, vous nous disiez que la loi
française ne prévoyait pas la force exécutoire de
transaction.
M. Pineau: Non, j'ai dit que le droit français n'exigeait
pas que la transaction soit faite par acte authentique, lequel acte
authentique, en droit français, a force exécutoire, ce qui n'est
pas le cas ici.
Mme Harel: Mais est-ce que je dois comprendre que le droit
français prévoit, contrairement au droit québécois,
des transactions qui soient exécutoires?
M. Pineau: Pour que la transaction puisse produire ses effets, il
faut qu'elle soit exécutoire, il faut qu'elle puisse être
exécutée, sinon elle est inefficace.
Mme Harel: Oui, mais ici, ça signifie transaction
exécutoire. "Déclarées exécutoires au Québec
aux mêmes conditions que les décisions judiciaires", ça
signifie qu'on ne peut pas en débattre devant une instance
judiciaire.
M. Pineau: Exact.
Mme Harel: Bon. Ici, au Québec, notre droit ne
prévoit pas cela.
M. Pineau: Lorsque...
Mme Harel: Oui, mais tout peut être porté à
l'examen d'un tribunal.
M. Pineau: Non, une transaction... Mme Harel: Non, c'est
vrai.
M. Pineau: Un contrat de transaction, précisément,
est un contrat par lequel les parties décident, règlent leur
litige et décident de ne pas se soumettre effectivement aux tribunaux.
Cette transaction a autorité semblable à celle
d'un jugement. Mais lorsqu'il s'agira, en droit québécois,
de faire exécuter cette transaction, pour que cette transaction puisse
être exécutée, il faudra, de façon forcée,
l'homologation du tribunal.
Mme Harel: Tandis qu'avec 3140 l'homologation n'est pas
nécessaire.
M. Pineau: Mais si la loi étrangère à
laquelle s'applique la transaction n'exige pas l'homologation, elle n'aura pas
besoin d'être homologuée. Dès lors que la transaction est
exécutoire, selon les règles du droit étranger, les
tribunaux québécois reconnaîtront la force
exécutoire de cette transaction. Oui, c'est ça.
Mme Harel: Est-ce que c'est de droit nouveau?
M. Pineau: Tout est droit nouveau, M. le Président.
M. Rémillard: Quoique les principes se retrouvent...
M. Pineau: Mais les principes sont reconnus par la Convention de
La Haye de 1971. Ce n'est que la codification de dispositions qui sont admises
dans ce contexte-là, dans ce cadre-là par la Convention de La
Haye de 1971.
Le Président (M. Lafrance): Je remercie Me Pineau. S'il
n'y a pas d'autres commentaires touchant ces articles, le nouvel
intitulé au titre quatrième de ce livre dixième est donc
adopté tel que proposé. L'article 3133 est donc adopté tel
qu'amendé. Les articles 3134 et 3135 sont donc adoptés tels
quels. L'article 3136 est adopté avec l'amendement verbal en changeant,
en première ligne, le verbe "borne" par "limite". L'article est donc
adopté tel qu'amendé. Les articles 3137, 3138 et 3139 sont
adoptés tels quels. Le nouvel article 3139.1 est donc adopté tel
que proposé et l'article 3140 est adopté tel quel.
Nous en arrivons au chapitre deuxième, qui touche la
compétence des autorités étrangères et qui regroupe
les articles 3141 à 3144. Le texte d'introduction se lit comme suit.
De la compétence des autorités
étrangères
Le chapitre deuxième énonce les règles relatives
à la compétence des autorités étrangères. En
l'absence de dispositions législatives spécifiques sur cette
question, la jurisprudence s'est inspirée des articles 68 et suivants du
Code de procédure civile. Ces articles, destinés à
déterminer la compétence des tribunaux du Québec dans les
situations de droit interne, ne sont pas toujours bien adaptés pour
régir les situations comportant un élément
d'extranéité. C'est pourquoi le titre troisième a
établi de nouvelles règles de compétence des
autorités du Québec conçues spécifiquement pour
régir ces situations. Bien qu'on puisse généralement les
reprendre pour juger de la compétence des autorités
étrangères, et c'est ce qu'énonce l'article 3141, il y a
également lieu de tenir compte de certains autres critères de
compétence fréquemment utilisés dans les États
étrangers, telle la nationalité. C'est pourquoi les articles 3142
et suivants ont été ajoutés.
J'appelle maintenant les articles 3141 et 3142 qui traitent des
dispositions générales.
M. Rémillard: Oui, M. le Président, nous
avons trois amendements. Dans l'intitulé du chapitre deuxième du
titre quatrième du livre X, les mots "judiciaires et administratives"
sont supprimés et les mots "Section I" et "Dispositions
générales" qui précèdent l'article 3141 sont
supprimés.
M. le Président, l'amendement proposé vise à
couvrir toutes les décisions rendues par des autorités
étrangères, quel que soit leur nom ou leur caractère, et
à alléger la structure du chapitre deuxième du titre
quatrième.
M. le Président, dans l'article 3141 : 1° au début de
l'article, les mots "En l'absence de disposition particulière," sont
supprimés et le mot "la" qui suit est remplacé par le mot "La";
2° à la deuxième ligne, les mots "judiciaires ou
administratives" sont supprimés; 3° à la fin, les mots
"compte tenu des adaptations nécessaires" sont remplacés par les
mots "si ces règles n'attribuent pas de compétence exclusive aux
autorités québécoises et si le litige se rattache d'une
manière caractéristique à l'État dont
l'autorité a été saisie".
M. le Président, l'amendement proposé ajoute deux
conditions à l'admission par les autorités du Québec de la
compétence des autorités étrangères: d'une part,
que les règles du titre troisième n'attribuent pas aux
autorités du Québec une compétence exclusive et, d'autre
part, que le litige se rattache d'une manière caractéristique
à l'État dont l'autorité a été saisie.
L'amendement proposé vise ainsi à permettre aux autorités
du Québec de mieux contrôler la compétence des
autorités étrangères et établit également
une concordance avec l'amendement proposé à l'intitulé du
titre quatrième du livre X, lequel vise à couvrir toutes les
décisions rendues par les autorités étrangères,
quel que soit leur nom ou leur caractère. En raison de cet amendement,
l'article 3141 se lirait comme suit: "La compétence des autorités
étrangères est établie suivant les règles de
compétence applicables aux autorités québécoises en
vertu du titre troisième du présent livre, si ces règles
n'attribuent pas de compétence exclusive aux autorités
québécoises et si le litige se rattache d'une manière
caractéristique à l'État dont l'autorité a
été saisie."
Dans l'article 3142, les mots "À la demande du défendeur,"
sont supprimés et le mot "la" qui suit est remplacé par le mot
"La".
M. le Président, l'amendement proposé vise à
permettre aux autorités du Québec de contrôler d'office la
compétence des autorités étrangères. En raison de
cet amendement, l'article 3142 se lirait comme suit: "La compétence des
autorités étrangères n'est pas reconnue par les
autorités québécoises dans les cas suivants: "1°
Lorsque, en raison de la matière ou d'une convention entre les parties,
le droit du Québec attribue à ses autorités une
compétence exclusive pour connaître de l'action qui a donné
lieu à la décision étrangère; "2" Lorsque le droit
du Québec admet, en raison de la matière ou d'une convention
entre les parties, la compétence exclusive d'une autre autorité
étrangère; "3° Lorsque le droit du Québec
reconnaît une convention par laquelle la compétence exclusive a
été attribuée à un arbitre."
Mme Harel: Je ne sais pas, M. le Président, si la
formulation du commentaire à 3141 est bien heureuse, celle qui dit que
l'amendement proposé vise ainsi à permettre aux autorités
du Québec de mieux contrôler la compétence des
autorités étrangères. Est-ce que c'est de contrôle
dont il est question ou s'il permet d'apprécier ou... J'ai l'impression
que c'est plus "apprécier" que "contrôler".
Concernant l'amendement proposé à l'article 3141 à
l'effet d'ajouter: "si ces règles n'attribuent pas de compétence
exclusive aux autorités québécoises et si le litige se
rattache d'une manière caractéristique à l'État
dont l'autorité a été saisie*, quel problème cet
amendement veut-il régler?
M. Pineau: L'article 3141 réserve le cas où les
règles n'attribuent pas de compétence exclusive aux
autorités québécoises. Si vous permettez, je relis le
texte de 3141: "La compétence des autorités
étrangères est établie suivant les règles de
compétence applicables aux autorités québécoises en
vertu du titre troisième du présent livre, si ces règles
n'attribuent pas de compétence exclusive aux autorités
québécoises". Donc, si ces règles attribuent une
compétence exclusive aux autorités québécoises,
comme nous l'avons vu, tout à l'heure, dans le cas des matières
premières qui peuvent causer un préjudice, la compétence
des autorités étrangères est établie suivant les
règles de compétence telles qu'elles sont applicables aux
autorités québécoises. Là encore...
Mme Harel: Oui, d'accord.
Le Président (M. Lafrance): Oui. Est-ce que vous avez
terminé, Me Pineau?
M. Pineau: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Alors, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, à 3141, on pouvait
déjà lire: "En l'absence de disposition particulière, la
compétence des autorités judiciaires ou administratives
étrangères est établie suivant les règles de
compétence applicables aux autorités québécoises en
vertu du titre troisième du présent livre, compte tenu des
adaptations nécessaires." Là, par l'amendement, vous ajoutez: "si
ces règles n'attribuent pas de compétence exclusive aux
autorités québécoises et si le litige se rattache d'une
manière caractéristique à l'État dont
l'autorité a été saisie".
Alors, concernant ces deux conditions qui sont ajoutées, quels
sont les problèmes, quel est le genre de problèmes que cet
amendement-là veut régler, résoudre? Il y a certains
autres articles qui ont déjà été suspendus dans le
livre du droit international privé. Etant donné que les
échanges n'ont pas pu avoir lieu sur ces articles-là, est-ce
qu'il ne serait pas souhaitable que nous puissions suggérer que, sur les
articles qui suivent, soit 3141 à 3144, nous puissions suspendre pour un
examen plus attentif? À l'article 3144, il y a la question de la
nationalité.
M. Rémillard: Nous en sommes aux quatre derniers articles.
Évidemment, ça perd de sa saveur parce que nous avons la preuve.
On peut peut-être, si vous permettez, si on devait suspendre ces
articles, déposer les projets de modification.
Mme Harel: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Oui. C'est ce que j'allais
peut-être proposer.
Mme Harel: Oui d'accord.
Le Président (M. Lafrance): J'aimerais donc appeler les
articles 3143 et 3144.
Mme Harel: Vous déposeriez les amendements, à ce
moment-là.
M. Rémillard: Je peux vous lire les amendements...
Le Président (M. Lafrance): Oui. M. Rémillard:
...si vous voulez.
Le Président (M. Lafrance): J'ai appelé les
articles 3143 et 3144. J'assume, si on a enlevé le titre "Section I"...
On vous écoute, M. le ministre.
M. Rémillard: Alors, M. le Président, les
mots "Section II" et "Des actions personnelles à caractère
extrapatrimonial"...
Le Président (M. Laîrance): Sont supprimés,
hein?
M. Rémillard: ...qui précèdent l'article
3143...
Le Président (M. Lafrance): O.K.
M. Rémillard: ...sont supprimés. L'amendement
proposé vise à alléger la structure du chapitre
deuxième du titre quatrième.
M. le Président, l'autre amendement fait en sorte qu'on ne pourra
plus dire qu'il y a 3144 articles puisqu'on ajoute un autre article. L'article
3145 suivant est ajouté à l'article 3144: "3145. "Dans les
actions personnelles à caractère patrimonial, la
compétence des autorités étrangères n'est reconnue
que dans les cas suivants: "1° Le défendeur était domicile
dans l'État où la décision a été rendue;
"2° Le défendeur avait un établissement de l'État
où la décision a été rendue et la contestation est
relative à son activité dans cet État; "3° Un
préjudice a été subi dans l'État où la
décision a été rendue et il résulte d'une faute qui
y a été commise ou d'un fait dommageable qui s'y est produit;
"4° Les obligations découlant d'un contrat devaient y être
exécutées; "5° Les parties leur ont soumis les litiges
nés ou à naître entre elles à l'occasion d'un
rapport de droit déterminé; cependant, la renonciation du
consommateur ou du travailleur à la compétence de
l'autorité de son domicile ne peut lui être imposée;
"6° Le défendeur a reconnu leur compétence."
M. le Président, les amendements proposés visent à
restreindre les chefs de compétence établis par les articles 3126
à 3128, applicables aux autorités étrangères par le
biais de l'article 3141, de manière à assurer un meilleur
contrôle des décisions étrangères. En raison de ces
amendements, l'article 3145 se lirait comme suit: "Dans les actions
personnelles à caractère patrimonial, la compétence des
autorités étrangères n'est reconnue que dans les cas
suivants: "1° Le défendeur était domicilié dans
l'État où la décision a été rendue; "2°
Le défendeur avait un établissement dans l'État où
la décision a été rendue et la contestation est relative
à son activité dans cet État; "3° Un préjudice
a été subi dans l'État où la décision a
été rendue et il résulte d'une faute qui a
été commise ou d'un fait dommageable qui s'y est produit; "4°
Les obligations découlant d'un contrat devaient y être
exécutées; "5° les parties leur ont soumis les litiges
nés ou à naître entre elles à l'occasion d'un
rapport de droit déterminé; cependant, la renonciation d'un
consommateur ou du travailleur à la compétence de
l'autorité de son domicile ne peut lui être opposée;
"6° Le défendeur a reconnu leur compétence."
Alors, voilà, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
M. Rémillard: Est-ce que, là-dessus, M. le
Président, je peux suggérer que nous suspendions pour raison de
santé?
Mme Harel: Ha, ha, ha! Oui.
Le Président (M. Lafrance): Oui. Vous recommandez aussi de
suspendre les articles, si j'ai bien compris.
M. Rémillard: C'est ça.
Le Président (M. Lafrance): J'aimerais quand même
adopter, si vous le permettez, le nouvel intitulé au chapitre.
J'aimerais également adopter les amendements qui suppriment les deux
intitulés aux sections I et II. Nous laissons donc en suspens 3141 et
3142 tels qu'amendés. Les articles 3143 et 3144 sont laissés en
suspens tels quels et le nouvel article 3145 est aussi laissé en
suspens. Sur ce, j'aimerais suspendre pour 10 minutes.
Mme Harel: Les dispositions finales, on n'en fera pas l'examen
immédiatement, dois-je comprendre?
M. Rémillard: Nous allons les suspendre aussi. On va
attendre que tout soit terminé et on pourra revenir.
Le Président (M. Lafrance): Oui. Je pense qu'il serait
mieux, avec le nombre d'articles laissés en suspens, de traiter ces
dispositions finales là...
Mme Harel: J'ai un quasi-mandat à... Le
Président (M. Lafrance): ...à la fin.
Mme Harel: ...faire valoir au ministre de la part des chambres
professionnelles, à l'effet, que la date d'entrée en vigueur doit
laisser le temps suffisant pour remettre en opération toute cette
réforme. C'est un minimum de 24 mois qui semblerait requis.
M. Rémillard: On peut en discuter.
Le Président (M. Lafrance): Alors, j'aimerais
donc, étant donné qu'on a mentionné ceci, suspendre
ces dispositions finales et, pour la seconde fois, suspendre la séance
de travail pour 10 minutes. Merci.
(Suspension de la séance à 22 h 21)
(Reprise à 22 h 40)
Le Président (M. Lafrance): Je vous demanderais de bien
vouloir prendre place. Nous allons reprendre nos travaux en nous
référant au livre septième, celui de la preuve que nous
avions laissé en suspens. Permettez-moi de vous lire le texte
d'introduction à ce livre septième de la preuve qui regroupe les
articles 2790 à 2858.
De la preuve
Le livre septième du Code civil du Québec énonce,
comme le Code civil actuel, les principaux éléments de notre
régime de preuve, les règles relatives à la force probante
des moyens de preuve et, enfin, celles qui concernent la recevabilité
des éléments et des moyens de preuve. Ces règles,
simplifiées ou clarifiées, sont cependant
présentées différemment et s'y ajoutent de nouveaux
éléments puisés dans la jurisprudence, dans la doctrine et
dans le projet de Code de la preuve de la Commission de réforme du droit
au Canada - Code de la preuve - et dans celui de la Conférence
d'uniformisation des lois au Canada - lois d'uniformisation de la preuve. Ces
nouveaux éléments sont rendus nécessaires en raison du
développement de nouvelles techniques de reproduction et de conservation
de documents.
La principale modification au titre des dispositions
générales consiste dans la codification des règles
actuellement reconnues en matière de connaissance d'office. Concernant
le titre des moyens de preuve, le projet de réforme innove
principalement par l'établissement de principes de base relatifs aux
inscriptions informatisées, par l'intégration des principales
règles contenues dans la Loi sur la preuve photographique de documents -
Lois refondues du Québec, chapitre P-22 - et sa
généralisation à toute personne morale et, enfin, par
l'ajout d'un cinquième moyen de preuve: la présentation d'un
élément matériel de preuve.
Quant au dernier titre, aux règles actuelles de
recevabilité s'ajoute principalement la codification des règles
relatives aux déclarations antérieures, au ouï-dire et
à la façon de mettre telles déclarations en preuve.
Le titre premier maintenant traite du régime
général de la preuve et regroupe les articles 2790 à 2797.
Le texte d'introduction de ce titre premier est le suivant.
Du régime général de la
preuve
Les dispositions générales du droit de la preuve du Code
civil actuel sont, d'une part, incomplètes et, d'autre part, concernent
spécifiquement soit le titre des moyens de preuve, soit celui de la
recevabilité. Pour faciliter l'application des règles de preuve
et pour accélérer la découverte de la vérité
tout en préservant la sécurité juridique des parties, il
est important de clairement circonscrire, dès le début de ce
livre, certains éléments essentiels à l'ensemble du
régime de la preuve.
À cet égard, le projet de réforme, s'ins-pirant
largement de la proposition de l'Office de révision du Code civil,
précise ou codifie, selon le cas, les principes fondamentaux relatifs au
fardeau, à la qualité ou à l'objet de la preuve et
intègre les règles relatives à la connaissance d'office
qui sont généralement reconnues en droit actuel.
Le chapitre premier maintenant traite des dispositions
générales et regroupe les articles 2790 à 2792. Le texte
d'introduction à ce chapitre premier est le suivant.
Dispositions générales
Ce chapitre maintient les règles du droit actuel relatives
à l'objet, au fardeau et à la qualité de la preuve. Il
ajoute cependant que la règle de prépondérance de la
preuve peut souffrir exception si la loi le prévoit pour couvrir
certaines matières, tel l'outrage au tribunal. Certaines dispositions
générales du Code civil du Bas-Canada ont été
intégrées au titre pertinent, telle la règle de la
meilleure preuve introduite au titre de la recevabilité.
J'appelle maintenant les articles contenus à ce chapitre premier,
soit les articles 2790, 2791 et 2792.
M. Rémillard: M. le Président, nous avons un
amendement. L'article 2790 est modifié par le remplacement: 1° dans
la première ligne du deuxième alinéa, des mots "oppose
à un droit invoqué qu'il" par les mots "prétend qu'un
droit"; 2° dans la deuxième ligne du deuxième alinéa,
du mot "contestation" par le mot "prétention".
M. le Président, ce sont des modifications de nature purement
informelle. En raison de cet amendement, l'article 2790 se lirait comme suit:
"Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa
prétention. "Celui qui prétend qu'un droit est nul, a
été modifié ou est éteint doit prouver les faits
sur lesquels sa prétention est fondée."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a des commentaires touchant ces trois articles, dont 2790 tel qu'a-
mendé, 2791 et 2792? Oui, Me Masse.
M. Masse (Claude): M. le Président, le commentaire que
vous venez de lire référait aux règles sur l'outrage au
tribunal. Je me demande si ce commentaire de la page 3 est toujours
d'actualité, vu le libellé des trois articles qu'on a à
examiner actuellement.
M. Rémillard: M. le Président, de fait, il n'y a
rien de changé au fond. Ce ne sont que des changements très
formels, même purement formels. Alors, par conséquent, je ne vois
pas de raison de changer le texte introductif.
M. Masse: Mais le texte introductif dit: "II ajoute cependant que
la règle de prépondérance de la preuve peut souffrir
exception si la loi le prévoit pour couvrir certaines matières,
tel l'outrage au tribunal."
Je dois vous avouer que je lis peut-être mal, mais je ne vois pas,
je cherche les références à l'outrage au tribunal dans ces
trois dispositions et je ne les trouve pas.
M. Rémillard: C'est simplement un exemple. Ce n'est pas
une référence comme telle. Mais je me demande si... parce qu'on a
à 2791 l'exception "à moins que la loi n'exige une preuve plus
convaincante". Alors, on a donc un exemple qu'on donne ici, mais ce n'est pas
une référence à un concept que vous retrouvez dans le
Code. Vous le trouvez ailleurs, remarquez, mais c'est pour faire la relation;
ça permet, dans le commentaire, de faire la relation avec l'outrage au
tribunal comme exemple. Je pense que l'exemple était
particulièrement éloquent.
M. Masse: Ça va.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, l'article 2790
est donc adopté tel qu'amendé et les articles 2791 et 2792 sont
adoptés tels quels.
Nous en arrivons maintenant au chapitre deuxième. Permettez-moi
de vous lire le texte d'introduction à ce chapitre deuxième qui
traite de la connaissance d'office et qui regroupe les articles 2793 à
2797.
De la connaissance d'office
La réforme propose à ce chapitre un ensemble de
règles relatives à la connaissance d'office du droit interne et
étranger et de faits notoires. Les tribunaux appliquent sensiblement et
généralement des règles semblables, sauf qu'elles ne sont
pas codifiées; il existe, d'ailleurs, une confusion certaine quant
à la qualification du droit des autres provinces. La codification de
règles précises quant aux faits et aux droits devrait dissiper
cette confusion et permettre, en ce qui concerne le droit des autres provinces
du Canada, d'uniformiser nos règles avec celles qui sont
appliquées par la Cour suprême du Canada. La Cour suprême,
en effet, connaît d'office le droit de chacune des provinces, pourvu
qu'il ait été allégué, contrairement à nos
tribunaux qui ne connaissent actuellement d'office que les lois en vigueur au
Québec.
Outre la simplification et la clarification apportées au droit
actuel, le projet de réforme modifie celui-là principalement en
substituant le concept de droit à celui de loi pour couvrir, entre
autres, les règles jurisprudentielles et le droit coutumier, et en
supprimant l'exigence systématique de la preuve du droit
étranger. Ces deux modifications sont conformes à la proposition
de l'Office de révision du Code civil.
J'appelle donc les articles contenus à ce chapitre
deuxième, soit les articles 2793 à 2797.
M. Rémillard: Nous avons deux amendements. L'article 2794
est modifié par le remplacement du deuxième alinéa par le
suivant: "Doivent cependant être allégués les textes
d'application des lois en vigueur au Québec, qui ne sont pas
publiés à la Gazette officielle du Québec ou d'une
autre manière prévue par la loi, les traités et accords
internationaux s'appliquant au Québec qui ne sont pas
intégrés dans un texte de loi, ainsi que le droit international
coutumier."
M. le Président, l'ajout des accords internationaux s'appliquant
au Québec, mais non intégrés dans un texte de loi, a pour
but d'éviter que le tribunal doive prendre connaissance d'office de ces
sources de droit, généralement moins connues, sans qu'elles aient
été alléguées; les autres précisions
apportées visent à éviter qu'on ait à
alléguer des textes d'application des lois publiées selon un
autre mode prévu par la loi et des traités et accords
intégrés dans une loi particulière. En raison de cet
amendement, l'article 2794 se lirait comme suit: "Le tribunal doit prendre
connaissance d'office du droit en vigueur au Québec. "Doivent cependant
être allégués les textes d'application des lois en vigueur
au Québec, qui ne sont pas publiés à la Gazette
officielle du Québec ou d'une autre manière prévue par
la loi, les traités et accords internationaux s'appliquant au
Québec qui ne sont pas intégrés dans un texte de loi,
ainsi que le droit international coutumier."
M. le Président, l'article 2796 est modifié par le
remplacement, au premier alinéa, par les mots "II peut néammoins
demander que la preuve en soit faite" par les mots "II peut aussi demander que
la preuve en soit faite, laquelle peut être faite, entre autres, par le
témoignage d'un expert ou par la production d'un certificat
établi par un jurisconsulte".
M. le Président, en droit actuel, la preuve du droit
étranger se fait généralement par témoignage
d'expert. La modification consacre cette pratique, mais codifie
également la possibilité de procéder par
dépôt d'un certificat
établi par un jurisconsulte, donc par une personne apte à
fournir un avis sur le droit étranger et à laquelle on
reconnaît une certaine autorité, afin de faciliter et de
simplifier la preuve du droit étranger. Cette modification n'exclut
aucunement l'utilisation d'autres procédés de preuve. En raison
de cet amendement, l'article 2796 se lirait comme suit: "Le tribunal peut
prendre connaissance d'office du droit des autres provinces ou territoires du
Canada et du droit d'un État étranger, pourvu qu'il ait
été allégué. Il peut aussi demander que la preuve
en soit faite, laquelle peut être faite, entre autres, par le
témoignage d'un expert ou par la production d'un certificat
établi par un jurisconsulte. "Lorsque ce droit n'a pas été
allégué ou que sa teneur n'a pas été
établie, il applique le droit en vigueur au Québec."
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre.
Alors, est-ce qu'il y aurait des commentaires touchant donc ces articles 2793
à 2797 inclusivement? Oui, Me Masse.
M. Masse: M. le Président, sur l'article 2796, il
apparaissait utile de préciser quel est le type de jurisconsulte dont il
est question, ce terme-là pouvant avoir plusieurs sens, de simple
notoriété ou de fonction particulière. Alors, je pense
qu'il est important de souligner qu'au sens du commentaire un jurisconsulte,
c'est une personne apte à fournir un avis sur le droit étranger
et à laquelle on reconnaît une certaine notoriété.
Donc, ce n'est pas nécessairement tout juriste, quel qu'il soit,
étranger ou toute personne de loi. C'est une personne qui a une
notoriété particulière.
Le Président (M. Lafrance): Merci pour ces
précisions. Est-ce que vous désirez apporter un commentaire
supplémentaire, M. le ministre?
M. Rémillard: Ça va.
Le Président (M. Lafrance): Ça va? Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, M. le Président, je comprends qu'il
s'agit d'une codification du droit actuel, en bonne part, dans ce chapitre
deuxième. Est-ce le cas? Par exemple, à l'article 2793, on lit
ceci: "II s'agit de la codification d'un principe dont l'existence est admise
unanimement dans notre droit." Par ailleurs, on ajoute: "Ce principe se
retrouve à la fois dans le projet de l'Office et dans les projets
canadiens de réforme." Alors, si ça fait l'objet encore de
projets, est-ce à dire que ça n'était pas, en fait, encore
matière à application?
M. Rémillard: Si je comprends bien, c'est
déjà dans notre droit, alors ça devient un appui
additionnel à ce que nous avons déjà.
Mme Harel: Tandis qu'à l'article 2794 seule la
première partie codifie une règle du droit actuel. C'est bien le
cas? Tandis que. dans la deuxième partie, à 2794 - c'est le
même tel qu'amendé - il s'agit de droit nouveau.
M. Rémillard: Attendez. Il y a peut-être des
nuances. Si vous me permettez, je vais demander à Mme Longtin de nous
donner des explications.
Le Président (M. Lafrance): Oui, merci, M. le ministre. Me
Longtin.
Mme Longtin (Marie-José): Oui, M. le Président,
c'est qu'il est difficile de trancher exactement où est le nouveau dans
ce domaine de la connaissance d'office. Ce sont des règles qui sont
connues en droit actuel, qu'on retrouve dans la doctrine, qu'on retrouve, de
façon habituelle, dans la jurisprudence, mais qui n'ont pas toujours
fait l'objet de codification ou de règles précises dans les
textes législatifs. À cet égard-là, ce sont des
dispositions qu'on peut dire nouvelles. Mais, par ailleurs, ce sont
évidemment des dispositions qui sont appuyées sur une tradition
assez certaine...
Mme Harel: Si vous permettez, M. le Président, j'aimerais
qu'on puisse nous préciser quels sont ces textes d'application qui ne
sont... c'est-à-dire quels sont ces textes, qui doivent être
d'application, qui doivent être allégués, donc des textes
d'application des lois en vigueur au Québec, qui ne sont pas
publiés à la Gazette officielle du Québec ou d'une
autre manière prévue par la loi, donc qui ne font pas l'objet
d'une publication, ou par les traités, ou par les accords internationaux
s'appliquant au Québec, et/ou les traités, plutôt, et
accords internationaux qui ne sont pas intégrés dans un texte de
loi, ainsi que le droit international coutumier. Alors, à quels textes
d'application de loi fait-on référence?
M. Rémillard: Oui, il y a peut-être un cas: la
décision d'un ministre qui, de par la loi, peut prendre une
décision qui a valeur législative. Dans certains cas, par
exemple, ça se peut. En fait, il y a des ministres aussi qui, par voie
réglementaire... Donc, ça peut être ce genre, certainement,
de documents de référence.
Mme Harel: Mais si c'est une décision ministérielle
par voie réglementaire, elle doit être publiée dans la
Gazette.
M. Rémillard: Pas nécessairement une
décision... Si elle est réglementaire formelle, mais vous avez
des décisions d'un ministre qui ne sont pas nécessairement des
décisions, un règlement formel et qui équivalent à
du quasiju-
diciaire très souvent, par exemple. Je vais demander à Me
Longtin...
Mme Harel: Un seul exemple. M. Rémillard: ...de
compléter.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Me
Longtin.
M. Rémillard: On me souligne, entre autres, M. le
Président, avant de demander à Mme Longtin de compléter,
que la Loi sur les caisses d'entraide donnait des pouvoirs au ministre des
Institutions financières, comme, par exemple, pour élargir des
délais, des choses comme ça. Alors, c'est peut-être une
référence, mais je vais demander à Me Longtin de
compléter.
Mme Longtin: Oui. M. le Président, je pense qu'on pourrait
aussi, sans doute, trouver... En fait, les textes d'application des lois en
vigueur au Québec qui ne sont pas publiés, ça pourrait
être des textes qui ne sont pas en soi visés par la Loi sur les
règlements et qui ne sont pas obligés d'être publiés
en vertu de cette loi-là. On peut aussi, sans doute, considérer
certaines directives, certains textes aussi dans certaines lois, là
où on prévoit que le ministre peut, par exemple, désigner
telle chose et où on n'oblige pas à la publication. Il y a aussi,
évidemment, tout le domaine municipal, où il y a des textes
d'application de lois en vigueur au Québec mais qui ne sont pas
publiés dans la Gazette officielle et qui peuvent ne pas tous
être publiés non plus.
Alors, en fin de compte, la base de la règle, c'est toujours de
dire: Ce qui ne peut pas être accessible dans un document officiel, comme
la Gazette officielle du Québec ou les lois, doit être
allégué parce qu'on n'est pas tenu d'en prendre connaissance.
C'est un développement quand même de la règle qu'on
connaît actuellement dans le droit actuel, où l'article 10 du Code
actuel dit que chacun est tenu de prendre connaissance des actes publics, alors
que les actes privés doivent être plaides. Alors, dans la mesure
où ils ne sont pas portés officiellement à la connaissance
du public dans des textes officiels, ils doivent être
allégués. (23 heures)
Mme Harel: À 2796, l'amendement qui est apporté
prévoit que la preuve puisse être faite, entre autres, par le
témoignage d'un expert ou par la production d'un certificat
établi par un jurisconsulte. Encore là, je crois comprendre que
ça vient simplifier ou clarifier le droit actuel. Ce n'est pas du droit
nouveau, ça, 2796?
M. Rémillard: En fait, il y a une partie de 2796 qui est
du droit nouveau. À la demande de la Chambre des notaires, nous avons
donc ajouté ce qui regarde le jurisconsulte. Donc, lorsqu'il s'agit d'un
certificat établi par un jurisconsulte, ça a été
ajouté à la demande de la Chambre des notaires. C'est du droit
nouveau, ça ne se retrouve pas dans la loi actuelle.
Mme Harel: Le commentaire qu'on retrouve à 2796 indique,
au deuxième paragraphe: "Pour résoudre ce conflit entre le droit
québécois actuel et la pratique de la Cour suprême et pour
éviter que les plaideurs québécois soient pris par
surprise, la présente disposition codifie cette position de la Cour
suprême en l'étendant au droit étranger. Le tribunal pourra
toutefois, dans tous les cas, exiger la preuve du droit des autres provinces et
du droit étranger s'il considère qu'il n'a pas les moyens
d'information nécessaires pour en prendre connaissance d'office." Mais,
à défaut d'exiger cette preuve, il faut donc comprendre que le
principe, ce sera que le tribunal puisse prendre connaissance d'office du droit
des autres provinces ou territoires du Canada et du droit d'un État
étranger, pourvu qu'il ait été allégué.
C'est bien ça?
M. Rémillard: C'est comme ça que je le comprends,
mais je vais demander à Me Longtin si c'est bien ça.
Le Président (M. Lafrance): Me Longtin.
Mme Longtin: En fait, M. le Président, effectivement,
c'est bien ça. Donc, les parties doivent alléguer.
M. Rémillard: Alors, c'est donc ça.
Mme Harel: Dans la note additionnelle au commentaire, on dit que
"l'Office proposait sensiblement les mêmes règles, sauf qu'elle
imposait au tribunal l'obligation de prendre connaissance d'office du droit des
autres provinces lorsqu'il est allégué." Alors, il faut donc
comprendre que, plutôt que de pouvoir prendre connaissance, l'Office
proposait que le tribunal devait? C'est ça qu'il faut comprendre?
L'Office proposait que le tribunal devait prendre con-naisance d'office
plutôt que "pouvait", comme on le retrouve actuellement à
2796?
M. Rémillard: Me Longtin va apporter des commentaires, M.
le Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Me
Longtin.
Mme Longtin: Effectivement, M. le Président, le rapport de
l'Office de révision du Code civil distinguait entre les provinces ou
territoires du Canada et les autres États de façon à
obliger le tribunal à prendre connaissance d'office du droit des autres
provinces, mais en précisant, à un autre article, qu'il
n'était pas tenu de prendre connaissance d'office du droit d'un
État étranger. Le projet ne fait pas de distinction dans ce
sens-là entre le droit étranger et le droit d'une autre
province puisque, en matière de droit international privé, comme
on a pu le constater, en fait, qu'on soit au niveau interprovincial,
interétatique, c'est toujours, même en État
fédéral, un autre État, du moment que le droit
privé est différent. Compte tenu également que le droit
des autres provinces repose sur la "common law", qui est quand même un
système différent du nôtre, on a pensé qu'il valait
mieux uniformiser les deux règles.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président, sur le même article
2796, bien que je pense que Me Longtin vient de me donner une partie de la
réponse. Je m'interrogeais justement à l'effet que, dans le DIP,
on parlait de décisions rendues hors du Québec ou on parlait d'un
autre État ou d'un État étranger, on ne précisait
pas "des autres provinces ou territoires du Canada". Et je me demandais
pourquoi on avait jugé bon, à l'article 2796, d'utiliser ce terme
plutôt que de parler d'office du droit hors du Québec ou d'un
autre État.
Mme Harel: II n'y a pas une uniformisation du vocabulaire.
M. Rémillard: Les situations sont peut-être un peu
différentes. D'abord, en droit international privé, on
était dans le droit nouveau et on appliquait les conventions
internationales, surtout de La Haye de 1971, et on l'appliquait donc dans un
concept de droit international. Ici, nous nous retrouvons devant des
règles qui existent déjà, dans leur principe, dans notre
droit et que nous appliquons en fonction d'un contexte canadien, ça fait
référence au Canada. Alors, c'est comme ça qu'on se
réfère aux autres provinces ou territoires du Canada.
Mme Harel: À 2797, M. le Président, je peux
difficilement lire cet article sans penser, justement, à
l'événement qui s'est produit cette semaine, la semaine
passée plutôt, à Québec, lorsque le juge a
décidé de transporter le tribunal à l'hôpital
Hôtel-Dieu, je crois, pour y rencontrer cette jeune personne qui demande
a ne pas subir d'acharnement thérapeuthique. Je crois comprendre que le
Procureur général s'est fait représenter devant la
cour.
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: Est-ce qu'il serait possible d'avoir copie de la
plaidoirie?
M. Rémillard: Écoutez, c'est public. La plaidoirie
s'est faite publiquement. Donc, je pourrai certainement m'informer.
Mme Harel: Peut-être nous en faire avoir copie au niveau de
la commission.
M. Rémillard: Si ça a été
plaidé par écrit, remarquez, je ne peux pas... Ce n'est pas
nécessairement par écrit. Alors, je peux vérifier, si vous
voulez.
Mme Harel: Oui. Certainement que votre représentant devait
avoir des notes utiles à...
M. Rémillard: Écoutez, s'il y a quelque chose de
formel... Sinon, on me dit que c'est la transcription des notes
sténographiques.
Mme Harel: Oui, c'est ça, qui est très
coûteuse. On ne peut pas, par exemple, se la procurer, nous. C'est
extrêmement coûteux, c'est aussi coûteux que la
transcription, par exemple, d'une émission de radio ou de
télévision. C'est très rare qu'on puisse se procurer ce
genre de transcription. On n'a pas les moyens ministériels. Je le
constate, M. le Président, je ne le déplore pas. Les
problèmes viennent avec les moyens.
M. Rémillard: Ayons les moyens de nos
problèmes.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Donc, l'article 2793 est
adopté tel quel, l'article 2794 est adopté tel qu'amendé,
l'article 2795...
Mme Harel: M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): Oui. Pardon, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Caron: Oui, M. le Président. Je suis
restée encore à l'article 2796. Tout en maintenant le contexte
actuel, aurait-on pu biffer tout simplement le mot "autres" dans la
deuxième ligne?
Le Président (M. Lafrance): De quel article? Mme Caron:
2796. Le Président (M. Lafrance): 2793? Mme Caron:
2796.
M. Rémillard: "Le tribunal peut prendre connaissance
d'office du droit...
Le Président (M. Lafrance): 2796. O.K.
M. Rémillard: ...des autres provinces", se
référant à nous comme province. Donc, on dit qu'on se
réfère au droit des autres provinces.
Mme Caron: Si on parle "des provinces ou territoires du
Canada"?
M. Rémillard: Oui, c'est parce qu'à ce
moment-là ça veut dire les autres provinces et les territoires.
Alors, nous sommes partie, comme province, du territoire du Canada.
Mme Caron: Ça éviterait peut-être à
l'Institut d'avoir à faire des corrections pour cet article-là
dans quelques mois.
Le Président (M. Lafrance): Donc, l'article 2795 est
adopté tel quel, l'article 2796 est adopté tel qu'amendé
et l'article 2797 est adopté tel quel.
Nous en sommes maintenant au titre deuxième qui traite des moyens
de preuve, qui regroupe les articles 2798 à 2842 et dont le texte
d'introduction à ce titre deuxième se lit comme suit.
Des moyens de preuve
Le projet de réforme apporte au titre actuel du droit de la
preuve une modification importante dans la présentation des
règles. Conformément à la proposition de l'Office de
révision du Code civil, le texte proposé opère la division
entre, d'une part, les règles relatives aux définitions, aux
distinctions et à la force probante des moyens de preuve et, d'autre
part, celles qui concernent la recevabilité des éléments
et des moyens de preuve qui sont plus rattachées à
l'administration de la preuve. Ainsi, les règles actuellement
prévues dans la section de la preuve testimoniale se retrouvent presque
toutes au titre III, De la recevabilité, alors qu'à l'inverse
celles concernant l'écrit se retrouvent en général au
titre II, Des moyens de preuve.
Quant au fond, le présent titre reprend les quatre moyens
traditionnels de preuve: l'écrit, le témoignage, la
présomption et l'aveu; un cinquième moyen est cependant
introduit: la présentation d'un élément matériel de
preuve. Cet ajout a son origine surtout dans les développements
techniques audiovisuels et s'inspire d'une doctrine récente, de
même que des projets canadiens concernant la preuve
matérielle.
Outre ces modifications, la réforme innove à ce titre
principalement au chapitre de l'écrit, où elle introduit des
règles générales concernant la force probante des
inscriptions informatisées et aussi les principes actuellement contenus
dans la Loi sur la preuve photographique de documents - Lois refondues du
Québec, chapitre P-22 - en matière de reproduction de documents
de l'État et de personnes morales. Ces deux catégories de
dispositions tirent également leur origine des développements
techniques récents dans les domaines de l'informatique et de la
reproduction de documents sur microfilm.
La proposition de l'Office de révision du Code civil, qui date
déjà de plusieurs années, n'envisageait aucunement les
nouvelles règles introduites au présent titre.
J'aimerais appeler l'article 2798 qui touche ce titre
deuxième.
M. Kehoe: II y a une autre lecture.
M. Rémillard: M. le Président, vous avez une autre
lecture, chapitre premier, De l'écrit.
Le Président (M. Lafrance): Oui, mais l'article est tout
de suite après le titre.
M. Rémillard: Ah oui! Ah! Excusez-moi, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'on veut le
présenter comme ça?
M. Rémillard: Oui, ça se veut comme ça.
Le Président (M. Lafrance): Alors, je lirai le texte du
chapitre après l'article 2798, comme le propose le projet de loi. S'il
n'y a pas d'amendement à cet article 2798, est-ce qu'il y aurait des
commentaires?
Mme Harel: M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Oui, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. (23 h 15)
Mme Harel: M. le Président, je comprends donc qu'à
l'article 2798 il y a un cinquième moyen de preuve qui est
dorénavant introduit, soit la présentation d'un
élément matériel de preuve. C'est donc là un ajout
extrêmement important aux moyens de preuve déjà connus
traditionnellement, comme l'écrit, l'aveu, la preuve testimoniale et...
le témoignage, plutôt, l'écrit, les présomptions et
l'aveu. J'aimerais, M. le Président, que nous puissions connaître
toute la portée de toutes les conséquences qui vont
découler de ce cinquième moyen de preuve qui, je le
répète, s'ajoute aux procédés traditionnels que
l'on connaît déjà en matière de preuve.
M. Rémillard: M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): M. le ministre.
M. Rémillard: Comme on le mentionnait dans la
présentation du titre deuxième, cet ajout d'un nouveau moyen de
preuve a surtout son origine dans les développements techniques
audiovisuels et il faut dire que ça découle d'une doctrine
récente et aussi de projets canadiens qui concernent la preuve
matérielle. Avec l'évolution technique, technologique, nous en
sommes donc arrivés à étaborer un cinquième
élément de preuve et c'est comme ça que nous nous sommes
retrouvés avec un chapitre cinquième, De la présentation
d'un élément matériel. Il y aurait donc un chapitre
spécial consacré à la présentation d'un
élément matériel de preuve.
Mme Harel: Dans son mémoire, la Chambre des notaires se
prononçait, en fait, de façon assez contraire à
l'introduction de ce cinquième moyen de preuve, et je cite: "La Chambre
des notaires est d'avis que le projet de Code civil vise à attribuer une
importance démesurée et injustifiée à la preuve
matérielle." Selon elle, "ce nouveau moyen de preuve ne mérite
pas d'être traité sur un pied d'égalité avec la
preuve écrite et la preuve testimoniale". Et là, suivent tout un
ensemble de considérations pour étayer cette position de la
Chambre des notaires.
M. Rémillard: On a regardé attentivement,
évidemment, ces commentaires de la Chambre des notaires. Il faut
évoluer avec la technologie et il faut comprendre aussi qu'avec... On a
limité quand même la portée avec l'article 2852, si ma
mémoire est bonne. C'est 2852. Or, à 2852.1, que nous allons
apporter comme amendement, on dira, à ce moment-là, que la preuve
par la présentation d'un élément matériel est
admise conformément aux règles de recevabilité
prévues pour prouver l'objet, le fait ou le lieu qu'il
représente. Alors, à ce moment-là, je crois qu'on
rencontre passablement les principales objections que la Chambre des notaires
faisait valoir et on prend donc en considération, par le fait
même, leurs commentaires.
Mme Harel: Est-ce que nous devons comprendre, par exemple, que la
présentation d'un élément matériel couvre ou
pourrait couvrir l'usage, par exemple, du détecteur de mensonge?
M. Rémillard: Évidemment, quand vous êtes en
matière criminelle, c'est autre chose. Là, c'est en
matière civile. Le détecteur de mensonge en matière
civile, je ne l'ai pas vu utilisé encore. Remarquez, peut-être
bien qu'on y arrivera, mais je ne connais pas d'utilisation du détecteur
de mensonge dans ce domaine-là. Mais je voudrais mentionner que la
Chambre des notaires aussi, dans un premier rapport, nous avait dit qu'elle ne
voulait pas, sur cet élément matériel, alors dans le
premier projet. Ensuite, ils nous ont dit: Bon, très bien; on comprend.
On a discuté avec eux. On les a rencontrés. On a dit: Très
bien, mais à la condition qu'il y ait la restriction de 2852.1 que nous
apportons par un amendement.
Mme Harel: Dois-je comprendre que la présentation d'un
élément matériel comme preuve va être recevable pour
prouver un acte juridique de moins de 1000 $, par exemple? En vertu de
l'article 2848, je crois que c'est seulement la preuve testimoniale qui
était prohibée pour prouver un acte juridique dont la valeur
excède 1000 $, c'est-à-dire devant la Cour des petites
créances.
M. Rémillard: C'est le témoignage qui est donc
couvert par l'article 2848. Mais peut-être que Mme Longtin pourrait
ajouter des commentaires, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Me
Longtin.
Mme Longtin: Oui, M. le Président. En fait, je
pense qu'avec l'amendement dont on a parlé, qui doit être
présenté au chapitre cinquième, on pourrait en arriver
effectivement à avoir un témoignage par le biais, possiblement,
d'une preuve matérielle. Je pense, par exemple, à un
enregistrement où on aurait les deux voix qui concluraient une entente
sur un contrat, possiblement, je vous le donne à titre très
gratuit, si vous voulez.
Mme Harel: Vous nous dites donc qu'il pourrait y avoir un
début de preuve, c'est ça? Ce ne serait plus un début de
preuve par écrit-Une voix: Un commencement de preuve.
Mme Harel: Un commencement de preuve. Ça pourrait
constituer un commencement de preuve. C'est ce qu'il faut comprendre? La
présentation d'un élément matériel, un
vidéo, par exemple.
Mme Longtin: L'article 2849, tel qu'il a été
présenté et même s'il y a un amendement, fondamentalement,
ça ne change pas. Dans la définition du commencement de preuve,
on dit que le commencement peut résulter de la présentation d'un
élément matériel lorsqu'un tel moyen rend vraisemblables
les énonciations et, donc, il serait possible, par le biais d'une preuve
matérielle, d'obtenir un commencement de preuve de l'existence d'un acte
juridique.
Mme Harel: D'accord.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Longtin. Alors,
l'article 2798 est adopté tel quel. Nous en arrivons maintenant au
chapitre premier qui traite de l'écrit et qui regroupe les articles 2799
à 2828. Le texte d'introduction à ce chapitre premier se lit
comme suit.
De l'écrit
Ce chapitre maintient substantiellement le droit actuel concernant
l'acte authentique et l'acte sous seing privé; cependant, des
modifications importantes sont apportées tant à la section de
l'acte semi-authentique qu'à celle concernant les écrits non
signés. Enfin, de nouvelles règles sont prévues pour
réglementer la preuve des inscriptions informatisées et de la
reproduction de documents.
Concernant les actes semi-authentiques, le projet de réforme
étend les effets de la semi-authenticité à tout acte
émanant d'un officier
public étranger compétent, comme le suggérait
l'Office de révision du Code civil, afin de faciliter la preuve des
jugements et autres actes juridiques étrangers, tels les actes de
l'état civil et les procurations sous seing privé
certifiées.
Quant aux inscriptions informatisées, les règles actuelles
du Code civil concernant la preuve documentaire ne permettent pas d'utiliser
adéquatement les avantages qu'on peut tirer des systèmes
informatiques comme instruments destinés à passer des actes
juridiques et à conserver une preuve de ceux-ci. Il existe
déjà, en matière commerciale et bancaire et dans le
domaine de la consommation en particulier, un grand nombre d'actes juridiques
dont les données sont directement enregistrées sur support
informatique, sans que les parties soient en présence les unes des
autres et sans qu'elles signent le document qui reproduit les données.
Dans le but de profiter des avantages de ces nouvelles techniques tout en
assurant la sécurité juridique des parties, la réforme
établit une réglementation propre aux inscriptions
informatisées.
Enfin, le projet de réforme intègre dans ce chapitre les
règles relatives à la reproduction de documents contenus dans la
Loi sur la preuve photographique de documents - Lois refondues du
Québec, chapitre P-22 - et en étend la portée à
toute personne morale de droit public et de droit privé. Cette
modification a pour but de simplifier la conservation des preuves documentaires
et de faciliter leur mise en preuve.
J'appelle l'article 2799 qui est contenu à la section I, Des
copies de lois.
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le
Président.
Mme Harel: Si je comprends bien, c'est le droit actuel, je
dirais, bonifié ou peut-être, plus justement,
déplacé de section. C'est essentiellement le droit actuel,
n'est-ce pas?
M. Rémillard: Substantiellement.
Le Président (M. Lafrance): Alors, l'article 2799 est
adopté tel quel. J'appelle maintenant les articles contenus à la
section II qui traite des actes authentiques, soit les articles 2800 à
2808.
M. Rémillard: M. le Président, il y a trois
amendements.
L'article 2801 du projet est modifié: 1° par le remplacement,
dans le 1°, des mots "des parlements du Canada et" par les mots "du
Parlement du Canada et du Parlement"; 2° par l'insertion, dans le 4°,
après le mot "registres", des mots "et les documents officiels
émanant".
La première modification est formelle; la seconde vient
préciser la portée du 4° afin d'assurer que tous les
documents actuellement considérés comme authentiques continueront
de l'être. Le texte actuel du Code civil énumère en les
distinguant: les registres, livres, règlements, archives, autres
documents et papiers. En raison de cet amendement, l'article 2801 se lirait
comme suit: "Sont authentiques, notamment les documents suivants, s'ils
respectent les exigences de la loi: "1° Les documents officiels du
Parlement du Canada et du Parlement du Québec; "2° Les documents
officiels émanant du gouvernement du Canada ou du Québec, tels
les lettres patentes, les décrets et les proclamations; "3° Les
registres des tribunaux judiciaires ayant juridiction au Québec; "4°
Les registres et les documents officiels émanant des
municipalités et des autres personnes morales de droit public
constituées par une loi du Québec; "5° Les registres d'un
caractère public dont la loi requiert la tenue par des officiers
publics; "6° L'acte notarié; "7° Le procès-verbal de
bornage."
M. le Président, l'article 2803 est modifié par
l'insertion, dans la cinquième ligne, après le mot "ou", des mots
", si elle a été versée ou déposée aux
archives nationales,".
L'amendement vise à préciser que le Conservateur des
archives nationales ne pourra jouer le rôle de l'officier public
dépositaire que dans les cas où les documents auront
été versés ou déposés auprès de lui.
En raison de cet amendement, l'article 2803 se lirait comme suit: "Lorsque
l'original d'un document, inscrit sur un registre dont la loi requiert la tenue
et conservé par l'officier chargé du registre, est perdu ou est
en fa possession de la partie adverse ou d'un tiers, sans la collusion de la
partie qui l'invoque, la copie de ce document est aussi authentique, si elle
est attestée par l'officier public qui en est le dépositaire ou,
si elle a été versée ou déposée aux archives
nationales, par le Conservateur des archives nationales du Québec."
M. le Président, l'article 2808 est modifié par le
remplacement, au second alinéa, des mots "Elle n'est requise ni pour
obtenir la rectification d'erreurs matérielles, ni" par les mots "Elle
n'est pas requise".
L'expression "erreur matérielle" prête à confusion;
elle peut couvrir une erreur de typographie reconnaissable à
première vue dans le contexte du document, comme elle peut couvrir
n'importe quel type d'erreur; toute falsification intellectuelle ou
matérielle se manifeste par une erreur matérielle. À la
limite, l'inscription de faux deviendrait inutilisée. En raison de cet
amendement, l'article 2808 se lirait comme suit: "L'inscription de faux n'est
nécessaire que pour contredire les énonciations dans l'acte
authentique des faits que l'officier public avait mission de constater.
"Elle n'est pas requise pour contester la qualité de l'officier
public et des témoins ou la signature de l'officier public."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y aurait des commentaires touchant ces articles 2800 à 2808? (23 h
30)
Mme Harel: À l'article 2800, il y a, au deuxième
alinéa, une présomption d'authenticité. On y lit: "L'acte
dont l'apparence matérielle respecte ces exigences est
présumé authentique." Est-ce que c'est du droit nouveau,
ça?
Le Président (M. Lafrance): Me Longtin.
Mme Longtin: C'est une proposition qui avait été
présentée par l'Office de révision du Code civil et il
semble qu'effectivement ce ne soit pas du moins indiqué comme tel dans
le droit actuel. Donc, on peut le considérer comme du droit nouveau.
Mais je pense que c'est un fait aussi qui va de lui-même. On pourrait
presque dire que la chose parle d'elle-même, à ce
moment-là.
Mme Harel: Dans le commentaire, on fait référence,
à l'article 2800, au fait, et je cite la dernière phrase du
commentaire; que "cette présomption simple peut être combattue
sans qu'il soit nécessaire de s'inscrire en faux de la manière
prescrite à l'article 2808". Avec l'amendement qui est apporté
à l'article 2808 en vertu duquel "la rectification d'erreurs
matérielles" est dorénavant biffée au deuxième
alinéa de l'article 2808, est-ce qu'il faut comprendre qu'il y aura
maintenant nécessité d'une inscription de faux pour contredire
également les actes présumés authentiques?
Je comprends que l'amendement à l'article 2808 vient satisfaire
une recommandation de la Chambre des notaires qui argumentait, avec exemple
à l'appui, des difficultés que pouvait présenter le fait
de pouvoir contester, c'est-à-dire le fait de pouvoir obtenir la
rectification d'erreur matérielle, tel qu'énoncé au
deuxième alinéa de l'article 2808, puisque cette notion d'erreurs
matérielles, signalait la Chambre des notaires, est nouvelle. Alors, je
dois donc comprendre que vous avez, par un amendement, biffé "la
rectification d'erreurs matérielles" au deuxième alinéa de
l'article 2808. Donc, le deuxième alinéa va se lire comme suit:
"Elle n'est pas requise - en faisant référence à
l'inscription de faux - pour contester la qualité de l'officier public
et des témoins ou la signature de l'officier public." Donc,
l'inscription de faux sera requise pour obtenir la rectification d'erreurs
matérielles, c'est ce qu'il faut comprendre?
M. Rémillard: J'ai l'impression que ce n'est pas tout
à fait ça. D'ailleurs, le commentaire, je pense, est assez
explicite. Le problème, c'est que l'erreur matérielle, le concept
d'erreur matérielle, l'expression, ça porte à confusion.
Ça peut couvrir une erreur de typographie comme ça peut vouloir
dire aussi n'importe quel type d'erreur. Alors, ça voudrait dire que
toute falsification intellectuelle ou matérielle se manifeste par une
erreur matérielle. Alors, le commentaire dit donc: À la limite,
l'inscription de faux deviendrait inutilisée. Ce qui veut dire
qu'à ce moment-là on fait la précision et l'amendement dit
ceci: "Elle n'est pas requise pour contester la qualité de l'officier
public et des témoins ou la signature de l'officier public."
Peut-être, Mme Longtin, avez-vous des commentaires?
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Mme Harel: Donc, faut-il comprendre qu'elle est requise à
ce moment-là pour obtenir la rectification d'erreurs
matérielles?
Le Président (M. Lafrance): Me Longtin ou M. le
ministre.
M. Rémillard: Je ne crois pas nécessairement, mais
je vous avoue que j'aimerais mieux que ce soit Me Longtin qui nous fasse part
de ses remarques sur une question technique comme celle-ci.
Mme Longtin: En fait, pour répondre à la
dernière question. En biffant, à l'article 2808, "ni pour obtenir
la rectification d'erreurs matérielles", on se trouvera à
laisser, au fond, subsister l'interprétation que les tribunaux ont
donnée dans le cadre de l'inscription de faux. C'est qu'ils ont
accepté, dans des cas très restreints, la possibilité
qu'une erreur matérielle puisse être contestée sans qu'on
procède nécessairement par toute cette procédure
très formelle, l'inscription de faux. Mais ce qu'on nous a
reproché au fond - la Chambre des notaires - c'est qu'en le
spécifiant dans le texte on permet une interprétation très
large et libérale de la notion d'erreur matérielle qui pourrait
donc amener à rendre inutilisée l'inscription de faux. Donc, en
biffant, on laisse subsister la possibilité d'une interprétation
jurisprudentielle qui, comme je vous le mentionnais, est dans des cas
très, très manifestes d'erreur matérielle, où ils
ont accepté de passer à côté de l'inscription de
faux. Mais c'est rarissime.
Mme Harel: Si c'est rarissime, la règle
générale, c'est qu'il faut passer par une inscription de
faux.
Mme Longtin: C'est ça.
Mme Harel: Et dans des cas très, très restreints,
le tribunal a jugé que ce n'était pas
requis pour obtenir la rectification. Et, donc, à l'article 2800,
il va falloir changer le commentaire, j'imagine.
Mme Longtin: Pas vraiment... Mme Harel: Non?
Mme Longtin: ...M. le Président, parce que, en fait, on
enlève "erreurs matérielles", mais on maintient que l'inscription
de faux n'est pas requise pour contester la qualité de l'officier public
et des témoins ou la signature de l'officier public. Essentiellement,
l'article 2800 vise ces questions de réception et d'attestation par
l'officier public compétent et ne touchait donc pas tellement la notion
d'erreur matérielle. Je pense que le commentaire demeure
fondamentalement valable.
Mme Harel: Parce que, au deuxième alinéa de
l'article 2800, les exigences de l'authenticité portent sur la preuve de
la qualité, sur la compétence et la capacité de l'officier
public. C'est ce qu'il faut comprendre?
Mme Longtin: C'est ça, oui.
Mme Harel: Alors, quand on y lit: "L'acte authentique est celui
qui a été reçu ou attesté par un officier public
compétent selon les lois du Québec ou du Canada", peut-on me
préciser quels sont les officiers publics compétents en vertu des
lois du Canada? Je connais les officiers publics compétents selon les
lois du Québec. En fait, il s'agit des notaires. Mais pour le
Canada?
M. Rémillard: Est-ce qu'on peut penser aux protonotaires
au niveau des cours fédérales, par exemple?
Mme Harel: Pour l'acte authentique? M. Rémillard:
Oui.
Mme Harel: Ah oui! Ça peut être les greffiers aussi,
j'imagine, des Parlements.
M. Rémillard: Les greffiers...
Mme Harel: D'accord. Très bien. En regardant l'article
2801, la liste des documents qui sont authentiques, on voit quelles sont les
personnes qui peuvent en être les signataires. D'accord.
Vous avez préféré utiliser, à l'article
2801, 1°, l'expression "Parlement du Québec" plutôt que
"Assemblée nationale". Je croyais, moi, que le mot "Parlement" avait
été remplacé par "Assemblée nationale".
M. Rémillard: II y a une différence entre les
termes "Parlement du Québec" et "Assemblée nationale du
Québec". Le Parlement comprend aussi la sanction, il comprend donc, par
le fait même, le lieutenant-gouverneur, il comprend tout l'appareillage
parlementaire de la couronne, alors que le gouvernement ou l'Assemblée
nationale, c'est l'organe législatif seulement.
Mme Harel: Très bien.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y aurait d'autres commentaires touchant les articles suivants?
Mme Harel: 2808, oui, ça va, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres
commentaires sur les articles qui suivent, l'article 2800 est donc
adopté tel quel, l'article 2801 est adopté tel qu'amendé,
l'article 2802 est adopté tel quel, l'article 2803 est adopté tel
qu'amendé, les articles 2804, 2805, 2806 et 2807 sont adoptés
tels quels et l'article 2808 est adopté tel qu'amendé.
Nous en arrivons maintenant à la section III qui touche les actes
semi-authentiques. J'appelle les articles 2809 à 2812 inclusivement.
M. Rémillard: M. le Président, nous avons un
amendement.
L'article 2810 est modifié par le remplacement des mots "en
présence d'un officier public compétent qui vérifie
l'identité du mandant, reçoit sa signature et certifie la
procuration" par les mots "lorsqu'elle est certifiée par un officier
public compétent qui a vérifié l'identité et la
signature du mandant".
M. le Président, cette modification vise à supprimer
l'exigence que la procuration ait été faite en présence
d'un officier public étranger; cette exigence est contradictoire avec la
nature de ce document sous seing privé. En raison de cet amendement,
l'article 2810 se lirait comme suit: "Fait également preuve, à
l'égard de tous, la procuration sous seing privé faite hors du
Québec lorsqu'elle est certifiée par un officier public
compétent qui a vérifié l'identité et la signature
du mandant."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y aurait des commentaires touchant ces articles 2809 à 2812
inclusivement?
Mme Harel: II s'agit essentiellement d'accorder le
caractère de semi-authenticité à une série d'actes
ou de documents. À l'article 2809... Attendez, M. le Président.
Non, c'est à l'article 2810. Faut-il comprendre que l'amendement qui est
déposé à l'article 2810 vient satisfaire la recommandation
qui a été faite par la Chambre des notaires? Elle disait, en
regard de l'article 2810 original: "II y a, en quelque sorte, une
contradiction dans les termes en exigeant qu'une procuration sous seing
privé soit reçue devant un officier public. En effet, il est de
l'essence d'un acte sous seing privé qu'il soit rédigé
sans l'intervention d'un officier public. En conséquence, il faudrait
modifier l'article. "
M. Rémillard: Oui...
Mme Harel: C'est pour ça que l'amendement a
été fait, hein?
M. Rémillard: L'amendement a été fait parce
que je pense que les notaires...
Mme Harel: II vient satisfaire...
M. Rémillard: Oui, ça vient satisfaire leur demande
qu'on distingue bien entre l'acte sous seing privé et l'acte authentique
et semi-authentique. Je crois que l'amendement répond à leurs
commentaires.
Mme Harel: D'autre part, toujours à la page 39 des
commentaires de la Chambre des notaires, on peut lire, au troisième
paragraphe: "Enfin, contrairement au droit actuel, la seule personne
habilitée à tester de l'identité de la signature du
mandant est l'officier public. Il nous semble qu'il serait
préférable d'y ajouter au moins les personnes
énumérées aux paragraphes 5 et 5a de l'article 1220 du
Code actuel. " Alors, le ministre peut-il nous expliquer pourquoi il a
limité à l'officier public uniquement? (23 h 45)
M. Rémillard: Je vais demander à Me Longtin, M. le
Président, de nous faire le commentaire.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
Me Longtin.
Mme Longtin: Oui, M. le Président, effectivement, les
paragraphes 5 et 5a de l'article 1220 contiennent une assez longue
énumeration d'officiers publics reconnus compétents en
matière de procuration. L'Office de révision du Code civil nous
suggérait de supprimer cette énumération-là, d'une
part, parce qu'on a déjà quand même
référé de façon générale à la
notion d'officier public compétent précédemment, par
exemple à l'article 2800, et, d'autre part, parce que beaucoup de ces
personnes énumérées peuvent changer de titre suivant les
lois particulières qui les rendent compétentes. Et
déjà, par exemple, à l'article 220 de la Loi sur les
tribunaux judiciaires, on a déjà aussi là une liste de
personnes qu'on reconnaît compétentes comme officiers publics
compétents dans certaines circonstances. Donc, on considère, de
façon générale, qu'il vaut mieux laisser aux lois
particulières le soin de faire ces attributions de
compétences.
Mme Harel: Par exemple, c'est donc dire que, dans le cas d'un
certificat de mariage contracté en dehors du Québec, un
ecclésiastique serait..
Une voix: Un rabbin.
Mme Harel:... un rabbin, oui, effectivement, serait
considéré comme étant un officier public?
M. Rémillard: C'est le mot "compétent" qui va
déterminer la réponse à votre question. S'il est
compétent, s'il est habilité à procéder, par le
fait même ce sera bon.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Donc, l'article 2809
est adopté tel quel, l'article 2810 est adopté tel
qu'amendé et les articles 2811 et 2812 sont adoptés tels
quels.
Nous en arrivons à la section IV qui traite des actes sous seing
privé. J'appelle donc les articles contenus à cette section IV,
soit les articles 2813 à 2817 inclusivement.
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Aucun amendement. Merci, M. le
ministre. Alors, est-ce qu'il y aurait des commentaires touchant cette
série d'articles?
Mme Harel: M. le Président, à l'article 2814, la
Commission des services juridiques faisait valoir que "le législateur
n'avait malheureusement pas prévu le cas où une personne est
physiquement incapable d'apposer son nom ou une marque personnelle. Ne
serait-il pas indiqué de prévoir la possibilité de
manifester son consentement par personne substituée, soit un avocat ou
un notaire, expressément mandatée à cet effet sous
serment?" Et la recommandation de la Commission était d'ajouter un
deuxième alinéa à l'article 2814, qui se lirait comme
suit: "La personne incapable physiquement d'apposer son nom ou une marque
personnelle peut manifester sa volonté par l'intermédiaire d'un
notaire ou d'un avocat expressément mandaté à cette fin. "
Alors, je dois constater que cette recommandation ne serait pas retenue et
j'aimerais savoir ce qui a amené le ministre à
l'écarter.
M. Rémillard: Mais, M. le Président, c'est que
c'est la signature qu'on définit. Alors, à l'article 2814, c'est:
"La signature consiste dans l'apposition qu'une personne fait sur un acte de
son nom ou d'une marque qui lui est personnelle et qu'elle utilise de
façon courante, pour manifester son consentement. " Alors, il est
toujours possible, en droit actuel comme dans le projet de loi, qu'une personne
puisse agir pour une autre. Alors, ça peut comprendre aussi le
mandataire.
Mme Harel: Alors, à ce moment-là, ce sont les
règles du mandat qui vont s'appliquer...
M. Rémillard: C'est ça.
Mme Harel: ...et qui pourraient permettre...
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: ...au mandataire de procéder au nom du mandant.
C'est bien ça qu'il faut comprendre?
M. Rémillard: Oui, c'est ça, puis la règle
va s'appliquer au mandataire.
Mme Harel: Alors, il faut comprendre aussi que l'acte sous seing
privé est présumé reconnu en l'absence de contestation.
C'était le droit actuel et ça le reste. C'est ça qu'il
faut comprendre?
M. Rémillard: C'est ça.
Mme Harel: À l'article 2817, on y dit ceci: "De
façon générale, le projet de réforme supprime la
distinction entre matières civiles et matières commerciales afin
d'éliminer les discussions souvent stériles sur la qualification
des actes. Cependant, dans plusieurs domaines, particulièrement en
matière de preuve, il est utile de maintenir des règles
particulières non pas pour les actes de commerçant, mais pour les
actes passés dans le cours de l'activité d'une entreprise." Le
commentaire ajoute: "Cette modification permet de couvrir, entre autres, les
actes faits par des entreprises non commerciales comme les coopératives,
les professions libérales, artisanales ou agricoles et les organismes
à but non lucratif." Alors, il faut donc comprendre que tout cela serait
de droit nouveau; cet élargissement serait de droit nouveau.
Le Président (M. Lafrance): Alors, Me Longtin.
Mme Longtin: En fait, M. le Président, le droit actuel,
effectivement, à l'article 1227, exclut de l'application de
l'équivalent du premier alinéa les écrits d'une nature
commerciale. Or, on le sait, pour l'avoir vu à plusieurs reprises au
sein du projet, la notion de commercialité a été
remplacée et on parie maintenant plutôt d'entreprise, entreprise
qu'on a tenté, par ailleurs, de mieux cerner et qui, possiblement donc,
devrait faire l'objet d'un amendement, ce qui fait qu'effectivement les actes
dans certaines entreprises auxquelles on ne reconnaît pas actuellement un
caractère commercial pourraient néanmoins être régis
par la règle du deuxième alinéa à titre
d'entreprise. Donc, on présume que ce sont des écrits quand
même qui sont faits dans le cours d'une activité économique
et qui, généralement, ont un caractère
répétitif, ce qui fait que la date qui y est inscrite sera
présumée, ce qui n'empêche pas, de toute façon, les
preuves contraires. Ça facilite la preuve pour la partie,
évidemment, qui invoque cet écrit.
Mme Harel: C'est donc possible de faire une preuve contraire,
étant donné que c'est une date qui est présumée
seulement...
Mme Longtin: C'est ça.
Mme Harel: ...plutôt que réputée. Très
bien.
Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres
commentaires touchant ces articles, les articles 2813 à 2817
inclusivement sont donc adoptés tels quels.
Étant donné l'heure et la série d'articles qui
suit, s'il y avait une proposition d'ajournement, je pense que je
l'accepterais.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lafrance): Si M. le ministre...
Mme Harel: Avec plaisir.
Le Président (M. Lafrance): En rappelant à tout le
monde que nous avons convenu de nous réunir demain, le 4
décembre, à compter de 10 heures, ici, dans cette même
salle. Sur ce, s'il n'y a pas de commentaires de fin de séance,
j'ajourne donc nos travaux à demain. Merci.
(Fin de la séance à 23 h 57)