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(Vingt heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Lafrance): Bonsoir à tous. Je
constate que nous avons le quorum et j'aimerais donc déclarer cette
treizième séance de travail ouverte en rappelant à tous et
à toutes que notre mandat, le mandat de cette commission, est de
poursuivre l'étude détaillée du projet de loi 125, Code
civil du Québec. Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des
remplacements?
La Secrétaire: II y a un seul remplacement, M. le
Président: Mme Bleau (Groulx) est remplacée par Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata).
Le Président (M. Lafrance): Merci. Est-ce qu'il y aurait
des remarques d'ouverture? Oui, M. le ministre.
Organisation des travaux
M. Rémillard: M. le Président, alors, nous
commençons nos travaux et je mentionnais tout à l'heure
qu'après discussion, si ça convenait aux membres de cette
commission, on pourrait donc siéger demain soir au lieu de jeudi matin
parce qu'il y a des problèmes pour certains membres de cette commission
pour jeudi matin. Alors, ce serait mercredi soir que nous pourrions
siéger.
M. le Président, je voudrais aussi souhaiter la plus cordiale des
bienvenues à M. le professeur Jeffrey Talpis qui nous rejoint
après quelques semaines d'absence, et je peux vous dire - je pense que
je le dis au nom des membres de cette commission - à quel point on est
heureux de le voir revenir en si bonne forme. On lui souhaite la bienvenue.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Bienvenue également à M. le professeur Talpis. Mme la
députée de Hochelaga-Maison-neuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président. Alors, je crois donc
comprendre que nous ne siégerions pas la semaine prochaine.
M. Rémillard: C'est ça, comme prévu depuis
déjà une couple de mois. Oui, on l'avait mentionné de
l'autre côté que je serai absent la semaine prochaine.
Mme Harel: Donc, vous seriez de retour la semaine suivante...
M. Rémillard: C'est ça.
Mme Harel: ...parce que, là, il va falloir certainement
tenter de planifier le mieux possible nos travaux de façon à ce
qu'on puisse à l'avance informer les personnes que le ministre et son
ministère mettent à notre disposition d'être parmi nous
pour pouvoir siéger, également pour pouvoir nous permettre aussi
de faire le point avec elles au fur et à mesure de l'avancement de ces
travaux. Alors, je ne sais pas... Vous aviez parlé, à un moment
donné, d'une journée fixe où nous siégerions sur le
Code civil. Je ne sais pas si ce ne serait pas utile au moins de nous donner
cette balise-là.
M. Rémillard: Oui. M. le Président, nous avons eu
d'ailleurs, à l'heure du dîner ce soir, des discussions
intéressantes pour l'organisation du travail au niveau des experts, et
je pense que, de toute façon, s'imposait une semaine pour que tous
puissent s'adapter et qu'on puisse continuer aussi, après que nos
experts auront travaillé ensemble. Alors, le travail des experts
pourrait être quelque peu modifié, en fonction peut-être
d'une nouvelle formule que nous aurons à discuter, à la suite de
suggestions qui nous ont été faites. Nous pourrons discuter d'une
nouvelle formule qui pourrait peut-être être plus
intéressante de part et d'autre. Aussi, M. le Président, il est
évident qu'on devra mettre, à un moment donné, un peu
l'accélérateur et je suis bien prêt à
accélérer le mouvement. Jusqu'à présent, on a
procédé au rythme auquel l'on pouvait procéder, à
cause de toutes les contingentes de nos experts et des consultations que nous
devons faire aussi en fonction des différents items que nous avons
à étudier, mais nous en sommes maintenant à un point
où nous pouvons accélérer un petit peu plus encore, tout
en étant bien conscient qu'il y a certains points qui devront être
discutés à fond.
Je sais que, du côté de l'Opposition et de notre
côté aussi, on veut regarder à fond l'hypothèque
immobilière. On a aussi à discuter différents autres
points que nous verrons même ce soir et demain, puis ensuite, en ce qui
regarde la publicité, c'est un domaine nouveau qui méritera qu'on
le regarde avec beaucoup beaucoup d'attention. Mais nous avons maintenant un
bon élan et je crois que cette semaine, si nous pouvons terminer le
programme qu'on s'est fixé, ce sera déjà un très
bon pas.
Mme Harel: Est-ce qu'on peut déjà savoir quel
programme vous nous fixez?
M. Rémillard: Nos experts se sont rencontrés - ils
nous proposent et nous disposons, remarquez mais ils nous proposent de pouvoir
nous rendre jusqu'à... attendez, je vais vous
confirmer tout ça, jusqu'à l'article 2373 inclusivement,
c'est-à-dire jusqu'aux assurances, moins le louage.
Mme Harel: Donc, de compléter la partie qui concerne Me
Masse, tous les contrats nommés dont il s'occupe, sauf les
assurances.
M. Rémillard: Sauf les assurances, parce que Me Masse sera
avec nous aussi pour les assurances.
Mme Harel: D'accord. Bon, alors écoutez, M. le
Président, je crois qu'au retour du ministre, ce qui serait
intéressant, ce serait vraiment de trouver une façon plus
régulière de travailler pour nous-mêmes, en fait, membres
de cette commission, mais aussi pour les experts qui nous ont
accompagnés depuis le début de cet examen. J'en profite
également pour souhaiter la bienvenue à Me Talpis. Je lui disais
tantôt que c'est notre treizième séance ce soir. Mme la
secrétaire m'a dit que treizième séance, c'était un
signe chanceux. Alors, son retour est donc de bon augure et je souhaiterais, en
fait, qu'on puisse planifier un peu plus.
M. Rémillard: On a tenté de le faire, il faut le
mentionner, à quelques reprises. Cependant, ce qui nous en a
empêché, ça a été justement la
disponibilité de nos experts, qui, eux aussi, ne font pas leur travail
ici à temps plein. Ils ont aussi leurs occupations comme professeur ou
consultant, peu importe. Alors, il faut composer un petit peu avec ça.
Mais si tout le monde y met de la volonté, et il va falloir la mettre,
je retiens la suggestion de Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve, on va donner des dates fixes et on va procéder
comme tel.
Mme Harel: Alors, je dois donc comprendre que je ne pourrai pas
vous entendre au déjeuner-causerie de la Chambre des notaires, le 8
novembre. Non, vous serez de retour, vous serez de retour.
M. Rémillard: Oui, oui.
Mme Harel: Alors, entendez-vous y participer?
M. Rémillard: Je n'ai pas encore eu le temps d'en
discuter, mais si on me présente un projet de la sorte, je vais
certainement regarder ça de près.
Mme Harel: On me disait que l'information avait été
communiquée au ministère.
M. Rémillard: Peut-être que ce n'est pas encore
arrivé là.
Mme Harel: Arrivé jusqu'au ministre.
Le Président (M. Lafrance): On vous remercie pour toutes
ces précisions. Si je comprends bien, il y a consentement pour qu'on
siège demain soir, de 20 heures à 22 heures, en plus
évidemment du temps prévu en matinée, de 9 h 30 à
12 h 30.
Document déposé
Mme Harel: M. le Président, est-ce que vous me permettrez
de déposer la copie d'une lettre signée par la présidente
du Conseil du statut de la femme, en réponse à celle que je lui
faisais parvenir, le 18 septembre, demandant l'avis du Conseil du statut de la
femme sur la question de l'usufruit et de la conversion de l'usufruit en rente?
Alors, le Conseil du statut de la femme a mis un point une position. J'aimerais
qu'elle puisse être transmise aux membres de la commission.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Mme la
députée. J'accepte cette correspondance qui sera officiellement
déposée et qui portera le code numérique 38D.
Des contrats nommés De la donation
(suite)
Alors, s'il n'y a pas d'autres remarques d'ouverture j'aimerais, sans
tarder, nous référer à notre projet de loi. Nous en
étions à l'article 1806 et les articles suivants qui traitent de
certaines règles de validité de la donation. J'aimerais en
conséquence appeler les articles 1806 à 1813 inclusivement.
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendements à ces
articles, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a des commentaires à apporter sur ces articles 1806 à
1813 inclusivement? Si je comprends bien, il n'y a aucun membre qui
désire apporter des commentaires. Donc, les articles 1806 à...
Oui, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Attendez que l'on s'installe. Vous aviez appelé
l'article 1806.
Le Président (M. Lafrance): 1806 à 1813
inclusivement et M. le ministre nous a informés qu'il n'y avait aucun
amendement de proposé.
Mme Harel: Juste une seconde. Alors, la question, je pense, qui
est posée à 1810 est celle d'une donation qui serait faite durant
une maladie réputée mortelle et qui, au deuxième
alinéa, serait suivie d'un rétablissement du donateur, exigerait
une possession paisible pendant trois ans pour faire considérer la
donation comme valide. La durée de trois ans là se
justifie comment, s'explique comment pour le législateur?
M. Rémillard: Je vais demander à Me Pineau de nous
faire des commentaires.
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau (Jean): M. le Président, il a semblé
qu'un délai de trois ans était suffisant et plus propice à
la sécurité du droit que le temps considérable auquel
renvoient les textes actuels.
Mme Harel: C'est 10 ans, je pense, présentement? Non? (20
h 30)
M. Pineau: C'est "temps considérable".
Mme Harel: Ah oui.
M. Rémillard: II faut peut-être remarquer que trois
ans, c'est le délai de prescription générale. C'est
simplement qu'on a pris la règle générale et on l'applique
ici, croyant que ça peut régler justement ce cas en fonction de
la prescription générale.
Mme Harel: Parce que je me demandais si c'était
associé à un délai de rémission habituel ou...
M. Rémillard: Non, non, du tout, c'est simplement la
règle générale. On applique la règle
générale, ne voyant pas de raison de mettre un délai plus
spécifique.
Mme Harel: Oui. Alors, dans un but finalement d'harmonisation des
délais, si je comprends bien, le délai le plus long...
M. Pineau: C'est cela.
Mme Harel: ...est de trois ans.
M. Pineau: C'est une possession qui va durer trois ans et nous
avons une règle de prescription acquisitive qui est de trois ans. Donc,
c'est conforme à une règle générale relative
à la possession.
Mme Harel: Si le donateur se rétablit et laisse le
donataire en possession paisible pendant tout ce temps, la jurisprudence...
M. Pineau: C'est qu'il entend confirmer... Pardon,
excusez-moi.
Mme Harel: Excusez-moi.
M. Pineau: C'est qu'il entend confirmer la donation qu'il a faite
alors qu'il était malade.
Mme Harel: Oui, voilà. Mais je me demandais, mol, si le
délai de trois ans n'était pas un peu long, étant
donné que le donateur se rétablit. Parce que le délai
court après son rétablissement, le délai ne court pas
avant. Alors, le donateur se rétablit. Un rétablissement,
c'est... Et là, le délai commence à courir. Alors...
M. Rémillard: Ce qui est toujours difficile tout d'abord,
c'est de déterminer le rétablissement, il faut voir le
délai qui court. Alors, un délai de trois ans nous cause moins de
problèmes en ce qui regarde la période que l'on doit calculer.
Trois ans, c'est quand même assez long pour qu'il y ait là
manifestement l'intention manifeste du donateur de conserver cette donation.
S'il veut changer d'avis... Si on disait un délai plus court, ça
voudrait dire que... Si on disait un an, par exemple, ça voudrait dire
que, dans la deuxième année, il pourrait refuser. Comme la
règle générale, c'est trois ans, on se dit: Pourquoi ne
pas mettre trois ans? Et, après trois ans, c'est manifeste que
l'intention du donateur, c'est de confirmer la donation et ça devient
donc officiellement valide comme don.
Mme Harel: En tout cas, je me rallie, moi, à une
harmonisation des délais. Je crois que ça va favoriser
l'application du droit que les délais soient mieux connus, plus simples.
Alors, pour ces raisons-là, je me rallie à la proposition.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie. S'il n'y a
pas d'autres commentaires donc, les articles 1806 à 1813...
Mme Harel: Alors, il faut bien comprendre qu'à 1812 la
donation entre vifs stipulée révocable suivant la seule
discrétion du donateur est nulle, alors même qu'elle est faite par
un contrat de mariage. Alors, pour qu'il y ait stipulation de
révocabilité dans une donation entre vifs, il faut donc
comprendre qu'il faut qu'il y ait une volonté commune. C'est bien
ça?
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, cette disposition
réfère à la donation que l'on dit, dans le code civil du
Bas Canada, sous condition purement protestative. On dit dans ce
contexte-là: La donation sous condition purement protestative,
c'est-à-dire selon la seule discrétion du donateur, est nulle, et
cela, même dans un contrat de mariage. On se réfère aux
articles 782, Bas Canada, alinéa 1, et 783. "782. La donation entre vifs
peut être stipulée révocable [...] sous des conditions qui
ne dépendent pas uniquement de la volonté du donateur." "783.
Toute donation entre vifs stipulée révocable suivant la seule
volonté du donateur est nulle.
"Cette disposition ne s'applique pas aux donations faites par contrat de
mariage." Alors, par rapport au droit d'hier...
Une voix: D'accord.
M. Pineau: ...enfin, je devrais dire au droit d'aujourd'hui, le
seul changement, c'est que ça s'applique même lorsque cette
donation est faite par contrat de mariage.
M. Rémillard: C'est un élément important
quand même, M. le Président, parce que la donation... Donner et
retenir, c'est nul. Auparavant, on pouvait le faire dans un contrat de mariage.
Maintenant, on dit: Même par contrat de mariage, ce n'est pas
possible.
Une voix: C'est ça.
Mme Harel: Ça veut donc dire qu'on ne peut pas donner
à la condition de toujours être aimé, par exemple.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: Oui, ou donner et de vivre ensemble.
Mme Harel: Oui. M. Rémillard: Oui.
M. Pineau: Oui, à sa discrétion. C'est ça.
De celui qui donne.
Mme Harel: Très bien. M. Pineau: Voilà!
Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres
commentaires, donc, les articles 1806 à 1813 inclusivement sont
adoptés tels quels. J'aimerais maintenant appeler l'article 1814 qui
traite de la forme et de la publicité de la donation.
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Est-ce
qu'il y a des commentaires concernant cet article 1814?
Mme Harel: II faut comprendre donc que la donation d'un bien
meuble ou immeuble s'effectue, à peine de nullité absolue, par
acte notarié en minute. Quel est l'état du droit
présentement?
M. Pineau: La même chose.
Mme Harel: C'est reconduit. C'est la même chose.
M. Rémillard: II n'y a rien qui change.
Mme Harel: Alors, ce qui est différent à 1814 en
regard du droit actuel, c'est qu'en plus la donation... Non? Je croyais qu'il y
avait une différence dans la publication. Non. Non, c'est ça. Ah
bon!
M. Pineau: C'est le don manuel, le deuxième
alinéa.
Mme Harel: Excusez-mot.
M. Pineau: Le don manuel, deuxième alinéa.
Mme Harel: Ah oui! Très bien, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Ça va? Alors, s'il n'y
a pas d'autres commentaires, l'article 1814 est donc adopté tel quel.
J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la section III et,
en particulier, les articles qui traitent des dispositions
générales des droits et obligations des parties, soient les
articles 1815 à 1819 inclusivement.
M. Rémillard: II y a un amendement à l'article 1818
qui est modifié par le remplacement, au début du second
alinéa, des mots "d'un défaut de sécurité, s'il
connaissait ce défaut" par ceci: "d'un vice qui porte atteinte à
son intégrité physique, s'H connaissait ce vice". M. le
Président, cet amendement substitue à la notion de défaut
de sécurité une notion qui fait directement appel au concept de
vice caché applicable en matière contractuelle, tout en
étant plus descriptive. Il découle en partie de l'amendement
apporté à la fin de l'article 1454 et il vise à
éviter toute difficulté d'interprétation possible quant
à l'application de la notion de défaut de sécurité
dans le domaine contractuel. En raison de cet amendement, l'article 1818 se
lirait comme suit: "Le donateur ne répond pas des vices cachés
qui affectent le bien donné.
Toutefois, il est tenu de réparer le préjudice
causé au donataire en raison d'un vice qui porte atteinte à son
intégrité physique, s'il connaissait ce vice et ne l'a pas pas
révélé lors de la donation."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Mme Harel: On souhaitait cet amendement, M. le
Président.
M. Rémillard: Oui.
Le Président (M. Lafrance): D'accord.
M. Rémillard: M. le Président, Me Masse et
le Barreau du Québec nous avaient fait part de leurs commentaires
et demandé un tel amendement.
Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas d'autres
commentaires, les articles 1815, 1816 et 1817 sont donc adoptés tels
quels. L'article 1818 est adopté tel qu'amendé et l'article 1819
est adopté tel quel. J'aimerais maintenant appeler l'article 1820 qui
traite des dettes du donateur.
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas de
commentaires, l'article 1820 est donc adopté tel quel. J'aimerais
maintenant appeler les articles qui traitent des charges stipulées en
faveur d'un tiers, soient les articles 1821 à 1825 inclusivement.
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Aucun commentaire. Donc, les
articles 1821 à 1825 inclusivement sont adoptés tels quels.
J'aimerais maintenant appeler les articles contenus à la section IV, qui
traite de la révocation de la donation pour cause d'ingratitude, soient
les articles 1826, 1827 et 1828.
M. Rémillard: II n'y a pas d'amendement, M. le
Président.
Mme Harel: À 1826, M. le Président, je souhaiterais
que l'on m'explique là en quoi consiste un comportement gravement
répréhensible. Je pense que les dispositions actuellement
contenues partaient, je crois, d'ingratitude du donataire, comportement
gravement répréhensible. Il faut qu'il le soit gravement. Un
comportement répréhensible ne serait pas suffisant?
M. Rémillard: Non. Il faut qu'il soit gravement
répréhensible, maintenant, avec des balises. C'est eu
égard à la nature de la donation. Donc, le fait que ce soit
gravement répréhensible, c'est directement relié à
la nature de la donation et aussi aux facultés des parties, comme
deuxième critère. Et, troisièmement, aux circonstances.
Alors, vous avez trois balises qui nous permettent de juger si c'est vraiment
gravement répréhensible. De fait, il s'agit de reprendre
l'essentiel des dispositions qui sont contenues aux articles 811, paragraphe 1,
et 813 du Code civil du Bas Canada.
Mme Harel: Je pense que les légistes avaient
déjà jonglé avec l'idée de supprimer cette
disposition de révocation, je crois. Elle a été
réintroduite.
M. Rémillard: II y avait eu, oui, on avait pensé,
je dois le dire, peut-être l'enlever, sur le principe que quand on donne
on ne peut pas reprendre. Alors, c'est un principe qu'on a évoqué
tout à l'heure. Cependant, dans ce cas-ci, c'est quand même un
principe qu'on retrouve dans le Code civil depuis très longtemps, et
à la suite d'interventions qui nous ont été faites de
plusieurs milieux, beaucoup d'interventions, on a décidé de le
conserver dans une forme, par contre, je dirais plus explicite. Donc, en
établissant le critère du "gravement
répréhensible", mais en donnant aussi ces trois balises que nous
établissons pour pouvoir mieux situer ce concept de "gravement
répréhensible".
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre, pour
ces précisions. S'il n'y a pas d'autres commentaires, donc, les articles
1826, 1827 et 1828 sont donc adoptés tels quels. J'aimerais maintenant
appeler les articles contenus dans la section V, qui traite de la donation par
contrat de mariage, soient les articles 1829, 1830 et 1831.
M. Rémillard: M. le Président, nous avons un
amendement à l'article 1831. L'article 1831 est modifié par le
remplacement du premier alinéa par le suivant: "La donation à
cause de mort, même faite à titre particulier, est
révocable. " M. le Président, cet amendement
généralise le caractère essentiellement révocable
de la donation à cause de mort, que reconnaît la première
partie du premier alinéa à l'égard des donations
universelles ou à titre universel, en l'étendant désormais
aux donations à titre particulier. (20 h 45)
Rien, en effet, ne paraissait justifier à la réflexion le
maintien d'une présomption simple de révocabilité
applicable aux donations à titre particulier, alors qu'une règle
différente, celle de la révocabilité, s'applique aux
donations universelles ou à titre universel, surtout que les donations
à titre particulier peuvent bien souvent, dans les faits, égaler
ou surpasser en importance la valeur des donations universelles ou à
titre universel. En raison de cet amendement, l'article 1831 se lirait comme
suit: "La donation à cause de mort, même faite à titre
particulier, est révocable. 'Toutefois, lorsque le donateur a
stipulé l'irrévocabilité de la donation, il ne peut
disposer des biens à titre gratuit par acte entre vifs ou par testament,
à moins d'avoir obtenu le consentement du donataire et de tous les
autres intéressés ou qu'il ne s'agisse de biens de peu de valeur
ou de cadeaux d'usage; il demeure, cependant, titulaire des droits sur les
biens donnés et libre de les aliéner à titre
onéreux. "
M. le Président, et la Chambre des notaires du Québec et
la Commission des services juridiques nous avaient fait des commentaires sur
cet article, commentaires qui nous ont amenés à
proposer cet amendement.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Aucun
commentaire. Donc, les articles 1829 et 1830 sont donc adoptés tels
quels. L'article 1831 est adopté tel qu'amendé.
Nous en arrivons maintenant au chapitre troisième qui traite du
crédit-bail. Permettez-moi de vous lire les propos d'introduction qui
sont contenus au livre des commentaires détaillés sur les
disposition du projet, en page 177.
Du crédit-bail
Le chapitre III contient des dispositions nouvelles, pour la plupart,
dont certaines sont inspirées de la Convention d'UnkJroft sur le
crédit-bail international et qui visent à résoudre les
principales difficultés que pose, en droit actuel, le contrat de
crédit-bail. Inspiré par une nouvelle conception du
crédit-bail développée en France, le chapitre III
abandonne la qualification de louage et considère le crédit-bail
comme un contrat nommé, gouverné par ses propres règles et
celles des obligations en général. La qualification actuelle de
louage est unanimement contestée, d'abord parce qu'elle ne traduit pas
la réalité de l'opération et, ensuite, parce que les
caractères distinctifs du louage se trouvent profondément
défigurés par un ensemble de clauses dérogatoires au droit
commun. Les dispositions du chapitre Du crédit-bail mettent donc fin
à la controverse entourant la nature juridique et la qualification du
contrat de crédit-bail.
La détermination des droits du crédit-preneur fait
également l'objet de controverse. Aussi, le chapitre III
prévoit-il que le vendeur est directement tenu envers le
crédit-preneur des garanties Inhérentes au contrat de vente, et
que le crédit-preneur peut considérer le contrat résolu
lorsque le bien ne lui est pas délivré dans un délai
raisonnable. Ce chapitre prévoit également certaines des
obligations à la charge du crédit-preneur, telle celle d'assumer
les risques de perte ainsi que les frais d'entretien et de réparation du
bien.
Outre de préciser la nature juridique et la qualification du
contrat de crédit-bail, le chapitre III, par la définition qu'il
donne du crédit-bail, en fait ressortir les éléments
essentiels. Il contient également des dispositions établissant le
contenu obligationnel minimal du contrat de crédit-bail, laissant
à la convention des parties le soin d'en compléter le
régime et permet ainsi que l'évolution de ce contrat se
poursuive.
Alors, j'appelle donc les articles contenus à ce chapitre, soient
les articles 1832 à 1839 inclusivement.
M. Rémillard: M. le Président, nous avons cinq
modifications à apporter à cette section. D'abord, le projet est
modifié par l'insertion, avant l'article 1833, du suivant: "1832.1 Le
bien qui fait l'objet du crédit-bail conserve sa nature mobilière
tant que dure le contrat, même s'il est rattaché ou réuni
à un immeuble, pourvu qu'il ne perde pas son individualité."
Cet amendement en est un de concordance avec celui proposé
à l'article 902. En raison de ce dernier amendement, il est
nécessaire de prévoir ici ce qu'il advient du crédit-bail,
lequel doit porter sur un bien meuble, lorsque le meuble est
matériellement attaché ou réuni à un immeuble et
qu'en vertu des règles du livre Des biens, il deviendrait immeuble. En
raison de cet amendement, l'article 1832.1 se lirait comme suit: "Le bien qui
fait l'objet du crédit-bail conserve sa nature mobilière tant que
dure le contrat, même s'il est rattaché ou réuni à
un immeuble, pourvu qu'il ne perde pas son individualité."
Le Barreau du Québec nous avait suggéré un tel
amendement, M. le Président.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
M. Rémillard: II y a aussi un amendement à
l'article 1836 qui est modifié par le remplacement de tout ce qui suit
le mot "droits" par les mots "de propriété du
crédit-bailleur ne sont opposables au tiers que s'ils sont
publiés."
Cet amendement vise à clarifier la règle en
énonçant plus directement l'objectif poursuivi, à savoir
que les droits du crédit-bailleur ne sont opposables que s'ils sont
publiés. En raison de cet amendement, l'article 1836 se lirait comme
suit: "Les droits de propriété du crédit-bailleur ne sont
opposables aux tiers que s'ils sont publiés."
M. le Président, l'article...
Mme Harel: Alors, à 1836, en fait, c'est de droit nouveau.
Je crois comprendre que, jusqu'à maintenant, le contrat de
crédit-bail ne faisait pas l'objet d'une publicité. Donc,
maintenant, il sera assujetti à l'obligation de publication, si on veut
rendre le contrat opposable. À ce moment-là, je repose toujours
la question au ministre: Qu'en est-il du régime de publicité des
droits, du registre? Je souhaiterais qu'avant la fin de nos travaux on puisse
faire le point sur cette question-là.
M. Rémillard: On va avoir l'occasion de faire le point
parce qu'on va étudier toute la publicité...
Mme Harel: À la fin.
M. Rémillard: ...à la fin. Comme je l'ai
mentionné tantôt dans mes commentaires intro-ductifs, c'est un des
sujets techniques. J'envisage
de faire venir ici des spécialistes du ministère de la
Justice qui vont nous expliquer comment tout ça va procéder,
où ils en sont et comment ça va marcher.
Mme Harel: S'ils ont l'argent pour procéder?
M. Rémillard: Oui, madame, s'ils ont l'argent pour
procéder.
Mme Harel: Avez-vous obtenu ce que vous demandiez, pour
créer l'institut permanent?
M. Rémillard: Vous allez voir que tout va se passer comme
prévu.
Mme Harel: Vous savez, si on me dit que ça va être
sans douleur... On m'a déjà dit ça une fois et j'ai
trouvé que les médecins s'étaient trompés.
M. Rémillard: C'est comme les gens qui nous disent que
problème d'argent n'est pas problème de gentilhomme.
Mme Harel: Mais je souhaite que, peut-être demain, je ne
sais pas, avant son départ en tout cas, le ministre puisse nous informer
de bonnes nouvelles. Je lui répète encore que, pour nous, il en
va d'une sorte de condition expresse pour compléter et finaliser le
projet.
M. Rémillard: C'est un élément qui est
très important, et je suis toujours à travailler sur le
mémoire et à en discuter pour trouver la formule la plus
intéressante. On ne sera pas les seuls à avoir un tel organisme.
Vous savez que, dans toutes les provinces canadiennes, excepté
l'île-du-Prince-Édouard, si ma mémoire est bonne, qui l'a
cancellé en 1987 ou 1988, je ne saurais trop dire, dans les États
américains aussi et en Australie, où tous les États
australiens...
Mme Harel: Est-ce que ça vous aiderait si je vous posais
une question en Chambre?
M. Rémillard: On s'en reparlera. Attendez un petit peu.
Donnez-moi encore un petit peu de temps. Ça pourrait être utile en
temps et lieu.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le
ministre. S'il n'y a pas d'autres commentaires sur 1836, est-ce que vous
êtes en mesure de nous préciser l'amendement suivant?
M. Rémillard: Oui, M. le Président. C'est l'article
1837 qui est modifié par l'ajout, à la fin, des mots "ou dans le
délai fixé par la mise en demeure". Cet amendement en est un de
concordance avec les articles 1603, 1727 et 1731. En raison de cet amendement,
l'article 1837 se lirait comme suit: "Le crédit-preneur peut,
après que le crédit-bailleur soit en demeure, considérer
le contrat de crédit-bail comme étant résolu, si le bien
ne lui est pas délivré dans un délai raisonnable depuis le
contrat ou dans le délai fixé par la mise en demeure."
M. le Président, c'est les caisses Desjardins qui nous avaient
soumis ces commentaires qu'on a trouvé fort justifiés.
Mme Harel: Et vous n'avez pas souhaité préciser ce
que devait être ce délai raisonnable à l'intérieur
duquel devait être délivré le bien?
M. Rémillard: On a cru bon de garder une certaine
souplesse, dans un cas pareil parce que, si on établit une
rigidité, je crois qu'on peut briser toute la portée de cet
article. Mais si vous me permettez, je pourrais demander à M. le
professeur Pineau de compléter mes commentaires.
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: Effectivement, M. le Président, pour pouvoir
considérer que le contrat est résolu de plein droit, il faut
qu'il se soit écoulé un délai à partir du moment
où le crédit-preneur aurait dû exécuter son
obligation. La notion de délai raisonnable, évidemment, c'est
celle à laquelle on se réfère, sauf dans
l'hypothèse où il y a eu mise en demeure d'exécuter, bien
sûr, dans un délai prévu dans la mise en demeure. À
ce moment-là, la question ne se pose plus, le délai n'a plus
à être apprécié par le tribunal puisqu'il est
fixé dans la mise en demeure.
Le Président (M. Lafrance): Merci.
M. Rémillard: M. le Président, l'article 1838 est
modifié par le remplacement, à la fin, du mot "enrichissement"
par le mot "avantage". Cet amendement ne vise qu'à assurer une meilleure
cohérence avec la terminologie utilisée plus haut dans l'article.
En raison de cet amendement, l'article 1838 se lirait comme suit: "Lorsque le
contrat de crédit-bail est résolu et que le crédit-preneur
a retiré un avantage du contrat, le crédit-bailleur peut
déduire, lors de la restitution des prestations qu'il a reçues du
crédit-preneur, un montant raisonnable qui tienne compte de cet
avantage."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, l'article 1839 est
modifié par le remplacement, dans les deuxième et
troisième lignes, des mots "que le contrat ne lui réserve la
faculté de l'acquérir" par les mots "qu'il ne se soit
prévalu, le cas échéant, de la faculté que lui
réserve le contrat de l'acquérir". Cet amendement, M. le
Président,
vise à préciser la règle. Ce n'est que lorsque le
crédit-preneur se prévaut de la faculté d'acquérir
le bien qu'il n'en est pas tenu de le rendre. En raison de cet amendement,
l'article 1839 se lirait comme suit: "Lorsque le contrat de crédit-bail
prend fin, le crédit-preneur est tenu de rendre le bien au
crédit-bailleur, à moins qu'il ne se soit prévalu, le cas
échéant, de la faculté que lui réserve le contrat
de l'acquérir."
C'est le Barreau du Québec qui nous avait fait ces remarques que
nous avons considérées comme justifiées.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
s'il n'y a pas d'autres commentaires, donc, l'article 1832 est adopté
tel quel. Le nouvel article 1832.1 est adopté tel que proposé.
Les articles 1833, 1834 et 1835 sont donc adoptés tels quels. Les
articles 1836, 1837, 1838 et 1839, ces quatre articles sont adoptés tels
qu'amendés.
M. Rémillard: M. le Président, nous devons
suspendre ce chapitre quatrième du louage parce que Mme la professeure
Monique Ouellette devra être avec nous pour étudier cette partie,
ce chapitre. Alors, c'est donc dire que je proposerais à cette
commission d'aborder le chapitre cinquième, soit l'article 1989 traitant
de l'affrètement.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Donc,
s'il y a consentement, les articles contenus au chapitre quatrième, qui
traite du louage, soient les articles 1840 à 1988, sont laissés
en suspens. Nous en arrivons au chapitre cinquième qui traite de
l'affrètement. Permettez-moi de vous lire les commentaires
d'introduction qui sont contenus à la page 361.
De l'affrètement
Le Code civil actuel se contente de traiter de l'affrètement
à son livre quatrième consacré aux matières
commerciales. Toutefois, le projet de Code civil, reconnaissant le
caractère spécial de ce contrat, suit la proposition de l'Office
de révision du Code civil et traite du régime juridique du
contrat d'affrètement avec les autres contrats nommés et,
notamment, après celui du louage, auquel il a pu paraître
apparenté. Les dispositions proposées sont, en
général, de droit supplétif. En effet, dans le domaine de
l'affrètement, il est d'usage d'utiliser un contrat-type dont le contenu
varie selon le genre d'opération envisagé par les parties. (21
heures)
Par ailleurs, l'affrètement est un contrat particulier qui
constitue en soi une figure propre au droit maritime. Afin de refléter
le plus fidèlement possible la nature des usages maritimes en vigueur,
ainsi que les relations existant entre les parties, lesquelles suivent en
général l'esprit du contrat-type, le projet de Code civil s'est
fortement inspiré de la pratique courante qui se trouve
consignée, tant dans la loi française que dans les règles
et usages incorporés au contrat, ce que faisait d'ailleurs l'Office. Ce
chapitre énonce donc d'abord des dispositions applicables à tout
type d'affrètement. Par la suite, il énonce des règles
particulières à chaque type d'affrètement, soit
l'affrètement coque-nue, l'affrètement à temps, et
l'affrètement au voyage.
Alors, j'aimerais appeler les articles contenus à la section I,
qui traite des dispositions générales, soient les articles 1989
à 1994 inclusivement.
M. Rémillard: M. le Président, nous avons trois
amendements.
Mme Harel: Juste avant, M. le Président, d'aborder cette
section article par article, j'aimerais demander au ministre s'il a pu prendre
connaissance de l'étude très approfondie que la Chambre des
notaires a conduite sur cette question du transport maritime et de
l'affrètement.
M. Rémillard: Excusez-moi, j'ai manqué le
début...
Mme Harel: Est-ce que le ministre a pris connaissance des
commentaires de la Chambre des notaires, notamment sur la problématique
constitutionnelle qui est soulevée, là, par ces dispositions?
M. Rémillard: M. le Président, oui, on a
regardé attentivement les remarques que nous a fait parvenir la Chambre
des notaires. Mais je dois dire que, pour nous, il n'y a pas de problème
constitutionnel; il s'agit d'un contrat et le Code civil nous donne juridiction
sur les contrats. Donc, par conséquent, pour prendre la règle qui
s'applique en droit constitutionnel, le "pith and substance" de ces articles
demeure, pour nous, le contrat. Donc, c'est dans le champ de compétence
strictement du Québec, de la province, et il n'y a pas de
problème constitutionnel.
Mme Harel: Bon. Une fois que ces problèmes sont
écartés, là, comment le ministre répond-il à
cette affirmation contenue dans le mémoire de la Chambre des notaires,
à la page 112, et je cite: "La Chambre de notaires ne peut que
dénoncer... Il y a évidemment, de façon très
très substantielle, une analyse des décisions de la Cour
suprême, on y reviendra. Mais la Chambre dit dénoncer cette
attitude judiciaire qui consiste à écarter l'application du droit
civil aux activités qui peuvent relever, sous certains aspects, de la
compétence législative fédérale. Et je cite: "II
est d'ailleurs remarquable que dans tout ce débat
entourant la réforme du Code civil au Québec, lequel dure
depuis plus de 35 ans, l'on ne se soit pas davantage préoccupé du
champ d'application éventuelle d'un code ainsi réformé. Au
train où vont les choses, la tradition crviliste risque de devenir
exotique au Québec, tellement son champ d'application se
rétrécit."
Alors, on reviendra sur le bien-fondé, là, des articles
qui sont proposés. Mais le ministre a-t-il pensé qu'à
l'occasion de cette importante réforme il allait procéder
à l'adoption d'un chapitre cinquième portant sur
l'affrètement et puis d'un chapitre sixième sur le transport qui
a à peu près, là, valeur de droit supplétif?
M. Rémillard: M. le Président, je crois comprendre
que la Chambre des notaires, dans son mémoire, ses remarques, donc, se
réfère à une décision de la Cour suprême que
je pourrais peut-être demander à Me Pineau de commenter plus
avant. Mais, pour nous, avec les études que nous avons faites, du
côté du ministère de la Justice, nous sommes convaincus que
nous sommes dans les champs de juridiction québécois, provincial
par le droit civil. Et, par conséquent, je me réfère aussi
à ce dont la Chambre des notaires nous a fait part en nous disant
qu'elle félicitait le gouvernement de sa volonté d'insérer
de telles dispositions dans le projet, malgré le problème
sérieux, au plan de leur validité constitutionnelle,
soulevé par les décisions de la Cour suprême. Alors,
ça, c'est l'opinion de la Chambre des notaires. Pour nous, il ne s'agit
pas d'un acte moindrement qui mérite d'être souligné, mais
tout simplement d'un geste qui est dans le cadre de notre juridiction. Et
ça ne cause pas de difficultés. Ça ne cause pas de
difficultés...
Mme Harel: Ça n'en cause pas de l'adopter...
M. Rémillard: ...parce qu'il s'agit de contrats...
Mme Harel: Ça en cause plus de l'appliquer parce
que...
M. Rémillard: II n'y a pas plus de difficultés
à l'appliquer qu'à l'adopter. C'est du droit civil. C'est du
contrat. Dans la mesure où on est à l'intérieur d'une
province, c'est du contrat, c'est du droit civil, et pour notre part, tous les
avis que nous avons le confirment, c'est notre juridiction.
Mme Harel: Alors, si c'est dans le contexte, par exemple, de la
disposition 2049 où on nous dit: À moins que les parties n'en
conviennent autrement, la présente section s'applique au transport de
biens par voie d'eau, lorsque les ports de départ et de destination sont
situés au Québec... Alors, finalement il faut partir de Baie-
Saint-Paul pour se retrouver à 111e aux Coudres. Ça, c'est
sous la juriduction du Québec, c'est ça qu'il faut comprendre,
mais si le moindrement... J'imagine qu'on peut aller jusqu'à l'île
aux Coudres, mais que pour le reste, le ministre, par une disposition
semblable, reconnaît que, évidemment, à 91 (10), dans
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique - je crois que c'est à
91 (10), c'est bien ça? - on retrouve la juridiction
fédérale en matière de transport maritime et marchand.
Mais, est-ce que le ministre ne pense pas que ça aurait
été une occasion de réaffirmer l'intention du
Québec en ces matières?
M. Rémillard: La meilleure façon de l'affirmer,
c'est de légiférer comme on le fait et puis de prendre la place
qui nous revient. Je ne vois pas de plus belle façon de le faire et on
ne le fait pas avec trompettes et clairons. On le fait tout simplement
normalement parce qu'on considère que c'est, et tous les avis que nous
avons le confirment, notre juridiction. Alors, c'est ce qu'on fait.
Mme Harel: Alors, pourquoi limiter la portée de cette
juridiction en adoptant ou en proposant l'adoption de 2049 par exemple?
M. Rémillard: Pour situer à l'intérieur de
la province. Il faut que ce soit situé à l'intérieur de
la' province, sans ça vous tombez dans de l'interprovincial ou de
l'international. Et c'est la même chose que le commerce. On a juridiction
sur le commerce à l'intérieur de la province. Mais si vous me
dites que vous voulez faire du commerce interprovincial ou international, je
vais vous dire: C'est de compétence fédérale. Là,
il faudrait changer la Constitution. Mais, dans la mesure où on se situe
à l'intérieur de la province, de tous les avis que nous avons,
c'est tout à fait constitutionnel.
Mme Harel: Est-ce que c'est la même chose en matière
de transport aérien?
M. Rémillard: En matière de transport
aérien, il y a l'affaire Flin-Flon Johannesson, bon, puis toutes ces
choses-là. On en est arrivé à la conclusion qu'on ne
pouvait pas faire de scission dans les transports aériens. C'est une
décision qui a été fort commentée et qui,
peut-être un jour, pourrait être révisée. Mais on a
dit, comme il s'agit de l'utilisation des voies d'air, donc, par
conséquent, que ce n'était pas la même chose que les voies
d'eau ou que le commerce d'un bien et la Cour... D'abord, la Cour
suprême, et ensuite le comité judiciaire du Conseil privé,
comme vous le savez, ont décidé qu'il n'y avait pas
possibilité de faire la distinction. Il s'agissait d'essayer de
distinguer, dans l'affaire du Manitoba, un vol commencé au Manitoba et
terminé au Manitoba. On voulait avoir la possibilité d'un
règlement de zonage, si
ma mémoire est bonne, et la Cour suprême a dit: Ça
ne peut pas se diviser.
Mme Harel: Et en matière de transport ferroviaire?
M. Rémillard: En matière de transport ferroviaire,
quand un chemin de fer qui débute à un endroit et se termine
à un autre endroit à l'intérieur de la province, il est
provincial.
Mme Harel: Alors, donc, vous nous dites que quand c'est à
l'intérieur du Québec, c'est notre juridiction. C'est ça
qu'il faut comprendre, bon. La, la Cour suprême a décidé
que le droit maritime canadien, je vous cite la page 108 du mémoire de
la Chambre des notaires: "Le droit maritime canadien est constitué dans
ses parties écrites de la législation fédérale
proprement dite et, dans ses parties non écrites, l'expression "droit
maritime canadien" renvoie aux règles appliquées historiquement
par la Cour d'amirauté anglaise et aussi aux règles de "common
law" appliquées en semblable matière. Parce que la Cour
fédérale est un tribunal chargé d'appliquer les lois
fédérales, le droit civil du Québec a été
écarté comme source de règles applicables à un
litige maritime. Parce que - et là, on cite en 1986, notamment, une
cause - le droit maritime est un droit uniforme et que les tribunaux civils des
provinces exercent également une compétence en amirauté,
le droit civil a été écarté. C'est la "common law"
que même les tribunaux québécois doivent appliquer dans un
litige maritime. Autrement dit, - ajoute la Chambre des notaires - dès
qu'un litige possède une connexité maritime, même si les
parties sont domiciliées au Québec, que la cause d'action origine
du Québec et qu'elle porte sur une matière purement de droit
privé, c'est la "common law" et non le droit civil qui s'appliquera en
l'absence de dispositions législatives fédérales ou de
règles dérivant du droit maritime traditionnel d'Angleterre."
Alors, comment expliquez-vous ça?
M. Rémillard: Je pense que ça mérite des
nuances et, si vous me permettez, je vais demander à M. le professeur
Pineau, qui a analysé d'une façon tout à fait
spécifique ces jugements de la Cour suprême du Canada. Alors, je
demanderais à M. le professeur Pineau de nous faire part de ses
commentaires.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, la question n'est pas simple.
Il s'agit de l'affaire Mitsui ITO-ITO n'ayant rien de japonais, puisque c'est
"International Terminal Operators". Il s'agit d'un transport dont le point de
départ est au Japon et le point de destination final, Montréal.
La marchandise transportée a péri alors qu'elle se trouvait entre
les mains d'une compagnie de Stevedoring, n'est-ce pas, ITO,
précisément, dans le port de Montréal avant que cette
marchandise ne soit délivrée au destinataire. La question s'est
présentée, le litige émanant du destinataire insatisfait,
devant la Cour fédérale à Montréal et la
première question qui s'est posée était de savoir si la
Cour fédérale avait compétence en la matière, car
les destinataires prétendaient que Stevedoring était responsable,
sur la base de l'article 1053 du Code civil du Bas Canada,
responsabilité délictuelle, quasi délictuelle.
Or, des arrêts précédents de la Cour suprême
du Canada étaient venus dire que pour que la Cour fédérale
soit compétente, ait juridiction, il fallait que la Loi sur la Cour
fédérale lui donne compétence en la matière. Non
seulement cela, il fallait aussi qu'il existe une législation
fédérale applicable à ce cas, ce qui posait de très
sérieux problèmes en matière maritime puisque le
fédéral n'a pas légiféré dans tout le droit
maritime. Pensons aux contrats d'affrètement, il n'y a aucune
législation fédérale à cet égard. Donc,
problème de compétence de la Cour fédérale.
À cet égard, dès fors que l'on disait que l'action
était fondée sur 1053, recours délictuel, quasi
délictuel, il fallait dire que la Cour fédérale n'avait
pas compétence. Ce qui n'avait pas de sens, en définitive. De
sorte que la Cour suprême a été obligée de faire
machine arrière, n'est-ce pas, et de chercher une façon de rendre
à nouveau la Cour fédérale compétente en pareille
matière. La Cour a analysé ce que signifiait "droit maritime
canadien" tel que "droit maritime canadien" est défini dans la Loi sur
la Cour fédérale. C'est à ce moment-là que la Cour
suprême en est venue à dire: "droit maritime canadien", tel que
défini dans la Loi sur la Cour fédérale, signifie
législation fédérale en matière maritime, plus
droit maritime anglais, plus "common law" rattachée à la loi
maritime de Grande-Bretagne. (21 h 15)
C'est de cette façon que l'on a évacué le droit
civil en tant que droit commun. Mais c'est dans le cadre de ce litige que je
vous indique... Et il y a eu ensuite de nouveaux arrêts qui ont
accentué cette position. Mais la Cour suprême a déjà
jugé - agence maritime, les relations ouvrières, je ne sais plus
exactement le nom des parties - que le fédéral avait
compétence en matière de transport, de "shipping" international
et interprovincial, et que les provinces avaient compétence en
matière de transport intraprovin-cial.
Et si je me réfère maintenant à la Constitution et
à l'article qui donne compétence au fédéral en
matière de "navigation and shipping", il y a fort longtemps qu'on s'est
entendu pour dire que tout ce qui concernait la navigation, l'aspect technique
de la navigation relevait de la compétence fédérale, mais
qu'en ce qui concernait le "shipping", il fallait faire une distinction
entre le "shipping" international et interprovincial, qui est de
compétence fédérale et le "shipping" intraprovincial, qui
est de compétence provinciale, comme le ministre de la Justice le disait
tout à l'heure, de la même façon qu'en matière de
"trade and commerce".
Alors, je ne suis pas certain que l'on doive déduire de l'affaire
Mitsui ITO qu'il n'y a plus de compétence provinciale en matière
de transport intraprovincial. Je crois que c'est une interprétation de
cette décision qui va peut-être au-delà de ce que la Cour
suprême a voulu. Parce que la Cour suprême a pensé
exclusivement à la compétence de la Cour fédérale,
n'est-ce pas, et d'ailleurs, il y a eu dans les décisions
subséquentes... Certains juges ont pris la précaution de dire:
Mais ça ne porte pas atteinte, n'est-ce pas, à la
répartition des compétences entre le fédéral et le
provincial. Donc, il y a déjà une possibilité
d'échapper, n'est-ce pas, à la décision rendue par la Cour
suprême dans l'affaire Mitsui ITO.
Mme Harel: Mais dans l'affaire ITO, dans cette affaire, il faut
d'abord constater que l'effet a été de donner compétence
à la Cour fédérale en écartant le recours au droit
civil du Québec; ça, il faut quand même le constater, d'une
part. Et puis, d'autre part, il y a eu - ça, c'était en 1986, je
crois, ITO là - mais en 1989, il y a eu, c'est ce que cite d'ailleurs le
mémoire de la Chambre des notaires, Chartwell Shipping...
M. Pineau: Question de mandat...
Mme Harel: ...versus QNS, où il semble qu'à ce
moment-là, il fut considéré que les tribunaux
québécois doivent appliquer dans un litige maritime la "common
law".
M. Pineau: Et c'était toujours, là, si mon souvenir
est exact, il s'agit toujours de la Cour fédérale, en
l'occurrence. Mais on a dit que la question de mandat était une question
de droit maritime canadien, en l'occurrence, et comme il s'agissait de la Cour
fédérale, on s'est référé au droit anglais
plutôt qu'aux règles de mandat québécois.
Mme Harel: Mais, en matière de mandat, on a même
écarté, je pense, le droit civil?
M. Pineau: Oui. On a appliqué le droit anglais. Il y a
aussi un désir...
Mme Harel: Et est-ce que c'était là un
événement qui était de nature intraprovinciale, dans le
cas de Chartwell Shipping? 4
M. Pineau: C'était discutable, c'était un mandat
dans un environnement maritime. Alors, la question est délicate de
savoir si on peut dissocier, n'est-ce pas, cette question de mandat, en faire
une affaire strictement de droit civil, ou si, étant dans le contexte
maritime, on en fait une question de droit maritime. Mais, si je peux me
permettre d'ajouter, le Québec a adopté en 1972 une loi sur le
transport qui dit bien que le Québec n'a pas compétence en
matière de navigation, mais a compétence en matière de
transport, lorsqu'il du transport intraprovincial.
Mme Harel: Mais c'est évident que cette question a
d'autant plus d'importance que c'est une activité importante pour le
transport des personnes. Évidemment, la Chambre des notaires, et je
reprends la conclusion là apportée à la page 141, disait
après une étude finalement très fouillée de toute
la jurisprudence: "À cause de l'état actuel du droit maritime
canadien et de l'article 2049 du projet - dont je viens de parler - ces
dispositions risquent - celles qu'on va examiner dans quelques minutes - de ne
jamais s'appliquer, du moins celles qui concernent la responsabilité du
transporteur maritime". Et c'est la Chambre des notaires, avec raison, qui dit:
"La Chambre croit que le législateur devrait affirmer plus clairement sa
juridiction dans ce domaine. À cause d'un souci évident
d'harmonisation, ces dispositions codifient les règles
généralement applicables dans ce domaine, mais avec maladresse
dans les quelques cas que nous avons soulevés. À cet
égard, les dispositions projetées pourront causer des
difficultés d'application, à moins que les solutions
proposées soient harmonisées avec le droit maritime canadien
plutôt que de s'inspirer de la pratique française." Ça, on
y reviendra lors de l'examen article par article. "Mais, finalement, il y
aurait lieu, ajoute aussi la Chambre, de préciser davantage le statut du
manutentionnaire."
Mais, quoi qu'il en soit de cet examen qu'on va entreprendre,
c'était l'objet de mon intervention du début, c'est-à-dire
de me poser la question, à savoir si tout aussi intéressantes
qu'elles soient... Parce que, finalement, je comprends qu'on a modernisé
le droit et qu'on a fait un effort très particulier en regard des
conventions internationales, mais je crois donc malgré tout comprendre
que ces dispositions-là risquent de ne jamais s'appliquer.
M. Pineau: M. le Président, la même question s'est
posée aux codificateurs de 1866. La même question a
été posée dans les années soixante, lorsque
l'Office de révision du Code civil a eu à prendre la
décision de savoir si on devait ou non légiférer. Et, en
1866, les codificateurs ont décidé de légiférer,
malgré l'existence des lois impériales. L'Office de
révision du Code civil a décidé de préparer un
projet de législation dans le domaine. Et, en 1989, 1990, 1991, la
décision a été la même, la proposition est la
même. Donc, il y a une certaine constance, je dois dire, dans la position
d'ordre politique qui est proposée.
Mme Harel: Je dois vous dire que ma collègue de Terrebonne
et moi-même, nous en discutions à l'heure du souper et souhaitions
que ces dispositions soient finalement les meilleures possible, justement dans
la perspective où peut-être seront-elles les seules qui
s'appliqueront dans un avenir plus immédiat que l'on pense. Enfin, c'est
ce que nous, on espère. Alors, c'est notre intérêt, notre
intention aussi de procéder de façon très attentive
finalement à l'examen de ces dispositions.
Mme Caron: Puisque je crois à la réalisation de la
souveraineté, je suis convaincue qu'elles s'appliqueront.
M. Rémillard: À la condition que vous marquiez une
pause.
M. Pineau: Indépendamment du problème qui est
posé en ce moment, qui vient d'être posé, je dois dire
qu'il serait intéressant de voir ce que dirait la Cour suprême du
Canada lorsque le litige qui serait soumis à la Cour
fédérale serait un litige portant sur un transport
intraprovincial. En outre, il ne faut pas oublier que la Cour
fédérale, en matière maritime, n'a pas une
compétence exclusive et que les tribunaux de droit commun, donc la Cour
supérieure, ont aussi compétence en matière maritime. Et
je serais, là aussi, curieux de savoir comment réagirait un juge
de la Cour supérieure ou les juges de la Cour d'appel lorsqu'un litige
intraprovincial leur serait soumis. Je serais curieux de savoir s'ils
appliqueraient le droit anglais.
Mme Harel: C'est donc dire qu'à votre connaissance, il n'y
a pas encore eu de décision à cet effet. Vous parliez
tantôt des codificateurs de 1866. Est-ce que vous avez eu l'occasion de
relire le contexte de la codification de l'époque? Je ne sais pas si au
ministère... Ça m'intéressait beaucoup. Est-ce que vous
avez fait faire une recherche sur le contexte dans lequel la codification s'est
faite?
M. Rémillard: J'ai cru que vous demanderiez: Est-ce que
vous avez eu l'occasion de les rencontrer?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: J'ai été rassuré.
Mme Harel: Ils pourraient vous apparaître, peut-être
pas dans vos rêves, mais dans vos cauchemars.
M. Rémillard: Non, non, surtout que, tantôt, j'ai
failli demander à Mme la députée de Terrebonne si elle
croyait à la réincarnation, par ses propos. Mais en fait, tout
ça n'a pas d'inter-relation. Le contexte de 1866 était
très semblable au contexte dans lequel on est présentement,
à bien des égards. Si on regarde les commentaires...
Mme Harel: Avant chaque grande période historique, au
Québec, il y a eu une codification, y compris deux ans avant l'Acte de
Québec, il y en a eu une aussi.
M. Rémillard: Oui. C'est très vrai. D'ailleurs, les
événements constitutionnels, si vous me permettez, entre
parenthèses, qui se sont déroulés en 1860, à la
rencontre de Québec, en 1864, et à la Constitution de 1867 sont
très semblables à ce qu'on vit présentement. Je suis
convaincu que, dans les prochains mois, l'évolution politique va faire
que ce sera encore plus semblable politiquement: difficultés de
gouverner à certains niveaux, pas au niveau provincial, pas au niveau du
Québec, mais à d'autres niveaux, nécessité de
repenser la fédération et, finalement, une grande entente qui
nous permettra tous de pouvoir avoir quelque chose d'encore meilleur.
Mme Harel: Écoutez, on ne peut pas empêcher le
ministre de rêver, comme un gentil garçon qu'il est, mais la
question était plus de savoir si vous avez pu simplement vous faire
préparer... Moi, ça m'intéresse. Je voulais le faire faire
par la bibliothèque de l'Assemblée nationale et je me suis dit:
Si la recherche a été faite, je n'aurai pas à la demander
à nouveau.
M. Rémillard: Oui.
Mme Harel: Mais j'aimerais beaucoup connaître finalement un
peu plus que ce que j'en sais, mais même le contexte de l'époque,
si tant est qu'on ait des déclarations...
M. Rémillard: II y a le notaire Cossette qui...
Peut-être le notaire Cossette, est-ce que je peux vous demander si vous
pourriez...
Mme Harel: Pas parce que c'est un vieux de la vieille.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Est-ce qu'il était là, à
l'époque?
Une voix: Non, non.
Une voix: II n'a pas encore de lunettes.
M. Rémillard: Simplement, est-ce que vous pourriez nous
indiquer où sont vos archives?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lafrance): Alors, Me Cossette.
M. Cossette (André): M. le Président, pour
aiguiller Mme la députée de Maisonneuve, je veux lui dire que
nous avons eu la curiosité de consulter, à certains moments, les
archives des codificateurs de 1866, qui ont commencé leur travail en
1857. Il s'agissait, comme vous le savez, de M. Day, de M. Morin et de M.
Caron, trois magistrats, je pense, de la Cour d'appel. Alors, nous avons
recherché les archives pour pouvoir les consulter au besoin et nous
avons découvert que la plus grande partie de ces archives se trouvent
dans les Archives nationales du Canada, parce qu'à l'époque, on
était sous le régime de l'Union. Nous avons constaté
également qu'une autre partie de ces archives, celles de M. Morin, qui
avait fait son cours à Saint-Hyacinthe, sont au séminaire de
Saint-Hyacinthe et qu'une autre partie de ces archives se trouve dans le vieux
Séminaire de Québec. La troisième partie, je ne me
rappelle pas où elle se trouve, mais ce sont les indications principales
que nous avons trouvées à ce moment-là et, comme je n'ai
pas eu le plaisir d'aller à Ottawa pour les consulter, je ne peux pas
vous en donner le contenu.
Mme Harel: Est-ce que vous connaissez la date exacte, en 1866,
où il y a eu le processus final, parce que nous sommes au 125e
anniversaire, cette année, et j'ai été surprise de voir
qu'on ne soulignait pas ce 125e anniversaire. Est-ce qu'on connaît...
M. Cossette: C'est le 1er août 1866. Mme Harel:
C'était le 1 er août. M. Cossette: La mise en
vigueur.
Mme Harel: La mise en vigueur, le 1er août 1866. Vous
voyez, on n'a même pas pu fêter. (21 h 30)
M. Rémillard: Je veux vous dire: Attention! C'est le 125e
anniversaire cette année. Or, cette année n'est pas
terminée et nous avons actuellement à faire un travail qui
devrait se terminer avant la fin de l'année. Ce qui veut dire qu'il
pourrait y avoir coïncidence entre un 125e anniversaire et...
Mme Caron: Et la loi 125.
M. Rémillard: ...l'acceptation par l'Assemblée
nationale de la loi 125, ce qui signifierait certainement une
célébration, pour ne pas dire une fête.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Harel: Est-ce que c'est en l'honneur de ce 125e anniversaire
que la loi...
M. Rémillard: Oui...
Mme Harel: ...a reçu le 125e...
M. Rémillard: Oui, oui. Exactement. Alors, c'est pour
ça que nous avons pris ce numéro 125 pour la loi...
Mme Harel: C'est bien.
M. Rémillard: ...pour que cette loi 125 soit un 125e
anniversaire, et qui nous permette - en temps et lieu, j'aurai à vous
l'annoncer - les célébrations du 125e anniversaire du Code
civil.
Mme Harel: On ne fera pas ça en privé, quand
même?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: Vous allez voir, vous allez voir.
Le Président (M. Lafrance): J'ai vu Mme la
députée de Terrebonne réagir, lorsqu'on a mentionné
le nom du législateur Caron, de 1866; est-ce qu'il y aurait un lien de
parenté?
Mme Caron: Je vais m'empresser d'essayer de le découvrir.
Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lafrance): Alors, Me Masse.
M. Masse (Claude): M. le Président, sans entrer dans des
considérations politiques, ce que je me garderais bien de faire, je
crois que ce qui nous arrive en matière de transport ferroviaire, de
transport maritime et de transport aérien, est très très
caractéristique de ('érosion de la substance contractuelle du
Code civil dans ces très importants domaines. Et je pense que, dans une
perspective historique, vider un Code civil de sa substance par plusieurs
moyens, ça peut devenir très dangereux. Notamment, j'en citerais
quelques exemples en matière de prétextes qu'a utilisés le
fédéral en matière de contrats de crédit ou de
juridictions à l'égard de l'intérêt. Et il y a une
foule considérable de domaines qui font en sorte que plutôt que,
de gagner du terrain, l'étendue du Code civil se rétrécit.
Et quand on parie d'un sens historique je pense qu'on doit retenir trois
grandes dates dans notre histoire juridique en ce qui a trait au Code civil:
1775, 1866 et 1991.
En 1775, c'était l'Acte de Québec; le Québec
essayait de sauver son droit civil de la Conquête. Et il y a eu ce
compromis historique dans le contexte d'une révolution
appréhendée aux États-Unis où on a pu gagner nos
droits civils. Et le premier professeur de droit civil - et je suis fier de le
dire - de l'histoire du Québec, qui s'appelait Cugnet, a publié,
et je
pourrai en apporter une copie, parce que j'ai pu mettre la main, il y a
25 ans, sur une copie - il en reste 12 dans le monde - de cette édition
qui s'appelle "Le traité des droits civils". Or, Cugnet, pour être
sûr qu'on allait sauver quelque chose, a écrit la tradition, qui
était essentiellement un dérivé de "La coutume de Paris",
a donc publié chez Guillaume Brown, à Québec, une
monographie, "Le traité des droits civils". Et donc, c'était un
moment historique parce qu'il s'agissait de sauver les droits civils, donc de
les écrire. Ce n'était pas une codification au sens strict, mais
c'était dire le droit.
En 1866, tout était préférable à l'Acte
d'Union. Je veux dire, le Bas-Canada était fondu dans le Haut-Canada, et
politiquement, nous avions perdu notre majorité. Même si nous
avions encore ou depuis peu perdu la majorité numérique, on avait
depuis longtemps, depuis 1840, perdu, à toutes fins pratiques, la
majorité des sièges. Et cette codification du droit civil,
à l'orée du nouvel Acte de l'Amérique du Nord britannique,
était une façon, encore une fois, de sauver le Code civil, de
dire le droit. Et, quant à moi, je prétends que, si en 1775, on a
sauvé le droit civil québécois de la Conquête, si en
1866, on a sauvé le droit civil de l'Union, peut-être qu'en 1991,
on va sauver le Code civil de la...
Mme Harel: De la Cour suprême.
M. Masse: ...Confédération et de la Cour
suprême actuelle, cela dit en tout respect. Donc, il y a une
évolution; on est dans la tradition d'une continuation, d'une tradition
qui veut sauvegarder un contenu à notre droit civil; c'est un projet de
société civile. Et l'exemple qu'on vit depuis maintenant une
heure en matière de transport est vraiment l'exemple des dangers que
notre société et que notre projet de société
courent.
M. Rémillard: M. le Président, je suis
partagé entre le désir de répondre et le désir de
continuer l'étude des articles. Entre deux désirs, mon coeur
balance.
Mme Harel: Vous pourrez suivre vos cours respectifs à vos
universités.
M. Rémillard: Mais ce qu'il reste après la passion
et la raison, et ce Code civil doit nous amener à raisonner d'une
façon passionnée. Ce qui m'amènerait à conclure que
nous devrions continuer nos études.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
Mme Harel: Et moi, je conclus, M. le Président, que
j'aurais dû entreprendre mon cours de droit maintenant avec des
professeurs qui ont cette vision historique. Je n'ai pas eu le bonheur de
suivre les cours du professeur Pineau quand... Mais, c'est très
intéressant, et si cette recherche se poursuit au ministère,
j'aimerais qu'on puisse en être informés au fur et à
mesure.
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci Mme la
députée. C'est sûrement quelques minutes qui ont
été très intéressantes et très
enrichissantes sur le plan historique. Alors, j'ai donc appelé les
articles déjà...
M. Rémillard: Avec des réserves, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): ...1989 à 1994
inclusivement.
M. Rémillard: Alors, il y a trois amendements, M. le
Président. L'article 1989 est modifié par le remplacement,
à la deuxième ligne du premier alinéa, des mots "une
rémunération appelée fret" par les mots "un prix, aussi
appelé fret". Il s'agit d'une simple modification terminologique. En
raison de cet amendement, l'article 1989 se lirait comme suit:
"L'affrètement est le contrat par lequel une personne, le
fréteur, moyennant un prix, aussi appelé fret, s'engage à
mettre la disposition d'une autre personne, l'affréteur, tout ou partie
d'un navire en vue de le faire naviguer. "Le contrat, lorsqu'il est
écrit, est constaté par une chartepartie qui énonce, outre
le nom des parties, les engagements de celles-ci et les éléments
d'individualisation du navire."
Alors, c'est le Barreau du Québec, M. le Président, qui
nous avait demandé d'utiliser le mot "fret" plutôt que "le prix de
l'affrètement".
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Aucun
commentaire?
M. Rémillard: M. le Président, l'article 1990 est
modifié par le remplacement, à la deuxième ligne, des mots
"un montant" par les mots "une somme". Il s'agit, M. le Président, d'une
modification terminologique. En raison de cet amendement, l'article 1990 se
lirait comme suit: "L'affréteur est tenu de payer le prix de
l'affrètement. Si aucun prix n'a été convenu, il doit
payer une somme qui tienne compte des conditions du marché, au lieu et
au moment de la conclusion du contrat."
Nous avons un amendement à l'article 1991 qui est modifié
par la suppression de la dernière phrase. M. le Président,
l'amendement vise à rendre l'article moins restrictif, puisque plusieurs
raisons peuvent justifier le fréteur de vouloir refuser de
décharger la cargaison, notamment dans les petits ports: le coût
d'entreposage et l'espace disponible à l'extérieur du navire,
les
dangers de vol, la nature de la cargaison - exemple, du vin en vrac ou
d'autres choses. De plus, l'obligation de consigner en mains tierces peut
présenter des difficultés. En raison de cet amendement, l'article
1991 se lirait donc comme suit, M. le Président: "Le fréteur qui
n'est pas payé lors du déchargement de la cargaison du navire
peut retenir les biens transportés jusqu'au paiement de ce qui lui est
dû, y compris les frais raisonnables et les dommages qui résultent
de cette rétention."
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, M. le ministre.
Est-ce que vous avez un commentaire, Mme la députée de
Hochelaga-Maison-neuve?
Mme Harel: Bien, je prenais connaissance là de ce que la
Chambre des notaires avait inclus dans son mémoire concernant l'article
1991. La Chambre a fait valoir les difficultés qui peuvent survenir du
fait d'un contexte d'application qui se fera dans le contexte canadien.
Là, il faut comprendre évidemment, ou on choisit un ensemble de
dispositions... À ce moment-là, ces dispositions, qui sont celles
que l'on examine actuellement, peuvent heurter les dispositions
fédérales. Par exemple, la Chambre donne cet exemple: "En vertu
de la "common law" et dans le cadre d'un affrètement coque-nue, le futur
propriétaire du navire ne constitue pas une créance
privilégiée donnant lieu à l'exercice d'un droit de
rétention puisque le propriétaire n'a pas la possession du
navire. La Chambre ajoute: 'Tel que rédigé, à moins
d'exclure le cas de l'affrètement coque-nue, l'article 1991 du projet
risque donc de soulever des difficultés d'application dans un contexte
canadien." Mais alors, ou bien on choisit de légiférer, et
à ce moment-là, on légifère, ou bien on choisit
donc de ne pas légiférer. À ce moment-là,
évidemment, on se soumet à la "common law" et au droit maritime
canadien.
M. Rémillard: C'est ça.
Mme Harel: Alors là, il faut avoir une harmonisation, mais
ne pas jouer sur les deux tableaux.
M. Rémillard: M. le Président, dans ce
contexte-là, comme on l'a mentionné tout à l'heure, tout
d'abord, on part du principe que nous pouvons légiférer dans nos
domaines de juridiction, donc de droit civil, ce sont des contrats.
Deuxièmement, il y a un champ inoccupé - la théorie du
champ inoccupé - que nous occupons par notre législation dans
notre champ de juridiction. Donc, par conséquent, il n'y a pas lieu de
s'interroger sur la constitu-tionnalité de ces mesures-là. C'est
vraiment le droit applicable.
Mme Harel: Ça, le droit applicable, il faudra laisser
à des tribunaux le soin d'en disposer. Mais, en fait, c'est ce que lui
voudrait voir appliquer. Je pense que c'est ça qu'on peut dire, n'est-ce
pas? Très bien.
Le Président (M. Lafrance): Merci. Alors, s'il n'y a pas
d'autres commentaires, donc, les articles 1989, 1990 et 1991 sont donc
adoptés tels qu'amendés. Les articles 1992, 1993 et 1994 sont
adoptés tels quels.
J'aimerais maintenant appeler les articles contenus dans la section II,
qui traite des règles particulières aux différents
contrats d'affrètement et, en particulier, de l'affrètement
coque-nue, soient les articles 1995 à 2002.
M. Rémillard: Oui, M. le Président. Nous avons un
amendement qui est à l'effet de supprimer l'article 2002. Compte tenu de
la diversité des solutions possibles, l'amendement vise à laisser
aux parties le soin de déterminer la peine due pour le retard.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
M. Rémillard: C'est le Barreau du Québec, M. le
Président, qui nous a notamment souligné ce point et qui nous a
amenés à cette conclusion.
Le Président (M. Lafrance): S'il n'y a pas de
commentaires, donc, les articles 1995 à 2001 inclusivement sont
adoptés tels quels et l'article 2002 est supprimé. J'aimerais
appeler les articles contenus dans la sous-section qui traite de
l'affrètement à temps, soient les articles 2003 à 2009
inclusivement.
M. Rémillard: M. le Président, nous avons trois
amendements. L'article 2005 est modifié par le remplacement, au
début du deuxième alinéa, des mots "Sont également
à sa charge, les soutes" par les mots "II acquiert et paie les soutes".
L'amendement a pour but de lever toute ambiguïté quant au fait que
les soutes, dès lors qu'il en assume la charge, deviennent la
propriété de l'affréteur. En raison de cet amendement,
l'article 2005 se lirait comme suit: "L'affréteur assume les frais
inhérents à l'exploitation commerciale du navire, notamment les
droits de quai, de même que les frais de pilotage et de canaux. "Il
acquiert et paie les soutes qui sont à bord du navire au moment
où celui-ci lui est remis, ainsi que celles dont il doit le pourvoir et
qui sont d'une qualité propre à assurer son bon
fonctionnement."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. (21 h
45)
M. Rémillard: C'est le Barreau du Québec, M. le
Président, aussi, qui nous avait suggéré cette
modification.
Le Président (M. Lafrance): Je pense que le prochain
amendement touche l'article 2008.
M. Rémillard: À l'article 2008, M. le
Président, il s'agit de remplacer, à la fin du deuxième
alinéa, tout ce qui suit le mot "entravé" par ce qui suit: "par
force majeure ou pour une cause imputable à un tiers ou au
fréteur." M. le Président, l'amendement vise à clarifier,
dans le contexte envisagé, le terme "accident". En raison de cet
amendement, l'article 2008 se lirait comme suit: "Le fret court à
compter du jour où le navire est remis à l'affréteur,
conformément aux conditions du contrat. "Il est dû jusqu'au jour
de la restitution du navire au fréteur; il n'est pas dû,
cependant, pour les périodes où le fonctionnement du navire est
entravé par force majeure ou pour une cause imputable à un tiers
ou au fréteur."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre.
M. Rémillard: En regardant tous ces articles concernant le
fret, M. le Président, je pense que je viens de découvrir
l'origine d'une vieille expression de mon pays, Baie-Saint-Paul, "péter
au fret".
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Lafrance): C'est sûrement un ternie
marin.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rémillard: Alors, nous avons un amendement, M. le
Président, à l'article 2009, qui est modifié par l'ajout,
à la fin, de la phrase suivante: "Si aucun lieu n'a été
convenu pour la restitution, eHe est faite au lieu où le navire a
été présenté." M. le Président, l'amendement
prévoit une règle générale quant au lieu où
le navire devrait être restitué à défaut d'une
convention des parties à cet égard. En raison de cet amendement,
l'article 2009 se lirait comme suit: "L'affréteur restitue le navire au
lieu et dans les délais convenus; il en informe le fréteur, au
préalable, dans un délai raisonnable. Si aucun lieu n'a
été convenu pour la restitution, elle est faite au lieu où
le navire a été présenté."
M. le Président, le Barreau du Québec nous avait fait ces
commentaires que nous avons considérés comme
justifiés.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie, M. le
ministre. Alors, s'il n'y a aucun commentaire, donc, les articles 2003 et 2004
sont adoptés tels quels. L'article 2005 est adopté tel
qu'amendé. L'article 2006 est adopté tel quel. L'article 2007 est
adopté tel quel. L'article 2008 est adopté tel qu'amendé,
ainsi que l'article 2009 qui est adopté tel qu'amendé.
J'aimerais appeler les articles qui traitent de l'affrètement au
voyage, soient les articles 2010 à 2019 inclusivement.
M. Rémillard: M. le Président, nous avons un
amendement qui est à l'effet de supprimer l'article 2019. Alors,
l'amendement a pour but de supprimer un article qui énonce des
règles non pertinentes en matière d'affrètement au voyage,
puisqu'elles relèvent du transport en général.
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
s'il n'y a aucun commentaire touchant ces articles, donc, les articles 2010
à 2018 inclusivement sont adoptés tel quels, et l'article 2019
est adopté tel qu'amendé.
Nous en arrivons au chapitre sixième qui traite du transport et
je demanderais à Mme la députée de
Kamouraska-Témiscouata, qui me fait signe, si elle aimerait lire les
propos d'introduction.
Du transport
Mme Dlonne: Oui, M. le Président. J'aime ça,
j'apprends beaucoup de choses. Chapitre sixième: Du transport, articles
2020 à 2074. Le Code civil actuel groupe plusieurs contrats sous le
titre général de louage d'ouvrage, dont le contrat de transport.
Celui-ci ayant acquis une grande importance économique et une
identité juridique propre, il a paru nécessaire, comme le propose
d'ailleurs l'Office, de lui reconnaître son particularisme et, donc, de
lui réserver une réglementation autonome. Les dispositions
proposées visent donc à moderniser le droit actuel en
matière de transport, lequel accuse un net retard par rapport au mode
contemporain de locomotion. Ce chapitre énonce d'abord des règles
applicables à tous les modes de transport. Cette section comprend
quelques dispositions générales, ainsi que des dispositions
particulières au transport de personnes et au transport de biens. Sur ce
dernier point, il est fortement tenu compte du règlement sur le
camionnage (décret 47-88, 13 janvier 1988).
Par la suite, des règles particulières au transport
maritime de biens sont élaborées. Ces règles sont
fortement inspirées de la loi fédérale en cette
matière, de la loi française - puisque le droit français a
repris, sur le plan national, les règles internationales - et de la
Convention de Bruxelles de 1924 qui régit à l'échelon
international les relations contractuelles entre les expéditeurs de
marchandises et les transporteurs maritimes de marchandises. Cette section
comprend des dispositions générales, des dispositions
relatives aux obligations des parties et des dispositions relatives
à la manutention des biens.
Par ailleurs, la proposition de l'Office qui édictait une section
distincte pour le transport maritime des personnes n'a pas été
retenue. Ce type de transport répondra donc aux règles
applicables à tous les modes de transport de personnes.
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Mme la
députée. J'aimerais appeler les articles contenus dans la section
I, qui traite des dispositions générales des règles
applicables à tous les modes de transport, soient les articles 2020
à 2025 inclusivement.
M. Rémillard: M. le Président, nous avons deux
amendements. L'article 2022 est modifié par: 1° la suppression,
à la première ligne, du mot "Le"; 2° l'ajout, au
début, avant le mot "transport", des mots "Sauf s'il est effectué
par un transporteur qui offre ses services au public dans le cours des
activités de son entreprise, le".
M. le Président, l'amendement a pour but de préciser qu'il
existe des circonstances où un transport, bien qu'il soit
effectué à titre gratuit, demeure régi par les
différentes règles énoncées au chapitre
sixième. Il en est ainsi, notamment, des jeunes enfants qui voyagent
gratuitement dans les trains, les avions et les autobus. Il n'y a certes pas
lieu d'appliquer à leur endroit un régime différent de
celui des autres voyageurs. En raison de cet amendement, l'article 2022 se
lirait comme suit: "Sauf s'il est effectué par un transporteur qui offre
ses services au public dans le cours des activités de son entreprise, le
transport à titre gratuit d'une personne ou d'un bien n'est pas
régi par les règles du présent chapitre et celui qui offre
le transport n'est tenu, en ces cas, que d'une obligation de prudence et de
diligence." C'est la Commission des services juridiques, M. le
Président, qui nous avait suggéré cette modification.
M. le Président, l'article 2025 est modifié par l'ajout
d'un deuxième alinéa, lequel se lirait comme suit: "Le paiement
effectué par l'expéditeur à l'un des transporteurs est
libératoire." M. le Président, l'amendement a pour but de
compléter le premier alinéa afin d'éviter que
l'expéditeur, qui aurait payé le fret et les frais du transport
au transporteur substitut, ne voit le transporteur qui s'est substitué
cet autre transporteur pour exécuter le transport réclamer le
paiement à son tour. En raison de cet amendement, l'article 2025 se
lirait comme suit: "Lorsque le transporteur se substitue un autre
transporteur... Je me demande, M. le Président, si la rédaction
est bonne. C'est ça, oui?
Mme Harel: Est-ce que ça se dit ça, "se
substituer"? Je pensais qu'on se substituait à quelqu'un. Je ne pensais
pas qu'on se substituait...
M. Rémillard: "Lorsque le transporteur se substitue
à un autre transporteur" il me semble.
En tout cas, peut-être que... Non, ce n'est pas ça?
Le Président (M. Lafrance): C'est la même chose dans
notre...
M. Rémillard: Alors, peut-être qu'on pourrait
laisser nos linguistes...
Mme Harel: Est-ce que c'est direct? C'est un verbe qui demande un
complément direct. Je pensais toujours que c'était un
complément indirect.
Le Président (M. Lafrance): Je remarque que dans le
projet, tel qu'il nous a été proposé, c'est marqué
la même chose: "se substitue un autre".
Mme Harel: C'est la première fois que je vois cette
formulation-là.
M. Rémillard: Alors, on va revérifier, M. le
Président. "Lorsque le transporteur se substitue un autre transporteur
pour exécuter, en tout ou en partie, son obligation, la personne qu'il
se substitue est réputée être partie au contrat de
transport. "Le paiement effectué par l'expéditeur à l'un
des transporteurs est libératoire."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Oui,
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Bien, c'était sur l'article 2024, pour en
souligner le caractère de droit nouveau. À l'article 2024: "Le
transporteur ne peut exclure ou limiter sa responsabilité que dans la
mesure et aux conditions prévues par la loi. Il est tenu de
réparer le préjudice résultant du retard, à moins
qu'il ne prouve la force majeure." Alors, je comprends donc que c'est de droit
nouveau. Ça n'existait pas dans le code actuel.
M. Rémillard: Je ne crois pas qu'il y ait eu des
dispositions, mais je vais demander au professeur Pineau de commenter.
Le Président (M. Lafrance): Me Pineau.
M. Pineau: M. le Président, dans le droit d'aujourd'hui,
rien ne précise si le transporteur peut exclure ou non, ou limiter sa
responsabilité, dans les articles concernant les obligations du
voiturier. Mais la théorie générale permettrait, dans le
droit commun des transports, effective-
ment, au transporteur de limiter ou d'exclure sa responsabilté
sauf, sans aucun doute, en ce qui concerne le transport de personnes, car la
clause de non-responsabilité, dans ce cas-là, pourrait être
considérée comme étant contraire à l'ordre public.
Mais, dans les lois particulières, qu'il s'agisse de la loi sur le
transport ferroviaire ou qu'il s'agisse de la loi sur le camionnage, il y a des
exclusions et des limitations de responsabilité. C'est la loi qui permet
cela, mais elle ne permet pas d'autres exclusions ou d'autres limitations que
celles qu'elle a édictées elle-même.
Mme Harel: Et en matière de transport aérien?
M. Pineau: En matière de transport aérien, il n'y a
strictement rien. Il n'y a aucune législation en droit actuel, que ce
soit, d'ailleurs, au niveau fédéral ou au niveau provincial. Il y
a des conventions internationales qui s'appliquent au transport international:
la convention de Varsovie, le protocole de La Haye, l'accord de
Montréal, etc. Mais sur le plan interne, il n'y a strictement rien.
Donc, s'il y avait, dans le cadre d'un transport Québec-Montréal,
un accident aérien, avec préjudice ou décès de
passagers ou blessures aux passagers, nous n'avons strictement rien, c'est le
vide. Donc, dans les obligations du voiturier, il y a une seule obligation,
c'est l'obligation pour le transporteur public de transporter, point. Donc,
nous devrions nous référer aux règles de la théorie
générale des contrats en la matière, c'est-à-dire
qu'on pourrait se demander si c'est une obligation de résultat ou une
obligation de moyen et, donc, appliquer le droit commun.
Le Président (M. Lafrance): Alors, merci, Me Pineau. Oui,
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Les réponses de Me Pineau m'amènent
à me poser encore plus de questions. Bon, d'abord, est-ce à dire
que cette disposition ne trouverait application, à 2024, que dans le
cadre du transport intraprovincial? Uniquement dans le cadre du transport
intraprovincial?
M. Rémillard: Dès que ça devient
extraprovincial, au fédéral.
Mme Harel: On oublie Nationair, en république
Dominicaine.
M. Rémillard: Terminé.
Mme Harel: Et vous nous dites ni à Québec ni
à Ottawa. Donc, ni au fédéral ni au Québec, il n'y
a eu l'adoption de lois, de législation en matière de transport
aérien et vous nous référez à des conventions
Internationales. Non?
M. Pineau: Si vous permettez, M. le Président, j'ai
simplement dit qu'il y a des conventions internationales qui ont
été acceptées par le...
Mme Harel: Ratifiées.
M. Pineau: ...ratifiées par le Parlement
fédéral, lequel Parlement fédéral a adopté
une loi donnant effet à ces conventions internationales.
Mme Harel: Internationales.
M. Pineau: Mais sur le plan de la législation nationale,
que ce soit au niveau canadien ou au niveau provincial, nous n'avons rien, sauf
certains règlements pris par la commission fédérale sur
les transports, en coordination avec le Civil Aeronautic Board, concernant les
transports entre les États-Unis et le Canada, notamment pour les pertes
de bagages...
Mme Harel: Alors, c'est donc dire que 2024 trouverait
difficilement application parce que le transporteur ne peut exclure ou limiter
sa responsabilité que dans la mesure et aux conditions prévues
par la loi.
M. Pineau: Oui. Si vous le permettez, je prendrai l'exemple du
camionnage. Il y a une loi québécoise sur le camionnage qui
prévoit, effectivement, des causes d'exclusion et des limitations de
responsabilité. Et c'est ce que vise l'article 2024.
Mme Harel: Et en l'absence de législation?
M. Pineau: En l'absence de législation, il ne pourrait pas
exclure...
Mme Harel: II n'y a aucune exclusion possible.
M. Pineau: ...ou limiter sa responsabilité, puisqu'il ne
peut le faire que dans la mesure et aux conditions prévue par la
loi.
Le Président (M. Lafrance): Merci, Me Pineau. Me Masse, en
vous précisant qu'il nous reste seulement quelques minutes.
M. Masse: Je suis assez d'accord avec les commentaires de...
Le Président (M. Lafrance): S'il y a consentement, moi, je
veux bien poursuivre encore.
Mme Harel: On peut peut-être poursuivre un peu là.
Je ne sais pas si vous êtes consentants?
M. Rémillard: Oui.
Le Président (M. Lafrance): II y a consen-
tement. D'accord. Alors, Me Masse.
M. Masse: Je suis assez d'accord avec les commentaires de M. le
professeur Pineau, d'ailleurs, qui est un de nos spécialistes
très précieux en droit du transport au Québec. Mais mon
interprétation est à l'effet que, avec l'adoption, notamment du
nouvel 2027 sur la sécurité des personnes, dans un contrat de
transport, on couvrirait même le transport aérien
intraprovin-cial.
M. Pineau: Oui, tout à fait.
Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autres
commentaires, donc, les articles 2020 et 2021 sont adoptés tels quels.
L'article 2022 est adopté tel qu'amendé. Les articles 2023 et
2024 sont adoptés tels quels, et finalement, l'article 2025 est
adopté tel qu'amendé. Donc, j'ai bien compris, il y a
consentement pour poursuivre encore quelques instants. Alors, j'appelle les
articles qui traitent du transport de personnes, soient les articles 2026
à 2029 inclusivement.
M. Rémillard: M. le Président, nous avons un
amendement. L'article 2029 est modifié par le remplacement, à la
deuxième ligne, des mots "la perte est survenue" par les mots "le
préjudice est survenu". L'amendement proposé vise à rendre
l'article 2029 moins restrictif, puisque le transporteur est responsable tant
de la perte des bagages et des autres effets visés par l'article 2028
que du préjudice corporel subi par le passager, tel que prévu
à l'article 2027. En raison de cet amendement, l'article 2029 se lirait
comme suit: "En cas de transport successif ou combiné de personnes,
celui qui effectue le transport au cours duquel le préjudice est survenu
en est responsable, à moins que, par stipulation expresse, l'un des
transporteurs n'ait assumé la responsabilité pour tout le
voyage."
Le Président (M. Lafrance): Merci, M. le ministre. Alors,
s'il n'y a pas de commentaires, les articles 2026... Oui, pardon. Me Masse.
M. Masse: Une dernière vérification. J'ai
peut-être des difficultés dans mes notes, mais j'avais cru
comprendre que sur 2027 et 2028 on avait encore des discussions. Est-ce que
c'est exact?
M. Rémillard: Alors, on peut suspendre et on peut
suspendre nos travaux là, M. le Président, par le fait
même.
Le Président (M. Lafrance): Alors, si j'ai bien compris,
vous désirez que les articles 2027 et 2028 soient laissés en
suspens, ou est-ce que vous désirez que toute la section soit...
M. Rémillard: Alors, à la demande du professeur
Masse, on les met en suspens et on pourra commencer... Peut-être qu'il
pourrait y avoir une rencontre sur cet article - je pense qu'il y a un gros
problème, pour qu'on le règle - avant de commencer notre
prochaine séance.
Le Président (M. Lafrance): Très bien. Alors, pour
ce soir, nous allons laisser les articles 2027 et 2028 en suspens. L'article
2026 est adopté tel quel et l'article 2029 est adopté tel
qu'amendé.
M. Rémillard: Voilà, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Alors, sur ce, s'il n'y a pas
de commentaires additionnels, j'aimerais déclarer nos travaux
d'aujourd'hui ajournés. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 5)