Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures dix minutes)
La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre,
s'il vous plaît! La sous-commission commence ses travaux. La
sous-commission des institutions est réunie ce matin pour
procéder à une consultation générale et tenir des
auditions publiques sur l'avant-projet de loi portant réforme au Code
civil du Québec du droit des obligations. Mme la secrétaire,
est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Harel
(Maisonneuve) est remplacée par M. Filion (Taillon) et M. Marcil
(Beauharnois) par (Mme Bélanger (Mégantic-Compton).
La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Avant de
commencer, je vais vous faire part de l'ordre du jour. De dix heures à
onze heures, nous recevons l'Association de l'immeuble du Québec et de
onze heures à douze heures, la Fédération nationale des
associations de consommateurs du Québec. Il y aura suspension à
midi.
Avant de débuter, j'aimerais rappeler la durée totale de
chaque audition qui est de 60 minutes dont 20 minutes pour la
présentation du mémoire et 40 minutes pour la période de
discussion, c'est-à-dire 20 minutes pour chacun des groupes
parlementaires.
Je demanderais au porte-parole de s'identifier et de présenter
les personnes qui l'accompagnent.
Association de l'immeuble du Québec
M. McCaffrey (Louis): Mme la Présidente, mesdames,
messieurs, membres de la commission, bonjour. Je me présente. Mon nom
est Louis McCaffrey. Je suis président de l'Association de l'immeuble du
Québec. Je suis accompagné du vice-président directeur
général de l'Association, M. Serge Cayer, de notre conseiller
juridique, Me Pierre Galardo et du directeur des affaires juridiques et
législatives de l'association, Me Robert Nadeau.
Il nous fait plaisir de vous rencontrer ce matin pour vous
présenter les vues de l'Association de l'immeuble du Québec
relativement à l'avant-projet de loi portant réforme du Code
civil du Québec du droit des obligations. Nous vous remercions d'avoir
bien voulu accepter de nous entendre. Vous comprendrez que l'association porte
une attention constante à tout projet de loi pouvant affecter le domaine
immobilier et, en particulier, les activités professionnelles des
courtiers et agents immobiliers. Comme chaque année ces derniers
participent étroitement à des milliers de transactions
immobilières dont la valeur équivaut à plusieurs milliards
de dollars et qu'ils sont naturellement très engagés dans leur
communauté, il est impératif qu'une association comme la
nôtre soit attentive aux changements législatifs qui affectent le
marché immobilier et, en conséquence, la population
québécoise. Notamment les règlements qui prévalent
au niveau des processus de circulation des biens et services. Je laisse la
parole au vice-président directeur général de
l'association, M. Serge Cayer qui vous présentera brièvement
l'association. Par la suite, Me Galardo vous fera part de nos commentaires sur
l'avant-projet de loi.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
Président. M. Serge Cayer.
M. Cayer (Serge): Merci, Mme la Présidente. Bonjour,
mesdames et messieurs les députés. L'Association de l'immeuble du
Québec est d'abord un organisme à but non lucratif qui regroupe
présentement, sur une base volontaire, plus de 12 000 membres au niveau
provincial. Ce sont essentiellement 95 % de tous les courtiers et agents
immobiliers de la province de Québec qui sont détenteurs d'un
permis en vertu de la Loi sur le courtage immobilier adoptée par
l'Assemblée nationale, évidemment.
Notre association est impliquée dans plusieurs champs
d'activité différents, le plus important, tel que vu par nos
membres, est sans aucun doute la discipline des membres puisque, depuis
quelques années, les membres de notre association, insatisfaits de
l'insuffisance de la réglementation gouvernementale en matière de
courtage immobilier, ont confié à l'association l'administration
d'un processus disciplinaire ouvert au public, c'est-à-dire que nous
recevons à la fois les plaintes provenant des gens du milieu de
même que celles provenant du public, ceci sans couverture d'ordre
législatif de quelque nature que ce soit.
Du point de vue de l'association c'est le plus efficace moyen, le plus
efficace recours en matière de délit professionnel relié
au courtage immobilier dans la province.
L'association est aussi chargée de la formation d'une bonne
partie des personnes qui aspirent à devenir agents immobiliers au
Québec ainsi que du développement de l'accès à une
formation de recyclage, de perfectionnement et de spécialisation des
connaissances de ses membres. À cette fin, elle a d'ailleurs
créé l'an dernier, conjointement avec l'Université du
Québec à Montréal, une chaire d'étude
immobilière à laquelle elle a consacré un budget de
l'ordre de 200 000 $, toujours sur une base volontaire. (10 h 15)
La protection des parties à une opération
immobilière réalisée par l'intermédiaire de ses
membres étant toujours au coeur des préoccupa-
tions de l'association, celle-ci s'est chargée, depuis une
douzaine d'années, d'élaborer divers formulaires dont l'usage est
obligatoire pour tous ses membres. Apparaît d'ailleurs au verso de
certains de ces formulaires, plus particulièrement du contrat de
courtage en vertu duquel un propriétaire confie à un courtier la
vente de son immeuble, un sommaire de l'ensemble des obligations
imposées aux courtiers et aux agents, soit en vertu de la Loi sur le
courtage immobilier et de son règlement d'application et,
évidemment, en vertu de notre Code de déontologie dont je parlais
tantôt.
Nous avons de plus créé, il y a plus de deux ans, un
service des affaires juridiques à l'association qui est chargé de
fournir, tant à nos membres qu'au public, le consommateur moyen, une
information juridique de qualité dans le domaine du courtage immobilier
puisque aucune source d'information juridique n'était disponible de
façon aisée.
Enfin, depuis plusieurs années, notre association revendique, je
dois le dire, bien malheureusement sans succès jusqu'à
maintenant, une refonte intégrale de la Loi sur le courtage immobilier;
nous recherchons plus particulièrement une forme
d'autoréglementation permettant de faire évoluer le plus
rapidement et le plus efficacement possible le contexte réglementaire de
la profession et l'autogestion, dans le but d'assurer une protection plus
efficace et plus rapide des intérêts du consommateur dans le cadre
d'une transaction.
En dernier lieu, il est important de souligner qu'il est de notre
intérêt de revoir de façon générale tous les
projets de loi qui ont un impact sur le domaine immobilier. Le projet de loi
dont il est question aujourd'hui revêt une importance majeure pour nous
étant donné que l'ensemble des membres de notre profession sont
ceux qui, en vertu des dispositions actuelles du Code civil, sont le plus
souvent l'objet d'un contrat de mandat en provenance du public, dont le nombre
actuel est évalué à quelque 300 000 à 350 000
mandats annuellement. Sans plus tarder, je demanderai donc à Me Galardo
de vous exposer la teneur principale de notre mémoire.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Cayer.
M. Galardo.
M. Galardo (Pierre): Merci, Mme la Présidente. Dans notre
mémoire, nous avons traité premièrement, à la page
3, de l'impact général du projet de loi sur le domaine immobilier
en vous référant plus particulièrement au fait que de plus
en plus de Québécois sont propriétaires de leur logement
et transigent donc avec l'immobilier à un moment donné de leur
vie. On note aussi que le prix moyen de la maison unifamiliale au
Québec, en 1987, était de 86 000 $, ce qui a évidemment
augmenté quelque peu avec l'inflation; d'où l'importance de
l'immobilier et de l'application du chapitre des obligations aux agents et
courtiers de cette province.
Tantôt, M. Cayer vous a parlé du contrat de mandat. De
fait, ce qu'il y a de plus important dans le projet, c'est la correction que
veut effectuer le projet au problème de la nature juridique du contrat.
Je parle du contrat entre le client consommateur, l'individu et l'agent ou le
courtier. Ce contrat a longtemps été nommé mandat. Il
était aussi, par une certaine jurisprudence, considéré
comme un contrat de louage d'ouvrage. Finalement, certains juristes ont, en
dépit, appelé ça un contrat sui generis, donc, un contrat
innommé, contrat qui, à toutes fins utiles, ne répond pas
aux critères des deux autres contrats, soit le mandat, le louage
d'ouvrage.
Dans le projet de loi, en clarifiant l'article 22.02 et la nature
juridique du mandat en disant que le mandat constitue le pouvoir donné
à quelqu'un de représenter dans l'accomplissement d'un acte
juridique, vous nous avez enlevé du domaine du mandat. Nous avons
vérifié le projet de loi pour savoir où nous étions
maintenant, si nous étions toujours dans ce domaine sui generis ou un
domaine déterminé et nous avons constaté que nous
étions maintenant dans la section contrat d'oeuvre. De fait, les agents
et courtiers de la province n'accomplissent jamais pour autrui un acte
juridique. Ce sont des fournisseurs de services. Ce sont des gens qui, à
toutes fins utiles, doivent recevoir la clientèle, fournir à
cette clientèle les meilleurs outils pour transiger, soit pour acheter,
soit pour vendre, et finalement, offrir l'immeuble en vente ou procéder
à l'achat d'un immeuble pour un client.
Ce sont toujours les vendeurs, acheteurs, locataires, locateurs, qui
accomplissent les actes juridiques. Toujours, aujourd'hui, ce sont ces citoyens
qui aux conseils de leur courtier agent, aux suggestions de leur courtier
agent, après vérification avec le conseil juridique, conseillers
fiscaux, etc., transigent. Le courtier agent n'accomplit aucun acte juridique
d'où nous devenons dorénavant comme des fournisseurs de services.
Vous avez ça à l'article 2158 de l'avant-projet. Nous fournissons
donc des services. On s'appelle des professionnels. On s'oblige à
exécuter ou à procurer un service moyennant un prix que le client
s'oblige à nous payer.
Non seulement nous acceptons cette qualification de notre contrat du
courtage immobilier, mais nous le trouvons contemporain, nous le trouvons
acceptable, nous le trouvons plus près de la réalité. Il
est grand temps que les tribunaux se rattachent aux notions de mandat ou de
louage d'ouvrage pour tenter de qualifier ce que nous appelons et ce que la Loi
sur le courtage immobilier appelle le contrat de courtage immobilier. À
ce niveau, on n'a pas de commentaires négatifs. Pour nous ce choix est
totalement acceptable d'autant plus qu'il permettra un ajustement de la
jurisprudence pour faire part un
peu de la réalité.
Maintenant, dans notre mémoire, nous continuons à vous
suggérer quelques qualifications ou corrections au chapitre du contrat
d'oeuvre. Plus particulièrement à la page 5, nous vous
suggérons, fort respectueusement, de corriger le titre afin qu'il se
lise "du contrat d'oeuvre et de services" pour faire paraître plus
révélateur, en fait, le contenu du chapitre. Nous vous
suggérons de procéder ainsi à la concordance dans tous les
articles pertinents à cette réalité, pour bien faire
sortir que le contrat d'oeuvre porte plus que sur l'oeuvre à
exécuter, mais aussi sur le service à être procuré
par des professionnels.
Nous vous demandons aussi de bien vouloir considérer une
modification à l'article 2158 qui traite de la définition et qui
emploie le mot "rémunération". Nous vous suggérons que le
mot rémunération à cet article soit changé par le
mot "prix", excusez-moi, c'est le contraire, que le mot "prix" soit
changé par le mot "rémunération". J'ai mon texte à
l'envers, je m'excuse. En effet, le mot "rémunération", pour
nous, répond beaucoup mieux à la réalité d'un
ouvrage ou de la fourniture d'un service. Nous avons noté, à la
page 6, les définitions de rémunération et de prix. Nous
vous suggérons que le mot "prix" est plus approprié à la
réalisation d'un ouvrage physique, telle la construction d'un
bâtiment, alors que le mot "rémunération" englobe le
paiement d'une commission, d'un tarif honoraire et le travail à forfait.
Évidemment, si vous agréez à cette suggestion, nous vous
soumettons qu'il y aurait lieu aussi de corriger l'article 2169, auquel article
nous reviendrons à la page 7 du mémoire.
L'autre article qui nous a surpris quelque peu est l'article 2166 qui
porte sur la responsabilité qu'on pourrait qualifier de la chose
d'autrui. Il est dit dans cet article que si des biens sont fournis par le
client, le professionnel doit en user avec soin et en rendre compte. Il n'y a
aucun problème avec cette partie de l'article. La deuxième
partie, toutefois, nous indique: "S'ils sont défectueux, il est tenu
d'en informer immédiatement le client, à défaut de quoi il
est responsable du préjudice qui peut résulter de leur
utilisation." Bien que cette protection soit utile et nécessaire pour
certains clients, elle est extrêmement excessive pour les courtiers et
agents. Comme vous le savez, la plupart des citoyens entrent en contact au
moins une fois dans leur vie avec le courtage immobilier. Lorsque vous
procédez à une transaction vous faites souvent visiter votre
immeuble, votre bâtiment, votre maison par le professionnel qui sera
accompagné de clients. Souvent ce professionnel a en sa possession les
clés de la propriété. Cette réalité se passe
des milliers de fois par semaine au Québec, ce n'est pas une
exception.
Or, cette obligation de l'article 2166 rend l'agent quasiment dans
l'obligation de procéder à une vérification de la chose,
de tenter de déceler une défectuosité, d'en assurer la
qualité et se voit mettre dans une situation impossible. Ce qui est
arrivé, c'est que le contrat d'oeuvre et de services manque ici de
clarification quant aux services. On vous suggère en conséquence
de bien vouloir apporter une précision à l'article 2166 qui
limiterait cette disposition quant aux agents et aux courtiers immobiliers.
Certes, on est d'accord pour la protection et l'usage avec soin d'un bien. La
question d'informer d'un défaut, imaginez-vous bien que les gens dans le
champ ne peuvent pas le faire.
La deuxième correction qu'on vous propose c'est la
troisième à ce chapitre et c'est à l'article 2168. En
résumé, on vous suggère de considérer plutôt
l'existence de deux différents mots et de remplacer le mot "oeuvre" par
le mot "ouvrage". En effet, le mot "ouvrage couvre dans l'esprit populaire
toutes les phases de la réalisation du projet alors que le mot "oeuvre a
une connotation d'un produit fini. Il nous appert que le chapitre n'a pas assez
cette distinction à travers les différentes parties du chapitre
et quant à l'ouvrage et à l'oeuvre.
Ensuite, nous avons suggéré à la page 7 les
corrections à l'article 2169 que nous, avons mentionnées
tantôt quant à la détermination de la
rémunération du service. On vous suggère d'y retirer la
notion du temps consacré à l'exécution du contrat comme
étant un des critères pour déterminer la
rémunération de l'ouvrage. Évidemment, cette notion
empêcherait une rémunération sous forme de commission. La
commission se paie pour une finalité et non pas pour le temps. Le plus
fin passe moins de temps, arrive à la même finalité et a
une commission; le moins fin arrive à la même finalité, a
la même commission, mais met plus de temps. Or, la commission est une
forme répandue du prix de services obtenus présentement dans le
domaine du courtage immobilier. Je vous dirais même que dans le domaine
du courtage immobilier de résidences, c'est la forme
privilégiée présentement; non pas
privilégiée par l'association, mais privilégiée par
le marché.
Enfin, quant au dernier article étudié pour ce chapitre
qui va maintenant nous coiffer, soit l'article 2201, le seul point c'est que
nous avons lu l'article 2201 en harmonie ou tenté de faire une harmonie
avec l'article 2197. Or, les deux articles discutent des obligations d'un
client qui résilie un contrat. Selon notre compréhension et on
peut se tromper évidemment, l'article 2201 ne s'appliquerait en fait que
dans le cas où le client ou le professionnel - pas ensemble
j'espère - décède. Si c'est le cas, nous suggérons
de le spécifier à l'article 2201, sinon il y a confusion
très nette en tel l'article 2197 qui traite de la même chose et
l'article 2201. À dire deux fois la même chose, souvent on
mélange le produit et le message que veut rendre le produit. (10 h
30)
Le prochain chapitre traité dans le mémoire
à la page 9 commence par une affirmation. Nous disons que le
contrat de courtage immobilier n'est pas un contrat de consommation. Il y a eu,
quant à nous, beaucoup d'ambiguïté entre le contrat de
courtage immobilier et le contrat de consommation. De façon globale - et
nous nous référons au titre troisième de l'avant-projet,
aux articles 2717 à 2878 - nous vous suggérons que le contrat de
consommation ne soit pas incorporé au Code civil. En effet,
l'évolution constante et rapide de ce droit, quant à nous,
justifie sa réglementation par le droit statutaire, plus facile à
amender car plus hermétique; plus facile à amender parce que
l'effet d'un amendement reste à l'intérieur du statut.
Cela étant dit, nous avons été
étonnés du fait que l'article 2719 de ce titre troisième
sur le contrat de consommation n'exclue pas clairement de l'application de ce
chapitre les contrats régis par la Loi sur le courtage immobilier.
Surprenant parce que, tout récemment, le 15 juin 1988, l'article 6.1 de
la Loi sur la protection du consommateur est entré en vigueur et, de
fait, prévoyait que plusieurs chapitres de la Loi sur la protection du
consommateur ne s'appliquaient pas et je cite "aux actes d'un courtier ou de
son agent régis par la Loi sur le courtage immobilier". Il y a, en
effet, une exception à l'article 2719 en son premier chapitre qui se
réfère, quant à nous, à une notion plus large ou du
moins une notion différente de celle du contrat de courtage
immobilier.
La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, M.
Galardo. Votre temps est déjà écoulé. Si la
commission consent à ce que vous continuiez, il y aura moins de
discussion. Cela va?
M. Galardo: Excusez-moi, Mme la Présidente. Je disais
qu'à l'article 2719, on dit qu'est exclu de l'application du chapitre
sur le contrat de consommation le contrat relatif à la vente, au louage
ou à la construction d'un immeuble. Je vous répète que le
contrat de courtage immobilier n'est pas un contrat relatif à la vente,
au louage ou à la construction d'un immeuble. C'est un contrat relatif
à la fourniture de services. Donc, on n'est pas exclus par l'article
2719. On ose penser que le législateur voulait nous exclure, mais que
par une erreur de rédaction, nous ne sommes pas assez clairement exclus
de ce titre troisième de la loi.
Maintenant, sous réserve de ce fait et en présumant le
malheur que le législateur ne veuille pas exclure de ce titre les
contrats de courtage immobilier, nous avons procédé aux pages 10
et 11 à certains commentaires sur le titre troisième. On vous
dit, en résumé, que le consommateur est bien
protégé aujourd'hui, surtout par les amendements récents
à la Loi sur le courtage immobilier, le chapitre C-73. Vous avez, dans
cette loi, énormément de facteurs ou de droits de protection, par
exemple, le contenu minimal de certains contrats, le compte en
fidéicommis, etc. On vous note bien respectueusement que c'est là
le véhicule idéal pour assurer la protection du public quand
à nous, protection basée sur une loi qui existe et sur une
coutume, une jurisprudence qui existe.
Finalement, on vous note a la page 11 que, pour nous, si jamais vous
concluiez que le contrat de consommation s'appliquait au contrat de courtage,
qu'il y aurait lieu toutefois, à toutes fins utiles, d'enlever de ce
champ du contrat par démarchage, le contrat de courtage.
En effet, je prends une virgule pour vous dire que la Loi sur le
courtage immobilier prévoit déjà dans le contenu minimal
d'un contrat entre le consommateur et le professionnel, dix mentions
obligatoires et une onzième où il est renvoyé à des
règlements. Donc, on protège mieux le consommateur à
toutes fins utiles par l'article 9.4 de la Loi sur le courtage immobilier que
par l'article 2770 de l'avant-projet. Je ne vois pas pourquoi le consommateur
serait moins bien protégé par le Code civil que par le droit
statutaire.
Évidemment, si vous deviez admettre notre suggestion d'enlever du
champ du titre troisième le contrat du courtage immobilier, cela
réglerait énormément de problèmes, quant à
l'application de ce chapitre, aux agents et courtiers agissant dans le
champ.
Toutes les autres suggestions ou remarques qui sont faites à la
page 13 et aux pages suivantes sont des remarques générales
auxquelles je désire toutefois en ajouter une. Nous trouvons quelque peu
particulier, dans l'avant-projet de loi, l'article 2055 portant sur le droit
d'un locateur d'agir à toutes fins utiles comme agent et courtier. Je
parle d'un locateur de parcs, de terrains mobiles, de résidences qui
sont sur un parc de roulottes, si vous voulez.
Le Code civil prévoit actuellement que ce locateur peut agir
comme agent et courtier, soit représenter le locataire et, contre
rémunération, contre un prix, s'occuper de l'aliénation ou
de la location de la maison mobile. On avait trouvé cet ajout à
l'époque très étrange et le législateur, j'imagine,
par voie de concordance, reprend ce droit à un propriétaire d'un
terrain de ce genre, d'agir comme courtier et agent. Compte tenu de la
protection offerte par la Loi sur le courtage aux consommateurs - et j'ose
croire que le propriétaire d'une maison mobile est un consommateur -
nous pensons qu'il y aurait plutôt lieu d'empêcher le locateur
d'agir ainsi pour remettre entre les mains non pas tellement des agents et
courtiers en soi, mais sous la supervision de la Loi sur le courtage les
transactions portant sur ces roulottes. Ce ne sont tout de même pas des
choses valant 100 $. Ce sont des morceaux substantiels qui ont une valeur
importante. Pourquoi ne pas donner au consommateur, propriétaire de
cette roulotte, la même protection que tout autre consommateur aux termes
de la Loi sur le courtage? On suggère donc une correction à cet
article pour bien faire paraître
que le locateur, en cette situation, ne peut pas agir contre
rémunération pour la vente ou la location de la roulotte.
Sur ces mots, je termine en vous notant que les remarques
générales contenues aux pages 13 et 15 se lisent et se
comprennent fort aisément pour les membres de cette honorable
commission. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Galardo. M.
le député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de la
Justice.
M. Dauphin: Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à l'Association de
l'immeuble du Québec pour sa participation à nos travaux et la
féliciter par la même occasion pour la préparation et la
présentation de son mémoire. Je reconnais d'ailleurs certains
visages, Mme la Présidente, de personnes qui nous ont également
été très utiles l'an dernier lors de nos auditions
publiques sur la réforme du Code civil en matière de
sûreté. Je suis heureux de voir que l'Associa-. tion de l'immeuble
du Québec est encore très intéressée par la
réforme du Code civil.
Premièrement, Mme la Présidente, si vous me le permettez,
j'aurais deux remarques préliminaires à faire. La première
concernant l'article 2166 relativement au principe de la responsabilité
du professionnel qui néglige d'informer le client des
défectuosités qui affectent les biens fournis par ce dernier dans
l'exécution des travaux. Nous aimerions rassurer l'association sur un
point, c'est-à-dire que seul le professionnel qui utilise les biens
ainsi fournis est tenu à cette obligation d'information. D'ailleurs, on
peut tout de suite dire à l'Association de l'immeuble du Québec
que s'il y a ambiguïté, nous verrons à y
remédier.
Maintenant, la deuxième remarque concerne le contrat de
consommation. Effectivement, M. le président, vous disiez que vous vous
étonnez du fait que la Loi sur le courtage immobilier n'a pas
été exclue des contrats régis par le contrat de
consommation dans l'avant-projet de loi. L'explication est la suivante.
L'avant-projet de loi avait été rédigé avant
même que les dispositions dont nous parlions tantôt aient
été incluses dans la Loi sur la protection du consommateur.
Cela dit, j'aimerais procéder à une première
question. Je sais que ma collègue de Groulx a également des
questions pour l'association. J'aimerais qu'on revienne à l'article 1841
de l'avant-projet qui parle de l'exigence d'une circulaire d'information. La
question est la suivante: Pensez-vous qu'il est trop lourd d'exiger cette
circulaire d'information à partir du moment où un immeuble
comprend cinq unités? Je vous pose cette question parce que des groupes
nous ont mentionné que le chiffre cinq serait trop petit. On devrait
exiger la circulaire lorsqu'il y a 15, 20 ou 25 unités. J'aimerais vous
entendre là-dessus. Ce serait trop onéreux aussi pour cinq
unités.
M. Cayer: À la lecture de cette section, il me
semble...
La Présidente (Mme Bélanger): M. Cayer.
M. Cayer: Merci, je m'excuse. Il me semble apparent qu'il s'agit
en fait d'une obligation au propriétaire de l'immeuble à
préparer un tel prospectus, si on peut l'appeler ainsi. Effectivement,
j'aurais tendance à être d'accord avec M. Dauphin sur le fait que
cette obligation serait fort probablement trop onéreuse pour le
propriétaire particulier d'un tel immeuble. J'imagine que ce qui
était visé, c'étaient les situations où un
constructeur ou un promoteur vendait de tels biens. Là où cela
devient un problème, c'est lorsque le propriétaire n'est pas un
commerçant en biens immobiliers. Dans ces circonstances, il serait
sûrement moins onéreux pour le public consommateur - il s'agit
là aussi d'un consommateur - que cette obligation ne soit imposée
que pour des immeubles beaucoup plus substantiels. À partir de combien
d'unités de logement? Je ne serai pas en mesure d'émettre une
opinion aujourd'hui, mais on pourrait communiquer avec vous et vous faire part
de notre perception après y avoir songé davantage.
M. Dauphin: D'accord. Très bien. J'aurais une
deuxième question en ce qui concerne le contrat d'oeuvre. Vous parlez
également de contrat de services à un moment donné. La
plupart des organismes qui nous ont parlé du contrat d'oeuvre se sont
opposés à la fusion des contrats d'entreprise et de services. Par
contre, vous ne semblez pas avoir une telle attitude. Cette fusion est-elle
conforme à vos objectifs?
M. Galardo: Madame.
La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M.Galardo.
M. Galardo: M. Dauphin, je pense que la fusion est conforme
à nos objectifs. Par ailleurs, dans nos commentaires de tantôt,
nous disions que cette fusion mériterait d'être
retravaillée quant au texte pour faire paraître la fusion, mais
aussi clairement les droits et les obligations qui existent entre le contrat
d'oeuvre proprement dit et le contrat de services. Cela pourrait être
fait en deux chapitres. Mais, pour ce qui est de la fusion, lorsque le
comité de juristes de l'association a étudié le chapitre,
cela nous a amenés à nous poser quelques questions quant à
la compréhension. C'est un texte qui devient lourd par la fusion. Mais
si c'est le voeu du législateur de le faire par fusion, on pense que le
texte mérite d'être retravaillé pour mettre en
parallèle ce qui advient des droits et des obligations de l'oeuvre
versus le service. Et ça c'est peut-être un peu faible. (10 h
45)
M. Dauphin: Une autre question si vous me permettez, Mme la
Présidente, avant de céder la parole à un autre
collègue. À la page 5 de votre mémoire lorsque vous parlez
de modification du titre, devons-nous comprendre que vos remarques ne touchent
que la modification du titre ou également le contenu comme tel?
M. Galardo: Mme la Présidente, ça inclut les deux.
D'ailleurs, la dernière partie du paragraphe porte fort bien et dit
"qu'il serait conséquent de faire cette concordance dans tous les
articles pertinents du chapitre". Cela revient à votre question
antérieure et à ma réponse. Il y aurait lieu de clarifier.
D'accord pour la fusion, mais actuellement il y a des articles qui
méritent clarification. Donc, changeons le texte s'il y a fusion et
procédons alors à analyser vraiment s'il y a une concordance des
droits et obligations entre, d'une part, l'oeuvre et d'autre part le service,
ce qui semble manquer actuellement. Donc, pour nous le titre était pour
noter un problème et le problème existe dans tout le
chapitre.
M. Dauphin: D'accord. Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Cela va? Merci, M. le
député de Marquette. M. le député de Taillon.
M. Filion: Mme la députée de Groulx.
La Présidente (Mme Bélanger): Ah bon! Mme la
députée de Groulx.
Mme Bleau: Bonjour, messieurs. L'avant-projet propose
d'introduire un ensemble de dispositions sur la vente d'immeubles
résidentiels afin de protéger l'acheteur lors de cet acte
très important. Croyez-vous que ces règles sont suceptibles de
modifier la pratique du courtage immobilier? Dites-nous un peu comment.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Cayer. Non?
M. Galardo: Je pense que Mme la députée... La
Présidente (Mme Bélanger): M. Galardo.
M. Galardo: Excusez-moi. Je pense que Mme la
députée se réfère au chapitre des règles
particulières à la vente d'immeubles résidentiels, celui
qui a été l'objet d'une question tantôt. Cela va
certainement changer la pratique immobilière dans le sens des
transactions immobilières. Cela ne changera pas grand-chose à la
pratique du courtage immobilier sauf qu'on a fait un commentaire dans les
remarques et j'ai peut-être sauté à la fin sur une
clarification quant à l'article... Je me réfère à
la page 14 où, à l'article 1839, nous notons qu'il y a
peut-être actuellement un petit problème entre l'assimila- tion
d'un promoteur et l'assimilation d'un courtier. Or, ce problème de
compréhension de textes... Si le but était de défendre ou
d'habiller de façon plus respectueuse les droits et obligations des
forces en litige pour permettre à ces gens d'avoir des recours et
comprendre ce qui arrive, on n'a pas d'objection. On ne pense pas par ailleurs
que ce chapitre ait été fait pour modifier quoi que ce soit aux
règles du courtage immobilier. Il a été fait pour -
à la façon dont je le comprends comme juriste - apporter un
équilibre entre deux forces dont l'une a certainement une connaissance,
un pouvoir économique, un pouvoir fiscal et juridique alors que l'autre
en a moins C'est cotte équilibre-là que vous avez tenté de
respecter dans le projet de loi. Dans la mesure où la tendance est vers
ce but, ça ne change pas grand-chose au courtage. Dans la mesure, par
ailleurs où dans notre esprit il y a encore un doute à la
définition de promoteur parce que, si ce texte a un problème,
c'est sur le mot "promoteur". Dans ma pratique du droit immobilier, j'ai
entendu le mot "promoteur" utilisé à toutes les sauces, allant de
la multinationale au petit cultivateur qui veut vendre son terrain. C'est un
mot que j'ai entendu à toutes les sauces. Alors c'est peut-être la
faiblesse du chapitre. Quant au reste, je ne pense pas que ça va changer
grand-chose sauf peut-être à certaines occasions
rééquilibrer un rapport de forces qui est actuellement
déséquilibré.
Mme Bleau: À ce moment-là, si on définissait
vraiment le sens qu'on veut donner au mot "promoteur" est-ce que ça vous
irait? Est-ce que l'article serait correct?
M. Galardo: Oui, Mme la députée, ça nous
irait. Par ailleurs, je suis convaincu que vous entendrez tellement de
représentations de tellement de groupes sur ce chapitre que, quand vous
procéderez aux corrections du texte, il est possible que vous changiez
le sens de certains articles. C'est très près d'affecter le
courtage immobilier. Je vous dis qu'actuellement ça ne l'affecte pas,
sauf pour la définition du mot "promoteur". Les gens qui ont
rédigé le texte ont été de très bons
rédacteurs pour tenter de circonscrire le problème. La
première fois que les juristes qui ont siégé au
comité ont lu ce chapitre, ils ont dit: Mon dieu, c'est une montagne,
cette affaire-là. Mais en portant attention au chapitre on se rend
compte qu'il veut atteindre un but et qu'il atteint ce but de façon
globale.
La Présidente (Mme Bélanger): Nous vous remercions,
M. Galardo.
M. le député de Taillon.
M. Filion: Je vous remercie, Mme la Présidente. À
mon tour, je voudrais, au nom de ma formation politique et au nom de
l'Opposition, souhaiter la bienvenue à l'Association de l'im-
meuble de Montréal. Son mémoire est fort
intéressant. Je pense qu'il commence bien cette deuxième partie
de nos travaux de consultation que nous avons commencés la semaine
dernière.
Avec raison vous avez soulevé l'importance des questions
immobilières dans l'ensemble du droit des obligations. J'ai
été un peu fasciné d'entendre - le chiffre augmente
toujours - que 63,7 % des Québécois sont propriétaires
d'un immeuble. On disait autrefois que les Québécois
étaient un peuple de locataires. Heureusement, ça a
changé. Il y a eu quelques politiques gouvernementales qui n'ont pas
nui. Les gens ont réalisé aussi l'importance, à
l'intérieur de leur patrimoine, d'avoir un immeuble. Vous le dites dans
votre mémoire, c'est la meilleure protection, en tout cas c'est une
bonne protection, contre l'inflation. Cela ne veut pas dire que le
marché de l'immeuble sera éternellement rentable mais il l'a
été drôlement en tout cas au cours des 15 ou 20
dernières années.
Vous soulignez également, et c'est important, le fait que,
finalement, - ce n'est peut-être pas dans ces termes-là - une
transaction immobilière constitue souvent, pour une famille ou un homme
ou une femme, peu importe, la transaction la plus importante de sa vie. C'est
très juste. Vous nous avez dit tantôt que la valeur moyenne des
maisons était de 86 000 $. Je serais tenté de piquer un peu mes
amis d'en face avec le programme gouvernemental qu'ils ont mis sur pied pour
l'accès à la propriété qui est nettement ridicule.
Mais comme on a toujours fait nos travaux sans aucune partisanerie, je ferme
rapidement cette parenthèse-là. Donc la valeur moyenne des
maisons est de 86 000 $. Cela donne quand même une idée de
l'impact de l'élément financier des transactions, en plus du fait
qu'une maison, pour la plupart des gens, a une valeur symbolique importante.
C'est un toit, donc un endroit où on élève notre famille
et où on se repose. Tous ces motifs font en sorte que le
législateur doit, à mon avis, être extrêmement
prudent dans les modifications aux règles de l'ensemble du droit
immobilier. Ce ne sont pas des bricoles, c'est important. Il y en a qui ont
beaucoup d'expérience dans le domaine immobilier, les courtiers, ceux
qui transigent annuellement sur des parcs immobiliers importants, par rapport
au modeste citoyen qui achètera deux maisons dans sa vie et qui est
susceptible de se retrouver moins facilement dans un contrat - que ce soit une
offre d'achat, une offre de vente, un contrat de vente, un contrat d'achat - et
dans l'ensemble des dispositions d'un nouveau Code civil adapté aux
réalités modernes.
Il faut donc être prudent mais en même temps, bien
sûr, il faut évoluer et modifier ces règles qui datent de
très longtemps. Dans votre cas il y a la Loi sur le courtage immobilier
qui définit certaines règles. C'est une loi qui n'est quand
même pas tellement âgée et qui a été
modifiée à plusieurs reprises depuis 1964 mais il reste que le
Code civil constitue peut-être la partie essentielle de l'architecture
juridique des transactions immobilières.
Ma première question découle un peu de ma surprise de voir
que vous souhaitez voir le contrat de courtage immobilier comme un contrat
d'oeuvre plutôt que comme contrat de mandat. Cela peut évidemment
être l'un ou l'autre, cela dépend. Dans ce sens-là,
j'aurais une série de questions à vous poser, pour mieux cerner
la réalité d'un courtier, sur ce que sont et ce que font les
courtiers. Tout d'abord, vous dites que, grosso modo, 350 000 contrats de
courtage sont signés chaque année au Québec. Est-ce que je
me trompe en disant que 95 % ou 99 % de ces contrats de courtage sont conclus
entre un éventuel vendeur, une personne qui veut vendre son immeuble, et
un courtier d'immeubles? Est-ce exact? Alors, à partir de ce
moment-là, je ne vois pas pourquoi on ne classifierait pas
carrément le contrat de courtage comme un contrat de mandat plutôt
que comme un contrat d'oeuvre puisque dans 99 % des cas, ce sont les gens qui
vous appellent et qui vous disent: Écoutez, vendez donc ma maison. Ils
vous donnent en quelque sorte le mandat d'explorer le marché pour
tenter, à des conditions qui peuvent varier, qui sont
négociées, etc. Mais le fait de vendre et d'offrir de vendre tel
immeuble sur le marché ne constitue-t-il pas un acte juridique selon
lequel le contrat de courtage devrait plutôt être
considéré comme un contrat de mandat? Je pense que je vais au
coeur de la première partie de votre mémoire,. M. Cayer.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Cayer.
M. Cayer: Merci, Mme la Présidente. Effectivement, c'est
le coeur de notre mémoire et c'est en fait, c'est le coeur de
l'avant-projet de loi modifiant le Code civil de faire une très nette
distinction entre ce qui constitue un mandat et une tout autre forme de
contrat. Jusqu'ici, le Code civil prévoyait que le mandat était
un type de contrat par lequel un individu, le mandataire, devait accomplir
certains actes juridiques ou administratifs. Or, la principale modification
apparaissant dans l'avant-projet vient rejeter tout acte administratif pour ne
limiter le contrat de mandat qu'aux situations où il y a
représentation d'ordre juridique.
Or, nous considérons qu'à une certaine époque, il
est possible que les courtiers en immeubles du Québec aient agi à
titre de mandataires puisque, à une certaine époque, nos contrats
de courtage prévoyaient que le courtier puisse vendre l'immeuble comme
tel, c'est-à-dire accepter une offre d'achat qui lui était
présentée, par exemple, aux mêmes conditions que celles
demandées par le propriétaire. Or, depuis 1976 environ, la
pratique a passablement changé et les formulaires normalisés de
l'Association de l'immeuble du Québec, par exemple, font
référence au fait que le courtier s'engage à offrir en
vérité. En fait, la nature de l'acte professionnel
accompli par le courtier en immeubles se résume essentiellement à
deux choses. Premièrement, faire la mise en marché d'un immeuble
confié par le propriétaire et, deuxièmement, agir à
titre d'intermédiaire pour négocier, non pas un
négociateur qui peut engager le propriétaire, ce qui serait
davantage de la nature du mandat, mais à titre de négociateur
pour tenter de trouver une offre qui serait éventuellement
acceptée par le propriétaire. Donc, pour nous, il n'y a pas cette
représentation juridique et les conséquences qui en
découlent. Ainsi, nous considérons que le contrat de courtage
immobilier est davantage de la nature d'un contrat de services. (11 heures)
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Taillon.
M. Filion: En somme, vous dites que ce n'est pas vous qui
acceptez l'offre ou les contrats, et vous avez raison. D'abord, vous mettez un
immeuble en vente, à partir d'un formulaire qui est tout à fait
normatif depuis plusieurs années, ce que je salue d'ailleurs. C'est une
bonne chose que le formulaire soit à peu près toujours le
même, par rapport à ce qui existait avant, qui était
très anarchique et très dangereux pour tout le monde. Donc vous
avez un formulaire unique, c'est très bien. Mais il y a un prix
mentionné dans le formulaire unique et si le premier acheteur offre le
prix qui est là, vous concluez la transaction, c'est-à-dire que
l'acte juridique va venir du consentement de l'acheteur à ce prix. En
deux mots, je comprends que votre mandat n'est pas total. Ce n'est pas un
mandat de représentation à 100 % que vous avez, mais, il est
quand même passablement important.
Je craindrais peut-être un peu les conséquences de classer
le contrat comme étant un contrat d'oeuvre. Cela place plus le courtier
dans la position où il pourrait acheter, par exemple, l'immeuble, non?
Il n'y a rien qui l'empêcherait de se porter acquéreur, à
l'intérieur d'un contrat d'oeuvre. Or, je pense bien que, dans votre
code d'éthique, vous n'achetez pas les immeubles dont vous êtes
les courtiers. Bref, il y a toute une série de conséquences,
peut-être que celle-là est moins à propos, qui
découleraient du fait de classer carrément le contrat dans cette
catégorie.
M. Nadeau: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Bélanger): M. Galardo.
M. Nadeau: Non, Me Nadeau.
La Présidente (Mme Bélanger): Me Nadeau.
M. Nadeau (Robert): Sur les derniers points qui furent
soulevés, on pourrait peut-être apporter des précisions.
Entre autres, le contrat dont se servent nos membres actuellement dit d'offrir
en vente l'immeuble et de présenter au propriétaire vendeur toute
offre d'achat qui pourrait être amenée par un acheteur. Le but de
ça touche le rôle d'intermédiaire qui est un peu
ancré dans ce formulaire. Je ne crois pas qu'une acceptation pure et
simple d'un acheteur au courtier, qui agit à titre
d'intermédiaire, suffise pour lier le propriétaire vendeur. C'est
du moins l'opinion relative à une certaine doctrine. Par ailleurs, vous
dites que si nous étions plus ancrés dans le contrat d'oeuvre ou
de services, ça nous permettrait d'acheter et ce n'est pas
défendu actuellement.
D'ailleurs, la Loi sur le courtage immobilier prévoit certaines
déclarations à faire dans ces cas. La jurisprudence et la
doctrine vont vous dire que ce n'est pas une impossibilité. Alors,
là ce ne sera plus un rôle de mandataire, ce sera certainement un
rôle d'acheteur. Il change d'habit, il change de peau. À ce
moment, il n'y a certainement pas de commission payable parce qu'il n'est plus
dans son rôle de mandataire, mais ça n'empêche pas le
courtier ou l'agent de pouvoir acheter. D'ailleurs, la jurisprudence est venue
confirmer ça par un arrêt de la Cour d'appel,
dernièrement.
Si la Loi sur le courtage immobilier le prévoit
déjà, même la Loi sur le courtage immobilier ne parle
pratiquement jamais de mandat sauf à un endroit dans le règlement
d'application, on parle toujours de contrat de courtage et on permet à
un courtier, selon certaines déclarations d'acheter, nous pensons que la
nature de notre travail est effectivement plus de la nature
d'intermédiaire plutôt que de mandataire. Je ne vous dis pas qu'il
n'y a pas des mandats accessoires dans le contrat de courtage. Il y a certains
gestes qu'on pose qui sont une certaine représentation. Mais si on
était des mandataires purement et simplement, je pense que ça
défavoriserait beaucoup l'acheteur. Est-ce qu'on serait le mandataire
sans obligation professionnelle d'un propriétaire vendeur? Je pense que
ça permettrait peut-être certains abus qui sont
protégés actuellement, entre autres par notre Code de
déontologie où, même si on peut représenter un
propriétaire vendeur, on ne doit pas le faire au détriment d'un
acheteur. Il y a une certaine éthique qui est suivie à ce sujet.
Alors que si on veut nous cantonner vraiment au chapitre du mandat de
façon claire et précise, parce que la jurisprudence est
déjà mêlée là-dessus, je pense que ça
pourrait conduire à des pratiques qui peut-être deviendraient
douteuses à la longue.
M. Filion: Merci, Me Nadeau et M. Cayer de ces explications.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci Une petite
question, M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Une dernière question, Mme la
Présidente, relativement à l'article 1839. C'est-à-
dire que le promettant acheteur a la faculté de dédit pour
dix jours. J'aimerais connaître l'opinion de votre association
là-dessus et savoir si le délai est raisonnable.
M. Cayer: Puisque cet article et, en fait, toute cette section 2
est bien clairement limitée à des circonstances où il est
question d'un commerçant, d'une part, et d'un consommateur, d'autre
part, il nous semble raisonnable qu'un tel délai soit mis en place. Un
tel délai serait beaucoup plus difficile, et en fait inapplicable
à toutes fins utiles, s'il s'agissait de deux consommateurs l'un face
à l'autre, comme, par exemple, dans le cas du courtage immobilier
où même s'il y a un courtier d'impliqué, il y a en fait,
comme parties juridiques à l'entente, deux consommateurs. On ne peut
brimer les droits de l'un pour favoriser les droits de l'autre. Ce serait
inéquitable.
Ici, il s'agit d'une décision tout simplement qui a trait aux cas
où un consommateur traite avec un commerçant; il y a lieu de le
protéger. Cela se justifie de la même façon que pour tout
autre commerçant qui traite avec un consommateur, ce qu'on retrouve
énoncé dans la Loi sur la protection du consommateur. La
même logique s'applique ici.
M. Dauphin: Merci beaucoup. Alors, au nom du ministre de la
Justice du Québec et de mes collègues ministériels,
j'aimerais remercier l'Association de l'immeuble du Québec de sa
participation et l'assurer que l'équipe de la réforme du Code
civil qui m'entoure, du ministère de la Justice, a pris bonne note de
ses représentations et va les étudier très attentivement.
Merci beaucoup.
Une voix: Merci.
M. Filion: Alors, c'est à mon tour, Mme la
Présidente, de remercier les représentants de l'Association de
l'immeuble du Québec qui, grâce à leurs réflexions,
alimenteront sûrement des réflexions cette fois-ci de
l'équipe de la réforme du Code civil qui verra à produire
non pas un avant-projet cette fois, mais un projet de loi qui constituera donc
une deuxième étape. Par la suite, ce projet de loi sera de
nouveau étudié. Alors, vous voyez peut-être le long
processus de fabrication, finalement, d'une loi aussi importante que celle qui
est le Code civil et qui verra à nous donner le meilleur produit
possible, qui tiendra compte de toutes les contraintes et de toutes les
réalités. En ce sens-là, votre mémoire a
été fort précieux. Merci.
Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, messieurs. Au
nom des membres de la commission, on vous souhaite un bon retour.
J'appellerais les représentants de la Fédération
nationale des associations de consommateurs du Québec à bien
vouloir prendre place à la table des invités.
Alors, avec la permission du président de la commission, en
l'occurrence le député de Taillon, je dépose les lettres
du Conseil régional de l'âge d'or de l'Estrie, du Centre
communautaire juridique de l'Estrie et de la Fédération des
coopératives funéraires du Québec qui appuient les
démarches entreprises par la Fédération nationale des
associations de consommateurs du Québec visant à abolir la vente
itinérante dans le domaine des préarrangements
funéraires.
Je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier et de
présenter les personnes qui l'accompagnent.
M. Bilodeau (Robert): Merci, Mme la Présidente. Mon nom
est Robert Bilodeau, consultant budgétaire à l'ACEF de
Québec. Permettez-moi de vous présenter les collègues qui
m'accompagnent. À ma droite, Mme Christine Lebrun, juriste à
l'ACEF de la rive sud de Montréal; à mon immédiate gauche,
M. Bernard Lefebvre, coordonnateur à l'ACEF de l'Estrie; et toujours
à ma gauche, M. Rolland Pelletier, coordonnateur à l'ACEF de
Granby.
La Présidente (Mme Bélanger): Comme le groupe
précédent, vous avez vingt minutes pour présenter votre
mémoire. Il y aura quarante minutes pour la période de
discussions avec les deux formations politiques.
M. Bilodeau: Mme la Présidente, Mmes et MM. membres de la
commission, il nous fait plaisir de vous présenter ce matin le point de
vue de la Fédération nationale des associations de consommateurs
du Québec. La FNACQ est une fédération de dix associations
réparties dans plusieurs régions du Québec. Les
associations locales membres de notre fédération sont en contacts
directs et constants avec des consommateurs qui vivent des problèmes de
consommation quotidiennement.
Les lois administrées par l'Office de la protection du
consommateur, tout particulièrement la Loi sur la protection du
consommateur, sont pour nous des instruments quotidiens dans notre travail de
conseil et d'aide. La FNACQ, dans le passé, a eu l'occasion d'exprimer
son point de vue dans l'application et l'amélioration de la
législation portant sur la protection de la consommation. Il nous
apparaissait donc important de vous transmettre nos commentaires et nos
suggestions au moment de l'étude d'un avant-projet de loi qui aura un
impact et des répercussions sur la protection de la consommation. C'est
pourquoi notre mémoire va porter essentiellement sur le titre
troisième en nous permettant tout de même de faire des incursions
au titre deuxième au sujet de la vente à tempérament d'un
bien meuble.
D'entrée de jeu, notre principale préoccupation au moment
de l'étude de cet avant-projet de loi va porter, dans le fond, sur
l'avenir de la Loi sur la protection du consommateur et sur l'Office de la
protection du consommateur.
En effet, on peut discourir longtemps sur les avantages et les
inconvénients de l'insertion de la protection du consommateur à
l'intérieur du Code civil. À ce sujet, on peut retrouver deux
écoles de pensée juridique qui ne s'entendent pas. Toutefois,
nous ne sommes pas essentiellement des juristes et notre préoccupation
sur l'analyse des avantages et des inconvénients de l'insertion de cette
loi à l'intérieur du Code civil repose sur les assurances que
nous fournira le législateur sur certaines de nos interrogations. Notre
première interrogation porte évidemment sur la présente
Loi sur la protection du consommateur. En effet, dans l'avant-projet de loi on
ne reproduit pas toutes les composantes de cette loi présentement en
vigueur. Des titres entiers ne s'y retrouvent pas, dont, entre autres, le titre
deuxième portant sur les pratiques de commerce, le titre 3-I sur les
agents d'information et le titre quatrième et le titre cinquième.
Étant donné que l'avant-projet de loi réfère dans
plusieurs articles à la Loi sur la protection du consommateur actuelle,
on doit en déduire que cette loi sera maintenue, du moins dans ses
prescriptions, ne se retrouvant pas dans l'avant-projet de loi. Cela fait donc
l'objet d'une première recommandation. De notre part, nous voulons avoir
l'engagement du législateur qu'il y aura effectivement encore une Loi
sur la protection du consommateur et qu'on y retrouvera les titres
mentionnés plus haut.
Dans la même préoccupation, on veut savoir ce qui va
arriver de l'Office de la protection du consommateur. Ce fut un acquis
important pour la société québécoise que la
constitution de cet office au début des années soixante-dix.
Malgré les critiques et les commentaires que la FNACQ a pu faire dans le
passé et fera dans l'avenir sur la façon dont les dirigeants de
l'Office de la protection du consommateur peuvent s'acquitter de leur mandat,
il nous paraît tout de même essentiel que soit maintenu l'office
avec tous ses mandats actuels tels que définis, à l'article 292
de la loi actuelle.
De la même façon, nous nous préoccupons
également du mandat de l'office qui concerne la surveillance d'autres
lois présentement en vigueur. Effectivement, c'est aussi une
originalité et la force de l'office que d'être polyvalent et de
voir à la surveillance de l'application d'un certain nombre de lois.
C'est pourquoi nous sommes préoccupés à ce que l'office
maintienne dans l'avenir ce rôle de surveillance d'un certain nombre de
lois, en particulier en ce qui concerne la Loi sur les agences de voyage, la
Loi sur le recouvrement de certaines créances et la Loi sur les
arrangements préalables de services funéraires et de
sépulture. Nous ne connaissons pas les intentions du législateur
à leur sujet. Toutefois, que ces lois demeurent des lois
particulières ou soient intégrées à
l'intérieur du Code civil, nous trouvons indispensable que la
matière qu'elles couvrent demeure sous la surveillance de l'OPC. S'il en
était autrement, nous assisterions à un recul important en ce qui
concerne les droits des consommateurs et à une remise en question du
rôle de l'OPC tel que défini par l'article 292 de la loi
actuelle.
Nous nous préoccupons aussi de l'avenir de la
réglementation et des annexes de la loi actuellement en vigueur.
À plusieurs reprises, nous avons constaté que des articles de
l'avant-projet de loi référaient au règlement. Nous ne
savons pas s'il y aura des règlements qui compléteront certains
articles du Code civil, ou si alors les règlements se retrouveront dans
une nouvelle version de la Loi sur la protection du consommateur. De
même, certains articles réfèrent aux annexes de la loi
présentement en ' vigueur. Doit-on conclure que ces annexes demeureront
et seront alors intégrées au Code civil ou à la Loi sur la
protection du consommateur remodelée? Nous avons des interrogations,
mais pas nécessairement une réponse claire et précise.
C'est pourquoi l'on demande au législateur de maintenir les annexes 1
à 10 que l'on retrouve présentement dans la Loi sur la protection
du consommateur ainsi que la réglementation actuelle de la loi. (11 h
15)
Une dernière interrogation portait sur la souplesse d'amendement
d'un Code civil. Pourra-t-on effectivement amender les règles
particulières au contrat de consommation lorsqu'elles seront
intégrées au Code civil? Devant l'évolution constante du
domaine de la consommation, l'OPC a proposé au cours des années
des modifications à la loi. Le gouvernement du Québec a
également modifié le libellé de certains articles de cette
loi à plusieurs reprises. Cette souplesse d'adaptation et de
réaction est pour nous une garantie que la protection du consommateur
n'est pas figée dans le temps, mais bien au contraire, s'adapte à
un secteur d'activité en perpétuel changement. Nous ne serions
donc pas d'accord pour que l'introduction des contrats de consommation à
l'intérieur du Code civil signifie la sclérose dans ce domaine.
On doit garder la souplesse d'amender que permet la situation présente
dans le cadre de la Loi sur la protection du consommateur, sinon la FNACQ
considère que le consommateur en subira un préjudice.
Notre mémoire contient des recommandations principales. La
première, c'est l'intégration des contrats visés par cette
loi du Code civil, c'est-à-dire la Loi sur les arrangements
préalables de services funéraires et de sépulture. En
effet, pour la FNACQ, il nous apparaîtrait à la fois logique et
utile d'intégrer la Loi sur les arrangements préalables de
services funéraires et de sépulture sous le giron du titre
troisième de l'avant-projet de loi. En effet, cette loi régit
certains types de contrats de consommation qui, sauf pour certaines
dispositions énumérées à l'article 88 de cette loi,
sont soumis à la Loi sur la protection du consommateur actuelle. Nous
considérons que les motifs qui ont prévalu pour l'insertion des
contrats de consommation à l'intérieur du Code civil, et plus
particulièrement au titre troisième du livre cinquième
devraient être valables et s'appliquer également au contrat sur
les arrangements préalables de services funéraires et de
sépulture.
Dans l'optique effectivement où cette loi serait
intégrée dans le Code civil, nous avons des commentaires à
faire sur le contenu de cette loi présentement en vigueur. Il s'agit
effectivement de l'exclusion des contrats conclus par vente itinérante.
Dans la mesure où le législateur décide donc
d'intégrer cette loi au Code civil, nous avons des commentaires sur le
contenu de cette loi et particulièrement sur la vente itinérante.
Il faut bien se souvenir qu'en juin 1987, le projet de loi 162 sur les
préarrangements funéraires était adopté. À
cette époque, le législateur, devant l'insistance du Mouvement
des consommateurs au Québec, appuyé par plusieurs associations
concernées, pour étendre la période d'annulation des
contrats conclus par vente itinérante, a fait passer la période
de dix à trente jours.
Force est de constater maintenant que l'ensemble des efforts de la loi
sont ici noyés dans l'univers malsain d'une pratique aussi
incontrôlable qu'impropre à l'éthique professionnelle du
thanatologue. Le coeur du problème décrié, tant par les
associations de consommateurs que par les autres intervenants, est sans
contredit celui de la sollicitation, voire du harcèlement propre
à la vente itinérante dans ce domaine. En effet, il faut bien se
rendre compte que la vente de préarrangements funéraires touche
un sujet aussi particulier que délicat: la mort avec tous ses tabous et,
plus particulièrement, elle vise une clientèle très
vulnérable, celle des personnes âgées, souvent
démunies, seules, vulnérables aux discours des vendeurs, mal
informées de leurs droits et sensibles évidemment au sujet de la
mort. Les vendeurs itinérants sont des spécialistes de la vente,
utilisant des pratiques et des tactiques souvent associées à
cette sorte de vente, qu'on parle de harcèlements
téléphoniques et à domicile, de vente sous pression, de
chantage émotif et d'arguments verbaux non écrits au contrat.
Certains vendeurs vont jusqu'à organiser des bingos dans les
résidences pour personnes âgées.
Il faut dire que la vente par vendeur itinérant dans ce
domaine-là est basée sur la rémunération à
la commission et ceci incite les vendeurs à utiliser plus
d'agressivité pour conquérir leur part du marché. Des
organisations membres de la FNACQ ont reçu des plaintes concernant les
pratiques de ces individus qui n'hésitent pas à profiter des
moments de déséquilibre et d'angoisse. Des vendeurs contactent
même des personnes encore sous le choc de décès d'un proche
ou dont l'état de santé est médicalement
déclaré précaire. Des vendeurs jouent sur les convictions
religieuses en créant la suspicion dans les familles ou en faisant
craindre à des personnes âgées que des membres de leur
famille ne respecteront pas leurs dernières volontés.
La vente par vente itinérante dans ce domaine est une pratique
très souvent malveillante et abusive. Les compagnies respectables, et il
y en a dans ce domaine-là, ont à leur disposition et utilisent
d'autres moyens que la vente itinérante pour rejoindre leur
clientèle. Nous considérons que les pratiques de vente par des
marchands dans ce domaine sont pratiquement incontrôlables, même
avec une réglementation pertinente présentement en vigueur. Nous
aimerions ajouter que les démarches déjà entreprises par
la FNACQ dans le passé, lors de l'adoption de cette loi visant
l'abolition de la vente itinérante dans le domaine des
préarrangements funéraires, étaient appuyées,
à l'époque, par une cinquantaine d'associations au Québec
avant l'adoption de cette loi. Parmi ces associations, il y avait la
Fédération de l'âge d'or du Québec, la FADOQ.
Il nous apparaît important d'insister sur le fait que la FADOQ a
effectué une recherche qui conclut à la nécessité
d'abolir la vente itinérante dans ce domaine, recherche financée
par l'Office de protection du consommateur. D'ailleurs, si vous ne l'avez pas
reçu aujourd'hui même, nous vous avisons que la FADOQ enverra sous
peu, si ce n'est pas fait aujourd'hui, un télégramme pour appuyer
la requête et le mémoire que nous présentons aujourd'hui en
commission parlementaire et qui demande l'abolition de la vente
itinérante dans ce domaine.
Nous voulons souligner, dans le fond, que le consensus, commence, de
plus en plus, à se sceller autour du principe de l'abolition de la vente
itinérante dans le marché de la mort et ceci est de plus en plus
évident. La commission, on en a fait allusion tantôt, a
déjà reçu des appuis d'associations et nous vous
annonçons que d'autres associations vont vous faire parvenir leur appui
sous peu, à savoir la FADOQ, la Fédération de l'âge
d'or du Québec, le Conseil régional de l'âge d'or de
l'Estrie, la Fédération des ACEF du Québec, le Service
d'aide au consommateur de Shawinigan, le Conseil diocésain de la
pastorale sociale de l'Estrie, le Bureau d'aide juridique de l'Estrie, on en a
fait mention, ainsi que la Fédération des coopératives
funéraires du Québec. C'est pourquoi notre recommandation
à ce sujet est très claire. Nous demandons d'inclure
l'interdiction de ce type de vente dans l'avant-projet de loi en tenant pour
acquis que cette loi serait intégrée au Code civil. Donc le
libellé d'un nouvel article que nous proposons est: "Sous réserve
de ce qui est prévu par règlement, nul ne peut solliciter ou
conclure à l'adresse du consommateur un contrat d'arran-
gements préalables de service funéraires et de
sépulture".
En ee qui concerne une sanction générale pour tout
manquement à une obligation imposée par le titre trosième,
nous avons constaté des lacunes et nous avons des suggestions à
faire à cette commission. Dans un premier temps, il faut bien constater
que le domaine de la consommation foisonne de pratiques plus ou moins
douteuses. L'imagination des criminels à col blanc ne semble pas avoir
de limite et la transgression de la loi prend des moyens et des formes
multiples qui demandent une surveillance constante et des sanctions
exemplaires. Or, il est pour le moins décevant de ne retrouver que
l'article 2732 pour annuler des contrats ne se conformant pas aux conditions
nécessaires à leur formation. Bien que, selon notre
interprétation, le législateur veuille traiter les recours civils
dans la Loi sur la proteaction du consommateur et non dans le Code civil, nous
nous serions quand même attendus à retrouver dans l'avant-projet
de loi un article prévoyant une sanction générale pour
tout manquement à une obligation imposée par le titre
troisième.
À cet égard, l'article 272 de la Loi sur la protection du
consommateur actuelle est un article très bien structuré qui
permet des choix aux consommateurs et des éléments dissuasifs
pour les commerçants. Nous proposons donc d'ajouter un nouvel article
après l'article 2732 qui reprendrait, dans sa substance, l'article 272
de la loi actuelle. Après une étude plus minutieuse de l'article
2732 de l'avant-projet de loi, nous avons constaté et nous vous
recommandons d'inclure une modification à l'article 2732
présentement en vigueur. C'est une recommandation que vous nous
retrouverez pas dans le mémoire que nous avons remis à la
commission. Nous avons constaté que le libellé de l'article 2732
reprenait, dans sa substance, le libellé de l'article 271 de la Loi sur
la protection du consommateur actuelle. Cependant, dans sa rédaction
actuelle, l'article 2732 a escamoté le deuxième alinéa de
l'article 271 qui permettait un choix au consommateur dans le cas d'un contrat
de crédit. Il s'agit donc, à notre avis, d'une perte de droit que
le consommateur subirait en gardant la rédaction de l'article 2732 tel
que rédigé présentement.
Un nombre encore trop grand de commerçants abusent
malheureusement des consommateurs. On doit donc s'assurer que le titre
troisième contienne des règles qui sanctionnent civilement les
pratiques de commerce visées par l'avant-projet de loi. Ainsi, nous
proposons non pas un nouvel article, tel que notre mémoire initial le
prévoyait, mais au titre troisième des articles qui sanctionnent
civilement les manquements aux pratiques de commerce prévues dans
l'avant-projet de loi. Notre intention est très claire à cette
recommandation. C'est de réintroduire, dans l'avant-projet de loi, le
contenu des articles 273 à 276 de l'actuelle Loi sur la protection du
consommateur.
En ce qui concerne les sanctions pénales, nous voulons nous
assurer que les manquements à la loi de la part d'un commerçant
soient sanctionnés par des dispositions d'ordre pénal. Nous
proposons donc l'inclusion dans le Code civil d'un nouvel article qui
reprendrait l'essentiel de l'article 277 de l'actuelle Loi sur la protection du
consommateur.
En troisième partie, notre mémoire propose 16
recommandations secondaires. Mais nous n'avons pas l'intention, Mme la
Présidente, de vous faire la lecture de ces 16 recommandations qui sont
contenues dans notre mémoire.
Nous terminons notre présentation en soulignant que notre analyse
de l'avant-projet de loi a essentiellement porté sur les règles
régissant les contrats de consommation. Bien que l'on reprenne à
bien des égards le contenu des articles de l'actuelle Loi sur la
protection du consommateur, nous avons souvent constaté que notre
mémoire a référé le législateur au
libellé de la loi actuelle, d'une part, parce que la formulation des
articles nous paraît beaucoup plus claire et précise que celle de
l'avant-projet de loi et, d'autre part, parce que l'absence de précision
dans la formulation de certains articles entraîne des
ambiguïtés et, on pourrait même dire, des pertes de droits
préjudiciables aux consommateurs? Globalement, et nous devons le
souligner, nous ne sommes pas satisfaits de la rédaction des articles du
titre troisième.
Nous insistons, en terminant, pour vous souligner de nouveau que nous
vivons quand même une période d'incertitude et de flottement quant
à l'avenir de la Loi sur la protection du consommateur, de l'office et
de son mandat ainsi que des lois dont la surveillance incombe
présentement à l'office.
Nous tenons à préciser au législateur que, dans
cette période d'incertitude et de flottement, les choix qu'il fera,
s'ils entraînent une diminution du rôle et du mandat de l'office,
seront nettement perçus, aux yeux des associations de consommateurs
comme un recul et un désengagement vis-à-vis de la protection
à la consommation.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Bilodeau.
M. le député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de
la Justice.
M. Dauphin: Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Tout
d'abord, j'aimerais, au nom du ministre de la Justice du Québec et de
mes collègues ministériels, vous souhaiter la bienvenue à
nos travaux, à cette sous-commission sur la réforme du Code civil
en matière d'obligations. Deuxièmement, j'aimerais vous remercier
et vous féliciter pour la préparation et la présentation
do votre mémoire. On connaît évidemment la
réputation de votre fédération, effectivement, en ce qui
concerne la défense et les intérêts des consommateurs.
Je ferais une remarque préliminaire avant d'aborder les
questions. Un peu pour vous rassurer, il n'est pas de l'intention du
gouvernement du Québec d'affaiblir ou de diluer toute la
mécanique existante en ce qui concerne la protection des consommateurs,
bien au contraire. La Loi particulière sur la protection du consommateur
va demeurer, mais elle sera remaniée; cependant, comme je l'ai
mentionné, ce qui n'aura pas été inclus dans le Code civil
sera prévu dans cette loi remaniée, dans cette Loi
particulière sur la protection du consommateur; alors, ce sera maintenu,
effectivement. Donc, seront également maintenues dans cette loi
particulière les règles relatives aux pratiques du commerce, aux
sanctions pénales et administratives ainsi que toute la
réglementation dont vous parliez tantôt et les annexes ainsi que
les règles qui ont trait à l'organisation de l'Office de la
protection du consommateur et à ses mandats. Ce qui ne sera pas inclus
au Code civil sera maintenu dans une Loi remaniée sur la protection du
consommateur.
En ce qui concerne les modifications qui, selon vous, seraient plus
faciles à faire au chapitre de la Loi sur la protection du consommateur
qu'au chapitre du Code civil, on parle évidemment d'inclusion au Code
civil de principes. Le Code civil peut évidemment être
modifié lui aussi. Chaque année, on modifie le Code civil. On
serait peut-être portés à croire qu'on devrait moins
toucher au Code civil, sauf que cela fait huit ans que je suis
député et on y a touché régulièrement,
à chaque session. Alors si on a à y toucher, on va le faire. Le
processus parlementaire est le même pour modifier le Code civil que pour
modifier une loi particulière.
Relativement à votre interrogation quant à la Loi sur les
arrangements préalables de services funéraires et de
sépulture, l'équipe de la réforme du Code civil qui
m'entoure aujourd'hui examine la chose et est en train d'étudier cet
aspect. Évidemment, on n'a pas de réponse à vous donner
aujourd'hui, mais on examine le tout actuellement. Cela dit, je tenais à
faire ces précisions avant d'aborder la période de discussion
entre nous. (11 h 30)
Cela m'amène à une première question. Plusieurs
groupes pour la protection des automobilistes, par exemple, sont venus nous
rencontrer la semaine dernière afin de demander aux membres de cette
sous-commission de voir à inclure, éventuellement, des
règles, dans cet avant-projet de loi que nous étudions
actuellement, relativement aux contrats de location d'automobiles à long
terme ainsi qu'à la location-achat d'appareils
électroménagers ou de vidéos, de même que sur les
problèmes se rattachant au retrait préautorisé.
Connaissant votre intérêt pour les consommateurs, vous êtes
peut-être moins spécialisés que les autres groupes qui sont
venus nous rencontrer qui s'occupaient spécialement de la protection des
automobilistes, mais j'aimerais savoir de votre part, avec votre vécu
quotidien, ce que vous pensez de l'éventualité de prévoir,
comme législateur, tous ces contrats: le contrat de location
d'automobile à long terme, le contrat de location-achat d'appareils
électroménagers ou de vidéos et les retraits
préautorisés.
La Présidente (Mme Bélanger): M.Bilodeau.
M. Bilodeau: Mon premier commentaire est le suivant: je suis
content de voir que l'adjoint parlementaire du ministre nous rassure concernant
le maintien et le remaniement de la loi 72 ainsi que l'examen qu'on fait de la
possibilité d'inclure la Loi sur les arrangements préalables de
services funéraires et de sépulture dans l'éventuel Code
civil.
En ce qui concerne les contrats de location d'automobile à long
terme et d'appareils électroménagers ou le retrait
préautorisé, nous n'avons pas spécialement relevé
ces points dans notre présentation. Mais certaines de nos associations
membres de la FNACQ ont des dossiers concernant ces points et, même si on
ne connaît pas le contenu des mémoires des associations qui sont
venues vous rencontrer la semaine dernière, nous serions d'emblée
d'accord pour inclure, dans cet avant-projet de loi, les contrats de location
d'automobile à long terme. On sait que, depuis deux ou trois ans, cela a
fait l'objet de multiples plaintes de la part des consommateurs.
La location d'appareils électroménagers est aussi un
phénomène grandissant sur le plan de la consommation. Auparavant,
on ne retrouvait souvent que la location de téléviseurs.
Maintenant, vous comprenez que le marché s'élargit grandement et
qu'on a besoin d'une protection adéquate.
Quant au retrait préautorisé, au Québec, certaines
compagnies se sont rendues célèbres par les erreurs et le
fouillis administratif que comportait leur système de retrait
préautorisé. De ce côté, il y a effectivement un
manque de protection des consommateurs et il serait tout à fait
souhaitable que l'on insère ce type de contrat pour avoir une meilleure
garantie de protection du consommateur.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: J'ai une question qui va peut-être
déborder un peu le contenu du mémoire. Vous parliez de l'office
et de ses mandats et vous vouliez que nous conservions, dans une loi
particulière, toutes ses attributions. En tant qu'organisme responsable
de la protection des consommateurs... Mon collègue de Taillon, en tant
que président de la commission des institutions est bien au fait de
cela.
Notre commission, il y a un an et demi, deux ans, a eu l'occasion
d'examiner les orientations et les mandats de l'Office de la protection du
consommateur. Comme organisme qui a à
travailler presque quotidiennement avec l'office... On sait que l'office
envoie une espèce de document ou fait des sondages sur le taux de
satisfaction de votre clientèle face à l'Office de la protection
du consommateur. On sait que le taux de satisfaction est très
élevé. D'ailleurs, c'est l'un des organismes du gouvernement dont
le taux de satisfaction est des plus élevés. Dans votre
quotidien, est-ce que vous auriez des commentaires à faire
là-dessus? Est-ce qu'il y a des choses qui pourraient être
changées toujours dans le but bien précis d'améliorer et
de protéger la condition des consommateurs?
La Présidente (Mme Bélanger): M. Bilodeau.
M. Bilodeau: On a pris soin d'indiquer dans notre mémoire
qu'on voulait que l'office conserve les mandats qu'elle a présentement.
Cependant, cela ne veut pas dire que dans le passé et dans l'avenir on
n'aura pas des suggestions ou des commentaires à faire sur la
façon dont les administrateurs de l'office s'acquittent de leur
mandat.
Évidemment, pour nous, en tant qu'association de consommateurs en
contact quotidien avec l'office, ce dernier est un interlocuteur
privilégié. On a pu constater qu'un des mandats de cet office est
à la fois de subventionner les associations de protection du
consommateur... Et, là-dessus, on ne fera pas de surprise à
personne en constatant que, quant à nous, les subventions sont pour le
moins maigres et que, non seulement elles ne suivent pas l'inflation mais elles
ne suivent pas la courbe des dépenses croissantes qu'on a à
assumer. Mais, indépendamment de ça, nous avons constaté
qu'au cours des dernières années, on dirait qu'on a eu plus de
difficulté à mener conjointement les dossiers importants quant
à la protection de la consommation. Je laisserai maintenant mon
collègue de l'ACEF de l'Estrie faire des commentaires plus
appropriés quant aux relations qu'ils ont pu entretenir avec les
représentants de l'Office de la protection du consommateur, dans
certains dossiers en particulier.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Lefebvre.
M. Lefèvre (Bernard): Merci. Justement, je pense que les
améliorations qui pourraient être apportées devraient
l'être principalement quant à la transparence de l'information. On
se retrouve dans certaines situations où, comme association, on a le
mandat d'aller dépister des problèmes de consommation, de faire
des propositions d'améliorations là où les consommateurs
sont iésés et d'intervenir directement sur la
problématique. Souvent, comme association, nous sommes coincés
entre le désir d'information et la possibilité d'y avoir
accès, ce qui handicape souvent le fonctionnement de la démarche
de nos dossiers, et nous croyons aussi fermement que ça handicape le
fonctionnement de l'appareil de protection qui est l'Office de la protection du
consommateur. Donc, une plus grande transparence dans la collaboration pourrait
grandement aider les deux parties et, nécessairement, le cours de la
protection des consommateurs.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M.
Lefebvre.
M. Dauphin: Cela va pour le moment.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Taillon.
M. Filion: Merci, Mme la Présidente. À mon tour, je
voudrais souhaiter la bienvenue à la Fédération nationale
des associations de consommateurs du Québec. Je remarque qu'il y a
plusieurs ACEF qui sont membres de la fédération nationale.
Est-que la fédération nationale est la seule à regrouper
des ACEF au Québec?
M. Bilodeau: M. le député de Taillon, pour votre
information, je dirais, sans faire un recul historique trop long, qu'en 1977,
à la suite d'un congrès d'orientation, il y a eu des ACEF qui se
sont détachées de la Fédération des ACEF et qui ont
été à l'origine de la fondation d'une nouvelle
fédération qui s'appelle la FNACQ. Donc, la FNACQ regroupe quatre
ACEF ainsi que six autres organisations qui ne portent pas le nom de ACEF mais
qui sont toutes sous le chapeau de la FNACQ. À côté de
ça, vous avez la Fédération des ACEF qui ne chapeaute que
les organisations qui s'appellent ACEF et vous avez aussi deux autres ACEF qui
ne sont membres d'aucune fédération.
M. Filion: D'accord. Bon, ça m'aide parce que je me
demandais comment il se fait que la Fédération des ACEF,
finalement, ne faisait pas partie de la liste des organismes ou groupes qui ont
déposé un mémoire. Alors, comme on ne suit pas tous ces
partages-là, ces scissions-là, je voulais juste m'instruire.
Écoutez, deux commentaires peut-être en commençant,
dans le même sens que le député de Marquette. Mon
expérience est plus courte que la sienne; elle n'a que trois ans. Mais
le Code civil n'a pas le statut d'une table de Moïse de l'autre
côté et c'est une bonne chose. Je ne crois pas aux lois
éternelles. Je pense qu'il faut modifier les lois. Surtout actuellement,
parce que les réalités changent vite, et ce n'est pas parce que
c'est dans le Code civil que ce sera modifié plus ou moins souvent. Il
est vrai que ça lui consacre plutôt un certain caractère,
mais de !à à dire que le processus de modification des articles
contenus au Code civil est différent parce que c'est dans le Code civil,
non. Je ne pense pas qu'on puisse conclure ça. Alors peut-être
pour vous enlever cette crainte que vous pourriez avoir si, d'aventure, le
législateur décidait d'inclure certaines autres dispositions
à l'actuel
Code civil...
Deuxièmement, en ce qui concerne l'Office de la protection du
consommateur, je vais vous dire que s'il y en a qui s'avisent de passer la
hache dans l'office, je pense qu'on va en discuter et qu'il y aura un peu plus
de monde autour de cette table. On va essayer de déchirer nos chemises
dans les autobus.
Il est vrai qu'un ministre avait signé un rapport qui disait que
la revue Protégez-Vous de l'Office de la protection du
consommateur devrait être privatisée. Mais je pense que la raison
est revenue assez rapidement. Tous les parlementaires avaient
étudié ça en commission parlementaire et il n'y a pas de
velléités qui ont été perçues de ce
côté-là. Et comme l'Opposition est soupçonneuse, si
je n'ai rien vu venir, je pense qu'il n'y a pas trop de danger, du
côté gouvernemental, à ce qu'on cherche à abolir
l'Office de la protection du consommateur.
On a mené bataille l'an dernier, vous vous souviendrez, à
l'intérieur du débat portant sur le projet de loi sur les
arrangements préalables de services funéraires et de
sépulture. L'Opposition était contre le fait de prévoir la
vente de préarrangements funéraires par voie de vendeurs
itinérants ou par démarchage. L'Opposition était contre.
On s'est battus, on a mené là-dessus une bataille qu'on a perdue,
mais je suis heureux d'entendre aujourd'hui ce que j'en ai toujours
pensé. On a perdu une bataille mais on n'a pas perdu la guerre. Vos
arguments étaient très éloquents tantôt. De
façon générale, l'Opposition est d'avis que ce type de
produit, qui est sensible, ne devrait pas être vendu de façon
itinérante. On n'aborde pas les gens dans des foyers, des centres
d'accueil, des maisons pour personnes âgées ou dans leur demeure,
en leur disant toutes sortes de choses. L'idée est bien simple, c'est
qu'une fois qu'ils sont dans la maison, ces gens-là sont des
professionnels et ils trouvent toujours toutes sortes de bonnes raisons pour
convaincre les personnes, qui sont généralement
âgées, que personne ne s'occupera d'elles si elles ne signent pas
de préarrangements funéraires. Comme les gens deviennent parfois
inquiets de ce qui va leur arriver en vieillissant, et c'est normal, ils
deviennent sensibles et signent. C'est un marché, il faut se le dire,
où se brassent des millions. On l'a vu en commission parlementaire,
alors que la Compagnie d'assurance-vie Glacier National souhaitait que soient
modifiées certaines dispositions du Code civil pour favoriser leur
pratique. C'est un secteur d'activité où il y a beaucoup d'argent
et où on fait du financement parce que les gens ne meurent pas le
lendemain après avoir signé leur contrat. Surtout avec la
science, tant mieux d'ailleurs, les gens vivent longtemps, mais le contrat est
signé et l'argent est versé. Alors ça fait des sous. Je me
demande s'il y a un endroit où ça coûte plus cher qu'au
Québec pour enterrer les gens. En tout cas, ça coûte cher
en maudit au Québec. Il y a un marché lucratif et des
intérêts très importants.
Donc, j'ajoute ma voix bien modeste à la vôtre, beaucoup
plus étoffée, en ce qui concerne cette demande d'abolir la
possibilité de vendre de façon itinérante les contrats de
préarrangements funéraires.
Dans votre mémoire, vous soulevez la question des sanctions
pénales. Vous aimeriez que le Code civil contienne des sanctions
pénales. Je pense que juste le fait de poser la question, ça
heurte l'oreille: Code civil, sanctions pénales. Est-ce que les
sanctions pénales ne devraient pas être dans une loi distincte et
les sanctions administratives, contractuelles, civiles, etc., se retrouver
à l'intérieur des lois civiles et les sanctions pénales
dans d'autres dispositions? Finalement, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de
chercher à éviter, comme législateurs, cette espèce
de confusion avec les sanctions?
La Présidente (Mme Bélanger): M. Bilodeau.
M. Bilodeau: Oui, Mme la Présidente, je vais céder
la parole à Me Christine Lebrun.
La Présidente (Mme Bélanger): Mme Lebrun.
Mme Lebrun (Christine): Merci. Si on revient au début de
notre mémoire, c'est là qu'on retrouve exactement ce qu'on veut
dire. En fait, on ne veut pas qu'il y ait une baisse en ce qui concerne la
protection accordée au consommateur. C'est vraiment ce qui est à
la base de notre proposition. Pour nous, que ce soit au Code civil... C'est
évident, et vous avez un peu raison, qu'on ne retrouve jamais de
sanctions pénales dans le Code civil. On l'a formulé comme
ça pour que ce soit clair qu'on ne veut pas que les sanctions
pénales soient abolies. Autrement dit, on voudrait que la loi... On ne
savait pas si la Loi sur la protection du consommateur allait demeurer en
vigueur. Maintenant qu'on a l'assurance qu'elle va le rester, on voudrait
qu'elle soit modifiée de façon que les sanctions pénales
et les recours civils qu'on retrouve dans la Loi sur la protection du
consommateur et qui ne sont pas repris dans l'avant-projet de loi continuent de
s'appliquer pour sanctionner les obligations contenues dans l'avant-projet de
loi. Je pense qu'on pourrait reformuler la recommandation de cette
façon-là.
(11 h 45)
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Taillon.
M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Dans votre
mémoire, vous soulevez également la nécessité de
sanctions civiles - on se comprend bien cette fois - pour les pratiques de
commerce défendues. L'article 253 de la Loi sur la protection du
consommateur nous dit, et je le lis: "Lorsqu'un commerçant, un
manufacturier ou un publicitaire se livre à une pratique interdite - et
là, il y a toute la liste des pratiques inter-
dites - il y a présomption - là, on crée une
présomption - que, si le consommateur avait eu connaissance de cette
pratique, il n'aurait pas contracté ou n'aurait pas donné un prix
si élevé." Encore une fois, il y a plusieurs exemples de
pratiques interdites ou défendues. Est-ce je dois comprendre, selon
votre mémoire, que vous aimeriez étendre ces pratiques à
d'autres pratiques interdites? À la page 7 de votre mémoire, vous
soulevez le fait que l'avant-projet devrait être modifié afin de
sanctionner civilement les pratiques de commerce interdites. On a donc
l'article 253. Dois-je comprendre que vous voulez vous assurer, finalement, que
cet article 253 demeure intact? Est-ce le sens de votre propos, à la
page 7, à savoir qu'il demeure dans le Code civil ou aimeriez-vous,
finalement, peut-être, inclure d'autres formes de pratiques de commerce
qui pourraient être révélées par l'expertise et
l'expérience acquises par vos associations?
La Présidente (Mme Bélanger): M.Bilodeau.
M. Bilodeau: Oui, je vais demander à Me Lebrun de
répondre à cette question.
La Présidente (Mme Bélanger): Mme Lebrun.
Mme Lebrun: II y a eu une certaine confusion quant au terme
"pratiques de commerce". "Pratiques de commerce", dans l'actuelle Loi sur la
protection du consommateur, cela comprend les articles 215 à 253. Ce
qu'on visait, par notre recommandation, c'étaient plutôt les
pratiques de commerce en général. On voulait que les articles 215
à 253 soient maintenus - et on en a eu l'assurance aujourd'hui - parce
qu'ils ne sont pas repris dans l'avant-projet de loi. Par contre, les articles
271, deuxième alinéa, à 276 ne sont pas repris dans
l'avant-projet de loi et on voulait qu'il le soient parce qu'on
considérait qu'ils sanctionnaient des pratiques de commerce en
général. Là, il y a une confusion dans les termes. En fin
de compte, c'est le commerce en général, la consommation, qu'on
voudrait que l'on continue à sanctionner par les recours civils,
d'où la confusion peut-être.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Taillon.
M. Filion: Avec la permission des membres de la commission, je
demanderais peut-être à mon conseiller juridique, Me Pierre
Gariépy, de poser une question plus spécialisée.
La Présidente (Mme Bélanger): M.
Gariépy.
M. Gariépy (Pierre): Une précision. C'est que
l'article 253 n'est pas dans l'avant-projet. Je veux comprendre. Voulez-vous
qu'il soit dans l'avant-projet comme étant une présomption de dol
ou est-ce que vous voulez qu'il demeure... Parce qu'il y a une
présomption de dol en matière civile, à l'article 253.
Mme Lebrun: Mais cette présomption joue,
présentement, seulement dans le cas des articles 215 à 253. Comme
on a l'assurance qu'ils vont demeurer en vigueur, c'est ça notre
proposition.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Lebrun. Y
a-t-il d'autres questions?
M. Filion: Cela va de mon côté, Mme la
Présidente.
M. Dauphin: Je pense que leur mémoire était quand
même très clair sur des points bien précis. On
espère qu'on a su répondre à leurs demandes, à
leurs interrogations. Du côté ministériel, en tout cas, et
au nom du gouvernement et du ministre de la Justice, nous aimerions vous
remercier d'avoir participé à nos travaux et vous dire que vos
points seront étudiés attentivement. D'ailleurs, ce sont des
points qu'on examine actuellement.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le
député de Taillon.
M. Filion: Oui. Merci, Mme la Présidente. À mon
tour, je voudrais vous remercier de ces éléments de
réflexion. Il est rassurant de constater de temps en temps que nos
associations de consommateurs arrivent de façon aussi musclée que
nos associations patronales. Je le dis, tout simplement, en le constatant. Vous
arrivez de façon aussi musclée, aussi préparée avec
un mémoire aussi étoffé que n'importe quel autre groupe
qui aurait pu se présenter ici. Je vous remercie de votre vigilance.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, MM. les
membres de l'association. Au nom de la commission, nous vous remercions de la
présentation de votre mémoire et vous souhaitons un bon retour.
Voulez-vous ajouter un mot?
M. Lefebvre (Bernard): Je m'excuse, Mme la Présidente,
j'ai omis de préciser tantôt qu'on tient à déposer
ici, à votre intention, les appuis qu'on avait eus, il y a
déjà un an et demi, pour, justement, se présenter en
commission parlementaire relativement au projet de loi sur la vente
itinérante, à ce moment-là. Comme second appui,
finalement, vous pourrez annexer aussi les lettres et télégrammes
qui s'ajoutent encore aujourd'hui, deux ans plus tard. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Avec la permission de
M. le Président de la commission, en l'occurrence, M. le
député de Taillon... Vous acceptez, monsieur?
M. Filion: Cela va.
La Présidente (Mme Bélanger): Cela va,
alors vous pouvez les déposer. Avant de suspendre les travaux,
j'aimerais faire une petite correction en ce qui concerne l'horaire de cet
après-midi. Alors que l'Association des offices municipaux d'habitation
du Québec devait se présenter à 16 heures, elle va se
présenter à 20 heures.
M. Filion: Qui va se présenter à 20 heures?
La Présidente (Mme Bélanger): L'Association des
offices municipaux d'habitation du Québec va se présenter
à 20 heures...
M. Filion: D'accord.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, Mme la
Secrétaire, voulez-vous le dire, s'il vous plaît?
La Secrétaire: Contrairement à ce qui avait
été initialement annoncé dans l'horaire qui vous avait
été distribué la semaine dernière, à 16
heures, ce sera l'Association des offices municipaux d'habitation du
Québec tel qu'il apparaît à l'ordre du jour aujourd'hui,
qui a déjà été modifié, au lieu de 20
heures, ce soir. À 20 heures, ce sera la Société de
développement économique du Saint-Laurent.
M. Filion: Cela va.
La Présidente (Mme Bélanger): On vous remercie
beaucoup et bon retour. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15
heures.
(Suspension de la séance à 11 h 52)
(Reprise à 15 h 19)
Association des consommateurs du Canada
(Québec) inc.
La Présidente (Mme Bélanger): La sous-commission
des institutions reprend ses travaux. Nous recevons l'Association des
consommateurs du Canada, section du Québec, représentée
par Me Jacques Carouzet et Mme Lucille Brisebois.
Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire
et il y aura ensuite une discussion de 40 minutes avec les groupes
parlementaires.
Mme Brisebois (Lucille): Je vais commencer par vous donner une
idée de ce qu'est notre association et M. Carouzet va lire son
mémoire.
L'Association des consommateurs du Canada (Québec) inc. a
été fondée en 1948. Nous célébrons cette
année le 40e anniversaire de sa fondation. Elle compte 16 300 membres au
Québec et est formée de bénévoles. Elle est sans
but lucratif. Notre organisme aide les consommateurs à mieux
gérer leur argent et à faire de meilleurs achats. Les buts de
notre association sont de grouper les consommateurs, de les informer de leurs
droits, de leur donner l'information nécessaire pour régler leurs
problèmes d'achat de biens ou de services avec un marchand ou une maison
d'affaires et d'améliorer leur qualité de vie. Notre bureau est
ouvert à ses membres et au public en général, soit pour
l'information concernant la consommation, ou pour obtenir une
référence à un organisme susceptible de les aider, comme,
par exemple, la Cour des petites créances ou un organisme qui peut les
conseiller.
L'Association des consommateurs du Canada (Québec) inc. sert
d'intermédiaire entre le commerçant et le client et participe aux
auditions et commissions parlementaires pour défendre les droits des
consommateurs. Notre association remercie le gouvernement du Québec de
lui donner l'occasion de présenter ses commentaires sur l'avant-projet
de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des
obligations.
Le Président (M. Bélanger): Merci, madame.
M. Carouzet (Jacques): Oui. Je vais maintenant vous
présenter le mémoire dont vous avez probablement copie. Mon nom
est Jacques Carouzet, je suis avocat à Montréal. Donc, je vais me
référer aussi bien à mon expérience en tant que
défenseur des consommateurs qu'à mon expérience
privée, professionnelle qui, évidemment, m'a bien aidé
dans ce domaine. Cela fait 20 ans que j'exerce cette activité, alors
j'ai vu beaucoup de cas, aussi bien avant l'adoption de la Loi sur la
protection du consommateur qu'après.
J'ai examiné l'avant-projet de loi portant réforme au Code
civil du droit des obligations et, d'une manière générale,
je dois dire, évidemment, que je trouve que ce projet comporte une
modernisation qui s'imposait, à mon avis, et des qualités que je
dirais de simplification; on a essayé de simplifier les règles de
droit, de les rendre moins obscures pour les gens et surtout pour les
consommateurs. Les consommateurs sont des gens que nous essayons autant que
possible d'informer, d'éduquer, de protéger et de
défendre, mais ils n'ont pas toujours l'expérience et l'expertise
nécessaires pour se défendre. Dans cette optique, il faut donc
rendre les règles de droit plus simples et plus compréhensibles
et je considère que l'avant-projet de réforme a fait un effort
méritoire. Il y a aussi un effort pour raffiner les règles de
droit, pour essayer de rendre les parties plus égales dans les rapports
de droit qui les opposent dans le commerce juridique journalier. Alors, cela a
aussi été un effort méritoire. Je pense que,
évidemment, plus notre civilisation avance, plus il y a un raffinement
qui se produit à ce sujet-là et plus on essaie de rendre les
parties égales sur le terrain juridique pour éviter qu'il y en
ait qui soient injustement frustrées ou fraudées ou, finalement,
se trouvent perdantes d'une façon injuste.
Maintenant, si on regarde les différentes
règles de ce projet et les différents chapitres, au point
de vue du droit des consommateurs, on a évidemment été
très intéressés par le titre troisième du projet
qui concerne les contrats de consommation. C'est une première chose que
je voudrais aborder ici. Ces règles-là, qui sont produites au
titre troisième, reproduisent en grande partie les dispositions qu'on
trouve actuellement dans la Loi sur la protection du consommateur. C'est ici
que j'aurais une critique à formuler. Du point de vue des consommateurs,
on a fait un titre spécial concernant les contrats de consommation,
alors qu'on aurait pu prendre une autre méthode étant
donné que ces différents contrats sont de nature
différente: il y a le contrat de vente, évidemment, il y a des
contrats de prêt, il y a différents contrats. On aurait
peut-être trouvé plus logique de grouper les contrats par nature
dans les sections qui concernent les différents contrats, par exemple de
mettre le contrat de vente à la consommation avec le contrat de vente
dans le titre du contrat nommé de la vente. On pourrait aussi mettre
également les contrats qui se relient aux contrats de location
d'ouvrage.
J'ai vu qu'il y a une chose très bien dans le projet, c'est qu'on
introduit des nouveaux contrats nommés dans les contrats de
consommation: Par exemple, les contrats d'épanouissement de la personne
qui est un nouveau contrat auquel on a très justement consacré
toute une partie du projet. On aurait pu mettre ce contrat
d'épanouissement de la personne qui, au fond, est un contrat d'ouvrage,
avec le contrat de location d'ouvrage, et ainsi de suite. Je sais qu'on peut me
faire une objection là-dessus, qu'il y a des contrats qui groupent les
deux. Par exemple, vous avez le contrat d'achat de biens à crédit
qui, lui, participe des deux. En fait, il y a un contrat de prêt et un
contrat de vente qui sont groupés. Je suppose que dans ce cas-là,
le contrat qui est le plus important est le contrat de vente. Si une personne
veut, par exemple, acheter une automobile, c'est le contrat de vente qui est
important. Le contrat de prêt, en somme, n'est qu'un accessoire. À
ce moment-là on pourrait mettre le contrat d'achat d'automobile avec
crédit dans le contrat de vente. On peut mettre une
référence dans le titre qui concerne les prêts, et ainsi de
suite. L'avantage c'est que cela n'oblige pas les consommateurs, des gens qui
n'ont pas une grande expérience, à aller dans plusieurs parties.
Au point de vue de clarté, cela ne les oblige pas, pour un contrat
d'achat d'automobile, à se référer au contrat de vente
générale, et, dans le titre qui traite de la consommation,
à aller voir également ce qui traite du contrat de vente pour les
contrats de consommation et d'aller à différentes places.
Évidemment que c'est plus compliqué. C'est une question
d'organisation, de classification des règles. Je prétends que
c'était plus simple de mettre, par exempte, au titre de la vente.
Suivant cette méthode, il faudrait évidemment définir ce
qu'est un contrat de consommation. Cette définition pourrait être
au début. Toutes les définitions des contrats sont au
début et on pourrait mettre la définition du contrat de
consommation. Cela serait intéressant au point de vue de clarté.
C'est très souvent pour les consommateurs. Ils sont souvent perdus et
s'il faut qu'ils se reportent à plusieurs passages du Code civil,
évidemment que cela complique la tâche.
Il y a une autre critique aussi, c'est qu'on trouve à la page 2
du mémoire, concernant les sortes de contrats qui sont définis
comme contrats de consommation, on constate qu'à l'article 2717 cela
exclut les contrats d'achat ou de vente d'immeubles. Alors, là-dessus et
c'est une critique qui est assez importante à mon sens, c'est que...
article 2717... "le contrat relatif à la vente, au louage ou à la
construction d'un immeuble". Alors cela exclut tout un groupe de contrats.
L'Association des consommateurs fait remarquer qu'on exclut d'un seul coup tous
les contrats qui sont les plus importants au fond. Alors je sais bien que les
contrats de vente d'immeuble n'intéressent pas seulement les
consommateurs, mais je prétends que si je prends le cas, par exemple,
d'un jeune couple qui n'a pas d'expérience et qui cherche
évidemment à se loger et à chercher un immeuble, à
acheter une petite maison, un bungalow pour se loger, bien je trouve qu'il
serait souhaitable que ces gens-là soient protégés pour le
premier achat important en fait qu'ils vont faire pendant leur vie de couple.
C'est extrêmement important, parce que d'une part, ils vont pouvoir se
loger à ce moment-là, et pour la famille c'est très
important, et il y a d'autres aspects qui rendent cette chose-là
importante. (15 h 30)
Finalement, pour un jeune couple, la valeur de la maison qu'il habite
constitue souvent la plus grande valeur, le plus grand actif de la famille.
Alors c'est une valeur qui augmente généralement, et qui sert de
sécurité pour la famille. En même temps que cela sert pour
loger les gens, cela sert de sécurité. C'est une valeur. S'il
arrive qu'on ait besoin d'argent, on peut toujours hypothéquer cette
maison, on peut la vendre, on peut faire quelque chose avec, et c'est une
grande sécurité, pour des gens, surtout des gens qui peuvent
avoir des enfants, qui peuvent avoir un besoin d'argent, tout d'un coup. Je
pense que c'est dans l'intérêt public de favoriser l'acquisition
de cette propriété. Alors si les jeunes couples, quand ils font
leur première expérience, si c'est une mauvaise expérience
quand ils achètent leur première maison, bien je trouve que c'est
malheureux; donc, il serait bon de les protéger. Dans le mémoire,
on a émis l'avis que cette protection soit sous forme d'un dédit.
Supposons que la première maison que les jeunes couples achètent
a une valeur de 150 000 $ basée sur la valeur municipale. La
façon de protéger ces gens serait de leur
accorder un délai de dix jours, par exemple, pour se
dédire de la vente et l'annuler. C'est une suggestion que nous faisons.
Cela paraît paradoxal d'exclure d'un seul coup tous les contrats relatifs
à la vente, au louage ou à la construction d'immeubles de
l'article 2719, alors que dans certains cas, ce sont des achats faits par des
gens qui ont réellement la qualité de consommateur et qui
méritent d'être protégés.
Il y a beaucoup de choses qu'on retrouvera dans le projet. Je ne
m'attacherai pas aux textes de loi qui reproduisent plus ou moins les anciens
textes, ce n'est pas la peine. Je m'attacherai surtout aux choses nouvelles.
À la page 4 du projet on a constaté avec satisfaction que
l'article 1423 parle des contrats d'adhésion. La théorie des
contrats d'adhésion, ce n'est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c'est que
la définition a été introduite dans le projet de loi. Il
fallait évidemment qu'elle soit introduite, parce qu'on a fait
découler de cette notion des conséquences juridiques où
les clauses externes sont, en principe, nulles. Externes, ça veut dire
qu'elles sont en dehors du contrat, qu'elles ne sont pas entre le début
du contrat et la signature. Ce sont de bonnes dispositions, on est
entièrement d'accord avec celles-ci. Concernant les nouveaux modes de
paiement, on peut regretter que les cartes de crédit encouragent les
consommateurs à la dépense; c'est un avantage et c'est un
inconvénient, mais on peut difficilement... On se félicite tout
de même qu'il y ait certaines limitations notamment pour
l'émission des cartes de crédit.
À l'article 1782, j'ai trouvé une disposition qui m'a
frappé parce qu'elle ne se trouvait pas dans l'ancien code et qu'il y
avait un certain vide à ce sujet-là. L'article 1782 dit:
"Lorsque, au moment de la vente d'un bien meuble, par un contrat autre qu'un
contrat de consommation - je l'ai souligné parce qu'on y reviendra tout
à l'heure - le prix n'est pas déterminé et que le contrat
ne permet pas de le déterminer, l'acheteur est tenu de payer le prix
généralement exigé, dans des circonstances semblables,
pour un bien de même nature." Autrement dit, il est obligé de
payer le prix du marché.
C'est une bonne disposition, c'est extrêmement logique: quand
quelqu'un ne stipule pas le prix qu'il veut payer, c'est comme à la
Bourse quand on commande quelque chose au prix du marché. C'est
extrêmement logique, mais si logique que cela paraisse, ça
n'existait pas dans l'ancien Code civil et ça remplit effectivement un
vide. Ce qui est malheureux, à mon sens, c'est qu'on ait mis cette
restriction "par un contrat autre qu'un contrat de consommation". C'est dommage
qu'on n'ait pas appliqué cette notion aux contrats de consommation. Je
sais que dans la plupart de ces contrats, il y a un prix qui doit être
fixé, inscrit dans les contrats et qu'il doit y avoir une
évaluation dans le cas de réparations d'automobile, mais il peut
toujours y avoir le cas où il peut y avoir un oubli, ou bien certains
contrats qui ne sont pas prévus...
Le titre préliminaire qui concerne les contrats de consommation
en général ne détermine pas qu'il faut qu'il y ait un prix
fixé dans tout contrat de consommation. Or, dans les contrats usuels,
par exemple s'il s'agit de remplacer une vitre cassée ou de faire
réparer une automobile, un pneu, ou pour toutes sortes de
réparations ou d'achats usuels, il arrive très souvent que les
consommateurs ne se dérangent pas pour demander un prix. Je soumets
qu'il serait utile que cette disposition de l'article 1782 s'applique
même aux contrats de consommation quand il n'y a pas de stipulation
contraire dans la loi. Il me semble que ce serait une bonne chose, parce que
cet article est très logique et que cela donnerait un recours au
consommateur qui pourrait prouver que le prix qu'on lui demande n'est pas celui
du marché. Si c'est beaucoup supérieur au prix du marché,
il pourrait avoir recours. Ce serait plus clair. Les commerçants aussi
sauraient à quoi s'en tenir.
Ce qui nous a beaucoup intéressés dans les contrats
nommés, dans le titre deuxième, ce sont les règles
particulières à la vente d'immeubles résidentiels,
c'est-à-dire les articles 1839 et suivants. Cette partie nous a beaucoup
intéressés, parce qu'elle contribue à protéger
l'acheteur de certains immeubles résidentiels, surtout. Vous avez
l'article 1839 qui dit que dans la vente d'un immeuble résidentiel de
moins de cinq logements, l'acheteur bénéficie d'un dédit
qui s'exerce dans les dix jours. Cela, c'est très intéressant
dans les cas que cela concerne, évidemment. Ce que nous trouvons, au
point de vue des consommateurs, c'est qu'on aurait dû élargir
cette formule non seulement dans le cas d'immeubles de moins de cinq
logements...
La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, M.
Carouzet, votre temps est écoulé. S'il y a consentement des deux
côtés, vous pouvez continuer votre exposé, mais il y aura
moins de temps pour les discussions avec les deux partis.
Une voix: Consentement.
M. Dauphin: Consentement.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, vous pouvez y
aller, M. Carouzet.
M. Carouzet: Merci, je vais essayer d'aller assez vite.
On en est à un passage très important, l'article 1839, qui
concerne l'immeuble résidentiel de moins de cinq logements. C'est cette
formule que nous aurions aimé voir généralisée,
appliquée dans les cas qui concernent spécialement les
consommateurs à petits revenus, comme les jeunes couples, qui pourraient
bénéficier d'une formule de dédit pendant dix jours pour
une maison unifamiliale.
Une dernière chose importante que nous
avons regrettée. Évidemment le titre concerne les contrats
de consommation, nous sommes tout à fait d'accord avec ce titre sur les
contrats de consommation. Mais il y a une chose que nous aimerions, c'est le
rapport entre ce titre et l'actuelle Loi sur la protection du consommateur.
J'ai remarqué évidemment que les dispositions de ce titre
reproduisent en grande partie les dispositions de la Loi sur la protection du
consommateur. Mais on ignore si cela va remplacer complètement la Loi
sur la protection du consommateur ou bien s'il y en a une partie qui va rester
dans une autre loi.
J'ai remarqué que beaucoup de ces dispositions sur les contrats
de consommation font référence à des règlements qui
ont été pris en vertu de la Loi sur la protection du
consommateur. C'est aussi une chose importante. On aimerait que tout le contenu
de la Loi sur la protection du consommateur soit transféré dans
le Code civil, ce qui serait évidemment beaucoup plus clair pour ne pas
obliger les consommateurs à se reporter au Code civil et, en plus de
cela, être obligé de se référer à un texte
séparé, à part. S'il y a des règlements
d'application qui font référence au Code civil, pour les
consommateurs cela va être assez compliqué, s'ils doivent
référer à deux textes différents. C'est une autre
chose.
Enfin, une dernière remarque que j'aimerais vous soumettre. Parmi
les contrats de consommation, il y en a un, si je peux m'exprimer ainsi, qui
brille par son absence et, pourtant, c'est un contrat de consommation qui est
très fréquent et très populaire, c'est le contrat de
rénovation et de réparation d'immeubles.
Dans ma pratique, j'ai eu très souvent affaire avec des
consommateurs qui ont été pris au piège dans des sortes de
contrat. Pour vous donner un exemple, un monsieur est venu une fois à
mon bureau. Il avait demandé à un entrepreneur de lui installer
une porte et il avait versé un acompte de 6000 $ pour faire installer sa
porte. Finalement, il n'a jamais rien eu, il n'a jamais eu de porte; les 6000 $
sont disparus. Le monsieur a fait faillite et non seulement, il a perdu ses
6000 $, mais il a été obligé de payer des frais d'avocat
en plus de sa perte.
Cela est un cas. J'ai eu un autre cas où il s'agissait de
construire un garage. Le monsieur a fait un plan et a reçu un acompte.
Et après, il a été obligé de voir... Il a
récupéré éventuellement son acompte, mais là
aussi, cela a été une perte.
Une autre chose. Lorsque les gens ont des réparations à
faire ne font pas de contrat du tout ou font des contrats, mais qui sont
tellement rudimentaires qu'ils ne les protègent absolument pas. Un
exemple très simple: ils ne pensent même à indiquer la date
du début des travaux et la durée des travaux; avec la
conséquence qu'on attend... Ce monsieur doit venir; doit-il venir
aujourd'hui ou demain? On attend quinze jours ou trois semaines, etc.
Finalement, on se retrouve devant le tribunal. L'entrepreneur fait les travaux
vite, vite, après trois ou quatre mois... et on le poursuit en justice
mais le juge dit: Écoutez, il n'y avait pas de délai de
stipulé dans votre contrat, donc ce n'est pas de l'essence des
obligations. Alors, je soumets que c'est un contrat qu'il serait vraiment
très important d'inclure dans les contrats de consommation. Notre
association a même fait un modèle de contrat: il y en a plusieurs,
mais je dois dire que la plupart des contrats sont faits par des entrepreneurs,
donc, ils sont faits dans l'intérêt, évidemment, des
entrepreneurs. Il y a aussi des garanties qui sont données, mais, en
général, ces garanties sont accordées par des associations
d'entrepreneurs, suivant les conditions des entrepreneurs et non des
consommateurs. Alors, ceci est une critique assez importante. (15 h 45)
Notre association a réellement fait un modèle de contrat
de rénovation ou de réparation qui a eu énormément
de succès parce que je pense que cela répondait vraiment à
un besoin de la population. Non seulement on en a vendu à des
consommateurs, mais même à des entrepreneurs, etc. Je pense qu'il
y aurait lieu de réglementer ce contrat, d'en faire un contrat de
consommation, de soumettre l'entrepreneur à l'obligation d'avoir un
compte en fidéicommis, de ne pas séparer son argent avec l'argent
du client, tant que les travaux n'ont pas été faits, ce qui
figurait d'une certaine façon dans le Code civil, mais il n'y a pas
beaucoup de sanctions et il semble que ce compte en fiducie soit surtout dans
l'intérêt des sous-entrepreneurs plutôt que de celui du
client. Je soumets, évidemment, que cela vient en contradiction avec les
dispositions qui disent que les contrats de consommation ne concernent pas les
immeubles. Ici encore, cela concernerait effectivement les immeubles, mais je
pense que, dans certains cas, les contrats de consommation concernent
effectivement des immeubles et qu'il faudrait essayer de le reconnaître
à l'occasion d'une refonte du Code civil et faire des dispositions
à ce sujet peut-être plus poussées, plus
élaborées que celles qui existent actuellement dans le projet.
Alors, ceci constitue l'essentiel des suggestions de l'Association des
consommateurs.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Me Carouzet. M.
le député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la
Justice.
M. Dauphin: Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors,
au nom du ministre de la Justice du Québec et de mes collègues
ministériels, j'aimerais souhaiter la bienvenue à l'Association
des consommateurs du Canada, représentée par Me Carouzet et Mme
Brisebois, et vous remercier de votre participation à nos travaux.
J'aurais quelques questions à vous poser, sachant déjà que
ma collègue de Groulx a également des questions pour vous et
aussi,
évidemment, notre collègue de Taillon.
J'aimerais tout d'abord vous entretenir sur l'article 1449, qui
introduit la lésion entre majeurs comme motif pouvant donner
accès à la nullité. Alors, qu'est-ce que vous en pensez,
vous, comme porte-parole de l'Association des consommateurs?
Mme Brisebois: Ce n'est pas 1449. M. Carouzet: 1449, oui.
Mme Brisebois: Ah, c'est ça!
Le Président (M. Bélanger): De l'avant-projet de
loi.
Mme Brisebois: Ce n'est pas cela. J'ai compris
"adhésion".
Une voix: La lésion.
M. Carouzet: C'est une très bonne chose,
évidemment. On ne peut pas être contre cette disposition. C'est
évidemment une bonne chose. Cela s'inscrit dans le raffinement du droit
dont est empreint le projet de réforme du Code civil. D'ailleurs, le
deuxième paragraphe montre bien qu'on s'attache ici à
défendre surtout les consommateurs, les gens qui n'ont pas
d'expérience, toujours dans le but de donner une plus grande
égalité entre les gens, une égalité réelle
sur le plan juridique. Alors, au fond cela s'inscrit dans toute cette
démarche qui, par exemple, a fait donner des sanctions aux contrats
d'adhésion. C'est une très bonne chose.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci beaucoup. Toujours concernant le principe
d'introduction d'une fiducie, je vous réfère à titre
d'exemple à l'article 2189. Lorsque vous parliez tantôt de votre
exemple de réparation d'immeuble pour le contrat de 6000 $, vous parliez
d'une porte, je crois.
M. Carouzet: Oui. J'ai vu...
M. Dauphin: Ne trouvez-vous pas que cet article-là
s'appliquerait?
M. Carouzet: J'ai vu cet article: "...dès ce versement,
détenues en fiducie par le professionnel, pour..." Mais, cela
paraît être plus pour le bénéfice des
sous-entrepreneurs que du client en réalité. On voit: "...pour le
bénéfice des sous-entrepreneurs, des fournisseurs de
matériaux et des autres personnes qui participent à la
construction ou à la rénovation de l'immeuble
résidentiel." Effectivement - d'ailleurs je l'ai mentionné
quelque part dans mon mémoire - cela oblige l'entrepreneur à
avoir un compte en fiducie, sauf qu'il n'est pas expressément
mentionné que c'est... On ne voit pas que c'est expressément dans
l'intérêt du client, pour sauvegarder l'argent du client. On ne
voit pas non plus de sanctions à cette obligation, à part une
sanction que j'ai vue quelque part.
M. Dauphin: L'article suivant nous dit clairement que le
professionnel ne peut pas retirer les sommes tant et aussi longtemps que le
travail n'a pas été effectué.
M. Carouzet: Mais, s'il le fait, s'il retire les sommes,
qu'est-ce qui arrive? Je ne vois pas grand-chose qui dit que...
Évidemment, il commet une transgression au Code civil, mais par-de
çà, on aurait aimé que la loi ait plus de dents à
ce sujet-là.
M. Dauphin: C'est sûr qu'on est en matière civile,
évidemment. Sauf qu'il ne peut pas les retirer, c'est en fiducie,
justement.
M. Carouzet: Non.
M. Dauphin: À moins d'envoyer la police chez lui les
surveiller jour et nuit, à part cela...
M. Carouzet: II y a le problème et il pourrait y avoir des
sanctions disciplinaires comme, par exemple, des sanctions disciplinaires
s'appliquent au Barreau. Il pourrait y avoir des sanctions qui seraient
coupées après cela, c'est sûr, pour obliger le
professionnel à respecter son obligation de tenir un compte en fiducie
tant qu'il n'a pas exécuté les travaux de façon
satisfaisante. C'est sûr. D'abord, à ce sujet-là, s'il ne
le fait pas, on peut se poser la question: S'il retire l'argent de son compte
en fiducie, à ce moment-là, qu'est-ce qui arrive du point de vue
disciplinaire? Cela dépendra des autres lois qui seront
édictées du point de vue professionnel. Du point de vue civil,
est-ce que le consommateur perd son argent? Je sais qu'actuellement il y a des
programmes de garantie, avec l'APCHQ. Il y a un nouveau programme qui a
été créé, la CQ, je pense, qui est tout
récent... Une voix: La FCQ.
M. Carouzet: La FCQ. Ce sont des espèces d'assurances qui
sont couplées après le contrat de rénovation. D'abord, il
faut que le consommateur paie ça en plus. C'est lui qui paie.
Deuxièmement, comme je l'ai dit plus tôt, les clauses de ces
contrats-là sont généralement plutôt en faveur de
l'entrepreneur, car ce sont des associations d'entrepreneurs qui donnent les
garanties. Quand on regarde ces contrats, on s'aperçoit que ce sont des
contrats d'adhésion en fait, qui favorisent beaucoup les entrepreneurs,
plus que les consommateurs.
M. Dauphin: Une autre question, si vous
permettez, Mme la Présidente, concerne l'article 1841, qui parle
de la circulaire d'information lorsque la vente porte sur un immeuble
résidentiel de cinq unités de logement au moins. Est-ce que vous
avez une opinion sur cet aspect?
Mme Brisebois: Si je peux répondre... M. Dauphin:
Je vous en prie. Mme Brisebois: C'est déjà...
La Présidente (Mme Bélanger): Mme Brisebois.
Mme Brisebois: C'est déjà dans la Loi sur la
protection du consommateur, c'est très bien, d'après nous. Cela
veut dire que le promoteur ou le constructeur va faire attention à ce
qu'il promet, parce qu'il va être obligé de respecter ce qu'il
promet aux gens. Cela va donner un recours à l'acheteur de la
propriété, s'il n'a pas vraiment respecté ses promesses,
et il va pouvoir débattre son problème, au moins. Souvent ces
contructeurs promettent et pour toutes sortes de raisons, ils ne peuvent pas
donner, mais ils sont tellement bien protégés par tout ce qui les
entoure qu'à peu près tout est une bonne raison pour ne pas
donner ce qu'ils sont supposés donner. On espère que cela va
fonctionner. Cela nous permet de dire aux gens. Gardez tous les
dépliants ou toute la publicité autour d'une maison que vous
allez acheter et vous allez avoir des recours si quelque chose ne fonctionne
pas à votre goût.
M. Dauphin: D'accord. Je sais que plusieurs organismes nous ont
mentionné que cinq unités c'était peut-être un peu
lourd ou trop onéreux, comme représentant des
consommateurs...
Mme Brisebois: Non, cela devrait être plus que cela. Cela
devrait être dans toutes les copropriétés, quant à
nous. Qu'il construise 60 unités ou 5 unités, il doit être
tenu à la même règle. Ce n'est pas plus facile de
construire 60 unités. Comme je vous le dis, si vous regardez les offres
d'achat pour les propriétés en condominium, ces temps-ci,
souvent, elles sont fournies par les associations de constructeurs. Il y a
treize clauses dans cette offre d'achat qui protègent le constructeur au
lieu de protéger l'acheteur de maison. L'acheteur n'a pas beaucoup de
recours. Cela devrait même être poussé plus loin,
d'après nous.
M. Dauphin: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Taillon.
M. Filion: Mme la Présidente, je vous remercie. Je vais
donner la parole, après, à Mme la députée de
Groulx.
Je voudrais remercier les gens de l'Association des consommateurs du
Canada pour leur mémoire, les énergies qu'ils ont investies pour
passer à travers cette brique, quand même relativement
volumineuse, et afin de nous livrer l'essentiel de leur commentaires, je pense
que ce sont des énergies précieuses qui ont été
investies et qui méritent d'être soulignées. En ce qui
concerne l'article 1782, c'est-à-dire la possibilité lors de la
vente d'un bien meuble, lorsque le prix n'a pas été
déterminé dans le contrat, vous suggérez à la page
5 de votre mémoire, en somme vous trouvez le principe tellement bon, que
vous dites: Bien écoutez, il faudrait peut-être l'exporter et
faire en sorte que cela s'applique aux contrats de consommation. Et dans votre
mémoire vous donnez deux exemples, le premier c'est le cas où
l'on se présente chez le nettoyeur pour faire nettoyer son costume et
qu'on ne connaît pas le prix du nettoyage, et le deuxième cas
c'est celui du remplacement d'une vitre. À l'oeil, d'abord, en ce qui
concerne le costume au nettoyage, c'est plutôt un service qu'un bien
meuble.
Une voix: Oui.
M. Filion: Dans le cas de la vitre, il y a une partie où
l'on nous vend la vitre et une autre où celui qui fournit le service,
l'installe également. Alors je voudrais peut-être vérifier
avec vous si vous croyez que cet objectif que vous visiez dans votre
mémoire n'est pas, finalement, en bonne partie, et un peu dans le
même sens que la question de tantôt, du député de
Marquette, résolue par l'article 2722, qui est la lésion contenue
dans le contrat de consommation par rapport à la lésion en
général, celle qui était visée à l'article
1445, je crois.
M. Carouzet: L'article 2722.
M. Filion: Pardon, oui, l'article 2722. En deux mots, est-ce que
les cas que vous auriez à l'esprit et qui toucheraient les contrats de
consommation ne pourraient finalement pas être réglés par
l'article 2722, qui, si j'ai bien compris, est la lésion à
l'intérieur du contrat de consommation, par rapport à l'article
1449 et non par l'article 1445, qui est la lésion en
général?
M. Carouzet: Bien, je dirais que l'article 2722 pourrait
s'expliquer par l'article 1782. On pourrait se référer à
l'article 1782 pour voir justement s'il y a lieu à l'application de
l'article 2722 et je pense que cela aurait un effet de clarté qui serait
certainement souhaitable. J'ai eu par exemple, dans ma pratique, beaucoup de
cas de réclamations, pas seulement pour les consommateurs, parce que
l'article 1782 est d'application générale, et s'applique à
toute la pratique juridique, et j'ai eu le cas très souvent, de comptes
qui étaient contestés, de comptes de n'importe quoi. Ce pouvaient
être des comptes de
ventes, de prêts, de réparation d'autos, ce peut être
de n'importe quoi, c'est très général évidemment,
et l'article 1782 concerne seulement la vente, et c'est ce qu'il faut remarquer
quand même, que cela concerne la vente de biens meubles, mais on pourrait
l'appliquer même à des contrats de services. (16 heures)
Par exemple, le remplacement d'une roue d'automobile, pourquoi pas? Dans
cela, il va y avoir du travail, il va y avoir des choses. C'est un article
très logique et qui n'existait pas dans l'ancien Code civil. Je pense
que pour mieux illustrer cela, c'est mieux de prendre des exemples concrets.
Par exemple, il y a eu des contestations d'une vente d'une certaine
quantité de matériel électronique. Le compte était
contesté. On disait que c'était exagéré. Mais
exagéré par rapport à quoi? Si je dis que 1200 $ c'est
trop cher, mais trop cher par rapport à quoi? Il faut trouver une norme.
Il faut savoir pourquoi c'est exagéré. C'est là que
l'article 1782 vient à notre aide et nous dit: Bien voilà! Quand
il n'y a pas de prix de stipulé, c'est le prix du marché. C'est
ce que dit l'article. Il emploie une autre expression mais, au fond, c'est cela
qu'il dit. Il dit c'est le prix que se vend le produit en question sur le
marché. Cela n'existait pas dans l'ancien code. C'était une
solution logique qui s'imposait mais qui n'était inscrite nulle part, si
bien que les gens pouvaient se demander comment on peut faire une preuve de
cela. Comment peut-on prouver qu'il y a eu une exagération? On fait
venir un expert, on fait venir des gens qui connaissent le prix des choses sur
le marché pour nous dire: Bien voilà, telle chose se vend
à un tel prix. Si le prix normal de la chose en question, des appareils
électroniques, c'est 600 $, supposons un ordinateur, un logiciel,
évidemment que 1200 $, c'est exagéré. À ce moment,
on doit prouver qu'il y a lieu à l'application de l'article 2722. Par
exemple, des comptes d'avocats c'était très facile. Comme les
comptes d'avocats étaient exagérés, c'était facile
pour la raison suivante: les juges qui apprécient ces comptes ont
eux-mêmes été avocats. Ils ont une expérience
personnelle de la chose. Ils savent à combien ils estimaient ces
services. Dans ces cas, la justice fonctionnait très bien parce que les
juges avaient une connaissance personnelle judiciaire de ces choses. Ils
pouvaient rétablir les faits, mais dans d'autres cas c'était plus
difficile. C'est pour cela que je considère que l'article 1782, à
mon sens, ne contredit pas l'article 2722. Au contraire, je trouve que cela se
complète très bien parce que cela donne une norme qui va
permettre à ce moment, si cette norme est dépassée, passer
à l'article 2722 et on va juger.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Taillon.
M. Filion: Non, étant donné l'heure je vais laisser
la parole à Mme la députée de Groulx.
La Président (Mme Bélanger): Madame la
députée de Groulx.
Mme Bleau: Oui, merci. C'est à propos du contrat de
consommation. Vous avez discuté avec mon collègue, tout à
l'heure, de rénovation, de réparation d'immeubles. Par ailleurs,
vous n'abordez pas certains problèmes dont plusieurs organismes de
protection du consommateur nous ont fait part. Entre autres, on nous a saisis
des problèmes liés à la location d'automobile à
long terme...
M. Carouzet: Ah oui!
Mme Bleau: ...à la location, à l'achat d'appareils
électro ménagers ou de vidéos de même que les
problèmes se rattachant au retrait préautorisé. À
titre d'association très impliquée auprès des
consommateurs, on aimerait connaître un peu votre avis sur ces
problèmes.
M. Carouzet: Sur les locations à long terme d'automobiles
par exemple, j'ai pris connaissance du mémoire de l'APA, je l'ai
même ici. Je ne me suis pas tellement attardé sur l'automobile
parce que j'ai pensé justement qu'il y avait d'autres organismes qui
s'en occupaient plus spécialement. Effectivement, il y a là un
problème. J'ai eu une cause, il n'y a pas tellement longtemps, où
une automobile avait été louée. La personne payait et elle
était prise avec une automobile qui était un citron. Elle
était poursuivie par le locateur de l'automobile... Enfin je suis
payé pour savoir comment cela se passe. Je suis entièrement
d'accord avec le mémoire de l'APA. Simplement, je ne m'en suis pas
occupé parce que j'ai pensé qu'eux s'en occupaient. Alors, comme
ils sont plus spécialisés là-dedans, je leur en ai
laissé le souci.
Mme Bleau: Mais vous êtes d'accord avec le mémoire
de l'APA?
M. Carouzet: Oui, il faudrait qu'il y ait quelque chose de fait
dans ce domaine, c'est sûr.
Mme Brisebois: Si je peux me permettre de faire une remarque, on
a eu des plaintes de gens qui avaient loué une auto, qui ont voulu
l'acheter à un moment donné et ils ont eu des
pénalités comme s'ils avaient emprunté à la banque.
Vous savez, les banques ne vous permettent pas de remettre avant le temps. Ils
ont la même chose, ils ont des pénalités comme ça.
Il faudrait étudier ça de très près. C'est ce qu'on
fait d'ailleurs, mais ce sont des problèmes qui viennent d'arriver dans
ce monde-là et ces gens sont très agressifs. Il y a vraiment
quelque chose à faire. On est absolument d'accord pour dire qu'il y a
des choses dans ce milieu-là et c'est difficile de traiter avec eux
parce qu'on a quasiment eu des menaces à un moment donné,
parce qu'on essayait de leur prouver que ce n'était pas
raisonnable de la façon que cela arrive. Alors c'est très
difficile dans ce milieu.
Mme Bleau: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Brisebois.
M. le député de Taillon.
M. Filion: Avec la permission de mes collègues, j'aimerais
demander à Me Pierre Gariépy, notre conseiller juridique à
l'Opposition, de vous adresser une question qui contient des
éléments plus particuliers.
La Présidente (Mme Bélanger): Me
Gariépy.
M. Gariépy: Me Carouzet, à la page 6 de votre
mémoire, vous proposez d'étendre des dispositions de la vente
d'immeubles résidentiels à davantage que le constructeur et le
promoteur, mais aussi à tout propriétaire subséquent. De
plus, vu que les dispositions de la vente d'immeubles résidentiels
confèrent à l'acquéreur la possibilité d'un
dédit de dix jours, le contrat préliminaire confère aussi
le droit à l'annulation de la vente dans une période de trois ans
après la vente et le fait que l'acquéreur doit recevoir une
circulaire d'information si jamais l'immeuble acheté est une
copropriété divise, est-ce que vous proposez, dans votre
mémoire, d'étendre cela à toute personne y compris
à des individus qui vendraient leur résidence? Pouvez-vous
expliciter votre souhait à la page 6?
M. Carouzet: Je comprends le sens de votre remarque.
Évidemment vous dites que cette formule de dédit... pas
forcément la formule de dédit mais ce qui est
déterminé par les articles 1839 et suivants, il y a des sanctions
assez graves. Peut-être que généraliser pourrait avoir des
inconvénients. Je ne dis pas qu'il faille généraliser dans
le sens que cela devrait s'appliquer... même pour ce qui est des
propriétaires subséquents, à beaucoup de contrats. Il
s'agit de choses quand même exceptionnelles. Cela s'appliquerait à
de jeunes couples qui en sont à l'achat de leur première maison
pour une certaine valeur seulement et qui seraient obligés de
déclarer leur condition au vendeur. Donc, à ce moment-là,
il y a certaines exigences de l'article 1839. Peut-être qu'il y a
certaines dispositions comme l'exigence de la circulaire; cela pourrait
être quand même assoupli dans ce cas-là. On n'est pas
obligés de faire une description extraordinaire, mais il n'en reste pas
moins que si, dans les trois ans, il y a découverte de vices
sérieux, de choses qui sont extrêmement graves dans la maison,
à ce moment-là, ce serait bon que cette disposition s'applique
à ce moment dans ce cas seulement, si on découvre des vices
cachés qui, vraiment, diminuent la valeur de la maison d'une
manière très très importante. Je pense que ce serait une
bonne chose de prévoir cette protection. J'en- tends qu'on s'en tient
ici au contrat de consommation, c'est-à-dire à certaines
qualités de l'acheteur qui sont restreintes. Cela devrait être,
par exemple, seulement sa première fhaison et ce serait en dessous d'une
certaine valeur. Enfin, ce serait limité, mais je pense que de cette
manière limitée, ce serait une bonne chose.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M.
Carouzet.
M. Filion: De notre côté, Mme la Présidente,
nous voudrions remercier l'Association des consommateurs du Canada et ses
représentants, Me Carouzet, en particulier, encore une fois, pour avoir
pris la peine de réfléchir sur ce volumineux projet de loi,
probablement un des projets de loi les plus volumineux qu'il m'ait
été donné de voir déposer depuis trois ans;
à partir de l'expérience des gens, des consommateurs dont vous
nous avez fait part, merci de nous avoir livré vos souhaits ou votre
opinion. Encore une fois, je pense qu'il s'agit là d'un travail
très méritoire pour lequel, comme représentant de
l'Opposition officielle, je voudrais vous remercier.
M. Carouzet: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Au même titre que M. le député de
Taillon et au nom du gouvernement du Québec et du ministre de la Justice
qui est ici avec nous, j'aimerais vous remercier pour votre participation
à nos travaux et vous dire que l'équipe de la réforme du
Code civil qui nous accompagne, qui est avec nous, va étudier
attentivement vos recommandations. Merci beaucoup.
Association des offices municipaux d'habitation du
Québec
La Présidente (Mme Bélanger): Au nom des membres de
la commission, nous vous remercions, Me Carouzet et Mme Brisebois pour votre
participation à cette sous-commission et nous vous souhaitons un bon
retour. J'invite maintenant l'Association des offices municipaux d'habitation
du Québec à prendre place à la table des
invités.
Comme pour le groupe précédent, vous avez 20 minutes pour
la présentation de votre mémoire. Il y aura une période de
discussion de 40 minutes entre les deux groupes parlementaires. Alors, si vous
voulez bien vous identifier et présenter la personne qui vous
accompagne.
M. Portelance (Jacques): Mme la Présidente, messieurs,
mesdames. Mon nom est Jacques Portelance, membre de l'exécutif de
l'association et M. Claude Poulin, directeur général,
m'accompagne. Je voudrais, dans un premier temps, vous
signifier que l'Association des offices municipaux d'habitation du
Québec est un organisme sans but lucratif fondé en 1972 dans le
but de représenter, d'informer, de conseiller et de perfectionner les
membres des 530 offices municipaux d'habitation dont le mandat est
d'administrer les habitations à loyer modique et le programme de
supplément au loyer dans le secteur privé.
Nous voulons remercier la sous-commission des institutions de
l'Assemblée nationale de nous donner l'occasion de présenter nos
recommandations. Notre bref mémoire, parce qu'il est bref, vise à
attirer l'attention du législateur sur quelques articles de
l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil, au chapitre de
l'allocation, qui reprennent des articles existants qui sont
particulièrement difficiles d'application pour les offices municipaux
d'habitation. Ces articles vont parfois même à l'encontre de
l'objectif des logements publics, soit de venir en aide aux ménages
à faible revenu. Mon collègue, le directeur
général, M. Claude Poulin, traitera des trois volets qu'on veut
discuter avec vous. Le premier volet: le droit au maintien dans les lieux; le
deuxième volet: la reconduction et la modification du bail et le
troisième volet: les dispositions particulières au bail d'un
logement à loyer modique. (16 h 15)
M. Poulin (Claude): Le premier volet dont nous voulons vous
entretenir est précisément la question du droit au maintien dans
les lieux. Nous sommes tout à fait d'accord au droit au maintien dans
les lieux, donc à cette idée qui avait été
avancée il y a déjà plusieurs années à
savoir de protéger les locataires dans leur logement. Sauf que, si ce
principe-là est justifiable, à notre avis, dans le secteur
privé, il l'est un peu moins dans le secteur public des logements.
L'effet suivant, c'est que l'article 1997 de l'avant-projet de loi
précise que le conjoint d'un locataire ou son concubin, un parent ou un
allié a droit automatiquement au maintien dans les lieux lorsque cesse
sa cohabitation, s'il continue d'occuper le logement et en avise le locateur,
donc l'office municipal d'habitation. Pour un office municipal d'habitation,
cela pose problème parce que le concubin, le parent ou un allié
qui peut demeurer avec la personne qui a signé le bail avec l'office
municipal d'habitation n'est pas nécessairement une personne qui, en
principe, pourrait se qualifier auprès de l'office municipal
d'habitation pour un logement à loyer modique. Dans cet esprit, nous
croyons que l'article devrait exclure les offices ou les habitations à
loyer modique de ce principe. Cela fait longtemps, comme association, qu'on
demande cette exclusion et on a la chance actuellement avec l'avant-projet de
loi de faire valoir encore une fois ce principe. Je pense qu'il y a là
une question d'équité importante pour les locataires demeurant
dans les habitations à loyer modique et le fait qu'on ne croit pas que
le législateur qui subventionne largement les offices municipaux
d'habitation ou les habitations à loyer modique, à raison
actuellement d'une moyenne de 300 $ environ par mois, souhaite que des
personnes qui n'ont pas subi le processus de sélection normal ou qui ne
sont pas comme telles admissibles puissent demeurer là. Donc, c'est le
premier principe que nous voulons émettre et nous suggérons cette
première modification.
La deuxième proposition que nous faisons concernant
l'avant-projet de loi touche la reconduction ou la modification du bail qui est
à l'article 2003 de l'avant-projet de loi et qui reprend essentiellement
l'article 1658 du code actuel. Il se lit comme ceci: "L'avis de modification
qui vise à augmenter le loyer doit indiquer, en dollars, le nouveau
loyer proposé ou le montant de l'augmentation en dollars ou en
pourcentage du loyer actuel." Nous demandons encore une fois d'être
exempté, comme office municipal d'habitation, de cet article-là,
parce que le problème que cela pose est que nous n'avons pas toujours
comme office d'habitation, au moment d'envoyer l'avis d'augmentation, les
renseignements qui nous sont nécessaires pour établir le montant
du loyer. Avec le règlement de location qui est en vigueur dans les
offices municipaux d'habitation, les offices doivent demander aux locataires,
lors de l'avis d'augmentation, des preuves de revenus et ces preuves ne sont
pas toujours disponibles au moment de l'avis. Effectivement, cela pose un
problème d'indiquer le montant exact du loyer si on n'a pas encore
obtenu de la part du locataire les preuves de revenus. Cette
exemption-là, d'ailleurs, existe dans le code actuel à l'article
1658.22. Ce que nous demandons, c'est que l'avant-projet de loi
réintègre, en fait, cet article.
La troisième modification que nous souhaiterions concerne la
section des dispositions particulières au bail d'un logement à
loyer modique, soit les articles 2042 à 2051 de l'avant-projet de loi et
les articles 1662 à 1662.12 du code actuel, où on dit
précisément, à l'article 2047, que: Si le logement ne
répond plus aux besoins du locataire, le locateur peut, à la fin
du bail, reloger dans un logement de la catégorie à laquelle il a
droit un locataire s'il donne un avis de trois mois. Le point qu'on veut
souligner et qui pose problème aux offices d'habitation est que nous
pensons et souhaiterions qu'un office d'habitation, que les gestionnaires de
l'office qui ont à reloger un locataire d'une habitation à loyer
modique dans un logement qui convient mieux à ses besoins, puissent le
faire le plus rapidement. Les exemples sont faciles à trouver. Dans
certains cas le nombre d'occupants dans la famille diminue et de laisser une
habitation à loyer modique de trois ou quatre chambres à coucher
à deux personnes, par exemple, nous apparaît aller à
rencontre de la saine gestion et de la bonne utilisation des fonds publics.
L'article précise qu'on doit les reloger seulement à
la fin du bail et c'est là que cela cause un problème.
Nous souhaiterions pouvoir les reloger, même pendant le bail, sur un avis
de trois mois, pour éviter, par exemple, une situation où la
personne doit demeurer huit ou dix mois dans un logement qui ne convient
absolument pas à ses besoins.
Cela ne fait pas partie du mémoire comme tel, mais je voudrais
également souligner l'article 2051, une modification intéressante
qui figure au projet de loi, parce que cet article dit qu'un locataire d'un
office municipal d'habitation doit donner un avis de trois mois à
l'office plutôt que d'un mois, comme il est indiqué actuellement
dans le code. Cela nous semble plus conforme à ce qu'on souhaite depuis
longtemps, parce que dans le secteur privé, c'est un avis de trois mois,
et nous devons vivre avec un avis d'un mois, ce qui nous semble beaucoup trop
court Donc, la situation qui est apportée dans l'avant-projet de loi
est, à notre avis, tout à fait souhaitable et correcte, et on
espère que l'article restera dans le même état.
Le dernier point que je voudrais souligner, c'est que toute la section
concernant les dispositions du bail d'un logement à loyer modique n'est
pas applicable, comme vous le savez probablement, parce que le ministre des
Affaires municipales n'a toujours pas adopté le règlement de
sélection des locataires dans les offices municipaux d'habitation, ce
qui invalide pratiquement toute la section depuis 1982, à l'exception
des articles 2049, 2050 et 2051 de la nouvelle version de l'avant-projet de
loi. Tout ceci est lié à l'adoption de ce règlement de
sélection, pour que cette section concernant la sélection,
notamment, puisse devenir applicable et, évidemment, comme office, nous
souhaitons que cette section devienne rapidement applicable et que le
règlement soit adopté. Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Poulin. M.
le ministre.
M. Rémillard: Je voudrais tout d'abord, Mme la
Présidente, remercier M. Poulin et M. Portelance d'avoir accepté
de venir présenter leur mémoire aujourd'hui. Je les remercie de
ce mémoire qui est très intéressant, qui porte sur des
points, de fait, dont nous devons discuter. Je voudrais les informer qu'une
étude a été entreprise l'été dernier en
matière de logement à loyer modique dans mon ministère, en
relation avec la Société d'habitation du Québec et la
Régie du logement, et qui fait état des points que vous avez
soulevés dans votre mémoire. Donc, votre mémoire est
très pertinent et il est très intéressant qu'on puisse
vous entendre et faire la relation avec le projet de loi que nous avons.
Dans votre mémoire, donc, vous proposez d'exclure les logements
à loyer modique de l'application du principe du droit au maintien dans
les lieux, principe de base dans la loi.
Est-ce que vous seriez d'accord pour qu'il soit plutôt
prévu que le bénéficiaire du droit au maintien dans les
lieux ne puisse exercer ce droit, à la suite de la cessation de la
cohabitation, que s'il satisfait lui-même aux critères
d'attribution d'un logement à loyer modique?
M. Poulin (Claude): Je pense que cela pourrait être une
avenue intéressante à explorer, effectivement, dans le sens
où si la personne répond aux critères ou doit passer par
le processus de sélection normale, qu'elle réponde en fait aux
critères habituels de sélection d'un office municipal
d'habitation.
M. Rémillard: Je vous remercie. Maintenant, si vous me
permettez, une autre question: Pourquoi faites-vous une exception, dis-je, pour
le conjoint du locataire? Ne croyez-vous pas que le conjoint devrait être
soumis au même principe? Je n'ai pas compris votre raisonnement
là-dessus.
M. Poulin (Claude): La discussion a effectivement
été longue là-dessus, à savoir: Pourquoi exclure le
conjoint? On a décidé de le protéger en pensant
effectivement que le conjoint répondait habituellement aux
critères de sélection des offices municipaux d'habitation et
qu'il devrait à ce moment-là voir son logement
protégé advenant le décès du conjoint, par exemple,
ou une cessation de cohabitation.
La Présidente (Mme Bélanger): D'autres questions,
M. le ministre? Mme la députée de Groulx.
Mme Bleau: Au sujet de la même question, supposons une dame
âgée qui a un logement à loyer modique. Cela arrive
très souvent, j'en ai plusieurs dans mon comté. Je pense entre
autres au conjoint de fait. Selon l'article 2042, vous aimeriez que... La dame
décède, et cela fait plusieurs années qu'elle vit avec un
conjoint de fait. Ce monsieur vieillit, il peut être assez
âgé, cela arrive assez souvent. Même s'il a un peu d'argent,
je ne regarde pas l'argent, je regarde le côté psychologique de
l'affaire, rendu à son âge, il a déjà de la peine
que sa conjointe soit partie, ne pensez-vous pas que cela peut apporter des
problèmes très graves que d'être obligé de
déménager pour lui qui vit bien souvent avec les mêmes
voisins depuis plusieurs années, souvent des voisins qui peuvent l'aider
à l'occasion? Vous dites: II a un peu d'argent, la dame est morte, il
s'en va. Je trouve cela vraiment très dur.
M. Poulin (Claude): On est conscients de cela, effectivement.
Sauf que les offices ont le mandat de répondre aux ménages
à faible revenu. C'est cette catégorie de gens qu'on essaie de
garder dans nos logements. Dans cet esprit-là, c'est sûr que,
comme vous le dites très bien,
psychologiquement, cela peut représenter beaucoup pour la
personne qui survit et qui se voit refuser l'accès à un logement
comme cela. Mais il reste que toujours pour une question
d'équité, comme je le disais au début, il est important
que les logements soient vraiment accordés aux gens qui sont dans le
besoin. Si on garde la personne qui, comme vous dites, est capable de vivre
dans le secteur privé, quand on sait que les listes d'attente sont
actuellement de 30 000 à 35 000 personnes dans les offices municipaux
d'habitation au Québec, le principe d'équité, à
notre avis, n'est pas respecté dans un cas comme cela. Cela nous
apparaît important, en tout cas pour nous autres, d'aller au bout de
notre mandat et de vraiment héberger les gens qui ont un problème
financier sérieux et non pas les autres, bien qu'on soit conscients de
ces problèmes.
Mme Bleau: À ce moment-là, est-ce que vous ne
seriez pas capables de regarder les revenus et de lui faire payer le logement
en conséquence? Tout le monde ne paie pas le même prix.
M. Poulin (Claude): Non, ils paient 25 % de leur revenu. Mais ce
qu'on souhaite, c'est que ce soient des gens à faible revenu,
forcément, c'est le mandat de l'office. Une personne qui aurait des
revenus beaucoup plus élevés et qui paierait 25 % n'aurait pas un
grand intérêt à rester à l'office parce qu'elle
pourrait à ce moment là trouver un logement dans le secteur
privé qui serait aussi intéressant, sinon plus
intéressant.
Mme Bleau: Déraciner quelqu'un de son milieu, c'est
quelque chose à un âge avancé. Je ne parle pas d'un couple
dans la quarantaine. Souvent, cela arrive qu'ils aient plus de 65 ans et je
trouve très regrettable à ce moment-là qu'on soit
obligé de déloger une personne.
M. Poulin (Claude): Je n'ai pas de réponse absolue
là-dessus. Je vous dis que c'est notre mandat. Je comprends que des
situations sont peut-être un peu plus difficiles, mais c'est comme cela
que nous voyons la gestion des offices sur ce plan.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Taillon.
M. Filion: Je vous remercie, Mme la Présidente. Au nom de
la formation politique que je représente, je voudrais vous remercier
d'avoir pris la peine d'examiner l'avant-projet de loi et de nous avoir fait
part de votre point de vue. Beaucoup de groupes ne prennent pas la peine de
venir en commission parlementaire, mais lorsque la loi sera
déposée ou adoptée, on se plaindra. Au moins, aux offices
municipaux d'habitation on peut être d'accord ou non, c'est secondaire,
mais au moins vos réflexions feront partie de l'ensemble de la
cogitation qui aura lieu avant le dépôt d'un projet de loi. En ce
sens, je voudrais vous féliciter des énergies que vous avez
investies dans la préparation de votre mémoire. (16 h 30)
J'ai écouté votre réponse et dans le même
sens que la députée de Groulx, c'est vrai que l'office municipal
de l'habitation a un mandat, celui de loger les personnes à faible
revenu. Mais à l'égard de votre réponse, si la personne
qui vivait avec la personne admissible, le défunt, est elle-même
admissible, le bon sens nous dit que si vous ne la maintenez pas dans les
lieux, elle va probablement venir grossir la liste des personnes admissibles
que vous n'aurez pas placées. En deux mots, vous allez la mettre
à la queue parce que sa demande n'aura pas été faite, etc.
Votre objectif n'est pas moins bien atteint parce que vous décidez de
maintenir une personne, surtout si elle est admissible. Vous comprenez la
distinction que je fais? Si elle est n'est pas admissible, cela serait le sens
de ma deuxième question. Mais dans ma première question je me
dis: Est-ce que vous ne croyez pas qu'en maintenant dans les lieux la personne
qui accompagnait le défunt ou la défunte, cette personne
étant admissible, que vous remplissez quand même votre mandat?
M. Poulin (Claude): Je pense que oui. C'est pour cela que, tout
à l'heure, la solution qu'a proposée M. Rémillard
était intéressante et je l'ai dit dans cet esprit. Les personnes
qui seraient admissibles pourraient demeurer plus facilement...
M. Filion: J'avais comme l'intuition qu'on pouvait s'entendre
là-dessus. Le deuxième problème est un peu plus
corsé. Qu'est-ce qu'on fait avec la personne qui accompagnait le ou la
défunte, dans la mesure où cette personne n'est pas admissible?
Le problème n'est pas simple, bien que, mettre le monde dehors... Est-ce
qu'il ne serait pas possible, à partir des critères de revenus,
d'établir des dispositions particulières sur le plan
administratif, pour régler ce problème?
M. Poulin (Claude): Cette personne pourrait devenir admissible au
moins à Logirente, si elle à 60 ans ou plus. Il existe un autre
programme gouvernemental pour aider les personnes, parce que demeurant dans un
office d'habitation elle n'a pas droit à Logirente, mais si elle en
sort, elle y aurait droit. Cela serait une possibilité d'aide pour une
telle personne. La solution n'est pas facile, j'en conviens, mais il y aurait
au moins ce programme qui existe.
M. Filion: Dans le sens de Mme la députée de
Groulx, en ayant peut-être un préjugé favorable du
côté du maintien dans les lieux. Généralement dans
ces cas-là, les gens sont souvent âgés, il n'y a rien de
pire qu'un déménagement. Cela cause des problèmes, cela
coûte des sous, etc.
M. Poulin (Claude): Je veux vous signaler également qu'on
parle des personnes âgées qui peuvent demeurer avec une autre
personne âgée. Mais il y a également les cas où des
personnes beaucoup plus jeunes ou des personnes d'âge moyen, demeurent
avec des personnes âgées. À ce moment-là, on ne
pense pas qu'une personne de 25 ans qui travaille et dont la vieille
mère décède, doive demeurer dans un logement public toute
sa vie avec un droit absolu au maintien dans les lieux. C'est dans cet esprit
aussi qu'on le fait.
M. Filion: Vous avez raison de le souligner, d'ailleurs. Combien
y a-t-il de places actuellement au Québec dans ce qu'on appelle les HLM,
les habitations à loyer modique? Quel est le parc locatif des HLM?
M. Poulin (Claude): Le parc actuel est de 53 000 logements
publics, donc construits par la Société d'habitation. Il y a
maintenant tout près de 3000 logements dont les offices s'occupent dans
le cadre du programme de supplément au loyer dans le secteur
privé, donc le nouveau programme de 1987, et cela s'adresse strictement
aux familles, ce qui fait donc un parc global que les offices dirigent, de 56
000 logements.
M. Filion: 56 000 logements.
M. Poulin (Claude): Dont à peu près 30 000
réservés aux personnes âgées.
M. Filion: Donc, les autres 20 000 et quelques soit pour les
personnes à faible revenu.
M. Poulin (Claude): C'est cela. Pour les familles à faible
revenu, dont la grande majorité est habitée par des familles
monoparentales dont le chef de famille est de sexe féminin. Nos
statistiques sont très précises à ce sujet.
M. Filion: Oui, et recoupent toutes les statistiques connues qui
démontrent que du côté des familles monoparentales il y a
beaucoup de femmes qui tombent sous le seuil de la pauvreté. Je vous
remercie de ces bonnes explications. Peut-être une autre question. C'est
surtout une explication. À la page 8 de votre mémoire, lorsque
vous recommandez de modifier l'article 2047, 1662.7, afin de permettre à
un office municipal d'habitation de reloger un locataire dont les besoins ont
changé, par un avis de trois mois, non seulement à la fin du
bail, mais à l'intérieur du bail également, vous dites: La
situation actuelle fait en sorte que plusieurs offices doivent maintenir des
logements vides plusieurs mois dans le but de respecter cet article. J'aimerais
saisir la réalité qu'il y a dessous cette recommandation.
M. Portelance: Je peux vous donner un exemple, étant
président d'un office d'habitation...
La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, mais
j'ai besoin du Journal des débats.
M. Portelance: D'accord, merci. Dans le cadre d'un office, si
vous avez dans un édifice, par exemple, trois ou quatre logements de
cinq pièces et demie, pour des familles de deux ou trois enfants, et que
dans une famille après trois ou quatre ans, ou même cinq ans, les
enfants disparaissent, que le couple est là, nous n'avons pas le moyen
actuellement, à moins de leur consentement et à leur demande, de
demander à ce couple de se reloger dans le même édifice,
dans un logement avec une ou deux chambres à coucher. Et sur notre liste
d'attente il y a des familles qui sont dans le besoin et qui attendent parce
que nous n'avons pas de cinq pièces et, demie. C'est dans ce
cadre-là, et l'exemple peut se refléter sur d'autres points
aussi.
M. Filion: D'accord. Est-ce que je dois comprendre par votre
exemple que maintenant vous pouvez le faire, mais à la fin du bail
seulement?
M. Poulin (Claude): C'est ça.
M. Filion: Et vous aimeriez pouvoir répondre aux
modifications des besoins durant le bail?
M. Poulin (Claude): C'est ça. Parce que nous
considérons que nous n'enlevons rien au locataire actuel, nous ne
faisons que lui donner un logement qui est conforme à ses besoins. Donc
nous n'enlevons aucun droit, en fait, nous lui redonnons un logement et c'est
toujours dans un but d'équité. C'est de donner les logements aux
gens qui attendent, parce qu'il y a beaucoup de gens qui attendent à la
porte des offices souvent et qui ont besoin d'une telle grandeur de logement,
compte tenu de la taille de leur famille.
M. Filion: Et qu'est-ce qui fait que des logements peuvent
être libres? Est-ce que c'est le fait que le logement qui pourrait
recevoir cette nouvelle famille, disons qui a perdu ses enfants, lui, vous le
gardez libre pour la recevoir à la fin du bail?
M. Poulin (Claude): Nous sommes obligés, parce que souvent
il n'y a pas un gros parc de logements qui corresponde aux besoins
précis de cette famille-là. Donc il faut le protéger assez
longtemps pour être sûrs d'être capables de reloger ces
personnes-là. Avant de promettre une relocation à quelqu'un il
faut s'assurer que nous allons avoir un logement. Mais, par exemple, si on
vient de signer un bail en juillet et que, dès le mois d'août ou
septembre, on apprend qu'il y a des changements dans la composition
familiale,
il faut attendre dix mois pour faire la modification et à ce
moment, à notre avis, nous sous-utilisons le parc de logements publics.
C'est dans ce sens que nous souhaiterions obtenir une modification.
M. Filion: Les baux que vous signez sont
généralement d'un an?
M. Poulin (Claude): C'est ça.
M. Filion: D'accord. Dans ces cas il y a une partie de vos
locataires qui consentent, mais il y en a d'autres qui ne consentent pas?
M. Poulin (Claude): C'est ça. Il y en a d'autres qui sont
un peu plus réticents, qui effectivement attendent qu'on les pousse
jusqu'à la fin du bail parce qu'ils ne veulent pas. Il y en a qui ne
veulent carrément pas, et qui nous emmènent même à
la Régie du logement, contestant même cet article-là, dans
certains cas.
M. Filion: Cela va.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Taillon. M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. On
nous a informé qu'un de vos gros problèmes actuellement aux
offices municipaux à travers le Québec, ce sont les fausses
déclarations. Une personne se rend à vos bureaux, prétend
effectivement qu'elle a un certain nombre d'enfants et peu de revenus, et
après la signature du bail survient une autre personne dans le logement,
bien souvent avec une rémunération substantielle et apparemment
vos seuls recours dans ces circonstances-là sont les recours de droit
commun, c'est-à-dire des délais et des problèmes
pratiques. Alors ne verriez-vous pas d'un bon oeil à ce moment-là
que le législateur permette au locateur, en l'occurrence à
l'office, de recourir à la Régie du logement pour demander soit
la résiliation du bail, soit des conditions différentes,
considérant qu'il y a eu effectivement une fausse déclaration,
selon évidemment l'importance de la fausse déclaration, mais si
la déclaration fausse est d'une importance telle que l'avocat à
la régie puisse décider que cela vaut une résiliation?
J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Poulin (Claude): C'est un excellent point. Effectivement, on a
de la difficulté avec cela. On pourrait vous citer plusieurs cas
à l'intérieur du réseau des offices où on se fait
prendre dans de telles situations. Les occupants réintègrent le
logement immédiatement après la signature des baux.
Effectivement, si le législateur nous permettait d'aller en
résiliation là-dessus, cela serait très utile. Nous, ce
qu'on souhaitait et si on n'en a pas parlé dans l'avant-projet de loi,
c'est que dans le règlement de location actuelle- ment des logements
à loyer modique qui relève de la Société
d'habitation du Québec, on nous a parlé à un moment
donné qu'il y aurait possibilité qu'un des articles du
règlement de location vienne prévoir cette
possibilité-là sous une forme ou sous une autre, et c'est pour
cela qu'on ne l'a pas amené, en fait, comme tel. Si c'était
prévu comme tel au Code civil, à notre avis, cela serait
très utile et cela nous permettrait de beaucoup mieux contrôler.
Actuellement, les offices n'ont absolument pas de recours là-dessus.
Nous n'avons pas les possibilités de contrôle qu'a le
ministère du Revenu ou qu'ont d'autres organismes. Vraiment, c'est une
très bonne idée que vous avez suggérée.
M. Dauphin: Est-ce que cela se produit fréquemment? Dans
votre expérience pratique, voyez-vous souvent de telles situations?
Oui?
M. Poulin (Claude): Très souvent. Moi, comme conseiller
juridique à l'association, plusieurs offices nous appellent
régulièrement là-dessus et nous disent: Qu'est-ce qu'on
fait? On sait que quelqu'un habite avec une personne depuis X mois depuis la
signature du bail. En vertu de la loi, on ne peut pas augmenter son loyer en
cours de bail. On ne peut même pas l'obliger à venir au bureau et
à s'inscrire comme occupant régulier du logement. On n'a pas de
moyen, on n'a aucun pouvoir vraiment de contrôler cette
personne-là. Vraiment, on est laissés dans le vague total sur ce
plan, oui.
M. Dauphin: Dans le même ordre d'idées, justement,
on parlait de cela tantôt avec l'équipe de la réforme,
est-ce que vous seriez favorable à ce que dorénavant il soit
permis au locateur, toujours dans le même ordre d'idées, de
hausser le loyer en cours de bail, advenant un changement dans la composition
du ménage, évidemment avec l'exemple de tantôt...
M. Poulin (Claude): D'accord.
M. Dauphin: ...si, du jour au lendemain, le concubin arrive et il
fait 50 000 $ par année?
M. Poulin (Claude): C'est une excellente observation
également, et on le souhaiterait beaucoup. Encore une fois, cela devrait
être une modification dans le règlement de location que les
offices ont; ce serait un corollaire intéressant. Actuellement, le
règlement de location permet une diminution de loyer en cours de bail.
Les offices sont obligés de diminuer le loyer si les revenus de la
personne diminuent. On verrait donc d'un bon oeil qu'on puisse également
faire l'inverse lorsque la situation se présente à l'inverse, ce
qu'on ne peut pas faire à cause du régime actuel qui est pour
l'ensemble des propriétaires.
M. Dauphin: À ce moment-là, si vous me le
permettez, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Bélanger): Allez, M. le
député.
M. Dauphin: ...seriez-vous favorable à ce qu'on modifie le
règlement qui régit les offices ou bien qu'on l'inclue dans la
réforme du Code civil?
M. Poulin (Claude): Personnellement, je préférerais
que ce soit inclus dans le Code civil, si c'est possible. C'est un principe
important et, comme les modifications au Code civil sont peut-être moins
fréquentes, ce serait un principe mieux établi que dans un
règlement.
M. Dauphin: D'accord. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres questions?
M. Filion: Non. Au nom de la formation politique que je
représente, je voudrais vous remercier de vous être livrés
à cet exercice de dialogue avec nous, je pense, très fructueux.
De toute façon, vos recommandations, vos suggestions font
désormais partie de la grande marmite qui produira le projet de loi le
plus tôt possible, on l'espère. Quant à nous, nous vous
remercions de votre mémoire et de votre présence.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.
M. Rémillard: M. Poulin, M. Portelance, merci pour votre
intervention et pour ce mémoire. Je pense que la discussion que nous
avons eue démontre très bien la pertinence des remarques que vous
faites valoir dans votre mémoire. Vous soulevez des points très
importants. Ce que vous nous avez dit et les commentaires que nous avons eus de
vous à la suite de nos questions vont nous servir à bonifier ce
projet de loi, et je vous en remercie. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Au nom des membres de
la commission, M. Poulin et M. Portelance, nous vous remercions de votre
participation et nous vous souhaitons un bon retour.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 16 h 45)
(Reprise à 20 h 10)
Société de développement
économique du Saint-Laurent
La Présidente (Mme Bélanger): La sous-commission
des institutions reprend ses travaux.
Nous recevons ce soir la Société de développement
économique du Saint-Laurent, représentée par MM. John
O'Connor et Marc Gagnon. Messieurs, vous avez vingt minutes pour
présenter votre mémoire. Après, il y aura 40 minutes de
discussion entre les deux groupes parlementaires. Si le porte-parole veut
présenter son collègue pour les fins du Journal des
débats.
M. Filion:...
La Présidente (Mme Bélanger): Un instant, s'il vous
plaît.
M. Filion: Avec votre permission, selon les feuilles qui nous
avaient été remises, il y avait trois personnes qui
représentaient la Société de développement
économique du Saint-Laurent. C'est pour cela que j'aimerais que vous
répétiez le nom des personnes présentes.
La Présidente (Mme Bélanger): M. John O'Connor et
M. Marc Gagnon. Cela va?
M. Filion: II serait bon de connaître les titres de ces
personnes.
M. O'Connor (John): Je pourrais peut-être vous le dire tout
de suite. Mon nom est John O'Connor. Je suis membre du comité
législatif de la SODES. En réalité, sur votre liste vous
voyez, je crois, le nom de Raynold Langlois qui est président de ce
comité. Me Langlois étant retenu à Montréal, il m'a
appelé pour que je le remplace ce soir. Je suis accompagné de M.
Gagnon, directeur général de la SODES.
M. Filion: M. Derome.
M. O'Connor: M. Derome n'était pas disponible non plus ce
soir, malheureusement.
M. Filion: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): M. O'Connor, c'est
vous qui allez présenter le mémoire?
M. O'Connor: Exact.
La Présidente (Mme Bélanger): Vous pouvez
commencer.
M. O'Connor: Merci, Mme la Présidente, et merci MM. les
députés. La première chose que je dirais peut-être,
c'est justement de vous remercier de nous avoir reçus ce soir pour
présenter notre mémoire. Vous avez sûrement dû
constater que notre mémoire est très bref. Nous ne nous
arrêtons pas article par article à votre avant-projet de loi.
Notre intervention ce soir sera également brève.
La SODES est, comme vous l'avez dit tantôt, la
Société de développement économique du
Saint-Laurent. C'est un regroupement de
toutes sortes d'intervenants intéressés, on peut dire,
à la Voie maritime et au fleuve Saint-Laurent. Ce sont des armateurs,
des affréteurs. Il y a des avocats, comme moi-même, des
pêcheurs, des municipalités, des ports, des administrateurs de
port. Bref, c'est un regroupement sans but lucratif de plusieurs intervenants
au Québec intéressés à promouvoir le
développement du Saint-Laurent. On s'intéresse à toutes
sortes de problèmes et de situations qui peuvent toucher le
Saint-Laurent, voire la pollution, aller justement jusqu'à un
comité législatif sur la législation de l'Assemblée
nationale et, également, du Parlement canadien. Le but de la SODES est
simplement de former un forum québécois pour veiller justement
à la création d'un climat social, politique et économique,
favorable à l'exploitation du Saint-Laurent. C'est une
société à but non lucratif.
Qu'est-ce qu'on fait ici ce soir? Très bonne question. C'est que
l'avant-projet de loi sur le Code civil nous intéresse comme citoyens,
c'est évident. En réalité, la SODES est simplement
intéressée par quelques articles dans ce projet de loi. Dans la
partie sur les contrats nommés, voire la partie sur
l'affrètement, le transport des biens et sur l'assurance maritime. Comme
l'indique le titre SODES, on est évidemment du monde
intéressé par la Voie maritime, le transport maritime, le droit
maritime. C'est l'aspect maritime du projet qui nous intéresse.
Je ne prendrai pas votre temps pour vous lire le mémoire,
même s'il est bref. Vous allez voir qu'il y a quelques exemples
d'articles avec lesquels on n'est pas exactement d'accord. Mais on va laisser
à d'autres intervenants l'étude, article par article, de ces
dispositions, même les dispositions sur le droit maritime, parce que,
entre autres, certains membres de notre comité législatif de la
SODES, sont également membres d'un comité du Barreau du
Québec qui va présenter un mémoire la semaine prochaine,
je crois, justement ici, sur les articles de droit maritime, dans le sens
d'article par article. Ils ne parleront pas, par exemple, de compétence
législative ou quoi que ce soit. Ils vont simplement parler du contenu,
de la substance. Nous, on va se limiter, comme vous allez le voir, justement
à la juridiction, à la compétence législative de
l'Assemblée nationale. (20 h 15)
En passant, on peut même dire qu'à notre avis le projet est
très bien fait. Le Barreau va sûrement faire beaucoup de
critiques, comme d'autres. Mais en général, c'est une bonne
codification, à notre point de vue, du droit maritime applicable
aujourd'hui au Québec. En parlant de codification, on peut
peut-être se poser la question: Quel est le but de codifier en droit
maritime? Ce n'est pas exactement comme les autres secteurs du Code civil. Je
pense, par contre, que les raisons pour la codification peuvent être
semblables. On peut parler, par exemple, de clarté, d'uniformité.
On peut parler de mettre de l'ordre dans la loi, et ainsi de suite, dans le
droit, pas juste dans la loi. Or, le droit maritime au Québec et au
Canada, tel que pratiqué aujourd'hui, découle surtout de la
"common law", c'est-à-dire le droit anglais. Donc, les avocats
maritimistes s'intéressent beaucoup au droit anglais, au droit
américain, au droit de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de
tout autre coin du monde où le droit anglais est appliqué. On
peut même dire que le monde maritime est assez uni. Cette "common law"
est très flexible. C'est un avantage de ne pas codifier le droit
maritime même s'il y a aussi des avantages à codifier, telles la
clarté et l'uniformité, comme je l'ai dit tantôt.
Alors, la question qui se pose, finalement, c'est: Est-ce qu'on doit ou
non codifier le droit maritime? Là-dessus, la SODES ne se prononce pas
tellement. Au contraire, on trouve votre projet très intéressant
et le palier de pouvoir qui peut codifier le droit maritime serait
certainement, quant à nous, invité à le faire. La question
qui se pose, par contre, c'est: Qui doit le faire? L'Assemblée nationale
ou le Parlement d'Ottawa? La position de la SODES et de son comité
législatif est que, malheureusement, ce n'est pas à
l'Assemblée nationale à faire ce travail. Je vais ouvrir
tantôt une petite parenthèse. Je n'irai pas aussi loin que dire
que l'Assemblée nationale n'a aucun pouvoir en droit maritime. Je n'irai
pas aussi loin, mais je vais dire que, en pratique, le pouvoir qu'il lui reste
est tellement minime que c'est plus théorique qu'autre chose. Je suis
moi-même avocat en pratique de droit maritime. Je ne peux pas penser
à un seul exemple qui tomberait dans cette parenthèse, et je n'en
ai jamais vu un. Mais, théoriquement, cela existerait. J'y viendrai
tantôt. Pour le moment, disons que, comme vous le savez, la constitution
donne, à l'article 91.10°, un pouvoir au gouvernement
fédéral sur "navigation and shipping", comme on dit en anglais,
soit la navigation et les expéditions par eau, comme je pense qu'on le
dit en français. Alors que, à l'article 92.10°, un pouvoir
est donné aux provinces, à l'exclusion des lignes de bateau qui
vont à l'extérieur d'une province, et ainsi de suite.
Alors, la question s'est posée à plusieurs reprises depuis
1967: Qui a juridiction sur "navigation and shipping"? Aujourd'hui, je dirais
que, de façon uniforme, les spécialistes, les juristes au pays
sont d'accord que la navigation comme telle est uniquement sous juridiction
fédérale. La navigation qui porte plus sur la
sécurité, les dispositions sur la construction et l'utilisation
des navires, et ainsi de suite, il n'y a pas un juriste au Québec qui va
dire que cette partie du droit appartient aux provinces. En passant, il n'y a
pas non plus dans votre avant-projet de disposition purement sur la navigation.
il y en a certaines qui vont frôler la navigation, mais on laisse au
gouvernement fédéral la construction et la sécurité
des navires. Par contre, le mot "shipping", qui est un mot extrêmement
difficile à traduire - et je crois
que les expéditions par eau ne traduisent pas du tout le mot
"shipping" - engloble un aspect commercial, un aspect d'échanges entre
des parties, et ainsi de suite, évidemment par voie maritime. La
question est de savoir si c'est exclusivement au gouvernement
fédéral. On peut dire, en gros, oui à cette question. Par
exemple, il y un côté de "shipping" qui tomberait normalement sous
l'article 92, dans le sens que cela peut avoir une certaine nature locale ou de
droit civil, tout comme les exemples qui peuvent être donnés des
chèques et des billets à ordre, des exemples comme le divorce
aussi, pourraient avoir un aspect identique, mais pourtant c'est donné
au fédéral. Alors, la première constatation, c'est
simplement parce que "shipping" peut avoir un aspect local, cela ne veut pas
nécessairement dire que cela ne peut pas être donné au
fédéral, et au contraire, 91.10 dit clairement que "shipping" va
au fédéral.
Le deuxième aspect, c'est que le "shipping" serait seulement
limité par l'article 92, qui donne aux provinces leurs pouvoirs. Alors
92.10° dit clairement que la province veut avoir juridiction sur toutes les
entreprises de nature locale, sauf - et là a), b) et c) sont sur la
liste, et il y en a une en liste - si ce sont des lignes de bateaux, comme ils
disent dans la traduction, faisant affaire entre le Québec et une autre
province, ou un autre pays. C'est là qu'est la parenthèse
à laquelle je me suis référé tantôt. C'est
qu'il est théroriquement possible qu'un "shipping" purement
intraprovincial, au Québec soit de votre compétence. Par exemple,
si on commençait à faire du transport sur le lac Saint-Jean, d'un
bout à l'autre, et qu'on émettait des connaissements à un
bout et on les remettait à l'autre, et ainsi de suite,
théoriquement ce serait possible. On pourrait dire que cela n'a aucun
effet sur le transport international; ce n'est pas interprovincial; c'est
purement intraprovincial. Théoriquement, on pourrait parler d'une
compétence "shipping" au Québec.
Cependant, comme je l'ai dit tantôt, je n'ai jamais vu d'exemple
de cela, mais théoriquement cela pourrait exister. Il y en a
peut-être qui existent, mais le transport maritime étant tellement
international, presque par définition, on utilise des bateaux pour aller
où on ne peut aller autrement, l'aspect intraprovincial est presque
inexistant.
Il y a un arrêt très récent de la Cour
suprême, il y en a un autre que j'ai mentionné tantôt, c'est
l'affaire Buenos Aires Maru, c'est le nom d'un navire, où la Cour
suprême a été appelée, si vous pouvez imaginer,
à trancher un litige qui est arrivé dans le port de
Montréal. Une cargaison a été déchargée dans
un hangar du port de Montréal. Il y a eu un vol. Une action a
été prise contre la compagnie de gardiennage à
Montréal, une compagnie québécoise. La question
était de savoir quel droit s'applique à cela? Le droit maritime
canadien ou le Code civil? Par cet arrêt, la Cour suprême a
très clairement tranché que le droit maritime est un droit
uniforme au Canada, c'est un droit fédéral qui ne relève
pas du tout des provinces, et la cour a donné certaines balises à
ce droit, à savoir de quoi il s'agissait. C'est quand même assez
étonnant de penser que, dans ce contexte, à Montréal c'est
la "common law" qui peut s'appliquer quant aux devoirs d'un gardien sur le
quai, et non le Code civil.
En ce qui concerne l'assurance maritime, la Cour suprême a
également tranché en 1983 que cette matière était
purement une matière fédérale et du pouvoir
législatif fédéral, alors que vous savez qu'il n'y a pas
encore de loi sur l'assurance maritime au fédéral. Il y a un
projet de loi au fédéral qui n'a jamais été
déposé à ce jour mais qui est en préparation, un
avant projet de loi depuis cette décision, mais nous n'avons pas de loi
fédérale. Cependant, la Cour suprême a clairement
indiqué que les lois provinciales, incluant le Québec dans le
Code civil, et incluant les autres provinces, étaient hors de leur
compétence.
En résumé, quelle est la position de la SODES? Nous ne
sommes pas du tout contre le projet tel que rédigé; nous sommes
simplement contre le fait que le Québec l'adopte. Pourquoi? C'est
simple. C'est parce que, comme je l'ai dit tantôt, le but de la
codification c'est la clarté, c'est l'uniformité. Nous avons
l'impression, et nous avons vraiment peur que si ce projet est adopté
tel quel, et je parle des articles du droit maritime seulement et de
l'assurance maritime, je ne m'adresse pas aux autres articles, s'ils sont
adoptés nous allons au contraire créer un système ambigu
au Québec. Pourquoi un système ambigu? Parce que même si ce
projet est une codification en bonne partie des principes de la "common law",
nous sommes en train de couler dans le béton un projet, par la voie de
l'Assemblée nationale, alors que, de notre point de vue,
l'Assemblée nationale ne peut le faire, pour les raisons que j'ai
évoquées.
Le problème que cela va poser, c'est quoi? Pensez, par exemple,
à l'assurance maritime. À part les banquiers, il est difficile
d'imaginer des gens plus nerveux que les assureurs. Alors, si on a un
système au Québec où il y a des règles d'assurance
maritime qui s'appliquent mais que ce ne sont pas les mêmes règles
qui s'appliquent en Angleterre, en Ontario et ailleurs en Amérique du
Nord, on a l'impression qu'on jette une mauvaise lumière sur le
Saint-Laurent, dans le sens qu'il y a là un risque que les assureurs ne
puissent pas bien évaluer. Ils seront toujours en train de nous poser
des questions comme: Quel droit s'applique? Quel article s'applique? Et ainsi
de suite. Et on peut aussi bien leur dire: Écoutez, on pense que c'est
le fédéral. Il nous faudra, chaque fois, aller en Cour
suprême pour nous faire dire si oui ou non tel article du Code civil est
applicable. L'exemple probablement parfait, c'est qu'en 1866 le Code civil
original du Québec a codifié le droit anglais de l'époque
en
bonne partie dans les articles qui ont traité du droit maritime,
articles qui d'ailleurs n'ont presque pas été utilisés
depuis cette époque. Le problème qu'on a eu depuis ce temps,
c'est de savoir, par un exemple très pratique, la limite de tonnage
qu'un navire peut évoquer. Dans le Code civil, il y a une limite de
tonnage de 36 $ par tonneau, je crois, ou quelque chose comme ça, alors
qu'au fédéral c'est trois fois plus. La question nous revient
très souvent, à nous, avocats, et à tout le monde,
à savoir lequel des deux systèmes s'applique. Nous allons dire
maintenant, selon la décision de la Cour suprême, que c'est le
système fédéral. Mais le Code civil demeure tel quel, et
cela crée une ambiguïté que nous voulons absolument
éviter.
Il y a un article du Code civil actuel que j'aimerais souligner et il y
a un article du projet que j'aimerais également regarder
brièvement. D'abord, dans le Code civil, c'est l'article 2496 et, sauf
erreur, je crois que cet article n'est pas dans l'avant-projet sous cette forme
ni sous aucune autre forme. C'est l'article qui prévoyait, en
matière d'assurance maritime, quand le Code civil s'appliquait... Il
disait, entre autres, qu'un contrat était conclu au Québec ou
réputé conclu au Québec s'il était souscrit par une
personne y ayant son domicile ou sa résidence, ou portant sur une chose
ou intérêt au Québec, dès lors que le preneur en
faisait la demande au Québec ou que l'assureur signait ou y
délivrait la police. Très souvent, cet article nous disait que la
loi québécoise ne s'appliquait pas parce que, par exemple, si la
police était demandée par un courtier anglais auprès d'un
assureur anglais, et délivrée à Londres - cela
représente à peu près 92 % des cas actuellement, en droit
maritime - à ce moment-là, l'article 2496 nous dit que le Code
civil ne s'appliquait pas.
L'autre article en est un que vous avez mis dans l'avant-projet, c'est
l'article 2118. Cet article, c'est un peu semblable, est le premier sous le
titre 'Transport maritime des biens", où l'on dit que "...la section
s'applique au transport de biens ou de marchandises par eau effectué au
départ ou à destination d'un port situé au
Québec..." - je ne lirai pas tout, mais, en tout cas, il dit - "...en
autant que la loi fédérale ne s'applique pas." Bon, la loi
fédérale ne s'applique qu'aux expéditions qui partent du
Canada. Donc, dans le cas d'une expédition partant de la Belgique qui
vient au Canada, c'est la loi belge qui s'applique. Et ici, dans le Code civil,
si cela débarque à Montréal, on va dire: Non, c'est le
Code civil qui s'applique. C'est un exemple où l'on est en train de
modifier gravement les règles du jeu. Le Belge qui fait toujours ses
contrats vers le Canada, lui, va peut-être décider de passer par
un autre port, par Halifax ou par la côte Ouest, je ne le sais pas, si on
commence à introduire des articles qui lui diront que le droit maritime,
tel qu'il le connaît, n'existera plus au Québec, ou à
Montréal. Je souligne simplement ces deux articles pour dire que, dans
un cas, dans l'ancien Code civil, on pouvait exclure l'assurance maritime, et
dans l'autre, qu'il faut faire vraiment attention, dans le nouveau projet,
quand on commence à intervenir dans un champ de juridiction contestable,
sinon non existant. (20 h 30)
En conclusion, nous vous demanderions de ne pas adopter les articles
cités dans notre mémoire, mais plutôt d'envoyer la
codification que vous avez si bien faite au fédéral qui est, lui,
en train de faire petit à petit le Code maritime canadien qui sera une
codification de tout le droit maritime, incluant l'assurance maritime pour tout
le Canada. Nous vous suggérons donc de ne pas "scraper" votre projet,
mais de l'envoyer plutôt au législateur fédéral qui
a juridiction à 99.9 % dans le domaine. Je termine en vous rappelant la
petite parenthèse dont je vous ai parlé tantôt: vous avez
au Québec une certaine juridiction sur le transport ou le droit maritime
mais c'est tellement limité, que c'est presque inexistant. Il me semble
qu'il serait beaucoup plus clair et moins ambigu si ce n'était qu'un
seul législateur qui faisait l'intervention. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Me O'Connor.
M. le député de Marquette, adjoint parlementaire du ministre de
la Justice.
M. Dauphin: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord,
j'aimerais souhaiter la bienvenue à la Société de
développement économique du Saint-Laurent
représentée par Me O'Connor et M. Gagnon et vous dire notre
volonté, non seulement de vous écouter mais de vous remercier de
participer à nos travaux. En guise de remarques préliminaires, je
vous dirai qu'il y a une position à l'effet que tous les
constitutionnalistes québécois s'accordent - et c'est
également la position du gouvernement du Québec - à dire
que le transport purement provincial est de juridiction provinciale.
D'ailleurs, on m'indique qu'il y a des cas de jurisprudence
québécoise à cet effet, ce qui m'amène à
vous poser une première question: Considérez-vous que l'opinion
majoritaire en ce qui concerne le jugement de la Cour suprême dans
l'affaire ITO met fin à tout débat sur ce qu'est le droit
maritime canadien et ne laisse aucune place au droit provincial?
La Présidente (Mme Bélanger): Me O'Connor.
M. O'Connor: Merci. Ce serait probablement mal vu de dire que
ça met fin à toute question, mais je dirais ceci... Je ne
voudrais pas prendre le temps de la sous-commission pour essayer de faire
l'analyse de la jurisprudence depuis le début, mais vous savez que le
Canada a eu, en 1867, un reçu, c'était 9110 que j'ai
mentionné tantôt. Mais ce n'est pas exactement en 1867 que la
juridiction est tombée entre les mains du
fédéral. Sans vous décrire les étapes, parce
qu'il y a eu quatre ou cinq lois très importantes, c'est seulement en
1931 avec le Statut de Westminster que le Canada a pris un pouvoir, le plein
pouvoir de mettre en vigueur 9110, c'est-à-dire de faire des lois sur le
transport maritime qui pouvaient avoir un effet sur les bateaux arrivant, les
bateaux partant, etc. sans qu'on veuille dire loi anglaise. Or, depuis 1931, il
y a plusieurs arrêts de jurisprudence dont le dernier c'est ITO. Je ne
dirais pas que ITO ferme toutes les portes et tous les dossiers mais je dirais,
quant à moi, que ça devient de plus en plus clair. Il y a cette
petite parenthèse dont j'ai parlé et vous êtes
là-dedans quand vous parlez d'un transport purement provincial,
intraprovincial.
Je ne dirais pas que toutes les portes sont fermées, mais si vous
décidez d'aller de l'avant avec ces articles dans votre avant-projet,
à ce moment, pour la clarté - parce que la codification c'est en
partie pour une raison de clarté - pourquoi ne pas mettre simplement un
article qui va dire que ces articles ne s'appliquent qu'au transport
intraprovincial étant de compétence québécoise?
À ce moment-là, je me trouve bouché parce que je ne peux
pas dire si ça existe ou non. Vous pouvez dire que, si ça
n'existe pas, il n'y a personne qui va l'invoquer et que, si ça existe,
c'est là. De la façon dont vous avez procédé, sans
dire ce que vous avez dit ou quelque chose de semblable, à 2496, une
question se pose alors: Est-ce que ça s'applique ou non? Je pense que je
dirais à mon client que ça ne s'applique pas, mais, chaque fois,
c'est un débat juridique. Il faudrait clarifier la situation. Je ne sais
pas si je réponds à votre question.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: D'ailleurs, on m'indique que ledit article 2496 est
repris dans le droit international, dans l'avant-projet sur le DIP.
M. O'Connor: C'est quel article s'il vous plaît!
M. Dauphin: Cela fera l'objet de d'autres consultations un peu
plus tard dans d'autres chapitres du Code civil, mais 2496 est repris
justement.
M. O'Connor: D'accord, est-ce que c'est dans l'avant-projet
devant moi.
M. Dauphin: Non. C'est dans un autre chapitre que nous
étudierons ultérieurement, celui du droit international
privé.
M. O'Connor: D'accord. Est-ce que ça va s'appliquer
à l'assurance maritime? Je ne l'ai pas vu...
M. Dauphin: C'est-à-dire qu'il n'est pas dans
l'avant-projet qu'on a devant nous. M.O'Connor: Non,
d'accord.
M. Dauphin: II sera dans un autre avant-projet de loi sur le DIP.
Ce sera un article général.
M. O'Connor: Que vous allez déposer
ultérieurement.
M. Dauphin: C'est cela.
M. O'Connor: C'est cela. D'accord, je ne l'ai pas vu. Cela se
peut.
M. Dauphin: J'aurais une deuxième question, si vous me le
permettez, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Estimez-vous qu'il y a uniformité du droit du
transport maritime si l'on considère que la loi fédérale
est la reproduction d'une convention internationale de 1924 et que la plupart
des États européens ont ratifié les règles deVISBY,
en 1968?
M. O'Connor: Bon, alors, si je peux répondre à
cette question, Mme la Présidente, l'uniformité est
présente mais il y a plus d'un palier en ce qui concerne
uniformité. L'uniformité du droit maritime au Canada, oui, cela
existe. C'est-à-dire que si j'ai un paquet qui arrive à
Montréal ou si j'ai un paquet qui arrive à Vancouver, le droit
maritime est identique. Cela, c'est clairement dit, non seulement dans ITO -
ITO, c'est la décision la plus récente où on le dit - mais
dans plusieurs décisions. C'est un droit uniforme au pays. Mais si vous
partez d'uniformité dans le sens international, c'est évident
qu'il n'y a pas uniformité du droit entre le Canada et tous les autres
pays. Cependant, l'uniformité est un des buts de tous les pays en droit
maritime. Le droit maritime, presque par définition, c'est une
connexion, c'est un pont entre les pays, d'où toutes les conventions
internationales qui concernent le droit maritime, d'où la formation d'un
comité des Nations unies sur le sujet, d'où le IMO, International
Maritime Organization, d'où tous ces organismes internationaux qui
essaient justement d'atteindre l'uniformité. Ce n'est pas possible de le
faire rapidement. Ce n'est pas possible d'avoir tous les joueurs en ligne mais
c'est un but. Par exemple, les règles de VISBY ne sont pas en vigueur au
Canada, effectivement. Elles ne le sont pas aux États-Unis non plus,
mais elles le sont dans la plupart des pays européens. Alors, c'est un
exemple d'un des problèmes de la codification. Pourquoi ne sont-elles
pas en vigueur au Canada? Parce que cela prend une loi pour les mettre en
vigueur. Dans certains pays, cela ne prend pas de
loi. Ils vont simplement dire: Si le gouvernement signe un décret
- vous allez peut-être me dire que cela revient pas mal au même -
on peut les mettre en vigueur par adhésion seulement. Mais au Canada, il
faut absolument légiférer. Alors, effectivement, on
procède très lentement quand il faut modifier la loi chaque fois
et c'est peut-être un autre signe que la codification, dans un certain
sens, n'est peut-être pas souhaitable. Une fois que cela est
codifié, bien, il faut absolument revenir avec un projet de loi, faire
avancer un projet de loi et le faire adopter, etc., avant de pouvoir nous
mettre au pas avec les autres pays. Cela, c'est sur les conventions.
L'autre exemple est sur le droit maritime en général.
C'est un droit non codifié en général. Or, s'il y a un
jugement qui est rendu, admettons, de la Chambre des Lords en Angleterre,
demain, qui parle du contrat d'affrètement, et qui dit que c'est comme
ceci et c'est comme cela que cela fonctionne, alors, s'il arrive que, moi, j'ai
une cause qui est identique, c'est cet arrêt-là qui va
s'appliquer. Alors, il y a une uniformité dans ce sens-là,
oui.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Mme la Présidente, avec la permission des
collègues, je vais demander au professeur Jean Pineau de poser des
questions à nos invités.
La Présidente (Mme Bélanger): D'accord. M.
Pineau.
M. Pineau (Jean): Merci, Mme la Présidente. Je suis
surpris d'entendre dire que le droit du transport maritime n'est pas un droit
codifié. Tous les États d'Europe qui sont des pays de droit civil
ont un droit maritime qui est un droit codifié. Il n'y a que les pays de
"common law" qui n'ont pas un droit maritime codifié. Cela, c'est un
premier point. D'autre part, je suis surpris que vous parliez
d'uniformité du droit maritime canadien. Vous avez dit, cependant, que
le processus était un peu lent, je dirais qu'il est très lent si
on considère que les règles de VISBY datent de 1968 et que le
Canada n'a pas encore bougé, il y a 20 ans de cela, que les
règles de Hambourg datent de 1980 et qu'il n'en est pas question, je
pense que l'uniformité, on n'y est pas encore et je pense qu'on peut y
croire de moins en moins à cette uniformité dont vous parlez.
Quoi qu'il en soit, je suis surpris d'entendre dire qu'il faut évacuer
tout le contrat de transport du Code civil, étant donné que nous
sommes dans une situation qui n'est pas nouvelle: les codificateurs de 1866 se
sont posé la question à savoir s'ils légiféraient
ou non en droit maritime. Dans le Code civil de 1866, il y a
référence aux lois impériales, n'est-ce-pas, dans certains
articles? La même question s'est posée à l'Office de
révision du Code civil et celui-ci a décidé de
présenter un projet de codification du contrat de transport maritime et
d'affrètement. Le fédéral n'a absolument pas
légiféré sur l'affrètement. Il n'y a aucune
disposition dans ce contexte. Donc, c'est le vide juridique le plus complet. On
ne peut dire que le Canada présente des chefs-d'oeuvre de
législation en matière maritime. C'est le néant.
Pardonnez-moi, mais c'est un peu cela. Mais, même s'il n'y a que 1 % de
chances que ce contrat de transport maritime soit appliqué, je ne vois
pas pourquoi il n'y aurait pas, dans le Code civil, des dispositions sur le
contrat d'affrètement et sur le contrat de transport. Quant au contrat
d'assurance maritime, vous avez pu constater qu'on a repris la loi anglaise, en
définitive, et je crois savoir que certaines provinces anglaises
tiennent beaucoup et ont même adopté comme législation, ont
reproduit dans leur propre législation les dispositions de la loi
anglaise.
M. O'Connor: Si je peux me permettre de répondre. M.
Pineau, je partage ce que vous dites, mais je ne le dirais pas exactement dans
ce sens-là. Je vais reprendre vos points un à un. Quand je
parlais d'uniformité du droit, peut-être me suis-je mal
exprimé, mais je voulais dire: uniformité du droit au Canada. Je
ne dis pas que le droit maritime canadien est exactement pareil au droit
maritime allemand. Ce n'est pas le cas d'ailleurs. Mais, je dis simplement que
le droit maritime, dans le pays qui s'appelle le Canada, incluant le
Québec, est uniforme, premièrement.
Deuxièmement, quand on parle d'un vide juridique, là, je
ne peux vraiment pas partager votre avis. On ne parle pas d'un vide juridique,
on parlerait plutôt d'un vide législatif, mais pas juridique.
M. Pineau: Oui, législatif, oui.
M. O'Connor: Exact? Alors, la "common law" remplit le vide. En
anglais, l'expression est: "It is a seamless web". Cela veut dire qu'il n'y a
pas de trou dans le droit, c'est partout. La "commom law" n'a pas besoin
d'être codifiée. Alors, le droit maritime canadien - je ne parle
pas, encore une fois, du droit maritime dans les pays d'Europe qu'ils ont, en
effet, codifié -effectivement, tantôt, quand j'ai dit cela, je
voulais dire le droit canadien, parce que notre droit maritime,
évidemment, étant basé sur la "common law" anglaise, n'est
codifié qu'en partie. Mais parler de vide, absolument pas, au contraire.
Tout est là. Toutes les règles sont là. C'est très
clair. On peut avoir un jugement là-dessus et ainsi de suite sans
être obligés de s'appuyer sur un texte législatif.
Troisièmement, si vous parlez de l'assurance maritime, je suis
d'accord avec vous quand vous dites que quelques-unes des provinces anglaises
ont adopté des lois identiques, par exemple l'Ontario, à la loi
anglaise de 1906. C'est tout aussi légal que les dispositions qui
seront
adoptées par le Québec. Mais juste parce qu'ils ont
codifié comme en Angleterre, cela ne veut pas dire qu'ils ont un pouvoir
législatif. La question ne se posera peut-être jamais en Ontario;
cela se peut. Les gens vont dire: Étant donné que c'est
identique, on n'a pas à se casser la tête à aller en cour
pour se battre et savoir si cette loi ontarienne est légale ou non. Mais
la Cour suprême nous a dit - et j'ai eu le plaisir de plaider cette cause
moi-même - Non, monsieur, c'est le fédéral qui a ce
pouvoir. Alors, dans la cause Triglav, on ne demandait pas que la cour proclame
que les articles du Code civil sur l'assurance maritime soient
déclarés légaux, parce que la police d'assurance
incorporait une loi étrangère de toute façon. Mais, on
aurait pu le demander. La cour était prête. Ils l'ont
concédé de façon unanime: le Québec n'a pas de
pouvoir ni l'Ontario. Alors, la loi ontarienne qui est basée sur la loi
anglaise de 1906 est tout aussi mauvaise que la loi que le Québec
pourrait se donner dans le Code civil.
Maintenant, est-ce que cela veut dire qu'on est devant un vide en
assurance maritime? Je dirais que la réponse est probablement plus
pratique qu'en d'autres choses. Tantôt, quand j'ai dit que 92 % des
polices sont émises en Angleterre, c'est un chiffre. Je ne suis pas
certain si c'est 92 % ou 95 %, mais c'est dans ces chiffres-là. Si vous
suivez les polices d'assurance anglaises depuis 1983, quand ils ont
changé les formulaires de police en Angleterre, ils ont tous
indiqué que c'est le droit anglais qui s'applique. Avant, ils n'avaient
jamais à se poser de questions; il tenaient pour acquis que
c'était le droit anglais qui s'appliquait. Mais ce n'est pas seulement
le Québec qui leur a fait comprendre qu'il y a des arguments pour et
contre... Ils ont simplement décidé de le mettre dans leur
police. (20 h 45)
Donc, 92 % des polices qui régissent des armateurs
québécois incorporent, non pas la loi fédérale,
mais la loi anglaise. Pour l'assurance maritime, de toute façon, la loi
de 1906 n'était qu'une simple codification de la "common law" de
l'assurance maritime telle qu'elle existait depuis au moins le XVe
siècle, je crois. Il ont simplement dit: On va la codifier. Ils ne l'ont
pas inventée, ils l'ont codifiée. Ils l'ont mise comme elle
était et ils ont coulé cela dans le béton. Alors,
même si on n'a pas une telle loi, on va finir par en avoir une au
fédéral, mais avant qu'on ait une telle loi au Canada, on a quand
même toutes ces dispositions dans la "common law", donc je ne peux pas
accepter que quelqu'un me parle de vide.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Pineau.
M. Pineau: Merci, Mme la Présidente. Je laisserai
l'assurance de côté pour l'instant, mais en matière de
transport, lorsque vous dites que le droit maritime est complet grâce
à la "common law" du droit anglais, nous le savons depuis l'affaire ITO,
donc c'est tout à fait récent, 1986. M. O'Connor: ITO,
oui, c'est 1986.
M. Pineau: 1986. Cependant, la décision de la Cour
suprême dans l'affaire ITO ne me paraît pas coulée dans le
béton. Il y a trois juges dissidents et les juges majoritaires ne sont
pas immortels. Les majorités peuvent changer. Je crois savoir que cet
arrêt est très critiqué.
M. O'Connor: II y a une personne qui le critique, c'est un
professeur, M. Braën - je ne sais pas si je prononce bien son nom...
M. Pineau: Oui, oui.
M. O'Connor: ...d'Ottawa. Il l'a critiqué très
fortement dans une revue. J'avoue que je n'ai pas vu d'autre critique. En
avez-vous vu?
M. Pineau: Si vous permettez, Mme Bélanger?
La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M.Pineau.
M. Pineau: Je pense que tous les constitu-tionnalistes, en tout
cas québécois, et certains historiens du droit aussi, trouvent
étonnant de voir une déclaration de la Cour suprême, au
terme de laquelle le droit anglais serait entré au Canada par
l'intermédiaire de la Loi sur la Cour fédérale qui
décide, qui dispose du domaine de compétence de la Cour
fédérale. Je pense qu'il y aurait beaucoup à dire et on
pourrait faire de très longues dissertations sur la question. Il n'est
pas question de débattre cela ici. C'est très douteux.
M. O'Connor: Non, je suis d'accord. Si vous me permettez
d'ajouter ceci: l'article auquel vous vous référez sûrement
dans la Loi sur la Cour fédérale, c'est l'article qui crée
le droit maritime canadien?
M. Pineau: Pardon?
M. O'Connor: Vous avez mentionné la Cour
fédérale. Est-ce que vous voulez parler de l'article qui a
créé le droit maritime canadien, la définition du droit
maritime canadien?
M. Pineau: Oui.
M. O'Connor: Remarquez bien que le problème de la Loi sur
la Cour fédérale, c'est probablement le titre. Cela n'aurait pas
dû s'appeler: Loi sur la Cour fédérale, cela aurait
dû s'appeler: Loi créant une Cour fédérale et
régissant le droit maritime canadien. À ce moment-là, avec
exactement le même texte, vous ne me diriez pas une telle chose. Ce n'est
pas du droit procédural, c'est du droit substantif.
D'ailleurs il y a une partie de la Loi sur la Cour
fédérale qui s'appelle "droit substantif, assez étonnant!
Ce n'est pas seulement une loi qui crée une cour.
Si je peux revenir pour une minute, je dirais ceci. Ici, ce soir, je
représente la SODES. On est un rassemblement de personnes de toutes
sortes de métiers, de toutes sortes de couleurs politiques, de tous les
partis, etc. On représente tout le monde. Il n'est pas question de dire:
On voudrait que cela soit plus au fédéral qu'au Québec. Ce
n'est pas cela du tout. On voudrait simplement éviter
l'ambiguïté qui, nous le prétendons, est
créée, en essayant de codifier, dans le Code civil, une
matière, qui, selon nous, n'est pas québécoise,
premièrement, et, deuxièmement, qui va créer deux
systèmes. Cela va être difficile pour la personne qui envoie ses
marchandises vers le Canada de savoir quel système s'applique, s'il
vient à Montréal, alors que, s'il va à Vancouver ou s'il
va à Halifax, il va le savoir. C'est pour cela qu'on dit, nous, que le
Saint-Laurent va être désavantagé par un projet de loi qui
est peut-être trop moderne. C'est pour cela qu'on aime votre
codification.
Vous m'avez dit tantôt que cela prend des années et des
années avant de faire des changements dans le système actuel du
droit maritime canadien. Je partage cela parfaitement. Je suis moi-même
membre de CMLA. Combien de fois sommes-nous allés gueuler à
Ottawa en disant: Vos lois ne sortent jamais, avancez plus vite. Si le
Québec avance, c'est bien de voir quelqu'un avancer, mais le
problème est: Qui devrait le faire? Si le Québec le fait tout
seul, un expéditeur qui veut envoyer ses colis au Canada ne choisira
peut-être pas le Québec s'il ne sait pas ce que cela veut dire. On
veut simplement éviter cette ambiguïté de deux
systèmes, c'est tout. On voudrait avoir un système
codifié, amélioré, comme tout le monde, mais un
système qui embarque dans le droit maritime canadien que nous
prétendons uniforme.
Sur l'arrêt ITO, ce n'est pas seulement depuis 1986; à mon
point de vue, c'était prévisible. Le fameux dicton selon lequel
le droit maritime est uniforme au Canada vient d'un jugement - si je ne me
trompe - du juge Thurlow qui vient de prendre sa retraite comme juge en chef de
la Cour fédérale il y a un mois. À ce moment-là, le
juge Thurlow était un juge puîné de la Cour de
l'échiquier, je crois que c'était en 1964. C'est la
première fois que cela a été dit et cela n'a jamais
été contredit depuis, nulle part. Les auteurs... Il y en a qui
l'ont peut-être critiqué, entre autres M. Braën, le
professeur Braën l'a critiqué à plusieurs reprises, mais
cela a toujours été dit que c'était un droit uniforme dans
tout le Canada. Cet arrêt-là est mentionné dans
l'arrêt ITO où la Cour suprême reprend ce dicton et le
réitère. Enfin, sur l'arrêt ITO, il y a, effectivement,
trois juges dissidents au Québec. Personnellement, si j'avais une
critique à porter au jugement, je critiquerais les dissidents parce
qu'ils ne motivent pas leur dissidence. On ne sait pas sur quoi ils se basent
sauf qu'ils disent qu'ils sont d'accord avec les juges des cours
inférieures, mais on ne sait pas exactement ce qu'ils pensent sur des
questions si importantes.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Pineau.
M. Pineau: Je me bornerai à dire que, certes, c'est exact
que le juge Thurlow était déjà allé dans ce
sens-là. Mais le juge Marceau, dans l'affaire ITO, n'était pas
allé dans ce sens. Il n'y avait que, au plan de la Cour d'appel, le juge
LeDain qui était allé dans ce sens. Le juge Pratte n'est pas
allé non plus dans ce sens-là, il s'est contenté de dire:
Vous plaidez sur le terrain délictuel, or sur le terrain
délictuel, en droit civil québécois, nous n'avons pas
compétence, c'est tout.
M. O'Connor: M. Pineau, je peux vous faire, peut-être, deux
petits commentaires. Premièrement, en tant que professeur de "common
law" à l'université Laval simplement comme chargé de
cours, je donnais parfois à mes élèves l'arrêt de la
Cour d'appel dans l'affaire ITO en leur demandant: Lequel des trois juges a
raison? Je peux vous dire que j'ai eu plusieurs mémoires assez
intéressants là-dessus. Il y a trois juges avec trois
raisonnements parfaitement différents chacun, dont les deux que vous
avez mentionnés et le juge suppléant qui était... Je ne
m'en souviens pas. Je ne sais pas si vous avez lu le jugement du même
juge Marceau dans l'affaire du transport portuaire du Québec,
daté du mois d'août 1988, où il revient sur la question, au
Québec, de l'arrimage "stevedoring". C'est un port privé et on a
demandé à la cour de déclarer que ce n'est pas le Conseil
canadien qui a juridiction mais que c'est une juridiction
québécoise. C'est un jugement fort intéressant qui va
sûrement être publié. Le juge Marceau, dans un jugement de
20-25 pages, refait l'historique de l'arrimage et de l'arrêt 55, qui est
en soi très difficile à comprendre, sur l'arrimage et son
rôle à jouer au Québec. Le juge Marceau décide que,
effectivement, c'est sans aucun doute dans son esprit une compétence
fédérale, comme tout le reste du droit maritime canadien.
Même si on est au Québec, entre Québécois, il dit:
Ne touchez pas à cela, etc. La Cour suprême a décidé
la semaine passée de ne pas entendre l'appel de cette décision.
Je ne sais pas si vous l'avez lu.
M. Pineau: Non.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres commentaires, M. Pineau?
M. Pineau: Non.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Taillon, si vous voulez conclure.
M. Filion: Vous me demandez quoi, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Bélanger): De poser vos
questions et vous serez le dernier...
M. Filion: D'accord. Je n'en ai pas pour longtemps. Je ne suis
pas constitutionnaliste, encore moins expert en droit maritime. Je pense que
vous avez dit beaucoup de choses, Me O'Connor, j'essaie de bien les saisir.
D'abord sur le plan des compétences, si j'ai bien saisi vos propos, dans
l'hypothèse que j'appellerais minimaliste - vous me corrigerez - vous
dites: Oui, le Québec a une compétence mais elle est tellement
petite, avez-vous dit, tellement minime que ce serait difficile, dangereux de
légiférer, cela créerait de la confusion, etc. Est-ce que
je vous saisis bien, vous avez bien dit cela? Dans l'hypothèse
minimaliste... parce que les jugements de la Cour suprême ne sont pas
coulés dans le béton. Mais, un récent jugement de la Cour
suprême pourrait faire en sorte qu'il existe, donc, une hypothèse
extrêmement minimaliste qui ferait en sorte que la compétence du
Québec se limiterait au transport strictement intraprovincial. Est-ce
que je comprends bien votre propos?
La Présidente (Mme Bélanger): Me O'Connor.
M. O'Connor: Merci, Mme la Présidente. Je crois que vous
comprenez bien, mais je dirais ceci: Je crois que vous avez pris un bout de
phrase et que vous l'avez peut-être collé avec un autre bout de
phrase. Mais, en essence, je pense que c'est cela. Je dirais ceci...
M. Filion: D'accord.
M. O'Connor: J'aimerais juste ajouter un commentaire. C'est vrai
que j'ai dit que la compétence est tellement restreinte, tellement
minime, qu'on peut se demander si cela vaut la peine. Mais, en réaction
à M. Pineau et aux autres membres de la sous-commission, j'ai
suggéré que, si vous décidez que cela vaut la peine, vous
ajoutiez un article pour dire: Ce n'est que dans ce cas où cela
s'applique, soit intraprovincial. Cela va clarifier la situation.
M. Filion: Là-dessus, si vous me permettez, je ne suis pas
professeur de droit et, encore là, je ne suis pas un expert du tout,
bien que les gens d'en face soient gentils et me qualifient parfois de juriste,
ce n'est pas du tout le cas. Mais, le législateur n'a pas besoin de dire
que le contenu de sa législation s'applique aux matières de sa
compétence. Le législateur légifère, donc donne un
contenu qui est toujours défini à l'intérieur de son champ
de compétence, bien sûr. Je veux dire que nous ne pouvons pas
refaire le partage des compétences.
M. O'Connor: Le législateur est toujours
présumé et obligé - pas juste présumé, mais
obligé - de légiférer à l'intérieur de sa
compétence. Cela va de soi. Cependant, dans une matière hautement
économique, une matière de "shipping" comme j'ai dit
tantôt, une matière qui a des implications parfois peu connues
mais très importantes pour le Québec, il me semble intelligent de
faire ce que vous avez déjà fait ou ce que vous vous proposez
déjà de faire à l'article 2118 de l'avant-projet, soit de
définir dans quel contexte une partie du projet s'applique. Je suis
d'accord avec vous que, strictement parlant, il n'a jamais à
définir sa compétence parce que c'est la constitution qui la
définit. Mais, à ce moment-là, on n'aura pas besoin du
tout de l'article 2118. C'est pourtant là. Pourquoi? Parce que c'est
tellement une matière fédérale qu'il faut se
définir. Qu'est-ce qu'on fait là? Est-ce qu'on essaie de faire
une bataille à chaque article sur la juridiction pour avoir autant de
jugements à la Cour suprême qu'on a d'articles dans le Code civil?
Pas du tout. Je pense que c'est peut-être souhaitable de définir
le contexte.
M. Filion: Vous savez, finalement, le partage des
compétences crée... Vous dites: En matière de transport
maritime, c'est important, cela a des incidences économiques. Je n'en
doute point. Je suis convaincu que la matière dans laquelle vous oeuvrez
en général, puisque vous me semblez spécialisé dans
ce secteur, entre autres, est sûrement une matière à forte
incidence économique. Le transport maritime est extrêmement
important au niveau des biens, de l'exportation et de l'importation des biens.
Mais, le partage des compétences entre le Canada et le Québec et
ses provinces, en général, crée une multitude de
situations complexes dans beaucoup de secteurs. Ce n'est pas le seul secteur
où Québec et Ottawa se partagent des compétences. Tous les
jours ou à peu près toutes les semaines, dans cette enceinte de
l'Assemblée nationale du Québec, les législateurs doivent
se référer à des textes constitutionnels. Alors,
là, vous me dites: Écoutez, il faudrait que ce soit simple pour
les gens à l'extérieur et même à l'intérieur.
Mais, il demeure qu'on vit dans un système que l'histoire a voulu tel,
à savoir que les compétences soient partagées. Il y a
d'ailleurs beaucoup d'énigmes constitutionnelles qui ne sont pas encore
résolues. Mais je crois quand même comprendre de vos propos que
vous avez tendance à retirer ce que vous avez dit tantôt et qui
est à la page 11 de votre mémoire, où vous recommandez
à l'Assemblée nationale du Québec de ne pas exercer,
finalement, sa juridiction, aussi petite soit-elle. Je crois quand même
comprendre de vos propos, à la suite de notre discussion, que cette
conclusion qui apparaît à votre mémoire et ce que vous avez
dit tantôt, vous êtes plus porté à la nuancer et
à faire en sorte que les choses
soient le plus claires possible, etc., je dois quand même
comprendre, vous me corrigerez, Me O'Connor, que vous ne recommandez pas
à cette Assemblée nationale d'exercer une compétence
qu'elle aurait, à la suite de notre discussion. (21 heures)
M. O'Connor: Je vais vous corriger effectivement, si vous me le
permettez, ce que je recommande à l'Assemblée nationale de faire,
c'est de retirer de l'avant-projet de loi les articles mentionnés dans
le mémoire. Ce que j'ai voulu faire ici ce soir, c'est d'ajouter - entre
parenthèses, je voyais bien que M. Pineau était là et, de
toute façon, si je ne l'avais pas dit, il m'aurait forcé à
le dire - qu'il y a cette petite juridiction qui existe théoriquement.
Alors, j'ai dit comme première conclusion: Retirez donc cela.
Deuxième conclusion, si vous maintenez cela en disant: Non, monsieur, on
vous entend mais on ne retire pas cette partie-là de l'avant-projet,
mais alors ajoutez cet article pour dire dans quel contexte il s'applique.
C'est ce que je vous dis. Réellement, je ne contredis pas mon
mémoire. Au contraire c'est ma première conclusion, je voulais
être le plus global possible et vous dire qu'il y a des arguments mais
ils sont très minimes et je ne pense pas qu'il vaille la peine de faire
un code comme celui-là. C'est notre première conclusion mais
l'autre dépend de votre choix.
M. Filion: D'accord. Donc, votre conclusion principale est de
recommander aux législateurs de cette Assemblée de ne pas exercer
une juridiction que, par ailleurs, vous admettez comme étant existante
même si minimaliste. Alors Me O'Connor, sans vouloir prolonger nos
débats, vous me permettrez de différer d'opinion avec vous. Je
comprends les contraintes que vous énoncez. Elles existent sur beaucoup
de plans. En ce qui concerne notre formation politique, il n'est pas question
de ne pas exercer une juridiction, d'autant plus que cette
juridiction-là s'est déjà exercée dans le Code
civil il y a plus de 120 années. Alors, de faire en sorte que le
Québec se retire d'un champ de compétence aussi petit soit-il et
le plus circonstanciel, contre l'existence d'une tradition bien appuyée
par des textes législatifs qui existent depuis plus de 100 ans, vous me
permettrez, avec tout le respect que j'ai pour le mémoire que vous avez
présenté et le point de vue que vous avez développé
de façon vigoureuse et articulée, de différer d'opinion
avec vous.
M. O'Connor: Je vous permets de différer d'opinion mais
vous me permettrez de vous souligner une couple de faits parce que vous vous
repliez sur l'histoire au Québec depuis 1866. En 1866, quand le Code
civil a été proclamé, il n'y avait pas d'article 9110 de
la constitution parce que la constitution a été faite
l'année suivante. Deuxièmement, je pourrais vous entretenir sur
le développement, depuis 1867, en droit maritime pour conclure qu'il y a
dans le Code civil des articles sur le droit maritime et sur le sens maritime
depuis 1866, c'est évident, c'est dans le texte. Notre conclusion est
que ces articles n'ont fait que causer de la confusion depuis ces
années-là, sont à 99,9 % non applicables, n'ont pas
été appliqués non plus. Je mets au défi n'importe
quel juriste, incluant M. Pineau, de me mentionner plus qu'une ou deux causes
qui ont parlé de ces articles. Les arrêts qu'ils ont
mentionnés, c'était pour dire qu'ils sont de toute façon
non constitutionnels. Notre conclusion demeure que vous devriez retirer ces
articles de l'avant-projet mais je suis d'accord qu'il y a théoriquement
cette petite compétence. À ce moment-là, cela ne fait pas
de mal, mettez un article pour dire dans le champ de compétence
intraprovincial, point, à la ligne. Je vais vous le rédiger sans
frais si vous me le demandez.
La Présidente (Mme Bélanger): Cela va, M. le
député de Taillon?
M. Filion: Non, je pense qu'on a un groupe qui est prévu
à vingt et une heures, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Un mot pour remercier la société
d'être venue à notre commission défendre son point de vue
et je pense que c'est légitime pour elle de le faire. Évidemment,
c'est difficile de demander à des membres de l'Assemblée
nationale du Québec de ne pas exercer une juridiction, vous le
comprendrez très bien. D'ailleurs, le ministre actuel de la Justice est
spécialisé en droit constitutionnel et vous pouvez être
certain que je lui ferai part de la discussion que nous avons eue ensemble ce
soir. Je tiens quand même à vous remercier de vous être
déplacés et d'avoir participé à nos travaux.
Regroupement des comités logement et
associations de locataires du Québec
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, messieurs, de
votre participation. On vous souhaite bon retour.
J'invite le Regroupement des comités logement et associations de
locataires du Québec à prendre place à la table des
invités. Alors, mesdames et messieurs, j'aimerais vous rappeler la
durée de l'audition. Vous avez vingt minutes pour la présentation
de votre mémoire et suivra une discussion de 40 minutes avec les groupes
parlementaires. Je demanderais au porte-parole de s'identifier et de bien
vouloir présenter les personnes qui l'accompagnent.
M. Cusson (Denis): Bonsoir. Mon nom est Denis Cusson,
président du Regroupement des comités logement et associations de
locataires du
Québec. À ma droite, en partant de l'extrême droite,
M. Marc Berthiaume, secrétaire, Mme Anne Thibeault,
vice-présidente et M. Pierre Marquis, vice-président.
Le Regroupement des comités logement et associations de
locataires existe depuis 1978 et est formé actuellement de onze groupes
situés à Montréal, Montréal-Nord, Longueuil,
Sherbrooke, Victoriaville, Thetford Mines, Québec et Baie-Comeau. Le
regroupement a acquis une vaste expérience sur la question du logement.
Deux de ces groupes ont d'ailleurs plus de quinze ans d'existence et quatre
autres ont plus de dix ans d'existence. Par son travail et celui de ces
groupes-membres, le regroupement rejoint au-delà de 500 000
ménages-locataires à travers la province. Le regroupement a comme
objectif la défense et la promotion des droits des locataires
défavorisés économiquement et/ou socialement. Six
principes de base guident notre travail: assurer l'accès et le maintien
à tous et à toutes à un logement convenable et abordable,
assurer la protection et la conservation du stock de logements locatifs,
favoriser la prise en charge des conditions de vie par les populations, assurer
le droit d'association, assurer l'accès à la
propriété collective sans but lucratif et responsabiliser
l'État quant à la protection, la sauvegarde et la promotion de
ces principes.
Nous avons été très heureux d'apprendre que le
gouvernement du Québec procédait finalement à une
réforme du Code civil. Pour nous, c'était une chose qui
s'imposait. C'est l'occasion de rendre conforme la loi avec la
société actuelle. Nous croyons qu'il est important que les lois
régissant la société soient en mesure de répondre
aux problèmes actuels. Depuis des dizaines d'années, les
associations de locataires ont demandé aux différents ministres
qui ont été responsables de l'habitation des changements à
la loi afin d'apporter une équité juridique entre les locataires
et les propriétaires. Malheureusement, rien ne s'est fait en ce sens
sauf de petits changements à la loi. La révision des articles
touchant la location de logements est initiée par le ministre de la
Justice et non par le ministre responsable de l'Habitation ce qui est, une fois
de plus, révélateur sur l'intérêt porté par
ce dernier à l'endroit du logement locatif et des locataires.
L'ancien ministre responsable de l'Habitation devait d'ailleurs
présenter une politique globable en habitation, il y a de cela plusieurs
mois, et rien n'a été fait. Cela aurait été
l'occation rêvée de faire concorder une réforme sociale
avec la loi régissant les relations entre les individus dans la
société, ce qui ne sera pas, pas encore une fois, le cas avec la
présente réforme.
L'avant-projet de loi comporte quelques modifications
intéressantes par rapport à la loi actuelle. Les modifications
apportées au délai d'avis sur les visites du logement par le
locateur, la novation lors de la cession du bail, les droits du sous-locataire,
le remboursement de répara- tions faites par le locataire, le
délai d'avis d'augmentation de loyer pour les baux à durée
indéterminée, la possibilité de contester la
non-prolongation du bail sous-loué pendant plus de douze mois par le
locataire et la possibilité de dommages punitifs lors des reprises de
possession faites de mauvaise foi nous sont très acceptables. Certaines
d'entre elles permettront de clarifier des ambiguïtés et
réduiront les abus. Nous pensons entre autres à la perte de
jouissance des lieux des locataires lorsque leur logement est mis en location.
La plupart des locateurs ne donnent aucun avis pour les visites.
Cependant, ce ne sont là que des points mineurs. Essentiellement,
il n'y a rien de changé. La refonte du Code civil aurait pu être
une véritable révision des droits et obligations actuels des
propriétaires et des locataires. Ce n'est toutefois pas le cas. Le droit
de propriété a toujours préséance sur le droit
d'habiter un logement convenable à prix abordable. D'ailleurs tout le
Code civil en matière d'habitation est basé sur le droit de
propriété privé, ce qui enlève toute
équité entre le propriétaire et le locataire. Nous croyons
que le propriétaire immobilier ne doit plus avoir de droits absolus sur
le locataire et sur le logement qu'il cède temporairement moyennant
loyer. Depuis longtemps, a été dénoncée la
discrimination dont ont été victimes certains groupes de
locataires. Il n'y a rien de changé à ce sujet dans
l'avant-projet de loi: pas de protection additionnelle. Il en est de même
pour les réparations et les améliorations. Le locataire ne peut
toujours pas contester la nature et l'opportunité des travaux. Or, il a
été démontré que c'est un très bon moyen
pour un propriétaire de se débarrasser de son locataire. Il n'y a
aucune nouvelle mesure pour enrayer le harcèlement et l'intimidation. Si
nous regardons ce qu'il en coûte de ne pas respecter ses obligations,
nous pouvons constater que c'est plus coûteux au locataire qu'au
propriétaire. Par exemple, si le locataire est en retard de plus de
trois semaines dans le paiement de son loyer, le propriétaire peut
obtenir la résiliation du bail peu importe le motif du retard. Par
contre, il n'y a aucune mesure pour forcer le propriétaire à
effectuer une réparation nécessaire à moins que le
locataire ne démontre le danger pour sa santé ou sa
sécurité. Le locataire obtiendra tout au plus une diminution de
loyer ou des dommages et intérêts. Dans le premier exemple, la
cause est jugée d'urgence à la Régie du logement; dans la
deuxième situation, ça prend plusieurs mois. Vous nous direz que
la question des délais d'audition n'est pas du ressort du Code civil et
de votre travail. Toutefois, la détermination des priorités dans
les causes par la Régie du logement est faite à partir de
l'importance de l'infraction qu'en fait le Code civil.
Nous avons analysé les articles touchant le logement locatif de
l'avant-projet de loi et de la loi actuelle avec les principes de base qui
guident nos actions et nous vous proposons les
modifications qui suivent afin que ces principes de base pour
l'habitation soient reconnus. Nous croyons que le Code civil doit
reconnaître les principes suivants: 1° assurer l'accès et le
maintien à tous et toutes à un logement convenable et abordable;
2° assurer la protection et la conservation du stock de logements locatifs
et, 3° responsabiliser l'État dans l'atteinte de ces principes. Nous
croyons qu'une loi encadrant la location du logement doit reconnaître et
viser à faire respecter ces principes de base sans quoi le droit au
logement ne sera réservé qu'à une minorité.
Assurer l'accès et le maintien à tous et toutes à
un logement convenable et abordable. Ce principe vise à faire
reconnaître qu'il est un droit fondamental pour tous et toutes que de
vivre dans un logement de qualité sans devoir débourser une somme
d'argent trop élevée. Vivre dans un logement de qualité ne
devrait pas être le privilège de quelques fortunés. C'est
un droit à reconnaître à tous. Il demande donc de
procéder à un contrôle des commerçants de logements
et de leur imposer un cadre dans lequel ils peuvent exploiter leur commerce
dans le respect d'un droit social.
Les locataires et les locateurs ne sont actuellement pas égaux en
droits et obligations devant la loi. Le propriétaire immobilier a un
droit absolu sur l'immeuble et les logements qu'il met en location. Il peut
faire des reprises de possession, faire son choix de locataires, fixer
unilatéralement le prix et les conditions, accéder comme bon lui
semble dans le logement, mettre fin au bail par différents moyens,
livrer, maintenir le logement dans une qualité douteuse, faire les
améliorations et les changements qu'il désire quand bon lui
semble. (21 h 15)
De son côté, le locataire n'a aucun droit reconnu au
départ. Le droit d'avoir un toit sur la tête n'est même pas
reconnu. Vous nous direz que le locataire a le droit au maintien dans les
lieux. Dans les faits, ce droit est continuellement remis en question par les
droits absolus du propriétaire. Il est contourné, bafoué
mais inopérant.
L'avant-projet de loi n'amène pas de modifications pour
établir un équilibre juridique des deux parties. Le locataire n'a
toujours pas de protection lors de la location d'un logement. Le locateur peut
tout lui demander et ne rien lui donner si le locataire veut absolument avoir
ce logement. Le locataire devra montrer patte blanche à tous les niveaux
car il est obligé d'avoir un logement. Le locateur ne se sent nullement
obligé envers le locataire. Même la loi ne l'oblige pas à
grand-chose à ce niveau. Remettre le prix le plus bas payé quand
le locateur ne le fait pas, il n'y a même pas de pénalité
prévue. Livrer le logement en bon état. Encore là, s'il ne
le fait pas, la Régie du logement considère que ce n'est pas
prioritaire. Il importe donc pour nous que le Code civil rende locataire et
locateur sur le même pied juridiquement.
Une première mesure nécessaire pour protéger les
droits des locataires et contrôler le marché du logement locatif
est l'enregistrement obligatoire des baux. L'enregistrement obligatoire des
baux permettra de faire efficacement le contrôle des loyers,
d'éliminer les clauses inopérantes au bail et d'appliquer
efficacement les lois sur la conversion des immeubles locatifs en
condominium.
Avec l'enregistrement des baux, les nouveaux locataires
connaîtront les dernières conditions du bail. Ils pourront ainsi
mieux contrer les abus dans les hausses de loyer lors du changement de
locataire. Cette année, on a vu apparaître un plus grand nombre de
situations où le propriétaire antidatait la signature du bail. Le
propriétaire voulait ainsi enlever au locataire son droit de
contestation dans les dix jours de la signature. Nous demandons donc que le
nouveau locataire ait toute la durée du premier terme du bail pour
demander une révision du bail. Il est aussi très important que
les parties soient tenues de se conformer au bail enregistré afin
d'éviter des situations comme celles qu'on a vues encore cette
année, à savoir signer un bail à un prix plus
élevé en échange de mois de loyers gratuits.
Les baux non enregistrés ne seront pas valides. Le dernier bail
enregistré devrait servir de bail de référence pour toute
cause devant la Régie du logement.
Maintenir les logements à prix abordable est presque impossible
avec le libre marché. Le libre marché est inopérant dans
le domaine du logement locatif. Contrairement aux autres commerces, la
surproduction de logements locatifs n'entraîne pas une baisse des prix.
La population locataire est très majoritairement prisonnière de
ses conditions économiques et les propriétaires immobiliers le
savent. Ainsi, même s'il y a beaucoup de vacances, le prix du logement ne
baisse pas. Le propriétaire immobilier préférera offrir
des cadeaux plutôt que de baisser ses prix, les lois fiscales
l'encourageant dans ce sens aussi. De plus, ces cadeaux finissent toujours par
être payés par le locataire lui-même l'année suivante
ou sont donnés au détriment de droits des locataires.
Le contrôle des loyers n'est pas une chose nouvelle au
Québec. Certains diront que ça nuira à l'industrie. Cela
réduit les profits du propriétaire, certes, mais n'amène
nullement un déficit. Le contrôle des loyers doit l'être
pour tous les logements. Aussi, dans la mesure que nous proposons, tous les
propriétaires qui désireraient une augmentation de loyer
supérieure à l'indice d'augmentation du secteur de l'habitation
déterminé à partir des variations des taxes municipales de
services, taxes scolaires, des matériaux, de la main-d'oeuvre, en
habitation et des frais de gestion devraient obligatoirement en faire la
demande à la Régie du logement.
Actuellement, il n'y a pas de véritable négociation entre
le propriétaire et le locataire sur le prix du logement et sur les
conditions au bail. Le locataire ne connaît pas le coût des
dépenses effectuées par le propriétaire. De plus, le
propriétaire demande souvent au locataire de prendre une décision
sur l'augmentation proposée six mois avant la fin de son bail, à
un moment où il ne peut savoir quels logements seront disponibles et
à quel prix. Le locataire n'a aucune information, ne peut faire aucune
comparaison. Il ne peut faire aucune négociation le moindrement
juste.
Nous demandons donc que le propriétaire doive obligatoirement
informer le locataire du coût des dépenses effectuées dans
l'immeuble et dans son logement et cela, au même moment où il
envoie son avis d'augmentation de loyer. De plus, le locataire devrait pouvoir
répondre à l'avis du propriétaire jusqu'à deux mois
avant la fin de son bail si le tarif est fixe de douze mois ou plus.
Ainsi une véritable négociation pourrait avoir lieu entre
les deux parties afin de réduire le harcèlement lors de la
signature ou du renouvellement du bail, le locataire devrait aussi pouvoir
annuler l'entente dans les dix jours de la signature. Les
éléments servant à la détermination du prix du
loyer ne devraient plus être l'objet d'un règlement. Nous croyons
qu'il devrait être clairement indiqué dans le Code civil. Pour la
détermination du prix du loyer, nous croyons que seuls les
éléments suivants devraient être retenus. Les taxes
municipales de service, les taxes scolaires, le chauffage, le gaz,
l'électricité, l'entretien, les réparations majeures, les
frais de gestion et l'indexation du revenu net et le coût des
dépenses effectuées pour le locataire.
Nous retirons les taxes sur l'évaluation foncière et les
assurances du propriétaire car le locataire ne tire aucunement profit de
la spéculation foncière et de la revente de l'immeuble, de
même que le remboursement des assurances du propriétaire en cas
d'accident ou de sinistre. Pour la détermination du revenu brut du
propriétaire, nous ne retenons que les revenus réels et
potentiels de location immobilière, résidentielle et commerciale.
Comme actuellement ces dépenses seraient calculées selon les
indices officiels, les dépenses effectuées par le locataire
seraient calculées de la même façon, mais appliquées
sur le montant d'augmentation totale auquel le propriétaire aurait
droit. Dans le cas de rénovation subventionnée, l'indice de
calcul serait réduit en proportion des subventions que le
propriétaire a reçues. Par exemple, les rénovations
subventionnées à 50 %, il serait juste que le locataire
bénéficie aussi d'une part de la subvention.
Ainsi, le locataire bénéficierait aussi du programme de
rénovation. Le système de calcul devrait mettre à
contribution aussi le propriétaire non résident, tout comme elle
le fait envers le propriétaire résident. Le propriétaire
résident absorbe une partie des dépenses tandis que le
propriétaire non résident actuellement ne paie aucun des
coûts. Au niveau de la discrimination, le propriétaire est
toujours en mesure de refuser un logement aux familles, aux personnes d'ethnies
différentes, aux personnes handicapées physiquement ou
mentalement, aux personnes qui refusent de divulguer des renseignements
personnels. Le moyen le plus couramment utilisé pour opérer une
discrimination illégale, c'est de faire remplir au locataire une fiche
de renseignements personnels.
Ainsi, il peut refuser officiellement un locataire pour le motif de la
solvabilité de ce dernier. L'insolvabilité n'est pas
considérée comme un motif discriminatoire par les tribunaux. Le
propriétaire peut aussi refuser de louer à des personnes
assistées sociales, en chômage ou à bas salaires. Nous
demandons donc qu'il soit interdit à un propriétaire d'exiger des
renseignements personnels des locataires. La Régie du logement doit,
à notre avis, avoir juridiction sur les cas de discrimination
étant donné que cela interfère dans la conclusion d'un
bail. De plus, les propriétaires fautifs devraient être
sévèrement pénalisés. La Commission des droits de
la personne doit accentuer son action sur la discrimination dans le logement,
opérer des vérifications continuelles et sur demande servir de
témoin pour le locataire à la Régie du logement.
Il nous apparaît important qu'il soit clairement indiqué
dans le Code civil que le loyer est un bien quérable par le locateur. On
évitera ainsi que le locateur impose des méthodes de paiement qui
sont coûteuses au locataire et souvent non sécuritaires, comme par
exemple, le paiement par la poste, le paiement par mandat-poste, le paiement
chez le locateur lui-même. Ces formes de paiement très courantes
amènent énormément de conflits sur la question du retard
de paiement. Nous déplorons le fait que dans le Code civil on
présume que le logement est déjà en bon état
d'habitabilité et que le locataire a la charge en cas de litige de
prouver que les détériorations ne sont pas dues à sa
faute, en référence, l'article 1929, alinéa 1 C'est le
principe inverse du droit canadien québécois. Il est à la
charge de l'accusateur de prouver que l'accusé est fautif et non pas
à l'accusé de prouver son innocence.
Dans les articles du Code civil, il est fait mention de bon état
d'habitabilité, mais il n'est défini à aucun endroit ce
qu'est un bon état d'habitabilité. Nous suggérons donc que
le Code civil précise un point de référence afin que ce
soit le même pour tous. Bon nombre de municipalités n'ont pas de
règlements sur l'entretien des maisons et d'une municipalité
à l'autre, l'habitabilité est définie différemment.
Nous suggérons, de même, que la province se dote d'un code du
logement et que ce code soit le point de référence.
Au niveau des réparations, on peut cons-
tater qu'elles sont le moyen le plus couramment utilisé pour se
débarrasser d'un locataire de façon légale. La loi
actuelle donne au locateur carte blanche pour faire toutes les
réparations et améliorations qu'il désire. S'il veut
transformer ses logements en logements de luxe il le peut. Le locataire doit en
payer les frais.
Le locataire, même si la loi dit qu'il peut retourner dans le
logement après les travaux, ne retourne que très rarement
étant donné qu'il n'a souvent pas les moyens de payer le prix du
logement après les travaux ou bien qu'il doive voir à la
résiliation du bail qu'il a dû prendre pendant la durée des
travaux. Donc, nous demandons que le locataire ait le droit de contester la
nature et l'opportunité des travaux à la Régie du
logement.
De même, au niveau des programmes de rénovation actuels,
ils n'assurent pas au locataire le retour dans les lieux, ne garantit pas le
maintien dans les lieux avec de faibles dédommagements en argent pour le
départ ou pour le dérangement que ça occasionne. Je pense
particulièrement au programme PARCQ actuel qui est très en
deçà de ce que la Régie du logement accorde dans d'autres
situations.
On croit que le Code civil devrait protéger beaucoup mieux les
locataires évincés temporairement que ce ne peut être le
cas actuellement. Le locataire évincé temporairement peut se
retrouver sans logement si le locateur signe un bail avec une autre personne
avant son retour dans les lieux. Le locataire illégalement
évincé ne peut reprendre son logement. Il ne peut obtenir que des
dommages et intérêts, dédommagements qui sont souvent
ridicules considérant...
La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, il ne
vous reste que 30 secondes.
M. Filion: Consentement, Mme la Présidente, si M. Cusson
veut terminer.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que vous
voulez lire votre mémoire jusqu'à la page 12?
M. Cusson: Non, je n'avais l'intention que de voir les douze
premières pages.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce qu'il y a
consentement pour dépasser le temps?
M. Dauphin: Consentement.
La Présidente (Mme Bélanger): Continuez, M. Cusson,
nous vous écoutons.
M. Cusson: Je vais aller à l'essentiel des points. Donc,
ce qu'on a pu voir dans les cas de rénovation, des locataires ne
pouvaient pas reprendre possession de leur logement parce que le
propriétaire avait reloué son logement à quelqu'un d'autre
et les jugements de la Cour supérieure ont donné que le locataire
illégalement évincé ne pouvait pas reprendre ce
logement-là parce que ça nuirait à une tierce personne. On
voudrait donc que cette situation change.
Au niveau de la résiliation de bail on demande qu'il soit
possible aux locataires qui, pour une raison de santé ou de handicap
physique, ne peuvent plus habiter leur logement, puissent obtenir une
résiliation de bail. Pour une raison d'accident une personne peut
devenir incapable d'habiter le logement qu'elle habite. À ce
moment-là la personne continuera, en plus de subir son handicap, de
devoir trouver un sous-locataire pour le remplacer.
Dans les cas de décès, nous demandons, si le locataire
vivait seul, que le bail prenne fin immédiatement au moment du
décès de façon à ne pas laisser le fardeau du
logement à la succession.
Au niveau de la sous-location, on est très heureux de la
précision apportée entre la sous-location et la cession du bail
pour faire en sorte qu'il y ait plus de cessions de baux que de sous-locations.
Dans la loi actuelle, il n'y a, pour ainsi dire, aucune différence dans
les deux situations. La réforme en amène une qu'on trouve
très intéressante.
Le deuxième principe qu'on veut voir développer, c'est
d'assurer la protection et la conservation du stock de logements locatifs. La
protection et la conservation du stock de logements locatifs sont très
importantes pour les locataires. Sans protection, le parc immobilier locatif
ira au gré des développeurs sans tenir compte des besoins
sociaux. Bien plus, cela amènera un accroissement de demandes de
logements et de services sociaux. Le développement du logement locatif,
pour les ménages défavorisés, passe, à notre avis,
par le développement de la propriété collective sans but
lucratif des logements comme coopérative, OSBL, HLM. Toutefois, nous
sommes encore face à l'entreprise privée comme principal
intervenant dans l'habitation. Étant donné que l'accession
à la propriété privée n'est pas possible pour la
très grande majorité des locataires, il est des plus important
que l'État protège les logements existants afin de ne pas
appauvrir davantage les ménages démunis. (21 h 30)
Pour ce qui est de la reprise de possession, nous demandons qu'elle soit
limitée au seul propriétaire et non plus à toute sa
descendance, comme ce l'est actuellement, de même que nous sommes
totalement contre l'article 2017 qui permettrait la reprise de possession
à l'emphytéote et à l'usufruitier. En permettant cela,
vous ouvrez la porte pour que les gens contournent la loi au sujet de la
conversion des immeubles locatifs en condos et de l'interdiction aux compagnies
de faire une reprise de possession.
En ce qui a trait aux critères de logements
comparables, cela devrait se limiter à la grandeur et aux
services offerts. Nous trouvons injuste envers le locataire, qui a tout fait
pour maintenir son logement a bas prix, que cela se retourne contre lui quand
c'est le temps d'une reprise de possession, parce que actuellement, on
considère le prix du logement dans les critères de logements
comparables. Nous croyons que le propriétaire devrait être
obligé d'indemniser le locataire délogé.
Pour les changements d'affectation, la subdivision, l'agrandissement, la
démolition, on aimerait que les mêmes délais s'appliquent
que pour la reprise de possession; donc, le propriétaire envoie un avis
six mois avant les délais, et si le locataire ne répond pas, le
propriétaire aura la charge de faire une demande à la
Régie du logement, contrairement à la situation actuelle qui est
maintenue, alors que c'est au locataire de faire la demande à la
Régie du logement. Cette double situation est très ambiguë
pour les locataires.
Nous aimerions que ce qui encadre la démolition de logements soit
inclus au Code civil. À l'heure actuelle, c'est dans la Loi sur la
Régie du logement, dans la Loi sur les cités et villes et dans le
Code municipal du Québec. Nous ne comprenons pas pourquoi c'est à
part, alors que ce devrait être dans le Code civil.
Nous croyons qu'on devrait revoir la question du droit de
préemption pour faciliter l'expansion du logement coopératif et
sans but lucratif, c'est-à-dire qu'avant qu'un propriétaire vende
son logement à l'extérieur, à un individu privé, il
devrait l'offrir d'abord aux locataires en place, au GRT et aux offices
municipaux d'habitation. Et puis, aux locataires qui décideraient de
vouloir acheter collectivement cet immeuble pour en faire une
coopérative d'habitation ou un OSBL, on devrait leur donner un
délai pour faire une offre d'achat et un délai
supplémentaire de six mois pour permettre la conclusion de la
transaction.
Finalement, nous croyons que le gouvernement a une part importante
à jouer dans la protection et la promotion des droits des locataires,
parce que nous croyons que la question du logement n'est pas une question
individuelle, mais une question sociale. Quand on voit que le quart des
logements, d'après le livre Se loger au Québec,
nécessite des réparations dites mineures et majeures, nous ne
pensons pas que ce soit une question d'individu à individu. Le fait
qu'il y ait 1 000 000 de ménages qui vivent des maigres prestations
gouvernementales et qui ont des problèmes d'accessibilité
à un logement, nous ne croyons pas que ce soit une question
individuelle. Le fait que le prix des logements au Québec se soit accru
plus rapidement que dans l'ensemble du Canada, nous ne croyons pas non plus que
cela devienne une question d'individu à individu. Étant
donné, donc, que le logement est un problème social, la solution
doit être sociale. L'État québécois a un rôle
très important à jouer pour faire en sorte que vivre dans un
logement de qualité à prix abordable soit le lot de tous les
résidants et résidantes de la province. Donc, nous pensons que
les trois mesures les plus immédiates à entreprendre pour
réaliser cela sont l'enregistrement obligatoire des baux, le
contrôle obligatoire des loyers et l'appropriation collective par le
droit de préemption.
Nous aurions des petites modifications à demander dans les
articles suivants, comme à la page 15, par rapport à l'article
2002. Nous aimerions que les chambreurs soient considérés sur le
même pied d'égalité que les autres locataires, que dans les
cas de renouvellement de bail, le propriétaire doive donner un avis de
trois mois au locataire d'une chambre, et non pas seulement de dix jours.
À la page 16, concernant l'article 2006, nous modifierions aussi les
délais pour éviter au locataire le renouvellement du bail. Donc,
dans le cas d'une chambre, au lieu de dix jours avant la date prévue de
départ, nous le mettrions à trois mois, là aussi, pour
l'équité.
À la page 18, concernant l'article 1982, dans les cas
d'améliorations ou de réparations majeures, nous ne voulons pas
que ce soit seulement dans le cadre des programmes publics de conversion et de
remise en état que cela passe à la régie; nous voudrions
que ce soit dans toutes les situations, y compris dans celles-là. Donc,
l'article tel que libellé est correct. C'est pour préciser que
l'article 1989 aurait à être supprimé pour faire en sorte
que même les programmes comme le PARCQ doivent obtenir l'assentiment de
la Régie du logement et que le locataire puisse faire valoir ses
droits.
À la page 20, concernant l'article 2017, on supprime le
deuxième alinéa, c'est-à-dire que pour la reprise de
possession, c'est seulement le propriétaire de l'immeuble qui peut
reprendre possession d'un logement pour l'habiter.
Je crois que c'est tout.
La Présidente (Mme Bélanger): On vous remercie, M.
Cusson.
M. le député de Marquette, adjoint parlementaire du
ministre de la Justice.
M. Dauphin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'aimerais
tout d'abord souhaiter la bienvenue au Regroupement des comités logement
et associations de locataires du Québec pour sa participation à
nos travaux en sous-commission sur la réforme du Code civil. J'aimerais
tout d'abord lui dire qu'il y a des propositions très
intéressantes dans son mémoire, mémoire qui est quand
même assez complet dans le domaine des relations locateurs-locataires.
Certaines d'entre elles ont des incidences économiques et sociales
très importantes, ce qui est une raison de plus pour apporter un examen
attentif à ses recommandations. Ceci étant dit, ceci
m'amène à une série de questions que nous avons
préparées à son intention.
Concernant l'enregistrement des baux, pour-
riez-vous nous suggérer d'autres moyens que l'enregistrement
systématique à la Régie du logement? Croyez-vous que le
simple dépôt du bail à la régie serait suffisant
pour faire connaître, notamment, de combien était le loyer du
locataire antérieur?
M. Cusson: Disons que techniquement, de la façon dont on
voit l'enregistrement, c'est que peu de temps après la signature du
bail, le propriétaire se doit de le faire parvenir à la
Régie du logement pour qu'il soit conservé et consulté
à la demande de toute personne intéressée. Dans cet
enregistrement, on voit aussi toutes les choses qui peuvent modifier les
conditions du bail. Par exemple, les avis de rénovation, de travaux
majeurs qui peuvent modifier les conditions du bail devraient en faire partie,
de même qu'un programme comme le PARCQ, s'il y a entente. Ce programme a
la particularité que le propriétaire s'engage à un certain
contrôle des loyers, sauf que l'organisme qui est censé superviser
ce contrôle, c'est la SHQ. Mais la SHQ a affirmé qu'elle ne ferait
pas de supervision de façon systématique, que ce serait de
façon aléatoire qu'elle irait voir certains locataires. On pense
que l'organisme le plus en mesure de faire cette supervision et de faire
respecter la loi, c'est la Régie du logement; en ayant le bail sous la
main, elle pourra plus facilement superviser donc faire respecter la loi telle
qu'elle était censée s'appliquer, et non pas au détriment
de la personne.
Par exemple, dans le cas d'un logement rénové dans le
cadre du PARCQ, s'il y a changement de locataires, ce n'est pas évident
que le nouveau locataire saura que le contrôle de son loyer est
censé être supervisé par la SHQ. Ça semble
être un moyen assez draconien qui peut paraître coûteux,
mais, considérant que ces locataires sont en général des
personnes démunies qui n'utilisent pas leur droit de contestation en
tant que nouveaux locataires, on croit que le gouvernement doit faire une
dépense, justifiée, à notre sens, pour les
protéger. Je ne vois pas de moyens techniques autres que ces moyens
radicaux.
M. Marquis (Pierre): II peut y avoir confusion quant à la
définition des mots "enregistrer un bail". J'aimerais connaître
votre définition. Vous avez posé la question: Est-ce que cela
conviendrait que les baux soient déposés? Nous, on le voit comme
cela. Je ne pense pas à un enregistrement chez le notaire, mais à
un dépôt systématique des baux. La Régie du logement
prendrait les données en conséquence, et cela serait suffisant
pour nous.
M. Dauphin: Dans le droit actuel, normalement on enregistre un
bail pour se protéger. Le propriétaire ne peut pas mettre fin au
bail si celui-ci est enregistré. S'il ne l'est pas, cela a moins de
sécurité, en termes de droit préservé.
C'est pour cela qu'on les enregistre.
M. Cusson: On voit aussi une valeur à cet enregistrement
dans le sens que le bail qui est déposé à la régie
est celui légalement en vigueur et ne peut pas être modifié
dans les douze prochains mois. S'il y a des choses, c'est le bail auquel la
régie devra obligatoirement se référer.
M. Dauphin: Je suis d'accord avec vous.
M. Cusson: II y a une valeur d'enregistrement, mais la forme
qu'on voit est plus le dépôt.
M. Dauphin: Je suis d'accord avec vous qu'on parlerait de grosses
dépenses. Combien de logements font l'objet d'un bail au
Québec?
M. Cusson: II y a 1 000 000 de logements, mais si on regarde
combien il y a de contribuables au Québec... Il y a un ministère
qui a un système informatique pour contrôler la taxation, les
impôts. En termes de système, c'est certain que cela va amener des
dépenses majeures, mais considérant que la Régie du
logement, particulièrement depuis sa création, a subi des
diminutions des montants d'argent affectés à ce service, on pense
que c'est de bon aloi de remettre plus d'argent dans ce secteur.
M. Marquis: Juste pour compléter...
La Présidente (Mme Bélanger): Un instant, s'il vous
plaît, si vous voulez attendre que je vous nomme pour les bonnes fins du
Journal des débats, M. Pierre Marquis.
M. Marquis: C'est cela, oui. C'est sûr qu'on ne veut tout
de même pas amener les gens dans un bourbier juridique très
complexe, que ce soient les locataires, les propriétaires. Comme
regroupement, ce que nous voulons ramener, c'est que les gens puissent utiliser
de façon convenable les recours qui leur sont permis actuellement,
c'est-à-dire que si un nouveau locataire a une augmentation trop
élevée de loyer, il peut faire baisser le loyer à la
Régie du logement. On pense que juste par le dépôt des
baux, cela permettrait, par exemple, à une personne âgée
qui signe un bail à titre de nouvelle locataire, qui a un loyer trop
élevé, de faire les démarches pour aller chercher
l'ancienne locataire... C'est très complexe et la loi actuelle n'est
à peu près pas mise en application. L'enregistrement des baux
faciliterait énormément la tâche des gens. Ils n'auraient
qu'à aller à la régie et vérifier si oui ou non le
propriétaire n'a pas raconté de mensonges. Le dépôt
des baux serait suffisant. C'est juste pour alléger le fardeau, pour
faire la preuve.
M. Dauphin: D'accord, merci. J'aimerais passer à une autre
question, si vous permettez, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: ...étant donné que l'heure passe
rapidement. J'aimerais vous entendre davantage sur les difficultés
rencontrées quant à cette notion de bon état
d'habitabilité.
M. Cusson: À l'heure actuelle, le seul code de
référence pour les petites municipalités, entre autres,
c'est le Code du bâtiment canadien. Des municipalités peuvent
avoir un code particulier, mais cela va être sur des normes
générales, par exemple pas sur la moisissure ou la vermine. Mais,
les pénalités en cas d'infraction sont vraiment mineures dans la
plupart des codes qu'on a vérifiés. Ce qu'on demande, c'est un
code qui ait des normes précises sur ce que veut dire l'insonorisation,
sur ce que veut dire un trop gros taux d'humidité dans un logement, des
choses qui soient vraiment plus actuelles que ce que les codes ont
donné.
(21 h 45)
On a vu, par exemple, une décision de la Régie du logement
où un propriétaire a plaidé que son logement
répondait aux normes du Code du bâtiment; par contre, il y avait
un fort défaut d'insonorisation et le locataire a gagné sa cause
parce qu'il a réussi à prouver que même si le
propriétaire respectait le Code du bâtiment, ce n'était pas
en conformité avec la quiétude à laquelle le locataire
avait droit. Donc, les codes actuels ne sont pas suffisamment mis à jour
par rapport aux normes des matériaux utilisés. Il y aurait aussi
un contrôle à faire de façon que ce ne soient pas les
matériaux les moins résistants qui soient utilisés, ceux
aux plus basses normes.
La Présidente (Mme Bélanger): Ça va, M. le
député de Marquette?
M. Dauphin: Ça va pour le moment, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Taillon.
M. Filion: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais à
mon tour féliciter les auteurs du mémoire qui, parfois, se sont
transformés en juristes pour aller même jusqu'à
écrire le texte précis que pourrait prendre leurs
recommandations, si elles étaient acceptées. Il y a dans votre
mémoire un travail assez colossal pour lequel je voudrais vous
féliciter. Dans l'ensemble, vous dites que l'avant-projet de loi
contient des mesures intéressantes, mais que de façon
générale, il est trop timide sur plusieurs points. Vous
suggérez plusieurs améliorations à ce projet de loi. Le
député de Marquette a posé la question qui m'intriguait en
ce qui concerne l'enregistrement obligatoire des baux. Cela pourrait être
un dépôt. Il y a la question des frais, mais vous y soulevez des
avantages qui ne sont sûrement pas négligeables. Il y a le
contrôle des loyers par l'État que vous soulevez
également.
En ce qui concerne la discrimination, je veux vous faire remarquer -
c'est seulement un point de votre mémoire - que l'ethnie, la religion ou
l'orientation sexuelle, c'est déjà couvert par la Charte des
droits et libertés de la personne. Beaucoup de décisions,
d'ailleurs, ont été rendues sur ce plan.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Cusson.
M. Cusson: C'est cela. C'est mis de côté, si on peut
dire. Jamais le propriétaire ne va dire: Bon, tu es une personne
d'ethnie X. Je refuse de louer. On va prendre une méthode qui est dite
objective, qui est le formulaire de renseignements personnels, pour
vérifier la solvabilité de la personne. Puis, le
propriétaire va utiliser la question de la solvabilité pour
refuser une personne, pour ne pas dire que c'est parce qu'elle est
assistée sociale ou bien parce qu'elle est une femme chef de famille. On
contourne la protection qu'on a d'après la charte en utilisant d'autres
moyens qui ne sont pas justifiés, qui ne sont pas nécessaires
à la location d'un logement, soit celui de demander des renseignements
personnels.
M. Filion: Oui, vous avez raison de soulever cela. C'est une
question de preuve.
M. Cusson: Oui.
M. Filion: Vous demandez au propriétaire: Pourquoi vous
avez refusé le candidat locataire X? Le propriétaire peut bien
répondre ce qu'il veut. Mais il demeure qu'il y a des décisions
qui commencent à être rendues par la Commission des droits et
libertés de la personne, des décisions qui vont dans le sens, en
tout cas, d'une plus grande attention de la commission à ce
fait-là. C'est bien rare qu'un propriétaire va arriver à
dire: Franchement, écoutez, je n'ai pas loué à cette
association d'homosexuels parce que c'étaient des homosexuels. Il y a
une question de preuve. Dans le cas, d'ailleurs, que je vous soumets, il y a eu
un jugement de rendu. Bref, on avance un petit peu dans ce secteur-là.
Vous avez peut-être raison de soulever l'ensemble du problème de
la discrimination.
Le député de Marquette vous a aussi interrogés sur
le bon état d'habitabilité. Il y a quelque chose qui m'intrigue.
Vous suggérez en page 16 de votre mémoire qu'un loyer devrait
toujours être quérable. Est-ce que, à votre connaissance,
cette suggestion-là répond à une problématique
quelconque?
La Présidente (Mme Bélanger): M. Cusson.
M. Cusson: Oui. À l'heure actuelle, les gens ne savent pas
de prime abord que le logement,
c'est un bien qui est quérable. On ne le sait, nous, que par des
jugements qui ont été rendus par des tribunaux supérieurs
qui ont déterminé que le loyer est un bien quérable. On
voit, comme on l'a indiqué dans le mémoire, des situations
où le propriétaire, en tout cas un propriétaire de
Québec en particulier, demande à ses locataires de payer par la
poste. Quand il est tanné d'un de ses locataires, il plaide tout simple:
Je n'ai pas reçu le loyer. Donc, il va à la Régie du
logement et demande la résiliation du bail. Il va l'obtenir si le
locataire n'est pas en mesure de faire la preuve qu'il a bel et bien
payé son loyer. Le fait d'avoir un reçu, même si on
lé payait par courrier enregistré... Payer par courrier
enregistré n'est encore pas une preuve que dans la lettre, il y avait
effectivement un chèque. Donc, le fait de payer par un
intermédiaire - le service des postes, par exemple - fait en sorte que
le locataire n'a souvent pas la preuve qu'il a bel et bien acquitté son
loyer. Et les propriétaires ne sont pas très primes non plus
à donner des reçus quand ils reçoivent le loyer. Cela fait
que le locataire a souvent peu de preuves pour démontrer qu'il a bel et
bien payé son loyer.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Taillon.
M. Filion: Vous avez traité de la question des
réparations et des améliorations. Deux autres points. Vous
suggérez quelque chose d'intéressant à la page 8 de votre
mémoire, un droit de résiliation du bail en faveur du locataire
qui ne peut plus habiter son logement pour des causes de santé ou de
handicap physique. J'ai un cas classique qui me vient à l'esprit: c'est
un locataire qui habiterait à un 3e étage et qui, dans un
accident, perd en partie ou en totalité l'usage d'une jambe. Sauf
erreur, vous me dites qu'il n'existe rien actuellement dans notre code. Ce
serait totalement de droit nouveau, c'est cela?
M. Cusson: Oui.
M. Filion: Le problème que cela pose - je pense que c'est
intéressant, ce que vous suggérez - c'est un problème de
preuve, aussi. C'est quoi exactement, un état de santé? Quelle
extension pourrait prendre une disposition comme celle là qui serait
bien intentionnée? Est-ce que vous avez retracé des
précédents ailleurs?
La Présidente (Mme Bélanger): M. Cusson.
M. Cusson: Dans d'autres lois? On n'a pas fouillé d'autres
lois pour voir s'il y avait des choses semblables mais on a souvent, en tout
cas par expérience personnelle, à notre bureau de
Québec, des situations de personnes âgées qui ont
des problèmes cardiaques mais qui demeurent au 3e étage d'un
immeuble où il n'y a pas d'ascenseur. Cette personne-là, à
la recommandation du médecin, devrait déménager, sauf que,
en cours de bail, fa dame ne peut pas déménager à moins de
trouver un sous-locataire. Quand on est une personne âgée, devoir
trouver un sous-locataire, avec toute l'incertitude que cela entraîne
pour cette personne, probablement qu'elle va finir son bail en souhaitant
qu'elle ne finisse pas sa vie dans son 3e étage avec ses
problèmes cardiaques; ou bien, elle va devoir assumer deux loyers. Donc,
il faudra voir les mécanismes. À ce qu'on voit, ce sont les
billets de médecin ou une attestation d'un médecin qui assurent
que, en raison de l'état de santé de la personne, elle ne peut
demeurer dans le logement qu'elle habite.
M. Filion: C'est bien. Il y a un autre point que j'ai
trouvé très original dans votre mémoire, en page 10, soit
le droit de préemption. Vous dites: Ce qu'il faudrait, c'est donner la
possibilité ou la faculté au locataire d'acheter l'immeuble
lorsque le propriétaire décide de le mettre en vente, de
réaliser une transaction. C'est original. Il y a un petit
problème: tout cela prend du temps. Le marché immobilier bouge,
et c'est normal. Vous suggérez un délai de trois mois pour
accepter, pour organiser des coopératives ou des organismes sans but
lucratif, et un délai de six mois pour conclure la vente. L'idée
est intéressante, il s'agit juste de trouver une formule quelconque,
dans un marché qui est libre, tout de même.
M. Cusson: Le délai de six mois existe pour la conversion
en condos. Le locataire qui désirerait utiliser son droit de
préemption et qui fait une offre équivalente à celle de
l'investisseur à l'extérieur a un délai de six mois pour
réaliser sa chose.
M. Filion: Là, vous parlez de la conversion d'un immeuble,
ce n'est pas tout à fait la même chose.
M. Cusson: C'est pour cela qu'on pense que les délais de
trois mois et de six mois seraient justifiés, d'autant plus si c'est un
achat collectif, en raison des délais pour l'enregistrement en tant
qu'organisme sans but lucratif et tout cela.
M. Filion: Vous convenez que la différence est quand
même le fait qu'un transfert de propriété n'impliquerait
pas un changement de locataires, alors que la conversion d'un immeuble locatif
en condos implique des changements en ce qui concerne les personnes qui
habitent l'immeuble.
M. Cusson: Ce n'est pas supposé.
M. Filion: Pardon?
M. Cusson: Ce n'est pas supposé.
M. Filion: Cela dépend de ce qui se produit. M. Cusson:
On le souhaite.
M. Filion: Cela dépend de ce qui arrive effectivement.
Non, je trouve que c'est une avenue intéressante dans la mesure
où on cherche à faire en sorte qu'il y ait de plus en plus de
gens qui se portent acquéreurs. On l'a vu cet après-midi ou ce
matin, je ne me souviens pas, environ 54 % des Québécois sont
propriétaires. Vous savez que ce pourcentage devait être pas loin
de 20 % ou 25 % au début des années soixante-dix. Il n'y a pas si
longtemps. Il y a beaucoup de chemin de fait pour faire en sorte que les
Québécois et les Québécoises soient de plus en plus
propriétaires. Il reste encore un bout de chemin à faire. Des
avenues comme celles-là sont originales. Il s'agit de trouver les
modalités. Comme je l'ai dit ce matin, tout cela va entrer dans la
grande bouilloire des personnes chargées de réviser le Code
civil, c'est-à-dire de préparer un projet de loi.
Je pense que vous vouliez ajouter quelque chose, M. Marquis.
M. Marquis: Oui, c'est cela. Par rapport au droit de
préemption, la loi actuelle le permet pour ce qui est de la conversion
en condos. En tout cas, il y en a plusieurs qui veulent s'orienter
là-dessus. Ce qu'on veut ramener là-dedans, c'est la
possibilité de l'élargir en dehors de la conversion en
copropriétés. Donc, c'est l'élément qui a
été ramené. Les délais qui ont été
amenés là sont très liés en fonction de la
réglementation de la loi actuelle quand on veut faire des
coopératives d'habitation. Ce sont des délais qu'on retrouve un
peu partout. C'est bien sûr que si, dans la loi, en ce qui concerne la
Société d'habitation du Québec, pour faire des
coopératives ou des organismes sans but lucratif, et dans celle du
fédéral, on pouvait accélérer le processus pour
restreindre les délais, ce serait très intéressant.
L'autre aspect qui a été amené par les
municipalités, il y en a plusieurs qui veulent le développer,
entre autres, les offices municipaux de l'habitation. Ils veulent utiliser le
droit de préemption et les municipalités aussi. Donc, il y a un
gros débat qui est en train de se faire actuellement en ce qui concerne
le droit de préemption pour essayer de l'élargir en dehors de la
conversion en condos, c'est bien sûr.
M. Filion: Au nom de l'Opposition officielle, MM. Cusson et M.
Marquis, Mme Thibeault et M. Berthiaume, je vous remercie à la fois pour
la qualité de votre mémoire et pour notre discussion de ce soir.
Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Taillon.
M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Oui, Mme la Présidente.
Juste avant de vous remercier à mon tour, j'aimerais poser une
dernière question qui est relative à l'article 1932 de
l'avant-projet de loi, qui parle de cession de bail. Je crois que dans votre
mémoire, vous vous êtes prononcés en faveur de cet article
qui est de droit nouveau, qui opère novation, c'est-à-dire qui
libère l'ancien locataire. À votre connaissance est-ce qu'il y a
beaucoup d'abus en matière de cession de bail, de sous-location?
M. Cusson: C'est que les locataires ne savent pas ce que la
cession de bail veut dire. Ils n'y voient aucun avantage vraiment
différent de la sous-location. En tout cas, on pourrait dire que c'est
relativement récent pour nous, dans le sens que cela fait un an et demi
à deux ans qu'on recommande aux locataires de céder leur bail
plutôt que de sous-louer, s'ils n'ont pas l'intention de revenir dans
leur logement. C'est une chose nouvelle et je constate que c'est difficile
à expliquer aux locataires parce qu'on leur dit: Vous cédez votre
bail, mais n'oubliez pas que vous êtes encore à 100 %
responsables. Cette définition ne concorde même pas avec le
Petit Robert. Quand on cède, on cède, on s'en
débarrasse. Là où on y voit un grand avantage, c'est quand
une personne est transférée d'une ville à l'autre; elle
peut céder son bail et est libre de toutes responsabilités. C'est
un grand avantage plutôt que de devoir sous-louer, d'être à
l'extérieur et de vérifier si tout va bien dans son ancien
logement. Donc, avec la cession de bail, on trouve cela très,
très avantageux.
M. Dauphin: Merci beaucoup. Donc, au nom du ministre de la
Justice du Québec et des collègues ministériels,
j'aimerais vous remercier d'avoir participé à nos travaux et vous
dire que l'équipe de réforme du Code civil qui m'accompagne ici
verra avec un oeil attentif toutes vos recommandations.
M. Cusson: On vous remercie.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, mesdames et
messieurs, nous vous souhaitons te bonsoir et un bon retour. La sous-commission
des institutions ajourne ses travaux au jeudi 3 novembre, à 9 h 30.
(Fin de la séance à 22 h 1)