Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Neuf heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Marcil): Je déclare la
séance ouverte. Je profite de l'occasion pour souhaiter la bienvenue aux
représentants de la Chambre des notaires du Québec. Nous sommes
fiers de vous recevoir aujourd'hui comme participants.
Donc, le but de notre commission, c'est de vous entendre, de
connaître votre opinion sur l'avant-projet de loi. Afin de vous indiquer
un peu les règles du jeu, vous avez environ 25 à 30 minutes
d'exposé -soyez assurés que les gens ont lu votre mémoire
- et ensuite, on procédera à un échange de questions avec
vous.
Donc, Me Jean Lambert, président, je vous laisse le soin de nous
présenter vos collègues; c'est également pour les fins du
Journal des débats puisque vous allez passer à
l'histoire.
Chambre des notaires du Québec
M. Lambert (Jean): Merci, M. le Président. La Chambre des
notaires est heureuse de participer à l'effort du législateur qui
vise à réformer le droit des sûretés réelles
et de la publicité des droits. Dans ce livre du Code civil, la Chambre
des notaires, comme tant d'autres, a travaillé depuis longtemps et a
participé à diverses étapes avec les gens du
ministère. Ce travail a été fait évidemment par un
comité dont j'ai le plaisir tout d'abord de vous présenter le
président, Me Earl Kimmel, qui est à mon extrême gauche
ici.
Fut responsable du dossier jusqu'à tout récemment, avant
d'accéder à un autre poste de responsabilités à la
Chambre des notaires, Me Denise Fortin, qui est à ma droite et qui nous
accompagne ce matin, dans un esprit de continuité. À mon
extrême droite, le directeur du service responsable de la coordination de
ces travaux, Me Julien Mackay. À mon extrême gauche, le notaire
Jacques Beaulne, qui a été un artisan, un membre du comité
qui a beaucoup travaillé au mémoire. Il sera ici pour nous aider
à répondre à vos questions. En arrière de moi, il y
a Me Laurence Charest, du service de la recherche et de l'information juridique
à la Chambre des notaires, qui est maintenant responsable des dossiers
touchant la réforme du Code civil et notre invité, le notaire
parisien, docteur en droit, Me Pierre Roque, qui vous sera
présenté plus en détail ultérieurement, au cours de
l'avant-midi.
Alors, voilà, M. le Président, ce sont les gens qui
m'accompagnent et qui sont heureux d'offrir leur collaboration à cette
commission.
Je vous disais tantôt que nous étions heureux de participer
à cet effort du législateur qui vise à réformer le
droit des sûretés réelles et de la publicité des
droits. Nous partageons l'objectif exprimé par le ministre de simplifier
le régime juridique des sûretés, dans la mesure toutefois
où ce régime conservera sa cohérence, qu'on ne
dénaturera pas l'esprit fondamental du droit civil et pourvu que les
citoyens dont les activités seront régies par ce nouveau droit
pourront y retrouver la sécurité de leurs relations
économiques et ce, dans un environnement juridique facile à
comprendre.
Il faut donc prendre garde aux sursimplifications plus créatrices
de confusion que de compréhension. Je soulève ici, en passant,
l'écueil qui consiste à étendre au mobilier, le terme
"hypothèque". Nous crayons que cela ne créera que de la
confusion. À l'heure actuelle, le citoyen sait très bien,
lorsqu'il s'agit d'une hypothèque, qu'on parle de droits immobiliers,
alors que la langue française contient le terme "nantissement" qui
s'applique à merveille au gage sur les biens mobiliers. Pourquoi donc,
ou en vertu de quel principe de simplification allons-nous créer de la
confusion en étendant le terme d'hypothèque au mobilier?
C'était un exemple, en passant.
Donc, de quoi parlons-nous? Nous parlons d'un ensemble de règles
nécessaires à la gouverne et à l'ordonnance, dans une
société développée, des rapports de nature
économique - j'insiste, des rapports de nature économique -
établis entre citoyens, qu'ils soient individuels ou corporatifs,
rapports établis à l'occasion d'une relation d'affaire ou du
crédit qui sera consenti en contrepartie d'une garantie de
remboursement.
L'obligation de l'État d'ordonner ces rapports et ces relations
est évidente. Il n'est pas question d'y revenir. Mais nous devons nous
poser la question: L'État doit-il assumer la totalité du fardeau
découlant d'un système de gestion qui sera alors forcément
contraignant et fortement directif? C'est une
première option. Ou l'État ne devrait-il pas plutôt
se restreindre à offrir aux utilisateurs un instrument minimal
nécessaire à assurer l'ordre dans l'exercice de ses droits de
nature économique - je le répète - tout en laissant aux
utilisateurs, c'est-à-dire au secteur privé, le soin du fardeau
de les gérer? C'est la seconde option.
Évidemment, selon qu'on appuie l'une ou l'autre, cela marque des
appréciations différentes des propositions qui sont contenues
dans l'avant-projet.
La Chambre des notaires du Québec est d'avis que le
législateur doit retenir la seconde, c'est-à-dire se restreindre
à offrir un cadre minimal. Notre système économique
d'ailleurs est en accord avec cette position et cette position fait une
meilleure place au consensualisme des intéressés.
Selon que l'on se place à l'une ou à l'autre des options,
on trouve soit que le projet ou plutôt l'avant-projet ne va pas assez
loin ou va trop loin.
Je fais une parenthèse ici, M. le Président, pour vous
dire que la Chambre des notaires a respecté le délai de juin 1987
pour présenter son mémoire, contrairement au Barreau qui, au
cours des ans, a toujours pris l'habitude d'être en retard. Et je ne
parle pas d'une ou deux journées, je ne parle pas d'une semaine ou deux
semaines, on parle en termes de mois.
Alors, depuis que ce mémoire a été
déposé... À l'époque, plusieurs de ces propositions
faisaient l'objet de débat, il n'y avait pas nécessairement
unanimité. On a voulu respecter le délai du législateur,
mais la discussion et la réflexion ont continué et certains
points contenus dans notre rapport ont fait l'objet d'une nouvelle prise de
position. Donc, cette partie de la présentation, ce matin, traitera
justement de ces nouvelles différences.
Tout d'abord, M. le Président, je crois qu'il est important de
situer le rôle du notariat dans ce domaine particulier du droit civil.
Des faits. En 1985, les notaires ont présidé et
instrumenté des transactions immobilières pour une valeur de 13
000 000 000 $ et se sont vu confier dans leurs comptes en fidéicommis
plus de 10 000 000 000 $. Ce ne sont pas des chiffres en l'air, c'est
vérifié par chacun des comptables agréés des
notaires qui doivent produire un rapport annuel obligatoire pour le
contrôle de l'utilisation de ces fonds. Donc, nous sommes absolument
certains de ces chiffres. En 1986, ce furent 18 000 000 000 $ et 14 000 000 000
$ de fonds confiés aux notaires et, cette année, avec la vague de
spéculation, nous croyons que ces chiffres atteindront 25 000 000 000 $
et 20 000 000 000 $ confiés aux notaires.
Qu'est-ce qui s'est passé pendant ces années, par exemple,
en termes de réclamations, la qualité du service en d'autres
termes? Au cours des dernières années, le chiffre de 400
réclamations, à peu près 415, a été le
chiffre stable sur lequel une centaine tout au plus ont donné lieu
à une ouverture à réclamation - les autres n'étant
pas fondées - pour un montant moyen de 18 500 $. Donc, on
s'aperçoit que les problèmes sont minimes par rapport à
l'envergure et à la masse du trafic et des affaires.
Les notaires sont reconnus pour leur expérience et leurs
connaissances dans le domaine. Ce sont des spécialistes. L'acte
authentique se retrouve aussi au coeur de l'une des sûretés,
l'hypothèque immobilière, et a fait l'objet de discussions par
plusieurs intervenants devant cette commission. Aussi, nous nous sentons
l'obligation de revenir sur cette notion qui est particulière, qui est
propre au Québec. Le notaire Roque, tantôt, expliquera les aspects
juridiques, les avantages et la cohérence de l'acte authentique dans
notre système de droit. Donc, pour ne pas faire double emploi, je me
contenterai d'observations plus immédiates et d'un autre ordre.
Toutefois, je ne peux laisser passer des remarques qui, notamment, ont
été formulées par le Barreau, à savoir que le
recours à l'acte notarié est devenu dépassé, que
cela ne correspond plus au contexte socio-économique. Je
réfère à la page 17 de son mémoire. Je me permets,
M. le Président, de vous demander: Comment faut-il prendre ou comment
faut-il considérer l'appréciation d'un contexte
socio-économique par le Barreau quand on se rappelle, par exemple, son
appréciation lors de l'introduction du recours des petites
créances, de l'assurance automobile et encore lorsqu'on parle de
médiation familiale? Je pense qu'il faut regarder au mérite
chacun des arguments qui sont soulevés.
Dans le concret, l'hypothèque immobilière, lorsque
l'individu, le consommateur transige pour obtenir du crédit sur sa
résidence ou lorsqu'il recourt au crédit pour faire l'acquisition
de sa résidence, c'est un geste économique très important,
peut-être l'un des plus importants qu'il pose dans son existence. C'est
pourquoi il est important pour lui d'avoir recours à un professionnel,
à un juriste dont l'impartialité est reconnue. Ce n'est pas une
neutralité. Quand je parle d'impartialité, je ne parle pas d'une
neutralité, mais vraiment d'une impartialité active, d'où
le devoir de conseil, je dois dire, qui est mal compris par nos
confrères et consoeurs du Barreau. Pourtant, de nombreux jugements sont
venus soutenir ce devoir de conseil. Récemment, deux jugements... Je
vous donne l'esprit de l'un, où un notaire a été tenu
responsable et a dû indemniser une partie qui avait reçu une
hypothèque en paiement d'un prix,
hypothèque qui était de troisième rang, et le
tribunal a trouvé que le notaire, en vertu de son devoir de conseil,
aurait dû informer cette personne, qui était moins
familière dans les transactions immobilières, sur la valeur non
pas seulement juridique, mais la valeur économique de cette
hypothèque de troisième rang qu'on lui cédait en paiement
du prix d'un immeuble. Vous voyez donc que cela va très loin.
L'officier public qu'est le notaire a obligation de voir à
l'équilibre des droits des parties lors de cette transaction.
D'ailleurs, obligation déontologique est faite au notaire de refuser de
prêter son ministère s'il s'aperçoit qu'il y a une
disproportion dans les droits et dans l'équilibre.
Le Barreau, à la page 19 de son mémoire, comprend mal
l'éclairage que les notaires apportent aux concitoyens en cette
matière. Il est inconcevable pour le Barreau qu'un juriste
représente deux parties - page 144 de son mémoire.
En somme, ce qui est compréhensible, c'est que le Barreau ne peut
pas concevoir le droit autrement que par représentation,
c'est-à-dire par système adversaire, c'est-à-dire par le
système judiciaire. Le Barreau a beaucoup de difficulté à
concevoir le droit autrement que dans une formule litigieuse et contentieuse
alors que l'institution notariale est justement le droit dans un contexte
volontaire, lorsque les gens s'entendent, lorsque justement on veut
éviter d'avoir à faire trancher, selon le régime
anglo-saxon, par le tribunal, chaque fois qu'il y a acte juridique
significatif.
Lorsqu'on regarde aux pages 16 à 20 du mémoire du Barreau,
on s'aperçoit qu'il y a une méconnaissance et même un
mépris de l'institution notariale. Tout au plus, ce qu'on
reconnaît, à la page 17, dernier paragraphe, c'est que les
notaires sont des spécialistes d'une technique, celle de
l'enregistrement. Ils sont tout à fait dépourvus d'être
capables d'avoir de l'expérience. Pourtant, eux n'affirment pas moins
qu'ils ont de l'expérience dans la négociation. Ils sont
peut-être les seuls qui peuvent avoir de l'expérience,
semble-t-il. Mais oui. Alors, lorsque, par exemple, il est question de
négociation, il faut avoir recours à un autre juriste que le
notaire qui est incapable de faire une négociation.
Puis, on dit on est incapable de concevoir que le notaire ne soit pas en
conflit d'intérêts lorsque, par exemple, la transaction devient
complexe. Quand elle est simple, il n'est pas en conflit
d'intérêts mais quand c'est complexe, il est en conflit
d'intérêts. Page 18 de leur mémoire. Somme toute, on voit
qu'il y a énormément d'incompréhension.
M. le Président, laissez-moi vous dire qu'il est reconnu que le
notaire a une expérience particulière en matière de
sûretés et de droit immobilier. Le Québec a cet avantage
d'avoir une spécialisation en droit, ce que d'ailleurs dans d'autres
juridictions on tente de mettre sur pied, afin d'aider le consommateur à
s'y retrouver plus facilement lorsqu'il a besoin d'avoir recours à des
services. Aura-t-il à trancher une question ou à se faire aider
dans un litige? C'est clair, il aura recours aux services d'un avocat. Mais
lorsqu'il aura besoin, par exemple, de faire constater une convention où
les parties ou les gens sont d'accord, il aura recours à un juriste du
non contentieux.
L'obligation de résultat. Lorsque le notaire garantit un titre,
il ne dit pas au citoyen vous savez, j'ai pris les meilleurs moyens pour vous
assurer que vous serez bien propriétaires. On retrouve cela ailleurs: en
médecine, chez l'avocat qui aura pris les meilleurs moyens. Le notaire,
lui, est tenu à une obligation de résultat. II faut que le titre
soit clair. Si le citoyen se voit évincé, il a un recours direct
contre le notaire et notre régime d'assurance-responsabilité
obligatoire depuis I960 est là pour en répondre.
Un point qui est relevé également à la page 143 du
mémoire du Barreau dit que l'obligation de certifier l'identité,
la qualité, la capacité des parties, l'adéquation, c'est
extrêmement exigeant. II nous met dans le lot avec les arpenteurs en
disant c'est beaucoup trop, c'est excessif. Non, je regrette, retirez-nous de
là parce que nous jouons ce rôle depuis toujours. Le notariat a
toujours satisfait à cette obligation de garantir l'identité des
parties, leurs qualités, leurs capacités et même
l'adéquation de la volonté.
On a un peu l'impression que lorsque cela devient sérieux,
lorsqu'il y a un engagement professionnel, le Barreau tente de se retirer alors
que nous, nous disons: non, non, nous continuons à prendre cette
responsabilité sociale de garantir des titres, de garantir
l'adéquation de la volonté des parties au contrat, de garantir
l'identité et nous en serons professionnellement responsables.
Je vous souligne, M. le Président, que dans la
société actuelle, il est rare de voir des gens qui s'avancent
pour dire: savez-vous, nous prenons une responsabilité. Je vous le
souligne en passant.
Le Barreau souligne que ce problème d'adéquation de la
volonté est difficile à établir et qu'en fait de nombreux
procès en témoignent. Alors, je pose la question: Mais ces
procès touchent combien d'actes notariés? Je ne sais pas s'il y a
10 ou 20 procès par année qui touchent un acte notarié,
sur les dizaines de milliers d'actes qui sont passés. Il faudrait
peut-être plutôt voir si les écrits sous seing privé
ne sont pas surtout à l'origine de ces procès.
M. le Président, nous avons un système
ici au Québec qui se distingue des autres. Il fait partie du
patrimoine comme la langue française. Je me permets de vous souligner
qu'à part le français, il n'y a que le notariat qui distingue le
Québec par rapport à toutes les autres provinces canadiennes. Il
n'y a pas autre chose. Le français et le notariat. Le restant, on le
retrouve partout. Nous avons donc un système, M. le Président,
qui est cohérent, qui a bien servi la population du Québec et qui
intéresse de plus en plus le monde extérieur. Pourquoi? Parce que
ce râle du juriste non contentieux dans un contexte de
déjudiciarisation où on réalise que le système
anglo-saxon de l'écrit testimonial, du recours aux tribunaux pour tout
et rien presque, touche à la limite... On le voit, quand on dit que 75 %
des coûts de l'assurance-responsabilité doivent aller en paiement
des frais judiciaires et d'expertises, alors que seulement 25 % vont
effectivement à la réclamation. Ce n'est pas qu'au Canada, c'est
aux États-Unis. Quand on voit une société qui est en train
de s'épuiser économiquement par son système judiciaire, le
monde anglo-saxon le réalise. Il regarde nos institutions.
Je voudrais, M. le Président, juste vous lire rapidement un
extrait d'un amendement du 6 juin 1986 au Code de déontologie des
juristes de la Colombie britannique. On retrouve également à peu
près a la même époque un tel changement en Alberta. Je me
permets de le lire d'abord en anglais, c'est très court. J'en ferai une
traduction littérale: "If a member acts fort both a mortgager and a
mortgagee in the circumstances set out in subsection 2 or 3, then the member
shall not act in any foreclosure preceeding relating to that transaction for
either the mortgager or the mortgagee." Aucun membre du Barreau qui agit pour
le créancier et le débiteur ne peut, lorsqu'il s'agira de
réaliser la garantie, représenter l'une ou l'autre des parties.
Cela n'est pas tombé du ciel, M. le Président. C'est que pendant
la crise de 1981, 1982 et 1983, dans l'Ouest canadien, plusieurs fermiers et
petits entrepreneurs ont perdu leur actif par suite de reprise et de
réalisation de garantie par les créanciers. Us ont dit: Vous
voyez, nous avons été mal informés parce que celui qui
nous a fait signer, celui qui nous a informés, regardez, aujourd'hui, il
représente le créancier.
Ces représentations ont été tellement convaincantes
que les gouvernements de ces deux provinces ont obligé les Law societies
de ces provinces à modifier le Code de déontologie de leur
Barreau respectif afin que justement on puisse essayer de retrouver un peu
d'impartialité. Nous on l'a déjà. Cela existe, mais non,
en vertu de je ne sais pas quel progrès, il faudrait être au
goût d'on ne sait pas trop quel jour et il faudrait tout balancer.
M. le Président, si on regarde le volume de transactions, si on
regarde depuis nombre d'années que le notariat est au coeur de ce genre
de transactions, si on tend l'oreille, pourquoi, par exemple, la Loi sur la
protection du consommateur, qui a touché à plusieurs domaines,
n'a pas encore touché à celui de l'immobilier? Parce que somme
toute les problèmes sont minimes. Pourquoi? Parce qu'il y a au coeur
même de cette activité la présence de ce juriste
particulier qu'est le notaire. Nous maintenons donc, M. le Président,
que l'obligation pour l'hypothèque immobilière doit être
constatée par acte authentique. Nous croyons, concernant le nantissement
des biens meubles, que ce soit facultatif parce que comme nous le dirons plus
loin, nous entendons que le nantissement ou l'hypothèque
mobilière soit réservé aux seules affaires commerciales.
(10 heures)
Par ailleurs - et ce sera l'objet de l'intervention du notaire Roque
tantôt - nous croyons qu'il faut regarder vers le complément de
notre système juridique actuel concernant l'acte authentique et
considérer la force exécutoire comme étant un avantage
dans la réalisation des garanties qui permettra des économies
réelles tout en évitant le procesus extrêmement
coûteux qu'est le recours aux tribunaux judiciaires.
Je me permets une parenthèse, en passant. À la page 148 du
mémoire du Barreau, on s'interroge pour savoir quel sera le notaire qui
devra confectionner le rapport d'actualisation. La réponse est
très simple. C'est l'article 26 de la Loi sur le notariat qui dit que ce
sera le notaire qui présidera à la transaction de
l'aliénation. Petit point, en passant.
Concernant la publication des droits, nous sommes d'accord avec
l'objectif que le ministre, l'honorable Marx, a mentionné hier voulant
que le système d'enregistrement des sûretés soit
économique, qu'il soit facile de consultation, qu'il soit
intégrable selon les techniques modernes d'informatisation et qu'il vise
des droits et non pas des documents. M. le Président, il faut
reconnaître qu'il faut cesser de remplir les bureaux d'enregistrement de
papiers inutiles.
Nous sommes d'accord avec l'objectif de la fiabilité des
registres, mais là où il faut bien s'entendre, c'est qu'il s'agit
de la fiabilité de l'ordre donné au droit et non pas une
certitude quant au contenu ou à l'étendue des droits dont les
registres feront état.
Nous sommes d'accord avec les principes, qui sont contenus dans
l'avant-projet de loi et qui découlent de la rénovation
cadastrale. Toutefois, nous trouvons qu'après production d'un rapport
d'actualisation, rien ne garantit qu'on ne retournera pas à une
situation chaotique où
tout le monde pourra enregistrer des droits qui ne seront pas
nécessairement valables. Nous croyons que notre système
d'enregistrement et de publication des droits devrait profiter de ce grand
ménage qu'est la rénovation cadastrale pour aussi lui donner
beaucoup plus de rigueur et de fiabilité. D'ailleurs, cela s'inscrit
directement avec l'objectif d'informatisation de ces registres.
Le principe voulant que tout acte touchant le cadastre soit authentique
est le nôtre. D'ailleurs, dans l'exposé qui vous sera fait
tantôt, le notaire Roque vous expliquera ce qui est arrivé en
Europe sur cette question et comment on a des registres absolument fiables, par
l'obligation de l'authenticité à tout document qui constate des
droits touchant le fond.
Le Barreau s'inquiétait de la conservation parce que l'option est
celle-ci: Si on dît que le secteur privé doit assumer le fardeau
relatif à l'ordonnance et à la gestion des droits en
matière de sûreté, il ne s'agit donc pas de confier la
charge à l'état d'archiver tous ces documents. Alors, le Barreau
s'inquiétait, mais il n'a pas à s'inquiéter. On peut vous
présenter des documents d'il y a 100 ans, 200 ans qui ont
été reçus par les notaires du Québec. Ceux-ci
assurent une conservation, dans des lieux qui sont d'ailleurs à
l'épreuve de la destruction par incendie, et ce, en vertu de normes
réglementaires et légales. Vous ne retrouvez cela chez aucun
autre professionnel.
Également, on s'inquiétait sur la difficulté
d'identifier, et d'assurer la qualité et la capacité des parties
et de l'adéquation. Mais c'est l'essence même de l'acte
authentique. Donc, l'acte authentique est celui qui offrira cette garantie.
Nous disons donc à l'État de rendre obligatoire le recours
à l'acte authentique pour tout acte qui touche aux droits immobiliers.
Si, toutefois, l'État persiste a laisser le choix d'avoir le recours,
pour d'autres actes que l'hypothèque immobilière
évidemment, à l'écrit sous seing privé, il faudra
qu'il y ait une certification, mais une certification qui ne se limitera
qu'à l'identité, à la qualité et à la
capacité des parties et non pas à l'adéquation, parce que,
là, on demandera de se prononcer sur le contenu et l'étendue des
droits. Nous croyons que ce n'est pas le rôle d'un registre. Il s'agit de
dénoncer un droit et non pas de le quantifier et de l'expliciter. Ce
sera le rôle, à ce moment-là, du secteur privé de le
faire. Nous croyons à ce moment-là que cette certification de
l'écrit sous seing privé devra être faite par un officier
public, le notaire.
On a même suggéré le recours au registrateur. C'est
concevable. Il faudra, à ce moment-là, repenser le statut du
registrateur, qui n'est pas un officier public à l'heure actuelle,
nonobstant ce qu'on vous a dit hier. II faudra, à ce moment-là,
que ceux qui recourront à cet écrit et qui imposeront un fardeau
administratif à l'État, c'est-à-dire d'avoir du personnel
pour accueillir, pour pouvoir procéder à cette
vérification d'identité, de qualité et de capacité,
que le coût d'accès au registre soit en conséquence pour
ceux qui recourront à l'écrit sous seing privé. Donc, si
l'État a un service additionnel à fournir, il faudra qu'il soit
remboursé.
Je fais une parenthèse pour clarifier le point de la
certification. L'avant-projet mentionnait que l'avocat ou le notaire pouvait
procéder à cette certification. Nous trouvons assez difficile de
concevoir que l'avocat puisse procéder à cette certification.
D'abord, il n'a pas le statut d'officier public. Deuxièmement, si deux
avocats représentent chacune des parties à la transaction, lequel
va certifier l'adéquation des volontés? Ces deux devront-ils
recourir à un troisième qui viendra certifier? Nous croyons que
c'est faire fausse route que de prolonger dans cette direction.
Une modification majeure, M. le Président, dans notre
mémoire, c'est la présomption d'hypothèque. Notre
mémoire reprochait un peu au gouvemement, enfin plutôt à
l'avant-projet, de ne pas avoir fait place à la présomption
d'hypothèque. Je vous ai mentionné tantôt que les
discussions ont continué après la production de notre
mémoire, sa confection et sa production. C'était un point
où il n'y avait évidemment pas unanimité. La position de
la chambre aujourd'hui, c'est que l'État a bien fait de ne pas retenir
la présomption d'hypothèque. Alors, c'est une position qui est
complètement inversée de celle qui est contenue dans notre
mémoire. Pourquoi? Tout d'abord, l'hypothèque touche la relation
entre prêteurs. La présomption d'hypothèque, c'est
d'ordonner des relations entre prêteurs qui ont les moyens de
connaître l'étendue de leurs garanties aujourd'hui.
Sur un point de vue conceptuel, alors qu'on cherche à s'assurer
que le consommateur comprendra bien la portée des engagements qu'il
contracte par un formalisme, par la présomption d'hypothèque, on
vient justement court-circuiter cette garantie qu'on veut offrir au
consommateur puisque, peu importe la sorte de document qu'il siqnera et les
circonstances dans lesquelles il le signera, la loi présumera qu'il aura
accordé une hypothèque. Donc, probablement, il aura grevé
ses biens dans une proportion ou dans une étendue beaucoup plus grande
que celle qu'il croyait faire. Nous croyons que c'est absolument
désavantageux pour le consommateur.
La présomption d'hypothèque est un échec au
consensualisme qui est à la base de notre droit. L'argument voulant que
c'est pour que les registres soient plus fiables
n'emporte pas notre adhésion. Nous disons que les registres
doivent constater dans l'ordre les droits et non pas les arbitrer, les
évaluer. Ce n'est pas le rôle des registres. Est-ce si certain
qu'on obtiendra une plus grande fiabilité si on recourt à la
présomption d'hypothèque? Est-ce que les taux
d'intérêt baisseront vraiment? Ne créera-t-on pas
plutôt un climat incertain où il faudra intervenir - on le voit -
par le recours aux tribunaux pour faire prononcer, pour faire évaluer
cette présomption d'hypothèque? Dès lors, il y aura
toujours, nonobstant ce qui est inscrit au registre, la possibilité
qu'une hypothèque non enregistrée, puisqu'elle est encore sous le
régime d'une présomption, puisse à un moment donné
être prouvée par le tribunal et là, soudainement, venir
déranger l'ordre. Donc, les registres ne seront plus fiables.
M. le Président, je soutiens que l'imagination fertile des
créanciers a quand même ses limites. Et les actes de garantie et
de sûreté, actuellement, n'ont pas vraiment connu beaucoup de
modifications depuis les quinze ou vingt dernières années. Il
n'est pas mauvais... Je trouve que c'est très prétentieux de
geler un système de droit en disant: Savez-vous, aujourd'hui et à
jamais, voici ce que sera le droit, en interdisant à une
société d'évoluer, au fond, et de mettre au point de
nouveaux mécanismes. Nous crayons que le législateur doit faire
un peu plus confiance et qu'il doit laisser place aux nouvelles techniques
comme le bail emphytéotique, le leasing, etc.
Concernant l'hypothèque mobilière, notre mémoire
est incomplet là-dessus. On dit, à la page 43, que dans les
matières non commerciales, il faudra avoir recours à l'acte
notarié. C'est incomplet en ce sens qu'on a dit que, si le
législateur persiste à conserver le recours à
l'hypothèque mobilière - ce que nous appelons le nantissement
mobilier - au particulier, à ce moment-là, il faudra que ce soit
par acte notarié, mais nous croyons que c'est une erreur. Nous concevons
difficilement comment il sera gérable d'avoir un système qui
dénoncera des droits sur une chaîne stéréophonique
ou sur un mobilier de salon ou de cuisine, par exemple, quand on
considère les millions d'objets qui sont visés et la
facilité avec laquelle on peut altérer les marques
d'identification sur bon nombre de ces objets, quand on considère la
difficulté que l'État a de financer son actuel réseau de
publicité des droits fonciers.
Nous vivons des situations absolument aberrantes à l'heure
actuelle. Nous devons retenir des sommes fantastiques des consommateurs pendant
des périodes allant de cinq à dix jours. Pourquoi? Parce qu'il
faut attendre la lenteur de la gestion des registres que sont les bureaux
d'enregistrement. On n'a qu'à constater des droits sur un ensemble quand
même défini qu'est le territoire et on va se lancer à
constater des droits sur une multitude d'objets mobiliers qui, de toute
façon, ont un caractère relativement temporaire dans le temps,
alors que la gestion du sol, qui est constatée par le régime de
publication foncière, a, elle, des effets qui demeurent.
Donc, nous croyons que le principe de l'hypothèque
mobilière ne doit être restreint et conservé que pour les
matières commerciales où, vraiment, le nantissement prend son
sens. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, nous croyons qu'il faut
laisser la liberté du recours, quant à la forme, aux parties qui
sont éclairées. Actuellement, nous reconnaissons que le mineur
devient capable lorsqu'il est en matière commerciale, pour les fins de
son commerce. Pour les mêmes fins, nous reconnaissons que les qens
d'affaires, les gens en commerce sont mieux avertis et ont peut-être un
peu moins besoin de la protection qu'offre le système notarié,
par exemple pour l'hypothèque immobilière, pour le citoyen qui a
recours à cette formule de crédit pour faire l'acquisition d'une
résidence.
Toutefois, nous préconisons - et c'est encore le sujet de
l'exposé du notaire Roque, tantôt - que la force exécutoire
soit accordée et complète notre système d'acte
notarié afin que ceux qui y recourront, en matière de
nantissement ou d'hypothèque mobilière, puissent trouver
là un avantage à recourir à la forme notariée. Ils
auront donc le choix. S'ils recourent à la forme notariée, ils
recevront, à ce moment-là, un avantage lors de la
réalisation de leur garantie.
Nous avons identifié le problème de l'hypothèque
léqale des personnes avant participé aux travaux de
construction-rénovation. Nous croyons que l'avant-projet de loi doit
être revu. Toutefois, au chapitre des principes, il faut maintenir la
protection de ceux qui, effectivement, fournissent des travaux, leur labeur,
leur savoir et leurs services lorsqu'un immeuble se voit pourvu d'une valeur
ajoutée par ces contributions. (10 h 15)
Ce qu'il faut faire, c'est qu'il faut déterminer un nouveau
processus dans la rétention des fonds. C'est qu'actuellement, le secteur
de la construction ou de la rénovation immobilière est le seul
qui ne répond pas aux mêmes règles économiques que
les autres. Par exemple, lorsque que j'achète une voiture, est-il
possible qu'un jour je rencontre un sous-contractant de la compagnie General
Motors qui viennent me dire: Savez-vous, il faut que vous me remboursiez pour
le coût des poignées de porte de cette automobile? La même
chose si je pense à une embarcation, à un avion. Personne de ceux
qui ont contribué, aucun de ceux qui ont contribué dans la
chaîne de
fabrication de ce produit n'a un recours contre l'acheteur. Pourquoi?
Parce que le fabricant a le fardeau de son financement alors qu'au
Québec, dans le domaine de la construction, ceux qui sont les fabricants
se financent à même l'argent de ceux qui en seront les
propriétaires. Là-dessus, il faut repenser. II faut que le
fardeau du financement appartienne au fabricant et que ce soit clair. Alors,
avec ce principe, je crois qu'on pourra repenser ce chapitre de l'avant-projet.
Un mot en terminant pour souligner... bien que je croie que l'hypothèque
est un recours difficilement concevable pour les créateurs, il s'agit
néanmoins d'une préoccupation réelle. Les créateurs
ont énormément de difficultés à faire valoir leurs
droits et à les conserver. Je pense qu'au niveau du législateur,
nous devrions porter attention à ces droits. Merci.
Le Président (M. Marcil): Me Jean Lambert, merci beaucoup.
Cela nous laisse un peu de temps pour la période de questions. Nous
allons commencer tout de suite. Je vais reconnaître le
député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la
Justice.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Tout d'abord,
j'aimerais souhaiter, au nom du ministre de la Justice et de l'équipe
ministérielle, la bienvenue aux représentants de la Chambre des
notaires du Québec et les féliciter pour la préparation et
la présentation de leur mémoire. D'ailleurs, la chambre, à
chaque occasion, a toujours collaboré avec le législateur dans
toutes les lois.
J'aimerais revenir, si vous me le permettez, sur la notion de
présomption d'hypothèque. Vous savez que plusieurs organismes ont
proposé à cette sous-commission d'adopter cette notion. Le
Barreau, notamment, nous dit que cela imposerait un régime standard,
tant sur le plan des règles de publicité que sur celui des
recours. Vous nous indiquez que vous êtes contre cette notion en ce sens
que cela ne protégerait pas nécessairement le citoyen ou le
consommateur. J'aimerais que vous détailliez un peu plus la position de
la chambre et les avantages et inconvénients de cette notion de
présomption d'hypothèque, surtout sur les difficultés de
prêts, vous l'avez mentionné tantôt, vous en avez fait
état.
M, Lambert: Remarquez qu'il y a un aspect séduisant dans
la présomption d'hypothèque. Enfin, la simplification
séduit toujours. On dit: Écoutez, on va simplifier, on va se
reconnaître plus rapidement. Alors, c'est sûr que la
présomption d'hypothèque, à ce niveau, est
séduisante. On dit: Écoutez, on simplifie l'affaire, peu importe
ce que vous avez voulu, nous disons que c'est une hypothèque, donc,
voici le recours. Dans ce sens, on comprend qu'il y a un attrait. Mais on pense
que c'est une vue de l'esprit qui risque de ne pas vraiment se réaliser
dans les faits. Finalement, lorsqu'on approfondit, on s'aperçoit qu'elle
irait même à l'encontre de l'objectif qu'on suit. Je l'ai
mentionné rapidement tantôt. On veut que les registres soient
fiables, on veut que les gens puissent constater clairement leurs droits.
Alors, voici justement une possibilité que des droits naissent, existent
sans même qu'on les dénonce. Mais lorsque le tribunal se sera
prononcé en vertu de la présomption d'hypothèque,
là, ce droit sera opposable. Alors, nous pensons que sur ce point, on
n'obtiendra pas du tout l'effet qu'on recherche.
Maintenant, pour le consommateur qui se présente dans une
institution, on dit: Écoutez, c'est une simple promesse que si, Mon
Dieu, vous avez des difficultés, eh bien là vous nous accorderez
une hypothèque sur vos biens, sur votre résidence. Cela va mal et
là le créancier se présente et dit au tribunal: Voici, moi
j'ai une entente comme quoi le débiteur était consentant de
m'accorder des droits sur sa résidence, donnez-moi une
hypothèque. Le consommateur va peut-être dire: Minute! Un instant!
À l'époque c'était une promesse et j'ai des droits
à faire valoir aujourd'hui contre cette promesse.
M. Beaulne (Jacques): Jacques Beaulne. Pour continuer
peut-être sur la même ligne, je pense que c'est un aspect important
du danger de la présomption d'hypothèque. Actuellement, dans le
contexte d'une hypothèque qui est faite devant notaire, le consommateur
est en mesure, de par les conseils que lui donne le notaire, de comprendre
exactement ce dans quoi il s'engage, l'étendue de ses obligations. Si on
aborde la question de présomption d'hypothèque, à ce
moment-là, le danger est justement que le consommateur signe en dehors
du cadre d'une hypothèque notariée un document dans lequel il
considère que ce n'est absolument pas une hypothèque, c'est un
petit droit, peu imparte la nature ou le qualificatif qu'on veut bien attribuer
à ce droit. Or, il concède un droit mais dans son esprit ce n'est
absolument pas une hypothèque avec ce que cela peut apporter. Tout
à coup, par une interprétation du tribunal, cela devient une
hypothèque et là tout à coup le créancier se
retrouve avec tous les droits, tous les recours du créancier
hypothécaire aux termes du Code civil. Or, dans ce sens, le
consensualisme à ce moment ne veut rien dire. Ce qu'il y a dans le
document n'est absolument pas la volonté du consommateur. Ce n'est
absolument pas ce à quoi il voulait consentir.
C'est le grave danger, justement, de prendre un ensemble de
possibilités qu'offre actuellement le droit pour tout simplifier cela
à une notion et alors qu'on veut faire confiance au consommateur, on lui
dit: Peu importe ce que tu as signé, en fait, c'est une
hypothèque. Que tu l'aies appelé le nom qu'on veut bien lui
donner, cela a le même effet quant aux recours. On donne les mêmes
recours aux créanciers peu importe si dans l'esprit du consommateur, le
créancier n'avait pas autant de recours. Cela est le danger principal,
je pense, de la présomption d'hypothèque.
M. Dauphin: Merci. M. Pineau, M. le Président, aurait une
question à poser sur le même sujet.
M. Pineau (Jean): Je vous remercie M. le Président.
J'aimerais vous poser une question sur le problème des situations dites
privilégiées. Si on a adopté le système d'une
présomption d'hypothèque, je suppose que, dans la logique des
choses, il faudrait supprimer tout ce qu'il est convenu d'appeler les
situations privilégiées. Je pense particulièrement
à l'exception d'inexécution, à la résolution du
contrat, à la compensation, aux termes relatifs à un transfert de
propriété ou une réserve de propriété. Ma
question est celle-ci. J'avais l'intention de vous la poser dans
l'hypothèse où vous étiez favorable à la
présomption d'hypothèque, je vous la pose néanmoins.
Pensez-vous que ce serait une bonne chose que de supprimer la résolution
du contrat, au cas de défaut de paiement de prix, de supprimer la
possibilité pour des contractants de stipuler une réserve de
propriété? Est-ce que, par ces suppressions, on ferait progresser
le droit?
M. Lambert: Je vous dirais que... Nous avons discuté de
cet aspect avec Me Rogue hier. Avec votre permission à ce moment, M. le
professeur, je suggérerais peut-être qu'on laisse notre
confrère Rogue vous répondre. Mais je vous dirais toutefois ceci,
c'est que les avantages qu'il y aurait à mettre en échec le
consensualisme n'est pas évident. Si, par exemple, des parties
décident de faire une vente à réméré et que
ce droit soit bien dénoncé à tout le monde, je vois mal en
vertu de quel principe on viendrait par la suite dire: Écoutez, vous
avez convenu de cela mais nous, en vertu du droit, nous disons que ce n'est pas
cela l'effet et vous aurez fait une hypothèque. II y a là une
difficulté à s'accrocher à ce concept qui veut que,
finalement, on fasse fi de l'intention des parties. Maintenant, devrons-nous,
dans une optique de protection du consommateur, limiter le recour qui pourrait
découler de conventions autres? Je pense que cela est fort concevable et
cela peut se regarder dans un autre contexte, mais pas en arrivant avec un
concept aussi particulier qu'une présomption d'hypothèque.
M. Dauphin: Merci beaucoup. Hier, plus précisément
hier soir, nous avons reçu plusieurs organismes reliés à
l'industrie de la construction. Ils avaient un message à nous
transmettre, comme membres de cette sous-commission, par rapport à leur
pnvilège, celui de la construction, remplacé ou prévu,
maintenant, à l'article 2888 sur les hypothèques légales.
Vous en avez parlé un peu tantôt, évidemment, certains
groupes penchent d'un côté et d'autres de l'autre
côté. C'est normal, chacun prêche pour ses
intérêts, pour sa paroisse. Vous avez étudié ces
aspects. J'aimerais que vous nous donniez un éclairage ou une opinion
plus alimentée, plus élaborée, si vous me permettez, par
rapport à ce que vous nous avez dit tantôt concernant
l'hypothèque léqale du personnel de la construction.
M. Lambert: Juste avant de passer la parole au notaire Beaulne,
je voudrais simplement peut-être préciser à nouveau ce qui
a été dit tantôt, bien rapidement. T'est qu'il faut
reconnaître qu'il y a là des droits qui doivent être
protégés. Ceci étant dit, je crois que la situation
actuelle, qui veut que les constructeurs se financent à même les
sommes de ceux qui achèteront ou qui en feront l'acquisition, que ce
soit des sommes provenant d'un créancier hypothécaire, ce n'est
qu'accessoire quant à moi, cela, je pense, est à repenser. C'est
là qu'est tout le débat, parce que toutes les déconfitures
où les consommateurs se sont retrouvés entre l'arbre et
l'écorce, cela a toujours été que les sommes qui devaient
payer des travaux ont été utilisées par le constructeur
à d'autres fins et quand le constructeur, à la suite d'une
déconfiture financière, quittait la scène, à ce
moment-là, les consommateurs restaient aux prises avec ces
problèmes.
Nous croyons que l'industrie de la construction devra faire, à
l'instar des autres industries, son effort pour financer la fabrication de ces
produits et non pas en reporter le fardeau sur d'autres.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Groulx. Est-ce que Me Reaulne vous deviez répondre? Non? Cela va.
Mme Bleau: Vous avez parlé, tout à l'heure, des
créateurs et des créatrices. Justement hier, on a reçu un
groupe de ces créatrices. Est-ce que vous voyez ce groupe de
créateurs et de créatrices... On en parle à
t'hypothèque légale, mais voyez-vous autre chose qui pourrait les
aider?
M. Lambert: Je vous avoue que, là-dessus, on n'a pas fait
de réflexion. Les
propos que j'ai tenus tantôt, c'est à la suite du rapport
qu'on m'a fait hier des travaux de cette commission, où, notamment, vous
avez évidemment reçu les créateurs. L'opinion que j'ai
exprimée est d'abord personnelle, mais elle correspond aussi à
une position de la chambre, puisqu'on travaille sur le projet
fédéral, le nouveau projet concernant le respect des droits
d'auteur. Ceci étant dit, je voulais simplement souligner à cette
commission qu'effectivement les créateurs ont besoin d'avoir recours
à une protection. Maintenant, l'hypothèque légale sur
quoi? C'est là qu'est toute la difficulté. Par exemple, si on
considère toute l'industrie de l'électronique,
l'hypothèque va être prise sur quoi? Lorsque, par exemple, un
compositeur et un interprète enregistrent, est-ce qu'il faudra
enregistrer une hypothèque sur chacune des installations des stations de
radiodiffusion? C'est là qu'on s'aperçoit qu'on a un
problème.
Ce que j'ai simplement mentionné, c'est qu'on est à
regarder cet aspect. On commence; malheureusement, je ne peux pas vous dire...
Je voulais simplement ne pas laisser passer sous silence et dire: Voilà
quand même une préoccupation qu'il faut absolument
considérer. (10 h 30)
M. Beaulne: Peut-être dans la même veine.
Évidemment, la difficulté avec les créateurs et les
créatrices, c'est qu'en ce qui concerne l'hypothèque
légale, à l'article 2888, les créanciers sont quand
même en nombre limité à l'intérieur de chaque
catégorie. Accorder une hypothèque léqale à tous
les créateurs pourrait faire en sorte que, par exemple, 50 ou 100
écrivains enregistrent une hypothèque légale contre la
maison d'édition. On se retrouverait alors avec l'immeuble de la maison
d'édition sur laquelle sont enregistrées 10, 20 ou 30
hypothèques légales provenant toutes de créateurs ou de
créatrices. D'autre part, leur droit étant un droit intellectuel,
il y a eu une question de posée, hier, à propos de la
créance du vendeur non payée. Si on regarde à l'article
2892, cet article limite l'hypothèque légale du vendeur ou bien
qu'il a vendu. Ce qui veut dire que cela ne pourrait pas être ouvert aux
créateurs et aux créatrices. Il est certain qu'il faut accorder
une certaine protection. Maintenant, ce n'est pas certain que c'est dans
l'hypothèque légale comme telle. Il faudrait peut-être
penser à un autre type de sûreté ou à une autre
garantie quelconque qui pourrait mieux répondre à ces
problèmes précis.
Mme Bleau: Vous n'avez pas encore pensé à ce
moyen-là?
M. Beaulne: Non, pas à l'heure actuelle. Mme Bleau:
Si vous y pensez vous nous en ferez part?
M. Beaulne: Certainement. Mme Bleau: Merci.
M. Lambert: II faut penser absolument aux organismes protecteurs
comme les sociétés d'exécution, c'est clair qu'il faut
penser à cette avenue, beaucoup.
Mme Bleau: Merci.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. J'aimerais
également vous saluer, M. Lambert, M. Mackay, Mme Fortin, M. Beaulne
ainsi que les personnes chargées de votre comité.
Vous avez apporté une importante contribution lors de nos travaux
portant sur le projet de loi 20. J'imagine que vous restez toujours attentif
à la poursuite des études qui se font sur la question du partage
des biens des conjoints, sur toute la question économique. Vous savez
sans doute que le ministre a annoncé, hier, que le rapport devrait nous
être incessamment connu. Je sais que c'est là un sujet qui vous
intéresse beaucoup.
J'ai pu constater que les relations avec le Barreau ne s'étaient
pas vraiment améliorées depuis deux ans. J'ai eu l'impression que
lorsqu'on traitait du droit des personnes, d'une certaine façon il y
avait plus entente que ça peut être le cas maintenant.
Hier, l'un des mémoires m'a semblé être une
contribution importante à nos travaux et c'est celui de la Commission
des services juridiques qui a apporté un point de vue presque
philosophique sur cette question. Je crois qu'il nous faut certainement d'abord
nous poser la question comme vous l'avez d'ailleurs posée. Je pense
qu'il faut certainement se féliciter de la franchise directe avec
laquelle vous abordez ces questions. Il faut le faire. Je pense qu'on n'a pas
intérêt disons à perdre notre temps en circonlocutions.
Lorsque la Commission des services juridiques a présenté son
mémoire, hier, je vous répète qu'il me semble, moi, comme
parlementaire, comme élue dans ce Parlement par une population qui,
évidemment entend certainement et souhaite que je défende ce sur
quoi je me fais élire... Je pense que, je vous le répète,
la liberté contractuelle, ce n'est plus considéré comme
une sorte de droit divin qui est descendu du ciel sur des invidivus qui ont
toute la liberté de mouvement. Des droits démocratiques se sont
développés et un large consensus - et on peut parler de
consensualisme aussi à ce niveau - d'une sorte d'approche nouvelle qui
souvent considère que la liberté peut opprimer et que
le droit peut affranchir à bien des égards. Cette
façon de voir colore aussi d'une certaine façon.
Dès le départ, comme d'entrée de jeu, vous disiez:
Les sûretés ce sont des rapports de nature économique.
C'est une relation d'affaires. De là, par ailleurs à glisser pour
conclure que cela se passe entre gens d'affaires il faut faire très
attention. Je pense qu'on s'entend sur cela. Les individus qui contractent ne
sont pas pour autant nécessairement, on le sait bien - et je suis la
première, j'ai bien des qualités dans la vie, mais je n'ai pas
celle-là; je l'accepte. Alors, je représente bien les gens qui
m'ont élue. Mais le fait est qu'il y a aussi certainement à
examiner l'ensemble de ce droit en regard de ceux qui contractent et qui ne
sont pas pour autant des gens d'affaires. J'interviens sur cette question de
présomption d'hypothèque. Je suis en réflexion sur cette
question, je n'ai pas d'opinion arrêtée et d'une certaine
façon, évidemment, le devoir de prudence s'impose quant à
la réforme du Code civil autant à l'égard du Livre des
sûretés qu'à l'égard du Livre des biens des
personnes et autres. C'est un long processus. On s'engage dans un processus, M.
le député de Marquette, qui va nous entraîner dans de
longues heures, semaines et peut-être mois. Il est heureux qu'il en soit
ainsi. Je ne pense pas qu'il faille d'aucune façon bouleverser cet
édifice avec lequel on va vivre durant bien des années, sinon des
décennies, parce que c'est assez long qu'on ne fouille pas
là-dedans tout le temps.
Vous disiez, quant à la présomption d'hypothèque,
qu'il y aurait toujours la possibilité que des droits naissent et
existent sans même qu'on les dénonce. Par ailleurs, sans la
présomption, il y a aussi la possibilité pour les
créanciers de créer des sûretés nommées et
aussi la possibilité de circonvenir aux mécanismes de protection
qui sont voulus et souhaités.
Par ailleurs, vous avez atténué en disant: Oui, mais on
pourrait envisager de limiter des recours qui découleraient de
conventions autres. Donc, il y a quand même, vous en convenez,
nécessité d'une intervention à ce niveau-là.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Lambert; Je pense qu'il faut distinguer à la fois des
objectifs de protection de consommateurs, et cela se conçoit très
bien, et le principe du consensualisme. Je crois qu'on doit encore retenir dans
notre droit le principe du consensualisme. La protection, elle, vient dire:
Écoutez, dans telle et telle matière ou lorsque l'un des
contractants sera dans telle situation, voici un ensemble de conditions qui
devront être satisfaites pour qu'on puisse avoir recours contre ce
consommateur. Ces conditions visent généralement à ce que
le consommateur soit bien informé, Darce que c'était d'ailleurs
l'une des sources de beaucoup de problèmes autrefois: les consommateurs
étaient invités à signer souvent sous la pression d'un
contexte très particulier où on tirait avantage, par exemple, de
leur désir d'acquérir quelque chose, pour leur faire signer
quelque chose dont ils n'avaient absolument aucune idée quant à
la portée des engagements.
Donc, une mission d'information, une obligation d'information et aussi
des conditions qui ne devront pas toucher, par exemple, à des liens qui
sont absolument nécessaires à la vie. Ce sont les biens, par
exemple, insaisissables et tout cela. C'est ce qenre de condition, mais
après qu'on est assuré à la fois que l'individu qui est
dans une position de déséquilibre puisse avoir recours à
l'information. C'est d'ailleurs pourquoi on dit que lorsqu'il s'agira de gager
ses biens, il devrait avoir obligatoirement recours à quelqu'un qui va
l'informer d'une façon impartiale et qui verra, par l'obligation que
l'État lui fait, à assurer l'équilibre des parties. Je
pense que c'est dans cette direction. Mais une fois qu'on sera assuré
que le consommateur sait ce qu'il fait et qu'il est entièrement
informé, il faut laisser place au consensualisme.
Ce qui est dangereux avec la présomption, c'est justement qu'on
dise: Écoutez, allez-y, faites-en, du consensualisme, signez n'importe
quoi. Mais quand le temps de l'exécuter va arriver, on va dire:
Écoutez, un instant! Ce n'est plus cela du tout. Là, c'est qu'on
fait croire qu'il y a du consensualisme et quand on va arriver à
l'étape de l'exécution, on va dire: Non! Non! Ce que vous avez
fait, cela ne compte pas, savez-vous, c'est une hypothèque que vous avez
faite. C'est là que ça ne marche plus. Je pense qu'à ce
moment-là, c'est dangereux.
Mme Harel: Vous venez de parler d'impartialité, vous
parliez de cette question de la capacité de négociation. Vous
disiez: Nous en sommes aussi pour cette possibilité au départ,
d'entrée de jeu. Mais, évidemment, la négociation suppose
qu'on négocie pour une partie à la fois. Je pensais que
c'était un peu comme un mariage. On peut se marier plusieurs fois, mais
successivement.
Des voix: Ha! Ha!
Mme Harel: Et négocier, c'est un peu la même chose
dans un sens. On peut négocier pour des parties opposées, mais
successivement. Oui. Est-ce que...
M. Lambert: Bien oui, c'est que quand j'ai...
Mme Harel: Là même, il n'y a pas une sorte de
contradiction.
M. Lambert: Mme Harel, ce que j'ai relevé, c'est que dans
le mémoire du Barreau, ce qui est dit ici, c'est que s'il s'agit de
négociations, alors voilà, l'avocat est la personne. C'est ce qui
est dit ici là-dedans. Moi, ce que je dis, c'est que le notaire peut
très bien aussi être un professionnel juriste qui puisse
intervenir dans une négociation. Rien n'empêche, à ce
moment-là, que chaque partie ait recours à son conseiller
juridique notaire. On ne veut pas dire que le notaire est toujours
obligatoirement le seul au milieu de l'ensemble des parties.
Ce que j'ai simplement relevé tantôt, c'est que je trouve
que le mémoire du Barreau fait preuve d'une certaine prétention
en ravalant le niveau du notaire au spécialiste de technique, comme si
on n'avait pas fait un cours de droit de trois ans comme eux, et qu'à ce
moment-là, dès l'instant qu'il est question de quelque chose
d'importance, de quelque chose de complexe ou de négociations, cela,
c'est toujours l'avocat; il est supérieur, lui. C'est simplement ce que
j'ai voulu dire.
Mais cela ne change rien au devoir d'impartialité. Si le notaire
agit comme officier public, alors, là, les parties le retiennent comme
officier public et il doit jouer son rôle d'officier public et,
là, il se doit d'être impartial. Ce n'est pas une
impartialité passive, comme je l'ai mentionné tantôt, mais
vraiment active c'est-à-dire que le notaire doit voir, doit poser des
questions, doit s'assurer que les gens comprennent bien.
Il doit fournir l'information et doit, à la rigueur, refuser de
prêter son ministère s'il s'aperçoit qu'il y a un
déséquilibre, une disproportion grave dans le rapport des
forces.
Mme Harel: Me Fortin, j'ai l'impression que vous voulez ajouter
quelque chose.
Mme Fortin (Denise): Oui, ce que j'allais dire, c'est qu'on n'a
pas besoin d'être deux, un représentant pour chacune des parties
pour jouer ce rôle. Un notaire en présence des deux parties, des
deux contractants, peut très bien donner toute l'information juridique
qui permettra à chacune d'elles de prendre une décision en toute
connaissance de cause.
Mme Harel: Dans le mémoire...
Mme Fortin: II n'y a pas de conflit d'intérêts.
C'est de l'information. C'est une façon de trouver, entre les parties,
les moyens de s'entendre et, ensuite, de rédiger la convention, tout en
étant bien au courant des conséquences également des
engagements qu'elles prennent. C'est là l'importance du rôle
notarial.
Mme Harel: Je voudrais bien que la vision que vous en avez soit
celle qui trouve application, notamment pour les concitoyens qui viennent
parfois me voir au bureau avec des problèmes, pas seulement avec les
notaires, avec les avocats aussi, avec les deux.
Mais, dans le mémoire du Barreau, on fait état, par
exemple, de la notion qu'il est difficile de conserver l'impartialité
lorsqu'une partie de toute la pratique origine d'un même client, par
exemple, un entrepreneur en construction. De toute façon, tout cela...
Je ne veux pas qu'on prenne tout le temps, parce qu'on a peu de temps. Alors,
je ne voudrais pas qu'on le prenne entièrement, parce que j'ai
l'impression qu'il y a une autre chose sur laquelle je veux vous interroger,
à moins que vous ne vouliez terminer là-dessus.
M. Lambert: Très rapidement. Le Barreau fait état
d'un document de réflexion qui date de 1972, à une période
où davantage les créanciers imposaient leur choix de notaire. On
faisait un peu référence à cela. Mais, aujourd'hui,
vérifiez-le vous-même, la grande majorité des
créanciers laisse le choix du notaire au débiteur. Alors,
déjà, cette situation qu'on pouvait connaître en 1972 et
sur laquelle on était venus à s'interroger, parce que
évidemment, il n'y a rien de parfait. Alors, l'institution notariale
n'est pas plus parfaite nécessairement qu'une autre.
Alors, on a indiqué là une possibilité d'un
problème, Mais les tribunaux ont constamment sanctionné le devoir
d'impartialité des notaires et il y a eu des recours en
responsabilité qui sont absolument inconcevables par rapport à un
autre professionnel.
Mme Harel: Me Lambert, je viens personnellement de vivre
l'expérience opposée. Le choix du notaire par le débiteur,
je ne crois pas que, dans des milieux du bas de la ville, en tout cas, ce soit
une pratique générale. J'aimerais bien avoir des chiffres
là-dessus, mais enfin.
Je vaudrais revenir à la question du nantissement et de
l'hypothèque mobilière. Vous nous dites: II faut que ce soit
seulement en matière commerciale. C'est là la question du
Barreau. Excusez-moi, de la Chambre des notaires. Quel lapsus! Si tant est que
le gouvernement retenait, comme c'est le cas dans l'avant-projet de loi,
l'hypothèque mobilière, je crois que dans votre mémoire,
vous recommandez qu'à ce moment-là, ce soit la forme
notariée seulement qui prévale. Est-ce que c'est bien le cas?
J'ai bien lu? (10 h 45)
M. Lambert: Si le législateur maintient le recours
à l'hypothèque mobilière en
matière non commerciale, Si c'est en matière commerciale,
à la fois, nous reconnaissons une réalité, on
reconnaît des objectifs de grande rapidité et on veut, à ce
moment-là, que ceux qui y auront recours, qui d'ailleurs sont des gens
initiés - donc, là, on ne parle plus de la même chose -
aient le choix de recourir à un écrit sous seing privé
mais qui aura des effets différents de ceux qui auront recours à
un écrit qui est beaucoup plus parfait qu'est l'écrit
notarié, avec une force exécutoire. C'est de cela qu'on parlera
dans quelque temps. Cela s'inscrit fort bien dans un contexte de
déjudiciarisation. Cela va?
Mme Harel: Mais si le gouvernement retenait les dispositions
concernant l'hypothèque mobilière pour consommateur non
commerçant qui acquiert un bien, il faudrait que ce soit fait sous forme
notariée, dites-vous. Sinon, c'est le nantissement commercial. Est-ce
bien ce que je dois comprendre?
M. Lambert: C'est cela. Mais en fait, nous disons que l'on ne
doit pas retenir l'hypothèque mobilière pour le particulier.
C'est la règle de fond.
Mme Harel: Oui.
M. Lambert: Parce que l'État est obligé de
gérer un ensemble de registres absolument époustouflant. C'est
l'État, c'est-à-dire l'ensemble des contribuables, qui devra
payer pour cela. Finalement, l'État prend un fardeau qui appartient
à l'industrie, aux affaires, au fond. Et, on ne voit pas du tout ce que
les gens vont gagner avec cela.
Mme Harel: Concernant la reconnaissance de la force
exécutoire à l'acte notarié, vous n'en avez pas
parlé?
M. Lambert: Non. C'est le notaire Roque qui doit le faire. C'est
pourquoi...
Mme Harel: Ah oui! Très bien. Cela va suivre tout de suite
après. Très bien. J'ai une intéressante question. Je vous
la pose. Je crois qu'on a peu d'occasions, finalement. La Loi sur les
assurances prévoit effectivement le libre choix du notaire au
débiteur. C'est bien cela? Des assureurs. Est-ce qu'il serait
souhaitable de stipuler le libre choix du notaire lors d'un emprunt?
M. Lambert: Cette question a fait et fait toujours l'objet de
.discussions chez nous. C'est l'article 26 de la Loi sur le notariat.
L'idéal, c'est que le consommateur ait le choix de son notaire et c'est
de plus en plus le cas. D'abord, voyez-vous, l'importance du Mouvement
Desjardins au chapitre de l'hypothèque immobilère? Plus de 50 %
des hypothèques immobilières sont consenties au Québec par
les caisses populaires ou des institutions du Mouvement Desjardins et, dans la
grande majorité, elles laissent la liberté de choix. C'est
déjà une portion intéressante. Dans bien d'autres
institutions financières, c'est le choix du notaire au client. Je
dirais, à vue de nez, qu'il y a peut-être moins de 20 % des cas
où le notaire est imposé par l'institution prêteuse. On
s'est dit: D'accord. Supposons qu'on laisse le libre choix du notaire au
consommateur, à ce moment-là, les créanciers vont dire;
Très bien. Nous allons mettre comme condition de vous accorder un
prêt, M. le consommateur, que vous défrayiez les frais juridiques
de la firme Unetelle qui va vérifier ce que le notaire va faire.
Là, on tombe dans le système anglo-saxon où chaque partie
s'entend avec son juriste. Là, cela ne coûte pas meilleur
marché parce que deux personnes coûtent toujours plus cher qu'une
seule. C'est certain.
Mme Harel: Est-ce que notre temps est complété...
En fait, M. le Président, je pense que nous pourrions permettre...
M. Kimmel (Earl): M. le Président, est-ce que je pourrais
ajouter quelque chose à cela? Les créanciers exigent souvent
d'imposer leur propre notaire. Mais neuf fois sur dix, si l'emprunteur menace
d'aller ailleurs, il obtient le choix de son notaire.
Le Président (M. Marcil): Avez-vous terminé, Mme la
députée?
Mme Harel: Non, mais M. le député de Marquette veut
intervenir et je reviendrai plus tard.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Marquette et adjoint parlementaire.
M. Dauphin: Oui, premièrement, M. le président de
la Chambre des notaires, nous aimerions avoir par écrit votre changement
de position, notamment sur la présomption d'hypothèque. Ce serait
très important pour nos travaux. Deuxièmement, tout ce qui
concerne l'immobilier. Je ne parle pas de l'hypothèque, c'est clair.
Vous désirez évidemment que ce soit une exclusivité de la
pratique notariale. Par exemple, les servitudes ou la vente d'une maison sans
hypothèque.
M. Lambert: II est certain que c'est facile. On va dire: Ca y
est, les notaires veulent s'envoyer l'assiette. Ils veulent avoir le
contrôle pour qu'elle ne tombe pas au bas de la table. Quoique l'on
pourrait dire la même chose pour la plaidoirie. Parce que je peux
représenter quelqu'un devant le tribunal mais quelqu'un d'autre,
non.
À un moment donné, je pense qu'une société
doit dire: Écoutez, le dentiste répare les dents. Ce n'est pas le
notaire qui va faire les plans d'un pont. Non, mais c'est cela. Est-ce qu'une
certaine spécialisation n'est pas bénéfique au
consommateur, d'une part? Deuxièmement, il s'agit aussi de regarder la
cohérence et l'effet d'un système de droit. Or, on dit: Voici,
nous avons des juristes dont la spécialité dans le droit
immobilier est reconnue. Je ne pense pas qu'il y ait personne qui ait mis
ça en cause. Nous avons un instrument qui s'appelle l'acte
notarié et qui a d'immenses vertus. D'ailleurs, de plus en plus, dans le
monde anglo-saxon, on regarde cette formule. Le notaire Roque, tantôt, va
vous parler de ce qui se passe dans la Communauté économique
européenne et aussi dire comment l'Angleterre, pays du droit anglo-saxon
par excellence, accueille l'acte authentique.
Alors on dit: Voici, les gens cherchent la sécurité
aujourd'hui; ils ne veulent rien savoir d'avoir raison après cinquante
procès, cela ne les intéresse pas, ils veulent avoir une
sécurité maintenant. Alors le système de l'acte
authentique, le système notarial... Ce magistrat volontaire qu'est le
notaire, il ne représente pas les parties, ce n'est pas vrai, ce n'est
pas ça du tout le rôle du notaire. On ne comprend pas quand on dit
que le notaire représente les deux parties. Ce n'est pas vrai. Il ne
représente pas les deux parties. Il agit comme un magistrat volontaire
qui voit à équilibrer, à arbitrer un peu, si on peut dire,
les parties qui viennent et un moment donné quand il est bien
assuré que les gens ont bien compris l'étendue de la chose, le
constate et voilà maintenant que nous avons un écrit qui fait
preuve.
D'ailleurs, dans les faits, vous voyez qu'il y a très peu
d'écrits notariés qui sont attaqués devant les tribunaux.
Les tribunaux ne sont pas occupés par les actes notariés. Ils
sont occupés par d'autres genres de conventions.
L'écrit notarié, l'acte authentique offre aussi une
très grande sécurité et même à l'État.
Moi, je vais vous dire d'expérience, je reçois sauvent ce genre
de demande: c'est le conseiller par exemple d'un entrepreneur ou d'un individu
qui dit: écoutez, ne faites donc pas ça par acte notarié
portant minutes parce que là, voyez-vous, dans 15 jours il va y avoir un
budget, peut-être que les règles fiscales vont changer et on veut
avoir la possibilité de changer la convention, de la mettre toujours
à l'ancienne date. On veut pouvoir tripoter dedans. Cela nous est
fréquemment demandé. Or, l'acte notarié justement est une
sécurité contre ça.
Alors, c'est tout un concept qui entre très bien dans le cadre du
droit civil, qui est propre au droit civil et on dit: Voici une activité
fort importante qui est la gestion du territoire, là où une
société a les deux pieds.
Les effets mobiliers passent, sont consommés, disparaissent mais
le territoire, lui, on va toujours continuer à avoir les deux pieds bien
solidement placés dessus. Donc, on dit qu'il est important que ça
soit bien qéré. On s'est aperçu, au cours des
années, qu'il faut investir des sommes énormes à tout bout
de champ pour faire des rénovations cadastrales, pour nettoyer, passer
des lois modificatrices parce qu'on s'aperçoit qu'avec le temps les
actes ont été faits, on le fait encore pour des ventes qui
portent taxe parce que les conditions ont été mal
respectées, etc. c'est pour ça qu'on dit: Écoutez, une
fois pour toutes si on fait le ménage, on va laisser des gens dont
l'expérience et dont l'expertise est reconnue et on va mettre un
système pour que ça fonctionne bien et qu'on ne soit pas
obligé d'intervenir dans 20 ou 30 ans parce que, encore là,
c'aurait été un peu la foire. C'est pour cela qu'on le fait. Cela
ne se défend pas autrement. Si c'est juste que vous pensez de dire que
c'est parce que les notaires veulent avoir de l'ouvrage, je suis d'accord avec
vous, ne retenez pas cela ça ne vaut pas la peine.
M. Dauphin: C'est quand même une réalité.
M. Lambert: À ce moment-là, on va arrêter de
donner l'exclusivité aux ingénieurs de faire des plans, etc. Non,
mais vous savez ce que je veux dire. À la rigueur, on peut pousser que
tout le monde protèqe sa paraisse. Je pense qu'à ce
moment-là il faut faire la part des choses.
M. Mackay (Julien): M. Dauphin, en réponse à votre
question. Cela y était déjà dans le Code civil de 1866,
l'article 2168 à son troisième paragraphe disait: "après
le dépôt des plans et livres de renvoi, les notaires seront tenus
d'utiliser dans les désignations les nouveaux numéros."
C'était déjà là et cette logique a
été perdue un moment donné. On a permis que des actes
soient déposés par d'autres que des notaires. Il me semble que
ça paraissait tellement évident au législateur en 1866
qu'il ne l'a même pas dit autrement que par le biais de cet
article-là qui n'a aucun sens sans cela. Pourquoi imposait-on une
obligation au notaire? C'est comme si seul le notaire était
chargé de faire des actes de transmission d'immeubles. On a
imposé l'hypothèque dans l'article 2042 sous forme
notariée pour d'autres raisons. On a mis cela pour sanctionner sa
nullité. Mais la logique pourrait revenir. Elle y était
déjà. Elle a été perdue au cours des années.
On essaie de la ramener.
M. Dauphin: Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcil): En conclusion. Mme Harel:
En conclusion déjà?
Le Président (M. Marcil): Non, si vous avez une autre
question allez-y.
Mme Harel: C'est une question, disons, d'ordre un peu plus
général. On assiste, par exemple, dans le domaine des
institutions financières, des institutions bancaires, à une sorte
de généralisation de façon que dorénavant on
puisse, avec une sorte de guichet unique, trouver au même endroit
matière à satisfaire tous ses besoins. Éventuellement,
peut-être pourrions-nous aller dans une caisse populaire et puis à
la fois procéder à plusieurs actes en même temps. Ne
pensez-vous qu'il y a une sorte de scénario qui va dans le sens
où les champs professionnels s'interpénétrent? Avez-vous
l'impression que c'est une querelle, disons -je n'allais pas dire d'anciens et
de modernes, il ne faut pas... - à contre-courant d'une certaine
façon? J'aimerais vous entendre là-dessus. Quant à en
discuter, parlons-en. N'avez-vous pas l'impression que le mouvement
général est plus en faveur d'une sorte
d'interpénétration que d'une sorte de spécification?
M. Lambert: Mme Harel, vous savez comme on s'interroge
actuellement sur certaines décisions de l'administration
américaine, sur la déréglementation. On commence à
en voir des conséquences. Est-ce si bon que tout le monde puisse faire
tout? On se pose la question. On voit des déconfitures
financières dans l'Ouest canadien. Il n'est pas dit que cela n'arrivera
pas ici non plus. Alors, je pense que les avis sont très
partagés.
Le concret, c'est quoi? C'est que si on laisse la constitution de ce
genre de contrats qui sont très importants pour le consommateur, qui
trouve cela à l'occasion dans sa vie - ce n'est pas tous les jours qu'il
va contracter une hypothèque - que cela puisse se faire par un simple
contrat d'adhésion sur le coin du bureau du directeur de crédit
et même d'un de ses adjoints, sans qu'on soit trop sûr que les gens
ont compris, il faut comprendre à ce moment-là le contexte. Les
gens ont besoin de crédit, donc ils sont prêts au moment où
ils ont besoin du crédit à faire bien des concessions. Mais la
semaine d'après ils commencent à se préoccuper de savoir
ce qu'ils ont signé. À tel point que, dans d'autres
circonstances, il a fallu par des lois de protection du consommateur, dire: Un
instant, n'allez pas trop vite, prenez 48 heures ou cinq ou six jours pour
réfléchir, puis on peut annuler après sept jours. Va-t-il
falloir faire cela après?
Vous savez, il y a une question de sécurité.
D'après nous, le système actuel offre une sécurité.
On peut liire: On bazarde ce système-là. Fort bien. Là on
dit: On va aller vite. Après, on va réintroduire des lettres
disant: Telle ou telle affaire, il faudra que vous réfléchissiez
pendant un tel temps. Vous aurez le droit de revenir sur votre décision
au bout de trois, quatre ou cinq jours. Il va falloir refaire cette
route-là. Puis on va dire: II y a une insécurité. Prenez
donc de l'assurance. Là on va avoir de l'assurance-titre, chose que l'on
ne payait pas avant. Au lieu de faire des calculs pour 8 000 000 $ de primes,
on paie 1 000 000 $ de réclamations. Alors, les Américains nous
ont dit: II est bien beau votre système, mais vous ne pourrez pas
être différents du restant de l'Amérique du Nord et on
l'implante, l'assurance-titre au Québec. Je vous dis cela en passant.
Mais c'est cela. Chaque système a ses mécanismes de
sécurité. Si vous ne l'avez pas par un système comme, par
exemple, l'acte notarié, l'acte authentique, le fichier public et le
notaire, vous dites: D'accord, on met tout cela de côté. Parfait.
II va falloir avoir d'autres mécanismes pour compenser cette
sécurité, parce que, dans le fond, les gens cherchent une
sécurité. Alors, au lieu de payer des honoraires de notaire, ils
paieront des primes d'assurances.
Le Président (M. Marcil): Puis on pourra les
défendre par la suite.
M. Lambert: Ah oui, c'est fameux. Les tribunaux se
développent. Activité économique.
Mme Harel: C'est le ministre de la Justice qui n'est pas content.
Je veux vous remercier de ce dialogue qui, je le souhaite, se poursuivra et
sera le plus concret possible, le plus direct possible. Nous cherchons vraiment
à bâtir un édifice qui se tienne bien, sans pour autant
penser qu'il faut tout chambarder pour rajeunir. Je pense que nous sommes
à l'aube d'une certaine réflexion sur toute cette question.
Alors, nous aurons certainement l'occasion d'en reparler.
M. Dauphin: À mon tour, évidemment, j'aimerais
remercier la Chambre des notaires de sa contribution et les assurer que leurs
recommandations seront étudiées avec beaucoup d'attention. Merci
beaucoup de votre participation.
Le Président (M. Marcil): M. le président et vos
collègues, merci beaucoup. Donc nous allons immédiatement inviter
Me Pierre Roque à s'avancer pour pouvoir continuer... Nous suspendons
pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 11 heures)
(Reprise à 11 h 6)
Le Président (M. Marcil): Je vais recevoir comme
dépôt officiel tantôt, le texte de déontologie... On
est en train de faire des photocopies pour les membres de cette commission.
Maintenant nous souhaitons la bienvenue, naturellement, à Me
Pierre Roque. M. Roque, vous connaissez les règles du jeu. Donc, vous
complétez un peu l'exposé de la Chambre des notaires. Nous avons
un bloc de 30 minutes pour votre exposé et la période de
questions. Sans plus tarder, je vous laisse la parole.
M. Lambert: M. le Président, si vous me permettez, juste
quelques secondes pour présenter notre invité. Le notaire Pierre
Roque, notaire à Paris, depuis 1958, est docteur en droit de
l'Université de Montpellier et il a aussi reçu un doctorat
honoris causa de la Faculté de droit de l'Université de
Montréal, I'an dernier. Il a occupé plusieurs postes au sein de
l'organisation du notariat français; une liste impressionnante, mais
comme nous avons hâte de l'entendre, je saute pour dire qu'actuellement,
il est responsable des questions et des relations internationales au Conseil
supérieur du notariat français, il est membre actif de l'Institut
juridique du conseil supérieur, du Comité sur les droits de la
prospective du conseil supérieur et il est aussi membre de la commission
chargée de l'informatisation des fichiers publics. Il est conseiller et
légicien de plusieurs congrès nationaux. Notamment il est fort
impliqué dans les questions qui intéressent la Communauté
économique européenne et l'implantation, à la fois, du
nouveau droit de la communauté et aussi le mariage et l'accord avec les
situations de droit civil qui existent au sein de la communauté.
Alors je lui cède la parole, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup.
M. Pierre Roque
M. Roque: M. le Président, j'apprécie au plus haut
point la demande qui a été faite par mes confrères de la
province de Québec et la réponse qui m'a permis de prendre la
parole ici. Je prendrai cette parole avec d'autant plus de liberté
qu'à pareil honneur on ne peut répondre que par une
sincérité totale et par ailleurs une volonté d'explorer
les problèmes tels qu'ils ont été vécus. Ce n'est
pas un exposé de théoricien, c'est un vécu d'homme que je
viens raconter. Ce vécu d'homme est exactement dans l'axe des
préoccupations que vous développez à l'occasion de la
recherche de la nouvelle structuration des sûretés et de la
publicité des droits.
En effet, notre pays a été cahoté ces
dernières années. Comme j'ai cru comprendre qu'ici il y avait
quelques problèmes qui pouvaient se poser sur la permanence de la
fonction de notaire, l'intérêt de l'acte notarié, son
utilité, sa chèreté, son coût, ces cahots nous les
avons subis et nous avons répondu, alors que les cahots étaient
profonds et que les pressions étaient puissantes, par des études
qui ont permis à des professeurs de droit, extrêmement objectifs,
dans un document que j'ai là et qui est un document tout à fait
apprécié par toutes les orientations qui ont eu à le
connaître et qui ont répondu en disant que cet acte notarié
ou cette fonction de notaire se révélait, en définitive,
moins chère qu'une autre formule avec laquelle ils comparaient. Les
actes s'avéraient plus efficaces. Et la conclusion à laquelle ils
sont arrivés, quand on leur a posé la question du point de savoir
comment on pourrait remplacer cette activité, a été la
suivante: Par quoi la remplacerait-on? Qui aurait cette efficacité?
Pourrait-on se passer de l'authentification? La réponse est la suivante:
L'abandon de l'authentification, tout en étant concevable, implique donc
la recherche d'autres moyens juridiques procurant les mêmes avantages que
l'acte authentique au prix de transformations difficilement assimilables par le
système français pour des résultats incertains. Qui
présidait cette commission? Jacques Lesourne, un économiste, avec
les professeurs de droit Henri Mendras, Pierre Raynaud et Jean Rivero.
Cette préoccupation ou du moins cette réponse par les
professeurs venait directement dans le droit fil d'une préoccupation qui
atteint tous les pays développés et qui est exprimée par
un document que voici, émanant de l'OCDE, qui s'appelle "La politique de
la concurrence et des professions libérales". C'est dire que le
problème des professions libérales est aujourd'hui un
problème quasi mondial, qui atteint en particulier les pays
développés. Quelle est la préoccupation de ce travail, de
dire: Ouvrons sur la concurrence, pratiquons la publicité, faisons
disparaître les privilèges, uniformisons les façons de
procéder?
En réponse à ce travail qui nous a été
soumis comme étant un travail d'une perspective de type prospectif,
c'est-à-dire à long terme, nous avons fait, pour le notariat
français, une constitution d'un comité de prospective,
également présidé par le professeur Lesourne et auquel
j'ai l'honneur d'appartenir depuis deux ans.
Au bout de deux années de travaux, après avoir
comparé linéairement les façons de procéder
anglaises ou américaines, on est arrivé à laa
démonstration suivante: La façon de faire notariée est
moins chère, elle est
plus efficace et elle aboutit à une absence de contentieux. Pour
arriver à ce que cette démonstration soit patente, on a fait une
recherche concernant le notariat français en particulier. Il est apparu
que sur les 5 000 000 d'actes que les notaires français réalisent
en une année, soit plus de la moitié de tous les actes qui sont
pratiqués par les services juridiques français dans une
année, seulement 1700 vont devant les tribunaux et 500 font l'objet de
condamnations couvertes par les caisses de garantie. C'est dire que nous sommes
arrivés au risque zéro. C'est dire que la totalité de la
production notariale d'une année ne fait pas l'alimentation d'un
tribunal français. On peut alors légitimement se demander par
quoi sont occupés les tribunaux. Ils sont occupés par des
affaires qui viennent d'actes sous seing privé et par des affaires
pénales, puisque les notaires ne les occupent pas.
Si l'on veut faire l'évaluation de ce non-coût dans la
société française, ce n'est plus dans l'honoraire du
notaire qu'on le trouve, c'est dans l'économie que fait le pays de cette
absence de contentieux. Qui peut mesurer ce que représenterait un
contentieux normal sur 5 000 000 d'actes s'il n'était pas avec
l'arbitrage préalable que représente l'intervention du notaire au
début du contrat?
Donc, au plan macroéconomique, n'importe quel pays est
aujourd'hui extrêmement préoccupé par
l'intérêt qu'il y a non seulement au coût de l'intervention,
mais aussi à ce qu'elle évite. La démonstration double qui
a été faite à la fois par les professeurs, d'une part, et
par nous-mêmes dans la recherche comparative que nous avons dû
faire, est en soi suffisamment éloquente pour que je ne m'étende
pas davantage sur ce point particulier.
Mais, au regard des questions posées par la réforme de ces
deux articulations fondamentales que représentent les
sûretés et les publicités de droit, une autre étude
devait être faite. Je m'y suis livré de la façon suivante:
II apparaît que dans tous les colloques, dans tous les débats,
à tous les niveaux, la grande préoccupation aujourd'hui est de
savoir comment on va faire coexister ce qui va relever du commerce sans papier
et des contrats à distance et par ailleurs du commerce avec écrit
et des preuves privilégiées. (11 h 15)
Le monde de demain va nécessairement, aux yeux de tous ceux qui
l'examinent sous cet angle, être séparé, sur ce plan, en
deux parties. Ce qui sera relatif à ce qui sera traité par
téléphone, par télex, par télécopie, par
télématique, par informatique, tout ce qui sera traité de
cette façon relèvera de ce qu'on appellera les contrats à
distance et le commerce sans papier pour cet ensemble sur un plan
macroéconomique très important et en voie de progression
exponentielle. Pour cet ensemble, la dominante c'est la rapidité; pour
cet ensemble la couverture c'est l'assurance, car la rentabilité passe
nécessairement par l'absence de preuve traditionnelle et d'écrit.
Car, si l'on mettait dans ce système la preuve traditionnelle et
l'écrit, la rentabilité disparaît et tout le fondement du
système également.
En conséquence, dans cette partie du monde en voie de progression
par sous-tension de l'informatique apparaît une nécessité
qui est une nouvelle façon de concevoir la preuve encore non
élaborée mais en chemin d'élaboration de la façon
suivante: Les partenaires de part et d'autre qui se téléphonent
ou qui utilisent des appareils compatibles ou de marques différentes
mais à performance sensiblement équivalente sont en mesure
d'échanger entre eux des codes et dire: Si vous utilisez votre appareil
dans telles conditions, le code étant connu, j'accepte comme preuve
cette utilisation. En conséquence, des sortes de cahiers de charges vont
intervenir entre utilisateurs pour s'économiser la preuve et le support
écrit et se contenter, encore une fois, de couverture par assurance.
Mais de l'autre côté, puisqu'une société en
voie de complexité a un droit qui se complexifie et ne peut pas
répondre à la complexification par des simplifications abusives
qui ne peuvent satisfaire personne, ni les consommateurs malheureux ni par
ailleurs les conseils qui ne savent plus comment s'exprimer au travers d'une
simplification excessive, il faut des techniques. Des techniques sont
forcément complexes et dans ce cadre-là, le domaine de
l'écrit, on s'avance vers une preuve privilégiée qui doit
être suffisante en elle-même. La gamme, ainsi, de la
totalité des preuves dans le non-écrit et dans l'écrit
devient plus vaste. On aura tout ce qui relève ici de la rapidité
et ici tout ce qui relève de la sécurité. La
sécurité n'est pas exclusive de rapidité mais ce n'est pas
au même niveau qu'elle se place. La rapidité se situe à
l'absence de contentieux, c'est-à-dire au moment de l'exécution
et non pas dans l'anticipation de quelques jours dans la préparation
d'un contrat. Il vaut bien mieux utiliser quelques jours pour faire un contrat
plus sûr et ne pas avoir cinq ans ou dix ans pour le faire valoir. Par
conséquent, c'est un déplacement du système de
sécurité dans le temps avec une affectation qui paraît plus
conforme aux besoins des consommateurs et aux besoins macro-économiques
des États.
Dans ce système de sécurité, la qamme des preuves
partant de la preuve testimoniale va jusqu'où? Voilà la question.
Elle va, aux yeux des gens expérimentés, jusqu'à la preuve
notariée avec formule exécutoire qui permet l'exécution
forcée par sa seule existence. Il y a une différence
énorme entre
la prestation par exemple du "notary public" qui vient se contenter de
certifier une signature, qui vient se contenter de recevoir un serment, qui
vient se contenter de dire que les parties ont bien voulu, dans le contrat que
voici, exprimer leur volonté, il y a une distance vertigineuse entre ces
certitudes et le contenu authentique d'un contrat authentique parce que le
"notary public" est interdit de conseil, il est interdit de connaissance du
contenu de l'acte, i! n'y a pas participé, il ne l'a pas arbitré.
Dès lors, la certitude qu'il donne est limitée au simple,
à la matérialité d'une signature. Mais entre le contenu
d'une clause que le notaire arbitre, ce n'est pas tellement son
impartialité qui le fait arbitrer, c'est son autorité, c'est ce
que le public lui concède. Quand on se présente devant un
notaire, on a - et combien de fois les avocats nous font-ils l'honneur de venir
dans nos bureaux à Paris pour assister à l'arbitrage que le
notaire va donner devant deux avocats qui ont des avis différents pour
défendre le point de vue de leurs clients!
C'est la raison pour laquelle l'acte notarié n'est pas
générateur de contentieux: parce qu'il est arbitré
dès l'origine. C'est la raison pour laquelle il a une force probante:
parce que ceux qui l'ont signé ont eu conscience de sa finalité
et quand ils l'ont signé, c'est comme quelque chose qui est
terminé entre eux et les relations de droit sont achevées. C'est
la raison pour laquelle il n'y a pas de contentieux sur la simple force
probante.
Mais qu'est-ce que la force exécutoire? Comment peut-elle
entraîner l'exécution forcée? Voilà le
deuxième volet de ce que je voulais démontrer.
Voici, pris au hasard d'une signature de mon étude, un document.
Le 26 juin 1987, alors que je savais que je devais venir ici au mois
d'août, je prends dans les hasards d'une signature - et il y en avait
environ 1,50 mètre - un document dont j'ai fait faire une copie, qui est
à la disposition de qui veut le voir. J'ai d'abord ma minute que voici,
qui est le document original, signé des parties, dont l'archivage est
indéfini dans le temps. La minute sera conservée par moi,
archivée. Et nous avons environ 40 à 50 kilomètres de
minutes, à Paris, depuis 1411, le premier document conservé
jusqu'à nos jours, sans préjudice, en tout autre lieu de nos
microfilms relatifs à chaque minute de façon que nous ayons, en
deux endroits, la preuve du document original et le document faisant
également preuve, à des conditions déterminées par
la loi du 12 juillet 1980 sur le microfilm de la minute.
Mais ce n'est pas ce document-là qui m'importe aujourd'hui, celui
qui m'importe aujourd'hui, c'est ce document qui n'est pas un sous-produit, qui
est l'expédition, c'est-à-dire la copie avec mon sceau pour le
compte du vendeur et de l'acquéreur. Ici, quatre documents: il y avait
quatre créanciers dans cette opération pour 930 000 francs d'un
appartement très banal comprenant cinq pièces dans un quartier
tout à fait ordinaire de Paris, Mais quatre créanciers se sont
manifestés, chacun réclamant d'avoir pour lui un titre. On a donc
fait pour les deux personnes privées, deux titres nominatifs que chacun
va emporter. Chacun a de ma part une copie exécutoire. Quelle est sa
particularité? En haut, un intitulé appelé
"République française au nom du peuple français". À
la fin, un mandement qui est le suivant: "En conséquence, la
République française mande et ordonne à tout huissier de
justice, sur ce requis, de mettre les présentes à
exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux de grande instance, d'y tenir la
main, à tout commandant et officier de la force publique, de
prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis. "En foi
de quoi, les présentes ont été scellées,
signées et délivrées par Me Roque, notaire à Paris,
et soussigné."
Ce document, qui contient ce mandement et cet intitulé, est
rigoureusement conforme depuis l'article 19 de la loi de ventôse, an XI,
16 mars 1803, rigoureusement conforme à l'intitulé et au
mandement qui se trouve dans un jugement passé en force de chose
jugée. Cela veut dire que ce document entre les mains de ce
créancier lui permettra la procédure que je vais décrire
dans un instant.
Cela lui permettra autre chose, lui permettra d'élire ce document
au marché hypothécaire. Dès qu'il aura eu cette copie
exécutoire qui est une copie au porteur, il va la remettre à un
marché hypothécaire et il pourra, à nouveau, retrouver les
capitaux pour recommencer ses opérations de près.
Mais les particuliers, eux, n'ont pas à élire ces
documents à des marchés de capitaux. Donc, ils vont avoir des
qrosses nominatives qui leur permettront, à l'échéance,
d'exercer leur droit. Qu'est-ce que cela veut dire, exercer leur droit? La
créance est certaine - pour qu'on puisse poursuivre sur une
créance en France, il faut trois choses: créance certaine,
créance liquide, créance exigible. La créance est certaine
au niveau de l'acte. Pour qu'elle devienne liquide et qu'elle soit exigible, il
faut une sommation. Cette sommation est faite au débiteur. Le
débiteur se refuse de payer par hypothèse. C'est à ce
moment-là que le titre exécutoire est utilisé. Il est
remis entre les mains d'un huissier. Cet huissier fait sa notification de
saisie sans intervention d'un juge quelconque et la réalisation du gage
intervient sur le seul fondement de ce document authentique qui va
jusqu'à l'exécution forcée des biens du
débiteur.
Comment se fait-il que depuis maintenant bientôt 200 ans, cette
façon de procéder ne génère pas chez le
consommateur un tollé? Pour la raison extrêmement simple, qui est
d'ailleurs une pétition de principe, que le consommateur ayant
été conseillé au moment où il a consenti son
obligation, n'est pas étonné d'avoir à essuyer des foudres
s'il ne respecte pas les engagements qu'il a pris.
Comment est-ce que l'opération se réalise dans un document
fait pour mes amis au Québec? J'ai exploré la façon de
procéder. C'est un de mes confrères, ce n'était pas moi -
il s'appelle Chevrier - qui a eu à formaliser l'opération. Il
avait affaire à un simple commerçant qui a voulu acheter son
fonds de commerce. À l'occasion de cet achat, il était reconnu
devoir des loyers arriérés. Peut-être avec une
arrière-pensée a-t-il dit: Mon Dieu, je ne peux pas les
régler aujourd'hui, bien qu'il ait fait semblant d'émettre un
chèque mais, après l'avoir signé, de le retirer.
Mon confrère lui a dit: Vous reconnaissez devoir cette somme?
Oui, dit-il. Et dans l'acte de cession du fonds de commerce, il a
été inséré la somme qui était due au titre
des loyers arriérés. Voilà que les conseils de cet
acquéreur, débiteur de loyers arriérés, de
formation anglo-saxonne, lui ont dit: Ne vous inquiétez pas, nous allons
demander un moratoire devant le juge.
Mon confrère, au demeurant extrêmement pacifique, comme le
sont tous les notaires, lui a dit: Mais, vous savez que vous avez reconnu dans
un acte authentique la somme que vous deviez. C'est aujourd'hui certain, c'est
aujourd'hui liquide et c'est aujourd'hui exigible. Monsieur, je suis
obligé de vous dire que, dans huit jours, l'huissier sera saisi de mon
acte avec formule exécutoire et dans moins de trois mois, votre mobilier
sera vendu.
La crédibilité du notaire français auprès
des Anglo-Saxons n'est pas encore absolue et, par conséquent, les
conseils anglo-saxons ont dit: Cela ne se fera pas! Et ils ont dit à
leur client: Tenez bon jusque mais exclusivement le bûcher.
C'est-à-dire que la veille de la réalisation du mobilier du
monsieur, il a bien payé son chèque. Il avait réglé
son chèque. Quelle a été la durée de la
procédure? Trois mois. Et nous n'avons pas eu à passer devant les
juges.
Alors, pourquoi peut-il en être ainsi et, surtout, quelle est la
vocation de pareil titre? Est-ce qu'il a une vocation de trublion dans l'ordre
social ou est-ce qu'il va concourir, dans le monde moderne qui se
prépare, à un développement de la sécurité
des relations contractuelles? (11 h 30)
La réponse est aisée à donner. Elle vient
d'être donnée par la Communauté européenne au titre
de la Convention de Bruxelles de 1968. En 1968, il n'y avait que six
États de la Communauté européenne et l'Angleterre
n'était pas incluse. En 1973, l'Angleterre est entrée dans la
communauté. Comme chacun sait, elle n'a pas l'acte authentique. La
condition était que six pays plus un ratifient la convention. Lorsque -
et vous voyez la résistance qu'il y a eue - la Grèce, l'Espagne
et le Portugal sont entrés dans la communauté avec la condition
obligatoire d'accepter la convention, alors celle-ci est devenue applicable,
avec acceptation par l'Angleterre depuis le 1er janvier 1987.
Pour mes amis canadiens, j'ai apporté tous les textes de la
convention, les modifications, le texte initial et les 55 arrêts de la
cour de justice, interprétant la convention.
En conséquence, aujourd'hui, que se passe-t-il au niveau d'une
communauté de 320 000 000 d'habitants, parmi les plus
développés de la planète? On peut sans doute contester
l'avenir d'un pays de 550 000 kilomètres carrés comme la France,
qui a probablement un passé prestigieux et plus prestigieux que son
avenir, mais on ne peut pas négliger 320 000 000 de personnes
représentant le marché le plus important qui soit dans le monde
à l'heure actuelle. Qu'est-ce que la Communauté européenne
a décidé? Que les jugements passés en force de chose
jugée, les transactions judiciaires et les actes notariés
à formule exécutoire auraient la même valeur
exécutoire dans les autres pays que dans le pays d'origine. Qu'est-ce
que cela veut dire? Cela veut dire très exactement que, dans le domaine
du contentieux, lorsque le débat est terminé, c'est-à-dire
que soit le jugement, soit un arrêt est passé en force de chose
jugée, alors on estime que le pouvoir du juge est tel qu'il n'y a plus
de discussion possible pour le juge du pays d'accueil qui doit, sur une simple
requête, exécuter. Il n'y a pas de possibilité
d'apprécier le jugement intervenu dans un pays d'origine.
De même pour la transaction judiciaire. Et pourquoi? Parce que, au
cours d'un procès, il apparaît qu'il est absolument inutile
d'aller requérir le juge du pays d'accueil alors que le consensus a
été établi par la transaction qui permet
l'exécution. Enfin, la formule exécutoire de l'acte authentique.
Parce que, encore une fois, l'arbitrage d'oriqine, qui a permis
l'établissement de ce document, permet de placer les trois sur le
même niveau d'une exécution dans un pays différent de celui
du pays d'oriqine.
Dès lors, on le voit. La réforme que vous entreprenez,
d'une hauteur de vue considérable, ne peut plus être
envisagée, semble-t-il, sans que vous mesuriez - et je me permets
révérencieusement de venir le
dire dans cette enceinte - autrement que comme un exemple, qu'attend le
monde développé, des options qui doivent être prises par un
pays jeune, qui est par ailleurs parfaitement clairvoyant et que l'on a
l'habitude, dans la vieille Europe, de considérer comme étant
capable d'assumer les options les plus audacieuses.
Mais il faut encore que cette logique apparaisse aux yeux de tous,
suivant la hauteur des options arrêtées. Et là, je me
permets quelques réflexions à titre personnel. Lorsqu'il nous a
été donné, en 1955, de réformer la publicité
foncière... Nos réformes sont très lentes, nous avons
réformé en 1955 la publicité foncière qui avait
été créée en 1804, soit 151 ans pour
réformer. Nous avons réformé au nom d'un certain nombre de
critères. Aujourd'hui, le système fonctionne et est prêt
à une informatisation qui est en cours. Les critères sont les
suivants: Plus d'hypothèques occultes.
Je suis personnellement désolé de voir que le
critère des hypothèques occultes demeure encore dans le projet
qui est présenté, car le critère retenu en France,
à ce moment-là, était la sécurité des
transactions et le fait que les agents économiques sont mieux
informés maintenant, ce qui les amène à prendre leurs
inscriptions dès qu'il y a risque pour leur créance. Par
conséquent, il vaut mieux, pour la sécurité des
transactions, que le seul relevé de l'État de la conservation des
hypothèques indique tout ce qu'il y figure, plutôt que de
créer des rampes de situation, état inclus.
L'État chez nous pour ces impôts n'a plus de
privilège occulte: Première option. Deuxième option: Ce
que nous appelons les faits relatifs, c'est-à-dire une rigueur absolue
entre le titre de celui qui veut publier et son prédécesseur.
À défaut de lien, impossibilité de publier. Mais quand le
lien est obtenu, il n'y a plus de maillon faible dans la chaîne. Depuis
l'origine jusqu'à l'actualité, tout est soudé solide et
l'on peut consulter - troisième option - par les personnes, par les
immeubles, par les adresses. C'est-à-dire que l'on peut
pénétrer du point zéro vers l'absolu par trois voies qui
sont autant de registres organisés à cet effet.
Ces options fondamentales prises au départ permettent
l'informatisation de ce fichier et c'est là la finalité de toute
modification d'un registre et d'un système hypothécaire. Si on y
ajoute la preuve privilégiée, c'est-à-dire l'accès
seulement réservé aux notaires... Mais là je sais
parfaitement que c'est une option que la France a prise, mais qu'il n'est pas
concevable de voir prendre partout. Cependant la réforme de la
publicité foncière en France indique très clairement, pour
la fiabilité du système hypothécaire, tout acte à
publier doit être notarié ou bénéficier d'une
reconnaissance d'écriture ou de signature qui peut être
assimilée à un acte notarié, de façon que messieurs
les conservateurs, dont les responsabilités sont grandes, puissent
savoir qu'il y a un responsable identifiable pour la totalité de
l'enqagement pris qui vient par conséquent s'ajouter à sa propre
responsabilité professionnelle.
De ces quatre options et pour cet ensemble, vous le voyez, il semble que
l'orqanisation générale que représente maintenant le
système hypothécaire en France soit largement sous-tendu par
l'acte authentique à formule exécutoire permettant
l'exécution forcée et que, dans un ordre social où
l'exigence d'instantanéité sera de plus en plus
véhémente de la part des usagers, c'est une condition, à
mon avis, absolument nécessaire pour arriver à avoir dans le
domaine où l'écrit est roi la preuve qui est le fondement
même du sytème mis en place.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Me Roque. Nous
avons malheureusement dépassé notre temps, mais je vais quand
même permettre aux deux parties d'intervenir sous forme de questions.
M. l'adjoint parlementaire au ministre.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Je vais d'abord
remercier Me Roque de sa présence avec nous aujourd'hui dans
l'étude de l'avant-projet de loi sur les sûretés
réelles et la publicité des droits. Évidemment, je veux
vous dire à quel point votre compétence, votre expertise, votre
expérience seront utiles à nos travaux.
Si j'ai bien saisi tantôt, vous disiez que l'État doit
publiciser sa créance.
M. Roque: Le trésor, oui.
M. Dauphin: Par rapport à d'autres créanciers, quel
est le rang qu'il prend à ce moment-là?
M. Roque: II prend le rang de son inscription.
M. Dauphin: À la date de son inscription?
M. Roque: À la date de son inscription, c'est le
critère. Les privilèges, je réponds, M. Claude Dauphin,
à cette question: Tous les privilèges, le privilège de
prêteur de deniers, le privilège de vendeur ne s'inscrivent
qu'à leur date. Si une inscription est prise hors du délai
prévu à la suite de l'acte notarié, avec cette latence que
voici: je fais un acte notarié le 26 juin 1987; si j'inscris mon
privilège de vendeur dans les deux mois de l'acte, cela rétroagit
au 26 juin 1987. Mais si je n'ai pas instrumenté
mon privilège de vendeur dans le délai, il
dégénère en hypothèque à la date de sa
publication. Donc, le trésor... Et tout à l'heure vous parliez du
privilège des ouvriers en matière de construction. Dieu sait si
la question est importante et si elle est difficile à manoeuvrer, si
elle est difficile à utiliser parce qu'il est très difficile pour
un entrepreneur, on le conçoit, qui dépend pour son marché
de celui avec lequel il a traité, d'aller, pour garantir ses ouvriers,
prendre une inscription contre celui qui vient de lui consentir ce contrat.
Cependant, l'architecte, les entrepreneurs, en tant que maîtres d'oeuvre,
ou maîtres d'oeuvre tout corps d'état, se préoccupent de la
solvabilité de leurs partenaires de façon à ne pas
s'aventurer dans une créance non recouvrée qui risquerait de les
mettre en dépôt de bilan et en faillite.
Donc, c'est en amont que se situe le problème. L'architecte doit
s'assurer de la solvabilité de son débiteur, prendre des
sécurités pour les entrepreneurs, tout corps d'état ou
maître d'oeuvre, et alors le recours pour les salaires n'apparaît
que comme un ultime recours dans des cas tout à fait marginaux où
l'entrepreneur s'est aventuré par rapport à un maître
d'ouvrage indélicat, mais le place dans une zone qui était
epsitonique, vraiment minime. D'autre part, il y a la couverture d'assurance de
l'architecte, il y a la couverture d'assurance de l'entrepreneur qui peuvent
arriver à couvrir ce genre de difficulté. 5i bien que je ne crois
pas que l'on puisse faire un régime hypothécaire fondé sur
des exceptions aussi epsiloniques. Cela me paraît le contraire
même, et c'est exactement ce qui pourrait être soutenu pour la
présomption d'hypothèque. La présomption
d'hypothèque - Dieu sait si, maintenant, je suis attaché à
vos débats - me paraît ne pas aller dans le courant des choses, et
voici pourquoi. Qu'est-ce que l'on cherche? La protection du consommateur. Qui
vous demande la présomption? Le banquier. Pourquoi vous demande-t-il la
présomption? Parce qu'il veut se couvrir dans toutes les directions, y
compris les directions qui n'apparaissent qu'en pointillé au moment des
engagements parce qu'il les lèvera à sa guise au moment où
elles seront utiles. Ce n'est donc pas une institution dans
l'intérêt du consommateur, c'est la toile d'araignée du
banquier qui, tantôt, met des câbles de marine pour arriver
à bien tenir le bateau amarré et, de l'autre côté,
des choses en pointillé de cette toile qu'il se chargera, en temps
opportun, de valoriser comme il convient.
Je crois que la présomption d'hypothèque aurait un effet,
à mon avis, diamétralement opposé au but poursuivi,
puisque les consommateurs sentiraient bientôt que le sable devient
mouvant chaque fois qu'ils prennent un enqaqement, puisque quand quelqu'un
consent une vente à réméré, il serait en droit de
se dire: Monsieur, je vous vends à réméré, mais je
n'ai pas du tout la certitude qu'on ne viendra pas dénaturer le contrat
que nous aurons signé pour le considérer comme étant une
présomption d'hypothèque, et ainsi, on va se trouver dans une
situation où l'agent économique qui devient de plus en plus
maître de ses droits va être placé sous la tutelle d'un
tiers qui pourra, de façon irréparable, arbitrer les choses qu'il
aura voulues. Cela me paraît complètement opposé à
l'intérêt à venir du commerce d'un pays jeune.
Je réponds à d'autres questions.
Le Président (M. Marcil): Je vais reconnaître la
députée de Maisonneuve.
M. Dauphin: Je reviendrai par la suite, si vous permettez.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors Me Roque, nous
vous savons qré, au nom de ma formation politique, de venir rencontrer
la commission au moment où nous commençons nos travaux et nous
poursuivons cette réflexion qui va nous amener à réussir
à rajeunir, à simplifier et à harmoniser notre droit des
sûretés. Je dois vous dire que j'ai l'impression, au
départ, que vous avez peut-être de nous une vision audacieuse, qui
est peut-être un peu trop ambitieuse. C'est-à-dire que, d'une
certaine facon, nous avons une passion très répandue chez nous -
vous la connaissez sans doute - de la recherche de nos origines, cette passion,
entre autres, de notre arbre généalogique. En quelque part, cela
est dû au fait que le passé est presque toujours récent ici
et à cause, sans doute, de la pression environnante. Vous savez ce que
nous sommes en Amérique du Nord: 2 %. Alors à cause de cette
pression environnante, d'une certaine façon, je dois vous dire que nous
sommes tentés de presque cristalliser ce que nous sommes
déjà et, ie dirai, de peur de ne plus être en voulant
être autre chose. (11 h 45)
Alors c'est un peu ce qui est la mise en scène des débats
que nous tenons et cela n'est pas indifférent. Je oense qu'il faut quand
même appeler les choses par leur nom, et avant, vous savez ici avant de
procéder à des changements très substantiels, et je dois
vous dire que la personne qui vous dit ces propos est considérée
comme quelqu'un dans notre société qui prône les
changements, mais alors si je vous tiens ces propos ça vous montre un
peu la mesure de ce que nous sommes soucieux aussi des traditions. Je crois que
vous aviez raison de dire: notre société est en voie de
complexification.
Nous avons vraiment résolument, nous nous sommes enqagés
audacieusernent dans tous ces changements technologiques que
vous décriviez. Nous avons d'ailleurs un niveau de
coopération, le Québec et la France, qui nous honore sur ces
questions-là puisque ça nous met, malgré nos
différences, sur un pied d'égalité d'une certaine
façon et c'est vrai que notre droit se complexifie et qu'il faut
éviter les simplifications abusives.
En vous écoutant Je me demandais: qu'arrive-t-il si le
débiteur ne se considère pas en défaut?
M. Roque: Eh bien, alors...
Mme Harel: D'accord. Notamment, en fait est-ce qu'il ne s'agit
pas plutôt... je voyais ça comme un renversement du fardeau de la
preuve d'une certaine façon, c'est-à-dire que le débiteur
qui ne se considère pas en défaut se trouve dans une
exécution forcée. Alors vous disiez... D'ailleurs, j'avais pris
plusieurs notes de tous vos propos et j'avais d'une certaine façon
l'impression qu'il allait passer à l'exécution sans même
qu'il puisse faire valoir son point de vue.
M. Roque: Alors je vais vous répondre, madame parce que
cette préoccupation-là nous a animés pendant des
années, à savoir quel était le droit d'un consommateur.
Alors il faut bien concevoir que le consommateur doit être totalement
éclairé et le consommateur doit être aidé en temps
opportun. Alors qu'est-ce que nous avons fait et comment les questions se
présentent-elles?
Je suis le notaire de la Caisse nationale de crédit agricole pour
toute la France et je vois l'ensemble des opérations qui se
déroulent, notamment au profit des employés de la caisse. Dans le
portefeuille d'une banque quelconque il y a des dizaines de milliers de
documents avec formule exécutoire. Par an, il y a une proportion qui est
de l'ordre de 7% ou 6% de débiteurs en difficulté ne pouvant pas
régler leurs échéances. Les banques ont pris maintenant
l'habitude - et nous avons établi des contrats avec elles - de
s'adresser au notaire qui a instrumenté le contrat ou, si le
consommateur le veut, à tel notaire de son choix, pour aller se faire
conseiller de façon à organiser la meilleure réalisation
du gage. Cela veut dire qu'il faut tenir compte des besoins
macro-économiques, c'est-à-dire de la société tout
entière. On ne peut pas consentir de bons taux si l'on ne sait pas en
combien de temps on sera remboursé. Donc le créancier, par ses
actuaires, fait un calcul de taux qui tient compte de la durée
prévisible de la réalisation de ses gages.
Par ailleurs, il faut se dire que sur les millions d'actes avec formule
exécutoire, il n'y en a que quelques dizaines de mille qui font l'objet
de l'utilisation possible du document. Mais l'intervention des notaires
ramène à quelques centaines par an l'exécution où
le débiteur est manifestement de mauvaise foi.
Le débiteur s'était enqaqé dans des conditions qui
étaient tout à fait anormales et les effets de ces
négociations sont, à mon avis, très largement
supérieurs au déploiement des énergies qu'ils engendrent.
En effet, les banquiers sont très heureux de cette intervention parce
qu'ils n'ont pas à utiliser un marteau-pilon pour écraser une
mouche. Il y a un arbitre qui s'interpose. Le débiteur n'est plus dans
l'affolement des papiers bleus. Il voit son droit être
rééquilibré et s'il mérite des moratoires, il tes
obtient. En un mot, c'est une possibilité puissante d'action très
humanisée dans son utilisation.
Mme Harel: Vous venez de parler des besoins
macro-économiques de la société tout entière.
M. Roque: Tout à fait, oui.
Mme Harel: Vous aviez précédemment parlé de
l'objectif de sécurité, disiez-vous, des conventions
contractuelles recherché par cette exécution forcée d'un
contrat. Le président de la Chambre des notaires nous a dit, il y a peu,
ce matin, que dans l'état actuel de notre droit ici même au
Québec, la sécurité des actes authentiques était
telle que très très très peu de litiqes encombraient nos
tribunaux. D'une part, faut-il modifier à ce point substantiellement
là même où la situation qui prévaut chez nous
semble, dans le fond, très très très satisfaisante?
D'autre part, il y aurait donc certification de saisie sur le seul fondement du
document authentique. Je me pose cette question-ci: Le débiteur
aurait-il, à ce moment-là, strictement le fardeau de contester
l'exécution ou encore de démontrer que la dette n'est pas
exigible? Je me pose vraiment la question à savoir si ce n'est pas
là effectuer un renversement du fardeau de la preuve.
M. Roque: Je voudrais répondre à la première
question qui est: Le système existant au Québec fait penser
à la force probante de l'acte authentique et s'arrête à la
force probante alors que, je vous le rappelais tout à l'heure, le statut
des notaires français, depuis ventôse, prévoit que tous les
actes notariés, article 19 de la loi, feront foi en justice et seront
exécutoires dans toute l'étendue de la République. Jamais
on n'a varié sur ce texte quelles que soient les différences que
l'on peut accorder à un État centralisateur comme notre premier
empire, jaloux de son autorité ou laxiste comme certaines des
républiques qui ont suivi. On se trouve devant une situation qui est de
la grande différence entre la force probante et la force
exécutoire. Si vous te voulez bien, nous prendrons un exemple concret,
celui du testament authentique. Le testament authentique est
doté d'une force probante qui fait que l'on n'ira pas devant un
juge pour en vérifier les termes. Il est probant en soi, mais il ne peut
pas être exécutoire parce qu'il n'émane que d'une personne:
c'est l'auteur du testament qui ne peut pas dire: M. Untel me doit tant de
millions de francs et ensuite exécuter ce quelqu'un parce qu'il aurait
dit que ce quelqu'un lui devait. Donc, le testament authentique du notaire
québécois est un testament qui a force probante en soi, mais il
n'est nullement doté de la force exécutoire.
Pourquoi cette force exécutoire peut-elle être
ajoutée? Précisément parce qu'il y a eu de la part des
contractants échange de volonté sur cette façon de faire.
Est-ce vraiment, comme vous le dites, madame, un changement si fondamental?
N'oublions pas que dans nos minutes il n'y a rien à ce sujet. Ce n'est
que dans l'expédition que se trouvent l'intitulé et, par
ailleurs, le mandement.
Il est évident que cela pourrait être inclus dans votre
avant-projet de loi pour les hypothèques, parce que ce serait la nature
des choses que de le mettre là, mais il est aussi évident que
cela pourrait faire l'objet d'une modification du statut des notaires qui
pourraient avoir un acte faisant foi en justice et exécutoire dans tout
le territoire de la province.
Si vous voulez, il y a une différence importante et comment
peut-on expliquer que la grande tradition du Québec ne se soit pas
trouvée avec la détention du système napoléonien?
Eh bien! tout simplement parce que le traité de Paris est de 1763, que
la loi de ventôse est de 1803 et que, avant la codification, nous
n'avions que la force probante. Par conséquent, le système auquel
on est revenu ici pour les droits civils n'a pas intégré ce qui
n'était pas encore dans le droit d'origine.
Mais, encore une fois, et j'en termine cette partie de la
réponse, le fait de donner à une copie exécutoire cette
force qui est issue d'un document arbitré par les parties ne provoque
nullement chez les consommateurs français la moindre querelle, si j'en
juge par les réunions auxquelles j'ai assisté sous l'égide
de représentants parlementaires qui siégeaient en présence
des avocats, notamment le bâtonnier, et aucun des consommateurs ne venait
contester le principe de l'exécution forcée éventuelle,
parce que tous comprenaient que l'équilibre des contrats devait aboutir
à une réalisation permettant au créancier de savoir quand
il sera remboursé de sa créance.
La deuxième partie de la question, madame, était le
renversement de la charge de la preuve. Alors, effectivement, il n'y a plus de
preuve à fournir. Il suffit de remettre à l'huissier le document
qui fait preuve en soi. II n'y a pas de possibilité pour le
débiteur de venir dire: mais je ne dois pas, la créance n'est pas
certaine, elle n'est pas exigible, elle n'est pas liquide, cela résulte
de l'acte authentique, elle est certaine. Après la sommation et le
non-règlement elle est liquide et elle est exigible.
Il n'y a pas de possibilité pour l'agent économique de
venir contester ce qui est évident par des documents qui sont
considérés comme ayant des forces de jugement de chose
jugée. Ceci est favorable aux intérêts du commerce parce
que c'est par là que passe toute la difficulté. Le
débiteur de bonne foi... II m'est arrivé de gérer une
étude pendant deux ans où il y avait eu un sinistre; notre
confrère, qui a cessé de l'être très rapidement,
avait consenti toutes sortes de créances à n'importe qui et
n'importe comment. Tous les débiteurs se reconnaissaient comme des
débiteurs de bonne foi jusqu'à ce que l'on creuse un peu et que
l'on s'aperçoive qu'au travers de l'opération du notaire ils
avaient essayé d'obtenir des crédits dans des conditions qu'ils
n'auraient obtenues en aucune circonstance. Aucun jugement intervenu contre eux
sur le fondement des actes faits par ce notaire cependant indélicat n'a
fait l'objet d'une contestation par les juges.
Le Président (M. Marcil): Cela va?
Mme Harel: Je vous remercie. Évidemment, je me dis que
souvent tes populations de nos pays respectifs finissent par intégrer
d'une certaine façon ou comprendre leurs institutions comme si elles
étaient naturelles et non pas comme si elles étaient le produit
d'une culture.
Alors qu'il n'y ait pas contestation de façons de faire qui sont
devenues très institutionnelles et qui sont comme telles reçues
par les populations... Je pense qu'il n'y a pas constestation, par exemple, du
droit pénal en France malgré la différence importante
qu'il présente avec le nôtre. C'est-à-dire que s'il y a
constestation cela n'est pas une contestation qui irait dans le sens, par
exemple, de le modifier pour introduire le droit anglo-saxon. (12 heures)
Ce que je veux simplement signaler par là c'est que, d'une
certaine façon, cela ne m'étonne pas que vous nous ameniez
à constater que le consommateur français se porte bien avec le
droit qu'il connaît. Évidemment, il y a toujours des modifications
à y faire mais les populations en général ne sont pas
nécessairement en demande sur le plan des changements substantiels. Vous
savez, par exemple, en matière de réforme du Code civil, il y a,
évidemment, une opinion publique éclairée dans notre
société qui souhaite des modifications. Mais ce n'est pas
l'ensemble
des personnes qui attendent avec impatience que le ministre de la
Justice procède à cette réforme. N'empêche qu'elle
s'impose. Ce que je veux simplement signaler par là, c'est qu'on vit
respectivement avec des institutions et on finit par les croire comme
étant quasiment naturelles, d'une certaine façon.
M. Roque: Je voudrais répondre à cela. Si le
Français d'un naturel systématique était seul en cause.
Mais la force exécutoire des actes notariés existe à peu
près dans les mêmes termes, en Allemagne, en Belgique, en Espagne,
en Grèce, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, après les
vérifications que j'ai faites et les textes qui sont là. Vous me
direz que ces pays ont eu, pour certains d'entre eux, un certain nombre de
problèmes posés avec un certain empereur qui s'appelait
Napoléon 1er qui leur a imposé en un certain temps, ces textes.
Mais d'autres n'ont pas été envahis et ont quand même la
formule exécutoire. Il n'y a vraiment personne d'aussi différent
qu'un Allemand d'un Espagnol. Je vous assure.
Je me suis promené dans le monde avec les obligations qui sont
les miennes, et pouvoir faire admettre par des Allemands une institution qui
est française, qui est espagnole, qui est grecque, qui est italienne,
c'est en soi la preuve d'un consensus et alors vraiment. Pour dire que le
consommateur français est dans un état d'écorché
vif au plan épidermique, je vous dirai que comme logisticien d'un
congrès dont j'avais souhaité le sujet et qui s'est appelé
"Le consommateur", qui s'est tenu à Lyon, il est apparu que le tour de
France traditionnel de l'équipe intellectuelle est allé partout.
Nous avons eu en face de nous les organismes de consommateurs.
Madame, je crois que, sans le vouloir, vous avez fait injure à la
capacité d'invention de nos organismes de consommateurs qui nous
proposeraient des élaborations de textes à raison d'un par jour,
très certainement, et dans tous les azimuts. Je crois que la
capacité créative, globale de l'Europe est assez importante.
Savez-vous qu'il y a 6000 règlements, directives, avis émis
annuellement par la communauté européenne? Il y en a 6000. Ce qui
représente une créativité continuelle dans le sens de la
convergence assez remarquable. Tous ont jugé bon de conserver ces
structures. C'est là le fond de la question. À la fois, ceux qui
sont chargés de revoir les structures dans lesquelles se trouve
intégré le monde anglo-saxon, par l'Angleterre. Personne n'a
touché à cela. Et les organes de consommateurs immergés
dans des pays fondamentalement différents comme comportement
sociologique, ne trouvent pas à critiquer la chose.
C'est donc devenu une sorte de cohabitation en France. Ce mot a fait
florès depuis quelque temps, mais une cohabitation de principe entre les
besoins de la société qui doit avoir sa sécurité et
la sécurité du prêteur ainsi que la sécurité
de l'emprunteur qui n'emprunte pas s'il sait qu'il ne peut pas rembourser. Mais
s'il emprunte, il peut s'attendre, parce qu'on le lui a dit, à faire
l'objet de mesures d'exécution dans des conditions
prédéterminées. Je crois que c'est cela au fond
l'intérêt de l'institution. Elle n'est pas révolutionnaire.
Elle est confortative. Elle n'est pas de nature à bouleverser le
système du Québec. Elle est de nature à étendre la
portée de son secteur de sécurité de façon à
pouvoir intégrer plus facilement tout ce qui inéluctablement va
venir, c'est-à-dire le domaine de la preuve du non-écrit avec les
assurances.
Mme Harel: Oui, M. le Président, là je n'abuserai
pas. Je dois peut-être Me Roque, vous dire que nous nous
considérons certainement privilégiés d'avoir pu avoir ce
dialogue avec vous. Vous êtes certainement un très bon plaideur.
Merci de votre présence.
Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la
députée. M. l'adjoint parlementaire.
M. Dauphin: Juste une dernière question, Me Roque, si vous
me le permettez. Ici au Québec, au risque de me tromper, en
matières commerciales normalement - Me Lambert est tout près de
vous -les gens vont voir soit l'avocat, soit le notaire, tandis qu'en France,
je crois que la tradition ou la coutume veut qu'on aille voir le notaire
plutôt que l'avocat.
M. Roque: Écoutez, cette question est merveilleuse parce
qu'il est bien évident que si un notaire répondait cela, il
aurait une certaine présomption. Ce n'est pas exact.
Là, les schémas mentaux se vérifient. C'est
probablement une des faiblesses du notariat français d'avoir
été trop discret. Aujourd'hui, les schémas mentaux de
toutes les couches de la société française sont les
suivants: On pense, quand on est malade, à un médecin et quand on
a mal aux dents à un dentiste. Quand on pense à un
problème de droit, de contrat de mariage, aussitôt on accole le
nom de notaire. Quand on pense à un problème immobilier, on
accole le nom de notaire et quand on pense succession, on accote le nom de
notaire. Mais, le notaire, en réalité, fait beaucoup plus que
cela. Lorsque l'on va demander un conseil tous azimuts à un notaire qui
vous le facture, on est tout étonné d'être
libéré et de ne pas avoir à faire d'acte authentique ou
d'acte quel qu'il soit après. Quand on lui demande un arbitrage
d'amiable compositeur, on est tout étonné que ce soit
parfaitement dans ses cordes. Autrement dit, le secteur occupé par la
tradition socioloqiquement reconnue au
notaire français n'est rien à côté de la
vocation qu'il se reconnaît et qu'il est capable d'assumer, y compris les
conseils d'entreprise, la négociation, l'expertise, etc.
Donc, je réponds à votre question. Le secteur le plus
large sociologiquement reconnu lorsqu'on a un problème de droit, c'est
l'avocat. J'irai voir l'avocat. Le secteur, qui est beaucoup plus
étroit, que je viens de définir, avec une découverte
à la clef - là, je vous la garantis - lorsque des hommes
d'affaires tournant autour de la planète, quelle que soit leur origine,
allemande, italienne, font l'honneur à un notaire français de
venir chez lui pour faire arbitrer les contrats avec des partenaires, tous,
sans exception - je pourrais donner les noms et leur liste -
préfèrent la façon de procéder des notaires
français ou des notaires que les conseils anglo-saxons. Car la bataille,
qui est une bataille dans laquelle on défend des points de vue,
amène à savoir qui paiera le plus cher celui qui est le plus fort
des conseils. Voilà la question au coeur de la société de
demain.
M. Dauphin: Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps
qui nous est disponible, mais j'aimerais, au nom du gouvernement du
Québec et du ministre de la Justice, vous remercier sincèrement
de votre contribution à nos travaux.
M. Roque: Merci, monsieur.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Me Roque.
J'appellerais la Fédération des notaires du Québec
à se présenter à la table.
Maintenant, nous entendrons la Fédération des notaires du
Québec, représentée par Me François Crête,
président du comité ad hoc sur les sûretés
réelles. Êtes-vous ici? Oui?
Fédération des notaires du
Québec
M. Roy (Jean-Luc): M. Crête est ici et je suis Jean-Luc
Roy, président de la Fédération des notaires du
Québec.
Le Président (M. Marcil): Nous vous souhaitons la
bienvenue à cette sous-commission. Sans plus tarder, compte tenu que le
temps passe rapidement, nous allons nous permettre également de
raccourcir un peu sur votre temps; nous n'avons pas le choix puisque nous avons
un horaire jusqu'à minuit ce soir. Donc, sans plus tarder, vous avez
quelques minutes pour faire votre exposé. Les gens ont lu votre
mémoire- Vous pourriez peut-être en faire une synthèse ou
attaquer des points en particuliers et on passerait à une période
d'échanges immédiatement après.
M. Roy: Alors merci. Nous tenons également à
remercier la sous-commission de nous entendre. Tout d'abord, dans le but de
clarifier peut-être certaines interrogations de certains membres, nous
tenons à spécifier que notre présentation n'a pas pour but
une coalition avec la Chambre des notaires et de permettre aux notaires d'avoir
plus de temps qu'ils auraient pu en avoir d'une autre façon. Simplement
pour établir au départ que la Fédération des
notaires du Québec est un syndicat professionnel constitué en
vertu de la Loi sur les syndicats professionnels. Son existence date de 1978 et
elle a comme principal mandat de défendre les intérêts
socio-économiques de ses membres. Nous sommes un mouvement
d'adhésion volontaire; donc, actuellement ce ne sont pas tous les
notaires du Québec qui sont membres de notre mouvement.
La Fédération des notaires du Québec a
été invitée pour une première fois à
participer à un comité d'étude au sujet du Code civil et
nous en remercions particulièrement le ministre de la Justice.
Toutefois, il est évident que notre mouvement est jeune et, à ce
titre notre expérience n'est pas très vaste en ce qui a trait
à la présentation d'un mémoire. Toutefois, un travail
continu a été effectué par le président de notre
comité, Me François Crête, et nous voulons quand même
faire part à la commission de l'analyse que nous en avons faite et ce,
dans l'optique de notaires de pratique privée, c'est-à-dire ceux
qui auront à voir de façon quotidienne à l'application de
cette loi. C'est de cette façon que nous avons l'intention de
présenter notre mémoire. Alors, sur ce, je vais céder la
parole au président Me François Crête.
M. Crête (François): M. le Président, Mmes et
MM. les députés, mesdames et messieurs, comme le temps qui nous
est consacré est assez limité nous aimerions apporter nos
commentaires sur les points que nous jugeons les plus importants.
Premièrement, nous aurions aimé qu'il soit possible
d'abolir tous les privilèges, mais nous savons que cela s'avère
presque impossible. Nous aimerions nous attarder sur les créances
prioritaires accordées à l'État pour le paiement des taxes
et des impôts. D'après nous, il faut accorder priorité aux
créanciers hypothécaires et suivre la règle
générale que les créances de l'État prennent leur
rang quant aux immeubles suivant leur ordre respectif d'enregistrement et
appliquer le même principe quant aux hypothèques
mobilières, sinon, il nous faudra alors, lors de la signature d'une
hypothèque mobilière, obtenir de l'État un certificat que
tous les impôts du débiteur hypothécaire ont
été payés à ce jour.
Le débiteur hypothécaire devra soumettre annuellement
à son créancier
hypothécaire un état attestant le paiement de ses
impôts, ce qui nous semble exagéré et alourdir davantage ta
prise de garanties. Nous voyons mal le ministère du Revenu nous donner
un état attestant que les impôts d'un individu sont
complètement acquittés. Également, relativement à
l'article 2810, nous croyons que ce processus vient diminuer la valeur d'une
hypothèque mobilière étant donné qu'elle sera
sujette à toutes les taxes et à tous les impôts qui
pourront être dus par le débiteur hypothécaire au moment du
défaut.
Le projet de loi favorise l'État qui semble oublier le principe
qu'il établit lui-même à l'article 2800 soit, que les biens
du débiteur sont le gage commun de ses créanciers. Cette
priorité accordée aux créances de l'État par
rapport aux hypothèques mobilières vient diminuer la valeur des
hypothèques mobilières et ceci pourrait entraîner pour le
débiteur une hausse des taux d'intérêt demandés par
les créanciers, car leur garantie sera plus risquée.
Nous recommandons donc d'accorder priorité aux créanciers
hypothécaires mobiliers et immobiliers sur les créances
prioritaires de l'État pour le paiement des taxes et des
impôts.
Ensuite, nous appuyons la position de la Chambre des notaires quant
à la reconnaissance de la force exécutoire de l'acte
notarié, vu la tendance du gouvernement à la
déjudiciarisation des conflits, ce qui pourrait entraîner une
diminution des frais encourus par le créancier pour recouvrer le
paiement de sa créance et par conséquent une diminution
potentielle du coût de crédit pour le consommateur. (12 h 15)
Concernant l'hypothèque conventionnelle, à l'article 2856,
on prévoit que l'hypothèque qui garantit le paiement des
obligations ou autres titres d'emprunts doit être consentie par acte
notarié et en minutes. Vu l'importance de ces actes
d'hypothèques, nous trouvons très juste de conserver l'obligation
que ces hypothèques soient consenties par acte notarié en
minutes.
Nous ne ferons pas ici la démonstration de la valeur de l'acte
notarié, étant donné que cette preuve a déjà
été apportéee au comité qui a retenu, à
juste titre, cette exigence.
Nous croyons, vu la valeur incontestable de l'intervention du notaire
à ce genre de transaction, que cette exigence devrait s'étendre
à toutes les hypothèques qui doivent être
enregistrées.
À l'article 2857, on retient l'exigence que l'hypothèque
immobilière doit, sous peine de nullité absolue, être
consentie par acte notarié et en minutes. Cette exigence existe
déjà dans le droit actuel et nous avons toutes tes raisons pour
justifier le maintien d'une telle exigence.
Le notaire est le conseiller juridique par excellence pour intervenir
lors de la signature des actes d'hypothèques. Il se doit, par son devoir
que la loi lui impose, d'être neutre et impartial entre les parties et
procéder à la lecture des documents que les parties signeront et
voir à l'explication des obligations contractées par les parties.
De plus, le notaire a été reconnu comme étant le
spécialiste par excellence en droit immobilier et il est tout à
fait juste que l'on requière ses services pour la signature des
hypothèques pour mieux protéger le consommateur qui contracte
souvent, à ce moment-là, la plus grande obligation
financière de sa vie.
Également, le notaire conservera l'acte intervenu entre les
parties et pourra en délivrer des coptes authentiques sur demande.
Attendu que le législateur a retenu cette exigence pour les
hypothèques immobilières, pourquoi ne retiendrait-il pas cette
exigence pour les hypothèques mobilières? Si c'est bon pour l'un,
cela devrait être aussi bon pour l'autre!
Les notaires du Québec sont en mesure de répondre aux
besoins des créanciers et des consommateurs qui leur demandent de
protéger leurs droits respectifs, de leur expliquer les obligations
qu'ils contractent, de les assurer que le tout respecte la loi, de donner
l'authenticité à ces actes, de les conserver et de leur en
délivrer des copies authentiques sur demande.
Le consommateur se méfie du créancier qui veut obtenir le
plus de garanties possible, et désire comprendre en détail les
obligations qu'il contracte. Nous ne croyons pas que le prêteur
lui-même soit en mesure de bien expliquer les obligations contenues dans
une hypothèque. Les contrats sous seing privé seront
signés sans avoir été lus et expliqués au
consommateur, avec les conséquences que cela comporte.
De plus, le créancier veut s'assurer de l'identité de
l'emprunteur, de sa capacité juridique à consentir une
hypothèque et de son titre de propriété sur le bien offert
en garantie.
Seul le notaire est en mesure de répondre adéquatement
à ces demandes et d'agir de façon neutre et impartiale entre les
parties.
Il ne faudrait pas que chacune des parties contractantes s'engage un
conseiller juridique pour protéger ses intérêts. Cela
aurait pour conséquence d'alourdir le processus de prise de garanties et
d'augmenter le coût des honoraires que le consommateur devra
supporter.
J'aimerais apporter une petite correction à la page 15 de notre
mémoire. Dans le titre, on a marqué "Dispositions
particulières à l'hypothèque immobilière" et
on aurait dû lire "mobilière".
À l'article 2861, on prévoit que l'hypothèque
mobilière sans dépossession doit, sous peine de nullité
absolue, être créée par écrit. À notre avis,
on aurait dû prévoir la même exigence qu'à l'article
2857, c'est-à-dire qu'elle soit consentie par acte notarié en
minutes.
Pour les raisons énoncées ci-haut dans nos commentaires
relatifs à l'article 2857, nous croyons qu'il y a un danger pour le
consommateur de signer une hypothèque mobilière sans qu'il y ait
l'obligation qu'il soit assisté d'un conseiller juridique neutre et
impartial qui lui expliquera les obligations qu'il contracte. De plus, le
notaire verra à protéger le créancier en lui assurant
l'identité de l'emprunteur, sa capacité juridique et la valeur du
titre de propriété du bien hypothéqué.
Également, le notaire pourra procéder adéquatement
à l'enregistrement de l'acte après en avoir assuré la date
et l'authenticité.
Tout cela donnera une meilleure valeur à l'hypothèque
mobilière et diminuera les problèmes pour les créanciers
lorsqu'ils auront à exercer leur recours.
Pour les mêmes raisons ci-haut mentionnées, nous croyons
que l'hypothèque mobilière avec dépossession où un
tiers possède pour le compte du créancier, devrait être
constatée par un écrit fait devant un notaire en minutes. Lorsque
l'on exige l'enregistrement de cette hypothèque pour la rendre opposable
aux tiers, il serait beaucoup plus facile de respecter les nouvelles normes
d'enregistrement si l'hypothèque a été constatée
par un écrit notarié.
Également concernant l'hypothèque mobilière sur les
créances, à l'article 2874, on prévoit la
nécessité de remettre une copie ou un extrait de l'acte
constitutif d'hypothèque au débiteur pour faire valoir cette
hypothèque à l'encontre des tiers.
Si cet acte d'hypothèque a été reçu en
minutes par un notaire, il sera facile d'en obtenir une copie ou un extrait.
Mais, advenant qu'il ait été fait sous seing privé en
nombre de copies insuffisant, ou en obtenir une copie, ou en obtenir un
extrait, il pourra le faire.
Également, lorsqu'il faut que cette hypothèque soit
publiée pour enregistrement ou qu'elle soit signifiée
ultérieurement au débiteur, il sera beaucoup plus facile
d'accomplir ces procédures si l'hypothèque a été
faite devant notaire.
Maintenant, relativement aux hypothèques légales en faveur
de ceux oui participent à la construction ou à la
rénovation d'un immeuble, nous sommes conscients qu'il n'y a pas
actuellement de solution convenable, mais dans la situation actuelle, nous
aurions apprécié que le projet de loi prévoie que ces
hypothèques légales en faveur de ceux qui participent à la
construction ou à la rénovation d'un immeuble ne soient acquises
qu'à compter du dépôt pour enregistrement de l'avis, de
sorte que le créancier hypothécaire, qui requiert toujours des
cessions de priorité de ceux qui bénéficient de ces
d'hypothèques légales ait priorité automatiquement, de
sorte que l'emprunteur n'aura plus à faire signer des formules de
cession de priorité par ceux qui bénéficient de ces
hypothèques légales. Cela aurait mieux reflété la
situation juridique actuelle vécue dans le domaine de la construction.
Mais il est sûr que, entre elles, elles devraient prendre le même
rang et venir par concurrence.
J'aimerais souligner aussi que, concernant la vente sous contrôle
de justice, il serait intéressant que le tribunal confie au notaire
d'agir comme officier public pour la vente d'immeubles sous contrôle de
justice, comme c'est déjà le cas pour la vente d'immeubles
appartenant à un mineur ou à un incapable. Nous croyons que les
règles édictées dans ce domaine seraient mieux
respectées et le tout pourrait être accompli de façon plus
expéditive.
Nous allons passer à la question de la publicité par
enregistrement. Par ces articles, le législateur désire que les
actes dont on requiert l'enregistrement aient une meilleure valeur juridique,
également, on veut que le registre foncier reflète
adéquatement l'état juridique actuel de l'immeuble. Alors,
pourquoi requérir des certificats de vérification par ceux qui
veulent procéder à l'enregistrement? Pour donner une certaine
authenticité aux actes quand il existe déjà au
Québec des notaires qui sont des officiers publics ayant le pouvoir
d'accorder l'authenticité aux conventions qu'ils reçoivent?
Par définition, l'acte notarié comporte déjà
toutes les qualités requises sans qu'on ait besoin de certificat de
vérification pour certifier l'identité, la qualité et la
capacité des parties et pour exprimer clairement la volonté des
parties, notamment quant aux droits à être publiés.
En édictant l'article 3335, le projet de loi ne reconnaît
pas la valeur juridique de l'acte notarié et ne fait qu'augmenter les
procédures d'enregistrement et, ainsi, alourdir un système qui
est déjà fort complexe. De plus, l'article 3136 ouvre la porte
à l'enregistrement d'actes faits sous seing privé qui n'ont pas
les qualités requises pour acquérir toute l'authenticité
qu'on voudrait qu'ils aient.
Comment un homme de loi qui se respecte pourra-t-il certifier un acte
qui a été fait hors de son contrôle, qui n'a pas
été signé devant lui et quand il n'a pas rencontré
toutes les parties à l'acte, afin de vérifier leur
identité et de voir si l'acte reflète bien leur
volonté?
D'ailleurs, nos confrères du Barreau ont
admis devant cette commission leur incapacité à accorder
aux actes sous seing privé l'authenticité exigée par le
projet de loi.
Toute cette procédure alourdit le processus d'enregistrement,
augmente la tâche du conseiller juridique qui veut procéder
à l'enregistrement, en plus d'exiger un travail plus considérable
pour le régistrateur, ce qui entraînera une lourdeur
administrative et des délais beaucoup plus longs avant d'avoir la preuve
d'enregistrement. Alors même que l'on exige de plus en plus une
rapidité d'action, on vient, une fois de plus, alourdir le processus
d'enregistrement.
De plus, le gouvernement, en procédant à l'enregistrement
par bordereau ou sommaire plutôt que par le dépôt des actes,
ne veut plus conserver les actes. Alors, qui va faire ces sommaires? Est-ce que
ce sont les régistrateurs? Si c'est le régistrateur, à ce
moment-là, cela va nécessairement alourdir le processus
d'enregistrement qui est déjà assez long dans certains bureaux
d'enregistrement. Si c'est le notaire, c'est sûr que ça va
entraîner des frais additionnels pour le consommateur. Également,
on ne veut plus conserver les actes. Alors, que ferons-nous pour retracer ces
actes? S'ils ont été faits devant notaire, on pourra toujours les
retracer, car les notaires ont le devoir de conserver tous les actes qu'ils
reçoivent. S'ils ont été faits sous seing privé, il
sera beaucoup plus difficile de les retracer.
À notre avis, il aurait été beaucoup plus simple
d'exiger que tout acte, pour être publié, ait la forme authentique
reconnue par la loi ou soit fait devant un notaire et prévoir des
exceptions pour les avis et autres documents expressément prévus
par la loi.
Si l'on veut conserver un registre foncier en ordre, qui reflète
adéquatement la réalité juridique, il ne faut admettre
à l'enregistrement que des documents authentiques qui ont
été préparés par des gens qui connaissent bien
toutes les procédures d'enregistrement. Le notaire est le seul
conseiller juridique apte à répondre à cette exigence.
L'État est en train de dépenser plusieurs millions de
dollars pour refaire le cadastre du Québec et pour entreprendre de
nouveaux processus d'enregistrement qui vont nous rapporter fidèlement
la situation juridique des droits réels publiés. Alors,
après ce grand ménage, si l'on veut que le tout conserve sa
valeur et que l'on n'ait pas à recommencer dans quelques années,
il faut restreindre l'enregistrement à ceux qui savent comment
l'utiliser et à ceux qui savent donner l'authenticité aux actes
à être enregistrés, c'est-à-dire aux notaires du
Québec.
Nous connaissons déjà plusieurs problèmes pour
repérer l'enreqistrement des actes de cession de biens en stock. Si nous
laissons enregistrer des hypothèques mobilières par n'importe
qui, qui n'aurait pas la minutie de vérifier exactement toutes les
données nécessaires, nous nous retrouverons avec un registre qui
n'aura pas la valeur désirée et auquel nous ne pourrons plus nous
fier. Il faut, pour conserver la valeur des registres, que ceux-ci soient
utilisés par des gens qui auront intérêt à en
conserver toute la valeur pour être certains que les recherches que nous
y ferons pourront nous donner l'assurance que le registre est exact. Si j'ai
à certifier personnellement que l'hypothèque détenue par
le créancier est une bonne et valable première hypothèque,
je veux être certain que le registre va me répondre
adéquatement.
Le législateur aurait intérêt à faire
confiance de plus en plus aux notaires du Québec. Le notariat est une
richesse pour le Québec. L'État doit s'en réjouir et
l'utiliser davantage en lui accordant plus de responsabilités. Mous
appuyons donc la recommandation faite par la Chambre des notaires d'exiger la
forme notariée portant minutes pour tous les actes soumis à la
publicité.
Nous tenons à souligner que nous ne partageons pas l'opinion
exprimée par la Chambre des notaires quant au libre choix de la forme de
l'acte pour l'hypothèque mobilière consentie par une personne qui
exploite une entreprise. Si cette hypothèque doit être
publiée, il faudra qu'elle suive les procédures imposées
par la loi. Si c'est bon pour le consommateur, cela devrait être bon
aussi pour le commerçant. Je ne vois pas pourquoi le commerçant,
qui souvent ne prend pas le temps de lire les actes, qui est pressé, ne
serait pas autant protégé que le consommateur.
Concernant l'enregistrement par sommaire, l'article 3341 prévoit
que l'enregistrement se réalise par le dépôt d'un sommaire,
sauf dans les cas prévus par la loi où il se fait par le
dépôt du document. Donc, nous ne retrouvons plus au Bureau
d'enregistrement copie des documents relatant des droits qui sont
enregistrés. Nous sommes conscients que seuls les droits inscrits au
registre seront opposables au tiers et non les conventions elles-mêmes.
Mais entre les parties, il est très important de pouvoir retracer ces
documents. Nous sommes très inquiets face à cette façon de
procéder où il y a un risque que le sommaire déposé
ne reflète pas exactement tous les droits exprimés au document
original dont on désire l'enregistrement, malgré le certificat de
vérification et le travail de vérification effectué par le
reqistrateur ou ses employés.
Qui prend ta responsabilité du sommaire? Est-ce le registrateur
ou le notaire ou celui qui le présente? Si c'est
celui qui le présente, j'aimerais bien être en mesure de
pouvoir retracer cet individu. Si l'acte dont on a fait le sommaire est un acte
sous seing privé, il peut être parfois difficile de le retracer,
dans les cas de contestation. Nous sommes conscients que l'État ne veut
plus conserver tous les documents dont on requiert l'enregistrement et qui sont
déjà en grande majorité conservés par les notaires
du Québec. Ces mêmes documents se retrouveront plus tard aux
archives du gouvernement. Nous reconnaissons aussi le coût de l'espace
pour pouvoir entreposer tous ces documents en duplicata quand il s'agit d'actes
notariés. C'est pourquoi nous proposons, dans un souci de
sécurité et pour être assurés de pouvoir retracer
les documents dont on requiert l'enregistrement, que tous les actes admis
à l'enregistrement devraient être des actes authentiques, sauf
certaines exceptions qui seraient prévues par la loi.
Maintenant, concernant le report des droits. Le report des droits par un
rapport d'actualisation du dossier immobilier par le notaire nous semble
être la meilleure solution pour éviter que les droits réels
antérieurs ne puissent être affectés par le
dépôt d'un plan originaire ou d'un plan de rénovation. (12
h 30)
Cette solution se révèle également la moins
coûteuse, car actuellement, tout propriétaire qui consent une
hypothèque ou tout acquéreur d'un immeuble doit assumer le
coût de l'examen des titres de propriété. Ce qu'il aura
encore à faire une seule fois après la rénovation
cadastrale. Par ta suite, nous n'aurons plus à réexaminer
continuellement les titres antérieurs au dépôt du rapport
d'actualisation. Également, ce rapport de droit s'effectuera au fur et
à mesure des transactions, lors de la première aliénation
entre vifs de ce lot ou lors de l'enregistrement de la première
hypothèque conventionnelle.
En cas de doute quant au report des droits, nous pouvons obtenir un
jugement ou s'en remettre à la décision du reqistrateur
général si les personnes concernées ne font pas valoir
leurs droits dans le délai prévu par la loi.
Il faut ici reconnaître l'importance que le rapport
d'actualisation du dossier immobilier soit fait par un notaire. C'est lui qui
est reconnu comme le spécialiste du droit en mobilier et seul le notaire
est en mesure d'assumer toute la responsabilité professionnelle qui en
découle, car les notaires du Québec ont tous l'obligation
légale d'assurer leur responsabilité professionnelle et
même le notaire qui décède ou qui prend sa retraite doit
obtenir une assurance responsabilité professionnelle pour tous ses actes
professionnels passés, ce qui n'est pas le cas de tous les
professionnels.
Nous sommes d'accord également dans ce rapport des droits de
conserver le rapport de certains personnels comme les baux, déclaration
de résidence, etc. Également, concernant les radiations, nous
savons tous que le registrateur encourt beaucoup de responsabilités
lorsqu'il procède à la radiation d'une hypothèque
immobilière. C'est pourquoi il est normal qu'il exige que la demande de
radiation qui lui est faite, le soit sous la meilleure forme et le soit
authentique. C'est pourquoi nous recommandons que cette réquisition soit
faite en forme notariée. Nous ne croyons pas qu'il soit
nécessaire qu'elle porte minutes, car une fois que le reqistrateur a
procédé à la radiation, il est rare que l'on
requière une copie d'une quittance. Nous pourrions procéder
également par un acte en brevet.
Vu l'importance et la responsabilité encourues par le
reqistrateur lors des radiations, nous recommandons que toute demande
conventionnelle de radiation devrait être faite en forme authentique.
En conclusion, ce projet de loi apporte beaucoup de modifications au
droit actuel. Il ne sera pas facile pour les créanciers et pour les
consommateurs de s'y retrouver. C'est pourquoi ce projet de loi se doit, pour
conserver un juste équilibre entre les prêteurs et emprunteurs,
d'inciter les parties à recourir à un conseiller juridique neutre
et impartial qui sera en mesure d'établir clairement, leur
volonté et de voir à ce que le tout respecte la loi. Les notaires
du Québec sont en mesure d'être à la fine pointe des
nouvelles lois pour bien conseiller leurs clients. De plus, les notaires du
Québec sont prêts à assumer leurs responsabilités
professionnelles pour assurer la validité et la légalité
des actes hypothécaires et faire comprendre adéquatement aux
parties l'étendue de leurs droits et de leurs obligations.
Le projet de loi vient modifier en profondeur l'essence même des
bureaux d'enregistrement qui ne conserveront plus les actes dont on requiert
l'enregistrement, mais un résumé de ceux-ci. Il est donc
important pour notre société de pouvoir retracer facilement ces
actes et c'est pourquoi nous recommandons qu'en principe, seuls les actes
authentiques devraient pouvoir être publiés. De cette
façon, les registres de l'État auront une plus qrande valeur et
une meilleure crédibilité.
Après la rénovation cadastrale et l'instauration de
nouvelles procédures d'enregistrement, il faudra maintenir en bon ordre
les registres de l'État et c'est pourquoi nous recommandons que seul
l'enregistrement d'actes authentiques pourra garantir la valeur des registres
de l'État. Le législateur a tout intérêt à
utiliser davantage la compétence des notaires, car ceux-ci se
révéleront des
collaborateurs inédits qui verront au respect des nouvelles lois
et à ce que les registres de l'État conservent toute leur valeur
et leur authenticité. Le notariat est une caractéristique qui
fait du Québec une société distincte. Nous voulons une
société distincte; nous devons promouvoir une de nos richesses
naturelles qu'est le notariat québécois. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Nous allons
maintenant passer à l'échange de points de vue. Je vais donc
reconnaître l'adjoint parlementaire au ministre de la Justice, le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Je veux souhaiter la
bienvenue aux représentants de la Fédération des notaires
du Québec pour la préparation et l'exposé de leur
mémoire que je voudrais aborder peut-être dans un ordre
chronologique, à commencer par les créances prioritaires. Vous
dites dans votre mémoire que le créancier hypothécaire
devrait avoir priorité et non seulement dans le domaine immobilier. Vous
parlez ensuite des créances de l'État qui devraient être
enregistrées et prendre rang selon la date de leur enregistrement.
N'êtes-vous pas d'avis que, considérant la nature de ces
créances, considérant le fait que cela représente des
deniers publics, ces créances mériteraient un statut
privilégié, sans enregistrement?
M. Crête: Je suis d'accord qu'elles aient un statut
privilégié par rapport aux créanciers chirographaires.
Mais ce qui arrive, c'est que je ne voudrais pas qu'on enlève la valeur
d'une hypothèque mobilière. C'est-à-dire, pourquoi veut-on
instaurer l'hypothèque mobilière? C'est pour pouvoir accorder aux
consommateurs la possibilité d'avoir un prêt à un meilleur
taux de crédit, c'est-à-dire que si le créancier sait
qu'il a une garantie, il sait qu'il peut réaliser sa garantie plus
facilement et il va être porté à accorder un taux
d'intérêt plus bas. Mais par contre, si on laisse les
créances de l'État passer avant, il va falloir, quand on va faire
une hypothèque mobilière, s'assurer que les impôts de
l'individu, du débiteur sont à jour. Actuellement, est-ce que le
ministère du Revenu serait en mesure de certifier que les impôts
de tout individu sont à jour quand on sait très bien, à sa
façon de procéder actuellement, qu'il revient cinq et dix ans
rétroactivement? Je reçois un papier du gouvernement me disant
que je ne lui dois rien, sauf que demain matin, ils peuvent entrer dans mon
étude et passer le peigne fin et là, arriver et dire que je leur
dois X montant, je ne sais pas. Mais à ce moment-là, je pense que
si on laisse passer les créances de l'État, c'est dommage, mais
on n'a plus de valeur à l'hypothèque mobilière.
Cela enlève beaucoup de sa valeur.
M. Dauphin: Ensuite, je crois que vous ne nous avez pas
parlé de votre position relative. Est-ce que vous avez la même
position que la chambre concernant la notion de présomption
d'hypothèque?
M. Crête: Concernant la présomption
d'hypothèque, elle n'apparaissait pas dans l'avant-projet de loi. Nous
n'en avons pas fait l'étude en profondeur. Je pourrais vous dire que
j'appuie la position de la chambre de ce matin, c'est-à-dire sa nouvelle
position, en ce sens que nous...
M. Dauphin: ...pas la retenir.
M. Crête: ...préférons le consensualisme.
Nous sommes du même avis.
M. Dauphin: D'accord. Lorsque vous traitez du report des droits,
articles 3413 et 3414, le Barreau du Québec nous proposait de leur
laisser la possibilité d'en faire des rapports d'actualisation
concernant les immeubles. Je présume que vous êtes contre.
M. Crête: Oui, vous avez raison.
M. Dauphin: Quelle est la raison? Quelle serait votre raison,
considérant un avocat spécialisé dans l'immobilier, par
exemple?
M. Crête: Voici, ce qui arrive, c'est que l'avocat...
Actuellement, je ne vois pas de documents qui sont signés par des
avocats individuellement. C'est signé par des firmes d'avocats tandis
que nous, comme notaires, on prend la responsabilité personnelle. Je
signe un rapport de titres, je vais signer un rapport d'actualisation et je
vais signer mon nom. J'en suis responsable. Je suis assuré pour cette
responsabilité. Dans cinq ans, dans dix ans, on pourra toujours me
retracer et même si je suis mort ou que je suis à ma retraite, la
Chambre des notaires va être là pour répondre de cela. II y
a une assurance de cela tandis qu'actuellement, même dans les dossiers,
on a de la misère à retracer un avocat. Cela change de bureau
comme cela change de chemise. Le bureau n'existe plus.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Une voix: N'oubliez pas que vous parlez à deux
avocats.
M. Crête: Je le sais, je ne suis pas gêné.
Une voix: ...
M. Crête: Non, mais c'est la réalité qu'on
vit aujourd'hui. Je regrette, mais les
confrères avocats n'ont pas voulu prendre la
responsabilité. Nous, les notaires, nous sommes au front et nous prenons
la responsabilité. Je vois mal un avocat... Vous savez comme moi qu'il y
a des avocats qui font du criminel à 90 % et qui, demain matin,
commencent à faire un rapport en droit immobilier... Je pense que si on
veut conserver des registres qui se tiennent, si on veut avoir quelque chose en
ordre, on devrait - pas je pense, mais je suis sûr - laisser cela aux
notaires.
M. Dauphin: Aux notaires. Si on s'en va maintenant en droit
mobilier concernant l'hypothèque mobilière, vous tenez, je
présume, le même raisonnement: cela doit être
réservé aux notaires et l'avocat...
M. Crête: Oui.
M, Dauphin: ...devrait se limiter à se tenir à la
cour.
M. Crête: Quand on admet que l'hypothèque
mobilière peut être faite sous seing privé, je ne veux pas
attaquer nécessairement l'avocat, mais c'est qu'à ce
moment-là, le banquier va demander de signer cela à la banque
sous seing privé. Si je vous disais qu'il y a des nantissements
commerciaux qui ont été faits sous seing privé et qu'il y
en a plusieurs qui ont été mal faits, que ce soit le nom de la
compagnie qui est mal rédigé, qu'on n'est pas tenu de savoir si
la personne qui signe est bien autorisée, que le document n'a pas
été enregistré dans la bonne division d'enregistrement,
comprenez-vous? Aussi, ce qui arrive, c'est que quand on pense à publier
cette hypothèque, tantôt ça veut dire, si on laisse les
hypothèques mobilières être faites sous seing privé,
sur le coin du bureau, qu'elles ne seront pas lues et ne seront pas
expliquées et vont être enregistrées je ne sais pas
comment, cela veut dire que tout le registre des hypothèques
mobilières n'aura plus de valeur. À ce moment-là, on vient
inventer une hypothèque mobilière qui n'aura pas de valeur et qui
ne pourra pas rapporter les dividendes qu'on voudrait qu'elle rapporte,
c'est-à-dire une diminution du coût de crédit pour le
consommateur ou pour l'emprunteur.
M. Dauphin: Une autre question, si vous me permettez...
M. Roy: Je m'excuse, est-ce que je pourrais ajouter sur la
dernière question? Également, au sujet des hypothèques
mobilières qui vont être enregistrées et qui seront sous
seing privé, comme notaire, pour de temps en temps voir des situations
un peu surprenantes, on peut aussi avoir des doutes sur la façon dont
ces garanties vont être prises. Je suis certain que pour la plupart
d'entre vous, vous avez déjà vu ces situations. Un individu se
présente à une institution, on lui consent un prêt et on
lui fait siqner des formulaires en blanc parce qu'on veut les faire taper par
la suite. Tu signes là, tu signes là, tu signes là.
L'individu a besoin de son arqent et souvent va être mal à l'aise
pour poser des questions. Il ne voudra pas mettre en péril l'approbation
du prêt qui lui a été consenti.
Généralement, il va se plier à cette façon
de procéder. On va signer, le client va signer en blanc les formulaires
qui seront, après, complétés par l'institution. Quelle
n'est pas la surprise - d'un notaire quand, se rendant dans une de ces
institutions pour faire signer un acte d'hypothèque immobilière,
il ne se fait pas demander: J'ai un transport général de
créance à faire enregistrer et vous êtes comme cela
à l'assermentation. Veux-tu m'assermenter cela? Il te le
présente. Tout le monde a signé. Les deux témoins ont
signé. Le témoin a déjà siqné l'affidavit.
Il voudrait que tu viennes signer simplement. Il dit: La personne qui a
signé comme témoin n'est pas ici aujourd'hui, mais c'est juste
une formalité. Signe-le moi.
C'est de cette façon que les banques prennent les garanties et,
à ce niveau, ce que je trouve inquiétant, c'est que, quand on va
parler d'hypothèque mobilière sous seing privé, il y a des
chances que les garanties soient prises de la même façon, ce qui,
à mes yeux, rend tout contestable et ne donne aucune validité ou,
en tout cas, on pourra toujours s'opposer à ce type d'acte.
M. Dauphin: Merci. Peut-être une dernière question,
M. le Président, relative à l'hypothèque légale de
la construction. Vous nous proposez dans votre mémoire que cette
hypothèque ne devrait prendre effet qu'à compter du
dépôt pour enregistrement de l'avis. On a reçu, hier soir
notamment, plusieurs groupes qui militaient évidemment en faveur de leur
"punch", qui est le privilège en matière de construction. Ne
trouvez-vous pas qu'en proposant qu'une hypothèque légale ne
prendrait effet qu'au dépôt de l'avis d'enregistrement... Eux nous
convainquaient ou tentaient de nous convaincre que vu la fragilité de
l'industrie de la construction sur le plan économique en matière
de financement, ça détruirait, si vous voulez, en quelque sorte,
la possibilité de financement de cette industrie.
M. Crête: Non, je ne crois pas. M. Dauphin: En
repoussant.
M. Crête: C'est sûr que tout ce domaine aurait
à être repensé. Je sais que la solution proposée
n'est pas une solution
idéale pour personne. Sauf qu'actuellement, qu'est-ce qui se
passe? C'est qu'on est obliqé de demander à l'emprunteur ou au
constructeur de faire signer des formules de cession de priorité
d'hypothèque en faveur du créancier. C'est ça qui se passe
en réalité. C'est que tous ces gens qui ont une hypothèque
légale, avant de commencer une construction, s'ils veulent avoir le
contrat, il faut qu'ils signent une priorité en faveur de la banque, en
faveur du créancier hypothécaire. Pourquoi ne pas le dire
simplement par la loi que le créancier hypothécaire a
priorité? À ce moment-là, on n'aura pas besoin de toutes
ces formules. Et on se retrouve dans la même situation où on est
aujourd'hui. Ils n'ont rien perdu. C'est simplement cela.
M. Dauphin: J'avais une question. Ah oui, allez-y, excusez-moi.
(12 h 45)
M. Roy: Simplement une question à se poser. Est-ce que le
fournisseur de matériaux pour un bateau a préséance
à l'hypothèque maritime? C'est simplement cela, et je pense que
c'est comme cela partout.
M. Dauphin: J'aurais juste une question qui ne concerne pas
l'avant-projet de loi, M. le Président, si vous me le permettez. Vous
faites partie de la Fédération des notaires; au Parlement, il y a
peut-être 25, 30 avocats, et aucun notaire. Est-ce qu'il y a une raison
particulière qui fait que les notaires sont plus sédentaires,
cherchent à rester dans leurs bureaux? Cela sort de l'avant-projet de
loi, mais...
Le Président (M. Marcil): Cela sort de l'avant-projet de
loi, M. le député, mais je dois dire que nous avons trois
notaires, trois ministres.
M. Dauphin: Oui? Ah bon.
Le Président (M. Marcil): M. Bourbeau, Mme Monique
Gagnon-Tremblay de même que M. Raymond...
M. Dauphin: Excusez-moi, je retire ma question.
M. Crête: Cela nous aurait fait plaisir d'y
répondre.
Le Président (M. Marcil): Oui, Raymond Savoie. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Le Président (M.
Marcil): Trois.
Mme Harel: Trois? Vous savez qu'après notre
assermentation, c'est comme ta Pentecôte, vous savez, il n'y a plus ni
Grecs, ni Romains. Après notre assermentation, nous ne sommes plus ni
avocat, ni notaire, nous sommes des légistes, des parlementaires.
M. Dauphin: ...
Mme Harel: On est pris pour s'en faire dispenser.
Me Crête et Me Roy, cela m'étonnait de vous entendre dire,
Me Crête, à l'instant même, en réponse au
député de Marquette que, puisque les créanciers
hypothécaires font habituellement signer des cessions de
priorité, parce que c'est là une pratique qui s'est
développée pour contourner l'intention du législateur,
justement, il fallait maintenant légiférer pour que,
définitivement, on opte en faveur d'eux prioritairement. Cela revient
à cela. C'est illusoire de dire qu'ils seront sur le même rang.
À partir du moment où c'est l'enregistrement de l'avis, en tout
cas, dans la réalité d'ailleurs, vous le dites vous-même,
vous avez cette franchise...
M. Crête: ...que le législateur viendrait
reconnaître une situation qui existe déjà, en pratique.
Mme Harel: Encore faudrait-il se demander si on souhaite cette
situation. C'est une autre question, justement.
M. Crête: Si vous ne la souhaitez pas, à ce
moment-là...
Mme Harel: Je pense que...
M. Crête: Si vous ne la souhaitez pas et si vous avez
d'autres solutions à proposer... Je pense qu'hier on n'a pas
trouvé de solution trop trop à cette question. C'est sûr
qu'on peut repenser toute cette question. Mais moi, tout simplement, je
vous...
Mme Harel: D'accord, parce que, Me Crête, je ne crois pas
que c'était la solution que souhaitait le législateur, les
codificateurs en 1800. Je ne crois pas que c'était cela, la
solution.
M. Crête: Non, je sais.
Mme Harel: Je crois que la pratique a contourné
l'intention, finalement. Là, je ne crois pas que ce soit l'intention
dans l'avant-projet de loi. Plusieurs sont venus dire au gouvernement: Vous
cherchez une solution pour abolir le privilège ouvrier mais tout en
maintenant un statut particulier parce que je pense que l'intention - cela a
été exprimé par le ministre de la Justice - c'est qu'il
soit maintenu quand ce ne serait que pour maintenir l'ordre dans ce secteur. On
dit toujours dans une société que lorsque l'habitation va, tout
va. D'une certaine
façon, eux sont venus nous dire: On a assez de problèmes
sans que vous nous en ajoutiez. Je reprends toute cette question de
l'hypothèque mobilière.
M. Crête: Si vous me permettez une intervention...
Mme Harel: Certainement.
M. Crête: ...concernant les hypothèques
légales dans le domaine de la construction. C'est une idée, une
suggestion, peut-être: Est-ce qu'on ne pourrait pas demander au notaire
d'être fiduciaire des fonds avancés, de l'obliger à payer
les entrepreneurs? C'est-à-dire que l'entrepreneur pourrait tout
simplement déterminer d'avance qui sont ses sous-entrepreneurs, et,
à ce moment-là, le notaire pourrait payer directement ces gens,
au lieu de remettre l'argent à l'entrepreneur qui, lui, utilise les
fonds à d'autres fins.
Mme Harel: J'ai noté d'ailleurs, à cet effet, une
suggestion de la Chambre des notaires lors du dépôt de son
mémoire, de prévoir éventuellement... Il faudrait voir
aussi la législation ontarienne qui contient déjà des
dispositions semblables. Je pense que, de toute façon, il y a aussi la
solution de rechange de l'Office de révision du Code civil, enfin, on
n'est pas nécessairement à court d'alternatives, mais on aura
certainement à les explorer.
Je reprends la question des hypothèques mobilières qui
était posée par l'adjoint du ministre. Vous dites: Moi, je ne
veux pas intervenir sur la querelle à savoir faut-il que ce soit sous
seing privé ou par acte authentique, mais plus encore, faut-il qu'il y
ait une hypothèque mobilière. On a tellement de problèmes
juste avec les modalités d'implantation que je me demande ce qu'elle
viendrait ajouter aux pratiques commerciales actuelles.
M. Crête: C'est parce qu'on enlève le
privilège du vendeur, parce qu'on aboli les privilèges. C'est
à ce moment-là qu'on a décidé de conserver
l'hypothèque mobilière mais si...
Mme Harel: Mais le vendeur non payé a une
hypothèque légale.
M. Crête: Oui, il a une hypothèque
légale.
Mme Harel: Le paragraphe 3 de l'article...
M. Crête: C'est une question que nous n'avons pas
décidée. L'avant-projet nous propose une hypothèque
mobilière. C'est sûr qu'on pourrait se poser la question à
savoir est-ce qu'on doit admettre l'hypothèque mobilière ou pas?
C'est une chose qui a été discutée en commission...
Mme Harel: C'est-à-dire l'hypothèque
mobilière pour un non-commerçant...
M. Crête: Oui.
Mme Harel: ...et pour un consommateur qui acquiert un bien.
M. Crête: II faut quand même remarquer...
Mme Harel: La Chambre des notaires vous dit qu'il est
préférable de ne pas introduire cette notion qui va, de toute
façon, confondre, et de maintenir le nantissement commercial dans la
forme qu'il a présentement, c'est-à-dire la libre concurrence
professionnelle, avocat ou notaire. Finalement, c'est ça la position de
la Chambre des notaires.
M. Crête: Ce que nous voulons c'est que s'il y a des
hypothèques mobilières on veut être en mesure de s'assurer
qu'elles sont bonnes, valables et qu'on puisse en vérifier la
publicité de façon adéquate et être sûrs. Si
je certifie à un créancier qu'il détient une bonne et
valable première hypothèque mobilière, je veux être
sûr de mon coup.
Mme Harel: Je pense bien que le législateur et la
commission aussi auront à examiner préalablement la question de
savoir s'il doit toujours y avoir des dispositions qui traitent de ces
questions qui soient introduites.
À la page 37 de votre mémoire, vous nous parlez de ce qui
vous semble être les formalités pour permettre un registre auquel
on puisse se fier, pour permettre la fiahilité du registre, pour
permettre sa sécurité, pour en permettre la valeur
désirée. Lorsque les registrateurs se sont
présentés devant la commission, hier, en réponse aux
questions posées, ils nous ont dit se considérer en mesure de
procéder à la certification tel qu'il est mentionné dans
l'avant-projet de loi. Donc, la certification en ce qui concerne
l'identité des parties, l'adéquation entre l'acte et la
volonté. Il leur semblait possible de procéder à cela et,
pour autant, de satisfaire aux objectifs légitimes que l'on poursuit
tous en matière de fiabilité et de sécurité du
registre.
M. Crête: Je me demande comment les registrateurs...
Mme Harel: Je vais vous poser tout de suite les deux questions en
même temps parce que cela concerne les registrateurs et que le temps nous
est compté. Ils ont égale-
ment contesté les dispositions qui concernent le sommaire,
l'enregistrement, en disant qu'il est peut-être... La discussion s'est
poursuivie sur la possibilité de microfilmer les actes et d'introduire
des fiches avec lecteur optique. On a abordé toutes ces
questions-là. J'aimerais avoir votre point de vue sur ces deux
questions.
M, Crête: Quant à votre première question, je
doute que les registrateurs soient en mesure de certifier les actes sous seing
privé à être enregistrés. Est-ce qu'il faudrait que
les parties à l'acte sous seing privé se présentent au
bureau d'enregistrement? Vous savez qu'actuellement dans les bureaux
d'enregistrement il y a des situations qui ne sont pas roses. Quand on prend le
bureau d'enregistrement de Montréal où cela prend jusqu'à
dix jours avant de savoir si notre acte est enregistré, avant d'avoir le
retour d'une copie, si on commence avec ça, que les gens se
présentent pour faire leur contrôle au bureau d'enregistrement, je
m'excuse mais je ne suis pas capable de voir ça.
Actuellement il y a un manque de personnel dans les bureaux
d'enregistrement. On a de la difficulté à avoir du service. Plus
ça va, plus la qualité du service diminue pour les utilisateurs
des bureaux d'enregistrement. Plus on va accorder de tâches et de
responsabilités au registrateur et à ses employés, il
faudra aussi qu'il prenne ses responsabilités. Est-ce qu'il faudra
prévoir un fonds d'indemnisation de la part du gouvernement ou des
registrateurs en cas d'erreur? Ce sont des questions, c'est sûr, mais si
c'est le notaire qui est responsable du sommaire... c'est pour ça qu'on
préfère la règle que les actes authentiques soient
enregistrés. C'est notre règle parce qu'on est sûr comme
ça que le registre aura le plus de valeur possible.
Je ne comprends pas que le registrateur soit en mesure de certifier,
quand les avocats ont admis en commission ici, hier, ne pas être en
mesure de le faire. Si un acte sous seing privé a été
passé et qu'une des parties arrive, comment peut-il vérifier
l'identité de l'autre partie? Je pense que c'est illusoire.
Maintenant, quant à l'informatisation des bureaux
d'enregistrement, si le gouvernement est prêt à dépenser
beaucoup pour informatiser tous les bureaux d'enregistrement, je suis bien
d'accord avec cela, sauf qu'au comité, on a eu certains
spécialistes du gouvernement dans ce domaine qui nous ont plutôt
dit d'essayer de penser autrement.
Mme Harel: Alors, Me Crête... oui?
M. Roy: Je m'excuse, juste peut-être à titre de
réponse supplémentaire, je siège à un comité
avec la Direction générale des bureaux d'enregistrement et ce que
ça me permet de constater à ce moment-ci, c'est que c'est un
choix politique que le gouvernement aura à poser, je pense. C'est soit
d'assumer la charge de tout cela lui-même ou de le laisser à
l'entreprise privée comme cela se fait un petit peu actuellement.
À savoir que si les registrateurs se voient, je dirais, affublés
de la tâche d'assurer cette certification des actes, il va falloir
modifier sensiblement tout le système actuellement. C'est-à-dire
qu'on parle des heures d'ouverture. Je ne suis pas certain que la
clientèle est toujours en mesure, pour tout, d'aller dans ces heures
d'ouverture. Il va aussi donner du personnel supplémentaire parce que
ça va faire beaucoup de monde. On va venir de créer un autre
système d'enregistrement. Fait bizarre, à l'opposé des
enregistrements automobiles qu'on a eu tendance à donner à
l'entreprise privée. Alors, c'est un choix politique, mais je ne vois
pas pourquoi le gouvernement aurait l'attitude de rapatrier toute cette
tâche qui, actuellement, dans 95 % des cas. est faite par l'entreprise
privée, c'est-à-dire le notariat.
Mme Harel: Justement, dans votre mémoire à la page
41, vous concluez que tous les actes admis à l'enregistrement devraient
être des actes authentiques, et !à vous nous dites: sauf certaines
exceptions prévues par la loi. Quelles pourraient être ces
exceptions selon vous?
M. Crête: C'est sûr qu'il peut y avoir des avis de
vente pour taxes. Il peut v avoir toute sorte de documents qui pourraient
être faits sous seing privé.
Mme Harel: Alors je vous pose la question de résidence
familiale, par exemple, introduite dans notre droit de la famille qui se
gère actuellement au bureau du registrateur par un formulaire tout fait,
tout préparé, et les personnes qui veulent utiliser ce droit
n'ont qu'à se présenter au bureau d'enregistrement pour le
remplir et le registrateur l'enregistre. Cela serait un type d'acte qui ne
pourrait être admis que s'il est...
M. Crête: Authentique. Mme Harel:
...authentique.
M. Crête: Ou bien il faudrait bien s'assurer que la
personne qui l'enregistre est bien le conjoint, qu'elle est bien mariée.
Parce que vous savez qu'il y a en qui on enregistré des
déclarations de résidence et qui n'étaient pas
mariés.
Mme Harel: Et les baux immobiliers...
M. Crête: Être sûr que c'est la bonne
désignation. Voyez-vous? C'est sûr que ces gens-là se
présentent au bureau d'enregistrement et c'est l'employé du
bureau d'enregistrement qui fait cela.
Mme Harel: II y a un vieux principe qui dit: souvent le mieux est
l'ennemi du bien par exemple en certaines matières.
M. Crête: Oui.
Mme Harel: Et les baux immobiliers, également?
M. Crête: Oui.
Mme Harel: D'accord. Merci, M. le Président. Alors je vais
vous remercier Me Crête...
M- Crêtes Oui.
Mme Harel: ...et Me Roy.
Le Président (M. Marcil): Moi aussi j'aimerais vous
remercier de votre participation à nos travaux. Comme vous le savez,
c'est un avant-projet de loi alors on est ici pour vous consulter et le
bonifier par après.
M. Crête: Soyez assurés aussi que, de notre part,
nous sommes toujours ouverts à collaborer avec vous dans d'autres
projets de loi ou même dans ce dernier. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Ça va. Nous vous
remercions beaucoup de vous être prêtés à cette
audition. Je voudrais savoir s'il y a un membre de l'Association des banquiers
canadiens présent dans cette salle? Non, c'est seulement à titre
d'information.
Donc, je vais ajourner jusqu'à 2 h 15, c'est-à-dire 14 h
15.
Il y en a un? Vous êtes le groupe faisant partie de l'Association
des banquiers canadiens?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Marcil): Je vous informe que nous allons
reprendre nos travaux à 14 h 15. Ça va.
(Suspension de la séance 12 h 57)
(Reprise à 14 h 30)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons reprendre nos travaux. Nous souhaitons la bienvenue aux
représentants de l'Association des banquiers canadiens, M.
Daniel Ferron, M. Wilbrod Gauthier de même que Me Pierre
d'Etcheverry.
Donc, nous souhaitons la bienvenue à cette audition de notre
sous-commission. Sans plus tarder, je vais vous laisser la parole. Les gens ont
pris connaissance de votre mémoire. Donc, ils ont déjà des
questions préparées, ils sont déjà prêts
à vous les poser. Si vous voulez nous exposer en résumé
votre mémoire, ensuite on pourra procéder immédiatement
aux échanges. Allez.
Association des banquiers canadiens
M. Gauthier (Wilbrod): Merci, M. le Président, membres de
la commission. Comme vous l'aurez constaté à la lecture du
mémoire de l'Association des banquiers canadiens, celle-ci ne s'est pas
attardée uniquement à critiquer les dispositions de
l'avant-projet de loi qui pourraient causer des soucis aux banquiers.
L'intervention de l'association se veut donc positive et non négative.
Si l'on nous demandait de résumer la position de l'association, je vous
dirai que la cohésion que doit avoir un tel projet de loi à
l'intérieur de la révision globale du Code civil exige des textes
dont le sens et la formulation sont raisonnablement à la portée
de tous les justiciables.
Le mémoire de l'association se penche donc sur des questions de
principe aussi bien que sur des probtèmes de rédaction et sur des
questions générales aussi bien que sur les questions que pouvait
se poser le banquier en tant que bailleur de fonds et prêteur d'argent.
Il serait donc inutile et sûrement beaucoup trop fastidieux de reprendre
ici toutes et chacune des remarques qu'on a faites. À l'invitation du
président, je vais essayer de m'en tenir à des commentaires en
guise de sommaire plutôt qu'autre chose. Nous sommes évidemment
à votre disposition pour répondre à toutes les questions
que vous voudrez bien diriger vers nous.
L'association - et quand je dis "l'association" il s'agit vraiment du
comité du Québec composé de banquiers entièrement
québécois qui ont contribué à la préparation
de ce mémoire et à son élaboration finale -alors,
l'association m'autorise à ne pas laisser passer sous silence la
situation difficile dans laquelle se trouvera placé non seulement le
justiciable, le citoyen mais même le conseiller juridique si la loi est
adoptée essentiellement dans le sens des textes proposés par
l'avant-projet.
Nous ne pouvons que déplorer la décision du gouvernement
et de son équipe de juristes et d'administrateurs d'avoir rejeté
presque du revers de ta main et, à mon avis, et je le dis avec tout le
respect que je vous dois, sans explication valable les structures et textes de
cette partie du Code civil qui avaient été proposés par
l'Office de révision du Code civil, l'ORCC.
Ce projet de Code civil était accompagné de commentaires,
de jurisprudences et d'autorités à l'appui. Ces commentaires, et
j'insiste en particulier sur les commentaires, se seraient
révélés d'une valeur inestimable pour
l'interprétation future des dispositions du nouveau Code civil. T'est
ainsi que se fait un Code civil. Qu'on pense au Code Napoléon ou au Code
civil du Bas-Canada qui a été notre Code civil au Québec
jusqu'à ce jour en grande partie. C'est ainsi que se fait et devrait
toujours se faire la codification des droits civils ou du moins dans un pays de
droit français comme le nôtre.
Il ne s'agit pas de prétendre que le gouvernement eût
dû adopter pour ainsi dire les yeux fermés le Code civil
proposé par l'ORCC mais le gouvernement de l'époque aurait pu
facilement faire un choix entre deux façons de procéder qui
étaient à sa disposition et qui le sont peut-être encore et
qui le seraient encore de toute façon si le Code civil est adopté
en bloc.
En premier lieu, l'office de révision et chacun de ses
comités avaient tenu des audiences publiques qui avaient permis à
tous les individus, toutes les associations... On a entendu les
représentations des intéressés. Le gouvernement aurait pu,
d'ores et déjà, renvoyer tel ou tel comité à la
table de travail pour corriger des orientations de principe avec lesquelles le
gouvernement ne pouvait pas être d'accord, si tel était le cas.
L'autre choix qui s'offrait au gouvernement et qui s'offre encore au
gouvernement, c'est celui d'adopter un Code civil qui, dans le cas de l'ORCC,
était présenté par les codificateurs - dans le cas
présent, il ne l'est pas - et de s'accorder une période de
quelques années avant de le mettre en vigueur, ce qui aurait permis d'en
déceler les faiblesses ou les incongruités, s'il s'en trouvait,
pour le réviser de façon définitive à la fin de
l'exercice. En ne faisant ni un choix, ni l'autre, le gouvernement - celui-ci
et celui qui l'a précédé - nous laisse avec un Code civil
qui ressemblera, malheureusement, à bien des endroits beaucoup plus
à du droit statutaire qu'à de la codification des droits civils
fondamentaux au Québec.
Ceci est d'autant plus vrai de l'avant-projet dont il est question ici.
Le texte de l'avant-projet - et cela a été une des
difficultés qu'on a fait ressortir dans notre mémoire - emprunte
ici et là des idées et des principes que l'on retrouvait dans le
projet de code de l'ORCC, mais il les entremêle à d'autres
dispositions dont tantôt la terminologie, tantôt la
phraséologie ne cadrent pas avec les dispositions empruntées au
code de l'ORCC et nous laissent avec certaines idées maîtresses
qui ont été retenues, mais qui ne peuvent avoir tout leur sens
parce que d'autres ont été rejetées. J'en reparlerai dans
quelques minutes lorsqu'il sera question de la présomption
d'hypothèque, et vous verrez pourquoi.
Pour le justiciable aussi bien que pour son conseiller juridique, tout
aussi bien d'ailleurs que pour les tribunaux et le législateur,
éventuellement, qui aura à venir aux prises avec le code, une loi
qui serait adoptée en substance selon l'avant-projet risquerait de
devenir un fouillis, et c'est ce que nous avons tenté de faire ressortir
dans le mémoire présenté. Nous avons procédé
article par article, signalant les contradictions, le manque de
définitions, le manque de cohésion entre certains articles et
d'autres. Je pourrais en faire ressortir à la douzaine, mais elles sont
déjà notées dans le mémoire.
Si nous insistons particulièrement sur l'absence - je devrais
dire en somme la destruction quasi totale de la valeur du rapport des
codificateurs de l'ORCC - c'est que l'association et les membres de son
sous-comité juridique qui ont préparé le mémoire
ont souvent été forcés, comme nous croyons que vous le
serez aussi, de suggérer le rapatriement à l'intérieur de
l'avant-projet de plusieurs des dispositions du projet de l'ORCC, lesquelles
constituaient une réponse tout à fait satisfaisante à
plusieurs des problèmes de rédaction et des problèmes
juridiques que nous soulevons dans notre mémoire.
Ces remarques préliminaires ne sont pas faites dans le but de
vous convaincre de faire marche arrière. Malheureusement, il est trop
tard pour cela. Cependant, elles sont faites dans le but de vous
éclairer sur le sens et la portée des critiques
spécifiques formulées dans les 100 pages de notre mémoire.
Tous les commentaires, toutes les critiques, toutes les questions
soulevées visent à préciser ou à clarifier les
textes et à donner à l'ensemble une cohésion qu'il n'a pas
dans le moment.
À la suite de ces remarques préliminaires, je vais me
limiter à quatre commentaires. Premièrement, au sujet de la
présomption d'hypothèque. Deuxièmement, quant au principe
des créances hypothécaires et des hypothèques
légales. Ensuite, sur l'incertitude quant au ranq des
sûretés. Enfin, au sujet de deux ou trois déficiences du
texte de l'avant-projet dont mention a été omise dans le
mémoire.
Revenons à la présomption d'hypothèque. Je suis
éberlué, je dois l'avouer, d'apprendre que la Chambre des
notaires a changé la position qu'elle avait prise en faveur de la
présomption d'hypothèque. Je me suis dit: Mais à quoi ils
pensent? La présomption d'hypothèque était
suggérée par l'ORCC pour deux raisons qui demeurent et qui
demeureront toujours les bonnes. Premièrement, c'était de
simplifier le droit pour le citoyen, l'homme de la rue, le petit homme
d'affaires. À la place d'être
en présence, à chaque fois qu'il veut emprunter, de
contrats épais comme ça, remplis de clauses de dation en paiement
dont pas deux sont semblables, des clauses de transport de loyer, de
nantissement de ci, de prise de possession de cela selon des conditions et des
avis, etc., fini cet enchevêtrement de l'acte d'hypothèque.
C'était la première raison pour justifier l'ORCC de
suggérer la présomption d'hypothèque. C'est que le gage
devient inutile, le nantissement agricole, le nantissement commercial, la
cession de créances et comptes de livres, la cession de biens en stock,
tout cela était remplacé par l'hypothèque. Tout le monde,
tous les prêteurs, tous ceux qui voulaient avoir des sûretés
sur les biens du petit homme de la rue comme du riche commerçant
seraient sur le même pied. C'était cela le but de la
présomption d'hypothèque. C'est pour cela que nous le
préconisons avec autant de force et que le Barreau l'a fait, que le
Mouvement Desjardins l'a fait dans son mémoire aussi. J'espère
qu'ils n'ont pas changé d'idée eux non plus. Moi je n'ai pas
changé d'idée et l'Association des banquiers canadiens n'a pas
changé d'idée. Et pourtant les banquiers pourraient avoir
à se plaindre quelque peu parce que, par exemple, la priorité
extraordinaire que leur donnent actuellement la jurisprudence et les auteurs en
matière de cession de créances et comptes de livres est
préférable à l'hypothèque mobilière. Mais
les banquiers sont prêts à reconnaître qu'il faut mettre
tout le monde sur le même pied en matière d'hypothèque.
Donc, créer la présomption d'hypothèque. Il y a tout un
bloc du Code civil qui va d'ailleurs devenir inutile grâce à la
présomption d'hypothèque.
La deuxième raison, c'est que justement, la forme perd de
l'importance. Quand j'entendais, ce matin, un notaire vous dire qu'il est
important d'avoir la forme authentique parce que cela assure aux justiciables,
à l'emprunteur comme au prêteur, un document dans une forme
impeccable, en somme, cela évite les vices de forme, mais
précisément, la présomption d'hypothèque que je me
permets de relire dans le rapport de l'Office de révision du Code civil
met fin à la possibilité d'invoquer des vices de forme. Qu'on
s'exprime dans les termes qu'on voudra, qu'on appelle cela comme on voudra, que
celui qui rédige une hypothèque sous seing privé vous
tortille un texte qui est plus ou moins conforme à la pratique notariale
ou à la pratique des avocats, peu importe, il va avoir son
hypothèque comme tous les autres. Le débiteur va savoir que tout
ce qu'il a consenti, c'est une hypothèque. Comme l'hypothèque
remplace toutes les autres sûretés, il est certain de ne pas
être pénalisé parce qu'il ne consent pas à telle ou
telle forme de clause que le prêteur veut lui imposer. C'était
cela la présomption d'hypothèque. C'était le but
visé. Je pense que certaines gens l'ont perdu de vue. Il ne le faut
pas.
Je m'attarde ici à l'article 281 du projet de l'ORCC, au
deuxième paragraphe qui disait: "Toute stipulation à l'effet de
conserver ou de conférer un droit sur un bien pour assurer le paiement
d'une obligation est une stipulation d'hypothèque." Donc, même si
le mot "hypothèque" n'est pas utilisé, même si celui qui
rédige un contrat d'hypothèque sous seing privé pour
réduire les coûts que lui apporte l'intervention du notaire ou de
l'avocat, à partir du moment où il dit: Je laisse mon bien, je
cède mon bien en garantie d'une dette que j'ai envers M. X ou la
corporation Y, il vient de lui consentir une hypothèque entière,
mais c'est tout, cela finit là. C'était cela la beauté du
rapport de l'Office de révision du Code civil sur la présomption
d'hypothèque. Je vous prie bien humblement d'essayer de ta restaurer
dans l'avant-projet.
Maintenant, je passe au deuxième commentaire qui est au sujet des
créances prioritaires de l'État, de la municipalité et de
tout le monde qui ont des créances prioritaires, ceux qui auraient des
créances prioritaires si l'avant-projet est adopté dans sa forme
actuelle. Nous avons déjà dit dans notre mémoire ce que
nous en pensions. Le Barreau a fait de même ainsi que le Mouvement
Desjardins. Eux les ont dénoncées avec encore plus de vigueur, je
pense, que nous l'avons fait. Ils les ont même qualifiées
d'exorbitantes. Ils ont qualifié d'exorbitante, en tout cas, la
priorité donnée à l'État pour ses impôts. Au
seul titre de créancier, l'État n'a pas à être
favorisé par priorité sur les autres créanciers. Non, les
droits civils sont aussi dignes de respect que ceux de l'État. (]4h
45)
Deux remarques s'imposent ici. J'ai bien dit "au seul titre de
créancier". Je comprends les problèmes que l'État peut
avoir à percevoir ses impôts, mais c'est peut-être parce que
les lois sur l'impôt sont mal faites. C'est peut-être parce que les
principes de fiscalité en vogue au Canada et dans la province de
Québec ne sont pas les bons. Il faudrait regarder cela. C'est
peut-être pour cela qu'ils veulent des priorités.
J'ai deux remarques à vous faire à ce sujet-là. En
premier lieu, celui qui ne paie pas ses impôts et redevances à
l'État commet une illégalité de nature pénale.
C'est sur lui que doivent retomber les pénalités et non pas sur
les autres. Mais la priorité civile accordée à
l'État pour ses créances aurait pour effet de pénaliser le
créancier qui a prêté de bonne foi; ce n'est pas
nécessairement un banquier, cela peut être un petit prêteur.
Cela peut être un notaire qui a prêté l'argent. Cette notion
de créance prioritaire introduit donc dans notre
droit, à notre humble avis, une injustice sociale flagrante,
celle de pénaliser indirectement la personne qui n'a pas commis de
délit, le créancier.
En second lieu, si un créancier autre que l'État ou la
municipalité, qui au fond est l'État parce qu'elle est
déléguée, veut alors se protéger
adéquatement, il ne lui reste qu'à devenir, pour ainsi dire, le
policier de l'État en instaurant un système de surveillance quasi
quotidienne ou au moins hebdomadaire. Inutile de vous dire que les coûts
de cette démarche seront passés à l'homme d'affaires
québécois, petit ou gros, et seront à son
détriment, nécessairement. C'est cela que la créance
prioritaire de l'État va faire des créanciers, ils vont devenir,
ni plus ni moins, des surveillants de la perception des impôts.
Nous vous disons que ce n'est pas le moyen de protéger
l'État pour ses impôts. Que l'État soit
considéré comme un créancier à compter d'un certain
moment où sa créance est liquide et exigible, qu'il aille
enregistrer une hypothèque comme tout le monde ou, au moins, s'il ne
veut pas procéder par hypothèque conventionnelle, qu'il
procède par hypothèque légale. Il aura le rang que lui
donnera l'enregistrement, mais non pas par une créance prioritaire. La
même chose s'applique - nous l'avons déjà dit dans notre
mémoire - aux autres créances prioritaires pour des raisons
différentes.
J'arrive ensuite à la question du rang des sûretés,
qui n'est pas sans importance et qui nous cause beaucoup de problèmes
parce que je pense que la rédaction de l'avant-projet de loi a des
failles. Le régime que veut instaurer l'avant-projet de loi,
c'est-à-dire ce régime de créances prioritaires,
hypothèques légales, hypothèques ouvertes sans aucun
effet, de dispense de publicité pour les créances prioritaires,
en somme tout ce régime fait naître, quant au rang des
sûretés entre elles, une incertitude bien pire que celle qui
existait déjà. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à lire,
dans l'ordre, les articles proposés: 3306, 2889, 2806, 2807, 2811 et
2812. L'utilisation de l'expression "prioritaire" fait nécessairement
allusion au rang d'une créance par rapport à une autre. Comment
peut-on dire, aux articles 2811 et 2812, que les créances prioritaires
sont opposables aux tiers sans avoir à être publiées et
prennent rang suivant leur ordre respectif avant les hypothèques,
contradiction flagrante et inexplicable? Et que dire des articles 2888 et 2889
en regard des articles 2806 et 2807? Comment peut-on donner à
l'État pour ces mêmes créances, c'est-à-dire les
taxes et les impôts - c'est la même expression qui a
été employée dans les quatre articles - une
hypothèque légale qui n'est acquise qu'à compter du
dépôt pour enregistrement d'un avis que l'État entend faire
valoir sa créance et en même temps lui donner une créance
prioritaire? À première vue, c'est à ne rien comprendre.
D'un droit simple, clair et logique que proposait l'ORCC dans cette
matière en particulier, les rédacteurs ont produit des textes
contradictoires et parfois incompréhensibles par souci de
réintroduire dans notre droit la notion obsolète de
privilège, car c'est bien la notion de privilège qu'on a voulu
retenir en la masquant, je le dis bien, d'un vocable différent.
Des créances prioritaires c'est encore des privilèges. On
est encore pris avec cela. Or, la forme non notariée, des
hypothèques même immobilières, autrement dit la dispense de
la forme notariée avait ceci d'avantageux. À mon avis,
c'était un avantage énorme. Ceux qui, au moment de la
présentation du rapport préliminaire du Comité des
sûretés du Code civil, avaient soulevé des objections
surtout au nom des petits fournisseurs de matériaux et des petits
sous-traitants, ceux qui avaient soulevé ces objections aujourd'hui - et
je vois Me Salomon qui est membre de la sous-commission du Barreau du
Québec qui a comparu devant vous hier et qui, lui, a endossé le
rapport avec les autres et qui, lui, reconnaît que la forme
notariée ne devrait pas être retenue comme une obligation sous
peine de nullité absolue comme elle l'est actuellement dans
l'avant-projet - ces gens nous disaient que pour protéger notre
privilège on peut y aller au moment où on veut, on n'a
qu'à donner un avis de privilèqe au moment où l'on veut,
sauf après 30 jours de la fin des travaux, faire enregistrer notre
privilège en forme non notariée et faire valoir notre
réclamation contre le propriétaire, contre l'entrepreneur
général, etc., selon le rang et donc la nature de notre
créance. Mais ils sont aujourd'hui, ces gens, en grande partie en tout
cas, convaincus que l'hypothèque sous seing privé serait la
solution à leur problème. Il serait facile, en vertu de la loi
sur l'enregistrement et par des règlements en vertu de cette loi,
d'imposer une formule d'hypothèque sous seing privé, et
même une hypothèque immobilière. Il serait facile, surtout
ou au moins justement pour ces qens, les petits entrepreneurs, les petits
sous-traitants au nombre de 25 et même parfois de 50 sur un projet de
construction, d'aller, même au début des travaux, même avant
d'avoir livré les biens, aussitôt qu'ils ont leur contrat dans
leur poche, remplir une formule d'hypothèque sous seing privé et
d'aller l'enregistrer. C'est cela qui était visé et c'est cela
qui devrait être encore visé comme étant l'idéal.
C'est de faciliter l'accès à l'enregistrement, non pas te
compliquer.
Sur cela, les articles 3335 et 3336 -
nous en parlons aux pages 89 et 90 de notre mémoire - ont pour
effet de rendre l'enregistrement moins accessible, plus lent et plus
coûteux. Je m'explique. L'article 3335 de l'avant-projet de loi nous
dît: "Le notaire qui reçoit un acte concernant un droit
susceptible d'être publié est tenu de certifier qu'il a
vérifié l'identité ta qualité et la capacité
des parties..." Jusque-là, si c'est le notaire qui le reçoit, ce
n'est pas un fardeau additionnel énorme, malgré que je me demande
vraiment comment il va vérifier l'identité mieux qu'il le fait
actuellement. Et puis "l'adéquation entre l'acte et la volonté
des parties", j'ai bien hâte de voir ce que cela va manger en hiver, Je
vous assure que si c'est rédigé en termes savants de notaires, et
les notaires sont savants, il n'y a aucun doute que le petit justiciable n'est
pas plus en mesure de comprendre ce que le notaire a rédigé que
ce qu'il rédigerait lui-même, s'il le faisait, sous seing
privé.
L'article 3336 nous dit: "L'acte sous seing privé
présenté à l'enregistrement doit indiquer la date et le
lieu où il est fait et être accompagné d'une
déclaration signée par un notaire ou un avocat, certifiant qu'il
a vérifié l'identité..." Et là on reprend le
même texte que celui de l'article 3335. Que font ces deux dispositions?
Elles obligent celui qui veut signer un acte à en ralentir le processus
parce que vérifier l'identité... Je ne sais pas si le notaire
demande le certificat de naissance, s'il demande la carte de crédit pour
vérifier l'identité. Quelqu'un se présente chez un
notaire, il s'identifie, il a un "chum" avec lui, un membre de la famille ou
qui que ce soit... Le notaire vérifie l'identité peut-être
par des documents comme le certificat de naissance, j'espère qu'il le
fait, mais, encore là, va-t-il demander une carte d'identité avec
une photographie? Comment va-t-il savoir que l'individu qui se présente
devant lui est plus certainement l'individu que celui qui se présentait
devant lui avant l'adoption de telle disposition? Tout ce que cela va faire,
cela va un peu ralentir le processus. En plus de cela, cela rend
l'enregistrement moins accessible et plus coûteux parce que, même
sous seing privé, il est obligé d'avoir la déclaration
d'un notaire, la déclaration d'un avocat. Qu'est-ce que c'est ça?
On voulait simplifier le droit, on voulait codifier pour rendre le droit plus
accessible, plus lisible par le commun des mortels et on est en train de le
rendre moins accessible et d'en rendre l'application moins accessible. T'est
pour cela que l'Association des banquiers canadiens s'oppose à des
dispositions de ce genre.
D'ailleurs, la forme authentique, qu'on lui donne la force
exécutoire en plus de la force probante, je ne suis pas sûr que ce
soit là quelque chose de bon ou de mauvais. J'en ai entendu parler pour
la première fois de façon élaborée ce matin, en
écoutant monsieur venu de France qui s'exprimait d'ailleurs avec une
clarté remarquable. Cela peut être une bonne idée, mais je
ne veux pas prendre position et sûrement que je n'ai pas mandat de
l'Association des banquiers de prendre position là-dessus. Mais, si le
notaire est aussi savant et aussi bon qu'il nous le dit, et je crois qu'il
l'est, je ne veux pas me moquer de lui, mais alors qu'est-ce qu'il a besoin
d'une disposition de la loi pour forcer les gens à aller le voir pour
faire signer un acte authentique? Cela n'a jamais été
nécessaire dans le cas d'un acte de vente au comptant. Si quelqu'un veut
faire un acte de vente au comptant, il y a des dispositions quant au format,
à ta clavigraphie, à la qualité du papier; tout cela est
en vertu de la Loi sur les bureaux d'enregistrement, cela existe
déjà. L'acte de vente, qui est un acte bien plus grave que celui
de l'hypothèque, n'a pas à être notarié, il n'a
jamais eu à être notarié. Est-ce que cela a
présenté plus de problème de défaut de titre ou de
vices de titre que les actes authentiques faits par les notaires? Mais non! La
réalité, c'est non! Par conséquent, pourquoi exiger? Si le
notaire, par la qualité de son travail, s'impose, il est évident
que le créancier va vouloir la forme authentique et il n'y a aucun doute
que l'arqument de force probante est bon. À partir du moment où
l'on dit que l'acte notarié est un acte authentique, tout est dit qui
avait à être dit par le législateur, rien de plus n'est
nécessaire. Une obligation, et surtout une obligation sous peine de
nullité absolue de l'hypothèque... Parce que l'hypothèque
n'est pas notariée entre les parties, on va la rendre nulle!
Vis-à-vis des tiers, on pourrait encore comprendre l'argument un peu,
mais, entre les parties, elle est nulle, de nullité absolue, parce
qu'elles ne sont pas allées devant un notaire pour la signer! Cela me
répugne, cela répugne aux qens qui m'accompagnent ici, à
l'Association des banquiers canadiens. (15 heures)
Enfin, quelques remarques additionnelles s'imposent peut-être.
Ici, je vais devenir un peu plus précis, mais je vais essayer
d'être absolument bref. La première a trait à
l'hypothèque Iégale des entrepreneurs, fournisseurs de
matériaux, sous-traîtants et architectes. D'abord, aux
architectes, aux inqénieurs, une hypothèque légale. Ce
sont des professions. Pourquoi? Parcp que le travail qu'ils font a trait aux
immeubles? Le notaire devrait avoir, lui aussi, une hypothèque
légale pour ses honoraires? L'avocat qui a rédiqé le
contrat de vente sous seing privé va avoir une hypothèque
légale pour ses honoraires? C'est de multiplier ces
préférences que l'Office de révision du Code civil voulait
justement éliminer. On voulait faire le nettoyage de
tout ça. Si ce sont des gens qui travaillent à
crédit, ils prennent exactement le même risque que le
prêteur qui prête son propre argent. Il n'y a rien de
différent. Ils décident de ne pas se faire payer rubis sur
l'ongle lorsqu'ils font le travail? Qu'ils ne le fassent pas, c'est tout. Le
prêteur qui n'est pas capable d'enregistrer son hypothèque parce
que le débiteur ne veut pas signer son document, il ne prête pas.
Alors, que l'architecte, que l'ingénieur fasse comme n'importe qui qui
veut garantir une dette qu'on lui doit, qu'il aille enregistrer une
hypothèque, lui aussi. Pourquoi? Parce qu'il est col blanc et porte une
cravate, il devrait avoir une espèce de préférence pour
ses honoraires juste parce que l'architecte travaille à faire des plans
de construction? Il ne fait même pas les plans du terrain. C'est un
autre. C'est l'arpenteur-géomètre qui fait ça. Il fait les
plans d'architecture d'un édifice. Ces plans-là changent. Les
autres ne sont même pas en mesure de savoir ce que ça va
coûter; les autres créanciers qui peuvent vouloir des
sûretés sur les immeubles et qui prêtent ne savent pas si
l'architecte va charger 50 000 $ ou 500 000 $ pour ses services. Alors,
pourquoi ces gens-là seraient à l'abri de l'obligation d'aller
enregistrer une hypothèque comme n'importe qui?
Une deuxième remarque. Celle-ci a trait à l'article 2858
de l'avant-projet. On dit à 2858: "...n'est valide qu'en autant que
l'acte constitutif contient spécialement la désignation du bien
hypothéqué." En fait, c'est 2859. Je m'excuse, c'est une erreur.
"L'hypothèque qui porte sur une universalité d'immeubles n'a
d'effet, à l'égard de chacun des immeubles grevés, que si
elle est enregistrée contre chacun d'eux." C'est une petite
déficience de rédaction que nous avons oublié de souligner
dans notre mémoire. Je crois que ça devrait se lire: Sous
réserve - il faut bien dire sous réserve - des dispositions
régissant l'hypothèque ouverte, l'hypothèque
mobilière n'a d'effet qu'à l'égard de chaque immeuble
contre lequel elle est enregistrée. Mais ce n'est pas ça que le
projet dit.
Je crains que les tribunaux ne l'interprètent pour vouloir dire
que, pour que l'hypothèque qui porte sur une universalité
d'immeubles vaille sur chacun des immeubles grevés, elle doit être
enregistrée sur chacun, donc, sur tous. Je suis sûr que ce n'est
pas ça qu'on a voulu dire. Mais je pense que le texte porte à
confusion et devrait être corrigé.
Un dernier commentaire. Celui-ci a trait aux articles 3414 et 4486, qui
sont relatifs au dossier immobilier et à son actualisation,
c'est-à-dire à sa mise à jour. Je pense que,
déjà. l'Association des registrateurs est venue pour faire des
représentations hier au sujet des imprécisions et
difficultés de ces dispositions que nous propose l'avant-projet de loi.
Je dois vous avouer qu'elles nous surprennent à l'association. Elles
nous inquiètent un peu pour les mêmes raisons que celles
exprimées par les registrateurs. L'instauration du dossier immobilier,
de l'affiche, du processus de l'actualisation du dossier par un notaire nous
semble une tentative tardive de mettre sur pied un système
modifié mais quand même un peu similaire au système Torrens
dont même la province de l'Ontario ne veut plus, parce que cela leur a
causé trop de problèmes.
Je comprends qu'il y a une amélioration dans ce que propose
l'avant-projet de loi. Je ne veux pas faire un plat au sujet de ces
dispositions mais elles n'auront d'abord leur pleine valeur que, si je les
comprends bien, lorsque la rénovation du cadastre qui vient juste
d'être amorcée aura été complétée. Si
tout cela peut être informatisé, et je dis si parce qu'il m'est
arrivé au cours de ma pratique, et surtout dans les années
récentes, d'avoir affaire à des problèmes juridiques
reliés à l'informatisation, si tout cela peut être
convenablement informatisé, peut-être aurons-nous un
système valable. Peut-être. Mais, en tout cas, il y a une
réserve que nous aimerions exprimer. C'est que la responsabilité
accrue des notaires pour l'actualisation du dossier immobilier pourrait
représenter pour eux, éventuellement, un risque énorme de
réclamations auxquelles ils ne pourront répondre à moins
d'avoir un fonds d'indemnisation beaucoup plus substantiel ou des assurances
dont le coût est en train de devenir exorbitant, tout le monde le sait.
D'ailleurs, les notaires ne sont plus assurés. Ils ont leur fonds
d'indemnisation. Mais le rapport d'actualisation, au fond, n'est autre chose
qu'un rapport sur les titres qui va être fait une fois pour toutes et mis
à jour ensuite, d'une transaction à l'autre. Cela me semble un
fardeau énorme qui, s'il n'est pas soutenu financièrement par
l'État, risque d'être beaucoup trop pour qui que ce soit, d'autant
plus que l'avant-projet de loi ne nous semble pas s'arrêter aux
responsabilités, c'est-à-dire aux recours contre les personnes
responsables d'une erreur soit dans l'actualisation ou même dans le
rapport initial destiné au report des droits.
Le justiciable qui a des droits dans un immeuble et qui ne sont pas
soulevés par le rapport des notaires va avoir un recours contre qui?
Contre l'État, parce que, éventuellement, le registrateur est
appelé à trancher la question? Contre le notaire qui a fait le
rapport? Là, ce n'est plus simplement une question d'opinion juridique.
II fait un rapport. À mon humble avis, il se lie. Par conséquent,
si dans l'ensemble de la province il y a, du jour au lendemain, 20 ou 50 ou 200
rapports, parce qu'il y en a des milliers à faire pour tous les lots au
Québec, des centaines de milliers, mais s'il y en a seule-
ment 100 qui sont erronés, voyez-vous d'ici les
réclamations contre le fonds d'indemnisation de la Chambre des notaires?
Qu'est-ce que le gouvernement va faire?
D'ailleurs, ce problème s'était présenté
d'une autre façon lorsque le comité - c'est ma dernière
remarque, M. le Président - de révision du Code de
procédure civile siégeait en 1966. M. le juge Pratte le
présidait, je pense. Il était question de la requête en
ratification de titre. Moi et d'autres, nous avions suggéré que
la ratification de titre puisse être faite simplement sur avis dans les
journaux et sans signification et, une fois le jugement rendu, cela
équivaudrait à titre contre tous. Tous les codificateurs de la
révision du Code de procédure civile m'avaient répondu la
même chose. J'avais dit: Oui, mais les tiers auront des droits, auront
des réclamations. Alors, que l'État s'en charge et qu'il
établisse une espèce de "sinking fund" pour prévoir ces
réclamations-là et les transformer en réclamations en
dommages. Cette suggestion n'avait pas été retenue, mais les gens
qui siégeaient à l'époque avaient bien reconnu que cela
représentait un gros problème de responsabilité cette
ratification des titres. C'est ce que cela fait. Le système Torrens
c'était cela, c'est l'État qui ratifiait les titres. Aujourd'hui,
avec un système Torrens, l'Ontario se retrouve avec trois
systèmes d'enregistrement. Il y avait le vieux système
d'enregistrement que nous avons encore, ou à peu près, avec une
facette additionnelle, celle d'une prescription absolue de 40 ans. On a
instauré le système Torrens et essayé de l'étendre
à toute la province, sans réussir, c'était trop
coûteux. Cela créait des problèmes énormes et,
là, on a instauré un troisième système qui est
celui de la subdivision exigée avant toute transaction et qui s'applique
au moins dans les cas de subdivisions pour fins résidentielles.
Le problème n'est pas facile, nous le concédons, mais j'ai
voulu soulever ces quelques réserves au sujet de ces dispositions
particulières de l'avant-projet. Je vous remercie beaucoup d'avoir
été patients avec moi.
Le Président (M. Marcil): Merci, Me Gauthier, pour votre
brillant exposé. On va passer immédiatement à la
période d'échanges. Donc, je vais reconnaître M. le
député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la
Justice.
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais
tout d'abord remercier les représentants de l'Association des banquiers
canadiens pour leur présence à cette sous-commission aujourd'hui
sur l'étude de l'avant-projet de loi et les féliciter pour la
préparation et la présentation de leur mémoire. Tout
d'abord, commencer peut-être par une remarque. Vous nous dites dans votre
mémoire au tout début qup le comité aurait dû
retenir plusieurs recommandations de l'Office de révision du Code civil
et vous nous avez parlé un peu plus tard de l'exigence de
l'hypothèque immobilière, l'exigence que ce soit consenti par
acte notarié. Également, en ce qui concerne la certification des
professionnels à 3435 et 3436, mais ces dispositions étaient
effectivement recommandées par l'Office de révision du Code
civil...
M. Gauthier (Wilbrod): Avec l'exception, si je me souviens bien,
quant aux fournisseurs de matériaux, sous-traitants, entrepreneurs. Il y
avait des exceptions.
M. Dauphin: Sauf que ce que vous nous avez dit, c'était
recommandé, on l'a pris comme tel.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui, c'était recommandé pour
l'hypothèque immobilière, mais avec des exceptions, parce que
l'on trouvait que cette forme notariée était trop exigeante pour
ces classes de créanciers et surtout trop lourdes comme processus.
M. Dauphin: Quant à l'exigence c'est strictement pour
l'immobilier dans l'avant-projet de loi aussi.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui.
M. Dauphin: D'accord. On a préparé plusieurs
questions, mais je vais me limiter aux plus importantes. Vous nous
suggérez, évidemment, fortement la présomption
d'hypothèque. D'autres organismes avant vous l'ont également
proposée, notamment le Barreau du Québec, et j'aimerais vous
entendre davantage là-dessus en ce qui concerne la présomption et
la preuve. Faudra-t-il déterminer qu'une stipulation a pour but de
garantir l'exécution d'une obligation ou pas? C'est sûr que cela
facilite ou simplifie le réseau en n'ayant qu'une forme de
sûreté, mais, comme un peu la Chambre des notaires nous l'a dit ce
matin, est-ce que cela protège réellement le consommateur que,
par l'exercice de la présomption, il y aurait une hypothèque sur
ses biens? (15 h 15)
M. Gauthier (Wilbrod): Cela le protèqe beaucoup mieux, en
tout cas, que le régime actuel où l'emprunteur n'a que faire des
clauses interminables qui sont introduites dans les contrats de prêt
hypothécaire. Il sait... Tout ce qu'il a à faire, c'est de lire
quelques articles de son Code civil pour savoir à quoi s'en tenir si on
accepte la présomption d'hypothèque. Ce n'est pas malin.
M. Dauphin: C'est la liberté des conventions.
Évidemment, si vous vous stationnez...
M. Gauthier (Wilbrod): Ah bien oui!
M. Dauphin: ...avec le réseau de ta présomption
d'hypothèque...
M. Gauthier (Wilbrod): La liberté des conventions, j'en
suis, soit. D'abord, je vous dirai: Donc, donnez la liberté à
l'hypothèque sous seing privé, que les gens choisissent les
moyens de preuve qu'ils veulent. S'ils ne veulent pas le moyen de preuve qu'est
le contrat authentique du notaire, tant pis pour eux si on parle de
liberté. Mais c'est que les différentes clauses contractuelles et
les différentes formes de contrat qui sont nées au cours des 25
ou 30 dernières années parce que le nantissement agricole
n'existait pas, le nantissement commercial non plus, la cession de biens en
stock non plus... Cela n'existait pas. Elles ont été introduites,
non pas pour faciliter la liberté, mais parce qu'il manquait quelque
chose au Code civil. Mais là on vous dit: On n'a plus besoin de
compliquer ni le contrat ni le Code civil. Adoptez l'hypothèque comme la
seule forme de sûreté et le tour est joué. On n'a plus
besoin... Je comprends le sens de votre question. C'est que là les gens
ne peuvent avoir recours qu'à l'hypothèque, mais ils ne peuvent
avoir recours qu'au bureau d'enregistrement comme moyen de publicité.
Ils n'ont pas la liberté de faire de la publicité autrement pour
que leurs droits valent contre les tiers. Il y a aussi une question de
liberté; il y en a toujours une. Je la respecte, mais je pense que la
solution avait trop d'avantages pour qu'on la rejette au chapitre de la
liberté.
M. Dauphin: Si vous me le permettez, M. le Président, hier
soir, nous avons, et nous en entendrons d'autres ce soir, rencontré
plusieurs associations qui, effectivement, nous ont recommandé plus que
fortement de maintenir le privilège en matière de construction.
Comme représentant de l'Association des banquiers canadiens...
Évidemment, vous dites au début que les privilèges
devraient disparaftre. Je sais que vous avez régulièrement, de
par la nature de vos affaires, à transiger avec le domaine de la
construction ou avec des...
M. Gauthier (Wilbrod): Beaucoup.
M. Dauphin: ...propriétaires qui construisent. L'Office de
révision du Code civil proposait un certain mécanisme en
matière d'hypothèque légale ou de privilège dans la
construction. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Vous nous en
avez parlé un peu tantôt.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui. Ce que l'Office de révision du
Code civil préconisait, c'est d'avoir une hypothèque plus facile
à enregistrer, c'est-à-dire une hypothèque sous seing
privé, pour couvrir ces gens qui peuvent à tout moment se sentir
instables dans leurs positions. Ils n'ont qu'à aller enregistrer
l'hypothèque après l'avoir fait signer par l'entrepreneur
général ou par le propriétaire lui-même. Cela
n'apparaissait pas...
M. Dauphin: Tout ce qui était prêt...
M. Gauthier (Wïlbrod): ...dans des textes précis,
mais c'était compris dans les commentaires et recommandations. Je pense
que - quelque part dans le rapport de l'Office de révision du Code
civil, d'ailleurs, il y a quelques lignes de suggestions à ce sujet -
certains des aspects de l'enregistrement et de la forme des documents auraient
beaucoup plus leur place dans des lois administratives que dans le Code civil
à proprement parler. Je pense que ce problème pourrait être
facilement résolu par une bonne formule d'hypothèque
spéciale pour un fournisseur de matériaux, constructeur, etc.
M. Dauphin: En pratique, on sait pertinemment que, par exemple,
concernant la clause de dation en paiement, cette industrie se plaint souvent
que le privilèqe est illusoire, que le privilège ne vaut pas
grand-chose, c'est balayé.
M. Gauthier (Wilbrod): C'est ce qu'on vous a dit, et c'est ce
qu'on se plaît à répéter. Je ne suis pas d'accord.
Dans ma pratique du droit, j'ai représenté aussi des
entrepreneurs et des fournisseurs de matériaux, j'en représente
encore. Ce n'est pas le cas. D'abord, j'ai payé pour l'apprendre parce
que j'ai amené un de mes clients jusqu'en Cour suprême et j'ai
perdu. Le privilège du fournisseur de matériaux, du sous-traitant
et de l'entrepreneur naît à compter de la date de son contrat. Le
contrat est pour tant, il a son privilège pour tant, sous condition
résolutoire s'il ne remplit pas son contrat, mais son privièqe
est né. Le prêteur, lui, prête toujours après que le
propriétaire et l'entrepreneur se sont entendus sur un contrat
d'entreprise et, ta plupart du temps aussi, après que la plupart des
fournisseurs de matériaux qui, eux-mêmes, se sont liés
parce que l'entrepreneur leur a demandé de soumissionner pour la
fourniture des matériaux principaux, en tout cas, des sous-traitances
principales... Tous ces gens ont déjà des contrats d'une nature
ou d'une autre avant que le prêteur fasse signer son
hypothèque.
D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que le créancier a
été obligé d'inventer toutes sortes de moyens de se
prévaloir de sa
dation en paiement pour passer avant le fournisseur de matériaux,
par exemple, ou le sous-traitant, essayant d'obtenir des renonciations au
privilège. Pourquoi? Parce que, depuis le jugement de la Cour
suprême dans la cause de Bélisle et la cause de Lumberland, le
privilège passait premier. Donc, l'entrepreneur avait son contrat, il
faisait tout à crédit ou il décidait des termes de
crédit qu'il accordait au propriétaire, donc il lui prêtait
de l'argent, ni plus ni moins; il ne sortait pas un cent de ses poches pour lui
prêter, mais, au fur et à mesure que la dette augmente, il
prête lorsqu'il tolère. Il tolérait même des
arrérages dans le terme de la dette. Les propriétaires, les
entrepreneurs paient leurs sous-traitants, leurs fournisseurs de
matériaux en retard, souvent ils font faillite, les détenteurs de
privilège étaient obligés de prendre des actions.
Tout cela pour dire que c'est l'inverse de ce qu'on vous dit. Le rang
privilégié qu'on donnait aux fournisseurs de matériaux
compliquait la vie de tout le monde, y compris la leur, alors que, s'ils
étaient avertis que le Code civil leur donne une hypothèque
aussitôt qu'ils signent leur contrat, ils pourraient faire signer
à l'entrepreneur général ou au propriétaire
-là, je comprends qu'il faudrait discuter exactement des
modalités - un document qu'ils pourraient, sans être
obligés de passer par un avocat, par un notaire, par une formule
très simple, aller enregistrer au bureau d'enregistrement s'ils le
veulent parce qu'ils ont décidé d'accorder un crédit.
À ce moment-là, le prêteur saura exactement à
quoi s'en tenir, il verra les créances des sous-traitants, des
fournisseurs de matériaux et de l'entrepreneur général
contre l'immeuble et, à ce moment-là, tout sera à
découvert, tout sera "above board", si vous me permettez l'expression
anglaise. Tout le monde saura à quoi s'en tenir par rapport aux autres,
et le fournisseur, et le prêteur.
M. Dauphin: Un autre sujet, M. le Président, si vous me le
permettez. Concernant l'hypothèque mobilière, vous proposez dans
votre mémoire qu'il soit permis à une personne physique de
pouvoir hypothéquer ses biens meubles, tous ses biens, non seulement le
bien qu'il acquiert.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui.
M. Dauphin: On a reçu d'autres groupes... Je ne sais pas
si vous avez eu l'occasion de lire le mémoire de la Commission des
services juridiques...
M. Gauthier (Wilbrod): Non, celui-là, je ne l'ai pas
lu.
M. Dauphin: ...qui traitait abondamment de l'hypothèque
mobilière, disant que ce n'était pas viable, dans un premier
temps, que cela pouvait causer un surendettement des consommateurs, des
citoyens. J'aimerais vous entendre là-dessus, vous, comme
représentant de l'Association des banquiers canadiens.
M. Gauthier (Wilbrod): II y a évidemment là-dedans
des éléments politiques que je suis mal placé pour juger.
Il y a des éléments sociaux qui entrent en ligne de compte. Ce
que l'association se dit, et nous ne voulons pas insister outre mesure
là-dessus, c'est que, dans le monde nord-américain en tout cas,
c'est ce qui se fait. II faudrait qu'on ait des dispositions très
claires quant à l'insaisissabilité de certains biens. Pourquoi
celui qui a une collection de tableaux, de bijoux précieux ou de
sculptures ne pourrait pas se servir de cette richesse particulière pour
aller emprunter? J'ai entendu toutes sortes de raisons. Je sais que cela
pourrait encourager l'homme de revenu moyen, minime ou même en dessous du
seuil de la pauvreté à aller hypothéquer son lit mais son
lit est insaisissable. On peut d'ailleurs le protéger par une liste
d'insaisissabilité plus grande que celle qu'on a ou, alors, par une
disposition de droit purement administratif en dehors du Code civil, dire qu'il
ne peut pas hypothéquer ses biens personnels s'il n'a pas au moins des
biens personnels dépassant tel montant. Il y a toutes sortes de
façons d'aborder le problème. Je ne sais pas laquelle est la
bonne. Nous avons fait cette mention dans notre mémoire parce que nous
croyons que cela devrait se faire comme cela se fait dans certaines autres
provinces et dans les États américains mais je vois l'objection,
je la respecte, je ne suis pas d'accord mais elle a du pour et du contre.
M. Dauphin: Comme vous l'avez dit, sur le plan politique il
faudra que le gouvernement fasse son lit.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui. Il ne faut jamais perdre de vue qu'en
le protégeant parfois vous lui enlevez la possibilité et la
liberté, monsieur, de se servir de ses biens pour emprunter
temporairement pour une bien bonne cause. Ce n'est pas facile. Je ne voudrais
pas être à votre place.
M. Dauphin: Je reviendrai tantôt.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il me fait vraiment
plaisir de vous saluer, Me Gauthier, et les personnes qui vous accompagnent.
Votre mémoire est certaine-
ment une pièce maîtresse dans l'échafaudage de nos
travaux actuels. Je pense que tout le monde en convient autour de cette table.
En vous écoutant, je me disais: Quelle habileté dans la
présentation. Vraiment quelle habileté. Toute la
démonstration que vous avez faite est élégante, en
fait.
M. Gauthier (Wilbrod): Merci.
Mme Harel: J'ai plusieurs questions, par exemple.
M. Gauthier (Wilbrod): Allez-y!
Mme Harel: J'ai trouvé à un moment donné que
c'était vraiment d'une habileté consommée de nous parler
de l'ingénieur et de l'architecte et d'omettre de nous parler, en fait,
de tout le secteur du bâtiment, parce qu'on ne peut quand même pas
oublier l'éléphant au profit de la souris, d'une certaine
façon. Évidemment, dans l'échange avec mon collègue
de Marquette, vous êtes revenu sur cette question du rang des
sûretés. Vous avez dit, à un moment donné: C'est
l'incertitude quant au rang qui pose le plus de problèmes. Je me suis
dit: Est-ce que, dans le fond, le pire problème est l'incertitude ou,
finalement, le rang? Pour la bonne raison que l'impression que j'en ai c'est
que présentement avec l'avant-projet de loi, d'une certaine
façon, tout le monde ou presque va être sur la même ligne de
départ mais certains pourront marcher avec des bottes de sept lieux et
d'autres devront le faire à pas lents. Ce que vous disiez m'a beaucoup
surprise parce qu'on nous a dit vraiment exactement le contraire, à
savoir que c'est le prêteur, le bailleur de fonds qui, dans la
réalité, passe toujours devant. Dans la réalité de
la vie d'aujourd'hui, pas seulement d'aujourd'hui mais dans la
réalité de ce qu'on pourrait appeler le vécu de ceux qui
se succèdent là où vous êtes maintenant, cela a
été quasi unanime de nous dire c'est le bailleur de fonds qui
passe avant. (15 h 30)
Dans la situation présente, l'impression qu'on peut
peut-être avoir quand on regarde cela comme moi, comme une observatrice
de loin - je l'ai dit dès l'entrée de jeu de cette commission, je
suis modeste dans ma façon d'aborder nos travaux. Je conçois
qu'on doive l'être quand on est un parlementaire parce qu'on a le devoir
d'arbitrer, ce qui est quand même une très lourde
responsabilité. Mais, dans les circonstances actuelles, il y a une sorte
de course folle soit pour avoir un jugement de dation en paiement pour laver
les privilèges ou encore pour avoir une vente en justice pour que les
privilèges passent en premier. N'est-ce pas la réalité de
la vie de maintenant?
Avec l'avant-projet de loi, aux dires de tous ceux qui sont venus ici,
et on continuera sans doute ce soir à entendre le même point de
vue, c'est maintenant vous qui allez passer en premier. Il n'y aura plus
d'incertitude, semble-t-il. Qu'en pensez-vous?
M. Gauthier (Wilbrod): Je ne suis pas d'accord. D'abord, je vais
vous faire un aveu. C'est par habileté que j'ai parlé de
l'architecte et de l'ingénieur.
Mme Harel: J'en suis certaine.
M. Gauthier (Wilbrod) Je l'ai fait intentionnellement, mais pour bien
signaler qu'on a des choux et des raves, n'est-ce pas, et que ce n'est pas si
simple que cela de dire un tel devrait avoir une créance plus
prioritaire que tel autre. C'est pour cela qu'avec l'hypothèque
simplifiée et l'hypothèque mobilière tout le monde
à titre d'emprunteur et tout le monde à titre de prêteur
pouvait se dire au moins nous sommes tous sur le même pied. C'est le
premier qui va enregistrer. Je vous répète ce que j'ai dit. C'est
qu'à mon avis il n'est pas exact de dire que les prêteurs exercent
la dation en paiement pour passer avant les privilèges. Si les
privilèges sont ceux des sous-traitants et des fournisseurs qui ont
signé... Et je vous répète qu'un qrand nombre, sinon la
plupart, ont siqné, ont contracté avec l'entrepreneur et avec le
propriétaire avant que le propriétaire fasse une entente
définitive quant à son emprunt; le privilège passait avant
l'hypothèque et le créancier hypothécaire était
obligé de payer les privilégiés avant. Il le serait encore
même sans ta priorité, sans la créance prioritaire,
même sans l'hypothèque légale mais surtout même sans
la créance prioritaire - tenons-nous-en à cela. II serait
obligé de le faire si le fournisseur de matériaux ou le
sous-traitant peut facilement aller, au moment où il sous-traite avec le
sous-entrepreneur, enregistrer une forme simple d'hypothèque contre la
propriété. Il arrive avant le prêteur. D'ailleurs, je vous
répète que dans mon esprit le type qui vend à
crédit est un prêteur. Cela n'est rien de plus. Je ne sais pas si
cela répond entièrement à votre question.
Mme Harel: Ici, vous savez, cela a été dit. Alors,
vous le dites. Donc, je prends acte que vous le dites.
M. Gauthier (Wilbrod): On se comprend.
Mme Harel: M. le Président... Très bien.
M. Mélançon (Claude): Claude
Mélançon. Vous dites des choses mais je me demande si on dit
toute la réalité. Ce que vous dites n'est pas faux mais je pense
qu'il y a des choses qui sont incomplètes. C'est vrai que, pour les
entrepreneurs généraux, leurs créances
privilégiées, ceux qui ont contracté avec le
propriétaire, naissent lors de !a signature du contrat. Mais il faut se
rappeler que tous les petits entrepreneurs, les fournisseurs qui ne contractent
pas directement avec te propriétaire, c'est lors de la
dénonciation, et cela est quand même très important.
Deuxièmement, c'est que la dation en paiement, lors de la course dont
madame a parlé, effectivement les inscriptions subséquentes sont
lavées, c'est-à-dire les privilèges subséquents,
tels qu'enregistrés lors, par exemple, de l'exercice du droit du
privilège lorsqu'on intente la poursuite ou lorsqu'on enregistre l'avis
de privilège. Il n'en demeure pas moins qu'il y a une inscription et par
la dation en paiement, en fait, les banques lavent systématiquement.
Troisièmement, il faut se rappeler qu'en pratique aussi les
banques demandent la cession de priorité. Elles exigent la cession de
priorité et demandent très souvent - et cela leur est de moins en
moins accordé parce que quand même aujourd'hui les entrepreneurs
ont commencé à refuser, pas systématiquement, mais dans
certains cas ils ont la capacité de refuser, du moins les gros
entrepreneurs - elles demandent aussi, et cela leur est très souvent
accordé, la renonciation au privilège, c'est-à-dire la
renonciation au droit privilégié qu'ils auraient, ce que beaucoup
signent.
Je comprends les principes que vous énoncez, mais dans la vraie
vie, dans la réalité, ce n'est pas tout à fait comme
ça que ça se passe. C'est pourquoi, d'ailleurs, les banquiers,
très souvent, et vous le savez très bien, très souvent ont
systématiquement priorité sur les entrepreneurs au
Québec.
M. Gauthier (Wilbrod): Pas seulement les banquiers, les caisses
populaires aussi.
M. Mélançon: Oui, oui. Je veux dire les
banquiers...
M. Gauthier (Wilbrod): Même le petit prêteur du coin
aussi. Il va procéder de la même façon.
M. Mélançon: C'est parce que vous
représentez les banquiers, donc je dis les "banquiers".
M. Gauthier (Wilbrod): Oui, mais encore là je suis
obligé d'être en désaccord avec certaines des affirmations
que vous faites. N'oubliez pas que si les fournisseurs de matériaux
refusaient de signer des priorités -j'en ai comme clients, moi, et je ne
les laisse jamais signer une priorité. Je dis cela à la face des
banquiers. À ce moment, le banquier dit à l'entrepreneur:
Très bien, tu m'apporteras les factures de ton sous-traitant et je vais
les payer directement pour m'assurer qu'il n'y en aura oas de privilège.
Le tour est joué. Mais on est en matière de codification du
droit. Les faits que vous mentionnez, même s'ils étaient
entièrement exacts - et là-dessus on est en désaccord,
mais je respecte votre point de vue, monsieur, c'est la loi du monde du
crédit de nos jours. Tout ce que nous vous demandons, c'est de dire
à tout le monde aujourd'hui que celui qui fait du crédit, qu'il
soit banquier, fournisseur de matériaux n'importe quoi, il a les
mêmes moyens à sa disposition, Doint. Cela simplifie le droit.
Tout le monde le sait. On part de là.
Mme Harel: Oui, M. le Président, et l'ouvrier ses
crédits.
M. Gauthier (Wïlbrod): Cela est le problème le plus
aigü de tous en théorie. Il n'y a aucun doute que l'ouvrier, qui
lui ne fait pas crédit, il va travailler à la semaine et, quand
il a fini sa semaine ou ses quinze jours, il veut être payé...
Là-dessus, d'ailleurs, il y a encore là, dans le rapport de
l'Office de révision du Code civil, certains commentaires qui touchent
ce problème, qui en est un gros en réalité, qui est un
problème fondamental. Mais, au niveau de l'Office de révision du
Code civil et au niveau des banquiers aussi, je n'en ai pas discuté en
détail récemment avec les deux collègues qui
m'accompagnent, c'est que d'abord la syndicalisation a éliminé
déjà beaucoup de problèmes de ce genre. Des ouvriers qui
ne sont pas payés pour leur dernière semaine de travail, ou les
quinze derniers jours, il n'y en a plus beaucoup de nos jours, mais il y en a
quand même encore sur de petits chantiers de construction. Il y en a
encore beaucoup trop. Je suis d'accord avec vous, madame, là-dessus. II
ne devrait pas y en avoir.
Mais, à ce moment, qu'on les traite par une disposition
particulière. Là on tombe dans du droit social. Je n'y ai aucune
objection en soi, mais qu'on dise clairement pourquoi et comment on veut le
protéger de façon particulière. Déjà,
cependant, il est protégé de façon particulière par
les dispositions qui veulent que les administrateurs des corporations soient
responsables des salaires. Évidemment, les administrateurs ne sont
peut-être pas toujours solvables. Donc, si la propriété est
là et qu'il a donné son travail à l'immeuble, je le
comprends. Mais, lui, je le place sur un niveau tout à fait
différent de tous les autres parce qu'on ne peut pas dire qu'il
travaille à crédit parce qu'il faut bien qu'il travaille pour
avoir quelque chose à se faire payer. Alors, je comprends le
problème. Je verrais d'un bon oeil une disposition dans le Code civil
qui le protégerait d'une façon différente ou dans une loi
de droit administratif.
Mme Harel: Oui, M. le Président. Me Gauthier, vous avez
vraiment, dès le départ, dans votre présentation du
mémoire, dit des choses intéressantes qui, d'une certaine
façon, blâmaient le gouvernement dans la pérennité
des choses, c'est-à-dire indépendamment des changements qui sont
survenus. N'est-ce pas?
M. Gauthier (Wilbrod): Oui, oui.
Mme Harel: II y en avait pour les deux...
M. Gauthier (Wilbrod): Oui.
Mme Harel: ...également. Vous avez dit, finalement, qu'on
avait perdu de vue que la réforme consistait plus en une codification
des droits civils fondamentaux du Québec qu'en une introduction de droit
statutaire.
En général, vous avez certainement insisté sur la
pertinence des recommandations de l'Office de révision du Code civil.
Cela vous paraissait un édifice plus acceptable. Je ne me trompe pas de
penser...
M. Gauthier (Wilbrod): Oui.
Mme Harel: ...que c'est ainsi que vous voyez les choses.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui, c'est ainsi que je vois les
choses.
Mme Harel: Dans cet édifice, l'office de révision
proposait, notamment, que les sûretés et les recours soient
édictés d'ordre public et qu'aucune dérogation n'y soit
permise. C'était dans les propositions que faisait l'Office de
révision du Code civil. Considérez-vous que l'absence de
dispositions, par exemple, dans l'avant-projet... L'avant projet de loi ne
contient pas de dispositions édictant que les sûretés et
les recours sont d'ordre public; y voyez-vous là une omission qui vous
semble devoir être réparée?
M. Gauthier (Wîlbrod): À mon avis, oui non pas comme
représentant de l'Association des banquiers parce que je n'ai pas eu
l'occasion d'en discuter précisément avec eux - cela devrait,
encore là, dans un espoir de simplification et d'uniformisation du droit
des sûretés.
Mme Harel: Je vous remercie de votre franchise. Je
t'apprécie et je pense que, certainement, cela contribue à nos
travaux.
J'ai quelques autres questions. M. le Président, jusqu'à
quel moment avons-nous?
Le Président (M. Marcil): Il nous reste à peu
près cinq minutes.
Mme Harel: Ah bon! Parce que Me
Gapiépy aurait également une question à poser. Vous
avez parlé de toute la question du sommaire et vous
privîlégez que l'enregistrement se fasse tout au long. Je pense
que vous écartez l'enregistrement d'un sommaire.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui.
Mme Harel: Qu'est-ce que vous pensez d'un système qui
pourrait prévoir l'enregistrement d'un formulaire standard? Vous en avez
parlé à deux reprises pour ce qui est des fournisseurs de
matériaux, mais qu'est-ce que vous pensez d'un système qui
pourrait être envisagé dans un objectif de simplification et qui
pourrait prévoir l'enregistrement d'un formulaire standard qui pourrait
décrire la sûreté, qui pourrait remplacer, à toutes
fins utiles, l'acte au long?
M. Gauthier (Wilbrod): Cela existe déjà dans
d'autres pays et dans certaines provinces du Canada. On tend vers cela. Plus la
population augmente, plus il y a d'activités industrielles et
commerciales qui requièrent du crédit et plus la mentalité
de tous tend vers l'acquisition, la construction, l'achat, la consommation
à crédit, plus il faut trouver des moyens de simplifier le droit
parce qu'autrement on va se retrouver dans un échafaudage et on ne saura
même pas comment monter dessus. Je ne peux pas m'opposer violemment
à la formulation d'un acte. Remarquez, il va falloir faire des
exceptions à une règle générale comme cela parce
qu'il y a des opérations de financement d'immeuble très
complexes, qui font qu'une formule simple ne s'y prête pas. Mais cela
peut se regarder, ils l'ont fait dans d'autres provinces, au Nouveau-Brunswick;
je pense que c'est la dernière province à l'avoir fait. Ils ont
une formule d'hypothèque... C'est cela. (15 h 45)
Mme Harel: Une dernière question avant que Me
Gariépy pose les siennes, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): C'est à votre choix; si
vous voulez aller jusqu'à une heure du matin, c'est votre
privilège.
Mme Harel: II s'agit de l'hypothèque mobilière.
Vous recommandez une hypothèque mobilière sur tous les biens, non
pas seulement pour le consommateur commerçant mais pour la personne
physique; sur tous les biens et non pas seulement sur les biens qu'il acquiert.
Je pense qu'avec les individus entrepreneurs les banques exigent une garantie
standard lors du premier emprunt. Dans le cas d'une personne physique qui ne
serait pas un individu entrepreneur et qui pourrait être amenée
à signer une garantie
comme celle-ci, cela ne l'expose-t-elle pas à perdre toute
équité pour une transaction avec d'autres créanciers?
M. Gauthier (Wilbrod): Je ne sais pas à quoi vous vous
référez exactement.
Mme Harel: Sur l'universalité des biens, lors d'un premier
emprunt, lorsqu'il y a un individu entrepreneur il y a habituellement une
garantie standard.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui, mais c'est l'article 178 de la Loi
sur les banques.
Mme Harel: C'est cela. M. Gauthier (Wilbrod): Oui.
Mme Harel: II en serait de même pour l'individu qui
contracte même si ce n'est pas un individu entrepreneur?
M. Gauthier (Wilbrod): Non, parce que là il n'a pas, lui,
de biens de la nature de ceux décrits dans la Loi sur les banques
susceptibles d'être engagés de cette façon. Alors, le
problème ne se présenterait pas comme cela.
Mme Harel: Mais il se présenterait d'obtenir une garantie
standard.
M. Gauthier (Wilbrod): Je ne pense pas. Pas sous la Loi sur les
banques actuelle en tout cas.
Mme Harel: Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Est-ce que cela va?
Mme Harel: Oui. Me Gariépy.
Le Président (M. Marcil): M. Gariépy.
M. Gariépy (Pierre): Je vais essayer d'être bref. Ma
question va porter sur la question des hypothèques mobilières sur
les créances. Les dispositions des articles 2874 et 2875 de
l'avant-projet parlent de signification par avis public ou individuellent.
À la page 36 de votre mémoire, vous critiquez ces dispositions.
Vous voulez avoir un retour aux dispositions de 1571d du Code civil actuel.
Voici la question que je me pose. Actuellement, avec l'avis public, la
signification d'un transport de créance publiée dans les
journaux, qu'en est-il des débiteurs cédés qui n'ont pas
connaissance de la publication dans le journal local? Est-ce qu'ils ne
s'exposent pas à payer une deuxième fois la dette? Vous dites
dans votre mémoire que vous avez entre les mains la liste des
débiteurs de votre propre client.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui. De nos jours et depuis la
dernière modification oui a été faite à l'article
1971 du Code civil, les cessions de créances et comptes de livres du
Code civil sont enregistrées et publiées au bureau
d'enregistrement. La cession vaut mais pas contre les tiers débiteurs
tant et aussi longtemps que l'avis n'a pas été publié.
Cela a été une souplesse qui a été introduite dans
le Code civil justement pour éviter que tout dépende de l'avis
public dans les journaux. Il y a avis qui est déjà au bureau
d'enregistrement qu'il existe une cession de créance. L'avis dans les
journaux vient tout simplement dire: Bien, écoutez, à compter de
maintenant on exerce la cession de créance; à l'avenir payez
nous, nous créanciers.
M. Gariépy: Ma question portait sur la clientèle du
commerçant qui a fait la cession de créance. Les clients ne sont
pas au courant, ils ne vont pas vérifier au bureau d'enregistrement s'il
y a eu un enregistrement, quel que soit le commerce, ou s'il y a un avis qui a
été publié. Vous demandez le maintien du régime de
1571d. La question que je me pose est: Est-ce qu'on n'expose pas les clients de
ce commerçant qui a emprunté chez vous à payer deux fois
parce qu'ils n'auront pas connaissance ni de l'enregistrement, ni de l'avis
public?
M. d'Etcheverry (Pierre): Le paiement que fait le débiteur
de notre débiteur est libératoire tant que nous n'avons pas
publié. Je ne vois pas de différence avec le texte de loi
actuellement. Je pense qu'au moment de la publication il doit payer le
créancier bénéficiaire de l'hypothèque sur les
créances, de la même façon. Je dois vous dire que la
pratique des banques, c'est que lorsqu'elles exercent une cession
générale de créances, lorsque cela va mal chez leurs
débiteurs, elles vont non seulement publier dans les journaux pour se
conformer aux exigences du Code civil, mais elles vont aussi, pour s'assurer
d'être payées, notifier individuellement à même la
liste que vous évoquiez tous et chacun des débiteurs de leurs
débiteurs de sorte que, véritablement, le problème de
l'obliqation de payer deux fois n'est pas exclu, mais il est vraiment - je
reprendrai l'expression du notaire - epsilonique dans la pratique.
Mme Harel: Cela risque de marquer nos travaux!
M. Gariépy: Je voudrais juste conclure en disant qu'il se
pourrait que la loi soit amendée pour dire justement: Le paiement du
débiteur est libératoire jusqu'à ce qu'on l'ait
notifié de la cession.
Ma deuxième question est peut-être plus technique, c'est
seulement la question de l'hypothèque ouverte. Je m'interrogeais
sur les dispositions des articles 2882 et 2887 de l'avant-projet;
lorsqu'il y a défaut du débiteur et que le créancier, le
fondé de pouvoir envoie l'avis de clôture, je me demandais si vous
aviez imaginé que la corporation débitrice pourrait
remédier au défaut et exiger du créancier la levée
de la clôture. Je me demandais si vous aviez pensé, à la
lecture des articles 2882 et 2887, si on pouvait empêcher, en fin de
compte, décristalliser la charge flottante si la corporation
débitrice remédie au défaut mentionné dans l'avis
de clôture ainsi qu'à tous ceux qui pourraient être
enregistrés.
M. Gauthier (Wilbrod): Dans la pratique, cela se fait couramment
et je ne vois pas pourquoi, par contrat, il ne peuvent pas lever la
décristallisation. Mais l'embêtement, c'est qu'il y a des tiers
qui peuvent intervenir. Mais cela se fait dans des cas simples.
M. le Président, me permettriez-vous seulement une petite
remarque? Il a été question ce matin de la force
exécutoire du contrat notarié. Si la commission juge bon de faire
des recommandations dans ce sens-là... Comme je vous ai dit, j'aimerais
bien voir les textes; c'est peut-être une notion fort valable, cela
semble être très valable en France, en Allemagne, en Italie et en
Espagne surtout, je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas valable ici. C'est ma
première réaction. Mais quand on songe, par exemple, aux
dispositions de la loi fédérale sur la protection des
agriculteurs qui a été instaurée pour donner toutes sortes
de moyens à l'agriculteur de prolonger les délais, de se remettre
en bon état vis-à-vis de son créancier - il peut faire une
requête pour demander encore des délais additionnels longs comme
cela, il peut donc retarder le créancier et bien protéger le
débiteur, dans ces cas-là en tout cas... Mais qu'est-ce qu'on va
faire avec un document notarié exécutoire devant cette loi? Cela
ne vaudra rien à mon avis, si la loi fédérale est
constitutionnelle. Peut-être ne l'est-elle pas.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: Oui, juste une dernière petite question...
Le Président (M. Marcil): La dernière petite
question, s'il vous plaît, parce que...
M. Dauphin: ...M. le Président, pour ne pas abuser du
précieux temps, malgré que c'est extrêmement
intéressant, et on est très fier d'avoir l'association avec nous
aujourd'hui. Concernant l'article 2807, créance prioritaire au niveau
des impenses de personnes, le droit au remboursement aux impenses, vous
proposez plutôt un droit de rétention. J'ai posé la
même question au
Barreau, j'aimerais avoir votre opinion. Qu'arrive-t-il avec les autres
créanciers qui auraient un lien sur le bien en question, le bien retenu?
Cela ne paralyserait-il pas plutôt leur action ou leur possibilité
de recourir?
M. Gauthier (Wilbrod): Oui, mais, de toute façon, la
créance prioritaire ne paralysera-t-elle pas aussi? Si elle est
prioritaire, il va passer avant tout le monde et il va dire: Je garde le bien,
de toute façon, et je le vends. Je ne vois pas trop la différence
dans l'effet ultime. Le seul but de notre suggestion, c'est encore là de
simplifier le droit un peu, c'est tout.
M. Dauphin: Le créancier prioriaire n'a pas
nécessairement le bien en sa possession.
M. d'Etcheverry: Non, mais ultimement il faut le payer; alors,
qu'on le paye parce qu'il a le droit de le retenir jusqu'à parfait
paiement ou parce qu'il est prioritaire à même le produit de la
disposition ne nous apparaît pas une grosse différence, sinon dans
le temps, et simplifierait, nous semble-t-il, beaucoup le droit.
Le Président (M. Marcil): Me Pineau, est-ce que vous avez
une question à poser?
M. Pineau: M. le Président, simplement je pense que
remplacer la créance prioritaire relativement à ces impenses par
un droit de rétention, c'est bonnet blanc, blanc bonnet. Ce que
l'avant-projet appelle créance prioritaire, vous l'appelez droit de
rétention et ce droit de rétention se voudra à
l'égard de tous, donc, ce sera bel et bien un droit prioritaire
dès lors que le créancier détient le bien sur lequel il a
ce droit de rétention.
M. Gauthier (Wilbrod): Vous avez parfaitement raison, monsieur,
mais il faut dire, cependant, que le droit de rétention dont l'exercice
est bien connu par les justiciables, les conseillers juridiques, les tribunaux
actuellement et qui est une notion connue et interprétée d'une
façon très précise par la jurisprudence, pourquoi ne pas
la qarder plutôt que d'arriver avec une nouvelle terminoloqie de
créance prioritaire? Je vous ferai remarquer que dans notre
mémoire, d'ailleurs, nous soulevons ce problème du sens des mots
"créance prioritaire".
M. Pineau: M. le Président, d'une part, les mots
"créancier prioritaire" signifient, dans notre esprit, en tout cas,
créancier qui a une créance prioritaire, c'est-à-dire
privilégiée selon la terminoloqie d'aujourd'hui. Quant au
créancier qui n'a qu'une hypothèque, c'est un créancier
hypothécaire, ce n'est pas un créancier prioritaire.
M. Gauthier (Wilbrod): Si on veut dire qu'elle est
privilégiée, qu'on le dise, au moins on connaît le sens du
mot "privilégié" actuellement dans notre droit; celui de
"prioritaire", on ne le connaît pas.
M. Pineau: Quant au droit de rétention, M. le
Président, aujourd'hui, il fait l'objet d'un privilège. Le
rétenteur a un droit privilégié; alors, c'est exactement
le droit d'aujourd'hui qui se trouve dans l'avant-projet et c'est le droit
d'aujourd'hui que vous proposez en demandant un droit de rétention. Il
n'y a aucune modification au droit d'aujourd'hui.
M. Gauthier (Wilbrod): Oui, il y en a, sans les complications
procédurales qu'entraîne le droit qui existe aujourd'hui.
Le Président (M. Marcil): Donc, au nom de tous les membres
de cette commission, nous vous remercions de vous être
prêtés à cette période de questions,
également de votre franc parler et je suis convaincu que les membres de
cette commission vont retenir de bonnes idées, de bonnes recommandations
qui apparaissent dans votre mémoire. Sur cela, nous vous souhaitons un
bon voyage de retour.
M. Gauthier (Wilbrod): Au nom des banquiers, du comité du
Québec de l'Association des banquiers canadiens, de mes collègues
et moi-même, je vous remercie tous de l'accueil que vous nous avez
fait.
Le Président (M. Marcil): Le fait de vous avoir
invités, est-ce que cela suppose qu'on peut obtenir des taux
privilégiés?
M. Gauthier (Wilbrod): Non. Si vous signez un contrat
d'hypothèque...
Le Président (M. Marcil): Je vais suspendre pour deux
minutes et je vais inviter l'Association des architectes en pratique
privée du Québec à s'avancer.
(Suspension de la séance à 15 h 59)
(Reprise à 16 h 5)
Le Président (M. Marcil): Maintenant, nous allons entendre
l'Association des architectes en pratique privée du Québec
représentée par M. Paul Trépanier, qui est
président du Comité Code-Civil et par Me Clavier.
Association des architectes en pratique privée
du Québec
M. Trépanier (Paul-O.): C'est-à-dire que Me Clavier
a été dans l'impossibilité de venir à Québec
ce matin. Je suis accompagné par notre directeur général,
M. Claude Letarte.
Le Président (M. Marcil): Donc, c'est M. Letarte qui est
ici, le directeur qénéral.
M. Trépanier: C'est cela.
Le Président (M. Marcil): Comme je vous l'ai
mentionné tantôt, nous vous laissons immédiatement la
parole pour votre exposé et, ensuite, on procédera à un
échange entre nous.
M. Trépanier: Merci beaucoup. C'est bien évident
que nous sommes honorés d'avoir été invités ici.
Nous espérons revenir sur d'autres articles de la loi qui nous
concernent d'une façon plus importante que les privilèges et la
sûreté. Personnellement, je suis tout à fait heureux
d'être dans une si belle salle qui a été restaurée
de façon magistrale, que je qualifierais même de chef-d'oeuvre de
restauration. C'est très plaisant et c'est tout à l'honneur du
gouvernement du Québec d'avoir procédé à une telle
restauration. C'est un bel endroit pour travailler. C'est clair, c'est plaisant
et c'est bien fait.
Voici le point de vue de notre association. Comme vous le savez, il y a
l'Ordre des architectes qui est là, qui a un caractère de
protection du bien public et il y a l'Association des architectes en pratique
privée qui constitue un syndicat, ni plus ni moins, des architectes qui
ne sont pas à l'emploi de l'État.
C'est notre association qui a obtenu le mandat de l'ordre en ce qui
concerne la réforme des articles du Code civil. Très
brièvement, nous, au niveau du rang des privilèges, nous avons
examiné le projet de loi, le projet de réforme. Nous avons
consulté l'Association des ingénieurs ainsi que les
représentants des associations des constructeurs.
Notre point de vue, c'est que nous sommes d'accord qu'il n'y ait pas de
rang de privilèges. Nous voulons que les privilèges demeurent,
évidemment. Nous voulons garder les privilèges en relation avec
le projet qui voudrait que les privilèges disparaissent et qu'ils soient
remplacés par des hypothèques, ce que vous appelez
l'hypothèque légale.
Mais, quant au rang, on ne voit pas de problème d'une
façon générale et d'une façon particulière,
nonobstant ce que les banquiers ont prétendu tantôt, en parlant
des architectes en cravate blanche et à honoraires non fixés. Je
pense que c'est une fabulation parce que, en général, quand les
architectes font appel à la procédure de privilèges, ils
sont sur le chantier et ne sont plus en cravate blanche.
Quand on fait des plans et qu'il n'y a
pas construction, c'est bien évident qu'on ne peut avoir recours
aux privilèges, parce qu'il n'y a rien sur lequel on peut prendre un
privilège. Ce n'est qu'au moment d'une construction, lorsque
l'architecte exerce sa surveillance, c'est à ce moment-là
seulement qu'on peut exercer un privilège et c'est assez rare que les
architectes exercent un privilège sur une construction.
Mais, quant au rang, je crois que nous sommes d'accord avec le
législateur pour simplifier la notion de plus-value aussi. Nous
prétendons d'une part, d'un autre côté, que le travail de
l'architecte, nonobstant encore ce qui a été dit tantôt,
constitue une plus-value qui est importante, parce qu'une construction est le
résultat du travail de l'architecte, de l'ingénieur et du
constructeur, le résultat du travail direct de ces trois intervenants.
Le travail de ces trois intervenants constitue nécessairement une
plus-value qui est apportée à l'édifice.
Quant à la notion de la fin des travaux, j'ai remis tantôt
un texte que j'ai apporté ici et qui vient d'être publié
dans une revue qui s'appelle "Chantiers", par Jacques Grenier, avocat. C'est un
texte extrêmement intéressant. Cela nous concerne beaucoup. La
définition actuelle de "fin des travaux" est simple. Mais, nonobstant
cette simplicité, la jurisprudence fait qu'il y a eu plusieurs
interprétations. On semble très souvent avoir de la
difficulté à établir la fin des travaux. Selon l'opinion
de Me Grenier et selon l'opinion de plusieurs autres juristes, la fin des
travaux est vraiment quand tout est terminé. Pour nous, au chapitre de
nos responsabilités professionnelles et de nos responsabilités
devant le public, c'est extrêmement complexe. Lorsque vient le temps de
terminer un chantier, en particulier au Québec... Dans les pays froids,
c'est plus difficile qu'ailleurs, parce qu'il y a des édifices qui sont
occupés en novembre et en décembre alors qu'il y a encore
beaucoup de travaux extérieurs à terminer au printemps.
Cette notion de "fin des travaux", selon la jurisprudence actuelle, veut
que la fin des travaux ait lieu seulement après que les trottoirs, le
gazon et l'asphalte aient été terminés. Cela nous cause
beaucoup de problèmes. Où est la solution? On ne la connaît
pas. On ne sait pas de quelle façon corriger une situation aussi
difficile alors qu'un propriétaire va occuper un édifice, disons
en novembre ou en décembre, et que la fin des travaux n'intervient pas
pendant plusieurs mois. Pendant toute cette période, il y a même
des sommes importantes qui ont déjà été
payées par le propriétaire et avancées par les banquiers.
Il y a d'autres personnes qui pourraient enregistrer des privilèges, si
la période est longue. On est très prudent. On fait bien
attention à ceux qui ont dénoncé leur contrat au
début des travaux. Mais c'est une préoccupation que nous avons.
Nous demandons évidemment aux membres de la commission de se pencher sur
cette question.
Il y a un autre point que je voudrais aborder, dans les remarques qui
ont été publiées en 1978, sur la réforme. Il est
beaucoup question dans ce document de protéger les institutions
financières. On voit cela partout. Il faut protéger le banquier
ou la personne qui avance les fonds. Mais, dans la pratique, ce qui arrive,
c'est que plus souvent qu'autrement et presque toujours dans les contrats
moyens et les petits projets, les sommes avancées par les banquiers ne
sont avancées qu'au moment où le propriétaire a
donné une garantie totale. D'abord, le banquier n'avance pas 100 % de la
somme de la construction. Il en avance environ 60 %, 65 %, 70 %, mais à
partir de là cela force. Souvent, il va demander un endossement du
propriétaire. Souvent, on demande un endossement de la maison. On va
presque jusqu'à la niche du chien. Je prétends que le banquier ne
vous fait pas pleurer et qu'il est très protégé dans le
cours normal des choses. Il arrive que le banquier va perdre, mais ce n'est pas
le cours normal des choses. Le cours normal des choses, dans notre profession,
c'est que c'est le propriétaire qui paie lorsqu'il y a une faillite
importante. Je m'excuse. Ce n'est pas le propriétaire qui paie. Le
propriétaire va perdre. Ce sont les sous-entrepreneurs et l'entrepreneur
général qui vont perdre. Ce n'est pas le banquier. (16 h 15)
Je pense que l'on ne doit pas aller vers une simplification qui
amoindrirait les droits de recours des fournisseurs de matériaux, des
sous-entrepreneurs, des entrepreneurs généraux dans une
construction, qui amoindrirait le droit qu'ils ont actuellement par le
processus du privilège de protéger leur effort, leur science, les
matériaux qui sont avancés, enfin, de protéqer le paiement
de ce travail et de ces matériaux. Le privilège actuel
fonctionne. Il fonctionne, je pense bien, dans certains cas d'une façon
difficile, ardue, mais c'est une protection. Comme association, nous pensons
qu'il serait préférable au Québec de garder les
procédures actuelles d'enregistrement de privilèges. Nous sommes
solidaires sur ce point avec différents organismes, dont l'association
de la construction. Ce sont les trois points que l'on voulait toucher devant
nous. C'est bien évident que, si vous avez des questions sur lesquelles
vous aimeriez avoir l'opinion de personnes qui sont sur le front, on est sur le
front, on est dans le domaine de la construction, il nous fera plaisir, M.
Letarte et moi, de répondre à vos questions. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M.
Trépanier. Je vais maintenant
céder la parole au député de Marquette, adjoint
parlementaire du ministre de la Justice.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Au nom du ministre de
la Justice du gouvernement du Québec, j'aimerais tout d'abord souhaiter
la bienvenue aux représentants de l'Association des architectes en
pratique privée du Québec. J'aimerais aussi leur poser quelques
questions. Vous souhaitez évidemment le maintien du privilège au
niveau de l'architecte. D'un autre côté vous êtes contre la
possibilité d'un privilège pour l'État. Vous
prétendez que l'État a différents autres moyens de
recouvrer ses créances. Une question que j'ai posée à
presque tous les groupes qui sont venus: Ne trouvez-vous pas qu'une
créance de l'État, par sa nature, étant donné que
ce sont des deniers publics, ne mériterait pas une priorité ou un
privilège?
M. Trépanier: Ce n'est pas mon point de vue. Je pensais
à cela tantôt, il me semble que l'Etat doit, comme un individu ou
une entreprise, exercer toute la vigilance voulue pour protéger son bien
durant une construction. Lorsqu'on en arrive au moment des privilèges et
qu'un sous-entrepreneur n'est pas payé, je pense que l'État doit
être solidaire avec tous les intervenants dans cette construction. Si on
fait une école ou un agrandissement d'édifice, que cela va mal
pour l'entrepreneur général et que des sous-entrepreneurs ne sont
pas payés, je ne vois pas pourquoi l'État passerait à un
rang prioritaire, privilégié.
M. Dauphin: Privilégié, par rapport à celui
du groupe de la construction.
Un autre groupe est venu hier, l'Ordre des
arpenteurs-géomètres qui, eux, ne sont pas inclus dans 2888, dans
la liste des personnes bénéficiant d'une hypothèque
légale étant donné que ce ne sont pas des
confrères, mais pas loin. Comme architecte ayant travaillé avec
eux régulièrement, ils nous ont dit justement qu'avec les
nouveaux instruments de mesure dans les édifices en
copropriété ils avaient à travailler jusqu'à la fin
des travaux. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, si vous
recommander que les arpenteurs...
M. Trépanier: Je ne peux parler au nom de l'association.
On a parlé de cela un peu, mais pour être logiques quand
même avec notre position, je pense qu'on doit accepter leur demande.
Voici pourquoi. La société change, le changement est la loi de la
vie; avec la grande entreprise qui a été amorcée il y a
quelques années par le Québec pour arriver au niveau quaternaire
et avoir tout un système généralisé de
références spatiales au niveau géodésique, je pense
que la profession d'arpenteur-géomètre est maintenant devenue
beaucoup plus qu'autrefois sine qua non. II faut absolument que
l'arpenteur-géomètre soit là dès le début.
C'est devenu extrêmement complexe au niveau de l'emplacement du terrain,
de l'emplacement des édifices, les institutions financières entre
autres, les gouvernements municipaux sont beaucoup plus alertes. Tout est
vérifié d'une façon très juste et une erreur minime
peut entraîner une démolition de l'édifice. On a vu - c'est
évidemment une question de zonage - le fameux immeuble Deskin à
Hull. C'est un exemple célèbre. Personnellement, je
considère que le travail d'arpenteur-géomètre amène
aussi une plus-value à l'édifice, à cause des raisons que
j'ai expliquées, au même niveau que l'architecte,
l'ingénieur, le constructeur et les fournisseurs de
matériaux.
M. Dauphin: Puisque vous êtes considérés
comme des créateurs, un autre groupe est venu nous voir, les
créateurs et créatrices du Québec de l'association des
artistes du disque par exempte, sur les droits d'auteur, la
propriété intellectuelle. Est-ce que vous seriez d'avis que ces
gens devraient également bénéficier d'une
préférence dans la réalisation des biens d'un
débiteur?
M. Trépanier: Je n'ai pas vu leurs demandes, je n'ai pas
vu le dossier non plus. Cela me surprendrait que le travail... Ce n'est pas un
travail préliminaire à une construction. Si vous prenez, par
exemple, une sculpture, c'est accessoire, vous comprenez.
M. Dauphin: Non, c'est sûr qu'on ne parle plus de
construction.
M. Trépanier: Cela apporte sûrement une plus-value
à l'environnement, mais je pense que c'est assez rare que l'on voie...
Si on parle de privilège, de non-paiement, pour l'artiste, actuellement,
le 1 % est payé par l'État. C'est assez rare qu'on voie un
artiste faire un travail... Cela peut arriver dans l'entreprise privée,
mais c'est un fait extrêmement rare. Je n'ai pas eu connaissance d'une
situation comme celle-là, mais je ne pense pas qu'on puisse accorder la
notion de plus-value dans ce cas-là.
M. Dauphin: Disons que je ne reliais pas ma question à la
construction d'un édifice. Je parlais des artistes en
général qui se plaignent que, la plupart du temps, les compagnies
font faillite et qu'ils ne sont jamais payés pour leurs droits d'auteur,
par exemple. Ce n'est pas nécessairement relié à votre
domaine, je suis d'accord avec vous.
Je vais demander à ma collègue de Maisonneuve de continuer
et on reviendra tantôt.
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Trépanier,
vous disiez que vous étiez content d'être dans cette salle
restaurée; je suis contente que vous soyez des nôtres. Vous avez
également travaillé pendant longtemps, je pense, comme
élu. Vous êtes accompagné de M. Letarte; c'est bien cela?
Dans votre mémoire, vous avez mentionné que vos membres utilisent
malgré tout assez peu souvent le privilège. Je pense que ce n'est
pas fréquent que vos membres, ceux de l'association tout autant que...
Est-ce que l'ensemble des architectes sont membres de l'association?
M. Trépanier: À ma connaissance, je n'ai pas eu de
fait, je ne sais pas si...
M. Letarte (Claude): L'association regroupe les bureaux
d'architectes en pratique privée. Les autres architectes sont soit
professeurs d'université, soit fonctionnaires. Pour être
payés, ils n'ont pas les mêmes problèmes que l'architecte
en pratique privée au niveau de la construction; alors, la question ne
se pose pas.
Mme Harel: Malgré ce qu'ils en disent.
M. Letarte: Au niveau des architectes en pratique privée,
on regroupe près de 95 % des bureaux d'architectes de la province.
Alors, il y a quelques...
M. Trépanier: Pour la question des privilèges,
à mon point de vue, je n'ai pas entendu parler... Je voudrais être
très clair là-dessus. Si on fait un plan en chemise blanche,
comme on a dit tantôt, il n'y a pas de construction, on n'est pas
payé. Comment voulez-vous prendre un privilège? Vous avez
d'autres droits civils, mais vous ne pouvez pas prendre un privilège
pour quelque chose qui n'existe pas. À ce moment-là, il n'est pas
question de privilège.
Cependant, si l'immeuble est construit, si l'édifice est
construit, à ce moment-là, vous avez un privilège. Mais,
normalement, on émet des certificats de paiement à chaque mois et
on est payé à chaque mois. C'est extrêmement rare
qu'à la fin l'architecte n'a pas reçu ses honoraires. Cela peut
arriver, mais je n'ai jamais entendu parler encore d'un architecte qui a pris
des privilèges.
Mme Harel: II y en a certainement un parce qu'il est allé
jusqu'en Cour suprême ou en Cour d'appel pour faire
reconnaître...
Une voix: Les ingénieurs.
Mme Harel: C'étaient les ingénieurs; excusez-moi,
c'est vrai.
Une voix: Cela ne me surprend pas!
Ha! Ha! Ha!
Mme Harel: Contrairement à l'architecte,
l'ingénieur n'était pas prévu dans la législation
et par extension dans le privilège, en fait, de l'architecte. Il s'est
fait reconnaître un privilèqe, c'est juste.
Vous demandez également dans votre mémoire que la loi
précise les biens des municipalités et des corporations de
l'État qui devraient faire l'objet d'une affectation par
hypothèque. Vous avez déjà une idée de ce que
devraient être ces biens qui devraient être définis par la
loi?
M. Trépanier: Je ne comprends pas tellement bien le sens
de votre demande. Concernant l'État, on parlait de priorités
tantôt, on dît: Tout le monde sur le même pied, on ne veut
pas de priorité. Je ne comprends pas. Est-ce que c'est dans ce sens que
vous posez la question?
Mme Harel: Par ailleurs, dans votre mémoire...
M. Trépanier: Sur les biens grevables, oui.
Mme Harel: Oui, c'est dans les commentaires spécifiques,
vous nous dites: "La révision du Code civil devrait déclarer
comme bien grevable la majorité des bâtiments publics et les
bâtiments appartenant aux municipalités et aux corporations
d'État. Le statut de bien non grevable devrait être
réservé à certains bâtiments très
spécifiques précisés par un texte législatif."
Quels pourraient être ces bâtiments très spécifiques
auxquels vous faites référence?
M. Trépanier: Notre avocat n'est pas là, je
regrette, mais c'est lui qui... Ah oui, je m'en souviens maintenant, Mme Harel,
on a parlé à notre...
Mme Harel: Ce sont les biens d'utilité publique,
j'imagine.
M. Trépanier: Si on parle de l'Hôtel du parlement
ici, si on parle d'un immeuble comme celui-ci, on est dans une situation
très spéciale.
Mme Harel: Considérez-vous que c'est un lieu
d'utilité publique?
M. Trépanier: II peut arriver des cas d'exception, mais
même là je ne le sais pas. Cela pourrait être
débattu. On a fait à grands frais des toits en cuivre et pour une
raison ou pour une autre la compaqnie qui a fourni le cuivre n'a pas
été payée. Je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas moyen
de prendre un privilège sur le parlement. Cela
peut être débattu, vous savez, mais c'est ce qui a
été dit à notre comité.
Mme Harel: Je vois le genre de problème.
M. Trépanier: Je me souviens maintenant.
Le Président (M. Marcil): Quand vous touchez au secteur
public, vos honoraires sont toujours déterminés en fonction d'un
arrêté en conseil.
M. Trépanier: Dans notre profession, nous n'avons pas
d'honoraires minimums, nous avons des honoraires suggérés
et...
Le Président (M. Marcil): Oui, mais pour le secteur
public, ce n'est même pas suggéré, c'est applicable.
M. Trépanier: C'est-à-dire qu'on les applique, mais
c'est une entente que nous avons avec l'État pour notre travail et cela
sert dans l'entreprise privée à titre d'exemple. Nous nous basons
sur ces honoraires.
Mme Harel: Mais vous faites surtout référence aux
corporations d'État ou aux municipalités.
Le Président (M. Marcil): Exactement, les commissions
scolaires et les municipalités; on n'a pas le choix quand on engage des
professionnels. On applique une grille. On est obligés. Ce n'est pas
négociable.
M. Trépanier: C'est calculé par des experts au sein
du gouvernement et cela nous assure un profit raisonnable à la fin de
l'année et le moyen de payer des assurances dont on a parlé ce
matin.
Le Président (M. Marcil): ...
Mme Harel: M. Trépanier, je ne sais plus à ce
stade-ci de nos travaux quel sera exactement le projet de loi auquel nous
aurons à travailler cet automne. Tout au moins, maintenant je sais les
dispositions de l'avant-projet de loi qui ont été
sévèrement critiquées depuis le début des travaux
de la présente commission. Quel sera le résultat de la cogitation
qu'aura à faire le gouvernement dans les semaines à venir, je ne
le sais pas, mais je souhaite que l'on reprenne toute cette question du
privilège ouvrier, toute cette question relative à
l'hypothèque légale de la construction pour reconnaître la
spécificité du secteur de la construction. Je crois que plusieurs
de nos lois le reconnaissent déjà; par exemple, en matière
de relations du travail, le secteur n'est pas assujetti au Code du travail et
en combien d'autres domaines. Alors, c'est une réalité qui
s'impose. La question est de savoir comment la prendre en compte. Je souhaite
que votre point de vue soit entendu.
M. Trépanier: Si vous me le permettez, j'aimerais signaler
une deuxième fois la solidarité que nous avons en ce qui concerne
la déclaration conjointe de l'Association de la construction de
Montréal et du Québec, les constructeurs de routes et
d'habitations, les maîtres électriciens, les mécaniciens et
la Fédération de la construction du Québec face à
la commission et au projet de loi actuel. Il y a une solidarité en ce
qui concerne le projet actuel pour modifier les privilèges. Nous pensons
qu'un certain statu quo devrait être accepté.
Mme Harel: Tous ceux qui avaient des privilèqes en veulent
le maintien. Est-ce ce que vous nous dites?
M, Trépanier: Je n'ai pas compris.
Mme Harel: Tous ceux qui avaient des privilèges en veulent
le maintien.
M. Trépanier: Oui. II y a cette question de fin des
travaux qui nous cause vraiment des problèmes. Cette notion de fin des
travaux: Cela se termine quand? Quand on parle de privilèges, on parle
d'une journée X. Alors, c'est assez difficile, mais je pense que la
solution, c'est qu'on va être obligés de vivre avec une
espèce de compromis.
M. Letarte: Je voulais juste ajouter sur la notion de fin des
travaux que la définition dans le code actuel a une implication sur
d'autres secteurs ou d'autres chapitres du code qui ne sont pas à
l'étude aujourd'hui. Dans le projet de refonte, on élimine la
définition de la fin des travaux et le meilleur exemple, c'est que la
responsabilité de l'architecte, la période de garantie de cinq
ans de l'architecte débute à la fin des travaux. Alors, si on
élimine cette définition, on va avoir un trou durant la
période jusqu'à laquelle on révisera le 1688, la
responsabilité de l'architecte. C'est un risque; on ne peut pas
actuellement ne pas déterminer cette période. C'est
vraiment...
M. Dauphin: C'est vraiment pertinent. D'ailleurs, à mon
tour, au même titre que ma collègue de Maisonneuve...
évidemment, c'est un avant-projet de loi que nous avons devant nous.
Cette consultation a été faite justement pour avoir le pouls du
milieu et des intéressés. Je pense que, de votre
côté, vous avez d'ailleurs un autre document peut-être plus
élaboré à nous faire parvenir. Alors, nous attendrons
votre document. Je peux vous dire que vos recommandations et
vos revendications seront étudiées avec beaucoup
d'intérêt et d'attention. Je vous remercie d'être venus
participer à nos travaux. (16 h 30)
M. Trépanier: Est-ce que je peux me permettre une anecdote
en terminant? Je pense que vous avez presque terminé pour cet
après-midi. J'ai été appelé tout à fait par
hasard à remplacer M. Provost devant les étudiants de
l'Université de Padoue; qu'il devait parler de la loi lors d'une
journée francophone â cette université. Il y a de cela une
dizaine d'années. J'étais par hasard à Milan et j'avais
promis à ma femme une fin de semaine à Venise, trois jours. Mais,
en tout cas, le consul général du Canada a réussi à
me convaincre d'aller remplacer M. Provost qui était pris en Autriche.
J'ai donc été appelé à prononcer cette
conférence sur la loi québécoise, sur le Code civil au
Québec et sur la responsabilité des entrepreneurs, à la
faculté de droit de l'Université de Padoue. J'ai su ensuite ce
qu'était l'Université de Padoue; alors, cela m'a donné un
gros coup.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. Trépanier, de
même que M. Letarte.
Nous allons procéder immédiatement à l'audition des
représentants de l'Association de l'immeuble du Québec. Je vous
demanderais de vous approcher, s'il vous plaît.
Nous vous souhaitons la bienvenue à notre sous-commission sur la
loi portant réforme au Code civil. J'aimerais reconnaître M. Serge
Cayer, vice-président-directeur général de l'Association
de l'immeuble du Québec. Si vous voulez présenter vos
collègues, nous vous laisserons quelques minutes pour la
présentation de votre mémoire pour, ensuite, procéder
à un échange de questions.
Association de l'immeuble du Québec
M. Cayer (Serge): Merci, M. le Président. M. le
Président, Mmes et MM. les députés, avant de commencer,
nous aimerions excuser l'absence de notre président, M. Hudon, et d'un
autre membre de notre délégation, M. Allard, qui ont
été retenus à Montréal pour cause de force
majeure.
J'aimerais remercier les membres de la sous-commission d'avoir
accepté d'entendre notre groupe sur le projet de réforme du Code
civil. Notre délégation est aujourd'hui formée de Me
Robert Nadeau, coordonnateur aux affaires juridiques à l'Association de
l'immeuble du Québec, de même que de M. Maurice Faraggi, à
ma gauche, ancien président de notre association et membre de notre
comité de recherche et de législation.
Nous tenons à souligner l'excellente collaboration qui s'est
instaurée depuis quelque temps entre les représentants politiques
du Québec et notre association, notamment à l'occasion de la
récente tenue des audiences de la commission parlementaire sur la
levée du moratoire.
Avant de vous faire part de nos commentaires sur l'avant-projet de loi,
j'aimerais vous présenter sommairement notre association. Notre
association représente plus de 10 000 membres, tous agents ou courtiers,
détenteurs de permis en vertu de la Loi sur le courtage immobilier, loi
provinciale. Nos membres ont accompli, pour l'année financière
gouvernementale 1985-1986, plus de la moitié des quelque 190 000
transactions immobilières enreqistrées au Québec, soit une
valeur d'environ 7 000 000 000 $.
Notre association a deux grandes préoccupations: la
première, la protection du public et la seconde, la promotion d'un
professionnalisme accru de nos membres. Au premier titre, nous avons
adopté, il y a quelques années, un code de déontologie
dont l'application est maintenant confiée à quelque trois syndics
à temps plein. Les clauses de notre code de déontoloqie relatives
au mandat - c'est-à-dire le contrat en vertu duquel un
propriétaire confie la vente de son immeuble à un courtier - ont
été publicisées auprès de tous les
propriétaires offrant leur immeuble en vente par l'intermédiaire
d'un courtier dans la province.
Au second titre, notre association est responsable de la formation de
base, du perfectionnement, ainsi que de la spécialisation de nos
membres. Nous avons commencé à mettre un accent de plus en plus
fort sur ces deux dernières spécialités,
c'est-à-dire le perfectionnement et la spécialisation.
Enfin, notre association se penche aussi sur tout sujet affectant le
domaine de l'immobilier, tant pour les propriétaires que pour tes
praticiens du courtage immobilier. C'est à ce titre que nous avons le
plaisir de vous soumettre cet après-midi nos commentaires sur
l'avant-projet de loi visant à modifier et surtout à simplifier
les dispositions du Code civil du Québec relatives aux
sûretés et à la publicité des droits.
 cette fin, j'aimerais passer la parole à Me Robert Nadeau
qui se charqera de vous expliciter davantage notre position à ce
sujet.
M. Nadeau (Robert): Merci, M. Cayer. L'exposé qu'on va
vous soumettre cet après-midi va être réparti en deux
volets, te premier étant un commentaire d'ordre général
sur le fondement de l'avant-projet de loi et un deuxième commentaire
portera sur certains articles afin de vous transmettre notre réflexion
et notre philosophie vis-à-vis
de ceux-ci.
Mais, avant d'attaquer ces commentaires d'ordre général,
j'aimerais à titre de préambule, peut-être, vous mentionner
que notre association appuie la réforme qui est proposée par
l'avant-projet de loi. On sait que les travaux ont été entrepris
depuis maintenant - le rapport a été déposé en 1977
- dix ans. On pense à une refonte - et non pas à une modification
du Code civil - à une refonte en profondeur en revoyant tous les aspects
que cela peut entraîner. À écouter les premiers ou quelques
commentaires que j'ai pu entendre ici, devant cette tribune, il est certain que
cela dérange les uns et que cela en arrange d'autres. On aurait voulu
aller plus loin, on aurait voulu aller moins loin, sauf que nous
préconisons qu'il y ait recommandation afin que la refonte se fasse. La
société étant en constante évolution, il faut s'y
adapter. Je pense qu'avec déjà dix ans de travaux il faut que
cela avance. Cette refonte va permettre au Québec, en fin de compte, de
se doter d'un Code civil qui va rejoindre les exigences de cette
société.
Ce qui a dirigé notre réflexion avant d'émettre ces
commentaires, c'est, devant l'importance du sujet et dans le but de collaborer
avec le législateur, le fait de répondre à deux questions.
En quoi cet avant-projet répond-il aux réalités
économiques d'aujourd'hui et en quoi consti-tue-t-il pour le citoyen et
la citoyenne, débiteur ou créancier, une amélioration?
C'est la première question. L'autre question, c'est qu'en revoyant un
peu Pavant-projet de loi on s'est dit: Pourquoi tout ce qui a été
recommandé à l'ORCC, l'Office de révision du Code civil,
n'a-t-il pas été retenu intégralement? Que s'est-il
passé un peu entre les deux? À partir de ces prémisses, on
a commencé à examiner l'avant-projet de loi.
En premier lieu, on sait que cela répond aux principes de
l'Office de révision du Code civil même si on a
délaissé certaines idées qui avaient été
émises. On répand aux principes qui avaient été
soulevés. On concrétise aussi une pratique d'uniformisation. La
tendance actuelle, si on examine la façon dont les banques et les autres
institutions prêteuses fonctionnent, c'est qu'on veut uniformiser de
façon à rationaliser et à simplifier davantage. On pense
que, dans ce sens, l'avant-projet de loi est sur une bonne voie et que cela
devrait être concrétisé aussi davantage. On pense aussi que
ce qui était le plus important, c'était, tout en respectant
l'esprit civiliste qui règne au Québec, de vouloir quand
même s'approcher de ce qui existe dans le reste de l'Amérique du
Nord. Chez nos voisins de juridiction de "Common Law" on a essayé
d'uniformiser le plus possible les hypothèques mobilières, si on
peut ainsi les nommer, qui existent. Cela a chanqé les modes de
financement.
Dans ce sens, je pense que, oui, dans le but d'uniformisation avec le
reste de l'Amérique du Nord, c'est un bon apport tout en respectant,
comme je le disais, l'esprit civiliste.
L'amalgamation de toutes les sûretés sous un seul vocable,
celui d'hypothèque, cela aussi, c'est un apport, même si à
la lecture de l'avant-projet de loi on voit qu'il y a des disparités
selon que c'est l'hypothèque mobilière ou immobilière. Il
reste qu'on essaie de rejoindre ce qui est populairement pensé,
c'est-à-dire que c'est une hypothèque, cela équivaut
à une sûreté, cela équivaut à une garantie.
Je pense que cela rejoint la majorité de la population et c'est
compréhensible. On évite maintenant de parler de toutes ces
garanties dont on ne fera pas l'énumération, on risque d'en
oublier.
On est aussi pour le recours unique. En fin de compte, cela va
peut-être alléger les actes qui concrétisent les garanties
en disant: Écoutez, on se réfère au code et tout y
est.
Concernant l'hypothèque mobilière plus
particulièrement parce qu'elle est introduite jusqu'à un certain
point par l'avant-projet de loi, c'est-à-dire qu'on vient résumer
ce qui existait sous le vocable de nantissement, on est d'accord parce que
c'est une nouvelle source de financement. Cela va aussi faciliter les
échanges commerciaux. Deux réserves, cependant: Cela va
sûrement freiner la libre circulation des biens si, administrativement
parlant, l'administration de la publicité est mal implantée; un
risque d'endettement supplémentaire aussi pourrait arriver, surtout chez
le consommateur moyen et le salarié qui composent, je pense, la majeure
partie de la population de notre province.
Tout en considérant que l'article 2800 de l'avant-projet de loi
exprime que le patrimoine est le gage commun de tous les créanciers, un
peu à l'instar d'autres intervenants, encore une fois d'après ce
que nous avons pu comprendre de leur mémoire, il reste qu'on a
créé des créances prioritaires et une hypothèque
léqale qui vient un peu remplacer ce qu'on appelait le
privilège.
Si on prend les exemples des articles 2811 et 2812 qui sont
conséquents à 2806 et 2807, on dit que toutes ces créances
prioritaires n'ont pas à être enregistrées pour être
effectives. On se demande donc quelle incertitude cela créera-t-il. On
pense au prêteur qui se dit: J'ai une garantie, une sûreté
valide sur un bien meuble ou immeuble et qui, tout à coup, même
avec l'exception de l'article 2810, apprend qu'il y a un montant qui est
peut-être exorbitant à payer et qui pourrait lui être
préféré. Comment réagira-t-il? Quelle est la
certitude
de sa sûreté? C'est un point d'interrogation et c'est une
réflexion que nous émettons parce qu'on pense que ces
créances, même prioritaires, devraient connaftre une forme
d'enregistrement pour au moins être dénoncées. Je pense que
cela pourrait être bénéfique à ceux qui ont ces
créances parce qu'on sait très bien que le créancier
hypothécaire qui reçoit un avis disant qu'il y a des
créances qui pourraient lui être préférées
fait des pieds et des mains pour essayer de les résorber. Il n'a pas
intérêt à ce que ces créances, ces privilèges
ou ces dettes qui lui sont préférables viennent empêcher la
réalisation de sa garantie entièrement et pleinement. (16 h
45)
D'autres remarques en ce qui concerne la publicité des droits.
Nous avons une crainte - le mot est peut-être un peu fort -mais on
comprend mal pourquoi il ne serait pas aussi important de connaître les
réformes administratives que les réformes législatives
concernant la publicité des droits. Quel est l'impact? Comment tout cela
va-t-il s'administrer? Quel frein l'administration va-t-elle poser à la
publicité en tant que telle et à l'administration des
sûretés? De quelle façon cela va-t-il se faire et quels
sont les échéanciers? On aurait aimé connaître du
point de vue administratif de quelle façon cela était pour
être géré et peut-être apporter un meilleur
éclairage à ce moment.
Il y a aussi la confiance au système qui est proposé. On
sait qu'il y a une présomption que ce qui est enregistré le sera,
c'est une présomption, pendant une période de dix ans ou alors ce
sera une certitude. C'est 3308 de l'avant-projet qui nous parle de cela. On se
demande jusqu'à quel point de conserver le réexamen des titres
à chaque fois qu'il y a une transaction sur un immeuble est une solution
valable. Pourquoi n'y a-t-il pas plus de titres ou le titre ne pourrait-il pas
être plus définitif dès son enregistrement ou, du moins,
est-ce que la période de dix ans ne s'avère pas un peu longue de
ce point de vue?
N'y aurait-il pas lieu aussi, vis-à-vis des erreurs
administratives dans un cas comme cela, de pourvoir à un fonds
d'indemnisation qui pourrait être créé pour empêcher
éventuellement que certaines personnes qui enregistrent leurs droits ne
soient lésées? Pouvons-nous croire qu'un système qui
apporterait une certitude absolue n'accélérerait pas la prise des
garanties, la prise des sûretés et ainsi faciliterait davantage
l'obtention du crédit et son ajustement au monde qui est en constante
évolution par rapport au financement?
Pour attaquer le deuxième volet de notre exposé, on
voudrait vous faire certains commentaires. On ne veut pas les prendre article
par article et vous suggérer un mot ou deux à changer - je pense
que ce n'est pas le travail de cette sous-commission -mais vous exprimer ce que
l'on croit être soit des disparités ou peut-être des points
de vue qui n'avaient, semble-t-il, pas été soulevés
jusqu'à maintenant.
On prend comme premier article 2842 qui nous parle de
l'hypothèque qui a pu être prise sur l'universalité des
biens servant à un entrepreneur, à un commerçant ou
à un artisan. On a une petite réserve vis-à-vis de cela.
On dit: II y a une notion de risque commercial. Le dépanneur du coin et
l'artisan pour les produits et pour les besoins de son artisanat, ne se
trouvent-ils pas dans une place ou une part qui ressemble plus au consommateur
ordinaire qu'à la PME? À ce point de vue, n'y aurait-il pas lieu
de faire certaines distinctions entre les besoins de financement de ces gens et
les besoins de financement de ceux qui ont un risque commercial beaucoup plus
élevé et qui ont un besoin, eux, d'hypothéquer des
universalités? Je me demande jusqu'à quel point certaines
institutions n'auront pas tendance à dire: Monsieur, s'il vous
plaît, tous vos oeufs dans mon panier. Ca vient de s'éteindre.
Une autre réserve aussi vis-à-vis de l'article 2850. Je
vous le rappelle, l'article 2850, c'est la prise d'hypothèque pour
garantir du crédit rotatif ou marge de crédit. On se demande
là aussi, avec la facilité avec laquelle on pourrait obtenir
certaines hypothèques, jusqu'à quel point ceux qui veulent offrir
ce crédit rotatif n'exigeront pas des hypothèques qui pourront
être placées en premier rang, peu importe si on se sert ou non de
ce crédit, et ce peut-être pour certains consommateurs.
Vis-à-vis de la grande entreprise, ça ne pose pas de
problème, mais vis-à-vis de celui qui va avoir un crédit
même minime, qui par rapport à lui est minime. Ne se verrait-il
pas coller une exigence telle qu'il sera obligé de céder une
hypothèque? Dans un dossier de crédit, à quel moment cela
se situe-t-il, à quel endroit cela se situe-t-il et vis-à-vis des
autres emprunteurs avec qui il veut faire affaire après pour un
crédit plus élevé, de quelle façon ces emprunteurs
vont-ils réagir?
Voici ce qui concerne les articles 2857 et 2861. Dans notre
mémoire, on dit, concernant l'article 2857, que nous sommes d'accord
avec le libellé de l'article qui nous dit que "L'hypothèque
immobilière doit, à peine de nullité absolue, être
consentie par acte notarié et en minute." Un peu plus loin, dans notre
mémoire, concernant l'article 2861, on dit: "Ne serait-il pas plus
plausible de considérer la possibilité d'exiger que l'acte
mentionné soit notarié?"
J'aimerais juste vous exprimer, en quelques minutes, pourquoi on est
arrivé à ces conclusions. On ne serait pas, par ailleurs, contre
le fait de permettre que l'hypothèque immobilière ou
mobilière puisse
être consentie par un acte autre que notarié, mais qui
fournirait au consommateur ou à celui qui consentirait, autant
prêteur que débiteur, un coût plus compétitif et
l'équivalent d'une sécurité pour ces gens. On n'a pas
parlé ici d'acte sous seing privé, mais on dit qu'il y aurait des
solutions autres que sous seing privé qui n'offrent peut-être pas
ces garanties.
Un peu plus loin, à l'article 2888 concernant les
hypothèques légales et plus particulièrement à
l'alinéa 2°, on comprend mal, au départ, pourquoi cette
hypothèque légale subsiste actuellement. On donne un exemple. Un
constructeur de pelles mécaniques qui valent de 200 000 $ à 300
000 $ donne des sous-contrats, engage des ingénieurs, engage des
ouvriers. Ces gens n'ont aucune hypothèque légale pour le travail
qu'ils vont faire. C'est un bien mobilier et, de plus, c'est un bien qui se
déplace.
Par contre, la notion de plus-value étant un peu mise dans
l'ombre, celui qui apporte des travaux même minimes, une
rénovation à un domicile, à une résidence, a les
moyens d'obtenir une telle hypothèque. Pourquoi a-t-on laissé
cela? Si on la laisse là et qu'on a trouvé une raison pour la
laisser là, on se dit: Oui, mais pourquoi, dans ce cas, d'autres
intervenants dans le milieu immobilier n'auraient-ils pas droit à une
telle hypothèque légale? Entre autres, on croit que tes membres
de notre association sont des gens qui font en sorte que plusieurs transactions
se réalisent avec leur expertise intermédiaire et qui, en fin de
compte, réalisent l'augmentation de valeur qui se produit et qui
s'attache à un immeuble.
Quelques articles que nous voulons aussi vous souligner en dernier lieu.
On pourrait regrouper l'idée principale dans les articles 2943, 2945,
2964, ainsi que 2965 où on parle de ventes sous contrôle de
justice ou par le créancier, dans certains cas. L'idée qu'on a
essayé de décortiquer dans tout cela, on dit: En fin de compte,
il s'agit d'un genre de privatisation des ventes pour la réalisation des
sûretés. Il s'agît aussi de possibilité de ventes de
gré à gré, enchères, ou par d'autres moyens qui y
sont prévus. On dit: Pourquoi, dans ces cas, ne serait-il pas reconnu
aussi dans cet avant-projet de loi que ce soient des professionnels de
l'immobilier qui détiennent entre autres des permis du service du
courtage immobilier qui feraient ce travail immobilier, étant
donné que la majorité d'entre eux - plus que la majorité,
on dit qu'il y en a plus de 90 % -sont affectés à des chambres
immobilières? Il y aurait aussi la possibilité de faire appel
à des services de mise en marché que n'importe quelle autre
personne n'aurait pas nécessairement à sa disposition pour
effectuer de telles ventes.
Il ne faut pas oublier que les surplus de ces ventes doivent être
remis au débiteur. Ne serait-il pas dans la philosophie de cet
avant-projet de loi qu'on obtienne la meilleure valeur marchande ou la juste
valeur marchande pour ce bien, afin qu'il n'y ait personne de
lésé?
En résumé, c'étaient les commentaires et
réflexions que notre association voulait vous sugqérer, vous
apporter.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Nadeau, M.
Faraggi, de même que M. Cayer. Nous allons procéder
immédiatement à la période d'échanges.
Je vais reconnaître le député de Marquette, adjoint
parlementaire du ministre de la Justice.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Au nom du ministre de
la Justice et du gouvernement, j'aimerais vous souhaiter ta bienvenue à
nos travaux rie cette sous-commission qui fait l'étude, comme vous le
savez, de l'avant-projet de loi sur les sûretés réelles et
la publicité des droits. J'ai lu votre mémoire. Vous étiez
parmi nous cet après-midi, du moins pour les deux groupes qui vous ont
précédés. Vous avez sûrement entendu
l'échange avec les groupes sur la présomption
d'hypothèque.
M. Nadeau: Partiellement. Je n'ai pas été ici pour
toute l'audition.
M. Dauphin: D'accord. Vous nous dites que vous êtes pour un
régime unifié, uniforme de sûretés.
M. Nadeau: Oui.
M. Dauphin: Cela cadre justement, selon moi, avec cette
présomption d'hypothèque. Dans toute stipulation ou forme de
sûretés, il y aurait une présomption que c'est une
hypothèque. Certains groupes, comme la Chambre des notaires ce matin,
nous ont dit qu'ils étaient contre la présomption
d'hypothèque, notamment à cause du fait que, pour le
consommateur, la moindre allusion à une sûreté deviendrait
une hypothèque, ce qui n'est pas toujours la volonté des parties.
J'aimerais savoir ce que vous pensez, comme représentant de
l'association, de cette notion de présomption d'hypothèque qui
rend uniformes toutes les sûretés, finalement.
M. Nadeau: Il est certain que notre réflexion et notre
philosophie sont ta simplification. Pas la simplification à outrance,
pas ta simplification qui permet de laisser planer des doutes. Ce que vous avez
soulevé, et je n'ai pas entendu les commentaires de la Chambre des
notaires et, comme je vous le disais, j'ai entendu partiellement ceux auxquels
vous avez fait
allusion tout à l'heure... Il n'en demeure pas moins que, dans un
esprit d'unification et de simplification, avec appelons-la la
présomption d'hypothèque, je pense qu'on pourrait être
d'accord en principe. Quant aux modalités d'application, de quelle
façon elles se concrétisent et se publicisent, il faudrait revoir
entièrement le mécanisme et apporter peut-être une
réflexion qui serait plus spécifique. Dans son ensemble, il est
certain que, moins on mélange les termes, plus la compréhension
est facile.
M. Dauphin: Vous y seriez, en principe, favorables. On a
également échangé sur le fait que, d'un autre
côté, cela donnerait des difficultés au niveau de la
preuve, par cette présomption.
M. Nadeau: C'est ce que je vous disais.
M. Dauphin: D'ailleurs, l'office de révision proposait la
présomption d'hypothèque, si ma mémoire est
fidèle.
J'aimerais maintenant parler de l'hypothèque
mobilière.
M. Nadeau: Oui.
M. Dauphin: Vous nous dites que vous êtes favorables, avec
certaines interrogations...
M. Nadeau: Avec deux réserves.
M. Dauphin: ...au niveau de la circulation des biens meubles et
d'une possibilité de surendettement des particuliers ou des
consommateurs.
Le groupe qui a précédé le groupe avant vous, les
banquiers, nous proposaient au niveau de l'hypothèque mobilière,
pour une personne physique, vous et moi, de prolonger cela à tous les
biens et non pas ce qui est prévu actuellement dans l'avant-projet, soit
un bien qu'elle acquiert. J'aimerais savoir ce que votre association pense de
cela. C'est sûr que la réserve de surendettement du particulier
nous donne une indication de votre réponse, évidemment, si on
vous demande d'appliquer cela "at large" au niveau de l'hypothèque
mobilière sur tous les biens du citoyen ou du consommateur.
M. Nadeau: On a émis une réserve tout à
l'heure en ce qui concerne l'endettement sur l'universalité des biens
d'un commerçant quand on le catégorise comme étant un
petit commerçant et un artisan. Si on suit la même ligne de
pensée, il est facile de comprendre qu'on serait plus ou moins d'accord
à ce que le consommateur, la population en général puisse
endetter tous ses biens comme bon plaira au créancier. À cet
effet, je pense que cela rejoint cette même réserve que nous avons
émise tout à l'heure. (17 heures)
M. Dauphin: Un autre point. Si je vous ai bien compris
tantôt relativement au privilège actuel en matière de
construction qui deviendrait l'hypothèque légale à
l'article 2888, vous disiez que vous ne voyez pas pourquoi ces gens auraient
plus de privilèges que d'autres, que les
arpenteurs-géomètres, que les agents d'immeubles, par
exemple.
M. Nadeau: On se dit que, s'il y a une raison attachée
à l'immobilier, bon, on est attaché à l'immobilier et on
devrait répondre au même raisonnement. Mais, entre les deux, on ne
l'a peut-être pas trouvé exactement. Je vous donnais l'exemple de
la pelle mécanique. On peut trouver beaucoup de biens meubles qui
aujourd'hui ont des valeurs souvent supérieures à beaucoup
d'immeubles qu'on peut voir en se promenant sur les routes. On se dit pourquoi
une catégorie qui est l'immobilier, qui est fixe quelque part a ce
"privilège", entre guillemets, plus que ceux qui travaillent sur un bien
meuble.
Mais si, dans le raisonnement, le législateur a laissé
à l'avant-projet de loi la notion d'immobilier et d'hypothèque
légale ou privilège immobilier, on se dit: Dans ce cas il faut
que le raisonnement dise aussi pourquoi certaines catégories de
personnes y ont droit et pourquoi d'autres qui travaillent aussi à cet
apport immobilier n'y ont pas droit. La réflexion est arrivée
à cela. On dit: Nous aussi, on concrétise aussi une valeur
immobilière. Alors, on le concrétise par notre travail. Pourquoi
n'a-t-on pas plus le droit à cela pour les honoraires qu'on pourrait y
toucher?
M. Dauphin: C'est parce que tout est relié à la
plus-value apportée à l'immeuble.
M. Nadeau: Oui. Même si la plus-value a
été...
M. Dauphin: On se dit que l'agent immobilier n'apporte
peut-être pas de plus-value à l'immeuble.
M. Nadeau: Est-ce que le peintre qui...
Mme Harel: M. le Président, peut-on leur demander ceci:
Quelle est la plus-value que vous apportez à l'immeuble?
Le Président (M. Marcil): C'est la question que je voulais
poser, justement.
M. Cayer: Alors, notre intervention à ce niveau ne se
situe pas nécessairement sur le fait que nous devrions avoir un
privilège. Notre position est qu'il ne devrait pas y avoir de
privilège supposé. Cependant, il arrive des situations où,
alors même que nous sommes la cause procurante, c'est-à-
dire la cause pour laquelle la transaction se fait
éventuellement, on ne puisse être payé parce que des
privilèges occultes se révèlent subitement et que notre
droit à notre rémunération est lésé
dès lors.
Ce que nous préconisons, c'est que, s'il doit y avoir
privilège, il soit publicisé, il soit public, sinon, qu'il
n'existe pas de façon supposée, tout simplement.
M. Nadeau: Pour ajouter peut-être au commentaire de M.
Cayer, il y a un exemple qui me vient à l'esprit. Si j'engage un peintre
en bâtiment et que ses travaux sont évalués à 10 000
$ pour repeindre entièrement ma maison, mais que le tout se fait avec un
choix de couleurs qui est de très mauvais goût et que très
peu de personnes vont apprécier, quelle valeur a-t-il amenée
à l'édifice?
Le Président (M. Marcil): II a ajouté quelque chose
à l'édifice tandis que vous, habituellement, dans les contrats
d'immeuble, vous vendez toujours en bas du prix qu'on suggère. Vous ne
pouvez pas dire aujourd'hui que vous...
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Nadeau: Peut-être que vous suggérez toujours un
prix trop haut.
M. Dauphin: Pour le moment, cela va. Je vais demander à ma
collègue de continuer.
Le Président (M. Marcil): Allez, Mme la
députée.
Mme Harel: Merci, M. le Président. M, Cayer et les
personnes qui vous accompagnent, M. Faraggi et M. Nadeau, je constate que
l'Association de l'immeuble du Québec prend goût aux commissions
parlementaires. On dit toujours qu'il y a des dinosaures dans la
société, c'est-à-dire qu'il y a des groupes
organisés qui s'inscrivent presque par automatisme à toutes les
commissions parlementaires qu'un gouvernement ou l'autre convoque pour exprimer
leur point de vue. Je ne sais pas si vous ferez bientôt partie de la
liste qui... Vous faites des signes de dénégation, M. Cayer.
Je pense que c'est certainement l'indice de l'activité et
peut-être aussi de l'aspect stratégique du rôle que vous
jouez et de la multiplication des transactions que l'on a pu connaître.
Je ne le sais pas pour l'ensemble du Québec, mais je le sais en
particulier pour la ville de Montréal et, entre autres, pour le secteur
que je représente dans le cas de la ville de Montréal. Je peux
constater qu'il y a une sorte de turbulence, il y a quand même des
secousses dans le marché présentement. J'aurais bien des
questions à poser sur votre profession, mais je ne crois pas que ce soit
l'objet de nos propos et de l'échange que nous devons avoir ensemble.
Peut-être pourrais-je aller vous voir par la suite. Ha! Ha! Ha! Pas pour
moi, mats pour les commettants.
Je reprends un peu la question de mon collèque, l'adjoint
parlementaire, concernant la plus-value à l'immeuble. Toute la question
est relative à l'hypothèque légale de la construction.
Même dans l'avant-projet, il y a une hypothèque légale de
la construction. Auparavant, le législateur avait reconnu un
privilège ouvrier. C'est donc qu'il y a une sorte de reconnaissance de
la spécificité de ce secteur. Peut-être est-ce du fait que
le chantier, par définition, est temporaire? Il y a aussi des secousses
sismiques dans ce secteur. Il est fragile, d'une certaine façon. Est-ce
que c'est le barème? On dit souvent aussi que c'est une sorte de
barème pour l'état de l'économie dans une
société. Mais, de toute façon, quels qu'en soient les
motifs, c'est comme reconnu pour les bons ou les mauvais motifs. De toute
façon, c'est - je ne dirais pas universellement connu - mais assez
consensuel qu'il y a lieu de trouver une sorte de règle du jeu qui
harmonise et qui maintienne un ordre relatif dans ce secteur, que le
désordre n'est pas souhaitable et que l'absence de dispositions pourrait
apporter du désordre. Quand vous dites qu'il faut abolir tous les
privilèges, j'imagine que vous vous inscrivez quand même par la
suite pour étendre celui qui est déjà prévu dans le
cadre de l'hypothèque légale de la construction. Vous dites: Si
les autres l'ont, on le veut aussi. C'est cela?
M. Nadeau: Pour faire suite à votre commentaire et juste
pour reprendre le fait qu'on se demande encore pourquoi cela est demeuré
là, on sait qu'à l'époque où le Code civil est
né au Québec, vers 1800, peut-être que l'immeuble
était la seule valeur impartante que les gens avaient dans leur
patrimoine. Mais je pense qu'aujourd'hui, en 1987, c'est faux. Je connais
peut-être certaines personnes qui ont un portefeuille d'actions plus
important que leur portefeuille immobilier. Mais, néanmoins, je pense
que le but de protéger cela, si vous y trouvez des raisons et si vous
trouvez plus louable de le laisser là, c'est qu'on se dit qu'on veut
éliminer la disparité, à ce moment-là, parce qu'on
a encore de la difficulté à concevoir comment - si je reviens
à l'exemple que je soumettais tout à l'heure - quelques
rénovations apportent une si grande plus-value à un immeuble,
peut-être. Est-ce que la plus-value amenée à un immeuble,
si on veut parler de cette notion, est équivalente aux honoraires qui
sont réclamés et qui font l'objet de l'hypothèque
légale? C'est la question que je me pose et je ne suis pas certain que,
dans tous les cas, cela soit
valide, cela soit appréciable ou, du moins, cela soit
recommandable qu'on leur laisse ce genre de privilège.
Mme Harel: M. le Président, il y a encore et toujours 78 %
de locataires dans la ville de Montréal. Si vous pensez qu'ils ont
préféré un portefeuille d'actions à l'achat d'une
maison, disons que ce n'est pas tout à fait la situation que je suis
à même de constater. Alors, comme c'est une très grande
majorité, soit 78 %, qui sont encore locataires dans une ville comme
Montréal, je me prête à penser que l'habitation est encore
un bien dont l'achat n'est pas largement et nécessairement
répandu. Je ne pense pas que ce soit au profit d'un portefeuille
d'actions, mais enfin...
M. Nadeau: Oui.
Mme Harel; C'est une autre question. Sur cette question, je pense
que la réflexion va se poursuivre. L'avant-projet de loi contenait
certaines dispositions qui ont été, parfois en tout cas,
sévèrement critiquées, mises en pièces même
ou presque par certains secteurs et applaudies par d'autres, il faut bien le
constater. Il y a des choix à faire. Ces choix, le gouvernement nous les
fera connaître et nous verrons par la suite comment nous entendons
réagir. Il demeure qu'il faut une équité sociale la plus
grande, non seulement une équité, mais aussi l'apparence de
l'équité. Ce sont parfois des choses distinctes, d'une certaine
façon.
En ce qui concerne l'hypothèque mobilière, vous craignez
des abus, vous le dites dans votre mémoire. Vous craignez que cela ne
favorise l'endettement. Il n'y a pas beaucoup de mémoires qui ont
parlé de cet aspect, mais je pense que le vôtre a fait état
du danger que cela peut représenter pour un individu non
commerçant de créer une sûreté contre les biens
qu'il acquiert. Cette préoccupation vous vient-elle d'une expertise que
vous avez? D'où vient le fait que vous avez tenu à en faire
mention dans votre mémoire?
M. Nadeau: À l'association, le comité qui s'est
penché sur l'ensemble de l'avant-projet de loi émettait les
opinions suivantes. Il s'est placé dans la peau de la majorité de
ses clients et s'est dit: Si c'est déjà difficile, du moins pas
facile, d'obtenir du crédit pour un immeuble, mais dans tous les cas
où ils vont emprunter de façon personnelle - pour leur automobile
ou autrement, on essaie tout le temps de trouver une garantie quelque part - si
tout cela est plus facile, si la prise d'hypothèque se veut plus facile,
si on veut essayer d'uniformiser, d'améliorer et de simplifier cela, ne
serait-il pas aussi plus simple pour les prêteurs, quels qu'ils soient,
de demander ce genre de sûreté? Tout le monde la veut, elle est
plus facile maintenant. Alors, le consommateur ne serait-il pas un peu
biaisé par le fait que c'est si facile qu'on va toujours lui en demander
une, au moindre crédit, même minime, même pour une carte de
crédit, peut-être? On peut extrapoler jusque-là. Je pense
qu'il y aura là des distinctions à faire et une certaine prudence
à apporter lors de la rédaction d'un projet de loi plus
définitif.
Mme Harel: Une dernière question, M. le Président.
Selon vous, quelles sont les dispositions de l'avant-projet de loi qui peuvent
empêcher un créancier de solliciter vos services pour
procéder à la vente d'un bien hypothéqué?
M. Nadeau: On ne dit pas qu'on ne permettra pas de... Sauf dans
un cas où on dit que le créancier a droit de vente - je peux
retrouver le numéro de l'article...
Mme Harel: Le créancier peut faire appel à vos
services?
M. Nadeau: II n'est pas précisément prévu
qu'il doit y faire appel. Plus loin que cela, ce qui nous préoccupe le
plus, c'est qu'on dit qu'il peut faire appel à n'importe qui, à
quelqu'un qui n'a pas de formation, à quelqu'un qui n'a peut-être
pas accès à ces réseaux de mise en marché, à
quelqu'un qui n'a pas ce permis de faire du courtage et que le gouvernement
délivre, par ailleurs. On se dit que c'est peut-être une question
de concordance entre les lois; que ceux qui peuvent faire de l'immobilier
soient ceux qui ont les permis.
Mme Harel: Mais la loi sur les courtiers en immeuble
prévoit déjà cette question. Il n'est pas
nécessaire de le faire en plus dans le Code civil.
M. Nadeau: La loi prévoit aussi qu'il y a des exceptions
dans cette loi et que certaines autres personnes, dans certaines circonstances,
peuvent aussi faire de l'immobilier. S'il n'est pas prévu
peut-être plus précisément, dans cet avant-projet de loi ou
dans le projet de loi qui va suivre, que ce sont les gens détenteurs de
permis qui auront le droit de faire cette transaction, je pense qu'on ouvre des
portes et qu'il n'est peut-être pas certain qu'elles seraient favorables
à tout le monde. On enlève le shérif; on enlève un
rôle qui avait quand même une certaine expertise.
Mme Harel: M. le Président, est-ce que mon collègue
de Marquette a d'autres questions?
Le Président (M. Marcil): Cela va.
Mme Harel: Je vais, pour ma part, vous remercier d'être
venus faire connaître votre point de vue devant la commission. Comme vous
le savez, nous sommes au début de nos travaux et c'est certainement le
moment le plus névralgique pour nous transmettre vos
recommandations.
M. Dauphin: Également, j'aimerais vous remercier d'avoir
participé à nos travaux; vous êtes une association que j'ai
l'occasion de rencontrer assez régulièrement maintenant. Je vous
félicite de l'intérêt pour la chose publique. J'avais
été, d'ailleurs, à votre congrès annuel, il y a
deux ans. À ce moment-là, j'aimerais vous mentionner de nouveau
que c'est un avant-projet de loi et que vos recommandations seront
étudiées très sérieusement. Merci encore une fois
d'avoir participé à nos travaux.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Cayer et vos
collègues. Bon voyage de retour!
M. Cayer: Merci. Notre association tient à vous remercier
de votre accueil et aussi de l'attention que vous avez pu porter à nos
commentaires et nous osons espérer que, dans le bien-être de tous
les membres de la population du Québec, on ne pourra que leur
présenter un projet de loi qui amènera une simplification de leur
vie en matière de sûretés et de droits réels.
Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci. Nous reprendrons les
travaux à 19 h 30 précises.
(Suspension de la séance à 17 h 17)
(Reprise à 19 h 36)
Le Président (M. Marcil): Reprenons nos travaux.
J'inviterais la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec
à s'avancer à la table.
Nous vous souhaitons la bienvenue à cette sous-commission. M.
André Dupont, président, nous allons vous laisser la chance et le
plaisir de nous présenter vos collègues. Vous aurez une vingtaine
de minutes pour présenter le résumé de votre
mémoire. Vous savez que vos mémoires ont été
analysés et plusieurs questions ont été
préparées justement en fonction de votre mémoire. Ensuite,
on poursuivra avec un échange de questions. Cela va?
Corporation des concessionnaires d'automobiles du
Québec
M. Dupont (André): M. le Président, mesdames,
messieurs, membres de cette commission, j'aimerais, en tant que
président de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du
Québec et concessionnaire Mercury à Hull, vous remercier de nous
recevoir dans le cadre de votre commission.
Avant que l'on puisse exposer notre mémoire, je désire
vous présenter les membres de notre délégation. M. Gabriel
Gagnon, premier vice-président de la corporation, propriétaire de
Goyette Automobile Limitée, de Chambly, M. Jean Lecours, deuxième
vice-président de la corporation, propriétaire de Victoriaville
Autos, de Victoriavilte. Quant aux permanents de la corporation, M. Denis
Demers, directeur général, Me Jacques Béchard, conseiller
juridique, Me Louis Vaillancourt, de la firme Grondin, Poudrier et
Associés, les conseillers juridiques de la corporation. Me Vaillancourt
est d'ailleurs celui qui vous présentera le mémoire.
Pour vous situer, dès le départ sur notre organisme, la
Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec regroupe plus
de 850 personnes détenant une concession d'un manufacturier ou d'un
distributeur d'automobiles. Les membres de la corporation représentent
plus de 90 % des concessionnaires d'automobiles détenteurs d'une
concession de vente de véhicules neufs au Québec. Ces
concessionnaires sont répartis sur tout le territoire de la province,
à l'intérieur des dix régions. Je laisse maintenant
à Me Louis Vaillancourt le soin de vous préciser toute
l'importance que nous attachons à cette question. Merci.
M. Vaillancourt (Louis): M. le Président, mesdames,
messieurs. Tel que nous vous le mentionnons dans le mémoire que nous
avons déposé à votre commission, la Corporation des
concessionnaires d'automobiles du Québec a toujours été
sensible à un des problèmes qui est soulevé dans
l'avant-projet de loi, plus particulièrement le problème de
l'enregistrement de certains droits.
C'est ainsi qu'au cours des années la corporation a fait diverses
représentations auprès de divers ministères pour
sensibiliser, d'une part, le législateur sur ce qui pouvait se produire
dans d'autres provinces et, . d'autre part, pour pouvoir appliquer ce
système-là dans la province de Québec, afin d'assurer une
certaine garantie, une certaine sûreté auprès des
transactions commerciales que les membres de la corporation font.
Ces transactions sont assez importantes et c'est la raison pour laquelle
il nous semblait approprié de faire des représentations afin de
s'assurer que les ventes pouvaient se faire sans qu'il y ait
dépossession. Vous savez sans doute que les ventes d'automobiles ou de
camions sont des ventes assez importantes. On peut penser à des
transactions qui se font facilement dans les environs de 100 000 $ à 150
000 $. Le législateur, au cours des années, a cru bon d'implanter
un système particulier pour les
transactions qui se font dans le domaine de l'automobile. On se
réfère ici plus particulièrement aux dispositions du Code
civil, dispositions qui ont été raffinées au cours des
années avec l'adoption de l'article 23 du Code de la route de
l'époque, pour s'assurer que les personnes qui achètent des
véhicules aient une certaine sécurité. Tout cela pour vous
mentionner que les concessionnaires et les membres de la corporation sont
très sensibles aux garanties qui doivent exister lors des transactions
commerciales.
Notre mémoire se divise en deux parties, d'une part, les
créances prioritaires et leur assujettissement à la
publicité et, d'autre part, les aspects techniques.
Dans la première partie , on parle des créances
prioritaires. On divise cette partie en deux, à savoir, d'une part, les
priorités et, d'autre part, les droits soumis à la
publicité.
À l'article 2806 du titre deuxième du livre
sixième, tel que proposé, on voit que l'on suggère de
mettre en deuxième ordre de priorité les créances de ceux
qui ont le droit d'être remboursés des impenses. Tel qu'on vous le
dit dans le mémoire, la corporation est très heureuse de
constater qu'une garantie peut être donnée à ce niveau par
les priorités. Sauf que, malheureusement, on ne sait pas ce qui va se
retrouver dans les autres livres du code.
Lorsque l'on voit le mot "impenses", on peut penser que ce mot se
réfère à toutes les améliorations qui sont faites.
Or, le commentaire que nous vous faisons est en fonction, entre autres, d'un
commentaire qu'on fait un peu plus tard quant à la rédaction. Il
n'y a pas de tribunaux, à l'heure actuelle, qui ont analysé la
notion d'impenses. Si on se réfère au dictionnaire, on
s'aperçoit que la notion d'impenses se réfère aux
immeubles. Donc, on a bien beau se réjouir, à un moment
donné, et avoir l'impression qu'une priorité est donnée au
commerçant qui fait des réparations sur un véhicule
automobile, sauf qu'il n'y a absolument pas de garantie que la notion
d'impenses couvre précisément les réparations ou les
choses du domaine mobilier. D'ailleurs, lorsque l'on voit l'ordre de
priorités, on s'aperçoit que l'on ne fait plus
référence maintenant à la créance du vendeur. Donc,
comme on le mentionne dans le mémoire, on peut imaginer facilement un
concessionnaire automobile qui vend un véhicule pour une somme
déterminée dont la moitié est payée
immédiatement et le solde peut être payable - pour les fins de la
discussion - dans trois mois. Ce même véhicule, qui est un
véhicule neuf, peut être accidenté et, si on est juste
lorsqu'on voit la définition du mot "impenses" qui couvre les
améliorations, cela veut dire que la personne qui réparera ce
véhicule accidenté aura une priorité sur la personne qui a
vendu le même véhicule. Cela nous semble une chose un peu
particulière, pour ne pas dire exorbitante, bien entendu en fonction de
la notion d'impenses qui, pour nous, dans le moment, semble loin d'être
claire. C'est la raison pour laquelle, d'autre part, on recommande d'inclure la
créance du vendeur impayé dans les priorités et de placer
celle-ci immédiatement après les frais de justice et les
dépenses faites dans l'intérêt commun. (19 h 45)
D'autre part, au chapitre II, lorsqu'on parle des droits soumis à
la publicité, on vous a mentionné tout à l'heure que nos
membres de la corporation ont toujours été sensibles à ce
phénomène. De plus en plus de véhicules sont vendus avec
des soldes de prix de vente ou encore des véhicules sont loués.
Il faut comprendre que dans le domaine de l'automobile, à l'heure
actuelle, autant auparavant on pouvait dire dans le domaine immobilier que
l'achat d'un immeuble de 10 000 $ valait la peine d'être
protéqé, et c'est la raison pour laquelle on offrait un
système de sûretés dans le Code civil... Il faut comprendre
que les sûretés dans le domaine immobilier sont
protégées dans le moment. Sauf que dans le domaine mobilier on a
des transactions qui se font d'une façon régulière. Si on
prend simplement le phénomène du camionnage au Québec, des
transactions d'au-delà de 100 000 $ se font qui, elles, n'ont aucune
sûreté. Or, l'article 3303 proposé par l'avant-projet de
loi prévoit que sont soumis à la publicité les droits
mobiliers dans la mesure où la loi le prescrit. Ce qu'on vous
recommande, il nous semble qu'on devrait faire en sorte que cet article soit
modifié pour mentionner que sont soumis à la publicité non
pas simplement les droits réels immobiliers mais les droits mobiliers
aussi.
D'ailleurs, on veut vous souliqner que ce qu'on vous demande, c'est
quelque chose qui n'est pas nouveau dans bien des provinces. Dans bien des
provinces au Canada, en Ontario, au Manitoba ou en Saskatchewan, il existe un
système d'enregistrement des droits réels mobiliers qui font en
sorte que les personnes qui transigent dans le domaine de l'automobile sont
assurées de savoir qui est le véritable propriétaire.
Lorsque nous parlons, vous pouvez penser qu'on pense exclusivement à
protéger nos transactions. C'est entendu qu'on pense avant tout aux
transactions que nous faisons comme concessionnaires. Mais il n'en demeure pas
moins que l'acheteur du véhicule automobile qu'on a vendu et qui l'a
payé, cette personne revend par la suite ce véhicule. Pour ce
véhicule, ce camion dont je vous parle, des sommes qui peuvent
être très importantes, il nous semble qu'il est important que
cette personne puisse avoir un moyen d'être assurée que,
lorsqu'elle fait sa
transaction, elle fait affaire avec la personne qui est
véritablement le propriétaire. Donc, nous vous recommandons que
l'avant-projet de loi soit modifié afin de prévoir que soient
soumis à la publicité les droits mobiliers.
Un autre commentaire général que nous avons à vous
faire en ce qui concerne notre première partie, c'est le style de
rédaction. On félicite le législateur d'avoir
proposé un style qui est positif, sauf que - c'est là qu'on vous
fait des commentaires - je vous ai parlé tout à l'heure du mot
"impenses". Ne nous demandez pas ce que cela veut dire exactement, on ne le
sait pas. On comprend que le législateur peut être
influencé par d'autres législations. Il n'en demeure pas moins
que les tribunaux dans le passé ont eu à analyser des mots d'une
façon régulière. Pourquoi les mots qui ont subi l'usure du
temps ne seraient-ils pas repris dans un projet de loi au lieu d'arriver avec
des mots nouveaux qui ne concernent pas nécessairement des notions
nouvelles? Cela fera en sorte que les tribunaux seront appelés à
se prononcer de nouveau alors que présentement la situation peut
être claire.
D'autre part, dans notre deuxième partie, on voudrait vous faire
nos commentaires au sujet des aspects techniques de l'avant-projet. Les
premiers commentaires dans le chapitre I en ce qui concerne les registres des
droits personnels sont relatifs aux formalités de l'enregistrement.
À ce que nous sachions, ce sont d'autres personnes qui ont
été appelées à se prononcer devant vous et qui ont
eu à faire certains commentaires en ce qui concerne les
formalités d'enregistrement.
Dans le domaine de l'automobile, les transactions ne sont pas des
transactions qui prennent trois semaines avant d'être
décidées. Lorsque quelqu'un désire acheter un
véhicule, c'est entendu qu'il va visiter les divers concessionnaires et
à un moment donné se fait une idée et décide de
l'acheter. Si on parle des formalités de l'enregistrement pour garantir
le solde de prix de vente par une hypothèque légale, à ce
moment, on parle d'un certificat de vérification à l'article
3336. Je suis d'autant plus à l'aise d'en parler que je fais partie
d'une des dignes professions qui sont mentionnés dans l'avant-projet de
loi. Mais pourquoi serait-il nécessaire pour un concessionnaire
automobile qui veut se donner une garantie quelconque d'aller chez un notaire
ou chez un avocat pour obtenir un certificat dit de vérification? Encore
là, vous allez me dire que le système du droit civil
québécois est bien particulier avec nos avocats et notaires, mais
dans plusieurs autres provinces, dans les provinces voisines, qu'on parle de
l'Ontario ou qu'on parle de la Nouvelle-Écosse ou des Maritimes, ces
transactions, pour être garanties, c'est très facile. C'est une
formule, un "financial statement" qui doit être enregistré, qui
doit être siqné et qui, dans certains cas, doit être
assermenté. Ce système fonctionne très bien ailleurs.
J'imagine qu'il pourrait fonctionner assez bien chez nous. L'avantage de ce
système, bien entendu, c'est sa rapidité et sa simplicité.
II n'est sûrement pas nécessaire d'aller voir un avocat pour lui
demander ce qu'il pense de la transaction, parce que vous remarquerez qu'on dit
que le certificat de vérification doit établir la qualité
et la capacité des parties, ainsi que l'adéquation entre l'acte
et la volonté des parties quant au droit à être
publié. C'est un exercice que je ne crois pas être
nécessaire. À partir du moment où quelqu'un décide
d'acheter une automobile, il l'achète, il la paie ou il en paie une
partie, et nous autres on voudrait bien avoir une certaine
sécurité. Ce qu'on vous recommande, c'est que la procédure
prévue doit être simplifiée afin de permettre justement que
les transactions puissent continuer d'avoir lieu rapidement tout en
protégeant les parties en cause.
Lorsque l'on parle des divers registres dans l'avant-projet de loi, on
vous mentionne dans notre mémoire qu'il nous semble, encore là,
que la consultation ries registres devrait être facile. On parle,
à un moment donné, d'un registre central, ou encore qu'on pourra
obtenir certaines informations dans les divisions d'enregistrement où un
système informatique est utilisé. À l'heure actuelle, le
système informatique, à moins que l'on ne soit pas très au
courant, n'est pas informatisé partout en province. Si c'est bon pour la
personne qui fait affaires dans la région de Montréal - parce que
ce sera la première région informatisée - et que c'est
nécessaire pour cette personne, pourquoi les gens qui font affaire
à Rouyn-Noranda, à Hull ne pourraient-ils pas aussi avoir
accès à un même registre? Lorsque l'on parte de registre,
bien des fois, bien entendu, on fait référence aux coûts,
ou encore on fait référence à la difficulté
d'enreqistrer tout ce qui a pu se faire dans le passé. Il nous semble
qu'il serait peut-être préférable de mettre un
système en place à partir d'une date déterminée
où ces transactions seront enregistrées et ce système,
qu'il soit aux frais, bien entendu, des gens qui vont l'utiliser. II ne s'agit
pas pour nous de vous demander que le gouvernement paie ce système. Il
va servir à tous les contribuables, bien entendu, mais, si nous sommes
appelés à l'utiliser comme bien d'autres personnes, à ce
moment, qu'on ait à en endosser le coût.
Dans le chapitre II de notre mémoire, on fait certains
commentaires au sujet de certains articles. On vous réfère plus
particulièrement à l'article 2920 qui prévoit que le
créancier hypothécaire dont le ranq est antérieur peut
exercer ses recours par priorité devant ceux qui viennent après
lui. Peut-être avons-nous mal compris cette
disposition, mais, quand on lit attentivement cet article, on ne voit
pas pourquoi le créancier antérieur pourrait être
obligé de prendre des décisions et de faire un mouvement avant le
créancier postérieur. II est possible que le créancier
antérieur soit payé parce que sa créance est
supérieure, mais il n'y a rien qui l'oblige à ce
moment-là, è partir du moment où il est payé,
à prendre des dispositions quelconques, alors que le créancier
qui est peut-être placé en troisième lieu, s'il y est,
à ce moment-là, décidera qu'il est nécessaire de
prendre action.
Enfin, à la section 2 de notre mémoire du deuxième
chapitre, on vous parle de l'avis d'intention d'exercer un recours, à
savoir l'article 2927 de l'avant-projet. Lorsque vous parlez de l'obligation de
signifier un avis d'intention d'exercer un recours, permettez-nous de vous dire
que nous sommes en accord avec cette proposition. Sauf que, lorsqu'on mentionne
que cet avis d'intention doit préciser le recours spécifique qui
doit être exercé, il nous semble que c'est exorbitant. C'est plus
un avis de défaut qui devrait être expédié et,
à partir du moment où la personne continue d'être en
défaut après l'expiration, le créancier pourra exercer les
recours qu'il voudra bien exercer et qui seront à sa disposition.
Afin de vous apporter certains éclaircissements là-dessus,
je pense qu'il est assez intéressant de consulter la jurisprudence en
vertu de la Loi sur la protection du consommateur, qui, dans le moment,
prévoit un avis de cette nature. Advenant que l'avis ne soit pas
précis, les tribunaux ont eu à décider, en certaines
circonstances, que cet avis devait être repris ou des choses de cette
nature-là. Or, il nous semble qu'à partir du moment où on
devrait donner un avis de défaut ce serait suffisant si la personne ne
remédie pas au défaut.
D'autre part, certains commentaires généraux, comme la
procédure qui, il nous semble, devrait être plutôt au Code
de procédure civile. Le paiement des assurances, tel qu'on vous le
mentionne dans notre mémoire, en raison de l'article 2860, encore
là, de la manière qu'il est écrit et à l'endroit
où il est écrit, on croit que cela s'applique exclusivement dans
le domaine immobilier, alors que cela devrait s'appliquer dans le domaine
mobilier aussi; il en est de même pour le droit de suite.
Donc, ce sont là les principaux commentaires que nous avons
à vous faire sur l'avant-projet de loi que nous avons
étudié et pour lequel nous avons soumis nos commentaires.
Finalement, tel qu'on vous le mentionnait précédemment, il nous
semble important d'harmoniser certaines lois avec lesquelles les
concessionnaires font affaire fréquemment. Il y a, bien entendu, la Loi
sur la protection du consommateur. Lorsqu'on vous parlait d'avis de
défaut, tout à l'heure, quel est l'avis de défaut qui va
s'appliquer? Est-ce que c'est l'avis de défaut en vertu de la Loi sur la
protection du consommateur ou est-ce celui-ci? Donc, il nous semble important
que les textes soient harmonisés afin de savoir
précisément en vertu de quel article les droits seront
exercés, tant pour les créanciers que pour les
débiteurs.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Me Vaillancourt.
Maintenant, nous allons passer à la période d'échanges.
J'inviterais le député de Marquette, adjoint parlementaire au
ministre de la Justice, à débuter.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'aimerais, tout
d'abord, souhaiter la bienvenue à la Corporation des concessionnaires
d'automobiles du Québec, qui est très bien
représentée ce soir. Je veux vous féliciter,
premièrement, pour votre préparation et pour la
présentation de votre mémoire. Avant de vous poser quelques
questions, je vais demander à Me Longtin, qui m'a fait signe qu'elle
avait une question pour vous, qui est directrice de la législation
ministérielle au ministère de la Justice, de vous poser sa ou ses
questions. (20 heures)
Mme Longtin (Marie-Josée): M. le Président, en fait
mes questions ont plusieurs volets. D'une part, vous demandez le maintien du
privilège du vendeur impayé; d'autre part, vous suggérez
qu'on établisse un formulaire pour permettre d'enregistrer
aisément les hypothèques du vendeur concessionnaire de voitures.
Si, par ailleurs, on établit un tel formulaire, pourquoi faudrait-il
conserver le privilège du vendeur? Il deviendrait assez aisé,
dans une convention contractuelle, au moment de la vente d'une voiture, d'un
véhicule automobile, de procéder à cet enregistrement.
L'autre aspect de ma question, c'est... Je ne suis pas trop certaine si
j'ai compris. Évidemment, d'abord, le projet de loi prévoit
l'enregistrement des sûretés et non pas l'enregistrement de toutes
les ventes de véhicules automobiles. Je ne me souviens pas si vous avez
suggéré un enregistrement global ou cet enregistrement de
sûretés. C'est le deuxième point.
J'aurais un autre aspect. Je ne sais pas si vous préférez
répondre et je poserai une autre question par la suite.
M. Vaillancourt (Louis): Pour ce qui est des priorités, on
ne voit pas de contradiction entre, d'une part, le privilège du vendeur
qui se continuerait et, d'autre part, l'utilisation de formules pour qarantir
une hypothèque légale. Je crois que c'est absolument... À
l'heure actuelle, il n'y a rien qui s'y oppose. Pratiquement, c'est une chose
qui peut se
faire très facilement. Je ne vois pas en quoi ce serait
inconciliable.
Mme Longtin: Mais, dans l'hypothèse où...
Évidemment, le projet de loi n'a pas retenu la présomption
d'hypothèque, ce qui signifie que vraisemblablement... C'est certain
qu'ici on n'a qu'un volet de la réforme. Donc, il est vraisemblable
qu'en matière de droit des obligations le vendeur a
généralement un droit de résolution de la vente. Si c'est
pour défaut de paiement du prix, il peut l'avoir. Il peut
évidemment faire une vente conditionnelle. II peut avoir un droit de
revendication. Là, il aura un privilège de vendeur impayé
et, en plus, une hypothèque. Cela fait quand même cinq
possibilités pour lui d'agir en cas de défaut de paiement par son
acquéreur. Est-ce que ce n'est pas beaucoup?
M. Vaillancourt (Louis): Ce sont des choses qui existent à
l'heure actuelle.
Mme Longtin: Oui.
M. Vaillancourt (Louis): Si les parties ont convenu de
procéder de cette façon, que ce soit par contrat de vente
conditionnelle où il y a une rétention du droit de
propriété... Ces pratiques n'existaient pas il y a
peut-être bien des années, mais, à un moment donné,
les pratiques commerciales ont voulu qu'il en soit ainsi. Plus les gens ont de
l'imagination pour faire des transactions, que ce soient des consommateurs ou
des commerçants, et que cela permet à tous de faire des
transactions avantageuses de part et d'autre, on ne croit pas que ce soit
quelque chose qui s'oppose.
Mme Longtin: J'aurais une autre petite question qui est
d'information plus qu'autre chose. Vous avez mentionné que, dans le
domaine de l'automobile, on faisait, par tradition, beaucoup de ventes et que
l'on commence de plus en plus à faire de la location. Je voulais savoir
si on retrouve de plus en plus le besoin de certains types d'opérations
commerciales de la nature du crédit-bail immobilier en matière
de...
M. Vaillancourt (Louis): Pardon?
Mme Longtin: Je voulais savoir si, en matière de
véhicule automobile, on retrouve une tendance vers le crédit
bail...
M. Vaillancourt (Louis): À l'heure actuelle,
peut-être que mes collègues pourront...
Mme Longtin: ...dans les locations à long terme.
M. Vaillancourt (Louis): Pratiquement...
Une voix: Vous parlez de location d'automobiles?
M. Vaillancourt (Louis): Oui.
Une voix: Maintenant, chez moi, environ 25 % des transactions
sont de la location. II y a des concessionnaires pour qui cela
représente 2 %, 3 %. Il y en a qui n'en font pas du tout. Mais il y en
d'autres qui sont à au-delà de 50 % de leur...
Mme Longtin: Est-ce que ces locations sont
généralement assorties d'un droit d'acquisition?
M. Vaillancourt (Louis): Non, madame. Mme Longtin:
Non?
M. Vaillancourt (Louis): À l'heure actuelle, la pratique,
en Amérique du Nord... Si on regarde les statistiques aux
États-Unis en ce qui concerne les transactions - M. le président
me corrigera - les chiffres relatifs à la proportion de location sur la
totalité des transactions automobiles qui se font sont au-delà de
50 % dans bien des domaines. Lorsque l'on parle de ces locations, on parle de
locations sans - avec la notion de crédit-bail - on parle d'une location
- excusez-moi - "straight".
Une voix: "Straight lease".
Mme Harel: M. le Président, je veux simplement demander si
on a répondu à la question de Me Longtin concernant
l'enregistrement des sûretés ou l'enregistrement des transactions;
il me semble qu'on n'a pas répondu à la deuxième partie de
la première question.
M. Dauphin: Parce que le monsieur n'avait pas saisi la
question.
Mme Longtin: Oui, à savoir si, dans votre mémoire
ou dans vos représentations, vous souhaitiez qu'on enregistre toutes les
ventes de véhicules automobiles ou, comme le fait l'avant-projet de loi,
strictement les hypothèques qui sont prises sur les opérations
immobilières.
Une voix: Les hypothèques.
Mme Longtin: Les hypothèques seulement. Je reviens au
crédit-bail. C'est parce que plusieurs l'assimilent, par le biais de la
présomption d'hypothèque, à une sûreté mais
il me semble que le leasing est quand même une opération assez
courante aux États-Unis, surtout dans les flottes de véhicules
pour le camionnage ou le transport en vrac.
M. Vaillancourt (Louis): Peut-être que
M. Gagnon peut en parler, je crois qu'il y a là... Lorsqu'on
parle de leasing et au Québec lorsqu'on parle de location dans le
domaine de l'automobile, on parle de deux choses, bien des fois. Avec
l'expérience qu'il semble y avoir dans le moment dans le domaine de
l'automobile, c'est loin d'être les transactions sous la forme de leasing
qui l'emportent. On parle beaucoup plus de contrats de location standard.
Sinon, lorsque vous parlez de leasing, vous parlez probablement de flottes qui
peuvent être achetées, d'une certaine façon, par de grosses
corporations qui mettent leurs véhicules à la disposition de
leurs employés, que ce soit des compagnies d'assurances, des entreprises
de ce genre, et ce n'est pas la majorité des transactions.
M. Gagnon (Gabriel): Je peux peut-être me permettre de
préciser certaines choses. Vous parlez de crédit-bail, je vais
essayer de distinguer un petit peu quand on parle de location et tout cela, il
y a différents styles de location qui se font. Actuellement, il y a
énormément de location qui est faite, si vous voulez, de la part
des manufacturiers. Alors, bien souvent dans ce genre de location, on parle de
location pure pour une durée de trois, quatre ou cinq ans où le
client ne rachète pas le véhicule. Par contre, si on va
plutôt dans le camion et notamment dans le camion lourd, il est
évident que dans ces cas il y a beaucoup plus de crédit-bail
parce qu'après un certain temps l'entreprise ou l'individu va acheter le
véhicule. Je pense qu'il faut un petit peu séparer les
automobiles, les camions... Ce sont des genres de location ou de
crédit-bail qui sont un petit peu différents, selon le type de
véhicule qui est vendu ou loué, si vous voulez.
M. Dauphin: Question d'information. Quelle est la proportion de
véhicules vendus qui ne sont pas payés comptant?
M. Gagnon: Je dirais qu'actuellement les statistiques veulent
qu'il y ait 95 % des véhicules avec du financement.
M. Dauphin: 95 % avec du financement. M. Gagnon: Oui.
M. Lecours (Jean): Maintenant, cela ne veut pas dire...
M. Dauphin: Pas nécessairement financés par
vous.
M. Lecours: C'est justement. Ce n'est pas nécessairement
financé par un contrat de vente conditionnelle. Cela peut être
financé par un emprunt personnel à la caisse populaire ou
à la banque.
M. Dauphin: Mais vous êtes payés quand
même.
M. Lecours: Nous sommes payés quand même. Il n'y a
pas de lien enregistré sur le véhicule, que ce soit par la caisse
populaire ou par la banque, s'il n'y a pas de contrat de vente
conditionnelle.
Le Président (M. Marcil): Si on précisait à
ce moment la question. Quel est le pourcentage de véhicules vendus et
financés par les concessionnaires?
M. Lecours: Par contrats de vente conditionnelle, on peut parler
d'environ 60 %.
Le Président (M. Marcil): 60 %.
M. Lecours: Oui.
Le Président (M. Marcil): Et 40 % par des institutions
bancaires?
M. Lecours: À peu près. Admettons 35 %, et 5 % que
les privilégiés pourraient payer comptant.
M. Dauphin: C'est intéressant de savoir cela. Vous
demandiez au tout début de votre revendication ou recommandation que le
privilège du vendeur ou l'hypothèque légale du vendeur
prévue à l'article 2888 devienne une priorité ou un
privilège. Vous avez également mentionné, à
l'article 2807, c'est-à-dire les créances prioritaires, qui a
rapport au remboursement des impenses, un peu l'absurdité d'avoir un
vendeur qui ne serait pas payé alors qu'un garagiste voisin
réparant l'auto serait payé en priorité. D'ailleurs, vous
vous êtes réjoui de cette disposition à l'article 2807.
Vous êtes le seul groupe à s'être réjoui, à ma
connaissance, depuis hier de cette disposition. Tout le monde demande son
retrait. Vous vous en réjouissez tout en plaidant l'absurdité en
même temps de la disposition. Est-ce que c'est du fait que vous voudriez
être parmi les prioritaires au lieu d'être dans le groupe des
hypothèques légales?
M. Vaillancourt (Louis): C'est évident.
M. Dauphin: C'est ce qui vous justifie en priorité?
M. Vaillancourt (Louis): Pas nécessairement, ce n'est pas
le fait qu'une priorité soit accordée à celui qui fait la
réparation, comparativement à celui qui vend, mais il n'en
demeure pas moins que celui qui vend, c'est son bien qui est
réparé et par la suite il ne sera pas payé, et l'autre
personne qui fait les réparations peut être payée. Donc, il
nous semble que la personne qui vend a
avant tout un droit principal. D'autre part, si on regarde les
priorités, vous remarquerez que l'État, pour sa taxe de vente,
pour le bien vendu, est prioritaire. Donc, si la taxe de vente est prioritaire,
il me semble que le prix de vente ou le solde du prix de vente devrait
être prioritaire.
M. Dauphin: On se dit que la taxe de vente de l'État
représente des deniers publics. On sort du domaine du privé et
à ce moment-là...
Des voix: Nous, on vous parle de nos deniers.
M. Dauphin: ...c'est l'intérêt collectif qui en
cause qui nous justifie de préserver cette priorité, sauf que
vous vous sentiriez moins frustré si on enlevait demain matin la
disposition qui parle du remboursement des impenses. Disons que vous plaideriez
avec moins de vigueur.
M. Vaillancourt (Louis): Ne me faites pas dire des choses qu'on
ne dit pas. Je ne suis pas prêt à dire cela.
M. Dauphin: D'accord. Hier, on a rencontré plusieurs
associations, notamment un organisme qui relève du ministère de
la Justice, la Commission des services juridiques, qui, tout le monde l'admet,
dans un premier temps est venu nous parler du consommateur, de sa
clientèle. Normalement, les services d'aide juridique sont
dispensés à une clientèle majoritaire comparativement aux
commerçants - j'entends en termes de nombre - puis elle nous disait
qu'effectivement l'avant-projet de loi semblait protéger plus les
créanciers que les consommateurs -cela ne veut pas dire que c'est ce que
l'on pense - et qu'il y avait une espèce de problème avec
l'hypothèque mobilière. C'était pour surendetter les
consommateurs, même qu'elle n'était pas viable et que l'on
s'embarquait dans un bateau assez important, finalement. Évidemment,
représentant les concessionnaires d'automobiles, vous n'avez
sûrement pas la même définition d'une hypothèque
mobilière qui viendrait dans notre droit. J'aimerais avoir votre opinion
sur la généralité de l'hypothèque
mobilière.
M. Vaillancourt (Louis): Lorsque vous dites que l'avant-projet de
loi semble protéger plus le créancier que le débiteur ou
le consommateur, permettez-moi de vous dire qu'en fonction des commentaires
qu'on a faits auparavant, où le privilège du vendeur n'existe pas
en ce qui concerne la priorité, j'ai de la difficulté à
voir comment le créancier est plus protégé ou que le
vendeur est plus protégé.
Pour ce qui est de l'hypothèque légale, j'ai de la
difficulté à comprendre que l'on puisse dire que cela ne peut pas
être viable. D'une part...
Une voix: L'hypothèque mobilière. (20 h 15)
M. Vaillancourt (Louis): Excusez-moi, l'hypothèque
mobilière. La réalité commerciale fait que
présentement la plupart des transactions, comme l'ont dit les
représentants de la corporation, se font sous la forme d'un contrat de
vente conditionnelle. Donc, à l'heure actuelle, on veut s'assurer que le
contrat de vente conditionnelle soit réellement protéqé
par un système d'enregistrement. L'hypothèque mobilière,
lorsque l'on voit ce qui se produit dans les autres provinces, lorsqu'on parle
de "chattel mortqage", permettez-moi de vous dire que tant dans les autres
provinces qu'aux États-Unis c'est un système qui va très
bien. Je ne vois pas comment le consommateur peut être
défavorisé par cela. À ce moment-là, je serais
porté à dire le contraire parce que pour les institutions
financières c'est une consécration par le législateur
qu'une sûreté existe sur un bien; à ce moment,
l'hypothèque mobilière peut tout simplement aider tant les
consommateurs que les commerçants dans les transactions qu'ils font.
M. Dauphin: Toujours, si vous me permettez, sur
l'hypothèque mobilière, cet après-midi, un groupe nous a
recommandé d'élargir; dans l'avant-projet de loi, pour les
personnes physiques, c'est limité à un bien que tu acquiers.
Exemple: Je m'en vais chez un concessionnaire d'autos, j'achète une
auto, l'hypothèque mobilière est possible pour une personne
physique, un citoyen ordinaire. On nous proposait d'élargir sur
l'universalité ou d'élargir "at large" les possibilités
d'hypothéquer. Exemple: Si quelqu'un achète une voiture de 30 000
$, elle sort du garaqe et tout le monde sait qu'au bout d'un mois ça ne
vaut plus 30 000 $. Elle est usagée. Je ne sais pas, un chiffre, disons,
22 000 $. À ce moment, je présume que vous seriez
intéressé, je n'ai même pas besoin de vous poser la
question, d'élargir la possibilité d'hypothéquer les biens
du débiteur - non seulement votre privilège de vendeur sur le
bien, mais également sur d'autres biens -pour
récupérer.
M. Vaillancourt (Louis): Comme vous le dites, lorsque le
véhicule automobile sort du garage, on peut partir du principe qu'il est
déprécié de 30 % immédiatement, ou non?
Une voix: Non.
M, Gagnon: La dépréciation n'est pas si forte que
ça, mais il reste que quand même il y a effectivement une certaine
dépréciation dès le moment où le
véhicule
est sur la route.
M. Dauphin: Ça peut être combien à peu
près, par curiosité?
Une voix: De 10 % à 15 %. La dépréciation
est encore plus forte quand il sort du garage et qu'il a une collision!
M. Dauphin: À ce moment, le garagiste qui répare
serait payé avant vous autres. D'accord. Je sais quoi dire à mon
ministre demain matin.
Le Président (M. Marcil): Je vais reconnaître Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Dupont, M.
Vaillancourt et les gens qui vous accompagnent, c'est toujours
intéressant de faire un exercice d'application pratique de dispositions
comme celles contenues dans l'avant-projet de loi, en regard d'un secteur
d'activité que l'on connaît bien, que l'on connaît tous et
qui est celui des transactions en matière d'automobiles. Cela nous
permet de voir l'application concrète des dispositions contenues dans
l'avant-projet de loi en regard de l'état du droit présentement.
Vous avez donné l'exemple des réparations qui seraient faites sur
un véhicule endommagé que vous auriez vendu en faisant mention
que la perte du privilège de vendeur impayé aurait des
conséquences et vous nous les avez décrites. Mais dans
l'état actuel du droit, aujourd'hui, te garagiste réparateur
aurait un droit de rétention qui pourrait vous être opposable -
c'est l'état actuel du droit - malgré le privilège. Alors,
ce que vous souhaitez, c'est qu'on change, finalement, le droit.
M. Vaillancourt (Louis): Vous le changez ici parce que le droit
de rétention on ne le retrouve pas ici. Je dois vous dire que l'on s'est
interrogé longtemps sur le droit de rétention. Lorsqu'on regarde
le rapport de l'Office de révision du Code civil, qui faisait mention
que le droit de rétention devait faire partie du chapitre des
sûretés, et celui que l'on a ici, on ne retrouve pas cela du tout
dans cet avant-projet de loi. On s'est longuement interrogé et on a
cherché longuement. Peut-être que le législateur a quelque
chose, ou M. Cossette ou d'autres personnes ont d'autres idées à
cet effet.
Une voix: Ça s'en vient au mois de décembre.
M. Vaillancourt (Louis): Ça s'en vient au mois de
décembre. On ne le savait pas.
M. Lecours: Me Vaillancourt, cela faisait partie de votre
commentaire quand vous parliez de l'harmonisation des différentes lois,
comme la Loi sur la protection du consommateur, de l'harmoniser avec le Code
civil quand on parle du droit de rétention, du privilège du
réparateur et du privilèqe du vendeur. Cela faisait partie...
Mme Harel: Dans l'état actuel du droit, le droit de
rétention, c'est une priorité sur le privilège du vendeur
impayé.
M. Vaillancourt (Louis): Le droit de rétention, oui.
Mme Harel: Alors...
M. Vaillancourt (Louis): Sous réserve des limites qui ont
été imposées par la Loi sur la protection du
consommateur.
Mme Harel: Oui.
M. Vaillancourt (Louis): Parce que le droit de rétention a
été limité.
Mme Harel: Dans les dispositions qui sont contenues dans
l'avant-projet, à ce moment-là, vous savez certainement que tous
les groupes ou presque, pas tous, mais plusieurs des groupes qui vous ont
précédé ont plaidé en faveur d'un respect plus
qrand des recommandations de l'Office de révision du Code civil pour
mettre tous les créanciers, le plus possible, disons peut-être pas
sur un même pied, mais en tout cas sur une même ligne de
départ; il y en a qui vont aller plus vite que d'autres, II s'est
beaucoup plaidé le fait que, justement, on devait simplifier et, dans le
domaine des sûretés, ne plus en maintenir d'occultes et ne plus
maintenir de privilèges. Alors, quelle est votre réaction, Me
Vaillancourt, à l'égard de toutes ces recommandations?
M. Vaillancourt (Louis): C'est entendu que lorsque l'on parle...
Il peut y avoir eu beaucoup de commentaires qui ont pu être faits de
cette nature, plus particulièrement -si je me rappelle les commentaires
qui ont été faits - dans le passé, dans le domaine de la
construction, où on a tout le phénomène des
privilèges pour les personnes qui vendent des biens, qui enregistrent,
etc. À l'heure actuelle, lorsque l'on parle de biens, du
privilège du vendeur, il nous semble que ce privilège doit
continuer à exister. Vous me dites que, bien entendu, les gens veulent
que le bien soit le gage commun des créanciers; ce sont les principes
qui sont mentionnés dans l'avant-projet de loi. Mais nous croyons que la
personne...
Si le législateur a cru approprié de laisser le principe
des priorités, à ce moment-là, on dit que celui qui vend
doit être prioritaire. Si, comme vous avez mentionné, madame, on
veut que tous les gens soient sensiblement sur le même pied et
qu'on ait l'hypothèque mobilière, parfait! Sauf
qu'à l'heure actuelle on fait accroc à ce principe, dès le
départ, avec le principe des priorités. Donc, si on juge à
propos d'avoir des priorités, on pense que celui qui vend doit
nécessairement être prioritaire. On est d'accord avec "tout le
monde sur un même pied", sauf que, lorsqu'on regarde l'avant-projet de
loi, ce n'est pas cela.
Mme Harel: Dans le fond, vous me dites: S'il y en a qui ont le
pied devant, on veut être dedans,
M. Vaillancourt (Louis): Surtout que la transaction n'aurait pas
pu avoir lieu si on n'avait pas été là.
Mme Harel: Si on revient, peut-être, sur la question des
transactions. Évidemment, on parle beaucoup de la transaction entre un
commerçant et un consommateur, mais la Commission des services
juridiques est venue nous faire part que beaucoup de transactions se faisaient
aussi entre des non-commerçants. Vous avez dit que le souhait, ce
n'était évidemment pas que toutes les ventes soient
protégées par le système d'enregistrement, finalement;
c'est l'hypothèque, c'est la garantie, c'est la sûreté.
Présentement, pour garantir votre solde, vous avez beaucoup de
recours... Les recours à votre disposition vous satisfont-ils,
présentement?
M. Vailiancourt (Louis): Les recours, à l'heure actuelle,
sont simplement des recours contractuels qui ont été
inventés au cours des années? c'est le contrat de vente
conditionnelle. Donc, c'est le problème... C'est pour cela que ce n'est
pas satisfaisant dans le moment. C'est qu'on fait affaire avec des biens, ne
nous le cachons pas, qui valent beaucoup de sous. Ces biens sont
transigés entre diverses personnes. Nous, lorsque l'on prend... Si un
consommateur vient nous voir, veut acheter un véhicule neuf et nous
apporte, en échange, son véhicule usagé, comment peut-on
savoir que le véhicule qu'il nous vend est un véhicule sur lequel
il n'y a pas une garantie en vertu d'un contrat de vente conditionnelle? II n'y
a pas moyen de le savoir. Cela, on le dit lorsqu'on parle entre
commerçants et consommateurs, mais le phénomène existe
entre tous les consommateurs qui se vendent des véhicules usagés,
entre autres. Quelle est la proportion de ventes de véhicules
usagés qui se fait entre consommateurs"?
M. Gagnon: II se vend...
M. Vailiancourt (Louis): Ils ne passent pas par nous.
M. Gagnon: Approximativement, 60 % des transactions de
véhicules d'occasion se font entre particuliers. Alors, la
majorité des transactions de ces véhicules se font entre
différents particuliers, plutôt que de passer par le réseau
de commerçants.
Mme Harel: Me permettez-vous de vous redemander le pourcentage?
Je n'ai pas bien compris.
M. Gagnon: C'est 60 %. Mme Harel: D'accord.
Le Président (M. Marcil): Ce qui veut dire que vous ne
pouvez jamais savoir s'il y a une mainlevée sur une voiture.
M. Vailiancourt (Louis): C'est la raison pour laquelle on se
retrouve avec des ventes, à un moment donné, et des
dépossession s. On peut vous raconter des histoires d'horreur de
dépossession. Pour des commerçants, vous allez me dire que c'est
moins attristant que pour des particuliers...
Le Président (M. Marcil): C'est la raison pour laquelle
vous cherchez à introduire un genre de fichier central dans lequel
toutes les transactions seraient enregistrées.
M. Vaillancourt (Louis): C'est l'objet de nos demandes et de nos
récriminations depuis plusieurs années.
Le Président (M. Marcil): Quand on parle de toutes les
transactions, ce n'est pas uniquement pour le véhicule neuf, c'est
également pour le véhicule usagé.
M. Vailiancourt (Louis): Exactement, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Ce qui veut dire que, lorqu'un
individu arrive chez vous avez un véhicule usagé, qu'il vous le
donne en échange, vous pouvez référer au fichier central
pour savoir si...
M. Vailiancourt (Louis): C'est exactement cela, M. le
Président.
Mme Harel: Non pas pour savoir s'il est propriétaire, pour
savoir s'il y a une sûreté.
M. Vailiancourt (Louis): S'il y a une sûreté...
Le Président (M. Marcil): Une sûreté. M.
Vaillancourt (Louis): ...exactement.
Mme Harel: Parce que cela ne donnera pas pour autant une
information sur la propriété.
M. Vaillancourt (Louis): Par d'autres moyens, à l'heure
actuelle, il peut y avoir moyen d'avoir...
Mme Harel: Ce n'est pas la même chose.
Le Président (M. Marcil): Non?
M. Vaillancourt (Louis): Par d'autres moyens, à l'heure
actuelle, il pourrait y avoir... Je pense plus particulièrement au .
système de permis d'enregistrement.
Mme Harel: Oui.
M. Vaillahcourt (Louis): À l'heure actuelle.
Mme Harel: Oui.
M. Vaillancourt (Louis): Si les déclarations justes sont
faites.
Mme Harel: Avec les modifications qui ont été
apportées, entre autres, au code.
Le Président (M. Marcil): Est-ce que cela va?
Mme Harel: Voulez-vous poser des questions? Peut-être
alternativement et on reviendra.
M. Pineau: M. le Président, s'il vous plaît, une
question d'information. Sur le certificat d'immatriculation de l'automobile,
quel est le nom qui est mentionné? Est-ce le nom du propriétaire
ou est-ce le nom de celui qui détient l'automobile?
M. Dupont: Quand il achète une voiture neuve?
M. Pineau: Oui, une voiture neuve ou d'occasion, peu
importe...
M. Dupont: La voiture neuve est immatriculée au nom du
client.
M. Pineau: Au nom du client. M. Dupont: Du consommateur.
M. Pineau: Même s'il y a une réserve de
propriété?
M. Dupont: Même s'il y a une créance dessus.
M. Pineau: Même s'il y a une réserve de
propriété?
M. Dupont: Oui, monsieur. Une voix: Oui.
Le Président (M. Marcil): Une voiture en garantie, c'est
un prêt personnel que...
M. Dupont: C'est cela.
Le Président (M. Marcil): ...les qens vont négocier
avec une institution financière.
M. Dupont: Ou même sur le contrat de vente
conditionnelle.
Mme Harel: Dans une vente condi tionnelle, par exemple, si j'ai
un certificat d'immatriculation d'une location...
Une voix: Un crédit-bail.
Mme Harel: ...un crédit-bail, c'est le garage automobile
qui apparaît comme...
M. Dupont: Propriétaire de l'auto.
Mme Harel: ...propriétaire. Dans le cas d'une vente
conditionnelle, le nom qui est inscrit comme propriétaire, est-il celui
du garage ou...
M. Dupont: Non. Dans le cas d'une vente conditionnelle, c'est
seulement le nom du consommateur qui est inscrit.
Une voix: De l'acheteur.
M. Dupont: II n'y a aucune indication mentionnant qu'il s'agit
d'une vente conditionnelle. Il y a seulement le nom de l'acheteur, point.
Le Président (M. Marcil): Est-ce que cela va? Y a-t-il
d'autres questions? Oui, Me Cossette.
M. Dauphin: Oui, Me Cossette, c'est ici chez vous.
Le Président (M. Marcil): Allez-y.
M. Cossette (André): Je voudrais poser une question
à Me Vaillancourt. Sachant que l'hypothèque mobilière est
possible et, conséquemment, l'hypothèque mobilière sur un
véhicule automobile, est-ce que, d'après vous, les
concessionnaires d'automobiles feraient encore des ventes avec réserve
de propriété?
M. Vaillancourt (Louis): Vous posez une bonne question.
M. Cossette: C'est important pour nous de le savoir.
M. Vaillancourt (Louis): Vous posez une question
hypothétique à laquelle j'ai de la difficulté à
répondre. Malheureusement, M. Cossette, je ne le sais pas. C'est
possible...
Qu'est-ce qui va se produire dans la vraie vie, c'est ce que vous voulez
savoir?
M. Cossette: Oui, oui.
Mme Harel: Peut-être qu'un de vos membres pourrait y
répondre.
M. Vaillancourt (Louis): Oui, oui, bien sûr.
M. Lecours: Quand vous parlez d'une réserve de
propriété, vous faites référence à une vente
conditionnelle, bon. À ce moment, il y a vente conditionnelle lorsqu'il
y a un contrat de financement par une maison de financement. Fort probablement
que tout ça va continuer. D'après moi, en tout cas. La maison de
financement qui finance le véhicule va continuer à avoir un
contrat de vente conditionnelle avec une réserve de
propriété. Là où on va demander une
hypothèque mobilière sur un bien ou sur une voiture qu'on vend ou
sur un camion, c'est lorsque... Des situations, bien souvent, se
présentent où le consommateur vient nous voir et dit:
Écoute, moi je l'achète. Je te paie, etc. Sauf que je vais te
faire un chèque payable dans un mois parce que j'ai des montants qui
sont dus, des obligations, je ne veux pas sortir ça, etc.
À ce moment, nous, on a une protection s'il nous signe un billet,
sauf qu'on n'a pas un droit direct sur le véhicule et que le client peut
se retourner de bord et aller vendre le véhicule. Cela s'applique
à nous autres, mais ça s'applique aussi entre consommateurs,
cette situation. Pour répondre à la question: Oui, il va
continuer à y avoir des contrats de vente conditionnelle lorsque
financés par des maisons de financement. Mais nous, lorsqu'on vend ou
qu'on loue un véhicule à un client et qu'on veut prendre une
hypothèque mobilière sur le véhicule pour s'assurer que le
client ne se retournera pas de bord et ne vendra pas le véhicule et que
nous autres, sans qu'on soit au courant et sans qu'on ait de recours ou que le
client qui veut acheter un véhicule et qui veut être bien
sûr qu'il va être propriétaire du véhicule... Il faut
avoir un fichier où on peut vérifier véritablement s'il y
a un lien qui est rattaché au véhicule. Je ne sais pas si
ça répond un peu. Oui, il va continuer à y avoir des
rétentions de propriété dans le cas des financements par
les maisons de financement par le biais de contrats de vente conditionnelle.
Sauf qu'il y a d'autres types de transactions où présentement il
n'y a pas de sûreté ni pour l'acheteur qui ne sait pas s'il
achète un bien libre de toute obligation ni pour nous autres.
Le Président (M. Marcil): Ça va? Est-ce qu'il y a
d'autres questions? Tout est clair. Si vous voulez procéder à la
conclusion, Mme la députée.
Mme Harel: II ne faut jamais poser cette question en commission
parlementaire sur un avant-projet de loi. Tout est clair.
Le Président (M. Marcil): II me semble, toujours. C'est le
premier groupe où on peut réellement saisir l'importance du
projet de loi. Oui.
Mme Harel: Parce que d'abord ça devient une question
contentieuse.
Le Président (M. Marcil): Ce que je voulais dire, Mme la
députée, c'est qu'il ne demande pas grand-chose. Il s'agirait
simplement de l'appliquer.
Mme Harel: Ça, l'évaluation, c'est laissé
à la commission. J'aimerais remercier, au nom de ma formation politique,
les représentants de la corporation, M. le président, les
personnes qui vous accompagnent, vos conseillers juridiques, et vous dire que
c'est toujours utile de venir présenter votre point de vue en
espérant que vous ayez l'occasion de le faire à d'autres
moments.
Une voix: On vous remercie de nous avoir entendus.
M. Dauphin: Au nom du gouvernement du Québec, j'aimerais
vous remercier de votre présence, de votre participation et vous dire
que c'est un avant-projet de loi, alors, vos recommandations seront
étudiées attentivement avec intérêt dans le but de
bonifier le projet. Merci d'être venus.
Le Président (M. Marcil): Voyez-vous, moi, je n'ai ni de
formation d'avocat ni de notaire, donc, je peux considérer que la
question était très claire. Bonsoir. Oui, c'est un
privilège que j'ai. Nous allons suspendre pour deux minutes et je
demanderais aux gens de l'Association de la construction de Montréal et
du Québec de s'avancer.
(Suspension de la séance à 20 h 35)
(Reprise à 20 h 43)
ACMQ
Le Président (M. Marcil): Nous poursuivons nos travaux et
nous allons entendre les représentants de l'Association de la
construction de Montréal et du Québec. J'espère que vous
n'avez pas trop de problèmes de ce temps-ci avec les
débrayages?
Une voix: On en a.
Le Président (M. Marcil): Vous en avez? Donc, M,
André Morin, président. Je vais vous laisser le soin de
présenter vos collègues et je vous signifie que vous avez
à peu près 15 ou 20 minutes pour présenter votre
mémoire, tout en sachant que le mémoire a déjà
été analysé par tout le monde ici; ensuite, on
procédera à une période de questions. Allez!
M. Morin (André O.): M. le Président, mesdames et
messieurs les membres de la sous-commission, l'Association de la construction
de Montréal et du Québec est heureuse de l'occasion qui lui est
donnée de vous rencontrer aujourd'hui. Permettez-moi d'abord de vous
présenter notre délégation: à ma droite, M. Jacques
McDonald, président du comité spécial de l'ACMQ sur les
privilèges de la construction; à mon extrême droite, Me
Claude Bonenfant, directeur des affaires juridiques de l'ACMQ, et, à ma
gauche, Me Jacques Théoret, directeur général de notre
association. Mon nom est André O. Morin, président de l'ACMQ.
L'Association de la construction de Montréal et du Québec,
l'ACMQ, est un organisme sans but lucratif à appartenance volontaire qui
a été fondé à Montréal en 1897. Elle
représente actuellement près de 3 000 entrepreneurs
généraux ou spécialisés et fabricants et
fournisseurs de la construction dont l'activité s'étend à
tout le territoire du Québec, Cette activité touche aussi bien
les domaines du bâtiment résidentiel, commercial et industriel que
la construction institutionnelle ou d'ouvrage de génie civil. Si on se
base sur le nombre d'heures rapporté à la Commisison de la
construction du Québec pour des travaux à pied d'oeuvre
seulement, les membres que représente l'ACMQ touchent environ 55 % des
travaux de construction qui s'exécutent annuellement au Québec,
exception faite de la petite construction résidentielle. Or, environ 90
000 000 d'heures ont été rapportées à la Commission
de la construction en 1986 et, selon les plus récentes
prévisions, ce chiffre devrait atteindre pour 1987 les 97 000 000
d'heures.
Ainsi que vous le savez maintenant, notre association est l'une des six
signataires de la déclaration conjointe qui a été lue et
déposée devant vous par les représentants de la
Fédération de la construction du Québec hier soir. Nous y
demandons que soit conservé l'actuel privilège de la construction
et qu'il soit amélioré suivant les recommandations faites dans
les mémoires présentés à la commission des
institutions au nom des entrepreneurs, sous-entrepreneurs et fournisseurs de
matériaux de l'industrie de la construction du Québec. Rappelons
que ces six associations, que sont l'Association des constructeurs de routes et
grands travaux du Québec, l'Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec, la Corporation des maîtres
électriciens du Québec, la Corporation des maîtrès
mécaniciens en tuyauterie du Québec, la Fédération
de la construction du Québec et l'Association de la construction de
Montréal et du Québec, regroupent l'immense majorité des
entrepreneurs, sous-entrepreneurs et fournisseurs de matériaux de
l'industrie de la construction.
De plus, je tiens à souliqner ici que notre mémoire a
reçu l'appui de six associations régionales de la construction
qui sont: l'Association de la construction de l'ouest du Québec,
l'Association de la construction de l'Outaouais, l'Association de la
construction de Saint-Hyacinthe-Ragot-Rouville, l'Association de la
construction des Laurentides, l'Association de la construction du centre du
Québec Inc., et l'Association de la construction
Richelieu-Verchères-Bertrand. Nous nous félicitons aussi de
l'appui qu'a reçu cet après-midi notre position commune de la
part de l'Association des architectes en pratique privée du
Québec.
Je cède maintenant la parole à M. Jacques McDonald,
président du comité spécial de notre association sur les
privilèqes de la construction, qui va vous présenter les vues de
notre association sur l'avant-projet de loi. Merci.
Le Président (M. Marcil): M. McDonald.
M. McDonald (Jacques): Devant l'importance des modifications qui
sont suggérées dans l'avant-projet de loi quant aux
privilèges de la construction, notre association a voulu faire porter
son mémoire uniquement sur cet aspect de l'avant-projet de loi.
Le privilège est en effet d'une importance capitale dans notre
industrie et nous sommes opposés à sa transformation en
hypothèque légale. Ce chanqement radical, s'il était
retenu, aurait entre autres comme conséquence de réduire de
façon majeure la seule protection ultime dont disposent les
entrepreneurs de construction, les entrepreneurs sous-traitants et les
fournisseurs de matériaux afin d'assurer le paiement de leurs
créances.
Nous allons donc, dans les quelques minutes qui nous sont
allouées, tenter de vous démontrer l'importance du
privilège dans notre industrie et l'ampleur de l'affaiblissement qui y
est proposé, en espérant que vous prendrez note de nos
représentations et en tiendrez compte, et que le ministre fera de
même dans l'élaboration du projet de loi qui sera
déposé par la suite.
L'importance du privilège dans notre industrie. En 1986, la
valeur totale des investissements effectués au Québec, au
chapitre de la construction, a été de
16 500 000 000 $. Même si l'on retranche de ce chiffre la valeur
de certains travaux de génie qui ne donnent vraiment pas lieu au
privilège, l'on peut dire sans trop se tromper que la valeur des travaux
privilégiables, qu'il s'agisse de construction résidentielle,
commerciale, industrielle ou même institutionnelle, a, au Québec,
atteint 11 000 000 000 $ en 1986.
Même s'il ne représente qu'une protection ultime des
créances pour les entreprises de construction, les salariés et
les fabricants, les fournisseurs de matériaux et de machinerie, l'on
comprendra facilement que le privilège est un atout important pour
toutes ces personnes, d'autant qu'il est prouvé par les statistiques
qu'au delà de 90 % des entreprises de construction qui oeuvrent au
Québec ne sont en fait que de petites, et même de très
petites entreprises.
Si l'on étudie la situation dans les neuf autres provinces du
Canada, l'on s'aperçoit aussi que, sous le titre de "Mechanics Liens
Act", toutes les juridictions ont adopté et conservent depuis de fort
nombreuses années l'équivalent du privilège de chez nous
pour la protection des créances des salariés et des entrepreneurs
et fournisseurs. Récemment, d'ailleurs, en Ontario et au Manitoba, les
lois à ce sujet ont été améliorées.
Il est étrange qu'au Québec, au contraire, l'on nous
propose maintenant d'abolir les privilèges. Le secteur de la
construction et les multiples entreprises qui oeuvrent au Québec
représentent un élément de dynamisme important pour la
santé de l'économie. La valeur des investissements au titre de la
construction représentait au Québec plus de 15 % du produit
intérieur brut en 1986, sans compter les 0,83 $ supplémentaires
qui sont injectés dans l'industrie pour chaque dollar
dépensé à l'achat d'un produit de l'industrie de la
construction. Il est donc important que l'un des moyens traditionnels pour les
entreprises de protéger leurs créances et l'effet dissuasif de
l'existence du privilège sur les débiteurs qui voudraient
profiter d'un système trop complexe soient conservés et
améliorés.
Que ce soit son importance dans la vie économique par le nombre
de personnes tant physiques que morales qui constituent les maîllons de
la chaîne contractuelle ou par les montants impliqués, la
construction se démarque des autres activités humaines et
industrielles. C'est aussi une activité où un fournisseur de
biens ou de services devient une sorte de prêteur immobilier. Son bien
devenant irrécupérable en tant que meuble, il n'a d'autre choix
que d'avoir un recours de nature immobilière. À la
différence d'un fournisseur de biens "ordinaires", tels une automobile,
un fauteuil ou un téléviseur, le bien fourni par le constructeur
n'est pas récupérable une fois incorporé à
l'immeuble. C'est ce caractère unique, spécifique de la
construction qui rend essentiel le maintien du privilège de ta
construction. L'affaiblissement du privilège qui est proposé dans
l'avant-projet de loi est donc, quant à nous, inacceptable. Nous
soutenons respectueusement que le privilège doit demeurer dans sa forme
actuelle et même plus, qu'il doit être amélioré.
L'hypothèque légale des personnes qui ont participé
à la construction ou à la rénovation d'un immeuble, La
transformation de l'actuel privilège en hypothèque légale
aurait comme principale conséquence les points suivants:
premièrement, la baisse de l'opposabilité aux tiers;
deuxièmement, la disparition de la procédure de
dénonciation des sous-contrats et, troisièmement, la disparition
de la préséance des privilèges sur les hypothèques
conventionnelles.
La baisse de l'opposabilité aux tiers. On sait qu'actuellement le
privilège de la construction naît au début des travaux ou
au début de la fourniture des matériaux, sous réserve,
bien sûr, de son enregistrement éventuel. Là réside
la grande protection conférée au détenteur du
privilège. Dès qu'il a pris naissance, le créancier peut
suivre l'immeuble, en quelque main qu'il se trouve. Or, ce que l'on nous
propose ici, c'est que l'hypothèque légale des constructeurs et
des fournisseurs de matériaux ne devienne opposable aux tiers
qu'à compter de son enregistrement (article 3306). Donc,
l'hypothèque légale prendrait effet beaucoup plus tard parce que
l'enregistrement peut être fait 30 jours après la fin des travaux,
selon l'avant-projet de loi.
De plus, selon l'article 2932 proposé, il semble que l'immeuble
pourrait être vendu faisant perdre au constructeur ou au fournisseur de
matériaux ses droits si la vente avait lieu avant l'enregistrement de
l'avis d'intention d'exercer un recours. Cet affaiblissement est, selon nous,
inacceptable.
La nécessité de la dénonciation. Une autre raison
pour laquelle nous sommes opposés à la transformation du
privilège de la construction en hypothèque légale, c'est
que cette transformation aurait pour effet d'obliger les propriétaires
et les bailleurs de fonds à utiliser des modes de protection
additionnels et plus onéreux afin de se protéger contre
l'enregistrement d'hypothèques légales éventuelles.
Actuellement, notre Code civil prévoit que, pour acquitter les
créances privilégiées, le propriétaire peut retenir
sur le prix du contrat un montant suffisant. Dans le cas des créances
des entrepreneurs, sous-traitants et fournisseurs de matériaux, le
propriétaire est à même de connaître
l'identité des éventuels créanciers et d'évaluer le
montant des créances privilégiées par suite de
l'obliqation qu'ont ces créanciers de lui dénoncer leur
contrat.
Or, la transformation du privilège en
hypothèque légale éliminerait l'obligation des
entrepreneurs et des fournisseurs de matériaux qui n'ont pas
contracté avec un propriétaire de lui dénoncer le contrat,
c'est-à-dire de l'informer qu'il doit agir en administrateur prudent
avant de verser toutes les sommes dues à l'entrepreneur principal. Il
résulterait de cette nouvelle situation, si elle devait être
adoptée, que les propriétaires retiendraient des montants
beaucoup plus élevés qu'actuellement et/ou exigeraient des
cautionnements de paiement, de main-d'oeuvre et de matériaux plus
lourds. L'effet de cette nouvelle situation serait également le
même sur les entrepreneurs généraux qui, étant
responsables face aux propriétaires, devraient eux aussi retenir des
montants dus à leurs sous-traitants des sommes plus
élevées. Cette nouvelle situation ne pourrait se traduire que par
une augmentation des coûts du crédit, par l'utilisation accrue
d'autres garanties et donc par une augmentation des coûts de la
construction. Nous recommandons donc le maintien de la dénonciation des
sous-contrats.
Mais à qui les dénoncer? Actuellement, le Code civil
prévoit que cette dénonciation doit être faite
auprès des propriétaires. Or, l'expérience a
démontré qu'il est parfois difficile de découvrir
l'identité du propriétaire parce qu'il n'est pas toujours celui
qui contracte avec l'entrepreneur principal: corporations liées,
bailleur ou locataire emphytéotique, gérant de projet,
propriétaire étranger, créancier hypothécaire, etc.
Nous recommandons que la dénonciation des sous-contrats, tant pour
l'exécution des travaux que pour la fourniture des matériaux,
puisse être valablement faite à la personne qui est la
cocontractante de l'entrepreneur principal.
Troisièmement, la disparition de la préséance des
privilèges sur les hypothèques conventionnelles. Actuellement,
lors d'une vente en justice, les créanciers privilégiés
sont colloques avant les créanciers hypothécaires, et ce,
même si l'enregistrement de l'hypothèque a eu lieu avant celui des
privilèges. Ceci nous paraît tout à fait justifié
parce que les créanciers privilégiés ont
conféré une plus-value à l'immeuble, alors que tel n'est
pas le cas pour les créanciers hypothécaires. De plus, ces
derniers bénéficieront indirectement de la valeur de cette
plus-value car la vente pourra être faite à meilleur prix.
L'avant-projet de loi, au contraire, fait en sorte que cette situation
n'existerait plus. L'article 3309 proposé prévoit en effet que
les droits ont rang suivant la date, l'heure et la minute de leur inscription.
Nous recommandons donc que soit maintenu le privilège de la construction
afin que son détenteur puisse continuer de jouir d'une
préséance par rapport au créancier
hypothécaire.
Les lacunes de l'avant-projet de loi. L'ACMQ est également
opposée à l'avant-projet de loi parce qu'il comporte des lacunes
importantes. Notre mémoire en fait une longue énumération.
Pour les fins de cette présentation, nous nous arrêterons à
trois d'entre elles seulement: l'absence d'une définition de la fin des
travaux, l'absence d'indication quant aux biens grevables de privilège
et l'absence du droit actuel de revendication du fournisseur de
matériaux.
La fin des travaux. L'avant-projet de loi ne comporte pas de
définition de l'expression "fin des travaux". Or, cette notion est d'une
importance capitale. L'article 2891 proposé stipule que
l'hypothèque légale des personnes qui ont participé
à la construction ou à la rénovation d'un immeuble
subsiste sans enregistrement pendant les 30 jours qui suivent la fin des
travaux. L'on sait que le Code civil actuel, à l'article 2013,
quatrième alinéa, définit de la façon suivante la
fin des travaux: "la date à laquelle la construction est devenue
prête pour l'usage auquel elle est destinée". De plus, la
jurisprudence a clairement établi, à partir de cette
définition, l'interprétation à donner à cette
notion. L'absence d'une telle définition risque, selon nous, de donner
lieu à une multitude de débats et d'interprétations comme
ceux qui ont été réglés par la jurisprudence
actuelle. Nous recommandons donc que la fin des travaux soit définie et
que cette définition se lise comme suit: la date à laquelle
l'ensemble de la construction est devenu prêt pour l'usage auquel il est
destiné. (21 heures)
Les biens qrevables. L'un des problèmes fréquemment
rencontrés dans l'utilisation des privilèges de la construction
est celui de la détermination des biens sur lesquels le privilège
peut être enregistré. Actuellement, en effet, un privilège
ne peut être enreqistré sur un bien du domaine public. Mais que
signifie exactement cette expression "domaine public"? Cette question a
été étudiée dans plusieurs jugements et la
jurisprudence nous permet maintenant de cerner un peu mieux cette notion. Il y
aurait qrand avantage cependant à ce qu'une réforme de notre Code
civil comporte l'affirmation que tous les biens, tant publics que
privés, peuvent être grevés de privilèges, à
moins d'un texte législatif spécifique contraire.
Avant de conclure, nous aimerions suqqérer quelques modifications
qui pourraient être apportées à notre Code civil actuel
afin d'améliorer la qualité des privilèges de la
construction. En premier lieu, nous aimerions suggérer qu'il soit
stipulé qu'il ne peut être renoncé d'avance aux
privilèges. Une clause semblable existe déjà dans notre
Code civil à l'égard de la prescription. L'article 2184 stipule
en effet
qu'on "ne peut d'avance renoncer à la prescription. On peut
renoncer à la prescription acquise et au bénéfice du temps
écoulé pour celle commencée." L'insertion d'une clause au
même effet dans la partie du Code civil traitant des privilèges
pourrait se lire comme suit: On ne peut d'avance renoncer au privilège.
On peut renoncer au privilège, mais jusqu'à concurrence seulement
du coût des travaux, matériaux ou services déjà
exécutés ou déjà fournis et payés.
Nous aimerions suggérer également que le délai
limite pour l'enregistrement des privilèges soit non pas de 30 jours
après la fin des travaux, mais plutôt de 30 jours après la
date limite prévue au contrat pour la remise des retenues ou, à
défaut d'une telle stipulation dans le contrat, de 30 jours après
la fin des travaux. Ceci aurait pour effet d'assurer une meilleure protection
des créances des constructeurs et des fournisseurs de
matériaux.
Comme dernière suggestion, nous souhaitons que des modifications
soient apportées dans le Code civil actuel afin que l'exercice de la
prise de paiement soit soumis au respect des hypothèques légales
de construction. On sait qu'actuellement, si un créancier
hypothécaire prend en paiement un immeuble, l'enregistrement du jugement
ou de l'acte aura pour effet de radier tous les actes postérieurs. Nous
recommandons que l'exercice de la prise de paiement soit soumis au respect des
privilèges de la construction, même enregistrés
postérieurement.
En conclusion, nous espérons, dans cette brève
présentation, avoir su vous convaincre de l'importance des
privilèges dans notre industrie et de l'importance qu'ils soient
conservés, sinon améliorés. Nous espérons
également vous avoir convaincus de l'ampleur de l'affaiblissement des
privilèges de la construction qui est proposé dans l'avant-projet
de loi. Le Code civil est la pièce maîtresse des rapports
juridiques entre les justiciables au Québec, Comme tel, il se doit de
refléter la réalité de ces rapports afin de les encadrer
et non de les nier dans un éventuel but de systématisation, car
c'est en les niant que l'on crée l'injustice. Nous ne croyons pas que
telle était là l'intention des rédacteurs de
l'avant-projet de loi. C'est pour cette raison que nous disons: Ne touchez pas
au privilège de la construction, maintenez-le. Mieux encore, apportez-y
tous les amendements nécessaires qui préciseront les textes et
empêcheront l'usage des techniques élaborées pour en
contrecarrer les effets, tels ceux des renonciations et des clauses
résolutoires.
L'Association de la construction de Montréal et du Québec
offre, en conclusion, sa collaboration à la réalisation de ce
travail et se déclare disposée à examiner toute autre
solution permettant une garantie efficace et réelle du paiement de la
créance des fournisseurs de biens et de services de la construction. Je
vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Marcil); Merci beaucoup de votre exposé.
Nous allons passer immédiatement à l'échange de questions.
Je vais reconnaître le député de Marquette, adjoint
parlementaire au ministre de la Justice.
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. Tout d'abord,
j'aimerais, au nom du ministre de la Justice et du gouvernement du
Québec, souhaiter la bienvenue à l'Association de la construction
de Montréal et du Québec, vous féliciter évidemment
pour votre participation, votre préparation et la présentation de
votre mémoire. Hier soir, nous avons reçu à ma
connaissance trois associations reliées à l'industrie de la
construction qui avaient signé, tout comme vous, la déclaration
conjointe non seulement pour le maintien du privilège en matière
de construction, mais aussi pour son renforcement. D'ailleurs, j'ai
apprécié vos propositions d'amélioration du
privilège. On voit que vous avez vraiment travaillé votre
affaire.
En guise d'information, j'aimerais savoir, dans un premier temps, avec
le vécu, quel est le pourcentage des créances qui
nécessite l'enregistrement d'un privilège actuellement,
approximativement?
M. McDonald (Jacques): Je ne peux pas vous donner de pourcentage,
mais la pratique actuelle est que les sous-traitants et fournisseurs
dénoncent presque automatiquement leurs créances. Ce que je peux
vous dire, c'est que, dans le passé, pour les ?5 dernières
années environ, notre dénonciation et la possibilité
d'enregistrer un privilège nous ont sortis de certains pétrins
pour nous permettre de recevoir nos paiements dans des cas très
complexes. Si an n'avait pas eu cette possibilité et aussi le Code civil
dans son état actuel avec les privilèqes, on aurait
été dans des conditions beaucoup plus difficiles pour
récupérer les sommes que nous avions investies dans les
bâtiments.
M. Morin: Cela a un effet dissuasif important dans nos relations
commerciales.
M. Dauphin: Dans le même ordre d'idées, vous
demandez, comme plusieurs autres, d'ailleurs, que ces dispositions de
privilèges soient d'ordre public, c'est-à-dire ne pouvant pas y
renoncer. Cet après-midi, je posais la question aux banquiers, je leur
demandais si cela arrivait souvent même sur le chantier qu'on demande aux
fournisseurs ou à d'autres de signer ces renonciations. J'aimerais avoir
votre opinion là-dessus. C'est monnaie courante de demander une
renonciation de privilège en tout premier lieu?
M. Morin: Disons que la pratique s'est un peu
atténuée avec les années. Si on retourne dix ans en
arrière, lorsque l'on dénonçait un contrat, la plupart des
entrepreneurs généraux ou même des propriétaires
devenaient furieux. On pensait qu'on n'avait pas le respect de l'entrepreneur
ou du propriétaire, ou de sa capacité de payer, mais il y atoutes sortes de problèmes qui surviennent dans le cours d'une
construction. Les gens ont finalement compris que le besoin du privilège
était important. Aujourd'hui, on se fait encore demander dans certains
projets de renoncer. Il y a des entrepreneurs ou des sous-traitants qui
refusent automatiquement. Quand on a la capacité de refuser parce qu'on
a assez d'ouvrage pour faire vivre nos employés, à ce
moment-là, tout va bien, mais, quand on n'a pas assez d'ouvrage puis
qu'il faut se plier à prendre ce risque-là, c'est un risque qui
devient très onéreux pour une compagnie. Si le projet va mal, on
n'a plus de recours. C'est sûr que, plus le sous-traitant sera faible,
plus il aura l'occasion de signer une renonciation de privilège, mais
cela n'est pas recommandable.
M. Dauphin: On parle évidemment de ce qui fait l'objet de
votre mémoire, du privilège en matière de construction.
Dans l'avant-projet de loi est prévu, dans la disposition sur les
créances prioritaires, un certain nombre de paragraphes, notamment pour
l'État et les commissions scolaires, comme créances prioritaires.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces créances. Est-ce que le
législateur devrait maintenir des privilèges, des
priorités pour ces personnes?
M. Morin: Je vais laisser Me Bonenfant répondre.
M. Bonenfant (Claude): Effectivement, dans notre mémoire,
nous discutons un peu de cette disposition des articles 2806 et suivants de
l'avant-projet de loi et nous nous déclarons opposés à
l'existence de telles créances prioritaires.
M. Dauphin: Autrement dit, vous en voulez une, et la
vôtre.
M. Bonenfant: Effectivement, comme créance prioritaire,
nous reconnaissons, en fait, le privilège de la construction et les
hypothèques conventionnelles ou légales qui nous paraissent les
plus importantes et qui devraient être maintenues.
M. Dauphin: Et, pour vous, l'État, le fait que ce sont des
deniers publics...
M. Bonenfant: Le fait que ce soient des deniers publics...
M. Dauphin: Cela ne change pas votre opinion
là-dessus.
M. Bonenfant: ...ne chanqe pas vraiment notre opinion parce que
c'est presque autoriser l'État à agir comme un Robin des bois
pour récolter des deniers dits publics et faire perdre des deniers qui
appartiennent à des individus ou à des corporations
privées sous le prétexte que ce sont des deniers publics. C'est
un peu jouer à Robin des bois à ce moment-là. C'est pour
cela que nous sommes opposés à cette...
M. Dauphin: Je respecte votre opinion. Elle n'est pas
nécessairement partagée, mais je la respecte.
On a reçu un groupe hier, les arpenteurs-géomètres
du Québec. Ils demandaient d'être inclus dans le groupe de
l'article 2888, avec l'ingénieur, l'architecte, l'ouvrier, les
fournisseurs de matériaux et les autres. J'aimerais avoir votre opinion
là-dessus. Seriez-vous favorables à ce que les
arpenteurs-qéomètres, étant donné les nouveaux
instruments de mesure qui donnent une plus-value à l'immeuble, comme ils
nous l'expliquaient aujourd'hui, soient inclus dans le groupe
privilégié?
M. Théoret (Jacques): II ne me semble pas que
l'arpenteur-géomètre... Enfin, je ne vois pas très
clairement comment l'arpenteur-géomètre apporte une plus-value
à l'immeuble. Je n'ai rien contre les
arpenteurs-géomètres, remarquez bien. Peut-être qu'avec
l'évolution des techniques, un peu comme l'ingénieur est
maintenant devenu capable de se pourvoir, comme l'architecte le pouvait depuis
le début, l'arpenteur-géomètre devrait également le
faire. Je regrette, malheureusement, je n'ai pas pris connaissance de cette
représentation des architectes. Mais, sur l'affaire de la plus-value, je
ne vois pas très bien comment le travail de
l'arpenteur-géomètre ajoute une valeur à un immeuble. II
certifie quelque chose. Un peu en facétie, on pourrait dire qu'il aide
un peu nos amis les notaires à faire leur travail à plein, mais,
quant à ajouter une plus-value, je ne vois pas.
M. Dauphin: D'autres groupes ont aussi demandé
d'être inclus, notamment, les aqents d'immeubles, les notaires, tout le
monde veut être inclus finalement.
Des voix: Ha! Ha!" Ha!
M. Morin: On peut penser que les agents d'immeubles, de nos
jours, donnent une plus-value.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Dauphin: Ils font monter les prix, en tout cas. Une autre
question. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de vous attarder sur la
présomption d'hypothèque qui était recommandée par
l'Office de révision du Code civil, que l'Association des banquiers
canadiens recommande fortement avec d'autres, notamment le Barreau...
M. Bonenfant: Je dois dire que notre association s'est surtout
attardée à l'avant-projet de loi. Et, comme la présomption
d'hypothèque n'a pas été retenue, nous ne nous y sommes
pas attardés dans la présentation du mémoire.
M. Dauphin: D'accord, je reviendrai tantôt. Mme la
députée de Groulx... Je m'excuse, M. le Président, je suis
en train de m'arroger vos privilèges. C'est vous qui devez...
Le Président (M. Marcil): Donc, je vais reconnaître
Mme la députée de Groulx. Merci, M. le député de
Marquette.
Mme Bleau: Merci, M. le Président. Quand vous parlez de
l'amélioration de l'article au sujet des privilèges, en plus de
ta définition dont vous avez parlé, des mots "fin des travaux",
à quelle autre amélioration pensez-vous? (21 h 15)
M. Bonenfant: Premièrement, un des principaux points
d'amélioration que nous suggérons dans notre mémoire,
c'est le fait que l'on ne puisse plus, comme c'est le cas actuellement,
renoncer au privilège de l'entrepreneur, du sous-entrepreneur ou des
fournisseurs de matériaux. Actuellement, on sait que c'est permis. C'est
une technique qui est souvent utilisée de façon abusive et c'est
un des premiers moyens, croyons-nous, d'améliorer les privilèges
de la construction et d'interdire cette méthode-là, d'ailleurs,
tout comme l'Office de révision du Code civil, dans ses commentaires et
dans sa solution de rechange, proposait une clause ayant pour effet d'interdire
la renonciation au privilège. Donc, c'est un moyen que nous
suggérons dans notre mémoire d'améliorer les
privilèges.
Nous suggérons également, en ce qui a trait à la
clause de dation en paiement, que cette clause de dation en paiement, si elle
est utilisée, n'ait pas pour effet d'annuler tous les privilèges
qui ont été enregistrés après la clause de dation
en paiement. On sait qu'actuellement, si une clause de dation en paiement a
été enregistrée et est utilisée, elle aura pour
effet de laver tous les privilèges qui ont été
enregistrés postérieurement. Donc, c'est une deuxième
façon que nous suggérons d'améliorer les
privilèges.
M. Morin: II y a aussi le fait d'allonger la période pour
couvrir les retenues contractuelles des sous-traitants aux projets, parce qu'on
est souvent payés, on a souvent des retenues qui seront payées un
an après la fin des travaux. Alors, la loi dit: 30 jours après la
fin de nos travaux. Il faut presque présumer ou prendre un risque.
Alors, quand on a des sous-contrats de l'ordre de 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ et
que la retenue contractuelle est de 100 000 $ ou 200 000 $, ce sont de qros
risques. Voir un an à l'avance dans l'industrie de la construction, ce
n'est pas facile. C'est un autre point qui a été apporté,
soit qu'on voulait qu'il y ait une prolongation du délai
d'enregistrement.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Morin, M. McDonald,
M. Théoret et M. Bonenfant, vous ne serez peut-être pas surpris
que ce soir, d'une certaine façon, on consacre moins de temps parce
qu'on a fait un spécial construction hier soir. Cela a été
fort éloquent d'une certaine façon, puisqu'on dit: Cent fois sur
le métier, répétez et vous finirez bien par être
compris. Alors, le fait que ce soit repris ce soir, cela l'est aussi et cela
nous fait voir d'autres facettes. Cela reste certainement intéressant,
notamment sur ces améliorations... Je voyais en page 24 que vous faites
état de toute cette pratique qui s'est installée dans l'industrie
suivant laquelle les retenues sont remises après l'expiration de la
période de temps. Enfin, vous êtes parmi les premiers à
nous en parler. Comme le Code civil prévoit l'enregistrement du
privilège de 30 jours, finalement, la pratique qui s'est
installée, c'est de retenir les retenues tant que le propriétaire
n'a pas l'assurance qu'il n'y aura pas de privilège d'enregistré.
C'est un peu cette situation qui prévaut présentement. Mais
est-ce à cette situation que vous voulez en particulier vous
attaquer?
M. Théoret (Jacques): C'est une des situations, madame,
qui vient d'être abordée par le président. Quand on dit
qu'on vaudrait que cela soit prolongé, qu'au moins le délai
d'enregistrement du privilège soit de 30 jours après la date de
paiement de la retenue, c'est justement pour cela. Si on avait au moins cela
dans la loi, on pourrait peut-être convaincre les payeurs de raccourcir
la période de paiement, parce que de toute façon ils
n'arriveraient pas à éliminer le privilège en faisant
attendre cinq jours de plus.
Mme Harel: Alors, c'est un aspect certainement
intéressant. Également, j'ai trouvé vraiment
intéressant, personnellement,
dans votre mémoire, qu'à la page 4 on retrouve une
explication juridique ou, si vous voulez, qui est quand même
satisfaisante intellectuellement de l'origine du privilège ouvrier,
parce que c'est évident, et mon collègue vous en parlait il y a
quelques minutes, que tout le monde veut en être. Tout le monde le fait,
fais-le donc, d'une certaine façon. On retrouve cette explication, qui
en vaut bien d'autres, mais je la trouve intellectuellement
intéressante: "C'est cette transformation de meuble à immeuble
qui a rendu nécessaire l'élaboration de mécanismes de
préférence légale. À la différence d'un
fournisseur de biens "ordinaires"..." Je pense bien que c'est la
première fois dans les mémoires dont j'ai pris connaissance que
l'on voit une explication qui soit satisfaisante et qui me satisfait. Cela me
faisait penser aux créateurs, parce que c'est tout à fait autre
chose - ils vous ont précédés hier. Je souhaite
qu'éventuellement on trouve ce type d'explication qui se tient bien et
qui permet non pas d'avoir une situation nécessairement
privilégiée... On appelle cela un privilège, mais,
finalement, c'est de faire reconnaître une sorte de
spécificité. C'est autre chose, d'une certaine façon.
Une question spécifique que je voulais vous poser concerne les
périodes d'enregistrement des privilèges; appelons-les comme
cela. Vous proposez, je crois que c'est à la page 15, des
périodes de trois mois. Alors, vous dites: "II y aurait avantage,
croyons-nous, à ce qu'un ordre de priorité ou de rang basé
sur l'enregistrement soit maintenu mais non pas suivant la date
d'enregistrement comme tel, mais plutôt à l'intérieur d'une
période de temps..." C'était bien arbitraire, cette
période de temps. C'est comme si vous demandiez au législateur de
choisir les fondations plutôt que la finition. Parce que c'est cela, dans
le fond, les fondations auraient priorité sur la finition.
M. Bonenfant: En fait, c'est une suggestion...
Mme Harel: Représentez-vous plus les fondations que la
finition?
M. Bonenfant: Non, pas du tout. Nous les représentons
toutes deux. C'est une idée qui est lancée pour établir
quand même un certain ordre de priorité entre les
créanciers privilégiés. C'est une idée qui est
lancée à la réflexion des rédacteurs, sans
plus.
M. Théoret (Jacques): Si je pouvais ajouter à cette
réponse, il serait quand même intéressant de noter que bien
des projets de construction s'étendent sur un an et demi, deux ans et
deux ans et demi; on en a vu des majeurs, des travaux de construction. Ma foi,
s'il y a des privilèges qui sont enregistrés à
l'intérieur de la période de trois mois, un jour, le
propriétaire va déclarer qu'on arrête le chantier, et c'est
aussi bien pour ceux de la finition qui vont venir après parce que sans
cela ils auront de la difficulté à se faire payer de toute
façon. Donc, c'est une espèce d'échelonnement qui ne
s'appliquerait peut-être pas à tous les chantiers parce que,
évidemment, dans tous les cas, cela ne dure pas trois mois et plus, mais
qui pourrait au moins limiter les dégâts pour les gens de la
finition.
Mme Harel: Cet après-midi, le porte-parole de
l'association des banquiers qui présentait le mémoire nous a dit
que, règle générale, les créances,
l'hypothèque légale, dans le cas où seraient maintenues
les dispositions de l'avant-projet de loi, bénéficierait à
la construction parce que c'est antérieur aux créances
hypothécaires. Votre point de vue là-dessus, est-il semblable ou
différent?
M. Théoret (Jacques): C'est probablement tout à
fait le contraire qui est vrai, au moins dans bien des cas, et je vous explique
ceci: comme d'ailleurs notre collègue de l'association des banquiers l'a
bien dit, it arrive souvent que l'hypothèque soit, en fait, que les
discussions entre la compagnie prêteuse et le propriétaire, etc.,
soient complétées et enregistrées après que le
propriétaire ait déjà demandé des soumissions, ait
quelquefois déjà accordé un contrat général
et, ce qui se voit aussi dans bien des cas maintenant, sans passer par un
entrepreneur général, se mette à accorder des contrats en
commençant par les fondations. Cela peut aller jusqu'à 35 ou 40
contrats avec de petites ou de moyennes entreprises spécialisées
sans qu'il y ait d'autres personnes en haut, sans entrepreneur
général, mais avec un gérant de projet, etc., et
l'état du droit sur cela n'est pas très avancé. Si le
privilège ou l'hypothèque légale de l'entrepreneur
était sujette à l'enregistrement, il est bien évident que
la créance hypothécaire, avec la clause de dation en paiement qui
lave tout ce qui vient par la suite, prendrait tout le temps
préséance sur le privilège ou sur l'hypothèque du
constructeur qui ne l'enregistrerait finalement qu'une fois qu'il verrait que
les paiements ne viennent pas. D'accord?
Si je pouvais me permettre de contredire quelque chose que l'Association
des banquiers canadiens a dit cet après-midi, la pratique s'est
installée et ils ont inventé des trucs, comme on l'a dit cet
après-midi, pour contrer l'effet de la cause Lumberland en particulier.
C'est une cause de la Cour suprême qui a reconnu que le privilège
naissait dès la signature du contrat ou le début de
l'exécution de l'obligation de l'entrepreneur. Même si ce
n'était pas
enregistré avant, cela pouvait valoir contre l'hypothèque.
C'est un progrès que nous avons fait et une obtention de progrès
quant à l'interprétation de la loi que nous avons faite à
cause justement des trucs que nous ont trouvés les prêteurs
hypothécaires pour annuler ou annihiler même les droits de
l'entrepreneur. Ce serait dommage de dire, comme ce monsieur le disait cet
après-midi: Bien, reconnaissez la réalité. Ce n'est pas
vrai, ce n'est pas la réalité. Ce sont des trucs qu'ils ont
inventés et je vous jure que nous aussi on en a inventé pour
contrer leurs trucs. On ne les expliquera pas tous ici, mais j'allais dire,
avec un peu d'orgueil, que les 3000 entreprises que notre association
représente sont bien informées de leurs droits. Cela nous donne
évidemment la possibilité de faire de l'éducation
auprès de nos entrepreneurs, mais c'est fort agréable de voir
l'évolution de cette affaire. Le fait que, comme le président
Morin l'a dit tout à l'heure, aujourd'hui, le privilège soit
reconnu par tout le monde et que les entrepreneurs généraux... Je
vous dirai même que notre recommandation qui dit de ne pas abolir la
dénonciation du contrat vient aussi maintenant des entrepreneurs
généraux qui veulent bien savoir d'où viennent les
coûts et comment s'occuper prudemment des paiements pour, justement, que
le contrat vienne le plus rapidement possible.
Mme Harel: Oui, alors est-ce qu'on termine?
Le Président (M. Marcil): Non, cela va.
Mme Harel: Au nom des personnes qui m'accompagnent, je veux vous
remercier pour l'éclairage que vous nous permettez de continuer à
obtenir sur toute cette question. Nous sommes dans une phase exploratoire,
alors cela reste extrêmement important et certainement intéressant
pour nous le point de vue que vous nous avez apporté.
M. Dauphin: Si vous me permettez, M. le Président, au
même titre, de notre côté, nous aimerions encore une fois
vous remercier de votre participation. Pour répondre à votre
interrogation de tantôt, vos recommandations seront
étudiées avec beaucoup d'intérêt et d'attention,
puisque, comme vous le savez, c'est un avant-projet de loi et que cette
consultation est justement faite dans le but de le bonifier. Merci d'être
venus.
M. Morin: M. le Président, mesdames et messieurs les
membres de la sous-commission des institutions, au nom de l'Association de la
construction de Montréal et du Québec, je tiens à vous
remercier de votre intérêt pour notre industrie et pour ses
préoccupations face à l'avant-projet de loi. J'aimerais ajouter
comme mot final que, pour une fois que vous voyez toutes les associations
patronales signer un même document, j'espère que quelqu'un va
réaliser qu'on ne peut pas tous avoir tort.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup de votre
présentation. Je vais suspendre la séance une minute afin de
permettre à la Corporation des maîtres électriciens du
Québec et à la Corporation des maîtres mécaniciens
en tuyauterie du Québec de s'approcher.
(Suspension de la séance à 21 h 30)
(Reprise à 21 h 34)
Le Président (M. Marcil): Nous continuons cette
soirée avec la Corporation des maîtres électriciens du
Québec et la Corporation des maîtres mécaniciens en
tuyauterie du Québec représentées par M. Richard Nolet,
président, et M. Normand Bureau. Je vais permettre aux deux
présidents de présenter leurs collègues et
également prendre quelques minutes pour faire leur exposé. Vous
connaissez les règles du jeu, vous étiez ici tantôt. Vos
mémoires ont déjà été analysés. Donc,
faîtes un résumé, ensuite on va procéder à la
période de questions. Allez.
CMEQ et CMMTQ
M. Fabre (Michel): Mon nom est Michel Fabre, je suis de la
Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie; à ma
droite, François Lemay, qui est 1er vice-président des
maîtres mécaniciens en tuyauterie, ainsi que M. Bureau; il y a
aussi Richard Nolet et Roger Gosselin, respectivement président et
secrétaire de la corporation des électriciens, et, à mon
extrême-droite, John White, qui est conseiller juridique des deux
corporations.
M. Nolet (Richard): Si vous le permettez, M. le Président,
membres de la commission, mesdames et messieurs, je débuterai par la
présentation et M. Bureau, de la CMMTQ, terminera la
présentation.
Alors, je tiens à vous remercier de nous permettre
d'émettre nos opinions, nos commentaires sur cet avant-projet de
loi.
Créées depuis plus de 30 ans, la Corporation des
maîtres électriciens du Québec et la Corporation des
maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec sont des
associations professionnelles qui visent à assurer une plus grande
compétence de leurs membres et par le fait même une plus grande
sécurité du public. Ces corporations, créées
chacune par une loi, regroupent des entreprises de tailles diverses. Ainsi,
l'artisan qui exécute des travaux d'installation
électrique ou l'installation de tuyauterie doit être membre
d'une des corporations. C'est la même chose pour l'entrepreneur qui
exécute des travaux d'électricité ou d'installation de
tuyauterie sur de grands chantiers et qui peut employer une centaine de
salariés.
Dans le but de répondre à leurs objectifs, les deux
corporations ont établi différents services qui leur permettent
d'aider leurs membres dans l'exercice de leur profession. Les deux corporation
ont toujours démontré un grand intérêt aux travaux
entourant la révision du Code civil. Ainsi en 1972 les deux corporations
faisaient parvenir à l'Office de révision du Code civil un
mémoire conjoint sur le privilège de construction.
L'intérêt qu'elles manifestaient il y a quinze ans est toujours
présent. Les membres de la corporation ont à tous les jours
à faire face à des problèmes reliés aux
différentes sécurités qui existent en tant que
créanciers ou en tant que débiteurs. La lecture de l'avant-projet
de loi a permis aux corporations de constater que la protection qui
était accordée à leurs membres en tant qu'entrepreneurs de
construction par le régime actuel risquait d'être grandement
diminuée, pour ne pas dire totalement anéantie. C'est pour cette
raison que les deux corporations ont déposé un mémoire
conjoint devant la commission et qu'elles ont signé la
déclaration conjointe des six associations d'entrepreneurs en
construction dont vous avez déjà pris connaissance.
Vous avez déjà entendu le point de vue de l'industrie de
la construction quant aux dispositions relatives à l'hypothèque
légale de construction. On peut résumer de la façon
suivante la position de l'industrie: il doit exister une forme de protection
efficace du droit de l'entrepreneur en construction d'être payé
pour les travaux qu'il effectue. Or, dans son état actuel l'avant-projet
de loi consacre de façon définitive la priorité des
institutions financières sur le droit des entrepreneurs en construction
qui, grâce à leurs travaux, risquent d'augmenter le patrimoine du
banquier. Ainsi donc, les entrepreneurs en construction verront encore plus les
institutions financières s'approprier des immeubles qu'ils ont
construits sans que le prix de tous leurs travaux ne soit remboursé.
Comment qualifier cette pratique? L'incidence économique d'une telle
situation risque fort d'être malsaine. Si un entrepreneur en construction
fait faillite, tenant compte de la structure même de l'industrie, il
risque fort d'entraîner dans la faillite d'autres entrepreneurs de
construction. Il faut donc trouver une façon pour assurer une protection
adéquate du droit des entrepreneurs en construction d'être
payés et, de l'autre côté, s'assurer du respect des droits
des institutions financières et des donneurs d'ouvrage.
M. Bureau (Normand): Alors, M. le Président, je terminerai
donc les quelques lignes qui restent à présenter. Vous pouvez
constater l'unanimité des entrepreneurs en construction, on s'est
même partagé la tâche de vous faire la lecture de notre
présentation.
L'avant-projet de loi ne répond pas aux objectifs que M. Nolet
vient de mentionner, c'est-à-dire d'assurer une protection
adéquate du droit des entrepreneurs de construction d'être
payés et d'assurer le respect des droits des institutions
financières et des donneurs d'ouvrage. Plusieurs mécanismes
peuvent être envisagés pour atteindre ces objectifs. Dans
l'état actuel des choses, le priviliège nous semble être un
bon moyen. Le système actuel, avec tous ses défauts et toutes ses
qualités, est bien connu de toutes les parties... Est bien connu,
dis-je, M. le Président, et je fais une petite parenthèse, depuis
des années qu'on tente d'informer nos entrepreneurs sur la façon
d'enregistrer, comment se protéger des différents requins qui
entourent souvent les entrepreneurs en construction dans l'industrie.
Modifier dans la direction de l'avant-projet de loi risque de
créer plus de confusion que de régler les problèmes
actuels. Le statu quo est préférable aux propositions contenues
dans l'avant-projet de loi. Cependant, il faut bien comprendre que le statu quo
doit être amélioré. C'est un peu dans cet état
d'esprit que les corporations recommandent dans leur mémoire
différentes modifications non seulement dans l'avant-projet de loi, mais
également au droit actuel, comme elles le faisaient il y a quelque
quinze ans. Entre autres, les corporations recommandent que l'on ne puisse
renoncer à l'hypothèque légale de construction. J'ai bien
l'impression que ce n'est pas la première fois que vous entendez
prononcer cette sentence-là aujourd'hui. Nous recommandons
également qu'un rang prioritaire soit reconnu à
l'hypothèque de construction. On ne doit pas permettre à
quiconque de profiter injustement de la valeur des travaux de construction. La
loi doit s'assurer qu'une personne qui a le droit d'être payée le
sera. Nous recommandons ainsi que soient uniformisés les délais
quant à l'enreqistrement et aux poursuites et qu'ils soient
prolongés. Enfin, il faut s'assurer que les droits que la loi donne aux
entrepreneurs de construction puissent facilement être mis à
exécution. Quant à cet aspect, les avis qui doivent être
donnés devraient l'être de la façon la plus simple
possible. Pourquoi n'y aurait-il pas des formules standard pour les
enregistrements afin de faire en sorte que l'intervention de différents
professionnels ne soient pas nécessaire'' Par exemple, nous ne croyons
pas nécessaires que certaines informations, telles que la date de
naissance, soient mentionnées dans ces avis. Certaines
dispositions qui sont mises dans les avis réapparaissent en tout
cas un peu loufoques.
Il y va de l'intérêt de l'industrie de la construction et
du public consommateur que l'avant-projet de loi soit modifié de
façon importante quant à l'hypothèque légale de
construction. Nous croyons qu'il faut assurer une protection adéquate
aux entrepreneurs de construction. Ce faisant, le secteur s'en portera mieux.
Les entreprises seront plus solides au niveau financier et pourront, par le
fait même, offrir de meilleurs services aux consommateurs.
Nous sommes heureux, M. le Président, d'avoir pu faire entendre
notre point de vue devant la commission et nous en remercions tous les membres.
Nous sommes à votre disposition pour toute question
supplémentaire et nous voulons assurer les membres de !a commmission de
notre entière disponibilité pour toute autre rencontre dans le
cadre de la préparation du projet de loi.
M. le Président, nous avons tenté d'être le plus
concis possible dans notre présentation compte tenu du fait que nous
avons signé conjointement le projet avec l'ACMQ, l'Association de la
construction de Montréal et du Québec. Nous ne voulions pas
prendre le risque de nous répéter X fois. Je compte sur vos
bannes oreilles pour avoir bien écouté les représentations
qui ont été faites au préalable et j'espère que
vous en avez pris bonne note. Soyez assurés de notre entier appui aux
représentations qui vous ont été faites au
préalable.
En terminant, je vous remercie de votre bienveillante attention de la
part de tous et nous sommes disposés à répondre à
vos questions.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup de votre
exposé. Je vais maintenant reconnaftre le député de
Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la Justice. (21 h 45)
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais,
tout d'abord, au nom du ministre de la Justice, vous saluer et vous remercier
de votre participation à nos travaux. Je crois que vous êtes
cosignataire de la déclaration d'hier de votre groupe. Alors, la chose
est claire.
À force de cogner sur le même clou, à un moment
donné, il n'y a plus de tête après le clou. Alors, vous
m'excuserez si mes questions ne sont pas imprégnées d'une
originalité à toute épreuve. Comme j'ai
mentionné...
Le Président (M. Marcil): Ce sont tout le temps les
mêmes problèmes qui sont soulevés, il n'y a pas
d'erreur.
M. Dauphin: Oui.
Mme Harel: Parce que c'est l'avant-projet de loi qui pose le
même problème à tout le monde.
Le Président (M. Marcil): Oui, qui pose le même
problème à tout le monde, c'est ca. Mais on a eu des bons tuyaux
jusqu'à maintenant!
Une voix: On n'est pas venu ici pour parler de...
Le Président (M. Marcil): On va essayer de se brancher sur
la même longueur d'onde.
M. Dauphin: Comme le groupe qui vous a
précédé, les créances prioritaires, vous êtes
contre ça sauf la vôtre, je présume. Est-ce que c'est
à peu près ça? L'État, la commission
scolaire...
M. White (John): Non. Si vous me permettez, M. le
député, je pense que ce qu'il faut comprendre, c'est que,
lorsqu'on enrichit le patrimoine de quelqu'un, lorsqu'on participe à
l'enrichissement de ce patrimoine qui devient le gage commun de tout le monde,
il me semble un peu normal que les personnes qui participent à cet
enrichissement d'une façon très directe puissent être
privilégiées, "priorisées" ou utilisez l'expression que
vous voulez.
Alors, vous dire qu'on est contre toutes les priorités, ce serait
probablement mentir, mais je pense qu'il faut tenir compte de cette situation
que je viens de vous exposer, parce qu'autrement, à ce moment-là,
ouhlions les priorités si cette première priorité ne peut
pas être retenue. C'est dans ce sens-là. On ne peut pas dire que
les deux corporations sont contre les priorités, comme telles. Mais je
pense qu'il faut tenir compte des propos que je viens de tenir à cet
effet.
M. Dauphin: D'ailleurs, vous mentionnez, ce qui revient à
peu près au même, que soit reconnu un rang
privilégié à l'hypothèque légale de
construction.
M. White: C'est ça, c'est dans ce sens-là.
M. Dauphin: II y a un aspect que je trouve intéressant.
L'article 2888 parle de construction ou de rénovation et, vous, vous
apportez un élément, au début, qui parle de
réparation. C'est que réparation n'est pas nécessairement
synonyme de rénovation, si on songe à la plus-value.
M. White: Si vous me permettez encore, c'est exactement
ça. La question se pose au niveau d'une question de plus-value. C'est
sûr qu'actuellement, dans les dispositions, il faut démontrer une
plus-value. Si on s'en tenait aux dispositions contenues dans
l'avant-projet de loi qui parlent plutôt de valeur marchande des
travaux et services effectués... Pourquoi ne pas parler de
réparation? Je pense qu'il faut en tenir compte également, parce
que la réparation va au moins permettre de sauver la valeur de
l'immeuble. Elle va au moins permettre de faire en sorte que l'immeuble, qui au
début valait 70 000 $, mais qui a pu se détériorer au fil
des ans et qui est rendu à 50 000 $, puisse retrouver, à tout le
moins, sa valeur première. C'est sûr que, si on parle plutôt
de plus-value, il faut peut-être en laisser un peu de côté,
parce que la réparation n'apporte pas nécessairement une
plus-value. Je pense que tout le monde peut en être conscient. Mais la
réparation peut quand même aussi apporter une plus-value.
Or, si on utilise le mot "construction" ou "rénovation", si on
veut également couvrir - parce que la rénovation et la
réparation, telles qu'indiquées, ce ne sont pas
nécessairement la même chose dans la définition du
dictionnaire - tout ce qui donne une plus-value, si on utilise ces termes, il
faudrait également, à notre sens, utiliser aussi le mot
"réparation".
M. Dauphin: Plusieurs groupes nous ont demandé
d'être - j'ai posé la même question tantôt - inclus
dans la liste du 2888, dans la liste des gens protégés par une
hypothèque légale. Est-ce que vous avez la même opinion,
vous autres qui êtes dans le domaine de la construction d'immeubles?
À part les gens mentionnés dans l'article de l'avant-projet de
loi, voyez-vous d'autre monde là-dedans - les arpenteurs entre autres -
ou bien donc ce serait du luxe?
M. Gosselin (Roger): On ne s'est pas penché sur le cas des
autres, nous non plus, mais étant dans le domaine, ce qu'on veut -pour
ma part, je suis dans le domaine directement - protéger, c'est notre
droit d'être payés. C'est ça. Si les autres ont les
mêmes droits que nous autres, on ne voit pas pourquoi ils n'auraient pas
le droit d'avoir le même recours. Mais de là à dire: Un
devrait être là, un ne devrait pas être là, qu'est-ce
que cela apporte à la construction comme telle? Ce n'est pas à
nous de le déterminer.
M. Dauphin: La situation actuelle vous convient, tout en
proposant des améliorations.
M. Gosselin: La situation actuelle nous convient partiellement.
Si elle était améliorée, cela serait encore mieux, parce
que c'est évident que plus le projet est petit, actuellement, plus
le'danger est grand. Plus le projet est grand, plus le danger est petit, parce
qu'il y a autre chose qui fait que le chantage dans le domaine de la
construction sera éliminé. Il y a des règles de
dépôt de soumission qui obligent les donneurs d'ordres à
prendre les plus bas soumissionnaires, ou il y a des cautionnements de
soumissions. Il y a toutes sortes de choses qui entrent en ligne de compte.
Mais, plus le projet est petit, plus le chantage peut se faire pour renoncer
à la priorité du rang du privilège. C'est en ce
sens-là.
M. Dauphin: Je comprends. Je sais qu'à un moment
donné il avait été question que tous les organismes
reliés à la construction se formeraient en un seul groupe pour
les travaux de la sous-commission. Seulement, stratégiquement, je
présume que vous avez décidé de venir à tour de
rôle pour mieux...
M. White: Si vous me le permettez, je dirai qu'effectivement il
en a été question. Il y a eu des discussions à ce
niveau-là. Alors, c'est peut-être une question
d'appréciation. Est-ce qu'on enfonce le clou avec un qros marteau ou si
on prend cinq ou six marteaux pour enfoncer le clou?
M. Dauphin: Je comprends l'intérêt parce que c'est
votre gagne-pain, c'est votre vie, c'est tout à fait légitime.
Cela me fait penser à quelqu'un à qui on enlèverait 20 %
de son chèque de paye, il n'aimerait pas cela. Je me mets un peu dans
cette situation-là, car personne n'aime se faire enlever les choses qui
font son affaire.
Vous m'excuserez si je ne pose pas d'autres questions, à moins
que d'autres personnes de mon côté désirent poser des
questions. Alors, si je n'en pose pas plus, ce n'est pas par manque
d'intérêt, au contraire, les qroupes s'accumulant depuis hier ont
fessé sur le même clou justement et je peux vous dire que je vais
faire mon rapport au ministre de la Justice en conséquence. Je vous
remercie d'être venus participer à nos travaux.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Bienvenue de la part de
ma formation politique à vos deux corporations. Je me demandais en
lisant votre mémoire si lorsque vous faites état du fait que vous
souhaitez une prohibition à toute renonciation - par exemple, vous
faites état dans votre mémoire de la prohibition de renoncer
à... Plus exactement, vous suqgérez qu'il devrait-être
précisé dans un projet de loi que les recours sont d'ordre
public. J'imagine que vous voulez intervenir là-dessus, parce qu'il y a
déjà l'article 2915 qui répond en partie à votre
inquiétude, à celle mentionnée dans le mémoire.
M. White: Si vous me le permettez, le sens de cette partie du
mémoire est le
suivant: Vous savez qu'il existe un avis de 60 jours prévu aux
articles 1040a et suivants du Code civil. Ces dispositions sont clairement
déclarées d'ordre public. Nous ne pouvons d'aucune façon y
déroger, entre autres d'une façon conventionnelle. Autrement dit,
le prêteur hypothécaire ne peut dans son prêt
hypothécaire convenir que l'avis de 60 jours ne sera pas donné.
C'est un acquis du début des années soixante, parce qu'il y avait
eu de graves problèmes, et c'est inspiré d'une loi ontarienne.
Lorsqu'on lit l'avant-projet de loi, on ne trouve pas, et vous me permettrez,
je n'ai pas trouvé d'endroit où il était
spécifiquement indiqué que !a nécessité
d'expédier un avis d'intention de recours, l'avis de 60 jours,
était d'ordre public. C'est dans ce sens-là que l'on fait une
représentation, c'est-à-dire que nous, suivant l'avant-projet de
loi, aurons une hypothèque légale. Je vois difficilement comment
nous ne pourrons pas respecter l'obligation d'envoyer un avis de 60 jours.
Mais, d'un autre côté, le créancier hypothécaire
conventionnel, s'il ne s'agit pas d'une disposition d'ardre public, pourra
faire renoncer à cet avis de 60 jours et donc il aura un certain
avantage. Je pense qu'il faudrait que tout le monde soit sur la même
longueur d'onde, que les droits de tout le monde soient semblables. S'il y a un
article précis dans l'avant-projet de loi qui l'indique clairement,
aussi clairement que le prévoit l'article 1040e actuel, quant à
moi, je ne l'ai pas trouvé, je ne l'ai pas vu. Pourtant, j'ai
passé quelques heures à lire le projet de loi. La
représentation est dans ce sens-là uniquement: que tout le monde
soit sur le même pied d'égalité parce qu'on est tous,
suivant l'avant-projet de loi, des créanciers hypothécaires.
Alors que tous, nous soyons clairement assujettis aux mêmes
formalités.
Mme Harel: M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Oui, madame.
Mme Harel: Si vous me permettez, je souhaiterais que,
éventuellement, un juriste puisse poursuivre cet échange sur
cette question précisément.
Le Président (M. Marcil): Donc, en d'autres mots, vous
voulez savoir s'il existe un article?
M. White: C'est-à-dire que oui... Enfin, s'il y en a un
qui... Si c'est le cas...
Le Président (M. Marcil): Oui, allez-y.
Mme Harel: C'est une démonstration que j'attends
également.
M. Pineau: Oui, M. le Président...
Le Président (M. Marcil): Allez-y.
M. Pineau: ...si vous me permettez, l'article 2915 ne dît
pas textuellement que c'est d'ordre public. Cet article n'utilise pas les mots
"disposition d'ordre public", mais je crois que cette disposition est
très claire. "Les créanciers prioritaires et hypothécaires
ne peuvent, pour faire valoir et réaliser leur sûreté,
exercer, outre les mesures provisionnelles pévues au Code de
procédure civile, que les recours prévus au présent
titre." Donc, tous les recours doivent être faits sous la forme
imposée par les dispositions qui se trouvent sous le chapitre des
recours hypothécaires. Donc, ce n'est pas dit expressément que
c'est d'ordre public, mais c'est dit en d'autres termes qu'on ne peut
déroger à ces dispositons. En tout cas, c'est l'intention, c'est
ce qui a été souhaité ou voulu.
M. White: Je vous remercie. Effectivement, c'est peut-être
l'intention mais vous me permettrez, avec tout le respect que je vous dois, de
vous indiquer que je ne suis pas prêt à partager votre... Je ne
suis pas sûr qu'un tribunal en viendrait à cette
interprétation. Vous le savez comme moi. S'il y a moyen de clarifier la
situation, nous sommes dans le cadre d'un avant-projet de loi, s'il y a un
moyen de le dire clairement, disons-le clairement. C'est surtout cela. Cette
question portait simplement sur cet aspect.
Mme Harel: C'est vraiment un débat qui, de toute
façon, va se poursuivre parce qu'on est à la phase exploratoire.
La question qui se pose, me dit-on, c'est la suivante: est-ce que l'avis
d'intention est un recours ou non?
M. Pineau: Cela fait partie du processus du recours.
Mme Harel: Alors, si on a des questions très graves, vous
voyez... Cela n'a l'air de rien, mais n'empêche que le législateur
doit chercher à exprimer le mieux possible l'intention qu'il a. Ce que
vous voulez, en termes pratiques, pour qu'on se comprenne, c'est que la
renonciation à l'hypothèque légale soit prohibée.
C'est cela que vous voulez obtenir?
Des voix: Exactement.
Mme Harel: Que ce soit dit le mieux possible, mais que ce soit
finalement l'effet qui soit obtenu, qu'il soit interdît de demander
à renoncer à son hypothèque légale. Pensez-vous que
cette prohibition pourrait nuire aux possibilités de financement?
M. Nolet: Le problème, je pense, c'est que les personnes
qui sont les plus touchées dans cela, c'est souvent le plus petit
entrepreneur. C'est lui qui est menacé le plus souvent. Une personne ou
une entreprise qui est bien structurée va avoir des contrats de plus
grande valeur et elle peut se défendre, mais c'est le petit, souvent
juste pour une construction résidentielle, qui sera menacé parce
qu'on va lui dire: Tu dois renoncer au privilège sinon la banque ne
déboursera pas d'argent. C'est surtout pour protéger ces
gens-là; pour les contrats plus élevés, M. Roger Gosselin
pourrait peut-être répondre.
M. Gosselin: Pour répondre directement à votre
question, je dirais que ce serait un problème d'ajustement, tout
simplement. C'est que l'institution financière ou la compagnie
prêteuse prendrait des moyens autres que de décharger ses
responsabilités sur tout le monde; elle s'occuperait de voir à ce
que les montants d'argent aillent à ceux qui ont travaillé, je ne
sais pas, mais par des formules assermentées ou quoi que ce soit,
n'importe quel autre moyen. Elle s'occuperait de se faire certifier ou
émettrait des chèques conjoints, tout simplement, selon les
travaux qui ont été exécutés. Ce sont des
possibilités à envisager. Ce serait tout simplement une question
d'ajustement. Quant à savoir si les prêts seraient plus diffiles
à obtenir, je ne le crois pas. Quand elles ont de l'argent à
prêter, elles trouvent le moyen de le prêter.
Mme Harel: Dans l'avant-projet de loi, il y a une disposition qui
prévoit qu'il peut y avoir cession de prioriété. Alors,
à défaut de vous faire renoncer, est-ce que l'institution ne
serait pas désireuse de faire céder priorité?
M. White: Si vous permettez, la renonciation et la cession, c'est
la même chose. Alors, quand on parle de renonciation dans le
mémoire, pour nous, si on renonce à notre rang prioritaire, en le
cédant, on y renonce. Alors, quand on parle de renonciation, c'est la
cession. Pour que ce soit bien clair, la renonciation, la cession, tout autre
mécanisme juridique possible inventé par les banques, les caisses
populaires ou quoi que ce soit qui feraient en sorte d'amener cela, on veut
éviter ce genre de problème...
M. Gosselin: D'ailleurs...
M, White: ...pour que ce soit déclaré d'ordre
public.
M. Gosselin: ...au cours des années, c'est ce qui s'est
passé. Antérieurement, c'était une renonciation à
l'enregistrement du privilège tel quel; aujourd'hui, c'est tout
simplement un changement de rang, une cession de priorité. C'est ce qui
se passe aujourd'hui.
Mme Harel: Bien. Écoutez, d'une certaine façon,
cela peut vous étonner, mais je suis dans la même situation que
mon collègue de Marquette. Évidemment, on pourrait vous poser
toute les autres questions qu'on a posées à vos collègues
du secteur de l'habitation, mais on connaît quasiment à l'avance
vos réponses. Alors, il me reste à vous remercier pour vous
être déplacés et être venus. Je pense que chaque fois
qu'un organisme vient, c'est une sorte de confiance qu'il fait dans les
institutions. Je pense qu'il est important que l'échange ait eu lieu. Je
vous remercie d'être venus devant la commission.
Une voix: Merci.
M. Bureau: M. le Président, les remerciements sont
mutuels. J'ose espérer que la confiance que les organismes mettent dans
les institutions est aussi mutuelle, que les institutions mettent autant de
confiance dans les organismes qui viennent faire leurs représentations
au nom de l'entreprise de la construction, laquelle, à mon avis, est
constituée, en grande majorité, de petites entreprises. On l'a
mentionné tout à l'heure, plus petite la construction est, plus
petites les entreprises sont. Ce sont elles qui paient la note et ce sont
celles-là qui ne peuvent pas se permettre des professionnels pour tenter
de défricher les ambiguïtés d'une loi. Comme on l'a
mentionné tout à l'heure, tentons donc de trouver les moyens les
plus simples pour procéder. Ce n'est pas la multinationale qui a besoin
d'un projet de loi comme celui-là, elle a les professionnels pour
veiller à son pain et à son grain. Ce sont... À mon avis,
je tente de représenter la petite et la moyenne entreprise dans
l'industrie de la construction. J'ose espérer que c'est de cette
façon que vous avez prêté l'oreille à toutes les
représentations qui vous ont été faites depuis deux jours.
Je vous remercie, une fois de plus, pour votre bonne attention. Je vous
permettrai de prendre congé... On vous permettra de prendre congé
une heure ou deux avant...
Le Président (M. Marcil): Nous allons ajourner à
demain, 9 h 30. Est-ce que vous auriez quelque chose à ajouter?
M. Nolet: M. le Président, simplement, au nom de la CMEQ,
merci de votre attention. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 5)