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(Neuf heures quarante-trois minutes)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je déclare la séance ouverte. J'aimerais souhaiter la
bienvenue à tous les membres de cette sous-commission. Ce n'est pas la
commission des institutions, c'est une sous-commission dont le mandat sera
d'entendre plusieurs groupes qui sont déjà inscrits à
cette sous-commission.
J'aimerais rappeler le mandat de la sous-commission qui est, d'abord, de
procéder à une consultation générale et de tenir
des auditions publiques dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de
loi sur la Loi portant réforme au Code civil du Québec, du droit
des sûretés réelles et de la publicité des droits.
Il n'y a aucun remplacement, Mme la secrétaire?
La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement, M. le
Président,
Le Président (M. Marcil): Le premier groupe que nous
recevons ce matin est le Barreau du Québec. Avant de faire les
présentations, nous allons permettre aux deux partis de faire les
remarques préliminaires. Ensuite, je vous inviterai à vous
identifier et à procéder à la lecture de votre
mémoire. M. le ministre, à vous la parole, si vous avez quelques
remarques préliminaires.
Remarques préliminaires M. Herbert Marx
M. Marx: Oui, merci, M. le Président. Je suis heureux de
prendre la parole le premier à cette séance de la sous-commission
des institutions. Cette sous-commission recevra les commentaires et les
suggestions d'un grand nombre de personnes et d'organismes sur l'avant-projet
de loi, que j'ai déposé en décembre 1986, intitulé
Loi portant réforme au Code civil du Québec, du droit des
sûretés réelles et de la publicité des droits.
Je souhaite donc la bienvenue à tous les membres de la
sous-commission. Je remercie tous ceux qui ont bien voulu nous présenter
des mémoires. Le gouvernement est toujours heureux d'obtenir la
collaboration de ceux qui sont intéressés par un projet de loi
donné que nous présentons devant l'Assem- blée nationale
et, plus particulièrement, quand il s'agit d'une tranche importante du
-Code civil.
Je veux aussi profiter de l'occasion qui m'est offerte pour rappeler aux
membres de la sous-commission et au public en général que
l'objectif que je me suis fixé, lorsque le présent gouvernement
est arrivé au pouvoir à la fin de 1985, sera respecté. En
effet, je prévois déposer un autre avant-projet de loi au mois de
décembre prochain, projet de loi qui portera réforme au Code
civil du Québec du droit des obligations. Je souligne que c'est un
avant-projet de loi.
Cet important projet comportera au-delà de 1700 articles. Une
commission parlementaire sera tenue sur ce chapitre aux environs du mois de
septembre 1988. Donc, si vous pensez prendre des vacances au mois de septembre
1988, ce sera peut-être bon de changer vos projets.
Par la suite et vraisemblablement au printemps de 1989, je
déposerai un dernier avant-projet de loi portant réforme au Code
civil du Québec du droit de la preuve, de la prescription et du droit
international privé. Donc, la sous-commission parlementaire, la
dernière, sera vraisemblablement tenue à la fin de l'année
1989.
Cela terminera l'ensemble des avant-projets de loi que j'avais promis de
déposer pour compléter la réforme du Code civil. Toutes
ces sous-commissions parlementaires ayant été tenues et tous les
rapports présentés et étudiés, le gouvernement
pourrait reprendre l'ensemble de ces avant-projets de loi pour présenter
un projet de loi définitif au cours de l'année 1989 et tenir,
cette fois, une sous-commission ou une commission parlementaire qui
étudiera la globalité du projet, article par article. Cela
complétera, comme d'ailleurs je l'ai promis, l'ensemble des travaux de
réforme du Code civil du Québec.
M. le Président, je rappelle encore une fois cet
échéancier de travail, parce qu'il m'apparaît important et
aussi parce qu'il me permettra d'atteindre l'objectif visé, soit celui
de doter les Québécois du nouveau Code civil pour 1989. Nous
sommes conscients qu'il est nécessaire de finir cette réforme du
droit civil, parce que ce sont tous les citoyens et toutes les citoyennes du
Québec qui en bénéficieront.
Pour arriver à respecter cet échéancier,
j'ai obtenu la collaboration étroite de mon adjoint
parlementaire, le député de Marquette, Me Claude Dauphin, qui a
assumé cette responsabilité du dossier de la réforme du
Code civil. En effet, comme vous le savez, c'est lui qui va piloter en
sous-commission parlementaire les travaux sur les différents projets de
loi relatifs à la réforme du Code civil. J'imagine que c'est Mme
Harel qui va piloter ce projet pour l'Opposition, comme elle l'a
déjà fait pour le gouvernement; donc, c'est à peu
près la même équipe, quoiqu'on ait changé de place.
Sur le fond, je ne pense pas que cela change vraiment grand-chose.
Qu'il me soit permis également, M. le Président, de
rappeler aux membres de cette commission qu'en janvier 1987, j'ai formé
un comité spécial pour étudier la question des droits
économiques des conjoints. Nous avons l'intention de déposer
bientôt un projet de loi en cette matière qui viendrait
compléter la réforme du droit de la famille.
Encore une fois, si je rappelle tous ces faits, ce n'est pas pour
minimiser l'importance du projet qui est devant nous aujourd'hui, mais bien
pour démontrer que la volonté du gouvernement de terminer la
réforme du Code civil est toujours présente et qu'elle se
concrétise de plus en plus.
Mais je termine là-dessus pour revenir à l'avant-projet de
loi qui nous occupe, c'est-à-dire l'avant-projet de loi qui touche les
sûretés réelles et la publicité des droits. Cet
avant-projet de loi est d'une importance capitale parce qu'il touche à
la fois le régime des sûretés et le régime de la
publicité des droits. Le régime des sûretés met en
jeu des sommes énormes. II intéresse à la fois les
créanciers et les débiteurs. Les premiers voulant que les sommes
d'argent prêtées soient bien garanties, et les seconds, qui ne
veulent pas être exploités par les créanciers. Le projet de
loi que nous soumettons propose donc un régime des sûretés
équitable et favorise la justice contractuelle. Quant au régime
de la publicité, il vient rendre publiques les sûretés qui
affectent les biens des individus et vient au secours de tous ceux qui
acquièrent des droits sur ces biens. Il vient aussi rendre publics les
droits immobiliers, c'est-à-dire tous les droits réels qui
affectent les immeubles du territoire du Québec. Le régime de
publicité proposé aura comme résultat pratique qu'une
personne pourrait se fier aux registres immobiliers tels qu'ils
apparaîtront dans les bureaux d'enregistrement à une date
donnée. Cette personne pourra s'en reporter à ce qui est inscrit
dans les registres, lesquels registres pourront être consultés
facilement et efficacement.
Qu'il me soit permis de vous rappeler quelques-uns des points majeurs de
cette réforme du droit des sûretés et de la
publicité des droits. En matière de sûretés
réelles, le projet de loi comprend plusieurs nouveautés. Tout
d'abord, il réduit considérablement le nombre des
privilèges qui affectent le gage commun des créanciers,
c'est-à-dire le patrimoine d'une personne, qu'elle soit une personne
physique ou une personne morale.
En second lieu, le projet crée l'hypothèque
mobilière qui n'existait pas dans notre droit jusqu'à maintenant,
récupère les dispositions de la Loi sur les cessions de biens en
stock, les dispositions de la Loi sur les pouvoirs spéciaux des
corporations et met à la disposition des prêteurs et emprunteurs,
surtout ceux qui exploitent une entreprise, quels que soient les
véhicules nouveaux de crédit comme l'hypothèque ouverte,
l'hypothèque de créance et l'hypothèque mobilière
avec ou sans dépôt de cession.
En troisième lieu, le projet unifie les procédures des
divers recours hypothécaires ouverts aux créanciers, supprime la
rétroactivité des dations en paiement et propose un nouveau moyen
de réaliser les biens des débiteurs hypothécaires, soit la
vente sous contrôle de justice. Cette dernière, selon nous, sera
plus efficace que la vente en justice et rapportera un meilleur prix, tout cela
étant à l'avantage du débiteur bien sûr, comme la
disposition de la rétroactivité de la dation en paiement, sans
nuire au droit des créanciers. Je ne cache pas non plus ici mon
rôle de ministre responsable de la Protection du consommateur qui m'a
beaucoup influencé en vous présentant ces nouvelles
dispositions.
En matière de publicité des droits, le projet de loi n'a
pas retenu la proposition de l'Office de révision du Code civil de
confier la responsabilité de certifier les titres de
propriété au régistrateur, mais vise plutôt à
donner une plus grande certitude au registre retenu par le registrateur. La
responsabilité des titres demeurera donc fondamentalement celle de
l'avocat et du notaire. Par ailleurs, le projet établit un
contrôle efficace des inscriptions au registre et édicté
une présomption d'exactitude des inscriptions qui y sont faites.
D'autre part, notre système d'enregistrement actuel qui est un
système d'enregistrement de documents - je souligne de documents - est
aussi profondément transformé, en ce sens qu'il deviendra un
système d'enregistrement de droits. Pour cette raison, tout
enregistrement se fera par sommaire. On ne gardera plus les documents. Il en
résultera évidemment une grande économie d'espace et une
consultation facile. La mécanisation pourra se faire plus
commodément.
Enfin, signalons, en matière de droit immobilier, que la
rénovation cadastrale est un prérequis d'un système
efficace de publicité des droits immobiliers. À cette fin, le
gouvernement entend mettre l'accent sur
cette rénovation cadastrale réclamée par les
praticiens du droit, les municipalités et par tous ceux qui touchent,
par leur profession, cette sphère importante du droit. Nous n'avons pas
non plus, M. le Président, oublié les personnes qui sont
appelées à consulter les registres au Bureau d'enregistrement, ni
celles qui veulent y recueillir des renseignements concernant des parcelles
cadastrales. En effet, nous prévoyons, pour chaque lot cadastré,
que le dossier immobilier comprendra en format réduit le plan de l'eau
concernée, la fiche immobilière sur laquelle seront faites toutes
les inscriptions découlant des actes enregistrés et une autre
fiche de renseignements utiles, tels l'adresse, l'évaluation et la zone
municipale de chacun de ces lots, comme le prescriront éventuellement
les différentes lois municipales. Je laisse à mon
collègue, adjoint parlementaire, le député de Marquette,
le soin de vous expliquer davantage les objectifs et la portée de ce
projet de loi.
Cependant, en terminant, je tiens encore une fois à vous dire que
nous sommes fiers de vous présenter ce projet. Nous sommes heureux de
pouvoir recevoir les rapports et les commentaires de tous ceux que nous allons
entendre maintenant, et que je remercie une autre fois. Pour nous, c'est
très important de faire cette sous-commission et d'entendre les
intervenants sur l'avant-projet de loi avant de déposer un projet de loi
complet, un projet de loi qui sera repris avec les autres et adopté - je
me répète - pour me convaincre davantage que le tout devrait
être prêt en 1989, parce qu'après cela, je ne peux pas vous
promettre ce qu'il va arriver. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre,
député de D'Arcy McGee. Maintenant, j'inviterais Mme la
députée de Maisonneuve, porte-parole de l'Opposition en cette
matière.
Mme Harel: Oui, M. le Président. Avec plaisir. À
moins que le député de Marquette...
Le Président (M, Marcil): À moins que M. le
député de...
Mme Harel: ...ne veuille intervenir immédiatement dans
l'enveloppe de temps qui est dévolue à sa formation
politique.
M. Dauphin: Je n'ai pas d'objection, M. le Président, sauf
que...
Le Président (M. Marcil): Comme vous le voulez.
M. Dauphin: On peut y aller tout de suite et ensuite Mme la
députée de Maisonneuve ira.
M. Marx: On va se compléter comme cela...
M. Dauphin: On va...
M, Marx: Le député de Marquette et moi, cela va
vous donner l'occasion de...
Mme Harel: Vous êtes entier en vous-même.
Une voix: ...d'y répondre. M. Marx: C'est cela.
Le Président (M. Marcil): Donc, j'inviterais le
député de Marquette, adjoint parlementaire à la Justice,
à compléter l'exposé du ministre.
M. Claude Dauphin
M. Dauphin: D'accord. Merci M. le Président. Je vais lire
un peu rapidement pour ne pas abuser de la patience de nos invités.
M. le Président, il me fait grand plaisir d'agir en cette
commission à titre d'adjoint parlementaire du ministre de la Justice, M.
Marx. Nous sommes aujourd'hui réunis afin de poursuivre le processus
d'étude déjà amorcée du projet de loi sur les
sûretés réelles et la publicité des droits
correspondant aux livres sixième et neuvième du Code civil du
Québec. Ce projet représente un autre volet de la réforme
de notre Code civil entreprise par voie législative en 1980. Cette
opération d'envergure, lorsqu'elle sera complétée, en
1989, aura permis de doter cette province d'un nouveau Code civil par la
révision en profondeur des règles de notre droit privé et
commun, de manière à les adapter aux besoins de notre
société. Devant l'importance que revêt cette
réforme, le Code civil étant la pièce maîtresse de
notre droit, j'exprime ici le voeu à l'instar de mes collègues
que les travaux qui auront cours en cette commission - sous-commission,
plutôt - ne soient en aucune façon imprégnés de
partisanerie politique.
J'aimerais également profiter de l'occasion qui m'est offerte
pour féliciter ceux qui ont participer à l'élaboration des
mémoires devant être présentés en cette
sous-commission, lesquels se distinguent par l'intérêt qu'ils
suscitent et par la qualité des arguments soulevés. Ces derniers
nombreux témoignent de l'importance reconnue à cette
matière: les sûretés réelles et ta publicité
des droits. (10 heures)
Nous croyons que les petites, moyennes et grandes entreprises, moteur
important de notre vitalité économique collective, tout comme te
consommateur, seront adéquatement servies par l'implantation de
cette
réforme. Rappelons qu'en matière des sûretés,
la recherche d'une plus grande égalité entre les divers
créanciers est un principe fondamental.
En effet, idéalement, les créanciers d'un même
débiteur devraient se retrouver sur un pied d'égalité
lorsque survient le moment d'être payés sur l'ensemble des biens
de ce débiteur. L'avant-projet de loi maintient cette règle avec
certains aménagements qui peuvent se justifier.
Dans le droit actuel, un bon nombre de créanciers jouissent d'une
priorité de rang dans la distribution du produit de la
réalisation des biens d'un débiteur par le biais des
privilèges et des hypothèques. À cet égard,
l'avant-projet de loi réduit au strict minimum le nombre de
privilèges. Ainsi, seules les créances prioritaires
énumérées à l'article 2807 du projet sont
maintenues sans enregistrement. Elles touchent notamment les frais de justice
et toutes les dépenses faites dans l'intérêt commun, les
créances des municipalités et des commissions scolaires pour les
taxes sur les immeubles qui y sont assujettis ainsi que les créances de
l'État pour les impôts et les taxes.
Ces créances qualifiées de privilège sous le code
actuel s'appellent, désormais, des créances prioritaires.
Certaines créances privilégiées du code actuel deviennent
des hypothèques légales, telles les créances de
l'État pour taxes et impôts, les droits et créances des
personnes qui ont participé à la construction ou à la
rénovation d'un immeuble, la créance du syndicat des
copropriétaires pour le paiement des charges communes et des
contributions au fonds de prévoyance ainsi que l'actuelle
hypothèque judiciaire.
Cette transformation signifie que, dorénavant, ces
créances devront être enregistrées. C'est donc la date de
leur enregistrement qui leur conférera leur rang. Par ailleurs, ces
hypothèques légales seront soumises au même recours que les
autres hypothèques en général.
Outre l'hypothèque légale, le droit actuel prévoit
l'hypothèque conventionnelle et l'hypothèque judiciaire.
L'avant-projet de loi assimile l'hypothèque judiciaire à
l'hypothèque légale. Quant à l'hypothèque
conventionnelle, elle s'enrichira de quelques ajouts. L'on sait pertinemment
que le droit québécois connaît d'autres types de
sûretés réelles, telles le gage, les sessions de biens en
stock, les garanties consenties en vertu d'un acte de fiducie et les divers
nantissements, soient agricoles, forestiers, commerciaux. L'avant-projet
transforme toutes ces sûretés en hypothèques
conventionnelles. Cette façon de procéder simplifie
considérablement les concepts et regroupe l'ensemble des règles
applicables. Cette nouvelle conception de l'hypothèque est
accompagnée de plusieurs nouveautés. Soulignons, entre autres,
l'hypothèque modifiée, t'hypothèque ouverte,
l'hypothèque de créance ainsi que la reconnaissance de la
légalité d'une stipulation de taux d'intérêt
variable.
Quant à l'hypothèque mobilière maintenant, cet
avant-projet de loi se caractérise également par l'adoption d'une
des principales propositions de l'Office de révision du Code civil, soit
la création de l'hypothèque mobilière. Actuellement, comme
vous le savez, le Code civil ne permet l'enregistrement d'une hypothèque
qu'à l'égard d'un immeuble. Il s'agit donc d'une modification
importante aux droits québécois des sûretés.
L'avant-projet de loi comporte, toutefois, certaines restrictions
à la constitution d'hypothèque mobilière, en particulier,
en regard des individus qui voudraient profiter de cette nouvelle
sûreté. Ainsi, seule la personne qui exploite une entreprise peut
consentir une hypothèque sur une universalité de biens ou sur des
choses mobilières corporelles représentées par un
connaissement, un reçu ou un autre type négociable.
Notons, à ce sujet, que cette personne pourrait être une
personne physique ou morale et l'entreprise qu'elle exploite pourrait
être à caractère commercial ou non.
Par contre, un individu, c'est-à-dire une personne physique, qui
n'exploite pas une entreprise ne pourra consentir une hypothèque sans
dépossession que sur un bien déterminé qu'elle acquiert.
On désirait ainsi restreindre la capacité des individus à
consentir une hypothèque mobilière en raison des risques d'une
hausse du taux d'endettement sur ceux-ci.
Cependant, rien dans l'avant-projet de loi n'empêche le
particulier de consentir une hypothèque mobilière avec
dépossession, formule qui correspond de toute manière au gage
actuel.
En résumé, sur ce point, l'hypothèque
mobilière peut avoir lieu avec ou sans dépossession du meuble
hypothéqué.
Quant au recours, maintenant, dans le domaine de divers recours
hypothécaires ouverts aux créanciers, l'avant-projet de loi
opère une véritable unification des dispositions communes, telles
que les conditions générales d'exercice et les formalités
préalables se retrouvent à tous les recours; ainsi le
créancier hypothécaire dont le rang est antérieur peut
exercer son recours par priorité à ceux qui viennent après
lui. Ces recours sont exercés contre le propriétaire du bien ou
contre l'administrateur du bien d'autrui qui détient le bien et en a la
maîtrise.
Quant aux formalités préalables à l'exercice des
recours, le créancier doit signifier un avis de son intention au
débiteur
et, le cas échéant, au tiers détenteur contre
lequel il entend exercer son recours.
Au sujet des recours eux-mêmes, certains sont communs aux
créanciers prioritaires et hypothécaires. Nous faisans
référence ici au délaissement et à la vente sous
contrôle de justice, ce dernier recours constituant un nouveau moyen
proposé au créancier prioritaire ou hypothécaire pour
réaliser les biens de son débitant.
D'autres recours sont réservés exclusivement au
créancier hypothécaire. On pense ici à la prise de
possession, à la prise en paiement et à la vente par le
créancier. Nous sommes convaincus que cette unification des recours
donnera aux créanciers des moyens plus efficaces pour réaliser
leur garantie et offrira au consommateur une plus grande protection, en ce sens
qu'un plus grand nombre de créanciers pourront être payés
avec le produit de la vente des biens de ce consommateur.
Le livre sur la publicité des droits aborde la question de
l'enregistrement des droits réels et des droits personnels immobiliers.
Il complète le livre des sûretés. L'adoption des
propositions qui y sont contenues sous-tend l'adoption d'une éventuelle
loi sur l'enregistrement pour donner suite à ses propositions et pour
les compléter. Comme le soulignait M. le ministre, l'avant-projet de loi
a choisi de donner une plus grande certitude aux registres tenus par le
registrateur au lieu de confier à ce dernier la responsabilité de
certifier les titres de propriété. L'avant-projet de loi confirme
donc la responsabilité des avocats et des notaires en regard des titres
de propriété. Dans la même veine, le projet de loi est
basé sur le principe de la foi absolue dans les registres. Plus
précisément, il repose sur le principe que toute personne peut se
fier aux registres, tels qu'ils apparaissent à un certain moment
donné.
En terminant, permettez-moi également d'insister sur les
profondes modifications que subira notre système d'enregistrement des
droits. En effet, le système proposé tend vers un système
d'enregistrement des droits plutôt que vers un système
d'enregistrement de documents. Ainsi, contrairement au droit actuel,
l'enregistrement par dépôt d'un sommaire deviendra la règle
générale et l'enregistrement du document deviendra
l'exception.
Finalement, je veux ajouter que notre projet de loi est perfectible et
que nous apprécions beaucoup le travail de tous ceux qui ont bien voulu
nous présenter des mémoires. Ceux-ci nous permettront de faire
les ajustements qui s'imposent. Vous aurez ainsi contribué à la
bonification de ce projet de loi important. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. le
député de Marquette et adjoint parlementaire du ministre de la
Justice. Maintenant, j'inviterais Mme la députée de Maisonneuve,
porte-parole de l'Opposition, à faire ses remarques
préliminaires.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais,
moi aussi, m'associer aux propos tenus par le ministre de la Justice et
à ceux de son adjoint parlementaire pour féliciter à mon
tour les organismes et les personnes qui, au rythme d'enfer qu'on va
connaître pendant ces deux prochains jours, vont présenter leurs
recommandations et leurs suggestions quant à l'avant-projet de loi. Je
veux d'abord saluer l'équipe de juristes - ainsi que le ministre de la
Justice et son adjoint - avec laquelle j'ai eu le plaisir de travailler
étroitement. Je connais leur grand dévouement et leur profonde
compétence. Je suis contente que Me Pineau se soit joint à cette
équipe, ainsi que Me Cossette et Me Longtin. Également, je veux
remercier le ministre d'avoir consenti à l'Opposition des services
professionnels de grande qualité pour l'étude de cet important
domaine de notre Code civil. Je constate que je bénéficie
à mon tour de l'altruisme du gouvernement précédent
à l'égard du porte-parole de l'Opposition d'alors et je me
félicite que cette attitude demeure. Je n'ai pas de prétention en
matière de droit des sûretés, mais quelques principes,
évidemment, et une certaine conception de l'équité.
J'entends soutenir les efforts qui seront faits par les membres de la
commission ainsi que par le ministre de la Justice dans !a poursuite de ce
qu'il a appelé la justice contractuelle. Je crois que c'est certainement
là l'objectif que nous devons viser par nos travaux.
Je voudrais vous présenter immédiatement Me Claude
Melançon ainsi que les personnes qui ont travaillé avec lui. Ces
personnes, qui l'accompagnent, sont toutes du bureau de_ Guy & Gilbert. Il
y a Me Pierre Gariépy, Me Mario Saint-Pierre et Me Manon Drouin, qui
seront avec nous pour les présents travaux. M. le Président, je
dois vous dire que je n'aurais pas la même assurance, à
l'ouverture de nos travaux, ce matin, si je ne les avais pas eus à mes
côtés durant tout l'été pour bien me préparer
à faire face à cet important dossier.
M. le Président, je voudrais profiter d'abord de l'occasion qui
m'est donnée ce matin pour constater - je pense que cela ne fera pas
grief au ministre de la Justice -que le rythme d'avancement des travaux que
nous connaissons depuis bientôt deux ans est équivalent à
celui qu'a connu te précédent gouvernement que, pourtant,
l'actuel ministre de la Justice jugeait très sévèrement
comme
étant beaucoup trop lent à l'époque, mais
dont...
M. Marx: ...
Mme Harel: Oui, mais nous sommes seulement à nos remarques
préliminaires.
Je profite d'ailleurs de l'occasion pour souhaiter que soit
déposé dans les meilleurs délais le rapport du
comité que le ministre a mis sur pied pour examiner toute la question de
fond des droits économiques des conjoints. Je veux profiter de
l'occasion pour lui rappeler d'ailleurs que si un seul exemple était
nécessaire pour le convaincre de ne pas adopter en matière de
mise en vigueur une attitude trop rigide, c'est bien l'exemple du droit de la
famille. Je pense qu'à bien des points de vue, il est certainement
souhaitable que tout l'édifice de la réforme du Code civil soit
parachevé avant que l'une ou l'autre de ses parties ne soient mises en
vigueur, mais cette règle doit souffrir des exeptions majeures. Les
bouleversements dans les rapports sociaux et particulièrement ce qu'on
appelle la renégociation dans les rapports entre les hommes et les
femmes dans notre société commande une certaine
célérité dans la mise à jour de notre Code civil.
Le ministre a, à quelques reprises et avec raison, souhaité que
des modifications importantes puissent être apportées au livre sur
ta famille dont la réforme fut pourtant complétée et mise
en vigueur dès 1979. Alors, nous disons - je le dis au nom de
l'Opposition et je le dis aussi en mon nom personnel pour l'expérience
que j'en ai eu -au ministre de prendre garde, en matière du droit des
personnes comme en matière du droit de la famille, d'assujettir la mise
en vigueur d'une réforme qui s'impose pour nos concitoyens et qui est
ressentie comme telle au calendrier de nos travaux parlementaires.
Malgré toute la bonne volonté que l'on peut y mettre, le ministre
peut compter entièrement sur ma collaboration pour la réalisation
de son échancier parlementaire qui, d'autre part, est assujetti
lui-même à un échéancier électoral et
à bien d'autres objectifs que se fixe le gouvernement. Je l'invite, ce
matin, à reconsidérer sa décision de ne pas mettre en
vigueur la réforme complétée dans la loi 20 en
matière, en particulier, du droit des personnes.
Comme je le soulignais, en matière du droit des
sûretés, je n'ai aucune prétention mais quelques principes
et surtout cet objectif de justice contractuelle que nous allons poursuivre
durant cette session où les mémoires nous seront
présentés et également lors de l'étude article par
article du projet de loi.
Nous entendrons des dizaines de mémoires sur lesquels nous
pourrons interroger les personnes qui nous les déposeront, mais
l'inverse n'est pas évidemment possible. En commission parlementaire,
les organismes qui se présentent ne peuvent pas interroger le
gouvernement. D'une certaine façon, c'est là le rôle de
l'Opposition d'interroger le gouvernement sur ses intentions. Rapidement, je
pense qu'une des qualités que nous allons avoir à respecter
durant ces deux jours, c'est la ponctualité en matière
d'équité afin que tous les organismes aient un droit
d'écoute équivalent. Ce matin, j'aimerais poser un certain nombre
de questions qui reprennent essentiellement d'ailleurs les mémoires qui
nous seront présentés, mais que les organismes ne pourront pas,
eux, poser au gouvernement. Ces questions, je conçois qu'on n'y
réponde pas nécessairement durant les travaux de notre
présente sous-commission, mais le plus tôt possible, il serait
souhaitable d'avoir réponse à ces questions. Notamment, à
la lecture de l'avant-projet de loi, nous nous sommes étonnés du
fait que le gouvernement n'avait pas cru bon de retenir des
éléments importants qui se retrouvaient dans le rapport de
l'Office de révision du Code civil. Nous aimerions savoir pourquoi en
particulier... beaucoup d'intervenants qui ont soumis des mémoires
d'ailleurs s'étonnent que le gouvernement n'ait pas retenu la
disposition capitale qu'est la présomption d'hypothèque. Que
sert-il de définir et de délimiter des champs de
sûretés, des qualités essentielles pour les constituants,
des prohibitions pour protéger certains individus et consommateurs si on
laisse la porte ouverte aux créanciers de créer des
sûretés, y nommer et de circonvenir ainsi les mécanismes de
protection du consommateur. Également, nous nous étonnons de
l'absence de dispositions dans l'avant-projet de loi édictant que les
sûretés et les recours sont d'ordre public et qu'aucune
dérogation n'y est permise, comme l'a proposé d'ailleurs l'Office
de révision du Code civil. (10 h 15)
Également, M. le Président, nous considérons qu'un
point essentiel qui n'est pas traité par l'avant-projet de loi est le
sort réservé à la Loi sur la protection du consommateur et
aux dispositions protégeant le consommateur à la reprise des
biens. Nous pensons qu'il est capital que le public sache dès maintenant
si le gouvernement entend ou non laisser intacte la Loi sur la protection du
consommateur. Nous avons lu, également, avec beaucoup d'attention les
critiques contenues dans plusieurs mémoires quant aux articles 28, 41 et
suivants, qui limitent à certaines entreprises seulement le pouvoir, par
exemple, de créer des sûretés en matière
d'hypothèque mobilière. Nous pensons qu'il y a certainement lieu
d'examiner très attentivement tout ce nouveau domaine qui serait
introduit. Les restrictions sont-elles véritablement suffisantes pour
freiner les abus? Ce sont là évidemment des questions
extrêmement importantes auxquelles il nous faudra des
réponses étanches.
Il en va de même en matière d'hypothèque
légale de la construction. C'est pour nous une préoccupation
majeure que le sort réservé aux entrepreneurs et fournisseurs de
matériaux par l'avant-projet de loi. Nous nous interrogeons à
savoir pourquoi le gouvernement a-t-il écarté la solution de
rechange qui est proposée par l'Office de révision du Code civil.
Nous nous interrogeons sur le certificat de certification. Comme beaucoup de
mémoires, d'ailleurs, nous nous interrogeons sur l'utilité de ce
document. À quoi sert-il? Quels bénéfices rend-il? Quels
problèmes veut-il régler? Y a-t-il un problème à
régler? Lequel? N'y a-t-il pas d'autres solutions qui pourraient
être envisagées avant de choisir celles-là?
M. le Président, évidemment, c'est une liste qui
s'allonge, mais j'ai eu l'occasion de discuter avec l'adjoint parlementaire,
avant le début de nos travaux, je pense que le ministre de la Justice va
acquiescer à la demande d'une séance de travail qui
compléterait le dépôt des mémoires. Elle pourrait
avoir lieu au cours des semaines qui suivront. Elle nous permettrait d'avoir
l'éclairage juridique des propositions politiques qui sont contenues
dans l'avant-projet de loi.
Nous pensons qu'il en va en matière d'adoption du Code civil et
de l'étude que nous poursuivons, comme il en va en matière
d'adoption du règlement des travaux parlementaires. Je pense qu'aucun
gouvernement, quel qu'il soit, n'a procédé à des
modifications du règlement qui régit les travaux de
l'Assemblée sans rechercher à obtenir un consensus des partis.
Évidemment, l'unanimité des partis n'implique pas
nécessairement l'unanimité de tous les membres de
l'Assemblée, mais l'unanimité des partis a toujours
été recherchée et non pas seulement recherchée,
mais obtenue pour quelque modification que ce soit qui était
apportée à notre règlement qui régit nos
rapports.
Il est souhaitable qu'il en soit de même dans ce qui est
l'équivalent d'un règlement qui régit les rapports dans
une société et qui est notre Code civil. Il faut rechercher
l'unanimité des partis. Je crois que cela a été la marque
de commerce des travaux que nous avons complétés en
matière de réforme du droit des biens et des personnes. Je crois
qu'il faut souhaiter qu'il en soit ainsi. C'est dans cet esprit que nous
entendons offrir notre collaboration au gouvernement.
M. Marx: Juste un... Pas un...
Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. M. le ministre.
M. Herbert Marx (réplique)
M. Marx: Juste deux mots. Premièrement, j'aimerais
souligner, M. le Président, que quand j'étais critique de
l'Opposition en matière de justice, c'est vrai que j'étais
sévère pour le gouvernement précédent en ce qui
concerne l'adoption du Code civil du Québec. Mais c'était...
Mme Harel: Pour de bons motifs.
M. Marx: Non. ...pour de bons motifs, mais pour quelques
années, jusqu'au moment où la députée de
Maisonneuve a pris le dossier en main. Là, j'ai arrêté mes
critiques. Je pense que si vous allez voir le dossier, j'ai été
sévère à ce point envers le gouvernement, mais
après cela, je pense que je n'ai pas formulé de critique parce
que le gouvernement a fait plus de progrès quand il a donné la
responsabilité de ce dossier à Mme la députée.
Je suis tout à fait d'accord qu'il y a certaines réformes
qu'on pourrait peut-être faire au cours des mois prochains. Il ne faut
pas toujours donner comme excuse qu'on attend l'adoption du Code civil en 1989,
ou parce que ce serait dangereux. Je pense, par exemple, aux droits
économiques des conjoints. Et aussi, nous sommes en train
d'élaborer une nouvelle loi sur la curatelle publique qui touche le
droit des personnes. Il ne faut pas donner comme réponse qu'on ne peut
rien faire pendant des années parce qu'on est en train d'adopter le Code
civil. Effectivement, rien n'est , coulé dans le ciment et on va essayer
de faire des ajustements, de modifier des lois et d'adopter de nouvelles lois
comme sur les droits économiques des conjoints au cours des prochains
mois.
Juste en terminant, en ce qui concerne... Nous avons formé un
comité sur la réforme du droit. Comme cela a été
souligné, il y a Me Longtin, Me Cossette, Me Pineau et je ne veux pas
oublier le juge Chassé, qui fait aussi partie de ce comité. Il
nous apporte l'expérience d'un juge qui a siégé en
matière de droit civil. J'aimerais aussi souligner la présence de
Me France Fradette et de Me Albert Bélanger, qui ont aussi
travaillé sur ce projet.
Voilà. Je suis sûr que cette sous-commission va bien aller
et qu'elle va nous permettre d'adopter - je le rappelle pour la nième
fois - le code en 1989. De temps en temps, cela m'empêche même de
dormir. Merci.
Auditions
Le Président (M, Marcil): Merci, M. le ministre.
Maintenant, nous allons procéder à l'audition du premier groupe.
Auparavant, je voudrais rappeler quelques règles à suivre.
Comme l'a souligné tantôt Mme la députée de
Maisonneuve, nous avons un horaire très chargé. Donc, en tant que
président de cette sous-commission, je ferai en sorte de faire respecter
cet horaire. Je demanderais aux participants d'être précis dans
leurs questions lorsque le temps vous sera alloué pour intervenir. Je me
charge de faire en sorte que notre horaire soit respecté, puisque nous
en avons jusqu'à minuit ce soir et, demain également, pour
terminer vendredi après-midi. Certains groupes se sont
déplacés et nous ne voudrions pas être dans l'obligation de
les reporter au lendemain.
Le premier groupe que nous allons entendre est le Barreau du
Québec. Il est représenté par Me Michel Jolin,
bâtonnier du Québec; par Me Robert Godin, président de la
sous-commission du Barreau sur le droit des sûretés; par le
professeur Roderick Macdonald, doyen de la Faculté de droit de
l'Université McGill et personne-ressource de la sous-commission du
Barreau et par Me Suzanne Vadboncoeur, directrice du service de la recherche de
la législation du Barreau et secrétaire de la sous-commission sur
le droit des sûretés.
Je vous rappelle que les mémoires ont été lus par
l'ensemble des gens ici; donc, tous les membres de cette sous-commission ont lu
vos mémoires. Vous avez 30 minutes, ceci s'adresse également aux
autres intervenants qui sont assis derrière, pour exposer, faire la
synthèse ou résumer votre mémoire puis, ce temps
écoulé, les deux partis pourront intervenir sous forme de
questions. Soyez les bienvenus. Nous vous écoutons.
Barreau du Québec
M. Macdonald (Roderick A.): Merci, M. le Président, je
voudrais d'abord saluer les membres de cette commission et vous remercier
d'avoir accepter d'entendre le Barreau du Québec. Avant de céder
la parole au porte-parole du Barreau et à ceux qui ont
préparé ce mémoire, je voudrais faire un très bref
commentaire pour vous dire que depuis le début de cette réforme
du Code civil, le Barreau du Québec, y attachant une très grande
importance, a choisi parmi ses membres des experts pour conseiller le Barreau
et le gouvernement.
Parmi les préoccupations que nous avons, nous avons l'idée
ou nous retenons le principe que les amendements au Code civil doivent
s'ajuster à la réalité d'aujourd'hui, telle qu'elle se
vit. Nous sommes préoccupés de voir dans le futur, lorsque les
différents chapitres ou les différents livres du Code civil
auront été adoptés, qu'il y ait cohérence dans
l'ensemble des travaux de la réforme du Code civil. Nous vous
suggérons donc, comme commentaire préliminaire, de garder
à l'esprit que les différents livres et la réforme du Code
civil doivent s'harmoniser dans toutes leurs parties. Quant à la
position et au mémoire du Barreau, je vais céder la parole Me
Suzanne Vadboncoeur qui va résumer et vous indiquer les principales
propositions du Barreau sur ce sujet.
Le Président (M. Marcil): Me Suzanne Vadeboncoeur, nous
vous écoutons.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): M. le Président, mesdames et
messieurs les membres de la sous-commission, il nous fait plaisir de vous
présenter les principales recommandations et commentaires du Barreau du
Québec. Comme vous avez pu le constater, le mémoire se divise en
deux parties, chacune étant consacrée à un livre, soit le
livre sixième et le livre neuvième. Mon intention est de vous
résumer les commentaires généraux qui, finalement,
contiennent les points majeurs qui ont été discutés et les
problèmes les plus fondamentaux qui ont été
soulevés par les membres de la sous-commission du Barreau. Vous
constaterez aussi que, dans chacune des deux parties du mémoire, les
commentaires généraux sont suivis de commentaires particuliers
qui ne sont pas moins importants que les commentaires généraux.
Mais évidemment, compte tenu du temps dont on dispose et compte tenu du
nombre gigantesque d'articles que contiennent les deux livres, il nous est
impossible, à ce stade-ci, d'y faire référence. Mais on
pourra évidemment y revenir dans la période de questions qui va
suivre le présent exposé.
Alors, les commentaires généraux du livre sixième
touchent les priorités, la présomption d'hypothèque,
l'hypothèque légale dans le domaine de la construction, la forme
notariée de certains actes, les recours et l'uniformité du
langage. Dans les priorités, le Barreau a été un peu
déçu de constater que le gouvernement n'avait pas suivi la
position de l'office d'abolir tous les privilèges, comme l'ont
souligné tout à l'heure le ministre et son adjoint parlementaire.
Il y a certains des privilèges du Code civil qui ont été
repris dans les créances prioritaires. L'office avait
suggéré que la seule forme de garantie qui pouvait subsister pour
les créanciers était l'hypothèque et nous aurions
préféré que le gouvernement suive cette position. Dans
l'hypothèse où les créances prioritaires seront
maintenues, le Barreau croit qu'elles devraient se limiter à certaines.
Donc, les créances de ceux qui ont le droit à l'égard d'un
bien d'être remboursés des impenses devraient être abolies
et remplacées par un droit de rétention dont on recommande
d'ailleurs certaines dispositions dans la section III du titre premier.
La créance accordée à l'État nous
apparaît un peu exorbitante également parce
qu'elle fait l'objet, non seulement d'une créance prioritaire,
mais d'une hypothèque légale. On s'interroge sur les motifs qui
poussent le gouvernement à accorder un tel double privilège -
entre guillemets - à l'État pour les taxes et les impôts.
Étant donné le peu d'explications ou le peu
d'éclaircissements qu'on a sur la portée du mot État, on
peut supposer qu'il couvre tant les ministères, les
sociétés de la couronne que les organismes administratifs, ce qui
aurait pour résultat de rendre beaucoup trop large cette créance
prioritaire puisqu'elle inclurait non seulement les taxes et les impôts,
mais toutes les pénalités, amendes, frais, redevances et ainsi de
suite. On suggère donc de rétrécir cette créance
prioritaire de l'État à celle qui est prévue dans le droit
actuel, c'est-à-dire aux créances contre ses comptables. (10 h
30)
Ainsi, les priorités faisant l'objet d'une relative importance
dans l'avant-projet de loi, le Barreau suggère même d'en faire une
section du titre premier puisque, finalement, l'avant-projet de loi touche
beaucoup plus les hypothèques, que ce soient les hypothèques
conventionnelles ou les hypothèques légales, donc d'en faire des
dispositions sur les priorités simplement quelques articles d'une
section du titre premier.
La présomption d'hypothèque, comme l'a souligné la
députée de Maisonneuve, aurait dû, à notre sens,
être retenue par le gouvernement dans l'avant-projet. J'ai tout à
l'heure accroché à une remarque de l'adjoint parlementaire du
ministre de la Justice, en ce sens qu'il souhaitait que les créanciers
soient sur un pied d'égalité. C'est précisément le
but de la présomption d'hypothèque de placer tous les
créanciers sur un pied d'égalité et d'éviter que
certains créanciers, par le biais de clauses contractuelles, puissent
contourner les règles relatives à la publicité et au
recours qui sont prévues dans le chapitre des hypothèques.
Il y a plusieurs mémoires, à ma connaissance, qui
préconisent l'adoption de présomption d'hypothèque. Je
sais que nos confrères notaires appuient, nous appuient ou on les
appuie, en tout cas, sur cela, l'Association des banquiers, la même
chose, et ainsi que d'autres, je pense à la Commission des services
juridiques. Je pense que le gouvernement se doit de reconsidérer sa
position sur cela pour que vraiment il y ait un système
égalitaire qui se crée, en ce qui concerne les créanciers.
On pourra peut-être revenir plus tard sur les détails de la
présomption d'hypothèque.
L'hypothèque légale dans le domaine de la construction. Le
Barreau est loin d'être défavorable à ce qu'il y ait une
protection dans le domaine de la construction, sauf que la solution
envisagée par l'avant-projet de loi qui est, comme on le sait, une
hypothèque légale, nous apparaît nettement insatisfaisante.
Comme on te sait, dans ces projets de construction, ce sont les bailleurs de
fonds qui, la plupart du temps, détiennent la première garantie,
la première hypothèque, et de créer une hypothèque
légale pour tous ceux qui sont impliqués dans le domaine de la
construction, cela équivaut finalement à peu près à
rien; c'est un recours qui nous apparaît excessivement illusoire. Les
dispositions mêmes de l'avant-projet comportent en plus certaines
difficultés d'application, notamment celle de déterminer le rang
par rapport aux autres hypothèques conventionnelles, justement, cela
nous apparaît absolument difficile et compliqué d'application.
Donc, on demande à nouveau au gouvernement de revoir tout ce domaine de
la protection légale des gens qui sont impliqués dans la
rénovation et la construction d'immeubles, afin de leur accorder une
protection qui soit efficace et réaliste.
Le quatrième point concerne les recours. Le recours en
délaissement dont l'adjoint parlementaire a parlé un peu plus
tôt nous apparaît une réalité un peu bizarre dans
l'avant-projet de loi. On nous le présente comme un recours distinct et
comme un recours qui est ouvert à la fois aux créanciers
prioritaires et aux créanciers hypothécaires. On se demande un
peu comment le délaissement peut exister comme recours distinct. Cela
sert à quoi de prendre un recours en délaissement? Cela donne
quoi, s'il n'y a rien qui s'ensuit? Un créancier va demander à
son débiteur de délaisser le bien, mais il arrive quoi
après? II ne reçoit pas plus d'argent. Il ne réalise pas
plus sa garantie. Donc, cela nous apparaît vraiment impensable de
prévoir le délaissement comme étant un recours distinct.
On pourrait l'utiliser comme mesure préliminaire à l'exercice
d'autres recours. Mais encore là, le Barreau s'interroge
sérieusement sur l'utilité du recours en délaissement
comme mesure préliminaire à l'exercice d'autres recours. À
l'heure actuelle, le délaissement fait partie des conclusions ou des
conséquences d'un jugement sur un recours hypothécaire. On
s'interroge vraiment sur l'utilité de demander le délaissement,
par exemple, d'un immeuble alors que la vente pourrait être
réalisée seulement six mois ou un an après. D'une part, le
débiteur lui-même serait privé de la jouissance de son bien
pendant tout ce temps et, d'autre part, le créancier, lui-même,
étant donné que le projet de loi ne semble pas lui accorder
l'administration du bien pendant la période de délaissement,
perdrait également les fruits et les revenus de l'immeuble parce qu'il
n'a pas de pouvoir d'administration sur le bien délaissé.
Donc, on ne peut que conclure que le délaissement, finalement,
n'est pas utile aux
créanciers, sauf s'il est exercé comme recours strictement
hypothécaire. Je m'explique. D'abord, il ne peut être ouvert aux
créanciers prioritaires, ni comme recours distinct, ni comme mesure
préliminaire pour les raisons que j'ai mentionnées tout à
l'heure et, de plus, parce que les créanciers prioritaires, par
définition, ont un droit de créance. Ils n'ont pas de droit
réel sur les biens de leur débiteur. Donc, ils ne peuvent pas
sommer leur débiteur de délaisser un bien en particulier, vu que
leur créance porte sur le patrimoine de leur débiteur et non sur
un bien en particulier, à l'exception - je le mentionne tout de suite -
des municipalités et des commissions scolaires pour lesquelles on a
recommandé qu'elles aient un droit de suite sur les biens immobiliers du
débiteur en défaut.
Étant donné que le délaissement ne peut être
ouvert qu'aux créanciers hypothécaires, on s'est interrogé
sur la différence ou sur la pertinence de distinguer la prise de
possession du délaissement. Ce sont finalement deux façons pour
les créanciers d'être mis en possession du ou des biens, selon le
cas, de leur débiteur, mais sans en acquérir la
propriété. Vous le verrez en détail dans les commentaires
généraux, étant donné les lacunes et les
ambiguïtés qui existent, tant dans les articles sur le
délaissement que dans ceux sur la prise de possession, on a pensé
fusionner ces deux sections pour faire un recours amélioré,
recours strictement hypothécaire - je le répète - qui
serait intitulé "Le délaissement" afin d'éviter toute
confusion dans le langage.
Finalement, les recours face aux créanciers prioritaires. On a
établi que les créanciers prioritaires ne détiennent pas
de droit réel et n'ont pas de droit de suite sur les biens de leur
débiteur. Non seulement l'avant-projet de loi contient plusieurs
dispositions qui laissent supposer le contraire, mais également il
prévoit justement la formalité préliminaire à
l'exercice d'un recours d'un créancier prioritaire et la signification
d'un avis d'intention. Or, en vertu de l'article 2927, l'avis d'intention doit
sommer le débiteur de délaisser le bien en question. Encore une
fois, on s'interroge. Comment le créancier prioritaire peut-il sommer le
débiteur de délaisser le bien? Il n'y a aucune créance qui
porte sur un bien particulier. Ainsi, les recours prioritaires qui sont
prévus dans l'avant-projet de loi ne peuvent pas s'appliquer au
créancier prioritaire. Le seul recours qui serait ouvert au
créancier prioritaire, selon nous, est la vente en justice, tel que
prévu par le Code de procédure civile. Et la vente sous
contrôle de justice qui est prévue à l'avant-projet de loi,
étant donné qu'elle doit être précédée
d'un avis d'intention, ne pourrait être ouverte qu'au créancier
hypothécaire.
Indépendamment de la vente de gré à gré, le
créancier hypothécaire aurait donc deux moyens, deux
façons d'exercer la vente sous contrôle de la justice: en premier
lieu, d'obtenir jugement contre le débiteur de saisir et de vendre les
biens, en vertu du Code de procédure civile; en deuxième lieu, la
signification d'un avis d'intention au débiteur en défaut et la
vente sous contrôle de la justice, tel que le prévoient les
articles 2945 à 2952 de l'avant-projet.
À cause de ses positions de principe basées sur une
réalité juridique, le Barreau a recommandé de modifier pas
mal la structure de l'avant-projet de loi et, finalement, d'intituler tout le
domaine des recours, par exemple les dispositions communes aux recours
hypothécaires plutôt qu'aux recours en général
étant donné que, encore une fois, les recours prévus
à l'avant-projet de loi ne peuvent être ouverts qu'aux
créanciers hypothécaires.
Le cinquième commentaire touche la forme notariée de
certains actes. Encore là, nous avons puisé à plusieurs
endroits, notamment dans un rapport qui avait été fait en 1972
sur le notariat. Le Barreau est d'avis que, compte tenu de l'évolution
des modes de financement, compte tenu de l'évolution des
sûretés mobilières qui se sont multipliées depuis
plusieurs années, compte tenu du fait que la pratique veut que les
avocats s'occupent de plus en plus de droit immobilier et que les avocats
préparent même des actes réservés aux notaires,
compte tenu également que pour la protection du public le
législateur devrait non pas privilégier des chasses
gardées corporatives mais ouvrir à la population l'action aux
services juridiques en matière immobilière, le Barreau pense que
les hypothèques immobilières de même que les autres actes
dont la préparation est réservée aux notaires en vertu de
l'avant-projet de loi devraient donc pouvoir être faits également
par acte sous seing privé. Vous savez comme moi que les nantissements
commerciaux, agricoles et forestiers, les actes de fiducie, etc., peuvent
comporter des montants considérables. Le fait que cela puisse être
rédigé par un avocat ou fait par acte sous seing privé n'a
jusqu'à maintenant causé aucun problème, bien au
contraire. C'est une diversité et un choix plus important pour le
justiciable que de pouvoir consulter le professionnel de son choix.
Il faut aussi noter que dans les transactions commerciales importantes
où des négociations extrêmement détaillées
sont nécessaires, on peut même aller jusqu'à dire que le
notaire qui est censé être neutre pourrait même être
en conflit d'intérêts. Ces négociations doivent
nécessairement comporter, si vous voulez, la représentation de
chacune des parties par un conseiller juridique, qu'il soit notaire ou avocat,
peu importe. Il faut quand même que chacune
des parties soit représentée par un juriste dans ces
négociations, de sorte que la rédaction de ces actes par un
notaire qui représentait les deux parties pourrait même nuire
à ces parties plutôt que les aider. Autant les notaires ne
pourraient crier à un monopole quant à la négociation
justement de baux commerciaux et de transferts de droit de
propriété, autant ils ne peuvent pas et ils ne doivent pas
revendiquer un monopole dans le domaine des transactions immobilières.
(10 h 45)
Le dernier point en ce qui concerne le livre sixième est relatif
à l'uniformité du langage. On a mentionné à
plusieurs reprises dans le projet de loi et même ce matin dans les
remarques préliminaires l'expression "tiers détenteur".
L'expression "tiers détenteur" je crois que tous savent ce que cela veut
dire, on se réfère à l'expression "tiers détenteur"
telle qu'on la connaît en vertu du droit civil actuel et en vertu du Code
civil actuel. Sauf que le projet de loi 20 qui est maintenant une loi traite
l'expression "détenteur" dans un tout autre sens. Il y aura lieu de
faire attention justement dans le travail d'unification du projet final, en
1989, à cette uniformité de langage et à faire dire aux
expressions, à leur donner en tout cas une signification uniforme dans
chacun des livres du Code civil du Québec.
Donc, pour pouvoir reprendre la signification du Code civil actuel, on a
dû, nous, utiliser une espèce de périphrase qui peut rendre
le texte lourd, mais qui évite quand même la confusion qui peut
exister dans la signification des termes. On laisse le soin aux
rédacteurs de trouver peut-être une formule plus heureuse que la
périphrase que nous avons employée.
La deuxième remarque au niveau de l'uniformité du langage,
on a constaté à plusieurs reprises dans l'avant-projet que
tantôt une hypothèque grève un bien, tantôt elle est
créée sur un bien, tantôt elle porte sur un bien,
tantôt elle affecte un bien. Encore là, il serait peut-être
souhaitable d'avoir une certaine uniformité. D'autre part, quelquefois,
on constate que l'hypothèque prend effet, quelquefois elle est acquise,
quelquefois elle subsiste. Je pense que la remarque vaut pour ces expresssions
également.
Quant à la description des biens, on a encore une fois
malheureuement constaté un éventail absolument fantastique
d'exigences par rapport à la description de biens dans les actes
d'hypothèque. Par exemple, en matière d'hypothèque
mobilière, dans la même section, trois articles sur quatre
comportent des exigences complètement différentes. Il faudrait
peut-être, encore là, faire attention aux exigences que l'on veut
bien qu'un acte comporte.
Je vais aller rapidement maintenant dans le livre neuvième. Les
commentaires généraux touchent plusieurs aspects
généraux du nouveau régime d'enregistrement de même
que le report des droits. Dans le nouveau système d'enregistrement
à propos duquel d'ailleurs le Barreau est loin d'être
défavorable, au contraire, je pense que le fait de créer un
système dit objectif peut être extrêmement sain. D'autre
part, le fait qu'on nous ait confirmé tout à l'heure qu'il n'y
aurait plus de conservation des documents est un peu inquiétant dans la
mesure où les enregistrements se feront par dépôt d'un
sommaire et dans la mesure où ces sommaires, en tout cas, compte tenu
des dispositions actuelles de l'avant-projet, peuvent vraiment poser des
difficultés. Il faut quand même être conscient que si on ne
peut consulter les documents déposés et qu'on doit se fier
uniquement au sommaire, cela peut affecter drôlement les droits des
parties et elles peuvent se réveiller dans des situations juridiques
auxquelles elles ne s'attendaient absolument pas. Il faudrait être
prudent là-dedans. Quitte à trouver un moyen de microfilmage ou
microfichage ou je ne sais trop quel moyen on pourrait trouver, il nous semble
absolument essentiel que les documents déposés puissent
être consultés un jour ou l'autre par quiconque le requiert.
L'un des problèmes que suscite le nouveau régime
d'enregistrement, c'est qu'on ne sait pas exactement, mis à part
l'article 3341, en quoi consiste l'enregistrement. On dit que l'enregistrement
se réalise par le dépôt d'un sommaire ou de l'acte
lui-même et par une inscription au registre approprié. On emploie
l'expression "au registre approprié" au singulier; mais il y a d'autres
étapes que cela, il y a le registre des présentations et,
ensuite, le ou les autres registres, selon que l'acte en question doive
être enregistré dans le registre des droits personnels et
mobiliers et/ou le registre foncier. Donc, à partir de quel moment
exactement l'enregistrement est-il complété? C'est important,
compte tenu du rang que prennent les hypothèques. Le projet est assez
vague là-dessus. Alors, on a suggéré que l'article 3309
soit complété par l'assujettissement de son principe à
l'accomplissement des formalités ultérieures par le
régistrateur, notamment, la vérification et l'inscription dans
les autres registres appropriés.
Également, il y a certaines formalités qui sont
très lourdes de conséquence en ce qui a trait à la
responsabilité professionnelle des notaires et des avocats. Je fais ici
allusion aux articles 3325... 3335 et 3336. Je pense que c'est ceux-là.
Enfin, sur le fameux certificat dont parlait Mme la députée de
Maisonneuve tout à l'heure. Le fait qu'on exige des avocats, des
notaires et des arpenteurs-géomètres, d'ailleurs, de certifier
l'identité, la qualité des parties, l'adéquation
entre l'acte et la volonté, cela nous apparaît à peu
près impossible en pratique. D'abord, sur le plan de l'identité,
évidemment, n'ayant pas de carte d'identité officielle ici, on
doit se fier à la déclaration des individus sans quoi
évidemment une recherche approfondie de l'identité d'une personne
pourrait causer des enquêtes et même, jusqu'à un certain
point, des jugements déclaratoires.
L'identité corporative, le domicile d'une corporation,
également, peut être difficile à établir, Le
problème peut-être le plus délicat, c'est
l'adéquation de l'acte et de la volonté des parties. Si chacun
pouvait certifier de façon certaine, dans toutes les circonstances,
l'adéquation entre la volonté des parties et l'acte qui en
résulte, il n'y aurait plus de procès. Ce n'est pas pour rien
qu'il y a des procès. Il y a des problèmes
d'interprétation. Les gens n'interprètent souvent pas les mots de
la même façon. Les actes contiennent des clauses qui dans l'esprit
d'une partie veulent dire telle chose, alors que dans l'esprit du
cocontractant, ça ne veut peut-être pas dire le contraire, mais
souvent c'est le cas.
C'est extrêmement exigeant et impraticable de certifier cette
adéquation. Nos collègues notaires nous disent qu'eux, ils le
font constamment. Cela aussi reste à vérifier. Souvent, les
notaires, enfin, la Loi sur le notariat elle-même permet à un
notaire autre que le notaire instrumentant de recevoir la signature d'une des
parties. À ce moment, il est difficile de savoir si le notaire
instrumentant a effectivement vérifié auprès des deux
parties si ce qui se retrouve dans l'acte correspond vraiment à la
volonté de ces deux parties.
La complexité du sommaire est d'autant plus importante et
dangereuse et inquiétante que les gens devront se fier sur ce qui
apparaîtra au sommaire, puisque on nous dit que les documents ne seront
plus consultés au bureau d'enregistrement. Quand on nous dit à
l'article 3343 que le sommaire doit contenir dix points, dont, entre autres, la
nature du droit, le nombre, la quantité des biens de chaque
catégorie et de chaque qualité, c'est énorme. La nature du
droit et son étendue, cela veut dire quoi? Quand on a un acte de
fiducie, par exemple, qui peut contenir je ne sais pas combien de clauses qui
peuvent affecter les droits des parties, qu'est-ce qu'on indique dans le
sommaire? Quels droits? Il va falloir en indiquer plusieurs. Comment cela
va-t-il fonctionner? C'est quoi l'étendue d'un droit? Est-ce que c'est
un droit qui peut être soumis, par exemple, à une clause
résolutoire? Quelle est la nature exacte et l'étendue du
droit?
Le sommaire va donc comporter des difficultés pratiques
énormes. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, il faut
vraiment s'y attarder parce que c'est le principal instrument que les
justiciables auront pour constater les droits qui peuvent affecter les
immeubles ou les meubles qu'ils veulent acquérir. Les devoirs
imposés au registrateur nous apparaissent un peu dangereux dans la
mesure où le registrateur s'impose pratiquement en quasi-juge en
décidant de la conformité qui peut exister entre le sommaire et
les actes. Cela risque d'entraîner des délais et des coûts
très importants.
Enfin, le Barreau regrette que le gouvernement n'ait pas retenu la
solution de l'office de créer un fonds d'indemnisation qui vise à
indemniser les victimes d'erreurs dans les titres et les certificats. Nous
croyons que dans un système objectif comme celui qui est proposé
dans l'avant-projet, c'est un moyen adéquat pour justement pallier les
erreurs qui pourraient se présenter dans la préparation et
l'inscription des différents droits aux registres.
Quant au report des droits, c'est le dernier point, nous sommes d'avis
que tous les droits qui apparaissent à la fiche immobilière et
qui ont été enregistrés devraient être
reportés et non seulement les droits réels qui y sont inscrits.
D'ailleurs, là-dessus, cela me suscite un commentaire additionnel.
L'avant-projet est assez nébuleux quant au sort des baux, par exemple,
des déclarations de résidence familiale, des choses comme
celles-là. Où cela est-il enregistré? Est-ce qu'on devra
l'enregistrer au registre foncier? Est-ce qu'on devra l'enregistrer au registre
des droits personnels et mobiliers? Si on l'enregistre au registre foncier,
pourquoi ces droits ne seraient-ils pas reportés et pourquoi
seraient-ils éteints par le simple effet de la loi? Cela nous
apparaît dangereux et nous croyons que tous les droits qui sont
enregistrés et qui apparaissent à la fiche immobilière
devraient être reportés. Il faudrait enfin donner au tiers dont un
droit pourrait être éteint par le simple effet de la loi la
possibilité de prendre des mesures conservatoires et de s'assurer que
son droit pourra être reporté, ce qui n'est pas le cas dans
l'avant-projet actuel.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Merci, Me Vadboncoeur.
Maintenant, je veux vous rappeler que vous avez environ 22 minutes pour
chacune des parties pour intervenir. Je vais laisser la parole à M. le
député de Marquette, adjoint parlementaire.
M. Dauphin: D'accord. Merci, M. le Président.
J'aimerais tout d'abord remercier le Barreau du Québec,
représenté par son bâtonnier et les personnes
compétentes et distinguées l'accompagnant, pour la
présentation de ce mémoire.
J'ai une série de questions que nous avons
préparées. Étant donné que nous avons 20 minutes,
je vais tenter de suivre un peu l'ordre de présentation de votre
mémoire et commencer par les priorités. Vous vous opposez au
maintien de la notion de privilège. Ma première question est
celle-ci: Ne croyez-vous pas que certaines créances soient connues ou
représentent des deniers publics avec une connotation pour
l'intérêt de la collectivité? Est-ce que cela ne
mériterait pas nécessairement un traitement
préférentiel en matière de créances? Dans la
même veine, vous proposez d'enlever l'article des créances
prioritaires sur les impenses en ce qui concerne le remboursement des impenses
sur un bien pour proposer à la place un droit de rétention. Ma
question est la suivante: Comment éviter alors que le rétenteur
paralyse l'action des autres créanciers qui détiennent une
sûreté sur le bien retenu? Finalement, toujours sur le même
sujet des priorités, vous considérez que la créance
prioritaire de l'État est exorbitante puisqu'apparaissant autant dans
les créances prioritaires qu'à l'hypothèque légale,
ne croyez-vous pas, puisque d'ailleurs existe actuellement la Loi sur le
ministère du Revenu, qu'un tel cumul de sûretés...
n'êtes-vous pas d'avis que le maintien du statu quo entraînera...
est-ce que le maintien du statu quo entraînera des difficultés
pratiques? Comme autre sujet, est-ce que... Voulez-vous répondre
à cela et on reviendra à d'autre chose après? D'accord.
(11 heures)
Le Président (M. Marcil): N'oubliez pas de vous identifier
à chaque fois que vous intervenez pour le besoin du Journal des
débats.
M. Godin (Robert P.): Robert Godin. On peut peut-être
essayer de répondre à certaines. On a cherché d'abord
à simplifier et à arriver le plus près possible de
l'élimination complète des priorités des
privilèges. Il nous semblait que la seule qui devait demeurer pour des
raisons pratiques et administratives étaient vraiment celle des
créances pour les impôts fonciers pour les municipalités.
C'était facile à identifier, on pouvait identifier le bien. II y
avait une tradition et c'est dans ce sens qu'on a conservé
celle-là. Pour les créances de l'État, on juge que la
priorité doit être limitée aux sommes où des
individus agissent comme percepteur pour l'État - c'est-à-dire
celui qui perçoit la taxe de vente ou celui qui perçoit des
impôts ou des droits - et de réserver les autres garanties
à l'hypothèque conventionnelle, à l'hypothèque
légale.
M. Macdonald (Roderick A.): Roderick Macdonald, de McGill. En ce
qui concerne le droit de retention, notre objectif était de simplement
reconnaître qu'ailleurs dans le Code civil, on trouve des exemples de
droit de retention. Dans le projet de loi 20, il y en a. J'imagine que dans le
projet des obligations on en trouvera d'autres. L'idée était
simplement que si on laisse ailleurs dans le code le soin de stipuler les
situations d'un droit de retention, on permet au créancier simplement
d'exiger le paiement de sa créance qui soutient le droit de
rétention. Éventuellement, le créancier
hypothécaire va payer la créance pour avoir le bien. En
comité, on a cru que le montant des créances du retenteur et le
nombre des situations est tellement limité que ce n'était pas du
tout nécessaire de stipuler une priorité. Laissez au
créancier rétenteur le soin d'exiger le paiement avant de se
départir de son bien. On n'a pas trouvé que c'était un
problème énorme.
M. Dauphin: En ce qui concerne le statu quo qui existe en vertu
de la Loi sur le ministère du Revenu, en ce qui a trait à la
créance de l'État... vous n'avez pas de commentaire
spécifique à faire sur cela?
M. Godin (Robert P.): Je pensais que l'hypothèque
légale qui est prévue était suffisante, était
satisfaisante.
M. Dauphin: Était suffisante par rapport... D'accord.
Mme Vadboncoeur: Votre question n'est pas... peut-être
parce qu'on ne la comprend pas. Quel est le but de votre question exactement?
Que voulez-vous savoir?
M. Dauphin: Vous dites que c'est exorbitant, parce que cela
apparaît dans les créances prioritaires, à l'article 2807
et en ce qui a trait à l'hypothèque légale, aux
dispositions de l'hypothèque légale. C'est une double
sûreté - si vous me permettez l'expression - alors que cette
double sûreté existe actuellement. En vertu de la Loi sur le
ministère du Revenu, il y a une disposition dans la loi qui le
prévoit. Alors, je me demandais jusqu'à quel point cela causait
d'énormes difficultés que de laisser cela comme cela.
Maintenant, M. le Président, si vous me permettez juste pour...
Étant donné l'importance du sujet, j'en ai d'ailleurs
parlé à ma collègue au tout début de nos travaux,
j'aimerais tout de suite qu'on permette aux experts des deux
côtés, autant...
Le Président (M. Marcil): Tout en vous identifiant.
Oui.
M. Dauphin: ...du ministère de la Justice que Me
Mélançon, de pouvoir poser des questions, je ne croirais pas que
nos invités aient d'objection à ce que les experts
puissent intervenir en tout temps et même poser des questions.
Le Président (M. Marcil): Pour les besoins du Journal
des débats, il est important que, à chaque occasion, on
s'identifie. Cela va, Me Jolin?
M. Jobin (Michel): Peut-être à titre indicatif sur
la dernière question que vous avez posée, le fait que cela existe
dans la Loi sur le ministère du Revenu ne devrait pas être un
indicateur ou une commande à la réforme du Code civil. Alors,
dans ce sens-là, on devrait ne pas être guidé par les
dispositions de la Loi sur le ministère du Revenu, mais avoir une
réforme qui est plus originale et qui influencera la Loi sur le
ministère du Revenu éventuellement, qui à bien des
égards, apparaît à certaines occasions exorbitante.
Nous sommes à votre disposition si des experts veulent nous poser
des questions.
M, Dauphin: Pour passer maintenant à la présomption
d'hypothèque qui était recommandée par l'Office de
révision du Code civil et que vous préconisez, ma question est la
suivante. N'êtes-vous pas d'avis que cette présomption serait
difficile d'application et poserait des difficultés considérables
au niveau de la preuve, puisqu'il y aurait évidemment une
présomption, puisqu'il faudrait déterminer si une stipulation a
eu ou non pour effet de garantir l'exécution d'une obligation?
On traite souvent également de la liberté des conventions,
est-ce que cela n'irait pas à l'encontre de la liberté des
conventions et la question première évidemment, c'est la plus
importante, c'est au niveau de la preuve.
M. Macdonald (Roderick A.): Je crois que la meilleure
façon de répondre, c'est d'identifier exactement ce qu'est la
présomption d'hypothèque. La présomption
d'hypothèque ne veut pas dire que les clauses résolutoires, les
ventes dites conditionnelles et d'autres conventions contractuelles sont
prohibées. Les parties peuvent toujours stipuler toutes sortes de
contrats, ou jouer avec le titre de propriété et le transfert de
titre, avec la charge des risques, avec l'assurance ou l'intérêt
assurable. Tout ce que veut dire la présomption, c'est si on emploie une
convention contractuelle comme clause résolutoire, comme la vente
conditionnelle.
Pour les fins d'obtenir une sûreté, si l'objet est une
sûreté, il faut enregistrer la clause et la convention selon les
règles de l'hypothèque. Pour toutes autres fins,
c'est-à-dire pour les fins d'assurance, pour les fins de contrôle
des risques ou quelles parties assument les risques, la convention va
édicter le droit implicable. Donc, la présomption, c'est une
façon de régler la publicité d'une sûreté ou
d'un contrat qui fonctionne comme une sûreté et,
deuxièmement, de régler les recours des créanciers pour
éviter des abus. Je vous donne des exemples.
Si on pense sûreté, on pense surtout aux conventions qui
permettent aux créanciers d'obtenir une préférence dans
les biens de leur débiteur. Cela, c'est l'idée d'une
sûreté; sauf que les conventions ou les tactiques juridiques les
plus répandues pour obtenir une sûreté fonctionnelle ne
sont pas des stipulations permettant au créancier d'obtenir
préférence dans les biens de son débiteur, mais
plutôt d'obtenir le bien.
Le créancier obtient le bien en soi. Sa sûreté n'est
pas une sûreté; sa sûreté, c'est le titre et
d'où il y a la vente conditionnelle qui n'est pas du tout
réglementée par le code. Le code actuel en ce qui concerne des
hypothèques est d'abord un système intéressant et efficace
de réalisation sauf que, la plupart des créanciers ne s'en
servent pas, ils jouent avec le titre. Ce sont des sûretés qui ne
sont pas vraiment des sûretés, mais qui sont des...
La présomption d'hypothèque a pour effet de dire aux
créanciers, faites ce que vous voulez, sauf que vos recours sont les
suivants et le système de publicité c'est le suivant et tout le
monde va le savoir.
Vous me posez la question: pourquoi, quel est l'avantage de cela? II y
en a deux.
Premièrement, le coût de crédit. Quand vous obtenez
un emprunt, le prêteur exige, disons, 10 % d'intérêt pour
couvrir le cours de l'argent. De plus, il ajoute un certain pourcentage pour
couvrir ses risques. Dans un système où les créanciers ou
les prêteurs ne sont pas en mesure de connaître les risques
éventuels, le pourcentage qu'ils exigent au débiteur pour les
risques est augmenté. Des statistiques démontrent qu'en Ontario
et aux États-Unis, avec le PPSA et le "Uniform Commercial Code", le
coût de crédit au débiteur a été
réduit de 1 % après l'adoption du PPSA et du "Uniform Commercial
Code". Pourquoi? Parce que tous les créanciers savent dès le
début que s'ils sont enregistrés en premier, ils vont être
payés en premier. Avec le système actuel, le créancier
peut avoir une hypothèque, mais quelqu'un d'autre peut avoir une dation
en paiement rétroactive et exproprier toute la sûreté du
créancier. Donc, la première raison pour laquelle on recommande
une présomption d'hypothèque, c'est pour réduire le
coût du crédit pour le débiteur.
La deuxième raison est la suivante. La meilleure garantie que le
débiteur ne sera pas écrasé par un créancier, c'est
de mettre tous les créanciers garantis sur un pied
d'égalité, de réglementer ce que les créanciers
peuvent faire avec les biens de
leur débiteur. S'il y a des détournements à faire,
s'il y a des pistes cachées, vous pouvez être sûr que
certains créanciers vont suivre ces routes alternatives pour avoir une
avance sur leurs compétiteurs. Si tout le système de
réalisation est public et connu, et si tous les recours sont connus,
c'est une meilleure protection pour le débiteur; tout le monde
connaît la situation dès le début, il n'y a pas de
cache-cache comme dans le système actuel.
M. Dauphin: J'aurais une autre question à poser, avant de
céder la parole à ma collègue de Maisonneuve, relativement
au privilège ouvrier. Vous êtes favorable à une protection
des intervenants en matière de construction, mais vous êtes d'avis
que la solution proposée dans l'avant-projet de loi est
inadéquate. J'aimerais que vous nous fassiez part de vos suggestions
à cet égard. Nous aimerions également connaître
votre opinion relativement à la solution qui était
proposée par l'Office de révision du Code civil en matière
du privilège dans la construction.
M. Godin (Robert P.): Robert Godin. La solution proposée
nous semble inadéquate en ce sens que, si vous êtes familier avec
les projets de construction et en particulier avec le financement des projets
de construction... Comme le disait Me Vadboncoeur tout à l'heure, le
financement de ces projets se fait par des bailleurs de fonds qui enregistrent
une première charge, qui prennent une première hypothèque
et qui avancent leurs fonds graduellement, au fur et à mesure que les
travaux avancent. Les problèmes subsistent quand ces fonds, au lieu
d'être utilisés pour payer les créances de la construction,
sont utilisés à d'autres fins. Ceux qui ont vécu la
construction dans les années cinquante et les années soixante se
souviennent des problèmes en matière de privilège et en
matière de construction, problèmes qui se sont tranquillement
estompés à mesure que les gens ont établi des
façons de travailler.
Il est certain aujourd'hui que les privilèges, tels qu'on les
connaît, ont su protéger les gens de la construction en imposant
aux prêteurs, dans le domaine de la construction, des méthodes de
travail, des procédures de déboursé et des techniques de
vérification. Si on enlève le privilège, et je crois que,
pour l'instant, on est favorable au système dans ce sens, il faudra
trouver une solution de rechange. L'hypothèque légale que vous
suggérez sera prise sur un immeuble qui sera déjà
hypothéqué complètement, à 100 %. En matière
immobilière, on parle d'équité. Il n'y aura pas
d'équité dans l'immeuble. Les créanciers oeuvrant dans le
domaine de la construction n'auront rien pour se faire payer. Tout ira pour
rembourser le premier créancier hypothécaire. (11 h 15)
Dans ce sens, la protection ou le régime que vous proposez n'est
pas adéquat. On a longuement discuté en comité sur ce
qu'on pourrait vous suggérer. Évidemment, on sait que ce n'est
pas facile. On sait que c'est un domaine très difficile. On vous avoue
humblement qu'on a eu l'impression que cela dépassait nos moyens
à ce stade. Il y a des régimes dans d'autres juridictions
où on identifie d'abord, où on a un système objectif
d'identification de tous ceux qui oeuvrent dans la construction. On
établit des systèmes de retenues statutaires, on établit
des systèmes de vérification de paiements et de constitution de
fonds. Je crois qu'il y a lieu de faire une étude de ces
législations. Il y a eu des problèmes dans les autres
juridictions et dans l'administration de ces programmes. Il nous apparaît
essentiel de trouver une formule ou une technique qui protégera les gens
de la construction. On admet que ce n'est pas facile, mais ce que vous proposez
n'est pas adéquat. Alors, on n'a pas de solution, mais vous autres non
plus pour l'instant. Je pense qu'il est important de faire un travail dans ce
sens. Vous avez les ressources et les gens pour le faire. Il est important de
se pencher sur cette question en particulier. Faire cela, on revient aux
années où les gens signaient des renonciations aux
privilèges, où il y avait des faillites et que les fournisseurs
perdaient tout, où tous les petits fournisseurs et tous les petits
entrepreneurs se sont fait laver d'une façon terrible. On ne veut pas
revenir à cela. Comme je le dis, on n'a pas la solution immédiate
à vous proposer.
Le Président (M. Marcil): Merci. J'aimerais permettre
à Me Cossette, directeur du droit civil au ministère de ia
Justice de poser une question.
M- Cossette (André): M. le Président, je voudrais
m'adresser à Me Godin. Vous avez fait allusion à diverses
législations dans les autres provinces. Est-ce que vous faites allusion
à celles qui veulent, par exemple, que les sommes d'argent qu'un
propriétaire destine à un projet déterminé
demeurent en fiducie de même que celles reçues par un entrepreneur
demeurent également en fiducie, c'est-à-dire pour les fins de la
réalisation d'un projet?
M. Godin (Robert P.): Je pense qu'il faut étudier ces
mesures. Ce sont des mesures complexes au point de vue administratif. Ce sont
des mesures aussi qui vont changer les règles du jeu dans le domaine de
la construction. Je pense qu'il faut l'étudier avec soin, mais je pense
qu'on s'achemine probablement vers des législations de ce type. Si on
abolit le privilège à ce
moment, il faut trouver une façon d'identifier les fonds
disponibles dans le domaine de la construction pour s'assurer que les gens vont
être payés. Tout le principe du privilège a
été de donner une sûreté pour garantir les
matériaux, le travail et la plus-value. Si on enlève cette
sûreté, comme je vous le dis, l'hypothèque que vous
proposez arrive complètement après les autres. Il n'y a plus
rien. À ce moment, ce que vous suggérez, c'est que les fonds
destinés à la construction devront être identifiés
et "entiercés" d'une certaine façon. C'est probablement vers cela
qu'on s'en va.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je pense que je vais
poursuivre là où mon collègue, l'adjoint parlementaire,
s'est finalement arrêté. J'imagine qu'il va avoir encore une
série dans sa liste de questions... Déjà, vous noua avez
fait connaître très clairement votre position concernant toute la
question du remplacement notamment de la priorité pour les... par le
droit de retention, de l'abolition des priorités sur la question de la
présomption d'hypothèques. Vous avez, je pense,
éloquemment démontré combien il faut que tout le monde
connaisse les risques éventuels et prenne les risques en connaissance de
cause. Donc, cela faisait image mais je crois que cela nous faisait bien
comprendre la préférence dans le bien et le bien doit être
distingué. Je pense certainement que ce point de vue sera retenu pour
réflexion, je le souhaite en fait, par le gouvernement.
En ce qui concerne l'hypothèque légale justement de la
construction, l'hypothèse d'une protection par le biais d'un Code de la
construction doit-elle être définitivement écartée?
Il nous semble souhaitable que la protection se retrouve au Code civil.
Avez-vous un point de vue sur cette question?
Mme Vadboncoeur: Si je peux me permettre. Suzanne Vadboncoeur. On
n'a pas écarté la solution d'un code de la construction. On le
mentionne d'ailleurs dans le mémoire. On dit: est-ce que ce serait la
solution, que ce soit aussi dans le Code civil? On n'a pas pris position sur la
solution, mais on ne l'écarte pas non plus, du moins pas dans le code de
la construction, loin de là.
Mme Harel: En fait, ce que vous nous dites actuellement, c'est
que la solution dans l'avant-projet de loi n'en est pas une. Enfin, ce serait
illusoire de penser que c'en est une. Quant à la solution de rechange
qui est proposée par l'Office de révision du Code civil, en fait,
l'hypothèque avec rang prioritaire à toutes les autres
hypothèques avec impossibilité d'y renoncer. Quel est votre point
de vue sur cette question?
M. Godin (Robert P.): Cela ramène le privilège,
c'est une façon de réintroduire le privilège. Si on veut
être plus conséquent, on a décidé qu'on ne voulait
plus avoir de privilège, je pense qu'il faut suivre cela et avoir un
projet qui se tient. Si on crée une sorte d'hypothèque
prioritaire, j'ai l'impression qu'on a simplement ramené la notion de
privilège. C'est peut-être ce qu'il faudra faire également
et repenser cette notion pour les fins de la construction. Mais simplement de
ne pas donner un mécanisme, cela ne nous apparaît pas
satisfaisant.
Mme Harel: Enfin, la question, c'est de savoir dans la balance
des inconvénients lequel est le plus grand en regard de cette solution
de rechange ou d'absence de solution tout court d'une certaine
façon.
M. Godin (Robert P.): Je pense que ce qui est important, c'est de
savoir qu'il y a un travail spécifique à faire dans ce
secteur-là. Il y a des problèmes particuliers. Je reprends la
suggestion de Me Cossette, "d'entiercement" de fonds, c'est une
possibilité, mais en même temps, c'est une possiblité qu'il
faut étudier avec beaucoup de soin comme toutes les autres, mais c'est
un gros domaine, un domaine complexe. En tout cas, nous autres, on sentait que
cela dépassait nos moyens.
M. Macdonald (Roderick A.): Roderick Macdonald, de nouveau. Le
problème dans le domaine de la construction, c'est le suivant: il y a
des fournisseurs de matériaux, de meubles. Souvent, les meubles sont
déjà hypothéqués. Il y a également des
travailleurs, et le bailleur de fonds et le propriétaire... On a
trouvé - je cite le cas de l'Ontario seulement comme exemple - en
Ontario, qu'une seule sûreté n'est pas aussi certaine de garantir
adéquatement tous les intérêts en jeu. Avec le nouveau
"Construction Lien Act of Ontario", on a créé effectivement trois
sortes de sûretés dans le domaine de la construction: il y a une
sûreté réelle sur le bien, il y a un fonds en fiducie avec
la possibilité de nommer un syndic, quand les projets sont en
difficulté, un syndic gère le projet et avance les fonds pour que
le projet soit complété et il y a également la
possibilité de ce qu'on appelle un "hold back" où on ne peut pas
débourser plus de 80 % ou 85 %, je crois, de la valeur du projet,
jusqu'à ce qu'il y ait un certificat démontrant que tous les
employés et les sous-entrepreneurs sont déjà payés.
À ce moment-là, le bailleur de fonds avance les 15 % qui restent.
On a trouvé que c'était tellement plus complexe qu'une solution
uniforme, unique. Je cite le cas de l'office
qui propose sa solution de rechange. C'est une solution unique. On a
trouvé en Ontario, en tout cas, que ce n'était pas aussi utile
que nécessaire. C'est pour cette raison que nous, du comité,
n'étions pas capables de bâtir quelque chose de subtile dans les
quelques mois que nous avons,
Mme Harel: Vous comptez sur nous pour le faire. Allez-vous
poursuivre vos travaux, au Barreau, sur cette question? Au service de
recherche, entendez-vous poursuivre cette question? Je pense que c'est une
question majeure. C'est une question qu'on ne pourra pas éviter ou
écarter.
Mme Vadboncoeur: Nous avons toujours offert notre étroite
collaboration avec les légistes du ministère de la Justice. Si on
peut leur être de quelque utilité, à ce niveau, cela nous
fera plaisir de travailler ensemble.
Mme Harel: Peut-être pouvons-nous examiner toute cette
question de la certification. Vous êtes assez sévères, je
pense à bon droit, dans votre critique sur la certification aux pages
169, 170, 144, 145 du mémoire. Cela nous amène à croire
qu'à faire comme une démonstration, le certificat est inutile et
surtout, en tout cas, la démonstration peut être source de
problème. Finalement, vous concluez à le limiter pour en faire
une sorte d'attestation. Vous dites d'ailleurs au tout début de votre
mémoire que les actes sous seing privé n'ont jamais causé
de problème. Ma question est la suivante: Pourquoi maintenant exiger une
formalité finalement, soit ta certification?
M. Godin (Robert P.): Robert Godin. La procédure
proposée semble s'insérer dans la proposition globale de trouver
une façon d'avoir un système d'enregistrement plus objectif.
Comme on le mentionne dans notre rapport, on est certainement tout à
fait d'accord avec cette évolution, avec ce principe. Mais on se met
dans la position du praticien qui est appelé à poser les gestes
qui sont décrits à 335 et à 336 dans son cabinet
après avoir fait une transaction. Il nous apparaît très
difficile d'imaginer que cela va être possible de le faire d'une
façon suffisamment objective pour donner le résultat. Si vous
regardez les mots, le notaire, l'avocat ou l'arpenteur-géomètre,
selon le cas, doit certifier qu'il a vérifié l'identité;
comme on le mentionnait tout à l'heure, on n'a pas de mode objectif pour
vérifier l'identité des parties.
On peut toujours leur demander leur permis de conduire, mais c'est
à peu près tout ce qu'on peut demander. Certifier la
qualité. Que fait-on quand on certifie la qualité? Qu'il agit
pour lui-même ou qu'il agit par procuration pour un autre, que veut- on
dire exactement, qualité? Capacité. Il y a tous ses moyens. II
est assez vieux. Si c'est une corporation, son statut corporatif lui permet de
faire ce qu'il fait, etc. Mais, quand on en vient, comme disait tout à
l'heure Me Vadboncoeur, à établir, à certifier
l'adéquation entre l'acte et la volonté, là, vraiment
ça nous dépasse. (11 h 30)
Tant les notaires que les avocats cherchent à rendre ou à
préparer de la documentation, ou à préparer des contrats
qui - tout le monde le souhaite - expriment bien ce que les parties avaient en
tête. Mais, de là à pouvoir certifier l'adéquation
entre l'acte et la volonté des parties, c'est impossible. Où
allez-vous et jusqu'à quel point allez-vous expliquer aux parties les
conséquences des gestes qu'elles posent, des contrats qu'elles
signent... Si on regarde les contrats commerciaux très complexes qui ont
des tonnes de dispositions différentes qui touchent un grand nombre de
domaines, les domaines fiscaux, les domaines d'affaires, dans quelle mesure
allez-vous être obligé d'expliquer aux parties toutes les
conséquences des gestes qu'elles posent pour en venir à certifier
que l'acte qu'elles ont signé correspond vraiment à leur
volonté? C'est vraiment impossible. On est dans un monde tout à
fait subjectif. C'est dans ce sens que cette formalité nous a vraiment
troublés. On a beaucoup de difficultés. On comprend que le
registrateur veut avoir des mécanismes qui sont à
l'extérieur de son système, si on peut dire, qui viennent de
l'extérieur pour justifier les gestes qu'il va poser comme registrateur.
Cela nous apparaît comme allant vraiment trop loin. C'est dans ce sens
qu'on critique... On est prêt à donner une forme de certificat, si
vous avez noté dans votre rapport, mais pas rédigé de la
même façon.
Mme Harel: Mais, à ce moment-là, M. le
Président, ce certificat qui serait donné le serait sans
responsabilité professionnelle. Ce serait une sorte d'attestation. C'est
cela?
M. Godin (Robert P.): Non.
Mme Harel: C'est-à-dire que, de toute façon, il n'y
aurait pas l'ensemble des exigences telles que prévues par la loi. Ce ne
serait pas une certification. Je pense que vous parlez plus d'attestation.
M. Godin (Robert P.): Non, je pense que l'avocat ou le notaire
qui donnerait l'attestation devraient le faire selon les règles de
Part...
Mme Harel: Oui.
M. Godin (Robert P.): ...d'une façon compétente, en
prenant les moyens normaux
et conformes à sa pratique, etc. Ni les avocats, ni les notaires,
ni les arpenteurs-géomètres n'ont une obligation de
résultat dans les services professionnels qu'ils rendent. Dans ce sens,
il faudrait qu'un praticien pose des gestes d'une façon professionnelle,
mais il ne faudrait pas s'attendre è une obligation de résultat,
comme on semble exiger aux articles 3335 et 3336.
Mme Harel: Vous disiez - je pense que c'était Me
Vadboncoeur - que le Barreau souhaite qu'il y ait de plus en plus de documents
qui soient enregistrés. D'ailleurs, il y a beaucoup de documents
maintenant qui peuvent être enregistrés sous seing privé
sans qu'il soit nécessaire qu'ils passent entre les mains d'un avocat ou
d'un notaire. Vous souhaitez d'ailleurs qu'il y en ait de plus en plus qui le
soient sans qu'il soit nécessaire qu'ils passent par les mains d'un
notaire. Avec les dispositions, même d'une attestation, l'ensemble de ces
actes devrait maintenant obligatoirement passer entre les mains d'un notaire ou
d'un avocat. On a parlé dans le passé de
déjudiciarisation. Est-ce que là, cela ne serait pas une sorte de
professionnalisation un peu excessive de tous ces actes?
M. Godin (Robert P.): Encore là, il faut voir dans quel
contexte ce certificat s'insère. Il s'insère dans le contexte
d'un système de plus en plus objectif d'enregistrement. Alors, je pense
qu'il faut quand même arriver à déterminer dans une
certaine mesure la forme des documents et la valeur des documents qui sont
présentés pour enregistrement. C'est dans ce sens qu'on implique
le notaire, l'avocat et, dans une certaine mesure,
l'arpenteur-géomètre qui agissent comme, si je comprends bien,
des spécialistes sur lesquels le registrateur devra se fier avant
d'accepter un document pour enregistrement. Autrement, ce que vous allez faire
si vous ne faites pas cela, vous allez reporter le problème directement
entre les mains du registrateur qui devra vérifier l'identité,
etc. Votre processus d'enregistrement va devenir de plus en plus lourd et de
plus en plus difficile. Je pense que c'est pour éviter cela qu'on a
établi le système du certificat, le système du sommaire.
On n'est pas contre ce qui est là, mais on voit des problèmes
pratiques.
Mme Vadboncoeur: Si je peux compléter, M. le
Président, les articles 3335 et 3336 peuvent également poser des
problèmes pratiques. Dans l'hypothèse où un acte a
été rédigé par un avocat M. Untel ou Mme Unetelle
et que, pour une raison ou pour une autre, la ou les parties vont en voir un
autre ou vont voir un notaire ou vont voir un autre avocat dans une autre ville
ou n'importe quoi pour obtenir, justement parce qu'ils sont obligés d'en
avoir un en vertu de l'avant-projet, la fameuse certification, comment ce
nouveau juriste qui arrive dans le portrait va certifier de l'adéquation
entre la volonté et l'acte? II n'a même pas été
présent ni aux négociations ni à la rédaction de
l'acte, il est néophyte dans le dossier, comment va-t-il pouvoir, en
toute conscience, certifier de l'adéquation entre la volonté et
l'acte? Cela était une remarque pour compléter ce que Me Godin a
dit.
Voici une seconde remarque. Étant donné que le
système d'enregistrement proposé est un système objectif
en vertu duquel n'importe qui va pouvoir se fier aux inscriptions des registres
à une date donnée et étant donné que cet
enregistrement va se faire, en règle générale, par le
dépôt d'un sommaire - donc, les gens devront se fier au contenu du
sommaire - il faut justement que le contenu du sommaire sait bien
rédigé, compte tenu du fait qu'on doit à peu près
préciser toute espèce de renseignement dans cela, notamment sur
la nature des droits qu'on veut enregistrer. Si
l'arpenteur-géomètre pour son expertise à lui, le notaire
et l'avocat comme juristes ne sont pas présents, si on laisse la
préparation de toute cette paperasse aux soins du commun des mortels
qui, tout en étant compétent dans bien des domaines, n'a pas
l'expertise juridique, on risque de faire face à un système
complètement faussé où il y aura des erreurs
épouvantables dans les registres, dans les sommaires et dans les
certificats. Compte tenu du fait qu'on a un système objectif,
évidemment vous pouvez imaginer et suivre les conséquences sur
les droits des parties.
Mme Harel: Votre réponse m'incite à poser encore
à nouveau cette question: Est-ce le bon moyen de résoudre un
problème, si problème il y a? La gravité en est-elle
à ce point importante qu'on veuille introduire un système qui,
entre autres, aussi va ajouter des coûts additionnels
considérables aux consommateurs? Je ne sais pas si le gouvernement a
étudié le coût que le public ou les consommateurs auront
à supporter. D'autre part, vous proposez également, je pense, de
faire en sorte que les déclarations de résidence familiale et
également les baux immobiliers soient obligatoirement maintenant tenus
à cette attestation. Vous vous rendez compte du volume d'actes qui
seraient finalement assujettis?
M. Godin (Robert P.): Si je peux ajouter à cela.
Mme Harel: C'est proposé par le Barreau. Le Barreau
propose et recommande que les déclarations de résidence familiale
de même que les baux immobiliers le soient
également.
M. Godin (Robert P.): Ceux qui sont familiers avec la pratique en
droit immobilier savent que plus on va pouvoir rendre notre système
d'enregistrement objectif, plus le consommateur va pouvoir en
bénéficier ultimement. Cela serait de la mauvaise économie
d'essayer d'épargner de l'argent au moment de l'enregistrement et
d'enregistrer toutes sortes de paperasses qui vont forcer les examens des
titres complexes, les problèmes de titres, les difficultés
d'interprétation... Je pense que la direction qu'on tente de prendre en
ce moment, celle de rendre plus efficace et plus objectif le système,
est tout à fait souhaitable et je pense que tout le monde pourra en
bénéficier. Si vous étiez conscients des frais d'examens
des titres, par exemple, qu'on doit répéter à chaque fois
qu'il y a une transaction immobilière et répéter, et
répéter, et répéter, je sais que les consommateurs
font les frais de dépenses à cet égard qui sont
très élevées, plus on pourra minimiser ce genre de
dépenses, mieux le consommateur sera protégé. Cela exige
un certain formalisme. Cela exige que le système soit très
rigoureux. Sur le plan de l'enregistrement, cela va exiger peut-être plus
de discipline. Le Barreau n'est pas défavorable du tout à
cela.
Mme Harel: II reste très peu de temps. Je pense qu'on peut
tous convenir qu'autant l'objectif d'un système d'enregistrement plus
objectif peut être souhaitable, autant il faut encore continuer à
réfléchir sur les moyens les plus adéquats pour y arriver,
à ceux qui vont assurer la protection du public, mais aussi certainement
au coût le moins grand possible.
Je vais devoir terminer sur la question du sommaire. Vous soulevez
indéniablement un problème réel. Vous semble-t-il que
seulement le contenu du sommaire devrait être opposable aux tiers, de
façon que les tiers ne puissent pas vérifier le contenu de l'acte
que par le sommaire? Serait-ce là une façon d'envisager la
question?
M. Godin (Robert P.): En fait, on s'est posé la question.
Il semble, d'après ce qu'on a compris ce matin, qu'effectivement c'est
le sommaire qui va demeurer au bureau d'enregistrement, qui va être le
document qu'on pourra consulter. Les documents eux-mêmes, les contrats
eux-mêmes ne seront pas disponibles. Cela rend la rédaction du
sommaire... Le sommaire lui-même devient un document très
important. Dans la rédaction du sommaire, il faudra faire attention
qu'il n'y ait pas de divergence entre le sommaire et ce que les parties ont
signé. Cela voudrait dire, à toutes fins utiles, qu'il faudra
presque reproduire intégralement, dans le sommaire, les dispositions
importantes d'un contrat. Je pense, par exemple, à une servitude
réelle entre deux immeubles où il peut y avoir des
éléments de droit réel, des éléments de
droit personnel. C'est souvent très difficile de faire la distinction
entre ce qu'est un droit réel et un droit personnel dans certaines
servitudes. Si vous regardez les servitudes entre de gros immeubles
commerciaux, par exemple, des obligations de services et des choses comme
celles-là, qu'est-ce qu'on va mettre dans le sommaire? Comment va-t-on
rédiger le sommaire? Est-ce qu'on va mettre tout cela dans le sommaire?
Est-ce qu'on va juste prendre la chance d'en dire assez et les tiers seront
liés ou auront connaissance seulement de ce qu'il y aura dans le
sommaire? Pour nous, ce n'est pas clair et cette question nous inquiète.
Mais, certainement, quand on lit que le sommaire doit contenir une description
de la nature du droit et son étendue, cela nous laisse bien
songeurs.
Mme Harel: M. le Président, je vais immédiatement
remercier les représentants du Barreau. J'ai trouvé que votre
travail est absolument remarquable. Je tiens vraiment à vous en
féliciter. C'est un travail très substantiel, très
exhaustif et beaucoup de clarté s'en dégage. Comme vous le savez,
et cela a été le cas dans le passé, lors de l'étude
article par article, nous nous inspirons souvent de beaucoup de vos
travaux.
Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: À mon tour, évidemment au nom du
gouvernement, j'aimerais remercier les représentants du Barreau du
Québec, Me Jolin, M. Godin, Me Vadboncoeur et M. Macdonald, de leur
présence à nos travaux. Je prends bonne note de ce que Me
Vadboncoeur a dit tantôt sur le fait que vous êtes disponibles pour
l'équipe du ministre de la Justice afin d'approfondir notamment la
présomption d'hypothèque ou le privilège en matière
de construction. Félicitations pour votre mémoire.
Le Président (M. Marcil): À mon tour, je vous
remercie, au nom des membres de cette sous-commission, de vous être
prêtés à cette audition. Soyez assurés que les
questions qui ne vous ont pas été posées et qui
étaient préparées vous seront sûrement soumises pour
réflexion. Merci beaucoup.
Je vais suspendre nos travaux deux minutes afin de permettre aux
représentants de la Commission des services juridiques d'avancer
immédiatement.
(Suspension de la séance à 11 h 45)
(Reprise à 11 h 50)
Le Président (M. Marcil): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Maintenant, nous allons procéder à l'audition des membres
de la Commission des services juridiques. Je vais vous laisser le soin, Me
Lafontaine, de présenter vos collègues. Je vous signale,
également, que vous avez 20 minutes pour votre exposé.
Commission des services juridiques
M. Lafontaine (Yves): Je note que le temps fuit étant
donné que c'est 20 minutes plutôt qu'une demi-heure. On va essayer
quand même de se tenir à l'intérieur de ce délai.
Mon nom est Yves Lafontaine.
Le Président (M. Marcil): Je m'excuse. Tantôt, j'ai
sûrement commis un impair. Habituellement c'est 20 minutes pour chacun
des exposés. Même si ça dépasse, nous allons
compresser dans notre temps. Ne vous inquiétez pas. Prenez le temps
qu'il vous faut. Naturellement, il ne faudrait pas dépasser une
demi-heure.
M. Lafontaine: Comme on dit en droit, on essaiera d'agir comme un
homme ou une femme raisonnable. Merci.
À ma gauche, Michel Lamarre, directeur d'un bureau d'aide
juridique sur la rive sud de Montréal. À ma droite, Georges
Massol, du service de recherche de la Commission des services juridiques.
À mon extrême droite, Me Jacques Lemay, directeur d'aide juridique
pour l'Estrie. En arrière, et non le moindre, Me Pierre Proulx, d'un
bureau d'aide juridique ici à Québec. Maintenant, il y a d'autres
personnes qui ont participé à la confection du mémoire qui
n'ont pas pu venir ici ce matin. C'est quand même un ouvrage de groupe et
qui a été endossé par les commissaires de la Commission
des services juridiques.
Je remercie la sous-commission de nous donner l'occasion de nous faire
entendre sur le sujet. Quant à moi, je vais certainement me permettre
deux remarques préliminaires. Je laisserai mes compères qui sont
pas mal plus spécialistes dans le domaine, disons, le soin de vous
informer des remarques qu'ils ont à faire à la suite d'une
lecture attentive et une discussion sur le sujet. Les deux remarques qu'il y a
à faire sont: La première, d'abord, c'est que nous sommes
représentants d'une clientèle défavorisée. Nous
avons 246 000 clients dans une année. Nous avons un billet. Il ne
faudrait pas se surprendre. Nous ne sommes pas comme un législateur.
Nous n'avons pas à prendre soin de l'intérêt commun de
toute une communauté. Nous avons un billet pour des personnes
défavorisées.
Il ne faut pas s'attendre de nous que nous allons nous occuper beaucoup
de la protection des droits des créanciers, parce qu'on n'en
représente pas tout simplement. C'est qu'on représente
ordinairement le petit débiteur. Simplement une remarque
générale pour les gros. La loi normalement les opprime parce que
ça va de soi, ils sont capables de se débrouiller. Mais pour le
petit, lui, sa défense dans une société
démocratique est au niveau de la loi. Je pense que c'est important pour
nous de venir justement en commission parlementaire parce que, pour lui, c'est
une façon de se défendre parce qu'au niveau d'une
négociation de gré à gré, il est toujours le
perdant, parce que si c'est de gré à gré, ça lui
prend des sécurités quelque part.
La deuxième remarque que je veux faire est une remarque, disons,
d'aspect général. Je sais que ce n'est pas facile, mais c'est ce
que je pense. C'est la troisième fois qu'on vient en commission
parlementaire concernant le Code civil. Je comprends que vous avez
peut-être la même difficulté, mais au niveau du Code civil,
on se demande toujours ce qui fonctionne en parallèle au niveau de
l'autre loi. Vous pouvez prendre certains exemples. On a passé les
droits de la personne. Par la suite, on est arrivé avec une Loi sur la
curatelle. Quand on était sur les droits de la personne, on se disait:
Est-ce que ce sera la loi d'aspect général? Y aura-t-il une loi
en parallèle à côté? S'il y a une loi en
parallèle, on aimerait bien savoir pour se prononcer sur la loi
générale, ce qui va rester dans cette loi parallèle. Je
comprends qu'elles ne peuvent pas arriver toutes les deux en même temps.
Sauf que c'est un souci constant qu'on a et cela devient difficile quand on
fait des mémoires.
On a sorti aussi la Loi sur l'adoption par la suite. Pourtant,
c'était sur les personnes aussi. On a vu tous les tollés que cela
a pu faire et les difficultés que cela a pu entraîner. On a sorti
le droit de la famille. On sort le droit économique des conjoints. C'est
difficile pour nous quand on regarde le Code civil sur la famille de se
prononcer, parce qu'on ne sait pas ce qui s'en vient sur le droit
économique des conjoints non plus. Je comprends que, dans une
société, il faut que les choses arrivent à peu près
toutes en même temps. C'est difficile à faire. Ce que je veux vous
dire dans le fond, c'est que là, on va vous parler des
sûretés, mais on ne sait pas ce qui s'en vient dans la protection
du consommateur à côté.
On a bien plus d'intérêt dans la Loi sur la protection du
consommateur, par exemple, étant donné qu'on représente
ordinairement des débiteurs, qu'on peut en avoir vis-à-vis des
sûretés. Donc, il faudra comprendre le contexte dans lequel on est
obligé de travailler sur les sûretés, c'est que l'on ne
sait pas non plus s'il y aura des
modifications ou même s'il y en aura une loi sur la protection du
consommateur.
Si on regarde un peu tout ce qui se dégage de l'Office de
révision du Code civil, on se demande s'il n'y aurait pas juste une loi
générale au niveau des sûretés. Nous disons que cela
va prendre une loi sur la protection du consommateur, si oui, bien, on aimerait
savoir ce qu'il y a dedans.
Cela dit, c'est simplement des "caveat" pour vous dire la
difficulté qu'on a eue même à comprendre te texte; c'est
qu'on ne sait pas ce qui fonctionne en parallèle ou ce qui va venir par
la suite.
Je veux maintenant demander à Me Massol, un des rédacteurs
qui, en fait, est secrétaire du comité, de vous transmettre les
principales remarques que contient le mémoire. Merci.
Alors Me Georges Massol.
M. Massol (Georges): Merci, M. le Président.
M. le Président, distingués membres de la sous-commission,
bonjour.
Alors, le projet couvre évidemment de très vastes
domaines, le domaine des sûretés, le domaine de la
publicité. Certains de nos commentaires ont fait déjà
l'objet de discussions avec le Barreau, alors cela va peut-être faciliter
le travail de nous tous de ce côté-ci comme de votre
côté. Il y a des choses qu'on va essayer de ne pas retoucher
lorsque cela semble clair ou lorsqu'il y a accord entre nous et le Barreau.
L'ensemble des propositions, croyons-nous, constitue un effort
remarquable de synthèse. Nous constatons que l'uniformité des
pricipes des matières commerciales et de consommation ne favorisent pas
cependant notre clientèle.
Je m'explique. Le projet nous semble favorable d'abord en matière
commerciale. C'est une synthèse des différentes tais existantes
soît le nantissement commercial, la Loi sur les pouvoirs spéciaux
des corporations, la loi sur la cession des biens en stock. II y avait besoin
d'un bon ménage là-dedans et je crois que le gouvernement l'a
effectué.
En matière de relation avec les consommateurs cependant, il me
semble que les protections n'ont pas été oubliées mais
minimisées.
Les principes qui ont conduit à l'adoption de ce projet tout
comme la philosophie développée par l'Office de révision
du Code civil avant, ont eu d'abord pour base de faire un certain
ménage, comme je l'expliquais, en matière commerciale.
L'objectif principal de notre intervention sera donc de replacer les
choses où elles doivent être, c'est-à-dire en
matière de consommation. Le projet tire en partie son origine du rapport
de l'ORCV, l'Office de révision du Code civil, qui a commencé ses
travaux, si je ne me trompe pas, au milieu des années soixante, avant la
période de protection du consommateur qui a caractérisé la
plupart des systèmes juridiques occidentaux.
Je me demande si, en 1987, ce projet est compatible avec la protection
du consommateur qui s'est développée au Québec depuis
1970-1971 et qui a pris de l'ampleur depuis 1980. À cause du temps
restreint qui nous est alloué et du type spécial de
clientèle que nous présentons, nous allons nous en tenir à
des commentaires et recommandations touchant notre clientèle.
Ainsi, le domaine de la publicité ne fera pas l'objet de
commentaires vraiment spécifiques. Nous concentrons notre exposé
sur trois principales parties. Il est à noter que quelques changements
ont pu intervenir depuis la rédaction de notre mémoire. Nous
allons tenter de vous en faire part en cours de route ou lors de la
période des questions.
J'aborderai d'abord la question des priorités des
hypothèques légales. Me Lemay, à ma droite, traitera du
domaine mobilier et de la compatibilité avec le domaine de la
consommation. Je pense que c'est notre principal souci, notre principale
argumentation qui sera développée dans cette partie-là. Me
Lemay pourra, à l'occasion également, traiter de la
présomption de l'hypothèque. Je compléterai
l'exposé par un rapide survol des recours offerts au créancier et
de la protection que ces recours offrent au débiteur. Le reste des
questions soulevées par notre mémoire pourra faire l'objet
d'échanges de propos par la suite.
Concernant les priorités - rapidement -on note d'abord que le
législateur n'a pas retenu la suggestion de l'office de révision
quant au retrait de ces priorités. Le rôle des priorités,
si on regarde le projet de loi tel qu'il est rédigé, ne nous
semble pas clair. On se demande au juste ce que vont apporter les
priorités. Est-ce que les priorités vont conférer un droit
de suite ou non? Le Barreau soulignait avec justesse que certains articles
semblent conférer un droit de suite aux priorités. Par contre,
est-ce que c'est l'objet même des priorités? Est-ce que c'est de
la nature même des priorités? Est-ce que le législateur a
voulu qu'il en soit ainsi? Les priorités ne feraient-elles que
spécifier l'ordre de certains créances?
La Commission des services juridiques s'oppose donc en principe à
l'instauration des priorités, tel que les arguments contenus dans son
mémoire le spécifient. On se demande plus particulièrement
s'il y a une raison de privilégier certains créanciers, que ce
soit l'État, les commissions scolaires ou les municipalités. N'y
aurait-il pas lieu de transférer tous ces domaines dans
l'hypothèque légale qui est déjà passablement
complète ou encore dans le domaine de l'hypothèque
conventionnelle?
Néanmoins, on s'explique difficilement comment on pourrait
maintenir ces priorités tout en ne leur conférant pas un droit de
suite. Normalement, une priorité doit conférer un droit de suite.
Si les priorités ne confèrent plus de droit de suite, cela
devient peut-être moins intéressant pour tout le monde et c'est
surtout peut-être inutile. Je ne passerai pas en revue chacune des
priorités qui sont prévues à l'article 2807; je crois que
cela fait l'objet d'amples commentaires dans notre mémoire.
Concernant les hypothèques légales cependant, nous
voudrions mentionner que dans la mesure où les priorités sont
éliminées ou restreintes, certaines hypothèques
légales devraient subsister. La créance de l'État - je
vous réfère à l'article 2888 - devrait effectivement
être limitée aux créances de l'État concernant les
taxes et les impôts et non pas subsister ou comporter une certaine
protection pour les organismes à caractère public ou les autres
organismes étatiques. Quant à la créance du vendeur
impayé, cette hypothèque légale pourrait être
possiblement éliminée puisque le créancier a
déjà la possibilité de se faire consentir une
hypothèque conventionnelle. Dans les relations contractuelles entre te
vendeur et l'acheteur, il est facilement possible pour le créancier de
se faire consentir une hypothèque conventionnelle. D'ailleurs, dans le
chapitre de la publicité, il y a quelques articles qui donnent
déjà un rang privilégié au vendeur. Je pense que,
déjà, avec l'hypothèque conventionnelle, le genre de rang
privilégié que le vendeur détient serait suffisamment
protégé.
Quant au droit qui résulte d'un jugement, nous mentionnons dans
notre rapport qu'on devrait limiter l'application de cette particularité
au cas du jugement alimentaire à cause de la nature particulière
de la créance. Là-dessus, plusieurs organismes et, je crois, le
Barreau lui-même sont d'accord avec nous. On ne voit pas pourquoi les
autres créanciers auraient une préférence ou une chance de
plus, alors qu'ils n'ont pas pris la peine de se faire accorder une
hypothèque dès le départ. Quant à la créance
alimentaire, on comprend un peu plus la raison de cette possibilité.
En terminant, concernant l'hypothèque légale, on aimerait
insister plus particulièrement sur l'article 2896 qui permet de
substituer une sûreté à une autre ou de déterminer
le bien sur lequel l'hypothèque portera, sauf dans les cas où
l'hypothèque est en faveur de l'État. Nous pensons qu'il y a
discrimination dans ce cas. Il n'y a aucune raison pour que le débiteur
ne puisse substituer la sûreté ou s'adresser au tribunal afin de
déterminer le bien sur lequel l'hypothèque portera, y compris en
matière de créance à l'égard de l'État.
M. Lemay (Jacques): Jacques Lemay. En lisant le rapport de
l'Office de révision du Code civil, je voudrais vous citer
brièvement un paragraphe concernant le domaine de la consommation. On
disait: On a entrepris la réforme du droit des sûretés
réelles en posant comme base un certain nombre de principes
généraux. Deuxièmement, c'est-à-dire le
deuxième principe général était le suivant: Le
besoin d'étendre le champ d'application des sûretés
réelles mobilières, tant dans le domaine commercial que dans
celui de la consommation, devrait s'accompagner de mesures qui tiendraient
compte de la situation des économiquement faibles et réduirait
les abus tout en assurant une certaine protection au créancier
chirographaire.
Dans le projet de loi, je reconnais sans l'ombre d'un doute certaines
protections importantes qui sont accordées au consommateur notamment, en
matière de clause de dation de paiement dans le domaine immobilier. On
ajoutait dans ce deuxième principe général la note
suivante: La Loi sur la protection du consommateur a cependant
été adoptée avant la fin des travaux de l'office de telle
sorte que cet objectif s'est largement réalisé en dehors des
cadres du Code civil. Donc, la Loi sur la protection du consommateur qui a
été adoptée en 1972 - si ma mémoire est
fidèle - avait précédé les objectifs que
s'était fixé l'Office de révision du Code civil.
Cependant, en lisant le présent avant-projet de loi, je note que la
coordination entre les deux lois n'a pas été faite. Je vous te
soumets respectueusement. Quand j'ai tu pour la première fois l'article
4021, j'ai tout de suite constaté que - si mon interprétation est
valable - une personne physique, donc, un consommateur, peut consentir à
une hypothèque mobilière maintenant pour garantir l'achat d'un
bien de consommation.
Par la suite, je me suis rendu au niveau des recours et là j'ai
eu quelques surprises. Je pense que c'est important d'insister. Je vais faire
toute ma démarche. À 2915, on dit que les seuls recours des
créanciers hypothécaires sont les recours prévus au
présent titre. Or, tes recours prévus au présent titre, on
y va au niveau des formalités préalables de l'exercice des
recours à 2927 et à 2934 aussi, on nous précise ce que le
débiteur peut faire lorsqu'il est poursuivi. Or, je vous soumets
respectueusement que lorsqu'un débiteur... prenons l'hypothèse
d'un débiteur qui achète une voiture et qui consent une
hypothèque mobilière à son créancier, ce même
débiteur aussi, vous le savez, consent une clause de
déchéance du terme à son créancier puisqu'il
achète à crédit.
Actuellement, en vertu de la Loi sur la protection du consommateur,
quand le créancier désire exercer son recours, il doit
donner un avis préalable de 30 jours pour être capable,
pour permettre au débiteur de remédier au défaut pendant
le délai de 30 jours. Si ce même créancier désire
réaliser son hypothèque mobilière, tel qu'on le
prévoit dans l'avant-projet, à ce moment, il y a non-coordination
entre les deux projets puisque les délais, premièrement, ne sont
pas les mêmes et les droits accordés au débiteur ne sont
pas les mêmes, puisqu'à 2934 on nous dit que dans le cas où
le débiteur est en défaut - par exemple, lorsque le
créancier invoque sa clause de déchéance du terme -ce
qu'il peut lui réclamer, c'est le montant dû en capital et
intérêts, donc, le solde de l'obligation.
Ce n'est que dans le cas où il exerce la reprise du bien en
paiement que le débiteur peut remédier à l'omission ou
à la contravention sans avoir à payer le montant global. Or, en
vertu de la Loi sur la protection du consommateur actuellement, le
débiteur peut remédier au défaut ou à l'omission
dans le délai de 30 jours, ce qui ne serait pas possible dans votre
avant-projet de loi. Il y a un manque de coordination entre les deux lois et je
pense que là-dessus, des travaux additionnels devront être faits
en matière de consommation. Je voudrais aussi vous dire qu'il aurait
été intéressant que tous les délais soient
uniformes. En matière de consommation, par exemple, on sait que la
clause de déchéance du terme, le consommateur a 30 jours pour
remédier au défaut. On sait qu'en matière de vente
à tempéramment, le consommateur a 30 jours pour remédier
au défaut.
On sait qu'il peut, à l'intérieur du délai de 30
jours, présenter une requête au tribunal pour modifier les
modalités de paiement, ce qui lui permet d'être plus en mesure de
faire ses paiements s'il est dans une période difficile. Pourquoi, dans
le projet actuel, n'a-t-on pas la même protection pour le consommateur
lorsqu'il est poursuivi sur une base hypothécaire?
En matière de dation en paiement, vous le savez, on lui donne un
délai de 60 jours pour remédier à l'omission.
Pourquoi, lorsqu'il est poursuivi hypothécairement, ne lui
donnerait-on pas en matière immobilière la même protection
qu'il a en matière mobilière? Pourquoi, en matière de
dation en paiement, lui donne-t-on une protection de remédier à
Commission pendant un délai de 60 jours, alors que s'il est poursuivi
hypothécairement, il n'a aucune protection, il doit rembourser le total
de la dette. Il y a quelque chose qui manque quelque part au niveau de la
protection.
Pour le moment, je vais arrêter ici.
M. Massol: Alors, je vais continuer.
Parlant justement des recours, nous avons constaté que les
recours étaient surtout axés sur le domaine commercial. Les
différents recours, que ce soit la vente en justice ou la vente de
gré à gré, la vente par le créancier exige ou la
vente de gré à gré constitue des formes de vente qui
étaient prévues déjà par des contrats. Je ne pense
pas que les consommateurs aient avantage à avoir de telles
possibilités puisque, comme on l'a dit précédemment, les
consommateurs seraient mieux protégés par des articles de loi qui
prévoieraient explicitement le genre de recours qui doit être
exercé. Ils n'ont pas laissé cela à la discrétion
des parties.
L'avis d'intention qui est prévu par le projet est certainement
une idée valable en soi. La possibilité de remédier au
défaut devrait se retrouver cependant dans un article qui viendrait
immédiatement après l'article qui prévoit l'avis
d'intention, un peu comme l'actuel article 1040a et 1040b du Code civil.
L'avis d'intention devrait également être enregistré
avant d'avoir son effet pour permettre entre autres au tiers
intéressé de se prévaloir de la possibilité de
recourir à l'article 2934. Il y a des exemples qui sont dans notre
mémoire et qui sont invoqués à cet effet-là
où un créancier ou un tiers intéressé pourrait voir
ses droits mis en péril à cause d'un problème
d'enregistrement qui n'a pas été fait puisque le créancier
ne serait pas obligé d'effectuer l'enregistrement après avoir
envoyé son avis d'intention.
Concernant la possibilité pour le débiteur de
remédier à son défaut, on constate et on trouve
regrettable que ce n'est que dans deux cas où le débiteur pourra
remédier à la contravention en ne payant que ce qui est dû,
le retard, dans le cas de la prise en paiement, c'est le cas actuel, ou si le
créancier le permet.
Le créancier va-t-il le permettre? Je me pose la question, je
trouve cela un peu alléatoire. Cette possibilité devrait à
tout le moins être rendue à tous les recours. Tous les recours
hypothécaires devraient comprendre cette possibilité pour le
débiteur.
Le projet actuel fait en sorte que le débiteur pour
remédier au défaut doit rembourser le solde en entier de
l'obligation alors, la plupart du temps, s'il est en retard dans ses
mensualités, il ne pourra certainement pas rembourser le solde au
complet. Ce qui va arriver, c'est qu'il n'aura pas la chance des coureurs et
son immeuble ou son bien en général va y passer.
L'article 2935 du projet devrait, à notre avis, subsister. Il y a
peut-être des organismes qui vont vous suggérer de le retirer.
Nous croyons qu'il s'agit à tout le moins d'une protection minimale. Et
même si cet article pourrait se retrouver dans une autre partie ou dans
un autre livre du Code civil, on devrait quand même le maintenir, quitte
à ce qu'un principe général soit repris ailleurs dans le
Code civil.
On peut parler rapidement également des visions de chapitre,
toujours dans la partie des recours, cela pourrait peut-être être
révisé, par exemple, les chapitres II et III du titre IV du livre
des droits réels auraient pu être regroupés. On a des
recours communs à tous les créanciers, des recours communs aux
créanciers prioritaires et hypothécaires, des recours
spécifiques aux créanciers hypothécaires; il me semble
qu'il y aurait moyen de rediviser cela.
Quant au délaissement, on peut se poser la question de son
efficacité et de son rôle dans le présent projet. Il
faudrait éclaircir à tout le moins son rôle qui, pour le
moment, est très obscur. On se demande si c'est un recours qui est
préliminaire ou obligatoire. Dans certains cas, les autres recours nous
laissent penser qu'il s'agit d'un recours obligatoire. (12 h 15)
On a mentionné précédemment le cas de l'avis
d'intention par rapport à la protection du consommateur. Mentionnons
également les limites protectrices proposées par les articles
2949 et 2950, les anciens articles 1202 et suivants de notre Code civil actuel,
qui devraient prévoir à tout le moins les conséquences de
l'acquisition du bien par le créancier à la suite d'une vente en
justice. L'Office de révision du Code civil avait déjà
restreint les articles du Code civil du Bas-Canada. Le projet de loi, à
notre avis, vient encore plus restreindre ces articles.
La possibilité offerte au débiteur, à l'article
2958, constitue certainement une excellente innovation. Selon nous, il ne
s'agit aucunement d'un accroc au "consensualisme", surtout en matière de
consommation. C'est là probablement qu'on s'aperçoit qu'il y a un
immense fossé qui sépare le monde du commerce du monde de la
consommation. Le cas de la protection collective des consommateurs a, depuis
quinze ans, constitué un principe supérieur à celui du
vieux principe de la liberté contractuelle; j'y faisais allusion au
début. Je pense qu'il ne faut pas revenir là-dessus, ce sont des
choses acquises.
En matière de consommation, la possibilité offerte par
l'article 2958 devrait être ouverte à tous les recours. On aurait
alors tout le sens qu'il faut donner à cet article. Les recours et les
délais offerts en matière mobilière du moins sont
davantage favorables dans la Loi sur la protection du consommateur.
Ce sont tous les commentaires que nous avions à faire. Je vous
remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je vais
maintenant donner la parole au député de Marquette, adjoint
parlementaire du ministre de la Justice.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'aimerais tout
d'abord remercier la Commission des services juridiques non seulement pour la
préparation et la présentation de ce mémoire, mais aussi
pour la qualité et pour le soin qui ont été
apportés à sa rédaction. Nous avons préparé
quelques questions pour vous. J'aimerais aborder la première au sujet
de... D'ailleurs, vous nous avez transmis un message quand même
important. Vous représentez une clientèle fortement majoritaire
de la société québécoise. Vous parlez de
l'interrelation entre le commerce et la consommation. Vous reprochez donc
à l'avant-projet de loi de vouloir uniformiser les règles qui
gouvernent le marché de la consommation et celui du commerce. Ma
question est la suivante. Seriez-vous satisfaits si, éventuellement, le
Code civil avait des dispositions bien précises en matière de
protection du consommateur et que tout soit intégré dans le Code
civil du Québec? Je pense que vous avez un peu répondu à
ma question au début, mais je voudrais savoir si cela vous
satisfait.
M. Lemay: Je pense que, dans ('avant-projet de loi, il y a des
choses extraordinaires. L'article 2958 est un net pas en avant en
matière de clause de dation en paiement dans le domaine immobiilier
notamment. La protection qui est accordée là n'existe pas
actuellement. Par exemple, à l'article 2958, paragraphe deux, la
possibilité pour le consommateur d'avoir des modalités
différentes de paiement pour lui permettre de ne pas perdre la
propriété de sa maison, je pense que c'est intéressant
comme mesure législative. La question qu'an vous posait ce matin, vous
l'avez très bien comprise, je pense: Pourquoi ne pas accorder cette
protection pour tous les recours, d'une part? D'autre part, si vous voulez
réintégrer dans le Code civil ce qui existe actuellement dans la
Loi sur la protection du consommateur, soit, mais nous allons avoir un projet
de loi qui va doubler d'épaisseur, compte tenu des dispositions
particulières qui existent actuellement dans ce domaine. Si c'est la
volonté du législateur, soit, mais, dans la mesure où la
protection que l'on accorde ici est meilleure que celle qui existe
actuellement, tant mieux. Mais ne perdons pas de vue qu'actuellement, dans
l'avant-projet de loi, il y a des droits qui sont moins bien
protégés en ce qui concerne le consommateur que dans la Loi sur
la protection du consommateur actuelle. Donc, il faudrait changer, il faudrait
réintégrer cela parce qu'il y a des conflits de loi. Et je ne
sais pas dans quelle mesure on pourra régler ces conflits de loi si ce
n'est pas modifié.
M. Massol: Vous me permettez de compléter la
réponse?
Georges Massol. Je pense qu'on va avoir
le même problème avec le livre sur les obligations, Va-t-on
abolir la Loi sur la protection du consommateur ou va-t-on plutôt
prévoir que les obligations, c'est un domaine qui est
général, qui doit être inclus dans le Code civil, mais
à côté, il y a une loi qui s'applique aux relations
particulières? Il va falloir décider si on intègre - c'est
là une question de fond, plusieurs se sont penchés
là-dessus et ce n'est pas fini encore - ces dispositions dans le Code
civil ou si on en fait une loi à part.
Pour répondre à votre question, je pense que le Code
civil, en matière de sûretés, qui est aussi importante
parce que c'est la mesure d'exécution des contrats qui ont
déjà été conclus, devrait soit s'appliquer
uniquement en matière commerciale et que les relations entre individus
ou dans le domaine de la consommation soient régies par une loi
particulière, ou, à tout le moins, fassent l'objet d'un chapitre
particulier dans le domaine des sûretés.
M. Lafontaine: Si vous permettez -Yves Lafontaine - pour
compléter, c'est une opinion personnelle. Dans la Loi sur la protection
du consommateur, il y a aussi des dispositions pénales,
présentement, je vois cela difficilement dans un Code civil, où
on dit qu'on prévoit différentes infractions et le pouvoir de
poursuite de l'État. L'autre réflexion que je me fais
là-dessus, c'est que le Code civil - remarquez que c'est de moins en
moins vrai - normalement, est une institution qui doit durer un peu à
travers le temps, tandis que la consommation, qui s'adresse plutôt entre
compagnies commerciales et commerçants, est un domaine qui bouillonne
d'idées et qui évolue très rapidement- Peut-être que
si le législateur s'enferme dans un Code civil, il aura plus de
difficultés à l'amender que si c'était dans une loi
statutaire qui, comme on le voit, est amendable aux six mois.
M. Dauphin: Merci. D'ailleurs, quand j'ai étudié
l'ensemble des mémoires - je vous le dis tout de suite, j'ai
commencé par te vôtre parce que le mémoire du Barreau, je
ne l'avais pas reçu encore - ce qui m'a sauté aux yeux - vous en
avez parlé tantôt -c'est l'article 2934, dont le débiteur
peut, pas nécessairement, remédier au défaut, mais en
payant la totalité, c'est-à-dire le capital au complet et les
intérêts. D'ailleurs, on en a discuté la semaine
dernière au ministère; effectivement, il y aura des ajustements
à faire à l'article 2934, j'en conviens.
Concernant les prioriétés, vous proposez de
réfléchir à nouveau sur l'opportunité de conserver
des privilèges. Par ailleurs, vous proposez trois solutions dont celle
de ne conserver, comme créance prioritaire, que celle pour les frais de
justice, en abandonnant l'autre partie de la phrase, c'est-à-dire le
critère de frais faits dans l'intérêt commun parce que
d'application trop générale. Est-ce que vous pourriez expliciter
un peu plus sur cet aspect?
M. Lemay: Jacques Lemay. Pour ce qui est des frais faits dans
l'intérêt commun, les spécialistes qui sont ici autour de
la table, je ne sais pas s'ils ont le droit d'intervenir en commission
parlementaire... La jurisprudence là-dessus est, à toutes fins
utiles, inexistante; c'est très rare que cela se produit. Tout ce qu'on
lit en jurisprudence, c'est que ce ne sont pas des frais dans
l'intérêt commun. On cherche des exemples. Je pourrais vous en
donner deux, notamment auxquels je pense: les frais de séquestre, les
frais de syndic à une faillite; mais, à part cela, qu'est-ce que
c'est? C'est que cela existe depuis 1866, mais on ne sait pas exactement
à quoi cela fait référence. C'est dans ce sens-là
qu'on ne voyait pas vraiment un besoin très grand de protection à
ce chapitre.
Vous lisez les auteurs, il n'y a rien là-dessus. Ce ne sont
certainement pas des frais de justice, on vient d'en parler. Donc, les frais de
justice, actuellement, sont prévus notamment à l'article 714 du
Code de procédure civile, on en a une liste exhaustive. Il y en a
d'autres, évidemment, mais qu'est-ce qu'on va entendre maintenant dans
le nouveau Code civil par frais faits dans l'intérêt commun?
Doit-on laisser cela au soin des tribunaux? Quand ils se sont prononcés,
ils ont toujours dit: Non, ce n'est pas cela qu'on veut dire. C'est dans ce
sens-là qu'on a fait la remarque. Autrement dit, ce n'est pas utile.
M. Massol: Georges Massol. Je me permets de vous souligner qu'il
s'agit justement d'une modification. Je le disais au début. Ce que vient
de dire Me Lemay est vrai, c'est une modification de ce qui est inscrit
à (a page 8 de notre mémoire, afin qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté. On prévoyait trois possibilités ou trois
solutions possibles; c'est la première, finalement, qui doit
l'emporter.
M. Lemay: Pour ce qui est des impenses, est-ce que je peux me
permettre une réflexion? Il y a eu une discussion, tantôt, sur le
droit de rétention versus les impenses. La question des impenses, si ma
mémoire est fidèle, c'est l'article actuel du Code civil qui
prévoit qu'un tiers détenteur, qui a fait des impenses, a un
privilège, sauf qu'à l'article 2009, on n'avait jamais dit quel
rang il avait au chapitre du privilège. Je me suis posé la
question: Peut-être - ne parlons pas de priorité - que cet
individu devrait avoir une certaine préférence, mais est-ce que
ce ne serait pas, par exemple, en ce qui concerne l'hypothèque
légale qu'on devrait retrouver cette préférence,
plutôt qu'en ce qui a trait aux priorités? Pourquoi
n'enregistrerait-il pas son droit au même titre que Ies autres? Pourquoi
est-ce que ce serait une charge occulte qui passerait avant toutes les autres
charges? C'est cela qu'on a de la difficulté...
Le problème avec les priorités, si on fait exception des
créances de l'État qui passent uniquement avant les
créanciers ehirografaires, c'est que les autres sont des charges
occultes, elles n'ont pas à être publiées. Pourquoi veut-on
aller là-dedans, alors qu'on aurait la belle occasion d'obliger les gens
à enregistrer quand même un titre?
M. Dauphin: Quand vous dites également, relativement
à une hypothèque mobilière, que cela ne serait pas viable
en ce qui concerne la consommation et tout cela, vous avez
énuméré évidemment des raisons, c'est-à-dire
versus la Loi sur la protection du consommateur avec les dispositions
prévues dans l'avant-projet de loi.
Considérez-vous quand même que l'idée ne serait plus
à avancer à ce point-là?
M. Lemay: Non, ce n'est pas dans ce sens-là que j'ai fait
mon intervention, j'ai dit qu'il y a tellement de contradictions entre
l'avant-projet de loi et l'actuelle Loi sur la protection du consommateur qu'il
faudrait nécessairement travailler à nouveau et harmoniser les
deux, dans le sens de donner la même protection, par contre, qu'on
retrouve dans la Loi sur la protection du consommateur actuelle en
matière d'hypothèque mobilière conventionnelle. C'est dans
ce sens-là que je l'ai dit, je n'ai pas dit qu'on n'avancerait pas
l'idée.
M. Dauphin: D'accord. Pour le moment, pour ma part, cela va.
Est-ce que...
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Maisonneuve.
M. Dauphin: ...ma collègue de Maisonneuve...
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je voudrais
également saluer Mes Yves Lafontaine, Georges Massol, Jacques Lemay et
Michel Lamarre, je pense, qui vous accompagne également.
Je dois vous dire que j'ai beaucoup aimé vos commentaires de
départ, Me Lafontaine. Cela me rappelait ce qui me semblait être
la marque de commerce du droit que j'ai fait quand j'ai fait la licence;
c'était une phrase - je ne sais plus de qui elle est - qui disait: Entre
le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et le droit qui
affranchit. C'est une réalité que j'ai retrouvée comme
députée d'une circonscription du bas de la ville de
Montréal, où, finalement, les gens viennent
fréquemment me voir, parfois simplement pour se faire lire des papiers,
pas nécessairement des papiers de cour, mais des papiers de
régie, d'office, de commission, de ministère parce que c'est un
langage qui ne leur est pas facilement accessible, alors d'autant cette
recherche que l'on doit évidemment poursuivre de textes
législatifs les plus simples, les plus harmonieux possible. On est
maintenant dans une société où l'on souhaite le respect
des institutions, pas seulement pour des motifs d'autorité, mais aussi
pour des motifs de "consensualité", de convivialité, parce que
l'on veut aller chercher l'accord des gens au respect des institutions. Mais,
je dois vous dire que, dans la réalité, vous devez, vous
également, être en mesure de connaître cette dimension de la
vie d'un bon nombre de nos concitoyens qui finissent par avoir un irrespect
total à l'égard des institutions parce que ces dernières
ne les respectent pas au sens où ils n'en connaissent ni les
règles du jeu, ni les délais de prescription, ni les recours
auxquels ils ont droit.
Je pense que votre mémoire est certainement celui qui affirme le
préjugé le plus favorable au consommateur. Heureusement, dois-je
dire, que vous nous le présentez dans l'ensemble de ceux que nous
examinerons durant ces deux jours et demi devant la commission. (12 h 30)
Vous nous dites - je pense que c'est un aspect important - que le projet
est d'abord inspiré du droit commercial plutôt que du droit de la
consommation, ou, en tout cas, d'un souci qui est maintenant très
largement partagé par la très grande majorité de nos
concitoyens de quelque formation politique qu'ils soient, qui est celui de la
protection du consommateur. On n'a plus finalement ici ces fameux
débats; il est comme disparu du paysage, ce débat sur la
liberté contractuelle qui était une sorte de droit divin descendu
du ciel qui inspirait des opinions d'une certaine façon. On entend
maintenant que ce sont des droits qui se réconcilient, alors il faut
réconcilier plutôt que de faire primer un droit. Je trouve que
c'est vraiment inspirant ce que vous nous apportez ce matin.
Je vais aller tout de suite à ma question parce qu'il y en a
plusieurs. Je voudrais vous entendre sur la question de l'hypothèque
mobilière. Vous souhaitez, je pense, vous recommandez fortement qu'elle
ne puisse porter que sur les biens qui sont utilisés par l'entreprise.
Vous interprétez les articles tels que rédigés comme
donnant la possibilité pour un consommateur qui acquiert le bien, mais
également l'entreprise de le faire non pas seulement sur les biens qui
servent au commerce, mais sur l'universalité de ces biens. Je voudrais
vous entendre
rapidement là-dessus avant de vous poser d'autres questions.
M. Massol: Georges Massol. D'abord, effectivement, c'est notre
interprétation en particulier de l'article 2841 du projet.
L'hypothèque mobilière pourra porter, dit l'article 2841, sur le
bien déterminé que la personne acquiert. Quel est ce
bien-là? Est-ce que c'est seulement, comme le Barreau le dit dans son
mémoire, les biens futurs ou est-ce que ce serait tout autre bien qui ne
constitue pas une universalité de créance. La créance
est-elle en même temps que la vente ou si cela peut être une
créance de financement, par exemple? Une banque qui prête à
un consommateur pour l'achat d'une automobile, parce qu'il ne faut pas se le
cacher, ce qu'on veut dire, c'est que, dans la réalité
quotidienne, d'innombrables transactions se passent quotidiennement, les gens
achètent des voitures, les revendent... Il y a beaucoup plus de
transactions individuelles de ce genre et peut-être pas pour les
mêmes valeurs que les créances commerciales mais il y a plus de
transactions de consommation ou entre individus qui ont lieu qu'en
matière immobilière.
Le gros problème de l'hypothèque mobilière dans
cette matière, ce sera justement de savoir, par un bon mode de
publicité, si le bien est hypothéqué ou pas. Actuellement,
ce n'est pas compliqué, il y a les ventes conditionnelles, comme Me
Lemay l'expliquait. Si le créancier veut reprendre le bien, normalement
cela peut être un véhicule moteur, le consommateur disposera de
certains recours. Il pourra se présenter au tribunal, demander une
modification des modalités de paiement etc. Il disposera de la batterie
de recours offerte par la Loi sur la protection du consommateur. Nous pensons
qu'en matière de protection du consommateur, l'hypothèque
mobilière va avoir la vie dure ou ce sont les consommateurs qui vont
l'avoir, s'il n'y a pas de changement, effectivement.
Mme Harel: Vous nous avez fait part du fait que l'avant-projet de
loi était silencieux en ce qui concerne l'avenir de la Loi sur la
protection du consommateur. S'il existe des contradictions, et vous avez fait
part de quelques-unes, entre, par exemple, la Loi sur la protection du
consommateur et l'avant-projet, ne pensez-vous pas que c'est la loi qui va
prévaloir?
M. Lemay: Que la Loi sur la protection du consommateur va
prévaloir?
Mme Harel: Oui.
M. Lemay: Cela pourrait être l'une des
interprétations, mais imaginez-vous que, dans te même contrat,
vous ayez à la fois une clause de déchéance de terme,
toujours en matière mobilière, une vente à crédit,
donc avec les droits du vendeur et une hypothèque mobilière
créée en vertu de l'avant-projet, quand les recours vont
s'exercer et qu'on va invoquer la clause de déchéance de terme,
comme préalable à l'exercice du recours, est-ce que ce sera le
délai de 30 jours de la Loi sur la protection du consommateur qui va
s'appliquer? Est-ce que l'avis d'intention qui est de 20 jours avec
délaissement va s'ajouter à ce délai de 30 jours? Comment
va-t-on concilier tout cela? Je pense qu'il y a un manque là.
Est-ce que le créancier pourra se limiter à exercer
uniquement le recours hypothécaire et dire: la Loi sur la protection du
consommateur ne s'applique pas. Je pense qu'il va y avoir un problème
majeur parce que la clause de l'échéance de terme est
réglementée par la Loi sur la protection du consommateur alors
que, actuellement, on ne sait pas ce qu'on va nous dire sur la clause de
l'échéance du terme dans le livre des obligations.
Alors, même en ce qui concerne le livre des obligations, il va
falloir penser que la clause de déchéance du terme est
réglementée en matière de prêt et en matière
de vente mobilière dans la Loi sur la protection du consommateur
actuellement. Il y a toute une série de droits qui en découle. Il
va falloir concilier tout ça à un moment donné.
Mme Harel: Vous avez abordé la question, une question de
fond à savoir: Faut-il introduire dans le Code civil des dispositions
qui sont sujettes à moins de modifications, compte tenu de
l'évolution des mentalités, de l'état de l'opinion sur
certaines questions? Parce qu'il est vrai qu'on joue moins dans le Code civil
que dans les lois statutaires.
Je disais d'ailleurs aux personnes qui m'accompagnent: Les fins de
session sont faites pour jouer dans les lois statutaires, mais le Code civil...
Heureusement, d'ailleurs, d'une certaine façon. C'est une institution;
c'est une vieille dame qu'on respecte. On la laisse vieillir en paix, sans trop
l'agiter, malgré qu'il y a des modifications.
Mais le législateur est, malgré tout, moins tenté
de le faire. Il y a une certaine retenue. De toute façon, le
gouvernement aura certainement à nous faire clairement savoir s'il
entend abroger la Loi sur la protection du consommateur ou certaines des
dispositions: s'il entend les harmoniser, qu'est-ce qu'il entend faire en ce
qui concerne les recours, les modalités, les délais.
Vous donnez les exemples des délais. Il faut que les
délais soient les mêmes, qu'ils soient, de toute façon,
presque pédagogiques,
qu'ils soient connus. Cela commence à l'être. Quand on veut
avoir un recours contre la ville, par exemple, quand on est à
Montréal, beaucoup de gens commencent à savoir que les
délais de prescription, il faut que tout ça soit connu.
Alors, le gouvernement devra certainement nous faire connaître ses
intentions sur cette question. Je ne sais, sur cet aspect de protection du
consommateur, si vous avez quelque chose à ajouter concernant
l'harmonisation, l'abrogation ou quoi que ce soit d'autre.
M. Massol: Georges Massol. J'en ai fait un peu allusion tout
à l'heure. Je pense que c'est un vieux débat. C'est un
débat qui va continuer. C'est toute l'histoire de la codification
à partir de 1804 du Code Napoléon jusqu'à 1866 dans le
Bas-Canada. Est-ce que les relations qui existaient à ce
moment-là, qui étaient réservées à une
certaine élite de la population, n'ont pas été
modifiées?
Est-ce qu'il n'y a pas des relations d'affaires d'un côté
et de relations de consommateurs d'un autre côté? Ce sont deux
réalités qui ne se trouvaient pas lors de la codification. On
reprend, en 1987, le même schéma, soit un code. Je crois savoir
qu'aux États-Unis, certains experts se posent la question
également et ont essayé de rapatrier tous les principes dans
l'UCC... et on est en train de se poser la question: Est-ce qu'on a bien fait
de tout rapatrier ça dans la même loi? Est-ce qu'il n'y a pas des
exceptions pour les créanciers qui ne sont pas sophistiqués pour
certains débiteurs, pour les créanciers qui ont plus de pouvoirs
que d'autres?
Je pense qu'il faut tout remettre en question et surtout en
matière de protection du consommateur. Je pense que c'est une question
fondamentale et particulièrement importante.
Mme Harel: Oui, je vous remercie. Vous avez clairement fait
connaître votre point de vue concernant la présomption
d'hypothèque. Vous la souhaitez. Vous avez également
abordé toute la question... Vous souhaitez que l'acte
hypothécaire ne soit pas nécessairement notarié. Vous
semblez appuyer la position du Barreau.
M. Lemay: On n'a pas consulté son rapport avant,
mais...
Mme Harel: C'est compte tenu de l'expertise que vous avez, en
fait, de la clientèle que vous représentez?
M. Lemay: Jacques Lemay. Je reconnais l'acte notarié en
minutes, toute sa force, toute sa valeur et je respecte
énormément. Je trouve un peu curieux, par contre, qu'en 1987, on
insiste encore pour que ce soit l'acte notarié en minutes dans le cas,
par exemple, de l'hypothèque mobilière, à défaut de
quoi l'acte est non valable.
Par contre, en matière mobilière où les
transactions en termes d'argent, en termes de difficultés, d'ailleurs,
en ce qui concerne la convention, sont souvent aussi importantes qu'en .
matière immobilière, on accepte d'emblée que l'acte puisse
être soit sous forme notariée en minutes ou sous seing
privé. À l'occasion, nous avons des clients qui, effectivement,
font des contrats entre eux. Vous vous imaginez le type qui vend une petite
maison ou qui vend un bout de terrain ou quelque chose du genre faire la garde
de se créer une hypothèque dans un acte sous seing privé,
it est bien évident qu'il ne vient pas de se donner une garantie. Il ne
s'est rien donné du tout, puisque cela devrait être sous forme
notariée, en minutes.
À notre avis, les gens vont continuer à aller voir le
notaire en matière immobilière, probablement, mais c'est tout
simplement de dire pourquoi ce serait nécessairement nul quand c'est
fait sous une autre forme.
M. Lafontaine: À titre de président d'une
commission, de toute façon, le législateur a déjà
fait des choix au plan des professions à savoir qui pouvait faire quoi
et qui ne pouvait pas le faire. Je ne pense pas qu'il appartienne au Code
civil, disons, de créer des champs privilégiés pour l'un
envers l'autre. Que l'on règle cela dans le domaine des professions, je
pense que c'est l'endroit pour le faire.
Nous, nous payons comme aide juridique, point, c'est tout.
Mme Harel: Immédiatement, j'aimerais vous poser une
question, Me Lafontaine. Concernant ta certification, considérez-vous
que... Par exemple, le Barreau, qui vous a précédé,
suggérait que même la déclaration de résidence
familiale passe obligatoirement par les mains d'un professionnel. J'aimerais
avoir votre point de vue là-dessus.
M. Lafontaine: Je suis un peu au courant de la question de la
résidence familiale parce que cela a fait l'objet de débats et de
représentations de notre côté. J'avais compris que cela
avait été réglé de la façon suivante. C'est
que les formules étaient au bureau d'enregistrement. D'ailleurs, on
conseillait à notre clientèle d'aller tout simplement au Bureau
d'enregistrement et d'effectuer une signature. Au fond, c'est le
régistrateur qui inscrit le numéro de lot sur la
déclaration.
Si la société est assez riche pour obliger l'aide
juridique à payer des professionnels pour faire ce qui se fait
présentement au niveau du régistrateur, je ne vois pas de
problèmes là. Qu'on me donne
l'argent pour ce faire et il me fera plaisir de payer les professionnels
qui voudront le faire. À moins que l'on calcule que ce qui se fait
présentement est mal fait, disons. À ce moment-là, qu'on
me le démontre. Mais il ne m'appartient pas de faire ces choix.
Mme Harel: Croyez-vous qu'il serait souhaitable qu'il y ait des
formulaires standardisés des droits, par exemple? Vous parliez d'un
formulaire standardisé en matière de déclaration de
résidence familiale, que les personnes n'ont qu'à se
déplacer pour le remplir. Elles peuvent le remplir elles-mêmes
d'ailleurs. Elles n'ont même pas besoin d'être accompagnées.
Croyez-vous qu'il pourrait en être ainsi en d'autres matières, en
matière de sûretés?
M. Lafontaine: C'est un grand débat que vous soulevez
là, Mme la députée.
Mme Harel: C'est un débat intéressant.
M. Lafontaine: En pratique, je peux vous dire que ma connaissance
des sûretés fait que les contrats qui sont en circulation se
ressemblent étrangement. Ce n'est pas nécessairement le
professionnel qui l'a rédigé comme l'institution elle-même
qui l'a éprouvé dans le temps. Là-dessus, je suis
modérément soucieux des changements qui pourraient survenir
à la suite de l'apparition d'un professionnel parce que, en pratique,
ils existent déjà. Il existe même déjà des
"kits" de divorce en droit. Je peux vous le dire. Je comprends toutefois qu'il
y a aussi une habilité particulière au chapitre de la plaidoirie
qu'il est peut-être nécessaire d'effectuer au chapitre des
divorces et de la séparation. Mais je préfère ne pas
aborder ce sujet.
Il est évident, quant à moi, que des choses peuvent se
faire. Il y a du prêt-à-porter et du sur mesure. Si des gens sont
prêts à se payer du sur mesure, je ne vois pourquoi ils ne le
feraient pas. Mais il pourrait peut-être y avoir aussi un champ de
prêt-à-porter. Mais là, on entre dans tout le domaine des
professions. Comme je vous le dis, je préfère ne pas embarquer
là-dedans et on ne parle plus du Code civil à ce
moment-là.
Mme Harel: D'ailleurs, vous n'êtes pas le seul. Il y a
quasiment personne qui tienne vraiment à embarquer dans ce sujet.
Malgré que si on a la recherche de ce que j'appellais la
"consensualité" té" ou la "convialité" dans notre
société, c'est pourtant un des domaines qu'il serait souhaitable
que l'on aborde.
Je pense que les personnes qui m'accompagnent, entre autres, Me
Gariépy, vous auriez une question à poser. (12 h 45)
M. Gariépy (Pierre): Oui. Ma question est la suivante. Je
m'inquiète du sort des finances municipales si on abolit, comme vous le
proposez dans le mémoire, la priorité pour les créances
municipales. Vous mentionnez dans votre mémoire, à la page 7, que
"le pouvoir de vendre l'immeuble suffirait et qu'il pourrait y avoir une sorte
d'hypothèque légale avec enregistrement et que la date effective
de l'hypothèque de la municipalité serait la date de
l'enregistrement." Ce qui me vient à l'esprit est ceci. Tous les ans, la
municipalité aurait donc à choisir - il faudrait donner un
délai pour le faire - à enregistrer contre ces contribuables qui
sont en retard un avis d'hypothèque qui prendrait effet à la date
de l'enregistrement. Je m'inquiète un peu du sort des finances
municipales dans ce sens-ci c'est que cela serait à ce moment-là
le dernier des rangs de ceux qui sont enregistrés. Qu'en serait-il des
finances municipales?
M. Lemay: Je m'appelle Jacques Lemay. Actuellement, le
privilège de la couronne qu'on a à l'article 1989 - je vais
revenir aux municipalités - du Code civil dit quoi? Face à un
créancier hypothécaire, la couronne doit enregistrer et ne peut
pas passer avant si elle n'a pas enregistré son acte. De plus, le
régime que l'on propose actuellement, ce n'est pas ce que je viens de
vous décrire tout à fait, mais pourquoi une municipalité
n'aurait pas les mêmes obligations que n'importe quel autre
créancier qui détiendrait par exemple une hypothèque
légale? La difficulté de faire la chose? Mais pourtant, si on
laisse cela aux priorités, c'est encore une charte accrue. Il faut faire
des vérifications nécessairement, alors que la
vérification se ferait au bureau d'enregistrement et, par rapport aux
autres créanciers cela serait beaucoup plus équitable, quant
à moi. Mais là, tout le débat arrive au niveau de
l'intérêt public et de l'intérêt des deniers. Est-ce
que cela ne mérite pas une considération spéciale? C'est
un choix politique, mais si je pense en termes de débiteur et en termes
d'égalité entre les créanciers, je ne peux pas faire
autrement que dire qu'elle devrait passer par le même moule.
Le Président (M. Marcil): Vous revenez? D'accord. M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir
à la présomption d'hypothèque. J'aimerais avoir votre
opinion là-dessus parce que je crois que, dans votre mémoire,
vous n'en avez pas parlé à ma connaissance, si ma mémoire
est fidèle, en ce qui concerne la difficulté de preuve. Vous avez
sûrement entendu la conversation que nous avons eue avec le Barreau
précédemment lorsque la commission s'est
penchée sur la présemption d'hypothèque. Qu'est-ce
que vous en pensez?
M. Lemay: On est dans une situation difficile. En principe, je
serais d'accord avec la présomption d'hypothèque, mais je reviens
toujours au domaine de la consommation. Actuellement, en matière de
consommation, comme vous le savez, vous avez en matière mobilière
la réserve de droit de propriété. C'est
réglementé actuellement par la Loi sur la protection du
consommateur. On se suit bien? Si on introduit la présomption
d'hypothèque, cela voudra dire que cette réserve de droit de
propriété en matière mobilière prévue par la
Loi sur la protection du consommateur deviendrait une hypothèque dans
votre avant-projet de loi? On a un problème de coordination. Je ne peux
pas dire que je suis contre la présomption d'hypothèque, au
contraire, je crois que cela protège le débiteur et que cela
évite certains problèmes pour les créanciers, mais j'ai un
problème majeur par exemple quand j'essaie de coordonner les deux lois
dans les choix.
M. Massol: Comme le dit Me Lemay, cela dépend du choix qui
sera fait. Si on rapatrie les droits et obligations des consommateurs dans le
Code civil, la présomption de l'hypothèque s'impose et on fait un
chapitre spécial pour le domaine de la consommation. À ce
moment-là, on ne pourra pas permettre à un commerçant de
faire une vente conditionnelle. Mais si c'est le contraire, si on dit
plutôt: L'hypothèque mobilière ne s'applique pas en
matière de consommation et on se réfère à la Loi
sur la protection du consommateur, à ce moment-là, il n'y a pas
besoin de présomption d'hypothèque. Cela dépend du choix
que l'on fait.
M. Lemay: En matière mobilière, c'est une tout
autre question. Si on veut aller en matière immobilière, je
serais d'accord pour qu'il y ait présomption d'hypothèque.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Maisonneuve, il vous reste cinq minutes.
Mme Harel: Merci, M. le Président. En matière
d'hypothèque légale de la construction, j'aimerais que vous nous
rappeliez votre recommandation sur cette question. Je pense qu'on la retrouve
en page 33.
M. Melançon (Claude): Pages 32 et 33. Vous semblez en
désaccord avec le principe même de l'hypothèque
légale, sauf certaines exceptions dont le jugement
particulièrement en matière alimentaire, mais vous ne mentionnez
pas évidemment ici les créances des personnes qui ont
participé à la construction et qui ne sont pas
nécessairement les consommateurs, mais qui sont également parfois
de petits entrepreneurs. Est-ce que votre préoccupation va
jusqu'à eux en quelque sorte?
M. Lemay: Je dirais qu'elle va jusqu'à eux, oui.
Maintenant, vous comprendrez que les petits entrepreneurs en question que l'on
peut représenter à l'occasion ont cessé de l'être
habituellement. Donc, on a une préoccupation, mais c'est toujours une
préoccupation après coup. Je comprends votre intervention. Ce
qu'on a constaté au niveau des propositions qui sont faites, c'est que,
par exemple, quant à moi, on se crée beaucoup de problèmes
au niveau de certaines des propositions. On n'a pas insisté beaucoup,
mais sur la notion de la fin des travaux, on a une jurisprudence qui date
depuis je ne sais pas combien d'années et on avait même une
définition dans le Code civil actuel de la notion de la fin des travaux.
Là, on ne fait tout simplement que parler de la fin des travaux et
là, on va repartir à savoir s'il y a plusieurs fins des travaux
ou une seule, quand a-t-elle lieu etc.? Il y a certains accrocs, non pas
certains accrocs, mais certains manques par rapport à ce qu'on a
développé au cours des dernières années. On semble
dire, par contre, que le fournisseur de matériaux, sans préciser,
aurait !a possibilité d'une hypothèque légale. Est-ce que
cela voudrait dire que le fournisseur du fournisseur aurait aussi une
hypothèque légale? Parce qu'on fait tout simplement employer
l'expression "fournisseur de matériaux" alors qu'on sait fort bien que,
dans le Code civil actuel, seul le fournisseur de matériaux peut
contracter avec le propriétaire ou avec l'entrepreneur, le consultant, a
un privilège ou, si vous voulez, l'hypothèque légale qu'on
est en train d'installer. Donc, il y a un manque non pas de coordination, je
dirais, mais tout simplement un manque de suivi peut-être un peu par
rapport à la jurisprudence et par rapport à certaines
règles qui avaient été établies jusqu'à
maintenant.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Marquette, avez-vous une autre question? Il reste environ trois minutes en ce
qui vous concerne.
M. Dauphin: Cela va.
Le Président (M. Marcil): Cela va pour vous? Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Quant à la question de
l'insaisissabilité des biens jusqu'à 4000 $ que prévoit le
code, je pense que vous en parlez à un moment donné dans votre
mémoire, n'est-ce pas?
M. Massol: C'est exact. Georges Massol. Ce sont
particulièrement les articles, bien au début...
Mme Harel: Oui.
M. Massol: ...le titre premier du gage commun des
créanciers particulièrement aux articles 2803 et 2804 et 2827.
Les premiers articles spécifient que certains biens seront
insaisissables. On dit particulièrement à l'article 2803 de la
stipulation d'insaisissabilité. D'abord à l'article 2603, on dit:
Bravo! Cela reprend l'article 277 du rapport de l'Office de révision du
Code civil, 3auf que le rapport de l'Office de révision du Code civil
prévoyait également un article subséquent qui nous
semblait très important et qui devrait être inclus ici,
c'était l'article 278. La question qui se pose, c'est: est-ce qu'on
incorpore le domaine de l'insaisissabilité, présentement
prévu aux articles 552 et 553 du Code de procédure civile, dans
le Code civil? Si on les inclut, il faudrait les inclure tous. Si on en inclut
juste un, il va y avoir un problème de coordination. L'article 278 nous
semblait d'une importance capitale et cela, à cause de l'article 2827
qui dit que l'hypothèque ne peut porter sur des biens insaisissables.
Mais là, on ne sait pas ce que c'est que les biens insaisissables. Je
regarde simplement l'article 2801 et suivants du projet et on ne dit pas que,
par exemple, les meubles du débiteur garnissant sa résidence
principale seront insaisissables. Je tiens pratiquement pour acquis que le Code
de procédure civile ne s'applique plus. Je fais référence
à l'article 2803 qui prévoit une stipulation
d'insaisissabilité et je remarque qu'on n'a pas inclus l'article 278 de
l'Office de révision du Code civil. Donc, je me dis: est-ce qu'on a
voulu le retrancher, auquel cas une hypothèque, en vertu de l'article
2827, pourra porter sur des biens mobiliers garnissant le domicile du
débiteur. C'est un peu élémentaire compte tenu des
dispositions que le ministre de la Justice a adoptées
dernièrement en matière de dépôt volontaire, en
matière d'augmentation du montant d'insaisissabilité. Je pense
qu'il devrait y avoir une révision de toute cette partie-là.
Le Président (M. Marcil): Cela va.
Mme Harel: C'est ce que je souhaitais vous entendre dire. Alors
je veux simplement vous remercier pour la contribution, je pense, que vous
apportez à nos travaux et souhaiter qu'on aura peut-être à
un autre moment l'occasion de vous entendre.
M. Dauphin: À mon tour également, merci beaucoup de
votre participation et de votre excellente présentation.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup au nom de tous
les membres de cette commission, de votre mémoire. Soyez assurés
que nous allons tenir compte de vos remarques et je suis convaincu que
l'adjoint au ministre va sûrement vous consulter sur d'autres propos.
Merci beaucoup et bonjour.
Je vais suspendre les travaux jusqu'à 14 h 15.
(Suspension de la séance 12 h 56)
(Reprise à 14 h 22)
Le Président (M. Marcil): Nous reprenons nos travaux.
J'invite l'Association des registratreurs du Québec à cette
table, représentée par M. Georges Desnoyers, président, M.
Pierre Poirier, secrétaire et M. Louis Talbot, trésorier. C'est
ça?
Nous vous souhaitons la bienvenue à cette sous-commission sur la
réforme du Code civil en ce qui concerne les sûretés. Je
vous rappelle, si vous n'étiez pas ici ce matin, quand même les
modalités de notre rencontre. Nous vous laissons une vingtaine de
minutes pour faire votre exposé. Les gens ont pris connaissance des
mémoires. Ensuite, il y aura une période de questions de part et
d'autre. Je reçois une version modifiée de votre mémoire.
C'est ça?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Marcil): Donc, M. Desnoyers si vous
voulez commencer.
Association des registrateurs du Québec
M. Desnoyers (Georges): Dans un premier temps, j'aimerais vous
demander si la façon dont on veut fonctionner vous convient. D'abord, on
lirait le préambule du mémoire puis, on exposerait, expliciterait
davantage ce qu'on apporte dans le préambule; de retour dans le texte,
je vous donnerais des références aux pages pour le texte. Je ne
sais pas si ça vous convient.
Le Président (M. Marcil): C'est à votre choix,
monsieur.
M. Desnoyers: Je vous remercie. On va commencer à la page
7. On dit que l'étude du présent projet de loi effectuée
par l'Association des registrateurs du Québec porte davantage sur les
modalités d'application du texte de loi que sur les principes et la
philosophie qui sous-tendent ce projet, quoique nous aurions aimé nous
interroger sur les raisons qui ont motivé le comité pour ne pas
instaurer un système qui garantisse les titres. Mais nous estimions
que
le n'était pas notre rôle.
Cependant, outre les modalités d'application, trois sujets ont
retenu notre attention, à savoir: le rôle du registrateur et ses
responsabilités, l'enregistrement par sommaire et les moyens mis
à la disposition du registrateur pour assumer ses
responsabilités.
Le rôle du registrateur et ses responsabilités au moment de
l'enregistrement. À notre avis, le système d'enregistrement
préconisé par le présent avant-projet de loi aurait
avantage à être plus précis au niveau de certains articles,
lesquels seront traités de façon plus élaborée au
chapitre des modalités d'application. Nous entendons démontrer
que le registrateur ne peut enregistrer un document non valable ou encore qu'il
ne peut inscrire un document au registre foncier ou autre lorsque les
conditions prescrites par la présente loi ne sont pas
respectées.
Dans le texte de loi, il arrive souvent que l'on dise qu'un document
n'est pas valable, mais on ne dit pas que le registrateur ne doit pas le
publier ou qu'il ne doit pas être enregistré. À titre
d'exemple, on se référera à la page 15 du document.
L'hypothèque doit être publiée pour être opposable au
tiers, tandis que l'article 2848 est à l'effet que l'hypothèque
n'est valide que pour autant que l'acte indique, entre autres, la somme pour
laquelle elle est consentie et la valeur de l'obligation.
La publicité suivant l'article 3300 se fait par l'enregistrement,
lequel, sauf dans les cas expressément prévus par la loi, se
réalise suivant l'article 3341 par le dépôt d'un sommaire.
L'article 3343 précise les éléments qui doivent être
énoncés par le sommaire, dont à l'alinéa 7°, la
valeur de l'obligation et celle de l'hypothèque.
Lorsque la valeur de l'hypothèque n'est pas inscrite au document
constituf, le sommaire ne peut l'énoncer. Il faut donc en conclure que
l'hypothèque ne peut être enregistrée. Elle ne peut donc
être publiée. N'y aurait-il pas lieu de modifier l'article 2848,
de façon qu'il se lise: Que l'hypothèque n'est valide et ne peut
être publiée que pour autant que l'acte constitutif indique la
somme et la valeur pour laquelle l'hypothèque est consentie?
II y a deux hypothèques qui font exception au principe
général, disant qu'il faut énoncer la valeur et la somme.
Ce sont les hypothèques consenties en vertu de l'article 2849 et
2850.
Tel que nous l'avons vu précédemment, l'hypothèque
dont la valeur n'est pas indiquée à l'acte constitutif, ne peut
être publiée, puisque le sommaire ne peut énoncer la
valeur, et cela, même si un avis est donné conformément aux
articles 2851 et 2852, puisque cet avis s'enregistre non pas par sommaire, mais
par le dépôt d'un avis.
Pour que les hypothèques prévues aux articles 2849 et 2850
puissent être publiées, deux solutions sont susceptibles
d'être envisagées: Prévoir que les hypothèques
découlant de ces articles puissent s'enregistrer par le
dépôt du document ou modifier l'article 3343, de façon que
le sommaire énonce le fait qu'en vertu de l'article 2849 ou 2850 la
valeur est indéterminée.
Il y a des cas dans la loi qui prévoient que la valeur peut
être indéterminée. Mais ces hypothèques, si
l'enregistrement par sommaire est maintenu, ne pourraient pas être
enregistrées, étant donné que le sommaire doit
énoncer la valeur de l'obligation et il ne peut pas le faire, parce
qu'il n'y a pas d'hypothèque.
Alors, il faudrait prévoir soit que l'hypothèque
s'enregistre par défaut ou prévoir, en ce qui concerne le
sommaire, une modification, de façon que le sommaire énonce que
la valeur est indéterminée en vertu de tel ou tel article.
On s'en va à l'avant-dernier paragraphe de la page 17. On dit:
Dû au fait que la somme est un élément tout aussi essentiel
que la valeur pour la validité de l'hypothèque, n'y aurait-il pas
lieu de modifier l'alinéa 7° de l'article 3343 de la façon
suivante? Le sommaire doit énoncer la valeur de l'obligation et la somme
pour laquelle l'hypothèque est consentie, ainsi que le taux
d'intérêt, s'il en est. Il n'est pas prévu à
l'alinéa 7° de l'enregistrement par sommaire, que le sommaire doit
indiquer la somme de l'hypothèque.
À la page 18: Dû au fait que suivant l'article 2821,
l'hypothèque n'a lieu que dans les cas et suivant les formes
autorisées par la loi et qu'en ce qui concerne l'hypothèque
immobilière, la forme à peine de nullité absolue, se doit
d'être, par acte notarié et portant minutes, il devrait être
prévu que l'hypothèque, faite sous une autre forme que celle
autorisée par la loi, ne peut être publiée.
Nous proposons des modifications à l'article 2857 de façon
qu'il se lise: Elle ne peut être publiée que par son
enregistrement et, dans les cas où elle rencontre la forme ci-dessus,
afin qu'une hypothèque immobilière sous seing privé, le
registrateur ne soit pas tenu de l'enregistrer, étant donné
qu'elle n'existe pas et n'est pas valable.
À la page 19, c'est: De façon à ne pas publier une
hypothèque non valide, nous proposons la modification de l'article 2858,
en ajoutant ce qui est écrit en caractères gras:
L'hypothèque immobilière n'est valide et ne peut être
publiée qu'en autant que l'acte constitutif contient spécialement
la désignation du bien hypothéqué.
Pour illustrer également le fait que le registrateur ne devrait
pas enregistrer des actes non valides, nous pouvons nous reporter
à la page 35 du texte. Ce sont des formalités
préalables à la publicité. Je peux vous faire un
résumé de la page 35. Pour enregistrer un acte sous seing
privé, un acte notarié en minutes ou un acte notarié en
brevet, les formalités ne sont pas les mêmes. Soit que ça
prenne des copies authentiques ou des originaux, de façon qu'il n'y ait
personne qui conteste le fait que le registrateur doive s'assurer s'il est en
présence de documents authentiques ou de documents sous seing
privé. Lorsqu'il s'agit d'un acte notarié, il fut un temps
où la direction du bureau d'enregistrement et la Chambre des notaires
contestaient le fait que le registrateur demande que l'acte notarié soit
daté, que l'acte notarié mentionne le numéro des minutes
quand c'était le cas. Si c'est un acte en brevet, cela prend l'original;
si c'est un acte en minutes, cela prend des copies authentiques. Il y a une
différence. On demandait que le numéro des minutes soit
indiqué. C'était contesté. Aujourd'hui, c'est plus
conforme.
On demande qu'un paragraphe soit ajouté à la page 36,
disant: Pour être admis à l'enregistrement, les actes
notariés en brevet, les copies des actes notariés en minutes,
ainsi que les copies des actes préparés par les
arpenteurs-géomètres doivent démontrer que les
formalités prescrites par les lois qui les régissent ont
été respectées.
Également à la page 47 du texte, on se pose la question
à savoir pourquoi le registrateur devrait s'assurer uniquement
après l'inscription au livre de présentation que le document ne
contient aucune erreur substantielle, alors qu'actuellement, la
vérification est effectuée avant l'enregistrement et avant son
inscription au livre de présentation. Pourquoi inscrire au livre de
présentation, qui est un registre officiel conférant le rang, les
documents qui ne sont pas susceptibles d'être enregistrés puisque,
selon l'article 3341, deux conditions sont requises pour que l'enregistrement
se réalise, soit le dépôt du sommaire ou du document, selon
le cas, et une inscription au registre approprié? Ce document
n'étant pas enregistré, donc non public, pourquoi lui apposer un
certificat attestant son enregistrement? Pourquoi lui attribuer un
numéro d'ordre pour l'inscrire dans un registre faisant foi de
l'enregistrement?
Nous proposons de regrouper les articles 3363 et 3364 qui se liraient
comme suit: Le registrateur reçoit les documents présentés
pour enregistrement et s'assure que les documents présentés
contiennent les mentions qui doivent être incluses au sommaire ou au
certificat d'enregistrement et qu'ils ne comportent, à cet égard,
aucune erreur substantielle; les inscrit en premier lieu au registre de
présentation, dans l'ordre de leur réception, et leur attribue un
numéro d'enregistrement. Ensuite, en suivant le même ordre, il
accomplit les autres formalités requises par la loi.
Dans les cas où les documents présentés sont
manifestement irrecevables à l'enregistrement, ou s'ils
révèlent une omission ou une erreur, le registrateur les refuse
immédiatement, sans faire aucune inscription au registre de
présentation. Il donne un avis motivé à celui qui a requis
l'enregistrement et lui remet le document. Lorsque le document
présenté est un avis, le registrateur doit refuser de
procéder à son enregistrement si l'avis ne contient pas les
mentions requises ou révèle toute autre
irrégularité.
À la page 48, cela concerne l'article qui suit. Des documents
pourraient être enregistrés quand un élément ne
concerne pas un point essentiel à l'enregistrement. On demanderait que
dans cet article, il soit précisé que lorsqu'un
élément est divergent entre le sommaire et le document, que cet
élément ne soit pas un élément essentiel à
l'enregistrement. Il pourrait être enregistré; et on continue avec
la procédure prévue à l'article à savoir qu'on
avise le client; que le client a un délai pour corriger son document,
sans cela, il est radié. Mais il ne faudrait pas que
l'élément qui manque soit un élément essentiel
à l'enregistrement. On demanderait que cela soit précisé
à ce chapitre.
À la page 64, en ce qui concerne l'inscription au registre
foncier, à mi-page, il y a l'article 3404: Nous estimons qu'aucun acte
ne devrait être inscrit au registre foncier si la description de la
partie de lot n'est pas conforme au présent article. De plus, dans un
territoire ayant fait l'objet d'un plan cadastral, étant donné
que le numéro donné à un lot constitue son identification,
nous croyons important que les tenants et aboutissants se
réfèrent au numéro de lot afin d'éliminer toute
tentative de donner les tenants et aboutissants par les noms des individus.
C'est ce qui se fait assez souvent, actuellement. On va voir dans les
désignations et on dit: Une partie du lot untel, borné par Jos.
Bleau. Mais Jos. Bleau est celui qui était propriétaire en 1900
et il est décédé. Ce sont des désignations qui se
répètent d'un acte à l'autre. On ne peut plus retracer ces
immeubles, finalement. Les lots qui sont contigus ont un numéro de lot.
Il serait bon de préciser que les tenants et aboutissants doivent
être donnés par des numéros de lots. Nous proposons la
modification suivante: Pour que cet acte puisse faire l'objet d'une inscription
au registre foncier, la partie lot doit être décrite par la
mention de ses tenants et aboutissants se référant au
numéro de lot, s'il en est,
À la page 65, à l'article 3405, on dit: La description
d'une partie de lot au moyen
de distraction n'étant pas admise, le régistrateur ne
devrait pas être tenu d'inscrire un tel document au registre foncier, en
regard du lot ainsi décrit, si on veut qu'il puisse assumer une
obligation qui lui est faite par l'article 3369, soit de s'assurer que le titre
du constituant est déjà publié. Nous suggérons la
modification suivante: La description d'une partie de lot par distraction des
parties aliénées de ce lot n'est pas admise dans un acte soumis
ou admis à un enregistrement. C'est le texte qui existe actuellement et
on ajoute: "et le régistrateur ne peut inscrire ce document au registre
foncier en regard du lot ainsi décrit." Le registrateur a l'obligation,
avant d'enregistrer un acte d'aliénation, de vérifier si le titre
du vendeur est enregistré. Si on n'élimine pas la
possibilité d'enregistrer des actes avec partie de lot, il ne pourra
plus assumer cette obligation-là.
Du rapport des droits, à la page 66: Lors de l'entrée en
vigueur de la présente loi, une bonne partie du territoire aura
déjà fait l'objet de rénovation. Ainsi, les buts
visés par le présent article seront grandement
atténués. Les buts visés par le présent article
n'auront également pas lieu pour les lots faisant l'objet d'un
décret permettant l'aliénation d'une partie d'un lot situé
dans une zone agricole ou situé à plus de 345 kilomètres
du bureau d'enregistrement.
Il y aura donc toujours deux systèmes: l'un étant
désavantageux pour le contribuable, puisque ce dernier devra assumer les
frais reliés à l'examen de titres, et ce, à
répétition chaque fois que l'immeuble fera l'objet d'une
transaction. Il n'y aura d'autre part de contribuable privilégié
qui jouira des effets du report des droits. Nous proposons, par
conséquent, de modifier l'article 3413 de façon qu'un jour le
système soit équitable pour tous les contribuables en y ajoutant
le paragraphe suivant: "Sur les lots ayant fait l'objet d'une rénovation
avant l'entrée en vigueur de la présente loi, le report des
droits de propriété sur les lots ainsi visés et des autres
droits réels les affectant a lieu lors de la première
aliénation entre vifs d'un lot ainsi visé ou lors de la
première hypothèque conventionnelle enregistrée
après l'entrée en vigueur de la présente loi.
Déjà, la rénovation cadastrale est en cours. Quand
la loi va entrer en vigueur, il va peut-être y avoir la moitié du
territoire du Québec qui va avoir été
rénovée. Puis, un des objets de la loi, c'était que les
droits soient reportés sur les nouveaux lots. Là, il va y en
avoir la moitié qui ne sera pas reportée et l'autre sera
reportée. Le contribuable devra toujours payer les examens de titres sur
les lots qui n'auront pas fait l'objet de report de droits.
Il semble aussi que l'intention visée par le présent
avant-projet de loi est de rendre obligatoire le report des droits lors de la
première aliénation entre vifs ou de la première
hypothèque conventionnelle. Cependant, aucune sanction n'étant
prévue à l'article 3413, le registrateur devra procéder
à l'enregistrement de la première aliénation ou de la
première hypothèque, même si le rapport d'actualisation
n'est pas produit. Nous proposons d'ajouter le paragraphe suivant: La
première aliénation entre vifs ou la première
hypothèque conventionnelle des lots ci-dessus mentionnés ne
pourra être enregistrée si le rapport d'actualisation n'accompagne
pas lesdits documents.
Étant donné que la loi ne prévoit pas que le
registrateur doit refuser l'enregistrement, s'il n'est pas produit un rapport
d'actualisation, il ne pourra pas se baser sur aucun article de loi pour dire
qu'on ne peut pas enregistrer si vous ne le produisez pas. Donc, toute la
philosophie derrière la loi concernant le report des droits s'en va en
fumée s'il n'y a rien qui prévoit que la première
aliénation ou la première hypothèque ne peut pas
être enregistrée concernant ces lots.
C'était pour enregistrer le fait que le registrateur ne devrait
pas enregistrer certains documents ou ne devrait pas inscrire en annexe des
immeubles certains documents qui ne respectent pas les modalités de la
loi.
Nous revenons à la page 8 du rôle du registrateur et de ses
responsabilités dans la tenue des registres. Nous estimons que
l'obligation d'avoir recours au tribunal pour modifier ou corriger une
inscription faite dans les registres tenus par le registrateur est lourde de
conséquence puisqu'une telle façon de procéder
entraînera inévitablement la perte des droits pour le public. Tout
en préservant les droits des tiers de bonne foi, nous sommes d'avis, tel
que nous le préconisons dans nos commentaires en regard des articles
3330 et 3372, que le registrateur pourrait effectuer de telles corrections.
Pour comprendre davantage, rendez-vous à la page 32 du texte.
Selon l'article 3330, un registrateur ne pourra pas corriger une erreur
d'omission ou une erreur dans ses registres.
Aujourd'hui, un registrateur enregistre un acte d'hypothèque qui
affecte trois lots -les lots 1, 2 et 3. Il l'inscrit à l'index des
immeubles des lots 1 et 2. Il omet de l'inscrire sur le lot 3. Au moment
où il fait une vérification du travail qui a été
effectué par son employé, il s'aperçoit qu'il n'est pas
inscrit sur le lot 3. Il ne pourrait pas le corriger; l'article ne lui en donne
pas le pouvoir. L'article dit qu'il faut avoir recours au tribunal. S'il ne
s'en aperçoit pas au moment de la vérification, le lendemain, le
notaire, avant de faire le déboursé des fonds, vérifie au
bureau d'enregistrement si l'hypothèque est inscrite sur les trois lots.
Il s'aperçoit qu'elle n'est pas inscrite sur le lot
3 et demande au registrateur comment il se fait. Le registrateur lui
dit: On l'a oubliée, mais je ne peux pas corriger cela aujourd'hui; il
faut que vous vous adressiez au tribunal parce que la loi ne me permet pas de
corriger les erreurs qui sont faites dans mes registres. Il est
inévitable qu'il peut arriver que des droits soient enregistrés
entre le moment où l'erreur a été constatée et le
moment où la préinscription de l'action devant le tribunal est
enregistrée au bureau d'enregistrement.
C'est la même chose pour une erreur d'inscription, à
l'article 3372. L'article 3372 concerne les erreurs d'inscription. Le
registrateur reçoit un acte au nom de M. Orner Duval et il écrit
Orner Devaux; c'est une erreur d'inscription. Il ne pourrait pas corriger cette
inscription sans demander l'accord de toutes les parties
intéressées ou, à défaut d'avoir l'accord des
parties intéressées, sans demander au registrateur central la
permission de corriger son inscription. Entre temps, il peut arriver des
droits. Et, étant donné que le registrateur, avant d'enregistrer
un acte subséquent, doit vérifier si le vendeur a un titre de
propriété d'enregistré, il ne pourra pas le faire parce
qu'on n'a pas inscrit le bon nom à l'index des immeubles.
On suggère, à la page 34, de modifier l'article 3330 de la
façon suivante: En cas d'erreur ou d'omission, ou pour tout autre motif,
lorsque le registrateur refuse de rectifier ou d'annuler une inscription, tout
intéressé peut demander au tribunal de rectifier ou d'annuler une
inscription. Sur dépôt du jugement définitif, le
registrateur rectifie ou annule l'inscription. La rectification ou l'annulation
effectuée par le registrateur lorsque ce dernier y a consenti ou sur
dépôt du jugement ne porte atteinte ni aux droit du tiers de bonne
foi qui s'est fié au registre et qui a acquis à titre
onéreux un droit sur le bien concerné, ni à ses ayants
cause à titre particulier. Lorsque le registrateur procède
à la rectification ou à l'annulation d'une inscription sans qu'un
jugement ait été déposé, il en indique le moment et
appose ses initiales.
En indiquant la date à laquelle il a effectué la
correction, à ce moment-là, les tiers, qui se sont fiés au
registre, sont quand même protégés. Le droit des tiers sera
protégé.
Maintenant, nous allons à la page 9, De l'enregistrement par
sommaire. Nous nous interrogeons sur les motifs qui ont poussé le
comité à préconiser de façon générale
l'enregistrement par sommaire plutôt que l'enregistrement par
dépôt du document. Le principal motif était-il de
réduire le volume des documents qui doivent être conservés
dans les bureaux d'enregistrement, ou plutôt, était-ce de ne
rendre susceptibles d'enregistrement, donc publics, que les droits qui
affectent les immeubles ou les meubles, en écartant tous les droits
personnels qui découlent des conventions et dont l'enregistrement n'est
prévu par aucune loi?
II est évident que si les buts recherchés étaient
ceux ci-dessus mentionnés, il y aurait eu une économie
substantielle au chapitre de la conservation des documents, surtout si l'on
songe à l'informatisation des bureaux d'enregistrement. Cenpendant, nous
ne croyons pas que le sommaire, tel que préconisé dans cet
avant-projet de loi, soit susceptible d'atteindre les buts visés
puisque, bien qu'imposant certains éléments dans son contenu, la
rédaction du sommaire est laissée à la discrétion
des praticiens du droit et des parties. Nous ne serions pas
étonnés que, très peu de temps après la mise en
vigueur de cette loi, le sommaire contienne le texte intégral de la
convention ou que sa rédaction soit tout aussi longue que la convention
elle-même. (14 h 45)
En effet, quelle motivation le praticien du droit aurait-il de dresser
un sommaire de la convention qu'il vient de rédiger, alors qu'il devra
en assumer les coûts et la responsabilité? Nous estimons que seule
l'imposition d'une fiche standard peut permettre d'atteindre les buts
visés. Si l'enregistrement par sommaire ne se fait pas au moyen d'une
telle fiche, le nouveau système comportera plus d'inconvénients
que d'avantages puisque la vérification, au moment de l'enregistrement,
prendra plus de temps et qu'aucun espace ne sera ainsi
économisé.
Page 11. Les moyens mis à la disposition du registrateur pour
assumer ses responsabilités. Les articles 3348 et 3379 laissent supposer
que la présente réforme peut entrer en vigueur sans que
l'ensemble du réseau des bureaux d'enregistrement soit
informatisé. Si tel était le cas, nous estimons qu'il serait
impossible pour le registrateur responsable d'un bureau non informatisé
de se conformer à la présente loi. Étant donné que,
même actuellement, le registrateur ne parvient qu'avec très grande
difficulté à avoir les outils requis pour assumer
adéquatement ses responsabilités aux chapitres de la conservation
des documents et de la mise en application de la réforme cadastrale,
nous nous interrogeons sérieusement quant à savoir si le
registrateur aura à sa disposition les outils requis pour la mise en
application de la présente réforme. C'est pourquoi nous
suggérons que le registrateur, par le présent texte de loi,
oblige l'administration à fournir les outils requis en prévoyant,
entre autres, le financement pour la mise en application et le maintien de la
présente réforme, de même qu'il en fut pour la
réforme cadastrale. Il serait anormal qu'un service comme le
réseau des bureaux d'enregistrement, qui génère des
revenus qui
sont le double de son budget d'opération, ne puisse avoir les
moyens pour mener à bonne fin la présente réforme.
Nous avons d'autres commentaires à la page 43 à ce sujet.
L'article 3348 laisse sous-entendre que la loi pourrait être en vigueur
sans que l'ensemble du réseau des bureaux d'enregistrement soit
informatisé. Nous considérons déjà qu'il est
inacceptable que la loi favorisant la réforme du cadastre soit
appliquée sans que les bureaux d'enregistrement soient
informatisés. Il n'est pas impossible pour le registrateur, avec les
moyens vétustes mis à sa disposition, d'exercer
adéquatement le contrôle exigé par cette loi. Il lui sera
encore plus difficile, si ce n'est impensable, d'exercer le contrôle
exigé par la présente loi si des moyens efficaces et modernes ne
sont pas mis a sa disposition.
À titre d'exemple, sauf le téléphone et le
photocopieur, on peut affirmer sans crainte de faire erreur que le registrateur
a exactement les mêmes moyens pour accomplir sa tâche qu'avait le
registrateur de l'an 1857. L'article 3348 devrait être modifié de
façon que l'administration soit tenue de fournir le soutien technique
qu'exige l'application de la présente loi. Cet article devra se lire
comme suit: L'inscription de tout autre droit soumis à l'enregistrement
se fait au registre des droits personnels et mobiliers, s'il concerne un
immeuble, il est inscrit au registre foncier. On a enlevé de l'article
3348 la phrase suivante: ...soumis à l'enregistrement se fait au
registre des droits personnels et mobiliers... où un système
informatique, dans un bureau où un système informatique,
existe...
On enlève cet élément de façon qu'il n'y ait
pas de doute que tous les bureaux devraient être mis sur informatique. On
fait la même modification en ce qui concerne l'article 3379. On demande
que les mots "où un système informatique est utilisé"
soient enlevés.
Page 59. Cela concerne les articles 3385 et suivants qui traitent du
registre foncier. Nous estimons que le registre foncier tel que
préconisé par cet avant-projet de loi ne peut être
réalisé de façon convenable et sécuritaire avec les
moyens actuellement mis à la disposition des bureaux d'enregistrement.
À notre avis, la seule façon de réaliser un tel registre
foncier est de mécaniser et d'informatiser l'ensemble du réseau
des bureaux d'enregistrement et d'imposer le contenu du sommaire au moyen d'un
formulaire standardisé et obligatoire. Si les bureaux ne sont pas
informatisés et mécanisés, une augmentation sensible du
personnel devra être prévue uniquement pour classer chaque
document dans le dossier approprié. II est à remarquer que
lorsqu'un document affectera plusieurs lots, il devra être fait autant de
photocopies du document qu'il y a de lots afin que le dossier de chaque lot
contienne l'information contenue dans le document.
Cela me fait penser à un document qu'on a enregistré il
n'y a pas longtemps dans lequel il y avait 600 lots. Si on n'avait pas
été informatisé, pour classer chaque document sur un lot,
il aurait fallu faire 600 copies du document et les classer dans chaque lot. Ce
sont des choses impensables. Ce ne sont pas tous les documents qui ont 600
lots, mais cela arrive.
En plus de prévoir une augmentation sensible du personnel, des
espaces additionnels devront être prévus ainsi que des outils de
classement adéquats et en nombre suffisant. Cela prendra beaucoup plus
d'espace pour classer les documents, de la façon dont c'est prévu
dans cette loi. Cela prendra des outils de classement beaucoup plus
appropriés que ce qu'on a actuellement dans les bureaux
d'enregistrement.
C'était notre préambule avec quelques commentaires. Je ne
sais pas si on a écoulé nos 20 minutes ou si on peut
continuer...
Le Président (M. Marcil): Vous les avez
écoulées, mais si vous voulez conclure, on va quand même
vous permettre d'aller jusqu'au bout, compte tenu que nous sommes ici
plutôt pour vous écouter que pour jaser. Prenez le temps. Est-ce
que vous avez encore besoin de quelques minutes?
M. Desnoyers: On avait beaucoup de pages, et on savait fort bien
que...
Le Président (M. Marcil): Comme je vous ai dit au
début, c'est vrai que vous avez un peu modifié votre texte...
M. Desnoyers: On l'a modifié, oui.
Le Président (M. Marcil): ...mais l'autre texte avait
quand même été lu par tout le monde.
M. Desnoyers: Oui.
Le Président (M. Marcil): Les gens vont probablement vous
poser des questions sur ce que vous avez écrit et sur ce que vous
proposez.
M. Desnoyers: II y aurait peut-être un autre commentaire
qu'on pourrait faire avant de passer à ta période de questions.
En ce qui concerne l'enregistrement d'une hypothèque mobilière,
on dit, dans un bureau informatisé, que le registrateur qui
reçoit une hypothèque doit transmettre le document au
registrateur central. Mais il y a des cas où il y a une
hypothèque mobilière et une hypothèque immobilière
en même temps, une fiducie qui aurait une hypothèque pour deux
immeubles. Il faudrait prévoir que la fiducie soit au moins
présentée en double pour qu'on puisse en garder une copie dans le
bureau d'enregistrement où sont situés les immeubles, et qu'une
copie soit remise au registrateur central. On se demandait, dans un tel cas,
quel numéro d'enregistrement porterait l'hypothèque. Est-ce qu'il
y en aurait deux, une pour l'hypothèque immobilière et une pour
l'hypothèque mobilière?
De plus, il est à remarquer que même si elle était
présentée au même moment, elle ne serait pas
enregistrée à la même heure. Dans un bureau
d'enregistrement où est situé un immeuble, elle serait
enregistrée à l'heure de sa présentation, et en ce qui
concerne les immeubles, elle serait enregistrée à l'heure de son
inscription au registre des droits personnels. Ce sont des questions qu'on se
pose et qui nous semblaient importantes, concernant l'hypothèque.
Il y aurait d'autres sujets qu'on aimerait discuter, mais on va attendre
vos questions.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. Desnoyers. Je vais
maintenant laisser la parole au député de Marquette, adjoint
parlementaire au ministre de la Justice.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Au nom du ministre de
la Justice et de l'équipe ministérielle, j'aimerais vous
remercier pour la préparation et la présentation de votre
mémoire malgré que, comme le soulignait le président, il
aurait été difficile de consulter la version amendée avant
aujourd'hui, évidemment.
J'aurais, pour commencer, une question d'ordre général
à vous poser, qui est la suivante. Comment voyez-vous votre rôle
avec l'application de la réforme proposée?
M. Desnoyers: ...notre rôle?
M. Dauphin: Comment percevez-vous votre rôle avec la
réforme proposée?
M. Desnoyers: Sensiblement de la même façon qu'on le
perçoit aujourd'hui. Aujourd'hui, à notre avis, le registrateur
est un officier public qui est là pour voir qu'un système
d'enregistrement fonctionne adéquatement. La réforme
proposée vient éclaircir certains points qui étaient
contestés. Il y en a qui contenaient le fait, comme je le disais
tantôt, que le registrateur demande qu'un acte notarié en minute
porte le numéro de minute ou qu'un acte porte une date. Dans la
présente réforme, il y a des points qui sont
précisés; il y en a d'autres qu'on aimerait voir
précisés davantage. On le voit comme un officier public qui
serait là pour faire en sorte que la réforme
préconisée se maintienne et qu'elle ait une valeur, qu'on
conserve sa valeur.
Il aurait sûrement des pouvoirs qu'il n'a pas à l'heure
actuelle. Quand on songe aux rapports des droits et aux rapports
d'actualisation, où le registrateur peut faire en sorte que, dans le
rapport d'actualisation, il y a des droits qui n'ont pas été
reportés et qui auraient dû l'être. C'est un rôle
qu'on n'a pas aujourd'hui, celui de vérifier les droits qui
étaient enregistrés antérieurement. Cela, c'est nouveau.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
M. Dauphin: J'aurais maintenant une série de questions
peut-être plus techniques, mais avant, j'aimerais vous demander ce que
vous pensez de la proposition de l'Office de révision du Code civil qui
conférerait au registrateur le pouvoir de certifier les titres.
M. Desnoyers: On a dit au début qu'on aurait aimé
s'interroger davantage. Si le registrateur certifie les titres, c'est pour
l'ensemble du réseau de la province. Le registrateur certifie les
titres. On ne peut pas dire que le système ne serait pas meilleur
qu'à l'heure actuelle. À notre avis, il serait meilleur. Les
coûts qui seraient générés pour une transaction
immobilière, à notre avis, seraient moindres qu'actuellement.
Aujourd'hui, si, à chaque fois que vous avez un acte de vente ou un acte
d'hypothèque, vous êtes tenu de refaire un examen de titres et que
vous repayez l'examen de titres et, la semaine suivante, vous revendez votre
immeuble et l'examen de titres est fait, les coûts seraient moindres,
mais cela bouleverserait pas mal de choses. Il faudrait également que
dans les bureaux d'enregistrement, il y ait le personnel requis pour certifier
les titres et le personnel compétent. Il faudrait qu'il y ait de la
formation. Un registrateur par bureau ne pourrait pas certifier les titres pour
l'ensemble des transactions qu'on enregistre.
M. Dauphin: Combien de transactions peut-il y avoir...
M. Desnoyers: Dans un bureau d'enregistrement...
M. Dauphin: ...par jour ou par semaine?
M. Desnoyers: ...de cinq employés, vous pouvez enregistrer
jusqu'à 17 000 documents par année. Cela vous donne 240 jours
ouvrables.
M. Dauphin: Vous dites 17 000 par année.
M. Desnoyers: Oui. Il nous donne une moyenne d'environ... La
moyenne qu'on doit
atteindre pour dire qu'on est efficace, avec les documents, c'est entre
3500 et 4000 par année par employé.
M. Dauphin: Bien que vous ayez abordé ce sujet un peu,
l'utilisation du sommaire et de la production des pièces justificatives,
pourriez-vous expliciter davantage là-dessus?
M. Desnoyers: On ne sait pas pourquoi l'enregistrement par
sommaire a été retenu par le comité. Avec le projet de loi
tel qu'il est rédigé, on ne sait pas pourquoi il a
été retenu par le comité. Si c'était pour une
économie de conservation des documents qu'on a - un sommaire, c'est
censé être plus court qu'un acte, donc cela prend moins d'espace -
on dit que ce serait bon. On se trompe peut-être, mais on est convaincu
que tel que présentement, étant donné que le sommaire, ce
n'est pas une fiche imposée, standardisée, le sommaire va
être aussi long que les actes. Alors, il n'y aura pas d'économie
à ce niveau. Ce sera plus long pour l'enregistrement parce qu'il va
falloir vérifier, au moins dans ce qui est censé être un
sommaire, si les éléments qui sont prescrits par la loi y sont
et, si ces éléments sont les mêmes que le document, il va
falloir aller voir dans le sommaire et aller voir dans le document pour voir si
cela correspond. Ce sera plus long. On ne sait pas pourquoi cela a
été repris.
M, Dauphin: C'est pour cela que, tantôt, vous proposiez une
fiche obligatoire...
M. Desnoyers: Standardisée.
M. Dauphin: ...aux professionnels.
M. Desnoyers: Si c'est une fiche standardisée, le contenu
des documents sera moins volumineux et cela va prendre moins d'espace. Si on
s'en va sur l'informatique, il y a des lecteurs. On pourrait mettre la fiche
dans un lecteur et cela rentrerait dans l'informatique. Mais si ce n'est pas
standardisé et que vous avez un sommaire qui a dix ou douze pages, comme
un acte d'hypothèque a dix à douze pages...
M. Talbot (Louis): Aussi, on voudrait, si vous me le permettez,
dans le sommaire, qu'il soit limité à un acte seulement...
Le Président (M. Marcil): Pourriez-vous vous identifier,
s'il vous plaît?
M. Talbot: Louis Talbot. Dans le sommaire, qu'il y ait seulement
un acte qui soit résumé et non comme actuellement on peut
résumer quatre ou cinq actes dans le même document, dans le
même sommaire. On proposerait que chaque sommaire doit résumer un
seul acte pour éviter les confusions.
M. Dauphin: Sur le même sujet, si le professionnel apporte
une copie intégrale du document, évidemment vous n'avez pas de
pouvoir en vertu de l'avant-projet de loi pour lui dire: Recommencez votre
travail; cela a été mal fait; c'est un sommaire que cela
prend.
M. Desnoyers: II le pourrait, comme cela se fait à l'heure
actuelle. Parfois, c'est parce que la forme du document n'est pas
enregistrable. On va l'enregistrer par sommaire. Ce n'est pas enregistrable par
dépôt. Cela peut être enregistrable par sommaire. Alors, on
aura une comparution disant que M. Untel requiert le notaire de faire le
sommaire de tel acte. A ce moment-là, il nous fait le sommaire, mais
c'est écrit mot à mot jusqu'à la fin et c'est
signé. (15 heures)
Je ne vois pas ce qui pourrait motiver un professionnel ou un notaire
qui fait un acte à en faire un résumé après pour
venir le porter au bureau d'enregistrement. Il y a des actes qui pourraient
difficilement se résumer. Si on pense à une déclaration de
transmission, la loi prévoit déjà les
éléments que doit contenir la déclaration de transmission
et elle doit s'enregistrer par sommaire. Elle ne peut pas s'enregistrer
autrement qu'en répétant les mêmes éléments.
Quant à l'enregistrement d'un testament, il devra l'interpréter,
mettre les éléments qu'il juge essentiels dans le sommaire. Le
testament et la déclaration de transmission sont des documents où
on préconise, dans notre texte, l'enregistrement par dépôt
au lieu de l'enregistrement par sommaire. La déclaration de transmission
ne pourra pas être faite autrement que ce qui est prévu dans la
loi. Quant au sommaire, ce sera la même chose.
M. Dauphin: D'accord. J'ai plusieurs autres questions, mais je
vais en poser une dernière, avant de laisser la parole à ma
collègue de Maisonneuve, relativement à l'informatisation des
bureaux d'enregistrement. Pourquoi est-ce que ce serait un prérequis
à l'application de la réforme de ta publicité? Doit-elle
être générale ou sectorielle? C'est-à-dire par
secteurs d'activité de bureaux?
M. Desnoyers: Avec le système de loi
préconisé par l'avant-projet de loi, si les bureaux
d'enregistrement ne sont pas informatisés et si on a le registre foncier
tel que préconisé là, vous devrez doubler ou tripler les
employés d'un bureau d'enregistrement juste pour classer les actes dans
le bon dossier, et vous ne serez pas certain qu'ils seront classés dans
le bon dossier. Des
erreurs, cela peut se faire. Quant à la conservation, comment
conservera-t-on ces documents-là? Est-ce qu'on va fonctionner avec des
chemises? Quand les gens viendront les consulter, on va leur remettre la
chemise? Aujourd'hui, cela est conservé dans des autorelieurs, cela ne
se défait pas. On donne l'autorelieur aux gens qui veulent consulter des
documents et ils ne peuvent pas le défaire. On ne prendra pas un
autorelieur par dossier parce qu'on aura trop de documents. Cela prendra des
chemises qu'on remettra aux gens. On n'a pas de contrôle sur les gens qui
viennent dans un bureau d'enregistrement. Si vous en avez dix ou douze autour
des tables, ce n'est pas qu'ils veulent les enlever, mais il serait facile de
se tromper, étant donné que c'est une chemise et qu'ils ont des
chemises en leur possession, de mettre toutes les chemises dans leur valise et
de s'en aller.
Si on n'est pas informatisé, cela veut dire que ce sont des
documents, des papiers qui circuleront un peu partout dans le bureau. Dans le
bureau où je suis, on n'est pas tellement nombreux, il peut venir dix ou
quinze régistrateurs, mais quand on pense aux bureaux comme
Montréal ou Laval, où il y a là peut-être 50, 60 ou
70 notaires en même temps, j'ai l'impression qu'on ne retrouvera jamais
les dossiers si on n'est pas informatisé. Il n'y aura pas moyen de les
classer de façon sûre.
M. Dauphin: D'accord. Merci beaucoup. Je reviendrai
tantôt.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. II me fait plaisir de
vous saluer, M. Desnoyers, qui êtes président, et les personnes
qui vous accompagnent, MM. Poirier et Talbot. C'est vraiment
intéressant. Vous l'avez dit au tout début, votre mémoire
concerne beaucoup d'aspects techniques, surtout celui de l'enregistrement.
C'est certainement une expertise indispensable au registrateur. Je pense que
vous nous transmettez cet après-midi une contribution certainement
importante pour la suite de nos travaux.
Je reprendrais la question du sommaire. Je pense que vous avez dit dans
votre mémoire que seule l'imposition d'une fiche standard par le
gouvernement pouvait atteindre les buts visés par une telle disposition.
Croyez-vous qu'il pourrait être aussi ou plutôt alternativement
intéressant pour réaliser les mêmes objectifs,
d'enregistrer l'acte tout au long et de le conserver sur microfilm, par
exemple?
M. Desnoyers; Les conventions varient tellement d'un acte à
l'autre... Conserver l'acte sur microfilm, cela pourrait se faire assez
facilement mais pour la rapidité de l'enregistrement avec une fiche
standard... Aujourd'hui, pour informatiser, il y a des lecteurs optiques qui
peuvent prendre une fiche standard tandis qu'avec un acte on ne pourrait pas le
faire. On pourrait conserver le document sur microfilm et entrer la fiche
standard sur lecteur optique pour que cela aille dans les différents
registres et que les gens puissent les consulter. Si on a le document comme tel
déposé, soit que le bureau d'enregistrement en fasse une fiche
et, à ce moment, il va le pitonner au lieu de le mettre sur un lecteur.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Mme Harel: Oui. Je reprends aussi une question qui vous a
été posée par l'adjoint parlementaire concernant la
certification des titres. Je pense que c'est à la page 36 du
mémoire. Il y a trois lignes à la fin de la page qui stipulent
que le régistrateur, en sa qualité d'officier public, ne
devrait-il pas être autorisé à certifier la validité
d'un document au même titre qu'un notaire ou un avocat. C'est une
question que vous posez. J'imagine que vous avez une réponse à
nous apporter aujourd'hui.
M. Desnoyers: À notre avis, le régistrateur est un
officier qui aurait tout autant la compétence qu'un notaire ou un avocat
pour recevoir la certification des documents qui est demandée par cette
loi. On se demande pourquoi il y a des documents qui seraient obtenus devant
notaire pour cela.
Mme Harel: Ce matin, il y a un député qui... le
Barreau, dans la présentation de son mémoire, au cours de nos
travaux, a émis de sévères réserves sur toute cette
question de la définition des exigences que comporte actuellement
l'avant-projet de loi. Il nous disait préférer de loin une simple
attestation qu'une certification entre autres de l'adéquation de la
volonté des parties.
Vous venez de répondre, en tout cas. Quant à la
certification qui est prévue dans cet avant-projet de loi,
considérez-vous que cette certification des titres est
indispensable?
M. Desnoyers: La certification des titres comme telle?
Mme Harel: Telle que prévue dans l'avant-projet.
M. Desnoyers: Ah! D'accord. La certification de validité
du document.
Mme Harel: Oui. C'est-à-dire le certificat plutôt.
La certification...
M. Desnoyers: Cette loi dit qu'après dix ans, ce qui est
conclu dans les registres au
bureau d'enregistrement fait foi. Si on veut être certain que
c'est la volonté des parties qui est dans les documents, oui, il faut
que ce soit là. Avec cette certification, il ne faut pas oublier que
même si on dit que l'enregistrement sous seing privé peut encore
se faire, on dit d'accord, vous pouvez faire encore des actes sous seing
privé mais, pour être certain que votre document contient bien
votre volonté, allez faire certifier cela devant un notaire ou un
avocat.
Mme Harel: Oui.
M. Desnoyers: Des actes sous seing privé, il n'y en aura
plus. Je ne vois pas où ils vont se faire.
Mme Harel: Et vous êtes à l'aise avec la
certification telle que stipulée dans l'avant-projet de loi? Quand vous
dites, par exemple, nous, comme régistrateur, comme officier public, on
pourrait procéder à cette certification de la validité du
document, êtes-vous à l'aise avec le type de certification
prévu dans l'avant-projet de loi?
M. Desnoyers: À l'heure actuelle, on ne le fait pas.
Mme Harel: Non, je sais. Mais seriez-vous à l'aise avec le
type de certification telle que rédigée, telle que...
M. Desnoyers: Oui. C'est la volonté des parties...
Mme Harel: Je ne l'ai pas devant moi. M. Desnoyers: ...de leur
identité. Oui.
Mme Harel: Donc, à la fois, vous seriez à l'aise,
par exemple, pour vérifier l'identité, la qualité, la
capacité des parties, de même que l'adéquation entre l'acte
et la volonté des parties.
M. Desnoyers: Bien, l'adéquation entre l'acte et la
volonté des parties, c'est que vous avez des personnes devant vous. De
la façon que vous le comprenez, vous leur demandez si ce qu'elles ont
donné dans leur document est bien ce qu'elles ont voulu dire de
façon à s'assurer que le texte reflète ce qu'elles avaient
dans l'esprit.
Mme Harel: À ce moment-là, il faudrait que les
parties se présentent devant vous.
M. Desnoyers: Oui.
Mme Harel: Oui. Évidemment, il y a des titres. On me
faisait penser justement à l'enregistrement, par exemple, le fournisseur
de matériaux va se présenter seul pour faire enregistrer à
ce moment. Mais 'pensez-vous que le texte tel que rédigé serait
satisfaisant en ce qui concerne la certification que vous pourriez faire?
M. Desnoyers: Oui.
M. Talbot: Mais c'est déjà mieux qu'aujourd'hui.
Aujourd'hui, il n'y en a pas.
Mme Harel: Oui.
M. Talbot: Alors, ce serait un gros plus, sauf que l'idée
ici était de permettre aux gens encore de faire des actes sous seing
privé. Si la personne désire faire un acte sous seing
privé, qu'elle est obligée de passer devant le notaire, elle a
l'air un peu piqué, se présenter chez le notaire, bon... Alors
que si là le régistrateur a le pouvoir de certifier, les gens
vont pouvoir continuer encore à faire des actes sous seing privé
et se présenter directement au bureau d'enregistrement pour la
certification. C'est un peu le but pour lequel on devrait avoir le pouvoir de
le faire.
M. Desnoyers: À l'heure actuelle, le régistrateur
peut recevoir les assermentations concernant les actes sous seing privé.
On peut les recevoir. On dit qu'il y a encore des actes sous seing
privé, sauf qu'il va falloir qu'ils aillent ailleurs avant d'être
enregistrés. C'est ça.
Mme Harel: Merci beaucoup. C'est fort intressant. D'autre part,
je pense qu'il y avait également d'autres questions qui devaient vous
être adressées. Toute la question de l'hypothèque en valeur
indéterminée, vous en avez parlé au tout début de
la présentation de votre mémoire, lorsque la valeur de
l'hypothèque n'est pas déterminée comme cela pourrait
être possible maintenant. Je pense que vous avez une recommandation
à faire quant au moment où l'enregistrement doit intervenir, si
c'est au moment de l'avis ou si c'est au moment de l'avis plutôt de la
valeur estimée, c'est ça, ou au moment de l'avis de
l'enregistrement.
M. Desnoyers: Je ne comprends pas.
Mme Harel: Vous pensez qu'il faut que ce soit concomitant, je
crois. Vous avez décrit un problème.
M. Desnoyers: Le problème?
Mme Harel: Le problème entre les deux dates
d'enregistrement...
M. Desnoyers: C'est une hypothèque... Mme Harel:
...à valeur indéterminée.
M. Desnoyers: Les deux dates différentes, ce serait dans
un même document où cela concerne les droits mobiliers et des
droits immobiliers.
Mme Harel: Vous avez décrit cela. D'accord.
M. Desnoyers: L'hypothèque à valeur
indéterminée, de la façon dont on comprend le texte de loi
à l'heure actuelle, c'est qu'elle ne pourrait pas être
enregistrée. Etant donné que l'enregistrement, de façon
générale, se fait par sommaire et qu'un des
éléments que le sommaire doit contenir c'est la valeur, et
là il n'y en a pas, le sommaire et l'avis, lui, qui vient
déterminer la valeur de l'hypothèque, il s'enregistre par
dépôt. Le sommaire ne pourrait pas faire un résumé
de l'avis; l'avis s'enregistre par dépôt et l'hypothèque
s'enregistre par sommaire. Mais un des éléments qui est requis
pour le sommaire n'est pas là. Il faudrait qu'on prévoie, soit
que cette hypothèque s'enregistre par dépôt ou
prévoir un élément dans le sommaire disant que si la
valeur était déterminée, c'est parce que c'est
prévu par tel ou tel article.
C'est toujours à la condition qu'on exige de façon
expresse que les hypothèques dans lesquelles la somme ou la valeur ne
sont pas indiquées ne peuvent pas être publiées. Si on ne
fait pas cela, cela veut dire que l'hypothèque n'est pas valable. Elle
est publiée pareil, et arrangez-vous ailleurs. Faites ce que vous voulez
avec. Mais il faut que ce soit prévu, que ce soit précisé
parce que l'hypothèque dont la valeur n'est pas mentionnée ne
peut pas s'enregistrer. En même temps, il faut prévoir que celle
dont la loi prévoit expressément que la valeur était
indéterminée, mais fixée par un avis, qu'elle puisse
s'enregistrer par dépôt ou dans le sommaire où un
élément dit: dans ce cas, c'est permis à cause de tel
article.
Mme Harel: Et la date de l'enregistrement de cette
hypothèque à valeur indéterminée, dont la valeur
est estimée par l'avis estimatif, la date serait celle de
l'enregistrement du sommaire ou celle du dépôt de l'avis
estimatif?
M. Desnoyers: On pose la question justement.
Mme Harel: Ah! Vous n'avez pas de réponse.
M. Desnoyers: Non. Est-ce que ça va être la date de
l'enregistrement du document original ou si ça va être au moment
de la date de l'enregistrement de l'avis?
Mme Harel: Avez-vous une idée?
M. Desnoyers: Normalement, cela devrait être la date de
l'avis, parce que la publicité au moment où l'avis nous donne le
pouvoir de le rendre public, le faire...
Mme Harel: C'est ça. Une voix: Ça va?
Mme Harel: Peut-être sous la correction d'erreurs, je pense
que vous insistez beaucoup sur le fait que les corrections d'erreurs puissent
se faire de votre propre chef sans qu'il y ait besoin de recourir au tribunal,
que vous puissiez faire ces corrections comme c'est le cas actuellement. Je
pense que c'est un élément important de votre mémoire. (15
h 15)
M, Desnoyers: C'est ça. On est persuadé que si cela
ne se fait pas de la façon qu'on le suggère, c'est qu'il y a des
droits qui vont être perdus quelque part. S'il faut attendre à
chaque fois qu'il y a une décision du tribunal, même si cela peut
aller vite, ça va toujours prendre plus de cinq, dix ou quinze jours.
Même le régistrateur lui, si vous enregistrez un acte de vente
juste sur deux lots au lieu de trois et que le propriétaire veut vendre
le troisième, vous ne pouvez pas enregistrer, comme régistrateur,
un acte d'aliénation sans vous être assuré que le titre est
enregistré, mais vous ne l'avez pas sur le lot. On pourrait dire: Bien
non, tu ne peux pas vendre parce que j'ai oublié de le mettre sur le
lot, là il faut que j'attende qu'un autre me dise de le mettre.
Le fait que le registrateur puisse faire la correction en indiquant la
date et en apposant ses initiales, cela protège les tiers aussi. On sait
qu'entre telles dates, il y a eu un vide? s'il y en a qui ont fait des
transactions, si ce n'était pas là, on ne peut pas leur opposer
ce qu'on n'avait pas mis. Une fois que la date est indiquée, à
partir de ce moment-là, on pourrait...
Mme Harel: M. le Président, mon collègue a
peut-être certaines questions.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Marquette.
Mme Harel: Je reviendrai peut-être avec une dernière
question.
M. Dauphin: J'avais encore quelques questions d'ordre technique.
Combien de temps nous reste-t-il, M. le Président?
Le Président (M. Marcil): II vous reste à peu
près une dizaine de minutes.
M. Dauphin: Une dizaine de minutes. Pour en venir justement
à la possibilité pour
le registrateur de faire des corrections, l'article 330 dit que tout
intéressé peut demander au tribunal, en cas d'erreur ou
d'omission, de faire rectifier ou d'annuler l'inscription. Sauf que, si j'ai
bien saisi la portée de cet article, le notaire ou l'avocat qui
rédige le sommaire et qui l'enregistre auprès de vous peut, si
vous constatez une erreur d'écriture... Sauf que, dans le passé,
c'était vous-même qui le faisiez,
M. Desnoyers: Non, non, le notaire ne peut pas venir...
M. Dauphin: Le notaire ne peut pas revenir pour corriger
cela.
M. Desnoyers: ...corriger les registres dont on est les
dépositaires, dont c'est nous qui mettons le contenu. Le notaire ne peut
pas venir faire cela.
M. Dauphin: Je croyais que, sur appel... Vous l'appelez: II y a
une erreur sur ton affaire...
M. Desnoyers: Non, non, sur son acte à lui... Le notaire,
c'est son document. Nous ne pouvons pas le corriger. Le notaire me
présente un document, je m'aperçois qu'il y a une erreur,
là je peux l'appeler et lui dire: Amène-moi une autre feuille ou
viens le corriger au bureau; je ne peux pas te corriger. Sur les documents
qu'on tient, le notaire ne peut pas venir corriger.
M. Talbot: En fait, ce n'est pas une erreur sur l'acte
notarié dont on fait mention, c'est une erreur du registrateur. Sur
l'acte notarié, les lots étaient mentionnés correctement,
un, deux et trois; le registrateur les a portés sur deux lots, alors il
y a omission sur un lot. C'est dans ce cas-là. Parce que si le notaire
voulait hypothéquer trois lots, il en a mis deux, à ce
moment-là, il est obligé de recommencer son acte ou
réhypothéquer le troisième lot.
M. Dauphin: C'est parce qu'on vient de me montrer l'article 3372
qui dit que le registrateur ne peut corriger les erreurs d'écriture dans
les registres ou dans les certificats d'enregistrement. Vous, vous parliez de
l'acte du notaire comme tel.
M. Desnoyers: Non, non, on ne parlait pas de l'acte du notaire.
C'est l'article 3330 qui dit que des erreurs d'omission ou des erreurs...
L'article 3372, ce sont des erreurs d'inscription. Nous, la façon dont
on l'a compris, c'est si on oublie de l'inscrire sur un lot, même si
l'acte donne tous les lots, nous, nous l'oublions, nous ne pouvons plus le
remettre après. Ou si on le met sur le mauvais lot, on ne peut plus
l'enlever de là et venir le mettre sur le bon lot, c'est dans l'article
3330. L'article 3372, c'est qu'on a inscrit, en supposant qu'aujourd'hui
j'inscris un acte au registre foncier, comme on l'appelle là, mais au
lieu de mettre la date du 19, je mets la date du 17, là, c'est une
erreur d'inscription que j'ai faite, je ne pourrais pas la corriger sans
demander l'autorisation des intéressés ou au registrateur
central; ou si je mets le mauvais nom, c'est une erreur d'inscription, je ne
pourrais pas non plus la corriger. De la façon dont on l'a compris, cela
est une erreur d'inscription, on n'avait pas besoin d'aller devant le tribunal;
on demandait l'autorisation à tous les intéressés. Mais,
il n'y a rien qui nous assure qu'on a tous les intéressés... De
quelle façon le consentement des intéressés va être
donné, va-t-on le garder? On ne le sait pas.
L'autre, c'était pour des erreurs d'omission ou des erreurs tout
simplement, soit qu'on ne l'a pas mis ou qu'on l'a mis, mais pas à la
bonne place, là on ne peut plus corriger non plus.
M. Dauphin: Ma collègue du comté de Groulx aurait
une question à vous poser et je reviendrai plus tard.
Mme Bleau: J'aimerais savoir si le système était
informatisé, les possibilités d'erreur, soit d'inscription ou
autres, est-ce que ce serait moins facile à faire, soit un oubli ou une
écriture mal faite? Si c'était informatisé, est-ce que la
possibilité d'erreur serait moins grande?
M. Desnayers: Non, je ne pense pas. C'est la même chose,
sauf que le système informatique, tel qu'il existe... Cela
dépend; si on a la fiche standard et que c'est un lecteur optique,
là il y a moins de possibilités que le lecteur optique ne prenne
pas ce qui est écrit dans la fiche tandis que, actuellement, avec le
système informatique, on donne, au moyen d'un clavier, de l'information
à la machine et cela rentre là, alors il y a autant de chances de
se tromper en le donnant sur un clavier que de l'écrire à la main
dans un registre. Actuellement, il se fait une vérification à
Montréal où on a l'informatique... À mon avis, avec les
deux systèmes qu'on a actuellement, on a autant de chances de se tromper
avec l'un ou avec l'autre.
Le Président (M. Marcil): Cela va. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Peut-être, rapidement, M. le Président.
Avant que nous terminions, j'aimerais revenir sur la question de la
certification prévue à l'article 3336. Évaluez-vous qu'il
faudrait du personnel supplémentaire en nombre important si vous aviez
à procéder à la certification, telle que
prévue à l'article 3336, de la validité des
documents?
M. Desnoyers: Le certificat qui va être apposé sur
le document?
Mme Harel: Oui.
M. Desnoyers: Non, parce que des documents sous seing
privé, il n'y en a quand même pas énormément. Cela
pourrait être fait tel quel à moins que tout le monde
décide de faire des documents sous seing privé, ce que je ne
pense pas.
Mme Harel: Présentement, vous avez, depuis quelques
années, enregistré les déclarations de résidence
familiale...
M. Desnoyers: ...familiale.
Mme Harel: ...cela se fait à vos bureaux maintenant?
M. Desnoyers: Oui.
Mme Harel: Y en a-t-il plusieurs qui sont enregistrées
chaque année?
M. Desnoyers: Le nombre... Non, il n'y en a pas... En fin de
compte, cela n'a pas donné un surplus d'ouvrage dans les bureaux
d'enregistrement qui aurait justifié l'engagement d'un employé de
plus dans un bureau ou l'autre.
Mme Harel: Le Barreau recommandait ce matin que, pour ces
déclarations, pour l'enregistrement de ces déclarations de
résidence, il y ait une obligation de s'adresser à un
professionnel, notaire ou avocat. Présentement, cela se fait à
vos bureaux et vous semblez...
M. Desnoyers: Pas de problème.
Mme Harel: ...considérer qu'il n'y a pas de
problème. L'autre question: considérez-vous qu'il devrait y avoir
des droits réclamés si tant est que la certification se faisait
à votre bureau? Toujours la certification prévue aux articles
3336, 3337 et suivants.
M. Desnoyers: Non, je ne prévois pas que... Étant
donné qu'on n'aura jamais les actes notariés au bureau et je ne
prévois pas que le notaire exige des droits pour apposer son certificat,
il va le signer et, en même temps, cela va faire partie de son acte.
L'acte, quand il va arriver au bureau... On ne le rédige pas, on ne le
fait pas. Actuellement, on reçoit l'attestation de celui qui vient se
faire assermenter pour dire que c'est cela. La seule chose qu'on va recevoir de
plus, c'est qu'ils vont venir attester que ce qui est écrit là,
de la façon dont c'est expliqué, c'est leur volonté, c'est
tout ce qu'on va attester et de dire: je suis M. Untel, il va nous montrer
qu'il est M. Untel. Acutellement, on ne cherche pas dans les bureaux
d'enregistrement pour cela.
Mme Harel: Oui. À l'occasion d'une erreur, par exemple, la
responsabilité d'un registrateur dans le certificat serait
assumée par un fonds d'idemnisation. Je fais référence
à ce projet qu'on retrouvait dans l'office de révision, dans le
fonds d'indemnisation. Quelle est votre opinion sur cette question?
M. Desnoyers: II est certain que si le registrateur fait une
erreur, j'estime qu'à ce moment-là, il devrait en assumer les
conséquences, c'est-à-dire que l'État devrait payer pour
les erreurs que le registrateur commet. Il faudrait que... Actuellement,
même si on commet des erreurs, il y a seulement au niveau de l'avis des
créanciers pratiquement où le registrateur peut être
poursuivi; ailleurs, il n'y a pas de poursuite contre le registrateur.
Mme Harel: Une dernière question, M. le Président.
Dans votre mémoire déjà déposé devant la
commission, vous vous inquiétiez d'avoir à vérifier le
rapport d'actualisation. À notre connaissance... Et on vient d'avoir
copie du mémoire amendé, on ne retrouve pas cette
inquiétude dans votre mémoire amendé. Avez-vous
répondu à vos préoccupations entre temps?
M. Desnoyers: D'avoir à vérifier le rapport
d'actualisation?
Mme Harel: Oui. Disons dans le mémoire initial...
M. Desnoyers: Oui.
Mme Harel: Je vais vous rappeler la page 19 du mémoire
initial, c'est à l'article 3415, à la dernière page. Vous
dites: L'article 3415 semble faire reposer sur les épaules du
registrateur le fait de déterminer s'il y a des incertitudes quant
à la nature et à la qualité des droits maintenus au
dossier immobilier par le rapport d'actualisation.
M. Desnoyers: On se posait la question à savoir si
vraiment le registrateur était responsable. Aujourd'hui, on a
regardé et on a dit: Oui, il est responsable. Sauf qu'au niveau, si je
peux me permettre, du rapport d'actualisation, comme on l'a dit tantôt,
il faudrait qu'il y ait l'obligation de déposer au moment où il
enregistre son premier acte. Sans cela on n'aura plus de responsabilité.
Il va le déposer quand il va vouloir et après il ne vaudra
pas.
Le Président (M. Marcil): Ca va?
Mme Harel: Alors je vous remercie. J'en profite
immédiatement pour vous remercier de votre expertise.
M. Desnoyers: Cela nous a fait plaisir.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Groulx.
Mme Bleau: Je reviens à l'informatique parce que vous avez
insisté sur ce point à plusieurs reprises. Est-ce que la fiche
informatique suffirait à bien informer les tiers?
M. Desnoyers: Quant à la fiche informatique, si le contenu
est standardisé, il va falloir que le contenu soit pensé comme il
faut avant de l'appliquer, elle pourrait suffire. Cela ne veut pas dire qu'on
se départirait du document. Cela ne veut pas dire qu'il faudrait se
départir du document, mais elle servirait pour donner toute
l'information au système informatique pour que cela se fasse de
façon plus rapide qu'à l'heure actuelle.
M. Dauphin: Alors, à mon tour, au nom du gouvernement,
j'aimerais vous remercier pour votre participation active aux travaux de notre
sous-commission. Vos recommandations seront étudiées avec
beaucoup d'attention. Merci beaucoup.
M. Desnoyers: Merci.
Le Président (M. Marcil): Au nom des membres de cette
sous-commission, je vous remercie de votre présence et du
dépôt de votre mémoire. Nous vous souhaitons un bon voyage
de retour.
Je vais suspendre pour deux minutes afin de permettre à l'Ordre
des arpenteurs-géomètres du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance 15 h 28)
(Reprise à 15 h 34)
Le Président (M. Marcil): Nous reprenons nos travaux en
accueillant l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec
représenté par M. Etienne Blouin, président. M. Blouin,
vous connaissez un peu notre méthode de travail. Donc vous avez un peu
plus de 20 minutes pour faire votre exposé, tout en présentant
vos collègues. À chaque fois qu'un de vos collègues veut
intervenir, il doit d'abord se nommer pour les fins du Journal des
Débats. Ca va? Et c'est ainsi qu'on passe à l'histoire.
Allez.
Ordre des arpenteurs-géomètres
M. Blouin (Etienne): Merci, M. le Président. Avant de
débuter, je vaudrais vous présenter les membres de notre
comité. Â mon extrême droite, M. Gérard Raymond,
arpenteur-géomètre, en plus, il est avocat et arpenteur
général du Canada; à ma droite immédiate, M.
Grégoire Girard, arpenteur-géomètre à
Saint-Hyacinthe en cabinet privé; à ma gauche, M. Jocelyn Fortin,
arpenteur-géomètre et secrétaire général de
l'ordre. Immédiatement derrière nous, M. Jacques Sylvestre,
arpenteur-géomètre en cabinet privé à Val-d'Or.
Alors c'est avec plaisir, M. le Président, que l'Ordre des
arpenteurs-géomètres du Québec vous présente ses
commentaires sur l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du
Québec des droits des sûretés réelles et de la
publicité des droits. Nous avons porté principalement notre
attention sur les articles qui touchent de près le travail des
arpenteurs-géomètres pour le bien du public en
général. Nous n'avons formulé de commentaires que sur les
articles où nous suggérons des améliorations. Il est
important de noter que nous n'avons pas commenté plusieurs autres
articles avec lesquels nous sommes d'accord. Toutefois, compte tenu des
commentaires présentés par d'autres organismes que le
nôtre, si le législateur désire effectuer des modifications
aux articles qui touchent de près ou de loin au travail des
arpenteurs-géomètres, nous aimerions en être avisés
et nous pourrions alors lui faire part de nos suggestions.
En règle générale, cette réforme du Code
civil permettra aux contribuables des économies importantes de
délai et d'argent au niveau du cadastre et du bureau d'enregistrement.
Nous avons reproduit le texte de l'article du projet de loi et formulé
nos commentaires immédiatement après.
A l'article 2890, nos commentaires sont les suivants: nous demandons
d'insérer le mot "arpenteur-géomètre" entre les mots
"ingénieur" et "fournisseur" à la quatrième ligne du
premier alinéa.
L'intervention de l'arpenteur-géomètre apporte une
plus-value importante à l'immeuble: cette participation s'exerce
notamment par l'implantation des bâtiments, l'installation des axes de
structure tout au long de la construction, la détermination des
élévations de plancher et les autres travaux de précision
exigés par les entrepreneurs. Par exemple, dans le cas des
bâtisses en copropriété,
l'arpenteur-géomètre, en plus de faire les levés
préalables, agit à titre d'expert de la mesure.
L'arpenteur-géomètre effectue l'implantation du bâtiment et
vérifie sur les lieux les dimensions des locaux qui formeront des lots
tridimensionnels. Sa présence est requise sur les lieux jusqu'à
la fin des travaux. L'arpenteur-géomètre investit des sommes
d'argent importantes du début à la fin des travaux. C'est
pourquoi la
loi devrait le protéger au même titre que l'architecte ou
l'ingénieur, en raison de ses liens très étroits avec la
construction.
J'aimerais faire les commentaires suivants sur l'article 3322. Nous nous
interrogeons sur le mot "visiblement" qui peut être source de confusion.
C'est pourquoi nous recommandons de supprimer ce mot. Un lot est
délimité suivant les règles de l'art et les
règlements en vigueur.
L'article 3335. Nous sommes d'accord avec la rédaction de cet
article.
Nous sommes également d'accord avec la rédaction de
l'article 3337.
À l'article 3355, nos commentaires sont les suivants. Le
ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources du Canada,
par sa division des levés officiels, effectue des travaux d'arpentage
qui portent principalement sur les réserves indiennes et les parcs
nationaux au Québec, Ces travaux sont exécutés sous
l'autorité de la Loi sur l'arpentage des terres du Canada. L'article 44
de cette loi requiert de déposer une copie des plans officiels au bureau
de la division d'enregistrement où les terres sont situées pour
que l'information soit accessible localement aux intéressés et
notamment aux arpenteurs-géomètres.
Comme il s'agit d'un simple dépôt de plans, il suffit qu'il
soit conservé dans les bureaux d'enregistrement afin d'en permettre la
consultation. La plupart des réserves indiennes ne sont pas
cadastrées. Généralement, les nouvelles parcelles sont
désignées afin de satisfaire aux exigences de la publicité
foncière en vertu de la Loi sur les Indiens. Ces subdivisions
n'apparaissent donc pas au cadastre du Québec.
Pour toutes ces raisons, le deuxième alinéa de l'article
3355 devrait se lire comme suit: "Cette disposition ne s'applique pas au
dépôt de plans cadastraux visés dans le présent
livre, ni à ceux visés par la Loi sur le cadastre, par la Loi
favorisant la réforme du cadastre québécois ou au
dépôt de plans préparés en vertu de la Loi sur
l'arpentage des terres du Canada."
L'article 3365. Selon nous, cet article nous apparaît
générateur de conflits perpétuels entre les professionels
et les registrateurs.
Pour ce qui est de l'article 3369, nos commentaires sont les suivants.
Nous suggérons d'insérer, à la dernière ligne du
premier alinéa, après le mot "l'État", les mots "de
municipalités, de fabriques, de commissions scolaires, dont les titres
sont antérieurs à la mise en vigueur du cadastre,".
La raison de ce changement est de comprendre le plus de cas possible
afin de régulariser ce qui est antérieur à la mise en
vigueur du cadastre original.
Quant à l'article 3385, nous le commentons comme suit. Nous
suggérons d'ajouter un troisième alinéa qui se lirait
comme suit: "Le registre foncier d'une division d'enregistrement comprend en
outre, le cas échéant, le livre foncier des réserves
indiennes et le livre foncier des parcs nationaux déposés en
vertu de la Loi sur les terres du Canada, qu'ils soient en territoire
cadastré ou non."
Ici, je me permets de vous référer à nos
commentaires sur l'article 3355.
Nous abordons maintenant l'article 3389. M. le Président,
j'aimerais vous mentionner que notre texte de nos commentaires comporte une
erreur et j'aimerais que vous la corrigiez. La première ligne de nos
commentaires devrait se lire comme suit: "Nous suggérons de modifier le
premier alinéa, qui se lirait comme suit." La première ligne de
nos commentaires devrait être modifiée.
Le Président (M. Marcil): Si je comprends, au lieu
"d'ajouter un troisième alinéa", c'est "remplacer".
M. Blouin: C'est "modifier". Au lieu de cela, il faudrait lire
"de modifier le premier alinéa".
Le Président (M. Marcil): Cela va. Nous suggérons
de modifier le troisième alinéa qui se lirait comme suit.
M. Blouin: C'est exact. "Sous réserve du troisième
alinéa de l'article 3385, lorsque, dans une division d'enregistrement,
il se trouve un territoire qui n'est pas cadastré, le registre comprend,
pour ce territoire, un seul autre livre foncier."
M. le Président, nous vous référons encore une fois
aux commentaires que nous avons formulés pour l'article 3355.
À l'article 3400, nous suggérons, au premier
alinéa, de remplacer les mots "s'il" par les mots "si l'immeuble
concerné" et, au deuxième alinéa, d'ajouter, au
début: "Sous réserve de l'article 3402". En ce qui concerne le
premier alinéa, il semble que l'enregistrement doive porter sur un
immeuble et non pas sur un droit. Quant au deuxième alinéa, il
faut tenir compte des amendements proposés à l'article 3402.
À l'article 3402, afin d'éviter d'alourdir le plan
cadastral avec de multiples assiettes de servitude pour la distribution des
services secondaires d'électricité et de téléphone,
il serait souhaitable de limiter cet article aux grands axes de transport et de
distribution d'énergie. Ainsi, le texte plus restrictif pourrait se lire
comme suit: L'emprise des lignes de chemin de fer, des voies publiques et des
réseaux primaires de transport de gaz, de pétrole, d'eau,
d'électricité, de téléphone et d'égout, sont
identifiées sur le plan cadastral."
Dans les articles 3408, 3409 et 3411, nous suggérons d'utiliser
le mot "signé" au lieu de "certifié", car il ne s'agit pas
d'actes donnant lieu à l'émission de "certificat" au sens
où il faut généralement entendre ce mot.
À la section II, qui s'intitule "Des modifications cadastrales",
les articles 3409 à 3412 ne font pas mention des corrections
cadastrales. Nous croyons qu'il s'agit d'un oubli.
Quant à l'article 3414, il faut s'interroger ici sur la justesse
du mot "vérifier" par rapport au certificat de localisation émis
par l'arpenteur-géomètre. Il semble que le mot "analyser" serait
plus adéquat, afin de ne pas obliger l'examinateur de titre à
prendre la responsabilité du contenu du certificat de localisation.
L'article 3416 devrait permettre la possibilité de créer
un lot avec deux ou plusieurs parties de lot ou, encore, de regrouper une
partie de lot avec un lot distinct pour former un nouveau lot distinct.
Un alinéa pourrait être inséré entre le
premier et le deuxième alinéa de l'article 3418 qui pourrait se
lire comme suit: "II en est de même jusqu'à ce qu'une modification
cadastrale attribue à cette partie, sur un plan déposé au
bureau d'enregistrement, un numéro distinct groupant cette partie avec
une autre partie ou avec un autre lot distinct et jusqu'à
l'enregistrement d'un avis indiquant que le numéro attribué par
la modification inclut la partie de lot visée par cet acte,"
Le tout respectueusement soumis.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. Blouin. Maintenant,
nous allons passer à la période de questions. Vous avez environ
20 minutes chacun. Cela va? M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'aimerais, tout
d'abord, au nom du ministre de la Justice et de l'équipe
ministérielle, vous remercier d'être venus participer à nos
travaux, de la préparation et de la présentation de votre
mémoire. Pour suivre la chronologie de votre mémoire, vous nous
indiquez au début que les arpenteurs-géomètres du
Québec devraient être inclus dans la liste des personnes
privilégiant, si vous me permettez l'expression, l'hypothèque
légale. Évidemment, on entend toutes sortes de raisonnements dans
le sens que l'arpenteur-géomètre, sauf peut-être dans le
cas de copropriété, fait un travail extrêmement important.
On est porté à croire que l'on ne l'assimile pas
nécessairement à l'entrepreneur général ou au
fournisseur de matériaux ou à l'architecte ou à
l'ingénieur. En pratique, j'aurais une question à vous poser.
Chez vos membres, est-il monnaie courante de ne pas être payés, si
vous voulez, d'avoir des comptes impayés?
M. Girard (Grégoire): Grégoire Girard. Je ne crois
pas que ce soit plus monnaie courante chez nous que chez les ingénieurs
ou les architectes, qui sont quand même protégés par cet
article. Sauf que la prévention ne fait pas tort. Il arrive que depuis
une vingtaine d'années et, de plus en plus, les
arpenteurs-géomètres qui ont acquis une formation bien
particulière dans le domaine de la mesure, avec leur instrumentation
dans le domaine géodésique, cartographique, qui ont acquis une
expertise dans le domaine de la mesure, dis-je, fait que les entrepreneurs et
les ingénieurs, à l'occasion, font appel à leurs services
pour suivre les principales étapes de la construction, que ce soit
à l'établissement des fondations, des pieux, des structures et
des planchers, de telle sorte que lorsqu'ils arriveront à la
construction des murs, surtout lorsqu'il y a des plaques de verre d'une
tolérance d'environ 1/8, que chacune des pièces s'installent bien
comme il faut. Souvent ces pièces sont préfabriquées.
Lorsqu'elles arrivent sur place, elles doivent être installées et,
pour employer une expression anglaise, "fitter" à l'endroit où
elles doivent aller.
C'est en ce sens que l'arpenteur-géomètre participe en
quelque sorte, par ses services, aux travaux de construction et à la
plus-value de l'édifice lui-même. On a parlé aussi des
édifices en copropriété. Là encore, à partir
du début jusqu'à la fin, l'arpenteur-géomètre
intervient pour prendre et pour donner ses mesures, de sorte qu'une fois rendus
à la limite de l'immeuble, tous les plans qui concernent l'immeuble
reflètent bien l'état des lieux et soient aussi
déposés au cadastre. Aucun titre de propriété ne
peut être enregistré, s'il n'est pas inscrit dans un numéro
cadastral dûment identifié et dûment déposé
par l'arpenteur-géomètre.
C'est le cas précisément dans l'avant-projet de loi
actuel, comme on l'appelle. Aux articles 3400 et 3407, il est essentiel, avant
toute transaction, que les immeubles soient identifiés au cadastre sous
des numéros distincts. C'est l'ensemble de toutes ces fonctions qui font
que l'arpenteur-géomètre intervient au cours de la construction;
ce qui apporte, bien sûr, une plus-value à l'édifice
lui-même.
M. Dauphin: D'accord. Vos revendications seront
étudiées, c'est bien évident. J'aimerais revenir sur un
point. Vous étiez présents tantôt, avec le groupe qui vous
a précédés, l'Association des registrateurs, alors qu'on
discutait de l'aspect du sommaire. J'aimerais avoir votre opinion comme
praticiens sur ce qui est proposé dans l'avant-projet de loi.
M. Girard: Je n'ai pas suivi totalement et je n'ai d'ailleurs pas
analysé le mémoire des registrateurs mais il me semble, en ce qui
nous concerne du moins, qu'il pourrait avoir avantage à maintenir le
sommaire. Voici pourquoi. Dans ce qui nous occupe, les procès-verbaux de
bornage et les plans que l'on doit enregistrer, il y en a qui sont très
volumineux. On pourrait enregistrer par sommaire un résumé du
document, si on veut, en disant qu'il y a quand même un plan qui
accompagne ce document et qui est déposé dans une voûte
chez l'arpenteur-géomètre, où il peut être
consulté. Le bureau d'enregistrement peut fournir l'information à
ceux qui veulent l'avoir.
Pour nous, du moins, cela nous paraît un avantage. Je ne sais pas
comment cela se passe chez les autres professions; mais cela nous paraît
un avantage d'avoir un sommaire ou un résumé quelconque qui
pourrait éviter de déposer au bureau d'enregistrement qui,
parfois, ne sait pas quoi en faire, cet ensemble de plans.
M. Dauphin: Merci. Une autre question relative à la
description des immeubles, aux articles 3404 et 3406. J'aimerais avoir votre
opinion, au nom de l'ordre, sur ces deux articles.
M. Girard: Alors, il s'agit de l'article 3404: Lorsqu'il est
permis d'enregistrer un acte sur une partie de lot - versus les actes qui
devraient être enregistrés sur des lots distincts seulement -
celle-ci doit être décrite par la mention de ses tenants et
aboutissants et de ses mesures, et la description doit indiquer les
éléments nécessaires pour situer physiquement la
partie.
Par exemple, si on parle de servitude, entre autres, une servitude de
non-construction, il est important qu'elle soit bien identifiée pour
éviter qu'un futur propriétaire aille construire dans les limites
d'une telle servitude. Alors, pour ce qui concerne la description, c'est notre
métier de décrire des emplacements, ce n'est pas un
problème pour nous. Je ne sais pas si c'était le but de votre
question de nous interroger sur le travail qu'on a à faire dans ce
domaine-là, mais en ce qui nous concerne, ce n'est pas une
difficulté.
M. Dauphin: Autrement dit, il n'y a aucune difficulté
là-dedans. Au contraire, à 100 % vous êtes d'accord avec
cela?
M. Girard: Oui.
M. Dauphin: De plus, toujours revenant au premier point de
l'importance des arpenteurs-géomètres dans une construction et
l'hypothèse d'inclure ceux-ci à l'article 2888, je crois, est-ce
que cela a fait l'objet pour vos membres - cela revient encore à ma
première question de tantôt - de beaucoup de pressions
considérant la pratique, d'avoir une espèce de
sûreté additionnelle.
M. Girard: Si on se réfère à la tradition,
je dirais oui. Depuis nombre d'années, l'on constate qu'il est
prévu des privilèges semblables pour les architectes et les
ingénieurs. Avec l'accession des arpenteurs-géomètres sur
les chantiers de construction, de plus en plus, et par rapport à
certaines faillites qui arrivent de temps en temps -remarquez bien, ce n'est
pas fréquent -lorsqu'un arpenteur-géomètre se fait prendre
dans une faillite semblable, la première porte où il frappe,
c'est au bureau de l'ordre pour lui dire: Qu'est-ce qu'on attend pour que nos
arpenteurs-géomètres soient inclus dans cet article qui
prévoit des privilèges de constructeurs, d'architectes,
d'arpenteurs, ou d'ingénieurs? Avec les années, il n'y a pas eu
de pressions plus récentes ces dernières années qu'avant
et, à chaque année, c'est revenu.
M. Dauphin: Merci. J'y reviendrai tantôt. Avez-vous une
question, M. Cossette? Allez-y, ne vous gênez pas.
M. Cossette: M. le Président, je voudrais m'adresser
à l'arpenteur général du Canada, tout
particulièrement relativement aux représentations faites sur
l'article 3355 par l'Ordre des arpenteurs-géomètres. J'aimerais
avoir davantage d'explications sur la demande faite par l'Ordre des
arpenteurs-géomètres, parce que je sais que vous êtes
particulièrement intéressé par les terres des Indiens, en
particulier.
M. Raymond (Gérard): M. le Président, je voudrais
d'abord féliciter les auteurs de ce document, du projet de loi, pour les
améliorations qui ont été apportées. Comme vous le
savez, la caractéristique principale du système de
publicité foncière au Québec est que c'est un
système qui est à la fois simple et efficace. Les mesures que
vous proposez dans votre document vont sûrement améliorer, mais
vont aussi conserver cette caractéristique sans tomber dans le
piège d'un système de titres avec toutes les difficultés
que l'on connaît dans les autres provinces canadiennes.
Quant à la loi, évidemment, comme arpenteur
général, je suis responsable de la gestion de la Loi sur
l'arpentage des terres du Canada. L'article 44 nous requiert d'envoyer un plan.
Chaque plan officiel que je signe doit être envoyé au bureau
d'enregistrement du district dans lequel sont situées les terres en
question. Évidemment, l'objectif de cette disposition de la loi, c'est
de permettre aux arpenteurs-géomètres et
aussi aux intéressés dans ce district de pouvoir consulter
nos plans sans nécessairement prendre contact avec Ottawa. Nous avons
des dispositions un peu semblables avec toutes les provinces pour voir que ces
plans-là soient proprement indexés, si vous voulez, pour une
consultation simple et efficace, pour qu'en fin de compte, quelqu'un qui est
dans la région de Sept-Îles qui veut faire un développement
immobilier près d'une réserve, ou un
arpenteur-géomètre qui veut être impliqué dans le
tracé des limites, puisse aller au bureau d'enregistrement de
Sept-Îles puis trouver le plan ou trouver la série de plans qui
concernent la réserve de Sept-Îles. (16 heures)
Alors, le but de cette disposition de la loi à l'article 44,
c'est simplement, d'assurer la publicité de nos plans dans les
régions où sont situées les terres en question, dans
l'intérêt des arpenteurs et aussi d'autres
intéressés.
Évidemment, on a eu des problèmes très
sérieux au Québec. En fin de compte, ce qui est très
intéressant, c'est que dans les autres provinces, on a un peu moins de
problèmes parce que notre système d'arpentage est beaucoup plus
semblable à celui des provinces de "Common Law" que celui du
Québec. On a un système d'arpentage qui porte sur les limites de
terrain comme telles tandis qu'ici, au Québec, on a un système
cadastral ou un répertoire de la propriété. C'est pour
ça que c'est toujours plus facile dans les autres provinces parce
qu'elles enregistrent des plans parcellaires pour chacune des limites qui sont
tracées et pour chacune des transactions. C'est pour cela que c'est plus
facile dans les autres provinces qu'ici au Québec.
Comme on le suggère dans le mémoire, tout simplement, il
serait intéressant, quelles que soient les modalités, qu'on ait
un livre foncier pour la réserve de Sept-Îles, par exemple, que
les intéressés pourraient consulter et voir la fréquence
des enregistrements qui se font au niveau du plan comme tel. À ce
moment-là, de façon très simple, on pourrait tout
simplement reproduire le titre du plan qui identifie les parcelles en question
dans le système d'arpentage des terres fédérales. Ce
serait très mécanique. Dans notre système, le titre du
plan décrit les parcelles qui sont en cause, et ces parcelles sont
délimitées par un trait foncé. À ce
moment-là, ce serait tout simplement de transcrire cette partie sans
faire aucune autre démarche.
Le Président (M. Marcil): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Blouin et les
personnes qui vous accompagnent, M. Fortin, M. Girard, M.
Raymond, vous êtes des praticiens, et vous disiez, M. Raymond, que
de plus en plus, les arpenteurs-géomètres se retrouvaient en
présence d'architectes et d'ingénieurs sur les chantiers de
construction. Est-ce que c'est, d'une certaine façon, le type de tenure
maintenant, avec la copropriété qui s'est multipliée, et
tout, qui amène une présence accrue de vos membres sur les
chantiers, ou si cela a toujours été le cas?
M. Girard: C'est surtout depuis l'avènement des
instruments de mesure plus perfectionnés que
l'arpenteur-géomètre utilise. Par exemple, vous avez
déjà entendu parler, j'imagine, des formations de barrage.
Prenons le cas du barrage Daniel-Johnson, qui est une voûte avec une
certaine courbe, il y a toujours des mesurages qui se font pour s'assurer que
le barrage ne se déforme pas. Ces observations sont faites par des
arpenteurs-géomètres à l'aide d'instruments de mesure
très précis, et cela se fait d'ailleurs par les
arpenteurs-géomètres partout au Canada.
Cela a été un peu, si on veut, le démarrage de la
présence des arpenteurs-géomètres sur les chantiers de
construction, surtout pour des édifices de grande dimension. Là
où on avait besoin d'une précision accrue dans la position de
chacun des repères, que ce soient les fondations, les structures, les
pieux ou chaque module de l'édifice, surtout à cause de
l'avènement des modules préfabriqués qui arrivent sur les
chantiers de construction, qui sont fabriqués en usine, il arrive
parfois qu'ils sont percés, qu'ils sont cassés à un
endroit, on a besoin d'avoir plus de précisions, et
l'arpenteur-géomètre, grâce à sa formation de base
à l'université, qui est une formation d'expert en mesures, est
devenu une personne de plus en plus en demande sur les chantiers de
construction par les ingénieurs, les architectes et aussi les
entrepreneurs, pour faire ces travaux.
Mme Harel: À votre connaissance, pourquoi
l'hypothèque légale, la construction n'avait-elle pas
été élargie aux arpenteurs-géomètres comme
cela a été le cas pour les architectes ou les
ingénieurs?
M. Girard: C'est un oubli historique.
Mme Harel: II n'y a pas d'oubli, en fait, le législateur
ne parle pas pour ne rien dire.
M. Girard: Justement. Il faut peut-être comprendre que dans
le passé, il y a plus de 25 ans, l'arpenteur-géomètre
était moins présent sur ces grands travaux. C'étaient
plutôt les architectes et les ingénieurs qui avaient pris, si on
veut, la relève des arpenteurs-géomètres qui, à
l'origine, étaient
ceux qui s'occupaient de ces travaux. Au départ, au début
de la colonie, l'arpenteur-géomètre était en même
temps ingénieur et architecte, il remplissait les trois fonctions. Avec
les années, les tâches se sont définies de plus en plus et
les arpenteurs-géomètres se sont plutôt cantonnés
dans la partie juridique de la profession de l'arpentage, alors que les
ingénieurs ont occupé la partie technique et les architectes ont
pris la partie planification ou aménagement. C'est un peu ce qui s'est
produit historiquement.
Mais aujourd'hui, les professions se rapprochent de plus en plus. Il y a
une espèce de jonction qui se fait entre les trois professions, au
moment d'un chantier de construction. L'architecte prépare ses plans; on
demande à l'ingénieur de calculer les structures; et, finalement,
on demande à l'arpenteur-géomètre d'être sur place
pour vérifier l'exécution.
Mme Harel: Vous parlez, dans votre mémoire, de la
plus-value que crée votre science, d'une certaine façon. Vous en
parlez en termes de construction. Je me suis demandée si... J'ai fait
appel à un arpenteur-géomètre au moment où il y
avait une transformation de copropriété indivise en
copropriété divise. C'est là, j'imagine, un nouveau champ
de votre pratique qui s'est beaucoup élargi.
M. Girard: Oui, avec l'avènement de...
Mme Harel: Et cela crée une plus-value, c'est
certain...
M. Girard: C'est une...
Mme Harel: ...sans la construction, évidemment...
M. Girard: Oui, évidemment, cela...
Mme Harel: Par le simple... Excusez-mot. Cela crée une
plus-value, sans la construction, par la simple transformation cadastrale.
M. Girard: Oui. À ce moment-là, on intervient
dès le début, d'abord, pour la transformation du lot à
bâtir, pour lui donner un numéro de cadastre et on pourra
installer la bâtisse. Pendant la construction, il faut être sur
place pour mesurer chacune des parties exclusives et aussi les parties
communes, de telle sorte que le cadastre va refléter exactement les
superficies, les surfaces et les volumes qui vont devenir des parties
exclusives. Évidemment, cette partie de mesurage, le mesurage final, se
fait lorsque chacune des cellules est construite. Et on dépose un plan
au cadastre et au bureau d'enregistrement pour refléter cette
réalité. Finalement, c'est ce qui sert aux différents
intervenants par la suite - au notaire - pour préparer les actes de
vente et aussi les actes d'hypothèque.
Mme Harel: Vous avez certainement pris connaissance, dans
l'avant-projet de loi, du fait que l'hypothèse... oui, c'est
peut-être encore une hypothèse dans l'avant-projet de loi... que
l'hypothèque légale de la construction va finalement prendre
effet avec les autres hypothèques. C'est sans doute le moment de son
enregistrement qui va lui donner effet. Donc, l'ensemble de ceux qui sont
concernés, que ce soient les fournisseurs de matériaux ou tous
les autres, vont passer au même rang, à ce moment-là. Mais
la date n'est pas très clairement identifiée à laquelle
des dates d'enregistrement, seraient-ce les premières dates
d'enregistrement ou la dernière? Même cette hypothèque
légale de la construction vous intéresse malgré tout?
M. Girard: Oui, au même titre que les autres qui la
conservent.
Mme Harel: Malgré ces modifications? M. Girard:
Malgré les modifications.
Mme Harel: Ces modifications, est-ce que vous en pensez quelque
chose de particulier? Vous agréent-elles?
M. Girard: Oui. En fait, on n'a pas fait d'étude en
profondeur de cette partie parce que cela intéresse plutôt ceux
qui sont dans le domaine légal, question de priorité, de rendre
l'hypothèque ou de privilège. Mais on sent quand même que
le projet de loi vise la plus grande justice possible envers tous ceux qui vont
avoir des hypothèques ou des privilèges à enregistrer.
Mme Harel: Je sais que Me Gariépy aimerait avoir la
possibilité d'intervenir.
M. Gariépy: Pierre Gariépy. J'aurais une question
à vous poser. Vous avez traité, dans votre mémoire, de
l'article 3402. Vous avez même suggéré une modification en
ajoutant l'emprise des réseaux primaires de pétrole, de gaz et
autres. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette modification que vous
proposez, compte tenu d'une disposition, dans la loi, des pouvoirs
spéciaux des corporations. C'est l'article 43 qui traite, dans des actes
de nature comme le transfert de propriété, les actes
d'hypothèque ou les actes de fiducie, de la désignation
cadastrale particulière qu'on peut donner à ces emprises ou
à ces réseaux de transport - je m'excuse, j'ai le texte devant
moi, cela m'est peut-être plus facile d'y référer - ces
réseaux de transmission et de distribution d'énergie
électrique, gaz et eau. Cet article 43 auquel je me réfère
mentionne qu'il est juste
suffisant de déposer au bureau d'enregistrement une indication
des noms de cadastre, des cités, villes ou villages où la ligne
ou le réseau passe. Pensez-vous que cet article 43 devrait être
changé, compte tenu que le Code civil maintenant, tel que vous le
suggérez, traite dans un plan de l'emprise même du réseau
primaire de distribution? Est-ce que vous avez des remarques à faire
à ce sujet?
M. Girard: Très bien. Prenons le cas d'Hydro-Québec
qui dépose des plans pour des lignes de 739 kilovolts, avec des emprises
de 550 pieds de largeur. On retrouve ces documents au bureau d'enregistrement.
Cependant, ce n'est pas clair pour tout le monde, où sont situées
ces fameuses emprises. L'arpenteur-géomètre se déprend
facilement, mais la personne qui achète une terre à la campagne
et voit bien une ligne, de combien la ligne peut-elle l'affecter. Si la ligne
passe à l'extrémité de sa ferme, est-ce qu'il y a une
partie de la ligne qui touche à sa ferme? Elle ne le sait pas. Elle va
peut-être voir dans les anciens titres qu'une servitude a
été enregistrée, mais de combien l'affecte-t-elle? Il faut
qu'elle s'adresse à quelqu'un. On parle des réseaux primaires
parce que ce sont les parties importantes. On ne parle pas des réseaux
de distribution qui viendraient créer une série de lots inutiles.
Mais les réseaux primaires, si on avait au bureau d'enregistrement pour
chacun des lots un numéro de cadastre enregistré qui le situe
parfaitement, nous pensons que, pour les propriétaires eux-mêmes
et ceux qui passent des contrats, que ce soit des actes d'hypothèque ou
des actes de transaction, ce serait plus facile de s'y reconnaître. On
dirait que tel numéro de lot, c'est la partie qui est libre de cette
servitude et tel numéro de lot, c'est la partie qui est affectée
par la servitude, plutôt que d'être obligé de décrire
la personne en question par tenant et aboutissant. Une question de faciliter
les choses, si on veut. Cela ne nous dérange pas que ce soit des parties
de lot. On peut les retrouver et on peut s'y retrouver facilement, surtout pour
ceux qui ont à préparer des actes et pour les
propriétaires eux-mêmes, de les voir avec des mesures et avec des
numéros de cadastre distincts, ce serait plus facile pour eux.
Une voix: Cela va.
M. Melançon: Dans le Code civil actuel, plus
particulièrement à l'article 2013, on ne prévoit pas que
l'ingénieur bénéficie du privilège ouvrier. On ne
le prévoit que pour l'architecte. Or, depuis à peu près
1978, surtout depuis l'arrêt Wolowski, on a justement accordé
à l'ingénieur l'avantage qui était conféré
à l'architecte. On a dit que l'ingénieur avait également
un privilège, tout comme l'architecte, justement en prétextant au
tribunal, en prétendant que lors de l'entrée en vigueur du code
en 1866, l'architecte accomplissait ce qui, aujourd'hui, est l'apanage à
la fois de la corporation des ingénieurs et de celle des architectes. Si
j'ai bien entendu votre raisonnement tout à l'heure, vous disiez
qu'effectivement aussi, à l'origine, c'était l'architecte qui, en
quelque sorte, exécutait le travail qui vous est plus
spécifiquement dévolu aujourd'hui comme profession. Or,
n'avez-vous jamais tenté de faire reconnaître, comme
l'ingénieur, dans la jurisprudence récente, vos droits à
ce privilège compte tenu de ce que vous prétendez?
M. Girard: À ma connaissance, il n'y a pas eu de tentative
sérieuse de faite là-dessus. On en a parlé. C'est un fait,
ce que vous disiez tout à l'heure, à savoir qu'à
l'origine, l'arpenteur-géomètre était en même temps
architecte et ingénieur. Les professions ont été
scindées par la suite. Depuis que nous intervenons de nouveau plus
intensivement sur les chantiers de contruction, on y a pensé. On a fait
des interventions, je dirais, dans un mémoire au ministre, mais on n'a
jamais eu l'occasion de faire une tentative sérieuse comme l'occasion
qui se présente actuellement avec l'Office de révision du Code
civil qui nous présente un article qui prévoit qu'on pourrait
s'installer à cet endroit.
M. Meiançon: Mais il n'y a pas eu de tentative
jurisprudentielle. Vous n'avez pas essayé devant les tribunaux.
M. Girard: Non.
Mme Harel: Est-ce à dire que vos membres n'ont pas de
problème de recouvrement de créances?
M. Girard: Ils en ont, madame. Ils en ont.
Mme Harel: Très bien. Je vous remercie beaucoup de votre
contribution à nos travaux.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: Je veux également remercier l'Ordre des
arpenteurs-géomètres du Québec de sa participation
à nos travaux et dire que nous allons étudier ses recommandations
avec attention. Merci de votre participation.
Le Président (M. Marcil): De même, au nom des
membres de la sous-commission, nous vous remercions de votre participation
à
ce processus démocratique qu'est la consultation. On vous
remercie de votre mémoire. Bon voyage de retour.
M. Girard; Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marcil): Je vais suspendre les travaux
pour cinq minutes et demander à la Conférence des associations de
créateurs et créatrices du Québec de s'avancer.
(Suspension de la séance 16 h 16)
(Reprise à 16 h 23)
Le Président (M. Marcil): Bonjour. Nous souhaitons la
bienvenue aux représentants de la Conférence des associations des
créateurs et créatrices du Québec. Mme Jocelyne
Dazé, qui est la directrice...
Mme Dazé (Jocelyne): Je travaille à l'Union des
écrivains, directrice du service de l'information.
Le Président (M. Marcil): Directrice du service de
l'information, Union des écrivains.
Mme Dazé: C'est ça.
Le Président (M. Marcil): Mme
Claudette Fortier, directrice générale de !a SARDEC, de
l'association des créateurs. Bon, je vais vous permettre de
présenter vos collègues. Nous vous donnons à peu
près quinze minutes pour votre exposé, dix à quinze
minutes, et nous procéderons ensuite à la période de
questions. Ça va?
Mme Fortier (Claudette): D'accord.
Le Président (M. Marcil): Lorsque vous vous adressez au
groupe, vous vous identifiez pour les fins du Journal des
débats.
Conférence des Associations de créateurs
et créatrices du Québec
Mme Fortier: D'accord. Merci, M. le Président. Tout
d'abord j'aimerais remercier la commission d'avoir accepté de nous
recevoir. Nous avons présenté un très court document au
tout dernier moment, mais nous croyons que c'est important.
Tout d'abord, je vais vous présenter mes collègues et je
vais vous dire de quel secteur elles proviennent. Alors en commençant
par ma gauche, Jacqueline Lemay, directrice générale de la
Société professionnelle des auteurs-compositeurs du
Québec; elle représente à la conférence le secteur
de la musique; Jocelyne Dazé, directrice de l'information et de
l'animation à l'Union des écrivains québécois; elle
représente l'édition; et à ma droite, Mme Louise Page,
présidente du Conseil de la sculpture; elle représente les
oeuvres...
Mme Page (Louise): Les autres associations en art visuel.
Mme Fortier: ...les arts visuels, pardon; et moi-même,
Claudette Fortier, je suis directrice générale de la
Société des auteurs recherchistes, documentalistes,
écrivains et compositeurs; à la conférence, je
représente le secteur de l'audiovisuel.
Nous avons voulu intervenir, parce que nous croyons qu'il est important
de souligner que les créateurs apportent la matière
première dans l'industrie culturelle et, au même titre que les
fournisseurs de matériaux pour un immeuble, ils devraient avoir des
recours prioritaires également.
Alors si vous le permettez, puisque notre document est très
court, je vais le lire pour que nous puissions en prendre connaissance.
Que ce soit dans le domaine de l'édition, de la production
cinématographique et télévisuelle, celle du disque, les
créateurs sont plus souvent qu'autrement victimes de
l'insolvabilité de leurs débiteurs. La plupart du temps ils
doivent renoncer à leur cachet initial mais également à
leurs redevances, c'est-à-dire leurs droits d'auteur ou royautés.
Lorsque l'unique revenu correspond aux versements de redevances, le
créateur doit assumer une perte totale.
Notre industrie culturelle est fragile et les faillites dans ce secteur
d'activité sont monnaie courante. Les compagnies de disques, de films,
poussent comme des champignons et disparaissent tout aussi rapidement. Le
créateur, premier moteur de toute cette industrie est également
la première victime des nombreuses faillites et disparitions de ces
compagnies. Dans le domaine de l'architecture, par exemple, notre gouvernement
privilégie la part des arts visuels; or, dans ce domaine aussi, les
créateurs sont victimes de débiteurs en difficulté
financière ou peu scrupuleux. Les redevances de tous ces
créateurs étant assimilées à des salaires, lors
d'une faillite, ils se situent en bout de liste des créanciers.
Autrement dit, ils ne récoltent que les miettes.
Les solutions. Nous considérons que, les créateurs
étant la pierre angulaire de toute notre industrie culturelle, la loi
devrait leur assurer une protection adéquate de leur principale source
de revenus, c'est-à-dire, leurs redevances. Un moyen vous est offert par
le présent avant-projet de loi particulièrement, nous demandons
de modifier l'article 2888 de façon à y inclure les cachets et
redevances dus aux créateurs. Ces sommes devraient être
récupérables sur tout bien mobilier ou immobilier du
débiteur.
Nous recommandons cet ajout au chapitre de l'hypothèque
légale pour les raisons suivantes: il est peu probable qu'un
créateur puisse négocier individuellement une hypothèque
conventionnelle puisque les rapports de forces en présence sont
nettement débalancés; l'enrichissement apporté par les
créateurs à notre patrimoine culturel justifie un traitement
privilégié de l'État; notre industrie culturelle
étant majoritairement subventionnée par l'État, ce dernier
doit garantir le plus largement possible la juste part des
créateurs.
Nous espérons que ce bref exposé aura su vous convaincre
de la nécessité de tenir compte de nos créateurs dans les
modifications législatives que vous proposez.
Nous sommes, bien sûr, à votre disposition pour
répondre à tout complément d'information ou question qui
pourrait être soulevée. Nous aimerions simplement vous faire
remarquer que nous ne sommes pas des juristes et que nous ne sommes pas
très familiers avec les textes de loi, mais sur le principe, nous sommes
prêts à répondre à vos questions. Merci.
Le Président (M. Marcil): Merci, Mme Fortier. Je vais
maintenant laisser la parole au député de Marquette, adjoint
parlementaire au ministre de la Justice.
M. Dauphin: Bonjour mesdames. J'aimerais, au nom du ministre de
la Justice et de l'équipe ministérielle, souhaiter la bienvenue,
à nos travaux, à la Conférence des associations de
créateurs et créatrices du Québec.
J'aimerais, premièrement, vous demander si vous êtes au
courant qu'il existe dans d'autres pays ou d'autres provinces de tels
privilèges ou hypothèques légales en faveur des
redevances, des droits d'auteur?
Mme Fortier: Malheureusement, je ne le sais pas. Les courts
délais que nous avons eus ne nous ont pas permis de faire cette
recherche.
M. Dauphin: C'est vrai que le délai a été
court. Comment est-ce que vous voyez, j'essaie de m'imaginer comment, quel
serait le fonctionnement pratique d'une hypothèque légale ou d'un
privilège sur... exemple: quelqu'un qui fait un disque, comment se
ferait la protection?
Mme Fortier: Le créancier devrait enregistrer son contrat
avec le producteur de disques. Ma collègue, Jacqueline Lemay, pourrait
peut-être répondre plus spécifiquement.
Mme Lemay (Jacqueline): J'imagine que la procédure serait,
comme elle a commencé à le dire, au moment où l'auteur
écrit son contrat avec le producteur de disques, de déposer ce
contrat au bureau d'enregistrement. J'imagine qu'à ce moment-là,
cela suit les procédures normales, de la même façon que
pour d'autres créanciers privilégiés. Je crois qu'il
faudrait que ce soit écrit dans le contrat et que celui-ci soit
déposé au bureau d'enregistrement à partir du moment
où on sait que c'est dans la loi.
M. Dauphin: N'êtes-vous pas d'avis qu'il serait raisonnable
de ne grever que certains biens du débiteur et non pas tous ses biens?
Je pense que vous parlez plutôt de tous les biens du débiteur.
Mme Lemay: En tout cas, pour rester dans le domaine du disque, je
ne croîs pas que c'est exagéré de dire "tous les biens"
parce que dans ce domaine l'auteur-composîteur est le plus
vulnérable. De tous ceux qui peuvent être payés, c'est
celui qui a le moins de recours, le moins de chances, celui qu'on oublie. Quand
on se souvient qu'il existe, on s'en fiche, parce qu'on sait qu'il n'aura
jamais les moyens de poursuivre. Je crois que s'il y avait cette
menace-là, il y aurait peut-être un peu plus de respect. À
mon avis ce n'est pas exagéré.
M. Dauphin: Vous nous disiez tantôt que c'est monnaie
courante de voir des débiteurs faire faillite dans ce
milieu-là.
Mme Lemay: Oui. Il y a aussi des fusions qui se font par en
dessous, des disparitions, des dissolutions. Dans le domaine du disque, c'est
une vraie jungle. S'il n'y avait qu'une compagnie de disques, à un
moment donné, elle n'existe plus mais, comme par hasard, les bandes sont
vendues à une autre compagnie. Il y a là de la piraterie. Vous ne
voyez jamais ni vos états de compte ni... Vous savez que des disques
sont vendus sous la couverture, par piraterie ou de toute autre façon et
vous n'avez aucun moyen d'avoir ni des comptes, ni des informations, encore
moins, vos redevances et, encore moins, un recours légal.
M. Dauphin: Oui, madame.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Groulx.
Mme Bleau: Mme la ministre des Affaires culturelles vous
prépare le statut de l'artiste. Est-ce que ces choses-là ne sont
pas déjà demandées dans le statut de l'artiste?
Mme Fortier: C'est-à-dire que c'est bien ici qu'il faut le
prévoir. Le dossier du statut de l'artiste est très large, il
touchera les droits d'auteur, la fiscalité, la santé et
sécurité au travail pour certaines catégories de
créateurs. Donc, là, il s'agit bien de garantir le paiement de
redevances. Parce que, pour les personnes qui sont membres de la commission,
qui sont peut-être un peu moins familiers avec le secteur de la
création, il y a une loi sur les droits d'auteur qui dit que celui-ci
détient son droit d'auteur tant qu'il ne l'a pas cédé par
contrat. Que ce soit dans n'importe quel secteur, l'auteur signe un contrat qui
peut être une cession ou une licence spécifique accordant à
son producteur le droit de produire une oeuvre, que ce soit un disque, un
livre, un film, une émission de télévision, à
certaines conditions. Souvent les conditions ne sont pas respectées ou
les redevances ne sont pas payées. Donc, il existe deux choses: le
produit... Si c'est un livre, il existe un stock de livres. Qu'est-ce qu'il
arrive avec ce produit-là? Il y a également les livres qui sont
déjà vendus, qui n'existent plus et les redevances qui n'ont pas
été payées.
Mme Bacon travaille effectivement sur un dossier qui est très
général pour favoriser les créateurs, mais ici on parle
bien de créances, de sommes dues. Considérant que le
créateur apporte la matière première, qui est l'oeuvre,
à l'industrie culturelle, nous considérons que cela pourrait
être interprété comme équivalent aux
matériaux, au bois de construction d'un immeuble ou à la brique
dans un autre secteur.
Mme Bleau: Vous êtes certaines qu'il n'y aura rien dans le
statut de l'artiste qui parlera justement de ces redevances?
Mme Fortier: II y aura certainement des choses qui parleront des
redevances, mais j'aimerais dire que le statut de l'artiste est un dossier
à moyen et à long terme, alors qu'ici, on a quelque chose qui est
immédiat. Mme Louise Page voudrait ajouter quelques mots.
Le Président (M. Marcil): Oui, oui. Ne vous gênez
pas. Allez.
Mme Page: Ce qu'il arrive souvent dans tous les cas, autant dans
le disque, dans l'édition qu'en arts visuels, c'est que les artistes
sont les derniers informés soit de la faillite, de la cession de biens
ou des transferts d'actifs. Ce qu'il arrive à un moment donné,
c'est que s'il y a faillite comme cela, on l'apprend un mois après,
c'est disparu, c'est parti, tous les biens ont été saisis ou
transférés sans qu'on en ait eu la moindre information.
Alors que si on était au même titre qu'un bailleur de fonds
dans d'autres domaines, on serait informé en premier lieu, au même
titre que ces gens, pour pouvoir récupérer autant les redevances
que les oeuvres déjà déposées soit en consignation
ou qui ont déjà été vendues et qui n'ont pas
été payées. C'est qu'on n'a aucun recours. Ils
disparaissent et on est informé puis la boîte est fermée,
c'est rendu un autre commerce à ce moment.
C'est pour cela que dans la loi sur les sûretés
réelles, comme l'enregistrement, quand les gens en question viennent
pour récupérer les biens pour les bailleurs de fonds et les
autres, qu'ils soient huissiers, les titres sont là, des gens qui ont
les premières créances, les priorités sur les
créances sont là. À ce moment, c'est
l'intérêt pour nous d'être au moins informés.
Évidemment, on sait que c'est l'État qui se sert en premier.
Évidemment que nous, les créateurs, aimerions être les
deuxièmes, compte tenu que nous vivons de l'État en majeure
partie et qu'on est la matière première, comme disait Claudette
tantôt. Ces industries n'existeraient pas sans notre apport. C'est
évident qu'une galerie d'art n'existe pas si elle n'a pas d'oeuvres
à exposer. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, je vous remercie parce que je
trouve cela particulièrement intéressant que vous soyez venues
devant notre commission. J'ai eu l'occasion, sous d'autres cieux, très
récemment, plus précisément sous les tropiques, de
rencontrer Mme Dazé dans un voilier, par hasard. Elle m'avait
informée qu'elle venait devant la commission accompagnée d'autres
membres de la Conférence des associations de créateurs et
créatrices présenter un mémoire. On avait un peu
parlé des problèmes qui résultaient de l'absence
actuellement d'un statut de l'artiste.
Je pense que chaque occasion que vous avez de nous rappeler la
nécessité, et c'est ce que vous plaidez, d'un statut
privilégié, peut-être êtes-vous en désaccord
avec cette façon de voir les choses, vous dites tout simplement d'un
statut normal... Je pense que vous ne plaidez pas pour un privilège,
mais pour la normalité en faisant valoir votre situation
particulière.
Je pense que c'est heureux que vous veniez devant nous parce que, au
premier abord, ce qui est demandé par un groupe peut sembler assez
facilement excessif, parce que l'État a facilement tendance à se
défendre parfois contre les initiatives de ses citoyens mais très
souvent, de toute façon, contre les demandes qui lui sont
adressées et qui est au point de départ toujours une sorte de
plaidoirie, de démonstration, qui est à faire. Je pense que cela
peut être aussi d'une certaine façon souhaitable.
Je veux peut-être rappeler à mon collègue qui devait
certainement assister, à l'invitation qui nous avait été
adressée ici au
Grand Théâtre, où s'était faite une
démonstration théâtrale, mais vraiment très
éloquente, de la situation actuelle. Cela a eu lieu, je pense, au
début de juin ou fin mai dernier. D'ailleurs, ma collègue de
Groulx doit se le rappeler aussi. Je dois vous dire que cela avait
bouleversé à peu près tout le monde dans ce Parlement qui
s'y trouvait -j'ai l'impression qu'à peu près tout le monde y
avait assisté - parce qu'il y avait eu une sorte de compréhension
des choses qui ne vont pas de soi d'une certaine façon. Tout le monde
est en demande dans notre société. Il faut bien le comprendre.
Par rapport à ces demandes, on a évidemment toujours comme
réflexe de résister. Passons aux choses juridiques.
Cela dit, vous nous dites: II faut modifier l'article 2888 de
façon à y inclure les cachets et redevances dues au
créateur. C'est une première chose. Je pense que, dans un
deuxième temps, vous dites: II faut qu'on puisse, d'une façon, se
payer sur l'ensemble des biens, indépendamment que ce soit immeuble ou
meuble. C'est une autre chose. Ce n'est pas à 2888, cela. Parce que
l'article 2888, ce sont finalement - oui - les droits et créances qui
peuvent donner lieu à une hypothèque légale. Là
vous avez une liste. Pour la majorité, sauf l'État, c'est: cette
hypothèque légale peut s'exercer sur un immeuble. C'est pour cela
qu'il y a enregistrement.
Une voix: Ou des biens particuliers.
Mme Harel: Ou des biens particuliers, mais ne s'exerce pas sur
l'universalité des biens. Là il y a une liste. Vous dites: Nous,
on veut faire partie de la liste. Vous dites: On a de bonnes raisons.
Évidemment, je pense que la commission ici ne peut pas
nécessairement évaluer, disons, les raisons parce qu'on peut
personnellement dire, oui, les raisons sont bonnes. Mais cela va venir dans un
ensemble de ce que la société et l'État
conséquemment vont nécessairement avoir d'ici peu - Mme Bacon
nous le prévoit pour l'automne - examiné sous le couvert de ce
qu'on va appeler le statut de l'artiste. Cela va être une reconnaissance
particulière de votre situation pour normaliser votre situation
particulière.
Mais revenons à cet article 2888. Vous dites: On veut être
de ceux qui sont là définis comme pouvant exercer leurs droits et
leurs créances par le biais d'une hypothèque légale.
À l'article 2888, on retrouve, au troisième paragraphe, la
créance du vendeur non payée pour le prix du bien. Est-ce que
vous avez examiné si vous ne pouviez pas être satisfaites, par
exemple, dans le cas du sculpteur ou dans le cas... parce que tout cela se fait
maintenant dans des clauses contractuelles. J'imagine que l'ensemble des
personnes que vous représentez d'auteurs, compositeurs jusqu'aux
peintres, maintenant, procèdent de façon contractuelle,
lorsqu'ils vendent une de leurs créations, qu'elles soient
matérielles ou intellectuelles, l'objectif louable que vous poursuivez
ne pourrait-il pas satisfaire d'une certaine façon?
Mme Dazé: II y aurait peut-être une analyse
légale à faire à savoir si on peut considérer
l'auteur compositeur, le sculpteur comme un vendeur. Je ne sais pas s'il existe
des cas de jurisprudence dans ce sens. Peut-être en ajoutant un petit
mot, une virgule, je ne suis pas avocate, je ne suis pas légaliste, s'il
y a un moyen d'interprétation de la loi, peut-être, mais là
il faudrait faire une analyse. Je sais que dans toutes les lois, on essaie de
limiter les exceptions pour finir par se comprendre quand on a un jugement
à donner, inutile à faire. Mais, finalement, ce sont les gens qui
travaillent à cet avant-projet de loi qui vont l'étudier à
savoir si on peut l'interpréter comme ça, si on peut l'ajouter
sans ajouter une clause de huit lignes non plus.
J'aimerais mentionner aussi que si on revient toujours au statut de
l'artiste, le statut de l'artiste va peut-être prévoir certains
points, X, Y, Z, mais il faudrait que les créateurs puissent
s'intégrer ou puissent être là de façon
évidente, au niveau des autres lois. Comme dans la loi sur la faillite,
il y est prévu aux articles 60.1, 60.2, 60.3 où on parle du cas
d'une faillite d'édition qui est très précis. Il y aurait
peut-être de petites corrections, mais c'est une autre histoire. Si
chaque loi, si au Code civil, quand on parle d'hypothèque légale,
on peut reconnaître le créateur, soit par l'ajout d'une courte
phrase ou l'ajout d'une virgule ou d'une conjonction, finalement, ce sont les
gens qui travaillent à cet avant-projet de loi qui vont pouvoir
l'étudier. (16 h 45)
L'important, c'est de savoir si on peut vraiment les considérer.
Est-ce qu'à partir du moment où on intente un recours
légal, on peut gagner une cause?
Mme Fortier: Si je peux ajouter un mot, Mme Harel,
peut-être qu'à l'article 2807, qui traite des créances
prioritaires, on pourrait, à cet endroit-là également,
faire mention du droit du créateur sur la propriété
intellectuelle. Parce que la difficulté, le défaut, c'est qu'on
ne parle pas d'un bien matériel, on parle de propriété
intellectuelle, donc quelque chose de non palpable. Tout à l'heure, on a
soulevé la difficulté de ne pas être informé de
dissolution de compagnie, de changement de nom, de transfert d'actions ou
d'actifs; cela est une difficulté réelle. Donc,
l'hypothèque légale nous plaçait dans une situation
où le créateur pouvait être informé qu'il existait
un droit quelque part.
Mme Harel: On est dans une sorte d'économie
générale d'un avant-projet de loi qui s'est plutôt
dirigé vers l'abolition ou presque des privilèges en
matière de sûretés. Alors, quand vous nous parlez de
l'article 2807, dam un sens, c'est comme si c'était à
contre-courant de ce qui est, finalement, l'esprit général de
l'avant-projet de loi qui est déposé.
Mais, je pense que votre intervention est extrêmement utile pour
la raison suivante. C'est qu'on pourrait très bien demander au
gouvernement - je pense qu'on pourrait l'obtenir aussi, compte tenu de la
collaboration qui existe pour les travaux que nous menons - dans le cadre de la
préparation des mesures qui sont en train de prendre forme en ce qui
concerne le statut de l'artiste, qu'il examine ces questions relatives au
vendeur non payé pour le prix du bien, pour la bonne raison que ce qui
compte - vous allez être d'accord avec moi - c'est que l'objectif que
vous poursuivez soit satisfait. On souhaite toujours, quand on est en demande,
d'une certaine façon, je dirais quasiment avoir la ceinture avec les
bretelles, c'est-à-dire... Je dirais que, dans le cas des gens que vous
représentez et que vous êtes pour plusieurs d'entre vous... Je
comprends qu'étant donné la situation passée, vous voulez
avoir plus de garanties que moins. Alors, vous vous dites: II nous faudrait
quasiment être nommément désignés pour être
sûr qu'on n'est pas oubliés.
Par ailleurs, on s'entend que c'est le résultat qui va compter,
d'une certaine façon, et que si le point de vue était que vous
pouvez être satisfait par l'application de ce que l'on retrouve tel que
rédigé, à ce moment-là, j'imagine, que vous
acquiesceriez à ce qui est là.
Mme Fortier: Effectivement, vous l'avez bien souligné. Le
but, l'intention, c'est de faire protéger les créances des
créateurs. Nous croyons qu'à l'intérieur de cet
avant-projet de loi, c'était tout à fait pertinent de le
prévoir, contrairement à ce que... On veut que les
créateurs soient traités au même titre que les autres
citoyens; ils ont des droits. Louise a dit, tout à l'heure, qu'on vivait
de l'État; je ne veux pas contredire Louise, mais je pense que c'est une
volonté de l'État aussi de maintenir une production culturelle
qui est spécifiquement québécoise; c'est bien, c'est
formidable. Sauf que cette volonté de l'État débalance les
forces des parties. Par exemple, le créateur vis-à-vis de son
producteur, ce dernier a l'argent et non pas le créateur. Donc, il y a
un rapport de force qui est très inégal, donc il est très
difficile pour le créateur de négocier des garanties à
l'intérieur du contrat puisqu'on lui dit: Tu es chanceux, au moins tu as
un contrat. Tu vas avoir un film, ta vue va être faite, compte-toi bien
chanceux, mais cela devrait être plus que cela. On devrait avoir la
possibilité de négocier des conditions si elles ne sont pas dans
le contrat et si elles ne sont pas respectées, que le créateur
puisse récupérer des droits sur son oeuvre. Mais je suis d'accord
avec vous, l'important, c'est que partout, dans tous les textes de loi,on puisse le plus possible les garantir contre les injustices qui sont
faites. Les créateurs ne sont pas riches, n'ont pas beaucoup d'argent;
des études démontrent la moyenne de leurs gains dans une
année est de 7000 $. Donc, ils n'ont pas les moyens d'intenter des
recours, ils n'ont pas les moyens de payer les frais juridiques. Souvent, par
exemple, si un sculpteur ou un peintre voit ses oeuvres saisies dans une
faillite de galerie, dont le "galiériste" n'est pas propriétaire,
il n'aura pas l'argent nécessaire pour faire valoir ses droits et dire:
Un instant! Ce sont mes oeuvres!
Mme Harel: Oui, je souhaiterais peut-être...
Le Président (M. Marcil): Oui, M. le député
de Marquette.
Mme Harel: Habituellement, on procède par alternance.
J'aimerais entendre l'adjoint parlementaire, le député de
Marquette sur cette question. Je reviendrai après. Je vais lui laisser
l'occasion de se faire entendre.
M. Dauphin: Elle demande cela parce qu'elle me connaît
bien, je pense. Effectivement, considérant le fait que la ministre des
Affaires culturelles est en train d'étudier tout le statut de l'artiste,
je conçois très bien que l'on puisse communiquer avec elle. Comme
Mme la députée de Maisonneuve disait tantôt, l'important,
c'est le résultat que vous cherchez et non pas un quelconque article.
Mais effectivement, je m'engage au moins à signaler à Mme Bacon,
ministre des Affaires culturelles, la fragilité finalement de votre
situation. Vous n'êtes quand même pas dans la situation d'un
vendeur d'automobiles, c'est différent. On sait pertinemment que ce
milieu, au risque de me répéter, est fragile en termes
budgétaires et financiers. Il est important évidemment pour
l'artiste, dans l'étude de son statut, qu'il soit payé pour son
travail et pour ses créations. Je vais en parler à Mme Bacon,
ministre des Affaires culturelles et on verra après ce qui pourra
résulter comme communications ou négociations avec le
ministère de la Justice.
Mme Fortier: J'aimerais, si vous me permettez, parce que je ne
voudrais pas qu'il y ait de malentendus... Un statut de l'artiste ne
réglera pas tous les problèmes. Je crois plutôt que ce que
la ministre des Affaires culturelles va faire, ce sera de faire des
recommandations à d'autres ministères où il
y a des lois pour qu'on inclut une protection, un recours ou des... Mais
le statut de l'artiste lui-même ne va pas tout régler. Ce n'est
pas une petite boîte où on règle tout, il y a des
ramifications à l'intérieur d'autres règlements, lois,
ministères. C'est pour cela que je ne voudrais pas qu'on évacue
notre demande en disant que le ministère des Communications se penche
actuellement sur le statut de l'artiste.
M. Dauphin: ...
Mme Fortier: D'accord.
Le Président (M. Marcil): Disons que ce qu'on va faire
dans le fond, c'est qu'on va renvoyer tout le dossier que vous avez
déposé aujourd'hui, de même que les galées, tout ce
qui s'est dit, à la ministre des Affaires culutrelles, Mme Bacon, pour
qu'elle en prenne connaissance et intervienne peut-être auprès du
ministre de la Justice pour que vos demandes soient analysées et, si
possible, les intégrer ou qu'on puisse y répondre positivement.
C'est un peu dans ce sens-là que le député de Marquette a
parlé. Cela va?
Mme Lemay: Mme Harel, vous parliez tout à l'heure de
l'article 2888, numéro 3: "La créance de vendeur non payé
pour le prix du bien". La seule chose qui m'inquiète, c'est: est-ce que
le législateur peut interpréter le bien comme pouvant être
un bien non tangible, une propriété intellectuelle? Un bien, il
me semble - c'est notre difficulté en général - il n'en
n'existe pas.
Mme Harel: Vous avez raison, cela peut être un
tableau...
Mme Lemay: Oui.
Mme Harel: ...cela peut être une sculpture, mais cela ne
peut pas être la propriété intellectuelle.
Mme Lemay: Je voudrais préciser une chose, si mes
camarades sont d'accord, c'est qu'il est sûr que ce qu'on veut en fin de
compte c'est d'avoir des recours et d'être payé et tout. Une chose
que je voulais dire tout à l'heure, ce sont les implications que cela
peut avoir sur une carrière quand... Un disque, vous ne pouvez pas le
suivre pendant sept ans; ce ne sont pas seulement les redevances, c'est tout ce
que cela implique au niveau de la carrière. J'ai un cas patent avec
Jacques Michel, Gilles Valiquette, si j'avais le temps... Je pense que vous
avez compris l'essentiel de tout cela, mais je veux dire que c'est aussi
important que ce soit inscrit dans l'article, que les créateurs soient
concrètement nommés quelque part quand il est question de telle
loi. C'est là qu'on a quelque chose à gagner pour qu'on puisse
enfin exister. Je sais qu'on existe, mais je veux dire pour que les producteurs
le sachent.
Mme Fortier: C'est cela. Pour qu'on ait justement non pas un
statut particulier, mais qu'on s'insère bien dans les normes et dans les
critères d'autres citoyens qui vivent de biens physiques et non pas de
propriété intellectuelle.
Le Président (M. Marcil): Vous avez entièrement
raison.
Mme Lemay: C'est une chose qui est réelle. Ce qu'on
apporte dans une production, ce n'est pas une figure de style. C'est vrai qu'on
apporte la matière qui constitue le produit. Par exemple, dans le
domaine du disque, si vous n'avez pas de musique et si vous n'avez pas de
chanson, il n'y a pas de disque. Ce n'est même pas une
interprétation; c'est vraiment la réalité.
Mme Fortier: M. le Président, mesdames, messieurs, on vous
remercie beaucoup de nous avoir reçues. On espère que cela aura
pu vous aider un peu à comprendre la situation et l'état
où se trouvent les créateurs. Jacqueline a raison, les oeuvres
des créateurs sont la matière première. Il n'y a pas de
film s'il n'y a pas de scénario. Il n'y a pas de disque s'il n'y a pas
de parole ni de musique. Il n'y a pas de livre s'il n'y a pas d'écrivain
et si l'écrivain n'écrit pas. Il n'y a pas de galerie s'il n'y a
pas d'oeuvres dans les galeries, il n'y a pas d'expositions, il n'y a rien.
Le Président (M. Marcil): Oui, allez, Mme la
députée.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je souhaite que, non
seulement nous transmettions à Mme la ministre de la culture votre
recommandation et l'échange de vues que nous avons eu à cette
commission, mais que nous obtenions un avis du ministère de la culture
sur cette question. En tout cas, moi, je m'engage à ne pas aquiescer
à l'adoption tant que nous n'aurons pas vu l'ensemble de cette question
qui vous concerne.
Une voix: Merci beaucoup.
M. Dauphin: À mon tour, j'aimerais vous remercier d'avoir
participé à nos travaux. Je puis vous assurer que vos
recommandations seront étudiées avec beaucoup
d'intérêt et d'attention.
Mme Fortier: Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcil): Merci et bon voyage de
retour.
Avant de suspendre nos travaux, j'aimerais vous informer que, compte
tenu du fait que sont présents les représentants de l'Association
de détaillants de matériaux de construction du Québec que
nous devions entendre à 19 h 30, nous allons reprendre nos travaux
à 19 heures. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 19 heures.
Donc, les gens sont informés. Si vous voulez, cela nous donne deux...
Cela va? Il manque encore deux représentants.
Donc, je suspends nos travaux jusqu'à 19 heures.
(Suspension de la séance à 16 h 58)
(Reprise à 19 h 7)
Le Président (M. Marcil): Donc, nous reprenons nos
travaux. Nous allons entendre l'Association des détaillants de
matériaux de construction du Québec. Messieurs, on vous souhaite
la bienvenue à cette sous-commission. Nous sommes heureux de pouvoir
vous entendre. Afin, disons, d'harmoniser nos travaux, vous avez une vingtaine
de minutes pour exposer votre mémoire. Vous savez que tout le monde ici
a lu votre mémoire déjà. Donc, ensuite, on
procédera à une période de questions. M. Armand Houle. Pas
ici. Alors je me suis trompé, excusez-moi. C'est M. Maurice Breton.
C'est vous. Je vais vous laisser le soin de présenter vos
collègues et ensuite de faire la présentation de vos
recommandations.
Association des détaillants de matériaux
de construction du Québec
M. Breton (Maurice): Merci, M. le Président. Je vous
remercie de nous accorder ce moment que nous attendions depuis longtemps. A ma
droite, je vais présenter M. Réal Latulippe, notre
président au comité d'étude aux privilèges; ici
à côté de moi, Me Jean-Claude Cormier, notre procureur, et
à ma gauche ici, M. Maurice Rhéaume, notre directeur
général.
J'aimerais vous décrire ce qu'on fait, nous, à
l'Association des détaillants de matériaux de construction du
Québec. Notre Association des détaillants de matériaux de
construction du Québec est un organisme à but non lucratif qui
regroupe sur une base volontaire les détaillants de matériaux de
construction du Québec.
Le chiffre d'affaires global de l'industrie, des commerces de
détail, s'élève à plus de l 600 000 000 $ en
matériaux seulement. L'association a été fondée en
1940. Il existe au Québec 675 détaillants de matériaux de
construction et l'association en regroupe 325 sur les 675 ainsi que la plupart
des groupements d'achats, tels le groupe RONA, le groupe BMR, DISMAT, les
Marchands unis inc., Pal, UNIMAT, Sodisco et Home Care.
Comme services à ses membres elle offre entre autres un document
intitulé "Opération ratios" qui donne des analyses comparatives
du marché. L'ADMACQ administre également le Salon de la
quincaillerie et de la rénovation de Montréal qui s'adresse
uniquement aux marchands oeuvrant dans ce secteur d'activité. Elle
publie également une revue qu'elle distribue à tous les
détaillants de matériaux de construction au Québec; la
revue officielle de l'association Le quart de rond.
Je vous remercie. J'aimerais vous présenter Me Jean-Claude
Cormier qui va vous présenter notre document que nous avons
préparé et que vous avez tous en main. M. Réal Latulippe,
excusez-moi.
M. Latulippe (Réal): Disons que j'ai quelques notes ici.
En tant que marchand, j'aimerais tout simplement souligner à la
commission l'importance des ventes à crédit dans notre secteur
d'activité, les ventes qui sont consenties aux entrepreneurs en
construction. Pour ce faire, permettez-moi de vous citer l'enquête
Opération ratios que l'Association des marchands de matériaux de
construction a produite en 1983. Je ne crois pas que les membres soient en
possession de cette enquête. J'en ai quelques exemplaires ici. Je pourrai
vous les remettre tantôt peut-être.
Cette enquête, la troisième à être
publiée par l'Association des marchands de matériaux de
construction du Québec, a été rendue possible grâce
à la collaboration des principaux groupements d'achats du
ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec et des
marchands participants.
Vendre à crédit - parce qu'on vend quand même
beaucoup à crédit dans le domaine de matériaux de
construction - dans le domaine de la construction comporte des risques. Par
conséquent, il s'ensuit inévitablement des pertes lesquelles
peuvent être considérables. Ici, je m'en réfère
à l'étude Opération ratios. À la page 13, à
la ligne 101, il est mentionné que les mauvaises créances
représentent, dans le cas de magasins faisant un chiffre d'affaires
entre 4 000 000 $ et 8 000 000 $, un pourcentage de six dixièmes de 1 %
du chiffre d'affaires ou de 25 % des profits avant impôt. Dans le cas de
magasins faisant un chiffre d'affaires de 8 000 000 $ et plus, les pertes sont
encore plus élevées, soit 1,2 % du chiffre d'affaires ou de 59 %
des profits avant impôt.
Les mauvaises créances représentent, dans notre
domaine...
Mme Harel: Je m'excuse de vous
interrompre, mais je crois que vous faites référence
à une étude qui pourrait nous être distribuée
immédiatement, peut-être, Mme la secrétaire, peut-on
demander... Ne vous déplacez pas. On va...
Le Président (M. Marcil): Nous allons procéder
immédiatement.
Mme Harel: Alors, comme ça, on pourra plus facilement.
M. Latulippe (Réal): Je ne crois pas avoir suffisamment
d'exemplaires pour tous les membres de la commission; j'en ai cinq ici.
Le Président (M. Marcil): On pourrait toujours en donner
aux députés au départ et nous allons en faire quelques
photocopies.
M. Latulippe (Réal); Je me réfère surtout
à une page. On pourrait peut-être faire une photocopie de cette
page-là. Je me réfère à la page 13, à la
ligne 101.
Les mauvaises créances représentent, dan3 notre domaine,
la quatrième dépense en importance, soit immédiatement
après les salaires, 12,5 %; les frais de banque, 3,9 %; l'entretien et
l'essence, 1,6 % et les mauvaises créances, 1,2 %. C'est à la
page 13, ligne 101.
Mme Harel: ...à la ligne 129.
M. Latulippe (Réal): La ligne 129, oui. C'est bien
ça. Si vous prenez la colonne du magasin de 4 000 000 $ à 8 000
000 $, vous avez 29 000 $ pour un pourcentage de six dixièmes; pour ceux
de 8 000 000 $ et plus, 120 000 $, soit 1,2 % du chiffre d'affaires ou, si vous
prenez les profits en bas de la ligne avant impôt, 202 615 $, ce qui fait
59 %, puis 25 % dans le cas des magasins de 4 000 000 $ à 8 000 000
$.
C'est donc, en fait, une dépense très importante. En fait,
c'est la quatrième dépense en importance dans notre domaine, soit
immédiatement après les salaires, 12,5 %, des frais de banques,
3,9 %, l'entretien et l'essence, 1,6 % et les mauvaises créances, 1,2 %.
Les mauvaises créances coûtent plus cher aux détaillants de
matériaux que l'électricité, plus cher que les assurances,
plus cher que la publicité et l'amortissement.
Pour réduire cette dépense, les détaillants de
matériaux utilisent, en dernier recours, le privilège de
fournisseurs de matériaux. Je dois, cependant, préciser qu'en
tant que marchand, la plupart des règlements s'échelonnent entre
50 % ou 75 % de la créance, sans compter qu'un nombre assez important
est tout simplement rayé en raison de la clause de dation en paiement ou
d'une cession de priorité qui a été signée.
Vu les sommes considérables en jeu, vu les risques
élevés de notre secteur d'activité, le founisseur de
matériaux doit pouvoir bénéficier d'une protection
adéquate. C'est ma conclusion. Je vous transfère à Me
Cormier.
M. Cormier (Jean-Claude): M. le Président, membres de la
sous-commission, vous avez sans doute devant" vous quatre documents,
c'est-à-dire le mémoire original, qui avait été
produit en 1983, le mémoire amendé, et à la toute fin du
mémoire amendé, vous allez trouver une liste de citations. Ce
sont effectivement les citations qui sont dans le mémoire original. On
avait oublié d'annexer la liste au mémoire original. Finalement,
j'ai reproduit un article de Me Solomon, qui fait partie du mémoire
amendé. C'était la transcription d'une conférence que Me
Solomon avait prononcée lors du congrès du Barreau, en 1977, sur
le projet de l'office de révision, à l'époque.
J'ai l'intention de vous entretenir brièvement sur quatre points.
Premièrement, de la spécificité du domaine de la
construction. Deuxièmement, du rang et de l'opposabilité de
l'hypothèque légale du fournisseur de matériaux.
Troisièmement, des cessions de priorités et renonciations.
Finalement, quatrièmement, du sous-ordre de priorités de
collocation.
Au chapitre de la spécificité du domaine de la
construction, l'Office de révision du Code civil recommandait
l'abolition de tous les privilèges, tant ceux du Code civil que ceux
créés par les lois spéciales. Dans les commentaires,
reconnaissant d'une certaine façon la spécificité du
domaine de la construction ou pris de remords, l'office suggérait une
solution de rechange sans, toutefois, la recommander. C'est ce qu'on retrouve
dans le rapport de l'Office de révision du Code civil du Québec,
à la page 365. Ce sont les articles 461a à 461g.
L'hypothèque légale, que l'on retrouve dans l'avant-projet
de loi, aux articles 2888, 2°, 2890 et 2891, est une version
modifiée, au fond, de cette solution de compromis que prévoyait
l'Office de révision du Code civil aux articles 461a à 461g. Nous
sommes fort heureux que l'avant-projet de loi reconnaisse la
spécificité du domaine de la construction et lui accorde un
statut particulier, que l'on a appelé "hypothèque légale"
et que l'on retrouve pour les fournisseurs de matériaux et pour tous les
autres qui participent è la construction ou à la
rénovation d'immeubles, aux articles 2888, paragraphe 2.
Pourquoi les personnes qui ont participé à la construction
ou à la rénovation d'un immeuble doivent-elles être
protégées d'une façon spéciale par le
législateur? Les réponses à ce sujet se trouvent à
la page 2 du mémoire original, colonne de droite, sous
le sous-titre "Scénarios habituels". On établit clairement
que tant le fournisseur de matériaux, le sous-traitant, que
l'entrepreneur ne disposent jamais ou à peu près jamais des
sommes pour construire l'immeuble qu'ils veulent construire. Évidemment,
ils ont une promesse de prêt, un acte d'hypothèque qu'un
créancier hypothécaire, sur vue des plans et devis ou d'autres
documents, a promis de prêter. Mais ces montants d'argent ne seront
touchés que progressivement, par tranches, selon l'évolution de
la construction. Mais en attendant, qu'est-ce qu'on fait? En attendant, ce sont
les sous-traitants, l'entrepreneur et les fournisseurs de matériaux qui,
en plus de rendre des services ou de fournir des matériaux, se trouvent
à faire du financement temporaire ou à court terme.
Toujours sous le même titre, pourquoi doit-on les protéger
d'une façon spéciale? À la page 3 du mémoire
original, colonne de droite, les deux premiers paragraphes.
Le fournisseur en matériaux serait bien consentant d'utiliser la
méthode "cash and carry", mais c'est impossible dans le domaine de la
construction. Ce sont ceux qui seront appelés dans l'avenir à
continuer de remplir ce rôle, en plus d'être fournisseurs de
matériaux, de faire du financement temporaire. C'est pourquoi on doit
leur accorder ainsi qu'aux autres qui participent à la rénovation
ou à la construction d'immeubles un régime spécial.
Sous le même titre, la spécificité du domaine de la
construction, je vous reporte à l'article qui a été
écrit dans la revue du Barreau et qui est reproduit intégralement
à la fin du mémoire amendé de Me Solomon qui explique
grosso modo les mêmes phénomènes.
Alors, je passe au deuxième point que je veux discuter avec la
sous-commission, c'est le point le plus important: du rang et de
l'opposabilité de l'hypothèque légale du fournisseur de
matériaux. Si on lit l'article 2890, 1er paragraphe, il est bien clair
que cette hypothèque a son point de départ ou sa naissance lors
de la livraison des premiers matériaux. Cela reproduit exactement
l'état de la jurisprudence actuelle qui fait naître le
privilège du fournisseur de matériaux de construction au moment
de la première livraison. Je ne rentre pas dans les détails, des
fois on pourrait même aller jusqu'au premier bon de commande, mais tenons
pour acquis que c'est la première livraison de matériel.
Cependant, l'avant-projet de loi ne règle pas de façon
explicite la question de l'opposabilité de cette hypothèque
légale au tiers acquéreur et au bailleur de fonds. Nous
maintenons qu'il faut régler cette question sans aucune équivoque
dans le Code civil. Cependant, il faut pour le moment interpréter
l'avant-projet de loi pour savoir ce que cela pourrait donner en pratique. La
situation actuelle établie par la jurisprudence est claire: le
privilège du fournisseur de matériaux de construction naît
au moment de la première livraison de matériaux et il est
opposable au tiers acquéreur et au créancier hypothécaire,
pour autant que la date de la première livraison des matériaux
est antérieure à la date d'enregistrement du type de
créancier hypothécaire ou de l'acte de vente du tiers
acquéreur.
En fait, l'enregistrement de l'avis de privilège du fournisseur
de matériaux ne fait pas naître le privilège et ce n'est
pas ce qui le rend opposable au tiers, soit au bailleur de fonds ou au tiers
acquéreur. L'enregistrement de l'avis de privilège actuellement
ne fait que conserver le privilège. Au point de vue pratique, qu'est-ce
que cela donne? Cela donne que si vous êtes un fournisseur de
béton, c'est-à-dire que si vous intervenez au début de la
construction de l'immeuble, la plupart du temps vous allez passer avant le
bailleur de fonds et avant le tiers acquéreur. Par contre,
évidemment, si vous êtes un fournisseur de céramique, un
fournisseur de rampes d'escaliers puis, encore pire, un fournisseur de tapis,
il y a de grosses chances que vous passiez à peu près tout le
temps après le bailleur de fonds et après le tiers
acquéreur. C'est la situation actuelle.
Dans la solution de compromis que l'office de révision du Code
civil, sans la recommander, mettait sur la table, cette histoire était
réglée de façon très claire par l'article 461a
où on disait - on retrouve cela dans le rapport sur le Code civil de
l'Office de révision du Code civil - à la page 366, au haut de la
page: "Cependant, l'hypothèque des personnes mentionnées au
deuxième alinéa de l'article 314 prend rang avant toute
hypothèque, pourvu que les conditions prévues aux articles 461b
et 461g soient remplies." Cela, c'étaient des questions d'avis. Mais
c'était établi clairement à 461a que l'hypothèque
légale du fournisseur de matériaux et des autres qui participent
à la construction d'un immeuble passait avant celle du bailleur de fonds
et avant le tiers acquéreur.
Quelle sera la situation de ces mêmes détenteurs
d'hypothèque légale avec l'avant-projet que nous avons devant
nous? L'hypothèque légale du fournisseur de matériaux,
entre autres, comme les autres, d'ailleurs, sera au moment de la
première livraison de matériaux, mais elle ne deviendra opposable
au tiers acquéreur et au bailleur de fonds qu'à compter de la
date de son enregistrement. Dans le mémoire amendé, je cite la
plupart des articles sur lesquels je me base pour donner cette
interprétation. Dans ma tête, après avoir lu attentivement
le projet de loi, il ne fait aucun doute que maintenant, ce qui rend opposable
le privilège ou l'hypothèque légale
du fournisseur de matériaux, c'est la date de son enregistrement
au lieu d'être ta date de la première livraison.
Au point de vue pratique, qu'est-ce que cela voudra dire? Cela voudra
dire que le fournisseur de matériaux, qu'il soit un fournisseur de
béton ou un fournisseur de tapis, passera toujours après le
bailleur de fonds et aussi après le tiers acquéreur. Quand est-ce
qu'on enregistre un priviège au fournisseur de matériaux? C'est
quand cela fait déjà un certain temps qu'on a livré des
matériaux, que la créance ou les paiements se font attendre et
qu'il s'est écoulé un certain temps, de telle sorte que c'est
à peu près certain que, toujours, le titre du créancier
hypothécaire sera enregistré et le titre du tiers
acquéreur probablement aussi. D'où la première
recommandation que l'on retrouve dans le mémoire amendé.
Le Président (M. Marcil): La deuxième?
M. Cormier: C'est la première, je m'excuse, c'est à
la page 6...
Le Président (M. Marcil): Non, je vous disais que vous
avez environ encore deux minutes»
M. Cormier: Deux minutes? Nous suggérons évidemment
que le législateur fasse en sorte que le privilège du fournisseur
de matériaux passe avant celui du bailleur de fonds et avant celui du
tiers acquéreur. Pourquoi? Il y a de multiples raisons. Pourquoi,
d'abord, avant celui du bailleur de fonds? Premièrement, parce que le
bailleur de fonds fait du prêt hypothécaire à peu
près à 75 % de la valeur; deuxièmement, parce qu'il ne
débouche que progressivement et après que sa garantie ait pris
forme; troisièmement, c'est encore lui qui décide quand il fera
des déboursés. S'il n'est pas satisfait, que fait-il? Il cesse de
faire des déboursés ou il rappelle son prêt. Lui, est
vraiment en mesure de surveiller sa créance. Il n'y a rien qui
l'empêche de demander au constructeur de lui fournir une liste
assermentée du nom, de l'adresse de tous ses fournisseurs de
matériaux et ses sous-traitants. (19 h 30)
Je pense que le bailleur de fonds ne peut pas simplement se croiser les
bras, s'asseoir chez lui et attendre que la garantie soit complète, bien
en place et passer avant tous ceux qui sont allés sur la ligne de front,
entre autres, les fournisseurs de matériaux et les sous-traitants.
Pourquoi devrait-il passer avant le tiers-acquéreur? D'abord, un
certificat garanti pour maisons neuves existe; il protège les tiers
acquéreurs. On me dit que cette forme de garantie serait étendue
prochainement aux rénovations. Deuxième- ment, le tiers
acquéreur est aussi en mesure de vérifier qui sont les
fournisseurs et qui sont les sous-traitants. S'il n'est pas satisfait de la
construction, il a la possîblité de retenir les versements.
Finalement, je vais vous entretenir durant une minute d'un point qui
m'apparaît essentiel. Les créanciers hypothécaires ont
développé des nouvelles techniques, ce qu'on appelle la cession
de priorités de rang et les renonciations à privilège. Si
la recommandation première que nous faisons est acceptée et si on
veut qu'elle soit efficace, il faut que ces cessions de priorités et ces
renonciations à privilège deviennent illégales. Je vous
reporte, entre autres, à la solution de compromis de l'office de
révision qui, à l'article 461, sous-paragraphe g, réglait
de façon définitive ce problème. On disait: La stipulation
par laquelle le titulaire d'une hypothèque renonce à la
préférence de rang prévue par l'article 461a, ainsi que
celle visant à empêcher la création d'une telle
hypothèque, de même que toute clause pénale les
assortissant, sont sans effet. C'est notre deuxième recommandation.
Finalement, pour ce qui est du créancier hypothécaire,
j'ai peut-être oublié un point assez important. En vertu de son
acte d'hypothèque, il jouit toujours de la clause de dation en paiement
qui, souvent, vient effacer les privilèges tant des fournisseurs de
matériaux que des autres qui ont participé à la
construction de l'immeuble. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Nous allons
procéder à la période des questions. Je vais
reconnaître M. le député de Marquette, adjoint
parlementaire au ministre de la Justice.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Au nom du ministre de
la Justice et de l'équipe ministérielle, j'aimerais souhaiter la
bienvenue à l'Association des détaillants de matériaux de
construction du Québec. Étant donné le sujet d'une
extrême importance, je vais demander au directeur de la section du droit
civil au ministère de la Justice de commencer la période
d'échanges avec vous relativement à votre point qui est bien
spécifique, soit le privilège en matière de construction.
Me Cossette, si vous voulez bien commencer l'échange.
M. Cossette: M. le Président, je voudrais adresser une
première question à celui qui nous a présenté le
mémoire. Vous savez que le projet de loi qui est devant vous
préconise que, pour l'avenir, la rétroactivité de la
dation en paiement ne soit plus possible. Tenant compte du fait que, selon le
projet de loi toujours, il n'est plus possible de prendre
rétroactivement un immeuble et de faire disparaître ainsi tout
ce qui est après l'enregistrement de l'hypothèque, est-ce
que vous auriez le même raisonnement?
M. Cormier: À quel article référez-vous?
M. Cossette: En particulier au chapitre de la prise en paiement,
2958 et suivants.
M. Cormier: Même si je ne suis pas plus familier qu'il faut
avec ce sous-titre, je pense que oui, pour la raison suivante. En vertu de
l'article 2963, il le prend dans l'état où il se trouvait alors,
libre des hypothèques publiées après la sienne. Il est
bien clair que l'enregistrement de l'acte d'hypothèque surviendra
toujours, avec ce projet de loi, après la publication de l'acte
d'hypothèque. Si on prend les choses telles qu'elles sont actuellement,
l'enregistrement de l'avis de privilèqe intervient toujours ou presque
toujours après la date d'enregistrement de la créance
hypothécaire. Pourquoi passe-t-on avant? Parce que la jurisprudence a
déterminé qu'elle fait rétroagir, à la date de la
naissance du privilège, les droits du fournisseur de matériaux de
construction.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. te Président. Présentement,
que ce soit avant ou après la date d'enregistrement de la créance
hypothécaire qui est l'enregistrement du privilège, cela n'a pas
tellement d'importance puisque c'est un privilège qui est prioritaire.
Qu'il soit avant ou après, il est prioritaire. Ce qui vous fait
problème actuellement c'est la dation en paiement et non pas
l'enregistrement de la créance hypothécaire.
M. Cormier: Non. Est-ce que vous parlez de la situation
actuellement, en vertu du Code civil actuel, madame?
Mme Harel: En vertu du Code civil actuel. Je pense que la
question de Me Cossette est relative à la dation en paiement.
M. Cormier: Oui.
Mme Harel: Mais la dation en paiement...
M. Cormier: La dation en paiement fait rétroagir et lave
le titre jusqu'à la date de l'enreqistrement de l'acte
d'hypothèque.
Mme Harel: Oui. Ce n'est donc pas l'enreqistrement de la
créance hypothécaire, même avant votre privilège,
qui a cet effet-là, c'est la dation en paiement. Présentement, ce
que l'avant-projet de loi fait, c'est d'abolir votre privilège.
M. Cormier: C'est-à-dire qu'il abolit le privilège
et crée l'hypothèque légale. Qu'on l'appelle
privilège ou hypothèque légale, cela n'a aucune...
Mme Harel: Oui, mais l'hypothèque légale, la
créant pour tous, y compris pour le créancier
hypothécaire... C'est-à-dire qu'il l'enregistre et, vous le dites
vous-même, son enregistrement va nécessairement ou presque
être avant l'enregistrement du fournisseur de matériaux.
M. Cormier: Ce qui compte actuellement, ce n'est pas la date de
l'enregistrement du privilège, c'est la date de la première
livraison. La cause de Armor Ascenseur de la Cour suprême a établi
cela de façon très claire. Actuellement, quand on enregistre un
privilège, on ne fait que conserver un droit. C'est une formalité
pour conserver un droit.
Mme Harel: Permettez-moi de vous demander, justement en fonction
du fait que c'est au moment de la livraison des matériaux... Que les
matériaux soient livrés avant ou après qu'un
créancier hypothécaire ait enregistré, cela n'a pas
d'importance.
M. Cormier: Mais oui, cela a de l'importance.
Mme Harel: Présentement? M. Cormier: Mais oui.
Mme Harel: Parce qu'il y a une clause de dation en paiement.
M. Cormier: Non.
Mme Harel: Mais s'il n'y avait pas de clause de dation en
paiement? Ce n'est pas l'enregistrement de la créance qui vous fait
problème, c'est la clause de dation en paiement.
M. Cormier: La clause de dation en paiement ne nous fait pas plus
de problème...
Mme Harel: Elle lave tout.
M. Cormier: On ne s'entend pas sur les choses. Actuellement, ce
qui compte, c'est la date de la première livraison. Si on prend un
exemple pratique: A est un fournisseur de matériaux. Il fait sa
première livraison aujourd'hui, le 18 août 1987; B est le
constructeur; C est le créancier hypothécaire. À un moment
donné, il enregistre son acte d'hypothèque, disons le 18
septembre, et A enregistre son privilège parce que cela va mal, beaucoup
plus tard,
le 18 octobre 1987.
Actuellement, la situation de la jurisprudence, même si on a
enregistré après la date de l'enregistrement de
l'hypothèque, elle fait rétroagir les droits du fournisseur de
matériaux à la date de sa première livraison de
matériaux, c'est-à-dire le 18 août et, même s'il y a
une clause de dation en paiement, il passe avant le créancier
hypothécaire.
La grosse différence avec l'avant-projet. L'avant-projet de loi
fait naître le privilège ou l'hypothèque légale
à la même date mais, pour l'opposer à un tiers
acquéreur ou à un créancier hypothécaire, la date
qu'on va retenir n'est pas la date de la livraison des matériaux, c'est
la date où il va publier son privilège, c'est-à-dire qu'il
va le faire enreqistrer.
Si on prenait le même exemple actuellement, en vertu du Code civil
et de la jurisprudence actuelle, A aurait un privilèqe qui passerait
avant la créance hypothécaire, même avec la dation en
paiement, alors qu'avec l'avant-projet de loi il va passer après, il va
se faire laver.
Mme Harel: Concevrons-nous de pouvoir poursuivre pour bien se
comprendre? Est-ce que je peux permettre à Me Mélançon de
poser les questions?
M. Dauphin: ...
M. Melançon: Claude Mélançon. C'est que ce
qu'affirme actuellement la députée de Maisonneuve... C'est bien
cela?
Mme Harel: Oui.
M. Melançon: C'est que dans le régime actuel, le
problème vient au fond de la dation en paiement, c'est-à-dire que
les privilèges passeraient en fait avant l'hypothèque, même
l'hypothèque qui est née avant les privilèges en quelque
sorte, mais c'est que la dation en paiement vient laver toutes les
hypothèques subséquentes. Sinon, sur la plus-value, les
privilèges auraient priorité. Je pense que dans le droit actuel,
c'est exact mais comme les créances hypothécaires sont toujours
assorties d'une clause de dation en paiement, on sait qu'en pratique, lorsqu'il
y a dation en paiement, tous les privilèges subséquents ou qui
sont nés subséquemment, y compris comme vous le dîtes
très bien, et vous avez raison, lors de la livraison des
matériaux, sont lavés.
Mais ce qu'elle dit, le problème vient de la dation en paiement.
S'il n'y avait pas la dation en paiement, comme c'était originalement en
1866, si ce n'était qu'une créance hypothécaire et que des
créances privilégiées, des privilèges ouvriers, les
privilèges ouvriers sur la plus-value, c'est-à-dire sur la valeur
de la construction, auraient toujours priorité. Mais aujourd'hui, et je
pense que vous avez raison là-dessus, ce qu'on propose dans le projet de
loi, ce n'est pas ce qui est dans l'Office de révision du Code civil
évidemment. Selon le projet de loi, c'est que, effectivement, c'est la
date d'enregistrement du privilège qui est la date de sa naissance
à toutes fins utiles pour les fins de l'opposer à
l'hypothèque qui est habituellement enregistrée avant.
Cependant, si on retenait l'Office de révision du Code civil,
à ce moment, la clause de dation en paiement n'aurait peut-être
pas l'incidence dont vous parlez. Cela dépendrait évidemment
à ce moment de la date ou de la...
M. Cormier: Mais la clause de dation en paiement n'est pas ce qui
fait le plus mal. Cela lave certains privilèges. Mais cela lave des
privilèges uniquement pour ceux qui sont nés
antérieurement à l'enregistrement de l'acte d'hypothèque.
On la fait rétroagir. La clause de dation en paiement ne fait que
rétroagir à la date d'enregistrement de l'hypothèque.
Or, la jurisprudence et le Code civil actuel faisant naître les
privilèges lors de la première livraison des matériaux ou
lors de la signature d'un sous-contrat pour le plâtre, les planchers,
n'importe quoi, en pratique à 90 % des fois actuellement les
créanciers privilégiés, sauf ceux qui arrivent à la
toute fin d'une construction, passent avant le créancier
hypothécaire et passent avant le tiers acquéreur. Mais ce ne sera
pas cela avec l'avant-projet de loi.
M. Melançon: C'est tout à fait exact. Je pense au
fond qu'on parle de la même chose. Je n'en revenais qu'à
l'affirmation de Mme Harel à l'effet que le problème actuel dans
le droit que l'on a c'est la clause de dation en paiement. Sinon, ce serait un
régime parfait. Les privilège passeraient toujours avant les
hypothèques. C'est pourquoi on les appelle les privilèges. Sur la
plus-value, sur la valeur de l'immeuble, ils passeraient toujours avant. C'est
la dation en paiement qui, par sa rétroactivité, emportait ou
lavait tout ce qui était enregistré après et donc les
privilèges, habituellement.
M. Cormier: Comme les privilèges étaient
rétroactifs à la date de sa naissance parce qu'on avait toujours
un paragraphe dans l'avis de privilège qui disait "J'ai commencé
à livrer des matériaux telle date, telle date, telle date, tel
montant, tel montant." Pourquoi écrivait-on cela? C'était pour
montrer à partir de quelle date cela indiquait au procureur du
créancier hypothécaire: Paie-moi ou tu passes avant moi. Cela le
lui disait exactement. (19 h 45)
M. Melançon: II arrivait, évidemment,
que la date de naissance faisait en sorte que le privilège
était avant l'enregistrement d'une hypothèque, la plupart du
temps. Même s'il y avait clause de dation en paiement, cela n'avait pas
d'incidence et d'importance.
M. Cormier: On s'entend en fait. M. Melançon:
Exactement.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Marquette?
M. Dauphin: Je saisis, maintenant, absolument tout. Je vais
essayer de vous le résumer en 30 secondes. Vous me direz si j'ai saisi,
sinon on recommencera. Autrement dit, avec le droit actuel, le privilège
vient au monde à mesure que la fourniture des matériaux se fait,
à la première fourniture. Tandis qu'avant l'avant-projet de loi,
le privilège vient au monde ou naît avec l'enregistrement.
M. Cormier: Actuellement, le privilège naît au
moment de la première livraison. Si vous lisez l'article 2890, on dit:
"L'hypothèque légale en faveur des personnes qui ont
participé à la construction ou à la rénovation d'un
immeuble" etc.. Attendez un peu. Bon. Article 2891, premier paragraphe, je
m'excuse. "L'hypothèque légale des personnes qui ont
participé à la construction ou à la rénovation d'un
immeuble subsiste... Cela veut donc dire qu'il existait avant. Si on va au
deuxième paragraphe: ...elle n'est conservée que par le
dépôt pour enregistrement de l'avis de privilège ou de
l'avis d'hypothèque légale. Cela confirme
l'interprétation.
Actuellement, le privilège naît au moment de la
première livraison. En vertu du projet de loi, le privilège ou
l'hypothèque légale du fournisseur de matériaux va
naître lors de la première livraison, la même "mosus"
d'affaire.
M. Dauphin: Cela devient opposable.
M. Cormier: II va devenir opposable, sa date pour l'opposer au
tiers acquéreur ou au bâilleur de fonds, cela va être la
date de sa publicité ou de son enregistrement; alors qu'actuellement, la
date de son enregistrement n'a d'importance que pour suivre les
formalités. La jurisprudence le fait rétroagir au niveau de son
rang où il va passer à la date de la première livraison,
ce que l'avant-projet de loi ne fait pas.
M. Dauphin: Je saisis. Évidemment, tout le monde est
d'accord ici que c'est la bonne interprétation à lui donner.
C'est ça? Vous nous demandez - excusez-moi - c'est bien évident,
de modifier la rédaction de ces articles. On en convient tous, j'en suis
persuadé, que vous voulez le statu quo.
M. Cormier: Je pense que ce serait... En fait, le statu quo,
c'est la situation la plus facile quand on vient pour regarder des choses. Je
pense qu'avec tous les travaux qui ont été faits par l'office de
révision, le fait qu'on a fait un avant-projet de loi, je pense qu'il y
a des choses qui sont excellentes là-dedans. Il ne faut pas se le
cacher. Il y a des imperfections dans le régime actuel. Le projet de loi
en corrige certaines. Le droit des privilèges pour les gars de la
construction, ça existe depuis 1916. Les choses ont évolué
depuis 1916. Je pense que ce serait un peu ridicule que de vous dire: Laissez
donc cela comme cela. Vous en avez d'excellentes, dans le projet de loi, des
dispositions.
Je pense à l'article 2896, par exemple. Actuellement, il ne faut
pas se le cacher, il y en a qui ambitionnent sur leur droit d'enregistrer des
privilèges de fournisseur de matériaux. On foute un avis de
privilège, on a bien de la misère à faire radier cela. Le
créancier hypothécaire ne fait plus de déboursé et
même si on n'a pas un bon privilège, cela se peut très bien
qu'on nous offre 5000 $, 10 000 $ pour nous enlever de là. C'est de
l'abus de droit. Vous l'avez réglé avec l'article 2896. Vous avez
dit: On peut déposer un montant d'argent ou offrir une autre
sûreté, cela ne préjudiciera pas à nos droits de
contester votre action sur privilège et cela va laver le titre, et
l'immeuble va pouvoir continuer; il n'y a plus personne qui va être
embarrassé par cela. Il y a des anomalies, c'est bien sûr. Cela en
est une importante. Actuellement, s'il y a un privilège
d'enregistré, cela barre tout le système; il n'y a plus personne
qui fait des déboursés; cela peut engendrer des faillites, etc.
Il fallait trouver une méthode.
Si on fait un versement en vertu de la loi sur les offres et
consignations, actuellement, c'est considéré comme un paiement.
L'article 2896 l'a réglé. Vous allez faire un dépôt,
cela ne sera pas considéré comme préjudiciable à
vos droits et comme un paiement partiel ou comme un paiement. Le titre va
être clarifié au bureau d'enregistrement et tout le monde va
pouvoir fonctionner.
Laisser cela comme cela, il me semble qu'il y a des choses à
corriger; on sait qu'il y a des choses à corriger. Mais, ce qu'on dit,
c'est que les gars de la construction, ce sont les premiers sur la ligne de
front, ce sont les premiers à avancer des matériaux, des
services, il faut leur donner des garanties. Le bailleur de fonds, il vient
toujours après. Qu'est-ce qu'il fait quand il passe un acte
d'hypothèque? Il promet de payer sur une bâtisse à devenir
ou de débourser une somme d'argent. Il vient toujours après coup,
lui. Il va débourser
quand la bâtisse monte; il ne prête pas à 100 %. Les
avances progressives, c'est bien rare que cela correspond exactement aux
travaux qui ont déjà été effectués. Il me
semble que les gars qui participent à la rénovation ou à
la construction d'un immeuble sont beaucoup plus en danger que lui. C'est
pourquoi on devrait les faire passer avant.
Qu'est-ce que l'on fait dans de la grosse construction? Au tout
début d'un projet, on demande à l'entrepreneur
général de nous dresser une liste de tous les sous-traitants et
de tous les fournisseurs de matériaux. Mensuellement, on lui demande de
mettre à jour cette liste. C'est bien rare que les gars se font
organiser. Pourquoi est-ce que cela ne se ferait pas au plan domiciliaire? Cela
est facile. Le créancier hypothécaire est capable de
protéger sa créance et il faut qu'il la protège aussi. On
n'est pas venu ici pour vous dire: Écoutez, protégez-nous au
détriment de tous les autres. On vous dit! On est un petit peu plus en
danger, faites-nous passer avant ceux qui sont moins en danger; et ceux qui
sont moins en danger, comme le bailleur de fonds, vont prendre les moyens - ils
les ont - pour faire en sorte que lorsque tu débourses de l'argent, cela
s'en va dans les poches du fournisseur de matériaux qui a fourni des
matériaux pour cette construction ou qui a fait un sous-contrat sous
cette construction.
Actuellement, qu'est-ce qui se passe? Quand un entrepreneur est en
danger, est en mauvaise affaire, qu'est-ce qu'il fait? Il retire de l'argent
pour la bâtisse du 1255 rue..., n'importe quel nom de rue, et il paie ses
fournisseurs de matériaux et ses sous-traitants pour une autre
construction qu'il a faite six mois avant. Là, la situation se
déqrade et c'est comme cela qu'on arrive à un cul-de-sac.
Si dans la loi il était établi clairement que ceux qui
sont sous la ligne de front, les ouvriers, les fournisseurs de
matériaux, les sous-traitants, le gars qui vient après et qui a
l'argent dans ses poches, il s'arrangerait pour que cet argent s'en aille dans
les poches de ceux qui ont travaillé et qui ont participé
à la construction de cet immeuble. C'est cela qu'on vous demande.
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Oui...
Le Président (M. Marcil): Oui, allez-y, M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: C'est parce que Me Longtin, qui est directrice de ta
législation ministérielle, voudrait vous poser une question.
Mme Longtin (Marie-Josée): Oui, M. le Président, ma
question est un peu double. D'une part, c'est parce que c'est un aspect du
mémoire qu'on n'a pas eu le temps d'aborder. Donc, à la page 10,
vous faites une recommandation dans le sens que les fournisseurs de
matériaux passent avant les autres personnes qui ont participé
à l'entreprise et vous vous motivez sur le fait que celles-ci ne sont
pas présentes au moment de la construction pour veiller à la
surveillance de leur privilège ou enfin de leur hypothèque dans
le présent cas.
L'avant-projet de loi, évidemment, établit une concurrence
entre tous les créanciers, les fournisseurs, les ingénieurs,
enfin chacun apporte à la plus-value de l'immeuble une
spécificité propre, qu'il s'agisse de la technique, du dessin ou
de la visibilité de l'immeuble ou de l'organisation des travaux. Je
pense que des sous-entrepreneurs peuvent être là au début
d'une construction et ne plus y être à la fin ou y arriver
à la fin et ne pas être là au début. Je ne vois pas
trop bien la justification de cette recommandation. Je me demande aussi si le
fournisseur de matériaux, étant également un vendeur, peut
et, en plus de ce privilège, ne peut-il pas bénéficier de
l'hypothèque du vendeur?
M. Cormier: Pour répondre à votre première
question sous le sous-ordre de collocation, actuellement, l'article 2013c
établit un sous-ordre de collocation: l'ouvrier, le fournisseur de
matériaux, le constructeur, l'architecte. J'ai recherché dans la
doctrine pourquoi on avait fait ce sous-ordre de collocation et je vous avoue
que je ne l'ai pas trouvé. Lorsqu'on regarde dans Trudel, il dit qu'il y
a un sous-ordre, mais il ne dit pas pourquoi.
La justification que je verrais à un sous-ordre est dans mon
mémoire. Je pense que si sous-ordre il devait y avoir, parce l'office de
révision, même dans sa solution de compromis, ne parle pas de
sous-ordre et dit que tous ces gens-là vont venir au prorata...
D'ailleurs, avant qu'on me le dise, je vous le souligne que dans le
mémoire original, mon prédécesseur n'avait pas
porté attention à la question du sous-ordre; il avait même
dit que, dans une solution de compromis, il serait prêt à accepter
que les gens soient payés au prorata. Je me dis que si sous-ordre il y
a, il devait être établi de la façon suivante: l'ouvrier,
parce qu'il est le plus économiquement faible, le fournisseur de
matériaux parce que, lui, ne va jamais sur les lieux de la construction,
souvent cela se fait par téléphone la plupart du temps et il a
des chances d'être l'une des dernières personnes informées
que ce chantier va mal. L'ouvrier, s'il ne reçoit pas son salaire au
bout de la semaine, il sait qu'il se passe quelque chose. Le sous-traitant qui
est là
tous les jours, pendant une certaine période de la construction
aussi, il sait ce qui se passe. L'ingénieur ou l'architecte, surtout
s'il n'a pas seulement la conception des plans et devis, mais s'il a aussi la
surveillance des travaux est très au fait de ce qui se passe, tandis que
le fournisseur de matériaux a des chances d'être le dernier
informé. Je n'insiste pas plus là-dessus.
Le Président (M. Marcil): Cela va?
M. Cormier: Je reviens à la deuxième partie de
votre question au sujet du privilège du vendeur.
Une voix: C'est cela, l'hypothèque légale du
vendeur.
M. Cormier: Actuellement... Parlez-vous du droit de revendication
des matériaux qui ne sont pas incorporés ou si j'ai mal
saisi?
Mme Longtin: Évidemment, il y a ce droit-là, mais
le fournisseur se trouve également à être vendeur d'un
bien. Donc, ne peut-il pas, en plus de cette hypothèque de ne pas avoir
participé à la construction, faire valoir une hypothèque
comme vendeur?
M. Cormier: Qu'est-ce que cela lui apporterait de plus?
Mme Longtin: Un autre débiteur.
M. Cormier: D'autant plus qu'il vient à un rang
postérieur de son hypothèque légale d'avoir
participé à l'immeuble. Je ne vois pas ce que cela viendrait
ajouter à conserver ses droits. Maintenant, sur la question de
revendiquer les biens qui ne sont pas incorporés dans l'immeuble, c'est
un droit qui n'est à peu près jamais utilisé parce que,
souvent, les matériaux sont déjà transformés.
Souvent, aussi, ces matériaux ont été faits
spécifiquement pour un type de construction. Par exemple, si on a un
ensemble de portes et fenêtres qui sont de grandeur
irrégulière, quand bien même il revendiquerait ces
fenêtres-là, comment va-t-il faire pour les vendre le prix que
cela peut valoir? Je vous renvoie, entre autres, sur ce droit de revendiquer
à l'article publié par Me Solomon, en particulier à la
page...
Il se réfère à une cause sans préciser la
référence, mais à un arrêt qui a été
rendu dans une action à revendication pour ascenseur et la cour aurait,
semble-t-il, dit que les ascenseurs pour un immeuble de plusieurs
étages, c'était quelque chose d'absolument essentiel et aurait
empêché la revendication. Je m'excuse si je ne trouve pas
exactement... À la page 404, fin du premier paragraphe. (20 heures)
Le Président (M. Marcil): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Tout de suite, je vais
demander... D'abord, je vais vous saluer. On est tout de suite intervenu dans
le vif du sujet. Pour la contribution que vous aurez à nos travaux, je
pense que c'est là, d'ailleurs, un élément important sur
lequel il est convenu que nous réfléchissions sur cette question
de l'hypothèque légale et de ce qui était le
privilège de l'ouvrier.
Vous avez échangé des propos sur cette question des
créanciers privilégiés qui vont prendre le même
rang, parce que l'article 2890 prévoit qu'entre eux, les
créanciers qui en bénéficient prennent le même rang
et viennent par concurrence.
La question que nous nous posons, c'est: À laquelle des dates
d'enregistrement? Puisque dans cet édifice, chacun va enregistrer mais,
par la suite, va venir en concurrence sur le même rang et à
laquelle des dates d'enregistrement? La première des dates ou, à
savoir, celle de l'architecte, de l'ingénieur, du fournisseur de
matériaux, de l'ouvrier, de l'entrepreneur? L'enregistrement peut se
faire à des dates différentes, évidemment.
M. Cormier: Je pense que le législateur, en mentionnant
que ces créances vont venir au prorata et par concurrence, pour ces
personnes, entre elles, la date de l'enregistrement de leur hypothèque
légale, ce qui était autrefois le privilège, n'aura pas
d'importance. Actuellement, cela n'en a pas, en tout cas.
Mme Harel: C'est certain, entre elles. Mais puisqu'elles vont
aussi concourir avec d'autres, comme les créanciers hypothécaires
qui vont avoir enregistré, possiblement entre l'une et l'autre des dates
d'enregistrement d'une des parties qui peut concourir, on peut imaginer, par
exemple, qu'il y a un enregistrement d'un fournisseur de matériaux,
qu'il y a ensuite l'enregistrement d'un créancier hypothécaire
et, ensuite, l'enregistrement d'un ouvrier, par exemple, alors, laquelle des
dates d'enregistrement?
M. Cormier: Si on prend votre exemple, si on prend l'exemple que
vous venez de citer, avec la clause de dation en paiement, le créancier
hypothécaire viendrait laver le deuxième privilège. Sans
clause de dation en paiement, il va venir au bout de la ligne. Votre
deuxième gars qui enregistre un privilège de fournisseur de
matériaux va venir après le premier qui a enregistré son
hypothèque légale. Même si la loi prévoit que c'est
par concurrence, qu'est-ce que le créancier hypothécaire va faire
quand il va se voir pris avec un fournisseur de matériaux qui passe
avant lui, parce qu'il a enregistré
son privilège ou son hypothèque avant lui?
II va le désintéresser. II va être obligé de
le désintéresser. En pratique, il va se trouver, même si la
loi prévoit que c'est par concurrence, dans l'exemple que vous
donnez...
Mme Harel: II va donc devoir désintéresser tous les
autres, parce que tous les autres vont prendre rang et ils vont venir, par
concurrence, au même rang. Vous voyez, les créanciers qui
bénéficient de l'hypothèque légale en faveur des
personnes qui ont participé à la construction ou à la
rénovation prennent le même rang et viennent par concurrence.
M. Cormier: Entre eux?
Mme Harel: Oui. Alors, si le créancier hypothécaire
doit le faire à l'égard du fournisseur de matériaux,
pourquoi ne serait-il pas tenu de le faire à l'égard des
autres?
M. Cormier: Dans l'exemple que vous donnez, c'est pour la simple
raison que votre deuxième fournisseur de matériaux enregistre son
hypothèque légale postérieurement à
l'enreqistrement de la date d'enregistrement de la créance
hypothécaire. Donc, l'hypothèque légale du deuxième
fournisseur de matériaux ne sera pas opposable au créancier
hypothécaire tandis que le premier fournisseur de matériaux,
ayant publicisé et enregistré son hypothèque
légale, lui, pourra passer avant le créancier
hypothécaire.
M. Melançon: En fait, ce que fait ressortir ici Mme la
députée de Maisonneuve, c'est que, malheureusement, à
l'article 2890, en disant qu'entre eux, on parle uniquement des
créanciers priviléqiés, bénéficient,
c'est-à-dire qu'ils prennent le même rang et viennent par
concurrence, elle se demande ce qu'il arrive lorsque divers créanciers
privilégiés enregistrent à des dates différentes.
Ils vont prendre le même rang, oui, mais à laquelle des dates
d'enregistrement? Puisqu'on sait dorénavant, vous l'affirmez et c'est
exact, que c'est la date d'enregistrement qui compte pour être opposable
au tiers. Donc, entre eux, il va falloir d'abord déterminer la date.
Est-ce la date du premier enregistrement du privilège ou la date du
dernier? Une fois qu'on aura déterminé cela, ensuite, face au
créancier hypothécaire, on pourra déterminer qui passe
avant ou après. Malheureusement, la loi est muette là-dessus.
C'est ce qu'elle fait ressortir ici. Comprenez-vous?
Au fond, ce qu'elle veut dire, c'est que même si vous avez une
date donnée qui est la date du début des fournitures des
matériaux ou la date d'enregistrement de votre privilège dans
l'avant-projet de loi, qui est la date d'enregistrement de votre
privilège de fournisseur de matériaux, il est bien possible qu'en
pratique - on attend le résultat final des commentaires d'ici - la date
effective de la naissance de votre privilège, pour les fins de l'opposer
au tiers, soit une date postérieure ou antérieure. Ce n'est pas
dit ici. Il va falloir qu'on se penche là-dessus.
M. Cormier: Même si la loi prévoit que cela vient
par concurrence, à cause du jeu de l'opposabilité, il se peut que
le créancier hypothécaire soit obligé de
désintéresser. Finalement, en pratique, il ne viendrait pas par
concurrence. Mais la loi est muette, comme vous le dites, sur cet aspect et je
n'ai pas de réponse.
Le Président (M. Marcil): Cela va?
Mme Harel: M. le Président, je pense qu'on pourrait
difficilement se laisser sans revenir sur la question de la cession de
priorités et de la renonciation. Malgré que cela ne soit pas
encore très clair, toute cette question du rang, de
l'opposabilité et la question d'une solution, finalement. Le Barreau,
qui vous a précédés ce matin, disait aux membres du
gouvernement que la solution qu'il avait retenue dans l'avant-projet de loi
n'en était pas une. En pratique, le choix qui était fait
n'était pas celui de mettre cela sur le même rang parce que le
créancier hypothécaire allait être
privilégié. Donc, contrairement aux codificateurs, en 1866, qui
avaient décidé de privilégier les constructeurs sur les
hypothécaires, dans les faits, le choix contenu dans l'avant-projet de
loi était un choix inverse. C'est notre interprétation.
Quoique vous ayez posé quatre questions au départ, soit,
premièrement, sur la spécificité de la construction; par
la suite, le rang et l'opposabilité de l'hypothèque
légale; ensuite, la cession de priorités et de renonciation et le
sous-ordre de collocation, quand vous dites: Oui, l'avant-projet de loi
reconnaît la spécificité... Mais par ailleurs, en la
mettant sur le même pied d'égalité que la créance
hypothécaire, puisque l'enregistrement va primer, il n'y aura plus de
privilège. Il y a vraiment la perte du privilège. De toute
façon, si on revient à la question pratique suivante: certains
disent qu'il n'y a pas de solution, il faut en trouver une. Dans votre
mémoire, vous avez fait état de la solution de rechange qui est
préconisée par l'office. Je veux vous demander si vous l'adoptez
en entier parce que dans la solution de l'office, il y a
précisément l'abolition de la cession de priorités et de
la renonciation. Il y a également un enregistrement de
l'hypothèque dans les 90 jours du contrat. Il y a avis au bailleur de
fonds indiquant une estimation des coûts. Il y a aussi la concurrence
égale
pour tous alors, sur la question de location pour l'office, c'est la
concurrence égale pour, en fait, tous les privilèges.
Est-ce que vous adoptez la solution de rechange de l'office en tout ou
en partie?
M. Cormier: Je me suis servi pour étayer certaines parties
des recommandations... mais je veux revenir sur un point important. Les
cessions de priorité, puis les renonciations à privilège.
Si le législateur faisait comme la solution de compromis à 461,
il disait que le créancier hypothécaire passe après les
personnes mentionnées à 314, c'est-à-dire les gars de la
construction.
Au point de vue pratique, si on ne touche pas à la question de
cession de priorité, puis à la question de renonciation à
privilège, on va faire une loi qui va être quasi
inopérable. Il faut vivre dans le milieu de la construction pour savoir
comment cela se signe ces questions de renonciations à
privilège.
Parfois, cela se fait avec un certain ordre, mais d'autres fois, ces
feuilles-là sont des grandes feuilles avec des blancs que les gens sur
les chantiers remplissent avec des stylos où on indique des
numéros de lots puis, sans prêter mauvaise foi à personne,
on peut en rajouter tant qu'on veut parce qu'on n'a pas de photocopieuse sur
les chantiers de construction et souvent le gars qui tient dans la main droite
la renonciation à privilège tient dans la main gauche un
chèque, puis si tu veux ton chèque, bien signe. Je pense qu'on
vit dans une société qui est beaucoup plus civilisée que
cela et puis que cela doit se faire dans..., il me semble que cela n'a pas
d'allure.
C'est effrayant ce qu'on voit sur ces feuilles-là.
Mme Harel: M. le Président, simplement pour nous signaler
que c'est peut-être une clause générale qui est absente de
l'avant-projet de loi et qui édicterait que les sûretés et
les recours sont d'ordre public et aucune dérogation n'y est permise.
C'était d'ailleurs une proposition de l'Office de révision du
Code civil.
Je veux vous remercier, d'une certaine façon, c'est exploratoire,
mais c'est important, on va avoir à faire l'étude article par
article et, nécessairement, on va revenir sur toutes ces
questions-là.
M. Dauphin: Au nom de l'équipe ministérielle, on
tient à vous remercier de cette participation à vos travaux pour
la préparation des différents mémoires, malgré que
vous, c'est le mémoire amendé, si j'ai bien saisi tantôt.
Soyez sans crainte que vos recommandations seront étudiées
attentivement. On vous remercie pour l'éclairage que vous nous avez
rendu. Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcil): M. Breton et vos
collègues, on vous remercie beaucoup de vous être
présentés, et bon voyage de retour.
Je vais suspendre pour deux minutes, afin de permettre à la
Fédération de la construction du Québec de s'avancer
à la table.
(Suspension de la séance à 20 h 14)
(Reprise à 20 h 17)
Le Président (M. Marcil): Nous allons continuer nos
travaux. A la Fédération de la construction du Québec qui
est représentée par M. Robert Linteau, président, nous
souhaitons la bienvenue à cette audition mise sur pied par la
sous-commission. Sans plus tarder, je vais vous permettre d'exposer votre
mémoire, c'est-à-dire le résumer, puisque tous les membres
de cette sous-commission en ont pris connaissance. Vous disposez d'environ 25
minutes, ensuite, on va procéder à la période de questions
de part et d'autre. Si vous voulez tout d'abord nous présenter vos
collègues pour les fins du Journal des Débats. Je vais
recevoir ce document officiellement comme dépôt, votre
déclaration conjointe de l'association. Ca va.
M. Linteau (Robert): Merci.
Le Président (M. Marcil): Allez M. Linteau.
Fédération de la construction du
Québec
M. Linteau: M. le Président, membres de la commission, je
m'appelle Robert Linteau. Je suis entrepreneur général et
président de la Fédération de la construction du
Québec. A ce titre, je voudrais vous remercier de l'occasion que nous
est offerte de vous faire part des préoccupations des entrepreneurs sur
l'avant-projet de loi sur la Loi portant réforme au Code civil du
Québec du droit des sûretés réelles et de la
publicité des droits.
Avant, permettez-moi de vous présenter les personnes qui
m'accompagnent. En commençant, à mon extrême droite, M.
Charles Jacob, directeur général de l'Association de la
construction du Québec.
M. Jacob (Charles): Bonsoir.
M. Linteau: M. François Gagnon, entrepreneur
généra! et président de l'Association de la construction
du Québec.
M. Gagnon (François): Bonsoir.
M. Linteau: Michel Paré, avocat, directeur des services
juridiques à la fédération. À mon extrême
gauche, M.
Claude Duval, entrepreneur spécialisé de la Vallée
du Richelieu et, à ma gauche, Pierre Simard, avocat, bâtonnier du
Saguenay-Lac-St-Jean.
Maintenant, j'aimerais ouvrir une parenthèse sur le document, la
déclaration conjointe qu'on vous présente ce soir. Etant
donné que nous sommes la première association patronale à
vous présenter un mémoire, nous avons une déclaration
conjointe des six associations, soit l'Association de la construction de
Montréal et du Québec, l'Association des constructeurs de routes
et grands travaux du Québec, l'Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec, la Corporation des maîtres
électriciens du Québec, la Corporation des maîtres
mécaniciens en tuyauterie du Québec ainsi que la
Fédération de la construction du Québec.
Alors il se lit comme suit:
Attendu que cet avant-projet de loi a pour effet de faire
disparaître les privilèges du constructeur et du fournisseur de
matériaux de construction;
Attendu que cet avant-projet de loi a pour effet de remplacer ces
privilèges par une hypothèque légale pour les personnes
ayant participé à la construction ou à la
rénovation d'un immeuble;
Attendu que cette hypothèque légale constituerait une
sûreté réelle considérablement affaiblie et
diminuée en ce que, entre autres, - l'hypothèque légale
n'aurait pas de priorité de collocation sur l'hypothèque
conventionnelle, alors que tel est le cas pour le privilège, -
l'hypothèque légale n'aurait d'effet qu'à compter de son
enregistrement, alors qu'actuellement le privilège naît et prend
effet dès le début des travaux ou de la fourniture des
matériaux, enfin, la dénonciation des sous-contrats ne serait
plus requise? attendu que le privilège du constructeur et du fournisseur
de matériaux revêt une importance primordiale dans l'industrie de
la construction; attendu que l'industrie de la construction revêt un
caractère particulier dans la vie économique par le nombre des
personnes tant physiques que morales qui y oeuvrent et par les montants
impliqués;
Attendu que les autres provinces canadiennes ont affermi au cours des
dernières années ce mécanisme de protection que l'on
connaît au Québec sous le nom de privilège de la
construction au lieu de l'amoindrir;
Nous demandons que soit conservé l'actuel privilège de la
construction et qu'il soit amélioré suivant les recommandations
faites dans les mémoires présentés à la commission
des institutions au nom des entrepreneurs, des sous-entrepreneurs et des
fournisseurs de matériaux de l'industrie de la construction du
Québec.
C'est signé par les six associations.
Je poursuis la présentation de notre mémoire. Au cours de
cette audition, je n'ai pas l'intention de procéder à une lecture
complète, mais plutôt à vous en résumer les points
principaux qui nous paraissent inacceptables pour les entrepreneurs. D'abord,
pour vous situer, disons que la fédération a été
créée en 1947 et qu'elle représente près de 3000
entreprises de construction oeuvrant dans tous les secteurs d'industrie, que ce
soit des entrepreneurs généraux, des entrepreneurs
spécialisés, des fournisseurs de matériaux.
Elle est présente au sein de toutes les instances
décisionnelles du milieu de la construction ou patronal, tel le conseil
d'administration de la Commission de la construction du Québec, de la
Régie des entreprises de la construction, du Bureau des soumissions
déposées et du conseil du patronat. Bref, la
Fédération de la construction est présente dans tous les
grands débats touchant l'industrie de la construction.
Or, l'avant-projet de loi propose une modification substantielle du
cadre juridique actuel en matière du droit des sûretés
réelles, notamment le privilège de constructeur.
Alors, le privilège actuel est une garantie de paiement pour
celui qui a contribué à des travaux de construction, garantie qui
lui permet d'être préféré sur les travaux qu'il a
effectués. L'avant-projet de loi propose d'éliminer
l'élément essentiel, la garantie de paiement, soit le droit de
préférence.
Ce droit de préférence peut être perçu par
certains comme un droit exorbitant qui brise l'équilibre commercial.
Cette perception théorique fait abstraction de la réalité
économique. Il s'impose ici de crever un mythe. Le mot "entrepreneur"
rime souvent avec grandes entreprises et gros travaux privés, publics ou
de voirie. Or, rien n'est moins exact. La grande majorité des
entreprises de construction sont de petite taille puisque 82,1 % d'entre elles
ont eu en moyenne cinq employés ou moins en 1986. Les entrepreneurs qui
ont 50 employés sont l'exception, puisqu'ils représentaient en
1986 moins de 1 % du total.
Or, l'industrie de la construction québécoise est
essentiellement composée d'une majorité écrasante de
très petites entreprises et ces entrepreneurs ont besoin d'une garantie
de paiement sur les travaux qu'ils effectuent. C'est leur seul moyen de
posséder une certaine assurance d'être payés, car un
montant d'argent important imputé au poste "mauvaise créance" est
susceptible, dans bien des cas, de causer de sévères
difficultés financières à ces entreprises. Tous les
entrepreneurs, heureusement, n'ont pas besoin d'utiliser cette garantie de
paiement.
Certains, il faut le reconnaître, renoncent à leur
privilège.
Les pratiques commerciales de certains propriétaires ou
institutions en font même une condition sine qua non pour l'obtention de
contrats de construction. Il ne faut pas conclure de cette acceptation par
certains entrepreneurs que les privilèges ne sont pas
nécessaires, bien au contraire. Cette pratique n'est que le symbole d'un
déséquilibre économique entre gros donneurs d'ordres,
institutions financières et petits entrepreneurs. Ces entrepeneurs sont
victimes de chantage économique et se voient obligés pour pouvoir
obtenir des contrats, donc du travail et donc leur gagne-pain, de renoncer
à leur garantie de paiement, avec pour conséquence que plusieurs
n'obtiennent jamais la totalité de leur dû. Ces pratiques sont
malheureusement souvent génératrices de faillite
d'entrepreneur.
La réforme du Code civil en cette matière ne doit pas
reposer sur ces pratiques de renonciation de privilèges. Au contraire,
elles devraient, pour rétablir un certain équilibre
économique, interdire toute clause de renonciation à un
privilège. Nous demandons que ces droits soient d'ordre public. Nous
réclamons que les articles du Code civil traitant des privilèges
de constructeurs et de fournisseurs de matériaux soient
déclarés d'ordre public, afin qu'il soit interdit d'y
déroger par convention privée, ou encore que toute renonciation
soit nulle, sans effet et inopposable à celui qui l'a signée.
Dans le cadre juridique actuel, lorsque l'entrepreneur ou le fournisseur de
matériaux continue à construire avec le propriétaire, le
privilège naît lors de la conclusion du contrat. Le
sous-entrepreneur ou le fournisseur de matériaux, pour sa part, qui n'a
pas contracté avec le propriétaire ou avec un entrepreneur
général, voit son privilège prendre naissance lors de la
dénonciation de son contrat au propriétaire.
Les pratiques commerciales des banquiers démontrent une
utilisation automatique dans leur contrat de financement de la clause de dation
en paiement. Cette clause de transfert de propriété sous
condition suspentive, lorsqu'utitisée, a pour effet de purger tout
privilège né et enregistré après l'enregistrement
de la clause de dation en paiement. Entre autres, le bénéficiaire
de la clause de dation en paiement pourra obtenir la radiation de tous les
privilèges. Dans les faits et selon l'ordre normal de l'indication des
différents intervenants, lors de la préparation et de la
construction d'un immeuble, le banquier arrive toujours avant l'entrepreneur
général, avant le sous-entrepreneur et même avant le
fournisseur de matériaux, tout propriétaire devant
évidemment s'assurer du financement de ses travaux avant d'accorder des
contrats de construction.
Dans ce contexte, rares sont les entrepreneurs qui peuvent
espérer être payés pour la totalité de leur dû
lorsqu'arrivent des difficultés financières sur un chantier. Il
peut arriver à l'occasion, avec beaucoup de chance, que les premiers
entrepreneurs à travailler sur un chantier, surtout ceux qui font de
l'excavation, puissent survivre à la clause de dation en paiement, mais
les autres, jamais.
Ainsi, on vit des situations où le banquier reprend l'immeuble
libre de toutes charges, le revend à rabais pour les fins de sa
créance. Les entrepreneurs sont ainsi trompés dans leurs droits.
Ils ne peuvent même pas obliger le banquier à vendre au prix
réel pour profiter du partage de la différence entre le montant
de la valeur réelle et celui de la créance du banquier.
L'avant-projet de loi, au lieu d'introduire des notions d'équité
et apporter des correctifs à la situation décrite, vient fermer
hermétiquement la porte aux entrepreneurs qui pouvaient, à
l'occasion, être reconnus prioritaires au banquier. L'avant-projet de loi
clarifie donc un seul point, d'après nous: maintenant, plus aucun
entrepreneur ne pourra survivre à un banquier.
Vous vous imaginez bien qu'il nous est impossible de cautionner une
telle orientation législative. La capacité financière des
banquiers n'a aucune commune mesure avec celle des entrepreneurs de
construction. Nous réclamons donc que des modifications soient
apportées pour faire en sorte que le prêteur reprenne l'immeuble
sujet aux privilèges de constructeur ou de fournisseur de
matériaux, indépendamment de l'existence de toute clause à
l'effet contraire.
Maintenant, sur le plan de la dénonciation de contrat,
l'avant-projet de loi propose l'élimination de ta procédure de
dénonciation de contrat pour la naissance du privilège ou de
l'hypothèque légale du sous-entrepreneur et du fournisseur de
matériaux, dans les cas où ceux-ci ne contractent pas directement
avec le propriétaire. L'abolition de cette procédure est un recul
inacceptable tant à l'égard du propriétaire que du
sous-entrepreneur et du fournisseur de matériaux. La dénonciation
de contrat doit être considérée comme une procédure
normale d'affaires qui permet au sous-entrepreneur et au fournisseur de
matériaux d'informer le propriétaire qu'ils ont obtenu de
l'entrepreneur général un contrat pour participer à la
construction.
Cette façon de faire sert d'avertissement de l'intention
éventuelle du bénéficiaire d'invoquer son priviège
s'il n'est pas payé. Cette procédure incite le
propriétaire à la vigilance lorsqu'il libère les fonds et,
de plus, c'est même devenu une pratique courante dans l'industrie.
L'abolition de cette procédure aura comme conséquence d'enlever
au propriétaire toute possibilité de remédier
à la situation au moment où il est encore temps de se
protéqer en retenant sur les montants dus à l'entrepreneur des
sommes suffisantes pour payer les sous-entrepreneurs et les fournisseurs de
matériaux.
Le propriétaire pourra aussi faire des chèques conjoints
à l'entrepreneur général et à ceux qui ont
dénoncé leurs contrats. Ainsi, le propriétaire a à
son secours certaines possibilités qu'il peut utiliser afin de ne pas se
retrouver avec un immeuble grevé de privilèges. (20 h 30)
Avec le projet de loi, le propriétaire ne saura qu'au 31e jour
suivant la fin des travaux s'il y a des sous-entrepreneurs ou des fournisseurs
de matériaux qui n'ont pas été payés. Il est
probable qu'à ce moment le propriétaire ait épuisé
son financement. Devant un tel danger, les propriétaires avertis
n'auront d'autre choix que de transférer sur le dos des entrepreneurs le
financement de leur projet de construction.
Parlons maintenant de la notion de fin des travaux. Dans l'avant-projet
de loi, contrairement au Code civil actuel, le projet de loi ne donne aucune
indication législative concernant la notion de fin des travaux. Cette
définition est d'une importance capitale pour les entrepreneurs, car
elle sert de point de départ ou de délai limite, selon le cas,
à certains gestes que doit poser l'entrepreneur pour préserver
ses droits. L'avant-projet de loi prévoit en effet que
l'hypothèque légale subsiste sans enregistrement pendant les 30
jours qui suivent la fin des travaux. À l'expiration de ce délai,
l'hypothèque légale n'est conservée que par le
dépôt pour enregistrement. L'hypothèque légale
s'éteint six mois après cet enregistrement.
La notion de fin des travaux demeure donc, avec l'avant-projet de loi,
une notion extrêmement importante. C'est une question de vie ou de mort
pour l'entrepreneur puisqu'une fois les délais expirés, il perd
tous ses droits à l'hypothèque légale. Le danger de faire
disparaître la définition arrêtée à l'article
2013a du Code civil, à savoir que les mots "fin des travaux" signifient
la date à laquelle la construction est devenue prête pour l'usage
auquel elle est destinée, est d'ouvrir la porte à la
reconnaissance d'une multitude de fins des travaux sur une même
construction. Une telle interprétation signifierait, à toutes
fins utiles, l'impossibilité pour un sous-entrepreneur ou un fournisseur
de matériaux d'inscrire une hypothèque légale puisque les
pratiques administratives de facturation et de paiement dépassent
toujours le délai de 30 jours.
Le recours à l'enregistrement de l'hypothèque
légale est une mesure conservatoire en cas de difficulté de
paiement. Or, comment est-il raisonnablement possible pour une entreprise de
percevoir ses difficultés de paiement à l'intérieur de 30
jours après la fin de l'exécution de son contrat puisqu'en
conformité avec les pratiques commerciales, les délais
raisonnables de paiement ne sont pas encore écoulés? À
tout le moins, le délai d'enregistrement devrait être porté
à un minimum de 90 jours. En pratique, et selon la progression normale
des travaux sur ces chantiers de construction, ce sont les entrepreneurs dont
l'intervention est tardive qui seront favorisés.
Cette ouverture à la reconnaissance d'une multitude de fins des
travaux est d'autant plus grande que même avec l'existence de l'article
2013a du Code civil, une certaine jurisprudence et une certaine doctrine ont
déjà soutenu qu'il y avait autant de fins de travaux qu'il y
avait de fins d'ouvrage particulier. Si le législateur retire du Code
civil la définition actuelle de la notion de fin des travaux, il donne
libre cours aux tribunaux pour qu'ils appliquent la thèse voulant qu'il
y a autant de fins des travaux qu'il y a de fins d'ouvrage particulier.
Afin de ne pas perturber l'industrie de la construction, nous
réclamons le maintien de la définition de la notion de fin des
travaux que nous connaissons déjà à l'article 2013a du
Code civil. C'est la seule garantie pour s'assurer que la pratique
passée va continuer de s'appliquer à l'avenir.
Maintenant, passons aux recours de l'entrepreneur. Il est reconnu que la
qualité d'un droit se mesure par les possibilités de son
détenteur de l'exercer et de le faire appliquer. Or, le droit n'a de
valeur qu'en autant qu'on puisse le matérialiser.
Les recours en délaissement et en prise de possession
prévus par l'avant-projet de loi ne sont d'aucune utilité pour
les détenteurs d'une hypothèque légale dont les droits
émanent d'une participation à la construction ou à la
rénovation d'un immeuble.
Le délaissement n'est qu'un recours préalable à la
vente sous contrôle de justice, à la prise en paiement ou à
la vente par le créancier qui ne donne que la possession du bien.
L'exercice de ce seul recours ne permet pas au créancier de se faire
payer et ne lui apporte que des contraintes pour se libérer du
préjudice causé.
L'autre recours qui aurait pu permettre à l'entrepreneur
d'exercer sa garantie et de récupérer son dû est la
procédure de prise en paiement. Cependant, la nouvelle obligation qui
est imposée au créancier, à savoir qu'il doit payer au
débiteur ou au tiers détenteur la valeur du bien pris en paiement
qui excède le montant de l'obligation, aura pour effet direct et
immédiat d'empêcher tout entrepreneur de recourir à cette
procédure de prise en paiement.
Obliger un sous-entrepreneur en installation d'armoires de cuisine
à acheter
la maison pour se faire payer pour les travaux qu'il a effectués
est carrément inacceptable. Même chose pour l'entrepreneur
peintre, le poseur de tapis, etc.
Nous comprenons que l'encadrement de ces recours s'apparente à
des mesures de protection du consommateur. Ces mesures sont peut-être
souhaitables pour pallier les abus passés des banquiers mais, pour
l'entrepreneur de construction dont l'objectif est de se faire payer pour les
travaux effectués, ces recours sont d'une totale inutilité.
Pire encore, ce recours, lorsque utilisé par le banquier, ne
prévoit même pas que l'argent que devra débourser ce
banquier pour prendre l'immeuble en paiement sera versé à
l'entrepreneur détenteur de l'hypothèque légale. Cet
argent est versé au débiteur ou au tiers détenteur. Ainsi,
l'on se retrouve dans une situation où le détenteur de
l'hypothèque légale n'a plus de bien en garantie sur lequel il
peut exercer son droit réel et rien n'assure l'entrepreneur que le
montant reçu du banquier par le débiteur servira à payer
les travaux effectués par l'entrepreneur.
Il ne reste plus que les recours de vente sous le contrôle de
justice ou de vente par le créancier. L'entrepreneur qui utilise l'un ou
l'autre de ces recours se voit obligé de payer tous les
créanciers prioritaires ou hypothécaires prenant rang avant lui.
L'acheteur éventuel, pour sa part, se voit obligé d'assumer
toutes les hypothèques léqales prenant rang après celle de
l'entrepreneur qui exerce son recours en vente de l'immeuble. À ces
conditions, qui osera se porter vendeur et qui, d'après vous, osera se
porter acquéreur?
En résumé, l'entrepreneur détenteur de
l'hypothèque légale, pour récupérer son dû,
se voit obligé ou bien d'acheter l'immeuble sur lequel il possède
un droit réel ou bien de payer tous les droits réels grevant
ledit immeuble pour le vendre étant entendu dans ce dernier cas que
l'acheteur éventuel n'est pas assuré de posséder un titre
clair.
En fait, les recours que le législateur s'apprête à
accorder aux constructeurs, sous-entrepreneurs et fournisseurs de
matériaux nous semblent si théoriques, illusoires et
impraticables qu'il soit possible que nous n'ayons pas saisi toutes les
subtilités de la mécanique suggérée par
l'avant-projet de loi. Si tel est le cas, des précisions s'imposent.
Dans le cas contraire, une révision complète s'impose, à
défaut de quoi il faut maintenir la situation actuelle plutôt que
de détériorer davantage le fragile équilibre commercial
avec lequel doivent vivre présentement les entrepreneurs de construction
du Québec.
Pour terminer, parlons du rang des hypothèques légales.
L'avant-projet de loi indique que les détenteurs d'une hypothèque
légale dont le droit origine de leur participation à la
construction ou à la rénovation d'un immeuble prennent entre eux
le même rang et viennent par concurrence.
Par ailleurs, l'avant-projet de loi mentionne que les droits ont rang
suivant la date, l'heure et la minute de leur inscription au registre de
présentation.
Ces deux approches différentes de l'avant-projet de loi nous
semblent plutôt contradictoires. Comment des droits peuvent-ils
être sur le même rang lorsqu'ils ont rang suivant la date, l'heure
et la minute de leur enregistrement?
L'entrepreneur en acier de structure va enregistrer son
hypothèque légale plusieurs mois avant l'entrepreneur en
revêtement extérieur, que ce soit revêtement d'aluminium, de
verre plat ou de maçonnerie. Si, entre ces deux étapes d'une
construction commerciale, un second financement hypothécaire
s'effectuait, le même rang entre l'entrepreneur en acier de structure et
l'entrepreneur en revêtement extérieur se situerait à quel
moment? Avant ou après le second financement hypothécaire?
Si cette notion de même rang a pour efet de faire passer
l'entrepreneur en acier de strucutre après le second créancier
hypothécaire qui a pourvu au financement, Pavant-projet de loi met en
péril la sûreté de cet entrepreneur qui pourra voir son
droit purgé par une action en paiement de la part de ce second
financier, alors même que, dans le temps, il est intervenu avant ce
second financier. Cette notion peut être source d'incertitude, voire
d'inquiétude, vis-à-vis de l'entrepreneur en acier de structure,
pour continuer le même exemple.
À cela s'ajoute la difficulté d'identifier le moment de la
naissance du droit. Actuellement, il est reconnu que les formalités de
l'enregistrement, lorsque faites à l'intérieur des délais
requis, sont une mesure conservatrice du privilège. Le privilège
prend naissance au moment du contrat ou de sa dénonciation au
propriétaire, selon le cas.
Avec l'avant-projet de loi, l'on fait référence aux
personnes qui ont participé à la construction ou à la
rénovation d'un immeuble. À quel moment prend naissance le droit
à l'hypothèque légale? La date du contrat ou le jour de la
symbolique levée de la première pelletée de terre?
En terminant, nous espérons que la commission permettra
d'améliorer l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil
dans le sens d'une véritable garantie de paiement pour les entrepreneurs
de construction. Je vous remercie.
Le Président (M. Marcil): Merci, M. Linteau- Nous allons
procéder immédiatement à des échanges avec le
député de Marquette, adjoint parlementaire au ministre de la
Justice.
M. Dauphin: M. le Président, au nom du ministre de la
Justice et de l'équipe ministérielle, j'aimerais remercier la
Fédération de la construction du Québec d'avoir
accepté l'invitation de la sous-commission pour venir participer
à nos travaux. Évidemment, je prends acte de la
déclaration conjointe des différentes associations qui
réclament le maintien du privilège en matière de
construction et même son renforcement. Je constate que vous n'êtes
pas pour l'abolition des privilèges mais, bien au contraire, pour le
renforcement du moins de celui qui vous concerne.
J'ai écouté attentivement vos recommandations, au
même titre que le qroupe qui vous a précédés,
relativement aux différentes clauses de renonciation en matière
de privilège que certains entrepreneurs ou fournisseurs doivent signer.
Je présume que vous êtes du même avis que le groupe qui vous
a précédés. C'est "monnaie courante" - entre guillemets -
de voir, dans la pratique, des renonciations au privilège.
N'étant pas un spécialiste en la matière, je peux quand
même être heureux de le savoir et de l'avoir lu.
M. Linteau: Malheureusement, oui.
M. Dauphin: Cela se voit fréquemment. Je présume
que vous souhaitez, et c'est clair, le statu quo en matière de
privilège, en matière de construction. Vous avez sûrement
déjà lu ou entendu parler d'une solution que l'on dit mitoyenne
de l'Office de révision du Code civil en matière de
privilège sur la construction. On est ici justement pour
échanger. J'aimerais avoir votre opinion sur ce que l'Office de
révision du Code civil proposait en cette matière.
M. Simard (Pierre): M. le député, je présume
que vous faites référence à la solution
d'hypothèque légale telle que proposée dans l'avant-projet
de loi.
M. Dauphin: Non. Ce qui avait été prévu, la
solution de rechange de l'office, 461a, 461b.
M. Simard: Ah! C'est-à-dire ce qui avait été
préparé au chapitre des sûretés réelles en
1977 ou tout récemment?
Mme Harel: En 1977.
M. Simard: En 1977. Je dois vous avouer, M. le
député, Mme la députée, que nous avons surtout,
pour la préparation de la présente rencontre avec vous,
analysé l'avant-projet de loi, c'est-à-dire la notion
d'hypothèque légale telle que publiée en 1986 et
présenté par M. le ministre Marx. (20 h 45)
Ayant une préparation relative sur la documentation de 1977, je
ne voudrais pas m'avancer. J'ai ici le rapport sur le Code civil du
Québec et certains commentaires faits par l'Office de révision du
Code civil, je ne l'ai pas étudié en profondeur. Je ne crois pas
que personne ici, du moins ceux qui parient au nom de la
Fédération de la construction du Québec, la FCQ...
Maintenant, si ma mémoire est bonne, à l'époque, les
privilèges étaient totalement abolis. Il n'y avait pas
vraiment... Je ne peux vous certifier s'il y avait vraiment une solution de
rechange pour l'entrepreneur. Maintenant, vous parlez de l'article 281...
M. Dauphin: On spécifiait à l'article 461a, par
exemple, que les personnes mentionnées au deuxième alinéa
de 314, c'est-à-dire le groupe de la construction prend rang avant toute
autre hypothèque pourvu que les conditions prévues aux articles
qui suivent soient respectées. D'un autre côté, si cela n'a
pas fait l'objet d'une étude attentive...
M. Simard: Je vais vous avouer...
M. Dauphin: On va passer par-dessus. On n'endurera pas le martyre
pour rien. J'ai déjà vécu des expériences
semblables. Ce n'est pas drôle. De toute façon, au même
titre que le groupe qui vous a précédés, si avec toutes
les associations que vous représentez, du moins que ce soit
conjointement avec elles, vous nous présentez un document, selon les
intérêts non seulement de vos associations membres ou de vos
membres, mais également sur le plan de l'éthique
économique du milieu, quant au privilège actuel, vous êtes
convaincu qu'il doit demeurer et même être renforci, c'est
sûr que du côté du ministère de la Justice, au risque
de me répéter, on en prend acte. On va étudier cela
très sérieusement.
Maintenant, relativement à la notion de fin des travaux, quant
à son interprétation, vous en avez quand même parlé
dans votre mémoire, le fait que l'opposabilité commence par son
enregistrement ou sa publicité de l'hypothèque légale,
amenuiserait la valeur du privilège ou d'hypothèque légale
comparativement à ce qui existe actuellement, vous êtes
sûrement de cet avis, j'aimerais vous entendre là-dessus, à
savoir l'opposabilité au tiers.
M, Paré (Michel): C'est une question de fait.
Présentement, les entrepreneurs sont bien aguerris là-dessus
lorsque vient la fin des travaux. On le sait lorsque vient la fin des travaux.
Le danger qu'on voit avec l'avant-projet de loi, avec l'abolition de la notion
de fin des travaux, de la manière qu'on le connaît
présentement dans le Code civil, c'est rouvrir les anciens débats
juridiques, à savoir s'il y a plusieurs fins des
travaux ou une seule fin des travaux sur un chantier.
Présentement, le privilège prend naissance, selon les cas,
lorsque c'est un sous-entrepreneur avec un entrepreneur général,
au moment de la dénonciation au propriétaire, au moment de la
signature du contrat lorsqu'on signe directement avec un
propriétaire.
La notion de fin des travaux est une étape importante qui nous
permet de comptabiliser les délais pour utiliser le recours.
Présentement, avec l'abolition de cette nation, comme on la
connaît, le danger d'avoir plusieurs fins des travaux, c'est qu'il va y
avoir plusieurs fins des travaux sur une même construction, plusieurs
fins de contrats de construction.
Alors, l'entrepreneur qui vient en premier, il a 30 jours après
la fin de son contrat pour utiliser son recours d'hypothèque
légale, mais avant de savoir, de connaître s'il y a des
difficultés de financement sur le projet, ses délais de
facturation sont passés et lorsqu'il va en prendre connaissance, fort
probablement qu'il aura pris son recours trop tard, hors délai par
rapport à la fin des travaux, si l'on juge qu'il y a une fin des travaux
par spécialité.
Alors, il doit y avoir, à notre avis, une seule fin des travaux,
question de fait, opposable à tout le monde et que celle-ci arrive en
même temps pour tout le monde.
Il y a quelques années, même avec la disposition actuelle
qu'on connaît au Code civil, le débat - cela remonte à
plusieurs années - était: est-ce qu'il doit y avoir une fin des
travaux ou plusieurs? Aujourd'hui, on ouvre le débat sur le dos des
entrepreneurs, sur le dos de tout le monde. On va créer une incertitude.
Je pense que cela est danqereux. On s'oppose avec force à l'abolition de
cette notion de fin des travaux comme on la connaît
présentement.
M. Dauphin: Un autre aspect relatif à la
dénonciation concernant les sous-entrepreneurs ou les sous-traitants, je
présume - j'aimerais vous entendre là-dessus - que vous y voyez
une grande importance pour le maintien de cette dénonciation qui existe
actuellement.
M. Linteau: Au cours des dernières années, nos
associations patronales ont fait des efforts fantastiques pour justement
favoriser cette procédure de dénonciation des travaux.
Aujourd'hui, on est rendu peut-être dans une proportion de 60 % où
tous les sous-entrepreneurs dénoncent leur contrat au début des
travaux. Alors, étant donné que c'est une tendance qu'on a
essayé de favoriser et de régulariser, on voit mal le fait de
venir aujourd'hui et d'enlever cela complètement. Cela donne des
protections autant aux propriétaires qu'aux fournisseurs ou aux
sous-entrepreneurs. C'est pour cela qu'on y tient mordicus.
M. Paré (Michel): Pour compléter, M. le
Président, si vous me le permettez, l'abolition de cette
procédure de dénonciation de contrat peut avoir comme
conséquence de reporter le financement des projets de construction sur
le dos des entrepreneurs. Je m'explique.
Actuellement, un propriétaire averti, lorsqu'il reçoit la
dénonciation de contrat d'un sous-entrepreneur, cela l'informe de
l'intention éventuelle de ce dernier d'utiliser son recours sur
privilège pour se faire payer. Or, à ce moment-là, le
propriétaire peut prendre les dispositions nécessaires pour que
le sous-entrepreneur soit payé par des chèques conjoints. En tout
cas, il y a des moyens. Mais, avec le système qu'on propose, de la
manière dont on le comprend, c'est qu'on ne va savoir qu'au trente et
unième jour suivant la fin des travaux s'il y a des hypothèques
légales sur la bâtisse. Le propriétaire ne le saura
qu'à la fin de l'expiration des délais pour enregistrer si son
immeuble a des privilèges ou des hypothèques légales.
Un propriétaire qui va voir un avocat à ce sujet, de
quelle façon se préserver du double paiement, on recommanderait
à ce dernier de payer son entrepreneur le trente-cinquième jour
de la fin des travaux, pour être sûr qu'il n'y a pas
d'hypothèque légale d'enregistrée sur sa bâtisse.
Cela a comme effet de chambarder complètement la structure
économique, le financement de projets de construction. C'est ce que l'on
pense. À ce chapitre, avec la taille économique des entreprises
de construction, il faut le rappeler, ce sont de petites entreprises, ce ne
sont pas des multinationales, des entreprises essentiellement
québécoises avec cinq employés et moins dans une
très forte majorité des cas. Alors, on n'a pas la capacité
financière de supporter tous les contrats de construction. Cette chose
se fait, évidemment... C'est toujours dans le cas de dossiers
problèmes. Demain matin, il va y avoir encore des entrepreneurs qui vont
prendre des contrats de construction. Il va y avoir encore de la construction,
mais cette mécanique de financement peut avoir comme conséquence
directe, si on sait qu'on sera payé seulement dans un an, que les
entrepreneurs chargent le taux de crédit pour ceux qui sont capables,
mais la très forte majorité ne sera pas capable, ne survivra pas
économiquement à cela. C'est là notre crainte.
Le Président (M. Marcil): Merci. Je vais céder la
parole à Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux vous
féliciter pour la logique
implacable. Cela m'a fait penser à un certain moment donné
au chirurgien qui taille un peu dans te vif. M. Linteau, êtes-vous
avocat?
M. Linteau: Non.
Mme Harel: Non parce que je dois vous dire que...
M. Linteau: Je n'ai pas ce défaut-là.
Mme Harelî Ha! Ha! Personne n'est parfait.
M. Dauphin: C'est un privilège.
Mme Harel! Ha! Ha! Vous lisiez avec une telle connaissance des
effets, que j'ai pensé que, sans doute, beaucoup d'entrepreneurs ou de
gens qui ont quelque chose à voir avec la construction au Québec
ont quasiment à devenir juristes pour pouvoir s'y retrouver. Nonseulement votre logique était implacable, mais votre humour
était assez noir également. Ce que vous nous dites, c'est que, en
cas de doute, vaut mieux s'abstenir plutôt que de chambarder toute une
industrie qui n'en a pas vraiment besoin présentement. J'ai l'impression
que votre message a été compris. Enfin, je crois qu'il sera
certainement transmis par l'adjoint parlementaire et par la
députée de Groulx au ministre de la Justice. Un avant-projet de
loi, cela reste malgré tout un projet de loi où un gouvernement
va la pêche. Si les poissons sont trop gros et qu'ils risquent de faire
chavirer la chaloupe, en règle générale, il change de
direction ou il change de lac.
Une voix: II change de chaloupe. Des voix: Ha! Ha!
Mme Harel: Si on reprend plus sérieusement, il n'en
demeure pas moins que - les propos que je tenais sont quand même
sérieux - il vaut peut-être mieux s'abstenir plutôt que de
tout chambarder.
Je pense que votre mémoire pose bien, à mon point de vue,
la question qui est celle de la perte des privilèges. Quand la question
vous a été posée, plusieurs ont dit avant vous: II faut
trouver une solution. Je pense d'ailleurs que tout le monde est du même
avis en fait. Quelle serait la solution la plus adéquate? Ce matin, on
demandait au Barreau: en avez-vous une à proposer ou avez-vous
l'intention de commencer à travailler pour nous en proposer une? Il
semblait ne pas tellement vouloir se compromettre en disant au gouvernement:
Vous avez les moyens, trouvez-en une. Évidemment, il n'y a pas de
prestidigitateur qui en sort de son chapeau, mine de rien. C'est
peut-être pour cela que le député de
Marquette et adjoint parlementaire au ministre vous interrogeait sur la
solution de rechange qui a été soumise par l'Office de
révision du Code civil et qui consistait - je donne simplement les
éléments - anciennement à établir la
priorités des hypothèques de construction avant tout autre
hypothèque? donc, une hypothèque qui prenait rang avant tout
autre hypothèque même publiée avant qu'elle ne le soit,
mais une préférence qui était limitée au montant de
la valeur marchande des travaux faits et des matériaux fournis, d'une
part. Elle comprenait également trois autres éléments:
l'enregistrement de l'hypothèque dans les 90 jours du contrat, donc 90
plutôt que 30, l'avis au bailleur de fonds indiquant une
évaluation des coûts et, le troisième
élément, la concurrence égale de tous les intervenants de
la construction. C'était à peu près essentiellement
l'édifice de la solution de rechange. De toute façon, il est
certainement à souhaiter que non seulement vous mettiez en pièces
des projets de législation, mais que, éventuellement, vous
refassiez des recommandations sur les améliorations qui peuvent
être apportées. (21 heures)
Je pense qu'on peut souhaiter que ce sera là une contribution
importante pour la poursuite de nos travaux. Nous aurons à
réexaminer le tout lors de l'étude article par article; il y aura
certainement, de toute façon, précédant cette
étude, d'autres rencontres.
Alors, il serait utile ce soir même, ou éventuellement, si
vous avez à communiquer avec nous que vous le fassiez, même par
l'intermédiaire de la commission, en faisant parvenir au
secrétariat de la commission des documents, de façon que nous
puissions tous en prendre connaissance.
Cela dit, les personnes qui m'accompagnent ont quelques questions
à vous poser. J'aimerais m'en réserver une rapidement. Dans ce
document que vous nous avez remis ce soir, dans cette déclaration
conjointe, vous concluez en souhaitant la conservation de l'actuel
privilège et son amélioration.
Je me demandais si vous aviez un point de vue concernant l'ordre de
collocation. Ceux qui vous ont précédés, les fournisseurs
de matériaux, demandent d'être priorisés de façon
que sait maintenu le droit actuel. La solution de rechange de l'office, comme
ce qui était connu dans l'avant-projet de loi, établissait le
même rang, en fait, où tout le monde y prenant rang concurremment.
Avez-vous un point de vue sur cette question?
M. Simard: L'avant-projet de loi prévoyait - je pense que
je le vois à l'article 2890 et 2891 - le même rang pour tous les
gens qui sont reliés à l'industrie de la construction, qu'ils
soient entrepreneurs,
sous-traitants ou fournisseurs. L'actuelle loi qui est en vigueur
actuellement nous dit, si ma mémoire est bonne, qu'effectivement, le
sous-traitant doit être payé d'abord et en entier avant que les
sous-entrepreneurs et les contracteurs soient payés, avant même
qu'ils puissent recevoir un montant quelconque en ce qui concerne la
collocation qui peut se faire.
Il est bien évident que c'est un problème bien important.
Un fournisseur qui est payé normalement, de façon
générale, c'est englobé dans le contrat de construction
générale. Lorsqu'un entrepreneur en spécialité
fournit un prix pour faire un contrat d'électricité, il fournit
à la fois le prix pour son matériel, à la fois le prix
pour sa main-d'oeuvre et, à la fois, un certain pourcentage pour son
profit.
C'est bien sûr que quand le sous-traitant est payé, il
apparaît que c'est aussi partiellement l'entrepreneur électricien
qu'on paie sur son contrat. Cependant, si vous me permettez... Excusez-moi de
cette interruption. Je penserais cependant plus équitable - pour parler
comme mon président - la solution que tout le monde soit sur un pied
égal.
Cependant, je voulais poser la question suivante. Dans
l'éventualité d'un trouble financier du propriétaire
où, pour des sommes substantielles, ni l'entrepreneur
général, ni les sous-traitants, ni les fournisseurs ne sont
payées, il va y avoir évidemment une pluie d'enregistrements
d'hypothèque légale.
Dans l'hypothèque légale de l'entrepreneur
général, qu'on prenne les sommes pour lesquelles il n'est pas
payé et, de façon générale, également, les
sommes que lui-même n'a pas payées à ses sous-traitants et
souvent les sommes que les sous-traitants n'ont pas payées à
leurs fournisseurs. Ce qui fait qu'il y a dans l'hypothèque
légale de l'entrepreneur général un recoupement avec une
hypothèque réelle qui peut être également une
hypothèque légale et bien prise par le sous-traitant, ce qui fait
que deux enregistrements peuvent faire double emploi.
Par exemple, si un entrepreneur général, sur un contrat de
100 000 $, est impayé de 50 000 $ et, par ailleurs, qu'il y a un montant
de 40 000 $ pour les sous-traitants, qui enregistre également des droits
réels d'hypothèque légale des sous-traitants et des
fournisseurs qui sont en réalité regroupés dans le montant
de 50 000 $ mais payés à l'entrepreneur général, il
me semble que l'entrepreneur général va - supposons qu'il a
à amasser 30 000 $ - peut-être prendre plus de 50 % de la somme
à colloquer.
Théoriquement, c'est sans impact, parce que l'entrepreneur
général... Le sous-traitant n'est pas affecté dans ses
relations contractuelles avec l'entrepreneur général, mais il est
bien sûr que lorsqu'un entrepreneur général connaît
des problèmes sur des chantiers de construction, cela peut affecter sa
propre solvabilité. Il me paraît donc que l'avant-projet de loi,
tel que présenté, au ratio qui ne tient pas compte du fait que le
droit réel enregistré par l'entrepreneur général
contient en réalité des sommes qui sont dues aux sous-traitants
et aux fournisseurs, fait que, finalement, l'entrepreneur
général, qui sous-traite 90 % de son contrat, prend beaucoup plus
que les 10 % des choses qu'il paie réellement. Au lieu de prendre 10 %
de ce qu'il reste à séparer, il prend peut-être 55 %
à 60 %. S'il a aussi des problèmes financiers, les sous-traitants
n'ont peut-être pas pu profiter de la manne lorsqu'elle passait.
Tel que présenté dans l'avant-projet de loi, il est bien
évident, à mon humble avis, pour le sous-traitant et le
fournisseur, que nous trouvons normal qu'ils soient traités sur un pied
d'égalité, mais je pense qu'il faudrait tenir compte du
problème qu'il y a une cascade dans le droit réel de
l'entrepreneur général. Je ne sais pas si je me suis bien fait
comprendre.
M. Paré (Michel): Si vous permettez. On est à la
recherche d'un système d'équité. On entendait parler, ce
matin, d'une justice contractuelle. On se retrouve dans une situation, devant
un projet de construction où 11 y a de l'argent. Des fonds ont
été avancés. Il y a un bailleur de fonds. On se retrouve
avec des intervenants de l'industrie de la construction qui travaillent
à ériger la bâtisse, fournissent des matériaux,
construisent et travaillent dessus et il y a un problème financier.
Or, le système actuel permet aux banquiers - le système
proposé; le Barreau en a parlé un peu ce matin - de reprendre et
on se retrouve dans une situation où ceux qui ont contribué
à l'enrichissement du patrimoine ne sont pas payés. On est
présentement à la recherche - on veut corriger cette situation,
évidemment - d'un système d'équité où tous
ceux qui ont participé à l'enrichissement d'un patrimoine soient
payés pour leurs travaux, indépendamment, enfin qu'ils ne soient
pas lavés par des techniques de financement. C'est ce qu'on vit
malheureusement. On se retrouve avec une hypothèque légale sur le
projet, sur des biens déjà hypothéqués.
J'entendais les représentants de l'Ordre des
arpenteurs-géomètres demander d'accéder à cette
hypothèque. Ils peuvent bien la prendre. Ils n'auront pas de
difficulté. Ce n'est pas celle que nous voulons, nous.
Mme Harel: Je ne pense pas qu'il soit tellement altruiste de la
leur offrir. Vous savez que l'avant-projet de loi contient des
dispositions qui prévoient un certificat de vérification
par des professionnels, avocats et notaires. Je crois que votre mémoire
ne parle pas de cette question. Malgré que vous n'ayez pas, M. Linteau,
repris Ies annexes qui portent sur diverses questions, mais concernant ce
certificat de vérification, l'avis d'hypothèque légal dans
le domaine de la construction dans l'avant-projet de loi devra faire l'objet
pour être enregistré de la formalité de ce certificat qui
devrait être signé par un notaire - je vois que vous êtes
bien entouré d'un côté et de l'autre, d'ailleurs -
attestant de l'identité des parties, de l'équation entre l'acte
et la volonté... Que pensez-vous à la Fédération de
la construction de ces dispositions? Croyez-vous qu'elles doivent être
maintenues? Les croyez-vous indispensables?
M. Paré (Michel): Faites-vous référence
à l'article 3335?
Mme Harel: Les articles 3335, 3336 et jusqu'à l'article
3338.
M. Paré (Michel): Très sincèrement, on ne
s'est pas penché sur ces dispositions-là. On a été
un peu aveuglé par le danger réel que l'on voyait arriver
concernant le changement du droit des sûretés réelles. On
ne s'est pas rendu jusqu'à l'article 3335. Cependant, je dois dire que
pour avoir entendu le Barreau du Québec, comme avocat, je souscris
totalement à ce qui a été dit par le Barreau du
Québec.
Mme Harel: M. Linteau, êtes-vous au courant de ce que le
Barreau est votre...?
M. Paré (Michel): Je vais l'être, ce ne sera pas
long.
M. Melançon: C'est peut-être une maigre consolation
en fonction de ce que vous demandez, mais je pose l'hypothèse suivante.
En supposant que vous soyez, en tant que créancier
privilégié, c'est-à-dire bénéficiaire du
privilège ouvrier, un créancier hypothécaire
subséquent à un bailleur de fonds, c'est-à-dire un
créancier hypothécaire dûment enregistré. Vous
êtes dans une situation subséquente. L'article 2959 de
l'avant-projet de loi prévoit que, dans un tel cas, vous pourriez exiger
que le créancier qui se prévaudrait du recours de prise en
paiement abandonne justement son recours de prise en paiement et procède
à la vente du bien. Malheureusement, le projet de loi est
imprécis là-dessus, mais la vente du bien présume que
c'est sous contrôle de justice ou par le créancier. Alors,
à ce moment-là, pourvu que vous ayez déposé pour
enregistrement un avis à cet effet et que vous ayez remboursé les
frais légitimement engagés, vous pouvez en fait voua faire payer
s'il y a un surplus après que le créancier hypothécaire
antérieur aura été payé. Comme je le disais, c'est
peut-être une maigre consolation, mais que pensez-vous de cette
mesure?
M. Simard: M, le député, en ce qui concerne la
prise en paiement qui est...
Une voix: Heureusement, il n'est pas député.
M. Simard: Je m'en excuse.
Mme Harel: II n'a pas ce défaut-là.
M. Simard: ...elle est complètement différente de
la dation en paiement telle qu'on la connaît actuellement. La dation en
paiement annule l'obligation de façon totale et la personne qui prend le
bien en paiement n'a aucune obligation. Dans l'actuel projet de loi, nous ne
pensons pas que l'article 2959 soit un défaut. Il est bien
évident que la possibilité pour un créancier
subséquent de dire à un créancier: On vous force à
abandonner la prise en paiement, peut être avantageuse, surtout en
fonction, non pas de ce qui est la prise en paiement en vertu du projet de loi,
mais en fonction de ce qu'elle est actuellement.
Cela serait actuellement avantageux de pouvoir forcer un
créancier hypothécaire qui jouit d'une clause de dation en
paiement d'aller en vente en justice, parce qu'actuellement il y a un effet
rétroactif. Dans l'actuel projet de loi, si on se place dans les
bottines de quelqu'un qui est d'un rang subséquent, l'article 2959 lui
est passablement utile. Cependant, après en avoir longuement
discuté, nous nous posons des questions sur la conséquence de la
prise en paiement telle que prévue par l'actuel projet de loi,
c'est-à-dire l'obligation pour celui qui le prend en paiement d'y
ajouter la valeur marchande. (21 h 15)
Lorsque, pour une raison ou pour une autre, j'avance 10 000 $ à
quelqu'un pour une créance hypothécaire, quelle que soit la
façon dont je l'avance par le biais d'une hypothèque
légale si je suis constructeur ou par prêt ou par balance de prix
de vente, j'ai 10 000 $. Si, pour une raison ou pour une autre, pour
protéger mes 10 000 $, je dois mettre 25 000 $ supplémentaires,
c'est 35 000 $ supplémentaires que j'engage. Lorsque les sommes
augmentent, je ne suis pas convaincu que cela va devenir extrêmement
séduisant pour quelqu'un qui est détenteur d'une
hypothèque dans le futur. Si on augmente les prix, mettre 100 000 $ pour
protéger une créance de 75 000 $, on n'est pas
intéressé à cela, surtout si on veut revendre le bien en
question dans six mois, avoir investi 75 000 $ et revendre
135 000 $. Personnellement, je me pose des questions, ce n'est pas
vraiment une demande de modification.
Un sujet de réflexion que nous devrions peut-être soumettre
à la sous-commission, c'est que l'article 2962 est évidemment
carrément inabordable pour quelqu'un qui n'a pas d'autre argent que sa
créance et, deuxièmement, ce n'est peut-être pas
intéressant pour quelqu'un qui est obligé de mettre le double de
ce qu'il a antérieurement risqué.
Une voix: Peut-être que mon collègue, M.
Gariépy, aurait quelques questions.
M. Gariépy: Pierre Gariépy. Une question
peut-être technique. Vous demandez dans votre mémoire et dans
votre recommandation un privilège prioritaire. Qu'en serait-il alors de
la créance du vendeur du terrain, à savoir le concours avec le
privilège du vendeur du fonds et le privilège du constructeur?
Dans la solution que vous proposez, est-ce que vous avez tenu compte que la
créance du vendeur est payée sur le fonds de terrain?
M. Simard: La philosophie que nous soutenons en
réalité est en quelque sorte un statu quo. Le privilège de
l'entrepreneur est prioritaire; cependant, dans la législation actuelle,
l'assiette du privilège, c'est la plus-value. Il est évident que
l'assiette du vendeur impayé est totalement différente. Une
personne vend le terrain sur lequel on fait un immeuble, la créance qui
porte sur le terrain a une assiette différente de la créance de
l'entrepreneur en construction dont la créance est la plus-value et se
rapporte à l'immeuble dans son ensemble.
C'est pour cela qu'en soutenant une sorte de statu quo, il est bien
évident qu'on n'est pas véritablement en concurrence avec le
vendeur impayé, puisque nos assiettes sont différentes, et le
problème qui existe, c'est la ventilation du Code de procédure
civile. Enfin, en prônant le statu quo, je pense que c'est la
conséquence.
Le Président (M. Marcil): Cela va? Me
Mélançon, avez-vous d'autres questions...
Mme Harel: M. le Président, je voudrais remercier la
Fédération de la construction du Québec. Je crois que par
votre présence, par votre nom... Vous savez, il y a un langage non
verbal qui est aussi éloquent pour un gouvernement, et je pense que
votre présence et le dépôt de cette déclaration
conjointe signée par les présidents de tout le secteur de la
construction, c'est certainement très éloquent. Je souhaite que
votre message soit non seulement entendu - et je pense qu'il l'est - mais qu'il
soit compris.
Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la
députée. M. le député de Marquette, avez-vous
d'autres commentaires?
M. Dauphin: À mon tour, j'aimerais remercier bien
sincèrement la Fédération de la construction du
Québec pour son mémoire, lui dire avec autant de
sincérité que toutes ses recommandations, dans l'ensemble, seront
étudiées et analysées très sérieusement.
C'est un avant-projet de loi, comme on vous l'a dit tantôt, alors c'est
perfectible; c'est la raison d'être de cette consultation. Je peux vous
assurer que mon rapport sera fait au ministre de la Justice en
conséquence. Merci.
Le Président (M. Marcil): Cela va?
M. Linteau: J'aimerais remercier les membres de la commission
pour cette occasion qu'ils nous ont donnée de pouvoir nous exprimer et
de vous donner un peu la philosophie des entrepreneurs en construction, ce qui
se passe et ce que l'entrepreneur ressent dans les projets de loi qui sont sur
la table. Nous avons voulu être tout simples et vous donner exactement le
pouls, ce que l'entrepreneur pense de votre avant-projet de loi et ce qu'il
aimerait avoir demain matin pour avoir une équité avec ses
travaux de construction. C'est à nous de vous remercier
sincèrement. Nous vous offrons notre concours si c'est nécessaire
dans d'autres études de projet pour pouvoir connaître le pouls
d'une industrie de la construction.
Le Président (M. Marcil): Je remercie M. Linteau, de
même que ses collègues.
Tantôt, quand j'ai dit: Heureusement que Me
Mélançon... c'était dit sur une note positive; je pense
qu'il préfère jouer le rôle qu'il joue présentement
à celui de député; c'est plus payant, sûrement.
C'est surtout dans ce sens-là.
Au nom de tous les membres de cette sous-commission, nous vous
remercions. Nous avons apprécié votre franc parler. Soyez
assurés que vos recommandations seront analysées de façon
bien particulière.
Donc, je vais suspendre deux minutes. Nous allons entendre l'Association
provinciale des constructeurs d'habitations du Québec Inc. J'invite ses
porte-parole à s'approcher de cette table.
(Suspension de la séance à 21 h 21)
(Reprise à 21 h 26)
Le Président (M. Marcil): Donc, nous allons accueillir
l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec
Inc., présidée par M. Armand Houle.
Bienvenue à cette sous-commission.
M. Houle, nous allons vous laisser le
temps de nous présenter vos collègues et de faire la
synthèse de votre mémoire; donc, vous disposerez d'un peu plus de
20 minutes et, ensuite, nous procéderons à un échange
entre les parties et votre groupe.
Sans plus tarder, nous vous laissons la parole.
Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec
M. Houle (Armand): À mon extrême droite, Me Gilles
Doyon, directeur du contentieux de l'APCHQ, Me Serge Crochetière,
avocat, conseiller à l'APCHQ et Me Denis Bouchard, membre du contentieux
de l'APCHQ.
Avant de procéder à émettre des commentaires et
recommandations de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du
Québec concernant divers aspects de l'avant-projet de loi portant sur la
réforme au Code civil du Québec, du droit des
sûretés réelles et de la publicité des droits, il
conviendrait, croyons-nous de vous entretenir brièvement de notre
association et de sa représentativité de l'industrie et de la
construction résidentielle au Québec.
Organisme sans but lucratif et d'appartenance volontaire, l'APCHQ
regroupe au-delà de 7000 entreprises actives dans l'industrie et de la
construction résidentielle. De ce nombre, quelque 5000 d'entre elles se
répartissent dans treize associations régionales, les autres se
retrouvant au sein de l'association affiliée à l'APCHQ: la
Fédération provinciale du bâtiment et de l'habitation du
Québec, la Société québécoise des
manufacturiers d'habitation, l'Association des puisatiers du Québec.
Représentatifs de leur milieu, les membres de l'APCHQ réalisent
plus de 80 % des travaux de construction résidentielle au
Québec.
Peu importe le type de structure ou le mode de tenure, ces membres
oeuvrent dans tous les secteurs de l'industrie de la construction
résidentielle, qu'ils soient entrepreneurs, constructeurs, promoteurs,
manufacturiers, prêteurs, assureurs ou professionnels
spécialisés en ce domaine. À ce titre, notre association
est spécialement concernée par l'avant-projet de loi sur les
sûretés réelles et la publicité des droits.
Par ailleurs, depuis sa création en 1962, l'APCHQ a su
reconnaître et jouer pleinement son rôle en s'avérant
à la fois une association professionnelle, une association de services
ainsi qu'un orgnisme voué à la protection du consommateur,
grâce à ses programmes de garantie.
Instaurée depuis 1976, la garantie des maisons neuves offre une
protection complète tant au chapitre du remboursement des acomptes
versés, du parachèvement des unités résidentielles
que des vices de construction. Plus de 1400 entreprises sont volontairement
accréditées auprès de la GMN. Depuis dix ans, la GMN
protège plus de 125 000 unités d'habitation. D'ailleurs, l'APCHQ
est fière de souligner que 95 % des unités construites dans le
cadre de Corvée habitation sont protégées par la garantie
des maisons neuves de l'APCHQ.
Créée en 1985, la garantie rénovation offre une
protection analogue dans le domaine de la rénovation et de la
restauration d'immeubles. Après deux ans d'opération, plus de 400
entreprises sont maintenant accréditées auprès de ce
programme.
De fait, la garantie des maisons neuves et la garantie rénovation
sont le symbole du professionalisme de l'industrie de la construction
résidentielle et constituent la meilleure des protections pour les
consommateurs.
Au chapitre de la recherche, l'APCHQ a élaboré, de concert
avec l'Association canadienne des constructeurs d'habitations, et
Énergie, Mines et Ressources Canada, une nouvelle technologie pour la
construction de maisons à haut rendement énergétique: le
programme R-2000. L'APCHQ est le maître d'oeuvre de ce programme au
Québec.
C'est donc comme porte-parole de l'habitation que l'APCHQ s'adresse aux
membres de cette commission, afin de faire valoir l'opinion des entrepreneurs
et autres intervenants du secteur résidentiel sur l'avant-projet de loi
sur les sûretés réelles et la publicité des droits.
Une opinion qui se veut d'ailleurs pragmatique et directement reliée
à la pratique courante des affaires.
M. Doyon (Gilles): Mesdames et messieurs, ce sera un
résumé de la teneur de nos propos, de notre étude article
par article.
L'industrie de la construction résidentielle représente
à elle seule un champ d'activité économique important. En
effet, on estimait la valeur des travaux de construction résidentielle
en 1984 à 5 500 000 000 $. Cette valeur globale se répartit dans
les faits, à part égale, entre construction et
rénovation.
Par ailleurs, au cours de la dernière décennie, la somme
des biens et services produits par l'industrie de la construction
résidentielle a représenté, selon les années, un
pourcentage variant de 2 % à 5 % du produit intérieur brut du
Québec. C'est tiré de notre mémoire qu'on avait
présenté devant la commission de l'économie et du travail
le 5 décembre dernier en regard du projet de loi 119.
Enfin, l'industrie de la construction résidentielle fournit
également de l'emploi de façon directe ou indirecte à un
très grand nombre d'individus. Dans le cas de la construction neuve, par
exemple, on évalue, en règle générale, que chaque
mise en
chantier équivaut à un homme-année de travail. Pour
les cinq à dix dernières années, cela aurait donc
représenté quelque 2 % de la population active totale du
Québec. C'est toujours tiré de notre mémoire relativement
à ta loi 119.
Ces quelques données statistiques suffisent à
démontrer l'importance des activités économiques de
l'industrie de la construction résidentielle ainsi que la part et la
contribution de cette industrie à l'enrichissement collectif de la
société. En outre, la presque totalité des travaux
exécutés par les entrepreneurs en construction confère une
plus-value aux immeubles sur lesquels ils travaillent, mais tous ces travaux et
toutes ces activités doivent être réalisés dans une
sécurité juridique relative et appropriée comme celle que
conférait le traditionnel privilège de la construction que l'on
connaît après bien des cas et bien de la jurisprudence depuis une
cinquantaine d'années.
Or, l'hypothèque légale que l'on propose aux entrepreneurs
en construction et aux fournisseurs de matériaux, en remplacement de
l'actuel privilège de la construction, ne va s'avérer, selon
nous, qu'une sûreté réelle substantiellement affaiblie et
diminuée. En d'autres termes, on va donner à ces
créanciers sous une nouvelle appellation un privilège
dénaturé.
Alors que le privilège de la construction prime une autre
sûreté réelle, telle l'hypothèque conventionnelle,
la nouvelle hypothèque légale qui sera conférée aux
intervenants de l'industrie prendra rang par l'effet combiné d'autres
dispositions du projet de loi, que l'on va voir plus loin, après une
première et même une seconde hypothèque conventionnelle
que, comme je viens de le dire, l'on va voir un peu plus loin.
Sur un autre plan, contrairement à l'état actuel du droit,
l'avant-projet de loi sur les sûretés réelles ne fait
aucune obligation de dénonciation de leur contrat aux
propriétaires de l'immeuble par les entrepreneurs, sous-entrepreneurs et
fournisseurs de matériaux. Dans le même ordre d'idée,
l'avant-projet de loi est muet sur la question du droit pour le
propriétaire de retenir une certaine somme d'argent pour garantir le
paiement des sous-traitants et des fournisseurs impayés. C'est bien
évident que si on est muet sur l'un, on va aussi abolir l'obligation de
dénonciation... Si on ne donne plus le droit de rétention, c'est
sûr que, logiquement, il n'y a plus de droit de dénonciation.
Mais, pour nous, cela doit rester, encore une fois à cause de ce qu'on
va vous dire un peu plus loin.
À titre de représentant des constructeurs, promoteurs et
initiateurs de projets immobiliers résidentiels, l'APCHQ s'interroge
sérieusement sur cet aspect. Comment un propriétaire d'un
immeuble pourra-t-il, sans obligation de dénonciation de la part des
sous-traitants et fournisseurs et sans droit afférent de
rétention de sommes d'argent par le propriétaire, effectuer un
parfait contrôle sur les opérations de construction d'un ouvrage
et s'assurer à lui-même également une certaine
sécurité juridique?
Compte tenu de chacun de ces éléments, du caractère
ambigu et équivoque de certains aspects de l'avant-projet de loi et
compte tenu aussi qu'il est déjà très difficile pour
plusieurs intervenants de l'industrie de la construction, dans l'état
actuel du droit, de s'assurer une certaine sécurité juridique
-tout le monde sait comment c'est complexe et difficile à comprendre et
à digérer -l'APCHQ demandera, notamment dans les commentaires et
recommandations qui suivent, que soit conservé l'actuel privilège
de la construction et que soit maintenue l'obligation de dénonciation
pour les sous-traitants et fournisseurs de matériaux. En d'autres
termes, devant le peu de sécurité juridique qui serait
accordée aux entrepreneurs dans la réforme proposée et
devant le caractère obscur de plusieurs de ses dispositions, l'APCHQ va
demander le statu quo ante. Je cède la parole à Me
Crochetière.
M. Crochetière (Serge): M. le Président, mesdames,
messieurs, membres de la commission, pour ma part, je vais commenter certains
des articles qui, d'après nous, posent le plus de problèmes ou
sont susceptibles de poser le plus de problèmes aux entrepreneurs en
construction. Mes commentaires ne viennent pas amoindrir l'opposition qu'on a
quant à l'abolition du privilège, tel qu'on le connaît
actuellement.
Dans un premier temps, les articles 2806 et 2807 créent une
priorité et une énumération de certains droits
réels qui auraient cette priorité en établissant leur
rang. On se pose simplement la question à savoir pourquoi, après
le rapport de l'Office de révision du Code civil qui avait
théoriquement justifié l'abolition du privilège en disant
que cela ne servait plus à rien, que c'était désuet dans
notre société, le gouvernement pour lui-même entre autres
considérerait que c'est encore valide et que cela ne l'est plus pour les
autres? Qu'on l'appelle "privilège" ou "priorité", on parle de la
même chose, c'est-à-dire le droit d'être payé par
préférence sur tout autre créancier en établissant
des rangs de priorité.
D'autre part, l'article 2808, dans son deuxième paragraphe, pose
le principe que sur les biens immeubles quant au droit prioritaire pour les
créances de l'État, la priorité attachée aux
créances de l'État pour les taxes et les impôts ne vaut
qu'à rencontre des créanciers chirographaires. Ce principe semble
paradoxal relativement à
l'énoncé qu'on retrouve à l'article 2812 qui dit
que les créances prioritaires priment toute autre hypothèque,
qu'elle soit mobilière ou immobilière.
Évidemment, le plus spécifique doit être exclu du
plus général. On vous souligne tout simplement que cela laisse
quand même part à une difficulté d'interprétation et
à une certaine ambiguïté.
L'article 2811: Les créances prioritaires sont opposables aux
autres créanciers et aux tiers sans qu'elles aient à être
publiées.
Évidemment, nous disons encore une fois comme commentaires, quant
à cet article, que c'est un nouveau privilège
déguisé qu'on a créé par les créances
prioritaires puisqu'il n'y a plus d'enregistrement où c'était le
cas actuellement pour les taxes, mais là on l'a étendu à
d'autres types de créanciers.
L'article 2830: Ici, on commence vraiment à souligner certains
problèmes. L'hypothèque s'étend à tout ce qui
s'unit ou s'incorpore aux biens dès l'incorporation. Vous avez
maintenant la création de deux types d'hypothèques: les
hypothèques mobilières et les hypothèques
immobilières. Prenons l'exemple d'un fournisseur de matériaux qui
est une corporation, un commerçant donc qui peut se
déposséder et qui vend à un autre commerçant qui
fabrique des modules assemblés qui, éventuellement, deviendront
des maisons. Il pourrait créer des hypothèques mobilières
avec dépossession qui seraient fusionnées entre elles et le bien
nouveau qui serait encore un meuble serait encore lui-même susceptible...
C'est-à-dire qu'on aurait la possibilité de créer une
hypothèque mobilière sur ce bien-là. Le fabricant de
maisons modulaires a encore un statut de fabricant de meubles et pourrait, lui
aussi, se voir assujetti à toute cette chaîne
d'hypothèques, prendre ses créances aussi et les financer sous
forme d'hypothèques mobilières auprès d'un
créancier quelconque. Le module pourrait être vendu à un
individu, qu'il soit un entrepreneur général, assorti, encore une
fois, d'une hypothèque mobilière et en plus du droit ou à
la créance du vendeur impayé, parce que tantôt on verra que
cela fait aussi une différence qui pourrait lui créer un lien de
priorité par rapport aux autres créanciers; il y aurait par la
suite vente, disons, à un entrepreneur général qui a
contracté avec un constructeur propriétaire sur son propre
terrain. Il pourrait y avoir encore là création d'une
hypothèque légale immobilière cette fois-ci à titre
d'entrepreneur. Les entrepreneurs spécialisés qui vont travailler
sur ça pourront aussi créer des hypothèques
immobilières légales et non pas conventionnelles, et tout cela
serait assorti d'une hypothèque conventionnelle par un prêteur
hypothécaire. Vous essaierez de démêler au bout de tout
ça si on ne paie pas, qui a des droits préférentiels et,
s'il n'a pas payé les taxes en plus auprès de la
municipalité, parce que la municipalité, par rapport à la
remarque que j'ai faite tantôt, comme il s'agit d'un droit prioritaire,
si elle n'exerce pas son hypothèque immobilière légale,
mais qu'elle se prévaut simplement de son droit de priorité, ne
pourra pas l'opposer aux créanciers hypothécaires immobiliers,
à cause de ce qu'on a vu à l'article 2808, deuxième
paragraphe... Cela va pouvoir cependant avoir pour effet de faire passer en
avant les créanciers avec des hypothèques mobilières.
Juste pour mettre un point final, si cela brûle et qu'on le refait
dans un délai raisonnable, toutes ces hypothèques renaissent et
tous les nouveaux travaux aussi vont être assortis
d'hypothèques.
Le Président (M. Marcil): Vous voulez absolument nous
mêler, vous.
M. Crochetière: Non, mais c'est ce que cela donne.
D'accord? Je comprends que cela n'arrivera probablement pas. Mais comment les
entrepreneurs vont-ils faire pour vivre avec cette situation si on est à
peu près incapable de la démêler, nous, le
législateur et le juriste?
Le Président (M. Marcil): Cela pourrait faire un bon
scénario de film.
M. Crochetière: Bien, cela va être un vrai drame
comme les anciens romans-savons à la radio.
Le Président (M. Marcil): C'est une hypothèse.
M. Crochetière: Alors, c'est ce que je voulais illustrer
par l'exemple sur 2830, À 2832: "L'hypothèque qui grève
une universalité de biens subsiste, lors même que l'un d'eux est
aliéné, et se reporte sur tout bien acquis en remplacement de
celui-ci." Quant à nous, cela aussi risque de créer des
problèmes.
À 2833, l'hypothèque qui grève... pour nous, cela
ici, c'est juste sur la difficulté de suivre la destination des biens
quand cela va être auprès de commerçants qui ont un grand
débit mais uniquement à ce niveau. Disons que c'est moins
lié à l'exercice du négoce ou du commerce des
entrepreneurs ou des fournisseurs.
À 2857: "L'hypothèque immobilière doit, à
peine de nullité absolue, être consentie par acte notarié
et en minute.
Elle est publiée par enregistrement." Cela va peut-être
être juste par coquetterie d'avocat. On se demande pourquoi on l'a
conservé. Quand vous allez pouvoir avoir une maison que vous allez payer
20 fois plus cher ou un immeuble d'habitation sur la base d'une
société en commandite, vous pouvez
avoir tout cela financé sous seing privé par des
hypothèques mobilières qui vont être enregistrées
sur les parts d'un commanditaire ou sur les actions de la compagnie. Pourquoi?
Quelle est l'obligation à ce moment que cela soit un notaire qui
l'enregistre?
A 2888: "Les seuls droits et créances qui peuvent donner lieu
à une hypothèque légale sont les suivants: "Ici, c'est la
création des hypothèques légales avec, en deuxième
nomenclature et non pas en deuxième ranq, parce qu'il n'est pas
supposé y avoir de rang, théoriquement, les droits et
créances des personnes qui ont participé à la construction
ou à la rénovation d'un immeuble. Toutefois, 2888,
troisième paraqraphe cependant, dit: "La créance du vendeur non
payé pour le prix du bien;". On verra plus loin que s'il enregistre dans
les dix jours il y une priorité sur les autres. Pourquoi lui donne-t-on
une priorité à lui? N'oubliez pas que tantôt on parlait des
vendeurs de modules dans la construction, ils peuvent le faire dans les dix
jours. Il va y avoir une priorité sur les autres. Il va avoir à
la fois droit è une hypothèque mobilière comme
fournisseur, une hypothèque prioritaire comme vendeur impayé et,
en plus, une créance immobilière à titre d'entrepreneur ou
de fournisseur de matériaux, tout cela sur la même vente.
On répète dans notre mémoire que ce qu'on nous
laisse en réalité comme créance hypothécaire, c'est
tellement édulcoré et dénaturé que cela ne vaut
à peu près pas la peine d'en parler. Je vais vous dire ce que je
donnerais comme conseil à un de mes clients qui serait un promoteur
à ce moment pour ne pas avoir de problème avec les
hypothèques légales qui risqueraient d'être... Je lui
dirais: Au lieu de mettre votre argent sous forme de mise de fonds dans la
compagnie comme avance des actionnaires, vous allez former votre compagnie et
vous allez vous prêter votre mise de fonds par une autre compagnie
garantie par une hypothèque conventionnelle de deuxième rang
après votre financement hypothécaire et il ne restera plus rien
pour personne d'autre. Ils enregistreront tout ce qu'ils voudront si cela va
mal. Il n'y a plus de priorité. Vous n'avez plus besoin de vous en
occuper. C'est cela qui risquerait d'arriver. Cela ne veut pas dire que je le
dirais pour vrai. Il y en a d'autres qui y penseraient et qui le diraient sans
doute.
Le Président (M. Marcil): J'aimerais vous signaler que ce
que vous venez de dire est enregistré.
M. Crochetière: C'est pour cela que j'ai apporté la
précision.
Le Président (M. Marcil): C'est public. ...juste une boutade. (21
h 45)
M. Crochetière: Non, mais cela ne sert à rien de ne
pas voir la réalité en face. Il est certain que cela va amener de
nouveaux types de financement, de la part des promoteurs-développeurs,
qui risquent de rendre caduques les hypothèques légales que la
loi créerait dans ces cas. En fait, c'était pour souligner ce
qu'il y avait dans la page 18, donner un exemple de ce qui pourrait se faire
pour rendre inutile l'hypothèque légale qu'on nous propose dans
l'avant-projet de loi.
D'autre part, encore une fois, le sous-paragraphe 3 de l'article 2880 -
je l'ai souligné tantôt - aurait pour effet de créer une
priorité en réalité au fournisseur de matériaux qui
peut aussi prétendre à son droit, à titre de vendeur
impayé, s'il l'enregistre dans les dix jours.
Article 2890. D'accord, là on parle des délais. Il y a une
ambiguïté aussi a ce niveau. L'article 2890 dit à son
deuxième paragraphe: "L'hypothèque est limitée à la
valeur marchande, au moment où ils ont été fournis..."
Donc, il faut que les travaux aient été fournis, si on le lit
textuellement et non pas, ça ne naîtrait pas avec le contrat ou le
début des travaux. Lorsqu'on parle aussi de valeur marchande, ça
naîtrait, quant à moi, au fur et à mesure que se
dérouleraient les travaux pour chaque partie des travaux qui auraient
été fournis. "L'hypothèque est limitée à la
valeur marchande, au moment où ils ont été fournis, de ces
travaux, matériaux ou services et, entre eux - et ça, je vous
avoue que pour nous ça crée un gros problème - les
créanciers qui en bénéficient prennent le même rang
et viennent par concurrence." Alors qu'à l'article 3309, comme il n'y a
plus de rang, l'article 3309 dit que c'est la priorité d'enregistrement
pour tous les créanciers hypothécaires qui établit les
rangs de priorité.
Ou bien l'article 3309 ne s'applique pas à ces cas-là. On
arrive avec la situation où 2890 s'applique sans rang pour tout le
monde, indépendamment des délais pour qu'ils prennent rang, mais
cette fois-ci sans ordre de collocation entre l'architecte, l'ingénieur,
le fournisseur de matériaux, le spécialisé et le
général. Cela peut être une interprétation si on dit
que l'article 2890 étant plus spécifique doit recevoir une
interprétation. Mais, à ce moment, cependant, on va avoir un
autre problème qu'on verra tantôt. Dans les délais requis
pour enregistrer son action, parce qu'on parle des six mois de l'enregistrement
de l'avis et non pas de la fin des travaux. Sur des chantiers qui vont durer
plus de six mois, ce que l'extension du privilège des premiers qui ont
commencé à travailler vont, à cause de cela, faire perdre
le droit des derniers ou à l'inverse, est-ce qu'ils vont faire
naître tous les droits indépendamment de la date
d'enregistrement
de l'hypothèque conventionnelle du prêteur? Si on suivait
spécifiquement le deuxième paragraphe de l'article 2890, c'est la
situation à laquelle on serait confronté. À l'inverse, ici
on dit: Non, non, ce n'est pas cela que ça veut dire. Je ne sais pas ce
que cela pourrait vouloir dire autrement, mais en tout cas. Ce n'est pas cela
que cela veut dire. On laisse quand même à 3309 la priorité
d'enregistrement comme étant le critère de sélection, mais
on va se retrouver avec un autre problème, c'est que chacun des
entrepreneurs spécialisés, parce qu'il n'y a plus de
priorité, pour ne pas passer après le créancier
conventionnel, va se dépêcher à aller enregistrer son
privilège.
Là vous allez bloquer tous les projets de construction au
Québec. Vous allez bloquer tout le financement. Ou bien il va y avoir
des renonciations à l'hypothèque légale de signer en
faveur des créanciers hypothécaires sans plus aucun recours,
cette fois-ci, cependant. C'est à peu près les commentaires que
cet article avait trait.
Ensuite, on dit aussi: On abolit la notion de plus-value. On parle de
valeur des travaux. Cela va avoir un effet multiplicateur. Je vous donne un
exemple. Vous avez un contrat de 200 000 $ pour construire une maison. La
valeur des travaux pour le général, c'est 200 000 $. Pour chacun
de ses sous-traitants, disons que le général a fait 40 000 $ de
profits, il va rester 160 000 $ pour la valeur des travaux. On est rendu
à 360 000 $, c'est la même maison qui s'est vendue 200 000 $.
Tous les fournisseurs de matériaux qu'il y a là-dedans, si
on dit qu'à 60 % de la valeur, 120 000 $, ça fait 480 000 $. Vous
allez faire vendre votre maison, vous allez avoir du plaisir à
répartir et à colloquer tout cela. Il n'y a plus d'ordre de
priorité et il n'y a plus de plus-value. Quel va être le
critère? Par ratio. Cela ne se peut pas non plus parce que si c'est par
ratio, j'ai tenté de faire le calcul. Plus il va y avoir de
sous-traitants et plus le ratio va être faussé en proportion.
Quand le général va faire tous les contrats tout seul avec ses
salariés, il va en ramasser plus. Quand il va avoir plus de
sous-traitants, il va en ramasser moins. Cela ne sera pas plus juste. Comment
appliquer cela? Je ne sais pas comment on va pouvoir appliquer cela, comment le
registrateur va pouvoir faire un ordre de collocation avec cela. On ne parle
plus de valeur, de plus-value. À partir du moment où on ne parle
plus de plus-value, c'est chacun des contrats qui doit s'apprécier
à sa juste valeur. Vous en avez bien plus cumulativement que le prix
total, parce qu'il s'ajuste, chaque contrat étant pris individuellement.
Chacun va dire que c'est le sien qui est bon. Il n'y a rien dans la loi qui
prévoit qu'on peut en faire une diminution quelconque en fonction des
plus-values réellement apportées à l'immeuble. Cette
notion est complètement disparue.
L'article 2891, c'était le problème, comme je vous le
disais tantôt, notamment quant à l'extinction des droits naissants
de l'hypothèque légale six mois après l'enregistrement,
s'il n'y a pas eu d'action. Il y a bien des chantiers qui durent plus de six
mois. Allez-vous forcer tous les entrepreneurs à prendre action pendant
que les travaux sont en cours s'il y a une opposition entre lui et le donneur
d'ouvrage? Ce n'est pas toujours parce que le donneur d'ouvrage veut le voler
ou quoi que ce soit. Sur plusieurs chantiers, les gens ne s'entendent pas. Il y
a même des clauses d'arbitrage qui reportent tout cela à la fin
des travaux. Il n'y a pas un entrepreneur qui va vouloir signer une clause
d'arbitrage compromissoire pour que cela soit décidé à la
fin des travaux en sachant que c'est un chantier qui dure plus d'un an ou plus
de six mois. En plus de cela, vous allez, à partir de ce
moment-là, préjudicier au droit des gars de coffrage, qui sont
les premiers, ou les gars d'excavation ou vous créez un droit pour les
gars de la démolition par rapport aux gars d'armoires, aux poseurs de
revêtements souples qui passent les derniers sur le chantier. Ils vont
être tout seuls pour ramasser le gâteau. Comment va-t-on faire pour
vivre avec cela?
Je m'excuse, mais je suis en train de revoir où j'en suis parce
que je n'ai pas suivi le texte du tout. Je ne voudrais pas me
répéter.
Mme Harel: ...
M. Crochetière: Ah oui! Ha! Ha! Ha! C'est pas mal cela qui
est exprimé dans ce que je viens de vous dire. Il y a aussi tout le
problème de la copropriété divise où, par rapport
à ce que je vous ai dis, sur de gros ensembles immobiliers en
copropriété divise qui risqueraient de durer plus de six mois,
tout le monde se dépêcherait à enregistrer son
hypothèque légale avec un fractionnement, avant que cela soit
vendu à un consommateur parce que, pour lui, si cela n'est pas
enregistré, cela ne lui est plus opposable. Les gens vont se
dépêcher à l'enregistrer pour ne pas être
lésés dans leurs droits à ce moment-là et vous ne
pourrez plus enregistrer de déclaration de copropriété
sauf quant aux requêtes prévues là-dessus. Mais si tu
n'exerces pas le droit prévu dans le document ou l'avant-projet de loi
par voie de requête pour faire substituer à ton hypothèque
une autre garantie, il n'y aura pas de déclaration de
copropriété qui va pouvoir être enregistrée, parce
que les créanciers privilégiés n'y auront pas consenti.
L'article 2927 crée un problème aussi. Il prévoit un avis
de 60 jours dans tous les
cas où on va demander le délaissement de l'immeuble.
Actuellement, ce n'est que pour les cas de dation en paiement et non pas dans
les cas où on demande de délaisser l'immeuble pour faire vendre
le bien. Si on laisse le délai de 60 jours, il n'y a pas juste des
consommateurs qui sont pris là-dedans, il y a des promoteurs, des
donneurs d'ouvrage qui sont de vrais professionnels. L'entrepreneur
spécialisé risque de payer cher son délai d'attente de 60
jours sur certains chantiers avant de pouvoir exercer ses recours.
L'article 2978, c'était juste pour souligner la difficulté
de dire que l'hypothèque mobilière subsiste malgré le
changement de nature au bien. On se demandait juste comment le créancier
d'une hypothèque mobilière incorporée à un immeuble
pourrait exercer son droit de prise de possession ou de prise en paiement d'une
partie qui a été incorporée à deux demandes.
L'article 3311, c'était ce qu'il fallait lire avec l'article 2888.3
tantôt, quant à la possibilité de créer une
priorité pour certains fournisseurs de matériaux qui sont, en
réalité, des vendeurs qui ont le double statut.
Enfin, en page 28, on revient avec les commentaires que Me Doyon vous
exprimait tantôt, l'exigibilité de la dénonciation pour
retenir l'argent parce que, imaginez-vous que, dans l'habitation
résidentielle, la plupart du temps, l'entrepreneur général
ou le promoteur est à la fois propriétaire de son terrain et il
n'a pas encore vendu à des consommateurs qui vont habiter cet immeuble.
S'il ne sait pas si ses sous-traitants... Parce que cela va en sous, sous,
sous-traitance; dans certains métiers comme la pose de gypse, des fois
il y a un cinquième ou un sixième sous-traitant. S'il n'y a pas
de dénonciation, qu'est-ce qui va l'autoriser à garder l'argent
pour s'assurer qu'il ne sera pas pris avec des hypothèques
légales? Rien, absolument rien.
Or, c'est pour toutes ces raisons qu'on vous demande presque d'oublier
votre avant-projet de loi dans sa présentation actuelle et de maintenir
la validité du privilège.
Le Président (M. Marcil): Merci. Maintenant, nous allons
passer à une période de questions. Je vais reconnaître Mme
la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Vous allez être
le dernier organisme que nous allons entendre aujourd'hui. Nous avons fait une
sorte de concentration, ce soir, sur tout le secteur de la construction. Je
crois que vous êtes le troisième, mais à votre façon
qui est particulière, M. Crochetière, à exprimer ce que,
finalement, vous dites tous aux membres de la commission et au gouvernement: La
prudence extrême s'impose avant de tout chambarder te secteur que nous
connaissons et dans lequel il y a déjà des difficultés;
alors, ne les aggravez pas. C'est un peu le message que je reçois.
M. Houle, comme président de l'association provinciale, et les
personnes qui vous accompagnent, je dois vous dire que Me Crochetière a
présenté, avec d'autres personnes de l'association provinciale,
un mémoire concernant la levée du moratoire sur la
copropriété divise et j'ai été à même,
lundi soir dernier, à Montréal, à l'hôtel Du Parc,
d'assister au même exercice de franchise brutale qu'il vient, en fait,
d'effectuer. Cela me faisait penser un petit peu à Cyrano de Bergerac
quand il disait: Ce n'est pas un nez, c'est une montgolfière, en fait ce
n'est pas un mémoire, c'est un massacre.
Mais je pense qu'on est dans les dispositions d'esprit, dans un
avant-projet de loi, pour recevoir des critiques comme celles-là,
justement parce que rien encore n'est vraiment engagé. Alors, je crois
que cela a été l'opinion exprimée, qu'il s'agissait d'un
avant-projet de loi perfectible et donc sujet à d'importantes
modifications, pour ne pas dire de modifications majeures. Alors, je pense que
l'adjoint parlementaire du ministre de la Justice aura peut-être
tantôt - je le souhaite - l'occasion de le répéter. Je
pense que, dans les circonstances, cela s'impose; c'est qu'il y a un examen
à faire sur toute cette question du privilège ouvrier.
J'aimerais d'ailleurs, rapidement, sur quelques éléments
revenir sur la question avec vous. Est-ce que vous avez déjà pris
connaissance d'une solution de rechange possible, qui était celle
préconisée par l'Office de révision du Code civil, d'une
priorité donnée à l'hypothèque de construction
avant toute autre hypothèque? Non? (22 heures)
M. Crochetière: Personnellement, j'étais là
au premier rapport, à l'époque. Il y avait M. Caron à
l'office de révision; on l'avait rencontré à la suite de
la première parution du rapport.
On avait exposé un peu ces problèmes. On a dit: Appelez-le
comme vous voulez, appelez-le hypothèque, appelez-le privilège,
cela ne nous fait rien. On veut avoir un droit de priorité, on en a
besoin. Cela prend une formalité peut-être beaucoup plus souple
d'enregistrement et de dénonciation préalable pour
préserver les droits des entrepreneurs, mais aussi pour préserver
les droits des donneurs d'ouvrage, des consommateurs, des créanciers
hypothécaires, des institutions financières, on est d'accord avec
cela, mais laissez-nous quand même notre priorité. On ne retrouve
pas cela ici du tout. Quant au vocable sous lequel on regrouperait cette
priorité, on vous laisse l'entière liberté de la
désigner comme il vous plairait.
Mme Harel: On peut continuer à parler de l'abolition des
privilèges du moment que vous avez priorité.
M. Crochetière: C'est cela.
Mme Harel: Vous ne nous avez pas indiqué quelle
était l'opinion de l'association concernant la question de la
renonciation ou de la cession des priorités. J'imagine que vous
recommandez à cet effet...
M. Crochetière: Actuellement, dans I'usage, dans le
résidentiel, surtout dans ce qu'on appelle le résidentiel bas,
brique et bois, le prêteur va, à l'occasion de la cession,
demander la priorité, mais c'est beaucoup moins demandé que sur
les contrats plus hauts, en hauteur où le promoteur n'est pas toujours
l'entrepreneur général. Dans le résidentiel bas, le
promoteur est à la fois le propriétaire du terrain, le concepteur
de son projet, le développeur, le constructeur entrepreneur
général, il fournit ses matériaux et contrôle pas
mal son chantier. C'est beaucoup plus l'institution financière qui va
lui dire: Je veux que tous tes sous-traitants ou tes fournisseurs me signent
une cession de priorité de rang. Mais la cession de priorité de
rang, chez nous, est généralement acceptée par les
entrepreneurs, non pas la renonciation, mais la cession de priorité de
rang en faveur du créancier hypothécaire. Les gens sont
habitués, ils savent que, pour qu'il y ait du financement sur le projet,
il faut que l'institution financière soit protégée et
surtout sécurisée, alors ils sont prêts à
céder la priorité et non pas à renoncer cependant. Si un
projet de loi venait institutionnaliser cette pratique, c'est-à-dire que
l'hypothèque légale ou le privilège dans la construction
est d'ordre public, on peut céder le rang, mais qu'on ne puisse pas
renoncer à l'hypothèque. Évidemment, je ne crois pas qu'il
y aurait d'objection, au contraire, cela correspondrait pas mal à ce qui
se passe chez nous dans le secteur résidentiel.
Mme Harel: Sur le certificat de vérification - j'ai
posé la question à la fédération qui vous a
précédés - avez-vous un point de vue? Avez-vous
cristallisé un point de vue sur cette question?
M. Crochetière: La seule chose, c'est que lorsque nous
avons commenté...
Mme Harel: Est-ce je serais mieux de poser la question à
M. Houle?
M. Crochetière: Ha!
Mme Harel: Non?
M. Croehetière: Oui, oui.
Mme Harel: Ha! Ha!
M. Croehetière: C'est parce que je vais lui faire lire
la...
Une voix: Je suis bien entouré, Mme la
députée.
Mme Harel: Non, non. En fait, le certificat de
vérification qui prévoit que l'avis d'hypothèque
légale, dans le cas où il doit y en avoir un qui soit
enregistré, le soit par la formalité d'un certificat qui soit
signé par un professionnel, un notaire ou un avocat, et qui attesterait
un série de choses sur l'identité, l'adéquation entre
l'acte, la volonté et tout cela, pensez-vous que c'est utile
d'avoir...?
M. Houle: Me Rousseau me fait une remarque qui est juste. Dans
notre cas, la personne qui aurait le plus à perdre ou à gagner
là-dedans, c'est la personne qui va le signer et qui sera le
professionnel. Nous allons lui remettre les renseignements qu'il nous demande
et ce sera signé par quelqu'un d'autre que nous en fin de compte. Mais
je ne pense pas qu'un entrepreneur spécialisé... Quant à
moi, cela fait quand même 23 ans que je me sers des privilèges
parce que je suis spécialisé - je n'aime pas le mot sous-traitant
- mais je suis un entrepreneur spécialisé, donc on s'en sert, on
dénonce et on n'a pas d'objection.
Mme Harel: Vous avez toujours... Donc, vous le faites toujours
par l'intermédiaire d'un professionnel?
M. Houle: Oui. Mme Harel: Oui.
M. Houle: Mais je ne dirais pas qu'on est plus sûr, mais il
y a une uniformité dans les documents à ce moment-là et on
peut simplement communiquer par téléphone. On lui dit ce qu'on
veut... C'est-à-dire on lui donne les données et il remplit un
document, l'enregistre et le fait signifier.
Mme Harel: Dans ce contexte, qu'est-ce que vous pensez d'un
système qui pourrait prévoir l'enregistrement d'une sorte de
formulaire standard qui décrirait la sûreté et qui pourrait
remplacer l'acte au long, tel qu'on le connaît présentement?
M. Houle: L'APCHQ est d'avant-garde comme toujours, d'ailleurs.
Cela fait à peu près cinq ou six ans que Me Crochetière et
le contentieux de l'APCHQ ont préparé des formules de
dénonciation de contrat qui sont uniformes à travers la province
pour les membres de l'APCHQ.
Mme Harel: D'autres questions viendront, M, le Président.
Ah oui, une peut-être, à moins que l'adjoint veuille intervenir
tout de suite et je reviendrai.
Le Président (M. Marcil): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: Je veux tout d'abord remercier l'Association
provinciale des constructeurs d'habitations du Québec Inc., pour la
préparation et la présentation de son mémoire. J'avais
pris note que vous étiez cosignataire de la déclaration conjointe
relativement au maintien du privilège en matière de
construction.
Vous proposez, au risque de répéter un peu, le maintien du
privilège de la construction. Vous proposez le maintien de l'obligation
pour les entrepreneurs, les sous-entrepreneurs et les fournisseurs de
dénoncer le contrat au propriétaire de l'immeuble. Vous proposez
le maintien du droit pour le propriétaire de l'immeuble de retenir les
sommes d'argent.
Alors, c'est sûr - avec raison et je vous comprends très
bien - que chacun y va pour sa paroisse; c'est bien normal. On entendra un
autre groupe demain qui va nous dire le contraire. Ce n'est pas la
première fois - Mme la députée de Maisonneuve est
là pour en témoigner autant que la députée de
Groulx - cela fait six ans et demi qu'on fait des commissions parlementaires et
c'est normal que ce soit comme ça.
D'ailleurs, nous sommes au stade d'un avant-projet de loi,
c'est-à-dire que l'avant-projet de loi est susceptible d'être
bonifié, perfectible. Nous sommes heureux, en tout cas, des deux
côtés, que vous ayez participé.
Maintenant, comme question précise, c'est clair; votre affaire
est claire. Je ne chercherai pas à contre-interroger et utiliser des
mesures dilatoires. Je prends bonne note de vos recommandations et j'aviserai
le ministre en conséquence de vos recommandations. Pour moi, c'est clair
et je vous remercie de votre participation.
Mme Harel: M. le Président, je ne cherche pas tellement
à tourner le fer dans la plaie, mais je souhaite quand même avoir
quelques éclaircissements. Vous avez dit, entre autres, qu'avec
l'avant-projet de loi, il y aurait une sûreté diminuée.
Mais, actuellement, le privilège ouvrier, est-ce qu'il n'est pas
diminué avec la clause en dation de paiement?
M. Crochetière: Oui. Évidemment, le jeu de la
rétroactivité par l'enregistrement de la clause de dation en
paiement risque de faire expurger les privilèges, sauf que sur un
chantier en construction, surtout dans le résidentiel, quand c'est
étendu, on nous donne des chances d'en ramasser ici et là, parce
qu'il y a bien des travaux qui ont été commencés avant et
on peut s'asseoir et négocier avec leurs prêteurs.
Si, encore une fois, on annulait l'effet rétroactif et les
décisions de jurisprudence qui ont consacré ça, je pense
que, nous, comme constructeurs, on ne pourrait que s'en féliciter,
sûrement.
M. Melançon: Claude Melançon. Me
Crochetière, l'article 2959 ne vous met-il pas dans une meilleure
situation quand même, compte tenu que lorsque vous êtes un
créancier privilégié qui a un rang subséquent
à un créancier hypothécaire qui serait le bailleur de
fonds, il n'en demeure pas moins qu'à ce moment-là, vous pourriez
exiger que le créancier hypothécaire abandonne son recours de
présent paiement et procède à la vente du bien, ce que
vous n'avez pas actuellement. Vous êtes complètement lavé,
à toutes fins utiles, actuellement, par la dation en paiement. Alors,
vous ne trouvez pas que c'est mieux qu'avant?
M. Crochetière: C'est exact. À ce point de vue,
oui, sauf que ce que l'on craint, comme je le disais tantôt, c'est que le
promoteur, plutôt que de mettre une avance de fonds dans sa compagnie, se
crée un prêt par une autre compagnie dont il ne serait
peut-être pas le seul actionnaire et cela va réduire à
néant les effets de ces articles. Disons que pour un projet de 500 000
$, vous avez besoin de 150 000 $ de fonds pour acheter le terrain, etc.
Plutôt que de prendre une avance de fonds et d'investir 150 000 $ dans la
compagnie, vous faites prêter à cette compagnie la somme de 150
000 $ par une autre compagnie qui cède priorité de rang au
créancier hypothécaire qui assure le financement, le "brige", et
ensuite, le financement conventionnel, vous allez chercher un autre montant de
350 000 $ de financement hypothécaire de premier rang. Vous avez votre
deuxième rang déjà enregistré. Votre
hypothèque légale ne vous donnera plus grande chance sur la
vente, surtout qu'une vente en justice, vous le savez pertinemment, Me
Melançon, si on va chercher 75 % à 80 % de la valeur, on est
content; qu'est-ce qu'il va rester?
M. Melançon: Vous sembliez également trouver
dramatique qu'à l'article 3311, l'hypothèque du vendeur
impayé, à savoir le fournisseur de matériaux, en
l'occurrence, prenne rang avant toute autre hypothèque. D'accord? Si
elle était publiée, évidemment, dans les dix jours de la
vente. Je vous ferais remarquer, cependant, que cet article est
complété par l'article 2892, qui prévoit effectivement que
l'hypothèque légale du vendeur a effet à compter de
l'enregistrement de la vente. Est-ce qu'on peut parler de compléter ou
de contredire? Là, je ne le
sais pas. Mais on parle de la prise d'effet lors de l'enregistrement,
évidemment. Donc, un peu comme...
M. Crochetière: Cela s'appliquera seulement dans certains
cas, à l'intérieur du délai. Je dois dire que lorsque j'ai
fait cette remarque, ceux auxquels je pensais, je ne trouvais pas cela
dramatique; je trouvais cela injuste, ce n'est pas pareil... si on abolit la
priorité, ce n'est pas pour la recréer différemment.
Premièrement, c'était le sens de mon propos. Deuxièmement,
dans le cas des vendeurs de maisons usinées, le délai de 10 jours
n'est pas long pour monter le module. Ils vont bénéficier des
deux. Vous allez l'avoir à l'intérieur du délai. À
ce moment-là, c'est Ià-dessus où je ne veux absolument pas
préjudicier au droit des fabricants de maisons usinées. Ce sont
des membres de l'APCHQ. Ce n'est pas le sens de mon intervention. C'est tout
simplement pour dire qu'il y a un caractère inéquitable aux
mesures prévues par l'avant-projet de loi, parce que l'application qu'on
pourra en faire dans l'industrie de la construction sera de faire
renaître en faveur de certains fournisseurs une priorité sur les
autres, alors que si on dit qu'on l'abolit, on devrait l'abolir
réellement.
Mme Harel: Pour ma part, cela complète. Peut-être,
Me Gariépy, est-ce que vous auriez...
M. Gariépy: Peut-être seulement une
précision. Me Crochetière, sur l'article 3311, dans votre
critique sur le cumul possible de deux garanties en faveur du fournisseur de
matériaux, soit l'hypothèque légale de vendeur
impayé et peut-être aussi l'hypothèque de fournisseur de
matériaux, si jamais il y avait cumul possible dans une situation,
est-ce que, par souci d'équité, le fournisseur de
matériaux devrait... ou serait-ce équitable qu'il perde le
bénéfice de l'hypothèque légale de vendeur
impayé?
M. Crochetière: Écoutez, il pourrait même y
avoir une troisième hypothèque qui serait celle mobilière
qui s'incorporerait à la chose, dont pourrait se prévaloir le
même fournisseur de matériaux. Laquelle, il devrait perdre? Je ne
sais pas. Cela aussi, c'est peut-être un peu gros qu'il ait droit au
cumul de trois sûretés réelles sur la même vente.
Mme Harel: Je veux vous remercier. Évidemment, comme nous
l'avons déjà indiqué, je veux vous dire que je souhaite
que, des deux côtés de cette commission mais, en tout cas,
certainement de ce côté-ci, nous tenions compte de la contribution
que vous avez apportée à nos travaux lors de l'étude
article par article.
Le Président (M. Marcil): Cela va?
M. Crochetière: C'est la même chose de notre
côté, Mme la députée.
Le Président (M. Marcil): M. Houle, allez-y.
M. Houle: On a été remercié, mais je pense
que c'est à nous de vous remercier de nous avoir donné l'occasion
de présenter ce mémoire et surtout de le commenter. Je savais
qu'avec mes acolytes, je n'étais pas en difficulté. On a fait une
bonne recherche et on voulait absolument vous dire, comme Mme Harel parlait de
massacre tout à l'heure, que nous pensons aussi que l'on massacrait
notre protection; ce que nous ne voulons pas du tout. Merci de nous avoir
écoutés.
Le Président (M. Marcil): M. Houle, de même que vos
collègues, merci beaucoup. Je sais pertinemment que votre association
est quand même très dynamique, du moins dans notre région
de Valleyfield. C'est à cet endroit que je vous ai rencontré, je
crois, lors d'un colloque ou lors d'un souper de l'APCHQ. Donc,
félicitations pour votre mémoire et merci pour votre
franc-parler. Le projet de loi se doit de répondre à l'ensemble
des besoins de la population, donc, à l'ensemble des gens qui
interviennent dans ce domaine. Nous espérons qu'il fera l'affaire de
tout le monde. Merci et bon voyage de retour.
J'ajourne les travaux à demain, 9 h 30.
(Fin de la séance à 22 h 15)