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(Neuf heures quarante-huit minutes)
Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous
plaît!
J'inviterais les gens à bien vouloir prendre place, s'il vous
plaît.
Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette
commission. Je rappelle que la sous-commission des affaires sociales se
réunit afin de procéder à des consultations
particulières et tenir des auditions publiques sur le document de
consultation intitulé «Un financement équitable à la
mesure de nos moyens».
Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Aujourd'hui, nous
entendrons le Groupe de recherche interdisciplinaire en santé,
l'Association des cadres supérieurs de la santé et des services
sociaux, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, l'Ordre
des dentistes du Québec et l'Association des chirurgiens dentistes du
Québec, l'Ordre des optométristes du Québec et
l'Association des optométristes du Québec et, finalement,
l'Association des fondations des hôpitaux du Québec.
Nous débutons par le Groupe de recherche interdisciplinaire en
santé, qui a déjà pris place. J'apprécierais si la
personne responsable du groupe pouvait se présenter et aussi nous
introduire les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Groupe de recherche interdisciplinaire en
santé
M. Brodeur (Jean-Marc): M. le Président, permettez-moi
tout d'abord de remercier la commission et le ministère d'avoir
osé inviter le Groupe de recherche interdisciplinaire en santé,
réputé pour ses critiques du système de soins. Groupe de
recherche financé par le FRSQ, et donc par le ministère, depuis
1977, nous ne pouvions évidemment pas décliner cette invitation.
Je vous avouerai que c'est avec empressement que tous ceux qui m'accompagnent
aujourd'hui ont accepté l'invitation et ont contribué
sérieusement à la préparation de ce mémoire.
Je suis accompagné de quatre des chercheurs du GRIS, soit le Dr
Raynald Pineault, directeur du département de médecine sociale et
préventive, M. André-Pierre Contandriopoulos, directeur
intérimaire du département d'administration de la santé,
qui vous rend visite pour la deuxième fois cette semaine, M.
François Béland, directeur du programme de doctorat en
santé communautaire, et M. François Champagne, responsable de
notre équipe de recherche en analyse organisationnelle et
économique.
Le Groupe de recherche interdisciplinaire en santé fait partie de
la Faculté de médecine de l'Université de Montréal.
Il regroupe une soixantaine de personnes, dont une quinzaine de chercheurs de
trois départements: médecine sociale et préventive,
administration de la santé et médecine familiale. Le GRIS
travaille depuis plus de 10 ans sur le fonctionnement, la dynamique, le
financement, l'évaluation et la comparaison des systèmes de
santé dans une perspective interdisciplinaire.
Notre mémoire ne vise pas à promouvoir les
intérêts d'un groupe d'acteurs ou d'un autre mais plutôt
à tenter de confronter les propositions concernant le financement du
système sociosani-taire du Québec avec les connaissances
existantes.
Les pages 1 à 8 analysent les fondements conceptuels sur lesquels
l'argumentation du document s'appuie. Globalement, le document est un effort
valable pour étayer une réflexion sur l'état actuel du
financement du système de santé québécois. Nos
travaux nous ont amenés à faire quelques remarques additionnelles
appuyées par un graphique et quatre tableaux. En résumé,
il nous semble que le ton alarmiste du document en ce qui concerne le rythme de
croissance des dépenses est basé sur des tendances très
récentes, et nous considérons qu'il est tout à fait
inapproprié dans un tel cas de remettre en cause les grands principes
qui structurent le système de santé du Québec.
Examinées sur une période de 10 ans, les dépenses
de santé et d'adaptation sociale s'accroissent moins vite que les
recettes du Québec. La part des dépenses du ministère de
la Santé et des Services sociaux dans les dépenses du
gouvernement se maintient et l'endettement de l'administration publique
provinciale n'est pas principalement dû aux crédits alloués
au domaine de la santé et des services sociaux. Nous pourrons revenir
sur ces divers aspects lors de la discussion.
À partir de la page 9, notre mémoire étudie la
pertinence et la cohérence des recommandations, et c'est là que
se situe notre véritable critique du document. Page 9, «Pertinence
et cohérence des recommandations». Nous partageons l'opinion qu'il
serait inadéquat de laisser le secteur de la santé et des
services sociaux prendre dans l'économie du Québec une place de
plus en plus grande. Compte tenu des connaissances disponibles sur les
déterminants de la
santé, une telle politique aurait des effets négatifs
très importants à long terme. Elle agirait probablement de
façon négative sur la santé en privant l'État de
moyens qui lui permettraient, entre autres, d'agir sur le développement
économique, sur le chômage, sur les enfants des milieux
défavorisés, sur le développement urbain, sur
l'éducation et sur la formation des travailleurs. Il est donc essentiel
que les politiques qui ont permis aux dépenses de santé du
Québec de croître, depuis une quinzaine d'années, à
peu près au même rythme que le PIB puissent continuer à
s'exercer.
Nous sommes aussi d'accord sur le fait qu'il n'est pas possible pour le
gouvernement de laisser la dette de l'État augmenter pour financer les
dépenses de fonctionnement du système de soins. Dans ces
conditions, il serait possible de considérer trois types de solutions.
L'une consiste à trouver de nouvelles sources de financement, la
deuxième à contrôler d'une façon encore plus rigide
la croissance des dépenses du système de soins et, la
troisième, à réorganiser le système de façon
à en promouvoir l'efficience.
La deuxième option n'est toutefois envisageable, si l'on veut
maintenir les grands principes d'accessibilité, d'universalité,
d'équité et de qualité des soins, que si la réforme
en profondeur du système de santé, ébauchée
à la suite du rapport Rochon, est menée à terme. Elle
implique, grâce à un redéploiement des ressources dans les
différentes régions du Québec et à une vraie
décentralisation des décisions, qu'il soit possible
d'accroître suffisamment l'efficience de l'ensemble du système de
soins pour réduire son importance relative dans l'économie. Elle
implique des changements considérables de comportement de la part des
acteurs du système de soins et une réforme complète des
mécanismes de paiement des ressources. Mentionnons que le système
québécois de santé, contrairement au système
pancanadien, ne s'est pas doté de grands principes assurant le maintien
du système actuel. Ainsi, advenant la disparition des versements au
comptant du gouvernement fédéral et, donc, l'impossibilité
pour celui-ci de garantir le maintien des grands principes, le système
public québécois est, dans les conditions actuelles,
menacé d'érosion.
Le document du ministère, après avoir analysé en
détail les différents moyens par lesquels ce contrôle des
dépenses pourrait être fait, curieusement, élimine l'option
d'une réforme du système qui, si elle était retenue,
pourrait, contrairement à la poursuite du statu quo, parfaitement
justifier une progression temporaire à court terme de la dette pour
ensuite, a plus long terme, produire des économies. De façon
précise, le document sur le financement s'attarde uniquement à la
première option. Ses recommandations portent exclusivement sur les
mécanismes qui lui permettraient d'accroître ses revenus et de
réduire ses responsabilités.
Il élimine à un point tel l'option que pourrait constituer
l'implantation rapide d'une réforme en profondeur qu'il résume,
à la page 112, dernière page avant les annexes, dans un
encadré gris, sa proposition en écrivant: «Face à
l'importance grandissante de cette impasse financière, des choix
collectifs majeurs s'imposent entre une révision fondamentale du panier
des services sociaux et de santé, une augmentation importante du fardeau
fiscal et une tarification liée à la consommation». La
question implicite à laquelle il tente de répondre consiste
à savoir qui devrait assumer les coûts requis pour permettre au
statu quo de durer encore un certain temps. La réponse est claire. Ce
sont les citoyens utilisateurs des services. L'option fiscale qui consisterait
à faire payer tous les citoyens et les entreprises n'est pas
retenue.
Les différents mécanismes proposés:
l'impôt-services, la tarification, la désassurance ont comme effet
de faire assumer une partie ou la totalité des coûts des services
par les utilisateurs en fonction de leur utilisation et, ultimement, de faire
augmenter de façon certaine la part des services de santé dans
l'économie, conséquence qui va directement à rencontre
d'un des objectifs fondamentaux du document. Les autres orientations
envisagées - révision de la définition des services de
base, révision des grands principes directeurs, renforcement de la
responsabilité individuelle - sont, en quelque sorte, instrumentales
à la proposition centrale qui vise à privatiser partiellement,
c'est-à-dire à diminuer la contribution publique dans le
financement total des services de santé. la mise en place du fonds des
services sociaux et de santé est, à première vue,
intéressante. elle permettrait au ministère d'avoir une gestion
budgétaire plus transparente, d'expliciter les relations qui existent
entre les sources de financement et les dépenses et d'élaborer
des mécanismes d'irnputabilité auprès des citoyens. on
doit cependant se demander, premièrement, si ces objectifs ne pourraient
pas être atteints sans la création du fonds des services sociaux
et de santé et, deuxièmement, plus fondamentalement, si le fonds
ne constituerait pas un frein à l'implantation de politiques
intersectorielles visant la promotion de la santé de la population,
politiques nécessitant des redéfinitions des arbitrages
financiers entre les grandes catégories de dépenses de
l'état. en d'autres mots, on peut se demander si la création du
fonds est vraiment compatible avec la vision large de la santé et de ses
déterminants présentés au début du document et,
troisièmement, si le fonds ne deviendrait pas rapidement un fonds de
sécurité du revenu pour les professionnels, qu'il faudrait
alimenter généreusement par tous les moyens possibles, même
si cela entraînait une reprise de la croissance des dépenses de
santé.
En fait, ces discussions un peu techniques ne doivent pas cacher quels
sont les véritables
enjeux de ce débat sur le financement. Les médias l'ont
bien compris. Pour la première fois, de façon sérieuse et
à la suite d'une argumentation habile, c'est la question du maintien des
grands principes qui structurent le système de santé du
Québec qui est en jeu. Ce dont il est question, c'est de savoir si l'on
doit réduire la couverture des services et diminuer
l'équité d'accès aux soins.
D'une certaine façon, c'est la vision du rôle de
l'État qui est remise en question à l'occasion de ce débat
en apparence technique sur le financement des services de santé et des
services sociaux. Comment expliquer autrement les choix qui sont
proposés par le document sur le financement? En effet, pour justifier
théoriquement une privatisation du financement, il faudrait s'appuyer
sur une conception très réductrice de la santé et de ses
déterminants. Il faudrait admettre que la santé est un bien, au
sens économique du terme, très peu différent des autres
biens, que l'individu malade a la capacité d'agir de façon
autonome pour déterminer le type et le volume des services de
santé qu'il aimerait utiliser et qu'il a aussi les connaissances et la
capacité requises pour adopter un comportement limitant les risques
d'exposition à la maladie et aux blessures. Dans ces conditions, s'il y
a impasse financière, ce ne peut être que la faute des citoyens.
Pour corriger cette situation, il faut les faire payer. (10 heures)
Les recherches sur les coûts et le financement des systèmes
de soins montrent très clairement que, premièrement, jamais une
privatisation du financement des services compatible avec le maintien d'un
niveau acceptable d'équité d'accès aux services n'a permis
de réduire les coûts totaux du système de soins. À
cet effet, l'exemple des États-Unis et l'expérience australienne
de privatisation des services de santé sont des plus
révélateurs.
Deuxièmement, l'élément critique qui permet la
maîtrise des coûts est d'avoir un financement provenant d'une
source unique et dont l'ampleur n'est pas directement reliée à
l'utilisation des services. Le Canada est, à cet égard,
cité en exemple par des pays qui n'arrivent pas à maîtriser
les coûts de leur système de soins.
Troisièmement, les frais de gestion des systèmes de soins
dont les mécanismes de financement sont diversifiés sont beaucoup
plus lourds que ceux dont le financement est assuré par l'État ou
une caisse nationale de santé. Reinhardt montre que les coûts de
gestion des compagnies d'assurances aux États-Unis varient de 5, 5 %
à 40 % des primes, en fonction de leur taille.
Quatrièmement, l'élément important pour
l'économie d'un pays, ce n'est pas la partie du coût du
système de soins assumé par l'Etat mais la totalité des
coûts du système. Le plaidoyer des grosses sociétés
américaines en faveur d'une réforme du système de soins
pour leur permettre d'améliorer leur compétitivité est,
à cet égard, exemplaire.
Cinquièmement, la privatisation du financement a comme principal
effet de transférer la charge du paiement vers les utilisateurs malades
et donc de créer une iniquité.
Dans ces conditions, sur quels arguments repose la justification de la
proposition de privatisation du financement des services de santé? Deux
explications en partie complémentaires sont possibles; l'une est
fiscale, l'autre politique. Le ministère des Finances, malgré une
conjoncture difficile, doit présenter pour 1992-1993 un budget en
équilibre. La privatisation du financement d'une partie du
système de soins, même marginale pour l'instant et
indépendamment de ses répercussions à long terme, est un
moyen d'y arriver.
L'autre est liée à la nature de la réforme en
cours. Le débat sur le financement permet en quelque sorte, en
réduisant les contraintes financières existantes, de laisser la
situation de statu quo se poursuivre pendant encore quelque temps. Le processus
de réforme qui est engagé nécessiterait en effet, pour
être mené à bien, un accroissement non négligeable
des dépenses du ministère sans que l'on soit certain, compte tenu
des modifications apportées à la loi 120 au début de
l'année 1991, que la réforme permette des gains importants de
productivité. Dans la mesure où, pour des raisons politiques -
victoire des médecins au début de l'été 1991 - et
pour des raisons légales - la loi C-3 - il est à peu près
impossible de changer l'organisation des services médicaux et
l'autonomie des hôpitaux, il est illusoire de croire qu'il soit possible
de changer les rôles et les responsabilités des différents
acteurs du système, pas plus qu'il n'est possible de changer les
modalités de paiement des ressources.
Si ces explications tiennent, le ministère n'a plus d'autre choix
que de trouver des moyens de gagner du temps, quelles qu'en soient les
conséquences.
Points majeurs, suggestions et conclusion. Pour résumer notre
analyse du document, nous croyons que l'endettement de l'administration
publique provinciale n'est pas dû uniquement aux crédits
alloués au domaine de la santé et des services sociaux.
Le diagnostic de l'impasse budgétaire n'est pas aussi
sérieux que le prétend le document sur le financement.
La société québécoise n'a pas les moyens
d'abandonner son système public de santé. Toute forme de
privatisation menace l'efficacité des mécanismes actuels de
contrôle des coûts et, contrairement à ce que le document
sur le financement prétend, nuirait au dynamisme et à la
compétitivité de l'économie québécoise.
L'application des propositions faites dans le document réduirait
l'urgence évidente d'entre-
prendre une véritable réforme en profondeur du
système de soins.
Les grands principes qui structurent notre système de soins
devraient être maintenus. Ce sont eux qui sont cohérents avec le
cadre conceptuel que le document présente. De façon explicite, il
faut réaffirmer les principes de base sur lesquels doit continuer
à reposer le système de soins du Québec:
accessibilité, universalité, équité et
qualité des soins.
Dans le système actuel, il y a encore place pour des gains
importants d'efficience sur l'exploitation desquels il faut prioritairement
travailler.
L'organisation du système devrait offrir plus de
flexibilité, être basée sur une véritable
décentralisation et sur des modèles de compétition
publique privilégiant le recours à des incitatifs promouvant
l'efficacité et l'efficience.
Dans ces conditions, dissocier le débat sur le financement de
celui sur la politique de santé et sur l'organisation du système
de santé et des services sociaux est illogique. La discussion sur le
financement devrait être menée de pair avec l'élaboration
de la politique de santé qui est en préparation, et non pas la
précéder, et elle devrait s'articuler sur un véritable
projet de réforme du système de soins.
Les pages 15 et 16 précisent les lignes directrices d'un tel
système et les opérationali-sent: critères de base, vision
large de la santé, flexibilité et innovation, financement
centralisé, paiement des ressources en fonction de la population
à desservir, vocation requestionnée, attitude critique et
orientée vers les résultats, nombre de médecins
contrôlé et système d'information qui permet de suivre et
de questionner les décisions prises. Nous pourrons revenir plus en
détail sur ces principes lors de la discussion.
Les propositions de notre mémoire ont fait l'objet de plusieurs
rencontres entre les membres qui représentent le GRIS devant cette
commission et elles ont été discutées lors de deux de nos
forums réunissant professeurs, chercheurs, étudiants et personnel
de recherche de notre Groupe. L'opinion exprimée par tous les
participants était sans équivoque: On n'a pas les moyens
d'abandonner la gratuité.
À l'unanimité, les membres considèrent que les
mesures proposées reposent sur un ensemble de mythes
véhiculés dans l'opinion publique et dont les deux principaux
sont les coûts exagérés du système et les bienfaits
de la privatisation. À l'unanimité, toutes les mesures
proposées ont été jugées inefficaces. La
privatisation par l'impôt-services, la tarification ou la
désassurance aurait deux principaux effets: diminuer
l'équité d'accès aux soins et augmenter les coûts
globaux de la santé. Le Québec ne peut se permettre de tels
effets dans la conjoncture actuelle. Quant à la caisse-santé -
c'est-à-dire que vous allez payer plus d'impôt, mais on vous
promet que ça va faire partie d'un budget protégé,
indétournable - cest un artifice qui nous apparaît comme une
carotte pour faire avaler à la population québécoise
très prochainement une augmentation de la fiscalité, à
moins que le gouvernement veuille nous dire par là qu'il a besoin de
coercition dans l'utilisation de son budget global ou que le ministre de la
Santé et des Services sociaux veuille nous dire qu'il a besoin de se
protéger face au Conseil du trésor. Nous pensons que ce n'est pas
le cas. Le ministre actuel nous a maintes fois démontré qu'il est
bien capable de se défendre sans cela.
Pour régler l'impasse, si impasse il y a, la seule solution est,
selon nous, un financement équitable qui ne soit pas dissocié
d'un système de santé équitable et qui s'appuie sur la
réforme proposée par le rapport Rochon, avec les
améliorations d'efficience attendues. C'est la seule avenue axée
sur le citoyen. Associée à l'implantation d'une véritable
politique de santé, une augmentation du fardeau fiscal serait alors
justifiée et comprise par la population. Reste à savoir si ce
sera sous la forme ou non d'un impôt-santé. Nous disons bien un
impôt-santé et non pas une caisse-santé. C'est une
décision politique et il appartient au gouvernement de le
déterminer.
En terminant, j'aimerais vous préciser que, pour notre Groupe de
recherche, la réflexion que vous nous avez demandée a
été stimulante, qu'elle n'est pas terminée et que nous
comptons, comme groupe de recherche, suivre avec attention l'évolution
des débats, poursuivre nos discussions et vous communiquer nos
réflexions ultérieures. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, Dr Brodeur. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je pense que, ce matin, il ne fait pas l'ombre d'un doute que
c'est l'un des événements importants de la commission, compte
tenu que plusieurs groupes qui circulent devant nous s'inspirent et citent
très souvent le GRIS. J'imagine que vous êtes à même
de vous en rendre compte aussi. Vous disiez tantôt que votre voisin de
gauche était là pour la deuxième fois, il nous reviendra
la semaine prochaine aussi, avec les CLSC, pour une troisième fois.
C'est dire l'importance du GRIS dans cette recherche interdisciplinaire en
santé.
Ceci étant dit, il me paraît approprié à ce
moment-ci de reprendre quand même un certain nombre de choses qui ont
été dites dans votre présentation,
répétées par rapport au premier mémoire qu'on a eu.
Ton alarmiste? Oui. Je pense que le document ne s'est voulu pour personne,
encore moins pour le gouvernement, flatteur. Il a voulu davantage mettre sur la
place publique des choses réelles, les données telles qu'elles
sont parce que, effectivement, je continue de croire très fermement que
nous sommes dans une
situation, comme État, extrêmement difficile et que le
ministère de la Santé et des Services sociaux doit être
partenaire de ce gouvernement-là, de ses bénéfices comme
de ses problèmes. Dans ce sens-là, un ton alarmiste, ce n'est pas
nécessairement mauvais non plus; ça fait prendre conscience
à un certain nombre de personnes que c'est un système qui a ses
limites aussi sur le plan de ce qu'il peut se payer.
Depuis le début de la commission, un bon nombre de groupes
parlent davantage d'une problématique qui est conjoncturelle que d'une
problématique structurelle et vous êtes, je pense, de
ceux-là. Et c'est peu dire. Donc, on va tenter, au cours de nos
échanges, de voir ce qui peut être fart dans ce sens-là et
d'aller chercher des consensus. Vous avez, comme les autres, parlé de la
politique de santé et bien-être et vous avez raison dans le sens
que ça nous prend une politique de santé et bien-être. Ce
que nous faisons actuellement, c'est de trouver les moyens de faire en sorte
que notre politique de santé et bien-être puisse être
publique, une orientation gouvernementale, un guide extrêmement important
et nécessaire à la planification. Il faut se donner des objectifs
et agir sur les déterminants mais, pour faire ça aussi, vous
conviendrez avec moi qu'il faut quand même connaître dans quelle
assiette on se situe et quels sont nos «moyens de». C'est
interdépendant; il faut que ça converge et qu'on ait tout
ça pour être capable d'entreprendre et de finaliser cette
réforme.
J'ai bien aimé votre allusion: bâton et carotte. J'ai
l'impression que je me la suis fait servir aussi, de manière très
habile, en disant que le ministre, par rapport au Trésor... J'avais
l'impression aussi qu'il y avait ça dans cette
présentation-là, bâton et carotte, et je vous remercie
parce que la carotte est pour moi. Évidemment, ça fait toujours
plaisir pour un politicien. Mais soyez sûrs qu'on va faire les
démarches qu'il faut avec toute la conviction qu'on a, à la
lumière de ce qu'on a comme connaissances pour tenter de corriger des
situations.
Commençons par une idée qui se dégage... Il y en a
deux, je pense, très importantes, que vous tentez de démontrer:
désengagement de l'État et privatisation. Je pense que c'est deux
éléments très importants qui sortent de votre
présentation et qui, je vous l'avoue très franchement, m'agacent.
On est aussi bien de se le dire tout de suite; vous l'aurez très
certainement senti depuis le début de la commission. Parce que,
désengagement de l'État par rapport à sa capacité
globale et désengagement de l'État, ou presque, sur le plan des
dépenses sociosanitaires, c'est un autre sous-chapitre de cet
État, mais qui nous interpelle de la même manière.
Évidemment, vous l'avez dit tantôt, à ce que j'ai
compris, vous avez d'abord abordé une période, un cycle. Je pense
que ce qui est important pour être capables d'avoir des choses
comparables, c'est qu'on se situe dans un cycle qui, règle
générale, comme dernier cycle, s'apparente davantage aux
années 1983-1984 à 1991-1992 pour avoir des données
comparables. Dans ce sens-là, dans le premier document que vous nous
avez déposé, vous avez isolé, quant à vous, les
périodes 1986-1987 à 1989-1990, et je pense que personne n'a
joué avec les chiffres. Les chiffres de cette période-là,
c'est les chiffres qu'il y a là, et c'est clair. Mais, quand on isole
cette période-là, je pense qu'on n'a pas la justesse des
chiffres, ce que ça doit dire pour le cycle qu'on souhaite retrouver.
mais je vais ramener ça au niveau de la santé et des services
sociaux. quand on parie de désengagement de l'état, je pense que
les chiffres parlent par eux-mêmes: de 1983-1984 à 1991-1992, les
crédits ont augmenté de 8 % par année, et c'est nettement
supérieur à l'augmentation du pib qui était, lui, à
7,3 %. et là on prend une période, à l'intérieur du
gouvernement, dans les dépenses sociosanitaires. une moyenne de 8 % et
non pas de 7,3 %. c'est pour ça que j'ai de la difficulté
à accepter qu'on sort dans une situation où vous tiriez la
conclusion qu'il y a un désengagement de l'état par rapport
à sa capacité de payer. je pense qu'il faut que vous me donniez
des éclaircissements là-dessus parce que les chiffres, c'est
ceux-là. l'engagement de l'état, dans ses dépenses
sociosanitaires durant le cycle - donc le cycle dont on parle - c'est 8 %,
alors que le pib, c'était 7,3 % en moyenne. comment peut-on tirer une
conclusion sur un désengagement de l'état face à
ça? ce serait ma première question. (10 h 15)
Le Président (M. Joly): M. Brodeur.
M. Brodeur: Je n'ai pas répété le terme
«désengagement» qui apparaît dans le mémoire.
J'ai plutôt précisé, quand je suis arrivé dans ces
parties-là, que c'est un début de privatisation partielle, de
diminution de la contribution publique dans le financement total des services
de santé. Et la peur qu'on a, c'est que ce ne soit qu'un
début...
M. Côté (Charlesbourg): Mais, M. Brodeur...
M. Brodeur: ...pour aller... Je vais donner la parole à
mon collègue après pour discuter des chiffres.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux qu'on isole. On va
se parler de désengagement et on va se parler de privatisation aussi.
Donc, on va y revenir, sur la privatisation, parce que ça
m'apparaît extrêmement important de faire en sorte qu'on puisse
clairer ces choses-là de manière très claire. Je sais que
vous êtes des scientifiques, des professionnels et que, dans ce
sens-là, on va être capables de se parier par la suite sur des
bases qui se comparent et qui vont
nous permettre de progresser. Si on a tort, on a tort et on fera les
réajustements qu'il faut. D'ailleurs, j'en ai déjà fait,
comme homme politique, et je vais continuer d'en faire.
M. Brodeur: Avant de passer la parole à mon
collègue, André-Pierre, je voulais dire, premièrement, que
notre terme «désengagement» signifie en partie ce
départ partiel du ministère dans la part de la contribution
publique.
L'autre commentaire que je voulais faire, c'est que je n'aimerais pas
que toute la discussion qu'on va faire porte sur les huit premières
pages et tourne autour de la discussion des coûts parce que, comme je
l'ai dit dans ma présentation, on pense qu'il y a un problème
là mais que c'est un peu un artifice, que, vraiment, le débat est
ailleurs. Et j'ai de mes collègues ici qui vont vouloir intervenir sur
des exemples d'efficience possibles, sur des modifications d'organisation
possibles et sur une espèce de modèle qui montre ce que ça
va donner, les mesures que vous proposez, à moyen et à long
terme. Alors, André-Pierre, la rectification des coûts.
M. Contandriopoulos (André-Pierre): Je pense que,
là encore, M. Côté, vous avez en partie fourni la
réponse dans vos contre-commentaires. Ces chiffres-là sont
excessivement dépendants de la période considérée.
Si on travaille sur la période 1981-1982 à 1988-1989, on a une
réalité qui ne correspond pas exactement à celle que l'on
peut observer si on travaille sur 1983-1984 à 1991-1992. Donc, il y a
déjà des différences dans le temps qui expliquent un
certain nombre de choses. Plus on s'approche des périodes
récentes, 1991-1992, plus on est dans un période de crise, plus
c'est une période durant laquelle le PIB du Québec a
diminué; les dépenses gouvernementales, naturellement, restent
constantes. Donc, vous avez raison de dire que, durant ces toutes
dernières années, à cause de la situation de crise, les
dépenses du gouvernement, les dépenses gouvernementales,
globalement, ont évolué un peu plus rapidement que le PIB.
Mais, par ailleurs - et, dans votre document, c'est tout à fait
clair - vous dites: Le problème, c'est que les dépenses du
gouvernement québécois vont évoluer à un rythme qui
va être IPC + 1 %, alors que le PIB évolue dans ie temps, sur une
période plus longue, plus rapidement, à IPC + 3 %. C'est
ça qu'on appelle un désengagement de l'État. C'est le fait
qu'à long terme la portion des dépenses de l'État dans la
richesse collective a tendance à diminuer. Alors, je pense que,
là encore, on pourrait argumenter. Je pense que vous avez raison, mais
je ne pense pas qu'on puisse dire que nous avons tort, ou inversement.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, quand on
a si peu de temps, s'embarquer dans des chiffres, c'est clair que...
M. Contandriopoulos: C'est difficile.
M. Côté (Charlesbourg): On peut s'en parler
longtemps parce que j'ai même fait exprès, dans mes chiffres, pour
ne pas inclure 1990-1991 et 1991-1992, alors qu'on est dans une situation
où on a un PIB + 6 % et un PIB + 7,9 %. Parce que, sans ça,
ça aurait très nettement augmenté. Je l'ai sorti parce
que, selon les analystes, le cycle dans lequel on a évolué, qui
est de reprise à reprise, est davantage dans la période que je
vous ai identifiée tantôt. Mais, ceci étant dit, je pense
que la démonstration est claire qu'il n'y a pas eu, au niveau du secteur
social, compte tenu de la richesse collective, désengagement de l'Etat
par rapport à son PIB. D'ailleurs, quand je parte de...
M. Contandriopoulos: Dans les trois dernières
années, vous avez raison.
M. Côté (Charlesbourg): Pas seulement dans les trois
dernières.
M. Contandriopoulos: Ou dans les quatre dernières
années.
M. Côté (Charlesbourg): Sur le cycle. Et, quand on
ajoute les dernières années, c'est évident. Et,
d'ailleurs, quand je parle de 1983-1984, je ne suis pas politique parce que ce
n'est pas nous qui étions là à ce moment-là. C'est
tous gouvernements confondus au cours des dernières décennies.
Donc, je ne vise pas à défendre mon gouvernement, loin de
là.
Deuxièmement, il y a cette crainte qui est répandue et qui
n'est pas seulement véhiculée par vous autres mais par d'autres,
d'un glissement vers la privatisation. Bon, il vaut mieux être craintifs
avant - surtout quand on regarde l'expérience des États-Unis et,
vous l'avez citée, vous, l'expérience de l'Australie - que de
ramasser les pots après. C'est pour ça que je le prends comme un
niveau de discussion très élevé qui nous permettrait,
effectivement, de tenter de régler un certain nombre de nos
problèmes.
J'aimerais ça avoir une démonstration plus claire que la
situation actuelle ou ce qu'on est après faire signifie davantage une
privatisation que ce que nous connaissons maintenant. J'ai de la
difficulté à comprendre tout ça parce que, de 1981
à 1987, quand on prend les statistiques au niveau du Canada, il y a eu
un certain glissement, sur le plan des chiffres, vers la privatisation. Mais
vous le savez fort bien, c'est davantage dû aux médicaments et aux
services non assurés, comme les services dentaires, qui vont chercher
plus ou moins 4 000 000 000 $ sur les 6 000 000 000 $ qui ont glissé
vers le privé et, bien sûr, en ajoutant un élément
qui est très important: la contribution des adultes
hébergés en est un. Elle est apparentée au privé.
Elle est quand même un élément qui a progressé au
cours
des dernières années. Mais 4 000 000 000 $ des 6 000 000
000 $ du glissement supposé vers le privé au cours de 1981
à 1987 sont dus à des médicaments et à des services
dentaires qui s'apparentent davantage à des services
complémentaires qu'aux services de base. Moi, j'aimerais vous entendre
là-dessus, sur vos craintes quant à la privatisation du
système et à la privatisation qu'il y a eu au cours des
dernières années, puis si c'est un glissement qui pourrait
continuer.
M. Brodeur: On en a discuté et on a un petit modèle
qui montre la suite des conséquences que ça pourrait avoir. Je
vais laisser la parole au Dr Pineault à ce sujet-là.
M. Pineault (Raynald): Je ne suis pas sûr, M. le ministre,
que ma réponse va vous satisfaire, mais je le prendrais à la
lecture du document et prospectivement. Je ne parlerai pas sur le passé.
Si on lit ce qu'il y a dans le document, c'est clair qu'il y a une
préoccupation justifiée pour le financement, pour le
déficit, pour la dette publique, etc. Donc, la solution qui semble
être proposée, de la façon dont on la décode, c'est
une baisse dans les dépenses totales de santé, une baisse de la
contribution publique aux dépenses de la santé, de sorte que la
conséquence, évidemment, c'est que, dans les dépenses
totales, la proportion ou le pourcentage de la composante publique va diminuer
et la composante privée va augmenter.
Au total, ce qu'on dit, c'est que - et ça, on en a
l'expérience et on a l'expérience de plusieurs systèmes de
santé - les systèmes de santé qui réussissent le
mieux à contrôler l'ensemble des dépenses de santé
sont ceux qui ont la participation la plus élevée du
système public dans les dépenses. C'est simple, parce que, en
diminuant la partie, la portion publique des dépenses, on perd le
contrôle sur une partie qui est la partie privée. La partie
privée augmente, sans contrôle, crée des iniquités,
parce que ce sont les plus riches qui peuvent se les payer, même si vous
dites que les défavorisés seront toujours protégés.
On peut contribuer à créer deux médecines, donc à
augmenter les iniquités, et le laisser-aller du secteur privé
crée un effet d'entraînement sur le système public de
façon assez subtile, de sorte qu'au fond le résultat, c'est que
les dépenses totales augmentent beaucoup plus rapidement parce qu'une
partie de plus en plus grande nous échappe.
C'est curieux de voir que ceux qui dénoncent le plus cette
espèce de dynamique là, ce sont les Américains, par
exemple, et pas n'importe quels Américains. Ce sont de plus en plus les
chefs des grandes entreprises. On a mentionné Chrysler, on a
mentionné GM, on a aussi mentionné Bell & Telegraph. On a
plusieurs citations. On pourrait vous en donner. Eux, commencent à dire:
Ça commence à diminuer notre compétitivité sur le
marché. Vous le savez. Par exemple, GM dit: Ça nous coûte
800 $ par automobile pour les frais de santé, donc ça diminue
notre compétitivité par rapport aux Japonais. Tout ça,
donc, c'est surprenant. Je serais surpris, par exemple, de voir que le Conseil
du patronat n'intervienne pas en faveur d'un système public fort.
M. Côté (Charlesbourg): Juste pour compléter
là-dessus. Hier, j'ai donné l'exemple des États-Unis quand
on a eu le Conseil du patronat. C'est clair dans notre esprit à nous, le
système américain n'est pas à imiter, surtout pas
après ce que Bush a dit hier. Donc, c'est loin de mon idée. Mais
on se compare très souvent - et on a aimé ça pendant le
passé - à la Suède. C'a été notre
modèle. On parle beaucoup du Japon. On dit: Le Japon, c'est
extraordinaire. Le Japon, c'est le phénomène à travers le
monde. Ils sont même après acheter les Américains;
«c'est-y» possible? Il faut croire que ça ne va pas si pire.
Et même, à travers tout ça, on dit que le Japon, c'est
tellement bon que ça devient maintenant l'exemple sur le plan de la
santé.
La Suède. Ça coûte maintenant 15 $. Pas maintenant
parce qu'il y a eu changement de gouvernement - plus conservateur par rapport
à plus libéral. C'était commencé du temps d'un
gouvernement plus de gauche. On dit: Quand tu fais une visite médicale,
tu paies 15 $ pour ta visite médicale chez le médecin. Donc,
ça, c'est privé. Au Japon, avant 1980, on payait. Il y avait des
parties qu'on payait. De 1980 à 1985, on a abandonné, on est
allé à la gratuité totale et on revient, depuis 1985,
à une tarification de base.
Pourtant, d'après ce que je comprends, ça demeure toujours
des modèles très intéressants pour nous. Et ce n'est pas
du fait qu'il y ait une partie absorbée par le privé que le
système est plus mauvais. Au contraire, je pense qu'avec des exemples
comme la Suède... États-Unis, c'est vrai, Australie, ça
peut être vrai, mais ce n'est pas à ceux-là que je veux me
comparer, moi. Je veux davantage me comparer à ceux qui marchent, qui
ont le respect et qui prennent la part publique. Ça demeure un
régime public très important, et Dieu sait que les statistiques
sont encore très éloquentes au niveau du Québec par
rapport à l'Ontario où la part publique est encore plus
importante.
Il faut continuer dans ce sens-là. Ce que ça veut dire,
à la lumière des expériences vécues, des bonnes
comme des mauvaises, c'est qu'il n'y a pas un peu de place à ce
niveau-là, sans pour autant qu'on privatise, avec tous les revers de la
privatisation.
M. Béland (François): II y a un journaliste qui,
récemment, vous attribuait cette phrase: «C'est faux de dire qu'on
remet en cause la gratuité parce que les services ne sont pas
gratuits». Je suis persuadé que le journaliste
s'est peut-être trompé.
M. Côté (Charlesbourg): Comment?
M. Béland: Le journaliste dit: «C'est faux de dire
qu'on remet en cause la gratuité parce que les services ne sont pas
gratuits», en vous citant; un journaliste du Devoir.
M. Côté (Charlesbourg): II avait parfaitement raison
puis c'est toujours vrai. J'ose espérer que vous le partagez parce que
l'illusion de la gratuité, j'ose espérer que vous ne direz pas au
monde que c'est vrai.
M; Béland: Non. Ce n'est pas ce que je veux dire.
Maintenant, les compagnies d'assurances ont témoigné ici et ont
bien montré qu'effectivement la gratuité n'est jamais gratuite.
Je pense que c'est cet argument-là que l'on veut faire. Bien sûr,
je ne crois pas que le Groupe pense que, comme ministre, vous voulez
transformer le régime public actuel en régime privé. Mais
notre inquiétude, c'est plutôt l'effet de ce qu'on peut appeler la
douce érosion que vous proposez, quand vous proposez, n'est-ce pas, de
désassurer. Je crois que le témoignage des compagnies
d'assurances, ici, a été absolument exemplaire.
Ce que les compagnies d'assurances ont dit, en clair, c'est: Nous allons
appliquer nos formules de sélection des risques. En faisant ça,
nous allons prendre les bons risques et laisser au ministère les
mauvais. Ce qui nous intéresse, c'est l'assurance collective. De cette
façon-là, nous allons assurer environ 50 % des
Québécois, donc à peu près la moitié des 200
000 000 $ que vous prétendez désassurer. Ensuite, les compagnies
d'assurances disent: Les assurances individuelles ne nous intéressent
pas tellement. Ce qui nous intéresse, c'est les assurances collectives.
Et elles ajoutent: Les assurances collectives, habituellement, c'est
partagé par les compagnies, le patronat, etc.
Il y a donc un partage des coûts entre employés et
compagnie. Maintenant, toute l'argumentation du document est basée sur
l'accroissement de la compétitivité, tandis que les compagnies
d'assurances, qui sont aussi des compagnies, vous disent, en fait, qu'une
partie des 200 000 000 $ sera assumée par les employeurs. On peut
évidemment discuter sur la somme totale que les employeurs vont finir
par partager. Qu'est-ce que c'est? Les compagnies d'assurances vont essayer
d'aller chercher 50 % du marché. Ce n'est probablement pas 50 % des 200
000 000 $. Là où il y a un problème dans le document - en
tout cas, selon nous - c'est que toute cette question-là n'est pas
examinée dans le document. (10 h 30)
Comment la privatisation d'une somme relativement mineure va-t-elle
avoir un effet sur la compétitivité de l'économie?
Qu'est-ce que les employeurs vont finir par assumer? On l'ignore, on ne le sait
pas, avec, évidemment, les conséquences en ce qui concerne
l'accès. Si le ministère doit assumer les risques qui sont les
plus mauvais... Par exemple, dans les frais dentaires. On sait qu'en ce qui
concerne les frais dentaires ce sont les enfants des classes
défavorisées qui ont les bouches les plus mauvaises et que ce
sont elles qui coûtent le plus. Si le ministère les assure,
continue à les assurer par crédit d'impôt, etc., de
façon directe ou indirecte, le ministère va finir par assumer
certains coûts. Tout ça est très mal discuté dans le
document.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je pense qu'on
ne suit pas le même débat. C'est vrai pour les compagnies
d'assurances qui sont venues en groupe dire: On va prendre ce qui fait notre
affaire parce qu'on est là pour faire de l'argent. En termes clairs.
M. Béland: Exact.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'était pas le cas
de la Croix Bleue. Je pense qu'il faut faire une distinction. Le cas de la
Croix Bleue, avec l'expérience de la Floride, démontrait quelque
chose de différent. Mais ce n'est pas ça qui est dit dans le
document. Dans le document, c'est clair qu'il faut que le régime demeure
public, et substantiellement public. C'est clair, ça, dans le document.
Personne de l'État n'a dit que ça devait être autrement, et
il faut que ça continue à être ça.
évidemment, il faut quand même faire attention à ce qu'on
dit et parler d'une réalité qui est celle d'aujourd'hui: c'est
que le désengagement supposé de l'état au cours des
dernières années par un privé qui en a accaparé
davantage, la démonstration est faite hors de tout doute que c'est les
médicaments, que c'est les soins dentaires où ça a
été récupéré. comme c'est
considéré comme complémentaire, c'est à la marge.
ce n'est donc pas un désengagement de l'état. lorsque vous prenez
l'exemple du dentaire pour les populations défavorisées,
expliquez-moi comment il se fait que, dans des zones de pauvreté
où, effectivement, le phénomène dentaire est plus
présent, malgré un système totalement gratuit, accessible
et universel, ces gens-là n'y vont pas et que ce n'est pas leur
condition à eux qu'on a réussi à améliorer.
Le Président (M. Joly): Brièvement, s'il vous
plaît, parce que, déjà, le temps manque.
M. Brodeur: M. le ministre, je suis dentiste, moi, et je fais de
la recherche. C'est un hasard que je sois directeur du GRIS.
M. Côté (Charlesbourg): Ah! Comme vous voyez...
M. Brodeur: C'est un hasard que je sois directeur du GRIS. Je
suis dentiste et je fais de la recherche en épidémiologie
dentaire. En 1990, on a fait une enquête financée par votre
ministère. Les enfants les plus pauvres du Québec avaient
expérimenté 18 caries et le reste de la population, 75 %, 2
caries.
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Brodeur: Alors, ce que je ne comprends pas, moi... C'est de
deux choses l'une; ou c'est vrai ce que vous dites, et vous allez continuer
à assurer les plus démunis et vous ne sauvez rien, ou ce n'est
pas vrai que vous allez continuer à assurer les plus démunis et,
là, vous allez réduire l'équité chez ces
gens-là. Ils ne seront pas en moyens de se prendre de l'assurance parce
que, 18 caries à faire traiter quand tu as une famille, tu as des
enfants et tu es pauvre, ça coûte passablement cher.
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Brodeur: Alors, je pense que, pour un paquet de petits points
comme ça, l'espèce d'analyse détaillée sur
«Qu'est-ce qu'on va sauver en coupant tel point, en coupant tel
service?» n'a pas été faite. C'est pour ça qu'on
dit: C'est une politique globale de santé associée à des
mécanismes de financement qui devrait être mise en place et non
pas des mesures partielles comme ça, non encadrées.
M. Côté (Charlesbourg): Puisque je m'adresse
à quelqu'un qui fait en plus de la recherche dentaire, ce serait
peut-être bon de faire porter la recherche sur «Qu'est-ce qui fait
que le système gratuit, accessible qu'on a n'a pas solutionné les
problèmes que vous soulevez?» Je pense que, là aussi, il y
a peut-être une bonne recherche à faire. Et, quand l'objectif est
le bien-être, la santé des gens et la santé dentaire de ces
gens-là, est-ce qu'on n'en est pas rendu à tirer la conclusion
que c'est ceux qui sont riches ou dans les classes moyennes qui ont eu
accès à ce programme-là, malgré le fait qu'il soit
gratuit, accessible, alors que notre système, effectivement, est pour
protéger les démunis? Je pense que vous en posez une maudite
bonne sur l'efficience de notre système. Elle est bonne.
M. Brodeur: On en fait justement une, recherche. Vous allez voir
les dentistes cet après-midi; je ne veux pas que ça redevienne
«dentiste» cet après-midi. On en fait justement une,
recherche de ce type-là, en ce moment. On s'aperçoit que c'est
beaucoup plus dans les critères et dans les mécanismes de
paiement des professionnels que le problème est. Si le règlement
ne se fait pas à ce niveau-là, vous n'irez pas les sauver, vos
millions.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
pense que c'est un mémoire qui est très important. Je vais
laisser la parole à mon collègue, quitte à ce qu'on
déborde sur le coup de midi. Moi, j'ai quand même quelques
questions. On nous a invités à l'efficience et à
l'efficacité. On va parler des dents, on va l'aborder un peu: envoyer
l'argent à la bonne place pour les vrais problèmes. Il n'y a pas
juste dans le dentaire, à ce que j'ai compris; il y en a dans d'autres,
mais je vais revenir.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je voudrais vous
souhaiter la bienvenue. On va faire les formules de politesse rapidement parce
que, effectivement, il faut prendre tout le temps qu'on peut saisir avec vous
autres. Essentiellement, dans le débat actuel, sur le plan des chiffres
et sur le plan de la conception dans le système, grosso modo, il y a
deux pôles. Je vais les appeler comme ça: le pôle
Côté et le pôle GRIS.
M. Côté (Charlesbourg): Là, ce qu'il reste
à savoir, c'est si le pôle Côté est noir ou
blanc.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Effectivement, vous êtes entre les deux, vous
êtes gris!
M. Côté (Charlesbourg): Gris, c'est le
«r» qui domine: recherche!
M. Trudel: Effectivement, sur les paramètres et sur le
diagnostic, il y a nettement, quant à moi, deux types de diagnostics qui
ont été posés. Ce que vous répétez ce matin
et ce qui est en filigrane de plusieurs mémoires, c'est qu'il y a une
école de pensée GRIS au niveau du diagnostic et qu'il y a une
école de pensée ministère Côté. Il faut
être capable d'y voir la vérité, en n'oubliant pas que vous
voulez parler de l'efficience, aussi, et de modèles. Ça, je vais
revenir là-dessus.
Je vais d'ailleurs commencer par ce bout-là, à une
exception près. Vous autres, vous dites, sur le plan du diagnostic -
pour reprendre des mots qui ont été employés ici: Ce n'est
pas si vrai que ça que c'est structurel, le problème que nous
avons. C'est à la fois conjoncturel et aussi - vous le rajoutez, si je
ne me trompe pas; vous me le direz pour avoir la vérité - dans la
façon de calculer et de montrer la réalité qu'il y a un
désengagement réel de l'État. Quel est, essentiellement,
pour parler ce langage-là, le paramètre
économétrique qui change quand, vous autres, vous faites cette
analyse-là?
Il y aurait une autre façon de poser la question. Il y a un
tableau qui se promène
partout et qui dit, d'après les calculs du GRIS, grosso modo: Le
Québec n'a pas augmenté substantiellement ses dépenses de
santé. Les paramètres économétriques que vous
utilisez, c'est le dollar qui tient compte de sa valeur dans le PIB et l'indice
des prix à la consommation. Deux indices. Ce n'est pas commun que l'on
utilise deux indices pour «déflationner» les dollars. Vous
voyez la question? Qu'est-ce qui différencie, substantiellement? Essayez
de nous mettre ça le plus clair possible pour qu'on essaie d'en arriver
à un diagnostic.
M. Contandriopoulos: II y a deux éléments:
conjoncturel et structurel. Il y a deux situations dont on parle
simultanément en permanence: il y a la situation financière et la
situation du système de santé, du système de soins. Le
système de soins, le système de santé, la commission
Rochon l'a très bien indiqué, a clairement un problème
structurel qui fait en sorte que les tensions de croissance sont excessivement
fortes et que nos capacités de contraindre la dynamique de ce
système sont limitées. Donc, il y a réellement un
problème structurel, un problème qui demande des réponses
structurelles, une réponse de réforme en profondeur, des
façons d'améliorer l'efficience. C'est ce dont on a parlé
tout à l'heure.
D'autre part, on argumente que le débat, actuellement, est en
partie conjoncturel sur le plan financier. On est dans une période de
crise. Dans cette période de crise, malgré les efforts qui ont
été faits pour que le système, dans sa structure actuelle,
soit contrôlé, il continue à augmenter à un rythme
plus rapide que l'économie québécoise dans ses toutes
dernières années, et on a là une situation qui est une
situation conjoncturelle financière de crise.
Ce que l'on dit, c'est qu'il ne faudrait pas utiliser cette situation
financière conjoncturelle de crise pour mettre en place des
mécanismes qui vont structurer le financement futur du système de
soins d'une façon irréversible. En quelque sorte, j'aimerais
beaucoup qu'on aide M. Côté à maintenir la place de
l'État dans le système de santé. Je suis tout à
fait d'accord avec vos affirmations. Vous avez raison. Le système de
santé québécois est plus public que celui des autres
provinces. C'est un bienfait qu'on a réussi à faire dans les
années soixante-dix. Il faut le maintenir. De 1978 à 1987-1988 on
est passés de 17 % de privé à 23 %. Les mesures actuelles
vont accroître ce mouvement de 23 % à 25 % ou 26 %. On va
rattraper la moyenne canadienne dans six ou sept ans. Est-ce que c'est
ça qu'on veut? Est-ce que c'est vraiment ça qui est notre
originalité ici, au Québec? Et la réponse qu'on a, c'est:
Non, ça ne nous sert à rien d'aller dans cette
direction-là. Premier élément.
Le deuxième élément de votre question, c'est les
chiffres, le tableau I du document sur lequel on a travaillé pour les
CLSC. Ces chif- fres-là nous disent en gros que, de 1972-1973 a
aujourd'hui, le montant per capita est resté à peu près
constant au Québec; il n'y a pas eu de dérapage. Ce que ça
veut dire, en somme, si on veut imager, c'est qu'on a dit: On va prendre le
montant du revenu qu'avait un Québécois moyen en 1981 et on va se
dire: Quelle est la portion, quelle est la tranche de la tarte de ce montant
d'argent, la portion qui a été affectée au domaine de la
santé? En 1981, en gros, c'était 1020 $. On s'est dit ensuite: Si
les Québécois de 197i avaient gagné en moyenne autant
d'argent qu'en 1981, quelle aurait été la portion de la tarte?
Même chose: environ 1000 $. Si les Québécois de 1987 ou de
1988 avaient gagné la même chose qu'en 1981, c'est-à-dire
si la richesse collective de maintenant était la même qu'en 1981,
quelle est la portion de la tarte qui serait allée au domaine de la
santé? Même portion de tarte: en gros, 1000 $.
Or, ce qu'on dit, c'est que la portion de ce qu'est le revenu moyen des
Québécois per capita est restée constante dans le temps.
Bien sûr, comme la richesse collective a augmenté, le nombre de
dollars a, lui, augmenté, mais ce chiffre-là de 1000 $, c'est une
portion de tarte, et cette portion de tarte est restée constante.
M. Trudel: Bon. Je...
M. Contandriopoulos: Et ça, c'est exactement ce que dit le
document. Quand le document dit que les dépenses de santé n'ont
pas dérapé par rapport au PIB, c'est ça que ça
dit.
M. Trudel: Je ne veux pas pousser trop loin sur le plan
économétrique. Je voulais juste vous faire préciser cela.
On peut convenir que ce n'est pas classique...
M. Contandriopoulos: Non.
M. Trudel: ...le modèle. Très bien. Et je souhaite
vivement que, sur la place publique scientifique, il y ait de la confrontation
là-dessus, sur le paramètre. C'est intéressant, quant
à moi, de dire: II y a peut-être un nouveau paramètre sur
le plan scientifique pour évaluer. Je souhaite que ce
débat-là se fasse - sans ça, je vais prendre tout le temps
là-dessus - c'est important.
Je dis cependant que c'est extrêmement important ce que vous
donnez comme nouvelle définition, surtout quand, par ailleurs, je croise
vos affirmations avec le tableau sur le fardeau fiscal des
Québécois, dans votre document ici.
M. Contandriopoulos: À quelle page?
M. Trudel: Dans votre document, ici, à la page 8
où, dans la comparaison avec l'Ontario, c'est assez effarant de
constater que le fardeau fiscal des Ontariens, toutes sources de
fiscalité
confondues, est plus élevé per capita qu'au
Québec.
M. Contandriopoulos: Oui, il est inférieur par rapport
à la richesse de l'Ontario.
M. Trudel: II est inférieur par rapport à la
richesse de l'Ontario.
M. Contandriopoulos: Donc, on ne peut pas dire grand-chose. Pour
ces chiffres-là, on a travaillé très fort, et je suis
certain que le ministère l'a fait aussi, pour essayer de trouver une
façon d'avoir un indicateur total du fardeau fiscal des
Québécois. Actuellement, cet indicateur n'existe pas. On a
essayé de trouver des chiffres, on a essayé de les travailler et
on n'a pas trouvé. Donc, on a essayé de donner un certain nombre
d'informations qui nous disent essentiellement que l'analyse du
ministère est correcte; per capita, on donne moins d'impôt mais on
est moins riches et, par rapport à notre richesse, on fait un effort un
peu supérieur à celui de l'Ontario.
M. Trudel: Maintenant, parlons du système. J'allais
oublier une remarque tantôt, sur le structurel. La définition du
«structurel», d'assez grande évidence, ce n'est pas le
même structurel que ce dont le gouvernement veut discuter ou avance comme
définition. Vous nous disiez parler de difficultés structurelles
au sens des structures du système de santé et de services
sociaux.
M. Contandriopoulos: II y a un problème structurel de la
dynamique du système de santé, de l'organisation du
système de santé, de ce système pris aux mains de ses
acteurs, ainsi de suite.
M. Trudel: II est assez clair que, pour le gouvernement
actuellement, le mot «structurel», quant à lui - ils en
débattront, le ministre va revenir tantôt - c'est le structurel de
l'ensemble de la situation. Je laisse ça et ça va revenir comme
débat.
L'efficience. Là, il y a un mot clé à la page 10,
quant à moi: «Le document du ministère [...] élimine
l'option d'une réforme du système». Alors, là, vous
allez me dire ce que c'est. Il n'y en a pas, de réforme, etc. Et,
deuxièmement, vous avez dit tantôt: On aimerait ça discuter
aussi de certains paramètres du modèle à changer - c'est
mes mots, c'est pas les vôtres. Alors, il n'y a pas de réforme du
système et, deuxièmement, quels sont les éléments
du modèle à changer ou les éléments d'efficience
à installer? Vous nous avez dit que vous aviez travaillé
là-dessus. Allez-y. (10 h 45)
M. Contandriopoulos: L'efficience, là, on revient... Vous
avez parlé de deux choses. On fait un constat un peu brutal comme quoi
il n'y a pas de réforme ou que la réforme n'a pas encore eu lieu
et on se dit que, si on veut... On a fait des efforts, je suis d'accord avec
vous. La réforme n'a pas eu lieu comme on aurait pu aimer qu'elle ait eu
lieu et, dans ces conditions, il est difficile d'opérationaliser, il est
difficile de voir apparaître les gains de productivité qu'on avait
attendus à la suite des différents rapports, Rochon et
suivants.
Alors, on se dit: Quels seraient les éléments qui nous
permettraient d'aller plus loin dans un travail en profondeur? Et ces
éléments, je pense, c'est de revenir aux discussions qui ont eu
lieu dans les cinq, six dernières années au Québec. Ces
discussions tournent autour... D'abord - on en a déjà
parlé cette semaine; il faut en reparler, je pense, clairement -
donnons-nous des règles du jeu québécoises à
l'intérieur desquelles on va pouvoir travailler. La notion des services
fondamentaux et des services de base, ce sont des concepts qui n'ont pas de
sens. Un service donné par un optométriste est
complémentaire. Un service donné par un ophtalmo est de base.
Ça n'a strictement aucun bon sens. O.K.? C'est clair. Ça n'a pas
de bon sens. Donc, donnons-nous des critères qui aient du bon sens et
qui nous permettraient de dire ce qu'on considère comme essentiel, ce
qu'on considère comme secondaire, comme plus privé, si on veut,
comme bénéfices. Et on va, nous, État
québécois, assurer l'essentiel et on va pouvoir trouver des
formes différentes de financement pour ce qui est plus privé. Et
là on est d'accord qu'on doit rétablir ce qui serait les
critères québécois de l'universalité des services,
de l'accessibilité à quoi et comment. C'est un
élément qui me semble important à faire, et qu'on ne
dépende pas de la loi fédérale pour ça. C'est un
peu paradoxal.
Le deuxième élément qui nous semble important,
c'est de bien concevoir que - le document est clair là-dessus et, au
fond, tout le monde, dans les mots, est d'accord que c'est plus difficile
à mettre en oeuvre - le système de soins n'est pas le producteur
essentiel de santé, qu'il y a bien d'autres facteurs qui jouent dans la
production de la santé. L'exemple du Japon, de tout à l'heure,
est faramineux. Ils ont un système de soins qui est absolument curieux,
au Japon. Les médecins vendent les médicaments à profit,
les Japonais consomment des médicaments que ça n'a pas de bon
sens. Ils ont deux fois plus de durée d'hospitalisation que nous, ainsi
de suite. En termes de système de soins, c'est vraiment un drôle
de système. Personne ne voudrait l'acheter et, pourtant, les Japonais
ont des états de santé extraordinaires.
Une voix:...
M. Contandriopoulos: O.K. Ensuite, j'ajoute juste un point, c'est
qu'il faut favoriser la flexibilité et l'innovation. Il faut trouver des
façons par lesquelles on pourrait faire différem-
ment et mieux un certain nombre de choses et que les gens qui font
différemment et mieux soient favorisés, soient encouragés
à continuer à le faire. Je pense que Raynald, tu avais des
idées de mieux...
M. Pineault: Vous nous direz si c'est des exemples que vous avez
déjà eus, mais je vais être très concret. Prenons la
chirurgie d'un jour. On parte d'efficience. Il y a des gains possibles,
importants d'augmentation d'efficience à l'intérieur même
du système. La chirurgie d'un jour, c'est un bon exemple, et je vais
vous indiquer à un moment donné où ça accroche. La
chirurgie d'un jour, on n'a pas d'incitatifs au niveau des gestionnaires dans
le cadre du budget global pour être plus productifs parce que, en
augmentant la productivité, effectivement, on augmente les coûts
et donc il n'y a pas d'ajustement automatique.
Au niveau des fournisseurs de soins, c'est encore pire. Vous allez
embarquer les chirurgiens là-dedans si vous leur dites: Vous allez
augmenter votre volume parce que vous êtes payés à l'acte.
Alors, dans le modèle de rémunération à l'acte, ces
deux paramètres-là ne favorisent pas, donc, des économies
au niveau de la chirurgie. Il y a un potentiel très grand au niveau de
la médecine d'un jour; on parle toujours de chirurgie d'un jour, mais la
médecine d'un jour, de plus en plus, on y croit: en
gastroentérologie, en n'importe quoi, toutes les investigations peuvent
se faire à peu près sur une base ambulatoire. La
réduction, par exemple, de la durée de séjour dans le cas
d'un infarctus, vous en avez entendu parier, je pense. Toute
l'élimination des examens inutiles et des protocoles
systématiques, des examens de prééemploi, des examens
d'entrée, tout ce qui... Aussi, ce qu'on appelle les examens inutiles,
ce sont les examens non appropriés; on vous cite des chiffres
là-dessus. Aux États-Unis, selon une étude
américaine sur le pontage, 15 % ne sont pas justifiés; 25 % sont
douteux. Il y a des gains extrêmement importants.
Mais, dans le système actuel, sans changement, ça semble
difficile. Est-ce que les mécanismes actuels d'évaluation de la
qualité des soins, de la justesse des procédures ou de la
façon appropriée d'utiliser ces ressources-là sont
justifiés? Il n'y a pas d'incitatifs non plus pour ça. Alors, je
pense qu'il y a des espèces d'institutions qu'il va falloir attaquer de
front à un moment donné, mais je pense que la
rémunération des médecins est un problème majeur.
Il y a des modes de rémunération qui ne sont pas du tout
appropriés à des pratiques, par exemple à
l'intérieur de l'hôpital. Je pense qu'on peut en prendre, des
exemples, en particulier toutes les médecines... On paie plus la
médecine à la pièce que la médecine près du
malade. Alors, je pense que c'est des choses, à mon avis, dont il faudra
discuter et je pense que tout le monde doit se rendre compte de ça, y
compris les médecins.
On pourrait avoir d'autres exemples de ça, mais je pense que
ça montre un peu que, dans l'état actuel, on ne peut pas
procéder à ce type d'efficience là. Il faut changer
certaines choses.
M. Trudel: On pourrait revenir là-dessus. On a
discuté de cet aspect-là avec l'Association des hôpitaux du
Québec, et il y a toute la question du changement de modèle. Si
j'ai le temps, je vais revenir là-dessus, mais il y avait un monsieur
qui avait des choses à ajouter, là, sur... Non? Bon. Parce que,
là, je dirais qu'il m'en faudrait un petit peu plus que ça. Vous
dites qu'il n'y a pas de véritable réforme qui a
été faite; ce n'est pas ça qui m'intéresse, c'est:
Mais quelle est la véritable réforme qu'il faudrait installer?
Parce qu'on peut «grafigner», si vous me permettez l'expression,
des économies de coût de l'efficience un peu partout dans le
système - nous, on l'a dit d'ailleurs à l'ouverture de la
commission - mais ça ne réglera jamais l'ampleur du
problème qu'on a. et, vous autres, vous dites plus que ça. vous
dites: c'est le modèle qui est - j'ose le dire, vous ne le dites pas
comme ça -complètement à l'envers, qui ne marche pas si on
veut y arriver.
La chirurgie d'un jour, pour prendre cet exemple-là, c'est vrai
qu'il y a quelque chose là. Mais on a bien démontré avec
l'Association des hôpitaux que c'est 10 %, l'affaire, hein? C'est 10 %
d'une journée d'hospitalisation qui coûte, grosso modo, en courte
durée, 500 $. c'est 50 $.
Il y a quelque chose à faire là, évidemment,
à mon avis, sauf qu'on est loin du changement de modèle quand on
prend ça. Ça avait l'air un peu spectaculaire, cette
histoire-là, en disant: Bon, chirurgie d'un jour, il y a quelque chose
là. Quand on a regardé ça dans les chiffres, directement,
avec l'Association des hôpitaux, erreur. Il y a des coûts
marginaux, mais pas plus que ça. Oui?
M. Contandriopoulos: Là, on peut continuer un petit peu,
et je suppose que le président va rapidement nous rappeler à
l'ordre parce que, si on veut, en quelques minutes, élaborer une
réforme, ça va être difficile, difficile.
Il me semble que, dans la réforme qui était prévue,
il y avait des éléments qui étaient des
éléments importants qui étaient porteurs de
transformations en profondeur, comme vous dites, qui étaient le
transfert des budgets globaux, Régie de l'assurance-maladie comprise,
aux régions, la possibilité sur des bases régionales,
peut-être même plus petites que les régions qu'on avait pu
imaginer, de voir se créer des façons de faire différentes
avec, comme corollaire de cette responsabilité financière,
l'obligation de venir, de période en période, rendre des comptes
sur les façons dont on faisait les choses.
L'AHQ a raison. Si on prend les hôpitaux comme ils sont
aujourd'hui, organisés comme ils le sont aujourd'hui, les gains
possibles de
productivité sont relativement petits. Ce qui nous permet de dire
qu'il y a des choses qu'on peut faire, c'est que d'autres pays utilisent moins
de ressources que nous et ont des résultats, la même chose, et
qu'il faut donc changer de façon importante les choses. En Angleterre,
on y revient encore, il y a eu des changements majeurs. Il y a des
hôpitaux entiers qui ont fermé avec la réforme. On
s'aperçoit, au bout d'un certain temps, que cette compétition
publique à l'intérieur d'un système financé par
l'État permet des changements, mais vraiment en profondeur. C'est
ça qu'on appelle une véritable réforme et cette
réforme-là, elle est encore à faire.
M. Trudel: Bien. Vous vous appelez le Groupe de recherche
interdisciplinaire en santé. Ce que vous venez de toucher, c'est qu'il
faut qu'il y ait une espèce de consensus social quelque part pour en
arriver à ces modifications, oui, profondes dans le structurel du
système de santé et de services sociaux au Québec. Je
pense qu'on pourrait résumer, avec ce que vous venez de dire: en
santé aussi; des modifications structurelles assez profondes en
santé.
Comme vous êtes un groupe de recherche interdisciplinaire,
avez-vous regardé quelles sont les conditions sociales qu'il faudrait
créer et comment il faudrait créer ces conditions sociales pour
en arriver à ce que ce soit, à ce qu'on fasse le virage social?
Je vais vous donner un exemple. Ils disent quelque part: Bien sûr,
ça prendrait le courage politique de faire ça. Le courage
politique de faire ça. Là, on est dans un système aussi.
Et c'est très vrai, ce que vous dites. C'est très, très
vrai. Je disais l'autre jour, un soir un petit peu tard, il y avait moins de
journalistes, qu'entre la première page du Journal de Montréal
qui dit: Je veux mon coeur-poumon demain matin, et de véritables
investissements sur les déterminants de la santé, comment on
décide ça, dans le système actuel, dans nos conditions
sociales? Et des conditions sociales, ça, ce n'est pas naturel, ce n'est
pas du vitalis-me, ce n'est pas de tout temps; ça se change, ça
se modifie, ça. Avez-vous regardé ça, comment les
créer, ces conditions sociales là?
M. Contandriopoulos: Encore une fois, c'est vraiment... On est
dans des grands enjeux et, là, le temps est vraiment difficile,
difficile, hein? Comment créer des conditions sociales favorables au
changement? Je pense qu'il y a un tout petit élément important,
c'est qu'une société fait ce qu'elle fait parce qu'elle a une
espèce de vision d'un phénomène donné. Je
m'explique. Si les gens, si le Québec, si les sociétés
développées donnent tant d'importance au système de soins,
c'est qu'on pense tous ensemble que la meilleure façon de soigner
quelqu'un qui a un problème et qui a mal c'est de le faire aller chez un
médecin, de lui donner des médicaments, de l'hospita- liser. Il y
a une espèce de système de croyance sur l'efficacité de la
médecine à améliorer les problèmes de santé
qui est extraordinairement grand.
Ce dont on s'aperçoit, c'est que cette croyance-là, elle
ne veut pas forcément dire que ça améliore ta santé
du monde en termes de longévité, en termes de qualité de
vie. Dans la mesure où on dit ces deux choses en même temps, on ne
peut pas gérer facilement, comme vous le dites, le transfert de
l'argent, de ce qui serait donné à quelqu'un qui a besoin d'un
coeur-poumon à une politique donnant du lait à des mères
dans les milieux défavorisés. Oonc, l'enjeu, je pense,
actuellement... Et c'est pour ça qu'on était, au départ,
très favorables au document qu'on étudie. C'est qu'on se dit:
C'est vrai qu'une société responsable est une
société qui se donne les moyens de dégager des marges de
manoeuvre en permettant, d'une part, de répondre aussi bien qu'on le
peut à cette exigence de soins quand on a mal et, en même temps,
de pouvoir avoir les moyens de faire un peu plus dans le domaine de la
pauvreté, dans le domaine du chômage, dans ces domaines que l'on
sait être les véritables déterminants de la santé du
monde.
C'est de ça dont on parle actuellement et toute notre
argumentation, quand on dit qu'on n'a pas le droit de ne pas faire une
réforme, c'est qu'on a la conviction que les modalités qu'on
prend aujourd'hui pour trouver un peu de sous parce qu'on est en situation
difficile risquent de nous empêcher demain de faire ce genre de choses
là.
Le Président (M. Joly): Dr Pineault, vous avez un
complément?
M. Pineault: Juste un petit commentaire. C'est malheureux,
à cet égard-là, qu'on n'ait pas déjà - ce
n'est pas un reproche que je fais au ministre - la politique de santé et
des services sociaux. Je suis sûr que des éléments de
réponse à votre question vont être contenus dans ça.
Ce qui est intéressant - et, là, c'est sous forme de question -
c'est dans quelle mesure le document du financement va-t-il nous permettre de
réaliser la politique sociale? Parce que c'est la charrue en avant des
boeufs. On ne finance pas pour rien. On finance pour avoir une orientation et
je pense que ça serait intéressant de comparer les deux, la
politique sociale et la politique de santé qui, sûrement, va
ouvrir sur des choses d'interdisciplinarité et sur les questions que
vous posez, entre autres tous les éléments du social. Mais
comment le financement, tel qu'il est proposé, va-t-il permettre de
réaliser la politique de santé et des services sociaux? C'est une
question extrêmement importante, selon moi.
M. Béland: Juste une chose avant de... Ce n'est
certainement pas en fiscalisant le débat sur la santé, comme le
document essaie de le faire,
que l'on va atteindre le genre de choses que vous voulez. Le
gouvernement, en ne mettant pas en parallèle une discussion sur les
objectifs du système et son financement, en fart, n'aide en rien
l'atteinte, la modification des paramètres dans lesquels un débat
peut se faire. Le document, ce qu'il fait, c'est qu'il restreint le
débat à là fiscalité. Et, quand on voit, ici, ce
que les groupes disent, finalement, plus ou moins... C'est lin peu comme tout
le monde qui est à la quête. M. et Mme de l'Association des
hôpitaux du Québec disent: Bien voilà, ne touchez pas
à mon budget, c'est les malades qui vont payer. Les pharmaciens disent:
Bien voilà, ne touchez pas à mon budget, ce sont les personnes
âgées qui vont payer. Les compagnies d'assurances arrivent ici et
disent: Àh! la caisse passe, je pige dedans puis je prends mon butin.
Effectivement, quand on restreint le débat à des termes fiscaux,
on a un débat fiscal et ça, c'est la première erreur.
M. Trudel: On va alterner un petit peu. Je ne peux pas
m'empêcher de faire une minute de commentaires là-dessus.
Le Président (M. Joly): Je vous la laisse.
M. Trudel: Effectivement, depuis le début de la commission
- impression partielle - savez-vous, on est à la recherche de quoi? On
est à la recherche du groupe le plus vulnérable pour savoir qui
on va «puncher».
Des voix: Ha, ha, ha! (11 heures)
M. Trudel: Là, on tourne en rond et on va essayer de
trouver le groupe le plus vulnérable pour savoir qui on va pincer pour
un certain nombre de millions de dollars. On n'a pas abordé
véritablement la question du modèle d'opération de nos
affaires. Par ailleurs, il va falloir y revenir quand même.
L'année prochaine, dans deux ans, dans trois ans, pour conserver ces
acquis, assez inévitablement, il manquera de fric dans la caisse. Alors,
ça aussi, il faut répondre à cette question-là:
conserver nos acquis. Nous, on a donné une perspective là-dessus,
mais ça existe comme situation. Si on ne veut pas s'attaquer aux
véritables racines, on va se reconvoquer ici dans deux ans, trois ans ou
quatre ans et on va dire: Ouf! l'impasse financière du système
est indexée à l'indice des prix à la consommation. On a
juste une impasse qui est plus grande. Je reviendrai là-dessus. Le
ministre avait d'autres questions. J'avais convenu qu'il pourrait revenir.
Le Président (M. Joly): Merci. Une dernière
question, s'il vous plaît, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): L'impasse est très
profonde, M. le Président. Je n'ai pas l'impression qu'on remplit le
trou, j'ai l'impression qu'on le creuse, à la fois sur le plan
idéologique et sur le plan fiscal. Et je me sens le devoir, M. le
Président, de rappeler un certain nombre de choses.
Moi, je suis arrivé au ministère en octobre 1989. Rochon
avait fait le tour, très bien supporté par des équipes de
recherche. On a dit: C'est un système qui est prisonnier
d'intérêts particuliers. Ça fait deux ans que la
démonstration a été faite à nouveau, de
manière très concrète. Il n'y a personne qui l'a
vécue plus durement que moi en mettant la tête sur le billot pour
dire que, la réforme, ça se fait en trois temps forts: une
réforme des structures - ce qui était souhaité dans Rochon
- et d'organisation du système; deuxièmement, un débat sur
les finances, réclamé par l'Opposition - pas rien que
l'Opposition, tout le monde, parce que c'est inévitable de le faire, le
débat sur les finances publiques, y compris celui de la santé -
troisièmement, une politique de santé et de bien-être.
Quand j'entends tout ce que j'entends, je me dis: Tu as
été un maudit fou de t'embarquer là-dedans parce que,
finalement, tout ce que tu as fait avec tous tes collaborateurs et tout ce que
Rochon a fait, ça ne vaut pas de la merde. Il faut se le dire tel quel.
Ça ne mène nulle part. Que de réussir, à mon point
de vue, qui ai une petite expérience parlementaire depuis 20 ans,
à déposer une loi qui voulait tenter de clarifier un certain
nombre de structures, imparfaitement, il faut l'admettre, à la
lumière de ce qu'on connaissait, premièrement. Elle a
été adoptée, la loi 120. Elle a des défauts. On les
corrigera, les défauts, comme ça a toujours été le
cas du gouvernement. Probablement que nos avocats se sont organisés pour
qu'il en reste un petit peu et qu'ils continuent d'avoir de l'ouvrage.
Deuxièmement, qu'on fasse un débat public comme il ne s'en est
jamais fait sur le plan de la fiscalité, avec des chiffres qui sont
clairs. Ce n'est pas conjoncturel. Je regarde ça, de 1977-1978 à
1991-1992, c'est 20 000 000 000 $ qu'on a pelletés dans la cour des
générations futures. 20 000 000 000 $, ce n'est pas conjoncturel,
ça, c'est structurel. Chaque année, ils s'additionnent. On dit:
II faut être capable de se poser la question, malgré le fait que
le gouvernement fasse des choix. Il les a faits, les choix. Il a dit:
Éducation, enseignement supérieur, santé. Des
gouvernements, eux autres comme nous autres. On a dit: II faut mettre la part
du lion là-dedans, mais ça ne nous empêche pas de poser des
questions sur le plan du financement. C'est ça qu'on fait et, en
même temps, du monde travaille pour faire la politique de santé et
de bien-être qui va être là.
En l'espace de deux ans, du 10 décembre 1990 - date où on
a déposé le projet de loi 120 - à aller au mois de juin
1992, on va être passé à travers le changement des
structures, après un débat qui n'est pas facile parce que, quant
à ces choix-là, les politiciens... Je n'ai pas
vu bien des politiciens qui se garrochaient pour aller annoncer au monde
qu'ils allaient les taxer en additionnel et qu'ils allaient les tarifer. Je
peux dire qu'ils sont pas mal courageux, ceux-là. D'habitude, ils se
cachent et ils attendent le soir du budget. Il n'y a pas une discussion comme
celle-là sur la place publique. Et, en plus, la politique de
santé et de bien-être, qui va être publique avant la fin de
juin, alors qu'on fasse ça en l'espace de 18 mois, moi, je n'accepte pas
qu'on vienne me dire que rien ne s'est passé. Ce n'est pas vrai. On est
dans une réforme très importante.
Quand on parle du débat sur le plan du financement du
réseau, voici ce qu'on a privilégié et ce qu'on a dit:
C'est en trois temps. Et c'est là, c'est présent. On ne peut pas
dire que ce n'est pas là. C'est là, c'est clair. On dit que c'est
en trois temps intervenir sur les niveaux de dépenses, et, là, on
parle d'efficience, d'efficacité. C'est clair. C'est là. C'est ce
qu'on fait depuis le début de la semaine en interpellant des gens.
Tantôt, vous avez donné des exemples qui sont bons parce que, avec
les médecins, hier, on les a repris. À partir de
l'expérience de l'Angleterre, d'un peu partout, on a dit: Oui, vous
êtes des gens qui occasionnez... On a dit: Le véritable
consommateur du système - on m'a même dit ça hier - ce
n'est pas le consommateur, c'est le médecin. Ça ne fait pas
toujours plaisir.
On a dit ça. Après ça, on dit: II faut intervenir
sur l'allocation des ressources. Oui, c'est vrai que le social est pauvre. Oui,
c'est vrai que, dans la prévention, on n'a pas suffisamment investi au
cours des dernières années et qu'il faut le faire et tenter de
renverser la pyramide, ce que vous souhaitez, vous autres aussi, pour qu'on
agisse davantage sur les déterminants que dans le curatif.
Après ça, on a dit, comme troisième, dans la mesure
où nos problèmes financiers ne sont pas réglés: II
y a le financement. Ça, ça fait partie de notre monde
d'aujourd'hui. Et, moi pour un, ce qui est sacré, au-delà de mes
responsabilités de santé et de services sociaux, c'est aussi
l'inéquité. On se préoccupe de l'iné-quité
entre les pauvres et les riches. On va devoir se préoccuper aussi de
l'inéquité vis-à-vis des chômeurs - vous l'avez
évoqué tantôt, les chômeurs, il faut s'en
préoccuper un petit peu aussi - et de l'inéquité
vis-à-vis des générations futures. Ça, je pense que
la question, quand on se promène avec 20 000 000 000 $ qu'on va pelleter
dans la cour des générations futures, moi, je trouve ça
mauditement inquiétant de continuer à ce rythme-là. Il y a
un problème qui est là, à mon point de vue,
structurel.
C'est clair que, même si on prenait encore une heure ce matin, on
ne réglerait pas tous nos problèmes. Je vais faire quelque chose
parce que je ne veux pas vous laisser aller comme ça. Je serais bien
malheureux si... S'il y a une place pour la discussion, je vais me
réserver un après- midi avec vous autres, un bon
après-midi avec vous autres parce que vous êtes un groupe que je
considère comme étant un des groupes qui assument un leadership
dans la société québécoise. On va reprendre notre
discussion, non pas un par un, mais élément par
élément. Je dois vous dire qu'on va avoir une discussion
serrée, mais on va l'avoir pour le bénéfice, finalement,
de tous nos concitoyens parce que c'est ce que vous visez et c'est ce que je
vise, que ce soit noir, blanc ou gris. Voulez-vous être là?
M. Trudel: Oui, tout à fait, et publique. Je pense que
vous avez raison, à mon avis. Il la faut publique. Je parlais de
condition sociale tantôt. On ne peut pas se promener avec des
paramètres en disant: C'est ça, c'est ce
côté-là. Il y a deux écoles de pensée. Moi,
l'Opposition, je relève le gant avec vous de dire: On va prendre un
après-midi, ce sera public et...
M. Côté (Charlesbourg): Si vous êtes
là, je considère que vous êtes public.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): On n'a pas besoin de
commission parlementaire. Ce n'est peut-être pas le meilleur forum pour
échanger sur des choses aussi importantes que celles-là,
c'est-à-dire quand on parle de chiffres, de PIB et de tout ce que tu
voudras, de fiscalité...
M. Trudel: Je ne veux pas tirer la couverte...
M. Côté (Charlesbourg): Non, non.
M. Trudel: ...mais vous vous souviendrez que je vous avais
proposé de faire une table comme ça et ce n'était pas tout
à fait celle-là. Je pense que, publiquement, il doit l'avoir
parce que ces gens-là ont posé quelque chose de
véritablement différent, qui est au coeur de tout le
débat.
M. Côté (Charlesbourg): D'ailleurs, il y a ce
mérite-là d'avoir interpellé. C'est sûr qu'on va se
frotter sur les chiffres un peu. On va faire ça avant la fin de
février. Avant la fin de février, ça va être
fait.
M. Brodeur: M. le ministre, je vous remercie de votre invitation.
Je vous ai lancé un peu la perche dans ma présentation, en vous
disant qu'on était pour continuer le débat...
M. Côté (Charlesbourg): Vous allez continuer,
oui.
M. Brodeur: ...et qu'on avait du plaisir avec ça. J'ai dit
aussi, au début de ma présentation, que notre mémoire ne
visait pas à promouvoir les
intérêts d'un groupe particulier. On a vraiment
l'impression, dans nos discussions des derniers jours ou des dernières
heures, que la majorité des groupes qui viennent ici prêchent pour
leur paroisse et que le citoyen n'est pas dans le débat, alors que votre
reforme était axée sur le citoyen, et qu'on représente
peut-être un groupe d'acteurs. On ne veut pas jouer aux curés. On
est un petit peu comme les protecteurs du citoyen dans le discours qu'on vous
dit.
Ça a l'air évident dans les discussions qu'on a chez nous
que ce serait effrayant, les résultats sur l'inéquité par
les mesures qui sont proposées.
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas...
M. Brodeur: C'est pourquoi notre mémoire
s'intitulait...
M. Côté (Charlesbourg): ...je vais dire une affaire,
je trouve ça effrayant que vous disiez...
M. Brodeur: ...«On n'a pas les moyens d'abandonner la
gratuité».
M. Côté (Charlesbourg): Mais, quand vous dites une
affaire de même, imaginez-vous donc, vous qui m'accusez d'être
alarmiste dans mon document, est-ce que vous ne vous classez pas dans la
catégorie des alarmistes? La sonnette d'alarme est là.
M. Brodeur: II y a de bonnes choses à être
alarmiste, vous me l'avez dit tantôt.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): M. le député.
M. Trudel: Je comprends, en vous remerciant, que le débat
n'est que suspendu, qu'on va le poursuivre. Ça me semble essentiel si on
veut aller au fond des choses. Quand je parlais de condition sociale, moi, je
n'accroche pas à votre expression en disant: Les citoyens au centre.
Vous êtes des citoyens scientifiques. Vous êtes des citoyens avec
un niveau de connaissances plus élevé et il faut que vous nous
aidiez à voir la vérité pour être capables de
dresser les bonnes politiques. Actuellement, effectivement, la conclusion du
débat, jusqu'à maintenant, c'est: Si on peut trouver un groupe
assez vulnérable... On ne sait pas si ça va être les
optométristes, les dentistes ou d'autres. Mais le débat se limite
à dire: Pas dans ma cour, et on va essayer de trouver le plus
vulnérable pour le «puncher», celui-là, pour trouver
de l'argent dans ses poches.
M. Brodeur: Si vous saviez comme on vous comprend et comme le
GRIS a, lui aussi, des problèmes majeurs de financement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ce que j'ai compris, c'est
que le président insiste pour être là aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Merci. On se verra à
la fin de février.
Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de cette
commission, je tiens à vous remercier.
J'appellerais maintenant l'Association des cadres supérieurs de
la santé et des services sociaux.
La commission reprend ses travaux. Bienvenue à cette commission.
J'apprécierais que la personne responsable s'identifie, s'il vous
plaît.
M. Morin (Richard): Richard Morin.
Le Président (M. Joly): Pourriez-vous aussi nous
introduire les gens qui vous accompagnent, M. Morin?
Association des cadres supérieurs de la
santé et des services sociaux
M. Morin (Richard): Oui. M. le Président, M. le
ministre, M. le critique de l'Opposition officielle, mesdames et messieurs,
permettez-nous tout d'abord de présenter nos remerciements pour
l'invitation que vous nous avez transmise à faire part à la
commission des affaires sociales de notre point de vue sur le document
«Un financement équitable à la mesure de nos moyens».
(11 h 15)
J'aimerais vous présenter les membres de notre
délégation: à mon extrême gauche, Mme Joanne King,
membre du conseil d'administration et directrice des soins infirmiers à
l'hôpital Sainte-Anne-de-Beaupré; M. Benoît Dumais,
président sortant de notre Association et directeur des services
professionnels au Centre hospitalier de l'Université Laval; à mon
extrême droite, M. Claude Poirier, membre du conseil d'administration et
directeur des services professionnels à l'hôpital
Saint-François d'Assise, à Québec; M. Robert Savard,
directeur général de l'Association de cadres supérieurs de
la santé et des services sociaux, et moi-même, Richard Morin,
vice-président de l'Association et directeur des soins infirmiers au
Centre hospitalier régional de Lanaudière, à Joliette.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. Vous connaissez la
procédure. Vous avez une vingtaine de minutes et, par après, nous
échangerons avec vous.
M. Morin (Richard): Très bien. J'aimerais également
vous prier d'excuser Mme Mariette
Lavallée, présidente de notre Association, qui,
malheureusement, ne peut être avec nous ce matin. Croyez qu'elle en est
désolée.
Vous ne vous attendez sûrement pas à ce qu'on
procède à la lecture intégrale de notre document. Donc, si
vous le permettez, je me contenterai d'en faire ressortir certains faits
saillants.
L'Association des cadres supérieurs de la santé et des
services sociaux partage le diagnostic qu'effectuent les auteurs du document de
consultation. Cependant, elle ne croit pas que l'on puisse conclure que le
niveau des dépenses pour la santé et les services sociaux soit
forcément suffisant ou qu'il pourrait même être
réduit. Vu l'importance considérable de la question,
l'Association croit que c'est à la population elle-même qu'il faut
la poser: Désire-t-elle le développement des services tout en
payant davantage ou, au contraire, tient-elle pardessus tout au plafonnement,
voire à la réduction des coûts, même si, pour cela,
il faut envisager une limitation des services et une réduction de leur
développement?
Pour sa part, l'Association opte pour le maintien d'un panier complet de
services offert par un réseau dont les standards seraient définis
par l'État. Cependant, à l'instar de l'organisation des services
dans le secteur québécois de l'éducation, ce réseau
comporterait deux types de fournisseurs de services sociosanitaires: des
fournisseurs publics comme actuellement, financés entièrement
à même les fonds publics, mais, en plus, des fournisseurs
privés dont le financement serait en partie public, en partie
privé. L'émergence de fournisseurs privés pourrait
redonner au citoyen-consommateur le libre choix de la ressource. En outre,
comme les services effectivement rendus par les fournisseurs privés ne
seraient qu'en partie financés à même les fonds publics, la
pression sur ceux-ci pourrait diminuer et même, à niveau
égal de financement public, la demande globale de services pourrait
être mieux satisfaite. En outre, l'existence parallèle de
fournisseurs privés devrait créer une situation de
compétitivité entre les fournisseurs de services, y compris les
fournisseurs publics, ce qui obligerait à une meilleure efficience.
Ingrédient nécessaire à l'amélioration
souhaitée, l'État doit accepter d'intervenir moins et mieux et de
confier davantage de pouvoir d'initiative aux gestionnaires locaux dans la
réponse à faire au consommateur demandeur de services. En outre,
l'indispensable respect des ressources humaines doit s'incarner dans une suite
de gestes concrets et cohérents. De plus, le citoyen-consommateur doit
être responsabilisé, c'est-à-dire qu'il doit assumer
directement lui-même les conséquences de ses choix qui ont un
impact négatif sur sa santé et, à l'inverse, on doit
créer des incitatifs économiques favorisant le
développement d'habitudes-santé chez lui, qui ont pour effet de
limiter les efforts collectifs dans le financement des services de santé
et des services sociaux. Enfin, notre Association appuie les efforts du
gouvernement pour obtenir une révision de la collaboration
fédérale-provinciale et, par le fait même, une plus grande
marge de manoeuvre dans la gestion et dans le financement de notre
régime de santé et de services sociaux. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Morin. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je pense que, lorsqu'on s'adresse aux cadres
supérieurs du gouvernement, on s'adresse à des gens qui sont
très près de l'action ou confrontés, que ce soit dans le
domaine social ou dans le domaine de la santé, à toute la
problématique qu'on vit, disons, de rareté des ressources,
à ce moment-ci - j'imagine que vous étiez présents aux
échanges qui ont animé la matinée - et ce n'est pas
toujours clair où on peut se diriger sans créer trop, trop de
traumatismes.
Mais vous êtes des gens très impliqués dans le
quotidien et dans la révision que nous sommes en train de faire. Ce qui
me frappe un peu dans votre proposition, et on va y aller tout de go, public et
privé... Si je comprends votre proposition, vous n'êtes pas
fermés et vous allez même dans une proposition où le
privé pourrait prendre une place un peu plus importante. Ce que vous
nous dites, c'est que, dans la mesure où le privé prendrait une
place un peu plus importante, mais où le financement serait
majoritairement public, on se comprend, ça pourrait amener une saine
compétition, sans pour autant que les individus, donc nos citoyens,
aient moins de services, moins de qualité de services, alors que - vous
avez entendu tout le débat d'avant ou la démonstration - il
semble, dans la tête de certains - et quand je dis
«certains», c'est avec un gros «s» parce qu'ils ne sont
pas tout seuls; il y en a d'autres qui pensent ça - que ça puisse
nous amener vers une déviance très dangereuse où le
citoyen ne trouvera pas son compte. J'aimerais vous entendre davantage parce
que vous êtes les premiers à aller aussi loin dans cette
voie-là. J'aimerais vous entendre davantage, avec toutes les craintes
que ça suppose.
Le Président (M. Joly): M. Savard, s'il vous
plaît.
M. Savard (Robert): M. le Président, je pense que M. le
ministre a vraiment saisi l'essentiel du message que nous voulions passer. Nous
tenons à dire aux membres de la commission que ce n'est pas une habitude
que nous avons, nous, les représentants des gestionnaires, d'oser nous
exprimer sur la place publique et devant nos institutions publiques, comme
l'Assemblée nationale, à titre de citoyens.
M. le ministre l'a rappelé, c'est vrai que
nous ne sommes pas des cadres supérieurs du gouvernement, mais
nous sommes des cadres supérieurs d'organismes parapublics
essentiellement financés par les fonds publics.
Généralement, nous sommes toujours empressés de dire deux
choses: comment les choses devraient être faites dans la gestion
quotidienne... et nous l'avons fait aussi; s'il faut battre notre mea-culpa, il
n'y a pas d'hésitation à le faire. Lorsque nous avons cru
nécessaire de rappeler que nous existions pour que les règles du
jeu soient meilleures, nous l'avons fait. Mais, cette fois-ci...
M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! On va en avoir
une partie pour le gestionnaire aussi, après ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Savard: Mais, cette fois-ci, nous avons vraiment fait l'effort
d'essayer de représenter le point de vue des citoyens que constituent
nos membres, des citoyens qui, bien sûr, comme d'autres - on n'a pas le
monopole de ça - occupent une place d'observation extrêmement
informative. J'imagine que personne ne contestera que, pour se
débrouiller dans le système, pour minimiser les misères du
système et pour bénéficier des avantages, on est parmi les
gens qui savent le faire. Ce qui a motivé les propositions que le
ministre qualifie d'avancées - et j'espère qu'elles ne sont pas
trop avancées - ce qui nous a motivés, c'est l'esprit même
qui gouverne, qui inspire toute la réforme et, au-delà des mots,
de faire la réforme, une réforme qui soit axée sur le
citoyen. L'interrogation que nous avons - j'aimerais mieux parler d'une
interrogation que de propositions précises parce que nous ne sommes pas
des citoyens experts; nous ne sommes pas experts pour représenter les
citoyens - c'est de dire: Un système monopolistique comme le nôtre
ou quasi, dont les coûts sont bien contrôlés, est-ce que
cela n'a pas pour effet de limiter de plus en plus le choix du
citoyen-consommateur? Quand on observe l'activité des fournisseurs de
services ailleurs que dans notre système, on se rend compte que,
même dans l'éducation, les fournisseurs de services sont en
concurrence entre eux pour trouver des moyens d'attirer chez eux les
consommateurs, les citoyens qui veulent utiliser leurs services.
Dans notre réseau, ce qui nous a frappés, c'est le
paradoxe suivant, que, dans le fond, on a trop de clients. Si on en a moins, on
va mieux respecter les budgets et, si on est capables, si le système ou
un élément du système est capable de référer
ou d'envoyer un client ailleurs, là où il y a une
multiplicité de ressources, bien, c'est tant mieux. Nous pensons que -
et c'est l'interrogation que nous avons et l'inquiétude que nous
véhiculons - à plus long terme, certainement, ce n'est
certainement pas une façon de faire virer le système vers le
citoyen.
Nous pensons que pour redonner au citoyen le choix, pour redonner la
possibilité au citoyen de dire à un fournisseur de services: Je
ne suis pas satisfait, je vais aller ailleurs, il faut qu'un ailleurs existe.
Si on se base sur le système de l'éducation, on peut dire que
tout le secteur privé contribue sérieusement, bien que
financé en partie par les fonds publics, à ce que toute la
mission éducative d'accès universel soit bien assumée.
S'il fallait, du jour au lendemain, rendre publiques toutes les institutions
privées, donc assumer les conséquences financières,
probablement qu'on ferait moins.
Bien sûr qu'on a certainement dû voir qu'il y a des
difficultés dans la position que nous faisons, nous les voyons. Il y
aura des citoyens qui n'auront très certainement pas le choix d'avoir
recours à d'autres ressources que la seule qui existe. Donc, il y a des
endroits où, très certainement, il sera difficile, pour des
raisons géographiques, pour des raisons économiques, qu'il n'y
ait pas qu'une seule ressource. Mais ce qu'on se demande, c'est: Pourquoi
faudrait-il que tout le monde soit dans le même sac alors qu'il y a des
regroupements de population importants au Québec? Pourquoi faudrait-il
empêcher les gens qui ont la compétence et les ressources et qui
sont capables d'organiser la dispensation de services aux citoyens qui veulent
avoir recours à eux, pourquoi empêcherions-nous ça? Comme
société, on voit des inconvénients à ce que ces
choses-là se fassent.
Le Président (M. Joly): M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Sur le modèle, parce
qu'on parle un peu d'éducation et un peu de santé, est-ce que
ça s'inspirerait davantage du système de santé? Prenons
pour exemple des centres d'accueil privés conventionnés par
rapport à des centres d'accueil publics, juste pour terminer.
Finalement, la totalité des sommes dédiées à ces
personnes-là moins la contribution des bénéficiaires pour
l'hébergement est donc du domaine public, ou un système
d'éducation comme l'école privée - prenons-le - où
une partie est payée par l'État et l'autre partie est
payée par ceux qui ont les moyens d'y aller. Est-ce que vous vous
référez davantage au modèle de l'éducation ou
à un modèle éventuellement de privé
conventionné?
M. Savard: Nous nous référons davantage au
modèle de l'éducation parce que le modèle...
M. Côté (Charlesbourg): C'est encore plus audacieux
que je pensais.
M. Savard:... des centres d'accueil privés nous
paraît trop proche, tant qu'à faire image, du système
public actuel. (11 h 30)
M. Côté (Charlesbourg): C'est ça. C'est
clair. Évidemment, il n'y a pas de miracle qui se fait dans le
privé non plus quand il rentre dans la gestion du réseau. Quand
tu regardes les paramètres, il y a peut-être supposément un
peu moins de cadres, mais, encore là, il faut voir. La
démonstration n'est pas clairement faite sur le terrain.
En tout cas, c'est audacieux. On pense, à ce moment-là,
encore à une formule qui va plus loin que les OSIS aussi dans ce
cas-là.
Est-ce que les craintes véhiculées par rapport au
privé... Est-ce qu'à ce moment-là on ne s'orienterait pas
davantage vers une médecine comme celle des États-Unis où
les plus riches auraient droit à des services que les plus pauvres ne
seraient pas capables de se payer? Je pense que la question...
M. Dumais (Benoît): M. Côté, je vais aborder
cet aspect-là parce qu'on y a réfléchi aussi, mais en se
situant. On va rejoindre le document du ministère là-dessus
facilement en disant que la triade - la réforme, le financement et les
objectifs de santé - on y croit, et on situe notre proposition à
l'intérieur de ça. En juin, on aura une politique de santé
et c'est cette triade-là qui va donner la signification, comme ont dit
plusieurs groupes antérieurement, à notre réseau.
Deuxièmement, je pense qu'on peut réaffirmer sans aucun
doute qu'on ne croit pas, nous, que le ministère, au moins au
Québec, se soit désengagé depuis 10 ans. Ça nous
semble évident. Mais il y a quelqu'un qui s'est désengagé,
il ne faut pas l'oublier...
M. Côté (Charlesbourg): Ah!
M. Dumais: ...ça va faire plaisir à M.
Côté, c'est le fédéral. Ça, c'est scandaleux,
c'est dégueulasse. Disons-le.
Je rappelle que, dans un...
M. Côté (Charlesbourg): Vous savez qu'on organise un
train pour Ottawa?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dumais: On va y aller, on va y aller. C-3 qu'il s'appelle? Un
train de mesures C-3?
M. Côté (Charlesbourg): On va faire beuh! beuh!
là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Parfait. On est habitué, au Québec. On
fait ça, des voyages d'autobus.
M. Dumais: Oui.
M. Trudel: On n'a jamais rien, mais ça ne fait rien, on
aime ça, les voyages.
M. Dumais: Je voudrais rappeler, comme on l'a fait la
dernière fois, lors de la dernière commission parlementaire, que,
dans 1 000 000 000 $, il y a mille 1 000 000 $. Je trouve ça
vertigineux. Nous, on pense, probablement comme certains regroupements, qu'il y
a suffisamment d'argent. Qu'il soit mal distribué, qu'il soit mal
interrégionalisé ou entre les établissements, ça,
il y a des problèmes de ce côté-là.
Le citoyen - je m'approche de ce qu'on appelle la privatisation - nous,
on voit ça, et on rejoint aussi le ministère là-dessus, au
niveau des services complémentaires. Prenons l'exemple des
médicaments, M. Côté en a parlé plusieurs fois. Moi,
je suis poigne tous les jours, et je le dis clairement, à distribuer en
clinique externe des médicaments à une clientèle par
laquelle je suis complètement dépassé, à laquelle
je dois fournir gratuitement des médicaments. Retirons les gens du
bien-être social, retirons même les gens de 65 ans et plus et on a
constaté, les officiers du ministère, récemment, que 1 500
000 de Québécois âgés entre 18 et 65 ans n'ont
aucune assurance-médicaments. Ça me bouleverse. Je ne comprends
rien là-dedans. Moi le premier - et on n'est pas élitiste en
disant ça - je connais un paquet de gens qui ont les moyens de s'assurer
pour se payer des médicaments.
Alors, oui, il faut laisser aller des champs complètement, il
faut désassurer des champs complètement et permettre au citoyen
dont on parle depuis le début d'exercer des choix et des
responsabilités par rapport à sa santé.
Deuxièmement, puisque l'assurance-santé coûte
à peu près 1000 $ par année, je donne l'exemple faramineux
de l'assurance dentaire qui coûte, si on voulait l'offrir à tous
les Québécois, à peu près 1000 $ par année
pour quelqu'un, une famille qui veut s'assurer, est-ce qu'il faut que le
gouvernement embarque là-dedans encore une fois? Dépendant de
notre affiliation politique ou sociale, on va dire: Oui, bien sûr. Mais
il y a une limite à tout. C'est ce qu'on dit et on pense que les gens
sont capables, que certaines personnes sont capables de s'assurer sur des
services, même de base et, surtout, complémentaires.
Donnons l'exemple très, très -concret qui est très
à jour: les pontages ou les chirurgies cardiaques. Dans la mesure
où les standards actuels du réseau, au niveau de
l'accessibilité, ne seraient pas modifiés par un bout de
privatisation, on embarque. Si, moi, je dois attendre actuellement - non, M.
Côté, c'est mieux - neuf mois pour avoir une chirurgie cardiaque,
disons, disons huit mois, neuf mois...
M. Côté (Charlesbourg): Vous risquez de perdre un
ministre extraordinaire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dumais: Je ne vous le fais pas dire. Parce que le temps
d'attente est trop long ou... Alors, disons que c'est neuf mois pour tout le
monde, même pour les gens de l'Opposition, pour avoir une chirurgie
cardiaque. Et on embarque un bout de privatisation là-dedans, avec des
services carrément privés, mais dont les standards sont
prévus par le public, sont normalisés, sont balisés. Je ne
sais pas moi, le Dr Poirier, à droite, lui, peut y avoir accès,
parce qu'il paie sa surprime, en deux mois. Mais tant mieux pour lui, en autant
que, pour vous, c'est encore neuf mois. Dans ce sens-là, on croit que,
s'il y a des balises et des standards de qualité au niveau du
système, on embarque là-dedans facilement et on appuierait, comme
entrepreneurs, le ministère là-dessus n'importe quand.
Ça peut paraître paradoxal. Nous sommes des cadres
supérieurs, nous sommes des cadres du réseau. On dirait qu'on
vient de perdre des jobs en disant ça, mais on n'a pas peur de la
concurrence parce qu'on a l'impression d'avoir pas mal d'expérience
là-dedans pour avoir maintenu le niveau de dépenses actuel, au
Québec, dont d'autres intervenants sont responsables aussi. Alors, on
entre d'entrée de jeu carrément là-dessus et c'est ce
qu'on vous propose.
M. Savard: D'autant plus, pour ajouter un détail dans
l'exemple donné par le Dr Dumais, que certainement ceux qui
réussiraient à aller sur la courte liste libéreraient
d'autant la longue liste.
M. Côté (Charlesbourg): Mais est-ce que ça
n'a pas...
M. Savard: Le Dr Poirier voudrait compléter, M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Poirier (Claude): Moi, je travaille dans un hôpital qui
a un gros département de toxicomanie et, tous les jours, je ne comprends
pas... Ce que j'ai de la difficulté à comprendre, c'est comment,
dans le secteur de la toxicomanie, on accepte qu'il y ait une forte
privatisation des services. Pourtant, c'est un problème social
important, c'est un problème médical important. Je me sens
très à l'aise avec la mission que l'hôpital se donne par
rapport à la toxicomanie et je ne vois pas pourquoi des individus qui
ont les moyens ne pourraient pas consulter dans des ressources privées,
en autant que l'État se donne un certain type de standards
d'accès pour une clientèle qui n'en aurait pas les moyens. Je ne
pense pas que le type de services que j'offre à l'hôpital
Saint-François d'Assise soit moins bon que le type de services qui va
être donné, disons, à Jean-Lapointe. Par contre, il y a des
standards qui doivent être définis. Je pense que c'est ce que le
ministère tente de faire actuelle- ment, au niveau de la toxicomanie,
dans le secteur privé. C'est un peu cet exemple-là. pourquoi
est-ce qu'on ne pourrait pas accepter que, dans le secteur psychiatrique, un
secteur privé puisse se développer? pourquoi est-ce qu'on doit
accepter des cliniques de prélèvements avec des délais
d'attente d'un mois, de deux mois, parce que les établissements de
santé publics n'ont pas les ressources, si on peut permettre à
des groupes d'individus, par le biais d'une assurance privée, de se
doter d'une clinique de prélèvements avec examen privé? je
pense qu'il y a peut-être des variables au niveau des membres de la
commission à savoir quel devrait être le pourcentage que
l'état devrait consacrer au financement de ces services mi-publics,
mi-privés. je pense qu'il peut y avoir des balises ou des
différences, mais il y a un certain type de favoritisme et, de toute
façon, les gestionnaires du réseau manipulent quotidiennement. il
ne suffit que de savoir que, pour une technologie qui est excessivement rare et
dont les délais sont très longs, il y a toutes sortes de
façons de devancer ces délais et que c'est une forme de
privatisation, entre guillemets. je ne vois pas pourquoi une entreprise ne
pourrait pas être mise à jour et, par le biais d'une coassu-rance
privée, favoriser un accès pour des gens qui favorisent, qui
veulent mettre plus d'emphase sur l'accessibilité plus rapide à
certains types de services privés. je pense que, comme on a dit, c'est
rétablissement des standards de base pour le réseau public et,
moi, je favoriserais de beaucoup ce genre de services.
M. Côté (Charlesbourg): Juste une petite vite qui
s'ajoute à ça, parce que, évidemment, il nous vient
à l'esprit, quand on entend ça, le modèle américain
qui n'est pas nécessairement un modèle à suivre parce
qu'on s'est retrouvé dans des situations où les gens paient plus.
On dépense davantage et il y a moins de monde bien servi. On sait que
les médecins supposément les meilleurs se retrouvent dans des
cliniques pour ceux qui ont les moyens de se les payer. Qu'est-ce qui serait
différent dans un système comme celui-là de celui des
Américains et qui ferait qu'on éviterait les erreurs des
Américains?
M. Savard: La difficulté que vous mentionnez, M. le
ministre, est tout à fait réelle, mais ce qu'on peut observer au
Québec, d'abord c'est - on a parlé de monopole - certainement une
certaine forme de prédominance du secteur public, ce qui n'est pas le
cas aux États-Unis. Ensuite de ça, il y a des facteurs aux
États-Unis qui contribuent à la hausse des coûts qui n'ont
absolument pas leur place au Québec. Bien sûr, on a la même
technologie. Ça coûte aussi cher, la technologie, ici, j'imagine,
qu'aux États-Unis. Mais prenez tout le problème, dont vous
êtes tout à fait au courant, de la responsabilité des
professionnels et des fournisseurs de services.
C'est un véritable scandale social aux États-Unis. Il y a
des gens qui considèrent peut-être que d'avoir un accident, de la
part d'un fournisseur, c'est presque gagner à la loto. Ici, ce genre de
situation va peut-être - il ne faut jurer de rien - un jour, se
développer, mais ce n'est certainement pas le cas. Alors, les
inquiétudes qu'inspire la situation américaine, bien sûr,
il faut en tenir compte, mais il ne faudrait pas transposer ça du jour
au lendemain. Les iniquités, le déséquilibre qu'il y a
dans le système américain s'explique par un certain nombre de
choses qui n'existent pas ici; par contre, existent ici des facteurs
stabilisants.
M. Côté (Charlesbourg): Je reviendrai avec...
Le Président (M. Joly): Parfait. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci de nous présenter cette vision de
l'évolution du système, MM. et Mmes des cadres supérieurs
de la santé et des services sociaux. C'est étonnant, c'est
étonnant. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est étonnant
et, en même temps, j'oserais dire, par rapport à certaines autres
dimensions, courageux. C'est quasiment comme de l'automutilation pour vous
autres parce que, si on s'en va plus vers le privé, il va en
disparaître, vous allez être trois la prochaine fois.
M. Côté (Charlesbourg): Mais c'est des citoyens qui
parlent...
M. Trudel: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...avec leur
expérience.
M. Dumais: On pourrait être engagé au privé
aussi, par notre compétence.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Oui, c'est ça. Bien, justement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Et probablement mieux
payés.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dumais: C'est ça.
M. Trudel: Allons-y directement, là-dessus.
M. Côté (Charlesbourg): Un suicide.
M. Trudel: C'est la fuite en avant. Justement, sur cet
aspect-là, n'avez-vous pas l'impression... parce que c'est assez clair.
Vous choisissez ce qui est généralement connu dans les
écoles de pensée... Il y a deux grandes écoles. C'est:
Travaillons sur les déterminants de la santé, «all blame
the victim». C'est la faute de l'individu s'il ne prend pas soin de sa
santé. C'est à lui de se prendre en charge et de s'occuper de ses
affaires. Vous autres, vous choisissez l'école «blame the
victim», et ça existe très nettement comme école de
pensée. Vous dites dans votre mémoire quelque part, au
départ vous avez souligné ça, qu'il faut que l'individu se
prenne en charge et soit responsabilisé parce que c'est lui qui est le
déterminant de ce qui lui arrive, peu importent les conditions sociales
dans lesquelles il est situé. Là, il y a toute une école
de pensée qui est assez bien développée depuis une dizaine
d'années, qui a été, au Québec, ici, largement
véhiculée par le Conseil des affaires sociales, surtout autour
d'un document qui s'appelle «Objectif santé», qui a
démontré que les facteurs individuels, finalement, on ne peut pas
y aller sur «blame the victim», parce que c'est les conditions
environnementales dans lesquelles on est situé qui font qu'on aboutit
dans le système de la santé et des services sociaux.
Moi, je veux bien, sur une certaine compétition, mais reprenons
la boutade que vous venez de faire sur la compétition installée.
Est-ce que ça veut dire, ça, que la compétition entre le
privé et le public qui pourrait s'installer va supposer, par exemple, au
niveau des salaires, qu'il va y avoir les mêmes salaires chez le
privé et chez le public? Et cette forme de glissement qui est
dénoncée par d'aucuns qui disent que ce qui est meilleur va s'en
aller au privé parce que, par définition, ils sont meilleurs...
Donc, ça va coûter plus cher et on va payer plus cher. C'est
là qu'on va se réveiller avec un système à deux
vitesses où les bonnes ressources vont coûter plus cher, mais vont
être dans le circuit privé, et où les ressources de moins
grande qualité vont s'occuper du monde de moins grande qualité
qui a moins de ressources, au public, et on va marcher en parallèle
comme ça, avec probablement une distanciation dans le temps, qui va
inévitablement se produire. Est-ce que ça suppose que tout le
monde serait égal et qu'on serait dans le privé
conventionné ou si c'est vraiment le système privé versus
le système public?
M. Savard: M. Trudel, je pense qu'il y a plusieurs aspects
à votre question. Sur la première question, la typologie à
laquelle vous faites référence en nous assimilant à
l'école «blame the victim», naturellement, une typologie,
c'est utile, généralement, pour comprendre les choses, mais je
dois vous avouer que, même si notre mémoire a pu laisser croire
qu'on appartenait à l'école de «blame the victim»,
nous ne sommes pas de cette école-là. Nous adhérons bien
davantage aux courants de pensée qui ont été
prônés, comme vous l'avez dit, par le Conseil des affaires
sociales et de la famille.
M. Trudel: Si vous voulez, on va juste...
M. Savard: Quand nous parlons de la responsabilisation de
citoyens, de contribuables utilisateurs de services pour certaines pathologies,
naturellement, nous pensons à des choses auxquelles pense tout le monde.
Il y a vraiment des gens qui, par leurs choix personnels, sans que la
société ne les pousse vers ces choix-là d'aucune
façon, des gens qui sont complètement responsables de leurs
choix, continuent à avoir des pratiques contraires à la
santé et il n'y a pas vraiment de raisons pour lesquelles la
société devrait absorber ça. Mais bien sûr que les
gens qui ont des problèmes de maladie courants, que ce soit causé
par l'hérédité ou par un milieu social défavorable,
il n'est pas question de jouer à «blame the victim» dans ces
cas-là. Les personnes, par exemple, qui continuent de faire grand usage
du tabac, les personnes qui continuent d'avoir des conduites dangereuses sur
les routes... Je ne vois pas beaucoup comment, en général, les
accidents de la route seraient causés par des injustices sociales.
M. Trudel: Non, non.
M. Savard: Quelqu'un qui est pressé et qui trouve que
ça ne vaut pas la peine de respecter les limites de vitesse,
écoutez... On peut peut-être rendre la société
responsable de tout, mais...
(11 h 45)
M. Trudel: Pour prendre cet exemple, quand il y a une association
au Québec en prévention routière qui a fait
spécifiquement une carte des points noirs au Québec, c'est
peut-être la courbe qui est mal dessinée et qui cause tous les
accidents parce que ça arrive que toutes les victimes se cassent la
gueule dans le même coin. Les conditions, c'est aussi cela. On a fait une
carte. Le ministère des Transports, d'ailleurs, fait du
réalignement. Ils ont un programme de correction des points noirs.
Bon.
Parce qu'on peut dire: Ce n'est pas tout à fait la faute des
conducteurs, c'est peut-être la faute de notre route aussi qui est mal
faite. Quand ils se pètent tous la gueule et que ça coûte
des frais à Marc-Yvan Côté, dans le fond, c'est nous
autres, les Transports, qui sommes responsables collectivement. On a mal fait
la route. Que voulez-vous que je vous dise? Nous autres, dans mon comté,
on dit: Ils se pètent tous la gueule dans la courbe de la rivière
Héva. Qu'est-ce qu'on attend pour la corriger, cette
courbe-là?
Je ne suis pas en train de critiquer le ministère des Transports,
ce n'est pas ça du tout. C'est l'école de pensée où
on dit: II y a des points noirs sur les routes au Québec. On va corriger
les points noirs. Comme les départements de santé communautaire
qui sont venus nous dire: Écoutez bien, peut-être que ceinture de
sécurité et ballon gonflable, comme obligation, ça
pourrait enlever un certain nombre de personnes qu'on accueille dans le
système au niveau des hospitalisations. Et ce n'est pas la faute de la
victime, de la personne de conduire une automobile. Sur le marché, on a
mis une voiture qui... On l'a poussée à consommer une voiture qui
nous l'amène dans le système.
M. Savard: Je pense que, dans tout ça, il faut arriver
à la conclusion qu'il faut être très nuancé dans ce
genre d'avenues.
M. Trudel: Tout à fait.
M. Savard: On n'adhère pas au système «blame
the victim», mais, lorsqu'il y a des gens qui sont responsables de leurs
choix, il faut tirer des conséquences de ça. Sur les deux autres
points que vous avez mentionnés, la compétition, c'est certain
que la meilleure protection, selon notre point de vue de cadres, c'est leur
compétence et leur capacité de gérer des services en
réponse à des besoins de clientèle. Que ce soit dans des
institutions publiques ou privées, ce qui nous importe, c'est que les
droits des cadres, comme personnes, les normes les régissant soient de
bonne qualité.
Pour le reste, s'il faut faire face à la compétition, les
règles du jeu sont... Pourvu que les règles du jeu soient
équitables, je pense qu'on peut demander à un cadre, surtout
quand il est dans un service public, d'être capable de subir des
variations dans la sécurité d'emploi qu'il a. Quant au
système à deux vitesses, naturellement, nous ne sommes pas des
experts pour analyser dans leurs détails toutes les
conséquences.
Mais revenons au secteur de l'éducation. Est-ce que les cadres et
même le personnel enseignant du collège Brébeuf ou du
collège Marie-de-l'lncarnation sont des gens qui ont des conditions de
travail si extraordinaires par rapport - je ne sais pas moi - au cégep
André-Laurendeau qui vient de développer le programme du
baccalauréat international et qui est pourtant un collège public?
Est-ce que les conditions de travail du collège Notre-Dame sont telles
qu'il siphonne les profs de - je ne sais pas moi -n'importe quel cégep
que vous pouvez imaginer dans I Ile de Montréal?
La réponse, c'est non. Il y a une harmonisation qui est faite et
il n'y a pas vraiment de raison de penser - à moins que, vous, vous n'en
ayez, des raisons de penser, mais, nous, on n'en a pas - que les ressources
vont tout d'un coup transférer d'un côté ou de l'autre.
M. Trudel: Mes raisons sont peut-être purement du
comportement humain. Moi, voyez-vous, s'il y a quelqu'un qui vient me dire:
Vous, M. Trudel, vous êtes recteur de l'Université du
Québec en Abitibi-Témiscamingue et vous gagnez 65 000 $.
Voulez-vous devenir recteur d'une autre université aux mêmes
conditions, mêmes responsabilités, et on va vous donner 150 000 $?
Là, vous savez où je vais aller. Je peux dire: Pas rien que
ça; je veux voir les conditions dans lesquelles je suis. C'est qu'il y a
quelque chose de purement naturel là-dedans, dans notre
société. On est dans un modèle capitaliste tout à
fait respectable où les ressources les meilleures, quand elles sont dans
le privé, c'est la compétition. Ici, c'est le modèle qui
s'applique. Il n'y a pas de blâme sur quelqu'un ou quelque autre. C'est
le modèle qui joue là-dessus.
Là, on est en matière de services sur des biens
fondamentaux qui s'appellent la santé. Votre démonstration sur le
plan chiffré est assez, à mon avis, exacte. Vous dites, dans le
fond, grosso modo, qu'il y a plein de monde qui pourrait se payer les 1000 $
supplémentaires d'assurance, ce qui nous permettrait de servir les plus
démunis et, par ailleurs, à ceux-là probablement
d'être servis plus vite dans le système ou peut-être, en
tout cas, d'être servis dans le système, avec le modèle
qu'on avance. Nous, de notre côté, on dit: 1000 $ pour tout le
monde, de façon à servir tout le monde et, surtout, grande
démonstration que nous fait le document présenté par le
gouvernement, contrôlons nos coûts parce que, ça, c'est une
conséquence importante. Est-ce que la privatisation nous amène
à contrôler nos dépenses totales de santé? La
réponse, démontrée clairement par le document, c'est non.
Plus la portion des dépenses est publique, mieux on contrôle nos
coûts. Il est vrai, cependant, et c'est là-dessus que je vais vous
poser une question, que, quand on prend une plus grande part de l'argent public
pour des services publics, donc qu'on contrôle mieux nos coûts, il
y a un jeu social qui s'installe quelque part qui s'appelle la liste d'attente.
Est-ce qu'au Québec - vous y faites référence dans votre
texte - dans le modèle dans lequel nous opérons actuellement -
vous autres, vous êtes des gestionnaires de niveau supérieur - les
listes d'attente sont rendues, à votre avis, socialement
inacceptables?
M. Savard: Je vais laisser répondre les gestionnaires du
réseau qui m'accompagnent, M. Trudel. D'autre part, disons, pour parler
un peu de l'université d'Abitibi-Témiscamingue, que c'est
évident que, lorsque vous aurez accepté un poste dans une autre
université, il y aura peut-être cependant un autre candidat
presque aussi valable que vous qui remplira le poste. Au Québec, on
n'est pas à cours de ressources, on a de bonnes ressources humaines
qualifiées.
M. Poirier: M. Trudel, si je vais jusqu'au bout de votre
raisonnement, on oublie la base même de notre système de
santé qui est un système excellent. La qualité des soins
qui sont donnés dans le système de santé
québécois est excellente, il n'y a pas de doute là-dessus.
M. Trudel: Le document dit ça.
M. Poirier: Ce que vous me dites aujourd'hui, c'est: Toi, si tu
as la possibilité d'entrer dans un autre réseau... moi, comme
consommateur, je vais accepter de payer 1500 $ ou 2000 $ de plus pour aller
dans un autre réseau en pensant que je vais aller là parce que je
pense que je vais avoir de meilleurs services de santé. Ce n'est pas
ça que je vous dis. Je vous dis: Comme il y a des individus de la classe
des cadres supérieurs qui envoient leurs enfants à l'école
privée et qu'il y en a d'autres qui ne valorisent pas ça, il y a
des individus qui veulent avoir le pouvoir de dire: Je m'en vais du
côté privé. Ça ne veut pas dire qu'ils vont avoir de
meilleurs services de santé. Ce que vous nous dites, c'est que
l'argument pour empêcher ça, c'est de dire qu'il va se
développer un meilleur système privé, comparativement au
système public. La base de notre système est différente de
celle du système américain qui a toujours été un
système privé et public. Nous, on part d'une base qui est une
base non seulement acceptable, mais une base extraordinaire, en termes de
qualité de soins et en termes de qualité d'accessibilité.
Il y a des défauts, mais on dit que... le raisonnement qu'on vous
apporte, c'est de dire que ça va peut-être sortir un certain
nombre de clients du réseau, pour permettre de contrôler un
certain nombre de coûts. c'est l'argumentation qu'on pourrait
développer avec vous. quant aux listes d'attente, je sais, entre autres
- exemple - qu'à montréal, pour la prostate, ça prend six
mois, un an; dans la région de québec, un mois. il y a
déjà une iniquité dans les délais d'attente, par
rapport à certaines régions. ce n'est pas une iniquité de
classes sociales, c'est une iniquité de localisation.
M. Trudel: C'est le système.
M. Poirier: Pourquoi les gens de la région de
Montréal n'auraient-ils pas accès à une clinique
d'urologie où les gens pourraient, s'ils ne veulent pas attendre 9 mois
ou 10 mois parce que le réseau n'a plus d'argent à mettre dans
ce... Je pense qu'on peut cibler. La santé mentale est certainement un
secteur où on pourrait cibler. Ça ne veut pas dire qu'on ouvre
«at large» l'ensemble, mais il y a certains services qui pourraient
être ciblés pour désengorger et peut-être diminuer la
pression sur les coûts. C'est l'argument qu'on voudrait invoquer avec
vous.
M. Dumais: Je voudrais faire boomerang sur les
déterminants de la santé parce que, s'il y a des gens qui en
mangent, c'est bien nous. On ne veut pas remettre, au contraire. On sait que
les déterminants de la santé sont plus importants
que le réseau de la santé, pour la santé des
citoyens du Québec. Alors, l'idée, ce n'est pas de faire de
l'égocentrisme ou de penser que le réseau de la santé et
des services sociaux, actuellement, est le principal déterminant, on en
doute. Quelqu'un qui n'a pas de job et qui se met à prendre un coup, qui
entre dans un trou noir, dont vous parlez, je pense que c'est un
problème de société, ce n'est pas un problème du
ministère de la Santé. Alors, c'est dans ce sens-là qu'en
dégageant, en désassurant certains services pour une certaine
clientèle qui pourra toujours revenir en chercher dans le réseau
public, c'est son choix, comme pour l'Éducation, on pense pouvoir
dégager des points fiscaux, des dollars pour que l'emploi et les autres
niveaux d'activité au Québec puissent fonctionner à plein
régime. Alors, l'idée, c'est vraiment de faire du terrain
à ces nouveaux dollars qu'on devrait arrêter d'investir dans le
réseau de la santé.
M. Trudel: En tout cas, là-dessus, il faudrait à
tout le moins corriger votre phrase dans votre résumé. Vous dites
très carrément: «Enfin, le citoyen-consommateur doit
être responsabilisé, c'est-à-dire qu'il doit assumer
directement lui-même les conséquences de ses choix qui ont un
impact négatif sur sa santé.» Bon. Ce n'est pas tout
à fait ça que vous me dites là.
M. Dumais: II faut nuancer.
M. Trudel: II faut nuancer de beaucoup parce que ça c'est
la définition pure théoriquement de ce qui s'enseigne à
l'université de «blame the victim». II ne peut pas y avoir
meilleurs mots que ça, c'est ça. Mais, comme le temps file,
là-dessus, vous avez rectifié. Mais, tout en disant, dans votre
réponse, qu'il peut aller chercher le service ailleurs quand il ne l'a
pas dans le public, de façon à dégager de l'argent pour,
par exemple, créer sa job au niveau du développement
économique, donc d'agir sur les déterminants de la santé,
ce qu'il faut bien comprendre, c'est que, ce dollar-là, il n'est pas
plus disponible pour la création d'emplois. Ce qu'il est important de
considérer, c'est la dépense totale de santé et non pas
uniquement la dépense publique ou la dépense privée. Deux
conséquences ou deux éléments fondamentaux que le document
nous donne, c'cot que plus la part des dépenses de santé est
publique, meilleur est le contrôle sur les coûts. Donc, la
conséquence, c'est qu'il n'en reste plus pour le développement
économique. À l'inverse, plus la partie est privée, moins
il en reste pour le développement parce que la dépense totale
augmente. Alors, il faut faire attention quand on manipule ces
chiffres-là.
En conclusion, et c'est une question en même temps, vous dites: Le
problème dans le système public, c'est parce qu'on a trop de
clients - c'est ça? - on a trop de clients et, nous autres, on pense
qu'une des solutions est de les envoyer ailleurs. Mais le client est toujours
là.
M. Savard: Je n'ai pas dit qu'on pensait ça. M. Trudel:
J'ai compris ça, tantôt. M. Savard: C'est un
paradoxe.
M. Trudel: Je vais vous dire franchement, tout le monde a
été étonné, hier soir, évidemment,
d'entendre cette phrase qui va devenir célèbre dans l'enjeu des
élections américaines. C'est clair. Ils se sont
positionnés deux gangs, hier soir. Bush s'est positionné hier
soir. Il a dit: Un Medicare comme le système québécois,
c'est une gangrène socialiste qui ronge une société. Du
même coup, ce qui est extraordinaire, du même coup, tout ça
résumait notre débat, il ajoute: Cependant, nous allons voir
à travailler ça par des crédits d'impôt pour les
plus démunis. C'est extraordinaire! C'est extraordinaire! Il dit que
c'est une gangrène socialiste de s'occuper de notre santé
publiquement et, en même temps, il reconnaît que c'est totalement
problématique et il dit: On va regarder ça par des crédits
d'impôt au niveau des plus démunis. Ça résume
complètement le débat. Ou c'est les compagnies d'assurances
privées qui font la job et qui font que les coûts augmentent ou on
choisit de le faire ensemble et de se répartir collectivement le
coût et la qualité des soins.
Les écoles sont campées. Quand on dit qu'on va tenter - je
termine là-dessus, M. le Président, je sais que je suis long - de
protéger les plus démunis par des crédits d'impôt,
on s'en va directement vers Medicare, Medicaid. Il y a un programme aux
États-Unis pour combler les plus démunis. Ça s'appelle
Medicaid. Il va falloir le dire, un jour, ça. Les 30 000 000 ou 50 000
000 d'Américains qui ne sont pas couverts, qu'on dit qu'on laisse passer
à travers, c'est qui? On n'a pas dit ça. On entend rarement
ça sur la place publique. C'est qui, les 30 000 000 à 50 000 000
d'Américains qui passent à travers le filet et qui n'ont pas de
services, qui ne sont pas capables? Ce n'est pas les plus démunis.
Détrompez-vous! La classe moyenne. Exactement ça. Ce n'est pas
les plus démunis et ce n'est pas les plus âgés parce qu'il
y a Medicare et Medicaid. C'est juste ceux et celles qui sont sur la
frontière et qui sont dans la classe moyenne. Ceux-là qu'on
laisse tomber quand on s'en va dans cette direction et ceux qu'on laisserait
tomber, c'est encore la classe moyenne qui, actuellement, paie le plus. Il faut
faire attention. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. M. le ministre.
Vous nous donnez de la misère! (12 heures)
M. Côté (Charlesbourg): Je me rappelle que, dans
notre petit document, à la page 22, on
parlait des listes d'attente, dans le paragraphe d'en bas. On disait
ceci: «En fait, ces phénomènes sont présents dans
tous les systèmes publics offrant une couverture universelle de
services. Même si l'on pouvait investir 1 000 000 000 $ - disait-on, 1
500 000 000 $, 2 000 000 000 $ ou 500 000 000 $ - il est probable que les
listes d'attente demeureraient. Les listes d'attente représentent en
quelque sorte le revers de l'avantage fondamental de notre système: une
chance égale pour tous» les citoyens.
Tantôt - et vous avez parfaitement raison, d'ailleurs, c'est une
question qui est fondamentale - On parlait du traitement pour la prostate: six
mois d'attente à Montréal, un mois à Québec. C'est
vrai que ce n'est pas une chance égale pour les citoyens, compte tenu de
son état ou de l'urgence de son état. C'est vrai en cardiologie.
C'est un peu vrai, moins vrai un petit peu. Ça prend des mesures. C'est
vrai que notre système a aussi ses inégalités et qu'il ne
faut pas... Même s'il est bon et qu'on veut le conserver, il faut le
travailler...
M. Trudel:...
M. Côté (Charlesbourg): Hein? Comment?
M. Trudel: En Abitibi, tu sais ça. C'est vrai.
M. Côté (Charlesbourg): Oh oui! C'est clair. C'est
assez clair et je pense, là-dessus, qu'il y a beaucoup de gens puis
beaucoup d'efforts. Je pense que la solution d'interpeller que vous proposez a
le mérite d'être audacieuse. C'est ça qu'il faut, c'est
ça qu'on voulait dans la commission parlementaire, interpeller et tenter
de venir avec des solutions même audacieuses, qui interpellent et qui
forcent à questionner puis à voir les avantages, les
désavantages et où est-ce que c'est qu'on peut en donner plus aux
citoyens pour plus ou moins le même argent. Je pense que ça, c'a
ce mérite-là et je trouve ça excellent. J'avais dit
tantôt que j'aurais une petite question, même si on dépasse
tout le temps. Évidemment, si on ne mange pas, il y aura moins de
problèmes pour nos dents...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): ...comme c'est les dentistes
cet après-midi. Puis on n'aura peut-être pas de problème de
vue non plus parce que, après ça, c'est les optométristes.
Bon.
Une voix: ...la carotte.
M. Côté (Charlesbourg): Comment?
Une voix: La carotte, ça améliore la vue.
M. Côté (Charlesbourg): Comme avec les
optométristes, c'est un échange attendu cet après-midi.
Ça va être National contre NATCOM. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Pas de publicité, là.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non. Ce n'est pas
télévisé. Vous ne pouvez pas me passer du plaisir que j'ai
d'avoir devant moi des cadres supérieurs du réseau, d'avoir
entendu hier des cadres intermédiaires qui, eux, se disent plus
près de l'action, d'avoir entendu aussi des directeurs
généraux hier et de ne pas demander tout simplement, puisqu'on
est dans un système où il se fait un consensus assez large
à la commission, je pense, qu'il faut à tout prix mettre
l'emphase sur des mesures d'efficience et d'efficacité... Si on a un
consensus jusqu'à maintenant, c'est celui-là. Il est clair. Et
tout le monde nous dit; nous autres aussi, on dit: De manière macro,
c'est sous contrôle, mais en dedans, par exemple, il y a de l'ouvrage un
peu.
Si je vous demandais ça à vous autres: Pas deux, pas
trois, pas cinq; donnez-moi, demain matin, la mesure, de par votre
expérience, non plus de citoyen, mais de gestionnaire du réseau.
Quelle est la mesure que nous pourrions prendre demain matin pour nous
permettre de sauver des sous? Jusqu'à maintenant, c'est clair qu'on a eu
un inventaire assez impressionnant. Il faut quand même le dire, depuis
deux jours, ça déboule. Bon. Mais il y a une chose, il y a une
réalité: entre le dire, le faire et calculer ce qu'on va
récupérer pour peut-être le réallouer, il y a l'air
d'y avoir quelques années, peut-être même un cycle
très important. Donnez-moi donc une mesure efficace, efficiente demain,
qui nous permettrait de sauver des sous et peut-être de les
réallouer à de la prévention, par exemple, parce qu'il
n'est pas dit qu'on ne pourra pas réallouer ces sommes-là dans
d'autres domaines.
M. Poirier: Moi, j'aurais le goût de vous dire tout de
suite, M. le ministre: Donnez-nous un incitatif à améliorer
l'efficience, un incitatif probablement de type ou de nature financière
à améliorer notre efficience, c'est-à-dire nous donner
plus de liberté à l'intérieur des établissements de
faire ce qu'on veut avec ce qu'on va économiser.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Sans
nécessairement... Il faut bien se comprendre, parce que je pense qu'on
va devoir finir par en arriver à des mesures incitatives. Est-ce qu'on
doit comprendre... Ma crainte, quand on parle de ça, c'est que, si,
effectivement, par exemple, on trouvait une mesure qui allait nous permettre
d'économiser demain matin 50 000 000 $ - je veux bien en garder une
partie si c'est possible - et que je disais: Oui, on est prêt à
envisager des mesures pour en laisser aux établissements,
est-ce que ça voudrait dire, dans ces conditions-là, que
la liberté irait, pour l'établissement, jusqu'à pouvoir
développer des services nouveaux qui, à ce moment-là,
ajouteraient au coût? Est-ce que ça pourrait aller
jusque-là ou si c'est pour améliorer l'efficience de ce qui est
déjà là?
M. Poirier: Mais, dans le contexte, M. le ministre, où
vous maintenez la responsabilité des établissements d'en arriver
à un équilibre budgétaire, si quelqu'un prend la
responsabilité de développer un nouveau service qui va le mener
à un budget de fonctionnement plus élevé à
même ses économies, c'est une responsabilité. C'est donc
dire qu'il va falloir que ces mesures-là soient favorables ou amener les
gens à faire de façon différente ce qu'ils font
aujourd'hui.
Exemple: C'est un secret de polichinelle que, dans certains
établissements, la durée de séjour est trop longue. Nous,
on se dit: Réduisons le nombre de lits et réinvestissons cet
argent-là dans des priorités opératoires pour permettre de
passer plus de monde. Mais il n'y a pas d'incitatifs à ça parce
que tu diminues le nombre de lits. Les gens n'ont pas beaucoup de statut par
rapport au nombre de lits. Il y a des mesures comme ça pour lesquelles
il faut avoir un peu plus de liberté ou de possibilités. C'est
vrai qu'on est encarcanés aussi dans des structures corporatives
à l'intérieur des établissements. Mais je me dis qu'il y a
une certaine façon de pouvoir déréglementer la gestion
hospitalière pour nous permettre à nous, les gestionnaires, de
pouvoir proposer des mesures d'amélioration, d'efficience et
d'efficacité à l'intérieur des budgets qui nous sont
confiés.
M. Côté (Charlesbourg): Mais qu'est-ce qui vous
empêche de le faire actuellement?
M. Poirier: Je pense que ce qui est probablement difficile,
contrairement à ce que je pourrais vous dire, c'est que la structure
hospitalière est une structure qui n'est pas bureaucratisée,
c'est-à-dire que c'est une structure où la majorité des
cadres supérieurs et des cadres Intermédiaires ne sont pas
équipés pour amener de l'input ou des données pour nous
permettre vraiment d'organiser ça. Autrement dit, ce que je veux dire,
dans une direction de services professionnels, il y a un DSP, il y a 14 chefs
de département et il y a toute la structure laboratoire, radiologie,
pharmacie. Autrement dit, c'est difficile de commencer. Ça prend
beaucoup, je dirais, de consensus à l'intérieur d'un
établissement pour amener l'ensemble des professionnels à se
concentrer sur une priorité de réorganisation administrative sans
être capable de fournir des données microscopiques ou des
données pour permettre aux gens de réaliser qu'effectivement
c'est un projet qui se fait. Mais je ne vous dis pas que ce n'est pas
possible.
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Poirier: Ça peut se faire. Je pense que le
Montréal General est un exemple. Il a essayé de le faire, mais
avec une modification dans sa structure administrative.
M. Savard: Je ne sais pas, M. le Président, si je pourrais
compléter la réponse qui vient d'être faite à la
question du ministre. Est-ce que j'ai encore 30 secondes?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui.
Le Président (M. Joly): On vous les offre.
M. Savard: Je pense...
M. Côté (Charlesbourg): Surtout qu'on est en train
de trouver des solutions.
M. Savard: ...M. le Président, que je vais rejoindre l'une
des choses qui ont déjà été dites, y compris par
vous, que ce genre d'amélioration de l'efficience passe par les
personnes. Ce qui a été amorcé, c'est-à-dire
l'amélioration de l'environnement qualitatif dans lequel travaillent les
cadres, ça doit continuer parce qu'on est encore en retard par rapport
à des cités mieux organisées et même
Québec.
Deuxièmement, on ne devient pas efficients par l'opération
du Saint-Esprit; on se forme à l'efficience. Il y a des efforts qui ont
été amorcés. Il faut qu'ils continuent pour rattraper le
retard de quelque 10 ans que les cadres ont eu dans le développement
professionnel. Avec des personnes qui ont de véritables défis
comme l'évoquait mon collègue, M. Poirier, avec des gens mieux
formés, avec un environnement qui ne les amène pas a penser
à eux-mêmes, mais à ce qu'ils ont à faire, je pense
que l'efficience va se développer.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. le
député.
M. Trudel: Alors, je veux vous remercier de votre
présentation. Oui, effectivement, il faut voir toute la gamme. Quand on
fait un débat, on fait un débat. Inutile de le dire que vous avez
ajouté un ingrédient dans le débat qui fait débat.
Il faut de l'audace pour ça. Il faut regarder tout ça parce que
vous reflétez - le moins qu'on puisse dire - oui, un courant de
pensée très important dans le système actuellement. Il
faut être capable d'en débattre. Merci de l'avoir posé, de
nous l'avoir indiqué et de continuer à gérer des
établissements qui sont, grosso modo, comme dit le document, sous
contrôle. Merci.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. On aura
très certainement l'occasion de se recroiser. Je pense que c'est un
débat qui est lancé. Il va
se finir, mais on aura...
M. Savard: Peut-être le 13 mars, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! Ça, c'est
une invitation renouvelée.
Une voix: Oui.
M. Savard: dans la dernière commission parlementaire, vous
nous avez fait une annonce. peut-être ferez-vous la même chose
aujourd'hui.
M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! Je ne le sais
pas là, je ne le sais pas. Il faut que je regarde un certain nombre
d'agendas. Il est assez chargé de ce temps-ci. Mais je n'ai pas
d'objection fondamentale à rencontrer les gens et à
échanger avec eux.
M. Savard: Vous êtes même un peu pour. M.
Côté (Charlesbourg): Comment? M. Savard: Vous
êtes même un peu pour.
M. Côté (Charlesbourg): Un peu pour. Ah oui! C'est
clair, définitivement.
M. Trudel: En se souvenant qu'il y a une promesse d'abord de
venir à Rouyn-Noranda avant.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui. Des voix:
Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de cette
commission, il me fait plaisir moi aussi de vous remercier d'avoir
été présents. On va sûrement avoir l'occasion de
vous rencontrer à nouveau. Au plaisir.
Je demanderais à l'Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec, s'il vous plaît, de bien vouloir s'avancer.
Bonjour, mesdames. Bienvenue à cette commission. Vous excuserez
notre retard. Dans la foulée et dans la fougue - vous voyez comment
c'est - et dans l'intérêt public aussi, il a été
convenu qu'on déborderait. Normalement, on arrête à 12 h
30, mais on va déborder jusqu'à 13 heures. Alors, si vous voulez
peut-être présenter votre mémoire de la façon la
plus concise possible de façon à ce qu'il vous reste du temps
pour pouvoir échanger avec M. le ministre, les parlementaires et les
membres de l'Opposition.
La personne responsable, c'est Mme Pel-land? C'est ça? Alors,
s'il vous plaît, veuillez nous introduire les gens qui vous accompagnent,
Mme Pelland.
Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec
Mme Pelland (Jeannine): D'accord. À ma droite, j'ai
Thérèse Guimont, directrice générale et
secrétaire de l'Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec, à sa droite, Me Claudette Ménard,
conseillère juridique chez nous, et, à ma gauche, Carole Mercier,
qui est une conseillère aux services professionnels.
Le Président (M. Joly): Merci.
Mme Pelland: Comme vous le soulignez, M. le Président,
nous allons essayer, dans la mesure du possible, de ne pas tout lire notre
document, mais, par contre, - est-ce qu'on doit arrêter? oui - nous
souhaitons pouvoir insister sur certaines parties quand même qui nous
semblent bien importantes et qui vont sûrement donner lieu à des
débats par la suite.
Je commence en disant que nous avons eu beaucoup d'empathie pour le
ministre de la Santé, en bonnes infirmières que nous sommes, et
que nous essayons de comprendre ses problèmes, mais il a probablement
dû réaliser et il va réaliser encore que nous ne sommes pas
complètement d'accord avec lui.
Nous comprenons fort bien qu'il veut maintenir un certain rythme de
croissance au système de santé et qu'il voudrait bien maintenir
l'IPC plus 3 %, mais le ministre des Finances, lui, en a décidé
autrement. Pardon?
Une voix:...
Mme Pelland: Pas encore. Mais enfin, c'est une très forte
recommandation puis, entre parenthèses, ça serait traiter le
système de santé comme tout le reste et, pour nous, c'est
déjà une injustice.
Mais quand même, on comprend que vous avez 200... Ha, ha, ha! Vous
écrivez ça, là? Mais on comprend quand même que vous
avez entre 200 000 000 $ et 400 000 000 $ à aller chercher et on va
peut-être avoir des suggestions à vous faire. Ça, c'est
annuellement durant cinq ans, hein? On a bien compris ça? Bon.
D'accord.
Une voix:...
Mme Pelland: Bon. Parfait. Ça ne fera peut-être pas
l'affaire de tout le monde, mais on a déjà des petites solutions
très rapidement trouvées. Comme je le disais tout à
l'heure, on va quand même lire certaines parties de notre mémoire
qui nous semblent bien importantes. Tout de suite, je vous amènerai au
bas de la page 3, quand on parle de l'utilisation judicieuse des professionnels
de la santé, parce qu'on pense que, pour nous, c'est un aspect bien
important.
Avant de commenter les différentes propositions
présentées dans le document de consultation, l'Ordre
réitère sa position à l'effet qu'une
utilisation plus judicieuse des différents
professionnels dé la santé, notamment les infirmières,
réduirait les coûts tout en conservant, sinon en améliorant
la qualité des interventions auprès des clientèles
à desservir. La structure monopolistique des médecins ne peut,
à elle seule, être garante de l'efficacité et de
l'efficience des services. L'obligation de recourir à une prescription
médicale pour agir en matière de santé représente
un frein à une utilisation rationnelle du potentiel des autres
professionnels de la santé. Les retards dans la satisfaction des besoins
des clientèles et les délais lors des consultations
interprofessionnelles peuvent servir d'exemples à cet égard.
L'importance de plus en plus marquée de devoir
investir dans les déterminants de la santé vient supporter cette
proposition, et je pense qu'on insisté, comme beaucoup d'autres. Je
pense même que je vais passer assez rapidement, puisque toute la semaine,
on est revenus sur les déterminants de la santé.
Je passerais immédiatement à une
révision fondamentale du panier de services. Une société
québécoise... Pas parce qu'on est d'accord, là. C'est sur
l'ensemble. Mais, quand même, ça porte ce titre-là. La
société québécoise doit effectuer, sans plus
tarder, une révision du panier de services. Bon. C'est sûr. Le
système de santé ne doit plus seulement être efficient, il
doit être efficace. L'amélioration de l'état de
santé de la population doit se traduire dorénavant par des
actions concrètes et à travers des objectifs de résultats.
(12 h 15)
D'abord, il importe que les systèmes d'information
médicale et de gestion se raffinent afin de déterminer les
pratiques les plus performantes, les plus efficaces par rapport à leur
coût. Croire que tous les services déterminés par les
dispensateurs de soins sont efficaces permet simplement d'éviter de
faire les choix qui s'imposent et de confronter ouvertement ces professionnels.
À l'heure actuelle, il n'est plus possible de laisser aux seuls
dispensateurs de soins, à travers la relation individuelle qu'ils
établissent avec le bénéficiaire, le soin de disposer et
d'exiger des ressources. En effet, le critère de «services
médicalement nécessaires fournis par un médecin» de
la loi canadienne sur la santé ou «tous les services que rendent
les médecins et qui sont requis du point de vue médical» de
la Loi sur l'assurance-maladie pour justifier la couverture de
l'assurance-santé est déphasé, puisqu'il est
généralement admis que le bien santé déborde
largement l'intervention médicale qui n'est qu'un volet d'un
redressement nécessaire.
D'autres critères devraient être pris en
compte particulièrement en ce qui concerne l'efficacité.
L'incertitude médicale qui, en somme, signifie l'efficacité qu'on
questionne, est démontrée par plusieurs recherches scientifiques
dont, entre autres, les études de variation des taux d'actes
médicaux et chirurgicaux. L'incertitude médicale conjuguée
à la rareté des ressources exigent que des choix collectifs de
services soient faits.
L'efficacité des services doit se démontrer
à partir de critères distincts et multidimensionnels Pour ce
faire, il importe que les aspects sociaux économiques, cliniques,
éthiques soient pris en considération simultanément.
À moyen terme, en vertu de ces éléments d'analyse et de
l'incertitude médicale, la société devra choisir les
services assurés, et ce, en fonction des besoins de santé d'une
population, de leur coût, de leur efficacité relative et des
préférences des citoyens.
Les déterminants de la santé, on en a
parlé, mais on voit la nécessité - je pense que je le
répète - d'investir dans les déterminants de la
santé parce que c'est un investissement rentable.
Je passe tout de suite au paragraphe qui commence par: Les
connaissances relatives à la santé des individus d'une population
se raffinent. Elles établissent des liens qui n'avaient pas
été démontrés antérieurement. Il serait
difficile de les ignorer. Par conséquent, agir sur les
déterminants de la santé, comme le propose le Conseil des
affaires sociales, est une orientation qui ne peut être exclue. La
pauvreté, l'emploi, l'environnement et l'éducation, situés
en amont des problèmes de santé, constituent les
déterminants de la santé.
Je passe tout de suite au milieu de cette page. Lors de la
révision du panier de services assurés, il sera absolument
capital d'intégrer à l'intérieur du cadre d'analyse une
approche d'«intersectorialité» afin de prendre en compte les
déterminants de la santé et, par conséquent, d'influer sur
la macroallocation des ressources.
Ces démarches sont progressives et des
résultats probants sur l'amélioration de l'état de
santé de la population et les coûts ne peuvent être
perceptibles qu'à moyen et long terme car, entre autres, elles
nécessitent des systèmes d'information plus
développés et des études de type longitudinal. Pourtant,
cette orientation ne devrait pas être mise à l'écart comme
elle l'a été dans le document sur le financement, compte tenu des
impératifs qui prévalent à l'heure actuelle au niveau des
finances publiques.
En ce qui concerne le financement, nous sommes très
conscientes que le ministre veut des montants d'argent nouveaux. Ce n'est
peut-être pas possible de vous en servir aujourd'hui, mais on a quelques
pistes à vous indiquer et on n'est pas sûres aussi qu'il en manque
nécessairement. On peut peut-être commencer par ça. Je
pense que je passe tout le premier paragraphe. Nous sommes prêtes
à envisager, cependant, dans une certaine mesure, la désassurance
partielle ou complète des services complémentaires et ça,
dans le sens où on en parle dans le document, parce que, comme l'ont
mentionné les représen-
tants du GRIS, on n'est pas sûres qu'on ait toujours le même
discours quand on parle des services de base et des services
complémentaires. Il y aurait toute une clarification à apporter
peut-être en dehors de cette commission-ci.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Pelland: Oui, parce que depuis le début de la semaine
qu'on essaie de clarifier et je pense qu'on n'a pas réussi. La
tarification des services pharmaceutiques associée à un
crédit d'impôt remboursable et la désassurance des services
optométriques et dentaires curatifs associée à un
crédit d'impôt remboursable sont des mesures réalisables
malgré les contraintes imposées par la loi C-3. Certaines
clientèles pourraient continuer de bénéficier des
programmes actuels. Par exemple, la désassurance des services
optométriques pourrait toucher les personnes âgées de 19
à 64 ans. On ne veut sûrement pas toucher la prévention et,
nous autres, il nous semble que, jusqu'à 19 ans, la prévention,
elle, a quand même été sauvegardée. De 19 ans
à 64 ans, les besoins ne sont peut-être pas les mêmes, mais,
à compter de 64 ans, les besoins se font de plus en plus sentir.
Ces mesures nous apparaissent être un moindre mal dans le contexte
actuel, compte tenu que les services préventifs sont
préservés et que les clientèles démunies sont
exemptées. Toutefois, avant d'appliquer de telles mesures, une
évaluation de l'efficacité de ces services devrait être
effectuée de la même façon que pour les services de base,
toujours dans le sens où on utilise «services de base» dans
le document.
Quant à la tarification, on n'est pas d'accord avec la
tarification parce qu'on considère que le financement collectif, tel
qu'il existe à l'heure actuelle, c'est déjà beaucoup et
c'est déjà un investissement très garant de la part de la
population. Par contre, on a certains commentaires à vous faire sur les
appels que vous faites à la responsabilité individuelle et
à la responsabilité collective.
En ce qui concerne la responsabilité individuelle, je vous
amène à la page 10. Je saute assez rapidement. La
responsabilité individuelle ne peut être envisagée
qu'à partir du moment où l'individu contrôle la situation,
c'est-à-dire qu'il détient toute l'information nécessaire
à la prise de décision. Il en va de même pour les
interventions des professionnels de la santé auxquels s'ajoute la
certitude médicale traitée précédemment.
Les mesures pour améliorer les systèmes d'information
médicale et de gestion doivent être mises de l'avant. De plus,
l'information sur les coûts et l'efficacité des services doit
être accessible aux usagers, aux dispensateurs et au public selon le cas.
À ce stade-ci du débat, il serait aberrant de faire payer des
individus pour les services qu'il n'aurait pas choisis et dont le rapport
coût-efficacité n'a pas toujours été
démontré. Il serait contraire à l'esprit de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux d'imposer un ticket orienteur
quand les mesures d'information sur les services offerts dans une région
ne sont pas encore disponibles.
La responsabilité individuelle débutera quand l'individu
aura l'information sur les coûts des services qu'il aura consommés
associée à leur efficacité. La transparence doit
s'étendre et permettre d'établir également les liens entre
les dépenses globales de santé et leur financement global. Ces
informations sont indispensables dans le choix du citoyen face aux
priorités de société. Des mesures permettant de rendre ces
liens plus évidents, telle l'identification de la partie de
l'impôt, ce que vous appelez l'impôt-santé, qui est
dévolue aux dépenses de santé, ont sans conteste notre
assentiment, sauf que la deuxième partie, quand on explique
l'impôt-santé, nous, on la questionne.
Le fait qu'on laisse entendre que, continuellement,
l'impôt-santé devrait être augmenté... Avant qu'on en
fasse la preuve, nous autres, on questionne cette deuxième partie de
l'assertion que vous avez là. En ce qui concerne la
responsabilité collective, nous croyons qu'avant de procéder
à quelque alourdissement fiscal que ce soit, une démonstration
rigoureuse d'un manque de ressources financières dans le réseau
des services de santé et des services sociaux devra être
faite.
Des professionnels autres que les médecins devront être
utilisés à leur juste valeur. Un contrôle accru des
dépenses devra être exercé et l'adéquation des
services efficaces aux besoins de la population devra être
démontrée. Cet exercice doit être complété
avant de porter atteinte aux principes de base de notre système de
santé.
En ce qui concerne les mécanismes de contrôle, le
contrôle des rémunérations du personnel du réseau et
des médecins, le contingentement du nombre d'étudiants admis dans
les facultés de médecine, le contrôle de la technologie,
l'octroi de budgets globaux constituent des mesures qui ont été
garantes de succès dans le contrôle des dépenses de
santé jusqu'à présent. Réitérer certaines
d'entre elles apparaît quelque peu saugrenu, car le ministère a
entre les mains la fin et les moyens. D'ailleurs, vos interventions d'hier nous
le laissent croire encore plus. Vous avez beaucoup d'éléments
entre les mains pour intervenir. Il n'en tient qu'à lui de rencontrer
certains objectifs fixés. Par ailleurs, que certaines de ces mesures
soient liées à la croissance démographique et aux besoins
de la population nous apparaît plus que légitime. Il nous est
apparu indécent de voir inscrit dans un tel document l'objectif
d'appliquer de nouvelles mesures pour interdire les dessous de table
versés à certains médecins par des établissements.
Connaissant ces faits, pourquoi n'y a-t-il pas d'intervention?
Certaines propositions sont déjà inscrites dans la
nouvelle Loi sur les services de santé et les services sociaux. Il nous
semble utile de les commenter, à ce stade-ci. En effet, il est à
espérer que la réforme conduira à tout le moins à
éliminer les dédoublements de services, à assurer la
complémentarité et la coordination des services et à
adapter les services aux besoins de la population. Une planification
adéquate des priorités régionales en fonction de la
politique de santé et de bien-être et des besoins de la population
devrait permettre d'axer le système vers des objectifs de
résultats. L'allocation des ressources, déterminée en
fonction de la clientèle et non pas en fonction des dispensateurs,
devrait être garante d'une meilleure utilisation des sommes d'argent
investies.
Toutes les mesures permettant d'ajuster les ressources aux besoins des
citoyens, à documenter les coûts des services en rapport avec les
interventions diagnostiques et les interventions thérapeutiques et de
soins contribueront à contrôler les coûts et à
effectuer les redressements qui s'imposeront. Les données recueillies
amélioreront les connaissances en vue d'atteindre les objectifs
d'efficacité et d'efficience.
En conclusion, dans un contexte de rareté des ressources, une
meilleure utilisation des services des infirmières et de certains autres
professionnels de la santé s'avère une mesure essentielle
à prendre en considération dans la planification et le
contrôle des coûts et dans la distribution des services en fonction
des besoins de santé et de bien-être de la population. Nous
soulignons l'importance d'investir dans les déterminants de la
santé. Nous ne sommes pas en désaccord avec une révision
du panier de services de base ni avec la possibilité, en dernier
recours, de désassurer de manière limitative certains services
complémentaires, mais après avoir fait certaines analyses. (12 h
30)
Nous sommes contre la tarification qu'elle appelle ticket
modérateur, orienteur, désorien-teur, impôt-services,
c'est-à-dire tous frais liés à la consommation. Nous
considérons qu'il s'agit d'une mesure pernicieuse, difficile
d'application et constituant une double imposition.
Enfin, nous manifestons notre adhésion sans réserve
à toutes les mesures permettant de rendre plus visible la gestion des
décideurs des ressources financières consacrées à
la santé et au bien-être et favorisons les interventions visant
à responsabiliser les usagers et les dispensateurs de services.
Voilà.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. M. le ministre, je
vous accorderais une quinzaine de minutes.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. C'est à nouveau un plaisir de vous recevoir en
commission parlementaire. Votre présentation est égale à
celle que vous nous avez faite dans le passé. Même si vous ne
partagez pas tous nos points de vue, je trouve que c'est un positionnement qui
situe votre Ordre dans le réalisme des choses, ce à quoi on n'a
pas été nécessairement habitués avec tout le monde
qui est venu en commission parlementaire. Je vous le dis. Je le prends comme
étant un document rafraîchissant. Ce n'est pas une fermeture
complète, ce n'est pas une ouverture complète. C'est la voix du
bon sens que vous nous demandez de suivre, si j'ai bien compris. C'est une
position qui, pour moi, est intéressante, qui est d'une bonne
logique.
Bon, on parle du niveau de dépenses parce que c'est quand
même un élément extrêmement important dans l'univers
financier du gouvernement. On fait partie de cet univers-là pour 32
%.
La croissance des dépenses gouvernementales, IPC + 1 %, alors que
nous disons, nous, que nous devons faire le maximum pour se maintenir, pour que
le plafond soit IPC + 3 %. Il faudra donc, par conséquent, avoir toute
une série de mesures d'efficience et d'efficacité pour tenter de
le ramener parce qu'il n'est pas à ça à ce moment-ci. On
est au-dessus de ça, à 4, 2 %, alors qu'on pariait de 6 % en
1990-1991, de 7 % en 1991-1992. C'est quand même un exercice assez
laborieux, merci.
Est-ce que IPC + 1 %, + 2 %, + 3 %, vous vous êtes attardés
là-dessus en disant: IPC + 3 %, c'est dur, mais il faut vivre avec, et
on devra vivre avec? Il va falloir finir par dire, à un moment
donné: Voici le maximum qu'on peut se payer comme société
puis, après ça, découlent tous les problèmes. Si,
demain matin, on disait: IPC + 2 %, on serait quand même 1 % au-dessus de
la croissance gouvernementale et on aurait une indication très nette que
c'est une priorité que le gouvernement fait parce que le 1 %
additionnel, entre IPC + 1 % et +2 %, c'est d'autres ministères qui
seront à IPC ou en bas. Mais il y a plusieurs ministères qui ont
vécu ça au cours des dernières années. Dans ce
sens-là, est-ce que vous avez des indications à nous donner sur
le plafond?
Le Président (M. Joly): Mme Pelland.
Mme Pelland: On va tout de suite mettre nos limites, M. le
ministre. Nous ne sommes pas des économistes, mais je pense qu'on peut
peut-être en parier un peu. IPC + 1 %, à l'heure actuelle, pour
tout le monde - je pense que j'ai commencé à le mentionner -
ça nous semble un peu injuste parce que le bien santé, c'est un
bien qui est très différent d'autres biens et il me semble que
cet équilibre qu'on essaie de maintenir pour tous les ministères,
ça serait peut-être à réviser.
Maintenant, je sais que j'ai des collègues qui ont regardé
ça de très près. Me Ménard, voulez-vous intervenir
là-dessus, et peut-être ma
collègue de gauche?
Le Président (M. Joly): Me Ménard. Mme
Ménard (Claudette): Oui. Mme Pelland: Me Ménard.
Des voix:...
Mme Pelland: Bon, eh bien, ne vous battez pas pour intervenir,
là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Mme Guimond.
M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que, là,
je vais savoir si c'est deux ou trois.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Pelland: Peut-être que ça va être
progressif. Ha, ha, ha!
Mme Guimond (Thérèse): Dans la conjoncture
actuelle, moi, je trouve que IPC + 3 %, c'est large quand on regarde au niveau
industriel, au niveau commercial ce qui se passe. C'est certainement IPC moins
quelque chose dans ces zones-là. On sait aussi que, quand on est dans
une période de récession, il y a un impact direct sur la
santé. Tous les gens sont touchés par une récession
économique; plusieurs d'entre eux ont des effets néfastes au
point de vue santé: santé mentale et santé physique,
effectivement. Je n'ai pas de chiffres pour ça, mais je pense que tout
le monde, on est d'accord avec ça. On devrait voir plus de monde dans
les hôpitaux, dans les CLSC. Probablement que les CLSC vont devenir un
peu plus en vogue parce que les gens vont avoir plus le temps et
peut-être que ça les occupe aussi moralement et intellectuellement
que de s'occuper d'eux un peu, donc d'aller consulter.
Pour moi, IPC + 3 %, ça m'apparaît actuellement une
très belle marge de manoeuvre, parce qu'on ne peut pas dissocier de
l'environnement économique. Donc, IPC + 2 % serait un bon
résultat, je pense. IPC + 1 %, je pense qu'on pourrait se péter
les bretelles. Je pense que c'est vrai aussi qu'il y a un impact sur les autres
ministères, mais, pour nous, les infirmières, je pense qu'on a
toujours regardé la santé comme étant un investissement,
pas toujours uniquement le côté dépense. Mais il faut
regarder sérieusement, là, la façon dont on offre des
services et quelle sorte de services on offre. Je pense que les
infirmières sont des témoins privilégiés de
l'utilisation des services et de l'offre des services.
M. Côté (Charlesbourg): C'est un courant qui
commence a se dégager. Des médecins en santé communautaire
sont même venus nous dire: On devrait prendre l'argent qu'on a
actuellement et l'investir dans la création d'emplois. Possiblement
qu'on retrouverait moins de monde dans notre système de santé et
de services sociaux. Donc, c'est des courants qui se dégagent et qui
sont aussi des indications assez intéressantes.
Il est bien évident que ce n'est pas un virage qui peut se faire
du jour au lendemain parce qu'on est obligé de gérer le quotidien
jusqu'à temps qu'on réussisse à virer le Titanic en avant
du port de Québec, et Dieu sait que ce n'est pas facile avec les
courants, hein? Alors, j'ai toujours mon exemple de marin, mais il y a des fois
des contre-courants qui ralentissent la progression de ce virage. Mais on
finira par y arriver.
M. Trudel: II y a des tempêtes des fois.
M. Côté (Charlesbourg): Puis on a des tempêtes
des fois. Ha, ha, ha! J'ai toujours dit que ça dépendait du
nombre de rameurs qu'il y avait à bord du bateau pour être capable
de le virer. Je pense que c'est une position qui est très
raisonnable.
Dans vos propositions, vous mentionnez qu'il devrait y avoir une
utilisation plus judicieuse des professionnels de la santé. Est-ce que
vous faites spécialement allusion, à ce moment-ci, à une
délégation d'actes?
Mme Pelland: Non. C'est très rapide parce que, pour nous,
la solution ne passe pas nécessairement, pour les infirmières et
pour les autres professionnels de la santé... Vous avez vu qu'on a
élargi le débat; on ne s'est pas arrêté aux
infirmières. C'est une question de champ d'exercice de bon nombre de
professionnels qui possèdent de l'expertise et des expertises de
spécialistes. Là, je pourrais vous en nommer d'autres que les
infirmières: les psychologues, les diété-tistes, les
ergothérapeutes, les physiothérapeu-tes... Enfin, je les vois et
nous les voyons tous les jours dans les services comme étant des
spécialistes et ça ne passe pas par des délégations
d'actes. Ça passe par une ouverture du système qui ferait en
sorte que le seul point d'entrée du système ne soit pas le
médecin. C'est la porte d'entrée et c'est la porte de sortie.
Alors, c'est une ouverture qui doit être faite dans ce
sens-là.
M. Côté (Charlesbourg): Donc, c'est davantage un
état de tout le monde. C'est une prise de conscience que la personne a
besoin de services multiples...
Mme Pelland: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...tant du domaine social
que du domaine de la santé, et que, si on s'adresse à la
personne, il faut décloisonner un
peu. Il pourrait y avoir un certain nombre d'économies assez
appréciables à ce niveau-là.
Vous n'êtes pas totalement fermés à la
révision du panier de services. Ça veut dire, quoi, ça,
pour vous, de manière concrète, demain matin, quand on parle de
la révision du panier de services? Je trouve ça bon parce qu'il y
en a qui se braquent pour dire: Vous ne toucherez à rien. Toucher au
panier de services, ça signifie que vous allez toucher à des
acquis extrêmement importants, qu'ils soient bons ou pas bons. Que le
service soit bon ou pas bon, vous n'y toucherez pas. Est-ce que c'a du bon
sens, ça? Il me semble bien que, dans une société qui
évolue, on doit être capable de voir un certain nombre de choses,
de revoir un panier, des fois pour en ajouter, pas rien que pour en enlever,
parce qu'on fait face à des problématiques nouvelles. J'aimerais
ça vous entendre davantage sur quel genre d'exercice pourrait être
mené quant à la révision du panier de services.
Mme Pelland: Je vais demander à ma collègue de
gauche, Carole, de...
Le Président (M. Joly): Mme Mercier. Mme Pelland:
Oui.
Mme Mercier (Carole): Quand on parie de panier de services, on
parle d'un panier de services qui peut être très large. Quand on
parle de services de base, de services complémentaires, on ne fait pas
de distinction par rapport à ces notions-là. On peut rentrer
aussi de façon plus pointue les actes médicaux aussi, la liste
d'actes médicaux. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut le revoir. On dit que
ce n'est pas un exercice qui peut se faire rapidement et sans tenir compte des
conséquences. Je peux parler peut-être de l'expérience de
l'Oregon qui s'est donné un cadre d'analyse. À ce
moment-là, est-ce qu'on ne pourrait pas regarder une telle
démarche? Parce que les critères qui doivent être pris en
compte doivent être, en tout cas, vraiment multfcJimen-sionneis, comme on
le disait, et là il y a des choix éthiques qui doivent être
faits aussi.
Je pense que, quand on parle d'efficacité, c'est un terme qu'il
faut aussi expliciter parce que l'efficacité, ça peut être
en fonction de l'amélioration de l'état de santé d'une
population, mais qu'est-ce qu'on fait de la qualité de vie des personnes
hébergées? Alors, ça, je pense qu'il faut avoir des
débats sur des notions comme ça. Nous avons une ouverture pour
ça, mais il faut être prudent. Il faut vraiment essayer de
clarifier les concepts et la démarche dans laquelle on s'est fait
prendre, avec les services de base et les services complémentaires, le
prouve. Je pense qu'il faut être prudent, mais on n'est pas
indifférents à regarder... Est-ce que ça clarifie?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, bien, c'est-à-
dire que je pense que I orientation... un ne peut pas... C'est sûr que,
quand on parle de révision du panier de services, s'il y a un blocage en
disant: On ne touche à rien, on ne peut pas rien faire. Mais à
partir du moment où H y a une ouverture, qu'il faut que ça se
fasse, l'objectif premier n'est pas, dans la révision du panier de
services, de sauver de l'argent. L'objectif est de s'assurer que ce qui reste
dans le panier, les services qui sont dispensés, ce sont des services
nécessaires qui améliorent la qualité de vie de l'individu
qui va recevoir ces services-là. S'il y a des économies au bout,
tant mieux! Après ça, on envisagera si on les réalloue
à d'autres services ou si on décide de prendre cet
argent-là pour aller dans des déterminants, parce qu'on en parle
souvent. Ça fait longtemps qu'on se le dit. Il faut aller agir sur les
déterminants, mais tantôt, si, pour agir sur les
déterminants, il faut toujours prendre de l'argent et en ajouter, bon,
avec IPC + 2 % ou IPC + 3 %, il est bien clair qu'on n'en aura pas assez. On ne
trouvera pas d'argent à moins de dire à tout le monde: On vient
de vous faire à tout le monde une ponction dans vos budgets de 2 % sans
égard aux services que vous donnez. On dit: 2 % tout le monde. On prend
cet argent-là et on dit: On agit sur les déterminants.
Parce qu'on est dans une situation où il faut toujours ajouter
pour aider nos problèmes, toujours, toujours, toujours, continuellement.
C'est ce qu'on a fait. Et, là, on n'a plus les moyens de le faire. Donc,
la révision du panier de services, il faut qu'elle se fasse avec un
guide de façon à ce qu'on privilégie d'abord la personne,
pas nécessairement l'argent qu'on va sauver. Mais on sait que, le Dr
Richer nous l'a dit hier et répété...
L'obésité, c'est un exemple. J'ai pris d'autres exemples hier.
Est-ce que c'est encore nécessaire, sur le plan esthétique, de
coller des oreilles et que ce soit la société qui paie? On en a
sorti quelques-uns comme ça, hier, au niveau des médecins.
Probablement qu'on pourra en sortir dans les autres professions aussi.
Mais, quand on regarde tout ça, je pense que c'est le panier...
Quand l'ouverture est là, il faut se donner des paramètres et des
objectifs très clairs. Je pense qu'il y a de quoi à faire
là.
Mme Ménard: Oui, l'idée de notre position, c'est
qu'il y a une croyance populaire qui est à l'effet que, si on parle de
révision du panier de services, on parle nécessairement de
coupures. Alors, ceci n'est pas tout à fait exact. Ce
discours-là, à notre avis, est assez faux. On peut couper des
choses qui sont inefficaces et on ne fera de mal à personne. C'est
ça notre discours.
M. Côté (Charlesbourg): d'ailleurs, c'est le conseil
d'évaluation des technologies de la santé, pour 11 dossiers qu'il
a examinés, qui interpelle à la fois l'appareil, la
manière de le faire...
Mme Ménard: Exactement.
M. Côté (Charlesbourg): ...et nous a fait une
démonstration assez rapide. On a dépensé, au cours des
dernières années, de l'argent strictement pour rien. Je pense
qu'avec des professionnels il y a moyen d'évaluer les impacts de la
révision, et, en ce sens-là, on pourrait progresser.
Mme Pelland: M. le ministre... M. Côté
(Charlesbourg): Oui.
Mme Pelland: ...quand on résiste... On résiste
peut-être à vous faire des listes dans le panier de services, mais
je pense qu'il y a deux critères, et vous les avez mentionnés:
c'est l'efficience et l'efficacité. Il faut les utiliser quand on
regarde le panier de services. L'efficience, si c'est bien fait, et
l'efficacité, si c'est le bon service. L'exemple que vous donnez - et je
pense que ça, on pourrait en donner beaucoup dans les milieux, à
partir de ce qui est vécu dans les milieux - quand vous parlez
d'obésité, notre solution de dire d'utiliser d'autres sortes de
professionnels, c'est que l'obésité très souvent, c'est un
problème de nutrition, et d'autres professionnels que les
médecins sont capables d'intervenir. Ça occasionnerait
probablement des diminutions de coûts très importantes non
seulement pour les services médicaux, mais aussi pour tous les services
de diagnostic. Tu veux ajouter quelque chose?
Mme Guimond: Bien, moi, je voulais revenir sur ce que le GRIS a
présenté quant aux définitions de panier de base et de
panier complémentaire par rapport aux services essentiels, secondaires.
Il me semble qu'il devrait y avoir effectivement une réflexion
très sérieuse sur ces déterminants, ces étiquettes
qu'on donne aux services essentiels. On l'a déjà fait pour les
conventions collectives et pour les syndiqués. On s'aperçoit que
quasiment tout est essentiel.
Alors, je me dis quand même... Et ça devrait être
fait avec une équipe multidiscipli-naire. À l'Ordre, on est assez
inquiet du conseil médical provincial. On trouve que c'est
dépassé, en 1992, surtout quand on a des problèmes aussi
sérieux que ceux qu'on voit. On n'aime pas qu'un seul corps
professionnel soit mis sur la sellette comme ça sans penser à
l'aspect multidisciplinai-re. Mais on pense qu'il y a de la place pour d'autres
professionnels de la santé pour discuter de l'essentialité - je
ne sais pas si c'est un mot - de certains services.
M. Côté (Charlesbourg): Alors qu'il y a eu des choix
de faits...
Mme Guimond: Ça dit bien ce que je veux dire.
M. Côté (Charlesbourg): ...à un conseil
médical, qui est là bien sûr et qui est créé
avec un conseil de la santé et du bien-être, dont le projet de loi
va être déposé à la reprise de la session. Moi, si
j'avais le choix, je préférerais me retrouver dans le conseil de
la santé et du bien-être. C'est plus global.
Mme Guimond: Ces parallélismes nous font peur.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais,
inévitablement, je pense qu'il y a du monde, y compris de la profession
médicale, qui devra se retrouver dans le conseil de la santé et
du bien-être. On sera avec une vision plus large au lieu d'une vision
pointue, et ça je pense que c'est des options, c'est des choix qui ont
été faits et qui devraient grandement nous aider
là-dessus. Alors, merci beaucoup. (12 h 45)
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député...
M. Côté (Charlesbourg): Ah! c'est vrai, ma petite
question. Ma petite question: Si j'avais une mesure à prendre
demain...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Pelland: Ah oui! On en a une.
M. Côté (Charlesbourg): ...sur l'efficience, sur
l'efficacité, laquelle je devrais prendre?
M. Trudel: Vous avez 10 minutes pour y penser. Vous
répondrez à la fin.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ah oui! Vous pouvez
répondre après, à la fin. Vous pouvez finir avec
ça, là.
Mme Pelland: Ça serait mieux en partant.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Allez-y tout de suite. Non, non.
Mme Pelland: Qu'on puisse sortir rapidement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Honnêtement, si vous voulez y aller tout de
suite, allez-y. Honnêtement, sur la réponse, si vous voulez y
aller tout de suite, allez-y tout de suite. Est-ce que vous voulez
répondre tout de suite à la question du ministre?
Mme Pelland: Non, non, non. Je vous ai dit: C'est mieux en
partant.
M. Trudel: O.K. Mais vous n'y échapperez pas. Il va
falloir répondre à celle-là.
Le Président (M. Joly): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci de cette présentation. Oui,
effectivement, depuis le début des billets de saison de la commission
parlementaire autour de la santé et des services sociaux...
M. Côté (Charlesbourg): II va en avoir encore une
autre. Peut-être deux.
M. Trudel: Gardez vos tickets. Ça va se poursuivre.
M. Côté (Charlesbourg): J'espère que vous ne
vous plaignez pas d'être consulté.
M. Trudel: Pas du tout. Nous autres, on insiste toujours pour que
nos tickets servent le plus souvent possible. Même qu'on va
peut-être avoir une représentation supplémentaire avec le
GRIS. On a vu ça tantôt.
M. Côté (Charlesbourg): Non, mais, d'ailleurs, c'est
extraordinaire parce que ça aussi, c'est un ticket orienteur.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Ce que je trouve curieux, c'est que vous l'appliquiez,
celui-là.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais l'autre, ça
prend de l'information avant de l'appliquer.
M. Trudel: Ha, ha, ha! Est-ce que l'information n'est pas
suffisante? Bon. Très bien. Alors, au niveau de la présentation,
on ne vous oubliera pas, Mmes et MM. les infirmières et infirmiers. Bon,
il y a une séquence d'une logique quasiment implacable dans votre
mémoire. Comme je sais que vous êtes capables de le prendre, je
vais essayer de vous déjouer un peu sur la logique, pour qu'on fasse
ressortir les faits. On comprend tous très, très bien l'apport
assez extraordinaire... Comment je vous flatterais pendant 10 minutes pour vous
dire que vous êtes bonnes, que vous êtes fines et que vous faites
tout dans le système de santé, vous faites une part
extraordinaire, point. Vous comprenez et c'est vrai, on a tous de l'admiration
pour ce que vous faites.
Sur l'utilisation des ressources, vous dites: Peut-être que,
professionnellement, on ne confie pas aux bonnes personnes, en termes
d'efficience du système, les bons gestes à poser. Bon, alors, le
ministre vous demandait tantôt: Est-ce qu'il s'agit de la
délégation de l'acte? Hier, je demandais aux médecins
à peu près cette question-là: Vous autres, les
médecins, êtes-vous prêts à vous asseoir rapidement
autour d'une table qu'on va essayer de constituer de la façon la plus
équitable possible et que, correctement, professionnellement, on
s'entende, possiblement pour qu'on parle de ça, parce que,
effectivement, il faut absolument se référer au mémoire
des départements de santé communautaire qui nous donnaient des
statistiques ou des indications absolument effarantes sur des actes, à
cause du système de rémunération, qui sont
réalisés par des médecins et qui pourraient très
bien être réalisés par d'autres catégories de
personnel. Et, là, ils nommaient les infirmières. Hier, les
médecins ont répondu oui. Eux, ils étaient prêts
à regarder ça. Augustin, qu'il se prépare parce qu'il va
se faire poser la question en «tabar-nouche» quand il va passer,
lui, là.
Mme Pelland: Je le sens derrière moi, là.
M. Trudel: II va se la faire poser, la question. Mais là,
maintenant, c'est vous autres. Est-ce que ça vaut pour tout le monde?
Est-ce que vous êtes prêts a vous asseoir à la table et
à regarder les actes que vous avez de réservés
actuellement et qui pourraient aller chez les infirmières auxiliaires et
chez les préposés?
Mme Pelland: Bon. On l'attendait celle-là.
M. Trudel: Parce que je sais que vous êtes capables de la
prendre et de répondre.
Mme Pelland: Jusqu'à maintenant, on a joué du coude
avec les règles du jeu qu'on avait. Quand on vous parle d'ouverture vers
les autres professionnels de la santé, ce sont de nouvelles
règles du jeu qu'on préconise et c'est dans ce sens-là que
j'ai dit que ça ne passe pas par des règlements d'autorisation
d'actes nécessairement. C'est les anciennes règles du jeu. Je
préconiserais de nouvelles règles du jeu, si vous voulez, et
ça passerait par les champs d'exercice qu'on voit que des
professionnels, de par la définition de leur champ d'exercice, sont
capables de faire davantage que ce qu'on leur demande de faire.
Pour répondre précisément à votre question
concernant les infirmières auxiliaires, une analyse de la situation nous
amènerait à voir que probablement certaines infirmières
auxiliaires ne sont pas bien utilisées. Je dis certaines
infirmières auxiliaires, et on est capable de s'engager à faire
une révision. Bon. Par contre, il y en a qui n'ont probablement pas,
à l'heure actuelle, ce qu'il faut et, là encore, on serait
prêtes à travailler pour trouver des mesures qui les
amèneraient à être plus efficaces dans le système et
à être mieux utilisées. Il n'y a pas de fermeture de ce
côté-là.
La situation, est-ce que ce serait de revoir le règlement? Est-ce
que ce serait une autre solution? Je ne le sais pas à l'heure actuelle,
mais on serait prêtes à revoir, à s'asseoir, comme vous
dites, et a revoir des solutions.
M. Trudel: Ça c'est un engagement public important parce
que, Mme Pelland et mesdames...
Mme Pelland: Oui.
M. Trudel: ...il va de soi que je ne pose pas... Je ne veux pas
tâter le détail en disant que chez l'autre corps constitué
corporativement qui s'appelle les auxiliaires infirmières, il manque
peut-être des choses. C'est évident qu'il va falloir regarder
ça. On n'ira pas déléguer des actes à une
catégorie de professionnels. La même chose, chez les
médecins, va se poser. Les médecins pourront dire quelque part:
Là-dessus, on conteste parce qu'on pense que vous ne l'avez pas, et il
va falloir s'entendre, s'il faut ajouter des compléments de formation,
etc. Les règles du jeu sont les mêmes pour tout le monde.
Ce qu'il est important de savoir, c'est: Chez le corps constitué
corporativement qui s'appelle les infirmiers et les infirmières, est-ce
qu'on a cette ouverture? Vous venez de prendre l'engagement public que oui,
l'ouverture existe.
Mme Pelland: Oui, oui.
M. Trudel: Pas à travers les vieilles règles du
jeu. De nouvelles règles à établir. C'est ça que
vous nous dites?
Mme Pelland: Je vous dis que ça ne passe pas
nécessairement par le règlement d'autorisation parce que
ça pourrait aller jusqu'à leur permettre de devenir des
infirmières. Je ne suis pas sûre que l'autre corporation voudrait
ça, cependant. Mais ça pourrait aller jusque-là. Quand je
dis qu'il faut regarder ce qu'elles ont comme potentiel à l'heure
actuelle, comme connaissances, ça irait jusqu'au fait de dire:
Peut-être qu'on peut, pour un certain nombre, revoir des solutions qu'on
avait privilégiées dans les années soixante-dix et
qu'elles puissent devenir infirmières.
M. Trudel: Bon, en général, parce que ne
commençons pas les négociations tout de suite ici, c'est juste au
niveau du principe, c'est que vous dites formellement... Quand moi, en tout
cas, j'ai posé la question aux professionnels de la santé qui
s'appellent les médecins, ils disent qu'ils sont prêts. Moi, je
vous repose la question à vous. Vous dites: Oui, on est prêtes.
Sur le détail, je vous dirais, mais qui peut devenir l'essentiel des
règles, moi, c'est l'ouverture d'esprit parce que l'utilisation la plus
efficiente d'une ressource professionnelle en santé, ça vaut pour
le médecin, ça vaut pour l'infirmière aussi.
Mme Pelland: Exactement.
M. Trudel: Je ne suis pas le plus grand spécialiste de
chacun des gestes qui vous sont réservés, mais il me semble
qu'à des places, à l'oeil, comme consommateur, il y a aussi des
gestes mécaniques qu'on vous fait réaliser et qui pourraient
avantageusement être remplacés par d'autres gestes - je vais
appeler ça plus professionnels - qui rendraient le système
davantage efficient. La logique vaut tout le temps, aussi pour les
infirmières auxiliaires et probablement pour les
préposés.
Je terminerai la remarque en disant ceci: II y a une plainte
générale qui a été à peu près
adressée à l'ensemble par tous les groupes qui sont
passés. Pour tout le monde, je dirais, allé du bas de
l'échelle jusqu'en haut, c'est: Vous nous utilisez mal et on ne se sent
pas utilisés à notre potentiel. Il va falloir qu'on s'adresse
à ce problème-là aussi, qu'on y fasse face à ce
problème-là. Vous en faites l'engagement public.
Deuxièmement - ça passe vite - maintenant, revenons sur
les dépenses, toujours pour trouver des voies de solutions. Mme
Guimond...
Mme Guimond: Oui.
M. Trudel: ...dans votre comparaison en réponse à
la question du ministre sur IPC plus 1 %, plus 2 %, plus 3 %... Bon, d'abord,
précisons que je ne veux pas vous mettre en boîte dans un
débat d'économistes. Ce n'est pas ça du tout. Vous faites
une bonne référence à ce qu'on aperçoit
généralement dans la société comme scheme de
référence, c'est-à-dire l'évolution du monde
commercial et privé. Bon. Vous dites: Dans le commercial et
privé, si ça marchait à plus 3 %, il me semble qu'on
serait comme en voiture. Et vous dites: Dans le cas de la santé et des
services sociaux, de continuer, donc, à y aller à IPC plus 3 %,
on a l'impression que c'est peut-être un peu gras. Le mot est de moi. Ce
n'est pas de vous. C'est peut-être un peu gras. Mais un autre
élément qui est bien répandu comme scheme, c'est: Nous
autres, dans l'entreprise privée, on ne dépense pas plus que ce
qu'on a.
C'est à ça que vous vous référiez comme
élément, comme modèle. Quand vous prenez le tableau de la
page 101 qui fait l'illustration de ces trois scénarios, cette
page-ià, c'est comme un contrat d'assurance. Il faut aller voir les
petites lignes en bas. Regardez bien les petites lignes en bas.
Des voix: Ha, ha, ha! Mme Guimond: Oui, oui.
M. Trudel: C'est là qu'est le secret de l'affaire. Le
tableau de la page 101.
M. Côté (Charlesbourg): Sauf que, sur les contrats
d'assurance, le caractère qui est en bas, ça, c'est le
caractère principal.
Mme Guimond: Oui.
M. Trudel: Oui, c'est ça. Et là, ici, ça
devient aussi le principal dans le mode de calcul. Il est bien dit, dans la
note, que «pour l'ensemble de ces scénarios, les hypothèses
utilisées pour les variables économiques sont: IPC + 3, 5 %; PIB
+ 3, 5 %» Ça veut dire que, quand on irait à + 3 %, on
suivrait très exactement le niveau d'enrichissement de la compagnie. On
ne dépasse pas. Ce que ça veut dire, c'est que le débat
n'est pas situé là parce que le paramètre est bien
établi. Quand on s'enrichit de + 3 %, pourquoi on n'en mettrait pas + 3
% dans la caisse? Dans ce sens-là, 3 % fait juste respecter la richesse
de la compagnie. On n'en met pas plus.
Le véritable débat c'est: Est-ce que le système de
santé et des services sociaux doit contribuer à rétablir
le niveau d'équilibre des finances publiques du Québec? Est-ce
que vous êtes d'accord avec ça?
Mme Guimond: Pas tout seul, certain. Bon. Ça nous
apparaît être un peu odieux, vous savez. Je pense qu'on en a
parié un peu comme quoi on trouve qu'il ne faut pas que l'accent soit
mis... comme quoi il faut que ce soit le système de santé qui
soit le modèle dans ça et l'unique participant. Je ne pense pas
que ce soit la réalité non plus. En tout cas, je l'espère
fortement. La santé, comme je vous le dis, c'est un investissement.
Donc, ii faut peut-être regarder le système de santé comme
étant quelque chose d'un peu différent d'autres services qui sont
offerts et couverts au niveau des dépenses publiques.
M. Trudel: Je vais vous en dire un peu plus. Je suis d'accord
avec vous, absolument. Mais même là, en disant un service public
qui est différent, ce que je viens de dire avec les chiffres, c'est
qu'il n'est même pas différent, là. Il continuerait
à s'enrichir, entre guillemets, du même niveau d'enrichissement
collectif, là. Ça fait que le problème, il n'est pas
là. Le problème serait à l'extérieur de ce
système, au niveau des projections des années à venir.
Bon. Et là, évidemment, peut-être que vous me voyez venir
avec mes grosses bottines. Comme disaient les personnes âgées,
hier: Embarquez-nous pas dans une patente nationaliste, vous, là...
M. Côté (Charlesbourg): Juste dans l'autobus.
M. Trudel:... juste dans l'autobus. ce dont je veux juste qu'on
se rende bien compte, c'est que, quand vous utilisez l'expression - et vous
êtes, quant à moi, socialement, comment dire, dans la moyenne;
vous reflétez parfaitement ce qu'on entend le plus largement sur la
place publique, dans les réseaux d'information, journaux,
télévision - «dans un contexte de rareté de
ressources», c'est une expression que vous avez employée,
«dans un contexte de rareté de ressources» est une
affirmation fausse - ce n'est pas à vous que je fais le reproche, c'est
à tout le monde - dans la mesure où la projection
d'investissements en santé et services sociaux, à sa
théorie, à son hypothèse maximale, prévoit investir
uniquement le pourcentage d'augmentation du produit intérieur brut ou le
rendement général des impôts. Le problème, il est
ailleurs.
Dans la mesure - je conclus là-dessus parce que je n'ai pas le
choix - où le ministre, décrivant la situation, dit: Notre
problème, au départ, il est de 1, 2 % à comprimer... C'est
ce qui dépasse. Ça, ça dépasse le produit
intérieur brut; c'est déjà une job de faire ça, 1,
2 %. Si on veut être correct en matière d'évolution des
dépenses publiques de santé, on a 1, 2 % du PIB ou du pourcentage
de dépenses qu'il faut, de toute façon, comprimer. Le ministre
disait hier: Ça, c'est quelque chose comme 140 000 000 $, 150 000 000 $.
Le restant du problème, ce n'est pas la santé et les services
sociaux; c'est les finances publiques du Québec. Là, il va
falloir aller voir ailleurs ce qui cause ce débalancement et qu'on s'y
attaque fermement. Sans ça, on va faire payer à la santé
et aux services sociaux le problème que nous avons en matière de
santé publique.
Je concluerai en disant: Quant à votre vision de la
révision du panier de services, nom de Dieu, il faut bien faire le
ménage quelque part. Avec une définition comme vous avez
là, quant à moi, je vous dis ça là-dessus, vous
faites progresser le débat À la page 5 de votre document - je
n'ai même pas besoin de vous poser la question, mais il faut que je le
souligne - vous faites progresser le débat de la révision du
panier parce que ça a trois, quatre définitions, ça, la
révision du panier: «L'efficacité des services doit se
démontrer à partir de critères distincts et
multidimensionnels. Pour ce faire, il importe que les aspects sociaux,
économiques, cliniques, éthiques», avez-vous dit, madame de
la section des services professionnels dans votre Ordre. C'est à
ça que nous invite la définition de l'essentiel ou du
non-essentiel et, à cet égard-là, si on fait ça
comme cela, je suis à peu près assuré qu'on n'a pas besoin
de mettre les yeux et les dents dans la balance pour les désassurer en
termes d'essentiel ou de non-essentiel. J'ai parlé beaucoup, mais, si ce
n'était pas vrai ce que je disais, vous m'auriez dit: Non, non, non.
Vous m'auriez arrêté. Merci beaucoup de votre contribution. C'est
appréciable.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Mais parce qu'ils n'ont pas
réagi, ils sont d'accord avec tout.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Oui, pour ça, là.
Mme Pelland: Non, on le laissait aller. Le Président
(M. Joly): M. te ministre. M. Côté (Charlesbourg):
Oui.
Mme Pelland: Mais j'ai déjà trouvé 50 000
000 $ pour vous, M. le ministre, oui, dans la rémunération des
fonctions clinico-médico-administratives. Je m'étais dit que je
le dirais et je vais le mentionner. Il y a un moyen de diminuer probablement
encore, suite à la loi qui a été passée
l'été dernier, là. On peut prévoir qu'il va y avoir
encore des frais de gestion qui vont devoir être versés à
certains chefs de programmes, entre autres les chefs de direction, que vous
allez déterminer à partir de l'article 105, 13°. J'imagine
que c'est le gouvernement qui peut faire ça, mais vous allez avoir une
grosse part de responsabilité. Alors, en plus des 50 000 000 $ qui sont
déjà identifiés, je ne sais pas qu'est-ce que ça
peut représenter. Ça peut peut-être représenter
encore 10 000 000 $, 15 000 000 $, 20 000 000 $, ça. Il y a certainement
une épargne à faire de ce côté-là et
ça va aider, dans une autre mesure, les directrices de soins infirmiers
à exercer leur fonction d'aspect administratif. Je pense qu'on se
comprend.
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
Mme Pelland: En travaillant sur 105, 13°, et en travaillant
sur l'article 189, il y a des économies sérieuses à faire
et ça aidera sûrement au bon fonctionnement des institutions.
M. Côté (Charlesbourg): Je m'en suis fait parler
quand j'ai été hospitalisé à
l'Enfant-Jésus.
Mme Pelland: Bon, parfait! Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): En conclusion, s'il vous
plaît.
M. Trudel: ...avec un boomerang.
M. Côté (Charlesbourg): Non, je pense que ça
interpelle tout le monde et là où il y a des moyens ou des
possibilités, il faut tous les explorer. Merci beaucoup de cette
contribution. On va avoir un rendez-vous sur les thérapies alternatives
et on va avoir un rendez-vous sur la politique de santé et
bien-être, donc il y a encore deux morceaux à votre ticket.
Mme Pelland: Parfait!
Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de cette
commission, à mon tour de vous remercier. Merci d'avoir
été présentes. Nous suspendons nos travaux jusqu'à
14 h 15.
(Suspension de la séance à 13 h 4)
(Reprise à 14 h 26)
Le Président (M. Joly): Bonjour à tous et à
toutes à cette commission. Nous avons le bonheur d'avoir ici l'Ordre des
dentistes du Québec et l'Association des chirurgiens dentistes du
Québec. Avant de vous demander de vous introduire, je vous rappelle un
peu la façon de procéder. Vous avez une trentaine de minutes pour
exposer votre mémoire et, par après, les parlementaires se
partageront la balance de l'enveloppe de temps pour échanges et
discussions. Alors, la personne responsable du groupe c'est?
Ordre des dentistes du Québec et
Association des chirurgiens
dentistes du Québec
M. Boucher (Marc): Dr Marc Boucher, président de l'Ordre
des dentistes du Québec.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.
M. Boucher: J'aimerais vous présenter ceux qui sont avec
moi à cette table: à ma droite, le Dr Jean-Paul Lussier, ex-doyen
de la Faculté de médecine dentaire de l'Université de
Montréal; à mon extrême-droite, le Dr Pierre-Yves Lamarche,
directeur général et secrétaire de l'Ordre. Pour une fois
que j'ai l'occasion de présenter le président de l'Association,
j'en profite. Je ne peux pas manquer ça. Alors, le Dr Claude Chicoine
qui, lui, se fera un devoir de vous présenter celui qui l'accompagne.
Alors, le Dr Claude Chicoine, président-directeur général
de l'Association des chirurgiens dentistes du Québec.
M. Chicoine (Claude): M. le Président, je suis
accompagné de Me Yvan Brodeur qui est consultant a l'Association des
chirurgiens dentistes.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. La parole est
à vous.
M. Boucher: Alors, M. le Président, brièvement, je
vous ferai, comment dire, un résumé succinct et rapide du
mémoire de l'Ordre des dentistes du Québec. J'aimerais, dans un
premier temps, si vous me le permettez, tout d'abord remercier cette
commission, vous, M. le Président, le ministre et son gouvernement, de
nous donner l'occasion, bien sûr, de faire part à cette commission
des vues et des moyens proposés par l'Ordre en regard des points et des
aspects qui relèvent de notre compétence.
L'Ordre des dentistes, comme vous le savez,
a succédé à la Corporation professionnelle des
dentistes que l'on appelait, dans le temps, le Collège, pour devenir ce
qu'elle est aujourd'hui: l'Ordre des dentistes du Québec. L'Ordre
représente les 3300 dentistes qui ont droit de pratique au
Québec. J'aimerais bien rappeler à cette commission, bien
sûr, que le mandat officiel de l'Ordre des dentistes du Québec est
de protéger le public et que, de ce fait, nous pensons qu'il est de
notre devoir d'intervenir en toutes circonstances où la santé
dentaire est mise en cause. Et justement, compte tenu du fait que nous croyons
que la proposition faite à ce moment-ci de désassurer cette
partie curative incluse dans le programme de soins dentaires pour les enfants
pourrait remettre en cause la santé dentaire de ces mêmes enfants,
nous prenons partie pour nous opposer à cette proposition faite par le
gouvernement. Cependant, nous constatons avec satisfaction, bien sûr, que
le programme de chirurgie buccale et que le programme de soins dentaires pour
les prestataires de la sécurité du revenu sera maintenu, bien
évidemment, grâce à C-3.
L'Ordre voit, dans la proposition de réduire le coût des
services dentaires, une atteinte à la santé dentaire des enfants
en ce que le moyen mis de l'avant, la désassurance des soins curatifs de
ce programme, n'est pas l'instrument indiqué pour régler le
problème qui est en cause, c'est-à-dire celui du financement.
Nous prévoyons même que la mise en application de cette mesure va
entraîner des effets contraires aux objectifs de santé à
respecter, même si le volet préventif du programme est
conservé, ce dont l'Ordre, bien sûr, se félicite.
M. Côté (Charlesbourg): Grâce à
C-3.
M. Boucher: C'est vous qui le dites, M. le ministre. Je ne vous
le fais pas dire.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non, moi, je veux juste
compléter. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: J'avais pensé qu'une fois c'était
suffisant. L'examen des faits et des caractéristiques du programme nous
amènera à prouver ce que nous avançons à l'effet
que la proposition mise de l'avant par le gouvernement pourrait causer des
problèmes plus graves que ceux que l'on veut éviter.
Les faits. L'évolution du programme. On le sait, ça a
été mis en place en 1974. À ce moment-là, les
enfants de huit ans étaient les seuls assurés. Avec le temps,
tous les enfants de 15 ans et moins ont été assurés par ce
même programme. En 1982, le gouvernement, pour des raisons qui sont les
siennes, a jugé bon d'apporter des changements importants à ce
programme de sorte que les soins préventifs n'ont plus été
couverts pour les enfants de 0 à 12 ans et que les soins curatifs ont
aussi été éliminés du programme pour les enfants de
0 à 12 ans et de 13 à 15 ans. En 1989, l'examen était
reporté à tous les 244 jours ou à tous les huit mois
plutôt qu'à tous les six mois ce qui, bien sûr, apportait
des réductions de coût importantes.
Quand on regarde la participation des bénéficiaires au
régime, on se rend compte que le taux s'est maintenu à des
niveaux raisonnables, le taux étant, en 1987, de l'ordre de 61 %. Quand
on regarde un peu plus attentivement les chiffres, le taux ventilé de la
fréquentation, en 1989, nous indique qu'il y a une faible participation
des enfants d'âge préscolaire, mais pour ce qui est des enfants de
5 à 14 ans, la participation est de l'ordre de 75 %.
Maintenant, la nature et le volume des services. On se rend compte que
tout ce programme a évolué vers ce que souhaite le
ministère, vers ce que souhaite le gouvernement, c'est-à-dire
vers la prévention. Entre 1983 et 1989, on dénote une
légère hausse des examens, on dénote une
légère hausse de la prévention, mais on constate aussi en
même temps une baisse d'à peu près même dimension au
niveau des soins de restauration. Mais ce qu'il est important de constater,
c'est que les extractions ont diminué de moitié entre 1980 et
1989. Le nombre des services, pendant ce temps, se maintient à un niveau
à peu près semblable. En 1983, il était à 4,4; il
est maintenant à 3,8 services par bénéficiaire en
1989.
L'évolution des coûts. Si tous les services qui sont
assurés par le grand programme de la santé devaient maintenir une
allure semblable à celle qu'ont connue les services dentaires, je suis
même presque convaincu que nous ne serions point ici aujourd'hui puisque
le service a connu une évolution en deçà de l'IPC, de 1983
à 1989. C'est donc dire que les faits nous démontrent hors de
tout doute l'efficacité du programme, du contrôle exercé
sur le programme et une absence de surutilisation des services. Alors, sur ce
plan-là, le contrôle est assuré. Ce qu'il est important de
noter, ce sont les résultats qui nous sont venus de la mise en
application de ce programme. Pour prouver ce que nous avançons, bien
sûr, nous nous appuyons sur des enquêtes qui sont basées sur
des chiffres, sur des faits, sur ce qui s'est passé au Québec,
chez nous. Pas sur la planète Mars, mais bien chez nous.
En 1977, les enfants de 13 ans du Québec étaient, si l'on
peut dire, les seuls aspirants au championnat toute catégorie de la
mauvaise santé dentaire. Nous avions le plus grand nombre de caries, le
plus grand nombre de dents absentes, le plus grand nombre de dents
obturées. On n'avait même pas de gens qui pouvaient nous contester
ce championnat-là, nous étions les champions toute
catégorie. En 1984, après la mise en application du programme
qui, disons-le, a été mis en application en 1974, pour le
CAO,
c'est-à-dire les dents cariées, les dents absentes, les
dents obturées, l'indice chute de 8,5 à 5,6. En 1990, il est
à 4,2. Et ce qu'il est important de noter, c'est qu'en 1990 le nombre de
dents obturées a augmenté d'une façon extraordinaire, de
sorte qu'en 1990 les extractions ne comptent plus que pour 0,7 % des actes
posés à l'intérieur de ce même programme.
Voilà, à notre avis, des effets directs de la mise en application
d'un programme qui a fait plus que la preuve du rapport
coûts-bénéfices.
Il y a d'autres effets à notre avis tout aussi importants, mais
que l'on ne peut pas comptabiliser; c'est, par exemple, le fait que les
enfants, maintenant, de ces âges, de 0 à 15 ans, vont chez le
dentiste, je ne dirais pas en chantant, mais presque. Ils n'ont plus peur
d'aller chez le dentiste. Et ce que l'on est en train de préparer, c'est
une population adulte de demain avec une santé dentaire comparable
à celle de nos jeunes voisins du sud immédiat. Et je parle ici,
bien sûr, des Ontariens et, bien évidemment, des jeunes
Américains. Mais, malgré tout, bien que nous ayons fait des
progrès remarquables, la tâche est loin d'être
terminée. En 1990, la santé dentaire des jeunes
Québécois se compare à celle des jeunes Ontariens de 1978
et à celle des jeunes Américains de 1970. C'est donc dire que la
tâche est loin d'être terminée.
C'est vrai que le volet préventif du programme n'est pas remis en
cause. Mais, à lui seul, nous tenons à le dire à cette
commission, il ne va pas corriger la situation. Nous l'avons souligné
précédemment, il y a encore 25 % des enfants de 5 à 13 ans
qui ne participent pas au programme et on a, comment dire, établi un
lien direct entre les non-participants et les groupes à risque où
l'on retrouve un taux élevé de caries. On a observé
récemment, lors d'une enquête faite par Payette et compagnie, que
25 % des enfants avaient, à eux seuls, plus de 70 % de toute la carie.
Or, il arrive que ces enfants se retrouvent surtout dans les familles à
faibles revenus. On risque donc, avec l'abandon du volet curatif, de les
marginaliser davantage.
Ce que l'on voit dans le livre vert, ce que le ministre propose, ce que
le gouvernement propose, c'est d'établir un lien direct entre la
consommation et la contribution financière, d'exempter les personnes
démunies d'une contribution liée à la consommation et
d'inciter davantage les citoyens à la prévention. Nous, il nous
est apparu, à la lecture de ce document, que cette prise de position
était quasiment légitimée entièrement par une
surutilisation du programme dit des médicaments. Nous, chez nous, ce que
l'on constate, c'est que pour la consommation des services et la contribution
financière, la relation est demeurée parfaitement sous
contrôle. Les services n'ont pas donné lieu à une
surutilisation. Je pense bien que je n'aurai pas besoin de faire de dessin
à personne pour dire qu'on ne va pas chez le dentiste par plaisir, mais
qu'on y va par nécessité. Rares sont ceux qui y vont pour
surconsommer. Quant au contrôle des coûts, on veut ici souligner le
travail fait par la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui a
rempli son rôle en ce domaine de surveillant et de chien de garde des
finances d'une façon tout à fait extraordinaire.
Au sujet des personnes démunies, M. le ministre, on peut
s'attendre à ce qu'une partie des soins rendus dans le cadre du
programme de services dentaires pour les enfants va se retrouver, bien
sûr, dans le programme de services dentaires pour les prestataires de la
sécurité du revenu. Quant aux autres qui en seront exclus, je
pense qu'il n'y a pas besoin encore une fois de faire de dessin, il n'y a pas
besoin d'être grand clerc pour comprendre que ces gens-là vont
utiliser toutes sortes de raisons pour remettre à plus tard leur visite
chez le dentiste et, de ce fait, compte tenu qu'ils ne seront pas chez nous
à tous les six mois, comme il se doit, les problèmes que ces
gens-là vont, comment dire, développer vont nécessiter des
travaux qui vont demander que ces gens-là y consacrent davantage
d'argent.
Pour ce qui est de l'incitation à la prévention, je me
permettrai de souligner que les remarques déjà faites
démontrent clairement que la tendance va vers cette
caractéristique que l'on voudrait voir au régime,
c'est-à-dire la prévention. Nous pensons que le ministère
devra se montrer prudent dans l'application de ses nouvelles orientations pour
ne pas aller à rencontre des objectifs qu'il se propose. Si les services
dentaires curatifs, du fait qu'ils soient intégrés aux programmes
complémentaires... Je voudrais ouvrir ici juste une petite
parenthèse, M. le ministre, pour vous souligner qu'il existe tellement
d'autres beaux adjectifs dans le «Petit Robert» que
«complémentaires». Pour nous, les services dentaires,
c'est...
M. Côté (Charlesbourg): C'est
complémentaire!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: Peut-être pour vous. Mais ils sont tout aussi
essentiels que les autres. Juste pour vous souligner qu'à notre avis, en
tout cas, il n'y a pas de bonne santé comme telle s'il n'y a pas de
bonne santé dentaire. Je vous assure que ce n'est pas facile de se
nourrir et de s'alimenter correctement quand tu n'as pas beaucoup de dents dans
la baboune. Tout ça pour vous dire que vous feriez fausse route - je
parle du gouvernement, bien sûr - si vous deviez aller dans le sens que
vous proposez dans ce livre vert et désassuriez les soins curatifs. Il
va s'ensuivre, quant à nous, un recul d'autant moins excusable que les
économies entrevues ne seront, en définitive, qu'apparentes.
Vous proposez dans votre livre vert une
politique de santé générale. Nous souscrivons
entièrement à cette proposition, mais ce que nous vous demandons,
c'est qu'une politique de santé dentaire soit incluse dans cette grande
politique de santé en général, vous soulignant encore une
fois que la santé dentaire est tout aussi importante que les yeux, que
les oreilles, que le nez et je ne sais trop quoi.
Ce que l'Ordre vous recommande, c'est de conserver le programme de
services dentaires pour les enfants dans sa forme actuelle en ce qui a trait au
volet curatif, et, tant qu'à y être, si on veut éviter que
les coûts ne deviennent de plus en plus importants, de revenir à
six mois dans l'intervalle des examens dentaires pour les enfants, et de
considérer prioritaires les services dentaires à certaines
clientèles spécifiques, et, bien sûr, d'élaborer une
politique dentaire qui fasse état des objectifs à atteindre au
cours des prochaines années. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, Dr. Boucher. Dr.
Chicoine.
M. Chicoine: M. le Président, dans le volume du
ministère de la Santé et des Services sociaux du gouvernement du
Québec en 1990, qui était intitulé «Une
réforme axée sur le citoyen», on peut lire ceci: «La
gratuité des services est une illusion. Les citoyens paient pour les
services qu'ils consomment. Toutefois, les modes de paiement comportent des
différences notables selon que la facture est réglée par
l'individu ou la collectivité. » Fin de la citation. Voilà,
posée en un paragraphe, de façon précise, concise et
intelligente, la problématique du financement des soins de santé
au Québec. La question essentielle est donc la suivante: Qui doit
régler la facture des diverses catégories de services de
santé? Ainsi, eu égard aux soins dentaires assurés, il
faut se demander qui de l'individu ou de la collectivité doit payer la
facture des soins dentaires dispensés aux enfants du Québec.
Dans un premier temps, nous tenterons d'établir ce que nous
enseignent les 20 dernières années. À cette fin, nous
examinerons l'implication financière de la collectivité depuis
l'instauration du régime d'assurance dentaire public en 1973. Nous
traiterons alors des questions suivantes: l'évolution de la couverture
de soins dentaires depuis 1973; les coûts assumés par la
collectivité depuis cette date; le niveau de participation des enfants
au régime et la justification financière de la décision
des citoyens du Québec d'assumer collectivement une partie de la facture
des soins dentaires dispensés aux enfants. Après cette
rétrospective, nous traiterons de la question centrale du présent
débat: Doit-on maintenir intégralement le régime public
d'assurance dentaire pour les enfants? Nous aborderons finalement la question
des sources de financement de l'État et celle de la création d'un
fonds général de services complémentaires.
De 1973 à 1982, la collectivité, c'est-à-dire le
gouvernement, s'implique, puis se retire. On peut dire essentiellement que, de
1973 à 1982, la collectivité a assumé de façon
croissante le coût des soins dentaires aux enfants, puis, au cours des 10
dernières années, que l'État a ciblé et
diminué de plus en plus son engagement, laissant les parents assumer une
part grandissante de la facture. Examinons l'évolution de la couverture
de soins dentaires.
Le programme public de services dentaires est entré en vigueur le
1er mai 1974. Il visait alors les services de prévention et les services
curatifs. Seuls les enfants de moins de 8 ans y avaient droit. Le 1er mai de
chacune des années suivantes, le programme connaît des extensions:
couverture des enfants de 8 ans en 1975, 9 ans en 1976, 10 et 11 ans en 1977,
12 et 13 ans en 1978, 14 ans en 1979 et 15 ans en 1980.
En 1982, la couverture des services assurés est modifiée.
Le programme ne comprend plus ies services de prévention en cabinet
privé pour les enfants de moins de 12 ans. Pour les enfants de plus de
12 ans, la couverture se limite aux services de nature diagnostique et
préventive ainsi qu'aux services de chirurgie, à l'exception de
l'extraction des dents ou de racines. Enfin, le 1er janvier 1989, le
délai minimum entre les examens complets est porté de 180
à 244 jours.
Les modifications de 1982 et de 1989 expliquent, pour une bonne part,
que de 7 % du coût total des programmes de la RAMQ, en 1980-1981, le
coût des programmes de services dentaires pour les enfants ne
représente plus maintenant que 2, 8 % du coût total. Ainsi, depuis
10 ans, l'État, c'est-à-dire la collectivité, a
réduit considérablement sa participation au coût
relié à la santé dentaire des enfants du Québec.
Les parents ont donc assumé individuellement une proportion croissante
de ces coûts. (14 h 45)
Les normes nationales prévues à la loi C-3 ne s'appliquent
pas aux services dentaires assurés par les provinces. Le gouvernement du
Québec et le ministre des Affaires sociales ont donc pu, à
plusieurs reprises et de diverses façons, optimiser l'investissement de
l'État québécois dans la santé dentaire des enfants
du Québec. L'Association des chirurgiens dentistes du Québec a
apporté son soutien à ces efforts chaque fois qu'ils conservaient
intacte la cohérence du régime.
Au titre de l'évolution des coûts et du niveau de
participation des enfants au régime, les résultats sont
impressionnants. Premièrement, si nous regardons la progression des
coûts des programmes, de 1983-1984 à 1988-1989, soit une
période où il n'y a pas eu de modification à la couverture
des soins dentaires assurés, nous remarquons que le coût des soins
dentaires pour les enfants augmente de 5, 9 % en moyenne, alors que celui de
l'ensemble des programmes augmente, pour cette période, de 8, 6 %. De
1980 à 1989,
malgré une population admissible en légère
décroissance, le nombre des participants s'est accru annuellement de 0,8
% en moyenne. Ainsi, le taux de participation est passé de 54,6 % en
1980 à 60,4 % en 1989, soit un accroissement annuel moyen de 1,1 %.
De 1983 à 1988, le nombre de services par
bénéficiaire a diminué, en moyenne, de 1,3 % par
année. Soulignons toutefois une stabilisation du nombre de services par
bénéficiaire à 4,1 au cours des années 1986,1987 et
1988. une analyse plus détaillée révèle que la
baisse de 1983 à 1988 est due au fait que les actes curatrfs ont
diminué, en moyenne, de 4,6 % par année. ces données
indiquent clairement une amélioration constante de la santé
dentaire des enfants.
Finalement, le coût moyen des services est passé de 16,58 $
en 1983 à 20,97 $ en 1989, soit une augmentation annuelle moyenne de 4 %
au cours de cette période. Le fait que le coût moyen des services
se soit accru moins rapidement que les tarifs, de 1983 à 1989,
résulte du changement de composition des différents types
d'actes. En effet, il y a de plus en plus d'actes de prévention ayant un
tarif peu élevé et de moins en moins d'actes curatifs, alors que
le nombre d'examens reste à peu près le même.
À notre avis, en termes de coût global, le régime
public d'assurance dentaire du Québec est moins coûteux qu'un
système où les citoyens défraient eux-mêmes ou par
le truchement de leur régime d'assurance privé le coût des
services dentaires dispensés aux enfants. À titre illustratif,
examinons la situation des coûts de la santé aux
États-Unis. Alors qu'au Québec tous les citoyens ont accès
aux services médicaux et hospitaliers, aux États-Unis, 17,5 % de
la population n'a aucune couverture médicale privée ou publique.
Ce pourcentage représenterait, au Québec, 1 200 000 personnes.
Pourtant, en 1987, aux États-Unis, les dépenses totales de
santé par habitant étaient de 2051 $ US comparativement à
1440 $ US au Québec. Par ailleurs, le taux de mortalité infantile
et le taux de mortalité prénatale sont plus élevés
aux États-Unis qu'au Québec. On peut comprendre que 10 %
seulement des Américains considèrent que, dans l'ensemble, leur
système de santé fonctionne bien.
Pour la collectivité, un système public de santé
peut donc représenter un investissement plus rentable qu'un
système privé. Les raisons sont multiples. Ainsi, à titre
d'exemple, les honoraires versés aux médecins
québécois sont négociés par l'État qui,
profitant de sa situation de législateur et d'acheteur unique de ces
services de santé, obtient un niveau d'honoraires plus faible que celui
du marché libre. La Régie de l'assurance-maladie, comme agent
payeur unique, est en situation idéale pour exercer un contrôle
très serré sur l'ensemble de la facturation des professionnels,
ce qu'aucune compagnie d'assurances ne peut réaliser. De plus, la
Régie, qui administre un régime de santé unique
s'ap-pliquant à tous les citoyens du Québec dans un cadre de
procédure de facturation identique pour chaque catégorie de
professionnels, administre les régimes de santé à un taux
extrêmement faible comparé au taux que l'on retrouve chez les
assureurs privés. Avec un budget de 72 000 000 $, la Régie
administre des demandes de prestations totalisant 3 016 000 000 $, soit un taux
de 2,3 %. Or, les assureurs privés chargent usuellement de 10% à
15% pour les services d'administration.
Qu'en est-il des services dentaires dispensés aux enfants? Le
ministère des Affaires sociales négocie avec l'Association des
chirurgiens dentistes du Québec les taux payés par la
Régie de l'assurance-maladie pour les services assurés par
décret du gouvernement. Comme représentant de la
collectivité et négociateur d'une masse importante de services,
le gouvernement est bien placé pour obtenir des taux
préférentiels, et il les obtient. C'est ainsi que les taux
versés par la Régie de l'assurance-maladie représentent
environ 50 % des taux prévus - on va s'obstiner là-dessus, M. le
ministre, ça va venir tout à l'heure, soyez patient - au
«Guide des tarifs» de l'Association des chirurgiens dentistes du
Québec. Bien sûr, les dentistes ont souvent indiqué que ces
honoraires sont trop faibles. Pourtant, ils ont accepté de dispenser des
soins à ces conditions, convaincus qu'ils sont de l'importance d'un
régime public d'assurance dentaire pour les enfants, car ils savent
d'expérience que les bases d'une saine dentition à l'âge
adulte sont déjà posées même avant
l'adolescence.
La Régie de l'assurance-maladie du Québec est
l'administrateur unique de ce régime. Tel qu'indiqué
précédemment, elle administre le régime à des
coûts beaucoup plus faibles que ceux chargés par des assureurs
privés. En d'autres termes, le régime actuel permet à tous
les enfants québécois de recevoir des services pour un coût
global moindre qu'en l'absence de régime public, même si, alors,
des milliers de jeunes Québécois étaient privés de
services pour des raisons économiques.
Nécessité de maintenir intégralement le
régime public d'assurance dentaire pour les enfants. Les enfants
québécois peuvent-ils se passer du régime public
d'assurance dentaire? L'examen des données
épidémiologiques concernant la carie dentaire chez les enfants du
Québec nous fournit une réponse non équivoque. Citons une
étude du Dr Daniel Kandelman, professeur à l'Université de
Montréal et gradué de Harvard: «Les comparaisons avec les
enquêtes réalisées dans d'autres provinces canadiennes et
aux États-Unis indiquent que la baisse de la carie a été
plus importante au Québec au cours des 15 dernières
années, mais il faut tenir compte du fait que la prévalence de la
carie a été très élevée dans le passé
dans la population québécoise et notamment chez les
francophones.
À partir des chiffres de l'enquête «Santé
dentaire Québec 1990» et de ceux de l'enquête nationale
réalisée en 1986-1987 aux États-Unis, il faut constater
qu'à l'heure actuelle les enfants du Québec ont 40 % plus de
caries que les enfants américains du même âge. La
différence entre le CAO du Québec et ceux de l'Ontario, de
I'Alberta et de la Colombie-Britannique est respectivement de 34 %, 35 % et 42
%. Il faut également observer que, malgré les progrès
importants enregistrés au cours des dernières années au
Québec, la prévalence de la carie des écoliers
québécois en 1990 correspond à celle des enfants ontariens
en 1978. Ces comparaisons montrent à quel point il est capital de
continuer les efforts de nos politiques de santé dentaire.» Fin de
la citation.
Notons qu'il n'y pas de régime public d'assurance dentaire en
Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, mais le problème se pose
bien différemment dans ces trois provinces, vu la différence avec
le Québec dans le taux de la carie chez les enfants et vu que la
proportion des enfants y détenant une protection d'assurance dentaire
privée y est beaucoup plus élevée qu'au Québec.
Par ailleurs, notons que les enfants des provinces suivantes
bénéficient d'un régime public d'assurance dentaire
comprenant les examens, les actes de prévention et les actes cura-tifs:
Saskatchewan, Manitoba, Nouvelle-Ecosse, île-du-Prince-Édouard et
Terre-Neuve.
Les effets d'une désassurance des soins dentaires sont
essentiellement prévisibles. Ainsi, l'expérience de la
désassurance des soins curatifs pour les 13, 14 et 15 ans en 1982 permet
de conclure qu'advenant la désassurance des soins curatifs pour les
enfants de 12 ans et moins des milliers d'enfants de familles à faibles
revenus cesseront de fréquenter le dentiste.
Il est injustifiable de refiler aux parents la facture des soins
dentaires curatifs de leurs jeunes enfants, particulièrement dans un
contexte de difficultés économiques où les familles sont
d'autant plus vulnérables. Il serait bien difficile de concilier une
telle mesure avec la politique familiale du Québec dont le gouvernement
est fier, à juste titre. Il serait également difficile d'affirmer
que l'on a respecté l'une des priorités du gouvernement
énoncées au document «Un financement équitable
à la mesure de nos moyens»: l'accessibilité des citoyens
démunis aux services complémentaires.
Le financement. Le document «Un financement équitable
à la mesure de nos moyens» traite de façon bien
spécifique du financement des services complémentaires. De
façon préliminaire, il est opportun de bien saisir la notion de
«services complémentaires». Le concept de services
complémentaires n'est pertinent et utile pour désigner les
services dentaires qu'en relation avec la couverture visée par la loi
C-3. En d'autres termes, tout service de santé dont le financement n'est
pas assumé par le gouvernement fédéral dans le cadre de
C-3 est un service complémentaire. La pertinence de cette notion se
limite donc au cadre du financement conjoint fédéral-provincial
des services de santé.
Par ailleurs, dans une perspective globale de politique de la
santé, les services dentaires sont évidemment des services de
base. Il sont aussi des services préventifs. Comment désigner
autrement des services de santé dont dépend l'état de
santé général d'un bénéficiaire?
D'autre part, il nous semble important de préciser que les
services dentaires couverts par le régime public rencontrent depuis
longtemps les orientations majeures du gouvernement. Premièrement, le
lien direct entre la consommation individuelle et la contribution
financière existe depuis 1982 puisque, depuis cette date, les parents
défraient eux-mêmes le coût des services de
prévention pour les enfants de moins de 12 ans et des services curatifs
pour les enfants de plus de 12 ans. Il n'existe évidemment aucun
problème de surconsommation de services dentaires assurés chez
les jeunes, vu que la visite chez le dentiste les incitent rarement à
des effusions de joie.
Pistes de solutions. Ces remarques préliminaires étant
énoncées, il convient de discuter des modalités de
financement de la contribution de la collectivité qui nous semblent les
plus appropriées. Soulignons d'abord que nous ne prétendons
à aucune expertise dans le domaine des finances publiques. Pour autant,
nous répondons volontiers à l'invitation du ministre et nous nous
permettons d'indiquer quelques pistes de solutions. Autant que possible, nous
chercherons des solutions dans notre domaine d'activité, évitant
ainsi la tentation tellement répandue de pelleter sa neige dans la cour
du voisin.
Première piste. Au début de notre mémoire, nous
identifions la question essentielle du présent débat: Qui doit
régler la facture des soins dentaires dispensés aux enfants du
Québec? Le parent ou la collectivité? Depuis 10 ans, la
proportion de la contribution des parents s'est accrue considérablement
alors que celle de la collectivité diminuait d'autant. Tout
rétrécissement futur de l'implication de la collectivité
viendrait mettre en péril l'équilibre fragile du régime
actuel et les acquis en termes de santé dentaire des enfants du
Québec. Tenant compte de cet état de fait, nous n'hésitons
pas à suggérer que la contribution de la collectivité soit
financée à partir du fonds consolidé ou d'une contribution
mixte des employeurs et du fonds consolidé.
Deuxièmement, par ailleurs, si le gouvernement devait retenir une
formule impliquant un nouvel effort financier de la part des parents, nous
privilégions la formule d'un impôt-services. Pour nous, cette
approche a surtout le mérite d'assurer une contribution du
bénéficiaire qui augmente en fonction de son revenu. On a
soulevé certains problèmes administratifs reliés
à cette formule. Ces problèmes ne nous semblent pas plus
complexes que ceux qui seraient créés dans le cadre de
l'administration de la Loi sur l'aide sociale, advenant une désassurance
des soins curatifs. En effet, pour les enfants des bénéficiaires
de l'aide sociale, les soins désas-surés aux termes de la Loi sur
l'assurance-mala-die deviendraient des soins couverts aux termes de la Loi sur
l'aide sociale. L'administration de cette loi en serait considérablement
compliquée. D'autre part, on s'est questionné sur les coûts
administratifs d'une telle mesure. Il nous semble évident que les
avantages financiers extrêmement importants d'un régime public
compensent largement cet inconvénient. Pensons notamment aux faibles
tarifs payés par la Régie de l'assurance-maladie et aux
économies d'échelle réalisées par cet organisme. Au
seul titre des frais d'administration, on parle ici de 10 % d'économie
par rapport à un assureur privé.
Enfin, il nous semble que le gouvernement devrait expérimenter la
formule de l'impôt-services dans un secteur limité d'abord avant
d'en étendre la portée ailleurs dans le système. Nous
sommes disposés à collaborer à cette
expérience.
Troisièmement, l'extension de l'impôt-services à
d'autres services. Nous croyons qu'un système d'impôt-services
pourrait être très utile pour contrôler les coûts de
certains programmes, notamment: programme de médicaments, visites
médicales trop fréquentes, services d'hôtellerie dans les
hôpitaux, etc. (15 heures)
Quatrièmement, le contingentement des effectifs dentaires. Nous
sommes la seule province, au Québec, avec trois facultés. Si on
compare les cours de nos hygiénistes dentaires avec ceux de la
Colombie-Britannique où il y a à peu près le même
nombre de dentistes, en Colombie-Britannique, il y a une école
d'hygiénistes dentaires et, au Québec, nous avons les moyens de
nous en payer huit.
La révision du programme public de prévention dentaire et,
finalement, l'exigence de frais correspondant aux coûts réels pour
les étudiants étrangers.
Le document «Un financement équitable à la mesure de
nos moyens» suggère un nouveau cadre dans le but de
rétablir la visibilité des liens systématiques existant
entre l'ensemble des dépenses sociales et de santé ainsi que leur
source de financement, soit la création du fonds général
des services sociaux et de santé. Cette approche est réaliste et
prometteuse. Elle devrait permettre au gouvernement, aux citoyens et aux
dispensateurs de services de mieux identifier les revenus et les
dépenses du secteur de la santé et, par conséquent, de
mieux cerner les problèmes et les voies de solutions.
Nous croyons toutefois que les objectifs d'une telle approche commandent
que l'on crée à tout le moins deux fonds: un fonds pour les
services sociaux et un fonds pour les services de santé. En effet, nous
voyons peu d'avantages à traiter, comme partie d'un même ensemble,
des services essentiellement différents, tant de par leur nature que de
par leur source de financement. Par ailleurs, il serait peut-être
opportun de subdiviser le fonds pour les services de santé si l'on vient
à la conclusion que les sources de contribution devraient être
différentes selon qu'il s'agisse de services dentaires ou d'autres
services.
Conclusion. Nous croyons que les Québécois veulent
maintenir intégralement leur contribution collective au coût des
services dentaires dispensés aux enfants. Leur choix est
justifié. Premièrement, la collectivité ayant
déjà choisi en 1982 et en 1989 de restreindre sa participation au
coût des services dentaires dispensés aux enfants, les parents ont
vu leur contribution individuelle augmenter substantiellement au cours des 10
dernières années. Deuxièmement, le régime public de
soins dentaires assurés a été un succès; depuis 10
ans, les coûts sont à la baisse alors que la participation des
enfants est en hausse. Troisièmement, en termes de coût global, le
régime public d'assurance dentaire est moins coûteux qu'un
système où les citoyens défraient eux-mêmes, ou par
le truchement d'une assurance privée, le coût des services
dentaires dispensés aux enfants. Quatrièmement, malgré une
amélioration importante de leur santé dentaire, les enfants
québécois ont encore un besoin essentiel du programme public de
soins dentaires assurés, autant pour les services préventis que
curatifs. Le niveau actuel de la carie dentaire ne laisse aucun doute à
ce sujet.
Le régime public de soins dentaires est une réalisation
exceptionnelle de notre collectivité. Il a permis d'améliorer
l'état de santé dentaire des Québécois de
façon déterminante. Malgré ces progrès, vu les
retards énormes que nous avions accumulés, nous n'avons pas
encore atteint le niveau de santé dentaire ayant cours dans les
sociétés industrielles auxquelles nous aimons nous mesurer. La
collectivité doit donc continuer d'aider les jeunes
Québécois et leurs parents. Nous avons suggéré des
pistes de solutions. Le gouvernement du Québec peut compter sur notre
collaboration pour actualiser celle qu'il choisira de privilégier.
Le Président (M. Joly): Merci, Dr Chicoine. Vous avez
remarqué que je vous ai laissé déborder largement. Alors,
ça suppose qu'on va avoir un petit peu moins de temps pour la
discussion. Je vous remercie. M. le ministre, s'il vous plaît!
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Si vous avez compris, c'était préventif.
D'abord, commençons par admettre des choses. Ça me paraît
être dans l'ordre. Oui, il y a eu une progression qu'on pourrait
qualifier de fulgurante de l'état de santé dentaire au
Québec.
Je pense que les chiffres qui sont là sont très clairs, et
c'est certainement dû à la qualité professionnelle et
à la prévention aussi, de manière générale,
si on en est là aujourd'hui. Oui, effectivement, rapport
qualité-coût, ce n'est pas si mal. On verra tantôt, parce
qu'on va s'en reparler un petit peu, que c'est acceptable.
Oui, globalement, un contrôle des coûts. M. Boucher avait
parfaitement raison de dire que si, de manière globale, le reste
était contrôlé comme celui-là l'a été,
on serait peut-être encore ici, mais on se parlerait juste de mesures
d'efficience et d'efficacité, on ne se parlerait pas du reste,
probablement. De 1986 à 1990, c'est passé de 111 000 000 $
à 115 000 000 $. Ce n'est quand même pas des augmentations
à faire trembler tous les trésors. Continuons dans ces
affirmations-là parce qu'elles m'apparaissent assez importantes. Rendons
à César ce qui appartient à César. C-3, pour la
partie qu'on lui doit dans ce programme particulier, c'est la chirurgie buccale
en établissement, et c'est 3 800 000 $ sur les 115 000 000 $. C'est
ça qu'on doit à Ottawa. Par rapport à son
désengagement, il y a un déséquilibre assez important.
Je continue. Dans le reste, c'est le gouvernement du Québec qui
décide. Prévention, c'est le gouvernement du Québec qui a
décidé de la mettre. Le programme d'aide sociale, c'est le
gouvernement du Québec aussi qui l'a intégré. Quand on
fait tout ça, pour savoir ce dont on parle actuellement - ça me
paraît très important avant même de commencer à
échanger un petit peu - on dit: 115 000 000 $, le programme. Donc, on ne
touche pas aux 3 800 000 $, ils sont protégés par C-3. Merci au
fédéral. Pour au moins une fois, il y en aura une, fois, pendant
cette commission-là, où on aura pu dire un merci réel et
sincère au fédéral.
M. Trudel: ...1 200 000 000 $. Mais, là, on diminue
ça de la facture. On s'entend.
M. Côté (Charlesbourg): On diminue ça,
premièrement. Deuxièmement, on dit: Le programme sur l'aide
sociale. Troisièmement, la prévention. En tout cas, moi,
ça m'a paru clair dans le document. On va le relire. Des fois, moi
aussi, je suis obligé de relire parce qu'on en voit tellement
d'interprétations différentes que je viens que je ne sais plus ce
qu'on a dit dans le document. Je regarde mon petit document à la page
82, et on va le relire ensemble.
C'est bon, à part de ça. Quand je le relis, je trouve que
je ne m'en sers pas assez souvent, du livre. À la page 82, on va le lire
ensemble: «L'introduction de services dentaires assurés pour les
enfants visait à favoriser la prévention et à corriger un
nombre élevé de caries affectant leur santé dentaire. Des
progrès importants ont été observés depuis
l'introduction du programme. Une désassurance éventuelle ne
porterait que sur la partie des services dentaires curatifs de ce programme
dont les coûts peuvent être en grande partie évités
par une hygiène buccale normale qui relève de la
responsabilité individuelle et familiale. Les efforts actuels
d'éducation à l'hygiène buccale et les services d'examen
annuel ayant un effet préventif seraient maintenus. La
désassurance ne s'appliquerait pas aux enfants de familles
bénéficiant de prestations de sécurité du
revenu.»
Donc, ça c'est là, c'est clair. C'est ce que je venais de
dire, pour être bien sûr. On parle de quoi, financièrement?
On parle, en somme, de 34 000 000 $ sur un programme de 115 000 000 $. On peut
bien se chicaner sur quelques milliers de piastres, mais on parle de 34 000 000
$. Donc, ce n'est pas le cataclysme qu'on oserait prétendre par rapport
à ce qu'on entend à gauche et à droite.
Je ne dis pas que c'est vous autres qui le véhiculez, mais, sur
le plan de la désassurance, il y a quand même des choses qu'on
maintient et qui sont extrêmement importantes. On garde ça
à l'esprit. La mesure gouvernementale, donc, ce qu'elle vise, c'est 34
000 000 $ sur 115 000 000 $. Logique. Prévention. D'ailleurs, des
optométristes s'en servent, de ça. Ils disent: Pourquoi avez-vous
de la prévention là et qu'ailleurs vous n'en avez pas? On verra
ça dans l'autre ronde, tantôt, comment on règle
ça.
Tout le monde le dit, il y a des progrès considérables
parce que... Et on se glorifie de tout ça. Donc, sur le plan politique,
c'est payant aussi. Malgré le fait qu'on a fait des
réaménagements à l'intérieur du programme, on se
glorifie de tout ça. On dit: Les politiciens ont été
prévoyants, peu importent les gouvernements, ils ont maintenu le
système. Ça donne des résultats très
intéressants et extraordinaires. Quand je regarde dans mon petit cahier,
à la page 123... Attendez un peu, je vais retrouver ma petite page
123.
Le Président (M. Joly):...
M. Côté (Charlesbourg): Comment?
Le Président (M. Joly)
M. Côté (Charlesbourg): On va voir ça
tantôt. À la page 123, on a le tableau de comparaison
interprovinciale.
M. Boucher: Je vous soulignerais une erreur, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. M. Boucher: Vous
l'avez vue?
M. Côté (Charlesbourg): Je vais la corriger tout de
suite.
M. Boucher: Correct.
M. Côté (Charlesbourg): On a les mêmes sources
d'information, pour moi. L'erreur, c'est l'Alberta.
M. Boucher: Je n'en suis pas certain, non. Sur le Québec.
Sur le Québec, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, ça marche. Mais,
globalement, juste pour bien se comprendre, on voit l'Ontario, la
Colombie-Britannique: aucun. Je suis convaincu que vous me voyez venir. Donc,
il n'y a pas de programme en Ontario et il n'y en a pas en
Colombie-Britannique. Quand on regarde l'état de santé dentaire
dans ces provinces-là, y compris les États-Unis où,
là non plus, il n'y a pas de programme... Si je vous ai bien compris
tantôt, dans votre présentation, vous avez dit: On cherche
à atteindre les niveaux relatifs de l'Ontario. J'aimerais ça vous
entendre là-dessus. Je trouve ça extraordinaire que l'Ontario, la
Colombie-Britannique, l'Alberta, même les États-Unis aient une
santé extraordinaire et qu'on veuille les atteindre, nous autres, par un
système public, alors qu'eux autres ils l'ont par le privé.
Expliquez-moi ça, je ne comprends plus rien.
M. Boucher: Le Dr Lussier qui m'accompagne semble avoir envie de
vous répondre. Alors, compte tenu de l'expérience de ce jeune
homme - il a un peu vécu et pas tellement lu - je le laisserai
répondre à la question que vous posez et j'y ajouterai, si
nécessaire. Dr Lussier.
M. Lussier (Jean-Paul): M. le Président, je pense qu'il
faut remonter pas mal loin et se rappeler que la fluoration est un
système qui a été mis en vigueur de façon assez
irrégulière au Canada, mais qui l'a été de
façon assez systématisée aux Etats-Unis. L'avance sur la
santé dentaire qui a été prise aux États-Unis
dépend, en grande partie, sinon exclusivement, pour les premières
années, de l'efficacité de la fluoration. Il ne faut pas oublier
que la fluoration est en vigueur depuis 1945, à peu près à
ce temps-là aux États-Unis. Donc, ça veut dire que
ça fait 45 ans que la plupart des États américains et que
toutes les grandes villes américaines, sauf Los Angeles, profitent de la
fluoration. Ceci amenait, au départ, 50 % de protection contre la
carie.
En Ontario, la fluoration a été instituée en 1960,
un petit peu avant, disons, dans certaines villes, en 1955, mais à
Toronto et dans les environs de Toronto, à partir de 1960. Cette
intervention-là qui dure encore est responsable, justement, de cette
différence. Si la même utilisation de la méthode avait
été faite au Québec, je pense qu'on pourrait se comparer
actuellement favorablement avec...
M. Côté (Charlesbourg): La Colombie-Britannique?
M. Lussier: Le cas de la Colombie-Britannique est un petit peu
différent. C'est vrai qu'ils n'ont pas eu la fluoration en
Colombie-Britannique. Mais ils ont eu un système public de surveillance
et d'éducation qui a été extrêmement efficace et qui
a pris naissance dans les années cinquante. Je pense que, si on avait,
encore une fois, utilisé la même méthode ici, en ayant,
dans le système public, des interventions aussi immédiates qu'on
le fait de ce côté-là, nos résultats seraient encore
meilleurs aujourd'hui.
M. Chicoine: Vous permettez, M. le ministre, sur la
Colombie-Britannique... Au Québec, il y a 18 % des
Québécois qui ont une assurance dentaire privée et, en
Colombie-Britannique, 80 %.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Évidemment...
M. Chicoine: Ça change l'état de santé.
M. Côté (Charlesbourg): oui, mais c'est signe qu'une
assurance privée est payée par l'individu puis que ça
donne des résultats au bout de la ligne.
M. Chicoine: Dans un système différent.
M. Côté (Charlesbourg): Ah, ça ne marcherait
pas chez nous?
M. Chicoine: Non, non. Là, on commence à comparer
des choses qui ne sont pas exactement dans le même cadre.
M. Côté (Charlesbourg): On parle et on donne comme
exemple l'état de santé dentaire des gens, que ce soit... Je
comprends quand on me dit: L'exemple de l'Ontario... La fluoration, on ne l'a
pas au Québec. Je comprends aussi quand on me donne des exemples des
États-Unis. La fluoration, on ne l'a pas au Québec. En
Colombie-Britannique, il n'y en a pas. À ce qu'on me dit, en
Colombie-Britannique: surveillance et éducation.
M. Chicoine: Et éducation.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je pense que c'est
très important, puis c'est un débat très mature qu'on
fait. Donc, quand on regarde de plus près l'état de santé
dentaire des Québécois, ceux qui ont profité du programme
- si c'est un mythe, on va le détruire aujourd'hui puis, si c'est vrai,
on va le confirmer - au Québec sont ceux davantage de la classe moyenne
que des gens pauvres. Malgré le fait que c'était accessible,
universel, gratuit, ces gens-là n'en ont pas
bénéficié. C'est davantage les classes moyennes. Dans la
mesure qui est proposée, nous protégeons les démunis.
Donc, là où il y a encore place à de l'amélioration
de la santé, de manière très
importante - je vais y aller directement parce que, par la
Colombie-Britannique, vous me parlez de surveillance et d'éducation -
est-ce que ce n'est pas davantage par la surveillance, l'éducation,
l'information et la prévention qu'on va réussir à
rejoindre ces gens-là que par le curatH? Il me semble bien
qu'effectivement on a fait des progrès substantiels. Est-ce que les
progrès à faire, à ce moment-ci, au Québec, pour
améliorer ne sont pas davantage par le préventif dans les
catégories qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas été
atteintes par ces programmes-là?
M. Boucher: Le problème que vous avez, M. le ministre,
là-dessus, vous et ceux qui vous conseillent, c'est que vous faites une
distinction nette entre le préventif et le curatif. Vous faites
ça comme si c'était dans deux petites boîtes à part,
comme s'il ne pouvait pas y avoir de synergie entre le préventif et le
curatif. Pourtant, Dieu sait que la médecine, la médecine
dentaire, ça ne se fait pas d'une façon compartimentée
comme vous le voudriez. (15 h 15)
Je vous donne, par exemple, le programme que vous proposez. Si on
devait, comme vous le dites, éliminer du programme le curatif qui, soit
dit en passant, on ne se chicanera pas sur les chiffres là, mais on dit
que... En tout cas, en 1990, c'était 32 000 000 $, plus les quelques
montants que vous récupérez du fédéral pour les
moins bien nantis. Parlons de quelque 30 000 000 $. Dans l'état actuel
du programme, on le sait, la prévention n'est pas assurée pour
les enfants de 0 à 5 ans, pas plus qu'elle ne l'est pour les 6 à
12 ans.
On se dit que ça se fera peut-être par le biais de
l'enseignement que l'on fait dans les écoles, de vos hygiénistes
qui s'y promènent et qui tentent de faire leur possible: II est à
noter que les enfants de 0 à 5 ans sont d'âge préscolaire,
donc ils n'y sont pas. Si on devait aller dans le sens que vous proposez, alors
que, ces gens-là, ces petits venant dans nos bureaux, nous pouvions
faire de la prévention et de l'éducation par le biais du
curatif... Ce n'est pas défendu, au moment de toucher à une
obturation, de semer la bonne nouvelle, de parier de l'importance que doit
avoir la santé dentaire. C'est donc dire que la prévention se
faisait au moment où nous faisions du curatif.
Les enfants de 6 à 12 ans qui sont dans les écoles, vous
le savez fort bien, comme moi, que les hygiénistes ne font que leur
possible. Elles ne sont pas comme Dieu, elles ne peuvent pas être
partout. Compte tenu de leur nombre restreint, vous le savez bien, elles ne
peuvent atteindre cette jeune population des 6 à 12 ans qui, elle aussi,
est exclue de la prévention dans le régime actuel. C'est donc
dire que, pour cette tranche de la population, nous faisions la même
chose pour ces gens-là que nous faisions pour les petits de 0 à 5
ans et que, finalement, venant chez nous, nous en profitions pour tes
instruire, pour les informer, pour sensibiliser les parents qui les
accompagnaient à l'importance que doit avoir la santé
dentaire.
Quant au fait que les services, le programme ne soient
fréquentés que par les gens, disons, socioculturellement plus -
je ne sais pas quoi -favorisés ou par les autres, il n'est pas facile,
M. le ministre, à partir des chiffres que nous donne la Régie,
d'en arriver à la conclusion à laquelle vous arrivez. Puisque
l'on sait qu'il y a quand même 75 % des jeunes de 5 à 13 ou 14 ans
qui fréquentent le dentiste ou qui, finalement, profitent du programme,
ce serait donc dire que les 25 % qui n'en profitent pas, ce ne sont que des
démunis ou que ceux qui en profitent, ce ne sont que ceux de parents qui
sont bien nantis.
Sans vouloir, M. le ministre, vous faire des blâmes, je vous dirai
que, si, finalement, les démunis ne fréquentent pas suffisamment
le dentiste, c'est, d'une part, parce que le gouvernement n'a pas fait assez de
publicité autour du programme, et j'en veux pour preuve...
Écoutez, même mes amis, des docteurs, comme le Dr Richer, sont
prêts à vous proposer comme solution de jeter le programme
complémentaire des services dentaires carré dans le
Saint-Laurent. Lui-même, le docteur, ne considère pas les services
dentaires comme importants. Il est prêt à les balancer pour garder
d'autres choses dans le programme global. Si le docteur ne comprend pas,
dites-vous bien qu'il y a une partie de la population qui n'est pas en mesure
de comprendre, hein?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît!
M. Boucher: Ceci dit, M. le ministre, l'Ordre des dentistes... Je
veux vous dire, M. le ministre...
M. Côté (Charlesbourg): à ce que je viens de
comprendre, alors que c'est le ministre qui était visé pour se
faire arracher une dent, c'est un docteur qui l'a eu.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: Lui, on vient de lui en visser une. Il faut dire que
je l'avais vu, avec vous, au programme «Scully rencontre». Voyant
bien que personne ne se gênait pour pelleter chez nous, avec la
méthode Ryan, ce qu'H ne fallait pas faire, je me suis dit: Si les
gens...
M. Côté (Charlesbourg): Vous êtes
influencé par des dossiers de la maison, vous là, si vous parlez
de Ryan.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: Vous me connaissez trop bien, vous.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: Remarquez, M. le ministre, que ce n'est pas là
votre seul mérite de me connaître très bien.
M. Trudel: Vous n'êtes pas comme Sinclair Stevens, vous
parlez au déjeuner, vous autres.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: On essaie, on a un modérateur des
débats. Tout le monde parle beaucoup chez nous. Enfin, ceci étant
dit, je pense que je veux rajouter ceci. C'est que l'Ordre des dentistes,
compte tenu de ses faibles moyens et avec l'argent de ses membres, a fait,
comme vous avez pu le constater, de la publicité dite institutionnelle,
vantant les mérites de la santé dentaire si l'on veut avoir une
bonne santé en général. De là, M. le ministre,
à vous inviter à investir quelques millions dans une
publicité de cette nature, comme celle qui, disons-le, a peut-être
réussi à changer le comportement de nos conducteurs d'automobile.
Je ne vois pas pourquoi on n'en arriverait pas, par le biais d'une
publicité qui vous coûterait beaucoup moins cher que ce que vous
voulez faire en désassurant le curatif, qui lui... Cette
mesure-là va faire que les gens vont se ramasser avec des
problèmes importants. Je vous incite à investir dans la
publicité.
M. Côté (Charlesbourg): On me signifie qu'il ne me
reste pas grand temps, mais j'ai bien des petites affaires à vous
proposer. Dans ces échanges-là de services, oui, effectivement,
on pourrait peut-être investir. Moi, je vais vous en donner une pour vos
dentistes. J'ai des enfants, moi aussi. Expérience personnelle. À
l'occasion, ils nous font un rappel que le temps est arrivé. Ils
pourraient mettre le même effort pour avertir ceux qui n'y vont jamais,
dans les zones défavorisées. Ça aussi, sur le plan de la
collaboration...
M. Chicoine: Ceux qui n'y vont jamais, ils ne les connaissent
pas.
M. Côté (Charlesbourg): Comment?
M. Chicoine: Ceux qui n'y vont jamais, ils ne les connaissent
pas.
M. Côté (Charlesbourg): Ah! mais ça serait
bien facile, sur le plan publicitaire, d'y aller et de les informer parce que
m'appeler, moi, pour me dire d'y retourner, ce n'est pas... Moi, je le sais
qu'il va falloir y retourner. Mais le temps investi pour m'avertir qu'il faut
que j'aille, il pourrait être investi pour aller chercher de la
clientèle.
M. Boucher: m. le ministre, dans la mesure de nos faibles moyens
- je vous le disais tantôt - on a investi 500 000 $ par année
là-dedans.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je trouve tout
à fait extraordinaire, c'est qu'au lieu de l'avoir investi pour dire au
gouvernement, avec NATCOM, que vous êtes après aller à une
catastrophe, vous avez conservé l'argent pour être capable
d'informer les gens. Bravo! C'est comme ça qu'on doit travailler dans la
société, sur le plan positif.
Mais, comme on parle de piastres et cents...
M. Boucher: Je n'aime pas ça quand vous me faites...
ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, comme on
parle de piastres et cents, et qu'on veut tenter de les trouver
là...
M. Chicoine: Mais, est-ce que je pourrais, M. le ministre, comme
vous parlez de piastres et cents...
M. Côté (Charlesbourg): Oui, juste... Le
Président (M. Joly): Dr Chicoine.
M. Côté (Charlesbourg): Mais vous allez avoir la
chance de répondre par mes questions, j'en ai des bonnes qui vont
s'adresser à vous autres. Je pense qu'elles sont bonnes. Si elles ne
sont pas bonnes, vous me le direz. Il n'y a pas de gêne, on est entre
nous autres. Donc, dans le programme actuel, il y a un certain nombre de points
sur lesquels on pourrait travailler. Si - une supposition - on ne
désassure pas... Notre objectif, c'est de tenter de trouver des sous. Il
y a peut-être moyen par l'efficience, l'efficacité d'en trouver.
Je veux vous donner quelques exemples. Je voudrais avoir votre point de vue
là-dessus, pour savoir si on peut travailler pour aller le chercher. De
ça dépendra ce qu'on aura à prendre comme décision
ultérieurement. Comme vous l'avez dit, j'ai des bons conseillers.
M. Boucher: On verra.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez dit, tantôt,
que la RAMQ faisait un contrôle tout à fait extraordinaire. J'y ai
vu des compliments à la RAMQ. Comme c'est les mêmes qui me
conseillent, on va voir dans les solutions, ça peut apparaître
aussi très intéressant. Limite de paiement, limite
supérieure de paiement. Ça signifie qu'il y aurait, possiblement,
quelques millions de dollars à aller chercher là alors qu'on est
possiblement dans des cas isolés. Mais, c'est
des cas, il faut bien le dire, des situations où il peut y avoir
des abus. Finalement, ce qu'on me propose... On dit que c'est une mesure qui
viserait à réduire certains coûts sans restreindre le
professionnel dans la thérapie qu'il choisira. Alors, on parle de limite
supérieure de paiement. C'en est une première mesure sur laquelle
il faudrait échanger et, dans ce cas-là, sans que ce soit
préjudiciable, bien sûr, au bénéficiaire.
Je vais vous en donner quelques-unes de même, et vous
réagirez après pour savoir si, effectivement, il y a de l'espace
là. S'il n'y en a pas, vous me le dites, et ça ne veut pas dire
qu'on ferme les livres. On pourra se parler ultérieurement, compte tenu
des conseils.
J'en ai une deuxième. Paiement d'un coût moyen par dent.
Ça implique très certainement un peu d'investissement sur le plan
de l'information a échanger...
M. Boucher: Le coût moyen par?
M. Côté (Charlesbourg): Dent. Pour ça aussi,
il y a des possibilités, semble-t-il, de travailler, si on veut
travailler ensemble là-dessus. Ma meilleure, d'après moi, ma
meilleure. Celle-là, je l'ai adorée quand ils me l'ont
présentée, j'ai dit: Comment ça se fait que vous n'avez
pas appliqué ça depuis un certain temps? On s'est dit
tantôt que nos dentistes, c'est des professionnels, c'est clair, et je
pense que personne ne va le mettre en doute. Je ne le sais pas, parce que je ne
suis pas un spécialiste, mais on me dit que, normalement, ce qui est
reconnu dans le métier, c'est que la durée normale d'une
obturation, c'est de 5 à 10 ans. On me dit aussi qu'il y a des
études en Angleterre qui nous indiquent que plus ou moins 50 % des
obturations ne se rendent pas à cinq ans. Donc, il y a un retour sur la
table de travail, et ça pourrait peut-être correspondre - je le
mets entre guillemets parce qu'il faudra s'en parler - à une situation
aussi au niveau du Québec. Est-ce qu'on ne serait pas dans un
système où, à partir du moment où on dit qu'on fait
un travail, qu'on est professionnel, que la durée de vie doit
normalement être de cinq ans... Est-ce qu'on ne serait pas dans une
situation pour dire: Parfait, dans la mesure où il y a l'obligation de
revenir un peu avant, il y a une garantie là, quelque part, une garantie
professionnelle?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Si c'est ça la
moyenne, 5 ans minimum. Je me dis: Parfait! On a des professionnels qui sont
bien formés et qui sont là. Qu'ils nous garantissent la job
qu'ils font et, s'il y a un retour avant cinq ans... Ça a l'air qu'il y
aurait de la marge de manoeuvre un petit peu, là. J'aimerais juste vous
entendre là-dessus. Ça paraît intéressant. Il y a de
l'argent un petit peu.
M. Boucher: remarquez une chose: c'est mon confrère de
gauche qui négocie tous ces programmes-là avec vous. mais je dois
vous dire que la dernière mesure que vous avez proposée, bien que
vous l'ayez annoncée comme étant votre meilleure, je vous dirai
que c'est votre moins bonne.
M. Côté (Charlesbourg): Ah oui!
M. Boucher: Je vais vous dire pourquoi, par exemple.
M. Côté (Charlesbourg): Dites-moi ça,
là.
M. Boucher: Vous demanderiez aux dentistes ce que vous n'oseriez
pas demander à personne, c'est-à-dire une obligation de
résultats. On a une obligation de moyens comme les avocats, les
notaires, les docteurs, enfin nommez-les, «whatever you want».
Même, je vous dirais, comme les politiciens. Cependant, M. le ministre,
il y a tellement de facteurs qui font que la durée moyenne d'une
obturation est de 5, 6, 7, 8, 9 ou 10 ans et qui sont, comment dire, tout
à tait hors du contrôle du professionnel qui donne les services,
qu'imposer pareille contrainte aux dentistes serait, à mon avis, une
mesure... Enfin, je n'ose pas dire odieuse, ce n'est pas le mot, ce n'est pas
le bon... Non, ce n'est pas le bon qualificatif. Ce n'est pas le qualificatif,
mais c'est une mesure qui serait, comment dire, tellement
exagérée. Essayez de penser que vous demanderiez à un
docteur - «choose whatever you want» - de vous donner une garantie,
demain matin, que les amygdales qu'il enlève, lundi, il n'y aura aucune
espèce de retouche. En tout cas, nommez-les. Il n'y a pas un docteur,
même Augustin, qui va vous promettre ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: Je sais qu'Augustin n'est pas loin.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Boucher: Le coût moyen par dent, M. le ministre, ce
n'est pas là, non plus, une mesure très, très
appropriée. Je vais vous dire pourquoi. Je pense que la meilleure
façon de charger des honoraires a un patient ou à une patiente
qui vous visite, c'est en fonction du travail que vous avez à faire, des
aptitudes que vous avez et de la difficulté que représente son
cas. Comment peut-on dire qu'il y aura un coût moyen par dent alors que
l'on ne connaît pas l'état de la carie, qu'on ne connaît pas
l'état de la dent, qu'on ne sait pas trop, trop où elle est
placée et qu'on ne sait pas quel temps ça va prendre?
Le meilleur moyen de charger quelque chose à quelqu'un, c'est en
fonction du temps que tu passes pour lui donner le service que son
état
requiert. Quant au plafond, oup! je ne suis pas sûr - je vous
parle comme président de l'Ordre des dentistes - que ça ne serait
pas une bonne solution. Je sais que vous en avez imposé aux
médecins. Vous leur avez dit: À partir de telle date, allez donc
vous asseoir sur votre chaise berçante et lisez Le Journal de
Québec. S'ils sont de Montréal, c'est Le Journal de
Montréal, ça va de soi. Je ne peux pas dire que ça ne
serait peut-être pas bon pour les dentistes.
Cependant, tout en respectant le mandat qui est le vôtre et la
mesure que vous proposez, je voudrais vous rappeler, M. le ministre, que le
programme de soins dentaires pour les enfants a été coupé
du pied gauche, coupé du pied droit, amputé de la main gauche et
là, si ça continue, ça va être en chaise roulante
que le programme va se promener. Je pense qu'on a suffisamment fait de
sacrifices au niveau de ce programme pour que vous puissiez chercher ailleurs
l'argent dont vous avez besoin.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux juste... C'est des
pistes.
M. Boucher: Oui.
(15 h 30)
M. Côté (Charlesbourg): Tout ce que je veux mesurer
- Dieu sait que je vous le pose très ouvertement - c'est...
M. Boucher: Oui, oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...la faisabilité,
tout en évitant des erreurs. Je pense que c'est ça, le but de
l'exercice, savoir où on peut sauver de l'argent. Le message, il
était assez clair. Si vous ne voulez pas qu'on désassure pour
être capable d'arriver où on veut, est-ce qu'il y a, quelque part,
une marge de manoeuvre, sur le vécu, qui nous permettrait de faire du
chemin, pas au détriment des bénéficiaires? Il y a des
pistes de solutions qui ont été mises là. À
première vue, il y en a qui peuvent être intéressantes et
d'autres qui ne le semblent pas, mais il s'agit de voir si vous êtes
ouvert à ce qu'on puisse l'examiner. Si, au bout de la ligne, la
conclusion, c'est non, ce sera non. Sur le plan de l'efficacité, c'est
ça qu'il faut voir.
M. Chicoine: M. le ministre, il y a déjà des
plafonds qui existent dans l'entente. Donc, il y a des limites
supérieures. Je ne sais pas si la proposition que vous mettez sur la
table est en vue de diminuer ces plafonds, mais je peux vous dire que les
honoraires étant déjà peu élevés dans le
régime, il n'y a pas beaucoup de dentistes qui atteignent les plafonds,
premièrement.
Deuxièmement, quand on examine des pistes de solutions pour
sauver de l'argent... Je ne sais pas combien il y avait d'argent... Je ne
reviendrai pas sur les autres, le Dr Boucher a bien répondu. Vous voulez
sauver de l'argent. Quand on pense que, dans le régime public de
prévention pour les enfants de 3 a 12 ans, vous dépensez entre 8
000 000 $ et 10 000 000 $ et que les enfants de 5 à 13 ans, donc qui
sont vus par les gens du régime public de prévention,
coûtent 30 700 000 $, un homme d'affaires dirait: Je dépense 10
000 000 $ pour essayer de sauver quelque chose qui m'en coûte 30 000 000
$, une proportion de 1 à 3. Je vais dépenser 1 000 000 $ ou 2 000
000 $ pour les 30 000 000 $. On a des groupes cibles sur lesquels il faut
réellement mettre l'emphase.
Deuxièmement, ça ne donne rien d'avoir un système
public de prévention aussi répandu. Vous pouvez dépenser -
je ne sais pas si c'est avec National ou NATCOM - en télévision,
en messages... Quand vous aurez dépensé 1 000 000 $, beaucoup
d'argent... La prévention, avant tout, en dentisterie, c'est la
motivation. Je peux vous dire que ce qui a motivé davantage la
population aux soins dentaires, c'est la télévision. Ils
arrivaient dans nos bureaux et ils disaient: Je veux avoir les dents comme
l'acteur Untel ou Untel. La motivation vient de là. Le gouvernement est
très généreux, mais vous n'investissez pas
nécessairement aux bons endroits.
M. Côté (Charlesbourg): Je prends le message comme
homme d'affaires qui a à gérer les deniers publics du
Québec. Je dois vous dire que, quand j'ai posé la question sur
les obturations dentaires, c'est comme homme d'affaires que je me suis
interrogé parce que 50 % du coût, c'est une reprise. Quand il y a
50 % des coûts qui sont une reprise, un homme d'affaires va dire: C'est
quoi qui ne marche pas dans mon affaire? C'est ça que j'aimerais
regarder avec vous autres.
M. Chicoine: Écoutez, la Régie de
l'assurance-maladie a de très bonnes mesures de contrôle.
Aujourd'hui, j'apprends ce chiffre-là. Tout d'un coup, ça sort en
commission parlementaire comme quoi c'est 50 % de reprises. J'émets des
doutes, M. le ministre. J'aimerais ça examiner les bandes et qu'on
examine la même chose de façon à être capable de
faire un bout de chemin, quel qu'il soit, mais de le regarder. Ça arrive
tout d'un coup, en parachute, cette chose-là, et on ne sait d'où.
Ça, c'est premièrement. Deuxièmement, quand on parle
d'obligation de résultats, le président de l'Ordre avait raison.
Le dentiste, il ne peut pas être responsable d'un enfant. D'ailleurs, il
y a déjà une garantie d'un an dans l'entente, 365 jours. C'est
pour ça que les reprises sont difficiles. Oui, M. le
Président.
Le Président
(M. Joly): moi, je vais être
obligé de conclure parce que, là, je ne pourrai plus administrer
la feuille de temps qu'on m'a confiée.
M. Trudel: II va vous manquer des dents, M.
le Président...
Le Président (M. Joly): Je ne verrai plus clair non
plus.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends que l'ouverture
est là et on va la regarder.
M. Chicoine: C'est ça.
Le Président (M. Joly): Alors, merci beaucoup, M. le
ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue,
s'il vous plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition
officielle, messieurs de l'Ordre et de l'Association, bienvenue. Votre
mémoire et votre présentation sont très importants parce
que vous êtes dans les deux groupes directement visés au niveau
des coupures de services. On va se parler, tantôt, de révision du
panier de services, mais, dans la perspective du panier actuel, il y en a deux
qui vont tomber en bas du panier: c'est vous autres et les
optométristes.
Une voix: Pour une partie.
M. Trudel: Pour une partie, chez les dentistes. Maintenant que le
ministre, lui, a accroché plus les optométristes que les
dentistes et que vous, vous avez réglé vos comptes avec les
omnis, j'aimerais parier des usagers. J'aimerais parler de ceux qui paient un
peu.
M. Boucher: Pas de problème.
M. Trudel: Ça vous intéresse parce qu'il y a des
éléments qui sont très précis dans votre
mémoire. Je pense que la perspective, quant à moi, est juste.
Finalement, la question, c'est: On fait payer qui? Est-ce qu'on fait payer
l'individu à partir de sa propre entité ou si on se le paie
collectivement, étant entendu qu'il y a toujours des individus quelque
part? Dans ce sens-là, je passe par-dessus les remarques que le ministre
faisait lui-même au niveau du résultat de le faire collectivement,
comme programme. Les résultats que nous avons par rapport à
l'Ontario et par rapport aux États-Unis, j'aurai peut-être
l'occasion d'y revenir.
Donc, la question, c'est: Qui paie? Vous dites, et le ministre dit aussi
dans sa proposition: En ce qui concerne ceux qui vont payer individuellement,
si la proposition continue d'aller dans le même sens, ce sera une
dépense privée. En même temps, on va protéger les
plus démunis, on va s'organiser pour protéger les plus
démunis. Ça, c'est comme le positionnement américain qu'il
y a eu hier soir, n'est-ce pas? C'est clair, le régime
d'assurance-santé, des services sociaux au Québec, Bush dit:
C'est une gangrène socialiste qui ronge la société
canadienne, et, en même temps, il ajoute - je ne sais pas s'H a repris
son souffle entre les deux: Cependant, nous allons améliorer le
système de crédit d'impôt pour protéger les plus
démunis. Si ce n'est pas vers ça que s'en va la proposition
actuelle, j'en perds mon latin, sinon mes dents. C'est exactement la
proposition qui est faite, ce serait de réduire la gangrène
socialiste qui couvre le programme d'assurance dentaire pour les enfants.
Autre élément. J'ai un autre élément
à ajouter avant de vous poser la question. On dit que le système
américain est épouvantable et qu'il coûte cher. Ce sont les
deux grosses affirmations que l'on retrouve. C'est bien prouvé,
ça coûte 12 % en dépenses de santé, aux
États-Unis - on est plus proche de 12 % que de 11 % - 12 % du PIB dans
l'ensemble des dépenses et H y a - vous autres, vous dites 15 %, 17 % -
une vingtaine de millions d'Américains qui échappent... Le
ministre disait, l'autre jour: Le chiffre le plus communément entendu,
c'est 30 000 000, et ça a l'air qu'on est rendu proche de 50 000 000. Il
est important de savoir ceci.
Mais, qui sont donc ces 50 000 000 d'Américains qu'on
échappe dans le système et qui ne sont pas capables de se payer
ça? Ce ne sont pas les plus démunis; bien non, il y a Medicaid.
Ce ne sont pas les plus âgés; il y a Medicare. Ce qu'il faut donc
comprendre, avec la proposition actuelle de désassurance au niveau
dentaire, c'est qu'on vient de donner un autre coup à la classe moyenne
du Québec. C'est exactement à cette classe qui se dit
éc?urée de payer, qui n'est plus capable de résister
à l'érosion de son revenu, c'est à cette population que
s'adresse l'absence de couverture, la réduction ou la coupure des soins
dentaires aux familles du Québec. Il faut bien saisir ça. On
pense toujours, généralement, que ceux qu'on laisse tomber, aux
Etats-Unis, ce sont les plus démunis; ce n'est pas vrai, c'est la classe
moyenne. Ce qu'on prépare ici, dans le sens où sont parties les
choses, c'est qu'on veut faire de notre régime d'assurance-maladie et de
santé au Québec, de notre régime de santé et des
services sociaux... c'est qu'on veut se diriger vers un Medicaid et un Medicare
américain. C'est très clair qu'on va dans cette
direction-là.
Par ailleurs, chez vous, ce que je ne comprends pas, au niveau du
financement... Là, vous opinez du bonnet en m'écoutant, en
disant: C'est la classe moyenne qu'on va aller prendre. Pourquoi
favorisez-vous, d'abord, au niveau du financement, l'établissement d'un
impôt-services? L'impôt-services va essentiellement frapper la
classe moyenne au niveau du revenu supplémentaire du financement, cette
classe que vous ne voulez pas qu'on sorte, en quelque sorte, de l'assurance, ou
qu'on invite à ce qu'elle paie plus cher pour les soins dentaires. Le
pourquoi de l'impôt-services.
M. Boucher: Je vous dirai que, de la part de l'Ordre qui,
finalement, représente ici le public
dont nous avons garde de la protection, on n'a pas pris de position
quant au financement. Je sais qu'en lisant notre mémoire des gens ont
dû se dire: Mais, ils ne répondent pas à la question. Il y
a des raisons évidentes pour lesquelles nous n'avons pas, comment dire,
promu des solutions de financement. C'est que nous nous disions justement, en
faisant référence à la classe moyenne, que, si on devait
promouvoir quelque mesure que ce soit, ce serait, encore une fois, poser une
barrière financière que le programme, justement, avait
enlevée.
Ce que nous voulons, c'est que les gens, surtout ceux de la classe
moyenne... Ça va de soi puisque les plus riches, je pense bien, peuvent
prendre soin de leurs affaires et que les plus démunis, le gouvernement
se propose de les assurer. Il y a cette classe moyenne qui, vis-à-vis
d'une pareille mesure, mettrait probablement de côté la visite
chez le dentiste et le recours aux soins dentaires. Ce que nous disons - et
clairement, dans notre mémoire - c'est que, de ce fait, on verrait
apparaître chez cette classe moyenne des problèmes d'ordre
dentaire graves, à un point tel que l'argent qu'on devrait y investir
pour remédier à la situation engendrée par pareille
carence, cet argent-là serait plus important que les autres sommes qu'on
voudrait économiser. Pour ce qui est de l'impôt-services, je
laisse le soin au Dr Chicoine qui, dans son mémoire, met cette mesure de
l'avant, de vous dire pourquoi.
M. Chicoine: en fait, m. le président, quand le
gouvernement a décidé de désassurer les soins curatifs
pour les 13, 14 et 15 ans, il y a eu une baisse de fréquentation de
cette classe d'enfants de l'ordre de 25 %. or, dans notre mémoire, on
dit en premier: ne désassurez pas. puis, en deuxième lieu, on
dit: au bout du compte, par dépit, on est prêt à accepter
d'être le projet-pilote de l'impôt-services pour conserver le
régime et empêcher qu'il y ait des effets désastreux par
une désassurance pure et simple, telle que proposée dans le livre
vert du gouvernement.
M. Trudel: Même si les...
M. Chicoine: C'est en deuxième lieu. En premier lieu, on
dit: Vous le conservez tel quel.
M. Côté (Charlesbourg): Dernier recours.
M. Trudel: Dernier recours. Mais, vous savez, quand un
gouvernement est parti à la chasse, par quels moyens il va taxer, il va
vite, vite, vite, vers ceux qui ont fait des suggestions et qui disent: Ah! Il
y aurait peut-être un moyen là. On aurait peut-être un
morceau là. C'est très drôle parce que, compte tenu de
l'objectif que l'on poursuit... Bien, je comprends, c'est à
défaut de; à défaut de pouvoir régler la situation,
vous dites: Allez à l'impôt-services.
Je rappelle qu'il faut être, quant à moi, extrêmement
prudent avec cette formule puisqu'elle fait en sorte qu'on va faire porter le
poids du régime collectif à un groupe seulement de la
société qui, inévitablement, va être la classe
moyenne, encore une fois, au niveau de l'impôt-services. On l'assimile
souvent en disant: Aux plus riches. Ça ne peut pas être uniquement
les plus riches. C'est contraire au rendement qu'on veut aller chercher, c'est
donc avec la classe moyenne. Là, ceux qui veulent jouer aux Robin des
Bois avec cette formule-là, ça ne marche pas parce qu'ils
chassent dans leur propre cour.
Il y a un autre élément, je pense, qu'il faut examiner.
C'est celui que vous avez commencé à examiner un peu avec le
ministre en matière de rémunération dans ce programme,
chez vous, au niveau de votre profession. S'il est un secteur dans lequel la
prévention, la rencontre avec l'individu, le fait de communiquer avec
l'individu est d'une importance vitale, c'est bien chez vous, en matière
de santé dentaire, de santé buccale. Est-ce que vous avez
déjà examiné, chez vous, des formules comme la capitation,
des formules comme celles qu'on utilise aux États-Unis aussi dans
certaines expériences, des HMO, c'est-à-dire grosso modo - et
qu'on s'entende, vous savez de quoi on veut parler - qu'on vous donne tant
par...
M. Chicoine: Tête de pipe.
M. Trudel: ...usager. Si vous réussissez à faire en
sorte qu'ils soient très prudents, qu'ils soient très soigneux de
leur santé buccale, eh bien, à ce moment-là, ça se
traduira quelque part, pour vous autres, par un rendement, disons, normal.
Est-ce que vous avez déjà examiné ces formules-là,
compte tenu du champ d'expertise, du champ professionnel dans lequel vous
êtes? (15 h 45)
M. Boucher: Oui, M. le député. Je peux vous dire
que ça ne nous a pas pris de temps pour dire que c'était
là une solution de broche à foin. Je vais vous dire pourquoi.
Quand vous proposez pareille solution, c'est que vous invitez le dispensateur
à commettre, à tout le moins, des péchés
véniels. C'est comme si vous donniez une Mercedes à quelqu'un et
que vous lui disiez: Tu te rends à Québec dans deux heures, mais
je te défends bien de dépasser 100 kilomètres à
l'heure. Vous donnez 100 000 $, tu as ça dans la grosse poche, comme tu
dis. Tu as 1200 chrétiens à traiter et, s'ils prennent bien soin
de leur santé, bien il en restera plus dans la petite poche qu'on vient
de te donner. Mais je dois vous dire que le réflexe humain du gars qui
traite, c'est de les traiter le moins possible pour qu'à la fin de
l'année il en reste plus dans la poche qu'on vient de lui offrir pour
traiter à peu près 1200 catholiques. À ce
compte-là, il est clair et net que les gens ne recevraient pas les
soins auxquels Hs ont droit. La formule de la capitation, quant à
nous, c'est une formule qui n'a aucun avenir et qui ne fait que
pénaliser les gens qui devraient recevoir les services. D'autre part,
elle pénalise le dentiste qui, s'il veut bien faire son travail, prend
les risques qu'un assureur devrait prendre. Mais la seule personne qui prend
des risques dans la capitation, c'est le dentiste. On veut bien être les
messieurs Vincent de Paul de 1992, mais, je dois vous dire, pas à ce
point-là.
M. Chicoine: Mais sur la capitation, M. le Président, si
vous me permettez.
Le Président (M. Joly): Allez.
M. Chicoine: En fait, la capitation, c'est absolument l'inverse
de l'efficience et de l'efficacité parce que, avec la capitation, moins
le professionnel voit le patient, plus il fait de l'argent. Donc, on paie pour
ne pas qu'il en voie. Alors, c'est pour ça que la capitation, pour
nous...
M. Trudel: Mais, dans la formule HMO...
M. Chicoine: Oui, dans la formule HMO, aux États-Unis
M. Trudel: ...ce n'est pas tout à fait la même
chose. Dans la formule HMO, plus le professionnel, en quelque sorte, s'occupe
de son usager et moins celui-ci a recours au curatif. Il y a de l'incitatif
parce que le résultat financier - oui, il faut le dire - est plus
intéressant. C'est une formule qui, aux États-Unis, pour tous les
soins de santé... Les directeurs des départements de santé
communautaire nous ont dit que ça avait des résultats assez
spectaculaires au niveau du rendement pour les professionnels et au niveau du
rendement de la santé du groupe concerné. Vous comprenez?
M. Chicoine: Ah! La capitation, je la connais très,
très bien...
M. Trudel: O.K.
M. Chicoine: ...parce qu'on l'a sortie du Québec avec les
assureurs privés. Il y avait la compagnie Pace qui était parmi
les cinq plus grands assureurs. On les a fait sortir du Québec et la
compagnie a fermé ses portes. On est même allés en cour
avec eux autres. Dans la publicité qui est faite, en ce qui concerne les
HMO, l'intérêt pour le professionnel, c'est de voir les gens les
plus en santé possible, de ne pas voir les malades, de ne pas voir ceux
qui ont beaucoup de problèmes. En fait, on peut couper court à
cette discussion-là et vous dire une chose: pour nous, la capitation est
totalement inacceptable. On l'a étudiée et on l'a regardée
sous tous ses angles. Elle est inacceptable.
M. Trudel: Correct pour la capitation. On va quitter ce
chapitre-là. Je ne parlais pas que de la formule de capitation, je
pariais d'autres formules. La formule de tant par client, ce n'est pas un
client attaché. Ce n'est pas la même chose.
M. Chicoine: Non, non.
M. Trudel: La capitation, c'est un client attaché.
M. Chicoine: Oui.
M. Trudel: Mais un client à tel prix, qui peut
également jouer sur la concurrence, c'est ça la formule HMO pour
les soins en général d'une personne aux États-Unis. Il
paraît que ça fonctionne et je souhaite qu'on puisse l'explorer.
La capitation, enlevez ça, sortie, ça ne fonctionne pas. Mais la
formule pour s'occuper d'une personne, au niveau dentaire, à partir d'un
montant fixe à négocier avec l'État, pour vous autres, je
pense qu'il y aurait un certain nombre d'avantages globaux dans le
système, et pour les professionnels et pour les usagers du
système.
M. Boucher: Je veux juste vous dire avant, pour ne pas que les
gens partent sur une impression qui, quand même, leur fasse voir que
c'est là la solution rêvée et qu'ils pensent qu'on a
trouvé ensemble la pierre philosophale, que, si on a l'occasion de
rediscuter là-dessus, M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, nous pourrons finalement vous prouver
facilement que les HMO comme les OSIS qu'on a proposés ici, au
Québec - une formule plus ou moins comparable - ne sont pas tout
à fait à l'avantage de ceux qui consultent dans ces mêmes
organisations là.
Nous espérons avoir la chance de vous faire un portrait le plus
complet possible de la solution HMO-OSIS. Mais vous verrez bien que ce n'est
pas la solution de demain.
M. Trudel: Effectivement, il va falloir regarder ça. En
tout cas, ici, devant cette commission, les départements de santé
communautaire ont prôné au moins une expérience avec cette
formule.
M. Boucher: Je peux vous dire que, sur cette chose-là,
j'ai un dernier commentaire: Le président Bush aurait avantage à
regarder la poutre qu'il a dans l'oeil plutôt que la paille qu'on a dans
le nôtre.
M. Trudel: Sur la gangrène.
M. Boucher: Ah oui! Il est vraiment dans le
«bush»!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Mais, faites attention, on s'en va dans cette
direction-là, ici.
Une voix: Ça «débouche»!
M. Trudel: Vous faites bien de...
M. Boucher: «Bush», dans le sens de buisson. On ne
parlait pas de «bouche». C'est un Américain, lui, quand
même.
M. Trudel: II va falloir inventer une nouvelle expression. Il y a
la «concurrençante» qui est apparue avec le document du 18
décembre. Maintenant, il va y avoir la «bushisation» des
affaires en santé et en services sociaux au Québec.
Une autre question, M. le président de l'Association. Au niveau
des éléments de solutions que vous avancez, vous dites: II y a
également ce qu'on pourrait appeler le contingentement des effectifs au
plan des professionnels dans le secteur dentaire. Vous dites: Au Québec,
on se paie huit écoles de formation en matière
d'hygiénistes dentaires. Est-ce que vous faites le même
raisonnement pour les trois facultés d'art dentaire que nous avons au
Québec? Est-ce qu'il y en a trop?
M. Chicoine: Écoutez, la province de l'Ontario a les
moyens de se payer seulement deux facultés. Nous, ici, on est riche, on
s'en paie trois. Il y a peut-être un examen de conscience à faire
de ce côté-là, au niveau des écoles des
hygiénistes dentaires et au niveau aussi du nombre de denturologistes
qui sortent par année. Nous sommes, actuellement, en ce qui concerne les
dentistes, en situation de surplus d'effectifs.
C'est dommage que l'État dépense 100 000 $ pour former un
dentiste et qu'après ce type-là ne travaille que 20 % de son
temps par année.
M. Boucher: Je devrai ajouter là-dessus, M. Trudel, que...
Ah non! On doit dire M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, pour avoir écouté les
débats à la Chambre. Je ne voudrais pas vous...
M. Trudel: Ne commencez pas ça ici, vous là.
M. Côté (Charlesbourg): C'est le même
personnage.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boucher: Oui, oui, je sais, je ne l'ai pas mêlé
avec quelqu'un d'autre. Mais, là, je ne peux pas dire: mon
confrère d'en face, je suis obligé de dire: Mon gars d'à
côté.
Évidemment, ce problème-là est un problème
qui regarde beaucoup plus l'Ordre que l'Association puisque c'est nous qui
avons, comment dire, comme principale fonction de voir à ce que les
intérêts du public soient protégés. Quand on parle
de contingentement, je dois vous dire qu'on vient d'avoir ce qu'on convient
d'appeler des états généraux. Étaient
présents, à ce moment-là, les doyens des trois
facultés. Unanimement, ils ont convenu qu'un contingentement à la
baisse s'imposait. On produit, à l'heure actuelle, des dentistes
à un rythme qui s'accroît quatre à cinq fois plus vite que
l'augmentation de la population. Je pense que l'État a mieux à
faire que de dépenser pour la formation coûteuse de
spécialistes de la médecine dentaire. Il y aurait de l'argent
à investir justement au niveau de la santé de nos jeunes
plutôt que de l'investir dans des professionnels de la santé alors
qu'on ne pourra pas mettre à contribution les talents et les acquis de
connaissances que ces gens-là ont mis des années et des efforts
à acquérir. Je pense que nous pourrons en rediscuter avec vous si
vous le voulez bien.
Au niveau des denturologistes, c'est très exactement la
même chose. Je pense qu'on a l'habitude, ici, de se parler de
façon franche. Quant à nous, les denturologistes sont comme les
dynosaures, ils sont une race qui est en voie d'extinction. Compte tenu du fait
que la santé des Québécois et des
Québécoises s'améliore et que les gens de demain, les plus
vieux, vous et moi... Je vois que vous avez encore vos dents, M. le
député, bonne chose. Continuez comme ça, visitez votre
dentiste, ça vous évitera de mettre votre béquille sur la
table le soir. Donc, des gens, comme vous, qui n'ont pas mon âge, le
ministre qui est évidemment beaucoup plus jeune que moi, et d'autres qui
sont avec moi ont conservé toutes leurs dents, ce qui leur permet de
mordre plus facilement ceux qui s'attaquent au régime...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Ceci était un...
M. Côté (Charlesbourg): Régime de
bananes!
M. Boucher: C'est André Arthur qui appelle ça comme
ça. On le connaît bien tous les deux, hein?
M. Côté (Charlesbourg): C'est presque rendu de
famille.
Une voix: Ce qu'il ne faut pas entendre.
M. Trudel: II reste au moins encore une couple de questions.
Le Président (M. Joly): II vous reste quelques
minutes.
M. Trudel: Ceci était un message enregistré, retenu
et payé par l'Association des dentistes du Québec. Très
bien, c'est bon, bravo! C'est fait.
M. Boucher: Ça n'a rien coûté.
M. Trudel: Ça n'a rien coûté et les
den-turologues, c'est réglé pour eux autres. On verra avec eux
autres, à ce moment-là, quand on aura un autre débat sur
d'autres éléments du programme. Pourquoi prônez-vous, au
niveau de l'Association, la création de deux fonds distincts: un fonds
social et un fonds santé? La question est importante parce qu'il y a
beaucoup de groupes et nous partageons - je vous le dis tout de suite - cette
perspective qu'on a toute une série de problèmes parce qu'on ne
travaille pas suffisamment sur les déterminants de la santé.
Ça s'appelle, généralement, la prévention que l'on
retrouve plus dans le domaine social. Si j'ai bien compris, on aurait un fonds
qui ne s'occuperait que de santé. Souvent, santé égale
curatif et social égale préventif et d'autres
éléments moins systématiques. Pourquoi, vous
préconisez la séparation ou la création de deux fonds?
Le Président (M. Joly): Dr Chicoine.
M. Chicoine: Parce que, d'expérience, on s'est fait jouer
un tour dans le passé. En 1977, la Régie de l'assurance-maladie
avait dans sa caisse 126 000 000 $ de surplus qu'elle a temporises pour
transférer dans le fonds consolidé de la province. On a perdu
l'argent où il était. Oui, je comprends que c'est un autre
gouvernement, mais...
M. Côté (Charlesbourg): Nous deux, on s'en passe
comme ça de temps en temps!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chicoine: Ce qui veut dire que c'est important pour le public
de savoir où va l'argent. Il y a 126 000 000 $ qui ont disparu à
ce moment-là. Les cotisations étaient à 1,5 %. On a dit
qu'on manquait d'argent, qu'on était pour en manquer, on a
augmenté les cotisations à 3 %. Ensuite de ça, il y eu des
transferts de points d'impôt d'Ottawa. On ne sait pas ce que ça a
donné comme argent. Finalement, aujourd'hui, on dit: La santé,
c'est effrayant. Quand on dit que ça coûte 12 000 000 000 $, il y
a une partie de services sociaux là-dedans, d'une part. Quand on demande
aux gens s'ils sont prêts à payer davantage pour leur
santé, les gens disent oui. Mais, si on leur posait la question: Est-ce
que vous voulez payer davantage pour la santé et les services sociaux?
je ne suis pas sûr que la réponse serait aussi claire.
Je pense qu'on a l'avantage, ici... et le ministre, dans son livre -
c'est bien qu'il le fasse - parle de transparence. Mais si on veut que ce soit
transparent, même si c'est le même ministère, il faut que la
santé et les services sociaux soient distingués de façon
à ce que, dans 5 ans ou dans 10 ans, soit à cause du
vieillissement de la population, soit à cause de nouvelles maladies,
soit à cause de nouvelles technologies dont il va falloir
acquérir les équipements, quand on aura besoin d'argent, on soit
capable de dire: Ça sert à la santé. Ça pourra
être identifié puis ce sera facile pour tout le monde. Je pense
que, lorsqu'on veut mêler les deux fonds, on veut brouiller les
cartes.
M. Trudel: en tout cas, je voulais avoir votre définition
par rapport à cela. ça aussi, ça demanderait, je pense, un
approfondissement quant à la conception...
M. Chicoine: C'est une question de transparence.
M. Trudel: ...et je souhaite qu'on puisse avoir le temps.
Ça fait trois jours maintenant, trois jours et demi, quatre jours qu'on
est assis ici, autour de la table, et qu'on voit défiler à peu
près tout le monde concerné. On est rendu vendredi, il est 16
heures et je vous dirais que, presque à la fin de cette semaine, j'ai
souvent l'impression qu'on n'a pas sauvé les trois
caractéristiques fondamentales de notre régime de santé et
de services sociaux: l'accessibilité, l'universalité - moi, je le
dis, s'il y en a que ça gêne, moi, ça ne me gêne pas
- la gratuité au sens du financement par toute la société,
au sens de l'universalité du financement. J'ai comme l'impression
qu'à ce rythme-là non seulement on n'y arrivera pas, mais, au
bout des deux autres journées supplémentaires, que ça
risque de coûter les yeux et les dents aux enfants du Québec. Ma
question est la suivante: Quel est le grand conseil que vous nous donnez pour
sauver les dents et les yeux - en termes de programmes d'assurance - des
enfants du Québec? (16 heures)
M. Boucher: Deux choses. À vous et à M. le ministre
d'user de sagesse, de bon sens et de faire preuve du jugement qui a toujours
été le vôtre, c'est-à-dire de considérer
comme prioritaire la santé dentaire des enfants. Nous sommes convaincus,
compte tenu de ce que vous avez entendu aujourd'hui, que ça a
probablement été la meilleure de vos journées, de vos
quatre journées et que, si ce n'était du président, nous
pourrions continuer comme ça encore bien longtemps, et nous sommes
convaincus que ce gouvernement, et en particulier son ministre, et vous autres
de l'Opposition prendrez dans ce dossier la seule solution qui est
envisageable, et c'est de conserver intact le programme de soins dentaires pour
les enfants.
Et, pour y arriver, je vous répète encore une fois ce que
je vous disais en préambule: la sagesse du ministre, le bon sens et de
l'un et de
l'autre, le jugement qui a toujours été le vôtre et,
on vous a parlé de politique, on vous assure de la collaboration de
l'Ordre des dentistes pour en arriver à pouvoir écrire une
politique de santé qui inclura bien évidemment la santé
dentaire. Dans ce sens-là, Québécois et
Québécoises, nous travaillerons dans un seul but,
améliorer chez nous ce qui a toujours été,
c'est-à-dire la santé des uns et des autres, et, en particulier,
compte tenu du fait qu'il y a encore un sacré bout de chemin à
faire, je suis convaincu que vous allez vouloir accorder à la
santé dentaire les ressources qu'elle mérite et que, dans 5, 10
ans, si on doit se réunir encore une fois et que Marc-Yvan
Côté est encore là comme ministre, quoiqu'il ait dit qu'il
commençait à en avoir assez - on le voit ailleurs - ou quelqu'un
d'autre le remplaçant, on pourra se dire: Dieu, mes pairs, qu'on a pris
une bonne décision en accordant à la santé dentaire
l'argent qu'elle méritait. Et c'est, encore une fois, à belles
dents que nous continuerons à mordre dans la vie, cette fois-là,
et non pas dans les budgets consacrés à la santé.
Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, Dr Boucher.
M. Trudel: En vous remerciant au nom de l'Opposition officielle,
puisque mon temps est écoulé aussi, de cette présentation,
messieurs de l'Association et de l'Ordre respectivement. C'est très
important ce que vous avez signalé aujourd'hui. J'aimerais ça, M.
Boucher, partager votre optimisme, mais, en attendant, de votre
côté, ne lâchez pas C-3. C'est la meilleure poignée
que vous avez, quant à moi, actuellement. Merci beaucoup.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
à mon tour je veux remercier l'Ordre et l'Association. Certainement que
nos échanges ont eu du mordant et c'est probablement parce qu'il nous
reste encore un peu de dents qu'il faut, bien sûr, protéger les
dents de nos enfants et de ceux qui suivront. C'est un peu pour ça qu'on
travaille actuellement et qu'on tente de créer un certain nombre
d'ouvertures parce que la problématique financière, c'est
l'affaire de tout le monde aussi. Vous êtes tous des payeurs de taxes
à travers le Québec et, dans ce sens-là, ça a
été des échanges très ouverts, très francs.
Je pense qu'il faut continuer, à la fois avec l'Ordre et avec
l'Association, d'échanger pour tenter de trouver des solutions.
Dans cinq ans, non, je ne serai pas là. Je vais
réfléchir. Il y en a qui me prêtent des intentions sur le
plan municipal. Peut-être que ça pourrait permettre d'unifier
Sainte-Foy et Québec si jamais...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Merci.
Le Président (M. Joly): Alors, moi-même, au nom des
membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Ce fut
très enrichissant. Merci beaucoup. J'appellerais maintenant l'Ordre des
optométristes du Québec ainsi que l'Association des
optométristes du Québec, s'ils veulent bien s'avancer, s'il vous
plaît. Faites ça assez rapidement. Nous avons un petit peu de
temps à rattraper. S'il vous plaît! Un peu d'ordre, s'il vous
plaît!
Alors, à vous, messieurs de l'Ordre et de l'Association des
optométristes du Québec, je souhaite la bienvenue. Je vous
explique un peu la procédure. Vous avez environ une trentaine de minutes
pour nous exposer votre mémoire. Si vous aimez mieux le faire sur une
base ad lib, vous le faites et, après, le temps qui reste à notre
cédule, on le sépare entre les deux formations. M. Chaiken et M.
Neilson, je ne sais pas lequel des deux va présenter qui. De cette
façon, nous saurons avec qui on traite. Alors, je vous laisse la parole,
M. Chaiken.
Ordre des optométristes du Québec et
Association des optométristes du Québec
M. Chaiken (Michael): À ma droite, il y a Claude Gareau,
qui a occupé le poste de directeur général auprès
de l'Ordre des optométristes pendant 35 ans; à ma gauche, Claude
Neilson, le président de l'Association des optométristes du
Québec, ainsi que François Charbonneau, qui est le directeur
général de l'Association. Je suis Michael Chaiken,
président de l'Ordre des optométristes du Québec.
M. le Président, M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux, M. le représentant de l'Opposition, s'il est ici - il
s'en vient - Mmes et MM. les députés de la commission des
affaires sociales, au nom de l'Ordre des optométristes du Québec,
je vous remercie de cette occasion de faire valoir notre point de vue sur le
livre vert «Un financement équitable à la mesure de nos
moyens». Apparemment, M. le Président, si je lis bien les
journaux, nous sommes très attendus. Alors, voilà, nous sommes
là. Avant de commencer, M. le ministre, je viens d'apprendre par votre
sous-ministre, M. Dicaire, que notre message publicitaire
télévisé que nous avions interrompu mercredi a
malheureusement passé en ondes jeudi soir. Nous sommes à faire
les vérifications concernant ce malentendu et nous vous soumettrons un
rapport sous peu.
Tout d'abord, permettez-moi de vous assurer de notre
compréhension des difficultés budgétaires auxquelles le
gouvernement et la société font face. À titre de
président de l'Ordre des
optométristes, je puis vous assurer que les membres de notre
profession sont prêts à faire leur part pour assainir le
financement de notre système de santé. À cet égard,
certaines recommandations contenues dans mon exposé complètent
les conclusions des mémoires présentés le 20 janvier
dernier.
Nous sommes ici aujourd'hui pour un débat de fond sur la question
de la désassurance des services optométriques. Nous souhaitons
vivement collaborer avec le ministre de la Santé pour trouver de
véritables solutions aux problèmes de financement sans
pénaliser la population et sans réduire les services que nous
croyons essentiels. Dans cet esprit de collaboration, il me paraît
important de bien situer le rôle de l'optométriste dans notre
système de santé.
L'optométriste est le professionnel de la santé qui offre
chaque année les services oculo-visuels de première ligne
à plus de 1 500 000 Québécois. D'ailleurs, un sondage
réalisé pour le compte de l'Association des ophtalmologistes du
Québec, en janvier 1991, démontre qu'une proportion importante de
la population perçoit l'optométriste comme un médecin de
première ligne.
Au plan académique, l'optométriste possède une
formation équivalente aux autres professionnels de la santé.
Après avoir complété quatre années d'études
à l'Ecole d'optométrie de l'Université de Montréal,
l'optométriste obtient un doctorat en optométrie qui lui permet
d'exercer sa profession. Ce doctorat professionnel est identique à celui
que détiennent les médecins et les dentistes. Lors d'un examen
oculo-visuel complet, l'optométriste peut déterminer la
présence de défaut de la vue, telle la myopie et
l'hypermétropie, la présence de problèmes oculo-moteurs,
tel le strabisme, ainsi qu'une foule de problèmes qui peuvent être
solutionnés par un traitement approprié.
Quant à la prévention, elle joue un rôle
extrêmement important dans l'examen oculo-visuel. L'optométriste
vérifie la santé des yeux en plus de déceler une panoplie
de maladies oculaires, telles le glaucome et les cataractes. Il peut
également dépister plusieurs maladies systémiques, tels le
diabète et l'hypertension, en examinant l'intérieur de l'oeil.
Les optométristes détectent des maladies oculaires qui menacent
la vue. Une détection rapide permet aux optométristes de
référer les patients aux spécialistes qui sont, dans la
plupart des cas, les ophtalmologistes. Ces derniers peuvent alors agir en
traitant les patients avant que les maladies oculaires dépistées
menacent la vue.
L'optométriste n'a certainement pas passé quatre ans
à l'université pour se faire traiter, comme certains le
prétendent, de marchand de lunettes, pas plus qu'un dentiste ne peut
être identifié comme un vendeur de prothèses. D'ailleurs,
M. le Président, pas plus de 50 % des patients subissant un examen de la
vue fait par un optométriste requièrent une prescription pour
lunettes ou lentilles cornéennes.
L'option de désassurer les services optométriques origine
sans doute du fait que ces services sont classés comme services
complémentaires, donc non protégés par C-3. Y a-t-il une
personne dans cette salle qui aurait l'audace de dire que la vision et les yeux
ne sont pas essentiels à son bien-être? J'en doute. Classer la
vision et les yeux comme complémentaires est tout à fait
aberrant. Avant d'examiner les effets d'une éventuelle
désassurance, il faut se demander pourquoi les optométristes
étaient inclus dans le régime de l'assurance-maladie dès
son adoption, il y a de ça 22 ans. Cette décision tenait aux
principes d'universalité et d'accessibilité.
Leur exclusion aurait dirigé le flot de patients vers les
ophtalmologistes peu nombreux et mal répartis, mais qui faisaient
néanmoins partie du régime. Je suis fier d'affirmer que les
optométristes sont encore les professionnels de la vision les plus
nombreux et les mieux répartis à travers la province.
Saviez-vous, M. le Président, qu'il y a environ 1100
optométristes au Québec répartis dans 225
municipalités, tandis que les ophtalmologistes ne sont que 278 environ
et se retrouvent dans moins de 60 villes et principalement dans les grands
centres urbains?
Les services oculo-visuels de base sont donc assurés
principalement par les optométristes, car ces derniers sont
présents presque partout. À cet égard nous vous invitons
à consulter les annexes II et III de notre mémoire qui en font la
démonstration.
De plus, M. le ministre, je dois vous signaler que la position de
l'optométrie au sein des professions dites complémentaires est
unique au Québec, car même si vous décidiez de
désassurer les services optométriques, d'autres professionnels de
la santé pourront continuer à rendre ces mêmes services a
l'intérieur du régime de l'assurance-maladie. Ce que vous
proposez dans le livre vert, c'est un régime
généralisé de deux poids, deux mesures. (16 h 15)
L'examen préventif de la vue profite à plusieurs groupes
de la société. Ainsi, les enfants d'âge scolaire
bénéficient du programme d'examen régulier. Le
dépistage précoce des troubles de la vue améliore les
résultats scolaires des jeunes enfants. L'enfant qui ne voit pas bien au
tableau ou qui ne peut pas lire sans maux de tête pourrait certainement
éprouver des difficultés à l'école. À
l'heure où les Québécois s'interrogent sur les coûts
du décrochage scolaire, a-t-on vraiment intérêt à
priver les enfants d'un service aussi essentiel et à augmenter ainsi les
risques d'échec scolaire?
Les soins optométriques sont aussi essentiels aux milliers de
travailleurs dont la santé et la sécurité au travail
dépend en majeure partie de l'état de leur vision. Afin qu'un
travailleur donne un rendement maximal, ce dernier a besoin
d'une bonne vue; que ce soit devant un écran cathodique ou
auprès d'une chaîne de montage, il est impératif de
s'assurer qu'il ait une vision confortable. Les personnes âgées
constituent également un groupe vulnérable tant sur le plan
financier que sur le plan de la santé. Une bonne vision est essentielle
à la qualité de vie de ces personnes souvent aux prises avec des
problèmes qui exigent des soins assidus. Mal suivies, ces personnes
souffriront de différentes maladies de l'oeil et d'une baisse
progressive de la vue, ce qui attaquera de plein fouet leur autonomie. Or, dans
la réforme envisagée par le ministre, la santé et le
bien-être des personnes âgées sont prioritaires, l'objectif
étant de favoriser leur autonomie et leur maintien à
domicile.
Le livre vert nous rappelle que la population est vieillissante, mais,
avec la désassurance, les personnes du troisième âge vivant
en régions éloignées devront soit payer leur
optométriste de leur poche, soit parcourir des distances
considérables pour trouver un ophtalmologiste, soit se priver de
services oculo-visuels. Enfin, tous les hommes, femmes et enfants du
Québec souffrant de maladies oculaires, de maladies systémiques
présentant des signes ou des symptômes oculo-visuels risquent de
subir des dommages irréparables à leurs yeux; lesdits dommages
pourraient se traduire, dans les pires cas, par une perte totale de la vue.
Pour l'Ordre des optométristes, il est évident que la
désassurance conduirait inévitablement à une baisse du
nombre d'examens préventifs en général et provoquerait un
glissement de patients vers les ophtalmologistes, les médecins
omnipraticiens et les salles d'urgence. Pour nous, défaire un
système qui fonctionne bien, qui répond aux attentes de la
population, qui est réparti de façon exemplaire dans toutes les
régions de la province et qui coûte moins cher que les services
optométriques fournis pas les ophtalmologistes n'a aucun sens. Au
contraire, en utilisant davantage les optométristes, en leur permettant
l'usage de médicaments diagnostiques comme partout en Amérique du
Nord, sauf au Québec, et des médicaments thérapeutiques
comme c'est le cas dans 29 États américains, nous pourrions non
seulement réaliser des économies importantes mais, en même
temps, améliorer les services oculo-visuels partout en province.
L'Ordre des optométristes qui est responsable de la protection du
public dans le domaine oculo-visuel s'oppose donc fermement à ce que la
santé visuelle des citoyens se dégrade par la désassurance
des services optométriques. Voici nos recommandations. 1° Le
maintien des services optométriques au sein de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec. Les dirigeants de notre profession sont
prêts à discuter des différentes options afin de
réduire les coûts de nos services à la
société sans pour autant compromettre les principes
d'universalité, d'accessibilité et d'équité: une
rationalisation dans le nombre d'actes payés par la Régie,
l'élimination, par tous les moyens possibles, des abus, ainsi que toute
mesure raisonnable que le gouvernement voudra discuter. 2° La remise d'un
reçu au patient, indiquant le montant total des honoraires
facturés. 3° La création de fonds distincts de services
sociaux et de santé. 4° L'augmentation des pressions en vue
d'accroître la contribution du gouvernement fédéral au
financement du système. 5° L'adoption de mesures de rationalisation
pour améliorer l'efficacité et l'efficience dans la distribution
des services de santé et des services sociaux. 6° La
personnalisation de la carte-soleil grâce à la photographie du
bénéficiaire. 7° Une meilleure utilisation des professionnels
de la santé de première ligne que sont les optométristes
en leur permettant de prescrire des médicaments thérapeutiques.
8° Le contingentement des professionnels de la santé. 9°
L'exercice d'une surveillance accrue des actes assurés par la
Régie de l'assurance-maladie et dispensés par les professionnels
de la santé.
L'Ordre des optométristes soumet au ministre qu'il est possible
d'améliorer et de réduire les coûts de notre système
de santé sans pour autant couper les services, ce qui correspond,
croyons-nous, à l'opinion de la majorité des citoyens et
citoyennes du Québec.
En terminant, l'Ordre des optométristes vous
réitère sa collaboration afin d'atteindre le plus tôt
possible les objectifs de cette sous-commission. Maintenant, je cède la
parole à mon confrère, Claude Neilson, président de
l'Association des optométristes du Québec. Je vous remercie de
votre attention.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Chaiken. M. Neilson,
s'il vous plaît.
M. Neilson (Claude): M. le Président, M. le ministre, M.
le représentant de l'Opposition, Mmes et MM. de la commission, mes
remerciements de nous recevoir dans le cadre de ces importants travaux sur le
financement de notre système de santé. Je ne reprendrai pas ce
que mon collègue a dit sur la formation des optométristes, leur
répartition géographique exemplaire et l'importance des services
oculo-visuels pour la population et pour celle des très nombreuses
régions du Québec en particulier.
Voici certaines considérations utiles lorsque l'on veut poser un
diagnostic éclairé de la situation générale qui
nous occupe. D'une part, la santé est très
institutionnalisée au Québec. En effet, 57,1 % des
dépenses de santé, au Québec, sont dues aux services
institutionnels. Ce pourcentage n'est que de 47,9 % pour l'Ontario et de 51,2 %
pour le Canada. D'autre part, la santé est
très médicalisée, au Québec. Le
Québec est la province canadienne qui compte le plus de médecins
spécialistes par habitant, soit 103,7 spécialistes pour 100 000
de population. L'Ontario en compte 95,9 et le Canada, 90,6.
Enfin, le gouvernement du Québec ne doit pas se laisser
influencer par les normes fédérales faisant, pour des raisons
juridiques ou financières, une distinction purement artifielle entre des
services dits de base et des services dits complémentaires. Les services
optométriques sont, dans les farts, des services de base malgré
la distinction qu'en fait le fédéral. En effet, est-il pensable
d'affirmer que les yeux et la vision sont moins importants qu'un doigt, un
pied, un rein? Selon ce raisonnement, dans le domaine oculo-visuel, c'est le
type de fournisseur qui déterminerait qu'un service est de base ou
complémentaire alors qu'il s'agit du même service.
Il est une autre affirmation que je veux clarifier. Le Québec
n'est pas plus généreux que les autres provinces en ce qui
concerne les services optométriques. En effet, dans huit provinces
canadiennes, on retrouve un régime comparable des services
optométriques. Seule l'île-du-Prince-Édouard n'a jamais eu
de régime pour les services optométriques. Quant à
Terre-Neuve, nos références nous indiquent que M. Clyde Wells
vient de les désassurer du jour au lendemain, le 1er avril de cette
année. Mais est-ce vraiment une référence?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Neilson: Je ne pense pas, M. le ministre, que vous ayez des
atomes crochus avec Clyde Wells.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Neilson: Dans notre mémoire, nous démontrons que
la désassurance des services optométriques va déplacer les
budgets gouvernementaux vers d'autres ressources plus dispendieuses auxquelles
les gens recourront forcément. La société
québécoise aurait à débourser 16 000 000 $ de plus
qu'actuellement pour les mêmes services. En plus, la désassurance
des services optométriques entraînerait les conséquences
suivantes. 1° Un individu recevant un service rendu par un
optométriste aurait à payer, tandis que le même service
rendu par un ophtalmologiste n'entraînerait pas un tel
déboursé. 2° Les listes d'attente en ophtalmologie, dans les
grandes villes, vont s'allonger et des patients qui, sans nécessairement
le savoir, attendent - on sait que l'attente moyenne est déjà de
plusieurs semaines - verront leurs troubles oculo-visuels s'aggraver. Cela
coûtera plus cher à l'État en traitements plus complexes et
surtout très cher à la santé oculo-visuelle de l'individu
en coûts sociaux - baisse de productivité, perte d'autonomie,
atteinte personnelle et permanente, etc. 3° S'ils ne peuvent pas attendre -
on pense aux conjonctivites, aux yeux rouges, à l'oedème - les
gens iront à l'urgence et susciteront encore des coûts de
système tout en engorgeant une des structures les plus
stratégiques de notre système de santé, en plus des pertes
de temps pour la population. 4° Enfin, un individu ayant la chance de
souffrir d'un problème auditif n'aura pas à débourser pour
des soins, alors que celui souffrant de problèmes oculo-visuels aurait
à le faire.
Dans notre mémoire, nous disons que les services
optométriques sont plus économiques que les recours aux services
hospitaliers où il en coûte 18 $ par personne dès qu'elle
met le pied dans un hôpital, sans compter les services médicaux
qu'elle y recevra. Ils sont plus économiques que le recours à la
combinaison omni-praticien-ophtalmologiste ou à l'ophtalmologiste en
cabinet ou en clinique externe.
Rappelons que l'optométriste oeuvre en cabinet privé
où il fournit lui-même le personnel d'encadrement, les locaux,
l'instrumentation, et ce, sans subvention de l'État. Nous sommes
d'ailleurs heureux d'avoir entendu hier le Dr Richer, président de la
FMOQ, corroborer cette affirmation en disant qu'un service rendu en
hôpital était plus cher qu'un service rendu en CLSC et qu'un
service rendu en CLSC était plus cher qu'en cabinet privé.
Nous avons également abordé les conséquences
socio-économiques pouvant résulter d'une atteinte à la
santé oculo-visuelle des Québécois et des
Québécoises, suite à la désassurance des services
optométriques. Je n'insiste pas, mais c'est le rendement scolaire de nos
enfants, la productivité de nos travailleurs et la qualité de vie
de nos personnes âgées qui sont en cause.
En conclusion, il ne fait aucun doute que le ministère de la
Santé et des Services sociaux prendrait la mauvaise direction en
désassurant les services optométriques comme moyen de financer le
système de santé. L'Association des optométristes du
Québec en est convaincue, pour les raisons suivantes. les services
rendus par les optométristes sont des services de prévention et
de première ligne qui permettent de maintenir les coûts du
traitement des troubles oculo-visuels et leurs conséquences à un
niveau minimal.
La désassurance des services optométriques
entraînerait des iniquités régionales, amènerait
à terme une détérioration de la santé
oculo-visuelle de la population et accroîtrait les coûts de la
santé oculo-visuelle publics et privés de l'ordre de 16 000 000 $
par année, sans compter les risques d'augmentation des coûts dus
aux conséquences d'une détérioration de la santé
oculo-visuelle de la population - référence à la page 47
de notre mémoire.
Tous nos chiffres démontrent l'efficience du régime
optométrique et l'importance pour le gouvernement de privilégier
la première ligne dans le domaine oculo-visuel afin de bien desservir la
population de toutes les régions, dans son milieu, aux meilleurs
coûts de système possible.
L'Association des optométristes du Québec est consciente
des enjeux qui sont en cause pour la société. Dans cette
perspective, nous sommes définitivement prêts à collaborer
avec le ministre, et ce, le plus rapidement possible. Quant aux autres
solutions, nous avons poussé le plus loin possible nos recherches, ces
derniers jours, conscients des efforts que vous faites. (16 h 30)
L'Association est d'avis que le moment d'augmenter la charge
financière des Québécois n'est pas encore arrivé.
Si, toutefois, le gouvernement entend augmenter d'une façon ou d'une
autre le fardeau financier des particuliers, l'Association favorise tout
mécanisme qui répartisse cette charge additionnelle sur
l'ensemble des particuliers. Il faut éviter toute forme de taxe à
la maladie, telle la désassurance ou l'impôt-services. Cet
impôt-services, s'il devait être retenu, ne devrait cependant pas
être mis en application sur certaines maladies seulement ou sur des
services selon qu'ils sont rendus par certains fournisseurs plutôt que
d'autres. Il serait ainsi désastreux qu'il s'applique aux services
complémentaires en attendant de le faire pour des services de base.
De façon générale, nous recommandons: 1° Comme
plusieurs des groupes que vous avez entendus l'ont fait, la création
d'un fonds distinct pour la santé et d'un fonds pour les services
sociaux. 2° Une rationalisation de tous les secteurs de la santé
publique au Québec. 3° À l'instar de l'Oregon, une
réflexion sur les technologies que l'on peut se payer et celles que l'on
ne peut pas. À cet effet, 1 000 000 000 $ représenteraient 8 %
d'économies.
Nous sommes d'avis que le gouvernement québécois devrait
entreprendre et/ou poursuivre avec le gouvernement fédéral,
accompagné de tous les organismes sociosanitaires du Québec, une
modification des normes fédérales de transfert de fonds, bill
C-3. 4° L'utilisation de la première ligne des soins dans tous les
secteurs par une meilleure information au public. Nous pensons à des
programmes conjoints d'information. 5° La participation active à un
processus d'évaluation coût-efficacité de l'ensemble des
services de santé, y inclus les services optomé-triques, à
la condition que les mêmes critères d'évaluation soient
retenus et que ceux-ci reflètent adéquatement l'aspect
préventif dans la santé.
Maintenant, plus spécifiquement dans notre cour, alors que
plusieurs ont tendance à regarder dans la cour de leur voisin: 6° La
possibilité pour les optométristes de prescrire des
médicaments thérapeutiques oculaires tout en favorisant une
meilleure collaboration entre les optométristes et les médecins
spécialisés en ophtalmologie. Une telle mesure entraînerait
une économie potentielle de 13 000 000 $. 7° L'amorce de discussions
ad hoc pouvant permettre d'examiner, dans notre régime, des moyens de
limiter les coûts.
Nous félicitons le gouvernement d'avoir eu le courage de lancer
le débat. Nous l'invitons cependant à la prudence et à
continuer à privilégier la prévention tout en demeurant
à l'écoute des citoyens. Nous réitérons notre
disponibilité pour toute étude, analyse ou discussion sur la
nature et l'orientation du système oculo-visuel au Québec.
Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Neilson. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): «Well»!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: «The gate is moving now».
Le Président (M. Joly): Les jeux sont faits.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, oui,
vous étiez attendus, mais je vous dirai d'entrée de jeu que
c'était davantage pour trouver une astuce pour nous permettre d'avoir la
presse un vendredi, fin d'après-midi. Comme vous voyez, ça a
fonctionné.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Trêve de
plaisanteries, c'est certainement l'un des moments - il y en a eu d'autres -
très importants parce que ce dont nous discutons à ce moment-ci
est un des programmes qui fait l'objet d'une des propositions et qui fait
l'objet d'une proposition de désassurance.
Loin de moi l'idée de contester le droit, voire même le
devoir de l'Association ou de l'Ordre de représenter les
optométristes, et je pense que leur devoir le plus sacré est de
représenter les optométristes et les intérêts des
optométristes. Ça, je pense qu'il faut que ce soit très
clair avant même qu'on commence à se brasser la cage un peu. Il
faut établir des choses très claires.
D'aucune manière, il ne faut avoir de doute quant au respect du
professionnel qu'est l'opto-métriste et qui est un professionnel. On
doit se dire un certain nombre de choses très claires. Oui, c'est vrai
que, pour un régionaliste, à tout crin, qui se bat aussi pour les
régions du Québec, oui, les optométristes sont pas mal
plus présents dans les régions du Québec. Puis faisons
le pari que, s'il y avait 1100 ophtalmologistes à travers le
Québec, ils ne seraient pas répartis dans les régions
comme vous l'êtes, disons-le clairement. Ça se vérifie dans
d'autres spécialités avec tous les problèmes qu'on a.
Oui, la prévention c'est extrêmement important. Je vais
vous le dire, ce qui m'a choqué, et j'ai le droit de me choquer avec le
caractère que j'ai. Vous commencez à me connaître. C'est
lorsqu'on est professionnel, et vous l'êtes, qu'on est dans un cadre de
démarche très démocratique... C'est ça, là.
On l'est en bibite depuis qu'on a amorcé cette réforme-là.
Ça va être la 22e ou 23e semaine de commission parlementaire dans
un an, pour entendre les gens, pour échanger avec le monde, pour tenter
de faire progresser le système, le brasser, le système.
Évidemment, quand on brasse un système et qu'on brasse du monde,
il faut s'attendre à se faire brasser aussi. Je comprends ça, en
politique on est habitués à ça un peu. Mais, quand on est
dans un cadre démocratique comme celui-là, où, le plus
honnêtement possible, on met sur la table, comme on l'a fait au mois de
décembre, un document qui, de manière générale, est
admis comme étant un document important, crédible, pas parfait,
bien sûr - si on le fait, on ne le fait pas pour le plaisir de le faire,
mais par une situation qui nous oblige à le faire - quant à moi,
je préfère que la discussion se fasse ici plutôt
qu'à la télévision parce qu'à la
télévision, je n'ai pas le moyen de vous suivre, surtout avec une
firme comme NATCOM. Ils pensent avoir «shaké» le pommier une
fois, puis ils ont repris exactement le même thème sur le plan
publicitaire pensant qu'ils vont «shaker» le pommier une
deuxième fois. Eh bien, le pommier a appris de la première, puis
il ne «reshakera» pas une deuxième et une troisième
fois non plus. Ça, je peux vous l'assurer. C'est davantage un message
pour NATCOM que pour vous autres.
Dans ce sens-là, j'ai compris tantôt qu'un certain nombre
de choses... Vous avez pris un certain nombre de décisions, c'est votre
responsabilité et, à ce niveau-là, je l'accepte. Ceci
étant dit, c'est un épisode qui, pour moi, est terminé. On
essaie par tous les moyens de faire en sorte que les gens prennent conscience
d'une situation sur le plan financier qui n'est pas une situation facile pour
le gouvernement, parce que j'imagine que, si on s'adressait, pas à
l'optomé-triste, mais au payeur de taxes, peut-être qu'il aurait
l'humeur un peu plus massacrante ou massacrée en se disant: On est
tanné de payer des taxes sur à peu près tout. On en paie
suffisamment, sacrez-nous la paix, ajoutez-en pas parce qu'on en a
jusque-là. Dans ce sens-là, c'est notre responsabilité,
comme hommes politiques, de tenter de gérer avec ce qu'on a, puis, si
possible, de tenter d'en sauver pour faire en sorte qu'on puisse le
réallouer à des nouveaux besoins et davantage en
prévention, ce dont vous vous êtes servi assez abon- damment,
merci!
Dans ce contexte-là, ma première question, et on reviendra
de manière plus précise sur la désassurance: Est-ce que la
croissance budgétaire devrait être, d'après vous, IPC + 1
%, IPC + 2 %, IPC + 3 %, sachant qu'actuellement on est à un rythme de
IPC + 4,2 %? Nous, on s'est dit: À partir de ce moment-là, si on
veut le ramener au maximum à 3 %, comme étant un plafond, il y a
1,2 % qu'il faut tenter de récupérer quelque part. On a mis des
pistes. Bon. Je vais vous dire une affaire, on a eu bien des idées, mais
ça va prendre plusieurs 0,25 $ pour être capable de faire de
l'argent tantôt. On va tenter d'en trouver et de ramener notre
système à des conditions acceptables. Bon. Je sais que
tantôt, autant l'Ordre que l'Association, vous avez passé une
série de propositions pour tenter d'être plus efficients, plus
efficaces, mais quel est le niveau qui vous apparaît souhaitable et
acceptable en termes de dépenses: IPC + 1 %, parce que ça va
être la croissance des dépenses gouvernementales, IPC + 2 %, ou
IPC + 3 %? Ça me paraît être une question fondamentale
à ce moment-ci à laquelle vous devriez me répondre.
M. Chaiken: Avant de répondre à cette question
précise que je vais d'ailleurs laisser à mes collègues de
l'Association, M. le ministre, moi aussi j'aimerais clarifier certaines choses
avec vous aujourd'hui. En rencontrant plusieurs personnes en politique, des
députés, certains ministres, tous m'ont dit que le ministre
Côté se choque rapidement, mais aussi qu'il se déchoque
rapidement et que c'est un homme de gros bon sens.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chaiken: Je suis certain que vous allez bien comprendre nos
arguments aujourd'hui. Concernant la question de la publicité à
la télévision...
M. Côté (Charlesbourg): Vous m'avez encerclé,
là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chaiken: ...on n'a pas voulu brasser la cage de personne au
niveau du gouvernement avec notre publicité. La seule raison pour
laquelle cela a été fait, même si c'est dans le
passé, c'est parce qu'on a eu un beau cadeau de Noël le 18
décembre où il y avait un paragraphe qui parlait de
désassurance des services complémentaires et l'optométrie
y passait au complet. Il fallait qu'on retrouve une façon de soulever le
débat. C'a été fait. On l'a soulevé, c'est fini, on
a interrompu cette publicité et, pour nous aussi, c'est
terminé.
M. Côté (Charlesbourg): Qu'on soit bien
clair. C'est votre droit le plus légitime de faire la
publicité que vous voulez. Ça, je ne conteste pas ça.
M. Chaiken: Ce n'était pas fait pour brasser la cage du
gouvernement. C'était pour soulever des débats au niveau public
pour démontrer aux gens, au public qu'il y avait un problème,
qu'il y avait un danger et pour impliquer le public dans le débat
également. Alors, nous sommes ici. On va avoir une discussion franche,
je crois. Je laisserai mes collègues répondre à votre
question.
M. Neilson: Si je peux juste ajouter très
brièvement là-dessus. Si vous avez été
choqué, M. le ministre, les optométristes ont été
choqués aussi quand ils ont vu la façon rapide et cinglante avec
laquelle on parlait de désassurer complètement les services
optométriques et aussi choqués de voir que, dans les
médias, en général, on en pariait très peu. En
fait, on avait un problème, c'est que personne ne semblait au courant.
Encore il y a quelques jours, cette semaine, à Radio-Canada, le reporter
pariait de désassurer les lunettes et les verres de contact en voulant
parier des services optométriques.
On n'est pas perçu. Alors, il fallait brasser fort, et c'a
brassé fort. Mais, là, je pense que les gens, la population est
informée. Et donc...
M. Côté (Charlesbourg): Oui, il y a un digne
représentant de Radio-Canada ici.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Tout est réglé, c'est sa faute.
M. Côté (Charlesbourg): D'ailleurs, ça devait
probablement être pour ça qu'il était ici.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Service commandé.
M. Neilson: Alors, plus spécifiquement au sujet de votre
question, au sujet de l'IPC, évidemment, à l'Association, on
croit que les dépenses de santé devraient être maintenues
au minimum, c'est-à-dire autour de IPC + 1 %. Maintenant, même si
on parie de financement, il ne faut pas, par contre, perdre de vue aussi les
objectifs de notre système de santé qui est reconnu et qui est
apprécié par la population du Québec, et qui est reconnu
aussi à travers le monde comme étant un très bon
système de santé. On regarde aux États-Unis, actuellement,
ils sont pris avec des problèmes, je pense, encore plus importants au
niveau de la santé. Ça leur coûte plus cher, ils sont moins
bien couverts. Donc, il ne faut pas perdre ça de vue, aussi. Il faut
essayer de maintenir les coûts au minimum, c'est entendu.
Et, comme on l'a dit, on est prêt à regar- der beaucoup de
choses et à faire notre part, à s'asseoir et à discuter
pour restreindre les coûts au maximum. Mais il ne faut pas perdre de vue
la valeur, l'efficience de notre système de santé,
actuellement.
M. Côté (Charlesbourg): Tantôt, dans votre
présentation, vous avez très habilement fait
référence à M. Wells...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): ...et à ses
comportements très libéraux. Si je vous pariais de M. McKenna, de
ce qui se passe au Nouveau-Bruns-wick? C'est quoi votre opinion sur la
situation au Nouveau-Brunswick par rapport à l'optomé-trie?
M. Neilson: Au Nouveau-Brunswick, il y a un choix qui a
été fait, évidemment, qui couvre de façon
différente, mais qui couvre les services optométriques. Ce qu'il
est important de retenir, c'est qu'on a dit: Au Québec on est beaucoup
plus généreux dans le panier des services complémentaires,
et donc, pas spécifiquement, mais on incluait l'optométrie.
Alors, c'était pour mettre ça dans la perspective. Au point de
vue optométrique, en tout cas, on n'est pas plus généreux.
On est à peu près dans la ligne du reste de la province.
M. Chaiken: II ne faut pas oublier, M. le ministre...
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
(16 h 45)
M. Chaiken: ...également, que les résultats des
actions au Nouveau-Brunswick ne sont pas encore comptés. On n'a pas vu
comment ça avait affecté la population à long terme et on
ne sait pas non plus si, au Nouveau-Brunswick, on va revenir, par exemple, sur
la décision, comme on l'a fait en Alberta.
M. Charbonneau (François): Si vous me permettez juste un
éclairage.
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Charbonneau (François): Je pense que beaucoup de gens
ne connaissent peut-être pas ce qui existe à travers le Canada. Au
Québec, on a les services qu'on a, relativement universels en
optométrie.
M. Côté (Charlesbourg): Mais vos
optométristes le savent là.
M. Charbonneau (François): C'est le cas de l'Ontario...
Pardon?
M. Côté (Charlesbourg): Vos optométristes
qui vous accompagnent le savent certainement.
M. Charbonneau (François): Oui, il y en a
quelques-uns.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charbonneau (François): Mais le Québec, comme
grande province, se compare, au niveau des services optométriques, avec
l'Ontario et la Colombie-Britannique. Il existe, en Alberta et en Saskatchewan,
un régime qui est identique, sauf que les 19-64 ans ont un examen annuel
aux deux ans. Il existe, dans les Maritimes, la Nouvelle-Écosse qui a un
régime comme le nôtre; le Nouveau-Brunswick où c'est les 16
ans et moins; l'île-du-Prince-Édouard n'en a jamais eu et,
à Terre-Neuve, M. Wells vient de s'enfarger à nouveau. Alors,
c'est la situation canadienne.
M. Côté (Charlesbourg): Tout ça pour vous
amener sur une piste qui est la suivante. Quelle serait votre réaction,
comme professionnels, si le gouvernement du Québec disait, demain matin:
Oui, effectivement, ce qu'on a les moyens de se payer, c'est de protéger
les 19 ans et moins et les 65 ans et plus?
M. Neilson: On dirait que c'est moins pire que la
désassurance complète, mais que ça a encore des lacunes
importantes. La population de 19 à 64 ans a quand même des besoins
importants. Comme on le dit, on est ouvert à des discussions
là-dessus et il y aurait peut-être à regarder des
fréquences selon des couches d'âge. On n'est pas fermé
à cette discussion-là, mais il reste que la désassurance
des 19-64 ans nous paraît extrême.
M. Côté (Charlesbourg): O. K.
M. Chaiken: Je peux vous dire, M. le ministre, de la part de
l'Ordre des optométristes, que nous croyons, à titre de
représentants du public et protecteurs du public dans le domaine
oculo-visuel, que c'est très important que les gens, par exemple, comme
moi, de 40 ans et plus maintenant, aient un examen de prévention. Je
peux parler spécifiquement, par exemple, des tests de glaucome qui
comprennent la pression intra-oculaire. C'est une maladie qui arrive... On
devrait commencer à faire ces tests-là
régulièrement; quand on commence à les faire à 65
ans, les dommages sont déjà faits.
Alors, comme le disait mon confrère, nous croyons qu'il y a
possibilité, à l'intérieur du régime, de regarder
les fréquences selon les couches d'âge. Mais, désassurer un
groupe au complet, nous ne pensons pas que ce soit la meilleure solution. Et,
d'une manière ou de l'autre, comme nous l'avons dit dans notre
mémoire tout à l'heure, ça pénalise non seulement
ces gens au niveau économique, mais ça crée des
iniquités régionales, ça va engorger les ophtalmologistes
et, pour nous, ce n'est pas une solution.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais revenir tantôt
à opto-ophtalmo parce que c'est des discussions qu'on a
déjà eues dans les mois antérieurs et je vais y revenir de
manière spécifique parce qu'il y a un problème
réel.
Le Président (M. Joly): M. Charbonneau avait de quoi
à dire.
M. Côté (Charlesbourg): Oui.
M. Charbonneau (François): Oui. Si vous le permettez,
juste avant qu'on aborde d'autres parties des discussions, quand on parle des
20-65 ans, c'est quand même notre population laborieuse; c'est la
productivité de nos travailleurs, ça. Désassurer,
désinclter les gens à l'examen visuel dont ifs ont besoin quand
on veut une main-d'oeuvre comme celle que M. Bourbeau cherche à avoir,
productive en haute technologie et performante au travail... Vous avez juste
à regarder les chiffres - vous les connaissez mieux que moi - au niveau
de la santé et sécurité au travail. C'est vrai au
Québec, c'est vrai au Canada, c'est vrai aux États-Unis que nos
travailleurs dans l'industrie ont besoin d'une excellente performance visuelle;
90 % des gens qui travaillent sur des écrans cathodiques - ce sont des
gens de 20 à 60 ans - ont des problèmes, des manifestations de
troubles oculo-visuels. Alors, statistiquement, ça peut se regarder par
couche, mais il faut faire attention et, moi, j'ai de très fortes
réserves ou oppositions à ça, mais, comme on le disait, il
y a du travail qui peut se faire avec des experts pour voir s'il n'y a pas des
choses qui peuvent s'identifier.
Le Président (M. Joly): M. Gareau.
M. Gareau (Claude): M. le Président, moi, je me reporte,
si vous me le permettez, 22 ans en arrière; j'étais assis
à la même table, au moment où, précisément,
le gouvernement libéral a instauré le régime
d'assurance-maladie. Et on était dans la même situation difficile
parce que M. Castonguay, qui avait fait le rapport Caston-guay, n'avait pas
recommandé les services optométriques, au départ.
Cependant, quand il a été nommé ministre, dès 1970,
et qu'il a eu à réaliser son rapport, bien, il a
été obligé d'en venir à la conclusion que, pour la
population, il était impossible d'établir un système
équitable - dans le temps, on disait gratuit - accessible et universel
sans que les optométristes y soient.
Ce que je voudrais faire ressortir, c'est qu'on est dans une situation,
comme profession, qui est unique dans les services soi-disant
complémentaires. Je demeure convaincu que les
services optométriques sont des services de base. La raison pour
laquelle je dis que c'est une situation unique, c'est que ni les dentistes ni
les pharmaciens n'ont de spécialité médicale qui chevauche
dans notre champ d'activité. Comme vous le mentionniez tantôt,
comme régionaliste, vous savez fort bien que la recommandation, si elle
était appliquée, pénaliserait d'abord et avant tout la
population, non seulement la population des régions
éloignées, mais également la population des grands centres
urbains où les listes d'attente deviendraient tellement longues qu'en
bout de compte on aurait deux médecines: une des pauvres et une des
riches.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends les
écueils. Je pense qu'on en a échangé. On analyse de part
et d'autre pour tenter de voir clair à travers tout ça.
M. Gareau: D'accord.
M. Côté (Charlesbourg): C'est parce que vous me
reportez à la période de M. Castonguay. Je pense que le
Québec était dans une situation où il y avait une
prospérité économique beaucoup plus importante, à
l'époque, lorsque ces décisions-là se sont prises. Je
traîne toujours un petit tableau, là, parce qu'il faut toujours se
le rappeler. Juste pour financer notre épicerie, depuis 1977 à
1991-1992, c'est 20 000 000 000 $ qu'on a empruntés pour des
dépenses d'épicerie. C'est considérable et je pense qu'on
est dans une situation où il faut s'interroger sur notre capacité
de continuer. Effectivement, on peut, dans certaines circonstances, être
inéquitables vis-à-vis des catégories de citoyens, mais
est-ce qu'on peut continuer d'être inéquitables aussi
vis-à-vis des générations futures? Ça aussi, c'est
une question qui est fondamentale et qu'il faut se poser. On peut bien le
faire. On peut bien dire: On va continuer et on va pelleter ça sur les
jeunes de demain, mais je ne suis pas sûr qu'ils vont être
très heureux à partir du moment où ils recevront le cadeau
dans les mains.
M. Chaiken: Je pense, M. le ministre, que vous avez tout à
fait raison et je pense que tout le monde dans la salle, ici, serait d'accord
avec vous pour dire qu'on a des problèmes de financement, en
santé, du budget en général. C'est un problème
grave, mais ça ne veut pas dire, par contre, qu'il faille
éliminer complètement des services, détruire un
système qui fonctionne bien, qui est apprécié de la
population, qui est établi partout et qui a fait ses preuves.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais...
M. Chaiken: Pourquoi ne pas regarder les véritables
solutions? Il y a des façons et nous sommes ici pour en discuter.
M. Côté (Charlesbourg): Je les attends. Je les
attends, parce que la balle est dans votre camp. Évidemment, vous avez
reçu comme une brique la proposition du 18 décembre. Je pense
que, si vous ne la voulez pas, il va falloir qu'il y ait des alternatives de
mises sur la table.
M. Chaiken: Je vais vous dire, par exemple, quant à notre
deuxième suggestion de donner un reçu au patient, non seulement
aux patients des optométristes, mais aux patients de tous les
médecins, de tous les praticiens dans le domaine de la santé une
fois que l'acte médical ou autre est fait, est-ce que c'est
déraisonnable de démontrer au patient combien a
coûté ce service? Nous ne sommes pas gênés de dire
aux gens que les coûts de ces services-là sont relativement
minimes par rapport à d'autres professions. Je pense que c'est important
de conscientiser la population sur les coûts qui sont engendrés
quand ils visitent les médecins. J'imagine que M. Tout-le-Monde va
être sensible à ça quand il va savoir combien ça
coûte. Peut-être qu'il va y avoir une certaine rationalisation. Il
y a d'autres choses qu'on suggère.
M. Côté (Charlesbourg): Informer le citoyen, je
pense que c'est une bonne affaire. On parle de transparence. L'informer des
véritables coûts, ça, c'est une décision qu'on a
déjà prise et on a voté, à l'intérieur du
projet de loi 120, les mécanismes qu'il faut. Évidemment, par
cette proposition-là, vous prétendez que, dans la mesure
où on informera les citoyens, il y aura moins de consommation et, ayant
moins de consommation, que ça coûtera moins cher, donc qu'il y
aura des économies.
M. Chaiken: Bien sûr.
M. Côté (Charlesbourg): Là, on se dit: Oui,
bonne chance. On ne sait pas ce que ça donnera au bout.
M. Chaiken: Ça vaut peut-être la peine de l'essayer,
avant de défaire le système.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends, mais je veux
d'autres propositions, ça me prend d'autres propositions.
M. Neilson: On en a fourni d'autres, entre autres la suggestion
de l'utilisation des médicaments thérapeutiques par les
optométristes. Si on regarde un peu plus loin, ça ne veut pas
dire juste ça. Ça veut dire qu'évidemment cette
proposition-là s'assortirait d'un coût qui ne serait pas plus
élevé que ce que ça coûte actuellement chez
l'optométriste. C'est-à-dire que ce serait une visite normale -
une visite partielle ou autrement, je ne veux pas devenir trop technique - et
ça diminuerait les coûts grandement par rapport à ce que
ça coûte actuellement.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai des petites nouvelles
pour vous parce que le ministère a déjà, lui, donné
un avis favorable au gouvernement pour que ça se fasse.
M. Chaiken: Pourquoi ça ne s'est pas fait? M.
Côté (Charlesbourg): Comment? M. Chaiken: Pourquoi on
ne l'a pas fait?
M. Côté (Charlesbourg): En tout cas, je ne sais si
vous êtes informés des décisions, mais je n'étais
pas au Conseil des ministres, mercredi, j'étais ici. Donc, des avis
favorables ont été donnés et, dans ce sens-là, on
verra ce que le ministre responsable, lui, décidera de ça puisque
c'est de lui que ça relève.
M. Charbonneau (François): Juste un point de
détail...
M. Côté (Charlesbourg): Mais pour être
concret...
M. Charbonneau (François): Oui, juste un point de
détail. Assurez-vous qu'on ne parle pas de médicaments
diagnostiques seulement. Nous, ce qu'on dit, c'est que, pour éviter la
filière hôpitaux-institutionnalisation, il faut miser sur les
premières lignes. Si c'est des médicaments thérapeutiques
dont vous avez parlé, vous allez économiser des millions. Il y a
plus à faire que ça, mais c'est un très bon début.
Thérapeutiques.
M. Côté (Charlesbourg): Tout ça pour
signifier que le ministère considère l'optométriste comme
un professionnel. C'est un signal. Si des démonstrations peuvent
être faites qu'il y a des économies ailleurs sans pour autant que
d'aucune manière il y ait des risques pour le
bénéficiaire, ce sont des choses qu'on peut regarder si, au bout
de la ligne, ça nous permet d'économiser des sous. C'est clair
que c'est ça que nous voulons comme proposition.
On me signifie qu'il ne me reste pas grand temps. Un des arguments de
poids que vous avez et que je ne prends pas à la légère,
c'est le glissement de pratique de l'optométriste vers l'ophtalmologiste
qui coûterait plus cher. Vous avez raison. D'ailleurs, je vous l'ai dit
dans le privé, ça ne me coûte pas plus cher de le dire en
public. C'est clair. À partir de ça, dans les conversations, il
était clair qu'on s'était dit que, dans la mesure où on le
faisait, il fallait s'assurer que ce soit désassuré dans les deux
cas pour être équitable envers des professionnels et qu'on ne se
retrouve pas à sauver un coût qui nous coûte moins cher pour
le transposer chez quelqu'un qui va nous coûter plus cher pour le
même service. À ce niveau-là, on a compris ça. Mais,
même si on faisait ça, j'ai l'impression que vous ne seriez pas
bien, bien satisfaits.
M. Chaiken: Je pense, M. le ministre, que c'est
premièrement impossible que vous le fassiez. Il y a peut-être une
façon dont vous pouvez le faire, et je ne pense pas que ce sera
très bien reçu de la part des médecins, par exemple, et
c'est simplement parce que la suite logique de ça, il n'y en a qu'une,
à mon avis, c'est de changer la loi médicale pour ne plus
permettre à des médecins spécialistes ou autres de faire
des examens de la vue, de prescrire des lunettes et de prescrire et vendre des
verres de contact. Il n'y pas d'autre solution pour arriver à ce
but-là. Parce que, même si vous disiez aux ophtalmologistes: II
faut charger, maintenant, pour l'examen visuel de base et vous chargez
directement au patient, on va voir que les diagnostics ne seront plus la
myopie, l'hypermétropie ou la presbytie, mais qu'ils vont avoir d'autres
choses: un problème ici ou un problème là. C'est ça
qui va arriver, et vous savez fort bien que ce sera le cas.
M. Neilson: Les expériences qu'on a pu voir ailleurs,
c'est que tout examen de vision devenait médical, à ce
moment-là. Oui, on a eu des discussions, M. le ministre, et je me
souviens qu'on en a parié, de ça. On s'est penché
là-dessus, on a regardé ça et je vous avoue
qu'après bien des contorsions c'est à peu près impossible,
sauf de la façon dont vient de parler mon confrère, le
président de l'Ordre. Et je crois que c'est encore plus utopique de
penser que ce soit possible de faire ça. (17 heures)
M. Côté (Charlesbourg): Une dernière. Ce
n'est pas parce que je n'en ai pas d'autres, mais une dernière. Vous
nous recommandez de créer un fonds santé. Je vais vous le dire
tel que je le pense, parce que, tantôt, je l'ai oublié pour les
dentistes, ça aurait été la même réaction.
Vous n'avez pas l'impression que vous êtes 20 ans en arrière avec
une proposition comme celle-là? Il me semble bien que tous les courants
font en sorte aujourd'hui qu'on dit: La personne, ce n'est pas rien qu'une
question de santé, c'est une question globale qui inclut aussi le
social. Moi, je trouve ça épeurant de me demander ou de nous
demander de créer un fonds uniquement santé et un fonds social.
Je ne comprends pas qu'aujourd'hui les gens viennent nous dire: Faites-nous
notre belle petite globule à nous autres, laissez-nous dedans et les
autres, sur le plan du social, oubliez ça. Il me semble bien
qu'aujourd'hui, là, avec tous les problèmes qu'on a, on doit
faire appel à plusieurs intervenants pour être capables de
solutionner nos problèmes et de régler les problèmes de
nos personnes. C'est l'impression que ça me donne.
M. Charbonneau (François): Je vous dis ceci, M. le
ministre: À mon sens à moi - je ne suis pas un expert dans ces
matières-là - il me semble que, si on commençait par
isoler du fonds
consolidé la santé, les services sociaux, les regarder
aller un an, deux ans, trois ans, les fusionner plus tard serait
peut-être une conclusion. Allons-y par étapes. Essayons de voir.
D'abord, sortons ça du fonds consolidé. Ce n'est pas fait,
ça. Si on est capables de sortir ça et de regarder ça, il
y en a d'autres qui n'aimeront pas ça, mais, un coup qu'on aura fait
ça, on les regardera aller tous les deux, ces fonds-là. On verra
ce qu'il faut faire. Commençons, à mon sens, par cette
première étape là. C'est le sens de notre
recommandation.
M. Côté (Charlesbourg): Mais vous n'avez pas
d'objection à ce qu'on en arrive à ce mariage au profit du
bénéficiaire?
M. Charbonneau (François): On est là pour le
servir.
M. Chaiken: C'est évident que toute suggestion qui
pourrait être faite pour assainir les finances et qui
bénéficie à la société en
général sera très bien acceptée de notre part.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. J'aimerais vous saluer,
M. le président de l'Association, M. le président de l'Ordre et
les gens qui vous accompagnent. Bon, maintenant que vos chicanes de
ménage sont réglées, on va parler des usagers. Je ne
voudrais pas oublier non plus, parce que je les ai vus dans la salle, de saluer
la relève, les étudiants en optométrie de
l'Université de Montréal qui sont venus voir ce qui les attendait
si la politique suivait son cours, parce que c'est bien ça la
proposition. Alors, il faut les saluer aussi parce que je les connais assez
bien, ces gens-là, et je sais que, pour passer à travers leurs
quatre années de formation, c'est important qu'ils soient là
également et qu'ils soient sensibilisés à ce que nous
vivons comme débat actuellement au Québec.
Du côté des optométristes, du côté de
l'examen de la vue, je pense qu'on vient d'en dégager un bon bout sur le
terrain et il semble se dessiner des pistes, je dirais, réparatrices,
compte tenu de la proposition, compte tenu des derniers échanges qu'il y
a eu.
Mais vous autres, du côté des optométristes, ne vous
trompez pas, vous êtes les victimes Montmorency-Anjou. Vous êtes le
résultat. Je vais vous expliquer ça. Le ministre le disait
tantôt, la population, au niveau des taxes, elle n'en a rien qu'en masse.
La classe moyenne, on l'a vu, ils en ont jusque-là. Et, en termes
politiques, c'est le ministre lui-même qui le donnait comme diagnostic
après Montmorency: On ne peut pas y aller tout le temps, disait-il, sans
que ça nous coûte quelque chose sur le plan de la taxation...
M. Côté (Charlesbourg): Ça a
coûté moins cher dans Anjou.
M. Trudel: ...et ça a coûté Montmorency et
ça a coûté Anjou.
M. Côté (Charlesbourg): Moins cher un peu dans
Anjou.
M. Trudel: On l'a assez dit souvent: Les victoires morales,
voulez-vous en manger? Toute la gang que vous voulez, toutes celles que vous
voulez! On en a mangé 36 fois. Une belle victoire morale, c'est
extraordinaire, c'est parfait.
Des victimes de ça. Et vous avez raison. Dans ce sens-là,
j'ai dit à l'ouverture de la commission: Ce document ne doit pas
s'appeler «Un financement équitable à la mesure de nos
moyens», c'est «Le choix de Sophie»: Ou je me coupe un bras,
ou je me coupe une jambe; ou je taxe ou je coupe des services. Vous autres,
vous êtes dans la coupure et c'était important que vous veniez
nous donner les informations sur le pourquoi il faudrait éviter de
prendre cette voie de la coupure.
M. Charbonneau (François): Permettez-moi juste de vous
dire qu'on est dans la mire de la coupure parce que la loi
fédérale fait en sorte qu'on s'est fait classer
inférieurement, com-plémentairement. Mais, à part
ça, on devrait être dans un débat général de
société pour savoir qu'est-ce qu'on fait des 12 000 000 000
$.
M. Trudel: Parfait. Je ne vous en demandais pas tant, je m'en
allais là de toute façon.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charbonneau (François): Je ne pouvais pas la laisser
passer.
M. Trudel: Je ne vous en demandais pas tant.
M. Côté (Charlesbourg): D'ailleurs, le train est
prêt, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Eh bien, là, je vais avoir une surprise pour
vous. J'ai une surprise pour vous, là, parce que votre première
recommandation, dans le résumé, que vous nous avez
avancée, vous dites... Et je pense, quant à moi, que vous avez
fait un bon diagnostic. La chicane de famille qu'on a au Québec en
santé et services sociaux, il ne faut pas se tromper, les premiers
éléments du diagnostic du 18 décembre disent qu'on fait
bien les choses au Québec en matière
de contrôle, en matière d'utilisation des services. Grosso
modo, tout gouvernement confondu, on fait ça correct. On a une chicane
de famille au Québec parce que le fédéral ne paie plus ce
qu'il a à payer. Et vous le dites dans votre première
recommandation. Je sais que je ne peux pas vous en demander beaucoup plus que
ça au niveau de l'écriture, mais, là, on est rendu
vendredi puis on va faire le point sur quelque chose.
Il y a beaucoup de groupes qui sont venus ici et qui ont dit: La source
du mal, c'est le gouvernement fédéral qui fait d'autres choix -
le document le dit aussi honnêtement - de priorités. On va avoir
eu cette grande chicane au Québec, puis on va peut-être
«scraper» notre régime, puis il y a quelqu'un qui ne se sera
pas présenté la face à la commission parlementaire qui
débat la question sur le financement des services de santé et des
services sociaux au Québec. Je dis ceci: Eu égard à votre
première proposition, je défie le ministre fédéral
de la Santé nationale et du Bien-être social, Benoît
Bouchard, de venir se présenter devant cette commission parlementaire,
expliquer aux Québécois et aux Québécoises pourquoi
il faut abandonner les trois dimensions les plus essentielles de notre
régime, un des acquis les plus importants de notre société
en matière d'accessibilité aux services de santé et aux
services sociaux.
À la blague, cette semaine, tous les Québécois et
Québécoises qui sont passés ici disaient: Nous, on devrait
se lier en groupe - vous le dites vous aussi d'ailleurs - et demander au
fédéral... Non, rendu à ce moment-ci, on ne
déplacera pas le piano, on va demander au banc de se déplacer, et
au gouvernement fédéral et au ministre Benoît Bouchard de
venir volontairement se présenter devant cette commission, et nous
débattrions publiquement pourquoi on a cette chicane de famille et
pourquoi il va nous falloir, peut-être, couper les soins d'examens de la
vue à toutes les catégories de personnes, parce que, par
ailleurs, la problématique financière, le ministre a assez
insisté tantôt, elle existe. Nous faisons même, de notre
côté, un reproche au gouvernement. On lui fait même un
reproche, on dit qu'il n'a pas tout dit et que c'est plus que cela. C'est
déjà assez, de toute façon, le diagnostic qui est
posé.
À cet égard-là, est-ce que vous, de votre
côté, parce que vous êtes directement impliqués, vous
êtes prêts à l'interpeller, le fédéral, aussi
directement pour qu'il soit, comme cause du mal, comme cause de la situation,
appelé au moins à répondre de ce qu'il nous cause comme
société?
M. Charbonneau (François): Je vous dirais, M. Trudel,
qu'on est prêt à y aller avec NATCOM. Ça va brasser
là-bas.
M. Côté (Charlesbourg): Je n'irai pas!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chaiken: Si le président de la sous-commission nous le
permet, j'enverrai une invitation ce soir à M. Bouchard. C'est sûr
et certain qu'il devrait être ici.
Le Président (M. Joly): Moi, je ne peux pas vous
empêcher de faire ce que vous voulez faire, mais ne me liez pas, si vous
voulez, aux intentions ou aux actions que vous voulez prendre. Prenez
l'initiative puis, s'il se manifeste, on verra ce qu'on fera avec...
M. Chaiken: On peut le faire. Peut-être que ce ne serait
pas une mauvaise idée de demander à l'Association canadienne des
optométristes, à titre de responsable de l'optométrie au
niveau fédéral, de faire une intervention en ce sens-là,
de demander à M. Bouchard de venir s'expliquer.
M. Charbonneau (François): En 1980 ou 1982, un
prédécesseur du ministre de la Santé, je pense, est
allé au fédéral lors de discussions avec Mme Bégin
et a amené du monde avec lui, des gens qui représentaient le
Québec pour défendre un dossier. Je ne sais pas, je ne suis pas
un expert des relations fédérales-provinciales, si c'est le piano
qui doit suivre le banc ou le banc qui doit se rapprocher du piano, mais il y a
du monde au Québec qui vous accompagnerait s'il fallait négocier
notre système de santé.
M. Trudel: J'apprécie ce que vous dites, mais, là,
c'est fini que ce soit nous autres qui fassions les voyages dans ce
sens-là. C'est à eux autres à descendre vers nous autres.
Parce que les voyages organisés, |e les ai tous id. Ils ont
commencé des voyages organisés le 25 juillet 1960 avec M. Jean
Lesage, qui était un homme... Le ministre l'a dit, on a tous eu notre
brin de fierté québécoise à partir de cette
affirmation-là. Le 25 juillet 1960, spécifiquement sur ce qu'on
discute aujourd'hui, ça fait 32 ans, il disait une chose bien simple. Il
disait: Donnez-nous nos points d'impôt pour qu'on puisse s'occuper de nos
affaires en matière de santé et de services sociaux. Il ne disait
pas: Payez-les, donnez-nous de l'argent qu'on n'aura pas gagné. Il
disait: Donnez-nous nos points d'impôt, des Québécois et
des Québécoises, qui transitent par Ottawa. Donnez-nous
ça. Vous le savez que nous autres on dit: Donnez-nous le butin au
complet. Je respecte ça, moi, les opinions des autres et les options des
autres. Ça fait 32 ans qu'on fait le voyage en autobus, en train, en
avion, en groupe, en petit, en gang. Cette fois-là, minimum, que le banc
se déplace donc vers le piano et qu'on regarde ça en face parce
que peut-être qu'on est en train de se martyriser entre nous parce qu'il
y en a un autre qui a fait des choix différents.
Ça, c'est un chapitre, mais ça ne m'empêche pas, par
ailleurs, de vous faire, moi aussi, quelques petits reproches. Ce n'est pas
parce que vous êtes d'accord avec moi que je ne serai pas
sévère, par ailleurs, sur certains éléments. Vous
répétez dans votre message quant à notre régime,
parce qu'il y a de l'efficience, il y a de l'efficacité à gagner,
que les dépenses de santé au Québec sont grosso modo
beaucoup trop institutionnalisées et médicalisées. C'est
une affirmation de l'Association. Je ne me trompe pas là, de
l'Association.
Ça, c'a été aussi de l'argumentation qui a
été fréquemment invoquée ici devant cette
commission parce que le pendant de ça, évidemment, vous l'avez
illustré, c'est les coûts qui sont beaucoup plus
élevés. Vous n'avez pas l'impression qu'au Québec, en
matière de santé et de services sociaux, à partir de cette
information que vous corroborez vous autres mêmes, il va falloir aussi se
donner un grand coup sur le modèle de nos systèmes de
santé et de services sociaux, qu'il va falloir prendre un virage assez
important sur comment sont dispensés nos soins et que
l'institutionnalisation est peut-être un des éléments de
rationalisation, d'efficacité et d'efficience sur lesquels on peut le
plus travailler parce que ça enchaîne des coûts majeurs? Et
par où on commence pour faire ça?
M. Chaiken: Je pense, M. Trudel, même si les chiffres que
vous citez sont les chiffres de l'Association, que je peux quand même
vous dire que, dans notre mémoire, le mémoire de l'Ordre des
optométristes, nous avons suggéré que, par exemple, les
hôpitaux deviennent surtout des institutions de deuxième et
troisième lignes. Je trouve ça tout à fait anormal qu'un
citoyen puisse se présenter dans une salle d'ophtalmologie à
l'intérieur d'un hôpital, dans une clinique d'ophtalmologie
à l'intérieur d'un hôpital, passer un examen de la vue de
base et engendrer des coûts d'infirmières, d'ouverture de dossier,
des coûts plus élevés de l'ophtalmologiste, des instruments
payés par l'État, etc., tandis que ce même citoyen pourrait
passer dans le bureau de l'optométriste, ce qui coûterait beaucoup
moins cher à la société. Alors, il faut que les
hôpitaux, par exemple, deviennent ce que ça devrait être,
des centres de deuxième et troisième lignes. C'était une
suggestion. Il y a la façon aussi de faire appliquer des politiques.
M. Trudel: Très bien. Est-ce que vous avez quelque chose
à ajouter, M. le président? Ça va? Bon. Ça va. Le
temps est court. Si c'est correct...
M. Charbonneau (François): Peut-être juste un
élément. Vous êtes aussi conscients que nous qu'il ne faut
pas bouger beaucoup dans le domaine institutionnel pour récolter des
gros sous. On est prêts à faire notre part, mais, quand vous
regardez les 3 000 000 000 $, 4 000 000 000 $, 5 000 000 000 $ des
institutions, il ne faut pas bouger beaucoup pour rationaliser et faire de
l'argent avec ça. Ça ne nous «discompte» pas de faire
notre part, mais il y a de l'argent là. L'argent, il est là. (17
h 15)
M. Trudel: Je vais vous en donner un, petit coût
supplémentaire, aussi. Vous voyez, au Québec, c'est vrai qu'on ne
fait vraiment pas les choses comme ailleurs. Ce n'est pas vrai qu'on est
toujours en désaccord avec le gouvernement et la façon dont le
gouvernement fait les choses, parce qu'on a des problèmes collectifs.
Sur la création du fonds santé, fonds social, je vais vous dire
franchement, j'ai pas mal tendance à être d'accord avec le
ministre, là. Il faut regagner des années. Et, à cet
égard-là, moi, j'irais un petit peu plus loin sur la
réflexion qui a été faite. Je pense que c'est suffisamment
bien démontré maintenant que ce qu'on fait en santé
retrouve très généralement ses origines et ses causes dans
le social, et séparer les deux caisses nous amènerait
inévitablement à avoir une pression - ça me semble
évident - sur la caisse santé, tandis que la caisse sociale,
elle... La caisse santé a un gros avantage; vous y avez pensé,
j'en suis sûr, mais je vais le dire publiquement. La caisse santé
a un gros avantage au niveau de la pression. La caisse santé a une liste
d'attente, elle. La caisse santé a une liste d'attente parce que, quand
la liste en cardiologie s'allonge trop et dure trop longtemps, eh bien,
ça finit par remonter à la première page du Journal de
Montréal, dans la première page de La Presse. Il y a
une liste d'attente. Ça va bien de faire monter la pression par la
politique. Dans le social, on n'a pas de liste d'attente. On n'a pas de liste
d'attente, tout le monde attend tout le temps, puis on ne corrige pas les
déterminants de la santé. À cet égard-là,
est-ce que vous êtes prêts, je dirais, à
reconsidérer, je dirais à examiner plus largement toute la
question du rôle des CLSC dans notre système?
Je vais vous le dire franchement, ça m'a choqué un petit
peu tantôt. Ça m'a choqué un petit peu tantôt. M.
Richer m'a choqué hier aussi en disant: Bien, voyez-vous, ça
coûte moins cher en CLSC qu'en milieu hospitalier, mais ça
coûte encore moins cher en cabinet privé. Il y a des
clientèles, là, qu'on ne rejoint pas ni à l'un ni à
l'autre, et c'est pour ça qu'on s'est créé, ce qui
distingue le régime québécois, des centres locaux de
services communautaires.
Êtes-vous prêts à regarder ça et à
être dans la chaudière, en particulier au niveau des services en
CLSC, pour qu'on puisse en faire plus sur le terrain compte tenu du rôle
qu'on a donné et que ça s'appelle généralement le
social et le communautaire?
M. Neilson: Effectivement, on est très peu, les
optométristes, dans les CLSC. À ma connais-
sance, il y a peut-être un ou deux endroits au Québec
où il y a des optométristes dans les CLSC. C'est certainement une
avenue qui pourrait être regardée, et on n'a aucune objection
à s'asseoir et à regarder les façons dont ça peut
être dispensé. Mais, encore là, souvent, les bureaux
d'optométristes à travers la province, je ne suis pas certain,
à prime abord, qu'ils ne coûteraient pas moins cher que de faire
l'équipement à l'intérieur d'un CLSC. Mais on n'a aucune
objection et on est prêts à regarder ça, tout à
fait.
M. Chaiken: M. le Président, j'aimerais répondre
également à ça. Je pense que l'op-tométrie, les
optométristes seront très intéressés à
être inclus dans le système de santé, que ce soit dans les
CLSC ou en institution hospitalière, par exemple, mais sous une
condition: qu'on soit considéré comme des professionnels à
part entière et pas sous la tutelle de quiconque, soit d'une profession
médicale ou autre.
Je peux vous assurer qu'aux États-Unis il y a des
optométristes qui oeuvrent dans les hôpitaux à des
coûts moindres et qui offrent d'excellents services. Je ne vois pas
pourquoi on ne pourrait pas inclure les optométristes dans le
système. Nous rendons de bons services; nous sommes partout et ce serait
peut-être le temps que le gouvernement examine cette possibilité
pour le bénéfice de la population.
Le Président (M. Joly): M. Gareau.
M. Gareau: M. le Président, si on lit les mémoires
que l'Ordre a déjà présentés au gouvernement, on va
y retrouver plusieurs recommandations qui ont été faites par
l'Ordre à l'effet d'intégrer les optométristes dans les
CLSC. On a la même perception que vous et je pense que l'approche du
citoyen doit être une approche holistique tant au niveau de la
santé que des services sociaux. Jamais on a refusé. Le seul
endroit où on a pu faire une trouée, c'est dans les institutions
pour les handicapés visuels. Mais on est, avec notre répartition
que vous connaissez bien, favorables à une pénétration de
l'optométrie dans les CLSC, tout proche du citoyen, dans sa
localité.
M. Trudel: Je suis heureux de vous l'entendre dire et,
effectivement, je me référais à la dimension
géographique également, puisque vous en faites un argument fort
dans votre mémoire. Si j'étais de votre club, j'utiliserais
ça à fond aussi. Un gars de Rouyn-Noranda et de
l'Abitibi-Témiscamingue, ça le sait, ça. Ça sait
qu'on ne peut pas avoir autant de médecins spécialistes en
ophtalmologie à Rouyn-Noranda qu'il y en a à Montréal. Il
y a quelque chose de compréhensible là-dedans au niveau de
l'oculo-visuel. Bon, ça ne vient pas de Québec, les patentes.
Là, ça vient de Rouyn-Noranda, c'est bien sûr. Les enfants,
c'est la même chose. C'est important, ce type de services. Mais, par
ailleurs, comme vous êtes partout sur le terrain, vous avez aussi le
devoir, je pense, comme professionnels, de vous rapprocher d'un instrument
communautaire qu'on s'est donné, qui s'appelle les CLSC et qui sont des
instruments assez extraordinaires, il se développe - ce n'est pas
nouveau - une conception qu'on peut prendre tout ce qui passe, puis le restant,
on laisse ça aux CLSC. Occupez-vous avec ce dont, nous, on ne veut rien
savoir, ce dont on ne s'occupe pas, nous.
Il faut qu'on ailIe vers la complémentarité et la
multidisciplinarité. Dans ce sens-là, je comprends aussi, M. le
président de l'Ordre, quand vous dites: On va y aller, mais sous la
tutelle de personne. Mais «sous la tutelle de personne» ne veut pas
dire qu'on ne peut pas agir à l'intérieur d'une équipe
multidisciplinaire. Les départements de santé communautaire nous
ont fait une démonstration extraordinaire de ce que peut vouloir dire le
multidisciplinaire. Par exemple, vous disiez tantôt - et j'étais
assez impressionné; en commission parlementaire, on en apprend aussi,
toujours: Nous autres, les optométristes, on fait aussi du
dépistage comme, par exemple, le diabète et l'hypertension. Ce
n'est pas négligeable que, par la voie de l'examen oculo-visuel que vous
faites, l'examen et tous les autres gestes, bien sûr, vous fassiez du
dépistage de ces maladies-là. C'est important d'être dans
le multidisciplinaire, et nos centres locaux de services communautaires, ce
sont les instruments qu'on a mis sur pied pour favoriser cela. Quant aux
formules elles-mêmes, ça peut accrocher à des places, c'est
vrai, mais il faut montrer une disponibilité d'esprit parce que,
ça aussi, ça fait partie du défi que nous avons, au
Québec, de la multidisciplinarité. Souvenez-vous de la
première recommandation ou du premier élément
diagnostique, plutôt, du rapport Rochon: le système est l'otage
des groupes d'intérêt. Traduction libre: le système est
l'otage des corporations et des différents groupes qui oeuvrent à
l'intérieur.
Le Président (M. Joly): M. Charbonneau.
M. Trudel: Nous, ce qu'on a toujours reproché à la
commission Rochon, même si elle a fait un excellent diagnostic quant
à nous, c'est de ne pas avoir illustré ça de cas
très précis par des auditions publiques. C'est un peu ce qu'on
fait aujourd'hui, je pense. Alors, j'insiste là-dessus pour le
décloisonnement. Et ça ne s'adresse pas rien qu'à vous, ce
que je dis là, c'est aussi à d'autres professions.
Le Président (M. Joly): M. Charbonneau.
M. Charbonneau (François): Je peux corroborer ce que vous
dites. On a commencé avec le ministre Claude Forget en 1975 et, ensuite,
avec tous les autres ministres de la Santé. Il y a
une lettre signée par les ministres de la Santé dans les
dossiers du MSSS pour un comité d'étude pour faire en sorte que
les optométristes puissent pratiquer en établissement et plus
particulièrement, dit cette lettre d'entente, dans les
départements de santé communautaire et dans les CLSC. On a
déjà une quinzaine d'optométris-tes qui travaillent
vaillamment, sans beaucoup d'encadrement, dans le cadre du programme AMEO, dans
des centres de réadaptation et on est très disposés
à ouvrir ces portes-là.
Le Président (M. Joly): M. Chaiken.
M. Chaiken: C'est justement pour dire, M. Trudel, qu'en utilisant
encore plus les services des optométristes à travers notre
province on pourrait améliorer la santé oculo-visuelle des
citoyens et des citoyennes. Ce n'est certainement pas en éliminant ou en
désassurant ces services-là qu'on va régler des
problèmes, qu'on va améliorer la situation.
Le Président (M. Joly): M. Gareau.
M. Gareau: On compte beaucoup, M. Trudel, sur les régies
régionales qui ont été reconnues par la loi 120,
justement, pour décentraliser. Je pense que les populations
régionales vont reconnaître les besoins oculo-visuels de chacune
des régions.
M. Trudel: Un dernier élément, quant à moi.
Vous avez parlé également, dans les éléments de
solutions, du contingentement des professionnels, du contingentement du nombre
chez vous.
M. Gareau: C'est exact.
M. Trudel: Vous allez m'en parler un petit peu plus parce que
vous avez l'impression qu'il y en a beaucoup trop et que ça fait
augmenter la facture. Expliquez-moi ça parce que, je dois vous dire,
ça fait curieux d'entendre ça ici. C'est tout à votre
honneur, mais on n'est pas habitués d'entendre ici que les
professionnels de la santé veuillent se contingenter. Vous devez nous
expliquer ça, parce que vous êtes des héros, ici.
Le Président (M. Joly): M. Gareau.
M. Gareau: m. trudel, on ne peut pas, comme les dentistes l'ont
mentionné cet après-midi, fermer une école, on n'en a
qu'une au québec...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gareau: ...et les doyens ne se sont pas concertés pour
la fermer. Mais nous, ce qu'on réalise, au niveau de l'Ordre, c'est que,
présentement, on commence à atteindre un degré de
saturation. Et chaque fois que, dans le passé, on a parlé de
contingentement, comme Ordre, on nous a toujours reproché: Vous voulez
garder votre monopole, vous voulez augmenter le nombre de vos membres de
manière à faire beaucoup plus d'argent. Alors, ne nous parlez pas
de contingentement.
L'autre aspect, l'autre dimension, c'est que ce n'est pas nous qui avons
la clé du contingentement, ce sont les universités et le
ministère de l'Éducation. À l'Ordre des
optométristes, on est obligés d'accepter tous les gradués
de l'École d'optométrie de l'Université de
Montréal. Les universités n'ont pas intérêt à
diminuer le nombre de leurs membres parce que les sommes d'argent qui leur
sont...
M. Trudel: Le fric.
M. Gareau: Oui, c'est per capita. Alors, il se pose un
problème et je pense qu'il devrait y avoir une discussion entre le
ministère de l'Éducation et le ministère de la
Santé, à cet effet-là, et nous-mêmes.
M. Chaiken: Je pense, M. Trudel, que ce n'est pas seulement le
contingentement des optométristes, mais d'autres groupes de
professionnels de la santé, et il commence à y en avoir beaucoup.
Ce n'est peut-être pas nécessaire d'augmenter leur nombre, parce
que ça engendre des coûts exceptionnels au niveau de la
société. Il faudrait peut-être davantage regarder la
répartition des gens dans d'autres professions de la santé. Je
pense que c'est très clair que, nous, on est bien établis partout
en province. Est-ce qu'on peut dire la même chose d'autres?
M. Neilson: À l'Association, on a fait faire une
étude de projection pour les 10 prochaines années sur l'offre et
la demande en services optométriques. On s'est rendu compte d'une chose,
c'est que l'offre de services augmente beaucoup plus vite que les besoins de la
population. On n'a pas pris de décision finale là-dessus. Il n'y
a pas eu d'états généraux sur cette question-là
à l'intérieur de la profession. On a été
peut-être un petit peu bousculés par la commission. On voulait
peut-être prendre position, mais nos réflexions là-dessus
ne sont pas terminées. On a envoyé ce rapport sur la projection
pour les 10 prochaines années à l'École et à
l'Ordre, et c'est sûrement quelque chose qu'on regarde et qu'on va
évaluer. Mais, à première vue, il est certain que les
besoins augmentent beaucoup moins vite que le nombre de professionnels.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Neilson. En conclusion,
M. le député.
M. Trudel: Oui. Oui, M. Gareau. Généralement, quand
les professionnels de l'ordre concerné parlent au ministère de
l'Enseignement
supérieur et de la Science, croyez-en un exrecteur
d'université, ça opère vite sur le terrain, parce que ceux
qui paient, ce sont eux, c'est le gouvernement qui paie. Si le besoin est moins
grand, le ministère, quels que soient les gouvernements, y va assez
rapidement. Je comprends que ce n'est pas, que ce n'est jamais - je le sais,
j'ai fait tout ce jeu-là pendant longtemps - de l'intérêt
de l'université, évidemment, de diminuer le nombre de places,
surtout qu'en optométrie - on ne se lancera pas là-dedans - comme
on dit communément en jargon universitaire, les EETC sont payants, les
étudiants équivalents à temps complet sont payants par
rapport au système. Mais il faudrait très certainement, donc,
faire ce contact, puisque vous autres même, sur le terrain, vous
constatez qu'il y a peut-être un niveau trop élevé
là-dessus.
Alors, merci de votre contribution. Je souhaite vraiment, quant à
moi, que la chicane de ménage sort réglée, peu importent
les raisons, qu'on va réussir à sauver l'examen de la vue. Si le
système est aux soins intensifs, si le système de santé et
de services sociaux québécois est aux soins intensifs, est-ce que
les yeux sont moins importants que les pieds ou les doigts? Comme vous l'avez
dit dans votre mémoire, je souhaite que l'on puisse, ensemble,
collectivement, solidairement, sauver l'ensemble. Pour sauver l'ensemble,
minimum, il va falloir augmenter notre efficience et notre
efficacité.
Je souhaite que ce ne soit pas seulement... Ce n'est pas un reproche que
je vous fais, au contraire. Je souhaite qu'à votre exemple d'autres
professions également, concernées dans le domaine de la
santé, se mettent à la tâche et que ce ne soit pas
seulement au moment où on touche à leur secteur professionnel
qu'elles s'animent pour nous aider collectivement à sauver notre
régime. Nous sommes face à un très gros défi, et
c'est seulement la solidarité entre les Québécois et
Québécoises et les professionnels, en particulier, qui va nous
amener à trouver une solution. (17 h 30)
Après ce que j'ai entendu, j'ai l'impression que les yeux sont
moins en danger; ça va être plus les verres et les blessures.
Cependant, je vous dis: Mais restez vigilants. Restez vigilants...
Le Président (M. Joly): Ayez l'oeil ouvert.
M. Trudel: ...parce que les choix ne sont pas faits encore.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Oui, effectivement, les choix ne sont pas faits. Je pense
qu'on est dans un processus de discussion et d'échanges pour tenter
d'avoir le plus d'informations possible sur les choix à faire et tenter
de faire les meilleurs dans les circonstances que nous connaissons.
Je veux vous remercier de votre participation. Elle était, bien
sûr, attendue. Je pense que votre présence n'aura pas
été inutile sur le plan des éclairages à apporter
dans les choix que nous aurons à faire, et ces choix-là viendront
inévitablement avant ou au cours du budget, aux horizons du mois de mai
au plus tard, parce qu'on n'a pas le choix que de ne... Il faut faire en sorte
que cette deuxième étape, on finisse par passer à travers
et qu'on fasse autre chose par la suite.
Quant à l'entrée en matière de mon ami Trudel dans
son pèlerinage à Ottawa, U vient de changer de cap en
début d'après-midi. Parce que, depuis le début, on montait
a Ottawa. Là, après-midi, il a changé, il a dit: On va
faire descendre Ottawa. Il ne faudrait pas qu'il en veuille à personne,
si le 21 novembre 1988, il a essayé d'avoir un voyage organisé,
lors des élections, et qu'il l'a manqué. Ça, c'est une
autre paire de manches.
M. Trudel: J'en suis fort aise. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ça aussi,
c'était un voyage de «verres» à Ottawa. Merci
beaucoup.
M. Chaiken: Je vous remercie, M. le ministre, M. le
Président.
Le Président (M. Joly): Au nom des membres de cette
commission, je tiens à remercier autant l'Ordre que l'Association des
optométristes du Québec. Bon voyage de retour. Au plaisir.
J'appellerais maintenant l'Association des fondations des hôpitaux
du Québec, s'il vous plaît, à bien vouloir prendre
place.
La commission reprend ses travaux. Il me fait plaisir de souhaiter la
bienvenue à l'Association des fondations des hôpitaux du
Québec. Bienvenue à cette commission. J'apprécierais que
la personne responsable du groupe veuille bien se présenter et aussi
nous introduire les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Association des fondations des hôpitaux du
Québec
M. Granger (Roland): Merci, M. le Président. Au
départ, je voudrais remercier la commission d'avoir bien voulu accepter
de prolonger son horaire et de nous recevoir. Mon nom est Roland Granger, je
suis le président de la fondation du CHRDL de Jdiette-Lanaudière
et je suis président de l'Association. Je suis accompagné,
à mon extrême droite, de M. Jean-Paul Champagne, directeur
général de la fondation de la Cité de la santé de
Laval, qui est secrétaire
de l'Association; M. Pierre Blain, président du conseil
d'administration de la fondation du centre hospitalier de l'Outaouais et
vice-président de l'Association; à l'extrême droite, M.
Robert Devroede, directeur général de la fondation du centre
hospitalier Jean-Talon, trésorier de l'Association, et, à ma
droite immédiate, M. Claude Monette, président de la fondation du
centre hospitalier Anna-Laberge à Châteauguay, deuxième
vice-président de l'Association.
Le Président (M. Joly): Je vous rappelle que vous avez une
vingtaine de minutes pour livrer votre mémoire. Par après, les
parlementaires échangeront avec vous.
M. Granger: Merci. D'abord, je voudrais rassurer les membres de
la commission, on ne vient pas vous demander d'argent. Nous, on voudrait
simplement, non pas aborder les problèmes que vous avez abordés
jusqu'à date, mais je pense qu'on fait partie des solutions et non pas
des problèmes.
Le présent mémoire soumis par l'Association fait suite
à l'invitation que vous nous avez adressée et que vous avez
adressée à toute la population du Québec de traiter des
problèmes du financement de la santé. Mais ce qu'on veut
davantage aborder nous, c'est la partie qui traite d'autres options
envisageables et réalistes.
Malgré le silence du document de consultation sur la contribution
des fondations au réseau, l'Association veut signaler à la
commission qu'elle est déjà un partenaire du système de la
santé au Québec. En effet, les fondations injectent des sommes
importantes dans le développement des centres hospitaliers. Ces sommes
proviennent principalement des dons des citoyens et des corporations.
L'Association émet cependant quelques réserves sur sa
contribution au débat sur le problème du financement de la
santé au Québec. Nous aurions aimé élaborer
davantage sur le rôle de nos membres et de leur philanthropie, mais notre
jeune existence - septembre 1991, six mois sans permanence, simplement la
volonté des bénévoles qui siègent à
l'Association - alliée aussi à la faiblesse de nos moyens, nous
oblige à limiter nos propos. Je vais maintenant céder la parole
à M. Pierre Blain, vice-président.
M. Blain (Pierre): Comme c'est la première fois que nous
nous présentons devant une instance gouvernementale, nous aimerions nous
situer. C'est en février 1990 qu'est né le regroupement actuel
des fondations des centres hospitaliers. Sur l'invitation de la fondation du
centre hospitalier régional de Lanaudière, 42 fondations
exprimèrent à ce moment-là leur volonté de former
une association. Un comité de suivi fut alors mandaté pour
entreprendre toutes les démarches appropriées.
La première assemblée générale des membres
eut lieu le 7 septembre 1991. L'Association compte à ce jour 50 membres.
Vous avez la liste en annexe. Notre structure est faite selon la Loi sur les
compagnies et le conseil d'administration compte 13 membres. De ce conseil est
issu un comité exécutif formé de 5 officiers que vous avez
aujourd'hui ici. Les règlements de la corporation prévoient aussi
deux autres organes dont le comité du respect des objets et le
comité de nomination.
Bien que les objets de la charte couvrent de nombreux champs
d'activité, les membres ont privilégié dans
l'immédiat d'intervenir dans les domaines suivants: 1°
représenter les membres auprès de toutes les instances afin de
faire valoir leur position et leurs revendications dans tout champ compatible
avec leur mission; 2° procurer aux membres également tout service de
nature à les rendre plus performants en levée de fonds; 3°
diffuser toute information pertinente et assurer la communication entre les
membres; 4° faire la promotion de la mission des fondations, susciter
l'adhésion à des règles d'éthique et
accroître la notoriété de nos membres auprès de la
population du Québec.
Outre le recrutement, la représentation et la mise en place des
mécanismes de communication, l'Association des fondations des
hôpitaux du Québec s'est donné comme priorité de
dresser un bilan sommaire des fondations membres. Nous visons ainsi à
déterminer la contribution financière des fondations dans leur
centre hospitalier. Cette information n'est disponible nulle part
présentement.
M. Devroede (Robert): Je vais vous présenter
brièvement les buts et les rôles de notre organisation. On est
d'abord et avant tout des organismes de charité qui ont
été créés par les citoyens pour recueillir des
fonds. C'est notre mission première. Cet argent sert surtout à
l'amélioration de la qualité de vie des
bénéficiaires des centres hospitaliers de diverses façons,
surtout par l'acquisition d'équipement, la réalisation de projets
immobiliers et le soutien à la recherche médicale. Les centres
hospitaliers sont donc mieux positionnés pour solutionner,
répondre à leurs besoins, notamment au niveau du renouvellement
des équipements et de la réalisation de leur plan de
développement. Ce qui nous apparaît primordial dans tout
ça, pour nous autres, c'est d'apporter une contribution à
l'amélioration du mieux-être des patients.
Dans un État où les services de santé sont
entièrement assumés par le gouvernement, tous sont en droit de
s'attendre à ce que les coûts de ce régime soient
défrayés en totalité par les impôts et les taxes.
Dans ce contexte, on convient que les fondations suppléent
l'État. Conscients de cette situation, les Québécois et
les Québécoises acceptent quand même de
souscrire généreusement dans les différentes
campagnes de levée de fonds que nous leur proposons. Parmi les motifs
qui soutiennent leur générosité, on note la volonté
d'investir et d'effectuer un placement pour s'assurer que leurs centres
hospitaliers vont avoir tous les équipements nécessaires pour les
mieux soigner et une façon d'exprimer aussi leur satisfaction et leur
gratitude. En plus des sommes qui sont données, il y a un apport en
bénévolat qui est aussi très important par des organismes,
soit les fondations, et aussi à l'intérieur déjà
d'une façon structurée dans les hôpitaux.
La structure juridique des fondations en fait des entités morales
autonomes. On a nos propres conseils d'administration sur lesquels
siègent la plupart du temps des représentants dûment
mandatés par le centre hospitalier, souvent les directeurs
généraux et les membres du CMDP. On agit donc en
conformité avec les vocations du centre hospitalier et on est conscients
que toutes les contributions doivent respecter les priorités de la
direction du centre hospitalier et de son plan de développement.
Au niveau de l'appui financier, au ministère comme à
l'Association, malheureusement, il n'existe pas encore de comptabilisation qui
nous permette d'identifier de façon précise le montant total
versé par les fondations. Le seul endroit où on retrouve
ça, c'est dans nos déclarations officielles d'impôt, et ce
n'est pas des données qui sont disponibles à première
main. C'est un de nos premiers objectifs, d'être capables de
comptabiliser ça. On sait, par contre, qu'il s'agit de dizaines de
millions de dollars, sommes qui ne sont certainement pas
négligeables.
Nous pensons que cet apport au réseau des centres hospitaliers
doit être reconnu à sa juste valeur et encouragé par
différents moyens. L'incitatif fiscal en serait un, puisqu'il motive le
donateur à être plus généreux. L'État peut
favoriser davantage la philantropie chez ses citoyens en améliorant la
fiscalité des dons. Est-il acceptable que les mêmes sommes
d'argent accordées à un parti politique génèrent un
crédit d'impôt plus élevé que celui accordé
à une oeuvre de charité qui investit dans le réseau de la
santé? La démocratie est certainement aussi importante que la
santé, mais peut-être pas plus.
Au niveau des autres moyens d'action, on propose différents
véhicules. Principalement, on concentre nos énergies vers des
campagnes annuelles de capitalisation puis vers des événements
spéciaux qui donnent lieu souvent à des façons très
originales... Et vous avez certainement tous et chacun été
invités à des événements spéciaux de
fondation, et probablement plus souvent que vous ne vous y seriez attendus.
À titre d'exemple, on voudrait proposer d'autres systèmes.
On pense, entre autres, à un exemple qui nous vient de l'Ontario. Il y a
une Trillium Foundation qui existe depuis 1989 - on vous a fourni un document
en annexe qui donne les détails - qui a versé 18 000 000 $ dans
le système de santé. C'est un système qui est
financé à même une loterie provinciale et, nous autres, on
propose une loterie semblable qui pourrait engager chaque fondation qui aurait
la responsabilité de la vente des billets de cette loterie sur son
territoire. La fondation aurait le bénéfice de faire profiter son
centre hospitalier de ses efforts. Ce mode de fonctionnement aurait l'avantage
de responsabiliser les régions, de distribuer les profits en fonction
des efforts déployés et de bénéficier d'une
promotion centralisée. (17 h 45)
Une autre avenue qui nous apparaît intéressante, c'est
l'exploitation des casinos. Nous constatons que les objections à leur
légalisation s'estompent peu à peu et que le jour est
peut-être proche où le gouvernement autorisera la tenue de
casinos. Pourquoi ne pas envisager dès maintenant que les profits
réalisés avec les casinos soient entièrement
affectés à l'amélioration du système de
santé au Québec? Dans le but de faire profiter toutes les
régions du Québec d'une telle source de fonds, on pourrait
préconiser la formule des casinos itinérants. Encore là,
la fondation initiatrice serait responsable de la promotion et
récolterait évidemment le fruit de ses efforts. Je vais passer la
parole à Jean-Paul Champagne qui va nous parier des perspectives
d'avenir.
Le Président (M. Joly): M. Champagne.
M. Champagne (Jean-Paul): Merci, M. le Président. Les
contribuables ne manquent pas d'occasions pour faire savoir aux
différents gouvernements que leur capacité à payer de
nouvelles taxes et des impôts additionnels a atteint les limites
extrêmes. Les gouvernements sont donc tous amenés à revoir
les programmes, à reconsidérer l'allocation de nombreuses
dépenses. L'État-provkJence est maintenant chose du
passé.
L'adoption de la loi 120 s'inscrit dans la perspective de
responsabiliser le citoyen. Celui-ci est maintenant au centre du
système. De plus, il y a tout lieu de croire que la régie
régionale provoquera une plus grande concertation et, par voie de
conséquence, une plus grande complémentarité et une
meilleure allocation des ressources.
Malgré les efforts de rationalisation, la situation actuelle
amène nombre d'organismes à recourir à la philanthropie
pour leur permettre de réaliser leur mission. Il y a donc effervescence
sur le marché de la levée de fonds et cette tendance ira
assurément en s'accentuant. Il y a tout lieu de croire que la
générosité des Québécoises et des
Québécois sera davantage exploitée dans un proche avenir.
D'ici l'an 2000, on prévolt que la contribution des particuliers au
Québec passera de 333 000 000 $, qu'elle a été
en 1989, à plus de 1 000 000 000 $. La référence
vient de «La générosité des Québécois
et des Canadiens. Qui donne et combien?» Ça vient du Centre
québécois de philanthropie. Dans le 1 000 000 000 $, j'ajoute
bien que la contribution des particuliers est basée simplement sur les
reçus d'impôt qui ont été émis pour fins de
charité. Il faudrait ajouter à ça les fondations
privées, les corporations, les événements spéciaux
et le reste.
La générosité des Québécois et des
Québécoises est déjà mesurable et s'accroît
même constamment; à preuve, un Québécois sur quatre
fait un don. La philanthropie se porte de mieux en mieux puisque le pourcentage
actuel des donateurs est un marché en développement. Les
statistiques nous apprennent que, de 1982 à 1988, le nombre de donateurs
n'a cessé de croître au rythme de 8 % par année. Le montant
des dons a également augmenté de 14 %. J'ai eu une statistique
dernièrement pour montrer cette croissance-là, toujours
basée sur les rapports d'impôt. De 1988 à 1989, seulement
au Québec, il y a eu 1700 nouveaux donateurs, au Québec.
Là-dessus, la moyenne des contributions a été de 306 $.
Ça veut dire que la philanthropie a eu comme augmentation plus de 32 000
000 $ en plus, simplement de 1988 à 1989. Et ces statistiques fiscales
viennent du ministère du Revenu du Québec.
Le Centre québécois de philanthropie prévoit, pour
1992, qu'au Québec plus de 1 065 000 000 $ seront recueillis dans le
domaine de la philanthropie. De ce montant, environ 15 % iront aux centres
hospitaliers. Si on fait le calcul des 15 %, ça donne à peu
près 160 000 000 $. Si on enlève à peu près le
pourcentage des opérations, ça veut dire qu'en 1992 il y aura une
injection nette, dans le domaine hospitalier uniquement, de 100 000 000 $.
J'ajouterais, de la même source, qu'on apprend qu'au Canada anglais,
pendant la même période, les centres hospitaliers recevront 25 %
des sommes amassées par la philanthropie. Faut-il ajouter qu'au
Québec on dit que c'est 15 % de ce montant-là pour les centres
hospitaliers et on ajoute que 10 % doivent être ajoutés, qui iront
au secteur de la santé globale, et ça donne un autre 106 000 000
$.
Une observation que je me permets de faire: au Québec, pour les
hôpitaux dans le secteur de la santé, il y a à peu
près 25 % de ces montants-là qui sont donnés, tandis qu'au
Canada anglais ça va jusqu'à 40 %. Alors, il y a un écart,
et je pense que, si on fait des études, des statistiques, à ce
moment-là, on s'aperçoit que cet écart se réduit de
plus en plus.
Une autre observation. Je viens de donner les pronostics de 1992: c'est
100 000 000 $. En 1989, les pronostics étaient, à ce
moment-là, de 70 000 000 $. Ça veut dire qu'en l'espace de trois
ans la philanthropie a injecté, simplement dans le domaine hospitalier,
10 000 000 $ de plus par année.
Outre le potentiel des donateurs, une conscience sociale plus
développée viendra augmenter les dons des corporations et des
particuliers. Le Centre canadien de philanthropie s'y emploie avec sa campagne
«Imagine». Celui-ci veut sensibiliser et éduquer les
Canadiens à la philanthropie. Ce programme invite individus et
entreprises à donner davantage de leur temps et de leur argent aux
organismes de charité de leur choix. Les individus sont incités
à donner 1 % de leurs revenus et à offrir une seule
journée de bénévolat par mois et les milieux d'affaires,
à contribuer au moins 1 % de leurs profits moyens avant impôt.
Comme on peut le constater, le potentiel existe et l'incitation à donner
sera encore plus soutenue, ce qui nous permet de prévoir des
retombées considérables pour l'avenir du financement du secteur
de la santé par le biais de la philanthropie. Je pense que celui qui va
me succéder, c'est M. Claude Monette.
Le Président (M. Joly): M. Monette, s'il vous
plaît.
M. Monette (Claude): Alors, je vais vous faire part de quelques
recommandations, lesquelles, nous pensons, pourraient apporter des solutions au
système. Le conseil d'administration de l'Association des fondations des
hôpitaux du Québec soumet donc ses recommandations susceptibles
d'accroître la contribution financière des
Québécoises et des Québécois via la philanthropie
et par le biais de leurs fondations membres.
Un incitatif fiscal. Nous recommandons que le gouvernement du
Québec accroisse l'incitation des contribuables à donner aux
organismes de charité et aux fondations en leur accordant un avantage
fiscal supérieur.
La loto-santé. Nous recommandons que la Régie des loteries
et courses du Québec accorde à l'Association des fondations des
hôpitaux du Québec le droit d'opérer, en exclusivité
avec celle-ci, une loterie-santé et le droit d'en répartir les
profits.
En ce qui regarde les casinos, nous recommandons au gouvernement du
Québec qu'il accorde aux membres de l'Association des fondations des
hôpitaux du Québec l'autorisation de tenir des casinos
itinérants dans toutes les régions du Québec. Ces casinos,
en passant, entre parenthèses, ne viendraient pas confronter les casinos
présentement tenus par l'organisme UAP. Alors, pour la conclusion,
j'aimerais retourner la parole à notre président, M. Granger.
Le Président (M. Joly): M. Granger, s'il vous
plaît.
M. Granger: C'est un fait, les Québécoises et les
Québécois sont reconnus comme étant
généreux, mais, pour que cette
générosité
s'exerce, il faut un certain nombre de conditions préalables,
dont la confiance dans l'administration, l'efficience et la transparence des
organismes de levées de fonds. Ça fait partie de notre
mission.
Il est aussi essentiel que le réseau de la santé en arrive
à une plus grande complémentarité et une meilleure
optimisation des ressources. On doit éviter tout dédoublement,
par exemple, dans la prestation des services pour un même bassin de
population. Ces facteurs ne peuvent que favoriser un sentiment d'appartenance
et d'implication des bénéficiaires et de la population dans leurs
institutions.
L'Association des fondations des hôpitaux du Québec a voulu
démontrer à la commission des affaires sociales que la
philanthropie se portait bien au Québec et qu'elle pourrait, dans
l'avenir, canaliser de plus en plus la volonté des
Québécoises et des Québécois de soutenir leurs
centres hospitaliers. Cette contribution volontaire des citoyens est une preuve
additionnelle qu'ils se sentent responsables vis-à-vis de leur
réseau de santé.
Finalement, nous espérons que le gouvernement du Québec se
penchera, dans un avenir immédiat sur les mesures d'encouragement
très concrètes que nous lui proposons en vue d'inciter les
Québécoises et les Québécois à investir
encore plus généreusement dans leurs centres hospitaliers. Nous
vous remercions.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Granger. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Il est certain que, si nous n'avions pas, dans plusieurs
établissements du Québec, des fondations, il y a encore un
certain nombre de centres hospitaliers ou autres qui attendraient après
des appareils modernes. Je pense que la démonstration a
été faite assez allègrement merci. Ne serait-ce que
Sept-îles, par exemple, où c'est la fondation qui est allée
chercher des sommes. Lorsqu'on participe à 50 % et que les fondations
paient les autres 50 %, ça me paraît une bonne manière
d'impliquer aussi les citoyens qui le veulent. C'est un travail tout à
fait extraordinaire et exceptionnel qui est fait et qui n'est pas toujours
reconnu à son mérite ou à sa valeur. Je pense que le fait
que vous vous soyez regroupés maintenant est très certainement un
moyen de faire progresser cette situation-là.
Évidemment, dans les moyens, vous en proposez un certain nombre.
Je distinguerai vos recommandations; pour moi, elles sont de deux ordres.
Évidemment, vous allez en chercher davantage. Disons que c'est moins, je
dirais, odieux pour des fondations d'aller chercher de l'argent par des moyens
comme ceux-là que pour le gouvernement. Pour le gouvernement, on dit que
c'est une taxe déguisée, alors que, pour une fondation, c'est une
oeuvre louable. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): De toute façon, je
pense que ça sert des causes, de très, très bonnes causes.
Donc, des mesures, H y en a, à mon point de vue, de deux ordres:
casinos-loto et fiscalité. Je pense que vous marquez un point certain en
faisant la comparaison, sur le plan fiscal, des partis politiques par rapport
aux fondations. Je vous dirais que c'est un très gros but, je dirais
même qu'il est en prolongation, pour dénoter toute l'importance de
ce but-là. C'est vrai. D'ailleurs, ça ne m'a jamais frappé
de cette manière-là. Je pense qu'on doit avoir une certaine
ouverture et regarder ce qui peut être fait dans le domaine d'un
incitatif sur le plan fiscal; ça me paraît plus facile.
Les deux autres, sur le plan philosophique, j'ai plus de
problèmes avec. Casinos et loto, le Conseil des affaires sociales - vous
connaissez ça, vous, un petit peu - ...
Une voix: Ça me dit quelque chose.
M. Côté (Charlesbourg): ...et bien d'autres
organismes disent toujours: Les casinos, la loto, c'est tenter les pauvres, les
faire rêver qu'ils peuvent devenir riches du jour au lendemain. Ils vont
acheter un billet, Ils vont jouer à la roulette dans l'espoir de sortir
riches le lendemain, et c'est le jeune, à la maison, qui n'aura pas son
lait et qui n'aura pas ce qu'il faut pour aller à l'école. C'est
même antisocial. N'avez-vous pas peur de ça un peu, comme
réaction, surtout compte tenu des buts? Ce n'est pas pour l'investir
ailleurs que dans la santé des gens, je comprends, mais c'est quand
même un élément très important qui nous revient
très souvent, lorsqu'il s'agit de casino ou de loto.
Le Président (M. Joly): M. Granger.
M. Granger: En tout cas, je vais démarrer et,
peut-être, mes compagnons pourront compléter. M. le ministre, le
jeu, la loterie ou tout ce qui regarde ces façons de miser, je pense que
ça fait partie des moeurs. On relatait tantôt, en montant, que,
depuis longtemps, les Québécois ont misé sur la
santé. Vous avez probablement tous déjà acheté des
lotos - en tout cas, moi, quand j'étais jeune, ça se passait
comme ça chez nous - pour les loteries irlandaises. Et même, il
fallait donner des noms fictifs parce que ce n'était pas permis,
ça se faisait en cachette. C'est passé dans les moeurs.
Aujourd'hui, les loteries, c'est la même chose. Alors, je ne pense pas
que ce soit antisocial. Je pense qu'il s'agit d'une volonté de dire:
Chez nous, tout ce qui va tourner autour des casinos ou des loteries... Et la
loterie-santé, c'est comme toutes les autres loteries qui sont
déjà distribuées dans le réseau des loteries et
courses du Québec. Ce serait une loterie affectée uniquement
à la santé,
et la santé est probablement l'oeuvre ou la cause qui passe le
plus au Québec. Je pense qu'à ce niveau-là il ne se
poserait pas de problème.
M. Blain: Si je peux me permettre... Le Président (M.
Joly): M. Blain.
M. Blain: Dans ce cas-là, justement, je pense que, quand
on parle, au niveau social, des implications des loteries, c'est quand on
arrive surtout avec des montants faramineux comme prix. Je pense qu'une
loto-santé pourrait justement plutôt avoir des prix qui seraient
minimes et, à ce moment-là, ce ne serait pas
nécessairement un incitatif d'acheter des billets parce qu'on va gagner
un gros prix, mais tout simplement parce qu'on veut investir dans la
santé. Déjà, ça, c'est un point qui est important.
(18 heures)
L'autre point, aussi, qui nous préoccupe un peu, c'est que,
chacun d'entre nous, dans nos fondations, nous en faisons des loteries, nous en
faisons des tirages, nous en vendons. Le seul problème, cependant, c'est
que nous payons des taxes sur ces montants d'argent que nous recevons de la
population, parce que nous devons payer une licence et, dans certains cas,
c'est assez onéreux. En plus, on doit retourner un minimum de 10 % en
prix accordés, à ce moment-là. Alors, déjà,
si on va dans un sens comme ça, je pense que c'est déjà
moins pire.
Le Président (M. Joly): Merci.
M. Devroede: Si je peux me permettre un dernier commentaire.
Effectivement, je vous l'avoue, il y a un certain malaise à promulguer
le jeu pour régler des problèmes. Je suis d'accord avec vous.
Mais c'est vrai que Loto-Québec fait partie des moeurs. Je pense que
nous autres... Moi, ce que j'ai lu dans votre mémoire, ce qu'on a
regardé et, je pense, ce qui est primordial, c'est que vous parlez de
transparence. Je pense que ça, c'est important. Si on lit le rapport
annuel de Loto-Québec, c'est transparent, sauf que les 300 000 000 $ en
jeu sont au fonds consolidé. Ce n'est pas évident pour les
citoyens.
Je reprends l'exemple de la Régie de loteries et courses. On
avait droit, comme organisme sans but lucratif, à un permis par
année jusqu'à l'année passée. Puis, tout à
coup, je peux en avoir 75 demain matin. Moi, j'aime bien mieux m'affilier
à Loto-Québec, avoir un produit professionnel, peut-être
l'insérer dans les moeurs avec qualité et aller chercher quelque
chose qui va être tangible pour les citoyens. Tous les gens me le disent
à l'hôpital: II y a une boutique de cadeaux en bas; pourquoi vous
ne faites pas des «gratteux» au profit de la fondation? Au lieu de
l'envoyer à Québec, on le met dans l'hôpital. Alors, je
pense que c'est un moyen. C'est aussi simple que ça et la
réflexion, c'est exactement ça. Moi, je reçois la demande
quoditiennement.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Devroede.
M. Côté (Charlesbourg): Ça va être
là que va être notre problème, si on fait reculer le
«tape» un peu. Il ne faudrait pas que ça aille aux oreilles
du ministre des Finances parce qu'on va avoir des problèmes
tantôt. Justement, vous avez dit: «Au lieu de l'envoyer à
Québec». Je comprends, au lieu de l'envoyer à
Québec, les gens vont davantage l'apprécier, que ce soit à
Joliette, que ce soit à Jean-Talon ou ailleurs. C'est clair que les gens
vont le trouver plus visible dans leur établissement qu'ils
fréquentent. À ce moment-là, s'ils ont le choix, ils ne
l'enverront pas à Québec. À ce moment-là, vous
venez de créer un autre problème ailleurs.
M. Trudel: À Rouyn...
M. Côté (Charlesbourg): Hein?
M. Trudel: À Rouyn, il y a moins de monde.
Une voix: II y a des compétiteurs.
M. Côté (Charlesbourg): C'est un des dangers. Et,
évidemment, sur le plan gouvernemental, avant d'autoriser une chose
comme celle-là, c'est là où ça va davantage se
questionner. C'est pour ça que, tantôt, je disais que le fiscal
aussi est une manière qui peut être assez intéressante
à ce niveau-là. Je préfère garder l'image que vous
nous avez transmise tantôt de crédit d'impôt aux partis
politiques, mais pas nécessairement pour ceux qui investissent dans une
fondation. Ouais! Elle m'accroche, celle-là, dans le sens qu'il faudra
peut-être la questionner.
Une autre petite question. Évidemment, je comprends, c'est un
regroupement qui est jeune, il a à peine six mois. En regardant
rapidement la liste des membres, ce que je remarque: c'est d'abord la
santé, très, très majoritairement. Et, il ne faut pas se
cacher la vérité, les fondations sont beaucoup plus
présentes et mieux articulées dans le domaine de la santé,
dans les centres hospitaliers, qu'elles ne le sont dans les CLSC, qu'elles ne
le sont dans d'autres établissements du social.
Je me souviendrai toujours d'une rencontre que j'ai eue avec les
organismes communautaires, pour ne pas le mentionner, en particulier,
concernant les conjoints violents, où j'étais après faire
le beau discours de dire: Bien, écoutez, on peut vous aider, mais vous
pouvez faire des levées de fonds pour être capables de vous aider
vous autres aussi. Il m'a dit: M. le ministre, avez-vous essayé
ça, vous, d'aller sur la place publique pour sensibiliser quelqu'un
à donner de l'argent à un conjoint qui est violent? Ce n'est
pas automatique, hein? Ce n'est pas automatique que les gens vont se
garrocher dessus pour lui donner de l'argent, là. Donc, ça a des
limites. Et, là, j'ai dit: Oups! c'est vrai que, sur le plan social,
c'est beaucoup plus difficile d'aller sur la place publique et de solliciter
des dons. L'hôpital a toujours un pouvoir d'attraction assez
extraordinaire qui est là, qui est réel, parce que les gens ont
des services et ils l'apprécient.
Dans la mesure où il y aurait un progrès à ce
niveau-là, est-ce qu'on ne devrait pas davantage reconnaître que
ça puisse être à la fois au bénéfice du
social et de la santé?
M. Granger: Je pense qu'avec la complémentarité que
va provoquer la réforme, par exemple, chez nous, où il y a
davantage de travaux qui vont être faits ou de services à la
population qui vont être offerts en collaboration, en tout cas, plus
étroite entre le centre hospitalier et le CLSC - je pense aux soins
palliatifs où, chez nous, H y a des avenues, où,
déjà, on nous demande des équipements pour les soins
palliatifs, mais qui vont probablement être des équipements qui
vont servir à la fois autant au CLSC qu'au centre hospitalier parce que
le CLSC, sa collaboration va être demandée par des
infirmières, etc. - indirectement, on va en arriver à ce que les
équipements - comme une pompe à transfusion qu'on va acheter au
centre hospitalier - vont servir autant au CLSC qu'au centre hospitalier. Et,
là-dessus, je pense que la régie et le travail qui va se faire en
région vont provoquer ce genre d'échanges. Mais il ne faut pas
oublier que, dans la plupart des cas, les fondations sont nées de la
volonté des centres hospitaliers eux-mêmes et qu'il y a une
étroite collaboration entre les fondations et les centres hospitaliers.
Je pense qu'il va probablement falloir vivre cette dynamique-là et que
ça va probablement, avec le temps, se produire, mais il va falloir y
aller avec parcimonie.
Le Président (M. Joly): M. Blain.
M. Blain: II y a peut-être une autre chose qui serait
Importante, c'est aussi au niveau des régies régionales. Dans les
centres hospitaliers, maintenant, on a cru important d'avoir des fondations,
d'avoir au moins un membre représentant les fondations. Il serait
peut-être bon aussi de penser que, sur les régies
régionales, il y ait peut-être une ou des fondations qui soient
représentées là aussi pour amener justement cet esprit
pour le citoyen comme tel. On présume qu'il va y en avoir qui vont
passer dans le milieu, mais...
M. Côté (Charlesbourg): Bien, j'espère. Si on
n'a pas le respect de ceux qui le font bénévolement et
gratuitement, j'imagine qu'on n'aura pas trop, trop le respect du
bénéficiaire en plus, hein?
M. Blain: Je suis content que vous le disiez.
M. Côté (Charlesbourg): II y a des messages qui
doivent se passer. J'espère, à tout le moins, qu'ils vont se
rendre. En tout cas, je pense que le message est clair. Il y a des gens qui
sont prêts à donner des sous, qui en donnent d'ailleurs. Il faut
peut-être davantage trouver des moyens de les canaliser vers la
santé, la santé étant la priorité pour à peu
près tout le monde, au lieu de les perdre dans toutes sortes de projets
qui, finalement, n'ont pas les mêmes objectifs ou n'auraient pas le
même résultat que dans la santé. En sachant que le social
n'est pas banni, reconnaître qu'effectivement, s'il y a autant de
fondations, c'est que ça a été de la volonté des
centres hospitaliers de les créer, et c'est probablement une invitation
à d'autres secteurs d'en faire autant. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je veux vous souhaiter
la bienvenue, M. le président Granger et messieurs qui l'accompagnez
aujourd'hui. Quand on a établi la liste de consultation, on vous avait
oubliés. Vous nous avez appelés et je dois dire honnêtement
que, du côté gouvernemental également, ça n'a pas
été bien, bien long à régler, compte tenu du
rôle que vous jouez et de la problématique à laquelle nous
sommes confrontés en matière de financement.
Vous voyez, on vit dans ce système, du moins en apparence, des
contradictions, hein? Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais il y
a pas mal plus de caméras quand il y a du monde qui dépense, qui
sont à la barre, que quand il y a du monde qui ramasse de l'argent.
Puis, c'est un peu à la blague parce que, quand on dit qu'ils
dépensent, ils donnent des services aussi, parce qu'on a des
professionnels et il y a nombre de professionnels et d'associations
d'établissements qui sont concernés et ils font leur part
aussi.
Moi aussi, je ne pourrais passer sous silence l'importante contribution
que vous faites dans nos établissements hospitaliers à travers le
Québec. Vous le savez, je suis dans une région
périphérique, l'Abitibi-Témiscamingue. Je sais que chez
nous, Rouyn-Noranda et Val-d'Or sont bien avec vous autres et je pense que
c'est deux bonnes fondations, elles font du bon travail. Et ça permet
aussi de développer cet aspect qui me frappe toujours, une
complicité aussi avec les professionnels de la santé, en
particulier dans les hôpitaux. Moi, j'ai toujours remarqué, dans
les différentes campagnes qui ont été levées,
comme, par exemple, les médecins spécialistes, ils sont toujours
associés de très près à vos campagnes. Et d'aucuns
diraient: Bien oui, mais c'est parce que c'est dans leur intérêt.
Non, non, ce n'est pas ça. C'est parce qu'ils ont à coeur
l'intérêt
des gens, des usagers et qu'ils souhaitent avoir le meilleur
matériel possible à leur disposition.
Il faut vous rendre hommage de vous être regroupés en
association. Ça nous permet de glaner des idées-forces comme vous
le suggérez dans votre mémoire. Je vous avoue bien candidement
que, moi aussi, je n'avais jamais vu ça, l'histoire de la
déduction fiscale, la comparaison avec les partis politiques. Et Dieu
sait qu'on n'est pas une oeuvre charitable - enfin, d'aucuns le disent - et que
ce serait là un effort. C'est plus important, remarquez, que ce soit le
gouvernement qui vous entende que l'Opposition, en pareille matière,
mais on ne sait jamais, vaut mieux que le message soit entendu largement.
Seulement quelques petites questions complémentaires parce que
celles que le ministre a posées étaient... Je voulais aller dans
la même direction et on a eu des bonnes réponses. Quand on a fait
les auditions, au printemps 1990, en prévision d'une modification
à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, le
mouvement communautaire - je ne sais pas si mon mot est juste - s'était
assez amèrement plaint que, comme mouvement communautaire, ils
étaient loin de posséder les moyens que vous pouviez avoir pour
solliciter et faire du bien et, à cet égard-là, ils
demandaient à l'État en quelque sorte d'en donner plus au
communautaire parce que eux étaient comme défavorisés de
par la visibilité que vous avez. De par l'objet que vous traitez, c'est
plus facile un peu, même si c'est toujours difficile de rendre ça
visible. Est-ce que vous pensez que, dans le domaine du communautaire, il
pourrait soit y avoir des associations de travail, je dirais, avec vous autres,
de façon... Le ministre parlait du fonds social et du fonds
santé, de partager avec le social. Est-ce que vous pensez qu'il y a de
possibles associations avec le mouvement communautaire pour en arriver à
aller plus loin et aider dans une diversité plus grande des organismes
ou des éléments du système?
M. Granger: Au niveau des moyens, je pense que c'est
nous-mêmes qui nous les donnons bien souvent par l'originalité de
notre travail, de nos levées de fonds ou des moyens qu'on prend pour y
arriver. Évidemment, on possède une cause qui se vend bien.
Ça, ça déjoue déjà. Mais, au niveau du
communautaire, je pense que là aussi il y a à innover au niveau
des moyens pour arriver à avoir une meilleure pénétration,
à avoir une plus grande efficacité de leurs levées de
fonds. Mais ça, c'est au niveau de l'imagination qu'il faut travailler,
au niveau d'une approche aussi professionnelle et avec une mise en
marché du produit. On a un produit à vendre, il faut trouver nos
créneaux, nos démarches, faire une promotion de nos produits. Il
faut là-dessus prendre des techniques modernes de travail et de mise en
marché, comme tout ça.
Là-dessus, M. le ministre a signalé une cause qui est
évidemment difficile à vendre dans certains milieux, mais je
pense que ça dépend des moyens qu'on prend pour y arriver.
Le Président (M. Joly): M. Champagne.
M. Champagne: En parlant du communautaire, c'est entendu que nous
- je parle pour la Cité de la santé de Laval - appuyons les
démarches du département de santé communautaire qui a
aussi des objectifs de prévention, d'éducation et d'information.
Alors, jusqu'à un certain point, on rejoint le communautaire de cette
façon-là. Je pense que, dans la nouvelle structure que vous allez
établir avec les régies régionales qui vont partir des
tables de concertation, c'est entendu qu'ils auront peut-être un mot
à dire dans toute cette envergure, dans tout cet environnement du
système de la santé, en fin de compte. Le communautaire, pour
nous, c'est entendu. Je ne veux pas dire que c'est primordial, quand
même, parce qu'on est des fondations directement reliées à
l'hôpital.
M. Trudel: Juste là-dessus, est-ce que vous avez choisi
spécifiquement d'être un regroupement de fondations des
hôpitaux?
M. Champagne: Oui.
M. Trudel: Donc, décision d'être dans les
hôpitaux. Parce qu'il en existe quand même au moins quelques-unes,
à ma connaissance, des fondations, par exemple dans les CLSC, dans
d'autres établissements. Est-ce que vous êtes ouverts aux autres
fondations d'autre nature? J'aimerais juste connaître... c'est un peu de
la curiosité.
M. Champagne: C'est bien sûr qu'on commence, depuis six
mois, à établir peut-être un genre d'encadrement. C'est
entendu que, seulement dans le domaine des affaires sociales, je pense qu'il y
a plus de 1000 fondations, que ce soient les CLSC, les centres
d'hébergement et le reste. Alors, nous, on a notre
spécificité, c'est les fondations des centres hospitaliers. Pour
le moment, c'est notre principale cause.
Le Président (M. Joly): M. Devroede, s'il vous
plaît.
M. Devroede: La raison pour laquelle on s'est regroupés,
c'est par intérêt commun, et je pense qu'on a un avantage à
être des fondations. En étant des organismes autonomes, on peut
aller chercher d'autres bénévoles et ajouter des gens qui vont
graviter autour d'une institution. Par contre, on n'est pas l'institution et
ça, des fois, il y a des inconvénients. Une des raisons pour
lesquelles on s'est regroupés, c'est qu'on a des problèmes
communs de transparence, de connaissance du système de santé et
d'impact direct sur
le système de santé. Donc, on s'est regroupés pour
essayer... Il y a aussi l'expertise au niveau de la levée de fonds.
Votre question est très pertinente, parce que la levée de fonds,
c'est devenu un métier maintenant. Il y a des organisations
professionnelles qui regroupent les gens sans distinction du secteur où
ils travaillent. Les associations ne sont pas évidentes encore au
Québec à ce niveau-là et je pense que c'est en train de
faire son chemin. C'est pour ça que j'ai envie de vous dire qu'au niveau
du social je pense que ces gens-là, en nous regardant travailler... On a
fait la même chose, on a regardé ceux qui avaient du
succès. Je pense qu'il va y avoir une interrelation de ce
côté-là. Mais ça reste qu'en philanthropie on
demande toujours à quelqu'un de donner quelque chose, et ça reste
des relations, et ça reste de la sensibilisation. Je pense que, de ce
côté-là, nous autres, on peut s'ouvrir à ça,
mais c'est d'abord par besoins communs qu'on s'est réuni. Moi,
j'espère, étant dans le domaine depuis sept ans maintenant, qu'il
va y avoir des regroupements de plus en plus professionnels. (18 h 15)
M. Trudel: Oui, bien sûr, un bon exemple, ça
entraîne toujours. Si ça peut aller dans cette
direction-là, tant mieux, puis on ne peut pas tout faire en même
temps non plus. Ça fait six mois que vous êtes regroupés;
alors, on ne peut pas tout faire en même temps. C'est déjà
extraordinaire, le travail que vous faites dans chacun des milieux, l'effort
que vous consacrez et, en plus, de vous rassembler au niveau du Québec
en termes d'association de fondations. Mais je vous dis que, moi, je
souhaiterais que. Si, quelque part, dans le temps, on faisait des choses au fur
et à mesure, si on pouvait arriver à intégrer ce que
j'appellerais ies fondations du social ou les fondations d'autres secteurs et
à profiter de votre expérience, de votre expertise, eh bien, tant
mieux, mais c'était surtout une question d'information.
L'autre question, c'est: Est-ce qu'en général, dans vos
fondations respectives - ou, en général, parmi les membres - on
investit seulement les intérêts de l'argent amassé ou si on
a plutôt tendance à dire: Levée de fonds spécifique
et on dépense l'argent sur un appareil, par exemple? On ne capitalise
pas beaucoup en quelque sorte.
M. Monette: C'est une question de politique interne, je pense, du
conseil d'administration de chaque fondation. Bien sûr que toute
fondation a intérêt à faire une capitalisation à
moyen terme ou à long terme, mais ce qui se passe actuellement, c'est
que la plupart des fondations que nous représentons et que nous avons
contactées, ce n'est pas de vieilles fondations et des fondations qui
reçoivent des dons comme certaines fondations peuvent en recevoir, des
dons majeurs. Alors, beaucoup de fondations ne peuvent pas, au moment où
on se parle, capitaliser parce que leur organisation est au début et
leurs ramifications ne sont pas assez grandes pour être capable de faire
une capitalisation. Mais, définitivement, je pense que, pour toute
fondation, c'est un but visé d'arriver à un capital, un
patrimoine qui fait en sorte que vous avez un intérêt garanti
à chaque année et qu'après un certain temps, eh bien, vous
pouvez, comme on le dit, débarquer du marché et laisser la chance
à d'autres fondations de faire la même chose
éventuellement.
Vous mentionniez tantôt qu'il existe énormément de
fondations et de clubs sociaux de toutes sortes, d'organismes sociaux de toutes
sortes. Tous ces gens-là, bien sûr, font des levées de
fonds avec des idées des fois très farfelues. Nous, on a voulu
rester dans les fondations hospitalières parce que notre but est un but
bien précis, c'est la santé. Tandis que le but de ces
gens-là, presque à 100 %, n'est pas du tout le domaine de la
santé, mais une foule de choses qu'ils font socialement, qui sont
très louables et très valables, mais qui n'ont pas pour but la
santé, comme notre regroupement.
M. Granger: Vous savez, M. Trudel, qu'il y a une règle
fiscale au niveau de l'injection des fonds; pour 80 % des fonds recueillis, on
a émis un reçu d'impôt et il faut le verser dans
l'année aux centres hospitaliers. Alors, là-dessus, la
capitalisation... En tout cas, chez nous, à l'heure actuelle, on n'a pas
encore de lecture de ce qui se fait dans l'ensemble de nos fondations.
D'ailleurs, on fait état dans notre mémoire qu'on est à
réaliser un bilan sommaire de ce qui s'est réalisé dans
nos fondations et de leur fonctionnement. On pourra s'en reparler un peu plus
tard comme ça fonctionne, mais, règle générale,
non.
M. Trudel: En vous disant sur cette règle fiscale, pour en
avoir monté une, fondation, qui a amassé 1 000 000 $ à
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, que je
pourrais vous donner le nom d'une couple de bons comptables qui vont vous
arranger ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Ils vont vous arranger ça.
Juste en terminant, on ne peut probablement pas additionner la somme
d'années d'expérience de cette table, comme citoyens, sans nous
permettre une question. Alors, défaites vos habits de président
de fondation ou de directeur général de fondation parce que c'est
évident que vous êtes du monde d'expérience du monde du
social, du monde des affaires et, bien sûr, la plus grande qualité
que vous avez, c'est d'être citoyens du Québec. Mais, quand
même, en rapport avec vos fondations, quand vous contribuez, de par votre
temps, de par votre énergie et de par votre argent, vous autres et les
gens
qui vous aident, qui nous aident, comment ressentez-vous le fait qu'on
doive en ajouter, parce que, collectivement, on n'en a pas assez?
M. Côté (Charlesbourg): Je pensais que
c'était l'autobus qui arrivait!
M. Trudel: Non, non, on ne peut pas faire ça à du
monde de même. Comment réagissez-vous au fait que collectivement
on dise... Vous connaissez la réaction: Comment ça se fait que le
gouvernement ne paie pas ça?
M. Devroede: Vous avez tout à fait raison et la question
est très appropriée. J'ai lu ce document-là, je vous
avoue, au complet. J'ai pris le temps de le faire, puis, moi, ce qui m'a fait
le plus plaisir dans ce document-là, c'est que les questions sont
posées: C'est quoi qui coûte quoi, et où est-ce qu'on
dépense, et où est-ce que ça va? Puis j'ai envie de vous
dire que la réponse à votre question, ça va être nos
éléments pour aller en chercher plus. Dites-moi exactement
où va l'argent et je suis capable de dire au donateur: Regarde, on fait
ça, ça, ça, avec ton argent, mais ça, on n'est pas
capable. Veux-tu le payer? Puis le problème qu'on a, ce n'est pas que
les gens disent: Le gouvernement devrait tout payer, c'est que, quand je te
donne une piastre, je ne sais pas où elle va aller. C'est ça le
problème qu'on a, parce que c'est assez sans fond.
La technologie avance au point où demain matin ils vont inventer
la machine qui coûte 3 000 000 $, qui va devoir remplacer la machine qui
m'a coûté 1 000 000 $ l'année passée. Je m'attends
à ça, mais je n'ai pas de problème avec ça si je
suis capable de dire aux gens: Regardez où vous avez
dépensé. Oui, vous avez payé ça en impôt et
c'est là que ça va. C'est le seul problème que j'ai avec
un donateur, de lui dire où ça va et quand ça y va. Et
ça répond à votre question au niveau de la capitalisation:
Est-ce que vous allez me donner 20 $ pour que je les dépense dans 20
ans? Mais, si je vous demande 20 $ pour une pompe demain matin, dont votre
mère va peut-être se servir, vous allez me les donner. Alors, il y
a une question d'immédiateté là-dedans.
Je suis très content de voir le questionnement social qui se
fait. J'espère que tous les citoyens vont le faire avant d'aller chez le
médecin. C'est: Où est-ce qu'on dépense et comment on le
dépense? Si on le demande comme il faut aux gens, ils vont payer le
supplément. Je pense que l'inquiétude, c'est ça. Il y a un
exemple de campagne qui s'est faite sur la rive sud à Montréal
où un hôpital voulait un centre de traumatologie. Ils se sont
assis avec l'hôpital qui venait de se construire, qui s'était
construit de l'obstétrique, et ils se sont entendus qu'il y aurait un
centre de traumatologie. Ils sont allés voir les hommes d'affaires et
ils ont réglé la campagne dans un an: ils ont un centre de
traumatologie et un centre d'obstétrique. Ce n'est pas dans le
même centre hospitalier. Les gens d'affaires ont embarqué parce
qu'il y avait un effort de rationalisation.
Alors, je pense que, de ce côté-là, on parle sous
nous autres aussi, et on parie le plus possible à des gens qui en ont le
plus possible. C'est habituellement ceux qui comptent le mieux. Alors, leurs
questions sont souvent pertinentes.
Le Président (M. Joly): M. Granger et M. Champagne et,
après, M. Monette.
M. Granger: Vous savez aussi, M. Trudel, quand la fondation s'en
va en campagne, elle annonce bien souvent le thème ou
l'équipement qu'elle va aller chercher. En campagne, elle ramasse...
Alors, il y a tout de suite un lien entre l'équipement et le don.
M. Trudel: La transparence.
M. Granger: Beaucoup de personnes, chez nous en tout cas, disent,
concernant l'appareil de laparoscopie ou d'autres équipements: J'ai
utilisé l'appareil que la fondation a donné. Il y a un lien entre
les deux. Là-dessus, quand on est en campagne, on a un contrat moral
avec la population. On a un contrat moral et le centre hospitalier avec qui on
est partenaire, on lui dit: Nous autres, on s'en va en campagne pour acheter
tel équipement. C'est bien entendu qu'il va falloir que
l'équipement rentre. Les gens s'accrochent à ça. En tout
cas, chez nous, en région, ils s'accrochent beaucoup à ça
et ça fait partie du succès des fondations.
Le Président (M. Joly): M. Champagne.
M. Champagne: Le domaine de la santé, ça touche de
très près les gens. Puis, enfin, je parle pour mon patelin, le
patelin aussi de M. Joly, puis les gens veulent des soins de santé de
qualité supérieure. Si, nous, à la Cité de la
santé, on n'avait pas eu de sous, on n'aurait pas pu acheter un appareil
de chirurgie par laparoscopie. Alors, on l'a acheté. On a acheté
un appareil de mammographie et on a acheté un scanner, tout ça.
Alors, les gens sont prêts à fournir pour ça parce qu'ils y
croient et ils veulent se donner dans la région des soins de
santé supérieurs.
Le Président (M. Joly): Est-ce ce pourquoi vous avez une
activité le 14 février?
M. Champagne: Oui, le 14 février. Vous allez être
là, monsieur. Ça vous coûte combien? Oui, c'est
ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): C'est la mémoire. Des
voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Oui, mais, M. le Président, finissez ce que
vous commencez. Je vais vous aider: Mais qu'est-ce qu'il y a le 14
février à Laval?
Le Président (M. Joly): M. Champagne, aimeriez-vous en
glisser un mot?
M. Champagne: Oui. Alors, voici, c'est le bal de la santé
où il y aura 800 personnes qui vont payer 150 $ pour assister à
un bal. Ça va nous donner...
Le Président (M. Joly): Au profit de la fondation.
M. Champagne: Au profit de la fondation et on va faire 90 000 $
clair pour injecter dans les fonds de la Cité de la santé.
M. Côté (Charlesbourg): À Anna-Laberge, vous
étiez en train de vendre des billets pour une maison quand j'y suis
allé.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Et en terminant...
Le Président (M. Joly): M. Monette.
M. Monette: effectivement. si vous venez vous promener dans notre
secteur, il y a tellement de postes de distribution que, si vous n'en avez pas,
c'est de la mauvaise volonté.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, vous avez un mot de la fin?
M. Trudel: En terminant, toujours, mais là vraiment, avec
votre habit de citoyen, pour 12 000 000 000 $, est-ce qu'on en a pour notre
argent, au Québec, en santé et en services sociaux? Est-ce que
vous avez l'impression, comme citoyen, qu'on en a pour notre argent?
M. Monette: La santé, en fait, c'est une discipline
personnelle. Beaucoup de gens, on peut dire, se font violence eux-mêmes,
en santé, pour une multitude de choses. Un exemple flagrant, je prends
le fumeur. C'est une personne qui, sciemment, consciemment se fait violence
à elle-même en faisant l'utilisation du tabac. Elle sait
très bien qu'éventuellement elle va avoir besoin d'avoir des
soins; c'est à peu près sûr à 95 %. Quand on pense
que l'industrie du tabac, au Canada, génère des retombées
d'à peu près 3 000 000 000 $, mais que l'usage du tabac sous
toutes ses formes nous coûte 11 000 000 000 $, ça veut dire
qu'avec l'industrie du tabac on est en déficit de 8 000 000 000 $.
Alors, c'est ça que je vous dis, c'est une discipline personnelle. C'est
la responsabilité de chaque citoyen du Québec, du Canada et,
enfin, du monde entier.
C'est inné, dans nos tripes, on a plus de facilité
à s'en aller vers quelque chose qui est facile et qui n'est pas correct
qu'à s'en aller dans la discipline et le droit chemin. Alors, on doit
vivre avec une société qui est conditionnée comme
ça. Surtout au Québec, des tempéraments latins, on aime
faire beaucoup de choses, on a beaucoup d'effervescence et on se permet toutes
sortes de choses qui ne sont pas toujours bonnes pour la santé. Je ne
sais pas de quelle façon on pourrait corriger ça. mais c'est un
état de fait, et c'est comme ça. Alors, bien sûr que des
sous pour régler tous ces problèmes-là, ça va en
prendre énormément parce que, tant et aussi longtemps qu'on
n'aura pas conditionné notre société à un autre -
passez-moi l'expression anglaise - «thinking», on aura à
mettre la main dans nos poches et on aura à faire les frais d'une
société qui nous coûte extrêmement cher au point de
vue santé.
Le Président (M. Joly): M. Blain, très
brièvement parce que...
M. Blain: Bien sûr. Tout simplement pour dire que la
santé ou les soins de santé qu'on a, ce n'est pas
nécessairement une question d'argent, c'est une question d'attitude.
Quand on est reçu par des infirmières qui ont le sourire, c'est
tellement plus facile d'avoir une piqûre. Je pense qu'il y a ça
aussi.
Le Président (M. Joly): Merci beaucoup. M. Champagne.
M. Trudel: Alors, je voudrais vous remercier avec le plus grand
des sourires que je pourrais avoir.
Le Président (M. Joly): M. Champagne.
M. Champagne: M. le Président, j'ai peur qu'on n'ait pas
de droit de réplique, de toute façon, à ce qui s'est dit
autour de la table. Moi, si vous me permettez, je ferai une observation. Je
suis un petit peu déçu de la timidité que vous mettez sur
la table ici au sujet de la loto-santé et du casino. C'est une
observation qu'on fait. Lorsqu'on pense qu'il y a 34 États, aux
États-Unis, qui ont des lotos là-dessus, sur la santé,
lorsqu'on dit qu'en Ontario - quand même, c'est toujours notre
référence politique, souvent - ...
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît!
M. Champagne: ...ça se fait, alors j'aimerais
ça que...
Le Président (M. Joly): Parfait!
M. Champagne:... vous ayez une oreille attentive.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Mais, M. le
Président, tout le monde est venu nous dire que le modèle
américain n'était pas à suivre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Champagne: Pas pour ramasser de l'argent, pour
dépenser, là. Ha, ha, ha!
Une voix: On vient simplement nuancer.
Le Président (M. Joly): Au nom des membres de cette
commission, à mon tour, je tiens à vous remercier. Merci
d'être parmi nous aujourd'hui et de nous avoir éclairés sur
le rôle que vous jouez et sur celui que vous souhaitez qu'on joue. Au
plaisir. Merci.
Nous ajournons nos travaux à mardi, 9 h 30, dans cette même
salle.
(Fin de la séance à 18 h 29)