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(Neuf heures quarante-sept minutes)
Le Président (M. Joly): Bonjour à toutes et
à tous. Bienvenue à cette commission. Je rappelle le mandat de la
sous-commission. En fait, la sous-commission des affaires sociales se
réunit afin de procéder à des consultations
particulières et tenir des auditions publiques sur le document de
consultation intitulé «Un financement équitable à la
mesure de nos moyens».
Je rappelle que, lors d'une séance qui se tenait le 23 janvier,
la commission des affaires sociales adoptait une motion visant à
constituer la présente sous-commission qui, en fait, se doit
d'être mise de l'avant à cause que la commission des affaires
sociales siège simultanément ce matin concernant la
main-d'oeuvre, la sécurité du revenu et la formation
professionnelle.
Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
La Secrétaire: Non, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Alors, voici, aujourd'hui, nous
entendrons l'Associaton canadienne des compagnies d'assurances de personnes,
l'Association des centres d'accueil du Québec, la
Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées du Québec, la Coalition des organismes familiaux du
Québec, la Fédération des femmes du Québec, la
Table des Regroupements provinciaux d'organismes communautaires et
bénévoles et, finalement, la Fédération des centres
d'action bénévole du Québec.
J'imagine, M. le ministre, que vous avez des remarques d'ouverture, des
remarques préliminaires. Je vous reconnais.
Remarques préliminaires M. Marc-Yvan
Côté
M. Côté (Charlesbourg): Oui, M. le Président.
Évidemment, comme ça fait quand même quelques années
qu'on travaille ensemble, vous devinez un peu notre manière de
procéder et, effectivement, tel qu'entendu, une certaine communication
s'impose au début de cette commission.
On a beaucoup parlé, au cours des derniers mois, des coûts
associés au système de santé et de services sociaux, des
façons de réduire ces coûts dans l'exercice quotidien de
nos tâches en centre hospitalier, en centre d'accueil, en pavillon, voire
même au ministère et, de manière plus globale, dans
l'ensemble du réseau. Chacun y est allé de son point de vue fort
instructif au cours des dernières semaines et des derniers jours, de sa
recette, disons-le, miracle et, encore ce matin, les journaux nous abreuvent
d'un certain nombre de solutions ou de non-solutions. Le gouvernement du
Québec...
Une voix:...
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je ne parlais pas
précisément de celles de l'Opposition. Le gouvernement du
Québec a même poussé l'audace de mettre sur la place
publique un document qui a au moins le mérite - et les avis sont
unanimes là-dessus - d'être clair et précis tellement qu'il
en a inspiré mon critique, M. Trudel, hier, dans sa livraison, sur un
certain nombre de constats, donc, de mythes qui sont disparus quant à la
situation qui prévaut dans le monde de la santé et des services
sociaux. Nous avons donc fait un constat, mais aussi présenté des
pistes et des avenues de solutions à nos partenaires et à
l'ensemble de la population. C'était le 18 décembre dernier.
Sept semaines se sont donc écoulées depuis, répit
qui a permis aux établissements et aux associations, malgré la
tourmente des fêtes, de prendre part à la réflexion
déjà amorcée, d'y aller de commentaires et de suggestions
qui trouveront un écho important à cette commission parlementaire
qui s'amorce aujourd'hui et un aboutissement quant aux choix gouvernementaux,
dans les prochains mois.
Nous voilà donc rendus à cette étape importante,
s'il en est une, qui s'inscrit dans une séquence
d'événements qui ne sauraient être dissociés les uns
des autres. J'aimerais vous les rappeler brièvement et peut-être,
en même temps, vous rappeler un certain nombre d'événements
que nous avons vécus autour de cette table, au cours de l'année
1991.
Le 28 août dernier, l'Assemblée nationale adoptait le
projet de loi 120 qui, comme certains sont déjà en mesure de le
constater et de le vivre dans leur quotidien, vient modifier le visage de la
santé et des services sociaux au Québec. Bien avant cet
épisode, je rendais publique, il y a maintenant plus d'un an, la
réforme de la santé et des services sociaux. Pour en arriver
là, tout un cheminement avait été parcouru au
préalable, particulièrement dans la foulée de la
commission Rochon, qui s'est tapé un certain nombre de consultations,
6000, et un rapport de tout près de 900 pages.
C'est dans cette perspective que le projet de loi 120 a vu le jour. Ce
que vient faire la loi est simple: redéfinir, en quelque sorte, les
droits et les responsabilités, les rôles et les fonctions
des principaux intervenants d'un réseau qu'on a voulu - et il en
est toujours ainsi - au service des citoyens eux-mêmes, pour qu'ils
soient au centre de ce système. Voilà donc pour la
première séquence des événements.
Nous entrons maintenant de plein fouet dans la seconde qui consiste
essentiellement à redéfinir et à décider d'un
nouveau cadre financier et des choix qui apparaissent les plus naturels tout en
étant les plus appropriés au maintien du régime actuel. Je
m'étais d'ailleurs engagé, lors de la commission parlementaire
ayant précédé l'adoption du projet de loi 120, à
tenir un débat spécifique sur le financement en raison de la
complexité de la question, et nous avions même accepté de
retirer du projet de loi 120 certaines mesures qui faisaient davantage
référence à certains paiements d'individus au niveau des
programmes complémentaires en particulier, pour les greffer à la
discussion plus large que nous amorçons maintenant.
Au fond, ce que nous faisons aujourd'hui, c'est d'entrer de plein fouet
dans le vrai débat, celui du financement d'un réseau dont on a
toujours cru les services, bien à tort d'ailleurs, gratuits. Les
questions que nous avons posées le 18 décembre dernier, au moment
du lancement du document «Un financement équitable à la
mesure de nos moyens», étaient claires, directes et fondamentales.
A-t-on encore les moyens de payer, particulièrement dans le contexte
économique et financier actuel du Québec, les 12 000 000 000 $
que coûtent actuellement les services de santé et les services
sociaux? A-t-on les moyens de soutenir le rythme de croissance de ces
dépenses? Le gouvernement du Québec peut-il encore se permettre
de compenser indéfiniment le ralentissement des transferts du
fédéral dans le secteur de la santé? Ce sont les
générations futures qui en paieront éventuellement le
prix. Entre-temps, on ne peut demander plus ou davantage aux citoyens qui
paient déjà leur large part. À elle seule, la classe
moyenne ne saurait absorber davantage les coûts de la santé, et ce
dossier est passablement d'actualité.
Tous en conviendront, le défi est de taille que d'assurer un
financement qui maintienne un juste équilibre entre les dépenses
du réseau de la santé et la capacité de payer de nous
tous, payeurs de taxes. Ces questions sont toujours d'actualité.
J'ajouterai même qu'il est rassurant de constater que nous ne sommes pas
les seuls à se les poser. L'Ontario, qui consent à elle seule 17
000 000 000 $ à la santé, amorce depuis quelques jours le
même questionnement, comme quoi de plus en plus de personnes et de
dirigeants directement concernés par ce débat jugent pertinent de
prendre part aux discussions. C'est que ce débat, il ne concerne pas
seulement l'administrateur d'hôpital, le médecin en cabinet
privé, l'infirmière en salle d'urgence, le préposé
à l'entretien d'un centre d'accueil, l'intervenant social en CLSC ou en
CSS. Il concerne tous les milieux économiques.
Je suis profondément convaincu que le temps est maintenant
arrivé de décider ensemble, pour peu que ce soit possible - il ne
faut quand même pas s'illusionner outre mesure non plus, on le constate
à la lecture des mémoires aussi - des ressources
financières que nous sommes collectivement prêts à
consacrer aux services sociaux et de santé. Et il y a plus, en ce sens
que nous devons aussi redécider du partage de financement des services
que nous consommons, ainsi que des modalités entourant tout cela. On a
donc voulu faire les premiers pas d'une démarche qui nous conduira
à des choix collectifs. Je pense que le Québec est prêt
à le faire.
Je parlais plus tôt de l'Ontario qui semble prête, elle
aussi, comme province, a bouger. Terre-Neuve a, cette année,
fermé 300 lits pour patients aux soins intensifs. L'Alberta a
majoré les primes pour Medicare. La Nouvelle-Ecosse et le Manitoba ont
réduit les services destinés aux enfants. La Saskatchewan a
augmenté les contributions des personnes âgées, suivant en
cela l'exemple de la Nouvelle-Ecosse.
À mon humble avis, le fédéral, pas plus que nous,
ne pourra échapper à cette réflexion. Mais la porte
n'apparaît pas totalement fermée. Pas plus tard que le week-end
dernier, le responsable du Trésor au fédéral, M. Gilles
Loiselle, s'interrogeait à voix haute sur la capacité du
Québec de continuer dans le même sens dans le secteur de la
santé, une attitude qui prouve bien que certaines personnes sont
prêtes à changer des choses.
Je me rappelle encore, en décembre, de l'intervention de certains
députés conservateurs qui y allaient de certaines propositions en
matière de santé à l'intention du ministre des Finances,
Don Mazankowski. Je ne parle même pas du président
américain, M. George Bush, qui, pas plus tard que la semaine
dernière, s'interrogeait sur le système santé de son pays,
avec toutes les conséquences et tout ce que nous connaissons sur le
système américain.
Autant d'indices qui m'amènent à affirmer que tous les
intervenants, quels qu'ils soient, se sentent concernés par cette
question ou, à tout le moins, peuvent donner l'impression de se sentir
concernés. Aux prises avec une récession qui se prolonge, une
restructuration financière profonde s'impose. Elle s'impose pour tous
les secteurs d'activité, et la santé et les services sociaux, qui
accaparent à eux seuls 32 % du budget du Québec, il est clair
qu'ils ne peuvent échapper à l'exercice.
Je ne crois pas que les citoyens aient besoin de preuves
supplémentaires pour se convaincre, non seulement de la pertinence, mais
aussi de l'urgence d'agir. Nous avons posé, quant à nous, un
diagnostic en décembre dernier. Il n'a surpris personne. Plusieurs de
ces éléments avaient d'ailleurs été
évoqués dans le cadre de la réforme. Quel est-il ce
diagnostic? Je crois
important de le rappeler à l'ouverture de cette commission
parlementaire.
Le Québec consacre beaucoup d'argent au secteur de la
santé et des services sociaux et je ne crois pas me tromper en
l'affirmant à cette table. Tout le monde le reconnaît et tout le
monde l'admet. La question est de savoir: A-t-on vraiment le choix? La
population vieillit, de nouvelles réalités médicales font
leur apparition. Qu'on pense au sida, bien sûr, mais qu'on pense aussi
à toute la problématique de notre jeunesse et de
l'éclatement familial. Parallèlement, il est difficile pour le
politicien ou l'administrateur, même le mieux averti, de tout
prévoir, de tout planifier. Les conditions de santé sont trop
susceptibles d'être influencées par une foule de facteurs sur
lesquels nous n'avons absolument aucune prise. Exemple: méningite.
Même si on ne peut conclure à une consommation abusive de
services, il n'en demeure pas moins que, pour moi, il est clair qu'il y a place
à l'amélioration, notamment au niveau de l'utilisation des
ressources. L'efficacité n'est pas toujours à son maximum. La
répartition interrégionale laisse à désirer, la
performance de certains établissements est très certainement
questionnable.
Il ne faut pas avoir peur de faire face à ces
réalités qui ne sont pas nouvelles. J'ai passé 20 semaines
en commission parlementaire en 1991, 20 semaines qui m'ont convaincu, hors de
tout doute, que cette réalité, était bien fondée et
bien tangible. On l'a dit et affirmé dans le document. Sans une
intervention appropriée, il faut s'attendre, à court terme,
à une accélération des dépenses de la santé
et des services sociaux et ça, nous pouvons difficilement nous le
permettre. Cette intervention, elle est pleinement fondée pour une
raison fort simple: il y a des pressions nombreuses et suffisamment fortes pour
justifier ce changement de cap.
Pressions sur le système. J'ai ici en tête offres de
services médicaux, développement technologique, processus de
dispensation des services. Je ne vous parlerai, à titre d'exemple, que
d'un aspect, les effectifs médicaux qui croissent plus rapidement que la
population. Quant à leur répartition, vous connaissez aussi bien
que moi la situation à ce chapitre. Inutile d'insister là-dessus.
Certains seront sans doute tentés de dire ici que je crois tellement
à ce problème que j'y ai laissé des plumes en juin dernier
et que d'autres s'en inspirent pour tenter de me faire voir clair. Nous y
verrons clair vendredi après-midi, à 15 heures. (10 heures)
Qu'il suffise de penser aussi aux investissements que requiert la
recherche médicale et pharmaceutique, sans parler de problèmes
fort présents dans la société, alcoolisme et toxicomanie,
pour ne mentionner que ceux-là. Le meilleur des scénarios au
ministère parle donc d'un manque à gagner potentiel, pour le
secteur de la santé et des services sociaux, d'au moins 1 000 000 000 $
entre 1991-1992 et 1996-1997, et ça, seulement à la condition que
les dépenses évoluent au rythme d'IPC, plus 3 %. D'autres
hypothèses plus pessimistes parlent d'un manque à gagner de 2 000
000 000 $ en 1996-1997. Nous n'avons définitivement plus le choix. De
nouvelles mesures de réduction et de contrôle des dépenses
ainsi qu'une amélioration de nos performances s'imposent.
Sur le plan pratique, si nous maintenons l'allure actuelle de nos
dépenses, nous nous engageons dans une voie sans issue ou, à coup
sûr, nous mettons en péril, à plus ou moins long terme, les
acquis de notre régime. Pour moi, il est clair que, si nous tenons
à préserver notre capacité à poursuivre avec
succès un certain nombre de valeurs, nous devons perdre nos illusions
dont, parmi les plus importantes, celle de la gratuité.
Accessibilité, universalité, équité des chances,
autant de valeurs qui sont véhiculées, bien sûr, souvent
à bon droit, sur la place publique.
Évidemment, il y a des contraintes dans tout ce processus que
nous amorçons. D'abord, la loi canadienne C-3, avec toutes les
restrictions qu'elle comporte. Â cet égard, je dois avouer que
j'ai beaucoup de difficulté à suivre la logique du
fédéral au cours des derniers mois. Ce gouvernement n'en finit
plus de couper dans les transferts aux provinces et le Québec
n'échappe pas à ce traitement. Trêve, petite
récréation la semaine dernière. Du même coup,
à Ottawa, on soutient que les provinces doivent maintenir les
mêmes services en regard de l'accessibilité et de
l'universalité, notamment. Bref, je me pose beaucoup de questions sur
l'attitude du fédéral qui n'aura plus d'autre choix que
d'emboîter le pas du Québec et de faire son propre exercice de
réflexion. En cela, ce ne sera pas la première fois que le
Québec aura été précurseur de ce changement.
Donc, contraintes importantes que le fédéral. Il s'agit de
voir ou d'apprécier le niveau des solutions. Il y a des solutions plus
radicales et il y a d'autres solutions qui sont moins radicales. Contraintes
aussi liées à la rémunération des médecins.
Le mode de rémunération à l'acte est peu compatible avec
les activités de gestion, de prévention et d'enseignement.
Contraintes aussi liées aux établissements. On les oblige
à faire des plans d'équilibre budgétaire, obligation qui
nous limite quant aux possibilités de leur imposer des pressions
financières additionnelles. Reste que nos orientations sont
précises. Les objectifs recherchés visent à faire en sorte
que la croissance des dépenses n'excède pas l'évolution de
la richesse collective et tienne compte de la capacité de payer de
l'État; les services soient mieux adaptés et que leur utilisation
soit plus efficace, plus efficiente; les sources de financement soient
diversifiées.
Pour parvenir à tout cela, il y a un ensem-
ble de mesures, mesures relatives, entre autres, à la
détermination des dépenses qui portent sur le contrôle des
salaires et des rémunérations, des prix, de l'offre de services
médicaux et institutionnels dont les besoins seront établis en
tenant compte du volume des activités.
Quant à l'allocation et à l'utilisation des ressources,
là aussi, nous avons des objectifs très précis qui misent
sur des objectifs de résultat plutôt que de production de
services, une révision de la mission des établissements pour
atteindre une grande complémentarité, une allocation des
ressources en fonction de l'équité interrégionale et de la
performance des distributeurs, une meilleure utilisation des services,
notamment en cabinet privé et en CLSC.
Le discours est connu. Je l'ai abondamment véhiculé sur la
place publique ces mois derniers. Ce qui est plus nouveau, ce sont les options
que nous avons rendues publiques le 18 décembre dernier. On a
tenté de faire le tour de la question, d'abord sur les services de base
où une révision de la définition à la fois de ces
services et de ceux dits complémentaires et du panier des services
assurés est visée. Nous disons que cette définition doit
être faite.
Une de ces options touche les services médicaux, diagnostiques et
thérapeutiques. La notion d'assurance collective est mise sur la table.
Elle pourrait prendre la forme d'une cotisation identifiée à
l'assurance sociosanitaire sur le revenu des employés et des
travailleurs autonomes. Elle pourrait s'apparenter à un
impôt-santé.
Une autre option évoque la possibilité d'une contribution
individuelle modeste avec tout ce que cela comporte comme contrainte, notamment
en regard de C-3. Puis il y a les services complémentaires, non
considérés comme étant médicaux et hospitaliers, au
sens de C-3 qui incomberaient en principe aux citoyens, mais que, par
solidarité, ils continueraient toujours de soutenir, par leurs taxes et
leurs impôts, l'accessibilité des plus démunis, selon leur
capacité de payer.
Une autre orientation importante, s'il en est une, vise à
améliorer l'ensemble des mécanismes de soutien des choix publics
budgétaires et financiers. Pour y parvenir, nous proposons la
création d'un nouveau mécanisme de régulation basé
sur la création d'un fonds général des services de
santé et des services sociaux distinct du fonds consolidé du
revenu. Les options sont là; elles susciteront autant de discussions
qu'il y aura d'intervenants pour y prendre part. C'est pourquoi le gouvernement
a convoqué la présente commission parlementaire. J'entends
résolument axer le débat qui s'amorce sur le citoyen, d'abord
à titre de consommateur, de décideur, de payeur, dans l'esprit
même de la réforme, ensuite à titre de producteur de la
richesse et du bien-être.
J'entends aussi faire en sorte que les droits et les
intérêts légitimes de nos enfants, les citoyens de demain
qui seront directement touchés par les décisions que nous
prendrons et qui sont sans voix pour les faire valoir, soient
considérés sur un pied d'égalité avec ceux des
citoyens d'aujourd'hui. Reste que le Québec est à l'heure des
choix. Au cours des six prochains jours, ils seront une quarantaine
d'organismes, davantage de représentants, à venir discuter avec
nous de cette problématique.
J'attends beaucoup de cette consultation. L'exercice ne doit pas se
limiter à tracer un portrait de la situation. Celui-là, je le
connais largement; vous le connaissez tout autant. La dernière
commission parlementaire relative au projet de loi 120 a mis en évidence
tout cela. Ce que j'attends de cet exercice? Des solutions originales, voire
inédites, des avenues nouvelles qui vont nous permettre d'avancer
véritablement, d'assurer à l'avenir un juste équilibre
entre nos dépenses et la capacité de payer de la
société québécoise. Des choix collectifs majeurs
s'imposent donc. Une réduction du niveau de dépenses par une
révision fondamentale du panier de services assurés, une
augmentation du fardeau fiscal, une augmentation du déficit, une
tarification liée à la consommation, tout en protégeant
les plus démunis, voilà autant de questions qui se posent
à l'ouverture de cette commission parlementaire.
Par-delà nos partenaires naturels du réseau, nous avions
cru bon, en décembre dernier, d'inviter bon nombre de
représentants des milieux dits économiques: Chambre de commerce,
Bureau d'assurance, et j'en passe. Certains d'entre eux ont
décliné cette invitation. Je le regrette grandement. Ils auront
manqué une très bonne occasion de venir nous dire à nous
ce qu'ils disent, règle générale, dans leur
assemblée annuelle. Le tour sera passé.
À l'origine, on a fait le pari que ces organismes étaient
aussi concernés que nous par ce débat. Il faut reconnaître
que nous ne partageons pas tous la même vision des choses ou le
même intérêt. Pourtant, le défi qui nous attend dans
les prochains jours est là, à la fois emballant, mais aussi
très exigeant, en particulier pour des parlementaires qui, d'un
côté, veulent conserver le pouvoir, de l'autre côté,
de manière très légitime, veulent le pouvoir.
Une voix:...
M. Côté (Charlesbourg): On verra. Ça se gagne
le jour des élections. Ça ne se gagne pas avant. Ça peut
se perdre avant...
M. Chevrette: Des fois, il y a des indices qui sont encourageants
en maudit!
M. Côté (Charlesbourg): Non. Je n'ai pas besoin de
dire au député de Joliette que ça ne se gagne pas, des
élections. Ça se perd.
M. Chevrette: C'est vrai. C'est un fait. On l'a perdue en 1985;
vous l'avez perdue en 1976.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ça. M.
Chevrette: Que nous réserve 1993?
M. Côté (Charlesbourg): Le défi est de
s'assurer qu'on ne la perde pas quand ça viendra. Alors, la perdre entre
les deux, c'est une affaire, mais la perdre au moment opportun, c'est une autre
chose.
Nous avons tous intérêt à ce que le système
de santé et des services sociaux soit maintenu tout en demeurant
performant. Je l'ai dit et je le répète: le Québec est
à l'heure des choix. Il est aussi à l'heure de prendre pleinement
ses responsabilités au moment où le temps presse.
M. le Président, il est clair qu'au cours de ces six
journées très chargées nous avons, de part et d'autre, un
certain travail à faire. Nous le faisons tous dans le bien de la
collectivité avec, bien sûr, des points de vue qui peuvent
être différents. Une chose est certaine, M. le Président.
Quant à moi, je questionnerai en fonction du document et non pas en
fonction de ce que les gens ont bien voulu écrire dans leurs
mémoires ou défendre comme point de vue particulier dans leurs
mémoires ou intérêts particuliers.
Dans ce sens-là, ce sera une commission comme on en a
déjà connu, très ouverte, où nous souhaitons
définitivement explorer des pistes de solutions à notre
problématique, et je le dis d'entrée de jeu dans cette ouverture,
au-delà de certaines divergences fondamentales avec l'Opposition sur un
certain nombre de points. La position prise hier par le critique officiel de
l'Opposition démontre très nettement qu'il y a du travail
à faire, à tout le moins sur le point de l'efficience et de
l'efficacité, et que nous avons aussi, au niveau de cette commission, un
travail d'efficience et d'efficacité à réaliser au cours
de ces six jours. Je vous assure de mon entière collaboration, M. le
Président, pour y arriver.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue et aussi porte-parole et l'Opposition
officielle en matière de santé.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: Merci, M. le Président. En décembre
1990, le ministre de la Santé et des Services sociaux déposait
son projet de réforme. D'importantes mesures touchant le financement,
telles que l'impôt-services, étaient introduites sans qu'il n'y
ait eu aucun débat préablable et, encore moins, de consensus.
Certains ont cru alors qu'il ne s'agissait que de ballons d'essai lancés
par le gouvernement.
La réalité se voulait tout autre et la
détermination du gouvernement à procéder avec ces mesures
est apparue au grand jour en décembre 1991, alors que l'Assemblée
nationale se voyait soumettre pour adoption des crédits
supplémentaires correspondant aux revenus anticipés de
l'impôt-services. La mesure avait donc déjà
été comptabilisée dans les équilibres
budgétaires du gouvernement.
L'Opposition officielle et nombre de groupes ont vertement
dénoncé ces mesures. Pour notre part, nous avons
suggéré que la commission des affaires sociales tienne un
débat consacré exclusivement au financement de notre
régime de santé et de services sociaux. C'est ce débat que
nous entreprenons aujourd'hui et il est de la plus haute importance pour tous
nos concitoyens et nos concitoyennes puisque, encore une fois, le gouvernement
met sur la table des solutions de tarification et de coupures de services. Pour
nous, que ce soit clair, ce débat, if constitue peut-être la
dernière chance de sauver les acquis de notre système.
Avant d'attaquer le fond des choses, je me permettrai encore une fois -
eh oui! encore une fois, comme à l'époque du projet de loi 120 -
de déplorer amèrement l'absence de politique de santé et
de bien-être. La séquence que nous propose le gouvernement
défie toute logique. Comment peut-on fixer un niveau de financement pour
notre système? Comment peut-on discuter de rationalisation, de
révision de l'assiette des services assurés, de priorisation,
alors que nous n'avons pas encore, comme société,
déterminé les priorités auxquelles il faut s'attaquer pour
améliorer le mieux-être de notre population? Il y a là une
incohérence telle que nous risquons, au terme de ce débat,
d'être obligés de le reprendre encore une autre fois dans quelques
années parce que nous n'avons pas encore fixé les objectifs de
santé et de bien-être que nous voulons poursuivre
collectivement.
Mais la question fondamentale, ce matin, que nous devons nous poser et
telle qu'elle l'a été, dans une certaine mesure, dans une bonne
mesure, par le document du 18 décembre, c'est: Consacrons-nous trop
d'argent au système de santé et de services sociaux au
Québec? Toute discussion sur le financement du réseau de la
santé et des services sociaux nécessite qu'on détermine au
préalable le niveau de financement que l'on entend y consacrer, la part
des richesses collectives que les Québécois souhaitent y
consacrer, et pour arriver à répondre à ces questions,
généralement, il faut compter sur trois grilles d'analyse.
La première consiste à baser le niveau de financement sur
ce que le document ministériel a appelé le «rendement
marginal» des dépenses de santé sur l'amélioration
des conditions de vie des individus. La deuxième grille d'analyse va de
soi et réside dans un certain consensus social. Par exemple, au
Québec, l'absence de mouvement de
masse pour obtenir des soins ailleurs qu'au Québec, la relative
tolérance envers certains délais d'attente pour les services, le
taux de satisfaction enregistré par diverses maisons de sondage à
l'égard de notre système, de même que l'ouverture des
citoyens à payer des impôts lorsqu'il s'agit de la santé et
des services sociaux sont autant d'indicateurs utiles pour fixer le niveau de
financement nécessaire ou acceptable pour les citoyens. Finalement, le
troisième élément de la grille se trouve dans la
comparaison avec d'autres sociétés disposant d'une richesse
collective à peu près équivalente. C'est la méthode
qui a été privilégiée par le ministre et qui
demeure, en fait, la seule méthode factuelle disponible pour l'instant.
(10 h 15)
Après avoir passé en revue l'ensemble des
éléments de notre système dans une première partie
de son document, le document ministériel abat un certain nombre de
mythes. Grosso modo, 10 vérités sont rétablies.
L'état de nos équipements et de notre main-d'oeuvre
médicale, le document ministériel en conclut que le Québec
se situe dans la moyenne des pays industrialisés et que, dans un
contexte nord-américain où la médecine se veut plus
coûteuse, le financement global de notre système de santé
et des services sociaux se situe dans une fourchette que l'on considère
acceptable en regard de notre richesse collective.
Ces 10 éléments de diagnostic étant dressés,
ce qu'il faut se poser inévitablement, c'est: Mais où est donc le
problème? Pourquoi sommes-nous ici, ce matin, puisque ce document
ministériel démontre que les citoyens ne surconsomment ni ne
sous-consomment leurs ressources en services de santé? Pourquoi le
gouvernement nous propo-se-t-il, aujourd'hui, des scénarios
apocalyptiques? Mais où est donc le problème?
D'abord, il est établi que les dépenses du système
québécois sont loin d'être hors de contrôle. Au
contraire, l'on constate que les crédits dévolus au
ministère de la Santé et des Services sociaux et à la RAMQ
pour la période 1983-1984 à 1990-1991 ont progressé
à un rythme inférieur à celui du produit intérieur
brut, soit 7,6 % par rapport à 8 % pour le produit intérieur
brut. Deuxièmement, le document ministériel évalue que les
dépenses évolueront, compte tenu des nouveaux besoins, au rythme
de l'inflation plus 3 %, ce qui est plus rapide que les besoins dus
exclusivement à l'évolution de la population et à l'effet
de vieillissement, tel que le document nous le dit à la page 24.
Troisièmement, selon les prévisions du ministère, le taux
de croissance de la richesse collective, c'est-à-dire le produit
intérieur brut, sera équivalent à celui du rythme des
dépenses, à savoir IPC plus 3 %.
Or, il est reconnu, en théorie économique -et même
le ministre des Finances actuel faisait sienne cette théorie dans son
discours du budget en 1990-1991, à la page B-4 - que les revenus
autonomes du gouvernement, c'est-à-dire nos impôts et les diverses
taxes que nous payons, croissent au même rythme que celui de la richesse
collective, c'est-à-dire l'IPC plus 3 %. Il découle de ces
paramètres que nous sommes, pour autant que les besoins n'augmentent pas
plus rapidement que la richesse collective, dans un système parfaitement
équilibré, qui peut absorber la croissance des dépenses
sans augmentation des impôts et des taxes.
Bref, nous dépensons aujourd'hui 9 % du produit intérieur
brut et, au même rythme, ça devrait être le même
niveau et il ira dans le même sens dans 1 an, 2 ans, 3 ans et dans 10
ans, suivant les propres paramètres du document ministériel.
Certes, les dépenses de santé et de services sociaux
continueraient d'occuper une part importante des dépenses de
l'État, à savoir 31 %, mais cela, c'est parce que la
société québécoise a déterminé qu'il
s'agissait d'une de ses priorités.
Voilà une partie de la vérité que les
Québécois et les Québécoises doivent
connaître et qui replace dans son contexte le débat qui va suivre.
Pour autant que le rythme de croissance suive celui du produit intérieur
brut, nous avons, en théorie, les moyens de garder le système tel
qu'il est et ce, sans augmentation d'impôt. Mais, alors, pourquoi
sommes-nous ici aujourd'hui, puisque le problème est posé?
La réponse à cette question repose essentiellement sur
quatre facteurs. D'abord et avant tout, il s'agit de la diminution des
transferts fédéraux. Deuxièmement, il y a le choix de
l'actuel gouvernement de s'attaquer au déficit en diminuant sa
contribution à l'IPC plus 1 % des dépenses de santé et de
services sociaux. Vient ensuite comme troisième raison la baisse du
rythme de croissance du PIB et, finalement, la nécessité de
s'assurer... Nous sommes ici pour nous assurer que les dépenses
n'augmenteront pas à un rythme supérieur à l'indice des
prix à ta consommation plus 3 %.
Le ministre nous propose, à la page 101 de son document, trois
hypothèses de scénario. Avec les paramètres qu'il nous
définit, la grande conclusion de son document, c'est qu'il nous manque,
sur cinq ans, entre 1 000 000 000 $ ou 2 000 000 000 $ selon que le
gouvernement québécois décide de couper les revenus
provenant du fonds consolidé à l'IPC plus 1 %, ce qui
nécessiterait alors, dans le cas de la première hypothèse,
un effort supplémentaire de quelque 200 000 000 $ et, dans le cas de la
troisième hypothèse, un effort de 400 000 000 $. En fait, M. le
Président, la réalité est beaucoup plus sombre que
celle-là, car il faut comprendre que les chiffres de 1 000 000 000 $ et
de 2 000 000 000 $ s'appliquent sur le manque à gagner la
cinquième année et non pas sur cinq ans. En raison du
caractère récurrent des dépenses, il serait plus exact de
dire que, sur cinq ans, le manque à gagner sera de l'ordre de
2 800 000 000 $ dans le cas de l'hypothèse 1, et de 5 500 000 000
$ dans le cas de l'hypothèse 2.
M. le Président, à cet égard, je voudrais
déposer le document que j'ai ici, qui rétablit les calculs et qui
indique que notre problème financier sur les cinq prochaines
années, en matière de santé et de services sociaux et du
financement de ce système, est de l'ordre de 2 800 000 000 $, dans le
cas de l'hypothèse 1, et, si le gouvernement réduit la part du
fonds consolidé qu'il entend consacrer aux dépenses de
santé et services sociaux à l'IPC plus 1 %, notre problème
est de l'ordre de 5 500 000 000 $ au cours des cinq prochaines
années.
Traitons maintenant de chacun de ces éléments qui nous
amènent dans ce débat aujourd'hui. Le désengagement
fédéral. Dans la mesure où on applique le premier
scénario, c'est-à-dire que la croissance du financement du fonds
consolidé croîtrait à l'IPC plus 1 %, l'on doit bien se
rendre compte que 92 % de notre impasse, de notre problème ou de nos
difficultés proviennent exclusivement du gouvernement
fédéral. Les 8 % du restant du problème, c'est le manque
à gagner, c'est les 75 000 000 $ qui n'augmentent pas assez vite de la
part de ce qu'on appelle les revenus autonomes provenant de la
Société de l'assurance automobile du Québec ou de la
CSST.
Les Québécois et les Québécoises doivent
savoir qu'ils devront envisager des tarifs ou des coupures de services de
l'ordre de 925 000 000 $ la cinquième année du présent
cycle budgétaire parce que le gouvernement choisit de demeurer dans le
régime fédéral, et c'est de ça qu'il s'agit. Si le
financement fédéral avait la caractéristique de provenir
exclusivement des points d'impôt ou encore si le Québec disposait
de la capacité fiscale totale sur son territoire, il en
résulterait, selon la théorie économique, que le rendement
des revenus serait équivalent, toutes choses étant égales
par ailleurs, à la croissance des dépenses. Nous serions alors
dans un système équilibré tel que nous l'avons
évoqué précédemment.
En vertu de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, la santé et les services sociaux relèvent clairement
de la juridiction du Québec. Pourtant, dès 1919, le
ministère fédéral de la Santé était
créé, le fédéral utilisant alors son pouvoir de
dépenser qui n'est autre chose que d'utiliser sa capacité de
prélever des impôts au détriment de l'assiette fiscale
québécoise. En fait, l'intervention du fédéral
s'est étendue au point où la simple administration centrale du
ministère fédéral de la Santé coûte 89 900
000 $ et emploie 1115 personnes, ce qui est à peine moins que le
ministère québécois de la Santé et des Services
sociaux, budget de 88 700 000 $ et 1195 personnes à son emploi. Juste
dans son programme de santé, le gouvernement fédéral
dépense directement 7 000 000 000 $.
De tout temps, les gouvernements québécois se sont
élevés contre cette ingérence du fédédal. De
tout temps, ils ont réclamé que l'on revienne à la lettre
de la Constitution, à savoir que la santé et les services sociaux
relèvent exclusivement du Québec. Le 25 juillet 1960, M. Jean
Lesage, à la conférence fédérale-provinciale sur
les programmes conjoints, affirmait déjà que le Québec
doit récupérer ses points d'impôt pour assumer la totale
responsabilité en matière de santé et de services sociaux
à partir de sa propre fiscalité, son propre champ fiscal. 32 ans
plus tard, on peut toujours continuer à répéter que, si
ça ne marche pas, si on ne veut pas nous redonner nos points
d'impôt, on va revenir encore la prochaine fois, mais il n'y aura rien de
changé dans la réalité et nous serons toujours aux prises,
pour le prochain cycle budgétaire, avec un problème de l'ordre de
2 800 000 000 $ à 5 500 000 000 $.
Qu'en est-il maintenant du désengagement du gouvernement
québécois? Comme l'illustre le scénario 3 du document
publié le 18 décembre à la page 101, si le gouvernement du
Québec décidait de réduire sa contribution via le fonds
consolidé à l'IPC plus 1 %, le manque à gagner serait de
l'ordre de 2 800 000 000 $ en 1996-1997, et le chiffre astronomique de 5 500
000 000 $ de compressions ou de nouvelles taxes, d'ici cinq ans, si nous
voulons maintenir les caractéristiques du régime. Franchement,
soyons clairs, soyons honnêtes: l'effort de compression est tout
simplement trop énorme. En ce sens, le gouvernement du Québec
devrait attendre à tout le moins le dénouement du débat
constitutionnel avant d'envisager des coupures de cet ordre et de mettre en
cause les trois éléments fondamentaux de notre régime de
santé et de services sociaux.
Qu'en est-il maintenant du troisième élément qui
nous amène à être ici ce matin, c'est-à-dire la
vitesse d'augmentation de la richesse collective des Québécois?
Le troisième facteur déstabilisateur de l'équilibre du
système et qui nous sert de point de départ est évidemment
le rythme de croissance de la richesse collective. Si nos besoins
requièrent une augmentation des dépenses de l'ordre de l'IPC plus
3 %, il est impérieux, pour maintenir notre équilibre, que le
rendement de nos revenus soit également l'IPC plus 3 %. Pour ce faire,
il importe que le gouvernement s'attaque prioritairement à la lutte au
chômage, qu'il se dote d'une politique de plein-emploi. Non seulement la
diminution du chômage augmenterait-elle les rentrées fiscales,
mais en luttant ainsi contre la pauvreté, l'on diminuera d'autant la
pression sur le système de santé et de services sociaux, compte
tenu de la corrélation entre le niveau de vie et l'état de
santé qui, elle, n'est plus à démontrer. Un dollar investi
dans la création d'emplois a donc des retombées directes et
indirectes sur le système de santé et de services sociaux.
Cessons également de dire que
12 000 000 000 $ de dépenses dans le système de
santé et de services sociaux, ce ne sont pas des investissements. Le
potentiel de création de nouveaux emplois dans le secteur de la
santé et des services sociaux peut s'avérer extrêmement
intéressant, notamment en ce qui concerne le maintien à domicile.
Ainsi, porter le niveau de dépenses du maintien à domicile
à 575 000 000 $ par année en ajoutant 427 000 000 $ - niveau
acceptable selon le document du ministère, 7 décembre 1990 -
créerait 10 800 emplois et permettrait d'économiser, en fonction
des besoins d'hébergement en l'an 2000, plus de 700 000 000 $, le tout
sur une base annuelle, en termes de maintien à domicile. Outre ces
besoins en maintien à domicile, on peut considérer qu'un vaste
plan de rénovation de 300 000 000 $ des immobilisations, tel que l'AHQ
le demande, le requiert, pourrait constituer un investissement rentable non
seulement en termes de préservation des actifs, mais également en
termes de création d'emplois.
Nous aurions des solutions à ces éléments. Le
fédéral a déjà, quant à lui, donné
ses réponses, depuis 32 ans, de façon extrêmement claire:
pas de changement à C-3, pas de modification aux paiements de transfert.
On continue d'appliquer unilatéralement les coupures selon le programme
qu'il s'est dessiné, coupures de 0,9 % par année. Si nous voulons
sauver les acquis du régime de santé et de services sociaux au
Québec, éviter les taxes, éviter des impôts
supplémentaires que, d'évidence, la classe moyenne ne peut plus
payer, il nous faut regarder des mesures d'efficience de rationalisation de nos
dépenses. Nous pensons qu'il y a un certain nombre de ces
dépenses qui peuvent être rationalisées qui doivent
être examinées.
C'est donc en matière de besoins ou de façons d'agir sur
les besoins que nous devons maintenant faire porter nos efforts. Il est bien
évident que le meilleur moyen de limiter la croissance des
dépenses consiste encore à agir sur ses besoins. Il faut
s'attaquer à la source, agir en amont, et cela correspond souvent
à deux réalités qui ont été très
souvent galvaudées, mais pour lesquelles notre système est encore
à des années-lumière: la prévention et
l'utilisation des ressources plus légères.
Je n'ai pas envie de reprendre encore une fois le bâton du
pèlerin, d'expliquer qu'il en coûte moins cher de donner à
une femme défavorisée enceinte une orange, du lait et des oeufs,
540 $ par année, que de payer 100 000 $ pour maintenir son enfant
prématuré. Voilà 10 ans que l'on parle de
prévention. Quand la vivrons-nous, cette prévention,
réellement, dans le système? Il me semble que la situation est
suffisamment alarmante pour que nous puissions passer à l'action. (10 h
30)
II y a également tout le questionnement que nous devons faire sur
ce que nous appelons l'appareil administratif. D'aucuns, d'aii/eurs, dans tout
le débat que nous avons amorcé depuis un an, ont
dénoncé la bureaucratisation du réseau de la santé
et des services sociaux, les technocrates étant, apparemment, la source
de tous nos malheurs. Il faut se garder de jugements aussi lapidaires, car
gérer un système qui engloutit 12 000 000 000 $ n'est pas chose
facile et nécessite, oui, des ressources abondantes. Si le
réseau, d'ailleurs, a réussi à bien contrôler ses
coûts, c'est en grande partie grâce à la vigueur et à
la qualité de nos gestionnaires.
Ceci étant dit, il importe néanmoins de s'interroger sur
l'ampleur de l'appareil administratif. Avant que 1 $ ne soit effectivement
dépensé en services, de combien doit-on l'amputer pour les frais
d'administration? Nous ne disposons pas à cet égard de
données suffisamment précises pour avancer ici un chiffre. Mais
considérons les différents niveaux administratifs, pour 1 $ qui
vient du fédéral, à travers les programmes établis.
Regardons le cheminement que doit suivre 1 $ qui nous vient du
fédéral: d'abord, il va au ministère du Revenu
fédéral; ensuite, il va au ministère des Finances
fédéral; il va au Conseil du trésor fédéral;
il va à la Chambre des communes; il va au ministère de la
Santé et du Bien-Être social Canada; il va au ministère des
Finances du Québec; il va au Conseil du trésor du Québec;
il va à l'Assemblée nationale du Québec; il va au
ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec;
il va aller dans les régies régionales du Québec; il va
aller à l'administration des établissements; et enfin, enfin, le
1 $, s'il en reste...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: ...va se rendre dans un service pour l'usager. Il y a
des questions à se poser.
Du côté des producteurs, les crédits dévolus
à la Régie de l'assurance-maladie du Québec sont une part
importante des dépenses de santé puisqu'une enveloppe de 2 600
000 000 $ constitue le budget de la RAMQ. lis constituent une masse
budgétaire qui doit nous permettre de financer une partie des 2 800 000
000 $ manquants.
Nous disons, à l'égard de la question des médecins,
deux choses. Le ratio du nombre de médecins que nous avons au
Québec est supérieur à celui de l'Ontario; si nous avions
le même ratio que l'Ontario, eh bien, nous aurions épargné,
en quelque sorte, entre guillemets, 46 000 000 $. Nous pensons donc qu'il faut
contrôler le nombre d'entrées, le nombre de places en
médecine. Il faut regarder cette question de façon très
précise. Mais encore plus surprenant sur la question du nombre de
médecins, s'il faut regarder l'entrée, il faut également
regarder la sortie. Le dernier rapport de la RAMQ nous indique par ailleurs que
nous avons, au Québec, parmi les spécialistes... Il y a 109
médecins
spécialistes au Québec, âgés de 75 ans et
plus, qui tirent une rémunération de 36 800 000 $. Alors, le
dernier rapport, je cite: "Statistiques annuelles 1989", je peux le
déposer, M. le Président, à titre d'exemple. Et nous
pourrions multiplier ces éléments. Voilà, du
côté des médecins, et nous allons leur demander d'examiner
également tout ce que nous appelons l'attribution des actes ou la
délégation des actes. Il y a des éléments d'examen
à faire.
Du côté des employés du réseau de la
santé et des services sociaux, le gouvernement, à la page 65 de
son document, a fait son choix. Pour la prochaine période
budgétaire, c'est de geler les salaires des employés du
réseau de la santé et des services sociaux à l'IPC. Nous
refusons cette perspective. Nous allons demander pendant cette commission
à nos partenaires salariés du réseau de la santé et
des services sociaux qu'en retour d'une garantie de ne pas leur couper leur
salaire, de ne pas toucher aux mécanismes normaux de la
négociation, de s'asseoir à une table et de regarder avec nous ce
que nous appelons l'étanchéité ou la rigidité de
l'application des conventions collectives. du côté des usagers,
nous avons vu dans le document que les usagers ne sont pas des abuseurs. mais
il va falloir - oui, m. le président - regarder toute la question de
l'utilisation de la carte-soleil ou de la carte d'assurance-maladie. je suis
assez étonné, lorsque je reçois une publication comme
le soleil de la floride, de l'utilisation... d'abord, j'y retrouve dans
le cahier - la date, c'est juste avant les fêtes - de février
1992, pardon - là, nous touchons également la question des
dépenses publiques et des dépenses privées - des annonces
sur l'utilisation de la carte-soleil. alors, si vous voulez avoir des
échographies de toute sorte, de tout genre: abdomen, foie,
amaigrissement, ces choses-là, la carte est acceptée. c'est de la
publicité partout. également, il s'est développé un
réseau, le réseau canadien de soins médicaux. vous
êtes à 1638 milles de votre médecin de famille mais vous
pouvez utiliser partout votre carte-soleil. mais qui plus est, m. le
président, qui plus est... parfois, il faut lire la petite page des
échotiers, le carnet mondain, pour voir ceci: doctors' canadian medical
center. pour souhaiter la bienvenue à tous les canadiens et canadiennes
séjournant dans le sud de la floride, le centre médical canadien
doctors organise le 17 janvier une réception "open house". les personnes
se présentant au centre entre 13 heures et 16 heures pourront visiter la
clinique, se faire expliquer les différents services offerts, faire
prendre leur tension artérielle...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Le Centre servira un léger buffet à tous
les visiteurs présents. De nombreux prix de présence seront
également tirés. Le centre médical, pour ceux qui n'ont
pas compris, est situé au 1856 Van Buren Street à Hollywood. Les
dépenses publiques de santé, les dépenses privées
de santé, la privatisation de certains éléments de la
santé, ça peut nous amener à des choses comme
celles-là.
Nous pensons qu'avec ce que M. Cantin, le président de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec, nous a
révélé comme chiffres en commission parlementaire pendant
l'étude de la loi 120, ces statistiques sont suffisamment
inquiétantes pour que maintenant, oui, nous puissions envisager
certaines mesures de contrôle. Et le fait que 600 000
Québécois et Québécoises déménagent
sans prévenir la Régie du changement d'adresse - elle perd leur
trace - que chaque année 17 000 Québécois quittent le
Québec sans retourner leur carte à la RAMQ, qu'environ 400 000
cartes non validées sont en circulation cette année et que 55 000
d'entre elles ont servi à facturer des actes, tout cela est suffisamment
inquiétant.
M. le Président, je terminerai en disant ceci: Oui, l'Opposition
accepte d'examiner, dans une certaine mesure, le panier de services
assurés, mais cet examen devra servir uniquement à revoir les
services qui ne sont pas médicalement requis, en ce sens qu'ils
n'apportent aucune contribution sensible au mieux-être de la personne qui
les reçoit. Nous croyons que, parce que le Québec a fait le choix
d'une solidarité collective des mieux nantis avec les moins bien nantis,
des gens en santé avec ceux qui sont malades, il a réussi
à bien contrôler ses coûts globaux et il s'est donné
une société plus juste. Le gouvernement fédéral est
venu déséquilibrer, lui, le financement de notre système,
mais un glissement supplémentaire vers le financement de source
privée n'est certainement pas une solution qui améliorera le
niveau des dépenses totales que consacrent les Québécois
et les Québécoises à leur système.
Il nous apparaît qu'avant même d'envisager des coupures de
services il convient de faire un véritable exercice de rationalisation.
Certes, il serait illusoire de croire que la seule rationalisation pourra
combler le manque à gagner de 2 800 000 000 $ à 5 500 000 000 $
sur cinq ans. Mais nous croyons que tant et aussi longtemps que le débat
constitutionnel n'aura pas connu son dénouement il est
prématuré d'envisager des coupures de services et des mesures de
tarification ou, pire encore, que le gouvernement québécois
limite sa contribution aux services de santé et aux services sociaux
à IPC plus 1 %, compte tenu du vieillissement de la population et de la
croissance des besoins des jeunes.
À court terme, efficience, rationalisation, nous sommes
prêts à examiner un certain nombre de mesures. À long
terme, pas d'illusion. C'est le «Choix de Sophie». Tout le monde a
vu ce film-là? Le titre du document du ministre, ce n'est pas «Un
financement équitable à la mesure
de nos moyens». C'est le «Choix de Sophie»: ou je me
coupe un bras ou je me coupe une jambe. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député
de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Une petite remarque. Avec le
consentement des membres de cette commission, M. Chevrette étant ici, on
pourrait lui reconnaître le droit de parole. Comme il n'est pas membre de
la commission, alors j'ai besoin de l'aval de tout le monde. Parfait,
merci.
Je tiendrais aussi à souligner, pour tous ceux qui ont des
téléphones cellulaires, si possible de les mettre à la
position neutre de façon à ce qu'on puisse engager le
débat et entendre les intervenants qui voudront bien se présenter
devant nous.
Alors, nous en sommes rendus à l'appel des organismes dont le
premier est ici, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de
personnes. Je demanderais, s'il vous plaît, aux représentants de
cet organisme de bien vouloir s'avancer.
Pendant que les gens s'avancent, je vais expliquer la procédure.
Ce groupe aura une heure et trente minutes dont la première demi-heure
servira à la présentation du mémoire et la balance,
l'heure, sera répartie entre les deux formations pour échange et
discussion. S'il vous plaît.
Je vais suspendre quelques minutes, le temps que les gens se
préparent. Nous suspendons deux minutes.
(Suspension de la séance à 10 h 41)
(Reprise à 10 h 54)
Auditions
Le Président (M. Joly): La sous-commission reprend ses
travaux. Comme je le mentionnais tantôt nous avons avec nous
l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes.
J'apprécierais si la personne responsable pouvait s'identifier et
identifier les personnes qui l'accompagnent. S'il vous plaît!
ACCAP
M. Gravel (Claude): alors, sûrement, m. le
président. je me présente: claude gravel, président et
chef de la direction, assurance-vie desjardins, mais ici, évidemment,
pour représenter l'association canadienne des compagnies d'assurances de
personnes. pour m'accompagner, à ma gauche, me yves lemay,
vice-président, affaires juridiques, de la société des
services de santé du québec et, à ma droite, m. yves
millette, vice-président principal, affaires québécoises,
pour l'association canadienne des com- pagnies d'assurances de personnes.
Le Président (M. Joly): Je vous remercie, M. Gravel. Vous
avez, comme je le disais, 30 minutes environ pour présenter votre
mémoire. Si vous passez la parole à l'un de vos collègues,
pour les fins de l'enregistrement, j'apprécierais s'il pouvait
s'identifier.
M. Gravel: Merci, M. le Président. M. le ministre, M. le
représentant et... Est-ce qu'on l'appelle le critique officiel de...
Une voix: Porte-parole.
M. Gravel: porte-parole, excusez. et je pourrais peut-être
ajouter ancien collègue de l'assemblée des gouverneurs à
l'université du québec.
Une voix: Ce n'est pas «réassurant». Des
voix: Ha, ha, ha!
M. Gravel: Bon! Si ce n'est pas «réassurant»
on va commencer par l'assurance, on ira ensuite à la
réassurance.
Alors, M. le Président, j'ai l'intention de vous présenter
un sommaire de notre mémoire puisque, ayant été
déposé d'avance, je présume qu'on en a fait la lecture. Un
sommaire, mais j'aimerais aussi, dans une deuxième partie,
peut-être insister sur les différentes alternatives de
collaboration qui peuvent se présenter entre notre industrie et le
gouvernement du Québec.
D'abord, un mot sur l'Association qui est une association à
adhésion volontaire qui représente plus de 100
sociétés d'assurances de personnes souscrivant environ 98 % de
l'assurance-vie et maladie au pays; et les mêmes pourcentages
s'appliquent, je crois, au niveau du Québec. En passant, je pourrais
aussi peut-être ajouter à ce moment-ci que les deux
sociétés que Me Lemay et moi représentons sont les deux
joueurs majeurs ici, au Québec, dans le domaine de l'assurance-maladie,
secteur qui nous intéresse évidemment particulièrement ce
matin.
Le rôle de l'industrie dans les services sociaux et de
santé. L'industrie des assurances de personnes est étroitement
liée au financement des soins de santé et des services sociaux du
Québec puisqu'elle agit en complémentarité des organismes
publics dans les régimes collectifs et individuels, tant dans le domaine
de l'invalidité, de l'assurance-maladie, de l'assurance de soins
dentaires et optiques que de l'assurance-voyage. On y reviendra peut-être
tantôt en fonction des journaux dont on nous a fait mention.
À titre indicatif, mentionnons que plus de 4 000 000 d'hommes, de
femmes et d'enfants du Québec sont ainsi couverts par plus de 30 000
régimes d'assurance-maladie complémentaires privés tandis
que près de 2 000 000 de Québécois
souscrivent lors de leurs déplacements à une assurance
privée couvrant les soins de santé hors Canada. De même,
l'industrie est directement concernée par la disponibilité et la
qualité des soins de santé et des services sociaux
dispensés au Québec puisqu'ils ont une incidence directe sur les
taux de mortalité et de morbidité sur lesquels est basée
toute notre tarification.
C'est en effet à partir de ces données actuarielles que
nous pouvons établir le coût des différents produits
d'assurances et de rentes dont se prévalent quelque 4 500 000
Québécois. Le débat sur le financement des soins de
santé et des services sociaux, qui constitue un débat de
société, nous intéresse donc au plus haut point. Je dirais
que dans ce domaine, d'ailleurs, notre intérêt est triple. On sait
que l'action est à la mesure de l'intérêt. Notre
intérêt, je dirais, est triple.
Il est d'ordre économique. Vous ne serez pas surpris de vous
rappeler que nous privilégions, évidemment, et nous souscrivons
à ces objectifs de budget équilibré ou, tout au moins,
plus équilibré. Notre intérêt est aussi d'ordre
social puisque nous voulons, à notre mesure et selon nos moyens,
maintenir les grands acquis et les grands objectifs sociaux,
particulièrement au niveau de l'universalité et de
l'accessibilité aux soins de santé. Notre intérêt
aussi, on doit l'admettre, est d'ordre commercial; il est de chercher à
élargir notre marché et les services que nous offrons à la
population.
Fondamentalement, l'Association canadienne des compagnies d'assurances
de personnes souhaite, et souhaite fermement, le maintien de services de
santé de haute qualité et partage les préoccupations qui
ont été exprimées quant à la
nécessité de trouver des solutions au problème du
financement des services sociaux et de santé qui accapare une part de
plus en plus importante du fardeau fiscal des particuliers et des
entreprises.
Dans la mesure où les citoyens pourraient être
appelés à assumer une plus large part du coût des services
de santé, il nous apparaît intéressant de vous rappeler que
l'assurance privée constitue une des alternatives qui permet aux
individus comme aux groupes d'ajouter au financement des soins de santé
et d'amortir l'impact financier en répartissant les coûts selon
les techniques de gestion de risques. À la différence du
régime public qui est obligatoire et universel, l'assurance
privée, elle, est facultative et elle doit recourir à des
techniques éprouvées de sélection de risques pour tarrfier
en fonction de l'assurabilité de la personne et du montant de couverture
demandé. On doit dire là-dessus, et les statistiques dans notre
mémoire l'indiquent clairement, que la formule de financement
privilégiée est évidemment l'assurance collective
puisqu'elle permet à la fois d'offrir des protections à
coût moindre de par les coûts d'administration moindres, et aussi
au niveau du financement puisqu'elle permet un certain nivellement du
coût des protections.
L'expérience de l'industrie des assurances de personnes ne se
limite pas à l'administration de régimes privés. Nous
avons aussi des expériences où nous touchons à
l'administration de régimes publics, ou encore à sa participation
via certains outils ou certaines expertises ou techniques qui relèvent
du secteur privé. Ainsi, l'industrie a administré des programmes
provinciaux en Alberta, par exemple, et en Ontario avant que la
législation fédérale concernant les transferts aux
provinces ne vienne mettre fin à cette collaboration. Encore
aujourd'hui, l'industrie administre des programmes financés par les
fonds publics, dont le programme PATA qui est un programme d'assistance aux
travailleurs âgés, certains programmes pour les communautés
autochtones ainsi que des réaimes d'avantages sociaux pour les
employés de l'Etat. Donc, il y a des précédents, des
expériences qui nous apparaissent concluantes dans cette collaboration
du public et du privé.
L'industrie a d'ailleurs déjà proposé aux divers
paliers de gouvernement au Canada un programme d'assurance-invalidité
obligatoire qui aurait été administré sur une base
privée. J'aimerais aussi ajouter que son rôle
complémentaire, elle le poursuit aussi dans le domaine de l'assistance,
et il y a des tendances intéressantes là-dessus qui se
développent, que ce soit dans l'assistance aux employés, dans
l'assistance qu'on appelle de soins de vie courante, dans l'assistance aux
personnes âgées, même dans l'assistance juridique, dans
l'assistance-voyage et, évidemment, dans la gestion administrative
où nous pouvons apporter des services qui nous apparaissent
complémentaires.
Forte de son expérience dans le financement des soins de
santé avant la création de la RAMQ, l'expérience acquise,
je viens de le rappeler, dans d'autres provinces et aux États-Unis,
l'industrie des assurances de personnes est prête à explorer avec
les autorités gouvernementales diverses avenues pour trouver des
solutions viables au problème de financement des services sociaux et de
santé au Québec.
Ces consultations, à notre avis, devraient être
menées dans une perspective globale qui tienne compte à la fois
des programmes publics et privés actuellement en place, des objectifs
à long terme ainsi que des mesures à prendre pour assurer une
transition harmonieuse. L'industrie est consciente, tout de même, des
problèmes de financement que pose le maintien de services sociaux et de
santé de qualité pour l'ensemble des Québécois et
est prête à collaborer dans la recherche de solutions originales
quant au partage des services assurables.
M. le Président, j'aimerais ensuite développer sur toute
les pistes de collaboration qui méritent, disons, d'être
explorées avec vous. Peut-être que le mieux serait aussi de le
faire au
gré des questions et des échanges pour lesquels nous
sommes bien ouverts.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Gravel. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Évidemment, vous êtes le premier mémoire
que nous entendons et qui aborde un certain nombre de questions dans un
contexte autre que, bien sûr, celui où les compagnies d'assurances
étaient habituées davantage à être les principaux
assureurs qu'à être en complémentarité d'un
système qui existe. Je pense que ça a été un choix
gouvernemental des gouvernements à l'époque, qui n'est pas
aujourd'hui remis en question.
Cependant, au fil des années, davantage par un regroupement de
travailleurs ou d'individus, il y a eu une volonté d'assurer un certain
nombre de services complémentaires. On l'a au niveau de la fonction
publique, on l'a au niveau des députés, de certains travailleurs
aussi, et vous êtes dans ce domaine-là. Cette
expérience-là peut être très intéressante
parce que vous avez, dans la plupart des cas, une franchise sur le plan de
l'assurance.
Prenons l'assurance dentaire. Pour couvrir des soins qui ne sont pas
assurés, des travailleurs se sont regroupés et font affaire avec
des compagnies d'assurances en disant: Vous allez nous donner maintenant la
protection pour des services dentaires, pour couvrir des services dentaires. Et
j'imagine que vous devez avoir des études à ce
niveau-là.
Quel est l'effet d'une franchise sur la consommation qu'on peut
peut-être qualifier de nécessaire et non nécessaire? Parce
qu'on est dans des situations où, effectivement, il y a une consommation
qui est nécessaire et, dans d'autres, on a une consommation qui n'est
pas nécessaire. Est-ce que vous avez, à ce niveau-là, des
études ou des expériences à nous faire partager sur les
effets d'une franchise? Ou le principe de faire payer à la base pour un
service, qu'est-ce que ça entraîne comme effet, pervers ou non? Je
pense que c'est avantageux de nous informer des effets parce qu'il peut y avoir
aussi des effets pervers. Est-ce que vous avez des études à ce
niveau-là ou des expériences à nous faire partager?
M. Gravel: M. le ministre, je vais vous répondre, et
peut-être en me basant beaucoup plus à la fois sur mes
connaissances théoriques et l'expérience passée, mais sans
avoir peut-être de chiffres immédiats à vous fournir, ce
qui pourrait, de toute façon, vous être fourni dans un
deuxième temps à votre bureau.
La franchise a un double effet: elle a un premier effet évident
de réduire le coût d'ensemble de cette portion qui est
supportée par l'usager ou le bénéficiaire, selon vos
termes. Elle a un autre effet que je dirais, moi, décourageant, si vous
voulez, ou modérateur, qui est le terme plus utilisé dans votre
métier.
M. Trudel: On dit: «Orienteur».
Une voix: Orienteur, maintenant, c'est encore moins
dérangeant.
M. Côté (Charlesbourg): Mais je ne voulais pas
nécessairement vous orienter dans votre réponse, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gravel: O.K. Nous, dans le fond, la franchise n'est pas
là nécessairement pour des fins d'«orienteur», mais
je peux accepter votre qualificatif. Alors, elle a ce double effet. Ce
deuxième effet peut, évidemment, varier selon,
premièrement, le niveau absolu de cette franchise et aussi devant son
importance relative. Alors, on peut, nous, par nos régimes - parce qu'on
a des régimes qui sont, à toutes fins pratiques, identiques en
termes de protection mais qui contiennent, les uns une franchise et les autres
pas de franchise - isoler, disons, l'effet en termes de taux d'utilisation et
de coût de la franchise. Évidemment, je n'ai pas apporté
avec moi de statistiques précises mais je peux vous dire que ces
statistiques-là sont disponibles et peuvent vous être fournies.
Peut-être qu'un de mes collègues, ici, pourrait aussi ajouter
à cette réponse.
Une voix: M. Millette.
M. Millette (Yves): Oui, Yves Millette. On n'a pas
d'expérience récente au Canada mais, aux États-Unis,
depuis une dizaine d'années, on a développé un produit qui
s'appelle les soins à long terme, les «long term care» pour
les personnes âgées, pour favoriser le maintien, les soins aux
personnes âgées, et tout ça. À l'origine, ce
programme-là n'avait aucune franchise et, immédiatement, il a
pris des débordements importants jusqu'au jour où on a
exigé, pour que la garantie puisse jouer, qu'il y ait hospitalisation.
C'était une forme de franchise, si vous voulez. À ce
moment-là, effectivement, le coût - et là on parle du
coût de la protection - est devenu beaucoup plus abordable pour
l'ensemble de la population. Les coûts ont baissé. Par
conséquent, le nombre de réclamations a baissé et les
coûts ont baissé aussi. Il y a passablement de documentation sur
ça aux Etats-Unis, et on pourrait vous fournir des exemples de ça
pour vous aider dans votre réflexion.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est
qu'il y a deux effets recherchés. Le premier, c'est, bien sûr, de
faire en sorte que l'individu qui se couvre par une assurance paie
une franchise mais soit protégé pour ce qui lui
coûterait davantage. On voit des exemples multiples aux États-Unis
où, littéralement, des gens vendent leur maison pour être
capables de payer des services médicaux. Et ce n'est pas rare. Le
deuxième, c'est que ça a définitivement, je pense, un
effet sur le niveau de consommation.
Pour moi, ce qu'il est important de savoir, c'est, bien sûr, qu'on
vise à ce que la consommation utile, nécessaire puisse se faire
parce que, à ce moment-là, elle vise à combler un besoin.
C'est peut-être davantage l'Impact sur la consommation pas
nécessaire. Pour la consommation nécessaire, je pense qu'il faut
trouver le moyen de s'assurer que, lorsque c'est médicalement requis et
que la personne en tire des bénéfices, on puisse continuer de
protéger ça. Ce qui est moins évident, c'est lorsqu'on est
dans une situation de consommation qu'on pourrait qualifier d'abusive parce
que, si globalement elle ne l'est pas, il reste quand même des situations
où elle l'est sur le plan des individus.
Je pensais que sur le plan dentaire vous pourriez peut-être avoir
un certain nombre d'éléments là-dessus, mais glissons sur
les médicaments. Je pense que vous avez des couvertures, ne serait-ce
qu'au niveau de la mutuelle, si je ne m'abuse, où, chaque fois que vous
avez une consommation et que vous êtes assuré, vous êtes
obligés de donner 1 $ pour une prescription. C'est apparu comment et
quels sont les résultats de ce dollar-là? Un dollar, ce n'est pas
très très important aujourd'hui, mais vous avez quand même
établi à 1 $ l'exigence que vous avez de l'individu qui va faire
remplir une prescription pour que ses médicaments soient
payés.
M. Lemay (Yves): Yves Lemay. Vous parlez d'un régime en
particulier où c'est 1 $ mais, normalement, ce sont des régimes
à pourcentage, chez nous à la SSQ. Vous avez des régimes
qui vont payer jusqu'à 90 % ou 80 %. On a toujours
privilégié la franchise dans nos régimes.
Nécessairement, c'est une question de négociation aussi avec les
groupes, le résultat final, mais on voit une incidence très
importante dans le fait d'avoir cette franchise-là. Le but de
l'assurance, c'est de couvrir les pointes, si on veut. Tout le monde, en tout
cas la majorité des gens sont peut-être capables de payer un
montant minime pour un médicament, mais, lorsque arrive une facture de
50 $, 25 $, 30 $, 35 $, 40 $, c'est à ce moment-là que
l'assurance paie sa part. Je veux dire, on est là pour couvrir un petit
peu ce qui excède une dépense normale.
M. Côté (Charlesbourg): On est quand même dans
une situation...
M. Lemay: Mais je n'ai pas de chiffres.
M. Côté (Charlesbourg): ...où je pense que
tout le monde comprend qu'une compagnie d'assurances est là pour faire
de l'argent aussi. Donc, en principe, elle est là pour couvrir les frais
qu'elle encourt et les primes doivent nécessairement rapporter davantage
que vous en payez. Mais, sur le plan des études, j'aimerais ça si
c'était possible, par une autre voie, qu'on puisse les transmettre
à la commission de manière officielle, s'il y avait des
études sur les effets que ça donne d'avoir une franchise et aussi
un plafond parce que, d'après ce que je comprends de certaines
couvertures, au-delà de tel montant, ce n'est plus couvert. Donc,
ça aussi, je pense que ça peut donner un certain nombre
d'indications. Mais, encore une fois, j'insiste sur les informations, ce qui
est médicalement requis par rapport à ce qui ne l'est pas.
Évidemment, il y a toujours une prescription, au bout de la ligne, qui
cautionne et qui fait en sorte que vous allez le chercher, mais, moi, ça
m'apparaît extrêmement important, compte tenu des coûts qu'on
encourt actuellement dans notre régime complémentaire.
Est-ce que vous avez exploré des possibilités d'un
meilleur contrôle de l'utilisation des médicaments, par exemple au
Québec, dans d'autres couvertures de notre système à nous,
qui sont pour les personnes âgées ou pour les gens qui
bénéficient de l'aide sociale?
M. Gravel: Oui, il y a différentes expériences qui
sont tentées. Par exemple, on va essayer, dans des cas où les
dépenses sont assez lourdes, de développer des profils, par
exemple, au niveau du taux d'utilisation. Donc, on va essayer de
démarquer, par exemple, nos assurés avec les montants qui sont
au-delà de certaines limites pour essayer d'identifier, disons, des
tendances qui seraient un peu hors norme. Ça, je dirais que c'est un
contrôle au niveau du service rendu, c'est-à-dire du service
utilisé, du médicament ou des soins professionnels.
Il y a d'autres façons aussi au niveau de la gestion même.
Par exemple, on a mis en place un service, récemment, le service qu'on
appelle «autorisation et paiement de soins de santé» au
niveau des pharmacies pour, d'une part, faciliter à l'assuré
l'utilisation de ces services en lui évitant le déboursé
total, dans un premier temps. Il a à payer, disons, seulement la
franchise, l'excédent étant, dans le fond, réglé
entre le pharmacien et l'assureur par le biais d'une communication
téléinformatique, si vous voulez. (11 h 15)
Ceci a différents avantages, je pense. Sur le plan du
consommateur, ça l'aide, ça le rapproche du service, c'est plus
rapide, plus léger, ça lui évite bien des paperasses.
Aussi, c'est là où, indirectement - je reviens à votre
autre question sur l'impact de la franchise - le fait d'utiliser ce
service-là le libère de la contrainte financière.
Remarquez bien qu'à certains égards peut-être qu'on marche
dans le sens inverse,
mais on fait la preuve par l'absurde que le fait d'un paiement a un
impact sur le taux de consommation. Plus le déboursé va
être élevé, que ce soit par le biais de franchises ou
même simplement d'un paiement avancé qui va lui être
remboursé plus tard, plus ça a un effet sur le comportement de
l'usager, du bénéficiaire ou du consommateur.
Il y aurait bien d'autres exemples, si mes collègues veulent en
ajouter, des exemples où on peut contrôler les coûts.
M. Côté (Charlesbourg): Allons à un des
exemples que nous a fournis tantôt le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue par un journal ensoleillé. On a des
programmes qui nous permettent de payer des frais encourus hors Canada, donc un
programme hors Canada pour la couverture d'un certain nombre de gestes
médicalement requis à l'étranger. On pense
particulièrement aux gens qui sont en Floride, et ils sont assez
nombreux, merci. Depuis deux ans, il y a une tentative de faire en sorte qu'on
en arrive à une certaine équité vis-à-vis des
Québécois qui sont au Québec et qui paient des
impôts, en ce sens que le gouvernement se dirige vers une reconnaissance
du paiement de certains coûts, mais les coûts qui seraient
payés au Québec. Ce n'est pas admis sur place, mais on l'essaie
sur le plan de l'efficience; c'est une question de justice aussi pour les
Québécois qui restent au Québec et qui continuent de payer
des impôts.
Donc, ce que nous avons souhaité - et nous sommes à y
réfléchir de manière très importante à ce
moment-ci - c'est garantir aux gens du Québec qui décideraient
d'aller passer un certain nombre de mois en Floride pour des raisons de
santé ou pour toute une série de raisons - à leur
retraite, profiter du beau temps, c'est leur droit légitime - la
couverture des frais que l'on paierait normalement au Québec; pas les
frais que ça coûte en Floride, sachant que ça coûte
beaucoup plus cher. Mais il reste quand même qu'il y a un
différentiel assez appréciable, merci, entre ce que ça
coûte, règle générale, en Floride et ce que
ça coûte au Québec.
On a fait un certain nombre d'approches - vous êtes au courant
aussi - sur la possibilité de permettre à ces gens-là de
s'assurer pour la différence du coût. Je ne sais pas, je ne
comprends pas, mais ça ne semble pas tellement vous intéresser.
J'en tirerais presque la conclusion que vous êtes
intéressés à assurer des gens qui ne sont pas malades.
J'aimerais vous entendre davantage là-dessus parce que c'est une mesure
qui fait partie de nos discussions et, avant même de prendre une
décision finale, ce qu'on voudrait savoir, c'est si nos compagnies
d'assurances sont ouvertes à doter ces gens-là d'une
possibilité de s'assurer, en n'excluant personne, bien sûr, en
autant qu'ils paient les primes. Est-ce que c'est envisageable, c'est possible?
Si oui, est-ce que le coût serait tout de même abor- dable?
M. Gravel: II y a plusieurs volets pour bien répondre
à votre question. Un premier volet, c'est la dimension
complémentaire de nos services. On sait que le régime public a
des limites en termes de paiement de soins à l'étranger. Nous
sommes présents, nous, pour l'«au-delà de»,
jusqu'à des limites, en passant, qui sont assez importantes. Je pense
qu'un chiffre qui circule régulièrement, c'est 1 000 000 $ ou des
choses comme ça. Alors, on est là de façon
complémentaire, et là-dessus, notre aide, s'il en est une, je
dirais qu'elle est beaucoup plus de dimension politique. C'est qu'à
partir du moment où on est présent pour le complémentaire,
bien, j'imagine que ça vous évite, de votre côté,
d'avoir des demandes d'appel au secours de quelqu'un qui est pris, pour des
situations qui, en passant, n'ont pas d'allure parce qu'un imprévu peut
coûter 250 000 $ américains assez rapidement dans le domaine, par
exemple, de complications cardiaques.
Dans un deuxième volet, vous nous demandez ce qu'on peut faire,
nous, pour peut-être réduire les coûts. Parce que, dans le
premier volet, on n'a pas réduit les coûts, on a simplement pris
notre part au-delà d'un certain montant. Nous avons - quand je dis nous,
ce n'est pas simplement ma compagnie; je pense que Me Lemay a accès aux
mêmes services - un service qu'on appelle d'assistance où le
bénéficiaire, dans une situation d'urgence, non seulement peut
mais, en général, a recours à nos services très
rapidement. Et ce service d'assistance permet, au-delà de la
simplification des complications financières, légales ou autres,
à court terme, d'évaluer assez rapidement si le rapatriement est
une formule plus ou moins économique. Vous comprendrez l'importance
d'avoir une réponse, sinon sur le champ, au moins de façon
très rapide. Mais tout ça est décidé par une
équipe médicale et en fonction de l'état ou de la
capacité de l'assuré de supporter ou pas le rapatriement.
Le deuxième exemple, je dirais, d'économie, c'a
été - et c'a été fait, ça, par les
compagnies plus actives dans l'assurance à l'étranger - de
négocier avec les établissements de santé, les
hôpitaux en particulier, des tarifs à la baisse. On se sert, dans
le fond, de l'économie de marché. On se sert de notre pouvoir
d'achat pour avoir des tarifs diminués, et c'est là où est
l'avantage d'une mise en commun: c'est évidemment le pouvoir d'achat que
nous avons. Et, en ce sens-là, j'imagine que le gouvernement du
Québec a un pouvoir d'achat aussi impressionnant. Je peux même
vous dire que ce pouvoir d'achat là et ces tarifs-là,
négociés, on en fait aussi bénéficier le
gouvernement dans la mesure où, étant le premier payeur ou le
payeur global dans un premier temps, on lui applique évidemment ces
tarifs-là, négociés; la quote-part de la facture globale
refilée au gouvernement peut être réduite
aussi dans la même mesure. Alors, voilà au moins deux
exemples où nous pouvons contrôler les coûts.
M. Côté (Charlesbourg): Juste pour peut-être
essayer d'aider notre réflexion; je ne veux pas que ça soit
perçu comme un piège, parce que ça n'en est pas un. On a
une problématique qui est particulière aux
Québécois qui sont en Floride, très nombreux et de plus en
plus nombreux, qui coûtent à l'État des sommes assez
exorbitantes, merci. On a illustré un petit peu tantôt ce que
ça pouvait signifier. Juste au niveau de l'hospitalisation, le
régime actuel fait que nous défrayons les premiers 750 $ par jour
et que nous payons 50 % de l'excédent. C'est assez
généreux, merci, par rapport à ce qu'on paye au
Québec, par rapport à ce qu'il nous en coûte au
Québec. Nous souhaitons en arriver à la situation où on
paiera pour les gens qui sont hors Canada ce que nous payons normalement au
Québec.
Par conséquent, il y a, il me semble bien, un potentiel assez
important de personnes qui sont en Floride ou ailleurs, mais de manière
principale en Floride, et qui , auraient besoin d'une couverture, à tout
le moins s'ils le désirent, parce que c'est toujours volontaire sur le
plan de l'adhésion. Est-ce qu'à ce niveau-là on peut
espérer, en tenant compte des contraintes que vous avez
évoquées tantôt et du questionnement, que les assureurs
puissent éventuellement offrir, à toute personne
séjournant en Floride, qui souhaiterait s'assurer pour six mois, pour un
an ou ainsi de suite, une situation où ces risques-là puissent
être couverts? Évidemment, c'est clair qu'au bout de la ligne, si
c'est oui, il y aura une prime qui sera au bout et qui va faire en sorte que
vous couvriez vos frais. Les compagnies d'assurances, même si elles font
beaucoup de bénévolat, la raison principale d'exister d'une
compagnie d'assurances, à ce que j'ai compris, ce n'est pas
nécessairement de faire du bénévolat.
Ceci étant dit, est-ce qu'il est envisageable de penser qu'on
serait dans une situation où cette couverture-là pourrait
être faite, à des primes qui pourraient être
acceptables?
M. Millette: Yves Millette. Je peux répondre à
cette question-là. En plus des autres mesures de contrôle qui ont
été prises, je pense que, depuis quelques années, dans le
domaine de l'assurance-voyage, les compagnies d'assurances se sont
attaquées à un des problèmes majeurs qui est le
problème des personnes à risque, des personnes qui sont malades
lorsqu'elles quittent le Québec. Les principes de sélection font
en sorte que pour les gens qui sont contrôlés, c'est-à-dire
médicalement contrôlés avant leur départ, il est
possible d'assumer le risque à des coûts abordables. Et donc,
ça a augmenté beaucoup la proportion des gens qui pouvaient avoir
une assurance-voyage à l'étranger.
Mais il reste encore - et ça, dans la mesure où on est
dans un régime privé et non pas dans un régime universel -
un certain pourcentage de gens qui présentent un risque tellement
aggravé, dont la situation n'est pas contrôlée lorsqu'ils
quittent le pays ou des choses comme ça, que cela fait en sorte que
l'assurance privée ne peut pas couvrir ces gens-là à moins
de leur charger, à toutes fins pratiques, le coût des services qui
vont être assumés.
Dans ce sens-là, je pense que c'est encore des recherches qu'on a
à faire et des discussions qu'on peut avoir avec le gouvernement pour
trouver des mécanismes comme, par exemple, ce qu'on appelle en jargon
populaire des contrats de réassurance «stop loss»,
c'est-à-dire qu'au-delà d'un certain montant - on parlait de
couverture de 1 000 000 $ mais disons au-delà de 50 000 $ de frais
d'hospitalisation - les gens qui vont représenter des risques
énormes qui pourraient coûter jusqu'à 1 000 000 $ de frais
d'hospitalisation aux Etats-Unis, ces cas-là seraient mis dans un
contrat particulier où le gouvernement pourrait participer, peu importe
comment. Mais il faudrait trouver un «stop loss». Il y a une
limite; il y a des coûts tellement énormes que l'industrie ne peut
pas se permettre de les absorber. On parie beaucoup des compagnies d'assurances
qui veulent faire des profits. Il ne faut pas oublier, d'abord et avant tout,
que les compagnies d'assurances - ce sont des mutualités - sont
là pour offrir des services aux gens qui adhèrent à la
compagnie, et des services à prix abordables compte tenu de leur
état de santé. Donc, ça, je pense, qu'il ne faut pas
l'oublier.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que j'ai compris, c'est
que si elles ne font pas de profits, à un moment donné, elles
finissent par disparaître, hein?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): C'était juste dans ce
sens-là, en disant que ce n'est quand même pas une... Je comprends
qu'une compagnie d'assurances privée, ce n'est pas d'abord pour la
bienfaisance. C'est, bien sûr, mutualiser des risques mais... Est-ce que
vous avez un pourcentage de gens qui seraient plus difficilement assurables?
C'est quoi, c'est 10 %, 15 %?
M. Millette: Dans l'ensemble - on ne parlera pas de
l'assurance-voyage, je n'ai pas de statistiques pour ça - l'industrie
assume à des tarifs réguliers et surtarifés -
c'est-à-dire qu'on accepte des gens mais à des tarifs qui
n'excèdent pas cinq fois la prime habituelle - 98 % des gens qui
présentent une réclamation sont assurés, soit à
tarif régulier, soit à surtarif ne dépassant pas cinq fois
la prime habituelle. Tout le reste est considéré comme non
assurable.
M. Gravel: et ça, m. le ministre, c'est plus
particulièrement dans le domaine, je dirais, de l'assurance-vie
individuelle que ça s'applique. j'aimerais, m. le ministre, et pour le
bénéfice de cette commission, vous rappeler rapidement la nature
et les limites du commerce des assurances s'appliquant particulièrement
aux problèmes des assurés en floride. on nous dit: les compagnies
d'assurances veulent faire bien des profits; elles prennent la crème et
laissent le petit lait en arrière. il faut comprendre ce que c'est que
le commerce de l'assurance. on veut offrir des services. évidemment, on
veut en offrir au plus de monde possible et au meilleur prix possible. comment
on fait ça? c'est là que vient la sélection. on veut en
même temps avoir les meilleurs prix et les plus équitables
possible. qu'est-ce qu'on fait? je vais faire peut-être la comparaison
dans le domaine de l'assurance-maison. si on sait qu'il y a des maisons qui
sont en feu, il est évident qu'on les élimine. si on sait qu'il y
a des maisons qui ont des problèmes électriques majeurs, on les
élimine graduellement, puis on raffine nos méthodes de
sélection pour avoir et identifier les plus beaux risques parce qu'on va
avoir la prime la plus basse possible. vous comprenez? ce n'est pas la question
de dire qu'on est des gros capitalistes méchants qui veulent simplement
prendre ci et pas ça.
J'arrive au problème que ça présente pour ceux qui
ne sont pas acceptés. Je pense - et je vous lance une piste parce
qu'elle existe déjà -au domaine de l'assurance automobile. On
sait qu'on a un régime public et obligatoire. On n'a pas le choix, il
faut s'assurer en automobile. Le système des compagnies de
sélection est le même que celui que je viens de vous conter
là. Qu'est-ce qu'on a trouvé, qu'est-ce qu'on a mis en place pour
assurer ces maisons en feu, entre guillemets? On a mis en place un
régime qui est un «pool» de risques tarés,
assumés par l'industrie, partagés dans l'industrie au gré
de nos parts de marché et selon des tarifs qui sont tarés, avec,
évidemment, des plafonds. C'est peut-être un genre de
modèle dont on pourrait s'inspirer pour ces gens âgés
à risques élevés qu'il faudrait protéger pour
toutes sortes de raisons mais qui, dans le système privé actuel,
nous causent problème à telle enseigne qu'on ne veut pas les
prendre ou on n'a pas trouvé, disons, de prix acceptables pour les
prendre. (11 h 30)
M. Côté (Charlesbourg): Je sais que mon temps
avance, peut-être une dernière question, si j'en ai le temps. On
parle, dans les mesures, d'impôt-services. Évidemment, quand on
parle d'impôt-services, c'est de faire appel à un individu pour en
payer une partie. On ne sait pas, c'est 5 %, c'est 10 %, c'est 20 %, c'est 25
%. Mais prenons l'hypothèse où c'est 10 % d'une situation x.
Est-ce qu'il est pensable qu'éventuellement des personnes voulant
s'assurer pour payer cette possibilité d'impôt-services pourraient
trouver preneur de la part des compagnies d'assurances?
M. Millette: Yves Millette. C'est très difficile de
concevoir un programme d'assurance pour ce genre de produit, si on peut
l'appeler ainsi, parce qu'il y a un principe de base dans l'assurance qui est
le principe de l'antisélection. À partir du moment où un
problème est identifiable et où l'individu peut planifier la
surve-nance de l'événement, théoriquement, ce n'est pas
assurable. Dans un cas comme celui-là, où la personne pourrait
encourir le service médical et savoir qu'à la fin de
l'année il va y avoir un impôt à payer, il est très
clair que cette personne va avoir une incitation très grande à
s'assurer. À toutes fins pratiques, ça élimine l'assurance
individuelle.
Il serait toujours possible de concevoir, comme programme
complémentaire en assurance collective, un produit comme
celui-là. Mais, encore là, ça va laisser de
côté toutes les personnes âgées et toutes tes
personnes qui ne sont pas couvertes par des assurances collectives. Donc, oui,
jusqu'à un certain point, on peut penser que c'est assurable, mais c'est
un produit qui est, somme toute, difficilement assurable.
M. Côté (Charlesbourg): pas nécessairement un
beau risque! il s'agît de savoir pour qui. pour les compagnies
d'assurances ou pour l'ind/vidu, le beau risque?
M. Millette: pour l'individu, c'est le risque parfait parce
qu'il peut prévoir le moment où il va avoir à payer et
trouver un produit pour ne pas le payer.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.
M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue M.
Gravel, M. Lemay et M. Millette. M. Gravel, c'est un grand plaisir de vous
retrouver; cinq ans à avoir eu le plaisir de partager vos excellents
talents de gestionnaire à l'Assemblée des gouverneurs de
l'Université du Québec. Vous n'avez pas perdu votre franchise et
la clarté de vos propos. Si l'occasion était donnée, je le
dis à tout le monde, de vérifier les qualités d'historien
de M. Gravel qui sont absolument extraordinaires! Bienvenue!
Votre franchise s'exprime, messieurs, d'abord, quand vous dites: Nous,
on a un intérêt triple là-dedans. Alors, on ne se contera
pas d'histoires entre nous: il est économique, il est social. Votre
document dit: Nous autres, le régime de l'assurance-maladie du
Québec, notre régime étatique de santé et de
services sociaux, on ne crache pas là-dessus, on respecte ça.
J'apprécie les termes que vous employez. Vous dites également:
Nous, on est en «business», on
est en affaires. Alors, on est dans le domaine commercial. Les
possibilités d'élargir le marché, d'élargir notre
marché, de couvrir de nouveaux segments, bien sûr que ça
nous intéresse s'il y a une rentabilité à obtenir. Alors,
ça j'apprécie ce discours, M. Gravel et messieurs. C'est
très clair.
La première question que tout le monde avait envie de vous poser,
c'est clair, c'est celle sur laquelle le ministre est allé. Quand vous
chargez 10 % ou 1 $ pour aller chercher un médicament à la
pharmacie suivant les régimes privés d'assurance que vous avez
pour les individus, est-ce que ça a de l'effet sur la consommation?
J'insiste, s'il vous plaît. Les tableaux que vous nous avez promis, oui,
il nous faut les avoir parce que c'est probablement l'apport le plus important
que vous puissiez nous amener, à ce chapitre là.
Une petite question complémentaire. Vos cartes, ce que j'appelle
les cartes Pharmaxo, vous savez de quoi on parle, est-ce qu'il y a de la fraude
chez vous? Est-ce qu'il y a de la fraude là-dessus? Est-ce que, pour le
médicament que je vais acheter là, vous avez constaté un
taux de fraude, vous autres, en 10 ans? Il y a quelqu'un d'autre qui prend la
carte, il n'y a pas de photo sur votre carte, il n'y a pas de puce dessus
là, il n'y a rien. Vous avez l'air de vivre assez à l'aise avec
ce phénomène-là. Il n'y a pas de statistiques. Mais est-ce
qu'il y a de la fraude avec ça, chez vous? Si oui, comment
contrôlez-vous ça?
M. Gravel: De toute évidence, je vais laisser ça
à mon collègue de gauche qui est à la fois de la compagnie
qui a cette carte-là et qui, en plus, est avocat. Alors, j'ai
hâte, comme compétiteur, de l'écouter, et je vais
l'écouter avec intérêt.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lemay: Effectivement, il , y a des vérifications qui
sont faites au niveau des cartes Pharmaxo. Il y a de la fraude, à
l'occasion, qui se produit là-dedans. L'utilisation de la carte par une
personne non autorisée - j'espère que vous ne donnerez pas trop
de trucs aujourd'hui aux gens pour utiliser ces cartes-là. On
prévoit effectivement toujours un certain pourcentage de surconsommation
parce que c'est une carte qui évite le paiement, alors que, dans le cas
des franchises ordinaires, vous payez le médicament au complet et vous
obtenez un remboursement par-dessus.
Je n'ai pas de chiffres sur les pourcentages qui pourraient être
farts, mais on procède par analyse, par sondage, dans ces cas-là.
On vérifie un certain nombre de médicaments. Aussi, c'est
évident que chaque personne, chaque assuré chez nous a un
dossier. On voit la consommation de médicaments et, par la consommation
régulière ou plus ou moins régulière, on va
s'apercevoir qu'une personne a pris tel médicament, qu'elle en a pris
une dose d'un an sur une période d'un mois ou quelque chose comme
ça. Alors, c'est à ce moment-là que, par le miracle de
l'informatique, ces dossiers-là vont ressortir, qu'on va pousser
l'enquête un peu plus loin et qu'on va aller sur place. Donc, il y a
possibilité autant de la part de l'assuré que du pharmacien
aussi.
M. Trudel: Ça existe comme statistique le niveau, la
grandeur de cette chose? On est toujours en matière d'assurance
privée, évidemment. L'intérêt à faire un tel
geste illégal, entre guillemets, est beaucoup moins grand chez vous
parce que ça se répercute, bien sûr, sur les coûts
s'il y a une grande utilisation incorrecte de la carte. Si vous aviez des
statistiques là-dessus, ce serait très apprécié
parce que, à un autre chapitre, on aura à toucher la question de
l'utilisation, de l'identification pour obtenir des soins, pas uniquement en
termes de médicaments ou de services assurés.
M. Millette: Je peux vous dire qu'il n'existe pas de statistiques
d'industrie à ce niveau-là, pour ce genre d'utilisation
frauduleuse des contrats d'assurance. Donc, il faudra se fier à
l'expérience de chacune des compagnies qui pourraient avoir de telles
statistiques.
M. Gravel: En complément, M. Trudel, la venue d'un
système de paiement direct de réclamations, dans la mesure
où ils approchent de plus en plus l'usager d'un fichier central qui est
mis à jour très fréquemment, réduit ce risque de
fraude. Par exemple, l'employé qui cesse d'être employé,
à partir du moment où il n'est plus sur le fichier des
employés du groupe assuré, et qu'il y a une validation
téléinformatique avec le fichier central au moment de
l'utilisation des soins, réduit ces affaires-là. Ça, c'est
une façon. Je pense que c'est une piste intéressante, et c'est un
service nouveau qu'un groupe d'une demi-douzaine d'assureurs d'ici a mis en
place. Remarquez bien que c'est un régime sophistiqué qui demande
d'être alimenté pas mai pour vivre et être rentable, mais ce
système-là, dans la mesure, encore une fois, où il
rapproche le plus possible la validation et le paiement d'un fichier central
fréquemment mis à date, il réduit les risques de
fraude.
L'autre avantage - je rejoins peut-être la première
question du ministre sur des façons de contrôler les coûts -
c'est qu'en plus d'être sûr qu'on paie pour les bonnes personnes,
en plus des contrôles de profils que je vous mentionnais tantôt,
c'est peut-être de glisser du spécifique vers le
générique. Encore une fois, dans la mesure où cet outil de
paiement, mais aussi de validation, est au point de distribution du soin et que
l'exercice de validation peut se vivre là, des exercices de
contrôle comme ceux-là sont possibles et peuvent réduire
les coûts.
M. Trudel: Le président de la RAMQ doit avoir pris des
notes, là. M. Gravel, le ministre, lui, dans son document, a fait des
choix: les yeux et les dents avant 16 ans, à part l'examen des dents,
zip! Par-dessus, dans le régime. Vous parliez tantôt
d'intérêt triple, de l'intérêt commercial. Je n'ai
pas besoin de vous laisser répondre en vous demandant la question:
Est-ce que ça vous intéresse, les dents et les yeux, pour
l'assurance générale, ce qu'on bifferait selon la proposition
gouvernementale des services assurés?
Par ailleurs, le ministre dans le ministère, le gouvernement dans
ses calculs, dit: S'il nous manque entre 1 000 000 000 $ et 2 000 000 000 $ -
moi je dis entre 3 000 000 000 $ et 5 500 000 000 $ ou, encore, une
troisième façon de dire les choses, si on veut conserver à
peu près les mêmes services, en 1996-1997, ça va nous
coûter 145 $ de plus par personne. On s'entend? Si on continue et qu'on
garde les mêmes choses, on a 145 $ d'impôt de plus par personne au
Québec pour avoir les mêmes services, y compris, bien sûr,
optométrie, les yeux et les dents qu'on conserve, en bas de 16 ans.
Pour une famille de quatre personnes, c'est bien 580 $. Est-ce que vous
pensez que, comme entreprise commerciale, vous seriez capables, vous, à
terme, d'assurer les yeux et les dents pour 580 $ par année, par
famille, au Québec, en termes de coûts pour couvrir à peu
près ce que nous avons comme couverture actuelle? Seriez-vous capables,
vous pensez, de faire ça à 580 $ par année? M. Gravel, je
sais bien que vous n'avez pas la machine actuarielle avec vous, mais vous
savez, vous avez un aperçu de la capacité ou pas d'assurer tout
ce monde-là dans une "bracket", dans une fourchette quelque part.
Pensez-vous, de façon réaliste, que vous pourriez faire
ça?
M. Gravel: Votre question, je l'admets, elle n'est pas facile. Je
vais vous donner des éléments de réponse. Les autres,
peut-être, pourraient suivre plus tard. De le faire à ce montant
précis, il est bien évident, aujourd'hui, que je ne peux pas vous
répondre là-dessus. Par contre, de façon plus
générale, on a la prétention, dans le secteur
privé, de croire que, toutes autres choses étant égales,
on peut faire les choses à moindre coût. Il faut réaliser
qu'on n'a pas nécessairement toutes les contraintes que vous nous avez
énumérées avec... J'ai trouvé, en passant, la
démonstration assez évidente du dollar qui passe par neuf portes.
J'ai même été surpris qu'il en reste autant au bout du
chemin personnellement...
M. Trudel: ...pas payés pour le dépenser.
M. Gravel: Mais 585 $, sur le chiffre précis, je ne peux
pas répondre si ce n'est, en principe, de vous dire qu'on croit pouvoir
faire un meil- leur travail de façon, disons, plus économique.
L'autre chose, c'est qu'il y a des mécanismes de contrôle qui sont
plus accessibles, qui sont plus ouverts, je dirais, moi, à un assureur
privé qu'un assureur public de par les attentes que la population peut
avoir devant l'un et l'autre.
Deuxièmement, est-ce qu'on est intéressés, de
façon générale, à cette ouverture-là? Comme
un ancien premier ministre, ici, l'avait dit: Oui. D'autant plus qu'on aurait
l'impression de récupérer notre butin, de dire: Ce serait tout
simplement de revenir et de reprivatiser une partie des soins qui, à un
moment donné, nous ont été enlevés dans l'euphorie
de la vague sociale du tournant des années soixante, soixante-dix
où on pensait qu'on avait les moyens et qu'on allait les avoir pour de
bon. Là, on ne les a plus pour de bon. Alors, oui, on est
présents, oui, on est intéressés. Maintenant, notre
intérêt est limité par notre façon de faire. On est
des assureurs et je pense que la façon privilégiée, pour
nous, de le faire, ça va être par des formules collectives. Donc,
vous pouvez tout de suite identifier des blocs de population qui seront
délaissés, non pas qu'on veuille les délaisser, mais on
est prisonniers de nos formules de financement, de nos formules de
sélection de risques. Là, il faudra peut-être se rasseoir
ensemble parce qu'on répond encore présent pour ces
blocs-là, mais pour innover et trouver des formules qui soient encore
plus globales que collectives.
M. Trudel: M. Gravel, vous nous amenez sur une piste
extrêmement intéressante.
M. Millette: Je pourrais ajouter à ça.
M. Trudel: Je m'excuse, M. Millette. (11 h 45)
M. Millette: Je pourrais ajouter, comme M. Gravel vient de le
dire, que notre moyen d'approcher de tels produits serait par l'assurance
collective. Donc, ça suppose, premièrement, comme M. Gravel le
disait, qu'on vise des clientèles - il y a à peu près 50 %
des Québécois qui sont couverts par des assurances collectives
à l'heure actuelle. Deuxièmement, l'assurance collective
étant ce qu'elle est, le coût en serait partagé entre
l'employé et l'employeur. Donc, il aurait un effet sur la
rémunération globale des employés au Québec.
Ça ferait partie des avantages sociaux. Donc, jusqu'à un certain
point, ça limite le coût pour chacun des individus, mais,
socialement, le coût serait répercuté au niveau des
employeurs et au niveau des avantages sociaux.
M. Trudel: Ça nous amène sur des
considération macro-économiques. M. Gravel, vous dites: Un jour,
on avait comme pensé que, dans notre élan du social, on pourrait
tout se payer ça. Aujourd'hui, on serait comme dans la situa-
tion où on ne pourrait plus se payer ça. Il faut donc
avoir des vues, des façons différentes de faire tes choses, y
compris - moi, je dis oui, dans certains secteurs, et je ne porte pas de
jugement final là-dessus - par exemple, dans le secteur privé, de
rapatrier, comme vous l'avez dit, sur la capacité que vous avez de faire
les choses. Ce que je constate cependant, M. Gravel, c'est qu'aux
États-Unis, c'est bien comme ça que ça fonctionne et
ça coûte plus cher. Les dépenses totales de santé,
aux États-Unis sont pas mal plus chères que ce que ça nous
coûte au Canada et au Québec.
Je pense qu'il faut être assez prudent dans ce jugement, de dire:
Un jour, on pensait que, socialement, on pourrait faire le «trip»
jusqu'au bout de tout se payer et, en 1992, on n'a plus les moyens de se payer
ça, il faudrait, entre guillemets, privatiser un certain nombre de ces
services. En passant, en toute honnêteté, je fais le coup de
chapeau pour le document du ministère, il y a des choses qui sont
fausses, pas correctes, mais 99 % sont correctes. C'est un bon tableau,
ça, à la page 115 du document. Compte tenu du temps qu'on vous a
laissé, messieurs, je ne vous culpabilise pas de ne pas avoir vu cet
aspect-là, mais ça coûte 2,1 % de plus du produit
intérieur brut, aux États-Unis, pour les soins de santé
et, comme vient de le dire M. Millette, et comme vous le disiez aussi: il y a
30 000 000 qu'on laisse sur le carreau.
M. Côté (Charlesbourg): Minimum. On parle davantage
de 50 000 000 à 60 000 000.
M. Trudel: 50 000 000 à 60 000 000 qu'on laisse sur le
carreau. Quand on dit que, socialement, on ne peut plus se payer ces
dépenses, est-ce que ce n'est pas une déclaration, M. Gravel et
messieurs, qu'il faut moduler beaucoup?
M. Gravel: Là, on est rendu dans la macro et vous
comprendrez que j'exprime des vues plus personnelles que celles de l'ACCAP. Je
suis rendu au bout de mon texte pour répondre à cette
question.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gravel: Je pense que - je rejoins en même temps, je
pense, la position de l'ACCAP dans une bonne mesure - notre prétention,
en venant ici, n'est pas de vous dire qu'on devrait, comme l'industrie
américaine, se substituer au secteur public. Il y a un mot important, et
je regarde dans la troisième partie de notre mémoire, on parle
d'un partenariat à développer. Je pense qu'on a un modèle
socio-économique, ici au Canada ou au Québec, qui n'est pas le
modèle américain. On n'est pas venus vous dire ici, même
s'il y a de nos compagnies membres qui ont plus d'affaires aux
États-Unis, dans certains cas. qu'au Canada, qu'on devrait emprunter,
encore moins emprunter intégralement le modèle américain.
On est ici et il s'agit d'évoluer avec ce qu'on a. Ce qu'on vous dit,
tout simplement, premièrement, c'est qu'on est intéressés
à travailler avec vous. Deuxièmement, c'est qu'on a la conviction
profonde que, dans certains secteurs - pas dans tous, dans certains secteurs
-on peut explorer des pistes où, ensemble, on pourra faire mieux avec
moins, l'un et l'autre, ou au moins l'un des deux. C'est tout simplement
ça.
M. Trudel: II faut apprécier cette offre aussi parce que,
compte tenu de ce qu'on a dit au départ, inutile de se le cacher, on
peut se serrer la ceinture, on peut partager un certain nombre de risques,
mais, si ça ne change pas le comportement du fédéral,
c'est fini, l'universalité, la gratuité et
l'accessibilité. On ne peut plus payer éternellement à
deux places; ça ne se peut pas. Il y a une capacité limite de
payer. On va avoir besoin de votre collaboration là-dessus, c'est
évident.
J'ajouterai comme commentaire et pour compléter les questions:
Vous n'avez pas pu répondre, et je comprends, compte tenu de la
spécificité des chiffres, à la question du ministre. Si on
vous demandait d'assurer, grosso modo, nos Québécois en Floride,
la question du ministre, ce serait: Est-ce que ça pourrait être
une prime raisonnable? Si, dans les prochains jours, vous pouviez, au niveau de
l'Association canadienne, nous donner une... Je sais bien que c'est difficile,
on ne monte pas un dossier comme ça en deux heures. Mais ça,
c'est très important parce que c'est 25 000 000 $ qu'on paie à
nos concitoyens et concitoyennes québécois et
québécoises qui sont en Floride. Il faut regarder ce
phénomène-là. Vous pourriez probablement nous aider dans
ce secteur-là, tout en garantissant à ces personnes qu'on va les
couvrir. Alors, la question du ministre était, et je la fais mienne: Si
nous avions à couvrir cette partie de la population, pourrions-nous en
arriver à une prime d'assurance raisonnable? Il faut avoir un chiffre
quelque part.
La deuxième question, c'était pour les yeux et les dents,
ce que le ministre veut désassurer, ce que le gouvernement veut sortir
du régime. Quand vous prendriez ça, vous autres, combien
feriez-vous ça par famille, au Québec? Si vous le pouvez... Je
sais que c'est compliqué, mais nous apprécierions beaucoup.
Le temps file, messieurs. Il y a une autre petite dimension qui
m'intéresse: les compagnies d'assurances, comme utilisateurs du
régime. Dans la gestion des risques, il y a une pratique fondamentale
chez vous qu'il faut comprendre essentiellement, c'est qu'avant d'assurer
quelqu'un... Vous dites à M. Côté: Voulez-vous aller
à l'hôpital passer un examen médical, s'il vous
plaît, pour que je puisse vous assurer. Je ne suis pas sûr, avec ce
que vous faites là, que vous êtes un bon risque pour moi. Pour
moi,
vous êtes un mauvais risque. On l'envoie à l'hôpital.
Qui paie ça? Qui paie l'examen médical? En général,
vous envoyez votre monde - soit à l'entrée, soit
régulièrement - à l'hôpital passer la batterie de
tests. Qui paie ça, en général?
M. Lemay: Moi, je peux répondre, certainement. Pour les
tests sanguins, par exemple, les paramédicaux qu'on appelle - c'est la
majorité des examens qu'on fait subir aux assurés en
assurance-vie - tes paramédicaux sont défrayés
entièrement par les compagnies d'assurances. C'est du personnel
rémunéré par les compagnies d'assurances qui vont le
faire, soit des infirmières, soit des cliniques médicales. C'est
la même chose pour les tests sanguins qu'on fait passer, par exemple,
pour le dépistage de certaines maladies, dont le sida et des choses
comme ça. Ce sont des tests qui sont payés par les compagnies
d'assurances.
Le Président (M. Joly): M. Millette.
M. Millette: Oui, Yves Millette. La visite médicale
également, officiellement, est aux frais de l'assuré et non pas
aux frais de la Régie de l'assurance-maladie. C'est, en principe,
quelque chose qui n'est pas couvert par la Régie de
l'assurance-maladie.
M. Trudel: Mais pas l'acte médical, l'acte médical
lui-même lorsque nécessaire. On ne parle pas des analyses.
Des voix: Non non.
M. Millette: Je parle de l'examen médical pour fins
d'assurance.
M. Gravel: Je pense que, là-dedans, M. Trudel, ce qui fait
foi de tout, c'est la finalité du service rendu moins que sa nature.
Dans la mesure où l'examen médical est demandé par une
compagnie d'assurance-vie pour fins d'examen d'admission, etc., on le dirige,
de toute façon, à nos réseaux de médecins
spécialisés et surtout, je dirais, disponibles pour les examens
médicaux. Que l'on s'appuie, ensuite, dans nos études de dossier
sur des examens, sur le dossier médical de quelqu'un, ça, c'est
une autre chose. Mais, fondamentalement, c'est la finalité qui
établit le payeur.
M. Trudel: Bien sûr que ce n'est probablement pas des
chiffres que vous avez par-devers vous aujourd'hui, mais il serait à
tout le moins intéressant de comparer votre coût de revient avec
les mêmes gestes, comme coût de revient, dans le système de
santé et de services sociaux. Est-ce que vous avez l'impression que
ça vous coûte moins cher quand vous faites ces examens pour vos
finalités à vous, en termes d'examen médical? Est-ce que
vous avez l'impression que ça vous revient pas mal moins cher que dans
le système de santé et de services sociaux? Il y aurait
peut-être quelque chose à scruter là. Je vais vous laisser
la question parce qu'on ne peut pas avoir une réponse aussi
précise à une question aussi précise en commission
parlementaire, mais il serait intéressant pour nous de regarder
ça parce que, quand on cherche des rationalisations, quand on cherche
à voir ce qui se passe dans notre système, ça peut aussi
être un élément qui est à questionner. je
terminerai, messieurs, en posant une question sur tout le
phénomène de ce que vous appelez, dans votre mémoire, de
l'antisélection, la gestion des risques, les bons cas et les mauvais
cas. je reviens toujours sur yeux et dents, lunettes et denturologie. est-ce
que vous avez l'impression que vous pourriez assurer toute la clientèle
qui est actuellement couverte par le régime universel? est-ce que vous
pensez que, théoriquement, d'après vos méthodes, c'est
possible? parce qu'il reste peu de temps, je joins une deuxième
question: est-ce qu'avec vos assurés, une fois qu'ils sont
assurés, vous faites de la gestion des risques ou de la
prévention, comme compagnie privée? est-ce que vous faites
ça, vous autres, pour diminuer, évidemment, je comprends, au
niveau commercial... est-ce que vous en faites de la gestion des risques et de
la prévention au niveau de vos assurés?
M. Gravel: La réponse, c'est: Oui, dans certains secteurs.
On est là-dedans, essentiellement animés par des
considérations économiques. Donc, où et quand va-t-on
faire de la prévention? On va le faire dans le domaine de
l'invalidité puisque les enjeux sont importants. Il y aura là des
suivis beaucoup plus serrés. Il y aura là des programmes de
réhabilitation, plus de réhabilitation, disons, que de
prévention, je dois vous l'admettre. Il y aura des travaux de
réinsertion qui seront faits. Quant à la prévention, je
dirais que notre présence est beaucoup plus limitée. C'est plus
une présence peut-être institutionnelle ou corporative qui va
exister. Quant à l'autre... Vous parlez de soins optiques, de soins
dentaires et je mettrais dans le même bloc les soins en Floride.
J'aimerais, puisqu'on vous laisse très bientôt, qu'on ne
vous laisse pas et qu'on ne laisse pas la population sous l'impression qu'on
n'est pas là et qu'on n'est pas présent. Au contraire, c'est par
centaines de milliers, je suis convaincu, que nous assurons les
Québécois qui vont en Floride. Mais on le fait comment? On le
fait essentiellement sous deux angles, par des régimes collectifs qui
prévoient qu'en plus des soins, ici au Québec, il y a les soins
hors Canada, et pour des limites fort importantes. On répond
«présent» et on assure ces gens-là. On le fait aussi
sous base individuelle où les gens, au moment du départ, ou un
peu avant, à l'occasion de l'achat du voyage et tout ça, vont
souscrire
une police individuelle. Donc, nous répondons
«présents»...
Nous avons nos limites. Parce qu'on est à la fois prisonniers et
fidèles de nos façons de faire, il nous échappe des gens
qui, pour une raison ou l'autre, on l'a vu, rassortent du bloc collectif, ne
veulent pas payer, n'ont pas les moyens de payer ou ne sont pas assurables. Ces
gens-là nous échappent et c'est là où - je
résume et répète -on aura à s'asseoir, si ça
vous intéresse, pour trouver des formules conjointes probablement.
M. Trudel: je conclus, puisque mon temps est
écoulé, en vous remerciant. oui, nous allons, sans l'ombre d'un
doute, avoir besoin de votre collaboration. sauf erreur, vous êtes le
seul groupe du monde de l'entreprise privée qui avez, à toutes
fins utiles, accepté de relever le défi de venir nous rencontrer.
à cet égard, pour des entreprises privées d'assurances, de
venir en public, en commission parlementaire, c'est parce que vous êtes
fiers de votre industrie, de vos entreprises et que votre gestion - on s'en
aperçoit par vos réponses - est transparente. nous aurons besoin
de votre collaboration, le défi est immense. je n'ai malheureusement, m.
gravel, pas eu le temps de vous parler assez de politique en disant: la plus
grosse prime qu'on paie, c'est au fédéral et, eux autres,
n'assurent pas le risque pantoute. mais ça, on tiendra ce
discours-là ailleurs, m. gravel. merci beaucoup, messieurs, de vos
considérations, c'est très apprécié. merci.
Le Président (M. Joly): Merci. Avant de vous
libérer, j'aimerais, moi aussi - je pense que je vais me
prévaloir de mon droit de parlementaire - poser une question, toujours
en regard avec l'assurance-voyage à l'extérieur. J'imagine que
vous allez soumettre des chiffres éventuellement sur les questions qui
ont été posées et que, malheureusement - je comprends le
fait que vous n'avez pas pu avoir ces chiffres-là avec vous, ces
données. Quelle est la prime collectée pour les services
exigés, en fait, pour la couverture donnée? Quel est, toutes
proportions gardées, le montant de réclamations honorées?
Donc, dans le fond, ce que je veux faire refléter, c'est quel est le
pourcentage de profit pour les compagnies d'assurances qui assurent à
l'étranger? Ça, je pense que c'est important qu'on puisse le
savoir. Aussi, l'autre avenue que j'aimerais toucher, c'est... Vous avez
mentionné que, via le véhicule de l'assurance collective, on
serait sans doute en mesure de couvrir une partie, disons, des
problèmes, mais on sait que ce n'est pas tout le monde qui est
actuellement couvert en vertu de l'assurance collective. Si ce n'est pas le
cas, il faut se poser la question: Pourquoi les autres employeurs ne se servent
pas de ce véhicule qui, souvent, est un véhicule de retention
pour leur employé etc.? L'expérience que je vis dans le champ,
comme on appelle ça dans le domaine de l'assurance, c'est que ce n'est
pas accessible à tous les employeurs que d'être éligibles
à un programme d'assurance collective potable, valable, avec un
coût abordable. Vous avez un petit employeur de quatre versus une
nationale ou une multinationale de 200, de 500 ou «whatever».
Partant de là, on ne parle pas de mêmes bénéfices et
on ne parle pas de mêmes coûts. Alors, je trouve ça un petit
peu difficile d'imaginer un scénario de finalité où le
véhicule de l'assurance collective... à moins de redessiner un
produit tout à fait différent pour favoriser le petit industriel
de quatre employés versus le gros. Alors, j'aimerais peut-être
vous entendre parler sur ça.
M. Gravel: Peut-être que je vous répondrais, M. le
Président, que j'aimerais mieux vous écrire que vous parler
là-dessus puisque ça présupposerait qu'on pourrait avoir
des choses mieux supportées, plus étoffées. Mais on va le
regarder, il est clair que les réponses vont varier selon que les
produits sont distribués sur base individuelle et collective. Les
coûts varient sûrement selon les deux formules, les marges
bénéficiaires aussi. Remarquez bien que vous vous interrogez, et
à juste titre, d'ailleurs, parce qu'on est plus sous l'aile sociale ici
sur les marges bénéficiaires. Si c'était une autre
commission parlementaire sur les finances, peut-être qu'on
déplorerait que les marges bénéficiaires ne sont pas assez
élevées et que, si elles Tétaient plus, on
s'éviterait des problèmes. En tout cas, on a, comme
gestionnaires, à faire face aux pressions venant des deux
côtés, et on vous fournira les statistiques qu'on peut avoir
là-dessus.
Le Président (M. Joly): J'aimerais aussi que vous
touchiez, dans votre réponse écrite, j'imagine, le volet de
l'assurance collective comme véhicule potentiel pour aider à
régler la problématique qu'on a soulevée.
M. Millette: Je pourrais ajouter à ça que, dans
l'assurance collective, le coût de l'assuran-ce-voyage est marginal. Vous
allez comprendre que les gens qui sont dans l'assurance collective sont des
gens qui sont effectivement au travail, qui ont deux semaines de vacances par
année, qui vont à l'extérieur et qui reviennent. Donc, le
coût des réclamations pour les personnes activement au travail,
à moins que ce soit un accident ou vraiment une invalidité
subite, ce n'est pas là que les coûts sont. C'est dans l'assurance
individuelle, pour les personnes âgées qui sont là pendant
de longues périodes, et qui ont des conditions préexistantes au
moment du départ. C'est là qu'est le problème et non pas
en assurance collective.
Le Président (M. Joly): Vous touchez à
l'accessibilité aussi parce que ce ne l'est pas
actuellement. ce n'est pas tous les employeurs qui peuvent
bénéficier de tels produits parce qu'ils se disqualifient,
justement, parce que le nombre d'employés ne les amène pas
à trouver du marché, si vous voulez.
M. Millette: Oui. Ces dernières années, il faut
dire toutefois que l'industrie a fait beaucoup d'efforts pour rejoindre ce
qu'on appelle les petits groupes, les groupes de 4 à 25 assurés.
L'industrie a fait beaucoup d'efforts même en faisant du
«pooling» au niveau de certaines entreprises comme, par exemple,
les détaillants d'essence ou d'autres types de profession où,
traditionnellement, ces gens-là sont de petits employeurs. Mais, par le
«pooling», on peut regrouper des industries qui regroupent de 4
à 25 employés.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux vous remercier en
attendant les documents avec beaucoup d'intérêt. Vous aurez
compris que mon point d'intérêt est très certainement les
centaines de milliers de personnes qui sont en Floride; au plan de notre
intérêt, c'est un dossier assez important. Merci beaucoup.
M. Millette: Merci beaucoup.
Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de la
commission, je tiens à vous remercier. Si vous voulez adresser vos
documents à la commission, nous verrons à les transmettre
à tous les membres, à tous les intéressés. Merci.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures, dans cette même
salle.
(Suspension de la séance à 12 h 5)
(Reprise à 14 h 15)
Le Président (M. Joly): La commission reprend ses travaux.
Je remarque que les gens représentant l'Association des centres
d'accueil du Québec se sont déjà avancés. Je
demanderais à la personne désignée comme porte-parole de
bien vouloir s'identifier et aussi identifier les gens qui l'accompagnent, s'il
vous plaît. Et comme j'ai la vue bloquée par les
différentes caméras, à chaque fois qu'un des
intéressés interviendra, j'apprécierais s'il pouvait
s'identifier pour fins d'enregistrement. S'il vous plaît.
Association des centres d'accueil du
Québec
M. Dolan (Mario): Mon nom est Mario Dolan. Je suis le
président de l'Association des centres d'accueil du Québec. Je
suis accompagné ici, à la table, de M. Jacques Hould,
président de la Commission des centres d'accueil d'hébergement;
de M. Gaston Robert, président de la Commission des centres de
réadaptation pour jeunes en difficulté d'adaptation; de Me Michel
Clair, directeur général de notre Association; et j'ai une
arrière-garde, parce qu'on n'avait pas assez de place ici, en avant,
avec M. Gilles Proulx, président de la Commission des centres de
réadaptation pour personnes ayant une déficience intellectuelle;
M. Jean-Pierre Blais, président de la Commission des centres de
réadaptation pour personnes ayant une déficience physique; et Mme
Louise Bibeau, présidente de la Commission des centres de
réadaptation pour mères en difficulté d'adaptation.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vous rappelle que vous
avez environ 30 minutes pour exposer votre mémoire. Et, par
après, la balance du temps sera impartie aux deux formations pour
échanger sur le mémoire. Alors, M. Doian, à vous la
parole.
M. Dolan: Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et
MM. les députés, je voudrais, dans le court laps de temps qui
nous est alloué, prendre quelques minutes pour vous remercier d'avoir
invité l'Association des centres d'accueil du Québec à
vous présenter ses réflexions sur cette épineuse question
du financement des services de santé et des services sociaux. Le
ministre nous a déjà expliqué que le dossier du
financement est le deuxième volet du triptyque de sa réforme dans
le secteur de la santé et des services sociaux.
Permettez-moi de me présenter. Quant à moi, mon statut
dans le réseau est celui d'un représentant d'une corporation sur
le conseil d'administration d'un centre de réadaptation en
déficience intellectuelle. Je suis au conseil d'administration de
l'Association depuis cinq ans et j'occupe le poste de président de cette
association depuis trois ans. Dans la vraie vie, je suis notaire à
Montmagny, donc, le citoyen décideur identifié par la
réforme. J'ai le privilège de représenter devant vous
aujourd'hui une association qui existe depuis 1974 et qui regroupe un
réseau de 340 centres d'accueil d'hébergement et de
réadaptation. Nos centres donnent des services surtout identifiés
comme étant des services sociaux, mais il faut savoir que nous
dispensons aussi des services de santé. Nos services, dis-je, nous les
offrons à des personnes considérées comme les plus
vulnérables de notre société. Ce sont des mères en
difficulté d'adaptation, des personnes alcooliques et toxicomanes, des
personnes ayant une déficience physique, des jeunes en difficulté
d'adaptation, des personnes présentant une déficience
intellectuelle et, enfin, des personnes âgées en perte
d'autonomie.
Notre Association fonctionne au moyen de deux structures: les conseils
régionaux de centres d'accueil et les commissions d'établissement
qui
regroupent nos centres selon leur mission respective. J'ai eu le
plaisir, un peu plus tôt, de vous présenter les présidents
de quelques-unes de ces commissions ainsi que Me Clair qui est le directeur
général de notre Association et qui vous exposera un peu plus
tard le contenu de notre mémoire. Je vous rappelle que nous serons
évidemment tous disponibles pour échanger avec vous par la
suite.
Auparavant, je voudrais me faire le porte-parole des membres des
conseils d'administration de ces 340 centres que nous représentons pour
vous dire que ce débat qui commence aujourd'hui sur le financement du
réseau doit faire place à une compréhension des besoins
des clients que nous desservons. Leur vulnérabilité nous oblige
à vous parier d'abord de leurs besoins criants.
Si nous avons opté pour une réforme axée sur le
citoyen, il faut maintenant nous donner un financement axé sur les
besoins de ce citoyen qui vieillit et qui rencontre des problèmes
sociaux de plus en plus importants. Ce citoyen hébergé dans nos
centres d'accueil d'hébergement a, en moyenne, 83 ans. Le toxicomane, la
mère ou le jeune en difficulté, le citoyen déficient
intellectuel ou le citoyen handicapé physique ne sont pas du genre
à construire des lobbies influents qui renverseraient des
décisions gouvernementales en leur faveur. Toutes ces personnes que nous
desservons et aidons sont discrètes, j'oserais dire effacées.
Nous savons que cette commission parlementaire n'est pas l'endroit non
plus pour remettre une liste d'épicerie et attendre béatement que
quelqu'un remplisse notre chariot. Nous avons compris que l'épicier a de
sérieux problèmes à la source. C'est pourquoi,
aujourd'hui, nous croyons que la dynamique doit changer. Mais, tout en
réglant son problème de finances publiques, nous pensons que
l'État doit régler aussi le problème de ces personnes qui
demandent des services aux centres d'accueil. Voilà l'esprit qui nous
guide. je vous rappelle maintenant quelques-uns des grands besoins prioritaires
de ces personnes à qui nous donnons des services. des personnes
âgées en perte d'autonomie et hébergées vivent dans
des établissements que le ministère et les intervenants
désirent être des milieux de vie en même temps que des
établissements bien équipés, mais on est souvent loin de
cette réalité. le taux de satisfaction des besoins en soins
infirmiers et d'assistance atteint une moyenne d'à peine 74 %.
imaginez-vous maintenant à quel pourcentage s'élèvent le
taux de satisfaction de leurs besoins psychosociaux, socioculturels et
même le taux de satisfaction vis-à-vis des services de
réadaptation que sont la physiothérapie et
l'ergothérapie.
Un pourcentage élevé de 70 % des bâtiments que nous
utilisons ont été construits avant 1980, alors que les
critères d'admission étaient l'autonomie des personnes admises.
Aujourd'hui, notre clientèle a - comme je vous l'ai dit - 83 ans et
souffre de déficits cognitifs sévères à plus de 30
%. Ces bâtiments sont trop souvent inadéquats. Comment faire vivre
cette notion de milieu de vie avec autant de contraintes bêtement
physiques?
La réforme mise sur des centres d'hébergement qui doivent
avoir une mission dans la communauté auprès des personnes
âgées avant leur hébergement. Mais, encore là, la
situation est difficile. Le ministère finance une centaine de places en
hébergement temporaire alors que notre réseau en supporte 200
à bout de bras et qu'il en faudrait au moins 500. De plus, il manque -
et tout le monde le sait - une cinquantaine de centres de jour et ceux qui
existent fonctionnent avec un budget fort contraignant.
Cela fait près de 10 ans que le ministère de la
Santé et des Services sociaux a déclaré sa volonté
de rendre accessibles les services d'adaptation et de réadaptation aux
personnes ayant une déficience motrice et sensorielle dans les
différentes régions du Québec. Cette orientation
réitérée une fois de plus avec la réforme n'est pas
appliquée. Ainsi, en déficience auditive, quatre régions
ne disposent d'aucun service spécialisé d'adaptation et de
réadaptation et quatre autres régions n'ont que des services
embryonnaires. Ce sont 80 000 Québécois et
Québécoises qui n'ont aucun service de réadaptation dans
leur région et 55 000 personnes y ont un accès très
limité. En déficience visuelle, la situation est aussi peu
reluisante.
Il y a un manque chronique de places dans la plupart des régions
concernant la réadaptation fonctionnelle. Dans le double but de
satisfaire l'autonomie des personnes handicapées physiquement et
d'éviter le recours à des structures d'accueil plus lourdes, il
faudrait développer les services d'assistance personnelle à
domicile et les services de répit-dépannage aux familles avant
que celles-ci ne s'épuisent.
L'objectif de désinstitutionnaliser 50 % de la clientèle
des personnes ayant une déficience intellectuelle a été
atteint avec, de surcroît, le bénéfice qu'à court
terme le centre de réadaptation peut desservir plus de monde avec les
mêmes ressources financières, tout en leur offrant une meilleure
qualité de vie. Cependant, les dernières données indiquent
que 1060 personnes sont en attente de services de maintien à domicile
dans la seule région de Montréal et 579 en attente de services de
répit.
Au niveau des programmes d'intégration socioprofessionnelle, nous
avons une liste d'attente d'au moins 2300 personnes. Les personnes alcooliques
et toxicomanes sont, vous le savez, surreprésentées dans les
salles d'urgence, les situations de placement d'enfants et dans les cas de
violence conjugale, ainsi que dans les hôpitaux psychiatriques. Ces
personnes représentent, croyez-le ou non, 10 % de la population totale
du Québec et, plus souvent qu'autrement, présen-
tent une intensité de problèmes complexes et graves. Il
faut prendre le temps de former des intervenants de première ligne pour
que l'on cible ces personnes et que l'on intervienne auprès d'elles et
de leur entourage le plus rapidement possible, car l'on sait que ces cas ne
vont qu'en s'aggravant. Les services de nos centres sont absents encore une
fois dans plusieurs régions du Québec. Tout retard dans ce
domaine aura un prix social et financier fort élevé.
Les jeunes aux prises avec des difficultés graves se comptent par
dizaines de milliers au Québec. Ces jeunes, comme l'affirment les
rapports qui se succèdent pour étudier leurs problèmes,
décrivent l'aggravation de leur situation personnelle et exigent des
interventions majeures, notamment en prévention. Le plus tôt sera
le mieux, disent-ils. Nous sommes d'accord avec le diagnostic, mais encore
faut-il en avoir les moyens. Nous ne les avons manifestement pas dans nos
centres d'accueil.
Quant à notre réseau de centres pour mères en
difficulté, il est restreint à peine à quatre centres dans
toute fa province de Québec et leurs services sont
sous-développés de façon évidente. Ces mères
ne sont plus la jeune fille qui fuit la ville natale pour venir accoucher en
cachette dans la grande ville; non, ce sont des mères mineures ou
majeures qui ne sont pas en mesure d'assumer la venue d'un enfant et qui ont
des problèmes économiques, psychologiques et parfois
psychiatriques. Elles sont démunies, pauvres, peu scolarisées et
souventefois, malheureusement, abusées. Elles ont besoin d'être
aidées comme femme, comme mère et comme adulte.
Avant de discuter des solutions au financement de notre système
de santé et de services sociaux, je tenais, M. le Président,
à vous décrire les difficultés de notre réseau de
services, et surtout celles des personnes que nous desservons et qui doivent
être au centre des décisions que vous vous apprêtez à
prendre concernant le financement des services de santé et des services
sociaux au Québec. Après une réforme axée sur les
citoyens, nous espérons un financement axé sur les vrais besoins
des personnes les plus vulnérables de notre société.
Permettez-moi maintenant de passer la parole à Me Michel Clair,
directeur général de notre Association, qui poursuivra en
résumant le mémoire qui vous a été
présenté. Merci de votre attention.
Le Président (M. Joly): M. Clair.
M. Clair (Michel): Merci, M. le Président. M. le ministre,
Mmes et MM. les députés, notre organisation est essentiellement
une organisation de services aux établissements membres et, en ce sens,
ça ne surprendra sûrement pas le ministre, non plus que les
porte-parole de l'Opposition, que le plus clair de nos énergies soit
justement consacré à supporter ces établissements membres
plutôt qu'à approfondir l'analyse de la dynamique
financière du système de santé et de services sociaux, de
même que celle du gouvernement. Ça ne vous surprendra pas non plus
que, comme représentant des centres d'accueil qui sont probablement, sur
le plan des structures, les plus concernées par la réforme, on a
consacré beaucoup d'énergie là-dessus au cours des
derniers mois.
C'est donc un mémoire qui comporte beaucoup plus des commentaires
que des recettes miracles, pour reprendre l'expression du ministre. On n'a
surtout pas la prétention d'avoir des recettes miracles, mais on a
analysé, regardé, considéré le document
gouvernemental à partir du point de vue de ceux que nous
représentons et également des clientèles qui sont
desservies par nos établissements membres.
L'Association des centres d'accueil n'a donc pas de position historique,
entre guillemets, sur les enjeux soulevés par le document
gouvernemental, si ce n'est que, dès 1985, cependant, lors de la toute
première intervention de l'Association devant la commission Rochon,
à l'époque, les porte-parole avaient fait valoir qu'il fallait
peut-être d'abord déterminer les objectifs sociosanitaires,
ensuite, entreprendre, sur le plan des structures, un redéploiement des
ressources en fonction de ces priorités et, finalement, s'assurer d'un
financement adéquat.
Notre opinion sur le document, de façon générale,
est à l'effet qu'il s'agit d'un effort tout à fait louable de
transparence, bien étoffé, assez humble et transparent sur le
plan des comparaisons et des prévisions et, également, qui
s'inscrit au sens des préoccupations pour les générations
futures qui devraient certainement tous nous animer.
Néanmoins, ce document comporte, à notre avis, des erreurs
ou des limites sérieuses, ce qui nous amène à faire un
certain nombre de commentaires, chapitre par chapitre, en vue de faciliter la
compréhension de notre position. Abordons donc immédiatement le
chapitre I, qui traite des problématiques et des questions majeures, et
sa section 1 où il est question de la détermination des
dépenses globales, en signalant au passage que cette section porte,
dit-on, sur les services de santé. Aucune description, en tout cas qu'on
a pu voir au document, ne vient préciser exactement ce qu'on entend par
des dépenses de santé. On en a compris que c'étaient
principalement les dépenses relevant du recouvrement de la santé,
de ce qu'on pouvait lire à la page 7 du document où on disait:
«Notons d'abord qu'il n'existe pas de base de données
homogènes permettant d'effectuer des comparaisons valables sur les
services sociaux; aussi les comparaisons qui suivent portent sur les services
de santé qui représentent la majeure partie des dépenses
du ministère.»
Sans doute que cette section présente toute une série
d'analyses, de comparaisons pertinentes dont on n'est pas en mesure de
contester la validité, mais il nous semble cependant que, aux pages 21
à 23 principalement du document, on extensionne les conclusions - et je
cite le document: «sur le plan de la détermination des ressources
globales consacrées aux services sociaux et de santé, le
ministère constate qu'indépendamment des questions d'allocation
et d'utilisation les ressources financières disponibles per capita ont
atteint des niveaux qui sont relativement comparables à ceux des autres
provinces et des autres pays industrialisés, compte tenu de
l'état de développement et de la situation au
Québec.» (14 h 30)
Sauf la remarque préliminaire, à l'effet que les
comparaisons portaient sur les dépenses de santé, il nous semble
que d'extensionner ainsi la conclusion au niveau des services sociaux, des
services de l'adaptation sociale, c'est peut-être aller plus loin que ce
que l'analyse permet de dire véritablement. Quant à nous, on
pense que ça vaut pour les dépenses de santé, si on a bien
compris, et qu'il faudrait d'autres analyses du côté social, ce
à quoi nous sommes disposés à collaborer.
Un deuxième commentaire concernant ce chapitre porte sur le taux
d'institutionnalisation. On a souvent l'impression qu'on nous reproche, en
quelque sorte, cette catégorie d'établissements qui s'appelle les
centres d'accueil d'hébergement, les centres d'hébergement et de
soins de longue durée ou hospitaliers de soins de longue durée.
J'ai souvent l'impression qu'on nous reproche un peu d'avoir un taux
d'institutionnalisation trop élevé. Signalons, au passage, que ce
ne sont pas les établissements qui en ont décidé ainsi,
c'est la succession de toute une série de décisions. Mais
signalons aussi que quand on parle d'un taux d'institutionnalisation de 6,9 %,
pour arriver - à la page 14 de notre mémoire, on voit un tableau
qui est extrait du rapport du comité Pelletier - à 6,9 %, il faut
d'abord inclure les ressources familiales, familles d'accueil et pavillons qui,
à notre avis, ne constituent pas, à proprement parler, un milieu
institutionnel.
Quand on fait des comparaisons aussi sur le plan international, les
statistiques qu'on a pu consulter ne nous convainquent pas que
l'équivalent des places en unités de soins de longue durée
dans les hôpitaux de courte durée sont inclus dans ces taux
d'institutionnalisation et, finalement, il est loin d'être
démontré que notre taux d'institutionnalisation, par rapport
à d'autres pays développés, soit vraiment si
élevé que ça.
Mais, néammoins, nous, on pense que ce débat-là,
c'est un débat largement théorique parce que, à cause du
vieillissement de la population, de l'augmentation du nombre absolu de
personnes âgées et très âgées, le taux d'ins-
titutionnalisation ou d'hébergement va s'effondrer de lui-même au
cours des 10 prochaines années et, en conséquence, le
véritable enjeu - il avait été pointé dès
1984 par le réseau des centres d'accueil d'hébergement dans un
mémoire remis au ministre de l'époque, qui n'est pas là
cet après-midi - du côté de l'hébergement, beaucoup
plus que le taux d'institutionnalisation, c'est le redéploiement des
ressources en fonction de la réalité des missions de ces
établissements, d'une part, et la budgétisation adéquate
en fonction des clientèles desservies. Nous, on pense que c'est beaucoup
plus de ce côté-là qu'est l'enjeu que de chercher
indéfiniment à savoir si notre taux d'institutionnalisation est
de 0,01 % ou 0,02 % plus élevé que ce qu'il devrait être.
Et on assure notre collaboration - on l'a déjà fait à
plusieurs reprises comme association - pour travailler dans ce
sens-là.
Un troisième commentaire, en ce qui concerne le premier chapitre,
concerne l'évolution des effectifs dans l'ensemble du réseau. Je
vous amène à la page 17 de notre mémoire où on
reproduit un tableau qui est essentiellement tiré du document
gouvernemental. Dans la présentation qu'on fait de ce tableau, au niveau
du document gouvernemental, on attire beaucoup l'attention sur le fait que la
croissance annuelle moyenne la plus importante dans l'ensemble du réseau
aurait eu lieu au cours des dernières années, de 1983-1984
à 1989-1990, en premier lieu, dans les CLSC, avec une croissance de 9,8
%, et, en deuxième lieu, dans les centres d'accueil d'hébergement
avec une croissance de 2,6 %. Ce qui laisse croire, donc, que ces
pourcentages-là correspondaient à des priorités
affichées par les gouvernements qui se sont succédé
pendant cette période. Or, si on y regarde d'un peu plus près ce
tableau-là, la première chose qu'on est en droit de se demander,
c'est: est-ce que le tableau tient compte, au niveau des CLSC, des transferts
de postes - environ 1000 qui seraient venus des centres de services sociaux et
environ 1000 qui seraient venus des départements de santé
communautaire - qui, sur le plan statistique, devraient normalement
paraître sous les centres hospitaliers de courte durée? Si on
modifiait le tableau pour tenir compte de ces transferts, on verrait que
l'accroissement réel du côté des CSS, et surtout du
côté des centres hospitaliers de courte durée, serait
encore plus élevé s'il était corrigé pour en tenir
compte.
Mais supposons que le tableau intègre déjà ces
notions de transfert; il n'en demeure pas moins qu'au total, pendant cette
période-là, l'ajout net d'effectifs dans les centres hospitaliers
de soins de courte durée a été de 7597 postes alors qu'il
a été de 7402 exactement pour l'ensemble des autres
catégories d'établissements du côté social. Plus
pointu encore, alors qu'on a affirmé une priorité à
l'alourdissement des clientèles en centres d'accueil
d'hébergement
pendant cette période et au virage en faveur du
développement des CLSC et du maintien à domicile, les
hôpitaux de courte durée ont eu deux fois l'augmentation en nombre
absolu de postes en équivalent à temps plein, et quatre fois plus
que du côté de l'hébergement.
Alors, nous, on pense que c'est beau de traiter de pourcentages dans
l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux, mais ce
tableau-là devrait, en volume absolu d'effectifs, être aussi
parlant qu'en termes de pourcentages, parce que, si on joue sur des masses
beaucoup plus importantes, c'est bien évident qu'avec des pourcentages
d'augmentation même modestement plus élevés on
n'infléchit pas véritablement la direction qui est celle qui est
inscrite dans la tendance actuelle.
À la section 2, au niveau de l'allocation des ressources, le
document met l'accent sur des problèmes d'efficacité et
d'efficience dans l'allocation des ressources pour satisfaire les besoins avec
les ressources disponibles. Sans doute que l'analyse qui est
présentée là est une excellente analyse, mais il nous
semble qu'une des données fondamentales de notre système, c'est
que la dynamique de la croissance des dépenses et de l'allocation des
ressources entre l'ensemble du secteur médico-hospitalier, d'une part,
et les services sociaux, d'autre part, correspond à deux
réalités tout à fait différentes.
En santé, les facteurs se combinent pour que l'offre
génère la demande et crée une spirale de pression dans
l'accroissement des ressources qui est beaucoup plus importante que des
mécanismes efficients ou plus efficaces d'allocation des ressources.
L'augmentation du nombre des médecins, le mode de
rémunération, le mode de pratique, la sensibilité de
l'opinion publique, voilà toute une série de facteurs qui sont
déterminants dans l'allocation des ressources, bien plus qu'un mauvais
travail qui pourrait être effectué par je ne sais trop, les CRSSS,
ou des méthodes d'allocation quelconques.
En social, l'offre de services est contrôlée. Il n'y a pas
de libre-entrepreneur dans les centres d'accueil de réadaptation, les
CLSC, les centres d'hébergement et de soins de longue durée. La
demande de services est «régulée», en quelque sorte,
par une offre déterminée de services, et c'est ça qu'est
la méthode d'allocation des ressources du réseau des services
sociaux au sens large.
Donc, si on regarde la tendance qui se maintient depuis 1980-1981... Je
vous amène au tableau de la page 20 de notre document, un tableau qui
parle par lui-même de l'évolution des dépenses du domaine
de la santé et de l'adaptation sociale selon le secteur. Vous allez me
dire qu'on peut dire que les proportions de croissance, encore là par
secteur, semblent à peu près semblables, mais c'est en volume de
ressources financières qu'il y a de consacrées à la
mission «prévention et amélioration, réadaptation
sociale dans son ensemble» par rapport à celle de
«recouvrement de la santé» qu'on voit que l'écart ne
cesse de s'élargir. À notre avis, il y a bien d'autres facteurs
qui expliquent cette tendance. La budgétisation historique des
établissements favorise indéniablement les plus gros. C'est aussi
la difficulté de faire respecter les missions des établissements
par les plus gros, qui ont plus de facilité à empiéter sur
celles des autres, qui contribue à déterminer l'allocation des
ressources, la force des médecins et des hôpitaux dans l'opinion
publique et aussi, disons-le, la force des lobbies locaux qui, bien souvent,
sont plus sensibles, sur le plan politique, aux besoins de l'hôpital -
entre guillemets - qu'aux besoins du CLSC ou du centre
d'hébergement.
Abordons maintenant la section 3: Financement des dépenses. Il y
a là deux ou trois affirmations qui nous inquiètent, à
savoir qu'on laisse entendre, dans le fond, que, parce que nos dépenses
en santé et services sociaux seraient plus fiscalisées - entre
guillemets - qu'ailleurs, il pourrait y avoir une difficulté à
rendre les mécanismes de gestion plus efficients, plus efficaces et que,
dans ce sens-là, si on diminuait la part des services de santé et
des services sociaux financés par les dépenses publiques, on
pourrait faire en sorte que ça coûte moins cher, entre
guillemets.
À ça, nous, on dit: Attention! il nous semble que la
démonstration qui est faite par le document gouvernemental va
plutôt dans le sens contraire que plus les dépenses sont
publiques, moins elles sont lourdes pour les économies, plus elles sont
efficientes et efficaces. Il semble aussi que ça donne, au total, des
résultats de santé globale des individus qui soient
avantageusement comparables. Alors, nous, on dit, là-dessus: II ne
faudrait pas que ça serve de faux-fuyants. S'il y a un effort de
réduction budgétaire qui est demandé au réseau de
la santé et des services sociaux, on préfère se le faire
demander carrément plutôt que d'utiliser ce
prétexte-là, à notre avis, qui n'en est qu'un et qui n'est
pas une démonstration à l'effet que nos problèmes
origineraient du fait que nos dépenses sont plus publiques, entre
guillemets, qu'ailleurs.
Je vous amène au chapitre II: Perspectives et contraintes. Au
niveau des perspectives, le document gouvernemental - on ne peut pas
s'empêcher de le signaler au passage - signale une douzaine de sources de
pression susceptibles de pousser à la hausse les dépenses du
gouvernement au chapitre des services sociaux et de santé. Mais on ne
peut pas s'empêcher de constater que dans... Il y a deux listes: il y a
la liste des pressions originant de l'offre de services et du
développement technologique... Comme par hasard, quand on regarde cette
liste de sources de pression, je pense qu'elles sont toutes - peut-être
qu'il y en a une que je n'ai pas bien lue - du secteur
médico-hospitalier. Et
quand on regarde celles qui apparaissent sous la rubrique «besoins
de la population» - on n'en revendique pas l'exclusivité, on ne
cherche pas ça - on ne peut pas s'empêcher de constater qu'il nous
semble que les CLSC, les centres d'accueil de réadaptation ou
d'hébergement, de soins de longue durée, et les centres de
services sociaux, les futurs CPEJ, sont les premiers, je dirais - excusez
l'anglicisme - «challenges» par ces nouveaux problèmes
sociaux. Alors, nous, on pense que l'infrastructure actuelle du
côté social est incapable de répondre, est insuffisante
pour répondre à la demande de ces nouveaux services et que s'il
n'y a pas un changement de dynamique important, ces nouveaux besoins sociaux
vont continuer de passer bien après des pressions venant du
côté de l'offre de services au niveau de la santé de
l'ensemble médico-hospitalier.
Le temps s'écoule rapidement. Quelques mots au niveau des
contraintes. On partage l'analyse du ministre sur l'ensemble des contraintes
qu'il y a là. Permettez-nous cependant d'en mettre juste un peu plus sur
une des contraintes qu'il y a de mentionnées, parce que c'est un peu un
euphémisme. Quelque part dans le document, dans le chapitre des
contraintes, on indique que, bon, une des contraintes, c'est que certains
établissements, entre guillemets, sont en situation financière
précaire. Je ne veux pas être porteur de mauvaises nouvelles mais,
au 31 mars 1991, pour l'ensemble du réseau des centres d'accueil
d'hébergement, il y en avait 61 % qui avaient un déficit
accumulé depuis 1985. Pour un réseau ça peut ne pas
sembler gros, je sais bien que si on était dans le réseau
hospitalier ce serait quasiment rien, 21 000 000 $ de déficit
accumulé pour 61 % des centres d'accueil d'hébergement. Du
côté des centres d'accueil de réadaptation, 50 % pour 14
000 000 $. Donc, un total de 205 établissements sur 365, pour un
déficit total accumulé de 35 000 000 $. Le moins qu'on puisse
dire, c'est que, sans doute, sur le plan des volumes de fric, entre guillemets,
ce n'est pas encore une catastrophe. On apprécie que le ministre ait
créé une table de discussion pour essayer de trouver une
façon de régler ce passé-là, mais,
néanmoins, je pense que c'est très clair qu'il n'y a plus de
marge de manoeuvre de ce côté-là.
Au niveau maintenant du chapitre III: Orientations, mesures et options.
Une première orientation. On voudrait commenter principalement la
première orientation qui est celle de limiter la croissance des
dépenses de l'ensemble du secteur à l'évolution de la
richesse collective et à la capacité financière de
l'État. Globalement, il nous semble que les mesures proposées
comme visant à contenir l'évolution des dépenses à
un - je cite, entre guillemets - «rythme maximum qui tiendrait compte de
l'évolution de la richesse collective et de la capacité
financière de l'État» comporte - ce concept-là en
soi - une bonne part d'ambiguïté qui nuira à l'objectif
poursuivi. Nous, on ne peut pas trouver que cette orientation de contraindre,
entre guillemets, les dépenses, l'évolution des dépenses
sociosanitaîres soit valable, mais il nous semble qu'on doive
préciser si, pour les prochaines années, on décide de
fixer la croissance des dépenses à la croissance de la richesse
collective - c'est une notion - ou aux aléas des budgets annuels du
gouvernement, toujours objets de compromis. À notre humble avis, il y a
un choix à faire entre les deux: ou bien on retient comme notion la
croissance de la richesse collective - c'est ça qui est le
paramètre - ou c'est la capacité du gouvernement à
équilibrer, à sa satisfaction, son budget.
Dans la première hypothèse, la règle sera claire et
précise; dans le second cas, on aime autant vous dire qu'à notre
humble avis les pressions pour faire grossir la tarte, pour dire que la limite
budgétaire n'est pas atteinte vont continuer et il y aura encore
d'autres commissions parlementaires. (14 h 45)
Nous suggérons donc humblement que, si l'État retient le
critère de la croissance de la richesse collective comme
paramètre, il devrait s'y tenir fermement et se donner les moyens de
s'assurer que ce paramètre sera respecté pour une période
suffisamment longue pour atteindre ses objectifs. En fait, il serait
intéressant d'examiner la possibilité de déterminer par
une loi les paramètres budgétaires à l'intérieur
desquels devrait évoluer, pour toute la durée d'un cycle
économique, l'ensemble des dépenses du réseau et
également les paramètres de chacun des grands groupes de
producteurs de services.
La détermination des paramètres budgétaires pour
l'ensemble du réseau pendant une assez longue période, tout un
cycle économique, 5 à 7 ans, présenterait plusieurs
avantages. Premièrement, elle faciliterait l'allocation à
l'avance des ressources entre les différentes priorités de
santé et de bien-être; deuxièmement, elle amènerait
les différents producteurs de services à se concentrer sur ce qui
peut être fait avec l'argent disponible plutôt que de se concentrer
sur ce qui pourrait être fait avec plus d'argent; troisièmement,
cette mesure permettrait aux établissements et aux régies de
planifier sur une période assez longue pour véritablement
atteindre les résultats recherchés. Finalement, on pense que la
partisanerie pourrait aussi, peut-être, une fois bien établie,
s'éloigner de la surenchère partisane - on pourrait
s'éloigner de la surenchère partisane - et contribuer ainsi, au
niveau des élus, à la poursuite de l'efficience et de
l'efficacité du réseau.
Ainsi, s'il y avait une telle loi, on pense qu'il faudrait revenir
à la première constatation qui avait été faite. Je
terminerai là-dessus, M. le Président. On pense qu'on doit
revenir à la première constatation qui a été faite.
Si c'est vrai que, quand on se compare aux autres, il y a
globalement assez d'argent, entre guillemets, dans l'ensemble
médico-hospitalier, bien, nous, on pense qu'il faut tirer les
conclusions et cette loi pourrait déterminer, par exemple - ce n'est pas
à nous de déterminer le niveau exact - que pour le prochain cycle
économique l'évolution de l'ensemble du budget
médico-hospitalier évoluera à l'indice des prix à
la consommation. Ça dégagerait une marge de manoeuvre
considérable, quand on sait qu'on parle de 8 000 000 000 $. Et si c'est
vrai qu'on a des moyens d'aller au-delà de l'IPC, comme IPC plus 2 %,
plus 3 %, bien, qu'à ce moment-là, dès avant le
début du cycle économique, on affecte aux priorités
sociosani-taires définies par le gouvernement, à l'avance, pour
que chacun sache à quoi s'en tenir, cette marge de manoeuvre
considérable qui serait ainsi dégagée.
Vous ne nous en voudrez pas, pour fins d'illustration, de
déterminer que, par exemple, si c'est vrai qu'il y a un redressement
à opérer du côté de l'hébergement, de
l'alourdissement des clientèles en centres d'accueil
d'hébergement, on pourrait déterminer que ce secteur-là
évoluera à IPC plus 1,5 %; si c'est vrai qu'on a une
priorité du côté du maintien du support à domicile
des personnes âgées, on retiendra un facteur de IPC plus 5 %, en
étant conscient du fait que le total de tous ces plus-là devra
rentrer à l'intérieur de la marge de manoeuvre du
gouvernement.
En tout cas, ça peut sembler surprenant de mettre ça de
l'avant, mais je vais vous dire, plus on consulte notre réseau sur cette
idée, plus les gens souhaiteraient disposer d'un cadre budgétaire
pour une période suffisamment longue pour être capables de
planifier véritablement l'utilisation optimale des ressources, car, avec
une budgétisation qu'on peut à peine considérer comme
annuelle présentement, il est évident que c'est extrêmement
difficile de se concentrer sur faire ce qu'on peut de mieux avec l'argent
disponible.
M. le Président, j'aurais eu des commentaires à faire sur
d'autres éléments, mais je pense que le temps est
écoulé.
Le Président (M. Joly): Si vous voulez échanger
avec les parlementaires.
M. Clair: Nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir en
réponse à des questions. Je vous remercie.
Le Président (M. Joly): Merci, messieurs. M. le ministre,
à vous la parole.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Mes premiers mots seront d'abord pour reprendre un peu
l'entrée en matière. Je pense que vous faites la
démonstration avec votre mémoire que peu de temps et peu de
moyens peuvent être très productifs. Évidemment, c'est au
prix de certains efforts de votre organisation, ça, j'en suis pleinement
convaincu, mais, de tous les mémoires que j'ai eu l'occasion de
parcourir jusqu'à maintenant, il y a un effort de dépassement et
de réflexion dans ce mémoire-là qui est très
intéressant. Si je reprenais chapitre par chapitre, moi aussi,
probablement, je pourrais dire: Voici les forces, il y en a plus qu'il y a de
faiblesses, mais voici où ça glisse un peu à l'occasion,
de mon point de vue, de manière légitime. Parce que dans ces
choses-là c'est toujours légitime, dépendant du point de
vue où on se place. Je peux dire que le mémoire m'a globalement
agréablement surpris sur le plan de sa présentation et pour
s'être attaqué à un certain nombre de problèmes qui
ne sont pas nouveaux et, comme on dit - et plus particulièrement dit par
moi - pour avoir pris le taureau par les cornes; c'est un peu ce que vous avez
réussi à faire. On peut partager ou ne pas partager des analyses
ou des solutions mais, à tout le moins, vous avez abordé cette
situation de front. Puis je trouve que c'est très enrichissant pour la
commission et ça doit l'être aussi pour vous autres. Donc, oui,
nous constatons qu'avec peu de moyens et peu de ressources vous vous êtes
passablement dépassés, souhaitant que d'autres puissent
s'inspirer de ces dépassements à moindres coûts.
J'ai évidemment une série de questions, M. le
Président. Vous m'arrêterez à un moment donné. Je
commencerais peut-être par M. le président. Je l'ai suivi un petit
peu tantôt en faisant une certaine nomenclature de besoins qui
n'étaient pas comblés. Ils sont assez impressionnants et je pense
que vous le vivez à tous les jours, que ce soit par des conseils
d'administration ou par ceux qui, dans chacun des établissements, ont
à offrir des services. Compte tenu de la nomenclature des
problèmes que vous avez soulevés tantôt, qui sont
réels, de listes d'attente à gauche, à droite, comment
est-ce qu'on fait pour combler ces besoins tout en respectant la
capacité du citoyen-payeur que vous êtes aussi et qui, par
conséquent, est la capacité de payer de l'État? Parce que
c'est clair. Je pense que, dans votre présentation, vous l'avez dit, il
n'était pas question de faire une liste d'épicerie, mais de
simplement illustrer une situation - et il faut être très à
l'aise à ce niveau-là - qui est celle-là chez vous, qui
est celle-là aussi dans le domaine de la santé, malgré les
très gros budgets. Vous n'en avez pas tellement entendu encore aller sur
la place publique pour dire: Vous pouvez venir chez nous, parce que, nous
autres, il nous reste encore de la marge de manoeuvre puis on peut encore en
dépenser. Il n'y en a pas tellement dans le domaine de la santé
malgré des budgets assez importants.
Donc, est-ce que, dans ces conditions-là, il doit aussi y avoir
une considération très importante et majeure de la
capacité de payer de l'État, mais aussi... Il ne faut pas se
faire d'illusions. C'est le citoyen, au bout de la ligne,
qui paie. C'est toujours le même chrétien qui, au bout de
la ligne, paie au fédéral, paie au provincial, paie au municipal,
paie au régional, paie aux frontières américaines
maintenant depuis quelques jours et ainsi de suite. Donc, c'est clair que c'est
toujours le même chrétien, au bout de ligne, qui paie.
M. Clair: II paie pour les assurances aussi! M.
Côté (Charlesbourg): Comment?
M. Clair: II paie les primes d'assurances également. C'est
le même.
M. Côté (Charlesbourg): Aussi, oui. C'est clair. Un
peu plus général, avant d'aller dans du plus particulier.
M. Dolan: M. le ministre, vous le savez très bien, le
discours que l'Association des centres d'accueil a depuis quelques
années: «Rien ne se perd, rien se crée, tout se
transforme», comme le dit Me Clair. C'est quelque chose qui est
coutu-mier à votre oreille. D'autant plus que les priorités que,
nous, avec lesquelles on travaille... J'ai ici, à ma gauche, quelqu'un
qui est président des centres d'accueil d'hébergement et,
à ma droite, quelqu'un qui est président des centres de
réadaptation pour jeunes. Ce sont des priorités que vous avez
faites vôtres depuis déjà quelque temps. Je pense qu'il y
aurait lieu, à partir de ce moment-là, simplement en reprenant ce
que vous dites et ce que l'on dit, d'ordonnancer les priorités du
réseau pour finalement faire en sorte que ce que l'on dit, c'est aussi
ce que l'on retrouve dans les faits. Que, donc, cette ordonnancement de
priorités ferait en sorte que la masse budgétaire que tout le
monde semble reconnaître comme étant suffisante au niveau du
réseau de la santé et des services sociaux puisse correspondre
avec les discours que, vous et moi, on véhicule depuis quelques
années et que les sommes d'argejit aillent finalement au bon
endroit.
Je pense que l'ordonnancement des priorités devra être une
des priorités - c'est le cas de le dire - des hommes et des femmes
politiques qui siègent, parce que, encore une fois, très
généralement, ce que j'ai dit, c'est que, que vous preniez, vous,
parlementaires, n'importe quelle décision, les décisions
financières qui se prennent auront des impacts sur la population du
Québec. Et l'Association des centres d'accueil - je vous en ai fait le
débat et la preuve un peu plus tôt - fait en sorte que, nous, la
clientèle que l'on a est une clientèle d'environ 90 000
personnes, simplement dans les centres d'accueil pour l'instant... On parle
presque au niveau de l'interne. Donc, c'est entendu que les besoins, ils sont
là et, donc, les décisions financières que vous allez
prendre, c'est pour du vrai monde. Mais ce n'est pas du vrai monde qui parle
nécessairement très fort.
M. Clair: Si vous me permettez d'ajouter, M. le ministre. Une
chose, en tout cas, qu'on fait comme association, et dont on est fiers parce
qu'on commence à avoir des résultats, c'est que comme on
représente justement des personnes qui ont des problématiques,
entre guillemets, très différentes, une des petites idées
qu'on a d'apporter notre contribution, c'est qu'on a développé
une sorte de maillage, entre guillemets. Je vous donne un exemple. Les centres
de réadaptation pour jeunes sont de plus en plus aux prises avec des
problèmes, oui, de protection de la jeunesse et de délinquance,
mais des problèmes de consommation de drogues abusive. Alors, on essaie
de travailler avec les centres de réadaptation pour personnes
alcooliques et toxicomanes et ainsi de suite, mais on est conscients que
ça donne des gains d'efficience, de productivité et
d'efficacité, mais que c'est limité.
Mais juste pour vous donner... Moi, je suis un peu obsédé,
sans doute par mon passage au Trésor, par les questions de volumes
d'argent. Je vous parle juste de 1 % de l'ensemble du budget
médico-hospitalier. C'est de 8 000 000 000 $ dont on parle, grosso modo.
Ça, c'est 80 000 000 $. 80 000 000 $, ce serait suffisant pour
régler une année, tout d'un coup, le taux de satisfaction des
besoins en centres d'hébergement et de soins de longue durée sur
le plan et à un niveau de 100 %. Tantôt, on parlait des services
en déficience auditive au niveau de la régionalisation:
déficience auditive, déficience visuelle. On parle d'un bien
petit budget, entre guillemets, par rapport à ces milliards-là.
On parle d'une dizaine de millions de dollars. Je l'avais apporté avec
moi et, finalement, je l'ai laissé dans ma valise, parce que j'ai dit:
Peut-être que ça peut être provocant. Mais je voyais le
journal du Conseil régional de la santé et des services sociaux
de l'Estrie, qui, bien sûr, rend justice au passage du ministre de la
Santé et des Services sociaux au cours de la dernière
année dans la région. C'était frappant - je ne me souviens
plus des chiffres exacts - parce qu'on annonçait la priorité au
virage en faveur du maintien à domicile: un gros, je pense, 232 000 $
sur une base annuelle. Priorité aux centres de jour: 36 000 $. Puis, en
passant, il y avait, bien sûr, le réajustement de la base
budgétaire du CHU de 10 000 000 $. on ne sait pas combien de centaines
de milliers de dollars, mais, en tout cas, c'est ça qu'il y avait
d'annoncé.
M. Côté (Charlesbourg): Wo! Wo! Non, non, 11faut
quand même faire attention.
M. Clair: J'aurais dû l'amener.
M. Côté (Charlesbourg): Je veux bien croire qu'il y
a un monde entre le social et la santé,
mais c'était 2 000 000 $ pour l'ensemble des centres
hospitaliers, pas 10 000 000 $.
M. Clair: En tout cas, on regardera le journal régional
ensemble. Néanmoins, mon point...
M. Côté (Charlesbourg): Vous savez, ce qui est
écrit n'est pas toujours vrai.
M. Clair: Ou bien vous avez été trop optimiste dans
vos propos!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Non, non.
Une voix: Ce n'est pas toujours clair.
M. Clair: Remarquez que ça m'est déjà
arrivé moi aussi.
M. Côté (Charlesbourg): Ça peut n'importe
où être confonté avec la réalité,
ça.
M. Clair: Trêve de plaisanteries, le point que je voulais
faire, c'est surtout celui-ci. C'est qu'en terme de priorité à
accorder à des problématiques sociales les volumes d'argent dont
on parle sont souvent beaucoup moins importants, et c'est sûr qu'il y a
des bonnes raisons à ça. Loin de nous l'idée de dire: Vous
savez que l'ensemble médico-hospitalier travaille mal, a trop d'argent
et tout ça, mais, en terme de proportions, les proportions sont telles
que régler un bon nombre de notre liste d'épicerie, ça ne
coûterait pas si cher.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que j'ai compris dans le
mémoire, et je l'ai qualifié de bon mémoire, et
effectivement c'est un bon mémoire qui pose de bonnes questions...
Évidemment, je ne m'attendais pas à autre chose comme
questionnement de ce qui est réservé au médico-hospitalier
par rapport au social. C'est un débat depuis de nombreuses années
que tout le monde a voulu tenter de corriger, mais qui n'est pas encore
corrigé et on tente de le faire. Mais vous avez donné, à
l'intérieur de votre mémoire, un exemple possible par
l'interprétation d'un tableau des effectifs en interrogeant si
effectivement ça contenait les employés provenant du CSS vers les
CLSC, des départements de santé communautaire vers d'autres
ressources. Oui, effectivement, c'est clair, mais l'indication qu'il y a
là, c'est la possibilité d'un redéploiement des ressources
et donc la possibilité de faire en sorte que dans le réseau
lui-même il puisse y avoir un certain transfert à l'avantage du
social.
Dans ce sens-là, M. Dolan parlait aussi tantôt de
redéploiement. Est-ce que je dois comprendre, lorsque vous parlez
davantage d'identifier des sommes d'argent à ce moment-ci, que ça
pourrait être, par exemple, le coût du système qui serait
réservé à certaines priorités pour le rattrapage ou
pour combler des besoins, qui sont nos besoins, nos priorités dans le
domaine du social, et qu'on pourrait se servir de cet instrument-là sans
pour autant négliger le redéploiement de ressources aussi? Est-ce
que je comprends... (15 heures)
M. Clair: Peut-être que je vous ai involontairement induit
en confusion. Deux types de redéploiement, entendons-nous bien. Nous, en
toute franchise et en toute sincérité, s'il est question d'un
redéploiement, d'un transfert possible d'effectifs des hôpitaux de
courte durée, par exemple, vers les CLSC... Écoutez, ça
fait longtemps qu'on en parie, on pense que c'est très compliqué
de faire ça, que, finalement, on n'aboutira pas. C'est ce qui nous
amène à vous dire, plutôt que de continuer à envoyer
- c'est très frustrant - de plus en plus d'argent dans le réseau
hospitalier, entre guillemets, et de leur demander de le transférer aux
CLSC, nous autres, on pense de dire: Pourquoi compliquer ça comme
ça?
Il vaudrait mieux, à l'origine, à la source, dire:
Ça, c'est notre priorité. On envoie là l'argent
directement. Avec une contrainte financière qu'on ne nie pas - on la met
de l'avant -on pense que la rationalisation ou le redéploiement à
l'intérieur, entre guillemets, des grandes familles ou catégories
d'établissements serait probablement plus facile.
En tout cas, nous, en ce qui concerne un de nos secteurs
d'activité où on est présent... Et ce n'est pas quelque
chose de nouveau que je vous annonce ce matin. Ça fait depuis 1984 que
l'Association des centres d'accueil dit: Nous, en ce qui concerne le
réseau de l'hébergement, nous sommes conscients que la
répartition des places sur le territoire comporte un grand nombre... un
nombre substantiel d'iniquités, ce qui fait que, dans certaines
régions, on se retrouve avec trop de places et pas assez de budget par
place, et on se retrouve avec des personnes qui sont hébergées et
qui pourraient être à domicile.
Donc, nous, on dit là-dessus - c'est une deuxième notion
de redéploiement: II y a un redéploiement auquel nous, on est
prêts à contribuer, mais il y a des limites, vous savez, le
transfert des ressources d'une catégorie d'établissements
à une autre, bon, pour ceux qui ont vécu le cadre de partage,
moi, je n'ai pas vécu ça de près, mais je me souviens
à quel point c'a été douloureux de faire ça. On se
dit, en tout cas, si on envisage des transferts, on pense que ce serait plus
facile d'agir à la source en utilisant la petite marge de manoeuvre
annuelle plutôt que de compter sur une espèce de solidarité
qui, il faut bien le dire, est bien faible quand vient le temps de demander
à une catégorie d'établissements de transférer ses
ressources à une autre.
M. Côté (Charlesbourg): Dans votre mémoire,
ça transpire, là, ce n'est pas un débat d'aujourd'hui, le
médico-hospitalier qui est allé chercher la part du lion pendant
de nombreuses années et qui continue d'aller la chercher. On identifie,
plus souvent qu'autrement, le corps médical à cette
enveloppe-là qui suit; forcément, elle est de la
rémunération pour les médecins, mais elle suit aussi dans
les centres hospitaliers de courte durée où sont (es
médecins.
Est-ce que le budget fermé de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec, qui sera effectif à partir de 1993
et qui va tenir compte de la population et non pas des dispensateurs de
services, n'est pas, à ce moment-ci, un des moyens de mettre fin
à cette situation-là?
M. Clair: Certainement, sans aucun doute. Maintenant, je veux
vous dire, sans contrarier personne et surtout vous-même, mais ce qu'on a
de la difficulté à voir, c'est que, si ce n'est pas fait par une
loi avec des mesures bien précises qui viennent déterminer
ça, nous, on pense que ça va être difficile pour les
gouvernants de s'en tenir à ça et, je dirais, sans doute à
cause de la faiblesse, entre guillemets, relative de la capacité de
notre lobby à faire tourner, entre guillemets, le «cash» du
Conseil du trésor. Ce que les gens nous disent, nous, dans notre
réseau, c'est que, finalement, on a de la difficulté à
croire que, vraiment, l'État va se donner des paramètres auxquels
il va tenir pour l'ensemble des producteurs de services et qu'en
conséquence, à cause de la dynamique en cause, on va se retrouver
à supporter les inconvénients d'un défoncement des
paramètres budgétaires du gouvernement parce que, nous, on est
faciles, entre guillemets, sur le plan mécanique, à contraindre.
Ça, je pense que c'est toute l'histoire des centres d'accueil
d'hébergement. Donc...
M. Côté (Charlesbourg): Jusqu'à temps qu'on
devienne gros et qu'on souhaite être dans la situation de l'autre.
Une voix: Pardon?
M. Côté (Charlesbourg): Jusqu'à temps qu'on
devienne gros et qu'on souhaite être dans la situation de l'autre.
M. Clair: Ah, bien oui, mais ça, c'est certain que c'est
toujours le cas. Mais quant à répondre à votre question
précise sur le budget fermé de la RAMQ, sans aucun doute que,
dépendant des moyens, je dirais, législatifs retenus, c'est
certainement quelque chose qui va tout à fait dans le même sens
que ce qu'on met de l'avant.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais aller dans votre
proposition, qui est une proposition qui mérite qu'on s'y attarde, et
possiblement qu'on ne la réglera pas aujourd'hui, mais continuer
à questionner davantage sur celle d'une loi-cadre qui gèlerait un
certain nombre de choses - donc, pas seulement vous autres - mais qui mettrait
les gens à l'abri de certaines fluctuations gouvernementales,
dépendamment des lobbies, de la puissance des lobbies, comme vous le
disiez si bien tantôt, mais aussi de la capacité de payer de
l'État ou des variations financières. Évidemment, quand on
regarde le budget de 12 000 000 000 $, si on fait abstraction de 87 000 000 $
qui est le coût du ministère, le reste, là, il
disparaît, lui, il s'en va à la RAMQ, il s'en va dans des
établissements et c'est donc tout ce budget-là qu'on mettrait
à l'abri pour 7 ans, si on suivait la proposition. Les sept ans,
là, d'entrée de jeu, me disent, moi... Je ne sais pas... Ont-ils
parlé de sept ans pour être capable d'en avoir trois ou s'ils sont
sérieux quand ils parlent de sept ans? Nulle part à travers le
monde, ni dans le privé, ni dans le public, on est dans une situation
où, effectivement, quelqu'un est à l'abri pour sept ans, donc,
dans sa coquille. Puis il y a des avantages à ça, bien sûr,
parce que je pense que, pour ceux qui sont là, qui sont sur le terrain
et qui ont à répondre à la demande de services, tu es
à l'abri, tu dis: Au moins, je sais que pendant les prochaines
années... De là à dire qu'il faut être dans la
situation qu'on vit actuellement à chaque année puis encore...
Dépendamment des humeurs de l'économie puis du...
Une voix: Du fédérai.
M. Côté (Charlesbourg): ...du
fédéral.
Une voix: II meurt plein de monde.
M. Côté (Charlesbourg): II meurt bien du monde, mais
là M. Trudel nous a trouvé la solution ce matin. C'est
l'indépendance. Ça règle tout. Je ne vous demanderai pas
la question ou ce que vous en pensez. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: En tout cas, ça va.
M. Trudel: en tout cas, vous le constatez, ça va
très bien, là. pour l'instant, vous le voyez, ça va
très bien. on n'a pas de problèmes. alors, «keep
going».
M. Côté (Charlesbourg):...
M. Clair: C'est un ardent défenseur du crédit
social.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Pour l'instant, ça va bien.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, les
sept ans, c'est du jamais vu parce qu'il faut quand même
l'admettre, ça n'a de commune mesure nulle part ailleurs. On est
habitué, au gouvernement, à un cycle d'à peu près
trois ans puis, encore, avec des modifications presque à chaque
année. Qu'est-ce qui nous fait proposer aujourd'hui sept ans?
Évidemment, ces sept ans-là ne tiennent pas compte d'une
réalité budgétaire gouvernementale dont on doit tenir
compte sur le plan des équilibres si on veut, comme on l'a dit et comme
vous avez semblé le reprendre tantôt, protéger les
générations futures aussi.
M. Clair: Écoutez, très franchement, on a dit:
Notre préoccupation, c'était de se coller un cycle
économique complet. Alors, c'est avec ça qu'on est parti comme
idée de départ. Bon! C'est quoi un cycle économique
complet? C'est cinq ans, six ans, sept ans? Ça dépend. Je ne suis
pas économiste, mais je pense que c'est quelque part par là.
Maintenant, disons franchement si on est conscient des conséquences de
ce que ça voudrait dire, notamment, sur le plan, par exemple, de la
rémunération des employés de l'État et, donc, de
notre réseau. On pense que s'il devait y avoir un nouveau consensus
social, entre guillements, il ne faut pas que la durée soit plus courte
qu'une convention collective, en tout cas.
On espérait aussi, pour vous faciliter la tâche, aux hommes
et aux femmes politiques, de dire: Puis, si en plus de ça on pouvait
sauter un cycle électoral, si en plus de ça on pouvait sauter un
cycle électoral ou... En tout cas, moi, j'ai une certaine
expérience de vie comme vous là-dedans et je ne pense pas qu'il
se soit déroulé une seule élection depuis le début
des années soixante sans qu'il y ait un petit peu de surenchère
entre les partis politiques qui, se retrouvant aux affaires de l'État
ensuite, je veux dire, ont vu que ça pouvait être plus difficile
qu'il n'y paraissait.
M. Trudel: II aimerait ça en sauter une, lui.
M. Clair: Alors, c'était ce qu'il y avait de
présent derrière ça. Maintenant, écoutez, est-ce
que sept ans, c'est un chiffre auquel on tient? Mais la perspective principale
qu'on voulait faire ressortir, c'est qu'on pense qu'il y aurait des gains
considérables pour l'ensemble du réseau, à savoir à
quoi s'en tenir pour une période suffisamment longue. Je ne vous en
tiens pas rigueur, mais prenons, par exemple, l'octroi des budgets d'allocation
d'alourdissement des clientèles par votre prédécesseur. Il
y a maintenant, je pense, quatre ans, Mme Lavoie-Roux, à
l'époque, avait annoncé une enveloppe de 75 000 000 $
répartis ainsi: 50 000 000 $ pour l'alourdissement des clientèles
en centres d'accueil d'hébergement et 25 000 000 $ du côté
du support à domicile des personnes âgées.
Finalement, ce budget-là a été retouché
à plusieurs reprises et, à chaque année, on s'est fait
annoncer des montants puis, finalement, on comprend ça. À cause
des contraintes financières du gouvernement en cours d'année, on
a appris qu'on n'aurait pas les 12/12, mais les 6/12. Notre budget nous est
communiqué en juin, les bonnes années, parfois juste plus tard en
été. Alors, nous, on se dit qu'on aimerait mieux vivre avec les
capacités réelles de l'État que de vivre avec de l'espoir
puis de toujours finir par être déçu, de concentrer le plus
clair de nos énergies, bien souvent, parce que les autres se battent
pour en avoir, du développement... Si on ne se bat pas pour en avoir, du
développement, c'est sûr qu'on n'en aura pas.
Donc, nous autres, ce qu'on recherchait, c'était une
période suffisamment longue pour nous sortir de cette
dynamique-là et que ça donne aussi une chance à l'Etat,
une fois que sont établies ses priorités sociosanitaires... Bien,
on sait bien, comme on le dit parfois en langage populaire, que ça ne se
virera pas sur un 10 cents, ces orientations-là, et que ça va
prendre un certain temps. Donc, on se disait que le plus longtemps, la plus
longue période sur laquelle ce cadre budgétaire là pourra
porter, le mieux ça sera. Maintenant, sans doute qu'à sept ans on
a cédé devant l'enthousiasme.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Dans le fond, il y a une
idée là qui mérite d'être davantage fouillée.
Quand on va plus loin, on s'aperçoit que, sur le plan des propositions,
il y avait des propositions d'IPC plus cinq, plus trois, plus un, à
partir des grandes familles. L'idée qui est derrière ça,
c'est de faire en sorte que le social aille en chercher davantage pour
répondre aux besoins qu'il a et un peu de rééquilibrer les
choses. Je pense que, globalement, ce qui est souhaité par vous,
à partir du moment où il faut aller plus loin sur le plan du
mécanisme, donc, dans une loi qui ne peut être changée que
par une loi, on a besoin de faire un certain travail surtout qui n'existe nulle
part.
Mais je comprends, l'idée étant de s'assurer qu'on puisse
avoir une meilleure planification sur une période plus longue que ce
qu'on connaît maintenant et être à l'abri des soubresauts
qu'on ne peut pas éviter sur le plan gouvernemental.
M. Clair: Exact. Il nous semble que cette idée-là
aussi est tout à fait compatible avec l'idée de la
création d'un fonds différent du fonds consolidé du
revenu, d'un fonds général pour financer les dépenses de
santé et de services sociaux et que, dans le fond, c'est l'adaptation
d'une idée qui a circulé même, je pense, dans le
comité de députés à l'effet d'essayer de bloquer
par loi le déficit. Opinion très personnelle, je pense que
ça ce n'est pas faisable. On ne bloque pas un déficit par loi,
mais on peut contraindre ou paramétriser à
l'avance le réseau pour une période suffisamment longue.
On pense que c'est quelque chose qui mérite d'être retenu et on
est content de voir que c'est une suggestion sur laquelle vous avez l'intention
de réfléchir.
M. Côté (Charlesbourg): Je vais revenir à des
choses un peu plus immédiates parce qu'on parle beaucoup d'efficience,
d'efficacité. Il semble bien y avoir un large consensus. Il y a des
efforts à faire à ce niveau-là. Est-ce qu'il reste, par
exemple, dans ce que vous avez comme responsabilité de réseau,
des mesures d'efficience et d'efficacité, pas dans le but... dans le but
justement de mettre la main sur l'argent qu'on pourrait économiser. Ce
n'est pas l'objectif à ce moment-ci, ni demain non plus, mais davantage
de voir auprès de chacun des gens qui vont venir ici en commission
parlementaire, c'est quoi les priorités auxquelles on devrait s'attaquer
sur le plan de l'efficience et de l'efficacité dans chacun des
réseaux, compte tenu des maigres budgets des uns et des très gros
budgets des autres. Est-ce qu'il y en a ou il n'y en a pas?
M. Clair: Écoutez, il y en a sûrement encore. On
doit être à la recherche permanente de l'efficience et de
l'efficacité. Tout ce que je puis vous indiquer là-dessus, c'est
que nous, comme association, on a en partie réorienté, par
exemple, nos services en fonction du contexte budgétaire de
l'État, à savoir d'essayer d'outiller de mieux en mieux nos
établissements sur le plan de la gestion administrative et
financière, pour ne plus avoir à adopter bêtement, purement
et simplement une position de dire: On est contre telle compression parce qu'on
est contre et on est contre telle mesure d'accroissement de l'efficience et de
l'efficacité parce qu'elle nous demande un effort.
Donc, ça, c'est une contribution qu'on peut faire. Maintenant,
quant à savoir, dans notre réseau, je vous dirais famille par
famille, quelles pourraient être les mesures génératrices
d'efficience et d'efficacité, des mesures précises, j'ai mes
patrons qui sont présents là, qui représentent
différentes familles, qui peuvent peut-être donner des
éléments de réponse.
Le Président (M. Joly): M. Robert.
M. Robert (Gaston): Je peux peut-être, du côté
de la jeunesse, vous référer au rapport Harvey qui est tout
récent et qui a non seulement assaisonné ses objectifs
principaux, mais même les a assujettis, je dirais, à un
critère d'efficience. Il y a déjà des premières
tentatives. Je sais qu'il y a des premiers essais et des premières
lancées de projets actuellement où on va intervenir plus
rapidement dans des situations de protection. On évite, effectivement,
que la situation chez les jeunes se détériore et on arrête
le problème dès le début.
Si on est capable de mesurer ça, encore faut-il en avoir la
volonté. Quand un rapport aussi important que le rapport Harvey
l'énonce au tout début, dans les premiers objectifs, je peux vous
dire que ça oriente passablement le travail. On va certainement s'en
influencer. C'est un rapport majeur, ça, dans notre domaine.
M. Clair: Un autre élément, si vous permettez, que
je peux ajouter, un élément à la réflexion,
à notre avis, très important, c'est le rapport du comité
Pelletier en ce qui concerne les personnes aînées, qui indique...
Une des recommandations ou un des secteurs abordés, c'est toute la
question, je dirais, de l'articulation des rapports entre les services de
maintien à domicile des CLSC et l'hébergement, les centres de
jour. Or, une des suggestions qui est mise de l'avant, là, c'est de
dire: Puisque, avec la réforme, de plus en plus, les CLSC et les centres
d'hébergement et de soins de longue durée vont travailler sur une
même base territoriale, est-ce que ça ne générerait
pas des gains d'efficacité et d'efficience importants? Si on pouvait en
venir à: premièrement, regrouper sous le conseil d'administration
unifié la totalité des places d'hébergement du territoire;
deuxièmement, d'avoir, pour des fins d'orientation de la
clientèle par territoire, une seule et même grille
d'évaluation pour les personnes qui sont, entre guillemets, en soins de
longue durée à domicile ou en hébergement, plutôt
que d'avoir le CLSC, sa petite grille, et le centre d'accueil
d'hébergement, sa petite grille, une seule et même grille
d'évaluation des besoins pour les fins d'orientation de la
clientèle et, deuxièmement, un seul et même
mécanisme d'admission... Loin de nous de tenir rigueur de l'État
de la situation actuelle au niveau des CLSC, mais il faut reconnaître
que... On accepte ça, la priorité de support en milieu naturel,
mais il faut reconnaître qu'actuellement, au niveau de la grille
d'évaluation des besoins des personnes soutenues à domicile... Si
vous connaissez vraiment le profil des personnes soutenues à domicile
par les CLSC, dites-le nous. En tout cas, on n'a pas vu ça encore, nous.
(15 h 15)
Alors, nous, on dit: On a une certaine expérience de ce
côté-là, avec les limites que comportent les fameuses
formules CTMSP. Je ne veux pas entrer dans du jargon technique, mais on a une
certaine expérience là-dedans et on se dit: II y aurait des gains
de complémentarité, d'efficacité et d'efficience
considérables si on pouvait aller vers une meilleure articulation, je
dirais, du roulement, entre guillemets, de ces personnes-là dans les
deux réseaux.
Finalement, j'attire votre attention sur une. En tout cas, ce n'est
peut-être pas un gain d'efficacité et d'efficience, mais je vous
rappelle la suggestion qu'on fait de projet de solidarité sociale,
à savoir de mobiliser des ressources humaines qui sont peu ou pas
utilisées présente-
ment dans le maintien à domicile, dans le support à
domicile et dans l'intégration sociale des personnes âgées
et handicapées.
M. Côté (Charlesbourg): II ne me reste pas grand
temps. Vous avez dit: mesures fiscales, dernier recours. On ne veut pas trop,
trop toucher à ça, dernier recours. Cependant - et ce sera ma
dernière question, mais je vais y mettre deux volets, comme on fait en
Chambre quand le temps s'écoule - est-ce que, d'après vous, il y
aurait nécessité ou pas de revoir le panier de services? Il y a
probablement des gains appréciables à avoir à ce
niveau-là. Est-ce qu'on est aujourd'hui dans une situation où on
pourrait revoir le panier de services? De un.
De deux, vous ne voulez pas de mesures fiscales, donc, dernier recours,
et je comprends. Vous vous sentez comment lorsqu'on charge au-delà de
1000 $ par mois pour des personnes qui sont hébergées en centres
d'accueil d'hébergement, donc, pour l'hébergement et pour les
repas, et que dans les centres hospitaliers de courte durée, où
il y a de l'hébergement et des repas, on ne charge rien?
M. Clair: Je vais commencer par celle-là. Écoutez,
ça, c'est une sorte d'iniquité, entre guillemets, historique,
à notre point de vue, sur laquelle on a déjà eu l'occasion
d'intervenir. Écoutez, c'est certain que 1000 $... Je vous rappelle que
c'est 1001 $, actuellement. Vous nous avez annoncé, par un petit projet
de règlement qui est paru le 18 décembre, que ça allait
monter à 1092 $. Écoutez, c'est évident qu'il y a comme
une sorte de discrimination systémique à l'égard des
personnes âgées hébergées en centres d'accueil
d'hébergement, qu'elles sont les seules à payer, alors qu'il n'y
a pas de frais de repas ni d'hébergement en hôpital de courte
durée.
Maintenant, je vais vous dire, parfois, c'est un peu gênant parce
que 1092 $ par mois, il y a des établissements où on commence
à charger, entre guillemets, plus que la composante hébergement
proprement dite. Ce n'est pas la majorité, mais la réalité
budgétaire des établissements et les coûts
d'opération ne sont pas les mêmes partout. Alors, parfois, c'est
un peu gênant. Les centres d'accueil ont eu l'occasion, bien avant
aujourd'hui, de dire, à leur avis, qu'il y avait certainement une
question d'équité. Maintenant, là où on doit
reconnaître, par ailleurs - comment je vous dirais? - le fait qu'il y art
une contribution de l'usager - appelons ça comme ça - n'est pas
nécessairement incompatible avec l'accessibilité du service.
Parce que si on regarde - il faut qu'on se regarde nous-mêmes -
nos différentes clientèles, dans le fond, le réseau
où la contribution des usagers est le plus développé, soit
celui de l'hébergement, c'est celui également qui est le plus
accessible pour les personnes âgées en perte d'autonomie par
rapport à d'autres types de clientèles où, en
théorie, les services sont gratuits, en déficience auditive, en
déficience visuelle. Ils sont gratuits pour la réadaptation des
personnes toxicomanes. Mais, quand on sait qu'on a une capacité de
traitement, par exemple, dans un de nos établissements, pour à
peu près 2000 personnes par année et qu'on a 12 000 demandes, je
vais vous dire: C'est beau la gratuité, mais l'accessibilité
réelle du service pour le citoyen, elle n'y est pas.
Donc, on reconnaît qu'on est un peu tiraillés
là-dessus parce que, d'une part, c'est sûr que dans un monde
idéal on souhaiterait, nous aussi, que tous les services soient gratuits
et qu'on puisse déployer notre réseau, mais c'est sûr aussi
qu'on constate bien que, quand il y a une contribution, c'est plus
développé. À l'opposé, on voit bien
l'iniquité aussi qu'il y a de demander une contribution pour
l'hébergement aux personnes âgées hébergées
chez nous et pas à l'adulte ordinaire, entre guillemets, qui est dans un
milieu de courte durée.
Nécessité de revoir le panier de services. Écoutez,
si on entre vraiment là-dedans, nous, on pense qu'il faudrait que le
premier critère qui guide le législateur, ce soit
l'équité entre des personnes aux prises avec des problèmes
différents. Un parent qui est aux prises avec un fils ou une fille qui
souffre de problèmes graves de toxicomanie, pour lui, ce
parent-là, le service est peut-être aussi important que pour la
mienne, ma petite fille, qui souffre d'asthme. Et ainsi de suite.
Donc, la notion de services complémentaires et de revoir le
panier de services, c'est une notion qui est valable, sans aucun doute, mais
qui comporte de sérieuses limites. Parce que, dépendant de la
situation vécue par chacune des personnes, la priorité pour un
service de santé ou pour un service social peut sembler bien
différente selon le point de vue de la personne. Alors, nous, on se dit:
revoir le panier de services, si vous embarquez, entre guillemets,
là-dedans, ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il soit adapté le plus
possible à la réalité des années 1990-2000
plutôt que sur la photographie de famille de la population
québécoise qu'on a prise dans les années soixante-dix et
où, là, quant aux besoins qui étaient évidents
à cette période-là, eux autres sont bien desservis, les
services sont gratuits, sont étendus, mais les autres, cependant, le
sont moins. Donc, nous, on dit...
Le Président (M. Joly): Merci.
M. Clair: ...que, s'il y a une révision du panier de
services, il faudrait tenir compte de ces éléments-là,
à notre avis.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Bienvenue à
cette commission. Bravo pour le travail! 340 établissements à
travers le Québec, personnes âgées, toxicomanes, les
jeunes, les jeunes mères, c'est impressionnant, vous êtes partout
dans les régions. Ceci étant dit, maintenant, posons-nous les
vraies questions. Si j'ai bien compris, à propos de la loi-cadre, pour
le prochain cycle économique en matière de financement des
services de santé, il devrait être déclaré une
trêve entre les politiciens. Est-ce que, ce matin-là, on va aussi
signer la trêve entre l'AHQ et l'ACAQ?
Des voix:...
M. Clair: Nos rapports avec l'AHQ, nous, on les considère
excellents. On n'a pas l'occasion de travailler avec eux souvent parce qu'on
est trop occupés à la maison, mais sinon... Écoutez, je
pense que... Excusez.
M. Trudel: Plus sérieusement, M. le directeur
général. D'abord, il y a une première remarque sur les
dépenses de santé et les dépenses sociales. Je pense que,
finalement... Je voudrais essayer qu'on s'entende là-dessus. Que ces
dépenses soient de santé ou qu'elles soient dans le secteur
social, est-ce qu'on ne s'entendrait pas pour dire qu'en 1991-1992 le budget de
la santé et des services sociaux, le ministère au Québec,
additionné à ce qu'on appelle le budget à Cantin, la RAMQ,
ça ne fait pas 12 160 000 000 $? On ne doit pas être loin. Vous
devez avoir regardé ça. Là, maintenant, parlons des
besoins. On part donc, en 1991-1992, de 12 160 000 000 $, entendons-nous.
Deuxièmement, dites-moi si c'est juste. Est-ce que vous pensez -
parce que la liste que vous nous avez faite au départ est assez
effrayante, de besoins supplémentaires à combler - qu'avec
l'indice des prix à la consommation, plus 3 % d'augmentation des
dépenses au cours des cinq prochaines années, on arriverait,
grosso modo, à répondre aux besoins auxquels nous sommes
confrontés? Est-ce que vous pensez qu'on va y arriver?
M. Clair: Si on le veut, on pense que oui, on le peut. Ça
va dépendre d'une série de décisions, cependant, qu'il y a
à prendre en ce qui concerne... Par exemple, un sujet qu'on n'a pas
abordé, c'est toute la question des clauses normatives dans les
conventions collectives qui génèrent des coûts très
importants. Alors, s'il y a une volonté gouvernementale d'essayer de
convenir avec nos partenaires syndicaux des règles un peu plus souples
qui permettraient d'économiser, si, sur le plan de la croissance des
effectifs médicaux et des modes de rémunération et des
styles de pratique médicale il y a une volonté, à notre
avis, oui. Mais, s'il n'y en a pas de volonté, c'est bien sûr
qu'il va manquer d'argent. c'est bien sûr qu'on peut projeter que l'ipc,
plus 3,5 %, plus 3 %, ne permettra pas au gouvernement d'équilibrer ses
budgets ni à celui-ci de rencontrer les priorités sociosanitaires
qu'il va s'être données. ça dépend beaucoup des
moyens que vous allez choisir de vous donner pour atteindre les objectifs que
vous allez vous fixer. autrement dit, toute l'approche, pour nous, c'est de
dire: est-ce qu'on choisit vraiment de vivre selon nos moyens? si on choisit de
vivre selon nos moyens, bien, prenons les mesures qui vont nous faciliter de
rentrer là-dedans.
M. Trudel: Alors, il y a moyen d'y arriver. Est-ce que vous
souhaitez qu'à l'intérieur de la future loi qui serait
adoptée pour le prochain cycle les dépenses de l'État en
matière de santé provenant du fonds consolidé du
Québec soient au niveau de l'indice des prix à la consommation
plus 3 %? Est-ce que vous souhaitez ça?
M. Clair: Si ça pouvait être plus 4 %, on serait
d'accord aussi, vous savez. Alors, dans ce sens-là...
M. Trudel: Non, mais vous êtes citoyen.
M. Clair: Je ne veux pas être ironique, mais c'est dans le
sens de dire: II y a un niveau de responsabilité, je vous dirais, qui
est le vôtre, celui des élus. C'est de déterminer quel est
le niveau de contribution à même les impôts, les taxes que
vous êtes prêts à consacrer à la santé et aux
services sociaux. Alors, à ce moment-là, c'est sûr que,
quant à nous, si on a le choix entre plus d'argent et moins d'argent, on
va demander plus d'argent. Ça me semble...
M. Trudel: Mais compte tenu des besoins que vous observez dans
votre secteur, est-ce que vous pensez que la contribution du gouvernement du
Québec par son fonds consolidé peut être moins que l'IPC
plus 3 % au cours du prochain cycle budgétaire?
M. Clair: difficilement par rapport à la dynamique
actuelle, telle qu'on la connaît. mais, encore là, c'est question
de matière de choix. je sais qu'il faut faire bien attention à
toute comparaison, mais je vous rappelle que, par exemple, l'ontario vient de
décider - ce n'est pas encore traduit dans une loi - de se donner un
cadre budgétaire qui serait de 1 % la première année, 2 %
la deuxième, 2 % la troisième. je vous dis qu'avec l'ipc plus 3 %
il y a là un écart considérable entre les deux approches.
maintenant, c'est certain que si, globalement, i pc plus 3 % ou la croissance
de la richesse collective qu'on estime à 3 % net, c'est ça le
paramètre... écoutez, on est conscients, nous, en tout cas, pour
faire un virage du côté social, que 3 % de 8 000 000 000 $, c'est
240 000 000 $,
240 000 000 $ qui seraient disponibles pour répondre à des
priorités du côté du secteur social. Je vais vous dire, en
tout cas, par rapport au réseau qu'on représente, on n'a pas
besoin, cette année, d'aller chercher les 240 000 000 $ en question pour
faire un virage majeur, mais c'est là que la proposition ou
l'idée qu'on met de l'avant tient compte de l'ensemble de la situation
financière du gouvernement et des sommes qu'il est prêt à
consacrer à ce secteur-là.
M. Trudel: Je vous comprends bien en disant que votre proposition
principale, c'est de dire: Quand il va nous manquer sur cinq ans... Supposons
que nos dépenses sont de l'IPC plus 3 %, que nos revenus sont de l'IPC
plus 3 % en ce qui concerne le gouvernement du Québec, que les revenus
autonomes, CSST, etc., il y a un petit manque à gagner de 1,5 %, que le
fédéral se désengage pour 1 % et que, pour les autres
contributions, ça se maintient, vous êtes bien conscients qu'il
manque 2 870 000 000 $. Ce que vous dites: C'est notre problème, nous
allons le régler à l'interne. 2 870 000 000 $, on va le
régler à l'interne par des déplacements de budget. Est-ce
que c'est ça que vous dites? Parce que vous dites: Écoutez, dans
le secteur médico-hospitalier, il y en a peut-être un
problème à examiner de répartition intra. Mais le total ou
le manque à gagner sur le total, il ne change pas le diable. (15 h
30)
M. Clair: Écoutez, il ne faudrait pas que vous pensiez...
Je pense que l'interprétation que vous donnez va plus loin que notre
pensée dans le sens qu'on pense que, oui, il y aurait une énorme
contribution qui pourrait venir, comment je dirais, de cet effort-là de
réduction de la croissance du budget dans l'ensemble
médico-hospitalier, mais il ne faudrait pas renoncer comme ça non
plus aux transferts fédéraux parce que ça, on n'est pas
intervenus là-dedans. Mais, nous autres, on pense qu'il y a des choses
qui sont quand même très choquantes.
En septembre dernier, le gouvernement fédéral a
annoncé, par Santé et Bien-Être Canada, du
côté des personnes handicapées, quoi? 158 000 000 $ ou 150
000 000 $. Il n'y a pas d'argent pour financer les services de base puis il y
en a pour venir dédoubler des services qu'on offre. Je vais vous dire
quelque chose. On a des indications, M. le ministre, avec le rapport du
comité Bouchard, par exemple, pour en prendre un, à l'effet que
le gouvernement fédéral s'apprêterait peut-être
à venir annoncer encore des interventions dans le secteur de la jeunesse
en difficulté d'adaptation.
Alors nous, on trouve que, de ce côté-là, le
ministre fait des discours intéressants. On l'appuie là-dessus,
on est d'accord avec ce qu'il y a dans le document, mais il nous semble que
ça pourrait être l'occasion d'un grand mouvement de
solidarité entre les formations politiques.
Pourquoi ne pas créer une coalition? Il y en a déjà
eu une qui avait fait reculer le gouvernement fédéral, il y a
quelques années. Je ne me souviens plus si c'était C-10, le
projet de loi qui voulait limiter la participation de la Caisse de
dépôt...
M. Trudel: C-30.
M. Clair: C-30 plutôt. C-30, effectivement. Alors nous, on
n'est pas prêts à renoncer, pas du tout, à ça. On
assure le ministre puis vous aussi que, s'il y avait une coalition qui
était formée pour essayer de forcer le gouvernement du Canada
à réviser sa position là-dessus, vous pourriez compter sur
nous. Et loin de nous... Jamais on n'ira penser que ça serait aux
hôpitaux de courte durée du Québec et aux médecins
du Québec de payer la note du fédéral. Ce n'est pas du
tout l'esprit de notre mémoire.
M. Trudel: Je perds mon latin. Non, là, franchement, je ne
comprends plus.
M. Clair: Qu'est-ce que vous ne comprenez pas?
M. Trudel: Non, là, je ne comprends plus. On va se parler
franchement. Prenez votre mémoire à la page 34. Vous dites: C'est
trop important le désengagement fédéral. Je suis heureux
que vous le disiez parce que, là, je comprends que ce n'est plus
assimilable à du crédit social. Je trouve que les opinions ont
comme changé. C'est bien beau de dire qu'on va aller dans le secteur
médico-hospitalier, mais le problème est d'une ampleur beaucoup
plus grande que cela.
La première chose que j'aimerais que vous nous expliquiez, parce
que moi, je ne comprends pas, c'est quand vous me dites: On partage totalement
le point de vue du ministère sur cette question. Voulez-vous me dire
c'est quoi le point de vue du ministère? Parce que, moi, je ne le
comprends pas, même à la suite du discours du ministre, ce matin,
qui dit qu'il a de la misère à suivre le fédéral
sur C-3. Moi, j'aimerais ça le savoir, si vous pouviez m'expliquer c'est
quoi la position du ministère sur le fédéral et sur C-3,
puis qu'est-ce que vous partagez. J'aurai d'autres questions à poser
après cela si ce n'est pas trop parler de crédit social.
M. Clair: Écoutez, j'allais vous dire: Si la question
s'adresse à l'interprétation que donne le ministre à sa
propre position, je pense que la question devrait plus être
adressée au ministre. Mais en ce qui nous concerne, ce qu'on a compris
du ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, c'est
qu'il trouvait inacceptable le désengagement du gouvernement
fédéral dans le financement des services de santé et des
services sociaux compris dans ce qu'on appelle le
financement des programmes établis. Mais ce qu'on lui dit aussi,
c'est qu'on lui dit: Une fois déclaré que, ça, c'est
inacceptable, nous, ce qu'on peut constater du bout de la place ou du
siège qu'on occupe, c'est qu'une fois qu'il a affirmé ça
les moyens qu'il met en oeuvre pour faire reculer le gouvernement
fédéral nous semblent limités.
Alors, il me semble qu'il n'y a pas de contradiction entre la position
gouvernementale, celle que j'indique et celle que vous défendez. Ce sont
des questions de niveaux et de moyens à prendre pour atteindre
l'objectif recherché qui est celui d'amener le fédéral
à financer le régime qu'il a mis au monde avec les provinces
comme il avait prévu le faire.
M. Trudel: Mais vous nous dites, sérieusement...
Écoutez, le ministre dit dans son document: Beu! Beu! Beu! Il fait peur
au fédéral... Beu! Beu! Beu! J'ai besoin de mon i 200 000 000 $
vous savez très bien.
Je vais vous lire quelque chose. Il y a quelqu'un qui, le 25 juillet
1960... Il s'appelait Jean Lesage. Ce n'était pas le dernier; on l'a
tous admiré au Québec. En tout cas, c'est mon cas. C'était
en 1962, là. Savez-vous ce qu'il fait? ii fait beu! beu! beu! au
fédéral pour avoir notre argent et nos points d'impôt pour
s'occuper de notre santé et de nos services sociaux. je vais vous le
lire intégralement: le 25 juillet 1960 - ce n'est pas longtemps
après l'élection de juin de la révolution tranquille du
départ - il y a donc 32 ans, il disait ceci: cette compensation
financière devrait prendre la forme de droits additionnels de taxation
spécifiquement réservés aux gouvernements provinciaux. du
même souffle, parce qu'il était toujours fédéraliste
- et il en avait le droit - il ajoutait le paragraphe suivant, la phrase
suivante: si, par ailleurs, le gouvernement fédéral n'est pas
prêt présentement à accepter nos propositions, nous
reposerons le problème à la prochaine conférence et nous
insisterons pour y apporter une solution satisfaisante, ajoutait m. lesage
à l'époque, il y a 32 ans. en 1992, dans un document du
ministère dont il y a plusieurs des dimensions que je respecte, on dit:
savez-vous, il faudrait faire beu! beu! beu! au fédéral, puis ils
en ont besoin parce qu'on va leur faire peur. puis vous, vous nous dites, m.
clair: on va signer une pétition, on va faire une coalition tous les
deux, puis on va faire peur au fédéral. mais la coalition, m.
clair, ça s'appelle le constitutionnel, ça s'appelle un
référendum. oui, si vous voulez qu'on signe là-dessus une
entente, on va en faire un référendum sur la souveraineté.
ça me surprend franchement qu'on puisse dire à l'intérieur
du régime actuel: ii y a encore moyen de japer pendant 32 ans, puis je
pense qu'on va réussir. est-ce que c'est ça que vous voulez
dire?
M. Clair: Alors, M. le député, nous, on est
présents à la commission des affaires sociales aujourd'hui. Si on
avait voulu être invités à la commission des affaires
constitutionnelles qui, je pense, siège dans une autre pièce, on
aurait pu aborder cette question-là sous l'angle des enjeux
constitutionnels. Ce n'est pas le contexte dans lequel on a voulu se placer.
Nous, on a voulu se placer dans le contexte où, actuellement, il y a
effectivement des revendications historiques sur le plan du gouvernement du
Québec en ce qui concerne le partage des compétences, notamment
dans le secteur de la santé et des services sociaux.
Maintenant, ce qu'on indique bien dans notre document, je cite à
la page 34: «Nous ne pouvons oublier qu'une très large partie du
problème de financement qui confronte notre réseau tire son
origine de ce désengagement du gouvernement du Canada. Dans ce sens, il
nous semble que le gouvernement du Québec pourrait faire preuve de plus
d'audace à l'égard du gouvernement canadien, travailler à
mobiliser l'opinion publique québécoise sur cette question et
envisager, avec le support de l'opinion publique, d'occuper totalement le champ
d'impôt correspondant.» sans embarquer dans le débat
constitutionnel, nous, on considérait que c'était pas mal le plus
loin qu'on pouvait aller et on est loin de dire au ministre: on veut faire une
petite coalition à deux, là. ce n'est pas ça dont on
parle. on dit simplement: si le ministre et si l'ensemble du réseau de
la santé et des services sociaux se mettaient à mobiliser
l'opinion publique sur cette question-là, on dit simplement que
peut-être ça pourrait être un moyen de faire reculer le
gouvernement fédéral.
Maintenant, en ce qui concerne le débat constitutionnel, s'il se
tenait une commission parlementaire sur cette question-là, soit
personnellement, soit l'Association, et que nous étions invités
à venir donner notre point de vue, ça nous ferait plaisir de le
communiquer.
M. Trudel: M. le directeur général de l'ACAQ et
messieurs, est-ce que C-3 du fédéral... Est-ce qu'on demande la
modification de C-3 ou pas? Selon vous, est-ce que la barrure que constitue C-3
- je ne définis pas le sens de la barrure - est-ce que le verrou que
constitue C-3, on fait sauter ça ou pas? Est-ce qu'on donne suite au
paragraphe du 7 décembre 1990 de la politique de la réforme de la
santé et des services sociaux du ministre Marc-Yvan Côté?
Est-ce qu'on écrit au ministre Bouchard et on lui dit: Vous me faites
sauter C-3? Je veux le comprendre. Je ne le comprends pas ici votre page
34.
M. Clair: Écoutez, le gouvernement du Québec est
devenu le principal pourvoyeur de fonds, depuis un certain temps
déjà, du finance-
ment de l'ensemble du réseau de la santé et des services
sociaux. À ce titre-là, non pas pour indiquer quelque voie que ce
soit en termes de moyens à choisir de dire: frais d'hôtellerie,
pas frais d'hôtellerie, ticket modérateur ou pas, mais simplement
sur le plan de la logique, il nous semble que, si le gouvernement
fédéral met de moins en moins d'argent dans le financement, il
est de moins en moins légitimé d'imposer des normes au
gouvernement et à l'Assemblée nationale du Québec et, en
ce sens-là, le mieux qu'il y aurait à faire avec C-3, ce serait
effectivement de l'effacer complètement et que le Québec puisse
occuper entièrement ses responsabilités, puisqu'il est te
principal pourvoyeur de fonds.
Maintenant, quoi faire avec la marge de manoeuvre, entre guillemets, qui
serait ainsi dégagée? Nous, comme association
d'établissements, on peut simplement vous dire qu'on fait confiance aux
élus québécois que vous êtes et que vous prendriez
les décisions les plus appropriées.
M. Trudel: C'est un bon éclairage et vous avez raison.
L'autre question, elle s'adresse au ministre. Je m'excuse de le prendre sur
votre temps, messieurs. Est-ce que c'est encore le 7 décembre 1990 sur
C-3? Parce que vous avez dit qu'on ferait une commission pour s'éclairer
mutuellement, pour se poser les vraies questions, vous avez raison, vous les
posez généralement et on se donne les vraies réponses.
Est-ce que c'est encore... on veut faire sauter C-3?
M. Côté (Charlesbourg): C'est une
interprétation, permettez-moi de vous le dire, très partisane et
très biaisée, que vous émettez, je ne sais pas sous le
coup de quel coup de vent. Une chose est certaine, c'est que nous avons
toujours dit que, dans la mesure où le gouvernement
fédéral n'avait pas les moyens de ses normes, nous souhaitions
avoir le champ libre pour décider à l'Assemblée nationale,
avec les mécanismes que nous avons, de certaines orientations et de
choix gouvernementaux que nous devrions prendre.
Est-ce que ça veut dire pour autant qu'à partir de demain,
si c'était le cas, on va galvauder à peu près n'importe
quoi sur la place publique, qu'il n'y aura plus de normes? Mol, j'ai toujours
dit, les normes canadiennes, oui, je suis prêt à ça. Mais,
quand on prend le seul et l'unique exemple qu'on a pris aujourd'hui quant
à l'hébergement des personnes âgées en centres
d'accueil d'hébergement, qui est aussi financé par le
fédéral, où on demande une contribution de ces
individus-là, qu'on le dit dans la même loi et qu'on n'est pas
capable de le faire dans le cas d'un centre hospitalier de courte durée,
il y a quelque chose à quelque part qui ne marche pas.
Ce qu'on dit, à partir de ça, ce n'est pas l'objectif de
faire sauter C-3 comme vous voulez faire sauter le gouvernement
fédéral ou le Canada. Ce n'est pas ça, là. Ce n'est
pas ça, l'objectif. L'objectif, c'est de dire, à partir du moment
où c'est nous autres qui payons, qu'on va au moins décider chez
nous entre parlementaires, selon les mécanismes de démocratie
qu'on a, de ce qu'on doit se donner comme base et comme paramètres, avec
une politique de santé et bien-être qui va venir
éventuellement. Dans ce sens-là, c'est ça la discussion.
Et cela va nous permettre, effectivement, de faire un certain nombre de choses
à ce niveau-là, sur le plan des manoeuvres, et les hommes
politiques porteront le poids des décisions qu'ils prennent. À ce
moment-là, chacun aura la liberté de.
Aux exemples donnés par Me Clair tantôt au niveau des
personnes handicapées, j'ajouterais toxicomanie, j'ajouterais les femmes
victimes de violence et possiblement l'enfance dans pas grand temps, alors
qu'on nous coupe d'un côté... On dit: Parfait, on prend 150, 58,
125, 130, on fait un beau petit paquet avec ça et on dit au restant du
Canada: Là, voici... On va pouvoir se promener un peu partout en disant:
On fait notre travail comme Canadiens, toujours sous le couvert de cette
loi.
Il y a des choses qui ne marchent pas, là. Ça,
là-dessus, je pense qu'on s'entend. J'imagine que vous autres aussi.
S'ils ont de l'argent, qu'ils nous le donnent pour qu'on règle nos
problèmes. À ce moment-là, ce sera plus facile pour nous
de dire: Oui, on respecte l'ensemble des normes. Essayons donc de regarder pour
voir ce qui est encore médicalement requis aujourd'hui. Essayons de voir
ça parce qu'on peut le faire, ce qui est socialement requis aussi. On
essaie de dépoussiérer les choses. Il y a des exemples parce
qu'on va en avoir en cours de route. On en a pour deux semaines, là. On
va en mettre sur la table dans pas grand temps puis le corps médical va
être là en particulier.
M. Trudel: Vous convenez, M. le ministre, que ça ajoute un
petit peu d'éclairage. Oui, je vais revenir. Il manque de temps. Vous
disiez, ce matin, dans votre intervention, là, quant à C-3 et au
comportement du fédéral: J'ai bien de la misère à
les suivre. C'est ça que vous disiez dans votre discours de ce
matin.
M. Côté (Charlesbourg): Bien sûr.
M. Trudel: Je comprends que vous avez de la misère
à les suivre. Je vous comprends facilement là-dessus. Vous
comprendrez qu'on a un peu de misère à vous suivre aussi.
À partir du 7 décembre 1990, vous indiquiez, mais un peu plus
clairement: Je vais demander de modifier C-3. L'avez-vous demandé?
Allez-vous le demander? Je comprends la modulation que vous venez de faire.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non, il n'y a
pas de modulation. C'a toujours été le même
principe. C'a toujours été, pour quelqu'un qui veut être
honnête habituellement, sur la place publique, c'a toujours
été la même ligne. À moins que vous vouliez faire
une interprétation partisane de cette situation-là.
M. Trudel: Avez-vous dit ça ou vous n'avez pas dit
ça?
M. Côté (Charlesbourg): C'a toujours
été clair dans tous les discours partout que les normes qui
découlaient de C-3 étaient des normes, que dans la mesure
où le gouvernement fédéral continuait de payer et de
mettre les sous, c'est les normes que nous étions prêts à
respecter. Mais, à partir du moment où il y a moins de sous, nous
allions prendre nos responsabilités, et c'a toujours été
l'indication. Pas pour remettre en cause l'ensemble du système...
M. Trudel: Je n'ai pas parié de ça.
M. Côté (Charlesbourg): Quand je vous vois citer M.
Lesage, ça me rappelle des bonnes périodes parce que moi aussi,
à l'époque, j'ai commencé à faire de la politique
quand c'était M. Lesage, qui nous a très largement
inspirés...
M. Trudel: Tout à fait. (15 h 45)
M. Côté (Charlesbourg): ...et si on a des choses
aujourd'hui, ce n'est pas rien que René Lévesque, c'est aussi
Jean Lesage...
M. Trudel: Tout à fait. Je l'ai dit tantôt
aussi.
M. Côté (Charlesbourg): ...qui nous a donné
un certain nombre de ces choses-là, aujourd'hui, dont on est tous fiers.
Il n'est pas question, aujourd'hui, de mettre ce système-là
complètement de côté pour dire: On défait tout. On
est dans une situation financière que vous avez vous-même
décrite ce matin comme pas facile. Peu importe le gouvernement, que vous
soyez là demain ou que ce soit un autre parti politique qui va se
retrouver responsable des finances publiques du Québec, une chose est
certaine, c'est que les chiffres ne changeront pas. Les chiffres vont
être les mêmes, les situations de listes d'attente vont être
les mêmes et les problématiques aussi. Il nous faut donc, en gens
raisonnables, comme nous sommes capables de l'être, faire en sorte qu'on
puisse tenter de dégager des pistes, et je pense qu'on peut le faire
très honorablement.
M. Trudel: Merci. Là-dessus, j'y reviendrai. Une
dernière question, messieurs de l'Association des centres d'accueil.
Le Président (M. Joly): Et une courte réponse, s'il
vous plaît, parce qu'on a de la misère avec la feuille de temps,
là.
M. Trudel: Très, très, très concrète,
cette question. À la page 65 du document du ministre, au chapitre du
salaire et de la rémunération, le ministre suggère et dit
que la position du gouvernement, c'est de limiter l'évolution du
coût global de la rémunération des salariés à
effectifs constants à un rythme maximum non supérieur à
l'IPC, excluant le système salarial.
Alors, en clair, pour le vrai monde, on dit: La décision, pour le
prochain cycle, c'est de geler les salaires des salariés à plus
IPC. Qu'est-ce que vous pensez de ça par rapport à vos
professionnels, les intervenants qui font ce travail partout à travers
le Québec avec vous? Est-ce que c'est oui ou non à cette
proposition du gouvernement ou à cette option qu'il a prise? Parce que
c'est une option que le gouvernement a prise de geler les salaires.
M. Clair: Tel que libellé, on parle de limiter
l'évolution du coût global de la rémunération des
salariés à effectifs constants à un rythme maximum non
supérieur à l'IPC. Il n'y a pas de période de
déterminée. On ne sait pas si les gains d'efficacité qu'on
pourrait obtenir en changeant des contenus normatifs... S'il se
générait des économies, est-ce qu'on pourrait les
convertir dans cette direction-là? Ce n'est pas suffisamment
détaillé. Mais une chose est certaine, nous, on
préfère que le gouvernement ait une approche de franchise
à notre égard.
C'est dans cet esprit-là qu'on a avancé une proposition de
dire: Donnez-nous un cadre financier. C'est quoi, vos moyens véritables?
On va essayer de faire pour le mieux avec cet argent-là. Alors, ce qu'on
vous dit à l'égard des employés de l'État, ce qu'on
souhaite, c'est qu'on soit en mesure, comme association patronale, de concert
avec les autres associations patronales aussi, d'avoir la même franchise
à l'égard des employés de l'État. Ça ne
donne rien de faire miroiter des choses si, en fait, on n'a pas la
capacité de les rencontrer.
Donc, nous, on comprend qu'actuellement la politique de
rémunération du gouvernement dans son ensemble fait
sûrement l'objet d'études ou d'analyses auxquelles on n'est pas
partie prenante, mais elle semble indiquer, en tout cas très nettement,
qu'il y a une volonté de contrôler très proche de
l'inflation l'évolution des salaires. Maintenant, nous, on ne peut pas
être en désaccord avec une approche réaliste, à la
condition, bien entendu, que les employés du réseau de la
santé et des services sociaux ne soient pas traités d'une
façon discriminatoire par rapport aux autres de l'ensemble des autres
réseaux. Alors, c'est certainement une préoccupation qu'on a.
M. Hould (Jacques): D'ailleurs, beaucoup des
constatations qui sont marquées dans ce mémoire-là
sont dans un contexte où la dimension économique au Québec
n'est pas celle des années soixante-dix. Dans ce sens-la, la mesure
d'IPC plus 1 %, plus 2 % ou plus 5 % essaie de tenir compte des marges
identifiées par le gouvernement. Les autres commentaires touchant, comme
nous, la rémunération globale, c'est dans un contexte où
les gens autour de nous autres aussi n'ont pas nécessairement une
sécurité de revenu: beaucoup de mises à pied, beaucoup de
problèmes économiques. Et ça, je pense que c'est une
réalité qui est perçue aussi de la part de nos partenaires
syndiqués.
M. Trudel: Merci beaucoup de ces précisions. Merci de
votre présentation.
Le Président (M. Joly): Merci. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Si
je crois comprendre, vous avez deux questions, M. Atkinson.
M. Atkinson: Oui, c'est deux questions. C'est très bref,
M. le Président.
Le Président (M. Joly): Peut-être les faire toutes
les deux en même temps, monsieur. Est-ce que vous les faites toutes les
deux?
M. Atkinson: Oui, merci, M. le Président.
Premièrement, j'appuie votre position, monsieur. En page 48, le
deuxième paragraphe: «Le ministère de la Santé et
des Services sociaux devra donc prendre les mesures adéquates pour
contrôler la pression exercée par la profession médicale
sur l'effort de services.» Pouvez-vous m'expliquer ce point? Quelles
mesures pensez-vous que le ministre devrait adopter?
M. Clair: Alors, je me rends compte qu'il y a une erreur, hein?
C'est sûrement sur l'offre de services et non pas sur l'effort de
services. Alors, écoutez, ce sont des mesures... D'abord, c'est certain
que sur le plan du mode de rémunération, sur le plan de
l'admission en faculté de médecine, quand le nombre des effectifs
médicaux croît à une vitesse trois fois plus rapide que
celle de la population au Québec et qu'on sait qu'avec le mode de
rémunération, le type de pratique, la façon dont notre
réseau est organisé, le plus important, à la limite, ce
n'est pas tant ce que coûte individuellement, sur le plan salarial,
chacun des médecins... On sait très bien que c'est vrai. Je ne
sais pas quel rang exactement ils occupent au Canada, mais, en
rémunération individuelle, les médecins du Québec
ne sont pas les mieux payés au Canada, loin de là. Mais on
accroît l'effectif total des médecins en nombre beaucoup plus
rapide que l'évolution de la population et le mode de
rémunération dans lequel ils oeuvrent, cela fait en sorte que les
coûts vont en augmen- tant très rapidement. bien, c'est
évident que c'est un des éléments à
contrôler, ('admission des nouveaux médecins et l'orientation de
ceux-ci dans les spécialités où le québec est en
manque et non plus aller du côté de ceux où on est parfois
en surplus.
M. Atkinson: C'est la deuxième question. Vous recommandez
que la main-d'oeuvre infirmière soit augmentée. C'est le prochain
paragraphe. Selon cette hypothèse, une telle catégorie, etc.,
vous mentionnez qu'on pourrait avoir une économie de 200 000 000 $.
M. Clair: Alors, ce n'est pas une affirmation que nous faisons.
En fait, c'est une citation d'une étude qui a été
réalisée dont le contenu de ces déclarations-là
provient, si je me souviens bien, d'une conférence qui a
été prononcée le 23 mars 1990. Maintenant, c'est certain
que, pour parier de façon très politique, je dirais entre
guillemets, moi, j'ai été très surpris... Vous avez
peut-être écouté l'émission «Enjeux»
à laquelle participait le ministre la semaine dernière. Je
trouvais que le débat, à certains égards, entre les
infirmières et les représentants de ta profession médicale
ne tournait pas autour des bons enjeux. Ça ne donne rien d'accuser les
médecins du Québec de gagner trop cher, entre guillemets, quand
on sait que, sur le plan de la rémunération individuelle, ce
n'est pas exact qu'ils sont mieux rémunérés que les
autres.
Un enjeu beaucoup plus fondamental, c'est la répartition du champ
de pratique entre les infirmières et les médecins et sans
être des spécialistes, on va laisser ça à
l'Association des hôpitaux du Québec qui connaît ça
bien mieux que nous sur le plan de la gestion des hôpitaux de courte
durée, où il y a un volume beaucoup plus grand, entre guillemets,
et de médecins, et d'infirmières. Mais ce qu'on peut constater,
nous, en tout cas, dans le réseau des centres d'accueil
d'hébergement, notamment, c'est que, avec de plus grandes
responsabilités du côté de la profession
d'infirmière, on pourrait effectivement, à l'occasion,
procéder à des économies qu'on n'a pas mesurées
dans notre réseau, mais que cette étude-là qui est
citée ici en annexe dans notre document a, elle, essayé de
mesurer.
M. Atkinson: M. le Président, une petite question
complémentaire.
Le Président (M. Joly): Très très
petite.
M. Atkinson: Avec votre proposition, que seraient les
tâches d'une infirmerie clinicienne?
M. Clair: Je vais vous dire bien humblement: Je n'ai pas la
compétence technique pour répondre à votre question.
M. Atkinson: Merci.
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Je ne retire
strictement rien de ce que j'ai dit sur la qualité du mémoire qui
a été présenté, même si, à l'occasion,
il y a certains éléments qui ne font pas mon affaire. Ça
fait partie de nos mécanismes de consultation et on aura très
certainement à se revoir et à se parler pour les prochaines
phases. Merci.
M. Clair: Alors, je vous remercie de nous avoir
invités.
Le Président (M. Joly): Merci au nom des membres de la
commission et, à mon tour, je vous remercie. J'appellerais maintenant la
Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées du Québec, s'il vous plaît, à bien
vouloir s'avancer, prendre place.
S'il vous plaît! Ceux qui ont terminé, s'il vous
plaît! Mme Picard, bonjour, bienvenue à cette commission.
Premièrement, vous avez une vingtaine de minutes pour présenter
votre mémoire et, par après, nous divisons la balance du temps,
là, entre les parlementaires des deux formations. J'apprécierais,
Mme Picard, si vous pouviez nous introduire les deux personnes qui vous
accompagnent.
COPHAN
Mme Picard (France): Merci, M. le Président, et merci, M.
le ministre, de nous avoir accueillis à cette consultation. Sont avec
moi, à ma gauche, M. Michel Trottier, trésorier de la
Confédération des organismes provinciaux de personnes
handicapées du Québec, et, à ma droite, M. Richard
Geoffrion, directeur général de la
Confédération.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. À vous. Vous
avez la parole.
Mme Picard: Merci. M. le ministre, bien sûr que nous sommes
très préoccupés par cet enjeu que vous mettez maintenant
sur la place publique: le financement des services de santé et des
services sociaux.
En guise d'introduction - et je pense que ce n'est probablement pas le
cas de nous seulement - nous déplorons, en premier lieu, les
délais qui ont été accordés pour présenter
le mémoire. Nous avons un réseau où il y a beaucoup
d'organismes et nous avons dû faire vraiment les choses à la
hâte. Malgré tout, je crois que nous vous présentons les
enjeux principaux sur lesquels, en tout cas, nous aimerions que vous apportiez
une attention particulière. Comme nous avons eu peu de temps pour faire
nos consultations, nous nous sommes donc appuyés sur des
résolutions préalablement adoptées par nos membres en
assemblée générale et surtout sur les résultats de
la commission consultative sur la situation des personnes handicapées,
cette commission qui a fait le tour de la province au mois de juin dernier, qui
a accueilli 110 mémoires, qui a écouté 90 groupes et qui
déjà, même si le rapport n'est pas public, nous fait
connaître certaines opinions des personnes handicapées
vis-à-vis des problèmes ou des situations que vous posez dans
votre document.
Quelques mots de présentation sur la Confédération
des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec, la
COPHAN. Je vous rappelle que cet organisme a vu le jour en octobre 1985. La
COPHAN est née de la volonté des associations provinciales de
personnes handicapées de se regrouper dans une coalition afin de mieux
représenter les intérêts des personnes handicapées.
C'est un organisme qui regroupe des associations provinciales qui,
elles-mêmes, ont des membres au niveau local et, bien sûr, nous
rejoignons les personnes handicapées ayant des déficiences
diverses, c'est-à-dire l'ensemble des déficiences qui peuvent
être existantes sur le territoire québécois. Au
Québec, entre 500 000 et 800 000 personnes sont atteintes d'une
déficience soit physique, psychique, intellectuelle, organique ou
sensorielle, et la COPHAN est le porte-parole officiel au Québec pour
représenter les intérêts des personnes handicapées,
également au niveau du Canada et même au niveau international dans
le réseau de la francophonie. Notre mission principale est de
sensibiliser les instances gouvernementales, les principaux agents
socio-économiques ainsi que le public. Vous connaissez notre culture
organisa-tionnelle, M. le ministre. Nous sommes intervenus à maintes
reprises auprès des décideurs gouvernementaux pour les convaincre
de l'importance de l'intégration sociale des personnes
handicapées. (16 heures)
Mais, au fait, qui sont ces personnes handicapées? Le portrait de
famille des personnes handicapées n'est pas des plus explicites au
moment où on se parle. Les statistiques nous privent de beaucoup
d'informations encore à ce jour. Cependant, selon une enquête
canadienne postcensitaire sur la santé et les limitations
d'activités (ESLA), réalisée en 1986, 12 % de la
population du Québec, 800 000 personnes, ont au moins une limitation
d'activité. La difficulté d'établir des données
précises sur le nombre de personnes handicapées s'explique
notamment par l'absence au Québec de définitions et
d'orientations cohérentes en ce domaine. La notion même de
personne handicapée ou ayant une déficience ou une
incapacité varie selon les organismes. Que l'on s'adresse à la
CSST, la Commission de la santé et de la sécurité du
travail, que l'on s'adresse à la RAAQ ou à l'Office des personnes
handicapées, nous faisons appel à des divergences
d'opinions. Il y a donc une nécessité d'établir une
cohérence entre tous ces intervenants et leur mode d'intervention. C'est
sur ce fait que nous insisterons plus loin dans notre rapport pour créer
une équité entre les personnes handicapées
elles-mêmes, bien sûr, une équité entre les personnes
handicapées et la population en général.
Au niveau économique, souvent, nous disons que ce sont les plus
pauvres des pauvres. Les personnes handicapées sont
économiquement très pauvres. La direction de votre
ministère, le MSSS, affirme que 68 % des adultes ayant des
incapacités ont des revenus annuels de moins de 10 000 $, ce qui n'est
pas étonnant si on considère que la moitié des adultes
sont inactifs sur le marché du travail, alors que, par comparaison avec
la population en général, ce serait le quart. La CSN dit
même que 75 % des personnes handicapées sont sans emploi au
Québec.
Autre situation particulière des personnes handicapées,
elles sont aussi sous-scolarisées. De nombreux problèmes
d'intégration scolaire des enfants handicapés restent à
résoudre. De nombreuses résistances sont dans le milieu et il
faut y faire face. Encore une fois, les données du service
d'évaluation du ministère tendent à démontrer que
les personnes ayant des incapacités sont plutôt isolées et
plus isolées que l'ensemble de la population.
Au Canada, 18,9 % des adultes ayant des incapacités vivent seuls,
alors que cette proportion est de 10 % de la population en
général. L'isolement, la sous-scolarisation, la pauvreté
entraînent des malaises au niveau de la condition physique et sont
souvent générateurs de déficiences ou de handicaps. Nous
sommes dans une espèce de cercle vicieux. C'est pourquoi la COPHAN
s'acharne vraiment à investir dans l'intégration sociale des
personnes handicapées.
En ce qui concerne votre document, M. le ministre, disons d'abord que le
système de santé et de services sociaux du Québec a
contribué de façon significative au mouvement
d'intégration des personnes handicapées du Québec depuis
une vingtaine d'années. On sait, par exemple, tout l'apport de la Loi
assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et de l'Office
des personnes handicapées au cours des 15 dernières
années. Mais les organismes de personnes handicapées
consultés à l'occasion de la commission consultative de juin
dernier s'entendent pour déplorer l'absence de ressources en
quantité et en qualité suffisantes pour répondre aux
besoins de base des enfants et des adultes handicapés.
C'est pourquoi l'essentiel de nos réactions à vos
propositions s'appuie sur deux axes: la primauté de garantir les
principes d'équité, d'universalité et
d'équité des services dispensés pour pallier les
conséquences des maladies, traumatismes et déficiences;
deuxièmement, l'importance de mettre l'accent sur la prévention
sur tous les fronts de la maladie, des traumatismes et des
déficiences.
Au fond, ce que nous allons vous expliquer un peu tout au long de ce
document apparaît dans notre mémoire, à la page 5,
où on indique qu'avant de passer à la taxation, à d'autres
formes de taxation, l'on doit se demander si tous les efforts de
rationalisation des ressources déjà existantes, soit humaines,
financières et matérielles, ont été faits. Est-ce
que tous les partenaires socio-économiques ont fait un effort pour
vraiment maximiser le rendement des ressources en place?
À ce titre, nous vous posons trois questions auxquelles nous
réfléchirons ensemble, je l'espère. Les ressources
physiques et humaines utilisées sont-elles toujours des plus efficientes
relativement aux besoins? Y a-t-il surconsommation et abus du système?
Si oui, qui en est responsable? Comment, collectivement, voulons-nous
répartir et assumer les risques liés à la maladie et
à ses conséquences? Voulons-nous les assumer de façon
solidaire par mutualisation et paiement en fonction des revenus, ou les assumer
individuellement en fonction de leur consommation?
Pour une orientation claire en matière de prévention. Les
conclusions de nombreuses études de même que les commentaires des
représentants d'organismes de personnes handicapées convergent de
plus en plus dans le sens d'actions axées vers la prévention.
Encore une fois, je me permettrai de citer le rapport de la commission
consultative de la COPHAN disant: «Les associations de personnes
handicapées ne tiennent nullement à faire du recrutement et
veulent qu'on agisse à la base.» Il faut reconnaître que des
efforts ont été consentis et que certains progrès se sont
manifestés depuis 10 ans, notamment au chapitre des habitudes de vie, de
prévention des accidents et des risques génétiques et de
périnatalité. Mais il reste encore beaucoup d'efforts à
faire en ce qui concerne la prévention des maladies professionnelles, il
faut chercher aussi à influencer les conditions socio-économiques
précaires et à améliorer les situations des quartiers
pauvres qui peuvent générer des personnes ayant des
déficiences et des limitations.
En ce qui concerne les mesures portant sur la détermination des
dépenses, les mesures proposées au chapitre de fa
détermination des dépenses nous paraissent
généralement appréciables. En effet, l'éventuelle
croissance des besoins en matière de services appelle un effort accru et
nécessaire dans les contrôles de l'adéquation entre
l'investissement de l'État et les services offerts et dispensés.
Par contre, l'idée de réévaluer la gamme et
l'étendue des services demeure pour nous inacceptable alors même
que la gamme actuellement offerte présente plusieurs
inéquités. Ainsi, on sait, par exemple, que des seringues sont
distribuées gratuitement aux toxicomanes pour prévenir le sida.
Nous n'avons
rien contre la protection de cette situation, mais pourquoi n'en est-il
pas de même pour les diabétiques qui, eux, ont à payer
plusieurs appareils et médicaments de soutien?
La révision de l'étendue des services de base doit se
faire en fonction de l'utilité et de l'efficacité des services.
L'accès à plusieurs prothèses, orthèses et services
sociaux de toute première nécessité est assujetti à
des critères d'âges et de revenus. Encore une fois, votre
direction de l'évaluation estime que 10 % des personnes
âgées du Québec ayant besoin d'une aide technique pour la
mobilité ont des besoins insatisfaits. Les services de
réadaptation en région se font toujours attendre, si bien que les
personnes de l'Outaouais et de la Gaspésie doivent aller quérir
des services dans les provinces voisines souvent.
Pour ce qui est de l'allocation et de l'utilisation des ressources pour
les organismes membres de la COPHAN, la clé pour résoudre le
problème lié à l'augmentation des dépenses se
trouve d'abord dans la poursuite des efforts pour rationaliser l'allocation et
l'utilisation des mesures. Vous en êtes conscient vous-même, M. le
ministre, que dans notre domaine, puisque nous y sommes, au niveau des
prothèses auditives, on a découvert que certaines
prothèses étaient payées au double du prix par l'OPHQ,
comparativement à ce que la Régie de l'assurance-maladie payait
pour la même prothèse. Lorsque nous pensons à la
rationalisation de l'utilisation des ressources, c'est à ce genre
d'exemple que nous pensons. Est-ce qu'on a toujours les services au meilleur
prix? Est-ce que la durée d'utilisation des prothèses est
maximisée également? On sait que certaines prothèses sont
mises au rancart après quatre ans alors qu'elles pourraient certainement
être utilisées davantage. Ce sont tous ces efforts, M. le
ministre, tous ces points qu'on veut que vous regardiez avant de passer
à l'impôt, à la taxation, avant de taxer la maladie.
Évidemment, nous nous posons aussi beaucoup de questions au
niveau de la profession-nalisation à outrance et des pratiques
professionnelles coûteuses. Comment s'assurer que la personne
handicapée reçoit les services dont elle a besoin, toujours dans
des cadres qui nous permettront d'étirer les budgets, de les utiliser
pour un plus grand nombre de personnes?
Pour le maintien à domicile, nous parlons souvent de l'allocation
directe. On sait que certaines personnes handicapées
bénéficient maintenant d'une allocation directe leur permettant
de gérer elles-mêmes leur maintien, les frais de maintien à
domicile, par exemple, alors que, pour d'autres, ça se fait par
l'intermédiaire du CLSC. Bien sûr que nous sommes pour l'autonomie
des personnes handicapées, mais pas à n'importe quel prix. Est-ce
que, dans les coûts auxquels les personnes handicapées doivent
faire face, il y a une équité entre les tarifs dévolus aux
CLSC et ceux qui doivent gérer eux-mêmes leur maintien à
domicile? Il faut, à tout moment, à notre avis, bien penser
à cette équité entre les personnes handicapées qui
doivent recevoir des services.
Les mesures portant sur le financement. Les mesures proposées
pour modifier les modes de financement constituent, selon la COPHAN, l'un des
plus grands dangers de cette réforme quant au maintien des principes
d'équité, d'universalité et de gratuité
mentionnés plus tôt. La fiscalisation demeure, selon nous, le
moyen le plus approprié, le plus civilisé pour assurer le
financement des services. Requérir la contribution des personnes malades
et handicapées pour les services qu'elles reçoivent, c'est taxer
la maladie et les traumatismes et leurs conséquences. C'est une mesure
qui brise la solidarité et les équités sociales sur
lesquelles reposent et doivent continuer de reposer notre système.
L'impôt-services est injuste parce qu'un individu ayant des limitations,
requérant des services, doit payer plus qu'un autre individu ayant un
revenu équivalent, mais qui n'a pas de limitation fonctionnelle.
L'exclusion des plus démunis des mesures de contribution
proposées - dont les nombreux bénéficiaires de l'aide
sociale - constituerait un désincitatif supplémentaire au travail
et aurait pour effet de maintenir ces personnes en marge du marché du
travail.
Quant à votre fonds général des services sociaux et
de santé dont la comptabilité serait globale et
intégrée dans la perspective du rétablissement des liens
transparents entre les dépenses engendrées par la consommation et
les besoins de leur financement, nous sommes d'accord. Plus encore, la COPHAN
croit qu'il faut élargir l'ampleur d'un tel fonds, de façon
à inclure la couverture de tous les coûts reliés aux
déficiences, incapacités et handicaps. Pour nous, ça se
relie beaucoup à l'idée du fonds de compensation que nous avons
souvent mis sur la place publique. Je vous ai parlé d'une
inéquité entre les personnes handicapées,
c'est-à-dire que les personnes qui sont desservies par le système
de la CSST ou de la RAAQ ou par l'OPHQ ne le sont pas de la même
façon. Si vous devenez handicapé de la route, vous vous voyez
protégé. De la même façon, si vous devenez
handicapé par le travail. Mais, si vous êtes handicapé de
naissance ou dans des situations en dehors du travail ou de la route, nous
assistons à des inéquités qui sont inacceptables. Nous
avons tous connu - nous avons tous manifesté à maintes reprises -
les listes d'attente, par exemple à l'OPHQ. C'est de ce groupe-là
que le fonds de compensation voudrait s'occuper, d'une certaine façon.
C'est ce groupe qui est visé par le fonds de compensation afin que
toutes les personnes ayant une déficience, que ce soit de naissance ou
autrement, puissent bénéficier de services égaux en
qualité et en quantité. (16 h 15)
Le fonds de compensation, selon nous, est
une notion qui s'apparente au fonds général des services
sociaux et de la santé. En tout cas, il faudrait voir les
mécanismes d'intégration de l'un et de l'autre. Comme vous le
savez, il y a trois études au Québec qui sont prévues sur
le sujet, la troisième parlant entre autres de l'administration de ce
fonds. Ces études seront terminées d'ici à quelques mois,
mais il n'est pas étranger pour nous de penser qu'il y a un
rapprochement entre les deux. Ce que nous visons, les principales
caractéristiques du système du fonds de compensation, ce qu'il
devrait couvrir, après évaluation de la personne, tous les
coûts supplémentaires, indépendamment de la cause, du type
de déficience, de l'âge et du revenu; compenser les coûts
supplémentaires liés aux domaines suivants: services de soutien
à domicile et aux activités dans le milieu; orthèses,
prothèses, autres aides technologiques; adaptation de véhicules,
adaptation de logements, médicaments et fournitures médicales
nécessaires à long terme; adaptation des postes de travail ou
d'étude; médicaments et fournitures médicales
nécessaires à moyen terme; mesures de formation et de recyclage;
subventions à un employeur pour productivité réduite;
fournir des niveaux de couverture au moins équivalents à ceux de
la CSST et de la SAAQ; fournir cette aide dans le cadre de plans de services
individualisés, et assurer la gratuité des services dans le cadre
de ce fonds de compensation universel.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, en
conclusion, Mme Picard.
Mme Picard: En conclusion, ce que nous demandons, M. le ministre,
c'est que les personnes handicapées reçoivent les services dont
ils ont tant besoin. On espère bien qu'ils ne feront pas les frais de la
réforme étant donné qu'on vous a déjà dit
qu'ils sont les plus démunis des démunis. Avant de regarder dans
des taxations de la déficience, avant de taxer le handicap, nous
espérons bien que les autres partenaires sauront faire la part des
choses et que nous pourrons trouver, à même les ressources
déjà existantes dans le réseau, peut-être pas toutes
les réponses, mais de meilleures réponses que celles que nous
avons actuellement. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Dans un premier temps, je voudrais remercier COPHAN d'avoir
pris le temps - même si le temps souhaité n'y était pas
nécessairement - de venir nous exprimer son point de vue sur un
débat qui concerne tout le monde depuis déjà un certain
temps, et qui fait l'objet de nos réflexions à travers la
réforme, bien sûr, depuis un an et demi maintenant, et, de
manière plus spécifique, sur le financement, depuis le
dépôt de notre position en décembre.
Une première chose qu'il m'apparaît très important,
à ce moment-ci, de dire: lorsqu'il s'est agi d'implanter
l'impôt-services, ça devait normalement couvrir un certain nombre
de champs. À l'époque, j'avais décidé qu'au niveau
des orthèses et prothèses qu'il soit clair qu'on les retire pour
des convictions qui me sont personnelles, mais que j'ai fait partager à
nouveau par les collègues...
M. Trudel: Dans un deuxième temps.
M. Côté (Charlesbourg): Oui oui. C'a a
été fait et tout le monde a salué cette ouverture d'esprit
à l'époque. Il n'est donc pas question, à ce moment-ci, de
remettre en cause... C'était une préoccupation du document aussi,
de protéger les démunis. Je pense qu'il faut bien admettre qu'on
est dans une situation voulant protéger les démunis, que la
grande majorité des personnes handicapées sont des personnes qui
peuvent entrer dans cette catégorie de personnes plus démunies -
sur le plan financier, il faut bien se comprendre. Il n'y a pas de changement
de cap par rapport à ces orientations-là. Cependant, il ne faut
quand même pas non plus faire abstraction de tout ce qui pourrait
être un apport dans l'efficience et l'efficacité. Vous avez
donné quelques exemples, au niveau des prothèses auditives, qui
sont assez intéressants, et on a eu l'occasion d'échanger en
cours de route.
Vous dites, dans le mémoire, que les services sont
déficients sur le plan quantitatif et qualitatif, si j'ai bien saisi le
message que vous avez voulu nous livrer, pas nécessairement partout,
mais à certains endroits. Cependant, il y a quand même une
capacité limitée de l'État d'intervenir, je pense. Bien
sûr qu'il y a des priorités à faire, et ça doit se
faire compte tenu de la capacité de l'État de payer. Il y a toute
une série de programmes sur lesquels nous investissons des sommes
considérables: prothèses, orthèses, adaptation de
domiciles, adaptation de véhicules, en termes de programmes, et j'en
passe dans toute la série que vous connaissez.
Est-ce que notre objectif, à ce moment-ci - compte tenu de nos
capacités - ne pourrait pas être de faire en sorte qu'on
protège davantage les démunis que les riches? Je sais que je vais
heurter, par ma question, des principes que vous défendez depuis de
nombreuses années, mais je vais pousser très loin, en ce sens
que, si on continue d'avoir un discours qui est universel et qu'on n'a pas les
moyens de se payer, on risque éventuellement d'atteindre des personnes
démunies qu'on veut à tout prix protéger.
Prenons un exemple: une personne qui est en situation d'adaptation de
domicile, qui a un revenu de 200 000 $ à 250 000 $ par année, et
qui fait une demande d'adapation de domicile. Sa demande est traitée
parce qu'elle est la première sur la liste. Ce n'est pas parce qu'elle a
les
moyens ou pas. Elle est traitée parce que c'est la
première sur la liste, et que c'est la règle qui est
établie. On épuise, pour les 10 premiers, les sommes d'argent
qu'on a de disponibles, qu'on peut mettre dans un programme comme
celui-là, alors qu'on se retrouve avec quelqu'un qui était
quatorzième sur la liste d'attente et qui a son revenu d'aide sociale,
point. Est-ce qu'on n'est pas dans une situation inéquitable
vis-à-vis des personnes qui ont besoin de services? La question est
dure, mais c'est une réalité aussi avec laquelle il faut vivre,
compte tenu des moyens limités de l'État. Comment est-ce que vous
vous sentez, au COPHAN? Ce sont des situations réelfes, ça.
Comment est-ce que vous vous situez face à des cas comme
ceux-là?
Le Président (M. Joly): Mme Picard.
Mme Picard: M. le ministre, vous allez vraiment au coeur des
choses. D'abord, j'aimerais vous rappeler la résolution du Conseil des
ministres, en 1988, qui avait dit, en principe, qu'il y aurait compensation de
la déficience. Vous allez me dire: Mme Picard, on est en 1992, on n'a
plus d'argent. On ne peut plus assumer cette résolution du Conseil des
ministres. Je vais vous dire, en tant que payeur de taxes, que je suis bien
prête à regarder ça avec vous. Ce qui me surprend, M. le
ministre, c'est que vous nous donnez l'exemple de la personne handicapée
qui est riche. N'y a-t-il pas, dans la société, des gens
très riches qui ne sont pas handicapés, en surplus, et qui
reçoivent des services de santé et des services sociaux
gratuitement? Je ne veux pas dire que les intérêts des autres
personnes ne sont pas importants, qu'il n'y a que les intérêts des
personnes handicapées, mais, en termes d'équité, ça
me surprend, votre exemple, parce que je pense à toutes ces autres
personnes qui sont également riches et qui reçoivent pourtant des
services de santé et des services sociaux. Je n'ai pas tout à
fait terminé.
M. Côté (Charlesbourg): Non, mais juste pour
compléter la réponse, il le faut, là. Si on veut
être honnêtes, tout le monde ensemble, les personnes
handicapées reçoivent aussi des services médicaux, de la
même manière que les autres personnes riches les reçoivent.
Là, on est en services complémentaires mais nécessaires.
On se comprend là-dessus.
Mme Picard: Oui oui, bon, toutes choses étant
égales, mais mettons bien les morceaux du puzzle. N'oublions pas
certains coins du casse-tête. Les personnes handicapées... Ce que
la résolution du Conseil des ministres dit, c'est: Payons pour la
compensation de la déficience. C'est évident que la personne qui
gagne 50 000 $ et qui n'est pas en fauteuil roulant, qui est capable de faire
son parterre, qui est capable d'arranger sa maison... La personne
handicapée qui gagne 50 000 $ ne gagne plus 50 000 $ parce qu'elle doit
payer pour ces services-là... De par sa situation en tant que telle,
déjà, son salaire est réduit. Donc, est-ce qu'on doit
faire payer les personnes handicapées qui sont plus riches parce qu'il y
en a qui sont très pauvres? Il y a aussi la
«concrétitude» de votre question. La personne pauvre ne va
pas vous demander d'adapter sa maison. Alors, on joue un peu jusqu'au bout du
raisonnement. Elle ne peut même pas envisager l'achat d'une maison. Il
faut d'abord envisager l'achat de la maison, mais ce n'est pas le fond de la
question. Nous, du point de vue de la COPHAN, si vous pensez à ce que
les gens qui sont plus riches devraient payer, je me sens mal à l'aise
avec le fait que vous m'apportez déjà la situation des personnes
handicapées en premier. Je sais que M. Trottier veut ajouter à
ça.
M. Trottier (Michel): m. le ministre. vous savez, c'est
toujours... la question demeure toujours: où doit-on tirer la ligne? si
on la tire à 250 000 $, bien, j'en suis. mais seulement, vous savez,
à ce moment-là, il faudra la tirer aussi peut-être un peu
plus bas ou un peu plus haut. c'est là qu'est mon problème et ce
sera aussi votre problème. ha, ha, ha!. ce sera aussi votre
problème. remarquez bien qu'il faut aussi regarder au niveau de
l'équité. est-ce qu'on doit aussi, dans un sens, punir et
pénaliser les individus qui ont un certain montant d'argent et,
jusqu'à un certain point, espérer que ceux qui n'en ont pas
recevront gratuitement tout ce que les autres auront à payer? ça
m'apparaît un danger social sérieux d'inéquité, et
je pense qu'il faudra être très prudent avant de s'embarquer
là-dedans.
M. Côté (Charlesbourg): C'est-à-dire que vous
êtes de bons politiciens.
M. Trottier: À peine, on ne va pas à votre
cheville.
M. Côté (Charlesbourg): Non non, mais... Mme
Picard: ...très forte de pression.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, vous êtes
après me donner un cours, là. Il est clair que les
capacités de l'État, ce n'est pas illimité. On le voit
là. Vous le dites, vous-même: On est dans des situations où
il y a des régions où il n'y a pas de services. On est en attente
d'implantation de services. Dans d'autres régions, le qualitatif peut
être questionné. Au moment où on discute, à ce
moment-ci, on dit: On a probablement atteint les capacités de
l'État de ce qu'il peut mettre dans la boite. Moi, je me dis: II y a
d'autres sortes de problèmes qui se posent, puis c'est exploratoire.
Je pense que, comme on vous a - il n'y a
pas beaucoup de personnes handicapées qui sont
représentées autour de cette table - comme je vous ai sous la
main, je ne peux pas hésiter à vous poser ces
questions-là. Est-ce qu'on n'est pas, dans l'ordre de priorité de
dispensation des services - parce qu'il y en a un - avec la date, sans tenir
compte de l'état de l'individu, sur le plan financier, est-ce qu'on
n'est pas injuste dans notre injustice? Est-ce qu'on ne serait pas un peu moins
injuste si on desservait les plus démunis avant les plus riches? C'est
uniquement ça, et je ne prévois pas demain matin qu'on puisse
avoir des centaines et des centaines de millions. Si on règle le fonds
de compensation, on va probablement régler une partie des
problèmes... Vous êtes d'accord avec les études, vous en
avez la responsabilité. Alors, on va voir ce que...
Mme Picard: Bien sûr, mais nous la partageons, M. le
ministre. Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): C'est ça, tandis que
ce que je partage, moi, ce sont les finances dans l'étude...
Mme Picard: Déjà beaucoup!
M. Côté (Charlesbourg): ...et, à partir de ce
moment-là, on verra ce que ça donne sur le plan des
études. Mais, au moins, c'est en marche. La question se pose à ce
niveau-là, puis je pense qu'il va falloir, un de ces bons jours, y
répondre, puis tenter de donner des orientations quant à
ça. Mais je comprends que ça vous place dans une mauvaise
situation pour y répondre, je vais aller ailleurs. Bon pour une autre
question.
M. Trottier: M. le ministre, peut-être, avant que vous
alliez ailleurs, je pourrais vous dire que vous aurez quand même un
problème administratif énorme. S'il faut attendre, si vous
voulez, d'avoir un échantillonnage complet pour déterminer qui
doit avoir le service, à partir du plus démuni jusqu'au moins
démuni, bien, il va falloir peut-être attendre longtemps! Il y a
toujours pire, et il y a toujours un peu pire, puis un peu pire.
M. Côté (Charlesbourg): Mais, ce que j'ai compris,
c'est que la majorité est dans le pire.
M. Trottier: C'est vrai...
M. Côté (Charlesbourg): Oui. La très large
majorité est dans le pire.
M. Trottier: ...et, à ce moment-là, justement... Je
pense que dans un sens, les demandes que vous avez d'adaptation de maisons de
ceux qui ont 250 000 $ sont très rares.
M. Côté (Charlesbourg): J'ai pris cet
exemple-là. Évidemment, on peut le charrier à
l'extrême d'un bord comme dans l'autre. M. Trottier: Exactement.
M. Côté (Charlesbourg): On peut ausi bien... M.
Trottier: Mais, j'ai...
M. Côté (Charlesbourg): ...dire: II n'y en a pas de
personnes handicapées qui ont 250 000 $ de revenus. De la même
manière, on peut dire qu'il n'y a personne de handicapé qui n'a
pas de maison non plus, tu sais... Ils n'ont pas de revenus pour une
maison.
M. Trottier: D'accord.
M. Côté (Charlesbourg): On peut charrier dans les
deux extrêmes, là.
M. Trottier: J'ai simplement voulu suivre votre exemple.
M. Côté (Charlesbourg): oui, mais, quand j'ai
donné les 250 000 $, c'était justement pour qu'on n'exclue pas,
qu'on n'en arrive pas à parler des 50 000 soudes 40 000 $...
M. Trottier: D'accord.
M. Côté (Charlesbourg): II y a des évidences,
là. Je vous interpelle parce que vous avez semblé raisonnable sur
les prothèses auditives en disant: On ne devrait plus
nécessairement avoir comme guide quatre ans. Après ça, il
va y avoir des vendeurs de prothèses qui vont se promener, puis ils vont
dire: Écoutez là... Ils vont frapper à la porte, ils vont
dire: Madame, ça fait quatre ans que vous l'avez, en voulez-vous une
neuve, vous avez droit à une neuve? et ce, sans nécessairement
s'assurer qu'à ce niveau-là le travail d'évaluation a
été fait. Finalement, il y a des audiologistes qui m'ont dit
qu'ils en ont récupéré quatre, cinq de la même
personne, qui étaient encore fonctionnelles, puis qui répondaient
encore aux besoins. Est-ce qu'on n'est pas au-delà de tout cela? J'ai vu
que vous étiez passablement raisonnable. L'important, c'est d'avoir une
prothèse qui répond à votre déficience et qui
comble votre déficience, peu importe le temps. Si elle dure six ans,
elle durera six ans; si elle est de huit ans, ce sera huit ans, au lieu d'une
période fixe pour le renouvellement, donc, la dépense
obligatoire. (16 h 30)
Dans ce même esprit, est-ce que vous faites une différence
concernant la déficience permanente et la déficience temporaire?
Je vais tout vous donner mon paquet en même temps parce que j'aurais
l'air d'être un cachottier qui ne vous dirait pas ce qu'il veut
exactement. On sait qu'il y a des prothèses temporaires qui sont
payées actuellement par la Régie de l'assurance-
maladie du Québec, et je ne sais pas si on devrait les payer.
Moi, quand quelqu'un arrive, qu'il va faire du ski et qu'il a une
prothèse protectrice pour aller faire du ski qui est passée
à travers le système, qui est payée par la RAMQ, je me
questionne très sérieusement, merci. De ça, il y en a pour
6 600 000 $ par année. Alors, déficience temporaire et
activité sportive. Est-ce que, dans ces cas-là, on fait une
distinction nette entre déficience permanente, qui est claire au niveau
de nos lois et de nos règlements, par rapport à déficience
temporaire?
Mme Picard: Vous avez des exemples très pointus.
Déficience permanente ou temporaire! On ne sait jamais quand la
déficience temporaire ne deviendra pas permanente. Vous entrez encore
dans des secteurs où on devient malade, temporairement handicapé
ou non, et c'est payé. On devient handicapé temporairement et,
là, ça serait plus questionnable.
Moi, ce que je pense, c'est qu'actuellement le ministère de la
Santé et des Services sociaux fournit un certain nombre de choses
gratuitement pour permettre à la personne de rester fonctionnelle ou
d'allonger son niveau fonctionnel. Que ce soit temporaire ou durable, nous
touchons toujours à cet aspect de l'universalité et de
l'équité. Il se peut fort bien qu'une personne qui a une
incapacité temporaire soit très mal prise. Moi, je me sentirais
très mal prise pour dire: celle-là n'y a pas droit parce que
c'est temporaire. Je crois que c'est bien difficile de créer des
priorités dans ce domaine-là.
J'avais l'habitude de dire, du temps où il y avait moins de
transferts de programmes... Quand les personnes handicapées allaient
à l'Office et faisaient une demande, il y a eu... Un jour, un ministre
du Conseil du trésor nous a dit: Donnez-moi les priorités. Je lui
ai répondu: Quand une personne handicapée se décide
à faire une demande parce qu'il y a quelque chose qui ne marche plus
chez elle, en principe, c'est parce que c'est sérieux. De toute
façon, avec les longueurs de temps où il fallait attendre
à l'Office, il fallait que ça soit très sérieux. On
ne fait pas ce genre de demandes là, on ne va pas à
l'hôpital nécessairement pour faire appel à des
professionnels juste par caprice. Je crois que, là encore, durable ou
temporaire, les personnes handicapées ont droit à des services.
On sait qu'une personne qui a un handicap temporaire - prenons votre exemple
jusqu'au bout - on ne l'aide pas. Elle perd son travail à court terme.
Ce sont tous des payeurs de taxes à long terme, de toute façon.
S'ils ne le sont pas maintenant, ils vont le devenir. Je crois que c'est un
investissement à bien court terme de penser qu'on ne peut pas lui aider
à ce moment-ci et de penser que, bon, elle avait bien juste à ne
pas faire du ski ou ne pas rentrer dans un arbre. C'est un accident. Il y a
bien d'autres accidents dans notre société. On prend soin des
toxicomanes et on prend soin des sidéens. Est-ce que ce sont toutes des
choses qui nous arrivent par hasard? Ce n'est pas tous des gens qui ont
frappé des arbres.
M. Côté (Charlesbourg): Vous me signifiez que j'ai
fini, là.
Le Président (M. Joly): Oui, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): alors, j'ai fini, mais je ne
suis quand même pas satisfait de ma réponse. satisfait de ma
question, mais pas satisfait de ma réponse. on échangera
très certainement là-dessus parce que je ne suis pas convaincu
que, à ce niveau-là, il n'y a pas un questionnement de la
capacité de l'état à payer ce genre de situation
là, en particulier sur le plan sportif. pour le travail, je ne suis pas
loin de faire le même bout, mais, quand il s'agit de sport, je
m'interroge très sérieusement merci, surtout dans le cas
temporaire.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Pas le dos de Mario Lemieux, là!
M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! La cheville de
Sakic.
M. Trudel: Je vais en faire un petit bout là-dessus, si
vous me permettez, en vous souhaitant la bienvenue. C'est une question
intéressante. Si j'ai bien compris, on est ici pour se reposer des
questions parce qu'il y a des problèmes, et on veut trouver des
réponses ensemble. D'abord, je vais vous féliciter, votre
association. Ce n'est pas facile, comme confédération
d'organismes de personnes handicapées, de... Ça a
été rapide, puis là, comme on dit dans le langage:
«Quand je fais ça, là, je varlope pas le ministre,
là.» Mais ça a été rapide, et c'est important
que des gens comme vous autres viennent nous dire, pour cette catégorie
de personnes... On est appelés, dans notre travail, quotidiennement,
à avoir des contacts avec les associations qui sont membres de la
COPHAN. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ces associations et ces personnes
sont déterminées, et heureusement! C'est plaisant de travailler
avec vous parce que, justement, non seulement vous faites la défense,
mais vous faites aussi la promotion des personnes handicapées.
Ça, ça se reflète dans votre mémoire aussi
aujourd'hui.
C'est assez concret votre affaire! Ça, quant à moi,
j'apprécie, parce que, quand on va finir la commission, il va y avoir
des décisions à prendre. Il y a du fric qui manque quelque part.
Alors, il va falloir le leur donner. Sur ce mode... le temporaire et le
permanent. On sait de quoi on parle. Vous dites, dans votre mémoire,
à la
page 8, quant aux services de base en matière de santé et
de services sociaux, des services assurés... Le langage des gens qui
tournent autour de ça, ils disent: La révision du panier de
services. On s'entend. C'est ça, le code maintenant, la révision
du panier de services. Vous dites: Ça doit se faire en fonction de
l'utilité et de l'efficacité. Je suis tenté de faire un
parallèle en disant: C'est vrai que c'est très difficile entre le
permanent, le temporaire, le professionnel du hockey et celui qui a besoin de
l'orthèse-prothè-se pour gagner sa vie, etc.
Est-ce que vous, comme membre d'une association et regroupement
d'associations, vous pensez que sur le plan de trouver la division, de trouver
la réponse... Est-ce que vous pensez que vous pourriez être autour
de la table et que, sur le plan éthique, on puisse trouver une
réponse à cela? Est-ce que c'est possible, ça, qu'on
puisse dire: Des gens autour d'une table peuvent en arriver à
déterminer, à partir de principes généraux, qui a
le droit ou pas le droit? Je fais tout de suite un commentaire parce que c'est
ce que vous soulignez, monsieur, en disant: Oui, mais le problème, c'est
où est-ce qu'on met ta ligne? Le ministre entend au niveau financier
selon la catégorisation Lessard. Vous avez vu ça dans La
Presse hier? Tantôt, il jouait au Robin des bois. On vole aux riches
puis on donne aux plus pauvres. Des fois, il est banquier et, des fois, il est
Robin des bois. Le problème, c'est où on tire la ligne en ce qui
concerne les services ou à quelle catégorie de personnes on donne
ou on ne donne pas.
Est-ce que vous êtes prêts à vous asseoir à un
comité décisionnel pour définir, à partir de
principes généraux, ceux qui sont vraiment des permanents puis,
dans les temporaires, ceux qui doivent être considérés pour
des motifs... je vais dire x, y, z parce que si j'emploie un mot, tout de
suite, je me fixe dans une définition. Est-ce que vous pensez que c'est
possible, ça?
Mme Picard: Juste comme indication, et M. Trottier va
compléter. Bien sûr que nous ne retirerons jamais notre sens des
responsabilités vis-à-vis la capacité d'influencer des
décisions en faveur de meilleurs services pour les personnes
handicapées. En même temps que j'accepterais, peut-être, de
m'asseoir à cette table, je demanderais probablement aux
décideurs aussi de pouvoir poser la question autrement. Je me sens prise
dans un piège avec cette question. M. le ministre m'a dit: Je ne suis
pas content de la question et de la réponse. Au fond, est-ce que nous
avons la bonne question? M. Trottier.
Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: C'est bon, ça!
M. Trudel: Ils font les questions puis les réponses. C'est
bon!
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends,
là, c'est que vous êtes arrangés comme nous: on veut avoir
des questions, puis des réponses qui nous plaisent. Quand la
réponse ne marche plus, vous allez devoir nous poser la question.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Un bon échange. C'est
un bon échange.
Mme Picard: En tout cas, ça prend une interinfluence sur
les questions et les réponses.
M. Trottier: Cela dit, M. le ministre, on change les questions
quand on a les meilleures réponses. Ha, ha, ha! M. le
député, c'est un problème de tirer la ligne, mais je pense
que ce n'est pas tellement à partir d'une discussion éthique
qu'on va réussir à régler notre problème. Ce serait
beaucoup plus à partir d'une discussion terminologique ou une
discussion, si vous voulez, de réalisme. Qu'est-ce que c'est qu'un
handicapé? Une personne ayant des incapacités, ayant des
déficiences, ça existe à la pochetée, partout
à travers notre monde. J'en ai une qui consiste à avoir besoin de
porter des lunettes. Ça, c'est une déficience, une
incapacité et je dois la combler à partir de, justement, ce
correctif, le port de verres. Donc, tant que j'ai cette déficience et
que j'ai le correctif, je ne suis pas un handicapé. Aussitôt que
je n'ai plus le correctif, je suis un handicapé. Alors, à ce
moment-là, ça devient très important de bien
définir, si vous voulez, ce que c'est qu'un handicapé. Des
handicapés temporaires, il n'y en a pas tant que ça, à ce
moment-là.
M. Trudel: M. Trottier, juste rapidement, c'est parce que je
trouve que vous êtes en plein dans le mille quant au type de
réponse, mais, vous voyez, le ministre - si je me trompe, il le dira -
quand il pose sa question, lui, il dit: Regardez, selon les statistiques, j'en
ai pour 6 000 000 $ dans le temporaire. C'est que lui ou les gens qui lui ont
donné les notes ont déjà posé un jugement. C'est
évident que, quand il dit 6 000 000 $, c'est que quelqu'un a tiré
la ligne quelque part. Je ne m'obstine pas là-dessus. Mais vous, vous
dites: C'est une question de terminologie, c'est correct, je m'entends sur le
terme. Vous dites que peut-être on n'a pas posé la bonne question.
Est-ce que vous pensez - c'est pour faire une image ce que je vais dire - qu'on
serait prêts à s'asseoir avec Cantin de la Régie de
l'assurance-maladie et dire: Ces catégories-là, ce que le
ministre a appelé les «temporaires» tantôt, on
pourrait les regarder? Cantin n'est pas mieux organisé que nous,
actuellement, pour répondre. Ce qu'il a, c'est: Je paie tout le temps,
toujours, suivant que tu rentres ou que tu n'entres pas dans la ligne. Il me
semble que c'est un peu rigide comme
définition. Moi, ce que je vous dis, c'est: Est-ce que les
personnes concernées, dans le cas des personnes handicapées...
C'est pour ça que j'appelle ça une question d'éthique
parce que où se fait la démarcation? Vous avez absolument raison,
j'en ai des prothèses, qu'est-ce que vous voulez? J'ai passé 40
ans, je les mets mes prothèses, sauf que ça prend quelqu'un
quelque part... comme décision sociale. Est-ce que vous pensez qu'on
peut réellement y parvenir sur le terrain du concret? On peut avoir, un
samedi soir, M. Trottier, madame et monsieur, une très longue discussion
là-dessus. Ça fait des dîners de salon épatants,
sensationnels et on sort de là tous les deux plus riches. Mais, quand on
est poigne avec un problème d'argent, est-ce que vous pensez que sur le
terrain du concret on peut en arriver - elle est en dedans la décision -
à trancher dans le débat? Est-ce que ça se peut,
ça?
M. Trottier: Forcément, M. le député, il y
aura un moment où il faudra tirer la ligne. Je sais très bien
qu'en tirant une ligne on va pour ainsi dire en satisfaire quelques-uns et en
insatisfaire quelques autres. Maintenant, nous vous disons essentiellement que
le nombre de handicapés temporaires n'est pas si grand que ça.
Dans un sens, nous doutons, si vous voulez; la définition qui nous
laisse croire qu'on dépense 6 000 000 $ par année pour des
handicapés temporaires me surprend et m'effraie un peu. J'ai
l'impression qu'on a rentré dans cette catégorie un paquet de
monde qui n'y allait pas. Ça, c'est ma façon à moi de voir
le problème. J'espère que j'ai raison dans un sens. Je ne peux
pas répondre totalement à votre question parce
qu'essentiellement, si vous voulez, il va faloir tirer une ligne quelque part,
je le sais.
M. Trudel: non, mais ce que vous dites, c'est: on serait
prêts à s'asseoir pour être des dessinateurs en même
temps que d'autres parce qu'on est des concernés.
M. Trottier: Oui, assurément.
M. Trudel: Le ministre a dit - encore une fois, selon certaines
notes qu'il a... Vous venez de dire: Je suis très surpris des 6 500 000
$. Ce n'est pas ça le montant important. C'est un exemple que le
ministre donnait. Il aurait pu dire 4 000 000 $, 3 000 000 $, 2 000 000 $ ou 1
000 000 $. Quelque part, il y a une certaine catégorisation cependant.
On a un problème de société pour définir cela.
Probablement qu'on n'est pas tellement loin, tout le monde, en disant: la
fracture du joueur professionnel de hockey, de basket-ball ou de balle,
peut-être qu'il y a quelque chose, quelque part, qu'on pourrait... sauf
que là il y a une question. C'est ça une question
d'éthique. Dans ce sens là, vous dites que vous êtes
prêt à vous asseoir.
On n'a pas beaucoup de temps, M. Trottier, Mme Picard et M. Geoffrion.
Il y a une autre chose dans votre mémoire parmi les nombreuses et
excellentes suggestions... Je passe par-dessus le fait, même si c'est
très important, que vous dites: La caisse santé; excellent,
allons-y. Bon, il faut noter ça.
On pose des questions sur ce qui est plus difficile. La fiscalisation,
vous dites: Arrêtez-nous ça les impôts particuliers, la
maladie et tout cela. Quant à vous, vous dites: On va poursuivre au
Québec avec la décision de 1971 sur la solidarité sociale.
Si vous payez un peu plus, si vous payez moins, si vous payez le
fédéral... On va tout décider ça ensemble. C'est
ça que vous appelez de la fiscalisation, et vous dites: On est d'accord
avec ça.
Sur la rationalisation et l'efficience, il y quelque chose quelque part
qui m'a fait sursauter - à la page huit ou neuf - lorsque vous dites que
pour les CLSC - c'est à la page neuf - en termes de maintien à
domicile... Dieu sait que, chez vous, pour votre monde, nos partenaires, les
personnes handicapées, c'est un élément important. Vous
dites: «L'historique du développement des programmes de maintien
à domicile fait en sorte qu'aujourd'hui certains CLSC doivent
administrer en parallèle jusqu'à sept ou huit programmes.»
Pouvez-vous nous parler de ça un petit peu? J'ai fait une illustration,
ce matin, en disant: La piastre qui nous vient du fédéral, je ne
suis pas sûr qu'il reste 5 cennes quand elle arrive à l'autre
bout. Si, en plus, on est obligé d'administrer ça dans huit
programmes différents. Tabarnouche! Je suis certain qu'on paie pour les
dépenser, ces 5 cennes-là. Voulez-vous m'expli-quer, s'il vous
plaît, ce que ça veut dire? (16 h 45)
Mme Picard: M. Geoffrion.
Le Président (M. Joly): M. Geoffrion.
M. Geoffrion (Richard): C'est des choses qui sont possibles. On
s'est rendu compte, dans l'opération de transfert des programmes, qu'il
y avait des modes de gestion de programmes a l'OPHQ qui étaient des
pratiques de gestion, et qui n'étaient pas normes de la même
façon au ministère de la Santé et des Services sociaux. En
voulant assumer de nouvelles responsabilités, le ministère de la
Santé et des Services sociaux a voulu accueillir ces
responsabilités-là et les budgets qui suivaient en voulant les
normer selon ses modes de fonctionnement. Quelque part, ça a permis de
faire le ménage et l'arrimage entre les politiques d'une institution,
les pratiques d'une institution, l'OPHQ, et les pratiques du réseau
qu'il y avait au niveau du ministère de la Santé et des Services
sociaux.
Les clientèles étaient parfois les mêmes. Les
objectifs de fond, généraux, se rejoignaient. Alors, nous, c'est
ce qui fait qu'on est d'accord avec la poursuite de façon assidue et
constante
du transfert des programmes, des responsabilités de l'OPHQ pour
que les personnes handicapées soient servies dans les ministères
qui s'occupent des citoyens et des citoyennes comme tout le monde. On s'est
aussi rendu compte que les transferts qui ont été faits ont tous
connu une amélioration au niveau qualitatif, au niveau quantitatif.
Ça s'est produit en faisant l'arrimage parce que, quand ils recevaient
le programme ou la responsabilité, l'institution receveuse s'occupait
justement de faire en sorte qu'il n'y ait pas sept, huit programmes...
M. Trudel: C'est parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, M.
Geoffrion. Alors, quand vous dites sept ou huit programmes, vous voulez dire
sept ou huit normes de programmes.
M. Geoffrion: Je pense, par exemple, au soutien aux rôles
parentaux. Il y avait des programmes de répit-gardiennage, de
rôles parentaux, des programmes qui s'adressent à des familles
dans lesquelles il y a un enfant handicapé. Mais là, si
c'était parce que vous étiez fatigué, c'était le
répit-gardiennage. Si c'était parce que vous n'étiez pas
fatigué, mais que vous aviez besoin de quelqu'un pour s'occuper de votre
enfant, c'était le soutien aux rôles parentaux. Si c'était
un enfant avec une déficience intellectuelle, c'était un autre;
s'il avait plus de 18 ans, c'était un autre. Finalement, c'était
la même personne qui allait chercher dans le même CLSC et
là, j'imagine, l'administrateur essayait de la mettre dans la case
où il restait des budgets quelque part. Finalement, en faisant le
transfert, ça a permis de faire un peu de ménage
là-dedans.
Nous, c'est ce qui fait qu'en ayant vécu et suivi, avec notre
rôle de vigilance, tout le processus de transfert, on est convaincus
qu'il y a des efforts à poursuivre et à continuer, à
rationaliser les dépenses. Les orthèses, au niveau auditif, les
prothèses auditives, c'est un exemple. Est-ce que c'est la pointe d'un
gros iceberg? Je ne le sais pas. Nous, on n'a pas les chiffres pour ça,
mais ce qu'on peut vous dire, c'est que le Centre québécois de la
déficience auditive, ils sont branchés, eux autres, sur des
dizaines et des dizaines d'associations de personnes où il y a des gens
qui utilisent ces prothèses-là. Ces prothèses sont encore
bonnes et il y a du monde qui viennent leur dire qu'elles ne sont pas bonnes.
Les personnes sourdes sont un peu insécures, alors elles prennent
ça pour du comptant, et il y a quelqu'un qui leur fournit une
prothèse. Si la prothèse peut durer un peu plus longtemps,
personne n'est contre ça. Si les gens de la RAMQ peuvent l'acheter, la
même prothèse, pour moins cher que le service d'approvisionnement
de l'OPHQ, bien vous allez pouvoir en acheter deux fois plus de
prothèses avec le même budget. Faites-en et continuez comme
ça.
Comme relation de citoyens à État, on vit dans un cycle
où, tous les mois, il y a un palier de gouvernement qui nous attend avec
une augmentation de taxes. Là, on est en train de se demander ce que
ça va nous donner d'en payer plus. On a l'impression qu'on va en donner
plus, mais on n'est pas sûr qu'on va en avoir plus. Alors, je pense
qu'avant d'aller plus loin dans les concepts d'impôt et de taxation,
etc., il y a un gros gros exercice à faire. Il faut mettre des efforts
là-dessus. Peut-être que vous ne trouverez pas les 200 000 000 $
dont vous avez besoin, mais si vous en trouvez 50 000 000 $, bien, avec 50 000
000 $, on peut faire quelque chose.
M. Trudel: C'est un message qui est apprécié. Je
vous dirais, à la blague, pour passer le message... Est-ce que c'est
terminé?
Le Président (M. Joly): Terminé.
M. Trudel: II n'y a pas un mois qui passe sans qu'il y ait un
gouvernement qui impose une nouvelle taxe. Pour régler ce
problème-là à la base, il faut faire sauter un
gouvernement, pour être sûr que les taxes ne viendront pas. Si on a
tout ça... Je vous remercie de votre présentation, et j'aurais
aimé...
M. Côté (Charlesbourg): Hé! Hé!
Hé!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ça, c'est le message
que votre parti pouvait livrer en 1976.
M. Trudel: Arrêtez-moi ça, je n'ai pas
terminé.
M. Côté (Charlesbourg): Mais en 1980... Jusqu'en
1985, on a vu ce que ça a donné aussi.
M. Trudel: Vous faites de l'interférence, ce n'est pas
correct là. Je veux vous remercier de votre présentation et
surtout - je pense qu'on peut dire ça - de l'attitude
générale que vous avez aussi vis-à-vis de notre
système. Je le dis parce que je l'ai remarqué personnellement. Au
départ de votre mémoire, vous dites: La loi sur la santé
et les services sociaux et la loi sur l'accès des personnes
handicapées, ça a amélioré considérablement
notre sort. On n'est pas toujours... Il y a des affaires qu'on fait bien au
Québec. On a bien fait ça, ce bout-là aussi, et c'est bon.
L'autre chose... J'aurais aimé vous interroger aussi sur la question de
la tendance à la professionnalisation dans... J'aurais aimé
ça qu'on discute de tout cela. Mais ce que vous nous dites comme message
terminal, c'est: Continuez à gratter. Si vous en trouvez des bouts, nous
on va être là pour vous accompagner. Alors, merci beaucoup. C'est
un grand grand plaisir de vous voir.
Le Président (Ml. Joly): Alors... Des voix:
Merci.
Le Président (M. Joly): ...au nom des membres de la
commission, je remercie aussi les gens de la Confédération des
organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec. Je ne
voudrais pas que vous partiez avec l'impression que certains parlementaires ont
développé, ou des marottes ou des hantises. Alors, bon voyage de
retour.
J'appellerais maintenant la Coalition des organismes familiaux du
Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.
Bonjour et bienvenue à cette commission. La ou le porte-parole...
Madame, vous êtes la porte-parole du groupe?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, votre nom
c'est?
Mme Rhéaume (Marie): Marie Rhéaume.
Le Président (M. Joly): Mme Rhéaume. Alors, Mme
Rhéaume, j'apprécierais si vous pouviez identifier les gens qui
vous accompagnent. La procédure - je pense que vous avez vu ça
tantôt - c'est qu'on vous donne une vingtaine de minutes pour livrer
votre mémoire. Par après, les parlementaires des deux partis vont
échanger avec vous. Alors, s'il vous plaît, vous avez la parole,
Mme Rhéaume.
Coalition québécoise des organismes
familiaux
Mme Rhéaume: Je me présente. Moi, je suis membre de
la Fédération des unions de familles. Je fais partie du conseil
d'administration. Je dirige aussi un organisme dans mon travail régulier
qui s'appelle la Ligue pour la protection de l'enfance, qui est située
à Sherbrooke. Maintenant, je demanderais à mes voisins de se
présenter.
Mme Gagnon (Lorraine): Lorraine Gagnon, de la
Confédération des organismes familiaux du Québec,
vice-présidente, et, mon organisme de base, Entraide-Parents.
Le Président (M. Joly): Madame, monsieur.
M. Perreault (Denis): Denis Perreault, secrétaire
général de la Confédération des organismes
familiaux du Québec.
Le Président (M. Joly): merci, m. perreault.
M. Sarrazin (Richard): Richard Sarrazin. Je suis
secrétaire du conseil d'administration du
Regroupement interorganismes pour une politique familiale au
Québec.
Le Président (M. Joly): Merci. Madame.
Mme Signori (Céline): Céline Signori, directrice
générale de la Fédération des associations de
familles monoparentales du Québec.
Le Président (M. Joly): Merci. Mme Rhéaume, vous
avez la parole.
Mme Rhéaume: Nous désirons d'abord remercier la
commission des affaires sociales d'avoir associé la Coalition
québécoise des organismes familiaux à sa démarche.
L'invitation, quoique fort tardive, aura quand même permis de
présenter le point de vue des familles du Québec à cette
réflexion sur le financement des services sociaux et de santé.
Notre point porte sur les enfants et le financement des services de
santé et dès services sociaux.
Nous venons d'amorcer au Québec une réflexion sur le
financement des services de santé et des services sociaux. C'est le
ministre Côté qui nous a tous conviés à cette
réflexion d'une importance capitale en rendant public, en
décembre 1991, le document intitulé «Un financement
équitable à la mesure de nos moyens». Dans son document, le
ministère de la Santé et des Services sociaux fait état de
l'évolution des dépenses de santé et des services sociaux
au Québec. Il y présente aussi quelques hypothèses de
solution pour combler l'écart qui se creuse d'année en
année entre les ressources disponibles et les coûts des
services.
Le document du ministère révèle notamment que la
part de la richesse collective du Québec qui est affectée aux
dépenses de santé et des services sociaux est déjà
relativement élevée, et il apparaît difficile de
l'accroître davantage. Sous la pression de plusieurs facteurs, notamment
le vieillissement de la population, les dépenses de santé et de
services sociaux sont appelées à augmenter à un rythme
accéléré. Les sources de financement du système ne
pourront pas soutenir le rythme d'accroissement des dépenses à
cause, entre autres, du désengagement progressif du gouvernement
fédéral. En conséquence, les citoyens du Québec
devront choisir entre une augmentation de leur fardeau fiscal, une diminution
de la qualité des services assurés et l'introduction d'une
tarification de certains services.
Dans la présentation de son document de consultation, le ministre
de la Santé et des Services sociaux insiste sur la
nécessité de placer au coeur de nos délibérations
actuelles les droits et les intérêts légitimes de nos
enfants, les futurs payeurs de taxes; on devrait notamment faire en sorte de ne
pas leur léguer une dette publique disproportionnée, tout en leur
garantissant l'égalité des chances d'améliorer leurs
conditions de santé et de bien-être.
Toute personne et tout groupe qui se préoccupent de
l'intérêt des familles ne pourront qu'être d'accord avec ce
point de vue. Il faut placer les enfants au centre de nos
préoccupations. C'est donc dans cette perspective que nous voulons
répondre à l'invitation lancée par le ministre
Côté et participer au débat en soumettant la proposition
suivante: dans l'hypothèse où il deviendrait nécessaire
d'imposer des frais aux personnes qui ont recours aux services, aucuns frais ne
devraient s'appliquer aux enfants; aucuns frais ne devraient s'appliquer non
plus aux femmes pour les services reliés à la grossesse et
à l'accouchement. Il faut que ces services soient gratuits dans
l'intérêt même des enfants. Plusieurs raisons renforcent
l'option de gratuité, particulièrement pour les enfants. Les
principales nous semblent les suivantes.
En premier lieu, la santé des enfants est une
responsabilité collective. Les enfants représentent la plus
grande richesse de notre société et son principal actif. Ce sont
eux qui demain assumeront la relève. On ne doit donc ménager
aucun effort pour assurer que cette richesse se développe de
façon optimale et atteigne son plein potentiel. Agir autrement serait
faire preuve, collectivement, d'une grande négligence.
Affaire de prévoyance, la santé des enfants est aussi
affaire de droit, comme le rappelle la Convention relative aux droits de
l'enfant que l'Assemblée générale des Nations Unies a
adoptée en 1989 - au Canada, on ne l'a d'ailleurs adoptée qu'en
décembre dernier. L'article 24 de la Convention traite justement de la
reconnaissance des États comme parties prenantes du droit de l'enfant de
jouir du meilleur état de santé possible.
La santé des enfants est une responsabilité collective. Il
faut, comme l'affirme le président du Groupe de travail pour les jeunes,
M. Camil Bouchard, faire appel à la solidarité de toutes les
personnes, familles, entreprises et organisations de notre
société pour «assurer à tous les enfants les
conditions indispensables à leur épanouissement».
Deuxièmement, les enfants ne sont pas de gros consommateurs de
soins. Les enfants de moins de 18 ans comptent pour environ le quart de la
population du Québec. Cependant, selon les dernières statistiques
disponibles sur les services facturés à la Régie de
l'assurance-maladie du Québec et sur les soins hospitaliers de courte
durée - ces deux programmes représentent près de 70 % du
budget de la santé - les dépenses pour des services
destinés aux enfants comptent pour beaucoup moins que le quart du total,
comme l'indique le tableau I, en annexe.
Ainsi, en 1990, il y a moins de 15 % des services payés par la
Régie de l'assurance-maladie du Québec qui ont été
fournis à des enfants de moins de 18 ans. Quant aux jours
d'hospitalisation en centres de courte durée, environ 12 % ont
été utilisés par des enfants en 1988-1989. De plus,
près de la moitié des jours d'hospitalisation des enfants sont
situés dans la période immédiatement consécutive
à l'accouchement. On peut également estimer à 250 000 000
$ les autres dépenses reliées à la maternité en
1990 - ce qui comprend les accouchements, l'hospitalisation de la mère,
les cours prénataux, etc. - ce qui est relativement peu par rapport
à un budget total de plus de 11 000 000 000 $.
Ensuite, en troisième lieu, le coût des services
destinés aux enfants augmente modérément. Alors que les
dépenses de la Régie de l'assurance-maladie du Québec ont
plus que doublé entre 1980 et 1990 - plus de 135 % - le coût des
services fournis à des enfants de moins de 18 ans a augmenté
à un rythme beaucoup plus modeste - 54 %. Le tableau 2 indique la part
des enfants dans le coût des différents programmes de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec en 1980 et en 1990. Il
donne également la proportion des jours d'hospitalisation de courte
durée dont des enfants ont été bénéficiaires
en 1982-1983 et en 1988-1989. ( 17 heures)
II en ressort clairement que les enfants ne sont pas responsables de
l'augmentation rapide des coûts de la santé au Québec au
cours des dernières années. La part des dépenses qui leur
est attribuable a décru plus rapidement que leur poids dans la
population québécoise.
M. Sarrazin: Le point 4: Toute forme de contribution
financière peut comporter des risques pour la santé des enfants.
Quel que soit le mode de contribution envisagé - tarification du
service, élimination de la couverture de certains services - et le mode
de compensation pour les familles à faibles revenus, cette contribution
risque d'avoir des effets sur la santé des enfants. Dans la
majorité des cas, les enfants ne prennent pas eux-mêmes la
décision d'aller consulter un médecin ou d'aller à
l'hôpital. Cette décision est prise par une autre personne, le
plus souvent les parents. On ne sait pas quel impact pourrait avoir sur la
santé des enfants l'imposition de frais qu'une autre personne devrait
acquitter. Il pourrait s'ensuivre que certains enfants n'auraient pas
accès à des services essentiels à leur santé et
à leur développement.
À notre avis, il faut éviter tout geste qui aurait comme
conséquence que des mesures préventives nécessaires ne
soient pas prises ou que des interventions curatives soient retardées.
La santé des enfants, du moins d'un certain nombre d'enfants, en serait
affectée à court terme, et les économies qu'on devrait
anticiper à long terme, résultant de l'acquisition de meilleures
habitudes de vie, en seraient réduites. Il n'est sans doute pas plus
souhaitable de léguer aux générations futures des
problèmes de santé que de leur transmettre le fardeau d'une dette
publique trop lourde. Dans les deux cas on se
trouve à réduire la marge de manoeuvre qui leur
permettrait de choisir les services dont ils veulent se doter.
Il faut aussi souligner que les enfants, contrairement à d'autres
groupes, ne peuvent pas être tenus responsables, même
partiellement, des problèmes de santé qu'ils connaissent. Ils
vivent dans l'environnement qu'on leur a créé, et le moins qu'on
puisse faire, c'est d'éviter de leur en faire payer le prix. Le
développement de programmes de prévention s'adressant
particulièrement aux jeunes et la nécessité
d'acquérir de bonnes habitudes de vie dès le plus jeune âge
devraient plutôt faire partie des priorités à mettre de
l'avant dans le secteur de la santé, comme l'a justement rappelé
récemment le Groupe de travail pour les jeunes.
S'il est relativement facile d'apporter des correctifs pendant
l'enfance, il en va autrement des problèmes qui persistent et
s'enveniment à l'adolescence et à l'âge adulte. Une des
problématiques les plus flagrantes à cet effet, c'est le
décrochage scolaire. Si des efforts avaient été consentis
auprès des jeunes enfants par le biais de la stimulation précoce
il y a quinze ans, il est fort probable que la situation serait fort
différente aujourd'hui. Les coûts sociaux qui en résultent
aussi. Dans la même veine, les soins dentaires et visuels font partie des
moyens préventifs essentiels au développement global de
l'individu.
Cinquièmement, toute contribution aux services requis par les
enfants augmente le coût d'avoir des enfants. Actuellement, les
dépenses liées à la présence des enfants sont,
à toutes fins pratiques, indépendantes de leur état de
santé. Toute forme de tarification des services de santé ou
d'élimination de l'assurance de certains services se répercute
donc directement sur le coût des enfants, et cette nouvelle
dépense aurait certainement un impact négatif sur la
décision d'avoir des enfants ou d'avoir d'autres enfants.
Quel que soit, éventuellement, le coût moyen par enfant des
services de santé, il existe aussi un élément de risque
qui ajouterait un effet négatif sur la natalité. S'il est assez
facile d'anticiper ce que coûteront les vêtements, les couches et
toutes les commodités qu'exige le soin des enfants, il est par contre
impossible de prévoir quels seront son état de santé et
ses besoins en services de santé. On admettra facilement que la
société québécoise, dans le contexte actuel, ne
peut pas se permettre d'augmenter le coût des enfants pour les parents.
L'ensemble de la société doit continuer d'assumer les soins
médicaux et hospitaliers fournis aux enfants. Il nous semble qu'agir
autrement constituerait une remise en cause importante des mesures prises ces
dernières années, qui visaient à réduire les
dépenses liées à la présence d'enfants. Une
façon de réellement penser famille, c'est d'agir famille.
Sixièmement, les parents sont déjà lourdement
taxés. La moyenne a vu diminuer considérablement son pouvoir
d'achat depuis les 10 dernières années. Ce sont les familles des
classes moyennes qui supportent une bonne partie du fardeau des taxes,
cotisations et impôts de toutes sortes. Et ce sont aussi celles qui ont
le plus d'enfants. Les parents paient d'ailleurs passablement de taxes en
raison même de la présence de leurs enfants. La tarification des
services de santé fournis aux enfants aurait pour effet
d'accroître encore davantage leur fardeau. Leur charge augmenterait aussi
plus fortement que celle des personnes seules et des couples sans enfants.
À l'inverse, la gratuité du système de santé et de
services sociaux, tout comme celle de l'éducation, est une mesure qui
favorise une plus grande équité entre les personnes, les couples
et les familles. Est-ce que les familles ne méritent pas au moins autant
d'attention que M. Malenfant, les chevaux de Blue Bonnets et les Expos,
même si j'en suis un des partisans?
Les arguments qui viennent d'être présentés
s'appliquent tout autant dans le cas des services requis pour les femmes en
raison de leur grossesse et de leur accouchement. Imposer des frais autour de
ces moments de la vie reviendrait à pénaliser un des rares actes
positifs au niveau de la santé et des services sociaux. Si c'est ainsi
qu'on choisit de faire commencer la vie de nos nouveaux citoyens, comment ceux
qui devront assumer cette tâche, une des plus longues qui soit
désormais confiée à l'être humain, vont-ils se
sentir soutenus et encouragés?
En résumé, l'imposition de frais sur les services requis
par les enfants et par les femmes enceintes: marquerait un recul dans
l'acceptation et l'exercice de notre responsabilité collective à
l'égard des enfants; aurait des rendements financiers relativement peu
importants étant donné les habitudes de consommation de soins de
santé par les enfants; n'aurait pas d'impact sur les causes du
déséquilibre actuel dans le secteur de la santé et des
services sociaux; nuirait à l'objectif d'assurer aux citoyens de demain
une égalité des chances d'améliorer leur condition de
santé et de bien-être; aurait des effets secondaires
négatifs sur la décision des jeunes couples d'avoir des enfants
ou d'avoir plus d'enfants, surtout à un moment où le gouvernement
déplore la baisse du taux de natalité; accroîtrait le
fardeau fiscal des parents par rapport aux personnes qui n'ont pas charge
d'enfants.
Il nous semble que la société québécoise,
à l'heure actuelle, ne peut pas se permettre le luxe de reculer sur les
services offerts à ses enfants. Elle n'en a pas non plus les moyens.
Le Président (M. Joly): Oui, madame?
Mme Gagnon: Notre proposition se lit comme suit:
Attendu que les enfants sont notre richesse
collective;
Attendu que les enfants formeront les adultes de demain;
Nous recommandons de replacer les enfants au centre de notre vie
collective. Nous devons réduire la pauvreté des jeunes familles
et des familles monoparentales féminines si nous voulons
rétrécir la marge de risques dans laquelle sont stationnés
des milliers de nos enfants. la coalition québécoise des
organismes familiaux recommande de conserver la gratuité des services
sociaux et de santé et d'accentuer les mesures de prévention afin
de contrer les difficultés graves vécues par les enfants et les
jeunes du québec.
Le Président (M. Joly): Pourriez-vous, s'il vous
plaît, me rappeler votre nom, madame?
Mme Gagnon: Lorraine Gagnon.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme Gagnon. Mme
Rhéaume, est-ce que vous avez autre chose à rajouter?
Mme Rhéaume: Non.
Le Président (M. Joly): Non. Parfait! Merci. M. le
ministre?
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. En entendant la lecture du mémoire - parce que je
n'avais pas eu l'opportunité d'en faire une lecture au préalable
- c'est une défense, finalement, de la famille, de la mère qui
est en situation d'accoucher et des enfants. Je pense que c'est un plaidoyer
dont la trame de fond est très très claire. Ma première
impression est que vous craignez qu'il y ait des services normalement
dispensés, accessibles et gratuits, à la mère qui soient
touchés par les mesures qui sont proposées dans le document. En
tout cas, moi, je n'en ai pas vu. Il n'y a pas d'intention.
On va mettre les enfants de côté à cette heure et on
y reviendra. Précisément, lorsque vous faites allusion à
l'accouchement, qu'est-ce qui, dans le document, vous indique que ces
choses-là pourraient être touchées par des mesures de
compression, de taxation? Parce qu'il n'en est pas question. Mais qu'est-ce qui
vous a inspiré, comme mesure précise, ce constat-là? Parce
que moi, c'est ce que je retire, comme impression, de votre
présentation. Je mets les enfants de côté parce que je sais
que, sur le plan dentaire ou sur le plan de l'optométrie, c'est une
autre situation, mais on y reviendra à part.
Donc, c'est une impression qui se dégage qu'au niveau des
services de base on veut aller taxer ou faire en sorte d'imposer des services
de base alors qu'il n'en est pas question autrement que par une révision
du panier de services qui, lui, pourrait tomber dans le complémentaire
et, à ce moment-là, être interpellé. C'est pour
ça que j'aimerais... Si vous avez quelques précisions à ce
niveau-là, ça m'intéresserait.
M. Perreault: bon. ce qui est derrière l'argumentation du
texte, c'est que dans la mesure où nous... tout est négociable
dans la mesure où c'est un document de réflexion. ce qu'on
voulait poser clairement aujourd'hui, c'est de dire que dans la mesure
où la porte risque d'être ouverte il y a une chose sur laquelle il
faudrait qu'on s'entende et que ça soit très clair. c'est que
tout ce qui touche les enfants - donc la mère par le biais de la
grossesse ou des cours prénataux - on voudrait que ça soit
très clair que, de notre côté, nous, on serait prêts
à se battre et à donner les argumentaires qui appuient ça.
donc, c'est pour éviter, dans la réflexion ou dans la poursuite
de l'ouverture pour essayer de récupérer, par
l'impôt-services ou bien par des coûts additionnels, dans cette
négociation qui peut s'entamer, que les enfants et tout ce qui touche la
périnatalité soient touchés. et que ça soit
très clair. c'est pour ça qu'il nous est apparu essentiel de
venir le dire ici, pour qu'on reste là-dessus et qu'on s'entende.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est
que vous êtes préventifs.
M. Perreault: Toujours, M. le ministre, si vous nous connaissez
bien.
M. Côté (Charlesbourg): j'essayais de voir dans
notre document ce qui aurait pu laisser croire à cette
indication-là alors que, dans mon esprit à moi, je pense que
c'est très clair. il n'en est même pas question aujourd'hui. et
s'il n'en est pas question aujourd'hui il n'en sera pas question demain. bon.
et dieu sait qu'on a un problème d'enfants et de bébés au
québec, alors je pense qu'il faut être très très
vigilants à ce niveau-là. ce que je comprends, c'est que vous
réitérez le message de prévention.
Prenons maintenant le deuxième volet, qui est celui des enfants,
où on parle davantage de dentaire et d'optométrie. Là,
à ce moment-là, c'est une mesure qui peut, bien sûr,
toucher les enfants, mais isolons le dentaire. Toutes les études - qui
ne sont contestées par personne; on verra d'ici la fin de la commission
si les dentistes vont venir nous dire le contraire; ce n'est pas impossible,
c'est une commission très active - nous font la démonstration que
notre programme de soins dentaires, donc y compris la prévention, a
été, au fil des années, davantage utilisé par les
bien nantis ou les mieux nantis que par les pauvres, et qu'on est encore dans
une situation où la qualité dentaire dans les quartiers
défavorisés est très en deçà de ce que nous
retrouvons ailleurs. En termes clairs, c'est ceux qui ont des sous qui ont
profité du programme alors que ceux qui n'en ont pas n'ont
pas profité du programme. Pour toutes sortes de raisons.
Ça peut être une question d'information, une question
d'accessibilité, mais, ça, c'est un phénomène assez
clair.
En même temps, on s'est retrouvé dans une situation
où les CLSC - parce qu'ils n'ont pas fait juste des bons coups, les
CLSC; je pense qu'il faut le dire aussi - se sont assez allègrement
départis des hygiénistes dentaires. Et on a eu assez de plaintes;
ils disparaissaient au fur et à mesure des choix que faisait le CLSC des
besoins prioritaires à combler.
Ceci étant dit, c'est la situation telle quelle. Elle est claire,
à moins que quelqu'un d'autre vienne nous faire la démonstration
de tout ça. Vous avez cité le rapport Camil Bouchard qui, je
pense, est un bon rapport, et qui a reçu un bon accueil un peu partout
à travers le Québec. Mais Bouchard nous dit dans ses
propositions: II faut intervenir plus tôt; il faut, compte tenu de la
rareté des ressources, "priori-ser" nos interventions et le faire de
manière sélective au besoin dans les quartiers
défavorisés. (17 h 15)
Est-ce que ce n'est pas une situation qui pourrait s'appliquer à
ce moment-ci dans le dentaire, par rapport à la revendication qui est
davantage votre trame de fond de mémoire, qui dit: c'est universel et
puis ne touchez pas à l'universalité, surtout dans un cas
précis qui est celui du dentaire?
Mme Signori: M. le ministre, dans ma tête à moi, les
enfants du Québec, qu'ils soient enfants de riches ou de pauvres,
doivent être sur un pied d'égalité. Où vous pouvez
aller récupérer ces sommes, c'est du côté de la
fiscalité des parents. Et, si on se donne un projet de
société, si on dit qu'au Québec on n'a pas assez
d'enfants, il serait grandement temps qu'on mette l'accent sur les enfants. Et
moi, je ne vois pas de différence. Vous avez suffisamment d'actuaires et
de spécialistes dans vos ministères, vous serez capables d'aller
chercher les parents qui sont mieux nantis.
Et quand on parle de prévention... Je voudrais juste finir mon
point parce que je n'ai pas souvent la parole. Quand je la prends, je la
prends!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Signori: Quand on parle des soins de prévention au
niveau dentaire et au niveau des yeux aussi, tous ces soins-là,
ça devrait être compris. Je ne sais pas pourquoi vous faites la
distinction quand vous parlez. Les soins dentaires, c'est comme entendu dans
les milieux défavorisés, mais qu'est-ce que vous faites des
soins, là, des examens de la vue? Ça aussi, c'est important.
Est-ce que vous voudriez désassurer ces soins-là aussi?
M. Côté (Charlesbourg): Non, non, mais
écoutez, là. Je comprends que quand vous avez la parole vous
pouvez passer vos messages, mais j'ai posé une question
précise.
Mme Signori: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Puis je vais en avoir
d'autres aussi. Je pense qu'il ne faut surtout pas se gêner pour passer
nos messages, mais je voudrais y arriver un par un. Je suis dans le dentaire,
donc je vais rester dans le dentaire.
On a beau me dire à moi, ici, que les enfants de riches comme les
enfants de pauvres doivent avoir accès, la démonstration est
faite, là. Il faut s'ouvrir les yeux aussi, de temps en temps. La
démonstration est faite que, même quand c'est universel, gratuit
et accessible, c'est les riches qui y vont puis les pauvres n'y vont pas. Il y
a un problème dans la solution, là, au niveau dentaire. Il y a un
problème dans la solution. C'est ça, la question, et puis qui est
troublante de manière fondamentale. alors, ce n'est pas une question de
faire une discrimination entre les riches et les pauvres. on dit: le programme
a été davantage accessible à ceux qui sont riches. o.k.?
c'est eux autres qui s'en sont servi alors que les pauvres ne s'en sont pas
servi. ce qu'on dit: c'est quoi la problématique, là? et
même, bouchard est cite par vous autres dans votre mémoire. je ne
l'ai pas inventé, il est cité, là, bouchard. alors, s'il
est si bon que ça, il est bon aussi pour la proposition sur le plan
dentaire, en disant qu'il faut intervenir, même de manière
spécifique dans des quartiers, pour tenter de régler ces
problèmes-là. donc, c'est les mêmes enfants, là.
o.k.? donc, ça, c'est le dentaire. l'optométrique, on y reviendra
tout de suite après.
M. Perreault: M. le ministre, dans ce sens-là, ce qu'on
aimerait faire passer comme message, c'est que, quand vous parlez de riches et
de pauvres, il faudrait s'entendre où on trace la ligne. C'est toujours
le même problème, bon, et il y a la question de la méthode.
Mais il est important de retenir une chose, c'est que les enfants, ça
doit être une responsabilité sociale. Et, un deuxième
élément, c'est qu'on ne veut pas faire intervenir... Parce que
vous savez, au niveau des enfants, ce n'est pas la même chose qu'au
niveau d'un citoyen ou d'un individu. C'est toujours un tiers qui prend la
décision pour lui. Et peu importe le palier sur lequel vous jouez, si
vous commencez a facturer ou à donner des coûts à des
services, vous donnez donc la chance à un tiers, qui peut être les
parents mais aussi quelqu'un d'autre que les parents, de prendre une
décision pour un service qui est un besoin pour un enfant. C'est
ça qui est important.
C'est-à-dire que dans ces cas-là - et c'est
ce que Mme Signori voulait dire - il y a peut-être moyen d'aller
rechercher après, soit par des éléments fiscaux ou autres,
au niveau des crédits, mais que les services restent gratuits pour ne
pas que ça pèse, jamais. Parce que, vous savez, quand vous parlez
de riches mais de riches inférieurs, quelquefois, il est peut-être
plus intéressant de continuer à avoir le chalet et le ski
plutôt que de s'occuper adéquatement des soins dentaires des
enfants. On ne veut pas que ce genre de marchandage là joue dans une
décision.
Il faut donc que les services, et peu importe le palier, soient les
mêmes pour tous les enfants parce que c'est un bien collectif, une
richesse collective. Il faut donc les mettre tous sur le même niveau. Et
s'il y a moyen, après, par d'autres programmes ou d'autres
méthodes, d'aller chercher les sous dans les poches de ceux qui en ont,
ça, nous en sommes. Mais ce qui est important, c'est que la
décision, dans ce cas-là - et nous l'avons clairement dit -
appartient à un tiers pour les enfants. Et ça, on ne veut pas ce
genre de marchandage là.
M. Côté (Charlesbourg): Je l'ai relevé dans
le mémoire, puis je pense que c'est un point qui est important: de bien
rappeler que la victime d'une décision d'un tiers, ça peut
être l'enfant. Je pense que le point est assez intéressant.
Mais puisque vous défendez... Puis je pense que c'est bien fait
et vous devez le faire; et ça doit être notre préoccupation
aussi. Les enfants, c'est une richesse, vous le dites, qui est collective. Ceux
d'aujourd'hui et ceux de demain. Si on ne change strictement rien dans le
système actuel, on est pris avec un déficit très important
sur le plan des finances publiques. Étant pris avec ce déficit on
va donc, par conséquent, le régler par le déficit du
Québec. Et, lui, on va le faire payer par les générations
futures. On va donc se retrouver dans une situation où nous allons,
nous, consommer des services que, collectivement, on n'a pas les moyens de se
payer et on va pelleter en avant en disant aux générations
futures: Vous allez, vous, en plus de payer ce dont vous avez besoin comme
services, payer la consommation des services de ceux qui, dans le passé,
ont consommé. Il y a aussi une question d'iniquité
vis-à-vis ces jeunes qui seront là demain. C'est un petit peu
tout ça qu'on essaie de regarder et de dire: C'est quoi la meilleure
solution dans notre système?
Ce que je comprends, un des éléments de réponse,
c'est que, par le biais de la fiscalité, plus général, il
y a peut-être là des possibilités d'aller chercher un
certain nombre de sous. On sait autrement que, dans votre mémoire, vous
dites que les classes moyennes commencent à en avoir plein leur sac de
payer impôt à gauche, impôt à droite, à peu
près à tous les paliers de gouvernement, puis leur
capacité de payer a atteint le maximum. Là, on vient de monter la
barrière pas mal haut et Dieu sait qu'aujourd'hui la classe moyenne...
Ceux qui gagnent 50 000 $ se mettent dans la classe moyenne, et je pense de
plus en plus que ceux qui sont dans la classe moyenne n'ont plus bien le moyen
de faire face aux défis d'aujourd'hui. Donc, c'est un problème
majeur, l'idée est majeure.
M. Perreault: et on le donne. on donne une augmentation de
réponse dans le mémoire lorsqu'on dit que les coûts
destinés aux enfants sont très modérés par rapport
aux coûts d'ensemble; ce ne sont donc pas les plus gros consommateurs.
donc, à ce niveau-là, on peut peut-être faire cet effort
collectif puisque nous sommes dans une société qui est en manque
d'enfants. et c'est pour ça qu'on vous dit qu'il est important que les
parents n'assument pas seuls et n'assument pas l'entière
responsabilité, parce que ça joue au niveau des décisions.
ça, c'est un élément important.
M. Côté (Charlesbourg): Juste une petite question
parce qu'on me signifie que j'ai fini et que le temps est trop court. Juste sur
le plan dentaire, pour pousser parce que ça pourrait valoir pour
d'autres domaines aussi. Juste sur le plan dentaire, à partir du moment
où l'État assume la responsabilité de la
prévention, est-ce que c'est à lui d'assumer les problèmes
reliés au curatif par la suite?
Mme Rhéaume: vous vous demandez si c'est
nécessaire. peut-être que, si la prévention est bien faite,
le curatif va être moins lourd à porter.
M. Côté (Charlesbourg): C'est ça. Oui.
Mme Rhéaume: Justement. Je pense que ce n'est
peut-être pas les bons intervenants qui sont chargés de la
prévention. Des dentistes, ça coûte plus cher que des
hygiénistes dentaires. Justement, vous avez souligne tantôt qu'on
a retiré les hygiénistes dentaires des écoles. C'est
peut-être l'endroit où ils peuvent être les plus efficaces;
je ne sais pas quel est le pourcentage des enfants qui vont chez le dentiste,
mais il doit bien y avoir près de 100 % des enfants qui vont à
l'école. Donc, à ce moment-là, ce serait peut-être
de concentrer les efforts à ce niveau-là. Mais je pense que
d'éliminer complètement les services dentaires en disant que
c'est la charge des parents, en tout cas... Moi, je peux prendre notre exemple.
J'ai une famille; on a 60 000 $ de revenus avec trois enfants, et je vous dis
que peut-être que le dentaire, ce n'est pas ce qui passe en premier quand
tu as des enfants à élever et qu'ils sont rendus au niveau
collégial. C'est assez lourd à porter. Avec ça, c'est
l'âge auquel on commence à travailler parce qu'on sait la
précarité de la situation des jeunes au niveau de l'emploi. Quand
on met tout ça bout à bout,
avant d'arriver à la classe moyenne, je pense que, dans nos cas,
on va être rendus à près de 55, 60 ans. il y a ces
aspects-là qu'il faut considérer aussi.
M. Perreault: II y a peut-être un dernier
élément, lorsque vous avez parlé tantôt d'aller
chercher l'argent. Dans les éléments du document de
réflexion, en résumé, il est clairement indiqué que
l'un des graves problèmes, c'est dans l'offre des services. Et vous
dites souvent, à plusieurs reprises, que la masse salariale au niveau
des professionnels médicaux et surtout au niveau des médecins est
très élevée et grimpe très rapidement. On pourrait
peut-être commencer à réfléchir de ce
côté-là aussi, parce que ce n'est pas les plus bas
salariés de notre société. On peut peut-être
commencer aussi à leur demander de faire un effort collectif. Et, dans
ce sens-là, je pense qu'il est peut-être important d'arrêter
de demander toujours à la petite classe moyenne et moyenne
inférieure, et surtout aux familles qui s'appauvrissent à une
vitesse assez importante. Il faut peut-être retourner la balle dans le
camp de ceux qui sont, semble-t-il, assez bien rémunérés,
merci. On pourrait donner des exemples et les étirer comme vous voulez.
J'arrive du Sud et, avant de partir, il a fallu que j'aille trois fois chez le
même médecin parce que, la première fois, il me vaccinait;
la deuxième fois, il a dit: Vous reviendrez pour le certificat; et la
dernière fois, il avait oublié de me donner le dernier
certificat. Les trois fois, j'ai donné ma carte d'assurance-maladie.
Alors, il faudrait peut-être réfléchir à tout
ça aussi avant de redire...
M. Côté (Charlesbourg): Je suis convaincu que vos
propos ont été bien entendus par Augustin qui est juste
derrière vous.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Merci.
Une voix:...
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue et porte-parole en
matière...
M. Trudel: Le ministre l'a remarqué depuis ce matin en
arrière de vous.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): J'attendais pour le
passer.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: C'est le diable en personne. Il faut revenir, en vous
remerciant de nous faire cette présentation. c'est la plaidoirie des
enfants. c'est extraordinaire! de la famille et des enfants. c'est toujours
difficile. c'est extraordinaire!
M. Côté (Charlesbourg): Tu n'as pas d'enfant, hein?
Dieu sait qu'on n'en a pas beaucoup pour les défendre en commission.
M. Trudel: Et Dieu sait qu'on n'en a pas beaucoup pour les
défendre en commission, effectivement. Je pense que vous avez bien
compris, dans l'excellente réflexion que vous nous présentez,
qu'on est pris avec un problème. Et vous, vous dites, au départ:
Les enfants ne doivent pas «faire les frais de» parce que c'est
trop important et il faut en faire une question sociale. Le ministre dit: Que
je sache, dans mon projet de réflexion du 18 décembre, je ne
touche pas aux familles et aux enfants. C'est ce qu'il vous disait il y a
quelques secondes.
Et là j'ai de la misère un peu. J'ai de la misère
un peu parce que les dents, en bas de 16 ans, et les yeux, en bas de 16 ans,
ça, c'est bien directement que ça touche les enfants. Le ministre
dit, dans la réflexion - c'est là-dessus que je veux vous
engager: On a des statistiques assez claires que les utilisateurs au niveau des
dentistes, c'est les classes les plus aisées, c'est les gens les plus
à l'aise qui les utilisent et, à l'inverse, bien sûr, les
gens qui sont plus en difficulté, qui sont plus pauvres, n'utilisent pas
le programme ou utilisent moins le programme. Alors, à ce
compte-là, pourquoi n'épargnerions-nous pas nos sous juste pour
les gens qui seraient de classe plus défavorisée? Vous, vous
répondez, Mme Signori: Si vous voulez faire en sorte de ne pas toucher
aux enfants, par exemple pour le programme des dents, allez donc chercher
ça par la fiscalité. N'est-ce pas, c'est ce que vous dites?
Mais je pense que le document qui nous est présenté, je
l'ai dit ce matin, sa table des matières abat 10 mythes au
Québec. Ça rétablit, au sens positif, 10 grandes
vérités, les 10 premières sections du chapitre. Et
là il faut détruire un autre mythe maintenant, aujourd'hui. On
dit: C'est les plus aisés ou c'est les plus riches - c'est la
théorie Robin des Bois - qui utilisent les services des dentistes. Mais
ils paient plus aussi. Mais ils paient plus, parce que l'impôt... Vous,
vous dites la fiscalisation. Mais ils paient plus aussi, ces gens-là,
parce que la fiscalisation est progressive au Québec. Ce n'est pas la
même «bracket» d'impôt. On s'en sert plus et on paie
plus. Le problème, quant à moi, il est ce que vous avez
diagnostiqué: au niveau de l'information pour les gens dans des
conditions plus difficiles et qui se serviraient moins du programme. Il faut
faire davantage de prévention.
Ma question est la suivante, maintenant: On a comme un gros
problème. Écoutez, moi, je l'ai diagnostiqué. Il n'y a
personne qui a défait mes
chiffres encore. Les 5 prochaines années, si on veut maintenir
l'essence de votre résolution pour les enfants - mais c'est pour tout le
monde - il va nous manquer 2 600 000 000 $. Si le gouvernement applique
à la santé le paramètre de «combien, lui, va mettre
dans la caisse», s'il met seulement IPC plus 1 %, imaginez! il va manquer
5 500 000 000 $ sur 5 ans. (17 h 30)
Mme Signori: 5 500 000 000 $ ou...
M. Trudel: 5 500 000 000 $ si le gouvernement ne mettait, pour
les 5 prochaines années, quant à sa contribution, que ce qu'on
appelle l'indice des prix à la consommation plus 1 %. On a le droit de
se faire une réflexion puis, moi, je ne vous demande pas d'agir en
spécialistes. Comment pensez-vous qu'on va s'en sortir sur le plan de la
solidarité, sur le plan de la fiscalité? Est-ce que vous pensez
que nous pouvons, au Québec, ajouter 5 500 000 000 $ d'impôt ou de
taxes de toutes sortes au cours des 5 prochaines années pour en arriver
à maintenir notre régime comme il est aujourd'hui, et en
particulier protéger, je dirais, le segment extraordinaire que vous
défendez aujourd'hui, qui s'appelle la famille et l'enfant? Est-ce que
vous pensez qu'on peut y arriver, à ça?
Mme Signori: Bon! Moi, je ne suis pas spécialiste de
toutes ces questions de gros sous parce que je n'ai jamais eu de gros sous,
sauf qu'il me semble qu'à chaque fois que le gouvernement a eu besoin de
gros sous il a su où aller chercher des gros sous. Et j'ai de la
misère à comprendre, dans ma petite tête, pourquoi,
à chaque fois, on va toucher les familles. Quand on a voulu couper du
côté du ministère de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu, c'est encore du côté des
familles qu'on est allé couper. Et là on veut couper au niveau
des services de santé et des services sociaux. Il me semble qu'il y a
d'autres endroits, les abris fiscaux, les entreprises, où ils ont des
plus gros sous que nous pour aller chercher ça.
C'est parce que je ne trouve pas que le discours gouvernemental est
«congruent». En tout cas, il y a un discours qui dit: On veut des
enfants. Oui. Faites-en des enfants. Mais c'a l'air de dire: Après
ça, débrouillez-vous avec. Je comprends qu'on est dans un
contexte économique pas très très encourageant, mais il me
semble qu'il devrait y avoir une façon. Il y a sûrement des
fonctionnaires ici qui sont capables d'aller chercher des moyens autres que
ceux auxquels on pense. Parce que, quand on parle de sécurité du
revenu puis de santé et services sociaux, c'est là qu'on veut
couper le plus, d'après moi. On a parlé beaucoup de
prévention mais, malgré tout ça, le budget de la
prévention du ministère de la Santé et des Services
sociaux est, dans le moment, de 5,2 %. Ce n'est pas énorme.
Alors, quelque part, il y a quelque chose qui ne marche pas.
Expliquez-le moi. Peut-être que, si vous me l'expliquez comme il faut, je
vais le comprendre. On parle de prévention. C'est encore dans le
discours; on parie de famille, c'est encore dans le discours; on parie
d'enfants, c'est encore dans le discours. Dans le concret, je n'ai pas vu
ça beaucoup. Puis nos groupes, les membres de nos groupes, ils ne l'ont
pas vu beaucoup. Chez nous, c'est surtout les familles monoparentales, notre
clientèle, et je vous assure qu'on ne voit pas ça beaucoup non
plus, le discours familial du gouvernement. C'est là que je
m'interroge.
M. Trudel: J'aimerais ça toucher d'autres aspects, moi,
qui ne sont pas dans votre mémoire et discuter, je dirais, de citoyen
à citoyen, de vos impressions générales. Pas besoin
d'avoir de réponses de spécialistes là-dessus. On n'est
pas très avancé dans le débat, là, et ça va
certainement revenir. Il y a aussi une autre idée qui est dans l'air,
qui n'est pas abandonnée, qui est dans le document, c'est un ticket
modérateur. Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous autres, un
ticket modérateur? Parce que, bon, on ne vous en a pas parié
encore ce matin; sauf erreur, il n'en a pas été question dans le
discours du ministre. Je comprends, avec les arguments que lui-même a
livrés dans son propre document, qu'il doit être pas mal moins
tenté là-dessus. J'aimerais ça vous entendre, une courte
réflexion sur l'apparition d'un ticket modérateur au
Québec. Il faut que j'arrête là, oui.
M. Perreault: En ce qui a trait à la clientèle
enfant, puisqu'il en est question ici, c'est l'argument qu'on va vous servir
qu'on a servi dans les points du mémoire. C'est-à-dire que dans
la mesure où c'est un tiers qui prend la décision... Vous savez,
vous avez une famille qui gagne, quoi, un revenu familial de 30 000 $, qui a 3
ou 4 enfants. Un enfant a une bonne migraine et se plaint à la
mère qui a le choix entre payer un ticket modérateur pour aller
à l'hôpital ou acheter du lait, d'une façon plus
adéquate. Donc, cette personne-là, qui est la mère, avec
toutes sortes de bonnes raisons va décider qu'il est effectivement
peut-être plus rentable pour l'ensemble de la famille de ne pas
adhérer au service qui aura un ticket modérateur. Vous savez que
3 $, 4 $, 5 $, 10 $, 15 $, ça peut être énorme pour une
famille qui n'a pas un revenu adéquat.
La décision prise par un tiers nous apparaît très
grave dans le cas d'enfants parce que, effectivement, quand tu es une personne
adulte et que tu as suffisamment mal à la tête pour te cogner la
tête sur les murs, tu dis: Ça coûtera 10 $ mais je vais y
aller, à l'hôpital. Mais, dans le cas d'un parent, il a à
«dealer» avec une souffrance qu'il ne supporte pas. Et, très
souvent, on sera peut-être tenté de faire comme ma
mère le faisait si bien quand j'étais jeune - nous
étions 12 enfants - elle disait: Ti-gars, ça va passer. Bon!
Ça passait des fois, puis des fois ça a mal passé, parce
que le plus vieux est mort. C'est dans ce sens-là, je pense, qu'il est
important de ramener ça sur le tapis et de dire qu'en ce qui a trait
à la clientèle enfant, d'autant plus que la décision
relève d'un tiers, il est peut-être important d'oublier tous les
frais de services, que ce soit par le biais d'un ticket, etc., et de prendre
d'autres moyens.
Et je vous l'ai dit tantôt, il y a des indications à
l'heure actuelle dans la société et on devrait peut être
commencer à poser les vraies questions. O.K.? Peut-être faire
payer les vrais impôts à des gens qui, pendant des années,
ont regardé le Québec par-dessus nos épaules et nous
disaient: On achète des hôtels un peu partout et on ne paie pas
nos impôts; et, pendant un certain nombre d'années, on ne le fait
pas. Peut-être que ce serait important d'aller récupérer
les impôts non payés des entreprises puisque - je n'ai pas de
chiffres pour le Québec, mais pour le Canada - le Vérificateur
général du Canada a dit qu'il y avait des milliards qui
traînaient comme ça au Canada. Alors, peut-être qu'il
faudrait commencer à regarder aussi à ce niveau-là.
M. Trudel: Je ne veux pas discuter du cas de Malenfant mais,
d'évidence, il ne vous a pas passé dans la gorge,
celui-là.
M. Perreault: Je ne l'ai pas nommé. On ne l'a pas
avalé.
M. Trudel: Ce n'est pas le lieu, je pense, pour discuter de
ça ici, mais je prends note de votre intervention. Alors, ce que vous
dites, finalement, au niveau des enfants en particulier, mais aussi des
familles, le message est très clair; les yeux, les dents, les tickets,
tout ce qui «risque de», ne touchez pas à ça. Et sur
le plan des revenus, si vous êtes obligés de passer par la
fiscalité, il faudrait d'abord aller chercher là où est
l'argent. Est-ce que c'est ça, votre message de fond qu'il faut
recevoir?
M. Sarrazin: M. Trudel, pour une bonne part, oui, ce que vous
avez apporté. On voudrait que le gouvernement soit cohérent, dans
le fond. Depuis 10 ans on a commencé à établir une
politique de la famille. C'est loin encore d'être complet, mais il y a eu
des efforts réels. Ça, on le retient; il y a eu une structure
très bien organisée au Québec avec un Secrétariat
à la famille, un Conseil de la famille, des mesures qui aident la
famille, un premier plan d'action où plusieurs ministères ont
collaboré, un deuxième plan d'action qui est à la veille
de sortir, où on pense, encore une fois, que les familles vont en
bénéficier. Alors pourquoi, à un moment donné, on
va enlever, on va arrêter, comme le dit notre mémoire, de
progresser dans ce sens-là puis là on va commencer à
prendre la famille de côté? Non pas la prendre directement mais ia
prendre de côté. Alors, c'est la raison pour laquelle nous croyons
en la prévention d'abord et nous croyons que, si les enfants sont bien
protégés, il se pourrait que des coûts, tout de même
astronomiques, soient évités. C'est dans ce sens-là que
nous présentons ce mémoire aujourd'hui, dans le sens de la
continuité.
M. Trudel: La plus grande frustration qu'on a souvent en
commission parlementaire, c'est le manque de temps. Moi, j'aurais aimé,
mais on n'a pas le temps, j'aurais aimé ça vous parler d'un autre
membre de la famille, à l'autre bout complètement: la personne
âgée. Elle aussi est membre d'une famille; elle aussi a des
besoins qui sont extrêmement grands. On va y revenir, cependant, et,
comme il restait un petit peu de temps, il y a ma collègue de
Marie-Victorin qui aurait une question. Merci.
Le Président (M. Joly): Mme la députée de
Marie-Victorin. Je vous reconnais, madame.
Mme Vermette: Oui, en fait, c'est parce que vous parlez famille
et c'est un aspect que vous n'avez pas soulevé et qui me
préoccupe, ce qui concerne l'adoption. Les familles adoptent des enfants
et doivent défrayer, à grands frais, le coût d'une telle
pratique pour vraiment arriver à former une famille. Est-ce que vous
envisagerez ou est-ce que vous envisagez la possibilité que ça
aussi soit partie intégrante d'une politique familiale et, comme
n'importe quelle grossesse, soit considéré comme étant
sous la responsabilité du service de santé pour qu'on puisse
défrayer ce coût, une adoption?
Mme Signori: Un enfant de famille d'adoptant et un enfant de
famille biologique, pour nous, c'est pareil. Dans notre esprit, un enfant avec
un parent, c'est une famille, qu'il soit enfant de parent adoptant ou non. Et,
moi, je serais d'accord en partie avec ça, parce que si on n'a pas
d'enfants à adopter au Québec, effectivement, l'adoption
internationale coûte très cher. Je pense que, quelque part, il y
aurait peut-être une forme de collaboration qui pourrait être faite
aussi par le ministère de la Santé et des Services sociaux.
Quand on parlait tout à l'heure des services de santé et
services sociaux, j'avais peur, M. Trudel, que vous pensiez qu'on ne veut que
les soins dentaires ou les soins d'optométrie. On les inclut dans
ça. On veut tous les soins dentaires et tous les soins de santé
et services sociaux. Ça a été mentionné à
plusieurs reprises qu'on n'a pas beaucoup de temps. Moi, j'exprime, je pense,
un voeu de mes collègues, ici. On a insisté pour être
entendus en commission parlementaire, et je dois vous dire qu'on a
trouvé ça très dur de
n'avoir qu'une semaine pour préparer notre mémoire qu'on a
présenté là. Et on regrette beaucoup que les organismes
qui représentent les familles au Québec n'aient pas
été initialement invités par le ministre à
participer à la commission parlementaire. Et là aussi on s'est
trouvés très attristés de voir que la famille, encore une
fois, avait été oubliée dans le processus. Les autres qui
vont venir en commission parlementaire cette semaine ont été tout
de suite sur les listes, mais les groupes familiaux n'étaient pas
présents.
Le Président (M. Joly): M. le ministre?
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Bien, il y a un certain
nombre de choses que je peux quand même prendre et il y a un certain
nombre d'autres choses que je ne peux pas prendre et que je ne prendrai pas non
plus, avec tout le respect que je peux avoir pour ceux qui représentent
les familles. D'abord, pour votre information, la liste fait l'objet d'un
dépôt à l'Assemblée nationale et d'un accord de
l'Opposition et du gouvernement. Donc...
M. Trudel: Vous allez tout dire, là.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je vais tout dire. Je
n'ai pas l'habitude de ne pas dire ce que j'ai à dire, et de tout dire.
Et ça a fait l'objet d'une entente. On s'est rendu compte en cours de
route qu'il en manquait. Il y a eu des interventions de la part du
député de l'Opposition pour dire: On a eu des oublis. On a
même oublié les départements de santé communautaire
dans la liste. Pas de mauvaise foi; ça a été un oubli
qu'on partage. Point. Ce n'est pas un oubli uniquement du ministre. On va aller
jusqu'au bout, là. Et ça, c'est assez clair. Et,
évidemment, on est dans une situation où, avant vous, des
représentants des personnes handicapées venaient de nous dire: Ne
touchez à rien de nous autres. Maintenez les services universels. Vous
nous dites la même chose. Probablement qu'il va en passer d'autres qui
vont venir dire exactement la même chose au bout de la ligne. Puis, ce
qui va arriver, ils vont dire: Bon, vous autres, les politiciens, vous
êtes rien que bons pour taxer et vous en mettez pas mal plus sur le dos
de tout le monde.
Mais il faut aussi être capable de gérer. Pour moi, c'est
important de protéger ceux qui sont au monde aujourd'hui et ceux qui
vont venir demain aussi. On n'a pas le droit, comme société,
d'hypothéquer des générations futures au-delà de ce
qu'on l'a fait au cours des dernières années, et ça nous
interpelle comme gestionnaires. Et on n'a pas le choix de répondre
à ça aussi parce que ça me paraît extrêmement
important.
Et, lorsqu'on dit qu'il ne s'est rien fait au Québec sur le plan
de la politique familiale, je m'excuse! Les tables d'impôt parlent
d'elles-mêmes sur le plan des personnes qui ont été
protégées. Et je me suis réveillé lorsque monsieur,
tantôt, a pris l'exemple des 30 000 $, en me disant qu'à 26 000 $
et moins, avec 2 enfants, on ne paie pas d'impôt et qu'il n'y a pas si
longtemps, c'était pas mal en bas de ça qu'on commençait
à payer de l'impôt. C'était pour favoriser la famille. Et,
dans ce sens-là, il y a un certain nombre de gestes qui ont
été posés. Il faut, à tout le moins, ceux-là
au moins, les reconnaître, même si ce n'est pas parfait et qu'il
reste beaucoup de place à de l'amélioration. Ça, j'en
conviens très nettement.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre.
M. Trudel: Merci de votre présentation. Merci, encore une
fois, d'être venus défendre la famille et les enfants. Oui, vous
avez fait des représentations. J'ai fait des représentations
auprès du ministère et vous avez donc été
invités. Je pense que tout le monde a un peu déploré - on
jugera ça ailleurs - le manque de temps qu'on a eu pour se
préparer, dit-on, dans bien des milieux, compte tenu des instruments qui
sont disponibles. Ce qui est clair, c'est que vous nous avez transmis, vous
nous avez confirmé très clairement le message aujourd'hui que la
classe moyenne, que les familles, elles, en ont assez, comme payeurs au
Québec, et qu'il va falloir, sur le plan de la gestion, sur le plan
politique, qu'on trouve la dernière des ressources que nous aurions pour
corriger la situation de façon équitable. Et ajouter, au niveau
de la taxation, au niveau des revenus, que les familles ne sont tout simplement
plus capables! Merci de votre présentation. (17 h 45)
Le Président (M. Joly): Alors, au nom des membres de la
commission, je vous remercie et j'appelle maintenant la
Fédération des femmes du Québec, s'il vous plaît.
Bonjour, Madame. Mme Vaillancourt, je présume, et Mme Bonenfant, c'est
bien ça?
Mme Vaillancourt (Germaine): Non. C'est Mme Suzanne Messier, qui
est membre du Conseil régional de Québec de la
Fédération des femmes du Québec.
Le Président (M. Joly): Alors, bienvenue, madame.
Mme Vaillancourt: Et je suis Germaine Vaillancourt, la
présidente de la Fédération des femmes du
Québec.
Le Président (M. Joly): Parfait, madame. Alors, vous
connaissez un peu la procédure. Vous avez une vingtaine de minutes pour
nous livrer votre mémoire. Après, les parlementaires
échan-
geront avec vous. À vous la parole, Mme Vaillan-court.
Fédération des femmes du
Québec
Mme Vaillancourt: Mesdames, messieurs de la commission des
affaires sociales, il nous fait plaisir de participer à la consultation
sur le document intituté: «Un financement équitable
à la mesure de nos moyens». Après étude du document,
en raison des courts délais qui nous étaient impartis, nous
venons aujourd'hui présenter quelques brefs commentaires et
recommandations.
Avant de commencer, permettez-nous de vous présenter la
Fédération des femmes du Québec. La
Fédération des femmes du Québec a été
fondée en 1966. Depuis plus de 26 ans elle défend et fait la
promotion des droits des femmes, dont leur droit à la santé. La
Fédération des femmes du Québec regroupe 115 associations
membres et quelques centaines de membres individuels appartenant à
quatre conseils régionaux. Elle représente environ 100 000 femmes
et, à travers ses membres, touche tous les champs d'intérêt
en matière de condition féminine.
Plusieurs associations de la FFQ sont très près de la
problématique de la santé: le Comité de la condition
féminine de la Fédération des infirmières et
infirmiers du Québec, l'Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec, l'Association des sages-femmes du Québec, l'Alliance
professionnelle des infirmiers et infirmières auxiliaires, le
Regroupement des Centres de santé des femmes, la
Fédération des familles monoparentales, Naissance-Renaissance; le
YWCA reçoit une clientèle de mères adolescentes, de femmes
âgées démunies et de femmes en détresse pour toutes
sortes de raisons; les Centres de femmes, représentés entre
autres par leur regroupement provincial l'R des Centres de femmes, rejoignent
des femmes qui sont aux prises avec des problèmes de santé,
autant physique que mentale. Tous ces organismes savent très bien
comment les services de santé sont nécessaires au moment
où les services tendent de plus en plus à diminuer, ce qui
augmente le taux de pauvreté et de maladie. La Fédération
des femmes du Québec se sent donc, à juste titre,
concernée au plus haut point par l'orientation que prend le gouvernement
du Québec dans son projet de réforme sur la santé et les
services sociaux. «Un financement équitable à la mesure de
nos moyens». Le titre de ce document résume bien toute la
situation du Québec face aux coûts de la santé: Qui va
payer? Payer quoi? Payer combien? Ces questions sont d'autant plus cruciales
que le milieu de la santé semble s'entendre sur une éventuelle
augmentation des coûts. Plusieurs décisions sont
déjà prises et d'autres amorcées. Le gouvernement demande
notre avis entre telle solution ou telle autre, plus précisément
entre surtaxer de telle façon ou de telle autre. S'il y avait place pour
des solutions autres que l'augmentation des coûts et l'augmentation des
taxes, le gouvernement serait-il prêt à les considérer?
Nous présumons de sa bonne volonté et lui faisons part de nos
suggestions. Les voici.
Tout d'abord, réfléchissons à la présente
situation. Qu'est-ce qui coûte cher? Ce qui coûte cher, c'est le
genre de médecine que nous pratiquons; c'est une médecine de
consommation qui maintient le patient irresponsable et dépendant. La
surconsommation de médicaments inutiles, par exemple, est la cause d'au
moins 20 % des hospitalisations des personnes âgées - et
ça, c'est un chiffre très conservateur - ça, ça
coûte cher. Et, comme les femmes ont une espérance de vie beaucoup
plus élevée que celle des hommes, elles sont, de par ce fait,
beaucoup plus touchées.
Que dire des innombrables tests diagnostiques de routine, des tests de
contrôle et de suivi qui remplacent l'examen clinique pour lequel on paie
déjà? Ça, ça coûte cher. Que dire des
dossiers que l'on traite sous prétexte de risques de poursuites,
d'études cliniques, de recherches à des fins statistiques ou tout
simplement pour avoir de beaux dossiers? Ça, ça coûte cher.
Que dire aussi de la surmédicalisation de la
périnata-lité? Ça, ça coûte très cher.
Que dire des innombrables hospitalisations, interventions et traitements
coûteux qui sont pratiqués à défaut d'avoir
envisagé des alternatives simples et de bon sens? Ça, ça
coûte cher. Il est là, le véritable problème des
coûts élevés. C'est donc là qu'il faut couper les
dépenses, encourager la réduction des tests diagnostiques,
encourager la réduction de la consommation de médicaments,
encourager la réduction des hospitalisations et traitements.
Ce qui nous étonne dans le document, c'est qu'il n'est jamais
question de réduire les dépenses déjà existantes.
Les recommandations vont vers une meilleure gestion administrative mais
n'abordent jamais la vraie dépense: la consommation érigée
en système que prône la médecine occidentale. De plus, ce
document mentionne que nous sommes comparables aux autres pays occidentaux.
Oui, c'est vrai. Ils souffrent du même mal que le Québec et se
plaignent tous de n'avoir plus les moyens de financer leur médecine
occidentale. De plus, ceux qui dépensent le plus sont ceux qui sont en
moins bonne santé - les États-Unis - parce que c'est là
que les services sociaux sont les moindres et où la pauvreté est
très grande. En effet, la plus grande maladie, c'est la pauvreté.
Savez-vous combien coûte à la société le
bébé né d'une mère sous-alimentée? Ce n'est
pas en désappropriant les femmes par le biais de millions donnés
pour nourrir les enfants dans les écoles qu'elles apprendront à
mieux se nourrir et à nourrir leurs enfants. Une concertation avec
d'autres ministères, pour ne nommer entre autres que celui de
l'Éducation, serait souhaitable.
Nous avons donc la réponse au second volet: Où investir?
Dans la santé. La bonne santé, c'est l'équilibre entre le
corps, l'âme et l'esprit. Dans le document, le gouvernement souligne
combien les conditions socio-économiques sont importantes et combien
elles se sont détérioriées au Québec. Nous nous
enfonçons toujours dans le cercle vicieux infernal du système
actuel: augmentation de la pauvreté, augmentation de la consommation
curative, augmentation des dépenses gouvernementales, réduction
des services sociaux et, en bout de ligne, augmentation de la pauvreté.
Malheureusement, les sommes d'argent sont attribuées massivement
à la maladie et peu à la santé, au corps et peu à
l'âme et à l'esprit. Ce qui nous étonne, c'est que vous
n'ayez pas de politique de priorité établie pour pallier ce
déséquilibre. Nous croyons que, pour le moment, c'est dans cette
seule direction de santé socio-économique que doivent être
faits les efforts et que doivent être réorientés les
effectifs humains et financiers du système.
Passons maintenant au troisième volet de la question:
Qu'avons-nous les moyens de payer? Etant donné la dette énorme
qu'il nous incombe de rembourser, l'importance des dépenses - 40 % - de
santé dans le budget de la province, la présente situation
économique désastreuse, la pauvreté des citoyennes, des
citoyens et des entreprises, il est évident que nous n'avons pas les
moyens de dépenser 12 000 000 000 $ par an pour les soins de
santé. Nous avons encore moins les moyens d'en dépenser
davantage. Nous ne pouvons nous permettre de surtaxer qui que ce soit. Nous
devons faire des profits sur le budget actuel pour rembourser la dette. Bref,
nous n'avons pas les moyens d'être malades, nous n'avons que les moyens
d'être en bonne santé.
En pratique, cela se traduit par une diminution substantielle de la
consommation du système de maladie, pouvant facilement atteindre 50 %,
moins 6 000 000 000 $. Une réorientation des fonds et l'utilisation de
tous les effectifs humains vers la santé, c'est-à-dire injecter 2
000 000 000 $ plutôt dans les services sociaux pour aider ceux qui en ont
besoin - peut-être qu'on sera moins malade, à ce moment-la -
d'où une économie de 4 000 000 000 $. Il est évident que
ce but ne peut être imposé. Il ne peut être atteint qu'avec
la complicité des consommateurs et des consommatrices.
Quelle consommatrice, quel consommateur? Une consommation avertie et
responsable. Pour parvenir à une consommation avertie et responsable des
soins de santé, il faut informer le public, lui apprendre ce qu'est la
santé en général et comment se maintenir en santé.
Il faut aider le public à trouver les alternatives à la
consommation des soins de santé. Il faut aussi que les consommatrices et
consommateurs aient accès à l'information sur les coûts des
soins. Sur ce point il y a une grande lacune à combler: celle de la
transparence qui a été soulevée à maintes reprises.
Nous estimons que les consommatrices et les consommateurs devraient être
informés du coût de chaque test, de chaque médicament, de
chaque traitement, de même que du coût des frais annexes et du
coût des complications possibles avant de prendre quelque décision
que ce soit. Ils pourraient se faire aider de «conseillers de
santé», tel que recommandé par Serge Mongeau dans son livre
«Pour une nouvelle médecine».
Pour que le public devienne responsable à l'égard des
coûts relatifs à la santé, il faut qu'il en ait les outils
nécessaires et puisse bénéficier des résultats. Les
outils font défaut. Tout l'argent est mis sur la consommation
médicale. Aucune médecine alternative n'est remboursée. De
plus, comme le médecin est payé à l'acte et non au temps
passé avec sa patiente ou son patient, il est incité à
faire de l'aiguillage vers la consommation des tests, médicaments,
traitements. Dans le système actuel, l'orientation prise par le
gouvernement est à l'effet de punir. La patiente ou le patient n'a
aucune motivation à économiser.
C'est par le biais de l'éducation que l'on éliminera le
plus les consultations mal fondées. Au bâton, nous
préférons la carotte, c'est-à-dire un partage des profits.
Par exemple, si les dépenses de telle région descendaient de 10
%, les habitants pourraient bénéficier d'une remise de 5 %.
Ça, ça développe l'intérêt et la
complicité. Vous allez voir combien vite la consommatrice ou le
consommateur vont trouver les solutions créatives adéquates et
efficaces pour être en santé, faites-leur confiance.
Nous sommes à une époque où les principes de
gestion changent et s'orientent vers une participation active de la base.
Pourquoi ne pas l'appliquer à la gestion de la santé? Nous
recommandons de procéder en deux étapes: formuler le but à
atteindre et établir un budget idéal de 1000 $ par individu, soit
environ 6 000 000 000 $, ce qui représente une économie de 6 000
000 000 $ par année. Cet objectif peut être atteint sur une
période de cinq ans. Les premiers 2 000 000 000 $
économisés seraient réaffectés à la
correction des problèmes socio-économiques à la source,
causes de la maladie. Ensuite, chaque dollar supplémentaire
économisé serait réparti également entre la
région qui l'a économisé et le gouvernement, pour
rembourser la dette. L'évolution serait enregistrée sur deux
thermomètres que la population pourrait suivre. D'ailleurs, vous savez
qu'au Japon on dépense 1200 $ par personne et non pas 2000 $ par
personne.
Définir les moyens pour y arriver. On ne peut faire de
changements sans la complicité de la population. Elle seule peut
décider de stopper sa consommation. Seul un mode de gestion
participative avec transparence complète des sommes d'argent et partage
des profits motivera
la population à collaborer. La récompense vaut beaucoup
mieux que la punition et la carotte beaucoup mieux que le bâton.
Mettre sur pied une grande campagne d'éducation pour expliquer la
situation et le but visé, puis laisser ensuite l'initiative locale
décider de la façon de la réaliser. S'abstenir de toute
nouvelle taxe, surchage, cotisation, ticket, etc. Ce serait une grave erreur
qui aggraverait la colère des gens et leur
désintéressement de la chose publique. S'abstenir
également d'une confrontation avec le fédéral, qui ne
demanderait pas mieux que ce prétexte pour couper les subsides. Ce qu'il
fera, éventuellement, de toute façon, mais ne le
précipitons pas; mettons plutôt nos énergies à nous
y préparer.
Cette façon de procéder aura les effets suivants:
réduire les dépenses du curatif sans s'aliéner le
fédéral; les médecins vont évoluer avec les
demandes de la population; la réduction de la demande technologique
favorisera la pratique en région éloignée. Si on
était plus près des patients on aurait moins besoin de
technologie. Ainsi, faire des économies qui permettront de corriger la
cause première de la maladie, la pauvreté et les conditions
sociales catastrophiques qu'elle engendre; rembourser la dette de la province;
développer un sentiment d'appartenance, de fierté et de
réussite dans la population; favoriser l'économie locale avec les
surplus récupérés.
En conclusion, tout problème a une solution. Celui des
coûts de la santé n'est pas différent. La solution doit
viser une santé idéale à des coûts abordables. Pour
suivre les discussions déjà amorcées dans ce
mémoire, la FFQ serait prête à discuter
éventuellement avec votre ministère et à poursuivre dans
ce dossier. Il n'en tient qu'à nous de le faire. Combinons
volonté politique et complicité populaire et nous serons riches
et en bonne santé. Merci.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. M. le ministre. (18
heures)
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je dois vous avouer que, lorsque j'ai pris connaissance du
mémoire et que j'ai vu les chiffres, je suis un peu tombé en bas
de ma chaise. J'ai dit: Qui est cette gang-là, qui vient nous dire:
Demain matin, la solution miracle, tu passes de 12 000 000 000 $ à 6 000
000 000 $? Et c'est ce qui m'a frappé. Mais en vous entendant le
présenter... Ça ne serait pas rendre justice que de tenter de
traduire votre mémoire par le fait de passer de 12 000 000 000 $
à 6 000 000 000 $. Oublions les chiffres. Vous êtes la
première, ou le premier groupe à venir nous dire qu'il y a
quelque chose à faire, qu'il faut le faire, puis qu'il faut agir sur les
déterminants d'abord et il y aura des résultats au bout de la
ligne. Peu importe si c'est des économies de 100 000 000 $, de 500 000
000 $, de 1 000 000 000 $ - mettons-en là - il faut avoir une
information très ouverte, très transparente pour informer le
public sur les coûts de consommation.
Je veux, là-dessus, vous féliciter et puis dire que vous
avez été invités en même temps que d'autres groupes,
là, et puis je trouve que vous avez pas mal travaillé pour nous
présenter un document qui a son mérite. Il a ses lacunes, mais il
a ses mérites aussi, et je pense qu'il faut le dire dès ce
moment-ci. Et je veux vous remercier de cela, c'est un effort, et c'est le
premier groupe qui ne vient pas nous dire qu'il faut en mettre plus. Il faut
tout conserver, mais il y a possibilité de faire des choses. Je pense
que comme message, à ce moment-ci, c'est à tout le moins
rafraîchissant à entendre.
L'enquête Santé Québec nous dit que les femmes
seraient en moins bonne santé que les hommes, du moins si on se fie
à une analyse globale de la santé. Que parmi... Comment?
Une voix: J'ai dit: II vaut mieux mourir plus jeune...
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui, mais ce n'est pas
tout d'avoir des années, d'ajouter des années. On a toujours dit
qu'il fallait ajouter de la qualité aux années.
Parmi les 10 principaux problèmes de santé relevés
par l'enquête Santé Québec, 9 touchent davantage les
femmes. C'est quand même très très important, là. Et
c'est clair que les hommes meurent plus tôt, plus jeunes, et, dans ce
sens-là, on est peut-être, au bout de la ligne, bien heureux de
mourir plus jeunes avec beaucoup moins de problèmes.
Quand vous faites une proposition comme celle que vous faites, on dit
là: Bon parfait, partons du principe que le budget, c'est 1000 $ par
personne, c'est 6 000 000 000 $; ça fait 6 000 000 000 $
d'économie, rajoutons 2 000 000 000 $ pour jouer sur les
déterminants et sur la prévention. Est-ce que les victimes d'une
démarche aussi importante que celle-là ne risquent pas justement
d'être des femmes? Ça ne vous fait pas peur un peu?
Mme Vaillancourt: bien, moi, je pense qu'on ne peut pas couper
les choses demain matin, mais je pense qu'on doit travailler sur la
prévention. oui, les femmes vivent plus vieilles que les hommes - vous
venez de me le dire - mais elles sont beaucoup plus
surmédicalisées que les hommes aussi. quand une personne
âgée, par exemple, qui s'ennuie chez elle, qui vit de la solitude,
qui va voir un médecin parce qu'il n'y a personne pour venir s'asseoir
avec elle l'après-midi pour jaser, et que le même médecin
lui donne un médicament, et que ce médicament lui donne des
incontinences, on donne un autre document pour pallier ces incontinences et
ainsi de suite, jusqu'à temps qu'elle en ait 15 devant
elle et qu'elle se retrouve à l'hôpital avec des
problèmes de surmédicalisation. Et c'est le système de
santé qui va payer pour arriver à soigner cette personne. Quelque
part, je pense que les femmes... Si on part de la base et qu'on aide la
personne au départ, si on développe le côté social
pour aider ces personnes qui sont seules, et qui souvent vont voir les
médecins, et que les médecins sont responsables au sens où
ils donnent des médicaments... On n'a pas le temps d'écouter la
personne qui se présente devant nous. On lui donne un médicament,
on lui demande de passer des examens, on l'a dirige vers la technologie.
Ce n'est pas étonnant qu'il n'y ait pas de médecins dans
les régions et puis qu'ils disent «on n'a pas la technologie qu'on
a dans les villes» et puis qu'ils ne veulent pas y aller. Bien, si les
médecins avaient du temps, et tant que nous aurons une médecine
à la carte... C'est toujours la question de la médecine à
la carte qui fait en sorte qu'on passe de plus en plus de clients le plus vite
possible. Moi, je peux vous dire que j'aimerais ça savoir combien je
coûte quand je vais chez le médecin. Je ne le sais pas. Je passe
un examen et puis je ne le sais pas combien je coûte et je ne sais pas ce
qui est écrit non plus.
Alors, je pense qu'il est temps qu'il y ait de la transparence.
Ça devrait être affiché dans les bureaux de médecins
combien coûtent telle et telle affaire. Je pense que les gens ont le
droit de savoir combien ça coûte un service de santé. Tout
le monde dit «la gratuité»; ce n'est pas vrai. La
gratuité ça n'existe pas. Nous payons tous pour ce
système-là, ce n'est pas dans les airs.
M. Côté (Charlesbourg): C'est transparent dans votre
mémoire, vous interpellez assez durement le corps médical et vous
dites même que la médecine pratiquée au Québec
n'est...
Mme Vaillancourt: C'est une médecine curative et non pas
préventive, qui ne va pas à la cause, mais qui va... Si j'arrive
dans un bureau, moi, et que j'ai une maladie quelconque, une grippe ou quoi, on
va me donner des pilules, on va m'envoyer passer des radiographies pour les
poumons, mais, par exemple, je peux avoir perdu mon emploi, je peux avoir perdu
ma maison en même temps et je peux avoir un enfant qui est malade, et
c'est peut-être pour ça que j'ai la grippe, parce que je suis
tellement fatiguée. Tous les gens sont perméables lorsqu'ils
vivent du stress, sont fatigués et c'est actuellement ce qu'on vit. Moi,
je pense que c'est là que, nous, on met l'accent, sur la
prévention.
M. Côté (Charlesbourg): J'allais poser la question,
puisque vous vous interpellez de manière aussi sévère la
pratique médicale au Québec, est-ce que vous croyez aux
médecines alternatives? Parce qu'il est bien dit, dans votre document,
«médecine occidentale»; c'est peut-être par rapport
à «médecine orientale, médecine
alternative».
Mme Vaillancourt: C'est-à-dire que ce que nous...
M. Côté (Charlesbourg): Médecine alternative,
est-ce que vous y croyez? Et si vous y croyez, d'après vous, quelle
serait l'identification des médecines alternatives qui pourraient nous
aider? Parce que, parmi la liste de 117, il y en a un certain nombre qui ne
sont pas piquées des vers.
Mme Vaillancourt: Oui, c'est vrai. Je pense qu'il doit y avoir
aussi dans les médecines douces, qu'on appelle, il devrait y avoir... On
a un Office de protection du consommateur et je pense que, concernant cela
aussi, on doit être protégés. Il y a de bonnes
médecines alternatives, comme il y en a de moins bonnes. Je ne pense pas
qu'on doive financer la médecine alternative comme telle, comme on
finance la médecine actuelle. Mais si on avait un système de
bons... Mettez 1000 $, mettez 1200 $ par année, si vous voulez, et que
les gens aient le choix de se faire soigner par qui ils veulent. Est-ce qu'on a
le choix, au Québec, de se faire accoucher par une sage-femme
présentement?
M. Côté (Charlesbourg): Pas encore. Mme
Vaillancourt: Pas encore.
M. Côté (Charlesbourg): ...mais il n'est pas encore
dans la pratique.
Mme Vaillancourt: Une sage-femme, il faut la payer et on n'a pas
encore le choix. Il y a des médecins qui perdent des bébés
à la naissance et on n'en parle pas; mais, quand une sage-femme en perd
un, ça fait le tour de la province.
M. Côté (Charlesbourg): Vous insistez donc beaucoup,
au-delà de ce qu'on vient de discuter, sur des mesures qui vont dans la
prévention: information et prévention.
Mme Vaillancourt: À long terme, ça diminue les
coûts.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. J'allais vous demander
dans un premier temps, à partir du moment où vous auriez des
économies, dans quelles mesures particulières ces
économies pourraient être orientées sur le plan de la
prévention, dans votre esprit à vous. À votre
connaissance, quelle est la première mesure qu'il faudrait mettre en
place si on vise la prévention?
Mme Vaillancourt: Si vous visez la prévention, il est
sûr qu'il faut faire des transferts vers les services sociaux. Moi, je
pense qu'il faut absolument travailler sur la pauvreté parce que,
à mon avis, la pauvreté est un agent qui rend les gens malades.
On a un système de maladie, non pas un système axé sur la
santé, et c'est un cercle vicieux. Dans les services sociaux, on coupe;
les gens sont plus pauvres; on a des problèmes d'alimentation; on a des
bébés qui viennent au monde en bas du poids normal; ces
bébés-là vont devoir utiliser les services de
santé. Donc, à mon avis, dans les premiers temps, il est
sûr qu'il y a de l'argent qui doit être réorienté
vers des mesures socio-économiques qui vont favoriser la santé
des individus et, par la suite, les gens vont moins utiliser le système
de santé au niveau curatif.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends après
ça que vous débordiez des cadres des responsabilités du
ministère de la Santé et des Services sociaux pour aborder le
problème plus général et plus gouvernemental de la
pauvreté.
Mme Vaillancourt: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Parce que, tantôt, je
vous ai entendu parler du ministère de l'Éducation et, à
ce que vous disiez, il aurait peut-être été
préférable d'investir des sommes dans la prévention que
dans la correction des problèmes au niveau de l'éducation. C'est
ça?
Mme Vaillancourt: C'est que, d'un côté, les services
sociaux coupent et, de l'autre côté, le ministère de
l'Éducation vient donner 10 000 000 $ aux enfants dans les écoles
pour qu'ils mangent parce qu'on dit qu'au Québec il y a 40 %
actuellement... il y a des enfants qui ne mangent pas dans les écoles.
Bon. Une chose.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais
précisez-moi ça. Donnez-moi des choses précises. Quand
vous me dites: Le ministère de la Santé et des Services sociaux
coupe, vous devez avoir des exemples à l'esprit?
Mme Vaillancourt: Bien, c'est-à-dire, le service social,
vous savez qu'il y a eu toutes sortes de mesures qui ont été
faites. La loi 37, vous connaissez la loi 37.
M. Côté (Charlesbourg): Ah! O.K. Correct. Je
comprends, là, dans le cas de l'éducation. C'est la
responsabilité de l'Éducation, je pensais que c'était chez
nous.
Mme Vaillancourt: bon. c'est ça. et, d'un autre
côté, on vient donner 10 000 000 $ pour nourrir les enfants dans
les écoles. est-ce que vous pensez que les enfants mangent du lundi au
vendredi, le midi, et que le samedi et le diman- che ils ne mangent pas, que
durant les vacances de Pâques, d'été et des fêtes ils
ne mangent pas non plus? Et les mères, chez elles, est-ce qu'elles ont
besoin de manger? Je pense qu'on aurait mieux fait d'investir dans
l'éducation au niveau des mères, au niveau de l'alimentation.
Parce que, là, on désapproprie les femmes de leurs
responsabilités pour donner cette responsabilité-là
à l'école. Et la responsabilité de nourrir les enfants
appartient aux parents et elle appartient à la mère. Donc, si on
ne travaille pas ce côté-là, on ne fait que poser un
«plaster» quelque part. Il n'y aura pas moins d'enfants pauvres
l'année prochaine et il n'y en aura pas plus qui vont être en
meilleurs moyens, parce qu'on ne va pas à la source. On donne à
manger dans les écoles, et c'est tout. Moi, je pense que c'est à
la base qu'il faut travailler.
M. Côté (Charlesbourg): II me dit qu'il me reste
deux minutes. Si vous étiez à la place du ministre demain matin,
c'est quoi la première mesure que vous prendriez, là, devant une
situation financière qui est difficile, devant des services qui sont en
demande partout? C'est quoi la première mesure que vous pourriez
appliquer pour tenter de redresser la situation et de ne pas hypothéquer
les générations futures?
Mme Vaillancourt: Je ne suis pas vous. M. Côté
(Charlesbourg): Mais, rêvez, là. Des voix: Ha, ha,
ha!
M. Côté (Charlesbourg): Rêvez. Quand vous
êtes dans le poste, là, c'est le cauchemar!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Vaillancourt: Mais on a le droit de rêver, vous savez,
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Bien sûr. Bien oui.
Mme Vaillancourt: Je pense que...
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'était pas un
reproche, là, parce que j'ai dit que c'était un rêve et je
l'ai carressé pendant longtemps, moi aussi. Je peux dire que, plus
souvent qu'autrement, on se retrouve dans le cauchemar quand on est dans le
poste. C'est rien que ça, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Vaillancourt: La première mesure à faire demain
matin... C'est clair qu'on ne dit pas: Demain matin, vous ne donnez plus de
soins aux gens. On ne peut pas faire ça. Je pense qu'à l'heure
actuelle on est pris dans un engrenage où, dans les premiers temps,
immédiatement, demain matin, on ne peut pas refuser les choses.
Sauf qu'il faut penser autre chose. Il faut mettre en place des
mécanismes qui vont faire en sorte qu'on va axer davantage sur la
prévention. Moi, je pense qu'on a de très beaux CLSC au
Québec. Il va falloir leur donner davantage, à mon avis, de
place, où on va soigner les individus, non plus seulement des corps,
mais qu'on va aussi penser à tout ce que les gens vivent, si vous
voulez.
M. Côté (Charlesbourg): Vous parlez des CLSC, mais
est-ce que vous auriez un jugement aussi sévère pour les cabinets
privés? Parce que les cabinets privés sont aussi capables de
faire ce travail-là.
Mme Vaillancourt: Mais ils coûtent beaucoup plus cher.
M. Côté (Charlesbourg): Vous vous basez sur quoi
pour dire ça?
Mme Vaillancourt: Bien, d'abord, dans les cabinets privés,
c'est de la médecine à l'acte, alors que dans les CLSC c'est de
la médecine salariée. Donc, à mon avis, c'est
différent. Moi, je pense que, si on avait une médecine
salariée, elle coûterait beaucoup moins cher.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'était pourtant
pas le cas lorsque ça a été implanté ailleurs. Par
exemple, en Suède, il y a eu le salariat et ça n'a pas
nécessairement amélioré un certain nombre de choses
à ce niveau-là. Donc, je pense que c'est des modèles
partagés qu'il faut, davantage qu'un modèle unique, pour
s'adapter à chacune des circonstances.
Mme Vaillancourt: Je pense que rien ne s'améliore si on
n'y met pas du sien en même temps. Je pense que ce n'est pas juste couper
des choses ou faire des choses qui va faire que ça va aller mieux. Je
pense qu'il faut se pencher sérieusement sur...
M. Côté (Charlesbourg): Mais je tire comme
conclusion que votre proposition c'est que, si on a des sous à ajouter
dans la prévention, il faut d'abord qu'on passe par les CLSC, parce que
c'est là que la prévention pourrait se faire d'abord.
Mme Vaillancourt: Davantage, parce qu'ils ont des services
sociaux en même temps.
Le Président (M. Joly): Merci madame. Merci, M. le
ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue,
s'il vous plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Merci, mesdames, de
cette présentation. Bienvenue aussi, de la part de l'Opposition,
à cette commission. C'est un langage coloré, c'est une approche
décidément déterminée que vous nous
présentez. Aussi, quand j'ai lu votre mémoire, j'ai dit:
Ça y va aux toasts! J'ai compris par après qu'il y avait comme
là-dedans une caricature, en quelque sorte, à quelque part, pour
faire ressortir les éléments dominants. (18 h 15)
C'est intéressant de vous entendre là-dessus et, moi,
j'aimerais bien avoir un certain nombre d'éléments
supplémentaires d'information. Alors, à la base, vous dites, si
j'ai bien compris «si ça nous coûte tellement cher, nous,
notre perception, c'est qu'on est obligés d'y aller beaucoup trop
lourdement sur le curatif». Et là tout le monde passe un petit peu
au bâton, là: les médecins, puis... parce qu'on fait trop
de curattf. Bon! Et vous dites: La grande cause de tout cela, c'est la
pauvreté. Et ça, c'est éminemment démontré
maintenant, la relation entre état de santé et pauvreté.
Je sais bien que c'est une grande question mais, quant à moi, oui, c'est
le fondement de toute politique de santé et de bien-être. Quel
devrait être le premier élément d'une politique de lutte
à la pauvreté? Comme c'est un des grands déterminants,
selon vous, ce serait quoi, le premier élément qu'il faudrait
inscrire en toute priorité sociale au Québec en matière de
lutte à la pauvreté?
Mme Vaillancourt: Je pense: le plein emploi. Des mesures plus
appropriées. Les gens n'ont plus d'emploi. Et non seulement le plein
emploi, mais aussi des emplois qui soient rémunérés pour
faire en sorte que les gens puissent avoir une vie convenable et être en
santé. Parce qu'une des grandes facettes de la pauvreté actuelle,
évidemment, c'est que de moins en moins de gens travaillent. On
écoutait dernièrement que la nouvelle politique
d'assurance-chômage fait en sorte que les gens se retrouvent beaucoup
plus vite sur l'aide sociale et que ça contribue davantage à la
pauvreté. Alors, il faut travailler, à mon avis, dans cette
dimension-là.
M. Trudel: Comprenez-vous ça, vous, mesdames, que nous
soyons à nous interroger sur «le drame» des finances des
services de santé et des services sociaux au Québec et que nous
n'ayons pas encore de politique de la santé et du bien-être au
Québec? Est-ce que vous comprenez ça, qu'on puisse aujourd'hui
dire: II y a un problème de financement apparent, réel et, par
ailleurs, on n'est pas encore décidé socialement où vont
être les priorités? Ça s'appelle une politique de
santé et de bien-être. Est-ce que vous concevez qu'on puisse faire
ce travail d'examiner les problèmes du financement du système
sans avoir une politique de santé et de bien-être?
Mme Vaillancourt: Non, on ne peut pas. On la propose d'une
certaine façon dans nos politiques de bien-être.
M. Trudel: Et c'est dans ce sens-là, je pense, avec ce que
vous me répondez, que le premier élément d'une politique
de santé et de bien-être au Québec, ce sera la lutte
à la pauvreté; et le premier élément de la lutte
à la pauvreté, évidemment, c'est le plein emploi; et le
plein emploi, ça a comme effet aussi, comme par hasard, quant aux
problèmes dont on discute aujourd'hui, d'augmenter les entrées
fiscales. Alors, ce n'est pas tout de discuter du problème à la
fin du processus; il faut voir en amont aussi. Et on n'a peut-être pas
tout réglé ces éléments-là. Moi, je le
déplore personnellement, je le déplore profondément. On
est engagés à l'envers dans ce processus: On se pose des
questions sur les difficultés terminales dans le système. Et,
surtout, on ne propose rien, avant, qui s'appellerait une politique de
santé et de bien-être, une lutte à la pauvreté et le
plein emploi. On le sait, qu'on pourrait régler et qu'on pourrait
réduire la pression sur notre système.
De façon très particulière, vous avez aussi un
chapitre sur ce qu'on appelle communément les actes défensifs,
les actes médicaux défensifs. Vous dites: L'ensemble des tests
diagnostics qui sont faits par la profession médicale, ça, il
faut réduire ça absolument. Il y a un certain nombre de
spécialistes qui nous disent que ces actes défensifs, les
médecins les réalisent, les font parce que la profession ou les
professionnels ont bien peur - c'est un phénomène
nord-américain, ça - des poursuites judiciaires: Tu n'as pas pris
toutes les dispositions en vue d'en arriver à un bon diagnostic, je te
flanque une poursuite, parce qu'il y a la responsabilité
professionnelle.
Est-ce que vous, vous avez déjà pensé au
système, au correctif usuellement employé dans des
sociétés, qui s'appelle le «no-fault»,
c'est-à-dire, comme dans le cas, pour en faire l'illustration,
là, de l'assurance-automobile? Est-ce que vous avez pensé
à ce régime pour faire en sorte que les médecins n'aient
plus à poser, entre autres choses, ces actes défensifs? Et,
deuxièmement, si tel était le cas, est-ce que ça vous fait
peur, vous autres, un régime dans lequel nos professionnels de la
santé, les médecins, pratiqueraient leur art sans égard
à la faute? Il n'y aurait pas de responsabilité professionnelle
de la part de l'individu.
Mme Vaillancourt: Je ne crois pas qu'on dise que le
médecin n'a pas de responsabilité professionnelle dans ça;
je ne pense pas que ce soit l'objet de ce qu'on avance, pas du tout. Mais il y
a une chose qu'on réalise, par exemple, c'est que, concernant le
développement de la technologie, 10 % de la population utilise 70 % de
la technologie. Alors, ça coûte très cher pour 10 %. Moi,
à mon avis, ce qu'on fait, c'est une réflexion
là-dessus.
M. Trudel: Je n'inférais pas que vous disiez dans votre
mémoire que vous préconisiez le «no- fault» ou
l'absence de responsabilité professionnelle à l'intérieur
d'un régime. Mais je dis: Quand on veut réduire,
généralement, cet aspect, il y a une approche qui est
utilisée dans le monde, par exemple, en Suède, où on dit:
Bon! bien, c'est un régime sans égard à la faute. Ce qui
fait que les médecins font moins d'actes défensifs, ceux que vous
décrivez, là, pour en arriver à baisser les coûts du
système. Quittons ce chapitre aussi.
Mme Vaillancourt: Mais j'aimerais, si vous permettez...
Le Président (M. Joly): Mme Messier, oui.
Mme Messier (Suzanne): J'aimerais préciser, dans le cas du
«no-fault», que notre expertise en matière d'abus des
recours aux actes défensifs s'appuie particulièrement sur tout ce
qui a trait à l'accouchement et à la grossesse. On constate que
les médecins abusent largement des tests diagnostics, mais je ne pense
pas que, dans ces cas-là, ce soit pour se protéger contre
d'éventuelles poursuites. Je pense que c'est tout simplement une
pratique, chez les médecins, que d'avoir recours facilement et
gratuitement à tous ces tests. Et lorsque les femmes contestent l'abus,
le recours abusif à ces méthodes-là, c'est rare que les
médecins vont leur dire: «C'est parce que je veux me
protéger contre d'éventuelles poursuites».
Les femmes souhaitent avoir recours aux sages-femmes parce qu'elles ont
confiance que les sages-femmes répondent mieux à leurs besoins
affectifs et médicaux. C'est un peu ce qu'on déplore dans notre
mémoire, c'est que les médecins, aujourd'hui, pour la plupart, ne
pratiquent pas une médecine à l'écoute des gens, une
médecine humaine, humanisante, ils pratiquent une médecine
technologique. C'est en ce sens-là que nous déplorons le fait
qu'ils abusent des actes défensifs. Mais c'est la première fois
que j'entends dire que les médecins pourraient avoir recours à
ces tests-là pour des raisons de protection de leur pratique, et je n'y
crois pas.
M. Trudel: II y en a beaucoup de cette catégorie d'actes,
mais il y a aussi ce que vous décrivez, qui s'additionne au
phénomène, selon la perception qu'ont les personnes. Il nous
reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Joly): II vous reste trois minutes et
demie.
M. Trudel: Oh! Alors, je vais passer la parole à ma
collègue de Marie-Victorin.
Mme Vermette: Merci. Alors, ça me fait plaisir. Moi aussi,
quand j'ai lu votre mémoire, en fait, je me disais que vous avez dit les
choses avec beaucoup de simplicité et beaucoup de
clarté. Beaucoup de gens pensent comme vous, mais n'osent pas
l'exprimer, de toute façon. Ce que je trouve encore plus
intéressant, c'est que le président de la
Fédération des médecins, il est ici présent...
Ça, je trouve ça très intéressant, en fait, parce
que... La Corporation, excusez, la Corporation des médecins. Je trouve
ça très intéressant...
M. Côté (Charlesbourg): À ne pas
mélanger.
Mme Vermette: ...parce que ça va probablement favoriser,
en tout cas, du moins, une prise de conscience sur des changements profonds qui
se passent dans nos sociétés en ce qui concerne les soins de
santé. Ça, je pense que c'est important.
L'autre élément que je trouve assez intéressant
aussi, c'est que ce sont des femmes qui prennent toujours ce droit de parole et
ce sont les femmes qui sont toujours précurseurs de grands changements.
Ce que vous apportez, en fait, le ministre lui-même l'a dit tantôt,
c'est nouveau, c'est rafraîchissant, votre mémoire, parce que vous
avez le courage de dire des choses et aussi d'apporter des solutions en disant
qu'on fait peut-être tous fausse route actuellement, quand on reprend ce
débat-là, et peut-être qu'il faudrait regarder ça
avec des yeux neufs et d'une façon différente, en mettant
davantage l'accent sur la santé plutôt que sur la maladie. Je
pense que c'est tout à fait important.
En fait, mon collègue d'Abitibi, et porte-parole du dossier,
soulevait tantôt qu'il n'y avait pas de politique à l'heure
actuelle. On parle de financement, mais on n'a pas clairement établi une
politique. Est-ce que vous pensez qu'à l'heure actuelle la population,
compte tenu du débat que nous sommes en train de faire, serait capable
de suivre votre discours et que vous seriez capables, en tant que femmes,
d'assumer le leadership afin d'établir cette complicité que vous
recherchez avec la population?
Le Président (M. Joly): Mme Messier.
Mme Messier: Je pense que - la présidente l'a dit
tantôt - les orientations que nous proposons doivent être vues
à long terme. Mais je pense que lorsqu'on établit une politique,
qu'elle soit de financement ou qu'elle rejoigne une politique plus globale
d'orientation, elle se doit de viser des objectifs à long terme. Mais il
m'apparaft que la prévention est un principe de base qui doit être
mis de l'avant. On véhicule ce principe en éducation par rapport
au marché du travail. On dit à nos jeunes: Formez-vous bien,
poursuivez vos études, parce que, tantôt, sur le marché du
travail, vous allez devoir être compétents pour obtenir des bons
emplois. Je pense que c'est la règle du bon sens que la population
comprenne qu'en matière de santé, si elle veut demeurer en
santé le plus longtemps possible...
Parce que, effectivement, l'espérance de vie s'allonge, mais
ça ne veut pas dire que les dernières années de vie soient
des années en santé. Je pense que tous les gens sont capables de
comprendre, de bien recevoir une information à l'effet de se maintenir
en santé pendant de plus longues années. En ce sens-là, je
pense que oui.
Les femmes, nous sommes celles qui donnons la vie. Nous sommes celles
aussi qui avons plus le réflexe de la protéger cette
vie-là. En ce sens-là, je pense que nous sommes toutes et chacune
capables de véhiculer ce message. Ce ne serait pas nouveau parce que
c'est ce que nous faisons depuis que le monde existe.
Mme Vaillancourt: j'aimerais ajouter, pour la fin, que cette
année, les 29, 30 et 31 mai, le forum national des femmes est axé
vers un projet féministe de société. ça s'appelle:
un québec au féminin pluriel, et il y sera sûrement
question de santé et de prévention.
Le Président (M. Joly): Merci, mesdames. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce. S'il vous plaît, une courte question et une
courte réponse.
M. Atkinson: Merci, M. le Président. Deux petites
questions, mesdames. Je suis parfaitement en accord avec ce que vous dites
à la page 1V. Nous ne pouvons faire une réforme du système
de la santé sans la participation du public. Ma question est la
suivante'. Comment pouvons-nous augmenter ou améliorer cette
participation?
Mme Vaillancourt: En informant. Moi, je pense que c'est par
l'éducation et l'information qu'on favorisera la participation du
public. Et c'est aussi, comme on le dit, en les récompensant d'une
certaine manière et non pas en les punissant. Moi, je pense que le
ticket modérateur, les taxes nouvelles et l'impôt-services sont
des punitions qu'on ne doit pas donner. Les gens sont surtaxés, ils n'en
peuvent plus de payer. Moi, je pense qu'on doit mettre sur table le
système, on doit leur dire ce qui en est. Quand on parle de
participation active, on doit inviter les gens à nous apporter des
solutions. Je pense qu'il y a beaucoup de monde qui pense comme nous autres et
qui ne l'a pas encore dit.
M. Atkinson: Madame, je suis intrigué par votre remarque:
«...partage des profits motivera la population à
collaborer». Pourriez-vous élaborer sur cette phrase en bref, s'il
vous plaît, madame?
Mme Vaillancourt: Excusez-moi, je n'ai pas compris.
M. Atkinson: Le partage des profits. C'est à la même
page, page 11.
Mme Vaillancourt: Oui. Dans les régions, par exemple.
M. Atkinson: C'est au paragraphe a «...partage des profits
motivera la population à collaborer».
Mme Vaillancourt: oui. on vous le dit: ii faut mettre sur pied
une grande campagne d'éducation, mais il faut laisser aussi l'initiative
locale décider de la façon de la réaliser. quand on parle
d'initiative locale, on parle de décentralisation. il n'y a pas de
véritable décentralisation au québec. je pense que les
régions pourraient décider. on pourrait donner de l'argent, on
pourrait donner des millions, par exemple, donner 10 000 000 $, je ne sais pas,
à une région, au saguenay, et dire: comment le voyez-vous, votre
système de santé? comment êtes-vous capables de vous
autodéterminer? apportez-nous de solutions. ne vous inquiétez
pas, les gens sont très créateurs et seront capables d'en trouver
des moyens d'être plus en santé et moins malades.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. M. Atkinson:
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): tout en vous remerciant, je
vais peut-être en profiter pour glisser un petit mot sur la politique de
santé et bien-être.
M. Trudel: Oh! Pour quand? Pas déjà! Non, non,
non!
Le Président (M. Joly): Est-ce que j'ai le consentement
pour qu'on déborde de...
M. Trudel: Trois quarts d'heure, une heure, si vous le voulez. On
coupe le lunch, on fait tout!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): J'ai toujours dit, et c'est
ce que je continue de penser: dans une situation idéale, si on avait
été capables de produire une politique de santé et
bien-être bien avant... On a quand même un guide, qui a
été celui déposé par Mme Thérèse
Lavoie-Roux. Ce document est à l'avant-garde de tout ce qui s'est fait
partout à travers le Canada, y compris au gouvernement
fédéral. Il n'y a pas une province, ni le gouvernement
fédéral, qui avait l'ombre de ce qui a été
déposé.
Depuis ce temps là, il y a eu quoi? Il y a eu le rapport
Bouchard, le rapport Pelletier. Il y a eu ou il va y avoir dans pas grand temps
une politique préhospitalière. Ce sont des éléments
majeurs dans une politique de santé et bien-être. On a donc fait
quoi? Les formes. On discute du financement et très très
prochainement - je touche du bois - on va pouvoir discuter aussi de politique
de santé et bien-être. Ce qui fait que l'objectif que nous avions
- parce qu'on ne pouvait pas tout faire en même temps - était de
s'assurer qu'à partir du moment où on met en branle tout le
processus on ait l'ensemble de ces éléments-là, y compris
la politique de santé et bien-être. Et c'est ce que nous aurons,
M. le Président, très très prochainement, de telle sorte
qu'on puisse cheminer. Et qu'on les ait en même temps, c'est ça
qui est important, bien articulés. On va réussir et c'est presque
un tour de force de la part des technocrates du ministère, parce que,
bien souvent, on en parle du travail qui a été fait.
Dans une situation idéale, je l'admets volontiers, mais on
était dans un processus qui était enclenché et que je ne
pouvais pas changer. Mais on aura la politique de santé et
bien-être qui va agir sur un certain nombre de déterminants.
Ça va être très intéressant, M. le Président,
et très bientôt. Très très bientôt.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député, très brièvement...
M. Trudel: Parce que moi, les «très, très
bientôt»...
Le Président (M. Joly): ...parce que je vous rappelle et
rappelle aux membres de cette commission qu'on a une séance de travail
dans quelques minutes. s'il vous plaît.
M. Trudel: Oui, oui, deux petites minutes. On a le temps de s'en
parler. Parce que, là, on a le morceau Bouchard, le morceau Pelletier,
le morceau Frechette qui s'en vient, le morceau Lavoie-Roux, mais on n'avait
pas, dans ces quatre morceaux, comme élément numéro un, la
lutte à la pauvreté et le plein emploi. Et on verra si c'est
réalisé.
Mme Vaillancourt, mesdames, merci beaucoup. Quant aux premiers 10 000
000 $ que vous enverriez en région, est-ce que ça pourrait
être en Abitibi-Témiscamingue? Merci.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Comme vous voyez, même
les membres de la commission sont captivés par leur intérêt
personnel.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Joly): Merci, mesdames. Nous suspendons
nos travaux jusqu'à 20 heures, dans cette même salle. Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 35)
(Reprise à 20 h 16)
Table des regroupements provinciaux d'organismes
communautaires et bénévoles
Le Président (M. Joly): La commission reprend ses travaux.
J'appellerais la Table des regroupements provinciaux d'organismes
communautaires et bénévoles, s'il vous plaît. Bonsoir,
mesdames. Bienvenue à cette commission. J'apprécierais si la
personne responsable pouvait s'identifier, et aussi identifier les personnes
qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Mme Roy (Michèle): Bonjour, mon nom est Michèle
Roy.
Le Président (M. Joly): Oui, madame.
Mme Roy: O.K. Je vous présente aussi Françoise
David et Lorraine Guay.
Le Président (M. Joly): II y avait une quatrième
personne qui ne s'est pas présentée, Mme Williams.
Mme Roy: Oui, c'est ça.
Le Président (M. Joly): C'est bien ça. Je vous
explique un peu la procédure: vous avez une vingtaine de minutes pour
nous livrer votre mémoire et, par après, les parlementaires, eh!
bien, auront le privilège de s'entretenir avec vous. Alors, à
vous, madame.
Mme Roy: Nous sommes ici pour représenter la Table des
regroupements provinciaux d'organismes communautaires et
bénévoles. Cette Table regroupe 18 organismes provinciaux
représentant différents secteurs d'activité dans le milieu
communautaire et bénévole. Je vais d'abord commencer par vous les
présenter un peu, dire qui on représente, quelles personnes sont
membres de nos groupes. Après, on va vous placer devant notre choix
politique à nous, par rapport à votre question de base
«qu'est-ce qu'on fait avec les coûts des services de
santé?», et expliquer dans quelle perspective on regarde
maintenant, nous, le nouveau réalignement qu'on souhaite.
Donc, les regroupements provinciaux qui sont membres de la table de
concertation sont des regroupements qui touchent quatre ou cinq secteurs
principaux, je dirais: les jeunes, les personnes âgées, les
femmes, les groupements familiaux et les groupes de bénévoles.
Les membres de nos groupes, les personnes qui utilisent nos services, qui
participent à nos activités, qui initient et soutiennent nos
actions, sont impliqués dans nos mécanismes de gestion
démocratique. Ce sont des milliers d'hommes et de femmes de tout le
Québec, de toutes les régions du Québec, des hommes et des
femmes de tous les âges, des jeunes impliqués dans des
ressources-jeunesse (maisons d'hébergement, centres de jeunes), des
hommes et des femmes aux prises avec le sida, des personnes âgées
qui luttent pour améliorer leurs conditions de vie, des personnes
impliquées ou usagères de groupements bénévoles,
des milliers de femmes en démarche d'autonomie et d'affirmation pour
mettre fin à des situations de violence, de pauvreté,
d'isolement, pour mieux vivre leur grossesse, des hommes et des femmes qui
vivent des problèmes de santé mentale, des gens qui viennent de
différentes communautés culturelles, qui, souvent, sont des
personnes qu'on a marginalisées, qui sont démunies, pauvres,
appauvries, atteintes dans leur corps, dans leur coeur, mais aussi des
personnes qui luttent pour changer leurs conditions de vie, qui sont
impliquées, qui sont organisées. Le milieu communautaire
représente toutes ces fractions de la population. Vous avez la liste,
à la fin de notre mémoire, de l'ensemble des groupements membres.
Juste vous en faire la nomenclature pourrait déjà épuiser
pas mal de notre temps.
On tient d'abord à réaffirmer que, pour nous, un principe
de départ qui est très important, c'est notre attachement aux
valeurs fondamentales que sont la solidarité sociale et
l'universalité des services. C'est des notions qui ne sont pas
contestables ou qu'on ne souhaite pas, nous, voir modifier. Si on tentait de
répondre à votre question qui est: Où est-ce qu'il faut
maintenant mettre l'argent, ou comment le rentabiliser?, je pense que la
façon qu'on aurait, nous, de l'envisager, c'est plutôt de poser la
question: Où est-ce qu'on va mettre les sommes d'argent et les
énergies, le temps de travail actuellement disponible pour
améliorer de façon significative l'état de santé de
la population? Qu'est-ce qui est le plus susceptible d'apporter des changements
majeurs dans l'état de santé? On vit dans un pays qui s'est
doté d'un système de santé et de services sociaux
effectivement coûteux, dont on questionne la rentabilité
actuellement, mais qui ne semble pas forcément offrir à
l'ensemble de la population une qualité de santé
intéressante. On a parfois des chiffres très poignants dans ce
sens-là, où notre rendement n'est pas vraiment très
satisfaisant.
De multiples études, et même vous-même, M.
Côté, en arrivez à dire que les conditions
socio-économiques ont une influence prépondérante sur
l'état de santé des gens. C'est donc dans ce sens-là qu'on
se dit: Peut-être qu'investir - pas peut-être, sûrement selon
nous - dans l'amélioration des conditions socio-économiques des
gens pourrait avoir un effet très important. Investir dans des
démarches de prévention, ce qu'on appelle, nous, s'orienter vers
un virage social important.
Mme David (Françoise): Donc, la proposition que, nous, on
a à vous faire, c'est vraiment de
dire: Plutôt que d'aller chercher des solutions à court
terme et qui nous semblent même être des solutions à courte
vue pour trouver de nouvelles sommes d'argent chez les contribuables, il nous
semble que la première opération à faire, et à
faire maintenant et tout de suite, c'est ce virage social dont le livre blanc
parlait un peu, dont le document sur le financement parle aussi un peu, et qui,
on l'imagine, sera présent dans la politique de santé et
bien-être.
De façon un peu plus concrète, on dit qu'on doit
absolument faire des remises en question et ce, dès aujourd'hui. La
première, c'est qu'il faut absolument, au plan des budgets, augmenter la
part du social. Bon, tout le monde sait que la part qui va à la
prévention - et ça, ça implique autant les CLSC que les
organismes communautaires - c'est à peu près 5 % du budget total
du ministère. On a l'impression qu'il faudrait augmenter de beaucoup ces
sommes-là pour la simple raison que beaucoup de problèmes qui
aboutissent en symptômes de problèmes de santé ou de
problèmes de santé mentale, finalement, trouvent leur origine
dans des problématiques qui sont plutôt d'ordre social, si on
pense aux conflits conjugaux, familiaux, à la violence, au stress,
etc.
Donc, ce qu'on propose, c'est de doubler immédiatement le
financement des organismes communautaires et bénévoles, ce qui,
à notre avis, leur permettrait de jouer davantage un rôle
primordial en matière sociale, en matière de prévention et
aussi pour trouver davantage de solutions collectives aux problèmes de
santé des gens. on pense aussi... et, là-dessus, on appuie le
mémoire de la fédération des clsc qui dit qu'il faut
absolument augmenter le budget des clsc, renforcer les services de
première ligne et, en particulier, renforcer les services sociaux dans
les clsc. ensuite, et en même temps, on tente de vous expliquer ce que,
à notre avis, d'ailleurs, vous avez déjà compris, c'est
que la prévention a bien meilleur goût. mais si c'est vrai,
à ce moment-là, il faut le faire. et ce qu'on dit, c'est que dans
les organismes communautaires, en particulier, les organismes communautaires et
bénévoles, mais aussi dans le réseau,
particulièrement peut-être dans les clsc, on tente de faire de
là prévention et on a l'impression, depuis bien des années
qu'on en fait, qu'on n'a plus vraiment à faire la preuve de
l'efficacité de ce travail-là. qu'on pense, par exemple, à
toutes les femmes qui, plutôt que de magasiner les médecins, vont
dans des centres de femmes et font face à leur problème
d'isolement, de dépression ou de violence. on a l'impression que, d'un
point de vue humain, c'est plus intéressant, et la démarche
d'autonomie va être plus profitable à long terme, et on a
l'impression aussi que, sur le plan économique, ça peut
plutôt faire l'affaire du ministère et ce, même s'il
doublait les subventions aux organismes communautaires.
Donc, la prévention ne devrait plus être seulement un
discours et un discours pour dans 10 ans, ça devrait être quelque
chose qui se fait maintenant. ça aiderait des personnes à
résoudre des problèmes, mais ça permettrait aussi à
des communautés de se prendre en charge, ce qui, à long terme,
est la meilleure garantie d'un meilleur état de santé et de
bien-être pour la population. et on est absolument convaincus que
ça ne coûterait pas plus cher. la troisième proposition ou,
enfin, hypothèse qu'on pose, c'est d'aller davantage vers une
médecine sociale. évidemment, nous, on n'est pas de ceux et de
celles qui ont applaudi à la fronde des médecins, le printemps
dernier. pas du tout! nous, on a l'impression, au contraire, que ces
personnes-là constituent actuellement au québec une espèce
de caste d'intouchables à laquelle il va pourtant falloir toucher, ne
serait-ce que parce qu'ils nous coûtent 2 000 000 000 $ par année
et qu'à ce prix-là on a le droit de poser quelques questions. ce
ne sont pas les seules questions et on ne veut pas faire de ces
questions-là le centre de notre discours de ce soir, mais il nous semble
quand même qu'il y a des choses qui sont à changer en termes de
nombre de médecins, d'endroits où ils pratiquent, de modes de
rémunération, mais peut-être surtout de pratiques
médicales qui, comme on le sait, sont coûteuses. et ça, il
y a des études pour le démontrer. les traitements médicaux
sont de plus en plus coûteux. est-ce que c'est normal?
Quand on parle entre autres de surconsommation de médicaments, on
a l'impression qu'avant de blâmer les contribuables, les usagers qui
effectivement consomment des médicaments - on pense en particulier aux
personnes âgées - 11 faudrait peut-être se demander comment
il se fait que les personnes qui ont le pouvoir de prescrire des
médicaments en prescrivent tant. il faudrait peut-être proposer
d'autres façons de venir en aide, entre autres, aux personnes
âgées. donc, dans le fond, ce qu'on dit, c'est qu'il y aurait
certainement des économies à faire la aussi mais il y aurait
surtout des changements d'attitude à proposer. il serait fort
intéressant que les médecins, de plus en plus, se
considèrent des acteurs du système de santé parmi
d'autres, avec d'autres, en collaboration avec d'autres.
Et, finalement, dans les remises en question qu'on croit devoir
opérer, il y a toutes les questions relatives aux technologies
médicales, en particulier, et aux problèmes d'éthique qui
entourent ces questions de technologie. Là-dessus aussi, je crois qu'il
commence à y avoir des questions posées par beaucoup de monde -
pas seulement par nous - sur l'utilisation de technologies extrêmement
coûteuses qui, souvent, sont profitables à un petit nombre de
personnes ou de technologies, si on pense particulièrement à ce
qui concerne la procréation, dont on peut questionner
l'efficacité et aussi autour desquelles il y a des choix moraux à
faire. On se dit que
là-dessus, avant d'aller plus loin dans ce domaine-là, il
faudrait peut-être regarder très sérieusement toute la
notion de choix et d'achat de technologie médicale et se demander s'il
n'y a pas de l'argent là qui serait plus utile en matière de
prévention ou en matière de services sociaux.
Finalement, ce qu'on dit dans notre chapitre où on parle d'un
virage social, le chapitre de notre mémoire, c'est qu'on est d'accord
avec un certain nombre d'analyses et de constats qui sont posés par le
ministère. Ce qu'on ne comprend pas, c'est pourquoi, après avoir
dit et écrit tout cela, on en arrive malgré tout à des
solutions qui sont très partielles, très parcellaires,
très à court terme, qui ne garantissent pas à long terme
un meilleur état de santé et de bien-être pour la
population et qui ne garantissent même pas, dans le fond, une meilleure
qualité des services de santé et des services sociaux.
Le Président (M. Joly): Mme Guay.
Mme Guay (Lorraine): Peut-être pour illustrer en partie ce
qu'on avance, parce qu'on n'est peut-être pas des économistes,
mais je pense qu'il y a un certain sens des chiffres toutefois, quand
Françoise dit que le virage social peut être payant aussi pour la
communauté, je voudrais juste vous apporter quelques petits exemples en
santé mentale, en particulier. On pourrait en avoir dans tous les
secteurs. Je ne sais pas si vous savez ce que ça coûte, un lit
à l'Entre-Deux, qui est une ressource d'hébergement transition
pour femmes qui ont des problèmes de santé mentale importants.
Ça coûte 55 $ par jour, ça veut dire quatre fois moins que
ce que ça coûte à l'hôpital. On compare des pommes
avec des pommes. Savez-vous ce que ça coûte pour traiter la
psychose dans la communauté? Pas uniquement l'entraide, mais intervenir
en temps de crise, etc. Ça coûte 38 $ par jour, par patient, alors
que ça coûte 164 $ à Robert-Gtffard. Savez-vous, en plus de
ça, avec une diminution ou une cessation... Vous riez, mais c'est
vrai...
M. Côté (Charlesbourg): Non, c'est parce que je sais
que c'est fortement inspiré par le terrain. (20 h 30)
Mme Guay: Oui, c'est ça. En plus, avec une cessation ou
une diminution de neuroleptiques importante, ce qui a des coûts
associés de façon importante. Ce que ça coûte, par
exemple, une campagne de sensibilisation comme «La tournée du
grand monde», ça coûte moins de 1 $ la minute pour faire
parler une série de personnes, etc., si on compare ça à ce
que ça coûte la minute à la télévision pour
faire des messages un peu stéréotypés, etc. Tout ça
pour dire que le virage social, effectivement, peut avoir des incidences
financières qui ne sont pas utopiques, «flyées» ou
comme on voudra, mais qui se chiffrent aussi de façon très
précise. Je pense que le mémoire de la Fédération
des CLSC est assez éloquent à ce niveau-là.
Au niveau de la partie qui regarde le financement des services sociaux,
je pense qu'on ne vous apprendra rien de nouveau, on est parmi tant d'autres
qui réclamons des solutions à la fois précises et à
la fois globales aussi. La première, au niveau du maintien,
évidemment, de la fiscalité comme source première de
financement de notre système de santé et de services sociaux.
Pour nous, il y a un aspect important qui doit être
considéré, c'est la réforme de la fiscalité. Encore
une fois, on est plusieurs à dire ça, on ajoute juste notre grain
de sel à ce niveau-là. C'est évident que si, comme on a vu
à l'émission «Tout le monde est malheureux», dimanche
passé, c'est 70 % ou 75 % de la population qui supportent 93 %, 95 % du
fardeau fiscal, c'est sûr qu'on a l'impression d'être pris à
la gorge. Alors, une réforme de la fiscalité où tout le
monde paierait sa juste part, proportionnellement à ses revenus, nous
apparaît quelque chose de très important et qui ne doit pas
être remis aux calendes grecques, qui pourrait commencer à se
faire immédiatement. Si, entre autres, l'idée de
l'impôt-santé fait son chemin, on pourrait le rendre progressif
immédiatement. Entre autres, parce que, tant que les mieux nantis, dans
notre société, ne seront pas concernés par le fardeau
fiscal du système de santé, c'est sûr que ça
crée une classe de gens qui font des pressions sur le système
pour payer eux autres mêmes leurs services. Forcément, parce
qu'ils ont les moyens de le faire et ils ne paient pas à deux endroits.
Alors, ça, ça nous apparaît quelque chose qui est
très important.
Le deuxième aspect, bien, là, on va être avec vous
là-dessus, on va vous appuyer très fortement face à Ottawa
qui veut réduire ses transferts du financement des programmes
établis. À ce niveau-là, vous pouvez compter sur
l'ensemble du communautaire pour mener la bataille à Ottawa. Ce serait
assez particulier, mais ça pourrait se faire, n'est-ce pas?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Guay: L'envers de la médaille, évidemment,
c'est que, si on commence à lésiner de ce
côté-là, on s'embarque dans des voies: la tarification, les
tickets modérateurs, etc. S'il y a un aspect sur lequel on veut susciter
votre attention, c'est le fait que, même si, dans votre mémoire,
dans votre document, vous dites avec beaucoup de précision, tout le
temps, que vous ne voulez pas que les plus démunis de la
société soient frappés, victimes de ces mesures-là,
nous, on dit: il ne faut pas que les plus démunis soient ciblés,
non plus, soient stigmatisés, soient identifiés. S'il faut faire
la preuve de sa pauvreté pour avoir accès à des services
de santé et à des services sociaux, il y a là quelque
chose
de stigmatisant, sur lequel on pourra revenir tout à l'heure. Je
pense que le rapport Bouchard, aussi, là-dessus, est assez explicite.
Quand on offre des services, on les offre à toute la population sans
discrimination.
Finalement, nous sommes aussi pour l'ensemble des mesures qui visent la
transparence, mais en particulier la transparence... Non... Ça va?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui.
Mme Guay: Qui visent en particulier la transparence des
producteurs de services. Vous me trouvez drôle? Non?
M. Côté (Charlesbourg): non, non. je suis
habitué, on est habitué de se voir, puis je sais que... je
connais votre franchise habituelle et votre sens du terrain aussi. ça
fait que...
Mme Guay: D'accord. Alors, la transparence des producteurs, parce
que la transparence au niveau des consommateurs, je pense qu'après en
avoir beaucoup discuté avec les gens avec qui on travaille c'est
sûr qu'un consommateur de services n'a pratiquement aucun pouvoir sur le
service qu'il consomme, à part celui de ne pas aller consulter. Une fois
que la démarche est faite, c'est le médecin qui est là ou
c'est le travailleur social ou c'est un autre professionnel qui
détermine, à toutes fins pratiques, l'ensemble des
opérations; alors, de savoir... à la personne citoyen prise toute
seule dans son coin qui a coûté tant, elle, à la
société, pour nous, c'est une approche plus culpabilisante
qu'autre chose, culpabilisante, mais sans pouvoir réel de la personne,
alors que la transparence au niveau des producteurs de services, qu'on sache
comme citoyen ce que ça coûte collectivement, où sont mis
les investissements, qui en bénéficie, etc., quel impact
ça a sur la santé et le bien-être, ça, c'est plus
intéressant, à ce niveau-là. Donc, toutes les mesures dans
ce sens-là nous seraient bienvenues et pour nous aussi, l'idée,
éventuellement, d'un impôt-services, d'impôt-santé -
d'impôt-services, on est tout à fait contre, c'est un lapsus
affreux - on serait ouvert à cette perspective-là dans la mesure
où, évidemment, il y a «bougeage» à
l'intérieur du système, où il y a un déplacement.
Mais ce qu'on dit, c'est que... À l'émission de Scully, l'autre
fois, vous avez posé cette question-là: Qu'est-ce qu'on
lègue aux générations futures? Je pense que ce qu'on peut
léguer à nos enfants, c'est un système de santé
différent de celui qu'on a à l'heure actuelle. Je pense que les
générations qui sont là, à l'heure actuelle, ont pu
tenir le phare un bout de temps, assumer les coûts à ce
niveau-là, mais en même temps qu'on réforme la
fiscalité puis en même temps qu'on fait ce virage important
là... Je pense que si, il y a 20 ans, on avait investi davantage dans la
première ligne que sont les
CLSC, si, il y a 20 ans, on avait fait ce choix-là, parce que les
CLSC, finalement, les médecins les ont boycottés, ça a
été réduit à la part rachitique, peut-être
qu'on ferait, après 20 ans, un constat différent à ce
niveau-là. Je termine en... Ça fait 20 minutes? D'accord. Alors,
c'est dans cette direction-là qu'on voudrait que le financement se
fasse. Finalement, on déplore un peu que le... pas un peu, beaucoup, que
la commission parlementaire soit réduite, qu'elle ait été
vite faite. On trouve que, pour un sujet aussi capital que ça, il y a,
entre autres, un certain nombre de... Il y a beaucoup de groupes de citoyens
organisés qui n'ont pas pu avoir accès, même se
préparer pour participer à une commission comme celle-là.
Entre autres, on déplore, en particulier, que les communautés
culturelles ne soient pas ici. On trouve ça déplorable. Notre
choix, à ce moment-là, c'est que cette commission-ci soit
plutôt le point de départ d'un débat plus corsé sur
notre système de santé.
Le Président (M. Joly): Merci, mesdames. M. le
ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je trouve ça rafraîchissant d'entendre ce genre
de présentation à l'occasion par rapport à des gens qui
sont un peu plus attachés à leur quotidien, à leur job,
à leur catégorie d'établissements, à leur
clientèle et ainsi de suite. Quand j'entends ça, je me sens bien
à l'aise non pas avec tout, mais une très large majorité
du discours sur le plan du virage social. Vous avez dit: II y a 20 ans, il est
arrivé des choses. On aurait dû faire le virage social depuis au
moins 20 ans. Aujourd'hui, on récolterait ce qu'on a semé. C'est
clair que les résultats ne peuvent pas arriver demain matin. Ça
prend du temps. Mais ce choix-là a été fait, il y a 20 ans
justement, par l'implantation des CLSC qui se sont développés. On
s'est interrogé en cours de route, à savoir si ça devait
continuer d'exister ou disparaître et ainsi de suite. C'est probablement
là que des erreurs se sont faites pour être capable de lui faire
prendre sa progression pendant que notre système de santé
à côté progressait d'une manière fulgurante sur le
plan des finances publiques.
Les CLSC, première ligne, je pense que vous êtes des gens
qui êtes près du terrain. Je l'ai dit tantôt. Je ne l'ai pas
dit par flatterie parce que ce n'est pas la première fois qu'on se
rencontre et qu'il y a des expériences qui sont données sur les
économies qu'on peut faire à avoir de l'alternatif à
l'institutionnel plus lourd. Vous avez donné quelques exemples
tantôt. C'est pour ça que je riais. Je savais que ce serait
inspiré par du terrain comme ça. Je ne riais pas de ce que vous
alliez dire parce que...
Une voix: J'espère que...
M. Côté (Charlesbourg): ...je vous voyais venir. Je
savais que ce serait très bon.
Dans votre mémoire, vous évoquez et vous évaluez...
Je voudrais commencer par ça parce que, pour moi, ça me
paraît gros. Vous évaluez à peu près à 604
000 000 $ globalement le bénévolat qui est fait à travers
le Québec par tes organismes communautaires. Je ne veux pas perdre un
temps indéterminé là-dessus, mais les chiffres qu'on a
toujours eus au ministère, c'était plutôt plus ou moins 150
000 000 $. Il y a donc un écart assez appréciable entre... Je
voudrais peut-être juste avoir quelques petites indications sur la base
parce qu'il y a quand même un écart assez appréciable avec
ce que le ministère croit en réalité. Et c'est clair... Je
ne veux pas... Ce n'est pas une bataille de chiffres là. Je veux juste
tenter de voir. Vous vous basez sur quoi, parce que c'est majeur comme
écart?
Mme Guay: On a pris ça dans le document du Conseil des
affaires sociales.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. O.K. Je vais prendre
la...
Mme Guay: On l'a ici. On peut vérifier.
M. Côté (Charlesbourg): Non, non. Je vais le
trouver, mais ça... En tout cas, j'ai l'impression...
Mme Guay: Vous en doutez?
M. Côté (Charlesbourg): Ils ne se sont pas
parlé trop trop avec le ministère. Oui, par rapport aux chiffres
du ministère. Moi, ce que le ministère me donne ici, c'est:...
Nous ont apporté une aide financière... il compte 178 000
bénévoles qui offrent 13 582 000 heures de
bénévolat en 1990. Quand il le calcule à 10 $ l'heure,
grosso modo, ça fart plus ou moins 150 000 000 $. C'est pour ça
que, quand on voit 600 000 000 $, il y a un écart quand même
considérable.
Une voix: Non, c'est beau.
M. Côté (Charlesbourg): Mais on ne perdra pas de
temps là-dessus.
Mme Guay: L'idée générale, c'est
qu'effectivement il y a investissement massif de temps par les citoyens et les
citoyennes.
M. Côté (Charlesbourg): O.K. Donc, on se parle...
Vous dites: On ne dit pas non à l'impôt-santé, parce qu'il
est plus collectif.
Mme Guay: Bien, ce qu'on en a compris, parce que, encore une
fois, non, mais impôt...
M. Côté (Charlesbourg): Avec les réserves qui
s'imposent.
Mme Guay: Avec les deux réserves importantes:
réforme de la fiscalité et...
M. Côté (Charlesbourg): Oui, je vais y revenir
tantôt. Quand vous dites ça, d'autre part, vous dites aussi: Nous
rejetons presque systématiquement la position du ministère qui
viserait à revoir le panier de services, ce qui est médicalement
non requis. Je vous donne des exemples: l'hôtellerie, les repas et des
actes posés qui sont médicalement non requis. Vous dites: Nous,
on est contre ça, ne touchez pas à ça. Ça me
paraît aller un petit peu à rencontre de ce que vous nous dites,
parce qu'on est dans une situation de dispensation de services médicaux
assez importants. Lorsque Mme David disait tantôt: Les médecins
coûtent 2 000 000 000 $ par année, ce n'est pas ça que
ça coûte en salaires. Ça produit aussi et ça a des
conséquences directes. En règle générale, c'est
deux fois ce qu'ils ont comme salaire ou à peu près. Ça,
ça veut dire qu'on est à 6 000 000 000 $. Juste pour augmenter le
problème, lui donner de l'ampleur, donc, on est dans une situation
où il y a, par conséquent, du médicalement non requis qui
est donné, qui est dispensé. Est-ce qu'il n'y a pas là un
peu de travail à faire sur le plan de la révision du panier de
services?
Mme Guay: Pour nous, non, c'est-à-dire non pas de cette
façon-là, en tout cas; via la fiscalité, oui, mais pas de
cette façon-là. C'est une forme de tarification, finalement. On
ferait payer aux individus ce genre de services là. Alors, pour nous,
peut-être parce qu'on travaille aussi dans des milieux où les gens
sont jusque-là...
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais si c'est...
Mme Guay: ...finalement, c'est une forme de discrimination au
niveau des gens, ça va les appauvrir à ce niveau-là,
etc.
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends la logique
d'une tarification, vous dites non, surtout si les gens ont des
difficultés sur le plan financier. Mais, là, on est dans une
situation de médicalement non requis.
Mme Guay: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas du
médicalement requis, dans du médicalement non requis. Est-ce
que...
Mme Guay: Oui, sauf que la personne qui est hospitalisée,
elle n'a pas tellement le choix de ce geste-là.
M. Côté (Charlesbourg): Distinguons les choses parce
que, évidemment, je peux peut-être vous induire en erreur par les
exemples que je prends. Ce que je comprends de votre réaction,
c'est que, hôtellerie et repas, vous nous dites: Ne touchez pas
à ça. Par contre, si on dissocie, par la suite, ce qui est
médicalement requis par rapport à ce qui est médicalement
non requis, il me semble que notre responsabilité collective, c'est du
médicalement requis, oui, c'est notre responsabilité, mais, le
médicalement non requis, il me semble bien que ce n'est pas la
responsabilité collective.
Mme David: J'essaie de voir de quoi exactement vous voulez
parler. (20 h 45)
M. Côté (Charlesbourg): Oui, je vais vous en donner
un exemple.
Mme David: Oui, allez-y.
M. Côté (Charlesbourg): Une clinique
d'obésité. O.K.? Dans une clinique d'obésité, on
est dans des situations où, effectivement, il y a du médicalement
requis. Mais on est dans des situations aussi où il y a du
médicalement non requis et Dieu sait qu'il y a quelques cliniques
à Montréal qui le font, avec toutes les conséquences sur
le plan budgétaire!
Mme David: c'est un bon exemple et je me sens bien à
l'aise d'en parler parce que les centres de femmes ont une certaine expertise
dans cette question-là.
M. Côté (Charlesbourg): Oui!
Mme David: Ça touche particulièrement les femmes.
«Parler pour parler» là, c'était très bon,
vendredi soir dernier. Les femmes se font convaincre depuis fort longtemps que
la minceur est un objectif incontournable à atteindre pour toutes sortes
de raisons, mais surtout pour vous plaire, messieurs.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme David: Paraît-il! Alors, beaucoup de femmes qui,
effectivement, en fait, n'ont pas de véritables problèmes au plan
médical... Il y en a qui ont des problèmes, comme vous dites. Il
y a comme un moment où l'obésité devient un
problème de santé tout comme d'autres problèmes de
santé. Mais on sait maintenant qu'à peu près 75 % à
80 % des femmes qui suivent des régimes n'en ont absolument pas besoin.
Si elles vont dans ce genre de clinique se faire effectivement traiter par des
médecins, en fait, tout ce que ça va faire, une fois de plus - en
tout cas, au moins cette fois-là - c'est que les médecins vont
pouvoir faire «chlique chlaque» et la personne n'aura probablement
rien réglé au niveau de sa santé et au niveau, je dirais
surtout, de son estime d'elle-même et de son autonomie. Moi, je ne pense
pas que la solution, ce soit une solution que je trouve un peu punitive.
Punitive non pas envers le médecin qui a créé des
attentes, mais punitive envers ces femmes-là qui vont dans ces
cliniques-là. On leur dit: A partir de maintenant, si vous voulez y
aller, vous allez payer. Je ne trouve pas que c'est une solution parce que,
tant que les femmes vont être convaincues que c'est essentiel d'y aller,
elles vont probablement y aller au risque de perdre bien de l'argent pour rien.
Tout comme il faut remarquer d'ailleurs - et là je ne veux pas comparer
le bien-fondé de la chose - que beaucoup de gens vont vers des
médecines alternatives et paient. Dans beaucoup de cas, ils font
plutôt bien d'y aller, mais il y a là-dedans toute une critique au
système de santé tel qu'il existe. Moi, je pense que l'attitude
qui serait, à mon avis, beaucoup plus éducative et
intéressante à long terme, ce serait d'avoir une éducation
- alors, on revient toujours à la prévention - qui ferait que,
socialement, vous n'auriez plus de femmes qui iraient dans des cliniques
d'obésité, elles n'en auraient plus besoin. C'est pour ça
que - au risque de peut-être lasser quelques personnes -on en revient
toujours au même discours. Les solutions que vous apportez où vous
dites: II y a des choses qui sont médicalement non requises, il faut y
voir, on est tout à fait d'accord! Comment? Non pas en taxant
l'individu, mais en agissant sur ce qui fait que ce qui est inacceptable
devient acceptable pour l'individu. Moi, c'est par là que j'irais.
Le Président (M. Joly): Mme Guay.
Mme Guay: Oui. Ce que je voulais dire là-dessus, moi,
c'est pourquoi c'est si facile que ça que des médecins partent
des cliniques d'obésité, par exemple?
M. Côté (Charlesbourg): Parce qu'il y a trop de
médecins sur le même territoire.
Mme Guay: Oui, c'est ça. Ce sont des producteurs qui
produisent ce type de besoin. Il y a des CLSC, il y a des groupes
communautaires qui travaillent sur ces questions-là de façon
très différente. Qu'est-ce que peut faire un médecin tout
seul sur la question de l'obésité? Strictement rien. Alors,
pourquoi on permet que ce type de clinique se fasse, sur laquelle on n'a
absolument aucun contrôle, de toute façon, sur son impact en plus
de ça, et que, dans les CLSC, on ne puisse pas développer
plutôt les services préventifs, comme dit Françoise, mais,
cette fois-là, dans un contexte où l'obésité n'est
pas prise juste comme une maladie, mais comme problème social et
traitée comme tel?
M. Côté (Charlesbourg): Peut-être que madame
voudrait ajouter quelque chose?
Mme Roy: Ce que je voulais dire, c'est que c'est bien sûr
qu'à travers tous les groupes qui
sont à la table il y a des groupes qui ont un point de vue
critique par rapport à l'ensemble des services de santé actuels.
On ne dit pas que tout ce qui est là est intouchable et parfait et qu'on
doit le maintenir, ce qu'on vous dit, c'est que la perspective par laquelle on
doit le regarder est différente effectivement. Mais, oui, on critique
les pratiques actuelles en santé, la surconsommation, la
surprescription, des services qui ne sont absolument pas nécessaires et
tout. Là-dessus, on vous appuie dans une espèce de questionnement
sur les pratiques actuelles, mais ce qu'on dit, c'est qu'il faut les regarder
à travers ce qui est pertinent non pas en termes de culpabilisation des
usagers ou de responsabilisation individuelle uniquement, mais plus comme
d'où vient ce type de création artificielle, le questionnement
sur toutes les nouvelles pratiques de technologie de reproduction. Il y a des
questionnements à avoir là-dedans effectivement, et il y a des
techniques, il y a des sommes investies actuellement qui sont très
question-nables et on le fait.
Mme Guay: Un autre exemple sur, entre autres, les CLSC. On veut
qu'ils s'impliquent en santé mentale. Or, tout d'un coup, les
hôpitaux psychiatriques se sont mis à parler de cliniques externes
spécialisées en psychiatrie. Entre vous et nous, une clinique
spécialisée du traitement de la schizophrénie, qu'est-ce
que... Ça a quoi de très spécialisé? Alors, ce
qu'on est en train de faire, c'est de contourner, de dédoubler
effectivement le type de problèmes pour que l'hôpital
psychiatrique se garde un contrôle là-dessus. Alors ça,
c'est touchable, il faut bouger à l'intérieur de ça et il
y a des alternatives à ça.
M. Côté (Charlesbourg): Je suis très heureux
parce qu'il y a quand même une distinction résultant de l'approche
qui est intéressante sur ce que vous évoquez. C'est la
manière de le faire. Les objectifs qu'on poursuit, évidemment, je
comprends un peu mieux maintenant, il n'y a pas d'objection de fond, mais c'est
la manière de le faire. Il y a différentes manières de le
faire, à ce que je comprends. C'est un exemple...
Mme David: II y a une objection de fond à taxer ou
à imposer des tarifs aux individus.
M. Côté (Charlesbourg): J'y arrive, oui. J'arrive
à celle-là.
Mme David: O.K.
M. Côté (Charlesbourg): Je me disais que
médicalement requis, médicalement non requis, si on dit qu'on est
trop médicalisé et que c'est médicalement non requis, il
me semble bien qu'il y a quelque chose à faire à ce
niveau-là. J'arrive a deux éléments, je vais essayer de
regrouper ça pour donner la chance à...
Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Oui. Vous dites qu'il ne
faut pas se servir du prétexte d'une situation budgétaire
difficile qui, à votre point de vue, est conjoncturelle pour remettre en
question un certain nombre d'acquis très importants
d'universalité et ainsi de suite. On va tenter de faire la
démonstration que ce n'est pas conjoncturel, que c'est structurel.
Évidemment, c'est toute une bataille et ce n'est pas facile, mais ce
n'est pas vrai que c'est uniquement conjoncturel, les problèmes
financiers du gouvernement du Québec dans lesquels nous sommes,
santé et services sociaux, et quand même des partenaires aussi.
Ça, je tenais à le dire à ce moment-ci, on va y revenir au
cours de la commission, mais ce n'est pas conjoncturel, on a aussi un
problème structurel. Donc, ce n'est pas un prétexte, c'est une
réalité. C'est pour ça qu'on a mis les chiffres sur la
table très clairs et jamais, je pense, qu'un document a
été aussi loin qu'on va sur le pian de ces chiffres-là,
livre ouvert. Et la commission est intéressante à ce
niveau-là.
Je vais vous poser une question parce que, depuis le matin, j'ai
l'impression qu'il y a peut-être une mauvaise compréhension de la
proposition qui est à l'étude et qui est à multiples
volets ou options. Je comprends un petit peu mieux que tantôt parce que
vous avez parlé de ne pas faire des démunis une catégorie
de gens qui sont bénéficiaires de services par rapport à
d'autres qui ne le sont pas, mais je vais quand même y aller avec ma
distinction. Dans toutes les mesures qui sont à l'intérieur du
document, les démunis, et ça inclut les personnes
âgées qui sont à faible revenu parce qu'il y en a un
certain nombre aussi, sont protégés au complet, de telle sorte
qu'on n'exigera jamais d'eux autres une contribution, c'est clair. Je veux le
redire parce que ça m'apparaît, dans nos documents, assez clair,
mais la compréhension n'est peut-être pas toujours la
même.
Au-delà de cela, ce qu'on dit, dans la mesure où on irait
avec ces mesures-là, donc la classe moyenne, on en parle de plus en plus
et elle est effectivement assez taxée, sa marge de manoeuvre est plus
difficile ces temps-ci, mais on dit: Au-delà de tout cela, il y a deux
choses dont on doit tenir compte: le niveau de consommation et son revenu, et
c'est une taxation progressive. Ce qui fait que, si vous êtes juste
au-dessus de ceux qui gagnent juste au début de la classe moyenne, vers
des salaires beaucoup plus élevés, il est clair que ce serait
à ce moment-là une contribution progressive. Donc, c'est le
deuxième élément de la proposition qui me parait important
à ce moment-ci de mettre sur la table et c'est donc progressif et
graduel dépendamment de votre capacité de payer.
C'est ça, les propositions qu'il y a sur la table sur le plan des
discussions. Ce que je
comprends de vous autres, vous dites: Malgré tout ça,
malgré ces distinctions, ce que nous préférons, c'est
davantage intervenir par la fiscalité, mais aussi par
l'impôt-santé avec des réserves que vous y mettez. Est-ce
que j'ai bien saisi?
Mme David: Oui.
Mme Guay: On n'a pas eu grand temps pour réfléchir
à tout ça, comme tout le monde. Comme on disait, on n'est pas des
économistes non plus puis on a travaillé entre nous sur ces
questions-là. Si l'impôt-santé est une façon,
comment je dirais ça, de...
M. Côté (Charlesbourg): De financer ou de...
Mme Guay: ...c'est-à-dire d'augmenter les impôts,
mais toujours à la même place tout le temps, ça, on vous
dit la grogne du côté des payeurs de taxes, parce qu'on est
effectivement beaucoup taxés. On a l'impression que ce sont juste les
mêmes qui supportent cette charge-là.
M. Côté (Charlesbourg): D'où le débat
sur la fiscalité.
Mme Guay: D'où le débat sur la fiscalité
dans la mesure où ça pourrait être un début d'avoir
une fiscalité plus progessiste, plus progressive. Ça, on serait
d'accord avec ça. Mais, en même temps qu'on soutient cet
édifice-là, opérer le virage. Parce que, là,
continuer de payer de cette façon-là, c'est un puits sans fond
effectivement, la quincaillerie lourde, c'est un puits sans fond. Il faut faire
quelque chose par rapport à ça immédiatement. C'est un peu
dans ce sens-là qu'on veut...
Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Et, sur le plan de
l'efficience et de l'efficacité, il y a du travail à faire.
Mme David: Peut-être deux autres points rapidement
là-dessus.
Le Président (M. Joly): Très, très
rapidement parce qu'on est sur le temps de l'autre formation. Ils vont m'en
vouloir longtemps.
Une voix:...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme David: Deux petites choses. La première, c'est que,
oui, il y a des personnes qui sont bénéficiaires de l'aide
sociale et il y a les personnes âgées qui ont le supplément
au revenu, mais il y a beaucoup d'autres personnes démunies au
Québec actuellement: des chômeurs, des chômeuses, des
travailleuses à temps partiel, des travailleuses et des travailleurs
occasionnels à statut précaire avec le salaire mininum, etc.
Ça va être un peu compliqué à gérer si on
commence à se demander qui est démuni, qui ne l'est pas. Il y a
pas mal de gens au Québec en ce moment qui n'ont peut-être pas la
carte ou le «sticker» qu'ils sont assistés sociaux ou
personnes âgées avec supplément au revenu. Mais il y en a
beaucoup d'autres. Alors, quand on commence à toucher à tout
ça, évidemment, la réaction est toujours de se dire... On
a toujours l'impression que ce sont les autres qui vont payer,
c'est-à-dire les 60 000 $ ou 75 000 $ et plus. Mais on a toujours peur
que, finalement, ça descende beaucoup plus bas que ça et que la
frontière soit assez malléable.
L'autre question - c'est pourquoi c'est important de faire le virage
dès maintenant - c'est qu'au fond nous pensons que la population
québécoise, compte tenu de ses revenus, bien sûr, est
prête à payer pour des services de santé et des services
sociaux, mais on pense qu'elle n'est plus prête à payer pour
n'importe quoi. Elle veut en avoir pour son argent. Donc, c'est plus rentable
pour toutes sortes de raisons, incluant des raisons politiques, de, dès
maintenant, faire des changements où la population va sentir que,
là, elle paie, mais il y a des résultats au bout. Là, vous
pourrez peut-être aller lui demander plus d'argent.
M. Côté (Charlesbourg): Faire nos preuves avant.
Mme David: Oui.
Le Président (M. Joly): Merci, Mme David. Merci,
mesdames.
M. le député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue, s'il
vous plaît.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Vous l'avez dit, on n'a
pas eu grand temps pour se préparer, compte tenu des dates qui
étaient imparties pour préparer ce mémoire et se
présenter à la commission. Ça n'aurait pas
été drôle si vous aviez beaucoup de temps pour vous
préparer, parce que c'est déjà excellent. C'est
très bon.
Je vais saluer d'abord votre présence et toujours le travail que
vous faites sur le terrain effectivement. Tous les députés qui
sont ici autour de la table se rendent compte de ça quasiment
quotidiennement dans leur comté, dans leur coin de pays. On sait ce que
vous faites sur le terrain. Généralement, on a un aperçu
de ce que ça coûte. Vous donniez des chiffres tantôt. Pour
peu qu'on regarde le secteur, on s'aperçoit qu'on en fait beaucoup plus
avec le mouvement communautaire qu'on peut en faire avec certaines ressources
institutionnelles, tout en affirmant
que, du côté de l'institutionnel, on sait bien qu'on va
toujours en avoir besoin, sauf qu'il y a une question de proportions, une
question de voir comment on va faire les choses là-dessus. (21
heures)
La première dimension, j'en ferais un petit bout moi aussi sur le
virage de la médecine, le virage des médecins, le virage social.
J'allais dire que les mots sont forts dans votre mémoire. Par ailleurs,
quand on y pense deux secondes, ce n'est pas très surprenant parce que
vous dites assez haut ce que, bien des fois, on entend un peu plus doucement
dans certaines officines. Vous parlez d'une caste d'intouchables. Ce serait
quasiment comme dire que - je force moi aussi de mon côté pour
faire image - nos médecins ne seraient pas Québécois ou
Québécoises aussi et ne partageraient pas notre défi. Il y
a quelque chose d'important à faire là-dedans. Si on veut faire
prendre ce virage-là à une catégorie de producteurs, on va
commencer ça où, le travail? Tout le monde partage un certain
nombre de vos affirmations. Quant à l'ampleur et au degré, on
discutera de ça autour d'un café. Ça existerait puis tout
le monde... Si tout le monde dit qu'il y a quelque chose là, il doit
finir par y avoir quelque chose là. Alors, où faudrait-il
commencer pour prendre ce virage social, en particulier chez les
médecins?
Mme Guay: Je vais parler personnellement. Je pense en particulier
que le virage manqué par les médecins au niveau des CLSC, il ne
faudrait plus qu'il se manque cette fois-ci. Moi, j'ai travaillé 15 ans
à la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles. Il fallait
quasiment quêter aux portes des facultés de médecine pour
qu'ils viennent travailler dans des quartiers comme le nôtre. Ça,
c'est scandaleux. Quand il faut payer des CLSC qui paient jusqu'à 10 000
$ des chercheurs de têtes, des coureurs de têtes pour recruter des
médecins... C'est joliment scandaleux aussi que de l'argent soit pris
dans les fonds publics pour aller chercher des médecins. Je trouve
qu'à ce niveau-là il y a une responsabilité sociale de la
part des médecins. Comme ça ne tombe pas du ciel, il semble, eh
bien, il faudrait qu'il y ait des mesures très précises,
très fermes, très claires à ce niveau-là. Il me
semble qu'il y a une certaine médecine sociale où les
médecins devraient travailler en CLSC. Autre façon, moi, je pense
aussi que les polycliniques privées qui poussent comme des champignons
partout, qui ont fait carrément concurrence aux CLSC dans bien des
endroits, c'est carrément inacceptable aussi, cette façon de
procéder. Alors, il me semble qu'il devrait y avoir des mesures de cet
ordre-là. Ça, ce sont des mesures peut-être plus fermes,
plus décidées. Ça n'empêche pas de débattre
avec eux de façon plus poussée, comme on le fait, nous, en
psychiatrie. Par exemple, on a un certain nombre de débats assez
virulents sur la biopsychiatrie, sur la façon de s'occuper des
problèmes de souffrance émotionnels. C'est souvent dans des
confrontations fermes, solides qu'il y a un petit virage de mentalité,
surtout dans la mise sur pied de nouvelles façons de faire où,
éventuellement, ils peuvent collaborer, mais sur un pied
d'égalité avec d'autres genres de monde qu'uniquement... Je n'ai
pas de solution miracle non plus par rapport à ça, mais il faut
des mesures, il faut une volonté politique très ferme à ce
niveau-là aussi, par rapport aux médecins.
M. Trudel: Est-ce qu'on considère, à cet
égard-là, que la situation vécue avec la loi 120 et tout
ce qui s'est passé, c'est un échec face à la profession
médicale? Est-ce que vous percevez ça comme ça?
Mme David: C'est clair qu'il y a eu, au printemps et surtout au
cours de l'été, des reculs importants. On n'a pas tellement envie
d'en discuter fort longtemps ici, mais je pense que c'est évident qu'il
y a eu des reculs. Je sais qu'il y a certaines échéances qui sont
posées à la profession médicale, particulièrement
en ce qui a trait à la répartition des effectifs médicaux
en région. Mais j'ai l'impression que, si on veut, un bon jour,
régler ce problème-là, il va peut-être falloir
commencer plus avec les jeunes. C'est-à-dire que je ne connais pas
personnellement, exactement et en toutes lettres, la formation qui est
donnée dans les universités, dans les facultés de
médecine, mais je soupçonne que, si on a les médecins
qu'on a, c'est qu'ils sont certainement allés chercher des
modèles quelque part. Il faudrait peut-être changer le
modèle. Il faudrait peut-être que déjà, au moment de
la formation, au moment du choix des étudiants et des étudiantes
- parce qu'il y a maintenant beaucoup de femmes - et au moment de la formation,
il y ait des aspects de cette formation-là qui touchent beaucoup plus
à la psychologie des gens, à la sociologie, à ce qui se
passe dans la société. Et puis, mon Dieu, je vous dirais,
à la limite... Je sais bien que ce qu'on apporte tout le temps, c'est:
Oui, mais, si on est trop méchant avec eux, ils vont tous partir aux
États-Unis. Bien, ma foi, si un certain nombre d'entre eux sont
malheureux à ce point, qu'ils partent. Moi, je pense qu'avec le taux de
chômage qu'il y a au Québec, avec le nombre de jeunes qui veulent
entrer dans les universités, particulièrement en médecine
où c'est très contingenté, si on commence à dire
que désormais, au Québec, être médecin, c'est faire
cela, cela, cela, les jeunes qui iront se faire former pour devenir
médecins sauront dans quoi ils s'embarquent et, s'ils le font, c'est
parce qu'ils seront d'accord pour le faire. Je pense que, là-dessus
aussi, il faut tenter de voir peut-être plus loin qu'à court
terme. Je reconnais que ce que je dis là, à court terme, pose
quelques problèmes...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme David: ...évidemment, mais, si on reporte tout le
temps les décisions parce que, à court terme, ça pose
problème, des décisions, on n'en prendra jamais. C'est aussi
simple que ça. Puis il y a...
M. Trudel: Une des caractéristiques du mouvement
communautaire, c'est d'être clairvoyant.
Mme Guay: II y a un certain nombre de médecins qui sont
d'accord pour faire le virage, aussi. On ne (es entend pas beaucoup, mais il y
en a qui existent. En particulier la féminisation de la profession,
à l'heure actuelle, va apporter des modifications importantes à
ce niveau-là.
M. Trudel: Je vais quitter ce registre-là en disant... en
étant tout simplement... En tout cas, que l'on évalue ça
comme on veut, le phénomène, il y a, chez cette profession, pour
les médecins, un rattrapage social important à faire. Il y a une
cassure, dans la société québécoise, entre ces
professionnels de la santé et la population qui s'est trop largement
véhiculée. Il y a quelque chose qui ne va pas. Il va falloir
effectivement travailler là-dessus. Il ne faudra pas toujours remettre
à plus tard. Il va falloir lancer cet appel, aussi, à ces
professionnels.
On ne va pas discuter seulement de cela. On va discuter aussi de
financement parce que c'est une commission sur le financement des services de
santé et des services sociaux. Alors, bravo, vous êtes prêts
à marcher sur Ottawa avec le ministre de la Santé et des Services
sociaux pour que le fédéral paie sa part. Ça, c'est
encourageant.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Je l'ai dit au ministre, tantôt: Vous savez,
quand on est contre Ottawa, tout le monde se ligue, il n'y a pas de
problème. Alors, là-dessus, vous dites donc... D'abord, vous avez
fait une lecture assez formelle de la situation au niveau du financement et,
vous l'avez constaté, sur te plan du financement, le Québec fait
sa job comme il faut. L'augmentation des dépenses suit le produit
intérieur brut, le rendement de nos impôts. Tous gouvernements
confondus, on fait les affaires comme il faut. Il faut le répéter
puis il faut voir clair, on est ici, sur le financement, parce qu'il y a un
partenaire majeur qui, lui, ne répond pas au choix que nous avons
fait.
Deuxièmement, vous dites, à la page qui traite de cette
question, la page 15: Cependant, M. le ministre, on va marcher avec vous sur
Ottawa, mais pas pour toutes les raisons que, vous, vous mentionnez. Sur ces
trois-là, on débarque à Hull, avant de protester. Pourquoi
vous débarquez avant sur ces trois, puisque le fédéral,
selon le document, ne nous donnerait pas les moyens de respecter ces trois?
Pourquoi on ne devrait pas donner suite à la demande du ministre dans
laquelle il s'engageait, vous vous en souviendrez, le 7 décembre 1990,
dans le projet de réforme de politique... Le ministre disait, à
la page 88 de son document: Le ministre demandera que la loi
fédérale soit amendée par la C-3, qu'elle soit
amendée. Alors, pourquoi, fondamentalement, êtes-vous contre
ça, vous?
Mme Guay: Bien, ce qu'on en a compris, c'est que le truc
consisterait à faire passer des services de base dans le panier des
services complémentaires et, là, ça ne tombe pas sous la
loi fédérale. Alors, nous, on dit: Non. On vous a dit, tout
à l'heure, qu'on ne voulait pas que soient taxés les services
complémentaires itou. Alors, là-dessus, on n'est pas prêt
à appuyer. On trouve que les normes, entre guillemets,
fédérales sont correctes, on est d'accord avec ça. Le
Québec devrait aller dans cette direction-là aussi. Sauf que pour
aller récupérer l'argent, ça, oui, et...
M. Côté (Charlesbourg): On va se servir du panier
ensemble pour aller chercher de l'argent, mais pas nécessairement pour
enlever des choses du panier.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Guay: C'est ça. C'est uniquement pour cette
question-là, parce que ça nous apparaissait une façon de
contourner la loi, effectivement. Je pense que c'était bien visible pour
tout le monde. Alors...
M. Trudel: C'est votre façon à vous de dire:
L'impôt-services, non, vous ne toucherez pas à ça. Mais
quand vous dites...
Mme David: Non. C'est une façon de dire aussi
qu'indépendamment de ce que sera l'avenir du Québec on s'attend
à ce que, au Québec, l'ensemble des services de santé et
des services sociaux demeure universel et accessible pour tout le monde.
M. Trudel: Que c'est tentant de poser l'autre question! Alors,
vous, vous seriez d'accord avec ça, dans d'éventuels changements
constitutionnels, qu'on constitutionnalise les droits sociaux, une charte des
droits sociaux dans la constitution? Je n'ai pas dit laquelle.
Mme David: Ce n'est pas ce qu'on a dit. Ça ne veut pas
dire qu'on n'est pas d'accord, mais ce n'est pas ça qu'on a dit. On a
simplement dit que, dans le statut actuel comme dans tout autre qui pourrait
peut-être, un jour, éventuellement, advenir, ce sera le peuple
québécois qui en décidera. On ne veut pas toucher à
ce qui constitue pour nous autres un principe très important,
l'universalité des services de santé et
des services sociaux. C'est un message à tout le monde,
ça.
M. Trudel: Toutes les bases. Oui.
Le Président (M. Joly): Allez, Mme Guay.
Mme Guay: Ce qu'on disait aussi, un des arguments, c'était
qu'il faut faire payer les gens parce que la capacité concurrentielle du
Québec au niveau des marchés, etc, va poser problème. Ce
que, nous, on dit à ça, c'est qu'il n'y a pas de solution miracle
demain matin, mais qu'à la mondialisation des marchés devrait
correspondre la mondialisation des programmes sociaux, des conditions de
travail. S'il y a une contribution que le Québec pourrait faire au
niveau international, ce serait effectivement d'être dans les forums
internationaux et de pousser dans ça que la concurrence déloyale
que mènent les pays qui n'ont pas de programmes sociaux, qui n'ont pas
de services de santé et d'éducation accessibles à leur
population, qu'eux autres fassent des pas dans cette direction-là, et
non pas l'inverse.
M. Trudel: Deux autres éléments pour terminer. Je
vais revenir un peu sur le médicalement requis, le panier de services.
Je ne sais pas si vous aviez vu cette suggestion de l'Assocation des
hôpitaux du Québec de revoir l'ensemble des actes en quelque sorte
couverts par la Régie de l'assurance-maladie du Québec et d'en
évaluer l'efficacité et l'efficience. Est-ce que,
médicalement, on peut - c'est une question d'éthique -en arriver
à une évaluation quant à l'efficacité et à
l'efficience d'un certain nombre d'actes et dire: Ces actes-là, compte
tenu de l'évaluation qu'on a faite, on ne les couvre plus par notre
régime de santé et de services sociaux, services assurables au
Québec? Est-ce que vous pensez qu'on peut approcher ça comme
société et qu'on peut en arriver à une définition
et analyser un certain nombre d'actes sur lesquels, à tout le moins, on
peut se poser des questions, au départ, comme profane, sur le
médicalement requis, nécessaire, efficient, efficace?
Mme Roy: Oui. Moi, je travaille dans les centres de santé
pour femmes. C'est clair que les femmes qu'on côtoie, très
souvent, on questionne avec elles les pratiques médicales auxquelles
elles sont soumises ou qu'on leur suggère en leur disant: Est-ce que
c'est pertinent, par exemple, tel type d'intervention? Est-ce que c'est
vraiment le geste médical qui est le plus susceptible d'apporter un
soulagement ou d'améliorer votre état de santé? Oui, il y
a un questionnement à faire, mais pas... Enfin, je pense qu'on revient
toujours à la même balise. À partir de quel point de vue on
va faire ce questionnement-là? Comment l'Association des hôpitaux
va effectuer son analyse de l'efficacité ou de l'efficience des soins
qu'elle donne? À partir de quelle balise, dans quelle perspective elle
va le faire? Là-dessus, nous, on dit: C'est plus...
M. Trudel: Corrigeons tout de suite. L'Association des
hôpitaux ne dit pas qu'elle ferait ça, elle.
Mme Roy: Non, non...
M. Trudel: Elle suggère que, socialement, nous puissions
aborder, d'une certaine façon, cette situation-là.
Mme David: Oui, mais prenons un exemple. Il y a des statistiques
qui disent qu'il y a beaucoup trop de césariennes qui sont
pratiquées au Québec. Ça ne veut pas dire que la
césarienne n'est jamais un acte médicalement requis, bien
entendu. Est-ce qu'on va facturer les femmes pour des césariennes que,
très souvent, elles n'ont pas demandées? Je vais vous dire
franchement qu'au moment où la question se pose elles ne sont souvent
pas en mesure vraiment de décider si, oui ou non, il faut faire une
césarienne. Et là, on va dire: Mais, comme là on n'est pas
sûr et qu'il y en a vraiment trop au Québec et que, dans le fond,
on aurait pu procéder autrement, on va facturer ça.
Évidemment, je sais bien que vous allez dire: Non, ça n'a pas de
sens. Bon. Si vous me trouvez des actes médicaux pour lesquels ça
aurait du sens, on pourrait toujours discuter. Mais ce qui est toujours
compliqué quand on parie de cette question-là, c'est que
l'usager, l'usagère, la personne qui est soumise ou à qui, comme
Michèle disait, on suggère un traitement médical, la
plupart du temps, n'est pas vraiment en mesure, elle, de décider si
vraiment c'est un acte médicalement requis, si vraiment ça va la
rendre en meilleure santé, idem pour les médicaments, d'ailleurs.
C'est pour ça qu'il nous semble que, oui, il y a des choses à
faire, peut-être à deux niveaux. Oui, évidemment, il y a
toute l'éducation qu'on peut faire, que, nous, on fait, que d'autres
font aussi dans la population pour d'autres façons de prendre en charge
son bien-être et sa santé. Il y a aussi là-dedans,
évidemment, toute l'amélioration des conditions de vie. Il
faudrait peut-être se rappeler que ça a un rapport, la
santé et les conditions de vie. Ça, c'est tout le créneau
de la prévention. De l'autre côté, du côté des
producteurs de services, du côté des administrations
d'hôpitaux, évidemment, quelque part, il va falloir qu'il y ait
des gens qui se préoccupent de se poser des questions, à savoir:
Est-ce que tous les gestes qu'on pose, est-ce que tous les équipements
qu'on achète, est-ce que toutes les pratiques médicales sont
vraiment justifiés médicalement et, j'ajouterais, socialement
aussi?
Le Président (M. Joly): Merci, Mme David. M. le
député, en conclusion. (21 h 15)
M. Trudel: La conclusion là-dessus, quant à moi,
justement, ce n'était pas de décider ou de tirer la ligne. Mais
est-ce que vous pensiez qu'on pourrait s'asseoir, au Québec, les
concernés, usagères comme producteurs, et qu'on pourrait trouver
une façon d'examiner ces questions-là et qu'on pourrait
raisonnablement considérer qu'on va en arriver à des conclusions?
Moi, avec l'intelligence de votre discours de ce soir, je suis fermement
convaincu que oui. Merci beaucoup de votre représentation.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le député.
M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): vous remercier, c'est
toujours aussi intéressant que d'échanger. dommage qu'on ait
seulement une heure parce que je pense qu'on pourrait aborder bien d'autres
choses. aux forceps ou aux césariennes, je comprends que l'exemple est
bien choisi. je vous sais assez habiles pour être capables de l'avoir
choisi. on aurait peut-être pu dire: est-ce que, par exemple, coller les
oreilles, c'est médicalement requis?
Mme Guay: Ou les électrochocs?
M. Côté (Charlesbourg): alors, il y a une
série d'exemples comme ça qui méritent très
certainement notre attention et on compte sur vous pour continuer de nous
éclairer sur ce qui est nécessaire. je pense que le message de
fond est clair. juste une petite chose que je ne peux m'empêcher de dire.
puisque vous avez fait état du printemps dernier ou de la fronde du
printemps dernier, ça me reconfirme dans certaines de mes convictions.
je dois vous dire que, au cours de ces épreuves, elles ont
été fortement ébranlées à l'occasion,
à savoir si j'étais le seul dans ce bateau-là ou s'il y
avait bien du monde qui pensait comme moi. ça me console d'entendre
ça ce soir. je pense qu'il y a encore du monde qui pensait comme moi.
merci.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Mesdames,
au nom des membres de cette commission, je vous remercie beaucoup.
J'appellerais maintenant la Fédération des centres
d'action bénévole du Québec. Je leur demanderais, s'il
vous plaît, de bien vouloir s'avancer et de prendre place.
Fédération des centres d'action
bénévole du Québec
Le Président (M. Joly): Mesdames, messieurs, bonsoir. M.
Castonguay, s'il vous plaît, je vous demanderais de bien vouloir
présenter les gens qui vous accompagnent.
M. Castonguay (Gérald): Bonsoir, M. le Président,
M. le ministre, mesdames et messieurs.
À ma droite, France Thériault, administratrice
bénévole à la Fédération et directrice du
Centre d'action bénévole de l'Érable, à
Plessisville. À ma gauche, Maurice Saulnier, notre directeur
général.
Le Président (M. Joly): merci, monsieur. vous avez une
vingtaine de minutes pour nous présenter votre mémoire. par
après, les parlementaires auront le plaisir d'échanger avec vous.
alors, vous avez la parole, m. castonguay.
M. Castonguay: Merci, M. le Président.
Au moment où vous nous écoutez, plus d'un million de
bénévoles oeuvrent pour une cause de leur choix sur tout le
territoire québécois. Ainsi véhiculent-ils des valeurs de
partage, de solidarité et de justice sociale. Ce sont des citoyens et
des citoyennes responsables parmi ceux et celles que l'honorable ministre a
placés au centre de la réforme de la santé et des services
sociaux à titre de décideurs, de consommateurs et de payeurs d'un
des systèmes que nous reconnaissons d'emblée comme l'un des
meilleurs au monde. Des milliers de bénévoles s'unissent pour
agir collectivement, pour être soutenus et pour être
supportés dans leur action. Ainsi, les centres d'action
bénévole naissent et grandissent pour promouvoir l'action
bénévole et offrir quotidiennement des services qui concourent
à la santé et au bien-être des Québécoises et
des Québécois.
Depuis leur fondation, dans nos centres, les bénévoles
sont des partenaires, des acteurs et des décideurs. Ce sont des
maîtres d'oeuvre libres et responsables. Voilà la philosophie qui
rallie 82 de ces centres à la Fédération des centres
d'action bénévole du Québec. En leur nom, nous entendons
préserver les acquis de notre système et vous soumettre des
pistes d'amélioration envisageables et réalistes dont l'impact
contribuerait à un financement équitable à la mesure de
nos moyens.
Nous traversons une crise de civilisation. Partout et au Québec,
elle impose une redéfinition collective et individuelle. Depuis 1980, on
se plaint à tous azimuts de l'absence de projets de
société. On parle de crise de valeurs, de crise
économique. Pape et papesse d'une philosophie que l'on qualifie de
néo-libérale, M. Reagan et Mme Thatcher ont eu leurs disciples au
Québec et au Canada. On parle de certaines coupures à Ottawa. Il
y a Michel Duquette qui, dans Le Devoir, en janvier 1992, en dresse un
portrait qui est savoureux et vous me permettrez de lire cette courte citation.
«Le système d'éducation retourne à
l'élitis-me, quand il ne se défait pas tout bonnement, comme dans
maintes régions des États-Unis. Le décrochage s'accentue
à tous les âges. Le niveau culturel en souffre. Un million
d'emplois au Canada ne trouvent pas preneurs faute de qualifications
suffisantes. La violence urbaine
s'accroît sans commune mesure avec tout ce qu'on a connu, à
l'exception des années vingt et de la dépression. Curieux
rapprochement. Les lois du marché vont-elles régler
spontanément ce problème? - M. Duquette en doute - II n'est pas
rose, le bilan du modèle néo-libéral en Amérique du
Nord. Si rien n'est fait, il y aura de plus en plus un système à
deux vitesses où le secteur de haute technologie nourrira une
microsociété mieux nantie aux horizons internationaux, tandis que
le gros de la population vivotera dans le sous-emploi, survivant de petits
contrats et retournant aux formes anciennes d'entraide qui
caractérisaient la société rurale. Choisissez votre
camp!»
Nous l'avons choisi. Celui d'un développement durable, nourri par
les valeurs dont nous parlions tout à l'heure, de justice, d'entraide et
de solidarité sociale. Menacée, la qualité de vie devient
une telle préoccupation pour nous qu'elle s'inscrit au titre de nos
valeurs. Puisque des brèches importantes, et vous en avez parlé,
ont déjà été pratiquées dans le
système de sécurité sociale, nous clamons: Assez, c'est
assez! On a déjà suffisamment attaqué
l'universalité et l'accessibilité de l'ensemble de ce qui
caractérisait le mieux notre société. Il nous faut faire
appel à notre imagination, à notre créativité et
à notre bon sens. Il nous faut «prioriser» la protection et
l'amélioration de notre système de santé et de services
sociaux. Nous appuyons M. Norbert Rodrigue qui était cité dans la
revue de la conférence des CRSSS: «Lâcher ce
morceau-là, c'est l'équivalent d'un suicide collectif pour les
Québécois!»
Nous regrettons l'absence d'une politique de santé et de
bien-être. Ainsi, considérant la philosophie et les principes
inscrits dans le livre blanc sur la réforme, l'insécurité
des citoyens et des citoyennes face au maintien des acquis de leur
système, nous demandons au gouvernement du Québec de surseoir
à toute décision sur le mode de financement jusqu'à la
présentation de ladite politique. Une telle politique s'oriente à
partir de nos valeurs sociétales.
Notre gouvernement manifeste régulièrement sa
volonté de soutenir le développement régional. Un fait
demeure cependant: l'exode des populations vers les grands centres,
particulièrement vers la région de Montréal. Plusieurs
spécialistes, dont nos amis du Conseil des affaires sociales aussi,
considèrent cette concentration et le sous-développement
régional comme des facteurs d'appauvrissement, de pauvreté et de
détérioration du tissu social. Et pourtant, à la grandeur
du Québec, des organismes bénévoles et communautaires
arrivent malgré tout à répondre à un certain nombre
de besoins.
Il existe aussi un réseau de plus de 150 CLSC dont les
administratrices et les administrateurs ont fermement accepté de devenir
la porte d'entrée de notre système. Une inconnue demeure encore.
On la partage avec nos amis de la Table des organismes communautaires et
bénévoles, la répartition des effectifs médicaux
sur notre vaste territoire. Le passé invite à la vigilance. Le
pouvoir des corporations médicales dépasse-t-il celui du
gouvernement? Les médecins doivent, selon nous, être
rappelés à l'ordre. Le système de la santé et des
services sociaux ne leur appartient pas, il les fait vivre. Il est temps, dans
ce processus de réflexion, d'ouvrir le débat sur la place
réelle des médecins dans nos structures. Ceux-ci n'ont pas
à bénéficier d'avantages spéciaux au
détriment des autres secteurs du système et, surtout, de ceux qui
ont le droit de recevoir les soins et les services pour lesquels ils
paient.
La régionalisation dans presque tous les secteurs
d'activité doit être orientée vers des dynamiques qui
favorisent l'enracinement des communautés de base, tout comme la
santé et les services sociaux. Afin de réussir cette vaste
régionalisation, le gouvernement devrait imposer un cadre strict
à l'ensemble de la profession médicale en termes de
répartition des effectifs, afin de garantir l'accessibilité dans
toutes les régions. C'est là un principe non
négociable.
Vous aviez Galarneau, personnage central de
«L'héritage» de Victor-Lévy Beaulieu, qui avait comme
principe que, lorsqu'on veut être logique, il faut l'être jusqu'au
bout. Le bénévolat est une affaire de tête, mais encore
plus une affaire de coeur et de tripes. On abordera donc quand même la
notion de services et de fiscalisation, malgré l'absence d'une politique
de santé et de bien-être.
Tous les spécialistes reconnaissent, M. te ministre, le
bien-fondé du chapitre I de votre document. D'ailleurs, un bon nombre de
constats rejoignent les résultats de l'étude commandée au
Groupe de recherche interdisciplinaire en santé par la
Fédération des CLSC du Québec, l'automne dernier. Le
document s'appelle, et vous l'avez sûrement consulté,
«Évolution et projections des dépenses sociosanitaires au
Québec». Mais je voudrais rappeler deux éléments
plus résumés de cette étude. Les dépenses totales
de santé au Québec n'ont, à toutes fins pratiques, pas
augmenté depuis la mise en place du système actuel en 1971. Par
rapport aux autres secteurs de l'économie québécoise, le
secteur de la santé est en déclin depuis 1983. On peut y lire un
peu plus loin qu'en période d'austérité il devient
nécessaire d'allouer les ressources actuellement disponibles dans le
système de façon à améliorer celui-ci. Il nous
apparaît que le rapport Barclay, publié en Angleterre dans les
années quatre-vingt, a inspiré et inspire toujours quelques
intervenants de la santé et des services sociaux. D'après ce
rapport, l'approche communautaire vient après celle de
l'État-providence. Chez nous, notre approche globale a bien de la
difficulté à choisir dans un panier de services qui nous rappelle
un certain État-Provigo. Mais, tantôt, j'ai changé
d'idée, je pense qu'on va faire un
État-Métro-Richelieu pour aller à Ottawa avec le
panier, en autant qu'il ne soit pas percé. C'est pourquoi la
Fédération se sent piégée par cette notion et ces
catégorisations qui ouvrent toute grande la porte à la
privatisation d'une grande partie de notre système. Notre prise de
position fondamentale, je la répète, c'est de préserver
nos acquis sociaux. Or, considérant l'interrelation indissociable de
l'une et l'autre des catégories proposées, nous trouvons
inappropriée la distinction imposée entre services de base et
services complémentaires. D'ailleurs, ne reconnaissez-vous pas que
l'actuelle définition en usage est simple, très
opérationnelle et qu'elle permet une gestion peu coûteuse?
La transparence et la visibilité des dépenses et des
besoins auxquels il faut répondre ne doivent pas être uniquement
une affaire de coûts, mais aussi de répartition équitable
des responsabilités et des obligations chez les différents
acteurs du système. La Fédération des centres d'action
bénévole est d'avis qu'il doit être établi dans les
discussions constitutionnelles actuelles - je pense qu'on va vous faire plaisir
encore une fois - que la santé et les services sociaux sont strictement
de juridiction québécoise. Le gouvernement pourrait donc en
même temps en profiter pour intervenir et modifier en conséquence
le système de fiscalisation. C'est là, pour nous, un acte de
cohérence avec la volonté de rapprocher le pouvoir
décisionnel du citoyen. De plus, nous nous attendons à un mode de
financement transparent qui partage les risques entre nous tous. Les sources de
financement doivent être clairement identifiées à ces fins.
C'est là un choix juste, équitable et réalisable. C'est
par une répartition équitable des effectifs et des services
correspondants, par une gestion où les contrôles sont davantage
mis là où, actuellement, cela coûte le plus cher que nous
atteindrons vos objectifs ensemble.
Le Président (M. Joly): En conclusion, s'il vous
plaît, M. Castonguay.
M. Castonguay: Or, investir, pour nous, c'est regarder autour de
soi ce qui va bien et, donc, soutenir les initiatives originant des
communautés et des groupes qui dispensent des services hautement
qualifies. Puisque vous me permettez d'aller à la conclusion, je vais y
aller tout de suite. Notre document était trop volumineux. Je pense
qu'on n'a pas tout à fait les 20 minutes.
Le Président (M. Joly): Vous avez encore quelques
minutes.
M. Castonguay: S'il vous plaît. Donc, notre offre de
services. Dans l'analyse gouvernementale, un élément n'a pas
été tenu en compte. Pourtant, à lui seul, il
représente des millions de dollars investis par des individus qui vivent
la responsabilisation d'une façon bien particulière, le
bénévolat. Qualifié de chiendent de notre
société par Jacques Grand'Maison, qualifié aussi de
creuset de cette société par Claude Béland, tellement sa
vitalité étonne et aussi pour signifier son caractère
novateur et culturel, le bénévolat arrive encore à mettre
un baume pacificateur sur nos diverses crises sociales et économiques.
(21 h 30)
Encore une fois, nous ferons, durant la prochaine Semaine de l'action
bénévole, l'exercice de comptabiliser le nombre d'heures
consacrées dans les domaines de la santé et des services sociaux.
Au moins 200 000 personnes favorisent l'efficience, l'efficacité et la
qualité de ce réseau. Leur disponibilité, leurs
idées et leur créativité donnent un vrai sens au mot
«gratuité».
Pourquoi cette responsabilisation n'est-elle pas nommée et
reconnue? Jusqu'à quand les bénévoles impliqués
dans les diverses fondations des hôpitaux ainsi que pour de multiples
causes pourront-ils faire vibrer la corde sensible de ces mêmes citoyens
ordinaires qui contribuent à 84 % des sommes recueillies lors des
levées de fonds? La démobilisation est à éviter. Il
est primordial d'instaurer des mesures pour faciliter l'action
bénévole. Quoique remarquable, l'analyse gouvernementale laisse
dans le vide la contribution du bénévolat. Promotrice de l'action
bénévole depuis 20 ans, il aurait été inconvenant
que la Fédération ne mette pas sur la place publique ce volet
caché de la responsabilisation. Mais gare au harnachement indu de cette
force vive de notre société.
Donc, au nom de ces citoyens, de ces citoyennes, nous vous demandons un
financement équitable pour le maintien et l'amélioration de ce
système vital, et nous sommes prêts à y contribuer.
Le Président (M. Joly): Merci, M. Castonguay. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Une petite information, au départ. Évidemment,
le mémoire du GRIS, qui a fait l'objet de votre attention dans le
mémoire, et même fait l'objet de références, fera
certainement l'objet d'échanges très intéressants vendredi
lors de leur passage ici. Je pense qu'il y aura une mise à
l'épreuve assez importante sur l'affirmation qu'il n'y a pas eu
d'augmentation de budget dans le secteur de la santé et des services
sociaux depuis 1971. Je ferme la parenthèse, et on verra par la suite
comment on conclut tout cela. Ça me paraît gros comme affirmation,
donc on va tenter - pas parce qu'on veut nécessairement faire la
démonstration qu'il y en a eu; on n'en mettra pas plus qu'il n'y en a eu
- très certainement de faire cette démonstration-là
vendredi matin.
Juste une petite chose, parce qu'il y a une certaine originalité
sur un point en particulier que vous avez, celui de consulter la population, et
ça, ça touche un peu mes deux responsabilités et c'est
pour ça que je veux en traiter très rapidement au départ.
Ce que vous dites, c'est que, sur le plan de la fiscalité ou du
financement du réseau, ça pourrait faire l'objet,
éventuellement, d'une question dans un référendum ou au
moment d'une élection. C'est ce que vous dites. J'aimerais ça
vous entendre un petit peu plus. Est-ce que ça pourrait, par exemple,
aller jusqu'à une question de ce type-là: «Est-ce que vous
êtes pour ou contre un ticket modérateur?»
M. Castonguay: Ce qui est proposé... J'ai
obtempéré à l'invitation de M. le Président, j'ai
donc tassé ce chapitre. Effectivement, on vous sait à la fois
ministre de la Santé et des Services sociaux et ministre responsable de
la Réforme électorale. On en a profité pour vous faire une
suggestion parce que, souvent, on fait appel à des sondages et on a
comme préjugé que le meilleur des sondages, c'est l'expression de
la volonté populaire.
Ce qu'on vous invite à faire, c'est une forme d'élection
à l'américaine où on vote pour nos représentants
et, en même temps, on peut se prononcer sur un certain nombre de
questions. Par exemple, on pourrait poser la question. «Êtes-vous
pour ou contre une caisse-santé?» Nous, a priori, on vous appuie
là-dedans. Ça pourrait aller jusque-là. Des tickets
modérateurs ou de toute autre sorte... Je serais très heureux que
vous alliez jusque-là, a priori. Mais je pense qu'il y a un consensus
qui se dégage de nos groupes, des gens qu'on rencontre depuis, vers la
caisse-santé, c'est-à-dire vraiment l'identification de la source
du financement à son objet, la santé et les services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): Je pense que la question de
caisse-santé est un peu plus générale et vise finalement
à informer les gens, aussi, pour que ce soit très transparent.
Mais, quand j'ajoutais le ticket modérateur, tous les sondages font la
démonstration que plus ou moins 70 % des gens sont prêts à
dire oui à un ticket modérateur. Les sondages sont assez clairs
là-dessus. La difficulté que nous aurions... Comment?
M. Trudel: Je veux voir la question, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais c'est assez clair,
et posé par à peu près toutes les firmes de sondage.
Le danger de tout ça, évidemment, il faut en être
bien conscients, c'est qu'à partir du moment où vous allez dans
une question comme celle-là et à laquelle il est répondu
majoritairement et que vous l'appliquez, vous n'avez pas pour autant
réglé vos problèmes de démunis par rapport au
ticket modérateur parce que, pour la plupart d'entre eux, appliquer un
ticket modérateur, c'est bien sûr l'appliquer à celui qui
est sur l'aide sociale aussi et qui va consommer des services et, pour beaucoup
d'entre eux qui répondent, ils trouvent que les gens sur l'aide sociale
abusent de la consommation. Il y a aussi ces dangers-là. Mais
évidemment, après ton exercice démocratique, tu es poigne
avec ton résultat aussi.
M. Castonguay: Ce qui arrive parfois avec des élus. Mme
Thériault aimerait vous répondre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Castonguay: Je n'ai pas parlé de couleur.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): II pensait à Ottawa.
Il ne parlait pas d'ici. Il pensait à Ottawa. C'est le danger,
aussi.
Le Président (M. Joly): Mme Thériault.
Mme Thériault (France): M. le ministre, moi, ce que
j'aimerais souligner, c'est que, naturellement, dans le temps qui nous
était accordé on n'a pas eu le temps, par exemple, d'aborder
trois grand volets qui sont dans le mémoire, soit l'information, la
prévention et la formation.
Par rapport à la question que vous soulevez face au ticket
modérateur, il y a des préalables avant de pouvoir poser
certaines questions aux citoyens et citoyennes; entre autres et
fondamentalement, c'est celui de l'information. Dans notre mémoire, on
donne comme exemple très frappant le citoyen qui, par exemple, surtout
et davantage en milieu semi-urbain et urbain, ne sait pas qu'il a un CLSC
à côté de chez lui. Comment pensez-vous qu'il puisse
répondre à la question? Alors, je pense que, fondamentalement, il
y a comme un niveau d'information qui ne se rend pas. Les moyens devraient
peut-être être révisés, mais je pense que la question
devrait être beaucoup plus globale que sur un aspect du système de
santé et services sociaux comme le ticket. Il faut que ce soit une
question beaucoup plus générale, comme M. Castonguay le
disait.
Sur le principe de l'information, en tout cas, dans le travail que je
fais avec les bénévoles, il y a un fait constant qui nous
revient: les citoyens et citoyennes ne sont pas informés. Comme par
exemple demander un transfert de dossier, est-ce que je peux ou est-ce que je
ne peux pas? Est-ce que je peux faire telle et telle affaire? Les citoyens et
citoyennes ne savent pas. Les CLSC, dans ce sens-la, ont un immense travail
à faire. Alors, avant de poser des questions comme celle-ci dans un
processus électoral
aux citoyens et citoyennes, il faut trouver des mécanismes pour
atteindre toutes les couches de la population.
M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, dans la
mesure où il y a un exercice comme celui-là, les parties en cause
qui vont être pour ou contre les réponses à la question
vont elles aussi informer la population sur les conséquences de tout
ça. Je ne veux pas qu'on perde plus de temps que ça. Je trouve
l'idée intéressante et j'imagine qu'il y a probablement d'autres
ministères qui seraient bien heureux de s'accrocher à un
mécanisme comme celui-là aussi, pour un certain nombre d'autres
questions.
Mme Thériault: Ce serait une grande annexion.
M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est
qu'on dit: les grands principes, universalité, accessibilité, ne
touchez pas à ça. C'est clair. Ça nous a bien servi comme
système. Ça fait partie des normes canadiennes. Ne touchez pas
à ça. Je comprends ça, j'en partage un maudit bout de
chemin là-dessus.
Là où je suis un peu plus mal à l'aise avec votre
logique - puis, évidemment, c'était la même chose avec le
groupe précédent - c'est lorsqu'on parle de révision du
panier de services. Vous dites que c'est aussi sacré que les principes
d'universalité et d'accessibilité. Là, j'ai un petit peu
plus de misère à suivre pour la simple et bonne raison que la
révision du panier de services, elle peut questionner des techniques,
elle peut questionner des façons de faire, elle peut questionner, par
exemple, l'utilité de certains médicaments. Quand on parle d'un
panier de services, il me semble bien qu'il y a là des choses qu'on doit
questionner.
On a vu avec le Conseil d'évaluation des technologies de la
santé 11 dossiers qui ont été analysés, bien
scrutés, pas contestables par les intervenants, par exemple au niveau
des mammographies. Et on se rend compte qu'il s'en fait un paquet et qu'elles
ne sont pas utiles. Donc, à partir de ce moment-là, il y a des
indications quant à l'utilisation. Il y a donc, d'une certaine
manière, que ce soit au niveau de l'utilisation des technologies, de
l'utilisation de certains médicaments... On ne se le cachera pas, il y a
des médicaments, aujourd'hui, vous les prenez, au bout de 15 jours ou 20
jours, ça n'a plus d'effet, mais il y a encore du monde pour vous en
prescrire pendant deux ans.
Et, d'autre part, d'autres éléments me paraissent
être fondamentaux sur le plan du questionnement. Et je regroupe, je fais
toute ma logique. Si on a un panier puis qu'on veut y entrer des
phénomènes nouveaux comme le sida, par exemple - et Dieu sait que
vous en savez quelque chose - ou la violence familiale, donc des nouveaux
phénomènes qui nous interpellent sur le plan financier, si on
veut en mettre d'autres dans le panier il va bien falloir, à un moment
donné, qu'il y ait une certaine épuration de ce qu'il y a dans le
panier et qui est moins efficient, moins efficace. alors, tout ça pour
vous dire que, sur les grands principes, je vous suis. mais quand il s'agit
d'une question de révision du panier de services et que vous dites non -
ce non, ce n'est pas un petit non, c'est un non assez catégorique, merci
- j'ai de la misère à vous suivre un petit peu et j'aimerais
avoir plus d'explications.
M. Castonguay: M. le Président, est-ce que vous me
permettez d'inviter M. Saulnier à répondre à cette
question?
Le Président (M. Joly): M. Saulnier.
M. Saulnier (Maurice): Moi, je trouve que ce n'est pas facile de
répondre à cette question. Je pense d'ailleurs que, au
départ, c'est un cheminement qui est très cher à votre
démarche, M. Côté, de faire cette division-là:
services complémentaires par rapport aux services de base.
Évidemment, les gens qui se ramassent dans les hôpitaux puis qui
doivent nécessairement manger et ouvrir des dossiers et le reste, ils ne
s'en vont pas, c'est bien sûr, à l'hôtel; ils s'en vont dans
les hôpitaux parce qu'ils sont obligés, parce qu'ils sont malades.
C'est une conséquence qu'il y ait à côté de
ça, évidemment, des services qui sont secondaires.
C'est peut-être pousser un petit peu fort, ce que je vais dire.
Des fois, je me dis: Les gens qui sont condamnés à la prison, on
les y envoie pour les empêcher de nuire à la
société. Je pense bien qu'il ne serait jamais question de penser
à les faire payer de la pension et des choses semblables, mais ils sont
forcés d'y aller. Et je le dis au niveau d'être forcés.
Quand quelqu'un est hospitalisé, il est forcé d'y aller, il n'a
pas bien bien le choix; ce n'est pas parce qu'il veut se nourrir aux frais de
l'État. C'est un petit peu dans ce sens-là.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais je pousse tout
ça plus loin. Parce que...
M. Saulnier: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): ...quant à être
inéquitable, je vais vous mettre dans la balance. Comment vous
sentez-vous? Les personnes âgées qui sont en centre d'accueil
d'hébergement, là, hébergement de longue durée,
elles non plus n'ont pas trop trop le choix, d'après ce que j'ai
compris. Elles requièrent au minimum deux heures et demie de soins par
jour par personne. Elles se retrouvent dans des lits de centres d'accueil
d'hébergement puis ça a l'air socialement acceptable qu'elles
paient 1000 $ par mois. Il me
semble bien qu'il y a une certaine incohérence là aussi.
Comment vivez-vous avec ça?
M. Saulnier: Comme est un petit peu socialement acceptable le
gros pourcentage de la population qui fait appel aux médecines douces et
qui n'utilise pas la carte de santé. Alors, c'est acceptable. Ils ne
paient pas. C'est une phénomène, en fait, qui fait partie du
cheminement de la société.
M. Côté (Charlesbourg): Je ne veux pas qu'on se
perde, là.
M. Saulnier: Non?
M. Côté (Charlesbourg): Je ne veux pas qu'on se
perde. Ma question est bien précise. Parce qu'évidemment, quand
vous parliez du panier de services, vous avez parlé des frais
d'hôtellerie et de repas; je comprends parce qu'on en parle, dedans.
M. Saulnier: Oui.
M. Côté (Charlesbourg): Bon. C'est pour ça
que j'ai voulu tenter de continuer de suivre cette piste-là. Vous me
dites: Quelqu'un qui va à l'hôpital, il ne choisit pas d'aller
à l'hôpital. S'il avait le choix, il resterait probablement chez
lui et il choisirait de ne pas être malade. Mais à partir du
moment où il y va, à ce moment-là, on voudrait exiger de
lui qu'il paie les repas ou qu'il paie l'hôtellerie. Vous dites
là-dessus: Ce n'est pas acceptable. C'est pour ça que, moi, je
traverse, je dis: Nos personnes âgées qui, elles, se retrouvent
dans des lits de centres d'accueil d'hébergement, aux soins hospitaliers
de longue durée, paient au minimum 1001 $ par mois actuellement pour
être hébergées en centre d'accueil d'hébergement,
qui visent à couvrir les repas et l'hébergement; et ça,
ça semble socialement acceptable au Québec. Alors, pourquoi
ça ne le serait pas pour les gens qui vont dans un centre hospitalier
pour une période de cinq jours, six jours, sept jours, huit jours?
Pourquoi? Est-ce qu'on n'est pas un peu inéquitables vis-à-vis
nos personnes âgées? Évidemment, si on dit qu'on
récupère ça aux frais de l'État, on va avoir une
petite facture additionnelle à payer.
M. Castonguay: M. le Président, Mme Thériault
aimerait répondre.
Mme Thériault: Je vais tenter, mais c'est vraiment une
tentative, là, parce que, bon, il me passe plein d'idées en
même temps dans la tête. Entre autres, par exemple, le pourcentage
des personnes âgées en hébergement actuellement au
Québec. Il y a quelques années, ça représentait de
5 % à 6 % de la population des aînés. Aujourd'hui, on peut
peut-être penser ou on s'en va peut-être vers un 8 %, 9 % ou 10 %.
Ça, c'est une affaire. (21 h 45)
Tantôt, les représentantes de la Table des organismes
communautaires et bénévoles ont aussi... Je pense qu'on s'entend
tous ensemble. C'est plutôt dans l'approche qu'il faut modifier des
choses, au niveau des attitudes et des comportements. Dans l'analyse de votre
document, c'est souligné que le citoyen, somme toute, se comporte comme
un bon citoyen consommateur. Somme toute! Alors, ça, c'est des acquis
sur lesquels il faut travailler. Sûrement, aujourd'hui, ça a
été mentionné à plusieurs reprises: la notion de
prévention, de formation, d'information est fondamentale pour continuer
d'améliorer les attitudes et comportements. Et je pense que c'est par ce
biais-là qu'on va finir par arriver à quelque chose.
Peut-être pas à diminuer des coûts mais peut-être au
moins à ne pas aller vers une hausse. C'est certain que les changements
ne sont pas immédiats à court terme, c'est du moyen et du long
terme. Bon, voilà 20 ans, on s'est donné un système. On le
juge quand même assez satisfaisant, toutes proportions gardées.
Alors, moi, la notion de panier de services, je crains énormément
qu'on commence à la compartimenter. Et je comprends ce que vous
soulignez quand vous dites: Bon, il y a des nouvelles problématiques, il
faudrait peut-être en tasser d'autres.
Et tantôt, vous avez abordé avec l'autre groupe la question
des soins esthétiques, et tout ça, qui pouvaient être des
choses qu'on pourrait requestionner. Moi, je pense que, oui, ça peut
être requestionné mais les effectifs médicaux, dans ce
sens-là, de par toute la gamme de services qu'ils offrent, sont-ils
questionnés, eux? Et est-ce que c'est les citoyens qui doivent
être questionnés? Moi, en tout cas, ça me pose beaucoup de
questions. Sont-ils questionnés? Je pense qu'il y a de l'argent,
là. Et on l'a dit, le système les fait vivre et très bien
vivre. On ne les plaint pas.
Le Président (M. Joly): Merci, madame. Brièvement,
M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, très
brièvement. Je pense que, de plus en plus, on les questionne. La
mammographie en est un exemple. Les études que fait le CETS vont
directement dans ce sens-là. C'est pour ça que, à un
moment donné, il faut interpeller; ça fart partie du panier.
Je comprends ce que vous dites. C'est que si le geste n'est pas
posé par un médecin...
Mme Thériault: Et voilà!
M. Côté (Charlesbourg): ...l'usager, le
bénéficiaire, forcément, lui, il ne l'a pas.
Mme Thériault: C'est ça!
M. Côté (Charlesbourg): Je comprends ce
bout-là mais il faut aussi interpeller le panier, là, sur
certains aspects.
Mme Thériault: Oui.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue, s'il vous
plaît.
M. Trudel: Merci beaucoup, M. le Président. Eh bien!
Recevoir des bénévoles en commission parlementaire, c'est
quasiment dire «bienvenue parmi nous», ou presque, à cette
heure-là, au nombre d'heures qu'on a passées.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas
nécessairement ce que la population pense.
M. Trudel: Et on reconnaît tous que vous êtes
partout, comme je le disais aux gens du communautaire tantôt. Dans
chacune de nos régions du Québec, on partage toujours. Quand on
arrive au bout de la ligne, là, et qu'on est mal pris, le vendredi soir,
à 18 h 30, dans le comté, M. le ministre, qui nous
dépanne? À 18 h 30, le vendredi soir, c'est des groupes
bénévoles qu'on peut appeler parce qu'on dit: II y a quelqu'un
qui est en détresse. Et nous-mêmes, comme députés,
on est rendus au bout, on n'est même plus capables de faire ouvrir une
porte d'institution; c'est les bénévoles, c'est les gens du
communautaire. Alors, chapeau bien bas.
Et également pour une bonne présentation qui... On ne peut
pas s'attendre, je pense, que du côté des organismes
communautaires, avec les petites équipes que vous avez, vous ayez une
immense mémoire pour tout chiffrer, balancer, des économistes;
mais vous avez des principes fondamentaux. Et ça, on retrouve ça
dans votre mémoire.
Une première question. Vous dites au gouvernement du
Québec: Voulez-vous surseoir à toute décision sur le mode
de financement jusqu'à la présentation d'une politique de
santé et de bien-être? Disons que j'ai eu de légères
obstinations avec le ministre là-dessus, sur la façon de
procéder quant au sens des choses. Pourquoi devrait-on attendre
ça, une politique de santé et de bien-être et retarder
encore la question du financement?
M. Castonguay: Je voudrais revenir à un premier point
avant celui-là. Vous dites que vous nous connaissez, vous connaissez les
organismes bénévoles, vous connaissez les centres d'action
bénévole, vous nous connaissez par les services.
M. Trudel: Oui, tout à fait.
M. Castonguay: II y a un élément, aussi, qu'on veut
amener ici, c'est l'élément «promotion de l'action
bénévole», et je voudrais partager avec vous une grande
inquiétude que j'ai. Ça m'est vraiment remonté quand j'ai
eu le plaisir d'assister à une soutenance de thèse de doctorat;
c'est la première fois que je vivais ça dans ma vie.
C'était sur la motivation des présidents d'associations. Et
là-dedans, Roméo Malenfant, qui est assez bien connu dans le
milieu - c'est celui qui présentait sa thèse - démontrait
comment c'est entre 35, 45 et 55 ans, en ce moment, que les gens peuvent
être ciblés pour faire de l'action bénévole.
Dans nos centres, en ce moment, ce sont surtout des personnes du
troisième âge qui viennent aider beaucoup des gens du
quatrième âge. Disons qu'il y a une courbe assez importante. Ma
crainte, c'est que les gens vieillissant, en ce moment, ne reconnaissent plus
l'action bénévole comme quelque chose d'intéressant
à cause de l'alourdissement des clientèles qu'on vit, des
difficultés financières qu'on vit. On est de plus en plus,
justement, pris à 18 h 30, pris des samedis et des dimanches pour
éteindre des feux. Et ça, je voulais le souligner ici ce soir.
France veut répondre à votre deuxième question.
Mme Thériault: Bon! Par rapport à la politique de
santé et bien-être, pourquoi on y tient tant avant des
modifications du financement du système de santé et des services
sociaux, c'est tout simplement en termes d'une certaine logique, d'une certaine
cohérence, parce que la régionalisation, actuellement, est en
processus d'implantation. On peut pondérer les résultats, on peut
avoir un idéal, mais je pense qu'il faut pondérer les
résultats parce qu'on peut imaginer des choses et la
réalité peut être autre. Ça, c'est une dynamique
dont encore beaucoup d'inconnues sont devant nous.
Et si, d'autre part, on modifie le financement du système de
santé et des services sociaux et que, par après, on arrive avec
une politique de santé et de bien-être qui vient rejouer dans
certains aspects de la loi 120, mettons, ou encore directement dans le
financement du système de santé et des services sociaux, on est
donc obligés de reprendre tous nos devoirs.
Alors, nous, on se dit: il y en a un, problème de financement.
Sauvons des sous. Procédons par rapport à la politique de
santé et de bien-être en parallèle avec
l'intégration de tout le processus de la régionalisation - qui va
être un gros morceau, qui va demander énormément
d'énergie - et une fois qu'on aura une vue d'ensemble, une fois qu'on
aura les éléments de tout ce système-là, on va
être beaucoup plus à point pour poser certains diagnostics et
dire: Bien, ça, on le choisit et ça on le rejette, etc. C'est une
question de logique et de cohérence, tout simplement, je pense. Et aussi
parce que ça nous a été promis depuis fort longtemps.
M. Trudel: Que ces choses sont donc bien dites, que ces choses
sont donc bien dites!
Mme Thériault: Je vous remercie.
M. Trudel: Je vous souhaite d'être écoutée.
Ça fait à peu près 20 fois que je le dis. Moi, je ne le
suis pas.
M. Côté (Charlesbourg): Vous avez été
entendu.
M. Trudel: Deuxième...
Mme Thériault: J'ai senti le regard de M.
Côté, d'ailleurs.
M. Trudel: Moi, j'ai bien noté. Je vais voir la
réponse, là, qui est supposée venir bientôt, et
là je vais voir comment avoir de l'influence quelque part. Il y a
peut-être un angle, quelque chose qu'il faut découvrir.
Rapidement, parce que l'heure file, messieurs, madame. Sur le panier de
services, je voudrais poursuivre un peu la discussion qu'il y avait
tantôt et essayer de voir les choses assez clairement. Est-ce que vous
nous dites: Oui, on peut revoir au Québec le panier de services
assurés, mais à partir du critère du
«médicalement requis»? Je trouve bon l'exemple du ministre:
les oreilles décollées. Est-ce que, pour vous autres, c'est
aussi, ça, acceptable qu'on puisse, à partir du critère,
je le répète, du «médicalement requis»
réévaluer le panier de services?
J'ai compris très bien M. le directeur général sur
l'autre partie. Ça nous semble évident qu'il ne faut pas toucher
à ça parce que c'est une entourloupette, cette
histoire-là. Sur le «médicalement requis», est-ce
qu'on peut réviser le panier de services? Est-ce qu'on peut, comme
société, envisager cela?
Mme Thériault: Comme je vous le dis, on n'a pas eu trois,
quatre mois pour évaluer tous les aspects de la question qui nous ont
été soumis. On n'a pas non plus, dans un organisme
bénévole, la pléiade de spécialistes pour nous
conseiller. Nous y allons avec notre meilleur jugement. Comme nous avons dit
tantôt à M. Côté, c'est difficile de dire «On
tasse» ou «On garde» ou pas. Je pense que c'est l'angle que
l'autre groupe a abordé tantôt en disant: Essayons de trouver une
nouvelle façon, peut-être, d'aborder la question. Nous, on n'en
veut pas de compartimentation entre services de base et services
complémentaires. Notre position est claire là-dessus. Par contre,
il faut aussi penser à questionner les effectifs médicaux, comme
on l'a dit tantôt. Je pense que M. Castonguay aussi a des choses à
rajouter.
Le Président (M. Joly): M. Castonguay.
M. Castonguay: Quand on a étudié l'annexe 5 avec ce
qu'on... On n'est pas des spécialistes, comme elle vient de le dire, et
on voit la notion de services qui est là comme... Bon! Par
«médicalement requis», ce qu'on entend - et c'est là
où on fait confiance, encore, aux médecins - c'est ce qui se
passe dans la relation privilégiée du médecin avec son
client. Or, dans ce sens-là, la définition qui... dans la loi,
c'est 3... On est, comme le dit un petit peu plus loin le document, en accord
avec elle puisqu'elle est simple, très opérationnelle et qu'elle
permet une gestion coûteuse. Où on se pose des questions, c'est
dans l'élément «prospective». On dit, dans ce qui est
suggéré comme prospective, qu'il y a des éléments,
des inconnues qu'on trouve insécurisants et qu'on ne trouve pas tout
à fait clairs pour nous. Peut-être qu'on n'avait pas les bonnes
lunettes pour le lire, peut-être qu'on l'a mal compris, mais on trouve
ça dangereux d'ouvrir la porte là-dessus parce que, pour nous,
à court terme, ça pourrait vouloir dire la privatisation d'une
partie importante du système. C'est là notre crainte.
M. Trudel: Malheureusement, il faut encore aller rapidement. Il y
a aussi dans votre mémoire, comme pour l'autre groupe auparavant, une
phrase lapidaire pour ce qui est de ta profession médicale: «Les
médecins doivent être rappelés à l'ordre».
Moi, j'ai une question bien simple et je pense que vous pourriez
peut-être me répondre de façon aussi simple. Est-ce que
vous pensez qu'il y a encore des espoirs au Québec de ce que
j'appellerais se «resolidariser» avec ta profession
médicale? Il y a, d'évidence, des problèmes. Cette phrase,
dans le mémoire des mouvements communautaires et cette phrase ici, elles
reflètent des réalités que nous entendons. Est-ce que vous
pensez qu'on peut rebâtir, je dirais, une véritable
solidarité avec des Québécois et des
Québécoises qui sont professionnellement des médecins et
qui sont des intervenants importants dans notre système?
M. Castonguay: Je ne voudrais pas répéter ce qui a
été dit par Mme David et Mme Guay mais je pense qu'on soutient
ça. Il y a toute une démarche de changement dans la formation des
médecins eux-mêmes. Ce qui nous amène à être
aussi sévères... On se rappelle, en tout cas, qu'on était
là en août, et qu'on est resté avec une certaine amertume
là-dessus. C'est vrai qu'il va falloir se réconcilier avec les
médecins.
D'ailleurs, je sais que dans la région de Joliette il y a un
président de fédération qui est très près du
centre d'action bénévole. On le respecte beaucoup. Mais, à
la page 69 de votre document, vous parlez d'allouer les ressources en fonction
des besoins des populations à desservir et de la performance des
établissements. En regard des besoins des régions et des
établissements, les objectifs sont précis, ils sont mesura-
blés. Je ne sais pas s'ils vont être motivants pour nous
autres.
Quand on arrive aux médecins, on dit: D'ici deux ans, les
médecins devront soumettre un plan permettant d'améliorer leur
répartition géographique et leur disponibilité dans les
établissements du réseau. Ce que j'ai retenu au mois
d'août, c'est que ça devait être le 1er janvier 1993. On est
en janvier, pardon, février... avril 1993. Février 1992,
février 1994, on va se ramasser quand, à un moment
donné?
M. Côté (Charlesbourg): C'est toujours la même
date.
M. Castonguay: Ah! O.K. Parce que ça, on l'a reçu
le 9 janvier. Voyez-vous, on a fait le jeu de...
M. Trudel: Très bien. Alors, une dernière question
sur... Vous n'avez pas de grosses équipes pour préparer ça
mais vous êtes clairvoyants, merci beaucoup. Vous êtes très
clairvoyants à la page 14, sur le financement. Vous avez vu où
ça se passe, là. Le vrai citoyen décideur, c'est
ça. Vous dites finalement: Réglez donc ça à la
véritable place, à la table du constitutionnel, en ce qui regarde
la responsabilité de la santé et des services sociaux, puis que
ce soit strictement de juridiction québécoise.
En fait, c'est déjà strictement défini dans l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique que c'est strictement de
responsabilité provinciale, sauf que depuis 1919 ils mettent leurs gros
sabots là-dedans. Et la conséquence, vous la voyez très
bien aussi. Vous dites que le gouvernement pourrait en même temps
intervenir pour modifier le système de fiscalisation,
c'est-à-dire ramener les points d'impôt qu'on envoie là-bas
et qui nous reviennent - seulement 14 % - pour notre système de
santé et des services sociaux.
Avez-vous vraiment espoir, pour vrai vrai, là, que tout en disant
que c'est là vous touchez le véritable point sensible? Comment
ça pourrait procéder? Moi, je pourrais en avoir au moins
jusqu'à 11 heures, 11 heures et demie juste à vous
énumérer les titres des conférences
fédérales-provinciales. J'en ai toute une série. Ça
a commencé le 25 juillet 1960 avec M. Lesage, cette histoire-là,
puis ça se répète, six mois, un an, huit mois. Il y en a
un qui dit beuh, beuh, beuh! Si tu ne me le donnes pas, moi, je vais dire beuh,
beuh, beuh! Je vais me retirer. Beuh, beuh, beuh! Ça fait 32 ans.
M. Côté (Charlesbourg): Là, vous ne faites
pas allusion du tout au «beu» de Matane?
M. Trudel: Non, pas du tout, pas du tout, je m'excuse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trudel: Je m'excuse. Il y en a même certains qui disent
point, à la ligne, terminé, fini.
M. Castonguay: Non. Nous, on dit assez, c'est assez.
M. Trudel: Bon, mais ça ne marche jamais. Des voix:
Beuh. beuh, beuh! Des voix: Ha, ha. ha!
M. Trudel: Je conterai une histoire au ministre là-dessus,
après.
M. Castonguay: Alors, sur l'espoir, M. Trudel...
M. Trudel: Est-ce que vous pensez sérieusement que
ça peut marcher? Ça fait 32 ans qu'on la fait, la parade. On peut
bien y aller en autobus, avec le communautaire, etc., mais pensez-vous
sérieusement que ça peut marcher et, à ce
compte-là, est-ce que notre régime de santé et de services
sociaux va résister?
M. Castonguay: Sur ce point d'espoir, je ne peux pas
répondre parce qu'on a voulu une présentation collégiale
du conseil d'administration et notre base n'a pas pris position sur les
orientations constitutionnelles. On garde ça pour la prochaine
assemblée générale annuelle. On reviendra
peut-être.
M. Trudel: Que ces choses sont encore une fois bien dites! Et
avec le sourire avec lequel vous le dites! Merci de la réponse. Merci
beaucoup. Merci de cette présentation, d'avoir pris cette soirée.
Continuez votre beau travail.
Le Président (M. Joly): Merci M. le député,
M. le ministre, s'il vous plaît!
M. Côté (Charlesbourg): Je veux vous remercier.
Malgré les hauts et les bas de la vie, à la fois pour vous comme
pour nous, c'est clair que le mois d'avril 1993 demeure toujours un rendez-vous
et c'est à peu près ça qui me tient encore en politique -
jusqu'au 2 avril 1993, je le répète - avec tout ce que ça
comporte comme exigences. Et je vais tenter de me maintenir en santé
d'ici ce temps-là.
Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Merci, M.
le président, merci, mesdames, messieurs. Il me fait plaisir de
remercier les gens de la Fédération des centres d'action
bénévole du Québec. Bon voyage de retour, au plaisir. Nous
ajournons donc nos travaux à demain matin, 9 heures 30, dans la
même enceinte. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 2)