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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Bonjour mesdames et messieurs. La commission élue permanente du
travail reprend ses travaux avec le mandat d'entendre les
représentations des personnes et des groupes intéressés au
projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles.
Les membres de la commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M.
Cusano (Viau), M. Lachance (Bellechasse), M. Fréchette (Sherbrooke), Mme
Harel (Maisonneuve), M. Lafrenière (Ungava), M. Lavigne
(Beauharnois), M. Maltais (Saguenay), M. Boucher
(Rivière-du-Loup), M. Polak (Sainte-Anne), M. Doyon
(Louis-Hébert), M. Baril (Arthabaska).
Les intervenants à la même commission sont: M. Marx (D'Arcy
McGee), M. Champagne (Mille-Îles), M. Fortier (Outremont), M. Leduc
(Fabre), M. Pagé (Portneuf), M. Payne (Vachon), M. Proulx (Saint-Jean),
M. Vaugeois (Trois-Rivières). Le rapporteur à la commission est
M. Lavigne (Beauharnois).
Aujourd'hui, nous allons entendre quatre groupes dans l'ordre suivant:
Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec, Mouvement
d'aide aux accidentés (es) du travail du Québec, CLSC Seigneurie
de Beauharnois et mémoire collectif des chargés de cours du
programme santé et sécurité du travail de la
Faculté de l'éducation permanente de l'Université de
Montréal.
On avait prévu une séance cet avant-midi et une autre cet
après-midi sauf, s'il est possible, du consentement des deux partis, de
rejoindre les deux groupes de cet après-midi, il est possible que tout
se fasse dans la même séance, c'est-à-dire poursuivre
après l'heure normale.
J'appelle...
M. Cusano: M. le Président.
Le Président (M. Paré): ...maitenant le premier
groupe. L'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec. M.
le député de Viau.
M. Cusano: M. le Président, avant de demander à nos
prochains invités de prendre place à la table, compte tenu des
poursuites judiciaires envers un des groupes qui est venu ici témoigner
en commission parlementaire, je vous demanderais de lire l'article 53 du projet
de loi 90, Loi sur l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Paré): Avec plaisir, M. le
député de Viau, de façon à rassurer les gens qui
viennent comparaître devant la commission. L'article 53 de la Loi sur
l'Assemblée nationale se lit comme suit: Le témoignage d'une
personne devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission ne
peut être retenu contre elle devant un tribunal, sauf si elle est
poursuivie pour parjure. Cela dit, j'inviterais maintenant le porte-parole de
l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec à
s'identifier et à nous présenter les personnes qui
l'accompagnent.
Association des manufacturiers de bois de sciage du
Québec
M. Thibault (Raymond): M. le Président, M. le ministre,
MM. les députés. Mon nom est Raymond Thibault, je suis
vice-président des opérations des usines à la compagnie
Normick Perron et président de l'Association des manufacturiers de bois
de sciage du Québec. Je présente mes collègues ici
à la table: À mon extrême droite, M. Guy Mallette,
directeur des ressources humaines pour le groupe Gérard Saucier; M.
Denis Dessurault, directeur des relations industrielles du groupe Normick
Perron Inc.; M. Richard Lacasse, directeur général de
l'Association des manufacturiers de bois de sciage; M. Aubert Tremblay,
directeur du service des relations industrielles de l'Association des
manufacturiers de bois de sciage; M. Jean-Yves Gonthier, président et
directeur des relations industrielles du groupe Forex Inc.; M. André
Séguin, directeur des opérations forestières de la
compagnie Laberge et Laberge, de Saint-Félicien.
Messieurs, il nous fait plaisir de vous présenter notre
mémoire. Ce matin, nous avons déposé au secrétariat
de la commission les annexes à ce mémoire qui n'avaient pas
été déposées en même temps que le
mémoire.
L'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec
tient à remercier les membres qui composent cette commission
parlementaire de lui permettre de présenter ses commentaires ainsi que
ses recommandations sur le projet de loi 42
intitulé Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles.
Avant de vous exposer nos commentaires et recommandations sur le projet
de loi, nous aimerions décrire brièvement l'Association des
manufacaturiers de bois de sciage du Québec. Fondée en 1957,
l'association regroupe actuellement 150 membres opérant 160 usines dans
tout le Québec et représentant 75% de la production du bois de
sciage du Québec. Environ 90% de ses membres sont des PME.
Notre production annuelle est de 7 500 000 mètres cubes de bois
de sciage et de 3 700 000 de tonnes anhydres de copeaux. Nous employons 17 000
travailleurs dont 10 000 dans les usines et 7000 en forêt, sans compter
quelque 50 000 emplois indirects. Notons en passant qu'en forêt, le taux
de syndicalisation est de 85% et, dans les usines de sciage, il dépasse
les 50%, ce qui est nettement supérieur à la moyenne du secteur
privé. Nous versons annuellement en salaire 300 000 000 $. Quant
à nos cotisations à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, elles ont représenté en 1983
plus de 30 000 000 $. Il est important de noter que la valeur de nos ventes
totales est de 1 300 000 000 $ dont les deux tiers vont à
l'extérieur du Canada.
Pour cette raison, il nous apparaît essentiel de bien
contrôler nos coûts, notamment dans le domaine de la santé
et de la sécurité du travail si on ne veut pas affaiblir notre
position concurrentielle sur le marché international.
À cet égard, M. le Président, nous sommes d'avis
que contrairement à ce que M. le ministre Fréchette a
déjà déclaré publiquement, le projet de loi 42
coûtera beaucoup plus cher aux employeurs dans l'avenir parce qu'il ouvre
la porte à un laxisme inacceptable de la part de la CSST et des
professionnels de la santé et à des abus intolérables de
la part des travailleurs.
Je tiens à souligner, M. le Président, que les employeurs
de notre association ont toujours pris et continueront de prendre leurs
responsabilités quant aux différentes lois visant à
protéger le travailleur. Cependant, il faut préciser que, tout en
étant d'accord avec certains aspects du projet de loi 42, il nous
apparaît que certaines modifications nous semblent nécessaires
pour en faciliter l'application et pour s'assurer que les excès que l'on
connaît actuellement ne se répètent plus.
Par ailleurs, M. le Président, nous sommes conscients que la
refonte de la Loi sur les accidents du travail est un travail énorme. Il
va sans dire que cette loi, qui existe depuis 1931 et qui a été
amendée à maintes reprises, avait besoin d'une mise à jour
complète afin d'en clarifier les principes et les modalités
d'application.
Je tiens à rappeler que le monde patronal réclamait depuis
longtemps une refonte de la loi. Nous sommes heureux de constater que certaines
de nos demandes ont été retenues dans le projet de loi. Nous
pensons, par exemple, à l'indemnité de remplacement de revenu
à vie qui n'est plus versée, avec l'indexation, jusqu'au
décès et aux sommes forfaitaires versées aux
bénéficiaires en cas de décès du travailleur
accidenté plutôt qu'à un pourcentage à vie d'une
indemnité de remplacement de revenu.
Cependant, nous constatons malheureusement que plusieurs de nos demandes
n'ont pas été retenues sans compter les problèmes
soulevés par de nombreux changements à la loi actuelle et les non
moins nombreuses ambiguïtés introduites dans le projet de loi. Il
apparaît essentiel d'apporter certains amendements au projet de loi pour
en faciliter l'application, en diminuer certaines largesses et pour s'assurer
que cessent les abus du système que l'on connaît actuellement.
Commentaires et recommandations sur le projet de loi 42 intitulé,
Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. À la
lumière des faits que nous venons d'exposer, nous croyons
sincèrement que les commentaires et recommandations contenus dans notre
mémoire visent à rendre le projet de loi juste et
équitable, à la fois pour les travailleurs et pour les
employeurs.
Pour plus de clarté, nous avons développé cinq
grands thèmes que nous exposerons à tour de rôle en
traitant des articles qui s'y rattachent. Ce sont: 1- la notion d'accident; 2-
la notion d'indemnisation; 3- la notion du droit de retour au travail; 4- le
pouvoir discrétionnaire de la commission; 5- la présomption en
faveur du travailleur. Suivront ensuite quelques recommandations sur des
articles en particulier.
D'abord, la notion d'accident, article 2, paragraphe 1. "Accident du
travail: un événement soudain attribuable à toute cause,
survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son
travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle."
La notion d'accident, telle que définie à l'article 2, a
été élargie. Le terme "imprévu" est disparu, ce qui
ouvre la porte à des actes prémédités, tels que
l'automutilation ou le suicide. Référence, résolution
A-340-80, sections 3 et 4 de la CSST; voir l'annexe A. De plus, on ne retrouve
plus la notion d'imprudence grossière et volontaire, décrite
à l'article 3.1b de la loi actuelle, ce qui signifie qu'un travailleur
peut délibérément ignorer les règlements de
sécurité du travail sanctionnés par le Comité
paritaire de la santé et de la sécurité du travail et
avoir droit aux indemnités prévues dans le projet de loi sans en
avoir les obligations. Il a droit à une
indemnité en cas de lésion professionnelle, mais il n'est
pas obligé de respecter les méthodes de travail et les
règlements de sécurité.
Avec la résolution A-840-80 adoptée par la CSST le 5 mars
1980, la définition d'accident est tellement large qu'il est à
peu près impossible pour l'employeur de démontrer qu'il ne s'agit
pas d'un réel accident du travail, le cas échéant. Il est
malheureux de noter, par exemple, l'augmentation subite de la fréquence
d'accidents du travail juste avant la fermeture d'un camp forestier à la
fin de la saison. Prenons le cas de cette entreprise forestière dans la
région du Lac-Saint-Jean qui, en 1982 et 1983, dans les jours
précédant la fermeture de ses trois chantiers, a vu sa
fréquence d'accidents augmenter de 32% à 515%, selon les
endroits. Exemple à notre annexe B.
De plus, on constate que la définition d'accident dans la loi
actuelle a été interprétée par le Service du
contentieux de la CSST, de telle sorte qu'un accident survenu au cours "d'une
partie de balle molle organisée par l'employeur en dehors des heures et
des lieux de travail pour promouvoir l'entreprise ou la bonne entente entre
employés" est considéré comme un accident de travail si un
des joueurs est blessé. Référence: résolution
A-340-80 section 3.5a de la CSST. Comment peut-on définir de
façon si large la notion d'accident?
Nous recommandons donc, M. le Président, de définir de
façon plus claire et plus restrictive la notion d'accident; de rajouter
le mot "imprévu" comme dans la loi actuelle; de rajouter la notion
d'imprudence grossière et volontaire; de réduire partiellement
l'indemnité de remplacement de revenu d'un travailleur qui a fait preuve
d'imprudence grossière et volontaire pour l'inciter à travailler
de façon sécuritaire; de recouvrer les indemnités
versées au travailleur qui a fait une fausse déclaration quant au
fait accidentel ou à la lésion professionnelle et de lui imposer
une amende pour réduire les abus, comme dans le cas du contribuable qui
fraude le ministère du Revenu, par exemple.
Deuxièmement, notion d'indemnisation. 2.1 La notion
d'indemnisation est une des pierres angulaires de la loi actuelle et du projet
de loi 42. L'AMBSQ est entièrement d'accord avec la philosophie
sous-jacente à l'indemnisation, à savoir le remplacement d'un
pourcentage du revenu qu'un travailleur aurait normalement tiré d'un
emploi, n'eût été de sa lésion professionnelle, afin
de lui permettre de maintenir un revenu décent.
Cependant, nulle part on ne tient compte des sommes que le travailleur
peut recevoir d'une assurance-prêt prévoyant le remboursement
automatique en cas d'incapacité, de prêts hypothécaires ou
de prêts personnels. Nulle part non plus, on ne tient compte du fait que
lors d'une incapacité totale de quelques mois dans l'année
fiscale, la non imposition des indemnités de remplacement de revenu
permet au travailleur de récupérer une grande partie de
l'impôt payé pendant les mois travaillés, ce qui revient
à dire que dans plusieurs cas, retirer une indemnité de
remplacement de revenu équivaut à un revenu supplémentaire
à ce que le travailleur aurait normalement retiré d'un
emploi.
Si on est d'accord sur le principe de majorer l'indemnité de
remplacement de revenu d'un travailleur qui ne reçoit pas ce qu'il
devrait recevoir, on se doit aussi d'être d'accord avec le principe de
réduire cette indemnité lorsqu'elle donne au travailleur un
revenu net plus élevé que s'il avait travaillé et ce, dans
certaines situations précises dont nous donnerons l'exemple plus loin.
De plus, il est essentiel que l'on mette sur pied des mécanismes pour
inciter le travailleur à demeurer ou retourner au travail. À ce
sujet, l'article 75 du projet de loi parle d'une prime additionnelle comme
incitatif à retourner au travail. Mais ce n'est vraiment pas
suffisant.
Nous croyons sincèrement en la légitimité de la
philosophie du remplacement de revenu, mais nous déplorons le fait qu'il
y a des profiteurs du système actuel et que ce sera pire si le projet de
loi est adopté tel quel. Aussi, répétons-nous qu'il faut
des mesures incitatives à demeurer ou à retourner au travail et
qu'il faut mettre sur pied des mécanismes permettant d'éviter
qu'un travailleur tire un revenu net supérieur à la suite d'une
lésion professionnelle.
Voici donc, M. le Président, nos commentaires et recommandations
basés sur ces énoncés. 2.2 Article 58. "L'indemnité
de remplacement du revenu est égale à 90% du revenu net retenu
que le travailleur tire annuellement de son emploi". Considérant que 90%
du revenu net retenu ou du salaire net régulier est un pourcentage trop
élevé pour inciter le travailleur à retourner le plus
tôt possible au travail; considérant que rares sont les
régimes d'assurance publics ou privés qui prévoient un
pourcentage du revenu net aussi élevé, nous recommandons que ce
pourcentage soit réduit à 75% du revenu net retenu et que tous
les articles du projet de loi 42 s'y rattachant soient modifiés en
conséquence. 2.3 Article 54, paragraphe 1. "L'employeur verse au
travailleur son salaire net régulier pour toute la journée
lorsque ce travailleur devient incapable d'exercer son emploi au cours de cette
journée en raison d'une lésion professionnelle."
Considérant que le versement du salaire net régulier pour
toute la journée dans les cas de lésion professionnelle mineure
ne
nécessitant pas en réalité l'intervention des
médecins est un indicatif à l'abus; considérant qu'il n'y
a pas de maximum assurable pour l'indemnisation de la journée de
l'accident; considérant que le travailleur devrait supporter une partie
des coûts du régime d'indemnisation; nous recommandons
vigoureusement l'élimination pure et simple de l'article 54, paragraphe
1.
Article 53: "L'employeur au service duquel se trouve le travailleur
lorsqu'il devient incapable d'exercer son emploi verse à ce travailleur,
à l'époque où son salaire lui aurait été
normalement versé, 90% de son salaire net régulier pour chaque
jour où il aurait normalement travaillé, n'eût
été de son incapacité, pendant les quatorze jours complets
suivant le début de cette incapacité."
Considérant que la CSST avait introduit l'obligation pour
l'employeur de payer les cinq premiers jours suivant le début de
l'incapacité du travailleur afin, disait-on, d'accélérer
le paiement des prestations parce que la CSST n'était pas suffisamment
équipée pour améliorer elle-même ces longs
délais de paiement; considérant que la CSST a, depuis,
décentralisé ses opérations en région et s'est
équipée de systèmes d'informatique sophistiqués
pour répondre adéquatement aux usagers; considérant
qu'actuellement, l'employeur paie les cinq premiers jours au travailleur, qu'il
en réclame ensuite le remboursement à la CSST, que cette
dernière doit vérifier à son tour la réclamation de
l'employeur pour, finalement, procéder au remboursement de celle-ci, et
que tout cet exercice représente une perte de temps et un
dédoublement de travail dont l'employeur assume toujours les frais; nous
recommandons l'élimination de l'article 53 et la prise en charge par la
CSST du versement des indemnités à partir de la journée
suivant le début de l'incapacité. 2.5 Articles 55 et 59.
Considérant que la définition du salaire net régulier
diffère largement de la définition du revenu net retenu;
considérant que la définition du salaire net régulier
n'impose pas de maximum annuel assurable comme l'indique l'article 61;
considérant que les calculs faits par la CSST sont basés sur la
table du revenu net retenu pour le remboursement de la réclamation de
l'employeur; nous recommandons l'élimination de la notion du salaire net
régulier et l'utilisation en toutes circonstances de la table du revenu
net retenu comme cela se fait actuellement. 2.6 Article 57, paragraphes 3 et 4.
Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint
au premier des événements suivants: trois ans après la
date où une rente de retraite devient payable au travailleur en vertu de
la Loi sur le régime de rentes du Québec ou d'un régime
équivalent au sens de cette loi, lorsque cette rente lui devient payable
avant l'âge de 65 ans; ou au 68e anniversaire de naissance du travailleur
ou, si celui-ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est
âgé d'au moins 65 ans, quatre ans après la date du
début de son incapacité d'exercer son emploi.
Considérant que l'indemnité de remplacement de revenu vise
le remplacement d'un pourcentage du revenu qu'un travailleur aurait normalement
tiré d'un emploi; considérant qu'un travailleur qui retire une
rente de retraite est un travailleur qui, en règle
générale, n'aurait plus retiré un revenu d'emploi; nous
recommandons que l'indemnité de remplacement de revenu à
l'article 57, paragraphes 3 et 4, cesse au moment où une rente devient
payable. 2.7 Article 61. "Aux fins du calcul de l'indemnité de
remplacement du revenu autre que celle que vise l'article 53, le revenu brut
annuel d'emploi ne peut être inférieur au revenu brut annuel
déterminé sur la base du salaire minimum alors en vigueur ni
supérieur au maximum annuel assurable".
Considérant que cet article couvre les employés
occasionnels à temps plein ou à temps partiel; considérant
que supporter la différence des coûts entre ce que le travailleur
tirait de son emploi et le minimum annuel prévu par la Loi sur les
normes du travail serait une charge additionnelle injuste par rapport aux
salariés payés; nous recommandons que l'article 61 soit maintenu,
mais qu'on ajoute que la différence des coûts soit imputée
à l'ensemble des employeurs de cette catégorie. 2.8 Article 63.
"Le revenu brut d'un travailleur est déterminé sur la base du
revenu brut prévu par son contrat de travail...". Considérant que
dans le cas des travailleurs saisonniers et des travailleurs occasionnels
à temps plein ou à temps partiel, il est impossible de se baser
sur le contrat de travail prévu; considérant que ce type de
travailleur retire à chaque année des prestations
d'assurance-chômage; considérant que depuis janvier 1983, la CSST
tient compte pour les travailleurs forestiers des revenus bruts provenant d'un
ou de plusieurs emplois ainsi que des prestations d'assurance-chômage
pour déterminer le revenu brut annuel servant de base au calcul de
l'indemnité; nous recommandons que le contenu de la politique
intitulée "Politique relative à la réparation
financière" section 3.2 du Manuel de la réparation de la CSST
soit annexée au projet de loi et en devienne partie
intégrante.
(10 h 30) 2.9 Article 124. "Les indemnités versées en
vertu de la présente loi sont incessibles, insaisissables et non
imposables, sauf l'indemnité du revenu qui est saisissable pour le
paiement d'une dette alimentaire
conformément à l'article 553 du Code de procédure
civile." Considérant que les indemnités qui sont versées
pour une incapacité de moins d'un an dans une année fiscale
précise ne sont pas imposables; considérant que, dans ce cas, le
travailleur recouvre une grande partie ou la totalité des impôts
payés durant la période de l'année où il a
retiré un revenu d'emploi; considérant que, dans bien des cas, au
cours d'une année fiscale, un travailleur retirera un revenu net
supérieur à celui qu'il aurait normalement retiré de son
emploi; par conséquent, nous recommandons que, dans le cas
d'incapacité de moins d'un an, les indemnités de remplacement de
revenu soient déclarées par le travailleur sur son rapport
d'impôt afin d'éviter que le travailleur ne gagne net plus que ce
qu'il aurait normalement tiré de son emploi, ce qui va totalement
à l'encontre du principe de remplacement du revenu. 2.10. Obligation
pour l'employé de déclarer toute somme reçue d'assurance
privée pour remboursement de prêts hypothécaires ou autres.
Considérant que de nombreux travailleurs détiennent des polices
d'assurances qui paient en cas d'incapacité le remboursement mensuel de
prêts hypothécaires ou autres; considérant que le
remboursement de ces prêts par des compagnies d'assurances pendant la
période d'incapacité constitue un revenu important;
considérant que ce revenu s'additionne à l'indemnité du
revenu du travailleur et a comme résultat de lui procurer un revenu net
de beaucoup supérieur à celui qu'il aurait normalement
tiré d'un emploi; considérant que selon la Loi sur l'aide
sociale, article 31, et selon les règlements de cette même loi,
section 5, article 40, l'employé est tenu de déclarer de tels
montants (voir l'annexe C); en conséquence, nous recommandons que le
travailleur soit dans l'obligation de déclarer toute somme reçue
en vertu d'un régime d'assurance-prêt quel qu'il soit ou de toute
autre somme, et ce, afin de respecter le principe de remplacement du revenu et
afin d'inciter le travailleur à retourner le plus tôt possible au
travail. 3. Notion du droit de retour au travail. 3.1. La notion du droit de
retour au travail nous apparaît comme un principe louable en soi, mais
qui ne tient pas compte des difficultés d'application qui s'y
rattachent. Nous sommes d'accord pour reconnaître qu'un employé
puisse réintégrer son ancien poste, conformément aux
délais prévus à l'article 147, mais sous certaines
réserves. Quant à lui offrir un autre poste qui devient
disponible s'il ne peut occuper son ancien poste de travail, cela peut
être acceptable, mais sous certaines réserves
également.
Nous croyons sincèrement que le droit de retour au travail
devrait s'inspirer de ce qui existe actuellement dans les conventions
collectives pour établir des normes minimales à respecter pour
les entreprises non syndiquées. De plus, pour éviter les
problèmes d'application, il est essentiel que les plaintes
découlant de l'interprétation de ces normes minimales suivent les
procédures normales de grief plutôt que d'être jugées
par la commission dans les cas des entreprises syndiquées. Pour les
entreprises non syndiquées, la commission devrait faire les
représentations auprès de l'employeur et, s'il n'y a pas
d'entente, le travailleur pourrait demander la nomination d'un arbitre en vertu
du Code du travail du Québec.
M. le Président, pour illustrer ce que nous avançons,
voici quelques commentaires relatifs à certains articles du projet de
loi. 3.2, article 150: "Le travailleur a le droit de réintégrer
son emploi avec le salaire et les avantages dont il bénéficiait
s'il avait continué à l'exercer." Nous ne contestons pas le droit
pour le travailleur de réintégrer son emploi. Cependant, il nous
semble nécessaire d'apporter certaines précisions concernant ce
droit. Par exemple, il faut pouvoir tenir compte des changements technologiques
survenus depuis son départ, avant de décider si le travailleur
peut réintégrer son poste. De plus, lorsqu'un travailleur est en
période de formation au moment d'une lésion professionnelle, il
serait injuste de lui accorder le salaire et les avantages dont il aurait
bénéficié s'il avait complété cette
formation. Un autre exemple nous démontre les difficultés
d'application de ce droit, à savoir un travailleur qui a trois mois de
service, qui subit une lésion professionnelle et est absent pendant
près de deux ans. Le travailleur qui le remplace aura alors près
de deux ans d'ancienneté, mais devra quand même céder son
poste au travailleur accidenté qui n'a, lui, que trois mois de service.
Ceci devient difficilement applicable dans les entreprises syndiquées.
3.3, articles 154, 155 et 156. Le délai de quatorze jours qu'a le
travailleur après la date d'assignation - article 156 - pour
décider s'il occupera un autre emploi disponible est peu
réaliste. En effet, cela signifie que lorsqu'un emploi devient
disponible, l'employeur, après avoir avisé la commission -
article 155 - devra quand même faire son recrutement pour combler ce
poste et entraîner un nouveau travailleur en attendant que la commission
détermine une date d'assignation et que le travailleur accidenté
prenne une décision. On voit bien ici les difficultés que ces
délais entraînent.
De plus, il faudrait préciser à l'article 156 que le
travailleur, en plus de posséder les qualifications nécessaires,
devrait être en mesure de rencontrer immédiatement les mêmes
standards au niveau de la productivité que les autres travailleurs qui
offrent leurs services pour cet emploi. 3.4, article 158. "Le nouvel employeur
d'un établissement aliéné ou concédé,
autrement que par vente en justice, a les mêmes obligations que
l'ancien employeur à l'égard du travailleur.
Cependant, si l'acquéreur d'un établissement vendu en
justice y exerce les mêmes activités que celles qui y
étaient exercées avant la vente, il a les mêmes obligations
que l'ancien employeur à l'égard du travailleur."
Pour ce qui est de la vente en justice, il nous paraît
injustifié que l'acquéreur ait les mêmes obligations que
l'ancien employeur à l'égard du travailleur.
Nous recommandons donc l'élimination de la deuxième partie
de l'article 158. 3.5, articles 160 à 170. Quant aux articles 160
à 170, nous recommandons carrément leur élimination car
ils ont pour seul effet de causer des délais extrêmement longs et
des procédures très coûteuses qui n'avantagent aucune des
deux parties. Nous recommandons plutôt la procédure de griefs pour
les entreprises syndiquées et la nomination d'un arbitre en vertu du
Code du travail pour les entreprises non syndiquées.
Quatrièmement: Pouvoirs discrétionnaires de la commission.
4.1. À la lecture du projet de loi, on se rend compte que la commission
possède tellement de pouvoirs discrétionnaires qu'elle devient
pratiquement omnipotente et peut aller à l'encontre d'à peu
près n'importe quel article du projet de loi si elle le juge
approprié. Le projet de loi devient, à toutes fins utiles, un
guide à suivre pour la commission et non une loi à appliquer. On
a noté, M. le Président, 37 articles dans le projet de loi
établissant les pouvoirs discrétionnaires de la commission.
Nous allons vous en citer, M. le Président, parmi ceux qui nous
ont le plus frappés. 4.2, article 73. "La commission peut
déterminer le revenu brut d'un travailleur d'une manière autre
que celle que prévoient les articles 63 à 72, si elle le croit
plus équitable en raison de la nature particulière du travail de
ce travailleur."
Le projet de loi contient dix articles portant sur la
détermination du revenu brut et décrit avec force détails
la façon de procéder. Par contre, l'article 73 dit noir sur blanc
que la "commission peut déterminer le revenu brut d'un travailleur d'une
manière autre que celle que prévoient les articles 63 à
72". À quoi sert de déterminer des procédures si la
commission n'est pas tenue de les respecter? 4.3, article 80. "La commission
détermine, en tenant compte notamment de la formation, de
l'expérience de travail et de la capacité physique et
intellectuelle du travailleur: Premièrement, l'emploi qu'il est capable
d'exercer et deuxièmement, le revenu net retenu qu'il pourrait tirer de
cet emploi."
L'article 80 précise que c'est la commission qui décide de
l'emploi qu'un travailleur peut exercer et du revenu net qu'il pourrait tirer
de cet emploi. Ici encore, on peut constater l'étendue du pouvoir
discrétionnaire de la commission.
Nous recommandons que cette décision soit laissée
conjointement au médecin et à l'employeur. 4.4, article 120. "La
commission peut payer une indemnité de remplacement du revenu en un ou
plusieurs versements équivalant au capital représentatif de cette
indemnité ou selon une périodicité autre que celle que
prévoit l'article 112 lorsque, etc."
L'article 120 établit que la commission peut modifier la
période des versements d'indemnité en les versant, par exemple,
une fois par six mois au lieu d'une fois par deux semaines. D'autre part, la
commission peut capitaliser une indemnité de remplacement de revenu et
la verser en un ou plusieurs versements équivalant au capital
représentatif de cette indemnité.
D'abord, comment peut-on être certain qu'un travailleur victime
d'un accident à l'âge de 20 ans ne pourra plus jamais occuper son
emploi ou un autre emploi jusqu'à 68 ans? D'ailleurs il est dit à
l'article 120, paragraphe 3, que la capitalisation de l'indemnité peut
être faite dans le but d'aider à la réadaptation du
travailleur. C'est donc dire qu'on admet qu'il peut travailler puisque l'on
capitalise son indemnité pour lui permettre de se réadapter dans
un autre emploi ou à son compte.
De plus, en capitalisant de la sorte l'indemnité, on impute le
montant total à la capitalisation au dossier de l'employeur dans une
même année alors qu'autrement l'employeur n'aurait
été débité que du montant annuel normal de
l'indemnité sur une période de trois ans. 4.5, article 122.
L'article 122 quant à lui, permet à la commission de
décider s'il y a lieu de refuser, de réduire ou suspendre le
paiement d'une indemnité même si le travailleur fournit de faux
renseignements, omet ou refuse de se soumettre à un examen
médical, etc.
Il nous semble inacceptable, M. le Président, que même si
un travailleur obtient une indemnité de façon frauduleuse, la
commission ne soit pas obligée de refuser, réduire ou suspendre
cette indemnité.
Donc, M. le Président, nous recommandons fortement une
révision complète des pouvoirs discrétionnaires de la
commission afin d'éviter que le projet de loi 42 ne devienne qu'un guide
à suivre pour cette dernière. De plus, nous recommandons la
formation d'un bureau de révision composé d'un nombre égal
de membres répartis entre le monde patronal, syndical et la CSST. Le
local de ce bureau de révision devra être situé dans un
édifice autre que ceux de la
CSST.
Toute plainte provenant d'un travailleur ou d'un employeur portant sur
quelque article que ce soit de la loi, à l'exception de la section II
portant sur le retour au travail, devrait être entendue par le Bureau de
révision.
Le Bureau de révision remplacera le principe de la
reconsidération administrative qu'on retrouve dans le projet de loi et
contre lequel nous nous opposons totalement. 5. Présomption en faveur du
travailleur. 5.1. Le projet de loi 42 consacre, comme le fait la loi actuelle
depuis 1931, la notion de présomption en faveur du travailleur. Cette
notion avait sans doute ses raisons d'être à l'origine. Mais
a-t-on toujours raison de présenter le travailleur comme une personne
qui a besoin d'être surprotégée et l'employeur comme un
individu qui abuse des travailleurs et à qui on ne fait pas confiance?
D'autant plus que nous avons démontré que dans de nombreux cas,
cette notion de présomption en faveur du travailleur entraîne des
abus aberrants dont l'employeur, dans tous les cas, assume les frais.
Citons seulement les articles 117 et 248 du projet de loi. Article 117.
L'article 117 établit que la commission peut verser une indemnité
avant de rendre sa décision sur le droit à cette indemnité
et si, par la suite, elle rejette la demande, elle ne peut recouvrer les
montants versés en trop à moins qu'ils n'aient été
obtenus par fraude. C'est donc dire qu'on incite le travailleur à
réclamer une indemnité pour quelque raison que ce soit puisque
même si sa demande est rejetée, il n'a pas à rembourser ce
qu'il a reçu. Ce n'est certainement pas une mesure incitative pour le
travailleur à demeurer ou à retourner au travail.
Article 248. "Lorsqu'une décision de la commission rendue
à la suite d'une reconsidération administrative ou une
décision de la Commission des affaires sociales annule ou réduit
le montant d'une indemnité de remplacement du revenu, les sommes
déjà versées à un bénéficiaire ne
peuvent être recouvrées, à moins qu'elles n'aient
été obtenues par fraude."
L'article 248 va encore plus loin en établissant que la
commission, à la suite d'une reconsidération administrative ou
à une décision de la Commission des affaires sociales, ne peut
recouvrer du travailleur ce qu'il a reçu s'il y a réduction ou
rejet de la demande d'indemnité et ce, à moins qu'il n'y ait eu
fraude.
Quand on sait qu'il faut des mois, voire des années avant de
connaître la décision de la CSST ou de la Commission des affaires
sociales, il est évident que le travailleur a avantage à
contester toute décision prise par la commission et à laisser
passer les mois jusqu'à ce qu'une décision finale soit prise.
À ce jeu, le travailleur ne peut que gagner. (10 h 45)
Ce ne sont là, M. le Président, que deux articles du
projet de loi qui illustrent bien que la présomption en faveur du
travailleur peut engendrer des excès. Nos recommandons donc que tous les
articles du projet de loi portant sur cette présomption en faveur du
travailleur soient révisés afin d'éviter de tels abus et
surtout afin de forcer la commission à récupérer les
sommes versées en trop. 6. Autres articles. 6.1, article 10.
"L'employeur qui accorde un contrat d'entreprise est considéré
l'employeur des travailleurs de l'entrepreneur tant que celui-ci n'a pas fait
la déclaration prescrite par la présente loi et qu'il n'a pas
été cotisé par la commission. "Cependant, l'entrepreneur
qui est un employeur visé dans le chapitre IX demeure l'employeur de ses
travailleurs."
Nous recommandons l'abandon de l'article 10 qui rend l'employeur
responsable des employés d'un entrepreneur à qui il accorde un
contrat de service. En plus d'entraîner des délais inutiles
lorsque l'entrepreneur n'est pas inscrit à la commission, nous
considérons que chaque entrepreneur doit assumer ses
responsabilités vis-à-vis de la loi et de ses propres
employés, étant un employeur au même titre que celui qui
retient ses services. 6.2, article 11. L'article 11 indique que le travailleur
autonome est considéré un travailleur de l'employeur qui utilise
ses services. Selon la définition même de travailleur autonome, un
employeur n'a aucun contrôle sur les méthodes utilisées,
l'horaire de travail et les conditions dans lesquelles le travail est
effectué par ce type de travailleur. Comment un employeur peut-il
être responsable d'un travailleur sur lequel il n'a aucune
autorité? D'autant plus que ce travailleur a la possibilité de
s'inscrire à la commission en vertu de l'article 21.
Nous recommandons donc le retrait pur et simple de cet article. 6.3,
article 45. Nous recommandons que l'article 45 soit modifié pour inclure
le droit à l'employeur d'avoir accès au dossier afin d'être
en mesure de pouvoir se défendre lorsqu'il y a des doutes sur une
réclamation, sans avoir toujours à le faire par l'entremise d'un
médecin. 6.4, article 48. Nous recommandons d'ajouter ce qui suit: Si le
certificat médical prévu à l'article 134 indique que le
travailleur accidenté est en mesure d'occuper un autre poste de travail,
le travailleur accidenté doit, à la demande de l'employeur et
avec le consentement du professionnel de la santé, occuper cet autre
poste de travail et l'employeur lui verse alors son salaire normal. Voir notre
annexe D. 6.5, article 96. En ce qui concerne
l'indemnité, en cas de décès, à une personne
autre qu'une personne à charge visée dans les articles 92
à 95, nous recommandons d'ajouter, ainsi qu'aux autres articles portant
sur ce sujet, que ces personnes devront faire la preuve de leur
admissibilité aux indemnités. 6.6, article 99. Mère et
père d'un travailleur décédé sans avoir de personne
à charge. Nous recommandons le retrait de l'article 99 étant
donné qu'il n'y a aucune raison d'indemniser des personnes qui
n'étaient, d'aucune façon, dépendantes du travailleur
décédé. 6.7, article 115. Abandon du travail la
journée du retour à l'emploi. Nous recommandons d'ajouter que le
salaire ou revenu gagné par le travailleur pendant cette journée
soit déduit du versement de son indemnité de remplacement de
revenu. 6.8, article 129. Droit du travailleur de choisir
l'établissement de santé et le professionnel de la santé.
Nous recommandons d'ajouter la phrase suivante: À condition que le
travailleur exerce ce droit à l'intérieur de sa région.
C'est, évidemment, dans le but d'éviter des dépenses
inutiles pour les frais de déplacement et de séjour. 6.9, article
134. À la fin du premier paragraphe de l'article 134, nous recommandons
d'ajouter: et il doit remettre immédiatement à l'employé,
à chaque visite, un certificat médical pour l'employeur indiquant
le nom du travailleur, la durée de l'incapacité à son
poste de travail normal, sa capacité de travail pour un autre poste, et
le médecin traitant doit signer ce certificat médical. De plus,
nous suggérons que le médecin ajoute son diagnostic sur le
certificat médical. 6.10, article 142. Nous recommandons que la CSST
soit dans l'obligation de consulter l'employeur au moment de la
préparation du plan de réadaptation. 6.11, article 171. Nous
recommandons de remplacer cet article par le suivant: Le travailleur victime
d'une lésion professionnelle ou, s'il est décédé ou
incapable d'agir, son représentant, doit en aviser l'employeur le jour
même et doit lui remettre le certificat médical prévu
à l'article 134 pour avoir droit à l'indemnité de
remplacement du revenu. 6.12, article 173. Prescription de six mois pour que le
travailleur produise sa réclamation à la CSST s'il est incapable
d'exercer son emploi pendant plus de quatorze jours.
Nous recommandons de remplacer l'article, au complet par ce qui suit: En
cas de prolongation de la période d'incapacité ou en cas de
rechute, le travailleur accidenté remet le certificat médical
prévu à l'article 134 à son employeur dès que
possible. 6.13, article 175. Le registre pour une lésion professionnelle
causant une incapacité de moins d'un jour. Beaucoup de compagnies ont
déjà des formulaires en plusieurs copies qui sont remplis par le
supérieur immédiat du travailleur qui subit une lésion
professionnelle, signés et datés à la fois par le
supéreur immédiat et le travailleur qui en reçoit une
copie.
Nous recommandons le choix du formulaire pour les entreprises qui ont
déjà un système équivalent au registre
proposé. 6.14, article 193. La classification des établissements.
Considétant que la prévention des accidents de travail est la
préoccupation première des employeurs, des travailleurs et de la
CSST; considérant qu'une prévention efficace doit se faire par
secteur d'activité et non pour un ensemble d'activités diverses;
considérant que lorsque diverses activités sont classées
dans une seule unité, il est difficile pour un employeur d'identifier
sur quel secteur d'activité il doit prioritairement faire porter ses
efforts en termes de prévention; considérant que lorsqu'un
secteur d'activité à haut risque d'accidents est classé
dans la même unité qu'un secteur d'activité à bas
risque, cela peut donner l'impression que tout va bien étant
donné le bas taux de cotisation qui en résulte, nous recommandons
que l'article 193 soit retiré et remplacé par le suivant: Lorsque
des activités de nature diverse sont exercées dans un
établissement, la commission classe cet établissement dans
plusieurs unités, comme si ces unités étaient des
établissements distincts. 6.15, article 199. Les pénalités
en cas de retard pour transmettre les informations sur les salaires
gagnés et les salaires à payer. L'évaluation à 200%
des salaires déclarés dans le dernier état et à
250% des salaires à déclarer en cas de retard pour ces
déclarations nous paraît exagérée et non
fondée. 6.16, article 214. Considérant que l'employeur et le
travailleur partagent toujours les régimes d'assurance collective,
lorsqu'il en existe un; considérant que l'employeur et le travailleur
partagent les coûts du Régime de rentes du Québec et du
Régime d'assurance-chômage du Canada; considérant qu'il est
nécessaire de mettre sur pied des mesures pour inciter le travailleur
à travailler de façon sécuritaire en conformité
avec les règlements de sécurité de l'entreprise et du
gouvernement, tel que le veut la philosophie de la loi 17; considérant
qu'il est normal que les travailleurs partagent les coûts des lois
administrées par la CSST, comme dans les cas cités plus haut,
nous recommandons que l'article 214 soit modifié de telle sorte qu'une
formule de partage des coûts entre les employeurs et les travailleurs
soit établie en se basant sur des formules éprouvées,
telles que celles de la Régie des rentes du Québec, de la
Commission d'assurance-chômage, du régime d'assurance collective,
etc.
6.17, article 243. La non-obligation d'un employé de la CSST de
signer une décision qu'il a rendue.
Il nous apparaît étrange qu'un employé de la CSST
n'ait pas à assumer la responsabilité de sa décision. Si
le nom de l'employé de la CSST apparaît, mais non sa signature, ce
dernier pourra toujours imputer une erreur à quelqu'un d'autre.
Nous recommandons, par conséquent, que cet article soit
modifié pour obliger une personne qui rend une décision à
la signer.
Conclusion. L'Association des manufacturiers de bois de sciage du
Québec croit que le projet de loi 42 a besoin de sérieuses
modifications et que de nombreuses précisions doivent lui être
apportées. Nous avons éprouvé des difficultés
énormes à en faire une analyse minutieuse et nous devons
malheureusement admettre que nous ne sommes pas pas sûrs de l'avoir bien
compris. Nous avons constaté, M. le Président, que même le
personnel juridique de la CSST ne pouvait nous expliquer les sens de certains
articles. La réglementation qui pourrait découler d'un tel projet
de loi serait d'une telle complexité qu'elle causerait des cauchemars
d'application tant chez les employeurs que chez le personnel de la CSST. Bien
plus, il faudrait des centaines d'interprétations internes à la
CSST pour tenter de se retrouver dans cette loi qu'on pourrait qualifier de
fouillis inextricable. Les industriels du sciage, comme tous les autres,
d'ailleurs, font face à une réglementation de plus en plus lourde
et également de plus en plus coûteuse. Le projet de loi, dans son
libellé actuel, ne fera qu'empirer les choses. Nous acceptons de
continuer, comme par le passé, à assumer nos
responsabilités d'employeurs et faire tout en notre pouvoir pour
protéger l'intégrité physique du travailleur, mais de
grâce ne nous compliquez pas la tâche inutilement. C'est en ce sens
que nous avons fait de nombreuses recommandations et nous souhaitons qu'elles
soient reçues favorablement.
En terminant, j'aimerais, au nom de l'Association des manufacturiers de
bois de sciage du Québec, remercier les membres de cette commission
parlementaire de nous avoir donné l'occasion de présenter notre
point de vue. Merci beaucoup.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Thibault. M.
le ministre.
M. Fréchette: Je vous remercie, M. le Président. Je
voudrais, tout d'abord, remercier M. Thibault et les membres de son association
qui l'accompagnent, pour deux motifs, le premier étant de s'être
imposé le travail de rédiger ce long mémoire qui va dans
beaucoup de détails du projet de loi et ensuite, pour être venus
en commission parlementaire, en audition publique, faire part des observations
qu'on retrouvait dans ce mémoire. Comme je viens de vous le signaler, il
est à ce point étoffé et détaillé que l'on
va facilement comprendre qu'il serait inutile d'espérer de pouvoir
entreprendre la discussion sur chacun des aspects que vous y soulevez. On
pourrait en avoir pour une bonne partie de la journée.
Par ailleurs, il y a des aspects que vous nous soumettez pour
appréciation et, finalement, décision sur lesquelles je
souhaiterais qu'on puisse, même à l'intérieur du temps qui
nous est imparti, procéder à un échange d'opinions pour
préciser davantage un certain nombre de choses. Dans l'introduction de
votre mémoire, en remarques préliminaires, comme plusieurs
d'autres groupes l'ont fait, d'ailleurs, vous procédez à une
évaluation que je qualifierais de philosophique par rapport à
l'ensemble de l'administration du système de la santé et de la
sécurité au Québec. Les préoccupations que vous
nous soumettez nous ont d'ailleurs été soulevées par
plusieurs autres organismes et, assez curieusement, très souvent, ces
préoccupations sont de même nature, arrivent aux mêmes
conclusions, mais pour des motifs qui sont tout à fait contraires les
uns aux autres.
Il reste qu'on arrive fréquemment très souvent aux
mêmes conclusions. Il est une première observation, M. Thibault,
dans le cadre de cette évaluation générale sur laquelle
j'aimerais vous entendre préciser. Vous avez signalé que le
"système" - entre guillemets - faisait en sorte qu'on pouvait
déceler, dénombrer ce que vous avez qualifié, dans votre
mémoire, comme étant des abus des professionnels de la
santé. Je pense qu'on va tous convenir qu'il n'y a pas de système
parfait. Il n'y a pas non plus de systèmes qui font en sorte que
personne ne se trompe jamais. Mais, est-ce que vous pourriez, peut-être
à partir des expériences que votre association a vécues,
peut-être à partir d'une évaluation globale que vous faites
de toute la situation, préciser davantage ce à quoi vous faites
référence quand vous parlez d'abus des professionnels de la
santé? Est-ce que, par exemple, vous avez en tête ce qu'on est
convenu d'appeler des certificats de complaisance? Est-ce que vous avez en
tête d'autres situations? Je serais intéressé à ce
que vous nous précisiez ce à quoi vous faites
référence, ce à quoi vous pensez quand vous parlez des
abus des professionnels de la santé. (11 heures)
M. Thibault: Si vous permettez, M. le ministre, je demanderais
à notre directeur des relations extérieures de l'association, qui
a travaillé dans ces détails, de répondre à votre
question. Je demanderais à M. Tremblay de répondre à cette
question que nous avons étudiée, hier, une partie de la
journée.
M. Tremblay (Aubert): M. le Président, lorsqu'on parle
d'abus des professionnels de la santé, on pense surtout à
l'outillage. Il n'y a pas beaucoup de médecins du travail au
Québec. On n'a pas encore formé beaucoup de médecins du
travail au Québec. On fait plutôt référence à
des situations où le professionnel de la santé est très
mal outillé pour juger des situations. On pense à de nombreux
travailleurs qui...
Une voix: M. Tremblay, pourriez-vous vous rapprocher du
micro?
M. Tremblay (Aubert): On pense à de nombreux travailleurs
qui, pour un motif ou un autre, après avoir fait une visite chez un
professionnel de la santé duquel ils n'ont pas obtenu satisfaction, font
la tournée des professionnels de la santé de leur région,
ce qui se traduit presque inévitablement, dans la plupart des
situations, par l'émission d'un certificat attestant d'une
incapacité quelconque et qui se traduit souvent par des périodes
d'incapacité qui nous apparaissent injustifiées. C'est un premier
problème.
Un deuxième problème: les professionnels de la
santé sont quand même très loin des milieux industriels au
Québec. Cette situation entraîne peut-être le fait que le
professionnel, n'ayant que la version de l'accidenté par rapport
à son milieu de travail, cela occasionne chez lui un certain nombre de
doutes et, en cas de doute, le professionnel de la santé ne prend aucune
chance. Il demande au travailleur de rester chez lui pour un certain nombre de
jours. C'est, à toutes fins utiles - peut-être que M. Thibault ou
quelqu'un d'autre à la table pourrait ajouter autre chose - ce qu'on
voulait dire par "abus des professionnels de la santé".
M. Thibault: Lorsqu'on a imposé à l'employeur de
payer les cinq jours, il a été souvent mentionné - nous
pourrions même apporter des exemples à la commission si
c'était nécessaire - que le nombre d'accidents ou le nombre de
jours accordés pour un accident que je qualifierais de bénin ont
augmenté considérablement. Nous avons été à
même de constater cela dans maintes et maintes entreprises parmi nos
membres à l'occasion de l'imposition de ces cinq jours. Je pense
même qu'à ce moment-là, surtout au début, on croyait
que ces cinq jours, de toute façon, étaient payés.
Pourquoi ne pas donner cinq jours où normalement on en aurait
peut-être accordé deux? Je pense qu'avec des exemples... Hier, on
a passé cela en revue encore une fois et on pourrait facilement vous
fournir des exemples pour déterminer le nombre de jours: un, deux ou
trois jours accordés. Aujourd'hui, on accorde beaucoup plus souvent cinq
jours. Beaucoup de professionnels m'ont dit personnellement et je l'ai entendu
dire: De toute façon, ils sont payés, ces cinq jours-là,
qu'on les accorde ou non. Alors, aussi bien donner cinq jours.
M. Fréchette: À partir d'une réflexion aussi
simple que celle dont vous venez de nous faire part - simple dans le sens qui
ne souffre pas beaucoup de discussion - à savoir, comme, de toute
façon, tu es payé, je vais te donner un certificat t'autorisant
à t'absenter du tavail pour une période de cinq jours, vous dites
que ce genre de situation est, à votre connaissance, et vous avez
même des dossiers qui vous permettraient d'en identifier certaines...
Vous avez consacré votre mémoire, dans son premier
chapitre qui en regroupe six, à la notion d'accident, votre
première préoccupation étant, dans la définition du
terme "accident", la disparition du terme "imprévu". Voici la
première observation que je ferai à ce sujet. Est-ce qu'on ne va
pas convenir que, par définition, par nature, un accident est toujours
un événement qui a le caractère
d'imprévisibilité et que le terme "imprévu" soit là
ou non, quand toujours on fait référence à l'accident du
travail, cela ne change pas essentiellement grand-chose dans
l'appréciation, la définition ou la notion d'un accident? Il me
semble que si on faisait le tour des dictionnaires, on retrouverait dans ces
définitions que, de toute façon, l'accident revêt toujours
un caractère imprévu. Si, autrement, l'accident était par
définition quelque chose de prévu, j'imagine bien que ce serait
simple et facile de faire de la prévention. Je ne sais pas si mon
évaluation vous apparaît loufoque ou si elle a une espèce
de sens; en tout cas, je souhaiterais pouvoir vous entendre sur cela.
M. Thibault: Alors, M. Denis Dessureault, s'il vous
plaît.
M. Dessureault (Denis): Pour éviter toute forme
d'interprétation qui pourrait devenir large dans son application par le
personnel de la CSST, il serait peut-être préférable
d'ajouter tout de même le mot "imprévu" pour préciser que
cela sera un événement imprévu.
M. Fréchette: En d'autres mots, M. Dessureault, trop fort
ne casse pas, c'est cela.
M. Tremblay (Aubert): Je veux juste ajouter un petit
complément. Écoutez, je n'ai pas de formation juridique, je suis
en relations du travail. Sauf que, après vérification
auprès de certains procureurs et même dans les documents d'analyse
du personnel de la Commission de la santé et
de la sécurité du travail d'un avant-projet de loi dont la
définition est à peu près identique à celle qu'on a
là, le personnel juridique de la CSST a lui-même dit que la
disparition ou les modifications de cette définition ouvrait la porte
à l'automutilation et au suicide. C'est une évaluation qu'on a
faite à partir de consultations juridiques et de documents qu'on a lus
en provenance de la CSST.
M. Fréchette: C'est évidemment un aspect sur lequel
cela peut-être regardé. Mais ma seule préoccupation
était de connaître un peu plus à fond les motifs pour
lesquels vous souhaitez ce changement.
M. Thibault: M. le ministre, j'ajouterais ceci sur cette
question. Dans notre annexe B, qu'on n'a pas pu distribuer avant ce matin,
lorsqu'on mentionne, par exemple, l'expérience au Lac-Saint-Jean lorsque
des exploitations forestières se terminent parce qu'elles sont
saisonnières, c'est à ce moment que les accidents augmentent de
32% à 500%. Je me demande jusqu'où cela est-il prévu ou
imprévu?
M. Fréchette: Toujours à ce chapitre de la notion
ou de la définition de l'accident, vous nous avez remis des annexes, ce
matin, et mon attention est particulièrement attirée par le
contenu de l'annexe A. Vous nous dites - et à cet égard plusieurs
nous l'on dit, nous l'ont rappelé depuis le début de nos travaux
- l'interprétation qu'ont faite la Commission de la santé et de
la sécurité du travail, le bureau de révision, la
Commission des affaires sociales, de la notion ou de la définition de
l'accident est à ce point large que cela déborde carrément
des conditions généralement reconnues pour qu'il s'agisse d'un
accident.
Je vous signalerai que plusieurs personnes, entreprises, organismes,
groupes ou individus ont fait le test des tribunaux de droit commun. Ils sont
allés au-delà et en dehors des instances de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail elle-même, en
dehors de la Commission des affaires sociales pour obtenir des tribunaux de
droit commun une définition, ou une interprétation de la
définition qu'on retrouvait dans la loi du terme "accident". À
l'intérieur même du document que vous nous remettez l'on retrouve
des jugements, autant de la Cour supérieure que de la Cour d'appel - je
ne sais pas s'il y en a de la Cour suprême mais j'en ai identifié
au moins une couple de ces jugements qui sont de la Cour supérieure et
de la Cour d'appel - qui ont donné des définitions de la notion
d'accident qui comprend cette espèce de libéralité dont
vous parlez. Par exemple, il y a le jugement de la Cour d'appel qui est
rapporté dans la première page de votre annexe, jugement de 1970
qui a interprété comme je viens de vous le dire la notion ou la
définition d'accident. Or, est-ce que je n'ai pas raison de croire que
les décisions rendues autant par les instances de la commission
elle-même que par la Commission des affaires sociales sur la notion
d'accident qui a été confirmée par les tribunaux de droit
commun, confirment cette espèce de libéralité ou cette
espèce de notion large dont vous parlez? À ce moment-là,
il devient passablement difficile de donner d'autres définitions de
l'accident que celle qui a été en quelque sorte
déterminée par les tribunaux de droit commun eux-mêmes, en
dehors de toute instance de la commission encore.
M. Tremblay (Aubert): Vous avez raison d'une certaine
manière, sauf qu'on est devant la situation où on a devant nous
un nouveau projet de loi qui ne fait pas que confirmer les définitions
ou les interprétations actuelles. On élargit de façon
très sensible la notion d'accident. D'abord, sur le plan de sa
définition même dans le projet de loi, j'ai moi-même de la
difficulté à en faire le tour lorsque je dois me
référer, par exemple, à "accident" qui me
réfère à "lésion professionnelle" et à
"lésion professionnelle" qui me réfère de nouveau à
"accident". D'autre part, à l'article 27 du projet de loi, on admet
carrément que l'omission, ou les conséquences, ou l'aggravation
d'une blessure à la suite d'un traitement d'un professionnel ou à
un manquement à l'occasion d'un plan de réhabilitation ou en
toute autre circonstance est également considéré comme
étant une conséquence de cet accident. Ce que nous trouvons
incorrect à l'intérieur de cet aspect de l'article 27, c'est
qu'on n'a aucun contrôle comme employeur sur les actes des professionnels
de la santé. Ce n'est pas l'employeur qui contrôle cela. Alors, on
serait probablement d'accord pour payer ce sur quoi on a un certain
contrôle, mais ce sur quoi on n'a pas de contrôle, tout au moins au
niveau des coûts, non pas que le travailleur en soi cela ne lui cause pas
un problème, on est tout à fait d'accord que cela lui cause un
problème, on pense que cela ne devrait pas nous être imputé
comme employeur.
Dans ce projet de loi on élargit l'interprétation qu'on
avait faite de la notion d'accident jusqu'à maintenant, qui était
déjà suffisamment large à notre point de vue.
M. Fréchette: M. le Président, j'ai une
dernière observation à faire à ce chapitre.
Évidemment, je ne vous demande pas de partager mon opinion. Je vous dis
simplement mon évaluation de la situation, quitte à la discuter
ou à la contester. Mais les changements qui interviennent dans le projet
de loi 42 par rapport à la définition et la
notion d'accident, cet élargissement dont vous parlez, n'est-il
pas la suite presque normale de l'interprétation qu'effectivement les
tribunaux de droit commun ont donné à la notion d'accident?
Encore une fois, je ne vous demande pas pour aucune espèce de motif de
partager mon opinion, mais il me semble que quand on y regarde de près,
les tribunaux de droit commun ont été les instances qui ont fait
en sorte que cette notion ou cette définition d'accident que l'on
retrouve dans la loi actuelle a effectivement été élargie
par eux. Si les tribunaux de droit commun en sont arrivés à ces
conclusions, n'est-ce pas à la loi à s'ajuster aux
décisions des tribunaux? S'ils ont élargi la notion ou la
définition d'accident, il me semble que la loi doive suivre les
indications ou les avenues que les tribunaux de droit commun ont ouvertes.
Je vous réitère que vous n'êtes pas engagés
par ce que je suis en train de vous dire, mais je voulais simplement ajouter au
raisonnement qui a présidé à ces dispositions dans la
loi.
M. Thibault: ...M. Dessureault.
M. Dessureault: M. le Président, compte tenu de
l'élargissement qu'on fait dans la loi ou dans le projet de loi du terme
"accident", n'est-il pas possible que les tribunaux de droit commun
élargissent encore davantage la notion d'accident?
M. Fréchette: Alors là vous êtes d'avis que
malgré le fait que les tribunaux de droit commun se soient
déjà et abondamment prononcés sur la notion d'accident de
travail, s'il y a des changements dans les textes de loi il y a le danger que
cela ouvre davantage? (11 h 15)
M. Dessureault: M. le ministre, oui je le crois. Les
interprétations qu'ont faites les tribunaux de droit commun partaient de
l'ancienne loi avec l'ancienne notion d'accident. Alors, il peut y avoir une
autre interprétation plus large avec le nouveau texte de loi.
M. Fréchette: Cela va à ce chapitre. Vous consacrez
- c'est tout à fait normal -une bonne partie de votre mémoire
à un chapitre que vous avez intitulé: Indemnisation.
Là-dessus, je vais être très bref et simplement vous dire
ce que j'ai déjà dit à plusieurs autres groupes sinon
à tous les groupes qui sont venus en commission. Il s'agit du volet
économique de la loi et, à cet égard, avant d'avoir
procédé à l'analyse de toutes les représentations
qui nous ont été faites autant par les organismes syndicaux,
Association de travailleurs et travailleuses accidentés, que par les
représentants patronaux, vous allez comprendre que l'on ne puisse pas,
ce matin, vous indiquer de façon très précise, quelle
direction pourrait être prise eu égard au chapitre de
l'indemnisation. Sauf, que je vous signale que nous notons vos
représentations, elles sont écrites, elles sont
enregistrées et elles vont très certainement être mises
dans la balance avec toutes les autres représentations que nous avons
reçues quand arrivera le temps des décisions finales.
Quant au droit de retour au travail, je suis heureux de constater -
à moins que j'aie mal compris - que le principe lui-même, vous
êtes disposés à l'accepter. Ce qui semble vous faire
problème, ce sont les modalités qui entourent la
possibilité d'inscrire dans la loi une politique du droit de retour au
travail.
Là-dessus également, je vous signale que plusieurs
organismes, plusieurs invités de la commission ont attiré notre
attention. Cela va de la contestation formelle du principe lui-même
jusqu'à son acceptation, mais acceptation étant par ailleurs
conditionnée à certaines balises. La réserve qui nous est
le plus souvent soumise, les représentations qu'on nous fait le plus
souvent, ce sont les difficultés que cela peut représenter par
rapport au principe sacré -tout le monde en convient - de
l'ancienneté.
Là-dessus, je ne vous cache pas que cela nous commande une
réflexion profonde. Les premières observations qui ont suivi le
dépôt du projet au mois de novembre dernier semblaient nous
indiquer que les parties étaient disposées à accepter
d'accorder une espèce de "priorité" de retour au travail à
un accidenté tout en mettant de côté, l'expression est trop
forte, tout en atténuant la portée de l'ancienneté mais,
au fur et à mesure qu'on a avancé, plusieurs organismes nous ont
dit: L'ancienneté est un concept en soi si important qu'il faudra
être très prudent à cet égard et essayer de voir
s'il n'y a pas lieu de retenir dans la loi amendée que
l'ancienneté doit continuer de conserver toutes ses créances.
C'est une première observation qui, comme je vous le dis, retient
très sérieusement notre attention.
Voici la possibilité que l'on a émise. Est-ce que nous ne
pourrions pas, quant à nous, nous contenter d'inscrire dans la loi le
principe du droit de retour au travail et laisser aux parties - là
où il y a des syndicats, des associations accréditées - le
soin de négocier elles-mêmes les modalités de retour au
travail? Le législateur se contentant de consacrer le principe dans la
loi et de demander aux parties qui doivent vivre quotidiennement avec la loi
d'essayer de s'entendre entre elles sur les modalités d'exercice d'un
droit de retour au travail. J'apprécierais connaître vos
observations par rapport à cette suggestion qui nous a été
faite et dont on a parlé abondamment pendant tous les travaux de la
commission.
M. Thibault: C'est un fait, M. le ministre, que nous sommes
d'accord avec le principe du retour au travail. Je pense que nous l'avons assez
clairement défini. Par contre nous avons plusieurs réserves,
celle sur l'ancienneté en est une que nous notons. Ce n'est
peut-être pas pour nous la primordiale, la première ou la plus
importante des réserves. Elle est importante à notre point de
vue, c'est un fait. Elle est probablement plus importante pour
l'employé. Nous avons une réserve assez grande également
à savoir à quel endroit doit travailler un employé
lorsqu'il doit retourner au travail. Nous disons dans notre rapport que le plus
important est que le spécialiste de la santé, c'est-à-dire
le médecin, et l'employeur sont les mieux placés pour juger quel
emploi ce travailleur peut occuper dans l'entreprise.
Il nous paraît difficile que dans tous les genres d'entreprises
partout au Québec un employé de la CSST, aussi professionnel
qu'il puisse être, connaisse tous les aspects d'une usine de sciage - par
exemple, dans notre cas - ou d'une usine de rabotage, etc.
Nous notons dans notre rapport que le professionnel de la santé
fait sa partie du travail à ce point de vue et l'employeur, avec son
personnel qui connaît le travail, peuvent placer le travailleur avec les
commentaires du médecin.
M. Tremblay (Aubert): Cela nous surprend que ce droit ne soit pas
assorti de son corollaire qui serait l'obligation. À l'annexe D on vous
a soumis une politique actuelle de la commission. Vous savez que les travaux
légers existent dans nos entreprises depuis longtemps. D'ailleurs, dans
la presque totalité des conventions collectives dans l'industrie du
sciage, le droit de retour au travail y apparaît déjà. Cela
nous surprend un peu qu'on n'ait pas ce corollaire de l'obligation.
M. Fréchette: Ce n'est peut-être pas exprimé
dans la loi de la façon que vous le dites, mais il me semble que
lorsqu'on regarde les balises qui accompagnent le droit de retour au travail,
on en vient presque nécessairement à la conclusion que le droit
de retour au travail est assorti de l'obligation de respecter des balises
très strictes, ne serait-ce que le délai pendant lequel le droit
de retour au travail peut s'exercer, ne serait-ce que l'obligation, lorsque
l'avis est envoyé à l'employé, d'y retourner. À
défaut de respecter cet avis de retourner au travail, le droit à
l'indemnité est perdu. Il me semble - d'ailleurs c'est ce que les
syndicats nous ont dit avec beaucoup d'insistance depuis le début des
travaux -que quand on regarde ces différentes balises, ces
différentes conditions, ça ne nous amène pas à
d'autres conclusions que le droit est finalement assorti de telles balises que
ça devient aussi une obligation à un moment donné, sans
quoi tous les droits sont perdus, non seulement le droit de retour au travail
mais le droit au paiement de l'indemnité.
Je vous réitère que c'est la lecture qu'on en a faite,
c'est également la lecture qu'en ont fait les représentants de
salariés. À cet égard, il ne manquerait, pour rejoindre
votre objectif, que de trouver un article dans la loi dans lequel on inclurait
que cela constitue une obligation. Je suis peut-être trop restrictif,
mais...
M. Tremblay (Aubert): Le droit est très bien
exprimé et le corollaire nous apparaît beaucoup plus nuancé
que le droit lui-même.
Il y a effectivement des dispositions qui font que si l'employé,
après un certain nombre de jours, ne répond pas ou ne donne pas
une réponse affirmative, il perdra un certain nombre
d'éléments. Il semble que cela devrait être un petit peu
plus clair au niveau de l'énoncé de principe en tout cas.
M. Fréchette: C'est une question de texte finalement et
d'énoncé de principe comme vous le dites.
M. Tremblay (Aubert): C'est ça.
M. Fréchette: Une dernière question au chapitre de
l'ancienneté, M. le Président. C'est M. Thibault qui l'a
soulevée. Elle est importante également et plusieurs nous en ont
parlé. Il s'agit de cette espèce d'obligation dans laquelle se
retrouverait l'employeur qui reprendrait à son service un
accidenté qui a été absent pendant 18, 22 ou 23 mois, qui
aurait accumulé, selon votre expression, autant d'ancienneté que
la période de temps qu'il a passée à l'intérieur de
l'entreprise. On serait obligé de demander à ce salarié,
qui a été 12, 15 ou 18 mois à l'emploi de l'entreprise, de
donner sa place à un travailleur ou une travailleuse qui aurait
été accidenté après seulement trois mois et demi ou
quatre mois de service.
Je ne sais pas si cette politique existe chez vous, mais le sens commun
des choses et beaucoup de témoignages qu'on a entendus en commission
nous amènent à la conclusion suivante. Cela semble être une
philosophie acceptée dans le milieu du travail, dans l'ensemble des
principes de relations du travail, que lorsqu'on retient les services d'un
travailleur ou d'une travailleuse pour remplacer, autant pour des motifs de
congé de maladie, d'accident du travail, de congé annuel,
d'absence autorisée au sens très large du terme, qu'on l'informe
qu'il est là pour un temps limité seulement. Il est là
pour le temps que cela prendra au travailleur ou à la travailleuse qu'il
remplace de revenir dans sa fonction. Cette philosophie n'existe-t-elle pas
chez vous ou est-ce que cela ne n'est
pas - il y a, à la table, devant nous, beaucoup d'experts en
relations du travail -une politique, une philosophie généralement
reconnue que de procéder de cette façon?
M. Tremblay (Aubert): Là-dessus, M. le ministre, M.
Thibault a mentionné, au début de son mémoire, que nous
représentions la petite et moyenne entreprise. Notre
préoccupation est surtout du côté de la petite et moyenne
entreprise qui compte très peu d'employés. Lorsqu'il s'agit de
travaux spécialisés, de travaux pour lesquels on a besoin d'un
véritable spécialiste, cela devient, sur le plan
économique, un fardeau très lourd de conséquences. On ne
connaît pas nécessairement la solution. Il reste que
l'énoncé que vous venez de faire en termes de relations du
travail, de manière générale, dans les entreprises
moyennes ou les grandes entreprises, c'est vrai, j'admets ce principe. C'est au
niveau de la PME précisément pour laquelle on a une
préoccupation en regard de ce problème.
M. Fréchette: J'ai une dernière question
là-dessus, M. Tremblay. Vous dites que le principe comme tel, c'est
effectivement vrai. C'est ainsi que, quotidiennement, on vit ces situations.
Vous nous avez indiqué ou quelqu'un d'entre vous nous a indiqué
que plusieurs de vos entreprises étaient effectivement syndiquées
et que, dans les conventions collectives, on retrouvait des philosophies, des
principes de droit de retour au travail après une absence pour maladie
ou après un accident du travail. Comment procède-t-on dans ces
situations? Quand on remplace le travailleur ou la travailleuse qui est en
congé autorisé, pour maladie ou autrement, qu'est-ce qu'on dit
à celui qu'on engage pour le remplacer, à partir des conditions
qu'on retrouve dans vos conventions collectives?
M. Thibault: Là-dessus, M. le ministre -c'est votre
question du tout début - c'est un fait et je pense que nous rejoignons
l'idée que vous énonciez tantôt à ce sujet. Cela
existe dans la majorité des conventions collectives et la formulation la
plus populaire, c'est que, lorsqu'un travailleur revient après un
accident du travail, il occupe le poste qu'il occupait, avec tous ses droits,
pour autant qu'il peut faire le travail comme un autre travailleur. C'est la
formulation la plus populaire. S'il ne le peut pas, il fait un travail plus
léger.
M. Fréchette: D'accord.
M. Thibault: Sur ce principe, nous nous rejoignons assez
facilement.
M. Fréchette: Bien. Quand on parlait tout à l'heure
de la possibilité de remettre aux parties elles-mêmes le soin de
négocier les conditions de retour au travail, peut-être que si on
avait en notre possession l'une ou l'autre ou plusieurs de vos conventions
collectives qui nous permettraient de voir quels mécanismes vous avez
négociés, cela pourrait aussi nous être très utile
dans la prise d'une décision à cet égard. Je ne sais pas
si vous en avez... En tout cas, si vous n'en aviez pas aujourd'hui et que vous
n'avez pas d'objection à nous en faire parvenir, j'apprécierais
que, dans les jours qui viennent, vous nous envoyiez cette documentation.
M. Thibault: Nous pourrions, dans les jours qui viennent, vous en
faire parvenir plusieurs modèles. Nous en avons ici,
évidemment...
M. Fréchette: Bien.
M. Thibault: ...mais vous en aurez un exemplaire plus
détaillé.
M. Fréchette: Merci, M. Thibault.
M. Tremblay (Aubert): Je veux simplement ajouter ceci, M. le
ministre. Vous pourriez sans doute vous adresser au service de recherche du
ministère du Travail où toutes nos conventions sont
déposées. (11 h 30)
M. Fréchette: Oui, cela pourrait peut-être aller
plus vite par votre intermédiaire. Je sais que, finalement, on pourrait
mettre la main dessus, c'est sûr. Elles sont sans doute
déposées au bureau du commissaire général.
M. le Président, une dernière petite période, si
vous me le permettiez quant à un autre chapitre très important
soulevé par nos invités. C'est celui qu'il est maintenant convenu
d'appeler, dans le langage de la santé et de la sécurité
ou de la Commission de la santé et la sécurité du travail,
les pouvoirs discrétionnaires ou les pouvoirs réglementaires
qu'on évalue exagérés dans bien des milieux. Je vais
seulement faire une observation d'ordre général à cet
égard et, ensuite, vous indiquer quelles sont les intentions qu'on
tentera de concrétiser dans des amendements au projet de loi. C'est un
fait qu'il y a beaucoup de pouvoirs réglementaires, autant dans la loi
actuelle qu'on en retrouverait dans le projet de loi 42 s'il était
adopté suivant sa forme et teneur actuelle. Personne ne va contester
cela.
Par ailleurs, il faut penser au corollaire de cette
nécessité; il faut que quelqu'un, quelque part, à un
moment donné, prenne des décisions. Il est évident que
quelle que soit la nature de la décision que peut prendre un officier de
la CSST, à partir de l'interprétation d'un règlement ou
d'un
pouvoir décisionnel dont il peut être investi, cela va
retomber dans le champ d'application avec des conséquences que l'une ou
l'autre ou les deux parties n'apprécieront pas. Mais, à partir de
toutes les observations qui nous ont été faites, il faut, de
toute évidence, penser à des possibilités. Il faut aussi
être conscient que toute possibilité à cet égard ne
réglera pas assurément les problèmes de façon aussi
claire et aussi spontanée que le souhaiteraient les parties.
La loi actuelle permet à la Commission de la santé et de
la sécurité du travail de faire des règlements dans 26
champs d'application différents les uns des autres. Ce que nous faisons
avec le projet de loi 42, nous transférons dans la loi les
règlements qui existent actuellement, de sorte que c'est à partir
de la loi que les gens qui doivent travailler dans ce secteur devront
travailler et non plus à partir des règlements. Lorsque je vous
parlais tout à l'heure de parallèles ou d'inconvénients,
c'est qu'il va falloir prendre la loi telle qu'elle est dans le sens que,
lorsqu'on transfère un règlement et qu'on l'introduit dans la
loi, cela devient liant pour toutes les parties. Lorsqu'une
interprétation aura été faite par des instances
judiciaires décisionnelles, il va falloir s'en tenir à cela,
parce que ce sera la loi. Dans la loi actuelle, on réduit au strict
minimum les possibilités de réglementation dans cinq champs de
juridiction où il pourrait y avoir des règlements. Il y avait une
sixième clause de la nature d'une clause omnibus qui permettait à
la commission de faire de la réglementation pour toute matière
qu'elle jugeait nécessaire. On fera disparaître également
cette clause omnibus.
Dans ces circonstances - je pense que toutes les parties se sont
plaintes de ce pouvoir réglementaire ou discrétionnaire; je n'en
disconviens pas, et c'est revenu avec une constance qui ne s'est pas
démentie autant à la commission parlementaire de décembre
qu'à celle que nous sommes en train d'avoir - et à partir de
toutes ces représentations, nous convenons que toute la
réglementation qui peut être transférée dans la loi
le sera, mais nous voulons, par ailleurs, attirer l'attention de ceux qui nous
font ces représentations que cela risque de rendre la loi
elle-même un peu plus complexe, très certainement plus technique.
Il va falloir, pendant un certain temps, avant que les règlements
deviennent loi, qu'ils reçoivent une interprétation sur laquelle
tout le monde devra s'entendre.
Finalement, ma dernière observation là-dessus. Est-ce
qu'on n'est pas en face de deux maux et qu'on essaie de choisir le moindre? Je
ne sais pas si c'est comme cela qu'il faut évaluer cela. C'est
très négatif comme évaluation, mais on ne peut pas avoir
de système parfait. Tous ces pouvoirs, encore une fois, les pouvoirs de
réglementation vont devenir loi et il va falloir que l'on fasse son
chemin, de part et d'autre, avec ces dispositions législatives. Encore
une fois, lorsque les interprétations auront été faites de
façon à guider tout le monde, on vivra avec cela. Cela peut
prendre un certain temps et cela peut créer des difficultés
d'interprétation, de complexifié pour un moment et devenir plus
techniquement difficile pour le temps que cela prendra.
Voilà les observations que je voulais soumettre et les
échanges d'opinions que je voulais faire avec nos invités. Je
veux simplement, en terminant, les remercier de la démarche qu'ils se
sont imposée autant pour la préparation de leur mémoire
que pour le temps de venir nous l'expliquer et de dialoguer avec nous. Nous
allons tenir compte des observations que vous nous avez faites. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci. Moi aussi j'aimerais d'abord souhaiter la
bienvenue au nom de notre formation politique à l'Association des
manufacturiers de bois de sciage du Québec. À la lecture de votre
mémoire, et en pensant aussi aux questions du ministre, celui-ci n'a
plus d'autre choix que de commander du papier, maintenant, pour
réécrire son projet de loi. Je pense que vous avez fait une
lecture exhaustive du mémoire article par article. Depuis le
début de la semaine, je pense que les revendications que vous avez
faites ont été faites aussi par d'autres invités, par
d'autres groupes. Cependant, là n'est pas mon but, ce matin, de relever
article par article votre mémoire, sauf qu'il y a quand même des
points bien précis que j'aimerais discuter avec vous.
Le premier pourrait peut-être toucher le domaine de la
prévention. J'aimerais connaître - parce que vous n'avez pas
particulièrement traité de ce chapitre, lorsqu'on
considère que les usines de bois de sciage sont classées comme
des usines un peu hasardeuses - au niveau de la prévention dans chacune
des usines que vous représentez ou dans l'ensemble, le fonctionnement ou
les programmes que vous avez mis en marche en collaboration avec la CSST.
M. Thibault: Je pense que sur cette question, nous pouvons vous
dire que depuis l'avènement de la loi 17, la formation des
comités de santé et de sécurité du travail, dans
une multitude de compagnies que nous représentons, les comités de
santé et de sécurité et même paritaires existaient
bien avant cela. Je pense qu'on peut mettre cela en preuve assez facilement,
parce que des procès-verbaux existent, etc. J'aimerais peut-être
ajouter que l'industrie du sciage n'est
sûrement pas parmi les entreprises les plus hasardeuses, là
où il y a le plus d'accidents. Je ne crois pas.
Évidemment, il y a des risques. C'est de la machinerie, il y a
des scies, etc. C'est sûr que c'est peut-être plus dangereux que de
siéger à l'Assemblée nationale ou bien travailler dans un
bureau, mais ce n'est pas parmi les plus dangereuses.
M. Maltais: Cela dépend du côté qu'on
est.
M. Fréchette: Ce sont les ascenseurs qui sont
dangereux.
M. Thibault: II reste qu'aujourd'hui, je peux vous dire qu'il
existe, avec une association qui existe également et qui est en question
actuellement au niveau des associations paritaires de prévention, des
travaux à ce niveau encore. Dans les entreprises, je peux vous dire ici
que dans la très forte majorité des comités de
santé et de sécurité paritaires existent sur la base de la
loi.
M. Maltais: Si j'ai posé cette question, c'est tout
simplement qu'on avait eu des rumeurs qu'il ne se faisait rien dans la
prévention, mais je préférais que vous décriviez
vous-même le travail de la prévention qui se fait dans vos
usines.
M. Thibault: Oui, je pourrais peut-être ajouter qu'il
existe, pour ce qui est des entreprises de sciage, nos entreprises de sciage et
les activités forestières, une association de
sécurité qui est là depuis de nombreuses années,
qui possède un personnel d'au-delà de 15 à 18 personnes -
je le donne sous réserve - qui dispense - des cours aux travailleurs,
à l'équipe de surveillance et également aux inspecteurs
pour la prévention et la surveillance des équipements.
M. Maltais: J'aimerais revenir sur un point précis,
à la page 15 de votre mémoire, concernant le retour au travail.
Lorsque vous parlez du travailleur en formation qui subit un accident et qui
revient ensuite, cela cause certainement un problème. De quelle
façon envisagez-vous cette situation? Je fais référence
aux articles 154, 155 et 156, à la page 15.
M. Tremblay (Aubert): Si on parle globalement du droit de retour
au travail, on a déjà mentionné tout à l'heure,
lors d'une question de M. le ministre, qu'au départ, on est d'accord sur
le principe. Mais on a un problème quant au corollaire, et on a surtout
un problème quant aux modalités d'application. Surtout, par
exemple, lorsqu'on pense que la commission, selon les cas, va elle-même
déterminer la capacité physique et la capacité de travail
de l'individu. En vertu de quels critères va-elle déterminer
cela? En vertu de critères qui sont identifiés à l'article
80, c'est-à-dire la formation, la compétence,
l'expérience, etc. Mais il nous apparaît qu'à la
commission, il manque un élément; il manque un
élément très valable. Quel est le travail
exécuté par le bonhomme? Quel est le milieu de travail de
l'entreprise? Je ne pense pas qu'à la commission on ait toute
l'expertise nécessaire pour prendre une décision de cette
nature.
Quant au travailleur qui est en formation, c'est l'aspect
économique qui, pour nous, est important. Vous savez, quand on paie des
taux de cotisation qui vont jusqu'à 17 $ des 100 $ par liste de paie,
qu'on a amorti un programme de formation avec un individu qui, au bout de deux
mois, subit un accident, on reconnaît bien le préjudice qu'il a
subi, mais vous êtes aussi probablement au courant que dans l'industrie
du sciage, nos marges de profit sont très minimes. C'est
fondamentalement l'aspect économique qui nous préoccupe. Il nous
préoccupe sur plusieurs points, en particulier sur le paiement de la
première journée, ou du jour de l'accident qui va, de
façon très certaine - pour lequel on pourrait vous apporter des
exemples - venir également augmenter nos coûts.
M. Maltais: D'accord. Un peu plus loin, à la page 18 de
votre mémoire, vous parlez de la contradiction sur le mode de
l'établissement du revenu. Vous dites que le projet de loi contient dix
articles portant sur la détermination du revenu brut. Et, par contre,
à l'article 73: "La commission peut déterminer un revenu d'un
travailleur."
M. Tremblay (Aubert): M. Maltais, d'abord on a beaucoup de
difficulté à savoir ce que veut dire "revenu brut", "revenu brut
annuel", "revenu net". J'ai cherché partout...
M. Maltais: On ne se comprend pas non plus, nous.
M. Tremblay (Aubert): J'ai cherché partout dans le projet
de loi pour voir où on s'en allait et je ne le sais pas. Sauf que ce que
j'ai trouvé dans le projet de loi, c'est que, malgré tous les
mécanismes qui sont décrits pour déterminer le revenu, la
commission peut, sans égard à cela, prendre n'importe quel autre
mécanisme si elle le juge approprié. C'est à ce pouvoir
qu'on en a. Quant aux définitions elles-mêmes, on l'a dit et M.
Thibault l'a répété dans notre mémoire, on ne les
comprend pas; on est très loin d'être certain qu'on a bien
compris. On ne trouve pas de définitions suffisamment
précises.
M. Maltais: Vous avez parlé brièvement avec le
ministre de l'augmentation du délai de cinq jours à quatorze
jours. Dans le préambule de votre mémoire, vous dites que cette
loi va occasionner des coûts additionnels pour votre industrie. Est-ce
que c'est une partie qui est reliée à cela? Comment cela se
vit-il quotidiennement dans vos usines? Quels sont les coûts qui
pourraient être imputables à cela et les tracasseries que cela
occasionnerait?
M. Thibault: Évidemment, depuis l'imposition du
délai de cinq jours... On parle de l'augmenter à quatorze jours.
Quand on est parti de zéro à cinq jours, cela a occasionné
de très gros coûts. Maintenant qu'on veut augmenter encore ce
délai, cela va sûrement augmenter les coûts; cela ne peut
pas être autrement. Je pense que quand on y réfléchit un
peu... Dans le temps on disait surtout que la commission n'était pas en
mesure de pouvoir rémunérer le travailleur assez rapidement, on
demandait à l'employeur de le faire en attendant et on refaisait le
processus ensuite. Si, aujourd'hui, on étend ce délai à
quatorze jours, cela veut dire qu'il va falloir encore payer ces quatorze jours
et ensuite, la commission va encore faire le même travail, repayer
l'employeur en plus du montant de l'administration, etc. Alors, le même
travail, on double du travail pour rien, à notre avis, et ce sont des
coûts à tout moment. (11 h 45)
M. Tremblay (Aubert): J'aimerais ajouter un élément
qui est bien important, M. Maltais, à ce chapitre. Ces quatorze jours ne
sont pas assujettis au salaire maximum annuel assurable également, ce
qui représente hors de tout doute une augmentation de nos coûts.
Encore une fois, revenir sur le premier jour qui lui, hors de toute
représente une augmentation de nos coûts puisque dans plusieurs de
nos conventions collectives con-tractuellement nous n'étions pas
engagés à payer le jour de l'accident.
M. Maltais: II y a un autre article que vous avez
explicité assez longuement, l'article 120, concernant la capitalisation
de la rente. Vous trouvez que cela vous a fait une imputation financière
trop lourde lorsque quelqu'un doit continuer sur une rente, peut-être,
pour le restant de ses jours et que la commission vous capitalise
immédiatement cette rente, alors que normalement, vous auriez à
débourser son salaire sur une période annuelle. De quelle
façon, voyez-vous cela pratiquement? C'est à la page 19. À
moins, qu'on n'ait pas le bon mémoire. Cela va bien.
M. Tremblay (Aubert): Effectivement, le principe auquel on
réfère, c'est un peu le principe de l'amortissement en situation
comptable. Lorsqu'on fait un investissement dans nos entreprises, on
étale l'amortissement sur plusieurs années, de manière
à ne pas pénaliser indûment nos profits, surtout lorsqu'on
n'en a pas. Ce qui fait que l'on aimerait que ce principe soit retenu
également au niveau de la capitalisation ou tout au moins qu'il soit
étendu sur une période de trois ans.
M. Maltais: Dans un autre temps...
M. Tremblay (Aubert): Je voudrais juste ajouter un
élément au niveau de la réadaptation du travailleur qui
nous apparaît important et qu'on a tout à fait omis dans notre
mémoire. On aimerait voir à l'intérieur de ce chapitre, ce
n'est pas qu'on soit en désaccord sur cela... mais qu'au moins les
guides utilisés par la commission pour l'accomplissement des plans de
réadaptation soients inscrits dans la loi.
M. Maltais: Hier, l'Association du camionnage du Québec a
parlé amplement -j'aimerais connaître votre point de vue sur cela
- au sujet du travailleur autonome. On sait que dans le genre d'entreprise que
vous avez, vous faites souvent appel à des travailleurs autonomes sur
lesquels vous n'avez pas de contrôle et souvent même pas
l'identité de la personne, puisque vous requérez finalement des
services de machinerie. Lorsqu'on vous envoie l'équipement
nécessaire, vous ne connaissez pas l'individu qui fait fonctionner cet
équipement et l'individu peut changer. On connaît également
votre responsabilité vis-à-vis de cet individu. Vous en avez
parlé dans un article de votre mémoire. On ne peut quand
même pas se permettre de laisser un travailleur non couvert par cette
loi. Je pense que c'est au niveau de la responsabilité qui vous incombe.
Ne connaissant même pas l'individu, vous assumez une
responsabilité pour lui. On sait que cela vous cause des
problèmes surtout à longue échéance parce que vous
êtes responsables de sa rente si la personne est blessée
gravement. En partant du principe où la Loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles est universelle pour tous les travailleurs,
aussi le partage de la responsabilité de l'employeur devrait avoir une
certaine équité, comment voyez-vous le fonctionnement quotidien
de vos entreprises?
M. Thibault: Nous touchons ce point dans notre mémoire.
Les exemples que vous donnez, c'est sûr qu'on vit
régulièrement avec eux, ce sont des artisans. Nous embauchons
énormément d'artisans. On le dit au début de notre
mémoire d'ailleurs, les emplois indirects sont très importants
dans notre entreprise. Actuellement, la loi prévoit que l'artisan qui
est seul, qui n'a pas
d'employé, ce qui est plus rare dans nos entreprises... Dans nos
entreprises, souvent, cela fonctionne sur des périodes de 24 heures par
jour, alors l'artisan qui possède un camion va le faire marcher sur deux
ou trois quarts par 24 heures, cela veut dire que l'artisan peut avoir son
numéro de la CSST et être directement qualifié d'employeur
aussitôt qu'il a un employé. Actuellement, c'est ce qui existe
dans la majorité de nos cas, mais dans d'autres secteurs de nos
activités, cela fonctionne seulement sur un quart de travail,
c'est-à-dire de jour. À ce moment-là, l'artisan est seul
et est comme un de nos employés au niveau de la CSST.
Dans le mémoire, nous espérons que la commission va
accepter notre position, c'est-à-dire que cet artisan soit
considéré également comme l'artisan qui a un
employé. Il est employeur, en fait. À ce moment-là, c'est
une petite entreprise, c'est un propriétaire d'équipement qui
offre des services. On demande qu'il soit considéré comme un
employeur au niveau de la CSST et qu'il ne soit pas considéré
comme un employé de l'entreprise. Ce serait très simple, il
s'agirait presque de changer une virgule dans la loi, parce que aussitôt
qu'il a un employé, il devient un employeur. Alors, c'est ce que nous
recommandons.
M. Tremblay (Aubert): II ne faut pas oublier non plus que ce
travailleur autonome n'exerce pas son métier seulement chez un seul
employeur; il exerce son métier chez plusieurs employeurs dans plusieurs
situations et à plusieurs cas. Ce serait un motif additionnel de faire
en sorte que... pas qu'on ne veuille pas qu'il soit couvert par la loi, on est
tout à fait d'accord qu'il le soit, mais cela doit être sa
responsabilité comme employeur de se couvrir.
M. Maltais: À l'article 129, à la page 26, vous
allez me permettre de ne pas être tout à fait d'accord avec vous
concernant le droit du travailleur de choisir l'établissement
professionnel de santé: Nous recommandons d'ajouter "à condition
que le travailleur exerce le droit à l'intérieur de sa
région"; j'aurais préféré que vous ajoutiez
"là où les services existent". Parce que, connaissant la
façon dont les affaires sociales fonctionnent, on sait qu'il y a des
régions privées de tout spécialiste et de tout
médecin compétent dans certains domaines de réparation
physique. Même si on doit éviter l'abus, on ne doit quand
même pas priver un travailleur dans un article de loi qui permettrait
d'aller se faire traiter dans les établissements
spécialisés. Je prends comme exemple la Côte-Nord, M. le
ministre, où nous sommes complètement dépourvus de soins
de santé, et vous le savez très bien. Je verrais très mal
les gens de la Côte-Nord se faire soigner au centre hospitalier
régional de
Baie-Comeau puisqu'il n'y a même pas d'anesthésiste. Alors,
dans cet article on devrait peut-être l'étendre là
où les services le permettent.
M. Thibault: Nous parlons évidemment du manque de service
dans les régions éloignées. Moi aussi je suis de La Sarre,
Abitibi, nous connaissons ces problèmes, mais quant à la
réponse à cette question, deux des membres aimeraient
répondre, M. Dessureault et ensuite M. Tremblay.
M. Dessureault: Nous sommes d'accord qu'on devrait se faire
soigner là où les services existent, mais ce qu'on veut dire,
c'est que si les services existent dans la région où le
travailleur se trouve, il devrait se faire soigner dans la région, dans
la mesure où ces services existent dans cette région.
M. Thibault: Je pense que cela le suppose.
M. Maltais: Cela va. Je reviens finalement à la conclusion
du ministre. Je garderai quelques minutes, M. le Président, parce que
mon collègue de Louis-Hébert a des questions à poser.
Concernant les pouvoirs discrétionnaires de la commission, vous
n'êtes pas les seuls, bref, tout le monde a déploré ce
fait. Ces pouvoirs discrétionnaires sont quand même
omniprésents dans l'entreprise. Ils sont omniprésents un peu
partout. Le ministre disait: Entre deux maux, il faut choisir le moindre, mais
ce n'est quand même pas une solution d'envergure. On devrait
peut-être aller un peu plus loin là-dedans et que ces pouvoirs
discrétionnaires deviennent des pouvoirs paritaires. Puisqu'on se vante
souvent d'avoir la paritarisme à la CSST, cela ne pourrait-il pas
s'appliquer au niveau de l'entreprise également?
M. Tremblay (Aubert): J'aimerais que vous précisiez votre
question.
M. Maltais: C'est parce que vous vous êtes plaints des
pouvoirs discrétionnaires de la CSST quant au retour du travail, au
certificat de médecin, ainsi de suite et, finalement, l'employeur n'a
pas son mot à dire. Et en reconnaissant le principe du droit au retour
du travail, vous subissez quand même, en autorité, la CSST. C'est
un des pouvoirs discrétionnaires.
M. Tremblay (Aubert): Ce qu'on veut dire finalement, au niveau
des pouvoirs discrétionnaires, c'est qu'à la lecture du projet de
loi, on a une confiance inébranlable en la commission. On a tellement
confiance en elle qu'on lui permet même de prendre des décisions
et on soustrait ses officiers à
l'obligation de les signer. C'est pour vous dire qu'il y a un ensemble
d'éléments ou de politiques... Vous avez
référé à un conseil d'administration paritaire, je
pourrais vous citer un certain nombre de politiques de la CSST qui n'ont jamais
passé par le conseil d'administration paritaire. Entre autres, la
politique actuellement appliquée pour l'indemnisation des travailleurs
forestiers, à ma connaissance, n'a jamais été
adoptée par le conseil d'administration de la CSST.
Sans compter que, compte tenu de l'ensemble des pouvoirs
discrétionnaires et du manque de précision qu'on retrouve autour
de la définition des termes, je ne sais ce qu'on pourrait faire
lorsqu'on aura des cas à soulever ou à contester, j'ai
personnellement l'impression qu'on va se ramasser de façon constante
dans des bureaux de procureur, d'ensemble des parties et qu'on sera constamment
devant les tribunaux. De toute façon, la CSST aura raison puisqu'elle a
tous les pouvoirs en vertu des dispositions de la loi.
M. Thibault: Je pense, si vous le permettez...
M. Tremblay (Aubert): Nous notons dans plusieurs articles ces
pouvoirs discrétionnaires, les points que nous croyons
exagérés concernant les pouvoirs discrétionnaires. Nous en
revenons à la parité lorsqu'on parle du bureau de
révision. À ce moment, il existe toutes sortes de formules
déjà. Par exemple, prenons seulement l'assurance-chômage,
il y a un genre de tribunal à trois parties qui peut prendre les
décisions dans des cas de révision. C'est là que nous
proposons qu'il pourrait y avoir une parité au niveau des
décisions ou des révisions. Cela n'exclut pas l'autre
étape de la Commission des affaires sociales, mais je pense qu'avant
cela - au lieu que ce soit laissé seulement à la commission -
nous pourrions être impliqués.
M. Maltais: Dans votre conclusion, vous nous informez d'un
constat, c'est quand même très important. Vous avez
constaté que même le personnel légal de la CSST ne pouvait
vous expliquer le sens de certains articles. Dans l'application, si le
personnel de la CSST n'est pas capable d'expliquer cela, comment voulez-vous
que les entreprises et les travailleurs le comprennent? Vous dites plus loin:
"La réglementation qui pourrait en découler d'un tel projet de
loi serait d'une complexité qui causerait des cauchemars d'application.
Bien plus, il faudrait certaines interprétations internes de la CSST
pour tenter de se retrouver dans cette loi."
Je pense que votre message est très clair et je ne vous
demanderai pas d'élaborer là-dessus, parce que vous le dites
d'une façon bien concrète. Mais je pense que le ministre, en tout
cas, devrait écouter d'une oreille très attentive lorsqu'on
constate que ses employés ne sont pas capables d'expliquer une loi qui
est à la veille d'être adoptée; on devrait l'enlever. Je
vous remercie et je laisse la parole à mon collègue de
Louis-Hébert.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Je veux tout d'abord
souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association des
manufacturiers de bois de sciage du Québec. Le ministre a tenté
de répondre à l'inquiétude que vous manifestiez dans votre
mémoire, au tout début, concernant l'absence de caractère
imprévu dans la définition d'accident. Si j'ai bien compris son
raisonnement, cela allait de soi qu'un accident était un
événement imprévu et qu'on n'avait pas besoin de le dire.
Sauf que, évidemment, un accident aussi est un événement
soudain et pourtant on le dit. Quand on veut définir une chose, il faut
en définir les caractéristiques. Et si on prenait accident au
sens courant des choses, on ne parlerait pas même
d'événement, on dirait: Un accident du travail, c'est un accident
attribuable à toute cause survenant à une personne par le fait ou
à l'occasion de son travail. Un accident du travail, c'est un accident
qui survient à l'occasion d'une occupation professionnelle, ou quelque
chose comme ça. À ce moment-là, bien sûr, on se
référerait à la notion ordinaire, courante et
acceptée dans les faits et dans les dictionnaires, du mot "accident".
(12 heures)
Étant donné qu'on tente de définir "accident" ou
qu'on en fait le tour en parlant d'un événement soudain, je pense
que les inquiétudes que vous manifestez sur le caractère
imprévu qui ne s'y retrouve pas sont fort fondées. J'attirerais
l'attention du ministre sur cela, parce que c'est extrêmement important.
Je pense que si on veut avoir un projet de loi qui se tienne, il faut que ses
assises soient solides. Si on parle d'accident, qu'il s'agisse bien d'accident.
Et si on n'est pas sûr que la CSST est un organisme qui s'occupera
vraiment des accidents, mais qui pourrait s'occuper d'autres
événements souvent mais non imprévus, je pense que c'est
malsain et que ça donne ouverture à toutes sortes d'abus.
Les explications du ministre ne m'ont pas satisfait, personnellement.
J'ai l'impression qu'elles ne devraient pas vous satisfaire. Je vous encourage
à continuer vos représentations dans ce sens-là. Surtout
si on coupe cette définition du mot "accident" à la
présomption, je pense à l'article 26 qui dit que tout ce qui se
passe sur les lieux du
travail est présumé être un accident du travail ou
être le fait d'une lésion professionnelle, tout ça mis
ensemble peut amener certaines conclusions, des interventions ou des
évaluations de la CSST qui mettront et les employeurs et les
travailleurs dans une situation de porte-à-faux parce que la CSST doit
s'occuper des véritables accidents du travail. Tout le monde est
d'accord que pour ce qui est des accidents du travail elle s'en occupe de la
meilleure façon, avec compétence et avec des moyens efficaces
pour remplir sa tâche. C'était une première remarque que je
voulais faire en passant et elle m'apparaissait nécessaire.
En ce qui concerne le retour au travail, je voudrais savoir si ce
concept de retour au travail pourrait s'allier chez vous avec ce qu'on a
entendu ailleurs et ce qui existe probablement chez vous et ce qui pourrait se
faire, tout ce qui s'appelle travail léger, tâche restreinte, etc.
Est-ce que des expériences se font? Des ouvertures seraient-elles
possibles de ce côté-là pour permettre une
réinsertion rapide des travailleurs accidentés? Très
souvent on se rend compte qu'un des problèmes pour le travailleur est le
fait que d'être coupé pendant une période de temps assez
longue du milieu du travail, rend d'autant plus difficile sa
réinsertion. Que ce soit au niveau psychologique où toutes sortes
d'éléments peuvent entrer en ligne de compte. On nous a
suggéré à plusieurs endroits qu'un des moyens d'obvier
à cette coupure, à ce hiatus, était l'utilisation des
tâches restreintes, sous réserve de surveillance médicale,
d'acceptation de médecin traitant, etc. Il y a toutes sortes de
précautions à prendre là-dessus. Est-ce que vous pourriez
considérer ce concept comme étant une chose qui pourrait se faire
dans votre domaine?
M. Tremblay (Aubert): On a déposé, M. Doyon, en
annexe D, une politique adaptée à la séance du 26
septembre 1979 par la CSST qui nous satisferait totalement si on y enlevait la
disposition 3-4: "l'accidenté est consentant à effectuer ce
travail." Parce que la notion ou le concept des travaux légers existe
dans nos entreprise depuis fort longtemps et on a effectivement observé
la même tendance à une réhabilitation plus rapide et une
diminution des problèmes psychosociaux dans la mesure où on est
capable de l'intégrer, où notre bonhomme revient au travail
très rapidement. Si on le perd pour la première semaine on l'a
perdu pour trois mois.
M. Dessureault: J'aimerais ajouter à ce niveau-là,
M. le député, que ce ne sont peut-être pas des pratiques
très courantes, mais ce sont des pratiques qu'on a dans nos industries.
Lorsqu'un travailleur n'est plus apte à faire le travail qu'il faisait
régulièrement auparavant, avant l'accident du travail, mais s'il
est apte à faire un autre travail qui demande moins d'exigences
physiques, on fait notre possible pour le réintégrer, et on le
fait. Je dois, cependant, avouer que, souvent, on a des difficultés avec
les syndicats, parce que cela exige des transferts, cela exige des
permutations. Il faut que l'autre employé accepte de changer de poste.
C'est peut-être la difficulté, mais ce sont des pratiques que nous
avons.
M. Doyon: Merci. La lecture de votre mémoire et
l'étude qu'on peut en faire nous obligent à réaliser que
le projet de loi 42 a besoin de nombreuses améliorations. Tel que
présenté actuellement, il est plein de bonnes intentions, mais
l'enfer aussi est pavé de bonnes intentions, comme on dit. Il est plein
de bonnes intentions, mais au point de vue pratique, concernant
l'opération quotidienne du système, cela va créer des
problèmes considérables. On a été à
même de constater que, du côté des travailleurs, il y avait
un refus d'accepter le système qu'on leur présentait pour des
raisons qui sont différentes des vôtres, bien sûr, et que,
de votre côté et du côté des employeurs en
général, on retrouvait de nombreuses réticences
très bien fondées à ce sujet. On s'est aussi
aperçu, en filigrane, dans la présentation des mémoires
qui nous a été faite, - c'est le moins qu'on puisse dire -que la
CSST subit actuellement une crise de confiance de la part des utilisateurs ou
des gens qui ont recours à ses services.
À cet égard, je ne peux m'empêcher de terminer ma
courte intervention par une invitation au ministre de faire en sorte que des
mesures soient prises rapidement pour que la CSST recouvre la confiance dont
elle a besoin pour s'acquitter de ses fonctions et de ses tâches. C'est
un organisme qui coûte des millions de dollars à la
société québécoise. C'est un organisme que nous
payons, les contribuables du Québec, qu'on le paie par les biens qu'on
achète, qu'on le paie par les exportations qui sont faites et avec
lesquelles on est moins concurrentiel, etc. Il y a 100 000 façons. Le
ministre doit se rendre compte que la situation a atteint un stade qui
nécessite son intervention en tant que ministre responsable.
Je remercie l'Association des manufacturiers de bois de sciage du
Québec d'avoir de nouveau pris la peine de porter à notre
attention, avec des faits à l'appui, avec des exemples concrets, les
lacunes de ce projet de loi qui sont nombreuses. Plus on cherche, plus on en
trouve. Cela me donne l'impression d'être un devoir bâclé,
fait pour se débarrasser. Si j'ai un souhait à formuler, c'est
qu'on recommence ce mauvais devoir et qu'on nous enlève les
pâtés qu'il y a dessus. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Louis-Hébert.
Comme il n'y a pas d'autre intervenant, je voudrais, au nom de tous les
membres de la commission, remercier les représentants de l'Association
des manufacturiers de bois de sciage du Québec pour la
présentation de leur mémoire.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Boucher): J'invite maintenant le
Mouvement d'aide aux accidentés(es) du travail du Québec,
représenté par M. Rosaire Guay, président, et M. Marc
Bellemare, avocat, à s'approcher.
M. Guay.
M. Guay (Rosaire): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés...
M. Cusano: M. le Président.
M. Guay (Rosaire): ...je m'appelle Rosaire Guay,
président...
Le Président (M. Boucher): Un instant. M. le
député de Viau.
M. Cusano: Je m'excuse, M. Guay.
Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous voulez que je
lise l'article 53?
M. Cusano: Oui, avant de procéder à la
présentation de votre mémoire, M. Guay, j'aimerais bien que le
président lise...
M. Guay (Rosaire): Pourriez-vous parler plus fort afin que je
vous comprenne, s'il vous plaît?
M. Cusano: Je demande tout simplement au président de lire
un article de la Loi sur l'Assemblée nationale avant que vous ne
procédiez à la présentation de votre mémoire.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Viau, je me rends à votre demande en lisant l'article 53. "Le
témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une commission ou
une sous-commission ne peut être retenu contre elle devant un tribunal
sauf si elle est poursuivie pour parjure."
M. Guay.
Mouvement d'aide aux accidentés (es) du travail
du Québec
M. Guay (Rosaire): Parfait. M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés, je m'appelle Rosaire Guay,
président du Mouvement d'aide aux accidentés (es) du travail du
Québec. J'ai, à ma gauche, Me Marc Bellemare, conseiller
juridique du mouvement.
Le Mouvement d'aide aux accidentés (es) du travail du
Québec a été incorporé le 4 mai 1978 en vertu de la
troisième partie de la Loi sur les compagnies du Québec.
Étant président-fondateur et unique travailleur
bénévole au service de cet organisme, j'ai tout d'abord
localisé le mouvement dans mon propre logement à Donnacona.
Profondément animé par le désir d'améliorer
le sort des accidentés du travail, j'étais sensibilisé
quotidiennement à la condition de nombreux travailleurs
accidentés habitant dans le comté de Portneuf, la plupart ayant
été, au moment de l'accident, à l'emploi de la compagnie
de papier.
Ayant moi-même été victime d'un grave accident de
travail en 1942, j'ai pu, par l'expérience acquise dans mon propre cas,
contribuer à de nombreuses réouvertures de dossiers et à
de nombreuses contestations devant les tribunaux chargés
d'évaluer les avantages qui sont redevables aux accidentés du
travail.
Pour ma part, les combats que j'ai menés contre la Commission de
la santé et de la sécurité du travail, anciennement la
Commission des accidents du travail, m'ont permis d'obtenir, en 1971, une
augmentation de mon taux d'incapacité à 60%. Malgré
l'amputation, à cause de ma faible instruction, la CSST me refuse
toujours une rente d'invalidité pour laquelle je suis actuellement en
instance de révision.
En 1980, nous avons aménagé dans un petit sous-sol de
quatre pièces, le membership ayant déjà atteint presque
2000 membres. En 1982, nous avons aménagé dans des locaux
rénovés au 165 rue Notre-Dame, Donnacona, dans le but
d'améliorer les conditions de traitement des dossiers, le service de nos
membres et les conditions de travail du personnel du mouvement.
Actuellement, nos effectifs sont composés de six travailleurs
permanents et d'un à temps partiel. Deux avocats indépendants
sont spécifiquement rattachés -je m'excuse, M. le
Président, j'hésite quelquefois - au mouvement et consacrent
chacun une journée par semaine, dans nos locaux, au traitement de
certains dossiers particulièrement litigieux, à des entrevues et
à la préparation des nombreux dossiers qu'ils doivent plaider
chaque semaine devant les bureaux de révision, la Commission des
affaires sociales, la Cour supérieure ou même la Cour d'appel du
Québec. (12 h 15)
Le mouvement est actuellement composé de plus de 3000 membres
provenant de toutes les régions du Québec, et même du
Nouveau-Québec, de la Baie-James, de la Côte-Nord, de
Montréal et de l'Abitibi.
Le mouvement est financé exclusivement par ses membres,
n'étant
soutenu par aucune autre source. Cette indépendance lui procure
une plus grande objectivité et une meilleure marge de manoeuvre.
N'étant rattaché à aucun organisme gouvernemental ou
public de subvention ni aucune centrale syndicale organisée. Les
objectifs fondamentaux du Mouvement d'aide aux accidentés (es) du
travail se répartissent principalement en trois volets. Si vous
permettez, M. le Président. Le mouvement procure à ses membres
tous les conseils portant sur leurs droits et privilèges et la
procédure leur permettant d'accéder à un meilleur
traitement. Principalement diffusée par nos trois lignes
téléphoniques permanentes, l'information passe également
par le biais des médias d'information organisés.
Les conférences de presse que nous avons données ces
dernières années de même que les dossiers
spécialisés que nous avons publiés ont reçu un
accueil enthousiaste dans la population et ont bénéficié
d'une excellente couverture de la part des médias d'information.
De plus, le succès qu'a connu le mouvement depuis sa fondation
peut être justifié et caractérisé principalement par
les raisons suivantes: L'absence de ressource organisée et
structurée axée sur la réparation des lésions
professionnelles et la compensation des traitements des accidentés;
l'action concrète plutôt que la défense
d'intérêts et d'orientations exclusivement idéologiques; la
juridiction finale d'appel exercée par la Commission des affaires
sociales depuis le 1er septembre 1977, qui a permis au mouvement d'obtenir des
résultats fort concluants dans la compensation des lésions
professionnelles suite aux évaluations erronées de la CSST. Je
vous ferai remarquer, M. le Président, que la Commission des affaires
sociales, c'est vous qui l'avez demandée, enfin, pour que les
accidentés aillent devant la Commission des affaires sociales; le
recours collectif suggéré par un membre du mouvement et
présenté à la Cour supérieure du Québec en
avril 1982. Cette procédure visait à faire rouvrir massivement 30
000 dossiers d'accidentés victimes de lésion permanente et dont
les évaluations étaient injustes et illégales. Cette
initiative a permis au mouvement de se faire mieux connaître, accroissant
ainsi sa crédibilité, sa force et son taux de succès
à rencontrer les objectifs visés.
En tant que président et porte-parole du Mouvement d'aide aux
accidentés (es) du travail du Québec, il me fait plaisir de
présenter devant cette commission parlementaire le fruit d'une analyse
sérieuse et approfondie de ce projet de loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles qui fut adopté en première
lecture au cours de l'automne dernier. Toutefois, il nous faut d'abord
préciser que même si nous sommes d'accord avec la volonté
gouvernementale de modifier en profondeur une loi désuète et
vieille de plus de 50 ans, notre présence ici ne doit nullement
être interprétée comme une approbation des orientations et
nouveaux mécanismes suggérés par ce projet de loi.
En effet, nous partageons cette volonté de changement, mais
devons déplorer que le projet de loi 42 contient plusieurs
requêtes substantielles en rapport avec les droits qui sont reconnus aux
accidentés du travail en vertu de la loi actuelle. Donc, entre la
proposition gouvernementale et la loi actuelle, nous privilégions
nettement cette dernière, bien qu'il serait nettement souhaitable que la
version initiale très insatisfaisante soit modifiée dans le sens
des propositions que nous avançons dans les pages suivantes.
Dans les faits, la CSST sait fort bien que les employeurs accusent un
délai moyen de 21 jours avant de produire cette déclaration. Le
projet de loi 42 reconnaît par son article 172 qu'un délai de 20
jours est raisonnable et mérite d'être approuvé au texte de
la loi. Nous considérons, quant à nous, ce délai comme
abusif et demandons que le délai actuel de 48 heures soit maintenu afin
de ne pas retarder indûment le traitement des dossiers.
Afin d'assurer le respect scrupuleux des dispositions portant sur
l'obligation de déclarer un accident de travail ou une maladie
professionnelle, nous suggérons qu'aucune amende dans un tel cas ne soit
jamais inférieure à 1000 $. Nous suggérons en outre
d'abolir la nécessité pour le travailleur de présenter une
demande de prestation. Actuellement, la formule de demande de prestation de la
CSST s'intitule "Avis d'accident et demande de prestation." Il appartient donc
à l'employeur de transmettre cet avis avec la signature du travailleur
et la demande de prestation est ainsi automatiquement faite.
Si le gouvernement ne devait pas retenir cette suggestion et que la
prescription de six mois prévue par l'article 173 du projet de loi
devait être maintenue, il y aurait lieu à tout le moins de
prévoir que cette prescription ne soit pas de rigueur, comme c'est le
cas dans l'article 21,5 de la loi actuelle. De plus, il y aurait lieu de
prévoir que la prescription des six mois ne commence à courir que
du jour où l'employeur a transmis à la commission l'avis
d'accident prévu par l'article 172 du projet de loi.
Responsabilité civile d'un employeur ou d'un tiers.
La loi actuelle prévoit qu'un travailleur accidenté n'a
aucun recours civil en responsabilité contre son employeur même
dans le cas où celui-ci a commis un acte criminel à l'origine de
l'accident. Nous
demandons que cette exonération de responsabilité contenue
à l'article 7,1 aliéna 2 de la Loi sur les accidents du travail
actuelle soit enlevée et qu'un travailleur accidenté puisse
poursuivre directement en responsabilité civile son employeur, lorsqu'il
s'est rendu passible d'une infraction au sens du Code criminel ou de la Loi sur
les accidents du travail lorsqu'il a commis le geste générateur
de l'accident.
Il faudrait donc amender l'article 259 du projet de loi en
conséquence. En ce qui concerne le recours du travailleur
accidenté contre un employeur assujetti au projet de loi et qui n'est
pas son employeur personnel, nous suggérons que l'article 260,1 soit
modifié en prévoyant seulement en cas d'acte criminel au sens du
Code criminel mais également dans les cas d'infraction à la Loi
sur les accidents du travail.
Admissibilité des domestiques et des travailleuses au foyer:
Je m'excuse si j'hésite quand je parle des fois, remarquez bien
que ce n'est pas un accident du travail, c'est un accident de naissance,
merci.
Le recensement canadien de 1976 révèle qu'il y avait
à cette époque au Québec, 651 285 femmes ayant des enfants
de moins de 25 ans et ne travaillant pas à l'extérieur du foyer.
De ce nombre, 41% avaient des enfants de moins de six ans, et 26% avaient des
enfants âgés de six à onze ans. En 1977, lors de
l'évaluation des projets de loi sur la Loi sur l'assurance automobile,
le gouvernement québécois décidait d'introduire un droit
de compensation pour la femme au foyer victime d'un accident d'automobile.
Nous considérons qu'il est temps que le gouvernement introduise
cette fois les travailleuses et les travailleurs ménagers au foyer comme
étant inclus dans la définition de "travailleur" prévu au
porjet de loi 42. ...travaille exclusivement au foyer; a la charge permanente
et a la responsabilité d'enfants mineurs sur lesquels elle exerce
l'autorité parentale; ne retire aucun revenu personnel provenant de
l'extérieur du foyer. L'évaluation des indemnités qui
seraient payables à ce travailleur au foyer serait faite en fonction des
mécanismes prévus et déjà
expérimentés sous la Loi sur l'assurance automobile du
Québec.
Par ailleurs, considérant que la femme ou l'homme au foyer ayant
charge de ménage exerce avant tout un rôle social, il serait juste
de considérer, aux fins de la Loi sur les accidents du travail et des
maladies professionnelles, le gouvernement du Québec comme étant
son employeur tenu personnellement au paiement des indemnités. (12 h 30)
- Le gouvernement du Québec suppor- terait donc directement le
coût de ces prestations, lesquelles seraient accordées et
versées suivant les normes prévues à la Loi sur les
accidents du travail, tout comme dans les cas où la Loi sur
l'indemnisation des victimes d'acte criminel reçoit son application.
Rapports médicaux et expertises. Nous demandons que l'article 46
du projet de loi soit amendé afin de prévoir qu'un travailleur
accidenté ait le droit de recevoir gratuitement une copie
intégrale de son dossier médical et de réadaptation dans
les 30 jours de la demande.
En vertu de l'article 133 du projet de loi, si l'employeur a le droit de
faire examiner un travailleur accidenté par un médecin de son
choix, un seul examen par réclamation par un seul médecin ne
devrait pas être toléré. De plus, le travailleur devrait se
voir reconnaître le droit strict d'accès à tous les
rapports médicaux et expertises pratiqués par les médecins
de l'employeur dans les 30 jours de l'examen médical.
Les prestations pour indemnité de remplacement de revenu.
Paiement des quatorze premiers jours. L'article 53 du projet de loi
prévoit que l'employeur devra payer le salaire du travailleur
accidenté pendant les quatorze premiers jours, contrairement aux cinq
premiers jours prévus dans la loi actuelle. Nous maintenons que,
contrairement à l'alinéa 3 de l'article 53 du projet de loi, le
travailleur ne devrait jamais être appelé à rembourser
l'employeur pour les sommes versées s'il n'y a pas eu fraude de sa part.
100% du salaire. Nous sommes déçus de constater que le projet de
loi maintient le revenu net retenu à 90% du revenu gagné par le
travailleur au moment de l'accident. Nous considérons que le travailleur
qui a risqué sa vie et sa santé au profit de l'entreprise
exploitée par son employeur et qui est devenu incapable d'occuper son
emploi dans ce contexte n'a pas à être pénalisé et
qu'il devrait être compensé à raison de 100% de son
salaire. En effet, l'accidenté du travail est devenu incapable d'occuper
son emploi en posant un geste à l'avancement de la cause de son
employeur. Nous suggérons donc que l'article 58 du projet de loi soit
modifié, qu'il soit prévu 100% plutôt que 90%.
Pour le travailleur occupant plusieurs emplois, la base servant à
évaluer l'indemnité de remplacement du revenu devrait être
fondée sur les revenus provenant de tous les emplois occupés au
moment de l'accident et non seulement de l'emploi au cours duquel le
travailleur a été blessé.
Nous demandons que peu importe son âge, le travailleur
accidenté soit compensé en fonction des capacités
d'exercer l'emploi au cours duquel il a été blessé ou un
autre emploi plus approprié à sa condition résiduelle.
En conséquence, il faut toujours évaluer
l'incapacité permanente non seulement en fonction d'une lésion
d'un préjudice esthétique, des douleurs ou de la perte de
jouissance de la vie, mais bien principalement en fonction des
conséquences qu'aura cette lésion sur la capacité de
travailler résiduelle de l'accidenté, sur la capacité de
travailler.
Nous demandons donc que l'inaptitude de reprendre le travail soit un
critère d'évaluation ajouté et intègre - je
m'excuse, il va falloir que je change de lunettes - à l'article 81 du
projet de loi, afin de confirmer ces dispositions de l'article 38.4 de la loi
actuelle sur laquelle est basée une jurisprudence stable et
constante.
Nous exigeons également que ce règlement tienne compte de
la possibilité de faire une évaluation au mérite de chaque
cas et non en fonction d'une grille mathématique abstraite et non
conforme à la réalité des accidentés du
travail.
Incompatibles avec les méthodes d'évalutation des
tribunaux civils. Exemple: À l'âge de quinze ans, Mme Anne
Matthews a été victime d'un grave accident qui l'a rendue
totalement invalide. Après avoir intenté une action en
responsabilité civile contre la ville de Jonquière, responsable
de cet accident, la Cour supérieure lui reconnut une indemnité de
l'ordre de 505 000 $ pour 100% d'incapacité permanente. Si Mme Matthews
avait été victime d'un accident du travail dans la même
circonstance, mais compensée suivant les normes prévues au projet
de loi 42, une indemnité ridicule de l'ordre de 46 667 $ lui serait
versée. Le juge Chouinard qui a rendu ce jugement rapporté en
1982 CS-11-22 a été nommé à la Cour d'appel, plus
haut tribunal du Québec, depuis que ce jugement a été
rendu.
M. Jean-Guy Lemaire a été victime d'un grave accident
à l'âge de 49 ans. Une action intentée en Cour
supérieure permit au juge de constater qu'il était invalide et
qu'il bénéficiait d'une incapacité permanente de l'ordre
de 100%. Le juge Marcel Nichols, depuis promu à la Cour d'appel du
Québec, lui accorda arbitrairement une indemnité de l'ordre de
150 000 $. Si M. Lemaire avait été victime d'un accident de
travail réglé en vertu du projet de loi 42, on lui aurait
versé, pour les séquelles identiques, une indemnité
absolument ridicule de l'ordre de 33 511 $.
Nous exigeons que les indemnités prévues à l'annexe
B du projet de loi 42 soient au moins quintuplées et qu'il soit possible
pour un accidenté du travail devenu invalide de retirer une
indemnité viagère.
Encore là, il est évident que nous déplorons le
recul inacceptable du projet de loi 42. Nous exigeons que les rentes
versées aux personnes à charge, en vertu de la loi actuelle,
suivent les mécanismes introduits le 1er janvier 1979 par le chapitre 57
des lois de 1978. Nous souhaiterions même que ces pourcentages
correspondant aux rentes actuellement versées et stipulées
à l'article 2 du paragraphe 35 de la loi actuelle soient abolis, et que
les personnes à charge bénéficient d'une rente
correspondant à 100% du salaire qui était versé au
travailleur de son vivant au moment où il a été
tué.
Assistance médicale. Nous demandons que l'article 103
prévoie généralement les remboursements de tous les frais
médicaux et autres nécessités par la survenance d'un
accident du travail et rendus souhaitables ou nécessaires par l'opinion
du médecin traitant du travailleur.
La revalorisation de l'indexation des prestations. Dans un premier
temps, nous nous opposons à ce que le projet de loi 42 confère,
par le biais de l'article 108, un quelconque pouvoir à la CSST de fixer
d'elle-même l'indice de revalorisation. Même dans un cas où
aucune donnée ne serait disponible, il est impératif que le
législateur stipule dans le projet de loi 42 une référence
scientifique et objective permettant au travailleur d'avoir l'assurance que le
taux d'indexation sera réaliste.
Nous demandons donc le statu quo également en ce qui concerne la
formule d'indexation et nous souhaiterions que l'article 41 de la loi actuelle
soit réintroduit dans le projet de loi 42. Toutefois, nous croyons que
devrait être laissé au travailleur le droit à un
pourcentage d'indexation plus élevé que celui prévu
à la Loi sur le régime des rentes du Québec, si ce dernier
était en état de démontrer qu'il aurait
bénéficié d'une plus grande augmentation de revenu s'il
était resté au travail, en vertu d'un contrat, d'un
décret, d'une convention collective, d'une loi ou d'un règlement,
ou d'une entente spécifique avec son employeur. Nous appliquerions donc
ici le même principe que celui qui est prévu à l'article 63
du projet de loi en matière de fixation de base de salaire. (12 h
45)
Nous souhaiterions qu'il soit prévu, de façon large, que
toutes les prestations prévues à la présente loi soient
assujetties à l'indexation annuelle au 1er janvier de chaque
année à l'exception des prestations prévues à la
section 1 du chapitre 4 de la présente loi.
L'indemnité de remplacement de revenu, quant à elle,
devrait être revalorisée à la date anniversaire de la
dernière augmentation de salaire dont a bénéficié
le travailleur accidenté.
La réadaptation et le droit au travail. Nous demandons que cette
barrière, cet obstacle de trois mois de service continu soit aboli. Nous
demandons que le droit au travail existe de façon absolue pour permettre
un retour de l'accidenté chez tous les
employeurs où il occupait, au moment de l'accident, un emploi
qu'il lui a été rendu impossible de poursuivre à cause de
son accident du travail.
Nous demandons donc que le droit au travail soit conféré
au travailleur accidenté jusqu'à ce qu'il puisse retourner au
travail suivant l'opinion de son médecin traitant ou qu'il soit
déclaré invalide, ou qu'il ne puisse réintégrer
aucun emploi compatible.
Nous demandons que tous les avantages, principalement ceux de vacances
et de maladie, soient accumulés en faveur du travailleur lorsqu'il est
absent à cause d'un accident du travail, comme c'est le cas d'ailleurs
pour les travailleuses bénéficiant d'un retrait préventif
du fait de leur condition de grossesse, ou de danger manifeste par leur emploi
à l'endroit de l'enfant qu'elles allaitent.
Nous demandons qu'un délai de 20 jours soit appliqué dans
le cas d'un retour au travail.
Les mécanismes de contestation. Toutefois, plutôt que
d'indiquer les droits d'appel et la procédure à suivre à
l'endos de la décision, comme le fait actuellement la CSST, nous
privilégions l'usage adopté par la Régie de l'assurance
automobile du Québec qui stipule les projets d'appel à la fin de
la correspondance décisionnelle.
Il devrait être également stipulé, dans le cadre de
l'article 243 du projet de loi 42, que les intéressés sont tous
avisés de la décision, ainsi que leur représentant.
D'autre part, nous demandons qu'il soit prévu au projet de loi 42
que la CSST doive rendre une décision écrite sur un point
donné, lorsqu'elle en est requise par une partie, et ce, dans les 30
jours de la demande.
Il s'agirait d'une forme très légitime et très
élémentaire de contrôle du travail sur l'administration de
son dossier. D'autre part, il serait nécessaire, selon nous, de
préciser dans le projet de loi que tout paiement effectué devrait
être accompagné d'une décision écrite et
motivée, afin que des chèques non identifiés soient
transmis à l'accidenté.
L'existence du Bureau de révision. Nous sommes d'accord avec
l'abolition des bureaux de révision. Nous aimerions, toutefois, que le
projet de loi prévoie qu'un travailleur puisse exiger une audition
judiciaire dans les cas où il le désire devant le service de
révision.
Il est également important que tous les frais d'expertise, en
moyenne 250 $ par médecin, les pertes de salaire et les frais de
déplacement et de séjour soient à la charge du bureau de
révision dans le but de permettre à l'accidenté d'assurer
sa défense de façon pleine et entière.
Nous demandons que, contrairement à l'article 247 qui limite la
juridiction de la Commission des affaires sociales à certains cas
limites, la Commission des affaires sociales ait une juridiction finale d'appel
dans tous les domaines où la CSST peut se prononcer.
Nous demandons que tous les appels portant sur la matière
suivante soient jugés d'urgence, soit qu'une audition soit tenue par la
Commission des affaires sociales, dans les 30 jours suivant l'appel, et qu'une
décision soit rendue par cette dernière dans les 30 jours suivant
l'audition à moins d'entente entre les parties.
Reconsidération d'une décision par la même instance
décisionnelle. Nous nous opposons donc à ce que les
différents détenteurs de pouvoirs décisionnels "taponnent"
dans les dossiers où ils ont commis des erreurs et reconsidèrent
leur décision quelques mois ou même quelques années
après qu'elle ait été rendue, revendiquant ainsi un
remboursement de la part du travailleur.
Il est particulièrement abusif que la CSST puisse
reconsidérer une décision rendue par la Commission des affaires
sociales qui détient une juridiction finale d'appel. Pour ceux qui
connaissent l'état des relations entre la Commission des affaires
sociales et la CSST, une disposition telle que l'article 250 apparaît
particulièrement répugnante. Nous assisterons
inévitablement à un "taponnage" de dossiers qui entraînera
des conséquences peu souhaitables sur le droit des
accidentés.
Seule une telle disposition empêchant la reconsidération
est susceptible d'empêcher que les droits des accidentés soient
bafoués et de faire en sorte que les fonctionnaires de la CSST prennent
leurs responsabilités en étudiant scrupuleusement les dossiers et
en rendant des décisions fondées, articulées et
consécutives à une étude réfléchie des
dossiers.
Nous demandons que toutes les prestations prévues à la loi
soient revalorisées (amender l'article 106 du projet de loi). Aucune
prestation reçue de bonne foi par un travailleur ne serait remboursable;
seuls les cas de fraude au sens du Code criminel seraient remboursables
à la CSST, article 117 et article 53,3 à amender.
Amender l'article 124 du projet de loi pour prévoir qu'en plus de
bénéficier de l'insaisissabilité - excusez-moi, je me suis
compliqué la situation avec cela - et de la non-imposabilité, les
bénéfices et prestations provenant de la Loi sur les accidents du
travail sont d'ordre public et aucune convention à l'effet contraire ne
peut en limiter la portée ou la jouissance en faveur du travailleur.
L'article 17 de la loi actuelle prévoit cette disposition qui doit
être introduite dans le projet de loi actuel.
Tous les retards sur les paiements d'indemnité accusés par
la CSST devraient être réparés par un versement
d'intérêt suivant la Loi sur le ministère du Revenu,
l'article 212 du projet de loi prévoyant d'ailleurs que ce taux
d'intérêt s'applique sur les cotisations que les employeurs sont
en défaut de payer à la CSST. (13 heures)
Dans le cas où le travailleur est porteur d'une incapacité
préexistante à l'accident, la CSST devrait, et non pas pourrait,
comme le prévoit l'article 217 du projet de loi, imputer les coûts
relatifs à cette incapacité préexistante à un fonds
spécial, afin que les coûts de l'incapacité
préexistante ne soient pas supportés directement par l'employeur
ou que ce dernier ne soit pas incité à refuser l'embauche
d'accidentés du travail ou de personnes handicapées de peur
d'être appelé à supporter les coûts en cas
d'accident.
La confidentialité et les rapports médicaux. La personne
responsable de l'application et du respect des dispositions législatives
portant sur l'accès aux rapports médicaux et aux
confidentialités devrait être indépendante de la CSST et
dépendre d'un organisme public distinct.
De plus, on devrait pouvoir pourvoir au remplacement de cette personne
à tous les deux ans afin d'éviter qu'elle ne soit, dans les
faits, assimilée au fonctionnement administratif de la CSST.
Les services médicaux et les experts. Il est fondamental que les
médecins chargés d'analyser les dossiers des accidentés et
de faire des recommandations au service de l'indemnisation soient
désignés, rémunérés et choisis par un
organisme autre que la CSST.
Dans ce contexte, ne serait-il pas nécessaire qu'une
équipe de médecins, formés spécifiquement en
santé du travail et entourés de professionnels dans des
disciplines paramédicales, comme l'ergothérapie, la
physiothérapie et la réadaptation professionnelle soient
rattachés au ministère des Affaires sociales et affectés,
pour une période maximale de deux ans, à des organismes publics
indemnisateurs comme la CSST, la RAAQ et la RRQ?
En assurant ainsi la rotation de ces médecins, on assurerait une
meilleure impartialité et objectivité et on s'assurerait que
l'indépendance professionnelle de ces derniers favoriserait un jugement
plus objectif dans le traitement des dossiers des personnes accidentées
ou mutilées.
Quant aux experts, nous insistons sur le fait que l'expert chargé
de rédiger le rapport d'expertise portant notamment sur les dommages
corporels permanents soit choisi par l'accidenté mais
rémunéré par la CSST.
Le service de reconsidération administrative. Nous insistons sur
la nécessité de détacher administrativement les
fonctionnaires qui auront oeuvré au sein du service de
reconsidération afin qu'ils soient totalement indépendants de la
CSST.
Il est inutile d'espérer que le fléau d'appels à la
Commission des affaires sociales sera réduit si l'unité de
reconsidération administrative dont la création est
expressément prévue par le projet de loi 42 n'est pas tout
à fait indépendante de la CSST.
Nous suggérons que les membres du bureau de révision
soient également affectés de façon rotative aux
différents organismes indemnisateurs québécois,
développant ainsi une expertise souhaitable et bénéficiant
d'une indépendance toute naturelle leur permettant de rendre des
décisions réalistes.
Réparation d'injustices antérieures. Enfin, dans les
dispositions transitoires au projet de loi 42, nous souhaitons
évidemment que la loi actuelle sur les accidents du travail, hautement
préférable à ce qui est suggéré par le
projet de loi 42, soit au moins applicable aux travailleurs dont le dossier est
actuellement actif. D'autre part, nous aimerions que certaines dispositions
à portée rétroactive soient introduites dans le projet de
loi 42 concernant les cas suivants.
L'article 38.4: Nous avons parlé au début de la
présentation de notre mémoire de l'absence d'évaluation du
degré d'inaptitude à reprendre le travail chez les travailleurs
qui ont été évalués par la CSST avant le 1er avril
1980. En effet, avant cette date, la commission n'évaluait les taux
d'incapacité partielle permanente qu'à partir de la nature de la
lésion et non en fonction des conséquences de cette même
lésion sur la capacité de travailler résiduelle du
travailleur.
Au nom de tous les accidentés qui ont été mal
évalués, nous demandons qu'une procédure
rémédiatrice soit apportée, soit par le biais d'une
indexation massive des rentes dont ils bénéficient actuellement,
soit par le biais d'une réévaluation systématique de ces
dossiers et d'une application de la formule d'évaluation de l'inaptitude
à reprendre le travail en vigueur à la CSST depuis le 1er avril
1980. Bien que fort conservatrice dans l'évaluation des taux, cette
formule constitue néanmoins une façon d'évaluer
l'inaptitude à reprendre le travail, et nous considérons que
chaque travailleur strict a un droit à cette évaluation.
Les personnes à charge d'avant 1979. L'on sait que le 1er janvier
1979 entrait en vigueur le chapitre 57 des lois de 1978 modifiant
substantiellement le régime d'évaluation de rentes et de
prestations payables tant aux travailleurs accidentés qu'à leurs
personnes à charge.
Dans le cas où des travailleurs sont décédés
des suites d'un accident ou d'une maladie professionnelle avant le 1er janvier
1979, l'ancien régime s'appliquait, prévoyant pour les personnes
à charge des rentes mensuelles forfaitaires qui ne variaient pas selon
le salaire gagné par le conjoint au moment de l'accident.
Par ailleurs, le 1er janvier 1979, la nouvelle loi prévoyait une
indemnité mensuelle mais, cette fois, basée sur le revenu
gagné par le défunt travailleur au moment de son
décès.
Le regroupement des femmes, dont les maris sont
décédés des suites d'amiantose, qui présentera un
mémoire à cette commission parlementaire, fera d'ailleurs
grandement état de cette injustice que vivent ces veuves dont les maris
sont décédés avant le 1er janvier 1979.
Les veuves en question bénéficient encore aujourd'hui de
cette même rente forfaitaire instaurée par les anciennes lois,
lesquelles ont été revalorisées suivant l'indice
d'indexation prévu à la Loi sur le régime de rentes.
Toutefois, dans le but d'assurer la justice auprès de ces
personnes à charge, nous suggérons qu'il leur soit accordé
une indexation massive des prestations alors prévues afin qu'elles
deviennent plus réalistes et plus susceptibles de leur procurer un
niveau de vie convenable.
Le Président (M. Boucher): M. Guay, étant
donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 14 h 30,
pour permettre aux gens d'aller se restaurer. Nous procéderons à
la période de questions avec le Mouvement d'aide aux
accidentés(es) du travail du Québec au retour.
(Suspension de la séance à 13 h 14)
(Reprise de la séance à 14 h 50)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission parlementaire du travail reprend ses travaux.
Nous sommes informés, M. Guay, que votre procureur ne pourra
être présent avant 15 heures.
M. Guay (Rosaire): Dans quelques minutes, parce qu'il fallait
qu'il soit en Cour supérieure à 14 heures. Étant
donné qu'il y a des questions techniques, des questions de droit,
j'aurais bien aimé qu'il soit là. Remarquez bien qu'un autre
représentant du mouvement m'accompagne, Me Lise Bibeau, qui pourra
m'éclairer lorsque des questions seront posées.
Le Président (M. Boucher): M. Guay, avec le consentement
des membres de la commission, nous pourrions attendre que votre procureur
revienne.
M. Guay (Rosaire): Oui.
Le Président (M. Boucher): En attendant, on pourrait
entendre un autre groupe, quitte à revenir par la suite avec la
période des questions.
M. Guay (Rosaire): La période allouée à
l'autre groupe, est-ce que cela va s'échelonner sur trois heures?
Le Président (M. Boucher): II reste deux groupes à
entendre d'ici 18 heures. Alors, on pourra probablement revenir pour la
période des questions après avoir entendu les
représentants du CLSC Seigneurie de Beauharnois.
M. Guay (Rosaire): Parfait, M. le Président.
M. Cusano: M. le Président, il y a consentement.
Le Président (M. Boucher): II y a consentement. M. le
député de Viau, je vous remercie.
J'appelle le CLSC Seigneurie de Beauharnois représenté par
le Dr Arnold Aberman ainsi que le Dr Roger Hobden, le Dr Bernard Chartrand et
le Dr Pierre Dongier.
Si vous voulez bien vous identifier et présenter les personnes
qui vous accompagnent.
Comité ad hoc pour le respect du diagnostic du
médecin traitant
M. Aberman (Arnold): Je suis le Dr Arnold Aberman. Je suis un
médecin traitant. Un autre médecin, le Dr Roger Hobden, vient de
partir, mais il sera de retour dans une minute. À ma gauche, c'est le Dr
Bernard Chartrand, médecin.
Je voudrais simplement relever une erreur à l'ordre du jour. Nous
ne représentons pas le CLSC Seigneurie de Beauharnois. Nous
représentons le Comité ad hoc pour le respect du diagnostic du
médecin traitant. C'est inscrit comme tel, parce que c'est l'adresse
où la commission parlementaire peut obtenir d'autres renseignements. Je
travaille là-bas, mais je ne représente pas le CLSC.
Le Président (M. Boucher): Nous prenons note du
changement.
Dr Aberman, vous pouvez procéder à la lecture de votre
mémoire.
M. Aberman: Le projet de loi 42 et le respect du médecin
traitant. Une commission parlementaire concernant le projet de loi 42, Loi sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles, tiendra ses
audiences vers la mi-février. En tant que médecins,
généralistes ou spécialistes traitant des
accidentés du travail, serons-nous plus respectés avec ce nouveau
projet de loi?
Hélas! nous sommes obligés de répondre par la
négative.
En effet, déjà en avril 1983, une pétition
signée par 79 médecins, généralistes et
spécialistes, parue dans le journal La Presse, a dénoncé
les abus de la CSST et appuyé les revendications de l'ATTAQ,
Assemblée des travailleuses et travailleurs accidentés du
Québec, à savoir le respect par la CSST du diagnostic et du
traitement du médecin traitant au sujet des patients accidentés
du travail.
Dans le projet de loi 42, cette requête n'a pas trouvé
d'écho, au contraire, on lit, à l'article 132, que: "La
Commission décide de la nécessité, de la nature, de la
suffisance ou de la durée de l'assistance médicale." Au plan
médical, la CSST s'arroge ainsi tous les droits, et on peut se demander
quelle valeur elle accordera alors aux diagnostics et aux traitements des
médecins traitants au sujet des patients accidentés du travail.
Que reste-t-il à faire comme médecin si la commission
décide effectivement des éléments
énumérés dans l'article 132 cité plus haut?
Deuxièmement, dans l'article 129, le projet de loi
réaffirme le droit du travailleur au médecin et à
l'établissement de son choix. "Le travailleur a droit aux soins de
l'établissement de santé et du professionnel de la santé
de son choix." Mais, dans le paragraphe suivant, ce principe est quelque peu
atténué lorsqu'on lit: "Cependant, dans l'intérêt du
travailleur, si la commission estime que les soins requis par l'état de
ce dernier ne sont pas disponibles dans un délai raisonnable dans
l'établissement qu'il a choisi, ce travailleur peut se rendre dans
l'établissement que lui indique la commission pour y recevoir plus
rapidement les soins requis." Comme médecins traitants, on ne peut que
louer une telle volonté de diligence de la part de la commission, mais
nous nous interrogeons cependant sur la pertinence que ce soit la CSST et non
le médecin traitant qui propose le nouveau lieu de traitement.
En troisième lieu, on fait une exception au principe de la
confidentialité pour les travailleurs accidentés. En effet,
à l'article 45, on lit: "Malgré la Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels (L.R.Q., chapitre A-2.1), le professionnel de la santé
désigné par l'employeur au service duquel se trouve le
travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle a droit
d'accès au dossier médical ou de réadaptation que la
commission possède au sujet de ce travailleur." Pourquoi cet accroc
à la confidentialité pour le travailleur accidenté et
risquer ensuite de nuire à la relation patient-médecin, puisque
le travailleur sait que son employeur connaîtra tout son dossier
médical y compris des éléments non pertinents à sa
réclamation?
En dernier lieu, nos patients accidentés du travail peuvent
s'attendre à être obligés de se soumettre à l'examen
d'un médecin choisi par l'employeur et souvent aussi à l'examen
du médecin expert de la CSST. L'article 133 dit: "Le travailleur qui
réclame une prestation doit, à la demande de son employeur ou de
la commission, se soumettre à l'examen d'un professionnel de la
santé choisi et payé par l'employeur ou la commission, selon le
cas, relativement à la lésion professionnelle dont il a
été victime." Que d'examens! et autant de tracasseries pour le
travailleur accidenté, en plus d'être un manque de respect pour le
diagnostic et le traitement du médecin traitant, puisqu'il s'agit,
à toutes fins utiles, d'un contrôle de la pratique
médicale. Et si des examens supplémentaires s'avéraient
nécessaires ou justifiés dans certains cas, pourquoi ne pas
reconnaître à l'accidenté le droit de choisir librement le
spécialiste qu'il ou elle ira consulter?
La CSST dit vouloir éliminer ainsi les certificats de
"complaisance" de la part des médecins. Comme il a déjà
été mentionné dans la déclaration du mois d'avril
1983, signée maintenant par plus de 125 médecins, il existe des
organismes au Québec, légalement constitués, pour recevoir
des plaintes et enquêter s'il y a complaisance de la part des
médecins. Il faut admettre que les décisions de ces organismes
sont d'autant plus crédibles que ces derniers fonctionnent
indépendamment des sommes versées par les entreprises.
Pour terminer, à l'occasion de la commission parlementaire, nous
réitérons notre demande à l'honorable ministre, M. Raynald
Fréchette, d'inclure dans le projet de loi 42 des dispositions qui
empêchent la CSST et l'employeur d'intervenir dans l'investigation et le
traitement des accidentés et qui obligent la CSST à respecter le
diagnostic et le traitement du médecin traitant. Signé: Le
comité ad hoc "Pour le respect du diagnostic du médecin
traitant." Qui a signé? 115 médecins ont signé la lettre
en plus de l'effectif de l'Association des médecins des CLSC du
Québec. Si vous voulez, nous avons ici les originaux des signatures de
ces 115 médecins.
Le Président (M. Boucher): Merci, Dr Aberman. M. le
ministre.
M. Fréchette: M. le Président, je vous remercie. Je
remercie le Dr Aberman et ses collègues, qui sont à la table,
d'être venus nous soumettre leur mémoire. En fait, le
mémoire ne touche qu'un des aspects de la loi, mais par ailleurs un
aspect fort important, celui du chapitre qu'on pourrait globalement identifier
comme étant celui de l'assistance médicale.
Je suis bien conscient que je vais me répéter par rapport
à des choses qui ont déjà
été dites depuis que nous sommes là, mais je pense
que pour les besoins de la discussion, c'est nécessaire que nous le
fassions. Je comprends que votre première préoccupation, c'est la
nécessité de, non seulement privilégier ou de prioriser le
diagnostic du médecin traitant, mais de l'accepter à l'exclusion
de tout autre évaluation médicale. Cela me semble être la
conclusion à laquelle il faut en arriver par l'audition et la lecture de
votre mémoire. (15 heures)
Une première observation, ou plutôt une question d'ordre
général. Est-ce que la revendication que vous nous soumettez
implique que, de toute évidence, seulement le rapport du médecin
traitant doit être retenu? Deuxièmement, malgré toute la
bonne volonté, toute la bonne foi que peut avoir un médecin qui
traite un accidenté, ce rapport ne peut être autre chose que la
réalité et la vérité? En d'autres mots, vous
n'acceptez pas - je parle des principes -qu'aucun autre professionnel de la
santé puisse - je ne vous dis pas de la CSST ou d'ailleurs -
évaluer, analyser la nature des conclusions auxquelles vous arrivez?
M. Aberman: Je répondrai à cela en disant que c'est
vrai que, premièrement, ce qu'on veut, c'est la reconnaissance du
médecin traitant du travailleur ou de la travailleuse accidenté.
Mais on reconnaît aussi le fait que la CSST pourrait intervenir dans les
dossiers des accidentés du travail. Et, en conséquence, ce que
nous voulons, c'est que si jamais la CSST tient compte seulement du diagnostic
du médecin traitant, qu'il revienne encore à l'accidenté
du travail d'obtenir une deuxième opinion de la part d'un
spécialiste pour confirmer ou non le diagnostic du médecin
traitant.
M. Fréchette: À supposer qu'il y ait une
différence appréciable entre le diagnostic du médecin
traitant et le deuxième médecin que l'accidenté
lui-même aurait choisi, théoriquement en tout cas, cela peut
être possible, devant quelle situation allons-nous nous retrouver?
Qu'est-ce qu'il faudra faire après cette deuxième
évaluation?
M. Aberman: On a discuté de cela ensemble et nous trouvons
que compte tenu des procédures, si cette expertise va en faveur des
travailleurs et des travailleuses ou les compagnies où les travailleurs
auraient le droit de contester ces décisions à une instance
d'arbitrage...
M. Fréchette: À une instance d'arbitrage.
M. Aberman: Oui, à une instance.
M. Fréchette: Les choses dont on a parlé depuis
quelques jours maintenant et la direction vers laquelle on pensait devoir aller
rejoignent passablement ce qu'on est en train de discuter actuellement. Je
pense que la seule chose qui nous sépare, c'est le choix du
deuxième médecin. La proposition qu'on a discutée depuis
un bon moment et qui pourrait - je dis bien qui pourrait - devenir coucher dans
la loi, si vous me passez l'expression, ce pourrait être essentiellement
la suivante: Le médecin traitant a donné tous ses services
à son patient. Il est rendu au stade où il est en mesure de
procéder à l'évaluation, ce qu'il fait. Il doit de toute
évidence soumettre son expertise à une instance qui va devoir
prendre des décisions en relation avec les conclusions qu'on y retrouve.
Personne jusqu'à maintenant en tout cas, et vous venez de confirmer
cela, n'a nié le droit à l'instance qui va devoir décider
de se faire confirmer le diagnostic du médecin traitant, enfin, se faire
indiquer que le diagnostic posé par le médecin traitant est
vraiment conforme à la réalité objective et subjective des
faits.
Ce dont on discute, c'est que cette appréciation pourrait
être faite par un médecin de la CSST avec les conséquences
suivantes: À supposer que le diagnostic du médecin traitant soit
confirmé par le médecin de la CSST, tous les deux en arrivent
à la même conclusion. Cette décision serait finale. Elle
lierait la commission et personne ne pourrait en discuter, sauf les parties si
elles étaient d'avis qu'il faille faire revoir cette opinion. Mais
là on serait en face d'une opinion qui est confirmée et cela
lierait le dossier pour autant que la commission est confirmée. Elle ne
pourrait pas intervenir quant au contenu de la conclusion.
Si, par ailleurs, on retrouvait cette différence dont on parlait
tout à l'heure, ce qui est toujours possible aussi, non seulement
l'alternative, mais la décision serait effectivement de soumettre
à une instance arbitrale... il faut bien être
réservé dans les termes parce que ce ne sera peut-être pas
cela qui sera retenu comme termes, mais pour les besoins de la discussion
parlons d'une instance arbitrale essentiellement médicale qui, elle,
trancherait le litige entre les deux.
Qui seraient les médecins qui siégeraient à cette
instance? C'est autre chose. Les corporations de professionnels venus
témoigner depuis une dizaine de jours nous ont toutes indiqué
qu'elles étaient disposées à collaborer à cet
égard. Ce qui pourrait être fait, ce serait de demander aux
différentes corporations de s'informer auprès de leurs membres
respectifs quels sont ceux qui seraient disposés à agir comme
espèce d'arbitres ad hoc quand arrive le temps de litiges de ce
genre-là? Par exemple, les omnipraticiens nous informent que 250 de
leurs membres sont disponbibles pour ce genre de travail. La liste qui
nous est envoyée est soumise ensuite au Conseil consultatif du travail
et de la main-d'oeuvre où siègent des représentants du
patronat et des représentants des syndicats. C'est le Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui nous informe qu'il a
procédé à l'étude des candidatures qui lui ont
été soumises et c'est également lui qui demande au
ministre responsable de l'application de la loi de retenir les candidatures que
le conseil consultatif a aussi retenu. Ce sont ces professionnels de la
santé qui deviendraient les arbitres ad hoc dont je vous parlais tout
à l'heure.
Ai-je raison de penser que la seule distance qui nous sépare dans
ce processus, c'est le choix du deuxième médecin? Quant au reste,
sommes-nous pas mal sur la même longueur d'onde?
M. Aberman: Nous voulons tous essayer d'améliorer la
situation en termes d'expertise médicale et en termes du respect des
médecins traitants. Il y a deux éléments où je
trouve que cela accroche. Premièrement, c'est la question en dehors du
bureau médical; pour nous, ce n'est pas clair. Est-ce le bureau
médical qui sera décisionnel à la première
instance, ou si ce sera l'expert choisi, ou le médecin traitant du
travailleur accidenté? Deuxièmement, si le bureau médical,
dans sa sagesse, détermine qu'il n'est pas d'accord avec le
médecin traitant et veut une deuxième expertise, on a de la
misère à distinguer les spécialistes à savoir qui
peut faire ou ne pas faire une expertise. Supposons que l'ensemble des
spécialistes à Québec ont eu leur certificat de
spécialisation de la corporation, si ce sont les mêmes
spécialistes qui soignent les gens ordinaires qui ne sont pas des
accidentés du travail, qui ont le droit de faire des opérations,
de faire des investigations d'emblée sur la population en
général, nous avons de la misère à comprendre
pourquoi il y a une partie des spécialistes qui sont disponibles
à faire les expertises chez les travailleurs et les travailleuses
accidentés. C'est pour cette raison que nous retenons -si tu veux, si
c'est un principe - la question de toujours donner aux travailleurs et aux
travailleuses accidentés de choisir leur médecin traitant et le
spécialiste si une expertise est demandée par le CSST et que le
CSST soit liée à la décision de ce spécialiste en
faveur ou non des travailleurs et des travailleuses accidentés. Ensuite
on pourrait avoir des instances d'appel d'après le résultat de
l'expertise.
M. Fréchette; Je pense que, effectivement, il y a une
distance qui nous sépare qui est essentiellement reliée au choix
du professionnel pour la deuxième opération.
À part cette réserve, quant au reste du mécanisme,
il me semble y avoir un certain nombre de choses sur lesquelles on est en
train...
M. Aberman: On peut s'entendre.
M. Fréchette: ...de faire un petit consensus.
M. Aberman: Oui.
M. Fréchette: Deux autres petites observations. Il est
évident, vous le réclamez dans votre mémoire, cela a
déjà été dit, je vous l'ai
répété ce midi, je vais le redire à la toute fin de
la commission, mais l'article 132 sera effectivement amendé pour
rejoindre l'objectif que vous visez et il en est de même de l'article 52
dans le cas des pneumoconioses où exactement le même
phénomène va se produire...
Essentiellement, ce que tout le monde a l'air de vouloir rechercher
comme objectif ultime, c'est de faire en sorte que la commission ne soit pas
l'instance décisionnelle qui lie toutes les parties mais plutôt -
c'est quant à la forme qu'on peut avoir de petites discussions - que
l'instance décisionnelle qui lie les parties, ce soit l'instance
médicale.
M. Chartrand (Bernard): Oui, mais à la condition que cette
instance médicale soit choisie par l'accidentée...
M. Fréchette: Je vous ai parlé de réserve et
quand je parlais de réserve, c'est à ce...
M. Chartrand: Au mieux nous ne voudrions pas de liste, mais au
pire s'il y en a une, qu'elle soit le plus large possible parce que ce que le
Dr Aberman voulait dire tout à l'heure, c'est que, dans la
société, on considère une expertise médicale comme
un acte médical. Et dans la société, quelqu'un qui a une
maladie quelle qu'elle soit, peut choisir n'importe quel professionnel qui va
lui poser cet acte médical. Alors on se dit, dans le cas d'un accident
du travail ou d'une expertise d'un acte médical: Pourquoi ce citoyen
qui, à la suite d'une malchance, est un accidenté ne pourrait pas
choisir comme il peut choisir d'autres types de traitements?
M. Fréchette: Je ne suis pas en train de vous dire que je
n'accepte pas votre raisonnement. Je vous dis simplement qu'on est au stade de
l'évaluation des modalités des processus et que c'est un aspect
important de la question, qui a été soulevé d'ailleurs par
plusieurs intervenants. Mais le principe fondamental étant que, à
tous égards et peu importent les modalités qui seront retenues,
la commission doit être
délestée, si vous me passez l'expression, de son pouvoir
actuel en faveur d'un pouvoir décisionnel médical. C'est cela.
Cela va, M. le Président, merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le
député de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. J'aimerais, Dr Aberman,
vous remercier pour votre présentation. Je crois qu'elle est très
claire. Je comprends très bien votre présentation dans le sens
que, comme vous venez de le dire, dans la vie d'une personne, accidentée
ou non, lorsque celle-ci va consulter un médecin et qu'on lui dit qu'il
y a un certain problème médical, elle va peut-être tenter
d'avoir une deuxième opinion. Personnellement, je peux vous dire que,
dans certains cas que j'ai vécus, même le médecin traitant
m'a suggéré d'aller voir quelqu'un d'autre afin que la personne
soit assurée que le diagnostic est bien posé, cela pour mettre la
personne à l'aise psychologiquement plus que d'autre chose. Alors, je
rejoins le fait qu'il y ait respect. J'ai remarqué que même aux
États-Unis, les médecins dépensent beaucoup d'argent en
publicité, demandant aux gens de ne pas se satisfaire du diagnostic d'un
seul médecin avant de se soumettre à une intervention
chirurgicale, de consulter d'autres médecins. Je crois que cela est
normal pour rassurer la personne, psychologiquement, que c'est bien cela, qu'il
est peut-être nécessaire de le faire. (15 h 15)
Je comprends votre intervention et je voudrais que vous me corrigiez si
je me trompe. Vous prétendez, avec raison, que l'individu choisit son
médecin. C'est la contestation de la part de la CSST sur votre
diagnostic à laquelle vous vous opposez.
M. Aberman: Est-ce que je peux répondre?
M. Cusano: Oui.
M. Aberman: Nous ne contestons pas le fait que la CSST a le droit
de poser des questions sur le diagnostic du médecin traitant. Ce que
nous contestons, c'est le rôle décisionnel du bureau
médical en matière des traitements et de la durée des
traitements déterminés par le médecin traitant. Ce que
nous proposons, si la CSST pose des questions sur le diagnostic et sur les
traitements du médecin traitant, c'est de demander aux travailleurs et
aux travailleuses accidentés d'être examinés par un
spécialiste de leur choix qui va acheminer un rapport à la CSST
et que cette dernière soit liée à ce rapport.
M. Cusano: Pour qu'on se comprenne bien. Il y a un tel cas dans
mon comté - je ramasse beaucoup de cas de CSST dans mon comté -
où un accidenté du travail a vu son médecin traitant et ce
dernier a suggéré une certaine intervention. Les médecins
de la CSST ont suggéré d'autres interventions. C'est ce à
quoi vous vous opposez, c'est-à-dire que vous ne comprenez pas pourquoi
un médecin de la CSST dicterait à un médecin comment il
doit agir et quel devrait être son comportement vis-à-vis d'une
maladie ou d'une lésion particulière. Est-ce que c'est bien
cela?
M. Aberman: Oui, en partie.
M. Cusano: Si, dans les amendements que le ministre semble
disposé à faire, on y inscrivait une espèce d'obligation
de la part de l'accidenté à voir deux médecins de son
choix, est-ce que ce serait mieux que la formule qui semble être
proposée par le ministre?
M. Aberman: C'est-à-dire de proposer à
l'accidenté de confirmer ou d'infirmer la décision du
médecin traitant en allant voir deux spécialistes?
M. Cusano: D'aller voir un autre spécialiste de son
choix.
M. Aberman: De son choix, oui.
M. Cusano: Ce serait mieux que la proposition qui...
M. Aberman: Oui, ce serait beaucoup mieux.
M. Cusano: Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci. Il n'y a pas d'autre
intervenant.
M. Lavigne: M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Je voudrais simplement souligner que nous avons
l'honneur d'accueillir des gens du comté de Beauharnois. Je sais que le
Dr Aberman travaille depuis fort longtemps au CLSC Seigneurie de Beauharnois et
je suis fier de voir qu'il y a des médecins de la région qui
s'intéressent, d'une façon toute particulière, aux lois du
travail. Je sais que le projet de loi 42, dans le monde du travail,
particulièrement dans le comté de Beauharnois qui est un
comté où on retrouve beaucoup de travailleurs d'usine... Cela me
rassure de voir que les médecins de la région sont attentifs
à ce que le gouvernement adopte une loi en ce qui a trait aux lois du
travail, particulièrement aux lois qui
touchent la santé et la sécurité du travail. Un
premier pas a déjà été fait avec la loi 17 et la
création de la CSST. Je pense qu'il était de notre devoir, comme
législateurs, de mettre sur pied une loi comme le projet de loi 42 pour
autant, évidemment, qu'elle atteigne les objectifs que nous visons comme
société. Le projet de loi 42 ne pourra peut-être pas
répondre à toutes les attentes de la partie patronale, non plus
à toutes les attentes de la partie syndicale, mais le gouvernement se
doit de trancher là où on pense que c'est mieux de trancher,
selon nos aspirations et notre volonté de vivre dans une
société plutôt que dans une autre. C'est là le voeu
du gouvernement de faire en sorte que ce projet de loi réponde le mieux
possible aux attentes des travailleurs de notre société. Je
voudrais remercier particulièrement les médecins du comté
de Beauharnois qui sont venus présenter un mémoire et qui
s'intéressent de très près à la préparation
de ce projet de loi. Je vous remercie, messieurs.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Je suis heureux de voir
que le député de Beauharnois se réveille et se
réjouit de la venue de médecins de son comté. Je vous
signale, M. le Président, que jamais, depuis le début de la
commission, il n'a posé des questions aux représentants, il ne
s'est intéressé au fond de la loi. Nous venons d'avoir droit
à une pause publicitaire commerciale...
M. Lavigne: M. le Président.
M. Doyon: ...absolument pas nécessaire.
M. Lavigne: M. le Président.
M. Doyon: M. le Président, il aurait été
beaucoup plus utile pour le député de Beauharnois...
Une voix: Question de règlement.
M. Doyon: ...de s'occcuper du fond du dossier, de suivre ce qui a
été discuté ici en commission, de poser des questions aux
représentants ou aux témoins plutôt que de venir faire sa
petite courbette habituelle à laquelle on s'attendait et qui ne fait
absolument pas avancer le dossier. C'est un député qui profite de
cette occasion pour que ce soit enregistré au journal des Débats.
Une vérification pure et simple auprès du journal des
Débats vous permettra de vous rendre compte que, pendant les nombreuses
journées que nous avons consacrées à ces travaux tous
ensemble, le député de Beauharnois a été absent du
débat, qu'il a posé très peu de questions. Il était
absent comme si cela ne le regardait pas. Comme par hasard aujourd'hui, parce
que nous avons le plaisir et l'honneur de recevoir un groupe de médecins
qui vient de Beauharnois, il se manifeste. Personne n'est dupe de cette
façon de faire qui ne fait pas avancer le débat et qui est
simplement une salutation cordiale - nous la faisons aussi - dont le
député de Beauharnois aurait pu se passer, compte tenu de son peu
d'implication jusqu'à maintenant dans le dossier lui-même.
M. Lavigne: M. le Président, compte tenu que le
député de Louis-Hébert m'a mis très largement en
cause dans ses propos, je voudrais justement, selon sa suggestion, que toutes
mes interventions contenues au journal des Débats soient
relevées.
M. Doyon: Ce ne sera pas long.
M. Lavigne: M. le Président, lorsque le
député de Louis-Hébert est intervenu, est-ce que je l'ai
empêché de parler?
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Louis-Hébert!
M. Lavigne: Je lui demanderais, s'il vous plaît...
M. Fréchette: ...patient.
M. Lavigne: ...M. le Président, qu'il respecte les propos
du député de Beauharnois. Au contraire. Je ne sais pas quelle
mouche a piqué le député de Louis-Hébert.
M. Doyon: La mouche de la vérité, la même que
d'habitude.
M. Lavigne: Je peux vous dire que, effectivement...
M. Cusano: Est-ce qu'il a l'intention de finir sur une mauvaise
note?
Le Président (M. Boucher): Cela allait bien.
M. Cusano: Cela allait très bien avant que le
député de Beauharnois ne prenne la parole.
M. Lavigne: Justement, M. le Président, ce que le
comité de Beauharnois vient de réclamer dans son mémoire
et l'une des premières interventions faites à cette commission
concernaient l'article 132 portant sur la reconnaissance du médecin
traitant. Cela a été l'une de mes premières
interventions.
Une voix: C'est la première.
Une voix: La seule, une des seules.
M. Lavigne: Elle était très importante et
très pertinente. La preuve, c'est qu'on la retient. Je me souviens
très bien d'une autre intervention portant sur l'IVAC. S'il y en a un
qui est intervenu très largement là-dessus et non seulement en
commission, mais au caucus des députés et si, aujourd'hui, il y a
des changements majeurs à ce niveau, sans vouloir me flatter, c'est
très important pour moi, M. le Président, que je puisse faire une
mise au point. Toute la question de l'IVAC, l'indemnité aux victimes
d'acte criminel, sans vouloir mettre une fleur à mon chapeau, c'est le
député de Beauharnois qui est intervenu là-dessus. Vous en
étiez même témoin au conseil et le ministre pourra en
témoigner très largement. Je me demande que viennent faire les
bas propos du député de Louis-Hébert dans le projet de loi
en question. Je lui demanderais, M. le Président.
M. Cusano: ...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauharnois, question de règlement de la part du député de
Viau.
M. Cusano: M. le Président, j'ai beaucoup de
difficultés...
M. Doyon: La vérité choque.
M. Lavigne: Tu es malade. C'est une fausseté.
M. Doyon: La vérité choque.
M. Cusano: M. le Président, les mots prononcés par
le député de Beauharnois disant qu'il a fait des interventions au
conseil des députés du Parti québécois, qu'ont-ils
à voir avec notre discussion concernant les médecins? Cela me
fait plaisir de savoir qu'il va retenir beaucoup de choses. Il va certainement
influencer le ministre autrement que d'autres peuvent le faire, mais qu'on
termine la pause publicitaire et continuons. Si vous avez des questions
à poser, allez-y.
Le Président (M. Boucher): Je regrette, face à nos
invités, que cette prise de bec se fasse en famille. Dr Aberman,
avez-vous quelque commentaire à faire là-dessus?
M. Aberman: Non pas là-dessus, mais j'ai deux ou trois
commentaires à faire. Je veux seulement souligner, comme on l'a dit au
début, que ce mémoire n'est pas présenté par le
comté de Beauharnois ou le CLSC Seigneurie de Beauharnois, il est
présenté par un comité des médecins traitants.
M. Doyon: C'est cela.
M. Cusano: Tu connais très bien ton comté.
M. Aberman: Je travaille à Beauharnois. Les autres
médecins ici présents ne travaillent pas à Beauharnois,
ils travaillent à Montréal.
Une voix: Je ne suis pas de Beauharnois.
M. Aberman: Je veux seulement souligner ce point.
La deuxième chose, on a passé beaucoup de temps à
parler des médecins traitants, ce qui est justement le fond de notre
mémoire, mais je voulais quand même signaler deux autres
éléments, particulièrement celui concernant les examens
mensuels imposés ou faits par les médecins des compagnies chez le
travailleur accidenté. On a longuement discuté de cette question.
Nous trouvons qu'à l'étape des traitements, de la part des
travailleurs accidentés et des médecins, la
confidentialité devrait être primordiale. Les dossiers ne
devraient jamais être acheminés au médecin de la compagnie
sans un avis écrit du travailleur ou de la travailleuse. Nous tenons
beaucoup à cela parce que cela fait partie de la confidentialité
entre les travailleurs, les travailleuses et les médecins, les rapports
entre les deux. Si la loi brise cette confidentialité, cela peut avoir
un impact important dans ce rapport. Nous trouvons que si le dossier va en
instance d'arbitrage, les médecins de compagnies devraient avoir droit
à des éléments pertinents à l'accident ou à
la maladie et non pas les éléments qui n'y sont pas
pertinents.
Nous avons souligné cela dans notre mémoire parce qu'avec
la loi actuelle et la loi 42, la confidentialité du dossier est
brisée sans l'avis du travailleur ou de la travailleuse.
M. Fréchette: Juste une question d'information
là-dessus, docteur. L'essentiel de votre argumentation, c'est de nous
dire que le médecin de la compagnie devrait être mis en possession
que des seuls éléments et circonstances de l'accident
lui-même. À supposer qu'une situation préexistante chez un
travailleur puisse être aggravée par le fait d'un accident du
travail, est-ce que vous plaidez dans le sens que la situation
préexistante chez un accidenté qui n'a aucune relation avec un
accident du travail, mais qui peut être aggravée par un accident
du travail, ne doit pas être connue du médecin de la
compagnie?
M. Aberman: Je passe la parole au Dr Hobden.
M. Hobden (Roger): Pour répondre à ce
point, je pense que vous avez entièrement raison. Prenons
l'exemple d'une dermatose et que le patient a des antécédents
d'allergie ou de maladie de peau antérieure ou toute autre affection qui
est médicalement connue comme pouvant aggraver ou jouer un rôle
dans une dermatose professionnelle, je pense qu'il faut transmettre tous ces
documents, tous ces renseignements. Également, si le patient a une
pathologie de la colonne vertébrale, le médecin de la compagnie
ou la CSST voudront savoir si au préalable le patient a eu des
problèmes de la colonne, s'il y avait des problèmes à la
naissance, s'il avait de l'usure de la colonne, etc. Cela tombe sous le
sens.
M. Fréchette: Ce n'est pas là-dessus que vous avez
des réserves. C'est sous d'autres renseignements qui pourraient n'avoir
aucune relation ni aucune conséquence sur la situation qui serait celle
de l'accidenté après son accident du travail.
M. Aberman: Exactement. M. Fréchette: Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. Comme il
n'y a pas d'autre intervenant, je voudrais remercier le Comité ad hoc
pour le respect du diagnostic du médecin traitant. Pour conclure sur une
note humoristique, je voudrais vous dire que je suis assuré que le
ministre regardera vos recommandations d'une oreille attentive, comme le disait
un des membres de la commission ce matin. Merci.
Comme convenu, j'appellerai maintenant M. Rosaire Guay ainsi que Me Marc
Bellemare pour la période de questions que nous avions retardée
compte tenu des obligations de Me Bellemare. M. le ministre, si vous voulez
procéder à la période de questions pour le Mouvement
d'aide aux accidentés (es) du travail du Québec
représenté par M. Rosaire Guay et Me Marc Bellemare. (15 h
30)
Mouvement d'aide aux accidentés (es) du travail
du Québec (suite)
M. Fréchette: M. le Président, je serai d'ailleurs
relativement bref puisque le mémoire de M. Guay est très
explicite en soi et touche à un très grand nombre de sujets qui
font l'objet de dispositions que l'on retrouve dans la loi. J'ai noté
quelques sujets sur lesquels on pourrait peut-être essayer d'obtenir un
peu plus de renseignements. Avant de le faire, cependant, M. le
Président, je voudrais remercier M. Guay de sa précence ici et
sans doute aussi de ce qu'il s'est imposé comme travail pour
préparer ce mémoire tout à fait exhaustif, comme je l'ai
dit tout à l'heure. Autant sa présence ici que le travail qu'il
nous soumet ne font que confirmer son grand intérêt pour les
membres de son organisme et pour l'ensemble des travailleurs et travailleuses
accidentés du Québec. Je voulais prendre le temps de le dire
publiquement et, encore une fois, transmettre mon appréciation à
M. Guay.
Comme je viens de vous le dire, M. Guay, étant donné que
votre mémoire est à ce point complet et à ce point
explicite, il n'est sans doute pas nécessaire d'approfondir la
période de questions et réponses, et je vais me limiter à
un, deux ou, au maximum, à trois aspects de votre mémoire.
La première considération que je voudrais vous soumettre,
c'est la suggestion que vous faites quant au délai pour l'avis
d'accident, le délai prévu dans la loi actuelle par rapport
à celui qui est dans la loi 42 et qui passerait de 48 heures à 20
jours. Votre représentation ou votre demande, c'est de laisser les
choses dans leur état actuel et de garder ce délai de 48 heures
ou de 2 jours. Je voudrais simplement vous demander, M. Guay, si vous aviez, en
formulant cette demande, tenu compte qu'il y a maintenant une disposition dans
la loi qui fait en sorte que les 14 premiers jours sont, de toute façon,
payés par l'employeur et, qu'à toutes fins utiles, si on tient
compte de cette disposition des 14 jours, le délai passerait de 2 jours
qu'il est actuellement à 6 jours? Les 14 premiers jours, ils sont de
toute façon payés. Je me demandais simplement - peut-être
que Me Bellemarre peut me donner une réponse là-dessus - s'il y a
eu une relation ou une concordance qui a été faite entre la
demande que vous nous soumettez et cette disposition du paiement des 14
premiers jours?
M. Bellemare (Marc): Si je peux me permettre de répondre
à votre question, M. le ministre, je pense que dans l'esprit des
recommandations qui sont contenues dans le mémoire, on fait une
distinction entre le délai de 14 jours à l'intérieur
duquel l'employeur doit verser les prestations - 14 jours suivant l'accident -
et le délai à l'intérieur duquel l'employeur doit produire
l'avis d'accident. Et je vais vous dire pourquoi. Premièrement, on sait
que le traitement des dossiers à la commission prend
généralement un temps assez long afin d'étudier l'ensemble
des documents médicaux et également d'analyser les circonstances
de l'accident. Souvent, les circonstances de l'accident vont faire en sorte que
la relation à établir entre cet accident et la lésion
subséquente peut être crédible ou non. Je pense qu'il est
impérieux de maintenir une obligation de déclarer l'accident avec
célérité, précisément pour permettre
à l'employeur et au travailleur, dans la description du fait accidentel
à l'aide de la
formule RA-1, parce que cette description suit le cheminement du dossier
pendant deux ou trois ans si cela va jusqu'à la Commission des affaires
sociales et cela constitue un élément de preuve important qui est
généralement considéré avec toute son importance
par les tribunaux qui sont appelés à statuer sur le cas. En
attendant 20 jours, nous craignons que les faits de l'accident soient
modifiés ou ne soient pas réellement fidèles aux
circonstances réelles de l'accident. Par exemple, on parle de la
pesanteur d'un poids qui a écrasé une jambe. On peut parler de la
dimension d'un bout de bois avec lequel le travailleur a chuté. On parle
de détails qui peuvent paraître insignifiants mais qui ont toute
leur importance dans l'évolution du dossier. Notre crainte, c'est qu'en
donnant 21 jours, les avis d'accident soient préparés le 40e jour
suivant l'accident et qu'on n'ait pas toutes les données
pertinentes.
D'ailleurs actuellement avec un délai de deux jours qui n'est pas
vraiment respecté par la grande majorité des employeurs, dans les
faits, c'est 20 jours. Je pense qu'on doit maintenir la loi à 48 heures
pour obtenir un délai de 20 jours dans la pratique, plutôt que de
prendre des délais de 20 jours et d'obtenir dans la
réalité le décuple ou dix fois ce délai, ce qui
nous donnerait 200 jours. Dans les faits, quelle garantie avons-nous que le
délai va être respecté à 20 jours plutôt
qu'à 2 jours comme dans l'ancienne loi?
M. Fréchette: Deux observations sur cela, M. Bellemarre.
Je pense que le délai moyen dans l'état actuel des choses, c'est
à peu près 16 jours, cela peut peut-être rejoindre 20. Dans
certains cas, c'est plus de 20, dans d'autres, c'est moins.
M. Bellemare: Cela a diminué.
M. Fréchette: Voici l'autre observation que je voulais
vous faire. En introduisant la politique des 14 jours et en greffant à
cette politique le fait que l'employeur de toute façon sera
remboursé pour le paiement qu'il aura fait de l'absence des 14 premiers
jours, c'était d'essayer de faire en sorte d'éviter à
l'employeur l'obligation de procéder dans un laps de temps relativement
court à deux avis: un premier avis déclarant l'accident et,
après l'expiration des 14 jours, un deuxième avis pour
réclamer ses 14 jours. Ce à quoi nous pensions, c'était
à un mécanisme qui aurait fait en sorte qu'à
l'intérieur de 20 jours, donc entre le 14e et le 20e, un avis soit
envoyé qui contiendrait les renseignements des deux situations: la
déclaration de l'accident comme tel et la réclamation ou le
remboursement pour le paiement des 14 premiers jours. C'est dans cette optique
que la proposition est retrouvée dans la loi 42. Cela nous apparaissait
rester à l'intérieur de limites quand même relativement
raisonnables. C'est pour cela que c'était là.
M. Bellemare: Si je peux compléter ma réponse de
tout à l'heure, à ce moment, on se demande pourquoi on n'a pas
prévu un avis de 14 jours plutôt que de 20 jours? D'une part, je
pense qu'il y a cette question qui ne trouve pas de réponse dans votre
explication. Il y a également le fait que, de toute façon,
l'employeur, de par sa position, défend économiquement les
intérêts qui sont quand même différents de ceux du
travailleur; on sait qu'automatiquement l'importance des prestations que le
travailleur va obtenir va avoir une influence directe sur les cotisations que
l'employeur paie. Il faut prévoir dans la loi des dispositions strictes
et abréger au maximum les délais à l'intérieur
desquels les avis d'accident doivent être déposés. Encore
aujourd'hui, au Québec, malgré la sévérité
du délai dans la loi actuelle, on sait qu'il y a un nombre important
d'accidents du travail qui ne sont pas déclarés. Je pense que
c'est à la base du système autant au plan statistique qu'au plan
économique; il faut que tous les accidents du travail soient
déclarés le plus fidèlement possible. Je ne vois pas
pourquoi on ne maintiendrait pas le délai de 2 jours. Si dans la
pratique cela prend 20 jours, alors on atteint le même objectif.
M. Fréchette: Cela va. Je souhaitais pouvoir entendre vos
remarques et vos représentations. Vous m'avez éclairé.
Il y a deux autres chapitres que je voulais aborder mais je suis bien
conscient qu'avec nos invités qui vous ont précédés
on en a largement discuté, c'est la question de l'assistance
médicale. Vous avez vu quelle est la suggestion des médecins qui
vous ont précédés, vous avez vu également quelles
ont été les paramètres de la discussion que nous avons eu,
ici, autour de la table depuis un bon moment. M. Guay, ou M. Bellemarre, est-ce
que vous avez des observations à faire par rapport aux deux positions
dont je viens de parler, celle qui nous a été soumise par vos
prédécesseurs immédiats à la table et celle dont on
discute ici autour de la table depuis un bon moment?
M. Guay (Rosaire): M. le ministre, lorsque l'accidenté a
passé son expertise devant les médecins de la Commission des
accidents du travail, que ce soit Reinhardt ou Copty, - je pourrais vous en
nommer d'autres - que la Commission des accidents du travail a pris une
décision selon le rapport de leur expert, nous, dans notre organisme, on
envoie l'accidenté chez un de nos experts. Le verdict ne nous arrive pas
toujours pareil comme celui de la
Commission des accidents du travail, soyez-en sûr. Il y a un
conflit entre la CSST et nous. Cela crée un conflit et c'est pour cela
qu'il y a un tas de procédures qui s'engendrent, soit au bureau de
révision, soit à la Commission des affaires sociales. Cela prend
trois ans avant qu'une telle situation soit réglée. Or, en fait,
pour couper au plus court, je demanderais un arbitre libre entre les deux
médecins, qui soit nommé par le collège des
médecins, mais qui ne soit pas attaché à la CSST ni
à la Commission des affaires sociales.
M. Fréchette: Alors, M. Guay, je suis en train de
réaliser que quand on met les alternatives les unes à
côté des autres, cela va finir par être une simple question
d'agencement par rapport aux modalités, parce que sur le plan des
principes, il semble bien que tout le monde est d'accord sur au moins deux
choses: la première de ces choses étant que la commission ne doit
plus avoir ce pouvoir décisionnel final, d'une part, donc, des
changements importants à l'article 132, et que, deuxièmement,
l'instance décisionnelle finale soit une instance à vocation
médicale et la décision de cette instance devrait lier la
commission. Sur ces deux aspects, il me semble que pas mal de monde commence
à souscrire à cette formule. Évidemment, il peut y avoir
des divergences quant aux modalités, quant à la structure et
quant à la façon de choisir, mais des deux principes
fondamentaux, il me semble que plusieurs sont d'accord sur les deux choses dont
je viens de vous parler. Enlevez à la commission la décision
finale et retenez que la décision finale, c'est l'instance
médicale qui l'adopte.
M. Guay (Rosaire): C'est cela.
M. Fréchette: L'autre aspect et le dernier, quant à
moi, M. le Président, dont je voulais dire un tout petit mot, c'est
toute la question des mécanismes d'appel. Je pense que vous y
étiez aussi quand on en a discuté un peu.
M. Guay (Rosaire): Oui.
M. Fréchette: II y a de toute évidence des
changements qui vont devoir être faits, c'est sûr. Maintenant,
là où la discussion continue de se faire, là où les
questions se posent, c'est sur les modalités qu'il va falloir retenir
pour les mécanismes d'appel. Encore là, une chose qui
apparaît certaine, c'est quelle que soit la structure qui sera retenue,
il faudra que cette structure soit totalement et entièrement
indépendante de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, politiquement indépendante, dans le
sens le plus noble du terme. Pourquoi cela doit être comme cela? C'est
évident qu'au fur et à mesure que les travaux ont
progressé, l'accent a été mis là-dessus, parce que
chez les gens qui doivent traiter avec la commission des accidents du travail
se sont développés ces sentiments qu'on nous exprime assez
spontanément depuis un bon moment qui font que l'atmosphère ou
l'attitude des relations humaines n'est pas à son meilleur. Un des
raisons pour lesquelles c'est comme cela - enfin, j'ai cru percervoir cette
situation-là - c'est très précisément à
cause des réserves qu'on a vis-à-vis du bureau de
révision. Alors, cela me convainc davantage de la
nécessité de trouver une formule qui fera en sorte que les
matières appelables seront décidées par une instance autre
qu'un organisme relié à la commission elle-même. (15 h
45)
La deuxième chose très importante aussi en matière
d'appel, c'est qu'actuellement, vous pouvez aller devant la Commission des
affaires sociales uniquement quand vous discutez de la justesse d'une
indemnité, du quantum d'une indemnité ou du droit à
l'indemnité. Vous ne pouvez pas aller devant la Commission des affaires
sociales pour d'autres sujets.
Il y a pourtant des décisions qui sont rendues par la commission
et qui ont des conséquences importantes sur les intérêts
autant des travailleurs que des employeurs. Par exemple, une décision
qui est rendue à la suite d'une inspection en termes de santé et
de sécurité, une décision qui concerne l'employeur quant
à sa cotisation, sa classification. Autant de matières dans
lesquelles actuellement la commission décide, mais qui ne sont pas
appelables à une instance extérieure.
L'autre avenue vers laquelle nous nous dirigeons, c'est de faire en
sorte que toute décision de la commission puisse être
portée en appel devant une instance extérieure à la
commission elle-même. Je n'irai pas plus loin quant aux mécanismes
de ces instances, mais ce sont les objectifs qui sont visés. À
cet égard, je ne sais pas - j'ai dû m'absenter un peu ce matin -
si c'est le genre de choses, du moins, quant au principe, que vous souhaiteriez
voir introduites dans la loi, M. Bellemare, les matières appelables et
l'instance elle-même.
M. Bellemare: D'accord. Dans le mémoire qu'on vous a
soumis, vous remarquez qu'on est favorable à ce que la Commission des
affaires sociales ou toute autre instance finale d'appel possède une
juridiction totale et complète. On ne voit pas pourquoi, suivant le
principe que vous venez d'énoncer qu'on partage à 100%, la
Commission des affaires sociales ou le tribunal d'appel posséderait une
juridiction limitée dans la mesure où on comprend que le principe
qu'il faut que la commission soit assujettie à un contrôle
judiciaire, je pense
qu'il est important de l'étendre à l'ensemble des
matières qui sont de sa compétence.
Dans le projet de loi 42, je pense qu'il y a une petite faille à
ce niveau. C'est qu'on ne reconnaît expressément que toutes les
matières sont appelables et même que ce n'est pas le cas
finalement, il y a des matières comme le retour au travail et
l'assistance médicale qui ne sont carrément pas appelables, comme
dans la loi actuelle. On demanderait que ce soit rectifié.
Maintenant, en ce qui concerne la nature du tribunal ou
l'identité du tribunal comme telle, on a senti à travers vos
arguments et les sujets que vous avez abordés depuis le début de
la commission parlementaire qu'on semble s'orienter vers un tribunal nouveau
qui pourrait être différent des tribunaux qu'on connaît
actuellement, bureau de révision qui va être appelé
à disparaître et la Commission des affaires sociales.
Permettez-moi de faire un bref rappel en arrière concernant la
Commission des affaires sociales. Dans les premiers mois de l'élection
du Parti québécois, en 1976, le gouvernement
québécois a adopté une loi qui visait à doter la
Commission des affaires sociales d'une juridiction d'appel en matière
d'accidents du travail. C'était à la grande satisfaction de tous
les intéressés autant du côté de la commission qui
se disaient: Enfin, on va se faire confirmer par un tribunal supérieur
et à la grande satisfaction également des élus et des
accidentés qui disaient: Enfin, on va pouvoir se présenter devant
quelqu'un d'indépendant.
Sauf que les années qui ont suivi ont démontré
qu'il y avait quand même des politiques importantes en vigueur à
la CSST qui ne correspondaient pas tout à fait à l'objectif
visé par le législateur. Je pense, notamment, au problème
de l'article 38.4 qui a pris une importance démesurée avec le
temps. Le président de la FTQ parlait d'un budget de 40 000 000 $ qu'on
allait sauver avec la loi 42 parce qu'on faisait sauter l'IRT, je pense que
c'est le résultat ou l'aboutissement d'une démarche de la
Commission des affaires sociales qui a fait ressortir cette carence au niveau
de l'évaluation des incapacités permanentes. On en est tous fiers
aujourd'hui que le tribunal d'appel qui s'appelle la Commission des affaires
sociales ait finalement trouvé quelque chose de vicieux ou quelque chose
d'anormal dans les procédures d'évaluation. Cela a
été, je pense, le début d'une certaine difficulté
dans les relations entre les deux organismes: CSST et la Commission des
affaires sociales.
Par la suite, est venu le fameux recours collectif dont on a
été les principaux instigateurs et qui demandait une
réouverture massive des dossiers, je pense que cela a été
de nature à faire ressortir encore la différence dans les
évaluations entre les deux tribunaux. En 1982, il y a une
décision de la Commission des affaires sociales qui déclarait que
le règlement que la commission avait adopté le 20 décembre
1978 et qui porte sur le quantum ou le taux des déficits
anatomophysiologiques, qui quantifiait les lésions - par exemple, qui
dit: Pour un mal de dos tu as 2%, pour une main, tu as 25% et pour un oeil, tu
as 18% - n'avait pas d'existence légale à partir du 1er janvier
1979. Cela est une décision de la Commission des affaires sociales. J'ai
le dossier dans ma valise parce que je suis également dans ce dossier au
plan judiciaire. C'est ce qui fait que la Commission des affaires sociales
considère que le fameux règlement ne lui est pas applicable, pour
les lésions qui seraient survenues à partir du 1er janvier 1979
jusqu'au mois de septembre 1982; le règlement ne serait pas applicable.
Alors, on évalue les lésions elles-mêmes. Ce qui fait que
dans les causes qu'on plaide, actuellement, à la Commission des affaires
sociales, on n'est limité par aucun règlement, ni en ce qui
concerne le déficit médical, ni en ce qui concerne l'inaptitude
de retour au travail. Alors, c'est l'arbitraire total. Ce qui fait que, en
pratique, on se fie sur n'importe quel barème et on en arrive à
des taux d'incapacité beaucoup plus élevés. Je pense que
cela n'a pas été, non plus - cette décision, qui
déclarait le règlement légalement inexistant - de nature
à améliorer les relations.
Par contre, ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est que la Commission
des affaires sociales a fait son travail. La commission a été
honnête, objective et a rendu des décisions qui lui apparaissaient
convenables. On tente, je ne sais pas par quel moyen, aujourd'hui, de soumettre
une proposition qui viserait à créer un nouveau tribunal en
laissant croire que ce nouveau tribunal réglerait les problèmes
de délais ou les problèmes de fonctionnement qu'on
connaît.
Je pense que le fait qu'il y ait, actuellement, plus de 4000 ou 4500
dossiers, qui sont en instance d'appel devant la Commission des affaires
sociales, est un indice non pas de l'inefficacité de ce tribunal - parce
que je pense qu'il est extrêmement populaire auprès de tout le
monde, même les employeurs vont souvent à la Commission des
affaires sociales quand ils sont insatisfaits de la décision de la
commission - mais un symptôme de difficultés importantes et d'un
très haut taux d'insatisfaction de la part des intéressés
vis-à-vis de la CSST. Je pense qu'il y aurait lieu de maintenir la
Commission des affaires sociales comme juridiction d'appel.
Une autre chose que je pourrais ajouter, c'est que la commission a
développé, au fil des années, depuis 1977, une
expertise
au plan médico-légal. On se présente devant des
gens qui sont compétents, des médecins et des avocats qui ont une
longue expérience dans le domaine de l'évaluation; ils
connaissent les barèmes, la jurisprudence, les accidentés. Ils
sont habitués dans le secteur médico-légal, l'approche
vis-à-vis des dossiers, des problématiques vécues par les
accidentés. Cela a pris sept ans pour développer cette
expertise-là. Dans les premiers temps, à la Commission des
affaires sociales, il y avait des gens qui ne connaissaient pas grand-chose
là-dedans; ils ont appris avec le temps. Il y a des accidentés
qui se sont familiarisés avec le processus devant la Commission des
affaires sociales. C'est un tribunal qui est connu et qui fait un bon travail.
Il y a également l'aspect que je pourrais peut-être appeler
multijuridictionnel, si vous voulez; le fait que la Commission des affaires
sociales possède des juridictions en matière de Régime de
rentes du Québec, en matière d'assurance automobile, en
matière d'aide sociale, en matière d'accidents de travail. Ce qui
fait que, bien souvent, un seul individu peut avoir des difficultés dans
les quatre domaines. Alors, l'approche vis-à-vis de la Commission des
affaires sociales est beaucoup plus facile dans la mesure où il
connaît le fonctionnement de ce tribunal.
On a très souvent des cas où l'accidenté a
été victime d'un accident du travail, dans un véhicule
automobile, et, par conséquent, qui réclame une rente
d'invalidité, par exemple. C'est un cas type et il y en a plusieurs
comme cela. Ils vont, à un moment donné, se ramasser devant la
Commission des affaires sociales sous les trois aspects.
Si on crée un tribunal indépendant de cette structure,
qu'on connaît déjà, et qu'on lui donne une juridiction en
matière d'accidents du travail, on va prendre combien de temps avant
d'être satisfait de la qualité des décisions rendues par le
nouveau tribunal et les accidentés vont prendre combien de temps avant
de se familiariser avec le système, qui est déjà
extrêmement complexe? On sait que, au Québec, on a tellement de
petits tribunaux, un peu partout, et que les gens sont tous mêlés;
pourquoi on ne maintiendrait pas la commission et qu'on ne la
développerait pas sous son aspect accident du travail, en nommant de
nouveaux commissaires et en accélérant le fonctionnement des
dossiers? Cela prend 25 mois, aujourd'hui, avant d'être entendu.
M. Fréchette: Remarquez, M. Bellemare, je suis bien
disposé à vous suivre sur la piste que vous nous ouvrez. Mais,
à partir du même raisonnement que vous nous soumettez,
c'est-à-dire le temps nécessaire pour arriver à
établir ou à retenir la culture de la philosophie
générale de la santé et de la sécurité,
combien de temps, dans votre estimation, cela va prendre à la Commission
des affaires sociales pour établir cette culture, quand on pense
à élargir la juridiction d'appel à tous les autres champs
décisionnels de la commission?
M. Bellemare: Oui.
M. Fréchette: Cotisation, droit de retour, santé et
sécurité, enfin les matières d'appel vont être
sérieusement nombreuses maintenant.
M. Bellemare: Oui, oui.
M. Fréchette: Toujours à partir du même
raisonnement que vous nous développez, c'est-à-dire le temps
nécessaire à n'importe quel organisme de faire cette culture dont
on parle, cela va aussi devenir une question importante.
M. Bellemare: Certainement, mais je pense qu'il y a quand
même une connexité dans toute cette affaire. Tout ce dont vous me
parlez en matière de réparation et de lésion
professionnelle, c'est relié à une lésion, à une
blessure. C'est bien souvent l'importance de cette blessure qui va conditionner
ou justifier l'assistance médicale. C'est bien souvent la blessure qui
va justifier des traitements de physiothérapie. C'est bien souvent la
nature de la lésion qui va justifier le port de telle prothèse ou
de telle orthèse. C'est bien souvent la nature de la lésion qui
va déterminer si le travailleur est apte à faire le même
travail ou non. C'est également en fonction de la nature de la
lésion que le tribunal va être en mesure de déterminer si
le travailleur est apte à faire le travail qu'on lui a
suggéré. Il y a fondamentalement des relations tellement
évidentes entre tous ces domaines que la Commission des affaires
sociales ayant développé une expertise, je pense qu'elle va se
familiariser, avec une facilité déconcertante, avec toutes les
autres matières.
M. Fréchette: Cela va. Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.
M. le député de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
vous remercier, M. Guay, de votre mémoire. Il est très
précis, très clair. J'espère qu'il pourra influencer le
ministre à apporter des amendements sérieux au projet de loi
42.
J'ai quelques questions, mais avant de les poser, j'aimerais porter ceci
à l'attention
du ministre, comme vous l'avez fait. Vous avez mentionné
l'article 103 du projet de loi qui fait suite à un article,
c'est-à-dire les articles 101 et 102 en ce qui concerne les
indemnités pour dommages causés à des vêtements en
raison du port de prothèse ou d'orthèse. Il y a, à
l'article 103, une franchise de 25 $ sur le montant de 300 $ par année
qui serait alloué. Voici un autre exemple où on essaie de
compliquer les choses pour des gens dont la vie est déjà
compliquée, d'y ajouter une franchise de 25 $. Le montant de 300 $ par
année est, je pense... Je ne suis pas en mesure d'évaluer si ce
montant est équitable ou non. Imposer un ticket modérateur
à des personnes qui sont dans une situation assez difficile, il me
semble que c'est un autre article du projet de loi, M. le ministre, qu'on
pourrait faire sauter complètement parmi tant d'autres, parce que
celui-là est aussi aberrant que plusieurs autres.
Ma question plus précise est la suivante. À la page 29 de
votre mémoire, vous semblez accepter le principe que certains
coûts devraient être imputés non pas à l'employeur,
mais à un fonds spécial. Vous parlez précisément
d'un travailleur qui, dans une situation d'incapacité
préexistante, trouve un emploi et peut avoir des difficultés.
À cause de cette situation préexistante, on pourrait refuser de
l'embaucher. Vous dites que les coûts de l'incapacité
préexistante ne doivent pas être défrayés
directement par l'employeur et qu'ils devraient être imputés
à un fonds spécial. Est-ce que vous êtes également
d'accord que d'autres mesures sociales du projet de loi devraient être
imputées à un fonds spécial et non aux employeurs? (16
heures)
M. Bellemare: Écoutez! Si, dans le mémoire, il a
été prévu qu'on demandait que la commission doive imputer
à un fonds spécial ce qui peut être relié à
une condition personnelle pour éviter que les travailleurs
accidentés soient pénalisés en termes d'embauche, c'est
parce qu'on pense que c'est le seul cas où cela devrait s'appliquer. Je
réponds à votre question par la négative, parce qu'en
matière de réadaptation sociale, de droit de retour au travail,
je pense que c'est une conséquence très directe et très
évidente de l'accident en soi que cela doit être assumé par
l'employeur. Je pense que c'est l'ébauche élémentaire
d'une politique de prévention qui fait que les cotisations augmentent
avec le nombre d'accidents.
M. Cusano: C'est très clair. Vous mentionnez aussi
à la page 32 qu'il est nécessaire de résoudre le fameux
problème relié à l'article 38.4 de la présente loi.
En toute connaissance de cause, vous dites que beaucoup de gens sont
impliqués à cause de la mauvaise application de la loi par la
Commission de la santé et de la sécurité du
travail. Vous suggérez deux choses. Vous dites que le problème
à l'article 38.4 pourrait être résolu soit par le biais
d'une indexation massive des rentes ou par une réévaluation
systématique des dossiers. Si on vous donnait le choix, laquelle des
deux, pensez-vous, serait la plus équitable et résoudrait un
problème qui dure depuis longtemps?
M. Bellemare: Cela a été intégré dans
le mémoire, mais lorsque j'ai entendu le président de la FTQ dire
qu'on économisait 40 000 000 $ en abrogeant toutes les dispositions
portant sur l'IRT, l'inaptitude de retour au travail, je pense que cela
répondait en partie à la question de savoir si c'est pertinent de
présenter une telle demande dans le mémoire, parce qu'on se
demande si cela sera accepté. Finalement, ce qu'on demande
là-dedans, c'est que la loi soit appliquée à tous les
accidentés dès sa mise en vigueur. Je pense qu'on se situe plus
loin que cela en ce sens que le projet de loi 42 ne reprend même pas la
même disposition qui prévoyait et qui prévoit encore
actuellement qu'il faut tenir compte de l'inaptitude de retour au travail.
Avant de se demander si on va l'appliquer aux accidentés depuis 1931, on
pourrait peut-être se demander d'abord si on va l'appliquer aux
accidentés après que le projet de loi 42 soit adopté. Je
ne sais pas si vous me suivez.
M. Cusano: Oui, je vous suis.
M. Bellemare: De la façon dont c'est parti, finalement, on
aura vraiment appliqué l'article 38.4 et, tenu compte de l'aptitude au
travail d'un travailleur du 1er avril 1980 jusqu'au moment où le projet
de loi 42 soit adopté, parce qu'avant le 1er avril 1980, on n'en tenait
pas compte et dans le projet de loi 42, on n'en tient pas compte non plus, cela
aura été une bien mince victoire sur les 55 ans. Entre les deux
finalement, je pense que le plus cher serait de rouvrir tous les dossiers. Cela
va de soi. L'alternative, c'est une indexation massive. Dans la loi actuelle
sur les accidents du travail, je pense qu'à l'article 39, on a
déjà adopté, il y a quelques années, une
disposition prévoyant une indexation massive, dans certains cas de 60%,
pour de vieilles rentes qui ne correspondaient vraiment plus au coût de
la vie. Dans ce cas-ci, on pense qu'en indexant d'un certain pourcentage toutes
les rentes des accidentés qui ont été mal
évalués, cela réglerait le problème, moralement et
légalement.
M. Cusano: Très bien. Je vous remercie pour la
présentation de votre mémoire.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Viau. Comme il n'y a pas d'autre intervenant, je
remercie les représentants du Mouvement pour la défense des
accidentés (es) du travail.
J'invite immédiatement l'autre groupe, les représentants
qui veulent présenter un mémoire collectif des chargés de
cours du programme santé et sécurité du travail, de la
Faculté de l'éducation permanente de l'Université de
Montréal. Les représentants sont M. Yves Clermont, avocat; M.
André Desjardins, sociologue; M. Julio Fernandez, andragogue; M. Richard
Goyette, licencié en droit; Mme Colette Hubert, ergonome; M. Guy
Lachaîne, sociologue; Mme Francine Lalonde, historienne; Mme Georgia
Lazarakis, infirmière; M. Florian Ouellet, relations industrielles et M.
Michel Perreault, sociologue. Si vous voulez vous identifier.
Chargés de cours en santé et
sécurité du travail de la Faculté
de l'éducation permanente de
l'Université de Montréal
M. Ouellet (Florian): Si vous permettez. Florian Ouellet. Je
coordonne le groupe. Je vais vous présenter les gens au fur et à
mesure. Avant j'aimerais, au nom de tous mes collègues, vous remercier
de l'honneur qui nous est fait de nous accueillir et de nous permettre de
présenter notre point de vue sur le très important projet de loi
42. La façon de procéder qu'on a prévue, notre
déroulement, d'abord on va essayer de ne pas vous donner un cours. On va
essayer d'éviter cette formule même si on est tous des enseignants
dans le programme santé et sécurité. Du moins, si on le
fait, on va essayer de le faire à la façon de l'éducation
permanente c'est-à-dire en tenant compte de vos expériences
à vous autres aussi et en essayant d'apprendre avec vous autres. Le
thème qu'on va traiter exclusivement est le thème de la
réadaptation parce qu'on considère que c'est à la fois un
minimum et la pierre angulaire aussi de tout bon régime d'indemnisation
des victimes du travail.
On ne peut pas imaginer qu'il y ait un bon régime et qu'on
s'occupe du sort fait aux travailleurs et aux travailleuses par le biais des
accidents du travail sans qu'il y ait au bout du compte un très bon
régime de réadaptation. Nos arguments, on va les présenter
de la façon suivante. D'abord, Yves Clermont, où est-il, tu veux
bien t'identifier.
M. Clermont (Yves): Avocat, chargé de cours au certificat
de santé et sécurité du travail.
M. Ouellet (Florian): Yves Clermont va faire la lecture de notre
court mémoire. Ensuite, André Desjardins, ici à mes
côtés, va parler de réadaptation, définition,
conception de la réadaptation. Il sait un peu de quoi on parle. Georgia
Lazarakis va illustrer la négation du droit à la
réadaptation en parlant tout particulièrement des personnes
immigrantes. Ensuite, Francine Lalonde et Michel Perreault vont traiter de
l'analyse des coûts économiques et des coûts sociaux de
l'absence de réadaptation. Suivra, vous avez identifié nos deux
chargés de cours, Guy Lachaîne qui va nous présenter des
options de réadaptation eu égard à l'organisation du
travail. Cela va? Colette Hubert, elle va nous parler d'ergonomie, des
possibilités qu'offre l'ergonomie en matière de
réadaptation. Julio Fernandez, qui est là et moi-même,
allons faire le lien entre la réadaptation et la formation des adultes,
cela va de soi. Richard Goyette et Yves Clermont vous présenteront une
proposition, une suggestion d'amendement au projet de loi 42 qui rendrait
effectif le droit à la réadaptation. Si vous me permettez,
j'aurai le privilège de conclure rapidement à la suite de nos
présentations et nous répondrons à vos questions. Si vous
n'avez pas d'objection, on aimerait fonctionner comme cela, M. le
Président.
M. Fréchette: Cela va très bien.
Le Président (M. Boucher): Allez-y, cela va très
bien.
M. Ouellet (Florian): Tout de suite on passe à Yves
Clermont.
M. Clermont: D'abord, l'introduction porte un titre qui, à
notre avis, est très éloquent. De la fabrique de
handicapés. Année après année, avec une constance
et une régularité digne d'un mécanisme d'horlogerie bien
huilée notre système industriel fabrique des travailleurs
handicapés.
Alors qu'à une époque qui n'est pas si lointaine, le
nombre de décès en milieu de travail choquait et impressionnait
fortement l'opinion publique, on a assisté à un revirement, ces
derniers temps. C'est le nombre de blessures graves qui attire désormais
le plus l'attention. Peut-être s'agit-il uniquement d'une transformation
attribuable à la conjoncture économique ou à une
acceptation d'un phénomène jusque-là inacceptable?
Par suite de la transformation des modes de production, de l'apparition
de la machinerie, de la mécanisation et de la division du travail, les
accidents, lésions ou blessures, peu importe comment on les appelle, ont
envahi manufactures, usines et chantiers.
Parallèlement à la production et à la consommation
de masse de biens, de produits et de services, est apparue dans la
société la production de masse de travailleurs handicapés.
Les travailleurs victimes d'accident du travail qui ne peuvent plus
occuper leur emploi sont traités comme tout objet usé ou
brisé par l'usage abusif. On ne leur accorde plus aucune valeur, et s'il
est pour l'instant impossible de leur faire prendre le même chemin que
les objets "rebutisables", il est du moins évident que notre
société les marginalise à ce point que l'effet est bien
souvent comparable. En somme, nos modes de production ont produit un
phénomème d'exclusion sociale et de marginalisation des victimes
de ces modes de production.
Si le régime mis en place par la récente Loi sur la
santé et la sécurité du travail peut contribuer à
mettre un terme à cette hécatombe, il n'en demeure pas moins que
les résultats escomptés par l'application de cette loi
n'apparaîtront que dans plusieurs années et que, d'ici là,
le nombre d'exclus ne fera qu'augmenter.
Nous vivons dans une société qui se caractérise par
sa productivité supérieure. Pour apprécier la valeur de
cette société et son degré d'évolution, il faut
s'interroger sur le sort réservé aux victimes de cette
productivité.
Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui
l'empêche de continuer à occuper son emploi se trouvera dans une
situation particulièrement dramatique, que ce soit dans le cadre de
notre régime actuel d'indemnisation ou en vertu des nouvelles
dispositions proposées.
En matière de réadaptation, peut-on prétendre qu'il
existe des classes de travailleurs handicapés? En d'autres mots, peut-on
parler de discrimination? Oui, il existe des pratiques discrimminatoires; elles
sont permises par l'anonymat et par les imprécisions du texte de loi
actuel qui autorise l'arbitraire administratif sous le couvert d'une
légalité formelle.
Nous prétendons que la loi actuelle est à l'origine de
l'injustice qui règne aujourd'hui en matière de
réadaptation, qu'elle est source de discrétion, de
discrimination, et qu'il devient urgent pour le législateur d'agir afin
de régulariser une situation qui n'a guère évolué
depuis 1928. Un régime qui vise essentiellement l'indemnisation
correspond peut-être à la mentalité de l'époque
où il a été adopté, mais pas à la
nôtre.
Sous les pressions sociales insistantes, le régime s'est quelque
peu ajusté aux besoins des travailleurs handicapés par le
travail. L'introduction de l'assistance médicale et d'une certaine forme
de réadaptation sociale en constitue une certaine preuve.
Si le législateur a l'intention de répondre aux besoins de
réadaptation, il doit se doter de moyens adéquats pour en
garantir l'universalité et l'efficience; il se doit donc de
légiférer de manière ferme et absolue. La mise en place et
l'application cohérente d'un programme de réadaptation ne doivent
comporter ni équivoque, ni expédient, ni palliatif.
On pourrait penser qu'effectivement, le législateur propose dans
le projet de loi 42 un programme consistant et rationnel qui marque une
amélioration considérable par rapport à la loi actuelle.
Mais en réalité, le régime proposé, pas plus que le
régime actuel, n'offrent de garanties nécessaires et suffisantes
pour témoigner d'une volonté politique claire et
déterminée d'améliorer le sort que l'on réserve aux
travailleurs rendus handicapés par le travail.
Nous pouvons d'autant plus douter de cette volonté que l'article
140 du projet de loi 42 ne fait que légaliser les politiques existantes
qui sont, en partie du moins, à l'origine du chaos actuel, pour ne pas
dire K.-O.
Énumérons-en certains éléments. En ce qui a
trait à la réadaptation sociale, le projet de loi conserve la
même structure et réaffirme en grande partie la garantie de
discrétion accordée à la commission; plus
particulièrement, le chapitre VI instaure un régime, encore une
fois, basé sur des politiques administratives; aucune précision
n'est donnée quant à la durée du programme de
réadaptation.
Les articles 138 à 144 du projet de loi 42 portent à
équivoque quant à l'universalité du droit à la
réadaptation. S'il arrive qu'avec le nouveau régime, la
commission ne juge admissible que les travailleurs qui l'étaient
déjà dans l'ancien, nous n'améliorons rien. Le droit
à la réadaptation ne comporterait donc pas l'universalité
de principe que semble lui conférer l'article 138. Cette limitation nous
fait retomber dans l'arbitraire administratif que nous avons
dénoncé. (16 h 15)
Permettez-moi de faire une lecture des articles 138, 139, 140, 141, 142,
143 et 144 qui traitent du régime de réadaptation. 138. Le
travailleur a droit à la réadaptation que requiert son
état en raison d'une lésion professionnelle en vue de sa
réinsertion sociale et professionnelle. 139. Dans l'exercice des
fonctions qui lui incombent en matière de réadaptation, la
commission peut: développer et soutenir les activités des
personnes et organismes qui s'occupent de réadaptation et
coopérer avec eux; évaluer l'efficacité des politiques,
des programmes et des services de réadaptation disponibles; effectuer ou
faire effectuer des études et des recherches sur la réadaptation;
prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire
disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.
140. La commission doit pour assurer au travailleur l'exercice de son droit de
réadaptation: dispenser ou donner accès à des services de
réadaptation physique et psychosociale et d'assistance professionnelle;
adopter une politique de réadaptation portant
sur le paiement des frais ou l'octroi de subvention pour permettre
l'adaptation d'une résidence, d'un poste de travail ou d'un
véhicule aux possibilités d'un travailleur handicapé en
raison de sa lésion professionnelle et pour favoriser l'emploi d'un tel
travailleur; adopter une politique de subventions pour favoriser l'embauche ou
la création d'emplois pour les travailleurs victimes d'une lésion
professionnelle; adopter une politique d'assistance financière pour
couvrir les frais d'aide personnelle à domicile du travailleur
incapable, en raison de sa lésion professionnelle, de prendre soin de
lui-même. 141. La commission décide de l'admissibilité d'un
travailleur à la réadaptation en tenant compte notamment de la
gravité de sa lésion professionnelle et de ses effets sur la
réinsertion sociale et professionnelle du travailleur. 142. La
commission prépare un plan de réadaptation pour chaque
travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'elle déclare
admissible. 143. Ce plan de réadaptation comprend notamment, selon les
besoins du travailleur: un programme de réadaptation fonctionnelle,
médicale, sociale et professionnelle; un programme d'intégration
sociale et professionnelle; un programme de formation professionnelle; un
programme de retour en emploi. Ce plan peut-être modifié pour
tenir compte de circonstances nouvelles.
Finalement 144. La commission peut prendre des mesures pour faciliter la
réadaptation d'un travailleur victime d'une lésion
professionnelle ou d'un travailleur qui a droit à une indemnité
de remplacement du revenu, en raison de l'exercice de son droit au retrait
préventif prévu par la Loi sur la santé et la
sécurité du travail en vue de prévenir une
éventuelle rechute reliée à son emploi.
Quant aux droits et aux garanties du bénéficiaire, ils ne
sont pas considérés dans le projet de loi 42.
Afin de mieux comprendre sa situation, le travailleur handicapé
qui s'adresse à la commission n'est pas à la recherche d'un
centre de main-d'oeuvre ou d'un service de placement - j'ajouterais même
d'une garderie - il a pour objectif de retourner au travail. À cause des
conséquences physiques, psychologiques et sociales, familiales et
autres, résultant de la lésion dont il a été
victime, sa situation a changé. Certains s'en sortiront après
avoir passé un dur moment allant même jusqu'à la
"sinistrose". Pour d'autres, c'est comme si le monde s'était
effondré. Nombre de travailleurs sont désorientés.
Le travailleur handicapé se trouve
"dépossédé" de son problème, et ce n'est pas
uniquement parce que la CSST le prend en charge et adopte des méthodes
protectionnistes à son endroit, mais bien parce qu'il se voit
placé dans une situation où il n'est même pas en mesure de
comprendre ce qui lui arrive, et les conséquences réelles de son
accident. Nombre d'accidentés ne savent pas exactement ce dont ils
souffrent, ni comment vivre avec leur handicap, ni encore le degré
d'incapacité fonctionnelle qui les afflige, si ce n'est pas un
pourcentage qui en soi, ne veut rien dire. Ce n'est pas que les travailleurs
soient incapables de comprendre, c'est tout simplement qu'on ne leur explique
pas ce qu'il leur arrive.
Les travailleurs les plus exposés à des accidents graves
sont très souvent ceux qui n'ont, pour gagner leur vie, d'autres choix
que l'usine ou le chantier. Ils sont peu scolarisés et, dans la
majorité ds cas, n'ont qu'une expérience de travail
limitée. Ils sont réellement défavorisés par le
régime et cette défaveur s'accentue avec le vieillissement.
Ainsi ces derniers se voient offrir des programmes axés sur la
recherche d'emplois, d'une durée d'un an. Ces emplois sont
généralement les moins rémunérateurs et les plus
dévalorisants.
Quant aux protocoles conclus entre la commission et les
accidentés, ils sont trop souvent négligés; un
accidenté peut même se faire répondre sans vergogne que son
protocole n'a aucune valeur.
Les services de réadaptation ne se donnent souvent pas la peine
de faire de longues recherches: ils offrent aux accidentés un emploi de
garde de sécurité. À de nombreuses reprises, nous avons
constaté que le travailleur, après avoir subi un lourd
préjudice, voit diminuer constamment son niveau de vie.
La commission ne s'intéresse pas véritablement aux
capacités résiduelles du travailleur; elle achète son
temps pendant un an ou deux. D'une part, la société se trouve
ainsi privée d'un potentiel important et, d'autre part, le travailleur
perd tout sentiment d'appartenance et d'estime de soi.
Les fameux programmes de réadaptation. Partant de la conception
que nous venons de dénoncer et qui risque de se perpétuer par
l'adoption du projet de loi 42, nous risquons également de
perpétuer les défauts majeurs des programmes actuels de
réadaptation.
Le plus connu est sans doute le programme de recherche d'emploi; le
travailleur reçoit une assistance financière pendant la
période où il est à la recherche d'un nouvel emploi.
Nous avons des réserves quant à la légalité
de ce programme qui irait à l'encontre du paragraphe a de l'article 3 et
de l'article 42 de la loi actuelle sur les accidents du travail.
Nous estimons que, tout au long du processus de réadaptation, le
travailleur a
droit à une indemnité pour incapacité totale
temporaire.
La loi ne reconnaît, en effet, que deux régimes
d'indemnité, l'un temporaire et l'autre permanent. La
réadaptation ne pouvant être assimilée à un
régime d'indemnité, il apparaît évident qu'elle doit
s'y ajouter.
D'autres programmes semblent également contrevenir à la
loi, notamment le régime de stabilisation économique, qui vise
à assurer au travailleur une stabilité économique qui lui
permette de conserver un emploi approprié à ses capacités,
mais dont le salaire est inférieur au salaire gagné dans l'emploi
occupé lors de l'événement ayant donné droit aux
prestations. Ainsi, elle permet au travailleur de maintenir des conditions de
vie comparables à sa situation préaccidentelle. C'est ce que nous
retrouvons dans le Manuel de politique de la réparation, à la
section 5.5 de la page 1.
Il en va de même du programme de stabilisation sociale. Pour
bénéficier des dispositions prévues par la présente
politique, le travailleur doit satisfaire aux conditions suivantes:
répondre aux conditions générales d'admissibilité
en réadaptation; être incapable de reprendre le travail au cours
duquel il a été blessé; pouvoir difficilement s'adapter
à quelque autre occupation rémunérée
appropriée.
Ces programmes, de même que les modalités
d'évaluation de l'inaptitude à reprendre le travail (IRT), visent
essentiellement à soustraire de l'application de la loi les travailleurs
les plus démunis, ceux qui souffrent des plus grands handicaps.
Le régime de réadaptation qui, à notre avis, est
lui aussi illégal, a pour effet de priver les accidentés de
sommes auxquelles ils sont admissibles. Il n'en est pas moins appliqué
par la commission. En effet, le mode de calcul de l'IRT doit être
établi par règlement, mais la commission qui a vu son projet de
règlement refusé par le gouvernement a décidé de
l'utiliser quand même sous forme de directives, soit sa politique
relative à la réparation sociale et professionnelle,
évaluation de l'inaptitude à reprendre le travail.
Nos recommandations. Voici les mesures que nous proposons.
Que les droits et modalités d'admissibilité des
bénéficiaires soient précisés par la loi;
Que les articles afférents à la réadaptation
sociale soient rédigés de manière à éviter
toute confusion;
Que les pouvoirs en matière de réadaptation soient
clairement déterminés par la loi et non pas par le moyen de
directives, manuels d'opération, guides, politiques administratives,
comme c'est le cas actuellement; quant au paragraphe d, nous le biffons;
Que toutes les dispositions de la loi, y compris le régime de
réadaptation, soient assujetties à un mécanisme de
révision et d'appel, c'est-à-dire bureau de révision ou/et
Commission des affaires sociales.
En somme, nous soutenons que la réadaptation pose des
problèmes d'une envergure sociale qui déborde les
considérations individuelles, patronales, syndicales, médicales,
etc. Ces problèmes nécessitent une prise de position qui rejoint
l'intérêt supérieur de l'ensemble de la
collectivité.
Pour illustrer notre propos, nous citons un passage d'une recherche
effectuée à l'Université de Montréal sur la
problématique syndicale de l'intégration au travail des personnes
handicapées: "Un gain sur la question de la réintégration
des travailleurs handicapés pourrait être une porte ouverte
à l'intégration. Dans la mesure où l'on réussira
à avoir une force suffisante pour faire adapter des postes de travail
à des accidentés du travail pendant leur période d'emploi,
on réussira à créer des conditions qui permettront
à certaines personnes handicapées d'accéder au
marché du travail plus facilement. Dans la mesure où l'on
réussira à faire réintégrer les travailleurs
handicapés, les autres personnes handicapées en profiteront parce
qu'on aura réussi à affaiblir les préjugés par
rapport aux personnes handicapées. En ce sens, la
réintégration peut être un modèle d'action pour
ébranler les préjugés. La question de la
réintégration est également mieux connue des organisations
syndicales et, à ce niveau, le terrain semble plus propice pour
sensibiliser les membres. Mais si le mouvement syndical ne réussit pas
à faire réintégrer les travailleurs accidentés,
à obtenir l'adaptation des postes de travail, comment
réussira-t-il la bataille pour les autres personnes
handicapées?
Nous avons montré, au chapitre II, que, à ce niveau, les
organisations syndicales se heurtent aux employeurs et à l'État.
Les employeurs et le gouvernement interpellent le mouvement syndical sur la
question de l'intégration alors qu'eux-mêmes n'ont pas fait la
preuve de la volonté de réintégrer les travailleurs
handicapés. Face à cela, d'aucuns se demanderont si la cause des
personnes handicapées n'est pas utilisée pour sabrer dans les
droits acquis des travailleurs; l'État demande aux travailleurs de faire
des concessions sur leurs acquis, alors qu'il n'exige que la bonne
volonté des employeurs pour intégrer au travail les personnes
handicapées.
Nous soutenons que certains droits élémentaires doivent
être inscrits dans le projet de loi afin de fournir aux travailleurs
handicapés les garanties minimales suivantes: Le droit strict pour tout
bénéficiaire à la réadaptation sociale que
nécessite son état,
en raison d'une lésion professionnelle; le droit, pour tout
travailleur, à une indemnité de remplacement de revenu tant qu'il
n'a pas réussi à surmonter le handicap causé par la
lésion professionnelle; le droit, pour tout travailleur, de
bénéficier de tous les avantages prévus au régime
tant qu'il n'a pas retrouvé son équilibre physique, psychique et
financier préalable; le droit, pour tout travailleur, d'être
admissible à la réadaptation sociale, tant qu'il n'a pas
surmonté les conséquences qu'entraîne, pour lui, une
lésion professionnelle.
À titre de conclusion, notre intervention ne vise qu'un seul but:
nous voulons que l'accidenté du travail puisse bénéficier
de services de réadaptation professionnels, outre des indemnités
financières ou une assistance médicale.
Le bilan des dernières années, quant au sort
réservé aux travailleurs victimes d'accidents et de maladies du
travail, n'a rien de positif. Au contraire, il jette un discrédit sur
l'administration et ressemble plus à un système de camouflage
d'une réalité sociale qu'à un programme social.
On ne peut plus justifier que, jour après jour, des travailleurs
qui, initialement, apportaient leur contribution dans divers domaines, se
trouvent ainsi exclus de la société.
On ne peut plus ignorer cette masse grandissante de citoyens qui n'ont
plus les moyens de s'intégrer à la société et de se
prévaloir de tous les droits que cela représente.
D'ailleurs, notre société n'a pas les moyens de se priver
de tant de talents et de compétences. Elle ne peut pas se permettre de
compenser, par des services accessoires, le rôle que la commission ne
joue pas.
En somme, nul n'a encore eu la volonté ou le courage politique de
prendre des mesures précises pour assurer aux travailleurs
handicapés l'accès à une vie normale. Et l'on ne sortira
pas de cette impasse tant que les autorités gouvernementales ne
prendront pas, en la matière, une position ferme qui débouchera
sur des mesures précises, capables de corriger une situation que l'on a
trop souvent laissé se détériorer.
Est-ce trop demander? Non, bien au contraire. Le régime actuel
est ruineux pour les premiers concernés, pour les institutions et pour
la société toute entière. La ressemblance entre le
régime proposé et celui que nous dénonçons nous
fait craindre le pire: la perpétuation du gaspillage humain, social et
économique que nous connaissons depuis trop longtemps.
M. Ouellet (Florian): Je vous remercie. Je passe tout de suite la
parole à André Desjardins sur la question de la
réadaptation, définition, conception et ainsi de suite. (16 h
30)
M. Desjardins (André): Merci, Florian. Mesdames,
messieurs, mon propos consistera, essentiellement, à bien souligner,
d'une manière globale, et en abordant la problématique de fond,
l'importance primordiale et le rôle central de la réadaptation
dans le processus de réintégration au travail des travailleurs
devenus handicapés à la suite d'un accident du travail ou
à l'acquisition d'une maladie industrielle.
Vous n'êtes pas sans savoir que le genre de société
dans laquelle nous vivons, l'intégration au travail, c'est-à-dire
le statut socioprofessionnel d'une personne est le pilier central de toute son
intégration sociale et du reste de son existence. C'est donc
l'idée que les conséquences d'une perte d'emploi ou d'une
rétrogradation importante dans l'emploi sont très graves pour
l'individu, sa famille et aussi pour le reste de la société. Il y
a une polémique actuelle et même peut-être qu'elle date de
quelques années maintenant qui dit, comme cela, qu'étant
donné que nous vivons dans une société à haute
technologie où le travail devient de moins en moins important en ce sens
que cela prend de moins en moins de travail humain pour faire fonctionner
l'ensemble de la machine sociale, il serait peut-être temps de penser
à faire en sorte que le travail en soit plus tellement comme il l'est
depuis un certain temps, depuis longtemps le pilier social de
l'intégration au travail des individus et le facteur principal de
valorisation de l'individu.
Écoutez, on n'approfondira pas le sujet ici. Il y en aurait pour
des heures. Je veux tout simplement dire à propos de cela que si
vraiment nous voulons modifier ces valeurs, il faudrait quand même
veiller à ce que dans cette société dite de loisirs cela
prend très peu de travail humain pour faire fonctionner l'ensemble de la
machine. Il faudrait peut-être veiller à ce que
l'éventuelle minorité de ceux qui auront un emploi ne devienne
pas une nouvelle élite avec de nouveaux privilèges dont celui
d'avoir une vie décente comparé à une masse de
non-travaillants qui elle connaîtrait une situation bien
déplorable. Cela dit, si on parlait un peu des coûts familiaux et
sociaux de la perte de l'emploi ou d'une rétrogradation importante.
Certains de mes collègues ici présents vont en parler dans le
détail, mais on sait tout de suite que le chômage et, par la
suite, l'aide sociale, cela coûte cher non seulement en impôt, mais
aussi en misère humaine, en détérioration des milieux
familiaux avec toute la panoplie des conséquences bien connues,
alcoolisme, délinquance des enfants de familles... et j'en passe.
Ces coûts sociaux et familiaux deviennent probablement, selon moi,
d'autant plus importants lorsque la perte d'emploi est causée par
l'acquisition de handicaps graves ou relativement graves par les
travailleurs,
parce qu'alors cela ajoute le facteur du traumatisme du handicap acquis
chez l'individu lui-même qui l'a acquis et dans son milieu familial. Si
on parlait maintenant un peu de ce fameux choc qui succède à
l'acquisition de handicaps. La question est relativement complexe, mais pour
résumer un peu disons que le travailleur devenu handicapé,
contrairement à la personne handicapée dès sa naissance et
sa tendre enfance, sa problématique à lui pour ce qui est de
l'intégration au travail est d'une certaine façon moins grave que
celle du handicapé de naissance ou de celui qui le fut dès sa
tendre enfance, parce que son intégration sociale est déjà
faite. Il a déjà un milieu familial; il a déjà
certains acquis; il a appris à se comporter convenablement dans la
société de telle sorte qu'il a pu tirer son épingle du
jeu, etc., ce qui n'est pas le cas du handicapé de naissance ou de celui
qui le fut dès son enfance qui part de zéro de ce
côté, étant donné qu'il a été toujours
relativement exclu des réseaux sociaux normaux; mais le problème
de l'accidenté du travail, c'est son choc. C'est beau de dire que son
intégration sociale est déjà faite, mais comme je l'ai
mentionné tantôt, on vient de lui enlever le pilier central de
cette intégration. Autrement dit, tout à coup tout son
édifice s'effondre, et c'est vraiment atroce la plupart du temps. C'est
justement à cause de ce choc et de cette destruction qu'on peut
espérer momentanée, mais qui hélas! trop souvent est
permanente, de tout l'édifice socioprofessionnel et familial d'un
individu, c'est à cause de la gravité de ce choc et de toutes ses
implications que la réadaptation prend toute son importance, parce que
la réadaption veut dire tout simplement de réadapter un invididu
qui était déjà adapté, mais qui ne l'est plus,
autrement dit de réparer les dégâts, de recoller les pots
autant que faire se peut.
Il y a l'aspect physique. Il faut, comme on le dit communément,
d'abord le "repatcher" physiquement. C'est tout un contrat, surtout dans les
cas d'accident grave. Je vais vous donner un exemple. On estime que la
réadaptation complète et fonctionnelle d'un paraplégique
total est au minimum de deux ans, si ce n'est pas trois. Pourtant, la
paraplégie, c'est-à-dire la paralyse totale des membres
inférieurs à la suite d'une brisure de la colonne
vertébrale au niveau des reins n'est pas le handicap le plus grave,
même si la victime se retrouve en fauteuil roulant et qu'elle a des
espèces de paralysies multiples à cause de brisures
variées le long de la colonne vertébrale qui font que l'individu
est pour ainsi dire X, Y, Z, sans vouloir faire de... Cet individu est encore
beaucoup plus difficile à réintégrer, à soigner et
à réadapter qu'un paraplégique total.
À l'aspect physique s'ajoute l'aspect social de la
réintégration. Cela prend des travailleurs sociaux, des
psychologues, un tas de ressources pour aider l'individu à se remonter
du traumatisme occasionné par l'acquisition d'un handicap et surtout
d'un handicap grave. Là, il est même question de plus de trois ans
avant de réussir à reconstruire un individu de telle sorte qu'il
devienne aussi fonctionnel qu'avant malgré son infirmité acquise.
On va me dire que tout cela est bien beau, que ce sont des arguments qu'on a
appelés humanistes, etc. En principe, tout le monde est d'accord avec
l'énoncé selon lequel la réadaptation devrait être
la plus complète possible, mais cela coûte trop cher.
Je veux terminer mon exposé en disant que, comme nous allons
aussi le démontrer lors des exposés suivants, nous sommes d'avis
que l'absence ou l'incomplétude de la réadaptation coûte
encore plus cher à la société que de se payer le luxe, qui
n'en est pas un, selon nous, d'une véritable et complète
réadaptation dans le but de la réintégration à
l'emploi. Merci.
Une voix: Merci, André. Le Président (M.
Boucher): Merci.
Une voix: Mme Georgia Lazarakis. Le Président (M.
Boucher): Allez-y.
Mme Lazarakis (Georgia): Permettez-moi, M. le Président,
de dire quelques mots à l'intention des travailleurs non
syndiqués et surtout des travailleurs immigrants parce qu'ils sont des
travailleurs peu connus par la grande majorité des
Québécois et des Québécoises.
C'est bien connu que les travailleurs non syndiqués constituent
les deux tiers de l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise. Les
deux tiers de ces travailleurs se retrouvent seuls, la plupart du temps, pour
négocier leurs conditions de travail et leurs conditions de santé
et de sécurité. Ce n'est pas un hasard que, dans cette
catégorie, on trouve les travailleurs les plus démunis, les
travailleurs qui sont peu informés ou mal informés, et leurs
conditions de travail sont inférieures à celles des travailleurs
syndiqués.
Ce n'est pas non plus un hasard que, dans cette catégorie, on
retrouve la majorité des travailleurs immigrants qui exécutent
les travaux les plus durs et les plus pénibles. Ces derniers, à
cause des barrières linguistiques, se dirigent la plupart du temps
là où le travail est à la pièce, là
où les conditions sont pénibles et les conditions de santé
et de sécurité sont inexistantes. Je pourrais vous donner
certains exemples très brefs. Une dame m'a dit: II n'y a pas un jour
où je suis allée à mon travail sans pleurer. Il y en a une
autre qui travaille au
rendement et qui m'a dit: Chaque fois que la machine se brise, je
commence à avoir des crampes dans l'estomac. Il y en a une autre qui m'a
dit: J'ai peur d'aller aux toilettes parce que j'ai peur d'être
congédiée. Pour les deux tiers des travailleurs, le projet de loi
42 représente une possibilité, mais la forme présente ne
laisse pas beaucoup d'espoir.
J'aimerais parler de l'aspect du retour au travail, parce que je trouve
que c'est très important et cela touche beaucoup de travailleurs non
syndiqués, surtout des travailleurs immigrants. Le projet de loi 42
prévoit le retour au travail de la victime d'une lésion
professionnelle dans l'établissement où elle exerçait son
emploi avant son accident. Il s'agit d'un droit de réintégration
à son emploi avec le salaire et les avantages dont elle
bénéficierait s'il n'y avait pas eu arrêt de travail.
Le droit de retour au travail est assuré pour une période
d'un an si elle occupait un emploi dans un établissement comptant 20
travailleurs au début de sa période d'absence ou de deux ans si
elle occupait un emploi dans un établissement comptant plus de 20
travailleurs au début de sa période d'absence. Il semble que les
droits des victimes des lésions profesionnelles dépendent du
nombre de travailleurs dans l'établissement. Présentement, 30%
des travailleurs québécois travaillent dans de petites
entreprises. Aussi, on sait que le nombre de non-syndiqués dans les
petites entreprises est plus élevé. Alors, de mon point de vue,
je pense que cet article, particulièrement, s'applique aux travailleurs
les plus démunis. (16 h 45)
Je me pose la question suivante: Qu'arrive-t-il si le travailleur doit
s'absenter plus longtemps qu'une période d'un an? Pourquoi existe-t-il
cette distinction entre les travailleurs qui travaillent dans les grandes
entreprises par rapport à ceux dans les petites entreprises? Comme j'en
parlais au début, les conditions de travail sont plus pénibles,
ils font un travail manuel, alors ils sont plus vulnérables aux
accidents. Évidemment, ces accidents n'apparaissent pas dans les
statistiques de la santé et de la sécurité parce que ces
gens ne les déclarent pas à cause des problèmes
linguistiques. Il n'y a pas non plus de recherche faite dans ce domaine, alors
on n'a pas grand-chose pour vous le démontrer. Cependant, il y a une
étude de statistiques qui s'est faite en Allemagne
fédérale; elle démontre que le taux d'accidents pour les
travailleurs étrangers est 250 fois plus haut que pour les travailleurs
allemands.
Cette situation n'est pas la même ici, mais on pourrait
considérer quand même que c'est semblable. La raison est celle-ci:
C'est que, d'abord, à cause de la barrière linguistique, les
travailleurs ne peuvent pas lire les étiquettes, ni les instructions. La
deuxième chose, c'est que les travailleurs étrangers occupent les
emplois les plus dangereux, ceux que les Allemands refusent. Je
considère qu'il se produit exactement la même chose chez les
travailleurs immigrants au Québec.
Aussi, on sait bien que les accidents sont plus graves chez les
immigrants parce qu'ils font les travaux les plus dangereux et des travaux
manuels. Alors, l'application de l'article 147 peut forcer le retour au travail
prématuré et, par conséquent, faire augmenter les risques
d'aggravation de l'état de santé des victimes de lésions
professionnelles.
Aussi, le projet de loi 42 refuse le droit de retour au travail pour les
travailleurs qui n'ont pas trois mois de service continu et à ceux qui
n'ont pas un contrat de travail déterminé. Alors, le projet de
loi exclut les travailleurs de la construction, les travailleurs saisonniers et
aussi les travailleuses qui travaillent dans les ateliers de couture, car ils
ferment continuellement.
Aucun programme de réadaptation et de retour au travail ne peut
être efficace sans suivi. Chez les syndiqués, on pourrait
considérer que le syndicat pourra obtenir de donner un support minimal;
mais je vous pose cette question-ci: chez les non-syndiqués, qui peut
assurer ce rôle? On sait très bien que les conditions les plus
pénibles existent dans les milieux non syndiqués. Je suis
très pessimiste pour une réadaptation harmonieuse de la victime
d'une lésion professionnelle dans son milieu, surtout s'il n'y a pas un
suivi du programme de réadaptation.
Je voudrais aussi vous poser une autre question: est-ce que vous avez
trouvé une formule de réadaptation pour les travailleurs
unilingues immigrants? Dans les cas de retour au travail des victimes de
lésion professionnelle, le projet de loi ne prévoit aucun
remplacement des revenus si l'entreprise a fermé ses portes. En effet,
les non-syndiqués, qui travaillent en grande majorité dans les
petites entreprises, sont les plus menacés par les fermetures. Je vous
donne un exemple, juste pour illustrer ce propos. Une travailleuse, dans la
confection du vêtement pour dames, victime d'une lésion
professionnelle, se retrouve, à la suite de la fermeture de son atelier
de couture, avec son handicap sur le marché du travail. Les chances de
trouver un emploi sont minimes. Mais si, en plus, c'est une travailleuse
immigrante, les chances sont inexistantes. La seule possibilité qu'elle
peut envisager, c'est l'aide sociale avec toutes les conséquences qui
s'y rattachent. Je vous remercie de votre attention.
M. Ouellet (Florian): Si Georgia dit qu'il y a une
différence entre les travailleurs
syndiqués et non syndiqués, si j'en crois les
mémoires des centrales syndicales, il ne semble pas que ce soit encore
là l'idéal. Imaginez un peu qu'est-ce que c'est pour ces
personnes immigrantes?
Je passe la parole à Francine et à Michel sur l'aspect des
coûts.
Mme Lalonde (Francine): Bonjour! On a parlé, dans le
mémoire, de la discrétion administrative et des droits que nous
voulons assurer contre cette discrétion administrative. Il nous semble
en effet que dans la période que nous vivons, peut-être en
particulier, la discrétion administrative risque d'être la porte
ouverte aux économies. Il est évident qu'il existe une certaine
pression sociale relativement à l'économie, mais il nous semble
qu'il faut argumenter et lutter contre cela. Les compagnies, les entreprises
font valoir que les coûts qui leur incombent sont trop importants. Michel
Perreault va parler de coûts dont elles ne parlent pas et dont elles
devraient parler qui sont plus grands encore.
Je veux dire, quant à moi, quelques mots sur les coûts qui
incombent à l'individu qui est touché et les coûts qui
incombent à l'ensemble de la société.
Je pense que c'est de ceux-là dont il faut parler pour justement
affirmer et réaffirmer le droit à la réadaptation. En
l'absence de ce droit effectif il y a un gaspillage social inacceptable.
André a dit tantôt le drame individuel que constitue pour
l'individu un accident grave, une maladie. Permettez-moi d'insister sur le
trauma, l'isolement, l'inquiétude, les drames individuels et familiaux.
Tout le monde connaît des travailleuses ou des travailleurs qui ont eu
des problèmes énormes à la suite de cela, des enfants qui
ne l'endurent pas. Il y a bien sûr la perte d'intégrité
physique. Souvent la perte d'emploi qu'on n'est pas capable de retrouver, une
manière de déqualification sociale générale - il y
a des études qu'on n'a pas besoin de nommer ici, qui l'ont montré
à satiété - et également un handicap à
surmonter. Alors, il nous semble que les coûts pour la
réadaptation ne peuvent pas être vraiment mis en opposition au
fait qu'un individu qui loue sa force de travail, du fait qu'il a un accident
dans ce cadre, se voit ensuite déqualifié socialement. Il peut
devenir un individu de deuxième ou de troisième zone. Il nous
semble qu'il est normal que la Mutuelle d'assurances des employeurs assume les
moyens d'une complète réadaptation socioprofessionnelle avec le
maintien du revenu.
La société maintenant. On a évalué
récemment que le chômage comporte un coût important. Le
chômage au Québec qui est beaucoup plus élevé que
dans la plupart des provinces canadiennes comporte un coût. Un coût
non seulement parce qu'on doit défrayer le coût des prestations
d'assurance-chômage ou du bien-être social après
l'assurance-chômage, mais également une perte économique.
Quand les chômeurs deviennent -parce qu'ils sont handicapés et
qu'on ne les aide pas à surmonter leur handicap - des chômeurs
définitifs, cette perte devient elle aussi définitive.
Le régime public sous une forme ou sous une autre assume
déjà beaucoup des effets consécutifs au travail chez les
travailleurs. Nous savons tous qu'il y a une série de maladies non
reconnues qui a l'effet du vieillissement, l'effet simultané de
plusieurs agents agresseurs qui éliminent du marché du travail
à toutes fins utiles des travailleuses et des travailleurs bien avant
terme et qui se retrouvent sur le bien-être social après une
période d'assurance-chômage. Il y a des travailleurs
accidentés qui émargent aussi au budget déjà de
l'assistance sociale et il y a tous les effets sociaux liés aux
accidents pour la famille. Une famille qui perd - on n'entrera pas dans le
détail, mais cela arrive souvent - son revenu principal, de ce fait, non
seulement le père et la mère, mais l'ensemble des enfants,
peuvent se retrouver vraiment dans une situation extrêmement difficile,
de sorte que la société toute entière, par le biais de
l'ensemble des autres régimes, doit payer. C'est pour cela qu'il nous
importe d'affirmer le droit à la réadaptation, non seulement pour
des motifs humanitaires, mais aussi pour des motifs sociaux. Le travailleur qui
n'a pas été aidé à surmonter son handicap devient
souvent un chômeur définitif, souvent un assisté social. Il
me semble qu'il y a des économies à court terme qui deviennent
des gaspillages à long terme, surtout dans une période de
chômage élevé.
M. Perreault (Michel): J'aimerais aborder un peu l'angle de la
prévention, la relation entre les coûts d'un régime de
compensation et de réadaption - d'ailleurs, on veut insister sur la
réadaptation - et la prévention et essayer de regarder les
coûts sous une autre approche. Normalement, ce qu'on peut essayer de
prévoir, c'est une augmentation de la prévention, si on arrive
à prévenir les accidents et maladies du travail, qui devrait
amener un baisse au niveau des coûts de la réparation, de la
réadaptation. C'est un argument qui semble irréfutable. C'est un
peu dans ce sens qu'au Québec on a légiféré
dernièrement avec le projet de loi 63, mais cette relation entre la
prévention et la réparation semble, lorsqu'on examine d'autres
faits, un peu simple. Il semblerait plutôt qu'il y aurait une relation,
une augmentation jusqu'à un certain point des coûts de la
réparation qui pourrait amener une augmentation de l'investissement dans
la prévention qui, ultimement, devrait amener
une baisse dans la réparation.
Si on regarde plusieurs études, le moteur principal de la
prévention réside en grande partie dans les coûts ou dans
la couverture du régime de réparation, indemnisation
réadaptation. Entre autres, une étude récente de Jessica
Pearson, qui a été faite pour le compte de NIOSH aux
États-Unis et qui portait sur la réduction des effets des
radiations dans les usines de mines d'uranium a démontré qu'en
plus d'une réglementation plus sévère, le principal
facteur de la diminution ou de l'élimination des dangers pour les
travailleurs résidait dans un meilleur régime de compensation. Je
la cite. C'est ma traduction: Notre étude confirme l'observation
fréquente que les intérêts des gens non organisés
sont pris en compte seulement quand leurs maladies sont traduites en termes de
coût monétaire. Notre étude suggère que les
différentes agressions sur l'environnement et l'individu recevront la
considération qu'elles méritent seulement quand elles cesseront
d'être supportées, payées, de façon cachée
par le grand public et qu'elles entreront dans l'équation des gains de
la perte économique.
En réalité, lorsqu'on regarde cela, pour une entreprise,
faire de la prévention nécessite un investissement. Cela
coûte de l'argent. Plusieurs facteurs peuvent être pris en
considération pour justifier de tels investissements. Un des premiers
facteurs sont évidemment la hausse de la production. Il est
prouvé - il y a plusieurs méthodes de calcul pour cela; vous en
avez sûrement entendu parler; il y a celle du contrôle des pertes -
qu'en éliminant, en prévenant les accidents, on économise
énormément d'argent au niveau de la production, on élimine
plusieurs arrêts de travail, des arrêts de production; on
élimine tous les coûts de remplacement de la main-d'oeuvre; on
élimine ultimement aussi les arrêts de travail ou les sabotages
qui sont dus à des conditions de travail trop défavorables. (17
heures)
Un autre facteur qui peut justifier de tels investissements dans la
prévention, c'est celui de l'amélioration de la qualité de
la production. Évidemment, quand les travailleurs sont accidentés
ou malades, ils ont à être remplacés par des gens qui
connaissent moins bien le travail. À ce moment-là, la production
s'en ressent, non seulement dans la quantité, mais beaucoup dans la
qualité.
Il y a, dans les coûts à tenir compte, la baisse de la
compensation. Normalement, on va essayer d'investir dans la prévention
pour diminuer les coûts de compensation. Donc, pour les entreprises, cela
doit entrer en ligne de compte.
Si on en arrivait, par nos différents régimes actuels,
à diminuer ou à maintenir égaux les coûts de
compensation du régime actuel, par exemple, le projet de loi 42, sans
éliminer les dangers et sans éliminer les conséquences, je
pense que ce serait assez désastreux. On pourrait constater qu'au
Québec, les coûts indirects qui sont assumés par l'ensemble
de la société et aussi par l'entreprise augmenteraient. Ce sont
les coûts dont André et Francine ont parlé, les coûts
de l'aide sociale, les coûts du chômage, qui, finalement, sont
assumés en partie par les entreprises étant donné qu'elles
doivent augmenter les salaires pour que les gens puissent payer leurs
impôts.
Mais les conséquences directement sur notre système de
production, pour nos entreprises, seraient très graves. Nous
assisterions donc à une augmentation croissante des coûts de
production - cela existe au Québec; c'est prouvable - et nous
assisterions également à une baisse de la qualité de notre
production, ce qui nous conduirait à court et à long terme
à une baisse de notre compétitivité face aux
différents marchés mondiaux.
On peut résumer de tout ceci que l'étendue de la
couverture, incluant notre propos, celui de la réadaptation, demeure et
devrait demeurer encore un des plus grands incitatifs à la
prévention dans les entreprises. Si on diminue cette couverture ou si on
ne l'étend pas assez, on "désincite" les entreprises à
faire une prévention qui nécessite des investissements.
Évidemment, on va poser les fameuses questions - elles doivent
être posées -concernant la capacité de payer de l'ensemble
du système. Je crois qu'à cet égard, il faut essayer de
dépasser le niveau de stricte logique économique que nous avons
abordée jusqu'à maintenant et il faut aller vers une logique
davantage sociale en même temps qu'économique.
Si, à l'heure actuelle - nous sommes dans une conjoncture
où il semble parfois préférable de dire: Nous
n'augmenterons pas la couverture ou même nous la diminuerons -cette
société accepte une telle situation, les conséquences nous
apparaissent assez graves et elles conduisent à un cercle vicieux de
baisse de la production, de baisse de la qualité et d'augmentation des
coûts, c'est-à-dire que nous acceptons qu'il y aura de plus en
plus d'accidents et de maladies du travail.
Si notre réponse est, au contraire, oui et qu'on décidait
d'y aller en assurant une meilleure couverture, nous sommes convaincus que
notre société y gagnerait en termes d'énergie, en termes
de capacité mise à corriger des problèmes plutôt que
de réparer les pots cassés. Nous pourrions assister à une
augmentation de la production, à une augmentation de la qualité
ou de la production et, ainsi, à une plus grande
compétitivité de nos entreprises face au marché
mondial.
Cela nous apparaît d'autant plus crucial
à l'heure actuelle où nous assistons à un tournant,
à la révolution technologique. Les nouvelles technologies peuvent
amener des problèmes et plusieurs études sont en train de le
confirmer. Concernant les écrans cathodiques, une étude
récente de ces appareils démontrait - je pense que c'est à
la Régie de l'assurance-maladie - qu'en raison des problèmes
qu'ils causent, on est obligé de donner des pauses, on est obligé
de varier les éclairages, et on a assisté, dans cette entreprise,
à un taux de roulement de 30% de la main-d'oeuvre. Ce sont des
coûts qu'on ne considère pas souvent. Ce sont des coûts dont
on n'entend pas souvent parler, mais combien en coûte-t-il pour faire
rouler environ 30% de la main-d'oeuvre et donner des pauses? Si on en arrivait,
comme société, à valoriser la prévention au point
de vue de la santé et de la sécurité du travail, on
pourrait améliorer notre production et cela nous donnerait un avantage
compétitif énorme sur le marché mondial puisque - bien
souvent, on le constate - l'argument santé et sécurité du
travail devient de plus en plus un facteur de vente important. Si on regarde,
ici, au niveau du textile et du papier, il y a beaucoup de notre machinerie qui
est maintenant importée de l'étranger parce qu'elle est davantage
sécuritaire que ce qui est fabriqué en Amérique du
Nord.
Si, comme dernière alternative, on jugeait qu'on est incapable de
payer à court terme, étant donné la conjoncture, qu'on ne
peut pas étendre cette couverture, il est à se demander s'il n'y
aurait pas un autre choix qui pourrait être fait comme
société, qui serait celui d'aider notre système de
production, d'aider les entreprises en les soutenant pour les rendre davantage,
au niveau de la prévention, productives. Cela peut avoir l'air
simpliste. Mais si on regarde le moindrement l'évolution historique,
nous constatons qu'il y a à peu près une vingtaine
d'années, seulement quelques maladies du travail étaient
reconnues; il y a à peu près cinq ans, il y a eu une
réforme qui a reconnu d'autres maladies du travail. Avec la nouvelle
annexe du projet de loi 42, on reconnaît d'autres maladies du travail.
C'est un fait que si cela ne change pas, les maladies vont continuer de se
propager et vont être de plus en plus reconnues. Finalement, on continue
à se comporter dans un cercle vicieux. Je vous remercie de votre
attention.
M. Ouellet (Florian): Merci. Avec Michel, vous avez
constaté qu'on entre déjà dans une perspective... Le
diagnostic du problème est plus de l'ordre des solutions à
apporter. C'est déjà le nerf de la guerre de toutes les solutions
à apporter. On va continuer. Pour le reste, c'est davantage axé
sur, justement, des avenues de solutions, avec Guy Lachaîne, sur
l'organisation du travail. C'est une autre avenue de solution.
M. Lachaîne (Guy): Bonjour tout le monde. Et afin d'appuyer
les recommandations du mémoire portant sur le souhait de voir se
développer de nouvelles perspectives en termes de réhabilitation,
mon intervention va porter sur la question de l'organisation du travail.
Alors, options de réintégration au niveau de
l'organisation du travail. L'un des aspects souvent négligés dans
la problématique de réadaptation sociale, problématique
marquée surtout par les modalités d'indemnisation, est celui des
possibilités réelles de flexibiliser les stratégies
d'organisation du travail.
Je mettrai donc ici l'emphase sur les possibilités qui nous
apparaissent peu coûteuses à ce niveau. La flexibilisation des
stratégies d'organisation du travail aurait pour effet d'accroître
les possibilités et la qualité de la réadaptation sociale
tout en ouvrant d'ailleurs de nouvelles perspectives quant à
l'intégration des personnes handicapées et à l'adaptation
du travail aux travailleurs vieillissants qui, il faut le rappeler, constituent
un groupe de plus en plus important de la main-d'oeuvre
québécoise.
Plusieurs études des stratégies d'organisation du travail
dans différents sites d'entreprises industrielles ou de services
démontrent, pour un même poste de travail ou pour une description
de tâche donnée, la possibilité d'utiliser du personnel
handicapé sans pour autant diminuer la productivité ou
accroître les frais de gestion du personnel. Ma collègue de gauche
va vous parler de ces possibilités plus en détail, dans quelques
instants.
C'est dans cette optique qu'il nous apparaît possible et
souhaitable de songer à développer, au sein des entreprises, ce
que nous appellerons un programme d'options de réintégration.
Alors, les options en question: Nous pourrions définir ainsi ces options
de réintégration. Dans un premier temps, pourquoi ne pas songer
à développer, pour les emplois existants et ce, dans le cadre de
plan d'embauche et de promotion, une liste des postes accessibles à
certains types de handicapés, sans que la productivité ne soit
touchée. Nous faisons remarquer aux membres de la commission qu'il
existe déjà une liste impressionnante d'emplois dont l'exercice
demeure possible pour les personnes possédant divers handicaps. À
ce sujet, on pourrait référer au document de l'Office des
personnes handicapées du Québec, qui s'intitule:
Intégration au travail des personnes atteintes d'un handicap, juin
1980.
D'autres options de réintégration sont aussi possibles.
Dans un deuxième temps, par exemple, pour une description de
tâches
donnée, que comporte un poste de travail, il s'agirait de
déterminer la proportion des tâches non réalisables par un
individu, selon la nature du handicap, et d'évaluer les
possibilités de redistribution des tâches entre différentes
postes de travail pour limiter l'impact du handicap au plan de la
productivité. Là aussi, plusieurs exemples peuvent être
donnés quant à des réaménagements possibles.
D'autant plus que, dans bon nombre de cas, le handicap n'affecte que moins de
20% des tâches requises par les postes de travail.
Dans un troisième temps, pensons à l'option suivante.
Plusieurs postes de travail ne sont pas accessibles aux personnes
handicapées à cause des caractéristiques techniques
très spécifiques, comme par exemple, le manque de
flexibilité anthropométrique, l'accès limité aux
contrôles de commande, etc. Encore une fois, la prochaine intervenante
pourra développer cet aspect.
La même remarque pourrait s'appliquer pour ce qui est de
l'aménagement général du milieu de travail sans lequel la
réintégration deviendrait un vain mot. Pourquoi ne pas songer,
dans ce contexte, dans le cadre des changements technologiques ou de la
modernisation des lieux de travail, comme c'est actuellement le cas dans
à peu près tous les pays industriels et aussi au Québec,
à demander aux entreprises d'introduire une plus grande
flexibilité quant à la notion d'individu moyen standard requis
pour la réalisation de la production? Nous reviendrons tantôt sur
cet aspect. Une telle préoccupation dans le cadre de planification de
l'organisation des milieux de travail s'avérerait peu coûteuse et
fort rentable du point de vue de la réadaptation.
Dans un quatrième temps, l'option possible à explorer
résiderait au plan des horaires de travail et du travail partagé.
Pour plusieurs individus, la possibilité de la réadaptation passe
par une intégration progressive au marché du travail. Si les
programmes de travail à temps partagé ou à temps partiel
doivent connaître un essor, il serait sûrement fort
intéressant de développer la possibilité que ces emplois
s'adressent en priorité aux individus dont les capacités
nécessitent un tel retour graduel au marché du travail. Ce ne
sont là que quelques options de réintégration possible
à développer dans les stratégies d'organisation du
travail, et ce, sans que les coûts et les charges sociales de
l'entreprise soient considérablement alourdis et sans que la
problématique de la réintégration s'oppose ipso facto
à la problématique de la rentabilité à
l'intérieur de l'entreprise.
Nous croyons que ces options seraient réalisables dans le cadre
des paramètres suivants: 1- peu ou pas de coûts pour l'entreprise;
2- pas de statut particulier pour le travailleur handicapé pour ce qui
est de ses options de réintégration au travail. Dans ce sens, les
possibilités offertes par la réorganisation du travail et la
flexibilité des postes, des tâches pourraient s'appliquer à
l'ensemble des travailleurs à l'intérieur de l'entreprise, un peu
en fonction de l'évolution de leurs capacités et de leurs
goûts; 3-absence d'entente particulière ou de convention
collective parallèle afin d'éviter l'érosion des droits
syndicaux. Il ne s'agit pas de construire des chasses gardées pour les
travailleurs handicapés mais plutôt de leur reconnaître un
droit qui devrait finalement être partagé par l'ensemble des
travailleurs.
En conclusion, je pourrais dire qu'une telle orientation des programmes
de réadaptation amènerait sûrement une diminution des
préjugés et des fausses perceptions qu'ont les gens face aux
personnes handicapées en général et face aux travailleurs
handicapés pour ce qui est de leur potentialité et de leur
rendement. On mettrait ainsi en évidence, ce qui à mon avis est
excessivement important, une dimension oubliée de l'organisation sociale
souvent handicapante pour tous ceux qui dérogent d'une façon ou
d'une autre à la norme moyenne idéaliste.
Afin de rendre, d'une façon ou d'une autre, possibles les options
suggérées, il nous apparaît nécessaire, d'une part,
d'intégrer tant au niveau consultatif que décisionnel les
travailleurs susceptibles d'être victimes de lésion
professionnelle et leur organisation démocratique au processus de
décision relatif à l'organisation du travail dans l'entreprise,
d'autre part, d'intégrer la personne handicapée dans le processus
de redéfinition de sa propre tâche. (17 h 15)
M. Ouellet (Florian): Merci. Il y a cinq ou dix ans, au
Québec, quand on disait ergonomie, les gens nous disaient: Quoi,
économie? Là on répétait "ergonomie". On disait
"agronomie" qu'est ce que cela fait là? On ne connaissait pas ce mot.
Dieu sait que cela veut dire adapter le travail aux hommes et aux femmes qui le
font. C'est assez curieux. D'autant plus qu'en Europe, cela fait depuis 1942
que cela est devenu une discipline très développée qui
s'enseigne et qui se pratique dans bien des entreprises. Mme Colette Hubert va
nous dire un peu à quoi cela peut servir.
Mme Hubert (Colette): La réinsertion socioprofessionnelle
est le but ultime de la réadaptation de tous les accidentés.
Cette réinsertion comporte plusieurs étapes. La première
consiste en l'évaluation des capacités de travail de
l'accidenté. Cette évaluation fonctionnelle vise à
établir le potentiel de travail malgré le handicap
consécutif à l'accident. Souvent, l'évaluation du
potentiel de travail est faite de façon théorique à partir
d'un diagnostic médical.
Par exemple, on va déterminer qu'une personne qui a subi des
blessures au dos est apte à effectuer un travail léger en
position assise. Lorsqu'on fait une évaluation fonctionnelle, souvent on
réalise que ce n'est peut-être pas le cas. Théoriquement,
cela semble très beau, mais en pratique, la personne peut avoir à
changer de posture, changer de position à tous les 15 ou 20 minutes, ne
pas être capable de tolérer la position assise pendant une
journée complète de travail.
C'est simplement lorsqu'on fait une évaluation des
capacités fonctionnelles de la personne qu'on peut arriver à
déterminer ses capacités de travail, ce qu'elle peut
tolérer, ce qu'elle ne peut pas tolérer.
Alors, pour faire une évaluation fonctionnelle, le travailleur
doit effectuer différentes tâches et ainsi on peut
déterminer ses capacités de travail, son endurance, sa
tolérance.
La deuxième étape consiste en l'analyse ergonomique du
travail que l'accidenté croit pouvoir exécuter compte tenu de ses
capacités, de ses intérêts et de ses aptitudes. Cette
analyse permet de connaître toutes les exigences de ce travail tant au
point de vue physique que mental de même que les conditions dans
lesquelles il s'effectue. On analysera, par exemple, les gestes de travail, les
mouvements qui sont requis pour effectuer le travail: la posture, la cadence,
l'aménagement, les exigences visuelles. On fait des liens entre toutes
les exigences du travail pour tenter de déterminer ce qui est requis
d'une personne pour effectuer ce travail. Est-ce que c'est possible d'adapter
ce travail et de le modifier pour l'adapter aux capacités d'une personne
en particulier?
Ces adaptations sont parfois très simples. Souvent, il s'agit
simplement de réaménager l'équipement, de
réaménager le poste de travail différemment, de
réaménager les outils au poste de travail afin de permettre
à un travailleur accidenté d'occuper ce poste. D'autres exemples,
l'utilisation d'un gabarit pour maintenir une pièce si la personne a une
diminution de fonction dans une des mains. Il y a d'autres adaptations qui sont
plus répandues pour des secrétaires sourdes, par exemple. On
adapte la machine à écrire. Au lieu d'entendre la cloche au bout
de la ligne, c'est une lumière qui s'allume sur la tablette où la
personne a son texte à dactylographier de façon qu'elle ne perde
pas de temps continuellement à vérifier.
Il y a toutes sortes d'adaptation de ce type qui sont assez simples et
qui peuvent permettre à une personne accidentée soit de
réintégrer le même travail ou un autre poste de
travail.
La troisième étape consiste à aider
l'accidenté sur le plan psychologique particulièrement s'il a
été absent du marché du travail pendant longtemps. Il est
irréaliste de penser qu'un accidenté peut reprendre le travail
sans aucune appréhension, alors que c'est le travail lui-même qui
a été la cause de ses problèmes. Ses appréhensions
peuvent être, par exemple, la peur de ne pouvoir accomplir le travail, la
peur d'avoir un autre accident. Il peut appréhender aussi la
façon dont il sera accueilli dans le milieu du travail, la
réaction des autres face à son handicap. Pour certains
accidentés, c'est un problème qui est très important de
savoir de quelle façon ils seront perçus par les autres. Il y a
des accidentés, par exemple, qui ne veulent par retourner dans le
même milieu de travail, parce qu'ils se disent: Mes confrères
m'ont connu en pleine forme, capable de travailler; je ne veux pas retourner,
parce que maintenant, je n'ai plus les mêmes capacités. Ils ont de
la difficulté à faire face à cette situation.
La quatrième étape consiste à travailler
auprès de la direction et des employés de l'entreprise qui
embaucheront le travailleur accidenté. Le milieu doit être
prêt à intégrer l'accidenté. Par exemple, lorsqu'on
essaie de réintégrer un travailleur accidenté dans le
monde du travail, on nous dit souvent: II ne sera pas capable. On va le
prendre; on va essayer, mais on est sûr qu'il ne sera pas capable de
faire le travail. Déjà, on part d'un point de vue négatif.
Il y a une certaine préparation qui doit être faite auprès
de l'entreprise et auprès des autres employés. La reprise du
travail devrait se faire de façon graduelle ou selon la tolérance
de l'accidenté.
Enfin, un suivi s'impose pendant un certain temps, afin de voir comment
l'accidenté évolue dans son nouveau milieu. Trop souvent les
contacts cessent dès que l'accidenté recommence à
travailler.
La réinsertion sociale est un travail d'équipe où
le principal acteur est l'accidenté lui-même. Le travailleur doit
être encouragé à se prendre en charge, les membres de
l'équipe multidisciplinaire lui offrant l'aide dont il peut avoir
besoin.
Plusieurs ressources existent déjà, mais elles travaillent
de façon isolée. Il nous paraît urgent que la CSST mette
sur pied des équipes multidisciplinaires de réinsertion
socioprofesssionnelle et que tous les travailleurs accidentés aient
accès à ces services. Merci.
M. Ouellet (Florian): Une petit anecdote en passant, plutôt
une information. On n'a pas tellement d'ergonomistes au Québec. On peut
les compter sur les doigts de la main. Pourtant, quelqu'un que je connais bien,
un de nos concitoyens, est revenu de France il y à peu près
quatre ou cinq mois avec un doctorat en ergonomie. Après avoir eu des
petits contrats, ayant de la misère à vivre,
il vient de partir pour les États-Unis où on lui offre un
très beau salaire. Il y travaillera peut-être le reste de sa vie.
J'espère qu'il reviendra, mais c'est curieux. C'est peut-être
symptomatique aussi, mais des formateurs et des institutions pour faire de la
formation, même la formation des adultes, on n'en manque pas. C'est ce
dont Julio va nous parler.
M. Fernandez (Julio): Merci. Je veux vous éviter un long
exposé. Je vais essayer d'être bref. Peut-être que, de cette
façon, je vais m'assurer de capter votre attention en permanence. Je
veux toucher trois points. Le premier touche certains concepts, certaines
idées de base qu'on retrouve dans la loi lorsqu'on parle de
réadaptation. Envisagé du point de vue de la formation, il s'agit
d'une signification tout à fait autre. Lorsqu'on parle de
réadaptation, les travailleurs accidentés ont-ils vraiment besoin
d'une réadaptation? Lorsqu'on parle de réadaptation, on suppose
qu'au départ, il y avait une adaptation au travail. Est-ce vrai?
L'expérience nous le démontre - on a déjà
parlé des immigrants - si on regarde les statistiques au niveau de la
commission, on se rend compte qu'une grande partie des travailleurs
accidentés sont des travailleurs peu scolarisés, qui n'ont pas
beaucoup d'expérience dans le travail qu'ils réalisent. Je
pourrais dire que ce sont des travailleurs désadaptés, au
départ.
Le processus auquel ils sont soumis après leur accident vise la
réadaptation, une réadaptation qui ne tient pas compte de ces
données. Je me demande si, parfois, les difficultés qu'on a
soulignées ici vis-à-vis de l'intégration en milieu de
travail, ne trouvent pas leur compte dans la méconnaissance ou
plutôt dans la non-considération de cette donnée de
départ. Souvent, les travailleurs accidentés n'étaient pas
aptes à réaliser le travail qu'ils faisaient. Ceci suppose,
d'après moi - quand on parle de formation - que le travail de
réadaptation devrait beaucoup plus avoir une orientation d'adaptation
à un travail qu'éventuellement à un nouveau travail.
Donc, il y a là une donnée nouvelle qu'on retrouve
peut-être dans l'esprit du projet de loi et qui n'est pas clairement
définie, une intention de réorientation en milieu de travail.
À peu près tous les autres ont touché au problème,
à savoir comment c'est difficile pour un travailleur accidenté de
revenir dans son milieu de travail. Ceci veut dire que l'insertion sociale et
la réinsertion sociale sont aussi soumises à ces mêmes
faiblesses des données de départ.
Les solutions dans la pratique nous montrent qu'une adaptation sociale
se traduit par un renforcement de la désadaptation qui explique,
parfois, l'arrivée de nouveaux accidents chez les accidentés.
Souvent, cela se traduit aussi par une exclusion de l'accidenté dans son
propre milieu de travail. L'importance du travail dans une autre revalorisation
personnelle et sociale a déjà été signalée.
Je ne toucherai pas à ces problèmes.
Un autre point, est-ce qu'il y un âge pour se former? Est-ce qu'il
y a un âge limite chez les adutes à partir duquel un adulte
accidenté ne pourrait pas éventuellement changer d'orientation?
Notre expérience au niveau de l'université, la même
expérience au niveau du système collégial, au niveau des
commissions scolaires, nous montre que la population étudiante vieillit
de plus en plus. Ce qu'il y a de grave parfois - même si on ne le
retrouve pas dans des discours, mais il est implicite dans le réflexe -
c'est encore de penser qu'il y a un âge pour apprendre, pour travailler
et pour mourir. Ce n'est pas vrai.
L'éducation permanente nous montre que de plus en plus de
personnes entrent dans un processus de formation et de réorientation,
souvent permanente, de leur capacité de travail. Premièrement, il
n'y a pas d'âge limite pour apprendre. S'il y en avait un, il faudrait le
situer tard dans la vie. Deuxièmement, est-ce que la capacité
d'apprendre est aussi diminuée par l'âge? Je dirais non.
Là, on trouve encore dans certaines écoles des tendances qui vont
soutenir qu'un individu, qui pendant toute sa vie a réalisé un
type de travail qui pourrait être un type de travail concret, ne pourrait
pas avoir accès à d'autres types de travaux qui demandent
beaucoup plus une pensée formelle. Ce n'est pas le cas. Il y a là
-souvent, c'est une lacune qu'on n'arrive pas à combler - une absence de
recherche et de réflexion, au niveau des universités et aussi au
niveau des gouvernements, pour pouvoir trouver le mode de reconversion facile,
les modes de fonctionnement et les modes de penser chez les individus. Cela va
être, et c'est déjà une exigence que le
développement technologique va nous imposer. (17 h 30)
Troisième et dernier point, j'aurais voulu parler de
rentabilité. Je pense - il y a passablement d'arguments qui le
soutiennent - que l'investissement en formation est un investissement rentable.
Si un accidenté de 45 ans demande ou exige un investissement au point de
vue de sa formation, je prendrais cela de la façon suivante pour
décider. Cette personne a 20 ou 25 ans de vie utile à donner
à la société. Donc, un investissement en formation est
à considérer. C'est une personne qui, par les taux d'espoir de
vie, a 30 ou 35 ans de vie familiale ou comme citoyen qu'il lui reste à
vivre. Donc, l'investissement en formation est aussi rentable. C'est juste
cela. J'ai réussi mon coup.
M. Ouellet (Florian): Voilà ce que cela donne d'avoir un
doctorat en andragogie.
Je n'ajouterai pas tellement long non plus. Je vais essayer d'être
très bref mais j'ai une proposition à faire à la
commission et à la CSST en même temps. Il arrive que des gens du
service de réadaptation nous envoient des bénéficiaires.
Ils sont admis en priorité absolue dans ce programme, le programme de
santé et de sécurité du travail où on est tous. Je
ne vois pas pourquoi cela ne pourrait pas se généraliser un peu.
Je pense qu'il y a aussi d'autres instances dans la société, sur
le plan de la formation, cégep, etc. qui pourraient faire la même
chose, accorder priorité. Pourquoi en réadaptation, ne
prendrait-on pas des personnes qui ont vécu le phénomène
de la réadaptation pour se former? Il ne s'agit pas d'accorder un
privilège à du monde. Il s'agit peut-être d'une forme de
"positive action" et cela ouvrirait la porte à beaucoup de gens qui sont
en réadaptation, à ceux qui sont les victimes de ce Dieu de la
productivité, ceux qui n'ont pas tellement d'autres moyens. Un autre
aspect que cela pourrait amener, c'est sur le retour au travail. Parfois il est
très difficile de ramener quelqu'un au travail dans la même
entreprise mais, si on passe par le biais de la formation, on ouvre la porte
à toute la sphère organisationnelle de l'entreprise. On ouvre la
sphère au poste de responsable de prévention et de tous les
autres postes qui demandent une capacité particulièrement
intellectuelle plutôt qu'une capacité physique. Mon ami Desjardins
me disait la semaine dernière: C'est aberrant, on a des personnes qui
sont victimes, limitées physiquement quelque part, on leur coupe un
morceau de leur capacité physique et on essaie de les réorienter
nécessairement dans le physique. Cela n'a pas d'allure. Alors qu'elles
ont un immense potentiel intellectuel, comme tout le monde, lequel est
ignoré. Cela est une perspective différente. Cela est une vision
différente des choses, d'une mentalité différente. C'est
de miser sur le potentiel du monde plutôt que de miser sur ce qui leur
manque, ce qui a trop été fait au Québec en matière
de réadaptation. C'est tendre à faire monter les gens quelque
part plutôt que de les envoyer dans la sous-production quand on n'est pas
dans les sous-produits de la société, c'est-à-dire sous le
bien-être social ou autre chose. C'est très différent comme
perspective. Je ne dis pas que cela s'applique universellement, mais cela
s'applique certainement beaucoup plus qu'on ne le fait actuellement, cela
s'appliquerait beaucoup plus.
On est arrivé à notre proposition quant à un
amendement au projet de loi 42 qui ferait effectivement du droit à la
réadaptation un droit.
Je passe la parole à M. Richard
Goyette que vous connaissez, je pense, déjà.
M. Goyette (Richard): Principalement, à la lecture du
projet de loi 42, ce dont on s'aperçoit, c'est qu'il n'y a pas de droit
à la réadaptation, c'est-à-dire ce qui paraît
apparent au niveau du droit à l'article 138 est, par la suite,
complètement biffé par l'article 142 qui institue une
discrétion administrative, puisque c'est la commission qui
déclare admissibles les gens. Il n'y a aucun moyen de réaliser ou
de se donner des critères à savoir si telle ou telle personne
handicapée serait plus ou moins handicapée, du moins, il ne
semble pas y avoir, à l'intérieur du projet de loi, ce type de
critère qui pourrait rendre objectif le droit à la
réadaptation et, bien sûr, le droit au service qui s'ensuit et aux
indemnités. Pour notre part, nous faisons une proposition sur quatre
articles. Tout à l'heure, on a déposé les textes à
l'arrière de vous. Le premier article se lirait comme suit: "Tout
bénéficiaire a droit à la réadaptation sociale que
requiert son état en raison d'une lésion professionnelle ou des
conséquences qu'elle entraîne pour lui une telle lésion."
Cela est le premier point, c'est le droit général en
matière de réadaptation, en conséquence d'une
lésion subie. Il semble qu'à venir jusqu'à maintenant cela
ressemble un peu... du moins c'est la suite qui pourrait s'intégrer dans
le projet de loi 42. Il n'y a rien de révolutionnaire. Sauf, qu'elle
touche aussi les bénéficiaires. Cela nous apparaît quand
même important qu'en matière de réadaptation on ne touche
pas uniquement le travailleur, mais aussi le bénéficiaire car la
réalité, c'est que cela ne touche pas seulement le travailleur,
cela touche aussi le bénéficiaire au sens de la loi.
Par exemple, une étude du ministère des Affaires sociales
sera publiée bientôt portant sur les enfants nés morts ou
nés difformes à cause des contaminants. Or, il est fort probable,
pour les enfants qui naîtront vivants à la suite de cela, que cela
peut être une conséquence directe, puisque ce sont des
contaminants résultant du travail, et qu'ils pourraient être des
bénéficiaires au sens de la loi, de même que le conjoint
d'un travailleur accidenté pourrait bénéficier du
régime de réadaptation sociale. Les indemnités, c'est une
chose, mais j'entends la réadaptation sociale dans le sens
psychologique, médical, etc., des suites qui peuvent survenir d'un
accident grave, d'un décès pour les enfants ou pour le conjoint.
C'est pour cela que le premier texte ne concerne pas uniquement le travailleur,
mais la réalité qu'on rencontre tous les jours, si on ne se ferme
pas les yeux.
Le deuxième, tout travailleur à droit à
l'indemnité de remplacement du revenu tant qu'il n'a pas réussi
à surmonter le handicap causé par la lésion
professionnelle. Déjà, on
commence à se donner des critères objectifs plutôt
que discrétionnaires, afin d'accorder un droit en matière de
réadaptation sociale. Ce serait un deuxième point, puisque,
là, on parle de surmonter le handicap et non pas de couper n'importe
quand la réadaptation avec des critères purement subjectifs, tels
que le délai d'un an, celui de deux ans, des cours qui ne sont pas
donnés qui devraient l'être présentement par le centre de
main-d'oeuvre. Si on veut trancher du passé au présent, ce serait
le type de droits qui permettraient de donner des acquis au travailleur
handicapé.
Le troisième, un travailleur est considéré
handicapé tant qu'il n'a pas atteint de façon fonctionnelle -
nous insistons sur ce mot - l'équilibre physique, psychique et financier
qu'il avait avant l'accident. Cela détermine la durée. Il est
pour le moins aberrant qu'on tente, par des durées purement subjectives,
comme je le disais avant, de déterminer la durée de la
réadaptation par des programmes qui ne répondent pas à la
réalité du travailleur. Avec ce type d'article, la
réadaptation a un but précis, et c'est un droit. On doit remettre
le travailleur accidenté dans l'équilibre fonctionnel qu'il avait
avant l'accident. C'est le but de la réadaptation sociale. Si le but de
la réadaptation sociale, c'est uniquement une question de temps, on va
lui donner un an. Cela paraît bien. Cela empêche, à part
cela, de payer les rentes, comme actuellement. Qu'on se le dise. Selon nous, un
droit, ce serait cela.
Le quatrième point, tout bénéficiaire est
considéré admissible à la réadaptation sociale,
tant qu'il n'a pas surmonté les conséquences qu'entraîne
pour lui la lésion professionnelle. C'est le critère
d'admissibilité, c'est celui de surmonter les conséquences de la
lésion professionnelle. Là, avec ces quatre articles, au moins,
on ne serait pas toujours et continuellement sujet à l'arbitraire et
à la discrétion de la commission. Il s'agit pour nous, dans notre
intervention, de prévenir cela, de trancher carrément concernant
la réadaptation sociale qui existe depuis 1928 ou 1931, qui a
été continuellement renouvelée, ressassée et
élargie par l'article 56 de la loi 114, en 1978, et qui apparaît
quand même dans le projet de loi 42, mais toujours de façon aussi
discrétionnaire. Si on veut en finir avec cela, il n'y a pas trente-six
solutions, c'est qu'on accorde le droit dans la loi, qu'on comptabilise la
durée dans la loi par des critères, mais non pas des
critères de durée qui ne font pas face à la
réalité; il faut que cette durée fasse face à la
réalité du travailleur, et, bien sûr, l'indemnité y
est liée.
D'autre part, si on donne un droit à quelqu'un, on doit aussi en
donner le corollaire. Je parle des droits d'appel. Il serait illusoire de
donner une admissibilité à la réadaptation sociale, des
indemnités en réadaptation sociale, des fournir des services en
réadaptation sociale et aucun droit de regard d'un tribunal quelconque
en réadaptation sociale, parce qu'on sait ce qu'il arriverait. Il
arriverait ce qu'il arrive présentement. Cela ne brasse pas gros en
réadaptation sociale. À ce moment-là, nous croyons que non
seulement ce qu'on voit à l'article 247, l'indemnité, le montant
d'indemnité ou le quantum de l'indemnité, doit être couvert
par le droit d'appel, mais tout le processus de réadaptation, ou la
définition de prestation, par exemple, qui apparaît à la
loi, les services fournis, l'assistance financière, etc., tout cela doit
être couvert dans les droits d'appel, puisque la réadaptation
sociale n'est pas uniquement une indemnité. L'indemnité est le
sous-produit de la réadaptation sociale. La réadaptation sociale
essentiellement, ce n'est pas l'indemnité.
Il faudrait un amendement à l'article 57 qui prévoit que
l'indemnité de remplacement de revenu s'éteint si, par exemple,
une personne a une rente d'invalidité. Prenons le cas d'une personne qui
deviendrait totalement invalide dans le sens travail et pourrait très
bien bénéficier de la réadaptation sociale. On ne voit pas
pourquoi, d'ailleurs, une personne invalide toucherait uniquement les rentes,
ce serait, en tout cas, tout simplement de transférer la
responsabilité. La réadaptation sociale pourrait quand même
exister pour une personne totalement invalide pour des traitements, des soins,
de la réintégration personnelle de cette personne et non
uniquement au niveau du travail.
Il y a aussi l'article 102 sur les prothèses qui touche, je
pense, la réadaptation sociale. Il n'est pas couvert à l'article
102 la notion de "à l'occasion du travail". Un travailleur
handicapé qui aurait une prothèse et qui verrait cette
prothèse -parce qu'il retourne au travail - brisée à
l'occasion du travail c'est-à-dire qu'un confrère de travail
échapperait une masse sur sa prothèse ne se la verrait pas
rembourser. C'est l'article 102 tel quel puisqu'au niveau de la prothèse
ne parle que du fait du travail et non pas de l'occasion du travail, de
même que la franchise. On ne peut concevoir, encore une fois, que ceux
qui ont déjà payé les coûts de production par leur
travail et leur handicap aient une franchise à payer quand ils sont
handicapés à même la prothèse. Principalement c'est
le but de notre intervention: garantir les droits et surtout sortir cela de la
discrétion de la commission. Merci.
M. Ouellet (Florian): Alors, on sait que la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, la CSST, a le droit
à la réadaptation en tant que service. On voudrait
que ce soit les personnes, les travailleurs et les travailleuses
victimes qui aient le droit à la réadaptation. Ce n'est pas
seulement une question de service.
Ma petite conclusion ne sera pas longue. Premièrement, la
question de la non-qualification. Vous connaissez sans doute cette recherche
extrêmement importante qui a été faite il y a quelques
années par Astrid Girouard-Lefebvre sur l'appauvrissement des petits
salariés. Elle démontre dans sa recherche le processus
d'appauvrissement des petits salariés, ce qui fait qu'il y a bien trop
de gens qui se retrouvent sur le bien-être social à un moment
donné. Ce processus passe - si je me souviens bien -majoritairement, par
le fait d'un accident de travail et aussi par l'absence de réadaptation
et qu'en fin de compte, les périodes de chômage s'allongent, les
périodes de bien-être social arrivent et, éventuellement,
c'est fini puisque la personne est non qualifiée,
déclassée, "rebutisé" comme on le dit dans notre texte, et
on l'envoie quelque part ailleurs.
On s'étonne, dans notre société
québécoise, que les travailleurs et les travailleuses ne
s'intéressent pas tellement à la chose financière et
économique; bon Dieu! il y a de quoi. Si c'est cela que l'on vit
à l'autre bout, il y a de quoi et vraiment de quoi. Pour moi, ce n'est
pas étonnant qu'il y ait une espèce d'écoeurement face
à l'industrie, à l'entreprise. Ce sont des choses qui sont
essentielles, absolument et extraordinairement importantes. On ne peut pas
vivre sans cela. Il y a toute une mentalité à transformer. On ne
transformera pas la mentalité face aux finances si on ne transforme pas
la mentalité face au bien-être ou au sort qui est fait aux
victimes de la productivité de notre industrie. (17 h 45)
Deuxième point de conclusion. Je pense que le projet de loi 42
dénote une absence de considération de l'aspect
économique, de la dynamique économique inhérente à
la réadaptation tout comme à la santé et à la
sécurité du travail. Il y a là du développement
économique à faire et on ne le pense pas. Sauf, qu'on voit aussi
à travers cela une pensée micro-économique, on voit les
coûts en termes purement pour l'entreprise. On ne les voit pas pour
l'ensemble des secteurs industriels. C'est un peu comme si on se disait que
l'on va dépolluer la rivière des Prairies en demandant à
la ville de Montréal-Nord d'abord de faire son bout. Cela n'a pas
d'allure. Il faut nécessairement penser globalement.
Un troisième point. Je pense qu'on a démontré, du
moins on a essayé de le faire, qu'il y a des solutions et que toutes les
solutions à tout le moins ne sont pas utilisées. Il reste que,
sur tous ces points, il appartient maintenant à l'État d'agir.
D'abord de comprendre, de légiférer, c'est ce que vous êtes
en train de faire. Il ne faudrait pas manquer votre coup, il ne faudrait pas
retourner à 1931. Il appartient aussi à l'État de ne pas
briser ce que le même gouvernement a fait en matière de
prévention, c'est-à-dire par le projet de loi 42, il ne faudrait
pas tout de même annuler ce qu'on a fait avec le chapitre 63, l'ancien
projet de loi 17. Nous pensons qu'il appartient à l'État de
comprendre, de légiférer, et de faire en sorte qu'on puisse agir.
Si cette loi n'est pas suffisamment articulée et si elle ne correspond
pas à ce qu'on vous propose ici, il n'y a pas grand-monde dans la
société qui va pouvoir agir, ce serait cela le malheur.
Sur ce, je serais heureux de passer à vos questions.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Ouellet.
M. le ministre.
M. Fréchette: Je vous remercie, M. le Président. Je
veux aussi remercier les intervenants que nous venons d'entendre, autant pour
le mémoire écrit pour les interventions verbales qui ont
complété effectivement toute la philosophie que l'on retrouve
dans le document qui demeure au dossier.
M. le Président, nous venons d'entendre le dernier des 43
mémoires que nous avons entendus jusqu'à maintenant après
dix jours d'audition en commission parlementaire.
Évidemment, tous ces mémoires ont été
très importants. Mais celui qui vient de nous être soumis retient
particulièrement mon attention à trois chapitres bien
particuliers, d'abord, à cause de la pertinence et de l'importance du
sujet qu'il traite. Je vous signalerai un certain nombre de choses, eu
égard au sujet. Effectivement, on en a discuté au cours de ces
auditions, au cours des dix derniers jours, mais pas en profondeur comme on
vient de le faire. J'aurais été un peu malheureux si l'occasion
ne nous avait pas été donnée de nous livrer à cette
réflexion. C'est davantage intéressant et important que cela se
fait en conclusion de nos travaux. C'est également fort
intéressant, par les suggestions qui son faites autant sous forme
écrite que verbale. Je vous dirai dans un instant comment ces
suggestions peuvent être accueillies, quel sort on peut réserver
aux représentations que vous nous avez soumises.
Finalement, un autre volet qu'on n'a pas négligé au cours
des auditions, mais sur lequel on n'a peut-être pas mis l'emphase qu'on
aurait dû y mettre - remarquez que je puis ainsi que ceux qui sont autour
de la table être responsables au premier chef de
cette évaluation - mais, là on vient d'y mettre le doigt
de façon on ne peut plus claire, c'est la nécessité qui
existe d'avoir des relations ou des conditions de travail décentes pour
assurer que la santé et la sécurité auront toute
l'attention qu'elles requièrent. Quand on nous a fait des interventions
sur cette science de l'ergonomie et les suggestions qu'on nous a mises sur la
table, c'est la réflexion qui m'est venue spontanément à
l'esprit. Les conditions de travail d'une convention collective ont une
importance capitale en termes de prévention et, de façon globale,
de santé et de sécurité. Encore une fois, cela est volet
qui n'est peut-être par revenu suffisamment souvent et avec suffisamment
d'emphase au cours de nos travaux.
M. le Président, les inquiétudes qui nous ont
été soumises, cet après-midi, procèdent d'un
phénomène qui a été identifié tout au cours
des travaux de la commission, autant à l'égard de la politique de
la réadaptation et de la politique globale de la sécurité
et de la santé qu'à l'égard de l'ensemble des dispositions
que l'on retrouve dans le projet de loi 42. Ces inquiétudes
procèdent - cela m'apparaît tout à fait normal qu'il en
soit ainsi - des pouvoirs réglementaires qui sont dans la loi actuelle
et qui sont, à certains égards, reconduits dans le projet de loi
42, lesquels pouvoirs réglementaires débouchent sur des
décisions que doivent prendre ceux qui administrent les
règlements et qui inévitablement se traduisent souvent par ce que
l'on considère comme une discrétion mal exercée, une
discrétion qui a plutôt l'allure à plusieurs égards
de choses imposées.
Je le signale à nouveau, je le réitère, M. le
Président, ces pouvoirs réglementaires qui permettent
l'interprétation qui peut débloquer sur ce qu'on identifie comme
étant de la discrimination, ont été constants dans tous
nos travaux au cours des dix derniers jours. C'est une des raisons pour
lesquelles certaines décisions sont, à toutes fins utiles,
déjà prises à ce chapitre-là. Je vais me contenter
de les résumer très rapidement.
Dans l'état actuel du projet de loi, il y a 26 chapitres
différents de prévus dans lesquels la commission peut
procéder à établir de la réglementation.
Évidemment, c'est un champ qui est très vaste; c'est un champ qui
permet d'établir toutes sortes de règles qui,
inévitablement, peuvent et même, je dirais, doivent conduire
à cette situation qui nous est décrite depuis un bon moment.
La décision vers laquelle nous nous dirigeons et que nous
retiendrons sans doute, qui deviendra la loi, c'est de faire en sorte que ce
que sont actuellement des règlements, des politiques qui ont
été adoptées par voie réglementaire en vertu de
l'actuelle loi et qui nous apparaissent être nécessaires dans
l'application des politiques de santé et de sécurité,
seront transposés dans la loi, de sorte que le cadre législatif
sera très bien délimité et, deuxièmement, il liera,
de façon claire, ceux et celles qui devront vivre avec les dispositions
de la loi.
Deuxièmement, nous allons procéder à amender
l'article 266 du projet de loi pour y faire disparaître le sixième
paragraphe qui, dans son état actuel, permettrait encore à la
commission de généralement prescrire toute mesure qu'elle
estimerait utile à la mise en application du présent projet de
loi. Même si 20 champs d'application sont disparus, il reste que ce
sixièmement est l'équivalent d'une clause omnibus ou à peu
près qui permettrait effectivement de pouvoir refaire toute
espèce de réglementation et de commencer à revivre avec le
même phénomène de méfiance, le
phénomène dans bien des cas d'agressivité. En faisant
disparaître ce sixième paragraphe, il va maintenant être
clair que la commission ne pourra faire des règlements que dans les cinq
cas prévus à l'article 266. Je pense qu'il faut nous rendre
à l'évidence, par ailleurs, que cela peut peut-être, pour
un temps en tout cas, créer aussi un certain nombre d'obstacles. Il va
falloir que, ce qui était autrefois des règlements et qui devient
de la loi soit interprété. Il va falloir que quelqu'un, quelque
part à un moment donné arrive à déterminer ce que
veut dire cet article de loi. Il m'apparaît évident que pour une
période de temps encore, il va falloir que les parties vivent un certain
nombre de difficultés pour arriver à des intreprétations
qui soient claires et finales de cette réglementation qui sera devenue
de la loi. Quoi qu'il en soit, il nous est apparu évident après
l'audition d'autant de mémoires que le voeu d'à peu près
tous les intervenants c'est effectivement de procéder de la façon
dont je viens de vous l'expliquer plutôt que de laisser ces pouvoirs
réglementaires.
Maintenant, il y a aussi un autre aspect qui a été
préoccupant pour vous - cela est d'ailleurs apparu dans la plupart des
interventions que nous avons entendues -c'est que vous réclamez avec
insistance et avec une argumentation qui est presque irréfutable qu'il
faudrait retrouver dans la loi une disposition en vertu de laquelle un droit
d'appel serait permis en matière de réadaptation.
Qand nous terminerons nos travaux - je ne sais pas dans combien de temps
-j'annoncerai effectivement en termes d'amendements qui sont prévus
à la loi que le droit d'appel sera étendu à toute
décision que la commission rendra y incluant la politique de la
réadaptation sociale. C'est là une autre situation qui nous est
apparue aller à l'évidence même au fur et à mesure
que les travaux progressaient, au fur et à mesure que des
représentations nous étaient faites, compte tenu des
intérêts très précis et qui
sont en cause quand on parle de réadaptation sociale, compte tenu
de l'importance de la matière. Cette décision a donc
été prise d'étendre le droit d'appel à toute
matière qui procède d'une décision de la commission, donc
cela inclut l'appel quant aux politiques de réadaptation.
Maintenant, M. le Président, quant à la politique
elle-même de la réadaptation, là aussi - toujours à
partir des représentations qui ont été faites et à
partir des deux phénomènes plus globaux ou plus
généraux dont on vient de parler pouvoirs
discrétionnaires, atmosphère, méfiance,
agressivité, etc. - la décision est maintenant prise. Il va
rester à écrire des textes législatifs. La décision
est maintenant prise d'introduire, d'inclure dans la loi les politiques de
réadaptation. Votre mémoire contient des suggestions qui
m'apparaissent tout à fait pertinentes et qui vont très
certainement nous être utiles aux fins de la rédaction des textes
législatifs dont je viens de vous parler. Sur le plan du principe, je
pense que l'on peut d'ores et déjà tenir pour acquis
qu'effectivement toute la politique de réadaptation se retrouvera dans
les dispositions de la loi et non plus par voie réglementaire.
Il faut être conscient qu'on va peut-être - enfin, on verra
à l'application ce que cela peut donner - pour encore un temps à
cet égard être obligé de vivre avec l'optique qu'il va
falloir à un moment donné qu'une instance avec juridiction finale
procède à interpréter un texte de loi. Ce que je suis en
train de vous dire, c'est que ce n'est pas parce que cela sera strictement
dorénavant dans la loi que nos problèmes sont terminés.
Soyons conscients de cela tous ensemble. Il va falloir - comme je viens de le
dire, et les parties vont très certainement s'impliquer dans ce
processus - aller devant une instance décisionnelle pour demander qu'on
nous donne une interprétation très précise de ce que cela
peut vouloir dire. Est-ce qu'on devra penser par exemple, pour n'importe quel
genre de motif, que l'on doive à un moment donné se retrouver
devant la Cour supérieure, la Cour d'appel, ou la Cour suprême? Je
ne le sais pas, mais c'est un danger dont nous devons tous, me semble-t-il,
ensemble, être conscients. La technique qu'il y a autour de cela,
l'interprétation juridique qu'il va y avoir autour de cela, va faire en
sorte que pour une certaine période de temps, que je ne suis pas en
mesure de mesurer ou de tenter de mesurer, c'est un phénomène
avec lequel il va falloir vivre. (18 heures)
Le Président (M. Boucher): Je ne voudrais pas
présumer des intentions des membres...
M. Fréchette: J'achève, M. le
Président...
Le Président (M. Boucher): ...de la commission, mais
compte tenu de l'heure, étant donné que nous devions ajourner
à 18 heures, est-ce qu'il y a consentement pour que l'on continue
quelques minutes jusqu'à 18 h 15, 18 h 20?
M. Fréchette: Je peux difficilement avoir des objections
quant à moi.
M. Cusano: Il n'y a pas d'objection de ma part non plus, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Alors, il y a consentement, M.
le ministre.
M. Fréchette: De toute façon, j'avais
terminé, M. le Président.
Je voudrais simplement réitérer que nous allons introduire
dans la loi les politiques de réadaptation sociale. Cela ne sera pas
simple pour les motifs que je viens de dire. Cela ne sera sans doute pas simple
non plus de les écrire. Cela ne sera sans doute pas simple non plus de
déterminer quel sera le contenu de tel ou tel autre article; mais c'est
la décision qui est maintenant prise d'y procéder avec autant de
rigueur possible, quitte à voir les réactions que ceux et celles
qui vivent avec cette loi, qui sont venus nous faire des
représentations, pourraient y avoir et quel autre genre de suggestions
pourraient être faites aux fins d'améliorer les processus qu'on
retrouverait dans la loi, lorsque le projet de loi sera
réimprimé, qu'il sera déposé en deuxième
lecture.
M. le Président, ce sont les commentaires d'ordre très
général que je voulais soumettre à ce stade-ci.
Évidemment, on aurait pu continuer pendant longtemps la discussion
tellement le sujet est intéressant et important, mais l'horloge nous
suit de très près et je dois ici terminer.
Merci.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs,
je vous remercie de votre témoignage. Vous avez été
très intéressants, très clairs et très
pertinents.
Le ministre nous a indiqué auparavant, vous l'avez entendu
vous-mêmes, qu'il a beaucoup d'amendements à apporter au projet de
loi 42. J'ose espérer que vos recommandations seront prises en
considération. En ce qui me concerne, vos interventions suscitent
certainement un débat très long. Pour ne pas passer à la
vapeur vos préoccupations et les préoccupations de l'ensemble de
la société, une fois que le ministre aura procédé
à l'évaluation du projet de loi et à l'impression de tous
les amendements qui s'imposent, il sera
certainement nécessaire de procéder à une autre
consultation. Je me contenterai à ce moment de ne pas poser de
questions. Merci
Le Président (M. Paré): Merci.
M. Clermont: Est-ce qu'il nous serait possible d'intervenir
très rapidement? M. Richard Goyette, je crois, aurait quelques questions
à vous poser et j'en aurais une dernière.
Le Président (M. Boucher): Allez-y.
M. Goyette: La première, c'est sur ce que dit le ministre
quant à l'intégration des règlements dans la loi. Or, on
sait qu'en matière de réadaptation, il n'y a qu'un seul
règlement et, pour le reste, ce ne sont uniquement que des politiques
administratives. Ce n'est pas le pouvoir réglementaire, bien sûr,
il nous inquiète en partie, mais ce qui est encore plus
inquiétant, c'est le pouvoir des discrétions administratives, le
pouvoir de faire des politiques administratives. Quand on voit par exemple, que
la commission adopte des politiques ou la commission peut ou etc., c'est ce
type de discrétion que je vise. Présentement, à la
réadaptation sociale, le bloc de directives est quand même
volumineux. Je ne sais pas si le ministre compte intégrer
peut-être à peu près 100 pages...
M. Fréchette: Vous me demandez, à ce stade-ci, quel
sera le contenu des dispositions législatives. Je ne peux être
responsable de vous dire à ce stade-ci, ce sera A, B, C, D et D sera
divivé en i, ii, iii, lorsqu'on vient à peine de décider
du principe lui-même. Il est évident qu'il va falloir bâtir
des textes législatifs qui seront basés sur ce qui existe
déjà, ne serait-ce que des règles administratives. Comme
vous le dites, il doit y avoir des politiques là-dedans. Elles sont
bonnes ou mauvaises, mais il doit y avoir quelque chose. Vous nous
suggérez des textes intéressants aussi. Il y a des
spécialistes en la matière qui vont être en mesure sans
doute de nous donner aussi le matériel dont nous avons besoin pour
bâtir une politique que nous allons évaluer à tout le moins
convenablement dans les circonstances. C'est à partir de tout cela que
nous allons essayer de bâtir un texte législatif. Je ne suis pas
en train de vous dire qu'il va être d'une clarté à travers
laquelle il n'y aura pas de problème possible, qu'il va être d'une
interprétation que personne ne pourra contester. Ce n'est pas cela que
je suis en train de vous dire. Ce que je suis en train de vous dire, c'est que
nous allons faire un effort que j'espère aussi louable que possible pour
rejoindre les objectifs qui nous ont été transmis pendant tout le
temps de la commission. Lorsque nous allons arriver avec un texte en
deuxième lecture, ce ne sera pas non plus coulé dans le
béton. Je ne suis pas non plus en train de vous dire qu'on va
recommencer une nouvelle commission parlementaire de dix ou de quinze jours
pour réévaluer tous les amendements. Cela fait six mois qu'il y a
une commission parlementaire concernant la Commission de la santé et de
la sécurité du travail, mais il y aura une commission
parlementaire qui procédera à l'étude du projet de loi
article par article. Enfin, le processus ne se termine pas par notre exercice
d'aujourd'hui, mais vous me demanderiez de vous dire ce qu'il y aura dans la
loi, je ne serais pas responsable si j'entreprenais immédiatement
d'aller dans le détail des dispositions qu'on y retrouvera.
M. Clermont: Les propos que vous avez tenus
précédemment, la relation, par exemple, entre
l'amélioration des conditions de travail, le Code du travail et à
la loi sur les lésions professionnelles, cela m'amène à
vous poser une petite question. Évidemment, je n'attends pas un
réponse d'une façon immédiate. Est-ce qu'on peut penser
qu'un jours, les diverses lois que l'on retrouve dans le domaine du travail
seront intégrées dans un véritable Code du travail?
M. Fréchette: Avez-vous une idée du genre de
débat qu'on pourrait entreprendre?
M. Clermont: Je sais, et c'est la raison pour laquelle j'ai dit
que je n'attendais pas une réponse immédiate à la
question.
M. Fréchette: II y a un processus qui s'enclenche pour la
révision du Code du travail, tel que nous le connaissons actuellement.
Jeudi prochain, je vais être en mesure de donner beaucoup plus de
précisions quant à ce processus. La seule réponse que je
peux vous donner à ce stade-ci, c'est qu'il m'apparaît
évident que, dans la procédure qui s'enclenche, le sujet que vous
mettez sur la table va très certainement faire l'objet d'intenses
discussions.
M. Clermont: Merci.
M. Ouellet (Florian): Pour ma part, j'aimerais dire qu'à
la suggestion de M. le député de Viau, je crois, s'il y a une
volonté de consultation de votre part, c'est bien entendu que nous
serons prêts à y répondre avec beaucoup d'enthousiasme
même. Je vous remercie d'avoir...
M. Cusano: C'est simplement pour dire que ce n'est pas seulement
une consultation personnelle que j'envisageais, c'est plutôt une
consultation formelle. La consultation personnelle, je pense qu'on peut la
faire à
n'importe quel moment, et je suis sûr que, si je viens vous voir,
vous allez me répondre, mais c'est la question d'avoir une consultation
formelle ici au salon rouge qui m'inquiète.
M. Ouellet (Florian): Nous avions compris que vous parliez
à titre de membre de la commission.
M. Cusano: Oui, mais aussi à titre de membre de
l'Opposition, et ce n'est pas l'Opposition qui décide s'il y a une
commission parlementaire.
M. Ouellet (Florian): D'accord.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je remercie les chargés de cours du Programme
santé et sécurité du travail de l'Université de
Montréal d'avoir présenté ce mémoire. Étant
donné que c'est le dernier mémoire que nous devions entendre,
avant de terminer, je pense qu'il y aurait peut-être lieu pour chacun des
deux côtés de la table, de faire des remarques, s'il y a lieu.
M. Fréchette: Très brièvememnt, M. le
Président. J'avais préparé un long discours, M. le
Président, d'une quinzaine de pages, mais je vais le laisser de
côté. Au stade où nous en sommes, vous allez comprendre que
mes premières remarques seront pour marquer notre appréciation
vis-à-vis de tous les intervenants que nous avons entendus depuis le
début de nos travaux. Je vous signalais tout à l'heure, M. le
Président, nous avons entendu 43 mémoires, 49 nous ont
été soumis et nous avons tenu dix journées d'auditions.
Tous ces mémoires, comme je le disais aussi, sont tout à fait
pertinents, fort bien préparés et identifient d'une façon
on ne peut plus claire les inquiétudes que les uns et les autres ont
manifestées.
Alors, il m'apparaîssait, M. le Président, tout à
fait important de remercier tous ceux et toutes celles qui se sont
imposé la tâche immense d'écrire ces documents et de venir
les livrer ici à la commission parlementaire et accepter en même
temps d'échanger des opinions avec les membres de la commission.
Je voudrais aussi, M. le Président, à ce stade-ci,
remercier mes collègues du côté ministériel et
également mes collègues du côté de l'Opposition. Je
pense que tout le monde a accompli un extraordinaire boulot depuis que nous
sommes attelés à cette tâche. Les uns et les autres,
là aussi, ont travaillé avec beaucoup de sérieux, sont
intervenus sur des sujets d'importance. Il est maintenant clair que toutes les
interventions qui ont été faites - du moins les interventions qui
concernent la loi elle-même, je ne vous parle pas des autres
interventions - vont évidemment être fort utiles pour
compléter et achever le processus d'adoption de la loi 42.
M. le Président, vous allez aussi me permettre - j'aurai
l'occasion de le faire dans une autre circonstance mais je pense qu'il faut que
ce soit fait publiquement - de remercier aussi les membres du personnel de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail qui
ont travaillé avec acharnement à la préparation du projet
de loi 42 et depuis - pas des semaines ni des mois -maintenant plus de quatre
ans. Vous savez -je le disais tout à l'heure mais ce n'est pas du tout
malicieux ce que je suis en train de dire - depuis une année, les gens
de la Commission de la santé et de la sécurité du travail
sont souvent sur la place publique. On entend souvent des témoignages
qui tournent autour et alentour de l'agressivité, la méfiance. Je
pense que ces gens sont assez responsables pour pouvoir accepter ce genre de
critiques. Ils sont également assez responsables pour pouvoir
réaliser des choses qu'il faut changer quand c'est le temps de les
changer. Je pense que ce que je viens de dire en termes d'amendements est assez
clair à cet égard. À un moment donné, il faut aussi
que toute la vérité ait sa place. Je ne serais pas honnête
avec moi-même si je ne vous disais pas très spontanément
combien j'ai apprécié autant leur travail que leur
collaboration.
M. le Président, je viens de vous signaler que je n'allais pas
entreprendre d'identifier les uns après les autres les amendements que
je soumettrai au Conseil des ministres pour la réimpression du projet de
loi. Ce serait trop long. De plus, la plupart sinon tous les amendements que
j'ai annoncés sont déjà connus de tous ceux qui sont venus
en commission parlementaire. Je les ai signalés à la presse en
début d'après-midi de sorte que ce serait peut-être
superflu que de procéder à ce qui serait finalement, uniquement
et strictement de la répétition.
Motion proposant la réimpression du projet de
loi
Cependant, M. le Président, je vais devoir, compte tenu des
exigences de notre règlement, malgré le fait que je n'annonce pas
dans le détail chacun des amendements, faire la motion prévue
à l'article 119. Cette motion prévoit que lorsqu'un projet de loi
doit être réécrit avant son dépôt en
deuxième lecture, la commission qui l'a étudié doit
adopter une motion pour faire en sorte que le rapport de la commission indique
qu'il y aura réimpression ou réécriture.
M. le Président, ma conclusion, c'est donc cette motion en vertu
des dispositions de l'article 119 de notre règlement. Je fais
donc motion pour que cette commission recommande la réimpression
du projet de loi 42, le tout conformément à l'article 119,
paragraphe 2 du règlement de l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Boucher): Alors, la motion étant
déposée, est-ce qu'il y a des interventions...
M. Cusano: II y aurait quelques commentaires à
faire...
Le Président (M. Boucher): sur la motion? M. le
député de Viau.
M. Cusano: Premièrement, M. le Président,
permettez-moi de dire qu'il a été très agréable
pour 99,9% du temps, en ce qui regarde les relations de ce côté de
la table et de l'autre côté de la table. Je crois que c'est assez
un bon record pour une commission parlementaire. On a eu une indication depuis
le début de la commission parlementaire dans un sens que le ministre
avait l'intention d'apporter des changements majeurs. Je suis heureux
qu'après cette consultation, même si on est maintenant rendu
à la quatrième ou cinquième version d'un projet de loi qui
circule depuis un bon moment, le ministre, contrairement à d'autres qui
l'ont précédé, réalise que le projet de loi a
été mal écrit, est confus et qu'il doit être
réimprimé. Nous l'avons dit à plusieurs reprises, cette
réimpression est nécessaire car le projet de loi, tel que nous
l'avons devant nous, reflète l'image de ceux qui l'ont conçu. On
n'a jamais su si c'était la CSST ou le ministère qui a
rédigé ce projet de loi, mais une chose est sûre, c'est
qu'il reflète la situation qui règne, soit au ministère ou
à la CSST.
J'espère que les amendements seront connus à part ceux qui
ont été annoncés cet après-midi. J'espère
que le texte précis sera connu rapidement.
Pour citer un de vos collègues, M. le ministre, l'ex-ministre de
l'Éducation: II se hâte lentement. J'espère que vous allez
vous hâter d'une façon un peu plus vite que de la façon
dont le fait l'ex-ministre de l'Éducation.
Cela étant dit, je vous souhaite bonne chance. Vous avez un gros
boulot, ce n'est pas seulement les quelques amendements que vous avez
annoncés qui doivent être changés, tout le projet de loi
doit être réécrit. Il est à espérer que le
prochain sera très clair et que tout le monde le comprendra avec ces
remarques. Il ne faut pas oublier aussi le fait qu'il y a d'autres lois qui
sont touchées ici de façon indirecte, c'est-à-dire
qu'elles ont été un peu cachées dans ce projet de loi, vos
droits qui sont amendés. J'exprime à ce moment le désir,
comme je l'ai déjà fait auparavant, que lorsqu'on parle de la loi
touchant l'indemnisation des victimes d'actes criminels et de la loi favorisant
le civisme, je crois qu'elles devraient faire l'objet d'un dépôt
de loi séparé pour qu'on puisse vraiment connaître la
volonté du gouvernement. Avec cela en espérant que vous allez
donner suite aux recommandations qui vous ont été faites des
intervenants et de l'Opposition. C'est avec toutes ces considérations,
que nous allons voter en faveur de la réimpression du projet de loi.
Le Président (M. Boucher): Cette motion voulant que le
projet de loi 42 soit réimprimé est adoptée?
M. Cusano: Adopté, M. le Président. M.
Fréchette: Adopté.
Le Président (M. Boucher): Il me fait plaisir, en tant que
président, de mettre fin aux travaux de cette commission. Ce n'est pas
moi qui l'ai présidée à venir jusqu'ici, mais il reste
qu'en ajournant la commission, je mets fin en même temps à douze
ans de travaux parlementaires suivant le règlement actuel, puisque, lors
de l'ouverture de la prochaine session, avec la réforme parlementaire,
nous aurons un nouveau règlement et une nouvelle procédure.
Sur ce, je remercie les membres de la commission. La commission
élue permanente du travail ajourne ses travaux sine die.
M. Cusano: M. le Président, j'espère que vous avez
raison, mais il ne faut pas oublier que le nouveau règlement n'est pas
encore adopté.
Le Président (M. Boucher): On espère que tout ira
bien.
(Fin de la séance à 18 h 21)