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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Bienvenue à la commission élue permanente du travail qui
se réunit dans le but d'entendre les représentations des
personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Les membres de la commission sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Cusano
(Viau), Dean (Prévost), Fréchette (Sherbrooke), Mme Harel
(Maisonneuve), MM. Lafrenière (Ungava), Lavigne (Beauharnois), Maltais
(Saguenay), Léger (Lafontaine), Polak (Sainte-Anne), Doyon
(Louis-Hébert) et Baril (Arthabaska).
Les intervenants sont: MM. Marx (D'Arcy McGee), Champagne
(Mille-Îles), Fortier (Outremont), Leduc (Fabre), Pagé (Portneuf),
Payne (Vachon), Proulx (Saint-Jean) et Vaugeois (Trois-Rivières).
Le rapporteur de la commission est M. Lavigne (Beauharnois).
Aujourd'hui, nous allons entendre dans l'ordre suivant, cet avant-midi,
la Fédération des omnipraticiens du Québec, ensuite, le
Conseil patronal de l'industrie de la construction du Québec; cet
après-midi, à partir de 15 heures, la General Motors du Canada et
la Fédération des syndicats du secteur aluminium Inc.; à
partir de 20 heures, le Regroupement des femmes dont les maris sont
décédés d'amiantose et la Corporation professionnelle des
médecins du Québec.
Avant de permettre au premier groupe de se faire entendre, j'aimerais
spécifier qu'à la suite de la demande de directive qui m'a
été faite hier soir par le député de
Louis-Hébert, je lui avais dit que je la rendrais à une
séance subséquente. Effectivement, avant la fin de la
matinée, je serai en mesure de vous livrer cette directive.
M. Doyon: Alors, on devrait avoir cela en main avant 13 heures et
savoir si les interventions judiciaires du juge Sauvé sont de nature
à empêcher cette commission de s'acquitter de son mandat, qui est
d'entendre librement les personnes qui se présentent. J'ai bien
hâte de connaître la directive que vous avez fort gentiment
accepté de nous donner dans les délais qui nous semblent
jusqu'à maintenant raisonnables.
Le Président (M. Paré): Vous avez très bien
compris, M. le député de Louis-Hébert. Effectivement,
avant la fin de la présente séance, je serai en mesure de vous
faire part de cette directive.
M. Polak: Un jugement par écrit.
Le Président (M. Paré): Je pourrai vous
donner...
M. Polak: Bien motivé.
Le Président (M. Paré): ...la directive par
écrit, si vous le désirez.
Donc, j'appelle immédiatement le premier groupe, la
Fédération des omnipraticiens du Québec, à prendre
place ici à l'avant. J'aimerais en profiter pour lire une partie de la
lettre qui avait été envoyée le 16 février 1984
à M. Bouliane, secrétaire des commissions. "Nous vous prions de
bien vouloir prendre note que la Fédération des omnipraticiens du
Québec sera entendue en commission parlementaire le mercredi 7 mars
1984, à 10 heures, et ceci après consultation auprès de
tous les intervenants concernnés par cette commission. Tous ont
accepté de leur accorder une période d'audition de trente minutes
et ce, malgré le fait que leur mémoire nous parviendra hors du
délai prescrit."
Donc, cela veut dire que, normalement, vous auriez trente minutes de
présentation et de discussion. Comme vous avez remarqué,
l'horaire est très chargé et je dois malheureusement vous
demander de faire assez vite.
J'inviterais maintenant le porte-parole à s'identifier et
à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.
Fédération des omnipraticiens du
Québec
M. Richer (Clément): Très bien, M. le
Président. Messieurs les membres de la commission, je vous remercie de
nous recevoir. Même si le temps qui nous est imparti n'est pas long, on
va essayer de faire le plus vite possible. On va résumer nos
idées. Je vais vous présenter nos représentants, si vous
le voulez bien.
À mon extrême droite, le Dr Boileau, directeur des
communications à la fédération; le Dr Dutil qui en est le
secrétaire général; le Dr Drolet, premier
vice-président. À ma
gauche, Me Chapados, notre conseiller juridique, et le Dr Gagnon,
directeur aux affaires professionnelles.
Nous avons pris soin, évidemment comme le veut la coutume, de
vous envoyer un mémoire et un résumé. Puisque le temps se
fait court, si vous n'avez pas d'objection, je vais tout simplement vous
présenter le résumé.
Prestations d'assistance médicale à des fins curatives,
d'évaluation, d'expertise ou de réadaptation; prestations
d'indemnités compensatoires de natures diverses; réinsertion
sociale et professionnelle du travailleur par la sanction de ses droits en
matière de réadaptation ou de retour au travail, et, enfin,
modalités de financement ou autres requises par l'administration et le
bon fonctionnement du régime proposé, tels sont les grands axes
du projet de loi actuellement à l'étude devant cette
commission.
La fédération ne peut ignorer l'ampleur du défi que
pose, vis-à-vis de toute partie intéressée, le projet de
loi déposé. Ce défi ne saurait d'ailleurs, selon elle,
être dissocié des critiques acerbes qui, encore tout
récemment, ont été formulées à l'endroit du
régime dont on propose le remplacement.
Dans son libellé actuel, le projet de loi déposé
amène la fédération à soulever trois interrogations
majeures: premièrement, elle s'interroge sur le sort que ce projet de
loi réserve au droit à la prestation d'assistance
médicale; deuxièmement, elle se pose également des
questions quant à l'effet du même projet de loi sur l'autonomie
professionnelle du médecin omnipraticien, autonomie qui comprend
notamment l'exercice de la liberté diagnostique et thérapeutique;
enfin, troisièmement, elle s'interroge à bon droit sur la place
que le projet de loi en cause réserve aux droits collectifs -
participation et négociation - des médecins omnipraticiens du
Québec en regard d'autres lois québécoises qui, depuis
fort longtemps, ont reconnu ces droits.
Le travailleur victime d'une lésion professionnelle est et
demeure la raison d'être première du droit à la prestation
d'assistance médicale. Pour sa part, celle-ci doit, sous peine de rendre
fictif celui-là, répondre avant tout à des
impératifs d'ordre déontologique, diagnostique et
thérapeutique, lesquels seraient déterminants de la
nécessité, de la nature, de la suffisance ou de la durée
de l'assistance requise.
Selon la fédération, ces impératifs sont
inconciliables avec les dispositions actuelles de l'article 132 du projet de
loi qui propose ce qui suit: "La commission décide de la
nécessité, de la nature, de la suffisance ou de la durée
de l'assistance médicale." Ces dispositions, la fédération
en demande le retrait pur et simple.
De plus, la fédération souscrit au principe de la
création d'une instance autonome d'ordre médical dont la fonction
serait précisément celle de trancher toute contestation originant
d'une décision de la commission afférente au droit à la
prestation d'assistance médicale, organisme dont le mémoire
décrit certains paramètres.
Enfin, la fédération propose que les article 133 à
135 du projet soumis soient reformulés de façon à camper
d'une manière plus précise les fonctions respectives du
médecin traitant, du médecin examinateur et du médecin
expert, remarque qui vaut d'ailleurs pour ce qui est des fonctions que le
médecin peut être appelé à assumer dans le cadre
d'un plan de réadaptation, articles 142 et 143. Quant aux
modalités afférentes à l'exécution de ces
fonctions, il s'agit là de questions qui, selon la
fédération, relèvent du domaine de la négociation,
point qui suit à l'instant.
Au Québec, depuis l'instauration du régime d'assistance
médicale, il y a de cela quelque 20 ans, la détermination
collective des conditions d'exercice et de rémunération des
médecins québécois s'est effectuée, sauf de
très rares exceptions, par le moyen de la négociation entre
l'État québécois et les organismes représentatifs
de la profession médicale.
En cette matière, la fédération constate que le
projet de loi soumis est particulier à plusieurs égards. Non
seulement est-il silencieux quant à l'établissement de
mécanismes analogues de négociation, mais il privilégie de
façon anachronique et tout à fait inacceptable, par voie
légale ou réglementaire, la détermination
unilatérale des conditions d'exercice et de rémunération
des médecins omnipraticiens appelés à exercer dans le
cadre du régime proposé.
Pour ces motifs, la fédération recommande donc que le
projet de loi soumis prévoie, dans sa version définitive,
l'établissement d'un cadre juridique habilitant l'autorité
politique, soit le ministre du Travail, à conclure avec l'organisme
représentatif des médecins omnipraticiens du Québec toute
entente aux fins de l'application de la présente loi.
Enfin, même s'il s'agit là de sujets qui débordent
l'établissement d'un cadre de négociation, la
fédération note au passage que les sanctions administratives ou
pénales qui, selon les articles 136, 272 et 277, assaisonnent le projet
de loi soumis sont autant de dispositions qui, à cause de leur
caractère répressif, vont à l'encontre des objectifs de
concertation et de dialogue que poursuivent dans leurs relations avec
l'État les médecins omnipraticiens du Québec et la
fédération chargée de les représenter et que, pour
ce motif, ils devraient être supprimés.
Les notions de participation et de contribution actives au bon
fonctionnement d'un régime peuvent revêtir diverses formes.
L'article de loi apparaissant en annexe II du présent
mémoire établit l'une d'entre elles. À cet égard la
fédération reconnaît d'emblée le bien-fondé
de l'article 335 du projet soumis. Par contre, elle souligne que les articles
141 et 145 de la Loi sur la santé et la sécurité du
travail ne pourraient actuellement permettre la forme de participation que
recherchent les médecins omnipraticiens du Québec.
Selon la voie que propose l'article 141 de la Loi sur la santé et
la sécurité du travail, le projet de loi 42 y gagnerait, en
s'inspirant du texte de loi apparaissant en annexe II, à permettre une
participation et une contribution plus actives des médecins
omnipraticiens du Québec à l'administration du régime
proposé.
En conclusion, la rédaction du présent mémoire
s'inspire du désir qui anime les médecins omnipraticiens du
Québec de collaborer, de dialoguer et d'être concertés.
C'est dans ce même esprit que la fédération
désire présenter le présent mémoire. Aux honorables
membres de la commission parlementaire permanente du travail, parmi lesquels
siège le ministre du Travail, elle offre son entière
collaboration.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, M. Richer.
Nous allons maintenant entreprendre une période d'échanges et la
parole est au ministre du Travail.
M. Fréchette: Dr Richer, vous avez nettement l'intention
qu'on procède à l'intérieur du délai dont on
parlait, de la façon dont vous nous avez soumis votre mémoire. Je
vous signale qu'il n'y a pas de péché grave non plus à ce
qu'on déborde un peu le temps qui est généralement
alloué aux organismes. Je voudrais remercier votre
fédération de s'être donné la peine, la
préoccupation de venir nous soumettre ces représentations par
rapport au projet de loi qui est devant nous et dont nous étudions toute
la portée depuis un bon moment maintenant, depuis qu'il a
été déposé en première lecture.
Je vais essayer, comme vous nous en avez donné l'exemple, d'aller
rapidement au vif de la question et tenter d'éclaircir un tant soit peu
ce qui motive une de vos préoccupations, peut-être la principale,
qui s'accroche très précisément à l'article 132 du
projet de loi, celui en vertu duquel, dans l'état actuel des choses, la
commission aurait toute juridiction en matière d'assistance
médicale et de conclusion d'ordre médical. Je vous dirai
essentiellement que, depuis que nous avons commencé les auditions des
mémoires, ces représentations sont revenues constamment et elles
nous sont venues autant des professionnels de la santé que nous avons
jusqu'à maintenant entendus que des principaux intéressés
à l'application de la loi, soit les travailleurs et les employeurs.
À partir également de l'exercice qui a été
fait de la loi actuelle depuis qu'elle est là, il nous apparaît
assez évident qu'il faille procéder à revoir les
dispositions de l'article 132 et de tous les autres articles qui ont une
connotation avec le chapitre général de l'assistance
médicale.
Avant de vous dire ce à quoi on réfléchit
actuellement, ce à quoi on pense, j'apprécierais que l'un ou
l'autre d'entre vous ou vous-même, Dr Richer, vous nous donniez davantage
de précisions sur un mécanisme qui remplacerait les dispositions
actuelles de la loi en matière d'assistance médicale. Vous
comprenez que, sur le plan du principe, je pense qu'on va assez facilement
finir par s'entendre. Il va maintenant rester, évidemment, à
établir les modalités de fonctionnement d'un organisme X qui
serait habilité à tirer des conclusions en matière
médicale. Alors, quand vous nous suggérez ces changements,
à quoi plus précisément pensez-vous en termes de
mécanisme?
M. Richer: Si vous permettez, M. le Président, je vais
demander à Me Chapados de donner suite à la question de M. le
ministre.
M. Chapados (François): Le mémoire part de la
prémisse suivante: que ce soit par le biais de l'article 132 qui est
contenu au projet de loi ou que ce soit même l'article 53 actuel de la
Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la
fédération n'accepte pas que la commission ait une
décision finale en matière médicale. Je comprends qu'on a
souvent dit à plusieurs reprises devant cette commission que, dans les
faits, la commission agissait en la matière par l'intermédiaire
de médecins qu'elle avait à son emploi, etc., mais, encore
là, c'est un argument qui ne satisfait pas la
fédération.
Et, à compter du moment où on s'interroge sur une instance
qui aurait une décision finale qui pourrait lier la commission - c'est
ce qu'on propose dans notre mémoire - des questions nous viennent
à l'esprit; je vous réfère à la page 5 du
mémoire où on a essayé, sans tomber dans un
libellé, un mot à mot, de décrire certains
paramètres. Le premier paramètre apparaît à la page
5. Comme c'est une commission qui aurait à rendre des décisions
en matière de prestation d'assistance médicale, il faudrait que
les membres qui composent cet organisme soient des médecins. Et, encore
là, il faut également songer que, compte tenu de la
définition du vocable de prestation d'assistance médicale, il ne
s'agit pas uniquement de services diagnostiques ou de services
thérapeutiques. Nous allons loin. Nous disons: Par prestation, cela peut
comprendre l'évaluation, cela peut même
comprendre l'expertise et le droit à une expertise
supplémentaire, par exemple dans le cas d'un dossier difficile. Donc,
pour prendre ce type de décision en matière strictement
médicale, il faudrait que les membres de l'organisme en cause soient
médecins.
La deuxième question qui se pose aussi, c'est le nombre de
personnes appelées à y siéger parce que l'autre
problème, c'est qu'on peut avoir un aréopage composé de
savantes personnes, mais dont le fonctionnement est plus ou moins efficace.
Là, tout ce qu'on dit, c'est qu'à ce moment-là, la
commission devrait retenir que, pour ce qui est du nombre de personnes
appelées à y siéger, cela devrait pouvoir répondre
à des critères d'efficacité de fonctionnement et de
souplesse. Je vais même aller plus loin que cela en parlant
d'efficacité. Il y a peut-être des décisions que ce
comité ou cet organisme aurait à prendre et qui sont plus
pressantes que d'autres. Je cite des exemples. Si, à un moment
donné, il y a un conflit au niveau de la prestation de services
diagnostiques ou de services thérapeutiques, je pense que, pour le bien
du travailleur, s'il s'écoule six ou sept mois et qu'il y a une
décision qui sort, dans bien des cas, la décision... Ou le
bonhomme va être rétabli ou il va être
décédé ou, de toute façon, un dommage risque
d'avoir été causé. D'où on n'exclut pas que cet
organisme puisse quasiment siéger soit à plein quorum ou
même qu'il y ait, pour prendre quasiment une analogie avec la cour, une
division de pratique, que deux des membres de cette commission, chaque semaine
ou chaque lundi, s'il y a une contestation au niveau, par exemple, de la
prestation de services diagnostiques ou thérapeutiques, puissent rendre
une décision intérimaire là-dessus, quitte à ce que
le comité, cinq ou six semaines après, arrête une
décision. Donc, ce sont aussi d'autres choses qui devraient être
considérées. (10 h 30)
Un autre paramètre est que la désignation des membres de
cette instance devra être effectuée - nous le soumettons -par
l'autorité politique. Pourquoi par l'autorité politique? Il est
clair que cette instance dont la création serait prévue à
la loi serait une instance qui fonctionnerait dans le cadre de cette loi. Par
contre, la nomination par l'autorité politique et non par la commission,
jusqu'à un certain point, sanctionnerait le caractère autonome de
cet organisme, même s'il s'insère, encore une fois, dans le cadre
de la loi.
Il y a une autre petite mention: "parmi lesquels un médecin
omnipraticien". Nous soulignons que ce comité devrait refléter,
dans la mesure du possible, les gens qui sont appelés à dispenser
les soins. On a parlé à plusieurs reprises devant cette
commission des problèmes qui existaient, par exemple l'absence de lien
ou de coordination entre le médecin traitant et d'autres paliers de
médecins qui étaient appelés à intervenir au niveau
de la commission. Nous disons qu'il serait peut-être bon que les
médecins qui sont appelés à agir et à dispenser des
services, parmi lesquels les omnipraticiens, puissent siéger sur cet
organisme pour refléter ces préoccupations qui se posent au
niveau de la dispensation des soins diagnostiques et thérapeutiques par
le médecin traitant.
Il y a également un autre paramètre prévu
là. On dit que la nomination de ces médecins devrait s'inspirer
de certaines dispositions qui apparaissent à la Loi sur l'assurance
maladie quant à la nomination des professionnels appelés à
siéger aux comités de révision. Cela voudrait dire, en
pratique, que le ministre du Travail ferait sa nomination après avoir
reçu... Si je me réfère aux comités de
révision, il y a différentes instances qui interviennent à
leur niveau: il y a les fédérations, il y a la Corporation
professionnelle des médecins. C'est une des propositions qui sont
là, ce serait à même des listes de noms qui sont
proposés que le ministre arrêterait sa décision.
Une autre paramètre prévoit qu'en termes de juridiction
cette instance devrait avoir des pouvoirs lui permettant, qu'il s'agisse de la
commission ou des établissements avec qui celle-ci contracte, d'assurer
le respect de l'ordonnance médicale.
Je ne veux pas sous-entendre ainsi que, de façon
systématique, il ne s'agit pas de quantifier que la commission n'a pas
respecté l'ordonnance médicale. Ce qu'on veut souligner, c'est
qu'il arrive souvent que des personnes se plaignent. Par exemple, on a
parlé, à un moment donné, du délai dans la
présentation des rapports des médecins. Les médecins,
pendant tout ce temps, attendent un rapport diagnostique d'un
établissement et cela peut prendre quelques semaines ou quelque quinze
jours. Étant donné qu'il s'agit d'un organisme qui est assez
important, la Commission de la santé et de la sécurité du
travail, il se peut fort bien qu'à un moment donné, le
comité en question, dans l'exercice de son mandat, pour ce qui est de
l'ordonnance médicale, constate que celle-ci n'a pas été
suivie dans le délai où elle aurait dû être suivie,
qu'il s'agisse de la commission ou qu'il s'agisse des établissements qui
sont sous contrat avec la commission, et que le comité, l'organisme en
question, puisse statuer là-dessus.
Le dernier paramètre, c'est qu'il soit précisé que
le pouvoir devant l'instance en cause puisse être exercé par toute
personne intéressée à la prestation d'assistance
médicale, qu'il s'agisse du bénéficiaire ou du
médecin. C'est clair qu'en termes de droit à une
prestation d'assistance médicale, le premier visé - nous le
disons dans le mémoire - le bonhomme qui est à la base de tout
cet édifice-là, c'est le travailleur qui est lésé.
S'il prétend et voit des raisons sérieuses de prétendre
qu'il a droit à d'autres services diagnostiques et à d'autres
services thérapeutiques ou encore, parce que son cas est
compliqué, s'il est informé qu'à son dossier il y a des
expertises contradictoires et qu'il a droit à une expertise
supplémentaire, à ce moment-là, ce bonhomme-là
devrait pouvoir exercer un recours devant le comité en question.
Nous allons plus loin et nous disons, qu'il s'agisse du
bénéficiaire ou du médecin: Pourquoi le médecin? Il
ne faudrait pas que cette proposition soit mal perçue. Les
médecins n'ont aucunement l'intention de s'immiscer ou de
s'ingérer dans le fonctionnement du régime. Par contre, il s'agit
d'avoir été médecin traitant pour savoir que, dans
certains cas, l'employé préfère que sa maladie
professionnelle finisse le plus tôt possible, pour différentes
raisons qui lui appartiennent. Par contre aussi, le médecin traitant
peut très bien avoir des raisons médicales, devant une
décision qui est prise, de la contester. C'est pourquoi nous
prévoyons que le médecin puisse, le cas échéant,
exercer un recours devant ce comité.
M. Fréchette: À ce dernier égard, M.
Chapados, que le médecin soit autorisé à exercer un
recours, est-ce que ce serait un recours possible contre - enfin, mettons cela
entre guillemets - mais vis-à-vis d'une évaluation que son propre
patient peut faire d'une situation? J'ai mal saisi votre dernière
observation.
M. Chapados: Non. Le patient, pour des raisons qui lui
appartiennent, peut avoir des raisons de demander d'exercer un recours devant
ce comité. La raison, c'est que, pour le patient, qui n'est pas
médecin, cela peut être que son état continue à se
détériorer, qu'il empire. Les motifs du
bénéficiaire, de la victime, je ne veux pas entrer
là-dedans. Ce que je veux souligner, c'est que le médecin peut,
pour des raisons médicales, à un moment donné, devant une
décision de la commission qui déciderait, par exemple, de limiter
tel type de services, avoir des raisons de croire que c'est insuffisant. Le
médecin pourrait, à ce moment-là, prétendre qu'il
devrait y avoir des services thérapeutiques complémentaires.
Étant donné cette contestation qui existe, le médecin -
c'est ce que nous proposons - pourrait exercer un recours pour demander
à cet organisme de trancher la question. Je donne un exemple, parce
qu'il a été mentionné à plusieurs reprises.
Lorsqu'on pense, par exemple, en termes de réadaptation, qu'un
médecin peut avoir des raisons de penser que tel type de soins, la
physiatrie ou tout autre, à son avis, doit durer une période de
quatre mois et que, par contre, la commission peut avoir des raisons
sérieuses de dire: Non, deux mois, c'est suffisant, à un moment
donné, nous pensons que, dans ces matières, cet organisme, cette
instance devrait trancher, compte tenu de tous les aspects du dossier.
M. Fréchette: Je constate une chose, c'est que, concernant
le principe même de la suggestion, il est évident que nous
n'allons pas discuter davantage, parce que nous sommes effectivement tout
à fait d'accord. M. Chapados, vous avez énuméré et
expliqué au moins sept paramètres, peut-être un peu plus,
mais j'en ai noté sept, à l'intérieur desquels on devrait
baliser cet organisme. Vous avez, par exemple, fait référence
à la façon de nommer les membres qu'on pourrait retrouver
à l'intérieur d'une semblable institution. Ce dont on a
discuté jusqu'à présent - et vous avez suivi, me
semble-t-il, de près, d'après vos remarques en tout cas, les
travaux de la commission jusqu'à maintenant - avec plusieurs autres
organismes, quant à la façon de nommer les gens qui se
retrouveraient à l'intérieur de ce "tribunal d'arbitrage", je le
dis entre guillemets, ce serait, par exemple, de demander aux corporations
professionnelles intéressées au phénomène ou au
chapitre de l'assistance médicale de soumettre une liste de leurs
membres qui seraient intéressés à faire partie d'une
institution comme celle-là, liste qui pourrait par la suite être
soumise à l'appréciation, à l'approbation et à
l'accréditation - c'est le terme qu'on a utilisé jusqu'à
maintenant - d'un organisme qui pourrait être le conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre. Celui-ci, après avoir indiqué des
candidats qui auraient soumis leur candidature, demanderait au ministre
responsable de l'application de la loi de procéder à des
nominations. Enfin, je ne sais pas, si on mettait les deux propositions en
parallèle, l'une à côté de l'autre, si elles
s'excluraient, si elles se compléteraient ou si elles se rejoindraient,
mais une possibilité comme celle-là ou une procédure comme
celle-là pourrait-elle également convenir à votre
organisme?
M. Richer: II est sûr que, sur les modalités de
nomination des membres d'un tel comité, nous sommes très souples.
Nous n'avons pas apporté de précision parce que nous n'avons pas
consulté la corporation pour connaître son opinion. Cependant, on
est prêt à considérer plusieurs avenues quant au mode de
nomination des médecins là-dessus. Il suffirait d'en discuter
d'une façon un peu plus approfondie. Ce qu'on souhaite faire
reconnaître devant cette commission, c'est
le principe, la nécessité d'avoir un comité qui
soit formé de médecins aux fins de rendre une décision sur
la prestation de services médicaux. Sur le reste, on sera assez
souple.
M. Fréchette: Dr Richer, à cet égard, devant
l'insistance que vous mettez quant à l'importance que soit reconnu ce
principe, je peux vous dire, au moment où on se parle, qu'il est
effectivement reconnu et que des modifications seront apportées à
la loi pour y inscrire ce principe. Il y a juste une autre information que je
voudrais demander à M. Chapados. J'ai cru comprendre dans vos
observations que vous suggériez que, dans le processus de soumettre de
tels cas à ce tribunal, on utilise le terme "tribunal", parce qu'on n'a
pas d'autre mot pour le moment, mais on sait de quoi on parle, le processus
pourrait être enclenché, entamé ou bien par le
médecin lui-même, vous l'avez dit tout à l'heure, ou alors
par l'accidenté. Je veux bien. Il me semble que cela va de soi. C'est
une argumentation avec laquelle il est très facile de vivre.
L'autre préoccupation que je vous soumets et sur laquelle
j'apprécierais avoir vos observations, c'est la suivante: lorsque le
médecin traitant de l'accidenté est en mesure de procéder
à l'évaluation des séquelles que peut laisser l'accident -
je parle de l'état actuel des choses - et qu'il soumet son
appréciation à la commission, la commission, toujours dans le
statu quo, demande à ses spécialistes, à ses
médecins de procéder à l'évaluation du rapport
qu'elle reçoit du médecin de l'accidenté. Alors, ou bien
le service médical de la commission va concourir aux conclusions que
l'on retrouve dans l'évaluation faite par le médecin traitant, ou
alors il va arriver à la conclusion qu'il y a lieu je ne dirai pas
nécessairement de contester, mais de faire préciser davantage le
contenu du rapport médical.
Comment est-ce qu'on engagerait alors la procédure qui
amènerait le contentieux, le litige devant ce tribunal dont on parle? Ce
que je veux préciser, c'est que beaucoup de gens nous disent: Vous
devriez, comme règle générale, reconnaître le
diagnostic, l'évaluation du rapport du médecin traitant et celui
qui devrait être retenu. Vous devriez reconnaître cela comme
règle générale. Maintenant, j'essaie de comprendre et de
savoir si cela veut dire que, dès lors que le rapport du médecin
traitant est produit, on doive fermer le dossier au niveau de
l'évaluation. (10 h 45)
II faut qu'il y ait quelque part une autre instance qui soit
habilitée à faire une évaluation du diagnostic du rapport
du médecin traitant. C'est à partir de cette évaluation,
s'il y a désaccord que le processus d'arbitrage dont on parle doit
s'engager. Et je ne vois pas d'autres organismes qui soient habilités
à demander cette évaluation que la commission elle-même
aussi dans la mécanique à laquelle on pense. D'abord,
j'espère que je suis suffisamment clair, et est-ce qu'on s'entend
là-dessus?
M. Richer: Je pense bien qu'il y a moyen de s'entendre facilement
là-dessus. Notre position est celle-ci: le médecin traitant fait
un rapport à propos de son patient, l'accidenté, et le soumet
à la CSST. Nous n'exigeons pas que la CSST reçoive ce rapport
comme si c'était la Bible. Il est à étudier. De deux
choses l'une: le comité d'experts de la CSST est d'accord avec le
médecin traitant, auquel cas il n'y a aucun litige, ou il est en
désaccord, et c'est là que s'offre la possibilité d'aller
devant ce tribunal, pour employer vos termes. Je pense que notre position est
souple; elle est, en tout cas, très proche de la réalité;
elle est pragmatique. On ne prétend pas avoir toujours raison. En
général, le rapport du médecin traitant est un point de
départ sur lequel il n'y a pas de contestation. Cela, c'est en
général. J'ai fait pendant 22 ans des rapports dans le domaine de
la santé et de la sécurité du travail et,
généralement, mes rapports n'étaient pas contestés.
Mais il peut arriver - et on le comprend très bien - que des
confrères aient des opinions différentes sur un cas donné
et c'est dans ces cas que l'on pourrait recourir à un mécanisme
d'arbitrage où il y aurait un comité formé de pairs.
M. Fréchette: Dr Richer, j'ai l'impression que si on
passait quelques heures supplémentaires ensemble, on pourrait même
finir par s'entendre sur un texte, à voir la façon dont les
choses se passent.
M. Richer: On pourrait écrire la loi.
M. Fréchette: On pourrait quasiment écrire les
amendements à la loi. Mais, essentiellement, j'ai l'impression qu'on se
rejoint très bien à cet égard, à ce chapitre. Il va
nous rester, évidemment, à écrire ces textes et à
respecter, effectivement, les représentations et les suggestions qui
nous sont faites.
J'aurais une dernière petite question quant à moi...
M. Chapados: M. le Président, j'aimerais ajouter une chose
à la suite de ce que vient de dire le Dr Richer. Notre proposition - le
Dr Richer l'a bien souligné -ne vise pas à dire qu'après
le rapport du médecin traitant, tout devrait être accepté
tel quel. Non. Par contre, notre proposition recouvre également la
prestation d'assistance
médicale et là je fais référence à
l'expertise, au droit qu'a le bonhomme à une expertise médicale
appropriée à son cas. Il se pourrait fort bien - et il faudrait
que cet organisme ait une compétence en la matière - qu'à
un moment donné, pour un cas très complexe, devant deux
expertises qui, sous des aspects importants, se contredisent, cet organisme
puisse se prononcer sur le droit à une expertise supplémentaire.
C'est surtout dans ces cas - on ne se fera pas de cachette, il y a des cas
compliqués; il y a plusieurs interventions devant cette commission
rapportant des cas problèmes, des gens qui ont eu des accidents graves.
Alors, à un moment donné, il faut qu'il y ait et il y a le droit
du bonhomme à une expertise complète. Vous avez le dossier qui
est là et qui contient déjà des expertises qui, sous
certains aspects, peuvent diverger. Compte tenu du droit à la prestation
d'assistance médicale, prestation qui comprend le droit à une
expertise d'ensemble appropriée, cela devrait être - c'est un des
autres aspects touchés par notre proposition - un cas où le
comité en question prend tout le dossier, toutes les expertises. Devant
cette demande, il dit: Oui, monsieur, ou vous avez raison ou vous avez tort.
Mais, compte tenu de la complexité du dossier, des séquelles
complexes que vous avez, nous ordonnons une expertise finale. C'est capital,
parce qu'il ne faut jamais oublier que cette expertise complète et
finale dont on parle, c'est ce qui en fin de compte va déterminer
l'indemnité à laquelle le bonhomme peut avoir droit. Qu'on me
comprenne bien! Le rôle de ce comité ne serait pas de juger, si
vous voulez, ou d'entrer dans le contenu d'un rapport. Il statuerait sur le
droit de ce bénéficiaire, disons - c'est l'exemple que j'ai
donné, à une expertise supplémentaire - ou le droit de ce
bénéficiaire à des services thérapeutiques
supplémentaires.
M. Fréchette: En fait, c'est la juridiction de l'instance
en question dont vous nous parlez. À l'intérieur de sa
juridiction, on devrait retrouver ce pouvoir ou ce droit de soumettre le
dossier à une autre instance.
Quant à moi, j'ai une dernière question. Remarquez que je
ne suis pas impliqué dans l'administration quotidienne des processus de
la commission. Cependant, j'en entends parler beaucoup depuis un bon moment
maintenant. J'ai des informations fondées ou pas, mais je pense que
l'occasion est tout à fait choisie pour éclaircir cette
situation. Je suis informé qu'il y aurait souvent chez des
médecins, autant omnipraticiens que spécialistes, certaines
hésitations à indiquer, par exemple, dans un rapport
médical la durée de l'incapacité qui peut affecter un
accidenté ou une accidentée. Mes informations sont-elles exactes?
Si elles le sont, quels sont les motifs d'une procédure comme
celle-là?
M. Richer: Je suis porté à croire, M. le ministre,
que vous avez tout à fait raison. Seulement, il faut bien admettre que
la durée de l'incapacité d'un malade, dans certains types
d'accidents à tout le moins, est imprévisible, surtout dans les
maladies professionnelles. Si on parle de traumatisme léger, d'une
lacération à un avant-bras, je pense que les médecins ne
seront pas réticents à dire que, dans quelques jours, il y aura
un retour au travail. On peut presque l'attester au départ. Mais, il y a
beaucoup de cas d'accidents du travail parmi les plus sérieux, et
particulièrement dans les maladies professionnelles où, pour un
ensemble de raisons évidentes, il est parfois impossible de se prononcer
sur la date éventuelle d'un retour au travail, par exemple dans les cas
de maladies professionnelles, des ouvriers exposés à des
poussières. J'ai eu l'occasion de travailler à ce
niveau-là pendant plusieurs années. Des ouvriers exposés
à des poussières de plomb peuvent être en état de
retour au travail, mais à un travail non exposé, parce qu'il y a
encore une certaine imprégnation. On sait que ce sont des substances
très lourdes, alors très longues à éliminer. On
pourrait, comme médecin, dire: Peut-être que l'on pourra dans
quatre mois, d'après l'expérience qu'on a, songer à
autoriser tel malade, qui a été imprégné et qui est
surexposé actuellement, à retourner au travail, à
condition qu'il ne retourne pas à son poste de travail antérieur,
parce qu'il va se surcontaminer et ce sera une récidive, si vous
voulez.
Alors, si on me demande de préconiser un retour au travail sans
restriction, je vais être extrêmement réticent; si on me
donnait le choix, comme médecin, de retourner ce patient à un
travail non exposé, je pourrais être moins réticent. Alors,
il y a un ensemble de facteurs à considérer qui font que ce n'est
pas facile, dans beaucoup de cas d'accidents, de déterminer une
date.
M. Fréchette: Je comprends fort bien votre argumentation,
Dr Richer, mais ne peut-on pas convenir par ailleurs que, si l'on retient le
mécanisme dont on parle depuis le début de l'audition, ce sera
peut-être un peu plus exigeant pour le médecin traitant parce que
cela aussi deviendrait une matière arbritale, la durée de
l'incapacité. À ce moment-là, je ne sais pas si mon
évaluation est correcte, mais j'ai une espèce d'impression
à ce stade-ci que cela va être à ce point exigeant que le
médecin traitant va devoir procéder à l'évaluation
de l'incapacité, quitte à se faire dire par l'instance d'appel:
Vous aviez raison ou vous aviez tort. Mais il va falloir que le rapport soit
à ce point complet que toutes les matières puissent être
soumises à l'appréciation de l'instance dont
on parle.
M. Richer: Votre lecture des événements est juste,
M. le ministre. Vous avez parfaitement raison. Cela sera plus exigeant pour le
médecin traitant effectivement, sauf que le médecin sera
peut-être moins réticent à donner un rapport plus
"compromettant", si vous voulez, relativement à la durée probable
de l'incapacité, puisqu'il y aura un mécanisme de protection
quand même pour le travailleur qui va faire qu'il y aura un stop
possible. Je pense que tout le monde, de bonne foi, pourra s'engager dans une
évaluation un peu plus précise à ce moment-là.
M. Fréchette: Cela va très bien quant à moi.
Il y a deux autres volets à votre mémoire. On l'a très
bien lu et entendu. On verra. Merci infiniment.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Messieurs, votre
mémoire s'ajoute à de nombreux autres qui déplorent les
pouvoirs discrétionnaires qui existent déjà à la
CSST et qui sont les plus contestables dans le projet de loi. Heureusement, le
ministre, depuis quelque temps et même tout à l'heure, dit qu'il
est prêt à s'asseoir avec vous, si je l'ai bien compris, pour
récrire certains articles de la loi.
M. Doyon: II faudrait le prendre au mot.
M. Cusano: Oui, il faudrait le prendre au mot justement et lui
envoyer toutes vos recommandations concernant ces articles. J'avais envie de
vous poser une question depuis longtemps, mais je ne vous la poserai pas ce
matin. C'était celle de définir ce qu'est un syndrome
méditerranéen. On va passer par-dessus, car notre temps est
très limité.
M. Polak: Seulement le grec, pas l'italien.
M. Cusano: Ah bon! Oui, mais on se retrouve dans la même
région. J'aimerais que vous nous précisiez ce matin quelque chose
concernant l'article 135, puisque le ministre est tellement ouvert justement
à des changements ou à la révision du projet de loi. Si
j'interprète bien votre mémoire, cet article vous pose des
difficultés. À la lecture de cet article, personnellement, je
constate qu'on peut le diviser en trois. C'est à la page 35 du
projet de loi.
Premièrement, il y a la notion que c'est la commission qui
choisit le professionnel de la santé. Je pense que cela ressort de
partout et vous l'avez mentionné tout à l'heure. Le
deuxième aspect de cet article concerne les restrictions,
c'est-à-dire les quinze jours de l'examen, et l'exigence de fournir un
rapport en-dedans des quinze jours, chiffre qui est peut-être très
arbitraire dans un sens. Est-ce que tous les rapports médicaux peuvent
être soumis en deçà de quinze jours? Je pense que cela
devrait être un peu plus flexible de ce côté et que les
médecins en question devraient avoir, d'après moi, selon leur bon
jugement, le loisir de déterminer si cela prend dix, quinze, vingt jours
et ainsi de suite. Un troisième aspect de cet article m'inquiète
et je voudrais aussi avoir aussi votre réaction. Enfin, je veux avoir
votre réaction sur l'ensemble de l'article. Finalement, ce qui
m'inquiète aussi est la partie de l'article où on dit que la
commission peut demander toute autre information. Est-ce que cela vous
inquiète aussi? Que veulent dire les mots "toute autre information"
à la suite d'une expertise médicale ou d'un rapport? Quelle est
votre interprétation de l'article?
M. Chapados: À partir de l'approche que nous avons
adoptée, je vais vous répondre en commençant par les
articles 134, 135, etc. Enfin, ce qu'on retrouve dans le mémoire, c'est
qu'il y a trois notions que véhicule le projet de loi la notion de
médecin traitant, la notion de médecin évaluateur et la
notion de médecin expert. D'une part, nous demandons une
redéfinition plus claire, plus précise dans la loi sur ces trois
notions. D'autre part - là, je rejoins vos préoccupations -
quand, dans une loi - et on trouve cela tatillon et mesquin...
Commençons par l'article 134; on y dit que le professionnel de la
santé doit, dans les six jours du traitement, faire rapport sans frais
à la commission, etc. Pour nous, cela dépasse l'entendement.
Est-ce qu'on va, dans une loi, commencer à déterminer des
délais de rapport et si les délais de rapport ne sont pas faits,
même prévoir à un moment donné ce qui va arriver? Le
professionnel ne peut pas réclamer pour ses services, etc. Nous trouvons
cela complètement déplacé. Toutes ces modalités ne
devraient pas apparaître là. (11 heures)
En regard de toutes les questions que vous avez posées au sujet
de l'article 135, quant aux fonctions que doit exercer le médecin, nous
estimons que, de la même façon que cela se fait dans d'autres
régimes, les devoirs et obligations du médecin qui a à
agir comme médecin évaluateur et comme médecin traitant
pour le compte de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail devraient être précisés
par entente. Cela se fait dans le cadre de la Régie de
l'assurance-maladie et cela devrait se faire de la même façon.
Pour autant qu'il s'agit de devoirs, ce que le médecin doit faire,
les
délais d'examen, sous quelle forme, etc., ce sont des
modalités qui ont trait à l'exercice de fonctions. On dit que
cela devrait justement se déterminer par la négociation, comme
cela se fait dans d'autres régimes, avec le ministre responsable. C'est
invraisemblable de retrouver - je sais que c'est une vieille loi - de pareilles
précisions au niveau d'une loi alors que, dans tous les autres
régimes, cela se fait par entente et que le tout fonctionne bien.
D'ailleurs, dans les faits, on vous l'a dit, que ce soit au niveau des
rapports ou autrement, il y a des délais qui ne sont pas
respectés. Il y a des gens qui accusent les médecins. Les
médecins disent: "J'attendais tel et tel rapport de diagnostic. Je ne
l'avais pas reçu." Ce sont là des choses qui se rencontrent dans
la vie et des modalités qui pourraient être prévues
à une entente.
M. Cusano: C'est bien et c'est clair. Je crois que le ministre
apprécierait une reformulation de tous ces articles. Peut-être
que, si vous lui envoyiez une petite note de service à cet effet, il
l'apprécierait beaucoup. C'est à peu près tout, à
l'exception que, lorsqu'on parle des services d'un professionnel de la
santé, même si le projet de loi le définit dans l'article 2
comme étant un professionnel de la santé au sens de la Loi sur
l'assurance-maladie, on voudrait savoir si cela vous va. Du fait que les mots
"professionnel de la santé" semblent être
interprétés de plusieurs façons tout au long du projet de
loi, est-ce que cela serait suffisant de laisser la définition telle
quelle et d'éliminer toute autre référence dans le projet
de loi?
M. Richer: Non, on parle des professionnels de la santé au
niveau de la prestation médicale. Je pense que cela serait beaucoup plus
clair à la fois pour le travailleur et pour tout le monde, si on fait
référence aux médecins et aux dentistes, de les nommer
comme tels. Je vois très mal un patient transporté chez un
pharmacien ou chez un optométriste, les deux autres catégories de
professionnels que vise la Loi sur les services de santé et les services
sociaux. Je pense qu'on pourrait tout simplement les appeler médecins et
dentistes, le cas échéant.
M. Cusano: Alors, cela complète mes questions. Je vous
verrai séparément pour essayer d'avoir une définition du
syndrome méditerranéen.
M. Richer: Très bien. En Grèce ou en Italie?
M. Cusano: En Italie.
Le Président (M. Paré): M. le député
de
Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président. Quelques questions.
Quand on parle des omnipraticiens, personnellement, je crois beaucoup à
la valeur du médecin traitant dans un cas d'accident. Comme avocat
pratiquant à Montréal, je suis allé très souvent,
dans le bon vieux temps, quand on s'occupait de causes d'accidents
d'automobile, devant les tribunaux. On devait établir en dollars la
valeur des réclamations. J'ai toujours noté que le médecin
traitant était un très bon témoin, puisqu'il avait
vécu le cas avec le patient, l'avait suivi et l'avait soigné,
mais j'ai l'impression qu'on commence à mépriser un peu le
rôle du médecin traitant et qu'on ne donne pas assez de poids
à ce rôle. D'ailleurs, les accidentés qui sont venus
témoigner ici ont parlé un peu dans le même sens. Est-ce
que, dans votre organisme, il existe un cours de formation où, par
exemple, on enseigne aux médecins comment écrire un rapport, non
pour être en concurrence avec les experts? Très souvent, j'ai
vraiment l'impression qu'ils ne sont pas assez renseignés sur la
façon de faire un rapport. Est-ce qu'il existe des cours de formation
pour non seulement devenir un bon médecin traitant mais en même
temps savoir défendre la cause du patient dans la paperasse?
M. Richer: Oui, comme le dit mon voisin de droite, le Dr Drolet,
on pourrait vous inviter bientôt à Québec puisque
précisément il y en a un. Depuis environ 1974 ou 1975 - je ne
voudrais pas faire d'erreur - disons depuis une dizaine d'années ou tout
près, la Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec organise des cours en santé au travail. À ces
cours-là groupant différents confrères, omnipraticiens ou
spécialistes, des gens qui sont qualifiés dans le domaine de la
santé du travail viennent informer, instruire leurs confrères,
mettre à jour les connaissances de leurs collègues afin qu'ils
soient plus efficaces. Vous savez qu'au Québec il n'existe pas de
spécialité en santé au travail pour le moment. D'ailleurs,
la santé au travail touche un éventail tellement grand de toutes
les maladies que ce serait difficile à concevoir. De la sorte comme
médecins traitants, les médecins omnipraticiens sont
obligés par la force des choses d'assister à des cours de remise
à jour de nos connaissances, parce qu'il y a chaque année de
nouveaux produits qui sont fabriqués, qui ne sont pas connus aujourd'hui
et qui le seront l'an prochain. On doit donc remettre à jour nos
connaissances pour pouvoir faire face à cette situation. Comme vous, on
croit beaucoup à l'importance du médecin traitant; le
médecin est le premier contact avec le patient, l'accidenté, le
bénéficiaire.
M. Polak: Maintenant, selon votre expérience - dans votre
mémoire vous parlez du rôle du médecin traitant, du
médecin examinateur et du médecin expert - est-ce que vous croyez
que le médecin examinateur écoute de plus en plus le
médecin traitant -peut-être justement à cause de sa
formation - et qu'il commence à accepter à sa pleine valeur le
rapport initial du médecin traitant?
M. Richer: Oui, plus le rapport initial est de qualité
supérieure, meilleurs sont les contacts entre le médecin traitant
et le médecin expert, s'il y a lieu.
M. Polak: J'ai noté qu'à l'article 135 du projet de
loi on parle de certains barèmes pour les dommages corporels selon les
règlements de la commission. Quelle est votre opinion sur le
barème un peu standardisé des dommages corporels, comme le fait
que perdre un doigt vaut tant? Est-ce qu'il n'y a pas un certain danger
à standardiser cela? Je vais vous donner un exemple. J'ai eu le cas d'un
coiffeur qui s'était coupé entre les doigts; pour ce coiffeur, ce
fut presque un drame pour son travail pendant une longue période. Si le
même accident arrive à un employé de bureau, il n'y a pas
de problème. C'est bien beau d'avoir un barème qui prévoit
qu'on alloue un certain pourcentage, mais cela peut affecter une personne
beaucoup plus qu'une autre. Quelle est votre opinion là-dessus?
M. Richer: Vous avez raison et je pense qu'en
général, il est très difficile d'arriver avec des tableaux
et de dire que cela s'applique à l'ensemble de la société.
Je pense qu'il faut tenir compte de ce que fait le membre de la
société qui subit l'application du tableau. Si, par bonheur,
quelqu'un ne travaille pas avec ses mains et malgré tout perd un doigt,
il est beaucoup moins lésé dans son intégrité face
au travail que quelqu'un qui travaille avec ses doigts et qui perd le
même doigt. On doit donc tenir compte de cela. La société
n'est pas faite de gens qui sont uniformes et qui font des choses uniformes; ce
serait peut-être l'idéal mais ce serait peut-être monotone
aussi. Il faut tenir compte de la versatilité des gens. Tous ces
tableaux uniformes pèchent peut-être en ne reconnaissant pas
l'individualité des travailleurs.
M. Polak: Est-ce que l'aspect individuel est pris en
considération ou pas du tout? Est-ce qu'on peut expliquer au
médecin que, dans tel ou tel cas, un pourcentage plus
élevé devrait être alloué à cause du
rôle particulier de ce travailleur qui est éprouvé par un
accident beaucoup plus durement qu'un autre? Est-ce que cela est pris en
considération?
M. Richer: II m'est difficile de vous répondre
là-dessus. Les quelques cas qu'on peut avoir eus et qui ne
répondaient pas à des barèmes généraux sont
des cas de discussion au mérite, cas par cas, avec la commission. Mon
expérience personnelle n'a pas été mauvaise avec la
commission, mais je n'entends pas toujours les mêmes choses de mes
confrères.
M. Polak: Merci beaucoup.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup pour la
présentation de votre mémoire et merci d'avoir accepté de
répondre aux questions des membres de la commission. J'inviterais
maintenant le deuxième groupe, le Conseil patronal de l'industrie de la
construction du Québec, à prendre place ici à l'avant.
Bonjour, messieurs, bienvenue à la commission. Je vais vous
inviter maintenant à nous faire part de vos commentaires après
nous avoir présenté tous les gens qui sont assis à la
table, s'il vous plaît!
CPICQ
M. Cliche (Michel): Bonjour M. le Président, M. le
ministre, madame, messieurs les membres de la commission. Je voudrais vous
présenter les gens qui composent aujourd'hui la délégation
du Conseil patronal de l'industrie de la construction du Québec qui est
devant cette commission parlementaire. À mon extrême droite, Me
Michel Paré, qui est directeur du service juridique à la
fédération et également conseiller juridique en
sécurité au conseil patronal; à sa gauche, M. Jean-Pierre
Bégin, directeur exécutif de Hervé Pomerleau Inc; à
sa gauche, M. Claude Rodrigue, président de la fédération,
membre du conseil d'administration du Conseil patronal de l'industrie de la
construction du Québec et président de l'entreprise Rodrigue
Métal Ltée. À l'extrême gauche, M. Roger Le May, qui
est conseiller en prévention au Conseil patronal de l'industrie de la
construction; à sa droite, M. Gérard Jacques, président du
comité de sécurité à l'ACM et directeur de la
sécurité pour une grande entreprise de construction au
Québec. À ma gauche, M. Jacques Théoret, directeur
général de l'Association de la construction de Montréal et
membre du Conseil patronal de l'industrie de la construction. Je suis Michel
Cliche, directeur général de la fédération de la
construction et membre du Conseil patronal de l'industrie de la
construction.
Les présentations étant faites, si vous le permettez, M.
le Président, nous allons aborder directement la lecture du
mémoire. Il va sans dire que certains points rencontrés
dans le mémoire peuvent avoir déjà
été soumis ici et peut-être certaines solutions ont-elles
été proposées par M. le ministre. Donc, après la
lecture, il y aura lieu de statuer sur ces cas où certaines
modifications seront apportées de façon quand même à
ne pas éterniser les discussions.
Parlons tout d'abord du Conseil patronal de l'industrie de la
construction du Québec. Le CPICQ est, essentiellement, un porte-parole
unique que se sont donné par la Fédération de la
construction du Québec et les seize associations régionales qui y
sont affiliées, d'une part, et l'Association de la construction de
Montréal et du Québec, d'autre part, plus de 6000 entreprises de
construction, générales ou spécialisées, ou de
fabrication et fourniture de matériaux et de matériel
d'équipement de construction.
Le conseil patronal s'exprime donc ici au nom d'un groupe fort important
d'entreprises dont les activités s'étendent, bon an, mal an,
à une proportion de 50% à 60% des travaux de construction
effectués au Québec, tout autant dans le domaine
résidentiel ou des travaux de génie civil que dans celui des
travaux de bâtiment et de construction institutionnelle, commerciale ou
industrielle.
Rappelons que la construction exécutée au Québec a
une valeur annuelle de plus de 10 000 000 000 $ et l'on a vu, au cours des
dernières années, une réduction à 70 000 000
d'heures de 150 000 000 d'heures - ce sont les chiffres de 1974 - pour les
heures travaillées à pied d'oeuvre seulement, sous la direction
de grandes entreprises, bien sûr, mais aussi, dans une très forte
proportion, par les salariés de petites et moyennes entreprises qui sont
parfois, par nature et à cause des marchés auxquels elles ont
accès, quasi artisanales. C'est-à-dire qu'environ 85% des
entreprises ont moins de cinq employés actuellement.
Quant aux deux groupements constituant le conseil patronal, ils ont
ensemble une existence de près de 125 années comme
représentants d'employeurs de la construction au Québec.
Il n'était donc que normal que ces deux groupements en question,
la CMQ et la FCQ, s'intéressent au projet de loi 42 comme elles se
préoccupent depuis toujours, au nom de leurs membres, des diverses
questions de la santé et de la sécurité du travail
soulevées par la Loi sur les accidents du travail actuelle et la Loi sur
la santé et la sécurité du travail ainsi que par les
très nombreux règlements d'application et autres édits de
la commission chargée de la mise en oeuvre de ces deux lois.
Les deux organismes sont d'ailleurs des membres actifs du Conseil du
patronat du Québec et participent de très près à ce
titre aux travaux de ce dernier.
(11 h 15)
Parlons maintenant du projet de loi 42. Dès sa publication, nous
avons donc tenté d'analyser le plus objectivement possible le projet de
loi 42 sur les accidents du travail et les maladies professionnelles comme nous
avions également étudié les divers avant-projets de loi
qui avaient circulé depuis quelques années à ce sujet.
Bien sûr, la loi actuelle, celle que l'on veut remplacer ici, peut
être considérée comme désuète, si on
s'arrête, sans aller plus loin, à la date de son adoption en 1931.
Bien sûr, la loi originale sur les accidents du travail, même avec
les amendements qu'elle a subis, mérite-t-elle d'être revue et
corrigée sous plus d'un aspect, mais la lecture attentive du projet de
loi 42 nous amène beaucoup plus loin et son caractère de
loi-cadre ainsi que plusieurs des principes et des politiques qui y sont
affirmés ont de quoi inquiéter sérieusement le patronat
québécois et les industriels de la construction, en
particulier.
D'autant que le texte déposé devant l'Assemblée
nationale pour première lecture, seulement deux mois avant la date
limite pour déposer les mémoires destinés à la
commission parlementaire, est souvent, avec ses 364 articles, très
complexe, quelquefois confus, pour ne pas dire dispersé, et quelquefois
même obscur. Nous nous interrogeons sur le fait, à titre
d'exemple, à la lecture des articles 117 et 248, que, dans le cas de
réclamations non justifiées, la CSST ne peut obtenir
remboursement, alors que l'article 53.3 semble obliger, du moins à
première vue, la CSST à en demander le remboursement.
Il nous est donc apparu difficile d'accomplir en quelques semaines un
cheminement qui aurait dû, à notre avis, passer par un livre vert
ou un livre blanc avant de se traduire par un texte de loi qui aurait
dès lors pu être plus clair et moins discrétionnaire quant
aux principes et aux pouvoirs d'interprétation et de
réglementation qui y sont affirmés. À ce propos, nous vous
soulignons qu'une cinquantaine d'articles du projet de loi 42 traitent de
pouvoirs accordés à la commission. Nous en avons par
conséquent déféré au Conseil du patronat du
Québec, dont nous connaissons la compétence en la matière,
quant à l'analyse globale des très grands principes qu'affirme le
projet de loi 42; soulignons d'ailleurs que nous considérons comme
très valable, pour l'avoir suivi de près, le travail gigantesque
qu'a mis le CPQ à la préparation du mémoire qu'il vous a
présenté, mémoire auquel nous souscrivons
d'emblée.
Nous avons cependant cru opportun d'aborder quant à nous
certaines questions primordiales et des plus préoccupantes pour les
entreprises de construction, compte tenu du contexte bien particulier dans
lequel elles évoluent, et nous tenterons à ce titre de
faire ressortir quelques-unes des difficultés fort réelles
que poserait le projet de loi 42 s'il devait être adopté trop
rapidement et sans certaines remises en question fondamentales. Nous nous
devrons, en passant, de poser des questions et de prôner des solutions
moins idylliques que celles des auteurs du projet de loi et peut-être de
ceux qui les ont inspirés. Mais nous sommes fermement convaincus qu'il
faut les poser, ces questions, qu'il faut les envisager, ces solutions
pragmatiques, parce qu'elles sont plus réalistes. Ce ne sont encore que
les employeurs qui assument les coûts de la compensation, de la
réadaptation sous toutes ses formes et de leur administration; et ces
coûts, ces charges - il ne faut pas se le cacher - il ne faut pas risquer
de les augmenter sans une circonspection très sérieuse, en ayant
toujours à l'esprit l'objectif primordial de la relance permanente, et
de la santé économique des entreprises québécoises
sur lesquelles il faut pouvoir compter pour réussir.
Je demanderais maintenant à mon confrère M. Théoret
de bien vouloir aborder sous les différents thèmes
généraux certaines explications sur certains principes que nous
aimerions pouvoir débattre ici.
M. Théoret (Jacques): Les premiers sujets, M. le
Président, M. le ministre, Mme et MM. les membres de la commission, dont
nous voulons traiter sont: l'accident du travail, la lésion et la
maladie professionnelle. Ces trois définitions se recoupent. Par contre,
la définition d'accident du travail est trop large et, avec les
définitions de la lésion et de la maladie professionnelle, elle
couvre tellement de possibilités en pensant, par exemple, aux
interprétations déjà très vastes que fait la
commission assorties de présomptions affirmées, par exemple, aux
articles 26 à 29 du projet de loi, qu'on se demande ce qui en sera
exclu. Qu'en sera-t-il d'une arthrose, du stress, de la défaillance
cardiaque, des diminutions des facultés auditives, des blessures subies
en tentant de violer une ligne de piquetage ou de la défendre, d'un
manque flagrant de discernement, d'une imprudence ou d'une faute du
salarié, grave par ses conséquences, même si elle n'est pas
en soi grossière ou intentionnelle, de l'accident sportif ou de tout
autre événement soudain, mais non directement relié au
travail? Et que dire des fameux maux de dos, presque impossibles à
vérifier quant à leur origine ou même quant à leur
existence réelle? À notre avis, la loi ne devrait pas couvrir
toute lésion ou maladie qui se manifeste sur les lieux du travail parce
que ces lésions ou maladies peuvent résulter d'une multitude
d'autres causes.
C'est pourquoi nous nous demandons si la loi ne devrait pas s'en tenir
à ne parler que de lésions professionnelles survenues au travail
et du fait ou du fait de ce dernier, et, dans le cas des maladies, aux seules
maladies professionnelles spécifiquement reconnues par la commission et
ne plus parler d'accidents, surtout ceux attribuables, comme le dit le texte
lui-même, à "toute cause".
Il en résulterait assurément une diminution des trop
nombreux abus, très coûteux d'ailleurs, auxquels donnent
inévitablement lieu les textes actuels et proposés. Quant aux
lésions qui ne sont pas strictement professionnelles, l'entreprise ou
même l'employé lui-même est capable de prendre ses propres
responsabilités lorsqu'elles existent réellement; c'est là
pour nous une question d'équité et elle doit être reconnue
comme telle.
Nul doute que les employeurs de l'industrie de la construction
souscrivent au principe de l'indemnisation des vrais accidentés du
travail. Cependant, les définitions trop larges qu'on retrouve au projet
de loi, assorties des présomptions des articles 28 et 29, comme on l'a
dit tout à l'heure, auraient un effet désastreux sur les
employeurs seulement par le système de mérite et de
démérite et nous craignons que l'on soit bientôt en face
d'un système de démérite.
Le deuxième sujet que nous voulons aborder est la notion
d'établissement et ses conséquences.
La notion d'établissement, selon le projet de loi 42, comprend,
nous le citons, "un chantier de construction au sens de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail."
Or, la définition en question, celle de la loi 17, est trop large
parce qu'elle couvre aussi, sans distinction, "les locaux mis par l'employeur -
lequel, peut-on se poser comme question parce qu'ils sont souvent plusieurs sur
un même lieu? - à la disposition des travailleurs de la
construction à des fins d'hébergement, d'alimentation ou de
loisirs."
À ce sujet, nous estimons que le législateur devrait
employer le concept d'activités de travail sur un lieu de travail
plutôt que celui d'établissement pour déterminer
l'existence d'une lésion professionnelle.
Ceci est important, compte tenu des définitions d'accident du
travail, de lésion professionnelle et de maladie professionnelle
proposées et aux notes qui précèdent à cet
égard.
Si l'article 146 du projet de loi s'applique ici et que c'est dans le
même établissement que le droit de retour au travail s'exerce,
comment l'employeur devra-t-il assumer les obligations qui lui sont faites par
la section II du chapitre VI du projet de loi à l'égard d'un
salarié de la construction pour lequel il n'a plus d'emploi parce que le
chantier est terminé ou qu'il n'y a plus de
travail dans l'entreprise pour l'ouvrier spécialisé qui a
droit de retourner au travail dans cet établissement, ou encore parce
que le salarié en question ne remplit plus les exigences du
règlement de placement, par exemple.
Autre question. Est-ce que le travailleur qui a droit de retour au
travail dans le même établissement continuera à recevoir un
remplacement de revenu si l'employeur n'a pas de travail à lui offrir du
fait qu'il n'a pas de chantier en marche? Ne faudrait-il pas chercher des
mécanismes qui permettraient de réintégrer les
travailleurs accidentés dans le bassin de la main-d'oeuvre de
l'industrie? Sinon l'obligation de l'employeur qui serait le pendant du droit
de retour que veut affirmer ici le projet de loi risquerait d'être
impossible d'exécution. Or, à l'impossible nul - vous nous
permettrez la petite modification - ne doit être tenu.
Il nous semble donc à cet égard que la loi devra
prévoir des aménagements particuliers dans le cas au moins de
notre industrie. Sinon nous aurons dans la loi un autre prétexte pour
que la CSST doive assumer, avec les deniers des employeurs, bien entendu, la
rémunération d'un tel salarié, à cause de la
particularité du système d'embauche de l'industrie de la
construction.
En tout état de cause, la notion de contrat de travail dont parle
l'article 145, n'est pas claire, bien que nous devrions présumer que le
salarié de la construction pourra se prévaloir des dispositions
de l'article en question et des suivants. Alors, nous invitons le
législateur à la prudence, compte tenu des conditions très
particulières d'opération de la plupart des entreprises de
construction et des difficultés très réelles que
poseraient pour elle le droit de retour au travail.
Le travailleur autonome ou artisan, voilà un autre mal du
siècle pour l'industrie de la construction, comme le savent tous les
ministres du Travail qui se sont succédé depuis l'adoption de la
Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.
Le ministre de l'Habitation connaît lui aussi la question en tant
que responsable de Corvée-habitation. Les entrepreneurs professionnels
de notre industrie attribuent en bonne partie aux artisans les diminutions
considérables du nombre d'heures de travail rapportées à
l'Office de la construction et les syndicats de la construction ne portent pas
non plus les artisans dans leur coeur.
Quant au législateur, il les considère comme entrepreneurs
aux fins de la Régie des entreprises de construction et il leur
reconnaît un statut très spécial, une très grande
autonomie, à l'égard du décret et des rapports à
être fournis à l'OCQ.
Il ne nous semble donc pas du tout réaliste, dans ces
circonstances, de donner à ce travailleur un statut de salarié de
son employeur aux fins de la Loi sur les accidents du travail.
C'est, du moins dans l'industrie de la construction, le travailleur
autonome qui doit être tenu d'assumer pour lui-même les obligations
que lui fait la loi, actuelle ou projetée, en tant qu'entrepreneur
particulier, plutôt que son employeur occasionnel, qui ne peut avoir sur
lui qu'un contrôle très mitigé.
C'est d'ailleurs l'individu qui fait le choix d'être
entrepreneur-artisan plutôt que salarié, et c'est l'une des
conséquences naturelles de ce choix, outre les avantages qu'il peut
représenter, que d'avoir la pleine responsabilité de ses
actes.
Il est d'ailleurs facile d'imaginer que l'artisan de la construction, en
vertu de son autonomie, quitte de temps à autre son emploi pour aller
travailler à une activité non contrôlée, chez un
particulier, par exemple, comme le lui permet la loi. À qui sera alors
imputé le coût d'une lésion encourue alors qu'il n'est plus
chez son employeur de façon temporaire ou parce qu'il est sans emploi et
que la lésion peut être présumée être
arrivée chez son employeur principal, ou même parce qu'une
blessure lui aura, en fait, donné quatorze jours pour aller travailler
ailleurs au noir ou chez un particulier?
Voilà des situations incontrôlables, mais qui peuvent en
même temps coûter fort cher à la CSST et, évidemment,
à ceux qui contribuent au fonds sans justification véritable.
Quant au camionneur-artisan, l'entrepreneur qui l'engage ne le
connaît ou ne le choisit souvent pas. Il n'a guère de
contrôle sur l'état de son camion ou les agissements de son
conducteur et il ne doit pas non plus, pour ces raisons, être tenu
responsable face à la loi projetée ici.
Au sujet du travailleur autonome, nous réclamons aussi
l'élimination de l'article 12 du projet de loi vu la
non-imputabilité à l'employeur du choix d'un remplaçant et
l'impossibilité de contrôle qu'implique une telle situation.
Signalons ici - c'est un peu un exemple de ce que nous avons dit en
introduction -une apparente contradiction entre la règle de l'article 38
et le remboursement prévu à l'article 12, deuxième
paragraphe.
Je redonne maintenant, M. le Président, la parole à mon
collègue, M. Cliche.
M. Cliche: Le travailleur sans emploi. L'article 64 du projet de
loi stipule que le revenu brut d'un travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque
se manifeste une lésion professionnelle est celui qu'il tirait de
l'emploi par le fait ou à l'occasion de laquelle il a été
victime de cette lésion.
Cette disposition du projet de loi 42 ouvre la porte à tous les
abus possibles et
tout particulièrement au mal du siècle, les maux de
dos.
En raison du caractère particulier du secteur de la construction,
c'est-à-dire le travail saisonnier et la fluctuation périodique
de la main-d'oeuvre, mentionnons que ce problème nous touche
d'emblée. Combien de maux de dos se déclarent ou se
déclareront à la veille d'une mise à pied ou d'une
fermeture de chantier, considérant que les travaux de construction sont,
en général, d'une durée de moins de six mois par
chantier!
Les coûts d'indemnisation à cet égard sont
énormes. Au cours de chacune des cinq dernières années, de
1978 à 1982 inclusivement, selon des statistiques de la CSST, les jours
perdus à cause de blessures de dos sont d'environ 34% de l'ensemble des
jours indemnisés pour lésions professionnelles. Le
problème est de taille. Il y a, d'une part, les blessures au dos qui
sont réelles et, d'autre part, celles qui sont douteuses. Il y a les
blessures au dos survenues au travail et celles qui peuvent être
survenues à l'extérieur du travail.
La problématique: Qui peut trancher la question? Même pas
le médecin consulté, si le travailleur déclare ressentir
des douleurs.
De plus, l'on peut quelquefois craindre de la part d'un médecin
qui examine l'accidenté une certaine prudence extrême qui
s'avérera plus favorable que nécessaire au malade.
De fait, quelle que soit la lésion, affirmer qu'il y a eu
accident, c'est très facile, mais il n'y a pas toujours de témoin
sur les lieux de travail, abstraction faite de certains accidents graves.
Il serait urgent que la CSST exerce un contrôle beaucoup plus
serré pour ce type de réclamations et qu'elle cesse en quelque
sorte de remplacer à fort prix peut-être l'assurance-chômage
ou peut-être même le bien-être social. (11 h 30)
Les quatorze jours de l'article 53. Déjà, l'employeur doit
actuellement verser les cinq premiers jours, depuis les derniers amendements
à la loi actuelle. Comme c'est souvent le cas, nous n'avons pas
d'ailleurs de chiffres précis à présenter ici, parce que
nous n'avons pas accès à toutes les données à ce
sujet, mais ce que nous savons, c'est que 80% des blessures du travail sont de
nature "mineure" et qu'il est alors facile de concevoir les "abus de
convalescence" qui peuvent en découler, compte tenu de la
possibilité d'être rémunéré à 90% de
son salaire net régulier pendant qu'on est ailleurs ou en train de
travailler ailleurs comme artisan à titre d'exemple d'autant plus - cela
a été démontré d'ailleurs - que 90% du salaire net
à temps complet non imposable, c'est souvent une aubaine et que la CSST
risque fort de ne pas pouvoir récupérer ces sommes dans les cas
de réclamation abusive.
Remplacer les cinq jours par quatorze jours, n'est-ce pas, dans de
telles circonstances, un peu "tenter le diable"? Ce n'est pas, en tout cas, un
mesure qui incitera le retour diligent au travail. Espérons, au minimum,
qu'on réduira les montants versables aux salariés au titre de
vacances, lorsque l'on indemnisera pour des blessures survenues avant Noël
ou précédant la fermeture estivale des chantiers, puisque ces
montants ont déjà été versés au
crédit du travailleur par l'employeur.
Autre question: Combien de temps l'employeur devra-t-il attendre son
remboursement? Et la CSST le remboursera-t-elle ou mettra-t-elle ces sommes au
crédit futur de l'employeur, ce à quoi nous nous opposons, parce
que ce n'est certainement pas le rôle de l'employeur que de financer
d'avance la CSST? Et que dire du non-remboursement possible à
l'employeur des cas qui ne seraient pas acceptés par la CSST à
cause de l'interprétation de l'article 53?
De toute façon, que le revenu net du salarié de la
construction soit établi sur la base d'un salaire annuel, comme le dit
l'article 58, n'est-ce pas un peu anormal, lorsqu'on connaît les taux
horaires très élevés qui sont payés dans notre
industrie, d'une part, mais aussi à cause du fait que l'ouvrier ne
travaille en moyenne dans cette industrie qu'environ 945 heures - je cite ici
le rapport de l'Office de la construction du Québec pour l'année
1982 - par an, soit environ 24 semaines. Nous suggérerions, du moins
pour l'industrie de la construction, que l'article 58 parle au maximum du
revenu net que le travailleur tire réellement de son emploi.
Bien que la CSST nous fasse part dans son dernier rapport annuel, ainsi
que dans ses publications périodiques, des moyens dont elle s'est
dotée pour améliorer son régime administratif, entre
autres la régionalisation des services et l'implantation de nouveaux
systèmes d'informatique qui ont permis de réduire d'au moins 80%
les délais de décision et de paiement, il est surprenant de
constater que le projet de loi 42 propose non pas de réduire la
période pendant laquelle l'employeur verse directement
l'indemnité au travailleur, mais de l'augmenter à quatorze jours.
Cette nouvelle disposition, selon l'expérience passée, ne
contribuera qu'à accroître les pertes de temps
occasionnées par des accidents avec blessures mineures et à
augmenter les coûts que devront assumer les employeurs. Cette nouvelle
disposition est, à notre avis, inacceptable.
La classification des établissements. Il ne s'agit pas là,
dans l'ensemble, de dispositions nouvelles par rapport à la loi
actuelle.
Ce que nous y voyons, en tout état de cause, c'est une source
intarissable de
tracasseries, parce que la commission peut, ce qui veut tout dire,
exercer de façon discrétionnaire les pouvoirs qui lui sont
conférés ici. De plus, il y a là une source possible
d'iniquités flagrantes qui n'auront d'autre fondement quelquefois que
les spécialités différentes des entreprises
concernées ou même, à l'intérieur d'une même
unité, les structures administratives ou les vocations traditionnelles
des entreprises qui forment cette unité.
À titre d'exemple, prenons le cas des employés de bureau
qui sont reliés pour fins de cotisations à l'activité
principale d'une entreprise. Les employés de bureau, d'une entreprise
à une autre, ont une activité similaire et peu de risques de
blessures au travail. Cependant, en termes pécuniaires, un employeur
dont les travaux consistent au montage de structures paiera 25,13 $ les 100 $
de salaire assurable pour ses employés de bureau, comparativement
à 4,58 $ pour celui dont l'entreprise effectue des travaux
d'électricité à titre d'exemple.
Ne serait-il pas plus équitable que tous les employés de
bureau, quelle que soit la nature des travaux exécutés par leur
employeur, soient cotisés sur un même barème?
La fixation et le paiement de la cotisation. Articles 196 à 203
et 204 à 213. L'estimation des salaires, en premier lieu.
Cette disposition est la même que celle incluse dans la loi
actuelle. Cependant, l'estimation des salaires au début de
l'année a toujours suscité un problème au niveau des
entreprises de construction du fait que celles-ci ne connaissent pas dans la
plupart des cas les contrats qui leur seront octroyés en cours
d'année, le volume d'affaires à venir et le nombre d'heures
travaillées en découlant.
Nous acquiesçons au principe de la modalité d'application
concernant l'échéancier établi par la commission pour la
transmission de l'état des salaires qu'est tenu de faire l'employeur au
cours de chaque année. Mais ce qui nous apparaît
exagéré pour notre secteur en particulier, c'est l'aspect
pénal se rattachant à toute cette question.
D'abord, le plafond de 25% comme différence permise entre les
salaires gagnés dans l'année et ceux estimés et
déclarés par l'employeur en début d'année nous
apparaît irréaliste vus les aléas du marché typique
de l'industrie de la construction, d'autant plus que tout excédent
à cette marge de 25% fait actuellement l'objet de
pénalités d'intérêts qui ont déjà
atteint 20%.
Nous considérons également comme très
exagérée l'évaluation des salaires faite par la commission
à 200% de ceux qui ont été déclarés dans le
dernier état transmis par l'employeur et à 250% des salaires que
cet employeur aurait dû prévoir payer même s'il y a retard
minime dans la réception du rapport à être transmis par
l'employeur en début d'année.
Une telle procédure administrative de la commission, en regard de
l'évaluation des salaires et de l'application d'un taux de
pénalité élevé, soit de 20%, sur la
différence salariale non déclarée est inacceptable et
à plus forte raison si on y ajoute les intérêts mensuels
sur les sommes imputées par la commission ainsi que la
pénalité de 5% découlant de l'article 209.
Le Conseil patronal de l'industrie de la construction estime qu'il y
aurait lieu d'apporter certaines modifications en regard du rapport sur
l'estimation des salaires que doit transmettre en début d'année
l'entreprise de construction. Il serait plus équitable, pour les
employeurs du secteur de la construction en particulier, d'établir une
estimation des salaires et des versements périodiques
échelonnés pour trois ou quatre mois d'activités, par
exemple, et nous croyons qu'une telle procédure administrative
appliquée par la CSST contribuerait certainement à
améliorer une partie du problème que nous venons de soulever.
La responsabilité pour autrui. Article 205. La façon de se
faire justice à soi-même que consacrerait l'article 205 est tout
à fait inacceptable pour nous, parce qu'elle ne permet aucun
contrôle de la part de celui dont on prétend qu'il doit ou devra
de l'argent à la CSST. Nous relions d'ailleurs à cette
méthode un autre prétendu principe de la loi actuelle et nous
faisons référence ici à l'article 11 de la Loi sur les
accidents du travail que l'on reprend dans une forme différente,
possiblement plus large, à l'article 10 du projet de loi 42. C'est la
question de la responsabilité pour les cotisations impayées par
un sous-traitant. Nous croyons qu'il est temps de se rendre compte de
l'incompatibilité de ce régime de responsabilité stricte
pour les actes ou les omissions d'autrui avec la réalité, de plus
en plus complexe, et de l'impossibilité pour qui que ce soit de
s'assurer qu'il n'a pas une responsabilité pécuniaire qui peut
être importante, mais qui est en pratique invérifiable et souvent
insoupçonnée. C'est, à notre avis, à la CSST
à se protéger et non aux employeurs de pallier les lacunes en
remboursant la commission des sommes restées impayées par un
entrepreneur ou un sous-entrepreneur insouciant, frivole ou failli.
Ajoutons ici qu'il en résulte pour les entreprises, pourtant
"bons citoyens" pour la plupart, des tracasseries énormes, vu
l'obligation imposée aux différents entrepreneurs de la
chaîne contractuelle par leurs employeurs respectifs, leurs donneurs
d'ouvrage, de démontrer leur statut à l'égard des
paiements à la commission, au moins avant d'être payées
pour les travaux accomplis.
Dans la réalité, l'obligation de produire
un certificat de conformité contraindra quelquefois l'entreprise
à acquitter à la CSST une cotisation injustifiée ou
contestable, même relativement à un autre chantier, pour obtenir
le fameux papier, et strictement parce qu'un paiement important l'attend chez
son employeur, mais sur fourniture du papier en question seulement.
En passant, nous nous permettons de souligner ici au législateur
une redondance: l'article 203, d'une part, et l'article 266, sous-paragraphe 5,
d'autre part, nous semblent se répéter.
En conclusion, dans la présentation qu'il vient de vous faire, le
Conseil patronal de l'industrie de la construction du Québec et les deux
organismes représentatifs qui le constituent, l'ACMQ et la
Fédération de la construction du Québec, ont voulu
restreindre leur intervention à certains aspects du projet de loi 42 qui
revêtent, à notre avis, une importance toute particulière
pour l'industrie de la construction.
Nous n'avons pas pour cette raison, sauf de façon incidente,
traité d'autres questions qui, pour primordiales qu'elles soient, ont
déjà été abordées dans les mémoires
à votre commission par d'autres groupements et, tout
particulièrement, par le Conseil du patronat du Québec.
Nous pensons en particulier à l'article 38.4 et à la
nécessité de régler ce problème selon des
modalités réalistes; à la nécessité aussi de
ne pas imposer aux employeurs d'autres coûts additionnels importants,
compte tenu des difficultés qu'éprouve l'industrie de la
construction face à la situation économique actuelle; aux recours
en révision et en appel; aux pouvoirs discrétionnaires
très larges de la commission, sans parler aussi de l'administration de
la CSST; aux coûts cachés, imprévisibles, de l'attente pour
traitements de physiothérapie et pour entrée à
l'hôpital pour chirurgie ou autres soins médicaux importants,
coûts estimés à 8 000 000 $ selon des fonctionnaires cadres
de la CSST elle-même; aux nombreuses mesures sociales qu'édicte le
projet de loi et qui ne devraient pas être défrayées par la
CSST; à l'aspect paritaire aussi du conseil d'administration qui,
à notre avis, est plutôt de caractère consultatif que
décisionnel.
Au moment d'écrire le mémoire, M. le Président,
nous avions également parlé des coûts du projet de loi
impossibles à estimer sans des études fort longues et
coûteuses. Ces études ont été publiées depuis
que la commission a entrepris ses travaux, mais nous avions quand même
beaucoup de difficultés de ce côté-là et nous en
avons encore depuis la publication de ces chiffres.
Nous croyons d'ailleurs que le genre d'absolution générale
que véhicule le projet de loi à l'endroit du travailleur à
l'article 39 en particulier n'a pas sa raison d'être et que le
travailleur devrait être responsabilisé. Nous n'avons pas
élaboré non plus sur certains irritants inhérents au
projet de loi comme la nécessité pour les employeurs petits ou
grands de fournir à la CSST de multiples rapports et sur le peu de cas
que l'on semble faire de l'opinion des personnes concernées en ne leur
accordant que 30 jours d'une publication à la Gazette officielle pour
faire valoir leurs objections et sans obligation claire pour le ministre
responsable ou pour la commission elle-même d'enquêter sur de
telles objections avant adoption définitive.
Et nous concluons en disant que le projet de loi 42 est
décidément un projet avant-gardiste. La société
québécoise en a-t-elle les moyens? À notre avis, non.
C'est en tout cas à une étude beaucoup plus approfondie et
pragmatique qu'il faudrait s'astreindre avant d'adopter et de promulguer une
loi dont les conséquences sur la santé économique des
entreprises que nous représentons risquent d'être
désastreuses sans aucunement tenir compte de la réalité et
de l'inflation galopante qui affecte les charges sociales imposées aux
employeurs et à ceux de la construction plus encore qu'aux autres.
Nous n'avons donc d'autre choix que de recommander ici le renvoi du
projet de loi 42 sur les tables de travail pour reconsidération de
plusieurs principes fondamentaux qui y sont affirmés. Et, cette fois,
que l'opération ne soit pas, de grâce, défrayée
à même les fonds perçus par la CSST chez les
employeurs!
M. Cusano: C'est clair?
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. Nous allons
maintenant passer à la période de questions. M. le ministre du
Travail, vous avez la parole.
M. Fréchette: Oui, M. le Président, je vous
remercie. Je voudrais aussi remercier M. Cliche, M. Théoret, et les
membres de la délégation qui les accompagnent, qui sont venus,
à la suite de plusieurs autres, et comme d'autres que nous entendrons
jusqu'à la fin de la période prévue pour les auditions,
exprimer leur opinion et leurs observations sur le projet de loi 42.
Évidemment, on retrouve une conclusion qui est claire, qui est
très fermement exprimée, et c'est une conclusion qui revient dans
plusieurs mémoires, conclusion qui revient autant dans des
mémoires de représentants d'associations syndicales que de
représentants d'associations patronales. Mais on va convenir que, dans
l'un et l'autre cas, ce ne sont pas les mêmes motifs qui sont
invoqués et, non seulement ne sont-ils pas les mêmes, mais ils
sont presque toujours à l'opposé les uns des autres. Quoi qu'il
en soit, cette situation est tout à fait normale et conforme aux
intérêts que représentent les organismes que nous
recevons. (11 h 45)
M. le Président, je veux signaler l'intérêt que
l'organisme devant nous et ses associations membres ont toujours
manifesté aux différentes législations du travail. Je
pense pouvoir vous le dire d'expérience, en tout cas pour ce qui est de
ma région, parce que, très régulièrement, nous
avons l'occasion avec les gens de la région de nous rencontrer et de
discuter globalement tous ces prinipes que l'on retrouve à
l'intérieur des lois qui concernent les relations du travail.
Ces discussions nous permettent au moins de nous sensibiliser de part et
d'autre aux difficultés ou à la nécessité de
s'adapter aux différentes dispositions de nos lois. Cela nous permet
aussi à certains égards d'avancer sur un certain nombre de
problèmes. Bien sûr que le contraire serait étonnant et
bien sûr qu'on ne pourra jamais nous rejoindre totalement et sur tous les
sujets en discussion, mais, pour autant que je suis concerné, le
dialogue a toujours été très ouvert, très serein
et, encore une fois, a permis de faire avancer un certain nombre de choses.
M. Cliche et M. Théoret, il y a dans votre mémoire des
observations spécifiques qui nous sont faites et, comme vous l'avez
mentionné, qui sont à toutes fins utiles propres à
l'industrie de la construction. C'est pour cela que, dans certaines autres
lois, le législateur a dû inscrire des particularités dans
les lois qui sont évidemment en relation directe avec le monde de la
construction. Cet aspect-là est soulevé autant par les parties
syndicales que par les parties patronales. À cet égard, il est
évident qu'il va nous falloir, dans la réflexion qui va suivre
l'audition des mémoires, dans la période de temps qui nous sera
allouée pour réévaluer un certain nombre de choses, tenir
compte des représentations qui nous ont été faites et qui
vont dans le sens d'attirer notre attention sur les particularités de la
construction.
M. le Président, je n'entrerai pas dans chacun des détails
soulevés par nos invités. Cela risquerait d'être long,
d'une part, et c'est si clairement exprimé que l'on sait très
précisément la nature des réclamations qui nous sont
faites. Je me limiterai à une question d'ordre très
général et qui est en relation beaucoup plus avec la philosophie
même de la loi qu'avec l'une ou l'autre des dispositions
particulières qu'on y retrouve. Cette question m'est dictée pour
deux motifs. Premièrement, vous dites dans votre mémoire:
généralement parlant, sinon, globalement parlant, nous sommes
d'accord avec les représentations qui ont été faites par
le Conseil du patronat, d'une part, et, deuxièmement, à trois ou
quatre reprises dans votre mémoire, vous faites également
référence à une caisse qui est alimentée par les
cotisations des employeurs. Enfin, je n'ai peut-être pas les mêmes
termes que ceux que vous utilisez, mais, à toutes fins utiles, c'est
à cela que cela revient.
Alors, à partir du contenu du mémoire du Conseil du
patronat, de vos observations, et à partir de l'historique de nos lois
sur les accidents du travail, sur la santé et la sécurité
du travail, je me permets simplement de vous soumettre la question suivante:
Doit-on comprendre dans votre mémoire, sans que ce soit
expressément écrit, que vous souhaitez ou, enfin, qu'on doive
tenir pour acquis qu'il y a un message que le temps est peut-être
maintenant arrivé de faire en sorte que les travailleurs et les
travailleuses soient appelés par législation à participer
à la cotisation du régime. Le Conseil du patronat,
là-dessus, nous a fait part de ses observations. Il a eu la prudence de
nous dire que son mémoire n'était là que pour lancer la
discussion mais, enfin, le message me paraît clair aussi.
J'apprécierais pouvoir, MM. Cliche et Théoret, obtenir vos
commentaires là-dessus.
M. Théoret: M. le Président, M. le ministre, comme
le Conseil du patronat, disons que nous lançons un élément
de discussion ici. Nous avons parlé dans notre mémoire, de
façon bien générale évidemment, de
responsabilisation des employés ou des travailleurs. Cela ne veut pas
nécessairement dire, à notre avis, qu'on devrait avoir, comme
peut-être certains l'ont déjà suggéré, une
participation au coût totalement paritaire. Il y a déjà
certains éléments ou certains coûts de la commission qui
sont assumés par le gouvernement. Nous pensons à l'inspection. La
compensation, quant à nous, il me semblerait difficile que ce soit
autrement que ce qui est présentement. Mais nous nous demandons si, du
côté de la prévention et du côté des devoirs
des travailleurs, la loi - peut-être celle-ci et peut-être la loi
17 - devrait ou ne devrait pas contenir des dispositions qui tendraient
à impliquer le travailleur non seulement lorsqu'il s'agit de faire des
réclamations ou lorsqu'il s'agit de participer à un
comité, mais aussi des devoirs qui lui seraient impartis et qui
amèneraient pour lui peut-être une responsabilité
pénale plus claire que celle qui est déjà inscrite au
projet de loi. C'est peut-être très partiel comme participation
mais nous croyons que ce serait une participation qui tendrait à
réduire un peu les possibilités d'abus qui se retrouvent partout
et dont nous connaissons malheureusement en pratique les effets.
M. Fréchette: Je suis très bien votre raisonnement,
M. Théoret, mais il y a une chose dont je ne vous dirai pas qu'elle
m'étonne, mais je souhaiterais qu'on
l'éclaircisse davantage. À quelle situation vous
référez-vous quand vous nous suggérez qu'une forme de
responsabilité pénale soit retenue contre un travailleur ou une
travailleuse? Là, je vous avoue que c'est, me semble-t-il, la
première fois qu'une suggestion de cette nature nous est faite. Je
souhaiterais bien avoir plus d'éclaircissement sur les situations qui
feraient en sorte qu'une telle responsabilité puisse être retenue
contre quelqu'un.
M. Théoret: II est arrivé, M. le ministre, de
façon peut-être trop rare, à notre avis, pour que cela
fasse jurisprudence, si vous voulez, qu'un employeur vraiment convaincu se
défende. Je parle surtout des termes de l'ancienne loi sur les
établissements industriels et commerciaux qui a été abolie
avec l'adoption de la loi 17. Que l'employeur prouve qu'il avait effectivement
pris toutes les mesures, qu'il avait donné toutes les instructions et
que, malgré cela, ses employés n'avaient pas porté la
ceinture de sécurité, par exemple. C'est, par ailleurs,
quelquefois difficile pour l'employeur lui-même d'invoquer ces arguments
pour des raisons de relations, si vous voulez, avec son personnel, pour des
raisons de relations avec nos amis les syndicats, mais nous ne voyons pas
pourquoi la CSST ne pourrait pas pénaliser ou poursuivre en tout cas
pour infraction des travailleurs et pourquoi elle ne le ferait pas plus souvent
de la même façon qu'elle poursuit des employeurs et de
façon fort cavalière quelquefois?
M. Fréchette: Cela va pour moi, M. le Président.
J'ai eu les renseignements que je souhaitais avoir sur les deux aspects de la
question. Merci.
Le Président (M. Paré): Merci. M. le
député de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. De ce
côté-ci de la table, nous tenons aussi à vous remercier de
votre mémoire; il est très clair et très précis. Un
petit commentaire avant de passer aux questions. Le ministre vient de dire tout
à l'heure que le retrait du projet de loi est demandé tant du
côté patronal que syndical, mais pour des raisons
différentes. J'aimerais quand même rappeler au ministre que, tant
du côté patronal que syndical, le retrait du projet de loi est
demandé parce qu'il est très confus, imprécis, mal
écrit. On peut ajouter tous les qualificatifs qu'on veut et on a
vraiment beaucoup de difficulté à suivre exactement ce que veut
dire ce projet de loi. Le retrait est aussi demandé parce qu'on donne
des pouvoirs accrus, arbitraires à la CSST sans qu'on sache quelles en
seront les conséquences.
M. le Président, je pense qu'il est nécessaire de faire
cette distinction et de ne pas simplement laisser sous-entendre que les patrons
trouvent que cela coûte trop cher et que, du côté des
syndicats, ils ne sont pas assez satisfaits. Je crois que c'est important
d'établir que pour le retrait - en ce qui me concerne mon
interprétation de tous les intervenants à ce jour - les points
communs invoqués sont ceux-là. Il y a aussi une différence
sur la question des coûts et je l'admets. Peut-être qu'avec des
modifications le tout pourrait être réglé.
Je voudrais vous poser seulement quelques questions, car le
mémoire est très clair. Lorsque vous parlez du partage des
coûts, est-ce que vous insistez sur le fait que l'employé doit
participer ou si vous voulez dire que tout ce qui est considéré
dans le projet de loi comme étant des mesures sociales, ces coûts
seraient imputés à une autre instance, c'est-à-dire le
fonds consolidé de la province? Est-ce que vous en faites une
distinction?
M. Théoret: Oui. Quant à la participation et
à la responsabilisation des travailleurs dont j'ai parlé en
réponse à la question précédente du ministre, c'est
sûr que cela doit rester dans la loi. Quant aux mesures sociales - si
vous nous le permettez, M. le Président - nous avons regardé tout
ce dossier et nous en avons conclu qu'effectivement ces mesures sociales ne
devraient pas être à la charge des cotisants. Je pense qu'on
pourrait peut-être vous faire une liste des mesures que nous appelons
sociales dans le projet de loi, mais ce serait peut-être un peu long et
un peu fastidieux. Je pense que notre position est claire là-dessus.
Pensons, par exemple, à ce que d'autres ont appelé le profil de
carrière de l'étudiant. Nous voyons vraiment là que cela
ne relève pas de la responsabilité de l'employeur comme tel. On
peut aussi penser à d'autres compensations qui sont indiquées
dans le loi comme celles qui prévoient le programme de formation de
recherche d'emploi. On pense aussi, bien que ce ne soit peut-être pas une
affaire considérable, à certaines primes d'assurance-vie qui
seront payables à des gens qui ne dépendent pas vraiment du
travailleur pour continuer à vivre, etc. (12 heures)
M. Cusano: Sur la question de la définition de l'accident
du travail, il a été dit très clairement par d'autres
groupes patronaux que cette définition était effectivement trop
large. On aura à se prononcer à la fin de cette commission.
J'aimerais savoir en ce qui vous concerne si la définition qui se trouve
dans la loi actuelle et non dans le projet de loi vous satisfait.
M. Théoret: Je demanderais à M. Le May d'expliciter
cette question.
M. Le May (Roger): La définition qui existe dans la loi
actuelle est déjà large et on l'a élargie davantage. Je
crois qu'il y a une définition authentique d'un accident du travail qui
nous dit que c'est un événement imprévu; cet
événement imprévu est causé par des actes dangereux
et des conditions dangereuses et a pour conséquence une blessure ou un
dommage matériel ou les deux ensemble. Lorsqu'on regarde la
définition et qu'on trouve les mots "un événement soudain
attribuable à toute cause", cela ouvre la porte à tous les abus
possibles. Cela ouvre la porte à toutes sortes de maladies; cela ouvre
la porte à toutes sortes de lésions. Comme cela est défini
dans le projet de loi, est-ce qu'elles sont attribuables réellement
à des causes de travail? C'est pour cela que nous demandons de s'en
tenir aux lésions professionnelles. La définition de la
lésion professionnelle, si on enlève le mot "maladie" pour
laisser maladie professionnelle, je crois que c'est ce dont on traite tout au
long du projet. Cela empêcherait peut-être une
interprétation qui vient se confondre entre lésion
professionnelle et accident du travail; c'est très confus.
M. Théoret: Si vous me le permettez, j'ajouterai quelques
mots à ce que vient de dire M. Le May. Même avec la loi actuelle,
la CSST a fait des interprétations et ce sont des interprétations
publiques qui nous semblent quelquefois fort élaborées et fort
étirées, si vous nous permettez le terme. Je pense, par exemple,
aux fameux accidents de baseball; je pense, par exemple, au bonhomme qui glisse
sur une savonnette dans une douche - cela peut m'arriver, cela m'est
déjà arrivé - ce n'était pas un accident du
travail, parce que cela se passait chez moi. Je ne vois pas pourquoi
l'employeur, s'il a une responsabilité, ne devrait pas assumer ses
responsabilités en dehors de la CSST dans ces cas-là et, s'il
n'en a pas, il n'en aura pas. Le problème est que le projet de loi qu'on
nous présente affirme des présomptions qui sont toujours
favorables à l'employeur. C'est en somme la reconnaissance d'un
état de fait pour ne pas dire une politique administrative de la CSST
qui existe déjà. Nous pensons qu'il y aurait là aussi des
choses à modifier dans les définitions.
M. Cusano: Sur cette question d'accident, il est clair - comme
vous le dites dans votre mémoire - qu'il est souvent difficile
d'établir le fait accidentel. Chez vous, à cause du fait que vous
avez des chantiers où un individu peut même travailler sans
supervision ou sans votre oeil, c'est normal, c'est la situation
particulière de l'industrie. Ce n'est pas la même chose dans une
manufacture où il y a 50 ou 100 employés. Ce que je cherche un
peu à comprendre, c'est que vous dites dans votre mémoire que la
CSST devrait exercer un contrôle beaucoup plus serré. Est-ce qu'il
s'agit d'un contrôle serré sur les réclamations ou si la
CSST devrait être omniprésente - elle est déjà
omniprésente en bien des choses - sur les chantiers et se ramasser comme
dans certains pays du monde dans des situations où il y a deux
travailleurs et dix inspecteurs qui les regardent faire? Est-ce que vous
pourriez préciser ce que vous voulez dire par cet exercice de
contrôle de la part de la CSST?
M. Théoret: C'est, je pense, à l'étape de la
réclamation que la CSST devrait pouvoir exercer un contrôle plus
serré. Évidemment, nos amis les omnipraticiens, qui nous ont
précédés, vous ont dit que les médecins avaient
quelquefois des hésitations à laisser un travailleur retourner au
travail. Nous croyons que les médecins y vont peut-être un peu
largement et que les travailleurs en profitent un peu.
On a parlé de tous ces maux de dos, il y a une nouvelle
terminologie maintenant, on parle d'élongation musculaire, je pense.
Vous savez, des élongations musculaires, j'en ai certainement, parce que
hier j'ai transporté une grosse valise pour venir à
Québec, cela ne m'empêche pas d'être ici ce matin et
même si j'avais, ce matin, à faire de la charpenterie, je pense
que je pourrais en faire quand même. C'est au niveau de la
réclamation, comment exactement les mécanismes... Écoutez,
il faudrait peut-être y voir de plus près, mais on ne conteste pas
beaucoup les réclamations. Ce que cela fait, c'est que l'employeur
devrait se défendre. Il n'a pas toujours le temps de se défendre,
il n'a pas toujours des moyens légaux de se défendre et cela
coûte très cher, car il ne faut jamais oublier le système
mérite-démérite. Les cotisations comme telles, cela va
peut-être, mais le système mérite-démérite,
sur des affaires contestables mais difficiles à contester
légalement, cela finit par coûter très cher. Le
système mérite-démérite actuel est en train,
très rapidement, de redevenir un système de
démérite seulement.
M. Cliche: Je voudrais ajouter, si vous le permettez, M. le
Président, qu'on a souvent une très mauvaise "impression", entre
guillemets, de l'industrie de la construction. Il faut rappeler quand
même, dans cette industrie, quelques statistiques: il y a 945 heures
travaillées par année; 42 entreprises, en 1982, avaient 100
employés et plus et on parle, en moyenne, en 1982, de 4,7 travailleurs
par entreprise. On parle réellement, dans la majorité des cas, de
la PME. Sans doute nous ne pouvons nier la
statistique disant qu'une très faible minorité
d'entreprises complètent ou effectuent une très grande partie des
travaux, c'est environ de l'ordre de 20-80%, 15-85% environ. Il n'en demeure
pas moins que l'on fait face, dans le cas de la majorité des 16 000
entreprises, à des entreprises qui, dans 85% des cas, comportent moins
de cinq employés d'où, justement, une certaine prudence que doit
avoir le législateur face à certaines procédures
administratives qui, quelquefois, vont amener pour l'entreprise des coûts
qu'elle n'a souvent pas les moyens de se permettre. Ce sont des entreprises
types dans lesquelles on retrouve l'épouse à titre de comptable,
de téléphoniste et souvent de coordonnatrice de certains travaux.
Cela existe et il faudrait peut-être aussi ne pas tout considérer
sous un aspect global. Une industrie, à première vue, laisse
souvent présumer que c'est une très grande entreprise mais on
fait face quand même à une typique PME dans la grande
majorité des cas, on parle de 80%.
M. Cusano: Vous avez abordé le sujet de la cotisation et
le fait que la plupart de vos membres sont engagés dans de très
petites entreprises familiales où c'est l'épouse ou l'enfant
d'âge collégial qui fait la tenue des livres, etc. Avez-vous
rencontré des problèmes concernant les versements que vous avez
à faire à la CSST et, dans certains cas, ces versements sont-ils
plus élevés qu'ils auraient dû l'être? Plus
précisément, dans le cas où vous avez versé des
montants en trop à la CSST, avez-vous eu des problèmes à
réclamer et à recouvrer ces sommes de la CSST?
M. Cliche: En général il ne semble pas que ce soit
dramatique. Ce qu'il est cependant nécessaire de connaître, c'est
qu'à un moment donné, au début du mois de février,
on demande à une entreprise de financer la totalité de ces dus
estimés à la CSST. Qu'est-ce que l'on fait par cela? On va
directement dans le fonds de roulement de l'entreprise et on lui demande de
débourser des cotisations qui peuvent être minimes dans certains
cas - il ne faut pas se le cacher - mais, dans certains cas, relativement
substantielles. Nous, c'est pour cela que, dans le mémoire on demandait
s'il n'y aurait pas la possibilité d'une certaine forme
d'étalement qui permettrait entre autres à l'entreprise, au
préalable - il ne faut pas oublier qu'on est déjà avant
quand même le début de certains chantiers et de certains travaux -
de ne pas avoir à débourser des sommes qui peuvent être
très différentes, compte tenu d'une activité qui a pu
baisser d'une façon dramatique dans ladite entreprise. On peut dire:
elle peut récupérer, mais huit mois après, et à des
taux de peut-être 10%, 12% ou 15%. Cela représente quand
même pour l'entreprise un fardeau administratif dont, je crois, elle
pourrait peut-être bien se passer à l'époque où nous
vivons. C'est surtout à ce niveau que nous allions beaucoup plus vers la
possibilité d'étaler périodiquement, à trois ou
quatre mois si nécessaire, certains versements et, bien entendu, avec
tous les intérêts. C'est peut-être le système
où l'on voit qu'avant de payer un compte, on exige des
intérêts sur le compte. C'est assez spécial.
Donc, on pense que cette dimension devrait être regardée de
près. Cela mérite une sérieuse analyse et la
possibilité d'étaler sur différentes périodes les
versements qui permettraient quand même à l'entreprise de se
rajuster. Donc, on éviterait peut-être les systèmes fort
complexes des 200% ou 250% des 25% d'écart sans encourir de
pénalité, et sans avoir les déclarations qu'il faut faire
au mois d'octobre, etc. Je crois qu'on crée plus de tracasseries
administratives en voulant donner à l'entreprise un rapport unique, mais
ce que tout le monde oublie, c'est qu'on va lui demander 500 000 $ ou
peut-être 25 000 $. Pour certaines entreprises, j'admets que 500 000 $,
ce n'est pas tellement imposant, mais, pour d'autres, même 5000 $ est une
proportion très grande de fonds de roulement, etc. Cela nous
apparaît quelque peu injuste, surtout dans les cas de non-paiement
où on exige des intérêts en plus. Nous croyons que c'est
aller un peu loin.
M. Cusano: La raison pour laquelle je vous posais cette question,
c'est que j'ai deux cas dans mon comté où les entrepreneurs
avaient versé des sommes à la CSST et ils ont une misère
noire pour récupérer ces montants-là. Je me demandais si
c'étaient des cas isolés ou si c'est
généralisé.
M. Théoret: M. le Président, en réponse
supplémentaire à cette question, tous les entrepreneurs ne nous
appellent pas nécessairement pour nous dire: Voici le problème
que j'ai eu, mais on a assez de cas qui nous sont signalés pour dire
qu'effectivement la CSST traite de façon quelquefois plutôt
cavalière, du moins en apparence, le fonds de roulement de l'entreprise,
si on peut dire. On n'a pas de statistiques précises...
M. Cusano: Non, non.
M. Théoret: ...autrement dit, mais ce sont des choses -
les deux cas dont vous parlez - dont on entend parler nous aussi tous les
jours.
M. Cliche: De là à généraliser,
cependant, cela mérite une certaine prudence.
M. Cusano: D'accord. Cela va. En terminant, la seule chose que je
voudrais dire, c'est que je suis en désaccord avec une des
déclarations que vous avez faites, à savoir que le conseil
d'administration de la CSST n'est pas un lieu décisionnel, que c'est un
lieu de consultation. Je suis en désaccord dans le sens qu'en ce qui
nous concerne, il n'est même pas un lieu de consultation, et, s'il n'est
pas consultatif, il n'est pas décisionnel non plus. On n'a qu'à
se référer aux actions judiciaires du juge Sauvé, dont
vous allez payer la facture, comme vous le savez, de tous ses frais contre M.
Harguindeguy pour les choses qu'il a déclarées ici en commission
parlementaire... C'est pour cette raison qu'avant... Comme on n'a pas encore
reçu la réponse du président, il y avait d'autres
questions que je voulais vous poser, mais je ne les poserai pas pour vous
éviter peut-être des ennuis de la part du juge Sauvé. Sur
ce, je vous remercie.
Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le
député de Sainte-Anne. (12 h 15)
M. Polak: Merci, M. le Président. Vous avez bien
expliqué dans votre mémoire qu'à bien des points de vue,
le projet de loi actuel ne peut tout simplement pas s'appliquer dans
l'industrie de la construction. Je n'ai pas besoin de réitérer
tout cela. Je pense que le ministre est bien d'accord avec ça aussi. Je
me demande si on vous a consultés pour la préparation du projet.
Avez-vous eu l'occasion de parler avec les fonctionnaires qui rédigent
ces textes pour dire: Voici, c'est impossible que ça s'applique à
notre industrie? Est-ce qu'on vous a demandé vos commentaires avant?
M. Cliche: Non, malheureusement. Cependant, dans quelques cas,
nous avons reçu les versions amendées, 1, 2, 3 et 4, de
l'avant-projet de loi.
M. Théoret: Mais toujours par le Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre et donc le CPQ, dont le CPICQ est membre. Il n'y
a pas eu, que je sache, de consultation générale avec le monde
des employeurs.
M. Polak: Vous parlez actuellement de différents objets ou
matières qui ne peuvent pas s'appliquer dans votre industrie. Est-ce que
votre association est prête à soumettre des solutions positives en
échange pour dire: Voici ce qu'on suggère, on va essayer de vous
aider un peu?
Le ministre est un homme très poli. Il remercie tout le temps
tout le monde pour chaque mémoire. Il y en a même qui lui
demandent de retirer le projet de loi et il les remercie. Il remercie tout le
temps.
Je voudrais vous demander si vous êtes prêts à dire
au ministre: On va vous aider en suggérant ce que vous devriez faire
dans notre industrie de construction. On peut accepter certains principes, mais
il y a des choses avec lesquelles on ne peut pas vivre. Êtes-vous
prêts à faire ça?
M. Cliche: Le CPICQ est prêt à faire des
suggestions, surtout en ce qui a trait à une certaine méthode qui
doit absolument être particularisée, entre autres dans le retour
au travail. Ce point-là nous apparaît majeur et on ne peut pas
demander à un employeur de l'industrie de la construction d'accepter
quels que soient les motifs, parce qu'il ne faudrait peut-être pas aussi
penser que l'industrie de la construction ou que les accidentés
travailleurs sont toujours de mauvais travailleurs. Il y a souvent
là-dedans des hommes clés qui occupent au sein de l'entreprise
une fonction très importante. C'est surtout au niveau du retour au
travail que nous pensons que ces mécanismes devraient être
repensés en fonction du système d'embauche - le règlement
de placement - qui existe dans l'industrie de la construction. Que ce ne soit
peut-être que retourner l'accidenté de retour de sa convalescence
dans le bassin, avec certaines particularités quant à la
possibilité qu'il soit réembauché dans des délais
un peu plus courts, ces mécanismes nous apparaissent comme étant
à tout le moins, à la suite de notre analyse, les seuls que nous
croyons acceptables pour cette industrie particulière.
Cela va bien dans le cas de l'industriel, là où les
travaux se font quand même dans des endroits fixes, relativement continus
dans le temps, tandis que, dans l'industrie, que fait un employeur avec un
travailleur qui revient d'un accident sur un chantier qui n'existe plus?
Souvent aurons-nous, si on le contraint à cette obligation, à lui
dire: J'ai terminé mes chantiers à Québec, maintenant tu
es à la baie James. Cette dimension-là nous paraît donc
essentielle. Il est impérieux de revoir ce mécanisme dans le
projet de loi. Il va sans dire que nous sommes prêts à d'autres
suggestions similaires.
M. Polak: Je ne peux pas parler pour le ministre, mais je peux
voir par la réaction de son visage qu'il est prêt à
recevoir vos recommandations positives. Envoyez-les!
M. Cliche: Nous l'espérons.
M. Polak: Je voudrais revenir sur la classification, les articles
192 et suivants du projet de loi. Vous avez expliqué dans votre
mémoire - je donne un exemple - que l'employeur des employés de
bureau paie la même cotisation pour quelqu'un qui accomplit un travail
dangereux comme, par exemple, le montage de structures d'acier.
Je ne suis pas au courant comment
fonctionne actuellement le système actuel des cotisations et
j'espère que vous pourrez m'expliquer. Pour moi, cela semble logique, un
employeur devrait pouvoir faire une distinction en disant que la
secrétaire qui prend les appels et les commandes et qui ne va jamais
voir d'usine ou ne va pas sur le chantier ne devrait pas payer le même
montant que le travailleur qui porte la casquette de sécurité sur
le chantier.
M. Cliche: Lorsque l'unité principale est définie
pour un employeur, ce dernier se voit donner une certaine catégorie. Or,
il doit subir, pour tout le personnel de son entreprise dans cette
unité, les taux qui sont applicables. Nous avons pris le taux des gens
affectés aux structures d'acier à quelque 25 $ et une personne
qui a des ouvriers sur les chantiers, c'est 25 $ les 100 $. On pourrait quand
même disserter sur l'évaluation qu'a faite la CSST de ce montant.
Cependant, nous trouvons déraisonnable qu'une secrétaire ou une
personne à l'intérieur d'une entreprise, parce que c'est une
entreprise montant des structures, ait quand même à subir des taux
de cotisation aussi élevés. C'est pour cela que l'on a
assisté à une certaine prolifération des compagnies de
gestion. On se déguise sous un statut juridique corporatif
différent pour ne pas être affublé de taux aussi
élevés. Donc, certaines entreprises forment des compagnies de
gestion qui deviennent les gestionnaires des travailleurs, si vous voulez, qui
vont sur les chantiers et pour lesquels, bien entendu, une surprime pourrait
être justifiée par rapport au personnel administratif. Je crois
que c'est une très grave lacune que de ne pas permettre à tout le
moins une certaine catégorisation, sans tomber dans l'excès
cependant. Il ne faudrait pas qu'on voie des entreprises devenir admissibles
dans huit ou dix catégories, mais nous croyons à tout le moins
que des grands paramètres devraient être suivis pour quand
même refléter une certaine réalité avec un taux
moyen d'environ 5 $. Nous croyons qu'il y aurait un certain équilibre
à effectuer dans ce sens-là.
M. Polak: Je suis entièrement d'accord avec ce que vous
expliquez. Je voudrais savoir comment cela s'applique, en pratique, dans les
petites et les moyennes entreprises dont vous avez parlé tout à
l'heure, qui comptent, par exemple, disons cinq employés. Dans une
entreprise qui compte cinq employés, combien y en a-t-il actuellement
qui travaillent dans la construction et combien y en a-t-il dans le bureau?
S'il s'agit d'une personne dans le bureau, ce n'est pas la même chose que
dans une grande compagnie.
M. Cliche: Si on parle d'une très petite entreprise, on
peut parler d'une ou deux personnes dans le bureau, règle
générale. On y retrouvera souvent un estimateur et une
secrétaire qui effectuent le travail normal de bureau. Mais, dans la
grande entreprise, c'est beaucoup plus perceptible parce que certaines ont
même la complication d'exploiter des usines dont les divisions fabriquent
certains éléments qui, bien entendu, sont en fonction directe
d'un chantier de construction. Dans les entreprises diversifiées, on
assiste quand même à certaines incohérences.
M. Théoret: C'est toujours l'activité principale
qui est...
Une voix: Qui est le guide.
M. Théoret: ...le guide. J'ajouterai à ce que M.
Cliche vient de dire que cela peut même déséquilibrer
l'aspect concurrentiel à l'intérieur d'une même
unité, parce que le même type d'employeur... Prenons l'exemple
d'une entreprise d'électricité. Elle peut très bien,
traditionnellement, être structurée pour n'exécuter que des
travaux d'électricité alors que sa concurrente de même
taille a un personnel de bureau beaucoup plus important, parce que,
traditionnellement, elle travaille de plus près avec les concepteurs et
qu'elle est obligée d'engager des designers, des ingénieurs, etc.
Vous voyez la situation à ce moment-là. Prenons l'exemple des
lignes de transmission, de la démolition ou de la structure d'acier, les
taux y sont parmi les plus élevés. Si vous payez 25% de votre
"payroll", à toutes fins utiles, à la CSST, pour un bon nombre de
secrétaires et d'autres personnes qui ne courent pas de risque, cela
peut drôlement déséquilibrer la concurrence ou la
compétitivité de cette entreprise par rapport à une autre
qui ne fait que l'exécution de travaux et qui a besoin d'un personnel de
bureau moins nombreux.
M. Polak: Dans le projet de loi, aux articles 191 et suivants, le
législateur donne la règle du jeu, mais il laisse les
détails à la commission. Est-ce que vous jugez que le
législateur devrait être plus flexible dans son texte ou s'il
devrait laisser tout cela à la commission et que la commission puisse
instaurer un système beaucoup plus flexible que ce qui existe
maintenant, au point de vue de la tarification?
M. Théoret: Un instant, s'il vous plaît!
M. Le May (Roger): Concernant la classification des entreprises,
je pense que le système actuel est assez bon. On ne peut pas dire qu'il
n'est pas bon, mais il reste toujours des exceptions en ce qui concerne les
entreprises qui ont plusieurs activités. À ce moment-là,
on peut dire que ce n'est pas
tout à fait assez souple, parce qu'au niveau des employés
de bureau, on veut cotiser les employés de bureau selon
l'activité qui paie le taux le plus élevé. Ce sera
là un problème, mais, au niveau de la classification selon les
travaux exécutés, je pense que le système actuel est
très bien comme il est là; il n'y a pas de problème
majeur.
M. Polak: Ce que vous demandez...
M. Théoret: Mais il faudrait avoir de la place pour
considérer les cas particuliers.
M. Polak: ...c'est plus de flexibilité. D'accord, je
comprends. C'est tout quant à moi, M. le Président.
Le Président (M. Paré): Oui, M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Dans les remarques que
vous avez faites après avoir présenté votre mémoire
et en réponse particulièrement à des questions que vous a
posées le ministre du Travail, j'ai cru sentir de votre part une
certaine insatisfaction sur le genre d'approche que pouvait avoir la CSST
vis-à-vis des réclamations. Vous avez laissé entendre que
la CSST se comportait d'une façon qui vous laissait un peu songeurs sur
son objectivité. Avez-vous des réflexions ou des commentaires
plus particuliers? Vous êtes même allés jusqu'à dire
que, dans les faits, les changements qui étaient apportés dans le
projet de loi par l'établissement de nouvelles présomptions,
particulièrement à l'article 26, ne changeraient peut-être
pas grand-chose, puisque vous vous retrouviez, vu la pratique administrative
qui était celle de la CSST, dans la situation très souvent
d'avoir finalement quelque chose comme le fardeau de la preuve. Est-ce que le
changement qui est apporté par l'article 26 et qui fait une
présomption que toute lésion qui survient sur les lieux du
travail est présumée être une lésion professionnelle
rendra les choses encore plus difficiles pour votre industrie, pour les patrons
que vous représentez ici en général? Vous pourriez faire
valoir votre point de vue, tout en respectant, bien sûr, le bien de
l'employé, le bien du travail et voir à ce que justice soit
faite, mais êtes-vous équipés, vous autres, pour assumer
totalement un tel renversement du fardeau de la preuve qui, dorénavant,
par cet article 26, va retomber sur vos épaules?
M. Théoret: C'est effectivement un politique de la
commission, si on peut le dire, que d'accorder le bénéfice du
doute dans tous les cas au travailleur. De ce côté, je ne pense
pas que l'affirmation de quelque chose qui se fait déjà pose
tellement de problèmes nouveaux, ce sont des problèmes que nous
avons depuis longtemps. Ce qu'il faut bien concevoir cependant, c'est que, dans
le contexte du projet de loi 42, qui affirme d'autres droits et qui affirme des
principes quant à la compensation à laquelle aura droit le
travailleur accidenté, avec toutes les conséquences que cela aura
en fait sur l'employeur au point de vue de ses responsabilités
financières, c'est là, je pense, que sont les effets et que cela
complique un peu la situation.
M. Doyon: Si je comprends bien, c'est que cet accroc à la
règle générale de droit est que le réclamant, quel
qu'il soit - en fait, en identifiant, l'employeur est, jusqu'à un
certain point, quelqu'un qui réclame quelque chose - doit normalement
établir le fondement de son droit. Ce que vous semblez me dire, c'est
que, dans les faits - c'est la situation actuelle tant que le projet de loi
n'est pas adopté - cela ne se passait pas tout à fait comme cela
à cause d'une certaine approche soit philosophique ou administrative en
tout cas de la CSST. Est-ce que j'interprète correctement votre point de
vue en prononçant ces paroles?
M. Théoret: Je ne suis pas sûr d'avoir très
bien compris l'affirmation que vous venez de faire. Tout ce que je peux dire ou
redire, c'est que, déjà - je pense qu'on y a fait
référence dans notre présentation ou en réponse
à une autre question quant à la définition d'accident du
travail - la CSST interprète très largement la définition
actuelle de l'accident du travail. Il y a eu des amendements à loi qui
nous ont apporté les cinq jours, par exemple, qu'on veut prolonger
à quatorze jours, et cela coûte plus cher. Ce sont toutes ces
dispositions qui seront peut-être des effets multiplicateurs pour ne pas
dire "complicateurs" de la situation actuelle. (12 h 30)
M. Doyon: Finalement, dernière question, est-ce que vous
avez eu l'occasion de faire une évaluation des coûts
supplémentaires, s'il y en a, bien sûr, qu'entraînerait la
mise en oeuvre du projet de loi 42 tel qu'il est actuellement? Vous n'avez pas
fait cela?
M. Théoret: Vous avez probablement vu comme nous
l'imposant document qui a été déposé depuis le
début de la commission à ce sujet. Nous ne sommes pas des
actuaires et nous n'avons pas d'actuaire à notre emploi. Nous n'avons
certainement pas pu même comprendre dans le fin fond des choses toute
l'étude qui a été déposée, étant
donné, en particulier, le délai très court. Du
côté de l'industrie, c'est extrêmement difficile à
évaluer. Je ne pense pas que des évaluations très
précises puissent être faites de cette question.
M. Doyon: Est-ce qu'une augmentation des coûts
hypothétiques pourrait avoir des conséquences sur les industries
qui chez vous réussissent à survivre? Est-ce que la santé
financière générale des industries est telle qu'une
augmentation de coûts raisonnable n'affecterait pas la santé de
l'industrie en général? Est-ce que vous pouvez nous donner une
idée, si le ministre en vient à la conclusion, grâce aux
experts dont il dispose, qu'il y aura là une augmentation de
coûts, qu'il puisse au moins envisager les conséquences que cela
pourrait avoir sur votre industrie?
M. Théoret: C'est sûr, M. le Président, M. le
député, que déjà l'industrie de la construction est
en bien mauvaise situation. On a cité les chiffres officiels de 1982
parce qu'on n'a pas encore les chiffres complets pour 1983. On a parlé
de 73 000 000 ou 74 000 000 d'heures de travail à pied d'oeuvre en 1982.
On croit que cela va arriver à peu près à la même
chose peut-être 71 000 000 ou 72 000 000 en 1983. La petite relance qui
semble poindre à l'horizon ne nous permet pas encore d'espérer
qu'on connaît beaucoup d'entreprises qui ont dû couper radicalement
même dans leur personnel de bureau. On a vu des cas pénibles et
cela s'est répété souvent; de gens qui étaient
là depuis 20 ans, depuis 25 ans, qui étaient de bons ouvriers, de
bons employés ont dû être congédiés. La
situation est loin d'être rose et on ne peut pas se permettre de
coûts supplémentaires, quels qu'ils soient. On connaît aussi
des entreprises qui ont dû fermer tout simplement certaines de leurs
divisions en particulier parce que toutes les tracasseries administratives les
affectaient tellement. Et je ne parle pas seulement de la tracasserie
administrative qui vient de la CSST, mais celle qui vient de plusieurs
organismes gouvernementaux, de toute la réglementation, etc. Là
on s'engage cependant dans un débat qui déborde peut-être
un peu le mandat de la commission.
M. Doyon: Merci beaucoup. Ces remarques sont extrêmement
intéressantes et je pense qu'elles servent à dissiper
l'impression qui est souvent donnée qu'on peut finalement imposer des
charges supplémentaires et que, tôt ou tard, la partie qui est
appelée à payer ces charges va s'organiser pour les supporter
sans qu'il y ait finalement de conséquences graves. Le ministre devrait
prendre note des avertissements qui sont donnés. Dans tout ce qu'on veut
entreprendre, il faut tenir compte de la capacité de payer de tous et
chacun. C'est une dimension extrêmement importante. On ne peut pas
l'ignorer mais, malheureusement, depuis le début des travaux de cette
commission, nous avons eu l'impression qu'on discutait de principes, qu'on
discutait de choses qui étaient en soi désirables, mais le
ministre ne semblait pas réaliser qu'il y aurait une facture quelque
part et un état de compte qui serait envoyé à quelqu'un.
Cela est extrêmement important. C'est pour cela que j'étais
heureux que vous fassiez part de cette opinion en espérant que le
ministre en aura pris bonne note et qu'il fera en sorte que les charges
déjà extrêmement lourdes que vous avez à supporter
ne seront pas alourdies davantage.
Le Président (M. Paré): Vous avez terminé?
Merci, M. le député de Louis-Hébert. Je vais maintenant
remercier, au nom de tous les membres de la commission, les
représentants du Conseil patronal de l'industrie de la construction du
Québec d'avoir préparé un mémoire, d'être
venus nous le présenter et d'avoir accepté de répondre aux
questions et aux commentaires des membres de la commission. Merci beaucoup.
La protection des témoins entendus par la
commission
Directive du président
Tel que promis, avant la fin de la présente séance, je
vais répondre à la demande de directive qui m'avait
été faite par le député de Louis-Hébert. Je
désire simplement rappeler à cette commission le libellé
de l'article 53 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui se lit comme
suit: "Le témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une
commission ou une sous-commission ne peut être retenu contre elle devant
un tribunal, sauf si elle est poursuivie pour un parjure." Cet article est,
à mon avis, très clair et protège entièrement les
personnes et organismes qui se présentent devant cette commission dans
la mesure, bien entendu, où ceux-ci se conforment au libellé de
l'article 53 et ne tiennent pas de propos qui seraient contraires à la
vérité. Cependant, il va sans dire que les personnes qui veulent,
après leur témoignage devant la commission, donc à
l'extérieur des cadres de la présente commission, donner suite
aux propos qu'ils ont tenus lors des audiences de celle-ci ne
bénéficient pas de la même protection.
J'aimerais également ajouter qu'il ne m'appartient pas de donner
de directive relativement aux litiges qui sont présentement devant les
tribunaux à la suite de faits qui se sont produits à
l'extérieur du cadre de cette commission. J'aimerais aussi rappeler que
les motifs, les raisons pour lesquelles nous sommes ici, comme je l'ai
déjà dit, que le mandat de cette commission est d'entendre les
représentations des
personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42,
Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
J'aimerais aussi rappeler l'article 140 du règlement qui se lit
comme suit: Article 140,1: "Une commission élue est convoquée par
le secrétaire des commissions à la demande du leader
parlementaire du gouvernement. La demande et l'avis de convocation doivent
indiquer l'heure, l'endroit et l'objet de la réunion et aucun autre
sujet ne peut y être discuté."
Devant tous ces faits que j'ai rappelés, l'article 53 de la Loi
sur l'Assemblée nationale, l'article 140 du règlement qui
régit les commissions, donc celle-ci, et devant le mandat qui est
l'audition, je crois que le sujet, à mon avis, a été
suffisamment étayé ici en commission. M. le député
de Louis-Hébert.
M. Doyon: M. le Président, mes premières paroles
seront pour vous remercier d'avoir pris la peine d'étudier la question
et de nous faire valoir le point de vue de la présidence à ce
sujet. Concernant l'opinion que vous exprimez et l'opinion qui découle
du mot à mot de la lettre du règlement, nous étions fort
bien au fait de la situation. Si j'ai fait appel à votre directive, M.
le Président, c'était dans le sens - et je me demande si j'ai
été bien compris; si je ne l'ai pas été, c'est
sûrement ma faute - que cette commission devait s'assurer qu'elle
disposait de tous les moyens nécessaires pour pouvoir faire son travail.
Le ministre du Travail nous a expliqué hier son point de vue à
savoir qu'une personne morale ou un individu qui se sentait lésé
dans ses droits devait pouvoir faire valoir ceux-ci devant les tribunaux, etc.,
etc., et demander réparation. C'est une chose qui va de soi, sauf que,
lorsqu'on est dans une situation où un autre droit aussi important peut
entrer en conflit avec ce droit que nous sommes les premiers à
reconnaître, c'est-à-dire le droit pour cette commission de
profiter de tout l'éclairage nécessaire de personnes qui d'aucune
façon n'hésiteront, à la suite de tentatives
d'intimidation ou de menaces, à dire ce qu'elles ont à dire... Et
c'est devant la possibilité d'un conflit entre ces deux principes qui
sont aussi respectables l'un que l'autre, c'est-à-dire le droit pour une
personne de se défendre et de protéger sa réputation en
admettant qu'elle a été attaquée injustement, que ce droit
existe... D'un autre côté - et c'est là votre
préoccupation majeure en tant que président de la commission,
vous devez vous assurer que, par l'exercice du droit d'autrui, on ne porte pas
atteinte au droit de cette commission qui est d'obtenir la vérité
et d'obtenir des témoignages qui, d'aucune façon, ne puissent
porter ambiguïté sur le fait qu'ils sont donnés
spontanément, librement et sans crainte de poursuite ou de quelque autre
chose que ce soit. C'est dans ces circonstances-là, M. le
Président, que le droit d'intenter des poursuites en dommages et
intérêts est un droit que nous ne contestons pas, mais votre
rôle en tant que président de cette commission est tout d'abord de
vous assurer que l'exercice d'un droit par quelqu'un qui est extérieur
à cette commission ne portera pas atteinte à nos droits de
parlementaires de cette commission. Ces droits sont établis dans la Loi
sur l'Assemblée nationale où on dit qu'aucun membre de
l'Assemblée nationale ne doit d'aucune façon être
intimidé ou faire l'objet d'intimidation dans l'exercice de ses
fonctions. Actuellement, quand nous entendons des gens qui témoignent
devant cette commission, nous sommes dans l'exercice de nos fonctions. Si par
des moyens tels que ceux qui ont été employés par le juge
Sauvé, il arrive que non seulement nous, mais la population puisse avoir
l'impression que les gens ne peuvent pas dire ce qu'ils veulent ici, ils
risquent de ne pas éclairer la commission tel qu'elle a le droit
d'être éclairée, à ce moment-là, c'est
là que vous devez intervenir et c'est là que vous devez donner la
réponse, à savoir si, oui ou non, l'exercice du droit d'une
personne vient possiblement en conflit avec l'exercice de notre propre droit de
parlementaires, et comment vous pouvez résoudre cette opposition au
moins à première vue. C'est le sens de ma question.
M. le Président, ce que vous me dites, c'est que, lorsqu'on
témoigne devant la commission, on n'est pas l'objet de poursuites. On
jouit d'une immunité, on le sait, mais va-t-on accepter des poursuites
judiciaires pour des paroles? On peut facilement concevoir, et il ne faut pas
aller sur le fond - ce sera décidé en temps et lieu - que les
paroles qui sont prononcées par la personne en question ne puissent
donner d'aucune façon ouverture à un droit qui serait reconnu par
le tribunal. On le saura en temps et lieu. Mais le mal sera déjà
fait, parce que la poursuite aura été prise et la tentative
d'intimidation aura été faite parce qu'on peut toujours
poursuivre n'importe qui pour n'importe quoi à n'importe quel moment.
C'est cela qui est dangereux pour les travaux de notre commission.
C'est un précédent important qui est en train de se
produire et qui risque d'empêcher à l'avenir des commissions
parlementaires de s'assurer que ce que les gens viennent nous dire ici, ils le
disent ouvertement, franchement, sans détour et sans crainte. Vous devez
vous assurer de cela. On n'a pas du tout dans les circonstances, avec les
agissements du juge Sauvé, cette assurance et c'est là que je
m'inquiète. Votre directive que je reconnais, est de dire ce que le
règlement dit, et elle ne dissipe
malheureusement pas cette crainte que j'ai et que la population a
vis-à-vis de ce genre d'agissement. (12 h 45)
Le Président (M. Paré): M. le député
de Louis-Hébert, je me sens obligé, à la suite de votre
conclusion, de reprendre certains points justement pour rassurer les gens qui
viennent à cette commission ou aux autres commissions qui suivront. Je
me sens obligé de répéter certains paragraphes qui vont,
à mon avis - je l'espère - rassurer les gens. Je crois que c'est
important de le faire.
L'article 53 de la Loi sur l'Assemblée nationale se lit comme
suit: "Le témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une
commission ou une sous-commission ne peut être retenu contre elle devant
un tribunal, sauf si elle est poursuivie pour parjure." Donc, c'est, à
mon avis, très clair. Il n'y a aucun danger. La même
immunité prévaut et les gens peuvent en toute tranquillité
venir faire les commentaires qu'ils ont envie de faire, relativement à
un projet de loi ou à quoi que ce soit, selon la convocation.
Donc, cela me semble clair. C'est la raison pour laquelle je crois que
la discussion sur ce sujet devrait cesser. Je crois que ces deux articles,
l'article 53 de la Loi sur l'Assemblée nationale et l'article 140 du
règlement de l'Assemblée nationale qui concerne les commissions,
sont d'une clarté telle qu'on n'a pas, je pense, à les
interpréter. Les gens pourront continuer. Le cas dont vous parlez et qui
est touché par l'article 99 de notre règlement qui dit qu'on ne
doit pas parler de ce qui est devant les tribunaux, eh bien, dans le cas dont
vous parlez, les gestes qui ont été posés l'ont
été à l'extérieur de cette salle. Je crois que cela
vient clore la demande de directive qui a été faite.
Nous allons maintenant suspendre les travaux jusqu'à 14
heures.
Des voix: Quinze heures.
Le Président (M. Paré): Quinze heures, oui.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
(Reprise de la séance à 15 h 8)
Le Président (M. Paré): Bonjour, mesdames et
messieurs. La commission élue permanente du travail reprend ses travaux
dans le but d'entendre les représentations des personnes et des groupes
intéressés au projet de loi 42. M. le député de
Viau.
Auditions (suite)
M. Cusano: M. le Président, avant de demander à nos
prochains invités de prendre la parole, à la suite des directives
que vous avez données ce matin à cette commission, directives
faisant suite à la demande de mon collègue de
Louis-Hébert, et pour éviter tout ennui et nous assurer que les
intervenants à venir puissent témoigner très librement
sans l'inquiétude de procédures judiciaires qui seraient prises
contre eux comme il a été fait dans le cas de M. Sauvé
contre M. Harguindeguy, je vous demanderais, à ce moment-ci, de lire les
articles de nos règlements qui donneraient à nos invités
la protection et l'assurance que ce qu'ils disent ici en commission
parlementaire n'entraînera pas de procédure judiciaire.
Le Président (M. Paré): Oui, je vais
m'arrêter, parce que vous me le demandez. J'avais cru que c'était
suffisamment clair pour ne pas le remettre en doute.
M. Cusano: M. le Président, si vous me le permettez...
Le Président (M. Paré): Oui, M. le
député de Viau.
M. Cusano: C'est très clair pour nous, mais je ne crois
pas que nos invités étaient présents ce matin lorsque vous
avez lu les règlements qui concernent cette affaire.
Le Président (M. Paré): Très rapidement, je
vais relire l'article 53 de la Loi sur l'assemblée nationale. "Le
témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une commission ou
une sous commission ne peut être retenu contre elle devant un tribunal,
sauf si elle est poursuivie pour parjure." Ceci étant dit pour ne pas
étirer le débat inutilement, nous allons immédiatement
demander...
M. Cusano: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Paré): ...aux porte-parole de
General Motors du Canada de bien vouloir nous présenter leur
mémoire et de s'identifier avant d'entreprendre la lecture du
mémoire.
General Motors du Canada
M. Brien (André): M. le Président, M. le ministre,
distingués membres de la commission parlementaire. Mon nom est
André Brien, directeur de l'usine de General Motors de Boisbriand. Je
vais vous présenter notre délégation. De gauche à
droite, Mme Rosanna Desjardins, qui est responsable des avantages sociaux
à l'usine; à sa droite, M. Claude Denoncourt, qui est le chef des
relations ouvrières, Me Pierre Comtois, notre conseiller juridique
régional, qui justement va faire lecture de notre mémoire.
Merci.
M. Comtois (Pierre): M. le Président, M. le ministre, les
membres de la commission. Après analyse du projet de loi, la General
Motors du Canada a non seulement jugé approprié mais senti
l'obligation de faire part aux membres de la commission de ses sérieuses
préoccupations quant à l'impact de certaines dispositions sur les
opérations québécoises d'une entreprise de l'envergure de
la General Motors du Canada.
Puisque les commentaires qui suivront reposent sur l'expérience
vécue dans le cadre de nos opérations au Québec, un bref
rappel de la nature de ces opérations s'impose.
Sans tenir compte de son réseau de concessionnaires ni des
entreprises affiliées à la General Motors telles que GMAC ou la
Compagnie de développement du marché de la GM-Canada, dont le
siège social est à Montréal, la General Motors du Canada
avait à son emploi au Québec en 1983, 4655 personnes. La
majorité de ces personnes oeuvrent à l'usine de Boisbriand.
L'usine d'autobus de Saint-Eustache emploie 304 personnes et les bureaux
régionaux de vente à Pointe-Claire et à Québec
ainsi que le centre de camions de Montréal procurent ensemble de
l'emploi à 351 résidents du Québec. La masse salariale
approximative injectée dans l'économie québécoise
en 1983 était au delà de 134 000 000 $. Finalement, la General
Motors est en contact avec près de 1200 fournisseurs de biens et
services du Québec.
Dans la même mesure que la General Motors est
préoccupée de maintenir et développer la qualité de
ses produits et la productivité de ses opérations au
Québec afin de faire face à la compétition
nécessairement mondiale, elle se préoccupe de la
prévention, de la santé et de la sécurité du
travail. Les risques ne pouvant jamais être totalement
éliminés, la General Motors du Canada désire assurer une
juste indemnisation aux travailleurs subissant un accident du travail. Il est
à noter que la compagnie offre à ses employés, tant dans
le cadre des conventions collectives que pour ses employés non
syndiqués, des régimes d'assurance venant compléter les
différents régimes étatiques.
D'autre part, la General Motors juge également qu'un
régime d'indemnisation des accidentés du travail doit assurer,
d'une part, l'indemnisation des véritables accidentés du travail
afin que ceux-ci bénéficient pleinement de la totalité des
ressources du régime sans délai indu. D'autre part, le
régime doit assurer un retour à un travail dans les plus brefs
délais possibles afin d'éviter le découragement du
travailleur inactif pendant des périodes prolongées.
Plusieurs préoccupations de la compagnie déjà
exprimées par l'Association des manufacturiers canadiens, section
Québec, et le Conseil du patronat du Québec ne feront pas partie
de ce mémoire. Ces mémoires représentant un consensus de
la part d'importants partenaires économiques du Québec, grands et
petits, nous espérons que la commission et le gouvernement les
considéreront sérieusement. Le mémoire de la General
Motors portera donc que sur certains aspects beaucoup plus particuliers du
projet qu'elle considère comme des obstacles ou des irritants
néfastes à la réalisation des deux objectifs
susmentionnés.
Tout d'abord, nous désirons attirer l'attention de la commission
sur l'indemnisation d'événements accidentels ou la question
d'indemniser les accidents du travail. Afin que la totalité des
ressources financières et humaines générées par ce
projet de loi soient à la disposition des véritables
accidentés du travail, il est essentiel de bien cerner la notion
d'accident du travail.
La notion d'accident du travail dans la loi actuelle a fait l'objet de
nombreuses interprétations par les tribunaux depuis son introduction.
Ces interprétations ont été nécessaires pour venir
préciser une définition vague et ambiguë. Encore
récemment, la General Motors a dû faire appel aux tribunaux
supérieurs afin de faire déterminer si les
événements suivants, acceptés par la Commission de la
santé et de la sécurité du travail ou la Commission des
affaires sociales comme étant des accidents du travail, le sont
réellement au sens de la loi actuelle.
Par exemple, un employé constate qu'un compagnon de travail s'est
stationné trop près de sa voiture, l'empêchant ainsi d'y
avoir facilement accès. L'employé retourne à l'usine et
repère son compagnon de travail. Avant d'indiquer les raisons de son
mécontentement, l'employé a jugé approprié d'abord
d'asséner un coup de poing au visage de son confrère. La CSST a
accepté d'indemniser cet accidenté du travail au motif que
c'était à l'occasion du travail, sur les lieux du travail, et que
la notion d'accident du travail comprend l'acte volontaire et intentionnel
d'une autre personne, donc le crime.
Dans de telles circonstances et puisque l'employeur ne peut exercer de
contrôle direct ou même indirect sur un tel geste et qu'il
s'apparente nettement à l'acte criminel, nous suggérons que les
ressources prévues par la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes
criminels soient mises à contribution et non les ressources
financées par les employeurs pour les fins d'accidents du travail.
Il nous semblerait équitable que la définition même
d'accident du travail soit précisée afin de clairement exclure
les situations où la lésion est attribuable à une
activité ou à un geste volontaire et intentionnel non soumis au
contrôle direct ou
indirect de l'employeur et ce afin d'éviter toute
interprétation à ce sujet.
Il est à noter qu'en plus d'une indemnisation possible en vertu
de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, cet
employé est également admissible à être
indemnisé par le régime d'assurance-accident non relié au
travail de la General Motors. Il n'est donc pas question d'éviter de
payer, mais bien d'assurer que le régime approprié soit requis
d'entrer en action et non le régime des accidents du travail, qui a
besoin de toutes ses ressources existantes pour faire face convenablement aux
véritables accidents du travail.
Un deuxième exemple illustre un autre type de situation. Un
employé se dépêchant pour aller souper chez lui
décide de courir dans le stationnement de la compagnie sur une surface
recouverte de neige et se blesse en tombant ou encore se blesse en enjambant
une borne ou une clôture afin de prendre un raccourci pour arriver
à l'heure à l'usine. Des lésions dans de telles
circonstances ont été jugées par la CSST comme
étant des accidents du travail et donc imputables à
l'employeur.
Aucun employeur ne demande à ses employés de prendre un
sens unique à l'envers, de commettre un abus de vitesse ou de prendre
des raccourcis inappropriés afin d'arriver au travail à l'heure.
De tels gestes ne peuvent réellement être considérés
comme une tâche concomitante nécessaire et profitable aux
intérêts de l'employeur, assujettie au lien de subordination,
quoique se produisant sur la propriété de l'employeur.
Il semblerait équitable de ne pas imputer de tels
événements accidentels au dossier de l'employeur et ainsi
influencer son mérite ou son démérite en vertu des
dispositions de financement du régime. En tout état de cause, ces
employés de la General Motors étaient admissibles au
régime d'assurance-maladie ou accident non relié au travail de la
compagnie. De plus, et considérant l'importance de bien
répertorier les accidents du travail pour fins de prévention et
de planification, il y a sûrement lieu de bien définir ce que nous
voulons traiter et indemniser dès le point de départ.
En résumé, sur ce point, il semble équitable et
approprié que la nouvelle loi exclue de façon spécifique
les événements accidentels dont la cause n'est pas attribuable
à une tâche concomitante, nécessaire et profitable aux
intérêts de l'employeur, assujettie aux liens de subordination et
de contrôle de ces derniers. La définition d'accident devrait
être amendée. Nous soumettons de plus que la présomption
établie par l'article 26 n'a pas sa raison d'être et doit
être retirée.
Puisqu'il est reconnu que la Loi sur les accidents du travail se doit de
recevoir une interprétation large et libérale, il n'y a pas de
crainte que ces termes soient interprétés de façon trop
restrictive par la CSST. De plus, l'article 240 permet à la CSST de
faire usage de toute l'équité nécessaire pour indemniser
les véritables accidentés du travail. Il n'y a pas lieu de
craindre que des cas légitimes puissent être exclus. Vous vous
souviendrez d'ailleurs que l'Association des manufacturiers canadiens, section
Québec, a soumis dans son mémoire des recommandations dans la
même direction.
Le deuxième point sur lequel on voudrait attirer l'attention de
la commission a trait à la déclaration même de l'accident
du travail ou d'une maladie professionnelle. Selon la General Motors, le
cheminement administratif proposé par le projet de loi 42, depuis la
déclaration de l'accident ou d'une maladie professionnelle
jusqu'à son indemnisation, est actuellement incohérent et
nettement incomplet. Puisque ce cheminement aura été
imposé par le texte même de la loi, il sera pratiquement
impossible de corriger la situation par la suite. À défaut
d'amendement, l'article 171 du projet, sur l'avis du travailleur n'a de fait
que peu de valeur et ne peut être considéré comme
étant un avis à l'employeur d'une lésion professionnelle.
Un des points de départ du mécanisme d'indemnisation nous
apparaît donc inopérant dans sa forme actuelle.
L'article 171 du projet stipule que le travailleur victime d'une
lésion (accident ou maladie), doit en aviser l'employeur dès que
possible. Cet article ne précise aucunement la nature et le contenu de
cet avis. Conséquemment, un simple appel téléphonique du
travailleur où il mentionne qu'il a eu un accident ou fait l'objet d'une
maladie professionnelle sera suffisant au sens de la loi. Si, d'aventure, un
employeur tente d'obtenir un minimum d'information additionnelle à
l'aide d'un formulaire interne, il se fera répondre rapidement par la
CSST ou le représentant des travailleurs qu'il ne peut légalement
exiger que cet avis soit fait par écrit ou contienne un minimum
essentiel d'information permettant à l'employeur d'assumer ses
obligations.
Par contre, la CSST se permet d'exiger beaucoup plus du même
travailleur lorsqu'elle est contactée pour la première fois. En
effet, l'article 173 du projet de loi lui permet d'exiger que ce premier
contact soit fait par écrit à l'aide d'un formulaire dont elle a
l'entière discrétion quant à son contenu. Elle pourra donc
exiger toute information qu'elle juge pertinente avant d'avoir à assumer
ses obligations.
Pourquoi deux poids, deux mesures? Pourquoi l'employeur, à qui,
d'une part, la commission confie l'administration de la base de cinq jours ou
de quatorze jours et le devoir de contrôler le système par la
suite,
n'aurait-il pas besoin du même outil de travail dès le
départ? C'est à l'employeur et non au travailleur que le projet
de loi à l'article 172 impose l'obligation de fournir à la CSST
les informations suivantes sous peine de sanction: début de
l'incapacité; endroit et circonstances de l'accident du travail; nature
de la lésion; nom et adresse du médecin traitant. Il nous semble
équitable que la seule personne ayant accès à ces
informations - le travailleur - soit également requise par la loi de
soumettre cette information à son employeur lors de l'avis
mentionné à l'article 171.
La General Motors considère qu'il est essentiel à la saine
administration de la loi et afin d'assurer une certaine cohérence, que
l'article 171 soit amendé afin de préciser que l'employé
doit, à l'aide d'un formulaire fourni par l'employeur ou la commission,
aviser l'employeur de la date du début de l'incapacité, de
l'endroit et des circonstances de l'accident du travail, de la nature de la
blessure et de la maladie, du nom et de l'adresse du médecin
traitant.
À quel moment cet avis doit-il être donné? Avant de
prendre toute action nécessaire à l'endroit du travailleur
accidenté, la commission exige de recevoir un avis écrit de
réclamation. Ceci est prévu à l'article 173. La commission
stipule que le travailleur a un maximum de six mois pour le faire. D'autre
part, selon l'article 171, le travailleur peut soumettre son avis à
l'employeur dès que possible, ou immédiatement si le travailleur
fait référence à la version anglaise du projet de loi,
sans aucune limite de temps. Puisque la loi doit recevoir une
interprétation libérale et qu'elle stipule qu'aucune
procédure faite en vertu de la loi ne peut être
considérée comme nulle ou rejetée pour
irrégularité, question de hors délai, et finalement que le
travailleur sait que la commission peut toujours prolonger le délai
à sa discrétion, l'expression "dès que possible" à
l'article 171 veut réellement dire "lorsque le travailleur le jugera
approprié".
Lorsqu'un travailleur subit un accident du travail, au point tel qu'il
se croit obligé de quitter le travail avant la fin de la journée,
pourquoi ne devrait-il pas être requis de le déclarer en vertu de
l'article 171 avant de quitter le travail, sauf évidemment lorsque son
état nécessite d'être transporté par ambulance
à l'hôpital le plus près? S'il ne quitte pas son travail
à la suite de l'accident, ne croyant pas avoir subi de blessure ou de
maladie, pourquoi ne serait-il pas requis, en vertu de l'article 171, de le
déclarer dès qu'il se croit incapable de retourner au travail en
raison de la découverte d'une blessure ou d'une maladie qu'il croit
reliée à son accident et qui ne pouvait être
décelée avant.
Puisque le projet de loi juge équitable que la commission puisse
exiger une déclaration écrite avant d'assumer ses obligations
légales, il nous semble équitable que le projet de loi en fasse
autant pour l'employeur. En vertu du projet de loi, les obligations de
l'employeur commencent lorsque le travailleur quitte ou décide de ne pas
commencer une nouvelle journée de travail. L'avis de l'employé
devrait donc être fait à ces moments et non lorsqu'il le jugera
approprié en vertu de l'article 171 tel que proposé.
Nous soumettons donc que l'article 171 doit être amendé
afin de préciser que le travailleur doit aviser son employeur d'une
lésion professionnelle, soit avant de quitter son emploi, s'il quitte
l'établissement avant la fin de son travail ou, deuxièmement,
dès le premier jour où il s'absente de son travail en raison de
la lésion dont il n'a pu objectivement découvrir la
présence antérieurement, sauf évidemment lorsque le
travailleur doit être transporté par ambulance à un
hôpital, auquel cas l'accident doit être déclaré
dès que possible.
Tel que mentionné auparavant, l'employeur ne peut remplir ces
obligations en vertu de l'article 172 si l'article 171 n'est pas amendé
afin d'inclure les mentions que nous avons proposées. Ceci est
absolument nécessaire lorsqu'on considère les informations
requises aux paragraphes 5, 6, 7 et 8 de l'article 172. Il est
intéressant de noter que le législateur désire motiver
l'employeur à soumettre l'avis prévu dans les plus brefs
délais en le liant au remboursement de l'avance des quatorze jours.
Il est également intéressant de noter que le
législateur n'a pas jugé approprié de motiver de la
même façon le travailleur à déclarer les mêmes
informations, en liant la déclaration d'un travailleur à l'avance
des quatorze jours. Encore là, nous avons deux poids, deux mesures pour
une même situation.
Qu'en est-il maintenant de l'indemnisation d'une incapacité de
moins de quatorze jours? Afin de bien comprendre la portée des nouvelles
dispositions du projet ayant trait à ce qu'il est convenu de parler de
l'avance de quatorze jours, il faut lire attentivement les articles 53, 172,
173 et 133 du projet. Cette lecture nous porte à conclure que d'abord
l'avance de quatorze jours est un paiement irrécupérable et ne
nécessitant aucune justification, si ce n'est d'être absent du
travail. De plus, le projet de loi ne prévoit aucun moyen de
contrôle, tant pour la commission que pour l'employeur.
Nous venons d'affirmer que l'avance est irrécupérable.
Pourtant, le dernier paragraphe de l'article 53 stipule que si la
réclamation du travailleur est par la suite rejetée par la
commission, celle-ci demande un
remboursement de la part du travailleur. Cependant, l'article 173
stipule également que le travailleur ne produit de réclamation
à la commission que pour une incapacité de plus de quatorze
jours. Le travailleur ne soumettant jamais de réclamation à la
réclamation pour une absence de moins de quatorze jours, celle-ci n'aura
jamais l'opportunité de la rejeter, donc d'en demander remboursement.
L'employeur ne soumet pas de réclamation, mais qu'un avis d'accident et
une demande de remboursement. Donc, encore là, la commission ne peut
rejeter la réclamation mentionnée à l'article 53 et,
conséquemment, ne peut obtenir le remboursement des quatorze jours. Si
ce dernier paragraphe doit avoir une portée quelconque, il est
nécessaire que la commission accepte d'obtenir une réclamation du
travailleur pour ses quatorze premiers jours et qu'elle accepte de se prononcer
sur cette réclamation, ce qui n'est pas prévu dans le projet de
loi. L'avance de quatorze jours n'est donc jamais récupérable par
la commission, malgré le libellé actuel de l'article 53.
Nous avons également affirmé que l'avance ne
nécessitait aucune justification autre que l'absence. Selon l'article
53, un employeur devra non pas avancer mais bien payer l'indemnité
automatiquement dès que le travailleur devient incapable de travailler
et ce, pendant quatorze jours, si cette incapacité perdure.
Il semble légitime à ce moment de s'interroger sur les
points suivants:
L'employeur doit-il présumer que tout travailleur absent est
incapable de travailler et alors payer jusqu'à quatorze jours?
L'employeur doit-il présumer que cette incapacité est
reliée de quelque façon au travail même s'il n'a
peut-être jamais été avisé de quelque lésion
professionnelle et dès lors jusqu'à quatorze jours? L'employeur
doit-il présumer que l'incapacité du travailleur a
été confirmée par le médecin traitant du
travailleur et que ce dernier reçoit l'assistance médicale
nécessaire?
M. le Président, M. le ministre et MM. les membres de la
commission, le libellé de l'article 53 ne permet que de répondre
oui à toutes ces questions, aucune justification n'étant
exigible. Le travailleur ne doit être qu'absent du travail ou, selon
peut-être une interprétation restrictive, il doit mentionner au
téléphone qu'il est incapable de travailler afin d'être
admissible au paiement, selon l'article 53.
Il est à noter que le projet de loi ne donne aucune
définition du terme "incapacité" et que l'article 53 ne se
réfère ni à la nécessité d'assistance
médicale, ni au fait que cette incapacité doit être
attribuable à une lésion professionnelle. Aucune mention n'est
faite que de telles informations devraient être communiquées
à l'employeur par le travailleur afin de déclencher le paiement
des cinq ou quatorze jours. Non seulement l'employé n'est pas requis de
soumettre ces informations élémentaires avant le paiement des
quatorze jours, nous vous soumettons qu'il n'est jamais requis de le faire,
s'il retourne au travail la quinzième journée.
Nous avons également affirmé qu'il n'y a aucun moyen de
contrôle pour que, en fait, on en arrive à la prestation
automatique. Puisque la CSST a pour objectif de ne pas administrer de telles
réclamations afin d'éviter les problèmes administratifs,
elle n'est donc jamais appelée à se prononcer sur le
bien-fondé de l'avance. Le paiement des quatorze jours est dès
lors hors du contrôle de tout processus de décision, de
reconsidération administrative ou d'appel. Quoique le projet de loi
confie à l'employeur le rôle de payer les quatorze jours au point
de départ, cet employeur ne se voit confier aucun moyen de
contrôle ni même de critères spécifiques et objectifs
lui permettant de déclencher le paiement des quatorze jours que lorsque
nécessaire pour les fins prévues par la loi. (15 h 30)
Il est même douteux que l'employeur puisse exiger un examen
médical de l'employé en vertu de l'article 133 du projet de loi.
Cet article mentionne que l'employeur ne peut exiger un examen que si le
travailleur réclame une prestation. Selon le projet de loi 42, à
aucun moment le travailleur ne réclame une prestation pour les quatorze
premiers jours.
En résumé, aucune réclamation n'est faite à
l'employeur ni à la commission, selon l'article 53 ou d'autres
dispositions du projet de loi pour le paiement des quatorze jours. C'est donc
la prestation automatique.
Quel peut être l'impact de cette prestation automatique? Depuis
l'introduction de l'avance des cinq jours et d'une indemnité à
90% du salaire net, nos opérations de Sainte-Thérèse ou
Boisbriand ont expérimenté en six ans une augmentation de 290% de
la cotisation pour les accidents du travail. Le graphique à la page
suivante démontre également que l'usine a subi une hausse
dramatique du nombre de réclamations avec perte de temps pour raison de
lésion professionnelle et ce, de façon concomitante à
l'introduction de ces mesures. J'attire votre attention à la page 15 de
notre mémoire où vous pouvez voir le graphique et la hausse
dramatique qui se produit entre les années 1977 et 1978. Vous vous
rappellerez que c'est à cette époque qu'a commencé
l'avance des cinq jours. On passe de 575 réclamations à 1201.
Par la suite, nous avons eu l'amélioration de l'indemnité
à 90% du salaire net et on voit que le niveau de réclamations se
maintient à 1300, 1300, 1300,
1200. Il y a une baisse en 1982. Effectivement, la moitié de
l'usine était malheureusement en mise à pied à ce
moment-là. L'année 1983 arrive et on remonte au nombre de 1400
réclamations.
L'usine de Boisbriand a plus de réclamations que les
opérations de fonderie de la General Motors à St. Catharines ou
que les usines d'assemblage automobile à Oshawa. J'attire votre
attention à la page 16 de notre mémoire où vous avez des
tableaux comparatifs quant au nombre de réclamations par 100
travailleurs dans nos différentes sphères d'activités.
Vous noterez qu'en 1980 on avait 31 réclamations avec perte de temps par
100 travailleurs à l'usine de Boisbriand et nous n'en avions que 8% pour
l'usine d'assemblage automobile à Oshawa, qui représente une
activité similaire administrée de la même façon par
les mêmes administrateurs et assujettie aux mêmes politiques en
santé et en sécurité.
La fonderie à St. Catharines, avec des activités qui, de
par leur nature même, sont un peu plus sérieuses et dangereuses,
avait un taux de 14 réclamations comparativement à 31 pour
l'usine de Boisbriand. Les chiffres se répètent en 1981, 1982 et
1983: 39 réclamations par 100 employés à
Sainte-Thérèse, 10 réclamations par 100 employés
à Oshawa, 9 réclamations par 100 employés à la
fonderie de St. Catharines.
Nous avons également soumis aujourd'hui aux membres de la
commission une annexe à notre mémoire ayant uniquement trait au
nombre de réclamations lors des dix premiers jours ouvrables. Je vous
réfère à l'annexe, où vous avez dans un premier
tableau une évaluation numérique de l'évolution des
réclamations dans les dix premiers jours ouvrables. Vous voyez pour les
années 1981, 1982, 1983 et 1984 l'évolution entre la
première semaine, la semaine de l'avance, et la situation à la
deuxième semaine.
J'attire tout de suite votre attention au tableau no 2 qui suit,
où vous avez de façon graphique les mêmes statistiques mais
cette fois-ci pour l'année 1981. Sur la totalité des jours perdus
pour dix jours ou moins, la première semaine, soit la semaine de
l'avance, représente 69% du total alors que la deuxième semaine,
où il n'y a pas d'avance, représente 31%. En 1982, la proportion
est exactement la même, 69% pour les dix premiers jours se retrouvent
dans la première semaine, celle de l'avance, et 31% des dossiers se
retrouvent dans la deuxième semaine. En 1983, la proportion se maintient
un peu à la hausse, 70% la semaine de l'avance, 30% la deuxième
semaine. En 1984, pour les deux premiers mois de l'année, 78% la semaine
de l'avance, 22% la semaine suivante.
Le dernier tableau vous démontre de façon graphique la
baisse de la semaine de l'avance à la deuxième semaine de
prestation pour les différentes années. Les deux autres tableaux
sont des extraits des statistiques de la CSST pour l'industrie
manufacturière en général et la fabrication
d'équipement de transport. Vous verrez que la tendance au niveau de un
à cinq jours et de six à dix jours est quand même la
même dans l'ensemble de l'industrie.
Considérant l'intention du législateur d'augmenter
l'avance à quatorze jours, de ne confier aucune responsabilité
à la CSST dans l'administration de cette avance, si ce n'est que de
rembourser l'employeur avec ses propres deniers et de ne confier aucun moyen de
contrôle à l'employeur, nous appréhendons
sérieusement l'impact des mesures proposées.
Nous suggérons qu'il y a lieu de reconsidérer l'impact
qu'aura la prolongation de l'avance jusqu'à quatorze jours et que le
libellé du projet doit être repensé afin de permettre au
moins un minimum de contrôle avant et après le paiement de
l'avance. L'avance de l'indemnité ne devrait être
générée que sur soumission à l'employeur de la
déclaration en vertu de l'article 171 tel qu'amendé de la
façon que nous le suggérons et d'un document signé d'un
professionnel de la santé attestant que le travailleur reçoit une
assistance médicale et qu'il est incapable de travailler en raison d'une
lésion professionnelle subie chez l'employeur et dont la nature est
précisée.
De plus, nous suggérons que l'attestation d'assistance
médicale soit précise. Cette attestation devrait inclure un
minimum d'information, à savoir la nature de la lésion, l'opinion
du médecin traitant quant à la relation entre la lésion et
l'événement accidentel subi au travail, l'identification de
l'événement accidentel causant la lésion, la durée
de l'incapacité, la date probable du retour au travail, s'il y a lieu,
si un travail est possible, avec quelles restrictions, le nom, l'adresse et le
numéro de téléphone du médecin traitant de
façon lisible. Les articles 53 et 134 doivent donc être
amendés en conséquence.
De plus, la commission, sur réception d'une demande de
remboursement de la part de l'employeur, devrait avoir le devoir de faire
enquête sur la validité de l'avance et rendre une décision
à cet effet. Alors seulement la commission pourrait décider
d'exiger le remboursement de la part du travailleur. En cas de défaut de
remboursement, la commission devrait être autorisée par la loi
à obtenir le remboursement par voie de déduction sur le salaire
sur demande de l'employeur à cet effet. Une telle mesure est courante
dans d'autres ministères.
En ce qui a trait à l'indemnisation d'une incapacité de
plus de quatorze jours, lorsque la commission est saisie d'une
réclamation du travailleur en vertu du projet de loi, ceci n'est
qu'en vertu de l'article 173 pour une incapacité de plus de quatorze
jours. La commission ouvre alors un dossier au nom du travailleur et se
prononce pour la première fois sur la validité de cette
réclamation. Même en vertu de la loi actuelle, tant les employeurs
que les travailleurs se plaignent souvent de la qualité de la
première décision de la commission. La loi actuelle et l'article
240 du projet mentionnent que la commission doit rendre ses décisions
avec équité et justice selon la nature du dossier.
En pratique, cependant, la commission se contente d'un dossier bien
mince et peu équitable. Rarement la commission se présente-t-elle
sur les lieux du travail afin de faire certaines constatations d'usage telles
que l'exacte nature du travail. La commission contacte rarement le
médecin de l'employeur ou le médecin traitant afin de
vérifier ou obtenir une certaine expertise ou opinion médicale.
Face à des opinions contradictoires, il est encore plus rare de voir
dans une première décision de la commission que l'opinion d'un
médecin de la CSST ait été sollicitée.
Tout comme pour les agents d'autres régimes d'indemnisation,
public ou privé, il est essentiel que la commission soit requise de
faire une telle enquête approfondie. À défaut, non
seulement la saine administration du régime est minée à sa
base même, mais il est également douteux que justice et
équité transpirent avant le recours au processus d'appel.
La General Motors du Canada recommande donc que la nouvelle loi,
à défaut de préciser le contenu de l'enquête, n'en
exige pas moins que la réglementation établisse un minimum
d'enquête et de vérification à faire afin d'assurer que
celles-ci se fassent de façon approfondie et équitable.
Au niveau de la procédure de reconsidération et d'appel,
la General Motors du Canada endosse totalement et plus spécifiquement la
position et les recommandations de l'Association des manufacturiers canadiens,
section du Québec, ayant trait au processus de reconsidération
administrative et d'appel. Nous soumettons que des modifications substantielles
sont nécessaires afin de prévoir un processus de
reconsidération qui serait utile et efficace.
Considérant la nature complexe et médicale de la
majorité des cas de lésion professionnelle, un processus de
reconsidération médicale est une étape essentielle
à tout processus de révision ou d'appel. La question des maux de
dos est omniprésente et ce n'est certes pas un non-professionnel de la
santé qui peut procéder à une reconsidération utile
et efficace de ce genre de dossier et de façon équitable pour les
deux parties impliquées. Nous vous rappelons, M. le Président,
que l'Association des manufacturiers canadiens, section du Québec, a
proposé une procédure précise, détaillée,
prévoyant une reconsidération administrative et médicale,
selon le cas, la reconsidération médicale étant faite
conjointement par un médecin de la CSST et deux médecins
nommés par la Corporation professionnelle des médecins.
Nous croyons important de souligner l'impact prévisible qu'auront
les dispositions des articles 246 et 248 quant au non-recouvrement des sommes
déjà versées.
Advenant que le projet de loi soit amendé afin de donner une
portée réelle au dernier alinéa de l'article 53, un
travailleur n'aura qu'à formuler une demande de reconsidération
ou d'appel afin d'éviter le remboursement. En effet, dès lors,
ces articles ont pour effet d'éliminer la nécessité de
rembourser même si la décision confirme que le travailleur n'avait
pas droit aux indemnités. Le même raisonnement peut être
fait pour les incapacités de plus de quatorze jours. Ainsi, par le seul
fait de porter la décision en reconsidération ou en appel, le
travailleur pourra obtenir une prolongation des paiements et ce, peu importe le
mérite de son dossier. Dans l'éventualité où la
décision en reconsidération confirme la première disant
que le travailleur n'avait pas droit à l'indemnité, le
travailleur vient quand même d'acquérir toutes les sommes
déjà versées et à être versées
jusqu'à l'expiration du droit d'appel. Finalement, le travailleur peut
également faire le même exercice avec un appel à la
Commission des affaires sociales afin d'obtenir les mêmes
bénéfices.
La General Motors du Canada voit dans ce système, tel que
proposé, un encouragement absolument irrésistible pour n'importe
quel travailleur, de bonne ou de mauvaise foi, à porter toute cause en
reconsidération ou en appel. En fait, le projet de loi incorpore une
mesure de judiciarisation du système qui sera d'une efficacité
égale à nulle autre. De plus ce système incorpore
également un encouragement à l'employeur à ne pas
contester les incapacités à durée déterminée
peu importe le mérite du dossier.
Ainsi un employeur aura tout intérêt à calculer la
date approximative de la fin de l'indemnité et à la comparer avec
la date approximative à laquelle une décision pourrait être
rendue en appel et voir ainsi s'il y a un intérêt réel
à contester, considérant le montant irrécupérable
des indemnités versées jusqu'à la décision finale,
considérant les dépenses pour frais d'expertises
nécessaires et considérant le temps que son personnel devra
passer afin de contester. Ainsi, peu importe le fondement réel de la
réclamation, un employeur n'aura pas nécessairement
intérêt à essayer
d'obtenir que justice soit rendue en toute équité.
Il est coutumier d'entendre des remarques insinuant que les recours en
appel ne sont finalement que des instruments à la disposition des
employeurs pour paralyser le système, pour décourager le
travailleur ou encore pour reporter dans le temps leurs obligations. Cette
interprétation nous apparaît quelque peu biaisée surtout
lorsque l'on considère l'expérience faite à la General
Motors du Canada.
Sauf pour l'année 1983 où la compagnie a dû se
résoudre à tenter d'obtenir quelques rectifications par voie
d'appel et où il y a une certaine parité entre les appels par
l'employeur et les employés, les deux tableaux présentés
à notre mémoire soulignent que les employés ou le syndicat
sont des usagers insatiables des prérogatives de reconsidération
ou d'appel tant au niveau du bureau de révision qu'à la
Commission des affaires sociales.
Le tableau à la page 21 vous donne le portrait au niveau du
bureau de révision et celui à la page 22 au niveau de la
Commission des affaires sociales.
Les avantages irrésistibles que comporte le projet de loi 42 pour
les travailleurs et l'incitation à l'employeur de ne pas contester, peu
importe le bien-fondé, nous portent à croire que les
procédures de révision et d'appel seront utilisées
à outrance sinon abusées.
De plus, nous croyons que cette approche conduit nécessairement
à une négation de la saine administration du régime.
Dans cette perspective, nous recommandons donc que des modifications
substantielles soient apportées aux dispositions des articles 244, 246
et 248 afin d'éliminer les incitations à la judiciarisation
qu'ils comportent.
Nous soumettons que le travailleur doit être tenu de rembourser et
la commission tenue d'obtenir le remboursement lorsqu'une décision
finale détermine que le travailleur n'avait pas droit, en toute justice
et équité, auxdites prestations. Le travailleur ne devrait pas
être tenu au paiement de quelque intérêt que ce soit. (15 h
45)
Par contre, si la décision finale est d'accorder une
indemnité qui a été initialement refusée par la
commission et non nécessairement par l'employeur, nous croyons que le
travailleur devrait avoir droit quand même au paiement d'un certain
intérêt tel que prévu à l'article 249.
L'exception en cas de fraude telle que prévue à l'article
248 n'est pas une véritable soupape de sécurité. Le
fardeau de démontrer une telle fraude est naturellement laissé
à la charge de l'employeur et la commission se contentera fort
probablement d'un rôle passif.
Cette exclusion est fort peu réconfortante, car elle recevra
nécessairement une interprétation restrictive au point de la
rendre inopérante. Cette conclusion est évidente pour quiconque
connaît les réticences des arbitres des griefs et des tribunaux
administratifs à reconnaître une fraude.
En utilisant le terme "fraude", les exigences du Code criminel viennent
directement ou indirectement à l'esprit de la personne qui
décide. Cependant, l'employeur n'a pas à sa disposition les
mêmes moyens d'enquête que l'agent de la paix. De plus, la crainte
de stigmatiser le travailleur en le qualifiant de fraudeur élimine
pratiquement le peu de possibilité d'obtenir quelque sanction que ce
soit dans ce domaine.
Afin de donner une certaine portée ou, de fait, quelque
portée que ce soit, la commission devrait prévoir des sanctions
lorsqu'elle démontre ou s'il est démontré que le
travailleur a, de fait: simulé, feint, exagéré ou
provoqué une lésion professionnelle lui permettant d'obtenir des
indemnités en vertu de la loi. Au minimum, il devrait être tenu de
rembourser les frais encourus par l'employeur et la commission, afin
d'éviter le paiement indu des indemnités.
Une telle disposition risquerait peut-être d'avoir une certaine
portée, selon la volonté de la CSST d'y donner suite. Elle aurait
certainement comme avantage de ne pas stigmatiser le travailleur en lui
accolant une étiquette extraite du Code criminel.
En ce qui a trait maintenant, M. le Président, M. le ministre, au
chapitre sur le retour au travail, la présence de ce titre dans le
projet de loi 42 devrait être une source de réjouissance pour
l'employeur. Il laisse espérer que peut-être le travailleur devra,
lorsque possible, réintégrer le monde du travail. En tant
qu'employeur, nous devons noter une légère amélioration
par rapport à la loi actuelle. Celle-ci semble pourtant minime par
rapport aux besoins du milieu, principalement en ce qui a trait au devoir de
retourner au travail dès que possible. À ce point-ci, nous
aimerions faire référence au mémoire que vous avez entendu
hier soir, celui de la Société d'électrolyse et de chimie
Alcan, qui traitait principalement de cette question et dont les conclusions et
les remarques sont également applicables chez nous.
De façon générale, il est intéressant de
noter que le législateur énonce un principe à l'article
150 créant un droit de retour au travail sans pour autant énoncer
sa contrepartie, soit l'obligation de retourner sous peine de perdre les
avantages prévus par la loi.
L'article 76 du projet de loi stipule que, si un travailleur refuse ou
abandonne un
nouvel emploi qui lui est offert avant l'échance prévue
à l'article 75, la commission peut réduire l'indemnité
d'un montant égal au revenu net qu'il aurait pu tirer de cet emploi,
sauf s'il a des motifs raisonnables de le refuser.
Il nous semble évident que le droit accordé aux articles
150 et 147, le droit de réintégrer son emploi, sera
considéré comme étant un motif raisonnable pour lui
permettre de refuser un nouvel emploi temporaire adapté à sa
condition temporaire.
Ainsi, tout travailleur pourra légitimement, sans encourir aucune
sanction, refuser tout nouvel emploi qu'il pourrait accomplir tenant compte de
ses restrictions, et ce pour une période de deux ans.
Nous suggérons qu'il est important de réintégrer le
travailleur dans un emploi approprié, selon un personnel de la
santé, pour une période temporaire précédant sa
réintégration à son emploi si ce dernier n'était
pas immédiatement disponible. Des amendements devraient être faits
aux articles 76, 150 et 147 afin de permettre un retour a un travail
raisonnable aussitôt que possible, ne serait-ce qu'à titre
temporaire.
L'article 153 précise que, si un travailleur fait défaut,
sans raison valable, de réintégrer son emploi dans les cinq jours
d'un avis de la commission à cet effet, il est présumé y
avoir renoncé. Cette mesure est nécessaire afin d'assurer une
certaine continuité dans les activités de l'entreprise, mais le
délai est extrêmement long. L'employeur doit garder cet emploi
disponible pendant une semaine de travail au cas où le travailleur
déciderait de se présenter. Un délai de deux jours semble
amplement suffisant. De plus, l'admissibilité à
l'indemnité de revenu devrait être ajustée en
conséquence, ce que ne prévoit pas spécifiquement
l'article 153.
La disposition du premier paragraphe de l'article 160 est
irréaliste pour les moyennes et grandes entreprises au Québec. En
effet, il est pratiquement impossible de faire, chaque fois qu'un
accidenté ou la commission le demande, un inventaire complet de tout
emploi qui pourrait être disponible en vertu de l'article 154. Sur
quelques milliers de postes dans certaines usines, une omission peut facilement
être commise et être sans conséquence irréparable. Si
un nombre raisonnable d'emplois est soumis par l'employeur, le travailleur ne
devrait pas subir de préjudice irréparable au point de justifier
les sérieuses sanctions imposées par la loi. Nous croyons qu'il
est juste d'amender l'article 160 en conséquence.
Finalement, nous désirons porter à l'attention de la
commission quelques autres mesures prévues par le projet de loi et qui
sont discutables. Nous le ferons de façon très brève.
D'abord, au niveau de l'indemnisation pour fins de traitement prévu
à l'article 54: Que l'employeur soit tenu d'indemniser le travailleur
lorsque ce dernier doit laisser son travail pour fins d'examen médical
ou pour participer à un plan de réadaptation ayant trait à
la lésion professionnelle, ceci n'est que juste et légitime.
Cependant, pourquoi l'employeur serait-il tenu d'indemniser pour toute la
journée si l'examen ou la séance de réadaptation ne dure
qu'une demi-journée? Cette largesse inutile et non fondée ne fait
que prolonger les absences du travail sans motif raisonnable. L'indemnisation
ne devrait être que pour le temps nécessaire audit examen
médical ou traitement.
Nous soulevons également le problème ayant trait aux
articles 53 et 54 quant à la gymnastique comptable que devra faire
l'employeur, la commission des travailleurs, dans le calcul de son revenu dans
une période d'incapacité; plusieurs mémoires ont
déjà traité de ce sujet. Nous n'insisterons pas plus qu'il
le faut. Le troisième cas que nous voulons soumettre à votre
attention est le paragraphe 6 de l'article 266 ayant trait aux pouvoirs de
réglementation de la commission. Cet article, à lui seul, stipule
que la commission peut généralement prescrire par
règlement tout ce qu'elle estime utile à la mise en application
de la loi. Cette disposition est en fait une délégation du
pouvoir de légiférer de l'Assemblée nationale du
Québec. Non seulement la commission se voit-elle conférer de
nombreux pouvoirs discrétionnaires ou réglementaires tout au long
du projet de loi, celle-ci pourra prescrire toute autre chose qu'elle jugera
utile.
Dans le cadre de notre système parlementaire actuel, cette
abdication du pouvoir législatif de l'Assemblée nationale ne peut
qu'irriter plusieurs contribuables et administrés. Cette disposition
semble totalement superflue et, selon nous, devrait être
retirée.
En conclusion, M. le Président, M. le ministre, et les membres de
la commission, nous désirons exprimer le souhait que la commission, le
parrain du projet ainsi que le gouvernement actuel prennent sérieusement
en considération les quelques commentaires exprimés dans notre
mémoire ainsi que ceux soulevés par les organisations patronales.
Dans ce processus de révision entrepris par le parrain du projet de loi
et les membres de la commission, il serait peut-être approprié et
équitable pour une fois d'accorder à l'occasion un certain
bénéfice du doute aux entreprises, ces autres partenaires
économiques du gouvernement du Québec. La General Motors du
Canada ne peut s'opposer à des mesures justes et équitables afin
d'indemniser les accidentés du travail. Si ces mesures sont justes et
équitables tant pour le travailleur que pour l'employeur et que pour la
société, elles ne
devraient pas donner prise à des abus ni être un obstacle
au fonctionnement des entreprises québécoises qui ont à
faire face à la conférence des autres entreprises du village
mondial.
Je vous remercie, M. le Président, M. le ministre. On se fera un
plaisir de répondre aux questions que la commission voudrait bien nous
adresser et je me permettrai de faire référence à l'un ou
l'autre des représentants de la compagnie pour compléter les
réponses pour répondre de façon plus précise.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup pour la
présentation du mémoire et j'ai l'impression que c'est avec le
même plaisir que les membres vont vous poser des questions. Le premier
à le faire va être le ministre du Travail.
M. Fréchette: Oui, M. le Président. Même si
le député de Sainte-Anne peut trouver que c'est de la redondance,
c'est sans aucune réserve que je vais remercier les représentants
de la General Motors du Canada, M. Comtois et les gens qui l'accompagnent,
d'être venus nous présenter leurs revendications. Il est clair,
à la lecture de ce mémoire, qu'on y a sans doute consacré
beaucoup de temps et qu'on s'est imposé aussi l'exercice de
procéder à une étude approfondie de la loi, même
à une étude article par article. En guise de remarque
générale, M. le Président, je vous signalerai que le
mémoire que nous venons d'entendre se démarque par rapport
à plusieurs autres et aussi à plusieurs égards. Il
m'apparaît évident, autant à l'audition du mémoire
qu'à sa lecture, que les gens qui sont devant nous ne remettent pas en
question le régime lui-même ou le système lui-même.
J'emploie toujours ces expressions entre guillemets, bien sûr. Alors que
d'autres intervenants plaident dans le sens que l'on devrait
reconsidérer l'opportunité de conserver ou pas le régime,
de le remettre à l'entreprise privée, de le remettre entre les
mains d'autres organismes, ceci ne m'apparaît pas être le cas ou la
préoccupation en tout cas de nos invités actuels.
Le travail des représentants de GM a porté essentiellement
sur des appréciations, des recommandations de changement par rapport
à l'un ou l'autre des articles qu'on retrouve dans le projet.
Évidemment, M. le Président, il serait intéressant
de prendre chacun des aspects qui nous ont été soumis et de
procéder à sa discussion fondamentale. Vous allez comprendre
qu'à cause du temps dont nous disposons il n'est pas possible
d'envisager une semblable opération.
M. le Président, je vais donc demander à M. Comtois ou
à ceux qui l'accompagnent quelques précisions par rapport
à quelques-unes des préoccupations qui nous ont été
soumises.
Je vous signale tout d'abord que mon attention a été
retenue par la recommandation que vous faites à la page 27 de votre
mémoire dans le chapitre que vous avez intitulé: "Les irritants",
et, de façon plus spécifique, par le phénomène de
la réglementation. Dans l'état actuel de la loi, vous le savez
sans doute, M. Comtois, il y a pour la commission 26 champs de juridiction
à travers lesquels la commission peut faire de la
réglementation.
Il y a eu un exercice sérieux qui a été fait, me
semble-t-il, pour réduire considérablement ces
possibilités. C'est ainsi que, dans la loi actuelle, vous retrouvez six
champs de juridiction qui peuvent faire l'objet de la réglementation de
la part de la commission. Cependant, je pense que vous avez tout à fait
raison d'attirer notre attention, effectivement, sur cette espèce de
clause omnibus qui fait en sorte que, malgré la disparition de plus de
vingt des champs actuels d'application de la loi, il pourrait y avoir
possibilité de procéder exactement de la même façon.
Alors, notre attention a été attirée sur cela. Je peux
vous signaler tout de suite, sans réserve, qu'effectivement cette clause
omnibus disparaîtra du texte de la loi et que le champ possible de la
réglementation sera limité aux cinq chapitres qui sont
précisément identifiés dans le projet de loi 42.
Maintenant, M. le Président, à la page 26 du
mémoire, GM nous soumet une autre préoccupation sous le chapitre
de l'indemnisation pour fins de traitement. Mon attention est
particulièrement retenue par le deuxième paragraphe qui se lit
comme suit: "Cependant, pourquoi l'employeur serait-il tenu d'indemniser pour
toute la journée si l'examen ou la séance de réadaptation
ne dure qu'une demi-journée? Cette largesse inutile etc." Votre
recommandation, c'est que l'indemnisation ne devrait-être que pour le
temps nécessaire audit examen médical ou au traitement.
Là-dessus également, à partir de plusieurs
représentations qui nous ont été faites, qui sont revenues
assez régulièrement, il nous semble que ce serait réaliste
de retenir cette suggestion et de procéder effectivement à la
compensation pour le temps perdu. À cet égard aussi, je pense
pouvoir vous dire maintenant que c'est une proposition qui sera
considérée très attentivement. (16 heures)
Vous avez également des préoccupations par rapport aux
droits de retour au travail. M. Comtois, vous avez attiré notre
attention sur le mémoire qu'Alcan nous a présenté hier en
nous signalant qu'à plusieurs égards vous retenez les conclusions
d'Alcan également. Si mon souvenir est exact quant à la
présentation du mémoire d'Alcan, cet employeur
suggérait que, là où il existe des mécanismes
négociés et que l'on retrouve à l'intérieur des
conventions collectives, que ce soient ces mécanismes qui soient retenus
quant aux modalités du droit de retour au travail. M. Comtois, ma
question a un double aspect: Est-ce que c'est effectivement en fonction de ces
considérations que vous rejoignez Alcan et est-ce aussi la nature de la
représentation que vous nous faites?
M. Comtois: M. le Président, M. le ministre, je vais
préciser d'abord que notre référence au mémoire
d'Alcan est d'abord relative à la notion de travail léger ou
d'activités restreintes, notions présentées par la
compagnie Alcan. Le projet de loi 42 tel que proposé actuellement ne
permettra pas ce genre d'activités restreintes ou de travail
léger et va ralentir le retour au travail du travailleur, selon nous. De
plus, au niveau du respect de la procédure établie par les
parties à l'usine par voie de convention collective, nous rejoignons
effectivement en partie Alcan, mais on s'en départage un peu
également dans le sens que nous croyons important que ce soient les
parties qui se prennent en charge dès le point de départ à
ce niveau-là, étant le plus près de la situation et que
les parties tant patronale que syndicale et le travailleur trouvent ensemble
une solution à leurs problèmes.
Cependant, de là à respecter l'ensemble de la
procédure jusqu'à l'arbitrage par un arbitre de griefs, à
ce stade-là on est obligé de suggérer une modification de
se joindre plutôt à celle qui a été faite par
l'Association des manufacturiers canadiens. Nous croyons que seul un
professionnel de la santé à ce stade, si les parties n'ont pas
réussi à régler le problème, devra arbitrer la
situation en toute équité. Alors, nous suggérons
qu'à ce stade-là ce soit une reconsidération
médicale faite par les professionnels de la santé qui s'inspire
de la recommandation faite par l'Association des manufacturiers. On ne croit
pas que l'arbitre des griefs soit dans une bonne situation pour évaluer
le dossier médical.
M. Fréchette: Merci. C'est à cet égard que
votre position est différente de celle retenue par Alcan, mais le
principe de fond reste, à savoir celui de remettre aux parties le soin
de négocier entre elles des processus, des modalités et des
ententes. Je comprends que vous rejoignez Alcan là-dessus.
Vous avez également, M. Comtois, fait état dans votre
mémoire des amendements qui devraient intervenir à l'article 171
de la loi et vous avez aussi fait une relation entre des considérations
d'ordre général et le mécanisme qui devrait être
retenu dans le cas des quatorze jours. Plus précisément, on
retrouve cela à la page 9 du mémoire à la page 7, de
façon plus précise. Alors, ce que vous nous soumettez, c'est
qu'il devrait y avoir de la part de l'accidenté une certaine
procédure permettant à l'employeur de pouvoir se fixer dans les
meilleurs délais quant à l'état du dossier et à
l'avenue que le dossier va devoir prendre. Par exemple, ce que vous
suggérez, c'est d'être informé de la date du début
de l'incapacité, de l'endroit et des circonstances de l'accident, de la
nature de la blessure et du nom et de l'adresse du médecin traitant. Si
ces quatre conditions, si on les transformait en trois conditions,
j'apprécierais que vous me disiez si les suggestions ou enfin les
propositions ou les sujets de discussion que je mets sur la table ne
recouperaient pas à toutes fins utiles les suggestions que vous faites.
Si on disait, par exemple: La salariée ou le salarié
accidenté devra informer l'employeur de la date du début de
l'incapacité, deuxièmement, de l'endroit et des circonstances de
l'accident, et, troisièmement, il devra soumettre un premier rapport
médical ou une première appréciation du professionnel de
la santé qu'il aura consulté. Si cette troisième condition
était retenue, je suis d'avis - je vous demande le vôtre - qu'on
rejoindrait très précisément les suggestions que vous nous
faites, c'est-à-dire que vous retrouveriez sans doute dans le rapport
médical préliminaire une description de la nature de la blessure
et, de toute évidence aussi, vous seriez en mesure de connaître le
nom du médecin traitant.
Je ne sais pas comment vous voyez une appréciation de cette
nature.
M. Comtois: M. le Président, M. le ministre, on va oublier
les trois autres points. Il reste donc à savoir si le travailleur, alors
qu'il quitte le travail, ne devrait peut-être pas, dans sa
déclaration, que nous présumons écrite pour les fins de la
discussion, être tenu de préciser la nature de la lésion.
Je vois facilement la préoccupation du ministre dans le sens que le
travailleur ne peut peut-être pas identifier de façon
précise, en termes clairs, la nature exacte de sa lombalgie ou toute
autre lésion. Par contre, je crois important que le travailleur, dans
ses propres termes, décrive à l'employeur exactement la nature de
son mal. Ceci est particulièrement important, M. le ministre, lorsqu'on
parle effectivement de problèmes de maux de dos, que dès que le
travailleur, au moment où il décide de quitter l'entreprise parce
qu'il ressent une douleur et que cette douleur possiblement, peut
apparaître et disparaître, au moment où c'est frais à
sa mémoire, il en fasse une description. À ce moment-là
également, l'employeur est en mesure de prendre des mesures, si
nécessaire, quant à l'aspect de la prévention, pour
transmettre ce rapport à ses représentants en santé et
sécurité afin que
des actions puissent être prises, si jamais elles ont besoin
d'être prises dans un court délai.
Dans ce sens-là, M. le ministre, nous croyons qu'il est important
que le travailleur, dans ses propres mots, puisse décrire la nature de
la blessure ou du malaise qu'il a subi. De plus, l'employeur doit, dans les
vingt jours, en vertu du projet de loi, transmettre cette information à
la commission. Il serait important, je pense, que la commission ne
reçoive pas nécessairement que la version de l'employeur sur la
nature de la blessure mais que l'employeur puisse, à ce
moment-là, transmettre aussi la version de l'employé sur la
nature de sa blessure. C'est pourquoi, M. le ministre, nous considérons
que ce point est quand même important.
M. Fréchette: M. Comtois, je suis bien disposé
à vous suivre pendant un certain temps, mais il y a au moins, à
supposer que l'on retienne la suggestion que vous faites, une précaution
ou une sécurité, me semble-t-il, qu'il faudrait prendre de toute
évidence. Si le travailleur ou la travailleuse devait, dans ses propres
mots, comme vous le dites, procéder à l'évaluation de ce
qui lui arrive, il faudrait au moins prendre la précaution que son
appréciation ne le lie en aucune façon et ne pourra en aucune
façon aussi lui créer quelque préjudice que ce soit quant
à l'évaluation qu'il aura pu faire de sa propre situation.
Là-dessus, j'aimerais bien que l'on soit entre nous fort clairs. Je ne
suis pas en train de vous dire que votre suggestion est non recevable. Je suis
en train de vous dire par ailleurs qu'il y a des balises dont il faudrait
entourer une disposition semblable. Je ne sais pas si, là-dessus, vous
me suivez un peu dans le raisonnement que je suis en train de vous
soumettre.
M. Comtois: M. le ministre, sur ce dernier point, les balises, on
vous suit parfaitement et cela nous semble fort légitime. En effet,
à l'époque où la blessure survient, le travailleur n'est
peut-être pas dans l'état voulu pour décrire par
écrit, de façon exacte, la nature de sa blessure. Qu'il ne soit
pas entièrement lié par sa description faite au moment de
l'accident, nous en convenons également. La valeur de cette
déclaration faite à l'employeur permettra à celui-ci de
prendre action dans les mesures préventives qu'il doit prendre s'il y a
lieu, et deuxièmement, représentera quand même un document
tout de suite au moment de la lésion où le travailleur s'est
exprimé sur la nature de son mal quoiqu'il ne sera probablement pas
lié par cela tout au long de la procédure, nous en convenons.
M. Fréchette: Bien. Il y a un autre aspect du
mémoire dont j'aurais peut-être dû vous parler au tout
début de mes remarques. Je reviens à la page 26, toujours au
chapitre que vous avez identifié comme étant celui des irritants,
c'est le paragraphe b, soit le dernier paragraphe de la page 26, que vous
appelez gymnastique comptable, gymnastique à laquelle l'employeur devra
se livrer pour arriver à déterminer de façon
précise les montants qui devront être payés. Est-ce que
vous souhaiteriez davantage que l'on retienne la méthode qui existe
actuellement?
M. Comtois: Peu importe, M. le ministre, la méthode qui
sera retenue. L'importance est à deux niveaux, qu'on essaie d'avoir une
certaine consistance au niveau de la base, de la description des termes pour
les fins d'indemnisation à travers les différentes
méthodes, pour que le travailleur, l'employeur et la commission ne se
retrouvent pas avec des variations substantielles en cours de route. Le
deuxième aspect important, c'est que cette indemnisation, peu importe la
base, ne rapporte pas plus au travailleur que s'il était au travail.
À cet effet, je vous rappellerai, M. le Président et M. le
ministre, les tableaux qui ont été soumis par le Conseil du
patronat notamment, où il y a une comparaison sur l'impact des 90% du
net en trois situations précises, soit le célibataire, la
personne avec famille et deux dépendants, où le calcul
démontre, je crois, qu'il y a un intérêt immédiat,
au début du moins. Ce sont les deux considérations que nous avons
sur ce point, M. le ministre.
M. Fréchette: Alors, une dernière question quant
à moi, M. le Président. C'est une question qui est relative aux
mécanismes d'appel. Il y a des mécanismes qui existent
actuellement. Évidemment, une première décision est
d'ordre administratif bien sûr, la décision soumise à un
bureau de révision par l'une ou l'autre des parties, en dernière
instance, quand on parle du droit à une indemnité ou alors du
quantum d'une indemnité à la Commission des affaires
sociales.
Je vous signale que, là-dessus, beaucoup de
représentations ont été faites. Elles nous ont
été faites autant par des représentants des parties
patronales que des parties syndicales, sauf les modalités. Je pense
pouvoir dire à ce stade-ci de nos travaux que, sur le plan du principe,
au plan des objectifs qui sont visés, tout le monde a l'air de vouloir
s'entendre ou enfin de vouloir concourir à la possibilité de la
mise sur pied d'un mécanisme d'appel - je ne suis pas capable à
ce stade-ci de l'identifier par aucune espèce de nom, mais parlons d'un
mécanisme d'appel - qui aurait juridiction exclusive en matière
de santé et de sécurité et qui remplacerait, par ailleurs,
autant le bureau de révision comme on le connaît
actuellement, dont la disparition est suggérée par le
projet de loi, et qui remplacerait aussi la Commission des affaires
sociales.
À ce chapitre, j'aurais deux questions, M. Comtois. Est-ce que
votre organisme souhaite que les décisions susceptibles d'appel soient
toute décision rendue au niveau administratif par la commission
elle-même? Je ne sais pas si je m'exprime suffisamment clairement. Est-ce
que votre organisme souhaite qu'au-delà du droit à une
indemnité, du quantum de cette indemnité, on puisse aussi pouvoir
faire appel de toute autre décision administrative de la commission
comme par exemple la cotisation, la classification de l'employeur, comme
d'autres aspects qui concernent le travailleur et la travailleuse? En d'autres
mots - je vais essayer d'être plus concis et plus clair -souhaitez-vous
l'élargissement des matières dont on peut appeler, qui sont
actuellement limitées, de la façon qu'on le sait, dans les
dispositions actuelles de la Loi? (16 h 15)
M. Comtois: À cette question, M. le ministre, nous
répondons, oui. Nous croyons qu'il est dans l'intérêt de
permettre un appel même en matière strictement administrative
à l'extérieur des cadres de l'entité qui régit
l'ensemble du régime dans la majorité des cas. J'avoue qu'il
faudrait reprendre l'ensemble des mesures administratives sur lesquelles la
commission se prononce; il y a possiblement le fait, par exemple, que, lorsque
la commission exerce son pouvoir en matière de réadaptation
sociale et autre, je ne suis pas certain qu'à ce stade-là il y
ait un intérêt à sortir à chaque fois pour avoir un
appel à un tribunal administratif indépendant. Par contre, sur
les questions de principe en général, je vous dirais que oui, M.
le ministre.
M. Fréchette: Cet aspect étant réglé,
vous convenez avec moi, M. Comtois, que les rôles par rapport à ce
qu'ils sont déjà, risqueraient de devenir davantage lourds. On
sait qu'au moment où on se parle, il y a entre 3000 et 4000 dossiers en
suspens devant la Commission des affaires sociales. On sait également
qu'il n'y a pas lieu d'espérer des décisions avant un
délai variant entre deux et trois ans. Si on ajoute d'autres
juridictions à un organisme indépendant, il va falloir
considérer sérieusement vers quelle instance ces pouvoirs d'appel
devraient être dirigés. Est-ce qu'il faudrait penser à un
organisme indépendant, indépendant dans le sens le plus large du
terme, indépendant politiquement aussi de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, qui ne
répondrait pas à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, qui pourrait être
régionalisé, à l'intérieur duquel on retrouverait
des spécialistes de toutes les matières qui peuvent faire l'objet
d'un appel?
Est-ce qu'il faut penser à un organisme comme celui-là ou
alors à une chambre spéciale de la Commission des affaires
sociales qui aurait très précisément le même mandat?
Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire, à cet égard,
quelle lecture vous faites d'une éventualité comme
celle-là?
M. Comtois: À ce niveau-là, M. le ministre, je
crois que la création d'une chambre spéciale à la
Commission des affaires sociales ne permettrait pas d'accélérer
les délais et de minimiser les problèmes que vous avez
mentionnés, à cause des mandats très larges qui sont
donnés par les autres lois existantes à la Commission des
affaires sociales. Dans ce sens-là et tel que mentionné dans le
mémoire de l'Association des manufacturiers canadiens, section du
Québec, notre approche serait plus favorable à une cour
indépendante ou à une commission indépendante qui, fort
probablement, pourrait très bien s'inscrire dans le cadre d'une
réforme du ministère de la Justice, de la Cour du Québec
ou une autre. Il nous semblerait important, pour les raisons administratives
que vous avez mentionnées, de sortir du cadre de la Commission des
affaires sociales afin de permettre que la nouvelle entité ait un mandat
pour l'ensemble des problèmes ayant trait à la CSST.
M. Fréchette: Un dernier commentaire, M. le
Président, m'est suggéré par la dernière remarque
de M. Comtois. Quand vous dites que cet organisme ou que cette institution
pourrait très bien trouver sa place dans le processus de réforme
actuellement engagé au ministère de la Justice quant aux cours du
Québec, je vous signale ma réserve importante quant au danger de
nous retrouver avec un organisme qui deviendrait rapidement judiciarisé
encore une fois. Il faut être très prudent à cet
égard quand on considère le mandat très précis
qu'un organisme comme celui-là aurait. Je vous livre cela comme cela;
c'est une appréhension que je voulais vous soumettre.
M. Comtois: Nous partageons également cette
appréhension car, dans le domaine où on parle des accidents du
travail, les délais sont importants pour le travailleur et tout autant
pour l'employeur, qui a besoin d'avoir une détermination d'un point
précis dans les délais les plus courts.
M. Fréchette: Merci, cela me va, M. le
Président.
Le Président (M. Paré): Merci. La parole est
maintenant au député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. En
souhaitant la bienvue aux gens de General Motors du Canada, je leur
dirai que le travail qu'ils ont présenté cet après-midi
est très impressionnant et convaincant. On s'aperçoit rapidement
qu'il s'agit là d'un travail de praticiens, de gens qui sont sur le
terrain et qui ont quotidiennement à poser des gestes à la suite
d'événements qui se produisent dans les usines. Vous avez fait la
démonstration que ce projet de loi que nous présente le ministre
est un projet de loi qui, dans sa forme actuelle, est plein de trous et qui ne
peut pratiquement pas fonctionner. Vous êtes très polis dans la
façon de dire les choses mais, si on regarde votre point de vue, que ce
soit au niveau des quatorze jours, au niveau des effets que vous anticipez et
de la façon dont vous considérez que certains montants sont
irrécupérables, je n'y trouve pas le même réconfort
que le ministre concernant le projet de loi. Celui-ci semble se
réconforter de très peu et il trouve un encouragement, je ne sais
où, dans ce mémoire que vous nous présentez. À mon
avis, vous démolissez en grande partie le projet de loi 42. Vous ne le
faites pas d'une façon négative. Vous soutenez et vous prouvez ce
que vous avancez. Il reste que. j'aurais aimé entendre le ministre sur
des questions beaucoup plus fondamentales que celles où il répond
à vos interrogations et semble vous donner raison.
À la présentation de votre mémoire, vous avez
passé rapidement sur ce que vous appelez les irritants qui sont,
finalement, des choses de détail - si on peut dire - et le ministre
s'est empressé de répondre au plus vite et de vous donner raison
sur ce qui était l'évidence même. Mais il a
été plutôt muet en ce qui concerne des choses beaucoup plus
fondamentales dans votre mémoire. Vous soulignez d'une façon fort
à propos vos inquiétudes en ce qui concerne la définition
même d'accident. Le ministre ne nous éclaire pas du tout
là-dessus, il ne vous a pas non plus posé de question et n'a pas
non plus défendu sa position là-dessus. Cela, c'est fondamental,
puisque toute la philosophie du projet de loi est basée sur ce qu'on
entend par lésion professionnelle ou par accident du travail et, sur ce,
le ministre est très, très discret.
Il est aussi extrêmement discret quand vous faites votre
démonstration, en prenant les articles de la loi et en suivant le
cheminement administratif d'une réclamation, soit de moins de quatorze
jours, et que vous faites la preuve que, finalement, le risque semble
énorme, que ces quatorze jours qui seront payés à
l'employé constitueront tout d'abord une forte tentation, parce que la
nature humaine est ce qu'elle est - et il ne s'agit de lancer la pierre
à qui que ce soit -mais le législateur ne doit pas non plus
faciliter des abus du système. Vous faites la preuve que les quatorze
jours risquent de devenir une façon normale pour quelqu'un de tout
simplement se retirer de son poste sans que l'employeur ait grand chose
à dire.
J'aimerais vous entendre, en tant qu'employeur important du
Québec, nous dire comment cela se passera dans les faits si ce projet de
loi est adopté et si, selon ce que vous nous expliquez ici, quelqu'un
décide qu'il a subi une blessure quelconque et qu'il est justifié
de partir. J'imagine qu'il y a des chaînes de montage, qu'il y a
là des gens qui ont des postes bien précis, qui doivent poser des
gestes, et cela a des répercussions sur l'ensemble de
l'opération. Comment cela se passe-t-il? Est-ce que cela crée des
embêtements, des embarras à l'entreprise, à l'usine, quand
quelqu'un qui s'est blessé décide que, tout simplement, il doit
se retirer et prendre un repos pour lui permettre de guérir? Pour vous,
en pratique, qu'est-ce que veut dire une situation semblable?
M. Comtois: M. le député, M. le Président,
je vais essayer de répondre de la façon la plus précise
possible à votre question. Effectivement, lorsqu'un employé se
blesse et quitte, il y a, évidemment, la perte momentanée et
temporaire, nous l'espérons, de ce travailleur. Quand celui-ci assume
bien sa tâche quotidienne, qu'il a été bien formé et
travaille bien, souvent, lorsqu'un employé se retire - surtout s'il y en
a plusieurs qu le font - nous devons à ce moment-là
transférer d'autres travailleurs pris à d'autres postes avec
toute la machinerie administrative requise pour en arriver à maintenir
la production. Évidemment, cela exige également à
l'occasion de faire appel à de la main-d'oeuvre supplémentaire
pour cause d'absentéisme, que ce soit à cause d'accidents du
travail ou pour toute autre raison. Ce sont des coûts importants qui
affectent l'entreprise, qui sont difficilement quantifiables d'une certaine
mesure, mais qui ont un impact sur l'image que donne une entreprise, sur sa
compétitivité et sur la productivité de sa main-d'oeuvre.
Or, dans ce sens, il y a plus d'impact que le seul départ du travailleur
et son indemnisation pour 14 jours ou tout autre nombre de jours.
M. Doyon: C'est-à-dire que ces effets sont beaucoup plus
considérables que les effets proprement pécuniaires quantifiables
pour une période de quatorze jours, de trois jours ou de quatre jours,
qui est la période de temps où on sait que l'employé a
été absent seulement lorsqu'il revient. Quand vous soulignez dans
votre mémoire votre crainte de cette absence de quatorze jours sans
finalement une motivation réelle, écrite, personne ne met en
doute ici si ces personnes ont vraiment été victimes d'accidents
ou de lésions. Si je comprends
bien votre demande d'amendement au projet de loi, cela va dans le sens
de savoir, premièrement, lorsque quelqu'un part, la raison pour laquelle
il part, ce qui a causé son départ. En fait, ce sont des
inquiétudes que vous avez. La lecture que vous avez faite du projet de
loi 42 ne vous garantit pas ces renseignements. Est-ce bien cela?
M. Comtois: C'est exact, M. le Président. Il n'y a aucun
doute que le libellé actuel de la loi est nettement déficient
à ce niveau. Puisqu'on essaie de légiférer et qu'on donne
des obligations à des parties pour avoir des avantages, il nous semble
également important que la loi, à ce moment-là,
détermine les obligations de l'une de ces parties. On ne peut pas
laisser passer cela sous silence; on ne peut pas présumer de ce qui va
se passer, puisqu'on légifère tout le reste. Il est
évident que, si on laisse les choses dans l'oubli ou dans le noir,
n'importe quel tribunal administratif, n'importe quelle commission prendra la
position que, si ce n'est pas prévu dans la loi, le travailleur n'y est
pas tenu.
Le point essentiel de notre mémoire, c'est effectivement au
niveau de la déclaration du travailleur et de l'article 171, qui est le
point de départ de tout le système. Le travailleur quitte le
travail, à ce moment-là, il est important que le travailleur
fasse sa déclaration, informe l'employeur à ce niveau et que
cette information soit aussi précise que celle que la commission
requiert lorsqu'elle doit elle-même faire honneur à ses
obligations juridiques en vertu du projet de loi. Il me semble tout à
fait normal qu'il y ait une corrélation entre l'article 173, qui est
l'avis que doit donner le travailleur à la commission, et l'article 171,
qui est l'avis qui doit être donné à l'employeur. Cet
instrument est essentiel pour la saine administration du projet de loi.
M. Doyon: Vous affirmez dans votre mémoire, à la
page 11, entre autres, que l'avance de quatorze jours est en fait un paiement
irrécupérable et ne nécessitant finalement aucune
justification, si ce n'est l'absence au travail, et qu'il n'y a pas de moyens
de contrôle non plus, pour établir cette question. Vous faites
état de l'article 53, qui parle de la réclamation du travailleur
et vous faites référence ensuite à d'autres articles. En
faisant référence à ces articles, vous établissez
que, finalement, il n'y a pas de réclamation du travailleur et qu'il n'y
a donc pas de remboursement possible. Une façon d'obvier à ce
problème ne pourrait-elle pas être qu'une demande de remboursement
de l'employeur auprès de la commission pourrait, pour fins
d'enquête, de contrôle et de vérification, équivaloir
à une réclamation du travailleur? Est-ce que ce serait une
façon d'envisager les choses? (16 h 30)
M. Comtois: M. le Président, M. le député,
en toute honnêteté, je croirais que c'est une possibilité
de présumer de transformer l'avis d'accident de l'employeur comme
étant la réclamation du travailleur. Mais, dans la pratique de
tous les jours, je ne crois pas que ce soit sain de le faire de cette
façon. Il est important que le travailleur qui prend la décision
de demander une indemnisation en vertu d'un régime, le fasse
lui-même, que ce premier geste de responsabilisation, si on veut
l'appeler de cette façon, soit posé par le travailleur
lui-même au point de départ et qu'il prenne conscience qu'il fait
les démarches pour recevoir une indemnité en vertu du
système d'assurance. Dans ce sens, je croirais préférable
à tout point de vue que cette réclamation ne soit pas faite par
l'employeur, par voie de présomption, mais bien par le travailleur
lui-même.
M. Doyon: Mais, techniquement et en pratique, de quelle
façon est-ce que cela pourrait procéder si on considère
que le travailleur a reçu son salaire? Il a été
payé, pour les fins de la discussion, pendant dix jours, il
réintègre ses fonctions comme il a le droit de le faire et ne
réclame rien nulle part. Qu'est-ce qu'on devrait faire pour qu'il puisse
exercer, en tout cas, je ne le sais pas, son droit de retour au travail et
qu'il puisse en même temps produire une réclamation? Comment
voyez-vous les choses?
M. Comtois: M. le Président, M. le député,
il y a effectivement deux avenues qui nous viennent immédiatement
à la pensée. C'est que le travailleur, au point de départ,
doit faire une réclamation lui-même pour la base de quatorze jours
à l'employeur et à la commission en même temps ou verser
copie à l'un ou à l'autre. Ou, deuxièmement, l'article 171
prévoit que la déclaration écrite à l'employeur,
tel que nous l'avons suggéré, devient une demande de prestation,
de réclamation. L'article 172, qui se relie par la suite, oblige
l'employeur à transmettre cette réclamation et à demander
remboursement en même temps. Cela nous semble les deux avenues possibles,
à première vue.
M. Doyon: Effectivement, à ce moment, cela voudrait dire
que le temps qui est pris au moment où l'employé se croit victime
d'un accident constitue véritablement une avance pure et simple, le fond
de la réclamation étant jugé à un moment
ultérieur. C'est comme cela que vous voyez les choses?
M. Comtois: Vous avez absolument
raison sur ce point. Il y a quand même un aspect important aussi,
c'est qu'au niveau de l'article 171, la déclaration, nous avons les
recommandations très précises sur le contenu de cette
déclaration, ainsi que l'attestation médicale qui devrait y
être jointe. En ce sens, nos recommandations s'inspirent du processus des
régimes privés d'assurances et nous ne voyons pas pourquoi le
mécanisme devrait être nécessairement différent d'un
système public fort semblable à tout autre point de vue.
M. Doyon: Ce sera ma dernière question, vous semblez tenir
dans votre mémoire à ce que, quand on parle de maladies ou
d'accidents du travail, il y ait, reliée à cela, toute une
question d'assistance médicale. Vous voyez nécessairement
l'intervention quelque part, à un moment donné, d'un
médecin ou de quelqu'un qui est en mesure au niveau professionnel,
médical, d'apprécier la situation de l'accidenté ou du
malade. Est-ce que c'est exact?
M. Comtois: Cet aspect, on le considère vraiment essentiel
à tout le processus. Lorsqu'on parle d'accident du travail, l'exception
est le dossier où il y a des problèmes administratifs juridiques
et de délais. La majorité des dossiers posent des
problèmes sérieux d'interprétation médicale. Le
point de départ du dossier est souvent la décision que rend le
médecin traitant. Je ne vois pas comment un non-professionnel de la
santé, qu'il soit chez l'employeur ou qu'il soit à la commission
ou au syndicat, puisse vraiment prendre une décision quant à la
valeur médicale de cet ensemble d'expertises. Il est essentiel, tel que
nous le recommandons, qu'à un stade d'abord au niveau de la
décision du médecin traitant et au niveau de l'article 171, le
médecin traitant donne un rapport complet et le plus précis
possible avec même des recommandations possibles au niveau d'un travail
d'activités restreintes, s'il y a lieu. D'ailleurs, vous avez entendu
parler ce matin d'une certaine flexibilité ou d'ouverture d'esprit de la
part des omnipraticiens à cet effet. Cet aspect est important. Par la
suite, dans le cadre du processus de révision, nous avons
mentionné qu'on se rattache à la recommandation de l'Association
des manufacturiers québécois, qui suggère ce que vous
mentionnez, M. le député, un processus de reconsidération
médicale par un professionnel de la santé.
M. Doyon: Vous nous avez présenté des graphiques
qui sont fort éloquents et qui laissent supposer un certain nombre
d'effets si le projet de loi 42 est mis en application tel quel. Est-ce que
vous êtes en mesure d'informer cette commission si vous avez fait une
évaluation des coûts pour ce qui est de General Motors, par
exemple de la mise en application des articles du projet de loi tel qu'on les a
actuellement devant nous, qu'on les étudie, ou si cela n'a pas
été possible pour vous?
M. Comtois: M. le Président, M. le député,
il est malheureusement impossible, à moins de se lancer dans une
certaine science-fiction, de prédire quel serait l'impact de l'avance
à quatorze jours au lieu des cinq jours ouvrables actuellement. Par
contre, ce que l'on tente de démontrer à la commission,
nonobstant cette impossibilité de soumettre des chiffres en dollars,
c'est que les indications sont là pour nous faire craindre le pis. On
vous montre qu'en 1977, alors que l'avance de cinq jours est entrée en
vigueur, l'expérience pratique quotidienne chez nous est passée
du simple au double. On part de quelque 500 réclamations par
année et subitement on monte à 1200. Aussi, on vous
démontre dans les autres tableaux une diminution substantielle de
l'ordre de 70%-30% entre la semaine de l'avance et la deuxième semaine
qui suit. On ne peut pas, évidemment, conclure automatiquement que
l'avance est la seule et unique cause de cette disparité entre les deux
éléments. Les deux tableaux ensemble nous permettent, par contre,
de croire que l'avance a sûrement un impact significatif et c'est la
crainte que nous avons que cette période de hausse au niveau de la
première semaine s'étende à la deuxième semaine,
peut-être pas de façon automatique, peut-être pas de
façon constante, mais qu'une hausse soit notée de la même
façon qu'on l'a notée en 1977.
M. Doyon: Dans le graphique que vous nous avez remis à la
page 16 de votre mémoire, on voit que les pourcentages de
réclamations avec perte de temps par la population sont
considérablement disproportionnés, si on compare l'usine de
Sainte-Thérèse à celle d'Oshawa et à celle de St.
Catharines. Est-ce que vous pourriez nous dire - si vous le savez
évidemment - quel est le taux qui est appliqué pour l'usine de
Sainte-Thérèse, ce qu'il en coûte de 100 $ de salaire
versés à des ouvriers de Sainte-Thérèse par rapport
à ce qu'il en coûte de 100 $ de salaire versés aux
employés d'Oshawa par exemple?
M. Comtois: M. le Président, M. le député,
concernant le taux et la comparaison, par exemple, entre l'Ontario et le
Québec, vous aurez remarqué qu'on s'est abstenu de faire cette
comparaison. Je peux vous dire par exemple qu'au Québec, on paie 5 000
000 $ de cotisations en 1983. Par contre, on vous mentionne également
qu'on paie 22 000 000 $ en Ontario, mais pour 35 000 employés. On peut
vous mentionner que l'augmentation a été de 290% en six ans
au Québec et que l'augmentation de la cotisation a
été de 190% en Ontario, soit 100% de moins. De là à
pouvoir maintenant comparer en termes de dollars la valeur des cotisations et
autres, nous nous abstenons de le faire parce que les régimes et les
modes de financement sont nettement différents et que
l'efficacité financière des commissions en Ontario et au
Québec peut comporter des différences selon les objectifs sociaux
poursuivis. Par contre, le point qu'on veut soulever et où, je pense, on
peut comparer des oranges avec des oranges et des pommes avec des pommes, c'est
au niveau des réclamations au niveau des accidents. Un accident du
travail devrait être, quel que soit le régime, un accident du
travail. Sur cette base, en comparant une fonderie à St. Catharines et
une usine de base substantiellement semblable quant à la production, une
usine d'assemblage d'automobile à Oshawa et une à Boisbriand, on
ne peut que s'interroger sur l'immense disparité entre les deux. Cela
nous porte à croire que la loi actuelle et la loi à venir sont
certainement des facteurs importants.
M. Doyon: Merci beaucoup.
Le Président (M. Paré): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je voudrais poursuivre
un peu cette discussion que vous aviez avec le député de
Louis-Hébert. On dit souvent que, quand on se regarde, on se
désole et que, quand on se compare, on se console. Vous avez
mentionné que le niveau de cotisation à débourser par
votre division avait un impact et vous avez insisté sur l'impact que
cela pouvait avoir sur la compétitivité et sur la
productivité. Je me demandais si, assez régulièrement, il
y a des points de comparaison entre les différentes divisions de General
Motors soit aux États-Unis et au Québec sur le total des
coûts des réclamations. On peut comparer les réclamations
mais les coûts qui y sont assortis, est-ce que vous seriez en mesure de
dire à cette commission si ces coûts sont moindres au
Québec que ce que vos divisions ont à assumer aux
États-Unis?
M. Comtois: M. le Président, Mme la députée,
nous n'avons pas ce genre de coûts de façon spécifique et
isolée. La façon dont la comparaison se fait, que ce soit avec
l'Ontario et au niveau du Québec, est de façon globale, dans le
sens que les accidents du travail ne sont considérés que comme un
des éléments de ce problème de l'absentéisme en
général dans l'industrie ou dans le monde manufacturier. Or,
à ce niveau, on ne peut que comparer l'ensemble des
éléments ayant trait à la productivité de la
main-d'oeuvre de la part d'une usine ou d'une autre. C'est fait de façon
plus ou moins scientifique à l'occasion, et c'est vraiment le coût
total des dépenses en général que l'on prend en
considération à ce niveau. Je ne peux pas vous donner de chiffres
comparatifs. Mme la députée, même si je pouvais vous en
donner, je vous dirais tout de suite après qu'ils n'ont pratiquement pas
de signification en tant que coûts. Encore là, on sait très
bien que la situation législative aux États-Unis, au niveau de
l'administration des services de santé, est totalement différente
de celle du Canada et que la situation en Ontario au niveau de la Loi sur les
accidents du travail est différente de celle au Québec. Ce qui
nous préoccupe, c'est de savoir, en tant qu'entrepreneur, en tant que
manufacturier, si, lorsqu'on se regarde et qu'on se console, on se croit
concurrentiel, si on a tiré avantage de toutes nos ressources et de
notre productivité au Québec. C'est dans ce sens que notre
mémoire au niveau de la compétitivité n'a fait aucune
allusion à de tels coûts. Ce à quoi on a fait allusion,
c'est au nombre de réclamations entre les différentes
entreprises. Chez nous, on peut essayer de le visualiser, de le quantifier et
c'est l'indicateur, à ce moment, possiblement de problèmes.
Mme Harel: Évidemment, ce nombre de réclamations
n'est qu'un facteur. J'imagine que ce qu'il est le plus intéressant de
connaître, c'est le coût au bout de la ligne de l'ensemble de ces
réclamations qui sont faites dans vos différentes divisions.
Les travailleurs de votre division m'ont remis un document pour
l'année 1982. Évidemment, on prend moins en considération
l'année 1982 pour les motifs que vous invoquiez. On retrouvait un
tableau statistique - je pense que c'est à la dernière page - des
taux de blessures dans différentes divisions de General Motors au
Canada. J'imagine que cela comprend l'ensemble. J'aimerais bien avoir une
définition de ce que recouvre ce tableau statistique. S'agit-il de
blessures au sens des accidents du travail?
M. Comtois: Malheureusement, Mme la députée, M. le
Président, je n'ai pas le tableau que vous avez mentionné. Notre
syndicat n'a pas jugé opportun de m'en donner copie auparavant. Par
contre, je ne peux pas commenter le document que vous avez entre vos mains, ni
sa valeur.
Mme Harel: C'est un document de la General Motors. C'est un
rapport annuel des statistiques des blessures dans toutes les divisions.
M. Comtois: Je n'ai pas ce document.
Mme Harel: Ce n'est pas un document des travailleurs de votre
usine.
M. Comtois: Je n'ai pas le document que vous avez. Je pensais
que, de la façon que vous vous étiez exprimée,
c'était un document de la partie syndicale. Je n'ai malheureusement pas
avec moi ce document précis. Si vous pouvez me donner quelques
éléments, j'ai un autre document ici qui pourrait peut-être
me permettre de donner réponse à vos questions.
Mme Harel: Est-ce que vous avez déjà pris
connaissance de ce document statistique?
M. Comtois: Pas de celui-là.
Mme Harel: Alors, peut-être que, après la
commission, j'aurai l'occasion d'en parler avec vous plus amplement.
M. Comtois: Avec plaisir, Mme la députée.
Mme Harel: Enfin, on parle beaucoup de coûts. Je pense
qu'on a raison de le faire. Peut-être pourriez-vous préciser pour
le bénéfice de la commission, les coûts, les
dépenses que vous faites dans le domaine de la prévention. (16 h
45)
M. Comtois: Mme la députée, je vais passer la
parole à M. Claude Denoncourt qui est notre directeur en santé et
sécurité dans ce domaine.
M. Denoncourt (Claude): Au niveau de la prévention,
madame, premièrement au point de vue ressources humaines nous avons
quand même trois personnes qui s'occupent de la prévention en
santé et en sécurité. De plus, nous avons un centre
médical complet avec des infirmières et un médecin. Nous
avons aussi à General Motors du Canada, et c'est établi depuis
longtemps, un programme de préventions et de politiques établi
par la corporation applicable dans chacune des usines de la compagnie. Or,
depuis fort longtemps on s'occupe de la prévention grâce à
des politiques établies. Si vous parlez en termes purement de
coûts et de prévention en intégrant les ressources
humaines, etc., vous pouvez parler d'un montant pour l'usine de
Sainte-Thérèse qui va s'établir à environ 200 000 $
par année en termes d'activités. Cela inclut autant les
équipements protecteurs que les ressources humaines.
Mme Harel: Alors, ce sont des coûts affectés
à la prévention dans l'usine proprement dite?
M. Denoncourt: Oui et ces coûts peuvent varier d'une
année à l'autre selon les activités qui sont
entreprises.
Mme Harel: J'imagine que c'est le même ordre de grandeur
pour chacune des divisions ou si cela peut...
M. Denoncourt: Je ne pourrais me prononcer en ce qui regarde
l'ensemble des divisions canadiennes ou l'ensemble des divisions qui composent
la corporation GM.
Mme Harel: Une dernière question...
M. Comtois: Pardon, Mme la députée, j'aimerais
ajouter à la réponse de M. Denoncourt que les coûts qu'il a
mentionnés sont les coûts administrés au niveau des
activités de Sainte-Thérèse. Par exemple, lorsque vous
faites affaires avec une multinationale, il y a des coûts qui ne sont pas
répertoriés de façon locale mais qui sont
répertoriés ailleurs, parce que vous avez des programmes de
prévention, par exemple, qui sont générés à
l'ensemble de l'entreprise. Je vais vous donner un exemple précis:
l'identification des contaminants. Ce travail de prévention qui est fait
à l'ensemble de l'entreprise n'est pas répertorié aux
chiffres de Sainte-Thérèse.
Mme Harel: Si vous me permettez de poser une dernière
question, je reviendrai au tout début de votre intervention sur la
définition du mot "accident". Je veux simplement bien vérifier.
Je pense que ce que vous vouliez signaler c'est la nécessité de
définir cet accident comme étant concomitant avec le travail. Je
comprends bien qu'à ce moment-là vous considérez que la
notion d'accident puisse recouvrir, par exemple, la répétition de
gestes et donc conduire, non pas dans un événement qui survient
à une occasion donnée, mais qui peut survenir par une
répétition de gestes. Vous concevez que la notion d'accident peut
aussi recouvrir cette répétition de gestes.
M. Comtois: M. le Président, Mme la députée,
en réponse à votre question, je vais être le plus
spécifique possible. La réponse est oui. Cela comprend la
définition que nous avons suggérée et qui a
été précisée par les tribunaux supérieurs
qui, en interprétant la définition actuelle du terme "accident"
qui inclut le mot "imprévu", ont reconnu que le genre d'accident de
gestes répétés pouvait être indemnisé. Pour
votre référence, si vous le désirez, des décisions
de la Commission des affaires sociales et de la Commission de la santé
et de la sécurité du travail qui reconnaissent ce genre de gestes
comme étant un accident. De plus, depuis 1981, si vous faites
référence à l'annexe du règlement de la loi et
ayant trait aux maladies professionnelles, vous verrez que dans la loi actuelle
à la section V maintenant ce genre de gestes peuvent donner droit
à une indemnité en vertu du
chapitre des maladies professionnelles. Le projet de loi 42 reproduit
exactement la même chose. Alors, au niveau de ce problème,
à savoir si la notion d'accident telle que nous la proposons pourrait
exclure ces cas légitimes, nous vous disons que non.
Mme Harel: Je vous remercie.
Le Président (M. Paré): Merci. M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, j'ai deux questions. Ma
première question s'adresse à M. Brien comme directeur de
l'usine. On vient de dire qu'on tente de comparer l'usine
québécoise avec Oshawa et St. Catharines. Je suis peut-être
un peu naïf, mais j'ai toujours compris que dans le réseau de
General Motors, l'usine de Sainte-Thérèse est un très bon
modèle et qu'on doit être fiers de la main-d'oeuvre
québécoise et de la qualité de leurs produits. Est-ce
vrai, cette déclaration?
M. Brien: C'est vrai, M. le député. Nous
avons...
M. Polak: Je ne voudrais aucunement créer l'impression que
la situation n'est peut-être pas aussi bonne qu'ailleurs.
Personnellement, j'ai toujours cru que c'est un vrai modèle. J'en suis
fier comme Québécois. Nous en parlons entre nous et je voudrais
que, si c'est vraiment la situation, qu'on le dise clairement pour que tout le
monde le comprenne.
Deuxièmement, je connais aussi les représentants syndicaux
de votre usine. Il n'y a pas seulement Mme la députée qui a des
contacts avec le monde ouvrier. Nous aussi avançons et il y en a
d'autres. Ce matin, il y avait le nom d'un syndicaliste bien connu qui pense
à devenir candidat libéral. Donc, les temps changent.
Quant au programme de prévention que vous avez à votre
usine, est-ce que c'est un programme qui fonctionne bien? Est-ce qu'il y a une
bonne relation avec le monde syndical dans votre usine concernant l'aspect de
la prévention des accidents?
M. Denoncourt: Sous cet aspect, M. le député, je
n'ai pas l'intention de faire l'autopsie de la relation patronale-syndicale en
matière de prévention en santé et sécurité
au travail. Je crois que cela pourrait être long. Par contre, je peux
vous dire, lorsque vous parlez du programme de prévention, que
j'aimerais apporter une précision. J'ai mentionné à Mme la
députée, tout à l'heure, qu'il s'agissait d'un programme
établi selon les politiques de la compagnie. Depuis fort longtemps, la
compagnie a une série de politiques en matière de
prévention couvrant différents aspects des fonctions et des
activités qui sont menées dans l'usine à ce sujet.
Évidemment, comme vous le savez, selon les termes de la loi 17 et
d'après la réglementation sur le programme de prévention,
nous devrons, en conformité avec le règlement, d'ici mai 1984,
déposer notre programme.
Je peux d'ores et déjà vous dire que c'est sur la bonne
voie et qu'en partie les politiques de prévention énoncées
par la corporation seront incluses dans le programme.
M. Polak: Ma dernière question s'adresse à Me
Comtois. Quand vous avez parlé tout à l'heure du principe de
l'avance des quatorze jours, vous avez comparé les articles 53, 133,
172, 173. J'ai essayé de vous comprendre mais je ne sais pas si vous
avez une interprétation peut-être un peu pessimiste parce que je
n'interprète pas la loi de la même manière. Je suis
d'accord avec vous que, strictement parlant, on peut lire cela dans le texte.
Mais croyez-vous que c'est plutôt une mauvaise rédaction que l'on
pourrait corriger ou est-ce qu'il y a une intention cachée quelque part
pour donner un cadeau de quatorze jours gratuits? Je suis certainement contre
une telle intention mais je favorise par contre de réécrire le
texte pour éviter une mauvaise rédaction. Quel est votre point de
vue là-dessus?
M. Comtois: En réponse à votre question, M. le
Président, nous croyons que c'est probablement le résultat d'une
erreur de rédaction et d'un manque de concordance entre le dernier
paragraphe de l'article 53 qui parle de réclamation et le reste des
dispositions du projet de loi. Nous croyons, par conséquent, important
de le souligner à la commission afin que, si, effectivement, c'est une
erreur de rédaction, elle soit corrigée si possible avant
l'adoption du projet de loi. Nous croyons sérieusement qu'il pourrait y
avoir des problèmes d'interprétation et que les commissions et
tribunaux administratifs après, quand ils auront à s'y pencher,
n'auront pas d'autres choix que d'interpréter ce que le
législateur aura écrit.
M. Polak: Dans le système actuel des cinq jours, est-ce
que cela crée un problème? Je ne connais pas exactement le
système actuel mais est-ce que la victime, dans le système
actuel, avise tout de suite l'employeur de son accident ou est-elle
obligée de le faire par écrit et le reste?
M. Comtois: Malheureusement, le système actuel fonctionne
passablement bien dans une certaine mesure sauf que, comme tout système,
il a ses failles. Il est arrivé à l'occasion que l'avance des
cinq jours a
suscité des problèmes dans le sens que le travailleur ne
faisait pas de déclaration à l'employeur. Par contre, la CSST a
décidé de poursuivre l'employeur. Heureusement, un juge d'un
tribunal supérieur est venu nous dire qu'à l'impossible nul ne
doit être tenu et qu'on avancera les cinq jours lorsque le travailleur
nous avisera en conséquence. Dans ce sens-là, les recommandations
que l'on fait sont le reflet de problèmes pratiques que nous avons
vécus. Je ne vois pas pourquoi d'autres employeurs risqueraient de
devoir se faire poursuivre par la CSST pour un problème qui nous semble
quand même légitime au point de départ.
M. Polak: D'accord. Merci M. le Président.
Le Président (M. Paré): Merci. M. le
député de Beauharnois.
M. Lavigne: Merci M. le Président. Très
brièvement, j'aurais une question à vous poser. Auparavant, je
voudrais quand même vous dire que votre mémoire, comme le ministre
l'a dit d'ailleurs tout à l'heure, nous a sensibilisés sur
plusieurs points. Je suis fier de voir dans quel sens le ministre a
commenté votre mémoire. Il m'a rassuré quand il a mis
l'accent sur certains points de la loi que vous avez soulevés. Cela
laisse à mon avis - en tout cas selon mon interprétation et
j'espère que j'interprète bien le ministre - présager des
amendements qui pourraient être intéressants. Ceci dit je voudrais
vous poser une question au niveau des coûts comparatifs entre les
États-Unis, l'Ontario et Boisbriand. Vous avez mentionné dans vos
graphiques et dans vos chiffres que le coût est beaucoup plus
élevé au Québec qu'ailleurs. Je pense que vous l'avez
mentionné, vous hésitez évidemment... Vous mentionnez
l'augmentation ou les coûts plus élevés ici sans pouvoir -
vous ne l'avez pas dit ou vous ne pouvez pas le dire - parler de la
générosité du régime. C'est sûr qu'on paie
peut-être un peu plus cher au Québec, d'ailleurs vous l'avez
démontré assez clairement. Par ailleurs, est-ce qu'on paie plus
cher pour avoir exactement la même marchandise ou si on paie plus cher
pour avoir un régime plus généreux? Si c'était le
cas, je pense que quand on mentionne que les coûts sont plus
élevés au Québec, il faudrait peut-être aussi
accompagner cette argumentation de la générosité du
régime.
M. Comtois: M. le Président, M. le député en
réponse à votre question dans une certaine mesure je suis
totalement d'accord avec vous en disant qu'il faut comparer la qualité
des régimes si on décide de faire des comparaisons au niveau des
coûts. Par contre contrairement à ce que vous mentionnez, notre
mémoire ne fait pas de comparaison de coût comme tel. Lorsque nous
avons fait une comparaison en réponse à des questions,
c'était au niveau du nombre de réclamations et non au niveau des
coûts parce que nous étions fort conscients du point que vous
soulevez, d'une façon valable d'ailleurs, que les régimes doivent
aussi se comparer dans leur générosité et dans les
différentes mesures de financement.
Au niveau des coûts, la seule comparaison que nous avons
osé faire c'est sur le rythme d'augmentation des cotisations. Nous avons
mentionné qu'au Québec nous avions subi une augmentation de 290%
de la cotisation en six ans alors que cette augmentation était de 190%
en Ontario. C'est le plus loin que nous sommes allés au niveau de la
comparaison des coûts car nous croyons, tout comme vous, que la valeur du
système doit être appréciée pour ce qu'elle est.
M. Lavigne: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Paré): Merci. En conclusion M. le
ministre.
M. Fréchette: Très brièvement, M. le
Président. C'est dans la foulée du sujet qu'a soulevé le
député de Sainte-Anne dans sa dernière question qui
rejoint aussi des préoccupations qui nous ont été soumises
par M. Comtois à propos des quatorze jours. Je voudrais qu'on soit bien
clair entre nous. Si le texte de loi dans sa texture actuelle ne rejoint pas
l'objectif de l'éventuelle "récupération", dans le cas
où il n'y a pas de relation de cause à effet entre une absence et
une maladie, je vous signale que son objectif est effectivement d'atteindre ce
dont je vous parle. D'ailleurs, là-dessus, dès la
réception de votre mémoire nous avons été
sensibilisés aux représentations que vous nous faisiez.
Effectivement, on a tout de suite demandé que cet aspect soit
regardé de près pour que l'intention que nous avons soit
effectivement atteinte. C'est-à-dire que dans les cas où ce ne
serait pas un accident du travail qu'il y ait cette récupération
et qu'il n'y ait pas non plus de possibilité de passer à
côté de quelque manière que ce soit. À cet
égard il y aura les amendements, ou enfin une restructuration du texte
pour atteindre cet objectif.
Le Président (M. Paré): Merci aux
représentants de la General Motors du Canada pour leur
présentation et d'avoir pris le temps de répondre à nos
questions. Merci beaucoup.
M. Comtois: Merci M. le Président. (17 heures)
Le Président (M. Paré): J'inviterais maintenant les
représentants de la Fédération des syndicats du secteur
aluminium Inc. à
prendre place ici en avant.
Messieurs, bienvenue à la commission. J'inviterais le
porte-parole de la Fédération à s'identifier et à
nous présenter les personnes qui l'accompagnent avant de faire la
présentation.
Oui, M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Avant que nos invités s'adressent à
nous, M. le Président, pour éviter toute ambiguïté,
vu ce qui s'est produit antérieurement et comme vous l'avez fait
précédemment pour nos autres groupes d'invités, j'aimerais
que vous relisiez, pour les membres de la fédération, l'article
53 de notre règlement afin de bien les informer de leurs droits.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Saguenay, étant donné que c'est tellement court et clair,
c'est avec plaisir que je vais le faire. Article 53 de la Loi sur
l'Assemblée nationale: "Le témoignage d'une personne devant
l'Assemblée, une commission ou une sous-commission ne peut être
retenu contre elle devant un tribunal, sauf si elle est poursuivie pour
parjure." Ceci étant dit, si cela répond à votre attente,
M. le député de Saguenay, j'invite à nouveau le
porte-parole de la Fédération des syndicats du secteur aluminium
Inc., à s'identifier et à nous présenter les personnes qui
l'accompagnent.
Fédération des syndicats du secteur
aluminium Inc.
M. Dubois (Jean-Marc): M. le Président, M. le ministre,
messieurs et madame les membres de la commission parlementaire, mon nom est
Jean-Marc Dubois, secrétaire de la Fédération des
syndicats du secteur aluminium Inc. Sans vouloir donner d'autres titres,
j'assume aussi la coordination en matière de santé et de
sécurité du travail à la fédération. Les
collègues qui m'accompagnent sont, en commençant par mon
extrême droite, M. Raymond Labonté qui travaille en santé
et sécurité du travail à l'intérieur de l'usine, M.
Jean-Yves Lapointe, M. Gilles Harvey, M. Denis Simard, conseiller technique
à la fédération et qui est attaché
particulièrement au dossier des accidents du travail et M. Guy
Lalancette qui est officier au syndicat d'Arvida et qui s'occupe plus
particulièrement de surdité industrielle mais qui a l'oreille
très fine.
Dès le départ, lorsque j'ai entendu la lecture de
l'article de la Loi sur l'Assemblée nationale je me vois presque dans
l'obligation de vous préciser que nous nous sentons fort à l'aise
d'exprimer ici notre témoignage à cette commission parlementaire,
d'autant plus que dès que nous avons commencé nos travaux sur le
projet de loi, nous étions conscients de cet article et nous l'avons
pris en considération de sorte que nous avons tenté
d'éliminer toute possibilité de parjure devant cette commission.
Nous sommes d'autant plus à l'aise de vous exprimer nos
commentaires.
Vous me permettrez de faire la lecture et, à l'occasion
d'apporter quelques commentaires sur notre document. Évidemment, je veux
vous dire aussi au départ que la tentation ne manquait pas, lorsque nous
avons commencé à lire le projet de loi, de commencer à
insister sur les grands principes et les grandes théories en
matière de santé et de sécurité du travail mais
nous avons préféré nous limiter aux problèmes que
nous vivons chaque jour dans notre milieu de travail et nous attarder aux
articles sur lesquels nous vivons le plus quotidiennement possible et le plus
régulièrement possible des problèmes face à notre
employeur; c'est-à-dire lorsque je dis nous vivons, ce sont nos
travailleurs qui vivent et par ricochet nous aussi puisque nous les
représentons.
M. le ministre, il nous est agréable de vous présenter
notre humble contribution à la réalisation du projet que vous
parrainez en vue de rendre plus humaine et réaliste la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles. Nous sommes heureux
qu'on intègre le terme maladies professionnelles. Il est tout à
votre honneur et à celui du gouvernement que vous représentez
d'afficher un intérêt aussi marqué à la situation
vécue dans le milieu du travail et à tous les efforts
déployés depuis plus particulièrement l'avènement
de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, pour
améliorer les conditions de vie des bâtisseurs du Québec.
Veuillez accepter, M. le ministre, ainsi que tous les membres de la commission,
nos plus sincères remerciements au nom de tous nos travailleurs. Soyez
assuré que dans l'application de cette nouvelle loi, nous figurons comme
des participants à part entière dans un esprit
d'objectivité, dans un souci constant de protection et de défense
des droits et intérêts légitimes des intervenants, plus
particulièrement les travailleurs que nous représentons.
Pour la Fédération des syndicats du secteur aluminium
Inc., qui représente la très grande majorité des
salariés à l'emploi de la Société
d'électrolyse et de chimie Alcan, Ltée au Québec, le
projet de loi qui fait l'objet du présent mémoire, vu dans son
ensemble, était attendu depuis longtemps et, par conséquent,
reçoit un accueil objectif et positif.
Il faut cependant se situer dans notre contexte pour mieux comprendre la
philosophie qui nous anime en matière de santé et de
sécurité au travail. Nous oeuvrons dans un secteur
d'activités où depuis de nombreuses années, nos
travailleurs sont vraiment l'image parfaite de cette phrase qui est devenue
célèbre à savoir:
"Qu'ils perdent leur vie à la gagner".
Lorsque le gouvernement du Parti québécois, sous le
parrainage de M. Pierre Marois, présentait la Loi sur la santé et
la sécurité du travail, nous nous réjouissions du fait
qu'enfin on pense à faire de la prévention paritaire. À
cette époque, le patronat s'élevait contre ce principe,
prétextant que le travailleur n'avait pas à se mêler de
sécurité et santé au travail et allant même dans
certains cas dire que le travailleur ambitionnerait sur le système et
profiterait de façon exagérée de ses droits. J'ajouterai
l'anecdote ici, que même à l'occasion, notre employeur avait
demandé d'être exclu de l'application de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail ce que, heureusement, le
législateur n'a pas retenu. L'expérience de quelques
années, nous démontre clairement que tel n'a pas
été le cas, à tout le moins en ce qui nous concerne.
Bien au contraire, les intervenants du milieu ont appris à penser
de façon différente, ce qui a créé un éveil
permettant ainsi d'accorder la priorité là où elle
était nécessaire et aux Québécois de se doter des
services autrefois inexistants ou moins bien structurés, nous pensons
ici à l'Institut de recherche en sécurité et santé
du travail -et certains projets qu'elle a parrainés, entre autres, le
sondage sur la perception des travailleurs versus leur exposition au danger -
ou encore la Commission de la santé et sécurité du travail
organismes avec lesquels nous avons appris à travailler. Nous profitons
de la circonstance pour en vanter le mérite et la
nécessité.
Certes, ils ont à améliorer certaines structures internes,
mais il faut considérer que le Québec, il y a moins de dix ans,
était loin derrière et qu'aujourd'hui, il fait belle figure en
matière de santé et sécurité du travail et c'est
tout à l'honneur de ceux qui ont en main les destinées de ces
nouvelles structures, y compris, évidemment, les représentants
syndicaux et patronaux qui oeuvrent au sein du conseil d'administration et
à toutes les autres instances.
Il nous fallait faire cette démarcation pour en arriver à
mieux vous situer et vous faire saisir que pour nous, l'intégration
à cet engrenage a permis aux intervenants d'ouvrir les yeux sur une
réalité trop longtemps cachée, celle de crainte d'y perdre
un emploi.
Qu'il suffise de vous mentionner que dans la seule usine de
Jonquière, nous comptons plus de 1000 diminués physiquement. Nos
travailleurs sont durement atteints de maladies professionnelles. Qu'il suffise
de mentionner ici, la télangiectasie, les maladies pulmonaires, la
surdité industrielle que nous traitons quotidiennement; il y a des
demandes d'indemnisation de façon régulière et nous devons
faire face à des contestations de la part de l'employeur aussi de
façon régulière. On peut parler ici, facilement d'une
centaine de contestations par année, heureusement nous obtenons gain de
causes dans quelque 99% des cas. Que ce soit sur des faits accidentels,
maladies professionnelles, voire même douter de la bonne foi des victimes
d'accidents du travail, comme s'ils faisaient exprès. Heureusement, nous
obtenons gain de cause disais-je. C'est pourquoi, il faut bien comprendre que
ce dicton qui dit que l'exception confirme la règle ne doit pas
être interprété comme le désire, semble-t-il,
l'employeur et faire que la règle soit faite selon l'exception.
Quant aux maladies professionnelles, nous avons notre grande part. Outre
la télangiectasie que je mentionnais tout à l'heure la
surdité, qui sont maintenant reconnues pour ne nommer que
celles-là, d'autres risquent de frapper nos membres. En effet,
l'étude tripartite sur la santé des travailleurs de l'aluminium,
dans sa première partie, démontre une atteinte aiguë des
maladies respiratoires. Il y a une forte chance que l'atteinte chronique se
révèle existante. Une étude sur le cancer de la vessie,
récemment rendue publique, étude qui avait été
commanditée par l'Alcan et faite par le chercheur Gilles
Thériault, soulève des doutes disant que nos travailleurs ont de
fortes possibilités d'être atteints de cancer de la vessie dans le
secteur de l'aluminium. Nos satistiques nous révèlent aussi de
fortes possibilités de troubles cardio-vasculaires,
particulièrement chez nos soudeurs. Tout cela pour dire que nous sommes
heureux de la présentation d'un projet de loi qui considère les
maladies professionnelles et qui confie l'administration de la loi à un
organisme qui a déjà fait ses preuves de compétence en
matière de la santé et de la sécurité du
travail.
Cependant, à la lecture du projet de loi, nous avons
décelé quelques passages auxquels nous soumettons des
commentaires que nous voulons voir accueillir objectivement avec en tête
le fait que nous sommes un organisme qui oeuvre pour protéger et
défendre les droits et intérêts des travailleurs.
Volontairement, nous avons omis de relier les coûts administratifs
à ces services que le législateur se doit de donner au
travailleur, parce que notre principale préoccupation, c'est
l'humain.
N'est-il pas juste de dire que, dans le monde du travail, il y a
plusieurs éléments qui s'appliquent à chacun des
partenaires? Chacun n'a-t-il pas droit à son profit? Le patron, pour
l'amélioration de sa productivité, recherche le profit
pécuniaire et concurrentiel. Le travailleur, en louant ses services pour
permettre au patron d'atteindre ses objectifs, n'a-t-il pas le droit à
son profit de saines conditions de travail et de
sécurité dans l'exercice de ses fonctions?
L'amélioration constante des conditions de vie au travail doit
figurer parmi les premiers investissements d'un employeur. Comme la
réalité parfois difficile à accepter nous oblige à
constater qu'il y a des victimes d'accidents du travail, il est normal que
l'employeur investisse dans l'administration de ces règles curatives
qu'il est tout à fait logique de faire gérer par un organisme
aussi crédible et sérieux que la CSST, d'autant plus que son
conseil d'administration a cette caractéristique de paritarisme
volontaire.
Voici donc, messieurs, madame, nos humbles commentaires sur le projet de
loi 42 portant sur la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles.
L'article 27 - je vous ferai grâce de la lecture de tous les
articles, parce que je suis convaincu que vous les connaissez sûrement
mieux que nous - parle des conséquences et de l'omission de soins qui
peuvent être donnés aux travailleurs et du droit à la
continuation ou à la reprise des prestations, selon le cas. Compte tenu
de la réticence de l'employeur à convenir que le travailleur
puisse être atteint d'une maladie professionnelle comme
conséquence d'un accident industriel ou d'une exposition à un
milieu de travail donné en raison de son environnement, de la tendance
patronale à favoriser, voire même insister fortement sur
l'accessibilité aux changements d'occupation, ce qu'on appelle dans
certains milieux travaux légers et, dans d'autres, activités
restreintes je me permettrai de demander à un de mes confrères de
vous donner un exemple pour vous montrer jusqu'à quel point on peut
parfois exagérer sur ces activités restreintes et pourquoi nous
revendiquons des limites à celles-ci. Je demanderai à mon
confrère Guy Lalancette de vous donner un exemple vécu dans notre
milieu.
M. Lalancette (Guy): M. le Président, il s'agit d'un
travailleur âgée de 58 ans, père de famille de onze enfants
qui, en lançant une pièce d'acier dans une espèce de
benne, s'est cogné le doigt sur le bord de la benne. Il s'est
présenté aux premiers soins. Le médecin l'a envoyé
faire prendre des radiographies. À la suite de ces radiographies, on lui
a fait un pansement et on lui a dit: Tu te mettras la main dans la glace. Il
n'y a pas de fracture. On lui a donné une activité restreinte.
C'est sûr que, si cela avait été une personne un peu plus
débrouillarde, elle n'aurait sûrement pas accepté
l'activité restreinte, elle aurait demandé d'être
dirigée vers un spécialiste. Le monsieur en question était
là à l'usine. On lui a donné un travail plus léger.
Après trois semaines, je l'ai rencontré dans un passage. Il a
commencé à me montrer sa lésion. Je lui ai dit: Cela n'a
pas d'allure. Il faut que tu sortes de l'usine tout de suite et que tu ailles
voir un spécialiste. Laisse faire le médecin de la compagnie,
cela n'a pas de sens. N'étant pas médecin, j'ai vu tout de suite
que ce n'était pas normal. Il s'est dirigé vers un
médecin, vers les premiers soins. On l'a dirigé chez un
spécialiste. On l'a opéré. (17 h 15)
II a eu, il y a quinze jours, ici à Québec, sa
seizième opération. Le doigt a été coupé
à trois reprises. On est rendu ici. On lui a refait la main. Il est
censé subir une dix-septième opération prochainement. Le
médecin dit que possiblement il viendrait à perdre la main.
Pourquoi cet exemple? J'ai évalué que cela fait trois ans que le
monsieur en question ne travaille pas. Sans compter toutes les
opérations et les frais hospitaliers, je ne connais pas les sommes
énormes que cela a dû coûter; je pense qu'en termes de
salaire et en termes de paperasse au niveau de la CSST et tout cela, cela a
coûté de 150 000 $ à 200 000 $. Cela sans compter les soins
médicaux que le monsieur a reçus. Pourquoi? Parce qu'un
médecin, au lieu de le diriger vers un spécialiste, l'a tout
simplement retourné à l'usine sur une activité restreinte.
Il était médecin. Je ne mets pas en doute ses capacités de
médecin. C'est possible. Nos procureurs présentement sont en
train de regarder s'il y aurait matière à poursuite, mais cela
est un autre débat.
Je ne mets possiblement pas en doute ses capacités de
médecin sauf qu'il y a d'autres patrons au-dessus de tout cela qui
poussent pour gérer tout ce système médical. On le
gère souvent avec des soins en moins et avec de mauvais conseils.
N'eût été de cette incompétence ou de cette
direction effectuée par la haute direction de l'usine, ce monsieur
aurait encore ses cinq doigts. Il aurait coûté peut-être
quinze jours de repos chez lui. Un médecin l'aurait soigné,
traité. Au départ, c'était une bagatelle. Cela a
dégénéré en... C'est possible qu'il en vienne
à perdre la main. Un autre exemple très rapide. Le coût de
tout cela? C'est pour cela que je dis que cette commission devrait mettre dans
la loi que ce serait très sérieux de diriger une personne vers
une activité restreinte. Souvent, une graine dans l'oeil peut porter...
Même un médecin peut donner un diagnostic, mais s'il n'y a pas un
spécialiste qui l'a vu, cela peut engendrer des problèmes et si
vous avez une personne qui est débrouillarde, il n'y a pas de
problème. Elle va se diriger elle-même. Mais si la personne a peur
de son contremaître, a peur d'un patron, et a peur du médecin,
souvent la partie syndicale va prendre connaissance du problème et il va
être trop tard.
C'est dans ce cadre que je dis que la commission devrait faire
très attention. Tous
les employeurs eux veulent absolument des activités restreintes
et des travaux légers. Sûrement que tous les documents qui vous
ont été présentés par les employeurs ont dû
mettre l'accent là-dessus. J'aurais des dizaines d'exemples de maux de
dos qui ont été mal traités, mal soignés et qui ont
dégénéré et qui ont pris trois ou quatre
opérations avant de... Je vais arrêter simplement pour vous dire
que les activités restreintes devraient être abolies et qu'il
devrait y avoir une amende très sévère
là-dessus.
M. Dubois (Jean-Marc): Tout cela parce qu'on veut
préserver une moyenne d'accidents par million d'heures de travail.
Considérant aussi l'absence, du moins pour l'instant, dans plusieurs
endroits d'un professionnel de la santé neutre au sens de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail; considérant la
complexité et la nouveauté des maladies professionnelles, il est
essentiel que soit conservé dans son entier l'article 27 tel que
rédigé dans le projet de loi, sinon le préciser si c'est
nécessaire. Cet article assure au travailleur un service médical
sans qu'il ait à subir de préjudice souvent évitable, ne
fût-ce que par principe.
L'article 28 et l'article 29 que nous relions ensemble parce que nos
commentaires sont de nature comparative par principe d'abord et par
constatation. Si on fait la relation entre le travailleur qui subit une
blessure et celui qui est atteint d'une maladie professionnelle, tous les deux
couverts par une même loi, nous croyons que le principe d'application de
l'un doit être respecté pour l'autre. En effet, toutes les lois
qui touchent la santé et la sécurité du travail accordent,
à prime abord, le bénéfice du doute au travailleur. Par
conséquent, dans le cas de l'exercice d'un droit conféré
par une loi ou dans la déclaration d'un accident du travail, la seule
obligation donnée au travailleur est celle d'établir la
présomption selon qu'il s'agisse d'un cas ou de l'autre. Or, dans le
présent cas, on oblige le travailleur à établir la
relation de cause à effet alors qu'il est, et de loin, beaucoup plus
complexe d'intervenir dans le cas d'une maladie professionnelle que tout autre
exercice de droit.
Cette seule obligation et cela en est tout une, aura dans plusieurs cas
pour effet de freiner le travailleur dans sa démarche de reconnaissance
ou de soumission de cas aux autorités concernées. Certes, le
travailleur qui peut compter sur une organisation syndicale sérieuse et
soucieuse de la santé de ses membres, et c'est notre cas, ce
travailleur, disons-nous, rencontrera moins de difficultés pour
entreprendre sa démarche. Mais là encore, les embûches sont
nombreuses et la consultation de nombreux experts devient nécessaire.
Imaginons un instant le travailleur qui n'est pas ou peu organisé! Ces
difficultés deviennent alors des obstacles insurmontables qui
l'inciteront à l'abandon.
Compte tenu de l'esprit privilégié par le
législateur du présent gouvernement dans ses démarches
visant la protection de la santé et de la sécurité des
travailleurs; compte tenu également de la position dans laquelle se
trouve le travailleur lorsqu'il est atteint d'une maladie professionnelle;
compte tenu qu'il est plus sécuritaire de se doter aujourd'hui de
règles dont on est incertain de pouvoir jouir demain, nous croyons que
le législateur devrait rédiger cet article de telle sorte qu'il
respecte le même esprit que d'autres que l'on retrouve dans certaines
lois à savoir que la seule obligation qui soit faite au travailleur soit
celle d'établir la présomption sur son historique de travail, par
conséquent, son exposition à un milieu donné pour que les
spécialistes rattachés à la CSST puissent, par
comparaison, faire la relation de cause à effet, se servant des
disponibilités médicales et scientifiques qu'ils acceptent et
qu'ils ont à leur disposition. De plus, il serait de mise que des
mécanismes soient instaurés pour traiter les cas de maladies
professionnelles d'une manière efficace et professionnelle. Ce
mécanisme pourrait très bien s'inspirer des modalités
déjà proposées dans les cas de pneumoconiose pour les
travailleurs atteints d'amiantose et de silicose aux articles 32 à 35
inclusivement.
L'article 45 concernant l'accessibilité pour le professionnel de
la santé désigné par l'employeur à des dossiers
médicaux. En principe, nous ne nous inscrivons pas contre le fait que
l'employeur puisse avoir accès au dossier médical de l'un de ses
travailleurs. Cependant, il nous apparaît logique que ce droit soit
conditionné à l'autorisation du travailleur concerné. De
plus, cette accessibilité doit se limiter expressément à
l'accident concerné ou à la maladie diagnostiquée.
Permettre une accessibilité illimitée à l'employeur
signifie des risques d'utilisation autres que pour les fins
signifiées.
On ne veut pas ici mettre en doute la conscience professionnelle d'un
spécialiste de la santé, mais l'expérience vécue
nous permet d'affirmer qu'au-delà de l'éthique professionnelle,
il y a ce que nous appelons la médecine administrative qu'exercé
le professionnel de la santé à la solde de l'employeur. Vu sous
cet angle, l'administrateur de la compagnie, par l'intermédiaire du
médecin qu'il embauche, peut très bien s'enquérir de
données lui permettant de limiter un travailleur dans l'exercice de ses
droits à occuper une fonction dans l'entreprise et ce, de façon
unilatérale, ce qui va à l'encontre du principe de consultation
paritaire en matière
de santé et de sécurité du travail. Ce sont
là des faits vécus et vérifiables et même si,
à la rigueur, on parvient à réparer les pots
cassés, il est préférable de prévenir que de
guérir. C'est pourquoi nous croyons qu'en plus, le médecin de
l'employeur devrait passer par le médecin de l'établissement au
sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail,
s'il y en a un, pour obtenir les informations qu'il désire. Dans ce cas,
le médecin d'établissement devra se soumettre aussi à
l'exigence du deuxième alinéa de l'article 45.
Concernant le droit d'accès au dossier qui comprend le droit d'en
recevoir la communication écrite ou verbale, règle
générale, nous croyons que la demande verbale ne devra pas
être permise à l'exception de cas d'urgence.
Encore une fois, au-delà des administrateurs d'aujourd'hui, il
est essentiel d'établir des règles visant à
éliminer, autant que faire se peut, les éléments qui
peuvent donner naissance à des situations conflictuelles. Dans les cas
d'exceptions reconnues par un représentant dûment reconnu et
autorisé, la transmission d'information devrait être
enregistrée - ce n'est pas de l'écoute électronique - sous
réserve d'en aviser le demandeur et déposée au dossier du
travailleur. Là également, le travailleur devra être
avisé de la situation.
L'article 53. Dans notre secteur d'activités, on retrouve deux
catégories de travailleurs: celui qui est de l'équipe de jour et
celui qui est appelé à travailler sur les opérations
continues.
Pour ce dernier, le versement de son salaire sur une période ne
correspondent pas avec le balancement de son cycle de travail risque de
créer des complications administratives qui peuvent le priver d'une
partie de ses revenus pendant une certaine période.
De fait, pour ce travailleur dont l'horaire l'oblige à assurer
une présence à l'usine sur les sept jours de la semaine, le
début ou la fin de son cycle ne coïncide que très rarement
avec la semaine de calendrier qui sert de référence lorsqu'il se
voit dans l'obligation et l'incapacité d'exercer son emploi
régulier. Normalement, quatre semaines sont nécessaires pour
équilibrer sa moyenne d'heures de travail.
Cette situation fait que dans la plupart des cas il se crée un
vide administratif qui n'a pas d'énormes valeurs pécuniaires en
soi, mais qui occasionne des problèmes cléricaux qu'il serait
possible de lui éviter compte tenu de sa situation
d'accidenté.
En considération également des délais de paiement
qui varient entre cinq à six semaines selon les informations dignes de
foi que nous avons reçues, ce qui signifie à toutes fins utiles
un vide possible sans rémunération pour le travailleur; pour
éviter qu'en raison d'un manque à gagner - cela arrive - le
travailleur reprenne prématurément ses occupations
régulières bien que son état de santé ne soit pas
complètement satisfaisant pour ce faire; pour éviter les
démarches patronales qui se servent de ce manque à gagner pour
influencer le travailleur à accepter soit un travail léger, soit
un retour au travail prématuré, nous croyons que le
législateur devrait amender et/ou préciser les points suivants:
que l'employeur doive verser le salaire qu'il y ait ou non un doute de
contestation sur les faits accidentels ou autres.
En effet, la CSST possède des ressources compétentes
nécessaires pour établir ces présomptions sans que
l'employeur ne se fasse juge et partie.
Que la période de versement de l'indemnité de remplacement
du revenu soit de 20 jours ouvrables suivant le début de cette
incapacité.
Il s'agit là d'un amendement qui vient minimiser à son
strict minimum les possibilités de complications administratives et qui
aura pour effet, sans augmenter les coûts réels directs et
indirects d'assurer au travailleur victime d'une incapacité
résultant de son travail, de recevoir ce qui lui est dû sans lui
créer des complications autres que celles déjà trop
nombreuses qui sont reliées à son état de
santé.
L'article 62, qui traite du maximum annuel assurable. Au Québec
il existe parfois des différences marquées entre les salaires
versés dépendamment des secteurs d'activité. En principe,
l'indemnité de remplacement de revenu devrait être basée
sur le salaire gagné. Ainsi, le travailleur oeuvrant dans un secteur
d'activités où la moyenne de salaire est supérieure
à la moyenne provinciale, subit un préjudice par rapport à
celui qui se situe dans une catégorie inférieure.
Si on veut assurer un traitement équitable en fonction du
pourcentage du salaire reçu, nous croyons qu'il y aurait lieu de
modifier cet article. On devrait préciser que le maximum assurable soit
égal à 150% d'une moyenne calculée à partir de la
rémunération hebdomadaire moyenne des travailleurs du secteur de
l'activité économique du Québec dans lequel il travaille.
Avec cette méthode on assure un traitement égal à tous les
travailleurs tout en respectant les principes de base d'indemnité.
Concernant le délai à compter de la quatrième
année, ce délai de trois ans pour mettre fin au revenu, voire le
diminuer, nous apparaît nettement insuffisant.
Généralement, il faut cinq ans pour assurer une
réinsertion sociale, selon les informations que nous avons
reçues.
L'article 81, l'atteinte permanente et l'article 82. Partant du fait que
le
travailleur victime d'un accident du travail ou d'une maladie
professionnelle est celui qui subit toutes les conséquences de son
état pour des motifs pour lesquels il est impuissant, nous voyons d'un
très mauvais oeil qu'il subisse en plus les restrictions
administratives. Nous concevons que le système actuel occasionne des
frais onéreux à la CSST, mais on n'a pas à corriger cette
lacune au détriment des indemnités pour dommages corporels.
Un exercice rapide nous permet de constater que la différence
entre l'état actuel du système et les propositions inscrites aux
articles 81, 82 est énorme quant au montant de l'indemnité. C'est
à se demander si on ne veut pas réajuster les coûts
administratifs en pénalisant directement le travailleur dans son
indemnité. Le travailleur est suffisamment pénalisé sans
qu'il ne subisse de telles coupures. (17 h 30)
Qu'il suffise de regarder l'exemple suivant et on a vite fait de
comprendre pourquoi nous nous opposons à cet amendement. On a pris ici
monsieur X âgé de 80 ans... 49 ans, pardon - je pensais au projet
de loi 15 - incapacité permanente. Dans la loi actuelle, pour l'individu
en question, 12% de DAP, la rente mensuelle est de 156 $ et on vient de lui
offrir une offre de règlement de 19 500 $. Avec la nouvelle loi, ce qui
lui serait versé représenterait 4021,52 $. Si nos informations
sont bonnes, c'est de cette façon que la situation se présente.
Or, la marge qui existe entre les deux comparaisons signifie, sur une
indemnité forfaitaire, un poste de 15 478,48 $ ce qui nous
apparaît tout à fait disproportionné.
S'il est vrai que l'administration des indemnités actuelles est
trop onéreuse, il serait préférable d'instaurer un
système administratif moins coûteux sans pour cela
pénaliser celui qui est la victime. Par contre, si c'est le
système de calcul des indemnités qui est disproportionné
aux inconvénients subis, qu'on le modifie, mais pas d'une manière
aussi radicale.
Je me permettrai ici de rappeler les paroles de l'actuel
président de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail à l'occasion de la mise en marche du
processus de réalisation d'une étude tripartite dans notre
secteur et je cite: "Le travailleur n'a pas à payer pour connaître
les conséquences de son environnement de travail sur sa santé."
Ces paroles peuvent très bien se transposer dans ce cas-ci et il est
tout à fait logique de dire que le travailleur n'a pas à payer
pour des inconvénients subis à l'occasion de son travail. Ainsi,
l'indemnité pour dommages corporels devrait être sur une base de
rente, qu'elle soit mensuelle ou annuelle, mais qu'elle reflète un
esprit d'équité et de bonne conscience, eu égard au fait
que souvent les inconvénients dont l'accidenté du travail est
victime, sont inestimables, ne fut-ce que par un système arbitraire ou
scientifique qui, nous en convenons, doit exister pour éviter l'anarchie
et le juste partage d'un traitement égal pour inconvénient
égal.
Dire oui à un tel amendement signifie -le mot est peut-être
fort - une trahison aux principes mêmes de la philosophie de la
santé et la sécurité du travail qui veut selon la
définition même de l'accident ou la lésion professionnelle
que le travailleur est une victime donc celui qui subit en raison de risques
reliés à son travail. Il n'a donc pas à subir en plus les
contrecoups d'une administration devenue obligatoire elle-même en raison
de ces mêmes risques créés par l'employeur qui finit
toujours par tirer le bénéfice de la production.
À l'article 100, nous croyons tout simplement que 1500 $
accordés pour les frais funéraires ne sont pas réalistes.
Considérant qu'il y a décès prématuré et
sans entrer dans toute la discussion sur les effets familiaux, etc., le
conjoint n'a pas à hypothéquer les assurances dont le montant est
calculé pour combler les besoins créés par le
départ d'un être cher. Ainsi, il serait plus réaliste de
dire que les frais funéraires seront entièrement payés sur
présentation de pièces justificatives en y précisant un
maximum qui tient compte de la réalité du marché.
L'article 132, "La commission décide de la
nécessité, de la nature, de la suffisance ou de la durée
de l'assistance médicale." Le législateur, dans son souci de
recherche de paritarisme, de consultation et de concertation, et même
dans certains milieux de "concertaxion", a créé des
mécanismes permettant aux intervenants de se doter d'outils neutres qui
viennent garantir la réalisation des objectifs recherchés. La Loi
sur la santé et la sécurité du travail instaure la notion
du médecin d'établissement qui joue un rôle professionnel
compétent en relation avec le milieu de travail où il exerce.
C'est pourquoi nous croyons que la CSST ne devrait pas se doter de
mécanismes arbitraires unilatéraux qui risquent, malgré la
bonne foi des individus, d'être influencés par des contraintes
omniprésentes.
La commission devrait donc utiliser les notions qu'elle a
créées pour les parties et, par conséquent, les
décisions telles que celles prévues à l'article 132
devraient être prises en consultation avec le médecin
d'établissement qui constitue une compétence présente dans
le milieu du travail.
Bien qu'on puisse dire qu'il va de soi que cette consultation se fasse,
il est préférable de le préciser et ce, pour des raisons
ausi logiques que celles déjà précisées dans notre
présentation à savoir que les
hommes passent et que les institutions demeurent.
Le droit de retour au travail qui suscite beaucoup de commentaires selon
ce que nous entendons. Nous jugeons tout à fait logique que ce nouveau
droit soit précisé de façon claire. À la
lumière des commentaires que nous avons recueillis, il s'agit de l'un
des points qui rendent populaire auprès des travailleurs le
présent projet de loi.
Il est tout à fait normal que l'employeur se voit obligé
de reprendre à son service aux conditions les mieux adaptables celui qui
est victime d'un accident du travail.
L'article 147. Nous faisons ici allusion particulièrement au
paragraphe 2 qui dit que ce sont deux ans s'il occupait un emploi dans un
établissement comptant plus de vingt travailleurs. Pour nous, cet
article vient en quelque sorte annuler le précédent ou du moins,
le limiter très sérieusement dans son application. L'absence
prolongée du travailleur est complètement étrangère
à son contrôle, voire sa volonté. Pourquoi le
pénaliser en raison de la gravité de sa blessure ou de sa
maladie?
De plus en plus, le taux de gravité des accidents est
élevé, du moins dans notre secteur. Donc, si on limite le droit
de retour au travail à toutes les complications médicales qui
peuvent survenir, on rend le travailleur tout à fait insécure et
pis encore, on force celui qui n'est pas encore rétabli à
reprendre son travail dans un état de santé qui risque de
l'exposer davantage au danger. Il est tout à fait anormal de
créer une telle contrainte.
Au pis aller, on pourrait l'obliger à certains travaux
communautaires, recyclage scolaire et quoi d'autres encore qui pourraient lui
permettre de se sentir utile dans une société qu'il a
contribué et veut encore contribuer à bâtir. Ne
fût-ce que pour un support moral qui lui permette de ne pas se croire au
crochet de ses confrères de travail avec lesquels il a partagé
une partie de sa vie. N'oublions pas que ce n'est pas le travailleur
accidenté qui crée la situation dans laquelle il se trouve. Bien
au contraire, il l'a subie.
Dans son état actuel, cet article devrait être biffé
et si le législateur tient absolument à restreindre l'application
de ce droit, que ce soit fait dans le but d'éviter les abus possibles et
non de pénaliser le travailleur.
L'article 149 qui précise que le travailleur continue de
participer au régime de retraite, aux paragraphes 1 et 2, cesse
d'accumuler des jours de vacances ou de congés de maladie. Voici un
petit exemple: À la guerre, si le soldat est blessé, on le traite
triomphalement en héros. On le décore. Ici, le blessé du
travail, on le pénalise. Le paragraphe 2 de cet article: voilà
une situation anormale. Pour toutes les raisons et obligations sociales,
morales voire même juridiques, on n'a pas à retirer au travailleur
des bénéfices auxquels il a pleinement droit.
Dire oui à la cessation d'accumulation des jours de vacances et
congés de maladie signifie une coupure directe de son indemnité
de remplacement de revenu. D'autres lois, en l'occurrence celle sur les normes
du travail, reconnaissent le droit à des vacances pleinement
payées et des congés de maladie également.
C'est pourquoi nous croyons que le législateur devrait permettre
à l'accidenté du travail de jouir pleinement de ses
bénéfices et avantages comme s'il avait été au
travail. Nous convenons toutefois qu'il devrait être contraint aux
mêmes obligations que celles prévues dans le paragraphe 1
concernant sa participation, s'il y a lieu.
Enfin, conserver intégralement le texte proposé ne
vient-il pas en contradiction avec le principe énoncé aux
articles 150 et 152 qui lui accordent le droit de conserver ses avantages et
bénéfices?
À l'article 155, l'employeur, sur demande du travailleur ou de la
commission, avise ceux-ci de tout emploi qui devient disponible en vue de
permettre au travailleur l'exercice du droit que lui confère l'article
154. Parlant de ce droit de retour au travail, je me permets ici une petite
annotation. Nous comprenons qu'il doit entrer en vigueur dès que le
travailleur est jugé apte, médicalement parlant, à
reprendre le travail et que ce retour ne vient pas brimer d'autres
salariés dans leurs droits, qu'ils soient conventionnels ou
accordés par la Loi sur les normes du travail, par exemple dans les
endroits où il n'y a pas d'organisation syndicale.
Nous comprenons également que, sous prétexte d'une
exclusion d'un poste, l'employeur prétende qu'il n'y a pas d'ouverture
d'emploi en raison d'une décision unilatérale qui vient en
quelque sorte annuler l'esprit du législateur de ce droit de retour au
travail. C'est-à-dire que si l'employeur, à un moment
donné, ne veut pas retourner un type au travail, il dit: Écoute,
ce n'est pas compliqué. On n'a pas d'ouverture pour toi. On n'a pas de
poste qui le permette. À la rigueur, à toutes fins utiles, dans
des établissements d'envergure multinationale tel que celui dans lequel
nous oeuvrons, l'employeur peut facilement se doter d'une banque d'emplois qui
lui permette de réintégrer certains travailleurs dont
l'état de santé ne leur permet pas de réintégrer
l'emploi qu'ils occupaient au moment de l'accident. Pour toutes les raisons et
la philosophie du paritarisme en matière de santé et de
sécurité du travail, nous croyons que l'association
accréditée qui représente le travailleur devrait aussi
être avisée au même titre que les autres intervenants de
ces
ouvertures de postes.
L'article 158, le nouvel employeur d'un établissement
aliéné ou concédé, autrement que par vente, etc.
Pour éviter toute ambiguïté - il y a plusieurs
possibilités et le Code du travail y fait déjà allusion
d'ailleurs - il serait préférable de préciser ici le
même principe voire à accorder le même droit en fonction du
deuxième paragraphe de l'article 85 du Code du travail et
préciser que sans égard à la division, la fusion ou au
changement de structure juridique de l'entreprise, les mêmes obligations
soient faites à l'employeur.
Cette précision est nécessaire, du moins en ce qui regarde
la grande entreprise, qui dans son expansion technologique, morcelle ses
établissements en divisant ses secteurs de production sans pour cela
changer d'employeur.
L'article 160. Le travailleur peut soumettre une plainte à la
commission s'il croit que son employeur a illégalement omis, etc. Nos
commentaires sont les mêmes que ceux que nous avons faits sur les article
155 et 156.
À l'article 166 concernant la décision du commissaire du
travail. Notre commentaire se rapporte précisément au
deuxième alinéa de l'article concernant notamment la
référence à l'article 130 du Code du travail.
Contrairement à cet article, dans le présent cas, le délai
de dix jours où on dit qu'il y a un délai de dix jours de la mise
à la poste par le ministre ou par le commissaire de l'avis, on pourrait
plutôt parler d'un délai d'au moins quinze jours ouvrables
à compter de la mise à la poste par courrier recommandé ou
certifié de la décision du commissaire ou dans les dix jours au
moins de la réception par le travailleur de la dite décision.
D'autant plus qu'il s'agit d'un travailleur accidenté et qu'il peut y
avoir plusieurs contraintes.
À l'article 172, l'employeur donne avis à la commission de
toute lésion professionnelle, etc. Nous pensons qu'il serait
préférable d'apporter des précisions sur le délai
accordé à l'employeur pour aviser la commission. En effet, afin
d'éviter les retards abusifs ou négligents on pourrait par
exemple écrire que l'employeur, dans un délai raisonnable, ne
devant pas excéder cinq jours avise la commission. De plus, pour tous
les motifs déjà invoqués, il y aurait lieu d'ajouter parmi
les destinataires "l'association accréditée et ou le
représentant à la prévention."
En conclusion. Voilà ce qui constitue nos commentaires sur le
projet de loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Bien entendu, il s'agit d'une intervention qui reflète la situation que
nous vivons quotidiennement en relation avec notre employeur. Il faut
également comprendre que nous considérons nos besoins en fonction
de travailleurs qui peuvent compter sur une fédération syndicale
structurée qui peut répondre à des besoins et pallier
à l'occasion des lacunes créées par des interventions
patronales qui profitent de l'ambiguïté de certaines
interprétations pour priver le travailleur, ne fut-ce que
temporairement, de droits qui devraient normalement lui être
dévolus automatiquement. Par conséquent, nous sommes pleinement
conscients que le travailleur qui est peu ou pas organisé rencontre de
nombreuses difficultés à faire valoir ses droits sans traverser
d'obstacles.
Nous sommes d'avis que le présent projet de loi a sa raison
d'être et surtout, qu'il doit faire prendre conscience à toute la
population qu'en matière de santé et de sécurité du
travail, la principale cible qui risque de recevoir les flèches, c'est
le travailleur et que, pour cela, l'employeur doit consentir, tout en lui
reconnaissant ses droits, à partager son profit dans des investissements
visant l'amélioration des conditions de vie au travail.
Nous déposons donc le présent mémoire avec la
conviction qu'il sera reçu à son mérite et avec la
considération habituelle dans un esprit d'objectivité visant
à assurer la protection minimale du travailleur. Bien que
l'administration d'une loi soit coûteuse, dites-vous bien que l'accident,
qu'il soit fatal ou non, n'a pas de prix. Il y a des guerres qui ont
été dévastatrices mais elles n'ont jamais duré
aussi longtemps que les risques d'exposition imposés aux travailleurs
depuis que l'homme travaille jusqu'à la fin de l'intervention humaine
dans l'industrie, fin qui n'en est pas une en soi. (17 h 45)
Messieurs, madame, il nous fera plaisir de répondre à vos
questions. Si besoin est, je céderai la parole à mes
collègues qui oeuvrent journalièrement en matière de
santé et de sécurité du travail dans le milieu
syndical.
Le Président (M. Paré): Merci beaucoup pour la
présentation. Nous allons maintenant passer à la période
des échanges et le premier à prendre la parole est le ministre du
Travail.
M. Fréchette: Merci, M. le Président. Je n'aurai
pas d'objection, quant à moi, si nos collègues de l'Opposition y
consentaient, à déborder l'heure normale prévue pour la
suspension de nos travaux.
Une voix: II n'y a aucun problème.
M. Fréchette: Je remercie, M. Dubois et ses
collègues qui l'accompagnent. Eux aussi, comme plusieurs de ceux qui les
ont précédés et sans doute aussi comme plusieurs de ceux
qui vont les suivre, ont très
certainement consacré passablement de temps à
décortiquer cette loi et à préparer un mémoire pour
les fins de la présente commission.
Je retiens, M. le Président, que l'organisme qui est devant nous
a su, avec beaucoup d'à-propos, mettre le doigt sur des choses qui
doivent être améliorées depuis que la Loi sur la
santé et la sécurité du travail existe, depuis que le
livre blanc a été publié en 1978 mais qui, par ailleurs,
semble concourir à un des principes fondamentaux de la loi qui est celui
du paritarisme. Je vous rétière que j'ai cru comprendre, à
travers les représentations, le message de la Fédération
des syndicats du secteur aluminium qu'on est effectivement satisfait de ce
principe du paritarisme et qu'il y a lieu, pour tous les intervenants de se
roder à ce système qui présente, bien sûr, ses
inconvénients mais qui, en fin de compte, est peut-être le
meilleur système auquel on puisse penser en matière de
santé et de sécurité.
M. Dubois, à vous et à vos confrères, je
souhaiterais qu'on puisse préciser quelques-uns des aspects de votre
mémoire, quelques-unes des questions que vous soulevez et des
recommandations que vous faites. Ma première observation est en relation
avec vos recommandations quant à la présomption qui existe
à l'égard de certaines maladies professionnelles et qui
n'existent pas par ailleurs à l'égard de certaines autres.
Je vais essayer de résumer le rationnel qui est derrière
cette disposition législative quitte à réévaluer ce
rationnel pour voir si notre appréciation est correcte. Vous retrouvez
en annexe A de la loi une énumération qui nous apparaît
exhaustive dans l'état actuel des choses quant à la nature des
maladies professionnelles. C'est la liste qui a été retenue par
le Bureau international du travail et nous avons retenu toute la nomenclature
des maladies professionnelles que cet organisme a identifiées.
Par ailleurs et vous le soulevez, il y a très certainement - tout
le monde en est conscient - d'autres maladies professionnelles qui ont comme
origine, comme cause le milieu ambiant du travail. On ne met pas en doute cette
possibilité, ne serait-elle que théorique, certaine que cela
existe.
La difficulté devant laquelle nous sommes, et les motifs qui ont
été évalués, ce sont les suivants: II peut y avoir
des cas, par exemple, où même la science médicale n'est pas
en mesure de se prononcer sur une maladie qu'on pourrait identifier comme
professionnelle. L'exemple qu'on a utilisé tout au cours de nos
discussions, c'est le phénomène de l'alcoolisme. Dans
l'état actuel de nos discussions au Québec, certains
reconnaissent que le phénomène de l'alcoolisme peut être
considéré comme une maladie. D'autres disent que non. Quand je
réfère à certains et à d'autres, c'est à des
hommes de science, à des professionnels de la santé qui se sont
intéressés à ce phénomène et qui ont
essayé de l'évaluer. Or, il y a des hommes de science qui
prétendent que l'alcoolisme est une maladie, d'autres prétendent
que c'est encore un des sept péchés capitaux, comme on a appris
dans notre petit catéchisme.
Il y a déjà là, au niveau de la nature même
de ce que pourrait être la maladie, une discussion scientifique
importante. La première étape à franchir dans un cas comme
celui-là, c'est celui de savoir d'abord si l'alcoolisme, à partir
de l'exemple dont on parle, est une maladie. Deuxièmement, si on devait,
scientifiquement et autrement, en venir à la conclusion que c'est une
maladie. Il faudrait essayer de voir maintenant si certaines conditions de
travail peuvent avoir des incidences sur la maladie elle-même. Par
exemple, le fait de travailler à la chaleur, le fait de travailler au
froid, le fait de travailler dans toute espèce de conditions qui ont
déjà été identifiées par des
spécialistes qui ont considéré cette question.
Nous aurions beaucoup d'hésitation à ce stade-ci, à
inclure dans l'annexe A dont on parle, qui fait l'énumération des
maladies professionnelles, l'alcoolisme comme étant une maladie
professionnelle. Vous voyez le raisonnement qui est là et je ne vous dis
pas qu'il est définitif, final, coulé dans le ciment mais c'est
une difficulté à laquelle il faut faire face et y faire face avec
autant de réalisme que possible.
Encore une fois, c'est la raison ou les motifs pour lesquels la loi est
faite comme elle l'est actuellement. Il est évident qu'au fur et
à mesure que la jurisprudence se créerait ou alors que la science
médicale évoluerait dans le sens d'identifier très
précisément ce qu'on pourrait convenir d'appeler des maladies
professionnelles, c'est clair qu'à ce moment-là, elle serait
ajoutée à l'annexe A. Je voulais prendre le temps qu'il faut pour
expliquer les motifs qui ont présidé aux dispositions actuelles
de la loi et je ne sais pas si vous avez des commentaires à faire
là-dessus, des observations ou encore des remarques qui pourraient
contribuer à me faire changer d'opinion, mais je vous signale comment,
actuellement, on regarde la situation.
M. Dubois (Jean-Marc): Ce que je peux faire à ce stade-ci,
c'est vous préciser que le but de nos remarques, lorsqu'on parle
d'établir la présomption, n'est pas dans le sens d'ajouter des
maladies à l'annexe A, mais comme vous le mentionnez, il est
déjà très complexe, même dans les milieux
scientifiques, de déterminer une relation de cause à effet, alors
que dans le cas du travailleur qui va déposer une demande, on lui
demande, à lui, d'établir la relation de
cause à effet, lui, le profane qui n'a aucun outil ni
scientifique ni médical, à sa disposition dans l'immédiat,
sauf pour celui qui est organisé dans le monde du travail ou qui peut,
par son organisation syndicale, accéder à des services
professionnels médicaux, scientifiques ou autres. Je prendrai ici un
exemple. On voit qu'il y a des maladies pulmonaires qui sont reconnues. On n'a
pas de maladies pulmonaires reconnues en fonction de notre milieu de travail
à nous. On ne demande pas d'ajouter demain matin les maladies
pulmonaires reliées à la production de l'aluminium, parce que
cela fait déjà quatre ans qu'on est à une étude
scientifique qui n'a pas encore publié ses conclusions sur le dernier
volet de l'étude.
On sait que c'est très complexe, mais si je prends, par exemple,
le domaine de la surdité industrielle, on va demander à un
individu qui est atteint de surdité et qui va se présenter devant
la commission pour une demande d'indemnisation, d'établir la relation de
cause à effet entre sa surdité et son exposition dans sa vie de
travailleur à un milieu donné, alors qu'on sait que la
surdité industrielle s'acquiert avec le temps. Bien souvent, cela va
faire quinze ou vingt ans qu'il est exposé à différents
degrés de décibels et on lui demande de venir dire: J'ai
travaillé sur un marteau-piqueur pendant trois ans. Cela donne tant de
décibels selon le tableau. Voyez comment cela peut être complexe
pour un travailleur. On dit dans le cas d'un accident du travail qui est
quelque chose de visible, qui n'a pas nécessairement du sang, mais qui a
quelque chose de visible: "La présomption est accordée au
travailleur à l'effet qu'il y a eu accident." On dit: Tu es un
accidenté du travail. Ensuite, on regarde cela et on dit: Bon!
Maintenant, ton accident, est-ce que cela répond aux définitions
de la loi, etc.?
Dans le cas d'une maladie professionnelle, Jos. Bleau par exemple, qui
est atteint d'emphysème et qui travaille dans un milieu où il y a
des possibilités que l'ambiance de travail ait des conséquences
sur son emphysème, va à la Commission de la santé et
sécurité du travail et dit: Voici, messieurs, je suis atteint
d'une maladie respiratoire. Mon médecin me dit que c'est ça. Sans
qu'il soit obligé de produire une expertise médicale parce que
vous savez qu'une expertise médicale coûte 175 $, 180 $ et 190 $
malgré le régime qui prévaut au Québec. Dans notre
cas on paie pour le travailleur mais celui qui n'est pas organisé n'a
pas toujours les 175 $ pour déposer une expertise médicale
à la CSST.
Au départ le travailleur dépose et les spécialistes
de la CSST qui ont en main les documents... Il est évident que si
à un moment donné il y a un afflux de demandes sur une maladie
donnée, la CSST dira: Il y a lieu de faire une étude
là-dedans. Il y a des cas isolés aussi. Cela commence par des cas
isolés.
On a placé une demande pour une étude sur les troubles
cardio-vasculaires chez les soudeurs. Cela a pris deux ans et on arrive
à un début d'étude. Imaginez! cela a pris deux ans et on a
mis des spécialistes là-dedans. Pourtant, les troubles cardiaques
c'est une maladie reconnue en soi mais c'est d'établir la relation entre
le trouble cardiaque et le milieu du travail qui est difficile.
Ici on dit au travailleur: Viens l'établir, toi le profane. Le
gars qui n'a pas d'outil... Notre intervention est dans ce sens-là, soit
de dire qu'au départ on devrait accorder la présomption... La
seule obligation faite au travailleur serait d'établir la
présomption qu'il a été exposé à un milieu
de travail, en présentant une feuille de route et en assermentant, etc.,
qu'il a été exposé à ce milieu de travail, que sa
vie de travail c'est ça et qu'aujourd'hui il est atteint de cette
maladie parce que son médecin le soigne pour ça. Ensuite,
l'enquête démontrera, sans qu'il soit obligé...
M. Fréchette: En fait, M. Dubois, en vous écoutant
je retiens qu'il y a évidemment le jeu de la présomption sur
lequel vous insistez mais votre argumentation va aussi dans le sens de nous
convaincre que peut-être bien que si vous aviez les moyens, au sens
très large du terme, de procéder à la preuve dans le sens
que vous nous le décrivez, ce serait moins important le jeu de la
présomption lui-même. En d'autres mots, vous nous dites être
démuni des moyens tant scientifiques que de toute autre espèce
pour arriver à convaincre une instance habilitée à
décider de la justesse de vos prétentions.
Il y a aussi, bien sûr, le jeu de la présomption. Je ne
rejette pas ça mais il y a aussi la facilité de pouvoir faire
cette preuve devant les instances habilitées à décider. Je
retiens votre argumentation à cet égard.
Vous avez également fait référence à un des
aspects les plus importants du projet de loi et c'est celui qui est en relation
avec le retour au travail, enfin la réhabilitation après trois
ans plutôt qu'après cinq ans. Là-dessus, vous avez un
très court message qui, par ailleurs, est fort clair. Vous nous indiquez
que les informations que vous avez vous permettent de conclure que cela prend
généralement cinq ans avant d'arriver à être
complètement fixé sur l'état de santé d'un
travailleur ou d'une travailleuse accidentée, que les séquelles
définitives ne peuvent pas être connues avant cette période
de cinq ans. Évidemment, c'est sans doute au niveau de la période
de temps que les informations ou les statistiques peuvent varier, mais il
semble que, par exemple, depuis la mise en vigueur de la Loi sur l'assurance
automobile,
les expertises actuellement retenues par la régie tendraient
à nous conduire à la conclusion que, généralement
parlant, après trois années, on va être fixé sur le
sort d'un accidenté de la route: ou bien il sera apte à reprendre
un travail, il sera affecté d'une incapacité partielle
permanente, ou alors il sera classé comme invalide total et permanent.
(18 heures)
Je vous réitère que ce sont les informations que nous
avons actuellement. Cependant, il y a un autre bout de chemin à faire
pour être tout à fait certain de l'évaluation qui est
faite. Je vous signale que beaucoup de représentations nous ont
été soumises et d'autres viendront sans doute, mais je voulais
simplement mettre sur la table les motifs qui ont présidé
à cette disposition quitte, encore une fois, à revoir la
situation.
J'ai une dernière observation, M. le Président. C'est
sûr qu'encore une fois, on n'aura pas le temps de toucher à tous
les points qui ont été soulevés par la
fédération, mais un dernier aspect que M. Dubois a
soulevé, c'est celui des frais funéraires. La première
observation que je veux vous soumettre, c'est que cela fait 50 ans que
l'actuelle loi est là, et il n'y a pas eu de changements, comme il
aurait été souhaitable qu'il y en ait au niveau du paiement des
frais funéraires, mais il y a quand même une augmentation
d'à peu près 200% par rapport aux dispositions actuelles de la
loi. On passe de 500 $ à 1500 $. Il ne faudrait pas non plus perdre de
vue qu'il y a une allocation spéciale de 500 $ qui s'ajoute à
l'allocation pour frais funéraires dont la personne en charge des
funérailles pourra disposer comme bon lui semble, de sorte que, si la
personne à qui serait confié le mandat de faire les
funérailles d'un accidenté ou d'une accidentée du travail
décidait d'utiliser l'allocation additionnelle de 500 $ pour des frais
funéraires, rien n'empêcherait qu'elle puisse le faire.
Théoriquement en tout cas, les frais funéraires pourraient
atteindre 2000 $. Pourquoi avons-nous inscrit 1500 $ et une allocation
spéciale de 500 $? C'est tout simplement pour essayer d'éviter
les travers normaux de la nature humaine. Lorsque vous nous parlez de payer des
frais funéraires sur présentation d'une facture, vous avez sans
doute évalué, en même temps que nous l'avons fait, ce que
cela pourrait vouloir dire. C'est uniquement en fonction de cette
considération que nous avons cru utile de départager de la
façon que nous l'avons fait dans le projet de loi l'allocation des frais
funéraires.
M. le Président, je ne suis même pas exact dans mes
renseignements. On en parle tellement depuis plus d'une semaine maintenant.
L'allocation spéciale n'est pas de 500 $, mais de 1000 $, ce qui fait
une allocation de frais funéraires, à strictement parler de 1500
$, plus une allocation spéciale de 1000 $ qui pourra être
utilisée selon le désir et la volonté de la personne
à qui ce mandat a été confié, ce qui pourrait
vouloir dire que des funérailles de 2499,99 $ pourraient être
faites, mais encore une fois, sans que j'aille plus précisément
dans le détail, vous comprenez sans doute pourquoi la loi est ainsi
faite.
M. le Président, j'ai complété mes remarques. Je
signale que les autres aspects du mémoire sur lesquels on n'aura pas
l'occasion d'échanger vont effectivement faire l'objet de
considérations attentives. Je voulais simplement réitérer
mes remerciements aux gens de la Fédération des syndicats du
secteur de l'aluminium.
Le Président (M. Paré): Vous voulez faire un
commentaire.
M. Dubois (Jean-Marc): Ce ne sera pas tellement long. Lorsqu'on
parlait des cinq ans, selon nos informations, c'est selon le vécu aussi.
C'est que pour retourner à son poste de travail, le gars a quand
même des contraintes d'environnement de travail. C'est évident que
si après trois ans il est possible qu'il reprenne un certain travail,
mais que, après trois ans, à cause de l'environnement de travail
et non seulement à cause de sa capacité physique, il ne peut pas
retourner au travail parce que - je ne sais pas - si c'est un genou cela va lui
demander de trop marcher, souvent des choses comme cela, c'est cela qu'on veut
souligner lorsqu'on fait allusion à cinq ans, c'est par rapport à
notre milieu de travail. D'accord?
Pour les frais funéraires, écoutez, c'est qu'on a
regardé les 1500 $ et on les a limités nous aussi en disant au
tarif normalement accepté, au taux généralement reconnu
sur le marché pour éviter aussi de dire je vais faire enterrer le
premier ministre. On a pensé à cela aussi de façon assez
sérieuse.
Le Président (M. Paré): Merci. M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci. Moi aussi au nom de ma formation politique,
j'aimerais vous remercier et vous féliciter pour votre mémoire
qui est particulièrement bien construit et qui reflète, je pense
bien, les revendications des travailleurs du secteur de l'aluminium. Avant de
parler du mémoire, je veux dire que je sais que vous avez vécu
deux étapes dans la région d'Arvida et de la Baie. Vous avez des
travailleurs qui sont à l'usine d'Arvida, une usine qui date de plus de
20 ans et qui était reconnue pour être particulièrement
polluante de l'extérieur. Je n'ai jamais eu l'occasion de la
visiter à l'intérieur, mais de l'extérieur, elle est
reconnue pour cela. Vous avez aussi une usine qui est relativement neuve
à la Baie. J'aimerais savoir, le degré d'amélioration
qu'il y a eu au cours des années au niveau de la pollution
extérieure et intérieure, surtout intérieure parce qu'elle
s'applique au niveau des travailleurs, parce que cela a quand même une
influence. Vous avez parlé tout à l'heure d'une chose qui m'a
surpris un peu, que les maladies pulmonaires dues à la respiration
à l'intérieur de l'usine d'aluminium étaient exclues.
Je pense que, pour en avoir visité quelques-unes dans mon
comté, c'est quand même un facteur très important la
pollution à l'intérieur d'une usine d'aluminium. C'est même
suffoquant de respirer là-dedans si on n'a pas le petit masque de
sécurité. Je voudrais savoir si celle de la Baie est beaucoup
plus conforme à vos recommandations et si c'est beaucoup plus vivable
pour les travailleurs à l'intérieur. Je pense que vous avez quand
même certaines expertises là-dessus qu'on ne connaît pas
nous autres ici.
M. Dubois (Jean-Marc): Je ne veux pas entrer dans tous les
principes de pollution. Il est évident que les conditions de vie au
travail dans une usine moderne comme celle de la Baie sont meilleures que dans
une usine de guerre comme celle d'Arvida. Il est évident que vu du
côté patronal - c'est difficile pour nous de s'y placer - mais il
semble que la seule pollution qu'on ait pu éviter à Grande Baie,
c'est la syndicalisation. Alors, les conditions de vie étant meilleures,
on présume que les maladies quelconques dans le milieu de travail vont
être moins nombreuses dans ces usines qu'elles ne le sont aujourd'hui
après autant d'années d'exposition dans des usines aussi
désuètes que celles de Jonquière, ou d'île Maligne,
ou de Beauharnois, par exemple.
M. Maltais: Est-ce qu'on a tendance, par exemple, à
modifier et à moderniser ces vieilles usines ou si on les laisse dans le
même style qu'elles étaient pendant la guerre, comme vous
dites?
M. Dubois (Jean-Marc): Écoutez, on modernise dans un
certain sens, mais lorsque les coûts deviennent trop onéreux, on
évite de corriger à la source les émanations de gaz ou
d'autres polluants qui sont susceptibles d'affecter la santé des
travailleurs. On se cache, comme vous le disiez, derrière le masque.
Mais le masque ne vient malheureusement pas éliminer toutes les
contraintes que subit le travailleur.
M. Maltais: Vous avez souligné dans votre mémoire
particulièrement - et vous n'êtes pas le seul, d'ailleurs,
à l'avoir fait et je pense que cela revêt une importance capitale
pour les membres de la commission - l'aspect du retour au travail. On a
reçu d'autres organisations syndicales, d'autres organisations
d'employeurs et plusieurs spécialistes en médecine et,
finalement, pas un n'est content. Et je pense qu'on recevra ce soir un autre
groupe de médecins qui, sans doute, n'est pas content non plus. On parle
d'accidents mineurs pour les fins de la discussion. Pour les accidents mineurs
dans les grosses entreprises comme la vôtre, il y a un médecin de
service, comme vous nous le dites. À partir de ce moment-là,
l'employé est obligé de faire affaires avec le médecin de
service. Dans l'exemple que monsieur donnait tout à l'heure - disons que
ce n'est peut-être pas dans tous les cas -mais un mauvais jugement de
médecin a permis que quelqu'un soit arrêté durant trois ans
et subisse plusieurs opérations. D'après vous, est-ce que ce ne
serait pas au médecin traitant - moi, j'ai un médecin traitant,
vous en avez un qui serait en mesure de permettre le retour au travail et dire
que le gars est mieux. Si notre cas est trop compliqué pour notre
médecin de famille, il nous envoie voir un spécialiste dans un
hôpital et ce dernier lui fait rapport et lui dit si on doit subir une
opération. À ce moment-là, il nous réfère
à d'autres spécialistes. À l'heure actuelle, il y a le
médecin de la compagnie, le médecin spécialiste de la CSST
qui, bien souvent, ne voit que le rapport de l'accidenté ou ne fait que
très peu de visites au travailleur, et le médecin
spécialiste de l'hôpital à qui il est
référé. Finalement, il y a trois ou quatre médecins
qui traitent l'employé et on n'a pas de résultat. Tout le monde
est de mauvaise humeur à l'égard de cet article. De quelle
façon le verriez-vous rédigé afin d'être certain que
l'employé ne sera pas lésé dans ses droits, qu'il aura
droit à une juste réclamation et qu'il ne commettra pas ce qu'on
peut appeler un acte de piraterie envers la CSST, l'employeur et même le
syndicat? Dans des cas comme le vôtre, vous devez payer des expertises.
De quelle façon voyez-vous cela pour donner une plus grande satisfaction
à l'accidenté?
M. Dubois (Jean-Marc): Écoutez! Concernant le retour au
travail, il est évident qu'on est pour le principe du retour au travail;
cela va de soi. Quant à savoir qui doit prendre la décision
relativement à la capacité de retour au travail, on a
mentionné que vous avez, dans des établissements... D'abord, la
loi dit que le travailleur a toujours le droit au médecin de son choix.
C'est une considération; cela en fait partie. L'employeur a toujours son
médecin. La CSST a ses spécialistes. Il y a aussi le
médecin de l'établissement qui est choisi par les parties et qui
connaît le milieu de travail; c'est un médecin neutre.
D'accord? Le retour au travail, on le dit d'ailleurs lorsqu'on dit que
la CSST ne doit pas s'arroger seule la décision qui doit être
prise dans ces cas-là. Elle doit être prise en consultation avec
le médecin de l'établissement, ce qui est déjà
défini dans la Loi sur la santé et la sécurité du
travail, notamment. On pense que la décision doit être prise en
consultation avec le médecin de l'établissement et qu'on doit
également respecter l'opinion du médecin traitant du travailleur
et arrêter de faire des guerres entre les médecins concernant un
cas où la victime, c'est encore le travailleur. Un confrère a
quelque chose à ajouter.
M. Harvey (Gilles): Si vous me le permettez, je pense que le
mieux, à l'heure actuelle, c'est de conserver la loi, telle qu'elle
existe présentement, pas dans le projet de loi proposé, mais dans
la loi existante. Le confrère Lalancette l'a mentionné tout
à l'heure, on vit des problèmes. On oeuvre dans une usine de
multinationale. Je représente des travailleurs dans l'usine. Vous allez
probablement être tentés de me dire: Mon Dieu, vous êtes
bien servi. À l'usine de Jonquière, 5000 hommes syndiqués
y travaillent. Il y a quatre médecins à temps plein qui sont,
d'abord et avant tout, des gestionnaires qui ont à administrer un
département médical au même titre qu'un surintendant va
administrer son département. Ils doivent continuellement faire rapport
à la direction du taux d'absentéisme. Ils administrent la
maladie. Ils gèrent les accidents du travail au même titre que
l'usine est gérée. Il y a quatre médecins à temps
plein. De plus, il y a deux médecins à temps partiel - Dieu sait
si une multinationale a des pouvoirs financiers -dont l'un oeuvre dans les
services d'urgence de l'hôpital de Chicoutimi et l'autre dans les
services d'urgence de l'hôpital de Jonquière. Ce qui se produit
depuis environ un an, c'est que nos travailleurs décident, parce que,
selon la loi actuelle, le travailleur a le privilège de choisir son
médecin. Le travailleur se dit: Je suis accidenté; je me dirige
vers l'hôpital. Il arrive à l'hôpital de Jonquière,
mais il se frappe le nez sur un autre médecin de l'employeur qui oeuvre
trois jours par semaine à la compagnie et qui reçoit un
chèque de paie. Alors, on voit, depuis un an, des travailleurs qui se
présentent dans les services d'urgence des hôpitaux
régionaux et on les assigne à des travaux légers dans des
salles de cuves. Le travailleur arrive à la salle de cuves pour faire
des travaux légers. Normalement, il travaille comme cuviste. On lui
donne une brouette et on lui dit: Tu vas faire du ménage. C'est cela
qu'on vit. (18 h 15)
II est évident que, comme association, comme représentant
des travailleurs, on les informe de leurs droits et la grande majorité,
une fois informés, disent: C'est bien dommage; des travaux
légers, nous n'en voulons pas. On sait que présentement, à
cette commission parlementaire, les employeurs font des pieds et des mains.
J'ai entendu tout à l'heure la représentation de la General
Motors. C'est également dans la représentation de la
multinationale Alcan. Ces compagnies voudraient qu'à la commission
parlementaire, le législateur leur donne un pouvoir
discrétionnaire afin que leurs médecins et gestionnaires puissent
donner à ces travailleurs des travaux légers dans l'usine. C'est
une absurdité. Ce que je voudrais, c'est que la commission étudie
sérieusement ce danger pour les travailleurs. Ce gouvernement a toujours
prétendu avoir un préjugé favorable aux travailleurs.
Concernant cet article et selon votre réponse, je prétends et
nous prétendons en tant que représentants des travailleurs que la
commission doit être très sensible à ne pas insérer
la notion d'obligation de travaux légers et maintenir la loi
actuelle.
M. Lapointe (Jean-Yves): M. le Président, avec votre
permission, je voudrais préciser qu'en ce qui concerne les
médecins, dans le cas de Beauharnois - j'ai vu le député
de Beauharnois tout à l'heure, cela va peut-être
l'intéresser - à l'Alcan, il y un médecin. C'est une
petite usine. Il y a deux salles de cuves, il n'y a pas beaucoup de gens. Je
viens de passer un cas en arbitrage. Cela fait à peu près trois
semaines qu'il est terminé: un congédiement pour avoir
supposément travaillé et étant accidenté du
travail. Le jugement arrivera un de ces jours. Ce travailleur a eu un accident
du travail en descendant d'un "lift-truck", d'un charriot
élévateur. Il s'est tordu le genou. Il est allé voir le
médecin de l'employeur. Le médecin de l'employeur lui fait faire
des travaux restreints pendant sept jours. Il se lamente, il a mal au genoux.
Après cela, le médecin lui dit: Là, je ne sais plus ce que
tu as, je vais t'envoyer voir un spécialiste. Il l'envoie à
Valleyfield chez un spécialiste. Le spécialiste l'arrête de
travailler. Il dit au médecin: Je l'arrête de travailleur
jusqu'à une date indéterminée.
L'employeur n'avait pas de nouvelles de ce gars. Il l'avait
envoyé chez son spécialiste et le gars rapportait des papiers du
médecin de Valleyfield au médecin de l'employeur. Cela
s'était passé au mois de mai. Rendu au mois d'août,
l'employeur a fait suivre l'employé en question. L'employé
attendait une date d'hospitalisation pour se faire opérer effectivement
au genou et il a été opéré par le
spécialiste qui disait: Là, il faut que je l'opère. Il a
envoyé un billet de médecin. L'employeur l'a fait suivre par des
policiers pour savoir ce qu'il faisait en étant accidenté du
travail. Il était compensé par la
CSST. Il était à se construire une maison. Il avait deux
employés en plus de son garçon et il dirigeait les travaux. On
l'a photographié avec des photos compromettantes. Sur une photo, tu ne
bouges pas, tu peux la prendre de n'importe quelle manière, elle va
compromettre le gars. L'employeur le congédie à cause de cela. En
le congédiant, il commence à faire des pressions à la CSST
pour dire que ce gars n'avait pas eu d'accident du travail et qu'il
était payé pendant trois mois par la CSST, jusqu'au mois
d'août. La CSST a continué de le payer quand même en disant
qu'à l'Alcan il y avait eu véritablement un accident du travail.
Là, M. Vinette, à Beauharnois a fait des pressions à la
CSST.
À un moment donné, l'agent a décidé, selon
les lettres au dossier, des ouï-dire en fait, d'arrêter les
prestations. Notre gars n'a plus de revenus depuis le mois de mai 1983.
L'audition vient de se terminer. Le gars n'est pas revenu et l'Alcan demande
aux représentants de la CSST de venir assister à l'audition du
grief pour qu'il montre sa preuve en fonction de continuer le dossier ou de le
recommencer. Il s'appelle M. Guy Lamoureux. Il n'a pas de prestations depuis
1983, depuis le mois d'août, tout cela pour dire qu'il y a vraiment un
concubinage dans cela. La compagnie Alcan, je n'insulterai pas le gouvernement
du Québec ni le gouvernement du Canada, est aussi forte que les deux
gouvernements, je pense. Elle fait ce qu'elle veut. Ce qui arrive dans ces cas,
l'Alcan va jusqu'à faire des promesses. Elle dit: On va te donner une
avance si tu acceptes des travaux légers. Si tu n'acceptes pas de
travaux légers, tu n'auras pas d'avance. Le gars, bien sûr,
souvent choisit les travaux légers, mais cela retarde sa
guérison. Il y a plusieurs exemples comme cela. Je vous en donne un,
parce que c'est frais.
M. Dubois (Jean-Marc): C'est pour cela qu'on dit que la
décision devrait être prise en consultation avec le médecin
de l'établissement qui est dans le milieu et qui a été
choisi par les deux parties.
M. Maltais: M. le Président, j'aimerais remettre la parole
à mon collègue de Sainte-Anne, M. Polak, durant les quelques
minutes qui me restent, parce qu'il a des questions.
Le Président (M. Paré): Oui, M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: J'ai seulement une ou deux questions à poser.
Dans votre mémoire, à la page 24, vous dites, dans votre
conclusion, que le projet de loi a sa raison d'être. Je crois que vous
faites un peu les mêmes critiques que la CSN hier en ce qui concerne le
détail des articles. Votre conclusion est différente parce que
vous, vous voulez dire qu'on accepte le projet de loi. On aimerait voir des
améliorations, mais dans l'ensemble vous l'acceptez tel quel tandis que
la CSN, dans une de ses conclusions, disait qu'elle ne voulait rien savoir et
demandait au ministre de retirer le projet de loi. Est-ce que j'ai bien compris
que vous, s'il n'y avait pas trop d'amendements, vous accepteriez tout de
même ce projet de loi?
M. Dubois (Jean-Marc): Ce qu'on dit dans notre conclusion, c'est
que ce projet de loi est le bienvenu et qu'on l'accepte évidemment. On a
émis des commentaires avec l'espérance qu'ils vont être
reçus et qu'il va y avoir des amendements comme il y a toujours des
amendements aux projets de loi à la suite de commissions parlementaires.
Avec l'expérience vécue avec d'autres projets de loi, il y a
toujours eu des amendements. Évidemment, on va vivre avec le projet de
loi que le législateur va nous donner. Ce qu'on veut dire c'est que ce
projet de loi, il était grand temps qu'il vienne parce que comme le
ministre le mentionnait tout à l'heure, cela fait 50 ans qu'on vit avec
une loi. Il était grand temps qu'on la mette à jour.
Évidemment, on l'a dit au départ, dans son ensemble on accepte le
projet de loi et on émet nos commentaires comme l'occasion nous est
donnée de le faire sur le projet de loi en espérant qu'il va y
avoir certains amendements. Que de toute façon, que l'on vive avec ce
projet de loi ne pourra être pire que vivre avec la loi actuelle, compte
tenu de toutes les expériences vécues. Évidemment, comme
toute organisation patronale ou syndicale qui se présente ici, on a
espérance que nos commentaires seront écoutés et que la
CSN ait fait un commentaire, on n'est pas venu ici dans l'intention de faire
une guerre syndicale.
M. Polak: Dernière question générale.
Le Président (M. Paré): M. Harvey, vous voulez
donner un complément de réponse.
M. Harvey: II y a quelque chose qui apparaît dans notre
mémoire et pour le moment, nous n'avons pas reçu de questions de
la commission. En réponse à M. le député, il est
évident qu'on est favorable à ce projet de loi. Par contre, il y
a l'article 82 qui, à notre point de vue, pour l'avoir examiné
sous tous ses sens, à moins qu'on se trompe, est le talon d'Achille de
ce projet de loi dans le sens qu'on pénalise le travailleur qui a subi
un accident du travail et qui reste avec une incapacité, un DAP. On en
fait un exemple. M. X a une perte de 15 000 $. C'est quelque chose. Si on prend
présentement, au moment où l'on se parle, 1% d'incapacité
équivaut à environ 2500 $
dans la loi actuelle et ce 1% ou ces 2500 $ sont indexés au
niveau de la vie. Cela change tous les ans. Si on prend votre projet de loi et
quand je vous dis que c'est le talon d'Achille, c'est que vous allez avoir un
travailleur de 30 ans qui va se blesser, qui va rester avec un taux
d'incapacité - et cela est régulier. On se présente
à la Commission des accidents du travail une ou deux fois par semaine
chacun sur des cas d'incapacité. Présentement, 1%
d'incapacité, c'est 2500 $ en 1984. Avec ce projet de loi, un
travailleur de 30 ans avec 1% d'incapacité va avoir droit à 1% de
44 149 $ ce qui équivaut à 441 $. C'est l'odieux de ce projet de
loi.
On fait payer au travailleur pour diminuer les frais de la Commission
des accidents du travail qui sont alimentés par le patronat qui est
responsable, à cause de ses usines; on pénalise le travailleur.
On voit 441 $ pour 1% d'incapacité comparativement à 2500 $. Pour
nous, il est évident qu'on est favorable à ce projet de loi. Par
contre, l'article 82 est inacceptable pour le travailleur.
M. Polak: Ma dernière question. Je trouve cela
peut-être un peu malheureux. On entend des mémoires de la part des
patrons de la même compagnie et ensuite du syndicat. Hier, on avait la
compagnie Alcan et aujourd'hui c'est le syndicat de la même compagnie
Alcan. Je me demande, peut-être que je suis un peu idéaliste, si
le jour viendra où on aura un mémoire conjoint parce qu'on a
tellement de contestataires. Vous savez, en Europe, la tendance... Je viens des
Pays-Bas où la concurrence est devenue tellement dure que la ville, le
port de Rotterdam, par exemple, pour survivre et faire concurrence à
Anvers, en Belgique -c'est la grande bataille entre ces deux villes concernant
les activités portuaires - ils en sont venus à réaliser
qu'il faut vraiment agir conjointement et faire des concessions de part et
d'autre: ouvrir les livres, montrer exactement ce qui en est. Même dans
ce domaine, j'ai toujours pensé que la compagnie Alcan était
vraiment encore un modèle, qui fonctionne très bien. Mais je dois
comprendre qu'il y a encore beaucoup à améliorer. J'ai une
dernière question. Croyez-vous qu'il y a du progrès?
M. Dubois (Jean-Marc): Avec l'avènement de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail est arrivé le
paritarisme. On avait tenté à plusieurs reprises, avant
l'adoption de cette loi, de faire vivre, de façon significative, les
comités de santé et sécurité dans les usines. Tant
et aussi longtemps qu'il n'y a pas eu de loi pour obliger les parties à
s'asseoir... La plus belle preuve, c'est que, lors de l'étude de cette
loi, la compagnie Alcan avait demandé aux législateurs, ici dans
cette même salle, d'être exemptée de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail. Tant que le
législateur n'a pas obligé le paritarisme, la compagnie Alcan n'a
pas voulu s'asseoir, de façon significative, avec les travailleurs.
Depuis l'avènement de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, nous vivons une structure paritaire en
matière de santé et de sécurité du travail avec les
exigences de la loi. Quant à un mémoire concernant les accidents
du travail, je pense - votre doute est un peu confirmé - qu'il serait
illusoire de penser qu'un jour le patron, qui se voit le maître
suprême en matière de santé et de sécurité du
travail et qui se voit le seul payeur, se dise: Je devrais être le seul
administrateur, alors que le travailleur, pour sa part, se dirait: Je subis les
conditions de travail que mon employeur m'impose. Ce sont deux mondes qui sont
diamétralement opposés sans pour cela dire qu'on fait de la
confrontation. Mais nous devons nous défendre continuellement,
journalièrement. Il est impensable de croire qu'un jour vous allez
recevoir un document paritaire.
J'ai eu l'occasion d'observer le paritarisme et la consultation qui
existe en Europe, notamment en France. Oui, il y a de belles
législations, mais je dois vous dire qu'elles ne sont pas
appliquées dans leur intégralité, malheureusement. Les
mots sont beaux dans la législation française, mais elle est loin
d'être appliquée.
M. Polak: Merci.
Le Président (M. Paré): Au nom de tous les membres
de la commission, je remercie les représentants de la
Fédération des syndicats du secteur aluminium Inc. pour la
préparation et la présentation de leur mémoire et du temps
qu'ils nous ont accordé, même si on a dépassé
l'heure prévue.
Une voix: Merci à vous tous.
Le Président (M. Paré): Je voudrais rappeler aux
membres de la commission que les travaux se poursuivront ce soir pour
l'audition de deux autres mémoires. Ils reprendront à 20 h
30.
Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 h 30.
(Suspension de la séance à 18 h 28)
(Reprise de la séance à 20 h 41)
Le Président (M. Paré): À l'ordre, mesdames
et messieurs! La commission élue permanente du travail reprend ses
travaux dans le but d'entendre les représentations des personnes et des
groupes intéressés au projet
de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles.
Nous avons, ce soir, deux groupes qui vont se faire entendre; le
premier, le Regroupement des femmes dont les maris sont
décédés d'amiantose; le deuxième sera la
Corporation professionnelle des médecins du Québec.
Donc, j'invite immédiatement les représentantes du
Regroupement des femmes dont les maris sont décédés
d'amiantose à prendre place à la table d'audition ici, en
avant.
Bonsoir et bienvenue à la commission. On s'excuse si on est un
peu en retard. Mais comme on a dépassé 18 heures, à la fin
de la séance de l'après-midi, on recommence un peu plus tard ce
soir. J'inviterais la personne qui va nous présenter le mémoire
à s'identifier et à nous présenter les gens qui
l'accompagnent.
RFMD
Mme Boutin (Hélène): Mme Hélène
Boutin, présidente du RFMD. M. le Président, M. le ministre, MM.
les commissaires, je tiens à vous remercier de nous laisser quelque
temps pour exprimer notre point de vue. Avant de commencer, si vous voulez
bien, j'aimerais tout d'abord vous présenter les porte-parole de notre
groupement. À mon extrême droite, Mme Bibiane Lapointe; Mme
Thérèse Hamel, Mme Georgianne Rouleau, Mme Aline Delisle, Mme
Claire Vachon.
On n'est pas tellement gênées pour présenter notre
mémoire car nous n'avons pas de député pour nous
représenter. Je vais passer à l'introduction de notre
mémoire.
Le Regroupement des femmes dont les maris sont
décédés d'amiantose ou d'accidents du travail se
présente en commission parlementaire pour exprimer et défendre
les droits de ses membres afin que le législateur en tienne compte dans
la nouvelle Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles.
Né en mai 1979, le RFMD regroupe 160 femmes de la région
de l'amiante qui menaient, individuellement mais sans succès, une lutte
acharnée pour faire reconnaître que la mort de leur mari est
reliée au travail qu'il avait accompli avant qu'il ne
décède, et exiger que la CSST verse aux personnes à charge
des travailleurs décédés des indemnités qui
correspondent véritablement à leurs besoins.
Le présent mémoire s'inscrit dans ce processus de
multiples démarches enclenchées par le RFMD au cours des cinq
dernières années. Il se divise en trois parties principales. La
première partie porte sur la situation économique des femmes en
général et des femmes du RFMD en particulier. La deuxième
partie présente nos revendications pour des indemnités de
décès équitables. La troisième partie traite des
problèmes et des multiples démarches que nous devons effectuer
pour faire reconnaître nos droits. Enfin, pour chacune des revendications
que nous avançons, nous tenons à vous apporter quelques exemples
de cas vécus par des femmes du RFMD pour illustrer notre situation. Je
donne la parole à Mme Rouleau.
Mme Rouleau (Georgianne): Merci. Je tiens à vous parler de
la situation économique des femmes. Dans une société
où la pierre angulaire de la reconnaissance sociale et de la source de
revenu est constituée par le travail rémunéré, on
conçoit facilement la vulnérabilité financière des
femmes, étant donné notre pénétration réelle
récente sur le marché du travail, notre confinement à des
secteurs moins intéressants de ce marché, le taux de
chômage élevé et la difficulté de s'intégrer
dans un milieu conçu pour et par des hommes. Néanmoins, une
attitude sociale encore plus profonde que les éléments
déjà mentionnés...
Le Président (M. Paré): Est-ce que je peux vous
interrompre juste une minute? C'est un résumé, si je comprends
bien, que vous êtes en train de lire, et non pas le mémoire comme
tel.
Mme Rouleau: Oui.
Mme Boutin: C'est un mémoire, mais en
résumé. C'est parce que vous n'arrivez pas à vous situer
dans le mémoire?
Le Président (M. Paré): Exactement. Mme Boutin:
C'est ce que j'ai pensé.
Le Président (M. Paré): Si je comprends bien, cela
se suit quand même, mais c'est coupé. Ce sont seulement les grands
points qui ont été retenus.
Mme Boutin: C'est cela.
Mme Rouleau: Est-ce qu'on pourrait vous en passer un?
Le Président (M. Paré): Est-ce que vous en avez
plusieurs copies ou si vous en avez seulement une copie?
Une voix: Est-ce qu'on peut... Donnez-en deux. C'est un
mémoire qu'elle a.
Le Président (M. Paré): C'est le mémoire
aussi.
Une voix: Je peux donner le mien.
Le Président (M. Paré): On va en prendre un
à la table principale.
Mme Boutin: II y a des notes.
Le Président (M. Paré): Vous pouvez quand
même poursuivre, mais si c'était possible, à certains
moments donnés, de nous référer à peu près
à telle ou telle page du mémoire... Si c'était possible,
cela nous permettrait de suivre plus facilement.
Mme Boutin: C'est à la page 3. Le Président (M.
Paré): C'est bien.
Mme Rouleau: À la page 3, au deuxième. Une attitude
sociale encore plus profonde que les éléments déjà
mentionnés explique la précarité de la situation
financière des femmes. Les femmes sont vulnérables sur le plan
financier pour la bonne raison qu'on suppose généralement que la
plupart d'entre elles pourront toujours compter sur un frère ou un mari
pour subvenir à leurs besoins. Les femmes sont pauvres la plupart du
temps parce que c'est la conséquence logique du rôle qu'on leur
demande de jouer dans notre société. Si les mouvements de femmes
travaillent fortement pour modifier ces attitudes, et du même souffle
faire une place normale aux femmes dans la société, il n'en
demeure pas moins que pour celles d'entre nous qui ont atteint un certain
âge les chances de corriger cette situation sont d'autant plus
réduites.
En 1979, 58% des femmes seules âgées de 55 à 64 ans
"sont sans revenu de travail, selon des statistiques élaborées
par le RFMD. La moyenne d'âge des femmes du regroupement se situe
à 57.3 années. Nous avons donc vécu à une
époque où notre situation économique dépendait du
revenu de nos maris. Le décès de celui-ci nous contraint à
une insécurité ou une insuffisance de revenu quasi automatique.
Néanmoins, notre situation est particulière et c'est ce qui nous
conduit à réclamer une sécurité de revenu en
fonction de l'instance précise qui a provoqué notre situation
financière précaire actuelle. Concrètement, le RFMD
demande au législateur de faire en sorte que les employeurs et non la
société en général, par d'autres programmes
sociaux, assument la pleine responsabilité des coûts reliés
aux maladies et accidents du travail par le biais de leur mutuelle d'assurance,
la CSST, afin que nous ne nous retrouvions pas dans une sécurité
économique précaire en plus d'avoir eu à subir la perte de
nos conjoints.
Il serait évidemment plus facile pour nous de nous en remettre
aux lois sociales existantes, étant donné que les revenus
perçus par la plupart d'entre nous n'atteignent même pas les
barèmes de l'aide sociale.
Pour des motifs de justice, nous continuons nos démarches
auprès de l'instance que nous jugeons responsable du décès
de nos maris.
Je vais passer la parole à Mme Hamel.
Mme Hamel (Thérèse): Merci. Pour faire suite
à cet exposé de la situation des épouses, moi
j'enchaîne concernant les indemités de décès
prévues au projet de loi 42. Le RFMD rejette le versement d'une
indemnité de décès sous forme de montant forfaitaire pour
plusieurs raisons. Un simple calcul nous fait rapidement prendre conscience du
risque très grand d'un désavantage financier que court le
bénéficiaire. Or, le bénéficiaire n'a pas à
courir de risque supplémentaire venant s'ajouter à la perte
humaine déjà encourue. Etant donné que l'employeur a
provoqué l'insécurité du revenu à la suite du
décès du travailleur, c'est la CSST qui doit compenser en
fournissant une sécurité financière au
bénéficiaire. Nous jugeons que cette sécurité n'est
pas atteinte par l'octroi de montants forfaitaires. Les intérêts
générés par le placement intégral étant
insuffisants pour couvrir les besoins, le bénéficiaire devra
gruger progressivement le capital pour aboutir finalement au bien-être
social. Façon élégante pour la CSST de pénaliser le
bénéficiaire et ensuite se débarrasser de ses
responsabilités en reportant le problème sur l'ensemble de la
société.
Le RFMD demande que la CSST prenne ses responsabilités, qu'elle
assure une sécurité psychologique et financière aux
bénéficiaires en leur versant mensuellement une rente,
plutôt que de tenter de jeter de la poudre aux yeux avec des montants
forfaitaires qui, considérés sur le simple angle de l'inflation,
perdent déjà beaucoup de leur valeur.
Le RFMD revendique que les indemnités de décès
soient revalorisées pour tous les bénéficiaires dont le
droit à une indemnité est né avant le 1er janvier 1979.
Que cette revalorisation soit conséquente avec une loi sur le travail et
donc, basée sur une rémunération de travail. Que cette
revalorisation fasse en sorte que les rentes de décès ne soient
pas inférieures à une rente basée sur le plein salaire
industriel moyen. Si le législateur veut harmoniser la nouvelle loi avec
d'autres lois d'indemnisation relativement aux rentes versées aux
bénéficiaires suite au décès du travailleur, il
devra éliminer les différentes catégories de
bénéficiaires qu'il a lui-même créées,
notamment celles résultant de l'application de la loi 114. Dans cette
loi, les personnes à charge des travailleurs
décédés, avant le 1er janvier 1979, n'ont pas
profité de la revalorisation des rentes alors prévue. Elles
doivent donc faire face au même coût de la vie avec une
indemnisation de 395,36$ de la CSST; des délais aussi courts, quant aux
dates de décès, ne peuvent justifier des écarts de rentes
aussi grands. Je vous
présente Mme Lapointe, qui va vous citer un cas.
Mme Lapointe (Bibiane): Merci. M. le Président, M. le
ministre, MM. les commissaires, j'aimerais vous parler de cas. Mon mari est
décédé le 28 juillet 1966 d'un accident du travail dans
une mine. Avant que cela n'arrive, il avait travaillé pendant 20 ans.
Aussi, quand il est décédé, en plus d'avoir à subir
sa perte, je me suis retrouvée seule, du jour au lendemain, pour
élever mes deux enfants.
Après les funérailles de mon mari, il a fallu faire une
réclamation à la Commission des accidents du travail. Plus tard,
j'ai commencé à recevoir un montant de 125 $ par mois de la CAT
comme compensation pour la mort de mon conjoint. J'ai fait des démarches
auprès de la Régie des rentes du Québec pour savoir si
j'aurais droit à un supplément, mais mon mari n'avait pas
cotisé assez longtemps à la Régie des rentes et j'ai
dû me contenter de mon 125 $.
Aussi, à plusieurs occasions, avec le RFMD, je suis allée
rencontrer les représentants du gouvernement et d'autres personnes pour
essayer de leur faire comprendre les difficultés que nous avions. La
plupart du temps, nous avions l'impression qu'on ne voulait vraiment pas
s'occuper de nous. Aujourd'hui, en mars 1984, je reçois 395,36 $ par
mois, et j'ai toujours autant de difficulté à accepter cette
situation. Cela me paraît injuste d'avoir été
ignorée en janvier 1979. Je ne suis pas la seule dans ce cas.
Mme Hamel: Je continue. Dans le cas de la loi 52 adoptée
en juin 1975, le législateur avait tout simplement omis de rajuster le
montant des indemnités de décès en fonction de
l'indemnisation de remplacement de revenu accordé aux victimes
d'amiantose, ce qui n'était guère plus reluisant. Le RFMD
revendique que la nouvelle loi corrige l'injustice qui existe à
l'égard des bénéficiaires de l'ancien régime et
qu'elle accorde des rentes équivalentes au plein salaire du travailleur
pour tous les bénéficiaires, éliminant ainsi les
catégories artificielles antérieures.
Quant aux bénéficiaires d'avant la loi 114, puisqu'ils
recevaient une rente forfaitaire mensuelle non basée sur le revenu et
qu'il serait sûrement difficile d'établir le salaire qu'auraient
effectivement gagné les travailleurs, nous demandons que cette
revalorisation soit basée, non pas sur l'indice du seuil de
pauvreté ou de revenu minimum, mais bien sur un indice de
rémunération moyenne, car il s'agit bien d'une loi du
travail.
Nous demandons que les coûts de cette revalorisation des
indemnités de décès incombent au fonds d'accident ou
à l'employeur, comme ce fut le cas pour la revalorisation qui a
été effectuée par l'article 39 de la Loi sur les accidents
du travail. Même l'argument financier ne résiste pas à
l'analyse. L'importance de la réserve dont dispose la Commission de la
santé et de la sécurité du travail a de quoi assurer
amplement ceux qui s'interrogent sur la suffisance de son fonds d'accident.
Actuellement, grâce entre autres aux 1 500 000 000 $ qu'elle confie
à la Caisse de dépôt et placement, la CSST est en mesure de
répondre à 75% de ses engagements envers les accidentés du
travail, pour les années à venir. Son objectif: atteindre, d'ici
l'an 2005, une capitalisation de 100%.
Le RMFD revendique que toutes les rentes de décès,
après avoir été revalorisées, soient
indexées selon le taux et la fréquence prévus en vertu de
la Loi sur le Régime des rentes du Québec.
Je vous présente Mme Boutin qui pourra présenter...
Mme Boutin: M. le Président, MM. les ministres et MM. les
commissaires. Moi, j'aurais pu exposer mon cas, mais, pour mille raisons, il
est tellement lourd que je n'ai pas eu la force de le livrer. Je vous demande,
M. le ministre Fréchette - après avoir frappé à
plusieurs portes de votre gouvernement sans succès - devant
témoins, ce soir, que vous nous accordiez une entrevue avec le premier
ministre Lévesque. (21 heures)
J'ai eu l'occasion de lui parler deux mois après le
décès de mon mari, lors de son passage à Thetford avec le
ministre Johnson. Nous en avons profité pour lui demander si je
recevrais le montant de 227 $ par mois. Il demanda au ministre Johnson si les
femmes avaient encore cette rente aussi minable; le ministre Johnson
répondit: Non, cela va changer le 1er janvier 1979. Nous sommes en 1984
et nous recevons toujours cette pension aussi minable. Si mon mari vivait, il
recevrait 500 $ par semaine. Pour cette raison, nous aimerions vous dire que
cela n'a pas changé depuis 1978. Nous sommes toujours
décidés à agir après toutes ces injustices. Nous
espérons une réponse assez rapidement, après avoir
adopté trois lois et qui ont toujours été ignorées.
Nous allons mettre la vérité sur la place publique. Nous pouvons
aller aux postes de télévision, Droit de parole, Contrechamp, Le
Point. On veut tout simplement la justice. Nous sommes prêtes à
tout pour le faire valoir. Merci, le RFMD. Mme Delisle prend la parole.
Mme Delisle (Aline): Si vous voulez bien, je vais vous parler de
nos revendications pour la reconnaissance du droit à l'indemnisation. Un
autre sérieux obstacle, auquel se butent
les femmes du RFMD, réside dans la difficulté que nous
éprouvons à obtenir notre droit à l'indemnisation.
À cet égard, nous n'avons jamais vraiment eu d'autres
alternatives que de recourir aux tribunaux pour nous défendre, où
nous sommes alors contraintes de faire la preuve que le décès de
notre mari est bel et bien dû à son travail. Nous concevons comme
étant tout à fait inacceptable les démarches complexes et
ardues que nous devons effectuer: Qu'il s'agisse d'obtenir un rapport
d'autopsie et de le faire valoir en audition, de se désâmer pour
rassembler, pièce par pièce, les éléments du
dossier médical du défunt, de travailler à dénicher
un rare professionnel de la santé qui acceptera de coopérer avec
nous et de se rendre disponible pour aller témoigner; qu'il s'agisse
encore de bâtir une solide argumentation sur l'histoire occu-pationelle
du travailleur décédé et de la faire valoir et ainsi de
suite.
Cela représente toute une aventure. Nous nous sentons
démunies devant toutes ces circonstances entourant le
décès d'un être cher. D'ailleurs, dans bien des cas, nous
n'avons que l'entraide et la débrouillardise pour nous mesurer à
un commando d'experts juridiques et de la santé. Nous nous expliquons
d'ailleurs très mal ce déséquilibre des forces en
présence au moment où se tiennent les auditions. Les femmes du
RFMD conçoivent mal qu'elles aient à porter le fardeau de la
preuve de la reconnaissance du droit à une indemnisation, ce qui veut
dire: la preuve que le décès de leur mari est relié au
travail qu'il occupait. Lorsqu'il y a décès d'un travailleur,
dont le milieu du travail engendre des maladies professionnelles, la CSST
devrait vérifier l'hypothèse d'un décès des suites
de la maladie professionnelle en cause plutôt que de se fendre les
cheveux en quatre pour arriver à prouver que le décès est
relié à toute autre maladie.
Après avoir pris connaissance du projet de loi 42, les femmes du
RFMD estiment que celui-ci ne satisfait en rien leurs principales
revendications. De leur avis, on y retrouve, à toutes fins utiles, aucun
élément nouveau qui puisse réellement faciliter les
nombreuses et pénibles démarches qu'elles ont à
entreprendre pour faire reconnaître la maladie professionnelle comme
étant la cause du décès de leur mari.
Mme Hamel: Je reprends à la suite de Mme Delisle. Le RFMD,
à partir de fiches remplies par ses membres, a pu recueillir certaines
données. La moyenne d'années de service dans les mines d'amiante
des maris des femmes vivant la situation dénoncée dans ce
mémoire se situe à 33,4. La moyenne de durée de vie entre
l'abandon du travail et le décès des travailleurs atteints
d'amiantose se chiffre à 24 mois. Le pourcentage de
décédés qui ont été indemnisés de
leur vivant et dont le décès a été reconnu et
relié à cette maladie industrielle est de 15% à 20%. En
effet, même si le mari décédé a souffert de maladie
professionnelle reconnue de son vivant et que sa maladie a évolué
jusqu'à ce qu'il meure, même si son médecin traitant
prétend qu'il est mort de cette maladie ou des suites de cette maladie,
il se peut fort bien qu'une décision de la Commission de la santé
et de la sécurité du travail apprenne à l'épouse
que, contrairement à ce qu'elle a toujours cru, son mari est
décédé d'une tout autre maladie. Aussi, ce sur quoi nous
désirons insister ici, c'est qu'une maladie professionnelle qui se
développe modifie inévitablement à plus ou moins long
terme la durée de vie de la personne atteinte. Nous ne sommes pas des
spécialistes dans le domaine et nous ne tenons pas à lancer une
polémique sur le fait que les décès de nos maris
étaient reliés au coeur droit ou au coeur gauche. Mais, il semble
flagrant qu'un travailleur reconnu amiantosé de son vivant ait de fortes
chances de mourir des conséquences de sa maladie.
Nous sommes d'accord pour reconnaître qu'il n'y a pas de lien
entre le décès d'un travailleur et sa maladie professionnelle
s'il meurt des suites d'un cataclysme. Mais dans la logique des choses, nous
considérons inconcevables et inhumaines toutes les démarches que
nous avons effectuées afin de faire reconnaître le lien entre le
décès de nos maris et leur maladie professionnelle. Aussi, le
RFMD revendique que dès qu'une personne reconnue atteinte d'amiantose
décède il y a présomption légale qu'elle est
décédée des suites de cette maladie, à moins que
les circonstances ne démontrent de façon évidente que la
maladie ne peut être mise en cause relativement à ce
décès. Au sujet des demandes de réouverture des dossiers,
l'évolution des connaissances médicales a permis dans de nombreux
cas d'établir un lien entre l'amiantose et le décès du
travailleur et de susciter d'importants changements dans la jurisprudence.
Aussi, le RFMD revendique que la CSST accepte toute demande de rouvrir les
dossiers lorsque l'évolution de la science médicale permettrait
de rendre acceptable une réclamation qui ne l'aurait pas
été au moment où la cause de la réclamation a pris
naissance.
Ici, si vous me permettez, je vous citerai, très
brièvement, des cas vécus par des dames. J'ai le cas d'un
travailleur qui a travaillé de 1936 à 1973 comme
enchâsseur, dont la maladie a été reconnue de son vivant,
et qui est décédé d'un cancer de l'oesophage à 60
ans. Un autre cas. Je désire soulever le cas d'une femme dont le mari
avait été reconnu amiantosé de son vivant à 49 ans.
C'est bien jeune. Il avait été déclassé et son
médecin de famille avait
même déclaré que jamais il ne pourrait travailler.
À la suite de son décès, les démarches
nécessaires ont été entreprises par son épouse pour
obtenir de la CSST un remplacement de revenu, mais cette dame a dû
essuyer un refus. Elle s'est retrouvée avec une rente partielle de la
Régie des rentes du Québec pour survivre, elle et ses deux
enfants. Par la suite, une autre femme qui avait perdu son mari dans les
mêmes circonstances et qui possédait la même autopsie a
essuyé, elle aussi, un refus, mais elle avait la disponibilité et
la santé pour défendre son cas. Avec l'aide d'un avocat, elle a
obtenu gain de cause. Ceci démontre encore les injustices que nous
vivons. Je veux que vous compreniez toute l'importance de notre revendication
visant à faire rouvrir un dossier. Cette femme qui a deux enfants a
droit elle aussi à une justice. Si la CSST avait réellement
joué son rôle, cette femme n'aurait pas à vivre une vie
misérable depuis toutes ces années.
Un autre cas presque similaire, un monsieur qui avait travaillé -
par les années, cela vous place un peu dans la situation des
travailleurs de ce temps-là - de 1939 à 1975, la majeure partie
de ces années, comme "drilleur" sous terre, aurait dû être
reconnu, de son vivant puisque l'autopsie a révélé qu'il
était porteur d'amiantose. Il est décédé à
58 ans. Des cas comme celui-là, nous en aurions tant et plus.
Maintenant, parlons de la difficulté à l'accès aux
dossiers médicaux: avec le projet de loi 42, nous nous demandons si la
CSST est de bonne foi lorsqu'elle parle de rendre les dossiers plus accessibles
aux bénéficiaires. C'est ce que l'on pourrait croire en lisant
l'article 44, mais cet espoir s'éteint rapidement à l'article 47
qui prévoit un retour à la Commission d'accès à
l'information en cas de refus de la CSST. Aussi, le RFMD revendique que la CSST
facilite l'accès aux dossiers médicaux aux
bénéficiaires, et qu'elle se conforme aux exigences de la
nouvelle Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la
protection des renseignements personnels afin que le bénéficiaire
ait le droit d'obtenir que la commission fasse parvenir à un autre
établissement, à un médecin, à un dentiste qu'il
désigne, ou à lui-même, une copie, un extrait ou un
résumé du dossier de la personne décédée. Il
va de soi que le même droit s'applique au travailleur de son vivant. Que
la personne responsable de l'application et du respect des dispositions
législatives portant sur l'accès aux rapports médicaux et
aux "confidentialités" devrait être indépendante de la CSST
et dépendre d'un organisme public distinct, par exemple, la Commission
d'accès à l'information, afin de garantir l'impartialité
de la réponse.
Concernant l'autopsie et l'histoire occupationnelle des travailleurs
décédés, nous déplorons l'injustice et la
non-pertinence des critères établis par la CSST pour
déterminer le droit à une indemnisation.
Lorsqu'un travailleur passe des examens médicaux, la CSST rend
une décision finale quel que soit le diagnostic du médecin
traitant et la même chose se produit lorsqu'il s'agit de
déterminer la cause de décès d'un travailleur. Plusieurs
femmes du RFMD ont reçu des décisions défavorables des
médecins de la CSST à la suite de l'étude du rapport
d'autopsie de leur mari. Les verdicts rendus attribuaient le
décès à différentes causes selon les cas, sans
établir le lien avec une maladie professionnelle. Nous nous demandons
pourquoi la CSST ne s'appuierait pas sur de véritables critères.
Pourquoi ne pas reconnaître l'influence déterminante sur le
décès, des conditions de travail d'ailleurs abondamment
dénoncées par le rapport Beaudry? Pourquoi ne tient-on pas compte
du nombre d'années pendant lesquelles les travailleurs ont
été exposés aux poussières d'amiante nocives?
Pourquoi ne pas attribuer à l'évolution de la maladie toute son
importante? La CSST se base trop souvent sur le résultat d'une autopsie
qui n'est qu'un des éléments de la preuve et pas
nécessairement déterminant.
Aussi, la RFMD revendique qu'une réclamation en vue d'une
indemnité de décès ne soit jamais refusée
exclusivement sur un rapport d'autopsie. Je vais vous citer un cas vécu,
c'est le mien, le cas de mon mari qui, au printemps 1976, a commencé
à présenter des signes de fatigue très importants. Son
médecin lui a prescrit des toniques, des médicaments pour essayer
de le remonter et rien ne faisait. Cela ne changeait rien. Mon mari
n'était plus capable de continuer sa journée pleine. En juillet
de la même année, 1976, il se rendit à l'hôpital
Général à la demande de son médecin de famille afin
de passer des examens, des radiographies. Le 27 août de la même
année, tout de suite après, il entre à l'hôpital
Laval. Le 13 septembre, on décidait de l'opérer, de lui enlever
un poumon, pneumonectomie droite. Encore très malade le 13 octobre, il
est revenu chez nous. Du 2 novembre au 11 novembre, retour à
l'hôpital Laval, encore pour d'autres examens et des contrôles de
sa maladie. De retour à la maison, il n'était plus capable de
s'habiller tant sa maladie a progressé rapidement. J'étais
constamment obligée de le soigner à la maison, de prendre soin de
lui, le médecin venant une fois par semaine et des infirmiers de temps
en temps pour m'aider. Le 4 avril, ce qui devait arriver, arriva. Mon mari est
décédé. D'après les experts, mon mari serait
décédé d'un carcinome. Cela m'a donné un dur coup
de le voir souffrir et mourir ensuite. Je n'ai pu faire pratiquer l'autopsie,
même si je savais que c'était important de le faire. Quand la mort
est arrivée, j'étais pressée de tous les
côtés par les funérailles, car mon mari est
décédé durant la semaine sainte. Alors, il aurait fallu
que ce soit après ou avant la semaine sainte, mais on ne choisit pas son
temps. (21 h 15)
Par ailleurs, je savais qu'à l'hôpital Laval où on
lui avait enlevé un poumon... et tous les éléments: les
examens, les prélèvements qui étaient disponibles à
la CSST ou à n'importe qui pour prouver que mon mari était
victime d'amiantose, les examens... Plus tard, après le
décès de mon mari, j'ai fait une réclamation à la
CAT. J'ai essuyé un premier refus le 5 août 1977 du comité
de pneumoconiose qui avait étudié son cas. Puis, le 2 novembre,
par une autre lettre la CAT me disait qu'elle refusait de me compenser pour la
simple raison que la maladie n'était pas reliée à son
décès, qu'il n'était pas mort à son travail et
comme argument, qu'il n'y avait pas eu d'autopsie.
Plus tard, j'ai repris mes démarches. À ce moment, ma
santé était bien affectée. J'ai dû arrêter mes
démarches pour quelques moments. J'ai été
hospitalisée à quatre reprises, subi quatre opérations,
deux majeures et deux mineures. À ce moment, ma santé
était pas mal affectée. J'ai repris mes démarches
auprès de la CSST et des pneumologues. J'ai dû faire plusieurs
voyages et téléphones à Québec, contestation par
dessus contestation, puis, comme rien n'avançait et que je me sentais
épuisée, j'ai décidé de remettre tout cela entre
les mains d'un avocat. J'étais dépassée par toute cette
démarche tellement j'avais de la difficulté à me
comprendre avec tout le jargon médical et technique.
Depuis, ma situation ne s'est pas améliorée. Je
reçois actuellement des rentes du Québec, pour conjoint
survivant, de 386,09 $ par mois. Je n'ai encore rien reçu de la CSST.
Cela traîne toujours et nous sommes en 1984. Je réalise que toutes
les démarches que j'ai faites finissent par me coûter cher et que
ma santé en souffre un peu. Je suis une femme, et en plus, à mon
âge - 59 ans - c'est difficile de trouver du travail. Je continue
toujours, quand même, dans l'espoir que justice me sera faite un jour et
qu'on finira par reconnaître mes droits.
Tout dernièrement, j'ai reçu des copies de lettres
adressées à mon avocat disant que les pièces et le
matériel histopathologiques recueillis au sujet de mon mari sont
introuvables. On pense que les films, radiologies et prélèvements
seraient rendus à la Johns-Manville, et même à
l'hôpital de là-bas. Enfin, la CSST dit que le matériel
histopathologique ne leur a pas été envoyé non plus. C'est
à se demander si la CSST, les hôpitaux et les médecins ne
font pas tout pour essayer de nous décourager dans nos démarches
pour faire reconnaître nos droits pour essayer de nous mettre à
terre.
Nous avons dénoncé précédemment toutes les
démarches inacceptables que nous avons à effectuer afin de faire
reconnaître le lien entre le décès de nos maris et leur
maladie professionnelle, même lorsqu'ils étaient reconnus
être atteints d'une maladie professionnelle de leur vivant. Alors,
imaginez les embûches supplémentaires lorsque nous devons
établir ce lien quand nos maris n'ont même pas été
reconnus, de leur vivant, être atteints d'une maladie
professionnelle.
Nous considérons que le nombre d'années de travail et les
conditions insolites dans lesquelles nos maris ont travaillé sont des
données plus pertinentes pour la reconnaissance d'une maladie
professionnelle que bien des reconnaissances médicales ou des tests
inappropriés que la CSST exigeait de nos maris, de leur vivant. Aussi,
le RFMD revendique que, dans les cas de réclamations pour amiantose
à la suite d'un décès, l'histoire occupationnelle soit
prise en considération, en premier lieu, et soit alors
prépondérante dans la détermination d'une décision,
qu'il y ait présomption légale en faveur du travailleur s'il est
établi que l'histoire occupationnelle ait pu générer une
maladie professionnelle.
Maintenant, on vous invite à regarder à la fin du
mémoire que vous avez le cas de Mme Poulin. Mme Vachon, je vous passe la
parole.
Mme Vachon (Claire): Nous aimerions maintenant dire quelques mots
sur la soi-disant indépendance et impartialité de la CSST. Nous
sommes persuadées que la difficulté de la reconnaissance des
maladies industrielles provient du fait que l'organisme chargé
d'indemniser les victimes est aussi l'organisme qui décide si elles sont
victimes. La CSST, comme mutuelle d'employeurs, est juge et partie, donc en
conflit d'intérêts.
En ce qui concerne les cas d'amiantose, on se demande où l'on
pourra encore trouver un expert qui osera aller à l'encontre du verdict
des douze pneumologues payés par la CSST lorsqu'un appel sera
logé à la Commission des affaires sociales. Nous sommes
maintenant convaincues que le gouvernement n'a pas choisi, pour diminuer les
coûts relatifs aux accidents et maladies du travail, la solution qui
aurait été une réponse civilisée et à long
terme de ces problèmes, c'est-à-dire la prévention. Il a
plutôt choisi la solution la plus favorable et alogique à court
terme, du profit: diminuer le plus rapidement possible le coût des
accidents et maladies du travail en baissant au maximum les prestations des
accidentés ou de leur famille et en ne reconnaissant qu'un minimum de
malades industriels. On se demande même s'il ne deviendrait pas rentable
pour les entreprises de diminuer les
investissements dans la prévention puisque, à l'avenir,
les coûts reliés aux accidents et maladies du travail seront
considérablement réduits.
Aussi, le RFMD revendique que les médecins chargés
d'analyser les dossiers des accidentés et de faire des recommandations
au service de l'indemnisation soient désignés,
rémunérés et choisis par un organisme autre que la CSST.
Ces médecins et experts auraient tout avantage à avoir une
formation en santé au travail.
Maintenant, si vous me le permettez, je vais vous raconter ce qui est
arrivé dans mon cas, quand je me suis présentée à
la révision. Je vais vous exempter des détails; j'avais
été refusée en premier. Mon mari est un homme qui n'avait
pas été reconnu amiantosé avant son décès,
parce qu'il est décédé d'un cancer du poumon. Il n'a
été que trois mois malade.
Là, j'avais contesté la décision en janvier. En
juin, quand j'ai vu que je n'avais pas de réponse, j'ai appelé
quelqu'un à la commission pour demander où en était rendu
mon dossier, qui l'avait en main. On m'a nommé le médecin qui
l'avait. J'ai pris un rendez-vous pour le rencontrer. Ici, j'ouvre une petite
parenthèse, je ne savais pas que j'allais passer une audition; parce
que, en 1978, on n'était pas tellement informées du processus de
la CAT. Donc, je me suis présentée au bureau. Je pensais que le
médecin serait seul, mais ils étaient deux. J'ai commencé
à leur parler des années d'empoussiérage, dans lesquelles
les hommes avaient eu à travailler. Ensuite, j'ai parlé du cancer
dont mon mari était décédé. J'ai souligné
que mon mari avait des fibres d'amiante bien conservées dans le poumon
et aussi une fibrose amiantosique. Le médecin, à ce
moment-là, m'a dit: Madame - je n'ai pas dit une fibrose amiantosique,
j'ai dit une fibrose, excusez, je me reprends - des fibroses, il y a une
fibrose et une fibrose amiantosique. Il y a là une différence. Il
a pris un papier et il a dit: Je vais vous expliquer la différence. Il
m'a écrit cela sur le papier. Après qu'il eut fini, j'avais mon
rapport d'autopsie en main, je le lui ai montré. Heureusement, j'avais
une soeur qui était infirmière qui m'avait dit que la fibrose
conduisait au cancer. J'ai sorti mon rapport; je le leur ai montré. J'ai
dit: C'est bel et bien marqué là, vous venez très bien de
m'expliquer la différence. Eux, également, avaient le rapport
d'autopsie mais peut-être qu'ils ne l'avaient pas assez regardé,
j'imagine, puisqu'ils n'avaient pas vu que c'était marqué
"fibrose amiantosique". Je n'ai pas besoin de vous dire que, pour deux
secondes, ces hommes-là se sont regardés et ils n'ont pas dit un
mot. Après cela, ils ont décidé qu'ils faisaient
réviser les lames. Ensuite, en septembre, j'ai appelé. Le docteur
a dit: Effectivement, on vient d'avoir le rapport, il y a présence
d'amiante. Mais il faut que cela passe à un comité. J'ai attendu
encore. En décembre, on m'a appelée pour me dire qu'un lien avait
été établi entre le cancer dont mon mari était
décédé et l'amiantose dont il était porteur au
moment de son décès.
Dans tout cela, ce que je veux dire, c'est que si je n'avais pas
été informée que la fibrose conduisait au cancer, et si je
ne l'avais pas souligné au médecin, est-ce qu'on aurait reconnu
mes droits? Je suis toujours restée avec un doute là-dessus.
C'est pour vous dire que, comme on vous le disait, il faudrait savoir des
termes de médecine et être au courant de bien des choses. Cela se
passait en 1979. Cela faisait exactement deux ans que mon mari était
décédé quand ils ont reconnu mes droits. Merci de m'avoir
écoutée.
Mme Delisle: Je vais vous lire la conclusion du mémoire.
Nous tenons à faire remarquer à la commission dans quel contexte
de désapprobation les revendications du RFMD se font entendre. Tout dans
le climat actuel à Thetford et dans l'amiante nous incite à taire
nos revendications. Les mises à pied qui n'en finissent plus, les
mesures restrictives de l'Europe face à l'amiante, la région
identifiée à la misère et les nouvelles études
épidémiologiques visant à prouver, noir sur blanc, que la
population de l'amiante est en meilleure santé que le reste du pays.
Nous commençons d'ailleurs à penser que c'est la provenance des
subventions plutôt que les faits qui déterminent les
résultats de ces études. Nous avons appris avec étonnement
et satisfaction que, selon la CSST, l'amiantose est chose du passé et
qu'il n'y en a pratiquement plus. Justement nous aimerions parler du
passé, passé relativement proche dans nos mémoires
où nos maris ont travaillé dans des conditions
dénoncées depuis longtemps.
Nous savons que nous devons vivre avec l'amiante qui constitue notre
seule ressource naturelle et qui a façonné toutes les structures
industrielles et commerciales de notre région. Nous sommes une
région à une seule industrie et nous en dépendons
entièrement. Nous savons que nous devons vivre avec l'amiante mais nous
n'acceptons plus d'en mourir. Nous ne voulons plus avoir à choisir entre
la santé et le chômage, entre l'emploi et la maladie. Nous ne
voulons plus avoir à subir le chantage de la fermeture quand nous
revendiquons pour notre santé et nos droits. Aussi sommes-nous
conscientes qu'il faut tout tenter pour assainir l'environnement et les lieux
de travail, ce qui implique des sous, et non forcer des gens à se taire
à coups de matraque épidémiologiques - l'amiantose c'est
une invention; les travailleurs fument trop - d'intimidation aux "jobs" - "si
vous chialez trop, ça va coûter
trop cher, les mines vont fermer".
La meilleure garantie pour la revalorisation de l'amiante c'est la
recherche de la vérité et des solutions pour prévenir la
maladie. En ce qui concerne l'amiante, nous demandons que les abus du
passé soient reconnus. Comment voulez-vous que l'on croie que tous les
efforts sont faits pour enrayer ce problème si on ne veut pas
reconnaître qu'il y ait eu un grave problème dans le passé?
Nous pensons que les lois administrées par la CSST sont
organisées pour empêcher les gens d'avoir accès à
leurs droits. Nous n'avons aucun outillage spécialisé pour
contrecarrer les conclusions de la CSST. On profite de ce que les gens
ordinaires se "tannent" dans toutes ces démarches longues et difficiles
pour tout simplement les abandonner.
Nous désirons aussi soulever le fait que, quoi qu'on en dise, les
femmes de notre âge n'ont pas accès à l'autonomie
financière. Notre âge et la situation économique actuelle
ne nous permettent pas l'accès au marché du travail. Nous avons
vécu toute notre vie dans des conditions où la femme donnait son
apport social par le travail à la maison. Toute notre vie, nous avons
subsisté économiquement par le biais du salaire de nos maris et,
comme ils ont perdu la santé et leur vie à ce travail
rémunéré, nous désirons bien vous faire comprendre
que notre droit le plus légitime est d'avoir accès à une
indemnisation substantielle. Trouvez-vous normal que, depuis quatre ans, nous
ayons à lutter pour ce droit élémentaire? Actuellement la
CSST, par la voie des médias, a fait savoir qu'elle s'est rendue compte
qu'avec la loi actuelle, certaines victimes d'accidents du travail
étaient trop indemnisées tandis que d'autres ne l'étaient
pas assez.
Dans un esprit de justice, la CSST est actuellement à faire une
refonte de la loi concernant l'indemnisation des victimes d'accidents du
travail. La philosophie qui semble être à la base de cete refonte
sera d'indemniser les victimes et leurs dépendants selon leur perte
réelle de revenus ou leur manque gagner à la suite de l'accident.
Le RFMD espère que les femmes dont les époux sontdécédés d'accidents du travail ou de maladies
professionnelles ne seront pas encore une fois oubliées dans cette
refonte. Ce que le RFMD réclame, c'est simplement être
indemnisées et de façon juste pour la perte de revenus que les
femmes ont eu à subir à la suite du décès de leurs
époux, victimes de leur travail et rien de plus.
Nous vous remercions de nous avoir entendues et maintenant, M. le
Président, la parole est à vous.
Le Président (M. Paré): Merci mesdames pour la
présentation de votre mémoire et nous allons effectivement passer
maintenant à un échange entre les membres de la commission et
vous-mêmes qui êtes à la table. Le premier à vous
poser des questions ou à donner des commentaires sera le ministre du
Travail.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je veux vous
remercier ainsi que toutes les membres de votre organisme, de votre
regroupement qui se sont rendues à Québec pour vous appuyer dans
les revendications, les demandes que vous voulez soumettre à la
commission et bien sûr, au gouvernement directement. (21 h 30)
Je vous signalerai - et là je le fais sous réserve de ma
mémoire - que vous êtes très probablement le seul
regroupement représentant exclusivement des femmes que nous ayons
entendu jusqu'à maintenant. Toujours sous la réserve des
défauts de mémoire possibles, je ne pense pas que parmi les
autres groupes qui sont annoncés jusqu'à la fin de la commission,
on en retrouve qui représentent aussi exclusivement des femmes. Je pense
qu'il s'agit d'une situation qu'il fallait souligner, que nous devions retenir
et sur laquelle nous devions attirer l'attention de ceux et de celles qui
suivent les travaux de cette commission.
Depuis que vous vous êtes formées en regroupement, en
association, vous avez, avec beaucoup d'insistance, beaucoup de patience,
continuellement fait des représentations allant dans le sens des
objectifs que vous visez. J'espère qu'à un moment donné il
y aura des conséquences concrètes à toutes ces
démarches que vous avez entreprises, que vous continuez de faire de
façon régulière et constante comme je vous le disais il y
a un instant. Il y a certains aspects et situations que vous avez
soulevés pendant votre présentation sur laquelle
j'apprécierais qu'on puisse revenir ensemble bien rapidement pour, d'une
part, permettre de compléter le dossier, possiblement à partir de
renseignements additionnels qui pourraient être utiles au-delà de
ce que vous nous avez donné comme renseignements et qui pourraient aussi
permettre d'échaffauder l'argumentation. Vous êtes dans votre
regroupement 160 ou à peu près.
Mme Boutin: À peu près.
M. Fréchette: C'est cela? Est-ce que je suis correct de
penser que, pour la majorité d'entre vous, votre mari est
décédé d'une maladie professionnelle qui pourrait
être différente de ce qu'on est convenu d'appeler un accident du
travail arrivé de façon subite, imprévue, soudaine?
Mme Boutin: Oui, il y en a eu seulement deux qui ont eu des
accidents que
je connais.
M. Fréchette: Cela veut dire que toutes les autres membres
de votre regroupement...
Mme Boutin: Une maladie professionnelle.
M. Fréchette: Voilà. Maintenant, juste une autre
précision. C'est une question de fait exactement et de fait très
simple. Dans votre mémoire, à un moment donné, je ne peux
pas me rappeler à quelle page, ce serait peut-être un peu long de
le retrouver, mais vous allez sans doute rapidement me référer
à la bonne page. Je pense que dans votre mémoire vous parlez
d'une rente mensuelle de 370 $ alors que dans vos témoignages verbaux
vous parlez d'une rente de 390 $.
Mme Boutin: Oui, je peux vous expliquer.
M. Fréchette: Oui, s'il vous plaît!
Mme Boutin: C'est qu'avant le 1er janvier 1984, nous recevions
370 $ et avec l'indexation du coût de la vie de 6% que nous avons eue, on
a le montant de 395 $.
M. Fréchette: Alors, c'est la revalorisation qui est
intervenue au 1er janvier 1984 qui a fait que la rente dont on parle est
passée de 370 $ à 395 $.
Mme Boutin: C'est cela.
M. Fréchette: Je comprends aussi, et là-dessus je
pense qu'on va tous et toutes s'entendre, que cette même revalorisation
est prévue annuellement et est conforme à l'indice des prix
à la consommation.
Mme Boutin: Nous autres on aimerait qu'il y en ait d'autres. Nous
autres c'est cela: Une fois par année, mais il y en a pour qui c'est
trimestriel.
M. Fréchette: Oui. D'autres régimes d'indemnisation
sont indexés plus fréquemment, Mme Boutin. Remarquez que
l'échange qu'on est en train d'avoir, pour moi en tout cas, n'est qu'en
fonction d'obtenir des renseignements de fait. Quand je signale que, par
exemple, dans le cas qui est le vôtre cette revalorisation arrive au 1er
janvier de chaque année et qu'elle est en relation avec l'indice des
prix à la consommation, là-dessus on s'entend, je pense.
Mme Boutin: Oui.
M. Fréchette: II y a, me semble-t-il, deux constantes qui
reviennent dans votre mémoire: deux choses sur lesquelles vous insistez
particulièrement. L'une est une préoccupation par rapport au
passé et l'autre est une préoccupation par rapport à
l'avenir. Cette deuxième préoccupation est dans le sens de
vouloir éviter, probablement, à d'autres épouses de
travailleurs, de vivre les situations que vous nous avez décrites. Je
présume que c'est votre objectif quand on retient, ou enfin quand on
interprète et évalue que votre mémoire soulève une
préoccupation pour l'avenir. C'est parce que vous voulez éviter
à d'autres de vivre les situations que vous nous décrivez ce
soir.
Mme Boutin: C'est un peu ça, parce que c'est ce que vous
avez dans le projet de loi 42. On n'est pas d'accord avec ce que vous allez
faire. Il ne faut pas oublier que nous existons.
M. Fréchette: Mme Boutin... Allez, continuez.
Mme Boutin: Je comprends ce que vous voulez dire. Vous voulez
nous dire qu'on est préoccupées par la loi 42 par ce que vous
allez donner aux dames. Est-ce que c'est bien cela que vous voulez dire?
M. Fréchette: Bien...
Mme Boutin: ...le montant global, le montant fortaitaire.
M. Fréchette: Oui, il y a cet aspect de la situation.
Mme Boutin: Cela, on ne le veut pas non plus. On ne veut pas cela
pour la femme parce qu'au bout de cinq ans, elle va se retrouver coite,
à peu près à l'aide sociale aussi.
M. Fréchette: Oui, c'est une préoccupation
effectivement.
Mme Boutin: Oui, oui!
M. Fréchette: II y a aussi...
Mme Boutin: II y a plus. Il y a nous. On existe. C'est de valeur,
mais nous existons.
M. Fréchette: Cela, c'est le chapitre du passé dont
je vous parlais il y a un instant.
Mme Boutin: Nous, on ne l'oublie pas le passé.
M. Fréchette: Je vais y revenir, si vous le permettez,
à la situation du passé. J'étais à essayer
d'obtenir un peu plus de renseignements quant à vos
préoccupations pour l'avenir.
II y a cet aspect de l'indemnisation dont vous avez parlé. Vous
dites très précisément et très clairement que les
modalités qui sont prévues dans le projet de loi 42 ne font pas
votre affaire à vous autres quant à l'aspect strict de
l'indemnisation. Cela, c'est un volet du dossier.
Toujours à partir de votre mémoire et de votre
argumentation devant la commission, je présume aussi que vos
préoccupations sont en fonction des cas particuliers dont vous nous avez
parlé les unes et les autres et qui ont explicité les
difficultés que vous avez rencontrées quant à la
possibilité de faire reconnaître médicalement un certain
nombre de choses. C'est le genre de difficultés aussi sur lesquelles
vous avez très expressément attiré notre attention.
Mme Boutin: Exactement.
M. Fréchette: Parlons du passé maintenant, Mme
Boutin, si vous le voulez. Je comprends que votre préoccupation
principale - et quand je parle du passé, entendons-nous bien, je parle
strictement des événements que vous avez vécus, soyons
clairs là-dessus - ce que vous nous soumettez, ce sur quoi vous insistez
beaucoup, c'est que la situation économique, strictement
économique - oublions les autres aspects de l'ensemble de la situation -
qui est la vôtre, vous amène à la conclusion que, de
façon rétroactive, à partir du moment où vous avez
commencé à vivre ces événements, il devrait y avoir
une reconsidération d'ordre économique au sens très large
du terme quant à l'indemnisation que vous recevez actuellement sous
forme de rente. Est-ce que c'est suffisamment clair?
Mme Boutin: Je ne sais quand vous parlez de
rétroactivité? Nous, on se contenterait bien - et on s'est
toujours laissé dire qu'une loi n'était jamais rétroactive
-mais par contre, on accepterait que, vu que vous semblez nous comprendre, ce
soir, que ce ne soit pas rétroactif.
M. Fréchette: Alors cela précise un certain nombre
de choses parce que je vous avoue, bien honnêtement, que...
Mme Boutin: On ne veut pas que vous retourniez à quand mon
mari est décédé en 1978. Disons que cela a
été une bataille qu'on a livrée, mais on est conscientes
que cela pourrait amener un... peut-être pas si énorme que cela,
mais vu qu'on a toujours été raisonnables, mais qu'on est
prêtes, à partir de maintenant, de 1984...
M. Fréchette: ...oui, je vais vous poser ma question d'une
autre façon, Mme Boutin...
Mme Boutin: ...peut-être que je n'ai pas compris...
M. Fréchette: ...j'ai compris votre réponse,
remarquez...
Mme Boutin: Oui.
M. Fréchette: ...mais je veux être bien sûr
qu'on s'entend très bien sur l'ensemble du dossier. Ma question, soumise
d'une autre façon, pourrait se présenter de la façon
suivante: ce que vous souhaitez, c'est d'abord un changement quant aux
modalités prévues dans la loi 42 telle qu'on la connaît
actuellement. Lorsque ces changements seront intervenus, qu'ils soient
incorporés dans le mécanisme de couverture de la loi? Est-ce que
je comprends très bien là?
Mme Boutin: Je vais m'expliquer. Si j'ai très bien compris
à mon tour... Si c'est pour nous donner un montant global, c'est
non.
M. Fréchette: Non, ce n'est pas ce à quoi je pense,
Mme Boutin.
Mme Boutin: Mais, si c'est pour nous couvrir dans le sens de
rester quand même avec une rente mensuelle, selon le coût de la
vie, qu'il est normal qu'on ait, il n'y a pas de problème de ce
côté.
M. Fréchette: Non, je pense qu'on s'entend bien
là-dessus. D'ailleurs procéder à une capitalisation des
rentes que vous recevez actuellement, je pense qu'il en a déjà
été question. Vous avez été fort claire quant
à la possibilité d'une solution de ce
côté-là. Vous avez été très
très précise et, comme vous le dites, il n'en est pas question.
Cependant, si, par exemple, la loi était amendée dans le sens que
vous souhaitez, quant aux modalités de réparation ou
d'indemnisation qui sont prévues, c'est-à-dire ne pas avoir de
montant forfaitaire, de garder la rente viagère avec des
revalorisations, bon... C'est cela votre revendication, des changements. Et,
deuxièmement, quand les changements seraient intervenus, incorporez-nous
maintenant dans la couverture de la loi.
Mme Boutin: C'est cela.
M. Fréchette: C'est cela. Sans effet
rétroactif.
Mme Boutin: C'est cela. On est raisonnables, hein?
M. Fréchette: En tout cas, une chose est sûre. La
situation devient de plus en plus claire au fur et à mesure qu'on avance
dans la discussion. Mon collègue de Beauharnois me pose une question.
Est-ce à moi que vous
posez la question? Non. Ah bon!
Mme Boutin, vous avez aussi touché à un aspect dans votre
mémoire - je ne sais pas si c'est vous ou une l'une ou l'autre de vos
compagnes qui a soulevé la question -c'est celle relative à la
possibilité de la réouverture des dossiers médicaux.
Est-ce que ma compréhension de la loi ne serait pas correcte quand je
prétends que, lorsque survient un fait nouveau ou un
élément nouveau dans un dossier - à cet égard, je
serais de ceux qui croiraient que le progrès de la science
médicale qui permettrait d'arriver à une autre conclusion que
celle à laquelle on est préalablement arrivé constituerait
un fait nouveau - est-ce que ma compréhension de la loi actuelle, des
dispositions de la loi 42 ne serait pas correcte quand je pense que lorsqu'il y
a un fait nouveau, le dossier peut toujours être rouvert? N'est-ce pas
comme cela que vous percevez les dispositions actuelles de la loi, les
dispositions de l'article 42?
Mme Hamel: On a toujours pensé que le dossier du
travailleur était toujours ouvert, qu'il était toujours possible
de revenir. Mais, certaines personnes ont eu des difficultés. En ce
moment, j'ai un cas qui date de 1973 et ils ont accepté la
réouverture. J'en suis fort heureuse.
M. Fréchette: Ah bon! Alors, c'est peut-être une
simple question sur la façon de s'exprimer, mais on s'entend, je pense,
pour convenir qu'un dossier, peu importe sa nature, qu'il s'agisse d'un
accident... (21 h 45)
Mme Hamel: II y a les délais aussi qui sont
très...
M. Fréchette: Ah! cela, madame, je n'en disconviens pas,
bien au contraire...
Mme Hamel: Oui.
M. Fréchette: Mais je voulais qu'on s'entende sur l'aspect
dont on vient de parler et que le dossier n'est jamais fermé dans le
sens que si un élément nouveau, un fait nouveau est porté
à l'attention des instances concernées, le dossier peut
être rouvert; vous venez de nous dire que vous avez très
précisément vécu cette situation-là.
Vous avez aussi manifesté certaines inquiétudes par
rapport à l'article 44 du projet de loi, qui est en relation avec
l'article 47. L'article 44 est celui qui permet à un
bénéficiaire d'avoir accès, sans frais, au dossier
intégral que la commission possède à son sujet. Vous
dites, essentiellement: La disposition de l'article 44 nous convient, sauf
qu'elle est très sérieusement compromise par l'article 47, qui
est l'article qui prévoit que si la commission, pour des raisons que
j'essaie d'imaginer mais qui peuvent exister, refusait, en vertu de l'article
44, de vous laisser obtenir accès à votre dossier, il y a,
à l'article 47, un mécanisme qui vous permettrait d'aller devant
la Commission sur l'accès à l'information pour obtenir le
dossier.
Mme Boutin: II a toujours existé, cet organisme-là
et on a de la difficulté quand même. On savait cela parce qu'on
avait eu cette information de l'aide juridique. Ils nous ont dit que l'on
pouvait. Mais c'est encore des démarches à n'en plus finir.
M. Fréchette: Oui. Alors, Mme Boutin, je suis bien
disposé, à ce propos, à ouvrir la discussion sur la
possibilité suivante: Gardons simplement les dispositions de l'article
44 et faisons disparaître, effectivement, l'article 47. Parce que
l'évaluation qu'on en fait, à tort ou à raison, l'article
47 n'est là que pour renforcer la possibilité d'obtenir
l'accès à son dossier. Et même s'il disparaissait de la loi
42, il va continuer de demeurer dans la Loi sur l'accès à
l'information. Alors si l'article 47 de la loi vous crée des
embêtements, je pense que cela ne créera de préjudice
à personne qu'il soit retiré purement et simplement du projet de
loi, puisque le droit va continuer d'exister.
Mme Boutin: Vous nous parlez de droit, actuellement. Vous savez
qu'on est loin d'être au courant de la loi, nous. On est de simples gens
ordinaires, on n'est pas au courant des lois. Si vous le faites sauter, comme
vous le dites, je ne sais pas quelle répercussion cela peut avoir. Vous
me le dites mais je ne peux pas répondre.
Mme Rouleau: Mais avoir droit...
M. Fréchette: Mme Boutin, vous allez comprendre que je
suis un peu mal placé pour plaider en faveur du projet de loi 42, que je
parraine et vous dire: Bon, cette loi-là, elle est parfaite, il n'y a
pas d'ambiguïté, il n'y a pas de problème. Je vais seulement
essayer de nous permettre de réaliser ensemble que l'article 47 est
là strictement et uniquement pour donner plus de force à
l'article 44.
Mme Boutin: Est-ce que vous êtes au courant, M. le
ministre, qu'il y était avant et on avait de la difficulté quand
même à avoir nos dossiers. On aurait pu se servir de cette loi,
mais c'est à n'en plus finir, les démarches! Est-ce que ce sera
la même chose quand même?
M. Fréchette: La Loi sur l'accès à
l'information, Mme Boutin, elle est passablement récente.
Mme Boutin: Ah bien, nous...
M. Fréchette: Je ne sais pas si on réfère
à la même loi mais elle est toute récente, la Loi sur
l'accès à l'information. Je pense qu'elle est entrée en
vigueur le 1er janvier dernier. Je vous dis cela sous toute réserve.
Mme Boutin: Je ne sais pas si on parle de la même loi parce
que nous, nous avons l'aide juridique qui nous aide et ils nous ont toujours
dit qu'ils n'avaient pas de difficulté à avoir nos dossiers.
Mme Rouleau: Mais est-ce que vous voulez dire l'accès aux
dossiers médicaux?
M. Fréchette: Oui, oui, c'est cela.
Mme Rouleau: Qui viennent de l'hôpital?
M. Fréchette: Oui.
Mme Rouleau: Dieu sait si on a de la misère! On est
allées pour les chercher, à deux reprises, et on n'a pas
accès à ceux-ci, on ne peut pas les avoir.
M. Fréchette: Mais là, madame, on parle du dossier
médical que la Commission de la santé et de la
sécurité du travail a en sa possession. Je ne vous parle pas du
dossier que l'on peut retrouver dans les archives de l'hôpital.
Mme Boutin: Je sais que c'est peut-être deux choses pour
vous. Mais pour nous, il nous les faut, ces dossiers-là.
M. Fréchette: Oui, oui.
Mme Boutin: Cela nous prend même celui de
l'hôpital.
M. Fréchette: Celui de l'hôpital, autant en vertu de
la Loi sur les services de santé qu'en vertu de la Loi sur
l'accès à l'information, vous avez toutes les dispositions
nécessaires pour obtenir communication de votre dossier médical.
Évidemment, s'il y a des tracasseries administratives qui interviennent
à travers les différents processus, c'est autre chose mais si on
discute du droit strict, je pense qu'il est là.
Je pourrais, si vous le voulez, ne pas insister là-dessus, mais
si on ne pouvait pas convenir pour le moment qu'on pourrait garder les
dispositions de la loi comme elles sont, quitte à ce que nous puissions
en reparler...
Mme Boutin: C'est bien.
M. Fréchette: ...tout à l'heure et essayer de bien
nous comprendre sur les objectifs qu'on vise à cet égard.
Peut-être qu'on va réussir à ajuster tous les fils. Cela
va?
Mme Boutin: C'est bien.
M. Fréchette: Une dernière observation, M. le
Président. Vous avez pris beaucoup de gens à témoin, Mme
Boutin, quant à votre désir d'obtenir une rencontre autant avec
le ministre du Travail qu'avec le premier ministre. Je vous dirai que c'est le
genre de revendication ou enfin, de représentation que je m'engage
à formuler auprès de qui de droit et pour laquelle je vous
donnerai une réponse dans les jours qui viennent.
Je voudrais simplement, en terminant, revenir sur une de vos
préoccupations principales et qui est votre situation très
précise, votre situation de fait depuis le décès de vos
époux. Vous savez, c'est toujours embarrassant dans la discussion d'une
loi comme celle-là d'arriver à faire le juste départage
des choses entre l'aspect strictement économique d'une situation et
l'aspect strictement humain comme celui que vous soulevez. Il y a des deux
côtés des argumentations qui ont de la valeur, des argumentations
qui sont difficilement réfutables et dont il faut tenir compte de part
et d'autre.
La revendication que vous nous soumettez par rapport à votre
situation propre doit être évaluée en fonction de ces deux
paramètres dont je viens de vous parler, c'est-à-dire une
situation bêtement économique et une situation humaine facilement
perceptible aussi. Alors, c'est à partir de ces deux paramètres
qu'il nous faut analyser des représentations que vous nous faites. Je
vous suggère que nous adoptions le processus suivant: Nous avons entendu
jusqu'à maintenant un nombre considérable d'organismes qui nous
ont fait des représentations, nous allons continuer d'en entendre
jusqu'à vendredi, nous en aurons entendu au-delà d'une
quarantaine et c'est à partir de toutes les représentations qui
nous sont faites par tous ceux qui sont venus s'exprimer ici qu'il va nous
falloir prendre des décisions et à partir de l'évaluation
de ce que donne les représentations qu'on nous fait.
Il faudra mettre dans l'un des plateaux de la balance le sujet que vous
nous soumettez et par la suite, prendre une décision quant à la
réponse qui doit vous être donnée. Je n'ai pas d'objection,
à l'occasion d'une éventuelle entrevue, à ce qu'on en
reparle plus à fond, Mme Boutin.
Mme Boutin: C'est sûr que ce que vous venez de me dire ne
me satisfait pas. Je ne vois pas non plus... Comme vous dites, le mettre sur un
plateau dans votre projet loi 42... Cela fait si longtemps qu'on est
oubliées; dans le passé, vous êtes très
conscient que les gouvernements et les compagnies ont toujours
été négligents envers nos époux; il ne faut pas se
le cacher. On ne parle pas du présent, c'est quand nos époux
étaient là; et on serait encore victimes de cela.
Vous nous dites que vous allez nous mettre dans le plateau avec les gens
qui se sont fait et se feront entendre ici. Je suis consciente que vous allez
peut-être le faire mais ce qu'on veut, c'est une affirmation plus
précise. Car c'est une injustice du passé que nous subissons et
nous ne voulons plus la subir. On ne veut plus du tout la subir, parce que nous
sommes des humains nous autres aussi. Avec 395 $, qui va payer les taxes le
mois prochain? Qui va payer le chauffage le mois prochain? Qui? Je vous le
demande, M. le ministre.
M. Fréchette: M. le Président, à la question
de Mme Boutin, je répondrai essentiellement ceci: Je vois mon
collègue de l'Opposition qui a hâte d'intervenir. Je vais lui
laisser la parole immédiatement après. Il faudrait
peut-être nous entendre sur la situation suivante, Mme Boutin: Ce serait
facile pour moi, ce serait très agréable et fort
intéressant de pouvoir vous dire ce soir: J'accepte; le gouvernement va
accepter toutes les revendications que vous nous soumettez. Je serais
très heureux de pouvoir vous dire cela. Ce serait simple; ce serait
facile. On s'entendrait très bien, et il n'y aurait pas entre nous de
discussion ni de litige. Ce serait peut-être, par ailleurs aussi, avant
d'avoir procédé à cette analyse dont je vous parle, un peu
irresponsable que de vous dire tout de go, spontanément comme cela: II
n'y a pas de problème, et on va régler tout cela. Vous allez
comprendre qu'il nous faut prendre un peu de recul pour procéder
à l'évaluation dont je vous parle.
Mme Boutin: II n'y aurait...
M. Fréchette: Je comprends, par ailleurs, que cela ne vous
donne pas satisfaction. Je suistout à fait d'accord avec cela.
Mme Boutin: Pas du tout. Et on se demande combien de temps va
durer le recul. C'est ce qu'on voudrait savoir.
M. Fréchette: Madame, le processus normal qui devrait
s'enclencher, lorsque la commission aura terminé ses travaux, sera
très précisément de faire cette évaluation dont on
vient de parler, ce sera aussi de procéder à des changements,
d'ici un mois à six semaines au maximum, aux dispositions que l'on
retrouve actuellement dans le projet de loi 42 et, à la reprise des
travaux de l'Assemblée nationale, quelque part au mois d'avril, de
procéder à l'adoption du projet de loi, à partir des
décisions qui auront été prises et des amendements qui
auront été incorporés dans le projet de loi à la
suite de l'audition des témoignages que nous avons entendus depuis six
ou sept jours maintenant.
Mme Boutin: Justement, lorsque vous parlez d'apporter un
amendement, j'y crois, mais je ne crois pas autre chose, parce que vous l'avez
fait en 1979. Pourquoi ne le feriez-vous pas pour nous autres? Le 1er janvier
1979, vous l'avez fait. Pourquoi nous avez-vous ignorées à ce
moment-là? On était des humains. Le 1er janvier 1979, vous avez
créé deux classes de veuves. Je ne sais pas si vous le savez,
mais c'est contraire à ce qui est dit dans la Charte des droits et
libertés de la personne. Vous avez créé deux classes de
veuves. Il y a une classe qui peut vivre. Je ne veux pas dire que ces veuves en
ont énormément plus que les autres. Elles en ont plus que nous
autres, mais elles n'ont pas de surplus pour vivre. Cela leur prend tout pour
vivre elles aussi. Mais nous autres, avec ce qu'on a, je ne sais pas ce qu'on
fait pour subsister avec 395 $ par mois. À cette discrimination que vous
avez faite le 1er janvier 1979, on voudrait que vous apportiez un amendement
aussi rapidement que possible, si vous ne voulez pas qu'on aille plus loin et
déborder. Là, on en a assez. C'est aussi simple que cela. Je vous
trouve très gentil, etc., mais cela ne me donnera pas plus d'argent
demain pour payer mes taxes, mon électricité, etc. Est-ce bien
compris?
M. Fréchette: Oui, c'est très bien compris, madame,
et je pense que nos positions respectives sont également très
claires. Il va nous rester à prendre nos responsabilités
maintenant, à partir de ces représentations dont je viens de vous
parler et que nous entendons depuis sept jours maintenant.
Mme Boutin: Êtes-vous d'accord pour dire qu'en 1979, vous
avez créé deux classes de veuves?
M. Fréchette: Là, on pourrait encore engendrer une
longue discussion...
Mme Boutin: Ah! ah!
M. Fréchette: ...que je n'aurais pas d'objection à
faire, remarquez, mais comme il y a un autre groupe qui doit être entendu
immédiatement après vous, on pourrait faire cela à
l'occasion d'une rencontre qu'on pourrait avoir tout de suite après, si
vous le voulez.
Mme Boutin: Oui?
M. Fréchette: Oui, bien sûr.
Mme Boutin: On ne sait jamais, on peut rester.
M. Fréchette: Très bien.
Le Président (M. Paré): Merci, la parole est
maintenant à M. le député de Viau. (22 heures)
M. Cusano: M. le Président, Mme la présidente,
mesdames du RFMD, au nom de ma formation politique, je tiens à vous
remercier du mémoire que vous nous avez fait parvenir ainsi que de la
présentation très claire que vous nous avez faite ce soir.
J'admire votre courage non seulement par le fait que vous êtes
regroupées et que vous avez entrepris des démarches pour tenter
de rectifier votre situation, mais j'admire ces démarches aussi parce
qu'elles vous concernent et concernent aussi les épouses -qui,
j'espère, seront très peu nombreuses -qui auront malheureusement
à se joindre à votre regroupement éventuellement. Sur
cela, je dois encore dire que j'ai beaucoup d'admiration. Je peux dire aussi,
à ce moment, que je suis convaincu que le ministre du Travail portera
à l'oreille du premier ministre votre demande de rencontre. Je suis
convaincu de cela.
Mme Rouleau: Merci.
M. Cusano: Maintenant, une couple de commentaires parce que le
ministre s'est engagé justement à prendre en
considération... Depuis qu'on siège ici, le ministre semble avoir
réalisé qu'il y a certaines dispositions, certains articles de la
loi qui doivent être corrigés, qui doivent être
amendés. Une fois que ceux-ci seront connus, je ne sais pas à
quel moment, mais ils seront connus éventuellement, j'espère
qu'il prendra aussi en considération vos demandes. À ce moment,
je suis sûr que vous-mêmes ou d'autres qui vous aident pourront
faire parvenir au ministre des mémoires ou des lettres indiquant votre
satisfaction ou non de ce qu'il a fait. Pour qu'on se comprenne bien, en tout
cas, moi je vous ai compris sur une chose, c'est que vous dites: On va oublier
ce que serait un arrérage, du moment qu'on corrige notre situation
à partir d'aujourd'hui. C'est bien cela. Je pense que le ministre
à un certain moment ne semblait pas...
Mme Boutin: II m'a semblé comprendre, mais si vous vous
n'avez pas compris, je suis prête à le répéter.
M. Cusano: C'est cela que j'ai compris de votre intervention. Ma
question, madame, dans un sens sera très brève et je sais qu'il
est très difficile de chiffrer ou d'attacher à un
décès d'un époux un certain montant. Mme Boutin:
Cela n'a pas de prix.
M. Cusano: Cela n'a pas de prix. Dans la situation où on
vit, il y a assurément certaines choses qui sont établies,
certains montants qui sont établis. Vous vous opposez au montant
forfaitaire de 50 000 $ pour les cas à venir.
Mme Boutin: Oui parce qu'on trouve, après avoir bien
analysé, qu'au bout de cinq ans, la madame serait
bénéficiaire de l'aide sociale.
M. Cusano: Je suis d'accord avec vous dans ce sens.
Mme Boutin: Ce serait de renverser, de dire par d'autres, d'un
autre ministère... C'est que ce sont encore les contribuables qui
paieraient, et je me dis que ce ne serait pas juste. Les employeurs se
débarrasseraient encore aux dépens d'un autre
ministère.
M. Cusano: Je ne veux pas engendrer un débat, madame. On
voit souvent comment la CSST remet certains paiements ailleurs, et je ne veux
pas tomber dans ce débat. Ma question précise sur le fait du
montant forfaitaire: est-ce que selon votre expérience - nous ne l'avons
pas vécue de ce côté-ci, vous vous l'avez vécue - il
devrait y avoir dans la loi des dispositions d'option pour la veuve en
question, de choisir entre un montant forfaitaire ou est-ce que ce montant
forfaitaire ne devrait pas exister du tout. Il y a des femmes qui pourraient
dire: Les 50 000 $ vont me permettre soit de me lancer en affaires ou de faire
autre chose, cela va me donner l'occasion de prendre les choses en main, tandis
qu'il y en a d'autres qui préfèrent que ce soit une
sécurité.
Mme Boutin: Cela dépend toujours de l'âge et de ce
que les personnes veulent. Personnellement, à mon âge, je
trouverais cela désastreux s'ils m'obligeaient à prendre cela.
Par contre, une personne qui a un certain âge et que cela avantage, pour
elle, ce pourrait être une bonne affaire, mais c'est la minorité.
Même si j'étais plus âgée, je ne le prendrais pas.
Par contre, je ne peux pas répondre pour celles... Je peux vous dire que
pour un certain âge d'accord, mais pour d'autres, non.
M. Cusano: Quand même, vous dites que l'option devrait
être là.
Mme Boutin: Mais cela ne devrait pas être obligatoire.
M. Cusano: Non, pas obligatoire, c'est un choix entre un
montant...
Mme Boutin: Mais que cela ne devienne jamais obligatoire.
M. Cusano: D'accord. Que ce soit un montant de 50 000 $, 60 000
$, qu'il soit là et que la personne ait le privilège de
choisir.
Mme Boutin: Mais que ce ne soit pas obligatoire, qu'elle ait le
choix.
M. Cusano: C'est cela.
Le Président (M. Paré): Le député de
Vachon aurait un commentaire.
M. Fréchette: Est-ce que je peux faire une petite
intervention? Dans le mémoire, il est plutôt question de rente
qu'on veut.
Mme Boutin: Je m'excuse. Est-ce que vous parlez des personnes
à l'avenir ou de nous?
M. Fréchette: Je parlais des personnes à
l'avenir.
M. Cusano: En ce qui me concerne, votre position est très
claire. C'est ce que vous voulez...
Mme Paré (Liliane): Je vais m'introduire pour clarifier la
situation. C'est que dans le mémoire elles demandent une rente
mensuelle. Il n'est pas question de voir si c'est avantageux d'avoir un montant
forfaitaire ou quoi que ce soit. Tout le monde sera pareil avec une rente
mensuelle, parce que si on tient compte de l'âge de l'épouse, des
enfants, etc., un montant forfaitaire est toujours désavantageux. On
considère qu'avec un montant forfaitaire la CSST se balance des gens. On
peut prendre un cas bien précis: Les femmes dont les époux sont
décédés d'amiantosé, présentement celles
couvertes par l'amendement 114 reçoivent environ 800 $ par mois. Si vous
faites le calcul pour cinq ans, déjà le montant de 50 000 $
auquel elles auraient eu droit serait écoulé. On sait que le
coût de la vie augmente etc., alors la CSST donne un montant global. Cela
a l'air bien beau, mais dans les faits ce n'est pas valable, au bout de cinq
ans la femme se retrouve encore sans revenu.
M. Cusano: C'est sûr, je suis d'accord avec vous, tous les
montants forfaitaires mentionnés dans cette loi sont justement
inférieurs à la capitalisation d'une rente viagère.
D'accord, cela va. Je vous remercie encore et je voulais seulement redire qu'on
va s'assurer que le ministre tienne sa parole. Avec cela, je vous remercie
madame.
Mme Boutin: Je vous remercie.
Le Président (M. Paré): Au nom des membres de la
commission, nous vous remercions d'être venues nous présenter
votre mémoire et des témoignagnes que vous nous avez
apportés. Comme le dit le ministre, on va tenir compte de ce que vous
nous avez apporté ici comme témoignage. Je vous remercie.
Je vais demander au groupe suivant, c'est-à-dire la Corporation
professionnelle des médecins du Québec de prendre place en
avant.
Bonsoir, messieurs et bienvenue à la commission. Nous allons
ententre votre mémoire. J'inviterais le porte-parole à
s'identifier à nous présenter les deux personnes qui
l'accompagnent.
Corporation professionnelle des médecins du
Québec
M. Meilleur (Robert): M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission, je suis le Dr Robert Meilleur, de Québec.
Je suis l'un des administrateurs élus de la Corporation professionnelle
des médecins du Québec, et également membre du
comité exécutif de cette même corporation. Il y a, à
ma gauche, le Dr André Lapierre, secrétaire adjoint et cadre
permanent à la corporation, ainsi qu'à ma droite, le Dr Jacques
Brière, adjoint également au secrétaire
général et cadre permanent.
Nous avons à vous présenter un très court
mémoire. Au début, étant donné que les deux points
techniques que nous y soulevons semblaient très évidents, ne
semblaient pas amener une discussion très longue, nous avions d'abord
décidé de vous faire parvenir notre mémoire sans nous
présenter nous-mêmes, mais, à votre demande de venir
témoigner - nous considérons cela comme un honneur, M. le
Président - nous sommes venus vous rencontrer. Nous serons à
votre disposition afin d'essayer d'apporter quelque lumière et de
bonifier ainsi peut-être certains articles du projet de loi, si cela est
votre désir. Cela explique également, malheureusement, l'absence
de notre président-secrétaire général, le Dr
Augustin Roy, qui, de ce fait, avait pris des engagements antérieurs et
n'a pas pu se présenter ce soir.
Je vais demander au Dr Jacques Brière de vous résumer le
mémoire, et après nous serons à votre disposition pour les
questions que vous voudrez bien nous poser.
M. Brière (Jacques): Je suis certain, M. le
Président, M. le ministre et MM. les membres de la commission que vous
avez apprécié la brièveté de notre mémoire.
Il ne vous a sûrement pas demandé un travail de lecture trop ardu.
Nous n'avons pas cru bon d'apporter des commentaires sur tout le
mécanisme et le financement de ce système fort complexe
d'indemnisation mis en place par le projet de loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles. Vous le savez, comme toute corporation ou
ordre professionnel, nous avons comme fonction la protection du public, mais
d'une façon très particulière, c'est-à-dire en
contrôlant l'exercice de nos membres. Nous avons donc voulu limiter nos
commentaires à deux sujets sur lesquels nous pouvons prétendre
avoir une certaine compétence.
Le premier sujet que nous avons commenté, évidemment,
c'est l'article 132 qui donne à la Commission de la santé et de
la sécurité du travail le pouvoir de décider de la
nécessité, de la nature, de la durée et de la suffisance
de l'assistance médicale. Avec ce pouvoir, la Commission de la
santé et de la sécurité du travail pourrait indiquer au
médecin quels examens faire, comment faire son diagnostic, quel
traitement appliquer et pendant combien de temps. Dans tout cas d'accident du
travail ou de maladie professionnelle, le médecin deviendrait un simple
exécutant des désirs, des décisions ou des directives de
la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il
perdrait son caractère professionnel.
Ce qui caractérise le professionnel, c'est, bien sûr, de
porter des jugements à la lumière des connaissances acquises au
cours de sa formation, ce qui lui permet de rendre ses services à son
client avec le consentement du client. La relation patient-médecin s'en
trouverait évidement affectée, étant donné que le
médecin perdrait toute liberté thérapeutique. Je ne
connais, dans notre société libre, aucun organisme qui ait ce
pouvoir de dicter au médecin sa conduite dans chaque cas particulier.
Même la corporation, à qui la loi reconnaît le pouvoir de
contrôler l'exercice de ses membres, ne leur dit pas comment exercer la
médecine dans chaque cas particulier. Elle leur demande d'exercer, selon
les données actuelles de la science médicale, elle leur dicte des
règles de conduite, mais n'intervient pas dans le traitement des malades
et dans les relations patient-médecin. Donner ce pouvoir à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail, c'est
lui permettre, à toutes fins utiles, d'exercer la médecine.
Il y a, dans l'actuelle Loi sur les accidents du travail un texte qui
ressemble d'assez près à ce texte de l'article 132, mais qui a
tout de même une portée entièrement différente
puisqu'on y dit que la commission décide de toute contestation sur la
nécessité, la nature, la suffisance ou la durée de
l'assistance médicale. (22 h 15)
Il faut bien réaliser que dans un très grand nombre de cas
d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, il n'y a pas de
contestation. L'accidenté du travail ira consulter à
l'hôpital, au centre hospitalier, à la salle d'urgence. Le
médecin lui prodiguera les soins nécessaires, déterminera
sa période d'invalidité et sa date de retour au travail. Le tout
se fera sans contestation. La commission, n'intervient pas, actuellement, dans
le traitement médical. S'il y a contestation, c'est évidemment
après coup, une fois que les traitements sont donnés. À ce
moment, habituellement ce sont les bureaux de révision de la commission
qui décident de cette contestation, mais il y aura de soumis au bureau
de révision une preuve médicale faite par le médecin
traitant ou par un ou plusieurs experts. L'organisme qui décide de la
contestation ne pratique pas la médecine, il ne dicte pas comment se
pratique la médecine, mais agit un peu comme n'importe quel tribunal
à qui est soumise une affaire à caractère médical.
L'organisme se prononce sur la foi de la preuve médicale faite devant
lui. Nous savons que certains organismes ont peut-être manifesté
des inquiétudes concernant les bureaux de révision, qui sont en
somme des organismes nommés par la Commission de la santé et de
la sécurité du travail et qui sont composés de
fonctionnaires de la commission. Le reproche qu'on a pu faire à ces
bureaux de révision, c'est qu'ils sont constitués de
fonctionnaires de la commission, leur décision pouvant être
influencée, peut-être inconsciemment, par des politiques ou des
directives de la commission.
Certains ont proposé de faire plutôt réviser les
décisions de la commission par un organisme indépendant. Je dois
dire que nous à la corporation, nous n'avons aucune expérience
personnelle, ni aucune donnée qui puisse nous faire affirmer que ces
reproches sont fondés ou non. Si la Commission de la santé et de
la sécurité du travail décidait, à la
lumière de toutes les représentations qui lui ont
été faites, de supprimer les bureaux de révision, il
faudrait tout d'abord qu'elle réalise qu'il faudrait amender non
seulement le projet de loi actuel, mais également la Loi sur la
santé et la sécurité du travail parce que vous savez que
c'est par l'article 171 de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail que la commission a le pouvoir de nommer des
bureaux de révision et, également, par l'article 172 de cette
même loi qu'elle peut lui attribuer ou leur attribuer des fonctions que
toute loi ou tout règlement reconnaît de la compétence de
la commission.
Si vous vouliez supprimer les bureaux de révision, il faudrait
reconsidérer votre projet de loi, abroger l'article 171 de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail et modifier l'article 172
parce que le projet de loi actuel, même s'il ne parle pas de bureau de
révision, parle de reconsidération
administrative. Se faisant fort des pouvoirs que lui donne la Loi sur la
santé et la sécurité du travail, la commission pourrait
décider de nommer quand même des bureaux de révision qui
procéderaient à cette reconsidération administrative. Si
vous décidiez également de supprimer les bureaux de
révision, il faudrait réaliser que vous confieriez à un
autre organisme, je ne sais pas encore lequel, un travail fort lourd. Les
bureaux de révision fonctionnent à plusieurs divisions, me
dit-on, et ces divisions fonctionnent quotidiennement.
C'est bien sûr que la Corporation des médecins serait
prête à collaborer si on lui demande de suggérer des noms
de médecins reconnus pour leur compétence dans ce domaine
particulier, lesquels pourraient siéger de temps à autre comme
assesseurs auprès d'un de ces organismes que l'on créerait pour
remplacer les bureaux de révision, mais il faut réaliser que
trouver des assesseurs qui fonctionnent à temps complet, c'est
passablement plus difficile que de trouver un expert ou un assesseur qui
accepte de siéger une journée de temps à autre. Il faut
également réaliser qu'il faudrait donner à ce nouvel
organisme tous les moyens financiers pour supporter son personnel à
temps complet. Ce n'est pas une mince tâche.
Il faut également réaliser que beaucoup de sujets qui sont
au bureau de révision ne sont pas à caractère
médical. Les bureaux de révision ont souvent à se
prononcer simplement sur le fait: s'agit-il ou non, selon les circonstances,
d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle? Ce n'est pas
toujours un témoignage d'ordre médical que ces bureaux de
révision doivent entendre.
En somme c'est la décision de la commission. Si un nouvel
organisme doit être créé, je pense qu'il faut y mettre le
temps pour trouver un organisme qui pourra fonctionner avec indépendance
vis-à-vis de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail et qui aura les moyens de fonctionner de
façon adéquate. Nous sommes prêts, en tant que corporation,
à travailler avec vous pour tenter de trouver un tel mécanisme
mais, encore une fois, la tâche ne sera pas facile.
L'autre sujet que nous avons abordé dans notre mémoire,
c'est l'utilisation du terme "professionnel de la santé". C'est un terme
qui peut avoir un sens variable selon l'interprétation des personnes. On
peut inclure dans le terme "professionnel de la santé" tous les
professionnels qui rendent des services dans le domaine de la santé.
Cela pourrait inclure des travailleurs sociaux, des diététistes,
des techniciens de laboratoire.
Le projet de loi a tenté de circonscrire le terme mais en
référant à une autre loi, la Loi sur l'assurance-maladie.
Il y a certainement un danger sur le plan juridique de faire ainsi une loi par
référence à une autre loi parce que ce sont deux lois qui
ont des portées tout à fait différentes. Le gouvernement
pourrait décider de modifier la Loi sur l'assurance-maladie pour inclure
dans le terme professionnel de la santé beaucoup d'autres professionnels
qui oeuvrent dans le domaine de la santé que ceux qu'on retrouve
actuellement.
Il pourrait être tout à fait valable pour le gouvernement
de décider, par exemple, que la Régie de l'assurance-maladie du
Québec couvrira à l'avenir les services de
physiothérapeutes, de phychologues, de chiropraticiens. À ce
moment, si la définition du terme "professionnel de la santé"
dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles se
réfère à la Loi sur l'assurance-maladie, automatiquement
ces professionnels se croiront aptes à poser les actes que l'on retrouve
dans les articles du projet de loi comme pouvant être posés par
des professionnels de la santé.
Or, même dans le sens actuel "professionnel de la santé"
que l'on retrouve dans la Loi sur l'assurance-maladie, l'on retrouve
médecins, dentistes, pharmaciens et optométristes. Même
dans ce sens, certains de ces professionnels ne peuvent avoir et n'ont pas le
champ d'exercice nécessaire pour poser certains des actes que confie aux
professionnels de la santé le projet de loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles. Un optométriste ou un pharmacien ne
peut procéder à une évaluation complète d'une
personne, demander des analyses de laboratoire pour poser un diagnostic et
établir un plan de traitement.
Vous remarquerez, si vous consultez toutes les lois professionnelles et
le Code des professions, que le gouvernement a décidé de parler
de diagnostic uniquement dans le cas des médecins et des dentistes;
également des vétérinaires, mais il n'en est pas question
ici, il ne s'agit pas de traiter des animaux. Les autres professionnels de la
santé ont habituellement des champs d'exercice bien définis, ils
ont des actes bien définis qui leur sont attribués, qui ont
certainement une très grande valeur; ils peuvent rendre des services
auprès des accidentés du travail, mais nous croyons que si leurs
services peuvent être reconnus par la Loi sur les accidents du travail et
les maladies professionnelles, ils devraient être reconnus lorsqu'ils
sont demandés sur recommandation médicale ou ordonnace
médicale, tout comme dans le régime de l'assurance
hospitalisation actuel.
Si vous regardez, en effet, l'article 126 du projet de loi 42, vous
verrez que dans l'assistance médicale on parle des services
hospitaliers. Or, les services hospitaliers sont décrits dans la Loi sur
l'assurance hospitalisation et son règlement et comprennent, entre
autres, les services de
psychologues, les services de physiothé-rapeutes, mais ils sont
toujours reconnus sur ordonnance médicale seulement et parfois sous
surveillance médicale.
Ce sont, messieurs, les représentations que j'avais à vous
faire. Maintenant, il me fera plaisir de répondre dans la mesure de nos
connaissances aux questions que vous auriez à nous poser.
Le Président (M. Paré); Merci. Nous allons passer tout de
suite à la période de questions avec M. le ministre du
Travail.
M. Fréchette: Merci, M. le Président. Je vais
essayer de suivre l'exemple de nos invités sans, par ailleurs, escamoter
des renseignements dont on pourrait avoir besoin. En réalité, vos
deux préoccupations sont très circonscrites et facilement
identifiables, de sorte qu'on va aussi circonscrire le débat à
ces deux aspects de la question.
D'abord, vous avez une préoccupation quant aux dispositions de
l'article 132, du moins dans sa texture actuelle, si vous me prêtez
l'expression. Vous suggérez, à la page 4 de votre mémoire,
que peut-être une simple et seule modification de l'article 132 actuel
pourrait contribuer à faire disparaître les inquiétudes que
vous nous manifestez. Si, par exemple, le texte disait que la commission
décide toute contestation sur la nécessité, la nature, la
suffisance ou la durée, je crois comprendre que, quant à vous en
tout cas, cela répondrait à vos exigences ou enfin aux
appréhensions que vous avez. Je dois vous dire que vous êtes
beaucoup moins exigeants que plusieurs autres, dont des membres de la
profession médicale. On a entendu - vous en avez sans doute pris
connaissance aussi - le mémoire de la Fédération des
spécialistes, celui de la Fédération des omnipraticiens ce
matin. Ces fédérations vont beaucoup plus loin que la suggestion
que vous nous faites. Si vous connaissez la position des deux organismes dont
je viens de vous parler, qui rejoint, à plusieurs égards, des
recommandations qui nous sont faites par d'autres groupes qu'on a entendus
depuis le début, lesquelles consistent essentiellement à penser
à la possibilité de mettre sur pied un organisme qui aurait la
juridiction nécessaire pour disposer de tout problème ou litige
de nature médicale, est-ce que, malgré la suggestion que vous
faites, vous êtes disposés à envisager la
possibilité de la création d'un semblable organisme qui aurait,
comme je viens de vous le signaler, toute la juridiction nécessaire, qui
serait habilité à disposer des litiges d'ordre médical
lorsque, par exemple, il peut y avoir une différence appréciable
dans les conclusions ou l'évaluation d'un dossier médical entre
la conclusion que tire le médecin traitant et celle que tire un autre
médecin qui pourrait faire partie de la commission qui évaluerait
le dossier. S'il y a une différence fondamentale entre les deux
évaluations, est-ce que vous accepteriez ou vous seriez disposés
à accepter effectivement la formation de cet organisme dont je vous
parle qui déciderait, en dernière instance, de façon
finale, sans que la commission n'intervienne, de l'état du dossier?
M. Brière: Oui, M. le ministre. D'ailleurs, je crois que
j'ai fait mention dans ma présentation - ce n'est pas dans le
mémoire - qu'à la corporation, nous n'avions pas suffisamment de
renseignements ou d'expérience personnelle pour nous permettre de
conclure que ce pouvoir de la commission de décider des contestations,
par ses bureaux de révision, par exemple, présentait, de fait,
des inconvénients. C'est sûr qu'il y a des inconvénients
sur le plan théorique, parce que, comme ce sont des fonctionnaires de la
commission, je l'ai dit, ils peuvent inconsciemment se sentir liés par
certaines politiques ou directives de la commission, de sorte que,
théoriquement, un organisme tout à fait indépendant est
certainement souhaitable. À ce moment-là, bien sûr, il ne
faudrait pas retenir la formulation que nous étions prêts à
accepter dans notre mémoire, parce que nous ne demandions pas le retrait
des bureaux de révision.
M. Fréchette: Je pense qu'étant donné
l'état de la question maintenant, à la suite de ce bref
échange, je pense qu'on s'entend assez bien sur le principe qui pourrait
être envisagé. Votre recommandation n'est pas exclusive à
ce que vous nous suggérez dans votre mémoire. Vous venez de le
dire, Dr Brière. Votre corporation serait disposée à
collaborer au fonctionnement d'un organisme comme celui dont je viens de vous
parler.
M. Brière: II faut bien s'entendre cependant. La
corporation n'est pas prête à assumer ce mécanisme...
M. Fréchette: Non.
M. Brière: ...et pour plusieurs raisons. Elle pourrait se
trouver un peu en conflit avec elle-même si elle le faisait, parce que
nous avons parfois, par notre bureau du syndic, examiné certaines
plaintes qui peuvent toucher à certaines expertises faites pour les
besoins de la Loi sur les accidents du travail. Il ne faudrait pas, là
non plus...
M. Fréchette: Non.
M. Brière: ...se retrouver dans le même conflit ou
dans un conflit semblable. (22 h 30)
M. Fréchette: Non, docteur, ce n'est pas ce que je suis en
train de vous dire ou de vous suggérer. Lorsque je parle de
collaboration, cela pourrait vouloir dire, par exemple, la situation
suivante: À supposer que l'on demande à la corporation de
s'informer auprès de ses membres et que ces membres soient
disposés à agir à l'intérieur d'une instance comme
celle dont on parle pour «procéder à l'évaluation de
litiges, de contentieux d'ordre médical, vous pourriez nous faire la
suggestion d'un certain nombre de noms de professionnels qui accepteraient de
siéger à l'intérieur de cet organisme. Nous, de notre
côté, on pourrait soumettre la liste de noms que vous nous
transmettriez au conseil consultatif du travail, par exemple, qui regarderait
et qui ferait au ministre des recommandations quant à l'occasion
d'obtenir certains noms. C'est simplement dans ce sens que je parle de
collaboration.
M. Brière: L'on retrouve d'ailleurs, M. le ministre, des
structures analogues dans la Loi sur l'assurance-maladie. Ce sont les
comités de révision. Le gouvernement nomme à ces
comités des médecins à partir d'une liste que lui
fournissent, d'une part la corporation, d'autre part les
fédérations médicales. Évidemment, il faut
réaliser - et j'ai fait allusion à cela aussi dans ma
présentation - que le travail de ces conseils ou tribunaux d'arbitrage
sera beaucoup plus lourd que celui des comités de révision de la
Loi sur l'assurance-maladie. Là, c'est presque du temps plein que l'on
demande. À ce moment, il est certain qu'il est difficile de trouver des
médecins en exercice qui seraient prêts à faire du temps
plein. Ce sera beaucoup plus difficile, en tout cas.
M. Fréchette: Non, cela, je suis tout à fait
conscient de cette limite, M. Brière. D'ailleurs, on en a discuté
aussi avec les représentants des omnipraticiens et de la
fédération des spécialistes. Quand je parle d'une liste,
par exemple, à supposer que chez vous vous nous soumettiez une liste de
150, 200, 250 ou 300 de vos membres qui se disent prêts à
travailler à l'intérieur d'une structure comme celle-là,
il est évident que le mécanisme auquel il faudrait penser, ce
serait de demander par rotation aux uns et aux autres de venir là quand
ils auront la disponibilité pour le faire. En d'autres mots, ce serait
strictement ad hoc et non pas bien sûr de façon permanente. Je
pense que c'est très clair entre nous aussi.
M. Meilleur: Je voudrais ajouter, M. le ministre, que c'est
sûr que si les bureaux de révision sont nommés et
proviennent de différents organismes, ils auront une
crédibilité qui pourra éviter également des recours
par la suite à la Commission des affaires sociales parce que c'est
évident que si la CSST nomme tous ses experts, il y a là
peut-être des fois dans certains milieux certaines suspicions qui peuvent
faire naître par la suite de nouveaux appels. Si ces comités ont
une meilleure crédibilité à cause de leur
indépendance, ils auront probablement également une meilleure
crédibilité également dans leurs conclusions.
M. Fréchette: Oui. C'est d'ailleurs un des objectifs
poursuivis par la proposition dont on discute actuellement.
M. Meilleur: Si on veut faire en sorte, M. le ministre, que ces
organismes ne soient là que pour décider des choses
médicales, c'est-à-dire qu'on demande au médecin
d'établir le diagnostic, d'établir le traitement,
d'établir le degré d'incapacité, qu'on laisse aux autres
la décision de payer ou de ne pas payer.
M. Fréchette: C'est précisément la vocation
qu'aurait un semblable organisme. On a aussi convenu, cependant, ce matin, que
cela pourrait devenir un peu plus exigeant et plus rigoureux pour le
professionnel de la santé qui est le traitant de la personne
accidentée parce que lui aussi Va savoir que le diagnostic qu'il va
établir, les constatations qu'il va faire, les évaluations qu'il
va faire en termes, par exemple, de durée de l'incapacité, cela
pourrait, théoriquement en tout cas, aboutir en bout de piste devant une
instance habilitée à évaluer les constatations qu'il aura
faites. Ce matin, ils ont convenu de cette nouvelle éventuelle rigueur
avec laquelle, cependant, les gens se sont déclarés prêts
à vivre. Moi cela me va là-dessus. Quant au deuxième
aspect de votre mémoire, celui de limiter dans la loi 42 aux
médecins et dentistes les possibilités d'agir professionnellement
au sens médical du terme, je voudrais, Dr Brière, essayer de
comprendre une chose. Vous nous dites: Dans l'état actuel des choses,
comme la loi 42 fait référence à la Loi sur
l'assurance-maladie, il faut comprendre que l'on fait référence
très précisément au médecin, au dentiste, à
l'optométriste et au pharmacien et que rien n'exclut la
possibilité que le législateur, à un moment donné,
décide d'élargir les dispositions de la Loi sur
l'assurance-maladie et d'y inclure, par exemple, le physiothérapeute,
etc. Mais est-ce que je dois comprendre, Dr Brière - c'est
là-dessus que je souhaiterais avoir des éclaircissements - que,
s'il arrivait que cette notion soit élargie, il faudrait interdire ces
genres de services ou d'assistance médicale aux accidentés du
travail? Vous comprenez un peu ma préoccupation.
M. Brière: Je pense que, si c'est ce que vous comprenez,
c'est que le mémoire est mal fait. Au contraire, je pense que nous
insistons...
M. Fréchette: J'ai peut-être mal compris aussi.
C'est pour cela que je veux éclaircir la situation.
M. Brière: Nous insistons sur le fait que nous n'avons
aucune objection, loin de là, à ce que les services d'autres
professionnels de la santé soient reconnus dans le cadre de la Loi sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles. Ce que nous disons,
c'est que, tel que le projet de loi est rédigé, il emploie le
terme "professionnels de la santé" dans le chapitre de l'assistance
médicale. Là, en regardant ce que certains articles demandent aux
professionnels de la santé de faire, on dit: À part le
médecin et le dentiste, il n'y a pas d'autres professionnels de la
santé qui sont habilités, par leur loi professionnelle, à
poser ces actes. C'est ce que nous voulons dire. Il y aurait certainement moyen
de les inclure. D'ailleurs, j'y ai fait allusion. Déjà, vous
parlez de services hospitaliers à l'article 126. Les services
hospitaliers comprennent la physiothérapie, la psychologie, tous les
diététistes, tous les services qu'un centre hospitalier offre,
mais ce sont uniquement les services hospitaliers. Si vous voulez
reconnaître les services d'autres professionnels que des médecins
ou des dentistes, en dehors des centres hospitaliers, à leur cabinet de
consultation, par exemple, lorsqu'ils en donnent, à ce moment-là,
il faudrait le dire nommément, mais que ce soit par ordonnance
médicale, afin qu'ils ne se croient pas habilités à faire
ce que seul un médecin peut faire, selon certains articles du projet de
loi.
M. Fréchette: Je pense que cela clarifie la question de
façon très précise. À ce chapitre-là, vous
allez comprendre que je ne puisse pas, ce soir, m'engager formellement, sans au
moins en parler au nouveau ministre des Affaires sociales, parce qu'on va
convenir de cela ensemble. Merci infiniment.
M. Meilleur: On ne s'attendait pas à une réponse
immédiate concernant la deuxième partie. Je voulais seulement
ajouter un détail, M. le ministre. Le fait que nous n'ayons pas
peut-être le même nombre de réclamations que les deux
fédérations ne veut pas dire nécessairement qu'on s'en
dissocie. Merci, M. le ministre.
M. Fréchette: Voilà. J'ai cru comprendre.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Je suis d'accord avec
le ministre que votre mémoire est très précis et ne
nécessite pas d'autres questions sur les points que vous avez
soulevés. Si vous permettez, je vais aborder deux points particuliers.
Le premier concerne le problème que je vois à l'article 135 du
projet de loi. La commission fixe le nombre de jours nécessaires pour
fournir un rapport à la CSST, c'est-à-dire qu'on vous demande
d'attendre quinze jours pour faire un rapport à la CSST sur
l'état de santé du travailleur, la nature de la lésion
professionnelle, la date prévue pour la considération ou la
guérison de cette lésion, etc. Je ne suis pas médecin de
profession, mais il me semble que c'est difficile de dire que cela prendra X
nombre de jours pour pouvoir coller toutes les informations nécessaires
et faire un rapport. C'est ma première préoccupation.
La deuxième concerne la dernière partie de l'article
où on dit que le médecin doit aussi fournir toute autre
information que la commission peut requérir. Pouvez-vous me donner des
explications ou plutôt me faire connaître votre
interprétation de cet article et les difficultés qui pourraient
être envisagées?
M. Brière: Je pense, M. le député, que les
difficultés qu'on peut y voir viennent peut-être de
l'interprétation que l'on donne au mot "examen". Évidemment, si
on pense seulement à l'examen physique fait par le médecin
à son bureau, mon Dieu, à ce moment-là, on pourrait dire:
Quinze jours, ce n'est pas très long, parce que le médecin peut
avoir demandé des examens complémentaires, des radiographies, la
consultation d'autres professionnels. Mais si on interprète le mot
"examen" comme voulant dire l'ensemble des examens qu'un médecin fait
faire, l'examen se trouve terminé quand il a reçu tous les
rapports de consultants ou d'examens de laboratoire qu'il a pu faire. À
ce moment, quinze jours, mon Dieu, je pense que c'est agir avec diligence. Je
ne pense pas que ce soit beaucoup trop. Il faut bien réaliser ici qu'il
ne s'agit pas du médecin traitant, mais d'un professionnel, si on veut
prendre l'expression, de la santé, mais d'un médecin choisi par
la commission, donc, qui a accepté d'agir comme expert. Il s'engage
quand même à agir dans des délais raisonnables. Quinze
jours après avoir reçu tous les éléments qui lui
permettent d'établir son opinion, cela ne me semble pas si court que
cela.
M. Cusano: Mon autre question, messieurs, relève de
l'expertise médicale. J'ai eu beaucoup de cas de comté où
des accidentés du travail viennent me dire qu'ils ont de la
difficulté à obtenir une expertise médicale; qu'il y
aurait une certaine réticence de la part des médecins justement
à procéder à une telle expertise. Est-ce que vous pourriez
me dire pourquoi il y aurait
cette réticence chez les médecins?
M. Brière: J'aimerais savoir. Est-ce que l'on parle
réellement d'expertise ou simplement de rapports du médecin
traitant?
M. Cusano: Non, d'expertise.
M. Brière: La réponse à faire à cela,
c'est qu'un médecin n'est pas tenu de faire une expertise.
M. Cusano: Je suis d'accord.
M. Brière: À ce moment, s'il n'est pas tenu, mon
Dieu, n'étant pas obligé de le faire, il peut refuser.
Peut-être qu'il y a beaucoup de médecins qui refusent d'en faire.
Par contre, nous savons que plusieurs médecins font beaucoup
d'expertises. En tout cas, à la corporation on peut fournir une liste de
médecins qui acceptent de temps à autre de faire des
expertises.
M. Cusano: Cette liste se chiffre à combien?
M. Brière: II y a certainement des centaines de noms qui y
apparaissent.
M. Cusano: Des centaines de noms.
M. Brière: Oui. Il y en a de toutes les disciplines.
M. Cusano: Ces médecins sont prêts à faire
des expertises. Ils se situent un peu partout dans la province ou...
M. Brière: Évidemment, il faut reconnaître
qu'ils sont concentrés beaucoup dans la région de Montréal
et aussi de Québec, bien sûr, parce que c'est là que l'on
retrouve le plus grand bassin de spécialistes. Maintenant, ces
médecins peuvent, évidemment, dans un cas particulier refuser de
faire une expertise. Ils ne s'engagent pas à faire toutes les expertises
qu'on leur demande. Il faut réaliser que souvent, quand une personne dit
qu'un médecin refuse de faire une expertise - et certains avocats se
plaignent aussi de la même chose concernant les expertises devant les
tribunaux civils -c'est souvent parce que le médecin, après avoir
vu le cas, dit: Je ne suis pas capable de faire une expertise qui va dire ce
que vous me demandez de dire. Souvent le malade interprète cela ou
l'avocat dit: Le médecin refuse de faire une expertise. C'est parce
qu'ils ne sont pas capables de faire une expertise et de dire ce que celui qui
demande l'expertise voudrait qu'il dise. C'est souvent le cas.
M. Lapierre (André): Là-dessus, M. le
Président, je voudrais ajouter qu'il y a quelques années
c'était un problème de trouver des médecins qui
acceptaient de faire des expertises parce que cela pouvait amener des
difficultés de présence à la cour ou des délais ou
toutes sortes d'autres inconvénients. Mais, à ce moment, il y a
un certain nombre d'avocats qui ont attiré l'attention de la corporation
et la corporation a publié dans son bulletin une annonce demandant
à ceux qui étaient prêts à faire des expertises de
le dire. Depuis ce temps, je dirais qu'on ne reçoit à peu
près plus de plaintes de personnes qui nous disent avoir de la
difficulté à trouver une expertise. Je dirais même que de
plus en plus de médecins acceptent de faire des expertises et en font.
Au point que dans certaines disciplines même, les médecins nous
disent que les effectifs diminuent parce qu'un certain nombre de
médecins limitent leur exercice à faire des expertises. Je ne
pense pas qu'en ce qui nous concerne nous à la corporation, ce soit un
problème.
M. Cusano: Je suis très heureux que vous me disiez que ce
n'est pas un problème parce que j'ai beaucoup de cas dans mon
comté justement de personnes qui ont besoin d'expertise médicale
et j'apprécierais une liste de médecins qui sont prêts
à faire...
M. Lapierre: Nous le disons à qui veut l'entendre: si
quelqu'un a de la misère à se trouver un médecin pour
faire une expertise, nous avons des listes de disponibles. Bien sûr
qu'avant d'accepter une expertise, le médecin peut juger de la cause. Si
le médecin, à la face même des faits, juge que cela ne sert
à rien d'émettre une expertise et qu'on avise la personne
concernée, évidemment, le problème n'est pas résolu
pour autant pour la personne concernée.
M. Cusano: Je comprends et je vais certainement
référer beaucoup de gens chez vous et j'espère qu'ils
trouveront satisfaction. Sur ce, je vous remercie au nom de ma formation
politique.
Le Président (M. Paré): M. le député
de Sainte-Anne.
M. Polak: Deux petites questions. Ce matin on avait devant nous
la Fédération des omnipraticiens du Québec et je veux
juste essayer de comprendre. Dans la Corporation professionnelle des
médecins du Québec, vous avez tous les médecins: les
omnipraticiens, j'imagine et les spécialistes donc vous êtes
encore plus large là-dessus.
Vous avez parlé dans votre mémoire, à la page 9,
dans votre conclusion, de l'expression "professionnel de la santé". Il y
a deux semaines un groupe de chiropraticiens sont venus ici à la
commission... Dans mon comté j'ai des exemples: beaucoup de gens
voient des chiropraticiens et obtiennent de bons résultats. Ils
ne sont pas tous pendus du plafond jusqu'à terre avec les jambes et les
bras étirés dans toutes les directions. Ils sont bien heureux du
service. Comment réagissez-vous à leur demande? Ils ont fait la
demande d'être traités comme des professionnels concernant la
santé et la sécurité du travail. Ils ont une tâche
à remplir là, et ils nous ont expliqué qu'ils ne se
qualifient pas, que les gens sont obligés de payer cela de leur poche.
Je comprends très bien leur raisonnement, il y en a qui sont pour et
d'autres contre. Quelle est votre réaction en ce qui concerne leur
position?
M. Brière: Ma réaction est la suivante: Le
gouvernement, dans sa sagesse en 1974, a décidé de
reconnaître les chiropraticiens comme corporation professionnelle et donc
de leur donner droit de cité. Nous ne nous opposons pas à ce que
la Loi sur les accidents du travail reconnaisse les services de ces
professionnels, mais nous croyons que ce devrait être sur recommandation
ou ordonnace médicale, parce que le problème fondamental est
toujours le même. Avant de décider d'appliquer un type de
traitement bien particulier, il faut faire un diagnostic. Parfois il faut
demander des analyses. Nous restons convaincus - et je pense qu'on a
qu'à lire les champs d'exercice des professionnels dans les lois
professionnelles - qu'il n'y a que le médecin ou le dentiste dans son
champ particulier qui peut faire cela. Sur recommandation du médecin,
à ce moment, on n'aurait rien à dire.
M. Polak: D'accord.
Le Président (M. Paré): Est-ce que tantôt
vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Meilleur: Non.
Le Président (M. Paré): Cela est
réglé. Donc, au nom de tous les membres de la commission, je vous
remercie de nous avoir présenté un mémoire et d'avoir
accepté de répondre à nos questions à une heure
quand même assez tardive. Je voudrais, tout simplement, rappeler aux
membres de la commission qu'à nouveau, demain matin, la commission
reprend ses travaux à 10 heures. Sur ce, la commission ajourne ses
travaux jusqu'à demain matin; il ne faut pas que je me trompe,
ajourne.
M. Polak: En paix, en paix.
(Fin de la séance à 22 h 48)