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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons débuter la séance de la commission élue
permanente du travail qui a comme mandat d'entendre les représentations
des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi
sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Les membres de cette commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M.
Cusano (Viau), M. Dean (Prévost), M. Fréchette (Sherbrooke), Mme
Harel (Maisonneuve), M. Lafrenière (Ungava), M. Lavigne
(Beauharnois), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Léger
(Lafontaine), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Polak (Sainte-Anne) et M. Baril
(Arthabaska).
Les intervenants sont: M. Champagne (Saint-Jacques), M. Champagne
(Mille-Îles), M. Fortier (Outremont), M. Leduc (Fabre), M. Pagé
(Portneuf), M. Payne (Vachon), M. Proulx (Saint-Jean) et M. Vaugeois
(Trois-Rivières).
Nous avons à l'ordre du jour, aujourd'hui, en premier lieu, la
Centrale de l'enseignement du Québec, à 10 heures; à 15
heures, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux et, à 20 heures, nous
avions la Société nationale de l'amiante, mais le
secrétariat a reçu, le vendredi, 17 février, à 17 h
07, un télégramme qui se lit comme suit: "Secrétariat des
commissions permanentes, hôtel du Parlement, rez-de-chaussée,
chambre 11, Québec. Messieurs, nous avons déposé un
mémoire dans le cadre de la commission parlementaire étudiant le
projet de loi 42 pour dépôt seulement. En conséquence, nous
ne souhaitons pas être entendus le 20 février 1984, à 20
heures. Bien vôtre, Benoît Cartier, secrétaire,
Société nationale de l'amiante." Nous aurons également le
Poste transport de vrac, région 08 Inc. Ceci est l'ordre du jour de la
journée. Nous allons maintenant demander, puisqu'ils sont
déjà à la table, au porte-parole de la Centrale de
l'enseignement du Québec de bien vouloir se présenter et de
présenter ceux qui l'accompagnent.
CEQ et SPGQ
M. Johnston (Raymond): Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord mentionner que nous comptons faire cet avant-midi devant la commission
parlementaire une représentation conjointe CEQ-SPGQ. La
délégation ici présente tient compte de cette
représentation des deux groupes. À ma gauche, M. Daniel Giroux du
SPGQ, M. Jean-Guy Leduc, employé-conseil à la centrale,
chargé du dossier santé-sécurité. À ma
droite, Jacques Tremblay, employé cadre à la centrale,
chargé du programme regroupant, entre autres, les questions de
santé et de sécurité, et M. Jean-Pierre Dugas, responsable
au SPGQ du dossier santé-sécurité. Mon nom est Raymond
Johnston, vice-président de la Centrale de l'enseignement du
Québec.
Le Président (M. Rancourt): Merci, M. Johnston.
Voulez-vous vous rapprocher du microphone, s'il vous plaît? Nous avons
beaucoup de difficulté à vous entendre.
M. Johnston: C'est un problème habituel dans mon cas. M.
le Président, nous avons procédé à une étude
attentive du projet de loi 42, à plusieurs niveaux, et nous avons une
opinion qui n'est pas très favorable à ce projet de loi,
malgré qu'il ne s'agit pas, dans notre cas, d'un parti pris d'opposition
systématique aux positions gouvernementales qui nous sont soumises de
façon générale. Mais tout cela s'inscrit dans la
continuité des positions que nous défendons depuis 1977,
notamment à l'intérieur du mémoire commun CSN-CEQ qui
avait, à ce moment-là, été déposé au
gouvernement. Les principes qui étaient véhiculés à
l'intérieur de ce mémoire commun sont encore les principes qui
nous inspirent.
Cependant, comme ce mémoire commun s'était attiré
des commentaires très élogieux et que ces principes que nous
véhiculions en 1977 ne sont pas repris à l'intérieur du
projet de loi 42, nous sommes obligés de considérer que le
gouvernement, qui considérait à ce moment de façon
très sympathique les recommandations formulées, a, lui,
probablement évolué dans un sens contraire depuis ce temps.
Les principes de base que nous défendons sont ceux que nous avons
défendus autour de plusieurs autres projets de loi. Ils se
ramènent essentiellement à la défense et à la
promotion de droits égaux pour toutes les personnes humaines en ce qui a
trait à leurs besoins fondamentaux. C'est dans cet esprit
également que nous avons combattu les lois d'exception et les mesures
arbitraires, que nous avons revendiqué la
formulation de droits dans des textes législatifs clairs et
l'inscription dans la constitution du Québec des droits les plus
fondamentaux. C'est dans cette même perspective que nous nous sommes
opposés à une trop grande extension du pouvoir
réglementaire au détriment du pouvoir législatif
ordinaire.
Dans cette même perspective, de la loi des mesures de guerre du
gouvernement fédéral à la loi 111 du gouvernement
péquiste, nous avons toujours protesté contre la suppression ou
la mise en veilleuse des droits et libertés de la personne. On pense
qu'il est encore temps et encore important de réaffirmer et de
défendre les droits démocratiques classiques. Cependant, pour la
majorité de la population...
M. Polak: Excusez-moi, M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: C'est la première fois, je pense, qu'on voit le
mémoire. Êtes-vous en train de lire votre mémoire?
M. Johnston: Non.
M. Polak: Parce qu'il serait plus facile de vous suivre si vous
nous disiez: On est à telle ou telle page.
M. Johnston: D'accord, je suis rendu à la page 3, M. le
député. Alors, je l'indiquerai.
M. Polak: Merci.
M. Johnston: Je disais donc que, pour la majorité de la
population, cependant, comprenant les travailleuses et travailleurs et
également les personnes en situation économiquement
défavorisée, il faut lier aux droits démocratiques
classiques des droits économiques et sociaux que nous considérons
comme fondamentaux. (10 h 15)
À la page 4, M. le Président, plus spécifiquement
en regard des problèmes de santé et de sécurité du
travail, nous revendiquons notamment pour la travailleuse et le travailleur le
droit de ne subir aucune perte de revenu, à aucun moment, à la
suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Nous
revendiquons également le droit au remboursement de tous les frais
directs et indirects qui lui sont occasionnés par le fait d'un accident
du travail ou d'une maladie professionnelle; le droit à une juste
indemnité compensatoire pour les dommages matériels, physiques,
psychiques, affectifs ou moraux, ainsi que pour les préjudices
esthétiques, les douleurs et les pertes de jouissance de la vie qui
résultent directement ou indirectement d'une lésion
professionnelle; également, le droit de choisir librement son
médecin, aussi bien à l'étape du disgnostic qu'à
celui du traitement. Nous reviendrons sur cette question que nous
considérons comme fondamentale. Nous revendiquons le droit
également à ce que les compensations qui lui sont dues et les
mesures qui s'imposent à son cas soient établies sur la base du
diagnostic de son médecin traitant; le droit à une pleine
accessibilité aux soins et aux services de santé; le droit
à la confidentialité des dossiers médicaux; le droit de
faire établir, par une instance distincte et indépendante, la
nature et l'étendue de ses droits; également, une
procédure adéquate d'appel qui soit rapide, efficace,
indépendante de toute décision de la CSST et, le cas
échéant, le droit au remboursement des frais encourus à
l'occasion d'un appel de décision; le droit à la
réadaptation, au recyclage et au perfectionnement sur une base de
gratuité complète chaque fois qu'ils sont requis à la
suite d'un accident du travail ou d'une maladie professsionelle; le droit de
réintégrer son emploi dès que, sur la base du diagnostic
de son médecin traitant, la travailleuse ou le travailleur est
jugé apte à reprendre son emploi; le droit de refuser sur la base
du diagnostic de son médecin traitant, toute intégration
prématurée au travail ou toute réintégration qui ne
lui convient pas compte tenu de son état de santé. Nous aurons
l'occasion d'expliquer un peu plus ces principes de base qui animent l'ensemble
de notre mémoire.
À la page 7, en ce qui a trait à la formulation des
droits, on remarque que ceux-ci sont toujours limités comme s'il
était entendu de façon plus ou moins formelle que la travailleuse
ou le travailleur lésé est plus ou moins coupable des accidents
du travail ou des maladies professsionnelles dont il est victime. Il y a une
notion de responsabilité du travailleur ou de la travailleuse qui semble
découler et de la législation actuelle et du projet de loi que
l'on a devant nous.
En ce qui a trait aux pouvoirs de la CSST, on a critiqué le fait
que cet organisme, pratiquement sans contrôle, puisse définir
lui-même ses propres obligations. En pratique, la CSST assume dans le
domaine de la réparation des lésions professionnelles à la
fois un pouvoir législatif délégué, un pouvoir
exécutif et administratif et un pouvoir quasi judiciaire. La loi lui
reconnaît, en effet, le droit de faire des règlements, le droit de
décider elle-même des gestes qu'elle doit poser en diverses
circonstances, notamment des indemnisations qu'elle doit payer, et le droit de
juger le bien-fondé des réclamations des travailleuses et
travailleurs lésés.
Dans toutes ces fonctions de la CSST, on pense qu'il y a là un
appareil de pouvoirs excessifs qui soumet, de façon
générale, les
victimes des lésions professionnelles à un pouvoir quasi
arbitraire. En page 8, M. le Président, les droits mêmes
limités qui sont reconnus par la loi aux travailleuses et travailleurs
lésés sont bien aléatoires si les obligations
correspondantes ne sont pas définies de façon rigoureuse. Mettons
en relation les droits qui sont reconnus aux travailleuses et travailleurs et
la juridiction de la CSST. On se rend bien compte que, dans la plupart des cas,
la CSST a un pouvoir important de limiter, d'encadrer l'exercice des droits
prévus dans la loi.
Le régime actuel a été décrit, et c'est
aussi notre avis, comme un régime de protection pour les employeurs
parce que, même si, dans certains cas, la loi protège les victimes
dans les cas où les patrons devenaient insolvables ou disparaissaient,
il reste que, dans la majorité des cas, c'est le patron qui tire
avantage de la situation actuelle puisque les victimes n'ont pas de droits
impératifs, c'est-à-dire des droits formels, indépendants
de la CSST, alors que les employeurs bénéficient d'une
immunité générale en retour du paiement de leurs
cotisations.
Je vous signale au passage que notre mémoire, à la page
10, cite un extrait important d'un livre blanc du ministre Marois avec lequel
nous serions d'accord et je continue à la page 11, Le ministre du
Travail déclare au sujet de la loi actuelle qu'elle "est
inadéquate, voire paralysante par les difficultés d'application
de certains articles litigieux." Nous faisons remarquer au ministre que ce qui
rend la loi actuelle paralysante du point de vue des victimes, c'est
précisément la trop grande extension des pouvoirs arbitraires de
la CSST et que certains articles ont la réputation d'être
litigieux parce que la CSST refuse de les appliquer.
À l'analyse, le projet de loi 42 non seulement ne reconnaît
pas les droits revendiqués qu'on a énumérés
auparavant, non seulement ne réduit pas le pouvoir arbitraire de la
CSST, mais, en plus, il amène des reculs dans la reconnaissance des
droits et accentue les pouvoirs de la CSST. Nous reconnaissons, cependant, que
certains droits nouveaux seraient, en principe, reconnus par le projet de loi,
mais ils ne compensent pas les reculs et ils demeurent aléatoires comme
les anciens droits puisqu'ils dépendent toujours d'un large pouvoir
discrétionnaire attribué à l'organisme qui gère les
fonds et aussi des tracasseries prévues et expressément
autorisées par la loi.
Après cette analyse sur laquelle nous aurons l'occasion de
revenir plus longuement, nous avons la quasi-conviction que ce projet devrait
être modifié de fond en comble pour respecter les objectifs que
nous poursuivons. Il ne nous apparaît pas facile de le faire mais nous
croyons qu'il est nécessaire de le faire. À moins que cela ne
soit modifié dans le sens indiqué, nous avons l'intention de
combattre le projet de loi 42 et d'en exiger le retrait en considérant
que le gouvernement devrait reprendre l'exercice à zéro pour
écrire un nouveau projet de loi visant comme objectif prioritaire
à remettre, dans toute la mesure du possible, la victime d'une
lésion professionnelle et ses dépendants dans l'état
où elle aurait normalement été si elle n'avait pas subi
cette lésion et cela, non seulement au moment où survient la
lésion, mais tout au cours de leur vie. Il faut viser une
réparation la plus totale et la plus complète possible. S'il
n'est pas possible de rétablir intégralement la santé et
la capacité de la victime, à tout le moins doit-elle être
assurée de recevoir au moins un revenu équivalent à celui
qu'elle devrait normalement toucher compte tenu des augmentations salariales et
des possibilités de promotion ainsi que de tous les avantages sociaux.
Elle doit également être indemnisée correctement sur les
dommages physiques, psychiques, affectifs et moraux qu'elle subit. Le
remplacement du revenu et les autres indemnisations doivent être
établis comme des droits stricts et la victime doit disposer de moyens
réels et adéquats de les revendiquer, le cas
échéant, à l'encontre de l'organisme qui a le devoir de
les lui verser. La victime doit aussi avoir droit à la
réadaptation, droit à la réintégration de son poste
de travail au moment où elle est capable et droit de refuser toute
réintégration prématurée. La victime doit cesser
d'être traitée comme un coupable.
La responsabilité de l'entreprise en matière d'accidents
et de maladies du travail doit être pleinement reconnue et pleinement
assumée. La CSST doit cesser de chercher à économiser les
cotisations patronales sur le dos des victimes des lésions
professionnelles. La CSST doit se voir retirer son pouvoir
discrétionnaire dans l'accomplissement des obligations qui
découlent des droits des victimes. Celles-ci, les victimes, doivent
être traitées sans discrimination, notamment en ce qui a trait au
choix du médecin et au secret du dossier médical. Les patrons ne
doivent plus avoir le droit, ni la possibilité de fouiller dans les
dossiers des victimes de l'incurie des employeurs ou de freiner l'application
des mesures de réparation. Donc, nous recommandons que le projet de loi
42 soit modifié dans le sens des objectifs énoncés et des
recommandations qui suivront; sinon, qu'il soit retiré et qu'on reprenne
l'exercice de la rédaction d'un projet de loi à zéro
à partir des objectifs que nous énonçons.
Je suis rendu à la page 15, M. le Président, et je vais
essayer d'accélérer. Concernant le champ d'application de la loi,
nous relevons quelques problèmes dont trois
que nous voudrions souligner à l'attention de la commission
parlementaire. Le premier concerne la définition du mot employeur qui
exclut les domestiques. Nous croyons que les domestiques, ayant maintenant eu
une reconnaissance de salariés, au moins au sens d'une autre loi du
même gouvernement, devraient pouvoir bénéficier d'une
protection complète et ne devraient plus être assimilés
à des travailleurs autonomes.
Deuxième problème que nous voulons vous souligner, c'est
la situation des étudiants et des étudiantes à
l'intérieur du réseau scolaire à tout niveau. Nous croyons
que les étudiants et les étudiantes devraient être
considérés, pour les fins de l'application du projet de loi 42,
comme des travailleurs à l'emploi de l'institution qu'ils
fréquentent de façon qu'en cas d'accident ou de maladie
contracté à l'occasion de leurs études, par le fait de
leurs études, par le fait des activités liées à
leurs études, ils puissent bénéficier d'une protection
complète par le projet de loi 42.
La situation que vivent actuellement les étudiants et les parents
est particulièrement odieuse quand il se produit un accident en milieu
scolaire. Ce qui arrive le plus fréquemment, c'est que, dans les options
professionnelles, pour obtenir une quelconque compensation, les
étudiants et les parents en leur nom doivent poursuivre conjointement la
commission et, dans certains cas, l'enseignant qui dispensait le cours ou qui
était responsable de l'activité. Il doit y avoir, dans ces cas,
une certaine forme de responsabilité qui est établie par les
tribunaux pour que les étudiants et leurs parents puissent songer
à obtenir une quelconque réparation à la suite d'un
accident qui survient pendant les études. Nous pensons qu'il y a lieu de
couvrir cette situation par l'application d'une loi sur les accidents et les
maladies du travail compte tenu du fait que la situation d'un étudiant
est, à bien des égards, assimilable à celle d'un
travailleur. (10 h 30)
Je suis rendu à la page 18, M. le Président. L'autre
difficulté que nous avons relevée dans ce chapitre concerne le
cas des bénéficiaires des services sociaux et des services de
santé qui font à l'intérieur de leur programme de
traitements ou à l'intérieur des institutions où ils sont
placés des activités assimilables à du travail dans le
cadre de programmes de réadaptation. Le projet de loi 42 prévoit
- à l'article 16, je pense - que ces personnes pourraient
éventuellement être couvertes par les dispositions de la loi, dans
la mesure où il y aurait une entente entre l'institution et la CSST.
Nous pensons que ces personnes devraient automatiquement être couvertes
de la même façon que les personnes qui doivent faire des travaux
communautaires à la suite d'un jugement de la cour.
Je voudrais vous souligner deux cas particulièrement
pénibles qui méritent l'attention. Les jeunes qui sont
placés dans des centres d'accueil qui doivent, à l'occasion, soit
sous prétexte de participer à un programme de
réadaptation, soit encore parce que le centre d'accueil veut se donner
une certaine marge d'autonomie financière, exécuter des travaux
qui sont assimilables à ceux qui peuvent être accomplis par des
travailleurs. Il n'est pas normal que ces personnes qui sont placées
dans des centres d'accueil, qui pourraient être victimes d'un accident
à l'occasion de ces travaux ne soient pas couvertes par des dispositions
qui leur permettent au moins une situation équivalente à celle
qui aurait été la leur si l'accident ou la maladie avaient
été subis à l'occasion d'un travail
rémunéré. La même situation - et là, je pense
que c'est encore plus dramatique - se produit dans le cas, entre autres, des
psychiatrisés qui, dans beaucoup d'hôpitaux psychiatriques, font
des travaux de toute nature sous prétexte d'un plan de
réadaptation ou de rééducation. Je pense qu'il ne devrait
pas y avoir de latitude à ce qu'ils soient couverts ou non par la loi.
Le gouvernement devrait prendre la responsabilité de les faire couvrir
sans autre forme de procès.
Ceci m'amène à la page 20. Tout le monde sait, M. le
Président, que la connaissance des risques à la santé
auxquels sont exposés les travailleuses et les travailleurs dans
l'exercice de leurs fonctions est très incomplète. Pour nous,
toute définition de lésions professionnelles, de maladies
professionnelles ou de maladies du travail qui comporterait la moindre
limitation dans son extension et dans son acception risque de placer un bon
nombre de travailleurs dans la situation d'avoir à porter un fardeau de
preuve exagéré dans l'application d'une loi comme celle-ci. Le
gouvernement et probablement certains de ses conseillers ont examiné une
façon de contourner les difficultés des travailleurs en disant:
Établissons une présomption pour certains cas qu'on va lister en
annexe à la loi et, pour les autres cas, c'est le travailleur qui fera
la preuve. On pense qu'il y a là aussi des problèmes importants.
Le gouvernement, je crois - et un livre blanc antérieur du ministre
Marois le démontrait -est conscient aussi du fait que les risques
liés au travail ne sont pas tous connus. Il y a tellement de nouveaux
produits en circulation, il y a tellement de conséquences des processus
de production qui sont inconnus, il y a tellement de conséquences des
produits qui sont utilisés dans les processus de production qui sont
inconnus que ce n'est pas normal de s'en remettre à une liste qui serait
prétendument exhaustive jusqu'à ce qu'elle ait été
élargie par une instance paritaire comme la CSST avec les
difficultés que tout le monde connaît là-dedans.
On n'a pas d'objection à ce qu'il y ait une liste - c'est
à la page 22 - mais à la condition expresse que la liste ne soit
qu'une référence complémentaire et que ce soit la
définition large de lésions professionnelles ou de maladies
professionnelles qui prime de façon absolue. Par la jonction de
l'idée d'une liste en annexe et des dispositions de l'article 29 de la
loi on pense que l'utilisation de ce mécanisme amène une
interprétation restrictive, une portée restrictive des droits et
que cela peut même amener, finalement, une espèce de
présomption à savoir qu'une maladie qui n'est pas listée
n'est pas une maladie professionnelle.
Par ailleurs, à l'examen de la liste - je suis au bas de la page
22- on a noté même que cette liste par rapport à des listes
antérieures comportait un certain nombre de reculs. À titre
d'exemple, le règlement sur les maladies professionnelles
reconnaît les maladies causées par les vibrations de façon
générale, tandis que l'annexe limite cette reconnaissance aux
seules vibrations d'un outil manuel. Nous avons la conviction que la plupart
des maladies du travail ne sont pas mentionnées dans la liste parce
qu'elles ne sont tout simplement pas toutes inventoriées. Elles ne sont
pas toutes inventoriées parce qu'on vit aussi dans un système
où la plupart des médecins n'ont pas une formation suffisante
pour être en mesure de faire les liens entre les conditions dans
lesquelles s'exerce un emploi et les maladies dont sont atteints la majeure
partie de leurs patients. En règle générale, les
médecins de compagnie ont une bonne connaissance des choses, mais leur
connaissance est utilisée pour camoufler les maladies industrielles et
plus spécialement les liens qui existent dans la réalité
entre les maladies du travail et le travail lui-même.
Du côté de la CSST il y a aussi une armée de
médecins. Des équipes médicales de la CSST ont le mandat
plus ou moins explicite de réduire les coûts d'indemnisation,
donc, indirectement d'aider les employeurs à limiter leurs propres
coûts dans l'application de la loi. Si on veut établir un certain
équilibre - c'est le milieu de la page 24 - il faut de toute
nécessité inverser la règle qui fait porter à la
victime le fardeau d'une preuve ayant de telles implications techniques.
À notre avis, cela suppose, d'une part, que les définitions
soient refaites pour que les termes "lésions professionnelles" et
"maladies professionnelles" soient beaucoup plus englobants, d'autre part, que
la loi crée une présomption en ce sens qu'une maladie
contractée par une travailleuse ou un travailleur alors qu'il ou elle
est en service actif pour un employeur a été contractée au
travail et constitue une maladie professionnelle. Il appartiendra, le cas
échéant, à l'employeur de démontrer hors de tout
doute raisonnable que la maladie ne peut avoir été
contractée ni par le fait ni à l'occasion du travail et qu'elle
n'est pas reliée aux risques du travail. Il faudra, bien sûr, que
cette démonstration soit faite à la satisfaction d'une instance
indépendante des patrons et, à notre point de vue,
indépendante de l'appareil de la CSST.
La maladie professionnelle est définie dans le projet de loi 42
comme "une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du
travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée
directement aux risques particuliers de ce travail." C'est très
compliqué comme définition. Cela veut dire qu'une maladie
contractée par le fait du travail, mais qui ne serait pas
caractéristique du travail à l'occasion duquel elle a
été contractée et qui ne serait pas directement
reliée aux risques particuliers de ce travail ne serait pas une maladie
professionnelle. Cela pose certaines difficultés qui sont
incompréhensibles pour du monde ordinaire et même pour du monde
qui a une certaine culture. À l'inverse, une maladie
caractéristique d'un travail particulier n'est pas une maladie
professionnelle s'il n'est pas établi qu'elle a été
contractée par le fait ou à l'occasion du travail. Donc, qu'on
retourne cette définition dans un sens ou dans l'autre, on se retrouve
toujours avec un certain nombre d'obstacles, nonobstant une certaine forme de
présomption qui est établie par l'article 28 en liaison avec
l'annexe.
Comme on le voit à la page 26, la définition risque
d'être interprétée de façon plus restrictive que ce
que laisse entendre le gouvernement, particulièrement lorsqu'il s'agira
de maladies non énumérées à l'annexe A. On sait que
c'est l'appareil de la CSST qui sera chargé d'interpréter cette
définition.
En Suède - il arrive quelquefois que le gouvernement se
réfère à ce qui se passe en Suède - la Loi sur
l'assurance contre les lésions professionnelles englobe sous
l'expression "lésions professionnelles" toute lésion
résultant d'un accident ou d'autres effets nocifs du travail. De plus,
la loi établit la présomption générale que toute
maladie qui affecte la travailleuse ou le travailleur a été
causée par le travail. Il appartient, dans ce contexte, à
quiconque veut contester cette présomption d'établir la preuve du
contraire. Voilà un concept large de lésions professionnelles qui
vise à protéger les victimes plutôt qu'à
épargner les cotisations des employeurs. Nous croyons que c'est dans
cette voie qu'il faut s'orienter. Il faut refaire la définition de la
maladie professionnelle et étendre à toutes les maladies
professionnelles la présomption que l'article 28 établit à
l'égard des seules maladies qui sont énumérées
à l'annexe A. Dans ce contexte, nous formulons des
recommandations que vous retrouvez à la page 27 et qui sont en
lien direct avec le court exposé que je viens de vous faire sur cette
question.
Page 28, au sujet des articles 30 et 31 du projet de loi 42. D'abord,
l'article 30. On remarque qu'il ne crée aucune obligation à la
CSST, mais qu'il lui accorde un pouvoir discrétionnaire d'intervention
en certains cas; qu'il n'autorise la CSST à intervenir qu'en faveur
d'une personne atteinte d'une maladie visée dans l'annexe A à la
condition que la personne produise un certificat médical, etc. L'article
30 ne reconnaît pas un droit strict de retrait préventif à
la personne atteinte d'une maladie visée dans l'annexe A, mais seulement
le droit de soumettre son cas à la CSST avec l'espoir que la CSST daigne
tenir compte de son état et intervienne en sa faveur. Il n'autorise pas,
non plus, la CSST à intervenir en faveur d'une personne atteinte d'une
maladie autre que celles visées dans l'annexe A. Cela crée donc
deux catégories de victimes, mais davantage l'entonnoir se
rétrécit encore par l'article 31.
En vertu de l'article 31, la travailleuse ou le travailleur ne peut
cesser de travailler qu'avec l'autorisation de la CSST, laquelle accordera ou
refusera son autorisation en tenant compte du fait que la personne qui cesse de
travailler avec son autorisation a droit à l'indemnité de
remplacement du revenu. Nous croyons que la CSST dans des cas comme
ceux-là est comme placée en situation de conflit
d'intérêts. Comme gardienne des cotisations patronales, elle a
avantage, compte tenu de cette vocation, à réduire les
coûts et comme prétendue protectrice des travailleuses et
travailleurs accidentés, elle aurait avantage à ce que la
règle du retrait préventif soit appliquée dans tous les
cas où elle devrait normalement s'appliquer. Il y a donc un drôle
de conflit, ce qui rend, à notre point de vue, les droits qui y sont
énoncés très aléatoires et qui risque même
d'occasionner certains reculs en regard de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail pourtant proposée par le même
gouvernement. (10 h 45)
Compte tenu de ce que nous avons dit, nous recommandons que les articles
30 et 31 du projet de loi soient retirés et que la loi reconnaisse
clairement le droit pour toute victime d'une exposition à un contaminant
de quitter le travail et d'être indemnisée sur présentation
d'un certificat médical attestant qu'elle est effectivement victime
d'une telle exposition.
Page 31, M. le Président, sur les indemnités. Certains
changements apparai-sent dans le projet de loi 42 comparativement au
régime actuel, mais, selon nous, le projet de loi répond au
même principe que le régime actuel, c'est-à-dire au
principe qu'il faut reconnaître comme partiellement responsable de sa
lésion professionnelle la travailleuse ou le travailleur et qu'il faut
donc pour cela le pénaliser. Nous avons toujours été
contre ce principe et nous continuerons de lutter contre le principe qui veut
qu'on fasse payer au travailleur une partie des coûts liés
à son accident ou à sa maladie professionnelle parce qu'on le
considérait comme étant partiellement responsable.
Nous croyons que c'est l'employeur qui commande le travail; non
seulement il le commande, mais il l'organise, c'est lui qui choisit les
processus de production, c'est lui qui choisit le matériel
utilisé, c'est lui qui choisit avec ou sans enquête
préalable les nouveaux produits qu'il va intégrer dans le
processus de production, c'est aussi lui qui recueille les fruits les plus
déterminants du travail qui est fait par les travailleurs dans son
entreprise. Compte tenu du fait que les travailleurs n'ont aucune prise sur
l'organisation interne du travail dans les entreprises, nous croyons que c'est
l'employeur qui doit assumer intégralement les risques du travail.
Jamais nous ne reconnaîtrons la justification d'une loi
fondée sur le principe que la victime d'une lésion
professionnelle doive être financièrement pénalisée
à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
Même si on considérait la pénalisation comme un ticket
modérateur qui viserait à inciter la victime d'une lésion
professionnelle à continuer de travailler ou à vouloir retourner
travailler le plus tôt possible, on pense que cela serait aberrant parce
que ce serait placer le travailleur dans la situation de courir le risque
d'empirer son état dans les cas où il y a maladie
professionnelle.
Le projet de loi, en plus de limiter le remplacement à 90% du
revenu net et de ne pas suivre l'évolution du revenu tel qu'elle aurait
dû se produire n'eût été l'interruption de
carrière, prévoit un maximum assurable. Nous croyons que cette
règle des 90% et cette règle complémentaire d'un maximum
assurable sont des façons de traduire le principe que la victime est
responsable de ce qui lui est arrivé puisqu'elle n'a pas droit à
une indemnisation complète.
Nous allons donc dans le sens d'une véritable politique de
remplacement du revenu, de la suppression du maximum assurable, d'une
indemnité de remplacement de 100% du revenu net, donc, faire sauter la
pénalité de 10%; que cette indemnité tienne compte
également des augmentations salariales dont le travailleur aurait pu
normalement bénéficier s'il avait continué à
travailler; que cette indemnité suive également
l'évolution de la situation familiale de la victime. Puisqu'on parle de
salaire net, il y a donc déduction en partant dans le calcul des
impôts qui auraient été
normalement payés sur la base de la situation familiale et, si
cette situation familiale évolue, il y a lieu d'en tenir compte dans la
fixation de l'indemnité.
Il ne devrait pas y avoir, non plus, de revenus nets retenus qui soient
inférieurs aux normes minimales du travail. Cela devrait s'appliquer
également aux étudiants. Dans le cas des étudiants ou dans
les cas des personnes âgées de moins de 18 ans à l'occasion
de leur 18e anniversaire, nous pensons que l'indemnité de remplacement
du revenu devrait être révisée pour tenir compte des
perspectives de carrière qui auraient été leurs s'il n'y
avait pas eu un tel accident.
Page 35 sur les indemnités pour dommages. Nous croyons que la
victime d'une lésion professionnelle doit avoir droit à une
indemnité pour dommages parce que le simple remplacement du revenu ne
tient pas compte des séquelles physiques, psychiques, affectives,
sociales et morales, non plus que des souffrances ou de la perte de la
jouissance de la vie.
L'indemnité doit viser, cependant, à rétablir une
certaine forme de justice. On a l'impression, à regarder les
dispositions du projet de loi 42, que l'indemnité de
dédommagement qui est prévue au projet de loi est plutôt
conçue comme un moyen facile de se débarrasser d'une victime de
lésions professionnelles: montant forfaitaire apparemment
impressionnant. On lui offre donc un montant forfaitaire à la
manière d'une prime de séparation comme pour l'inciter à
oublier son droit à la réadaptation et à la
réintégration au travail. On constate, de plus, que
l'indemnité qui est proposée même comme montant forfaitaire
constituerait une économie susbstantielle pour la CSST, donc pour les
employeurs, si elle était appliquée. Il y a donc perte de droits
dans ce cas pour les victimes et économie pour la CSST et pour les
employeurs.
Page 36: vous retrouverez les recommandations que nous articulons autour
de cela. Nous allons dans le sens du maintien du régime actuel en
l'améliorant et en laissant aux travailleurs le choix entre une rente
à vie selon le régime actuel et un montant forfaitaire
équivalent sur une base actuarielle. Nous ne voulons pas, cependant, que
la formule d'un montant forfaitaire soit imposée.
Page 37: nous sommes surpris également de constater que, dans les
cas de décès d'une victime de lésions professionnelles, il
n'y a pas de mesures satisfaisantes à l'égard du conjoint et
dépendants survivants. Nous pensons qu'il y a lieu de prévoir des
indemnités raisonnables au conjoint et dépendants survivants.
À la lecture du projet de loi 42, on constate qu'il y aurait
discrimination en fonction de l'âge ou de l'état civil, que les
rentes sont partielles, beaucoup trop basses et souvent inférieures aux
prestations d'aide sociale.
Nous allons dans le sens de maintenir l'indemnité de remplacement
du revenu à 100% au conjoint de la victime décédée
pour les trois premières années; par la suite, une rente au
conjoint survivant qui devrait être maintenue sa vie durant sans
restriction liée à son âge ou à son état
civil; que l'ajustement de la rente tienne compte du revenu propre du conjoint
survivant ou même du revenu de son nouveau conjoint s'il y a lieu; que
cette rente ne soit jamais inférieure à 65% à compter de
la quatrième année; qu'elle soit augmentée de 5% pour
chaque enfant à charge. Nous pensons qu'il n'y a pas de raison pour que
les survivants du travailleur atteint d'une lésion professionnelle
soient pénalisés à cause d'un accident du travail ou du
fait que ce travailleur a été atteint d'une maladie
professionnelle qui cause finalement sa disparition.
Quant à d'autres dispositions concernant le remboursement de
certains frais - et là, je suis rendu aux pages 38 et 39 notamment le
remplacement ou la réparation d'une prothèse ou d'une
orthèse, nous sommes d'accord avec le principe qu'il doit y avoir une
compensation complète là-dessus, mais le projet de loi ne va pas
jusque-là. En plus d'imposer un ticket modérateur, il permettrait
à la CSST d'établir un montant maximum qui pourrait être
applicable au remplacement ou à la réparation d'une
prothèse ou d'une orthèse - et référons-nous au
projet de loi - qui aurait été endommagée involontairement
à l'occasion ou par le fait du travail. Le travailleur serait
pénalisé dans ce cas-là. Nous trouvons que c'est assez dur
à faire avaler à des travailleurs accidentés. Nos
recommandations vont donc dans le sens de faire disparaître la
possibilité pour la CSST d'établir un maximum applicable dans ce
cas-là et de faire disparaître également la franchise qui
est prévue dans le projet de loi.
Quant à l'assistance médicale - à la page 40 - nous
pensons qu'un projet de loi satisfaisant en matière d'accidents et de
maladies professionnelles devrait établir le rôle
déterminant du médecin traitant choisi par la travailleuse ou le
travailleur victime d'une lésion professionnelle. Quand on parle de
rôle déterminant, on ne pense pas qu'on doive confiner le
médecin traitant choisi par la victime à un simple rôle
d'information de la victime. Dans l'état actuel des choses et même
dans le projet de loi tel qu'il nous est présenté, c'est la CSST,
par son bureau médical, qui détiendrait les pleins pouvoirs en
matière médicale, malgré que, dans la
réalité, on sait que les membres du bureau médical de la
CSST, bien souvent, ne reçoivent pas la victime. Dans les cas où
ils reçoivent la victime, ils ne l'examinent pas.
Ils jugent sur présentation du dossier presque exclusivement.
Dans un système où on reconnaît de façon
générale aux personnes accidentées - je ne parle pas des
accidentés du travail et des personnes atteintes de maladies
professionnelles - que la victime d'une maladie ou d'un accident à le
droit de se faire traiter par le médecin de son choix, voilà que,
dès qu'on aborde le chapitre des maladies du travail et des accidents du
travail, il faut créer une exception à cette règle parce
que cela risquerait d'échapper au contrôle d'un appareil
administratif.
Le bureau médical de la CSST - je le disais auparavant - juge sur
la présentation du dossier de façon presque exclusive, mais il
juge aussi et il statue à partir de directives internes qui ne sont pas
nécessairement l'application de la loi ou des règlements. C'est
le bureau médical qui décide s'il y a un lien entre le fait
accidentel déclaré et les symptômes ressentis par
l'accidenté. C'est encore le bureau médical qui décide du
temps d'arrêt du travail nécessaire à la guérison de
chacun, de la nature et de la durée du traitement approprié, de
la date du retour au travail, de l'acceptation ou du refus d'une rechute ou
d'une aggravation, des restrictions médicales pour un nouvel emploi, du
pourcentage d'incapacité physique permanente, de la part de
séquelles attribuables à une condition personnelle
préexistante, du besoin de réadaption de l'accidenté ou de
son droit d'accéder à ces services. C'est beaucoup dans un
régime où, règle générale, le patient a le
droit de choisir son médecin. En vertu de ce régime et de ce
contrôle, chaque jour, des accidentés se voient privés de
leurs prestations parce que le bureau médical a décidé
unilatéralement et à l'encontre de l'avis du médecin
traitant qu'il n'y avait pas de lien entre l'accident qu'ils ont subi et les
symptômes qu'ils ressentent. (11 heures)
Que veut donc dire pour la victime - je suis à la page 42 - d'une
lésion professionnelle le droit de choisir son médecin si seul le
médecin de la CSST a le pouvoir de statuer sur le diagnostic et sur le
traitement? Nous croyons qu'il devrait exister une présomption à
savoir que, jusqu'à preuve du contraire, c'est le diagnostic du
médecin traitant qui rend compte de la situation réelle de la
victime d'une lésion professionnelle et de ses besoins.
Plusieurs organismes, qui ont défilé devant une autre
commission parlementaire, ont demandé la suppression de l'appareil
médical de la CSST. Nous sommes d'accord avec cette revendication. La
CSST devrait se contenter de vérifier l'authenticité du
certificat médical et non juger elle-même de sa validité et
non substituer son propre jugement à celui du médecin
traitant.
Ceci nous amène aux recommandations de la page 44. Je signalerai
tout de suite qu'on va probablement avoir tendance à nous apporter cet
argument, mais, dans les cas où il y aurait indication de complaisance
de la part du médecin traitant envers son patient -de toute
façon, ce n'est pas lui qui paie le médecin - on pense qu'il
s'agit là d'une question de déontologie professionnelle. Je
signalerai à la présente commission que j'ai entendu, le 7 mars
1984, le ministre des Affaires sociales, M. Pierre-Marc Johnson, à
l'émission Présent à l'écoute, répondre
à une question concernant les coûts...
M. Fréchette: Le 7 mars 1984?
M. Johnston: Je m'excuse, le 7 février 1984. C'est une
erreur que j'ai faite en prenant ma note, ce matin. Le ministre, Pierre-Marc
Johnson, répondait à une auditrice qui lui demandait: N'y
aurait-il pas lieu que vous trouviez un moyen de contrôler le coût
des services médicaux? L'intervenante prétendait qu'un certain
nombre de médecins faisaient beaucoup de références et
qu'il y avait beaucoup de circulation dans le réseau médical pour
parvenir à obtenir des soins. Le ministre Johnson, lors de cette
entrevue, s'en est remis aux règles d'éthique professionnelle qui
sont établies par les corps professionnels des médecins et les
syndicats de médecins. Il se remet aux règles de
déontologie professionnelle quand il s'agit de
rémunération à verser aux médecins. Mais un
gouvernement ne pourrait pas s'en remettre au code de déontologie quand
il s'agit d'indemniser ou de réparer des maladies ou des accidents du
travail. Il y a quelque chose d'un petit peu aberrant dans cette
distinction.
Je suis à la page 45, M. le Président. Le droit du
travailleur aux soins de l'établissement de santé et du
professionnel de la santé de son choix inclut, à notre point de
vue, le droit au respect du certificat médical émis par le
médecin traitant du travailleur. La commission peut, cependant, à
notre avis, déterminer la nature du rapport qu'elle exige de la part du
professionnel qui est choisi par le travailleur ou la travailleuse.
En conséquence de ce que je viens de dire, vous comprendrez que
nous recommandons que l'article 132 soit retiré, de même que les
articles 32 à 35; nous recherchons que le rôle du médecin
traitant devienne déterminant à tous niveaux et que les
travailleurs aient droit d'accès à tous les établissements
de santé pour les fins de leur traitement ou de leur
réadaptation.
Au chapitre de la réadaptation - je vais y aller rapidement, M.
le Président - la CSST se voit attribuer un pouvoir
discrétionnaire d'appliquer des programmes de réadaptation qui,
bien souvent, ne sont même
pas expliqués aux travailleuses et aux travailleurs
concernés. Le système actuel, à notre avis, bien qu'il
coûte relativement cher est encore inefficace. Un trop grand nombre de
victimes de lésions professionnelles se retrouvent à la charge de
l'ensemble de la société parce que les patrons et la CSST n'ont
pas réussi ou n'ont pas voulu assumer correctement leurs
responsabilités.
Le projet de loi semble vouloir établir le droit à la
réadaption pour une victime de lésion professionnelle, mais quand
on examine l'ensemble des articles du projet de loi 42, on se rend compte qu'il
s'agit là d'une illusion. Il suffit de lire l'article 138 et l'article
141, de même que l'article 247 qui nie le droit d'appel en matière
de réadaptation.
Selon nous, la CSST devrait faire tout ce qu'elle peut faire pour
assurer la réadaptation des travailleurs à la suite de leur
accident. Cela ne doit pas se faire de façon unilatérale. Il doit
y avoir une information adéquate du travailleur victime d'une
lésion professionnelle. Il doit aussi y avoir une participation du
travailleur et du médecin traitant du travailleur à la
détermination du programme de réadaptation.
Nous pensons aussi qu'il faut placer la perspective de la
réadaptation dans le cadre d'un retour au travail, dans le cadre d'une
perspective d'un véritable droit de retour au travail. Cela doit viser
à réintégrer les victimes d'accidents dans la vie
professionnelle, si possible de façon durable, en leur assurant une
autonomie au moins aussi grande que celle qu'ils avaient avant d'être
atteints de cette lésion, selon leurs capacités de travail et
compte tenu de leurs aptitudes et de leurs préférences. Il y a
là un progrès, mais nous pensons qu'en cette matière il y
aurait lieu de se référer à certaines définitions
du Bureau international du travail que nous donnons aux pages 50 et 51 en
matière de réadaptation.
Sur l'indemnisation et le retour au travail, le projet de loi fait en
sorte, quand on le lit bien, que le versement des indemnités de
remplacement du revenu peut être réduit, suspendu, terminé,
supprimé et ce, pour diverses raisons et circonstances. Le projet de loi
reconduit le droit de la victime d'une lésion professionnelle de choisir
son médecin, ainsi que l'établissement où elle recevra ses
soins, mais il ne lui reconnaît pas le droit d'être
compensée sur la base du diagnostic du médecin traitant. Il ne
lui reconnaît même pas le droit d'être soignée selon
le diagnostic et les prescriptions du médecin traitant. Ce projet de loi
remet le pouvoir de décider de la santé des travailleuses et des
travailleurs et de la capacité de ceux-ci de reprendre leur travail
entre les mains du personnel médical de la CSST et du patronat. Il n'y a
plus de contrôle, même indirect, du travailleur sur ces questions
par le biais de son médecin traitant. J'attire votre attention sur les
recommandations aux pages 54 et 55.
Une question qui nous apparaît importante, c'est le principe du
droit de retour au travail. Ce principe apparaît dans le projet de loi 42
pour la première fois en matière d'accident du travail et de
maladie professionnelle. Rapidement, à la lecture du texte du projet de
loi, on se rend compte des limites et des restrictions qui sont imposées
à l'application de ce principe puisqu'à notre avis cela devient
un droit restreint à certaines personnes et un droit qui, dans bien des
cas, ne trouverait aucun type d'application. Nous avons relevé que le
projet de loi refusait, notamment, ce droit à tous ceux qui ont un
contrat de travail de durée déterminée, à tous ceux
qui n'ont pas au moins trois mois de service continu dans le même
établissement, à tous ceux dont l'accident occasionne une absence
de plus d'un an si l'entreprise compte moins de 20 travailleurs, à tous
ceux dont l'accident occasionne une absence de plus de deux ans si l'entreprise
compte plus de 20 travailleurs, à tous ceux qui ne peuvent reprendre le
travail dans les cinq jours pour le même emploi ou les quatorze jours
pour un autre emploi suivant la date fixée par la CSST. Toutes ces
restrictions nous apparaissent complètement inadmissibles et
extraor-dinairement injustes à l'endroit des victimes de lésions
professionnelles. Plusieurs catégories de travailleurs sont exclues par
cela: les travailleurs de la construction, les travailleurs de la forêt,
les saisonniers, toutes les personnes qui sont dans l'incapacité
d'accumuler trois mois de service continu dans un même
établissement.
On pense qu'il y aurait lieu, notamment pour le secteur de la
construction, de procéder comme il a été fait dans la Loi
sur la santé et la sécurité du travail de prévoir
un régime particulier qui puisse leur être applicable et qui leur
garantisse un droit de réintégration. Nous pensons que l'effort
de réflexion du ministre et de son équipe devrait aussi porter
sur la façon d'articuler ce droit pour les travailleurs et les
travailleuses victimes d'une lésion professionnelle dont l'entreprise a
été fermée ou a changé de vocation depuis le moment
où ils ont été atteints d'une lésion
professionnelle.
Quand on analyse les dispositions du projet de loi - je suis au bas de
la page 57 - on constate que plus la blessure ou la maladie est grave, moins
grande est l'obligation de l'employeur à l'égard de
l'accidenté et plus le patron est petit et plus l'accident est gros,
plus on voit facilement ses droits s'envoler. Ce que nous revendiquons, c'est
l'application du droit de retour au travail à toute victime de
lésions professionnelles jusqu'à ce qu'elle soit l'objet
d'une déclaration définitive d'invalidité totale et
permanente. Ou on reconnaît un véritable droit de retour au
travail - c'est dans ce sens-là que cela devrait être fait - ou on
veut simplement créer une illusion de droit et à ce
moment-là on persiste dans la ligne qui apparaît à
l'intérieur du projet de loi 42.
On croit, cependant, qu'on ne doit pas confondre le droit de retour au
travail avec le droit de l'employeur à forcer le retour
prématuré au travail. Compte tenu des règles de recherche
de profits qui valent dans la majeure partie des entreprises, dans toutes les
entreprises dans le secteur privé, je pense qu'il y a là des
risques importants et il n'y a pas lieu d'exposer les travailleurs victimes de
lésions professionnelles à ces risques-là. Il n'y a pas
lieu, non plus, d'imposer des châtiments ou des pénalités
comme le prévoit le projet de loi 42, par exemple, quand une instance
administrative comme la CSST aurait décidé que le travailleur,
comme par hasard, serait assez réhabilité ou bien aurait assez de
capacité résiduelle pour pouvoir occuper n'importe quel type
d'emploi, définir le type d'emploi que le travailleur pourrait
éventuellement occuper même si ce type d'emploi n'est pas
disponible sur le marché du travail. Le projet de loi dit que,
même dans ces cas-là, il y aurait coupure de l'indemnité de
remplacement du revenu. On pense que le jeu du bâton et de la carotte ou
le jeu de la récompense et du châtiment n'est pas acceptable dans
un régime comme celui-là. (11 h 15)
À la page 60, nous croyons que personne n'a le droit de
présumer qu'une personne atteinte de lésions professionnelles, si
elle était demeurée en pleine possession de ses moyens, aurait
cessé, à un moment donné, d'occuper tel emploi ou que, si
elle l'avait perdu, elle n'aurait pas pu trouver un emploi au moins
équivalent. À partir de ce principe, on croit qu'il doit y avoir
comme objectif dans la réadaptation, de même que dans
l'indemnisation d'assurer le retour au travail dans le même emploi ou
dans un emploi assurant des revenus et des bénéfices
équivalents pour l'accidenté du travail. Il n'y a donc pas lieu
d'aller vers les mesures restrictives qui peuvent s'appliquer dès le
début de la maladie professionnelle au sens du projet de loi 42, ni
encore moins vers celles qui sont prévues comme pouvant s'appliquer
à compter de la quatrième année.
Nous allons donc, en page 62, faire des recommandations qui vont dans le
sens de retirer du projet loi les articles 75 à 80. Nous ne croyons pas
nécessaire de prévoir des primes incitatives à un retour
à l'emploi. Cependant, nous croyons que la loi devrait affirmer le
principe que la victime d'une lésion professionnelle, sur avis de son
médecin traitant, peut reprendre le travail au terme de sa convalescence
ou de sa période de réadaptation et que la commission, dans ce
cas, en avise la personne concernée et son employeur en indiquant la
date à laquelle la réintégration est possible. Mais cet
avis de la CSST deviendrait un avis administratif. Ce n'est pas sa
décision qui serait déterminante, mais celle du médecin
traitant de la victime de la lésion professionnelle.
Nous pensons aussi que la loi devrait obliger tout employeur à
reprendre à son service un travailleur qui a été
accidenté ou rendu malade à l'intérieur de son
établissement: ou bien au même poste qu'il occupait avant son
accident si c'est encore possible compte tenu de son état de
santé et avec adaptation du poste de travail, si c'est
nécessaire; ou à un autre poste qui, de l'avis de
l'accidenté et de son médecin traitant, convient à ces
capacités résiduelles et encore là même s'il faut
procéder à une adaptation du poste de travail.
Cette priorité pour un poste disponible dans l'entreprise
devrait, cependant, à notre point de vue, être clarifiée
pour bien indiquer que le travailleur qui retourne au travail après une
absence consécutive à une lésion professionnelle et qui
est incapable d'occuper son ancien emploi peut exercer ses droits
d'ancienneté pour tout emploi qu'il aurait normalement le droit
d'occuper, dans le respect des droits des autres travailleurs de
l'établissement. Ce n'est pas facile de trouver une formule uniforme qui
soit applicable à l'intérieur d'un texte législatif
autrement que de reconnaître le principe d'une égalité de
traitement comme si le travailleur avait continué d'occuper son emploi
à cause des régimes différents d'attribution des postes
selon les types d'industries, selon les conventions collectives
applicables.
Nous pensons que l'énonciation, la définition de ce
principe dans un projet de loi serait suffisante pour asseoir et permettre
probablement une certaine évolution et des ententes un peu plus
avantageuses même dans les négociations entre les syndicats et les
employeurs sur cette question. Nous pensons qu'il faut éviter à
tout prix de faire en sorte qu'un projet de loi vienne transporter le fardeau
de la réintégration d'un travailleur accidenté sur un seul
autre travailleur dans l'entreprise. L'absence de définition de cette
priorité risquerait de nous conduire à cela.
Quant aux délais de réintégration, il y a deux
types de délais qui sont prévus à l'intérieur du
projet de loi. Nous pensons que le délai de cinq jours prévu
à l'article 153 est trop court. Il devrait être harmonisé
avec celui prévu à l'article 156 et on devrait parler d'un
délai de quatorze jours, ce qui nous semblerait pas mal plus correct
compte tenu des effets que pourrait avoir un retard de
réintégration.
Il faudrait, de plus, que la loi garantisse le lien d'emploi de la
victime d'une lésion professionnelle pendant une absence due à
une telle lésion, de même que l'accumulation de tous les
bénéfices liés à la durée du travail
jusqu'à la réintégration dans son emploi ou dans un emploi
procurant des droits et bénéfices équivalents. Il
faudrait, dans les cas où le travailleur recourt à la
procédure de grief pour faire appliquer son droit de
réintégration, que la présomption favorable prévue
à l'article 165 s'applique également.
À tous ceux qui pourraient dire que nos propositions,
jusqu'à maintenant, vont entraîner une augmentation
considérable des coûts, que cela va à l'encontre des
objectifs du ministre qui visent à raffiner le système et
à réduire les coûts en même temps, à tous
ceux-là, nous pourrions répondre que la seule véritable
façon de réduire les coûts engendrés par une loi qui
protège de façon adéquate les personnes atteintes de
lésions professionnelles, c'est de mettre en place un régime de
prévention de telle nature qu'on puisse éviter le plus grand
nombre de ces accidents et de ces maladies. Ce n'est pas en coupant sur le dos
des travailleurs accidentés, des personnes atteintes de maladies du
travail qu'on va améliorer la situation. On va générer des
coûts sociaux additionnels.
J'attire votre attention, à la page 65, sur les recommandations
50 et 51. L'une vise la mise en place d'un mécanisme concernant le droit
de retour au travail auprès d'autres employeurs, si la
réintégration est impossible auprès de l'employeur
initial; l'autre vise le maintien d'une certaine forme de rente de remplacement
du revenu lorsque la victime d'une lésion professionnelle a atteint
l'âge de la retraite, en faisant, cependant, des concordances avec les
autres régimes de sécurité du revenu et les autres revenus
qui peuvent être retirés par le travailleur
lésé.
Enfin, à la page 66, je voudrais attirer votre attention sur le
fait que, même pour les fins de la réintégration, c'est le
médecin traitant choisi par le salarié ou la salariée qui
devrait pouvoir juger si l'emploi qui lui est offert est approprié
à la personnalité et aux capacités résiduelles de
la personne atteinte de lésion professionnelle et non pas un quelconque
appareil administratif.
Sur la procédure de réclamation - j'y vais rapidement -
nous nous opposons à ce que la loi retire le fardeau de l'employeur de
déclarer, dans les meilleurs délais, tous les incidents et
accidents qui provoquent des lésions professionnelles. Nous nous
opposons à ce que le fardeau de rapporter ces incidents soit
transposé de l'employeur au salarié, de même que nous nous
opposons à l'extension trop considérable du délai à
l'intérieur duquel l'employeur fait son rapport. Mais, aux fins de la
loi, aux seules fins du remboursement, je pense qu'un délai de 20 jours
pour produire un rapport à la CSST - si, à notre point de vue,
cette déclaration doit amorcer le processus d'indemnisation directe -
n'a pas de bon sens quand le projet de loi prévoit, par ailleurs, que
l'employeur n'approuve que le premier délai de 14 jours.
Quant au financement du régime, on ne fera pas une longue
histoire là-dessus, M. le Président. Rappelons qu'il y a eu
quelques incidents qu'on pourrait relater longuement autour de l'article 38.4
de la Loi sur les accidents du travail, qui ont généré un
manque de prévision au niveau de la CSST ou de la Commission des
accidents du travail du temps, qui ont généré aussi un
certain nombre d'engagements envers les travailleurs qui étaient
visés, qui ont réussi à se faire reconnaître
certains droits malgré tous les obstacles qu'on a mis sur leur route.
Certains coûts n'ont pas été imputés au moment
opportun et, aujourd'hui, voilà qu'on se retrouverait dans la situation
où, parce que l'on veut réduire les coûts pour les
employeurs, on ferait tout à coup cadeau à l'ensemble des
employeurs d'une bonne partie des coûts générés qui
auraient dû être couverts par leurs cotisations dans le
passé. Même, on leur ferait cadeau de coûts qui devraient
être assumés par les employeurs pour le présent et
l'avenir.
On ne fera pas la relance économique en coupant sur le dos des
victimes de lésions professionnelles. Ce n'est pas vrai. On peut
peut-être faire des bénéfices à court terme; on peut
peut-être faire des incitations à court terme auprès de
l'entreprise, mais tantôt ce fardeau que les entreprises n'assument pas,
c'est l'ensemble de la société qui va le supporter et on se doit,
collectivement, de refuser cela. On se doit, collectivement, de faire
reconnaître que l'employeur, qui contrôle le processus de
production et qui, aux termes de la loi, bénéficie d'une
immunité générale, doit au moins contribuer sa quote-part
pour assurer l'ensemble des frais de réparation, d'indemnisation et
autres prévus par une loi qui s'appliquerait aux victimes de
lésions professionnelles. Il n'y a pas de raison de passer à
côté de cela.
Page 73, on débouche donc sur nos recommandations. Que la loi
reconnaisse au moins le principe de la pleine et entière
responsabilité patronale en matière d'accidents et de maladies du
travail et le principe de la non-pénalité pour les victimes. Nous
recommandons que soient retirés deux alinéas de l'article 179 qui
sont en relation avec l'établissement des coûts. Et ce que nous
recommandons, à la recommandation 60, c'est que le coût total des
accidents du travail soit assumé, à 100%, par les cotisations des
employeurs. Pas question de transférer des coûts sur le dos des
travailleurs, pas question, non plus, de
transférer des coûts des employeurs vers l'ensemble de la
société en utilisant le Fonds consolidé de la province
comme "patchage".
Finalement - ce n'est pas inutile - la recommandation 61: il faudrait,
à notre point de vue, que les dossiers de tous les travailleurs
accidentés qui ont été lésés dans leurs
droits par la non-application de l'article 38.4 par la CSST soient rouverts et
qu'ils soient indemnisés correctement selon la loi. Cela est vrai tant
pour les victimes elles-mêmes que pour leur famille.
Sur l'appel, M. le Président, je vais rapidement
là-dessus. Le projet de loi dit: Faisons sauter les bureaux de
révision, remplaçons cela par une procédure de
reconsidération administrative. Nous sommes opposés à
cela. Nous sommes opposés à ce que l'on fasse disparaître
un premier niveau d'appel. Nous sommes, cependant, sur la base des
expériences vécues, en accord avec tous ceux qui vont revendiquer
que le bureau de révision soit sorti de la CSST, qu'il devienne un
organisme indépendant de la CSST; qu'il ne devienne pas un lieu
où on applique des directives internes de la CSST, mais un lieu
où on appliquera la loi et les règlements formels. Il faudrait
qu'il devienne aussi un lieu où on respectera la portée de ce
qu'est une présomption favorable à l'égard d'une
lésion professionnelle. (11 h 30)
Actuellement, il y a certaines autres dimensions du régime qui
nous semblent comporter des déficiences que le projet de loi ne corrige
pas, notamment l'établissement d'un maximum de remboursement des frais
encourus par une victime de lésion professionnelle qui va en appel d'une
décision. On pense que ce n'est pas normal qu'un accidenté doive
encourir des frais qui, dans certains cas, sont énormes alors que, dans
certains autres, il se trouve même dans une situation très
défavorisée ayant dû recourir à des prestations
d'aide sociale avant de pouvoir obtenir que ses droits soient reconnus. Ce
n'est pas normal qu'actuellement ces frais ne soient pas complètement
remboursés par la CSST.
Nous soutenons que le problème du refus de première
instance, qui est vécu par plusieurs travailleurs, n'est pas
principalement un problème d'erreur administrative, mais est d'abord et
avant tout un problème qui est lié à l'appareil, qui est
à lié à l'application de politiques internes restrictives
en regard de la loi et des règlements.
Finalement, nous voulons vous signaler qu'il y a plusieurs
éléments qui échappent à des possibilités
d'appel, notamment tout le secteur de la réadaptation et un certain
nombre d'autres, où les droits d'appel ne sont pas très clairs,
qu'il y aurait lieu de réviser et de préciser. Mais il faudrait,
dans tous les cas, reconnaître au travailleur qui est lésé
à la suite d'un accident ou d'une maladie professionnelle des droits
d'appel clairs, sans équivoque, indépendants et à deux
niveaux. Selon nous, il faut maintenir un niveau de la nature du bureau de
révision et il faut aussi maintenir la possibilté d'appel en
deuxième instance devant la Commission des affaires sociales.
Je veux signaler une chose qui nous inquiète
énormément. C'est cette disposition qui apparaît de
façon incompréhensible dans le projet de loi 42 et qui semble
permettre à la CSST de réviser elle-même une
décision rendue par la Commission des affaires sociales. Nous trouvons
cela, d'une part, inutile et, d'autre part, aberrant. C'est inutile parce que
la loi constitutive de la Commission des affaires sociales permet à la
même Commission des affaires sociales de réviser elle-même,
en vertu de l'article 24 de cette loi, et pour cause, ses propres
décisions. C'est aberrant parce qu'on trouve inadmissible qu'un appareil
administratif puisse revoir, réviser à sa convenance les
décisions qui auraient été rendues par un tribunal d'appel
de deuxième instance.
Je veux terminer en parlant de la Loi sur l'indemnisation des victimes
d'actes criminels que, malheureusement, on n'a pas eu le temps de couvrir par
un chapitre approprié à l'intérieur de notre
mémoire. Nous soulignons, quant à nous, qu'il faut être
contre les reculs qui seraient imposés aux victimes d'actes criminels
par le projet de loi 42 et il faut aussi inviter le gouvernement à
revoir sa position et à la revoir dans la perspective d'une
amélioration du régime plutôt que dans la perspective d'une
détérioration du régime actuel.
Vous allez retrouver, après la page 81, l'ensemble de nos
recommandations reprises in extenso.
Le Président (M. Rancourt): Merci, M. Johnston. M. le
ministre.
M. Fréchette: Merci, M. le Président. Je voudrais,
bien sûr, dans mes remarques préliminaires, remercier la Centrale
de l'enseignement du Québec, de même que le Syndicat de
professionnels du gouvernement du Québec de nous avoir fait ces
représentations ce matin. Comme le mémoire ne nous a
été produit que très récemment, il a
été difficile, pour ne pas dire impossible, d'en faire le tour et
de procéder à l'analyse de tous les éléments qu'il
contenait. Cependant, l'exercice qu'on vient de faire ce matin nous permet de
préciser un certain nombre de choses, de fait, un grand nombre de
choses.
Une des premières conclusions que l'on retient, ce sont vos
préoccupations à l'égard de tout ce qu'on pourrait appeler
"l'aspect économique", entre guillemets, du projet. Vos
préoccupations à cet égard rejoignent celles
de plusieurs autres groupes que nous avons entendus jusqu'à
maintenant. Il faudra voir très précisément, à
l'analyse, quel genre de résultat cela peut donner. Vous avez, dans
votre mémoire, 70 recommandations très précises, mais,
toujours en regard de l'aspect économique du projet de loi, il y a une
chose sur laquelle nous allons être d'accord sans discussion
additionnelle - et M. Johnston y faisait référence - quels que
soient les coûts auxquels on peut actuellement penser, ce que cela
coûte actuellement ou ce que cela peut coûter, tant et aussi
longtemps que la prévention ne sera pas poussée jusqu'à la
limite où elle doit l'être, il y a, évidemment, de l'argent
qui va se dépenser sans que ce soit toujours et strictement
nécessaire.
Dans l'enveloppe de temps qui nous est impartie, il est évident
qu'il est impossible de revoir, les uns après les autres, tous les
aspects que vous avez soulevés, toutes les choses sur lesquelles vous
avez attiré notre attention. J'en ai retenu, quant à moi, quatre
qui m'apparaissent être, sinon les principales, du moins celles qui
retiennent particulièrement votre attention, la première
étant le pouvoir réglementaire de la commission. Vous avez
à plusieurs reprises, M. Johnston, référé à
ce pouvoir réglementaire en parlant de discrétion, d'arbitraire
et de décisions qui procèdent de l'une ou l'autre de ces deux
notions d'arbitraire et de discrétion.
Je vous dirai à cet égard que plusieurs
préoccupations nous ont été soumises par des organismes et
des groupes qui représentent autant des employeurs que des travailleurs
ou des travailleuses. La question qu'on se pose à ce stade et face aux
représentations qui nous sont faites est strictement et uniquement la
suivante: Comment faudrait-il changer ces mécanismes et par quoi
faudrait-il les remplacer, si tant est que l'on convient qu'à un moment
donné, à quelques égards, une décision doit
être prise? Alors, la question que l'on se pose: Est-ce que ces pouvoirs
identifiés ou qualifiés d'arbitraires ou de
discrétionnaires ne devraient pas exister du tout ou, alors, est-ce
qu'on doit demander au gouvernement d'assumer une responsabilité comme
celle-là? Je ne pense pas que, sur le plan pratique, cela donne de
meilleurs résultats.
Comme troisième possibilité - et c'est vrai pour le
chapitre de la réglementation, comme cela peut l'être, par
exemple, pour les politiques de réadaptation qui, elles aussi,
procèdent par réglementation - est-ce que cela devrait être
expressément identifié dans la loi? Est-ce qu'on devrait enlever
cette juridiction à la Commission de la santé et de la
sécurité et inscrire expressément dans la loi ces pouvoirs
auxquels on pense actuellement? Ou bien, finalement, si ni l'une ni l'autre des
possibilités auxquelles je réfère ne doit être
retenue, quelle est, très précisément, la solution qu'il
faut retenir? J'apprécierais, quant à moi, que vous puissiez nous
soumettre des suggestions quant à la façon de procéder, si
encore on s'entend sur la nécessité qu'il doive y avoir, à
un moment donné, une instance qui est habilitée à
émettre des politiques, à prendre des décisions. Alors,
c'est cela que j'apprécierais que vous puissiez expliquer pour que l'on
sache très précisément, après avoir
identifié les problèmes, dans quelle direction on devrait
aller.
Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.
M. Johnston: M. le Président, je ne suis pas sûr de
pouvoir répondre de façon adéquate à la question du
ministre. Ce que nous avons tenté de souligner, c'est que, à
notre point de vue, il y a plus que la notion de la réglementation qui
est en cause. C'est cet ensemble de juridictions concurrentes à
plusieurs niveaux que nous remettons en cause dans l'appareil actuel de la
CSST: d'une part, un pouvoir qui est de l'ordre de la définition, de
façon plus concrète, des droits qui sont
générés par la loi, un pouvoir quasi législatif;
d'autre part, un pouvoir d'application de ces mêmes règlements.
Voilà que le gouvernement propose que la CSST, vous aussi, par le biais
de la reconsidération administrative seulement, ait un pouvoir quasi
judiciaire. Vous avez déjà été arbitre de griefs,
si j'ai bonne souvenance, vous devez un peu savoir dans quelle situation se
place un organisme qui cumule de tels pouvoirs de nature différente. Je
pense que c'est essentiellement autour de ce conflit de rôles que se
greffe l'ensemble de la difficulté. Mais il est clair, à notre
point de vue, que, dans une refonte du projet de loi, on devrait accorder plus
d'attention à la définition des droits des victimes de
lésions professionnelles qu'à la définition d'une
juridiction pour la CSST. Que l'on prévoie un mécanisme de
réglementation, qui permette, soit au niveau de la CSST ou même au
niveau du Conseil des ministres, de tenir compte de l'évolution de la
situation dans le milieu du travail, on ne peut pas s'opposer à cela; ce
serait ridicule que la loi contienne toutes les dispositions jusque dans les
moindres détails et qu'on doive revenir devant l'Assemblée
nationale pour chaque petite modification.
Par ailleurs, que la loi soit faite de telle façon que les droits
soient diffus, introuvables, imperceptibles, indéfinissables, à
toutes fins utiles, autrement que par la volonté d'un appareil qui a ce
pouvoir de réglementation, ce pouvoir administratif et ce pouvoir quasi
judiciaire, là on pense qu'il y a un problème de forme important.
Donc, ce sur quoi nous voudrions attirer votre
attention, c'est qu'il y aurait lieu de réécrire, à
notre point de vue, une bonne partie de ce projet de loi en ayant à
l'esprit que les personnes qui peuvent bénéficier de cette loi
doivent pouvoir trouver un certain nombre d'éléments clairs de
droits à l'intérieur du projet de loi, plus que la sensation de
se retrouver devant un appareil qui peut disposer d'elles à sa
convenance.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Fréchette: Dans cet esprit-là, M. Johnston, si
on essayait de prendre un exemple précis de ce à quoi vous
référez, ce pourrait être, par exemple, les politiques du
droit à la réadaptation. Il s'agit, me semble-t-il, d'un chapitre
qui pourrait, effectivement, être clarifié en termes
d'identification de ce que peuvent être des droits à la
réadaptation plutôt que de laisser le projet dans son état
actuel. Est-ce que l'exemple précis, auquel je vous
réfère, en est un auquel vous-même vous pensiez? (11 h
45)
Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.
M. Johnston: Oui, spécialement je crois que nous faisons
référence à ce type de problème à
l'intérieur de notre mémoire en signalant, notamment, que le
projet de loi pourrait être enrichi en prévoyant de façon
claire un certain nombre de droits formels pour les travailleurs en
matière de réadaptation. Il devrait prévoir des
obligations pour l'appareil administratif chargé de faire respecter ces
droits; il devrait aussi prévoir un certain nombre d'orientations quant
aux finalités, aux objectifs et aux buts poursuivis par un programme de
réadaptation. Selon nous, cela n'apparaît pas clairement, du moins
pas assez clairement, à l'intérieur du projet de loi qui est
devant nous.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Fréchette: Je vous remercie, M. Johnston. Cela
contribue effectivement à clarifier une situation. Je vais maintenant
rapidement référer à un autre chapitre qui a retenu votre
attention. C'est celui de l'assistance médicale en
général. J'ai cru comprendre dans vos représentations que
non seulement vous suggérer, mais que vous plaidez que cela devrait
être retenu qu'en tout état de cause le médecin traitant
devrait être celui qui rend le diagnostic final quant à
l'évaluation des séquelles de la maladie professionnelle.
Vous avez aussi indiqué que, dans les cas où il pourrait y
avoir complaisance, il reviendrait à la corporation concernée de
s'occuper de ce genre de dossiers. Est-ce que vous ne convenez pas
qu'au-delà des seuls et rares cas de complaisance, quant à moi,
il y a certaines autres situations qui "commanderaient", entre guillemets, que
le diagnostic d'un médecin traitant soit réévalué?
Je vous dis très précisément ce à quoi je pense:
à supposer, par exemple, qu'un accident de travail ou une maladie
professionnelle engendre ou entraîne des conséquences lourdes pour
un travailleur ou une travailleuse et qu'on se retrouve devant une personne qui
est dans un état d'incapacité permanente à 80% à la
suite de l'évaluation faite par son médecin traitant,
omnipraticien ou spécialiste, est-ce que, dans ces cas-là, vous
ne convenez pas qu'il pourrait être possible à l'organisme
concerné de demander la confirmation de ce diagnostic par une autre
instance médicale? Par nouvelle instance médicale, je veux dire
qu'il pourrait s'agir d'un médecin qu'elle demanderait pour fins
d'évaluation. En cas de litige entre les deux évaluations, le
dossier serait référé à une instance
complètement indépendante de la Commission de la santé et
de la sécurité du travail.
J'ai un peu de difficulté à accepter qu'en tout
état de cause et dans n'importe quel des dossiers qui peuvent être
soumis on doive de façon systématique retenir le diagnostic du
médecin traitant sans qu'il soit possible d'en faire confirmer, au
moins, les conclusions. Encore une fois - et c'est là-dessus que je
voudrais attirer votre attention - s'il y a effectivement une différence
telle entre les deux évaluations qu'on ne sache plus trop quelle est
très précisément la situation de l'accidenté,
est-ce que vous accepteriez une formule en vertu de laquelle on demanderait
à des spécialistes de la santé de procéder à
régler le litige qui s'élève face à ces deux
évaluations loin l'une de l'autre?
Évidemment, la question qu'on va se poser, c'est: À qui
très précisément faudra-t-il référer ce
dossier? On en discute depuis mardi dernier et les uns et les autres semblaient
accepter une formule en vertu de laquelle il serait demandé, par
exemple, à la Corporation professionnelle des médecins de faire
l'évaluation ou de soumettre une liste de noms de médecins qui
accepteraient de faire ce genre d'exercice. Cette liste de médecins
pourrait être soumise à l"'accréditation", entre
guillemets, du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, par
exemple, et ce serait vers cette instance que les actuels litiges seraient
dirigés pour qu'on sache très précisément quelle
orientation il faut donner au dossier. Je ne sais pas si je suis suffisamment
clair, mais en dernière instance ce serait sorti du pouvoir
décisionnel de la commission.
Le Président (M. Rancourt): M.
Johnston.
M. Johnston: J'avais eu écho de cette hypothèse par
les médias d'information au cours de la fin de semaine, ce qui m'a
permis de réfléchir un peu à cette question. On a
examiné le problème de la contestation éventuelle du
diagnostic ou du certificat du médecin traitant de la personne atteinte
d'une maladie professionnelle ou d'une lésion professionnelle au sens
large. Nous, ce qu'on croit possible et logique, c'est qu'en règle
générale un travailleur qui est atteint d'une lésion
professionnelle sérieuse va probablement aller consulter son
médecin traitant habituel pour commencer et on sait que les
médecins généralistes, en particulier, ont
développé, depuis un bon nombre d'années, ce
réflexe assez spontané d'envoyer voir des médecins
spécialistes qui sont suggérés par le médecin
traitant habituel. Le médecin spécialiste auquel serait
référé par son médecin traitant le travailleur qui
a subi la lésion professionnelle, à notre point de vue, cela
devient son médecin traitant. Il est considéré à ce
titre par nous comme le médecin traitant choisi par le travailleur
lui-même. On ne voit pas là de difficulté monumentale. On
serait, cependant, disposés, quant à nous, une fois que sera
reconnu le principe que l'indemnisation, par exemple, est faite sur la base du
diagnostic, sur la base de l'avis du médecin traitant choisi par le
salarié, à ce que l'employeur puisse se prévaloir du droit
de faire examiner le travailleur par un médecin qu'il désignerait
et qu'il puisse contester, par le biais d'un mécanisme d'appel, le
niveau d'indemnisation éventuel qui serait automatiquement lié
à la production du certificat médical du médecin
traitant.
Je pense qu'il y a là quelque chose qui peut placer les parties
en état d'équité sachant que, de toute façon, les
employeurs dans toutes les entreprises contrôlent pas mal les absences
des travailleurs pour cause de maladie; que ce soient des maladies
professionnelles ou d'autres types de maladies courantes, les absences sont
très sérieusement contrôlées par les employeurs. Je
pense qu'il y aurait là un mécanisme suffisant pour assurer une
crédibilité au système du fait que l'employeur puisse en
appeler d'une décision d'indemnisation basée sur le certificat du
médecin traitant et placer, donc, une instance d'appel devant deux
verdicts médicaux qui devraient être soutenus par les deux
parties. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'avenir dans la formule que vous
annoncez même si cela peut avoir une apparence de neutralité. Il
reste que ces médecins continueraient probablement d'être
payés par la CSST directement ou indirectement. Le travailleur qui va
voir son médecin traitant, ce n'est pas lui qui le paie. Le
médecin n'est pas dans une situation de rapports de même nature
que lorsqu'une organisation engage un médecin pour les fins
spécifiques d'un dossier ou fait appel à ses services de
façon régulière pour fins de révision de dossier.
Il n'y a pas de relation de dépendance du médecin à
l'égard de l'accidenté du travail comme il peut y en avoir une du
médecin à l'égard de la CSST ou d'un organisme de
même nature qui deviendrait, à un certain moment, son principal
pourvoyeur de fonds ou un pourvoyeur de fonds assez important.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Fréchette: Je voudrais être sûr de bien
comprendre. Vous avez dit, me semble-t-il, au début de vos remarques que
vous n'aviez pas d'objection de principe à ce qu'après un
processus préliminaire qui nous amènerait à un diagnostic
du médecin de l'accidenté, médecin s'entendant
également pour le spécialiste auquel le généraliste
aurait référé son patient, l'employeur puisse faire
procéder, lui aussi, à une évaluation. Est-ce que j'ai
bien compris - je ne suis pas sûr - que, lorsque nous nous retrouverions
devant deux diagnostics différents, il n'y a pas d'instance qui serait
habilitée à trancher le litige?
Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.
M. Johnston: Ce que nous soutenons effectivement, c'est que, dans
un premier temps, l'indemnisation, s'il y a lieu, devrait être faite sur
la base de l'avis du médecin traitant choisi par la victime de la
lésion professionnelle, que l'employeur puisse le cas
échéant faire examiner cette même victime par un
médecin qu'il désignerait et que l'employeur puisse en appeler de
la décision d'indemnisation s'il considère qu'elle est abusive
pour la victime de la lésion professionnelle en termes de
bénéfices.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Fréchette: En d'autres mots, au lieu de faire arbitrer
ce possible litige par une instance composée de personnes du milieu
médical, il faudrait la référer à l'instance
d'appel qui serait prévue dans la loi.
M. Johnston: Oui, à notre point de vue, cela n'exclut pas
qu'il puisse y avoir le cas échéant à l'intérieur
de ces bureaux de révision, à la condition qu'ils soient vraiment
sortis de la CCST, des personnes qui soient capables d'entendre une preuve
médicale.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Fréchette: Si, M. Johnston, vous avez regardé
les journaux de fin de semaine, vous avez sans doute vu que, du
côté du mécanisme d'appel, il y a également des
choses qui nous ont été suggérées et auxquelles
nous songeons sérieusement, le principe étant très
précisément de constituer une instance qui soit tout à
fait et complètement séparée politiquement et à
tous autres égards de la Commission de la santé et de la
sécurité. Dans l'état actuel des choses, il y a le
mécanisme de la révision, il y a également le
mécanisme de la Commission des affaires sociales. Nous proposions dans
la loi l'abolition des bureaux de révision. Au fur et à mesure
que les travaux de la commission avancent, on réalise bien que la
plupart des intervenants souhaiteraient le maintien des bureaux de
révision, avec la précision que vous apportez que ce devrait
être complètement indépendant. Comment vos syndicats
verraient-ils qu'il y ait effectivement la création d'une instance
complètement évacuée de la Commission de la santé
et de la sécurité, une instance à l'intérieur de
laquelle on retrouverait des gens habilités à rendre des
décisions, mais qui remplacerait, par ailleurs, à la fois le
bureau de révision et l'actuelle Commission des affaires sociales? Dans
l'état actuel des choses, d'après les informations qu'on a, c'est
la seule loi qui permettrait qu'un procédé nouveau ait lieu deux
fois à l'intérieur de ces mécanismes, c'est-à-dire
qu'après avoir plaidé au bureau de révision on reprend
essentiellement les mêmes argumentations, la même preuve devant la
Commission des affaires sociales. Alors, si l'idée était retenue
- je vous signale qu'elle fait son chemin - comment évalueriez-vous la
possibilité d'instituer cette instance complètement
indépendante, mais qui regrouperait les deux juridictions qui
actuellement sont dévolues au bureau de révision et à la
Commission des affaires sociales, en d'autres mots un seul tribunal d'appel
complètement évacué de la Commission de la
santé?
Le Président (M. Rancourt): M. Johnston. (12 heures)
M. Johnston: Je vais vous répondre rapidement. On est
farouchement opposés à toute idée d'évacuer le
niveau d'appel qui s'appelle la Commission des affaires sociales. On est aussi
totalement opposés à l'idée de faire sauter un niveau
d'appel. Je vais m'expliquer là-dessus. Si l'orientation que vous
preniez allait dans le sens de créer une espèce de tribunal quasi
judiciaire de même nature que la Commission des affaires sociales - il ne
semble pas que ce soit le cas d'après les signes que vous faites - cela
poserait certaines difficultés d'existence du deuxième niveau.
S'il s'agit d'un tribunal de nature administrative, il n'y a pas
d'incompatibilité à ce que les décisions d'un tribunal
administratif de premier niveau puissent être portées en appel
à un deuxième niveau. Ce ne serait pas exclusif au cas des
accidents du travail et des maladies professionnelles.
Je veux simplement vous citer un exemple d'une autre juridiction. Les
gens qui sont en chômage et qui ont des problèmes avec
l'application de la Loi sur l'assurance-chômage ont une
possibilité d'appel au niveau d'un conseil d'arbitrage régional.
Si jamais la décision ne les satisfait pas, ils peuvent encore, à
certaines conditions, en appeler devant un juge arbitre. Il y a un
deuxième niveau d'appel. Je ne pense pas que ce soit exclusif. Il y a
probablement d'autres cas où cela se produit également.
Soulignons aussi que c'est un champ de droit relativement nouveau pour
beaucoup de travailleurs que celui des maladies et des accidents du travail en
termes de mécanisme d'appel et de moyen de preuve, etc. Soulignons aussi
qu'il y a un fort taux de travailleurs non syndiqués au Québec
qui font face, bien souvent, à un tribunal de première instance
sans trop savoir de quoi il s'agit. Il y a beaucoup de travailleurs dans ces
cas-là qui sont placés dans la situation où ils pensent
qu'en recevant un avis les avisant qu'ils vont être entendus ils s'en
vont voir le gars qui leur a répondu négativement. Le travailleur
s'en va demander à ce gars-là ce qu'il pense de son dossier et il
pense que l'affaire va se bâcler ainsi. Il y a beaucoup de gens qui
apprennent ce qu'est un niveau d'appel en se retrouvant là. S'il n'y a
qu'un seul niveau d'appel, il y a beaucoup de ces travailleurs qui vont
être pénalisés parce qu'ils n'auront pas une
deuxième chance de se reprendre à l'intérieur d'un
processus de cette nature.
Je veux vous souligner également - je mentionnais tantôt le
cas de l'assurance-chômage - que même la législation
québécoise en matière de relations du travail
prévoit qu'il peut y avoir des niveaux d'appel différents. Une
décision qui est rendue par un commissaire du travail, c'est une
décision de nature administrative, à peu près de
même niveau que celle qui pourrait être rendue par un premier
niveau d'appel en vertu d'une loi sur les maladies et les accidents du travail.
Pourtant, il y a toujours possibilité d'aller devant le Tribunal du
travail.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre,
brièvement.
M. Fréchette: Parce que mon temps est
écoulé.
Le Président (M. Rancourt): Oui, il vous
reste environ une minute et demie.
M. Fréchette: M. le Président, je n'irai pas plus
loin. J'avais autre chose. Si j'ai le temps d'ici la fin, je reviendrai.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord
remercier les membres de la CEQ pour leur mémoire et leur
présentation. En raison de plusieurs projets de loi
présentés par ce gouvernement, la CEQ a dû, dans les
quelques dernières années, dépenser beaucoup
d'énergie à la rédaction, ainsi qu'à la
présentation de mémoires. Vous êtes maintenant, je crois,
devenus des experts. En tant qu'ex-enseignant, j'ai toujours cru que
l'enseignement de façon indirecte se faisait mieux que celui de
façon directe. On en a la preuve ici devant nous.
M. le Président, j'aimerais ce matin me prévaloir de mon
droit de parole pour faire quelques brefs commentaires avant de poser certaines
questions à nos invités. Depuis la semaine dernière, cette
commission a consacré au-delà de 40 heures à entendre des
intervenants sur le projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles. Le dénominateur commun énoncé
de tous les témoins entendus à ce jour n'est certainement pas une
avalanche de félicitations envers les auteurs de ce projet de loi. Je
suis certain que le ministre aussi est convaincu - il semble même qu'il
l'ait dit tout à l'heure - que le projet de loi qui est mal écrit
cause beaucoup de difficultés d'interprétation. Même avec
tout cela, le ministre a éprouvé des difficultés à
plusieurs reprises. Nonobstant le fait qu'il a un personnel à la CSST
que je soupçonne d'avoir été les auteurs de ce projet de
loi et nonobstant le fait que, certainement, le ministre ne manque pas de
conseillers politiques, il n'a pas pu répondre précisément
aux questions des intervenants lorsque ceux-ci l'ont interrogé sur la
portée de certains articles du projet de loi.
J'ai été très heureux que le ministre
déclare souvent que les articles de ce projet de loi devront être
précisés, amendés ou même complètement
abrogés. En d'autres mots, il nous laisse comprendre que le projet de
loi sera forcément réimprimé. C'est ma perception. Je me
trompe peut-être; la population en jugera. Ce qui me tracasse, c'est
pourquoi attend-il si longtemps pour le faire? On sait fort bien que ce projet
de loi ne répond pas aux attentes du milieu. Il me semblerait plus
intelligent et constructif que le ministre nous fasse connaître les
changements qu'il veut apporter à ce projet de loi afin de permettre aux
intervenants ou aux témoins à venir et à ceux qui se sont
déjà présentés devant cette commission de discuter
des articles qui seront retenus, d'une façon beaucoup plus
intelligente.
Comme c'est là, M. le Président, j'ai la conviction et la
perception qu'on perd un peu de temps à discuter d'articles qui vont
nécessairement être abrogés. C'est une insulte à la
population et à nos invités. Que vous vouliez nous insulter,
nous, membres de l'Opposition, on est capables d'en prendre, mais il faudra
bien, à un certain moment, M. le Président, que le gouvernement
dise très clairement que son projet de loi a été mal
écrit et qu'il doit être repensé.
Outre ce consensus autour du fait que le projet de loi est
imprécis, que les articles sont contradictoires, j'aimerais rappeler au
ministre d'autres points de convergence. Lorsque nous avons entendu les
témoins devant cette commission, tous les intervenants, autant du
côté patronal que syndical, nous ont dit - et même les
représentants de la CEQ ce matin - qu'il y a un problème à
régler, soit le fameux problème de l'article 38.4 du
présent projet de loi. Comme je l'avais dit au début, dans mes
notes préliminaires, M. le Président, je crois que c'est immoral
d'avoir attendu aussi longtemps pour régler ce problème.
Un autre point de convergence, c'est le fait qu'on s'est fait dire ici
qu'on ne peut pas "divorcer" la loi, quelle qu'elle soit, de l'organisme qui
aura à l'appliquer. Dans ce cas précis, on ne peut pas "divorcer"
la loi de l'organisme qui aura à l'appliquer, la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. La plupart des
témoins nous ont dit que les problèmes fondamentaux se trouvent
chez la CSST. Son conseil de direction et la production de tonnes de directives
arbitraires et discrétionnaires, non conformes à la
loi-même, c'est cela qui cause des injustices envers les travailleurs
accidentés du Québec.
Plusieurs ont dit soit du côté patronal ou syndical,
qu'avant même qu'on adopte ce projet de loi il faudra avoir une
enquête sur la CSST, ses opérations, ses politiques
administratives, car ce sont ces politiques et non la loi même, comme je
l'ai dit, qui causent des problèmes énormes pour les
accidentés.
La loi donne des pouvoirs accrus à cette commission. Je crois que
c'est inconcevable de donner certains pouvoirs qui renient la Charte des droits
et libertés de la personne, de donner à un appareil
paragouvernemental le statut d'une dictature en dedans d'un pays qui a
dépensé tant d'énergies pour se donner et suivre des
principes démocratiques.
Le ministre se doit de faire une distinction entre les droits des
travailleurs et des accidentés et les mesures sociales du projet de loi.
Certaines de ces mesures sont non seulement acceptables, mais on les attend
avec impatience. Mais encore ici, puisqu'on nous dit qu'on va
réévaluer, qu'on
va regarder le projet de loi, qu'il y a des amendements à
apporter, on travaille un peu dans les nuages. C'est pour cela qu'il faudrait,
aussitôt que possible, nous présenter ces amendements, nous dire
si, oui ou non, vous allez procéder à une réimpression du
projet de loi, quels seront les articles maintenus pour que l'on puisse, en fin
de compte, étudier quels seront les coûts aux employeurs et quels
seront les coûts qui seront imputés à l'ensemble de la
société du Québec.
En terminant ces quelques brèves remarques, avant de passer aux
questions à nos invités, je demanderais, à ce moment-ci,
l'intervention du ministre de la Justice, car, dans le projet de loi, il y a
des changements majeurs à la Loi visant à favoriser le civisme et
à la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Si le
gouvernement veut apporter des changements à ces deux dernières
lois, qu'il le fasse par la présentation de projets de loi distincts
pour permettre à tous ceux qui sont impliqués et à
l'ensemble de la société québécoise de s'exprimer
seulement sur ces points-là. En apportant des changements par la porte
d'en arrière, dans une loi de 364 articles, le gouvernement se cache et
c'est là qu'on remarque la contradiction flagrante entre les beaux
discours sur des projets de société et les actions de ce
gouvernement. (12 h 15)
Ceci étant dit, j'aurais une ou deux questions à poser
à M. Johnston et aux membres de la CEQ qui l'accompagnent. Au chapitre
de la réadaptation, les critiques sont assez nombreuses. On peut
blâmer la bureaucratie, on peut blâmer tant de choses, mais
qu'est-ce qui a été déploré de la part de certains
intervenants? C'est qu'il y ait des programmes d'établis et que les
accidentés n'aient pas vraiment un mot à dire sur ces programmes.
M. Johnston, ma question est: À part le droit à la
réadaptation dont vous avez parlé tout à l'heure, y
aurait-il, d'après vous, nécessité d'instaurer une
structure où le travailleur accidenté ou bien ses
représentants puissent participer à la préparation et
à l'application d'un programme de réadaptation?
Le Président (M. Rancourt): Est-ce votre question?
M. Cusano: C'est ma question.
Le Président (M. Rancourt): Un instant, M. Johnston. Je
ferai remarquer au député de Viau que l'ordre de
l'Assemblée nationale était d'entendre des représentations
sur le projet de loi 42. C'est ce que nous faisons actuellement et vous faites
partie de cette commission élue, M. le député. Maintenant,
vous avez droit à des questions et vous en avez posez une à M.
Johnston.
M. Johnston.
M. Cusano: M. le Président, une question de
règlement. Je veux préciser une chose: Tout ce que j'ai dit dans
mes remarques ce matin est directement relié au projet de loi 42.
Le Président (M. Rancourt): Ce que je dis, M. le
député de Viau, c'est tout simplement que vous avez droit
à vos remarques, je ne le conteste pas. Je vous dis tout simplement que
nous avons eu un ordre de l'Assemblée nationale qui était
d'entendre les représentations sur le projet de loi 42.
M. Cusano: C'est cela.
Le Président (M. Rancourt): C'est ce que nous faisons
actuellement. Je n'ai rien d'autre à dire, tout simplement. Maintenant,
je demande à M. Johnston s'il veut bien répondre à votre
question.
M. Johnston: M. le Président, dans notre mémoire,
on a indiqué à partir de la page 46 les principaux
problèmes qu'on voit en regard de la réadaptation, notamment le
fait que les programmes actuellement en vigueur ne soient pas rendus
disponibles pour les travailleurs qui pourraient y avoir accès,
notamment le fait que la CSST contrôle, à toutes fins utiles, qui
va dans quel programme et qui peut être bénéficiaire de tel
programme de réadaptation. On a souligné aussi qu'il y avait
clairement un problème de perspective. Nous, ce qu'on suggère aux
pages 50 et 51, c'est qu'on définisse de façon plus claire
à l'intérieur du projet de loi les orientations qui devraient
animer l'ensemble des programmes de réadaptation. Qu'est-ce que c'est,
la réadaptation? Quels objectifs cela doit-il poursuivre? Nous croyons
qu'à partir des définitions qui ont déjà
été explicitées par le BIT il y a là un point de
référence assez important pour un gouvernement ou pour des
législateurs qui tenteraient d'améliorer la situation. Il est
utile aussi de préciser à l'intérieur du projet de loi les
finalités. Ce n'est pas juste de faire en sorte que le travailleur
puisse se retrouver le plus rapidement possible dans une "job" même de
nature inférieure, mais cela devrait être de replacer le
travailleur dans une situation équivalente non seulement au niveau de
l'emploi et des bénéfices, mais au niveau de sa propre autonomie
personnelle.
Cela implique donc qu'à l'intérieur d'un programme de
réadaptation il puisse y avoir de larges volets de formation
professionnelle ou même scolaire dans certains cas qui permettent au
travailleur de compenser en quelque sorte la perte qu'il a subie à la
suite d'une lésion professionnelle. Je ne pense pas que ce soit une
question de
mécanisme, pour répondre plus clairement à votre
question, comme une question de perspective.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Mon autre question, M. Johnston, concerne la tenue
d'un registre auquel on réfère dans le projet de loi. Pour
réduire les coûts d'administration de la CSST, on dit que certains
accidents ne seront pas rapportés à la CSST et que l'employeur
sera responsable de tenir un registre dans lequel on indiquerait, justement, le
moment de l'accident. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce processus, le
maintien d'un registre? Est-ce que je pourrais vous entendre sur les
inconvénients, d'une part, et les avantages, d'autre part, de la tenue
d'un tel registre?
Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.
M. Johnston: De mémoire, il me semble qu'il y a dans la
loi actuelle cette obligation pour l'employeur de tenir un registre au moins
pour les absences qui sont d'une durée inférieure à une
journée. Nous ne pouvons évidemment pas nous opposer à
l'obligation pour l'employeur de tenir un tel registre, d'autant plus qu'il
s'agit là d'une partie pour laquelle il n'y a pas de retour des
contributions. Il n'y a pas remboursement par la CSST du versement qui est
fait, le cas échéant, pour cette journée. Notre approche
là-dessus se résume à ceci. D'une part, nous voulons
préserver le principe que c'est l'employeur qui doit faire des
déclarations d'incidents ou d'accidents qui conduisent à des
lésions professionnelles et que cela puisse être fait en temps
utile pour que le processus d'indemnisation qui est fait directement par la
CSST puisse être applicable au moment opportun. Si on parle de
l'extension possible de la durée directement couverte par l'employeur
jusqu'à quatorze jours, il faut donc s'assurer que la déclaration
se fasse dans des délais suffisants pour que l'indemnisation directe par
la CSST se fasse à compter du moment où l'employeur cesse de
verser directement une indemnité.
L'autre élément important qui n'apparaît
malheureusement pas au projet de loi 42, c'est que l'obligation pour
l'employeur de tenir un tel registre devrait être assortie du droit pour
le travailleur ou la travailleuse et du droit pour son syndicat, le cas
échéant, lorsqu'il s'agit de personnel syndiqué, d'avoir
accès à ce registre. De même, le syndicat devrait, dans les
cas où il en existe, avoir automatiquement copie des déclarations
d'incidents ou d'accidents conduisant à des lésions
professionnelles. Je pense qu'en plus il y aurait possibilité, au moins
en milieu syndiqué, d'avoir une espèce de regard critique sur la
façon dont l'employeur déclare ou enregistre les
événements. Malheureusement, en milieu non syndiqué, ce
type de contrôle n'est pas facilement organisable.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Ma préoccupation concernait, justement, les
milieux non syndiqués. J'ai une autre question concernant une maladie
qui se manifeste à un certain moment chez un employeur et qui aurait pu
être contractée, dans les années précédentes,
chez un autre employeur. Si un travailleur est atteint d'une maladie
professionnelle, je crois qu'il doit être compensé. Ce n'est pas
cela, ma question, mais je suis d'accord qu'un travailleur qui est atteint
d'une maladie professionnelle, qu'il a pu contracter à n'importe quel
moment de sa vie, devrait être compensé.
Par contre, j'éprouve une certaine préoccupation au sujet
d'un homme ou d'une femme âgé de 45 ou 50 ans, en chômage,
qui, à ce moment-là, ne démontre aucune maladie
professionnelle comme telle. Puisque les coûts de maladies
professionnelles seraient imputés à plusieurs employeurs,
particulièrement à celui qui va l'engager, il pourrait
s'installer un régime où l'employeur, avant d'engager une
personne de 45 ou 50 ans, devrait faire toutes sortes d'investigations sur cet
individu, à savoir où il a travaillé. L'examen
médical, comme je l'ai dit l'autre jour, ne serait pas un simple examen
médical, mais plutôt un séjour à l'hôpital
pendant peut-être une semaine pour s'assurer que la personne ne soit pas
atteinte d'une maladie professionnelle qui ne se manifeste pas par des signes
normaux. Quelle est votre observation sur tout cet aspect?
Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.
M. Johnston: À la blague, je pourrais vous dire que, si
jamais les employeurs commençaient des périodes d'emploi par des
périodes de congés payés avec soins hospitaliers, il y a
probablement bien des gens de 40 ou 45 ans qui s'en réjouiraient. Je
pense que votre question n'allait pas dans ce sens.
Vous soulevez une question de partage des coûts entre les
employeurs qui ont pu, à divers degrés, à cause des
conditions dans lesquelles cette personne a dû travailler, contribuer
à la naissance - même si cela n'était pas encore apparent
au moment où la personne a été engagée par son
dernier employeur - d'une lésion professionnelle quelconque. Je pense
qu'il s'agit de modalités
de partage des coûts entre les employeurs qui peuvent fort bien
être définies sans notre contribution.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Une dernière question. Je vous ai
peut-être mal compris, M. Johnston, mais avez-vous dit que les mesures
sociales qu'on retrouve dans le projet de loi devraient être
imputées uniquement aux employeurs?
Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.
M. Johnston: Je vais être clair. Notre lecture du projet de
loi n'est pas que cela comporte des mesures qui devraient aller de soi pour les
accidentés du travail et les personnes atteintes de maladies
professionnelles et d'autres mesures qui seraient comme des mesures sociales
supplémentaires. Notre analyse du projet de loi est que cela ne va,
justement, pas assez loin dans la prise en charge par l'employeur de l'ensemble
des conséquences de l'accident ou de la maladie professionnelle
contractée par un travailleur alors qu'il est à l'ouvrage. Notre
perception de la situation est que, puisque l'employeur contrôle le
travail qu'il fait faire, qu'il contrôle le processus de production et
l'ensemble des produits introduits dans le processus de production, que c'est
lui qui bénéficie de l'ensemble de cette affaire, il n'est que
normal qu'il en assume les conséquences.
S'il y a un moyen de réduire le coût global - et c'est ce
que je disais tantôt en réponse au ministre - assumé par
les employeurs, ce n'est pas en faisant des distinctions entre ce qui doit
être de l'ordre de l'indemnisation et ce qu'il advient des régimes
sociaux; c'est en forçant les employeurs, par des mesures
appropriées, à mettre plus d'emphase sur la prévention,
sur l'analyse des processus de production, sur des enquêtes relatives aux
produits nouveaux introduits dans le processus de production et à
l'organisation générale du travail dans leurs
établissements. Si on mettait l'emphase là-dessus, on pourrait
facilement réduire, de façon considérable, les coûts
engendrés par les accidents et les maladies professionnelles. (12 h
30)
Mais ce n'est pas cela, la priorité pour les employeurs. La
priorité pour les employeurs, de façon générale,
c'est la productivité, le rendement parce qu'il y a un taux de profit au
bout et il y a de la concurrence sur le marché. Mais est-ce que l'on
peut, dans une société moderne, qui se prétend
démocratique, faire en sorte que des travailleurs, qui sont pris dans un
processus de production qu'ils ne contrôlent pas, soient traités,
à toutes fins utiles, d'une façon encore inférieure
à l'équipement mécanique que l'employeur utilise? Est-ce
que l'on peut faire cela dans une société
démocratique?
Le Président (M. Rancourt): Est-ce que vous avez
terminé?
M. Cusano: Merci.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Fréchette: Oui, M. le Président. Si vous le
permettez, je partagerai ce droit de parole avec le député de
Beauharnois. Je veux simplement et très brièvement relever
l'intervention de mon collègue de Viau, intervention qui m'a
étonné, je ne vous le cache pas, pour le simple motif suivant:
c'est que je ne sache pas qu'il y ait quelque chose d'extraordinaire dans le
fait que, au fur et à mesure des auditions, l'on commence
déjà à voir des avenues qu'il nous faudra emprunter et qui
nous sont indiquées par les représentations qui nous sont faites
par les invités qui viennent nous faire part de leurs
préoccupations. À moins que je ne me trompe, M. le
Président, la commission parlementaire est faite très
précisément pour cela. Son seul objectif - autrement, on ne
l'aurait pas tenue - c'est de savoir à quelle enseigne logent les
groupes et organismes qui sont directement visés par l'application de
cette loi, qui vont devoir vivre quotidiennement avec l'application autant des
technicités et des modalités que des principes qu'on y
retrouve.
S'il fallait retenir la proposition qui est faite par le
député de Viau, c'est là qu'on procéderait à
insulter autant les gens que nous avons entendus jusqu'à maintenant que
la trentaine d'autres qui sont prévus pour être entendus, qui
auront très certainement aussi des suggestions ou des recommandations
fermes à nous faire. Alors, il me semble que, encore une fois, le
processus de la commission est là pour cela et que ce serait tout
à fait mal indiqué à ce stade-ci de souscrire à la
suggestion que fait le député de Viau. Je n'ai pas du tout
l'intention de procéder à arrêter les travaux de la
commission et d'informer les groupes, qui doivent être entendus
aujourd'hui, demain et au début du mois de mars, qu'il ne leur est pas
nécessaire d'être là. Mais nous allons faire l'exercice
comme il a été prévu, jusqu'à la limite,
précisément pour retenir les choses sur lesquelles il faudra
procéder à revoir ce qui était contenu dans le projet de
loi.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Viau.
M. Cusano: J'aimerais seulement préciser au ministre que
je n'ai pas demandé
d'interrompre les travaux de la commission. La seule chose que j'ai
demandée au ministre, c'est, puisqu'il a dit à plusieurs reprises
qu'il y a des articles qui doivent être revus, bien qu'il nous dise de
quelle façon il faut qu'ils soient revus. C'est tout. Je n'ai pas
demandé qu'on mette fin aux travaux de la commission.
Le Président (M. Rancourt): D'accord, M. le
député de Viau. Mais je répète la remarque que j'ai
faite il y a quelques minutes quand vous êtes intervenu; l'intervention
du ministre aussi confirme que je dois répéter, comme
président de cette commission, que le mandat de cette commission est
tout simplement d'entendre les représentations des personnes
intéressées au projet de loi. Donc, en partant de là,
l'ordre de l'Assemblée nationale, évidemment, ne permet pas autre
chose. Donc, je donne la parole maintenant au député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Merci, M. le Président. D'abord, M. Johnston,
je ne voudrais pas apporter plus de précisions, car je pense que vous
allez saisir le message. Je n'insisterai pas à outrance
là-dessus. Je voudrais juste que vous puissiez faire le partage ou faire
des distinctions dans les différents commentaires qu'on retrouve
à la page 3, sans les identifier. Je ne veux pas ouvrir cette "canne" de
vers. Cela dit, je suis d'accord avec vous, par ailleurs, quand il est question
de votre approche quant au choix du médecin. La FTQ s'est
présentée ici, la semaine dernière, et a tenu des propos
à peu près semblables. Je me suis fait un plaisir de les endosser
et de reconnaître, quant à moi, en même temps que vous et
qu'eux, en parlant de la FTQ, que la personne qui est victime d'une maladie
industrielle, victime d'un accident du travail doit avoir le droit de choisir
son médecin. Le médecin qui a été choisi par la
victime devrait être reconnu pleinement et entièrement par la
CSST. Par ailleurs, ce n'est pas parce que c'est un professionnel qu'il ne peut
pas faire une erreur. Advenant le cas où on présumerait que le
médecin en question aurait fait une erreur, il s'agirait de discuter du
mécanisme ou des moyens à prendre pour vérifier l'erreur
du médecin en question. Que ce soit un ingénieur, un architecte,
un dentiste ou un médecin, la nature humaine étant ce qu'elle est
ou le professionnalisme étant ce qu'il est, à un moment
donné, il peut se glisser des erreurs. S'il n'y pas un mécanisme
prévu pour démontrer clairement que, dans le diagnostic du
médecin traitant, il y a une erreur flagrante, je pense qu'on se
trouvera encore devant des difficultés administratives. Prévoyons
donc un mécanisme pour certifier qu'un médecin a fait une erreur,
mais je pense qu'au départ il faut que le diagnostic du médecin
traitant soit reconnu jusqu'à preuve du contraire.
Là, où j'accroche... Je n'accroche pas, mais je n'ai pas
trouvé la méthode d'intervention. Le ministre vous a fait part,
à un moment donné, d'une espèce de composition de trois
médecins qui pourraient juger de la véracité ou de la
justesse du diagnostic du médecin traitant. Vous avez dit: II y a un
genre de tribunal d'appel qui existe; le médecin du patron pourrait,
à un moment donné, intervenir; on pourrait envoyer tout cela aux
Affaires sociales. Quant à ce tribunal, je n'ai pas de formule à
vous suggérer, mais ce sur quoi j'insiste, c'est que, d'abord et avant
tout, on reconnaisse le médecin traitant. Quant à la
deuxième partie, il y aurait peut-être un mécanisme qui
pourrait être mis de l'avant. Par ailleurs, c'est important qu'il y en
ait un.
Deuxièmement, je suis également d'accord avec vous quand
vous dites que, tel que libellé, le projet de loi donne trop de pouvoirs
à la CSST. Je réfère particulièrement à
l'article 132 et vous en faites état dans votre mémoire. Je suis
d'accord avec vous: quand on lit, à l'article 132, que "la commission
décide de la nécessité, de la nature, de la suffisance ou
de la durée de l'assistance médicale", je pense que c'est
excessif comme pouvoir. Je n'ai pas, non plus, de suggestion à faire
pour modifier l'article 132, mais je le trouve excessif dans les pouvoirs qu'il
donne à la commission. Je pense que l'article 132 devrait être
révisé.
Là où je me pose des questions, c'est au niveau d'un
principe que vous mettez de l'avant et je ne suis pas d'accord avec vous. Il y
a peut-être là toute une question de mécanismes
d'application de conventions collectives. C'est peut-être cela qui vous
fait pencher pour ce principe-là plutôt que pour l'autre. Il
s'agit du principe qu'on retrouve dans votre recommandation 46, aux pages 10 et
11 de vos recommandations, à la fin de votre mémoire. On trouve
aussi, à la page 63 de votre mémoire, quelque chose qui vient se
greffer à la recommandation 46. C'est quand, à un moment
donné, vous privilégiez l'ancienneté, le respect de la
convention collective, plutôt que la place qu'on pourrait faire à
l'individu qui a été victime d'un accident du travail et qui
revient à son travail. Il y a deux principes. Je serais pour qu'on
favorise davantage la réintégration dans son travail de la
personne qui a été victime d'un accident du travail. Cela
primerait, comme principe, sur les termes d'une convention collective. Si je
vous ai bien interprété à la page 63 et à la
recommandation 46, il me semble que, dans votre cas, vous privilégiez
l'inverse. J'aimerais que vous fassiez quelques commentaires sur ce
principe.
Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.
M. Johnston: Je veux d'abord dire au député qui
vient d'intervenir que je n'aurais pas d'objection à ouvrir un
débat sur la page 3 de notre mémoire.
M. Lavigne: II faudrait une autre commission parlementaire.
M. Johnston: Je pense qu'on aurait beaucoup de choses à se
dire. Qu'une commission parlementaire soit éventuellement
convoquée sur le principe de la révocation éventuelle de
la loi 111, on pourrait discuter longuement là-dessus, avec beaucoup
d'arguments, je pense.
Le Président (M. Rancourt): II faut revenir au sujet.
M. Johnston: On m'a ouvert cette porte, M. le
Président.
M. Lavigne: On l'a ouverte très peu.
M. Johnston: Quant aux mécanismes de vérification
de l'avis du médecin traitant, nous formulons très clairement
notre position à l'intérieur de notre mémoire. Vous la
retrouverez, d'ailleurs, à la recommandation 28. Je l'ai exposée
tantôt, en réponse à une question du ministre. Nous partons
du même principe que vous: l'avis du médecin traitant doit
être déterminant et il doit enclencher l'application des droits
pour la victime de lésions professionnelles. Cependant, s'il y a de
sérieux doutes de la part de l'employeur que la personne ait droit
à de tels bénéfices ou qu'elle ait droit à ce
niveau de bénéfices, on est prêt - c'est ce qu'on dit dans
notre texte - à ce qu'il y ait une forme de vérification qui soit
demandée par l'employeur et que l'employeur puisse contester, devant un
niveau d'appel approprié, la première décision de la CSST
qui aurait été rendue sur la base du certificat médical.
D'accord?
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Quand vous dites "un niveau d'appel
approprié", c'est là que ce n'est pas clair pour moi.
M. Johnston: Clairement pour nous, le premier niveau, c'est
l'équivalent du bureau de révision actuel, à la condition
qu'il soit sorti de l'emprise de la CSST. D'accord? Quant à l'article
132 que vous avez lu et qui semble vous surprendre autant que nous, on a beau
regarder cela sous toutes ses coutures, il n'y a pas d'autre façon que
de le faire disparaître. Le maintenir sous une forme ou sous une autre,
c'est venir à l'encontre du principe auquel vous venez de dire que vous
adhérez, c'est-à-dire le rôle déterminant du
médecin traitant choisi par la victime d'une lésion
professionnelle. Cela devrait être vrai non seulement pour
déterminer qu'il y a lésion professionnelle et qu'il a droit
à une indemnité, mais cela devrait également être
vrai pour tout ce qui concerne les programmes de réadaptation, le retour
au travail et j'oublie des éléments sur lesquels le
médecin traitant pourrait avoir un rôle important à jouer,
à notre point de vue, à l'intérieur d'un système
bien pensé.
Quant à la question que vous soulevez concernant notre
recommandation 46 relative à l'articulation du principe du droit de
retour au travail, notre position est la suivante: dans tous les cas où
ce n'est pas contre-indiqué pour la victime d'une lésion
professionnelle, même si cela devait amener une certaine forme
d'adaptation de son poste de travail, la priorité devrait s'exercer
à l'endroit de l'emploi qu'il occupait avant la lésion
professionnelle. Pas une seule règle ne pourrait venir changer un iota
de l'application de cette loi, à ce niveau.
Lorsque c'est impossible, parce que contre-indiqué, par exemple,
dans le cas de la victime d'une lésion professionnelle, est-ce qu'on
doit - c'est le sens de votre question -privilégier la victime d'une
lésion professionnelle et lui donner un statut, des droits qui soient en
quelque sorte supérieurs à n'importe quel autre salarié de
l'entreprise pour faciliter sa réintégration? (12 h 45)
La façon dont nous voyons la question peut se résumer
ainsi. Adopter ce raisonnement-là, à notre point de vue, cela
revient à faire porter par un autre individu de l'établissement
le fardeau de la réintégration de la victime et cela nous semble
une difficulté à surmonter dans une approche comme
celle-là. C'est pourquoi nous recommandons, dans le cas où ce
n'est pas possible de faire la réintégration dans le même
emploi, que la réintégration dans le même
établissement, si c'est possible, se fasse en tenant compte des droits
d'ancienneté des personnes, parce que c'est la seule façon
d'éviter qu'une autre personne ne soit automatiquement victime de la
réintégration de celui qui a une lésion professionnelle.
Comment l'articuler? Je le mentionnais tantôt, ce n'est pas facile de
trouver une règle qui puisse s'appliquer de façon uniforme dans
tous les milieux de travail compte tenu des dispositions différentes des
conventions collectives pour ce qui concerne les règles d'attribution
des postes qui sont disponibles dans l'établissement. Mais si on fait
jouer ce principe que le travailleur atteint d'une lésion
professionnelle puisse faire jouer son ancienneté au même titre
que s'il avait
continué de travailler dans l'entreprise pour accéder
à un emploi disponible, à ce moment-là, on finit de le
pénaliser et on évite de pénaliser un autre travailleur
parce qu'on réintègre le travailleur accidenté.
Nous sommes convaincus que, dans la recherche de protection
complémentaire dans les négociations entre les syndicats et les
employeurs, les syndicats vont probablement chercher par voie de
négociation des mécanismes un peu plus serrés et - on le
mentionne dans notre texte, d'ailleurs - fort probablement que, même dans
les cas où il y a des mécanismes très serrés
d'attribution des postes qui permettraient difficilement la
réintégration d'une personne victime d'une lésion
professionnelle, on pense que les syndicats seraient bien heureux de pouvoir
conclure des ententes qui permettraient à un travailleur
accidenté de réintégrer son poste ou de
réintégrer un poste disponible qui aurait pu être
accessible à un autre travailleur à l'intérieur de
l'entreprise. Ce qu'on veut éviter, c'est que, par voie de
législation, on ne vienne en quelque sorte briser des règles
conventionnelles.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
Je m'excuse, M. le député de Beauharnois, mais, dans le
partage du temps, je protège les quinze minutes de l'Opposition.
M. Lavigne: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président. M. Johnston, je voudrais
simplement, s'il y a assez de temps, parler de trois sujets: d'abord, le
vécu d'un membre de la CEQ dans ce domaine; ensuite, les coûts et
je voudrais revenir, si le temps le permet, sur le droit de retour au
travail.
J'ai lu votre mémoire et je comprends toujours que, dans les
autres mémoires qu'on a entendus jusqu'à présent, il a
été question de chiffres, du vécu, d'exemples. Dans votre
mémoire, j'ai plutôt l'impression que vous vous en tenez à
beaucoup de généralités sur un plan idéologique que
je ne nie pas. Je voudrais poser une question sur le vécu des
enseignants concernant les accidents du travail et la CSST. Ce n'est pas un
domaine qui est très grave, disons, dans la vie de tous les jours quand
on le compare, par exemple, à la FTQ ou la CSN. Ai-je bien compris quand
je dis que votre mémoire est plutôt fait sur le plan d'une
idéologie pour promouvoir les intérêts des
travailleurs?
Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.
M. Johnston: Je pensais qu'il y avait plusieurs questions. Je
m'apprêtais à les prendre en note. Je peux répondre
à la première. On peut dire, comme le député vient
de le mentionner, qu'on peut être moins visés dans notre secteur
jusqu'à un certain point par le problème des accidents et des
maladies professionnelles, sauf qu'être moins visés, cela ne veut
pas dire ne pas l'être et ne pas avoir d'intérêt.
Précisons, d'abord, que la Centrale de l'enseignement du Québec
ne regroupe pas que des enseignants. Elle regroupe, en majorité, des
enseignants, mais aussi d'autres catégories de personnel qui travaillent
dans des établissements scolaires et dans d'autres établissements
du secteur public; la majorité est dans le réseau scolaire, mais
il s'agit de toutes sortes de catégories de personnel.
Soulignons également que, quant à nous, dans le secteur de
l'enseignement, les problèmes les plus courants que l'on voit vont
concerner certaines catégories d'enseignants qui ont un taux de risque
un peu plus élevé que d'autres, notamment ceux qui enseignent
dans certaines disciplines à risque du secteur professionnel, ceux qui
enseignent l'éducation physique qui sont susceptibles et qui ont, assez
souvent, des accidents de travail. Il y a aussi le personnel de soutien que
nous représentons dans plusieurs secteurs et qui exerce des
métiers assez divers qu'on retrouve dans plusieurs secteurs.
Je veux également souligner qu'on vit, par ailleurs, des
problèmes importants en regard de la définition même de la
maladie professionnelle. À titre d'exemple, je veux souligner que les
problèmes liés au stress, les problèmes de "burn out" - je
ne sais pas la traduction française - dans le secteur de l'enseignement,
ce ne sont pas des abstractions; ce sont des réalités.
Actuellement il n'y a rien, à l'intérieur du projet de loi 42, il
n'y a rien dans la législation qui permette de faire reconnaître
quoi que ce soit de ce côté.
Par ailleurs, on vit aussi, si vous me le permettez, comme par incidence
des problèmes graves dans certaines régions et dans une
région en particulier, la région sud de Montréal. Dans une
couple d'établissements scolaires de niveau secondaire qui
reçoivent des clientèles qui proviennent de certains centres
d'accueil, on vit, actuellement, des problèmes d'hépatite virale
de type B même chez le personnel enseignant.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Merci. Quand on lit votre mémoire, à la
fin vous avez une liste de 70 recommandations. Pour prendre quelques
recommandations, je cite la deuxième: Vous demandez d'élargir la
définition du mot
"travailleur" pour y inclure le mot "domestique", l'étudiant
bénéficiaire dans un établissement de santé.
À la recommandation no 5, vous parlez de l'extension de la
définition du mot "maladie professionnelle". À la recommandation
no 11, vous dites qu'il faut payer 100% et non 90% du montant net. À la
recommandation no 37, vous parlez de retirer le droit à la CSST d'exiger
un examen de santé et cela peut également avoir une
conséquence financière. Nous n'avons pas le temps d'analyser
chacune des 70 recommandations, mais je suis convaincu que, si le gouvernement
les acceptait in toto, il y aurait un facteur assez substantiel de
coûts.
Vous parlez du facteur coûts dans votre recommandation no 60
où vous dites: II faut que ce soit "assumé à 100% par les
cotisations des employeurs". Sans doute, vous connaissez le domaine des
chiffres parce que la CEQ a déjà eu des débats avec le
gouvernement sur les chiffres, vous êtes pas mal
spécialisés dans les études actuarielles aussi quand cela
touchait directement votre domaine concernant les salaires etc., dans le
passé. Avez-vous préparé des études actuarielles ou
des études des coûts qui peuvent résulter de ces 70
recommandations?
Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.
M. Johnston: Malheureusement, malgré toutes les
qualités que vous nous reconnaissez, on n'est pas équipés
parce qu'on n'a pas les données disponibles pour être capables de
faire des simulations. On n'a pas toutes les données qui sont
enregistrées au niveau de la CSST et qui nous seraient
nécessaires pour être capables de faire une évaluation un
peu sommaire de ces coûts. Mais, il y a un certain nombre
d'éléments là-dedans qui, à notre point de vue,
n'entraînent pas nécessairement des coûts
supplémentaires. Tantôt, vous mentionniez la couverture des
étudiants et des étudiantes; qu'une commission scolaire soit
tenue de verser une cotisation à la CSST pour couvrir
éventuellement des accidents ou des maladies qui pourraient
résulter des activités des étudiants dans les
écoles, moi, je ne crois pas que cela entraîne des coûts
supplémentaires pour les commissions scolaires concernées
puisque, de toute façon, aujourd'hui, elles sont obligées de
s'assurer au cas où il y aurait une responsabilité qui serait
déclarée par un tribunal. Ce serait donc un transfert de fonds,
de cotisations qui sont plus ou moins imputées à des
régimes d'assurance vers des cotisations à un régime
d'indemnisation pour les victimes d'accidents du travail et de maladies
professionnelles.
On pourrait faire l'identification d'un certain nombre de cas comme cela
où les coûts sont presque nuls. Il est clair qu'il y a des
coûts supplémentaires quand on demande, par exemple, que
l'indemnité de remplacement du revenu soit à 100% du revenu net
plutôt qu'à 90% et sans maximum. C'est clair qu'il y a des
coûts supplémentaires là-dedans. C'est clair qu'il y a des
coûts supplémentaires dans certaines autres recommandations qui
concernent l'amélioration du régime actuel, notamment sur la
question des indemnités pour dommages corporels, de l'indemnité
qui serait versée au conjoint survivant, etc. Il y a des coûts
là-dedans. On n'est pas capables de les quantifier, cependant, parce
qu'on n'a pas les données qui nous permettent de faire des
simulations.
On ne pense pas que ce soient des coûts astronomiques en soi si,
par ailleurs -c'est à cela, je pense, qu'il faut revenir - on ne se
contente pas de réparer les dommages après le coup, mais si on
essaie de mettre en place vraiment les mécanismes qui vont
réduire les causes des lésions professionnelles. Je mettais en
relation tantôt la réparation par rapport à la
prévention et mettez en relation également l'espèce de
transfert de coûts indirects qu'entraîne nécessairement le
fait de ne pas avoir une protection adéquate pour les accidentés
du travail ou les personnes atteintes de maladies professionnelles, transfert
de coûts qui devient un coût social parce qu'il y a des coûts
qui, s'ils ne sont pas assumés par un régime comme
celui-là, vont être assumés par des régimes
généraux qui ne sont pas particuliers aux accidents du travail et
aux maladies professionnelles. C'est l'ensemble de la société
qui, à partir d'une imputation d'une certaine somme provenant du fonds
d'administration général de la province, viendrait, en quelque
sorte, couvrir les frais résultant des accidents de travail et des
maladies professionnelles. On ne pense pas qu'il y ait avantage, pour
compléter ma réponse, à ce qu'une indemnisation
inadéquate amène une augmentation du nombre de personnes qui vont
toucher des prestations d'assistance sociale.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Maintenant, c'est malheureux que, comme toujours, il
n'y ait pas assez de temps, mais le ministre a produit, la semaine
dernière, une étude d'actuaires, justement, sur les
conséquences financières du projet de loi 42. Tel
qu'amendé, la dernière fois, en novembre 1983, il nous annonce la
bonne nouvelle qu'on va épargner 18 100 000 $ si cela est
appliqué. Si, par hasard, on prend l'avant-projet de loi en mars 1983,
cela va nous coûter 31 000 000 $ de plus. Je ne sais pas si vous en avez
reçu une copie,
mais c'est très intéressant - vous pouvez vous procurer
une copie, sans doute, elles sont disponibles - d'étudier cela parce que
les 31 000 000 $ de plus en mars 1983, cela n'inclut pas 10%, 15% de vos
demandes. Je suis personnellement convaincu que vos 70 demandes, telles que
formulées, coûteraient des millions et des millions de dollars de
plus. Évidemment, on n'a pas le temps d'en discuter. Je voudrais savoir
s'il y a un point où vous dites: Si cela coûte tant de plus, on
est prêts peut-être à modifier notre demande parce qu'on
commence à approcher un niveau où nos produits
québécois ne seront plus concurrentiels. M. Laberge a
accepté cet énoncé. Quelle est votre opinion
là-dessus?
Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.
M. Johnston: Je voudrais d'abord vous signaler que, selon les
informations que nous avons recueillies, le projet de loi 42 constitue un recul
susceptible d'entraîner des économies de plus de 100 000 000 $ par
rapport aux dispositions actuelles. Il y a un certain nombre de dispositions
que nous n'avons pas été en mesure d'évaluer en termes de
réduction de coûts. Le projet de loi 42, à notre point de
vue, constitue un recul très important pour les travailleurs qui
seraient victimes de lésions professionnelles.
Je voudrais ajouter que, dans l'organisation générale
d'une société, il existe des coûts liés quelque peu
à la façon dont se fait cette organisation. Si, par hasard, vous
réussissiez à convaincre les employeurs qu'ils auraient avantage
à investir beaucoup dans l'organisation du travail et dans tout ce qui
entre dans le processus de production, vous arriveriez peut-être à
la conclusion que vous pourriez facilement appliquer l'ensemble des
recommandations que nous formulons sans que cela coûte plus cher pour les
employeurs. Peut-être même que cela leur coûterait diablement
moins cher.
Il y a un niveau de préoccupation qu'il faut être capable
de faire entrer dans la réalité sociale. Je pense que vous, de
l'Opposition officielle particulièrement, avez peut-être ce
rôle complémentaire à jouer, celui de faire comprendre aux
employeurs qu'on ne peut pas faire en sorte que les travailleurs ou
travailleuses victimes de lésions professionnelles soient, à
toutes fins utiles, tirés à la poubelle comme un boulon qui vient
de se casser et qui peut facilement être remplacé. Des coûts
sont reliés à cela et, s'ils ne sont pas assumés par les
employeurs, responsables du travail qu'ils accomplissent, ils seront
assumés par l'ensemble de la société. Nous ne croyons pas
qu'il incombe à l'ensemble de la société de payer pour une
organisation du travail et un processus de production qui n'ont pas
suffisamment été remis en question et qui n'ont pas amené
les mesures de prévention appropriées.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Puisqu'il est 13
heures, je m'en tiendrai à une petite question. M. Johnston, dans
l'hypothèse que le projet de loi ne serait pas amendé,
préférez-vous le statu quo ou le projet de loi actuel?
Le Président (M. Rancourt): M. Johnston.
M. Johnston: Je vais essayer de répondre à votre
question de façon claire. Si le projet de loi devait demeurer avec son
contenu actuel, nous l'avons dit dans les premières pages de notre
mémoire, nous serions obligés de le combattre parce qu'il
constitue un recul important pour l'ensemble des travailleurs du Québec
et, particulièrement, pour ceux et celles susceptibles d'être
victimes de lésions professionnelles.
M. Cusano: C'est cela. Pour ne pas abuser de mon droit de parole,
M. Johnston, je vous remercie, ainsi que les membres de la CEQ qui vous
accompagnent pour le mémoire assez bien présenté.
Même s'il nous est arrivé en retard - il nous est arrivé ce
matin - nous, de l'Opposition, prendrons certainement le temps de le fouiller.
Si nous avons des questions, nous ne nous gênerons pas pour appeler. Au
nom de ma formation politique, je vous remercie.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président, je veux ajouter mes
remerciements à ceux que vient de transmettre le député de
Viau, autant à la Centrale de l'enseignement du Québec qu'au
Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec. J'ai compris que
c'était un mémoire conjoint et que les représentations
qu'on y retrouve sont soumises par les deux organismes.
Je réitère mes remarques du début. Il y a dans
votre mémoire à boire et à manger, si vous me passez
l'expression. Il contient beaucoup de choses. Il me semble qu'il y a
également certains aspects de vos préoccupations sur lesquels
nous avons fait un certain bout de chemin ce matin; il y a d'autres choses
à revoir. Je vous signale qu'à un moment donné, au cours
de nos travaux, il y aura, effectivement, des choses qui seront
annoncées. Parmi ces choses-là, il y en a très
certainement qui vont retenir les représentations que vous nous avez
faites. Alors, je vous remercie.
Le Président (M. Rancourt): Donc, nous remercions la
Centrale de l'enseignement du Québec de sa présence. Nous allons
suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures où nous recevrons le
Syndicat des fonctionnaires provinciaux.
(Suspension de la séance à 13 h 6)
(Reprise de la séance à 15 h 16)
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre! Nous allons
reprendre les auditions de la commission élue permanente du travail, qui
a pour mandat d'entendre, justement, les représentations des personnes
et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles.
Nous avons comme invité le Syndicat des fonctionnaires
provinciaux. Nous allons prier ce groupe de bien vouloir se présenter,
s'il vous plaît. M. le président, si vous voulez bien identifier
ceux qui sont avec vous, à la table.
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec
M. Harguindeguy (Jean-Louis): Alors, ceux qui m'accompagnent, cet
après-midi, sont les responsables du dossier. À mon extrême
droite, Roland Saint-Jean, vice-président, qui est adjoint aux avantages
sociaux; à ma droite, Jean-Guy Fréchette, le responsable; et
à ma gauche, Jean-Charles Morin, adjoint; moi-même, Jean-Louis
Harguindeguy, président général.
Le Président (M. Rancourt); Très bien, merci.
M. Harguindeguy: Honorables membres de l'Assemblée
nationale, même si nous doutons fort que des modifications soient
apportées au projet de loi dans le sens des recommandations que nous
formulons par le présent mémoire et ce, compte tenu du peu
d'attention apporté aux recommandations que nous avons
déjà formulées sur d'autres projets de loi qui, pour nos
membres, étaient tout aussi importants sinon plus que le présent
projet de loi, nous nous croyons moralement dans l'obligation de formuler
malgré tout des commentaires afin de corriger des anomalies que comporte
le projet de loi.
Même si ce projet de loi a pour objet d'instaurer un nouveau
régime de réparation des lésions professionnelles, en
remplacement des régimes prévus par la Loi sur les accidents du
travail et la Loi sur l'indemnisation des victimes d'amiantose ou de silicose
dans les mines et les carrières, il n'en demeure pas moins que ce projet
de loi s'inscrit dans la foulée d'autres projets de loi
rétrogrades, tels les projets de loi 70, 105 et 111 de 1982 et 51 de
1983 qui, plutôt que d'améliorer globalement les conditions de vie
des travailleurs et travailleuses du Québec, notamment ceux des secteurs
public et parapublic, ont plutôt eu pour effet de récupérer
certains des avantages que ceux-ci possédaient.
Nous sommes fort conscients que le projet de loi propose des
améliorations dans certains domaines mais nous considérons que le
prix à payer pour les travailleurs et travailleuses du Québec est
quelque peu élevé, compte tenu des pertes qu'ils subiront
éventuellement advenant le cas où le projet de loi serait
adopté dans sa forme actuelle.
La loi actuelle et le projet de loi visent tous les deux l'indemnisation
des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Les deux
textes, selon nous, ne comportaient pas de différences majeures quant
aux catégories de personnes protégées en cas de
lésion professionnelle, ni dans la définition de lésion
professionnelle.
Les différences majeures se situent dans les articles relatifs
à l'indemnisation et la réinsertion sociale et professionnelle
des travailleurs. Nous nous contenterons donc de vous formuler des commentaires
quant aux différences que nous avons pu constater dans certaines
sections du projet de loi.
En ce qui concerne l'invalidité d'un travailleur causée
par une lésion professionnelle, son remplacement du revenu, la loi
actuelle prévoit le versement de rentes dans le cas d'incapacité
totale, temporaire ou permanente, alors qu'une rente égale à 90%
du salaire net est versée, ou d'incapacité partielle, temporaire
ou permanente; et dans ces cas, une rente égale à 90% du salaire
net, multiplié par le pourcentage d'incapacité, est alors
versée. La rente pour une incapacité permanente est versée
durant toute la vie du travailleur tandis que celle pour incapacité
temporaire est versée tant que dure son incapacité. Les rentes
pour incapacité permanente sont indexées selon l'inflation au 1er
janvier de chaque année.
Le projet de loi prévoit, quant à lui, le versement de
rentes dans le cas d'invalidité; le droit de recevoir la rente est
cependant conditionné aux critères suivants:
Premièrement, pendant les trois premières années,
si le travailleur est incapable d'occuper son emploi; deuxièmement,
à compter de la quatrième année, si le travailleur est
incapable d'exercer toute occupation. Même si le montant de la pleine
rente est égal à 90% du salaire net du travailleur, il est
à noter que le projet de loi fait en sorte qu'à compter de la
quatrième année cette rente est réduite et est
versée au travailleur qui est
incapable d'exercer toute occupation, mais qui est capable d'exercer une
occupation qui lui procure un salaire net inférieur à celui qu'il
tirait de son occupation précédente. Le montant de cette rente
est alors égal au montant de la pleine rente, moins le revenu net de
l'occupation qu'il exerce ou qu'il peut exercer.
Contrairement aux rentes versées par la loi actuelle, les rentes
prévues par le projet de loi ne sont pas payables pour toute la vie du
travailleur. Elles cessent au 68e anniversaire, par ailleurs, et elles sont
diminuées de 25% par année à compter de la date à
laquelle une rente de retraite est payable au travailleur en vertu du
Régime de rentes du Québec, si cette date précède
la date du 65e anniversaire de naissance, ou à compter du 65e
anniversaire de naissance.
Dans le cas d'une victime âgée de 65 ans ou plus lors de la
survenance de la lésion, une rente est alors payable pendant quatre
ans.
Quant à l'indexation, le projet de loi prévoit une
indexation annuelle selon l'inflation à la date anniversaire de la
lésion et, contrairement à la loi actuelle, cette indexation est
effectuée sur le revenu brut à partir duquel le revenu net et la
rente ont été établis.
Comme nous venons de le constater, les rentes qui seraient
versées par le projet de loi sont fonction de la perte de revenu subie
par la victime, et diminuent graduellement à compter de 65 ans ou 60
ans, selon le cas, pour se terminer à 68 ans ou 63 ans, alors que les
rentes versées par la loi actuelle étaient payables la vie durant
du travailleur.
Compte tenu du montant de la rente de retraite payable par la
Régie des rentes du Québec, le revenu d'un travailleur
après l'âge de retraite peut ne pas être suffisant, et pour
respecter le principe de remplacement du revenu qui était à la
base de la loi actuelle, nous estimons que le projet de loi devrait tenir
compte de la perte de revenu après l'âge de retraite.
Par exemple, une façon de tenir compte de cette perte de revenu
aurait été de tenir compte du régime de retraite dont
pourrait bénéficier la victime, et de continuer à assurer
la participation de la victime invalide à ce régime
jusqu'à sa retraite, sans versement de cotisations.
Compte tenu de ce que verse actuellement la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, il serait
préférable, surtout pour ceux qui ne bénéficient
pas d'un régime de retraite avec leur employeur, que le projet de loi
prévoie une rente qui continuerait à être versée
après l'âge de la retraite.
Nous sommes conscients qu'il faut cependant tenir compte du fait
qu'avant la lésion professionnelle cette catégorie de
travailleurs devait accumuler son propre régime de retraite à
partir de ses économies personnelles, et pour ces travailleurs, la perte
de revenu après la retraite, à la suite de la lésion
professionnelle, devrait donc être compensée à même
l'indemnité de remplacement du revenu.
Même si le projet de loi, comme la loi actuelle, prévoit le
versement de rentes aux victimes invalides à la suite d'une
lésion professionnelle, nous devons constater, en vertu du projet de
loi, que les rentes versées ne sont plus fonction d'un pourcentage
d'atteinte à l'intégrité physique, mais sont
reliées à l'incapacité d'occuper un emploi.
Nous croyons donc que des modifications devraient être
apportées à l'article 48 du projet de loi afin que la
période pendant laquelle un travailleur est reconnu invalide s'il est
incapable d'occuper son emploi soit portée à cinq ans, tout comme
cette disposition existe en vertu de la Loi sur l'assurance automobile du
Québec.
En plus du paiement de la rente, le projet de loi ajoute le versement
d'un forfaitaire qui est fonction du pourcentage d'atteinte à
l'intégrité physique. Ce forfaitaire ne tient pas compte de la
perte de revenu, mais est relié à l'âge de la victime et au
pourcentage d'atteinte à son intégrité physique. Il a pour
objectif de compenser pour le dommage physique, le préjudice
esthétique, les douleurs et la perte de jouissance de la vie.
Le barème de compensation serait déterminé par
réglementation et la victime perdra alors le droit de recours qu'elle
pourrait autrement avoir.
Nous ne sommes pas certains que ce barème indemnisera
convenablement le travailleur victime d'une telle lésion.
Le projet de loi fait également en sorte que la rente de la
Régie des rentes du Québec ne sera plus versée lorsqu'une
rente sera payée par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail.
Toutefois, selon le projet de loi, le travailleur totalement invalide
pendant plus de 24 mois n'aura plus à verser les cotisations à la
Régie des rentes du Québec.
Pour la période d'invalidité, après les premiers 24
mois, le travailleur bénéficiera donc de la rente de retraite de
la Régie des rentes du Québec à partir de l'âge de
la retraite, sans avoir à verser les cotisations autrement requises.
Nous estimons qu'il est toutefois malheureux que cette disposition ne
s'applique pas rétroactivement au début de
l'invalidité.
Les modifications appropriées devraient donc être
apportées à cet article pour corriger cette anomalie.
Incitation au travail. La loi actuelle ne prévoit aucune formule
d'incitation au travail. Le projet de loi, quant à lui, prévoit
une formule d'incitation au travail qui
s'applique à un travailleur incapable d'occuper totalement son
emploi, mais qui en occupe un autre moins rémunérateur, ou qui
occupe partiellement son emploi.
Selon le projet de loi, cette incitation au travail cesse à la
plus rapprochée des dates suivantes: premièrement, à la
fin de la troisième année suivant la lésion;
deuxièmement, deux ans après le début de cette formule
d'incitation.
La formule d'incitation au travail est appliquée de façon
que la rente soit réduite des montants suivants: 50% des premiers 2000 $
du revenu net annuel tiré de l'emploi occupé; 60% des prochains
2000 $ du revenu net annuel tiré de l'emploi occupé; 85% des
prochains 2000 $ du revenu net annuel tiré de l'emploi occupé;
100% de l'excédent.
Les premiers 1000 $ de revenu brut tiré de cet emploi ne sont pas
considérés aux fins de la réduction.
Nous croyons cependant que la formule d'incitation au travail devrait
avoir comme double objectif d'encourager le travailleur à occuper un
emploi et de réduire les coûts du régime.
Afin d'encourager vraiment le travailleur à occuper un emploi,
cette formule devrait, quant à nous, s'appliquer durant toute la
période pendant laquelle il est reconnu invalide, s'il est incapable
d'occuper son emploi.
De plus, nous croyons que cette formule devrait pénaliser
beaucoup moins le travailleur qui retire de très faibles revenus de son
nouvel emploi. Dans ce sens, la formule pourrait accorder une
exonération de coordination de revenu sur les premiers 2000 $ de revenu
brut, et réduire la rente de façon progressive par tranche de
2000 $ de revenu net, en appliquant les pourcentages suivants: 25%, 50%, 75% et
100%, au lieu de 50%, 60%, 85% et 100% respectivement.
Nous croyons, d'autre part, qu'une autre formule d'incitation au travail
devrait être appliquée lorsque le travailleur occupe un nouvel
emploi moins rémunérateur.
Une telle formule pourrait, par exemple, prévoir que la
Commission de la santé et de la sécurité du travail verse
une rente égale à 100% du revenu net de l'emploi occupé
lors de la lésion, moins le revenu net tiré du nouvel emploi.
Nous devons constater que, dans le projet de loi actuel, cette
coordination s'effectue avec comme base 90% du revenu net.
D'autre part, le projet de loi ne tient absolument pas compte de la
possibilité réelle pour le travailleur accidenté de se
trouver un emploi, compte tenu du taux de chômage passablement important
qui prévaut dans plusieurs régions du Québec.
Nous croyons donc, tout comme cela est applicable pour le paiement des
prestations d'assurance-chômage, que l'on devrait tenir compte du
pourcentage de chômage prévalant dans les régions
administratives du Québec, pour éventuellement déterminer
une période beaucoup plus longue au cours de laquelle le travailleur
pourrait continuer à recevoir une pleine compensation de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail.
Quant aux premiers jours d'invalité, la loi actuelle
prévoit que les cinq premiers jours d'invalidité sont
payés directement par l'employeur et que la Commission de la
santé et de la sécurité du travail du Québec
rembourse l'employeur par la suite si la réclamation est
approuvée.
Le projet de loi prévoit, quant à lui, que les quatorze
premiers jours d'invalidié seraient payés directement par
l'employeur, la CSST remboursant l'employeur par la suite.
Nous comprenons mal les justifications qui amènent une telle
modification et l'augmentation d'un tel délai, à moins que la
Commission de la santé et de la sécurité du travail ne
veuille ainsi solutionner certains problèmes d'incurie administrative,
compte tenu de la réduction des effectifs qui prévaut dans la
fonction publique et de l'augmentation du "case load", augmentation de l'ordre
de 20% à 25% pour les agents d'indemnisation. Mise à part cette
éventualité, rien ne justifie une telle prolongation de
délai.
Nous devons porter à l'attention des honorables membres de
l'Assemblée nationale qu'au cours de la dernière année
plusieurs emplois d'agents de bureau et d'auxiliaires de bureau ont
été éliminés, leur travail étant
redistribué par la suite aux agents d'indemnisation qui, normalement,
doivent se prononcer sur les diverses demandes de prestations des travailleurs
accidentés.
La redistribution de ces travaux de bureau occasionne donc ainsi une
surcharge de travail pour ces mêmes agents qui sont, à l'heure
actuelle, dans l'obligation de dactylographier personnellement leurs lettres et
également procéder au classement des divers dossiers, travaux
qu'ils n'avaient pas à effectuer antérieurement.
De plus, les agents de renseignements de la CSST ayant reçu
l'ordre de ne pas donner tous les renseignements apparaissant dans le dossier
du travailleur, mais de référer l'individu directement à
l'agent d'indemnisation, cette situation fait en sorte que le travail de
celui-ci est d'autant augmenté.
De plus, l'ensemble des difficultés que subissent les
employés, notamment par l'utilisation du système informatique qui
fait défaut plus souvent qu'autrement, font en sorte que la
qualité des services offerts à la population est beaucoup moindre
que celle qui était prévue originalement. On pourrait ajouter,
selon nos informations, que les
bureaux locaux ne peuvent assurer à près de 80% des
accidentés que leur demande serait étudiée dans un
délai minimal d'un mois.
L'utilisation d'employés occasionnels et de contractuels
provenant de firmes ou de personnes privées n'est sûrement pas
pour solutionner les problèmes rencontrés.
Quant au paiement forfaitaire, la loi actuelle n'en prévoit pas
pour dommages corporels, alors que le projet de loi prévoit une
indemnité forfaitaire pour une victime qui subit une atteinte permanente
à son intégrité physique ou psychique.
Le montant qui serait alors versé est relié à
l'âge de la victime et au barème des dommages corporels
adopté par règlement et établi selon le pourcentage des
dommages estimés.
Comme nous pouvons le constater, le projet de loi abandonne donc ainsi
le principe de remplacement du revenu. Nous estimons qu'une telle modification
constitue un changement d'importance sur lequel nous sommes formellement
opposés.
Le nouveau principe adopté, qui consiste à verser un
montant forfaitaire, n'indemnise pas, à notre avis, de façon
adéquate les survivants d'un travailleur décédé,
même si, dans certains cas, un travailleur reçoit plus en vertu du
projet de loi qu'en vertu de la loi actuelle.
Afin d'illustrer les modifications apportées par le projet de loi
dans le montant des indemnités et leurs conséquences, nous vous
présentons trois exemples. On vous fera grâce de la lecture.
Nous tournons à la page 13 où, comme conclusion, vous
constaterez, à la lecture de ces exemples, que le projet de loi accorde
généralement aux travailleurs qui ont des personnes à
charge des indemnités qui ont une valeur moins grande que les
indemnités payées par la loi actuelle. C'est également la
même situation qui prévaudra dans le cas des personnes assujetties
à d'autres régimes, tel l'IVAC, dont les compensations seront
établies sur les mêmes bases que les accidentés du travail.
(15 h 30)
Nous pouvons toutefois nous demander si la loi actuelle n'accordait pas
des indemnités trop élevées lorsque l'on tient compte des
rentes versées en vertu de la Loi sur les rentes du Québec
contrairement à ce qu'effectue la Régie de l'assurance automobile
du Québec qui verse une rente intégrée avec celle de la
Régie des rentes.
Cependant, lorsque l'on tient compte des rentes payables par la
Régie des rentes au conjoint survivant avant 65 ans et qui sont de
l'ordre de 29 $ par orphelin, 360,25 $ pour les conjoints de moins de 55 ans,
et 420,31 $ pour les conjoints de 55 à 64 ans, nous considérons
que la CSST peut accorder, comme actuellement, des rentes qui seraient
établies en pourcentage de l'indemnité de remplacement du revenu
en cas d'invalidité totale (90% du revenu net).
À titre d'exemple, la rente de la CSST additionnée
à celle de la Régie des rentes pourrait être égale
à 75% de l'indemnité de remplacement du revenu pour conjoint, de
10% de cette même indemnité pour le premier enfant à
charge, et de 5% pour les enfants suivants, avec un maximum total de quatre
enfants. Au lieu d'être payable à vie, comme actuellement, cette
rente pourrait être payable jusqu'à l'âge de retraite
présumée du travailleur décédé.
Advenant le cas où le principe d'un montant forfaitaire, variable
en fonction de l'âge des personnes à charge survivantes, serait
maintenu, nous estimons que le projet de loi devrait conserver comme objectif
le principe d'accorder au survivant une indemnité qui tienne compte de
ses besoins. Seule une analyse détaillée peut nous permettre de
vérifier la relation entre les besoins et l'âge des
survivants.
Conséquemment, nous sommes formellement opposés au
principe d'un montant forfaitaire. Nous croyons d'ailleurs qu'un tel principe
peut être préjudiciable à la santé des travailleurs
puisque les employeurs qui, actuellement, se doivent, selon la loi, d'assumer
les coûts inhérents à la protection de la santé et
de la sécurité des travailleurs et travailleuses, pourraient
avoir intérêt à ne pas assumer une telle obligation, vu que
globalement les prestations en cas de décès seraient moindres
pour l'entreprise qu'ils représentent que les coûts de protection
et de prévention.
Une telle orientation démontre donc une certaine
incohérence de la part du gouvernement qui, depuis quelques
années, a mis passablement d'efforts pour forcer les employeurs à
assumer leurs obligations vis-à-vis des travailleurs et travailleuses du
Québec dans le domaine de la santé et de la
sécurité du travail.
Le projet de loi prévoit également que le pourcentage de
dommages permettant ainsi le paiement d'un montant forfaitaire serait
fixé lorsque les séquelles de la lésion professionnelle
sont médicalement déterminées. Advenant le cas où,
au bout de deux ans, le pourcentage ne peut pas encore être
déterminé, celui-ci serait estimé par la CSST et un
ajustement ultérieur serait apporté s'il y a lieu.
Nous croyons que la loi devrait, à tout le moins, prévoir
une date limite pour la détermination de tels ajustements et
également permettre des recours pour le travailleur qui ne serait pas
satisfait de la décision rendue par la CSST et ce, dans tous les
domaines qui peuvent être concernés par une décision
administrative.
Dans le cas du décès d'un travailleur causé par une
lésion professionnelle, la loi actuelle prévoit le versement de
rentes aux
personnes à charge, tels le conjoint, les enfants de moins de 18
ans ou plus âgés s'ils sont aux études ou s'ils sont
invalides, les ex-conjoints recevant une pension alimentaire et les autres
personnes qui dépendent du revenu du travailleur.
Cette rente est alors égale à un pourcentage de la rente
que recevrait un travailleur s'il était totalement invalide. Le projet
de loi, quant à lui, prévoit le versement de montants
forfaitaires aux personnes à charge.
Afin d'illustrer les changements apportés par le projet de loi
dans les indemnités prévues pour le remplacement de revenu
à la suite du décès d'un travailleur, nous vous soumettons
également trois exemples qui là, comme vous le constaterez,
accordent généralement aux travailleurs qui ont des personnes
à charge des indemnités qui ont une valeur moins grande que les
indemnités payées par la loi actuelle et, conséquemment,
nous nous opposons formellement à une telle modification et
réclamons que les dispositions actuelles soient maintenues.
Quant à la réinsertion sociale et professionnelle du
travailleur, la loi actuelle et le projet de loi prévoient tous les deux
un droit au travailleur à la réadaptation. Une série de
mesures sont contenues dans les deux textes offrant un éventail
important des services de réadaptation.
Le projet de loi insiste cependant davantage sur les mesures actives de
réadaptation. Il est dit, notamment, que la CSST doit adopter une
politique de subventions pour favoriser l'embauche ou la création
d'emplois pour les travailleurs victimes d'une lésion
professionnelle.
De plus, le projet de loi fait naître un nouveau droit suivi du
retour au travail. Cette disposition confère donc au travailleur le
droit de réintégrer son emploi, s'il est capable de l'exercer,
avec le salaire et les avantages dont il aurait bénéficié
s'il n'y avait pas eu d'interruption du travail. C'est la CSST qui devra aviser
le travailleur et l'employeur de la capacité du travailleur à
intégrer son emploi à la date qu'il indique. L'employeur est tenu
de reprendre le travailleur à cette date.
Cependant, le travailleur qui, sans raison valable, ne reprend pas son
emploi dans les cinq jours de la date indiquée, perd son droit de
réintégrer son emploi. Si le travailleur demeure incapable de
réintégrer son emploi, il aura priorité pour occuper un
autre emploi disponible dans le même établissement, avec le
salaire et les avantages liés à cet autre emploi. Il doit
évidemment avoir les qualifications requises pour occuper cet autre
emploi.
Nous nous devons cependant de constater que ce droit de retour au
travail n'est valide que pour un maximum de deux ans, ce qui nous
apparaît nettement insuffisant, et nous recommandons que cette
période soit portée à cinq ans afin d'être
concordant avec nos revendications formulées quant à la
période prévue pour le versement d'une rente d'invalidité,
tel qu'énoncé précédemment.
Le financement de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail du Québec touche deux
opérations distinctes, soit le niveau de capitalisation et le mode de
répartition des cotisations.
À première vue, le projet de loi ne change pas de
façon significative le mode de répartition des cotisations qui
existe présentement. Il change, par contre, le niveau de capitalisation
et nos commentaires se limiteront à cet aspect du projet de loi.
Quant au niveau de capitalisation, cette opération vise à
déterminer dans quelle proportion les engagements de la CSST envers les
travailleurs victimes de lésions professionnelles seront
capitalisés. Le niveau de financement visé déterminera
donc le montant total des cotisations perçues au cours des
années.
Depuis 1976, les taux de cotisation fixés par la CSST, pour une
année donnée, visaient à capitaliser à 100% le
coût des lésions professionnelles de cette année. Ces
cotisations permettaient aussi d'amortir sur 30 ans, jusqu'en 2005, le
déficit actuariel de la CSST au 31 décembre 1975, ce
déficit représentant l'excédent des engagements futurs de
la CSST envers les victimes de lésions professionnelles connues au 31
décembre 1975 sur l'actif de la CSST à cette même date.
Le projet de loi prévoit, quant à lui, que, pour les
années 1984 à 1988 inclusivement, les taux de cotisation
fixés par la CSST, pour une année donnée, viseront
à capitaliser 90% du coût des lésions professionnelles de
cette année. Par la suite, le niveau de capitalisation visé
augmentera de 2% par année, pour atteindre 100% en 1993.
Comme nous pouvons le constater, le projet de loi a tendance à
diminuer la garantie du paiement des indemnités aux travailleurs
victimes de lésions professionnelles puisque le niveau de capitalisation
du coût courant du régime est diminué pour un certain
nombre d'années.
D'autre part, il est inconcevable que les sommes provenant des
cotisations, dont la commission prévoit ne pas avoir besoin
immédiatement pour l'application de la loi, puissent être
utilisées pour acquérir, construire, louer ou transformer un
immeuble pour ses fins.
Nous estimons que de telles dépenses devraient être
assumées à même le fonds d'administration afin de garantir
aux travailleurs victimes de lésions professionnelles la garantie du
paiement de
la prestation.
Nous estimons, d'autre part, que certaines expériences
récentes nous démontrent que certaines dépenses concernant
les immeubles et la transformation des locaux et l'achat de matériel ne
sont pas nécessairement justifiées et n'ont pas eu pour effet
d'améliorer le service à la clientèle.
Nous croyons, d'autre part, que le gouvernement, par la
présentation de ce projet de loi, réduit sensiblement sa
contribution, puisque le taux de cotisation à la CSST à compter
de 1984 sera moins élevé qu'il aurait été si le
niveau de capitalisation antérieur avait été
conservé.
Quant au déficit actuariel relatif aux lésions
professionnelles survenues avant le 1er janvier 1984, il ne sera plus
financé par les cotisations courantes et continuera d'augmenter avec les
intérêts et les déficits d'expérience qui s'y
ajouteront, puisque le projet de loi ne stipule pas la façon dont le
déficit actuariel au 31 décembre 1983 sera financé.
Le projet de loi ne fait que stipuler qu'il ne sera pas financé
par une augmentation future du taux de cotisation des employeurs. Qui donc
assumera un tel déficit?
Quant aux autres dispositions, le projet de loi prévoit à
la définition d'établissement que celui-ci est un
établissement au sens de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail.
Même si nous n'avons pas d'opposition à ce que la
définition soit identique à celle de la loi 17, nous devons
cependant porter à votre attention que nous n'avons pu convenir,
malgré diverses démarches, d'une application concrète de
cette définition aux divers édifices et lieux de travail sous la
responsabilité du gouvernement du Québec.
Quant à la disposition, à savoir que l'employeur qui loue
ou prête les services d'un travailleur à son emploi demeure
l'employeur de ce travailleur, nous estimons que des clarifications devraient
être apportées pour tenir compte de la situation qui
prévaut, notamment au gouvernement du Québec, alors que plusieurs
employés de la fonction publique sont libérés de leurs
activités régulières aux fins de remplir des mandats
syndicaux.
L'imprécision actuelle a pour effet de laisser ces
employés dans une situation plutôt imprécise et qui
occasionne au surplus des frais additionnels, puisque tant le gouvernement que
le syndicat assument des cotisations équivalant au traitement
reçu par ces employés, ce qui équivaut donc à des
contributions en double.
Nous voudrions également nous assurer que les dispositions
particulières aux maladies professionnelles, notamment aux articles 28
et 30, n'auront pas pour effet d'amoindrir les dispositions applicables dans le
cas des employées enceintes qui peuvent bénéficier
actuellement d'un retrait préventif, tant selon les dispositions de la
Loi sur la santé et la sécurité du travail que des
dispositions de nos décrets.
Quant aux dispositions générales, notamment celles
prévues à l'article 45, permettant aux professionnels de la
santé désignés par l'employeur d'avoir accès au
dossier médical de ce travailleur, nous estimons que des restrictions
devraient être imposées, à savoir que, conformément
aux dispositions de la loi actuelle, à l'article 55, l'accès au
dossier médical ne puisse être uniquement que relatif à
l'accident pour lequel le travailleur réclame le paiement d'une
indemnité.
Nous pouvons également nous interroger quant à la
confidentialité des informations qui pourront être transmises de
façon verbale, compte tenu de l'écoute électronique qui a
actuellement cours à la CSST.
Le contenu des dossiers médicaux des accidentés pourrait
donc ainsi être porté à la connaissance de personnes non
habilitées à obtenir de tels renseignements.
D'autre part, nous estimons, lorsque le travailleur fait l'objet d'un
examen médical requis par son employeur, qu'une copie des
résultats de cet examen devrait être transmise à la CSST
ainsi qu'au travailleur.
Conclusion. Comme nous pouvons le constater, les modifications
envisagées par le projet de loi 42 n'ont pas pour seul effet de bonifier
les dispositions de la loi actuelle, comme le laisseraient croire les notes
explicatives du projet de loi, mais ont beaucoup plus pour effet de
réduire sensiblement la contribution des employeurs.
Nous croyons cependant que, dans le domaine des accidents du travail,
les travailleurs et travailleuses victimes d'une telle lésion
professionnelle devraient être assurés d'un minimum de revenu
décent leur permettant de maintenir leur régime de vie,
particulièrement au cours d'une période où ils sont le
moins aptes à faire face aux responsabilités qui leur incombent,
alors que leur invalidité les rend inaptes à exercer tout autre
travail. Merci.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: Comme le mémoire nous est
présenté d'une façon brève, concise, je vais
essayer de l'être moi aussi et je n'aurai effectivement que très
peu de commentaires, de questions. Je retiens d'abord comme remarque ou
préoccupation générale qu'on nous soumet des
inquiétudes d'ordre économique, surtout par rapport à ce
que la situation actuelle prévoit. À cet égard,
évidemment, vous rejoignez les préoccupations de plusieurs
groupes que nous avons entendus jusqu'à maintenant et la
difficulté que nous rencontrons lorsque ces
représentations nous sont faites, c'est de procéder à une
évaluation de ce que pourrait vouloir dire l'une ou l'autre des
différentes propositions soumises. Cependant, nous allons très
certainement prendre le temps de faire cette évaluation et d'en arriver
à des conclusions.
J'apprécierais, M. Harguindeguy, une précision quant
à la politique de droit de retour au travail. Vous avez remarqué,
à la lecture du projet de loi, qu'au-delà des modalités
qui concernent, par exemple, la période de temps pendant laquelle le
droit de retour au travail peut être exercé, les autres normes
qu'on retrouve dans le projet de loi, au-delà de cela, vous remarquez
que le projet dans sa forme actuelle donne une priorité de retour au
travail au travailleur ou à la travailleuse accidentée. Lorsque
le projet a été déposé, il nous est apparu que les
associations qui représentent des travailleurs et des travailleuses
étaient disposées à accepter que le fait d'être un
accidenté ou une accidentée du travail donnait, effectivement,
une priorité de retour au-delà même des droits que peut
consentir l'ancienneté, par exemple.
Là, au fur et à mesure qu'on avance dans nos travaux, il
devient de plus en plus évident qu'on devrait conserver le principe de
l'ancienneté pour l'affectation à l'intérieur de
l'entreprise. Est-ce qu'à cet égard vous pouvez nous faire part
de vos commentaires? Je pose ma question de façon plus directe: Est-ce
qu'on devrait accorder la priorité d'occupation d'un emploi à un
travailleur ou à une travailleuse accidentée qui peut maintenant
revenir au travail alors même que quelqu'un qui aurait plus
d'ancienneté que lui aurait postulé pour la même fonction?
Je ne sais pas si c'est suffisamment clair comme question, mais c'est devenu
une préoccupation parce que, suivant que l'on entend un groupe
plutôt que l'autre, il y a des opinions divergentes à cet
égard.
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Je peux parler uniquement de la fonction
publique. Disons que cette priorité de retour, pour la période
que vous avez prévue dans la loi, existe chez nous, une période
de deux ans, même pour une invalidité ordinaire qui ne
découle pas d'un accident du travail. On ne tient pas compte non plus de
l'ancienneté dans ce retour. Donc, vous l'avez constaté dans le
mémoire, ce dont on parle, c'est la période de priorité.
On estime qu'elle n'est pas suffisante en n'accordant que deux ans. Quant
à nous, ce n'est pas suffisant. Sur le reste, n'ayant pas vécu de
problème particulier, contrairement peut-être à d'autres
syndicats qui ne possèdent pas une telle clause, je peux difficilement
me prononcer pour eux autres. Au niveau de la fonction publique, cette
priorité de retour existant, dans le même emploi,
l'ancienneté ne joue pas. D'ailleurs, dans aucun des domaines puisque,
même au niveau de la promotion, dans la fonction publique, la
priorité n'est pas un facteur, même si on a parlé, si on a
fait cette recommandation dans un projet de loi afin de prévoir que,
dans la promotion, on tienne compte, lorsqu'on parle des rangements par
niveau... On ne vit pas ces problèmes. Donc, je peux difficilement vous
amener des solutions puisqu'on les a réglés. Notre
difficulté se situe uniquement dans la période au cours de
laquelle on donne cette même priorité d'emploi. (15 h 45)
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Fréchette: Le reste, le problème dont on vient
de parler ne s'applique pas effectivement chez vous.
M. Harguindeguy: Non, si ce n'est la période qu'on
souhaiterait plus longue...
M. Fréchette: D'accord.
M. Harguindeguy: ...parce qu'on est pris aussi, même au
gouvernement, même s'il y a des politiques d'égalité en
emploi pour les personnes handicapées, ce qui est le cas pour ces
personnes-là, avec l'obligation de faire face à une mise à
pied ou à une révocation pure et simple puisque la période
n'est que de deux ans.
M. Fréchette: C'est tout pour ma part, M. le
Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. J'ai quelques questions
à poser à M. Harguindeguy. La première, c'est à la
suite de ce que vous dites à la page 9 de votre mémoire. Si je ne
me trompe pas, les employés de la CSST appartiennent à votre
syndicat. Est-ce que c'est bien cela?
M. Harguindeguy: C'est bien cela, jusqu'à présent
du moins.
M. Cusano: Pardon?
M. Harguindeguy: Jusqu'à présent.
M. Cusano: Jusqu'à présent.
M. Harguindeguy: Oui.
M. Cusano: Combien d'employés de la CSST sont membres de
votre syndicat? La totalité?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Dans toute la province, je dirais près de
2000, globalement.
M. Cusano: Près de 2000.
M. Harguindeguy: Oui.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Dans le rapport annuel 1982 de la CSST, on mentionne
qu'il y a 2772 employés à la CSST. Alors, il y en a qui ne sont
pas membres de votre syndicat.
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Vous avez des professionnels qui y sont
également embauchés. Vous avez aussi le personnel de
maîtrise. Dans les 2000 que je calcule, cela comprend aussi passablement
de contractuels et d'employés de firmes privées qui font des
travaux qui relèveraient, en tout cas, 6 notre sens, d'employés
de la fonction publique.
M. Cusano: Justement, c'est concernant les employés
occasionnels et les contractuels. Les occasionnels, je peux comprendre pourquoi
ils seraient embauchés, mais les contractuels provenant de firmes
privées, pourquoi seraient-ils embauchés à la CSST?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Vous en avez particulièrement dans le
domaine de l'informatique où des employés de firmes
privées y sont embauchés comme contractuels pour faire des
travaux que, normalement, un autre fonctionnaire pourrait exécuter,
mais, pour des motifs qui sont hors de notre contrôle, la CSST
préfère embaucher des gens d'une firme extérieure.
M. Cusano: Vous dites que vous avez des professionnels qui sont
capables de contrôler ce beau monstre qu'est l'ordinateur implanté
à la CSST et, pourtant, on va chercher des experts à
l'extérieur.
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Normalement, il devrait y avoir des gens de
l'intérieur qui soient en mesure de contrôler ce
monstre-là.
Il y en a même eu deux, parce que la CSST vient d'en acheter un
deuxième encore plus gros, semble-t-il. Malgré tout, la CSST
procède à l'engagement de firmes privées dans le domaine
de l'informatique. Pour exécuter les mêmes attributions, sur des
équipes de travail, vous avez des fonctionnaires et des engagés
de firmes privées. D'ailleurs, vous allez sûrement avoir des
plaintes portées au Tribunal du travail sous peu. Les procédures
sont déjà entreprises.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Merci. Vous parlez, à la page 8 - je m'excuse
si je vais à reculons -comme d'autres l'ont souvent souligné,
tout au moins ceux qui ont affaire avec la CSST, de l'incurie administrative
à la CSST. Il y a beaucoup de plaintes à ce sujet. Vous qui
êtes dans la boîte, vous dites la même chose, à savoir
qu'il y a de l'incurie administrative, à part la question des
ordinateurs dont on vient de parler. Quelles sont ces autres incuries
administratives? Pourriez-vous nous donner des exemples très concrets,
parce que nous, de l'Opposition, quand on le mentionne au ministre, il ne nous
croit pas? J'aimerais bien que vous, qui vivez dans cette boîte, nous
spécifiiez ces incuries administratives.
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Comme vous le savez, depuis quand même
trois ou quatre ans, on vit avec une politique de réduction d'effectifs
où chacun des ministères et organismes doit nécessairement
couper dans ses effectifs d'au moins 1%. Comme nous sommes dans la
catégorie des exécutants, les bas salariés, comme le
Conseil du trésor calcule sur une base moyenne des salaires,
c'est-à-dire qu'on calcule qu'un fonctionnaire coûte 32 000 $,
parce qu'on inclut tout le monde dans cela... Vous ne voulez quand même
pas que la population croie que le simple fonctionnaire qu'elle rencontre du
lundi au vendredi gagne 32 000 $; ce n'est pas le cas; ne vous en faites pas.
Mais comme on calcule du sous-ministre en descendant, en fait la haute
structure hiérarchique gouvernementale, la moyenne des salaires est de
32 000 $. Donc, chacun des ministères et organismes doit couper 1% en
moyenne. Comme nous sommes les moins payés, parfois cela peut vouloir
dire 2% ou 3% de nos effectifs. L'année dernière, cela nous a
coûté 4% d'effectifs permanents pour permettre aux organismes et
ministères de satisfaire aux besoins imposés par le Conseil du
trésor.
Comme il faut quand même qu'il y ait
quelqu'un qui fasse l'ouvrage, c'est-à-dire le travail de bureau,
de correspondance, d'information auprès des prestataires et
également le classement des dossiers - parce qu'il faut quand même
travailler avec le classement des dossiers, même s'il y a un ordinateur
et des écrans cathodiques, parce que la CSST est un accès direct
- ce travail-là a été réparti parmi les agents
d'indemnisation, c'est-à-dire ceux qui, normalement, devraient se
pencher sur la demande formulée par un accidenté pour savoir ce
à quoi il a droit et si, effectivement, cela correspond aux dispositions
de la loi et des règlements. Comme ils sont débordés de
travail par des travaux de bureau qui ne peuvent pas être faits par
d'autres, nécessairement ils n'ont pas le temps de répondre
à la clientèle. C'est pour cela que, selon nos informations, les
gens qui travaillent dans le milieu peuvent difficilement satisfaire à
au moins 80% de la clientèle dans un délai d'un mois de la
demande. Cela prend presque un mois avant qu'une décision soit prise sur
la recevabilité de la demande de prestations formulée par un
accidenté, quand ce n'est pas plus long. Alors, il manque du personnel
à ce niveau-là pour pouvoir satisfaire aux besoins de
l'accidenté. Quand on a vécu également, depuis quelques
années, une certaine forme de décentralisation que la CSST
appelle régionalisation, j'ai l'impression que, là comme
ailleurs, on n'a pas évalué toutes les conséquences, tout
ce que cela pouvait comporter comme difficultés additionnelles.
Malgré que la CSST ait un ordinateur, en tout cas un des premiers en
Amérique, semble-t-il, il fait souvent défaut, en tout cas plus
souvent qu'autrement. Comme la base d'information, c'est l'ordinateur, parce
que les données sont centralisées à Québec, de
là découlent des difficultés additionnelles.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Pour continuer dans la même veine, vous dites,
à la page 20, au troisième paragraphe: "Nous estimons, d'autre
part, que certaines expériences récentes nous démontrent
que certaines dépenses concernant les immeubles et la transformation des
locaux et l'achat de matériel ne sont pas nécessairement
justifiées et n'ont pas eu pour effet d'améliorer le service
à la clientèle." Est-ce que vous pourriez préciser
cela?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: II y a eu tellement de travaux de
réfection, de rénovation ou, enfin, d'aménagement
intérieur, particulièrement au siège social, qu'une chatte
ne retrouverait pas ses petits. Cela a changé si souvent. On a
construit, on a démoli pour reconstruire. Je ne sais pas si c'est
terminé. C'est pour cela qu'on déplore le fait qu'on puisse
permettre à la CSST d'utiliser des sommes d'argent qui, normalement,
devraient servir de garanties des prestations que doit payer la CSST aux
accidentés. On estime qu'il devrait y avoir un plus grand contrôle
sur ce genre de dépenses.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Viau.
M. Cusano: En tout cas, je suis convaincu qu'il y a des
dépenses, comme vous le dites, qui sont faites de façon
peut-être irréaliste. C'est malheureux que le ministre n'ait pas
suivi notre suggestion du 19 janvier dernier lorsqu'on demandait justement que
le Vérificateur général reçoive un mandat ad hoc
pour vérifier toutes les politiques administratives et les
opérations internes de la CSST.
Ma dernière question, M. Harguindeguy - cela me frappe un peu -
se réfère à la page 21. Vous n'en dites pas grand-chose,
mais on le retrouve au bas de la page. Vous parlez de l'écoute
électronique à la CSST. Je suis curieux de savoir ce qui est
écouté à la CSST.
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Le prestataire qui appelle à
l'information pour obtenir des informations et le fonctionnaire qui transmet
l'information, leur conversation téléphonique est
écoutée et on s'en sert pour des besoins d'efficacité,
pour permettre, semble-t-il, à la direction de travailler
éventuellement - en tout cas, c'est l'information qui nous a
été donnée - d'être en mesure de connaître les
besoins de perfectionnement de l'agent d'indemnisation pour être en
mesure de répondre plus adéquatement aux questions des
accidentés. C'est, semble-t-il, le motif de l'écoute
électronique. Mais toutes les conversations téléphoniques
sont écoutées par les personnes en autorité dans la
direction. Il faut croire qu'elles n'ont pas autre chose à faire que
cela.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Une dernière brève question à ce
sujet. On nous a dit ici, en commission parlementaire, que des fonctionnaires
se faisaient passer pour d'autres personnes, comme des personnes du
ministère du Revenu, pour obtenir des informations sur les
accidentés. Est-ce que vous avez eu
connaissance de cela? Est-ce qu'il y a des directives à cet
effet-là? Est-ce que cela a été des affirmations gratuites
de la part des gens qui ont témoigné?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Je crois qu'il y a peut-être un certain
pourcentage de vérité, dans le sens que les fonctionnaires sont
quand même pris entre l'arbre et l'écorce. Ce sont eux qui doivent
faire appliquer la loi et les règlements qui sont édictés;
d'abord, la loi par l'Assemblée nationale et les règlements par
les hauts fonctionnaires de la direction. Bien souvent, même si le cas
qui leur est soumis peut être pathétique, ils n'ont pas d'autre
choix que d'appliquer le règlement à la lettre, sans quoi ce sont
eux qui peuvent être sujets à des mesures disciplinaires. Ce n'est
pas seulement à ce niveau-là. C'est dans tous les secteurs pour
où un citoyen du Québec est en droit d'obtenir un certain montant
d'argent, une subvention ou une allocation. C'est toujours lui qui doit voir
à l'application de ce règlement-là. C'est donc lui qui est
le bouc émissaire de tout ce qui arrive, même des délais
administratifs qui sont inadmissibles. Même au niveau de la
révision, quand cela prend six à dix mois avant d'obtenir une
réponse, pour quelqu'un qui est dans un état physique qui ne lui
permet pas toujours de faire face à ses obligations, ce n'est
sûrement pas le temps de prolonger les délais indûment.
Mais, malheureusement, compte tenu de tout l'ouvrage administratif, c'est le
fonctionnaire qui écope pour tout cela.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Encore une dernière question. Puisque vous
êtes dans la boîte, ce n'est pas souvent qu'on a la chance de
questionner des gens de la boîte. Quand ils sont ici, on a beaucoup de
difficulté à obtenir les réponses qu'on recherche.
Ma prochaine question est plutôt sur la suggestion que vous faites
à la page 7. Cela concerne l'incitation du retour au travail. Vous dites
que l'on devrait tenir compte du pourcentage de chômage prévalant
dans les régions administratives du Québec pour,
éventuellement, déterminer une période beaucoup plus
longue au cours de laquelle le travailleur pourrait continuer à recevoir
une pleine compensation de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Une des accusations que l'on a
portées contre la CSST, c'est que les politiques n'étaient pas
appliquées de la même façon dans toutes les régions
et les gens d'une région étaient peut-être traités
différemment de ceux d'une autre région. Est-ce qu'il y a une
formule que vous envisagez à ce sujet?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Pas nécessairement. C'est dans le sens
que le projet de loi prévoit que le droit du retour au travail est
valide quand même pour une période de deux ans et ceci est pour
autant qu'il y ait des emplois disponibles; ceci, c'est dans le but de forcer,
j'imagine, l'accidenté à se trouver quelque chose. Si ce n'est
pas dans la même entreprise... Parce que, éventuellement, s'il est
employé dans l'entreprise X et qu'il ne peut pas effectuer le même
travail, en tout cas pas dans cette entreprise-là,
nécessairement, il va falloir qu'il envisage de trouver un travail
ailleurs. Mais, dans certaines régions du Québec, par exemple la
Gaspésie, où vous avez quand même un fort taux de
chômage, comment voulez-vous espérer décemment qu'un
accidenté puisse trouver - parce qu'il est quand même dans un
état moins rentable pour l'employeur qu'un autre travailleur - un
emploi? C'est d'ailleurs pour cela que l'on veut prolonger cela au moins
à cinq ans, pour donner une chance de se retrouver. Alors, si cette
période était de cinq ans, on pourrait même l'augmenter si
parfois le pourcentage dépassait, disons, une certaine norme ou une
moyenne générale du Québec.
M. Cusano: Je vous remercie.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Si vous me permettez,
je reviendrais sur la question du retour à l'emploi après la
période de handicap. Vous disiez tantôt que cela ne s'appliquait
pas à vous, cette question de savoir s'il va y avoir priorité
à l'ancienneté ou priorité au handicapé, que, dans
le cas des fonctionnaires provinciaux que vous représentez, il y avait
retour à l'emploi. Donc, c'est un retour à son emploi
occupé avant l'accident. Mais si tant est que la personne ne peut pas
occuper cet emploi, par perte de capacité, qu'est-ce qui se passe,
à ce moment-là?
M. Harguindeguy: Dans nos décrets, il est prévu que
l'employé peut alors faire l'objet d'une réorientation
professionnelle à un emploi que, physiquement, il est apte à
occuper, ce qui veut dire qu'il y a quand même une obligation pour
l'employeur de le reprendre à un des emplois, mais c'est toujours
à l'intérieur de cette même période de deux ans.
Mme Harel: Donc, la réorientation
professionnelle dont vous parlez va l'amener à occuper, disons,
un nouveau poste d'emploi et, à ce moment-là, il n'y a pas
priorité pour ce nouveau poste d'emploi.
M. Harguindeguy: Oui, il y a... (16 heures)
Mme Harel: II y a priorité par rapport à un
confrère qui a plus d'ancienneté.
M. Harguindeguy: II a priorité après les mises en
disponibilité de ceux qui sont en disponibilité auprès de
l'office. Ensuite, ceux qui font l'objet d'une réorientation
professionnelle ont priorité pour le poste.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de Maisonneuve.
Mme Harel: Vous avez donc des dispositions dans la convention, en
fait ce qui en tient lieu, qui donnent la priorité lorsqu'il y a
réinsertion professionnelle.
M. Harguindeguy: C'est cela, mais c'est limité à
deux ans.
Mme Harel: D'accord.
M. Harguindeguy: Le délai est identique à celui qui
est dans la loi.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de Maisonneuve.
Mme Harel: Vous avez insisté beaucoup sur ce délai
de deux ans. Est-ce qu'il y a des cas... Quelle est la proportion parmi les
gens que vous représentez? J'imagine que c'est un bon
échantillonnage puisque vous représentez un groupe assez
considérable. Quelle est la proportion des personnes qui sont victimes
d'accidents qui ont à subir une incapacité de plus de deux
ans?
M. Harguindeguy: II y a plusieurs statistiques. Je ne sais pas si
on les possède à l'heure actuelle. On peut le vérifier et
vous les donner. Il y a quand même un certain nombre de personnes qui ne
peuvent pas réintégrer la fonction publique après ce
délai de deux ans. Il y a probablement 4% à 5% de ceux qui sont
accidentés ou de ceux qui sont invalides qui ne peuvent pas
réintégrer le circuit même si on a une politique
d'égalité en emploi. Comme on vit une politique de
réduction d'effectif... Après la période de deux ans, il
est possible à l'employeur ou au ministère de révoquer la
nomination d'un employé; certains ministères ne le font pas.
S'ils tolèrent l'employé, il y a un lien d'emploi et il pourrait
éventuellement revenir, mais, généralement, comme on vit
avec une politique de réduction d'effectif, pour ceux dont
l'échéance arrive à terme, le ministère profite de
l'occasion pour réduire ces postes. On pourrait vérifier le
nombre et vous fournir les cas qu'on a perdus en cours de route, compte tenu du
délai de deux ans.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. Ce qui est
significatif, c'est l'échantillonnage que cela peut représenter
par rapport au nombre total des travailleurs qui sont accidentés, vu
qu'une disposition du projet de loi prévoit qu'après deux ans
dans une entreprise qui compte plus de 20 employés, l'employeur n'est
plus tenu de le reprendre à son emploi. Cela nous donnerait
peut-être une indication des travailleurs qui n'auraient pas de garantie
de retour en emploi.
M. Harguindeguy: On tentera de...
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: On tentera de vous fournir ces
données.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Tout en vous souhaitant
la bienvenue, j'aimerais revenir à la page 8 de votre mémoire
où vous déplorez le changement qu'il y a eu dans la charge de
travail des employés. J'aimerais que vous indiquiez à cette
commission, si vous avez les chiffres nécessaires ou les pourcentages
nécessaires, l'augmentation de la charge de travail des gens qui,
à la suite de la diminution du nombre d'employés, se sont vu
attribuer des tâches supplémentaires. Quel a été le
réajustement qui s'est fait au niveau des employés? Est-ce que
vous en avez une idée?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: C'est l'ensemble des agents d'indemnisation qui
ont vu augmenter leur charge de travail de 20% à 25% puisque tous les
travaux de bureau qui étaient auparavant effectués par des
employés qui ont été réaffectés ailleurs
sont maintenant assumés par eux.
M. Doyon: La totalité de ce qui était fait par les
autres auparavant.
M. Harguindeguy: Pour compléter, seulement au bureau de
Montréal, qui est quand même un bureau important, dans la
dernière année, il y a une trentaine de postes qui ont
été abolis, qui ont été modifiés. Selon le
livre blanc, il y avait près
de 60% des accidents de travail qui survenaient dans la région de
Montréal; c'est donc un bureau d'importance. Ces 30 postes ont
été supprimés.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Est-ce que vous voyez une relation de cause à
effet entre cette situation que vous décrivez et l'augmentation des cinq
à quatorze jours à laquelle vous vous référez au
haut de la page 8 de votre mémoire?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: C'est la question que nous nous posons et nous
l'indiquons dans le mémoire. À moins que cela ne soit pour
justifier cette décision, quoique en pratique on constate que même
les quatorze jours - si c'est le motif - ne sont pas suffisants parce que, en
moyenne, il faut environ un mois avant qu'un accidenté puisse avoir une
réponse d'acceptation ou de refus. Ce qui laisse quand même une
période creuse où on est dans le doute, autant l'employeur que
l'accidenté, pour savoir si ce sera ou non considéré comme
accident de travail.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Selon les propos que vous tenez actuellement, M.
Harguindeguy, il s'écoule normalement une moyenne de 30 jours entre le
moment où une personne est en mesure de faire une demande ou se croit
admissible à une prestation quelconque de la part de la CSST, et la
première réponse de la CSST en ce qui la concerne.
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Selon nos responsables locaux, cela prend
presque un mois dans environ 80% des dossiers.
M. Doyon: Un mois.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Y a-t-il eu une détérioration au niveau
de ces délais, M. Harguindeguy, ou s'ils sont maintenus ainsi depuis un
certain temps?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Étant donné l'augmentation du
nombre des accidentés, la réduction des effectifs et la charge de
travail, c'est rendu passablement mêlé au niveau des fonctions
à l'intérieur de la CSST. Tous les gens font un peu tout, sans
savoir ce qu'ils ont à faire. C'est peut-être le motif qui a
amené un tel délai; c'est un ensemble de circonstances qui font
qu'au niveau de l'administration on devra peut-être prendre un temps
d'arrêt, à un moment donné, sans envisager d'autres
modifications importantes, comme il semble être le cas. J'ai l'impression
que c'est un tout qui fait en sorte que cela ne sort pas.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: J'ai été frappé aussi - et mon
collègue de Viau en a parlé - et j'aimerais avoir des
détails supplémentaires en ce qui concerne ce que vous appelez
l'écoute électronique. J'aimerais savoir si c'est fait de
façon constante. Si j'ai bien compris ce que vous avez expliqué,
quand un accidenté ou un réclamant téléphone
à la CSST de façon routinière, son appel est
écouté ou enregistré. Des gens en autorité sont en
mesure d'écouter ce qui se dit entre la personne qui appelle,
c'est-à-dire le réclamant, et la personne préposée
à lui donner la réponse ou à lui accorder l'aide qu'il
demande. Est-ce à peu près cela que vous me dites?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: C'est ce qui prévaut à l'heure
actuelle. Lorsqu'un accidenté appelle pour avoir une information au
service des renseignements, les conversations téléphoniques sont
écoutées. Semble-t-il que ce soit l'objectif visé, quoique
nos gens aient passablement de doutes là-dessus; on a d'ailleurs
questionné les autorités administratives lors de rencontres
antérieures. C'est pour établir les besoins de perfectionnement
de ces mêmes employés, il semble que ce soit le motif.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: M. Harguindeguy, est-ce une pratique en cours depuis un
certain temps?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Elle doit avoir débuté il y a six
ou huit mois, grosso modo.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Est-ce que cela a été fait,
M. Harguindeguy, à la suite d'une directive administrative
quelconque de la part des autorités de la CSST?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Oui.
M. Doyon: Oui?
M. Harguindeguy: Ce sont les autorités qui ont
avisé officiellement les employés que leurs conversations
téléphoniques seraient écoutées. C'est d'ailleurs
pour cela que des démarches ont été faites pour que les
gens puissent au moins faire des appels personnels sur d'autres lignes
privées, pour éviter que leurs conversations ne soient
écoutées.
M. Doyon: À votre connaissance, s'agit-il d'une directive
écrite, M. Harguindeguy?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Oui.
M. Doyon: Oui? Seriez-vous disposé à transmettre
cette directive à la commission, si vous pouvez la retrouver?
M. Harguindeguy: Oui, je peux vous envoyer ce que j'ai sur
l'ensemble des dossiers et sur les comptes rendus des rencontres avec les
autorités du personnel.
M. Doyon: M. Harguindeguy, le correspondant qui
téléphone, qui communique avec la CSST est-il automatiquement,
à votre connaissance, informé que son appel est
enregistré? Est-ce que la personne qui lui répond à la
CSST l'informe que son appel est soit enregistré, soit
écouté par d'autres personnes qu'elle?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: À l'heure actuelle, non. Nous sommes en
train de compléter des recherches d'avis juridiques pour savoir si on a
le droit, en tant qu'employés, d'informer l'interlocuteur du fait que sa
conversation téléphonique est écoutée. Comme on
vient tout récemment de recevoir les dernières réponses,
parce qu'il y a eu des tractations avec les autorités de la CSST
jusqu'à tout récemment, on attend de voir si on a le droit de le
faire; en tant que fonctionnaires, on ne peut pas se faire justice
soi-même, alors on vérifie ces possibilités.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Est-ce arrivé, à votre connaissance, que
le contenu de ces conversations téléphoniques,
écoutées par d'autres personnes que les correspondants qui
s'appellent l'un et l'autre, ait été utilisé dans
l'évaluation des dossiers des réclamants de la CSST?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Je ne pourrais répondre à cette
question, puisque je n'ai pas vérifié cet aspect. Je peux le
faire.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Vous allez m'expliquer comment ce déroule cette
écoute électronique. J'imagine que quelqu'un appelle, M. X
reçoit l'appel au bureau, et quelqu'un d'autre, dans un autre bureau,
peut, en appuyant sur un bouton, entendre la conversation
téléphonique à son choix. Est-ce cela?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: C'est cela. Il semble que ce soit la
procédure utilisée parce qu'un nouveau système
téléphonique a été implanté il y a quelques
mois. C'est après cela que cela a été mis en branle.
M. Doyon: J'imagine - vous me direz si c'est le cas - que toutes
les conversations ne sont pas écoutées. Elles le sont
sporadiquement, ou est-ce qu'elles le sont toujours?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Ce n'est pas nécessairement toutes les
conversations, tout le temps. Il semble que ce soit au bon vouloir du
responsable.
M. Doyon: Ce qui veut dire qu'il arrive que des personnes de la
CSST, c'est-à-dire des employés que vous représentez...
Est-ce que ces personnes savent à chaque fois qu'elles sont
écoutées?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Non, elles ne sont pas avisées au
préalable. Le patron ne les appelle pas pour leur dire qu'elles seront
écoutées.
M. Doyon: Elles ne le savent donc pas. Elles savent qu'elles
peuvent être écoutées,
mais elles ne savent pas véritablement quand elles sont
écoutées.
M. Harguindeguy: C'est cela.
M. Doyon: Est-ce que ces conversations sont enregistrées
ou peuvent être enregistrées?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Elles pourraient être enregistrées.
Je ne pourrais pas vous confirmer si elle le sont automatiquement.
M. Doyon: Est-ce qu'à votre connaissance il y en a qui le
sont?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: J'aimerais mieux vérifier avant de vous
répondre, mais je peux le confirmer.
M. Doyon: J'aimerais que vous puissiez vérifier si,
effectivement, il y a des conversations qui sont enregistrées. Avez-vous
eu l'occasion - vous dites que vous faites des vérifications juridiques
à ce sujet - d'être en contact avec des procureurs de la couronne
qui vérifieraient s'il ne s'agit pas là, purement et simplement,
à la suite de directives qui vous sont imposées, d'écoute
électronique illégale?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Nous l'avons vérifié avec nos
propres avocats. Vous comprendrez que les procureurs sont tellement près
du gouvernement qu'on préfère se fier aux nôtres.
M. Doyon: D'accord.
M. Harguindeguy: Nos avocats nous ont indiqué que cela ne
pouvait pas être considéré au même sens que la loi.
Il semble que ce soit un certain droit de gérance.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: J'émets de forts doutes, si vous permettez
l'opinion d'un ancien procureur de la couronne que je suis, sur le fait qu'on
puisse de quelque façon que ce soit permettre l'écoute de
conversations privées entre deux personnes qui ne sont pas, ni l'une, ni
l'autre, informées de ce fait. Cela est, à mon avis, la
véritable définition de l'écoute électronique
illégale. Je vous encourage fermement à vérifier de
très près cette situation. Cela m'apparaît, M. le ministre,
extrêmement grave.
Je pense que cela devrait être examiné de très
près parce que, si vraiment les choses se passent - et je n'ai pas de
raison d'en douter - tel que M. Harguindeguy le décrit, il s'agirait
à sa face même, à première vue, d'écoute
électronique illégale. Cela constitue, vous le savez
sûrement, une infraction et même un crime en vertu du Code criminel
du Canada. Je ne pense pas que, pour des soi-disant raisons d'efficacité
administrative, on puisse faire fi du Code criminel du Canada et
procéder à de l'écoute électronique
illégale. Je regrette vivement qu'on en soit rendu à utiliser de
telles méthodes à la CSST sous le couvert de l'efficacité
administrative. Je vous remercie, M. Harguindeguy, d'avoir attaché le
grelot parce que cette façon de faire est totalement inacceptable.
Je suis convaincu, maintenant que cela a été porté
à la connaissance du ministre, qu'une fin immédiate devra
être apportée à cela - je vais plus loin que cela - qu'une
enquête devra être faite et qu'on devra établir qui a
donné cette directive, qui a demandé qu'on agisse de cette
façon. Il faut qu'une enquête policière soit faite et que,
si besoin en est - là on est dans la confidentialité, on est dans
le droit des personnes de communiquer entre elles - on porte des accusations
criminelles de façon à bien montrer que le gouvernement ne
cautionne pas de telles façons d'agir et prend les précautions
nécessaires pour que cela ne se répète pas. Je serais
très heureux, M. Harguindeguy, que vous alertiez tous les gens de votre
syndicat à la CSST sur le danger qu'il y a à se prêter
à de telles procédures qui peuvent donner ouverture à des
poursuites criminelles. Merci beaucoup.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne. (16 h 15)
M. Polak: Merci, M. le Président. Je n'étais pas
présent lorsque vous avez lu votre mémoire, mais je l'ai
étudié au cours de la fin de semaine. Je pense donc que je suis
en mesure de vous poser des questions. À la page 17 de votre
mémoire, vous faites la comparaison entre la loi actuelle et le projet
de loi dans le cas du décès d'un travailleur. Vous en arrivez
à la conclusion que la valeur actualisée - ou, pour le public,
c'est peut-être plus facile de comprendre, c'est le capital qui aurait
dû être remboursé ou payé aux héritiers de la
victime - en vertu de la loi actuelle, cela prend une somme plus substantielle
que celle prévue au projet de loi.
J'ai parlé de ce problème de capitalisation avec M.
Laberge, qui témoignait ici pour la FTQ. Il se référait
au
fait que, pour le travailleur, on est prêt à faire certains
sacrifices afin d'obtenir d'autres avantages qui n'existaient pas. Je note que,
dans votre mémoire, vous dites que vous vous opposez à une telle
modification et que vous réclamez que la disposition actuelle soit
maintenue.
Si le ministre suivait votre recommandation, est-ce que vous
réalisez que cela, sans doute, augmenterait les dépenses totales
qui seraient occasionnées par ce projet de loi?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Cela dépend, bien sûr, de la
situation familiale des accidentés. On constate que le projet de loi est
moins avantageux pour les personnes qui ont des dépendants. Pour un
célibataire, par contre, c'est plus payant avec les nouvelles
dispositions que pour celui qui a une famille. En tout cas, selon la valeur
actuarielle établie par nos actuaires, il semblerait que ce soit plus
payant pour les célibataires. Donc, ce qui ressort, c'est qu'on
démontre que, effectivement, pour ceux qui ont des charges familiales,
le nouveau régime est moins avantageux. Pour dire que cela va
coûter moins cher ou plus cher, il faudrait savoir exactement aussi le
nombre de personnes qui, éventuellement, vont avoir à subvenir
aux besoins d'une famille. Donc, ce sont des données qui peuvent
être des fois bien variables. Si vous voulez le constater, vous allez
regarder le premier cas, qui est à la page 16: en vertu du projet de
loi, vous avez cela; en vertu de la loi actuelle, un travailleur
accidenté qui n'a pas d'enfant, seulement un conjoint de 27 ans, cela
lui donnerait environ 35 000 $ alors que le projet de loi va lui en donner 50
000 $. Donc, pour cet accidenté, c'est plus payant pour lui.
Par contre, si vous allez à la page 17, un travailleur
accidenté qui a un conjoint de 35 ans, deux enfants de 3 et 8 ans, au
lieu de recevoir, en vertu de la loi actuelle, environ 200 000 $, pour lui et
pour ses héritiers, va en recevoir 133 000 $. Je ne sais pas si c'est
pour qu'il y ait moins de mariages, moins d'allocations familialesl
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Avez-vous fait, votre organisme a-t-il fait des
études concernant l'augmentation des coûts ou la diminution des
coûts résultant de ce nouveau projet de loi? Ou est-ce que vous
vous fiez aux chiffres du gouvernement ou de la CSST? Quelles sont vos
considérations sur ce point de vue?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Disons qu'on n'a pas fait une évaluation
globale du coût, sauf qu'on a pu constater que, d'abord, pour ce qui nous
regarde, on estime que le projet de loi, globalement, est moins avantageux,
même s'il prévoit le droit de retour au travail. Si je parle, dans
notre cas, de fonctionnaires, cela ne nous concerne presque pas parce qu'on a
déjà l'équivalent dans nos décrets. Sauf qu'il faut
quand même penser à l'ensemble des travailleurs. Mais on estime
que deux ans ce n'est pas suffisant.
Quant au reste, j'ai l'impression que, pour obtenir cet
avantage-là à l'ensemble des travailleurs et travailleuses du
Québec, on demande quand même une grosse contribution de la part
des travailleurs et travailleuses, en ce sens que leurs indemnités vont
sûrement être moins élevées, moins fortes, durer
moins longtemps que dans la loi actuelle. On estime qu'on devrait continuer
à protéger les gens de la façon qu'ils le sont à
l'heure actuelle, même si on est conscients -on l'indique dans certaines
pages - que, parfois, il y a peut-être certains abus parce qu'il aurait
pu y avoir des régimes intégrés à la Régie
des rentes du Québec, comme c'est le cas pour la Régie de
l'assurance automobile du Québec. Mais de là à changer de
façon aussi draconienne, on estime que c'est uniquement pour faire faire
des économies à l'employeur. C'est juste à ce
niveau-là qu'on le voit.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: L'élément coût, vous n'en parlez
pas beaucoup dans votre mémoire, mais, dans vos considérations,
est-ce que l'élément coût joue un rôle? Je vais
m'expliquer un peu mieux. Dans le mémoire qui a été
présenté ce matin par la CEQ, son point de vue était
plutôt qu'on réalise que cela amène des coûts, mais
on va facturer ceux-ci à l'employeur. Cela est une théorie qui
peut se défendre et ces gens ont bien le droit de le dire. Il y a
d'autres associations, comme les associations patronales, qui sont venues
devant nous et ont dit que les coûts sont tellement élevés
que, s'ils augmentent encore, les prix ne seront plus compétitifs et
cela peut amener des conséquences néfastes. Peut-être que
la vérité est un peu entre les deux. Quelle est votre attitude
concernant les coûts?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Même si la loi prévoit que
l'employeur en assume le coût, il n'en demeure pas moins que l'employeur,
lorsqu'il négocie avec les syndicats, tient
compte de ce coût dans ses offres. Quand on parle d'une politique
de rémunération globale, ce sont des coûts qui sont
estimés comme étant des avantages que les employés vont
retirer de leur emploi. Cela veut dire que, même indirectement, les
employés participent à ce financement comme ils participent
à d'autres financements au niveau d'autres régimes d'assurances.
Je pense que les employés sont prêts à continuer d'assumer
ce même coût.
Est-ce que le gouvernement a l'intention de réduire l'orientation
ou les grands principes qui avaient déjà été mis de
l'avant et qui garantissaient un travail sécuritaire? Pour certains
employeurs, il reviendrait moins cher d'avoir quelqu'un qui meurt durant son
travail que de payer certaines prestations la vie durant. Il peut donc arriver
que des employeurs fassent fi d'obligations qu'ils ont en vertu d'autres lois.
Quant au coût global, je pense bien que tout le monde paie pour cela,
mais c'est un choix qu'on fait si on veut assurer aux travailleurs et aux
travailleuses du Québec des conditions, un certain revenu garanti dans
une période où ils en ont besoin. S'il existe une période
où on doit assurer un minimum vital, c'est bien lorsque l'employé
est accidenté, lorsqu'il n'est pas en mesure de faire face à ses
obligations en ayant un emploi rémunérateur. Il me semble que ce
sont des choses qui se paient. On ne s'est pas attardé à
évaluer l'ensemble des coûts parce qu'on estime qu'on paie
déjà notre participation et qu'on est prêt à
continuer.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Un autre sujet - je sais que le ministre vous a
questionné là-dessus - sur lequel je voudrais revenir: le droit
du retour au travail. Vous en parlez à la page 18 de votre
mémoire. Juste pour en faire le résumé, parce que cela a
été discuté par de nombreux groupes, les patrons nous ont
dit qu'il s'agissait là d'un droit assez dangereux et que cela
interfère avec le droit de gérance. Ils ont mentionné la
possibilité de "dumping", qu'un employé, qui remplace pendant un
an ou deux quelqu'un qui a eu un accident, n'ait plus certains avantages et que
l'ancien employé puisse reprendre sa place. J'ai lu les articles 145
à 170 du projet de loi et c'est ce que j'ai compris.
Quand j'ai interrogé M. Laberge à ce sujet, il disait que
la façon dont il faut interpréter cela, c'est qu'il y a le droit
de retour mais seulement si l'emploi est encore disponible. Il a fait une
distinction que je ne voyais pas dans le texte; il réalisait que, si un
employé occupe le poste de l'accidenté, si celui-ci veut
reprendre son emploi, le poste n'est peut-être plus disponible. Ce matin,
nous en avons parlé avec la CEQ qui a dit que cela devrait être
basé sur l'ancienneté. Je n'ai pas besoin de vous expliquer ce
qu'est l'ancienneté, vous connaissez bien cela dans le monde
syndical.
Dans votre mémoire, vous suggérez de prolonger cette
période de deux ans à cinq ans. Prenons un cas actuel, non pas
parmi vos fonctionnaires, mais dans l'industrie privée, disons une PME.
Il y a huit, neuf ou dix employés; à un moment donné, un
de ces employés a un accident de travail. Le propriétaire se sent
obligé de le remplacer parce que son commerce fonctionne de
manière telle que chaque employé produit et est nécessaire
pour faire son travail; s'il en manque un, il ne peut pas fonctionner
correctement. Le remplaçant est un homme qui était en
chômage depuis un ans, deux ans et qui finalement trouve un emploi; c'est
la chance de sa vie de travailler dans un poste ouvert. Pendant cinq ans, selon
vos politiques, à un niveau plus élevé, pour cet
employé, il y a la possibilité qu'un autre employé - si je
comprends bien - qui était accidenté - ce n'était pas sa
faute revienne pour réintégrer son emploi en vertu du projet de
loi. Est-ce qu'on donne, à tout prix, priorité, sur une base
philosophique, à quelqu'un qui est accidenté? Ont-ils le droit de
réclamer leur position même si celle-ci, telle quelle, n'est plus
disponible? C'est vraiment le système du "bumping". Concernant la
priorité, où allons-nous avec cela? Par exemple, un travailleur
qui perd son emploi à cause de la crise économique... Dans mon
comté, la semaine dernière, quand Sherwin Williams a fermé
ses portes, cela a affecté des employés qui étaient
là depuis 20 ans ou 25 ans, qui se retrouvent sans travail. Pour ces
hommes, il n'y a pas de protection. Ils ne sont pas des accidentés du
travail, mais, disons, que ce sont des accidentés économiques.
Où allons-nous avec ce principe? À votre point de vue, où
faut-il donner la priorité? Est-ce que c'est juste à quelqu'un
qui n'est pas accidenté, mais qui est également victime d'une
autre situation et qui a aussi faim?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Je pense qu'il n'y a quand même rien qui
empêche qu'on remplace l'employé accidenté; d'ailleurs, au
gouvernement, c'est ce qui se fait également. Les possibilités
existent de remplacer l'employé accidenté par un autre
employé qui sait, lorsqu'il est engagé, que, effectivement, il
n'est là que pour un remplacement temporaire, que sa période de
travail est limitée et qu'il y a possibilité pour l'autre de
réintégrer son emploi. Encore faut-il que, lorsque
l'accidenté va revenir, il soit en mesure de le faire. Parfois, il peut
ne plus être en mesure de le faire. Donc, sa
priorité va être dans un autre emploi qui est existant dans
cette même entreprise parce que l'obligation qu'il a, c'est d'être
en mesure d'exécuter les attributions qui le concernent.
En pratique, je pense qu'il n'y a pas d'empêchement à ce
qu'un employé sache qu'il est là sur une base temporaire.
Éventuellement, même si cela a duré cinq ans, j'imagine
qu'avec l'attrition qui joue parfois dans les PME, j'ai l'impression qu'il
devrait y avoir possibilité de conserver à son emploi, de
façon permanente, un employé qui aurait pu être
embauché au préalable pour du remplacement. Je pense que ce sont
des questions administratives auxquelles les employeurs et les syndicats sont
habitués.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Par exemple, quelqu'un postule un emploi et l'employeur
lui répond: Je vous engage, mais vous remplacez quelqu'un qui est
accidenté, il faut considérer cet emploi comme temporaire. Je
crois que cela ne l'incite pas à travailler fort. Si on se rapporte au
vieux concept: Je travaille fort pour essayer d'avancer dans la vie; ceci ne
joue plus un rôle! Cet homme doit se contenter d'emploi temporaire
pendant une période de cinq ans; cet emploi est temporaire et, à
un moment donné, bonjour tristesse, c'est la fin de votre travail. Je
trouve cela un peu difficile à accepter d'être négatif pour
un travailleur heureux dans son emploi. Ne voyez-vous pas un problème
avec ce principe?
M. Harguindeguy: C'est sûr qu'un travailleur heureux qui
est assuré de son emploi va peut-être donner un meilleur
rendement, mais je pense que ce n'est pas seulement dans le cas des
accidentés qu'une telle situation prévaut. Cela arrive
déjà dans la pratique à plusieurs niveaux. Vous avez
parfois des emplois qui sont temporaires. Si vous regardez les journaux, dans
la section de l'embauche, vous en trouvez déjà dans certaines
entreprises; l'emploi est pour deux ans, pour trois ans ou pour cinq ans. Il y
a déjà des gens qui acceptent de vivre dans cette situation.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: L'employé qui est accidenté a le droit de
réclamer son emploi pendant cinq ans. Disons qu'après un an et
demi, l'employé est en mesure de réintégrer son emploi et,
pour d'autres raisons, le poste n'y est plus parce que, tout simplement,
l'emploi n'existe plus; cela arrive de nos jours. À ce moment, dans
votre hypothèse, qu'est-ce qui arrive avec un employé comme
cela?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy. (16 h 30)
M. Harguindeguy: Si je réponds en fonction de ce qui
existe dans la fonction publique, parce que je ne connais quand même pas
les secteurs du travail qui prévalent dans tous les domaines au
Québec, je pense que, chez nous, il y a des dispositions qui
prévoient cela. Si l'emploi a été aboli, il y a des
dispositions qui prévoient la réaffectation de l'employé
en tenant compte de son ancienneté, etc. Il y a un mécanisme qui
joue déjà dans la fonction publique. Même pour
l'employé à qui arrive un accident de travail, une
invalidité ou un congé de maternité, nos décrets
prévoient des dispositions pour permettre sa réaffectation dans
un emploi équivalant à celui qu'il possédait, avec des
mécanismes.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Disons que l'employé est prêt à
reprendre ses activités économiques, mais qu'il n'a pas d'emploi,
qu'on ne peut le réintégrer nulle part, parce qu'il n'y a pas
d'emploi disponible. Si c'est la situation, suggérez-vous qu'on continue
de le payer?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Je ne pense pas que le projet de loi n'aille
dans ce sens. Quand on dit que l'employé doit réintégrer
son emploi, j'imagine que cela présume que l'emploi existe. Si
l'entreprise a fermé ses portes, je vois mal comment on pourrait le
forcer à rester. Même avec l'article 79 de la loi, les droits
actuels ne sont limités qu'à quatre ans.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Dans le projet de loi, il y a une limite de quatre
ans.
M. Harguindeguy: Dans la loi actuelle, rien ne prévoit
cela.
M. Polak: Mais, quand j'ai interrogé M. Laberge, il m'a
répondu qu'il ne voulait aucune restriction là-dessus, si cela
devait continuer, cela devait continuer. Je lui ai demandé son opinion
là-dessus. Est-ce que vous seriez prêt à accepter une
limite de quatre ans ou diriez-vous plutôt: Non, si cela arrive, il faut
continuer à le payer?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Si je me fie à ce qui
existe dans la fonction publique, ce que je connais le mieux, dans nos
décrets, dans ce cas, il est prévu que l'employé a le
droit de réintégrer la fonction publique; donc, c'est une
obligation pour les ministères de lui trouver un emploi, parce que, s'il
est apte à reprendre son emploi, c'est sûr qu'il sera payé
au gouvernement; nos décrets prévoient cela. Ils prévoient
que, dès le moment où un employé est apte à
réintégrer son emploi, à la suite d'un accident de travail
ou d'une invalidité, l'employeur est obligé de lui trouver un
emploi. Pour nous, il est payé.
En ce qui concerne l'entreprise privée, n'étant pas le
représentant de la FTQ, je laisserai à la FTQ le soin de faire
ses représentations.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Une dernière question, M. le Président.
Au début de votre mémoire, vous mentionnez qu'en vertu du projet
de loi, l'employeur paiera ou avancera le salaire pour les quatorze premiers
jours d'incapacité ou de maladie, tandis que, dans la situation
actuelle, il s'agit de cinq jours. Vous vous dites contre le principe
d'élargir de cinq à quatorze jours. Est-ce que, à la suite
de discussions avec les membres de votre syndicat qui travaillent à la
CSST, la CSST a l'intention de réduire son personnel en alléguant
qu'elle va économiser beaucoup de temps, à cause de l'extension
de cinq à quatorze jours, qu'elle a donc besoin de moins de personnel et
qu'elle a l'intention de congédier certaines personnes? Avez-vous
entendu des rumeurs à cet effet?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Je ne le crois pas. Comme on vous l'a
indiqué, à l'heure actuelle, cela prend presque un mois pour
obtenir une réponse, dans 80% des cas. Je n'en vois donc pas la
nécessité. On se pose beaucoup plus de questions sur la
nécessité d'augmenter le délai; même là, il
ne correspond pas à une réalité. On a reporté le
délai de cinq à quatorze jours pour que l'accidenté soit
assuré de recevoir sa paie durant cette période; même si
cela réduit parfois le délai, puisqu'il va rester une quinzaine
de jours avant d'avoir une réponse de la CSST, on s'interroge sur la
justification de cela. On n'est pas nécessairement opposés
à ce que les quatorze jours soient payés par l'employeur, ou que
cela soit cinq jours. On veut surtout s'assurer que l'accidenté ait
quand même des prestations pour lui permettre de vivre.
M. Polak: Cela réduit-il également le travail
administratif de la CSST?
M. Harguindeguy: Pas nécessairement, parce que c'est la
même vérification. Un remboursement se fait par la suite. Nos gens
n'ont pas évalué cela comme étant une réduction de
leurs attributions ou une réduction de travail. Il me semble que cela va
se faire quand même, que le même travail va se faire.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Selon vos employés qui travaillent à la
CSST, ce changement de cinq à quatorze jours n'influencera d'aucune
manière l'efficacité de la CSST?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Cela n'a pas été perçu
comme étant l'un des moyens d'améliorer l'efficacité
actuelle de la CSST, ni comme le fait de permettre à la CSST de
réduire le nombre d'employés disponibles. Cela n'a pas encore
été perçu ainsi, à l'heure actuelle.
M. Polak: D'accord. Merci beaucoup.
Le Président (M. Rancourt): Mme la députée
de Maisonneuve, vous avez demandé la parole?
Mme Harel: En fait, c'était sur cette question.
Étant donné la réponse que vous venez de faire au
député de Sainte-Anne, ce n'est pas perçu comme une
façon d'amener des coupures de postes à la CSST.
M. Harguindeguy: Non, cela n'a pas été perçu
ainsi, parce que déjà, dans le système actuel, il y a
suffisamment de travail; cela prend presque un mois avant que cela sorte.
Mme Harel: Oui. Justement, tantôt, à quelques
reprises, vous avez parlé de ce mois pour donner une réponse,
après la date de la première réclamation. Mais il ne faut
pas confondre le temps qui est pris pour donner la réponse et le fait
que 85% des réclamations ne concernent que des demandes de moins de
quinze jours. On dit 85%; vous nous avez dit que 80% des réclamations
reçoivent une réponse dans le mois de la date de la
réclamation. Par ailleurs, 85% des réclamations concernent des
handicaps qui durent moins de quatorze jours.
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
Mme Harel: Ce sont vraiment deux aspects différents.
M. Harguindeguy: Sauf que, quand
même, le projet de loi maintient aussi une décision
administrative de la CSST à l'effet d'accepter ou de reconnaître
comme étant une invalidité... Parce qu'il y a également un
remboursement qui va se faire par la CSST à l'employeur, qui a
payé les quatorze jours, comme pour les cinq jours. Donc, les dossiers
qui sont là vont nécessairement être ouverts quand
même. Il va y avoir une décision qui va être rendue,
à savoir si la CSST reconnaît cela comme étant une
invalidité au niveau d'un accident de travail, même si c'est pour
dix jours. Le même travail va nécessairement demeurer quand
même: monter un dossier, autoriser et rembourser par la suite. Ce
travail-là va demeurer, même si 85% des cas actuels sont pour des
invalidités de moins de quatorze jours. Il y a quand même un
travail de bureau qui va se faire, de la même façon qu'il se fait
pour les cinq jours. Autant pour les cinq jours, à l'heure actuelle, que
pour les quatorze jours, c'est remboursé à l'employeur par la
CSST par la suite, lorsque la CSST reconnaît comme accident du travail
l'invalidité de l'employé. Donc, cela limite. On peut
peut-être s'interroger pour savoir s'il y a une réduction du
travail, mais vous dire le pourcentage, c'est peut-être difficile
à évaluer.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Merci, M. le Président. Très
rapidement, M. Harguindeguy, juste pour élucider davantage toute la
question de la réinsertion du travailleur dans son milieu de travail
après son accident. On sait qu'il y a deux autres centrales syndicales
qui sont passées ici et qui semblaient préconiser plutôt
une façon de penser qui est différente de la vôtre. Vous,
quand Mme la députée de Maisonneuve vous a posé des
questions sur ce sujet tout à l'heure, vous avez répondu en
disant que, dans votre décret ou dans votre convention collective, vous
aviez des mesures prévoyant cela.
La philosophie qui semble ressortir de vos propos est que vous seriez
plutôt prêt à protéger la réinsertion ultime,
si vous voulez, si vous me permettez l'expression, de l'accidenté tandis
que les autres syndicats mettaient un cran d'arrêt, à un moment
donné. Ils ne voulaient pas que le travailleur paie - celui qui est
à l'ouvrage - pour l'accident qui est arrivé à un copain.
Donc, ma question va être la suivante: Dans votre convention collective
ou dans votre décret, comment avez-vous pu articuler cela?
L'accidenté qui revient à son travail, qui peut reprendre le
même emploi que celui qu'il avait lorsqu'il a quitté, si cela
s'arrête là, le problème est relativement simple à
régler. Mais s'il revient au travail, demeure handicapé et ne
peut pas reprendre le travail qu'il avait au moment de son accident, il est
obligé de rentrer dans l'échelle de l'ancienneté. Je ne
sais pas si c'est comme cela que vous le prenez. Si, par exemple, le
handicapé, qui revient à son travail, a dix ans
d'ancienneté dans la compagnie, est-ce que vous tenez compte de ce
facteur ou si simplement vous choisissez un emploi qui lui convient, vous
ôtez le gars de là et vous le mettez à la place?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Bon, cela ne se fait pas comme cela non plus.
Dans le cas où il y a un accidenté du travail qui revient
à son emploi, dans le même emploi - parce que, disons, son
handicap n'était que temporaire -dans ce cas-là, il peut avoir
été remplacé temporairement durant son absence, soit par
l'affectation d'un autre employé ou par l'embauche d'un employé
occasionnel. La réglementation le permet. Donc, quand il revient, il
reprend son poste. Quand c'est à un autre emploi, donc de classification
généralement inférieure - parce que, si ses
capacités physiques sont amoindries, c'est que nécessairement il
ne peut pas faire un travail égal ou supérieur,
généralement; quoique, parfois, on puisse dire que c'est faux,
parce qu'il pourrait devenir un administrateur, même en étant
invalide au point de vue physique, alors que, dans des métiers, c'est
impossible - dans ce cas, ce qu'il demande, c'est une réorientation.
Lorsqu'il le demande à l'intérieur de deux ans, il y a un droit
qui est créé à l'employé et on ne tient pas compte
de l'ancienneté. Donc, il est réorienté, il peut
être reclassé dans un autre niveau d'emploi et, à ce
moment, le nouveau ministère l'utilise à ce niveau. C'est
sûr que si, actuellement, il y a une prestation qui est payée par
la CSST, un certain pourcentage d'incapacité physique permanente qui est
payé, cela compense pour la perte de revenu qu'il peut avoir dans
l'emploi qu'il occupe à son retour.
Au niveau de la fonction publique, le problème ne se
présente peut-être pas de la même façon qu'il peut se
présenter dans certaines centrales syndicales où de telles
dispositions n'existent pas. Je peux difficilement me prononcer pour elles. Les
problèmes chez nous ont été résolus depuis
déjà quelques années.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: C'est là qu'on verrait la différence de
difficulté à réintégrer un accidenté de
travail dans une entreprise où il y aurait une vingtaine
d'employés; cela deviendrait un peu plus difficile de voir à sa
réintégration. Mais, chez vous, le nombre de
postes est tellement vaste que vous pouvez toujours... Effectivement,
cela rend la tâche plus facile. Je vous remercie.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: Oui, M. le Président, quelques
précisions additionnelles à la suite des échanges qui
viennent d'être faits. Quant au délai de décision, M.
Harguindeguy, vous avez signalé que vos informations vous amènent
à la conclusion que la moyenne du délai pour une décision
d'accepter ou de rejeter une réclamation était d'environ un mois.
Est-ce que vous pouvez préciser si ce délai d'un mois, vous le
comptez depuis la date de l'accident ou depuis la date de la réception
de l'avis de l'accident à la commission?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Selon les informations qu'on a obtenues, c'est
la date de la demande formulée par l'accidenté, donc, de l'avis
de l'accident.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Fréchette: À la date de l'avis. Vous savez qu'en
vertu des dispositions actuelles de la loi, l'employeur a un délai de
deux jours pour expédier cet avis. Maintenant, les évaluations
démontrent que la moyenne d'expédition de l'avis est d'environ
seize jours et qu'après ce délai moyen de seize jours - toujours
d'après les compilations qui ont été faites - il y a un
autre délai de dix-huit jours qu'il faut ajouter pour une
décision. Cela rejoindrait le mois mais, il faudrait compter - je ne
sais pas si vous êtes en mesure de confirmer ou d'infirmer
l'évaluation que j'en fais - dans le mois dont on parle, autant le
délai qui est nécessaire pour la réception de l'avis que
pour la décision elle-même. Je ne sais pas si vous comptez les
deux ou si vous faites la distinction entre les deux.
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Chez nous, les gens font la distinction. La
prétention, c'est que cela prend presque un mois à partir de la
date où ils ont effectivement reçu les avis. Maintenant, je peux
vérifier et, s'il le faut, transmettre aux membres de la commission une
correspondance à cet effet, en même temps que ce que j'ai promis
tantôt à la députée de Maisonneuve.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: Très bien. Maintenant, quant aux
contractuels, M. Harguindeguy, est-ce qu'il n'est pas exact de dire que, depuis
le 21 décembre 1981, il n'y a plus de contractuels à la CSST dans
le système de l'informatique?
M. Harguindeguy: II y en a. M. Fréchette: II y en
a.
M. Harguindeguy: Je vais vous fournir les noms si vous voulez,
peut-être pas aujourd'hui, mais... Il y en a au moins...
M. Fréchette: Vous pourrez faire cette
vérification.
M. Harguindeguy: Assurément. Si vous me le permettez, les
cas de décembre 1981 auxquels vous faites référence, je
suis au courant parce qu'on avait été obligé d'aller au
Tribunal du travail, mais la maladie revient.
M. Fréchette: II est certain que, si vous vouliez nous
sensibiliser avec les précisions dont vous nous parlez, cela peut
être utile à tout le monde finalement.
Vous allez comprendre aussi, M. Harguindeguy, que je veuille vous poser
quelques questions quant à l'affirmation qu'on retrouve à la page
21 de votre mémoire. Mes collègues de l'Opposition ont
réagi et avec raison à l'information qui est contenue au dernier
paragraphe de la page 21. C'est une accusation qui est effectivement
très sérieuse et qu'on ne peut, de toute manière, traiter
avec légèreté. (16 h 45)
Est-ce qu'il n'est pas exact de dire -et c'est strictement encore
là à titre d'information - que cette situation très
précise a été discutée à l'intérieur
d'un comité de relations professionnelles qui existe à la
Commission de la santé et de la sécurité, à
l'intérieur duquel on retrouve des représentants de l'employeur,
des représentants de votre syndicat et à l'intérieur
duquel toujours on discute de toute espèce de situation qui peut avoir
une incidence sur les relations ou les conditions de travail? Est-ce exact de
dire que cette discussion-là s'est tenue à l'intérieur du
comité de relations professionnelles au mois d'octobre dernier, au mois
d'octobre 1983, et qu'on en a parlé en termes de formation, qu'on en a
parlé en termes également de possibilités, pour la partie
syndicale, de procéder à une évaluation de ce qui
était discuté, que vous auriez convenu de soumettre le tout
à l'appréciation de vos procureurs pour ensuite revenir,
probablement, à l'intérieur du même comité
et donner, effectivement, vos conclusions par rapport à ce
dossier très précis?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Bon, ce qui s'est effectivement
discuté... D'ailleurs, tantôt, j'ai mentionné aussi qu'il y
avait des tractations qui avaient été effectuées, c'est
bien par l'entremise d'un comité qui est prévu dans nos
décrets; cela a été sur la base d'une opposition à
ce qu'il y ait de l'écoute électronique. Le point qui reste en
suspens, ce qu'il reste à vérifier auprès des procureurs,
c'est l'aspect que j'ai indiqué tantôt, c'est-à-dire si les
employés pouvaient légalement se justifier auprès des
interlocuteurs à savoir qu'il pouvait y avoir de l'écoute
électronique de la conversation. Sur la question de l'opposition
à ce qu'une telle écoute soit effectuée, les
autorités du ministère, par l'entremise des représentants,
ont indiqué un refus complet de cesser une telle activité
d'écoute. Comme je l'ai indiqué tantôt, je pourrais vous
transmettre toute la communication et les comptes rendus de ces comités
ministériels de relations professionnelles pour vous démontrer
qu'il n'y a aucun accord pour qu'une telle écoute s'effectue. Le seul
point qui reste en suspens, c'est de savoir si nos gens, malgré
l'intention arrêtée de l'organisme, peuvent indiquer à
leurs interlocuteurs, au début de la conversation
téléphonique, qu'ils peuvent faire l'objet d'une telle
écoute. C'est cela qui demeure en suspens parce que la CSST maintient sa
position. Comme vous l'indiquez, les motifs nous ont été
donnés et c'étaient des motifs de formation, pour connaître
les besoins de formation des employés. Il me semble qu'il y a d'autres
méthodes pour faire un tel relevé que celle de faire de
l'écoute électronique. Si on a jugé bon d'en parler, c'est
parce que, effectivement, nos gens sont opposés à une telle forme
d'écoute, même si cela n'empêche pas d'en discuter. Je pense
qu'il y a bien des sujets qu'on discute sans nécessairement être
d'accord. Sur celui-là, on n'est pas d'accord.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Fréchette: Je vais essayer d'être le plus
précis possible. Il est donc accepté ou enfin convenu qu'un
semblable dossier s'est discuté au comité des relations
professionnelles. Je vous donne une date, par exemple ce pourrait être le
31 octobre 1983. Il y avait, à l'intérieur de ce comité,
évidemment, des représentants de l'employeur, des
représentants du syndicat. Vous nous avez également
indiqué très clairement que le syndicat, quant à lui,
opposait une fin de non-recevoir à toute forme d'enregistrement. Vous
avez poussé le processus jusqu'à consulter vos procureurs sur cet
aspect particulier de ce qui vous était proposé. Vous dites que,
malgré cela, il y a des exemples ou des cas où cela se serait
quand même produit. Est-ce que c'est cela qu'est votre
évaluation?
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: C'est effectivement cela. C'est que le
ministère ou l'organisme a avisé les employés. Parce que,
lorsqu'on discute au CMRP, il faudrait quand même faire la part des
choses. Ce n'est pas un comité où on convient ensemble des
politiques administratives qui sont appliquées. C'est un comité
où on peut discuter des problèmes de relations de travail qui, en
fait, sont soulevés dans un ministère ou un organisme. Quand les
employés ont eu cette information ou la directive pour leur dire que,
dorénavant, les appels seront entendus pour des besoins, ce sont eux qui
ont inscrit à l'ordre du jour du CMRP, du comité
ministériel, ce point-là, pour en discuter, pour démontrer
leur opposition et pour avoir des justifications additionnelles.
Les autorités du ministère n'ont pas changé leur
décision de faire une telle écoute; c'est pour cela que ces gens
sont revenus nous voir pour dire: Qu'est-ce qu'on peut faire pour passer outre?
Bon. On a été obligé de leur dire qu'il faut qu'ils se
plient, ils n'ont pas le choix. Sauf qu'il reste ce point-là. Mais
jamais, en aucun temps, si c'est cela que vous voulez savoir, il n'y a eu
d'accord avec la partie syndicale, même locale, pour que cette
méthode soit utilisée. On n'a jamais donné notre
assentiment à ce qu'une telle écoute soit effectuée.
M. Fréchette: Et malgré...
M. Harguindeguy: Si vous permettez, ce qui reste en suspens,
comme indication à donner à la partie patronale, c'est d'indiquer
notre position, à savoir si, oui ou non, et selon son intention de faire
de l'écoute, on avisera l'interlocuteur que sa conversation peut faire
l'objet d'une écoute.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Fréchette: Une dernière question quant à
moi, M. le Président. Malgré le fait qu'il n'y ait jamais eu
d'accord - non seulement il n'y a pas eu d'accord, vous vous êtes assez
catégoriquement prononcé sur le fait que cela ne devait pas se
produire -vous nous dites: II y a effectivement des cas que l'on connaît,
des situations qu'on a pu identifier et qu'on peut très facilement
repérer, qui ont existé et qui ont fait en
sorte que des conversations ont été
écoutées.
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Oui, tantôt, j'ai
précisé...
M. Fréchette: Oui, oui.
M. Harguindeguy: ...que cela pouvait avoir été
enregistré, mais je ne pouvais pas certifier que les conversations
étaient enregistrées. L'équipement permet de faire une
telle écoute à l'heure actuelle; vous dire combien il y en a eu
et, effectivement, lesquelles... S'il faut vous obtenir des affidavits, s'il
faut voir des gens pour savoir s'ils ont été
écoutés, s'ils ont eu des reproches par la suite, si on leur a
dit: Dans tel domaine, vous n'auriez pas dû donner telle réponse,
ce sont des choses que je peux sûrement m'engager à vous
fournir.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du travail.
M. Fréchette: C'est la dernière précision
que je voulais vous demander. Si, effectivement, des dossiers de cette nature
sont portés à votre connaissance, sans créer d'embarras
à qui que ce soit, j'apprécierais que vous puissiez transmettre
à la commission les détails très précis permettant
de procéder à cette identification.
M. Harguindeguy: D'accord.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. En terminant, j'allais
demander à M. Harguideguy et aux gens qui l'accompagnent de nous faire
parvenir ces renseignements au Secrétariat des commissions dans les plus
brefs délais, parce que la commission ajournera ses travaux demain et
les reprendra en mars. Les travaux devraient se terminer le 8 ou le 9 mars, si
je me rappelle bien.
Je crois que toute cette question d'écoute électronique
est extrêmement inquiétante. Que des employés d'un appareil
paragouvernemental se permettent, dans notre société,
d'écouter une conversation téléphonique... On sait fort
bien ce qui s'est passé aux États-Unis, lorsque quelqu'un de
très haut placé s'est permis d'enregistrer des conversations
téléphoniques sans que les personnes impliquées le
sachent. Ici, ce que je trouve le plus affreux, M. le Président, et
j'aimerais bien le faire préciser à M. Harguideguy, c'est que,
lorsque vous parlez de l'écoute qui se fait, ce n'est pas
nécessairement une écoute entre un employé de la CSST et
un autre; c'est l'écoute de la conversation entre l'accidenté,
celui qui fait la réclamation, et l'employé de la CSST. Est-ce
bien cela?
M. Harguindeguy: Si vous le permettez, les deux peuvent se faire,
malgré tout.
M. Cusano: Ah! les deux peuvent se faire. À ce moment-ci,
la seule chose que j'ai à dire, c'est de vous demander formellement de
nous faire parvenir ces affidavits, ces documents, les directives et,
particulièrement, les procès-verbaux de la réunion du 31
octobre, ou d'autres réunions, parce qu'on aimerait bien savoir qui,
dans notre société, peut se permettre d'émettre de telles
directives à des employés.
C'est avec cela que j'aimerais terminer et, au nom de ma formation
politique, je vous remercie de nous avoir remis un document très concis
et précis qui, contrairement peut-être à beaucoup
d'autres... On accuse souvent les politiciens de parler pour ne rien dire, mais
je crois que vous avez résumé la présente situation avec
la loi actuelle, les problèmes de la CSST et le projet de loi 42 que
nous allons étudier plus longuement plus tard. C'est avec ces remarques
et avec un peu d'inquiétude à cause de ce qui se passe dans cette
boîte que j'aimerais bien continuer et demander au ministre qu'une fois
qu'on aura reçu ces documents qu'on vous a demandés, la
commission puisse se pencher à nouveau sur toute la question de
l'administration de cette boîte qui, d'après moi - je l'ai dit
auparavant, mais vous venez de le confirmer semble avoir perdu tout sens de la
direction. Merci, M. Harguindeguy.
Le Président (M. Rancourt): M. Harguindeguy.
M. Harguindeguy: Au début de la semaine prochaine, vous
aurez les documents qui concernent l'écoute.
M. Cusano: Merci.
M. Fréchette: Un mot seulement, M. le Président,
pour remercier M. Harguindeguy, les membres de la délégation qui
l'accompagnent et tous les membres de son syndicat. Effectivement, le
mémoire qu'ils nous ont soumis est tout à fait clair, concis,
très précis. Maintenant, comme mes collègues de cette
commission, j'apprécierais que diligence soit faite pour que vous
puissiez nous transmettre, dans les meilleurs délais, les renseignements
dont on a convenu de nous échanger les données. Je comprends
qu'il y a ce problème dont on vient de parler; il y a aussi un certain
nombre d'autres renseignements à propos des contractuels que vous allez
nous faire
parvenir. Le plus tôt sera le mieux. Merci.
M. Harguindeguy: Sûrement.
Le Président (M. Rancourt): Nous remercions le Syndicat
des fonctionnaires provinciaux. Maintenant, nous allons passer au groupe qui
représente le Poste transport de vrac, région 08 Inc., puisqu'il
est parmi nous. Il était censé être ici à 20 heures,
mais il a bien voulu être présent plus tôt. Nous allons bien
sûr l'accueillir.
Nous suspendons les travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 57)
(Reprise de la séance à 17 h 7)
Le Président (M. Rancourt): À l'ordre! Après
ces quelques minutes de suspension, nous allons reprendre avec le Poste
transport de vrac, région 08 Inc. Si vous voulez bien vous
présenter, M. le président, ainsi que la personne qui vous
accompagne.
Poste transport de vrac, région 08 Inc.
M. Gaulin (Réal): Mon nom est Réal Gaulin,
président du poste d'affectation de la région 08; et le
directeur, M. Jean-François Lafleur.
Le Président (M. Rancourt): Merci. Donc, M. Lafleur.
M. Lafleur (Jean-François): Compte tenu du mémoire,
qui se lit quand même assez vite, si vous me le permettez, j'aimerais en
faire la lecture.
Le Président (M. Rancourt): C'est bien; allez-y, M.
Lafleur.
M. Lafleur: Sujet: Implication économique du statut
d'artisan de la CSST auprès des titulaires de permis de vrac.
Tout d'abord, M. le ministre, quelques précisions sur notre
corporation. Le ministère des Transports du Québec a
divisé la province en onze régions de vrac. Le poste a
été constitué selon la troisième partie des lois
des compagnies du Québec, donc à but non lucratif. Le poste
détient un permis de courtage émis par la Commission des
transports du Québec, en accord avec le règlement 12
régissant l'industrie du vrac au Québec. En tant que courtier
spécialisé en transport de matières de vrac, le poste
détient comme principaux mandats de regrouper le plus grand nombre de
titulaires de permis de vrac de la région 08; d'offrir des services pour
ses camionneurs abonnés; de développer les marchés de
matières de vrac, dans le but de faire travailler ses abonnés aux
meilleurs taux et conditions possible; de protéger et de sauvegarder les
droits et intérêts de ses camionneurs abonnés.
De plus, nous tenons à vous préciser que notre
représentativité, en termes de regroupement de titulaires de
permis de vrac pour notre région, touche quelque 430 camionneurs
abonnés répartis à l'intérieur de notre territoire,
qui s'étend de Témiscamingue-Sud, en montant vers le nord
jusqu'au 55e parallèle, englobant les villes de Matagami et de
Chibougamau ainsi que l'ensemble du territoire de la Baie James.
Il est également à noter que les permis de vrac du
Québec se rattachent à un territoire déjà
défini par la loi, les règlements et décrets du
ministère et de la Commission des transports du Québec.
Exposé de la situation. Le poste regroupe, au sens de la loi de
la CSST, 70% d'artisans, pour 30% de compagnies, sociétés,
employeurs. De par la loi de la CSST, un artisan n'a pas le droit d'obtenir un
numéro d'employeur de la CSST.
Un nombre de plus en plus croissant de requérants de services
exigent . de nos camionneurs abonnés qu'ils soient munis d'un
numéro d'employeur de la CSST pour travailler sur leur chantier, sans
égard au statut des camionneurs, à savoir s'ils sont artisans ou
non.
Les exigences des requérants de services, combinées aux
implications économiques du statut d'artisan de la CSST, amènent
aux représentants des postes et des sous-postes de la région 08
une série de problèmes et de situations difficiles et
malencontreuses qu'il serait urgent de pallier dans un avenir rapproché.
Sinon, pour la grande majorité de nos camionneurs abonnés
artisans, cette situation signifiera, à brève
échéance, une baisse de revenus et la faillite inévitable,
en fin de compte.
Implications. Les implications de la situation précitée
gravitent autour des points suivants: Si on n'acquiesce pas à cette
obligation émise par les requérants de services, à savoir
que tous nos camionneurs abonnés, qu'ils soient artisans ou non, doivent
obtenir au préalable un numéro d'employeur de la CSST, nous nous
éjectons délibérément du marché de vrac;
nous fermons la porte à presque toutes les chances de négociation
à une entente au niveau d'un contrat de transport de matière de
vrac et devenons par le fait même beaucoup moins concurrentiels; nous
risquons de regarder passivement transporter nos concurrents.
Force est de constater que le règlement 12, régissant
l'industrie du vrac au Québec, oblige, lors de l'émission des
permis de courtage, les postes et les sous-postes à prévoir,
à l'intérieur de leur code d'éthique, des
mécanismes de répartition équitable du travail sans
égard au statut de nos
camionneurs, qu'ils soient employeurs, incorporés, en
société ou artisans. La non-observance des principes de
répartition équitable du travail entre nos camionneurs
abonnés mettrait en péril, d'une part, notre permis de courtage
et, d'autre part, affecterait et minerait, en quelque sorte, l'avenir des
postes et des sous-postes de courtage de transport de matières de vrac
du Québec.
En définitive, les exigences des requérants de services
placent les représentants des postes et des sous-postes de transport de
matières de vrac à l'intérieur d'un cul-de-sac. S'ils
n'acquiescent pas à l'obligation, émise de la part des
requérants de services, que tous nos camionneurs abonnés soient
munis d'un numéro d'employeur pour oeuvrer sur leur chantier, la
résultante sera tout simplement que nos camionneurs artisans
travailleront beaucoup moins et, d'autre part, si les représentants du
poste effectuent une certaine discrimination entre ceux qui sont artisans et
ceux qui sont employeurs, cet état de fait, en termes de
répercussions, pourrait amener la perte du permis de courtage du poste
et des sous-postes émis par la Commission des transports du
Québec.
En résumé, pour obtenir des contrats de transport, les
représentants du poste et des sous-postes possèdent deux choix:
1. s'organiser pour que tous les camionneurs abonnés obtiennent
auprès de la CSST un numéro d'employeur sans égard
à leur statut; 2. que nos camionneurs artisans fassent les frais de leur
statut auprès des requérants de services, c'est-à-dire que
les camionneurs artisans paient la quote-part qui devrait être
habituellement assumée par les requérants de services
auprès de la CSST perçue à même leurs gains.
Pour appuyer ce qui précède et dans le but d'illustrer une
des situations parmi tant d'autres à l'intérieur desquelles nous
nous retrouvons, prenons l'exemple d'un camionneur artisan nommé Pierre
oeuvrant pour le ministère des Transports du Québec. Pierre doit
se faire remplacer par un chauffeur appelé Paul afin de lui permettre de
s'absenter pour une semaine, par exemple, pour une multitude de causes, soit la
mortalité, la maladie ou les vacances. Pendant cette période,
Pierre devient donc employeur. Il aurait donc besoin d'un numéro
d'employeur de la CSST pour une semaine. Paul, le chauffeur, a un accident sur
le chantier durant cette même période et restera paralysé
pour le restant de ses jours. Qui portera le fardeau de la
responsabilité? Qui sera réputé être l'employeur, le
MTQ ou Pierre?
Compte tenu des faits illustrés au niveau des implications
économiques du statut d'artisan de la CSST auprès des titulaires
de permis de vrac, nous nous permettons de porter à votre attention un
élément de solution aux problèmes engendrés par le
statut d'artisan de la CSST.
Première solution, apporter à la loi de la CSST une
nouvelle catégorie ou classification intitulée: Titulaire de
permis de vrac, pour ainsi permettre à tous les titulaires de permis de
vrac, sans égard à leur statut, d'obtenir un numéro
d'employeur de la CSST.
Avantages de la mise en place d'une nouvelle classification
intitulée: Titulaire de permis de vrac. Nos camionneurs artisans peuvent
être employeurs. Cette capacité s'exprime selon les saisons, la
nature des contrats et de façon sporadique, à savoir s'ils
oeuvrent à des contrats dont les travaux s'exécutent sur 24
heures, 12 heures ou si les propriétaires de camion ont, pour une
durée de temps limitée, des chauffeurs à leur
véhicule. Le fait pour nos camionneurs abonnés artisans d'obtenir
un numéro d'employeur leur permettrait de s'assumer comme des gens
d'affaires en affaires; d'obtenir une protection supplémentaire plus
complète et adéquate, permettant ainsi à nos camionneurs,
sans égard à leur statut, d'être couverts par la CSST, peu
importe où ils se retrouvent, sur des chantiers ou non, 24 heures par
jour; d'accroître leur capacité de transporter le plus longtemps
possible, en étant plus concurrentiels; d'augmenter leur
pénétration à l'intérieur de tous les
marchés de vrac, pour ainsi renforcer la rentabilité de leur
commerce et éviter le pire.
Inconvénients de cette nouvelle classification intitulée:
Titulaire de permis de vrac. Le seul inconvénient identifié par
les commettants du poste et des sous-postes de la région 08 se retrouve
au niveau de la charge, à savoir qui paiera la facture. Celle-ci devra
être assumée par le titulaire de permis de vrac à la
condition expresse qu'elle soit adaptée au coût réel de
l'industrie du vrac auprès de la CSST, selon la méthode de calcul
proposée au point 3 de ce mémoire. (17 h 15)
De plus, nous tenons à vous préciser que cette
classification devrait devenir volontaire et non universelle, compte tenu du
caractère spécifique et non similaire des régions de vrac
au Québec. À titre d'exemple, la région de
l'Abitibi-Témiscamingue transporte en grande quantité les
matières de vrac suivantes: sable, terre, gravier, produits forestiers
(bois en longueur, bois en bille, copeaux, sciure, planure), béton
bitumineux et minerai de mine; comparativement aux régions de
Montréal et ses environs (6-10) où la grande majorité du
transport de matières de vrac s'effectue à l'intérieur du
secteur sable, terre, gravier, béton bitumineux.
Implications financières: Si les autorités du
ministère du Travail et de la CSST
acquiescent à la solution précitée, le calcul de la
cotisation facturée aux titulaires de permis de vrac devrait se tabler
sur les points suivants: 1. Basé sur les coûts réels de
l'ensemble des titulaires de permis de vrac de la province. Ce qu'ils ont en
fait réellement coûté à la CSST. 2. Sur les
journées d'utilisation moyenne des véhicules, donc en fonction du
risque. 3. Fiche individuelle à chaque titulaire de permis de vrac
établie selon sa performance, à savoir, s'il y a eu des accidents
ou autres, la prime du bénéficiaire augmentera et elle seule. 4.
Le plan d'assurances de la CSST devrait être compétitif en termes
de coût sur le marché.
Consultation entre les ministères. Il est entendu que nous
souhaitons ardemment qu'il y ait un dialogue constant entre le cabinet du
ministère des Transports et celui du Travail afin que la
réglementation régissant l'industrie du vrac au Québec et
la Loi sur la Commission de la santé et de la sécurité du
travail parviennent à s'adapter au nouveau contexte pour assurer ainsi
à nos camionneurs abonnés, sans égard à leur
statut, une pénétration accrue du marché des
matières de vrac et un avenir plus adéquat en endiguant toutes
les implications du statut d'artisan de la CSST.
Consultation et information. Nous avons consulté les
représentants des sous-postes de notre région et nos camionneurs
abonnés sur ce qui précède. La grande majorité
accepte la solution, étant donné les situations concurrentielles
et les obligations émises par les requérants de services à
l'intérieur desquelles les représentants du poste et des
sous-postes de la région 08 se retrouvent trop souvent.
Le Président (M. Rancourt): Merci, M. Lafleur. M. le
ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président je voudrais remercier
les personnes qui sont venues nous soumettre ce mémoire. Je comprends
qu'il ne se réfère qu'à un problème très
précis qui est expressément et clairement identifié dans
le mémoire. On voit très bien à quel genre de situation
vous vous référez.
Est-ce que vous avez la conviction que la suggestion que vous faites de
créer une nouvelle classification qui serait: Titulaire de permis de
vrac peut effectivement contribuer - ce seul fait-là - à
régler les problèmes auxquels vous nous référez et
sur lesquels vous attirez notre attention?
Le Président (M. Rancourt): M. Lafleur.
M. Lafleur: On n'a pas la prétention de dire que ça
va régler tous nos problèmes, mais c'est le cas d'un nombre
croissant d'employeurs, comme on le précisait à
l'intérieur de notre mémoire. C'est même le premier point
de négociation pour obtenir un contrat de transport. La première
question qui nous est posée est celle-ci: Les camionneurs qui vont
entrer sur le chantier sont-ils munis, oui ou non, d'un numéro
d'employeur, donc de la CSST? En fait, après vérification, il
appert qu'un des premiers règlements qui régissaient l'industrie
du vrac au Québec - à l'époque, on l'appelait le
règlement 12, je crois, c'est en 1976 ou en 1977 - mentionnait
l'obligation pour tous les titulaires de permis de vrac d'être munis d'un
numéro d'employeur de la CAT à l'époque.
Donc, si cela s'est fait dans les années passées, on
s'imagine que, compte tenu du contexte peut-être un peu différent
où la région 08 se retrouve... À titre d'exemple, prenons
les transporteurs qui effectuent du camionnage pour des compagnies
forestières. Le transport très spécialisé
amène des fois un camionneur artisan à avoir l'obligation de
mettre un chauffeur pour une semaine. L'autre semaine, compte tenu de la coupe
peu avancée, il se retrouve sur des travaux où il n'a pas besoin
d'employeur. C'est sensiblement la même chose pour le minerai de mine et
également pour les contrats du ministère des Transports du
Québec détenus par l'entrepreneur ABC. À titre d'exemple,
la semaine dernière - c'est tout récent - un des points de
négociation qui a failli faire la différence entre avoir le
contrat ou ne pas l'avoir, était la question de la CSST. On voulait
avoir sur le chantier uniquement des gens qui ont leur numéro
d'employeur.
Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Fréchette: Cela me va, M. le Président. Quant au
reste, encore une fois, tout est clair dans le mémoire du Poste
transport de vrac, région 08 Inc. Il me reste simplement à
remercier les gens qui sont venus nous le soumettre et qui ont argumenté
verbalement à l'appui de la revendication qu'ils nous soumettent. Je
vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: D'abord, M. Lafleur, je vous souhaite la bienvenue
à Québec. Je remarque que vous êtes venu de loin. Chaque
fois qu'on se réfère au mémoire, il y a des
éléments nouveaux et intéressants. Le mémoire qui a
été présenté avant le vôtre avait un aspect
d'écoute électronique. Tout le monde est parti faire de la
recherche là-dessus. Maintenant, on parle de transport en vrac. Cela
m'intéresse beaucoup et je veux
reprendre votre exemple de Pierre et Paul. Si j'ai bien compris, Pierre,
c'est un artisan, un camionneur, dont les charges et les devoirs sont
habituellement envers une compagnie qui demande de livrer tant de tonnes de
brique, de ciment ou de matière en vrac. À un moment
donné, il doit se faire remplacer par Paul parce que, comme vous l'avez
expliqué, Pierre est malade ou parce que quelque chose arrive dans la
famille. Il a des raisons très légitimes et il a même
besoin de vacances. Pendant quelques semaines, il se fait remplacer par Paul.
Paul a un accident avec son camion en arrivant sur le chantier et la question
suivante se pose: Est-ce que Paul est protégé en vertu du projet
de loi 42 et qui paie la prime au cas où il y en a une à payer?
Quand, dans le projet de loi, on regarde la définition, à la page
9, de "travailleur autonome", on dit que c'est une personne physique qui est
à son compte, seule ou en société, et comptant 100
travailleurs à son emploi. Donc, c'était Pierre, sauf pour la
période de trois ou quatre semaines pendant laquelle il prend quelqu'un
à son emploi; il n'est plus travailleur autonome, j'imagine.
M. Lafleur: Voilà.
M. Polak: Vous avez vu cela comme cela aussi. Quand on lit la
définition du mot "travailleur", on dit que c'est une personne physique
- c'est Paul - qui exécute un travail pour un employeur, moyennant
rémunération, en vertu d'un contrat de louage de service
personnel ou d'apprentissage. On ne dit pas que le contrat doit être
d'une certaine durée. Donc, que Paul travaille deux semaines, trois
semaines ou un mois, indépendamment de la durée, il tombe sous la
définition de "travailleur", n'est-ce pas, selon la définition
que je lis du mot "travailleur"? Comment voyez-vous cela?
Le Président (M. Rancourt): M. Lafleur.
M. Lafleur: En fait, c'est la raison pour laquelle on a
illustré des exemples parmi tant d'autres à l'intérieur
desquels on se retrouve. C'est justement la notion d'employeur. C'est la
question que nous nous posons: À qui incombe la responsabilité,
à ce moment-là? Est-ce qu'on va exiger de Pierre que, pour cette
semaine-là, il soit muni de son numéro d'employeur de la CSST? On
parle d'une semaine. Ce peut être un mois.
M. Polak: Oui.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Dites-moi, dans le cas de Pierre et Paul, comment cela
a-t-il été résolu, en vertu de la loi actuelle?
Le Président (M. Rancourt): M. Lafleur.
M. Lafleur: Vous nous demandez notre opinion, monsieur?
M. Polak: Oui. Est-ce qu'il y a des cas comme celui-là qui
se sont produits? Savez-vous si la CSST s'est déclarée
compétente, si elle a écouté? Est-ce qu'il y a quelque
chose qui existe là-dessus au point de vue de
précédent?
M. Lafleur: Des accidents comme tels, tel que
précité ici, non. Mais il est arrivé des accidents mortels
et des accidents où les victimes sont infirmes pour le reste de leur
vie. Heureusement, sur ces chantiers, ce sont ceux qui font partie des 30% de
nos abonnés qui sont incorporés ou qui ont des employeurs,
c'est-à-dire qui ont le statut d'employeur auprès de la CSST.
M. Polak: Ah bon!
M. Lafleur: C'est la raison pour laquelle on a tenu à
exposer cet exemple parce que, si jamais il arrivait que, pour une raison ou
pour une autre, sur un chantier, on ait une personne comme Pierre qui embauche
Paul, en termes de responsabilité, on se pose la question. Je pense que
c'est ce qui nous amène à proposer et à porter à
l'attention de cette commission qu'il serait peut-être bon de revenir,
comme on l'exposait tout à l'heure, au règlement 12 de 1976,
où tous les titulaires de permis de vrac devaient être munis du
numéro d'employeur. Il y avait certainement des raisons qui motivaient
les gens, à l'époque, à préciser que tous les
titulaires de permis de vrac soient munis du numéro d'employeur de la
CSST. C'était sûrement pour éviter le genre de situation
qu'on vous a illustré par l'exemple de Pierre et Paul.
M. Polak: D'accord.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: J'ai une deuxième question. Est-ce qu'il existe
actuellement une possibilité pour quelqu'un, comme Pierre, de prendre
une assurance privée et de payer, évidemment, une certaine prime
pour justement couvrir la situation de Paul? Est-ce que cela existe?
Le Président (M. Rancourt): M. Lafleur.
M. Lafleur: Aussi aberrant que cela puisse paraître, je
sais qu'il y en a quelques-uns qui ont l'assurance. À savoir si,
effectivement, ils ont tous l'assurance, je ne pourrais pas vous
répondre, mais certainement qu'il y en a quelques-uns qui
l'ont. À savoir quelles sont les particularités de cette
assurance, je ne pourrais pas vous donner plus de détails.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Dernière question. À la page 5, vous
parlez de la cotisation à être imputée au cas où le
gouvernement accepterait votre suggestion d'avoir une classe à part. Je
comprends très bien, le ministre aussi, le bien-fondé de votre
demande. Quand vous calculez la cotisation, avez-vous suivi les barèmes
usuels de la CSST? Je vous dis cela pour vous aider. C'est que plus vous jugez
quelque chose qui tombe dans les normes ordinaires, le plus de chances vous
avez. Quand vous jugez quelque chose de plus extraordinaire, vous êtes
mieux de l'oublier. Je ne peux pas parler pour le ministre, mais je sais - ce
n'est pas toujours le ministre, ce sont les fonctionnaires -comment ils
pensent. Avez-vous suivi les barèmes qui sont utilisés
généralement ou avez-vous pris les barèmes qui sont
peut-être un peu spéciaux?
Le Président (M. Rancourt): M. Lafleur.
M. Lafleur: Ce qu'on proposait, c'est une méthode de
calcul en admettant que cette classe soit acceptée. C'est la raison pour
laquelle, au dernier paragraphe, on dit que le plan de l'assurance de la CSST
devrait être concurrentiel. C'est que présentement, pour un
employeur qui est dans la classe de camionnage en vrac, sauf erreur, sa prime
était de 8,25 $ et elle va baisser pour 1984, je crois, à 6,20 $
ou 6,25 $. Ce qu'on dit, c'est que, si jamais on accepte cette
possibilité de former une classe spéciale pour les titulaires de
permis de vrac, le tarif imputé devra être l'équivalent ou,
en tout cas, en très grande concurrence avec les tarifs imputés
par les assureurs privés.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Tout à l'heure, j'ai dit la dernière,
mais c'est vraiment la dernière question. J'ai bien compris que ce que
vous cherchez, c'est à protéger l'artisan, le petit travailleur
indépendant qui peut être très mal pris. C'est à
cela que vous cherchez une solution.
M. Lafleur: Voilà. Exact.
M. Polak: Merci.
M. Lafleur: Également...
Le Président (M. Rancourt): Oui, M.
Lafleur.
M. Lafleur: ...à l'article 22 du projet de loi où
on précise qu'une "association de travailleurs autonomes ou de
domestiques peut inscrire ses membres à la commission et elle est alors
considérée leur employeur aux seules fins de l'application du
chapitre VIII", on s'interroge énormément étant
donné qu'on a déjà eu des causes qui ont été
jugées par la Cour supérieure du Québec où on a
reconnu que, effectivement, le Poste transport de vrac devrait être
considéré comme des courtiers et en aucune façon
être considéré comme des employeurs. Donc, on s'interroge
vraiment sur l'article 22. Également, au niveau de la pratique, on se
demande comment percevoir les montants de nos 430 abonnés
répartis sur un territoire qui a peut-être 350 milles de rayon.
Nous, en termes techniques et pratiques, on s'interroge concernant cet
article.
C'est la raison pour laquelle - étant conscients de l'article 22,
on n'a pas du tout parlé de l'article 22 dans notre mémoire -sans
avoir la prétention de dire qu'on a la vérité, loin de
là, on précise que, pour régler nos problèmes
auprès des compagnies qui, il faut le dire, je pense, retiennent des
montants pour s'assurer que les montants de la CSST sont effectivement
payés... Nous avons vécu le cas dans certaines entreprises
forestières, certaines entreprises minières. Pour vous illustrer
cela, pas plus tard que vendredi dernier, j'ai un de mes camionneurs qui est
venu avec un montant de 6500 $ retenu par une entreprise forestière pour
éventuellement couvrir des montants au cas où ce camionneur soit
employeur et ait à payer des cotisations auprès de la CSST.
Dans la plupart des cas, ce sont nos gens qui s'assument auprès
de la CSST et c'est la raison pour laquelle on dit, à ce moment.
Pourquoi n'a-t-on pas clarifié ce fameux statut d'artisan et permis
d'inscrire tous les titulaires de permis de vrac dans une classe
spéciale appelée titulaire de permis de vrac pour que nos gens
s'assument parce qu'on est un fardeau, en quelque sorte, pour l'entrepreneur
dans plusieurs situations.
Le Président (M. Rancourt): D'accord. La question est
posée. M. le député de Sainte-Anne.
M. Polak: J'ai terminé, mais je voudrais remercier M.
Lafleur et son regroupement d'être venus ici devant nous. Il s'agit,
comme le ministre le disait, d'une matière très spéciale,
mais tout de même, aussi importante que chaque autre mémoire qu'on
a entendu jusqu'à maintenant. J'espère que le ministre a bien
écouté vos demandes, qu'il réalisera qu'il y a un
problème à résoudre et que vous allez réussir. Je
vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Rancourt): Merci beaucoup, M. Lafleur et
M. Gaulin. Ceci termine la présentation du mémoire du Poste
transport de vrac, région 08 Inc., et également l'ordre du jour
du 20 février 1984. Nous ajournons nos travaux à demain, 10
heures.
(Fin de la séance à 17 h 31)