Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures une minute)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente du travail est réunie
encore une fois aux fins d'entendre les représentations des personnes et
des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents
du travail et les maladies professionnelles.
Les membres de cette commission sont MM. Bisaillon (Sainte-Marie),
Cusano (Viau), Dean (Prévost), Fréchette (Sherbrooke), Mme Harel
(Maisonneuve), MM. Lafrenière (Ungava), Lavigne (Beauharnois),
Pagé (Portneuf), Léger (Lafontaine), Maltais (Saguenay), Polak
(Sainte-Anne), Baril (Arthabaska).
Les intervenants sont MM. Champagne (Saint-Jacques), Champagne
(Mille-Îles), Fortier (Outremont), Leduc (Fabre), Payne (Vachon), Proulx
(Saint-Jean), Vaugeois (Trois-Rivières). Le rapporteur est toujours M.
Lavigne (Beauharnois).
Aujourd'hui nous allons entendre de 10 heures à 13 heures
l'Association des mines de métaux du Québec Inc., à 15
heures l'Association des entrepreneurs en construction du Québec,
jusqu'à 18 heures, de 20 à 22 heures le Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction (international) ainsi que
l'Ordre des chiropraticiens. C'est donc l'ordre du jour que nous avons pour
aujourd'hui. Je sais que M. le ministre a une déclaration à nous
faire ce matin.
Analyse des coûts
M. Fréchette: Oui, une très courte
déclaration, M. le Président. Depuis le début de nos
travaux tous les organismes qui ont été entendus ont
réclamé, de façon tout à fait légitime, le
dépôt du détail de l'analyse des coûts dont on a
parlé depuis que le projet de loi 42 a été
déposé. Je voudrais signaler, M. le Président, que les
membres de la commission et nos invités pourront dès aujourd'hui
se procurer ce document qui va dans le détail quant à l'analyse
des coûts dont j'avais donné une estimation générale
au tout début de nos travaux. Il y aura donc le dépôt de ce
document.
Le Président (M. Jolivet): La distribution se fera par le
Secrétariat des commissions parlementaires.
M. Fréchette: Voilà, c'est cela.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Viau.
M. Cusano: Je voudrais remercier le ministre de nous avoir
déposé ce document. Mieux vaut tard que jamais. Il a
été promis depuis longtemps. C'est à espérer que ce
document sera - je n'en ai pas encore pris connaissance - plus précis et
moins confus que le projet de loi que le ministre nous a
présenté. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Je tiens d'abord
à féliciter tous les membres de la commission ainsi que les
personnes que nous recevons ce matin d'être à l'heure. C'est la
première fois, je pense, qu'on débute à 10 heures
précises et j'espère que ce ne sera pas la dernière fois.
Je tiens aussi à faire mention que nous avons, au mémoire
présenté par l'Association des mines de métaux du
Québec Inc., une annexe 4MA qui est un tableau qui a été
distribué aux membres de la commission.
J'invite donc M. Gonzague Langlois, directeur général,
à nous présenter les personnes qui l'accompagnent et à
procéder à la lecture de son mémoire, en lui rappelant que
nous avons trois heures pour ce faire. Vous prendrez le temps que vous voulez
pour présenter votre mémoire et le reste du temps sera
consacré aux questions.
M. Langlois.
Auditions
Association des mines de métaux du
Québec
M. Langlois (Gonzague): Merci, M. le Président. M. le
ministre, MM. les membres de la commission, je m'appelle Gonzague Langlois.
J'aimerais vous présenter ceux qui m'accompagnent à cette table:
à mon extrême droite, M. Adrien Bois, directeur de la compagnie
Indusmin Ltée; M. Michel Rodrigue, directeur des mines Niobec et
président du comité de prévention de notre association, M.
Michel Lefebvre, président de l'Association des mines de métaux
du Québec et directeur général des Mines Gaspé;
à ma gauche M. Pierre Lasalle, directeur général de la
santé et de la sécurité à la minière
Québec Cartier; à ma gauche immédiate le Dr Claude Drouin,
directeur technique de
l'association.
J'aimerais maintenant passer la parole au président pour une
courte introduction du mémoire.
M. Lefebvre (Michel): M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission, le projet de loi 42 présentement
étudié en commission parlementaire revêt une importance
particulière pour le secteur minier. Les activités
minières, comme vous le savez, de par leur nature, ne sont pas exemptes
de risques tant au niveau de la sécurité qu'au niveau de la
santé des travailleurs. Malgré les programmes de
prévention très élaborés mis en place par
l'industrie depuis plusieurs années, force nous est de constater que les
travailleurs miniers sont encore victimes de lésions professionnelles et
nous ne croyons pas que le nouveau système qu'on est en train
d'instaurer par l'application de la loi aura des succès dans ce
domaine.
Il nous apparaît donc fort important que les véritables
victimes de lésions professionnelles puissent jouir d'un excellent
système de réparation et de réadaptation. Nous maintenons
cependant que l'élément essentiel dans le règlement du
problème de sécurité du travail demeure toujours la
prévention. Nous soutenons également que les abus qui existent
dans le système d'indemnisation constituent des obstacles sérieux
à l'établissement d'une politique rationnelle et efficace de
prévention des accidents de même que de réparation. C'est
dans cette optique que la majorité des membres de notre association a
étudié le projet de loi 42. Vous trouverez d'ailleurs en annexe
la liste des exploitations minières qui ont étudié en
détail le projet de loi. C'est le résultat de ces études
que notre directeur général va maintenant vous
présenter.
M. Langlois: M. le Président, la commission parlementaire
chargée d'étudier le projet de loi 42 nous apparaît une
excellente occasion d'examiner brièvement la philosophie et les
objectifs de la Loi sur les accidents du travail dont la première
version date de 1931. Avant cette date, les accidentés du travail
devaient poursuivre leur employeur pour obtenir réparation.
C'était un processus lent et inadapté aux besoins de ceux qui
venaient de subir un accident.
Le premier objectif de la Loi sur les accidents du travail était
donc et devrait encore être de faire office de police d'assurance et de
garantir une réparation à ceux qui subissent un accident du
travail ou sont victimes d'une maladie professionnelle.
En somme, par cette loi, la victime d'une lésion professionnelle
renonce à son droit de poursuite contre son employeur. En retour, elle
est assurée de recevoir, pour les dommages subis, une réparation
défrayée à partir d'une caisse centrale sous la
responsabilité gouvernementale, mais alimentée exclusivement par
les employeurs.
Cette loi avait un autre objectif, aussi important quoique moins
visible: celui d'être un stimulant à la prévention des
accidents du travail dans les entreprises. En rendant les employeurs
financièrement responsables des blessures et maladies professionnelles
qui peuvent survenir à leurs travailleurs, il est clair que ces
mêmes employeurs ont intérêt à mettre en place des
programmes de prévention, sinon pour cause humanitaire, du moins pour
diminuer leurs coûts. Encore faut-il que les employeurs perçoivent
facilement la relation entre la diminution des accidents et les coûts de
réparation. C'est ce qu'une loi moins permissive et des méthodes
administratives plus adéquates ont permis jusqu'au début des
années soixante-dix. Pour le secteur minier, par exemple, on a
institué, au début des années quarante, un système
au mérite qui permettait à l'employeur, à
l'intérieur d'un minimum et d'un maximum, de payer le coût
réel des accidents survenus dans son entreprise. Ce système
existe encore, d'ailleurs, mais son efficacité disparaît de plus
en plus à mesure que les réclamations pour accidents mineurs
augmentent.
L'administration de la Commission des accidents du travail, au cours de
cette même période, avait aussi mis en place un système de
contrôle au moyen d'enquêteurs pour prévenir les abus et
évaluer les réclamations à leur mérite. D'ailleurs,
les cas d'abus étaient beaucoup moins nombreux car, jusqu'en 1975,
l'indemnisation était calculée sur un salaire de base beaucoup
plus modeste.
En 1947, par exemple, l'indemnisation maximum équivalait aux deux
tiers de 2500 $ par année et l'accidenté n'y avait droit
qu'après sept jours d'attente. En 1975, cette indemnisation maximum
n'était encore que de 75% de 9000 $. Par contre, on avait
éliminé la période d'attente à partir de 1968.
Présentement, avec des indemnités de remplacement du revenu
fixées à 90% du salaire net, telles qu'inscrites dans la loi 42
et basées sur un salaire maximum cotisable de 31 500 $, en 1984, les
accidentés sont beaucoup moins empressés, la nature humaine
aidant, de retourner au travail.
Depuis 1975, on a assisté à une administration beaucoup
plus libérale d'une loi beaucoup trop généreuse. Entre
autres, le contrôle des réclamations, même si on nous dit
qu'il existe encore, est réduit à sa plus simple expression et
les enquêteurs sont bien silencieux puisqu'on n'en entend plus parler, de
sorte que l'employeur, comme le travailleur, en cas d'anomalie, doit s'engager
dans un long et coûteux processus de contestation devant les organismes
d'appel.
L'administration de la commission a
accordé de plus en plus le bénéfice du doute aux
déclarations des réclamants. Pour ce faire, elle accepte aussi
les réclamations fournies et signées par le travailleur seul,
même si la présente loi, en vertu de l'article 22, prévoit
dans tous les cas un rapport d'accident signé par l'employeur. Dans le
secteur minier, cela cause d'énormes problèmes puisque,
très souvent, en plus des réclamations se rapportant à des
opérations existantes, d'autres sont formulées pour des accidents
ou maladies survenus dans les mines fermées sans que les employeurs
aient la possibilité de vérifier la véracité des
faits avancés. Ce secteur doit absorber ainsi plusieurs millions de
dollars par année pour cette seule rubrique. Les résultats d'une
telle condescendance se sont très vite fait sentir puisque, dans les
mines, le pourcentage des accidents mineurs et souvent sans fait accidentel
précis est passé de 15% du total des accidents du secteur, en
1975, à plus de 40% de ce total pour l'année 1982.
De plus, les derniers amendements, soit la loi 114, sanctionnés
le 22 décembre 1978, élargissent considérablement le champ
d'application de la Loi sur les accidents du travail. Tout d'abord, cette loi
généralise exagérément la définition
d'accident du travail pour inclure les accidents survenus à l'occasion
du travail. La CSST, à la suite de cette nouvelle définition, a
généralement accepté les réclamations d'accidents
ou de maladies survenus dans les locaux de l'employeur, même lorsqu'ils
ne font pas partie du lieu de travail (les centres d'amusement, les
stationnements, les lieux de résidence, etc.).
Cet élargissement avait soi-disant pour effet de rendre
l'employeur responsable pour des accidents ou des maladies survenant en dehors
du milieu de travail. Évidemment, plusieurs cas ont abouti devant les
tribunaux qui ont donné raison tantôt aux employeurs, tantôt
aux réclamants. Nous considérons que cet aspect de la loi est une
injustice flagrante envers les employeurs et nous constatons que cette
injustice est maintenue dans le projet de loi 42.
De plus, le projet de loi ouvre la porte encore plus à la
libéralité par son article 26, qui fait disparaître la
notion du fait accidentel et reconnaît une lésion professionnelle
dès qu'elle survient au travail. Comme conséquence, nous avons
assisté depuis quelques années à une nouvelle sorte de
réclamations à la CSST, soit celle de douleurs ou malaises
à la suite d'activités normales, telles que marcher, se tourner,
se pencher, etc. Plusieurs de ces réclamations ont été
contestées par l'employeur, parce qu'il n'y avait pas de fait accidentel
à rapporter.
Enfin, les articles 20 et 27 du projet de loi rendent l'employeur
responsable de tout ce qui peut arriver à un travailleur durant ses
traitements à la suite d'un accident. Or, il est important de noter ici
que la CSST a été déboutée dans ces cas, à
maintes reprises, par les tribunaux qui se sont appuyés sur l'article
1053 du Code civil pour dire que l'employeur ne pouvait être responsable
des problèmes survenant à l'occasion des traitements.
Il nous semble évident que tous ces articles sont écrits
d'abord pour faciliter l'administration des réclamations à la
CSST et non pour assurer l'équité des décisions. C'est la
clientèle qui est mise au service de l'outil et tout l'impact
économique est versé totalement au débit de l'employeur.
Aussi, devant l'injustice de la situation actuelle et celle proposée
dans le projet de loi, nous recommandons que: a) l'expression "à
l'occasion du travail" soit biffée dans la définition d'accident;
b) l'article 26 soit éliminé; c) en cas de problèmes
résultant des situations qui découlent du traitement des
accidentés, les travailleurs concernés soient
considérés à l'emploi du gouvernement, tel que
prévu à l'article 14 du projet de loi.
D'autre part, dans la loi actuelle, les problèmes de
contrôle des réclamations ont été fortement
amplifiés par l'obligation de l'employeur de défrayer directement
à l'accidenté les cinq premiers jours d'indemnisation. Cette
mesure avait été incluse dans la loi, présumément
pour diminuer les délais dans le paiement des indemnisations aux
victimes d'accidents et, à cet effet, jusqu'à la
présentation du projet de loi 42, la commission jugeait, semble-t-il,
extrêmement important le fait de recevoir les rapports d'accidents le
plus rapidement possible. En effet, d'après l'article 22.1, la loi
alloue deux jours aux employeurs pour faire rapport sur les accidents survenus
dans leurs entreprises. (10 h 15)
Le projet de loi 42 oblige l'employeur à défrayer
lui-même les quatorze premiers jours au lieu de cinq; cela ouvrira la
porte à des abus encore plus nombreux et il semble que, soudain, la
commission n'est plus pressée de recevoir les rapports d'accidents,
puisqu'elle accorde vingt jours aux employeurs et six mois aux
réclamants pour expédier leurs rapports. Cette dernière
mesure pénalisera les véritables accidentés puisqu'elle
provoquera des délais encore plus importants qu'avant la politique des
cinq jours.
L'article 53 du projet de loi 42 nous apparaît donc clairement un
aveu d'incompétence administrative que l'on veut faire supporter par
l'employeur et qui n'a aucunement sa raison d'être, tenant compte du fait
que la CSST s'est dotée d'ordinateurs puissants au coût de
dizaines de millions dans le but de rendre son administration plus
efficace.
Encore une fois, les employeurs du Québec ont la triste
distinction de subir le poids de mesures soi-disant progressives qui n'existent
dans aucune autre province canadienne ou en Amérique du Nord. Si vous me
permettez, à la fin de la lecture du mémoire, je donnerai la
parole à mon collègue Claude Drouin pour des commentaires
additionnels.
Dans le dernier amendement de la Loi sur les accidents du travail - la
loi 114 -par son article 56, la CSST s'est donné des pouvoirs tellement
vastes au niveau de la réadaptation qu'elle pouvait, en plus de
réadapter physiquement les accidentés - ce qui est d'ailleurs une
activité minime de son programme - distribuer, selon son bon vouloir,
à titre de recherche d'emploi, de stabilisation économique, de
réintégration sociale, de programme de formation ou sous toute
autre dénomination, les fonds des employeurs et cette distribution
prenait soit la forme de pensions pendant des années, souvent à
de présumés accidentés, soit la forme de sommes
forfaitaires importantes, pour, par exemple, ériger des commerces.
Ce système de distribution de fonds au nom de la
réadaptation nous apparaît une façon coûteuse et
paresseuse de régler administrativement le cas de certains
accidentés sans aucun effort de règlement du problème
à la source. Le projet de loi 42, au chapitre VI, non seulement ratifie
entièrement les méthodes inefficaces présentement
appliquées par l'administration de la CSST, mais elle lui confie des
responsabilités additionnelles.
Le droit à la réadaptation est explicité à
l'article 138 tandis que l'article 141 décide de l'admissibilité
d'un travailleur à la réadaptation. Le champ d'activité en
réadaptation à la commission est défini à l'article
139 où on lit, au dernier aliéna, que la commission peut "prendre
toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire
disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle".
C'est donc dire que le projet de loi veut maintenir la carte blanche
donnée à la commission auparavant par la loi 114.
Il est humainement impensable de s'opposer à la
réadaptation des victimes de lésions professionnelles mais,
après avoir vu, depuis 1978, comment la CSST utilise sa carte blanche
pour faire de la réadaptation, on est dans l'obligation d'exiger une
révision du système en place.
Il y a deux catégories de clients en réadaptation: il y a
ceux qui sont réellement handicapés et qui doivent être
remis en état de travailler, et il y a ceux qui profitent abusivement du
système à cause d'une administration plus que
libérale.
Les vrais accidentés méritent les meilleurs soins possible
mais nous nous demandons pourquoi c'est la CSST elle-même qui s'occupe du
traitement tandis qu'en matière de réparation des accidents et de
maladie elle ne joue qu'un rôle d'administrateur. Nous croyons que les
professionnels des réseaux hospitaliers, des instituts ou des cabinets
privés auraient plus tendance à diriger leurs patients vers des
programmes plus efficaces que les formules administratives existantes et dont
la continuation est prévue.
Quant à la deuxième catégorie de clients, soit ceux
qui sont toujours en période de réadaptation alors que
réellement ils sont aptes à travailler, on les voit
bénéficier de ces mêmes subventions qu'ils utilisent pour
protéger leur absence au travail. Évidemment, plus l'absence se
prolonge et plus l'aide économique est généreuse, plus les
possibilités de retourner au travail sont faibles. D'une part, le client
n'éprouve ni le besoin ni le désir de retourner au travail et,
d'autre part, l'employeur n'est plus enclin à ouvrir ses portes à
un abuseur de cette catégorie.
Aussi, nous croyons que l'article 141, relatif à
l'admissibilité en réadaptation, doit être supporté
par un règlement qui définit les critères
d'admissibilité. De plus, l'employeur concerné doit être
obligatoirement impliqué dans le processus dès le début de
l'incapacité. Enfin, il faut prévoir un droit d'appel
spécial et expéditif dans les cas de réadaptation afin
d'éviter que le travailleur concerné ne s'enlise dans le confort
relatif, indésirable et néfaste créé par les
politiques actuelles.
En résumé, nous proposons que la réadaptation se
fasse en dehors de la CSST et que l'usage du droit à la
réadaptation soit limité par un règlement qui
définirait les critères d'admissibilité. La loi 42 ne
règle pas le problème actuel mais elle le perpétue.
Depuis 1975, il s'est développé un énorme
problème au niveau de l'indemnisation des pneumoconioses, silicoses et
amiantoses dans le secteur minier. En juin 1975, la loi 52 sur l'indemnisation
des victimes d'amiantose et de silicose était adoptée. Cette loi
changeait complètement le système de compensation établi
jusqu'à ce jour en ce sens qu'au lieu d'accorder une pension
basée sur le taux d'incapacité constatée il accordait un
montant forfaitaire pour perte de qualité de vie et une pension
complémentaire équivalente à 90% du salaire net
indexé quand il y avait perte d'emploi.
Même si ce nouveau système d'indemnisation coûtait
beaucoup plus cher, les employeurs auraient pu s'en accommoder s'il avait
été bien appliqué. Or, à l'automne 1975, la
commission adoptait une résolution indiquant que le site minier devait
être exclu comme endroit de réassignation pour tout travailleur
qui présentait des anomalies pulmonaires même mineures
causées par l'amiante ou par la silice. C'est ainsi qu'à
partir de cette date tout travailleur minier affecté d'une
anomalie pulmonaire équivalente à un déficit
anatomophysiologique aussi bas que 5% se voyait retirer son certificat
médical de travail, perdait son emploi et devenait admissible à
une pension équivalente à 90% de son salaire net. C'est ainsi que
plusieurs centaines de travailleurs sont devenus du jour au lendemain des
pensionnés de la CAT et, plus tard, de la CSST, alors qu'effectivement
ils auraient pu facilement continuer d'occuper un emploi puisque, selon les
experts médicaux, l'incapacité réelle dans les cas de
pneumoconiose n'apparaît qu'à partir d'un DAP de plus de 15%.
Il y a présentement, selon les statistiques de la CSST,
près de 400 cas dans cette catégorie qui reçoivent une
pleine compensation généralement capitalisée à au
moins 200 000 $ chacune, alors que ces travailleurs auraient pu facilement
continuer d'occuper un emploi. Vous conviendrez, M. le Président, que si
vous faites la multiplication de 400 par 200 000 $ cela donne 80 000 000 $.
Cette façon d'administrer la loi 52 a été
dénoncée à plus d'une reprise par la cour, depuis 1975,
dans des jugements sur des poursuites judiciaires prises contre la CSST par les
sociétés d'amiante. Pour plus de détails sur le dossier
des pneumoconioses et la loi 52, nous nous référons au
mémoire de l'Association des mines d'amiante que nous appuyons
entièrement parce qu'il fait, à notre avis, un excellent
exposé de la question. Nous voulons ajouter, cependant, que le projet de
loi 42 vient, entre autres par les articles 35, 52, 159, 248, 250, 285, 343,
344, 345 et surtout les articles 358, 359, 360, non seulement légaliser
les présentes méthodes administratives, mais pousser encore plus
loin l'autocratie en interdisant à l'employeur d'aller en appel sur les
décisions de la commission lorsqu'il s'agit des pneumoconioses et en
annulant rétroactivement et même d'avance l'application de tout
jugement de cour de justice dans ce dossier. N'y a-t-il pas lieu, pour le
ministère de la Justice, d'étudier attentivement la
constitutionnalité des trois derniers articles mentionnés plus
haut?
Le secteur minier est particulièrement affecté par les
problèmes de bruit et, conséquemment, la surdité
industrielle chez les travailleurs. Les employeurs miniers en sont pleinement
conscients. C'est pourquoi ils ont, depuis 1975, mis sur pied un programme
détaillé sur la protection de l'ouïe. Or, une
interprétation fantaisiste de l'article 105 de l'ancienne loi, qui
prévoyait une indemnisation pour maladie professionnelle lorsqu'il y
avait perte de revenu, a permis à la CSST, dans le secteur minier,
d'octroyer de nombreuses pensions à vie pour surdité industrielle
sans qu'il n'y ait perte d'emploi ou de salaire. Bien plus, de nombreuses
pensions pour surdité ont été accordées à
des retraités dont certains ont dépassé les 80 ans et
même les 90 ans. Depuis 1975, le secteur minier a déboursé
plus de 16 000 000 $ en compensation pour ce seul article. Le projet de loi 42
semble prévoir la correction de cette situation, à moins que l'on
ne découvre une autre façon originale d'interpréter la
loi.
La liste des maladies professionnelles reconnues par le projet de loi
correspond à celle du Bureau international du travail, mais elle n'est
pas présentée de la même façon. Les experts
internationaux ont fait précéder cette liste d'un
préambule déclarant que "la symptomatologie des affections
d'origine professionnelle n'est généralement pas
spécifique et qu'en principe, en ce qui concerne la relation de cause
à effet, l'on devrait s'attacher aux symptômes valides d'une
maladie définie." Il apparaît donc nécessaire, aux yeux de
ces experts, "d'établir clairement la relation causale entre l'agent
chimique, physique ou biologique du milieu de travail et l'atteinte à la
santé du travailleur." Le projet de loi qui nous est soumis ainsi que la
loi actuelle font fi de ces prémisses fondamentales.
L'article 28, en statuant que "le travailleur atteint d'une maladie
visée à l'annexe A est présumé atteint d'une
maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à
cette maladie d'après l'annexe", dit le contraire de ce qu'affirme le
BIT. Seul l'article 29 correspond au préambule du BIT et c'est lui seul
qu'on devrait retrouver dans la loi si on veut respecter la pensée des
experts. Malheureusement, il ne s'applique qu'aux maladies non incluses dans
l'annexe.
L'article 28 facilite sans doute l'administration de la CSST et
l'accès aux indemnités, mais il donne lieu à des
injustices extrêmement coûteuses. Il faut bien remarquer que, s'il
y a une relation de cause à effet dans une maladie donnée, il
sera toujours possible de le démontrer sans l'aide d'une
présomption d'abord acquise au réclamant.
Le projet de loi ouvre la porte aux possibilités de
réassignation d'un travailleur à un poste convenable à son
état, à la suite d'un accident, d'une maladie ou de la
présence de signes d'imprégnation par un contaminant, mais les
balises qui sont posées dans le projet de loi rendent la chose
pratiquement impossible.
Tout d'abord, en vertu de l'article 30, la commision, à la suite
d'une réclamation pour maladie professionnelle accompagnée d'un
certificat médical montrant des effets pathologiques de la maladie, peut
demander à l'employeur de réassigner le réclamant dans une
tâche ne comportant pas d'exposition ou contaminant responsable de
l'imprégnation.
En vertu de l'article 31, le réclamant
peut cesser de travailler jusqu'à ce qu'il soit
réassigné.
En vertu de l'article 48, le réclamant a droit à une
indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son
emploi.
En vertu de l'article 75, si le travailleur est incapable d'exercer son
emploi, la commission lui accorde des compensations pour occuper un autre
emploi. Aux articles 76, 77 et 78, si le travailleur refuse le nouvel emploi,
il ne sera pénalisé que si l'emploi refusé ne comporte pas
de danger pour sa santé, sa sécurité et son
intégrité physique.
Enfin, à l'article 80, la commission elle-même
détermine le genre d'emploi que le travailleur réassigné
pourra exercer et le revenu net provenant de cet emploi.
Lorsqu'on considère que les politiques administratives de la CSST
prônent présentement la norme zéro comme condition de
réassignation pour les travailleurs souffrant d'anomalies pulmonaires
bénignes dues à l'amiante ou à la silice, on peut
facilement affirmer que l'absence de danger pour la santé, la
sécurité et l'intégrité physique signifie pour la
CSST cette même norme zéro pour toutes les conditions
environnementales de travail et que, dans le cadre du projet de loi, la
réassignation devient utopique puisque la norme zéro est un
objectif idéal impossible à atteindre.
Il est donc impératif que le projet de loi permette
d'élaborer un véritable système de réassignation
fondé sur le bon sens et les réalités des entreprises. En
ce sens, le cadre proposé par le projet de loi 42 nous apparaît
totalement irréaliste.
Nous croyons que l'employeur et la profession médicale
constituent l'équipe disposant des meilleurs moyens pour prévoir
la réassignation des personnes touchées par accident, maladie,
imprégnation ou autres signes précoces d'affections. La
réassignation doit se faire autant que possible dans
l'établissement, sinon elle ne se fera pas et nous créerons une
population de désoeuvrés à un coût astronomique. (10
h 30)
La réassignation est un élément clé dans un
système de réparation des lésions professionnelles, et
même avec des mesures législatives adéquates, elle ne
pourra se faire sans une saine administration de la loi. Aussi, le minimum
qu'on puisse espérer du législateur, c'est le rejet de la norme
zéro telle que pratiquée aujourd'hui par la CSST dans le cas de
l'amiante et de la silice.
La question du retour au travail n'est pas circonscrite par les seuls
articles 145 à 170; il y a de nombreux autres articles qui se rattachent
à cette section. Les articles 30 et 31 traitent du retour au travail du
travailleur affecté d'une maladie professionnelle, y compris le cas de
retrait préventif. Il semble toutefois, puiqu'on n'en fait pas mention,
que les hypersensibles à l'environnement sont traités exactement
comme les autres. Faudra-t-il alors traiter tous les travailleurs comme s'ils
étaient des hypersensibles? C'est sans doute avec cette notion en
tête que la CSST exige la norme zéro dans les endroits de travail
où le travailleur affecté doit être
réassigné. Ces deux articles signifient-ils que l'employé
aura droit à des prestations indéfiniment, s'il n'y aucun endroit
dans cette entreprise où la norme zéro existe?
Le problème vécu le plus fréquemment dans
l'entreprise aujourd'hui est beaucoup plus en relation avec l'omission du
travailleur à revenir au travail dès qu'il est en état de
le faire qu'avec celui de sa réintégration dans l'entreprise car
les avantages financiers accordés par la loi actuelle à ce
dernier éliminent toute incitation à son retour au travail. Nous
croyons qu'il est essentiel de compléter la section du droit de retour
au travail dans le présent projet de loi par une autre section sur
l'obligation de retour au travail dès qu'un travailleur est en
état de le faire.
Il serait donc extrêmement souhaitable au plan social, au plan
économique et au plan de la réadaptation de prévoir des
mécanismes dans la loi pour permettre au travailleur de revenir au
travail dès qu'il est capable d'assumer une tâche compatible avec
son état. À cette fin, il est irréaliste de penser que le
travailleur pourra nécessairement retourner au même emploi qu'il
occupait avant son accident. C'est pourquoi il faut d'abord remplacer, dans le
nouveau projet de loi, l'expression "son emploi" par "le travail" dans de
nombreux articles.
Selon les articles 151, 152, 156 et 159, il semble que l'employeur
n'aura plus rien à dire concernant les capacités d'un
employé à accomplir son travail. Pourtant, nous ne croyons pas
que la CSST ait la compétence pour se substituer à l'employeur
dans l'assignation des tâches. C'est pourquoi nous recommandons de
prévoir dans la loi que toutes les actions de la CSST dans la section du
retour au travail se fassent en concertation avec la profession médicale
et l'employeur.
Enfin, il faut songer sérieusement aux inconvénients
causés par le droit du retour au travail en fonction de son impact sur
l'application des conventions collectives. La cumulation du droit de retour au
travail (article 146) de la priorité d'accès aux postes
disponibles et de l'accroissement de l'ancienneté (article 154) sont des
éléments qui dérangeront considérablement le climat
des relations du travail. Il est facile de prévoir des cas où
certains travailleurs profiteront de ces nouveaux droits pour avoir
accès à un poste convoité en alléguant une
incapacité partielle pour exécuter leur ancien
travail.
Le projet de loi prévoit des droits d'appel pour le travailleur
aux articles 160 à 170 mais, comme toujours, l'employeur a le fardeau de
la preuve et est placé strictement sur la défensive, soit devant
la commission, le Tribunal du travail ou devant le commissaire du travail.
Cette totale ignorance de l'employeur dans l'application du droit du retour au
travail est bien dans la philosophie de tout le projet de loi, mais elle n'en
est pas moins inacceptable et irréaliste puisqu'on se prive de la
personne la plus compétente pour trouver un poste convenable à un
travailleur handicapé. Le droit de retour au travail est un droit
nouvellement inclus dans la loi, bien que ce système existe depuis
longtemps, du moins dans le secteur minier. La reconnaissance de ce droit dans
notre secteur a toujours été négociée avec les
travailleurs. Vous comprendrez donc que ce ne sont pas les abus de pouvoir de
la commission contre l'employeur qui rendront ce droit vivable et
réaliste.
La CSST manipule environ 500 000 dossiers par année et chacun
d'eux comporte des paiements. Or, il arrive que, pour toutes sortes de raisons,
certains bénéficiaires ne sont pas des ayants droit; ils
deviennent alors des surpayés. Si la CSST ne recouvre pas cet argent, ce
sont les employeurs qui en absorbent le coût. Quand on considère
la loi actuelle et les propositions du projet de loi 42, on est forcé
d'admettre qu'il y a une quantité de trous dans ces textes de loi,
lesquels permettent la création d'une classe de surpayés et
aboutissent au non-recouvrement de ce trop-payé. Au cours des
dernières années, la CSST n'a à peu près jamais
recouvré les sommes accordées soit en trop soit par erreur
à certains réclamants.
L'article 251 du projet de loi énonce le principe
général du recouvrement du trop-payé, mais il y a
tellement d'exceptions prévues que, dans d'autres articles du projet de
loi, le recouvrement est en fait un non-lieu.
L'article 31 prévoit le non-recouvrement des versements
effectués à la suite d'une réclamation pour maladie
môme si plus tard il est reconnu qu'il ne s'agissait pas d'une maladie
professionnelle.
L'article 117 donne l'autorisation à la CSST de verser des
paiements avant la décision finale et prévoit la
non-récupération de ces versements au cas où il serait
démontré que le réclamant n'avait pas droit aux
indemnités.
L'article 248 dit candidement que, lorsqu'une décision est
renversée à la suite d'une reconsidération ou d'une
décision de la Commission des affaires sociales, les sommes
versées auparavant ne sont pas recouvrables.
L'article 258 permet à la CSST de faire remise du
trop-perçu à sa discrétion. En fait, c'est un article
omnibus de non-recouvrement.
Le summum de cette politique de non-recouvrement se retrouve à
l'article 360 où il est écrit que tout bénéficiaire
de la LIVAS, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'amiantose et de
silicose, qui a été déclaré comme n'étant
pas un ayant droit pourra garder ce qu'il a déjà reçu et
de plus continuer de recevoir ce à quoi il n'a pas droit. Mieux encore,
ce bénéficiaire continuerait de recevoir les indemnités
malgré toute décision ou tout jugement postérieur lui
déniant ce droit.
Le contenu de cet article 360 a déjà coûté
des dizaines de millions de dollars aux employeurs miniers du Québec
à cause d'une application contestée de la LIVAS depuis son
entrée en vigueur. La CAT et la CSST ont maintenu leurs
procédures d'application de cette même loi malgré le fait
que les tribunaux en aient déclaré l'illégalité
depuis 1976. On peut donc conclure que le projet de loi ouvre les portes toutes
grandes à des libéralités fort coûteuses que les
conseillers du système sauront exploiter habilement.
Dans le cas de l'article 360, il est inhumain que les
bénéficiaires illégaux de la LIVAS soient
pénalisés à cause des procédures fautives de
l'administration, mais il est également injuste d'en faire payer le
coût par les employeurs. Dans tous les cas de surpayés, il s'agit
d'un coût qui appartient à l'État en tant que responsable
de l'administration mise en place.
La CSST doit se comporter comme une société d'assurances,
ce qui est son objectif principal, et le projet de loi 42 doit inclure des
mesures adéquates pour atteindre cet objectif et non encourager la
mauvaise administration des fonds des employeurs. Si le législateur veut
en faire une loi sociale, les employeurs ne doivent pas être les seuls
à en absorber le coût.
Le projet de loi prévoit une série de mesures d'appel
rattachées au droit de retour au travail. Or, ces droits d'appel sont
donnés exclusivement au travailleur tandis que l'employeur est toujours
placé sur la défensive. Pourtant ces articles de loi
prévoient des obligations pour l'employeur qu'il peut être en
droit de contester et il devrait pouvoir le faire.
Selon les articles 160 à 170, la CSST interviendra directement
dans un champ déjà couvert par les conventions collectives et, du
même coup, elle deviendra un agent de confrontation et
d'interférence.
De plus, le projet de loi est discriminatoire quand il s'agit de
silicose et d'amiantose, puisque, dans ce cas, les intéressés
n'ont droit qu'à 30 jours pour interjeter appel tandis que la
règle générale prévoit 90 jours, aux articles 245
à 247. Dans tous les cas, au moins 60 jours nous
semblent nécessaires.
Les articles 238 à 250, considérés dans leur
ensemble, sont d'une extrême importance, car il y a toujours moyen de les
interpréter d'une façon telle que, dans les faits, il n'y a plus
de droit d'appel. Il faut d'abord constater que la loi abolit les bureaux de
révision nécessaires pour régler les problèmes de
droit aux indemnités ou de quantum quand il y a conflit. Le processus
appartient maintenant à la reconsidération interne, à
l'article 244, qui agit sur demande ou d'office. Cette reconsidération
va même jusqu'à pouvoir renverser une décision de la
Commission des affaires sociales, à l'article 250. En plus il n'y a pas
de reconsidération interne prévue pour la silicose et
l'amiantose, à l'article 245.
Finalement, la Commission des affaires sociales sera encore
présente mais, si les délais d'action dépassent six mois,
la CSST pourra l'ignorer (article 246). À toutes fins utiles, s'il n'y a
pas d'appel à l'extérieur, la CSST sera décisionnelle,
elle sera juge de ses propres décisions. C'est l'autocratie à son
maximum.
L'expérience nous amène à la conclusion que toutes
les questions d'appel relatives à cette loi doivent être soumises
à un tribunal spécial extérieur à la CSST et qui
serait autre que la Commission des affaires sociales dont la vocation s'ajuste
plutôt mal au cadre particulier de la Loi sur les accidents du
travail.
Nous nous permettons de revenir sur les procédures de
déclarations et de rapports d'accidents prévues dans les articles
171 à 175, lesquelles sont totalement inadéquates et empirent une
situation déjà boiteuse. Suivant la formule proposée -
à l'article 171 - le réclamant jouira d'une période
indéfinie pour rapporter une lésion professionnelle, au lieu
d'être rigoureusement obligé de rapporter un accident à
l'intérieur d'un délai précis et rigoureux qui ne devrait
pas excéder 24 heures après le fait. Toutefois, dans le cas de
maladie, on comprend qu'une formulation différente s'impose.
D'autre part, à l'article 172, l'employeur aurait 20 jours pour
faire son rapport à la CSST tandis qu'à l'article 173 le
travailleur aurait jusqu'à six mois pour le faire. Or, si on veut
s'assurer que l'accidenté soit incorporé le plus tôt
possible dans le processus administratif de l'indemnisation, l'employeur
devrait envoyer son rapport à la CSST dans les 48 heures, comme
présentement, et c'est sur ce même rapport que l'accidenté
devrait faire sa déclaration, à moins d'empêchement
physique.
Généralement, dans de tels cas, l'authenticité du
fait accidentel est incontestable.
Toute cette section sur les réclamations est un relâchement
sur les moyens actuels de contrôle des lésions professionnelles et
nous la rejetons totalement. Ce qui est nécessaire, c'est la mise en
place de moyens de contrôle supplémentaires pour enrayer les abus
et garantir les meilleurs traitements possible aux accidentés et aux
malades. Le statu quo serait de loin supérieur à ce qui est
proposé dans le projet de loi. Il faut prévoir à ce
chapitre que les parties en cause puissent déclarer une opposition, s'il
y a lieu, dès le moment de la réclamation et amorcer le processus
d'enquête qui s'impose dans de tels cas.
Le projet de loi 42 augmente considérablement les pouvoirs de la
commission et, de plus, transforme certains actes professionnels en actes
administratifs. Par exemple, à l'article 35, c'est la commission qui
décide si un travailleur est atteint de silicose ou d'amiantose. C'est
la commission qui déterminera la capacité du travailleur, selon
l'article 80. La commission décide de la nécessité, de la
nature, de la suffisance et de la durée de l'assistance médicale,
en vertu de l'article 132. La commission décide de
l'admissibilité à la réadaptation en s'appuyant sur
l'article 141, etc.
Bien que la commission ait recours à des professionnels pour
prendre ces décisions, il n'en reste pas moins que ces décisions
sont administratives avant d'être professionnelles. Nous n'avons
qu'à regarder comment la LIVAS a été appliquée ou
encore consulter les différents manuels de procédure de la CSST
pour comprendre que l'objectif visé est la facilité
administrative avant toute chose. C'est d'ailleurs pour faciliter son
administration que la commission recherche plus de pouvoirs et la loi 42 lui
permet d'en posséder beaucoup plus.
Le principe de la révision d'office d'une décision, y
compris la révision d'une décision de la Commission des affaires
sociales, est inconcevable dans un pays qui se veut démocratique et
respectueux des institutions judiciaires ou quasi judiciaires. Le pouvoir
décisionnel donné à la CSST est discrétionnaire et
absolu. Il est discrétionnaire en vertu des articles 240, 241 et 242. Il
est absolu en vertu de l'article 238 et surtout 239, lequel soustrait la CSST
à la surveillance de la Cour supérieure. Les recours en justice,
d'après l'article 239, sont limités à demander aux
tribunaux si la CSST a la compétence pour prendre une décision.
Enfin, le pouvoir absolu se retrouve à l'article 250 où il y a
suffisamment de portes ouvertes pour permettre à la CSST d'ignorer les
décisions découlant des articles 246, 248 et 249, et même
de renverser les décisions de la Commission des affaires sociales.
Quand on regarde l'ensemble des clauses relatives au droit d'appel, aux
dispositions de non recouvrement du trop-payé et aux pouvoirs de la
CSST, lesquels s'exercent toujours dans le sens du bénéfice
du doute du réclamant, on est en droit de se demander si le
gouvernement, par sa nouvelle loi, n'est pas en train, sciemment, de
créer une autre classe d'assistés sociaux supportés par
les employeurs puisque le retour au travail sera de plus en plus difficile dans
un tel contexte. La société industrielle québécoise
ne pourra supporter longtemps le système onéreux qu'on est en
train d'installer en plein milieu d'une des plus sérieuses crises
économiques de son histoire. Les pouvoirs de la commission, tenant
compte de ses antécédents, doivent beaucoup plus, selon nous,
être contrôlés qu'augmentés et nous sommes absolument
opposés à tous les pouvoirs discrétionnaires
accordés en vertu des articles 35, 73, 74, 80, 132, 141 et de 238
à 250. (10 h 45)
Dans un autre domaine, certains articles de la loi 17, Loi sur la
santé et la sécurité du travail, administrée par la
CSST, entre autres le retrait préventif de la femme enceinte, ont rendu
l'employeur responsable fiancièrement d'un avantage social qui,
normalement, devrait être défrayé par l'État. En
toute justice, l'employeur ne doit pas être pénalisé pour
des conditions de travail considérées parfaitement normales pour
les travailleurs, mais ne convenant pas aux risques appréhendés
pour la travailleuse enceinte. En 1982, le retrait préventif de la femme
enceinte a coûté plus de 16 000 000 $ aux employeurs du
Québec et ce total augmentera rapidement puisqu'on est au début
de l'application du programme. Le projet de loi 42, à notre
connaissance, ne corrige en rien cette anomalie.
De plus, la libéralité dans l'indemnisation des
lésions professionnelles incite les travailleurs - et qui pourrait les
en blâmer? - dans les cas de mises à pied, soit pour diminution de
production ou fermeture d'entreprises, à réclamer et à
obtenir une indemnisation souvent beaucoup plus généreuse que
l'assurance-chômage ou le service social, en attendant de se retrouver un
emploi. On constate depuis plusieurs années qu'à chaque fermeture
de mine, par exemple, un nombre important de licenciés font des
réclamations de tout genre à la CSST et obtiennent
généralement gain de cause. Nous trouvons pour le moins curieux
que des travailleurs pouvant occuper normalement leur emploi deviennent
soudainement impotents à l'annonce de leur licenciement.
L'industrie minière est particulièrement
pénalisée par cette tendance et considère que, dans un
contexte économique d'entreprise privée, elle n'a pas à
jouer le rôle des gouvernements qui, eux, ont la responsabilité du
bien-être de la population et qui perçoivent les impôts
à cet effet.
Une loi qui, avec les années, a englobé un champ
d'activité beaucoup plus vaste que les objectifs fixés au
départ, surtout lorsqu'elle est administrée de façon
exagérément libérale et sans contrôle, ne peut que
coûter très cher à ceux qui paient la note, soit les
employeurs. On s'aperçoit, d'autre part, que, dans le cas des victimes
d'actes criminels dont les indemnisations sont défrayées par le
gouvernement, celui-ci devient beaucoup moins prodigue que lorsqu'il s'agit des
fonds des employeurs.
Dans le secteur minier, qui a vu au cours des dernières
années sa fréquence d'accidents augmenter considérablement
à cause des accidents mineurs, alors que les accidents graves
diminuaient, le coût des cotisations à la CSST totalisait en 1982
l'équivalent de 2502 $ par employé dans les mines de
métaux non ferreux, soit presque 10% des salaires, alors que dans les
mines de fer, qui ont un passé beaucoup moins lourd à supporter,
ce coût équivalait à 1085 $ par employé pour la
même année. Cette différence s'explique partiellement,
comme nous l'avons mentionné lors de notre présentation en
commission parlementaire sur l'administration de la CSST, par le coût des
indemnisations pour lésions professionnelles chargées aux mines
fermées. Il y en a eu 50 depuis 1925. Ce dernier coût vient
alourdir considérablement le fardeau financier de la classe des mines de
métaux non ferreux. Cela se totalise à quelques millions par
année.
Afin de soulager temporairement les employeurs, le projet de loi 42
propose la réduction des cotisations en capitalisant les rentes à
90%, au lieu de 100%, du coût estimé par les actuaires comme
auparavant, jusqu'en 1988. Cette mesure ne fait que reculer les
échéances de l'employeur et ne résout en rien le
problème qui se situe au niveau de la loi et de son administration.
L'administration de la CSST avance que ces nouvelles méthodes de
prévention diminueront sensiblement la fréquence des
lésions professionnelles à partir de 1988, de là une
diminution de coût. Tenant compte d'un système de
prévention légaliste qui n'a jamais accompli de merveilles dans
d'autres pays et tenant compte aussi d'un projet de loi encore plus favorable
aux réclamants qu'auparavant, sans aucune assurance de voir les
méthodes administratives s'améliorer, une telle affirmation sur
la diminution du nombre des lésions professionnelles nous apparaît
clairement comme vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.
L'Ontario est présentement aux prises avec des déficits
énormes de sa Commission des accidents du travail pour avoir
négligé de capitaliser à 100% son système
d'indemnisation des lésions professionnelles. On est en train de
répéter délibéremment la même erreur au
Québec pour se donner temporairement une image de bons administrateurs.
On s'attaque à la paille,
alors que c'est la poutre d'une administration trop permissive qui
devrait faire l'objet des préoccupations du gouvernement.
Les coûts que l'on vient de mentionner ne représentent
évidemment que les coûts directs. Par ailleurs, l'augmentation
considérable de réclamations pour accidents mineurs est la source
de problèmes d'absentéisme aussi importants que coûteux,
problèmes qui nécessairement influencent la productivité
puisque absentéisme et baisse de productivité vont toujours de
pair. C'est d'ailleurs ce que les employeurs miniers ont constaté au
cours des dernières années et ils sont fort inquiets pour la
rentabilité future de leurs entreprises; car, face à une
concurrence internationale qui s'est accrue de façon inflationniste au
cours de la présente récession, toute baisse de
productivité s'avérera catastrophique pour cette industrie dans
les prochaines années.
L'absentéisme causé en partie par la loi et les
présentes politiques administratives de la CSST devient donc un facteur
négatif fort important dans le contexte économique auquel le
secteur minier aura à faire face au cours des prochaines
années.
Une autre conséquence déplorable de l'absence de
contrôle se traduit par une certaine démotivation des cadres des
entreprises à l'endroit de la prévention, du moins dans les
opérations minières. Bien que la loi, 17 administrée par
la CSST, ait voulu situer le travail de prévention sur un autre plan,
soit l'élimination des risques à la source et l'action paritaire,
nous sommes plus convaincus que jamais - et cela après quatre ans de
nouveau régime - que l'intérêt et le travail de la
supervision dans les entreprises demeurent la clé du succès en
prévention. Les superviseurs sont des humains comme d'autres. Et,
à ce titre, leur motivation est soutenue par la perception des
succès qu'ils obtiennent. Or, dans un système où les
travailleurs sont de plus en plus indemnisés pour des banalités
et nombre d'autres événements incontrôlables il n'y a plus
moyen de savoir si le travail accompli est valable ou non. Comment
évaluer alors ce qui est simulation et ce qui ne l'est pas? De là
la difficulté toujours de plus en plus grande de motiver la supervision
à l'égard des activités de prévention.
Malgré ces inconvénients, la direction des entreprises
minières est bien décidée à continuer et même
à intensifier ses activités de prévention comme on en a
fait la démonstration au cours des dernières années.
Voilà en résumé pour le secteur minier les
problèmes additionnels qui se sont développés au niveau de
la réparation, aussi bien que de la prévention, des
lésions professionnelles depuis quelques années, plus
particulièrement depuis le dernier amendement à la Loi sur les
accidents du travail, la loi 114, et l'entrée en scène de la
CSST.
On nous présente maintenant une nouvelle Loi sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles. Tel que mentionné tout au long
du mémoire, nous constatons avec une grande déception que le
projet de loi 42 ratifie et inclut les mêmes exagérations que la
dernière version de la Loi sur les accidents du travail, auxquelles on a
ajouté toutes les méthodes et pratiques abusives qu'a
utilisées l'administration de la CSST au cours des dernières
années par l'intermédiaire de règlements et de directives
souvent contestés et jugés ultra vires par les tribunaux.
Le projet de loi 42 va encore plus loin au niveau du
préjugé favorable au réclamant, au niveau du champ
d'intervention des pouvoirs accordés à la commission et au niveau
de la désinvolture, sinon de l'arrogance avec laquelle sont
traités les employeurs qui paient la note.
Par ailleurs, nulle part dans ce projet de loi on n'y voit
apparaître le moindre contrôle pour réprimer les abus. C'est
comme si on tenait pour acquis que tous les travailleurs sans exception sont
parfaitement honnêtes, sincères et raisonnables et que seuls les
employeurs sont ceux dont il faut se méfier en les encadrant rigidement
par des lois et règlements souvent antidémocratiques à
leur égard.
Nous n'hésitons pas à affirmer qu'accepter le projet de
loi 42 dans sa présente forme signifierait pour les employeurs la
continuation de contestations juridiques sur la légalité de
nombreux articles de la nouvelle loi.
De plus, le projet de loi 42 se révélera
financièrement désastreux surtout si l'administration de la CSST
suit la même tendance que celle adoptée au cours des
dernières années.
Ce projet de loi n'est aucunement acceptable dans sa présente
forme. On ne doit en retenir que le chapitre IV qui traite de l'indemnisation
des victimes de lésions professionnelles basée sur un forfaitaire
pour perte de qualité de vie et un complémentaire quand il y a
perte de revenu et que ce système d'indemnisation prenne fin à
l'âge de 68 ans, comme le mentionne le projet de loi 42, soit le
règlement de l'article 38.4. Tout le reste ne sert qu'à empirer
le système actuel qui depuis longtemps s'est éloigné des
objectifs prévus originalement et qui devient de plus en plus un fardeau
intolérable pour les employeurs.
D'autre part, nous souhaitons vivement que le gouvernement profite de
l'occasion pour élaborer un nouveau projet de loi qui colle beaucoup
mieux à la réalité économique présente et
future du Québec en s'inspirant des véritables objectifs de la
Loi sur les accidents du travail, c'est-à-dire assurer la
réparation des lésions professionnelles et être
un stimulant à la prévention, tant pour les employeurs que
pour les travailleurs.
À cette fin, le nouveau texte de loi devra contenir entre autres:
1) Le respect du principe de la loi qui est le remplacement du revenu dans les
seuls cas d'accidents ou de maladies professionnelles à travers une
politique d'incitation à la prévention et de retour au travail.
2) Un système de contrôle pouvant adéquatement
réprimer les abus par des enquêtes, des procédures de
réclamation et d'incitation de retour au travail. 3) Une
définition d'accident plus réaliste, restreinte à un
événement fortuit survenu par le fait du travail. En plus de
réviser cette définition, il faut rejeter le concept que l'on
retrouve à l'article 26 du projet de loi. 4) La disparition du paiement,
par l'employeur, des quatorze premiers jours, lequel n'aide aucunement à
l'administration de la CSST et ouvre la porte aux abus des profiteurs. 5) Une
politique de réadaptation qui met l'accent sur la réadaptation
physique et le réemploi dont la réalisation serait confiée
à des organismes indépendants de la CSST. 6) Une politique de
réassignation dans l'entreprise basée sur une norme
environnementale plus réaliste que celle du risque zéro accident
ou maladie, telle que présentement appliquée et la levée
de l'interprétation limitative de la notion d'emploi. 7) Une politique
d'indemnisation des pneumoconioses et des autres maladies professionnelles qui
permettent au travailleur, par la réassignation dans l'entreprise, de
conserver un emploi et n'être indemnisé que lorsqu'il y a
incapacité réelle de travailler. 8) Une politique de retour au
travail plus réaliste et plus réparatrice pour l'accidenté
et où l'employeur a un rôle important à jouer,
complémenté par une obligation de retour au travail. 9) Un
système de recouvrement du trop-payé efficace, appliqué
avec justice et intelligence. 10) Un organisme d'appel mieux adapté et
plus expéditif situé à l'extérieur de la CSST. 11)
Beaucoup moins de pouvoirs discrétionnaires à la commission et
une autorité accrue de son conseil d'administration. 12) Des
mécanismes de vérification interne et externe de l'administration
financière de la CSST responsable au conseil d'administration. 13) Une
amélioration des procédures de réclamation pour accident
ou maladie et non l'inverse comme le propose le projet de loi,
particulièrement en ce qui a trait aux délais. 14) Une attitude
beaucoup plus impartiale à l'endroit des employeurs qui financent
entièrement le régime et une application plus rationnelle du
bénéfice du doute envers les réclamants. 15) Le transfert
du programme de retrait préventif de la femme enceinte au réseau
des affaires sociales. 16) Une politique de financement du régime
s'appuyant sur des bases solides à long terme, c'est-à-dire
capitalisée à 100% du régime tant et aussi longtemps que
le nouveau régime de système de prévention n'aura pas
obtenu des résultats positifs.
Comme vous le voyez, M. le Président, ce mémoire est le
résultat d'une vaste discussion au niveau de tous nos membres, comme
vous pouvez le constater par les différents commentaires qui nous sont
parvenus et que nous avons cru bon d'inclure en annexe.
Nos protestations contre la loi 42 révèlent donc beaucoup
plus une vague de fond de la part de tous les intéressés que la
gestation solitaire de permanents d'associations comme certains
représentants syndicaux aiment bien en faire circuler la rumeur à
l'occasion.
Dans la course aux lois progressistes, la CSST se vante souvent de
gagner sur les autres provinces canadiennes - ici, vous nous excuserez un peu
de faire un peu de grandiloquence. La loi 42 prend pour nous l'allure d'un
cheval emballé qui pourra bien, si on n'y prend garde, entraîner
le char de l'économie vers les sables mouvants.
Par contre, les recommandations que nous formulons à la fin de ce
mémoire nous paraissent très facilement réalisables pour
autant que le gouvernement soit prêt à adapter un des ses plus
importants organismes aux dures réalités du fonctionnement de nos
entreprises. D'ailleurs, certains commencent sérieusement à
pressentir ce besoin et, à cet effet, nous aimerions vous rappeler en
terminant ce que le président du Conseil du trésor, M. Yves
Bérubé, déclarait au Devoir en date du 17 janvier 1984:
Trop longtemps, nous avons voulu ignorer que notre économie, plus
fragile que celle de nos voisins, ne pouvait que difficilement supporter un
appareil public aussi complet que le leur et encore moins si cet appareil
public n'est pas aussi efficace que le leur." Merci M. le Président.
Maintenant, j'aimerais céder la parole à mon
collègue, M. Drouin, qui va faire des commentaires additionnels sur
l'article 53. (11 heures)
M. Drouin (Claude): M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission, nous avons dit dans le mémoire, aux pages
7 à 10, que la mise en vigueur de la politique du paiement des 5
premiers jours d'indemnisation pour accident du travail avait
entraîné des abus. Nous affirmons que la politique des 14 jours ne
fera qu'empirer la
situation. Évidemment, on pourrait faire une telle affirmation
d'une façon gratuite ou d'une façon spéculative.
Cependant, nous avons fait une étude technique pour en démontrer
le fondement, et le texte se trouve à l'annexe II du document,
c'est-à-dire à la deuxième page bleue, après la
page jaune au centre. Je vais vous inviter, si vous le voulez, à faire
une gymnastique et à ne pas lire ce document, mais à le regarder
au fur et à mesure qu'on va suivre le tableau. Il est assez difficile
à suivre et ennuyeux, surtout si on se met à lire des
chiffres.
On voit d'abord, en page 3 de l'annexe II, un tableau qui est extrait
d'un document de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail et qui montre l'évolution du taux
d'indemnisation des travailleurs. On y voit, par exemple, qu'en 1970 le salaire
assurable était de 6000 $ et qu'en 1980 il était de 21 500 $. En
1984, il est, comme vous le savez, de 31 500 $. En page 4, le tableau
représente cinq colonnes. Dans la première, c'est la
fréquence des accidents compensables dans l'industrie. La colonne du
centre représente la base de calcul du taux d'indemnisation et les trois
dernières colonnes représentent le taux de cotisation des
employeurs miniers à la commission.
À la page 5, vous avez un graphique qui devrait vous en dire
beaucoup sur toute l'expérience de l'industrie minière.
J'aimerais d'abord qu'on regarde la partie en noir, où on voit
l'histogramme représentant la fréquence des accidents dans le
temps. Quand vous regardez l'histogramme - j'ai entendu des commentaires hier,
en parlant du genre de prévention que l'on faisait à
l'association des mines - vous avez le résultat de ce qu'on a fait
réellement en prévention à l'association des mines depuis
le début. L'activité de prévention a commencé en
1948, comme le montre l'histogramme qu'il y a ici. Vous voyez
immédiatement diminuer la fréquence des accidents d'une
façon importante et ceci, jusqu'à l'arrivée de la courbe
qu'on appelle la "zone savonneuse", c'est-à-dire la période
où les taux d'indemnisation étaient très forts. La
question des cinq jours est entrée là-dedans.
J'aimerais maintenant vous ramener au trou qu'il y a dans la courbe de
l'histogramme, qui représente un facteur important, soit la
période de formation intensive de la supervision pour nos
contremaîtres. Je vous invite à considérer aussi deux
choses importantes dans ce tableau. D'abord, le parallélisme
inquiétant qu'il y a entre la courbe des histogrammes et la courbe en
haut qui représente l'échelle d'indemnisation. Il y a un
parallélisme là-dedans qui est extrêmement significatif
pour montrer qu'il y a une évolution qui s'est faite en fonction de ce
système.
Le deuxième élément qui ressort de ce tableau, ce
sont les cinq dernières années où on voit les seuils
d'indemnisation accrus et non pas la conséquence, mais au moins
l'augmentation accrue des accidents. Ce qu'on pourrait vous dire, c'est que,
par exemple, en 1948, le bénéficiaire de la Commission des
accidents du travail, c'était un type qui avait une jambe cassée.
C'était un type qui était handicapé. C'était un
type qui était mal pris. Aujourd'hui, le type qui est
bénéficiaire de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail n'a pas le même genre de blessure,
même si, dans les deux cas, ce sont deux fréquences qui touchent
aux accidents compensables. Dans un cas, le revenu n'est pas le même et
on sait très bien que l'activité d'une grande majorité
n'est pas la même. Seulement 20% de nos accidents sont sérieux.
Dans le cas de 1948, c'était quand même une majorité
d'accidents importants.
Quand on regarde maintenant l'évolution du nombre de jours perdus
par accident, en page 8 du document, vous voyez un graphique qui a
été fait en fonction des données qui ont été
présentées à la commission d'enquête Beaudry sur la
sécurité dans les mines. On voit que le nombre de jours moyen
perdus par accident diminue. On concluait, à un moment donné,
qu'il y avait un plus grand nombre d'accidents indemnisés pour blessures
mineures. Je dois vous dire que, la journée même où nous
devions vous acheminer ce rapport, nous avons reçu un autre document,
à la page 7. À la troisième ligne du bas, on
s'aperçoit que le nombre de jours perdus par accidents passe de 42
à 38, ce qui est passablement moins éloquent que ce qui se trouve
là-dedans. On peut certainement se poser des questions sur l'une ou
l'autre de ces données. C'est curieux que les données, dans un
même ordre d'idées, voient des graphiques aussi
différents.
Je vous invite à prendre le tableau 3, à la page 9, qui,
lui, est beaucoup plus révélateur. Quand vous regardez le tableau
3, vous remarquez en première colonne que la fréquence des
accidents a triplé de 1977 à 1982. On est passé de 16
à 48. Quand vous regardez à côté, le coût des
accidents, il est passé de 8 000 000 $ à 13 000 000 $, et
l'échelle d'indemnisation est passée de 194 $ par semaine
à 306 $ par semaine. Cela veut dire que, pendant que la fréquence
des accidents augmente de 300%, le coût augmente de 50%.
Regardons maintenant le tableau 5, en page 15, qui représente ce
que l'on appelle les accidents sérieux. Pour nous, les accidents
sérieux, ce sont les blessures majeures et les fractures. Si vous
regardez, en 1977, au bas de la première colonne, il y avait 55% de nos
accidents qui étaient sérieux. Le même groupe d'accidents,
en novembre 1983, était de 23,2% et en 1982, de 16%. En fait, la moyenne
est d'environ 20% à l'heure actuelle. Ces chiffres-là,
malheureusement, ne donnent pas... Quand on les regarde à
nouveau, ils auraient dû être présentés d'une autre
façon. On aurait dû vous présenter les taux de
fréquence de ces accidents par heure travaillée, et je vous les
donne. En 1977, pour les blessures majeures, le taux de fréquence
était de 4,13% par million d'heures travaillées et de 3,6% pour
les fractures, pour un total de 7,73%. Depuis 1977 jusqu'en 1983, en moyenne,
les blessures majeures représentent 3,7% d'accidents par million
d'heures travaillées et les fractures 4,2%, pour un total de 7,9%. En
d'autres mots, c'est une constante. C'est tout à fait anormal de voir
que le taux de blessures sérieuses demeure une constante tandis que le
taux total de fréquence des accidents a triplé et que le
coût a augmenté de 50%. Cela ne tient pas debout. C'est absolument
inconciliable.
Regardez maintenant le tableau à la page 12. On
s'aperçoit, à la quatrième colonne, que dans le secteur
minier, depuis 1977, les accidents sans perte de temps sont passés de
84% et 69% en 1983, pour les onze premiers mois, ce qui est plus que
significatif quand on voit que la fréquence des accidents sérieux
est demeurée la même. Il y a quelque chose qui ne marche pas.
Quand on regarde les cinq jours et plus, on est passé de 5% à
12%; pour les six jours et plus, de 10% à 19%; cela a doublé.
Regardez le tableau à la page 17. Je m'excuse de la gymnastique,
mais les statistiques que nous avons reçues la journée même
du dépôt nous y obligent. On ne peut pas reprendre un texte comme
celui-là d'une façon instantanée. Le tableau de la page 17
démontre que dans l'ensemble du Québec le pourcentage d'accidents
sans perte de temps est à la baisse. Quand vous regardez la
quatrième colonne, on passe de 67% pour revenir à 61%, tandis que
le pourcentage des cinq jours et moins est très à la hausse et
les six jours et plus sont également à la hausse, mais d'une
façon moins marquée.
Quand on regarde le tableau à la page 19 - il est
intéressant - il correspond à l'annexe que je vous ai fait
distribuer ce matin qui compte la famille de courbes que vous avez
là-dedans. Le tableau de la page 19 est exprimé sous la courbe
qu'il y a ici. On remarque dans ce tableau qu'il y a une stabilité pour
les accidents sans perte de temps; les accidents de six jours et plus ont
augmenté d'environ 5% mais l'accroissement est très marqué
pour les un à cinq jours. Quand on regarde la courbe ici, c'est
surprenant de voir que les trois courbes ne sont pas parallèles. Dans un
système normal, on devrait voir trois courbes parallèles si on se
reporte à toutes les théories d'Einrich dans ce
domaine-là.
Ces données au tableau 20 sont exprimées en pourcentage.
On s'aperçoit qu'il y a une diminution de 15% des accidents sans perte
de temps, un accroissement de 30% pour un à cinq jours et plus et de 5%
dans les six jours et plus. En page 21, c'est un tableau reçu en
dernière heure, et nous avons converti ce tableau en pourcentage
à la page 22. Quand on regarde le tableau de la page 22, de un à
cinq jours on s'aperçoit qu'on a établi un nouveau taux de
croisière quand il s'agit des un à cinq jours; ils sont d'environ
24% alors qu'ils étaient de 18%.
Maintenant, si on calcule cela en termes absolus, on peut dire que le
quart des accidents de un à cinq jours, soit 24% - on est passé
de 18% à 24% - n'est pas justifié. Le quart de 60 000
représente 15 000 cas par année au minimun dans les un à
cinq jours qui ne sont pas justifiés. Pour être certains que nos
hypothèses avaient une certaine allure, nous avons fait une
enquête rapportée à la page 9 du mémoire - ce n'est
pas nécessaire d'aller la lire. On a revu 1175 réclamations de
1981 et nous avons trouvé dans ces 1175 réclamations 224 cas qui
étaient douteux, c'est-à-dire 19%. Donnons le
bénéfice du doute à au moins la moitié de ces cas,
cela représente 10%. Quand on dit 10% de 150 000, on parle encore de 15
000 cas par année.
Nous avons l'impression que la politique des quatorze jours va amplifier
le problème des un à cinq jours. Nous pouvons prévoir que
les abuseurs seront capables d'étendre leurs congés à dix
jours sans difficulté. D'ailleurs, l'actuaire Caudry, de la commission,
et que je cite dans un texte publié le 5 décembre 1980 qui est en
page 23 de l'annexe, prévoit que la période des dix jours fera en
sorte que les accidents de huit à neuf jours vont se déplacer
vers 10 jours. Avec l'expérience que nous avons, j'ai beaucoup plus
l'impression que la vague des cinq jours s'en ira vers les dix jours.
Quant à nos recommandations dans ce domaine-là, nous vous
référons à la page 25 que nous allons lire ensemble. Nous
croyons que l'indemnisation des accidentés du travail directement par
les employeurs n'est pas acceptable dans sa forme actuelle, puisqu'il n'existe
présentement aucun système de contrôle et qu'on n'en
prévoit aucun dans le prochain projet de loi. Au contraire, même
si l'employeur finit par prouver qu'il y a eu abus et qu'une décision
est renversée par la suite, l'article 248 prévoit que les sommes
ne seront pas récupérées.
Dans le cas de blessures graves, la commission pourrait facilement
prévoir une avance sur réception du rapport d'accident. Le projet
de loi 42, à l'article 117, autorise la commission à faire des
avances aux réclamants mais de façon complètement
discrétionnaire et sans possibilité de recouvrement en cas de
trop-payé. Il y aurait, selon nous, plusieurs façons de limiter
les abus et d'améliorer la situation actuelle: la loi pourrait
prévoir un taux
d'indemnisation inférieur pour les accidents nécessitant
des absences de quatorze jours ou moins; la loi pourrait prévoir des
mécanismes favorisant l'assignation de travaux modifiés à
des travailleurs touchés par une incapacité partielle temporaire
- la Loi sur la santé et la sécurité du travail a mis
tellement de surveillants en place qu'il serait impossible pour une telle
politique d'engendrer des abus sérieux; un troisième moyen
pourrait être que l'employeur fasse au réclamant une avance sur
l'indemnité prévue. Dans ce cas, le réclamant devrait
rembourser la somme reçue si la réclamation n'était pas
acceptée par la commission. (11 h 15)
Enfin, nous sommes convaincus que, si le législateur veut bien
comprendre le problème, il réfléchira sur tous les points
du projet de loi qui facilitent l'accès abusif aux avantages du
système.
En conclusion, il n'y a aucun doute que la politique des quatorze jours,
proposée par l'article 53 du projet de loi 42, entraînera des abus
qui doubleront l'effet négatif de la politique de cinq jours que l'on
retrouve à l'article 44 de l'actuelle Loi sur les accidents du travail.
Le législateur, dans le contexte de survie économique que nous
vivons, se doit de corriger la loi actuelle et le projet de loi 42 pour
empêcher les abuseurs de ruiner un système qui est
nécessaire aux véritables victimes d'accidents du travail et de
maladies professionnelles.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Compte tenu de l'entente
qui prévaut jusqu'à maintenant, le ministre aura 30 minutes
à sa disposition et le député de Viau 30 minutes lui
aussi. Jusqu'à maintenant, les députés de Maisonneuve,
Saguenay et Sainte-Anne m'ont demandé d'intervenir d'ici à 13
heures.
M. le ministre.
M. Fréchette: Merci, M. le Président. Mes
premières remarques seront pour remercier les membres de l'Association
des mines de métaux du Québec Inc. qui viennent de nous soumettre
leur mémoire. Je souhaite la bienvenue aux membres de la
délégation, aux porte-parole, et je leur indique que la
première réflexion qui me vient à l'esprit, à la
lecture de leur mémoire et à l'audition qu'on en a faite ce
matin, c'est qu'ils ont consacré sans doute beaucoup de temps pour en
arriver à nous soumettre un travail sérieux, exhaustif,
étoffé de chiffres, d'exemples pour appuyer l'argumentation
générale qu'on retrouve dans le mémoire.
De fait, les représentations qu'on nous a soumises touchent
à tous les aspects du projet de loi ou à peu près, autant
au niveau de la philosophie globale qui s'en dégage qu'au niveau des
modalités d'application, des technicités d'application. À
cet égard, évidemment, l'association nous soumet un nombre assez
considérable de craintes qu'elle a quant au résultat de
l'application de cette loi et des dispositions qu'on y retrouve.
Je vous signale dès maintenant qu'il y a un certain nombre de
choses sur lesquelles on peut sans doute arriver à s'entendre et je
pourrai y revenir tout à l'heure. Par ailleurs - je pense qu'on va
trouver ça normal - il y a peut-être aussi un certain nombre de
choses qu'on devra discuter un petit peu plus à fond pour essayer de se
rejoindre. Il serait, évidemment, illusoire de croire qu'on peut faire
le tour de toute l'argumentation et approfondir tous et chacun des chapitres
auxquels on a touché autant dans le mémoire écrit que dans
l'argumentation qu'on vient de nous faire.
Je voudrais, quant à moi, essayer d'obtenir des renseignements
additionnels par rapport aux observations qui ont été faites et
qui m'apparaissent les plus pertinentes, les plus préoccupantes pour nos
invités. Il me semble tout à fait évident que la
première préoccupation retenue par votre association est celle
qui prévoit que quatorze jours au lieu de cinq seront payés
dorénavant directement par l'employeur.
Je voudrais simplement vous signaler les motifs qui ont
été retenus pour inclure cette disposition dans le projet de loi,
quitte à engager par la suite, encore une fois, plus à fond la
discussion là-dessus. D'abord, il y a un aspect que vous avez
soulevé vous-mêmes dans le mémoire. C'est évident
qu'il y a, derrière cette disposition du projet de loi, un motif qui est
axé sur le règlement plus rapide de ce genre de
réclamations. Je pense que cela va de soi. Là-dessus, vous avez
très précisément soulevé un des arguments qui a
été retenu pour proposer ce genre d'administration.
Deuxièmement, il y a un autre motif que nous considérons
important, que nous sommes tout à fait prêts à rediscuter,
mais que je voudrais vous soumettre pour les fins de la discussion. Vos
études vous ont sans doute amenés également à une
conclusion qui ne semble pas contestée, c'est que les cas d'accident qui
provoquent des absences de moins de quatorze jours couvrent au moins 80% de
l'ensemble des 500 000 cas - si c'est 500 000 - dont parlait M. Langlois dans
sa présentation. Dans l'état actuel des choses, s'il fallait
retenir votre suggestion de retirer, d'évacuer cette disposition de la
loi, faudrait-il alors comprendre qu'on va continuer de demander à la
machine de bouffer, bon an, mal an, plus de 150 000 dossiers d'accidents que
vous appelez bénins et qui vont nécessiter que plusieurs
personnes se consacrent à plein temps et quotidiennement au traitement
de ces dossiers? En d'autres mots, il y a derrière cette disposition un
motif d'efficacité administrative et il y a aussi un motif d'ordre
économique. Il est bien évident - en
tout cas, cela nous apparaît être le sens commun des choses
- que, s'il y a plus de 150 000 dossiers qui n'entrent plus dans la machine
administrative, cela va, à tous égards, être
intéressant pour tout le monde. Pour les travailleurs, bien sûr,
pour des motifs dont on vient de parler, mais en termes de coûts
également, cela ne peut qu'avoir des effets bénéfiques,
nous semble-t-il.
Troisièmement, la disposition qui est dans la loi et dont on ne
parle pas souvent, c'est celle stipulant que l'employeur devra, si la loi est
adoptée dans ses dispositions actuelles, rembourser ces quatorze jours,
et se verra, lui aussi, remboursé du montant qu'il aura payé.
Vous allez me répondre - et vous allez avoir raison là-dessus -
que, oui, cela va être cela, mais il reste qu'en bout de piste le
paiement va être réparti entre tous les employeurs et que cela va
finir par être les employeurs eux-mêmes qui vont assumer le
coût de la facture. Cela, c'est vrai. Mais l'employeur
particularisé qui aura fait le paiement se verra rembourser le montant
qu'il a payé, que la réclamation soit fondée ou non. Cela
m'apparaît être une norme, une balise pour éviter le genre
de choses auxquelles vous faites référence, c'est-à-dire
la complaisance, le souci, ou enfin la tentation que pourraient avoir certaines
gens de - entre guillemets -"profiter du système". Il me semble que le
travailleur qui sait qu'il sera lui aussi l'objet d'une réclamation si
son absence est mal fondée, c'est une balise importante pour lui. Donc,
il y a deux aspects dont on n'a pas parlé qui m'apparaissent importants
pour que la discussion soit globale. L'employeur va, de toute façon,
être remboursé et le travailleur qui aura utilisé ce droit
qui, par la suite, serait infirmé devra, lui aussi, rembourser des
sommes qu'il aura reçues. Je vois difficilement les salariés
vouloir "profiter abusivement" - je mets cela encore entre guillemets, avec
toutes les réserves qui s'imposent - de ce droit quand ils vont savoir
que, si leur réclamation n'est pas bien fondée, ils vont devoir
rembourser le montant.
Maintenant, sur le fond même de la question et à partir de
l'argumentation que M. Drouin nous a soumise à propos de l'incidence sur
l'augmentation des accidents du travail après l'adoption de la
disposition qui prévoyait le paiement pour une absence de moins de cinq
jours, vous nous avez donné des chiffres que je n'ai ni le moyen ni le
goût de contester. Vous avez très certainement
procédé à une évaluation serrée de la
situation que vous nous avez décrite. Par ailleurs, à partir des
dossiers que la commission a traités depuis 1978, dans lesquels il y a
eu des paiements de faits à des accidentés, autant dans
l'ensemble de tous les secteurs que dans le vôtre, on constate qu'il y a
effectivement eu une augmentation après l'implantation des 5% et que,
par la suite, cela a diminué. Je vous donne les chiffres que l'on a.
Peut-être qu'on pourra ensemble essayer de s'ajuster par la suite
à cet égard, parce que c'est important d'essayer de s'entendre au
moins sur les chiffres dont on dispose.
Quant à moi, je vous réfère à des
statistiques sur les lésions professionnelles qui ont été
publiées par la commission, à partir, encore une fois, des
dossiers qui ont été ouverts et dans lesquels des prestations ont
été payées ou d'autres services ont été
rendus. À la page i-7 de ce document - je ne sais pas si vous l'avez
déjà en main. Non? On pourra très certainement en mettre
des copies à votre disposition - je cite au texte la conclusion à
laquelle la commission en est arrivée quant à l'évaluation
globale de l'incidence des accidents. "Parmi les lésions
professionnelles ayant entraîné une période d'absence au
travail, la proportion des lésions suivies d'une période
d'absence de 1 à 5 jours a diminué en 1982 et celle des
lésions ayant entraîné une période d'absence de plus
de 40 jours s'est accrue." C'était en 1982. Je vous signale que le
document auquel je réfère, c'est le document des statistiques qui
a été remis au conseil d'administration par une firme
d'évaluateurs extérieure à la commission.
Si on regarde les chiffres à notre disposition quant à
votre secteur d'activité, je vous réfère au même
document, à l'annexe III-2, où l'on retrouve, encore une fois, la
compilation des accidents, compilation qui a été faite par ces
mêmes experts dont je vous parlais tout à l'heure. On a de 1978
à 1982 le nombre des accidents ayant entraîné des absences
de un à cinq jours et le nombre des accidents ayant
entraîné des absences de six à dix jours. Je pense que
c'est important qu'on retienne les chiffres que je vais vous donner. Les
absences de un à cinq jours en 1978 dans votre secteur d'activité
étaient de 895; en 1979, de 1102; en 1980, de 1238 et, en 1981, de 1454,
alors qu'en 1982 elles ont diminué à 909. En fait, si on
transposait les chiffres dont je viens de vous parler en termes de proportion,
toujours par rapport à votre secteur d'activité, on arriverait,
et c'est à escient que j'utilise le conditionnel parce que de toute
évidence nos sources ne sont pas les mêmes ou, en tout cas, les
interprétations qu'on pourrait en faire ne sont certainement pas les
mêmes, mais, en termes de proportion, on constaterait que dans votre
secteur d'activité il y a eu une diminution globale, de 1981 à
1982, de 37% des accidents ayant occasionné des absences de un à
cinq jours, alors que la diminution pour l'ensemble des accidents n'est que de
28%. Il y aurait donc - et, encore une fois, c'est sujet à discussion -
une diminution
plus marquée des absences de un à cinq jours que des
absences généralement prises. Je ne sais pas si vous voulez
réagir immédiatement sur cela, mais il me semble important qu'on
obtienne les renseignements et les éclaircissements qui seraient de
nature à clarifier la situation, sans quoi on n'est pas du tout sur la
même longueur d'onde à cet égard. (11 h 30)
Le Président (M. Jolivet): M. Langlois.
M. Langlois: M. le Président, on aimerait réagir
tout de suite avant d'oublier la question même si elle est difficilement
oubliable. D'abord, premièrement je ne crois pas que ce soit...
Le Président (M. Jolivet): Excusez-moi juste un instant,
voulez-vous approcher votre microphone, on a de la difficulté à
entendre.
M. Langlois: ...la question la plus importante dans le
mémoire même si on en a traité très longuement; je
suis d'accord avec vous que cela peut paraître comme cela.
Deuxièmement c'est vrai que 24% de 500 000 dossiers c'est
énorme. Cela veut dire environ 130 000 dossiers. On pense qu'avec un bon
contrôle ces dossiers pourraient diminuer quelque peu. Ce qui nous
tracasse un peu c'est que l'ancienne loi et même la toute dernière
loi, la loi 114, ont fait jouer le pendule d'une extrémité
à l'autre. La loi 114 donnait deux jours aux employeurs pour rapporter
leurs accidents, et cela était très important. Il fallait
rapporter tous les accidents. Présentement, on leur donne vingt jours et
on donne six mois au réclamant. Deuxièmement, on veut
éliminer cela complètement, juste garder un registre des
accidents qui n'occasionnent pas de perte de travail. Pourtant, on sait
très bien, par exemple que dans le cas des accidents qui n'occasionnent
pas de perte d'emploi il y a certaines de nos entreprises - on peut vous les
nommer - qui ont été poursuivies et qui ont été
l'objet de saisies, il n'y a pas tellement longtemps, il y a deux ou trois ans,
sur ces cas justement, parce qu'on n'avait pas rapporté d'accidents sur
des cas sans perte d'emploi et qui avaient réintégré le
travail en les payant à plein salaire. Ce n'est pas une petite saisie,
je peux vous nommer une des compagnies entre autres, qui est la Compagnie
minière Québec Cartier, où on a rapporté 2500 cas
qui ont valu une première évaluation d'amende de 625 000 $. On
trouve qu'on passe d'une extrémité à l'autre. On ne dit
pas que c'était une extrémité auparavant parce qu'on est
d'accord sur le fait de rapporter les accidents, il faut les rapporter
aussitôt que possible et tous. Mais là on est rendu
complètement à une extrémité, on le dit d'ailleurs
dans le mémoire. Faire payer les quatorze premiers jours et en
même temps demander à l'employeur de rapporter ces accidents au
bout de vingt jours, cela pénalise non seulement ceux qui vont avoir
quatorze jours de perte d'emploi mais aussi les accidentés
sérieux, parce qu'eux, si leurs rapports d'accidents arrivent dans vingt
jours, ils vont être payés seulement après deux ou trois
semaines de délai après les vingt jours.
Vous avez cité des chiffres. On a cité à peu
près les mêmes chiffres. Nos sources viennent à peu
près de la CSST aussi. Il y a juste un petit détail au sujet des
chiffres. Les derniers chiffres que vous avez donnés sont des chiffres
en termes absolus. Quand vous dites que les accidents de cinq jours ont
diminué en 1982, j'aimerais vous faire remarquer aussi que la
main-d'oeuvre dans l'industrie minière a diminué de 25% en 1982
et cela influence aussi.
Pour le reste, je vais laisser mon collègue M. Drouin
continuer.
M. Drouin: M. le ministre, comme de fait, nous aussi avons
remarqué qu'en 1983, par exemple, les réclamations de un à
cinq jours ont diminué. Mais il reste que lorsqu'on regarde les
dernières statistiques que j'avais - ce tableau je ne le connais pas -
mais dans le texte qu'il y a là-dedans ici qui est à la page 22
on s'aperçoit qu'on a atteint un nouveau plafond. C'est-à-dire
que le rythme de croisière était à 18% d'un à cinq
jours avant la politique des cinq jours. Il reste qu'aujourd'hui le rythme de
croisière est de l'ordre de 24%. Cela veut dire qu'il n'y a plus
d'augmentation. Je crois que c'est normal que cela se stabilise à un
moment donné; cela marche comme cela. Mais pour le un à cinq
jours, il n'y a pas que la question du coût. Il y a aussi la question de
l'effet qu'il a sur la supervision comme telle. Je me souviens... parce qu'on
en fait de la prévention, même s'il y en a qui disent qu'on n'en
fait pas trop. Il faut en faire pas mal plus que cela. Cela fait 31 ans que je
suis dans le métier, je n'ai pas commencé il y a trois ans. Cela
fait une différence. Dans ce domaine, c'est quand on fait de la
prévention qu'on s'aperçoit qu'il faut motiver notre supervision.
Quand on leur dit quelque chose, ils disent: Qu'est-ce que cela donne? Cela n'a
pas d'importance. Les gens, aujourd'hui, embarquent dans la commission comme si
de rien n'était. C'est facile d'y entrer. L'accès est facile et
ils entrent à propos de n'importe quoi. C'est pour cela que j'ai
donné les chiffres par taux et non pas par moyenne, par pourcentage. Si
je vous donne des chiffres en nombre absolu, cela ne vous donne rien parce que
cela ne tient pas compte de la qualité de l'exposition. Si je vous les
donne en pourcentage, cela donne une certaine indication qui est mieux que par
nombre absolu, mais la véritable chose est
de donner des taux de fréquence en fonction des types d'accidents
par heure travaillée. Ce sont des chiffres que la commission des
accidents du travail n'est pas capable de produire parce que c'est trop
difficile d'aller chercher les heures travaillées. C'est une
première remarque.
La deuxième remarque que j'aimerais vous faire, M. le
Président, est aussi importante. C'est ce que vous appelez secteur mines
et carrières, quand on parle des statistiques de la CSST. Cela comprend
les mines de métaux non ferreux, les mines de fer, les mines d'amiante
et les carrières et les sablières, tout ce monde. Quand nous
parlons ici, nous le faisons au nom des mines de métaux non ferreux
quand on parle de statistiques. Quand on parle des mines en
général, de temps en temps, cela va arriver qu'on va inclure les
mines de fer. Cela dépend des statistiques qui sont disponibles.
C'est clair qu'on ne peut comparer les deux sortes de données. Je
crois que jusqu'à maintenant les données sont tout de même
assez compatibles avec celles qu'il y a là-dedans. En fait, nous avons
basé notre document beaucoup plus sur les chiffres qui venaient de la
commission que sur les nôtres qui arrivaient au même but. Je pense
que c'est important de dire que sur cette question de taux on s'aperçoit
et on vous dit qu'il y a un plafonnement.
Voici une autre remarque que j'aimerais vous faire. La loi
prévoit que les quatorze jours seront remboursés à
l'employeur et que le travailleur devra rembourser. C'est vrai que c'est une
amélioration sur l'ancienne politique des cinq jours. J'admets cette
approche, mais est-ce qu'on va réussir à l'appliquer? Est-ce que
cela veut dire que l'accès aux indemnités sera encore aussi
facile qu'il l'est actuellement? Je ne comprends pas l'idée de voir
qu'en 1970, 1971, des réclamations pour douleurs ou choses
bénignes étaient de l'ordre de 15% et qu'aujourd'hui on est rendu
à 45%. Je ne suis pas capable de vivre cela.
M. Fréchette: M. Drouin, votre dernière
préoccupation rejoint effectivement d'autres préoccupations
d'employeurs qui nous ont dit dans leur mémoire - ils viendront sans
doute élaborer là-dessus - que l'obligation de rembourser, pour
le cas où la réclamation serait refusée, nous convenons
que c'est une approche avec laquelle on est capable de vivre, sauf que, est-ce
que cela sera possible d'application? C'est la question qui est posée.
Il est évident que, si on attire notre attention, il y a une
préoccupation dans l'esprit de tout le monde à cet égard.
C'est évident que nous n'allons pas mettre une disposition dans la loi
si nous sommes à l'avance convaincus qu'elle sera impossible
d'application.
Je vous remercie de ces détails supplémentaires. Cela
contribue à clarifier la situation. M. Langlois est
préoccupé par le fait que l'obligation pour l'employeur de
soumettre l'avis d'accident soit maintenant conditionné à un
délai de 20 jours plutôt que de 2 jours. C'est essentiellement
pour deux motifs que c'est ainsi fait: dans l'état actuel des choses,
malgré le fait que la loi prévoie ce délai de deux jours,
le délai moyen qui a été évalué, c'est
à peu près seize jours pour expédier l'avis.
Peut-être que là-dessus encore on ne s'entend pas. Je vous parle
à partir des chiffres dont nous disposons. Deuxièmement, comme il
y a cette disposition relative aux quatorze jours, si ce doit être
maintenu comme c'est actuellement inscrit dans la loi, ce serait inutile de
demander à l'employeur d'envoyer un avis dans les deux jours, alors
qu'il assumerait le paiement des quatorze premiers jours.
M. Langlois a soulevé une autre préoccupation, en relation
avec l'article 35 de la loi. Il me semble que sa conclusion à cet
égard est de dire: Voici encore un pouvoir discrétionnaire
accordé à la commission et contre lequel les employeurs ne
pourront rien. J'espère que je ne vous surprendrai pas, M. Drouin, en
vous disant que c'est à la demande des employeurs que c'est là.
Je vais vous expliquer pourquoi. C'est l'article qui ferme le chapitre du
processus d'opération des comités de pneumologues. Plusieurs
associations syndicales nous ont fortement suggéré, lorsque le
deuxième comité de pneumoconiose avait rendu un diagnostic, de
tenir pour acquis que le dossier, pour autant que l'aspect médical est
concerné, est terminé et qu'il ne devrait pas y avoir de
possibilité d'aller discuter devant une autre instance des conclusions
de ce deuxième diagnostic.
En d'autres mots, des associations syndicales nous ont fait des
représentations selon lesquelles, lorsque des spécialistes, des
professionnels de la santé, au nombre de six, se sont prononcés
sur l'état de santé d'un travailleur victime d'une maladie
professionnelle, ce devrait être suffisant pour avoir une position claire
quant à l'état pathologique de ce salarié. Des employeurs
nous ont laissé savoir que, si ce devait être cela, ils ne
pourraient pas vivre avec cette disposition parce qu'il n'y aurait pas de droit
d'appel. Il n'y aurait pas de droit d'appel si on acceptait que, dès
lors que le deuxième diagnostic est rendu, le dossier est
terminé. On ne peut pas en appeler d'une décision qui n'a pas de
caractère judiciaire ou quasi judiciaire. Enfin, j'ai des
collègues ici, autour de la table - il y en a peut-être avec vous
qui sont avocats - qui confirmeront qu'on ne peut en appeler devant aucune
instance d'une décision qui n'a pas de caractère quasi judiciaire
ou judiciaire. Donc, la décision du deuxième comité ne
serait pas appelable.
Or, des employeurs nous ont dit: II faut
que, de toute évidence, ce soit appelable. Pour que ce soit
appelable, il faut que la décision soit rendue par un organisme quasi
judiciaire et, dans les circonstances, ce ne pouvait être personne
d'autre ou, enfin, aucun autre organisme que la commission elle-même.
C'est essentiellement pour ce motif que la disposition, qu'on retrouve à
l'article 35, est dans la loi. Si on avait retenu les autres
représentations, l'article 35 ne serait pas là et on aurait mis
une disposition en vertu de laquelle on aurait dit: Le diagnostic du
deuxième comité est final et les parties doivent l'accepter tel
qu'il est présenté.
La préoccupation, cependant, que vous pouvez avoir, que j'ai et
que d'autres associations ont, ce sont des inquiétudes quant aux termes
"en tenant compte de." Dans notre compréhension, il nous paraît
évident que, lorsqu'on utilise les termes "en tenant compte de", ce doit
être dans l'intention de lier la commission. Au niveau de
l'interprétation qu'on y donne, il me semble qu'on ne peut pas passer
à côté de cela. Cependant, des gens nous disent que, sur le
plan strictement juridique, sur le plan de l'interprétation qu'on
pourrait en faire, cela pourrait ne pas lier la commission.
Je vous demande, que ce soit aujourd'hui ou dans les jours qui viennent,
de nous suggérer une formule, si vous en avez une, qui ferait en sorte
que la commission serait liée par le deuxième rapport, qu'elle
devrait rendre une décision conforme à ce deuxième rapport
pour permettre très précisément ce que les employeurs nous
ont demandé depuis le début, un droit d'appel. Je ne sais pas si
cette explication contribue à clarifier un certain nombre de choses,
mais je voulais vous donner notre perception de cette disposition. (11 h
45)
M. Langlois: J'aimerais dire un mot à ce sujet, M. le
Président. D'abord, ce n'est pas nous qui avons recommandé
l'article 35, je ne le pense pas. Il y en a d'autres dans le portrait. Il y a
l'Association des mines d'amiante qui est très bien
représentée. D'ailleurs, on ne veut pas empiéter sur ses
plates-bandes. Je crois qu'elle est plus compétente que nous, surtout
quand on discute de questions légales. Il reste que l'article 35, on le
voit en fonction des politiques qui ont été appliquées
depuis 1975. Les décisions venaient directement des directives de la
CSST: à partir d'un déficit anatomophysiologique de 5%, le
travailleur voyait son certificat médical enlevé, on le
compensait à 90% de son salaire net et il n'avait plus le droit de
travailler. Vous comprendrez qu'on ne veut pas perpétuer cette chose
qui, depuis sept ou huit ans, a coûté au moins de 30 000 000 $
à 40 000 000 $ ou qui va coûter de 30 000 000 $ à 40 000
000 $, quand on estime qu'il y a moins de 15% de DAP, 400 cas selon les
chiffres de la CAT, et, on le voit pas toutes nos formules de cotisation, cela
coûte en moyenne 200 000 $ par cas en capitalisation.
Donc, si la commission des accidents du travail, ou la CSST, est
d'accord pour respecter le diagnostic médical des bureaux
médicaux qui donnent un DAP, ou un déficit anatomophysiologique,
pour dire qu'un travailleur - je ne parle pas de celui qui n'est plus capable
de travailler - s'il continue de travailler, cela devient dommageable pour sa
santé, nous sommes absolument d'accord. On va continuer à
s'opposer, quant à moi, à l'article 35, si cela veut dire les
présentes politiques de la CSST, et c'est comme cela qu'on l'a vu. C'est
la réponse que je peux faire. Peut-être que Claude veut ajouter
là-dessus.
M. Drouin: Je voudrais ajouter, M. le Président, une
petite remarque là-dessus. Quand on passe à la décision du
diagnostic médical qui est établi par un comité
spécial... Mais décider si le type est malade, ce n'est plus le
médecin qui décide, mais la commission. La décision se
prend en fonction de normes administratives. Automatiquement, cela veut dire,
par exemple, quelle différence fait-on entre un individu qu'il faudrait
retirer parce qu'il est dans une période où il devrait avoir
droit à un retrait préventif à cause de sa condition
d'hypersensibilité ou de sa condition qui fait que le monsieur s'adapte
mal à son milieu... L'hypersensible est traité de la même
façon que l'exposé. Le type qui a fait cinq ans d'exposition, si
on constate qu'il y a quelque chose qui ne marche pas, mais que l'environnement
est correct, le premier comité d'experts va dire 5%, le deuxième
comité encore 5%. À 5%, est-ce que cet individu est
réellement malade ou s'il est dans une zone de latence? C'est le
problème qui se pose. On met les deux personnes sur le même pied,
celles qui sont malades et celles qui devraient être retirées
à des fins de prévention. Quand on fait cela - c'est dommage,
j'avais un dossier chez moi, mais je ne l'ai pas ici - on voit le Dr
Bégin en particulier dire que ce type est capable de travailler, mais
qu'en vertu des règlements il doit le retirer parce qu'il a telle chose,
mais il n'est pas malade. La commission ne fait pas cette différence et
on ne la voit nulle part dans le projet de loi.
Il y a quelque chose que les gens des mines d'amiante vont demander
lorsqu'ils vont passer ici: pour quelle raison, dans les cas de silicose et
d'amiantose, y a-t-il une révision avant la révision,
contrairement aux autres maladies? C'est quelque chose de très
particulier. Le type passe par deux évaluations plutôt qu'une. La
question de dire que c'est une maladie irréversible, la silicose
et l'amiantose, c'est vrai, mais le diagnostic peut être
réversible, par exemple. Ce n'est pas la même chose être
malade et avoir un diagnostic de malade; ce sont deux choses et c'est là
qu'est le problème.
M. Fréchette: M. le Président...
M. Langlois: J'aimerais ajouter un autre commentaire, M. le
ministre. Il y a autre chose, la résolution que la Commission des
accidents du travail a adoptée en 1975, environ deux mois après
l'adoption de la loi 52, et qui disait que le site minier n'était pas
accessible pour la réassignation complète. On ne peut donc pas
travailler avec cela parce qu'il n'y a plus moyen de réassigner qui que
ce soit, il n'y a plus moyen de faire de la prévention.
Chez nous, malgré ce qui a été dit hier soir sur la
prévention - on le redit parce que cela nous a frappés - on avait
établi depuis 1956 une politique de réassignation à
l'intérieur de l'entreprise pour les silicosés -je ne veux pas
parler de l'amiantose, c'est quelque chose de différent - qui a
fonctionné jusqu'à la loi 52, en 1975, et avec laquelle on a
obtenu des résultats énormes parce qu'on avait un maximum de un
ou deux cas par année alors qu'on aurait dû faire une
hécatombe si on n'avait pas eu ce programme-là. Avec l'aide des
médecins et des ingénieurs en ventilation, on a organisé
ce programme; il a été aboli par la loi 52 et surtout par la
résolution qui ne nous permettait pas de réassigner le
travailleur sur le site minier. Il y a des exemples où même des
travailleurs qui auraient trouvé de l'emploi dans une chambre
d'ordinateurs ne pouvaient pas être réassignés à
cause de la résolution de la CSST.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Juste un petit
commentaire sur la question de la norme zéro car cela me fait me poser
certaines questions. Si je prends la situation dans mon comté... Vous
n'entendez pas? Je vais approcher le micro. Je disais que la question de la
norme zéro me fait me poser certaines questions. En prenant l'exemple de
mon comté qui est situé entre deux carrières, dans
l'hypothèse qu'un employé d'une des carrières devrait se
retirer de son emploi à cause des contaminants de la carrière et
qu'il demeure dans le comté, le contaminant dans le comté est
aussi élevé que celui dans la carrière la plupart du
temps. C'est peut-être une question qu'il faudrait poser ailleurs, mais
ce n'est qu'un commentaire sur la question de la norme zéro.
J'aurais plusieurs questions, mais mon temps étant limité,
mes collègues certainement en auront d'autres. On parle des
surpayés administratifs de la CSST; je précise que tous ceux qui
ont été surpayés est strictement le fait d'erreurs qu'on
peut qualifier d'incompétence dans l'examen de dossiers de la part de
certains fonctionnaires à la CSST; pas tous, mais certains. On voit ces
erreurs plus fréquemment dans certaines régions que d'autres,
selon l'administration du bureau régional. Je suis d'accord que ces
montants sont parfois énormes. On demande à l'individu de
remettre l'argent. Cette erreur n'a pas été causée par
l'individu. Je ne parle pas de fraude, l'accidenté n'a pas
fraudé. C'est tout simplement une erreur administrative de la CSST. D'un
côté, je ne pense pas qu'on puisse demander à l'individu de
compenser les erreurs du fonctionnaire; de l'autre côté, je ne
crois pas non plus que les employeurs devraient être
pénalisés. Ce sont des erreurs et, finalement, ce sont les
employeurs qui paient le coût global.
Il a été suggéré l'implication du
gouvernement, de l'État, à la participation des fonds de la CSST;
je ne parle pas des sommes qu'il assume à titre d'employeur, mais que
l'État assume le coût de certaines de ses erreurs et de ce qui est
considéré dans ce projet de loi, que le gouvernement partage le
coût des bénéfices sociaux qui se trouvent dans le projet
de loi. Pourrais-je avoir vos commentaires sur la participation du gouvernement
non pas en tant qu'employeur contribuable, mais en tant que responsable de
mesures sociales et de certaines erreurs?
M. Langlois: Premièrement, on croit, et je pense qu'on l'a
dit dans notre mémoire, que, moins il y a d'erreurs, mieux c'est. C'est
évident, ça va de soi. En ayant un bon système, on en aura
moins, c'est une vérité de La Palice.
Deuxièmement, quand il y a possibilité d'aller recouvrer
ces sommes - dans d'autres occasions, par contre, il n'y a vraiment pas
possibilité; par exemple, quand le laps de temps écoulé
est trop long - dans ce cas-là, on pense simplement que le gouvernement
devrait être responsable de ces choses qui, humainement parlant, ne sont
pas recouvrables par le travailleur. Par contre, le gouvernement est
responsable de l'administration de la CSST. Vous savez que les employeurs
contribuent aux fonds, mais pas beaucoup à l'administration. C'est le
gouvernement qui nomme les représentants et les administrateurs.
J'aimerais apporter l'exemple des jugements - je pense que je peux me le
permettre parce que ces jugements sont publics maintenant - au sujet des
pneumoconioses dans les mines d'amiante. Ces jugements ont donné le
droit aux propriétaires de mines d'amiante - pour autant que ma
mémoire est bonne - de
réclamer quelque 25 000 000 $ ou 30 000 000 $ de la CSST, des
sommes qui ont été versées en pensions inutiles - selon
nous, parce que les travailleurs auraient très bien pu travailler - aux
travailleurs. On dit que c'est à peu près impossible de
réclamer ces sommes qui ont été versées à
ces travailleurs parfois depuis plusieurs années. Ce sont des montants
énormes. Est-ce que les autres employeurs qui subventionnent la CSST
seront ceux qui paieront les mines d'amiante pour ça ou si le
gouvernement ne devrait pas être responsable de ses directives?
M. Cusano: Pour continuer un peu sur la question des
surpayés, M. Drouin, vous siégez au conseil d'administration de
la CSST. Est-ce que vous avez une idée du montant qui serait
relié aux surpayés administratifs de la CSST? Cela n'a jamais
été présenté? (12 heures)
M. Drouin: Si ça l'a été, certainement pas
de mémoire, en tout cas. Je ne crois pas qu'on en ait eu les
détails. On a les coûts d'accidents, les coûts d'aide
médicale, les coûts d'indemnisation, mais l'évaluation des
surpayés, non, je n'en ai pas d'idée. Il y a certains chiffres
dans le domaine de la silicose et de l'amiantose, mais des coûts
précis, je n'en ai pas.
M. Cusano: Alors, vous n'avez jamais été saisis,
par exemple, d'une catégorie dans un budget...
M. Drouin: Ce n'est pas un sujet qui a été
soulevé très fréquemment au conseil. Ce n'est pas un sujet
qui a fait l'objet de longues discussions, la question des surpayés,
excepté dans le cas des travailleurs souffrant de silicose et
d'amiantose, en vertu de la loi 52.
M. Cusano: Merci. Ma prochaine question est la suivante: vous
dites, dans votre mémoire, que la réadaptation, telle qu'elle est
présentement appliquée, est davantage une distribution de fonds
qu'une réelle réadaptation physique du travailleur
accidenté. Sur quels faits sont basées de telles
affirmations?
M. Langlois: Écoutez, il y a beaucoup d'exemples de cela.
Je pense que la CSST a difficilement adapté son programme de
réadaptation physique. On lui reproche surtout d'avoir distribué
les fonds des employeurs, mais on ne dit pas que, dans certains cas, ce
n'était pas nécessaire. J'aimerais demander au président
de l'association, M. Lefebvre, qui est également directeur des Mines
Gaspé, de vous faire part de certains cas à ce sujet.
M. Lefebvre: M. le Président, en fait, plusieurs de nos
commentaires dans le mémoire sont le résultat d'une foule
d'expériences privées ou personnelles. Dans le cas de la
réadaptation ou de la recherche d'un emploi, je pense que la situation
que je vis présentement à Mines Gaspé est typique du
système. Que l'on sache, présentement, 23 de nos employés,
ou ex-employés, bénéficient de programmes de
réadaptation ou de recherche d'emploi, etc. Ce qui caractérise
ces 23 personnes, c'est qu'elles sont toutes techniquement mises à pied.
Ces 23 personnes, à cause du ralentissement de nos activités,
ont, à toutes fins utiles, peu de chances d'être
réembauchées chez nous.
Par contre, nous avons aussi des employés qui sont encore sur nos
listes de paie et qui sont en traitement. Aucun parmi ceux-là,
c'est-à-dire aucun parmi ceux qui peuvent ravoir un emploi chez nous,
n'est inscrit à un programme de recherche d'emploi ou de
réadaptation. Mon chef du personnel discutait du cas précis d'un
type qui n'avait aucun DAP, mais qu'on voulait orienter vers un programme de
réadaptation. Il se plaignait que cela n'avait aucun sens, puisque cet
employé ne présentait aucune déficience et l'officier de
réadaptation lui a carrément posé la question, à
savoir si Mines Gaspé pouvait réembaucher cet employé.
Alors, on a dit non, on est arrêté. Il a dit: Si vous ne pouvez
pas le réembaucher, on va l'inscrire à un programme de
réadaptation. C'est dans ce sens qu'on dit qu'actuellement, selon ce
qu'on perçoit des programmes de recherche d'emploi ou de
réadaptation, ce sont des programmes déguisés
d'assurance-chômage ou d'aide sociale.
Néanmoins, je dois souligner que l'association comme telle est
favorable aux programmes de réadaptation là où cela a du
sens, mais pas dans les conditions actuelles où on profite du
système pour donner de meilleures conditions d'aide sociale ou
d'assurance-chômage.
M. Cusano: Merci. Vous avez mentionné aussi dans votre
mémoire que le manque de contrôle des accidents mineurs
amène une certaine démotivation des superviseurs à
l'endroit des activités de prévention. Pouvez-vous expliquer
cette affirmation?
M. Lefebvre: M. le Président, M. Drouin pourra
peut-être ajouter quelque chose par la suite. Nos contremaîtres de
première ligne sont fortement sous pression de la part de la direction
des compagnies minières pour faire un travail efficace, mais un travail
sécuritaire. Personnellement, je suis d'avis qu'un travail efficace doit
être sécuritaire. Alors, nos contremaîtres sont jugés
sur leurs résultats en prévention des accidents et,
évidemment, sur le nombre d'accidents compensables, mais plusieurs
d'entre eux ont déjà jeté la serviette et plusieurs
autres s'apprêtent à le faire, quand, en fait, les dossiers de
prévention d'accidents ne signifient absolument rien en raison du nombre
excessif d'accidents mineurs ou d'accidents sans cause accidentelle. C'est
comme l'opération du Saint-Esprit. Cela jette à terre tout le
système, puis, à mon point de vue, non seulement cela
démotive, mais cela laisse la place à la croissance des accidents
réels, parce que nos valeurs sont embrouillées par cela. Trop
souvent, on se plaint et on jette le blâme sur les accidents mineurs, les
faux accidents et ainsi de suite. On s'amuse à excuser nos propres
déficiences sur le fait des faux accidents. Tout cela crée
à la longue des conditions ou des situations permissives pour
créer de vrais accidents. C'est le cas précis de Mines
Gaspé et la mauvaise réputation qu'on a eue. Depuis 1979, on a eu
plusieurs accidents mortels et j'attribue cela à ce
phénomène. On s'est amusé à dire: C'est à
cause des faux accidents et ainsi de suite. On a relâché nos
contrôles et on s'est retrouvé avec des accidents sérieux.
Alors, quand on parle de démotivation, c'est plus qu'un concept, ce sont
des faits réels.
M. Cusano: Merci. Je crois que ma prochaine question
enchaîne sur certaines choses que vous avez dites. Dans votre
mémoire, vous parlez de la nécessité d'établir des
contrôles pour limiter les abus. Je ne crois pas qu'on parle de fraude du
système, mais d'abus du système. Pouvez-vous nous dire ce que
vous entendez par les abus que vous vivez?
M. Langlois: Ce n'est pas une question facile que vous nous
posez. Qu'est-ce qu'un abus et qu'est-ce qui n'est pas un abus?
M. Cusano: M. Langlois, c'est une question
d'appréciation.
M. Langlois: Oui, cela reste une question d'appréciation.
On peut difficlement aller voir chaque personne qui fait une réclamation
et lui dire: Tu as abusé ou tu n'as pas abusé. On peut marcher un
peu par les statistiques. Dans le cas du secteur minier, quand on dit qu'en
1975 15% de tous nos accidents étaient des accidents mineurs ou sans
fait accidentel précis et que ce pourcentage a augmenté à
40% ou 45% en 1982, on ne peut pas dire qu'il y a eu des abus, mais on ne peut
pas dire non plus qu'il n'y en a pas eu. C'est le moins que l'on puisse dire.
En plus de cela, quand on regarde la loi et qu'on voit un certain nombre de
choses dans la loi qui ouvrent la porte aux abus, c'est un peu comme si on
laissait toujours la porte ouverte chez nous et qu'à un moment
donné il y a des voleurs qui entrent. À un moment donné,
s'il n'y a pas de contrôle, c'est clair qu'il va y avoir des abus. On ne
peut pas donner de chiffres mathématiques, mais c'est clair que,
d'abord, l'indemnisation des victimes est de beaucoup supérieure
à ce qu'elle était il y a un certain temps, et c'est
intéressant jusqu'à un certain point. On ne dit pas que nous ne
sommes pas d'accord, nous n'avons fait aucune remarque au sujet du quantum
parce que nous considérons que les véritables accidentés
du travail doivent recevoir le meilleur traitement possible, de même pour
les maladies professionnelles, il n'y a aucun doute sur cela.
Il reste une chose, c'est beaucoup plus tentant pour quelqu'un qui voit
la possibilité d'obtenir, par exemple, 15 000 $ ou 17 000 $ par
année à ne rien faire, sans impôt, que pour quelqu'un comme
il y a dix ou quinze ans où c'étaient quelques milliers de
dollars tout simplement. C'est dans ce sens.
Dans le projet de loi 42, par exemple, on pourrait mentionner plusieurs
articles qui d'après nous sont des portes ouvertes dont: les quatorze
jours, les délais, les six mois pour rapporter un accident, la norme
zéro pour la réassignation - il n'y a à peu près
plus moyen de réassigner les travailleurs - la notion de retour au
travail dans le même emploi. On sait que c'est absolument impossible de
redonner exactement le même emploi et, si on ne lui redonne pas le
même emploi, il est indemnisé pour cela. Il y a toute une
série de choses et ce sont des portes ouvertes aux abus.
M. Cusano: Je vais m'en tenir à une dernière
question. Il a été réclamé par deux organismes, un
patronal et un syndical, la nécessité d'avoir une enquête
sur l'application de la présente loi qui est appliquée par la
CSST. Il faut bien comprendre qu'on ne peut pas séparer une loi de
l'organisme qui va l'appliquer. Il semble y avoir beaucoup de lacunes justement
dans l'application de la présente loi et plusieurs envisagent d'autres
lacunes avec le projet de loi 42. Pensez-vous que c'est nécessaire avant
l'entrée en vigueur de ce projet de loi, s'il est adopté,
même s'il est amendé, d'avoir une enquête sur la CSST et ses
façons de procéder?
M. Langlois: Je vais peut-être vous surprendre en disant
que je n'irai pas aussi loin que le représentant de la partie syndicale
qui a proposé une enquête. Je crois qu'il y a des étapes
avant d'aller à une enquête royale. Nous sommes d'accord, par
exemple, qu'une commission parlementaire sur l'administration de la loi 17 ait
lieu avant l'adoption du projet de loi 42 - je n'ai aucun doute
là-dessus - et, après les représentations à la
commission parlementaire, ce sera au gouvernement de décider s'il y a
lieu
d'avoir enquête ou non.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve, vous avez la parole.
Mme Harel: Merci, M. le Président. À la lecture de
votre mémoire et à l'audition, je me suis demandé si votre
mémoire n'ouvrirait pas la porte aussi à des abus s'il
était retenu. Je vais m'en expliquer et vous demander vos commentaires
sur cette question, à savoir, notamment, à propos de la
présomption qui joue en faveur du travailleur à recevoir une
indemnisation avant qu'une décision finale ne soit rendue. Vous vous
opposez à cette présomption. (12 h 15)
Je sais qu'il est généralement admis dans notre
société... Il y a un certain nombre de principes en droit qui
sont généralement admis, n'est-ce pas? Simplement, en tant que
citoyens, ces principes jouent pour vous comme pour moi, notamment qu'il vaut
mieux libérer un coupable que de condamner un innocent, d'une part.
Mais, indépendamment de ce principe de droit général, je
me demande si, lorsqu'on examine la balance des inconvénients, puisque
c'est une procédure fort courante pour juger des litiges en droit,
l'inconvénient de trop payer en regard de l'inconvénient de ne
pas l'être assez...
Il ne faudrait surtout pas oublier qu'à la différence de
l'employeur, le travailleur est atteint dans son intégrité
physique et, qu'en plus de n'être éventuellement pas assez
payé ou de ne pas l'être au moment où il en a besoin, il
est atteint dans sa personne. Je pense que c'est là un autre
élément qui plaide en faveur d'une présomption.
Je pense que vous avez rapidement écarté le
troisième élément. C'est peut-être ce facteur qui
est aussi déterminant. Cette CSST écarte le recours en droit
commun, le recours en poursuite pour responsabilité civile dont vous
pourriez faire l'objet si tant est qu'un travailleur pouvait toujours avoir ce
recours, mais il aurait à faire la preuve à ce moment. D'autre
part, vous auriez à assumer des coûts sans doute
considérables. Quand on pense à nos voisins du Sud, je pense
à Johns-Manville, dernièrement, qui a été l'objet
d'une poursuite et d'un jugement de plus de 300 000 $. Ce fardeau de la preuve
en cas de responsabilité civile, puisqu'on écarte la
responsabilité civile, puisqu'on écarte la poursuite en
responsabilité d'autant que, puisque le travailleur n'a plus ce droit,
on ne peut en plus l'obliger à ce fardeau, quand, en fait, il doit
s'astreindre à un régime de "no fault"...
M. Langlois: M. le Président, d'abord, je ne crois pas
qu'on ait dit, nulle part dans le mémoire, qu'on est contre la
présomption.
Je ne le pense pas.
Mme Harel: Ah bon!
M. Langlois: Ce qu'on a dit, c'est que, s'il y a
présomption et que le travailleur est compensé, il est
indemnisé et si, après enquête, on s'aperçoit qu'il
n'y a vraiment pas rien pour compenser le travailleur, là, le
travailleur doit rembourser. Mais dans le projet de loi 42, si un paiement est
fait d'avance sur la présomption que le travailleur est indemnisé
même avant enquête, enquête normale, on ne
récupère pas l'argent, on ne fait pas rembourser le travailleur.
C'est là-dessus que nous ne sommes pas d'accord. Quant à la
présomption, on est absolument d'accord qu'il doit y avoir une
présomption qui favorise le travailleur.
Mme Harel: Compte tenu de la réponse que vous venez de
donner, cela m'amène à vous interroger sur le fait que les
employeurs contestent beaucoup plus les réclamations devant la
commission parlementaire qu'ils ne semblent le faire devant le bureau de
révision, notamment. J'ai été fort étonnée,
quand j'ai lu des chiffres récents, que, des 300 000 réclamations
d'indemnisation à la CSST, à peine 6000 ou 7000 faisaient l'objet
d'une contestation devant les bureaux de révision.
M. Langlois: Ah oui!
Mme Harel: Que représentent ces 6000 ou 7000? C'est 2%,
2,5%. De ce nombre, à peine 20% étaient entreprises par les
employeurs. Pourtant, en commission parlementaire, du moins, on semble
contester un pourcentage plus élevé de réclamations
payées par la CSST et, dans les faits, là où les
contestations peuvent se faire, il ne semble pas que les employeurs les
fassent, d'une part. D'autre part, que je sache, la réclamation est
faite à partir d'un formulaire signé par l'employeur.
M. Langlois: II y a deux choses. Premièrement, il est
évident que, s'il y a plus de contestations, c'est qu'on a fait
disparaître les contrôles, à toutes fins utiles. Auparavant,
on avait des enquêteurs. Quand un cas était le moindrement
douteux, on faisait une enquête. Là, on n'en fait plus. On
compense. C'est la première chose.
La deuxième chose - je l'ai peut-être oubliée -
c'est que la raison principale pour laquelle il n'y a plus de
réclamations de la part des employeurs, c'est qu'il n'y a plus de
contrôle et il faut absolument qu'ils se défendent. On accorde la
présomption, mais pas à l'infini. Quand vous dites que la formule
est signée par l'employeur, ce n'est pas toujours vrai. Il y a
beaucoup
d'employés, même des employés qui travaillaient dans
les anciennes mines - on le sait, nous - qui sont maintenant fermées,
qui réclament au nom des mines fermées, mais c'est signé
seulement par l'employé, et ces gens sont compensés. Plus que
cela, l'employeur n'en a jamais pris connaissance. Mais qui informer dans ces
cas-là?
M. Drouin: M. le Président, si vous me permettez un petit
mot là-dessus, je crois que vous vous référez au
même document que celui que nous avons reçu au conseil et qui
montrait qu'il y avait 6% à 8% de contestations. Il faut faire attention
à ces chiffres, de 6% à 8%.
Mme Harel: Non, 6000 à 7000...
M. Drouin: 6000 à 7000. Ah! c'est cela!
Mme Harel: ...c'est-à-dire 2,5% à 3%.
M. Drouin: Mais, quand on fait le pourcentage, il ne faut pas
dire 3%. Il n'y a pas de contestation sur des accidents sans perte de temps. Il
y a seulement 150 000 réclamations sur des accidents sans perte de
temps. Avec perte de temps, il y en a 330 000. Donc, si on fait un
pourcentage... Il y a eu une occasion particulière - M. Bernier pourra
me reprendre - où un employeur avait fait une opposition sur un accident
sans perte de temps, mais je crois que dans 99,9% des cas, ce sont des
accidents encourant une perte de temps. Donc, le pourcentage se fait sur la
petite partie. 3%, c'est un peu trop bas. 8% ou 9%, voilà le taux
réel.
Quant aux contestations, encore une fois, vous dites que les
employeurs... De mémoire, si je me rappelle les statistiques, les
travailleurs font 80% des réclamations et 20% des contestations. Ce
qu'il y a de plus drôle, c'est que, malgré tout, les employeurs
ont obtenu gain de cause dans 50% des cas, tandis que la partie syndicale va
obtenir gain de cause dans seulement 20% ou 25% des cas. Je ne crois pas qu'on
puisse dire que la partie patronale fait des oppositions strictement pour le
plaisir de le faire. Elle est amenée à rapporter des choses.
Quand on constate ces chiffres, de 6% à 8% de réclamations, c'est
un gros pourcentage d'erreurs, parce que 6% à 8% sur 150 000 cas, cela
représente toutefois 3000 réclamations qui sont
considérées comme douteuses. Il me semble qu'on pourrait
souhaiter, quand on parle de contrôle, quand un avis d'opposition est
émis à la CSST par une partie ou l'autre, que l'enquête
soit déclenchée automatiquement sans qu'il y ait
nécessairement demande d'enquête. Peut-être que cela se
fait, mais c'est silencieux; ce n'est pas tapageur, une enquête de la
CSST pour une réclamation. On aimerait peut-être un peu plus de
tapage autour de l'enquête. Mme Harel: Mon premier...
M. Lefebvre: M. le Président, il faut faire une
distinction fondamentale entre les employés qui sont atteints dans leur
intégrité physique et ceux qui ne le sont pas. En fait, à
ma connaissance, du moins dans l'industrie minière, quand un
employé est atteint dans son intégrité physique, je doute
que le nombre de contestations soit élevé, c'est évident.
Ce qu'on conteste la plupart du temps, c'est ce que j'ai dit tout à
l'heure, les opérations du Saint-Esprit. Ce sont les réclamations
sans cause accidentelle: l'employé qui se présente chez vous le
matin et qui dit qu'il a mal à l'épaule. Ce n'est pas
précisément rattaché à quelque chose de
précis. Il n'a pas fait, la veille, quoi que ce soit de spécial.
Il a mal à l'épaule. C'est cela qu'on conteste.
Une des raisons pour lesquelles on ne conteste peut-être pas aussi
souvent qu'on devrait le faire, c'est qu'il est très difficile de
contester d'une part, et, d'autre part, cela nous obligerait à monter
des dossiers et à jouer les policiers. Comme employeur, surtout dans les
petites villes minières, on vit quotidiennement avec les gens, on a
déjà une image qui n'est pas trop reluisante. Si, en plus, on
s'amuse à faire les policiers, je ne pense pas que cela
améliorera le climat de travail.
En pratique, on sait qu'il y a des employés qui, soi-disant, ne
peuvent pas travailler; par contre, ces gens-là construisent leur propre
maison, ces gens-là font de la pêche, ces gens-là font de
la chasse, du trappage. On s'explique mal comment une personne peut être
handicapée à un point tel qu'elle ne peut faire aucun travail
chez nous, mais qu'elle peut faire tout cela. Pour contester cela, il faudrait
se promener avec des caméras et photographier la personne en train de
construire sa maison, photographier la personne en train de faire ceci ou cela.
C'est un travail odieux et c'est un travail qu'on fait simplement quand cela
déborde la mesure. J'admets avec vous qu'il y a plusieurs cas qu'on ne
conteste pas.
Mme Harel: J'ai un peu de difficulté à vous suivre,
pas dans votre dernière intervention, mais à propos de votre
position en faveur de la présomption du paiement avant qu'une
décision ne soit rendue. Vous disiez être en faveur du maintien de
cette présomption. D'autre part - ce n'est pas mon propos de
prétendre que les contestations sont frivoles de la part des employeurs
- je constate qu'elles ne sont pas très nombreuses. Il y a ce recours en
bureau de révision qui n'est pas très utilisé. Vous
invoquez des facteurs divers, mais vous avez plaidé notamment que vous
ne le faisiez
peut-être pas à cause des enquêtes qui étaient
des contrôles, mais est-ce que ce n'est pas l'employeur qui, dans son
établissement, a une meilleure connaissance des faits et, si cela est
fondé, qui a la meilleure expertise pour mener cette contestation
à terme?
C'est le prix à payer de la présomption, d'une certaine
façon. Il faut être un peu conséquent. Dans la mesure
où il y a présomption, dans la mesure où il y a paiement
avant la décision finale et dans la mesure où il y a aussi
recours en contestation, on ne peut pas à la fois demander une chose et
son contraire.
M. Langlois: Je veux juste dire un mot à ce sujet. La
présomption telle que vous la présentez, c'est la
présomption idéale. Ce dont on parle, c'est de la
présomption réaliste. Il est évident que, si les
employeurs annoncent que, dorénavant, tous les travailleurs auront droit
à une présomption à peu près infinie, c'est une
énorme porte ouverte. La présomption réaliste, ça
veut dire, par exemple, que la CSST pourra avoir un système
d'enquêteurs - et il y a plusieurs personnes dans les bureaux
régionaux qui pourraient le faire - pour voir si les accidents qui leur
paraissent douteux sont vraiment douteux ou s'ils sont réels. C'est ce
qu'on appelle une présomption réaliste.
Si cette première étape est faite, il restera ensuite les
contestations des employeurs. Comme M. Lefebvre vous le disait, ces
contestations sont faites en dernière instance parce que ça
coûte cher, ça prend des avocats, des spécialistes pour
monter des dossiers. Vous comprenez que les employeurs n'ont pas toujours le
temps de se promener à la Commission des affaires sociales, etc. (12 h
30)
Mme Harel: M. le Président, j'écoutais tantôt
M. Lefebvre parler de la démotivation, en particulier, celle des
contremaîtres de première ligne, compte tenu de la situation
particulière qui s'est développée. Compte tenu du fait que
j'ai suivi les travaux bien attentivement en décembre dernier et compte
tenu des positions présentées en commission à ce
moment-là sur l'association sectorielle dans les mines de métaux,
je me suis dit qu'une excellente façon de renouer, de susciter ou de
déclencher cette nouvelle motivation serait de la partager d'une
certaine façon, de manière que, quand une des parties flanche,
l'autre prenne le flambeau, et vice versa, de façon à souhaiter
la mise en place de comités de santé et de
sécurité, en fait, d'associations sectorielles, à ce
moment-ci en particulier, compte tenu de la conjoncture qu'a bien
décrite M. Lefebvre.
M. Lefebvre: Les associations secto- rielles, c'est comme
l'amour, cela ne se légifère pas. À l'Association des
mines de métaux, on a travaillé de façon intensive avec
les syndicats, avec le Syndicat des métallos en particulier, avant
l'adoption de la loi 17. Depuis ce temps, les ardeurs se sont refroidies.
Cependant, rien n'empêche qu'au niveau de chaque industrie il y a du
travail intéressant qui se fait. Encore là, quand je dis que cela
ne se légifère pas, je crois qu'essayer de parachuter
systématiquement une organisation par le haut avant que vraiment le
travail ne soit fait par le bas, on arrive à créer des
supermachines, on arrive à créer toutes sortes de choses.
Comme je l'ai dit antérieurement, les mémoires qu'on
présente sont basés sur des expériences individuelles. Les
comités de sécurité dans notre industrie et dans la mienne
en particulier existent depuis plusieurs années, mais ce n'est que tout
récemment, au cours des deux ou trois dernières années,
que le comité conjoint de sécurité fait vraiment son
travail et fait de plus en plus son travail. Je crois que chez nous les
comités conjoints existent depuis 1972. Je peux dire que depuis 1972,
jusque vers 1979 ou 1980, c'étaient des comités ni plus ni moins
de griefs, c'étaient des comités qui portaient des plaintes.
Depuis 1980, le comité conjoint qui existe chez nous prend de plus en
plus du poil de la bête et je pense qu'on va y parvenir. Au niveau
sectoriel, c'est la même chose. Avant la loi 17, il y a eu une
expérience qui s'est faite et c'est une expérience qui a
été extrêmement valable. On est parfaitement d'accord que
cette expérience se continue.
M. Langlois: J'aimerais ajouter juste un mot madame, si vous le
permettez. Le comité technique conjoint dont parle M. Lefebvre existe
depuis 1975. Il a fonctionné activement pendant au moins trois ans avec
des résultats qui ont été très positifs pour les
deux parties: les métallos et l'association des mines.
En plus, ce que je voudrais dire, c'est que présentement la
question des associations sectorielles - M. Lefebvre le disait tout à
l'heure - on essaie de l'imposer par en haut. Ce n'est plus une entreprise
à deux, c'est une entreprise à trois. Je le dis ici très
clairement: on va réussir très facilement à s'entendre
avec les syndicats, mais suivant une entreprise à deux et non une
entreprise à trois. Quand les syndicats et les employeurs se seront mis
d'accord sur ce qu'ils veulent avoir au niveau d'une association conjointe,
certainement que cela va marcher. Mais seulement, comme M. Lefebvre vous le
disait tout à l'heure, si on établit de grandes infrastructures,
ce n'est pas cela qui va faire avancer les choses.
Mme Harel: M. le Président, je ne peux pas croire que j'ai
épuisé ma période de 20 minutes.
Le Président (M. Jolivet): Exactement.
Mme Harel: Vous allez me permettre de conclure. Je voudrais
simplement dire que dans un bon mariage un bon contrat, cela maintient l'union
quand l'amour n'y est pas, et peut-être qu'une bonne loi peut permettre
d'injecter de la motivation. J'aurais eu bien d'autres questions à vous
poser. On en aura peut-être l'occasion une autre fois.
M. Lefebvre: Madame, j'aimerais souligner que, quand on maintient
le contrat, quand on maintient l'union et que l'amour n'y est pas, c'est un
enfer.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. J'aimerais tout
d'abord féliciter l'Association des mines de métaux pour son
mémoire. Je sais qu'il a été produit d'une façon
très laborieuse. Vous avez approfondi beaucoup de questions à
l'intérieur de votre mémoire et je pense que c'est un apport pour
la commission. Pour reprendre votre remarque que l'amour ne se
légifère pas, je dirai qu'on a vu certains ministères le
subventionner.
Vous avez parlé ce matin dans votre mémoire, et on y a
fait écho hier à l'article 42, des problèmes concernant
les relations de travail. À la page 23, vous en traitez amplement. Hier
soir, dans le mémoire de la FTQ, on n'en a pas parlé beaucoup,
mais on a dit que cela ne causait pas de problème, même avec un
peu de "bumping". Vous y consacrez quand même une partie de votre
mémoire et j'aimerais que vous vous expliquiez un peu là-dessus,
compte tenu de la fréquence des accidentés que vous avez fait
ressortir et aussi de la fréquence qui se produira avec les quatorze
jours. J'aimerais connaître les problèmes concrets dans la
pratique de tous les jours et les problèmes que cela peut occasionner
aux employeurs.
M. Langlois: Je donnerai la parole à M. Lefebvre qui vit
le problème dans le champ.
M. Lefebvre: En fait, je vois la question en deux volets: il y a
la question de la réintégration au travail et la question des
quatorze jours. C'est vrai que M. Laberge, hier soir, a dit qu'il ne voyait pas
de problème dans la réintégration des travailleurs. Au
niveau des discussions conceptuelles, c'est vrai qu'il n'y a peut-être
pas de problème. Dans la pratique, c'est autre chose. Dans l'industrie
minière, spécialement à ce moment-ci où les mises a
pied sont courantes, chacun est beaucoup plus susceptible quant à ses
droits d'embauche. Les clauses que nous avons présentement dans nos
conventions collectives traitant de la réassignation des employés
handicapés et blessés sont des ententes contractuelles qui ont
été acceptées de part et d'autre après discussion
et après avoir mesuré l'impact que de telles clauses auraient sur
les autres employés. Il faut bien penser que, s'il y a une partie de nos
employés qui, malheureusement, se font blesser, la vaste majorité
ne l'est pas. Dans des questions de mise à pied, par exemple, comme il y
en a eu chez nous - il y a deux ans, j'avais 1850 employés et je n'en ai
plus que 450 - chaque poste ouvert devient très important et très
significatif. Tout ce qu'on dit, c'est que cette prévision dans le
projet de loi 42 va amener nécessairement des redéfinitions dans
les négociations de contrats, etc.
Pour ce qui est des cinq jours ou des quatorze jours, ce qui
m'apparaît très significatif dans ce dossier, c'est que,
présentement, on est en train de réduire, à mon point de
vue, la qualité des dossiers d'accidents à la base. Il y a
plusieurs demandes d'indemnisation qui se font présentement pour des
accidents ou des faits accidentels qui sont survenus il y a deux, trois ou
quatre ans. Présentement, tous nos dossiers sont bien montés.
Suivant le système actuel, on devait systématiquement rapporter
tous les accidents et ainsi de suite. Tout cela est bien monté. Je me
demande, dans trois, quatre ou cinq ans d'ici, où tout cela en sera
rendu. Les accidents sans perte de temps, de moins de une journée, vont
être consignés dans un registre. Je me demande vraiment quelle est
la valeur de cette consignation, spécialement si l'employeur en question
a cessé d'opérer depuis deux ou trois ans. Où ce dossier
va-t-il être rendu? Jusqu'où va-t-on pouvoir prétendre que
ce dossier est valide? Jusqu'où l'employeur va-t-il accepter la
déclaration comme étant une déclaration réelle ou
s'il ne la contestera pas, de même que l'employé?
Alors, tout cela me fait craindre qu'on s'en aille vers un
système de plus en plus flou et de moins en moins précis. Les
employeurs vont y perdre au change, mais il faut aussi penser que certains
employés vont également y perdre au change. Si on ne peut pas
retracer ou documenter correctement la cause ou l'accident initial, c'est fort
probable que l'employé en question, même si sa demande est
valable, ne pourra pas la justifier et ne percevra pas l'indemnisation à
laquelle, autrement, il aurait eu droit.
M. Maltais: Merci. Vous traitez abondamment dans votre
mémoire de la partie du recouvrement. À la page 26, vous dites:
"On peut donc conclure que le projet de loi ouvre les portes toutes grandes
à des
libéralités fort coûteuses que les abuseurs du
système sauront exploiter habilement." Juste après, vous dites:
"Dans le cas de 360, il est inhumain que les bénéficiaires
illégaux de la LIVAS soient pénalisés à cause des
procédures fautives de l'administration, mais il est également
injuste d'en faire payer le coût par les employeurs." Alors, on dit que
ces gens-là ont été payés en trop à cause de
mauvaise administration. Vous nous dites que vous ne voulez pas assumer les
coûts. À ce sujet, vous rejoignez le Conseil du patronat. Vous
rejoignez aussi un peu ce que la FTQ nous disait hier soir, que, finalement,
c'est la boîte qui est responsable, la commission des accidents du
travail. Vous nous dites: "Dans tous les cas de surpayés, il s'agit d'un
coût qui appartient à l'État, en tant que responsable de
l'administration mise en place." Ce qui veut dire que, finalement, vous rendez
responsable l'État des surpayés, des illégaux, et vous
demandez aussi qu'il paie la facture.
M. Langlois: Oui. Je ne sais pas si M. Lefebvre veut ajouter
quelque chose, mais je peux dire un mot là-dessus. On en a parlé
tout à l'heure, on a cité surtout le cas de l'amiante. On pense
que l'État est tout de même responsable de la nomination des
administrateurs de la CSST. À ce titre-là, il est évident
que le moins il va y avoir de surpayés, le mieux ce sera. En plus, il y
aura deux catégories: une catégorie de surpayés pour
lesquels on pourra aller recouvrer des montants d'argent et d'autres pour qui
ce sera impossible parce que cela fera trop longtemps. Dans les cas où
c'est impossible, on ne voit pas pourquoi les employeurs seraient responsables,
surtout dans le cas de l'article 360 où l'administration a
été jugée par les cours de justice qui ont donné
raison aux réclamations des employeurs. Mais les 25 000 000 $ ou 30 000
000 $ que les mines d'amiante réclament et qu'elles ont le droit de
réclamer en vertu des jugements des cours de justice, est-ce que ce
seront les autres employeurs qui vont les rembourser? Qui est responsable? On
se demande très sérieusement si l'État n'a pas sa
responsabilité en tant que superviseur des politiques de la CSST. On
pense que le gouvernement a vraiment une responsabilité à ce
sujet-là. (12 h 45)
M. Maltais: Dans vos recommandations, il y en a une en
particulier qui m'a frappé: à la page 43, le numéro 11:
"Beaucoup moins de pouvoirs discrétionnaires à la Commission et
une autorité accrue de son conseil d'administration." Lorsqu'on regarde
le conseil d'administration actuel de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, on sait qu'il est paritaire. D'un
côté, vous avez les patrons et d'un autre, les syndicats. À
la commission parlementaire qui a précédé celle-ci, on a
vu qu'il y avait le statu quo d'un bord et de l'autre. À partir de ce
principe, c'était le président de la CAT qui décidait.
Somme toute, toutes les décisions qui sont prises à la CAT
ne sont-elles pas les décisions d'un seul homme? Je pense que c'est le
point d'interrogation que vous posez. J'aimerais que vous fassiez des
commentaires là-dessus pendant une couple de minutes.
M. Langlois: M. Dufour, hier, à la commission
parlementaire sur l'administration de la CSST, a très bien fait la
démonstration que ce n'est pas un conseil d'administration normal, parce
que, si c'était le cas, c'est le conseil d'administration qui nommerait
son président, entre autres. C'est donc plutôt un comité
consultatif qu'un conseil d'administration. La décision reste toujours
dans les mains du président qui se range d'un côté ou de
l'autre, selon que cela fait son affaire. Je ne peux rien vous dire de plus.
Vous avez répondu à votre question.
M. Maltais: J'aurais cependant beaucoup d'autres questions
à poser à M. Langlois, M. le Président. Je dois partager
mon temps avec mon collègue de Sainte-Anne qui, lui, a des questions
pressantes à lui poser.
Le Président (M. Jolivet): Allez, M. le
député, vous avez la parole.
M. Polak: C'est précisément par
déférence d'un collègue vis-à-vis de l'autre qu'on
me donne quatre ou cinq minutes. J'ai seulement deux questions, M. Langlois,
parce qu'il ne reste pas de temps. La première concerne la
prévention et la deuxième, la cotisation.
À la page 38 de votre mémoire, vous parlez de la
prévention en disant: On va continuer et même intensifier les
activités en prévention comme on en a fait la
démonstration au cours des dernières années. Hier soir -
il n'y a pas de secret - M. Laberge était ici et a
témoigné publiquement. Il a mentionné votre organisme
comme étant un des pires, vous et I'AECQ, en disant que vous parlez bien
de prévention et que vous ne faites rien. Est-ce que vous êtes
prêt à confirmer ce qu'a dit M. Laberge ou si vous croyez que ce
n'est pas vrai et que vous faites beaucoup au chapitre de la
prévention?
Deuxième question. Aux pages 35 et 36 de votre mémoire,
vous parlez du système de cotisation. Là, vous parlez du fait que
la CSST a l'intention de capitaliser la rente à 90% au lieu de 100%.
Savez-vous que le public ne comprend pas toujours ces choses? J'aimerais que
vous explicitiez en quelques mots ce que cela veut dire. Est-ce que c'est ce
qu'on appelle un truc de comptabilité qui
peut être très dangereux et néfaste? Est-ce que cela
veut dire que nos enfants vont payer pour un bénéfice temporaire?
Qu'est-ce que cela veut dire? Ce sont là mes deux seules questions.
M. Langlois: Pour la première question, voici M.
Lefebvre.
M. Lefebvre: À propos de la déclaration de M.
Laberge sur le dossier de prévention d'accidents dans les mines,
j'aimerais aussi vous faire remarquer que M. Laberge a déclaré
que c'est le syndicat des métallos qui a éveillé la FTQ au
problème de la prévention. Or, les mines sont majoritairement
syndiquées aux métallos.
Deuxièmement, M. Drouin pourra vous fournir les statistiques.
D'ailleurs, on en a fourni jusqu'à maintenant. C'est très clair
que depuis 1947 le nombre d'accidents sérieux dans les mines a
été réduit de façon impressionnante. On continue
à avoir des accidents sérieux dans les mines mais on en a
beaucoup moins.
Sans vouloir m'enorgueillir de ce que les mines ont fait, je pense que
depuis 1947 elles ont fait un travail décent. De l'intérieur, on
a fait un travail en collaboration avec les employés et les
représentants. Sur ce sujet, je ne pense pas qu'on puisse nous accuser
d'être en retard.
M. Langlois: Avant de passer la parole à notre
spécialiste en prévention, j'aimerais ajouter un commentaire
à ce sujet. En 1945, quand j'ai commencé à travailler dans
les mines, à ma connaissance, la prévention ne faisait pas partie
des préoccupations de M. Laberge. C'est venu quand le dossier est devenu
politique vers 1970 ou 1975.
J'aimerais dire une autre chose. Je suis un bon ami de M. Laberge et il
me comprendra. Selon moi, il aurait dû consulter des anciens des
métallos, comme MM. Émile Boudreault et Clément Godbout,
qui sont d'anciens mineurs de Normétal et qui connaissent très
bien le travail de prévention qui s'est fait dans les mines du
Nord-Ouest à partir de 1947. M. Drouin.
M. Drouin: Au point de vue de la prévention,
évidemment, je n'ai pas envie de vous mettre en face de mes 34 ans et je
ne commencerai pas là, mais j'aimerais tout de même vous dire que
le style de prévention qui s'est fait à l'association des mines
n'est pas un style qui se prête à la relation publique. Souvent,
des gens sont venus nous voir pour nous demander: Avez-vous quelque chose
à nous montrer en prévention? On n'en a pas. On ne faisait pas de
dépliants, pas de posters, pas d'annonces et aucun programme
publicitaire. La prévention s'est toujours faite par la supervision,
c'est-à-dire que notre prévention, à l'association des
mines, s'est toujours faite par la supervision des entreprises et non pas du
travailleur comme tel.
On a dit à notre clientèle: on va former notre supervision
pour que, chaque fois qu'elle rencontre un travailleur, chaque jour, à
chaque poste de travail, elle soit capable de discuter avec chacun de son
activité, des risques de son activité pour cette journée
et de son travail. Cela a été la première phase: la
prévention par la supervision. Dans la loi 17, on insiste sur ce qu'on
appelle l'approche parallèle, c'est-à-dire les comités de
santé et de sécurité, les associations d'employeurs, les
associations syndicales et tout ce monde-là. Nous, à
l'association, sommes des gens de l'organisation parallèle et non pas de
l'organisation intégrée. Si la partie syndicale ou le
comité compte sur nous pour faire l'action, cela ne marche pas. Il y a
une seule personne qui a la possibilité de rencontrer chaque
travailleur, chaque jour, à chaque poste, et c'est son superviseur.
C'est lui qu'on forme. On le forme pour cela par la supervision
intégrée. Je ne peux pas tellement expliciter davantage
là-dessus parce que ce serait trop long. Tout ce qu'on peut vous dire,
c'est que la prévention a été une action intégrante
de l'action production. Je crois que, par le discours que M. Lefebvre vous
tenait tout à l'heure, vous avez un peu une idée de la perception
de son message, à savoir comment un directeur de mine peut comprendre la
prévention quand on en parle. Il en parle, comme directeur de mine, avec
une certaine conviction qui démontre qu'il est dans le portrait.
En d'autres mots, si on compte sur ces agents de sécurité
pour faire de la prévention, on n'ira pas loin. La loi 17 a un article
extrêmement important. C'est l'article 51 qui parle des obligations de
l'employeur et qui ont toujours été celles d'avant la loi et
celles d'aujourd'hui. La loi ne les a pas réduites, sauf que
l'insistance n'est pas mise là-dessus dans la publicité. Nous
croyons aux comités de santé et de sécurité.
D'ailleurs, il y a un texte qui va paraître un peu partout. J'ai
donné une conférence lundi dernier, à Chicoutimi,
où on parlait justement de l'association sectorielle et des
comités de santé et de sécurité. Je disais, en
conclusion, que la loi actuelle évolue lentement, mais quand même
à un rythme normal. Il est normal que cela prenne dix ans, quinze ans
à s'adapter à la loi. C'est normal. Étant donné que
les comités de santé et de sécurité viennent
d'apparaître juridiquement, je crois que l'existence desdits
comités est justement le moyen de faire naître le besoin d'une
association sectorielle. Je l'ai dit. Le texte est publié. Il est clair
qu'on s'en va vers une association sectorielle à long terme, mais jamais
aucune de ces activités ne va remplacer le rôle qu'une
entreprise doit jouer comme directeur des opérations dans
l'intégration, la sécurité et la production par la
supervision. C'est notre style.
M. Polak: Et la cotisation?
M. Langlois: Quant à la cotisation, vous avez aussi
posé une question. Je vais essayer d'être très bref. Il
reste que la capitalisation veut tout simplement dire que les actuaires qui se
penchent sur le problème quand une pension est payée la
projettent jusqu'au décès ou jusqu'à la retraite du
pensionné. Cela donne un montant payable immédiatement par
l'employeur, mais qui va produire une pension soit à vie, soit
jusqu'à 65 ans, ou jusqu'à sa retraite. Par exemple, quand on dit
que les pensions des personnes atteintes de silicose ou d'amiantose sont
capitalisées à 200 000 $ par année, cela veut tout
simplement dire que l'employeur doit déposer les 200 000 $ tout de suite
pour être capable de payer une pension à l'employé
jusqu'à la fin de ses jours ou jusqu'à 65 ans, comme l'exige la
loi 52. Le fait de capitaliser ces pensions protège -c'est comme
n'importe quel système d'assurance - l'employeur, d'une certaine
manière. Si on réduit la capitalisation à 90% ou moins, on
exige trop des employeurs à venir pour couvrir ces cotisations et ils
vont avoir des déficits. Des erreurs comme celles-là ont
été faites. L'Ontario en a fait et il s'en mord les doigts.
Présentement, il a un déficit qui se situe entre 1 000 000 000 $
et 3 000 000 000 $ pour son fonds d'accidents. Donc, on ne sait vraiment pas
comment s'en sortir. C'est toute l'histoire. On pense qu'on est encore mieux de
continuer avec le système actuel capitalisé à 100%.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre, en
terminant.
M. Fréchette: M. le Président, très
brièvement, je voudrais revenir sur vos représentations quant
à l'article 35 de la loi. Je vais vous faire une suggestion et vous en
ferez ce que vous voudrez. Si vous êtes capables de convaincre plusieurs
de vos associations patronales de la nécessité de retirer
l'article 35, donc de faire disparaître tout droit d'appel suivant
l'interprétation qu'on en fait - ce n'est peut-être pas la bonne,
j'en conviens - et, deuxièmement, s'il est possible de nous convaincre
qu'en retirant l'article 35, donc en faisant disparaître tout droit
d'appel, on ne va pas à l'encontre des dispositions des
différentes chartes des droits et libertés, je serais
disposé et rapidement, à envisager cette possibilité. Je
vous le suggère et je vous invite à la discussion à cet
égard. On pourra regarder cela de plus près.
Un autre petit commentaire, M. le Président. M. Langlois, vous
avez - votre mémoire y fait référence à plusieurs
occasions - parlé d'abus, d'incitation à déclarer des
accidents qui n'en seraient pas, finalement. Vous reliez ce
phénomène - c'est ce que j'ai cru comprendre - à un
élément entre plusieurs, cet élément étant
l'augmentation des indemnisations payées aux accidentés. À
partir d'une constatation qui saute aux yeux, l'augmentation du coût de
la vie, l'augmentation de l'inflation depuis 1978 qui a fait un bond d'à
peu près 40%, l'augmentation des salaires, est-ce que je dois comprendre
que votre argumentation est dans le sens qu'il ne fallait pas procéder
à une augmentation des indemnisations dans une proportion que l'on sait,
c'est-à-dire pour atteindre ce qui est fixé maintenant, soit 150%
du salaire moyen au Québec, ce qui fait un salaire maximal assurable
d'à peu près 31 500 $? Est-ce que je dois comprendre que, dans
votre évaluation, il n'aurait pas dû y avoir d'augmentation ou
d'augmentation aussi substantielle?
M. Langlois: M. le ministre, je pense que vous ne pouvez pas
conclure ainsi. Je l'ai mentionné un peu tout à l'heure, on ne
fait aucunement mention dans notre mémoire des quanta, des
quantités payées. On a dit à plusieurs reprises que les
accidentés, les véritables accidentés doivent être
compensés de façon très large, c'est-à-dire
très bien compensés. On comprend que le salaire qui est
élevé peut porter certaines personnes à choisir
l'indemnisation. S'il y a un certain contrôle au niveau de la CSST, cela
va contrebalancer cet autre facteur qui pourrait amener certains travailleurs
à vouloir se faire indemniser au lieu de travailler. Donc, c'est une
question de contrôle. Ce n'est pas une question de baisse de primes ou de
toutes ces choses. On est d'accord avec cela; on le dit en toutes lettres dans
notre mémoire. (13 heures)
En terminant, j'aimerais vous dire, M. le Président, qu'on a
peut-être donné une impression très négative dans
notre mémoire parce qu'on a surtout parlé des abus. Cependant, on
a dit aussi qu'on était absolument d'accord pour compenser très
bien et aussi parfaitement que possible les victimes de lésions
professionnelles, mais les véritables victimes de lésions
professionnelles. Il y a donc un certain nombre de points avec lesquels on est
d'accord, par exemple, la notion de retour au travail, la notion de
réadaptation. Je ne dis pas que nous sommes d'accord sur la façon
dont c'est écrit dans le projet de loi 42, mais, en principe, nous
sommes d'accord. On est d'accord avec la réassignation; je pense qu'il
est absolument nécessaire de faire de la réassignation dans
l'entreprise. On est
d'accord avec les indemnités pour dommages corporels et le
remplacement du revenu; on est d'accord pour que le médecin traitant
fasse ce dont on a discuté hier - pour autant qu'il y a une supervision
de la CSST. Il y a donc beaucoup de points avec lesquels, en principe au moins,
nous sommes d'accord.
M. Fréchette: Je vous remercie, M. Langlois. Il ne
faudrait pas continuer, car on finirait par s'entendre, surtout de la
façon que vous y alliez là.
M. Langlois: Ce serait mon souhait le plus cher.
M. Fréchette: Une dernière question, si vous me le
permettiez, M. le Président. Je suis conscient qu'on déborde un
peu 13 heures, mais cela m'apparaît important. Vous avez insisté -
d'autres groupes avant vous l'ont fait depuis que la commission a
commencé ses auditions; au mois de décembre, on en a aussi
beaucoup entendu parler - sur la façon de procéder du conseil
d'administration. Mon collègue, le député de Saguenay, l'a
relevé tout à l'heure. Il y a un conseil d'administration qui
fonctionne avec une représentation paritaire, qui est dirigé par
un P.-D.G. nommé par le gouvernement. Cela conduit à une
situation comme celle que vous avez décrite tout à l'heure.
Ma question serait la suivante: Est-ce que, si vous ne pouvez accepter
la formule actuelle, vous avez des suggestions à faire quant à la
façon dont cela pourrait fonctionner? Est-ce qu'on devrait revenir
à ce qui existait auparavant: un président-directeur
général et deux commissaires qui, de Québec,
administraient tout et dirigeaient tout? Est-ce qu'on devrait remettre la
responsabilité administrative d'un organisme comme celui-là au
gouvernement? Ou est-ce qu'on devrait remettre toute l'administration de la
politique de santé et de sécurité au secteur privé,
comme plusieurs le souhaitent? L'AECQ, par exemple, cet après-midi, va
nous demander que tout cela soit transféré ou remis au secteur
privé. Je veux bien qu'on soumette de l'argumentation pour soutenir une
thèse qui voudrait conduire à la conclusion que le système
actuel n'est pas celui qui devrait exister, mais je serais davantage satisfait
si on nous suggérait des modalités de remplacement.
M. Drouin: M. le ministre, en tant que membre du conseil - j'y
suis depuis le début - je peux dire en toute franchise que la
participation des deux parties au conseil a été bienfaisante pour
toute la société québécoise. Je crois que ce serait
rétrograder si on sortait de cette formule. On est certainement plus
présent, les deux parties, qu'on ne l'était avant.
Évidemment, il y a un problème qui surgit parce que c'est
paritaire; dans un vote paritaire, c'est toujours 7-7, c'est là qu'est
le problème. Je crois qu'avec le temps les choses vont finir par se
placer. Il faut que toutes les parties acceptent que c'est un processus qui ne
peut pas être rapide. C'est nécessairement lent quand c'est
là, mais je crois que les deux parties y gagnent. Je suis d'accord avec
cela.
M. Fréchette: Sur le plan strictement pratique, M. Drouin
- c'est ma dernière question - est-ce qu'il est exact de dire que,
depuis que le système est instauré, il fonctionne de la
façon qu'on sait: le président-directeur général
serait intervenu à peu près une dizaine de fois pour trancher des
litiges et ses décisions auraient maintenu dans une proportion presque
égale l'une ou l'autre des deux thèses?
M. Drouin: Là-dessus, je crois que le président est
intervenu à six ou sept reprises. Je sais qu'il a voté trois fois
avec la partie patronale en fonction des subventions à donner aux
associations d'employeurs. Il a voté avec la partie patronale à
l'occasion du budget, l'année passée, mais il a voté avec
la partie syndicale sur des décisions qui sont peut-être un peu
plus importantes que le règlement du comité de santé et de
sécurité; sur le règlement des maladies industrielles, qui
est une chose un peu plus importante.
J'ai tout de même l'impression - et je parle avec franchise,
là - qu'il y a un cheminement qui se fait selon lequel les parties vont
devenir un peu plus, comme le disait M. le président au début de
la loi, matures et qu'on va finir par prendre des positions un peu plus
mûres entre les parties.
M. Langlois: M. le ministre, j'aimerais ajouter un commentaire au
sujet du conseil d'administration. Il y a une chose qui non seulement plairait,
mais qui nous paraît nécessaire pour les groupes patronaux, pour
les employeurs, c'est d'avoir un certain contrôle sur la nomination de
nos membres. À partir d'une liste qui est proposée - on parle du
Conseil du patronat présentement -le gouvernement devra être
à peu près lié afin que ces membres soient ceux qui seront
sur la liste. Cela est une chose - je pense bien que d'autres vont vous en
parler - qui est importante pour avoir un conseil d'administration qui
fonctionne à peu près correctement. Autrement, cela cause un
paquet de problèmes.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Langlois, ainsi que
vos collègues, au nom des membres de la commission. Je suspends les
travaux jusqu'à 15 heures avec, à ce moment-là,
l'Association des entrepreneurs en construction du Québec.
(Suspension de la séance à 13 h 7)
(Reprise de la séance à 15 h 7)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente du travail est à nouveau
réunie aux fins d'entendre les représentations des personnes et
des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents
du travail et les maladies professionnelles.
Lorsque nous nous sommes quittés, nous avons dit que, cet
après-midi, nous entendrions, de 15 heures à 18 heures, les
représentants de l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec. On nous a fait distribuer, en plus du document que nous avions,
ainsi que l'annexe 3MA, deux autres documents, 3MB et 3MC, ce qui veut dire que
nous aurons des explications de la part du président, M. Frank Fava, qui
va nous présenter les gens qui l'accompagnent et nous dire de quelle
façon il va procéder pour la lecture du mémoire.
M. Fava.
Association des entrepreneurs en construction du
Québec
M. Fava (Frank): Merci, M. le Président. Les gens qui
m'accompagnent sont, à mon extrême gauche, M. Raymond Richard,
membre du conseil d'administration de l'AECQ, et M. Jean-Claude Murray;
à ma droite, M. Alfred Renier; à mon extrême droite, M. Guy
Lauzon et le directeur général de l'association, M. Michel
Dion.
Si vous le permettez, M. le Président, nous allons vous
suggérer une façon de procéder à la
présentation de nos mémoires, avec les différents articles
que cela implique. Je vais céder la parole au directeur
général qui pourra vous expliquer de quelle façon on a
l'intention de procéder.
M. Dion (Michel): Je m'appelle Michel Dion. M. le
Président, on va procéder de la façon suivante, si vous
êtes d'accord. Le premier mémoire, celui que vous avez
appelé 3MA, c'est celui qui a déjà été
déposé antérieurement et qui va être
présenté intégralement. Ensuite, ce sont les notes
complémentaires; la première partie de ces notes - les annexes 1
et 2 - va être présentée. L'annexe I sera
présentée intégralement et l'annexe II sera
résumée. On reviendra, après l'annexe II, aux conclusions
de notre premier document. Ce sera notre présentation. Les autres
annexes et la deuxième partie de nos notes complémentaires sont
des documents qu'on dépose à la commission. Effectivement, la
deuxième partie, c'est surtout l'étude article par article. Je ne
pense pas qu'on devrait, à toutes fins utiles, commencer à la
retravailler. Évidemment, on répondra à toutes les
questions.
Notre présentation, c'est le mémoire déjà
déposé, l'annexe I au complet, l'annexe II résumée
et nos conclusions.
Le Président (M. Jolivet): M. Dion, vous avez à
votre disposition une période de trois heures pour faire votre
présentation et pour répondre aux questions qui seront
posées par la suite.
M. Fava: Merci, M. le Président. Comme vous le disait M.
Dion, pour la première partie, on en fera une lecture tantôt
rigoureuse, tantôt en sautant des passages et en donnant les indications
nécessaires pour que les membres puissent suivre la présentation
du mémoire.
On est devant cette commission pour une deuxième fois en quelques
mois afin de discuter avec vous de la CSST. Nous croyons qu'il y va de
l'intérêt des membres de l'AECQ que leur point de vue en
matière de santé et de sécurité du travail soit
clairement exposé.
Si, lors de la commission parlementaire qui a siégé sur
l'administration de la CSST, nous n'avons pas hésité à
dénoncer fermement certains abus du système, c'est qu'à
notre avis la situation a déjà atteint un niveau inacceptable
pour nos employeurs dont l'industrie est particulièrement
affectée. Si notre ton peut sembler parfois dur, c'est que les
problèmes vécus par nos membres le sont aussi. Nous vous
enjoignons de considérer notre mémoire comme un exposé de
situations réelles et de solutions réalistes et non comme un
réquisitoire. Les coûts énormes du régime actuel,
déjà pénalisants par le processus de cotisation dans la
construction, nous apparaissent cependant vouloir soutenir un régime
d'indemnisation que nous reconnaissons quand même comme étant
essentiel. En effet, les employeurs de l'industrie de la construction
acceptent, dans le cadre d'un système efficace et modeste, de payer les
coûts réels que devraient entraîner les vrais accidents du
travail et les maladies directement imputables à des activités du
travail.
L'Association des entrepreneurs en construction du Québec, qui
regroupe tous les employeurs de cette importante industrie, est d'avis que le
projet de loi 42 sur les accidents du travail et les maladies professionnelles
va beaucoup trop loin et fait payer aux seuls employeurs des mesures sociales
qui, dans la logique des choses, devraient être financées comme le
sont les autres régimes sociaux.
Le Président (M. Jolivet): Un instant. Nous avons quelques
problèmes justement avec des entrepreneurs...
M. Dion: Vous avez même créé
l'atmosphère pour notre mémoire.
Le Président (M. Jolivet): Nous allons suspendre quelques
instants pour procéder à une vérification, s'il vous
plaît.
(Suspension de la séance à 15 h 12)
(Reprise de la séance à 15 h 14)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Pendant l'interruption, nous avons pris les mesures nécessaires
pour faire en sorte que les travaux, qui sont nécessaires aussi, nous
dérangent le moins possible. Entre-temps, on va essayer de continuer nos
travaux. Donc, vous avez la parole, M. Fava.
M. Cusano: J'ai juste un commentaire, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Viau.
M. Cusano: Vous remarquerez que le président a beaucoup de
pouvoirs.
M. Fava: On n'en a jamais douté, M. le Président.
Comme vous pouvez le voir, le progrès dérange aussi.
À peu près tout le monde est d'accord pour affirmer qu'il
faut régler ce qu'il est convenu d'appeler communément le
problème de l'article 38.4 de la loi actuelle des accidents du travail.
Il ne faudrait toutefois pas que le législateur, fort de ce consensus,
accepte les modalités prévues dans le projet de loi 42 à
ce sujet sans en faire, au préalable, un examen sérieux. Le
Conseil du patronat du Québec, dont l'AECQ fait partie, a formulé
des recommandations précises quant aux modalités et
contrôles qui devraient apparaître à ce sujet dans le projet
de loi; nous y souscrivons généralement.
Cependant, quant au reste du projet de loi 42, nous sommes d'avis qu'il
doit être abandonné pour plusieurs raisons. Les coûts
qu'impose déjà la Commission de la santé et de la
sécurité du travail aux entreprises, et singulièrement aux
entreprises de construction, sont beaucoup trop élevés. De plus,
compte tenu de la situation économique actuelle du Québec, ce
projet d'extension est un luxe qui dépasse toute proportion
acceptable.
Dans le mémoire que l'AECQ a présenté en
décembre devant cette commission sur le fonctionnement administratif de
la CSST, nous avions mis en lumière plusieurs faits qui devraient
être troublants pour tout administrateur averti. Nous avions notamment
recensé l'augmentation des coûts, des taux de cotisation, etc.
Particulièrement à l'égard des taux, nous les avions
comparés à ceux en vigueur dans toutes les autres provinces pour
trois secteurs de l'industrie de la construction et montré clairement
que les entreprises québécoises paient beaucoup plus qu'ailleurs.
Les résultats sont repris au tableau I, en annexe, et expliqués
plus longuement à l'annexe IV de la partie I de nos notes
complémentaires.
Dans quelle mesure les coûts et, par conséquent, les taux
seront-ils augmentés en tenant compte du nouveau système de
capitalisation? Quelles que soient les prévisions de coûts du
projet de loi 42 que vous présenteront les spécialistes de la
CSST, nous sommes persuadés qu'en fin de compte, lorsque les
fonctionnaires de la commission auront interprété les textes, les
coûts réels seront de beaucoup supérieurs aux
prévisions initiales. De toute façon, il nous apparaît
aberrant que le projet de loi ait été introduit avant que soit
vraiment connu ce facteur. Tout gouvernement soucieux du bon usage des fonds
publics refuserait un tel mécanisme s'il avait à assumer la
facture; il exigerait sûrement que ses fonctionnaires lui fournissent des
prévisions précises avant de lancer le projet publiquement.
Pourquoi ce traitement particulier à l'entreprise et plus encore au
patron?
Il y a des raisons à cela. Dans notre mémoire de
décembre dernier, nous avons, comme bon nombre d'autres associations
d'employeurs, dénoncé l'attitude antipatronale de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail. On retrouve
cette attitude dans plusieurs articles du projet de loi 42: l'employeur a des
obligations, le travailleur a des droits.
Nous croyons que cette façon de voir découle directement
de la structure hybride de direction dont le gouvernement a doté la
commission. La CSST a beau avoir un conseil d'administration dit paritaire, en
dernière analyse, c'est toujours l'État et les fonctionnaires
qu'il nomme qui dirigent. Disons les choses clairement: la CSST est un
organisme paragouvernemental qui échappe au contrôle de tout le
monde.
Dans la structure normale des démocraties, les besoins ou les
appétits des ministères et organismes gouvernementaux sont
tempérés par la capacité de payer des contribuables.
Tout gouvernement qui serait tenté d'oublier cette
vérité fondamentale serait vite répudié par
l'électorat. Depuis quelques années au Québec,
l'État n'a-t-il pas dû couper dans le gras, puis dans le maigre,
et généralement tenir compte des réalités
économiques? Mais qui tempère l'appétit de la CSST?
Sûrement pas les associations syndicales, qui n'ont évidemment
rien à perdre en faisant payer par les patrons des mesures toujours plus
généreuses. Jusqu'à maintenant, l'État non plus ne
semble pas se préoccuper des coûts qu'entraînent les
orientations de la CSST, mais il faudra bien qu'un jour quelqu'un se
penche sur les conséquences de ces coûts sur les entreprises
québécoises. Non seulement les coûts directs,
c'est-à-dire ceux que l'on peut mesurer en scrutant les cotisations
versées à la commission, mais aussi ceux qui découlent de
la multitude de règlements et de structures pondus par les
fonctionnaires de la CSST, trop souvent irréalistes, et qui
coûtent très cher aux entreprises.
Lors de l'adoption de la loi 47, qui créait la nouvelle CSST,
nous nous étions fortement élevés contre le processus
législatif utilisé, lequel se traduisait par une loi donnant
ouverture à l'adoption d'une panoplie de règlements. Ce
système nous apparaissait bien difficile à accepter car, d'une
part, il cachait le contenu final de la législation et, d'autre part,
les coûts étaient totalement impossibles à
évaluer.
Le présent projet de loi se présente dans ce même
scénario. Nous considérons que ce procédé est
abusif de nos droits de "payeurs de la facture" et qu'il est injuste de nous
cacher l'ampleur des obligations que l'on voudra nous faire assumer.
Ce n'est pas par caprice que l'État a doté la construction
de sa propre loi des relations de travail, de ses propres
règlements.
En 1982, dernière année pour laquelle les données
complètes sont disponibles, 77 864 salariés de la construction
ont effectué 73 600 000 heures de travail, une moyenne de 945 heures ou
24 semaines par travailleur. Tout porte à croire que, compte tenu des
activités de construction en 1983, les données seront semblables
pour l'année dernière. Ces travailleurs ont été
à l'emploi d'environ 14 000 entreprises de construction. Le taux de
chômage parmi ces salariés a oscillé entre 33% et 51% l'an
dernier, avec une moyenne pour l'ensemble de 1983 de 41%.
Les taux de salaire de ces travailleurs reflètent cette situation
de chômage cyclique et saisonnier. L'argumentation syndicale a toujours
été que les taux de salaire doivent être
élevés parce que le travail n'est pas régulier. Dans les
faits, 77 864 travailleurs de la construction actifs en 1982 ont gagné
une moyenne de 14 960 $ dans l'industrie cette année-là.
La méthode de calcul utilisée par la commission pour
indemniser ces travailleurs lorsqu'ils sont victimes d'un accident de travail
fait cependant en sorte qu'ils sont compensés en fonction d'un salaire
annuel supérieur à 32 000 $. Le salaire est en effet
calculé selon la rémunération des quatorze derniers jours
de travail.
Les travailleurs de la construction ne sont pas des imbéciles.
Leur attachement à l'employeur est bien souvent mince. Ils savent que,
le travail terminé sur un chantier, l'employeur n'aura d'autre choix que
de les mettre à pied faute d'ouvrage. Dans ce contexte, 90% du revenu
net calculé sur les quatorze derniers jours de travail, dont les cinq
premiers jours sont payés par l'employeur, cela peut inciter un
travailleur futé et qui sait compter à se découvrir
soudainement un mal de dos quatre ou cinq jours avant la fin d'un chantier.
Vous allez nous dire, et vous aurez sûrement raison, qu'il y a
dans tout système du genre un certain pourcentage de fraude et que c'est
là un mal inévitable et, somme toute, négligeable. Nous
vous soumettons en toute humilité, mais en toute franchise, que c'est
peut-être vrai dans une usine, dans un lieu de travail régulier,
encore que l'Association des mines de métaux avançait le chiffre
de 15% de fraudeurs dans son secteur, dans le mémoire qu'elle vous a
présenté en décembre, mais nous sommes persuadés
que le phénomène est suffisamment important dans la construction
pour que l'on s'y arrête.
Nous ne nous attendons pas que la CSST puisse enrayer le
phénomène. Nous voudrions toutefois qu'elle en tienne compte et
qu'elle cesse d'accepter sans examen sérieux à peu près
toutes les demandes d'indemnisation qui lui sont faites et nous vous soumettons
notre tableau II en annexe intitulé: Taux de rejet pour illustrer ce
phénomène.
Comme nous l'avons dit tout à l'heure au début de notre
mémoire, les employeurs de la construction sont prêts à
payer les coûts réels des vrais accidents du travail et à
indemniser ceux qui en sont victimes. Ils exigent cependant qu'un effort soit
fait pour contrôler les fraudes, sachant bien que l'industrie de la
construction étant ce qu'elle est, lorsqu'un truc fonctionne, il se
répand vite.
Au lieu de répondre à cette attente somme toute
légitime, que fait la CSST? Elle propose tout simplement, dans le projet
de loi 42, entre autres, d'étendre à quatorze jours la
période pendant laquelle un salarié accidenté est
payé par l'employeur. Nous trouvons que la période des cinq jours
déjà payée est suffisamment onéreuse.
La CSST est insensible aux problèmes spécifiques de la
construction. L'estimation de la masse salariale en est un exemple frappant. On
demande à l'entrepreneur en construction, tributaire très souvent
des procédures d'appels d'offres pour obtenir des contrats, de
déterminer au commencement de l'année les salaires qu'il va
payer. Dans une usine, la conjoncture économique joue un certain
rôle, mais on peut, à l'aide de certaines hypothèses,
arriver à un chiffre probable. Dans la construction, compte tenu des
listes de plus en plus longues de soumissionnaires sur la plupart des contrats,
c'est un peu comme si le ministère du
Revenu demandait au commencement de l'année aux contribuables
d'évaluer les sommes qu'ils comptent gagner à la loterie 6/49, en
se réservant, bien sûr, le droit d'imposer une
pénalité s'ils se trompent.
Il faut bien dire ici un mot sur l'artisan, devenu, dans le projet de
loi no 42, travailleur autonome. Il serait assimilé, dans l'esprit de la
CSST, au travailleur tout court et l'employeur en serait responsable. Or, dans
certains secteurs de la construction, les routes, notamment, et les grands
travaux, des règlements gouvernementaux font en sorte que l'entrepreneur
en construction ne puisse avoir aucun contrôle sur les camionneurs
artisans auxquels il ferait appel. Il ne peut pas les choisir, contrôler
l'état de leur véhicule ou leur capacité de conducteur,
mais il en serait, néanmoins, responsable.
Ce ne sont là que quelques exemples des implications
générales du projet de loi dans notre industrie.
Nous tenterons ci-après de mettre brièvement en
évidence les difficultés que la mise en vigueur dudit projet
occasionnerait dans l'industrie de la construction.
Qu'il nous soit permis de préciser dans quel contexte se situent
nos commentaires: il nous est impossible, compte tenu de la complexité
du projet de loi et des délais que nous avions à respecter, de
faire une étude très exhaustive de toute la portée des
articles qu'il contient. Il aurait fallu des mois d'études par des
spécialistes patients et chevronnés. Le Conseil du patronat
résume bien, dans son mémoire, les principales difficultés
que l'entreprise en général aurait à vivre si le projet de
loi 42 était adopté. Nous endossons cette position et ne voulons
qu'illustrer ici quelques-unes des injustices et des absurdités que le
projet de loi créerait pour nos membres, les entrepreneurs en
construction. Je vous invite à ce titre à lire la deuxième
partie des notes complémentaires, qui est l'étude article par
article du projet de loi.
L'établissement et le chantier. Le projet de loi 42 assimile un
chantier de construction à un établissement. Fort bien. Cela
simplifie sans doute la tâche de ceux qui auront à appliquer la
loi. Quelqu'un peut-il cependant nous dire comment un entrepreneur
spécialisé dont le bureau n'abrite qu'un comptable et une
secrétaire, mais qui a, au gré des contrats, de dix à
vingt travailleurs actifs sur divers chantiers pour des périodes
généralement très courtes, devra appliquer l'article 146
du projet de loi? Cet article se lit comme suit: "Le droit au retour au travail
s'exerce dans l'établissement où le travailleur occupait son
emploi lorsque s'est manifestée la lésion professionnelle ou sa
rechute."
D'ailleurs, l'ensemble de la section II traitant du retour au travail
fait carrément abstraction des réalités dans l'industrie
de la construction. Le gouvernement nous a imposé un règlement de
placement des salariés qui limite dans une large mesure le libre choix
des employeurs dans l'embauche. Nous avons aussi un règlement qui
détermine les juridictions de chacun des métiers de la
construction.
Enfin, la majorité des travailleurs de l'industrie font partie de
syndicats qui les regroupent par métier et c'est compréhensible,
les syndicats défendent jalousement leur champ de juridiction
professionnelle. Dans ce contexte, les dispositions du projet de loi touchant
le retour au travail, et notamment le pouvoir de la commission d'ordonner
à l'employeur d'assigner à un travailleur "une autre tâche
qu'il est raisonnablement en mesure d'accomplir" - article 159 - risquent de
créer la pagaille sur nos chantiers de construction.
Puisque l'employeur de la construction n'a pas réellement le
contrôle de sa main-d'oeuvre et puisque l'État a cru bon de
confier à l'Office de la construction du Québec le soin
d'administrer un règlement de placement, ne faudrait-il pas chercher des
mécanismes qui permettraient de réintégrer les
travailleurs accidentés dans le bassin de main-d'oeuvre de l'industrie?
Nous n'irons pas jusqu'à analyser cette section en fonction des
restrictions sur l'apprentissage ou encore lui chercher un mode d'application
en relation avec le travailleur artisan. Nous reviendrons, d'ailleurs, sur ce
sujet à l'annexe II de la partie I de nos notes
complémentaires.
Une grande part des travaux de construction est effectuée de la
façon suivante: un entrepreneur général obtient un contrat
d'un donneur d'ouvrage, effectue une partie des travaux lui-même et
accorde la plus grande partie à des entrepreneurs
spécialisés, en vertu de sous-contrats.
À la lumière de cette évidence, voyons la
portée de l'article 10 de la loi: "L'employeur qui accorde un contrat
d'entreprise est considéré l'employeur des travailleurs de
l'entrepreneur tant que celui-ci n'a pas fait les déclarations
prescrites par la présente loi et qu'il n'a pas été
cotisé par la commission."
À noter que des dispositions semblables existent dans la loi
actuelle. S'il s'agit de s'assurer que l'entrepreneur général
garantisse en quelque sorte les montants dus par le sous-traitant, il n'y a
là rien de neuf, dira-t-on. Mais le projet de loi 42 va beaucoup plus
loin que la loi actuelle, car, selon notre compréhension, le
libellé de l'article ferait en sorte que l'employeur principal serait
considéré l'employeur des salariés du sous-traitant
pendant toute la durée du contrat. (15 h 30)
L'entrepreneur général peut, au départ,
s'enquérir auprès de la commission de l'état du dossier
d'un sous-traitant, mais le
document attestant que ce dernier a bel et bien été
cotisé pour le travail en cause n'est remis qu'à la fin des
travaux. Les obligations du projet de loi quant au retour au travail, aux
maladies professionnelles etc., s'appliqueront à qui? Nous n'irons pas
encore ici jusqu'à vous détailler le processus de soumission qui
a cours dans la construction, mais il nous semble que le loi proposée
est totalement inadéquate et qu'elle créera des situations
intenables, à moins que vous n'apportiez des correctifs pour tenir
compte des facteurs propres à notre industrie.
Il est clair, à la lecture du projet de loi 42, que le principe
voulant qu'un employeur soit responsable des accidents directement imputables
au travail ne tient plus.
La lecture des articles 26, 27, 28 et 29 a suffi à nous
convaincre de cette nouvelle orientation que nous répudions. À
preuve, toute blessure qui survient au travail est présumée
lésion professionnelle, la liste des maladies professionnelles peut
s'allonger au gré des humeurs de la commission. En outre, les articles
29 et 51 permettent à la commission de considérer une maladie non
prévue dans la loi comme maladie professionnelle si le travailleur
"...démontre à la commission que sa maladie est
caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est
reliée directement aux risques particuliers de ce travail". Dans un tel
cas, le travailleur aurait droit à l'indemnité de remplacement du
revenu même s'il est en chômage (article 51).
Compte tenu de la nature même des travaux de construction, des
outils, des matériaux, du taux de chômage qui y sévit et de
l'ingéniosité des travailleurs, on peut d'ores et
déjà prévoir une avalanche de maux de dos, de cas de
surdité, etc. Par ailleurs, comment, dans un tel contexte, imputer aux
employeurs les coûts réels des accidents dont ils sont
responsables? La CSST devra faire des règlements internes, sans cesse
plus compliqués, pour tenter de déterminer la part de
responsabilité des employeurs précédents d'un travailleur
souffrant d'une maladie professionnelle. Dans la construction, cela risque
d'être une tâche impossible et de donner lieu à des
injustices flagrantes.
Si, dans l'industrie en général, un employé cumule
souvent plusieurs années de service auprès d'un même
employeur, la situation est différente dans l'industrie de la
construction et plus encore les "genres d'accidents" que nous mettons en doute
ne sont généralement pas subis par nos "employés
réguliers"; ce sont là des réalités auxquelles vous
devez une grande attention si vous ne voulez pas provoquer des situations
absolument intolérables.
J'aimerais, à ce moment-ci, vous référer à
la deuxième partie de notre mémoire.
Cette première partie de notre exposé a
généralement traité certains points qui préoccupent
les employeurs membres de l'AECQ en ce qui a trait au projet de loi 42. Il nous
semble maintenant important de vous exposer ici, avec beaucoup plus de
précision, certains aspects de notre prise de position, compte tenu du
caractère bien particulier de l'industrie de la construction, comme nous
l'avons déjà illustré.
Premièrement, nous croyons que le projet de loi 42 permettra de
développer de nouveaux champs d'indemnisation qui préjudicieront
l'industrie de la construction plus que toute autre industrie. Par sa nature
même, l'industrie de la construction est susceptible de créer des
situations dites dangereuses. Les risques d'accidents y sont
nécessairement plus élevés que dans l'industrie
manufacturière en général et, cela va de soi, nettement
plus grands que dans le travail de bureau. Excavations, températures
extrêmes, structures temporaires, machinerie lourde, débris,
objets coupants ou contondants, travail en hauteur, déplacements de
charges lourdes, travail simultané et parfois en espace restreint de
spécialités diverses, échéancier serré,
etc., voilà autant de caractéristiques de la construction qui
facilitent l'accident du travail. Mais si l'accident est un
événement précis, soudain, inattendu, qu'en est-il de la
maladie professionnelle? Vous conviendrez sans doute que l'on parle ici de tout
autre chose.
La maladie n'est pas soudaine, instantanée. C'est un état
de santé qui devient déficient avec le temps. L'acquisition de
cette déficience peut, bien sûr, être reliée au
travail de l'individu. Toutefois, la nature ci-haut décrite de notre
industrie et la nature de la maladie professionnelle nous portent à
craindre que des abus surviendront dans la mise en application de la nouvelle
loi.
Ces craintes ne sont évidemment pas étrangères non
plus aux lacunes relatives aux moyens de contrôle, de même
qu'à la philosophie de la commission nettement axée sur l'aspect
social du régime d'indemnisation. Selon les statistiques de la
Société d'arthrite, il y avait 370 000 arthritiques sur le
marché du travail en 1982 au Québec. Il est facile d'imaginer que
cette maladie dégénérative peut être
rattachée a posteriori à un événement ou une
situation survenue sur un chantier de construction. Ainsi, l'ouvrier qui fait
une chute peut se blesser au niveau des articulations, par exemple, à un
genou. S'il était déjà arthritique, il est probable que sa
maladie deviendra professionnelle, compte tenu des dispositions de la loi.
Or, nous ne visons pas exclusivement ici des cas de fraude. Il est
possible que, dans bien des cas, on ne pourra vraiment pas discerner la maladie
reliée au travail de celle qui ne l'est pas. Mais où
s'arrêtera
l'application de l'article 29? Dans le contexte d'un milieu de travail
difficile comme le nôtre, quel sens prendront les mots "maladie...
caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou... reliée
directement aux risques particuliers de ce travail".
Prenons le cas d'un monteur d'acier de structure et supposons que cet
homme a l'habitude de boire quelques bières après sa
journée de travail. Vous avouerez que cela n'a rien d'exceptionnel.
À 25 ans, ce travailleur récupérera rapidement force et
concentration et, le matin venu, on le retrouvera en train de marcher sur les
poutres d'une structure nouvelle, à 100 pieds du sol, au grand vent et
sur un acier parfois recouvert de frimas.
Sauf qu'avec le temps notre homme deviendra de moins en moins sûr
de ses moyens, les bières seront digérées moins vite et il
pourra développer une maladie reliée à l'angoisse ou au
stress, comme un ulcère d'estomac. Faisons l'hypothèse que telle
maladie est uniquement reliée aux risques particuliers de son travail,
ce qui, au départ, paraît difficile à imaginer, ou du moins
à établir. Quoi qu'il en soit et même dans un tel contexte,
est-il normal de considérer comme maladie professionnelle un état
de santé déficient provenant de l'accomplissement normal d'une
tâche quelconque? Est-il normal de faire absorber par un employeur le
coût d'une maladie causée par des caractéristiques
habituelles de gestes posés dans des conditions normales et relativement
sécuritaires dans les circonstances?
Les employeurs de la construction n'ont pas inventé le danger.
L'employeur dont les salariés sont à monter la charpente d'un
hôpital ne mettra peut-être jamais les pieds dans cet hôpital
une fois les travaux terminés. Ce n'est pas pour lui qu'ils posent des
poutres et on ne peut rien contre le fait qu'une structure d'acier, c'est haut
et c'est étroit. Bien sûr, on peut mettre des filets de
sécurité, mais, de toute façon, il faut toujours commencer
par quelque chose et un filet, cela ne tient pas tout seul dans les airs.
Peinturer au fusil sera toujours mauvais pour les poumons. Souder de
l'acier inoxydable, de l'aluminium ou du nickel va nécessairement
dégager des vapeurs nocives. Se servir d'un marteau pneumatique causera
toujours une vibration quelconque et affectera les articulations de
l'opérateur. Si on ne fait rien du tout, on risque peu de contracter une
maladie professionnelle; du moins, espérons que la CSST sera d'accord
avec nous là-dessus.
Par contre, dès qu'on exerce un métier, et
particulièrement un métier de la construction, on se retrouve
placé dans des situations qui peuvent affaiblir ou modifier
l'état de santé. Qui doit payer pour cela?
Nous croyons que le produit de construction est nécessaire au
fonctionnement et, de fait, au progrès de la société. Il
serait donc, selon nous, normal de partager globalement une partie des
coûts engendrés par les maladies professionnelles. Cela se
justifie lorsqu'il s'agit de maladies clairement identifiables et pouvant
être sans doute reliées à un travail quelconque
exercé dans des conditions normales. Cela se justifie peut-être
encore plus lorsqu'il s'agit d'une maladie pour laquelle un lien évident
ne peut être établi avec la tâche ou lorsque des doutes
existent quant à la proportion des déficiences dues à
l'accomplissement de la tâche par rapport à d'autres
conséquences de dégénérescence.
Nous souhaitons maintenant traiter de l'application du concept de
maladie professionnelle à notre industrie, sous l'angle du lien entre
l'entreprise et ses salariés. Nous ne sommes pas sans savoir qu'il
répugne à plus d'un de voir associés les mots "relations
du travail" aux mots "santé-sécurité". Mais, tout comme
les employeurs de la construction n'ont pas inventé le danger, leur
association, l'AECQ, n'a inventé ni le syndicalisme ni l'utilisation
partisane de la santé-sécurité.
Ainsi donc, le système de relations de travail dans l'industrie
de la construction a été adapté avec le temps à
certaines caractéristiques de cette industrie. Il en est
résulté ce qu'on appelle communément la négociation
sectorielle, soit un système réunissant globalement l'ensemble
des participants du secteur industriel à l'intérieur d'un
régime collectif de travail.
Nous ne discuterons pas ici du mérite ou du
démérite d'un tel système. Mais, quelle que soit sa
valeur, il y a des conséquences sur la vie des entreprises qui, à
notre avis, ne sont pas assez prises en considération par le projet de
loi 42 quant aux maladies professionnelles.
Vous avez sûrement déjà entendu parler du
règlement sur le placement dans l'industrie de la construction. Il
constitue une spectaculaire illustration à la fois du collectivisme de
nos relations de travail et de la rigidité de l'encadrement de nos
entreprises.
De manière accélérée, depuis l'adoption du
projet de loi 290 en 1968, le législateur québécois est
intervenu dans le sens du collectif, de la centralisation des rapports, compte
tenu de la quantité d'intervenants, c'est-à-dire environ 100 000
salariés et 14 000 employeurs, et compte tenu de la nature occasionnelle
et temporaire de leurs relations. Pensez, à titre d'exemple, que
certaines parmi les plus importantes entreprises de la construction ne
rapportaient aucune heure travaillée en décembre et en janvier
dernier. À d'autres moments, les mêmes entreprises ont pu compter
500 salariés sur leurs listes de paie.
II y a les cycles saisonniers, bien sûr, mais il y a surtout la
nature purement temporaire des travaux à exécuter. Le lieu de
travail dans la construction ne dure généralement que quelques
semaines. La construction n'est pas une industrie comme les autres. Alors,
pourquoi tente-t-on de l'assujettir aux mêmes règles? Il n'y a pas
de doute que l'employeur de la construction conçoit et accepte qu'il
puisse être financièrement responsable des vrais accidents du
travail survenus sur son chantier, mais, nous l'avons dit auparavant, la
maladie professionnelle est un phénomène bien différent et
qui n'est ni soudain ni imprévu.
Par exemple, l'usage de marteaux pneumatiques vibratoires entraîne
parfois une maladie des mains appelée syndrome de Raynaud. Cette maladie
se développe au cours des ans, pendant une période beaucoup plus
longue que la relation employeur-salarié qui, elle, sera
généralement de quelques mois tout au plus. Conséquence:
au moment où la maladie est diagnostiquée, le salarié peut
être à l'emploi de son employeur depuis quelques semaines à
peine. La commission doit alors tenter de distribuer la responsabilité
de cette maladie professionnelle entre les entreprises ayant employé ce
salarié. C'est à ce moment qu'apparaît le problème
du roulement des entreprises, car, là aussi, on constate un taux
important d'entrées et de sorties. Il en résulte des
complications administratives et nécessairement certaines injustices au
niveau des dossiers des employeurs, avec des conséquences reliées
au système mérite-démérite.
Remarquez bien que nous ne parlons pas ici d'une situation nouvelle
engendrée par le projet de loi à l'étude. Ce qui nous
inquiète, par contre, c'est que ce projet de loi risque d'élargir
de façon spectaculaire la notion de maladie professionnelle à
cause des présomptions qu'il instaure dans ce domaine.
Pour nos membres, l'extension de la notion de maladie professionnelle
signifie l'imposition de responsabilités additionnelles et la
nécessité d'avoir à opérer avec encore plus
d'obligations réglementaires, de coûts imprévus et de
problèmes administratifs, car il faudra vraiment que les gens sachent ce
qu'ils veulent. Plus on voudra introduire dans notre industrie le concept de
maladie professionnelle, plus nos employeurs auront à subir les
coûts de telle maladie et plus ils voudront s'assurer de l'état de
santé du salarié qu'ils embauchent.
De plus en plus, les compagnies en construction font passer des examens
médicaux à leurs futurs travailleurs. La chose peut sembler
banale et, de fait, elle l'est dans les autres industries, là où
les relations employeurs-salariés sont relativement permanentes. Dans la
construction, l'examen médical n'existait presque pas à cause des
caractéristiques déjà décrites de l'emploi.
Voilà, par conséquent, des coûts nouveaux pour notre
industrie, mais là n'est pas l'essentiel de notre propos. Le principal
problème survient en effet avec l'application du règlement sur le
placement et l'absence de liberté quant au choix de la main-d'oeuvre et
à un autre niveau des sous-contractants.
Il fallait déjà engager l'homme de métier
possédant le certificat de qualification, ce qu'on appelle
communément la carte de compétence. Il fallait ensuite s'assurer
qu'il détenait le certificat de classification émis par l'Office
de la construction. Il fallait aussi s'assurer qu'il était classé
comme résident de la région d'emploi. (15 h 45)
Faudra-t-il maintenant ficher les travailleurs selon leur état de
santé et inscrire cette nouvelle donnée dans la mémoire de
l'ordinateur? Les syndicats sont-ils prêts à accepter les
conséquences d'un resserrement du contrôle de l'état de
santé ou assisterons-nous au dépôt de nombreux griefs pour
discrimination dans l'embauche? Les lois provinciales et
fédérales ont-elles toutes été mises en
concordance? La Commission des normes minimales permettra-t-elle la
sélection sur la base de l'état de santé et les
vérifications sont-elles faites quant à l'application de la loi
assurant l'exercice des droits des personnes handicapées?
Nous croyons que l'expansion du concept de la maladie professionelle
doit être vue avec beaucoup de prudence lorsqu'il s'agit de l'industrie
de la construction. Nous n'avons ni le goût, ni le temps et encore moins
les moyens d'être au milieu d'un autre débat juridique et d'en
faire les frais.
Les employeurs de la construction paient déjà 17 000 000 $
annuellement pour assurer leurs travailleurs contre les pertes de revenus et
les frais dus à des maladies ou des accidents hors travail. Allons-nous
payer maintenant à deux places pour la même chose? Jusqu'à
quel point les maladies jusque-là non professionnelles seront-elles
dorénavant indemnisées en vertu de la nouvelle loi? Quelles
seront les conséquences de l'application des articles 28 et 29 sur la
petite et moyenne entreprise, celle qui est particulièrement
pénalisée par le système
mérite-démérite?
Ce sont autant de questions importantes pour les entreprises que nous
représentons et nous osons croire que les réponses seront
données avant que le projet de loi 42 ne soit adopté.
La notion d'employeur définie à l'article 2 du projet de
loi est maintenant directement reliée à la notion
d'établissement qui est également définie au
même article. Or la notion d'établissement comprend dans sa
définition un chantier de construction au sens de l'article 1 de la loi,
ce qui fait en sorte que les employeurs de l'industrie de la construction se
retrouvent donc inclus au même titre que les employeurs de l'industrie en
général aux fins de l'application de toutes les dispositions de
la loi.
Le fait d'inclure le chantier de construction dans la notion
d'établissement va créer tout au long du texte de loi des
interrogations. Ceci a une importance particulière en ce qui concerne
tout le chapitre de la réadaptation, de la réinsertion au travail
ainsi que de l'imputation des coûts au dossier d'un employeur.
Est-il nécessaire de souligner que cette inclusion des employeurs
de l'industrie de la construction dans la notion d'employeur par le biais de la
définition de l'établissement provoquera à elle seule
d'énormes difficultés sur le plan juridique, puisque le projet de
loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles se trouverait
à modifier le décret de la construction. C'est là du moins
ce que devrait dire l'article 40 du projet.
Comment interpréter l'article 40 en fonction de l'article 53 de
la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, lequel
déclare que les dispositions du décret de la construction sont
d'ordre public? Plusieurs dispositions ou de la loi ou du décret seront
alors contradictoires. Il conviendrait à ce sujet de voir entre autres
les dispositions relatives au retour au travail, au chapitre VI, la section
II.
La lésion professionnelle est définie à l'article 2
comme étant une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou
à l'occasion d'un accident du travail ou une maladie professionnelle. On
ajoute que la blessure ou la maladie causée par une lésion
professionnelle est considérée une lésion professionnelle.
Cette définition est complétée par la notion d'accidents
du travail et de maladies professionnelles. Il n'est pas nécessaire
d'être un expert en interprétation de textes de loi pour se rendre
compte que la définition de lésion professionnelle ainsi comprise
s'applique à toute blessure ou maladie y compris une maladie
professionnelle imaginable qui pourrait survenir non seulement par le fait du
travail mais "à l'occasion du travail".
Il faut noter d'abord que les législations de la plupart des pays
industrialisés font une nette distinction entre l'accident du travail et
la maladie professionnelle, car cette dernière est plutôt couverte
par un régime social d'assurance-maladie.
La définition de la notion de la lésion professionnelle
proposée permettrait à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail d'avoir une complète discrétion
afin de déterminer ce qui pourra être compris ou exclu de la
notion de lésion professionnelle, faisant en sorte que les
possibilités de contestation pour un employeur de la décision de
la commission à cet effet deviennent pratiquement inexistantes.
Dans plusieurs lois, il est prévu que l'activité d'un
accidenté peut être circonscrite par une ordonnance
médicale, ce qui évite à l'accidenté de contracter
une autre pathologie lorsque son organisme est déjà atteint dans
son intégrité physique et que cette perte de moyens l'expose
à des situations de danger supplémentaires. Rien de semblable
n'est prévu au projet de loi.
L'article 26 présentera une difficulté additionnelle pour
l'employeur qui chercherait à contester la prétention d'un
travailleur qui aurait subi une lésion professionnelle au travail en
édictant qu'une blessure qui arrive sur les lieux du travail est
présumée une lésion professionnelle. Nous ne croyons pas
qu'une telle présomption soit une façon honnête d'appliquer
le principe de la responsabilité de l'employeur.
L'article 27 aura pour effet d'inclure dans le dossier de l'employeur
les coûts reliés aux blessures ou maladies qui surviendront
à son travailleur lorsqu'il recevra des soins en milieu hospitalier
à la suite d'une lésion professionnelle qu'il aurait subie sur
les lieux de son travail.
De plus, l'article 28 du projet crée la présomption qu'un
travailleur atteint d'une maladie visée par l'annexe A se trouve
dès lors atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un
travail correspondant à cette maladie. Ceci, d'après l'annexe
A.
Or, l'annexe A comprend également l'énumération
illimitée, à notre point de vue, de ce qu'on pourrait appeler une
maladie professionnelle. À titre d'exemple, mentionnons une des maladies
provoquées par des agents physiques - section V de l'annexe A - la
lésion musculo-squelettique, se manifestant par des signes objectifs,
qui correspond à un travail impliquant des répétitions de
mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées;
"ceci a-t-il pour effet de consacrer le typique mal de dos comme une maladie
professionnelle"?
Mais il y a plus. L'article 29 prévoit, afin de pallier toutes
les éventualités, que le travailleur atteint d'une maladie non
prévue à l'annexe A contractée par le fait ou à
l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident de travail ni
de blessures ou de maladies causées par un tel accident est
considéré comme atteint d'une maladie professionnelle s'il
démontre à la commission que sa maladie est
caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est
reliée directement au risque particulier de ce travail. Il faut bien
reconnaître que le projet de loi cherche à boucher tous les
trous.
Finalement, afin d'empêcher les calculs possibles des
probabilités permettant à une maladie de ne pas être
comprise dans la définition d'une maladie professionnelle, la commission
pourra, en vertu de l'article 266, premier alinéa, du projet de loi,
faire des règlements pour modifier l'annexe A en y ajoutant une maladie
qu'elle reconnaît comme caractéristique du travail ou
reliée directement aux risques particuliers d'un travail.
En conclusion sur la nouvelle notion de lésion professionnelle,
nous ne pouvons qu'affirmer sans crainte de nous tromper que, si jamais le
projet de loi est adopté tel quel sans que soient
précisées les limites de la définition de lésion
professionnelle, ledit projet permettra tous les abus que l'on puisse imaginer
de la part des travailleurs aux frais des employeurs sans que ces derniers ne
puissent bénéficier de quelque moyen de défense que ce
soit.
Lorsque l'on considère ce qui a été dit plus avant
concernant la maladie résultant d'une lésion professionnelle et
la difficulté du contrôle par l'employeur, on peut s'imaginer les
difficultés que les employeurs pourront avoir avec l'application des
articles relatifs aux droits des travailleurs oeuvrant à
l'étranger.
L'article 171 nous indique que le travailleur victime d'une
lésion professionnelle ou, s'il est décédé ou
incapable d'agir, son représentant doit en aviser l'employeur dès
que possible. Il existe un délai auquel doit se conformer un travailleur
pour informer son employeur de la survenance d'une lésion
professionnelle. En effet, la seule limite de temps qui a été
prévue dans le projet de loi paraît à l'article 173 qui
édicte que le travailleur victime d'une lésion professionnelle
qui le rend incapable d'exercer son emploi pendant plus de quatorze jours
complets ou, s'il décède, le bénéficiaire produit
sa réclamation à la commission sur une formule prescrite à
cette fin, dans les six mois du début de l'incapacité ou du
décès, selon le cas.
Il s'ensuit que le travailleur a une obligation d'aviser la commission
dans un délai prescrit mais qu'il n'a que l'obligation d'aviser
dès que possible l'employeur de sa lésion professionnelle,
faisant encore une fois en sorte qu'il devient pratiquement impossible pour
l'employeur de contester le fait de l'existence de la lésion
professionnelle, étant donné la multitude
d'interprétations à laquelle les mots "dès que possible"
peuvent donner lieu.
Nous pouvons donc affirmer finalement qu'il n'existe pas de
procédure de réclamation proprement dite à laquelle doit
se conformer le travailleur pour avoir droit au bénéfice des
indemnités prévues au projet de loi. Cette situation
créée par le texte proposé en ce qui a trait à la
procédure de réclamation est d'autant plus inéquitable
pour les employeurs du fait que l'article 172 du projet de loi oblige ceux-ci
à aviser la commission et les autres personnes qu'il prescrira d'aviser
dans les vingt jours du début de l'incapacité du travailleur de
toute lésion professionnelle qui le rend incapable d'exercer son emploi
pendant au moins un jour complet.
Or le projet ne spécifie même pas si le calcul des vingt
jours s'applique seulement à partir du moment où le travailleur a
porté à la connaissance de son employeur son incapacité
d'exercer son emploi de plus d'un jour franc, en raison d'une lésion
professionnelle. L'employeur commet une infraction et est passible d'une amende
d'au moins 500 $ aux termes de l'article 270 s'il fait défaut d'aviser
la commission et les autres personnes qu'elle prescrit d'aviser du début
de l'incapacité de son travailleur d'exercer son emploi à
l'intérieur de ces vingt jours.
Il s'ensuit que, pour ne pas commettre l'infraction à l'article
270, l'employeur devra deviner si l'incapacité du travailleur d'exercer
son emploi pour plus d'un jour franc résulte ou non d'une lésion
professionnelle, puisque l'article 172 pourrait s'appliquer même lorsque
le travailleur n'informe pas son employeur de sa prétention selon
laquelle il a subi une lésion professionnelle. C'est enfin notre
interprétation.
L'article 36 énonce que les droits conférés par la
présente loi le sont sans égard à la responsabilité
de quiconque.
Cette responsabilité sans faute, d'après les termes
mêmes de l'article 36, n'existe évidemment qu'à
l'égard du travailleur.
Cette clause aurait donc pour effet de faire disparaître les
limites qui existent dans l'actuelle Loi sur les accidents du travail, à
l'article 3, 1er alinéa, paragraphe b: à l'exercice par un
travailleur du droit aux prestations prévues à cette loi,
c'est-à-dire l'imprudence grossière et volontaire.
Plusieurs articles du projet de loi nous permettent de déclarer
que la responsabilité "sans faute" n'existe qu'à l'égard
du travailleur. Mais, d'autre part, les employeurs continuent à vivre
avec un système de responsabilité "avec faute" qui peut, comme
dans l'actuelle Loi sur les accidents du travail, s'agrémenter d'un
système de mérite ou de démérite des employeurs en
vertu des articles 203 et 266, 5e alinéa, du projet de loi.
Mais il y a plus en ce qui a trait à la responsabilité
avec faute des employeurs. En effet, l'article 214 du projet de loi mentionne
que la commission peut imputer à l'employeur du travailleur le
coût des prestations dues en raison d'un accident du travail et le porte
au compte de l'établissement aux fins duquel le travailleur
occupait son emploi au moment de l'accident.
Cet article 214 est une innovation par rapport à l'actuelle Loi
sur les accidents du travail qui, selon l'article 99, 5e alinéa,
prévoit l'imputation du coût des prestations à l'employeur
tiers qui est responsable de l'accident survenu au travailleur.
La responsabilité sans faute du projet de loi no 42 a donc pour
effet de rendre un employeur responsable d'un accident causé à
son travailleur par un autre employeur alors que l'actuelle Loi sur les
accidents du travail, qui a un régime de responsabilité avec
faute, ne lui attribue pas cette responsabilité.
L'article 30 prévoit que, lorsqu'un travailleur produit une
réclamation à la commission indiquant qu'il est atteint d'une
maladie professionnelle et qu'il fournit un certificat médical attestant
qu'il présente les effets pathologiques caractéristiques d'une
maladie professionnelle provenant de l'exposition à un contaminant dans
l'établissement où il travaille, la commission peut demander
à son employeur de lui assigner une tâche ne comportant pas une
telle exposition.
L'article 31 poursuit en prévoyant ce qui suit: "Si l'assignation
n'est pas effectuée immédiatement, le travailleur peut, avec
l'autorisation de la commission, cesser de travailler jusqu'à ce que
l'assignation soit faite ou que la commission rende une décision sur son
droit à une prestation. "Pendant cette période, le travailleur a
droit à l'indemnité de remplacement du revenu comme s'il devenait
incapable d'exercer son emploi en raison d'une lésion professionnelle et
le montant de cette indemnité ne peut être recouvré par la
suite même si la commission rejette la réclamation de ce
travailleur, à moins qu'il ne l'ait obtenu par fraude." (16 heures)
Les articles 30 et 31 vont donc entrer en conflit avec le décret
relatif à l'industrie de la construction dans la province de
Québec. L'employeur devra-t-il, afin de se conformer à la demande
de la commission concernant l'assignation du travailleur à une
tâche sur un chantier de construction, lui faire faire un travail qui
relèvera sans doute de la juridiction d'un autre métier? Et que
dire des conflits entre les associations de salariés quant à
l'affiliation? Verra-t-on des griefs être logés à l'endroit
de l'employeur par l'association de salariés à laquelle
n'appartient pas le travailleur en vertu de l'article 7.03, 1er alinéa,
du décret relatif à l'industrie de la construction?
Encore là, on se rend compte que la loi est bâtie pour
l'industrie en général, sans tenir compte du particularisme de la
construction. Les articles 30 et 31 auront donc pour effet de créer la
pagaille sur les chantiers de construction dont l'employeur seul fera les frais
puisque, dans la mesure où l'employeur ne voudra pas créer une
telle pagaille sur le chantier, aura-t-il d'autre alternative que de se
conformer à l'article 31 et de verser au travailleur une
indemnité de remplacement du revenu sans que celui-ci soit tenu de
travailler?
À notre avis, parmi les conséquences graves du projet de
loi 42, il faut noter le droit absolu que confère ce projet au
travailleur de réintégrer son emploi sur le chantier de
construction. En effet, les articles 145 à 170 du projet de loi, en
prévoyant le droit du travailleur à recouvrer son emploi sur le
chantier de construction après avoir subi une lésion
professionnelle, va beaucoup plus loin que l'article 26.09, 3e alinéa,
du décret relatif à l'industrie de la construction.
En premier lieu, il résulte de l'article 148 que l'employeur doit
permettre le retour au travail du travailleur sur le chantier de construction
même s'il conteste le fait que ledit travailleur aurait subi une
lésion professionnelle au travail.
Par ailleurs, en vertu de l'article 149, le travailleur qui
réintègre son emploi après une absence attribuable
à une lésion professionnelle, a eu droit pendant son absence de
continuer à participer au régime d'avantages sociaux pour autant
qu'il a payé sa part des cotisations exigibles. Or, ce droit n'a jamais
été reconnu jusqu'à ce jour par le règlement no 4
qui traite des régimes complémentaires d'avantages sociaux dans
l'industrie de la construction, ni par le décret relatif à
l'industrie de la construction.
Pour sa part, l'article 154 risque de créer la même
situation impossible que nous venons de dénoncer plus haut à
l'article 30. En effet, l'article 154 du projet crée pour l'employeur
une obligation qui n'existe pas dans l'actuel décret de la construction,
soit celle d'accorder une priorité d'emploi au travailleur qui exerce
son droit de retour au travail à la suite d'une lésion pour tout
emploi disponible sur le chantier de construction, avec le salaire et les
avantages liés à cet emploi, lorsque le travailleur demeure
incapable d'exercer l'emploi ou finalement le métier pour lequel il
avait été engagé sur le chantier.
De plus, l'article 154, à son deuxième alinéa,
énonce que le travailleur est considéré avoir
accumulé de l'ancienneté pendant son absence aux fins de
récupérer l'emploi ou finalement le métier pour lequel il
a été engagé sur le chantier de construction.
Nous ne pouvons prédire de quelle façon sera
interprété cet article qui aurait préséance sur le
décret de la construction en vertu de l'article 40, mais nous pouvons
raisonnablement penser qu'il est possible que
cet article crée un droit d'ancienneté pour les
travailleurs de la construction sur un chantier de construction, alors
qu'encore une fois ce droit n'a jamais été reconnu jusqu'à
maintenant par le décret relatif à l'industrie de la
construction.
De plus, l'article 157 édicte ce qui suit: "L'employeur du
travailleur dont l'emploi a été aboli pendant son absence ou qui
aurait été normalement licencié ou congédié
s'il était resté au travail accorde à ce travailleur les
même droits et avantages que si celui-ci avait été au
travail lors de l'abolition ou du licenciement."
Ce qui veut dire que le travailleur accidenté, malgré
l'article 26.09, 2e alinéa, paragraphe c, du décret, aurait
droit, à partir de l'entrée en vigueur du projet de loi 42, aux
mêmes avantages que ceux qui sont déjà prévus
à l'article 17.02, 7e alinéa du décret en ce qui a trait
à la mise à pied du salarié et, entre autres, il aurait un
droit au préavis de mise à pied si son emploi avait cessé
d'exister pour manque de travail pendant que le travailleur aurait
été incapable de travailler à la suite de sa lésion
professionnelle.
L'article 159 du projet de loi pourrait aussi être de nature
à créer un imbroglio en matière de relations du travail
sur un chantier de construction pour les mêmes raisons que nous avons
mentionnées précédemment. Enfin, nous pourrions ici nous
interroger sur les possibilités de réintégration qu'a un
employeur dont l'activité est strictement limitée à
fournir de la main-d'oeuvre dans un métier donné que le
travailleur ne peut plus exercer.
Évidemment, vu la nature même de ce projet de loi, cette
section a prévu des recours excessifs pour le travailleur à
l'endroit d'un employeur qui serait "récalcitrant" à mettre en
application le mécanisme de droits qu'elle lui accorde. Mentionnons,
entre autres, l'article 160 qui édicte que "le travailleur peut
soumettre une plainte à la commission s'il croit que son employeur a
illégalement: omis de l'aviser d'un emploi; fait défaut de le
réintégrer dans son emploi, ou de lui assigner un autre emploi
disponible, ou de lui accorder le salaire et les avantages auxquels il a droit;
ou agi ou omis d'agir en vue de se soustraire à ses obligations."
Il en est ainsi de l'article 164 qui donne au travailleur un recours
devant un commissaire du travail par voie de plainte, joint à l'article
165 qui crée une présomption en faveur du travailleur, nous
apparaît inacceptable. La présomption a même pour effet, si
elle s'applique, de permettre au commissaire du travail d'ordonner à
l'employeur de réintégrer ou maintenir le travailleur dans son
emploi avec tous ses droits et privilèges et de lui verser son salaire
et autres avantages liés à son emploi et ce, avant même
qu'une décision finale soit prise par le commissaire à l'endroit
de la plainte portée par le travailleur, décision qui pourrait
avoir pour effet d'aboutir au rejet de ladite plainte du travailleur.
Finalement, l'article 149 permet au travailleur ou à l'union
d'avoir recours à la procédure des griefs qui est prévue
à la convention collective plutôt que de porter plainte
auprès de la commission ou du commissaire général du
travail, et vue que l'article 40 du projet de loi énonce que les
dispositions du projet de loi ont préséance sur toute convention
collective ou décret, nous pouvons raisonnablement conclure que
l'arbitre pourrait être tenu d'analyser le grief en vertu des
dispositions du projet de loi, en faisant fi des dispositions du décret
relatif à l'industrie de la construction. Nous constatons que les
modifications proposées donnent au travailleur un choix d'instance que
nous croyons injustifié.
Il apparaît évident, à la lecture des articles 44,
45 et 46, que le droit d'accès au dossier du travailleur qui
prétend avoir subi une lésion professionnelle comporte des
limites importantes pour l'employeur qui voudrait être en mesure de
contester le fait de la lésion professionnelle que prétend avoir
subie le travailleur, ce qui est assez sérieux, compte tenu des
commentaires que nous avons déjà faits précédemment
en ce qui a trait à la définition de lésion
professionnelle dans le projet de loi et compte tenu de la présomption
dont jouit le travailleur en vertu de l'article 26.
Par contre, le projet prévoit, en faveur du travailleur, non
seulement une divulgation complète ou intégrale de son dossier,
mais en plus la possibilité de s'informer de la demande de
renseignements de son employeur en rapport avec ce dossier et les nom et
adresse du professionnel de la santé désigné par
l'employeur.
Il va sans dire que cette façon de concevoir l'accès au
dossier du travailleur qui prétend avoir subi une légion
professionnelle favorise nettement le travailleur au détriment de
l'employeur dans une contestation qui pourrait résulter de l'exercice
par ce travailleur du droit au bénéfice de prestations
prévu par la loi.
L'article 51 du projet de loi crée un droit pour le travailleur
qui prétend avoir subi une lésion professionnelle à
l'indemnité de remplacement du revenu alors même que ce
travailleur n'a pas d'emploi lorsque se manifeste la lésion
professionnelle. Cet article précise que la condition d'exercice de ce
droit à l'indemnité de remplacement du revenu est que le
travailleur devient incapable en raison de cette lésion professionnelle
d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement ou, à défaut,
l'emploi qu'il aurait pu occuper habituellement à temps plein.
Nous faisons face ici, à notre avis, à une mesure sociale
qui n'a aucun rapport avec la notion d'accident de travail telle qu'elle a
toujours été comprise jusqu'à maintenant et qui a pour
effet de mettre sur les épaules des employeurs le fardeau qui
relève habituellement du gouvernement en matière de lois sociales
telles que la Loi sur l'aide sociale et la Loi sur
l'assurance-chômage.
Le non-recouvrement des indemnités payées à un
travailleur qui n'avait pas droit au bénéfice de ces
indemnités existe dans tous les cas de perception de ces
indemnités par le travailleur en vertu des dispositions du projet de loi
qui ont pour effet de lui accorder une telle indemnité. C'est ce qui
ressort des articles 31, 117, 248 et 251.
Nous croyons qu'ici la générosité de la CSST va
beaucoup trop loin, bien que ce soit bien facile avec l'argent des employeurs.
Nous sommes convaincus que, dans un régime où le gouvernement et
les travailleurs devraient contribuer, l'opinion de ces gens serait bien
semblable à la nôtre.
Nous nous permettons d'ajouter que, même dans la mesure
très restreinte où la commission pourrait récupérer
le montant de l'indemnité versée à un travailleur qui n'y
a pas droit, elle peut, en vertu de l'article 256 du projet de loi, faire une
remise de dette à ce travailleur si elle le juge équitable en
raison, notamment, de la bonne foi du débiteur ou de sa situation
financière. Ainsi, à notre avis, il ne restera pas beaucoup de
cas de récupération et la loi aura atteint un nouvel objectif,
l'aide sociale.
Afin de compléter notre propos en ce qui a trait à
l'indemnité de remplacement du revenu, mentionnons que l'article 65
énonce que le revenu brut du travailleur qui subit une rechute est le
plus élevé de celui qu'il tire de l'emploi qu'il occupe lors de
cette rechute ou du revenu brut qui a servi de base au calcul de son
indemnité précédente. Cette disposition du projet de loi
peut, dans une industrie où la mobilité est extrême comme
dans la construction, avoir pour effet de pénaliser l'employeur à
l'emploi duquel se trouve le travailleur qui a subi une telle rechute, puisque
celui-ci pourrait voir porter à son dossier d'employeur, en vertu de
l'article 214, l'imputation du coût des prestations à un taux
beaucoup plus élevé que le coût des prestations qui aurait
dû normalement résulter du taux du salaire qu'il payait à
ce travailleur au moment de sa rechute.
Selon les articles 238, 245 et 247, il y a deux niveaux d'appel d'une
décision rendue par la commission, soit la reconsidération
administrative et, à un niveau plus élevé, un appel
à la Commission des affaires sociales. Mais il y a plus, puisque
l'article 250 prévoit que la commission peut, de sa propre initiative,
réviser une décision finale qu'elle a rendue ou même une
décision rendue par la Commission des affaires sociales dans les cas que
cet article énumère et qui correspondent aux motifs pour lesquels
une requête en rétractation de jugement peut être
formulée devant la cour compétente, en vertu du Code de
procédure civile.
Il est à noter que ce chapitre IX qui traite de la
compétence de la commission et des appels, ne contient aucune
disposition ayant trait aux règles de justice naturelle telles que le
droit d'être entendu par la commission et d'avoir droit à une
défense pleine et entière.
Les articles 240 et 241 du projet de loi vont à l'encontre de
toutes les règles qui régissent le déroulement d'une
audition devant une instance judiciaire, faisant en sorte que les auditions qui
auront lieu devant la commission, que ce soit pour une première
audition, ou en appel, pour reconsidération administrative, ou en
révision d'une décision finale rendue en vertu de l'article 250,
ont de bonnes chances de se dérouler dans la plus complète
anarchie et ce, dans la mesure où la commission décidera de
respecter les règles de justice naturelle, telle que le droit
d'être entendu.
À ce qui précède, nous pouvons ajouter que le
deuxième alinéa de l'article 245 permet à la commission de
reconsidérer d'office une première décision qu'elle a
rendue, sans qu'aucune des parties n'ait interjeté appel devant elle de
cette décision. Serait-ce en vertu d'une nouvelle règle de droit,
à savoir tout le monde peut se tromper?
La situation créée par les articles 244 et 246 est
extrêmement sérieuse pour les employeurs, compte tenu que
l'article 248 mentionne expressément que, lorsqu'une décision de
la Commission de la santé et de la sécurité du travail
rendue à la suite d'une reconsidération administrative ou une
décision de la Commission des affaires sociales annule ou réduit
le montant d'une indemnité de remplacement du revenu, les sommes
déjà versées à un bénéficiaire, soit
un travailleur qui prétend avoir subi une lésion professionnelle,
ne peuvent être recouvrées à moins qu'elles n'aient
été obtenues par fraude. (16 h 15)
Afin de ne pas être trop embêté dans ce processus de
"Père Noël", on ajoute une clause à l'article 239 dite
privative de juridiction à l'encontre du pouvoir de surveillance et de
contrôle de la Cour supérieure du Québec sur les
décisions rendues par les tribunaux ou les organismes quasi judiciaires
qui relèvent de la compétence de la Législature du
Québec qui a pour effet de limiter l'intervention de la Cour
supérieure aux seuls cas où la Commission de la santé et
de la sécurité du travail s'arrogerait, en rendant sa
décision,
une compétence qu'une loi autre que celle qu'elle administre
accorde à un autre tribunal judiciaire ou quasi judiciaire.
Cet article 239 ne permet donc plus à la Cour supérieure
de réviser les décisions de la Commission de la santé et
de la sécurité du travail pour défaut ou excès de
juridiction lorsque lesdites décisions de la commission auront
été rendues à la suite d'une interprétation
déraisonnable de la commission. Nous espérons que le
législateur n'accordera jamais un tel pouvoir à la Commission de
la santé et de la sécurité du travail.
En premier lieu, concernant les cotisations des employeurs, mentionnons
qu'au niveau de la classification des employeurs dans des unités selon
la nature des activités exercées et les risques particuliers
à ces activités, l'article 193 mentionne que, lorsque des
activités de natures diverses sont exercées dans un
établissement, la commission peut classer cet établissement dans
plusieurs unités s'il n'existe aucune unité qui regroupe
l'ensemble des activités distinctes qui y sont exercées. Cet
article du projet de loi qui tombe sous le sens commun peut devenir
inapplicable par le biais de l'article 194 qui édicte que la commission
peut classer un établissement comme si l'employeur y exerçait les
mêmes activités que dans un autre établissement
exploité ou non par cet employeur si les tâches qui y sont
accomplies servent principalement à l'autre établissement.
Nous sommes déjà pénalisés par le fait que
nos employés de bureau sont cotisés sur la base de nos
travailleurs sur le chantier. Mais là, on vient encore y ajouter en
fixant la cotisation par le haut et par l'interrelation des entreprises. Ce
principe aurait pour effet, dans plusieurs cas, de créer une injustice
à l'égard d'un employeur en ce que le montant total des
cotisations qu'il aurait à payer à la commission pourrait
être plus élevé que s'il avait été
cotisé en tenant compte de la véritable activité qui est
exercée dans chacun de ces établissements. Soulignons que bon
nombre de nos membres gèrent à la fois un atelier de production
de pièces qu'ils installent sur les chantiers. Pour ces employeurs,
l'atelier de production n'est pas l'activité principale, car ils sont
avant tout des entreprises en construction.
Quant à l'article 199, nous vous référons au
mémoire du CPQ.
L'article 200, quant à lui, crée une véritable
injustice pour les entrepreneurs en construction qui se trompent dans
l'estimation qu'ils font à la commission des salaires qu'ils devront
payer sur un chantier de construction alors que l'on sait que l'estimation de
la quantité de main-d'oeuvre nécessaire sur un chantier de
construction par un employeur est souvent difficile à prévoir,
compte tenu de l'incertitude de l'échéance des travaux sur les
chantiers de construction et de l'obtention de nouveaux contrats.
L'article 207 vise particulièrement des entrepreneurs de la
construction qui ont souvent des travaux à effectuer sur un chantier de
construction pour une période inférieure à douze mois et
crée à leur égard une injustice par rapport au traitement
qui est prévu dans le projet de loi pour l'ensemble des employeurs. Je
dois vous souligner aussi que la plupart des contrats de construction sont des
contrats qui se réalisent à l'intérieur d'une
période de douze mois.
Finalement, le projet de loi 42 prévoit des
pénalités exorbitantes pour les employeurs en défaut de
fournir, dans les délais impartis, les documents que peut
requérir la commission pour l'établissement de la cotisation et
pour le paiement de la cotisation elle-même. En effet, les articles 208
et 209 prévoient une double pénalité en
intérêts pour ces employeurs à l'article 210 du projet de
loi, et l'article 210 prévoit pour sa part une triple
pénalité dont les deux premières sont à titre
d'intérêts et la troisième est une somme égale
à 10% du coût des prestations pour la lésion
professionnelle dont est victime un de leurs travailleurs pendant qu'ils sont
ainsi en défaut, cette somme ne pouvant être inférieure
à 100 $.
Ces articles sont hors de toute proportion et incluent de plus l'usage
d'un pouvoir discrétionnaire de la CSST, système que nous
dénoncions dans la loi 17 et qui revient dans la loi proposée. En
dernier lieu, notons que l'article 211 a pour effet d'éliminer toute
contestation devant la Cour supérieure d'une décision de la
commission ayant trait au paiement d'une cotisation, contrairement à
l'article 70 de l'actuelle loi qui permet ce genre de contestation devant la
Cour supérieure lors d'une demande d'homologation d'une décision
de la commission en matière de paiement de cotisation par la Commission
de la santé et de la sécurité du travail. Nous croyons que
c'est un minimum de décence de laisser la possibilité à
ceux qui se croient lésés de faire vérifier leurs
droits.
Il est à remarquer que, dans le projet de loi 42, les articles
270, 271, 273, 274 et 277 prévoient un minimum d'amende au cas de
commission des infractions décrites dans ces articles, mais qu'aucun
maximum d'amende n'a été prévu. Cette situation est la
même qui prévaut dans l'actuelle Loi sur les accidents du travail
dans la section XIV qui traite des infractions. Nous ne comprenons pas pourquoi
le projet de loi 42 continue à maintenir une philosophie
différente de celle de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail qui a été
sanctionnée
en novembre 1979, laquelle prévoit un minimum et un maximum
d'amende pour chaque infraction qu'elle contient.
De plus, nous croyons que ce serait la moindre des choses d'obliger la
commission à signifier à un éventuel contrevenant un avis
d'infraction avant de pouvoir intenter une poursuite pénale, telle qu'il
est prévu à l'article 243 de la loi au lieu de rendre facultatif
un tel avis d'infraction en vertu de l'article 282, ce qui aurait pour effet de
permettre au contrevenant de savoir de quoi il est accusé avant
même d'être formellement inculpé par voie de
dénonciation devant le Tribunal du travail, avec les
inconvénients que cela implique.
Finalement, nous constatons que, contrairement à l'actuelle loi
qui édicte à son article 119.15 que les poursuites
intentées en vertu des articles créateurs d'infractions contenus
dans cette loi ne peuvent l'être plus de six mois après la date
d'infraction, le projet de loi 42 à son article 283 prévoit que
toute poursuite en vertu d'un des articles créateurs d'infractions
contenus dans le projet de loi 42 peut être intentée dans
l'année qui suit la connaissance de l'infraction par la commission. Ceci
revient à dire que la Commission de la santé et de la
sécurité du travail n'a pratiquement aucune prescription qui
court contre elle pour intenter une poursuite pénale contre un
contrevenant. Les seuls cas où la prescription aura effet seront-ils
pour sanctionner la négligence de la commission?
Résumons notre position. La CSST coûte trop cher aux
employeurs et, singulièrement, aux employeurs de la construction. Quels
que soient les coûts prévus pour le projet de loi 42, nous sommes
persuadés, à la lumière de l'expérience des
années passées, que l'interprétation qu'en fera la
commission aura pour conséquence des coûts beaucoup plus
élevés. Jusqu'à maintenant, la commission a fait preuve
d'une attitude antipatronale évidente; une orientation que divers
articles du projet de loi 42 contribuent à renforcer. Malgré son
conseil d'administration paritaire, il s'agit, en fait, d'un organisme
gouvernemental qui échappe à tout contrôle réel et
qui fonctionne sans égard aux réalités économiques
et, plus particulièrement, celles de la construction.
La commission ne tient aucunement compte des particularismes de
l'industrie de la construction. Ce n'est pas parce qu'elle a
décidé un jour d'assimiler un chantier à une usine que les
entrepreneurs pourront, par enchantement, poser des toits avant d'avoir
construit les murs. Le projet de loi 42 contient tant de mesures sociales qu'il
rend artificiel tout effort pour imputer aux entrepreneurs les coûts
réels des vrais accidents du travail.
Compte tenu de ce qui précède, nous
réitérons la position que nous exprimions devant vous en
décembre: la CSST est un monstre administratif incontrôlé.
La seule façon d'éliminer, pour ainsi dire, le danger qu'elle
représente à la source, c'est d'en remettre la gestion à
l'entreprise privée. Sinon, il faudrait assurer à ceux qui paient
la facture un véritable contrôle sur l'organisme. L'autre option
réaliste serait de faire porter à l'ensemble de la
société les coûts qu'impliquent les vastes mesures sociales
contenues dans ce projet de loi. On serait alors en mesure d'en évaluer
les coûts et d'en contenir les excès.
À court terme, il faut, nous le répétons,
régler le problème du 38.4 en s'assurant que les modalités
retenues pour ce faire seront réalistes. Le projet de loi 42 pour le
reste est excessif, dangereux et inacceptable.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Selon l'entente, M. le
ministre, vous prenez une période de 30 minutes et M. le
député de Viau une période de 30 minutes?
M. Fréchette: C'est l'entente effectivement, M. le
Président. Maintenant, je ne sais pas si j'utiliserai mes 30 minutes, on
verra.
M. Fava, messieurs, il y a au moins un reproche que personne ne pourra
jamais vous faire, c'est celui de ne pas avoir été suffisamment
exhaustif et suffisamment précis quant à la présentation
de vos commentaires, de votre évaluation du projet de loi 42. Vous avez
produit trois fascicules impressionnants et à l'intérieur
desquels vous établissez très clairement les positions de votre
association.
Quant à nous, nous avions reçu il y a quelques jours
maintenant l'essentiel de vos représentations au plan de la philosophie
du projet de loi. Vous nous avez soumis cet après-midi deux autres
fascicules à l'intérieur desquels on retrouve une analyse article
par article du projet de loi. Il est évident que nous allons devoir
fouiller plus à fond, scruter attentivement la matière que vous
nous avez soumise cet après-midi.
Je vous signale, dès maintenant, qu'il y a des choses sur
lesquelles on peut arriver à s'entendre. Une en particulier, et je pense
bien que cela ne soulèvera de contestation nulle part, c'est que tout le
monde va convenir que votre industrie a ses particularités bien à
elle. Vous l'avez souligné, M. Fava, vous avez consacré une
partie de vos représentations à ce chapitre et, encore une fois,
je pense bien que personne ne va contester cette appréciation ou cette
évaluation que vous faites de votre entreprise.
Vous avez aussi attiré notre attention sur certaines de ces
particularités. Par exemple, la durée d'un contrat en
matière de
construction, le lieu où s'exercent les activités de
construction par rapport à la notion d'établissement. Cela aussi
est un aspect très particulier de votre entreprise et dont il faut,
évidemment, tenir compte. Il ne faut pas perdre de vue non plus qu'en
vertu d'une autre loi vous avez un régime de relations de travail qui
est tout à fait particulier à votre secteur. C'est évident
que, dans l'élaboration du projet de loi, dans les étapes qui
restent à franchir, il va falloir tenir compte de ces
particularités dont vous nous avez entretenus. D'ailleurs, je vous dirai
qu'hier, au moment où la Fédération des travailleurs du
Québec a présenté son mémoire, elle aussi a
attiré notre attention sur ces particularités et, à bien
des égards, les représentations qui sont faites par les deux
groupes se rejoignent quant à la nature même des
particularités dont on parle.
La FTQ nous faisait une suggestion. Je vous la mets sur la table, vous
en ferez ce que vous voudrez. Nous n'avons pas, hier, acquiescé ou
refusé la suggestion de la FTQ, mais je vous la transmets. Encore une
fois, soyez tout à fait à l'aise d'y souscrire ou de ne pas y
souscrire. À cause des particularités dont on parle et à
cause des implications que cela peut avoir au plan de l'application de la loi,
si encore il était retenu de continuer, au moins quant au principe, dans
le sens des intentions qui sont manifestées dans cette loi, la FTQ nous
suggère que les parties intéressées au secteur très
précis de la construction, c'est-à-dire les associations
syndicales et votre association, prennent le temps d'évaluer ces
particularités, de les regarder de près et de procéder
à des suggestions quant à d'éventuels changements qui
seraient nécessaires à l'application de la loi à cause
toujours des spécificités de votre entreprise. (16 h 30)
Je vous signale que, si cette suggestion vous agréait, si les
parties syndicales étaient prêtes à s'y impliquer, nous
n'aurions pas d'objection à recevoir vos suggestions, à
procéder à leur analyse et ensuite à évaluer la
nécessité de les incorporer à la loi. Il y a cependant une
espèce d'impératif qui sous-tend tout cela, qui fait une
espèce de balise ou de réserve. C'est que, si les parties
acceptent de faire l'exercice dont je viens de parler, il faudra de toute
évidence que les suggestions nous arrivent dans un délai
relativement court. Je vais être plus explicite. Quand je pense en termes
de délai, il faudrait, sur le plan pratique, si encore les parties sont
intéressées à s'impliquer dans ce processus, que quelque
part autour du 1er avril on ait l'appréciation des parties à ce
propos.
M. le Président, j'ai retenu également de la
présentation faite par M. Fava que l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec souscrit - pour à peu près le
contenu de toutes les représentations - au mémoire du Conseil du
patronat du Québec. Je veux essentiellement tenter de clarifier une
chose qui n'est pas en relation directe avec l'un ou l'autre des articles du
projet de loi, mais c'est plutôt une question de philosophie ou
d'appréciation globale de notre régime de santé et de
sécurité.
Dans son mémoire, le Conseil du patronat du Québec, non
pas de son aveu, parce que cela a l'air de faire référence
à des choses qu'on ne voulait pas admettre avant, mais de son admission,
se dit conscient de lancer un nouveau débat sur la place publique. Dans
leur mémoire, les membres du Conseil du patronat du Québec
suggèrent que le temps est maintenant arrivé de demander aux
travailleurs, aux salariés, de contribuer au régime de
santé et de sécurité. Remarquez que cela n'a pas
été de leur part une position ferme, une position de non-retour.
Comme ils nous l'ont dit, cela a été une espèce d'occasion
de lancer le débat sur la place publique mais, par ailleurs, il est
évident que c'est le genre de choses que le Conseil du patronat du
Québec souhaiterait voir inscrites dans nos lois.
La réaction que j'ai eue, hier, lorsqu'on m'a fait cette
représentation, a été essentiellement la suivante. En
faisant un peu d'histoire et nous replaçant autour des années
trente, on se rappelle quels ont été les motifs qui ont
présidé à cette politique de la santé et de la
sécurité qu'on appelait à ce moment la Loi sur les
accidents de travail. Cela a été essentiellement un compromis qui
a été convenu entre les parties elles-mêmes. À
l'époque, les employeurs ayant réalisé que, s'ils devaient
continuellement faire face à des actions en dommages à la suite
d'accidents causant des blessures corporelles graves, cela devenait
économiquement beaucoup plus difficile à supporter que de faire
cette espèce de mutuelle dont on parle et faire en sorte qu'en cotisant
on pouvait répondre aux exigences économiques d'un tel
système. Par ailleurs, les salariés acceptaient de renoncer
d'abord à toute poursuite vis-à-vis de l'employeur.
Deuxièmement, on me corrigera si mon évaluation n'est pas
jugée exacte, mais les travailleurs convenaient également de
réduire en quelque sorte les dommages auxquels ils pouvaient avoir
droit, quand on fait le parallèle entre ce que pouvaient
générer, en termes toujours strictement matériels, le
système des accidents du travail et les jugements que les tribunaux
pouvaient accorder.
La question que j'ai posée au Conseil du patronat hier et que je
me permets de vous refiler est la suivante: Quelle est, à cet
égard, la position de votre association? Parce que cela peut nous amener
à des situations embarrassantes pour tout le monde, je pense. Est-ce
que, s'il faut songer maintenant à
demander aux travailleurs de contribuer, de cotiser au régime de
santé et de sécurité, il ne faudra pas, en contrepartie,
leur permettre d'exercer des recours devant les tribunaux de droit commun?
C'est une implication importante.
Je comprends et je suis convaincu du sérieux de toutes les autres
représentations que vous nous avez faites. Elles sont consignées
par écrit. Vous les avez réitérées cet
après-midi, mais, sur le plan de la philosophie globale du
régime, j'apprécierais pouvoir vous entendre à cet
égard, à ce chapitre, pour le motif que vous nous avez
indiqué à deux ou trois reprises, autant dans votre
mémoire que dans votre présentation verbale, que vous souscriviez
pour l'essentiel aux représentations que le Conseil du patronat nous a
soumises hier. C'est le sens de ma question à ce stade-ci.
Le Président (M. Jolivet): M. Fava.
M. Fava: En fait, si vous permettez, M. le ministre, je vais
répondre à votre question qui était quand même assez
longue et qui, quant à moi, contient plusieurs questions.
À la première partie, en ce qui a trait à l'article
38.4, quand on dit qu'on souscrit aux commentaires du CPQ là-dessus, je
pense qu'on est tous conscients qu'il faut régler le problème de
l'article 38.4 selon les modalités qui sont également
mentionnées dans le mémoire du Conseil du patronat du
Québec.
Quant à l'autre système, nous faisons une distinction
nette entre deux choses. Nous faisons une distinction entre un accident du
travail dans le sens traditionnel de ce terme "accident du travail" et
l'accident du travail tel que défini dans le nouveau projet de loi en
incorporant dans cette notion toute celle de la maladie professionnelle.
Voici, M. le ministre, ce qu'on a toujours prétendu quant
à ce à quoi vous vous référez, cette espèce
de compromis entre le patronat et les travailleurs voulant que le patron
indemnise pour les accidents du travail, mais que, en échange, le
travailleur, lui, renonce à son droit de recourir aux tribunaux de droit
commun pour exiger certaines indemnités. On fait nettement une
distinction entre cela et ce que va devenir la loi en tenant compte de ce
projet de loi, c'est-à-dire que nous voyons le projet de loi comme
incorporant deux choses: on le voit toucher les accidents du travail, enfin, ce
que nous appelons de vrais accidents du travail, c'est-à-dire la
lésion subite, imprévue et soudaine qui arrive sur un chantier de
construction ou sur n'importe quel autre lieu de travail, et toute la notion de
maladie professionnelle. Pour nous, la notion de maladie professionnelle n'est
qu'une mesure sociale et cela n'a rien à foutre dans une loi sur les
accidents du travail. C'est notre position fondamentale, je pense. Nous faisons
cette distinction entre les deux.
Vous demandez: Que pensent les patrons du système qui pourrait
être un système contributoire? Si on parle du système qui
voulait que l'entreprise paie pour les accidents du travail et qu'en
échange le travailleur renonce à son droit de poursuivre devant
les tribunaux, je pense que cela ne pose aucun problème pour nous. On
l'a dit, on est prêt et on est encore en mesure de payer pour nos
accidents de travail. Je pense que ce n'est pas à ce niveau qu'on
voudrait voir une contribution de la part du travailleur pour payer ces
accidents.
Par contre, pour tout l'autre aspect du projet de loi, ce qui, pour
nous, sont vraiment des mesures sociales et qui n'ont rien à foutre avec
la relation employeur-employés sur un chantier ou dans un
établissement, là où cela devient des mesures sociales, on
pense qu'on devrait sérieusement - je pense que dans cette mesure on
souscrit au mémoire du CPQ... On voit vraiment la possibilité
pour que le travailleur contribue, lui aussi, à améliorer son
état de santé.
Pour nous, il y a une lacune fondamentale dans tout ce projet de loi et
dans la loi actuelle, c'est qu'on nous fait assumer... Nulle part, dans ces
lois, on ne parle de l'état de santé du travailleur au moment de
l'embauche. On engage un travailleur dans l'état de santé dans
lequel il est. En cours de route, il se découvre des maladies
quelconques qui peuvent être plus ou moins reliées au lieu de
travail et on voudrait qu'on assume les frais. À cela, M. le ministre,
je vous dis: Non, merci. Pour moi, ce sont des mesures sociales qui devraient
relever de l'État. Si elles doivent relever d'un organisme comme la
commission, on pense que les travailleurs devraient contribuer à un
régime semblable.
Pour toute cette partie du projet de loi sur la maladie professionnelle,
les mesures sociales qu'on a voulu incorporer dans ce projet de loi, je pense
qu'on est du même avis que le Conseil du patronat, c'est que le
travailleur devrait contribuer. Il n'y a pas de liens directs avec l'incident
soudain qui peut arriver sur un chantier et qui cause une réelle
lésion à un travailleur. Pour toutes ces autres dimensions, on
pense qu'on devrait sérieusement regarder la possibilité pour les
travailleurs de contribuer.
Il y a toute une autre dimension aussi, M. le ministre, je pense, qui
est laissée de côté et qui peut être reliée
à la réponse à cette question. Je pense qu'on l'a
effectivement soulevée dans notre mémoire, mais d'une
façon moins précise qu'on aurait voulu le faire. Il y a toute
cette notion des risques inhérents à un métier. Nous, nous
faisons une relation directe entre un risque inhérent à un
métier et une maladie professionnelle.
Si on parle d'une maladie
professionnelle, elle doit quand même être reliée
à un risque qui est inhérent à un métier ou
à une maladie qu'on peut contracter parce qu'on exerce une tâche
ou une autre. Pour nous, le risque inhérent à un métier
n'est pas un accident de travail. On choisit d'être médecin,
d'être avocat, d'être charpentier-menuisier. En choisissant
d'être charpentier-menuisier, on sait qu'on travaille dans l'industrie de
la construction, qu'on est dehors, qu'il fait froid, qu'il y a de la neige
durant l'hiver et tout ce qu'on voudra. À l'âge de 60 ans, on est
peut-être plus susceptible d'être arthritique qu'un autre qui
travaille dans un bureau quelque part.
Toute cette notion de risque inhérent à une tâche
donnée, qui n'est pas vraiment un accident dans le sens traditionnel du
terme, pour nous, c'est relié à la notion de maladie
professionnelle. Dans ce sens, on dit que cela devient des mesures sociales que
l'État devrait assumer ou auxquelles, tout au moins, les travailleurs
devraient contribuer dans cette partie parce qu'il s'agit de leur état
de santé général que, en tant qu'employeur, on est
obligé d'assumer au moment de l'embauche sans aucun contrôle
là-dessus.
Dans ce sens, pour répondre de façon plus concise à
votre question, en ce qui a trait à la notion d'accident dans le sens
traditionnel du terme, nous pensons que le système qui existe depuis des
années, nous sommes encore prêts à y souscrire. Nous sommes
encore prêts à payer pour nos vrais accidents. Tout cet aspect de
risques inhérents à un métier qui amène à
une lésion professionnelle, pour nous, ce sont des mesures sociales
auxquelles nous croyons qu'il serait tout à fait normal que le
travailleur contribue.
M. Fréchette: Je vous remercie, M. Fava, d'avoir fourni
ces précisions.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le
ministre! Je pense que M. Dion voudrait ajouter quelque chose.
M. Fava: Je pense que M. Dion et M. Murray voudraient donner des
compléments de réponse sur cette partie, si vous me le permettez,
M. le Président. (16 h 45)
M. Murray (Jean-Claude): Vous allez en avoir des
précisions, M. le ministre. Quand vous dites à propos des
cotisations conjointes que vous laisseriez tomber notre "non-poursuite", est-ce
que vous seriez prêt à faire la concordance avec la loi et y
inclure une responsabilité conjointe quant aux accidents du travail?
Est-ce que vous seriez prêt à changer le système pour que
ce soit réellement une mutuelle, parce que vous avez dit que
c'était une mutuelle? Avec 603 unités, ce n'est pas une mutuelle,
je regrette, mais ce n'est pas ainsi que c'est structuré. Ce n'est pas
une mutuelle, il y a des unités où la mutuelle ne joue pas du
tout. Dans ce cas-là, seriez-vous prêt à permettre aux
compagnies d'assurances privées de couvrir le surplus? Laisseriez-vous
le droit de couvrir le surplus par les entreprises privées?
M. Fréchette: Je ne sais pas si vous avez compris, dans
mon intervention, que j'étais disposé à concourir à
la position du Conseil du patronat à cet égard. Je dois postuler,
pour répondre à vos deux questions, que vous considérez
que je souscris à la suggestion que fait le Conseil du patronat. Je ne
pense pas avoir dit cela; si je l'ai dit, je me suis très mal
exprimé. Je pense que cela doit être clair.
M. Murray: Pour expliquer ce que je demande, vous semblez lancer
quelque chose. Je sais, pour être au Conseil du patronat, qu'il y avait
certains prérequis. Ce n'est pas seulement une cotisation double. On
aurait des prérequis. Si vous aviez une cotisation double juste avec la
loi qui est là, enlevez à ce moment-là... Je pense que le
seul avantage qu'il y a pour le patronat, c'est la limite imposée, quand
on voit ce qui se passe aux États-Unis. On peut comparer les coûts
aux États-Unis et les coûts au Canada; on s'aperçoit qu'il
n'y a pas de différence énorme. Il y a des différences
entre les États, parce que la mutuelle ne joue pas de la même
façon dans chaque État. 5i on prend la moyenne aux
États-Unis, on est assez près.
M. Fréchette: De toute façon, j'ai compris aussi
que le souhait du Conseil du patronat était de lancer le débat.
Lui-même n'a peut-être pas cheminé vers une décision
complète et finale à cet égard et ce n'est peut-être
pas ici la place pour le faire, mais on pourra en reparler, bien sûr. Je
vais revenir...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. Dion
voulait ajouter quelque chose.
M. Dion: Je répondrais à une question de M. le
ministre, à savoir: S'il y avait participation travailleur-employeur,
est-ce qu'on pourrait penser que cela éliminerait le recours possible?
Je veux vous souligner qu'à l'intérieur du projet de loi actuel,
qui est un projet sans faute, l'employeur est toujours reconnu responsable de
la maladie, de la lésion, etc. Si je lis l'article 260, on dit que le
travailleur qui a droit à des avantages ne peut exercer ou intenter de
procédure au niveau civil pour avoir recours à des prestations
additionnelles sauf... Si on va au paragraphe 2, on dit ceci: Sauf pour
recouvrer l'excédent de la perte subie sur la
prestation. À ce moment-là, lorsqu'il s'agit d'un accident
causé par un tiers employeur, on donne le droit d'aller exercer un
recours au civil. Je dois vous dire que, si nous regardons la loi globalement,
c'est un système sans faute pour tout le monde. Si on fait un
système sans faute, on dit: C'est sans faute par unité, ça
va. On peut dire: L'employeur du salarié est sans faute et il n'y a pas
de recours contre lui. Si je regarde globalement le système, il n'est
pas sans faute à l'égard de l'employeur tiers parce que cet
article donne un droit de recours pour aller chercher des excédents.
M. Fréchette: Cela lance bien le débat,
effectivement, mais, comme je vous le signalais, je pense qu'on n'aurait pas
suffisamment de temps pour le compléter ici. Il y a deux autres petites
choses que je voudrais vous soumettre, ce sera ma dernière question. Je
vous signale que je suis un peu étonné - je n'ai pas saisi si
vous l'avez fait - que vous n'ayez pas attiré notre attention sur les
processus d'appel de même que sur les politiques d'aide médicale,
à moins que dans l'un ou l'autre des mémoires ou des fascicules
que vous nous avez soumis on ne retrouve votre position là-dessus. Il me
semble que, dans le premier mémoire que vous nous avez fait parvenir, il
n'y avait pas de...
M. Dion: Voici, M. le ministre. Afin d'avoir le temps de faire
notre exposé et d'être questionné, on s'était
entendu sur une espèce de résumé. Si vous vous
référez à l'annexe II, vous allez vous apercevoir -comme
on a résumé, on a peut-être passé rapidement - que
c'est dans le texte.
M. Fréchette: D'accord.
M. Dion: C'est dans la troisième partie également,
à la page 32, entre autres, de notre texte.
M. Fréchette: Je vais procéder rapidement et
résumer ma question. Nous sommes en audition depuis trois jours et la
plupart des intervenants, peu importe qui ils représentaient, ont
soulevé des inquiétudes, des appréhensions quant à
l'exercice des pouvoirs qui sont accordés à la commission, autant
dans les lois actuelles que dans le projet de loi 42. Au fur et à mesure
que les discussions avançaient, au fur et à mesure que nous
échangions, il a été réalisé que plusieurs
des intervenants seraient prêts à souscrire - à ce
stade-ci, en tout cas - à l'idée et au principe de voir s'il
n'est pas indiqué, s'il n'est pas opportun de procéder à
une espèce d'instance, qu'on appellera comme on voudra, qui serait
habilitée, qui aurait la juridiction nécessaire pour disposer de
tous les litiges qui sont actuellement soumis ou à la commission, ou au
bureau de révision, ou à la Commission des affaires sociales. En
d'autres mots, tout ce qui peut faire litige serait déféré
à cette instance - qui n'a pas de nom, qui est actuellement au stade du
principe - qui serait complètement évacuée de la
commission elle-même.
Est-ce que ce genre d'institution entre guillemets - pourrait recevoir
votre adhésion? Enfin, êtes-vous disposés à
souscrire au plan du principe pour le moment? Je ne vous parle pas des
modalités: où cela siégera, comment, qui y sera, qui n'y
sera pas. Ce n'est pas cela qui me préoccupe pour le moment. Au plan du
principe lui-même, est-ce que c'est le genre de chose que vous verriez ou
pas?
M. Dion: On peut se référer à une des
recommandations du Conseil du patronat pour vous répondre. C'est le sens
d'un organisme indépendant.
M. Fréchette: Voilà.
M. Dion: Est-ce que c'est cela?
M. Fréchette: Oui.
M. Fava: En fait, M. le ministre, si vous posez la question au
niveau du principe, je pense que cela ne pose pas de problème. C'est un
peu comme dans d'autres domaines. On vous réclame depuis
déjà un certain temps un tribunal de la construction pour traiter
de nos problèmes parce qu'ils sont particuliers. Étant
donné qu'on le demande déjà dans d'autres champs
d'activité régies par des lois, à mon avis, cela ne
poserait pas de problème; évidemment, au niveau du principe.
M. Fréchette: Bien. J'ai une dernière question,
brièvement, parce que mon temps est presque terminé. Cette
fois-ci, c'est au chapitre de l'aide médicale. Peut-être qu'encore
là vous avez quelque chose de prévu dans vos mémoires ou
une recommandation précise. Il est facile de constater, depuis que les
auditions ont été entreprises mardi dernier, que l'actuel
processus d'aide médicale crée problème, autant aux
parties patronales qu'aux parties syndicales, pour toutes sortes de motifs qui
nous ont été soumis et qui sont valables presque à tous
égards. Ce que plusieurs ont maintenant suggéré - et c'est
là-dessus que j'apprécierais connaître votre
évaluation -c'est que, là aussi, on procède à la
création ou à la formation d'une espèce d'instance
indépendante de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail qui serait habilitée
médicalement à trancher les litiges qui peuvent naître du
diagnostic du médecin traitant ou d'un autre, institution qui serait
formée à partir d'une liste fournie par la
Corporation professionnelle des médecins et qui serait soumise
à l'accréditation, si vous me prêtez l'expression, ou du
conseil d'administration de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, ou alors à l'accréditation du
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Là-dessus,
plusieurs se sont exprimés. Je n'ai pas senti, jusqu'à
maintenant, d'objection de principe à une semblable suggestion.
M. Fava: Si vous permettez, M. le ministre, vous avez fait
référence à deux organismes auxquels, malheureusement, on
n'est pas présent, ni à l'un ni à l'autre. Quand vous me
demandez ce que je pense d'un organisme semblable...
M. Fréchette: C'est réglé, M. Fava.
M. Fava: ...qui serait accrédité, soit par le CCTM
ou le conseil d'administration de la CSST, vous m'ouvrez une très belle
porte, je dois l'avouer, pour soulever ces questions-là.
M. Fréchette: Passez dedans si elle est ouverte.
M. Fava: Évidemment, en raison de notre absence au conseil
d'administration de la CSST, enfin, tout de ce qu'on a pu dire sur le conseil
d'administration de la CSST dans le premier mémoire qu'on vous a soumis
lors des auditions et qui traitaient justement de l'administration de la CSST,
on aurait, évidemment, certaines réticences à se soumettre
d'emblée à un système semblable. Au niveau du CCTM,
malheureusement, je dois vous faire la même remarque. Comme vous pouvez
voir, il y a bien des organismes dans le monde de la construction qui nous
régissent et auxquels, malheureusement, il manque des intervenants. On
pourrait ajouter à cette liste également le conseil
d'administration de l'Office de la construction pour compléter le
tableau. Cela donnerait une assez bonne idée des organismes auxquels on
a à faire face et où, malheureusement, on est absent. Alors, vous
comprendrez qu'on a une certaine méfiance envers les organismes qui nous
régissent dans l'industrie de la construction.
Quant au principe ou à cette notion du comité d'experts
comme tel, indépendamment par qui ce serait accrédité, je
pense bien que, si on avait une proposition avec des modalités bien
précises, on pourrait sûrement la regarder de près et vous
faire des recommandations là-dessus. Je ne voudrais pas me ramasser avec
une loi qui donne un pouvoir de réglementer sans connaître les
règlements, finalement.
M. Fréchette: Ce ne serait pas une loi distincte. Ce
serait incorporé dans le cadre de la loi actuelle. Mais sur le plan du
principe, M. Fava, tenons pour acquis que le premier obstacle est
réglé, pour les fins de la discussion. Êtes-vous
disposé à regarder cela?
M. Fava: Oui.
M. Fréchette: Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. M. Fava, lorsque vous
dites qu'il aurait fallu des mois pour faire une étude exhaustive des
articles du projet de loi, ne vous en faites pas, parce qu'on nous a remis ce
matin une étude actuarielle des coûts du projet de loi. Ce projet
de loi, cela fait longtemps qu'on le considère. C'est la
quatrième ou la cinquième version. Je voudrais faire un
commentaire en même temps. Le ministre semblait vous reprocher de nous
avoir soumis deux briques à 15 heures cet après-midi, et je
remarque que la lettre dans ce rapport qui s'intitule: Implications
financières des dispositions du projet de loi 42 est datée du 15
février.
Une voix: C'était hier.
M. Cusano: C'est le jour suivant le début de cette
commission. Il est vrai aussi - cela arrive que je m'entends avec les
propositions du ministre - que vous avez dans cette brique répondu
à plusieurs questions qui, pour nous - de notre côté, du
moins -n'étaient pas claires. Une chose qui a inquiété
tout le monde depuis quelque temps - et cela vous inquiète - c'est toute
la question du monstre administratif qu'est la CSST. Vous dites que l'on
devrait remettre à l'entreprise privée toute la gestion de la
réparation. Je crois que c'est peut-être rêver en couleur,
parce que c'est le gouvernement en place qui a créé cet organisme
et décider de le détruire serait admettre qu'il avait commis une
erreur quand il l'a institué. Est-ce que je pourrais avoir votre
appréciation, à savoir exactement quels changements vous verriez,
à part votre participation au conseil d'administration, à cet
organisme? Est-ce que ce sont des changements dans la composition du conseil
d'administration, qui est basé sur le principe du paritarisme, ou dans
les pouvoirs abusifs, parfois, du président-directeur
général de la CSST? Est-ce que vous êtes en mesure à
ce moment-ci de nous offrir certaines suggestions?
(17 heures)
M. Fava: M. Cusano, si je regarde toute la structure de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail
évidemment, je suis convaincu qu'il y en a qui ne seront pas d'accord -
mais, comme on pense qu'on est les contribuables de cette
commission, on pense qu'on devrait avoir un contrôle serré
sur ce monstre, comme vous dites, qu'est la CSST. Cela va au-delà du
conseil d'administration proprement dit. Ce n'est pas le fait d'avoir un
représentant au conseil d'administration qui va régler tous les
maux qui existent au sein de la CSST. On a bien vu qu'il y a toute une part de
l'administration de la CSST qui échappe même au conseil
d'administration. Donc, je pense bien que le fait d'avoir une présence
ne réglera pas tous les problèmes. Ce qui pourrait être un
règlement des problèmes, c'est de rendre l'administration de la
CSST d'abord comptable auprès du conseil d'administration, pour avoir un
conseil d'administration qui puisse vraiment avoir un mot à dire sur la
façon dont cette boîte est administrée pour en faire une
administration dans le style d'une entreprise privée et voir à
remettre en question tous les postes, ce que j'appellerais, si j'étais
dans l'industrie privée, du "zero base budgeting". C'est exactement ce
qui devrait être fait dans cette boîte: prendre l'organisation au
complet, poste par poste, et vraiment se poser la question: Est-ce
nécessaire ou n'est-ce pas nécessaire?
Si je regarde également les lois que cette commission administre,
il y a tout un domaine qu'on peut appeler la partie prévention et
inspection et l'autre secteur qu'on peut appeler l'indemnisation et tout le
reste. Pour nous, il est clair que toute la partie indemnisation serait
beaucoup mieux et sévèrement administrée si elle
était administrée par nos compagnies d'assurances et notre
entreprise privée qui, je pense, pourraient voir à administrer
toute la partie de l'indemnisation et des lésions. De plus, il y a
l'autre partie qui traite de la prévention et de l'inspection sur les
chantiers. Encore là, que ce soit un organisme ou l'autre, il faut
absolument assurer une espèce d'endroit où l'on peut ramener tous
les problèmes d'inspection et de prévention. Alors, on fait
vraiment une distinction au niveau de cette boîte.
Évidemment, il y a toute une série de choses qui nous
agacent, mais il y a des choses qui nous agacent un peu plus
singulièrement sur la façon dont elle est administrée. On
s'aperçoit, par exemple, que la commission ne perçoit pas les
sommes qu'elle dépense de ceux de qui elle le devrait. Je vais vous
donner un exemple: j'ai des chantiers de construction sur lesquels oeuvrent des
chauffeurs de camion. Il y a des accidents de la route, il y a des
dépenses qui, normalement, devraient être remboursées
à la commission par la Régie de l'assurance automobile. Il n'y a
pas un cent, à ma connaissance, qui a été remboursé
par la Régie de l'assurance automobile à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail pour ce qu'on pourrait
appeler communément des accidents de la route. Alors, du moment
où l'accident provient d'un incident qui peut être plus ou moins
relié à un accident du travail, c'est la CSST qui en assume les
frais sans se soucier de percevoir des autres organismes les sommes d'argent
qui lui reviendraient. Alors, implicitement, si vous voulez, on se trouve
à payer ces notes, les employeurs, alors qu'on paie déjà
dans un autre régime pour couvrir tous ces frais.
On paie également, en tant que contribuables,
généralement pour tous nos beaux systèmes
d'assurance-maladie et tout le reste. On paie nos impôts en tant
qu'entreprises et en tant que contribuables aussi. On ne voit pas pourquoi on
devrait payer en tant que contribuables et, en plus, payer pour le
système sur une base d'accident au fur et à mesure que ces
accidents se produisent. On a un système d'assurance-maladie au
Québec qui est là pour toute la population. Je ne vois pas
pourquoi on nous imputerait une partie de ces coûts parce que l'accident
est survenu sur le chantier et que c'est traité dans les hôpitaux
et dans tout notre système médical.
Pour nous, encore là, il y a une double imposition pour les
employeurs de la construction. Si, collectivement, on a choisi de se payer un
réseau comme on a, je ne vois pas pourquoi je paierais une fois en tant
que contribuable et une autre fois en tant qu'employeur. Il y a toutes les
autres mesures, la socialisation de la médecine également, c'est
inné dans la loi 17 et dans les autres projets de loi qui s'en viennent.
Tout cet aspect de la socialisation de la médecine qu'on fait aux frais
des entreprises, encore là, je regrette, mais, pour moi, ce sont des
impôts indirects. Pourquoi est-ce qu'on ferait de la socialisation de la
médecine aux frais des entreprises si, socialement et collectivement, on
choisit d'en faire et qu'on paie la note collectivement?
Il y a tout un autre aspect également de la loi et on le voit
clairement quand on fait l'analyse du projet de loi 42. On a d'ailleurs
soulevé cela tout à l'heure dans notre présentation. Il y
a toute une dimension de cette loi qui est de l'aide sociale et qui est
administrée, à toutes fins utiles, par la CSST. On paie des
contributions à un travailleur, qu'il y ait droit ou pas. Au bout d'un
an ou deux, on réalise qu'il n'avait pas le droit de réclamer; la
commission choisit de ne pas réclamer ces montants parce que cela ne lui
convient pas et le pauvre diable n'est pas en mesure de rembourser. Pour nous,
c'est toute une dimension sociale et on ne voit pas pourquoi on devrait payer
pour cela.
Quand on dit qu'il faut ramener ce monstre administratif à une
taille plus acceptable ce qu'on veut dire par là, c'est vraiment
extraire de la CSST ce qui n'est
pas du domaine des accidents du travail. Sortez de la CSST ce qui
relève des mesures sociales et organisez-vous pour que la commission, si
elle paie au départ, réussisse à percevoir des autres
régies d'État les frais qu'elle devrait normalement percevoir et
qui, parce qu'elle ne les perçoit pas, se retrouve sur le dos des
entreprises du Québec.
Je ne sais pas s'il y aurait des compléments de réponse.
M. Murray a peut-être un complément de réponse sur
cela.
M. Murray: Moi, je l'ai vécu et je sais à peu
près comment cela se passe. Lorsqu'on analyse, on s'aperçoit que
les pouvoirs du conseil d'administration sont nuls. Vous ne pouvez pas demander
à un conseil d'administration de gérer une boîte de
même lorsqu'il n'a même pas l'autorité de nommer son P.-D.G.
On a appelé cela un conseil d'administration, mais c'est un très
mauvais mot. Ce n'est pas réellement un conseil d'administration, c'est
bien plus un conseil de consultation permanent de négociation entre la
partie patronale et la partie syndicale sur des points d'application pour que
la loi puisse être potable dans son application. Changez les attributions
du conseil d'administration, donnez au conseil d'administration de la CSST les
pleins pouvoirs d'un vrai conseil d'administration: le pouvoir de nommer son
P.-D.G., le droit d'avoir une influence sur le personnel qui est dedans.
À ce moment, vous êtes sûr que le conseil d'administration
va avoir la vraie vérité. Il y a des choses qui se passent qui
sont souvent... Peut-être que c'est parce que la boîte est trop
grosse. On demande une information et on a l'information à la
pièce; on commence à prendre une décision, on est
embarqué dans l'engrenage et on ne peut plus revirer. Vous êtes
des gens en politique, vous avez des personnels politiques, vous savez ce que
cela veut dire lorsque quelqu'un entre là comme temporaire; il
siège peut-être une fois par mois, il y a des mois où cela
arrive deux fois par mois. Ce n'est pas vrai qu'on va passer à travers
un budget de1 000 000 000 $ et savoir où chaque cent est
dépensé, loin de là.
En ce qui regarde la RAMQ, il est écrit dans sa loi que la CSST
est payeur de taxes avant elle. Quand je l'ai demandé, on m'a dit
à la CSST qu'on ne l'avait pas vu passer dans le projet de loi. Une
entreprise privée n'aurait jamais laissé passer quelque chose de
même, il y a des millions de dollars dans cela.
L'ancienne commission des accidents du travail revenait toujours,
lorsque c'était un accident du travail, contre la personne qui avait
causé l'accident s'il y avait un responsable. Elle a perdu le droit et
jamais personne ne s'en est aperçu. Je ne pense pas que ce soit une
gestion qu'une entreprise privée aurait acceptée.
M. Dion: Si vous me permettez juste un petit ajout à cela.
On a un cas actuellement qui pourrait peut-être illustrer ce qu'on dit
quand on dit qu'il y a des responsabilités à assumer à la
CSST qui devraient être transférées à d'autres lois.
Ce n'est peut-être pas nécessaire de mettre en évidence
l'entreprise; celle-ci s'est retrouvée avec un dossier d'à peu
près 500 000 $ ou 600 000 $ de réclamations pour quatre ou cinq
travailleurs qui voyageaient en automobile. Ces travailleurs ont eu un accident
sur un pont. L'histoire est assez simple. Il y a eu des dommages causés
par la température. La police s'est présentée sur les
lieux, semble-t-il, y est restée un certain temps, puis est partie sans
laisser de barricade. Les bonshommes qui revenaient de leur travail, à
toutes fins utiles, passaient à cet endroit et, effectivement, il y en a
qui s'y tuent. Je pense qu'il y en a qui se sont blessés. Il y a 500 000
$ ou 600 000 $ d'inscrits dans le dossier de l'employeur.
Après avoir fait des contestations auprès de la CSST, la
réclamation est sortie du dossier de l'employeur, mais non du dossier de
la CSST. On dit: D'accord, ce n'est pas un accident du travail attribuable
à tel employeur. Or, si ce n'est pas un accident du travail attribuable
à tel employeur, qu'est-ce que c'est? C'est un accident de la route.
Quant à nous, cela nous semble être un accident de la route et
cela ne devrait même pas être dans les dossiers de la CSST.
Par contre, vous allez retrouver ces montants d'argent dans ce qu'on
appelle le fonds spécial de la CSST et cela va être payé
par la CSST. Selon nous, ces transferts de responsabilité au point de
vue automobile, assurance-maladie, aide sociale et tout fonds donné
à ces fins il y a peut-être 200 000 000 $ ou 300 000 000 $
là-dedans, on ne le sait pas...
En passant, M. le ministre, si vous aviez la gentillesse de nous donner
l'étude actuarielle, on en prendrait connaissance avec beaucoup de
plaisir. Ce sont des choses qu'on ne sait pas. On n'a pas les moyens, on n'a
pas les gens qu'il faut pour pouvoir calculer ces choses. En tout cas, on a au
moins les gens qu'il faut pour regarder ce que les autres ont
calculé.
Alors, c'est beaucoup d'argent. C'est probablement 200 000 000 $ ou 300
000 000 $ par année.
M. Cusano: Merci. Ma deuxième question porte encore sur la
CSST. Je suis préoccupé par cet organisme parce que c'est cet
organisme qui aura à appliquer la loi 42 qui est devant nous, si le
projet de loi est adopté.
Du côté de l'inspection, on nous a dit à plusieurs
occasions que ce service était inadéquat et que la
compétence des
inspecteurs était souvent remise en question. Vous qui êtes
dans le champ, est-ce que vous pouvez nous faire une appréciation du
service d'inspection?
M. Fava: Quant au service de l'inspection, je pense qu'il n'y a
pas de doute là-dessus. Comme vous le savez, avant que la loi 17 arrive
et que la Commission de la santé et de la sécurité du
travail assume l'inspection sur les chantiers de construction, toute
l'inspection se faisait effectivement par des inpecteurs de l'Office de la
construction.
Au début, évidemment, on a eu certains problèmes
avec ces inspecteurs. Or, au fur et à mesure que le temps passait, ils
acquéraient quand même une certaine expérience dans le
domaine et on réussissait à manoeuvrer. Puis, quand la commission
a été créée et qu'on a transféré
cette responsabilité à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, tout le processus a recommencé
à nouveau. Je pense qu'il n'y a pas de doute que le service d'inspection
à la CSST a aussi dû travailler en fonction d'acquérir une
certaine maturité en tant que service d'inspection. On sait
également qu'à l'heure actuelle il y a des inspecteurs qui
suivent des cours de plongée sous-marine; il y en a d'autres qui sont
dans des établissements privés pour se perfectionner, pour aller
voir ce qui se passe. Ils reviennent à l'entreprise pour se former
adéquatement pour pouvoir faire une inspection convenable.
Notre principal reproche, outre cet aspect - le terme est un peu fort,
mais je pense que cela illustre bien - je ne voudrais pas parler
d'incompétence du travailleur, mais c'est évident qu'au
départ cette ignorance de l'inspecteur de notre industrie, avec les
problèmes que cela nous amène, nous crée certains
problèmes. C'est un des problèmes qu'on a avec le service
d'inspection.
Je pense que ce qu'on reproche encore davantage au service d'inspection,
c'est cette espèce d'attitude - comment pourrais-je dire? Je me fais
souvent reprocher d'utiliser des termes trop forts; j'essaie d'être
très prudent - c'est cette espèce d'attitude de policier,
c'est-à-dire qu'on arrive sur un chantier, on constate une situation
qui, d'après le jugement de l'inspecteur, représente un danger
imminent pour le travailleur. On se contente d'imposer une amende et des
scellés et, lorsqu'on demande à l'inspecteur - ce n'est pas en
imposant des scellés ou une amende qu'on règle le problème
- ce qu'il faut faire pour corriger la situation afin de ne pas exposer
inutilement le travailleur à un danger, la réponse est: Ce n'est
pas mon problème. Ce n'est pas mon problème, mais je me ramasse
avec un chantier arrêté, avec un droit d'appel à un
inspecteur-chef qui, souvent, ne fait qu'entériner la décision de
son inspecteur à la base, sans aucun recours, finalement. Je suis
laissé à mes propres moyens. (17 h 15)
Vous savez, il est facile d'arriver sur un chantier et d'imposer des
scellés et d'arrêter quelqu'un, mais, nous, il faut qu'on
travaille et il faut que les chantiers fonctionnent. Je pense qu'il serait
beaucoup plus intelligent de la part d'un inspecteur -ce qu'ils ne font pas
actuellement - de proposer des correctifs et d'échanger avec l'employeur
sur les mesures qui pourraient être prises pour que les chantiers
continuent. Je pense que le rôle de l'inspecteur n'est pas
d'arrêter les chantiers. Il serait autant à son avantage qu'au
nôtre qu'il communique et qu'on dialogue pour trouver une solution au
problème qu'il aura pu identifier, selon son jugement.
Évidemment, qu'il ne nous fasse pas de recommandation, je le
comprends. Si on ajoute à cela la première question qui a
été soulevée, soit l'ignorance à la base, et qu'il
nous recommande des moyens à prendre pour corriger une situation, moyens
qui ne s'avèrent pas adéquats en cours de route, ses fesses vont
être exposées autant que les miennes et il va peut-être
être responsable de ses gestes devant les tribunaux lui aussi. On joue
à Pilate. On arrête les chantiers. On nous dit: C'est ton
problème, ton chantier a été arrêté,
démerde-toi, appelle l'inspecteur-chef, souvent, avec des délais
de 15 jours, des chantiers arrêtés et des machines sous
scellés.
C'est l'attitude qu'on retrouve au niveau du service de l'inspection et
c'est ce qui nous cause le plus grand emmerdement. Pour nous, le service de
l'inspection a un peu cette espèce d'attitude que les patrons sont des
tueurs sur les chantiers. J'ai déjà dit à M. Laberge,
à un moment donné: M. Laberge, je ne vous comprends pas, vous
vous battez pour créer de l'emploi, pour avoir de l'ouvrage pour vos
salariés et vous convenez en même temps que, lorsque vous envoyez
des gars sur les chantiers, vous les envoyez à la boucherie. Bon Dieu!
Arrêtez de vous battre pour créer des emplois, si vous ne voulez
pas qu'on tue des travailleurs.
C'est cette espèce de cercle vicieux qui fait qu'on revient
toujours au chef d'entreprise et, d'après l'inspection, on est des
tueurs. On est les pires criminels qui n'existent pas dans la
société au Québec. J'en ai soupé de cette attitude,
M. Cusano et M. le Président. Je pense qu'il y aurait une attitude qui
serait un peu plus responsable. Comme je vous le dis, si on constate une
situation de fait sur des chantiers, bon Dieu! qu'on travaille avec nous pour
trouver des solutions et régler le problème.
M. Dion: Je ne pense pas qu'il soit
nécessaire de mentionner le nom du bonhomme, mais ce que M. Fava
vient de dire, c'est notre version vis-à-vis de l'inspection. À
l'intérieur de la CSST, on admet même que cela ne fonctionne pas.
J'ai ici en main un document qui n'a rien d'officiel, c'est simplement un
rapport, une stratégie préliminaire concernant les chantiers de
contruction. C'est une espèce d'étude qu'un bonhomme a faite, un
employé de la CSST. Cette étude analyse effectivement l'industrie
de la construction -ce n'est pas pour d'autres industries, c'est pour
l'industrie de la construction - en disant à peu près ceci: le
milieu de la construction n'est pas un milieu comme les autres, il est à
caractère temporaire, il y a l'évolution rapide des chantiers,
les enjeux financiers, les risques élevés pour les travailleurs
pendant toute la durée des travaux, les travailleurs sont tous
syndiqués, les entrepreneurs font tous partie d'une association, la
construction a un décret, la construction est en crise depuis plusieurs
années; au niveau de la santé et de la sécurité, on
peut retrouver une foule d'intervenants donneurs d'ouvrage qui ont tous une
implication en matière de santé et de sécurité.
Dans son rapport, il parle de la réponse de la CSST. Quelle
est-elle? C'est beaucoup plus une réponse faite pour l'industrie que
pour la construction. L'approche du manuel de l'inspecteur s'applique beaucoup
mieux pour les établissements que pour les chantiers - c'est sa version
- les outils nécessaires ont été développés
par les services régionaux, faute de directive centrale. Il poursuit: Le
système d'informatique est avant tout axé sur les
établissements. Il s'adapte très mal aux chantiers de
construction. Le règlement sur les programmes de prévention a
été mis en vigueur dans la construction avant que les autres
mécanismes de support de la loi ne le soient. Je pourrais continuer.
Si vous me permettez de ne pas donner le nom du bonhomme parce que cela
pourrait ne pas l'aider, mais j'ai le document en main. C'est la version
même des gens de l'intérieur qui se trouvent handicapés
devant l'industrie de la construction. Ils ont des problèmes avec
l'industrie de la construction. Il va jusqu'à parler des inspecteurs de
la construction qui ont été intégrés comme
inspecteurs du local 234: ils ont perdu la majorité de leurs avantages
matériels et financiers ainsi que le style de gestion qu'il y avait
autrefois à l'OCQ. Il y a possiblement un mécontentement chez les
inspecteurs, un manque d'outils chez ces gens et ils reconnaissent
effectivement qu'ils ne peuvent pas appliquer dans l'industrie de la
construction ce qu'ils appliqueraient normalement ailleurs.
On peut avoir l'air chiâleux en disant que ce n'est pas pareil.
Même à l'intérieur, on dit que ce n'est pas pareil et que
cela ne peut pas fonctionner pareil.
M. Cusano: Merci. Il semble de plus en plus évident, quant
à la demande faite par d'autres organismes, entre autres, la CSD et le
Conseil du patronat, qu'il devrait y avoir une enquête dans la
boîte et que cette enquête devrait aller au-delà d'une
commission parlementaire qui, elle, serait limitée.
J'ai une autre question, par rapport à l'extension de cinq
à quatorze jours payables par l'employeur. Plusieurs nous ont dit que
cela aurait pour effet d'augmenter la période de temps où un
accidenté serait absent pour des blessures mineures. Sur ce point,
est-ce que vous êtes du même avis? Est-ce que cela va créer
un plus grand nombre d'employés - pas par leur faute mais à cause
du système? Si le médecin voit un travailleur pour une petite
coupure au doigt, s'il sait que les quatorze premiers jours seront payés
par l'employeur, au lieu de lui demander de revenir le voir dans les quatre
jours, il va peut-être céduler son patient sept, huit ou neuf
jours plus tard. Est-ce que vous avez des commentaires sur cela?
M. Fava: Oui, effectivement, et je pense que ce sont plus que des
commentaires, ce sont des choses qu'on a pu vérifier. Vous savez qu'on
en est arrivé aux cinq jours dans différentes phases à
différentes périodes. Tranquillement, on en est arrivé
à la période de cinq jours. Effectivement, on a pu constater ce
qui se passe. On sait que la grande majorité des accidents qui ont lieu
sur les chantiers de construction, ce sont des accidents mineurs qui bien
souvent n'occasionnent même pas de perte de temps. Quand ils occasionnent
des pertes de temps, c'est relativement peu important et, en
général, cela se situe dans la catégorie des cinq jours.
On a vu par le passé qu'au fur et à mesure qu'on prolongeait
cette période de cinq jours on prolongeait effectivement la
période d'attente avant de revenir sur les chantiers.
Cela veut dire qu'à partir du moment où on fixe des
barèmes semblables il est évident que la tendance fixe ce
barème comme étant quasiment un minimum. C'est un système
qui est exploité au maximum. D'ailleurs, cette notion des quatorze jours
qu'on retrouve dans le projet de loi, la commission a déjà
tenté de l'appliquer par des directives internes et administratives.
Lorsque les employeurs ont réagi, au moment où la commission a
tenté de mettre ce système en marche, effectivement, elle a
été obligée de reculer d'un pas. On le faisait
administrativement plutôt qu'officiellement. Il est évident que,
pour nous, l'extension de cette période d'attente va engendrer des
coûts additionnels. On l'a couvert un petit peu dans notre
mémoire. Je pense que je vais passer la parole aux gens qui ont les
statistiques en main et qui pourront peut-être vous donner plus de
détails précis à ce niveau.
M. Dion: Je voudrais vous souligner, d'abord, qu'on en traite
dans la deuxième partie de notre mémoire. On en a traité
légèrement dans la première partie. Je veux quand
même vous souligner quelques points. Il y a des choses qu'on a
déjà soulignées. C'est toute la notion du laisser-aller,
entre guillemets. On regarde les textes; à un moment, on dit qu'un gars
qui se blesse est payé pour la journée. Il y a bien des gars qui
se blessent, qui ont besoin de soins et cela ne prend pas la journée.
Après une ou deux heures, ils peuvent revenir sur le chantier, mais on
donne la journée. Il y a là une notion de largesse
déjà: une journée pour pouvoir se faire soigner.
Quand les cinq jours ont été accordés, c'est
évident qu'on sent que le bonhomme qui se rend là...
Effectivement il a plus d'une journée, en théorie, puisqu'il
s'agit quand même d'une blessure un peu plus grave. Il y a un automatisme
ou presque de donner cinq jours. C'est plus facile et cela va bien. De toute
façon, il a cinq jours payés. On n'a pas de calculs ni de
chiffres pour cela, puisque ce n'est pas encore appliqué, sauf qu'il y a
une espèce de directive qui nous a été lancée il
n'y a pas tellement longtemps qui était d'appliquer les quatorze jours
et qui a été retirée par la CSST. On a l'impression que
les cinq jours s'en iront vers les quatorze jours.
Pourquoi cela avait-il été fait les cinq jours? Cela avait
été fait parce qu'on disait que c'était pour
accélérer le règlement des réclamations pour ne pas
que les gens attendent trop leur argent. Or, depuis ce temps-là, toute
la CSST est censée s'être décentralisée; elle est
supposée être en mesure de mieux servir le travailleur qui a
besoin d'une indemnité de la CSST. Ces cinq jours n'ont plus tellement
leur raison d'être, si c'était pour aider dans le temps où
on n'avait pas cette décentralisation. Maintenant, on l'a. De toute
façon, la CSST va ouvrir le dossier; il n'y a pas d'économie.
S'il y avait une économie, si on pouvait prévoir que les quatorze
jours apporteront une économie administrative, c'est évident
qu'on pourrait les regarder beaucoup plus attentivement et peut-être
être d'accord, alors, de s'en aller.
Le dernier point qu'on veut soulever parce qu'il nous fatigue: Qu'est-ce
que c'est que ces quatorze jours? Est-ce que c'est quatorze jours
travaillés ou quatorze jours du calendrier? Il y a une drôle de
question qui se pose à ce sujet. L'employeur paie les quatorze premiers
jours: Est-ce que c'est quatorze jours travaillés ou quatorze jours du
calendrier? On sait que les employeurs ne paient pas les samedis et les
dimanches, mais, s'il s'agit de quelqu'un qui travaille à la Baie-James,
il travaille peut-être le samedi. On ne sait plus ce que cela voudra
dire, les quatorze jours, honnêtement.
M. Cusano: Merci. Le président m'avise que mon temps est
écoulé. Je me permettrai quand même de poser une
dernière question. Je serai obligé de combiner deux questions en
une. Je pense qu'il y a un consensus qui s'établit sur le
règlement du fameux article 38.4. Est-ce que, dans la deuxième
partie de votre document, vous avez retenu les articles du projet de loi qu'on
devrait garder afin de régler l'article 38.4? C'est ma première
question et la deuxième serait: Quel serait l'effet de la proclamation
de ce projet de loi à la pièce, c'est-à-dire si ce projet
était proclamé par sections, à différents moments?
Quel serait cet effet dans le milieu de la construction?
M. Fava: Quand on dit qu'on est d'accord avec le règlement
de ce qu'on appelle communément l'article 38.4, il faut bien comprendre
que ce qu'on donne, ce n'est pas un accord inconditionnel. Quand on parle de
l'article 38.4, on en parle dans le genre des modalités et des
contraintes établies et énoncées dans le mémoire du
CPQ. Je pense que c'est dans ce sens qu'on dit qu'on est d'accord avec
l'article 38.4.
Quant aux commentaires un peu plus généraux sur les autres
aspects de ce projet de loi, pour nous, - je pense que la commission le
réalise aussi - lorsque le ministre nous suggère de rencontrer la
partie syndicale et d'adapter le projet de loi 42 à l'industrie de la
construction, je pense qu'il est flagrant que celui-ci n'a pas
été pensé du tout en fonction de l'industrie de la
construction. Je pense que, si ce projet de loi a une valeur pour les autres
secteurs, il devrait être appliqué aux autres secteurs, mais, en
ce qui a trait à l'industrie de la construction, je pense qu'il devrait
être, outre le règlement du 38.4, complètement mis de
côté pour l'industrie de la construction et qu'on prenne le temps,
s'il le faut, de rédiger un projet de loi qui soit vraiment bâti
en fonction de l'industrie de la construction, qui tienne compte des
caractéristiques de l'industrie de la construction et que ce soit un
projet de loi ou, du moins, une section de la loi qui soit vraiment
particulière à l'industrie de la construction.
Je pense qu'il est clair, après deux jours de séances de
cette commission, que tout le monde semble admettre d'emblée que
l'industrie de la construction est vraiment un monde à part et que ce
projet de loi nous créera de nombreux problèmes. Quand le
ministre me suggère de rencontrer la partie syndicale pour
essayer de nous entendre sur des modalités qui pourraient rendre cette
loi un peu plus vivable et applicable à notre industrie et qu'on nous
impose un délai: jusqu'au 1er avril, pour le faire, je vous souligne, M.
le ministre, que ce projet de loi circule - c'est une version qui est
peut-être un peu plus finale, mais il y a eu des livres blanc, bleu et
vert qui circulent depuis trois ans. Avant qu'on n'ait pu réussir
à pondre un projet de loi qui puisse remplacer le système
d'indemnisation qui existe actuellement dans l'industrie de la construction...
(17 h 30)
Pour nous, il est clair que la loi qui, éventuellement,
remplacerait le système d'indemnisation actuel dans l'industrie de la
construction, ce n'est pas celle-ci. C'est une loi qui devra être pondue
et je pense que, pour l'instant, il faudrait carrément mettre
complètement l'industrie de la construction à l'écart de
cette loi. Il faudra aussi qu'on se penche sérieusement, dans un
éventuel projet s'appliquant à l'industrie de la construction,
à vraiment bâtir une loi en fonction des chantiers et non pas de
faire d'un chantier un établissement par une fiction juridique et tenter
d'appliquer une loi qui est conçue pour un établissement.
Je pense qu'il faut bâtir une loi qui part du principe qu'on a des
chantiers de construction et non pas des établissements et, à
partir de là, bâtir un projet de loi qui s'applique et qui est
fait sur mesure pour notre industrie de la construction, comme il y a tant
d'autres lois qui nous régissent dans l'industrie et qui sont faites sur
mesure pour nous.
À moins qu'on réussisse, d'ici au 1er avril, à
pondre une loi avec la collaboration de la partie syndicale, une loi qui soit
vraiment adaptée aux besoins de notre industrie, et à moins qu'on
la rende non applicable à l'industrie de la construction pour nous
permettre et nous laisser le temps d'en préparer une ou de faire des
recommandations qui soient vivables pour l'industrie de la construction, je
pense qu'il faudrait tout au moins, pour l'instant, exclure la notion
d'établissement des chantiers de construction et exclure, finalement, de
la définition d'établissement, la notion de chantier de
construction. À mon avis, c'est une fiction juridique qui va nous
créer beaucoup de problèmes et c'est faire en sorte qu'on tombe
enceinte par une définition juridique.
Le Président (M. Jolivet): Mme la députée de
Maisonneuve.
Une voix: Cela arrive bien.
Le Président (M. Jolivet): Cela tombe bien.
Mme Harel: Cela n'a rien à voir.
M. Fava: Cela ne pouvait pas tomber à un moment plus
propice.
Mme Harel: II y a un vieil adage qui est souvent utilisé
et qui dit: Le travail, c'est la santé. En écoutant votre
exposé, tantôt, j'ai eu l'impression que vous le renversiez,
à savoir que, dans l'industrie de la construction, le travail, c'est la
maladie. À la page 7 en particulier, vous développez toute votre
argumentation qui repose un peu sur une prémisse à savoir que, si
on ne fait rien du tout, on risque peu de contracter une maladie
professionnelle, écrivez-vous. Évidemment, en corollaire, c'est
qu'on risque de se retrouver à l'aide sociale. Vous dites: Par contre,
dès que l'on exerce un métier, particulièrement dans le
secteur de la construction, on se trouve placé dans des situations qui
peuvent affaiblir ou modifier l'état de santé. En d'autres
termes, on se trouve placé en situation d'aggraver son état de
santé. À moins que je me sois trompée, j'ai cru comprendre
que vous souhaitiez une contribution des employés, des travailleurs,
à leur éventuelle lente aggravation de leur état de
santé en restant travailleurs dans la construction. C'est le premier
commentaire. J'imagine que cela va en provoquer un de votre part.
Ma question, c'est la suivante: Vous faites grief au projet de loi
d'ouvrir l'intrusion future de nouvelles maladies professionnelles.
Jusqu'à maintenant, compte tenu des mémoires qui ont
été présentés devant la commission et de ceux qui
sont à être examinés, il y a des griefs qui sont faits par
la partie patronale, mais ils sont plus pour limiter la nature des maladies
professionnelles assujetties, si vous voulez, à l'indemnisation que de
vouloir complètement écarter les maladies professionnelles. J'ai
cru comprendre, en ce qui vous concerne, que vous concevez que la maladie
professionnelle, cela ne vous regarde pas, cela ne vous concerne pas, d'une
part. Ou bien je me trompe et vous me direz si c'est le cas.
D'autre part, si c'est simplement de faire grief d'ouvrir une
définition qui serait sans relation directe avec l'exercice de la
fonction que vous demandez à un travailleur de remplir ou si c'est tout
simplement de faire grief que d'introduire des définitions nouvelles
malgré le syndrome de Raynaud dont vous avez parlé... J'imagine
que cela ne devait pas exister il y a 20 ans. Cela a été un peu
comme l'amiantose: il y a 50 ans, personne n'en parlait parce qu'on ne savait
pas que cela existait. Et, effectivement, il y a l'évolution de la
science médicale qui fait qu'on peut maintenant penser qu'un
symptôme... Avant, on pensait qu'on était consomption, maintenant
on sait qu'il y a des causes à cela. Je veux savoir, dans ce cas-
là, comment se fait-il... Vous avez un recours, c'est la
contestation devant le bureau de révision, quand vous considérez
que ce n'est pas en relation avec le travail qui est effectué ou quand
vous pensez que ce n'est pas une vraie maladie professionnelle. Est-ce qu'il
s'agit simplement de le limiter ou de l'écarter complètement?
Vous dites: La maladie professionnelle, cela ne nous concerne pas.
M. Fava: Je pense que j'ai partiellement répondu à
cette question -mais je vais tenter d'y revenir - lorsque M. le ministre a
demandé ce qu'on envisageait comme système contributoire de la
part des travailleurs. Nous faisons une nette distinction entre l'accident du
travail, tel qu'on le connaît déjà depuis un certain nombre
d'années, et tout le phénomène des maladies
professionnelles.
Mme Harel: Oui.
M. Fava: D'abord, on pense qu'il y a des risques qui sont
inhérents à une tâche qu'on exerce. Le soldat qui s'en va
à la guerre risque de se faire tuer. Ce n'est pas parce que son
général est plus ou moins compétent ou qu'un autre veille
à sa sécurité. Que voulez-vous, c'est un soldat et il
s'expose à se faire tirer. Le policier qui fait son travail dans la
ville de Montréal ou dans la ville de Québec, par la nature
même de son travail, risque de recevoir une balle à un moment
donné. Nous, ce qu'on vous dit, c'est que le travailleur de la
construction est exposé à un contexte qui est bien particulier.
La température au Québec, on n'y peut rien. Malheureusement,
l'hiver, il y a de la neige et, quand on travaille dehors, on doit subir des
moins quarante-cinq ou moins soixante degrés. J'ai connu des
travailleurs qui ont travaillé sur le territoire de la baie James, qui
ont eu des doigts, des pieds et des visages gelés. Ce n'est pas moi qui
ai choisi d'aller construire des barrages sur le territoire de la baie James et
on n'a pas le loisir de changer la température lorsqu'on s'en va
réaliser des projets dans ces endroits. Alors, je pense que pour nous
ces distinctions...
Maintenant, concernant la maladie professionnelle véritable, ce
qui nous inquiète, c'est qu'avec cette loi on aura dorénavant
à assumer l'état de santé du travailleur au moment de
l'embauche. À moins de faire passer des examens médicaux complets
au postulant au moment de l'embauche, je ne connais pas son état de
santé. Je ne sais pas s'il a déjà contracté une
maladie professionnelle quelque part en cours de route et je ne veux
certainement pas me rendre responsable des maladies professionnelles qu'il
aurait pu contracter chez un autre employeur. Et si je dois tenir compte de son
état de santé au moment de l'embauche, je vous dis, messieurs,
que votre loi est discriminatoire, parce qu'à partir du moment où
je suis obligé d'en tenir compte, je suis un patron, je ne suis pas fou,
je vais faire en sorte d'engager des gars de 25 ans qui sont en parfaite
santé et qui n'ont rien qui accrochent. Je vais éviter
également d'engager des étudiants, parce que, si j'engage un
étudiant qui rêve de devenir médecin demain matin, je vais
être obligé de l'indemniser en fonction de ses rêves
éventuels. Si mon voisin rêve de devenir premier ministre avec les
salaires qui sont attachés à cette tâche, je vais
probablement éviter de l'embaucher.
Alors, dans ce sens, je vous dis que vous me placez dans une situation
où, de deux choses l'une: ou je ne veux pas assurer des maladies qui ont
été contractées ailleurs que chez nous, ou bien je fais de
la discrimination à la base et je ne l'embauche pas. C'est dans ce sens
que je vous dis que moi, j'ai de la difficulté avec la maladie
professionnelle, premièrement, à cause de l'état de
santé du travailleur au moment de l'embauche, deuxièmement, il y
a un paquet de maladies professionnelles qui sont
énumérées et qui peuvent être contractées
à bien des endroits autres qu'un chantier de construction. Tu paies
déjà pour le bras qui a été cassé le
dimanche après-midi en jouant au hockey, mais qu'on découvre
soudainement le lundi matin. Je ne veux sûrement pas me mettre dans une
situation où j'aurai en plus à payer... Moi, je fume et je
présume qu'en cours de route il y a des maladies qui sont reliées
au tabac. Un chauffeur de taxi qui travaille dans la ville de Montréal
s'expose au monoxyde de carbone. Je ne voudrais quand même pas être
obligé d'assumer l'état de santé de ce bonhomme qui a
contracté des maladies qui peuvent être reliées au monoxyde
de carbone dans la ville de Montréal. C'est dans ce sens-là qu'on
dit: au niveau de la maladie professionnelle. Même médicalement,
on n'est pas en mesure de nous dire ce qu'est une maladie professionnelle.
Essayez donc de voir deux médecins qui s'entendent à ce sujet. Je
n'en ai pas trouvé encore. C'est toute cette notion de maladie
professionnelle qui, pour nous, est insaisissable. Je ne voudrais pas me
ramasser avec un travailleur que j'embauche chez nous et au sujet duquel
j'aurais à assumer un paquet de choses qu'il aurait pu contracter
ailleurs.
Je vais vous donner un exemple flagrant. Mon directeur
général, malgré qu'il n'ait jamais travaillé sur un
chantier de construction, par son âge, il commence à avoir de la
difficulté à comprendre; je suis obligé de
répéter deux ou trois fois. Par le processus de vieillissement,
par l'âge d'une personne, il y a un paquet de choses qui peuvent
être assimilées à des maladies
professionnelles, mais qui n'en sont pas en réalité. Je
vous donne un exemple: les cas de surdité. On voudrait me faire assumer
cela. Je vous dis non. Si on veut couvrir les cas de surdité, bon Dieu,
qu'on les couvre à partir d'un régime partagé ou que
l'État les assume. Je ne conteste pas le fait que l'État
décide qu'on devrait couvrir ces maladies, mais ce ne sont pas
nécessairement des maladies qui ont été contractées
à l'ouvrage, et probablement pas chez nous, probablement chez un autre
employeur. Le bonhomme que j'engage, qui travaille depuis 20 ans dans
l'industrie de la construction et chez qui, au moment où il travaille
chez nous, il y a une maladie professionnelle qui se décèle,
à quel employeur va-t-on imputer cette maladie, puisque le bonhomme
travaille depuis 30 ans dans l'industrie et qu'il a travaillé
probablement dans une même année pour quatre ou cinq employeurs
différents? Ce sont des choses qu'on ne peut pas évaluer et qu'on
ne peut pas déterminer, quelle part on devrait assumer dans ce qu'on
appelle la maladie professionnelle. Si, encore, c'était une maladie
professionnelle qu'on pourrait vérifier comme étant une maladie
contractée chez nous, je dirais qu'on pourrait peut-être assimiler
cela à ce que j'appelle notre notion d'accident du travail dans le sens
traditionnel du terme. Ce sont toutes ces difficultés qui nous
amènent à vous dire que la maladie professionnelle, pour nous,
c'est une mesure sociale et cela devrait être payé par la
collectivité.
Mme Harel: Par exemple, un travailleur qui va souffrir
d'amiantose, son employeur qui voudrait savoir si l'amiantose a
été contractée en descendant dans sa mine ou dans la mine
du voisin, on va lui répondre: Est-ce qu'il souffre ou pas d'amiantose?
En conséquence, c'est le fait de travailler dans le secteur industriel
qui a provoqué ce type de souffrance. Vous parlez du syndrome de
Raynaud, par exemple, parce que vous faites des distinctions non seulement
entre l'accident du travail et la maladie professionnelle. Si je comprends
bien, d'ailleurs, votre exposé, si c'est un secteur à risque
élevé, comme c'est le cas, à ce moment-là, il y a
évidemment en contrepartie toute une argumentation qui plaide, par
exemple, en faveur d'une retraite anticipée, qui plaide pour un
âge de retraite moins élevé, qui plaide en faveur de bonnes
conditions de rémunération pour compenser ce haut risque. Mais,
encore là, vous faites la distinction entre les maladies
professionnelles contractées. Le syndrome de Raynaud, c'est
vous-même qui en parlez dans votre mémoire, il ne peut pas ne pas
être redevable d'un travail à l'occasion d'une fonction
attribuée dans le secteur de la construction. Alors, ce serait à
l'ensemble de la collectivité de le financer?
M. Fava: Si vous permettez, je vais donner des débuts de
réponses. Je vois qu'il y en a deux qui sursautent à
côté de moi; si vous permettez, je leur passerai le microphone
après.
Il y a certaines maladies avec lesquelles on a un problème
d'imputation de coûts plutôt que de déterminer si c'est une
maladie professionnelle ou non.
L'amiantose, le problème que cela me pose, c'est qu'au moment
où l'amiantose se décèle... Je comprends que c'est une
maladie qui est reliée et qu'on peut clairement identifier à un
secteur industriel donné. Moi, en tant qu'employeur, j'ai un
problème comptable. Ce bonhomme dont la maladie se révèle
au moment où il est à l'embauche chez moi... Peut-être que
l'amiantose est un mauvais exemple, parce que ce sont des industries qui sont
quand même stables, une mine est là pendant un certain nombre
d'années. Ce ne sont pas des chantiers qui ouvrent et qui ferment au
bout d'une semaine, un mois, deux mois ou trois mois. C'est quand même un
employé qui va travailler de façon un peu plus permanente pour
une organisation semblable. (17 h 45)
Le problème que la maladie clairement identifiée maladie
professionnelle me pose, c'est au niveau de l'imputation des coûts. Je ne
voudrais pas me retrouver dans mon dossier avec la totalité du
coût de cette maladie professionnelle, alors que le bonhomme n'en a
contracté que 50% chez nous avec le système
mérite-démérite qu'on connaît et qui est
appliqué à la CSST. Cela est plutôt un problème
comptable, c'est dans ce sens que cela me pose le problème de ce qui est
clairement identifié comme maladie professionnelle. Il y a toute l'autre
gamme de maladies sur lesquelles même les médecins ne s'entendent
pas, à savoir si ce sont des maladies professionnelles ou non. Cela va
de l'arthrose de la colonne au traditionnel mal de dos ou à la perte de
l'ouie, qui couvre toute l'autre gamme de maladies qui, dans bien des cas, se
révèlent - comme je le disais tout à l'heure - du fait du
vieillissement tout simplement. Mes articulations, j'imagine, ne seront pas les
mêmes quand j'aurai 60 ans que celles que j'ai aujourd'hui.
Mme Harel: ...recours en contestation de réclamation?
M. Fava: Oui, sauf qu'avec ce projet de loi, avec toutes les
présomptions qui y existent, je sais qu'il y a une proposition qui a
été faite par la partie syndicale qui voudrait que l'employeur ne
soit même pas considéré comme une partie
intéressée, lorsqu'il s'agit de contestations avec les
délais impliqués, avec le fait que, même si au bout d'un an
ou un an et demi on
découvre que cette maladie n'est pas imputable au travail, la
CSST ne va pas recouvrer ces montants qui ont été payés.
On la paie quand même cette maladie. À toutes fins utiles, avec le
système qu'on conçoit, avec toutes les présomptions dont
bénéficie le travailleur, on n'a absolument aucun moyen de
contrôle. Je vous disais tout à l'heure que le travailleur aura
accès à nos spécialistes médicaux, il aura
accès à nos dossiers et nous, finalement, on n'aura accès
à rien. Comment voulez-vous qu'on aille devant un tribunal, que ce soit
une commission ou une cour du bien-être social, complètement
démunis comme cela alors qu'on n'a même pas accès au
dossier médical du travailleur?
Je veux passer la parole à mes voisins.
M. Murray: Si vous parlez de l'amiantose, justement, les mines
pour le problème dont on parle, vous regarderez, elles n'ont pas le
même système de cotisation que nous. Elles sont sur une mutuelle
réelle et cela est une des raisons. Notre problème vient de la
façon dont nos cotisations sont établies. C'est pour cela qu'on
peut se réveiller avec des mérites-démérites qui
sont drôlement importants. L'effet de mutuelle ne joue pas pour un grand
nombre d'unités dans le domaine de la construction. Si vous avez le
malheur d'avoir dans votre unité quelqu'un qui est négligent, que
vous soyez le meilleur entrepreneur au monde, que vous preniez tous les moyens
et que vous n'ayez jamais un accident, vous allez vous faire traîner
à la hausse. Le système de classe est là pour nous
empêcher de sauter plus d'une classe à la fois en haut ou en bas.
C'est pour cela qu'on dit que dans le domaine de la construction cela ne
s'applique pas. Si le type a fait 300 entrepreneurs dans sa vie, où
est-ce qu'il a commencé à prendre le système?
Peut-être qu'il a travaillé pour des entrepreneurs, qu'il n'a
jamais fait de marteau pneumatique, si on parle de la maladie de Raynaud. Il
n'en a jamais fait.
Pour un autre entrepreneur, il peut en avoir fait pendant deux mois,
pendant six autres mois, puis, rendu à la fin de ses jours, il commence
à l'avoir. Ces maladies ne viennent pas tout de suite. Par
définition, la maladie professionnelle vient avec le temps. C'est pour
cela qu'on dit que cela ne peut être ainsi. Il faudrait que dans le
domaine de la construction il y ait un genre de mutuelle qui couvre cela
réellement. Mais, lorsqu'on touche à un bout de la loi, il faut
toucher à l'autre bout en même temps et, dans le domaine de la
construction, on a voulu avoir une négociation sectorielle, dire que
cela équivaut quasiment à un employeur et à un groupe
d'employés, comme s'ils faisaient partie de la même maison, mais
ils se promènent d'employeur en employeur.
C'est cela le domaine de la construction.
Ce serait donc illogique à ce moment qu'un employeur soit
pénalisé plus que l'autre. Même si on le met au fonds
général, étant donné qu'on a des facteurs souvent
plus hauts que les autres... On est trois à un dans le domaine de la
construction au point de vue de la fréquence de nos accidents; eh bien!
on paie 3,1 fois l'administration, 3,1 fois la prévention. Nos
accidents, on les paie réellement.
Il y a des facteurs qui font qu'on est surchargé. Ce n'est pas
normal qu'il y ait des unités qui ne paient rien, peut-être 0,05 $
les 100 $, et d'autres qui paient 22 $. C'est avec cela qu'on est pris. On est
pris avec un dilemme et c'est partout dans la loi qu'il faudrait que ce soit
accroché en même temps pour que cela puisse s'appliquer. Cela n'a
jamais été pensé en fonction de la construction; on a des
problèmes spécifiques et il faudrait que ce soit corrigé
un jour ou l'autre.
On a parlé du mot "artisan". C'est la même chose. La CSST
était prête à changer ce mot mais il faudrait un changement
d'un paquet de lois pour que le mot "artisan" soit défini d'une
façon uniforme. Alors, les problèmes sont beaucoup plus grands
que seulement sur un point. Il faut que ce soit tout ensemble.
Le Président (M. Jolivet): M. Dion, je pense.
M. Dion: Non, cela va. Il a donné l'explication.
Le Président (M. Jolivet): Cela va. Donc, M. le ministre
veut intervenir une dernière fois avant qu'on se quitte.
M. Fréchette: Oui, une dernière fois, M. le
Président. J'ai suivi attentivement le débat qui vient de se
dérouler par voie de questions et réponses. Il me semble avoir
entendu M. Fava, en répondant à une question de ma
collègue de Maisonneuve, dire que, par exemple, si cette loi devenait en
vigueur, il est à prévoir que les employeurs de la construction
n'embaucheront pas ou, en tout cas, ne feront pas d'efforts particuliers pour
embaucher des étudiants, par exemple.
Je vais essayer de vous faire connaître le fond de ma
pensée par la voie d'un exemple. Supposons que votre fils, le mien,
n'importe lequel de nos fils, envisage une carrière d'ingénieur.
Il est en deuxième ou troisième année d'université
et, normalement, il devrait devenir ingénieur. Ses services sont retenus
sur un chantier de construction. Bon, il a un accident malheureux qui le rend
invalide dans une proportion de 80% et de façon permanente. M. Fava,
est-ce que votre prétention est que votre fils, le mien, devrait, pour
le restant de ses jours, être
compensé à raison de 50 $ par mois selon l'état
actuel de la loi ou si vous ne seriez pas un peu plus satisfait pour vous et
votre fils qu'il retire, jusqu'à l'âge de 65 ans, en baissant
graduellement jusqu'à 68 ans, 90% de 31 500 $? Je vous pose la question
pour être bien sûr que j'ai compris votre affirmation.
M. Favas Est-ce que je peux répondre, M. le
Président?
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Fava: Je vais vous dire, M. le ministre, que cette situation
ne me causerait aucun scrupule dans le sens que la majorité de mes
travailleurs de la construction gagnent peut-être plus cher que votre
fils ou que mon fils ne gagnera jamais comme ingénieur dans la
société. Si vous voyiez les salaires qu'on paie dans l'industrie
de la construction et la base sur laquelle on indemnise les travailleurs, je
pense bien qu'ils seraient mieux d'être indemnisés en fonction des
travailleurs de la construction qu'en fonction d'un éventuel
ingénieur.
M. Fréchette: Vous alléguez dans votre
mémoire que le salaire moyen dans la construction est de quelque 14 000
$ par année.
M. Fava: Oui, mais, M. le ministre, ce n'est pas en fonction de
cela que les travailleurs sont indemnisés. On l'a soulevé
aussi.
M. Fréchette: Oui, je suis d'accord avec vous.
Dernière observation, quant à moi, M. le Président. Vous
savez, quand on entend des mémoires qui nous viennent ou bien d'une
association patronale ou bien d'une association syndicale et que, sur le
même point, il y a divergence d'opinions profonde, cela n'a pas l'heur de
nous surprendre. Je veux dire que c'est presque la nature des choses qui veut
que ce soit ainsi. Quand, par ailleurs, sur l'appréciation d'une
situation, des parties d'une même source semblent différer
d'opinion, cela devient un petit peu plus difficile à expliquer.
Là-dessus, je me réfère à l'appréciation que
faisait M. Murray du processus du conseil d'administration ou de son
fonctionnement.
Ce matin, nous entendions des représentants de l'Association des
mines de métaux et, à la suite de certaines questions
posées autant par mes collègues de l'Opposition que par les
ministériels, M. Drouin, qui était à la table des
représentants, a été appelé à
répondre à une question du même genre. On lui demandait:
Enfin, souhaitez-vous que tout le système, tout le régime de la
santé et de la sécurité retourne à l'entreprise
privée, que l'on revienne à ce que l'on connaissait lorsque la
Commission des accidents du travail existait, avec un président et deux
commissaires siégeant à Québec? Ou, alors, le gouvernement
devrait-il reprendre l'administration de tout ce système?
La réponse de M. Drouin, et je vous réfère aux
galées d'aujourd'hui, est mot à mot la suivante: "En tant que
membre du conseil - j'y suis depuis le début - je peux dire en toute
franchise que la participation des deux parties au conseil a été
bienfaisante pour toute la société québécoise. Je
crois que ce serait rétrograder si on sortait de cette formule. On est
certainement plus présent, les deux parties, qu'on ne l'était
avant. Évidemment, il y a un problème qui surgit parce que c'est
paritaire; dans un vote paritaire, c'est toujours 7-7, c'est là qu'est
le problème. Je crois qu'avec le temps les choses vont finir par se
placer. Il faut que toutes les parties acceptent que cela est un processus qui
ne peut pas être rapide. C'est nécessairement lent quand c'est
là, mais je crois que les deux parties y gagnent. Je suis d'accord avec
cela."
C'est une évaluation du processus ou du fonctionnement du conseil
d'administration qui est tout à fait à l'opposé de ce
qu'on a entendu cet après-midi. De surcroît, c'est une
évaluation présentée par des représentants de deux
parties patronales. Je ne sais pas si vous souhaitez réagir
là-dessus. Je comprends que c'est très subjectif car cela vient
d'une personne, c'est évident. C'est quand même intrigant.
M. Murray: M. le ministre, si vous voulez relire au tout
début, je pense que vous avez parlé du régime de
santé, ou j'ai mal compris.
M. Fréchette: Je peux, si vous le souhaitez, M. Murray,
relire la question qui avait été posée à M. Drouin
et sa réponse.
M. Murray: Oui.
M. Fréchette: Une dernière question, si vous me le
permettiez. Je suis conscient qu'on déborde un peu 13 heures, mais cela
m'apparaît important. Vous avez insisté -d'autres groupes l'ont
fait avant vous depuis que la commission a commencé ses auditions; au
mois de décembre, on en a beaucoup entendu parler - sur la façon
de procéder du conseil d'administration. Mon collègue, le
député de Saguenay, l'a relevé tout à l'heure. Il y
a un conseil d'administration qui fonctionne avec une représentation
paritaire qui est dirigée par un P.-D.G. nommé par le
gouvernement. Cela conduit à une situation comme celle que vous avez
décrite tout à l'heure.
Ma question serait la suivante: Est-ce que, si vous ne pouvez accepter
la formule
actuelle, vous avez des suggestions à faire quant à la
façon dont cela pourrait fonctionner? Est-ce qu'on devrait revenir
à ce qui existait auparavant, un président général
et deux commissaires qui, de Québec, administraient tout et dirigeaient
tout? Est-ce qu'on devrait remettre la responsabilité administrative
d'un organisme comme celui-là au gouvernement? Est-ce qu'on devrait
remettre toute l'administration de la politique de santé et de
sécurité au secteur privé, comme plusieurs le souhaitent?
L'AECQ, par exemple, cet après-midi, va nous demander que tout cela soit
transféré ou référé au secteur privé.
Je veux bien qu'on soumette de l'argumentation pour soutenir une thèse
qui voudrait conduire à la conclusion que le système actuel n'est
pas celui qui devrait exister, mais je serais davantage satisfait si on me
suggérait des modalités de remplacement.
La réponse de M. Drouin à la question: "En tant que membre
du conseil - j'y suis depuis le début - je peux dire en toute franchise
que la participation des deux parties au conseil a été
bienfaisante pour toute la société québécoise. Je
crois que ce serait rétrograder si on sortait de cette formule. On est
certainement plus présent, les deux parties, qu'on ne l'était
avant. Évidemment, il y a un problème qui surgit parce que c'est
paritaire; dans un vote paritaire, c'est toujours 7-7, c'est là qu'est
le problème. Je crois qu'avec le temps les choses vont finir par se
placer. Il faut que toutes les parties acceptent que cela est un processus qui
ne peut pas être rapide. C'est nécessairement lent quand c'est
là, mais je crois que les deux parties y gagnent. Je suis d'accord avec
cela."
M. Murray: II n'y a pas de contradiction avec ce que j'ai dit, je
n'ai pas dit que le conseil n'avait pas amené certains bienfaits. Pour y
avoir siégé deux ans, s'il n'y avait pas eu certains bienfaits
dans la réglementation... Sur les premiers pronostics qui étaient
demandés, si la partie patronale n'avait pas été
là, je peux vous dire que la loi 17 aurait été impossible
à mettre en place. Les gens l'ont réalisé; je pense que
les deux parties ont amené une contribution. Mais de là à
ce qu'il y ait une administration, que le chiffre de ses cotisations totales,
que la masse monétaire qui entre là ait doublé en quatre
ans - à peu près, on ne s'obstinera pas sur les points et les
virgules - dans un temps de récession, il y a quelque chose qui n'est
pas correct du côté administratif. La partie patronale, du
côté législatif, s'est plainte de deux règlements,
si ma mémoire est bonne, sur lesquels on n'a pas été
capable de s'entendre à la table: un que le ministre a imposé
directement et l'autre a été retourné parce qu'il y avait
un principe de base qu'on ne pouvait pas accepter. (18 heures)
II n'y a personne de la partie patronale, je crois, qui vous a dit que
le conseil d'administration n'était pas un pas en avant, mais de
là à ce qu'il soit la solution finale à une gestion saine,
je crois que vous pourrez trouver autant de déclarations de M. Drouin
qui vont vous dire le contraire. M. Drouin a beaucoup moins à se
plaindre que nous parce qu'il est encore sur la mutuelle. Enlevez-lui la
mutuelle pour répartir ses coûts et vous allez voir que M. Drouin
prendra la même politique que celle que j'ai prise. M. Drouin se plaint
des mêmes points que nous, mais il est moins taxé durement
à cause de l'effet des mutuelles dans les mines de métaux.
M. Fava: J'aimerais ajouter quelque chose...
Le Président (M. Jolivet): M. Fava.
M. Fava: ...et peut-être M. Dion aussi, juste pour
souscrire à ce que vient de dire M. Murray. Je pense bien qu'être
contre le paritarisme, c'est comme être contre la vertu; il s'agit de
voir comment le paritarisme est appliqué. Quand M. Drouin fait
référence à un processus qui est nécessairement
lent, l'étape qu'on voudrait voir franchir à la CSST - c'est ce
qu'on a soulevé tout à l'heure - c'est qu'on place vraiment la
CSST ou l'administration de la boîte sous la gouverne du conseil
d'administration. Pour nous, c'est une des principales sources de
problèmes et, finalement, de plaintes qu'on a contre la CSST.
Effectivement, ce n'est pas le conseil d'administration qui mène la
botte et on voudrait justement que ce soit le conseil qui la mène. Vous
offrez à M. Drouin le choix entre ce système et le fait que
l'État le prenne en main. Quand on offre des situations ou des choses
qui sont encore pires que ce qu'on a maintenant, je comprends que M. Drouin
soit contre. Quand on dit qu'on voudrait qu'une partie de cela revienne
à l'entreprise privée, M. le ministre, ce à quoi on fait
référence, c'est surtout à toute la partie indemnisation
et la partie assurances. C'est cela qu'on voudrait voir revenir à
l'entreprise privée.
Quant au conseil d'administration, outre le fait qu'on n'y soit pas
représenté, ce qu'on voudrait, comme disait M. Murray tout
à l'heure, c'est avoir vraiment un conseil d'administration qui
mène la boîte, ce qu'on n'a pas à l'heure actuelle à
la CSST. C'est dans ce sens-là qu'on dit: On n'est pas satisfait de ce
système.
M. Dion.
M. Dion: M. le ministre, je voudrais reprendre votre question de
tout à l'heure, du moins votre exposé superhumain, si l'on
peut dire, quand vous parliez de votre fils et de son fils. C'est
évident que, si on prend le problème comme vous l'avez
présenté, on peut se poser la question. C'est évident
qu'on ne voudrait pas voir son fils dans la misère parce qu'il a eu un
accident, que ce soit sur un chantier de construction ou ailleurs. Je ne pense
pas que ce soit ainsi qu'il faut poser la question. Votre fils travaille sur un
chantier de construction et il a un accident qui le rend invalide à 80%.
Mon fils joue sur un terrain de baseball et a le même accident qui le
rend invalide de la même façon. Pourquoi votre fils serait-il
indemnisé de façon à lui permettre une vie bien
spéciale, à toutes fins utiles - entre guillemets -
c'est-à-dire une vie normale, alors que le mien, parce qu'il s'est
simplement blessé sur un terrain de baseball, va peut-être passer
toute sa vie... Ce qu'on dit, c'est qu'il y a une partie de l'indemnisation
à laquelle l'industrie doit contribuer, parce que c'est quand même
un accident du travail sur un chantier de construction. Mais la partie sociale
du problème, c'est de ne pas laisser, durant toute sa vie, un être
humain handicapé dans une situation qui n'a pas d'allure. On se demande
si c'est réellement la job de la CSST, comme ce ne serait pas plus la
job de la société d'assurer que tous les handicapés de
l'industrie de la construction aient la garantie, pour toute leur vie, de
manger des filets mignons tous les midis, alors que le gars de Saint-Henri, qui
a eu le malheur de s'accrocher sur le trottoir et de tomber dans la rue, lui,
va manger du bacon. Il faut se poser la question.
M. Fréchette: Alors, M. Dion... Enfin, vous me posez une
question, je vais essayer d'y répondre. Votre fils qui joue sur le
terrain de balle et qui subit un accident aussi sérieux que celui qu'on
décrit pour les fins de la discussion va avoir, lui, la
possibilité de poursuivre en dommages, en vertu des règles du
droit commun, le responsable de l'accident dont il a été
victime...
M. Dion: Oui, s'il y a un responsable, M. le ministre, s'il y en
a un.
M. Fréchette: S'il y en a un, bien sûr.
M. Dion: Mon fils n'est peut-être pas aussi brillant que le
vôtre. C'est peut-être dans ses pieds qu'il s'accroche, je ne le
sais pas.
M. Fréchette: Non, mais il reste que sur le plan
théorique, bien sûr, il y a des possibilités de ce genre.
Et de surcroît, s'il y a un responsable à qui le tribunal demande
de rembourser les dommages à votre fils, il va retirer 250 000 $
probablement du tribunal de droit commun.
M. Dion: Encore là, M. le ministre, expliquez-moi pourquoi
ce bonhomme-là, le garçon qui est sur le chantier de
construction, on présume qu'il aurait réellement fini par faire
un ingénieur. Alors, il faudrait dire à tous les
étudiants: Venez sur les chantiers si vous êtes pour avoir des
accidents parce qu'on présumera que vous allez tous réussir vos
études.
Mme Harel: Ils vont se mettre devant...
M. Fréchette: On va continuer la discussion ensemble
après, si vous le voulez, M. Dion.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Fava, et merci
à vos collègues d'être venus devant la commission. Nous
allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures, alors que nous
rencontrerons d'abord le Conseil provincial du Québec des métiers
de la construction (international) et, en deuxième lieu, l'Ordre des
chiropraticiens.
(Suspension de la séance à 18 h 5)
(Reprise de la séance à 20 h 5)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente du travail reprend ses travaux aux
fins d'entendre les représentations des personnes et des groupes
intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles. Nous devons entendre ce soir, normalement,
dans les deux heures qui nous sont dévolues, le Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction (international) et l'Ordre
des chiropraticiens. Je sais que le conseil provincial nous a fait parvenir un
résumé du mémoire qu'il a présenté aux
membres de la commission. Je demanderais à M. Maurice Pouliot,
président-directeur général, de présenter les gens
qui l'accompagnent ainsi que le mémoire.
Conseil provincial du Québec
des métiers de la construction
(international)
M. Pouliot (Maurice): M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission parlementaire, pour débuter, on aimerait
qu'il y ait un genre de procédure qui soit acceptée sur la
façon dont le conseil provincial a l'intention de procéder.
J'aimerais vous lire le bref résumé, vous faire entendre le
témoignage d'un travailleur de l'industrie de la construction et
céder la parole au confrère Richard Goyette qui est
le permanent spécialiste et qui a préparé le
mémoire au nom du conseil provincial avec ma participation et celle du
confrère Normand Tousignant, de même que de Me Yves Clermont.
À ma droite, il y a le travailleur impliqué dans le
problème avec la CSST, ou la CAT, depuis 1962, M. Reynald Savoie; vous
avez à côté de moi Me Yves Clermont; à
l'extrême gauche, M. Richard Goyette, de l'Union internationale des
journaliers, local 62, licencié en droit et chargé de cours
à l'Université de Montréal sur la Loi sur les accidents du
travail, et le confrère Normand Tousignant, gérant d'affaires de
l'Union internationale des journaliers, local 62, licencié en droit.
En novembre dernier, l'honorable Raynald Fréchette, ministre du
Travail, déposait en première lecture le projet de loi 42 visant
à l'instauration d'un nouveau régime d'indemnisation des victimes
d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Le Conseil provincial
du Québec des métiers de la construction (international) doit
s'avouer pour le moins surpris: D'une part, le conseil prétend qu'il
aurait dû être invité par le gouvernement à faire
entendre sa position sur les pratiques administratives de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail et, d'autre part, il
s'avoue étonné par le contenu épuré,
distillé du projet de loi.
Le conseil provincial représente 31% des travailleurs de
l'industrie de la construction, soit 27 500 travailleurs regroupés dans
27 locaux où l'on compte tous les métiers, emplois ou occupations
que l'on retrouve dans le secteur de l'industrie de la construction. Le conseil
provincial possède, de par ses fonctions, une bonne expertise du milieu
de la construction et une connaissance profonde des besoins réels de sa
population. En regard du présent dossier, nous avons su acquérir
et développer une compétence en ce qui a trait au domaine de
l'indemnisation des victimes d'accidents du travail ou de maladies
professionnelles.
Nous croyons fermement que pour donner un éclairage précis
à la commission il serait illusoire de vouloir dissocier la loi des
pratiques administratives. Les actes posés jour après jour par la
Commission de la santé et de la sécurité du travail dans
l'administration du régime nous apparaissent en complet désaccord
avec l'économie de la loi que cette même commission a à
faire respecter.
Le conseil provincial international se propose de démontrer
à la commission que la Commission de la santé et de la
sécurité du travail agit comme si, de fait, ses
intérêts allaient directement à l'encontre de ceux des
accidentés. Pourtant, son mandat principal ne vise-t-il pas
précisément à indemniser les accidentés et les
bénéficiaires pour les conséquences qu'entraîne pour
eux un accident ou une maladie professionnelle?
Pour notre part, nous ne pouvons qu'insister sur l'importance que
représente un tel régime pour les travailleurs de l'industrie de
la construction sur une base proportionnelle. Le nombre de travailleurs
admissibles au régime d'indemnisation ou qui ont recours aux services de
la CSST classe notre secteur industriel parmi les premiers utilisateurs du
régime. Ce n'est pas par choix que cet état de fait se
perpétue. C'est donc sur une base quotidienne que les travailleurs de la
construction et leurs représentants sont en contact avec la
commission.
De plus, tout l'aspect de réadaptation sociale devient un des
enjeux dominants dans ce débat. Ainsi, dans l'optique de la mise en
oeuvre d'un régime complet d'indemnisation, nous revendiquons une
couverture complète pour les travailleurs qui doivent quitter
l'industrie à cause d'un handicap. Nous ne pouvons que dénoncer
le sort peu enviable réservé à ces travailleurs lors de
leur prise en charge par le service de la réadaptation sociale.
Le premier aspect abordé dans notre mémoire porte sur les
agissements de la commission. Non satisfaite des pouvoirs explicites
prévus par la loi, la commission s'arroge des pouvoirs qui sont trop
souvent au détriment des accidentés et de leurs
intérêts. Le cas des directives administratives, manuels
d'instructions et autres, en sont un exemple concret.
À de nombreuses reprises, nous avons eu à convaincre la
commission, ses fonctionnaires ou ses bureaux de révision que les
directives vont à l'encontre de la loi et privent les accidentés
d'indemnités auxquelles ils ont droit. Notre mémoire en fait
largement état et nous sommes prêts à en discuter la
portée avec cette commission parlementaire. Mais rappelons-nous,
à ce stade-ci, le fameux dossier portant sur les directives visant le
calcul du taux d'inaptitude à reprendre le travail. Par ces directives,
la commission se réserve une discrétion qui, dans de nombreux
cas, s'est matérialisée par l'arbitraire. La réadaptation
sociale, à titre d'exemple, n'agit ou n'intervient que par le biais de
ces politiques ou manuels d'instructions.
Il est vrai que dans les cas particuliers la loi lui accorde une grande
discrétion. Mais la commission s'est servi de cette discrétion
afin d'éviter de verser des indemnités aux accidentés. Le
projet de loi 42 ne vient-il pas tout simplement légaliser par la force
ce régime de directives et ce, sans garantie de droits précis
à l'accidenté? Plus précisément, nous vous
référons à l'article 140 qui prévoit le contenu des
politiques que la commission a pu adopter. Or, ces directives existent
déjà et sont appliquées quotidiennement. C'est
pourquoi notre critique s'appuie sur une base pratique et non
théorique.
En ce qui a trait au régime d'indemnisation, le projet de loi
propose le remplacement du régime actuel par l'indemnité de
remplacement de revenu. Or, le lecteur ne peut qu'être consterné
devant l'imprécision que comporte ce texte. Plus
particulièrement, nous nous interrogeons, dans un premier temps, sur la
durée possible de l'indemnité de remplacement de revenu et, dans
un deuxième temps, sur la discrétion qu'a la commission de mettre
fin à cette indemnité. Ainsi la durée de l'IRR n'est pas
basée sur des critères objectifs en regard de la lésion et
de la condition de l'accidenté, mais sur une période de temps.
Cette pratique paraît pour le moins surprenante dans le cadre de
l'indemnisation de remplacement de revenu. Quant au principe des
indemnités permanentes, elles représentent sans l'ombre d'un
doute une diminution à peine voilée du régime actuel.
En dernier lieu, on ne peut passer sous silence la réforme
proposée en matières de révision et d'appel. Le conseil
provincial international s'oppose, dans un premier temps, aux révisions
administratives; ce genre de révision nie le droit de
représentation. Nous devons avouer avoir une confiance limitée
sur les principes mêmes.
En contrepartie, nous sommes prêts à appuyer le principe du
bureau de révision sous réserve de la compétence de ses
membres et de l'indépendance dont jouiront ces derniers par rapport
à la commission. Si le législateur tient à conserver le
système actuel, où les arbitres se sentent plus liés aux
directives qu'à la loi, nous ne voyons aucun intérêt dans
l'un ou l'autre des deux systèmes sous réserve de la
compétence et de l'indépendance administrative.
D'autre part, en matière d'appel, il y aura un
intérêt certain à agir de façon à faire
diminuer l'attente avant d'être entendu devant la Commission des affaires
sociales.
Recommandations. Ce qui retient principalement l'attention, lorsqu'on
s'attaque à l'étude de la réforme proposée par le
ministre Fréchette, c'est la nette démarcation entre le
régime actuel et celui qui est proposé. Ce nouveau régime
vient amoindrir en grande partie les acquis des travailleurs en ce qui a trait
à la protection financière et aux prestations en
général dans les cas d'accidents du travail. Nous ne pouvons
comprendre qu'un régime social qui aurait pour objet la
réparation des lésions professionnelles et des
conséquences qu'elles entraînent pour un
bénéficiaire et qui se voudrait à la mesure de notre
société soit rétrograde et représente un bond en
arrière de plus de 50 ans, puisque la loi de 1931 offrait à
l'accidenté une plus grande protection. (20 h 15)
Le ministre, dans un tel cas, n'aurait que trois solutions.
Première hypothèse: le ministre fait adopter le projet de loi et
on ne parlera plus de réforme, mais de contre-réforme ou de
retour en arrière. Deuxième hypothèse: le ministre,
constatant le net recul qu'accuse le projet de loi 42 par rapport à
l'actuelle Loi sur les accidents du travail, retire le projet et il n'y a pas
de réforme. Troisième hypothèse: le ministre reprend
plutôt comme projet de loi l'avant-projet présenté vers
décembre 1980 et qui, malgré de nombreuses lacunes, pouvait au
moins porter le qualificatif de réforme.
Ce qui est surprenant, c'est que depuis 1980 la commission a, en maintes
occasions, soumis aux parties des avant-projets de loi, principalement, les
versions du 27 novembre 1980, du 15 août 1981, du 3 mai 1982 et d'octobre
1982. À chaque nouvelle version, le texte proposé devenait plus
terne et la protection accordée au travailleur diminuait constamment. Le
projet présenté par le ministre est celui qui, de toute cette
gamme, est le plus vide.
Vous nous permettrez, M. le ministre, de nous interroger
sérieusement sur une telle attitude. Pourquoi, d'un projet de
réforme acceptable sur une base de principe, en est-on arrivé
à un projet de contre-réforme?
Je voudrais aussi ajouter, M. le Président, qu'il y a
différentes déclarations qui ont été
mentionnées par le Conseil du patronat ou l'AECQ cet après-midi.
Ainsi, dans le décret de l'industrie de la construction, il y a un
article qui est l'article 32.02, qui mentionne très clairement
qu'à l'intérieur du décret, il ne peut pas y avoir des
articles qui vont à l'encontre de la loi. Donc, lorsqu'on dit que si,
effectivement, ces clauses viennent à l'encontre du décret,
automatiquement, elles s'annulent par le contenu du décret de
l'industrie de la construction. Je pense qu'on a une opinion différente
de celle de l'Association des entrepreneurs en construction et du conseil
provincial international. Quant aux mésententes qui existent
vis-à-vis de la réforme, on peut sûrement parler de
l'association sectorielle dans l'industrie de la construction qui, depuis 1979,
doit exister et qui, finalement, n'existe pas encore, si ce n'est que le
Conseil des ministres a adopté la recommandation du P.-D.G. de la
CSST.
Quant à nous, nous ne croyons pas que ce soient les employeurs ou
les entrepreneurs qui paient la CSST. On a plutôt tendance à
croire que ce sont les consommateurs qui paient, car les entrepreneurs
facturent les consommateurs et c'est compris dans le taux horaire imposé
pour un travailleur de l'industrie de la construction, qui peut être
rémunéré au taux de 15 $ l'heure, quand, finalement, on
impose au consommateur un taux de 25 $, 30 $ ou 35 $ l'heure. Donc, qu'on cesse
de jouer aux misérables sous cet
aspect-là.
Évidemment, dans le cas des accidents sur les chantiers de
construction et sûrement dans d'autres secteurs, je n'ai pas vu beaucoup
d'employeurs ou de patrons qui se sont fait mutiler ou tuer sur des chantiers,
mais il y a des travailleurs, en nombre très considérable, qui
ont, tous les jours ou toutes les semaines, des accidents. On peut se rappeler
sûrement un chantier comme celui de Sainte-Foy, qui a tout de même
fait la manchette des journaux. Une multitude de travailleurs de l'industrie de
la construction ont laissé leur vie sur les chantiers. Je pense que le
gouvernement doit en tenir compte pour améliorer le sort des
travailleurs de l'industrie de la construction en ce qui nous concerne.
Évidemment, des questions sont posées, à savoir si
l'industrie de la construction est un secteur particulier. Je pense que c'est
assez clair que, quand le chantier est terminé, le travailleur doit s'en
aller sur un autre chantier, mais il y a sûrement des formules
d'adaptation qui pourraient être apportées dans le projet de loi
actuel. C'est ce que le conseil provincial recommande à la commission
parlementaire. Il ne faudra sûrement pas revenir, lors de l'adoption du
projet de loi 17, à propos des représentants à la
prévention... Effectivement, ce sont des articles qui sont dans la loi
mais qui sont inapplicables pour l'industrie de la construction. On avait
d'ailleurs soumis des commentaires à votre prédécesseur
concernant la prévention dans la construction, en collaboration avec
cinq associations représentatives. Cela posait un problème
majeur, surtout sur les petits chantiers.
Je vais céder la parole à un des travailleurs de
l'industrie de la construction qui a, comme je vous le mentionnais au
début de mon exposé, des problèmes avec la CAT ou la CSST
depuis 1966. On pourra voir le sérieux de l'affaire. Par la suite, M.
Goyette prendra la parole. Je cède donc la parole à M. Savoie, un
travailleur impliqué là-dedans.
M. Savoie (Reynald): Bonsoir, M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés. Mon nom est Reynald Savoie. Je suis un
accidenté du travail depuis 1962 et j'ai eu plusieurs rechutes par la
suite. Aujourd'hui, après mille reprises et mille demandes à la
commission, j'ai réussi à me rendre aux affaires sociales et,
là, je passe le 1er mars 1984. On y passe le tiers de mon dossier; on ne
veut pas passer le dossier au complet. Aujourd'hui, je voudrais savoir pourquoi
on ne veut pas passer mon dossier au complet. Si je pouvais avoir une
réponse, il me semble que je serais un gars heureux, parce que, aux
affaires sociales, je ne peux plus y revenir. C'est fini.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Fréchette: Je crois comprendre qu'on va prendre note de
la question de M. Savoie. On va laisser l'autre intervenant s'exprimer. On
pourra revenir à votre dossier, M. Savoie.
M. Savoie: Parfait. Merci beaucoup. Le Président (M.
Jolivet): M. Goyette.
M. Goyette (Richard): Plutôt que de lire le mémoire
qu'on vous a présenté, on a plutôt décidé de
le discuter. Or, notre intervention risque d'être un peu décousue
dans le sens où la façon de le présenter serait comme
suit: premièrement, le projet de loi proposé, ensuite, la loi
actuelle et, finalement, ce qui sous-tend cela, les pratiques administratives.
On aurait beau nous présenter le plus beau projet de loi, si on ne
connaît pas les mesures administratives qui s'appliquent
présentement à la CSST, cela a quand même des
répercussions.
Quant à savoir justement s'il s'agit d'une nouvelle loi, on peut
être un peu surpris, premièrement, parce que cette loi, sous
certains aspects, a servi de banc d'essai. Les reconsidérations
administratives à la CSST, cela existe déjà. La
réadaptation sociale, le calcul du taux qu'on nous propose, cela a
été tenté. Que rien ne soit réservé ou
presque rien pour les travailleurs avec un handicap lourd, cela existe
déjà. Qu'il n'y ait pas de retour au travail d'accordé
dans le cas des salariés de la construction, cela se continue.
Le premier point sur lequel on aimerait attirer l'attention de la
commission, ce sont sur les pouvoirs de la commission. La commission a quand
même un pouvoir très large en matière réglementaire.
On n'a qu'à regarder l'article 223 de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, paragraphes 41 et 42 ou, dans la Loi sur les
accidents du travail, l'article 124z, qui prévoit que la commission peut
faire des règlements pour généralement prescrire toute
autre mesure pour la mise en application de la présente loi et, dans le
nouveau projet de loi, on lui accorde le même pouvoir
réglementaire, très large, de prescrire à peu près
n'importe quel règlement du moment que cela entre dans le cadre de cette
loi. Déjà, plusieurs intervenants se plaignent de la lourdeur de
la réglementation.
Il y a un problème là, peut-être. Mais, dans le
second aspect, à l'intérieur de cette réglementation, ce
qu'il faut observer, c'est qu'au moins il y a un certain contrôle. La
réglementation étant publiée, il y a au moins des
délais. On peut voir ce qui se produit à la commission. Il y a
quand même certaines
critiques, oppositions, etc. Mais la commission n'agit pas toujours par
règlement et même trop souvent elle agit par directives. Le cas du
fameux article 38.4 en est un exemple concret. La commission a le pouvoir, en
vertu de l'article 124m, par exemple, de faire un règlement sur le
déficit anatomophysiologique et l'inaptitude à reprendre le
travail. La commission avait le pouvoir de faire un règlement
là-dessus. Elle a présenté un règlement,
effectivement, sauf qu'il était à ce point impopulaire qu'il y a
eu des articles de journaux, l'aide juridique, l'association des
médecins, les syndicats, etc., qui l'ont dénoncé, et on
l'a retiré. Qu'a fait la CSST? Elle a agi par une directive, ou la
directive existait déjà, peu importe. Comment se fait-il qu'un
pouvoir réglementaire qui est prévu à la loi puisse
être exercé ainsi, qu'il se produise des choses comme
celle-là? Donc, immédiatement, la latitude permise à la
commission en matière administrative, on la trouve déjà
trop large.
Il y a d'autres directives de cette nature, par exemple, celle de ne pas
accepter l'aggravation sur un lieu de travail quand les articles 43 et 44 de la
loi prévoient qu'on peut avoir une aggravation sur un lieu de travail.
Présentement, ce n'est pas accepté. L'article 65 du nouveau
projet de loi nous parle aussi du revenu d'un travailleur qui aura une rechute.
Or, est-ce qu'on va prendre son revenu dans le milieu de travail ou si on va
encore se voir appliquer les directives qui existent présentement? Pour
ce point, par exemple, cela demeure tel quel. Concernant le calcul du taux
d'indemnisation, la loi actuelle prévoit, à l'article 46, une
façon de calculer le taux. Et pourtant, on nous a sorti des directives
il n'y a pas si longtemps où on faisait complètement le calcul du
taux d'une indemnisation basée sur la nouvelle loi. Or, comment, sous
l'empire de la loi actuelle, pouvait-on présenter des directives qui
sortaient d'une autre loi et qu'on voulait faire appliquer en s'appuyant sur le
contrat à durée déterminée? Et on voulait
même calculer les prestations d'assurance-chômage là-dedans.
On mettait déjà au banc d'essai le projet de loi que vous avez
aujourd'hui sous les yeux. Donc, on a vécu cela. C'est un autre
problème.
Est-ce que la commission peut se permettre, précisément,
d'émettre des directives quand il y a une loi qui est prévue?
C'est important comme question de fond. Prenons par exemple, encore une fois,
dans la nouvelle loi, les articles 138 et suivants qui vont parler de
réadaptation sociale. Le travailleur, à 138 a droit à ce
que requiert son état, etc. La commission peut, à l'article 139,
aux paragraphes 1 , 2 et 3 , développer, évaluer, effectuer.
À l'article 140, on voit qu'elle peut adopter des politiques, au
deuxième pararagraphe, adopter des politiques, au troisième
paragraphe, et adopter des politiques, au quatrième paragraphe. Or, ces
directives existent déjà et, entre autres, l'article 2 sur le
véhicule, c'est déjà un règlement; c'est
déjà prévu.
Il n'y a rien de nouveau ici en matière de réadaptation
sociale, fondamentalement, puisque le régime de directives existe et est
appliqué dans le manuel de directives de la commission. On a des
exemples concrets de ce que cela peut donner. Par exemple, on a des
employés de la construction qui ne pouvaient plus exercer leur travail,
qui ont été placés dans une compagnie où on les
payait en dessous de la table, avec des banques d'heures. Ils étaient
placés par la réadaptation sociale. Ils faisaient du travail au
noir; on ne leur permettait pas de prendre du temps pour leur lunch. Ces gens
avaient eu des discoïdectomies ou avaient été blessés
au dos, etc. Quand ces gens-là se sont plaints, on leur a dit:
Écoutez, vous risquez de perdre... Les menaces, on sait ce que c'est.
Certaines de ces personnes ont démissionné. On a
été obligé de faire déposer des plaintes à
la Commission des normes du travail. On a même représenté
certaines personnes à l'assurance-chômage, parce qu'on disait que
c'étaient des départs volontaires, et jamais la
réadaptation sociale ne les a aidées. Cette compagnie
subventionnée par la CSST, où des travailleurs de la CSST
travaillaient, leur devait des sommes allant jusqu'à 3000 $, et on a des
preuves de cela. Il y a une des dames - elle n'était pas de la
construction, mais elle était dans le groupe qu'on a replacé
ailleurs - qui nous appelait encore dernièrement pour nous dire:
L'employeur me doit dix heures, ou encore, mon dernier chèque de
l'employeur était insolvable. On se retrouvait dans le même
processus. (20 h 30)
Or, pour nous, le principe des politiques administratives, c'est
uniquement de l'arbitraire et du discrétionnaire. Dans un régime
comme cela, où la réadaptation peut être à ce point
importante, on ne peut permettre que tout le régime de
réadaptation sociale soit uniquement basé sur des politiques et
des directives. Cela prend des textes clairs et des droits précis. Au
moins, le règlement, on le voit, il est publié, mais la
directive, très peu. Avec ce régime-là, le
législateur, je pense, légalise l'arbitraire. À quoi sert
ce régime de réadaptation sociale? J'entendais le Conseil du
patronat ou l'AECQ parler du fameux article 38.4. Jamais la commission n'a pris
la responsabilité de payer en vertu de l'article 38.4. C'était
prévu dans la loi, ce n'est pas une invention, sauf qu'ils l'ont
trouvé à un moment donné, cela a été
plaidé. C'est-à-dire qu'une personne a une diminution physique,
plus une conséquence socioprofessionnelle. La
commission, par ses directives, en prive les accidentés, donne
une petite rente et paie de l'assistance financière, recherche d'emploi
pour un an, etc. Mais c'est prévu dans la loi et le régime de
réadaptation sociale sert à camoufler ce que la loi
prévoit et ce à quoi les gens auraient droit en matière
d'indemnisation. Par exemple, un travailleur de la construction se fait couper
une main, c'est 35%, supposons, le DAP physique. Comme conséquence, il
ne peut plus travailler sur la construction, il lui manque une main. On va donc
l'envoyer en réadaptation sociale et, à la fin du processus, on
va lui accorder un petit taux d'IRT basé sur huit variables,
divisé par 1792, multiplié par deux, multiplié par le DAP,
etc., formule très savante. Ah! il y a le facteur d'ajustement
d'âge aussi. Ses 35%, cela va très peu gonfler. Supposons qu'il se
retrouve à 40, mais, à 40, il lui manque une main et il ne
travaille plus. On va le mettre sur un programme d'un an. Après un an,
qu'arrive-t-il? Il reste 40? Il ne reste pas grand-chose. Mais une main, c'est
important. On a des bonshommes qui peuvent avoir, par exemple, de doubles
hernies discales au niveau du dos, et qui vont se retrouver avec un petit
pourcentage, mais, dans la construction, ils ne seront peut-être plus
recyclables. Ils vont se retrouver avec quoi? Peut-être 4%
d'incapacité, on va peut-être monter à 7% avec l'IRT; pour
le reste, qu'est-ce qui va arriver? Il va avoir une rente à vie de 7%,
parce que les directives sont totalement déphasées de la
réalité. Faites-en le calcul. Sortez des cas précis
à la commission; on peut en soumettre, c'est complètement
déphasé de la réalité.
Ce qui ne règle pas l'article 3B.4, avec le nouveau projet de
loi, c'est quant à la durée de l'indemnité. L'article 57
prévoit, par exemple, que, lorsqu'on retirera une rente
d'invalidité, cela pourra mettre fin au IRR après trois ans.
D'autre part, la façon un peu arbitraire dont on pourrait, en vertu de
l'article 79, calculer le revenu présumé qu'une personne devrait
faire après trois ans, cela ne remplace pas l'article 38.4, puisqu'une
personne qui possède un dommage à vie de 20% ou 30%, ou peu
importe, de diminution de capacité de gain ne voit pas son cas
réglé automatiquement par l'application de ces deux articles.
Il y a aussi d'autres facteurs qui peuvent intervenir dans ce type de
débat. Par exemple, nous avons une directive de l'Office de la
construction pour le moins surprenante. En vertu de l'article 81 de la Loi sur
les relations du travail dans l'industrie de la construction, "l'office peut,
par résolution, accorder à tout salarié d'après la
preuve jugée suffisante d'aptitudes physiques ou mentales restreintes un
certificat l'autorisant à travailler à des conditions
déterminées et différentes de celles prévues par le
décret". Dans un tel cas, l'office prévoit que le taux de salaire
devait être payé au salarié serait égal à
100% du salaire horaire spécifié au décret, diminué
du pourcentage d'incapacité partielle et permanente tel qu'établi
par l'organisme impliqué.
Il y a par exemple, un taux prévu de 10 $ au décret. Mon
bonhomme en question a 10% d'incapacité. Je vais le payer 7,50 $
l'heure. C'est une directive qui existe présentement à l'Office
de la construction. Est-ce que c'est un mode de réadaptation sociale? Je
m'interroge sérieusement sur tout ce qui couvre le système de
réadaptation sociale. Est-ce que c'est un débarras pour ne pas
payer en vertu de l'article 38.4? Cela pourrait être un peu le cas. Mais
on s'interroge. Du moins, on réfléchit.
J'aurais une lettre qu'on a envoyée à quelqu'un, pour vous
montrer un peu de quelle façon cela fonctionne, peu importe les droits
qu'on accorde dans la loi aux accidentés, pour voir comment cela se
passe dans la réalité. On sait qu'il y a le DAP, c'est la perte
physique; il y a l'IRT, c'est la conséquence socioprofessionnelle. Ce
sont deux choses. Ces deux choses-là, l'une sur l'autre, cela s'appelle
l'incapacité partielle permanente.
Un monsieur reçoit ici une lettre. "Le service de la
réévaluation administrative -qui n'existe pas supposément
en vertu de cette loi; il doit exister en vertu de la nouvelle loi, mais il
existe déjà - a procédé à une nouvelle
étude de votre dossier suite à la réception de la lettre
du 4 mai 1984 du syndicat. "Nous aimerions vous informer que lorsque nos
médecins examinateurs fixent une incapacité partielle et
permanente, ils se basent sur le règlement no 59, c'est-à-dire le
barème des déficits anatomophysiologiques. "Dans votre cas, il
fut démontré que votre taux d'incapacité, suite à
votre accident du 11 août 1980, était de 5%. Nous vous incluons
une photocopie de l'expertise. "Afin de pouvoir procéder à une
nouvelle étude de votre dossier, il serait important que votre
médecin traitant nous fournisse une contre-expertise médicale
démontrant que votre taux d'incapacité partielle permanente est
inadéquat. "Sur réception de tel document, nous verrons..."
Cela induit le monde en erreur en maudit! Parce que l'IPP n'est pas le
DAP. Ce sont deux choses. Or, comment peut-on se permettre d'envoyer une lettre
qui dit à une personne: Tu sais, Bill, tu as 5% de DAP. C'est ton IPP.
Va voir ton médecin. C'est certain que le médecin va dire: Bien,
oui. Le barème est de 5%. À la fin, on dit à cette
personne: S'il n'y a pas autre chose à faire, désiste-toi.
La lettre apparaît dans le mémoire.
Page 43, et c'est là induire les gens en erreur. Je ne comprends
pas que cela puisse exister présentement. Mais cela existe.
Or, quand vous me demandez: Est-ce que en vertu de cela, 57, la
durée, les critères subjectifs de la façon de
procéder à compter de la quatrième année du
début de son incapacité de travail, si le salarié demeure
incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle
mais qu'il est capable d'exercer un nouvel emploi, son indemnité est
réduite? Mais la base et de façon dont cela va se produire,
comment est-ce que cela sera? Quels seront les critères? Comment cela
va-t-il se produire? Cela retombe alors complètement dans la
discrétion administrative que possède déjà la
commission.
Il y a aussi lorsque quelqu'un s'est plaint et envoie une lettre aux
journaux. Celle lettre apparaît dans notre mémoire au niveau des
communications. Une personne s'est plainte au niveau des soins médicaux,
des services reçus. On a trouvé dans son dossier une lettre
disant, à la page 53, à propos des communications à
"actions à envisager": "Nous ne croyons plus utile de répondre
par la voie des journaux. Nous comptons cependant répondre à
l'accidenté." C'est la CSST qui écrit cela. La lettre
apparaît dans le mémoire. "Nous comptons rendre visite aux
directeurs de l'information du Journal de Montréal, de la Presse et du
Devoir. "Notre démarche visera uniquement à leur faire
connaître plus à fond le dossier de cet accidenté de
façon verbale et de leur faire connaître notre réponse.
"Nous leur demanderons également de nous communiquer de telles lettres
avant publication afin de nous permettre de fouiller le dossier et de faire
connaître notre réponse. Après quoi, ce sera à eux
de décider s'ils publient quand même. "Une telle démarche
nous permettra de ne pas être pris au dépourvu dans l'avenir et
contribuera, nous l'espérons, à l'élimination partielle de
telles lettres dans la page du lecteur. "Il faut noter que le journal The
Gazette ne publie jamais de telles lettres mais nous les fait parvenir pour
réponse. Ils ont adopté ce système dans le cadre de leur
chronique "Gazette Probe". "Si nous atteignons notre objectif, cela contribuera
à améliorer notre image." Je le leur souhaite.
Une autre question: Est-ce qu'on doit conserver les bureaux de
révision tels que structurés présentement? Cela pose des
maudites questions. Est-ce qu'on doit adopter le style des
reconsidérations administratives? Je vous ferai remarquer, en premier
lieu, que nous vivons les révisions administratives. Comme je vous le
disais tout à l'heure, ils ont trouvé le moyen de les introduire
dans leur régime avant même que cela soit légalisé.
Je ne sais pas si le fonctionnaire s'appuie sur l'article 63.3 mais cela fait
quand même deux fonctionnaires qui rendent des décisions
là-dessus. Peu importe, ils ont trouvé le moyen. Donc, on l'a
vécu. On a une bonne expérience de ce que c'est. Cela ressemble
à non, non, non.
Pour notre part, la reconsidération administrative, quand un
fonctionnaire peut prendre une décision dans son bureau, seul, sur un
dossier préparé par la commission, nous paraît pour le
moins surprenante et déraisonnable. Que l'accidenté ou son
représentant ne puisse pas être entendu, ne puisse pas faire de
preuve, ne puisse pas présenter de témoin, est un signe, quant
à l'équité, que cette juridiction que possède la
commission est un peu vite faite. D'un autre côté, je dois avouer
qu'on met en doute à certains moments la compétence et
l'indépendance administrative de certains membres des bureaux de
révision qui ont à entendre nos appels. Le mémoire
révèle certains cas que vous avez sans doute vus. Par exemple,
à une objection préliminaire, vous n'avez pas le droit de
réplique. Une telle chose est parfois très farfelue. Vous
retrouvez cela dans la partie de notre mémoire parlant du droit d'appel.
Or, effectivement, on ne peut pas refuser d'appliquer la loi carrément.
On nous dit: Nous sommes liés par les directives. Oui, mais la loi dit
le contraire. Alors on est pris entre les deux: les directives administratives
ou les bureaux de révision. En première instance, est-ce qu'il
n'y aurait pas moyen de proposer des bureaux de révision
compétents et indépendants, politiquement, de la commission? Mais
qu'ils n'appliquent pas de directives, qu'ils appliquent une loi et une
réglementation. Sans cela, on aura beau avoir n'importe quelle loi, cela
ne change rien, on va continuer à faire des directives.
Dans un autre ordre d'idées, le juge Sauvé, dans son
fameux petit discours, "La révision et l'appel en droit administratif,
un luxe ou une nécessité", disait: Vous savez, il reste d'autres
recours pour l'accidenté. Il reste l'évocation et la Loi sur le
Protecteur du citoyen. On sait très bien que l'article 17 de la Loi sur
le Protecteur du citoyen ne s'applique pas quand il y a un palier d'appel et
que l'évocation est pour le moins coûteuse pour un
accidenté du travail. Que le juge Sauvé en fasse état
comme moyen d'appel nous paraît aussi pour le moins surprenant dans cette
démarche. Je pense que le cadre de la loi devrait prévoir quelque
chose de plus mesurable. D'autant plus que dans la loi, on fait sauter les
bureaux de révision pour les accidentés du travail, les
indemnités, etc. Mais on les conserve pour l'employeur en matière
de cotisation, selon les articles 220 et 221. Lui, il a le droit d'y aller.
Article
220: L'employeur peut demander à la commission une
reconsidération administrative. Article 221: L'employeur qui se croit
lésé par une décision rendue peut interjeter appel devant
un bureau de révision. Je trouve cela aussi pour le moins spécial
qu'un employeur puisse s'en aller en révision, se faire entendre sur une
question d'argent et que le travailleur, lui, ne puisse pas se faire entendre
s'il a un bras coupé. C'est quoi? (20 h 45)
II me semble qu'une cotisation est plus technique. Cela pourrait se
faire par une reconsidération administrative, pour une personne qui a un
gros handicap ou qui a une preuve médicale à produire, etc.
D'autre part, ce qui serait important, c'est que toute la loi soit
couverte par le palier d'appel de la CAS. C'est un peu inadmissible qu'il y ait
seulement les indemnités qui soient couvertes et non la
réadaptation sociale ou l'assistance médicale. Je pense que la
définition de prestation prévoit trois choses: une
indemnité versée en argent, une assistance financière ou
un service fourni. De tout cela, on devrait pouvoir en appeler parce que, de la
façon dont ont évolué les lois en matière
d'accidents du travail, on ne parle plus aujourd'hui uniquement
d'indemnité, on parle de soins médicaux, on parle de
réadaptation sociale, on parle de nombreux éléments. Tous
ces éléments sont aussi importants et on devrait pouvoir en
appeler de toute la loi, si on doit avoir un droit d'appel.
La perle qu'on retrouve dans le projet de loi 42, c'est l'article 250.
C'est la possibilité pour la commission de revoir les décisions
déjà rendues par la Commission des affaires sociales selon
certains critères: lorsque la décision à réviser a
été rendue sur des pièces ou allégations dont la
fausseté... etc.; lorsque, depuis la décision, il a
été découvert des pièces décisives dont la
production aurait pu..., etc.; lorsque, depuis la décision, il a
été découvert une preuve et qu'il appert que, si elle
avait été apportée à temps, la décision
eût probablement été différente, qu'elle
n'était connue d'aucune partie..., etc.
Cela existe dans le Code de procédure civile, mais c'est
l'instance qui a entendu l'appel qui se sert de cela pour réviser sa
décision et non pas l'organisme de contrôle sur lequel on a
exercé une décision qui vient par la suite dire: De toute
façon, je la change à cause de faits nouveaux, etc. C'est pour le
moins particulier comme démarche d'autant plus que l'article 23 de la
Loi sur la Commission des affaires sociales reconnaît déjà
ce principe: "La commission a tous les pouvoirs nécessaires à
l'exercice de sa juridiction et elle peut, notamment, rendre toute ordonnance
qu'elle estime propre à sauvegarder les droits des parties. Elle a le
pouvoir de décider toute question..." "La commission peut, pour cause,
réviser ou révoquer toute décision ou ordonnance qu'elle a
rendue." Il y a des décisions qui ont été rendues sur
cette base-là - ce n'est pas nécessairement en appel - quand des
faits semblables sont survenus. Pourquoi remettre cela entre les mains de
l'organisme en dessous quand c'est lui qui est surveillé? Du moins, je
présume que la CAS est un tribunal supérieur, entre guillemets,
mais il reviendrait bien plus à la CAS de lui laisser cette juridiction
plutôt que de ramener cela à la commission parce qu'alors on fait
le processus en rond.
Il semblerait que la CSST exige une espèce de contrôle
total et discrétionnaire dans tous les domaines: l'assistance
médicale, par exemple, à l'article 132, où on a fait
disparaître par rapport à l'ancienne loi "sur toute contestation".
Les articles se ressemblent beaucoup, mais on a fait disparaître les mots
"de toute contestation". Autre chose dangereuse en matière
médicale, c'est la façon dont les employeurs vont pouvoir se
permettre d'avoir les dossiers des travailleurs même en ce qui ne regarde
pas une lésion professionnelle. Pour cela, il faut prendre l'article 134
où il est inscrit que le professionnel de la santé doit fournir
les rapports et qu'il doit aussi fournir à la commission tout autre
rapport qu'elle lui demande sur l'état de santé du travailleur.
Ce n'est pas précisé que c'est relatif à un accident du
travail, qu'elle le lui demande sur l'état de santé du
travailleur. Si vous prenez l'article 45, vous allez voir ce que le
médecin de l'employeur peut faire: "Malgré la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels, (L.R.Q., chapitre A-2.1), le professionnel de la
santé désigné par l'employeur au service duquel se trouve
le travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle a
droit d'accès au dossier médical ou de réadaptation que la
commission possède au sujet de ce travailleur." Il peut exister, en
vertu de l'article précité, 134, des choses personnelles dans ce
dossier qui n'ont rien à voir avec cela. Cela peut se retrouver dans ce
dossier. Autre exemple, ce sont les fameuses directives qui sont
arrivées sur la physiothérapie à la suite du rapport
Duranceau où l'on dit qu'on fait exclusion de la colonne
vertébrale puisqu'on avait étudié le système
locomoteur et cela s'était fait par la médecine sportive et non
pas sur des lésions imputables de manière industrielle. Dans ce
même rapport, quand ils ont sorti les directives, ils ont dit: Cela
s'applique aussi au rachis, même si le rapport Duranceau l'excluait
totalement. Les droits diminuent aussi sur les prothèses. Vous aurez
sans doute remarqué que dans le cas des prothèses, si vous brisez
votre prothèse à
l'occasion du travail, elle n'est plus couverte par la loi. Elle n'est
couverte que si elle se brise par le fait du travail. Or, on sait toute
l'importance qu'a la notion de "à l'occasion du travail", et là,
avec le nouveau projet de loi, ce n'est plus couvert. Il y a aussi la
franchise. Le principe voulant que l'on reconnaisse habituellement la
prothèse comme faisant partie de la personne humaine semble ici
légèrement tordu, puisqu'on ne le reconnaît pas à
l'occasion du travail, alors que cela peut très bien arriver sur les
lieux de travail, à l'occasion du travail; plusieurs décisions
ont été rendues là-dessus. Dans un deuxième temps,
qu'on perçoive une franchise sur l'intégrité de la
personne, ça aussi, c'est surprenant.
D'autres petits détails qui parcourent longuement cette loi, ce
sont toutes sortes de points qui... La commission peut - par exemple, l'article
122 - réduire les indemnités pour un bénéficiaire
si le travailleur, sans raison valable, pose un acte qui empêche ou
retarde sa guérison. Dans la loi actuelle, ce n'est pas "pose un acte".
C'était qu'il persiste dans des pratiques malsaines. Entre poser un acte
et persister dans des pratiques malsaines, j'espère qu'on voit la
différence; mais chaque fois qu'on regarde un petit bout de la loi, les
prothèses, l'assistance, il y en a un autre bout de parti, c'est
toujours cela qui devient pour le moins achalant, un peu chatouillant, cette
diminution constante d'un tas de droits qui pourraient être
accordés. Par des pratiques administratives - on peut donner l'exemple
de l'article 38.4, etc. - de voir que l'IRR, l'indemnité de remplacement
de revenu, peut être coupée de façon subjective ou
discrétionnaire et pas toujours basée sur des critères
objectifs et que l'indemnité qui remplace les dommages corporels ne
remplace pas nécessairement ce que devrait prévoir l'article 38.4
si on n'appliquait pas les directives de la commission, mais si on les
appliquait peut-être plus dans le sens de ce que cela veut dire...
Le Président (M. Jolivet): C'est tout? Merci. M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Fréchette: Je vous remercie, M. le Président. Je
voudrais aussi remercier M. Pouliot et les représentants de son
organisme de nous avoir fait connaître leur réaction au texte du
projet de loi, tel que déposé en première lecture. Vous
nous aviez déjà fait parvenir un mémoire fort
élaboré à l'intérieur duquel il nous est possible
d'identifier très clairement les choses qui, pour vous, causent un
problème. Vous avez ajouté des commentaires verbaux aux
représentations écrites que vous nous avez déjà
soumises.
Concernant les représentations verbales qui viennent de nous
être transmises, j'aurais une première précision à
demander à M. Pouliot. Il semble très évident maintenant,
après avoir entendu toutes les personnes qui sont reliées de
près au secteur de la construction, que ces mêmes personnes
considèrent qu'il s'agit effectivement d'un secteur tout à fait
particulier pour les motifs qu'on a énumérés cet
après-midi: la durée des contrats, la notion
d'établissement, toute une série de motifs de cette nature.
Je pense que vous étiez ici, M. Pouliot, cet après-midi
quand j'ai demandé aux représentants de l'Association des
entrepreneurs en construction du Québec s'ils étaient
disposés à faire l'exercice d'évaluer les propositions qui
pourraient être faites pour qu'elles cadrent avec les
spécificités ou les particularités du secteur de la
construction. Je vous signale que c'est une suggestion qui nous a
été faite hier par la Fédération des travailleurs
du Québec. Elle a été soumise cet après-midi
à l'Association des entrepreneurs en construction du Québec et je
vous fais la même suggestion avec, bien sûr, la même
réserve que celle que j'avais cet après-midi, c'est-à-dire
que cela n'a qu'un caractère de suggestion, cela ne lie absolument
personne. Si vous jugez utile de ne pas faire l'exercice, il faut être
tout à fait à l'aise.
Maintenant, je voudrais essayer de répondre - entre guillemets -
"possiblement" à la question ou aux inquiétudes que nous a
transmises M. Savoie. Vous venez d'entendre, M. Savoie, Me Goyette qui a fait
un long réquisitoire, un long plaidoyer pour démontrer que la
Commission de la santé et de la sécurité du travail
intervenait à tout bout de champ et à propos de rien dans la
conduite des dossiers. Votre dossier, nous avez-vous dit, est maintenant rendu
devant la Commission des affaires sociales, qui est un organisme tout à
fait indépendant de la commission elle-même et qui doit
procéder à l'audition de votre cas au début du mois de
mars, m'avez-vous signalé. Est-ce que c'est cela?
Écoutez! Je veux bien essayer de vous être utile par les
moyens dont ensemble nous pourrions disposer ou que nous pourrions identifier,
mais vous allez sans doute me comprendre quand je vous dis que le dossier
étant maintenant devant la Commission des affaires sociales, qui est un
organisme quasi judiciaire, indépendant de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail elle-même, je ne
vois pas quel genre d'intervention, à ce stade-ci des procédures
dans votre dossier, nous pourrions faire pour accélérer le
processus. Sous réserve de ce que je viens de vous dire, vous allez
comprendre que je serais tout à fait disposé à vous revoir
à la fin des auditions pour qu'on puisse davantage discuter ensemble du
dossier et voir s'il y a possibilité de faire quelque chose. Je vous
offre cela et je me
déclare tout à fait disponible à vous rencontrer
pour qu'on en reparle.
M. Savoie: Merci beaucoup.
M. Fréchette: Je ne veux pas non plus - vous allez le
comprendre, ce n'est sans doute pas votre souhait à vous non plus -qu'on
étale sur la place publique tout le contenu de votre dossier.
Je voudrais tenter d'obtenir quelques précisions à la
suite de l'argumentation et des représentations de Me Goyette. J'ai
retenu qu'il avait touché en particulier trois principaux aspects. Il a
évidemment ajouté plusieurs autres choses qu'il a lui-même
qualifiées d'un peu moins importantes. Cela a un caractère
d'importance aussi, mais, compte tenu du temps que nous avons à notre
disposition, je vais me limiter à trois aspects principaux de son
intervention, le premier aspect étant celui de la réadaptation.
(21 heures)
II n'y a rien d'absolument extraordinaire à constater, au fur et
à mesure que les travaux de la commission avancent, combien grandes sont
les distances entre les parties selon qu'on entend des représentants
patronaux ou des représentants syndicaux. C'est tout à fait
normal qu'il en soit ainsi. Mais, au niveau des politiques de
réadaptation, il me semble bien que c'est l'ensemble de tout le
processus que vous remettez en cause, à toutes fins utiles. Enfin, c'est
ce que j'ai cru comprendre. Moi, je suis tout à fait disposé
à écouter ce genre de remarques, à en prendre note,
à les identifier, sauf que je n'ai pas encore, malheureusement, entendu
de suggestions quant aux correctifs qu'il faudrait apporter. Je veux bien, vous
savez, qu'on soit dans un système qui est sérieusement
compliqué, qui crée des embêtements à tout un
chacun, à tout moment, à toutes les étapes du dossier, je
veux bien convenir de cela. Je veux bien, aussi, essayer de trouver des
dispositions ou des moyens qui feraient en sorte qu'on puisse contourner ces
difficultés. Encore faudrait-il que les gens qui nous font ces
représentations avec l'instance que l'on sait puissent nous donner un
coup de main quant à la façon de corriger ces situations.
Est-ce que, par exemple - je vous donne cela pour les fins de la
discussion - il faudrait que toutes les politiques de réadaptation, pour
éviter les questions d'interprétation et de directive dont vous
nous avez parlé et sur lesquelles vous êtes revenus avec beaucoup
d'insistance, soient inscrites dans la loi? Ou alors - et, à cet
égard, vous rejoindriez des représentations patronales - est-ce
qu'il faudrait sortir complètement la politique de la
réadaptation de la juridiction de la Commission de la santé et de
la sécurité du travail pour la transférer au secteur
privé ou enfin à un autre organisme auquel on pourrait penser? Ce
sont des positions patronales qui nous ont été exprimées
depuis deux ou trois jours de l'envoyer dans le privé.
Tout cela pour vous réitérer, encore une fois, que je veux
bien qu'on fasse le procès des politiques administratives en
matière de réadaptation ou en toute autre matière, mais je
serais très heureux de vous entendre sur des suggestions
précises, pratiques qui pourraient avoir deux résultats concrets,
faciles d'application, d'une part, et éviter, sur le plan administratif,
toute espèce de difficulté comme celles dont vous venez de nous
parler.
M. Goyette: La première facette de votre question, si vous
permettez, c'est qu'il y a deux types de directives administratives. Celles
auxquelles je m'attaque le plus, c'est celles qui sont discrétionnaires
et arbitraires. Les deuxièmes, celles qui sont carrément
illégales. Quant à moi, le calcul en vertu de l'article 38.4,
c'était illégal parce que la commission n'exerçait pas un
pouvoir réglementaire. Là, c'est clair. Celui-là, je le
laisse de côté. Cela aurait dû être un
règlement. C'est prévu dans la loi, à moins que le
législateur ne fasse n'importe quoi; je ne présume pas cela.
À mon avis, quand il y a un article de loi, la directive ne devrait pas
l'interpréter de façon totalement farfelue. Si la commission
essaie d'adopter un règlement, qu'il est refusé parce qu'il est
trop impopulaire et que la commission l'applique comme directive, quant
à moi, cela ne peut pas exister dans notre régime. Pour le
premier, c'est le cas de l'article 38.4.
En matière de réadaptation sociale, ce n'est pas que,
nécessairement - attention - il y a des politiques administratives,
c'est que la loi est totalement discrétionnaire en matière de
réadaptation sociale. L'ancien article 56, qui était l'article 51
de l'ancienne loi de 1931, disait à peu près la même chose.
La commission peut prendre les mesures qu'elle croit nécesssaires et
fait les dépenses qu'elle croit opportunes pour... La commission faisait
bien ce qu'elle croyait opportun et nécessaire. Aujourd'hui, M. le
ministre, avec quoi se retrouve-t-on de plus? sinon le même type, dans la
loi, de discrétion qui ne donne pas de garantie, excepté à
l'article 138 où on dit: "Le travailleur a droit à la
réadaptation que requiert son état...". Après cela, on dit
que la commission peut "développer", "évaluer", "effectuer", peut
faire des politiques, mais quels contrôles la loi donne-t-elle sur les
politiques? Il n'y a aucun "guide line", si vous me permettez le terme.
D'autre part, "la commission prépare un plan de
réadaptation pour chaque travailleur victime d'une lésion - Je
lis l'article 142 -
professionnelle qu'elle déclare admissible." Qu'elle
déclare admissible comment, en vertu de quoi? Il faut que j'aie perdu
combien de mains, de pieds ou de têtes? Ce n'est pas clair, cela, au
niveau de la lecture même du texte de loi. Et je pense que pour des
questions aussi fondamentales il doit y avoir quelque chose qui dit où
cela commence et où cela finit. Il y a une décision de la
Commission des affaires sociales, par exemple, de 1980 - à moins que je
me trompe - la décision 30 de 1980 - je ne peux pas vous citer le
fascicule - qui disait qu'une personne a droit aux indemnités tant et
aussi longtemps qu'elle n'a pas surmonté son handicap par un processus
de réadaptation sociale approprié. Déjà, on a un
élément de droit; on a un élément au moins objectif
qui nous permet de commencer à parler de réadaptation sociale, de
poser des critères et non pas de dire: Vous avez un droit et voici
comment vous le perdez. C'est un peu cela.
Le premier volume de réadaptation sociale tiré de
l'article 56 a 350 pages; deux articles, 56 et 56.1. C'est quand même
beaucoup que de deux articles j'extraie 350 pages de directives. Aujourd'hui,
il est plus modeste, je l'avoue. Il y a seulement la partie V du manuel de la
réparation qui en fait partie. Mais c'est quand même encore
beaucoup. S'il n'y a pas plus de droits prévus, la durée,
l'admissibilité et non pas à la discrétion quand elle le
déclare admissible: Est-ce que c'est une personne à 5%, à
10%, à 15% ou à 100% qui est admissible? Est-ce qu'on se
présente avec son certificat de décès? Je ne veux pas
caricaturer mais, si on n'a pas de critère, cela devient difficilement
applicable, parce qu'on va sortir avec des politiques qui vont être dans
la norme, mais qui peuvent dire n'importe quoi. À un moment
donné, ils ont essayé de dire que cela prenait un DAP de 5%.
Après cela, ils ont commencé à dire que, pour avoir le
droit à des cours en formation, il faut avoir 35 ans et moins, des
choses comme cela. Cela devient discrétionnaire à ce
moment-là. Et c'est cela qui fait peur.
M. Fréchette: Alors, écoutez, vous avez
effectivement ajouté à votre argumentation principale. Moi, cela
m'amène à la seule conclusion qu'il n'y aurait effectivement pas
d'autre moyen de contourner ces difficultés auxquelles vous faites
référence que d'inscrire comme articles de loi toutes les
politiques de réadaptation. Je ne vois pas comment autrement il ne faut
pas que quelqu'un, quelque part, à un moment donné, prenne une
décision. Que les décisions qui sont d'ordre administratif ou
d'ordre réglementaire soient, d'une part, sujettes à
interprétation, je pense qu'on va tous convenir de cela. Que,
deuxièmement, elles ne donnent pas satisfaction à toutes les
parties auxquelles elles s'adressent, cela aussi on va en convenir. Alors, cela
m'amène à la seule conclusion que, pour clarifier la situation
une fois pour toutes et éviter que cela dégénère en
insatisfaction pour tout le monde, cela devrait être des articles de loi
qui lient toutes les parties. Il n'y a pas beaucoup d'autres moyens d'en sortir
à partir de l'évaluation que vous faites, qui a été
faite par d'autres, d'ailleurs, et qui va à peu près dans le
même sens. On va retenir ces représentations et voir comment on
peut essayer d'évaluer l'ensemble de la situation.
Il y a un autre aspect du dossier auquel vous avez fait
référence...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre.
Est-ce que c'était sur la même question, M. Pouliot que vous
vouliez intervenir?
M. Pouliot: Non. Cela va.
M. Fréchette: Allez-y, M. Pouliot.
M. Pouliot: Je voulais simplement donner suite aux demandes du
ministre qui m'a posé des questions à savoir si le conseil
provincial était intéressé à faire un exercice avec
la FTQ et l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Je
pense que, oui, on serait intéressé. Mais je dois vous dire que
j'ai des réserves quant au résultat concret, parce qu'on a eu une
très mauvaise expérience concernant, encore une fois,
l'association sectorielle dans l'industrie de la construction. Donc,
finalement, on va peut-être être dans l'obligation que quelqu'un
tranche quelque part. Mais, effectivement, il y a des choses dans la loi
actuelle qui sont inapplicables dans l'industrie de la construction et on
convient de faire une tentative pour régler les problèmes que
certains de vos fonctionnaires n'ont peut-être pas vus.
À la première question, si je peux interpréter cela
comme une question, le conseil provincial n'avait pas l'intention de
débattre le cas de M. Reynald Savoie en commission parlementaire.
C'était simplement pour vous présenter un travailleur qui est,
effectivement, pénalisé par la lenteur administrative de la CSST,
du comité de révision des affaires sociales. C'est tout de
même un exemple frappant et c'est d'actualité. On va tout de
même entendre son cas le 1er mars 1984, alors qu'on se
réfère à un accident de 1962. Donc, on peut voir les
délais et il faut sûrement reconnaître qu'il y a quelque
chose qui accroche quelque part.
M. Fréchette: D'ailleurs, Me Goyette a aussi fait
référence - vous l'avez fait aussi dans votre mémoire
écrit - aux mécanismes d'appel. Je voudrais qu'on prenne le temps
d'en dire un mot, si on a le temps tout à
l'heure.
Me Goyette, vous avez aussi émis de sérieuses
réserves quant aux dispositions de l'article 134. Je vous dirai, quant
à moi, que je n'aurais aucune espèce d'objection à le
retirer purement et simplement du projet de loi. C'est d'ailleurs une
suggestion qui a été faite par la Fédération des
médecins spécialistes. Je suis prêt à poser ce
geste-là, mais non pas sans vous dire pourquoi il est là. Si le
salarié ou la salariée qui va en consultation chez le
professionnel de la santé, parce qu'il ou elle aurait été
victime d'un accident ou qu'il ou elle aurait les symptômes d'une maladie
professionnelle, indique qu'il ne souhaite pas que son dossier soit transmis
à la Commission de la santé et de la sécurité du
travail, nous n'avons aucune objection que ce soit dans la loi. Notre seule
préoccupation, c'est que, si trois mois, six mois, un an après la
visite chez son médecin il y a une aggravation de sa situation qui
procède de cet accident pour lequel il a consulté et que
personne, sauf lui et son professionnel, n'est informé de la situation
qui a existé avant, cela pourrait, estimons-nous peut-être
à tort, lui causer un préjudice. C'est le seul motif pour lequel
la disposition est là. De plus, si, comme la Fédération
des médecins spécialistes, vous nous dites que c'est mieux qu'on
ne retrouve pas une semblable disposition, je vous signale dès
maintenant qu'on ne la retrouvera pas.
M. Goyette: J'ouvre une parenthèse pour dire que je ne
suis pas avocat. C'est parce que j'ai beaucoup de cas d'accidents du travail
dans mes dossiers. On est à deux à avoir beaucoup de cas
d'accidents du travail sur la construction, moi et les employeurs.
M. Fréchette: II me semble qu'on vous a
présenté comme avocat.
M. Goyette: Jamais je n'oserais, je suis beaucoup trop modeste
pour cela.
Le Président (M. Jolivet): Non, c'est licencié en
droit.
M. Goyette: C'est surtout par rapport à l'article 45 que
l'article 134 m'inquiète. Le médecin de l'employeur va pouvoir
faire sortir tous les documents que possède la commission et apprendre
des choses sur le côté personnel du travailleur. Je comprends la
position des médecins spécialistes, mais ce qui m'inquiète
aussi, c'est que, s'il y a des pièces médicales privées
qui entrent à la commission et que l'employeur peut mettre la main
dessus par le biais de l'article 45, un dossier personnel pourrait très
bien intervenir dans un dossier professionnel. C'est ce qui m'inquiète
dans l'article 134 par rapport à l'article 45, entre autres.
M. Fréchette: Bon, alors cela va.
M. Goyette: Je ne vois pas pourquoi, pour fermer la
parenthèse sur les rapports médicaux, le médecin de
l'employeur pourrait obtenir plus facilement les rapports médicaux que
le patient qui se présente à l'hôpital. Souvent, on est
obligé de lui faire sortir ses rapports parce qu'on ne les lui donne
même pas à lui. Je trouve cela pour le moins particulier. Bien
sûr, vous allez me dire que ce n'est pas le même cadre juridique,
que c'est sorti de la commission. Or, souvent, c'est plus facile pour un
employeur de faire sortir les dossiers que... Mais, c'est un autre cas. (21 h
15)
M. Fréchette: Alors, cela va. Je retiens votre
argumentation aussi. Je vous réitère que je n'ai pas d'objection
à le retirer de là purement et simplement.
Quant à moi, j'ai une dernière question à poser et
elle est en relation avec les mécanismes d'appel, effectivement. Le
mémoire en parle expressément. Vous avez argumenté
là-dessus aussi. Vous êtes de ceux qui favorisent le maintien des
bureaux de révision comme plusieurs autres le font aussi.
Ce dont on a parlé depuis trois jours, et sous au moins un ou
deux aspects, pourrait sans doute rejoindre la suggestion que vous faites. Ce
dont on a parlé depuis trois jours, c'est la possibilité de faire
disparaître les bureaux de révision, de faire disparaître
également la Commission des affaires sociales, et de remplacer ces
mécanismes d'appel par une autre institution qu'on ne pourrait pas
encore désigner ou qu'on n'a pas encore identifiée, et qui serait
complètement indépendante de la commission et, comme vous l'avez
dit, indépendante politiquement, indépendante à tous
égards. Cette autre institution aurait juridiction pour disposer de
toutes les instances qui sont soumises actuellement à l'un ou l'autre
des paliers d'appel.
Jusqu'à maintenant, il semble que plusieurs sont
intéressés à regarder les modalités et les allures
que cela pourrait prendre d'un peu plus près. Mais il semble bien que,
sur le principe même, cela a l'air de rallier les opinions de plusieurs
intervenants qu'on a entendus jusqu'à maintenant. Quelle est, à
cet égard, la position de votre organisme?
M. Goyette: Pour nous, bien sûr, la position était
ce qu'il y a dans le mémoire. Maintenant, vous nous faites une
proposition. Dans un premier temps, on trouvait la CAS indépendante
puisqu'elle est peut-être un des seuls vrais tribunaux administratifs au
sens le plus pur, c'est-à-dire qui ne fait qu'entendre des appels.
Il faudrait précisément voir les modalités. Je suis
devant un régime précis
qui me dit: Des bureaux de révision, une Commission des affaires
sociales, je sais comment cela marche. On se débrouille avec eux. Puis
vous me dites ce que pourrait être un régime complètement
indépendant, etc. Comment fonctionne-t-il ce régime? Cela me
place dans une situation où j'ai de la pratique et on me lance une
théorie. Comme vous le dites, il faudrait voir.
La réserve que l'on fait sur les bureaux de révision,
remarquez que lorsqu'on parle de leur maintien on ne dit pas: Maintenez les
bureaux de révision les yeux fermés. Ce n'est surtout pas cela.
On a eu trop de décisions un peu tirées par les cheveux. C'est
faible comme expression. Le type de décisions qu'on pouvait avoir
était vraiment effroyable par moment. On dit: Si vous maintenez les
bureaux de révision, qu'il y ait une indépendance politique et
une compétence. Je ne dis pas que tous les gens des bureaux de
révision sont incompétents. Ce n'est pas ce que je dis, mais je
dis qu'il y a de drôles de décisions rendues.
Si on maintient les bureaux de révision, selon nous, il faudrait
au moins qu'on n'applique pas des directives, mais la loi et les
règlements.
Le deuxième point, c'est la CAS en appel. Dans l'alternative
proposée, est-ce qu'il y aurait un seul palier d'appel final?
M. Fréchette: Je vous signale que lorsque vous me posez
cette question on entre dans des modalités de fonctionnement, ce sur
quoi encore personne ne s'est penché. On n'en est qu'au niveau du
principe, le principal principe étant cette espèce
d'évacuation politique ou de lien direct entre l'instance d'appel et la
commission elle-même. Je vous donne une réaction à votre
question qui n'est qu'une première réaction, qui n'est pas non
plus une orientation définitive que cela pourrait prendre, mais il me
semble que comme actuellement la procédure qui se déroule devant
la Commission des affaires sociales n'est rien d'autre qu'un de novo...
M. Goyette: C'est cela. C'est un de novo.
M. Fréchette: ...par rapport à ce qui s'est
passé au bureau de révision, la tendance que j'aurais à ce
stade-ci, c'est de dire que cet organisme ne constituerait que le seul palier
d'appel. C'est à voir. C'est surtout du principe qu'on parle:
l'évacuation de liens politiques, quitte à pousser plus loin
quant au reste, mais c'est surtout ce qui est important.
M. Pouliot: M. le ministre, pour le conseil provincial, on peut
dire que c'est là une avenue très intéressante à
regarder. C'est effectivement le problème no 1 qu'on a actuellement.
Donc, on ne peut pas parler d'un accord inconditionnel mais c'est quand
même une avenue à considérer très
sérieusement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président. Quelques questions, M.
Pouliot. D'abord, comme j'ai dit hier soir à M. Laberge: Bienvenue
à Québec. Il n'est pas toujours facile de se faire inviter devant
une commission parlementaire. Mais, pour celle-ci, je dois comprendre que vous
n'avez pas eu de problème. J'ai trois questions. Je vais vous donner les
sujets. D'abord, je veux parler un peu de la question du retour au travail;
deuxièmement, de vos recommandations finales dans votre rapport;
troisièmement, rapidement, du cas de M. Savoie.
Je dois vous dire d'abord que je commence à admirer vraiment le
ministre sur le plan personnel parce que, quand j'ai lu votre mémoire en
détail, les 123 pages, je me demandais comment il allait répondre
à cela. Encore un autre groupe qui est en train de tout détruire.
De tous les groupes qu'on a entendus jusqu'ici, sauf un, il ne reste pas
grand-chose du projet de loi. Je dois féliciter le ministre. Il accepte
cela. Il dit: Merci beaucoup. On va prendre cela en considération. On va
regarder cela. On va étudier cela. Il est d'une patience infinie. En
tout cas, je pense qu'on apprend beaucoup à cette commission sur le plan
personnel. Je dois dire que vous attaquez pas mal sérieusement ce projet
de loi 42, une fois que j'ai lu votre mémoire.
Je prends le mémoire des 123 pages, non pas le sommaire, à
la page 105. Quand on lit vos commentaires sur le principe du retour au
travail, j'en ai parlé hier soir avec M. Laberge et, dans ses
commentaires verbaux, il se contredisait un peu avec ce qu'il avait dit dans
son document. Le domaine est très complexe et je pardonne à
chacun de faire une petite erreur de temps en temps.
Vous expliquez dans votre mémoire que, dans le domaine de la
construction, évidemment, je comprends très bien, le fait que le
projet de loi exige que quelqu'un doit être employé pendant une
période de trois mois, cela crée un problème dans
l'industrie de la construction. Vous parlez évidemment aussi du
délai d'un an et de deux ans. Si le ministre vous demandait de
réécrire cette section sur le retour au travail pour le domaine
de la construction, quelles seraient vos suggestions? Je présume que
vous êtes en faveur de ce principe du retour au travail. Comment
pourrait-on résoudre cela dans votre domaine?
M. Tousignant (Normand): Si vous permettez, M. le
Président... . Une voix: Identifie-toi.
M. Tousignant: Lorsqu'on parle du retour au travail dans
l'industrie de la construction, dans les faits, le retour au travail ne
s'applique pas. Si on prend les chantiers, en moyenne, ils durent deux mois et
demi. C'est très clair. Les données de l'Office de la
construction sont là. Les chantiers durent deux mois et demi. Au
départ, il n'y a personne ou pratiquement personne qui fait face
à cette norme de l'article 145, sauf peut-être 5% des
chantiers.
Si on va plus loin, lorsqu'on parle -pour reprendre votre question -
d'un an, s'il occupait un emploi dans un établissement, à ce
moment-là, vous êtes dans un pourcentage de moins de 5% des
chantiers de construction. Pour le délai de deux ans, il n'y en a pas
tout simplement, sauf peut-être l'exception à la règle,
comme toujours.
J'écoutais cet après-midi les représentants de
l'AECQ, lors de leurs représentations, qui disaient que cela leur
coûtait extrêmement cher, sauf que, d'après ce qu'ils
défendaient cet après-midi, la réintégration dans
le chantier du travailleur de la construction ne se fait pas. En les
écoutant parler, on pensait justement que, si la
réintégration ou le retour au travail s'effectuait, non pas au
niveau de l'entreprise ou de l'entrepreneur, mais au niveau de l'industrie de
la construction, ce serait passablement différent. De leur
côté, ils voudraient, à tort ou à raison, que le
coût des accidents du travail qui leur est imputé soit pour la
masse des employeurs en général. À l'inverse, nous
suggérons que le salarié, victime d'un accident, dès qu'il
est prêt à revenir au travail, soit en priorité
réintégré, non pas chez l'employeur, parce que dans les
faits il n'y a pas de chantier, mais qu'il le soit au niveau de l'industrie de
la construction. Ce serait une de nos suggestions.
M. Polak: Merci. Deuxième point: dans les recommandations
finales aux pages 122 et 123 de votre mémoire, vous dites qu'il n'y a
que trois solutions. La première est que le ministre procède au
projet de loi tel quel et, alors, vous considérez cela comme une
contre-réforme et un retour en arrière. En d'autres termes, vous
dites que vous perdrez avec cela. Je présume que vous voulez dire que
c'est pire que le statu quo. Deuxième solution, vous dites que le
ministre retire son projet de loi parce qu'il aura réalisé qu'il
a fait erreur et qu'il est mieux de garder le statu quo; vous dites qu'alors il
n'y a pas de réforme. Troisième possibilité, vous
suggérez que le ministre reprenne le projet qui avait été
étudié en décembre 1980.
Disons que le ministre n'est pas intéressé par la
troisième hypothèse parce que c'est trop loin, ni par la
première, mais qu'il dit qu'il a fait une erreur. Comme mon
collègue Laurin, j'ai présenté quelque chose qui ne marche
pas et il est peut-être mieux de ne pas toujours vouloir innover. C'est
peut-être le temps de laisser les choses tranquilles, de les consolider
un peu et d'espérer que la relance économique continue. Restons
tranquilles. Le statu quo, à part le problème de l'article
48.3...
Une voix: L'article 38.4.
M. Polak: Excusez-moi, je suis comme M. Laberge. À part
l'article 38.4, si on gardait le statu quo, est-ce que vous accepteriez cela?
Est-ce que vous pensez que cela serait une meilleure solution que de
procéder coûte que coûte au projet de loi 42?
M. Pouliot: M. le Président, en ce qui nous concerne - on
l'a mentionné effectivement, le projet de loi 42 est un recul. Il y a
tout de même le problème des mécanismes d'appel, du
comité de révision, et la loi 42 ne règle pas cela.
Effectivement, plutôt que d'avoir le projet de loi comme tel, on
préfère avoir le statu quo, mais on voudrait et on croit
sérieusement qu'il faut modifier la loi des accidents du travail, la loi
de la CSST. Il y a des cas qui sont totalement inacceptables et c'est de
là que vient la recommandation ou la suggestion qu'on a faite au
ministre. Il pourrait faire une certaine pondération de plusieurs
articles qui étaient dans l'avant-projet de loi et les inclure dans le
projet de loi 42 et cela pourrait être une loi acceptable, même si
on sait que l'unanimité sera extrêmement difficile à faire
quant à l'acceptation des intéressés au projet de loi 42.
C'est peut-être l'inverse qui est en train de se faire actuellement.
Quant à nous, c'est notre position. Je vais laisser la parole à
M. Goyette qui donnera un supplément de réponse.
M. Goyette: Les hypothèses émises aux pages 122 et
123, ce ne sont pas nécessairement des solutions. Ce sont des
hypothèses que nous soumettons au ministre. On n'a pas dit
carrément que le projet du ministre était une faillite; on ne dit
pas que la loi qui est présentement sous nos yeux, l'ancienne loi de
1931, est une faillite non plus. On dit que, pour deux faillis, il y aurait
moyen de se mettre ensemble et de repartir un nouveau commerce. C'est
peut-être un peu comme cela qu'il faudrait l'interpréter. Bien
sûr, on est dur dans notre mémoire, mais, en définitive,
lorsqu'on parle d'accidentés du travail et de commerce - si
vous me permettez une expression vulgaire -de la viande en
matière de handicaps, on ne peut pas se permettre autre chose que
d'être sévère. Si je vous demandais combien vous me vendez
votre poumon, cher monsieur, peut-être n'auriez-vous pas un prix tout de
suite, mais c'est ce qu'on demande à un accidenté. Or, ce n'est
pas par irrespect pour l'Opposition, pour le président ou pour le parti
au pouvoir qu'on est sévère. Si on est sévère,
c'est parce qu'il y a des accidents et des handicaps lourds. C'est eux autres
qu'on veut défendre. (21 h 30)
II serait certain que la loi actuelle, avec l'article 38.4, cela aurait
de l'allure; avec une réadaption sociale qui a une colonne
vertébrale, cela aurait de l'allure; que la commission ne fasse pas de
directives pour tous et chacun, cela aurait aussi de l'allure, mais le projet
de loi 42 pourrait s'appliquer de la même façon. C'est un peu
cela. Ce qu'on dit, c'est qu'il y a trop de discrétion administrative.
On laisse une trop grande place à la réglementation et surtout
à la discrétion. La commission peut, la commission, etc. C'est ce
qui nous rend un peu nerveux. Cela ne veut pas dire qu'il faut tout
détruire, c'est seulement parce qu'on est légèrement
nerveux.
M. Polak: Ma dernière question concerne le cas de M.
Savoie, parce que, quand M. Savoie a parlé tout à l'heure - je ne
l'ai jamais rencontré de ma vie - il a dit: J'ai eu un accident, en
1962, et, en mars 1984, je me retrouve devant la Commission des affaires
sociales. Vous savez que le public - en tout cas, j'imagine qu'à part
Mme Fréchette, Mme Cusano et Mme Polak il y a d'autres personnes qui
nous regardent, il y a aussi Mme Jolivet et les épouses des autres
députés ministériels - très souvent, nous demande:
Expliquez-nous cela de manière qu'on comprenne un peu mieux parce qu'il
y a beaucoup de terminologie et c'est assez compliqué. Donc, je suis
d'accord avec le ministre quand il dit: On ne veut pas étaler cela sur
la place publique. Je suis tout à fait d'accord avec cela et je suis
très content qu'il ait accepté, après notre séance
de ce soir, de voir M. Savoie. N'oubliez pas, M. Savoie, de me voir en
arrière. Je suis prêt à vous aider.
Des voix: Ah! Ah!
M. Savoie: Oui, parce que...
M. Polak: Et cela, c'est correct.
Le Président (M. Jolivet): Un instant! M. Savoie voudrait
dire quelque chose.
M. Savoie: II y a des choses qui ne sont pas trop belles à
dire là-dedans sur la place publique.
M. Polak: D'accord. Très bien. Mais, tout de même,
je pense que, sans entrer dans les détails, je voudrais seulement...
Parce que, vraiment, le ministre a expliqué... Je n'ai pas compris, on
pourrait dire... Bon! II a eu un accident en 1962. Peut-être
qu'après 20 ans il a décidé qu'il était le temps de
réviser. Donc, il a écrit une lettre. Pourriez-vous, M. Pouliot,
nous dire en quelques mots - c'est tout de même intéressant, je
pense, pour la population, de savoir s'il y a vraiment une sorte de suivi des
misères au point de vue administratif, seulement cela; je ne parle pas
du tout d'incapacité, de pourcentage, rien de cela -un peu plus que ce
qui a été relaté auparavant.
M. Pouliot: M. le Président, on va sûrement vous
remettre une partie du dossier du cas de M. Reynald Savoie dont le
numéro de dossier est AT53394, qui date tout de même d'un certain
temps. Effectivement, il a eu un accident en 1962. Il y a eu des complications.
Il y a eu plusieurs opérations. Il y a eu des rapports de
médecins que la CSST n'avait pas. Il y a eu un appel au comité
qui a accepté, à un moment donné, le rapport du
médecin. Finalement, il y a l'appel, comme vous le savez, à la
Commission des affaires sociales.
Avec toute la lourdeur administrative de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, on fait promener les
individus d'une place à l'autre et, finalement, on fait certaines
coupures. M. Savoie, pendant de nombreuses années, recevait quelque
chose, je pense, comme 72 $ par mois, des choses totalement inacceptables. Il y
a des rapports de médecins qui sont contradictoires. Donc, cela
devient... Je suis personnellement allé rencontrer des responsables de
la CSST pour savoir ce qui arrivait dans ce cas-là ou d'autres cas avec
lesquels on procède plus souvent lorsqu'on a des plaintes des
travailleurs. Quant à nous, c'est toute la lourdeur administrative et
c'est là qu'on rejoint la pensée du ministre, à savoir que
le comité de révision est effectivement, à notre avis,
juge et partie. C'est difficile, quant à lui, de renverser la
décision d'un fonctionnaire de la CSST. Ce sont d'autres fonctionnaires.
Je pense qu'on a plus de justice lorsqu'on s'en va devant la Commission des
affaires sociales. Les décisions sont souvent plus adéquates et
répondent plus aux besoins des travailleurs qui sont accidentés.
Effectivement, c'est une formule qui nous apparaît plus acceptable,
même si on conteste toujours les délais, qui sont
énormément longs et inacceptables. C'est, en gros, le dossier de
M. Savoie.
M. Polak: II y a un autre mémoire à
entendre ce soir. Quant à moi, sauf pour notre responsable,
évidemment, mon chef...
M. Cusano: Je voudrais tout simplement remercier les membres du
conseil au nom de notre formation politique.
M. Goyette: Y aurait-il possibilité d'ajouter quelque
chose?
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Goyette: C'est à la suite d'une question de M.
Fréchette, et je pense que la réponse est importante. Si jamais
vous pensiez mettre sur pied ou faire une proposition concernant un tribunal
extérieur, une des choses qui seraient importantes, bien sûr,
c'est qu'on puisse en appeler de la totalité de la loi et non pas juste
des indemnités, pas comme avant, qu'on ne puisse pas appeler sur la
réadaptation, sur l'assistance médicale, etc., mais vraiment un
tribunal d'appel complet.
M. Fréchette: D'accord. M. le Président, me
permettez-vous une question de précision à M. Tousignant? Quand
un de mes collègues - je pense que c'est M. le député de
Sainte-Anne - vous a posé une question sur la politique de droit de
retour au travail, j'ai cru comprendre que votre réponse était de
la nature suivante. Dans le cas de la construction, à cause des
particularités de cette industrie, le droit de retour au travail devrait
être ainsi fait qu'il permette de retourner dans l'industrie de la
construction. Pourriez-vous, M. Tousignant, nous préciser comment, sur
le plan strictement pratique, cela pourrait se faire? Je travaille,
aujourd'hui, pour M. X et j'ai un accident. J'ai besoin de trois mois ou de six
mois pour toute la réadaptation physique et autres. Le droit de retour
au travail me permet de retourner dans l'industrie de la construction, mais
où, chez quel employeur si le mien, par exemple, n'est plus là?
C'est le champ d'application pratique qui me préoccupe.
M. Tousignant: C'est officiel qu'après trois mois ou six
mois, dans 99% des cas, le chantier n'est plus là et l'employeur,
normalement, n'est pas là. Il y aurait deux possibilités. La
première, c'est que l'employeur professionnel qui a un champ
d'activité assez vaste, qui a d'autres chantiers, puisse intégrer
le salarié en priorité. Deuxièmement, vous auriez
peut-être la possibilité par règlement ou la
possibilité que l'Office de la construction, les bureaux syndicaux qui
font le placement donnent une priorité d'emploi à ces
salariés -je pense qu'il n'y a aucun bureau syndical qui serait contre
cela, loin de là - avec, par contre, l'obligation pour l'employeur,
lorsque le salarié est référé, de l'intégrer
et non pas ce qui se passe aujourd'hui.
M. Pouliot: M. le ministre, ce pourrait être un autre
amendement au règlement de placement dans l'industrie de la
construction.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Je veux simplement remercier nos invités pour
la présentation d'un mémoire assez exhaustif, en espérant
également que le ministre retiendra plusieurs de vos recommandations et
que le fameux article 38.4 soit réglé de façon
immédiate. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Au nom des membres de la
commission, M. Pouliot ainsi que vos collègues, je vous remercie.
Nous allons suspendre nos travaux quelques instants pour permettre aux
représentants de l'Ordre des chiropraticiens de s'installer à la
table.
(Suspension de la séance à 21 h 39)
(Reprise de la séance à 21 h 47)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous reprenons nos travaux avec l'Ordre des chiropraticiens. Je
vais demander au Dr Antoine Mosca de nous présenter les membres qui
l'accompagnent et, ensuite, de nous faire lecture de son mémoire en lui
disant que nous sommes à sa disposition pour le reste de la
soirée. Cela dépendra du temps à la fin de la
soirée, mais, normalement, on prévoit le temps qu'il faut. Minuit
maximum. M. Mosca.
Ordre des chiropraticiens
M. Mosca (Antoine): Je vous remercie, M. le Président, M.
le ministre et MM. les députés de nous avoir invités ce
soir à vous rencontrer et à parler de la nouvelle loi 42 de la
Commission des accidents du travail, la CSST. Je vais présenter mon
monde: à ma droite, le président de la Canadian Chiropractic
Association, le Dr Luc Bouchard; à côté de lui, le Dr
Pierre Beaulieu, président de l'Association des chiropraticiens du
Québec. À sa gauche immédiate, je vous présente le
Dr Laurent Boisvert, qui est un des membres du comité de
négociation avec la CSST; le Dr Gérard Bérubé,
siège lui aussi au comité de négociation. Le
président de ce comité de négociation est le Dr Jocelyn
Ouimet. Je suis Antoine Mosca. Voici notre avocate, Me Louise
Taché-Piette; à gauche complètement, le
vice-président de la Corporation des chiropraticiens, le Dr
Louis-Philippe Morin.
Soit dit en passant, ce rapport, ce mémoire a été
présenté conjointement car nous pensons que cela implique les
deux organismes officiels de la province, soit l'association et la corporation
même. C'est pourquoi les deux sont ensemble. Chacun a une partie ayant
rapport avec cette nouvelle loi. Je vous ai promis tantôt de ne pas
prendre trop de temps. On va vous donner cela "straight" et on espère
que vous n'êtes pas trop fatigués.
M. Fréchette: Est-ce que vous êtes disponibles pour
des traitements après?
M. Mosca: Oui.
M. Fréchette: Très bien.
M. Mosca: Si ce ne sont pas des accidents du travail. J'ai
demandé à notre avocate, Me Piette, de lire le mémoire.
Cela prend approximativement 24 minutes. Comme je vous l'ai dit, elle lit
très bien, très vite et très efficacement. Je vais
demander à Me Piette de faire lecture, s'il vous plaît, de notre
mémoire. Est-ce qu'il y en a qui en manquent, parce qu'on a des copies
en surplus?
Le Président (M. Jolivet): Cela va.
M. Mosca: Tout le monde est de bonne humeur, d'accord.
Mme Taché-Piette (Louise): Le projet de loi qui est
présenté à cette commission parlementaire pour
étude concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles
et a pour objet d'apporter une assistance, tant financière que
médicale, aux accidentés du travail. Au chapitre de l'assistance
médicale, l'article 126 du projet de loi déclare qu'elle comprend
les services d'un professionnel de la santé, les soins hospitaliers, les
médicaments et autres produits pharmaceutiques, les orthèses au
sens de la Loi sur la protection de la santé publique et les autres
soins ou frais déterminés par la commission.
L'article 129 du projet de loi prévoit, par ailleurs, que "le
travailleur a droit aux soins de l'établissement de santé et du
professionnel de la santé de son choix". Par les mots "professionnel de
la santé", l'article 2 prévoit que l'on doit entendre un
professionnel de la santé au sens de la Loi sur l'assurance-maladie.
Or, au sens de la Loi sur l'assurance-maladie, un professionnel de la
santé est un médecin, un dentiste, un pharmacien ou un
optométriste. Le chiropraticien n'étant pas
énuméré dans la Loi sur l'assurance-maladie, il en
découle qu'il n'est un professionnel de la santé ni au sens de
cette loi, ni au sens du projet de loi 42. Le présent mémoire a
donc pour objet de mettre en lumière devant la commission parlementaire
le dirigisme dont fait preuve le projet de loi en percevant les deniers des
employeurs et des travailleurs et en les affectant limitativement au traitement
de certaines catégories de professionnels.
Chapitre I. L'apport possible de la chiropratique dans le traitement des
accidents du travail et des maladies professionnelles. La section V de l'annexe
A du projet de loi énumère les bursites et les lésions
musculo-squelettiques comme étant des maladies professionnelles dont le
traitement doit être couvert par la Commission de la santé et de
la sécurité du travail en vertu de ce projet de loi. Les
chiropraticiens rapportent en effet qu'un bon nombre des problèmes
qu'ils traitent et qui sont de la nature de bursites et de lésions
musculo-squelettiques proviennent d'accidents du travail. Ces lésions se
manifestent principalement par les problèmes suivants: discopathie de la
région lombaire, lésions tendineuses, ligamentaires et
capsulaires, syndrome du coup de fouet impliquant les vertèbres
cervicales, problèmes de sciatique et dorsalgies impliquant les
déplacements des vertèbres dorsales, des côtes du sternum
et des clavicules.
On remarquera que ces problèmes de santé sont directement
visés par les actes qui forment le champ exclusif de pratique des
chiropraticiens en vertu de l'article 6 de la Loi sur la chiropratique. Cet
article se lit en effet comme suit: "Constitue l'exercice de la chiropratique
tout acte qui a pour objet de pratiquer des corrections de la colonne
vertébrale, des os du bassin et des autres articulations du corps humain
à l'aide des mains." Il semble inadmissible que le législateur ne
reconnaisse pas dans la Loi sur les accidents du travail une catégorie
de professionnels, en l'occurrence les chiropraticiens, à qui il a, par
une autre loi, reconnu une expertise exclusive dans un domaine qui concerne
directement des désordres pouvant provenir d'accidents du travail.
Or, le projet de loi 42 ne prévoit pas que les soins
chiropratiques doivent être payés aux accidentés du
travail; ils font tout au plus partie des autres soins qui, en vertu du
paragraphe 5 de l'article 126 du projet de loi, pourraient être
payés par la commission dans la mesure où elle le jugera
nécessaire. La loi actuelle sur les accidents du travail est exactement
au même effet en ce qui concerne la couverture des soins chiropratiques.
La commission peut les couvrir conformément au paragraphe 12 de
l'article 53, lequel se lit comme suit: Si, outre l'assistance médicale
qui doit être fournie gratuitement au travailleur ou relativement
à telle assistance médicale, il est suggéré de lui
fournir des soins
additionnels, la commission décide de l'opportunité et de
l'étendue de la contribution du travailleur au coût de ces soins
additionnels ou de la légalité de cette contribution de la part
du travailleur."
Dans les faits, il arrive que les soins chiropratiques soient
défrayés partiellement aux accidentés du travail par la
Commission de la santé et de la sécurité du travail
lorsqu'ils sont prescrits par le médecin traitant de l'accidenté.
Cependant, l'on retrouve des accidentés du travail en grand nombre dans
les bureaux des chiropraticiens. Ceux-ci reçoivent des traitements
chiropratiques en en défrayant le coût de leurs propres deniers ou
bien ils les reçoivent sur prescription ou référence de
leur médecin traitant, auquel cas une partie de ces traitements est
payée par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. En effet, bien qu'elle ne soit pas
obligée de le faire en vertu de la loi actuelle, la commission a
adopté une résolution en vertu de laquelle elle défraie un
maximum de 20 traitements chiropratiques par année par accidenté,
à raison de 10 $ par traitement, à condition que ceux-ci soient
prescrits par un médecin. Il convient dès lors de se demander
pourquoi les accidentés persistent à consulter les
chiropraticiens même s'ils doivent payer leurs traitements de leur propre
poche. On se demande aussi pourquoi la commission accepte de défrayer,
bien qu'inadéquatement, certains traitements chiropratiques alors que la
loi actuelle ne l'y oblige pas.
Le rapport sociologique "Chiropractors, do they help?" traduit par: Les
chiropraticiens... sont-ils vraiment efficaces? dont un condensé est
joint au présent mémoire en annexe A, mentionne ce qui suit, en
page 133, sur les raisons pour lesquelles les patients décident en
premier lieu de consulter un chiropraticien: "En résumé,
l'insatisfaction des résultats obtenus auprès d'autres types de
traitements et les recommandations venant de patients de chiropraticiens sont
les deux facteurs les plus importants que nous avons pu identifier comme
étant à l'origine d'une première consultation chez un
chiropraticien."
Par ailleurs, le rapport précité, expliquant les
succès de la chiropratique auprès du public déclare ce qui
suit en page 260: "La chiropratique traite le patient d'une façon
globale; dépassant l'objectif de traiter une maladie en particulier,
elle offre au patient des soins visant à améliorer sa
santé en général ainsi que des conseils sur la
prévention de problèmes futurs et sur l'hygiène. La
chiropratique constitue une méthode de traitement conservatrice; les
techniques qu'utilisent les chiropraticiens présentent peu de risques et
sont axées sur le maintien de la santé. La chiropratique offre un
service immédiat; il n'est généralement pas
nécessaire de procéder à de très longs examens
avant de pouvoir commencer les traitements. Par ailleurs, les soins
chiropratiques procurent généralement un soulagement rapide et,
dans bien des cas, un prompt retour à la santé."
Il appert, en effet, que pour les accidentés du travail, la
chiropratique s'avère généralement une méthode de
traitement efficace. Le chiropraticien est habilité à
procéder à des examens très précis sur la personne
du patient et ses analyses d'ordre physique, orthopédique, neurologique
et radiologique permettent au praticien de déceler avec exactitude la
nature du problème de l'accidenté et de lui procurer un
soulagement aussi rapide que durable.
En effet, dans un bon pourcentage de cas, la chiropratique arrive
à procurer au patient un soulagement rapide et un prompt retour au
travail. C'est d'ailleurs ce que rapporte la Commission d'enquête sur la
chiropratique en Nouvelle-Zélande concernant la couverture des soins
chiropratiques par la Commission des accidents du travail de l'Ontario: "We
were told, on the basis of the Board's experience, that an advantage of having
a chiropractic benefit was that chiropractors generally, in contrast to other
pratitioners, seemed to be able to get patients with certain back problems back
to work much more quickly, even though chiropractic treatment might have to be
continued after the patient's return to work. We gathered that the form of
treatment offered by other health services for many back problems tended to
involve long periods of analgesic drugs and/or extended physiotherapy
treatment" - les pages pertinentes de ce rapport sont produites dans le
présent mémoire en annexe B.
La chiropratique ne nécessiste généralement pas
d'immobilisation du patient à long terme comme c'est le cas, par
exemple, d'une opération chirurgicale. C'est en ce sens qu'elle favorise
un retour plus rapide au travail. Le chiropraticien est en mesure, durant la
phase de réhabilitation de son patient, de lui conseiller des exercices
qui favoriseront la mobilité, le regain de souplesse de sa colonne
vertébrale et de ses articulations, ainsi que l'équilibre
fonctionnel de sa musculature.
Le chiropraticien possède toutes les connaissances
nécessaires pour traiter son patient en toute sécurité.
C'est ce que souligne, en page 23, le rapport de la Commission d'enquête
sur la chiropratique en Nouvelle-Zélande dans les termes suivants:
"Chiropractors are the only health practitioners who are necessarily equipped
by their education and training to carry out spinal manual therapy. Spinal
manual therapy in the hands of a registered chiropractor is safe. The education
and training of a registered chiropractor are sufficient to
enable him to determine whether there are contra-indications to spinal
manual therapy in a particular case."
La formation de niveau universitaire du chiropraticien, d'une
durée de quatre ans, fait de lui un professionnel de la santé
compétent, habilité à traiter ses patients en contact
primaire. À cet effet, le rapport sociologique sur la chiropratique: Les
chiro-praticiens... sont-ils vraiment efficaces? qualifie la formation du
chiropraticien dans les termes suivants: "Les constatations que nous avons pu
faire lors de notre enquête nous portent effectivement à conclure
que la formation des étudiants en chiropratique les prépare
à fournir à leurs patients des services professionnels hautement
adéquats et que cette formation fait des chiropraticiens des
professionnels compétents." (22 heures)
La chiropratique a enfin l'avantage d'être très accessible.
Au Québec, un réseau de plus de 500 chiropraticiens dispensent
ses services tant dans les localités rurales qu'urbaines, à des
heures qui conviennent généralement à toutes les
catégories de personnes. Bon nombre de chiropraticiens offrent en outre
à la population des services d'urgence et de soins à
domicile.
Considérant l'apport évident et les nombreux avantages que
la chiropratique est en mesure de fournir aux accidentés du travail et
aux victimes de maladies professionnelles, nous croyons qu'il est inadmissible
que ce type de soins ne leur soit pas offert de façon officielle et
expresse dans le projet de loi 42.
Chapitre II: L'exclusion de la chiropratique, discrimination et
dirigisme. Section I: Le projet de loi 42, une autre loi discriminatoire envers
les chiropraticiens.
La chiropratique est exercée au Québec depuis le
début du XXe siècle. Ce n'est cependant qu'en 1973 qu'elle a
été légalisée et élevée au rang de
profession reconnue par le Code des professions et par la Loi sur la
chiropratique. Par le biais de ces deux lois, le législateur a fait du
chiropraticien un professionnel à part entière, habilité
à dispenser des soins et à en déterminer l'indication ou
la non-indication dans les examens cliniques et radiologiques qu'il est
autorisé à effectuer sur ses patients. Le chiropraticien est donc
un professionnel de premier contact que les membres du public peuvent consulter
sans devoir obtenir au préalable de prescription ou de
référence d'autres catégories de professionnels.
Cependant, le statut de professionnel de la santé accordé
au chiropraticien par le législateur n'est absolument pas
respecté par les organismes qui administrent les services de
santé publique au Québec. On sait que les chiropraticiens sont
systématiquement exclus des établissements qui sont régis
par la Loi sur les services de santé et les services sociaux et, sauf
exception, leurs services ne sont généralement pas couverts par
les régimes publics de couverture de services de santé.
Or, la valeur du chiropraticien ayant été reconnue par le
législateur dès 1973, il est incompréhensible et
inacceptable que le gouvernement persiste à ignorer le chiropraticien,
surtout dans le domaine des accidents du travail et des maladies
professionnelles où ses traitements pourraient s'avérer
particulièrement bénéfiques.
Il appert, de la lecture du Code des professions et des autres lois qui
régissent les corporations professionnelles, que le législateur a
voulu établir une égalité entre les membres de ces
corporations. Il n'existe pas, en effet, de catégorie de professionnels,
surtout en ce qui concerne les personnes habilitées à traiter les
patients en premier contact, qui soient supérieurs aux autres. Cette
égalité entre les professionnels du Québec n'est cependant
pas respectée par les organismes qui administrent les services de
santé publique. Au contraire, en regardant la façon dont les
chiropraticiens sont systématiquement exclus par l'État de tous
les domaines qui conernent la santé publique, la discrimination dont ils
font l'objet apparaît clairement évidente. En ce sens, le projet
de loi 42 est une autre loi par laquelle le législateur
québécois persiste à ignorer les droits et le statut qu'il
a conférés aux chiropraticiens.
Section II. Le libre choix du professionnel de la santé, un
mythe. Le premier paragraphe de l'article 129 du projet de loi 42 se lit comme
suit: "Le travailleur a droit aux soins de l'établissement de
santé et du professionnel de la santé de son choix." Ce libre
choix que l'article 129 semble donner aux travailleurs est limité et
même supprimé en ce qui concerne les soins chiropratiques, dans la
mesure où le chiropraticien n'est pas considéré comme un
professionnel de la santé au sens de la loi.
Il paraît inacceptable que l'on impose aux employeurs, et
indirectement aux travailleurs, le versement de cotisations pour couvrir les
soins de santé dont les travailleurs pourront avoir besoin en cas
d'accident du travail ou de maladies professionnelles, et que l'on affecte ces
cotisations par la suite à la couverture de certains services de
santé dont le choix est déterminé arbitrairement par
l'État. Cette façon d'agir du gouvernement constitue une forme de
dirigisme par lequel il effectue un choix à même les fonds des
contribuables au profit de certaines catégories de professionnels
auxquels le législateur du Code des professions et des lois
professionnelles n'a pourtant pas reconnu de supériorité par
rapport aux autres professionnels de premier contact.
On pourrait toujours soutenir que le
travailleur reste libre de consulter un chiropraticien s'il le
désire et s'il est prêt à défrayer lui-même le
coût de ses traitements. Or, dans la mesure où le gouvernement
affecte les fonds versés par les employeurs à certaines
catégories de services de santé bien spécifiques, la
liberté des travailleurs accidentés d'aller consulter un autre
type de professionnel dont les services ne sont pas défrayés par
la Commission de la santé et de la sécurité du travail
s'avère illusoire. Il en résulte que seules les personnes bien
nanties pourront profiter des soins chiropratiques et que des classes
entières de travailleurs devront s'en priver. La liberté de choix
du professionnel décrétée à l'article 129 du projet
de loi 42 paraît donc un mythe dont seuls les gens aisés pourront
profiter. Il en résulte que les travailleurs font face exactement
à la même situation que le gouvernement lui-même
déplorait avant l'adoption de la Loi sur l'assurance-maladie.
Nous soutenons donc que l'article 126 du projet de loi 42 limite dans
une large mesure le libre choix du professionnel de la santé
établi à l'article 129 de ce projet de loi puisqu'il soumet le
droit des travailleurs aux soins chiropratiques à un pouvoir
décisionnel arbitraire de la commission.
Section III. Le paragraphe 5 de l'article 126: une invitation à
l'arbitraire et à une politique irréaliste. Le paragraphe 5 de
l'article 126 du projet de loi 42 prévoit que l'assistance
médicale doit comprendre, aux fins du projet de loi, les autres soins ou
frais déterminés par la commission. Cette disposition
confère à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail le pouvoir de défrayer le coût
de certains soins ou services qu'elle pourra, à son bon plaisir,
déterminer dans la mesure et aux conditions qu'elle jugera opportunes.
On peut dès lors imaginer à quel degré d'arbitraire seront
soumises les demandes de couverture de soins chiropratiques ou autres qui
pourront être faites par les travailleurs accidentés.
La situation que présuppose le paragraphe 5 de l'article 126
existe déjà dans les faits et un très grand nombre de
travailleurs seraient en mesure de témoigner des difficultés, des
refus arbitraires et des complications administratives auxquels ils doivent
faire face pour obtenir une indemnisation partielle des soins qu'ils
désirent recevoir. C'est en effet en vertu d'une simple politique de la
commission que certains soins chiropratiques sont couverts dans un cadre et
selon les modalités établies arbitrairement par ladite
commission.
En vertu de cette politique dont une copie est déposée
avec le présent mémoire en annexe C, un travailleur
accidenté peut voir ses soins chiropratiques couverts par la commission
uniquement dans la mesure où les soins chiropratiques ont fait l'objet
d'une référence par un médecin certifié à la
suite d'un diagnostic justifiant des traitements de chiropraticien. La
couverture des soins chiropratiques par la commission est, par ailleurs,
soumise aux règles administratives suivantes, déterminées
par la commission: "Tout dossier d'un bénéficiaire
référé en "chiropratie" doit faire l'objet de
justification des traitements - diagnostic et référence - par son
médecin traitant. "Les traitements doivent être continus.
Exceptionnellement, le chiropraticien peut être
rémunéré pour un traitement au-delà du maximum de
traitements autorisés avec l'accord de la Commission. Toutefois, un
rapport d'évaluation sommaire doit être soumis à la
Commission après le dixième traitement pour autoriser la
prolongation des traitements chiropratiques. "Le chiropraticien est
rémunéré au tarif de 15 $ pour le premier traitement et de
10 $ pour le traitement subséquent. Le nombre de traitements est
limité à un par jour et vingt (20) par année, à
compter de la date du premier traitement indépendamment que le
travailleur soit traité par un ou plusieurs chiropraticiens."
Il est inacceptable que les chiropraticiens, compte tenu de leur statut
juridique, soient soumis à de telles contraintes administratives,
particulièrement en ce qui concerne la référence
médicale, l'obligation d'obtenir une autorisation médicale pour
prolonger leurs traitements et la limitation du nombre de traitements
chiropratiques qu'un travailleur accidenté est en droit de recevoir.
L'illégalité de telles contraintes a d'ailleurs été
confirmée en Cour provinciale dans l'affaire Clouet contre la Croix
bleue du Québec dont copie du jugement est déposée avec
les présentes en annexe D. Commentant les articles 6 et 7 de la Loi sur
la chiropratique, le juge Pinsonnault déclare ce qui suit: "En vertu des
articles 6 et 7 de la loi qui les régit, les chiropraticiens sont
autorisés tant à déterminer l'indication du traitement
chiropratique qu'à le poser. "Il s'ensuit de cette disposition
légale que le législateur a reconnu aux chiropraticiens le fait
qu'ils ont des connaissances particulières requises pour leur permettre
d'exercer des activités spécifiques requérant un
degré d'autonomie dont ils doivent jouir dans l'exercice de leur
profession. "Cela fait des chiropraticiens de véritables professionnels
n'ayant pas de directive à recevoir des médecins quant à
l'exercice de leur profession propre. Ils doivent donc, dans l'exercice de leur
fonction particulière, être les seuls à déterminer
la nature et la durée des soins à donner au patient dont ils ont
pris la responsabilité. Toute tentative d'autres personnes,
fussent-elles des médecins, de leur dicter quoi que
ce soit à cet égard porterait atteinte à leur
liberté professionnelle."
Compte tenu de l'article 7 de la Loi sur la chiropratique, dont copie
est déposée dans le présent mémoire à
l'annexe E, et de la jurisprudence qui a été rendue sur
l'interprétation de cet article, la Commission de la santé et de
la sécurité du travail ne devrait en aucun cas exiger que des
médecins prescrivent les traitements chiropratiques et qu'ils
déterminent la durée ou la prolongation de durée des
traitements que le chiropraticien devrait prodiguer au travailleur
accidenté.
Il est de plus irréaliste de penser que les membres de la
profession médicale puissent généralement, d'une
façon ouverte et objective, prescrire des soins chiropratiques aux
accidentés qui en ont besoin. D'une part, les médecins n'ont pas
reçu de formation en chiropratique et ne sont généralement
pas familiers avec les fondements de cette science. D'autre part, il existe
encore chez un certain nombre de médecins des sentiments de
méfiance à l'endroit de la chiropratique, ce qui rend difficile
toute collaboration entre les deux professions. La Commission de la
santé et de la sécurité du travail devrait voir à
respecter le statut et les privilèges qui ont été
conférés par le législateur aux professionnels dont les
soins peuvent s'avérer nécessaires et bénéfiques
aux accidentés du travail.
Le fait de donner à la commission un pouvoir arbitraire de
déterminer quels sont les autres soins que les accidentés du
travail peuvent être en droit de recevoir en plus des soins
médicaux constitue, à toutes fins utiles, une
dénégation du droit des accidentés à ces
catégories de soins dans la mesure où ceux-ci ne seront pas
autorisés en fonction de leurs besoins, mais plutôt en fonction
des politiques administratives de la commission.
Chapitre III, Le droit des accidentés du travail aux soins
chiropratiques dans les autres provinces canadiennes. Au moment où le
gouvernement doit se pencher sur l'opportunité d'inclure dans
l'assistance qu'il désire accorder aux accidentés du travail un
type de soin particulier, en l'occurrence, les soins chiropratiques, il
apparaît intéressant d'examiner ce qu'il en est dans les autres
provinces canadiennes à ce sujet.
La chiropratique est reconnue en tant que profession dans neuf provinces
canadiennes. Seule la province de Terre-Neuve n'a présentement pas de
loi régissant la chiropratique. Des neuf provinces canadiennes qui
reconnaissent la profession chiropratique, les provinces de l'Ontario, du
Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta, de la Colombie britannique, de
l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick accordent, dans
leur loi respective sur les accidents du travail, un droit officiel aux
travailleurs accidentés de recevoir des soins chiropratiques. Les
articles pertinents des sept autres lois concernant les accidents du travail
sont déposés dans le présent mémoire à
l'annexe F. Il est à noter que, dans aucune de ces lois, il n'est
prévu que le travailleur doive obtenir une prescription ou une
référence médicale pour avor droit aux soins
chiropratiques.
D'autre part, selon les recherches que nous avons effectuées
auprès des associations chiropratiques des autres provinces canadiennes,
il appert que les commissions d'accidents du travail des provinces de
l'Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie
britannique font appel à l'expertise de chiropraticiens pour
l'appréciation de toutes les questions qu'elles sont appelées
à trancher en matière de couverture de soins chiropratiques.
Il appert donc qu'en matière de couverture de soins
chiropratiques aux accidentés du travail la Commission de la
santé et de la sécurité du travail
québécoise soit le seul organisme canadien à
détenir un pouvoir arbitraire relatif à l'autorisation des soins
chiropratiques aux accidentés du travail.
Recommandations et conclusion. Compte tenu des faits et de
l'argumentation exposés dans le présent mémoire, le
comité mixte de l'Ordre des chiropraticiens du Québec et de
l'Association des chiropraticiens du Québec formule les recommandations
suivantes à la commission parlementaire sur le projet de loi 42: En
premier lieu, le titre du chapitre V de ce projet de loi devrait être
modifié de façon que l'on puisse comprendre que la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles n'offre pas uniquement
des services médicaux aux bénéficiaires, mais bien une
gamme de services de santé visant à les aider à recouvrer
leur santé et à réintégrer le plus rapidement
possible le monde du travail.
À cet effet, la définition de l'expression "professionnel
de la santé" contenue à l'article 2 du projet de loi devrait
être modifiée de façon à ne plus faire
référence à la Loi sur l'assurance-maladie; cette
définition devrait comprendre et énumérer toutes les
catégories de professionnels dont les soins devraient être
couverts par la loi. Compte tenu de la contribution que la chiropratique est en
mesure de fournir dans le traitement des accidents du travail et des maladies
professionnelles, nous pensons que les chiropraticiens devraient être
inclus dans la définition de l'expression "professionnel de la
santé" contenue à l'article 2. Le choix du professionnel de la
santé, conféré au bénéficiaire par l'article
129 du projet de loi, devrait être respecté tant au niveau du
chiropraticien qu'au niveau des autres catégories de professionnels de
la santé.
(22 h 15)
La relation de confiance qui s'établit entre le patient et son
professionnel traitant est d'une importance capitale sur la façon dont
le patient réagira aux traitements du professionnel. Ceci est
particulièrement vrai dans le cas des traitements chiropratiques
où le praticien exerce une action directe sur l'organisme de son
patient. La Commission de la santé et de la sécurité du
travail ne devrait jamais pouvoir intervenir dans le plan de traitements
établi par le professionnel. Celui-ci devrait concevoir son plan de
traitements uniquement en fonction de l'état et des besoins du patient
et ignorer toute intervention d'un tiers, tel la commission et ses politiques,
pouvant nuire au bien de son patient. C'est ce que déclare l'article
3.05.02 du Code de déontologie de l'Ordre des chiropraticiens du
Québec, disposition que l'on retrouve généralement dans
les codes de déontologie de toutes les corporations professionnelles
dont les membres sont habilités à traiter des patients.
En ce qui concerne les examens de contrôle que la commission peut
exiger et qui sont prévus aux articles 133 et suivants du projet de loi
42, nous recommandons qu'une disposition législative soit ajoutée
afin que lesdits examens soient effectués par des professionnels qui
exercent la même profession que le professionnel traitant. En d'autres
termes, le travail d'un médecin ne devrait faire l'objet d'examens de
contrôle que de la part d'un autre médecin et ses rapports ne
devraient être évalués que par des médecins. Il
devrait en être de même pour tous les autres professionnels
habilités à traiter des patients en premier contact,
c'est-à-dire qui n'exercent pas leur profession sur prescription ou sous
la tutelle d'une autre catégorie de professionnels.
Il est absolument inacceptable que des traitements de chiropraticiens
soient révisés par un médecin ou qu'un chiropraticien
doive faire rapport de ses actes à un médecin qui ne
possède aucune compétence en chiropratique. Les actes d'un
chiropraticien ne devraient être évalués que par un autre
chiropraticien qui pourrait être membre ou à l'emploi de la
commission.
Nous recommandons enfin une modification de la section V de l'annexe A
du projet de loi 42 au sujet des lésions musculo-squelettiques. Cette
mention devrait comprendre également les aberrations de mouvements
articulaires ou dyskinésie. Il peut arriver, par exemple, que, sans
qu'il y ait de lésion réelle, le patient souffre d'une aberration
au niveau de ses mouvements; celle-ci se traduisant soit par des raideurs, par
une hypomobilité ou une hypermobilité d'une ou de plusieurs
composantes articulaires. Le chiropraticien procède alors à des
manipulations et, dans certains cas, à des traitements
complémentaires qui ont pour effet de rétablir la physiologie de
l'articulation et de lui redonner une amplitude ligamento-tendineuse
normale.
En conclusion, le présent comité soutient que, compte tenu
de l'apport bénéfique que les chiropraticiens sont en mesure de
fournir aux accidentés du travail et aux victimes de maladies
professionnelles, il est inacceptable que la couverture de leurs traitements ne
soit pas assurée à ces personnes. Ils demandent d'être
traités sur un pied d'égalité avec les autres
professionnels de la santé. Ils ne réclament aucun
privilège, sauf celui de voir enfin reconnaître et respecter par
le gouvernement le statut et les droits qui leur ont été
conférés par le législateur il y a déjà dix
ans.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Fréchette: Madame, M. le Président, messieurs.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de regarder le projet de loi 42 eu
égard au chapitre de l'assistance médicale et d'avoir aussi pris
le temps de nous soumettre, par écrit, un mémoire qui contient,
de façon très précise, des recommandations
également très précises. Je m'excuse qu'on ait
été obligé de vous entendre en retard, mais vous comprenez
pourquoi. On n'est pas tout à fait mal à l'aise, parce que c'est
la première fois, je pense, qu'on dépasse l'heure ou qu'on ne
respecte pas l'ordre du jour qui avait été prévu depuis
trois jours. Si on regarde certaines expériences, c'est une excellente
moyenne, me semble-t-il.
Je voudrais, dès le début de mes très brèves
remarques préliminaires, vous dire que, si dans les commentaires que je
ferai, vous percevez une analyse d'ordre scientifique, je vous signale tout de
suite que ce n'est pas du tout mon intention. Je ne m'en reconnais pas la
capacité. Je n'ai pas non plus l'habileté et l'expertise
nécessaires pour procéder à des évaluations
scientifiques. Je vais essayer de m'en tenir strictement à l'analyse de
votre mémoire et aux recommandations qui y sont faites.
Je m'adresse à l'un ou l'autre d'entre vous qui peut me donner
les clarifications ou les explications que je souhaite avoir. Est-ce qu'il vous
est possible, à partir de la clientèle que vous recevez dans vos
bureaux, d'évaluer quelle peut être la proportion ou la moyenne de
cette clientèle qui vous consulte à la suite d'accidents du
travail ou de maladies professionnelles? Vous faites référence,
dans votre mémoire, au fait très précis que beaucoup
d'accidentés du travail vous consultent, reçoivent des
traitements. Est-ce qu'il vous est possible de quantifier -je comprends bien
qu'on ne peut pas préciser - généralement parlant,
à moins que ce soit une question à laquelle il est absolument
impossible de répondre?
Le Président (M. Jolivet): M. Mosca. M. Ouimet?
M. Bérubé (Gérard): Gérard
Bérubé. Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Bérubé (Gérard): M. le ministre ou M. le
Président, on déplore que nous n'ayons aucune statistique dans ce
sens. Les remarques qu'on vous a faites dans notre mémoire à cet
effet sont basées sur des remarques que les chiropraticiens nous ont
faites au bureau de l'Ordre des chiropraticiens, mais il serait impossible pour
nous de vous donner des chiffres exacts à ce niveau.
Le Président (M. Jolivet): M. Mosca.
M. Mosca: J'aimerais dire une chose, c'est que chacun a un bureau
privé, en plus de ses fonctions à une place ou l'autre, dans
notre profession. Néanmoins, on essaie d'être là de temps
en temps avec nos préoccupations. Je peux vous assurer, et, j'en suis
sûr, mes confrères aussi, qu'il n'y a pas une journée qu'on
ne voit pas soit un accidenté du travail ou de la route qui dise: Moi,
je me suis fait mal, j'ai eu un accident, il y a trois semaines, il y a deux
semaines; cela ne va pas mieux, j'aimerais donc venir. Il y en a beaucoup qui
viennent et paient de leur poche. Il y en a beaucoup qui ne peuvent pas
financièrement absorber les coûts. C'est une chose qu'on voit
tous. Pour répondre à cette question, je donne la parole au Dr
Ouimet.
Le Président (M. Jolivet): Le Dr Ouimet et il y a aussi le
Dr Bouchard.
M. Ouimet (Jocelyn): M. le ministre, si on se rappelle le moment
où on a adopté la Loi sur l'assurance-maladie, c'était
pour permettre aux gens les plus défavorisés d'avoir des soins.
Je pense que le fait que les soins chiropratiques ne font pas l'objet d'une
garantie défavorise une classe de gens. Quand vous parlez
d'accidentés qui viennent à nos bureaux, souvent, ce ne sont pas
les plus fortunés, mais ce sont ceux qui veulent réellement
travailler.
Le Président (M. Jolivet): M. Bouchard.
M. Bouchard (Luc): M. le Président, M. le ministre, dans
un rapport que l'Association chiropratique canadienne remettait, en septembre
dernier, au ministre de la Santé à Ottawa, voici ce que nous lui
disions. Pour l'année se terminant au 31 mars 1983, je n'ai pas une
moyenne canadienne. Je fais référence à la province de
l'Ontario, province qui a pratiquement la même population que le
Québec, à quelques millions près. Au 31 mars 1983, OHIP a
fait des paiements pour des traitements chiropratiques à 561 824
patients à un coût total de 37 131 200 $. Durant la même
période, le WCB de l'Ontario - Workman Compensation Board - a fait des
paiements à 55 293 patients de chiropraticiens à un coût
total de 1 691 709 $.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Fréchette: Est-ce que je dois comprendre que les
statistiques que vous nous fournissez actuellement concernent le paiement de
soins professionnels pour toute catégorie de personnes qui ont
consulté des chiropraticiens en Ontario et en Colombie britannique?
M. Bouchard: En Ontario seulement. M. Fréchette: En
Ontario seulement.
M. Bouchard: Je fais référence à la province
de l'Ontario seulement.
M. Fréchette: D'accord. Vous avez des chiffres sur les
accidents du travail?
M. Bouchard: Oui.
M. Fréchette: 55 000, avez-vous dit?
M. Bouchard: 55 293 patients en chiropratique.
M. Fréchette: Est-ce qu'à votre connaissance
l'Ontario a dans ses lois des dispositions qui font en sorte que les gens qui
sont référés chez les chiropraticiens le sont à la
suite de l'établissement d'un diagnostic par un médecin?
M. Bouchard: Je m'excuse, M. le ministre, les patients qui vont
voir un chiropraticien, un docteur en chiropratique, en Ontario, ne sont pas
référés par un médecin.
M. Fréchette: Bon, c'est simplement cette précision
que je voulais avoir.
Le Président (M. Jolivet): M. Mosca.
M. Mosca: Excusez-moi, M. le ministre, je vais vous
laisser...
M. Fréchette: Non, non, allez, je vous en prie.
M. Mosca: ...finir votre point et j'aimerais dire quelque
chose.
M. Fréchette: Oui, oui.
M. Mosca: Vous avez fait une remarque au début et je viens
juste de me réveiller. Vous avez mentionné que vous ne vouliez
pas tomber dans le scientifique.
M. Fréchette: Non.
M. Mosca: D'accord. Il n'y a pas de problème. Par contre,
on va tomber dans des choses simples, claires, sur lesquelles on ne peut pas
argumenter scientifiquement, moralement ou autrement. Dans les 50 États
de nos cousins du Sud, dans tous les États, tous et chacun ont une loi
chiropratique de premier contact. Le chiropraticien reçoit son patient
et fait son propre diagnostic, à savoir s'il peut ou non soigner ce
patient. Est-ce qu'il doit le référer ailleurs? Tous les
États ont des lois concernant les accidents du travail.
Présentement, il y a 36 États qui ont fait une loi qui oblige -
parce qu'on n'a pas l'assurance-maladie partout - les soins qu'on appelle
"major medical". Cela veut dire que si une compagnie veut faire affaires dans
ces États - il y a 36 États comme cela - il faut que la compagnie
offre à parts égales des soins chiropratiques et des soins
médicaux. Ce n'est pas parce qu'on est fins ou plus beaux, c'est parce
que cela marche, la chiropratique, dans ces États. De plus, on parle ici
au Canada... Cela fait maintenant dix ans qu'on est légalisé ici
au Québec. Nous sommes des gens très patients. Nous attendons le
plus poliment possible, mais, quelquefois, on se demande ce qu'est le
problème. Est-ce que c'est nous? Est-ce que cela se peut qu'on ne soit
pas aussi fins que nos cousins les Américains des 50 États?
Est-ce que cela se peut qu'on ne soit pas aussi fins que nos cousins ici au
Canada? Est-ce que cela se peut? Est-ce que c'est le gouvernement? On sait que
non. Est-ce qu'on est moins beaux? Je ne sais pas. Pour moi, le problème
doit être l'absence d'un dialogue réel, sincère, pour
vouloir faire quelque chose qui est évident. Cela a été
prouvé depuis longtemps que c'est une nécessité.
Même vous autres - et je me reprends un tout petit peu - même vous
autres - je dis cela comme cela - vous avez changé le nom de la
Commission des accidents du travail pour Commission de la santé et de la
sécurité du travail. La chiropratique a beaucoup à offrir
à des accidentés du travail, j'en suis sûr, mais un
accident du travail, à part celui qui tombe d'un plafond, cela n'arrive
pas tout le temps. Il y a du monde qui travaille très fort physiquement
tout le temps et qui souffrent d'une certaine
dégénérescence. C'est simple, ce n'est pas scientifique.
C'est seulement une dégénérescence qui existe. Je pense
que la chiropratique pourrait être très utile dans ce domaine,
comme elle l'est dans les autres provinces, dans les autres États. Cela
ne se peut pas que, jamais, nous, ici au Québec, les chiropraticiens, on
ne puisse faire face à nos cousins, les autres chiropraticiens, et
accepter une prescription médicale pour des soins chiropratiques quand,
ici, au Québec, on a probablement la plus belle loi qui existe en
chiropratique mondiale. Donc, ce n'est pas la loi non plus. Ce n'est pas le
gouvernement. J'en suis sûr, ce n'est pas nous. Cela doit être un
manque de communication, un manque de pourparlers sincères pour en
arriver à ce qui, je pense, est reconnu dans l'Amérique du Nord
et dans une bonne partie de l'Europe comme une chose qui fait épargner
de l'argent à tout le monde concerné.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Fréchette: Oui. Dr Mosca, je suis content des
représentations que vous venez de faire. À deux reprises, dans
vos remarques, vous avez fait référence à un manque de
dialogue, à un manque de communication. Vous dites: Ce n'est pas notre
faute, ce n'est peut-être pas la faute du gouvernement, ce n'est pas la
faute d'un autre groupe, mais, s'il y a un manque de dialogue ou de
communication, ce pourrait être entre qui effectivement?
M. Mosca: Je suis content que vous me demandiez cela, M. le
ministre.
M. Fréchette: Enfin, moi...
M. Mosca: On attendait cette question depuis très
longtemps.
M. Fréchette: Allez-y maintenant. (22 h 30)
M. Mosca: Je n'ai même pas besoin de savoir à qui je
dois le demander. Je demande à M. le Dr Ouimet de répondre. Nous
avons des preuves de bien des choses. Approchez le micro.
M. Ouimet: M. le ministre, nous avons rencontré un des
représentants du ministère des Affaires sociales, en l'occurrence
Me Matteau, à maintes occasions, pour essayer de déterminer le
rôle du chiropraticien à l'intérieur du système de
santé de la province de Québec. J'ai ici copie de la lettre de Me
Matteau datée du 17 février 1983, qui a motivé notre
présence ici en commission parlementaire. Un des paragraphes se lit
comme suit: "De l'avis formel des experts juridiques de nos organismes
concernés, le chiropraticien n'est pas habilité, dans le cadre
législatif actuel, à statuer sur l'incapacité ou
l'invalidité d'un bénéficiaire aux fins de
l'administration des lois concernées. Il est donc nécessaire
d'obtenir un diagnostic médical préalable pour que la
victime puisse bénéficier de la couverture de ces régimes
particuliers. Une réponse favorable à votre demande exigerait
donc une modification substantielle aux lois actuelles et vous comprendrez que
toute démarche à cet effet devrait suivre un autre forum que
celui qui s'inscrit à nos discussions actuelles." C'est la raison pour
laquelle nous sommes ici, M. le ministre.
M. Fréchette: Alors, je comprends pourquoi vous aviez
votre lettre à la main, docteur. Vous attendiez la question, si j'ai
bien compris. Effectivement, en faisant la lecture de cette lettre ou de cette
réponse qui vous a été adressée, vous m'ouvrez une
porte, à moi aussi, dans le sens suivant: Même si j'avais la
conviction profonde - je ne vous dis pas que je ne l'ai pas, mais c'est pour
les besoins de notre discussion - qu'il faille éliminer ces
difficultés d'ordre juridique dont vous parlez pour pouvoir atteindre
les objectifs sans doute légitimes que vous poursuivez, vous allez
comprendre que ce n'est peut-être pas par la voie d'une loi sectorielle
qu'on peut y arriver. En d'autres mots, est-ce qu'il faut que la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles soit amendée pour
donner ouverture aux conclusions que vous recherchez ou si ce n'est pas
l'inverse, que ce soit la loi-cadre, la loi générale qui fasse
cette ouverture et, ensuite, par voie de concordance, dans toutes les autres
lois où le phénomène existe, que la concordance soit faite
effectivement? Vous comprenez la situation. C'est peut-être une chose
à laquelle vous vous attendiez aussi. Je veux qu'on soit bien clair
entre nous, cela va au moins nous avoir permis de relancer le dialogue. Mais je
vous signale la situation dans laquelle je suis, comme ministre responsable de
l'application d'une loi dans un secteur très particulier.
Le Président (M. Jolivet): M. Bérubé.
M. Bérubé (Gérard): M. le Président,
j'aime aussi beaucoup cette question.
M. Fréchette: On va bien.
M. Bérubé (Gérard): Étant
donné que le chiropraticien est le spécialiste reconnu des
problèmes neuromusculo-articulaires ou squelettiques, si vous
préférez - d'ailleurs, vous le mentionnez dans votre loi - on se
pose aussi une question: Comment cela se fait-il que le chiropraticien a
toujours été évité dans cette loi? Si on regarde
les statistiques de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, cette classe de problèmes
neuro-musculo-squelettiques est très forte en pourcentage. Alors, il y a
quand même là un dilemme. Sur un autre volet à ma
réponse, dans nos relations qui remontent même, je pourrais dire,
à une quinzaine d'années, la Commission des accidents du travail
du temps, on nous disait: On aurait besoin de vous, les chiropraticiens, parce
que ces problèmes articulaires, ces maux de dos chroniques avec lesquels
on a des problèmes, pour lesquels on paie des prestations continuelles
et qui ne voient pas l'heur de guérir, je pense que vous pourriez nous
donner un bon coup de main, mais il manque quelque chose à notre loi et
on ne peut rien faire à ce sujet. Alors, il faudrait passer par l'aide
médicale. Cela a toujours été l'embûche. La
commission ne pouvait pas agir directement parce que sa loi ne mentionne pas le
chiropraticien. Alors, la commission voulait faire un règlement - je ne
sais pas si ma formule juridique est exacte - agir sous un article de sa loi
par règlement, mais toujours en passant par le biais médical.
Au niveau de la commission, la demande est là parce qu'il y a un
gros problème à résoudre à la commission. Si vous
n'êtes pas au courant, demandez-le-leur. Je suis persuadé qu'ils
vont vous donner la même réponse.
M. Fréchette: II semble qu'il y en a quelques-uns.
J'entends parler de cela depuis quatre jours.
M. Bérubé (Gérard): Ah oui! Un gros
problème de ce côté-là. Certainement. S'il y avait
un lieu où commencer à faire une première au Québec
au niveau des soins chiropratiques, je pense que c'est plus important au niveau
de la CSST que de l'assurance-maladie même, parce que le domaine de la
chiropratie est drôlement enligné dans le sens des accidents.
M. Mosca: ...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Mosca.
M. Mosca: Je vais continuer à répondre. Moi, je
dirige de ce côté-ci et, vous, de l'autre côté. Me
Piette, s'il vous plaît!
Mme Taché-Piette: Je veux simplement ajouter quelque chose
à ce que le Dr Bérubé vient de dire pour répondre
à la question que vous avez posée, M. le ministre, au sujet de la
portée de la Loi sur la chiropratique. Vous demandiez tout à
l'heure s'il y aurait des changements à apporter à la Loi sur la
chiropratique pour qu'on puisse, nous, dans notre loi sectorielle, respecter un
statut de professionnel de premier contact du chiropraticien.
À ceci, je réponds qu'il n'y a absolument aucun changement
à apporter à la Loi sur la chiropratique. La Loi sur la
chiropratique accorde, à l'article 7, un statut de professionnel
de premier contact au chiropraticien. Elle lui donne, à lui, le pouvoir
de déterminer, sans référence, sans prescription, sans
l'opinion de qui que ce soit, l'indication ou la non-indication de ses
traitements.
Lors des négociations avec la Commission de la santé et de
la sécurité du travail, la discussion s'est engagée
à savoir si le chiropraticien avait, par cet article, le pouvoir de
faire un diagnostic, de poser un jugement sur l'état de son patient, sur
le problème qu'il avait et sur la portée ou la provenance de ce
problème. Je prétends que oui. Il y a un vieux principe juridique
selon lequel, lorsque le législateur donne un pouvoir à
quelqu'un, il lui donne toujours les moyens d'exercer ce pouvoir. Le
législateur a donné au chiropraticien le pouvoir de
déterminer lui-même l'indication ou la non-indication de ses
traitements. Comment est-ce que le chiropraticien va s'y prendre pour
décider s'il y a lieu de donner un traitement ou non? Il n'y a qu'une
façon de procéder. C'est en examinant son patient et en
évaluant le problème de celui-ci en l'identifiant avec
précision. Cela s'appelle un diagnostic.
M. Mosca: M. le ministre.
Mme Taché-Piette: Une autre précision, si vous
voulez, M. le Président. C'est que, si le chiropraticien n'était
pas capable de poser un diagnostic, je ne vois vraiment pas pourquoi le
législateur l'aurait habilité à faire des examens
radiologiques. Ces examens ne servent qu'à une chose: poser un
diagnostic et identifier quel est l'état du patient, l'état de
son problème et la présence de pathologies ou d'anomalies
sous-jacentes. Cela aussi s'appelle un diagnostic et cela aussi confirme le
statut de professionnel de premier contact du chiropraticien.
M. Fréchette: D'ailleurs, toute l'argumentation que vous
venez de développer est précisément celle qu'a retenue le
juge Pinsonnault dans le jugement que vous avez annexé à votre
mémoire.
Mme Taché-Piette: Exactement. Oui.
M. Fréchette: Je n'ai pas d'autres questions, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que M. Mosca a autre
chose à ajouter? Sinon, on va passer au député de Viau. M.
le député de Viau.
M. Cusano: Merci, M. le Président. Je vais avoir
bientôt besoin de soins parce que les chaises sont très
inconfortables.
Ma question sera courte, mais peut-être que la réponse sera
longue. Tous ceux qui s'intéressent aux accidents du travail sont
préoccupés par les coûts élevés
engendrés par de tels accidents. À la page 7 de votre
mémoire, vous dites que la chiropratique ne nécessite
généralement pas d'immobilisation du patient à long terme,
comme c'est le cas, par exemple, d'une opération chirurgicale. C'est en
ce sens qu'il favorise un retour au travail plus rapide. Un retour au travail
rapide, ce sont des économies pour la CSST dans ce cas-ci. Dans la
province de Québec, vous n'avez peut-être pas pu accumuler des
statistiques, mais chez nos voisins du Sud, où la chiropraxie est
acceptée, y a-t-il des études de coûts comparatifs à
savoir combien on pourrait économiser justement, surtout pour les
accidentés, puisque vous avez mentionné que les grands
problèmes sont là? S'il n'y a pas d'étude, pouvez-vous
nous donner une indication ou une appréciation des coûts qui
pourraient être économisés en reconnaissant votre
profession?
M. Mosca: D'accord. Je vais répondre à cette
question. Nous avons beaucoup de statistiques aux États-Unis et nous
allons parler surtout de l'État de la Californie, dont la population
équivaut à celle du Canada, je pense. Il y a beaucoup de monde.
Cette étude a été faite par le Dr C. Richard Wolfe,
médecin, qui a utilisé les données de la California
Division of Labour Statistics and Research. Le Dr Wolfe a fait une étude
indépendante pour comparer 1000 cas d'accidentés du travail
traités par des soins médicaux par rapport aux soins
chiropratiques. Voici la conclusion de cette étude. Le nombre de jours
de travail perdus par ceux qui ont été soignés par la
chiropratique, c'est 15,6 jours. Par les soins médicaux, c'est 32 jours
de perte de travail.
M. Cusano: Excusez-moi, M. Mosca, mais c'est en présumant
que les lésions étaient de même nature.
M. Mosca: Oui, certainement. Je vais la lire en anglais. Ce sera
plus simple aussi.
M. Cusano: Go ahead and feel at home.
M. Mosca: This study was conducted by Dr. C. Richard Wolfe, M.D.,
utilizing records provided by the California Division of Labour Statistics and
Research. In 1972, Dr. Wolfe's independent study was designed to compare cases
of time loss due to industrial back injury when treated by a medical doctor and
when treated by a doctor of chiropractic. The study was constructed to report
on the next arriving 500 cases with back related injuries by medical doctors
and the next 500 cases under chiropractic care. Ils n'ont pas choisi les 500
qui étaient là. Ils ont pris les
500 suivants. Je poursuis avec les pourcentages.
Soins chiropratiques: 51% des patients ont dit qu'ils étaient
mieux à 100%; 34,8% de ceux traités par les soins médicaux
ont répondu qu'ils étaient mieux à 100%. De ceux qui n'ont
perdu aucune journée de travail, c'est-à-dire qui ont
été malades ou blessés mais qui ont continué
à travailler quand même, 47,9% des patients traités par la
chiropratique n'ont perdu aucune journée tandis que 21% de ceux
traités par soins médicaux peuvent dire la même chose.
Finalement, ils ont pris les pourcentages des patients qui ont perdu 60 jours
et plus; avec les soins chiropratiques, 6,7% de ces cas ont eu soixante
journées et plus de convalescence; avec les soins médicaux, c'est
13,2 journées. Les études se continuent au Montana, au Wisconsin,
dans l'Oregon; elles sont faites par des Ph.D, non pas avec nos statistiques,
mais avec les statistiques préexistantes dans les commissions de travail
aux États-Unis. Ce n'est pas une question qu'on ne peut pas, c'est cela;
cela coûte moins cher. Le Dr Beaulieu, pour finir.
M. Beaulieu (Pierre): Un exemple seulement qui s'est produit dans
mon bureau il y a quinze jours: un patient de la RAAQ est venu me voir; il y a
déjà deux ans et demi qu'il a cessé de travailler à
la suite d'un accident d'automobile. La RAAQ a décidé qu'elle ne
voulait absolument plus le payer, il fallait qu'il travaille. L'individu
n'était pas capable de travailler et il est venu me voir. Après
examen, j'ai commencé le traitement au mois de janvier, celui-ci
recommence à travailler au mois de mars. Il a été deux ans
et demi arrêté, il aurait dû l'être pour une
période maximale d'un an et demi. Il a fait de la physiothérapie,
pendant un an pour rien. Je ne veux pas déprécier la
physiothérapie mais ce n'était pas le traitement
recommandé dans son cas. Il a perdu une année complète de
travail parce qu'il n'a pas eu le bon traitement au bon moment. Je parle d'un
cas qui se produit actuellement et cet individu va recommencer à
travailler au mois de mars. (22 h 45)
Le Président (M. Jolivet): Je pense que M. le
député de Sainte-Anne voudrait poser une question.
M. Polak: Oui, juste une question, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse.
M. Mosca: Le Dr Boisvert...
Le Président (M. Jolivet): Dr Boisvert.
M. Boisvert (Laurent): ...d'ordre général à
M. le député de Viau. Dans les lésions
musculo-squelettiques dont on parlait, il est reconnu que plus le traitement
est donné rapidement, c'est préférable, afin
d'éviter que la lésion devienne chronique. Vous avez dans la
province de Québec 500 à 600 bureaux de chiropraticiens
répartis dans des zones urbaines et rurales, partout. Au fond, chaque
bureau de chiropraticiens ou presque est presque un mini-centre où le
chiropraticien, de par son éducation, a appris la neurologie, a appris
à faire des examens physiques, des examens radiologiques. Il y a un
appareil de radiologie; il y a les instruments nécessaires. Le patient
peut obtenir des soins rapides partout; il n'est pas obligé de passer
par toute une série de visites, de prescriptions, etc., sans vouloir
critiquer quoi que ce soit. Je pense que c'est un avantage que vous pourriez
avoir à votre disposition chez tous les chiropraticiens, qui sont si
bien établis. Cela réduit les coûts.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Juste une question, M. le Président.
Personnellement, j'ai beaucoup de sympathie pour le contenu de votre
mémoire, peut-être à cause de mon âge, et parce que
j'ai des amis qui suivent des traitements de chiropratique avec beaucoup de
succès. J'ai également dans mon comté le cas de
travailleurs qui doivent payer de leur poche de telles visites; ils ne sont pas
capables de le faire. On m'a exprimé personnellement le fait que cela
n'est pas toujours autorisé par la CSST. Je voudrais vous aider un peu,
parce que le ministre tout à l'heure semblait être prêt
à vous écouter, tout fonctionnait bien - un peu comme dans le cas
de M. Savoie - sauf qu'il recevait ensuite un avis d'un fonctionnaire et,
soudainement, il disait: La loi-cadre, je ne peux rien faire, malgré
toute la sympathie que j'éprouve. En Nouvelle-Zélande, on dit:
"Try to pass the buck". Donc, je ne voulais pas qu'on donne l'occasion... Je
voulais revenir là-dessus, parce que si j'ai bien compris l'intervention
de votre avocate, on n'a pas besoin de changer la loi-cadre. Il y a les gens de
la CSST qui croient... Si l'expérience démontre que quelques
travailleurs peuvent bénéficier de cela, personnellement, je suis
en faveur de leurs idées. Peut-être que le ministre peut prendre
une initiative sans se cacher en derrière la loi-cadre. Est-ce que j'ai
bien compris? C'est ce que vous avez dit. Dans ce cas-là, on va demander
au ministre de prendre l'initiative lui-même de faire le changement sans
être obligé légalement de recourir à la loi-cadre.
Ai-je bien compris, techniquement?
Le Président (M. Jolivet): Mme Taché-Piette.
Mme Taché-Piette: C'est exactement ce que j'ai dit. Il n'y
a pas de changement à apporter à la loi-cadre. Ce que les
chiropraticiens demandent, c'est que leur statut de professionnel de premier
contact soit respecté. Si on applique la loi telle qu'elle a
été écrite par le législateur, il n'y a absolument
rien à changer à la loi-cadre pour pouvoir transposer dans la Loi
sur les accidents du travail et les maladies professionnelles les droits et les
privilèges qui ont été donnés par le
législateur aux chiropraticiens.
M. Polak: Donc, cela prend peut-être une réponse
maintenant de la part du ministre. Je ne sais pas s'il est prêt à
les aider un peu plus. Moi, j'ai fait mon devoir.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, c'est une
question qui vous est posée.
M. Fréchette: Par qui? Par le témoin ou par...
M. Polak: Non, par moi.
Le Président (M. Jolivet): J'ai cru comprendre que vous
vouliez intervenir une dernière fois pour la fin de la
soirée.
M. Fréchette: M. le Président, je vous signalerai
que l'argumentation qui est développée par Me Taché-Piette
est appuyée par un jugement de cour. Je réitère que c'est
un jugement de la Cour d'accès à la justice, mais cela
n'empêche pas que l'argumentation qui y est développée est
en tout point conforme à l'argumentation que vous nous soumettez. Le
député de Sainte-Anne me pose une question. Je vais, si vous me
le permettez, M. le Président, prendre en délibéré
la question qui m'est posée. Vous allez comprendre que c'est une
décision qui implique des conséquences qui débordent le
seul projet de loi que nous sommes en train de discuter. Si j'étais le
seul à prendre une décision par rapport aux
représentations que vous faites, le délibéré ne
serait pas long. Je vous signale cela, mais je ne peux pas, malgré la
conviction que j'ai, vous donner ce soir une réponse qui vous donnerait
des espoirs qui ne se concrétiseraient pas. Mais je peux vous assurer,
cependant, que je ferai les représentations, qui sont le reflet de mes
convictions, auprès des gens qui doivent concourir à une
décision semblable. Je peux m'engager à faire cela.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Beaulieu.
M. Beaulieu: En terminant, je voudrais seulement, en tant que
président de l'association, vous dire que ce qu'on veut, ce n'est pas un
morceau du gâteau. On veut tout simplement avoir le droit que les
chiropraticiens de partout aux États-Unis et de sept provinces du Canada
ont acquis: le droit au premier contact, celui de pouvoir traiter le patient
sans prescription médicale. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie, M. Mosca et
tous les collègues qui vous accompagnent.
Quant à moi, je tiens à faire mention de l'horaire de
demain, simplement pour les besoins de la cause. À 10 heures, nous
entendrons l'Association des manufacturiers canadiens, jusqu'à 13
heures; à 15 heures, nous entendrons l'Association des travailleuses et
travailleurs accidentés du Québec; le troisième groupe
sera le Conseil conjoint no 91 des teamsters du Québec et, enfin, le
Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue.
Selon l'entente qui est intervenue, il n'y aura pas d'interruption entre
15 heures et la fin des travaux, c'est-à-dire vers 20 heures, demain
soir. Je vous remercie et je vous souhaite une bonne journée puisque,
demain, un autre président prendra ma place. Ce sera le
député de Saint-François, l'autre vice-président,
qui m'accompagne normalement dans les travaux de la Chambre.
Nos travaux sont ajournés à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 53)