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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Tuesday, December 13, 1983 - Vol. 27 N° 202

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen de l'administration et du fonctionnement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail


Journal des débats

 

(Onze heures trente et une minutes)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre! La commission reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de cette commission qui est d'examiner l'administration et le fonctionnement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

J'identifie tout de suite les membres de cette commission qui sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Cusano (Viau), M. Dean (Prévost), M. Fréchette (Sherbrooke), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lafrenière (Ungava), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Maltais (Saguenay), M. Champagne (Saint-Jacques) et M. Rochefort (Gouin).

Les intervenants sont: M. Sirros (Laurier), M. Champagne (Mille-Îles), M. Côté (Charlesbourg), M. Leduc (Fabre), M. Pagé (Portneuf), M. Payne (Vachon), M. Polak (Sainte-Anne), Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

M. Fréchette: M. LeMay (Gaspé) remplace M. Payne.

Le Président (M. Blouin): Alors, M. Payne est remplacé par M. LeMay (Gaspé).

Je vous signale que nous avons six groupes à entendre aujourd'hui et que, par déférence pour ces invités que nous avons convoqués, je souhaiterais que nous puissions respecter, de façon un peu plus stricte, la consigne que nous nous étions donnée hier de procéder à une présentation d'une vingtaine de minutes et, ensuite, de demander aux parlementaires, en une quarantaine de minutes, de procéder aux échanges avec les groupes invités.

Sans plus tarder, je demande à la Confédération des syndicats nationaux de bien vouloir s'avancer et de prendre place à la table des invités.

M. Fréchette: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le ministre.

M. Fréchette: ...pendant que les gens de la Confédération des syndicats nationaux prennent place, je voudrais essayer avec les membres de la commission d'établir un processus pour nos auditions de l'avant-midi. Il était normalement prévu que nous devions commencer nos travaux à 11 heures et il est 11 h 30. Il est également prévu, et vous venez de l'indiquer, M. le Président, que les groupes, normalement, disposent d'une heure. Alors, je n'aurais pas, quant à moi, d'objection à ce que nous débordions effectivement 13 heures puisque nous avons deux groupes à entendre ce matin.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, je suis complètement d'accord avec le ministre afin qu'on puisse déborder 13 heures, étant donné que, lorsque des invités sont convoqués ici à une commission parlementaire, on ne les informe pas du fait qu'ils n'ont que 20 minutes pour exposer leur mémoire et qu'il y a 40 minutes pour les questions qui leur sont posées.

Alors, je vous demanderais, au nom des invités, de démontrer une tolérance assez large s'il est nécessaire, de la part de nos invités, de prendre plus que le temps qui d'habitude est accordé aux intervenants.

Le Président (M. Blouin): J'essaierai, dans la mesure du possible, M. le député de Viau, de me rendre à ce que vous souhaitez, à ce que je souhaite aussi. Cependant, je vous rappelle que bon nombre de ces organismes ont l'habitude des commissions parlementaires et que la tradition veut que, dans ce genre de commissions parlementaires, on demande de résumer cette présentation en une vingtaine de minutes. Il n'y aura pas de problèmes si cela excède de quelques minutes, mais je ne pense pas qu'on puisse doubler ou tripler le temps alloué, sinon, nous devrons supprimer l'audition de certains groupes et cela, je crois, est hors de question.

Sans plus tarder, je demande à notre premier groupe invité, la CSN, et à ses représentants de bien vouloir s'identifier pour les fins du journal des Débats et de procéder à la présentation de leur mémoire.

CSN

M. Auger (Christophe): Merci, M. le Président, MM. les députés. Je voudrais d'abord vous présenter la délégation de la CSN. À ma gauche, Mario Évangéliste, conseiller syndical affecté au dossier de la

santé et de la sécurité et à l'aspect formation; Danielle Hébert, conseillère syndicale au comité de la condition féminine de la CSN; Zaïda Nunez, conseillère syndicale à l'application des lois sociales; Roger Valois, président du comité confédéral de la santé et de la sécurité; Christophe Auger, vice-président de la CSN; Claude Mainville, conseiller syndical au service du génie industriel; Jean Chartrand et Céline Labrecque, délégués par le conseil central de Montréal.

Je voudrais d'abord vous dire que notre présentation ne sera que verbale. Comme vous avez pu le constater, on n'a pas eu la possibilité de vous remettre un mémoire écrit; nous comptons pouvoir le faire dans les jours ou les semaines qui suivront cette commission.

Le Président (M. Blouin): Je vous signale, M. Auger, que le journal des Débats consigne votre présentation et que les députés peuvent en prendre connaissance rapidement.

M. Auger: La raison pour laquelle je voulais le souligner, c'est qu'il y aura, dans la version finale du texte... J'invite la commission à être indulgente quant à la présentation puisqu'on a l'habitude de vous présenter des textes qui sont finis et à partir desquels il est plus simple et plus facile de discuter. Compte tenu que je parlerai à partir d'éléments qui ne sont pas tous regroupés de façon absolument finale, j'espère que vous pourrez tout de même saisir l'ensemble du fond du débat que nous voulons soulever, pas simplement la forme, et faire ainsi avancer les problèmes que nous tenons à soumettre à cette commission.

Comme introduction j'aimerais vous dire que, nous, à la CSN, quand on analyse le fonctionnement de l'administration de la CSST, on le fait à partir des objectifs propres à la défense des intérêts des travailleurs et des travailleuses que nous représentons, tant au niveau de leur santé et de leur sécurité qu'au niveau de la reconnaissance juste et entière des accidents et maladies du travail qu'ils ou qu'elles peuvent subir. Depuis plusieurs années, je dirais presque depuis toujours, on a appuyé notre action syndicale sur les principes et pratiques suivants en matière de santé et de sécurité.

Nos revendications et nos batailles visent un objectif, soit la santé et la sécurité au travail, parce qu'on pense que la santé et l'intégrité physique ne se négocient pas. On doit s'assurer qu'elles sont respectées et qu'elles existent dans l'ensemble des milieux de travail. Deuxièmement, c'est par l'élimination des dangers à la source et l'adaptation du travail à la personne qu'on devrait arriver à cela et non l'inverse, c'est-à-dire adapter la personne au travail. Troisièmement, il y a une responsabilité primordiale pour l'employeur qui doit prendre les moyens pour rendre le milieu de travail sain et sécuritaire. Quatrièmement, les travailleurs et les travailleuses doivent prendre les moyens suffisants et nécessaires pour forcer ces employeurs à respecter les normes de sécurité et à prendre les mesures nécessaires pour rendre les milieux de travail sains et sécuritaires.

On revendique également - cela a été une de nos pierres d'assise et on continue de le renvendiquer - le droit au plein salaire et à la pleine sécurité d'emploi à la suite d'un accident ou d'une maladie du travail pour toute la durée de l'arrêt de travail prescrit par le médecin traitant et le droit de choisir son médecin traitant, le droit pour les travailleurs et les travailleuses de connaître leur état de santé en regard de leur milieu de travail passé et présent et le droit à l'examen médical par le médecin de leur choix - examen défrayé par l'employeur - et par conséquent le droit de refuser d'être examinés par un médecin de l'employeur.

Il y a un certain nombre d'autres revendications qui portent sur des éléments fondamentaux que je n'ai pas repris dans cette introduction, qu'il s'agisse de l'exercice du droit de refus qui doit être élargi par rapport à la conception qui est contenue actuellement dans la loi ou du moins confirmée dans sa pratique. On reviendra sur ces aspects un peu plus tard dans le courant de cette présentation. Ce que l'on considère, c'est que, dans la pratique de tous les jours, la Commission de la santé et de la sécurité du travail s'est éloignée de ses objectifs. Tel qu'on le souhaite, notre présentation, aujourd'hui, veut en faire une démonstration.

Également, nous vous soulignons qu'on a tenté de développer toute notre analyse de la CSST dans cette déclaration en s'appuyant presque essentiellement sur des faits réels vécus dans différents milieux de travail, que ce soit dans les milieux d'usines, d'enseignement, d'hôpitaux ou autres. Enfin, avant de passer au premier sujet, j'aimerais vous signaler qu'il nous apparaît important que notre intervention ne puisse être récupérée - récupérée, oui - à d'autres fins qu'à l'amélioration concrète des conditions de santé et de sécurité au travail.

Nous ne voudrions pas que notre témoignage alimente des intérêts partisans qui, d'aucune façon, n'intéressent et ne concernent les membres que nous représentons. Nous tenons à le rappeler en début de cette commission parlementaire. On sait que ce sujet a toujours été délicat et on ne voudrait pas que tous les travaux que l'on fait puissent servir à d'autres fins que celle pour laquelle on les présente ici, à savoir le mieux-être des travailleurs et travailleuses

que nous représentons.

Dans le déroulement de notre déclaration, dans un premier temps, on va faire part de l'expérience vécue concernant certaines dispositions contenues dans les lois que la CSST a la responsabilité d'appliquer. D'une part, ce qu'on croit généralement, ce qu'on est porté à croire, c'est que globalement la CSST fait une interprétation et une application restrictives de ces lois. D'autre part, nous croyons que, pour ce faire, l'esprit même de ces lois a été déformé, pour ne pas dire violé dans certains cas.

Deux points particuliers vont attirer notre attention dans ce premier volet: le retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite et, dans un deuxième temps, la question du droit de refus.

Premièrement, le retrait préventif. De quelle façon pense-t-on que la loi a été appliquée de façon trop restrictive pouvant amener, à notre avis, jusqu'à une violation, dans certains cas, de l'esprit de la loi et de son contenu? Le texte que nous vous soumettons vise à dénoncer l'attitude de la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui, depuis plusieurs mois, s'applique à restreindre considérablement la portée du retrait préventif. Les revendications de la CSN, en ce qui a trait au retrait préventif des femmes enceintes, ont toujours visé l'élimination des conditions de travail dangereuses vécues tant par les hommes que par les femmes et qui peuvent compromettre leur capacité de faire et d'avoir des enfants normaux et en bonne santé. Plusieurs malformations chez l'enfant peuvent avoir été causées avant même la fécondation par des conditions insalubres imposées tant aux femmes qu'aux hommes. Certaines recherches démontrent, par exemple, que les hommes exposés aux radiations ionisantes, aux chlorures de vinyle, aux gaz anesthésiques courent plus de risques que leur conjointe ait des enfants malformés ou qu'elle les perde par fausse-couche.

Le retrait préventif est une mesure dont la femme peut se prévaloir lorsqu'elle se sait enceinte. En général, la femme la plus vigilante saura qu'elle est enceinte 28 jours après la conception. Par contre, la période considérée la plus critique pour le foetus se situe entre le 21e et le 45e jour après la fécondation. C'est à ce moment que les principaux organes de l'enfant, coeur, cerveau, sont formés. Nous avons la certitude que des conditions de travail dangereuses et pénibles ont des conséquences sur la santé mentale et physique des travailleuses et travailleurs. Lorsque les travailleuses sont enceintes et qu'elles allaitent, ces conditions deviennent alors insupportables.

Il nous semble donc important d'intervenir afin que le droit des femmes enceintes d'obtenir un retrait préventif soit tout au moins conforme à l'esprit des articles 40 à 49 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Contrairement aux dispositions du retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite, qui est prévu dans le cadre de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, articles 40 à 49 comme je l'indiquais, un compte rendu d'une réunion de la direction régionale de la CSST, île de Montréal, datant du 23 mars 1983, semble contenir des dispositions visant à bloquer toute demande de retrait préventif avant la 20e semaine. (11 h 45)

En effet, dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail, on ne mentionne aucun délai pour l'obtention du retrait préventif. Le diagnostic du médecin traitant devrait prévaloir. Comment expliquer que des médecins représentant la Commission de la santé et de la sécurité du travail, représentant des départements de santé communautaire aient élaboré des grilles d'évaluation, ou sept grilles d'évaluation qui restreignent l'application de ce droit? Dans ce compte rendu du 23 mars 1983, les critères d'évaluation des risques pour la femme enceinte - on ne parle jamais de la femme qui allaite - se basent uniquement sur l'évaluation des risques ergonomiques et physiques. On établit des catégories d'après certaines caractéristiques reliées au poste de travail, station debout, assise, etc., et d'après le métier de la travailleuse. Par exemple, une caissière de bar ou une vendeuse qui travaille debout pour une période de trois à quatre heures consécutives par jour aura droit au retrait préventif à la 29ème semaine de grosesse.

Dans un autre cas, une préposée aux bénéficiaires ou à la cafétéria qui travaille debout et fait des efforts physiques pourra se prévaloir du retrait préventif à la 25ème semaine de grossesse. Les risques physiques de radiation sont établis en fonction du taux d'exposition tolérable par un homme c'est-à-dire 1,5 rem par année. Les écrans cathodiques ne sont pas considérés comme dangereux pour la mère ou le foetus. Les conditions personnelles de la mère ne sont considérées que s'il y a prédominance des conditions de travail dangereuses. Les états particuliers de la femme ne semblent pas pouvoir être amplifiés par ces conditions; tout au plus on devancera son retrait préventif de deux ou trois semaines.

De plus, à notre avis, le choix des risques est tout à fait incomplet et les normes de semaines accolées à ces risques sont très contestables. Aucune étude scientifique ne permet de préciser aussi fermement qu'un retrait préventif peut être accordé à la 24e, 26e ou 29e semaine. Aussi, on ne considère d'aucune manière que l'addition de mauvaises conditions de travail

dans un milieu peut être un facteur de risque. Dans un abattoir de poulets syndiqué à la CSN, les femmes qui travaillent debout toute la journée à une cadence de travail très élevée et dans des conditions de froid et d'humidité extrême ont parfois droit au retrait préventif à la 20e semaine, mais la plupart du temps pas avant la 24e, et ce depuis janvier 1983. De plus, pourtant les médecins qui traitent ces femmes avaient recommandé des retraits préventifs bien avant la 20e semaine.

On rappelle l'article 40 de la loi qui dit: "Une travailleuse enceinte qui fournit à l'employeur un certificat attestant que les conditions de son travail comportent des dangers physiques pour l'enfant à naître ou, à cause de l'état de grossesse, pour elle-même, peut demander d'être affectée à des tâches ne comportant pas de tels dangers et qu'elle est raisonnablement en mesure d'accomplir." La forme et la teneur de ce certificat sont déterminées par règlement à l'article 33, et l'article 33 s'applique à sa délivrance. L'article 33 se lit comme suit: "Le certificat visé dans l'article 32 peut être délivré par le médecin responsable des services de santé de l'établissement dans lequel travaille le travailleur ou par un autre médecin. "Si le certificat est délivré par le médecin responsable, celui-ci doit, à la demande du travailleur, aviser le médecin qu'il désigne. "S'il est délivré par un autre médecin que le médecin responsable, ce médecin doit consulter, avant de délivrer le certificat, le médecin responsable ou, à défaut, le chef de département de santé communautaire du territoire dans lequel se trouve l'établissement, ou le médecin que ce dernier désigne."

Les médecins de département de santé communautaire devraient être, en vertu de la loi, des consultants dont le rôle serait d'évaluer les postes de travail et de donner leur opinion au médecin traitant. Comment expliquer que ces derniers se basent aussi sur les critères d'évaluation contenus dans le document du 23 mars 1983, et ce sans enquêter dans le milieu de travail, sans analyser les postes de travail des travailleuses qui demandent un retrait préventif?

Deuxième aspect, la notion de délai. Au début de la mise en vigueur du retrait préventif de la femme enceinte, les délais d'application étaient relativement courts. Pourtant, depuis 1982, les délais se font de plus en plus longs, prolongeant d'autant la période durant laquelle la travailleuse est exposée à des dangers. Cela n'est rien pour aider à leur état de santé physique et mental, car ces longs délais sont source d'insécurité et d'angoisse pour ces travailleuses.

Lorsqu'une travailleuse fait d'abord une demande de réaffectation à un autre poste de travail ne comportant pas de danger pour elle-même ou son enfant à naître, il se passe souvent des semaines avant que l'employeur lui réponde. Dans un syndicat affilié à la CSN, une usine de transformation de papier, l'employeur a mis plus d'un mois à répondre à la demande de réaffectation. Lorsque la réaffectation n'est pas possible et que le médecin traitant juge que la travailleuse doit se retirer, il doit alors consulter le médecin responsable du DSC. Encore là, il se passe beaucoup de temps entre la demande du médecin traitant et la réponse du DSC. De même, avant d'avoir une réponse en première instance de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la période d'attente est aussi très longue. La personne n'est jamais responsable, chacun attendant la réponse de l'autre.

C'est alors que les travailleuses prennent la chance de quitter le travail sans savoir si la CSST accepte ou refuse leur demande, et ainsi des travailleuses ont perdu plusieurs semaines de salaire. Pourtant, il est stipulé à l'article 44 de cette même loi: "Sur réception d'une demande d'une travailleuse, la commission peut faire des paiements temporaires si elle est d'avis qu'elle accordera probablement l'indemnité. "Si la commission en vient à la conclusion que la demande ne doit pas être accordée, les montants versés à titre de paiements temporaires ne sont pas recouvrables." Il est inconcevable que des travailleuses enceintes, exposées à des dangers, soient forcées de rester au travail à cause de lenteur administrative et de lourdeur bureaucratique.

En conclusion, le retrait préventif des femmes enceintes voulait améliorer une situation très particulière. Mais force nous est de constater que la CSST, après s'être donné les moyens de développer des politiques par rapport aux femmes enceintes au travail, s'évertue aujourd'hui à restreindre et à contredire l'application de sa propre loi.

Nous demandons, à ce chapitre sur le retrait préventif des femmes enceintes ou qui allaitent, premièrement, que le retrait préventif pour une femme enceinte ou qui allaite soit octroyé tel que prévu à l'article 40 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail en se basant sur le diagnostic du médecin traitant. Deuxièmement, que, dans l'attente de la décision de la CSST, des paiements temporaires soient faits à la travailleuse, tel que prévu à l'article 44 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Si la demande n'est pas accordée, les montants ainsi versés ne sont pas recouvrables. Cette mesure, déjà prévue par la loi, permettrait à la travailleuse d'éviter de trop longs délais d'attente. De même, lorsque la travailleuse retourne à son emploi,

qu'aucun montant d'argent ne lui soit réclamé, ce qui est actuellement le cas -10% du salaire dans le secteur public.

Afin de déterminer si un retrait préventif doit être accordé ou non, nous recommandons et nous demandons de tenir compte de la qualité du milieu de travail dans son ensemble, de ne pas le parcelliser, le diviser, savoir s'il y a station debout ou assise, et ensuite quelles sont toutes les autres composantes de la tâche de travail, mais de regarder l'ensemble du milieu de travail; de se baser sur les risques dans les milieux de travail, et non pas sur les métiers et les professions; de considérer la condition personnelle de chaque travailleuse enceinte, d'étendre à toutes les travailleuses le retrait automatique des femmes enceintes qui travaillent sur écran cathodique, retrait préventif obtenu dans les secteurs public et parapublic. Même si, effectivement, des études ne nous permettent pas de conclure qu'il y a automatiquement danger, on croit qu'il y a actuellement présomption de danger et dire que toutes les femmes qui travaillent sur écran cathodique ne peuvent bénéficier du retrait préventif, cela nous apparaît fort dangereux comme pratique.

Face aux départements de santé communautaire, nous demandons également que les médecins des DSC, lorqu'ils sont consultés pour une demande de retrait préventif, enquêtent sur les lieux de travail. S'il y a lieu, que des recommandations soient faites afin d'améliorer les conditions de travail de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs.

Le deuxième bloc, en termes d'analyse de la loi, c'est sur la question du droit de refus. Ce droit représente la pierre angulaire de la reconnaissance réelle de la santé et de la sécurité du travail. En effet, ce sont les personnes directement impliquées qui sont les plus à même de reconnaître la présence de dangers à leur poste de travail. Mais, hélas, à cause de toutes sortes de pressions, plusieurs personnes se voient contraintes de subir des conditions de travail sans pouvoir refuser du travail. À preuve, les statistiques des accidents, maladies et décès dus au travail. Rappelons qu'il y a au Québec une personne par jour ouvrable qui meurt à cause du travail. Déjà, la loi a limité ce droit fondamental de refuser de s'exposer à un danger en en faisant un droit strictement individuel et difficilement exerçable lorsqu'il s'agit d'un danger normal. Malheureusement, nous avons vu naître d'autres limites à cause des pratiques administratives de la CSST. Ces autres limites ont pour effet de décourager celles et ceux qui veulent exercer leur droit de se protéger en refusant un travail dangereux. Il serait fastidieux d'exposer ici toutes et chacune de ces pratiques. On en a quand même choisi quelques-unes pour faire quelques démons- trations.

La loi dit que l'inspecteur doit se prononcer à savoir si le danger pourrait justifier le refus de travail. Si nous regardons en arrière, lors des deux dernières années, en 1981-1982, le droit de refus a été exercé 462 fois et 2882 travailleuses et travailleurs ont été impliqués dans ce refus à s'exposer à un danger. De ce nombre, en 1981, 57% ont été reconnus comme ne justifiant pas un arrêt de travail et, en 1982, le pourcentage est monté à 66%.

Or, cela veut-il dire que les travailleurs et travailleuses ont mal évalué le danger? Du moins, dans 30% des cas, ils ont eu raison. Dans les autres, il faut regarder de plus près et c'est là qu'on dit que les pratiques administratives de la CSST découragent le monde. Lorsqu'on lit les décisions des inspecteurs, des inspecteurs-chefs, celles du bureau de révision, on constate que, dans nombre de cas, ces décisions imposent des correctifs majeurs aux employeurs. Ces correctifs sont la revendication même de la personne qui refuse. Mais, malgré tout, la décision indiquera que la personne n'avait pas raison, que son droit de refus était injustifié.

Pour illustrer et donner quelques exemples. Un exemple dans un centre d'accueil, où la demande de l'exercice du droit de refus de travail s'appuyait sur la présence d'une table de fibre de verre dangereuse pour la sécurité du personnel. Il y avait déjà eu dans ce centre d'accueil une agression d'un patient sur une plaignante avec une table en fibre de verre. La décision de l'inspecteur: le refus a été jugé injustifié, mais il ordonne les corrections suivantes: voir à ce qu'aucun objet ne puisse être lancé dans la salle de séjour, voir à ce que les portes soient barrées et enlever immédiatement les tables. Donc, d'un côté la personne demande de refuser de travailler parce qu'elle dit: c'est dangereux que je puisse recevoir des tables, ce qui s'était produit. De l'autre côté, l'enquêteur dit: Tu n'avais pas d'affaire à refuser de travailler, à continuer de refuser de travailler, mais en même temps il dit à l'employeur d'effectuer exactement les correctifs basés sur les motifs que la travailleuse avait, mise de l'avant. On a là un problème dans l'application du droit de refus.

Dans un autre cas, le droit de refus n'a pas été justifié, bien que l'inspecteur en chef et l'inspecteur-chef régional aient tous deux constaté la violation pure et simple de la loi par l'employeur. Qui plus est, la décision de l'inspecteur fut à l'effet de repousser les délais initialement imposés à l'employeur pour faire les corrections, rendant par le fait même le port du masque et de la crème sur le visage comme mesures permanentes, alors qu'elles avaient été mises comme mesures temporaires.

Je vais vous donner un exemple. 16 octobre 1981. Deux travailleurs refusent de travailler parce qu'il y a un brouillard d'acide sulfurique dans leur milieu de travail. L'inspecteur leur reconnaît le droit d'arrêter de travailler et ordonne les correctifs suivants: il demande le port d'équipement de protection individuel si la limite permise est excédée, exige que la compagnie mette en oeuvre les mesures requises pour que la limite ne soit jamais excédée, donne 30 jours pour que la compagnie fasse connaître ses intentions, donne 30 jours pour mettre en état de fonctionnement optimal l'équipement pour le contrôle du brouillard d'acide. Cela, c'était le 16 octobre 1981.

Le 10 novembre 1981, il y a des travailleurs qui refusent à nouveau de travailler, parce qu'ils jugent inadéquat qu'une mesure temporaire soit consacrée dans le rapport d'inspecteur comme mesure permanente. Le droit de refus de travailler leur est refusé.

Le 8 janvier 1982, l'inspecteur-chef régional, à la suite de cette demande, décide que les refus sont non justifiés parce que l'employeur leur fournissait l'équipement de protection individuel; mais il constate en même temps la négligence de l'employeur sur plusieurs points, que ce dernier considère le brouillard d'acide comme normal et voit dans le port du masque la solution idéale. L'inspecteur-chef souligne que cela est contraire à l'esprit et à la lettre de la loi et ordonne à l'employeur de se conformer à la décision de l'inspecteur dans les délais impartis, ce qui veut dire à nouveau 30 jours pour ce faire.

Cela veut dire qu'on s'est retrouvé avec une autre prolongation.

Le Président (M. Blouin): Cela fait dix minutes que vous avez entrepris votre présentation.

M. Auger: Mon Dieu Seigneur! je vais demander l'indulgence. J'ai encore un bon nombre de pages à vous livrer.

Le Président (M. Blouin): Comme vous pouvez le constater, M. Auger, ce que vous êtes en train de me dire, c'est que vous en auriez pour...

M. Auger: J'en aurais probablement encore pour une trentaine de minutes environ. Nous n'aurons pas la chance de pouvoir revenir devant la présente commission.

Le Président (M. Blouin): Est-ce que vous comprenez, M. Auger que, si votre représentation est plus longue, nous serons presque contraints de limiter - si les membres de la commission en conviennent -les échanges par la suite, puisque vous aurez brossé l'ensemble du tableau que vous désirez présenter aux membres de cette commission.

M. Auger: Je comprends aussi que, si l'on ne présente pas l'ensemble de notre point de vue, cela va être difficile pour les membres de savoir ce qu'on pense. Ils vont peut-être pouvoir nous poser des questions sur lesquelles ils ne sauront pas non plus ce qu'on a à leur dire. C'est pour cela que je demande à la commission...

Le Président (M. Blouin): Vous devez comprendre le dilemme dans lequel on est tous placés, autant vous que nous.

M. Auger: Je le saisis très bien. Ce n'est pas la première fois que je place une commission parlementaire dans cette situation, et à chaque fois j'ai toujours obtenu - c'est pour cela que j'invite le président de la commission à trancher dans le même sens - qu'on termine notre présentation, même si on dépassait le temps qui nous était alloué, parce qu'on trouve cela fondamental. Je vais tenter de procéder le plus rapidement possible et de restreindre au maximum la présentation afin de permettre la période d'échanges, de questions.

Le Président (M. Blouin): Alors, je compte sur vous, M. Auger. (12 heures)

M. Auger: Je vous remercie. Je donne un troisième exemple, parce que cela nous paraît fort important, où l'inspecteur, toujours dans l'exercice du droit de refus, avait reconnu une violation par l'employeur du règlement des établissements industriels et commerciaux. Il a reconnu que cela a existé qu'il n'ait pas reconnu le droit d'arrêter de travailler. Ce qui est encore pis, c'est la façon dont il se prononce sur l'évaluation du danger. On souligne que cela est très inquiétant, surtout que les trois paliers ont maintenu la même évaluation. L'inspecteur constate qu'un travailleur s'est blessé sur un plancher très glissant; l'inspecteur constate que le refus n'est pas justifié parce qu'il s'agit d'un danger normal. Il constate la violation du règlement des établissements industriels et commerciaux et ordonne les correctifs. L'inspecteur en chef maintient la décision; le bureau de révision dit que cela ne constitue pas un risque suffisamment sérieux et grave pour justifier le refus de travail. Considérant l'aménagement du lieu de travail, il est très peu probable qu'un accident plus grave se produise.

Quant au droit de refus, nous ne pourrons jamais accepter comme normal qu'un accident, même bénin ou semi-grave, se produise et qu'on estime à partir de là qu'il n'y aura pas d'accident plus grave et qu'en même temps on reconnaisse que les

normes n'ont pas été respectées. Cette pratique est tout à fait impertinente et dangereuse. On tient à souligner une autre chose: dans ce cas, les trois paliers ont été consultés. Il y a donc un autre problème selon lequel la CSST par ses mécanismes est juge et partie. Cela repose sur le. fait que la révision de la décision de l'inspecteur est faite par l'inspecteur en chef régional, qui est lui-même consulté par l'inspecteur quand il rend sa décision. C'est dire que la CSST révise elle-même ses erreurs. Il en va de même pour le dernier niveau, soit le bureau de révision de la CSST. Nous croyons que la révision en matière d'inspection devrait être confiée à un organisme autre que celui qui a rendu la décision.

Pour ce qui est de l'inspection - c'est un autre chapitre important - la Loi sur la santé et la sécurité du travail est très ambiguë et n'a pas su déterminer expressément le statut et les liens de préposition des inspecteurs lorsqu'ils mettent cette loi et ces règlements en application. Les inspecteurs sont nommés et rémunérés suivant la Loi sur la fonction publique. Cependant, en matière de santé et de sécurité du travail, les liens de préposition qui les gouvernent, lors de l'exécution de leurs fonctions, diffèrent d'une loi à l'autre. La détermination de ces liens n'est pas une question byzantine. Au contraire, ceci revêt une importance considérable, par exemple, afin de reconnaître, dans certains cas, une décision sous influence indue.

Plusieurs syndicats - je vous donne cela à titre d'exemple - nous ont souligné que des inspecteurs se rendaient dans les bureaux administratifs de leurs établissements, y restaient pendant de longues périodes avant même de convoquer ou d'informer les représentants syndicaux dans les délais de plainte portée par la partie syndicale. On estime qu'il y a là une prise tout à fait a contrario de la loi qui prévoit explicitement que le syndicat doit être informé qu'une enquête a lieu dans l'établissement. On se demande s'il s'agit seulement de coïncidences ou s'il y a des directives sous-jacentes à cela.

On constate également que dans la pratique bon nombre d'inspecteurs, en plus de visiter les lieux de travail, rendent visite aux représentants de l'employeur et d'autres fois se font appeler directement au bureau de l'employeur. Il est dit dans la loi que l'employeur peut demander que cela soit fait, mais on pense que, dans tous les cas, il faut s'assurer qu'il y ait information pertinente au syndicat, ce que nous n'avons pas constaté.

Pour ce qui est de l'inspection, d'autres lois que la Loi sur la santé et la sécurité du travail prévoient clairement que les inspecteurs relèvent du ministre responsable de l'application de la loi et qu'il y a un lien de préposition clair entre le ministre et les inspecteurs lorsqu'ils exercent les pouvoirs qui leur sont conférés par cette loi. C'est le cas de la Loi sur les mécaniciens de machines fixes qui prévoit expressément que le bureau des examinateurs demeure sous le contrôle du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Dans le cas de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la Cour supérieure qui devait se prononcer sur le statut de l'inspecteur enquêtant à l'usine Expro de Valleyfield a décidé que ce dernier n'agit pas comme personne désignée et que l'enquête qu'il tient est celle de la commission. En 1982, le juge Brossard avait déjà jugé que l'inspecteur exerçant ses pouvoirs en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail n'avait pas à être mandaté par la CSST au moyen d'une résolution. Il y a comme un flou. En attendant que le gouvernement clarifie ces points obscurs de relations des inspecteurs avec la CSST, il semble que, dans les faits, les inspecteurs relèvent de la CSST et que l'enquête d'un inspecteur est celle de la commission. Or, cette question n'est pas sans avoir des conséquences sérieuses pour les travailleurs qui font appel aux inspecteurs lorsque les conditions de travail deviennent insupportables ou extrêmement dangereuses pour la sécurité. Cette question revêt d'autant plus d'importance que l'on considère que les pouvoirs des inspecteurs sont particulièrement étendus et s'échelonnent du simple avis de correction à l'ordonnance de fermeture d'un lieu de travail.

Seule la Loi sur la qualité de l'environnement exige qu'une municipalité qui reçoit une plainte relative à la salubrité d'un immeuble procède à une enquête et dans un cas où une mise en demeure envoyée par la municipalité au propriétaire demeurerait sans effet, le dossier pourra être transféré à la Cour supérieure qui enjoindra le propriétaire de prendre les mesures afin de remédier aux défauts que son immeuble comporte.

C'est une aberration. La CSST fait les normes. Elle est censée les faire appliquer et les faire respecter par des inspecteurs sous son contrôle et qui suivent des directives données par elle sur la manière dont ils doivent effectuer ces inspections.

Deuxième point sur l'inspection, les refus d'intervention de la CSST. Plusieurs syndicats nous ont fait savoir qu'il était quasi impossible d'obtenir les services des inspecteurs de la CSST, sauf dans les cas d'exercice du droit de refus de travailler ou d'accidents graves ou mortels.

On veut donner l'exemple à Expro, dans le dossier de la santé et de la sécurité à l'usine Expro, qui est très éloquent. Le 15 avril 1982, un réservoir d'acide contenant 220 000 livres d'acide explosait, ce qui a entraîné l'évacuation de l'ensemble des ouvriers dont 15 étaient intoxiqués par cette manoeuvre improvisée et l'évacuation de

plusieurs centaines de résidents aux alentours de l'usine. Quelques instants après l'explosion, on demande qu'il y ait intervention d'urgence. Vers 16 heures, les inspecteurs ne sont toujours pas là. Le syndicat réitère sa demande. Vers minuit, le syndicat réitère l'intervention de la CSST en insistant fortement à la suite de la découverte d'un autre contenant d'acide qui menace également d'exploser. On négocie finalement avec l'inspecteur en chef du secteur. Ce n'est que lors de ces négociations que l'on apprend que le syndicat dit que la CSST avait communiqué directement avec la compagnie à la suite de la plainte et que celle-ci lui avait signifié qu'il n'était pas nécessaire d'intervenir d'urgence sur cette question puisqu'il n'y avait pas de blessé. C'est plus de douze heures après la plainte initiale que l'inspecteur se rend sur les lieux, constate le danger et appose immédiatement des scellés sur un ensemble de réservoirs d'acide contaminée. Il y a un problème là, une urgence de quatre heures et c'est douze heures plus tard qu'on a réussi à avoir l'apposition des scellés. Il y avait déjà un réservoir qui avait sauté et il risquait d'en sauter d'autres qui étaient dans la même situation. Cela a pris douze heures. Il y a un problème d'intervention rapide.

Troisième élément dans l'inspection, le cadre étroit dans lequel les inspecteurs interviennent. On dit que, quand les travailleurs font des plaintes pour faire corriger des situations dans leur milieu de travail, ils font appel à l'inspection. Les gens de l'inspection se rendent sur place et ne font l'inspection que sur le sujet très spécifique pour lequel ils ont été demandés. Si cela déborde un peu et qu'on voudrait avoir une enquête un petit peu plus large, l'inspecteur dit: Je regrette, vous me rappellerez plus tard sur un autre cas, vous me ferez une autre plainte. Je suis rendu ici, mais je reviendrai pour une autre plainte.

On a un cas là-dessus à l'hôpital Laval de Québec où l'ensemble du personnel-cadre syndiqué du département de radiologie et de médecine nucléaire se plaint de la présence de poussières depuis la fin des travaux de rénovation, c'est-à-dire depuis un an. Une technicienne en radiologie a fait une plainte à la CSST en disant qu'il y avait de la poussière d'amiante en suspension dans l'air. Un inspecteur intervient, effectue des prélèvements de poussière d'amiante et bêtement conclut que la norme de concentration de poussière d'amiante dans l'air est respectée. Il rejette la plainte. Pourtant, la présence de poussières irritant les voies respiratoires et les muqueuses pouvait être sentie par quiconque se trouvent sur les lieux de travail, et cela, au bout de quelques minutes d'exposition seulement.

Donc, en ce qui concerne la forme d'inspection, nous croyons qu'il faille intensifier cela pour que les inspecteurs remplissent pleinement leurs fonctions et leurs pouvoirs. Nous croyons qu'il serait nécessaire, pour atteindre cet objectif, que l'inspection ne relève plus de la CSST, mais plutôt du ministre responsable, afin d'éviter tout conflit d'intérêts.

Quatrième point, sur les méthodes d'enquête. Nous nous interrogeons sur les méthodes d'enquête utilisées par les inspecteurs ou l'inspectorat de la CSST dans les cas d'accidents graves ou mortels. On pourrait prendre encore une fois l'exemple des produits chimiques à Valleyfield, où une déflagration d'un séchoir a entraîné la mort de trois ouvriers. Le service d'inspection recommande une poursuite contre la corporation, de même que le contremaître général. Par la suite, il y a une deuxième enquête faite par le nouveau service d'inspection de la CSST où la compagnie est, cette fois, un peu comme blanchie de toute cette situation-là. Lors de cette nouvelle enquête par le service d'inspection, demandée par le vice-président, les inspecteurs ne se sont pas rendus sur les lieux de travail. Selon un des signataires, la direction de la CSST leur avait demandé d'utiliser une nouvelle méthode d'enquête pour voir si la cause de l'accident était la bonne. On trouve cela un peu bizarre. On n'a rien contre le fait qu'on puisse rechercher les meilleures méthodes d'enquête possible, mais que les méthodes d'enquête en viennent à contredire complètement des conditions, cela nous apparaît pour le moins bizarre. Au niveau des méthodes, on se questionne parce qu'on n'a pas beaucoup d'informations sur ces méthodes. À Granit National, en avril 1982, un ouvrier est tué et un autre perd la main. Le 5 août 1983, le célèbre cas de l'effondrement d'un immeuble en construction à Sainte-Foy. Dans des cas comme ceux-là, le service d'inspection, on dirait qu'il cherche davantage à camoufler les responsabilités, pourtant évidentes, de négligence qu'à essayer d'examiner l'ensemble du problème. C'est pour cela qu'on met en question le type de méthodes d'enquête qui ont pu être utilisées ou qui sont utilisées par le service d'inspection de la CSST.

Autre point important, lorsqu'il y a intervention des inspecteurs, sur inspection d'une plainte, inspection de conformité, souvent les rapports des inspecteurs s'en tiennent à informer ou à dicter l'application de moyens individuels de protection plutôt que d'insister sur des mesures d'élimination des dangers à la source. Cela nous apparaît un problème majeur. Je l'ai cité tout à l'heure dans un cas de refus, où l'inspecteur donne comme remède le port de moyens individuels de protection plutôt que d'insister sur l'élimination des dangers. On trouve cela

dangereux et à l'encontre du principe général reconnu dans la loi.

Ce que l'on dit également, c'est que les délais sont généralement trop longs. Entre autres, à Bombardier, coup sur coup il y a eu des délais de 30, 30, 30 et 30 jours qui ont été donnés après qu'on eut déjà constaté qu'il y avait un problème de bruit énorme dans un service à Bombardier. On trouve cela inaccessible et on pense que, là-dessus, la remarque qui a été faite lors de l'enquête Beaudry à Expro confirme notre point de vue. Ils reconnaissent que la CSST fait preuve d'un certain laxisme quant au suivi des recommandations et ordonnances.

Un autre bloc sur la santé du travail -pour ma santé, je vais prendre une gorgée d'eau - les programmes de santé spécifiques à l'établissement, les programmes viennent tout juste de démarrer. Il est peut-être un peu difficile d'en analyser la globalité. Cependant, on voudrait souligner quelques craintes qui déjà sont présentes. Par exemple, comment se fait-il que la CSST ait oublié deux objectifs principaux quant à nous, c'est-à-dire l'élimination du danger à la source et la reconnaissance des accidents et maladies du travail, dans le cadre des enquêtes de santé auxquelles elle a contribué à l'Alcan, de Jonquière, et à Murdochville? Voici ce qu'on peut lire dans les postulats de base de l'enquête pour l'Alcan: "Que la motivation principale pour participer à cette étude soit le désir de contribuer à l'effort scientifique, de contribuer à l'expansion des connaissances dans le domaine de la médecine du travail et non pas de chercher à acquérir des gains personnels ou d'agir pour des fins de réclamation." Ce que l'on pense, c'est que, lorsqu'il y a des enquêtes de cette ampleur qui sont menées, minimalement, on devrait aussi viser à atteindre des objectifs importants, comme celui de corriger le milieu de travail. De plus, dans le cas de l'enquête sur la mine de Murdochville, on concluait qu'il était beaucoup plus dangereux de fumer pour un mineur que de travailler dans cette mine. Comment la CSST peut-elle se permettre de telles conclusions qui viennent biaiser la réalité quand on sait pertinemment que seulement 2% des travailleurs des mines atteignent l'âge de la retraite? (12 h 15)

Toujours dans le cadre de la santé au travail, nous avons récemment reçu un projet de réglementation en rapport avec le retrait préventif à l'égard du plomb. Ce projet de règlement de la CSST détermine que les travailleurs qui ont une plombémie dont le résultat est égal ou inférieur à 400 microgrammes par litre et un dosage de protoporphyrine dont le résultat est égal ou inférieur à 3,60 microgrammes par gramme d'hémoglobine doivent réintégrer leur fonction antérieure. Pourtant, il y a des études qui sont effectuées, entre autres par le Dr Edward Baker de Boston, qui fixent des critères de réintégration plus sévères. À notre avis, les critères de la CSST, dans ses règlement sur le plomb, n'ont aucun lien avec le principe de l'élimination du danger à la source. Ils ne font que reproduire de mois en mois l'aggravation de la maladie des travailleurs exposés au plomb.

Je vais passer immédiatement à un autre bloc sur l'accès à l'information. Au niveau de l'accès à l'information, ce qu'on voudrait vous souligner ici - je vais très rapidement - c'est que, depuis un certain temps, on a fait des démarches pour que l'ensemble des décisions qui sont prises à différents niveaux par les services soit accessible publiquement.

À chaque fois qu'on a eu l'occasion d'échanger sur cette question, on s'est toujours retrouvé face à un problème particulier, à savoir que les décisions n'étaient pas dépersonnalisées et qu'en conséquence on ne pouvait, ce qui aurait rendu des secrets professionnels médicaux publics, rendre publiques ces sentences. Notre demande est précisément que l'ensemble des statistiques sur les milieux de travail soit effectivement accessible. Notre demande est également qu'au niveau des sentences ou décisions rendues, on prenne la peine de dépersonnaliser ces décisions pour qu'elles soient effectivement publiques. Comme organisation syndicale et comme n'importe quelle autre association qui se préoccupe de la défense des accidentés du travail ou de la question des maladies du travail, cela nous permet d'avoir connaissance de l'ensemble des cas qui sont soumis à la CSST, sinon les seuls cas auxquels on peut avoir directement accès sont les cas que nous avons nous-mêmes à traiter à l'intérieur de notre propre organisation.

Or, on sait qu'il y en a un bon nombre qui se passent à l'extérieur de notre organisation et à l'extérieur des organisations syndicales également, de sorte que l'on dit: Cet accès à l'information nous apparaît fort important. On trouve également que la question de la dépersonnalisation, tout en ayant sa valeur... On se demande, par exemple, pourquoi on ne l'invoque pas dans d'autres dossiers puisqu'on a souvent, dans les relevés de sentences arbitrales, des sentences arbitrales qui décrivent dans le moindre détail le comportement de travailleurs qui sont malades - alcoolisme en milieu de travail - où on décrit avec force détails tout ce qui s'est produit. Cela est rendu public dans les sentences arbitrales.

On veut bien tenir compte de la dépersonnalisation du dossier médical, mais on pourrait, d'une part, tenter de l'appliquer également à d'autres choses et, d'autre part, on dit: Dépersonnalisons-le, mais rendons la connaissance des décisions publique pour

qu'on puisse, à la lumière de tout cela, mieux préparer les dossiers et continuer de tenter d'améliorer la situation au niveau de l'information.

Sur le programme de prévention - j'y vais seulement par bribes, par blocs très courts - ce qu'on veut tout simplement souligner ici, c'est que, d'une part, l'inspectorat de la région de Montréal depuis octobre dernier se consacre particulièrement à la mise sur pied des programmes de prévention dans les secteurs prioritaires. Nous croyons que cette mesure est intéressante et importante, mais dans du moyen terme. Cependant, cela nous a créé un autre type de problème. C'est qu'à court terme, parce qu'il y a beaucoup d'inspecteurs qui ont été retirés du suivi des dossiers, ils ne vont pas dans les milieux de travail à la suite de demandes d'inspection, sauf s'il y a accident grave ou droit de refus.

Cela limite considérablement, dans une période de transition, tout le déplacement des inspecteurs. On trouve cela dangereux. La transition n'est pas suffisamment assurée pour que le milieu prenne davantage en charge la question de la prévention. Il y a là un trou important et les accidents continuent de se produire.

Autre remarque particulière sur les registres de postes de travail. Dans ce document, "Le guide explicatif des registres et des caractéristiques concernant les postes de travail et le travail exécuté pour chaque travailleur", on veut souligner particulièrement que nous apparaît dangereux le formulaire "B", qui est utilisé là-dedans, qui pousse une enquête assez loin et qui, à notre avis, pourrait conduire à faire en sorte qu'on cherche davantage à éliminer le travailleur que le danger, parce que c'est tout un relevé des différentes positions que le travailleur a à prendre par rapport à son travail. La conclusion peut être de dire qu'effectivement il y a des dangers. Je suis prêt à croire qu'il y a des inspecteurs ou que l'ensemble des inspecteurs et des gens de la CSST sont en esprit d'accord avec cette recommandation, cet esprit de la loi. Sauf que, dans la pratique, on se confronte au fait que les employeurs, lorsqu'ils ont cela en main, en arrivent à une autre conclusion. C'est qu'il y a des gens qui ne sont pas assez habiles ou pas assez forts ou encore qui n'ont par la capacité d'occuper des postes qui sont reconnus comme dangereux, de sorte qu'ils vont procéder par congédiement administratif, ils vont procéder par déplacement de fonctions à l'intérieur de l'entreprise plutôt que d'améliorer les conditions. On trouve cela particulièrement dangereux et on le souligne à la présente commission.

Le Président (M. Blouin): Je vous signale que vous aurez terminé dans une dizaine de minutes, selon notre entente.

M. Auger: J'aurai terminé dans une dizaine de minutes.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Auger: Certainement, comptez sur moi. Un autre point: l'adaptation aux normes. On tient à vous dire une chose là-dessus. Normalement, on a toujours compris, et les inspecteurs de la CSST comprenaient cela de cette façon dans le temps, que les normes représentaient des minimums. On constate souvent que, si les normes ne sont pas reconnues comme des maximums, elles sont calculées au moins comme une moyenne. On trouve inacceptable qu'à partir du moment où il y a des normes qui sont reconnues comme étant des seuils que nous jugeons, dans plusieurs cas, trop élevés, on permette des délais d'application pour se rendre à l'application en conformité avec ces normes. Cette pratique est inacceptable.

Un autre point sur l'intervention de la CSST dans les traitements et l'accès aux soins de santé pour les victimes du travail. Ce que je veux dire très sommairement et en gros sur tout ce chapitre - ce serait trop long de tout le développer - c'est qu'il y a beaucoup trop d'interventions de faites par la CSST et ses différents services qui font en sorte que, dans la pratique, le travailleur ou la travailleuse qui est victime d'un accident de travail et qui suit le processus pour pouvoir récupérer et retrouver sa santé se voit pénaliser par rapport à quelqu'un qui tombe malade et qui n'est pas reconnu comme accidenté du travail. De nombreux recours, de nombreuses demandes qui sont faites, l'intervention des médecins de la CSST, des services à différents paliers, la difficulté que les médecins traitants dans les hôpitaux apportent de plus en plus à répondre à ces demandes, font en sorte que les travailleurs ou les travailleuses accidentés deviennent des malades de deuxième rang par rapport à l'ensemble des services de santé qu'on s'est donnés au Québec. On trouve cette pratique tout à fait inacceptable. On pense qu'il doit y avoir, à cet égard, retrait de la CSST dans toute l'intervention du domaine de la santé, remise à l'ensemble de nos services de santé, pour que les gens qui sont malades d'accidents de travail aient les mêmes droits et non pas qu'ils soient discriminés à cause de toute une série d'enquêtes qui leur est faite sous prétexte que le fonds qui permet le remboursement de salaire est payé par des employeurs. On trouve que cela ne peut absolument pas justifier cette discrimination.

Sur la révision des dossiers des accidents de travail, ce à quoi on assiste au cours des dernières années, c'est là aussi des problèmes de plus en plus longs. On tient à

souligner particulièrement toute la question des délais qui sont imposés aux travailleurs qui sont victimes d'accidents de travail quand ils doivent se présenter devant le comité de révision et devant la Commission des affaires sociales. Ce sont des délais excessivement longs, des recours très onéreux qui leur sont imposés. Si quelqu'un veut se présenter devant le comité de révision, souvent il faudra une expertise du médecin. On ne peut pas faire couvrir cela par les gens, on ne peut pas faire couvrir cela par la loi, de sorte que le travailleur qui est déjà privé de salaire, parce que sa cause n'est pas encore reconnue, sera obligé de se payer une expertise et d'avoir souvent des procureurs pour aller se défendre. De plus en plus, on se confronte avec une judiciarisation de ces processus, comme on s'y confronte au niveau de l'ensemble des relations de travail, plutôt que d'y aller d'une reconnaissance davantage de bonne foi et de constat d'une réalité lourde de conséquences pour ces travailleurs et travailleuses, la plupart du temps. Il y a là un problème majeur auquel on est confronté. Les mémoires qui vous ont été présentés par différentes associations là-dessus en ont fait un tour passablement exhaustif. On ne veut qu'appuyer ces mémoires et vous redire comment c'est urgent. Tous les cas - comme confédération, on a été impliqué là-dedans - nous l'ont également démontré.

Je saute à la conclusion, mais avant, une dernière question, le cumul des pouvoirs de la CSST. Compte tenu des énormes pouvoirs que la loi confère à la CSST et de sa juridiction exclusive pour examiner, entendre et décider une affaire ou une question au sujet de laquelle un pouvoir, une autorité ou une discrétion, lui est conférée, on est en droit de se demander à qui la CSST doit finalement rendre des comptes et si le ministre responsable de l'application des diverses lois est là pour quelque chose. La CSST est supposée recueillir les cotisations des employeurs, payer des indemnités aux victimes, interpréter les lois qu'elle administre et les droits des travailleurs et des travailleuses, appliquer ces mêmes lois, sanctionner les infractions à ces mêmes lois, faire l'inspection des lieux de travail, imposer des sanctions, ou obliger les employeurs à effectuer certaines améliorations ou correctifs dans les milieux de travail, c'est-à-dire sanctionner ceux qui la financent. Le conflit d'intérêts est donc évident. Les lois prévoient certains droits pour les travailleurs et les travailleuses, mais c'est la CSST qui va les interpréter, juger de leur pertinence, les accorder ou les refuser. Elle va aussi statuer sur la durée des prestations à payer, décider quelles sont les maladies du travail qu'elle va accepter de compenser, etc.

Un organisme qui est né comme une caisse d'assurances des employeurs s'est transformé avec le temps en une institution toute-puissante qui prend de plus en plus la place et les fonctions qui doivent relever d'autres institutions, tel que celles du réseau de santé public, et qui ne semble avoir de comptes à rendre qu'aux employeurs. On trouve cela déplorable et c'est pour cela que, dans les recommandations que nous vous formulons en concluant cette présentation, on veut vous démontrer comment on entrevoit cela à deux paliers.

D'une part, au niveau de la structure. Ce qu'on demande, c'est que le service d'inspection ne relève plus de la CSST.

D'autre part, que la CSST cesse son ingérence dans le traitement médical, c'est-à-dire l'expertise médicale: intervention dans le traitement, les laboratoires. On veut que cela soit retiré et que cela soit remis aux services publics de santé.

Troisièmement, qu'on ait la possibilité d'en appeler de toutes les décisions rendues par la CSST ou tout autre organisme ayant la responsabilité de la santé et de la sécurité du travail devant un tribunal administratif indépendant, doté du personnel et des pouvoirs nécessaires à l'exercice de ces fonctions. Ce, dans le but d'éviter le cumul de pouvoirs et les effets de la notion de juge et de partie.

En ce qui concerne l'orientation du fonctionnement, on demande que le service d'inspection intervienne sur les lieux de travail à partir de plaintes logées par les travailleurs ou travailleuses ou par les syndicats. Que le service d'inspection s'appuie, premièrement et principalement, sur l'obligation pour l'employeur d'éliminer la source des conditions dangereuses. Que le service d'inspection ait à sa disposition des moyens persuasifs pour faire respecter les délais de mise en application des correctifs exigés. Que le travailleur ou la travailleuse ou le syndicat en son nom puisse arrêter de travailler dans des conditions qu'il ou qu'elle juge dangereuses pour sa sécurité ou sa santé ou celle de ses compagnons ou compagnes de travail et ce, sans préjudice. Que le travailleur ou la travailleuse ou le syndicat en son nom ait droit au médecin de son choix, et que la reconnaissance d'un accident ou d'une maladie de même que l'incapacité qui peut en résulter soient déterminées par le diagnostic de ce médecin. Que le syndicat puisse enquêter partout et inspecter partout, en tout temps, sur tout sujet relatif à la santé et à la sécurité du travail. Par conséquent, le service d'inspection du travail exige la présence de représentants de travailleurs et de travailleuses aussitôt qu'il est rendu sur les lieux de travail et avant même que commence tout échange avec l'employeur. Qu'une copie intégrale de tous les rapports, avis, décisions ou recommandations du service d'inspection soit

disponible pour les deux parties lors de la visite de l'inspecteur. Que toute possibilité de contrôle génétique soit illégale et qu'à cette fin, le ministre du Travail mette le plus rapidement en application la recommandation B-15 du rapport de la commission Beaudry sur la santé et la sécurité à l'usine Expro. Que les frais encourus pour les expertises médicales demandées par le médecin traitant soient à la charge de l'organisme payeur. Que toutes les informations concernant la santé et la sécurité du travail soient remises intégralement aux centrales.

Cela termine notre présentation. Je m'excuse de la longueur. C'est difficile, cependant, de couvrir un dossier aussi large en peu de temps. On va tenter de répondre à vos questions pour l'ensemble des éléments que nous avons soulevés.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Auger. Cela a peut-être été un peu long, mais c'était très pertinent à l'égard du mandat que cette commission a reçu.

M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, j'ai une remarque strictement préliminaire. M. Auger, j'ai noté votre désir de faire suivre votre intervention de ce matin par le dépôt d'un mémoire écrit, ce qui, quant à moi, est fort important. Est-ce que je peux simplement vous demander s'il est possible que nous puissions l'avoir au cours du mois de janvier?

M. Auger: Oui.

M. Fréchette: Si cela n'est pas brusquer les événements, cela pourrait être fort utile pour les travaux que nous avons devant nous.

À titre de remarques générales, je veux remercier M. Auger et la Confédération des syndicats nationaux pour la présentation de ce mémoire. Comme vous l'avez souligné, les remarques qu'on a entendues tout au cours de la présentation sont fort pertinentes et, de surcroît, cadrent très bien dans le mandat très précis qu'avait cette commission, c'est-à-dire celui d'examiner l'administration et le fonctionnement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. (12 h 30)

Je voudrais également, M. le Président, signaler aux témoins qui sont là que je suis d'accord avec plusieurs des aspects soulevés dans le mémoire de M. Auger. Il y a, bien sûr, des aspects d'ordre très général sur lesquels tout le monde s'entendra. Quand, par exemple, vous dites en introduction que les objectifs de la loi sont la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs, c'est effectivement ce qu'on retrouve dans la loi et personne ne contestera ces objectifs généraux.

Vous avez également insisté sur la nécessité qu'il y a d'arriver à ces objectifs de santé, de sécurité et d'intégrité physique par la voie de la prévention. Là également, je pense bien que tous les gens autour de la table vont concourir sans aucune réserve à l'évaluation que vous faites. Pour arriver à cette prévention, idéalement, comme tout le monde le souhaiterait, il a fallu que la commission soit mise sur pied, qu'elle organise tous ces systèmes. Elle avait besoin d'un outil important, les comités de santé et sécurité au travail qui sont juridiquement acceptés depuis le 22 octobre dernier.

Pour ce qui est des questions, je vais me limiter, M. Auger, compte tenu du fait que d'autres collègues auront sans doute à ajouter. Je vais simplement vous soumettre la question suivante qui a, d'ailleurs, été soulevée hier. J'ai cru comprendre de votre intervention que le travailleur devrait pouvoir refuser d'être examiné par le médecin de l'employeur. Si je n'ai pas bien noté votre intervention, je vous prierais de me le rappeler sans réserve. Est-ce que je dois comprendre qu'en tout état de cause et peu importe la nature de l'accident, l'employeur n'aurait pas - si vous le niez, ce n'est pas un droit - la possibilité - je réfère aux cas qu'on pourrait convenir d'identifier comme lourds - de faire procéder à l'examen médical de l'accidenté? Est-ce que j'ai bien compris que, pour vous, le principe qu'il faudrait accepter est celui de faire en sorte que seul le médecin du travailleur, médecin généraliste ou médecin spécialiste, devrait avoir la juridiction ou la possibilité de se prononcer quant au degré d'incapacité du travailleur ou de toute autre pathologie qui pourrait découler de l'accident? Je ne sais pas si je suis assez clair dans ma question.

Le Président (M. Blouin): Juste avant, M. Auger, j'ai omis de signaler que M. Baril (Arthabaska) remplaçait M. Léger (Lafontaine).

M. Auger: Je donnerai un premier élément de réponse et je demanderai à Claude Mainville de compléter. Notre revendication, notre recommandation veut que le travailleur puisse refuser d'être examiné par le médecin de l'employeur. Il y a deux choses dans l'ensemble de la problématique sur les soins de santé: premièrement, il y a le médecin traitant qui doit fournir son verdict. C'est à partir de ce verdict qu'il doit y avoir analyse, qu'il doit y avoir décision sur la reconnaissance ou non. Si on doit consulter un spécialiste, ce qui est fréquemment le cas en médecine du travail, qu'on puisse le faire, mais on veut que cette démarche se fasse dans le cadre des services de santé. Si un généraliste doit s'appuyer sur une recommandation d'un spécialiste, qu'on

aille chercher cette recommandation du spécialiste, de sorte que le rôle du médecin de l'employeur soit effectivement reporté. Ce qu'on pense, c'est que le médecin de l'employeur ou celui de la CSST puissent faire le constat de ces expertises et éventuellement contester, bien sûr. On suppose qu'éventuellement ils pourront contester. Mais, au point de départ, que ce soit ce premier diagnostic qui s'applique. Je ne sais pas si Claude a quelque chose à ajouter.

Le Président (M. Blouin): M. Mainville.

M. Mainville (Claude): Vous savez, M. Fréchette, cette revendication découle d'une situation d'abus, à notre avis, de contestations du côté des employeurs. On fait passer des examens médicaux à tout moment. D'après la loi, un travailleur est tenu de se faire examiner par l'employeur toutes les quatre semaines. Il me semble que, si un médecin a sa carte de compétence, comme on dit dans notre milieu, pour pratiquer la médecine au Québec, on devrait accepter le diagnostic de celui qui est choisi par le premier concerné, qui est le travailleur ou la travailleuse. S'il y a contestation par l'organisme payeur, on pense qu'il y a des mécanismes beaucoup plus souples qui pourraient, comme Christophe vient de l'expliquer, intervenir, c'est-à-dire qu'il suffirait qu'un seul spécialiste, à la suite d'une contestation reconnue par l'organisme payeur, puisse intervenir en faveur du travailleur ou de la travailleuse et ainsi donner droit à la compensation et à l'établissement d'une incapacité physique.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Fréchette: Je veux être certain de bien comprendre l'évaluation que vous en faites. C'est en première instance que vous dites que le rapport du médecin traitant devrait tout de suite être considéré pour les fins de la réparation. Si, en processus ou en progrès de dossier, il y a lieu de faire procéder à une évaluation par le médecin de l'employeur, vous êtes d'accord, si j'ai bien compris.

M. Auger: S'il y a contestation de la part de l'organisme payeur - on peut dire que c'est une pathologie très compliquée -on pense que le généraliste devrait au moins être appuyé par le point de vue d'un spécialiste là-dessus. On dit: Dans le réseau des soins de médecine, allons chercher l'appui par cette filiale du spécialiste. À partir du moment où le spécialiste confirmerait ce qui est prévu par le médecin traitant, en conséquence le généraliste, cela voudrait dire que la réparation se mettrait en marche sur ces bases. Il y aura confrontation au besoin là-dessus car il y a une décision du spécialiste.

L'autre problème, je parlais de délais tantôt, M. le ministre. C'est très important; autrement, quand on s'embarque dans toute une série de procédures et de contestations, souvent on se retrouve avec des gens qui sont privés de revenu pendant plusieurs semaines et plusieurs mois. Cela est fort déplorable.

M. Fréchette: Cela répond à ma question.

M. Mainville: Juste pour préciser, si vous me le permettez, M. Fréchette.

Le Président (M. Blouin): M. Mainville.

M. Mainville: S'il y avait des plaintes sur la prétendue complaisance de certains médecins, il me semble qu'il y a des lois, des corporations ou des ordres qui s'occupent d'appliquer un code d'éthique. Il ne faudrait pas essayer de contourner ces lois et ces codes d'éthique par d'autres moyens comme on le fait actuellement au sein de la CSST par l'entremise de l'organisme payeur. Je pense qu'on devrait suivre les mêmes canaux que tous les autres citoyens qui ont des plaintes contre un médecin. Les employeurs procéderont de la même façon.

M. Fréchette: Cela va quant à cet aspect de votre argumentation. Vous avez consacré, M. Auger, une bonne partie de votre mémoire à deux aspects bien particuliers qui nécessitaient, je pense, que vous le fassiez: le retrait préventif et le droit de refus.

Je voudrais, encore là, être bien sûr que je vous ai bien compris. Dans la loi 17 telle qu'on la connaît actuellement, il y a les articles 40 à 49, comme vous l'avez dit, et les autres qui s'appliquent au droit de refus. Selon votre opinion, est-ce que la loi serait correctement écrite, c'est-à-dire ce qu'on y retrouve pour répondre aux objectifs que vous soulevez, ou si c'est au niveau de l'interprétation qu'on en fait, de l'application pratique qu'on en fait que cela crée des problèmes?

M. Auger: Par rapport à l'écriture de la loi, il reste un problème. Je ne sais pas comment le régler et peut-être que Danielle pourra compléter sur le problème du danger imminent au travail entre le 21e et le 45e jour.

Quant à ce qu'on dit sur cette question et plus particulièrement sur le retrait préventif, c'est qu'effectivement les premiers mois d'application du retrait préventif, à notre avis, ont été faits selon l'esprit de la loi et cela a donné lieu à des mesures

intéressantes. Un nombre important de femmes a pu bénéficier du retrait préventif.

Le problème qui s'est posé très rapidement, et on l'avait vu venir dès les premiers mois de l'application, c'est qu'on s'est dit: II va falloir maintenant éviter de se retrouver de façon trop réglementée là-dedans et faire en sorte qu'on n'applique ce retrait préventif qu'à partir de normes. C'est pourquoi on faisait référence à ce fameux document du 23 mars 1983. Je ne sais pas si Danielle veut ajouter des choses sur la question du retrait préventif.

Mme Hébert (Danielle): Effectivement, à la CSN, on a toujours dit que le retrait préventif ne réglait pas tous les problèmes de la reproduction. Je pense que là-dessus on continue d'être très clair. D'une part, on ne règle pas les problèmes de reproduction des hommes et, d'autre part, on mentionne dans notre texte qu'une femme peut se prévaloir du retrait préventif uniquement lorsqu'elle sait qu'elle est enceinte. On sait que ce n'est pas nécessairement dès le début.

D'autre part, si les articles 40 à 49 étaient au moins respectés tels qu'ils sont écrits, il y a un certain nombre de problèmes qui pourraient être résolus. Par ailleurs, l'application qu'on en fait n'est pas du tout conforme à l'esprit des articles 40 à 49. C'est le sens de notre intervention, mais il faut bien comprendre qu'on continue de penser que cela ne règle pas tous les problèmes de la reproduction et que cela sera fait quand on aura changé vraiment les conditions de travail pour tout le monde.

M. Fréchette: Merci. À un autre chapitre, M. Auger, vous avez fait état également du processus d'appel qui aboutit finalement au bureau de révision, quand il y a appel d'un droit de refus. Vous avez énuméré les différentes étapes qu'il faut franchir avant d'arriver à être entendu en dernière instance. Vous avez parlé également des délais qui accompagnent généralement ces procédures et vous avez dit, me semble-t-il, à la fin de votre appréciation là-dessus, que vous suggériez que le bureau de révision soit remplacé par un autre organisme. J'aurais souhaité que vous fassiez seulement un pas de plus pour dire à quel genre d'organisme vous songiez.

M. Auger: À la toute fin, dans les conclusions, quand on parle de la structure, j'avais formulé trois recommandations: premièrement, que le service d'inspection ne relève plus de la CSST pour les motifs que nous avons invoqués; deuxièmement, que la CSST cesse son ingérence dans le traitement médical dont on vient de parler précédemment; troisièmement, qu'on ait la possibilité d'en appeler de toute décision rendue par la CSST ou par tout autre organisme ayant la responsabilité de la santé et de la sécurité devant un tribunal administratif indépendant doté du personnel et des pouvoirs nécessaires à l'exercice de ses fonctions.

On veut surtout éviter une chose: soit de se retrouver devant les tribunaux civils sur ces questions. C'est pour cela qu'on prend la peine d'indiquer un tribunal administratif spécifique. On a déjà, au niveau de la réparation, la Commission des affaires sociales qui, à notre avis, joue un peu ce rôle, qui est un peu à l'extérieur des parties comme tribunal administratif. Sans avoir développé plus loin, on dit: On devrait pouvoir tenter de développer ce type de tribunal administratif qui sortirait du mécanisme de la CSST qui a comme objet de voir à l'application de la loi et tout, qui donc devient juge et partie à maints égards.

M. Fréchette: Je voulais être bien sûr que votre objectif n'était pas effectivement de remettre à une juridiction d'un tribunal de droit commun ce genre de processus. Je voulais en être sûr. (12 h 45)

Une dernière question, quant à moi, M. le Président. Vous avez aussi fait état de l'accès à l'information en parlant de façon plus particulière de la possibilité d'obtenir des statistiques et des sentences ou des décisions qui sont rendues, même s'il fallait les dépersonnaliser. Je vous dis ma réaction spontanée à l'égard de ces deux demandes: cela m'apparaît tout à fait justifié de réclamer ce genre de choses. Il faudra voir, évidemment - et vous l'avez soulevé, vous aussi - dans la pratique comment cela peut se concrétiser. Il me semble que les décisions qui sont rendues sont un outil de première importance pour la préparation des dossiers que vous devez aller plaider devant les instances concernées.

Je m'arrête ici, M. le Président, en réitérant mes remerciements à la CSN et à M. Auger et en tenant pour acquis qu'on a fait un marché. Vous allez nous envoyer, au cours du mois de janvier, le mémoire écrit que vous venez de soumettre verbalement.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Auger, mesdames, messieurs, d'abord, on doit vous remercier de votre présence ici ce matin. Vous êtes venus dire ou redire aux législateurs vos considérations, vos conclusions et ce que vous souhaitez en termes de modifications à l'égard de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Vous vous êtes référés à des cas très particuliers qui vous affectent et qui vous touchent dans l'application de cette loi, que ce soit le

retrait préventif, le droit de refus, les services d'inspection etc. Sachez que c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on recevra votre mémoire. Je me permets de vous dire à ce moment-ci que, si vous pouviez ajouter à votre mémoire des cas particuliers, des tendances qui se dégagent avec des statistiques à l'appui, des cas patents à l'appui, cela pourrait certainement nous être utile.

Entre autres, bien spécifiquement au sujet des services d'inspection, vous avez signalé une tendance qui peut être non seulement grave, mais très dangereuse. Vous dites: "Les inspecteurs semblent dégager davantage des moyens de protection face au danger que des moyens pour éliminer le danger." Si on se réfère à la loi 17 qui a été adoptée en 1979, si on se réfère à la volonté gouvernementale à l'époque, l'objectif de la loi était bel et bien d'éliminer les dangers. Comme je le disais hier aux gens de l'ATTAQ nous sommes ici au parlement, on n'est pas sur le terrain et, généralement, les gens de la commission ne sont pas sur le terrain et, plus particulièrement, les administrateurs de la commission, ils sont à la commission et dans leurs bureaux. Si vous pouviez joindre cela à votre mémoire et étoffer cet aspect, ce serait certainement très utile aux membres de la commission.

L'objectif de la loi 17, c'était - c'est probablement ce qui a été dit le plus grand nombre de fois lorsqu'on a siégé en commission, et on a siégé longtemps -d'éliminer les risques d'accidents à la source. La loi a été adoptée, il s'ensuivit une réforme de structures imposante: des comités ont été formés, le conseil d'administration paritaire, une structure administrative assez imposante - qu'il suffise de regarder les budgets - la décentralisation, les ordinateurs, des moyens, des méthodes, des systèmes, tout cela est bien beau, bingo! Il y a autant d'accidents qu'avant. Il y a encore des gens qui perdent la vie au travail. Est-ce que c'est un problème de loi et de règlement, de texte, de libellé ou si c'est un problème de volonté de diminuer substantiellement le nombre d'accidents au Québec et d'éliminer les dangers à la source, à la lumière de votre expérience?

M. Auger: À la lumière de notre expérience et dans les débats que nous avons tenus à la CSN lorsque la loi 17 a été débattue en 1979, il nous semble que ce sur quoi on doit effectivement travailler, c'est ceci: le seul fait de voir à une application très stricte des normes qui sont actuellement en vigueur nous permettrait de sauver probablement beaucoup de vies humaines perdues soit directement par accidents graves, mortels, avec blessures ou autres et, également, par maladie du travail, donc une mort prématurée.

Ce à quoi on se bute dans cette application, c'est à la volonté des employeurs qui refusent systématiquement la plupart du temps ou qui s'organisent pour obtenir des prolongations de délais dans l'application de ces normes. En même temps, on recherche fondamentalement la mise en place d'un milieu de travail qui ne soit pas nocif pour la santé et la sécurité. À notre avis, la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la loi 17, en mettant sur pied un appareil administratif important nous a donné des droits nouveaux, je ne le conteste pas. On en a illustré deux aujourd'hui qui nous paraissent importants.

Est-ce que cela nécessitait la mise en place d'un appareil aussi lourd? Je ne suis pas suffisamment spécialiste pour être capable de juger de l'appareil administratif que cela exige. On trouve, cependant, qu'on n'a pas atteint les objectifs fondamentaux prévus dans cette loi. Il nous reste beaucoup de chemin à faire. Quand vous disiez tout à l'heure que les accidents continuent, nos estimations partielles - parce qu'on n'a pas de relevés statistiques suffisamment détaillés, c'était une remarque qu'on voulait faire tout à l'heure - nous indiquent que le nombre d'accidents s'est non seulement maintenu, mais tend à augmenter à l'intérieur des différents milieux de travail. Le rythme des dangers se développe plus rapidement que les politiques pour les contrer. L'introduction de nouveaux polluants, de nouveaux gaz, de nouveaux produits chimiques ou autres se fait à une vitesse effarante. Avant qu'on ait eu le temps de s'en apercevoir, ils sont là et on n'a pas le temps de les analyser. Parfois, même, ils ont eu le temps d'être retirés et remplacés par d'autres. Il y a des travailleurs et des travailleuses qui sont confrontés à cela.

Il y a là un problème majeur. Si on parle d'éliminer le danger à la source, il faut qu'à travers l'ensemble des correctifs proposés on vise prioritairement cela. C'est pour cela qu'on a souligné la question des inspecteurs à maintes reprises. On peut comprendre qu'il y ait un délai de 15 ou 30 jours; les travailleurs sont capables de comprendre cela et ne demanderont pas que l'usine soit fermée automatiquement. Ce sont des racontars, ce sont des affaires complètement "sautées". Ils ne demanderont pas que l'usine soit fermée à tout moment parce qu'elle n'est pas sécuritaire. On n'a pas vu cela souvent. Cependant, ils veulent que les mesures correctives s'appliquent. Roger vient d'une usine et il pourrait vous raconter comment il vit cela et on peut vous donner d'autres exemples. Malheureusement, trop souvent, on s'en tient aux correctifs: Porte ton masque, porte tes coquilles dans les oreilles, porte tel autre équipement, et le danger demeure présent. On ne travaille pas suffisamment là-dessus. On dit que l'esprit

de la loi est là pour cela; il faut pouvoir insister davantage.

M. Pagé: Monsieur, vous aviez un complément de réponse.

M. Mainville: Ce qu'on entend souvent à la CSST et dans le milieu de travail, c'est que la CSST n'est pas là pour fermer les usines ou les milieux de travail. Nous sommes bien d'accord avec cela d'autant plus que, dans le contexte économique actuel, ce n'est pas du tout le temps de créer du chômage. Toutefois, on s'est rendu compte que l'inverse était possible et même faisable. La CSST - ce que nous demandons, c'est un service d'inspection indépendant de la CSST -peut être à l'origine de la création d'emplois par l'assainissement du milieu de travail. On l'a expérimenté à Expro, à Valleyfield. On s'est rendu compte que l'élimination du danger à la source entraîne la création d'emplois, soit partiels ou temporaires, pour éliminer immédiatement ces conditions dangereuses ou mettre en application des changements technologiques. C'est possible de le faire. Le port d'appareils protecteurs ne crée pas d'emplois - on ne l'a pas remarqué, en tout cas - et le danger reste présent.

On constate une chose: On n'a pas de preuves de cela, mais on a entendu dire -c'est du ouï-dire et je vous le dis sous réserve - qu'actuellement il n'y a pas de suivi des dossiers par le service d'inspection de la CSST. L'ensemble de l'inspectorat, plus particulièrement dans la région de Montréal, demande actuellement strictement des programmes de prévention. On appelle cela des interventions de conformité aux programmes de prévention. Ce sont des projets à long terme qui n'entraînent pas l'élimination immédiate des conditions pourtant dangereuses constatées et vécues par les travailleurs.

Pour avoir vraiment un programme de prévention, il faut avoir les deux aspects. Il faut avoir une politique à court, à moyen et à long terme sur la prévention. Mais il faut avoir aussi une force persuasive pour convaincre les plus récalcitrants - Dieu sait qu'il y en a dans le milieu des employeurs -qui ne veulent pas procéder à l'élimination des conditions dangereuses à leur source pour toutes sortes de raisons: compétition, manque de financement, etc. Je ne veux pas entrer dans cette question-là.

Mais, actuellement, ce que la CSST fait, c'est qu'elle axe toutes ses énergies ou principalement toute son énergie du service d'inspection sur la prise en charge par le milieu lui-même: Arrangez-vous avec vos troubles. Il y a même des travailleurs qui se font répondre: Mettez sur pied votre comité paritaire et on ira après. Oui, mais c'est dangereux là, c'est dangereux tout de suite; le temps qu'on le mette sur pied, cela va prendre combien de temps. Arrangez-vous, on ira après. Ce genre de réponse est inacceptable. Pour nous, un service d'inspection est nécessaire pour que les travailleurs puissent avoir le droit de faire une plainte à quelqu'un, quelque part au Québec pour dire: Viens constater mes conditions, mon organisation du travail, c'est dangereux pour ma peau. Là, on nous répond: Si c'est assez dangereux, on va y aller. S'il y a un accident mortel, on va y aller. Si tu as exercé un droit de refus, on va y aller. Sinon, attends. Et là, on attend longtemps. Il faut avoir les deux: la prévention et un service d'inspection. Il faut aussi qu'il y ait une force persuasive, pour ne pas dire coercitive, qui dirait aux employeurs: Tu vas avoir tant de jours pour la mettre en application.

M. Pagé: Je vous remercie de vos commentaires. Lorsqu'on vous répond: Fondez votre propre comité de sécurité à l'intérieur de la boîte et réglez vos problèmes, on doit convenir que les comités de sécurité n'ont pas grand pouvoirs, premièrement.

Deuxièmement, quand vous référez à des cas particuliers de droit de refus, il faut convenir que, dans certains secteurs, le droit de refus peut être exercé. Mais il faut aussi convenir, si on veut voir la réalité, par exemple dans la construction, que le droit de refus est difficilement "exerçable". Le droit de refus dans la construction, cela peut vouloir dire en même temps licenciement; on connaît le milieu, on sait comment cela fonctionne. On sait comment les travailleurs peuvent être réservés et craindre l'exercice de leur droit de refus dans ce cas-là, dans le domaine de la construction.

Sans vouloir référer à un cas particulier qu'on a vu dans la région de Québec - je comprends qu'il y a des enquêtes, etc. - ma question est: Est-ce un problème de loi ou si c'est un problème de volonté qu'on ait vécu des situations comme celle qu'on a vécue à Sainte-Foy, le 12 août dernier? Même si on a les plus belles lois, les plus beaux textes et les meilleurs règlements, c'est quand même impensable des situations comme celle qu'on a connue, un accident aussi malencontreux, où il semble y avoir autant de failles, où tout le monde semble se jeter la responsabilité; c'est toujours bien la faute de quelqu'un quelque part. C'est dans ce sens-là que je vous demandais si des problèmes comme ceux-là sont le résultat d'un manque de volonté ou une question de loi. J'ose espérer qu'à la lumière du cas qu'on a connu à Sainte-Foy au mois d'août, on pourra savoir ce qui s'est passé et en tirer les conclusions appropriées.

Le Président (M. Blouin): M. Auger.

M. Auger: Je vais demander à M.

Valois de faire un bout là-dessus.

Le Président (M. Blouin): M. Valois.

M. Valois (Roger): Oui, je suis un travailleur d'usine et, quand vous me posez la question à savoir si les comités paritaires sont efficaces, s'ils valaient le papier sur lequel ils sont écrits, ce serait déjà pas pire. Aller s'asseoir avec les employeurs pour parler de différents problèmes, on n'a rien contre cela; il faut les rencontrer pour au moins les mettre au courant des problèmes qu'on a. Mais à partir du moment où c'est paritaire et qu'on amène des problèmes sérieux à ce comité-là, les votes se prennent et là il ne se passe rien.

Je travaille dans une fonderie qui s'appelle Fer et Titane. Le gouvernement est sans doute au courant de cette industrie-là, pour s'occuper de notre peau, etc. Avec le comité paritaire, on n'a pas réglé grand-chose. La CSST aussi est au courant des différents problèmes qu'on vit dans toutes sortes d'usines, pas seulement dans la mienne. Mais si le monde pense sérieusement qu'avec des comités paritaires on peut résoudre des problèmes de santé et de sécurité dans les usines je pense qu'il y a quelqu'un ici qui veut perdre son temps. C'est aussi clair que cela. C'est inefficace. On pourrait le dire "au pluriel" et se répéter tout l'après-midi, cela ne viendra pas rejoindre l'efficacité que j'ai comme pensée dans ma tête. C'est complètement aberrant de penser, quand l'employeur, de toute façon, délègue ce que nous appelons respectueusement des marionnettes qui n'ont pas de pouvoir décisionnel pour venir s'asseoir avec des travailleurs qui ont la volonté de régler des problèmes, qu'on va régler des choses. (13 heures)

Nous avons un problème particulier à l'usine - petit exemple d'efficacité des comités paritaires - qui s'appelle le CO; c'est du gaz qui ne se sent pas, qui ne se goûte pas et qui ne se voit pas, mais qui tue en l'espace d'une minute et demie. Depuis des années, on demande à l'employeur d'installer des graphiques à lecture continuelle pour savoir combien il y a de gaz, à combien de PPM j'ai été exposé pour une période X. On a seulement des alarmes qui crient au bout de 60 PPM; il y a un "horn" qui part. On ne peut pas comptabiliser le nombre de PPM qu'on a "sniffé". Je ne sais pas si l'on a peur que cela crée peut-être de l'emploi, parce qu'on devrait se retirer prématurément chaque jour. On attend encore après cela. On en a fait part à la CSST. Elle est au courant de tout cela. Au comité paritaire, on étudie. Jusqu'à ce qu'on se mobilise, parce qu'à un moment donné, quand cela deviendra assez grave, vous allez entendre parler de nous sur le

CO. Quand on sera dans une situation économique qui va être meilleure que celle qu'on vit, vous allez entendre encore parler de nous sur le CO. On va le régler, le problème.

Pour ce qui est des accidents de travail, au Québec, tu es mieux de rester en santé ou, si tu as un accident, tu es mieux d'être patient et riche. Ce sont des critères objectifs pour être malade du travail et pour être accidenté du travail: patient et riche. Cela prend des semaines et des semaines. On n'a pas le salaire quand on est accidenté ou malade du travail. Il faut attendre. Les tracasseries administratives, la longueur de temps qu'on a pour rejoindre ces bureaux...

Le Président (M. Blouin): Je m'excuse, M. Valois.

M. Valois: Oui, oui. Je sais bien. J'ai dépassé un peu.

Le Président (M. Blouin): Ce n'est pas ce que je veux dire. Je veux dire que nous avons tous dépassé la limite de 13 heures et qu'avec le consentement des membres de la commission - c'est ce que je dois faire - on pourrait excéder de quelques minutes pour vous permettre de compléter. Il reste un seul député qui désire vous adresser la parole. Nous pourrions alors en terminer avec la CSN pour, à notre retour, à 15 heures, entendre la Fondation d'aide aux travailleurs accidentés. Allez-y, M. Valois.

M. Valois: J'allais dire que, pour rejoindre les bureaux de la CSST, soit un conseiller syndical qui nous représente ou nous-mêmes, quand on est accidentés, la patience. Si vous avez des sensibilités particulières au bout du doigt, vous êtes mieux d'avoir un téléphone à pitons parce que cela ne répond pas souvent. Quand on vient à bout de mettre la main sur celui qui s'occupe de notre dossier, parfois il s'est passé quelque temps depuis l'accident. Nous pensons qu'il y a des gens qui prêtent flanc à tous les appels systématiques que les compagnies font sur nos accidents et nos maladies. Il y a quelqu'un qui prête flanc à cela et qui y donne bonne bouche. Quand un gars tombe devant 20 gars à la "shop" en bas d'un échafaudage et que la compagnie conteste l'accident, que la CSST arrête le paiement en attendant que la contestation soit finie, il y a quelque chose qui se passe là, il y a de quoi à regarder de ce côté. Les bureaux de révision, la Commission des affaires sociales, on espère y passer dans deux ans. Cela n'a pas d'allure. C'est notre peau et notre santé.

Pour ce qui est de la construction, ils n'ont pas la base même, l'élémentaire qu'il faut pour se défendre; ils n'ont pas la reconnaissance d'ancienneté primaire. Alors,

aussitôt qu'ils font des plaintes et qu'ils sont vigilants du côté de la santé et de la sécurité, c'est la porte qui les attend. Des peureux sur la construction, les entrepreneurs n'en ont pas besoin et ils sont licenciés. Ceux qui s'occupent de la peau des autres, qui sont délégués de chantiers et qui s'occupent de cet aspect du travail, sont souvent remerciés de leurs services.

Pour ce qui est des médecins si j'étais un médecin au Québec, je ferais de sérieuses remontrances au syndicat qui me représente parce que se faire revirer avec les papiers qu'ils présentent par toutes sortes de médecins d'employeurs, j'ai l'impression que mon syndicat se ferait parler un peu.

C'est ce que j'avais à vous dire là-dessus. C'est peut-être envoyé d'une façon échevelée, qui ne se tient pas, mais on avait tellement d'affaires à mettre dans ce dossier que cela nous aurait peut-être pris huit heures pour en faire le tour. On a essayé de mettre les éléments - on va vous les envoyer par écrit - les plus percutants. On ne voulait pas passer, non plus, pour des gens qui charriaient. On va vous envoyer des éléments au mois de janvier. Vous allez voir comment on est traité par cette commission. Il devrait y avoir un minimum de décence pour ceux qui se blessent et ceux qui sont malades. C'est ce qu'on demande. On ne demande pas le Pérou. On demande de nettoyer les "shops" dans lesquelles on travaille. On demande que les inspecteurs qui viennent soient capables de marcher et de mâcher de la gomme en même temps. Ce n'est pas sorcier.

On avait fait venir un inspecteur pour une fournaise qui avait sauté. Il y avait des éléments qui étaient un petit peu "soupçonneux". Il en saute des fournaises chez nous et on ne fait pas d'alarme avec cela. On l'avait fait venir pour une fournaise qui avait sauté dans des conditions qu'on ne trouvait pas tout à fait normales. Pendant qu'il était là, on lui a demandé de vérifier la brique qui était un peu mince sur les autres fours. Il a répondu: Je ne suis pas venu pour cela; je suis venu pour la 8. Je lui ai demandé: Es-tu payé au voyage? C'est-y payant pour toi de retourner à Longueuil et de revenir? Qu'est-ce qui se passe avec cela puisque de toute façon tu es ici? Attends-tu qu'il y ait du monde qui se brûle ou qui passe au feu?

Pour vous montrer à peu près la notion qu'on a de la santé et de la sécurité du monde, on a fait une annonce à Marine Industrie pour le bateau de Petro-Canada. Il serait temps qu'on arrête cette annonce, le bateau est fini depuis longtemps. C'était un yatch qu'ils avaient à faire là, ce n'était pas un transatlantique. On a fait les annonces et quand les gens sont venus pour filmer, on a arrêté tous les ventilateurs de l'usine où il y avait de la soudure pour montrer dans l'annonce qu'il y avait beaucoup de fumée, de boucane, de flammèches qui revolaient partout parce que cela avait l'air plus de gens au travail. Si c'est cela la conception qu'on a, vous regarderez l'annonce, on a fait une tempête avec cela. Le comité syndical de la santé et de la sécurité de Marine a été voir l'employeur pour dire que cela n'avait pas de bon sens. Qu'est-ce qu'il y a dans l'annonce? C'est rempli de fumée et de flammèches qui revolent. Qu'est-ce que c'est que cela? On lui a répondu que le gars qui est venu ici pour la publicité a dit que cela avait plus l'air de gens qui sont à l'ouvrage quand c'est sale et que les gens crient. Qu'est-ce que c'est que cette chose-là? Est-ce que c'est la notion qu'on a de la santé et de la sécurité? On n'a pas le droit d'avoir des "shops" propres, nous autres? On n'a pas le droit d'avoir des inspecteurs qui s'occupent de notre peau? On a fait un décompte assez vite, il y en a plus pour s'occuper de la chasse illégale qu'il y en a pour protéger notre peau dans ce pays. C'est assez important.

Dans les usines agro-alimentaires où on fait la confection des aliments, il y a des inspecteurs pour surveiller les normes afin de savoir que le public va manger comme du monde, mais il n'y en a pas pour surveiller ceux qui travaillent dans des conditions tout à fait abjectes dans les abattoirs à poulets. Allez visiter les lieux de travail. Je vous invite à sortir d'ici de temps en temps et à venir voir ce qui se passe dans les "shops". Vous allez vous apercevoir que la CSST ne joue pas le rôle qu'elle devrait jouer. C'est tout ce que j'avais à dire pour le moment, parce que je vois qu'on me limite dans le temps. J'en aurais pour quatre heures à vous parler de cela. Occupez-vous de la peau du monde parce qu'ils vont s'occuper de vous.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Valois.

M. Pagé: J'aurais une dernière question au groupe de la CSN qui touche un secteur particulier, le secteur forestier.

M. Mainville: M. Pagé, je ne sais pas si la commission a déjà pensé à exercer son droit de refus devant un tel éclairage. Il y a des études qui démontrent que ce type d'éclairage est très nocif pour la vue. J'espère que vous n'y êtes pas exposés pendant de nombreuses heures.

Le Président (M. Blouin): Nous y sommes, en effet, exposés pendant de nombreuses heures. On pourrait faire vérifier ce point.

M. Mainville: À part les autres dangers. Le Président (M. Blouin): M. le député

de Portneuf, vous avez la parole.

M. Pagé: Soyez rassurés, on ne formera pas de comité paritaire pour cela.

Les travailleurs forestiers ont des conditions de travail difficiles. Ils ont à oeuvrer bien souvent dans des conditions climatiques dures. Ils ont à faire face parfois à des pesticides. Ils travaillent dans le bruit, les vibrations. Les blessures au dos sont fréquentes et elles sont explicables sans être justifiables, cependant. Il y a toute la question du salaire à forfait. On sait que votre syndicat, et plus particulièrement la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt, a fait des recherches, a déployé des efforts et est très préoccupé par ce problème. Cela a été établi comme étant un secteur prioritaire en 1979. La volonté de ceux qui sont intervenus autour de cette table a été de dire au gouvernement: Le secteur forestier est un secteur particulièrement affecté, vous devez vous grouiller et intervenir au plus vite. Malheureusement, en 1979, le secteur forestier avait encore un pourcentage de 35,32% d'accidents. C'est donc dire que, si tu es travailleur forestier, tu as une chance sur trois ou quatre d'avoir un accident dans ton année.

Cela a d'ailleurs été - je vais me presser parce que le temps fuit - un des éléments essentiels de notre critique. On croyait et on persiste à croire qu'il serait plus important et plus significatif, pour atteindre notre objectif, d'intervenir sur des secteurs prioritaires comme ceux-là que de monter tout d'abord une grosse structure, une grande réforme et, après cela, s'asseoir pour tenter d'atteindre les objectifs. Est-ce que vous êtes satisfaits du travail qui s'est fait par la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans le domaine forestier jusqu'à maintenant? Sinon, qu'est-ce qui devrait être fait par la commission?

Le Président (M. Blouin): M. Auger.

M. Auger: C'est une question très précise. Je regrette qu'on n'ait pas avec nous de représentants qui ont oeuvré très spécifiquement sur les chantiers de coupe de bois. Ce qu'on a pu noter lors des derniers échanges que j'ai eus avec les représentants de la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt, c'est que l'ensemble des dangers auxquels on a été confrontés demeurent entiers, sinon aggravés. Un des problèmes auxquels on a à faire face maintenant est dû à la très forte mécanisation, à la mécanisation très intensive sur plusieurs chantiers de coupe. Cette machinerie, en vertu des pratiques des compagnies, doit être achetée par des travailleurs ou par des groupes de travailleurs. Ces travailleurs se voient dans l'obligation de vraiment intensifier de façon maximale leur production s'ils veulent être capables de payer la machinerie qu'ils ont dû acheter pour essayer de gagner leur vie. Cela les met dans des conditions de travail absolument épouvantables. Les témoignages qu'on a eus sont que quelqu'un, lorsqu'il a atteint 45 à 49 ans, est fini lorsqu'il sort du bois. Si les bûcherons dans le temps étaient réputés pour avoir des journées de travail très dures avec une faible mécanisation, maintenant ces journées de travail sont beaucoup plus difficiles.

Un autre problème majeur que l'on retrouve relié à tout cela et qu'on a largement dénoncé, c'est que cette lourde mécanisation a fait en sorte que beaucoup de travailleurs forestiers ont perdu leur emploi. Je sais que cela déborde un peu du secteur de la santé et de la sécurité du travail. Plusieurs se retrouvent avec un travail saisonnier et plus que saisonnier, c'est presque du travail occasionnel. On a ce problème majeur.

Dans le domaine de la forêt, on a aussi un autre problème majeur et on est en train de compléter des études sur cette question: le problème de l'accès aux soins. On veut éliminer les accidents sur les chantiers de coupe de bois, ce qui est une chose fort importante, essentielle et fondamentale. Lorsqu'il se produit un accident de moindre gravité, les travailleurs sont transportés souvent dans des conditions qui leur causent encore beaucoup de dommages dans le transport même vers le lieu des premiers soins et des soins un peu plus intensifs. On a déjà demandé, lors d'échanges dans les négociations avec les employeurs, d'avoir accès à des moyens de transport efficaces et rapides au centre hospitalier le plus près afin d'éviter que des travailleurs ne perdent la vie ou ne retirent des séquelles énormes d'un accident de travail qui se produit sur des chantiers fort éloignés. Que ce soit sur des chantiers de la CIP ou sur des chantiers un peu plus au nord de Québec ou sur la Côte-Nord un peu partout au Québec, ce problème a été reconnu comme un problème fort important.

En ce qui concerne l'autre question que vous posiez tantôt sur la construction, le printemps dernier et cet automne, on a produit un dossier sur le chantier de la construction où on disait que tout le problème du travail au noir et la situation actuelle dans le secteur de la construction étaient vraiment déplorables. Avec le secteur forestier, c'est probablement un des secteurs où la difficulté d'appliquer des réglementations est énorme et où les travailleurs sont livrés à eux-mêmes face à des employeurs qui sont à peu près sans scrupules. On a vécu et on a dénoncé dans le temps la situation à la Baie James où à des gens qui voulaient revendiquer sur leurs

conditions de travail, on disait: Tu as un choix: ou tu continues à travailler ici sans trop te plaindre ou bien tu prends l'Oiseau bleu et tu retournes au sud. Le chialage sur tes conditions de travail sécuritaires, cela s'arrête là. On a vécu cela quotidiennement et on le vit encore. (13 h 15)

J'ai assisté à plusieurs assemblées, cet automne, sur le domaine de la construction. Les gens nous disaient fréquemment qu'ils ne vont même pas insister pour que la réglementation s'applique parce qu'ils ont le choix entre essayer de se ramasser le temps voulu pour pouvoir glisser sur le chômage pour le reste de l'année ou encore faire une revendication pour qu'on applique leurs droits en santé et sécurité et se retrouver dehors le lendemain et, après essayer de se trouver un autre emploi, c'est absolument impossible.

Pour toutes ces raisons, je vous dirais qu'on a besoin - je complète là-dessus - de moyens très précis qui fassent en sorte que les énoncés politiques contenus dans la loi puissent être réalisés. C'est ce qu'il nous manque. C'est ce qu'on n'a pas dans les mains quand on parle d'application de réglementation et d'application des droits à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et des travailleuses qu'on représente. C'est cela qu'il nous faut; pas d'écrire une autre loi qui reconnaisse d'autres énoncés de principes; ils sont déjà là pour la plupart. Donnons-nous les moyens maintenant de pouvoir les faire appliquer et de forcer les employeurs à les appliquer, ce à quoi on se butte avec énormément de difficulté.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Auger.

M. Pagé: Une question très brève de 30 secondes. Malgré les lois, malgré tout ce qui s'est fait depuis 1978 - par exemple, le conseil d'administration de la Commission de la santé et de la sécurité du travail est paritaire - quelle est votre réaction face au paritarisme au conseil d'administration?

Le Président (M. Blouin): Réaction succincte.

M. Auger: Très brièvement, notre réaction sur l'ensemble du paritarisme, que ce soit au niveau du conseil d'administration ou dans les comités paritaires - je pense que Roger le disait tantôt - on ne s'est jamais gêné pour aller parler aux employeurs sur les conditions de travail et on est prêt à y aller. Il y a une mécanique qui est là, prévue sur les comités paritaires. On a fait l'étude de cela et on va aller travailler avec les moyens que la loi nous donne si elle n'est pas modifiée. On a déjà proposé des changements importants là-dessus; c'est la même chose par rapport au conseil d'administration. On n'a pas nécessairement peur d'aller s'asseoir avec des gens pour aller parler avec eux de santé et de sécurité. Ce qui est fondamentalement dangereux et ce qu'on rejette globalement dans tous ces mécanismes paritaires, c'est que cela laisse supposer qu'il y a comme une coresponsabilité de l'ensemble des accidents de travail. On n'embarquera pas là-dessus. On est habitué à des mécanismes paritaires à bien d'autres égards dans nos relations de travail avec les employeurs.

Quand on vient nous dire que cela pourrait entraîner moralement la coresponsabilité des accidents du travail, là-dessus, on dit non. On va continuer à défendre la peau des gens qu'on représente.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Auger. Merci, M. le député de Portneuf. Rapidement, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Mme LeBlanc-Bantey: Très brièvement, M. le Président. Je pense que cela ne surprendra personne si je reviens sur le dossier du retrait préventif. Vous avez souligné un certain nombre de problèmes que j'aurai l'occasion d'approndir au cours des prochaines semaines. Un, entre autres, n'a pas été très détaillé - je pourrai en reparler ce soir avec le groupe Au bas de l'échelle -c'est tout le problème de l'inégalité d'accès, entre autres, pour les femmes non syndiquées ou par manque d'information de la CSST ou encore parce qu'elles ont peur ou encore pour un paquet de facteurs. Il y a aussi le problème de toute l'interprétation de la loi versus le cadre réglementaire de la CSST que j'aurai, encore une fois, l'occasion de discuter avec certaines personnes.

Il m'est venu tout naturellement à l'esprit une question, ne serait-ce qu'à cause de la grossesse que j'ai vécue; j'en ai au moins vécue une. Si je me rappelle bien, c'était évident pour le médecin et toutes les femmes avec lesquelles j'ai eu l'occasion de discuter de certains problèmes de grossesse qu'il y avait une espèce de consensus à savoir qu'effectivement c'était au début de la grossesse qu'il fallait être beaucoup plus prudente, que les risques étaient plus grands pour l'enfant, etc. Je ne sais pas comment cela se passe actuellement dans tous les cas. Est-ce qu'on peut concevoir un retrait préventif où les délais seraient réduits au début? Sans avoir une expertise très précise sur le dossier, il semble quand même y avoir un consensus selon lequel c'est au début de la grossesse que c'est dangereux. Est-ce qu'on pourrait concevoir un retrait préventif plus rapide au début, quitte à ce que la personne puisse revenir travailler durant certains mois de la grossesse où les risques sont beaucoup moins élevés par rapport aux

études qu'on peut avoir actuellement? C'est ma première question.

Deuxièmement, en termes beaucoup plus généraux, doit-on interpréter vos propos de ce matin comme tenant lieu d'une politique globale de la maternité? Sinon, est-ce qu'on ne pourrait pas, en janvier, au moment où vous allez étoffer votre mémoire ou envoyer un mémoire écrit au ministre, avoir vos suggestions là-dessus?

Le Président (M. Blouin): Mme Hébert.

Mme Hébert: Sur les délais, effectivement, lorsqu'on regarde les articles 40 à 49 de la loi, il n'y a aucun délai qui est mentionné dans la loi. Donc, cela permettrait, si cette loi était appliquée comme elle devrait, aux femmes de demander le retrait préventif aussitôt qu'elles savent qu'elles sont enceintes et aussitôt qu'elles le peuvent.

Naturellement il y a des problèmes qui peuvent survenir et qui sont de divers ordres. Aussi, il faudrait considérer dans le retrait préventif la condition de la travailleuse parce qu'on sait que, pour une travailleuse qui a une grossesse à risque, par exemple, son problème peut être de beaucoup augmenté à cause du milieu de travail. Il y a, d'ailleurs, une décision qui a été rendue dernièrement par la Commission des affaires sociales reconnaissant qu'effectivement les conditions de travail dans lesquelles cette femme travaillait rendaient plus difficile sa grossesse.

Il faut voir aussi que les problèmes ne se posent pas toujours de la même façon. On sait que des problèmes d'ordre plus ergonomiques, c'est-à-dire poids lourd, etc., peuvent ne pas avoir de conséquences nécessairement dès le début. En tout cas, cela dépendrait. Ce qui est important, c'est que les femmes puissent le demander aussitôt qu'elles savent qu'elles sont enceintes et aussitôt qu'elles découvrent un problème.

Actuellement, c'est assez incroyable. D'abord, les femmes sont prises avec des délais effrayants et on fonctionne sur la base des normes dont on parlait dans le rapport. Par exemple, des femmes qui travaillent dans des abattoirs à poulets, les pieds dans l'eau, les mains dans l'eau, à une cadence de travail très élevée, n'ont pas le retrait préventif avant la vingtième semaine. Il y a un taux de fausses couches assez élevé effectivement dans ces endroits. Il faudrait donc qu'on puisse demander le retrait préventif aussitôt que la grossesse est connue et qu'on peut avoir le certificat médical du médecin traitant.

Mme LeBlanc-Bantey: Seulement une toute petite question. Ma question était: Est-ce qu'on peut envisager, sans avoir les expertises dans différents secteurs, effectivement, un retrait préventif peut-être durant les 30 premières semaines, quitte à ce que la personne puisse retourner travailler entre telles et telles semaines jusqu'à l'obtention de son congé de maternité? Est-ce que vous seriez complètement opposés à une approche comme celle-là qui permettrait peut-être d'obtenir des retraits préventifs beaucoup plus rapides, mais qui, par ailleurs, pourraient aussi rendre les employeurs moins méfiants dans la perspective où ils ne seraient pas nécessairement obligés de se séparer de toutes les employées durant toute la période de la grossesse dès le moment où elles ont été admissibles à un retrait préventif?

Je pose la question vraiment sans expertise. Ce qu'on se fait toujours dire, en tout cas, quand on est enceinte, j'imagine, par beaucoup de médecins, c'est que, pour les trois premiers mois de la grossesse, soulever des poids, etc., cela peut être très dangereux. Pour employer un terme très populaire, on se fait dire: À partir de cinq ou six mois, le bébé est bien accroché. S'il n'y a pas eu de fausse couche, on risque de le mener à terme. C'est dans ce sens que je me dis qu'il y a peut-être des périodes où ce ne serait pas nécessairement dangereux pour la travailleuse de revenir sur le lieu de travail.

Mme Hébert: Je pense qu'effectivement on ne peut répondre à cette question sans expertise. Il faudrait, à ce moment, pouvoir se baser sur le diagnostic du médecin traitant.

Mme LeBlanc-Bantey: D'accord. Mais a priori, l'idée ne vous rebute pas, si je comprends.

Mme Hébert: S'il existait des cas, mais je pense qu'on ne peut prévoir ces choses, à mon avis.

Mme LeBlanc-Bantey: D'accord.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Je vais d'abord remercier, au nom de tous les membres de la commission, les responsables de la Confédération des syndicats nationaux pour leur importante collaboration. Avant de suspendre nos travaux, M. le député de Viau a quelques commentaires sur le déroulement même de nos travaux.

M. Cusano: M. le Président, je vous remercie. J'ai mentionné, au début de nos travaux, que les gens et les organismes qui ont été convoqués pour cette commission n'ont pas été avisés du temps qui leur était alloué pour présenter leur mémoire et répondre aux questions. Puis-je suggérer au ministre et aux personnes responsables, puisqu'il reste, selon nos règlements, sept

heures d'auditions - parce qu'on est censé terminer à minuit ce soir - et cinq organismes à être entendus, ce qui veut dire une moyenne d'environ une heure et vingt minutes chacun, qu'on fasse un inventaire et qu'on demande à ces organismes quel temps ils seraient prêts à nous consacrer? À la suite à cet inventaire, il y aurait une conférence des leaders pour qu'on puisse organiser les travaux et donner une chance égale à tous les intervenants de se faire entendre, afin de ne pas arriver, à minuit ce soir, et invoquer le règlement en disant que, malheureusement, on ne peut plus entendre les personnes qui auraient dû être entendues. La journée d'aujourd'hui est très chargée, celle d'hier ne l'était pas. Ce n'est pas nous qui organisons les travaux. Je le fais, M. le Président, pour m'assurer que tous les intervenants aient un droit de parole égal ici devant cette commission.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je suis, quant à moi, tout à fait disposé à regarder la suggestion que vient de faire le député de Viau. Je n'ai pas, non plus, l'intention de brimer qui que ce soit dans son droit d'expression. Je suis disposé également à concourir à la suggestion qu'il fait, qu'on prenne des informations auprès des groupes concernés pour savoir, en termes de prédiction, ce que cela peut donner comme temps. Cela nous permettra, effectivement, de réévaluer un certain nombre de choses.

Il y a, cependant, une situation sur laquelle je veux être aussi clair que possible. C'est que le mandat que nous avons de l'Assemblée nationale a prévu une période d'auditions de quatre jours. Jusqu'à preuve du contraire, je pense qu'il va nous falloir respecter ce mandat de l'Assemblée nationale et faire en sorte que tous nos travaux se déroulent à l'intérieur des quatre jours prévus. Si l'exercice suggéré par le député de Viau peut nous permettre d'atteindre cet objectif-là, je n'ai, évidemment, aucune espèce d'objection.

M. Cusano: Très bien, je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Alors, M. le ministre et MM. les députés, je vous signale, comme le ministre l'a très bien précisé, que, pour le moment, l'ordre que nous avons reçu de l'Assemblée nationale se limite à quatre jours d'auditions et qu'à moins qu'il n'y ait, selon les discussions que vous aurez, des avis contraires de la part du leader du gouvernement à l'Assemblée nationale, je devrai, quant à moi, faire respecter les horaires qui ont été prévus. Je vous rappelle aussi que, par expérience, nous savons que ce genre de commission connaît toujours un démarrage plus lent puisque les premiers groupes qui se font entendre, bien sûr, sont appelés à couvrir l'ensemble des problèmes et que, au fur et à mesure que les travaux avancent, nous circonscrivons davantage les points chauds. L'expérience nous démontre que les organismes subséquents requièrent moins de temps et de questions de la part des membres de cette commission.

Pour le moment, je vous signale que nous avons cinq autres groupes à entendre aujourd'hui et que je devrai, au cours de la journée, faire en sorte que les cinq groupes invités soient entendus, à moins qu'il n'y ait des avis contraires de la part de l'Assemblée nationale.

Sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 29)

(Reprise de la séance à 15 h 7)

Le Président (M. Blouin): La commission élue permanente du travail reprend ses travaux. Sans plus tarder, j'invite la Fondation d'aide aux travailleurs accidentés, la FATA, à venir prendre place à la table des invités.

Je sais que tout le monde est maintenant conscient des contingences auxquelles nous devons faire face en termes de temps. Aussi, je vais demander aux représentants de la FATA, pour les fins du journal des Débats, de bien vouloir s'identifier et ensuite de nous livrer le contenu de leur présentation.

FATA

M. Chartrand (Michel): Michel Chartrand, DGB de la FATA, directeur général bénévole. M. Nazaire Paquet, mineur depuis 32 ans, vice-président de la FATA, ex-président du Conseil central de Thetford et ex-président du comité confédéral de la santé et de la sécurité de la CSN. M. Claude Pétel, représentant des accidentés à la General Motors depuis au-delà de huit ans. Cela fait dix-huit ans qu'il s'occupe des accidentés. C'est un travailleur syndicaliste affilié aux TUA, Travailleurs unis de l'automobile, à la Fédération des travailleurs du Québec et au Congrès du travail du Canada. Alors, il ne peut pas être soupçonné d'avoir une idéologie, comme d'autres. Notre camarade Jean-Guy Dubuc qui est conseiller de la santé et de la sécurité de la CEQ qui a adhéré à la FATA à son dernier conseil général. M. Pierre Lamoureux, c'est une manière de chômeur qui s'est occupé des accidentés au comité de Hochelaga-Maisonneuve, qui a commencé comme bénévole en février à la FATA et qui continue avec un salaire de demi-bénévole.

C'est à peu près le salaire que paie le P.-D.G. de la CSST au travailleur qu'il ne veut pas rembourser. Mme Lynn Marinacci, c'est une conseillère au bureau de la FATA à Québec.

Notre président, M. Florent Audette, me prie de vous demander de l'excuser parce qu'il n'a pas pu se libérer. M. Audette est un plâtrier qui a été directeur du syndicat de la construction de la CSN, qui a été responsable de l'éducation de la santé et de la sécurité à la Fédération du bâtiment et qui est l'ex-président du comité confédéral de la santé et de la sécurité. Notre avocate, Mme Louise Boucher, vous prie de l'excuser aussi, de même que le Dr Banville qui devait essayer de nous rejoindre mais qui, malheureusement, n'a pas pu.

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, mesdames, messieurs, chers camarades. Les premières pages, ce sont les statuts et règlements de la FATA ou des extraits pour voir que cela est enregistré, que cela accepte tout le monde et que cela rend service à tout le monde. La déclaration de principe, cela vous dira peut-être quelque chose, peut-être que cela ne vous dira rien. Je vais vous parler de l'expérience de la FATA qui est en même temps l'expérience d'un accidenté du travail.

La FATA a commencé à recevoir des accidentés vers la mi-février. C'est un organisme bénévole parce qu'il y en avait déjà dans la province de Québec, l'ATTAQ que vous avez reçue hier vous a présenté probablement le meilleur mémoire que vous allez avoir pendant toute votre commission... Il faudrait le méditer, le reméditer et surtout essayer de corriger les anomalies qui ont été présentées par l'ATTAQ.

Le médecin, M. Roch Banville, était installé dans un des quatre bureaux qui avaient été mis gracieusement à la disposition de la FATA par le Syndicat des employés de bureau et de magasin de la SAQ, présidé par M. Ronald Asselin. L'ameublement de nos bureaux situés aux 1069 et 1105 de la rue Saint-Denis à Montréal a été emprunté ou acheté à rabais d'amis ou d'organismes syndicaux ou provient d'encans de faillites.

Depuis le 21 mai 1983, date de l'assemblée générale de fondation, nous occupons deux étages d'une bâtisse que des personnes qui sont indignées de la façon dont sont traités les accidentés du travail voudraient mettre à la disposition de la FATA. Depuis février 1983 à ce jour, nous n'avons pas payé de loyer à Montréal, mais nous payons des loyers pour Québec et Rimouski.

Le personnel de la FATA comprend, depuis le début, des travailleuses et des travailleurs bénévoles, des téléphonistes, des secrétaires, des conseillers auxquels se sont joints des bénéficiaires des programmes de

Chantier-Québec, cinq personnes pour vingt semaines, ainsi que de RELAIS-Canada, neuf personnes dont six à Montréal, une à Québec, deux à Rimouski, pour une période d'un an.

Les dépenses effectuées depuis le début des activités de la FATA ont été défrayées, en partie, par des dons: la CSN 50 000 $, d'autres organismes syndicaux affiliés à la CEQ, CSN, FTQ, et par des individus; aussi par des emprunts totalisant près de 100 000 $. Depuis le début de ses activités, la FATA a ouvert près de 800 dossiers dans dix mois et a participé à 200 auditions à la CSST et à la CAS, avec la présence du médecin, généralement. On pense que cela correspondait à un besoin qu'on n'a pas inventé.

Le travail avec les accidentés. Un ou une accidentée téléphone à la FATA - nous avons douze appareils - ou se présente aux bureaux de la rue Saint-Denis à Montréal, de la rue Caron à Québec ou de la rue Saint-Louis à Rimouski, parce que la CSST lui écrit qu'elle cesse ou cessera de lui verser ses indemnités; parce que la CSST refuse d'autoriser des traitements ou de les payer, même s'ils sont recommandés par le médecin traitant, par un spécialiste ou par un chirurgien ou par deux d'entre eux ou par les trois; parce que la CSST veut que l'accidenté retourne au travail contre l'avis de son médecin traitant, du spécialiste qui s'en occupe ou du chirurgien qui l'a opéré, ou contre l'avis des trois; parce que la CSST lui parle de se désister d'une demande de révision; parce que la CSST lui coupe le versement des indemnités après que l'accidenté a eu gain de cause en révision ou en appel à la Commission des affaires sociales. On a tout vu.

Lorsque l'accidenté se présente à la FATA, il a déjà fait de multiples démarches auprès de la CSST durant des mois et parfois des années, pour essayer de s'expliquer ou de se faire expliquer les décisions variables ou variées, mais toujours arbitraires de la CSST. Souvent le représentant ou le conseiller de l'accidenté, que ce soit un vulgaire syndiqué ou un éminent membre du Barreau du Québec, n'a pas de réponse aux lettres qu'il adresse à la CSST à maintes reprises, et aux nombreux téléphones qu'il effectue.

C'est difficile de trouver pire comme service dans la ville. De plus, il est aussi quasi impossible de rejoindre l'argent... l'agent de l'accidenté ou la personne préposée au dossier de la CSST.

Une voix: L'argent aussi.

M. Chartrand: L'argent aussi, oui, c'est toujours difficile de la... que la...

Attends, attends, attends, avec ou sans accompagnement de musique. Je dois dire qu'au bureau chef à Montréal, il y a de la musique; à Longueuil et à Laval, il n'y en a

pas. L'accidenté a dû faire de longues, de très longues attentes avant d'avoir la communication téléphonique. J'ai expérimenté cela plusieurs fois avec trois lignes de téléphone... "nix". Mais j'ai eu la bonne réponse savante d'un des directeurs, pour ne pas le nommer, qui s'appelle Mérineau. Il dit: Après tout, Chartrand, ils n'ont rien que cela à faire, nous appeler.

C'est un mal qui dure depuis Parthenais, dans les anciens locaux, qui n'a pas été guéri dans les nouveaux, qui coûte extrêmement cher. Il y a pénurie de téléphonistes; on les surcharge et il y a pénurie de lignes téléphoniques. On peut imaginer les inquiétudes des accidentés qui doivent défrayer leurs communications interurbaines et qui subissent de longues attentes.

À propos de téléphones à la CSST, voici la dernière histoire. Elle a une connotation scientifique avancée. Il faudrait faire venir le ministre de l'Électronique pour qu'il nous explique cela. Nous pensions, nous, pauvres ignorants, qu'il s'agissait uniquement de coupures de personnel ou du fait des temporaires qu'on remplace pour créer des emplois et un peu de bon patronage. Les nouvelles téléphonistes font leur apprentissage et le nombre de celles qui sont disponibles pour répondre au téléphone est réduit d'autant. Mais le véritable problème, paraît-il, se rapporte à la technologie de pointe, à l'informatique. L'ordinateur ne peut plus en prendre. Cependant, il semble qu'il y ait suffisamment de circuits pour taper les lignes - l'écoute électronique - pour vérifier le bon travail et l'efficacité des téléphonistes et peut-être aussi pour enregistrer les conversations de ceux qui téléphonent à la CSST. Quand, après de longues attentes, vous réussissez à parler à une téléphoniste, il faut la solliciter longtemps pour avoir la communication avec votre agent. Finalement, l'accidenté se retrouve avec une autre personne à laquelle il faut raconter l'histoire à nouveau et il se fait dire: Votre agent vous rappellera. Évidemment, pendant que nous occupons les lignes à raconter deux fois notre histoire, d'autres attendent après avoir subi les mêmes attentes prolongées et inutiles. (15 h 15)

Après de multiples démarches auprès de la CSST et de son organisation syndicale, d'un avocat ou même de son député - en dernier ressort, au cas où il pourrait être utile à quelque chose, ce député l'accidenté est rendu à la FATA. Un conseiller de la FATA procède à une première entrevue. Nous lui demandons de lire la dernière lettre reçue de la CSST et nous lui conseillons de demander à la CSST une révision de ladite décision s'il y a lieu. La teneur des lettres de la CSST peut varier beaucoup. Elle peut être ambiguë, c'est le moins qu'on puisse dire, parler de révision administrative qui a lieu, qui aura lieu, de révision dans 60 mois, de décision finale, de pourcentage d'incapacité, d'une demande de démission de son emploi pour être admissible aux programmes de réadaptation sociale ou, une fois la réadaption sociale terminée, vous pouvez alors vous adresser au président de ce service même en ayant gain de cause en révision. Ce fut un cas dernièrement. M. Bernier est au courant de cela, comme il est au courant de tout le reste d'ailleurs, mais il ne peut rien corriger, le pauvre homme. Quelquefois, il est question d'appel dans des délais de 30 jours ou de 90 jours. Il reste même de vieilles lettres de la CSST qui parlent de décisions finales sans parler de révision.

Comme on peut le constater, il n'y a rien là pour faciliter la tâche de l'accidenté et atténuer son désarroi. Il n'y a surtout pas de formules simples et claires que l'accidenté pourrait remplir sans trop d'inquiétudes. Il en existe pourtant à la Commission de l'assurance-chômage et à la Régie des rentes qui sont toutes prêtes, que le gars n'a qu'à signer. Il n'est pas obligé de se tricoter la tête, de se creuser le cerveau et d'aller consulter des avocats qui ne sont pas au courant pour savoir quoi répondre.

La CSST c. la CSST. Croyez-le ou non, une demande de révision à la CSST d'une décision de la CSST est une source d'inquiétude pour l'accidenté. Loto-Québec est plus efficace que la CSST pour nous mettre en relation avec elle. Pour préparer la révision, le conseiller de la FATA demande à l'accidenté de recueillir ses certificats médicaux, ses protocoles opératoires, des résumés des hospitalisations, de ses radiographies ou autres examens, ses talons de paie, ses témoins de l'accident et sa volumineuse paperasse avec la CSST, etc. Si l'accidenté est membre d'un syndicat ou d'une autre organisation populaire, nous lui conseillons d'aller voir son organisation et de prier son représentant et les témoins de l'accident de l'accompagner lors d'une prochaine entrevue à la FATA.

Au cours de cette deuxième entrevue, on consignera les détails et les preuves pour justifier les droits à une compensation, à une absence de travail, à des traitements, à une opération, à une prothèse, à des transformations de son ameublement, à des frais de transport, à des frais de garde ou à tout autre plan de réadaptation et de réinsertion sociale auquel la loi lui donne droit en principe.

Au moment de sa première entrevue à la FATA, l'accidenté ou le malade du travail avait réclamé depuis fort longtemps, des mois et des années parfois, une indemnité ou une solution à son problème. Par exemple, un travailleur de la construction, père de famille, dans le plâtre du cou jusqu'au bas

des fesses, à la suite d'un accident de travail reconnu par la CSST, n'avait reçu aucune indemnité, aucun chèque du mois de juin au mois de décembre. À la CSST, on nous a répondu que son dossier n'était pas complété. Évidemment, cet accidenté, dans le plâtre de haut en bas n'était pas tout à fait rétabli pour le travail.

Délais. Après sa demande de révision de la décision de la CSST à la CSST, même s'il a attendu très longtemps pour avoir une première lettre de la CSST qui lui permette d'aller en révision, l'accidenté doit quand même se préparer à attendre encore six, huit ou quatorze mois avant d'être entendu au bureau de révision de la CSST. L'accidenté se demande de plus en plus si ses droits seront respectés et il commence à se demander vraiment s'il a des droits. Il est de plus en plus inquiet. Souvent, il a mangé ses économies, il a emprunté. Il lui reste le bien-être social comme dernière source de subsistance. C'est ce que le P.-D.G., le juge Robert Sauvé, de la CSST, appelle le revenu garanti. Cela a été publié dans une entrevue du Devoir le 23 novembre 1978, le "no fault" et le revenu garanti. Il a copié la loi de la Nouvelle-Zélande sur les accidents d'automobiles et l'a appliquée aux accidents du travail. Les libéraux qui demandent la raison pour laquelle ces gens sont allés en Nouvelle-Zélande, au lieu de demander le prix du voyage, ils auraient été mieux de demander le sujet du voyage. Ils n'avaient qu'à lire le projet de loi 17 et ils l'auraient trouvé. On les avait avertis, lorsqu'on est venu l'autre fois, que ce projet de loi avait été copié là. C'est cela, il ne s'est caché de rien, Robert Sauvé, il a écrit tout cela en 1978, et il fait "une bonne job", je trouve, pour les patrons. Il y en a qui sont ingrats de lui en vouloir.

CSST versus CSST. Qualité et impartialité de la révision. Après avoir été plus ou moins entendu par l'employé de la CSST qui révise la décision d'un autre employé de la CSST, ces deux employés recevant leurs directives du même bureau médical de la CSST, sinon des mêmes chefs de service - sûrement de la même CSST -l'accidenté doit se préparer à subir encore de longs délais, interminables et injustifiables. En effet, la décision du commissaire de la CSST à la révision se fera attendre deux, quatre ou six mois. À Laval, il y avait cinq dactylos. Il en est resté une. Cela prend six mois pour avoir la décision qui a été rendue au bureau de révision. Tu attends six mois pour y aller et tu attends un autre six mois pour savoir la décision. Cela va jusqu'à quatorze mois. Pétel est là toutes les semaines, il va vous dire cela tout à l'heure. Il vient de GM... "pas brillant", Boisbriand.

La décision du commissaire de la CSST se fait attendre longtemps. Tout ce qu'on dit, c'est qu'il me semble qu'on pourrait trouver des personnes qualifiées pour agir comme commissaires sur les 400 000 chômeurs de la province de Québec. On pourrait trouver aussi des téléphonistes. On pourrait trouver des commis de bureau et on pourrait même trouver des juges et des médecins pour siéger à la CAS. Il y a 5000 cas qui attendent à la CAS: "Justice delayed is justice denied" que disent les Français.

L'accidenté durant ces longues attentes devient de plus en plus inquiet et perturbé, ses malaises se répercutant dans sa famille, dans son coeur et dans son cerveau. C'est parce que, voyez-vous, il faut manger, il faut payer l'hypothèque, il faut payer le loyer, il faut se soigner, etc. Il y en a qui ont tiré dans les bureaux de Laval avec des douze et il y en a un autre qui a tiré à Chambly; lui était accidenté, il a mangé ses 5000 $ d'économies et après cela il était nerveux. Il y en a un qui a appelé hier au bureau. Il avait été opéré il y a un an. Il a recommencé à travailler un peu. Là, il doit être opéré le 9 janvier et les médecins qui l'ont traité un an disent: II faut que tu retournes à Notre-Dame où ils vont t'opérer et là il dit: Je n'ai plus rien à manger. J'ai dit: Qu'est-ce qu'ils t'ont répondu à la CSST? Ils m'ont dit: Coupe quoi? Couper le gars? Bien non! Ils m'ont dit: Va-t'en au bien-être social, le salaire garanti de Sauvé, le revenu garanti de Sauvé et de Marois.

Voilà les conséquences des délais interminables, qui s'assimilent à de mauvais traitements provenant de la corporation qui devrait voir à guérir, à indemniser et à réhabiliter l'accidenté. Il y en a qui reçoivent des convocations pressées, des fois, du bureau dans de très courts délais. C'est rare. À ce moment, le médecin qui témoigne au bureau de révision à la CSST ou à la CAS, pour être en mesure de donner son opinion du point de vue médical et préparer son intervention, le médecin de la FATA ou les collègues qui le remplacent à l'occasion feront l'entrevue avec l'accidenté le soir, le samedi ou le dimanche, parce que, lui, il voit les accidentés contrairement à certains médecins de la CSST, il leur parle aux accidentés. Il ne les bouscule pas. Il ne leur parle pas de leur vie privée. Il ne leur demande pas avec qui ils couchent, s'ils se sont fait faire de l'ergothérapie pour se faire tripoter les seins et les fesses. Il leur parle de leur maladie, il les écoute et il répond à leurs questions.

Nous autres, on a dû faire comme le médecin de la FATA dans les cas pressés, étant donné que nous avons été convoqués pour venir ici par téléphone le vendredi 9 décembre 1983 et que nous y sommes le mardi 13 décembre. Vous n'avez pas à vous excuser de cela et nous vous remercions. Nous remercions même l'ineffable ministre de l'invitation qui nous a été transmise.

Heureusement pour les accidentés et les malades du travail, on peut nous joindre à la FATA plus facilement qu'à la CSST et nous prenons moins de temps que la CSST pour transmettre notre opinion. Vous vous en doutiez sûrement.

Après la première visite à la FATA, l'accidenté qui va en révision de la décision de la CSST... Vous remarquez que l'accidenté ne va plus en révision de la décision de la CSST à la CSST, comme je le disais antérieurement; il va en révision à la CSST de la décision de la CSST. Tout de même, l'accidenté ira faire la cueillette des différents certificats médicaux et de son dossier médical dans les hôpitaux, ce qui n'est pas facile et cela peut lui coûter très cher d'aller chercher son dossier médical dans les hôpitaux, quand on veut le lui donner. Les lois disent qu'on a droit à notre dossier médical, mais ce n'est pas vrai. Cela n'est pas appliqué. Ce n'est pas la FMOQ et ce n'est pas l'ordre des médecins qui fait appliquer cela non plus, parce qu'ils sont tout à fait inaptes et inutiles quand il s'agit des accidentés du travail. Ils sont exactement comme la CSST.

On leur fait payer cela. Ailleurs, le mémoire de l'ATTAQ qui vous a été présenté vous donne des exemples de fait que les décisions de la CSST ne sont pas motivées. Pour ce qui est des dossiers médicaux, on va y revenir tantôt, les dossiers médicaux qui se promènent partout de la part des médecins de compagnies. La confidentialité, cela n'existe pas pour un accidenté du travail. La confidentialité des dossiers: L'article 55 de la loi, c'est l'article 255 de la loi de Sauvé, qui dit: Nul ne peut en donner ou recevoir communication écrite ou verbale - cela est le premier paragraphe - à moins de l'autorisation du travailleur ou d'un ordre du tribunal.

Mais le deuxième paragraphe dit: Malgré le premier alinéa, la commission doit communiquer au médecin désigné par l'employeur tout rapport relatif à un accidenté qui lui est fait par un médecin praticien ou un expert si l'employeur le requiert. L'employeur a des droits sur notre peau, pas juste sur notre travail, c'est sur notre peau qu'il a des droits. Ce matin, j'entendais le ministre demander à la CSN ce que devait faire un médecin de compagnie. Il doit soigner les compagnies et ne pas écoeurer les ouvriers. En avez-vous, des médecins spéciaux, qui examinent les députés? Pourtant, vous êtes du monde important! On veut vous garder en santé!

Le troisième paragraphe: Un établissement au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, les hôpitaux par exemple, doit faire parvenir à la commission ou à un médecin qu'elle désigne sur demande une copie du dossier d'un bénéficiaire. Ce n'est pas le dossier de l'accident, ce sont toutes ses maladies. C'est ce qu'ils font d'ailleurs dans les hôpitaux. Ils ont le dossier complet des employés, s'ils sont divorcés, s'ils ont une amie de fille, et patati et patata. On parle d'une cheville qui est brisée et ce n'est même pas consigné dans le dossier de l'hôpital, cela n'a pas adonné qu'ils mettent cela dans le livre de bord, mais ils ont tout son dossier personnel. Et General Motors, les médecins de General Motors et les spécialistes de la province de Québec qui vont témoigner pour General Motors, ils sortent le plein dossier de l'employé et cela n'arrête pas. Et la commission endure cela, la CAS endure cela et les médecins qui siègent là endurent cela. La confidentialité, cela ne les dérange pas beaucoup.

Mais le quatrième paragraphe, c'est le paragraphe ineffable, que vous avez voté d'ailleurs: Un travailleur à qui la commission refuse, interdit l'accès à son dossier médical ou refuse de lui en donner la communication écrite ou verbale, peut, par requête sommaire, s'adresser à un juge de la Cour supérieure ou de la Cour provinciale pour obtenir l'accès à celui-ci ou pour obtenir communication. On ne demandait pas l'adresse des palais de justice, "crisse", on demandait notre dossier. C'est-y assez fort! Il faut que la commission le donne au médecin de la compagnie; mais elle peut le refuser à un accidenté. Vous avez tout voté cela, vous. Bernier dit: Oui, je voulais leur dire qu'ils pouvaient l'avoir! Allez-vous-en à la cour. Mon doux Jésus, dans les basses cours à part de cela. Alors nous suggérons donc que les décisions de quelque fonctionnaire que ce soit de la CSST soient motivées et qu'on en fasse tenir une copie à l'accidenté et à son représentant, évidemment. Que l'accidenté ait droit à toutes les pièces de son dossier qui sont en possession de la CSST, pas lui en cacher plusieurs. Que les médecins de compagnie ou que la CSST ne profitent pas d'un accident ou d'une maladie du travail pour obtenir et mettre en circulation le dossier médical complet, de même que l'histoire de la famille de l'accidenté. Ton parent, ton père, qu'est-ce qu'il a eu, et puis "crisse" le gars a eu un bloc de 6000 livres sur la tête; je veux dire tu n'as pas besoin de te demander et de savoir si son père était sain d'esprit!

La CSST non seulement ne remplit pas son rôle - et il avait son casque à part de cela, ils ont trouvé la cervelle dans son casque - d'informer convenablement les accidentés de leurs droits - et elle dépense une fortune en brochures, en publicité et en "crisse" de bebelles; mais informer un travailleur convenablement au téléphone ou au comptoir, jamais! Même quand les gens sont allés occuper là, Sauvé est sorti et a dit: Madame, pourquoi vous vous occupez de ce monde-là? Venez nous voir ici. Il est

pareil comme le PQ, les organisations de travailleurs, il n'aime pas cela, pas plus que le Parti libéral aimait cela dans le temps. La CSST non seulement ne remplit pas son rôle d'informer convenablement les accidentés de leurs droits, mais elle retarde tant qu'elle peut l'application de la loi en plus de susciter des embûches à ceux qui veulent faire pleine mesure de justice, à défaut d'équité.

Le grand nombre d'accidentés qui se sont adressés à la FATA au cours des dix derniers mois, au-delà de 800 dossiers ouverts, démontre que cet organisme - pas en première instance, nous les prenons seulement quand ils sont rendus en révision, après qu'ils ont reçu la lettre "fuck you", va-t'en dans la rue - en plus des autres organismes de défense correspond à un besoin parce que la CSST ne remplit pas son rôle, soit d'informer les accidentés et de les compenser rapidement, de les faire traiter, de les réhabiliter selon la loi. Les conseillers de la FATA préparent le dossier de l'accidenté en séparant les documents ayant trait à l'administration de ceux qui ont trait à l'aspect médical et ils font le résumé du dossier, ce qui constitue un travail de quelques heures et parfois de quelques jours. J'ai des résumés de dossiers, des dossiers de trois pouces, cela prend seize pages, format légal, à simple interligne. Si vous voulez en voir des exemples, on va vous en donner. (15 h 30)

Alors là, c'est cela qu'on devrait avoir quand on va à la CSST et c'est elle qui devrait nous fournir ça. Au lieu que les gars soient là surchargés de dossiers, ils tripotent là-dedans, tripotent là-dedans. Tu essaies de leur parler. Là, ils cherchent. À un moment donné, on leur donne des documents qu'ils n'ont même pas. Parce qu'eux autres disent à l'accidenté: Va chercher tes affaires, fais-moi la preuve que t'es accidenté, va me chercher des expertises, et patati et patata! Alors, il me semble que ce serait honnêtement son devoir de faire cette partie-là.

Mais même après avoir attendu jusqu'à un an la révision ou la décision de la CSST, l'accidenté qui a eu gain de cause à ce stade, attendra encore le paiement et les ajustements nécessaires pendant quelques mois. Ce n'est pas fini la discussion, là. Il faut calculer les pourcentages et ils sont sérieux sur l'argent. Quand les libéraux disent qu'ils gaspillent, ils ne gaspillent certainement pas pour les ouvriers, crisse! Des délais, toujours des délais sans jamais d'intérêts. Le médecin en chef de la CSST -ça, c'est une parenthèse, vous voyez que c'est en retrait, il s'appelle Paul-Émile Saint-Pierre - à la suite de décisions favorables de la part des médecins de la CSST qui siègent au bureau de révision -parce que ça arrive - a affirmé que, dans certains cas, ces décisions étaient mauvaises et qu'il verrait à faire remplacer ces médecins. Il y avait des témoins et si vous voulez les voir, je vais vous les faire voir. Il est encore là ce vieux sbire.

Comme ce cher médecin en chef de la CSST, le bureau médical de la CSST ne se gêne pas pour interrompre des traitements ou jeter au panier des certificats médicaux de non-retour au travail émis par des médecins traitant, des spécialistes ou des chirurgiens. Dans certains cas, les médecins de la CSST n'ont même pas vu les accidentés et ces décisions sont parfois transmises par les agents, selon les directives des médecins de la CSST avec la connivence des médecins de compagnies.

Je pense que l'ATTAQ vous a parlé de la barbarie de certains médecins examinateurs de la CSST. Des histoires là-dessus, il y en a tant que vous voulez. À une femme qui a suivi des traitements en physiothérapie, on lui dit: Tu dois être contente, tu es allée te faire tripoter les seins puis les fesses - une femme de soixante ans -; elles nous racontait cela en pleurant. À une autre qui avait subi l'ablation des seins, les trois médecins lui disaient: Déshabille-toi là, vas-y, déshabille-toi, on a déjà vu ça, ôte-toi les mains sur la poitrine. Le gars qui arrive là et qui dit: Je ne peux pas m'asseoir, j'aime mieux rester debout, j'ai mal à la colonne, on lui répond: Penses-tu que tu vas m'impressionner avec cela, toi. Assieds-toi là, achale-moi pas. Des coups de poing... Ah oui, ah oui! La FMOQ, c'est ça puis l'Ordre des médecins, c'est ça aussi. Vos distingués collègues professionnels savent tout cela.

Comme ce cher médecin en chef, le bureau médical - bon, c'est ça. Alors, là, il y a le cas d'un accidenté. Il y a des documents à la fin. Il y a trois lettres à Sauvé et la réponse de Bernier est qu'il va nous donner des nouvelles au mois d'avril; on n'a pas eu de nouvelles. "Je vais faire vérifier immédiatement ce qui s'est passé dans ce dossier." Cela, c'est quand ils vont vite: avril à décembre.

Alors le Dr Banville et le Dr Décarie, qui sont chirurgiens, ont dit que ce gars-là ne peut pas retourner travailler. Ils ont dit: "Retourne travailler pareil." C'est son patron qui l'a renvoyé chez lui. Il fallait qu'il grimpe dans un camion, qu'il redescende et tout ça. Là, le Dr Banville a rempli un formulaire pour envoyer à l'assistance sociale et a dit: la CSST aurait dû le payer, mais elle ne le paie pas.

Alors, le mémoire de l'ATTAQ vous rapporte plein de cas comme ceux-là. Quand bien même ils essaieraient de se défendre et dire que ce sont des exceptions, des ceci ou des cela, ne croyez pas ça. Ils ne sont pas menteurs, mais ils nous trompent souvent. "Lorsque le conseiller de la FATA a

préparé un résumé du dossier de l'accidenté..." Le médecin de la FATA a une ou plusieurs entrevues avec l'accidenté, ses conseillers, ses témoins. Après ça, il va faire des consultations de spécialistes et des expertises s'il y a lieu, il va préparer son intervention au bureau de révision ou à la CAS parce que les spécialistes, généralement, refusent de témoigner; ceux qui sont à la solde de la CSST. Les autres ne veulent pas parce qu'ils n'ont pas le temps et ne veulent pas discuter de ces affaires-là, etc. Là, on voit des spécialistes de partout. Le dernier que j'ai vu, c'est à Fer et Titane. Je ne sais pas comment il s'appelle, mais le chef physiothérapeute de Saint-Sacrement est venu raconter des sornettes pendant une couple d'heures, l'avocat et le médecins de la CAS lui ont fait dire le contraire de ce qu'il avait dit.

On en a eu un autre, l'autre fois, pendant deux heures, un pneumologue de l'Université McGill et du Royal Victoria qui nous a dit que ça ne se pouvait pas qu'un gars ayant eu une opération à une cheville meure d'une embolie pulmonaire. Il a expliqué cela pendant deux heures, mais il a dit: Je n'ai pas vu le post-mortem. Finalement, le conseiller de la FATA demande au Dr Banville: C'est quoi le postmortem. Banville a dit: Laisse-le parler, laisse-le parler. Quand est venu son temps de témoigner, il a dit: Avez-vous vu l'autopsie. Il a répondu: Je vous ai dit que je n'avais pas vu le post-mortem. L'autopsie dit qu'il est mort d'une embolie pulmonaire à la suite d'une opération à la cheville. C'est comme les gars de l'amiante. Autrefois, ils mouraient de tuberculose quand ce n'était pas compensé, avant 1961; là, ils meurent du coeur. Le coeur arrête de battre, ils perdent le souffle et ils disent: Ils sont morts. Ce n'est pas de l'amiante. Nazaire, à ma gauche, vous en parlera tantôt.

Les délais. Il y a des délais avant la demande de révision. Cela dure des mois quand on attend la révision et avant d'avoir une décision de la CSST après que tu as commencé à demander des droits. Après, tu as des délais après la demande de révision. Tu as des délais après la révision. Tu as deux ans de délai après cela pour aller à la CAS. C'est raisonnable, cela? C'est parce que M. Sauvé qui a une tête un peu analogue à celle de Parizeau - tu sais, la tête de Parizeau, elle est toute par carreaux, Sauvé, ce sont de plus petits carreaux parce que c'est un autre domaine, mais quand tu tires un de ces carreaux, les autres se ferment... Sauvé leur avait dit: Vous allez avoir à peu près 2DD cas par année et il y en a à peu près 2000 par année. Et le bon gouvernement du Québec avec votre bonne Assemblée nationale n'a pas vu à augmenter... Des jobs pour vos "chums" ce serait le temps. À la CAS, faites des jobs pour vos "chums".

Le gars attend deux ans. Que fait-il pendant les deux ans qu'il attend? Pour avoir des bénéfices au bien-être social, il ne faut plus que tu aies une fortune. Comme disait notre ami Valois ce matin: Quand tu es accidenté, il faut que tu sois riche et patient. Durant ces mois et ces années de délai, d'attente, d'incertitude et d'inquiétude, l'accidenté a mangé ses économies. Parfois, il a pu toucher des prestations d'assurance-chômage parce que la CSST et l'assurance-chômage, cela s'entend bien ensemble. Le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec s'entendent bien ensemble sur la peau des travailleurs et pour les voler. Certains accidentés ont épuisé leurs assurances personnelles. D'autres, comme les accidentés des hôpitaux et les commissions scolaires, ont épuisé leur banque de congés de maladie. Dans les hôpitaux et dans des commissions scolaires, ils n'envoient pas le monde à la CSST, eux. Ils leur font prendre leur assurance et leur banque de congés de maladie. Après deux ans d'absence, ces employés sont congédiés, à part cela. Il reste alors aux accidentés ruinés, endettés et démoralisés à recourir au bien-être social, le même revenu garanti dont parlait le P.-D.G. de la CSST dans son entrevue au Devoir de novembre 1978.

Le cas de l'accidenté de Banville est rendu là. La RAMQ, le public et les citoyens paient en lieu et place de la CSST et des petits entrepreneurs et des PME. Ce ne sont pas les PME qui paient. La majorité des frais pour les accidentés du travail, c'est la RAMQ qui paie depuis longtemps. Cela fait dix ans qu'on le dit à ce gouvernement et à l'autre avant itou.

Durant ces années d'attente d'une décision de la CAS, si l'accidenté reçoit des traitements, est hospitalisé, opéré, a besoin de prothèse, de médicaments, c'est la RAMQ qui paie. Ce sont les citoyens qui paient, pas la Mutuelle d'assurance des employeurs ni les compagnies auxquelles le gouvernement remet plus de taxes qu'elles en paient sur les corporations. Arrêtez de nous faire brailler avec les taxes des compagnies. Elles les reprennent toutes. Sur 12 000 000 000 $ quasiment de budget dans la province de Québec, cela vient des taxes indirectes. Cela ne vient pas des taxes des corporations. Il y a des ministères qui passent leur temps à travailler pour les compagnies et à part cela, ils leur remettent des subventions avec nos taxes. Alors, ne nous faites pas brailler avec cela. D'ailleurs, Louis Laberge et Jacques Parizeau à un "summer" économique... Ce n'est pas un sommet économique, là. Cela prend un "u", "summer". Non, c'est un "summer" économique. Ils avaient dit cela tous les deux: "Les rentes du Québec qui sont constituées d'économies des travailleurs sont déduites des indemnités que doit payer la CSST." Est-ce assez fort, cela? Et les

assurances qui sont payées par l'employeur uniquement aussi sont déduites. C'est leur formule, à eux. Ce ne sont plus des économies. C'est supposé être des économies du "boss". Eh bien, il faut être un maudit ignorant pour ne pas savoir que le "boss", quand il paie des rentes, sa portion des rentes et sa portion d'assurances, il la calcule dans le salaire. Quand tu viens pour la négocier, tu sais qu'il la calcule dans le salaire. Cela fait partie de la propriété de l'employé. Son régime de retraite, ses rentes et ses assurances, c'est à lui, cela, payé ou pas payé par le "boss". Cela fait partie de son salaire. C'est parce qu'il a travaillé là.

Or, non seulement le gars est estropié, non seulement vous le punissez parce qu'il est estropié et vous lui baissez son salaire, mais à part cela, vous allez lui voler une partie de ses rentes et de ses assurances. C'est-y assez fort. Ensuite, vous trouvez le moyen de chialer contre les accidentés en disant que cela coûte cher, la CSST. À cause de son absence du travail, l'employé, à part cela, perd ses droits à l'assurance-chômage. Il ne peut pas souscrire au Régime de rentes ni aux assurances. À part cela, il perd son emploi. Un ouvrier de la construction, pardessus le marché, lui, il a moins d'heures pour se qualifier. On comprendra qu'une telle situation entraîne des problèmes psychologiques, en plus de drames de ménage chez les travailleurs et les travailleuses qui ont subi un accident ou une maladie du travail et qui se voient non seulement mutilés pour la vie à 25, 35 ou 45 ans, mais réduits à la pitance du bien-être social après une vie laborieuse. Nous connaissons des cas où les psychiatres consultés par l'accidenté, de concert avec le psychiatre de l'employeur, ont constaté des déficits anatomophy-siologiques pouvant aller jusqu'à 20%; il y en a qui sont allés jusqu'à 100%. L'accidenté est devenu fou pendant cette période parce qu'il ne recevait pas de réponse convenable et qu'il n'était pas traité convenablement.

Les mutilés du travail dont nous venons de parler iront rejoindre les travailleuses et les travailleurs qui ont 25 ans ou 30 ans de service dans les mines, chez Alcan dans l'aluminium, dans les compagnies de papier un peu partout dans la province de Québec et ailleurs, dans d'autres compagnies, des ouvriers qu'on force à prendre des retraites prématurées, à meilleur marché que leur pension, qu'on force à prendre des rentes d'invalidité au lieu de les payer après les avoir mutilés et empoisonnés. Cela est courant chez des médecins de compagnie et chez la CSST. Voilà qui caractérise l'humanisme de notre société qui confie à une mutuelle d'assurance d'employeurs le bien-être des accidentés et de ceux qui sont victimes des maladies du travail. Ce n'est pas le ministère de la santé, ici, qui s'occupe de la santé des travailleurs, c'est une mutuelle d'employeurs à qui vous avez donné tous ces pouvoirs. Ce n'est pas le gouvernement qui fait respecter les lois dans ce pays, c'est une mutuelle d'employeurs à qui vous avez donné ce pouvoir par la loi 17, et vous allez lui en donner davantage par la loi 42 qui sera votée par les libéraux parce que cela va changer de bord. Ce ne sera pas à notre avantage, remarquez bien, on sera pris comme avant.

Nous demandons au gouvernement du Québec et aux membres de l'Assemblée nationale de faire respecter par la CSST l'article 3 de la Loi sur les accidents du travail qui stipule qu'un travailleur victime d'un accident a droit aux prestations prévues par la loi. C'est clair, ça?

L'article 38 n'a jamais été respecté, l'article 38.4. C'était 37.4 avant. Il n'a jamais été respecté avant, pendant 50 ans. Le législateur ne s'était pas aperçu que les travailleurs étaient garrochés dans la rue même quand ils ne pouvaient pas retourner chez leur "boss". Ils ont été aveuglés par la lumière; ils ne voient plus, après cela.

La loi oblige la CSST à tenir compte de la diminution de la capacité de travail évaluée d'après la nature de la lésion, le DAP, mais en tenant compte aussi de l'aptitude du travailleur à reprendre le travail au cours duquel il a été blessé ou à s'adapter à quelque autre occupation appropriée. Là, ils ont sorti une formule qui a été copiée en France, elle aussi, parce que l'imagination des universitaires dans ce pays-ci, c'est "low low profile". Là, ils te disent: Si t'es instruit, t'as 0. Si t'es analphabète, tu peux avoir 16. C'est 8 ou 16? Si t'as pas de job, si t'es manoeuvre, tu peux avoir 8. Si t'as bien des métiers, tu vas avoir 0. Si tu peux te déplacer et que t'es d'accord pour te déplacer, tu vas avoir 0; si tu ne peux pas te déplacer parce que tu n'as pas d'argent et que tu ne peux pas vivre ailleurs, tu vas avoir 8. Si t'as bien des dettes, tu vas avoir 0; si t'as pas trop de dettes et que tu t'arranges pas pire avec ta femme, tu vas avoir 0. Si, autour de chez vous, il y a du chômage bien gros, tu vas avoir 8; s'il n'y a pas de chômage, tu vas avoir 0.

Bon, si tu restes dans un village où il n'y a pas de chômage, si tu n'as pas trop de dettes et que tu t'entends pas trop pire avec ta femme, si tu as un métier et que tu es prêt à déménager, là, tu vas avoir 0, mais tu es blessé pareil, "crisse", et le "boss" ne veut pas te prendre. C'est-y assez fort, hein? C'est savant en maudit, hein? Il faut être malade dans la tête pour sortir des plans comme ça. Cela n'a pas été accepté, mais ça marche régulièrement.

Nous exigeons également le respect intégral de l'article 42: "Dans le cas d'incapacité totale et temporaire, l'indemnité est celle prévue au paragraphe 1 de la loi 38

- c'est-à-dire 90% du salaire net - mais elle n'est payée, sujet aux dispositions du sous-paragraphe a) du paragraphe 1 de l'article 3, que pendant la durée de cette incapacité." Il faudrait qu'elle soit payée pendant la durée de l'incapacité. Les réadaptations et les insertions, c'est après être guéri, ce n'est pas en lieu et place de ce à quoi tu as droit pendant que tu te fais traiter.

Ce qui arrive, c'est qu'ils t'envoient là-dessus et, à un moment donné, ils disent: C'est assez! Vous l'avez vu dans le mémoire quand on dit: Je ne suis pas pour le payer pendant un an, il en a eu assez, et patati et patata. Il y a eu des déclarations du directeur du bureau de Montréal, notre camarade Mérineau: C'est meilleur pour les travailleurs qu'ils aillent travailler, c'est meilleur pour leur moral. Les docteurs ne connaissent pas ça! (15 h 45)

N'importe quelle personne raisonnable comprendra, à la suite de l'expérience scandaleuse et dramatique des accidentés, que pour faire appliquer la loi, il faut débarrasser la CSST de ses hommes de main qui ont le titre de médecins et que les révisions des décisions de la CSST doivent être faites par un tribunal qui ne soit pas sous la coupe des directeurs de la mutuelle d'assurance des employeurs. Les inspecteurs, il ne faudrait pas qu'ils soient sous cette coupe.

Il y a deux autres petits sujets dont je voudrais vous entretenir durant une minute ou deux concernant le retrait préventif. Il faudrait lire la loi. C'est extraordinaire, ce que vous avez adopté concernant le retrait préventif. C'est une beauté, ce retrait préventif.

Le Président (M. Blouin): Vous êtes conscients des contraintes que nous avons. Pensez-vous que vous aurez terminé vers 16 heures, c'est-à-dire dans un quart d'heure?

M. Chartrand: Dans quatre heures d'ici, certainement. Je me dépêche, j'y vais à toute vitesse. Donne-moi donc l'article 32 de la loi 63. C'est cela. Tu ne l'as pas? En tout cas, cela s'intitule le Retrait préventif. Mais, pour avoir un retrait préventif, il faut que la santé soit d'abord altérée par un contaminant qui ne dépasse pas les bornes. Si tu ne sais pas ce que cela veut dire, le retrait préventif, il faut déjà que ta santé soit altérée. Lorsque ton médecin te dit que ta santé est altérée, si le contaminant ne dépasse pas les bornes, tant pis pour toi! Après que ton médecin t'a dit que tu dois te retirer de là parce que c'est mauvais pour ta santé, là, il faut que tu ailles consulter le médecin responsable. Celui qui s'appelle le médecin responsable, c'est celui de la compagnie. L'autre, c'est un irresponsable. C'est inscrit aux articles 32 et 33 de la loi.

Relisez-les. Prenez le temps de les lire. On est ici pour cela. Si le DSC, qui ne connaît pas cela, parce que la santé au travail, cela ne s'enseigne pas dans les universités... Michel Vézina qui est en arrière, qui était au ministère des Affaires sociales, l'enseigne une semaine après les quatre ans. Le médecin du DSC n'a pas appris cela plus que les autres, la médecine du travail, pas plus que les médecins de compagnie. Les médecins de compagnie n'ont pas appris cela ou ce sont de maudits menteurs, parce que les médecins du travail de la province de Québec n'ont jamais trouvé une maladie qui était pertinente au travail ou au milieu du travail des travailleurs. Un gars a mal au dos. On lui dit: C'est dans ta tête ou tu vieillis. Le gars a perdu une oreille. On lui dit: Que veux-tu? C'est parce que tu vieillis. Lui, il dit: Mais l'autre n'a pas vieilli en même temps, "crisse"! Le retrait préventif, il faut que ta santé soit altérée, selon le texte de la loi, selon le texte que vous avez adopté.

La femme enceinte doit aller voir son médecin qui remplit un formulaire qui dit: l'environnement. Il ne connaît pas cela, l'environnement. Il n'a pas visité d'usines. Tu étudies quatre ans en médecine, tu ne visites pas d'usine. Souvent, tu étudies la médecine justement pour ne pas travailler dans une usine ou tu fais un député afin de ne pas travailler. C'est à l'encontre du règlement complètement. Je retire tout cela.

Le Président (M. Blouin): Je vous...

M. Chartrand: La femme enceinte va voir son médecin qui est pris avec ces papiers. Il dit: II faut que tu te retires de là, ma petite fille. Tu n'es pas bien. Là, elle doit aller voir le médecin responsable. Il faut que le médecin traitant, dans la province de Québec, d'une femme qui est enceinte aille s'adresser - Mme LeBlanc n'est pas là, elle pourrait l'informer un peu - au médecin responsable ou au médecin du DSC. Là, le médecin du DSC, qui n'a pa vu la patiente, téléphone à la compagnie et dit: Qu'est-ce qui arrive aux femmes enceintes? On lui dit: On n'a jamais eu de problème avec les femmes enceintes ici. On pourrait aussi lui demander d'aller voir son syndicat et de discuter de cela. Est-ce que cela se pourrait qu'une femme enceinte ne veuille pas que ses compagnons et compagnes de travail le sachent pour le moment? Est-ce que cela se pourrait qu'elle ne veuille pas que son patron le sache pour le moment? Cela se pourrait-il qu'elle ne veuille pas que son mari et son amant le sachent pour le moment? Cela se pourrait-il que, si on est pour l'avortement libre, on soit aussi pour le fait que les femmes enceintes soient libres? C'est la loi la plus odieuse, la procédure la plus odieuse que je connaisse dans mon pays.

Les comités de la condition féminine, qu'ils jouent alentour de cela, au lieu de dire: C'est le médecin traitant. Si vous ne voulez pas payer, vous ne paierez pas, mais n'allez pas l'écoeurer et lui faire faire le tour de la ville pour raconter son histoire à tout le monde. Il y en avait une l'autre jour à la Commission scolaire de Lachine. On lui a dit: Tu dois avoir un examen de poumons. Elle surveillait les piscines. Elle a dit au directeur: Je suis peut-être enceinte. Il a dit: Ah! si tu es enceinte, on t'envoie chez vous. Elle a dit: Tu vas m'envoyer chez nous avec un retrait préventif. Il l'a laissée là, n'est-ce pas? Cela n'a pas pris une semaine avant que les gens lui demandent: As-tu été menstruée ou non? Elle avait parlé à son directeur. Un parti qui est pour la procréation et pour le peuplement pourrait avoir un peu plus de respect des femmes enceintes. Ma femme a accouché sept fois. C'est elle qui décidait avec son médecin ce qu'elle voulait faire et ce qu'elle ne voulait pas faire. Je l'ai accompagnée sept fois dans l'hôpital pendant les dix jours, parce qu'il n'y avait pas de services là. Ce sont les deux remarques que j'avais à faire pour tout de suite.

Là, je voudrais vous parler quelques minutes des problèmes dans la construction. Pétel va vous parler des problèmes chez General Motors. Ce n'est pas une PME, General Motors. Énervons-nous pas là. Elle ne partira pas tout de suite. On ne lui arrachera pas le coeur. Elle a du trouble avec Toyota, mais elle n'a pas de trouble avec les accidentés, General Motors, ni avec la CSST. La CSST n'y va plus. La construction, cela fait longtemps qu'on sait que c'est dur et que c'est mauvais et que tout le monde braille sur la construction et les travailleurs de la construction. La General Motors, après cela un rapport secret de la CTCUM au sujet du métro de Montréal. Les gars de l'entretien: tu sais, les communistes, trotskystes, anarchistes; pas ceux de General Motors, eux autres, ils n'ont pas d'idéologie, mais les autres ils sont affiliés à la CSN; c'est un syndicat qui a beaucoup d'idéologie, c'est un syndicat militant. Le rapport de la CSST elle-même sur ses interventions à la CTCUM. Il y a un autre rapport de General Motors que Laberge n'a pas donné aux gars de General Motors encore. Je ne sais pas s'il a été volé ou s'il a été trouvé, mais en tout cas... Il faut quasiment faire cela, voler les documents, pour être renseignés, à l'assurance chômage et là.

Le troisième point dont je voudrais vous parler, ce sont les laboratoires d'hôpitaux, les laboratoires de maisons d'enseignement. L'Ordre des chimistes les a condamnés, il y a plusieurs années. Vous n'avez absolument rien fait pour cela, et cela n'est pas dans les priorités de la CSST.

La loi ne s'applique pas quand la CSST dit qu'elle ne s'applique pas. C'est assez fort, hein? Cela fait quatre ans que la loi est votée, le 20 décembre 1979. Mais ils disent: Dans les hôpitaux, ce n'est pas notre boulot, ni dans les écoles. Dans les écoles, il y a et les laboratoires et les cours d'enseignement technique. Il n'y a rien dans le programme du MEQ pour la sécurité au travail, il n'y a rien de prévu non plus, et ce sont des conditions épouvantables.

Bob Dean, tu devrais aller visiter cela un peu, au lieu d'essayer de défendre du monde qui n'est pas défendable. Tu retrouverais ta vocation, peut-être. Tu t'es fourvoyé, là. C'était une bonne union dans laquelle tu étais, je veux dire.

Le Président (M. Blouin): Vous pouvez revenir au sujet.

M. Chartrand: Oui, il me faisait penser à cela parce que ce fut un bon gars déjà. Dans les écoles des métiers techniques, allez voir tous les professeurs de l'enseignement technique, ils vont vous le dire, je les ai rencontrés; le confrère Leduc, le représentant de sécurité et de santé pourrait vous en parler pendant longtemps. Dans les écoles, il n'y a pas d'apprentissage de sécurité. Cela ne fait pas partie du métier. Ils sont dans des conditions impossibles au point de vue sécurité et souvent au point de vue hygiène. On peut aller après cela dans les salles de récréation et dans les gymnases et tout cela.

Cela est pour en venir à ce point-ci, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Quand la CSST et vous autres vous nous parlez, vous nous avez parlé ce matin encore des comités paritaires... C'est quoi l'idée de ne pas faire respecter la loi et de ne pas faire corriger les anomalies actuelles et les causes d'accidents. Un des buts de la loi c'est d'éviter les dangers à la source. Alors, comment se fait-il que vous n'allez pas nettoyer les laboratoires?

J'ai rencontré une petite fille, la semaine dernière: elle est technicienne, elle n'est pas affiliée à personne. Elles ont une corporation, les techniciennes de laboratoire. Elle a failli perdre les deux jambes dans l'hôpital de Sherbrooke, dans votre comté, M. le ministre. Elle a failli perdre les deux jambes parce qu'il y a une cruche d'acide nitrique qui a pété à côté d'elle. Elle dit que c'est régulier que cela pète, et ils remplacent les tuyaux à tout bout de champ parce que l'acide nitrique se répand. Mainville a fait nettoyer les laboratoires de l'Hôtel-Dieu de Montréal. Ce n'est pas une bicoque l'Hôtel-Dieu de Montréal. Les salles d'autopsie et les salles alentour des laboratoires, ce n'était pas ventilé. Des fois, quand le formol sentait trop fort et le reste, ils ouvraient les portes et cela incommodait

les autres.

À Verdun c'était pareil. Dans la région de Québec c'est pareil. Si vous n'êtes pas capables de faire nettoyer les laboratoires, si la CSST non seulement n'est pas capable, mais ne veut pas faire nettoyer les laboratoires, qu'ils ne nous fassent pas suer avec les comités paritaires, les associations sectorielles et le paritaire à la CSST. Pour nous autres, c'est complètement hors de la question. C'est une immense hypocrisie que de prétendre qu'on va faire de la prévention quand on néglige de corriger ce qui va de travers actuellement.

J'en finis avec les travailleurs de la construction. Ils sont dans un contexte épouvantable. Ils ont été emmerdés surtout par le projet de loi 290, quand Sauvé était sous-ministre du Travail et qu'il traçait la voie à suivre. L'enquête Cliche avait fait un crime d'arrêter de travailler, même en cas d'accident. La loi 17 a été obligée d'amender cette partie de la loi sur les relations du travail. On sait que cela va loin, les avocats, parfois, et les "smarts" universitaires. On sait jusqu'où cela mène. On le voit avec ce gouvernement. L'ensemble de la législation relative à cette industrie au cours des 20 dernières années est allé constamment et systématiquement dans ce sens avec la conséquence que les travailleurs de cette industrie ont le triste honneur d'être les plus frappés par les accidents du travail de toute nature et ne peuvent pas, par surcroît, compter sur leur organisation syndicale pour les défendre adéquatement. Laberge vient de déclarer dans le Devoir de samedi: La FTQ soutient que certains agents d'affaires sur des chantiers ferment les yeux sur des accrocs au décret, de crainte que par représailles on coupe ensuite l'embauche de syndiqués représentés par les plus exigeants de ces agents d'affaires.

Cela fait dix ans qu'on sait cela. La Baie James, cela a été ainsi tout le temps. Du gars qui se plaignait le moindrement, ils disaient: L'oiseau bleu. C'était dans le temps des libéraux. L'oiseau bleu, c'était Quebecair ou bien Nordair.

Aussi inaptes sont les organismes gouvernementaux chargés de la protection des travailleurs. L'Office de la construction avait commencé et on avait commencé avec le comité conjoint à entraîner des inspecteurs avec des ingénieurs. Tout cela a été foutu à terre quand la CSST est arrivée. La CSST trouvait qu'il y avait des inspecteurs de la construction qui n'écrivaient pas assez bien le français, mais, au moins, ils connaissaient la construction. Au lieu de cela, ils nous ont fourré des ingénieurs, des surintendants de production de compagnie. À Sherbrooke, j'ai vu l'ingénieur qui était là. Il a témoigné dans une cause. J'ai dit: C'est quoi, votre compétence dans la sécurité et la santé? Il a dit: J'ai étudié à Danville, aux États-Unis. J'ai dit: Qu'avez-vous étudié? Il a répondu: L'influence des microbes sur la nourriture. Il travaillait pour Lowney pour aller voir les chiures de mouche sur le chocolat.

Quant aux deux autres inspecteurs qui étaient là, il y en avait un qui venait d'une usine de métallurgie, le surintendant, et l'autre aussi. L'ingénieur qui était en charge à Gatineau, à Hull, était, lui, un ancien ingénieur de CIP, la compagnie qui cachait le plus d'accidentés, que M. Sauvé a dénoncée lui-même. Les trois morts - vous cherchiez des cas de mortalité... Qui cherchait cela? Pagé, ce matin, cherchait des cas de mortalité. Les trois morts à l'hôpital de Gatineau, les inspecteurs de la CSST n'ont jamais eu le plan d'installation des échafaudages, alors que c'est textuel dans la loi que le gars doit fournir des plans des échafaudages. Ils ont été sur le chantier du mois de juin au 6 août. Quand l'échafaudage est tombé, il y a eu trois morts. Les tueurs, c'étaient les inspecteurs et le service de la CSST. Ce sont eux, les tueurs. L'entrepreneur monte ses échafaudages, mais la loi dit: II faut qu'il y ait des plans. Ils ont même essayé de me convaincre que cela n'avait pas de bon sens d'avoir des plans d'avance. Le petit avocat qui est allé plaider après cela devant Burns, qui a excusé la compagnie et qui l'a félicitée de ne pas avoir eu d'accident pendant 17 ans... J'ai dit: Était-ce dans la preuve, qu'il n'y a pas eu d'accident pendant 17 ans? Il a dit: Non, ce n'était pas dans la preuve. Ah bon! C'est cela. Il a eu sa récompense. Il était dans le PQ. Il est juge maintenant. C'est assez fort. Ils ne font pas respecter la loi et ils ont dit: Tu sais bien que cela n'a pas de bon sens, Chartrand, de demander des plans des échafaudages avant de les monter. J'ai dit: Pauvres caves! Les gars font des plans avant de faire des bâtisses. Si le législateur a demandé des plans des échafaudages qui ont 60 pieds de haut, c'est parce que cela commence à venter, rendu là. La preuve, c'est que cela a déboulé et que cela a fait trois morts. Ils en parlent un peu. Vous parlez du mur de... Voyons! Le mur de Québec, c'est une petite affaire, le mur de Québec. Regardez n'importe quel travailleur de la voirie. Regardez vos travailleurs de la voirie du Québec. Regardez les travailleurs de la municipalité de Montréal. Ce sont les moins protégés. Ce sont des gars qui sont dans des sources d'accidents constamment.

Pour la construction, on va en finir là. La construction... Ah oui! La Baie James, c'était cela. J'ai rencontré M. Hamel, qui était à la Baie James pendant ce temps-là. Je l'avais vu pendant ce temps-là. Il était au vestiaire ce matin. Je lui ai dit que j'avais gardé un mauvais souvenir de lui. Il faudrait que les entrepreneurs en construction sachent

que les lois et les normes pour protéger l'intégrité physique des travailleurs doivent être respectées. Ce sont des lois. Quand on est de travers sur une ligne de piquetage, vous vous ameutez pendant des journées à l'Assemblée nationale. Grève illégale! C'est épouvantable! II y a moins de gens dans les hôpitaux et plus d'étages fermés que pendant qu'ils font grève dans bien des cas. Cela ne vous scandalise pas, 400 000 chômeurs, mais 2000 ou 3000 personnes sur une ligne de piquetage, c'est grave en maudit, par exemple. Oh! la perturbation sociale. C'est de l'hypocrisie collective. C'est épouvantable! Actuellement, les vrais travailleurs de la construction... Il y a tous les autres, les petits entrepreneurs à "siaux" que vous voulez protéger parce que c'est l'entreprise privée, pourvu qu'ils travaillent en bas du salaire minimum comme les employés de restaurant, en bas du salaire minimum et, après cela, une taxe de 8%. Il y a une multitude d'artisans dans ce cas, comme les entrepreneurs, les sous-entrepreneurs et les sous-sous-traitants, qui travaillent au "rock-bottom price"; ils se font la concurrence sur la peau des travailleurs. Même si la concurrence a meilleur goût pour les mangeurs de chair, il faudrait faire cesser cela. (16 heures)

Je vais demander à mon collègue, Claude Pétel, de vous dire que la CSST ne répond plus à General Motors.

Le Président (M. Blouin): Si je comprends bien, M. Chartrand, il s'agira du dernier point dont vous allez traiter avant que nous n'engagions les échanges avec les membres de la commission?

M. Chartrand: Nazaire voudrait vous parler de l'amiante un peu. Vous aimez cela, l'amiante? Vous avez dépensé beaucoup d'argent et vous en dépensez encore beaucoup pour l'amiante à 16% d'intérêt.

Le Président (M. Blouin): Je vous signale, M. Chartrand, que de toute façon, compte tenu qu'il y a encore quatre autres organismes à entendre d'ici à minuit ce soir et par respect pour ces organismes qui se sont déplacés et qui ont été invités à venir devant la commission, nous serons contraints de limiter les échanges entre les membres de la commission et votre groupe puisque vous aurez préféré exprimer vos avis au cours de votre présentation qui, maintenant, a pris 50 minutes de cette commission et qui se poursuivra encore pendant un certain nombre de minutes. Si je comprends bien...

M. Chartrand: Je me rends à votre demande, M. le Président, mais est-ce que je pourrais savoir si on pourra interroger les gens de la CSST quand ils vont comparaître demain et après-demain, et avoir des réponses à nos questions?

Le Président (M. Blouin): M. Chartrand, vous savez très bien comment fonctionnent les commissions parlementaires.

M. Chartrand: Mais on n'en connaît pas qui nous représentent ici, on n'en connaît pas qui représentent les accidentés. Les seules critiques qu'on entend contre la CSST, c'est à propos de l'argent. On n'entend jamais parler des accidentés par les députés.

Le Président (M. Blouin): Vous connaissez mieux que moi, M. Chartrand, les moyens que vous pouvez utiliser pour l'interroger. Je suis sûr que la population aura écho des questions que vous allez soulever. M. Pétel.

M. Pétel (Claude): On a bien l'intention de dire ce qu'on a à dire, mais je ne sais pas par quel moyen, parce que, si on ne le dit pas ici, on va le dire ailleurs, c'est bien évident. Si vous avez convoqué une commission parlementaire, c'est parce que je pense que vous réalisez qu'il y a un malaise. Le cas de GM a été soulevé par des intervenants précédents. Le département de l'inspection ne fait pas son travail; ce matin, la CSN l'a soulevé et je pense qu'hier Mme Lefebvre l'a soulevé. Le département de l'inspection à la CSST... Je souligne des exemples qui sont cités dans le mémoire: les bottines de sécurité. C'est dans la loi, mais ce ne sont plus eux qui font appliquer la loi. Si le "boss" dit non, je ne sais pas par quelle procédure, mais tu te ramasses devant les tribunaux.

Le 30 novembre, c'était un problème de plomb. Dans des documents qui ont été préparés par la commission, on disait qu'à la GM, nous étions ceux qui refusaient le plus de travailler, ceux qui faisaient le plus de refus de travail en vertu de la loi. On en serait à un certain pourcentage dans la province de Québec; peut-être que la commission va vous en parler demain. Ces documents, on ne nous les donne pas à nous, on laisse planer des doutes partout à travers la FTQ ou par les intermédiaires du gouvernement qui sont très familiers avec nous. Il y a des petits mémérages en-dessous de la table tout le temps, comme d'habitude. Vous allez voir la lettre du 30 novembre et le refus de travail qui est survenu par la suite. C'est toujours comme ça que ça se passe: l'inspection refuse les plaintes. Elle nous force et nous dit: Faites des refus de travail? Faites des refus de travail. C'est comme ça que ça fonctionne. Elle ne veut plus faire sa job, elle veut que ce soit nous qui la fassions. L'inspection, si ça n'a pas été fait pour inspecter, je ne sais pas pourquoi cela a été fait.

M. Chartrand: Pour vérifier des rapports dans le bureau, des projets de subventions.

M. Pétel: Peut-être. De toute façon, j'ai bien entendu un chiffre hier, on a dit qu'il y avait 387 inspecteurs. C'est le ministre lui-même qui l'a dit hier. Je ne sais pas ce qu'ils font.

M. Chartrand: Ils sont dans le bureau.

M. Pétel: Ils ont l'air d'essayer de justifier leur travail, je ne sais pas trop. Ils doivent présenter des rapports quelque part, à quelqu'un. Tout ce que je sais, c'est qu'on les voit rarement. On les voit dans les cas de refus et, à certains endroits, on ne les voit même plus en cas de refus. On se demande c'est quoi, cette histoire. On a dit que la loi était une loi de prévention. On a réunifié la prévention et l'inspection.

On nous avait fait croire, au départ, que c'était au niveau administratif que cela devait se faire. On disait: Cela coûte des salaires pour des grands "boss", il y a deux vice-présidents là-dedans; au départ, on avait cru que la prévention, c'était le thème principal de cette loi-là, parce que c'est de même qu'ils nous l'ont fait passer. On dit: On va vous sauver des cicatrices, les gars, on va diminuer cela, les accidents du travail parce que, je ne sais pas moi, ils avaient pondu cela avec leur "gang" de "smarts"; ils ont été dans les écoles longtemps, ils arrivent avec des formules et ils nous vendent cela d'une façon assez bonne des fois parce que les travailleurs, ils l'ont acceptée mais là on s'aperçoit de plus en plus que ce n'est plus vrai. On a éliminé la vice-présidence à la prévention. Peut-être que c'est l'idée générale de la commission, c'est plus ou moins important, la prévention. Là, il arrive que l'inspection ne fait plus sa "job" et si vous avez entendu les récriminations un peu, ce matin, de la construction, bien il ne s'en fait plus, il s'en fait moins. Cela fonctionnait bien dans la construction, cela commençait à bien fonctionner dans la construction. Et on a éliminé cela et on est arrivé avec le département de l'inspection.

Bien, je ne sais plus qui on veut leurrer. La commission parlementaire avait été demandée par le Parti libéral pour dire qu'il y avait trop de dépenses qui s'effectuaient. Je ne sais pas où elles se font, les dépenses. Peut-être que c'est une bonne place pour poser ces questions, parce que les dépenses, ce n'est pas nous qui avons cela, ils nous coupent. Avec la loi 42, c'est encore plus évident. Ils vont épargner 4 000 000 $ sur notre dos. Donc, il y a un énoncé et un paquet de lettres ici qui parlent de "jobs" de l'inspection. On est invité, une bonne fois, à un meeting où on est supposé nous parler de prévention. Et il nous est présenté un document par un chef inspecteur à Laval. Le chef inspecteur nous présente un document où il n'y a plus d'inspection qui va s'effectuer à notre usine parce que cela a été décidé.

Ce document, c'est un document qu'on voulait nous faire accepter. Quand on a gratté plus loin, l'inspecteur-chef de ce bureau-là nous a dit: Écoutez les gars, ce n'est pas moi qui est le "crosseur" là-dedans. Cela vient de plus haut que moi, cette affaire-là. Et commencez à regarder de votre bord. On s'est aperçu que sur notre bord, c'étaient peut-être des membres du gouvernement qui étaient impliqués là-dedans, qui présentaient un document, qui voulaient nous faire accepter une salade comme quoi les plaintes de santé et de sécurité, cela ne passerait plus par le département de l'inspection mais que cela suivrait les étapes de notre procédure de grief. Et les étapes d'une procédure de grief, n'importe qui est conscient de cela; je pense qu'il y en a un qui est assis de votre bord et il a participé assez longtemps à notre procédure de grief pour savoir que la quatrième étape de notre procédure de grief, cela se situe entre un an et deux ans. Le mouvement syndical, on fait bien des récriminations mais nous aussi, nos procédures sont lentes et lourdes pas mal. Et ce sont encore les travailleurs qui souffrent de ces conditions.

Nous avons pensé que c'était bon, la loi 17, on n'était pas dans la "gang" à Chartrand qui disait qu'on n'embarque pas là-dedans. On était dans la "gang" qui disait: On embarque parce qu'il n'y en avait pas; GM n'avait jamais voulu négocier la santé et la sécurité; GM refusait systématiquement d'inscrire quoi que ce soit là-dessus dans la convention collective. La meilleure preuve c'est que n'importe qui, qui veut se renseigner, n'a qu'à vérifier dans notre convention collective et cela fait partie d'une lettre annexe, la santé et la sécurité. Cela ne fait pas partie de notre convention collective.

Une voix: Là c'est mieux?

M. Pétel: Non, non, ce n'est pas mieux. Le mieux c'est... On croyait que la loi 17 allait pour nous apporter quelque chose de nouveau qui allait nous permettre, réellement, de nous occuper de notre santé et de la sécurité au travail. On s'occupait de notre santé et de notre sécurité. On s'en occupait par toutes sortes de moyens qu'on prenait. C'est nous qui décidions de nous en occuper par toutes sortes de façons. Je n'ai pas d'affaire à les dire ici "ostie", je suis plus "smart" que cela. Mais on s'en occupait. On n'a pas besoin de personne pour s'occuper de notre santé et sécurité. Mais quand il y a des "smarts" qui s'en viennent nous dire qu'ils s'occupent de notre santé et sécurité,

ils sont bien mieux de le faire "ostie". On s'aperçoit qu'ils ne le font pas. Et c'est cela... Cela est du foin qui est pris dans les poches des "boss"; mais le "boss" il ne prend pas cela dans ses poches de même, il s'arrange pour que ce soit nous qui payions au bout, de toute façon. Là, on se réveille que la loi 17 ne fait pas sa "job". Vous allez voir. Je prends juste un exemple: ils ont verrouillé les portes de l'usine, le 6 septembre 1983. On a fait une demande à la CSST. Ils ont verrouillé les portes électroniquement. Cela veut dire qu'ils nous disaient, à nous autres qu'il pouvait y avoir des gens qui viennent, des gens qui entrent à l'usine pour tirer les "boss" comme pour l'histoire de CIL. C'est arrivé en 1912, je ne sais trop, chez Dupont, oui. Là, ils ont commencé à avoir peur de cela. Ils ont barré les portes, et les portes cela veut dire quelque chose. Cela veut dire que cela empêche des gens de sortir s'il y a quelque chose de dangereux. Cela implique pas mal de monde, parce que c'est une grosse usine, et il n'y a pas beaucoup de sorties, parce que GM limite les sorties pour toutes sortes de raisons: vérification, sécurité. Mais là ils les verrouillaient. Ils n'ont pas cru important d'intervenir là-dedans. À un autre endroit, le 5 octobre, il y a des gars qui respirent des produits appliqués sur du caoutchouc pour l'empêcher de coller, autour des portes, des valises, etc. Ils mettent une poudre blanche là-dessus et cette poudre blanche, on pense, nous autres, que c'est de l'amiante parce que les gars se retrouvent avec le nez enflé, les larmes aux yeux, et ils ont des maux de gorge quand ils respirent ces produits.

On ne nous donne pas la teneur de ces produits. Notre seul moyen à nous autres, c'est: téléphone au gouvernement. Le gouvernement, c'est le moyen rapide pour identifier la CSST parce que, pour nous autres, il n'y a pas de différences. On n'a pas ces capacités de raffinement avec les barres sur les "t" et les points sur les "i". On appelle cela le gouvernement; on l'appelle et il ne vient pas. C'est comme cela tout le long. Quand il y a des gens qui font des interventions partout à l'emporte-pièce, disant que cela s'est bien passé à la CSST et qu'ils ont fait leur job et toutes ces affaires-là, je ne sais pas où cela. Nous autres, on n'a pas pu vivre cette situation. Je ne peux pas parler de situation que je ne connais pas. Je peux parler de situation que je connais. Je m'occupe des accidentés du travail comme Michel l'a dit tout à l'heure depuis huit ans. J'ai plus que 600 cas passés devant les bureaux de révision, j'ai plus que 100 cas passés devant la CAS.

Je suis continuellement en contact. 99,9% de mon travail, c'est avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail. C'est à jaser avec eux autres. C'est à leur demander des informations. C'est à contester, à essayer de faire verser des prestations à des gens. Je rencontre du monde à la sortie des bureaux de révision, je rencontre du monde... C'est impossible que cela continue de cette façon. Il y a du monde qui profite de la situation. Des accidentés sont dans des conditions inadmissibles pour faire de l'argent sur eux et faire bâtir des professions sur eux. Quand Michel Chartrand dit qu'il y a un paquet de "chums" du gouvernement qui se sont bâti des jobs avec la CSST, c'est vrai. Mais si, au moins, ils s'étaient bâti des jobs pour les faire, cela serait admissible, mais ce n'est pas cela qui se passe. C'est qu'ils se sont bâti des jobs, je ne sais pas pourquoi. C'est pour ne pas les faire. La recommandation sur le comité paritaire, c'est le plus bel exemple. À GM, cela se termine par là le rapport. On est quelque 3500 travailleurs à l'usine, nous autres, dans le Syndicat des travailleurs unis de l'automobile. On a droit à six représentants parce que le règlement dit que tu as le droit à la majorité des représentants. Les employés de bureau qui ne sont pas syndiqués - et on sait d'avance qui va les mener sur ce comité là - ils ont droit à 4 et ils sont 125. Cela n'a aucune espèce de logique.

D'autre part, il y a des agents de sécurité qui sont 17 et ils ont droit à 1. Quand vous autres, le gouvernement, vous parlez de la nouvelle Loi sur la représentativité et je ne sais pas quoi pour faire élire les gars et cela représente plus le nombre de votes et tout cela, c'est pas mal compliqué cette histoire-là, mais je comprends bien plus cela. Moi, je m'aperçois que je me fais fourrer en sacrifice et on sait, nous autres, que nos représentants syndicaux qui vont être sur le comité ne sont pas toujours disponibles. Ils ne seront pas toujours disponibles parce que si on attend que les six de nos représentants soient disponibles pour faire des réunions du comité santé et de sécurité, on va avoir de la misère à le faire. Ce qui fait qu'on va être mal pris avec les gens de la CSST parce qu'on sait sur quel bord ils vont pencher. Ils vont être disponibles parce qu'ils sont en haut dans les bureaux. Ils n'ont pas d'autres tâches syndicales à effectuer, n'ont pas d'autres responsabilités et un paquet d'autres facteurs. Si c'est ça le paritarisme, si c'est ça que vous dites dans la loi, que les comités paritaires c'est quelque chose, c'est bien pensé... (16 h 15)

M. Chartrand: Un point tournant.

M. Pétel: Un point tournant qui va tourner encore contre nous. Tu te réveilles toujours là. Cela tourne toujours contre toi. Ce sont des exemples comme ça. Je ne sais pas. Les gars parlent de mathématiques. Si c'est ça des mathématiques, si c'est ça qui

s'appelle des mathématiques modernes, je me suis encore fait berner à l'école quand ils nous montraient que deux et deux, ça faisait quatre. Moi, je ne comprends plus. Cela va être la fin de mon intervention.

Le Président (M. Blouin): Merci M. Pétel. Alors je crois qu'il y avait une brève intervention au sujet de l'amiante.

M. Paquet (Nazaire): Je vais être très court parce que, ordinairement, quand je parle dix minutes, la dixième minute est très difficile à comprendre. Je perds la voix.

C'est la deuxième fois dans mon règne que j'assiste à une commission parlementaire. Je vois que, dans la vie syndicale, nos mandats sont plus longs que dans la vie des politiciens. Je ne reconnais pas un seul qui était là en 1975 quand je suis venu prendre la parole à la commission parlementaire, pour la loi 52.

Mais je me rappelle une chose, par exemple. De ce côté-là, il y avait Robert Burns, Fabien Roy, Lucien Lessard qui étaient dans l'Opposition. De l'autre côté, il y avait les libéraux.

Les partis de l'Opposition m'ont dit: "Nazaire, t'as pas gagné, ce que tu voulais, c'est vrai". On avait ouvert une porte. On vient de se rendre compte, huit ans après, que la porte est pratiquement complètement fermée. C'était ce que nous, on considérait un début de lutte pour faire respecter les travailleurs de l'amiante.

On avait six gars du même syndicat, à mes côtés, à cette même table. Il en reste trois qui sont vivants parmi les personnes qui étaient ici à côté de moi.

Une voix: Tu vas m'inquiéter.

M. Paquet (Nazaire): Alors, si je vous dis que je ne vous parlerai pas longtemps, j'espère que ça ne prendra pas de temps avant qu'on ait la chance de vous reparler parce que je ne sais pas si j'en ai encore pour longtemps moi aussi.

L'expérience est pénible quand on vous dit que nos confrères de travail ont laissé leur vie dans les mines d'amiante et que les employeurs et leurs médecins étaient conscients de ce qui se passait depuis les années 1920. La seule personne qui ne savait pas que c'était dangereux de respirer de l'amiante, c'était le travailleur.

Il y a une chose sur laquelle je ne voudrais pas passer outre. C'est de vous informer que, pendant ma vie dans les mines, j'ai occupé un poste syndical, soit 15 ans comme président de syndicat de mines et 18 ans comme officier dans le conseil central de la CSN de la région de Thetford et notre principale préoccupation a toujours été la sécurité au travail. Quand j'étais dans les instances de la CSN, c'était la même chose.

J'ai toujours eu comme priorité, la défense des travailleurs accidentés et non accidentés mais d'abord la prévention. On s'est bien vite rendu compte que, dans les mines comme partout ailleurs, dans n'importe quelle des industries, il ne faut pas compter sur celui qui nous a empoisonné pour nous compenser parce qu'on trouve toujours beaucoup plus d'investissements de la part des employeurs dans les mines, quoique vous en êtes un, mes frères.

Je voudrais vous dire que vous investissez peut-être un peu plus dans les contestations avec vos médecins et vos avocats de compagnies minières pour une priorité de contester les cas d'accidents du travail au lieu d'investir dans la prévention. Je voudrais que vous veniez faire un tour dans la région. On va vous expliquer cela tranquillement avec des exemples que vous allez pouvoir constater vous-mêmes.

Les employeurs crient à tue-tête. Cela coûte cher, il faudrait voir à ce que cela coûte moins cher. Ce qu'on paie à la CSST, cela nous oblige à faire des mises à pied parce qu'on n'arrive plus. Ce sont les paroles qu'ils nous disent. J'ai fait partie d'un comité paritaire pendant quatre ans, j'ai appris la leçon par coeur. On a dit, pendant quatre ans: Ne nous demande pas d'installer un système de ventilation qui va coûter 12 000 $ à cet endroit. Mais pour payer Me Casgrain et sa firme pour contester des causes à la Commission des accidents du travail, avec leur médecin à temps plein, ils dépensent énormément plus. Ou la réponse fondamentale quand ils n'ont pas d'autres réponses: Nous allons communiquer avec notre siège social à Tampa en Floride pour voir s'il nous accorde les budgets appropriés pour satisfaire à une demande que le comité paritaire fait. Cela est la réponse traditionnelle pour à peu près la grande partie des employeurs.

Il y a un autre aspect dont je voudrais vous faire part. Celui-là est plus pénible, c'est le fait de compenser les veuves au lieu de compenser les travailleurs. Cela est très pénible. Un travailleur est chez lui et reçoit de l'aide sociale pendant cinq ans parce qu'il a des troubles respiratoires et on le traite pour l'asthme chronique, l'emphysème, la bronchite chronique et tout ce qui est imaginable avec le mot "chronique", et il décède. Pendant toute la période où il était incapable de travailler, sa famille recevait, souvent, de l'aide sociale. Qui payait pour les traitements, l'hospitalisation et les frais médicaux? C'est la RAMQ. Cela ne coûte rien à la commission. Ils ont tellement ménagé d'argent que je comprends très bien que la camarade Sauvé, veuille baisser des cotisations. Cela fait bien, on va le payer avec nos impôts tout à l'heure.

L'autopsie c'est une chose qui n'est pas toujours plaisante à demander à une femme

quand son mari vient de décéder. Faites-le donc ouvrir, faites sortir les poumons et le coeur. C'est pénible parfois pour nous de dire cela à une femme, quand elle a vu souffrir son mari pendant des années, que le gars couchait presque assis, la tête dans la fenêtre et qu'il n'était plus capable de monter des escaliers, que l'hiver il était obligé de payer quelqu'un pour nettoyer sa cour. Lui demander de faire ouvrir son mari, lui faire faire une autopsie, cela est pénible. Mais il arrive qu'ils ont besoin de cela pour recevoir les compensations. C'est dommage qu'on n'ait pas encore de médecin et qu'on n'ait pas une CSST assez compétente pour découvrir la maladie avant l'autopsie. On a eu pendant une génération, notre camarade ministre, il vient d'une région où il a déjà vu des problèmes avec l'amiante, je ne lui apprendrai pas cela; j'espère qu'il y en a d'autres qui l'ont dit avant moi. Il y a une multitude de travailleurs qui sont sortis à l'heure actuelle des mines d'amiante à cause de leur zone désignée. Dans la région de Thetford on a profité d'une loi spéciale du fédéral parce qu'il y avait au-dessus de 40% de chômeurs. Ils ont permis aux vieux qui étaient finis, des affaires comme moi, de se retirer et de demander du bien-être social fédéral au lieu d'avoir le provincial. Ils paient un peu plus que le provincial, alors, on a profité de cela. En plus, ils sont moins "senteux" pour vérifier si on a une maison et une automobile.

On a profité, deux cents gars environ dans les mines d'amiante, de cette loi pour sortir. Je vais vous dire que, parmi ces deux cent, il y en avait plusieurs qui travaillaient environ un mois et demi, deux mois par année, mais le reste du temps, ils étaient en inhalothérapie. C'était rentable pour eux de s'en aller à l'assurance-chômage. C'est de l'argent qu'on fait économiser à la CSST pour les employeurs. Mais en 1983, ce n'est pas normal qu'il se passe des choses de même, après avoir vécu une grève de sept mois pour gagner une loi, pour compenser des victimes d'amiantose. J'ai su seulement ce matin, moi, que j'aurais à vous parler, parce que j'étudie encore. J'ai passé deux semaines à New York pour apprendre à lire des radiographies pulmonaires. J'ai une cinquième année de scolarité, mais cela ne veut pas nécessairement dire que je suis un imbécile. Je sais quand même voir clair.

Je suis allé, encore la semaine dernière, avec des spécialistes et six médecins, apprendre à lire des radiographies pulmonaires. Eh bien! je crois que si moi, avec ma cinquième année de scolarité, je peux apprendre à lire des radiographies, certainement que le médecin pourrait apprendre cela aussi.

On a eu, pendant des générations, des médecins des cliniques industrielles qui avaient beaucoup de peine à dire aux travailleurs: Tu es atteint d'amiantose. Ils voulaient conserver leur moral en leur disant: Tu vas retourner travailler pour ne pas te détruire moralement. On a vu cela dans les cliniques industrielles, dans les régions de l'amiante, des docteurs de clinique; on en a encore des docteurs de clinique chez nous. Il y a encore cela qui existe, des médecins de compagnies. Je voudrais vous dire que ce n'est pas par la voie des comités paritaires qu'on va résoudre nos problèmes. Personne, même pas M. le ministre, ne va convaincre un militant de 25 ans de vie active dans la sécurité et la santé, personne ne va me convaincre que le "boss" qui t'a fait mourir va t'épargner la vie, parce qu'une personne qui est prise de l'amiantose en est prise jusqu'à sa mort; cela ne se guérit pas.

Seulement, cela peut alléger ses souffrances, si elle est sortie de l'ouvrage et compensée, au lieu d'attendre de faire une couple d'infarctus puis d'en crever. Aujourd'hui, il y a un domaine où c'est pénible de faire compenser le monde, c'est parce que, après l'autopsie, malheureusement, il y en a plusieurs qui sont morts d'une crise cardiaque. Quand le poumon ne fournit plus d'oxygène au sang, le coeur en mange une claque, parce que c'est un muscle nourri par l'oxygène. Or, quand le coeur n'a plus d'oxygène, il s'arrête. Ensuite, on a des rapports médicaux qui disent: Si c'était le coeur droit, cela pourrait être relié. Mais si c'est le coeur droit qui manque, ils disent: Cela aurait dû être le coeur gauche. Ils se promènent d'un bord ou de l'autre.

Malheureusement, tous les travailleurs ont un coeur, sauf que les "boss" je ne sais pas où ils l'ont, eux. Ils n'ont pas encore compris cela. Et la CSST, non plus. Il n'y a personne qui a été compensé après un décès cardiaque, même s'il était à 70% ou 80% atteint d'amiantose. C'est dans la province de Québec que cela existe. Partout ailleurs, cela n'existe pas. Quand il y a un lien entre un décès et le travail, que ce soit le coeur qui ait manqué le premier ou le poumon, si cela a un lien, c'est compensable pour la veuve. Alors, la veuve se voit réduite à aucun revenu.

On a entendu des jérémiades très prononcées de la part d'employeurs que je rencontre fréquemment, parce que je me suis confié une mission, c'est de former des comités, dans toutes les régions de la province, pour défendre les travailleurs accidentés. Je me suis confié cette mission-là et je le fais aussi longtemps que la température me permet de sortir de la maison; c'est ce que je fais. Et on atteint des travailleurs, dans toutes les régions, qui nous disent que le patron a la même jérémiade - c'est tout un mot, cela - une lamentation terrible; on va le dire de façon que ce soit plus facile. C'est toujours la même chose partout, l'investissement à la

prévention passe en second lieu; en premier lieu, ce sont les contestations et la propagande. C'est là que les investissements se font. (16 h 30)

Partout où il y a des comités paritaires, ils nous font venir pour transformer leur comité paritaire en comité syndical, là où ils n'ont pas besoin d'avoir une tierce partie pour régler leurs problèmes. Ils font un grief, quand il n'y a pas moyen de faire autrement... sauver leur peau, ils ferment la porte; c'est de même qu'on règle des fois les problèmes le plus vite. J'ai bien confiance en Robert Sauvé et toute son équipe, mais j'ai encore plus confiance aux travailleurs pour savoir ce qui se passe dans leur usine - et leurs problèmes de santé aussi.

Il y a aussi une économie fondamentale qui est réalisée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, c'est la Régie des rentes du Québec. C'est effrayant comme il est sauveteur pour vous autres. Il y a combien de travailleurs qui ont leur papier, le certificat médical de leur médecin traitant les invalidant complètement impossible d'accomplir aucun travail rémunérateur - après 25 ou 30 ans d'exposition dans la poussière? Ils se font remettre un papier d'invalidité à cause de troubles respiratoires, et ensuite, ils vont chercher leurs prestations de la Régie des rentes du Québec jusqu'à 65 ans, avant d'avoir leur pension. C'est leur forme de retraite. Je vais vous dire que la rémunération des employeurs à la CSST est diminuée; il faudrait que vous fassiez lecalcul pour savoir si ce n'est pas le travailleur qui va la payer en impôts, la différence.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Paquet. Alors maintenant, je vais demander aux membres de la commission d'engager un bref échange avec nos invités. M. le ministre, succinctement, s'il vous plaît.

M. Fréchette: Oui, très succinctement M. le Président. Il y a une réflexion qui me vient à l'esprit, après avoir entendu nos trois invités. Ils nous ont dit qu'ils n'avaient pas eu suffisamment de temps pour préparer leur intervention. Je me demande ce que cela aurait été si, effectivement, ils avaient eu tout le temps nécessaire pour la préparer, cette intervention-là! Une chose est certaine en tout cas, c'est qu'ils ont eu suffisamment de temps pour préparer quelque chose qui soit très clair, c'est le moins que l'on puisse dire, qui a été également exprimé en termes clairs.

Le mémoire que nous avons par écrit parle par lui-même. Il a été, évidemment, soutenu par les arguments des trois témoins qui sont intervenus. Et je pense qu'à bien des égards - vous me corrigerez si je fais erreur - il recoupe, sous plusieurs aspects en tout cas, ce que contenait celui de l'ATTAQ, hier après-midi. Et il rejoint aussi plusieurs préoccupations qui nous ont été soumises ce matin par la CSN; enfin, il y a plein de choses qui se rejoignent l'une et l'autre, présentées sous une forme ou un angle différent, mais beaucoup de choses qui se rejoignent.

Je me contenterai donc, M. le Président, d'essayer de connaître l'opinion de nos invités sur à peu près les mêmes questions que j'ai posées hier aux représentants de l'ATTAQ, aux gens de la CSN ce matin aussi. Sous réserve d'unemauvaise interprétation, j'en arrive à la conclusion, en entendant les arguments, les plaidoyers qui sont faits devant nous, que c'est, à toutes fins utiles, à peu près tout le système qu'on remet en question, autant le système qui est là depuis que la Commission de la santé et de la sécurité existe que le système que l'on connaissait lorsque cette vocation était assumée par la Commission des accidents du travail.

Alors, la question que je voudrais poser respectueusement aux trois intervenants, ou à l'un ou l'autre des trois, c'est essentiellement la suivante: Si dans votre évaluation, le système actuel, autant que celui qui existait auparavant, ne correspond pas aux attentes qui sont les vôtres, par quoi faudrait-il alors le remplacer? C'est une première question. J'en aurai une seule autre après.

M. Chartrand: Le système actuel, il a été adopté en 1932 parce que les travailleurs n'avaient pas les moyens de poursuivre devant les tribunaux civils. Alors le législateur leur a donné une chance et a dit: On va créer une organisation qui va permettre aux travailleurs d'être compensés quand ils auront été blessés et que cela ne sera pas de leur faute. Cela servait en même temps à empêcher de poursuivre les employeurs au criminel. C'était copié sur la loi de 1898 en France que les Français avaient discutée pendant 20 ans. Ils ont inventé le risque professionnel, ont déchargé la responsabilité de l'employeur dans la plupart des cas et, au lieu d'avoir des caisses individuelles pour les entreprises, ils ont fait une caisse collective. Alors, cela a dilué de beaucoup les responsabilités des employeurs.

Ici on a continué ce système. Alors là, il y a non seulement les médecins de la compagnie qui se battent parce que la loi leur donne un tas de privilèges, y compris d'avoir les dossiers quand on ne peut pas avoir le sien propre, et après ça ils ontd'autres médecins qui sont à la CSST, à la mutuelle, pour payer le moins possible aussi. Alors, le gars est handicapé. On a des

conventions collectives, maintenant, qui disent que l'employeur va accepter le diagnostic du médecin traitant. Vous avez ça à Marine, à Beloit et à d'autres places aussi.

Le Président (M. Blouin): M. Chartrand, il ne s'agit pas de reprendre tout ce que vous nous avez clairement indiqué tout à l'heure mais bien d'indiquer en quoi...

M. Chartrand: Je réponds au ministre et je vais finir.

Le Président (M. Blouin): La question du ministre...

M. Chartrand: Je fais l'historique de ça, au cas où vous ne le sauriez pas.

Le Président (M. Blouin): La question du ministre, M. Chartrand...

M. Chartrand: Probablement que vous ne le saviez pas non plus.

Le Président (M. Blouin): La question du ministre est la suivante...

M. Chartrand: On dit: Le médecin traitant dans la province de Québec... Dans la loi de la santé et de la sécurité sociale, dans la Loi sur la RAMQ, c'est dit qu'un citoyen de la province de Québec peut choisir son médecin, sauf le travailleur. On n'est pas d'accord avec ça. Moi, j'avais une compagnie d'assurances, une fois je me suis blessé puis mon médecin lui a envoyé la facture, puis mon chirurgien. Ils m'ont payé. Ils auraient pu protester, remarquez. Mais là on aurait fait une autre sorte d'arbitrage que celui qu'on a à la CSST. À la CSST, on n'a pas d'arbitrage. Il faut s'en aller à la CAS.

M. Fréchette: Je comprends très bien, M. Chartrand, que vous ne soyiez pas d'accord. Vous nous l'avez dit depuis quinze heures cet après-midi avec passablement d'éloquence. Mais par quoi faudrait-il remplacer donc?

M. Chartrand: Le médecin traitant. S'il y a contestation, discussions avec le médecin traitant et, au besoin, tribunal d'arbitrage.

M. Fréchette: Alors...

M. Chartrand: Pas un tribunal d'arbitrage du payeur.

M. Fréchette: Est-ce qu'il serait exact de dire qu'à certains égards, particulièrement à ce chapitre-là, vous rejoignez un peu, sinon beaucoup, la suggestion que faisait la CSN, ce matin, au même chapitre?

M. Chartrand: Je l'ai entendue, mais je ne l'ai pas lue. On a des conventions où il y a un système d'arbitrage de médecins avec une liste d'arbitres, des médecins qui sont nommés d'avance. La convention à la CTCUM comporte ça. Mais ce n'est pas là que ça devrait être. Ce devrait être à l'autre palier. Je ne vous dis pas que l'employeur ne pourrait jamais contester un certificat médical mais je dis qu'il ne faudrait pas qu'il soit contesté comme il l'est actuellement. Là il est contesté sur le dos de l'employé. S'il y a des médecins compétents, comme la CSN, comme l'ATTAQ ont dû vous le dire hier, ça, que les corporations s'en occupent.

M. Pétel: C'est ça le gros de nos interventions tout le temps. C'est que, nous autres, on prétend que la sorte de médecine n'est pas la même. Je ne sais pas comment il se fait que vous n'avez pas compris ça. C'était écrit. Les journalistes qui sont ici l'ont capté hier. L'ATTAQ a été claire là-dedans. Ce sont les médecins traitants. Les médecins traitants qui soignent les accidentés du travail ne font pas la même médecine? Qu'est-ce qui se passe là? Les accidentés du travail n'ont pas droit à la même médecine que le restant du monde. C'est ça qu'on dit. On dit que les lois ne sont pas respectées.

M. Chartrand: Le "boss" a des droits sur ta peau.

M. Pétel: Je vais vous donner un exemple bien simple, bien facile à comprendre. L'article 42 de la loi - eux ils savent ce que c'est - dit que le gars va être payé selon 38.1 de la loi, qui est 90%, et la durée de l'invalidité est définie à 3.1a de la loi: l'invalidité dure tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas le salaire intégral qu'il faisait au moment où il a eu son accident. Il y a des avocats ici, comment ça se fait qu'ils n'ont jamais fait ça, n'ont jamais respecté la loi? Ils ont déguisé ça avec de la supposée réadaptation, de façon incompréhensible pour nous "fourrer" nous autres. Ils savent bien qu'on n'est pas des légalistes. Nous autres, on n'a rien que les cicatrices.

Le Président (M. Blouin): M. Pétel.

M. Pétel: Eux, ils ont les papiers.

Le Président (M. Blouin): M. Pétel.

M. Pétel: C'est ça qu'on dit, nous autres. C'est ça qu'on présente comme mémoire.

Le Président (M. Blouin): M. Pétel, l'objectif de la question du ministre est de savoir par quoi vous voudriez remplacer le système actuel et non pas...

M. Pétel: Par du monde honnête.

Le Président (M. Blouin): Et non pas de la...

M. Pétel: Du monde honnête.

Le Président (M. Blouin): Ce que vous reprochez au système actuel. Très bien.

M. Pétel: C'est l'honnêteté et l'intégralité des professions...

Le Président (M. Blouin): M. Paquet.

M. Pétel: ...puis que tout le monde dans la province de Québec fasse son travail comme on le fait nous autres.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

M. Pétel: Nous autres les travailleurs, on travaille, on fait du bon ouvrage. Indépendamment de ce que peuvent prétendre quelques représentants de votre parti. Mais on veut que les gars, qui ont des professions, les professionnels qui vont à l'université, qui ont des papiers sur leurs murs respectent ces papiers-là, que les médecins fassent de la médecine, que les avocats...

Le Président (M. Blouin): Très bien, M. Pétel.

M. Pétel: ...fassent du droit.

Le Président (M. Blouin): On a bien saisi. Alors...

M. Pétel: On l'a assez dit?

Le Président (M. Blouin): On l'a bien saisi. M. Paquet.

M. Paquet (Nazaire): Je voudrais ajouter quelque chose. Lui a parlé d'une chose qui concerne le bureau de révision. La commission s'est déjà prononcée en disant: Non, on ne te paie pas, on demande à d'autres fonctionnaires, qui travaillent pour le même service, payés par le même employeur, de changer quelque chose. Alors, c'est un non-sens. Cela vaudrait la peine de changer quelque chose là-dedans. Concernant les maladies professionnelles, c'est encore pas mal pire que cela. C'est difficile à interpréter. Vous allez voir, à la demande du médecin traitant, un comité de pneumologie, un comité de pneumologues, ce qu'on appelle un comité de pneumoconiose, qui évalue les dommages causés aux poumons ou n'importe quelle maladie professionnelle; elles, ces trois personnes-là, ont le verdict final. Tu n'as même pas de révision possible.

Je vais vous raconter quelque chose qui va vous éclairer, M. le ministre. Un pneumologue traite un patient qui souffre d'amiantose. Il dit: Je t'évaluerais à 50% de perte de ta faculté de respiration en raison de l'amiante. Mais il dit: Je siège à l'heure actuelle à un comité de pneumoconiose pour la commission et je vais te dire que, si tu passes devant moi, je vais être obligé de te répéter que tu ne rencontres pas tous les critères exigés par la CSST.

Le Président (M. Blouin): Alors, monsieur...

M. Paquet (Nazaire): Est-ce clair? Comprenez-vous, M. le ministre?

M. Chartrand: Le pneumologue à l'hôpital Saint-Luc, comment s'appelle-t-il?

Le Président (M. Blouin): Cela va.

M. Paquet (Nazaire): Comprenez-vous, M. le ministre?

M. Fréchette: Oui.

M. Chartrand: Le pneumologue à l'hôpital Saint-Luc...

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Paquet.

M. Fréchette: C'est M. Audet, je pense. M. Audet plutôt que Paquet.

M. Paquet (Nazaire): Paquet.

Le Président (M. Blouin): M. Paquet.

M. Paquet (Nazaire): Nazaire Paquet.

Le Président (M. Blouin): Nazaire Paquet, je l'avais noté.

M. Fréchette: J'ai une dernière question, quant à moi, et elle rejoint la première partie de l'intervention de M. Paquet; elle concerne les bureaux de révision. M. Chartrand a touché à cet aspect-là aussi et il me semble qu'il a suggéré que ce soit remplacé encore là par un autre organisme ou, enfin, un autre palier décisionnel.

M. Paquet (Nazaire): II a raison, M. le ministre. C'est clair.

M. Fréchette: Ma question...

M. Paquet (Nazaire): Quand tu perds une cause au bureau de révision...

Le Président (M. Blouin): M. Paquet. M. Paquet (Nazaire), s'il vous plaît!

M. Paquet (Nazaire): ...que tu vas à la

Commission des affaires sociales...

Le Président (M. Blouin): M. Paquet...

M. Paquet (Nazaire): ...et que tu gagnes, cela veut dire quoi?

Le Président (M. Blouin): M. Paquet, est-ce que vous pourriez laisser le ministre terminer sa question et, ensuite...

M. Paquet (Nazaire): Oui, oui, je m'excuse...

Le Président (M. Blouin): ...je vous permettrai d'y répondre?

M. Paquet (Nazaire): Je m'excuse, je m'emporte. Des fois, cela m'arrive.

Le Président (M. Blouin): Ce n'est pas grave.

M. Fréchette: Non, non, vous n'avez pas à vous excuser, monsieur. M. Chartrand, je vous ai déjà entendu parler avec beaucoup d'éloquence des tribunaux de droit commun aussi. Je me rappelle un débat que vous aviez fait avec le bâtonnier de la province de Québec, à une station de télévision.

M. Chartrand: J'ai été gentil parce qu'il était accidenté, ce soir-là!

M. Fréchette: Mais est-ce que je dois tenir pour acquis que la suggestion que vous faites, de remplacer le bureau de révision, ce serait d'envoyer tout cela à des tribunaux de droit commun?

M. Chartrand: Non, non, non. M. Fréchette: Non?

M. Chartrand: Non, on ne parle pas de cela, la folie d'aller attendre là aussi. Je veux dire... Non, non.

M. Fréchette: Bien, c'est là...

M. Chartrand: Non, cela peut relever du ministère de la santé, cela peut relever du ministère du Travail, je veux dire...

M. Fréchette: Ah bon!

Une voix: Des tribunaux indépendants.

M. Chartrand: ...mais qui ne jugera pas de ses propres décisions.

M. Fréchette: Cela va. Merci.

M. Chartrand: II me semble que cela saute aux yeux, ce système-là, et ils sont placés dans... Je ne comprends pas qu'on ait enduré cela si longtemps. D'ailleurs, on voit bien que cela ne marche pas.

Une voix: D'ailleurs...

Le Président (M. Blouin): On vous remercie.

M. Chartrand: Quand on y va avec des médecins...

Le Président (M. Blouin): Alors...

M. Chartrand: ...c'est qu'avant les travailleurs y allaient sans médecin. Depuis 1964 qu'on réclame des médecins à la CSN et on n'en a pas eu encore. L'organisme qu'on a actuellement, c'est un organisme bénévole en dehors du mouvement syndical. Il n'y en a pas à la FTQ non plus. Ils n'en ont pas de médecin, à la FTQ. Les gars vont les chercher à droite et à gauche. Un gros 500 000 membres, des grosses grosses unions, mais ils n'ont jamais été équipés pour défendre le gars devant la batterie de médecins des compagnies et la batterie de médecins de la CSST. Quand Pétel va se présenter devant General Motors, je te dis que la batterie des spécialistes arrive et ils lisent des papiers d'avocats. Ils ne sont pas gênés, ces spécialistes-là. Le pauvre "crisse", il est là, il les écoute et il dit: Vous êtes plein de marde, mais il sait bien qu'ils ne sont pas corrects. Mais il ne peut pas leur parler en termes médicaux.

Le Président (M. Blouin): Alors, très bien, merci, M. Chartrand.

M. Fréchette: Je n'ai pas d'autre question, quant à moi.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Champagne (Saint-Jacques): M.

Chartrand, vous dites, dans le mémoire de la FATA, à la page 8: La CSST non seulement ne remplit pas son rôle d'informer convenablement les accidentés de leurs droits, mais elle retarde tant qu'elle le peut l'application de la loi, en plus de susciter des embûches à ceux qui veulent pleine mesure de justice à défaut d'équité.

Est-ce que vous prétendez par là que la CSST agit malicieusement contre l'accidenté pour lui faire perdre son recours ou son droit et auriez-vous des exemples? (16 h 45)

M. Chartrand: ...et corda. Il y a seulement Dieu qui juge les reins et les coeurs. Moi, je juge sur les faits. Vous en avez eu, des faits de la part de l'ATTAQ hier. Ils vous ont donné une série de faits. Nous autres, on peut vous en donner; venez voir nos dossiers n'importe quel jour.

M. Champagne (Saint-Jacques): Mais, affirmez-vous que, comme une règle de conduite ou d'une façon...

M. Chartrand: C'est régulier qu'il y ait des délais, mon cher monsieur. Six mois pour aller en révision. Alors, c'est déjà un préjudice qu'on subit. Et quand tu ne peux pas avoir la décision, parce qu'il manque des sténodactylos, c'est vraiment le "boutte de toute".

M. Champagne (Saint-Jacques): Oui, je suis d'accord avec vous. C'est parce que je voyais ici...

M. Chartrand: C'est une partie, et quand les médecins arrivent et qu'ils disent: ah bien là! ton mal de dos, c'est dans ta tête. Tu es rendu âgé. Les femmes qui ont des blessures quelque part, ce sont toujours des bursites, mais cela adonne que ce sont des bursites sur le bras qu'ils ont heurté ou bien sur la cuisse qui a été heurtée. Ce ne sont pas des bursites sur le ventre.

M. Lamoureux (Pierre): M. Pétel va vous montrer un document qu'il y a là...

M. Chartrand: Lequel?

M. Lamoureux: ...qui n'est pas pour le travailleur accidenté, qui est réservé à la CSST, la jurisprudence qui est là. On l'a demandée, nous autres, et on ne l'obtient pas. On est obligé d'aller la voler pour l'avoir. C'est effrayant cela.

M. Pétel: Voulez-vous en savoir des embûches? Je vais vous en dire des embûches. Quand vous avez commencé à crier, au mois d'octobre, le Parti libéral, sous les coûts de la CSST, eux, ils ont capoté. Savez-vous ce qu'ils ont fait? Nous, les accidentés du travail, les gars qui travaillaient sur les lignes de montage et qui poignaient des maux de dos, des maux de coude et des maux de poignet à cause de travaux répétitifs, c'était accepté. C'était passé dans les moeurs que la CSST avait finalement compris que cela pouvait être relié au travail.

Ce qui fait que les coûts ont monté et cela a commencé à crier. Je ne sais pas qui vous fait crier, vous autres, il y a sûrement quelque chose qui vous fait crier. Eux, ils ferment les chantepleures, sais-tu ce qui arrive maintenant? Les bons médecins dont on vous a parlé, que l'ATTAQ a décrits d'une façon très spécifique dans son mémoire, hier, les médecins sont ceux qui prennent les décisions. Cela veut dire que dans chaque bureau de réparation, il y a des médecins qui prennent des décisions.

Les médecins ne compensent plus cela, n'acceptent plus quand il n'y a pas une relation directe. Qui, penses-tu, se fait planter avec cela? Ce sont des embûches, cela. Pour nous, ce sont des sortes d'embûches qu'on vit continuellement, parce que nous, tel que mentionné par le député Pagé, on est sur le terrain. Et c'est vrai qu'on est sur le terrain. C'est vrai que nous, on ne les a pas les cicatrices. Mais ceux qui font leur job bien comme nous, on les vit les cicatrices avec les accidentés. C'est ça les embûches telles que définies. On pourrait vous conter nos journées de travail. Ce sont des embûches.

M. Lamoureux: On pourrait regarder... Une personne a été victime d'un accident du travail. Elle a reçu 400 livres sur les poignets, elle passe une expertise à la CSST - c'est ici, on l'a - un neurologue de la CSST se prononce en trois pages, il dit que les conditions de la requérante sont dues à l'accident du travail. Le docteur Saint-Pierre qui n'a jamais vu...

Le Président (M. Blouin): M. Lamoureux...

M. Lamoureux: ...l'accidentée de travail dit: Non, on ne paie pas. C'est une maladie personnelle...

Le Président (M. Blouin): M.

Lamoureux... Merci, M. Lamoureux.

M. Lamoureux: Si M. Saint-Pierre avait été là, qu'il avait reçu une gifle sur la joue et qu'il avait eu la joue rouge, ç'aurait peut-être été une tache de naissance qu'il aurait eue au visage.

Le Président (M. Blouin): M.

Lamoureux, je comprends qu'on peut multiplier les exemples à l'infini. On en a eu beaucoup depuis le début. Maintenant, je demanderais au député de Saint-Jacques s'il a une question supplémentaire à poser.

M. Champagne (Saint-Jacques): Oui, certainement.

M. Paquet (Nazaire): Sa serviette est pleine.

M. Champagne (Saint-Jacques): Oui. Il y a un détail qui me frappait dans le rapport. C'est au sujet des appels téléphoniques avec la CSST. Je pense que tout le monde ici qui a déjà essayé de la rejoindre, dit que c'est presque impossible. Maintenant, je voyais qu'on suggérait que c'était à cause du système lui-même, que l'ordinateur n'en prend plus, comme vous dites.

M. Chartrand: On a entendu dire tout cela. Ce sont les conséquences des progrès scientifiques. Moi, je pensais que, pour

répondre au téléphone, cela prenait un téléphoniste ou une téléphoniste...

Le Président (M. Blouin): M. Chartrand.

M. Chartrand: Mais, le gars est branché avec un écran...

Le Président (M. Blouin): M. Chartrand, j'aimerais, au préalable, entendre la question du député de Saint-Jacques.

M. Chartrand: Je pensais qu'il avait fini la question.

M. Champagne (Saint-Jacques): Oui, c'est presque fini, M. Chartrand. Je me demandais, après avoir appris cela, s'il y a des informations qui ont été données à la CSST disant: Écoutez, tout notre monde essaie de vous rejoindre, on n'est pas capable; changez le système. Ou s'ils ne sont pas au courant de cela.

M. Chartrand: Non, mon ami, un moment donné, il y a eu vingt électroniciens à la CSST. Il y en a que je connaissais. Ils ont dit à leur "boss": On se pile sur les pieds. Ils étaient trois de cette compagnie-là. Le "boss" dit: On a 60 $ l'heure; on reste là. J'ai rencontré une de ces personnes, un an plus tard. Elle dit: Comment ça va? J'ai dit: Cela va comme ça allait à Parthenais. À Parthenais, ils prétendaient que c'était Bell Téléphone qui ne pouvait donner la communication. Là, apparemment, c'est l'ordinateur qui serait plein.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saint-Jacques.

M. Champagne (Saint-Jacques): Avez-vous noté une amélioration après ou si c'est demeuré comme c'était?

M. Chartrand: C'est comme c'était avant. J'ai appelé hier et avant-hier et c'est toujours pareil.

Le Président (M. Blouin): Je crois que cela a été clair dans la présentation.

M. Chartrand: Je prends mes trois lignes et je les essaie toutes les trois. Et là j'attends. Tout à coup, elle vient et elle dit: "oup", elle me met de la musique et elle dit: à tout à l'heure. J'appelle, d'une façon régulière...

Le Président (M. Blouin): M. Chartrand, cela a été bien dit dans la présentation. Je crois que cela a été très clair que vous ne voyez pas d'amélioration par rapport à l'ancien système.

M. Chartrand: ...C'est ça qu'il a dit tout à l'heure.

Une voix: J'appelle d'une façon régulière...

Le Président (M. Blouin): Cela va. J'ai dit que dans la présentation, c'était très clair que vous ne voyiez pas d'amélioration par rapport à l'ancien système.

M. Chartrand: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, Monsieur.

M. Pétel: S'ils ne sont pas capables de régler les téléphones, quelles prétentions vont-ils avoir pour régler autre chose.

M. Chartrand: Je le guette le garçon...

Le Président (M. Blouin): M. Chartrand, essayez de comprendre que la question qui vous est posée est de savoir s'il y a des améliorations à apporter. Nous savons que vous avez dit qu'il n'en avait pas. Je passe maintenant la parole...

M. Chartrand: II y aurait de la place pour gros encore.

M. Pétel: Voulez-vous dire qu'il pose des questions pour rien, c'est cela?

Le Président (M. Blouin): Je passe maintenant... Est-ce que ça va, M. le député de Saint-Jacques?

M. Champagne (Saint-Jacques): J'ai une dernière question à poser au sujet des cartes sur la construction. Lorsque le type est accidenté du travail, si, naturellement, il ne peut pas faire ses heures, il peut perdre sa carte.

M. Chartrand: Ils lui donnent un crédit d'à peu près 25 heures maintenant, je pense.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Lamoureux: Est-il possible de poser une simple question à l'ensemble de vous tous?

Le Président (M. Blouin): Je m'excuse.

M. Lamoureux: II y a une question qui a été posée à l'ensemble de tous...

Le Président (M. Blouin): Je m'excuse, M. Lamoureux.

M. Lamoureux: ...les autres groupes qui vont se présenter.

Le Président (M. Blouin): M.

Lamoureux!

M. Lamoureux: Pourquoi se plaint-on de la loi actuelle?

Le Président (M. Blouin): M. Lamoureux!

M. Lamoureux: Est-ce parce qu'on veut dire que la loi 42...

Le Président (M. Blouin): M.

Lamoureux, je m'excuse.

M. Lamoureux: ...va être adoptée...

Le Président (M. Blouin): M.

Lamoureux, je m'excuse.

M. Lamoureux: ...parce qu'on s'en plaint?

Le Président (M. Blouin): M.

Lamoureux, je m'excuse. Vous avez eu un temps de présentation important compte tenu des autres groupes que nous avons à entendre. C'est maintenant au tour des membres de la commission à vous adresser des questions supplémentaires et, dans cette perspective, je donne la parole, pour une brève intervention, au député de Sainte-Anne.

M. Polak: Oui, M. le Président. J'ai juste une question. J'espère que ça ne provoquera pas de chicane parce que nous ne sommes pas venus ici pour nous faire insulter. Je suis venu ici pour apprendre. J'ai beaucoup appris. Je n'ai pas aimé quand M. Chartrand a dit, tout à l'heure, que nous ne sommes pas du tout intéressés à la cause des travailleurs. Ce n'est pas vrai. J'ai déjà pris des causes de travailleurs. Je n'ai pas de leçon à recevoir de vous, qui dites que nous ne sommes intéressés qu'à l'administration et au plan financier.

Je n'ai qu'une question. En vertu de l'article 141, les syndicats, les membres du syndicat sont représentés, pour la moitié au moins, au conseil d'administration depuis le début. Maintenant, quand je regarde la liste - oublions la FTQ parce que peut-être ce n'est pas votre gang, comme vous dites - je vois qu'il y en a quelques-uns de la CSN. Qu'avez-vous fait, pendant quatre ans dans ce conseil d'administration, pour soulever ces problèmes qui, pour moi, sont scandaleux. Qu'est-ce que vous avez fait, vous, du monde syndical? Avez-vous fait des pressions, avez-vous discuté de cela pendant les réunions? Est-ce que cela a été fait? J'aimerais bien avoir une réponse parce que cela m'étonne.

M. Chartrand: D'abord la CSN n'est pas là.

M. Polak: Mais j'ai vu que M. Étienne Giasson était là, M. Pierre Dupont. C'est la CSN.

M. Chartrand: Le congrès de la CSN a dit qu'il n'envoyait pas de représentant à la CSST. Quand il y en a eu, c'était M. Audet, qui est notre président maintenant. Il a posé des questions et il n'a même pas eu de réponses. Les questions que M. Étienne Giasson a posées, il y a trois ans, il n'a pas encore eu de réponses.

M. Pétel: Je peux parler aussi parce que, moi...

M. Chartrand: J'ai pas fini sur la CSN. Il y a quatre représentants de la FTQ et il y en a un qui siège à l'exécutif. Quand le conseil se réunit, l'exécutif a décidé, avec le P.-D.G. et M. Dufour, que les trois autres de la FTQ votent et les autres votent après.

Le Président (M. Blouin): M. Pétel.

M. Pétel: C'est ce qui se passe. Il y a le comité d'administration et il y a le comité de direction. Je pense que l'intervention de l'ATTAQ vous l'a expliqué hier; c'est que, nous, on dit nos problèmes. Les problèmes se rendent à un niveau. J'espère que ça ne se passera pas de la même façon, ici. C'est rien que ça. C'est pour cela qu'on semble agressifs. Vous semblez être attaqués par notre agressivité. On espère que vous êtes attaqués par notre agressivité et que ça va vous permettre, que ça va vous mettre de l'adrénaline un petit peu et que vous allez faire quelque chose. On souhaite ça.

M. Polak: Nous aussi.

Le Président (M. Blouin): Vous comprenez que mon rôle consiste à administrer des antidotes quand même.

M. Pétel: À l'adrénaline!

Le Président (M. Blouin): M. le député de Portneuf, rapidement.

M. Pagé: M. le Président. Brièvement. M. Chartrand, vous avez une longue expérience et beaucoup plus que nous, entre autres, du monde de la construction. On a référé, ce matin, et j'ai eu l'occasion de référer au droit de refus utilisé par les travailleurs de la construction qui m'apparaît, personnellement, comme un droit tout à fait illusoire dans le monde de la construction parce que, dès le moment où il est exercé, c'est presque une garantie du licenciement et du bleu d'assurance-chômage, comme on dit.

Dans votre mémoire, vous indiquez que l'inspection semblait être mieux faite ou les travailleurs étaient plus protégés avant que les systèmes d'inspection soient transférés à la Commission de la santé et de la sécurité

du travail.

On sait que le gouvernement - et cela a été annoncé par le premier ministre - se propose d'apporter des modifications au règlement de placement dans l'industrie de la construction. Vous êtes sur le terrain. Quelles seraient les suggestions que vous pourriez nous formuler parce qu'on est ici... Tantôt j'ai cru entendre - je n'étais pas ici physiquement, mais je vous ai entendu au microphone; vous avez dit: Ce sont les lois que vous avez adoptées. Avant qu'un règlement ne soit adopté, il serait peut-être très opportun et très intéressant pour nous et, plus particulièrement pour le ministre qui aura à présenter au Conseil des ministres cette modification au règlement de l'OCQ. Qu'est-ce que vous feriez, qu'est-ce que vous proposeriez au gouvernement pour que les modifications soient apportées de façon que le droit de refus dans le monde de la construction soit un véritable droit de refus qui puisse être libéralement et librement exercé?

M. Chartrand: D'abord... M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Chartrand: D'abord, il y a le principe de base: c'est que les inspecteurs, il faut qu'ils sortent de la compagnie d'assurance des employeurs. Les inspecteurs sont là pour faire respecter les lois du pays. Ils sont payés par le gouvernement. Ils n'ont pas d'affaire à être sous la coupe de l'assurance des compagnies, primo.

Deuxièmement, pour la construction comme pour ailleurs, cela prend des gars qui connaissent le métier. Or, ils en ont éliminé des gars qui connaissaient le métier sous prétexte qu'ils n'étaient pas assez instruits. Et il y en a d'autres qui avaient été là par patronage. On a eu cela depuis longtemps, le patronage. On essaie de s'en défaire, mais le gouvernement se garde une belle marge de patronage. Il y a 25% des fonctionnaires qui sont des temporaires. Cela fait le patronage qui change à tous les trois mois. C'était comme cela du temps des libéraux et cela va être comme cela quand vous allez y retourner aussi.

Mais, dans la construction, cela prend des gars qui connaissent le métier. Ce n'est pas vrai qu'un ingénieur qui n'a pas travaillé sur un chantier de construction est capable de faire un bon inspecteur de la construction. Ce n'est pas vrai cela. Même si Sauvé pensait cela et les universitaires qui sont universels, c'est de la bouillie pour les chats, cela. Ce n'est pas vrai. Pas plus que dans l'industrie ordinaire non plus. Ce n'est pas parce qu'un gars a une bonne tête qu'il va connaître des problèmes particuliers. Cela prend un gars qui les a vécus ces problèmes- là, dans la construction, dans la métallurgie et dans une série d'autres entreprises. Ce sont les gars qui sont pris tous les jours avec des problèmes dans l'entreprise qui savent cela. Alors, cela prend des praticiens. Qu'on leur donne l'appui d'ingénieurs, lorsqu'il y a des calculs à faire, mais pour beaucoup de choses, cela prend des gars de la construction. Ce n'est pas vrai que n'importe qui peut voir un chantier de construction et savoir, à l'oeil, s'il est dangereux ou s'il ne l'est pas et dans quelle proportion il l'est ou ne l'est pas.

L'autre affaire, c'est la farce, la maudite farce de la CSST qui dit: On va instruire les employeurs. J'ai entendu cela par Morin quand il était à l'Office de la construction. Il dit: Pour six mois, on va instruire les employeurs. Il suspendait les lois pour six mois, c'est-y assez fort? La CSST a suspendu les lois de protection des travailleurs parce qu'ils ne sont pas dans la catégorie et qu'ils ne sont pas dans l'ordre de priorités, c'est-y assez fort cela?

Alors, les autres inspecteurs avaient commencé, quand on dit ce n'était pas extraordinaire, mais en tout cas, ils faisaient des petits avis et ils te faisaient payer comme un billet d'automobile. Cela s'accumulait. Quand le patron en avait payé cinq ou six, là il faisait corriger son dossier à mesure. Mais les inspecteurs ne vont même plus sur les chantiers, ils ne vont plus dans les usines non plus. Ils sont en train de vérifier des plans de prévention. C'est la folie de demander à toutes les entreprises du Québec d'envoyer des plans de prévention dans des bureaux. Là, il y a des gars qui vont jouer dans ces paperasses-là. C'est vraiment se forcer pour la paperasse.

Dans la construction, cela prend des gars de la construction qui connaissent cela et qui peuvent être aidés par un ingénieur. On avait fait cela au comité paritaire de l'industrie de la construction du district de Montréal. Un ingénieur, Nadeau, qui venait de Québec, prenait les inspecteurs et il allait sur les chantiers pour deux ou trois mois avec eux. Et là, les gars complétaient leur expérience personnelle et leur formation.

La "job" de journalier sur un chantier, ce n'est pas un métier, c'est une "job" dangereuse et cela prend un gars qui apprend cela tranquillement. C'est pour cela que vous avez tort quand vous dites: La construction, cela devrait être ouvert; on n'a pas affaire à fermer cela. On a eu des débats ici. On est venu à une séance ici déjà. Il y avait des gars du Crédit social et les autres qui disaient: Vous entravez la liberté. On n'entrave pas la liberté; c'est qu'aujourd'hui, pour travailler dans la construction, pour gagner ta vie dans la construction, il faut risquer ta vie, que tu le veuilles ou non.

Cela fait longtemps que c'est comme cela. Tant qu'il n'y aura pas de clause

d'ancienneté...

Le Président (M. Blouin): M. Chartrand.

M. Chartrand: ...et vous n'avez jamais voulu leur donner une clause d'ancienneté...

Le Président (M. Blouin): M. Chartrand.

M. Chartrand: ...on ne peut pas avoir de sécurité dans la construction...

Le Président (M. Blouin): M. Chartrand.

M. Chartrand: ...parce que le gars qui réclame, il va dehors.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors j'ai compris que vous aviez trois points...

M. Chartrand: Le gars qui réclame, il va dehors et il n'y a pas d'inspecteur pour l'aider.

Le Président (M. Blouin): Merci. Alors, sur ce, je remercie les responsables de la Fondation d'aide aux travailleurs accidentés de leur témoignage et j'invite maintenant les membres représentants de la Corporation professionnelle des physiothérapeutes du Québec à venir prendre place à la table du président.

M. Chartrand: Je vais vous remettre, M. le Président, avec votre permission, la synthèse des interventions du service d'inspection de la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la Commission de transport de la communauté urbaine de Montréal. Vous allez voir qu'il y a des affaires qui, dans dix ans, n'ont pas été corrigées.

Le Président (M. Blouin): Merci M. Chartrand.

M. Paquet (Nazaire): Entre-temps, si vous voulez entrer membres de la FATA, on accepte des dons, messieurs les députés et ministres.

Le Président (M. Blouin): Le document sera distribué aux membres de la commission, M. Chartrand.

M. Chartrand: Je vais aller le porter. (17 heures)

Le Président (M. Blouin): Si vous voulez le remettre au responsable du secrétariat, il sera distribué aux membres de la commission.

Je vous demande maintenant, pour les fins du journal des Débats, s'il vous plaît, de vous identifier ainsi que les personnes qui vous accompagnent; ensuite, de procéder avec le plus de célérité possible - je n'ose plus fixer de délai - à la présentation de votre mémoire.

Corporation professionnelle des physiothérapeutes du Québec

Mme Girard (Patricia): M. le Président, MM. les députés, je vous présente M. Paul Marcoux, qui est chef physiothérapeute à Granby; le Dr Alain Bélanger, un neurophysiologiste et professeur agrégé à l'École de réadaptation de l'Université Laval, c'est-à-dire un vrai docteur; France Hamel, qui est notre inspecteur professionnel à la corporation; Mme Lise Tremblay, qui est la vice-présidente de la corporation et qui est chef de service à l'hôpital Notre-Dame. Moi-même, je suis la présidente de la corporation et une des vieilles physiothérapeutes du Québec.

Le Président (M. Blouin): Vous êtes Mme Girard, c'est bien cela?

Mme Girard: Oui. Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à cette commission parlementaire parce que, depuis presque sept ans maintenant, la corporation a connu beaucoup de difficultés concernant les accidentés du travail. Jusqu'à juin dernier, nous n'avons pu rejoindre à peu près jamais la CSST pour lui faire part de nos inquiétudes concernant les soins de physiothérapie offerts aux travailleurs accidentés. Nous vous avons déposé un mémoire. Nous avons eu deux jours d'avis pour préparer un mémoire. Celui-ci était présenté au conseil d'administration de la CSST en juin. La plupart des éléments de problèmes et certaines solutions qu'on y a proposées sont encore d'actualité. Il y a aussi des commentaires sur les nouvelles politiques, la physiothérapie à la CSST, qui sont sorties en mars 1983 et qui ont été changées le 19 août 1983, et aussi notre prise de position sur le rapport et la recherche faite par le Dr Duranceau pour la CSST.

Notre corporation, selon le Code des professions, a le devoir d'assurer la protection du public dans notre champ d'exercice et notamment d'assurer la disponibilité et la distribution efficace de services et de soins de physiothérapie de qualité optimale. Nous nous inquiétons beaucoup du souci à la CSST d'offrir des soins de réadaptation efficaces et de qualité aux travailleurs accidentés ou tout au moins de considérer les coûts-bénéfices aux travailleurs accidentés et aux employeurs.

Nous pensons que la qualité des soins est aussi importante que les coûts dans la réadaptation physique et fonctionnelle, mais est-ce que la CSST est en mesure de juger de la qualité sans faire appel à des

ressources comme les nôtres? Jusqu'à présent, on a bien des preuves du contraire. En 1977, il y a eu un transfert des travailleurs accidentés dans le système parapublic, c'est-à-dire dans les hôpitaux du Québec et, de 1977 à 1982, la CSST utilisait un système de contrôle comptable, c'est-à-dire un système de comptabilisation des dépenses et un système statistique qui était trop simple pour analyser des variables, trop simple pour pouvoir même savoir quels travailleurs accidentés étaient où et pourquoi. C'est-à-dire que c'étaient des entrées et sorties sans contrôle, c'était un agent payeur qui ne demandait pas trop de questions. Ce système boiteux, éventuellement, a convaincu même la CSST qu'elle avait besoin d'un outil plus précis pour mesurer la qualité des soins. Qu'est-ce qu'elle a fait? La CSST a investi l'argent des contribuables dans un jeune médecin spécialiste, le Dr Jacques Duranceau, qui devait se pencher sur les problèmes du système locomoteur; il a fait le procès de la physiothérapie. Qui est le Dr Duranceau, à qui on a donné ce mandat de faire une étude et un rapport d'une importance capitale, apparemment, pour la physiothérapie et l'ergothérapie offertes aux travailleurs accidentés? Un jeune spécialiste enseignant à l'Université de Montréal, un clinicien, n'ayant aucune crédibilité, ni aucune formation comme chercheur. C'est déjà une indication du niveau de compétence à l'intérieur de la CSST dans la prise de décisions affectant des milliers de travailleurs, mise à part notre profession.

Que le groupe Duranceau produise un rapport de 115 pages avec un maigre total de 70 références souvent dépassées par les avances scientifiques et les résultats d'une soi-disant recherche clinique faite sur des jeunes sportifs, pour les accidents de travail... Ce serait intéressant de savoir la moyenne d'âge des accidentés de travail. En tout cas, il a fait une recherche clinique sur les jeunes sportifs, laquelle ne satisfait aucunement aux exigences fondamentales d'une recherche médicale scientifique et rigoureuse. Ce n'est peut-être pas si grave. Mais, est-ce que la CSST a demandé à un groupe externe d'évaluateurs de vérifier ce rapport et cette recherche avant de l'appliquer dans sa politique? Non, comme de raison. La vice-présidence sur les réparations l'a avalé tout rond et, à la fin de 1982, a préparé des politiques sur la physiothérapie et l'ergothérapie basées sur le travail de Duranceau. J'ajouterai, entre parenthèses, que c'est à la fin de 1982 qu'on a commencé à entendre, de sa bouche, que la physiothérapie était la poubelle de la CSST.

Pourquoi a-t-elle avalé ce rapport et cette supposée recherche? Parce que les recommandations font l'affaire des fonctionnaires qui peuvent seulement comprendre le contrôle des dépenses, des fonctionnaires qui ont perdu le contrôle sur les dépenses de leur organisation. On croit que ça doit être cela. C'est la seule raison qu'on a pu trouver.

Le 21 décembre 1982, le bureau médical de la CSST demandait une évaluation du rapport Duranceau et de sa recherche à notre corporation, je présume, sachant intuitivement qu'il y avait un problème. Vous avez en main notre prise de position sur le rapport Duranceau et sur la recherche du groupe Duranceau, préparée par des experts et des chercheurs établis.

Par la suite, nous avons reçu le document de mars 1983 préparé par Lionel Bernier et intitulé: la Physiothérapie à la CSST, suivant les déclarations du président, Robert Sauvé. Le fouillis à la CSST commençait à paraître et la réponse de M. Sauvé à des inquiétudes de plus en plus publiques: La physiothérapie est la poubelle de la CSST. Les orthopédistes reçoivent des ristournes de 33% des physiothérapeutes pour recevoir les travailleurs accidentés.

Est-ce que c'est une question de la poussière dans l'oeil du système de santé public et la poutre dans l'oeil de la CSST? Est-ce que les physiothérapeutes, salariés de l'État, avec des difficultés innombrables à satisfaire aux besoins en réadaptation de la population, non seulement à ceux des travailleurs accidentés, peuvent payer des pots-de-vin aux médecins pour augmenter la liste d'attente déjà trop longue?

Nous avons présenté nos opinions sur les problèmes de la CSST touchant la réadaptation du travailleur accidenté en comité plénier du conseil d'administration de la CSST, le 4 juin 1983, et vous avez en main, comme je l'ai dit, les documents relatifs à cette rencontre.

Il nous semblait, après cette rencontre, que le conseil d'administration de la CSST avait rejeté le rapport Duranceau, avait demandé la formulation d'une nouvelle politique sur la physiothérapie et l'ergothérapie et, le 20 août, nous avons reçu les nouvelles politiques qui étaient sorties et une nouvelle demande de commentaires, mais c'était fait. C'était un fait accompli, comme d'habitude.

Nous avons gagné certaines choses: la prescription valide pour la physiothérapie comprend le diagnostic médical, ce quiconcorde avec le Code des professions parce que lesphysiothérapeutes travaillent sur diagnostic médical, des suggestions de traitements qui, certains médecins de la CSST nous l'ont assuré, n'étaient pas une prescription avec une liste de modalités qui ne concordaient pas avec l'état du patient, et des contre-indications, s'il y a lieu.

Nous avons aussi gagné l'importance des rapports réguliers sur les problèmes décelés à la suite des évaluations faites par les

physiothérapeutes et ergothérapeutes et leur plan de traitements avec justification de la continuation des traitements. C'est ce que nous avons souhaité fortement et les physiothérapeutes savaient très bien que les rapports qu'ils faisaient auparavant disparaissaient dans la filière 13.

Sur ces deux points, nous avons travaillé étroitement avec la CSST depuis septembre 1983 et nous croyons que le travail fait est efficace et valable et qu'il devrait avoir un impact sur la qualité des services de physiothérapie offerts aux travailleurs.

Mais les nouvelles politiques sur la physiothérapie et l'ergothérapie pour les travailleurs accidentés transpirent encore d'un jargon pseudo-scientifique indigeste de fonctionnaires qui appliquent des recommandations du rapport Duranceau, notamment que le travailleur accidenté ne devrait pas recevoir la physiothératie avant 21 jours après un traumatisme et que l'électrothéraphie est une modalité adjuvante pour la douleur.

Comment se fait-il que ceci soit charrié encore? C'est quelque chose qu'on trouve très difficile à comprendre, à moins qu'on ne le mette sur le compte de l'incompétence de la CSST. Il n'y a aucun fondement scientifique pour l'attente de 21 jours de traitement après un traumatisme. Est-ce que c'est pour couper les dépenses de physiothératie et augmenter les coûts à long terme avec une chronicité des travailleurs? Est-ce que le citoyen ordinaire qui a subi une méniscectomie, et qui généralement est traité en chirurgie d'un jour aujourd'hui va avoir sa physiothératie tout de suite après alors que le travailleur accidenté va attendre trois semaines? Il y a toujours des "catch-22" dans leur politique, si vous êtes médecin, qui vous laissent le droit d'insister pour l'avoir; mais nous avons noté que les médecins ne sont plus capables de le demander pour l'accidenté du travail comme ils le demandent pour les autres citoyens. Est-ce que c'était pour réduire l'accessibilité à la physiothératie pour le travailleur? Il n'a pas le droit aux services de M. Tout-le-Monde qui est traité au Québec d'après la Loi sur les services de santé et les services sociaux?

Une autre chose semble avoir dépassé le Dr Duranceau pour commencer, parce qu'il n'a jamais parlé de la douleur: la douleur est le symptôme majeur du travailleur accidenté, à la suite de son accident. Si jamais vous vous êtes foulé une cheville, vous vous êtes déchiré un ligament dans le genou, vous vous êtes fait une entorse au dos ou vous avez eu une bursite à l'épaule, qu'est-ce qui vous a dérangé tout de suite? C'est bien la douleur. Est-ce que la CSST a entendu le Dr Ronald Melzack, de l'Université McGill, qui a une renommée mondiale dans la recherche sur la douleur? Je vous ferai remarquer qu'il y a eu une publication sur le traitement de la douleur avec l'électrothérapie en 1983 dans le journal Physical Therapy de l'American Physical Therapy Association écrit par le Dr Melzack. Mais non, ni les fonctionnaires de la CSST ni leurs médecins ne semblent avoir accès aux publications scientifiques récentes concernant la physiothératie.

En plus, les politiques sortent sans procédure. Vous pouvez imaginer la panique. Les bureaux régionaux, en plus, appliquent les politiques à leur guise il y a décentralisation - et ces politiques ne ressemblent plus aux politiques que nous discutons entre-temps, nous, avec la CSST. C'est un fouillis encore et toujours. Il me semble toujours que la main gauche de la CSST ne sait pas ce que la main droite fait, et la main droite ne semble pas compétente pour prendre les décisions nécessaires pour assurer l'accessibilité à des services de physiothérapie de qualité.

Les résultats jusqu'à maintenant sont qu'il y a moins de traitements à moins de travailleurs, avec plus de séquelles à long terme, avec des procédures lourdes dans une organisation connue pour son inefficacité et son incapacité à répondre à des besoins évidents. Il y a eu une lueur d'espoir parce que maintenant, avec l'Institut de recherche sur la santé et la sécurité du travail, il y a un nouveau groupe de chercheurs mis sur pied, dont le Dr Bélanger est membre. C'est intéressant que cela ait été confié à des épidémiologistes de l'Université McGill, de renommée au moins internationale ou nord-américaine. C'est un organisme auquel on aurait pu confier le rapport Duranceau pour demander une évaluation externe, ce qui n'a pas été fait. Mais au moins, sur un aspect des problèmes des travailleurs accidentés, les problèmes de dos, il y a une recherche sérieuse qui va se faire. (17 h 15)

Nous, on voudrait voir certains changements. Je sais que les organisations publiques ont une difficulté réelle à mobiliser des ressources, que les horizons dans le temps sont très courts pour eux, que les changements de comportement et ajustements internes sont très longs. Mais il me semble qu'après le nombre d'années que la CSST existe, il est possible de faire des changements. Nous avons vu des changements, depuis le rapport Castonguay, très importants au niveau de notre ministère des Affaires sociales, au point que la commission Hall, la commission fédérale sur les services de santé au Canada, a dit que les services de santé au Québec étaient les meilleurs au Canada. Donc, je ne comprends pas pourquoi en sept ans il n'a pas pu y avoir un changement fondamental à la CSST.

On sait que les systèmes de contrôle interne, outre une simple comptabilité des dépenses, sont souvent étrangers aux

organisations publiques, que les mesures de coûts-bénéfices des services publics sont des concepts difficiles et exigeants. Mais, saint Jude, quand est-ce que la CSST va se brancher? Qu'on n'oublie pas que saint Jude, c'est pour les cas désespérés!

Peut-on espérer que cette commission parlementaire a des législateurs qui savent qu'il y a un temps pour loucher et un temps pour un regard honnête, comme le disaient mes ancêtres écossais? J'avais suggéré cela au conseil d'administration, mais je pense qu'ils ont encore des difficultés visuelles. Est-ce qu'il faut que je vous décrive la CSST dans les termes colorés de nos voisins à l'ouest de Regina? Je ne sais pas l'équivalent en français et, de toute façon, le souffle et les mots me manquent en français. Mais, à l'ouest de Regina, et cela convient pour les fêtes, ils ont des descriptions, ils diraient: "They are a bunch of turkeys!"

En terminant, je vous suggère quelques recommandations que nous voulons faire: Que la physiothérapie, qui est utilisée pour chapeauter beaucoup de choses, actuellement, par la CSST, soit impliquée pour seulement la thérapie par les physiothérapeutes, ce qui fait la différence entre ce qu'est la physiothérapie et tous les autres problèmes qu'ils ont. Nous connaissons nos limites. Quand il n'y a plus rien à faire, selon nos rapports, que la CSST s'en occupe, de ces travailleurs, avec leurs médecins. Parce qu'on a des limites dans ce qu'on peut faire dans la réadaptation. Puis, comme la CSST dit que la physiothérapie est une poubelle, c'est comme cela qu'ils l'ont utilisée.

Que le travailleur accidenté soit traité comme tout autre citoyen et que l'accessibilité aux services de réadaptation soit rétablie.

Que soient rejetés officiellement le rapport et la recherche Duranceau et que la CSST communique ce rejet à la presse, aux médias et intervenants. Et qu'elle rejette, par la suite, toutes les politiques sur la physiothérapie qui y sont associées.

Qu'un groupe de travail soit formé avec les divers intervenants pour les nouvelles versions - la troisième - des politiques sur la physiothérapie et l'ergothérapie. Que la CSST, quand elle a des problèmes d'incompétence, de mauvaise pratique de la physiothérapie, dénonce ceux-ci à l'inspection professionnelle de la corporation; nous avons tous les mécanismes pour répondre. C'est tout ce qu'on demande, d'utiliser ce qui est là. On est là pour cela et on a dix ans d'expérience dans cela avec la réforme du système professionnel au Québec.

Que l'accidenté qui peut reprendre un travail léger, après qu'il a accepté le travail qui lui est offert comme étant léger, puisse intégrer son travail graduellement et poursuivre sa réadaptation.

Que tous les moyens pour augmenter l'efficacité du flux informationnel soient mis en place à la CSST comme l'informatisation des données fournies par les services de physiothérapie. Avec mon expérience comme chef physiothérapeute, je connais la paperasse de notre service de physiothérapie, sans compter les nouveaux rapports qui seront exigés sous peu par la CSST; pour ma secrétaire, cela prenait trois heures de son temps, par jour.

Qu'on instaure et qu'on augmente la collaboration et la coordination des organisations et personnes touchant la réadaptation. Cela implique beaucoup de monde. Il y a le ministère des Affaires sociales, il y a les CRSSS qui se sont particulièrement intéressés à la réadaption dernièrement, il y a l'AHQ avec tous ses hôpitaux, les DSC et les CLSC, il y a les médecins, les physiothérapeutes, les ergothérapeutes. De l'autre côté, vous avez la CSST et ses médecins. Nous sommes prêts, concernant les physiothérapeutes, à ajouter toute notre collaboration. Nous avons tout le mécanisme, nous avons l'inspection professionnelle, nous avons des règlements, des standards, des nombres et des experts-conseils. Ce n'est pas de talent qu'on manque au Québec.

Que la mission et les buts de la CSST soient clarifiés et apparaissent dans les politiques de la CSST, donc que les intérêts du travailleur accidenté soient présents d'abord. Il n'apparaît à peu près nulle part, le travailleur accidenté. Toutes les politiques, toutes les procédures, tous les mécanismes, le travailleur accidenté et pourquoi les politiques existent, cela ne paraît à peu près jamais. C'est peut-être fondamentalement pour cela qu'il y a une mauvaise compréhension, à l'intérieur de la CSST, de sa mission et son but. Elle a peut-être besoin de se brancher là pour commencer.

Que la CSST emploie un physiothérapeute comme expert-conseil concernant les services de réadaptation offerts aux travailleurs, comme cela est fait dans les "Workmen's Compensation Boards" dans les autres provinces et dans les États américains. Cela prend un an pour savoir comment cela devrait fonctionner.

Que la prévention des problèmes du système locomoteur devienne une priorité à la CSST avec la participation des syndicats des employeurs et des professionnels, parce que nous sommes convaincus qu'une partie des problèmes du système locomoteur peuvent être prévenus par des mesures très simples, mais il faut que les syndicats s'en occupent et aussi les employeurs.

Que des changements internes à la CSST assurent les capacités analytiques, décisionnelles et opérationnelles nécessaires à cet organisme de l'État, parce que cela n'est pas transparent jusqu'à maintenant.

Je vous remercie, M. le Président. Si vous avez des questions à nous poser, il nous fera plaisir d'y répondre.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Girard. Sans plus tarder, je vais demander à M. le ministre d'intervenir pour cet échange entre votre organisme et les membres de la commission, les députés.

M. Fréchette: M. le Président, je vais tenter de suivre l'exemple que vient de nous donner Mme Girard et être le plus bref possible pour permettre le plus d'échanges possible également. Je dirai tout simplement, en remarques générales, que les observations qu'elle nous soumet vont effectivement nous être fort utiles lorsque nous ferons le bilan de tout ce que nous avons entendu depuis hier et de tout ce que nous entendrons jusqu'à jeudi.

Je voudrais, quant à moi, poser quelques questions et bien rapidement. Vous parlez du rapport Duranceau, Mme Girard, et le jugement ou la conclusion à laquelle vous en arrivez me paraît être la suivante, et elle est claire, elle est ferme: on devrait rejeter purement et simplement le rapport Duranceau, si je vous ai bien compris.

Quand on regarde d'un peu plus près le rapport Duranceau, sans aller dans son contenu, il faudrait bien clarifier que le Dr Duranceau n'était pas seul à ce comité. Il y avait avec lui plusieurs autres médecins, des spécialistes, des orthopédistes; il y avait une physiothérapeute également. Est-ce que je dois comprendre que, si le comité Duranceau, composé de sept spécialistes, en arrive aux mêmes conclusions, il est toujours à proscrire et à combattre, à toutes fins utiles, ou à rejeter totalement? En d'autres mots, ce qu'il contient, d'après votre évaluation, n'a rien d'utile dans l'évaluation qu'il faut faire de la physiothérapie.

Mme Girard: M. Fréchette, je vais laisser répondre le Dr Bélanger.

Le Président (M. Blouin): M. Bélanger.

M. Bélanger (Alain): La réponse à votre question pourrait être très longue et, plutôt que d'y aller dans les détails, je vais essayer de vous brosser un tableau et de vous dire pourquoi on en arrive à la conclusion que ce rapport, sur une base purement scientifique... Comprenez-vous, cela existe aujourd'hui et il n'y a rien de politique là-dedans. Sur ces bases et seulement sur ces bases, si vous analysez le rapport qu'a pondu le groupe Duranceau... Et vous avez raison, ce groupe était formé de plusieurs autres personnes et on encourage d'ailleurs le gouvernement et l'Opposition ou n'importe qui ici, et particulièrement la CSST, à le soumettre à des groupes, à d'autres scientifiques et à voir sa pertinence, à savoir ce qu'il a fait, les services qu'il a rendus par rapport à la physiothérapie et par rapport aux meilleurs soins des travailleurs du Québec.

Premier point, il serait faux de prétendre que le rapport Duranceau n'a apporté aucune contribution. Au contraire, si vous regardez les premiers documents qu'on a faits, vous allez remarquer que l'on a endossé - et on l'endosse encore à 100% - le travail qu'a fait le groupe Duranceau en disant que le travailleur du Québec n'est pas traité comme il le faut; et nous endossons, encore aujourd'hui, cette conclusion.

Donc, dans un premier temps, nous ne sommes pas complètement antagonistes sur ce qu'a fait ce groupe. Il ne faudrait pas nous faire dire des choses que... Je vais aller maintenant au coeur de la réponse, à savoir pourquoi nous le refusons.

On peut diviser ce rapport en deux parties. Dans un premier temps, on a fait une revue de la documentation; je ne voudrais pas tomber ici dans des termes trop scientifiques, mais il faut tout de même prendre les arguments où ils sont. Dans un deuxième temps, après avoir pondu ce qu'on appelle une grille type de traitements, qui devait être universelle... Imaginez, traiter tous les travailleurs et travailleuses du Québec, peu importe leur âge, peu importe leur condition de santé, peu importe ce qu'ils font et peu importe ce dont ils souffrent, M. le ministre; il faudrait, suivant la recette du groupe Duranceau, vous traiter d'une façon pendant 21 jours.

Je vais vous donner un exemple de ce que cela pourrait représenter. Mais, avant de vous donner l'exemple, je vais vous dire tout de suite, au départ, que l'analyse littéraire qu'ils ont faite comportait au maximum 70 références. Et je guide la CSST pour qu'elle la revoie, parce que peut-être l'a-t-elle mal lue ou n'a-t-elle pas su l'apprécier. Ceux à la CSST qui devaient apprécier la rigueur scientifique de ce document, je ne dois pas, aujourd'hui, leur envoyer de fleurs. Je me gratte la tête, en tant que scientifique, à savoir quelle sorte de travail ils ont fait; je me demande s'ils ont l'expertise pour le faire et je suis presque convaincu, jusqu'à preuve du contraire, qu'ils n'ont pas cette expertise pour regarder ce que les groupes leur présentent comme matériel scientifique.

Ici, j'ai devant moi, pour illustrer... Seulement sur le traitement de la chaleur et du froid, ce que le groupe Duranceau a mis de côté, un livre vient d'être édité et contient environ 2500 références. Juste pour vous indiquer qu'ils sont loin d'être allés puiser trop loin pour faire le bilan, pour dire: Ce n'est pas bon de la physiothérapie, ce n'est pas bon le froid ou la chaleur, traiter de la douleur par ces moyens, réfuter la stimulation électrique que le docteur Melzack, de l'Université McGill, qui a une

réputation exceptionnelle, met de l'avant. Les écrits scientifiques sont là, M. Fréchette.

De ce point de vue, on refuse le rapport Duranceau parce qu'il est nettement incomplet et il est pseudo-scientifique; il est absolument ridicule. Je vais vous donner un exemple maintenant, par rapport à la grille type de traitements que propose ce groupe. Vous ou d'autres personnes ici allez à une partie, un sport ou quoi que ce soit; vous vous faites mal à une épaule. Le groupe Duranceau incluait, dans sa pathologie, un mot qui s'appelle une "bursite". Une bursite, qui provoque de l'imflammation c'est un petit coussin; après certaines activités intenses. Si l'on suivait - et c'est cela que suivent les accidentés du travail pour les médecins qui appliquent cela présentement -ces gens, suivant la rationnelle, ce qu'on devrait faire avec eux, c'est du repos, un peu d'analgésique pour enlever la douleur et, s'il y a lieu, bandage et même, dans certaines occasions, dans des cas de tendinite, où des tendons ou des ligaments sont rupturés, les plâtrer. Imaginez!

Je vous encourage, MM. les députés, M. le ministre, M. le Président, et tous ici, si jamais vous vous faites mal à l'épaule, à vous enrouler un bandage pendant 21 jours autour de l'épaule. Vous m'en donnerez des nouvelles. D'accord? Après 21 jours, on vous sort de ce cataplasme; ensuite, pendant ce temps-là, qu'est-ce qu'on a fait pour vous? On vous a donné un peu d'analgésique pour vous enlever de la douleur et on a dit: Attendez, dans 21 jours, mystérieusement, comme cela, vous êtes admissible à la physiothérapie. Imaginez! (17 h 30)

Juste une parenthèse à propos des 21 jours: d'où est-ce que cela vient, les 21 jours? Cela n'est pas la contribution du groupe Duranceau, les 21 jours. M. le ministre, si vous consultez les livres de biologie, vous allez vous rendre compte que la description de la réaction inflammatoire, c'est que, après s'être fait mal, les tissus réagissent. C'est dans les livres de pathologie depuis 60 ou 70 ans. Il ne fallait pas que la CSST paie pour se faire dire cela. Tout traumatisme n'amène pas automatiquement une réponse inflammatoire pareille. C'est comme si tous les gens qui avaient mal à la tête avaient tous le même mal de tête. Voyons donc, c'est ridicule. Je vous encourage. Il y a l'exemple de l'épaule, je vous l'ai donné. Prenez l'exemple de la cheville. Suivant la grille type du rapport Duranceau qu'on retrouve là-dedans, on n'a pas besoin de physiothérapie encore, imaginez-vous. On vous mettrait un plâtre au bout du pied, avec une lésion ligamentaire, et on vous ferait marcher dans la neige pendant 21 jours avec des béquilles. Là, on vous dirait: Venez nous voir. La physiothérapie va faire maintenant quelque chose pour vous. À quoi fait face le physiothérapeute quand il voit des cas comme cela? De l'ankylose, de la douleur, de l'enflement. Les études l'ont démontré. J'en ai ici pour vous alimenter. Ce n'est absolument pas cela qu'il faut faire. Il faut agir au départ. Un exemple classique de cela, c'est toute la médecine du sport, toutes les équipes professionnelles. Allez les voir, appelez-les, demandez-leur si elles utilisent encore du froid et de la chaleur pour traiter leurs athlètes. J'ai travaillé dans le milieu du sport; j'ai travaillé aux Olympiades de Montréal; j'ai travaillé aux Jeux du Canada et je vous dis que la première chose qui rentrait où j'étais, c'étaient des cubes de glace. Le groupe Duranceau remet en question des principes absolument fondamentaux qu'on retrouve dans tous les livres de biologie.

Je vais finir maintenant. Pourquoi n'aimons-nous pas le rapport Duranceau? On ne l'aime pas à cause de la dernière partie. Dans la dernière partie, le groupe Duranceau s'est dit: On a pondu théoriquement un schème, une grille type de traitement. On a éliminé la physiothérapie. Imaginez-vous, il y a 23 références, 23 études. Dans le milieu où je suis, je vous le dis franchement, mes diplômes ont tombé. Cela n'a pas de bon sens.

Là on arrive, on fait une étude. Qu'est-ce que ces gens ont fait? Ils devaient dresser le problème du travailleur du Québec. J'espère que la CSST va comprendre que c'était beaucoup plus normal pour eux de prendre des travailleurs du Québec comme sujets de l'expérimentation. Qu'est-ce que le groupe Duranceau a choisi? Des jeunes sportifs d'âge moyen, de 24 ans. Est-ce que c'est représentatif, M. le ministre, des gens qui viennent nous voir à tous les jours pour se faire traiter? Est-ce que c'est représentatif d'un mineur ou d'une personne qui travaille à GM? J'en doute fortement. La motivation du retour n'est pas tout à fait la même et ce sont des problèmes complètement différents. Vous avez toutes les réponses dans les documents qu'on vous a donnés. J'invite encore la CSST à les lire, et si elle n'est pas convaincue, je l'invite à les mettre entre les mains de n'importe qui qui lui donnera des opinions scientifiques sur notre document comme sur le rapport Duranceau. Après cela, elle sera en mesure de faire des politiques.

Encore une chose là-dessus. Faire une politique de la physiothérapie au Québec à partir d'un document, M. le ministre, je trouve cela dangereux et extrêmement dangereux de faire le procès, en plus, d'une profession et d'une formation universitaire dans 23 références, quand on sait que la physiothérapie, ce n'est pas seulement un système québécois. Il y a 14 écoles au

Canada. Il y en a à peu près 50 aux États-Unis et c'est mondial. C'est comme si la CSST avait réinventé, pour les besoins de la CSST, que, pour le traitement maintenant, il n'y aurait plus de physiothérapie. Comme les autres gens le disaient plus tôt aujourd'hui, il y avait ici deux types de patients, un patient qui était traité dans le système usuel... J'aimerais demander à la CSST et à tous les gens ici s'ils ont déjà entendu des plaintes suivant lesquelles les travailleurs recevaient trop de traitements de la part des physiothérapeutes. Je parle bien des traitements de physiothérapie, parce que c'est la définition de la physiothérapie; ce ne sont pas les périodes d'attente. Mes collègues seront en mesure de vous préciser et de préciser à la CSST ce qu'est la physiothérapie, et je crois que c'est charrier. On charrie la physiothérapie, comprenez-vous? Oui, on ne se gêne pas.

En terminant, M. le ministre, je vous rappelle que, si vous lisez nos documents, vous vous rendrez compte qu'on a endossé à 100% l'effort qu'a fait le groupe Duranceau pour finalement se pencher là-dessus. C'est ce que la présidente disait. Il était temps, pour que la CSST puisse évaluer la qualité des soins, qu'elle se donne les moyens. Là, elle a sûrement trouvé un moyen, mais on se demande ce que ce groupe avait à dire en fait et ce n'est pas scientifique ce qu'il a dit. Voilà ma réponse. Il reste à savoir si elle vous satisfait.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bélanger. M. le ministre.

M. Fréchette: Je vous assure qu'elle me satisfait, M. Bélanger, vous avez donné force détails sur votre évaluation du rapport Duranceau. Vous êtes des femmes et des hommes de science. Le comité Duranceau était également composé de femmes et d'hommes de science. Est-ce que je devrais alors comprendre, comme conclusion, que, comme ça nous arrive très souvent, nous sommes en face d'opinions scientifiques diamétralement opposées l'une à l'autre et qui, à partir d'une même science, en arrivent à des conclusions différentes?

Le Président (M. Blouin): Mme Girard.

Mme Girard: Je vais donner une partie de cette réponse en vous disant que, pour une recherche ou un rapport comme ceci, on a très peu de physiothérapeutes au Québec qui seront capables de l'entreprendre et qu'il y a des médecins et d'autres personnes de ce groupe de travail... Les deux physiothérapeutes qui sont impliqués, je peux vous jurer qu'ils ne sont pas compétents pour faire la recherche et faire partie d'un groupe comme celui-là. Je doute fortement de la qualité de cette recherche. Ce n'est pas seulement parce que c'étaient des jeunes sportifs, il y avait d'autres critiques encore plus fondamentales et importantes.

Si vous avez le nom de docteur, M. le ministre, cela ne veut pas dire que vous êtes un chercheur. Si vous regardez les médecins au Québec qui font de la recherche, ils ont d'autres qualifications comme chercheurs et je pense que c'est charrier que d'essayer de nous dire que ce sont des opinions diamétralement opposées de la même science. Ce n'est pas du tout la question.

M. Fréchette: Vous nous dites...

M. Bélanger (Alain): M. le ministre, est-ce que je pourrais...

M. Fréchette: Oui, bien sûr.

M. Bélanger (Alain): J'aimerais vous rappeler... Vous êtes peut-être au courant, mais regardez dans le milieu universitaire, par exemple. Vous pouvez avoir un titre de médecin, on vous appelle docteur et vous êtes formé à l'université pour diagnostiquer et traiter les gens. Si vous faites une résidence en médecine, vous vous spécialisez dans la partie de la médecine qui vous est particulière. C'est toujours de l'entraînement clinique, entraînement qui vise à mieux diagnostiquer et à mieux traiter. Ces gens-là, en général, puisent leurs informations et leur enseignement dans les recherches qui se font par des chercheurs. Et ce que ça veut dire être chercheur, M. le ministre, ça veut dire ceci. Après avoir fait vos études universitaires de base, vous n'allez plus faire de la clinique. Parlons et restons dans le milieu où nous sommes. Vous allez faire un entraînement de quatre à six ans au niveau de la maîtrise et du doctorat pour avoir vos titres de compétence pour faire de la recherche qui est scientifique et non pas pseudo-scientifique.

J'aimerais que ce soit bien compris. Ce n'est pas parce qu'on a un diplôme de médecin qu'on a automatiquement ses cartes de créance pour s'embarquer dans des choses comme ça.

Le Président (M. Blouin): C'est bien clair, M. Bélanger. M. le ministre.

M. Fréchette: Je trouve très claire votre opinion, mais ce sur quoi je voulais revenir, c'est sur l'observation faite par Mme Girard qui a évalué, me semble-t-il, et elle me corrigera si j'ai mal compris, que les physiothérapeutes n'avaient peut-être pas la préparation théorique, en tout cas, pour procéder, pour être incorporés à une équipe comme celle de Duranceau qui a produit le rapport que l'on connaît.

Mme Girard: Je les ai évalués comme

des personnes qui traitent, comme des thérapeutes et, si vous regardez le rapport Duranceau, mon nom a été ajouté par la suite avec une autre machine à écrire. C'étaient des thérapeutes. Dans toute recherche, vous avez des techniciens de laboratoire, etc. qui participent. Mais ils ne sont pas les chercheurs. Ils sont des exécutants.

M. Fréchette: Tout cela m'a amené à la question simple suivante: Si, dans votre évaluation, les physiothérapeutes qu'on retrouvait au comité Duranceau n'avaient pas, dites-vous, la préparation théorique, en tout cas, pour y participer comme ils semblent l'avoir fait, ce que j'essaie de savoir...

Mme Girard: C'est comme exécutants, M. le ministre.

M. Fréchette: Oui. Mais comment se fait-il que vous vous sentez préparés, capables, vous qui êtes des physiothérapeutes, de l'évaluer?

Mme Girard: Je vais laisser le Dr Bélanger vous dire qui était le groupe qui a étudié le rapport Duranceau.

M. Bélanger (Alain): Je pense que vous voulez, ici, si je peux vous interpréter, nous dire: En fait, il y a déjà eu des physiothérapeutes qui ont signé le document Duranceau. Vu qu'il y en a deux qui l'ont signé, vous devez être automatiquement d'accord avec ce que ces gens font. Je pense que nous n'avons pas besoin de revenir là-dessus. C'est bien beau la solidarité syndicale et professionnelle, mais, tout de même ici, il faut parler de la chose pour ce qu'elle est. J'ai déjà fait de la recherche, j'en fais présentement et je vais en faire demain. Je vous dis que, quand on fait un projet de recherche, il y a des investigateurs principaux, il y a des investigateurs collaborateurs, il y a des techniciens et il y a des aides. Ce n'est pas à nous, ici, à jouer à la sorcière pour vous dire quel a été le rôle qu'ont joué ces deux thérapeutes. Revenons maintenant au point.

La corporation a constitué un groupe; s'il faut revenir là-dessus pour vous expliquer qui... Vous avez le nom des gens qui en ont fait la critique; ces gens ont signé le document et maintiennent ce qu'ils ont dit. J'ai participé moi-même à la critique des deux documents, c'est-à-dire qu'on a pondu deux documents, et j'étais entouré de qui? J'étais entouré d'universitaires qui avaient soit un doctorat ou une maîtrise et on avait aussi un chef thérapeute qui avait une formation au niveau du BAC. Si vous voulez avoir les détails, on va vous les donner. C'est pour vous dire qu'on a soumis le document Duranceau au même traitement que celui auquel on soumet un article scientifique ou un rapport scientifique, dans le sens qu'on se pose des questions à savoir s'il satisfait les critères de base d'un document scientifique, parce que c'est très important ici. Si c'est juste un document pour donner une opinion, ça va. Mais là, la CSST embarque là-dedans, l'avale tout rond, ne pose pas de question et bingo! on nous dit que la physiothérapie vient de décoller.

Écoutez, je vous répète, M. le ministre, MM. les députés et MM. de la CSST, que je n'aimerais pas qu'aujourd'hui on en arrive à dire: C'est un tête-à-tête d'opinions scientifiques; ce n'est absolument pas ça. Je mets au défi le parti au pouvoir comme l'Opposition ou la CSST de mettre ce document dans les mains d'investigateurs américains ou suédois. Je travaille présentement avec l'IRSST sur les problèmes de dos, justement, pour le contrat de la CSST. Qu'on le soumette, qu'on le fasse voyager. C'est ce que la CSST aurait dû faire avant d'avaler ça tout rond. Je conteste énormément la compétence du bureau médical de la CSST qui a laissé passer un document aussi pourri scientifiquement. Jamais, comme scientifique, je n'accepterai, à moins qu'on ne me le prouve, que ce document ait une certaine validité, si ce n'est que pour dire que les travailleurs sont maltraités au Québec, ce qui est encore vrai.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, M. Bélanger. M. le ministre.

M. Fréchette: Merci. Quant à moi, je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Cette histoire du rapport Duranceau me fait penser que, lorsqu'on essaie de dire que la moyenne des grandeurs d'une tête, c'est 7 1/8 pour un chapeau, tout le monde devrait porter la même grandeur de chapeau ou bien que des personnes qui ont des têtes carrées devraient porter des chapeaux ronds parce que c'est ce qui est prescrit dans des documents.

Le 11 mai, à l'étude des crédits, on a interrogé le ministre sur la question des dossiers de la physiothérapie et il a passé la parole au juge Sauvé qui disait: II est incroyable que, pour une même blessure, on ait entre 40 et 240 traitements au Québec. Il est incroyable que nous ayons plus de traitements de physiothérapie payés par la CSST que l'ensemble du Québec par la RAMQ. C'est clair, il y a de l'abus. Vous l'avez déjà fait, M. Bélanger, mais pourriez-vous être un peu plus explicite? Lorsque

quelqu'un vous est référé, comment peut-on s'en tenir à un nombre moyen de traitements? Est-ce raisonnable? Venant du monde de l'éducation, je sais qu'on a toujours traité les enfants comme des individus, que chacun est traité individuellement. Je présume - je ne suis pas un spécialiste dans le domaine - que les blessures ne sont pas toujours les mêmes.

Le Président (M. Blouin): Mme Girard.

Mme Girard: M. le député, si on passe à cette accusation qu'il y a surabondance de traitements, je vais laisser Mme Hamel répondre. (17 h 45)

Mme Hamel (France): Si l'on regarde les statistiques de la CSST, notamment dans le document de cet organisme qui s'appelle: la Physiothérapie et la Commission de la santé et de la sécurité du travail, on a des nombres moyens de traitements qui sont de cet ordre-là et c'est un abus, effectivement, s'il y a des traitements qui sont donnés à ce rythme. On est allé vérifier dans les milieux cliniques ce qui se passait en réalité, avec des noms de patients et des nombres de traitements, et les données réelles sur les traitements dispensés s'éloignent largement des données contenues dans les rapports de la CSST. Très largement.

Par exemple, ce matin, on a fait une vérification. Un travailleur était vu en jours de traitement de physiothérapie dans un rapport de la CSST. Effectivement, il avait été vu six fois en traitement, 6 jours sur les 98 qui sont compilés dans les statistiques de la CSST.

Les raisons de cet écart, on a tenté de les identifier. Notamment, à partir du moment où un médecin traitant fait une référence en physiothérapie, il y a déjà un délai entre le moment où la prescription est faite et celui où la personne est reçue dans un service de physiothérapie. S'il y a des listes d'attente, le patient peut attendre encore quelques jours avant de recevoir ses traitements, mais c'est encore compilé à la CSST comme des jours de traitement.

D'autre part, dans certains milieux cliniques, le patient qui arrive en physiothérapie doit voir un spécialiste au préalable. À ce moment, l'accidenté peut se retrouver sur une liste de six mois - cela peut aller jusqu'à six mois et peut-être plus - de ce médecin spécialiste et c'est encore compilé comme des jours de traitement en physiothérapie. Une fois qu'il voit le médecin, celui-ci peut juger opportun d'utiliser un traitement médical: les anti-inflammatoires, infiltrations, etc., et il retourne chez lui. Ce sont encore des jours de traitement en physiothérapie et une fois qu'on décide de l'envoyer en physio, là, ce sont des soins réels qu'il reçoit pendant peut-être quinze, vingt traitements et cela n'excède pas nécessairement ce qui existe en Ontario. Nous n'avons pas de chiffres exacts là-dessus, par exemple.

Une fois que le patient est amélioré ou guéri et que l'on discontinue les traitements de physiothérapie, il doit retourner à son médecin parce qu'il est prévu que c'est son médecin qui donne congé. Il peut y avoir deux ou trois semaines d'écart entre la fin des traitements et le retour chez le médecin. Ce sont encore des jours de traitement en physiothérapie dans les statistiques.

Une fois que le médecin décide que ça y est, il n'a plus besoin de traitements, il fait son rapport à la CSST et, encore là, il peut y avoir un délai de deux à trois semaines avant que le dossier ne soit plus actif à la CSST.

Lorsqu'on parle de surconsommation, il y a des raisons qu'on ne peut identifier. Notamment, dans les contrats de la CSST, on exigeait que les travailleurs accidentés soient vus cinq jours par semaine pour des traitements et ce n'est pas nécessairement le cas, pour des mêmes conditions, pour des clients de la RAMQ, et ce n'est pas nécessairement justifié.

Également, à cause de certaines lourdeurs administratives, un patient qui est en attente de chirurgie, qui connaît très bien ses exercices, qui pourrait très bien les pratiquer chez lui et maintenir la forme avant de recevoir sa chirurgie, pourrait voir son indemnisation coupée à la CSST. Alors, on le maintient en traitement cinq jours par semaine. Ce peuvent être des raisons de surconsommation.

Aussi, certains travailleurs sont suffisamment bien pour reprendre un travail léger, mais, à cause du manque de souplesse du système, ils doivent reprendre un travail lourd. Ils ne peuvent pas retourner au travail de façon progressive. Alors, ils sont vus de façon prolongée en physiothérapie.

Lorsque certains cas ne s'améliorent pas et qu'ils retournent également voir leurs médecins à la régionale de la CSST, il arrive que, même si on atteint nos limites, on les retourne en physiothérapie pour des sessions de trois ou quatre semaines, de façon répétée. C'est peut-être alors de la surconsommation des services de physiothérapie.

Aussi, lorsqu'on amène sur la place publique le fait que les traitements de physiothérapie coûtent cher, ce ne sont peut-être pas nécessairement les traitements de physiothérapie qui coûtent si cher que cela; lorsqu'on a un système informatique qui chapeaute des délais, il faudrait faire la différence, je crois bien.

Mme Girard: Essentiellement aussi, il y a certains milieux, surtout dans les grands

hôpitaux des centres urbains comme Montréal et Québec, où, aussitôt que le travailleur est référé par son médecin traitant pour physiothérapie, le règlement stipule qu'il faut qu'il soit vu par un spécialiste avant. Je pense que Mme Tremblay peut vous expliquer la différence, que la CSST n'est pas encore capable de faire, entre ce qui concerne la physiothérapie comme traitement et tout le reste qui est autour.

Mme Tremblay (Lise): En somme, il existe deux attentes pour la physiothérapie. Mais on a toujours donné le nom de physiothérapie pour tout patient qui attendait pour finir par aboutir en physiothérapie. Mais nous avons insisté auprès de la commission pour qu'elle fasse la différence entre une attente pour voir un médecin spécialiste et une attente pour être vraiment traité en physiothérapie. Le patient qui attend pour voir le médecin spécialiste n'est pas connu du physiothérapeute. Alors, comment peut-on dire qu'à ce moment-là, il attend sur la liste de la physiothérapie? Je peux très bien comprendre, cependant, que, pour la CSST, ce qui est important, ce n'est pas où est l'attente, c'est qu'il y ait une attente, parce que les coûts sont importants à ce moment-là. Mais, pour nous, il est quand même important qu'on identifie l'endroit où est le problème si on veut apporter les correctifs nécessaires. Quand même on nous dirait: Vos patients... Et c'est devenu à ce point une pensée commune que j'ai rencontré des gens, ce matin, qui m'ont dit: Ah, à la physiothérapie, il y a des attentes épouvantables! J'ai des exemples d'hôpitaux à Montréal où présentement il n'y a pas d'attente; on n'a même pas suffisamment de patients. L'hôpital Notre-Dame de Montréal a un contrat de 75 patients de la CSST quotidiennement. Vendredi, il y en avait seulement 29 en traitement. L'hôpital et le service ont le personnel pour les traiter, mais nous ne pouvons malheureusement pas traiter un patient avant de le connaître.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

Mme Girard: J'aimerais aussi qu'on continue cette réponse, M. le député. Je vais demander à Mme Tremblay de vous expliquer ce qui arrive avec les nouvelles politiques, avec leur autorisation avant de commencer le traitement, parce qu'il me semble qu'on saute le poêle et qu'on tombe dans le feu, actuellement.

Mme Tremblay: J'avais compris que cette nouvelle politique d'autorisation avait été faite pour justement mieux contrôler les traitements de physiothérapie et sûrement diminuer l'attente. Dans le concret, c'est l'inverse qui se produit. Les bureaux régionaux... Ce ne sont peut-être pas tous les bureaux régionaux, mais en tout cas ceux des grands centres; Montréal est quand même un bureau régional très important où il y a une grosse proportion de la clientèle de la CSST de la province. Au moment où les politiques sont sorties, les procédures n'ont pas eu l'air de suivre de très près. Car lorsque nous, pour respecter les politiques, demandions des demandes d'autorisation pour 80% de nos patients - puisqu'on doit avoir des autorisations pour les pathologies vertébrales - on nous répondait qu'on n'était pas prêt à répondre à ses propres politiques. Et c'est à ce point complexe que, d'une région à l'autre, les politiques diffèrent.

En somme, si on regarde le communiqué de presse, c'était très clair, les politiques étaient clairement énoncées. Par contre, l'interprétation se fait d'une façon différente d'un endroit à l'autre. On a la grande région de Montréal, Laval et la rive sud. On en est rendu, nous, dans la cuisine. Et vous allez me dire que la cuisine, ce n'est peut-être pas très important, mais c'est le travailleur qui la paie, la cuisine, parce qu'il doit attendre encore plus à cause de cette cuisine. Alors, quand on reçoit la requête d'un patient, on regarde son adresse et on dit: Ah, il vient de Laval, ils sont organisés, ils peuvent nous autoriser; il vient de Montréal, peut-être qu'ils ne seront pas capables; il vient de la rive sud, ils sont en train de penser qu'ils devraient être capables de le faire. Alors, c'est un peu un fouillis, dans le sens qu'avec ces nouvelles politiques... En somme, ce ne sont pas que les politiques, ce sont les procédures. On espérait beaucoup de ces procédures. Quand les politiques sont sorties, en septembre, on avait dit à des journalistes qui nous avaient interviewés qu'on attendait les procédures pour voir si ce serait applicable. Mais on en est aujourd'hui au 13 décembre. Si les procédures sont sorties, on n'en a pas la preuve, quotidiennement, dans nos milieux.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Tremblay. M. le député de Viau.

M. Cusano: Vous avez dit que les politiques n'étaient pas les mêmes partout et vous avez cité les trois régions, c'est-à-dire Laval, Longueuil et Montréal. Est-ce que vous en avez avisé la CSST et quelles mesures ont été prises, ou savez-vous s'il y a eu des mesures prises de la part de la CSST pour s'assurer, au moins, que les directives émises - elles sont assez longues -sont appliquées uniformément dans les trois régions que vous connaissez?

Le Président (M. Blouin): Mme

Tremblay.

Mme Tremblay: Je ne sais pas si cela fut fait par la CSST. Ce que je sais, par

exemple, c'est qu'à maintes reprises nous avons expliqué les difficultés que nous vivions au bureau quand on appelait pour les autorisations.

M. Cusano: Au bureau régional.

Mme Tremblay: Aux bureaux régionaux.

Mme Girard: II faut appeler pour une autorisation. Je ne sais pas si vous savez la perte de temps que cela cause.

Mme Tremblay: C'est à ce point lourd qu'on donne un tout petit papier aux patients, sur lequel, le médecin a inscrit le diagnostic et les traitements suggérés. Le patient doit se rendre au bureau régional le faire approuver.

Comme mon rôle est de traiter des malades, je me dis que je ne peux pas me permettre de m'asseoir et d'attendre. Peut-être qu'un jour, ils vont me revenir ces patients, parce qu'on les perd, à un moment donné. On est obligé d'appeler le patient pour s'assurer qu'il est bien allé porter son petit papier au bureau régional. À ce moment, il nous dit: Oui, je suis allé. Par la suite, j'appelle le bureau régional qui me dit: On est en train de l'étudier ou le dossier est en voûte - cela est un jargon très CSST - ou il est sur le bureau d'un agent ou il est à l'étude ou il est n'importe où. En tout cas, on n'a pas toujours de la facilité à le récupérer. Alors, à ce moment, j'insiste toujours pour leur dire: II est important que vous nous avisiez parce que le patient, s'il n'est pas reconnu par la CSST, je vais devoir le traiter comme patient de la RAMQ parce qu'on nous a demandé de le traiter. C'est à ce point lourd qu'on doit courir après les malades, non pas parce qu'ils n'existent pas, ils sont bien là, mais on n'arrive pas à les récupérer.

Ils sont au courant qu'on a des difficultés et ils sont également au courant au siège social de la CSST à Québec.

Le Président (M. Blouin): Mme Tremblay, cela va? M. le ministre, en concluant.

M. Fréchette: Oui, M. le Président. Je voudrais revenir, avec votre permission, sur une observation qui a été faite par Mme Hamel qui a parlé de la surconsommation des traitements de physiothérapie. J'ai cru comprendre que vous avez dit qu'une moyenne variant entre 40 et 240 traitements de physiothérapie était effectivement exagérée si telle était la situation.

Dans la même veine - et c'est là-dessus que j'apprécierais obtenir des précisions de votre part parce que c'est une affirmation sérieuse et importante de conséquences que vous avez faite - est-ce que j'ai bien compris que vous avez dit que, s'il arrivait que dans un cas il y ait, par exemple, avant que ne débutent les traitements, une période de six mois d'attente ou, alors, oublions la longueur de la période, est-ce que vous avez dit que, pendant la période d'attente, on comptabilisait qu'il y avait eu des traitements de physiothérapie, donc des paiements pour des traitements de physiothérapie même s'il n'y en a pas eu? Est-ce que c'est cela qu'on doit comprendre de votre observation? (18 heures)

Mme Hamel: Oui, s'il y a six mois d'attente mais que des traitements de physiothérapie ont déjà été prescrits...

M. Fréchette: Oui, mais pas donnés.

Mme Hamel: ...et acceptés par la CSST, nécessairement.

M. Fréchette: Oui, mais pas donnés au patient. Vous dites qu'ils sont comptabilisés et payés, donc...

Mme Hamel: C'est-à-dire que les traitements ne sont pas payés, ce sont les journées d'indemnisation, parce que les jours-traitements sont en fait des jours d'indemnisation au travailleur.

M. Fréchette: Alors, je vais vous poser ma question autrement. Est-ce que ce serait correct de dire que les traitements de physiothérapie qui sont payés sont ceux qui sont effectivement donnés au patient?

Mme Hamel: Oui.

Mme Girard: Non, les traitements en général, excepté pour des problèmes internes à la CSST... Quand un patient est traité, la réclamation est faite par l'hôpital pour la physiothérapie.

M. Fréchette: Oui.

Mme Girard: Mais aussitôt que le patient a un papier en main qui dit qu'il a besoin de physiothérapie, son incapacité totale temporaire qui était payée par la réparation de la CSST est mis sous le chapeau de la physiothérapie. Donc, les coûts de la physiothérapie comprennent les traitements et comprennent aussi l'indemnisation.

M. Fréchette: Vous comprenez que je voulais clarifier cette situation parce que, de toute évidence, j'avais mal compris l'explication que Mme Hamel avait donnée et je ne voulais pas qu'on reste avec cette impression, personne.

Mme Girard: Je pense qu'il faudrait ajouter une chose ici. C'est que la CSST a fait un investissement très important dans la physiothérapie depuis six ou sept ans et certainement que cela a aidé énormément à ouvrir la réadaptation au Québec. Il y a plusieurs hôpitaux qui ont pu engager du personnel, qui ont pu acheter de l'équipement et améliorer les lieux physiques avec les revenus provenant de la CSST. J'ai été chef d'un service qui a profité de cet aspect. Nous avons engagé du personnel pour traiter les travailleurs accidentés et cela nous a permis d'avoir un équipement hors pair, d'avoir des lieux physiques adéquats et de faire beaucoup plus de réadaptation. Le problème était qu'en région les services hospitaliers ont essayé de répondre aux besoins de la CSST, mais un certain nombre d'hôpitaux a vu dans la CSST une façon d'avoir un revenu qui, il ne faut pas l'oublier, n'est pas rapporté au ministère des Affaires sociales. Ce revenu reste à l'hôpital sans aucune obligation de le rapporter comme revenu, parce que le ministère voulait que ça aide au développement de la réadaptation dans le milieu. Il y a des hôpitaux qui n'ont ouvert des cliniques externes en physiothérapie que pour la CSST, et ne répondant aucunement aux besoins de la population en général, ce qui est leur mission. Donc, si vous aviez une hémiplégie et que vous étiez dans un hôpital, pendant que vous étiez hospitalisé, vous aviez peut-être le traitement de physiothérapie, mais aussitôt que vous sortiez, vous n'aviez plus de traitement parce que c'étaient seulement les cas externes de la CSST qui étaient traités.

Je sais bien que les hôpitaux ont la liberté de choisir où développer des services et des programmes, mais il y a aussi des déviations, comme M. Sauvé qui a changé le système privé pour aller au système public. Le manque de contrôle, le manque de sophistication de l'analyse des statistiques, du contrôle des dépenses de la CSST ont fait que cela a pris plusieurs années. Malgré nos revendications, parce que nous vivions les problèmes localement dans tous les services, on ne pouvait jamais se faire entendre par la CSST. Il y avait des déformations dans le système aussi. Dans mon hôpital, j'ai vécu le moment où, quand les compressions budgétaires sont devenues très fortes, on a coupé du personnel attaché aux hospitalisés et on nous a dit clairement de faire plus d'argent avec la CSST.

Il n'y a pas eu une collaboration et une coordination entre toutes les personnes impliquées dans le dossier et il me semble que la CSST a le devoir et la responsabilité de voir à ce que toutes les personnes impliquées répondent aux besoins du travailleur accidenté et, pour moi, c'est là que sa mission et son but ont disparu quelque part dans le décor. Je sais que le sous-ministre Jean-Claude Deschênes, au ministère des Affaires sociales, a demandé un rapport spécifique sur les problèmes qu'il y a avec la CSST dans le système public. Ce rapport a été déposé, je crois, lundi par un des fonctionnaires du ministère des Affaires sociales, avec des recommandations très fortes, j'en suis convaincue, pour augmenter cette coordination et cette collaboration. D'une part, nos relations sont très difficiles avec la CSST, parce que, depuis juin, on a eu une collaboration extraordinaire sur certains points. Mais nous sommes toujours handicapés par d'autres points dans les politiques, parce que nous ne sommes pas capables de comprendre les difficultés et les déviations du rapport Duranceau, le manque de procédure, la lourdeur administrative. M. Chartrand a parlé d'appels téléphoniques. Savez-vous qu'en 18 mois, je n'ai jamais pu rejoindre le bureau régional de Montréal par téléphone, pas une seule fois? Je passe par le siège social de la CSST pour passer des messages maintenant, parce que c'est impossible de le rejoindre. On a fait un relevé la semaine dernière de tous les services de physiothérapie de la province qui ont des patients de la CSST pour demander quels problèmes sont réglés selon les anciennes politiques et les problèmes qui sont vécus de nouveau. Les plaintes sont toujours les mêmes. On dit: Pourquoi ce patient ne peut-il pas recevoir quelques traitements d'électrothérapie pour sa douleur, ce qui m'empêche de faire tout autre traitement? Pourquoi doit-il attendre 21 jours? Pourquoi dois-je constamment appeler le bureau régional pour des autorisations? Pourquoi le bureau régional, pour mes patients qui sont suivis par les médecins et les spécialistes de notre hôpital, les transfère-t-il haut la main ailleurs? Pourquoi retourne-t-il le patient au travail quand je dis qu'il ne doit pas le faire? Pourquoi n'a-t-il pas congé quand je dis que c'est nécessaire?

Le Président (M. Blouin): Je comprends que, depuis 18 heures, nous avions le consentement unanime des membres de cette commission de poursuivre au-delà de cette limite. Puis-je vous inviter, si possible, à conclure?

M. Bélanger (Alain): Si je peux me permettre, M. le Président, aujourd'hui, on a été très patient. On vous a vu être très flexible et permettre à certains groupes d'aller un peu plus loin. Je ne verrais pas pourquoi nous devrions aller plus vite. Cela ne veut pas dire pour autant de prendre plus son temps, mais il reste que j'aurais personnellement quelques petites choses à dire et je voudrais faire un commentaire sur ce point. C'est pour rejoindre l'élément qu'on

avait débattu au départ qui est le fameux rapport Duranceau, celui sur lequel la CSST semble baser son nouveau projet de politique. Je dois ici vous informer - vous le savez sûrement au niveau du gouvernement - que la CSST crée présentement un précédent en Amérique du Nord et mondialement, dans le sens que c'est la seule province ou le seul organisme qui ne permet pas à la physiothérapie de s'exercer dans les 21 premiers jours suivant un traumatisme. Je n'aimerais pas que cela soit pris à la légère et le gouvernement aura des comptes à rendre éventuellement à la communauté scientifique à savoir pourquoi, au Québec, les travailleurs sont traités différemment, pourquoi celui qui est enseignant et qui ne va pas à la CSST est traité selon un patron normal et que celui qui travaille dans une industrie est traité d'une autre façon. Je vous le dis tout de suite, ce n'est pas un tête-à-tête scientifique et, une journée ou l'autre, le Québec devra se défendre sur ce point. Je dois vous dire que ce genre de politique a un impact très important au niveau de la formation universitaire, des gens qui sortent des universités et au niveau aussi du travail en équipe qui va se faire, parce qu'on ne traite pas un individu seulement avec un bout d'instrument, on ne traite pas seulement des genoux. Il faut voir ici toute la dimension de cela.

Je dois terminer, si on veut, en disant, M. le ministre, que si cela semble être votre avis ou l'avis de ce que vous représentez et de la CSST que ce document en vaut la chandelle et que c'est un document qui va se tenir, il va falloir que quelqu'un le défende, parce qu'à la fois, la CSST a été juge, a été le demandeur et a été celle qui l'a accepté. Et on sort tout de suite une politique. Je dois dire finalement que, s'il y a une certaine substance scientifique dans ce rapport, j'inviterais la CSST à demander au groupe Duranceau de publier dans les journaux scientifiques ses trouvailles, parce que c'est une trouvaille, M. le ministre. C'est vraiment une trouvaille d'avoir tout à coup, dans 23 références, dans 115 pages, éliminé de la carte un groupe de thérapeutes dans les 21 premiers jours d'une blessure à un travailleur. Que je sache, aucune partie de ce rapport n'a été publiée dans un journal scientifique qui, avant de le publier, va le passer à un régime de critiques. Je sais de quoi je parle, j'en fais moi-même pour les journaux scientifiques. Tant et aussi longtemps... Si les auteurs réussissent à publier ce rapport, cela sera la preuve, pour moi, qu'il a une certaine valeur, mais je crois qu'on a mis la pédale vraiment à fond quand la CSST a pondu des politiques en s'assoyant directement là-dessus. J'espère qu'ils sont bien assis, mais j'en doute fortement.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bélanger. Mme Girard.

Mme Girard: Je dois terminer en disant qu'on veut écrire et apporter nos recommandations à la commission parlementaire. Je crois que c'est le moment où il devrait y avoir beaucoup de changements à l'intérieur de la CSST. Nos doléances ne sont qu'une petite partie de ce qui se passe; après avoir entendu le peu qui s'est dit aujourd'hui, il y a des changements à faire. Vous avez posé la question, M. le ministre: Par quoi la remplacerez-vous?

Les Workmen's Compensation Boards, surtout dans un système socialisé comme celui qu'on a au Canada, doivent exister. Il y a des modèles qui ont réussi. La commission a fait plusieurs missions dans d'autres pays. Cela fonctionne dans d'autres endroits au Canada. Nous avons puisé tout le temps dans les expériences de nos collègues, à travers le Canada, en vue de vous faire des suggestions, tout comme nous l'avons fait en 1976.

Je crois qu'il y a moyen de faire fonctionner le système. Mais il faut un changement de fond en comble de comportement, d'attitude et d'efficacité en matière de management de la part de la CSST pour rendre justice aux travailleurs accidentés, surtout dans les services de santé.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Girard, Mme Tremblay, Mme Hamel, MM. Bélanger et Marcoux. Sur ce, je vous signale que nous reprendrons nos travaux à 20 heures, avec le Mouvement d'aide aux accidentés du Québec Inc. La commission élue permanente du travail suspend donc ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 12)

(Reprise de la séance à 20 h 10)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre! La commission élue permanente du travail reprend ses travaux. Je vous rappelle brièvement le mandat de cette commission, qui est d'examiner l'administration et le fonctionnement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Nous allons maintenant accueillir à la table des invités le Mouvement d'aide aux accidentés du Québec Inc. Je demande donc aux représentants de cet organisme de bien vouloir venir s'asseoir à la table. Pour les fins du journal des Débats, je vous invite à vous présenter, ainsi que ceux qui vous accompagnent et à nous livrer - vous connaissez les contraintes que nous devons respecter - en une vingtaine de minutes le contenu de votre intervention.

Mouvement d'aide aux accidentés du Québec Inc.

M. Guay (Rosaire): Une vingtaine de minutes?

Le Président (M. Blouin): Si possible, oui.

M. Guay (Rosaire): Quand on a donné trois heures aux autres, c'est agréable! Je regrette, M. le Président, mais nous n'avons été convoqués que vendredi soir et nous n'avons pas pu préparer de mémoire pour présenter à cette commission. J'ai apporté des documents que j'ai communiqués à une de vos représentantes sur le sujet dont je voulais discuter. Je ne reprendrai pas le discours de M. Chartrand...

Le Président (M. Blouin): Avant que vous poursuiviez, vous êtes M. Rosaire Guay?

M. Guay (Rosaire): Oui, Rosaire Guay, et je vous présente mon adjoint, M. Claude Magnan.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

M. Guay (Rosaire): Je suis le président du Mouvement d'aide aux accidentés du Québec Inc. Je dois féliciter M. Chartrand pour son intervention, parce qu'il a fait le tour. Il y a seulement trois sujets dont il n'a pas parlé d'abord, la réadaptation sociale. Il en a parlé, mais sans aller au fond de l'histoire pour voir comment se comporte la CSST devant la réadaptation sociale. On a discuté des bureaux de révision, mais on n'a pas discuté de la forme que prenaient les bureaux de révision. Je me demande s'il y a deux justices. Est-ce qu'il y a deux poids dans la justice de la CSST, soit devant les bureaux de révision ou devant la commission? Je reviendrai plus tard sur le sujet.

Au début, je vais vous parler de la réadaptation sociale. Quand un bonhomme a eu un accident et qu'il a été opéré pour une hernie discale, lombaire, L-4, L-5, dans un genou ou dans une épaule et qu'on l'envoie à la réadaptation sociale, le directeur de la réadaptation sociale essaie de rentrer dans la tête de l'accidenté qu'il ne faut pas déclarer son accident de travail. Il réunit une dizaine d'accidentés; il dit à un: toi, tu vas faire le patron; les autres, vous viendrez demander une "job", mais il ne faut pas que vous dévoiliez que vous avez subi un accident du travail et que vous êtes blessés. Je trouve cela écoeurant. Je trouve cela absurde; je trouve qu'il est dégoûtant d'agir de la sorte avec des êtres humains. Ce sont des accidentés et ils sont obligés de cacher leurs blessures comme je serais obligé de cacher ma jambe si je pouvais la cacher. Je trouve cela affreux. Je voudrais, M. le Président,

M. le ministre, que ces indécences, ces saloperies, ces "écoeuranteries" cessent concernant la réadaptation sociale. Je trouve cela absurde. Je vous le répète, je trouve cela épouvantable. Nous sommes un mouvement qui compte en gros, heureusement, 5000 membres. Je vous assure qu'on en reçoit tous les jours, des doléances des accidentés qui se font matraquer en réadaptation sociale. Je demande que ce soit une chose qui cesse immédiatement. Je continuerai à faire de la publicité contre ce régime. C'est un régime de terreur.

Je veux également vous parler des médecins de la CSST, des médecins choisis par la CSST qui sont des êtres inhumains, et c'est le mot juste. Ce sont des êtres inhumains, les médecins examinateurs de la CSST. Si je pouvais vous en nommer, je le ferais. Si j'avais le droit de vous en nommer, je vous en nommerais. On a des preuves que certains ont fraudé les accidentés dans leur droits. Un accidenté n'a pas seulement à supporter ses douleurs physiques, mais aussi ses douleurs morales, mentales. Bien des séparations se font par rapport à cela. Il y a des gars qui perdent leur maison. D'autres perdent leur commerce. Certains perdent leur "job". D'ailleurs, il n'y a pas un employeur, M. le ministre, qui veut reprendre un accidenté du travail. Si on le reprend, c'est pour le congédier après un an. Nous avons la preuve de cela.

Parlons des bureaux de révision de la CSST. Les bureaux de révision de la CSST sont une cour administrative aussi bien que la Commission des affaires sociales. Étant donné que les représentants des bureaux de révision de la CSST sont payés par la CSST, ils deviennent juge et partie. Les médecins qui siègent là, les avocats qui siègent au bureau de révision sont comme pris dans un étau. Ils ont eu des ordres de la haute direction, du président ou de ses adjoints. Ils doivent passer par les recommandations qu'ils ont reçues. Encore là, nous avons des preuves de cela. Je vais vous en faire une nomenclature très petite, car je n'étais pas pour traîner tous nos dossiers ici, M. le Président.

Vous avez un dossier de la CAT, AT-10444. La Commission des accidents du travail et son bureau de révision n'ont pas voulu accorder plus de 3% d'incapacité partielle permanente, IRPT comprise, selon l'article 38.4. On a fait examiner cet accidenté chez un de nos experts, et il a accordé à l'accidenté 65%. C'est là que je me pose la question: Quelle différence y a-t-il entre la Commission des affaires sociales et le bureau de révision qui sont deux cours administratives? On passe devant la Commission des affaires sociales et l'appel a été accueilli en entier. Entre 3% et 65%, il y a une différence.

Le 18 septembre 1981, on a eu la

cause d'un bonhomme qui ne pouvait plus marcher sans porter deux cannes. Il avait été opéré dans la colonne vertébrale. Le numéro de dossier de la CAS, AT-10291. La Commission des accidents du travail et ses médecins experts lui ont accordé 18% d'incapacité partielle permanente. Notre expert lui accorde 100%. La personne marche avec deux cannes. Le 13 avril 1981, la Commission des affaires sociales dans son dernier paragraphe disait ceci: Pour tous ces motifs, la commission accueille l'appel, infirme la décision du bureau de révision de la mise en cause, évalue le taux de diminution de capacité de travail de l'appelant à 100% dont 43% de déficits anatomophysiologiques, la balance entièrement en IRT.

Je ne comprends pas qu'un expert puisse en démentir six qui ont passé sur le même bonhomme. Mais il y avait des directives données par la CSST. C'est impossible - je ne le croirai jamais - que de 18%, on passe à 100%.

J'ai un autre cas ici. C'est une dame professeure qui a eu un accident de travail. Cette cause a été plaidée à Sainte-Foy le 9 juin 1983. C'est récent. Ce n'est pas d'il y a cinq ans. La Commission de la santé et de la sécurité du travail lui accordait 5%. Cette personne a eu deux opérations dans la colonne vertébrale. Un expert médico-légal accordait ceci à cette même accidentée. Je vais en lire le contenu: "Compte tenu de ces divergences et d'une certaine possibilité pour l'appelante de trouver, malgré tout, un emploi adapté à sa condition en raison de ses ressources personnelles et de son âge peu avancé, la commission considère adéquat de lui reconnaître une diminution de capacité de travail de 75%. Il y a une différence de 70%.

C'est encore la même commission, une autre commission administrative. Pour quelles raisons cette personne a-t-elle été obligée d'attendre deux ans avant de passer devant la Commission des affaires sociales? Pendant ce temps, cette personne végétait comme tous les autres accidentés. Cela prend au moins trois ans avant qu'un cas soit réglé devant la Commission des affaires sociales, et parfois même plus. Pendant ce temps, qu'est-ce que la Commission des accidents du travail fait? Elle charrie mon gars d'un bord et de l'autre et lui dit: Va travailler. Elle lui donne un paquet de coupons long comme cela et il faut que l'employeur, que l'accidenté va voir, signe son nom en bas ou qu'il mette son estampille. Pendant ce temps-là, le gars dépense de l'essence - vous savez comme elle est bon marché, l'énergie - et il n'a pas une maudite "cenne" au bout de la semaine. Il a tout dépensé.

M. Chartrand vous a très bien dit ce que c'était la CSST, cet après-midi; dans ses termes colorés à lui, il vous l'a très bien dit. Et je le félicite d'avoir, au moins, le courage de ses paroles et de ses actes.

On a une autre décision ici, où la Commission des accidents du travail refusait d'accepter l'individu comme un accidenté du travail, comme ayant droit aux bénéfices de la loi. Cela a été plaidé. On a eu la réponse le 08 du 11 1983. La décision: "Considérant qu'au cours de son témoignage l'appelant a démontré qu'il était dans l'incapacité de travailler à cause de ses douleurs, qu'il a consulté à cet effet son médecin et un acupuncteur, qu'il a soumis des rapports médicaux à cet effet, la commission estime qu'il est raisonnable de prolonger sa période d'incapacité totale temporaire du 12 novembre 1980 au 29 avril 1981. On en a des décisions comme cela, on en est rempli.

La journée a été très lourde pour vous comme pour moi. Je demande tout simplement une chose: Qu'on cesse de jouer avec les accidentés, qu'on cesse de les écoeurer, qu'on cesse de leur dire de ne pas montrer leurs bobos. C'est un jeu d'enfant. Les gars viennent nous voir et ils sont tous découragés; ils en braillent. Je demande que les bureaux de révision - s'ils demeurent tels quels, si cela ne devient pas une autre cour et s'ils ne sont pas payés par le ministre de la Justice - disparaissent parce que, premièrement, l'attente qu'on a avant de passer devant le bureau de révision, cela peut aller jusqu'à un an. Et c'est prouvé; en tout temps je peux vous le prouver. Je demande que, si des patients ont des prescriptions médicales par des orthopédistes pour aller en physiothérapie ou en ergothérapie, celles-ci soient respectées, parce qu'on les refuse carrément, actuellement. On a des documents médicaux chez nous qui nous montrent qu'on a écrit à M. Robert Sauvé pour avoir l'autorisation d'opérer un individu. S'il y avait urgence, M. Sauvé n'est pas toujours là...

Je demande que toutes ces choses soient corrigées et que, si des individus ne sont pas capables de travailler parce qu'ils sont blessés, la CSST les paie. Elle a assez de revenus pour pouvoir les payer, entre vous et moi. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Guay. M. le ministre. (20 h 30)

M. Fréchette: Alors, moi aussi, M. le Président, je veux remercier M. Guay de son intervention et des recommandations qu'il a faites à la commission. J'ai particulièrement retenu qu'il avait illustré toute son argumentation à partir de cas particuliers qu'il a vécus, dans lesquels il a occupé pour des accidentés. Je crois également comprendre, M. Guay, que la chemise que vous nous avez remise contient des décisions qui ou bien sont celles auxquelles vous nous avez référés ou bien pourraient s'ajouter à

celles auxquelles vous nous avez référés.

Je retiens également, comme une partie importante de vos représentations, que vous faites vôtres à peu près toutes les remarques qui nous ont été formulées aujourd'hui, particulièrement cet après-midi par M. Chartrand. Il me semble que vous endossez son mémoire et ses représentations sans aucune espèce de réserve. C'est ce que je retiens aussi.

Quant à moi, je voudrais vous poser quelques questions préliminaires sur votre organisme comme tel, si vous n'y aviez pas d'objection.

M. Guay (Rosaire): Je n'ai aucune objection.

M. Fréchette: II y a à l'intérieur de votre mouvement 5000 personnes, n'est-ce pas?

M. Guay (Rosaire): Environ 5000 personnes.

M. Fréchette: Environ 5000 personnes. Est-ce que vous pourriez nous dire depuis quand votre organisme existe?

M. Guay (Rosaire): Depuis le 16 mai 1978.

M. Fréchette: Je ne sais pas si vous seriez disposé à le faire, mais il y a un groupe, aujourd'hui, qui a accepté de faire cette démarche. Est-ce que vous pourriez, d'ici janvier, faire le résumé de ce que vous venez de dire et le mettre par écrit...

M. Guay (Rosaire): Certainement.

M. Fréchette: ...pour ensuite l'envoyer à la commission? C'est un outil qui pourrait nous être utile dans l'évaluation de toutes les remarques qui nous auront été faites, dans l'évaluation des positions de chacune des parties que nous avons entendues.

Pour revenir de façon plus précise à une bonne partie de votre argumentation, sinon toute, je passe l'aspect de la réadaptation dont vous nous avez parlé au tout début...

M. Guay (Rosaire): Mais il ne faut pas le passer, M. le ministre.

M. Fréchette: Non, non. Mais j'y reviendrai, si vous voulez.

M. Guay (Rosaire): Ah bon! Parfait.

M. Fréchette: Je vais aller à la deuxième partie de votre intervention. Vous avez plaidé avec beaucoup de force et d'insistance sur le fait qu'autant les bureaux de révision que la Commission des affaires sociales étaient des cours administratives, pour utiliser votre expression. J'ai même cru comprendre, M. Guay, que vous seriez un de ceux qui souhaiteraient - je pèse bien le mot que je vais utiliser - la disparition pure et simple des bureaux de révision.

M. Guay (Rosaire): II faut s'entendre, M. le ministre. J'ai bien dit que, si les bureaux de révision restaient tel quels, ils ne sont d'aucune utilité.

M. Fréchette: C'est dans ce sens que je l'avais compris aussi. C'est évident que, si les bureaux de révision doivent rester ce que vous nous avez dit qu'ils étaient...

M. Guay (Rosaire): Oui.

M. Fréchette: ...pour vous, cela ne fait pas de doute qu'ils doivent disparaître.

M. Guay (Rosaire): Ils doivent disparaître parce que c'est une perte de temps que d'attendre que les bureaux de révision nous appellent pour décider sur une cause. Par exemple, je vais vous citer un bonhomme qui a une aggravation consécutive à un accident. Cela va prendre quatre, cinq ou six mois avant de l'entendre pour savoir si c'est bien vrai qu'il a eu une aggravation. Même s'il y a des rapports médicaux - vous vous souvenez sans doute de la sortie de M. Sauvé - je vous assure que, même devant les bureaux de révision, bien souvent on va les refuser.

M. Fréchette: Je retiens donc votre position qui, quant à moi, est fort claire: ou bien il y a un changement total d'orientation, de vocation de cette institution qui s'appelle le bureau de révision ou alors il doit disparaître.

M. Guay (Rosaire): De façon définitive.

M. Fréchette: Particulièrement à cause des délais. Une des raisons fondamentales, c'est la question des délais et peut-être aussi la question de la philosophie qui animerait ces institutions.

M. Guay (Rosaire): Ce serait surtout, en fait, pour la philosophie et exactement pour les délais aussi.

M. Fréchette: Les délais aussi? Maintenant, M. Guay, quand vous avez associé les deux organismes, les bureaux de révision et la Commission des affaires sociales, en les identifiant tous les deux comme des cours administratives, est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous souhaiteriez que le même sort soit réservé à la Commission des affaires sociales?

M. Guay (Rosaire): Non, M. le ministre. Je vous ai donné la preuve, M. le ministre, de ce que les bureaux de révision faisaient et de ce que la Commission des affaires sociales fait.

M. Fréchette: Bien oui. C'est cela que je veux essayer de clarifier un peu, M. Guay, avec vous, si vous me le permettez, aussi calmement que c'est possible de le faire.

M. Guay (Rosaire): Oui.

M. Fréchette: J'ai cru comprendre - et, encore une fois, n'hésitez pas à m'interrompre si je ne suis pas juste dans l'interprétation de votre argumentation - que vous aviez carrément identifié les bureaux de révision et la Commission des affaires sociales comme étant tous les deux des cours administratives, donc présentant les mêmes inconvénients.

M. Guay (Rosaire): À l'exception de la Commission des affaires sociales.

M. Fréchette: Bon.

M. Guay (Rosaire): Je vous ai expliqué, M. le ministre, que les bureaux de révision de la CSST avaient un patron, M. Sauvé, et qu'ils avaient des directives à suivre. D'ailleurs, ils nous l'avouent eux-mêmes: On a des directives à suivre. Quand on passe devant les bureaux de révision, ils nous l'avouent. Pour la Commission des affaires sociales, ce n'est pas le cas, pas du tout. Elle est capable de décider.

M. Fréchette: Bon. Alors, quand vous faites référence à la Commission des affaires sociales comme étant - et j'utilise encore vos propres termes - une cour administrative, ce n'est pas dans un sens péjoratif que vous le faites?

M. Guay (Rosaire): Non, non, pas du tout.

M. Fréchette: Et vous souhaitez que l'organisme, dans sa structure actuelle, demeure ce qu'il est?

M. Guay (Rosaire): Oui, oui, parce qu'on en est bien satisfait.

M. Fréchette: Bon.

M. Guay (Rosaire): Je parle de la CAS.

M. Fréchette: Oui, oui, on s'entend bien, la Commission des affaires sociales, le tribunal d'appel de la décision du bureau de révision. Je pense qu'on s'entend bien là-dessus.

Une dernière question, M. Guay. Vous faites affaire fréquemment avec des accidentés du travail qui doivent très certainement recourir à votre expérience, à votre connaissance de la loi et des rouages. Est-ce qu'il y a un ou des dossiers sur lesquels vous avez déjà obtenu satisfaction?

M. Guay (Rosaire): Devant la CSST?

M. Fréchette: Dans le rouage ordinaire de l'administration.

M. Guay (Rosaire): Je m'excuse, je n'ai pas entendu.

M. Fréchette: Vous nous avez dit tout à l'heure que votre organisme comptait quelque 5000 membres...

M. Guay (Rosaire): C'est cela.

M. Fréchette: ...que vous consacrez une bonne partie, sinon tout votre temps, à guider des accidentés du travail qui ont recours à vos services à cause de l'expérience que vous avez, de la connaissance de la loi, de la pertinence du travail que vous faites. Ma question est la suivante: Est-ce qu'il vous est déjà arrivé, depuis le temps que vous vous occupez activement de ce genre de dossiers, d'avoir satisfaction dans un, dans deux ou dans plusieurs dossiers à la Commission de la santé et de la sécurité du travail?

M. Guay (Rosaire): Cela nous est arrivé quelques fois, mais très rarement.

M. Fréchette: Je m'excuse, M. Guay. Qu'est-ce que vous avez dit?

M. Guay (Rosaire): J'ai dit que cela nous est arrivé quelques fois, mais très rarement. Je vais vous citer un exemple, M. le ministre, pris dans ces quelques dossiers que j'ai apportés ici. La Commission des accidents du travail accordait au départ, dans le dossier de Mme Élie, 2% de DAP. Alors, on est arrivé avec notre expertise qui en donnait 75%. Là, le bureau de révision a majoré son taux de 2% à 5%. Alors, c'est là qu'on est allé devant la Commission des affaires sociales.

M. Fréchette: M. Guay, je comprends que vous avez des griefs importants vis-à-vis du bureau de révision.

M. Guay (Rosaire): Beaucoup.

M. Fréchette: Votre taux relatif de succès devant le bureau de révision est tout de même passablement impressionnant. Vous avez eu gain de cause dans 62% des dossiers que vous avez soumis au bureau de révision. Est-ce exact?

M. Guay (Rosaire): 62%, je ne pourrais pas vous le confirmer.

M. Fréchette: Non. Est-ce que cela peut être cela?

M. Guay (Rosaire): C'est possible. M. le ministre, je vous expliquais le cas de Mme Élie tout à l'heure. C'est bien simple, l'agent d'indemnisation lui donnait 2%. Elle est allée passer son expertise, on est passé devant le bureau de révision, on lui en a donné 5%. On passe devant la Commission des affaires sociales et on a 75%. Alors, pour si peu, je me demande s'il faut déplacer tout le monde et attendre une éternité. Vous savez qu'avant de passer devant la Commission des affaires sociales cela prend de deux ans à deux ans et demi. Pendant ce temps, l'accidenté attend. On a peut-être eu un fort taux de pourcentage gagné au bureau de révision, mais de petites quantités à la fois, de 1% ou de 2% ou de 3%. J'en ai eu une à 100%.

M. Fréchette: Cela va, quant à moi.

M. Guay, avant de passer la parole à un collègue de la table, je veux simplement vous réitérer l'invitation que je vous faisais au tout début de nous faire parvenir un document écrit qui résumerait la position que vous avez prise devant la commission.

M. Guay (Rosaire): J'attends, M. le ministre.

Le Président (M. Blouin): M. Guay et M. Magnan, à cet égard, je vous signale que les transcriptions écrites de votre témoignage seront disponibles en tout temps. Cela peut vous faciliter la tâche. Donnez-nous quelques jours et, ensuite, vous pourrez les obtenir.

M. Guay (Rosaire): Parfait.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. M. Guay, hier on a entendu le mémoire d'un mouvement qui s'appelle l'ATTAQ et cet après-midi celui de la Fondation d'aide aux travailleurs accidentés, (FATA). Connaissez-vous ces deux organismes?

M. Guay (Rosaire): Je ne peux pas les contester.

M. Polak: Vous êtes d'accord.

M. Guay (Rosaire): Je suis d'accord, je ne peux pas les contester.

M. Polak: Vous travaillez dans le même domaine qu'eux.

M. Guay (Rosaire): Dans le même domaine et je suis parfaitement d'accord.

M. Polak: D'accord. Vous venez de donner des exemples dans votre discours -j'ai pris note de cela - où la CSST et le bureau de révision avaient donné 3%, ensuite à la CAS, c'est devenu 65%, 18% c'est devenu 100%, 5% c'est devenu 75%.

M. Guay (Rosaire): C'est exact.

M. Polak: Pouvez-vous vous expliquer? Dans votre opinion, est-ce que la CAS c'est le Père Noël et le bureau de révision c'est Scrooge parce que nous sommes dans le temps de Noël? Qu'il y a-t-il exactement? Cela est une divergence incroyable.

M. Guay (Rosaire): Je dis tout simplement qu'ils ont des directives à suivre provenant de la haute direction où sont M. Sauvé et tout son groupe. Ils reçoivent des directives qu'ils ne doivent pas donner plus que tant.

M. Polak: Avez-vous une preuve, peut-être même pas totalement légale - il n'y a jamais une lettre sous la signature de M. Sauvé; après tout, c'est un juge qui va dire: Faites telle et telle chose - mais circonstancielle qui peut prouver qu'il y a une directive ou une instruction qui existe? Avez-vous déjà parlé avec des gens qui sont au bureau de révision qui vous ont dit: Que peut-on faire, nous sommes obligés de faire telle et telle chose?

M. Guay (Rosaire): Oui, il y a nos avocats aussi qui sont attachés au mouvement.

M. Polak: Oui.

M. Guay (Rosaire): Ils ont dit tout simplement: On nous a dit qu'on avait une directive à suivre.

M. Polak: Ils l'ont dit.

M. Guay (Rosaire): Ils me l'ont dit, M. Magnan?

M. Magnan (Claude): Souvent.

M. Polak: J'ai entendu dire déjà: M. Guay s'occupe des accidentés, il s'organise pour avoir le médecin de son bord; les avocats, c'est tout arrangé, ils vont exagérer. Savez-vous qu'on ne vous considère pas comme un professionnel? Je n'ai pas de plainte. Je n'ai aucune gêne à vous dire même devant M. Sauvé, qu'un ou deux cas dans mon comté où je ne savais pas quoi faire, je les ai référés à M. Guay. Ils ont des chiffres pas mal plus substantiels de la CAS que du bureau de révision.

(20 h 45)

M. Guay il y a des accusations qui existent à votre endroit. Il n'y a pas de doute qu'on dit que vous êtes dangereux, un charlatan, quelqu'un qui se sert des pauvres victimes d'accident pour arranger cela avec les médecins. Voulez-vous formuler des commentaires en comparant votre organisme avec, par exemple, la FATA, et celui d'hier, l'ATTAQ? Je dois dire que j'apprécie beaucoup leurs mémoires. Je voudrais avoir votre commentaire sur votre agissement professionnel.

M. Guay (Rosaire): Je dois d'abord vous dire que je n'étais pas ici, hier, pour entendre les personnes qui sont passées. Aujourd'hui, en fait, ce que la FATA a déclaré avec force et vigueur, c'est exactement cela. Je suis d'accord avec eux parce que c'est cela et on en entend parler tous les jours. Il y a des agents d'indemnisation qui sont impliqués. Il y a des directeurs de services qui sont impliqués. Dès le moment où le directeur de service de la CSST apprend qu'une telle personne est devenue membre du mouvement, elle se fait écoeurer.

M. Polak: Pourriez-vous me dire et expliquer à la commission de combien de cas environ le Mouvement d'aide aux accidentés, votre mouvement, s'est occupé en 1983?

M. Guay (Rosaire): Pour l'année 1983, environ 300.

M. Magnan: En cour ou?

M. Polak: En tout et partout. Devant le bureau de révision, la CAT, n'importe où.

M. Magnan: On en a plaidé environ 300.

M. Guay (Rosaire): Vous ne parlez pas de plaider devant la cour, n'est-ce pas?

M. Polak: Non.

M. Guay (Rosaire): Tout le contenu.

M. Polak: L'activité où le travailleur ou la travailleuse se sont dirigés auprès de vous et de votre organisme pour demander votre aide.

M. Guay (Rosaire): Entre 800 et 1000 personnes.

M. Polak: D'accord. Dernière question. Vous avez parlé de médecins inhumains, tout à l'heure, lorsque vous avez commencé.

M. Guay (Rosaire): C'est exact.

M. Polak: Que voulez-dire avec cela?

Hier, on a eu l'explication de médecins qui n'examinent pas la victime...

M. Guay (Rosaire): C'est exact.

M. Polak: ...et qui jugent seulement à partir d'un dossier sans même avoir eu l'occasion de parler avec le patient. Est-ce que c'est cela que vous entendez par inhumain ou si c'est autre chose? Pourriez-vous décrire un peu plus ce que vous entendez par inhumain?

M. Guay (Rosaire): C'est tout simplement quand un accidenté arrive devant le médecin, que ce soit Copti, Reinhardt ou n'importe quel autre et qu'il lui dit: Assieds-toi là. Il ne le regarde même pas, il écrit et, ensuite, il lui dit: Tu peux t'en aller, tu es apte à travailler.

M. Polak: Vous et vos assistants, vous vérifiez directement auprès des victimes.

M. Guay (Rosaire): Assurément et je peux moi-même les assermenter.

M. Polak: C'est tout, quant à moi, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député. M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Certainement, M. Guay, que les chiffres que vous nous avez donnés sont très impressionnants.

M. Guay (Rosaire): Oui. C'est aussi impressionnant chez nous.

M. Cusano: Je me demande si votre regroupement, avec les contacts que vous avez au jour le jour avec des gens du bureau de révision ou de l'ensemble de la CSST, a tenté de savoir pourquoi une telle différence existe.

M. Guay (Rosaire): Vous voulez dire entre la Commission des affaires sociales et les bureaux de révision?

M. Cusano: C'est bien cela.

M. Guay (Rosaire): Écoutez, on reçoit les résultats en même temps que la CSST. En fait, les jugements de la CAS, on les reçoit tous les deux la même journée.

M. Cusano: Est-ce que vous êtes au courant que le bureau de révision a un mécanisme qui lui appartient pour déterminer le niveau d'incapacité?

M. Guay (Rosaire): Non, il n'a pas de mécanisme qui lui appartient parce qu'il y a

trop de jeux de coulisse dans cela. Je vous répète qu'il y a des directives et qu'elles sont bien suivies à part cela. Admettons, comme M. le ministre du Travail le disait tout à l'heure, qu'on a gagné 62% de nos causes, mais ce n'est pas vraiment gagné, c'est-à-dire qu'on donnera 1% ou 2% de plus; on a quand même gain de cause, mais il faut toujours aller devant la Commission des affaires sociales pour obtenir le maximum.

M. Cusano: À votre connaissance, M. Guay, il n'existe pas de formulaire ou des données très précises pour établir l'incapacité au bureau de révision.

M. Guay (Rosaire): En fait, il y a l'examen chez le médecin, demandé par la commission; il y a la réadaptation sociale pour laquelle on va établir son IRT selon l'article 38.4. Après, cela retourne à l'agent d'indemnisation qui prend sa décision sur le pourcentage d'incapacité. Après, cela va devant les bureaux de révision.

M. Cusano: Selon les cas que vous avez qui ne viennent pas seulement de la région de Québec, mais d'un peu tout partout dans la province, est-ce que vous avez noté, parmi tous vos cas, une très grande différence entre un bureau d'une région et un bureau d'une autre région sur un cas pour savoir si on peut trouver deux cas semblables, deux cas qui sont de la même nature?

M. Guay (Rosaire): Non, je n'ai pas eu connaissance de cela.

M. Cusano: Vous n'avez pas cela, d'accord.

En terminant, M. le Président, avant de donner la parole à mon collègue de Portneuf, j'invite M. Guay à nous faire parvenir...

M. Guay (Rosaire): Oui, oui.

M. Cusano: ...des statistiques. Sûrement que son expertise nous sera très utile s'il venait nous présenter un mémoire lors de la discussion sur le projet de loi 42, comme vous savez.

M. Guay (Rosaire): J'espère qu'on sera également invités à cette commission parlementaire.

M. Cusano: Et correctement avisés. M. Pagé: On vous invite.

M. Cusano: Nous vous invitons, M. Guay.

M. Guay (Rosaire): Parfait.

M. Cusano: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Viau. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais, tout d'abord, saluer cordialement M. Guay et M. Magnan du Mouvement d'aide aux accidentés du Québec. Comme vous le disiez tantôt au ministre et en réponse à mes collègues, dans le vécu quotidien de votre mouvement, vous avez à représenter et à défendre les intérêts de milliers de travailleurs et de travailleuses qui sont, malheureusement, affligés par des accidents du travail.

Vous avez énoncé des choses clairement et de façon très précise ce soir. Devons-nous comprendre de vos propos que les modifications apportées à la loi régissant les accidents de travail au Québec, par l'inclusion d'un bureau de révision, par l'inclusion d'un mécanisme d'appel à la Commission des affaires sociales du Québec, auraient eu pour effet que la Commission de la santé et de la sécurité du travail adopte maintenant une position rigide - vous avez parlé d'instructions, de directives - et émettrait des directives ou adopterait une attitude en vertu de laquelle elle établirait des taux de déficit anatomophysiologique réduits en se disant: Si les accidentés ne sont pas satisfaits du taux d'incapacité qui leur est dévolu ou établi, ils n'auront qu'à aller se défendre purement et simplement devant le bureau de révision et la commission d'appel. Donc, essentiellement, est-ce qu'on doit comprendre de vos propos de ce soir que l'introduction de mécanismes d'appel à d'autres paliers, qui a été faite par le législateur avec comme objectif de donner davantage de droits et de moyens à l'accidenté, aura, par l'attitude de la commission, contribué à alourdir le système et ainsi causé préjudice aux accidentés?

M. Guay (Rosaire): Certainement. Cela a alourdi le système. D'abord, quand les bureaux de révision n'y étaient pas, à mon avis - remarquez bien que je suis un vieil accidenté de 42 ans - cela fonctionnait mieux que cela fonctionne aujourd'hui. Parce que, aujourd'hui, vous ne pouvez pas demander une épingle à couche à la Commission des accidents du travail sans que cela passe par dix fonctionnaires. Si vous avez besoin d'une orthèse, d'une prothèse, il faut que cela passe par dix fonctionnaires. Je vous ai expliqué tout à l'heure que même la Commission des accidents du travail, c'est-à-dire la CSST, refuse des prescriptions de médecins. Alors, on vit dans un système tellement lourd, tellement pesant que ce n'est pas possible. Il faut absolument qu'il y ait un changement radical à la CSST. Ce n'est pas avec le projet de loi 42 qu'on va

l'apporter, par exemple. Je vous dis qu'il n'est pas beau à lire et pas beau à voir, dans bien des circonstances. Je ne sais pas si cela répond à votre question, M. le député.

M. Pagé: Cela va dans le sens des inquiétudes qu'on a de notre côté. Vous avez eu, depuis la fondation de votre mouvement, à traiter des milliers et des milliers de cas. Avec le mouvement ATTAQ, qui représente neuf associations qui ont des objectifs analogues à ceux de votre mouvement, hier on a eu un échange assez utile et intéressant, en ce qu'on a consacré beaucoup de temps à tout l'aspect des délais de l'attente des décisions des bureaux de révision.

M. Guay (Rosaire): C'est cela.

M. Pagé: Dans les cas que vous avez à traiter, est-il déjà arrivé que des accidentés, de la part de leur médecin traitant, qui peut être un spécialiste dans certains cas, ou encore à la suite de l'expertise médicale se faisaient dire: Vous devriez subir telle intervention chirurgicale...

M. Guay (Rosaire): Certainement.

M. Pagé: ...dans tel délai et c'est urgent? Avez-vous eu des cas où les accidentés qui recevaient une telle réponse, si je peux dire, se sont vu infliger un refus de la part de la commission et ont été obligés d'attendre peut-être pendant un an une décision de la Commission des affaires sociales ou du bureau de révision pour autoriser l'opération?

M. Guay (Rosaire): Non, pas ce cas-là, M. le député.

M. Pagé: Non?

M. Guay (Rosaire): Non. Pas ce cas. Dans les cas que j'ai vus, ce sont des spécialistes qui donnaient des prescriptions pour que l'accidenté soit opéré, pour que l'accidenté reçoive des traitements de physiothérapie ou d'ergothérapie ou une intervention chirurgicale quelconque, et le médecin refusait.

M. Pagé: Le médecin de?

M. Guay (Rosaire): II disait: II faut que j'envoie cela à Robert Sauvé.

M. Pagé: Oui.

M. Guay (Rosaire): L'orthopédiste l'a refusé, il a dit: II faut que j'envoie cela à Robert Sauvé avant.

M. Pagé: Robert Sauvé disait quoi?

M. Guay (Rosaire): Ah, je ne le sais pas.

M. Polak: C'est le grand "boss".

M. Guay (Rosaire): C'est le grand "boss", tu sais. J'ai souvent voulu le rencontrer pour qu'on discute, tous les deux. Il n'a jamais voulu.

Des voix: II est ici.

M. Pagé: Est-ce qu'il vous a déjà rencontré?

M. Guay (Rosaire): Non, non, il n'a jamais voulu me rencontrer.

M. Polak: Il est là!

M. Guay (Rosaire): Pardon?

M. Pagé: M. le Président, on va revenir à mes questions.

M. Polak: M. le Président, voulez-vous l'identifier?

M. Pagé: En tout cas, M. Guay, si jamais il vous invite, invitez-moi; apparemment, il a un beau bureau.

M. Polak: Ah oui!

M. Guay (Rosaire): D'accord. (21 heures)

M. Pagé: Parce qu'il ne m'invite pas, vous savez. J'aurais une dernière question. Lorsqu'un accidenté se présente chez vous, il va de soi qu'il fait référence non seulement aux dommages physiques qu'il a subis, mais je présume que, souventefois, il fait référence aussi au contexte dans lequel l'accident s'est produit à l'usine où il travaille, à cause de tel problème, etc. Vous êtes sur le terrain, vous autres; vous avez une expérience qu'on n'a pas, parce que nous, ici, on est au Parlement à voter des lois, bien souvent à des heures indues. Les gens de la commission sont dans leurs bureaux avec l'ordinateur, les rapports, les expertises et ils prennent des décisions. Pour vous, M. Guay, la loi 17 qu'on a adoptée en 1979, après beaucoup de consultations, de discussions...

M. Guay (Rosaire): Cela n'a pas donné grand-chose.

M. Pagé: Cela répond. Vous devancez ma question.

M. Guay (Rosaire): Ah oui!

M. Pagé: Est-ce que, pour vous, l'objectif qui était - et là, je répète textuellement les paroles du ministre Marois

"d'éliminer à la source les causes d'accidents de travail au Québec" a été atteint? Et, s'il n'a pas été atteint, est-ce que, selon votre expérience, la Commission de la santé et de la sécurité du travail a une responsabilité à cet égard?

M. Guay (Rosaire): Je pense qu'elle l'a ignorée.

M. Pagé: Elle l'a...?

M. Guay (Rosaire): Elle l'a ignorée.

M. Pagé: Cela n'a pas donné grand-chose, selon vous?

M. Guay (Rosaire): Cela n'a pas donné grand-chose; cela n'a rien donné, parce que, à la CSST, malheureusement, à ma connaissance, il y a un patron. C'est un ancien sous-ministre du Travail et il a bien des trucs dans son sac, M. Sauvé. Il est reconnu pour cela, n'est-ce pas? Non, cela n'a rien donné. Cela n'a absolument pas amélioré le sort des accidentés qui sont toujours aussi pénalisés. Ils sont pénalisés, ce n'est pas possible. En plus de l'être physiquement, ils le sont mentalement. Cela, je vous le répète. On est dans un pays où cela ne devrait pas exister, dans une province, plutôt, où cela ne devrait pas être. Quand on dit qu'un homme mène une barque comme la CSST et qu'il mène cela avec ses directives... Je veux bien croire que c'est un grand savant, mais même les grands savants se sont trompés. On en a eu la preuve: des spoutniks sont revenus parce qu'il manquait telle ou telle chose. Les gars se pensaient bien bons. Alors, M. Sauvé, en fait, il se pense aussi bon que cela, lui. Comme moi, je me pense bien bon dans mon domaine, mais, au moins, j'accepte les conseils de mes conseillers.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

M. Pagé: M. Guay, votre témoignage est éloquent. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Guay. M. le ministre aurait une brève question à vous poser en terminant.

M. Guay (Rosaire): M. le ministre.

M. Fréchette: Oui, je voudrais revenir sur un sujet qui a été soulevé, autant à la suite des questions que mes collègues vous ont posées que de votre propre initiative. J'aimerais qu'on aille un peu plus loin, M. Guay, si vous n'aviez pas d'objection, sur cette question de directives dont on a fait grand état depuis quelques minutes. Vous avez expressément indiqué que le bureau de révision rendait des décisions à la suite de directives. J'apprécierais savoir si, à votre connaissance, il s'agit de directives écrites.

M. Guay (Rosaire): Non. Voyons donc! Pensez-vous que le Dr Pagé, ou le Dr Untel, va nous écrire cela sur un papier? Bien, non, voyons, M. le ministre! Il faut être plus raisonnable que cela.

M. Fréchette: Non, c'est une première étape de ma question.

M. Guay (Rosaire): Oui.

M. Fréchette: Le deuxième volet de cette question, c'est le suivant. Vous avez dit, en vous adressant à votre adjoint, M. Magnan, que c'étaient vos avocats qui vous avaient dit qu'il y avait des directives.

M. Guay (Rosaire): Oui.

M. Fréchette: Est-ce que je dois donc comprendre que vous-même, personnellement, vous n'avez pas eu connaissance de directives écrites ou verbales qui aient été données à qui que ce soit à cet égard?

M. Guay (Rosaire): Absolument, monsieur. Personne ne m'a parlé de directives dans les bureaux de révision.

M. Fréchette: Ce sont vos avocats.

M. Guay (Rosaire): Pardon? Ce sont nos avocats.

M. Fréchette: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre.

M. le député de Beauharnois, s'il vous plaît!

M. Lavigne: Merci, M. le Président. M. Guay, vous n'êtes peut-être pas là comme comptable, mais j'aimerais savoir si vous avez tenu une espèce de comptabilité plus ou moins précise...

M. Guay (Rosaire): Oui, M. le député.

M. Lavigne: ...de tous les cas que vous avez amenés à la CSST et qui ont été, d'une part, satisfaits par les décisions prises par la CSST et, d'autre part, insatisfaits par les décisions prises par la CSST. Y a-t-il une espèce de bilan, sans avoir les chiffres précis?

M. Guay (Rosaire): Oui, il y a une espèce de bilan.

M. Lavigne: En gros, est-ce plus des bonnes décisions que des mauvaises décisions?

M. Guay (Rosaire): Ce sont toutes des mauvaises.

M. Lavigne: Toutes?

M. Guay (Rosaire): Toutes des mauvaises décisions.

M. Lavigne: Aucune bonne?

M. Guay (Rosaire): Aucune bonne.

M. Lavigne: D'accord.

M. Guay (Rosaire): Disons qu'il y en aurait peut-être deux ou trois bonnes, mais cela ne vaut même pas la peine de les mentionner.

M. Lavigne: Très rarement?

M. Guay (Rosaire): Oui.

Une voix: Pas très bonnes.

M. Guay (Rosaire): Non, pas très bonnes. On est toujours obligés de contester pour obtenir nos droits devant la CAS. Sans cela, on ne nous donne pas nos droits.

M. Lavigne: N'avez-vous pas de cas où par le cheminement normal, des représentations normales, vous en êtes venus à obtenir un résultat satisfaisant?

M. Guay (Rosaire): J'en ai un.

M. Lavigne: Un cas?

M. Guay (Rosaire): Oui, un cas.

M. Lavigne: Un cas sur des milliers de cas.

M. Guay (Rosaire): Oui, c'est cela.

M. Lavigne: D'accord. Une autre question: Est-ce que vous constatez souvent ou peu souvent ou jamais des différences de diagnostic de la part des médecins? Vous savez que l'accidenté va, à un moment donné, se faire évaluer par son médecin de famille et, avant d'obtempérer à la demande, la CSST va aussi vouloir évaluer sur le plan médical les troubles ou les préjudices que le travail a causés à cet individu. Est-ce que plus souvent qu'autrement les médecins sont d'accord sur le diagnostic ou plus souvent qu'autrement ils ont des divergences d'opinions?

M. Guay (Rosaire): Plus souvent qu'autrement ils sont divergents.

M. Lavigne: Divergents d'opinions.

M. Guay (Rosaire): Mais cela arrive à l'occasion que nos experts sont d'accord avec les médecins de la CSST.

M. Lavigne: Vous n'avez pas de chiffres, mais en gros, 50% des cas?

M. Guay (Rosaire): Bon Dieu! Peut-être 3% des cas.

M. Lavigne: Où ils peuvent être d'accord?

M. Guay (Rosaire): Où ils peuvent être d'accord.

M. Lavigne: En conclusion, à la suite de ces deux questions - il y en a peut-être plusieurs autres à soulever parce que, c'est tout de même vaste - vous êtes dans la grande majorité des cas appelés à aller en appel.

M. Guay (Rosaire): Toujours.

M. Lavigne: Parce qu'insatisfaits.

M. Guay (Rosaire): On va toujours en appel devant le bureau de révision. Si c'est une décision de l'agent d'indemnisation, on en appelle devant le bureau de révision. On va faire examiner la personne et on va se présenter devant le bureau de révision. Là, on va nous accorder 1% ou 0,05%. Par la suite, on conteste et on va devant la Commission des affaires sociales. On est des contestataires naturels.

Le Président (M. Blouin): Est-ce que cela va?

M. Lavigne: D'accord cela va, merci.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Saine-Anne.

M. Polak: Une dernière question. J'ai l'impression, je ne sais pas pourquoi, de la manière dont le ministre interrogeait M. Guay, qu'on ne le prend pas trop au sérieux. Je sais qu'il a beaucoup de membres et que, pour beaucoup de cas dont s'est occupé son organisme, ils ont obtenu des résultats. Que vous l'aimiez ou que vous ne l'aimiez pas, quand c'est monté de 3% à 65%, vous ne l'aimez peut-être pas, mais c'est le résultat.

M. Fréchette: M. le Président...

M. Polak: Je veux simplement dire à M. Guay que, lorsqu'il soumet son mémoire...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Sainte-Anne...

M. Polak: Oui.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Sainte-Anne, le débat se déroule bien, je ne voudrais pas qu'on commence à faire des procès d'intention à l'un et à l'autre, de part et d'autre. Vous savez où cela mène.

M. Polak: D'aucune manière. Je veux simplement dire à M. Guay, pour le prévenir et l'avertir: Lorsque vous soumettrez des détails au mois de janvier, dite-nous combien de membres vous avez, combien de cas vous avez traités depuis des années. Cela va vous aider.

Le Président (M. Blouin): Je crois que cela a été dit tout à l'heure, M. le député de Sainte-Anne. D'accord?

Oui, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. Guay, très brièvement, je voudrais vous remercier de votre présentation, ce soir. Mon bon ami, le ministre du Travail, a fait allusion tout à l'heure à vos avocats dans des questions qu'il vous a adressées, demandant si c'était vos avocats qui vous avaient dit cela, etc. Vous avez confirmé, évidemment, que tous ces éléments vous avaient été signalés par des avocats. Compte tenu que mon bon ami, le ministre du Travail, est membre du Barreau du Québec, je suis persuadé qu'il a une confiance illimitée et sans bornes aux avocats. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, au nom de tous les membres de la commission, M. Guay. Je me joins donc au député de Portneuf et à tous les autres pour vous remercier beaucoup de votre témoignage, M. Guay et M. Magnan.

J'invite maintenant les représentants de l'organisme Au bas de l'échelle et également puisqu'il y a une entente entre les représentants gouvernementaux et ceux de l'Opposition - la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers à prendre place à la même table. Chaque organisme aura à nous présenter un bref mémoire puisque vous êtes deux et que nous consentons au fait que vous puissiez vous adresser à nous simultanément. Il a été entendu aussi que nous n'excéderons pas le temps que nous pouvons consacrer à un organisme puisqu'il est 21 h 10. Je sais que vous avez des mémoires assez brefs et concis sur des points précis. Je souhaite donc que vous puissiez nous les livrer en évitant le plus possible les digressions qui pourraient allonger la présentation. Sur ce, je vais vous demander, de part et d'autre, de vous présenter, de présenter les gens qui vous accompagnent et, ensuite, de nous livrer réciproquement le contenu de vos mémoires.

Au bas de l'échelle

Groupe d'intervenants professionnels de la santé dans les CLSC

Fédération québécoise des infirmières et infirmiers

Mme Freeman (Judy): Mon nom est

Judy Freeman, du groupe Au bas de l'échelle. Je vais présenter un mémoire qui reflète les difficultés des non-syndiqués et surtout des travailleuses non syndiquées en ce qui concerne le fonctionnement de la CSST. Ma présentation reflète également une collaboration faite par Au bas de l'échelle avec plusieurs CLSC en matière de problèmes de santé et de sécurité des non-syndiqués. Suzanne Bélanger, à ma gauche, qui est infirmière dans un CLSC, va compléter ma présentation avec un texte produit par cinq CLSC et appuyé par six autres. Dans ma présentation, j'intègre des éléments du Collectif des femmes immigrantes.

M. Polak: Dans le groupe Au bas de l'échelle, il n'y a pas d'hommes?

Le Président (M. Blouin): M. le député! Madame, maintenant, s'il vous plaît!

M. Polak: II faut penser à notre intérêt aussi. C'est tout.

Le Président (M. Blouin): Très bien. S'il vous plaît, M. le député de Sainte-Anne! Maintenant, la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Préfontaine (Nicole): Mon nom est

Nicole Préfontaine. Je suis la présidente de la Fédération québécoise des infirmières et, à ma gauche, c'est Andrée Saint-Georges, qui est une conseillère chez nous.

Le Président (M. Blouin): Voulez-vous nous répéter votre nom, s'il vous plaît?

Mme Préfontaine: Nicole Préfontaine. Le Président (M. Blouin): Préfontaine.

Mme Préfontaine: Nous allons présenter un mémoire qui est principalement basé sur le retrait préventif de la travailleuse enceinte.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Nous pouvons commencer par l'organisme Au bas de l'échelle.

Mme Freeman: Le micro ne fonctionne pas.

Le Président (M. Blouin): Le micro fonctionne. Cela va.

Mme Freeman: D'accord. On n'est pas ici ce soir pour parler des problèmes qui découlent directement de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, même si ces problèmes sont nombreux, surtout pour les non-syndiqués. On se limite ce soir à une présentation de l'expérience des non-syndiqués en ce qui a trait au fonctionnement de la CSST. On se référera à la loi comme telle seulement en fonction de son interprétation et de son application faite par la CSST. Quelques questions globales d'abord, avant de traiter de la question du retrait préventif. La CSST, par le truchement de ses divers services, tient-elle compte de l'isolement des non-syndiqués, de leur non-accès à l'information sur leurs droits? De plus, tient-elle compte des difficultés particulières à ce sujet des Néo-Québécois et Néo-Québécoises et des immigrés qui sont souvent concentrés dans des ghettos d'emplois non syndiqués où les problèmes de santé et de sécurité au travail sont particulièrement dramatiques? (21 h 15)

Nous devons souligner que les non-syndiqués ont des réseaux d'information plus restreints que ceux des syndiqués. La connaissance de leurs droits en matière de santé et de sécurité, entre autres, dépend de l'accessibilité à l'information véhiculée par les services gouvernementaux, les divers médias, les groupes populaires, les centres communautaires ethniques et les CLSC. Étant donné que ces derniers ont très peu de ressources pour faire une publicité d'envergure sur les droits des non-syndiqués par rapport à la santé et à la sécurité, il est extrêmement important que la CSST utilise toutes les ressources disponibles pour publiciser ses services et les droits découlant de la loi.

Pour réellement répondre aux besoins des non-syndiqués néo-québécois ou immigrés qui travaillent, par exemple, dans l'industrie du vêtement, dans l'entretien ménager, dans la restauration et l'hôtellerie, dans les services domestiques, il faut que la CSST se dote de services multilingues au niveau de la publicité, de la documentation, de la réception et du traitement des plaintes, du service d'inspection, etc. Il y a des secteurs, comme l'industrie du vêtement, notamment, où il y a une forte concentration de salariés immigrés travaillant dans de très mauvaises conditions. Ils sont loin dans la liste des secteurs prioritaires de la CSST. Donc, cela va prendre plusieurs années avant qu'ils aient droit aux programmes de santé et de prévention inscrits dans la loi 17. Ce fait mène des groupes comme le Collectif des femmes immigrantes à s'interroger sur la justice de prioriser certains secteurs par rapport à d'autres surtout en ce qui concerne la santé et la sécurité qui devraient être un droit fondamental pour tous et toutes. Si les secteurs prioritaires sont choisis en fonction du nombre d'accidents et de maladies industrielles rapportés, il nous semble évident que les secteurs ayant un grand nombre de travailleuses et de travailleurs néo-québécois qui manquent d'information au niveau de leurs droits et des services vont continuer à être oubliés et discriminés.

On passe maintenant à la question du retrait préventif pour la travailleuse enceinte ou qui allaite son enfant. Nous voulons souligner que la reconnaissance du retrait préventif dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail représente, à notre avis, un progrès important pour les travailleuses du Québec. Enfin, une reconnaissance légale du droit à la maternité sans danger. Durant la première année de son application, notre expérience est que l'application de la loi reflétait son esprit, c'est-à-dire permettre à une travailleuse enceinte de se retirer de conditions de travail dangereuses pour son enfant à naître ou pour elle-même et ce, sans délai et sans pénalité économique. Cependant, nous constatons une détérioration sérieuse par rapport à l'interprétation et à l'application de la loi telle qu'effectuée par la CSST depuis la fin de 1982.

Les effets sont très dramatiques pour les travailleuses non syndiquées et rendent illusoires les droits inscrits dans la loi. D'après notre expérience, il y a quatre grands problèmes de fonctionnement qui peuvent être discernés, problèmes qui constituent, nous semble-t-il, une déviation de l'esprit de la loi. Ces problèmes sont les suivants: au niveau de la publicité du retrait préventif, de la définition des conditions dangereuses, des délais encourus par les travailleuses en exerçant leurs droits et des recours.

Il y a plusieurs problèmes reliés à la publicité du droit au retrait préventif. D'abord, il n'y a pas de concertation avec d'autres organismes gouvernementaux, telle la Commission des normes du travail, qui sont en contact direct avec les femmes enceintes non syndiquées. Donc, les femmes enceintes ou qui allaitent leur enfant et qui cherchent de l'information sur leurs droits ne sont pas référées systématiquement à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. La CSST devrait s'assurer que de tels organismes, que ce soit la Commission des normes du travail ou la Commission des droits de la personne, soient équipés pour référer ces femmes non syndiquées.

Deuxièmement, nous craignons que le contenu de la publicité de la CSST, au niveau du retrait préventif, ne soit dilué pour se limiter à parler d'une réaffectation à d'autres tâches. Pour une travailleuse qui est employée dans une petite ou moyenne entreprise, comme la majorité des femmes non syndiquées, une telle publicité lui laisserait croire qu'elle n'aurait aucun droit,

sauf s'il y a un autre poste disponible pour elle, ce qui est plutôt rare.

Troisièmement, les dépliants de la CSST, qu'on jugeait très informatifs et utiles pour les femmes non syndiquées, ont été retirés de la circulation publique cet été. Nous craignons que cela ne signifie une dilution du contenu, ainsi qu'une réduction d'envergure de la publicité.

Au niveau de la définition des conditions dangereuses pour l'enfant à naître ou pour la travailleuse en raison de son état de grossesse, nous pouvons constater que la CSST accorde une définition de plus en plus restreinte de la notion des conditions dangereuses. Par exemple, si les retraits préventifs étaient accordés presque automatiquement en 1981 aux travailleuses enceintes qui devaient faire affaires avec les rayons X, comme les hygiénistes dentaires, ce n'est plus le cas. Auparavant, la CSST considérait que certaines conditions de travail pouvaient aggraver des conditions personnelles de grossesse. Depuis 1982, elle ne tient compte que des conditions de travail comme seuls critères d'acceptation d'un retrait préventif. Pour plusieurs autres cas, par exemple, les écrans cathodiques, il nous semble plus sain d'adopter un esprit préventif et d'accorder des retraits de façon systématique, jusqu'à ce que les études médicales prouvent leur non-danger pour une femme enceinte.

De plus, la grille de critères pour systématiser le traitement de demandes de retraits préventifs ne correspond pas nécessairement à la réalité des femmes non syndiquées. Divers éléments des conditions de travail qui peuvent comporter des dangers spécifiques tels la station debout prolongée, décalage horaire, vibrations, heures irrégulières, etc., sont importants à considérer, mais on trouve qu'une application trop mécanique de ces critères risquerait de priver plusieurs travailleuses non syndiquées de leurs droits, d'autant plus que se fier aux étapes normales de la grossesse, sans tenir compte de l'état médical personnel de la travailleuse, pourrait avoir des résultats désastreux.

Le troisième élément: les délais encourus pour les travailleuses et les recours coûteux. Notre expérience nous indique que les délais d'acceptation ou de refus des retraits préventifs s'allongent de plus en plus depuis un an. Regardons le processus possible pour qu'une travailleuse non syndiquée fasse valoir son droit au retrait préventif. La travailleuse reçoit de son médecin un certificat médical attestant que ses conditions de travail comportent des dangers pour l'enfant à naître ou pour elle et qui demande qu'elle soit affectée à d'autres tâches. Comme la grande majorité des travailleuses non syndiquées se retrouvent dans les petites unités de travail, leur possibilité de réaffectation sont minimales. Le médecin traitant consulte le département de santé communautaire, le DSC fait enquête et rend sa décision sur la nécessité ou non d'un retrait préventif. S'il accorde le droit au retrait préventif, il reste que la Commission de la santé et de la sécurité du travail peut renverser cette décision. Entre-temps, la travailleuse non syndiquée a dû prendre une décision très importante pendant qu'elle attendait l'avis de la Commission de la santé et de la sécurité du travail; ou elle a décidé de rester au travail, avec l'angoisse de savoir qu'il pourrait y avoir des risques pour la santé de l'enfant ou pour sa propre santé, parce qu'elle ne pouvait pas se permettre d'être privée de ses revenus ou peut-être d'être privée de son emploi, ou bien elle décide de cesser de travailler, subissant la perte de son salaire et, possiblement, la perte de son emploi. La décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail - et, donc, cette attente de la femme - peut prendre six à huit semaines.

Nous croyons que la pratique originale de la Commission de la santé et de la sécurité du travail était plus conforme à la loi et causait moins de difficultés pour les femmes. Auparavant, la travailleuse avait le droit de recevoir des paiements temporaires de la Commission de la santé et de la sécurité du travail en attendant sa décision. Voir l'article 44. Cette indemnité temporaire n'était pas recouvrable. Ce n'est plus le cas selon notre expérience. Si la CSST refuse d'accorder son retrait préventif, la travailleuse a le droit d'aller en appel au bureau de révision, ce qui entraîne un délai d'environ un an. Entre-temps, elle retourne au travail avec les risques, si son patron le lui permet, ou elle perd son salaire et possiblement ses prestations de maternité et d'assurance-chômage pour le reste de sa grossesse et même après la naissance de son enfant.

Si le bureau de révision refuse sa demande, elle a le droit d'aller en appel à la Commission des affaires sociales, ce qui entraîne des délais de deux ou trois ans. Il faut qu'une femme non syndiquée soit très déterminée pour assumer ces démarches sans l'appui moral et financier d'un syndicat.

Nous, de l'organisme Au bas de l'échelle, croyons que cette situation pourrait être améliorée s'il y avait un ensemble de changements au niveau du fonctionnement et de l'interprétation de la loi faite par la CSST; si, entre autres, il y avait un rôle plus central accordé aux médecins traitants et aux médecins de DSC; s'il y avait des délais très courts, par exemple entre 24 et 48 heures, fixés à ces médecins pour rendre leur décision; si l'article 44 de la loi continuait d'être respecté au niveau des paiements temporaires à la travailleuse

jusqu'à ce qu'une question litigieuse soit tranchée; si les articles 228 et 229 étaient interprétés de façon que l'employé qui a exercé un droit résultant de la loi, qui a ainsi subi des représailles patronales, soit immédiatement réaffecté à son emploi avec tous ses droits et privilèges jusqu'à ce qu'une décision finale du commissaire du travail soit rendue. Finalement, cela pourrait être amélioré si la CSST décidait d'interpréter son mandat de façon que les services juridiques gratuits soient disponibles automatiquement pour les non-syndiqués victimes de représailles patronales à cause de l'exercice de leurs droits qui découlent de la loi.

Je note, enfin, que la Commission des normes du travail pendant quatre ans, a fourni des services juridiques gratuits aux non-syndiqués victimes de congédiements illégaux, justement afin de développer une jurisprudence favorable. Cela concernait surtout les femmes enceintes congédiées pour grossesse. Il n'y a aucune raison pour laquelle cela ne pourrait pas être fait par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, même si le mandat n'est pas inscrit comme tel dans la loi.

Je termine là-dessus et je passe la parole à Suzanne Bélanger.

Mme Bélanger (Suzanne): Nous sommes un groupe d'intervenants professionnels de la santé dans les CLSC qui, à travers nos programmes, donnons de l'information et du soutien aux travailleuses enceintes aux prises avec des risques pour elles-mêmes ou pour leur enfant à naître. Que ce soit dans le cadre de cours de périnatalité, de programmes de santé en milieu de travail ou d'intervention-prévention en général, quotidiennement nous nous heurtons à certains problèmes quant à l'application du droit au retrait préventif pour la travailleuse enceinte ou qui allaite.

Nous devons dire, dès le début, que ce nouveau droit, contenu dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail, constitue un progrès important pour l'ensemble des femmes québécoises et reconnaît ainsi la spécificité de la santé de la travailleuse enceinte.

Face à l'importance pour nous, sur les plans de la santé et social, de ce droit à une maternité sans danger pour les travailleuses enceintes, nous présentons ici des analyses et des recommandations afin d'améliorer l'application du droit au retrait préventif à la suite de notre expérience dans nos CLSC respectifs.

Le Président (M. Blouin): Mme

Bélanger, j'ai parcouru votre mémoire et j'ai cru identifier que, dans la présentation de la problématique, vous rejoigniez sensiblement la présentation que nous a faite Mme

Freeman.

Mme Bélanger (Suzanne): Oui.

Le Président (M. Blouin): Est-ce qu'il serait possible de nous présenter vos recommandations?

Mme Bélanger (Suzanne): C'est ce que j'allais faire, d'ailleurs. Je voulais juste vous dire qui on est.

Le Président (M. Blouin): Dans le texte que vous nous avez remis, vous pourriez sauter aux recommandations et, ensuite, nous pourrions entendre les autres. (21 h 30)

Mme Bélanger (Suzanne): Oui. On a regardé surtout deux points: la grille des critères d'acceptation ou de refus qui a été préparée le 12 mars 1983 et dont vous avez dû entendre parler et la question des délais avec toute l'insécurité qui s'y rattache. La recommandation pour ce qui est de la grille d'uniformisation des critères d'acceptation ou de refus serait la suivante: que cette grille soit utilisée comme un cadre de référence, mais en tenant compte de chaque cas individuel et/ou environnemental. De plus, nous suggérons que cette grille de référence ne se traduise qu'en termes de risques permettant une plus grande objectivité et éliminant ainsi les effets restrictifs d'une classification par carrière ou profession. Par exemple, dans la grille, on parle des hôtesses de l'air à qui on attribue les problèmes liés à la station debout prolongée; il faudrait aussi qu'on tienne compte qu'il y a d'autres professions qui présentent les mêmes risques énumérés sous ce titre: décalage horaire, horaires rotatifs, vibrations.

Pour ce qui est du deuxième point qu'on a regardé, c'est-à-dire toute la question des délais, comme Judy l'a dit, au tout début, les délais étaient de 24 à 48 heures et maintenant c'est extrêmement long; en moyenne, cela peut prendre jusqu'à six semaines. Il faudrait que le dossier de chaque cliente qui consulte un médecin en vue du retrait préventif soit immédiatement, c'est-à-dire dans les 24 ou 48 heures, référé par ce dernier au médecin responsable; que le médecin responsable ait comme mandat de procéder à l'étude du cas et, dans un délai de 48 heures, de rendre et de donner suite à sa décision en tenant compte du fait que la décision du médecin traitant reste extrêmement valable. Si le délai du médecin responsable, donc du médecin du DSC, pour rendre la décision dépasse 48 heures, que la travailleuse enceinte soit réaffectée ou retirée immédiatement avec une pleine compensation jusqu'au moment où la décision finale est rendue.

Pour terminer, j'aimerais parler d'une décision qui a été rendue à la Commission

des affaires sociales au mois d'octobre 1983 précisément sur une demande de retrait préventif qui avait été refusée deux fois parce qu'on alléguait des conditions personnelles et non pas des conditions de travail. La décision a été renversée à la Commission des affaires sociales. Je vais vous lire des extraits de la décision finale: "La commission doit vérifier si la décision du bureau de révision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail de refuser à l'appelante les indemnités de retrait préventif offertes à une travailleuse enceinte était justifiée. Du témoignage de l'appelante, la commission retient qu'elle devait effectuer la moitié de son travail en position debout et que cette position provoquait chez elle des contractions utérines. Les articles 40 et 41 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail prévoient qu'une travailleuse enceinte peut cesser de travailler si les conditions de son travail comportent pour elle ou pour l'enfant à naître, à cause de son état de grossesse, des dangers physiques. La Commission de la santé et de la sécurité du travail a considéré, pour sa part, tant au premier niveau de décision qu'en révision, que la cessation de travail de l'appelante était reliée à une condition personnelle plutôt qu'à son état de grossesse. La commission ne peut retenir cette décision. Les divers rapports médicaux produits au dossier considèrent, en effet, que l'appelante devait se retirer de ses activités professionnelles à cause des risques qu'elles comportaient étant donné son état de grossesse. Le premier paragraphe de l'article 40 est rédigé de façon générale et la commission ne voit rien dans cet article qui permet d'en restreindre la portée comme le fait la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans le présent dossier. L'article 40 prévoit qu'une travailleuse dont le travail comporte pour elle, à cause de son état de grossesse, des dangers physiques peut demander une affectation à des tâches ne comportant pas de tels dangers et l'article 41 prévoit qu'elle peut cesser de travailler si on ne peut l'affecter immédiatement à de telles tâches. Dans le présent dossier, il est en preuve que le travail de l'appelante présentait pour elle, à cause de son état de grossesse, des dangers physiques et la commission est d'avis que l'appelante était justifiée de cesser de travailler étant donné que son employeur ne pouvait l'affecter à des tâches ne comportant pas de tels dangers. Pour ces motifs, l'appel est accueilli." Ce sont d'autres coupures que nous avons notées dans l'application du droit au retrait préventif.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Bélanger. Mme Préfontaine.

Mme Préfontaine: Je ne sais pas si vous savez ce qu'est la Fédération québécoise des infirmières. Nous sommes un syndicat d'infirmières qui regroupe environ 9000 membres. Si on est ici aujourd'hui, c'est qu'on a senti le besoin de faire valoir notre point de vue dans le cadre de la présente commission parlementaire parce qu'on juge essentiel de mettre en lumière un certain nombre d'éléments qui ont contribué, au cours de la dernière année, à rendre plus ou moins inopérantes toutes les dispositions relatives au retrait préventif de la travailleuse enceinte.

Prévues à l'article 40 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et mises en vigueur le 1er janvier 1981, ces dispositions avaient pourtant reçu l'appui de tous les groupes organisés qui y avaient vu une nette volonté du gouvernement de mettre fin aux préjudices souvent très graves dont étaient victimes les travailleuses enceintes.

Ce texte de loi, rappelons-le, prévoit "qu'une travailleuse enceinte qui fournit à l'employeur un certificat attestant que les conditions de travail comportent des dangers physiques pour l'enfant à naître, ou, à cause de son état de grossesse, pour elle-même, peut demander d'être affectée à des tâches ne comportant pas de tels dangers et qu'elle est raisonnablement en mesure d'accomplir."

La loi est également claire sur les points suivants: l'état de grossesse, c'est-à-dire les conditions personnelles de la travailleuse enceinte doivent être prises en considération; la nouvelle affectation doit se faire immédiatement, à défaut de quoi la travailleuse est justifiée de quitter son travail; c'est l'opinion du médecin traitant qui doit prévaloir; il n'y a, en plus, aucun délai restrictif prévu dans la loi.

Appliquées conformément à la loi au cours de la première année, ces dispositions ont permis à un certain nombre de travailleuses enceintes de faire valoir leur droit et d'être affectées rapidement à des secteurs d'activités ne comportant pas de risques pour elles-mêmes ou pour l'enfant à naître. D'autres, à qui il a été impossible de trouver un travail sans risque, ont pu se retirer et recevoir les prestations prévues jusqu'à la date de leur accouchement.

Étrangement, toutefois, sans que personne n'en soit officiellement avisé, cette loi a commencé à faire l'objet d'interprétations de plus en plus restrictives depuis la fin de l'année 1982. Pour des motifs qui n'ont jamais été exprimés et qui répondent, a-t-on raison de croire, à des impératifs budgétaires, de nouvelles directives ont circulé dans le but évident de restreindre l'accès au retrait préventif et de réduire au minimum le nombre de bénéficiaires.

Face au mutisme de la direction de Commission de la santé et de la sécurité du travail, qui a toujours refusé de reconnaître

que ses politiques avaient changé et que les conditions d'admissibilité n'étaient plus les mêmes, il aura donc fallu recevoir un grand nombre de plaintes de travailleuses enceintes avant de se rendre à l'évidence qu'il y avait un boycottage systématique en matière de retrait préventif.

Dernièrement, notre fédération a pourtant pris connaissance d'un rapport contenant une série de recommandations qui avaient été formulées par un groupe de médecins, composé de représentants des DSC et de porte-parole de la CSST responsables de l'indemnisation. À l'intérieur de ce document rédigé dans le but d"'uniformiser les procédures", ces médecins ont, en fait, décrété une série de nouvelles mesures qui contredisent en plusieurs points les directives initiales contenues dans la loi.

Ainsi, quels que soient les risques énumérés: "station debout prolongée, station debout prolongée avec effort et autres problèmes ergonomiques, risques infectieux, risques reliés aux radiations, agressions au travail", les auteurs du rapport concluent, à quelques rares exceptions près, qu'aucun retrait préventif ne pourra être accordé avant 20, 25 ou 29 semaines. Pourtant, si l'on se réfère au document-guide de la CSST sur les conditions de travail et la santé de la travailleuse enceinte, on peut lire - ce que tout le monde sait - "que la période la plus critique se situe au moment de l'organogénèse, soit entre la deuxième et la huitième semaine de la vie utérine." De plus, en cas de doute - doit-on rappeler que l'on parle ici de prévention - ce groupe-conseil est d'avis qu'il n'y a pas lieu d'accorder de retrait préventif.

Rendu public dans le cadre d'une conférence de presse donnée par la FQII le 22 novembre dernier, ce rapport, qualifié de document de travail par la direction de la CSST, a pourtant permis de faire la lumière sur une série de nouvelles consignes maison aussi inacceptables les unes que les autres. Sans faire état de nombreux cas, permettez-nous de vous rappeler celui d'une infirmière d'un de nos centres qui, après avoir vu sa demande acceptée en juin 1982, s'est vu demander le remboursement de ses prestations après que le bureau de révision eut décidé d'annuler la décision, le 30 mars 1983.

Nous avons toutes les raisons de croire qu'au cours de cette période un certain nombre d'intervenants, dont le Conseil du patronat, ont exercé des pressions auprès de la CSST dans le but d'amener l'organisme à réviser ses politiques à la baisse. Découragées par les tracasseries administratives, la lenteur et la lourdeur des nouvelles procédures, nombreuses également sont celles qui ont vu leur état de santé se détériorer et qui ont dû prendre un congé de maladie, de loin moins avantageux pour elles.

Quelles que soient les prétentions de la CSST en matière de retrait préventif, la situation qui prévaut actuellement se résume de la façon suivante: sauf exception, toutes les demandes qui sont faites avant la 20e, 25e ou 29e semaine, selon les nouveaux critères établis, sont systématiquement refusées; alors que les décisions étaient rendues en 48 heures en 1981, il faut maintenant attendre six semaines et plus avant d'obtenir une réponse; la majorité des demandes acceptées en première instance sont référées au bureau de révision qui rend sa décision huit ou neuf mois plus tard, souvent quand la travailleuse a déjà accouché; les travailleuses dont le dossier est référé à la Commission des affaires sociales doivent patienter plus de deux ans avant d'obtenir une décision finale; l'opinion du médecin traitant n'est aucunement prise en considération; entre la date de la demande et celle de l'acceptation, aucun paiement temporaire n'est versé à la travailleuse enceinte; en cas de doute ou de données médicales insuffisantes, la demande est refusée; la CSST ne donne aucune information sur le retrait préventif, aucune publicité n'est faite et il n'y a ni dépliants, ni brochures disponibles pour celles qui en font la demande.

Éloquentes en soi, ces quelques considérations nous amènent à conclure qu'il devient si difficile et si compliqué d'obtenir un retrait préventif que toutes les dispositions prévues dans la loi, si louables soient-elles, ne veulent plus rien dire aujourd'hui. Est-il nécessaire de répéter que l'état de grossesse n'est pas un état pathologique et que les travailleuses enceintes devraient avoir le droit fondamental de vivre une maternité sans danger? En ce sens, nous demandons que les mesures sur le retrait préventif soit appliquées conformément à l'esprit et au texte de la loi, c'est-à-dire comme elles l'étaient au moment de son entrée en vigueur en janvier 1981.

Nous continuons de croire, par ailleurs, que l'objectif fondamental de la loi est d'éliminer les dangers à la source pour tous les travailleurs. D'ici là, toutefois, tout doit être mis en oeuvre pour que les travailleuses enceintes puissent vivre une grossesse sans risque et ne pas avoir à faire face à un appareil aussi hostile et aussi lourd que celui que nous connaissons à l'heure actuelle.

Première étape d'un long processus, ces dispositions sur le retrait préventif devraient être suivies, selon nous, d'une politique globale de la maternité dont l'objectif premier serait de protéger les femmes enceintes à tous les niveaux. Nous n'en attendons pas moins de vous.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Préfontaine. M. le ministre.

M. Fréchette: Oui, M. le Président, très brièvement. Nous entendons depuis hier des mémoires qui s'attaquent de front à des problèmes ou à des situations qui sont décrites avec force détails par les intervenants qui les soumettent. Tous ces mémoires ont été intéressants. Ils contenaient des suggestions à côté desquelles on ne pourra sans doute pas passer. Je voudrais signaler que les deux mémoires que nous venons d'entendre sont aussi intéressants et marqués au coin de l'originalité par rapport à ce que nous avons entendu jusqu'ici bien que, encore une fois, tout ce que nous avons entendu va certainement être très utile.

Si vous me le permettez, M. le Président, j'aurais quelques brèves questions à poser à Mme Freeman avant de passer la parole à Mme la ministre déléguée à la Condition féminine qui est fort intéressée par le sujet que vous avez soulevé comme deuxième volet de votre mémoire, c'est-à-dire le retrait préventif, la façon dont on interprétait la loi en 1981, ce qui s'est passé depuis, l'évolution que cette interprétation a connue. Je veux vous signaler que je suis particulièrement impressionné par les remarques de Mme Freeman quand, par exemple, elle attire notre attention sur la nécessité de continuer à publiciser la nature des services qui sont rendus par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, particulièrement dans le milieu que Mme Freeman représente.

Parlant de ce milieu, Mme Freeman, si vous me le permettez, ne serait-ce qu'au seul titre de l'information qui pourrait nous être utile, combien de membres votre organisme regroupe-t-il?

Mme Freeman: Cela dépend si vous parlez des membres en règle ou des membres...

M. Fréchette: Enfin, les gens que vous rejoignez.

Mme Freeman: Ce sont deux choses complètement différentes. On rejoint à peu près, par année, 5000 non-syndiqués de toute nationalité, des hommes et des femmes, par le biais de nos activités et de nos services, sans compter les émissions à la radio, à la télévision, etc. (21 h 45)

M. Fréchette: Depuis combien de temps votre organisme existe-t-il?

Mme Freeman: Depuis 1975.

M. Fréchette: Est-ce que vous pourriez prendre une minute ou deux pour nous expliquer, peut-être, l'ensemble des objectifs que poursuit précisément votre organisme?

Mme Freeman: Le premier objectif est de favoriser l'amélioration des conditions de travail des non-syndiqués; deuxièmement, de lutter contre toute forme de discrimination au travail et, notamment, contre la discrimination faite aux femmes; troisièmement, de favoriser le regroupement et l'autonomie des non syndiqués.

M. Fréchette: Est-ce que j'aurais raison de croire que la plupart de vos membres sont recrutés chez des travailleuses qui oeuvrent particulièrement à domicile?

Mme Freeman: Non, pas particulièrement. Nos membres sont en majorité des femmes, mais elles viennent de toutes sortes de milieux non syndiqués: la restauration, l'hôtellerie, les usines, les bureaux, les emplois à domicile aussi.

M. Fréchette: Quant au deuxième sujet que les deux organismes ont abordé, M. le Président, celui du retrait préventif, je vous réitère, quant à moi, que le sujet a été présenté de telle façon qu'il est fort simple de comprendre la nature du problème que vous soulevez. Vous faites, encore une fois, le parallèle entre la situation qui a existé quelque temps après l'adoption de la loi et ce qui existerait maintenant, selon votre évaluation. C'est un problème qui m'a été soulevé souvent par la ministre déléguée à la Condition féminine, autant celle qui l'a précédée que celle qui est là maintenant. Si vous n'aviez pas d'objection, M. le Président, si mes collègues n'avaient pas d'objection, je demanderais tout de suite à Mme la ministre d'approfondir, peut-être, avec vous le sujet qui fait l'objet de vos préoccupations.

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'il y a consentement?

M. Cusano: Oui, il y a consentement, Mme la ministre.

Le Président (M. Blouin): II y a consentement, Mme la ministre.

M. Polak: À la condition que vous réalisiez que...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: ...nous avons autant d'intérêt dans la matière que vous.

Mme LeBlanc-Bantey: Ah, bien là, c'est à vous de faire vos preuves!

M. Polak: Pas de problème pour en faire la preuve, du tout!

Mme LeBlanc-Bantey: On verra tout à

l'heure.

M. Polak: Oui.

Mme LeBlanc-Bantey: J'aurais beaucoup de questions à poser, mais je vais quand même être très brève pour permettre à ma collègue de Maisonneuve et aux collègues de l'Opposition de manifester qu'ils ont justement autant d'intérêt dans le dossier qu'on peut en avoir de ce côté-ci. J'ai eu l'occasion de dire, ce matin, que le retrait préventif pose un certain nombre de problèmes dans son application. Tout au moins, tous les groupes ont senti le besoin de souligner la différence d'interprétation de la loi qu'il y avait au tout début par rapport à une certaine interprétation qui tenterait de devenir courante depuis 1982, si vous voulez.

Ma première question s'adresse à Mme Freeman. En étudiant le dossier - j'admets que j'ai encore beaucoup d'expertise à développer sur le sujet; je vais m'y attarder durant les prochaines semaines - j'avais l'impression qu'un des gros problèmes, au-delà de l'interprétation de la loi et du cadre réglementaire développé par la CSST, était, d'abord et avant tout, l'inégalité d'accès, surtout pour les femmes non syndiquées, qu'il s'agisse des femmes immigrantes ou d'autres groupes de femmes.

Vous avez fait allusion, durant votre intervention, au manque d'information auquel étaient confrontées ces femmes. Est-ce qu'il y a vraiment, à votre avis, de la part de la CSST, une volonté de ne pas informer les groupes non syndiqués, pour peut-être, pour le dire franchement, limiter des coûts, ou s'il y a eu quand même, du côté des groupes non syndiqués, un minimum d'information diffusée? Sinon, est-ce que vous avez des suggestions concrètes à faire, tant à la CSST qu'aux collègues de part et d'autre de cette table, pour qu'effectivement les groupes non syndiqués soient, d'abord et avant tout, bien informés de ce que leur permet la loi sur le retrait préventif, au-delà, je le dis bien, des divergences d'interprétation entre la loi et le cadre réglementaire nouvellement ou, en tout cas, dernièrement développé par la CSST?

Je reformule ma question pour être bien sûre que je comprends bien. Est-ce que, dans les usines non syndiquées, les travailleuses, entre autres, que vous représentez, les femmes sont vraiment au courant des droits que leur confère la loi que tout le monde va tenter d'améliorer? Sinon, comment peut-on faire pour rejoindre ces groupes de femmes qui n'ont pas, malheureusement, d'organisation syndicale pour les sensibiliser et les sécuriser? La peur de perdre leur emploi, la peur des représailles, etc., cela arrive dans une deuxième étape, au moins après qu'on est au courant que le droit existe. C'est quoi la situation réelle?

Mme Freeman: D'abord, c'est sûr que, parmi les femmes non syndiquées travaillant en usine, la grande majorité ne sont pas au courant qu'existe le retrait préventif ou qu'existe la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Il y a très peu de moyens actuellement pour diffuser de l'information auprès d'elles. Je dirais qu'il n'y a pas encore une volonté concrète exprimée par la CSST de faire une diffusion large auprès des travailleurs et des travailleuses. Il y en avait peut-être une auprès des patrons. En ce qui concerne le fait de s'adresser aux travailleurs et aux travailleuses venant des communautés culturelles minoritaires, à ma connaissance il n'y aucune traduction des dépliants, des documents de la Commission de la santé et de la sécurité du travail jusqu'à maintenant.

Comment faire pour diffuser cette information, dans un premier temps? Il y a plusieurs façons. Il y a des méthodes traditionnelles qui sont importantes à considérer, c'est-à-dire les annonces, surtout à la télévision, dans les journaux, dans les journaux communautaires et ethniques dans plusieurs langues. Il faudrait aussi financer les groupes populaires, les centres communautaires et ethniques pour faire cette diffusion et souvent cette vulgarisation de la loi. Parfois, les documents gouvernementaux ne sont pas tellement accessibles en ce qui a trait à la langue, ils sont trop légalistes. Je dirais que ce n'est pas le cas pour les dépliants sur le retrait préventif qui ont publiés par la CSST en 1981 et en 1982. Ce sont deux documents très intéressants et très accessibles, mais ils ne sont plus en circulation.

Le Président (M. Blouin): Merci. Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Je vais essayer de vivre avec cela. De toute façon, on aura l'occasion d'en reparler. Je vais poser une question à Mme Bélanger, des CLSC, qui a fait allusion, entre autres, à un cas de retrait préventif qui a été refusé deux fois et qui s'est terminé devant la Commission des affaires sociales, laquelle aurait accordé le retrait préventif. Compte tenu de la définition même du concept du retrait préventif, il s'est passé combien de temps entre la première demande de la femme enceinte et son retrait supposément préventif?

Mme Bélanger (Suzanne): La dame avait cessé de travailler le 22 mars 1981 et le 23 mars le médecin avait envoyé officiellement le certificat. J'ai dit la date tantôt. La Commission des affaires sociales a rendu sa décision le 18 octobre 1983. C'est donc de mars 1981 à octobre 1983.

Mme LeBlanc-Bantey: C'est-à-dire le sixième ou le septième mois de la grossesse, si je comprends bien.

Mme Bélanger (Suzanne): Deux ans et demi plus tard.

Mme LeBlanc-Bantey: Je m'excuse, je pensais que c'était la même année. Deux ans et demi plus tard.

Mme Bélanger (Suzanne): Si on parle de la même grossesse, cela fait longtemps que c'est fini.

Mme LeBlanc-Bantey: Elle a eu le temps d'en faire une deuxième et pratiquement d'amorcer la troisième, si je comprends bien. C'est là qu'on comprend que les délais, quand on parle de retrait préventif...

Le Président (M. Blouin): La famille est presque élevée.

Mme LeBlanc-Bantey: ...peuvent avoir une certaine importance. Je n'ai pas d'autre question à vous poser. La réponse en dit plus long que n'importe quel discours.

Le Président (M. Blouin): Est-ce que cela va?

Mme LeBlanc-Bantey: Non, j'ai une troisième question.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

Mme LeBlanc-Bantey: ...cette fois-ci, aux infirmières. J'ai posé une question ce matin à la CSN et je l'ai posée aux femmes qui grosso modo sont venues nous dire un peu la même chose que vous êtes venues nous dire ce soir. Elles sont venues nous raconter le même type de problèmes auxquels les femmes sont confrontées depuis que la CSST semble avoir resserré ses normes, compte tenu de l'interprétation de la loi. J'ai eu une réaction un peu profane, celle d'une femme ayant déjà eu une grossesse, qui s'était fait dire par son médecin, par sa mère, par toutes les femmes qu'elle connaissait: Bon, on comprend que les premiers mois de la grossesse - en tout cas, là-dessus, vous avez semblé le confirmer -sont, selon beaucoup d'experts, les mois les plus délicats, si vous voulez, ou les plus dangereux pour l'enfant à naître. Je me réfère toujours à mon expérience, encore là d'une façon très profane, où, après un certain nombre de mois de grossesse, on se sent plus solide et on a l'impression qu'une fois les douze ou quinze ou vingt premières semaines passées, il y a des risques qu'on peut prendre que, peut-être, on ne pouvait pas prendre durant les premières semaines de la grossesse.

Est-ce que vous croyez que c'est possible d'orienter toute la perspective du retrait préventif, justement, dans la possibilité que la femme l'obtienne dès les premières semaines de sa grossesse, quand elle en fait la demande et, bien sûr, quand son médecin traitant ou quand le médecin du département de santé communautaire acquiesce? Est-ce qu'elle peut, à ce moment-là, obtenir ce retrait préventif? Mais, aussi, il y a la perspective où elle pourrait revenir à son travail quelques semaines ou quelques mois plus tard jusqu'à l'obtention, finalement, du congé de maternité qui est octroyé en fonction des lois actuelles, sans que cela nuise ni à la vie, ni à la santé de la mère ou du bébé.

Moi, je refuse de penser - je pense que ce n'est pas votre opinion, non plus - que la grossesse, au départ, est une maladie. C'est généralement un état physique que les femmes assument naturellement. Donc, est-ce qu'on peut envisager une orientation qui ferait que, oui, on accorde le retrait préventif pour quelques mois, mais qu'à partir de tel mois de la grossesse, bien sûr, après avis des médecins, la femme puisse retourner sur les lieux du travail, quitte à repartir au moment du congé de maternité?

Le Président (M. Blouin): Mme

Bélanger.

Mme Saint-Georges (Andrée): Je pense que la question s'adressait à nous.

Mme LeBlanc-Bantey: À Mme

Préfontaine, je crois.

Le Président (M. Blouin): Ah, je m'excuse. À Mme Préfontaine ou à vous, oui.

Mme Saint-Georges: D'accord, je vais répondre pour la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers. Là-dessus, je vous répondrai que je pense qu'en principe nous serions d'accord avec une telle optique à condition qu'il soit clair que les risques qui étaient invoqués pour les premiers mois de la grossesse ne subsistent plus. À l'heure actuelle, on connaît l'avancement de la science ou de la médecine face aux femmes enceintes et on sait que plus souvent qu'autrement il n'y a pas grand-chose. On voudrait qu'à ce moment-là le doute puisse bénéficier à la travailleuse. Mais, si vous pouvez me démontrer que les risques qui existaient au moment des premiers mois n'existent plus, nous serions, évidemment, d'accord avec un retour au travail, parce qu'à notre avis une femme enceinte peut travailler, à moins que son travail ne soit dangereux.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

Mme LeBlanc-Bantey: D'accord.

Le Président (M. Blouin): Merci, madame. M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à Mme Freeman. Vous avez fait référence au fait que spécialement les femmes non syndiquées et les Néo-Québécoises ont beaucoup de difficulté à recevoir de l'information au sujet du retrait préventif. Vous avez dit aussi, si je ne me trompe pas, qu'il n'y a pas de traduction des documents qui existent à la CSST sur le sujet. Est-ce que vous avez fait la demande formelle, en tant que groupe, à la CSST qu'on puisse donner à ces gens-là des documents traduits dans leur langue maternelle?

Mme Freeman: Jusqu'à maintenant, Au bas de l'échelle a concentré ses pressions dans ce sens auprès de la Commission des normes du travail. Il y a d'autres groupes, par exemple, le Collectif des femmes immigrantes, qui ont fait des demandes à la commission, à ma connaissance.

M. Cusano: Est-ce que, à votre connaissance, cela a été fait ou si cela a été rejeté du revers de la main?

Mme Freeman: Est-ce qu'il y avait une demande formelle transmise?

M. Cusano: Oui, oui. Est-ce qu'il y a eu une demande formelle de la part d'autres groupes, à votre connaissance?

Mme Freeman: Je ne peux pas vous le dire avec fermeté. Je n'en suis pas sûre.

M. Cusano: Merci. Une autre petite question: Connaissez-vous le centre Centro Donne qui s'occupe des femmes italo-québécoises dans le nord de Montréal? (22 heures)

Mme Freeman: Oui, certainement.

M. Cusano: Est-ce que le travail qu'ils font auprès des femmes qui travaillent justement dans des manufactures et qui ne sont pas syndiquées, vous pouvez le comparer à votre genre de travail?

Mme Freeman: Oui, au niveau de l'information donnée, au niveau de leurs services, ils offrent moins de services en ce qui a trait aux normes minimales de travail et mettent plus l'accent sur les problèmes globaux qui incluent la famille et tout cela, dont Au bas de l'échelle ne traite pas du tout.

M. Cusano: Bon. Vous parliez, tout à l'heure, des programmes dans des postes de radio en langue maternelle. Comment le financement de cela est-il fait? Est-ce que c'est du temps qu'on vous offre, par exemple, la radio italienne, la radio grecque et ainsi de suite. Est-ce que vous devez payer des frais...

Mme Freeman: Dans les radios communautaires ethniques...

M. Cusano: ...ou si c'est gratuit?

Mme Freeman: ...comme ailleurs, on n'a pas de fric pour payer de la publicité. Si on est invité, on y va. On est là comme invités.

M. Cusano: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Viau. Alors, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je suis très contente que vous soyez venues. Je sais que les délais ont été encore plus courts pour vous que pour tous les groupes qui se sont présentés devant cette commission aujourd'hui. Je ne peux m'empêcher de constater que vous avez, malgré tout, présenté des mémoires écrits. Je veux vous remercier d'être venues parce qu'il arrive, à l'occasion, particulièrement dans les groupes de femmes puisqu'il y a une absence chronique de femmes dans bien des niveaux, qu'on a l'impression que cela va être difficile de secouer ces appareils très lourds que sont les commissions parlementaires. Mais je pense que c'est très important que vous veniez transmettre les problèmes que vous rencontrez dans vos milieux.

J'ai eu l'occasion - je veux le faire rapidement avant de revenir aux questions, c'est rare que je félicite ou que je remercie des groupes dans une commission parlementaire - d'apprécier le travail que fait Au bas de l'échelle et également le travail des intervenantes en santé communautaire dans le CLSC Hochelaga-Maisonneuve qui, comme je l'ai vu, a signé le mémoire que vous présentiez, Mme Bélanger.

Mes félicitations, elles vont d'abord s'adresser à la Fédération des infirmières québécoises parce qu'il demeure qu'elles ont alerté l'opinion publique sur un problème majeur et non pas seulement pour le bénéfice de leurs membres mais pour le bénéfice de l'ensemble des travailleuses. Vous savez, vous avez tantôt, en fait, transmis certains problèmes très réels, certains dossiers qui se sont présentés. J'écoutais M. Chartrand qui était le porte-parole - je ne sais pas s'il est ici ce soir - de la FATA cet après-midi, qui disait que les députés ne travaillaient pas. Cela me faisait penser à cette image connue des mères de famille

dont on dit qu'elles ne travaillent pas parce qu'elles ont trop d'ouvrage. Je voudrais vous dire que souvent les députés ne travaillent pas parce qu'ils ont trop d'ouvrage à recevoir comme peut-être vous pouvez le faire aussi, comme vous le faites certainement, des femmes qui sont en butte avec des problèmes de retrait préventif.

Je note deux choses: Compte tenu donc de ce que nous savons, à savoir que la grossesse n'est pas une maladie, qu'il y a un droit, par ailleurs, très strict à la vivre dans de bonnes conditions, donc en citant vos propres textes, de vivre cette maternité sans danger, donc, dans un milieu de travail sain, sans une inquiétude ou une angoisse grandissante durant la grossesse elle-même -et j'en reviens au problème que vous avez souligné en termes d'inégalité d'accès, ma collègue Denise en a parlé - je voudrais plus particulièrement examiner la question de la grille d'uniformisation des critères d'acceptation des demandes.

Deux aspects: II semble que cette grille limite plus qu'elle n'élargit les critères d'acceptation et particulièrement je pense que Mme Bélanger - peut-être vous aussi, à la fédération, vous avez noté qu'il pouvait être intéressant de retenir des choix de risques mais que, par ailleurs, il était tout à fait arbitraire de retenir des normes-semaines. Et je pense que c'est peut-être sur cet aspect-là qu'il faut insister le plus. Présentement, est-ce que le problème de base est effectivement le critère de semaine qui est retenu indépendamment de la conjugaison de la situation personnelle, individuelle liée à des conditions particulières dans un milieu de travail?

Quant à l'autre aspect, j'aimerais beaucoup si vous aviez l'occasion de le développer. Peut-être que Mme Freeman, du groupe Au bas de l'échelle, et la Fédération des infirmières ont eu l'occasion de réfléchir sur l'ensemble des congés de maternité? On n'a pas abordé cette question, aujourd'hui. N'y a-t-il pas lieu de repenser l'ensemble de ce dossier à l'intérieur d'une politique globale de la maternité? Il est vraisemblable qu'il puisse y avoir des problèmes de grossesse sans qu'elle soit particulièrement liée à des conditions d'emploi ou à un milieu de travail particulièrement néfaste. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

Mme Bélanger (Suzanne): Je peux peut-être répondre à la première partie et vous prendrez la deuxième. Pour ce qui est de la grille des critères comme on l'appelle communément. Il y a là-dedans un calcul assez mécanique et, à notre avis, dangereux portant sur le nombre de semaines. Quand on regarde bien la grille, on s'aperçoit que la majorité des retraits préventifs qui seront acceptés et que le sont actuellement dans les faits, car la grille est déjà appliquée à plusieurs endroits, se font entre la 26ème et la 29ème semaine. Et les femmes qui peuvent l'avoir à la 20ème semaine sont très chanceuses. Ce qui est très compliqué dans tout cela, c'est que, finalement... Je comprends que ce serait beaucoup plus facile si on arrivait à faire une opération très simple en disant un plus un égal deux; donc, il y a un danger très facile à mesurer et cela amène telles ou telles conséquences au niveau de la santé du foetus ou de la mère; donc, on retire la mère ou on la réaffecte? Mais quand on regarde où se situent les femmes sur le marché du travail, en général, ce n'est pas si simple que cela.

La majorité des femmes sur le marché du travail ne sont pas dans des usines où, par exemple, il y a un agresseur relativement simple à délimiter qui serait, à titre d'exemple le plomb. Il y a des femmes qui sont dans des endroits où il y a souvent un ensemble de facteurs qui font que la femme ne devrait pas rester là. Avec cette grille, on a l'impression qu'il n'est pas question d'une conjugaison de facteurs. On en prend un et, de façon mécanique, on l'applique. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais c'est un peu notre préoccupation par rapport à cette grille. C'est très statique et on ne tient pas compte de l'ensemble des facteurs.

Mme Harel: Ce que vous contestez, ce sont les normes-semaines qui figurent dans la grille.

Mme Bélanger (Suzanne): Qui figurent dans la grille, oui.

Mme Harel: Vous considérez qu'on devrait revenir à l'interprétation initiale qui prévalait quant aux dispositions de la loi traitant du retrait préventif pour une grossesse ou dans un cas d'allaitement, tout en retenant des choix de risques. Dans votre mémoire écrit, cela vous apparaît des choix de risques intéressants, tout au moins pour resituer, j'imagine, ou faciliter le travail des intervenants en santé communautaire sans que soient retenues de façon mécanique les normes-semaines. Est-ce cela?

Mme Bélanger (Suzanne): C'est cela. Ce dont on a peur, c'est que cela devienne une opération très mécanique. N'entrent pas en ligne de compte, non plus, les conditions personnelles qui peuvent être aggravées par la grossesse. Il y a un peu là le type de jugement rendu à la Commission des affaires sociales.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

Mme Freeman: Pour la deuxième question.

Mme Harel: Vous savez que la

deuxième question est de savoir si tout cela ne conduit pas à des mesures d'exception à l'égard des femmes s'il n'y a pas un véritable congé de maternité?

Mme Freeman: Cela fait longtemps qu'on se bat pour avoir une politique globale de la maternité, de la prise en charge de l'enfant favorisant aussi la prise en charge par les hommes du soin des enfants. Quand je dis nous, je veux dire les groupes de non-syndiqués, les groupes de femmes des centrales syndicales, des intervenants un peu partout depuis au moins 1978, au Québec.

Actuellement, les droits en ce qui concerne les congés de maternité sont très éparpillés pour les femmes non syndiquées. Si on a 20 semaines de travail chez un employeur, on pourrait être admissible à un congé de maternité de 18 semaines sans solde. C'est clé quand je dis "sans solde", parce que l'on parle de femmes qui travaillent et qui sont rémunérées moyennement et autour du salaire minimum. S'il y a des possibilités de fausse couche, il y a des congés spéciaux qui peuvent précéder le congé de maternité. Encore là, ces congés sont sans solde. Il y a un congé de deux jours de paternité sans solde; il y en a aussi au moment de l'adoption d'un enfant. Pour obtenir un revenu durant leur congé de maternité, les femmes non syndiquées doivent être admissibles aux prestations de l'assurance-chômage-maternité. Les conditions d'admissibilité jusqu'au 1er janvier 1984 sont différentes des critères d'admissibilité à un congé de maternité comme tel. Ce ne sont pas toutes les femmes qui bénéficient d'un congé de maternité, donc d'une absence de 18 semaines avec une certaine garantie de retour au travail par après, qui peuvent avoir accès à un revenu quelconque. Ce revenu est de 60% de leur salaire ordinaire, c'est-à-dire normalement le salaire minimum, et les prestations couvrent une période de 15 semaines. Si une femme a des problèmes de menace de fausse couche avant de prendre son congé de maternité et qu'elle doit s'absenter de son travail, la Loi sur les normes du travail lui donne une certaine protection d'emploi. Mais si elle est admissible aux prestations de maladie et de l'assurance-chômage jusqu'en janvier 1984, elle va voir ses prestations de maternité réduites en fonction du nombre de semaines de prestations qu'elle touche à ce moment. Les femmes enceintes sont pénalisées à tous les niveaux. Il y a toujours une perte économique très importante. Pour les femmes syndiquées, c'est surtout dans le secteur public et parapublic que, par le biais de la syndicalisation, elles ont réussi à transformer certains emplois qui étaient des ghettos d'emplois féminins et qui ont gagné des congés de maternité et des congés parentaux avec paie. Peut-être qu'Andrée pourrait compléter en ce qui a trait à une politique d'ensemble de la maternité.

Le Président (M. Blouin): Mme Préfontaine.

Mme Préfontaine: Dans la conclusion de notre mémoire on parle précisément de la politique globale de la maternité. Pour nous, c'est clair que le congé de maternité qu'on a, comme syndiquées, nous sommes conscientes que nous sommes privilégiées par rapport à des gens qui sont au bas de l'échelle et aux situations que ces gens peuvent connaître. Ce genre de congé devrait être applicable à toutes.

Il y a un autre aspect qui nous semble important dans tout cela. Il ne faudrait pas que le fait qu'il y ait le retrait préventif fasse que les femmes deviennent marginalisées. Que les employeurs à un moment donné disent: Avoir des femmes, c'est trop compliqué, elles vont devenir enceintes, elles vont avoir des congés de maternité, etc. Donc, les employeurs voudront plutôt engager des hommes que des femmes. Quand on parle de la politique globale, c'est un peu à tout cela qu'on pense: l'accès à l'emploi, et d'éliminer les inégalités à ce niveau, d'avoir la sécurité d'emploi et que les femmes puissent avoir accès aux mêmes avantages que les hommes dans toute la situation.

Je veux revenir à la question des 20 semaines. La question que vous posiez tantôt par rapport à cela, il y a la classification par semaine mais il y a aussi la classification par emploi qui est utilisée dans la grille. Sur cela, on n'est pas d'accord. Entre autres, il y a une classification dans une des grilles pour les infirmières, particulièrement, qui ne tient pas compte des risques. Sur cela on n'est pas d'accord.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Cela va, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Très rapidement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Je vous signale, Mme la députée de Maisonneuve qu'il y a trois autres intervenants, que nous avons un autre groupe à entendre après et que nous devons terminer nos travaux à minuit.

Mme Harel: Quels sont les trois autres intervenants à part l'Association des industries forestières du Québec?

Le Président (M. Blouin): II y a un autre intervenant.

Mme Harel: Ah! très bien. Pour terminer, est-ce qu'il y a présentement, vous allez me le confirmer ou me l'infirmer, 60%

des femmes qui sont en âge de procréer qui sont sur le marché du travail? Vous avez les chiffres? À peu près 60%, merci. Très bien, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Trois autres députés intervenants et un autre groupe ensuite.

M. le député de Saint-Jacques.

M. Champagne (Saint-Jacques): Tout d'abord, je voudrais assurer les quatre jolies intervenantes que même s'il n'y a pas de dame qui siège de ce côté de la table de la commission, du côté de l'Opposition, le problème du retrait préventif nous intéresse aussi au plus haut point. (22 h 15)

Mme LeBlanc-Bantey: Cela vous intéresse?

M. Champagne (Saint-Jacques): Les trois intervenants qui ont parlé ont fait allusion au fait que la situation se soit détériorée à la fin de 82. Savez-vous ce qui s'est passé à ce moment pour que la situation se détériore? Y a-t-il un jugement de la CAS ou bien une directive écrite qui a été publiée, qui est venue à votre connaissance, changeant les règles du jeu?

Le Président (M. Blouin): Madame Bélanger.

Mme Bélanger (Suzanne): J'imagine qu'il a dû y avoir des directives de données, mais ce que je peux vous dire, c'est que nous on le vérifie par l'autre bout, quand on reçoit les réponses des patientes qui demandent des retraits préventifs. Ce qu'on a noté à ce moment, c'est que, d'abord, dès qu'il y a quelque chose qui menace d'être interprété comme une condition personnelle, on refuse le retrait préventif, et on est devenu beaucoup plus restrictif dans l'acceptation des retraits préventifs. Mais s'il y a eu des directives internes de données? Nous, on voit par le résultat, mais on ne voit pas de l'intérieur.

M. Champagne (Saint-Jacques): La situation a-t-elle changé soudainement, tout d'un coup ou si elle s'est détériorée lentement? Vous disiez tout à l'heure que toute demande avant 20 ou 25 semaines était maintenant automatiquement refusée. Est-ce que c'est devenu tout de suite 20 ou 25 semaines ou s'il y a eu des demandes qui ont été refusées après 5, 7, 8 semaines? Est-ce qu'il y a eu d'autres situations, avant que ce soit 20, de suite 20, 25 semaines, où toute demande était refusée à l'intérieur de cela?

Mme Bélanger (Suzanne): II y avait la situation normale où on évaluait chaque demande de retrait préventif. On tenait compte de l'ensemble des situations et on l'accordait ou on le refusait. Actuellement, c'est même souvent la réponse que l'on a: Avant 26 semaines, n'y pensez pas.

M. Champagne (Saint-Jacques): Je voudrais savoir si l'une ou l'autre d'entre vous a connaissance, si on prend l'hypothèse d'une manufacture où il y aurait, disons, pour le bénéfice de la discussion, 75 employées, 75 femmes y travaillant et que 25 de ces femmes soient affectées à la même tâche, tenant pour acquis que l'une d'elles, étant enceinte, demande le retrait préventif et que ce retrait lui est accordé vu le genre de travail qu'elle fait... Est-ce qu'à ce moment, si une autre femme tombe enceinte plus tard, le retrait lui est accordé automatiquement ou si elle doit refaire, à chaque fois, le processus de demande par le médecin, qui va au médecin de la CSA?

Mme Bélanger (Suzanne): La demande doit être refaite chaque fois.

M. Champagne (Saint-Jacques): Elle doit être refaite au complet chaque fois.

Le Président (M. Blouin): S'il s'agit d'un nouveau cas.

M. Champagne (Saint-Jacques): Ce sur quoi j'insiste, c'est que s'il est établi une première fois par la CSST que le travail en question dans cette usine mérite le retrait préventif, il me semble que si ce n'est pas une question de condition personnelle à la dame en question, mais bien reliée à son travail, il est inutile de refaire tout le processus chaque fois qu'une dame qui fait le même travail devient enceinte; on devrait automatiquement lui accorder le retrait préventif. Vous, vous me dites qu'il faut recommencer chaque fois.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Cela va, M. le député de Saint-Jacques?

Mme Saint-Georges: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, Mme Saint-Georges.

Mme Saint-Georges: J'aimerais répondre à la première question du député joli garçon.

Le Président (M. Blouin): Mme Saint-Georges, vous êtes en train de faire des jaloux.

Mme Saint-Georges: Concernant votre première question, j'aimerais vous répondre que, en ce qui a trait aux conditions personnelles de la travailleuse enceinte dont nous faisions mention tout à l'heure, la détérioration a été graduelle, mais on a eu

vent qu'il y aurait eu une lettre de M. Ghislain Dufour, du Conseil du patronat, à la CSST à savoir que la façon dont le retrait préventif était appliqué était beaucoup trop large.

M. Champagne (Saint-Jacques): Avez-vous pu avoir copie de cette lettre?

Mme Saint-Georges: Non, absolument pas. Je vous dis qu'on a eu vent de, mais je n'ai pas de copie de cette lettre-là. Concernant les 20 semaines, la détérioration a été automatique à partir du 23 mars 1983, date des directives que vous avez en main.

M. Champagne (Saint-Jacques): De quelle façon avez-vous eu vent de cette lettre?

Mme Saint-Georges: Tout le monde en parle.

M. Paré: C'est un vent du nord!

M. Champagne (Saint-Jacques): Vous n'avez pas d'autres précisions sur cette lettre?

Mme Saint-Georges: Non, disons qu'il y aurait eu des pressions du Conseil du patronat selon lesquelles le retrait préventif était trop largement interprété et appliqué à la CSST.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord préciser une chose. J'ai siégé simultanément à deux commissions parlementaires et je regrette de n'avoir pas été présent lors des deux premières journées d'audition de la commission parlementaire qui se tient sur la CSST. Je siégeais à la commission de l'énergie et des ressources. On m'en a libéré parce que la commission est terminée et je suis heureux d'être ici ce soir pour écouter les commentaires des gens qui se présentent. J'ai écouté avec énormément d'attention les représentations que vous avez faites et je me suis presque retrouvé, en vous écoutant, dans mon bureau de comté. Vous savez qu'un député, à son bureau de comté, reçoit des femmes et des hommes qui sont victimes de difficultés face à la CSST ou à l'administration de la CSST ou qui prétendent ne pas avoir été justement compensés pour les maladies ou les accidents qu'ils ont subis à cause de leur travail.

À la suite de ce que vous avez dit, je peux prendre, un peu à mon corps défendant, que la loi ne doit jamais être discriminatoire. Je pense que c'est un principe de base; que la personne soit italienne, noire, femme ou homme, quand elle doit être rémunérée parce qu'elle a été victime d'un accident ou que sa santé a été affectée par son travail, qu'elle soit syndiquée ou non syndiquée - je pense que vous représentez particulièrement les femmes non syndiquées - il ne doit pas y avoir de discrimination. Je sais que vous l'avez mentionné. Je dis aussi que la publicité faite par la CSST doit correspondre à la réalité. On ne doit pas annoncer au-delà de ce qu'on offre. Si on offre X, on doit donner X. Je pense qu'il est important de ne pas laisser croire aux gens qui sont susceptibles d'être compensés par cette loi ou par cet organisme qu'on les indemnisera davantage et que, tout compte fait, on les indemnise moins. Il est très important d'avoir une juste publicité, une honnête publicité. Par ailleurs, je tiens à ce qu'il y ait une publicité, qu'on annonce ce que l'organisme offre à la population, ni moins, ni plus.

Je voudrais aussi que la loi ne soit pas interprétée selon son portefeuille. Vous avez souligné cela. Vous avez souligné que la loi, au début de son application, vous semblait plus généreuse dans son interprétation et que, depuis un certain temps, on semblait resserrer un peu. Je me risque à interpréter cela ainsi: Si on resserre un peu, c'est peut-être directement proportionnel au budget que l'organisme a à dépenser ou à ne pas dépenser. Je dis que c'est une fausse piste; on ne doit pas indemniser ou ne pas indemniser à partir de l'argent dont on dispose mais on doit indemniser ou ne pas indemniser selon les termes de la loi. Je pense que cela est important. C'est au même titre que la publicité qu'on fait.

Je voudrais vous poser une question mais, avant de le faire, je voudrais souligner une chose qui m'apparaît extrêmement délicate. Je le dis et je ne voudrais pas que mon intervention ou ma réflexion sur cette question soit mal interprétée. Je dis que le marché du travail est déjà une denrée compliquée, difficile pour les femmes. Vous êtes d'une certaine façon discriminées. On sait qu'il est plus difficile pour une femme, ayant la capacité et les connaissances égales, d'obtenir un emploi par rapport à un homme. Par ailleurs, en partant de là, si trop souvent ou d'une façon mal appropriée ou mal à propos les femmes réclamaient - j'ai dit que c'était délicat avant d'aborder cette question-là - de façon inconditionnelle ou mal à propos des prestations de la CSST, dans des cas où elles ne le mériteraient pas, je pense qu'elles se feraient elles-mêmes un grand tort au niveau de l'emploi possible pour elles. J'ouvre cette parenthèse. C'est un genre de mise en garde. Je ne dis pas que c'est pratiqué, mais je mets quand même entre parenthèses cet élément de la question, c'est juste une question de réflexion. Je ne dis pas que c'est pratiqué. Les gens étant ce qu'ils sont, il peut peut-être y avoir des

tentatives de ce côté. Donc, c'est un danger parce que les patrons - je termine, M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Vous avez une question?

M. Lavigne: J'ai deux petites questions en terminant. Les questions, il y en a deux. Est-ce que vous trouvez que la loi actuelle manque de générosité, première question? Si oui, est-ce que la loi 42 viendrait corriger le manque de générosité de la loi qu'on connaît présentement? Je pose la question à vous quatre et je ne sais pas laquelle des quatre...

Le Président (M. Blouin): Une à la fois. Mme Saint-Georges.

Mme Saint-Georges: Je vais répondre à la première question très rapidement pour vous dire... Voulez-vous me la répéter s'il vous plaît?

M. Lavigne: Est-ce que la loi est assez généreuse?

Mme Saint-Georges: Ce qu'on vous dit c'est que dans la loi il y a tout ce qu'il faut à l'heure actuelle concernant le retrait préventif de la travailleuse enceinte, si elle est bien interprétée, bien appliquée, pour que le retrait préventif soit un mécanisme acceptable. C'est ce qu'on vous dit. D'ailleurs on vous cite les textes de lois dans notre mémoire qui font en sorte que, comme elle était appliquée et interprétée au début, c'était ce que le texte de loi disait. Ce qu'on en fait maintenant, ce n'est pas ce que le texte de loi dit.

M. Lavigne: D'accord. Donc, la loi 42, à ce moment, ne vient rien corriger.

Mme Saint-Georges: Absolument pas. La loi 42 c'est de l'indemnisation. On n'est pas vraiment en matière d'indemnisation, on est en matière de prévention.

M. Lavigne: Parfait. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Beauharnois. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Oui, je serai assez bref. Selon les chiffres qu'on connaît, il y a beaucoup plus de demandes de retrait préventif qui sont acceptées dans les milieux organisés, les milieux syndiqués comparativement aux milieux qui ne sont pas syndiqués. Comment expliquez-vous cela? Est-ce que c'est à cause de la complication de la demande? On nous dit que ce n'est pas compliqué. On a une formule à remplir, on attend. Vous avez fait mention tout à l'heure, dans votre exposé du début, de la démarche à suivre pour obtenir un retrait préventif. Pourriez-vous nous répéter la marche à suivre pour une personne qui veut avoir un retrait préventif? Est-ce que c'est compliqué, selon vous, ou si c'est une chose bien simple?

Mme Freeman: L'étape la plus compliquée, c'est d'être informée que ce recours existe. Je pense que dans les milieux non syndiqués c'est le grand problème d'abord. Le processus est que la femme doit trouver une place ou un ami, un collègue ou une voisine qui connaît cette loi, qui sait que le droit existe, qui a entendu cela quelque part, et qui l'informe de contacter la CSST ou un CLSC ou un groupe populaire, etc. La première démarche, dans ce cas, serait pour elle, si elle craint que ses conditions de travail soient dangereuses, ce serait d'aller voir son médecin et de demander à son médecin son avis sur la question, lui demander aussi de lui fournir un certificat pour son employeur comme quoi elle demande d'être affectée à une autre tâche qui n'est pas dangereuse. Le médecin traitant contacte le département de santé communautaire avec sa recommandation.

Dans la deuxième étape, pour la plupart des femmes non syndiquées, comme je l'ai expliqué tantôt, c'est assez rare qu'une réaffectation à d'autres tâches puisse se faire. Je veux dire que, quand le patron travaille de bonne foi et tout cela, normalement il n'y a pas d'autre tâche, et c'est là où cela devient difficile. Dans la loi, on dit que si une réaffectation n'est pas possible immédiatement, la femme peut cesser de travailler. Mais si elle est le moindrement informée des démarches éventuelles, elle doit faire une drôle de décision. Est-ce qu'elle cesse de travailler, pour des raisons de protection pour son enfant à naître ou sa santé face à des risques possibles. (22 h 30)

Si elle fait cela, même si son médecin et le médecin du département de santé communautaire sont tous les deux d'avis qu'elle doit avoir son retrait préventif, elle peut rester à la maison pendant six, sept ou huit semaines en pensant qu'elle va recevoir l'indemnité de la CSST pour découvrir que la CSST dit: Non, elle n'y a pas droit. Qu'est-ce qu'elle essaie de faire? Retourner au travail sans savoir réellement si ça comporte des risques pour elle ou pour l'enfant? Si elle décide qu'elle doit retourner au travail, ce n'est pas garanti que son patron sera du même avis parce qu'il a dû la remplacer; ce n'est pas sûr qu'il respectera la loi. Même la loi est ambiguë à cet égard. Est-ce qu'elle a exercé un droit découlant de la loi parce qu'elle a été refusée au retrait préventif et

elle s'est absentée dans cet esprit-là? Là, il risque d'avoir des coûts au niveau des recours légaux qu'elle exercera, si elle décide d'aller dans ce sens.

Si elle est le moindrement informée de ces coûts possibles, est-ce qu'elle retire sa plainte? Elle n'a pas vraiment de choix. C'est très rare d'avoir un cas comme la femme non syndiquée qui travaillait dans un bar comme réceptionniste, qui a passé deux ans et demi en recours et, pendant ces deux années, elle avait perdu son emploi, perdu ses revenus. C'est très rare. Cela ne doit pas vous étonner qu'il y ait moins de demandes venant des femmes non syndiquées. D'abord, l'information, deuxièmement, les délais, les tracasseries administratives et finalement les recours coûteux.

Le Président (M. Blouin): Est-ce que ça va?

M. Baril (Arthabaska): Oui. Il me reste une autre question. Il faudrait prendre le temps qu'il faut. On a donné plus de temps aux autres.

Le Président (M. Blouin): Je ne vous ai pas restreint.

M. Baril (Arthabaska): Non mais j'entends votre souffle. Vous avez fait part, dans vos commentaires, que vous aimeriez voir accorder plus de pouvoirs aux médecins des DSC. Comment peut-on voir cette mesure compatible avec la directive qui a été émise et qui est appliquée actuellement par les DSC? J'aimerais vous entendre expliquer de quelle façon vous aimeriez que les médecins des DSC aient plus de pouvoirs si déjà ils sont bloqués.

Mme Freeman: J'avais dit: un rôle plus central pour les médecins traitants et les médecins des départements de santé communautaire et ça, dans l'esprit d'éviter les abus, le droit de veto de la CSST qui prolongent les délais pour rendre les décisions d'acceptation et de refus du retrait préventif et pour éviter le scénario que je viens de raconter.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Arthabaska. Alors, au nom de tous les membres de la commission, je remercie Mmes Freeman et Bélanger, de l'organisme Au bas de l'échelle, et Mmes Préfontaine et Saint-Georges, de la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers. Sur ce, nous allons suspendre nos travaux pour cinq minutes et ensuite nous entendrons le dernier organisme, l'Association des industries forestières du Québec. Cinq minutes.

(Suspension de la séance à 22 h 34)

(Reprise de la séance à 22 h 42)

Le Président (M. Blouin): J'invite nos invités et les députés de la commission à regagner leur siège afin que nous procédions à l'audition du mémoire de l'Association des industries forestières du Québec, dont les représentants ont déjà pris place à la table des invités.

À l'ordre, s'il vous plaît! Sans plus tarder, je vais demander aux responsables de l'Association des industries forestières du Québec, à bien vouloir s'identifier aux fins du journal des Débats et, ensuite, à procéder à la lecture de leur mémoire. Bien sûr, nous procéderons ensuite à l'échange, coutumier maintenant.

AIFQ

M. Duchesne (André): M. le Président, permettez-moi de vous présenter les gens qui m'accompagnent. À ma droite, M. Denis Hamel, vice-président du conseil d'administration de l'Association des industries forestières du Québec et aussi président de l'Association de sécurité des pâtes et papiers du Québec Ltée. À ma gauche, M. Jean-Pierre Landry, membre du conseil d'administration de l'AIFQ et président de l'Association de sécurité des exploitations forestières du Québec. À l'extrême gauche, M. Aurèle Saint-Pierre, directeur général et de l'Association de sécurité des pâtes et papiers, et de l'Association de sécurité des exploitations forestières. À l'extrême droite, M. Roger Ferragne, directeur de la législation du travail à l'Association des industries forestières du Québec. Mon nom est André Duchesne, je suis président et directeur général de l'AIFQ.

M. le Président, M. le ministre, l'Association des industries forestières du Québec représente la presque totalité de l'industrie des pâtes et papiers et une partie non négligeable de l'industrie du sciage au Québec. L'ensemble du secteur forestier est vital pour l'économie québécoise. Ses 1200 établissements manufacturiers, dont 60 usines de pâtes et papiers, fournissent près de 75 000 emplois en usine et environ 20 000 en forêt. Il verse actuellement plus d'un milliard de dollars par année en salaires. Ses livraisons, destinées en grande partà l'exportation, atteignent six milliards de dollars par année et représentent 22% de l'ensemble de nos exportations.

Deux associations patronales de prévention, soit l'Association de sécurité des pâtes et papiers du Québec, l'ASPPQ, et l'Association de sécurité des exploitations forestières du Québec, l'ASEFQ, ont été formées dès 1934 par nos membres employeurs pour promouvoir des services de prévention d'accidents du travail. Une autre

association patronale de prévention, l'Association de sécurité des industriels forestiers Ltée offre ses services de prévention à certains de nos membres qui exploitent des usines de sciage. L'intérêt des membres de l'AIFQ étant minoritaire dans cette association qui en compte plus de 1500, le présent mémoire ne fera référence qu'aux deux premières associations patronales de prévention.

L'Association des industries forestières du Québec situe le cadre de son mémoire autour du thème "prévention" et principalement sur ses éléments de formation-information dans le sens qu'on leur donne dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail de 1979. Cet objectif prioritaire répond aux principes de base de cette loi et met en cause certaines décisions administratives de la CSST.

À l'intérieur de ce cadre, l'association estime préférable de maintenir les services de formation-information en place, qui font preuve d'efficacité, alors que ceux que l'on veut faire naître ne peuvent être évalués avant les faits, d'autant plus qu'ils reposent sur des consensus à établir.

Enfin, l'association insiste pour que la politique du consommateur responsable prévale. Le client ne doit être facturé que pour les services qu'il achète dans l'éventail de services de formation-information offerts par la loi.

Les services de formation-information en place au moment de l'adoption de la loi en 1979 étaient assurés pour les membres de l'AIFQ par les deux associations patronales de prévention citées précédemment. Elles ont été fondées dès 1934 dans le cadre de l'article 110 de la Loi des accidents du travail de 1931. Au cours des ans, les membres de l'AIFQ ont adhéré volontairement à ces associations de prévention et ont vu à ce que soit maintenue la présence d'officiers compétents et responsables pour en assurer l'orientation et rencontrer les besoins de formation et d'information en prévention, tant du personnel cadre que des travailleurs.

Les réalisations de ce demi-siècle d'existence ont nécessairement été multiples; les méthodes d'action ont évolué au cours des ans pour rencontrer les besoins et motivations en évolution. Il est indéniable que les responsables de ces associations ont préparé des mesures bien adaptées au milieu pour promouvoir les programmes de prévention dans une action concertée dont la base est axée sur le vécu quotidien des travailleurs.

Depuis la Loi sur la santé et la sécurité du travail de 1979, nos associations patronales de prévention ont pu se maintenir en place et poursuivre leur action, tout en étant influencées par les mécanismes nouveaux proposés ou imposés par la nouvelle loi. L'article 268 de cette nouvelle loi, qui abrogeait l'article 115 de la Loi sur les accidents du travail, n'a été mis en vigueur qu'en octobre 1983. Cela apparaissait comme un signe évident que le législateur reconnaissait la valeur des services rendus par les associations patronales en place et qu'il aurait été de mauvaise foi de supprimer ces associations, sachant que les mécanismes prévus par la loi ne pouvaient être en place à court terme ni remplacer la qualité des services déjà offerts.

D'autre part, les représentants syndicaux au conseil d'administration de la CSST ont fait annuellement pression pour que le conseil refuse l'octroi des subventions aux associations patronales, même si elles y avaient droit en vertu de l'article 115 de la Loi sur les accidents du travail.

Ces pressions syndicales ont obligé le président de la commission à exercer son droit de vote pour assurer le financement nécessaire lorsque venait le moment de voter les budgets. En toute justice et objectivité, nous devons souligner ici le rôle positif qu'a joué le vice-président à la prévention de la commission sur le maintien du financement nécessaire aux associations de 1980 à 1983.

Malgré la valeur des services rendus par l'ASPPQ et l'ASEFQ, malgré la reconnaissance de leur action par la CSST et malgré la promesse souvent répétée par le vice-président à la prévention de la CSST de ne pas laisser tomber à court terme les associations patronales de prévention et le personnel en place, les pressions syndicales ont amené la direction de la commission à prévoir, dès le début de juin 1983, que les associations patronales de prévention ne seraient pas subventionnées en 1984 et a amené le gouvernement, le 28 septembre dernier, à abroger l'article 115 de la Loi sur les accidents du travail qui permettait les subventions nécessaires à leur opération.

L'abrogation de l'article 115 cadre mal avec l'objectif premier de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Le rôle positif et déterminant que l'ASEFQ a joué auprès des employeurs forestiers membres de l'AIFQ, lors de la préparation et du dépôt des programmes de prévention, en 1983, a-t-il démontré la trop grande valeur de ces associations face au modèle que la loi veut engendrer? Alors, pourquoi obstruer et déstabiliser des associations de prévention possédant un personnel compétent, dévoué et dont les services professionnels sont réclamés par les membres? Comment encore expliquer le geste d'abroger l'article 115 qui affecte la prévention dans un secteur prioritaire? Pour l'AIFQ, le geste politique a primé sur le rationnel, faisant fi des responsabilités déjà assumées par les employeurs en matière de prévention.

M. le Président, les propos qui précèdent auraient suffi à justifier la

présence de l'AIFQ à cette commission, mais il y a plus. Le préjugé favorable au syndicat entraîne une autre conséquence néfaste dans ce dossier qui indique bien que la prévention des accidents à la CSST est une affaire de bureaucratie administrative.

Le document technique de la CSST sur la tarification des employeurs, pour 1984, élabore, en page 19, les éléments du plan de dépenses pour les programmes de prévention, éléments que nous allons analyser.

L'association ne trouve pas de justification aux coûts que la commission a prévus pour certains des services de santé au travail. Les estimations révisées de 1983 se montent à 29 800 000 $ et celles de 1984 sont de 43 833 000 $, alors que la plupart de nos employeurs du secteur forestier, secteur déclaré prioritaire, ont demandé la reconnaissance de leurs services.

Logiquement, cette reconnaissance aurait dû entraîner une réduction de coûts pour la CSST et ses sous-traitants, les centres hospitaliers et les départements de santé communautaire.

Il convient donc de se poser certaines questions face à ces chiffres. En effet, compte tenu de l'absence remarquée des équipes de base des CHDSC dans l'industrie, en particulier au niveau des petites et moyennes entreprises, malgré un budget de près de 30 000 000 $, il faut se demander si ces sommes d'argent ont effectivement été consacrées à la fourniture de services. Rien ne permet actuellement de croire qu'une augmentation substantielle allouée aux équipes de base augmentera leur visibilité et surtout leur efficacité.

Si cette augmentation de 47% était destinée à augmenter le personnel des équipes de base en prévision de la programmation éventuelle de nouveaux secteurs prioritaires en 1984, pourquoi n'y a-t-il pas eu un réajustement à la baisse des allocations aux services de santé des secteurs non prioritaires et un réajustement à la hausse des montants alloués à la rémunération des médecins responsables?

Ce que notre industrie recherche, c'est des services pour ses travailleurs. Malheureusement, nous avons l'impression de nourrir un monstre administratif aux prises avec d'interminables difficultés d'organisation et de coordination entre ses neuf régions administratives. Le point 2 du plan de dépenses mentionné plus haut réfère à la formation-information. C'est notre point principal.

Dans le cadre de l'article 115, la Loi sur les accidents du travail, la CSST a consenti, pour l'année 1983, des subventions totales de 521 000 $ aux deux associations ASPPQ et ASEFQ. Pour 1984, ce montant est annulé par l'abrogation de l'article 115 comme on l'a mentionné précédemment.

Pourtant, malgré cette décision, pour chacune des rubriques de la section 2, formation et information, les employeurs de notre industrie devront absorber leur part des prévisions budgétaires approuvées dans les mois à venir. Ils n'auraient pas d'objection à le faire si les services auxquels les rubriques se rapportent leur étaient utiles.

Analysons la prévision de coûts pour ces services, en 1984. À la rubrique 190 reliée à l'article 268 de la loi, le montant est zéro. Les trois associations existantes, dont deux qui nous concernent, sont ignorées en totalité, et cela, lors de leur cinquantième année de prévention dans nos industries.

La rubrique 191 reliée à l'article 104 de la loi prévoit que la contribution des employeurs sera de 4 500 000 $ pour des subventions aux associations patronales et syndicales. La moitié est remise à la partie syndicale sous l'hypothèse que si la loi favorise la parité de représentation, elle doit aussi, dans une logique qui nous apparaît boiteuse, assurer la parité des subventions. Bien sûr, le préjugé favorable étant toujours présent, la logique administrative s'est arrêtée là afin d'assurer l'exonération des quotes-parts de la partie syndicale. Il est évident que notre industrie ne saurait réclamer plus que sa part de la deuxième demie du montant de la rubrique 191. Les autres associations d'employeurs ont, elles aussi, droit à leur part des fonds pour organiser ou maintenir en place leur service de prévention, d'autant plus que leurs employeurs doivent, eux aussi, absorber le don du montant équivalent à la main tendue syndicale.

Notre part, à l'article 191, s'établirait à 45 000 $ pour notre secteur forestier qui est prioritaire et à 90 000 $ pour notre secteur de fabrication de pâtes et papiers. Les besoins exprimés par les demandes de subventions s'établissent à 554 000 $ pour les deux associations de prévention. Dans la logique actuelle de la commission, les employeurs de l'AIFQ devraient demander au conseil d'administration de la commission d'accroître les prévisions de la rubrique 191 d'un montant de 838 000 $. Ce montant serait le double de la différence entre leur demande de subvention et leur part de la rubrique 191 puisque l'équivalent du montant additionnel demandé, soit 419 000 $ doit aller dans le grand panier de la partie syndicale qui n'a pas à en justifier le besoin. Ce mécanisme injuste ne repose sur rien dans la loi. Elle impose aux employeurs des frais sur lesquels ils n'ont aucun contrôle et, qui plus est, des frais qui excèdent la représentativité syndicale: les syndicats ne représentent que 30% de l'ensemble des travailleurs. Ce mécanisme sera-t-il encore longtemps maintenu par le conseil d'administration de la CSST?

La rubrique 192 reliée à l'article 100

de la loi prévoit que les employeurs paieront 5 025 000 $ pour les associations sectorielles paritaires. L'adhésion à ce genre de services a été prévue à la loi comme volontaire pour les parties patronale et syndicale. Il ne nous apparaît pas honnête d'imposer une part des frais à ceux qui n'en sont pas bénéficiaires. Il appartient aux parties et aux secteurs qui y adhèrent d'assumer les frais, et il apparaîtrait alors logique que les coûts prévus par la CSST soient affectés aux intéressés seulement. En effet, pourquoi les membres de l'AIFQ doivent-ils subventionner l'Association de santé et de sécurité du travail du service des affaires sociales qui se chiffrent à plus de 1 000 000 $ et dont le secteur n'a pas été jugé prioritaire alors que notre secteur forestier n'a pu en arriver à se donner ce type d'association? Rien n'indique encore que des associations sectorielles seront fonctionnelles en 1984 dans le secteur forêt et pâtes et papiers, en raison de l'expérience vécue chez nous et dans d'autres secteurs industriels.

La rubrique 195, reliée, semble-t-il, à l'article 167.15 de la loi, vise l'APPSST que vous connaissez probablement sous le nom de "La peste", soit une organisation multisectorielle qui a pris la relève de l'ancienne association patronale, l'Association de prévention des accidents industriels. Cette ancienne association, comme celle qui l'a remplacée, n'a jamais eu à rendre des services aux employeurs de l'AIFQ. On ne voit pas pourquoi le secteur forestier et celui des pâtes et papiers doivent absorber une part du montant prévu au budget pour cet organisme.

À la rubrique 669, reliée, semble-t-il, à l'article 167.6, il y a peut-être lieu qu'on accepte une certaine participation à ces prévisions budgétaires, mais on devrait nous en faire la preuve à défaut de quoi notre générosité se ferait au profit de nos concurrents sur les marchés de nos produits.

Notre analyse du document technique sur la tarification des employeurs nous donne lieu de croire qu'il nous faudra financer des services non désirés ou non accessibles en 1984, pour des montants variant entre 925 000 $ et 950 000 $, selon la manière de calculer les frais administratifs s'y rapportant. En échange de quoi on peut escompter un retour de fonds d'environ 130 000 $ à 140 000 $ selon l'article 104. Il y a donc une relation de 1 à 7 entre le retour des fonds consentis et le coût que l'on devra payer au seul sujet formation-information.

En 1983, nos contributions pour les mêmes rubriques sont évaluées entre 840 000 $ et 850 000 $ et les subventions reçues ont totalisé 521 000 $, soit une relation de 1 à 1,6 entre le retour des fonds et le coût qu'on a dû payer.

(23 heures)

M. le Président, l'association aurait pu vous entretenir sur d'autres points de l'administration de la CSST, mais ces points seront sans doute soulevés par d'autres représentants des employeurs. Qu'on nous permette de contester, en passant, la politique du fourre-tout au fonds général pour les coûts encourus par la CSST. Ce n'est pas parce qu'aucun employeur en particulier ne se voit imputer les frais résultant d'erreurs administratives de la commission que le patronat fermera les yeux. De même, on ne s'explique pas que l'on élargisse à la CSST les mesures de réparation en mesures d'assistance sociale qui ne cadrent pas avec la raison d'être de la Loi sur les accidents du travail.

En terminant, il faut que la CSST cesse de surcharger financièrement pour qu'on n'ait pas lieu de croire qu'elle emploie ou souscrit à des moyens de pression pour imposer à nos membres des mécanismes que la loi a prévus comme volontaires entre les parties.

La CSST, qui devait viser comme premier objectif la prévention des accidents, a prévu pour 1984 que les employeurs membres de l'Association de sécurité des pâtes et papiers du Québec et de l'Association de sécurité des exploitations forestières du Québec perdront l'aide financière nécessaire à leur action de prévention, pourtant reconnue par la CSST comme très professionnelle, dont un secteur est classé prioritaire.

Notre association s'en prend aux principes mis en cause dans l'administration de la loi beaucoup plus qu'aux montants eux-mêmes. Nos employeurs refusent d'avoir à contribuer au financement de mécanismes qui ne les concernent pas ou à adhérer à des organismes qui ne sont pas en mesure de contribuer à leurs moyens d'action en prévention. Nos employeurs ont déjà accepté le principe du coût de la réparation. Ils refusent cependant le partage à 50-50 des subventions versées à l'article 104 sur des programmes de formation et d'information. Nos employeurs considèrent qu'il appartient aux intéressés d'un secteur donné d'assumer les frais des organismes de prévention qu'ils se donnent. Nos employeurs trouvent inacceptable que la CSST entrave le fonctionnement d'associations de prévention dans le secteur forestier, qu'il a déclaré lui-même prioritaire. Merci de votre attention.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Duchesne. M. le ministre.

M. Fréchette: Oui, je vais aussi, M. le Président, remercier M. Duchesne pour la présentation qu'il vient de nous faire, présentation courte mais très claire en soi. Cela m'a fait curieux, M. Duchesne, je ne vous le cache pas, d'entendre parler ce soir

de préjugés favorables aux syndicats après les deux jours que l'on vient de passer. Ce n'est pas précisément le message qui nous a été transmis depuis que nous avons commencé nos auditions hier.

Il a existé chez vous des associations patronales de sécurité qui sont là depuis 1934 si, de mémoire, je vous cite bien. Pourriez-vous simplement nous indiquer de qui étaient composées, formées ces associations, qui y oeuvraient, qui travaillaient à l'intérieur de ces associations?

M. Duchesne: M. le ministre, je suis sûr que vous ne confondez pas, au départ, préjugé favorable aux syndicats et préjugé favorable aux syndiqués. Ce sont deux choses différentes.

M. Fréchette: Non, non. Comprenez que c'est une boutade. C'était simplement une observation que je vous transmettais, suite aux auditions que l'on tient depuis deux jours. Non, non, c'était plutôt pour arriver à la question que je viens de vous poser, qui est une question beaucoup plus pratique, je pense, et qui va être, sur le plan de l'information, très utile.

M. Duchesne: Sur ce point de vue, je peux demander à M. Saint-Pierre, le directeur des deux associations, de nous faire un peu l'historique.

M. Saint-Pierre (Aurèle): Le tout a commencé par l'équivalent d'une douzaine de compagnies oeuvrant dans les pâtes et papiers et les forêts à l'époque, qui ont fait une demande conjointe et volontaire au gouvernement du Québec, à la commission existante, pour former une association devant leur donner les outils nécessaires pour la prévention des accidents du travail. Dans ce temps-là, il faut penser que ce ne l'est plus en 1983, c'était l'inspection comme telle. C'était la surveillance sur le terrain.

Avec le temps, les compagnies se sont greffées, une à une, à cette association et toujours sur une base volontaire. Il fallait que le conseil d'administration d'une compagnie donnée fasse la demande écrite au conseil d'administration de l'association de prévention concernée, pour que cette compagnie soit acceptée à la rencontre de l'assemblée générale des membres.

On peut dire qu'aujourd'hui, nous avons 74 unités d'exploitation, au niveau des usines de pâtes et papiers, qui représentent l'équivalent de 35 000 à 40 000 employés, excluant les personnes-cadres, bien entendu, et qu'au niveau des exploitations forestières, nous avons l'équivalent de 8000 employés environ, comprenant 37 unités d'exploitation forestière, incluant des coopératives, des sociétés de conservation et des exploitations forestières proprement dites. C'est un résumé assez bref de la situation, de l'évolution.

M. Fréchette: Je n'ai peut-être pas été suffisamment clair dans ma question quand je vous demandais de qui étaient composées ces associations patronales de sécurité. Je référais plus particulièrement aux personnes qui s'y trouvaient. Est-ce que c'étaient des cadres des différentes compagnies? Est-ce que les travailleurs étaient invités à participer aux travaux de ces associations? C'est plutôt dans ce sens que la question vous était posée.

M. Saint-Pierre: Au tout début, je ne peux absolument pas répondre. Comme bien d'autres, je n'étais pas là. On se fie un peu sur les minutes de ces assemblées. On peut dire qu'en général, les compagnies ou les unités d'exploitation - si on peut les appeler ainsi - envoyaient un représentant nommé officiellement par le conseil d'administration pour siéger pour l'association concernée au conseil d'administration, que ce soit l'ASPPQ ou l'ASEFQ.

Avec le temps, il s'est formé des conseils régionaux où il y avait une participation de 25% à 50% d'employés, non syndiqués, dans le temps, parce qu'il n'y avait pas de syndicats, et des employés-cadres des compagnies qui travaillaient conjointement à des colloques, à des problèmes bien spécifiques à leur région.

Pour votre information, nous avons cinq régions administratives au niveau des pâtes et papiers et quatre au niveau des exploitations forestières et sociétés de conservation.

Ces gens se réunissent à tous les ans et délèguent un représentant au niveau du conseil d'administration provincial. De temps en temps, nous avons des employés d'usines ou des employés de la forêt syndiqués qui siègent à ces comités. D'autres fois, la plupart du temps, ce sont des employés-cadres. La participation sur le terrain se fait au niveau des conseils régionaux.

M. Fréchette: Maintenant, je crois avoir compris également que l'objectif ou, en tout cas, les activités principales des associations étaient centrées d'une part sur l'inspection et également - on débouche nécessairement là-dessus - sur la prévention. Est-ce qu'en termes de résultats, depuis le temps que les associations existent, compte tenu de la nature de vos industries, autant le travail en forêt que le travail dans les manufactures elles-mêmes, ça vous apparaît ou ça vous est apparu comme étant satisfaisant? Je parle toujours de la situation qui a prévalu avant; parlons du 22 octobre 1983 pour bien se situer dans le temps.

M. Duchesne: Assurément, M. le ministre. Il y a eu des résultats. Si vous êtes

intéressé aux détails de ces choses, on a apporté quelques copies des rapports annuels des deux associations qu'on pourra vous distribuer et qui illustrent les résultats positifs obtenus depuis plusieurs années.

D'ailleurs, je pense que la Commission de la santé et de la sécurité du travail reconnaît ces résultats.

M. Landry (Jean-Pierre): Je pourrais peut-être ajouter un commentaire pour répondre à un point de votre question, à savoir si on est satisfaits. On est satisfaits du travail, mais, on n'est pas toujours satisfaits des résultats. Il reste beaucoup d'efforts et de travail à faire. Je pense que c'est un travail continuel, perpétuel, qui ne doit jamais s'arrêter, parce que la prévention c'est quelque chose qui se ne manipule pas et ne se pèse pas. Alors, on ne pourrait jamais dire qu'on est pleinement satisfait des résultats, parce que, malheureusement, il arrive toujours un peu d'accidents.

La courbe décroissante du nombre d'accidents, si l'on regarde les cinquante années, dans le rapport, vous allez constater que de très bons résultats ont été apportés.

M. Fréchette: Vous savez, c'est...

M. Hamel (Denis): C'est Denis Hamel. Juste un commentaire là-dessus. Au nom des producteurs de pâtes et papiers dans les usines comme telles, il n'y a aucun doute, évidemment, qu'il y a eu de très grosses améliorations et la participation des permanents de l'association comme telle. Car je pense qu'il faut éclaircir un point: c'est que l'association n'est pas seulement un groupe de personnes qui se rencontrent. Il y a vraiment un service de permanents, de professionnels, qui sont actifs au niveau de chaque usine, qui apportent des services très importants dans le domaine de la prévention, de l'éducation, de la formation des personnes sur place, les superviseurs ou les responsables de la prévention au niveau local, également dans des domaines spécifiques tels la réduction du bruit ou le contrôle sur les moyens de se protéger contre le bruit, qui est assez élevé dans nos usines l'amélioration des conditions de chaleur et diverses questions comme celles-là. C'est un service qui n'existait pas ailleurs; c'est un service qui a été développé à l'intérieur de la permanence de l'association et qui est donné à tous les niveaux.

En plus de cela, ces permanents sont très compétents et peuvent venir au niveau de chaque usine et de chaque regroupement d'associations régionales pour éduquer ces gens sur les dispositions de la loi, sur leurs responsabilités, et pour continuer de mettre l'accent sur la prévention, à tout instant. Je pense que ce n'est pas seulement un domaine de formation et d'information, mais un domaine de prévention en général aussi.

M. Fréchette: Je vous posais ces questions préliminaires, parce que, enfin, c'est mon évaluation; elle est bonne ou mauvaise - chacun pourra l'apprécier ou la juger - mais tout ce qu'on retrouve comme idée fondamentale dans votre mémoire m'apparaît remettre en question tous les principes qu'on retrouve à l'intérieur de la loi 17, Loi sur la santé et la sécurité du travail, principes essentiellement axés, à tort ou à raison encore... Est-ce que le législateur a pu se tromper? C'est bien possible, il n'y a pas d'infaillibilité là, c'est évident. Tous les principes qu'on retrouve dans cette loi sont axés vers le paritarisme, à partir du conseil d'administration, à partir des autres instances que l'on retrouve à l'intérieur de la commission jusque dans les comités de santé et de sécurité du travail qui sont là maintenant depuis le 22 octobre, comme vous le signalez dans votre mémoire.

La question qui me préoccupe et que je vous pose spontanément comme elle me vient: est-ce qu'en fait, vous remettez en question, vous n'acceptez pas, ou vous n'acceptez qu'avec réserve la formation de comités de santé et sécurité à l'intérieur desquels on retrouverait à la fois les spécialistes que vous avez chez vous - et vous en avez très certainement, depuis le temps que vous consacrez des efforts à ces actions... Est-ce qu'en fait vous n'acceptez pas, ou vous acceptez avec des réserves, des réserves sérieuses, la possibilité de fonctionner maintenant paritairement ou, en tout cas, avec des travailleurs de vos entreprises? Je crois comprendre que c'est là le message qu'on retrouve dans votre mémoire. J'aimerais me faire confirmer ou infirmer la conclusion à laquelle j'en arrive après vous avoir entendus et avoir suivi aussi attentivement que possible la lecture de votre mémoire.

M. Hamel: Si c'est cela votre préoccupation, M. le ministre, je pense qu'on peut l'infirmer tout de suite: ce n'est pas le cas. Ce n'est pas ce qu'on veut représenter ici, c'est-à-dire une opposition au paritarisme comme tel. Car il se pratique déjà, en termes de comités paritaires au niveau d'usines, sur une base très développée, du moins dans la plupart des usines que je connais. (23 h 15)

En ce qui concerne les associations paritaires dans lesquelles on serait appelé à se regrouper, prendre notre association actuelle et l'associer avec d'autres, il n'y a d'opposition à ce principe d'aucune façon. Dans notre rapport, on signale tout simplement que l'association patronale de l'industrie forestière existe présentement et elle fonctionne, elle est acceptée, elle a

donné des résultats. Lorsqu'on a dû obtenir, par exemple, nos subventions dans les dernières années, le rapport soumis à la CSST reconnaissait le bien-fondé de l'association puisqu'elle acceptait la continuité des subventions en soi. Nous, lorsqu'on fait nos remarques sur les associations paritaires comme telles, c'est que ce sont des choses approuvées; elles doivent être volontaires, elles n'existent pas. On dit: Pourquoi jeter à terre quelque chose qui existe, qui fonctionne bien, qui donne des résultats pour le bénéfice non seulement des patrons mais également des travailleurs? Pourquoi jeter cela à terre en attendant que se forme peut-être ou peut-être pas une association paritaire qui fonctionnera ou qui ne fonctionnera peut-être pas efficacement? On dit: Pour le moment, laissez donc au moins le statu quo.

M. Fréchette: Cela m'amène à une autre observation sous forme de question. Votre mémoire réfère à une vérité que tout le monde connaît, c'est que le taux de syndicalisation au Québec est à peu près de 30%. Les chiffres peuvent varier suivant les sources d'où ils viennent ou suivant les époques, suivant les circonstances, en y incluant le secteur public comme le signale le député de Portneuf. Dans vos entreprises chez vous - quand je parle d'entreprises, je réfère toujours autant au travail en forêt qu'en usine - est-ce que ce taux de syndicalisation est équivalent à celui que l'on retrouve dans l'ensemble du Québec?

M. Hamel: Je pense que cela doit se situer autour de 75% ou 80% chez nous.

M. Fréchette: Le taux de syndicalisation est le double et plus du taux moyen de syndicalisation au Québec.

M. Hamel: Oui, sûrement.

M. Fréchette: Les comités paritaires dont vous parlez et qui, dans l'appréciation que vous en faites, fonctionnent à votre satisfaction et, semble-t-il, à la satisfaction des travailleurs qui s'y retrouvent, est-ce qu'il s'agit de comités ou d'associations paritaires qui sont prévus dans vos conventions collectives qui sont la suite de négociations ou si c'est à partir du droit de gérance et avec la participation des travailleurs qu'elles ont été mises sur pied?

M. Hamel: Ce sont des comités. Ce ne sont pas des associations.

M. Fréchette: Des comités...

M. Hamel: Ce sont des comités qui sont formés au niveau de chaque usine individuelle et avec une volonté exprimée des deux parties. La partie syndicale le réclame tout naturellement et il n'y a pas d'opposition non plus à ce que cela se fasse, au contraire. Il a déjà été observé dans le passé qu'il y avait certaines oppositions de la part de la partie syndicale de s'impliquer avec le patronat au niveau local comme tel. Mais le comité paritaire permet et donne l'occasion peut-être d'une façon à certains employeurs de forcer la main aux syndicats et de s'unir à leurs efforts pour travailler en prévention. Mais, en général, cela confirme dans bien des cas ce qui existait déjà dans le passé alors qu'il y avait certains comités dits conjoints qui deviennent aujourd'hui ce qu'on appelle comités paritaires, pour suivre la désignation.

M. Fréchette: Un aspect de ma question un peu plus spécifique, si vous me le permettiez, c'était de vous demander si ces comités paritaires qui existent dans les faits et qui ont des mandats bien spécifiques sont le résultat de la négociation. Est-ce qu'on en retrouve à la fois la formation et les juridictions à l'intérieur de l'ensemble de vos conventions collectives? C'est négocié, en d'autres mots, ou ce n'est pas négocié?

M. Landry (Jean-Pierre): II y a deux associations et deux secteurs. Dans le secteur forêt, qui est un secteur prioritaire, c'est prévu par la...

M. Fréchette: ...convention collective.

M. Landry (Jean-Pierre): ...Loi sur la santé et la sécurité du travail.

M. Fréchette: Ah bon!

M. Landry (Jean-Pierre): Depuis le mois de juillet, ces comités sont paritaires et ils fonctionnent.

M. Fréchette: Ils fonctionnent.

M. Landry (Jean-Pierre): Ils fonctionnent. Les programmes ont été présentés, tel que demandé. Ils ont été mis en application au mois de juillet dernier.

M. Fréchette: Une dernière question, quant à moi, parce que je veux essayer de savoir, si vous pouvez nous le dire, quelles sont, de façon aussi précise que possible, les appréhensions que vous avez vis-à-vis de la formation des comités de santé et de sécurité. Est-ce que c'est une impression ou une certitude que vous avez que ça ne pourra pas fonctionner à cause de réticences venant de l'une ou l'autre des deux parties ou quels sont très précisément les motifs qui vous amènent à la conclusion que ça ne pourra pas fonctionner?

M. Hamel: Je pense que je dois répondre encore et vous dire qu'en ce qui concerne les associations paritaires à former éventuellement, nous n'y faisons pas opposition. Je pense que cela doit être bien clarifié une fois pour toutes. Tout ce qu'on vous apporte comme problème, c'est qu'on veut maintenir l'existence de l'association patronale telle qu'elle est présentement, quitte à s'associer éventuellement sous une forme paritaire dans certains secteurs où c'est pratique de le faire, mais sans penser que ce doit être le prolongement d'un comité paritaire applicable à chaque usine, à chaque unité d'accréditation syndicale ou d'organisation syndicale locale, alors que les problèmes dans la pratique sont faciles à identifier et se rapportent à des conditions tout à fait particulières. On dit que l'association sectorielle paritaire générale a encore à faire la preuve de son fonctionnement; elle n'existe pas. Si on avait une preuve de son fonctionnement utile, on ne pourrait pas s'y opposer. Si elle existait déjà, on pourrait peut-être s'y accrocher, mais pour l'instant elle n'est pas là et la preuve reste à faire qu'elle pourrait faire mieux que ce qu'on peut procurer présentement comme services par l'entremise de nos associations patronales, dans notre secteur du moins.

M. Fréchette: Cela va, merci.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Messieurs, vous comprendrez qu'ayant eu l'occasion, au nom de mon groupe politique, de participer au débat entourant l'adoption de la loi 17 et, par surcroît, représentant un comté dont près de 40% de l'économie s'appuie sur l'exploitation de la forêt, que ce soit les usines de pâtes et papiers, les usines de sciage et les exploitations forestières d'autres compagnies, je ne peux qu'être non seulement sensible, mais aussi préoccupé par toutes les questions concernant la santé et la sécurité dans le milieu forestier. Je suis bien heureux que vous ayez accepté, que vous ayez manifesté le désir d'être entendus devant notre commission.

L'Association des industries forestières du Québec a dressé un tableau assez fidèle de son historique, de ses objectifs, de ce qui s'est fait jusqu'à maintenant. Il faut comprendre que les défis au chapitre de la sécurité et de la prévention dans le milieu forestier ont évolué, et heureusement. Il y a eu beaucoup de fait au cours de ces 50 années et, même si je suis très soucieux de constater que le secteur de la forêt est encore, malheureusement, un des secteurs où on subit comme société et où les travailleurs subissent eux-mêmes un trop grand nombre d'accidents en proportion d'autres secteurs de l'industrie, malgré tout cela, je suis bien conscient du travail qui a été fait par votre association et par les travailleurs et qui, à plusieurs égards, a été positif.

Vous pourrez me corriger, M. le président ou vos collègues, mais j'ai toujours compris du travail de votre association, un peu comme c'était souligné ce matin par la CSN, qu'il était davantage axé vers des façons de se prémunir contre le danger d'accident ou d'un risque quelconque que sur la correction du danger lui-même à la source. C'est probablement ce qui explique que la Commission de la santé et de la sécurité du travail, qui a un mandat qui, on l'espère, sera atteint dans les plus brefs délais, à défaut pour elle d'avoir été capable de l'atteindre avant - c'est là un des objectifs de notre commission... Le mandat de la Commission de la santé et de la sécurité du travail était, par la loi 17, d'éliminer les dangers d'accidents et les risques à leur source même. Malheureusement, les statistiques nous font constater que le mandat n'a pas été respecté et que les défis n'ont pas été atteints. De toute façon, on reviendra à cela demain avec le conseil et avec M. le président-directeur général jeudi.

Son mandat étant d'éliminer les risques à la source, il est explicable que la commission ait manifesté son intention de vous voir associés dans le cadre d'une autre structure, soit le système paritaire. Vous avez reçu en juin et en octobre des significations à savoir que la Commission de la santé et de la sécurité du travail et probablement le conseil d'administration, je présume - cependant, je n'ai pas encore les minutes des réunions du conseil - vous avisaient vers cette date qu'à compter du 1er janvier, les subventions qui étaient versées à votre organisme allaient cesser malgré que tout le travail louable qui était effectué par vous aurait pu ou pourrait être bonifié... Si je comprends bien, c'est fini le 1er janvier. Qui va prendre la relève le 1er janvier au matin? Lundi le 2? Qui va prendre la relève?

M. Hamel: Ce sont les employeurs eux-mêmes qui devront en assumer le coût additionnel d'environ 500 000 $. Vous allez me dire que ce ne sont peut-être pas des gros montants pour des gros employeurs comme ceux de l'industrie des pâtes et papiers. Comme on vous le disait tout à l'heure, ce n'est pas une question de montant, c'est une question de principe, que nous sommes cotisés très largement. Il a même été reconnu aussi que si on veut retracer ce qui nous reviendrait normalement selon notre part de cotisation, on devrait obtenir environ sept fois ce qu'on peut attendre présentement pour l'année 1984.

M. Pagé: D'accord. Est-ce à dire que l'engagement exprimé par le directeur général, M. le juge Sauvé - c'était le 3 juin 1982; si ma mémoire est fidèle, c'était un jeudi à l'Auberge des Gouverneurs à Trois-Rivières devant l'Association de sécurité des industriels forestiers du Québec qui n'est pas votre association... Selon les informations que j'ai, c'est que le 3 juin 1982, M. Sauvé avait clairement indiqué que les organismes comme le vôtre seraient subventionnés par la CSST tant et aussi longtemps qu'un organisme paritaire ne viendrait pas prendre la relève. Est-ce à dire que l'engagement exprimé par le président à ce moment n'a pas été respecté? Remarquez que je peux poser la question au juge Sauvé mais...

M. Duchesne: Je ne sais pas si cette affirmation... Vous étiez présent, je n'y étais pas.

M. Pagé: L'Association de sécurité des industriels forestiers y était.

M. Duchesne: Les associations paritaires n'existent pas encore.

M. Pagé: Ah! Et elles n'existeront pas le 2 janvier.

M. Duchesne: Vraisemblablement pas. Quant à la question que vous avez mentionnée tantôt, M. Pagé, concernant la diminution du danger lui-même, je pense qu'effectivement il se fait du travail de ce côté. Pierre, voudrais-tu...

M. Landry (Jean-Pierre): Vous avez semblé indiquer que le travail ne se faisait peut-être pas au bon endroit, qu'on n'essayait pas de diminuer les risques à la source. Je voudrais vous mentionner qu'à l'association de sécurité, il y a un comité permanent qui fait de la recherche pour diminuer le danger à la source, que ce soit sur la façon de travailler ou sur l'équipement que le travailleur porte ou sur l'équipement qu'il utilise. (23 h 30)

Qu'on prenne simplement une scie mécanique. Si on recule de quinze ou vingt ans, il y avait énormément d'accidents qui arrivaient. Avec la recherche que le bureau ou l'association a faite avec les fabricants, on pourrait vous montrer des statistiques où l'on constate que ces accidents ont diminué de façon très significative. C'est l'association de sécurité, avec un comité permanent, qui travaillait en coopération avec les fabricants qui en est arrivée à ces résultats. On pourrait vous donner des exemples de résultats comme celui-là qui ont été, au cours des années, obtenus autant sur l'équipement mécanisé, autant sur la façon de travailler et l'association de sécurité a essayé avec l'industrie de trouver des moyens de travailler pour diminuer les dangers à la source. L'équipement qui entre en forêt tient maintenant compte de cela, autant par la façon dont il est fait que par la façon dont on travaille.

M. Pagé: Tant mieux, c'est possible. J'ai voulu, vous savez, par mon commentaire, vous donner mon appréciation. Comme je l'ai indiqué à d'autres groupes, on n'est malheureusement pas sur le terrain. Si vous avez des données à nous fournir, soyez assurés que nous serons très réceptifs et que nous en prendrons connaissance. Si notre appréciation doit être corrigée, elle le sera. Cela sera exprimé, monsieur.

Vous êtes dans le secteur forestier, vous êtes dans le secteur où il y a un nombre trop grand d'accidents qui se produisent. On se rappelle, en 1978, que tout le Québec était convié à des idéaux très nobles qui devaient être atteints. Votre secteur, le secteur de la forêt, devait être considéré comme secteur prioritaire d'intervention. Je comprends qu'il y a eu une volonté exprimée quelque part par quelqu'un qui a fait en sorte que l'accent a davantage été mis, au début, sur la réforme de la structure que sur des actions concrètes. Qu'est-ce qui a été fait chez vous par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, abstraction faite des subventions qui vous ont été versées? Qu'est-ce qui a été fait dans le monde forestier depuis 1979? Vous savez, lorsqu'on vient comparaître, on livre un mémoire, on répond aux questions.

M. Landry (Jean-Pierre): II y a eu des choses de faites. Des règlements ont été adoptés. Une loi et beaucoup de règlements. Les règlements obligeaient les compagnies à préparer des programmes de prévention bien particuliers, structurés. Cela fut fait. L'accent a été mis davantage sur la prévention, ce que l'ensemble de l'industrie a fait. Je pense que le point majeur, le gros point amené par la CSST, c'est de bâtir un programme de prévention dans lequel les syndiqués sont impliqués avec la supervision au complet. Mais je dois vous avouer, bien honnêtement, que, malheureusement, ce programme n'a pas empêché les accidents, cette année. Il y a beaucoup de travail de fait. Il y en aura encore. Pour répondre à votre question, en quelques mots, pour résumer ma pensée, il y a des normes qui sont dictées, un programme qui a été établi, pondu et mis en application.

M. Pagé: Des programmes et des documents ont été produits, etc., mais, finalement, les résultats ne sont pas encore palpables. D'ailleurs, les statistiques en témoignent.

M. Landry (Jean-Pierre): Malheureusement oui.

M. Pagé: J'aurais deux questions bien spécifiques parce que ce n'est pas tous les jours, je crois, que les parlementaires ont le privilège de vous recevoir pour discuter de questions aussi importantes.

Dans plusieurs milieux, et là on est en droit de se questionner, on allègue que l'un des éléments ou l'un des motifs principaux ou importants qui expliquerait un nombre trop élevé d'accidents de travail dans votre secteur serait directement relié au travail à forfait. C'est un aspect qui mérite certainement d'être étudié et d'être analysé. Avez-vous pris connaissance des dispositions concernant les modifications sur le traitement des travailleurs en forêt qui ont été adoptées en Colombie britannique et qui, selon les informations qu'on possède, auraient eu un effet rapidement palpable par une diminution sensible des accidents de travail?

M. Landry (Jean-Pierre): Je n'ai pas pris connaissance de ce document. Pour faire un commentaire sur votre commentaire...

M. Pagé: Oui.

M. Landry (Jean-Pierre): ...les accidents étaient peut-être reliés au travail à forfait. Je dois vous dire que, chez certaines compagnies qui n'ont pas de travail à forfait ou chez d'autres où le travail à forfait ne se fait plus, pour une partie de leurs activités, le nombre d'accidents n'est pas proportionnel ou n'a pas diminué d'une façon significative.

M. Pagé: Pourriez-vous nous envoyer ces statistiques? Ce serait intéressant pour nous. Si Dieu nous prête vie, électeurs, mandat et, par surcroît, pouvoir, on pourrait peut-être un jour avoir à juger de ces questions et on serait intéressés à avoir ces renseignements. Vous pouvez les envoyer soit à la commission ou à notre groupe; cela intéresse certainement le ministre aussi.

Une autre question, la dernière bien spécifique là-dessus. On allègue, et cela semble être très fondé, que le problème, en ce qui concerne les accidents en forêt, c'est qu'il y a des cas fréquents d'aggravation qui font suite au transport de la personne qui est blessée. Je comprends que ce problème n'est pas facile à régler. Je comprends qu'il faudrait trouver des moyens, des systèmes, des méthodes de communication ou autres pour le régler. Vous êtes-vous penchés là-dessus? M. Ferragne.

M. Ferragne (Roger): M. Pagé, j'ai eu à diriger un service de premiers soins en forêt de 1954 à 1967. J'ai eu des infirmiers diplômés, des infirmiers compétents formés sur les lieux par un tas de cours et de mécanismes de formation. Ce que vous me dites me surprend énormément. J'ai vu ce matin dans un journal local qu'on disait qu'un petit gars, sur une patinoire à Montréal, est mort au bout de son sang. Dans les années 1954 à 1967, lorsqu'on embauchait jusqu'à 13 000 employés, saisonniers et autres, dans les années 1952, je n'ai jamais eu, dans le personnel qui a eu à traiter les accidentés, quelqu'un qui est mort au bout de son sang en forêt. J'ai vu qu'on a fait du transport de blessés dans des situations où on a été obligé de faire venir un train de Chimoutimi pour descendre à Van-Bruyssel parce qu'il y avait un cas à cet endroit. Un médecin était sur les lieux, il y avait une supervision majeure. Il fallait transporter le type dans un hélicoptère muni de patins, mais on n'a pas pu le faire parce que notre mentalité du temps n'était pas prête à accepter qu'un blessé soit transporté dans un hélicoptère, comme en temps de guerre. Le type est mort dans le train qui est parti de Chicoutimi à destination de La Tuque. J'ai vécu ces expériences. Je suis surpris qu'on me dise aujourd'hui qu'en 1983, alors qu'on a encore plus de facilité de communication, l'aggravation des accidents se fait dans le' transport ou entre la période de l'accident et celle des soins. Cela m'étonne énormément. Il n'y a pas beaucoup de travailleurs forestiers qui pourraient trouver des situations dans lesquelles on a manqué de moyens pour arriver le plus vite possible à un soin médical. Je connais des endroits qui sont à Montréal, où l'accidenté est sur le bord de la rue et il faut plus de temps pour le transporter à l'hôpital qu'il n'en faut dans la forêt pour l'amener à La Tuque ou à Saint-Michel-des-Saints ou ailleurs. Cela m'étonne énormément. Je me considère en ce moment comme un gars de métier et je ne peux pas comprendre qu'on puisse avoir ce commentaire.

M. Pagé: Je pense, M. Ferragne, que vous avez une expérience que je n'ai pas dans le domaine. Je comprends que vous avez toujours été motivé et que vous avez toujours eu comme objectif d'améliorer les conditions de travail, de santé et de sécurité des travailleurs avec qui vous avez eu à oeuvrer. À cet égard, votre réputation est bien acquise et solidement implantée. Ce n'est pas du tout ce à quoi je me réfère. Il faut convenir qu'il est fréquemment allégué, en ce qui concerne le secteur forestier, qu'un des problèmes c'est le problème du transport, c'est le problème que nous ne sommes pas en centre-ville. Je conviens avec vous que le fait pour quelqu'un d'avoir un accident en ville ne lui donne pas les meilleures garanties si l'urgence est fermée cette journée-là, comme cela est arrivé dans la région de Québec cet été. Cela ne réglera pas plus son problème. Ce n'est pas cela

qu'on étudie ce soir. Je vous pose une question. Je vous ai demandé s'il vous paraissait que les systèmes, les moyens et les méthodes de communication, c'était un problème ou si ce n'en était pas un, et si cela en était un, qu'est-ce que vous aviez étudié afin de tenter de le régler. Je dois interpréter de votre réponse que ce n'est pas un problème très grave. C'est cela?

Le Président (M. Blouin): Est-ce que cela va, M. le député de Portneuf?

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Blouin): Merci. Mme la députée de Maisonneuve.

M. Pagé: Monsieur avait autre chose à ajouter, je crois. Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): D'accord. M. Hamel.

M. Hamel: Si vous me permettez, M. le député de Portneuf a soulevé une question tout à l'heure qui n'a pas reçu de réponse et qui mérite une certaine attention pour ce qui est du point de vue exprimé par le président-directeur général de la CSST en juin 1982, je crois, à Trois-Rivières, devant l'ASIFQ (l'Association de sécurité des industriels forestiers du Québec), qui n'est pas représentée ici.

M. Pagé: C'est cela, à l'Auberge des gouverneurs.

M. Hamel: Cette industrie représente 1300 employeurs au Québec et regroupe environ 15 000 employés seulement. Ce sont de petits entrepreneurs, quelques personnes qui travaillent comme "jobers" en plus de plusieurs petites scieries aussi.

M. Pagé: C'est cela.

M. Hamel: Dans leur cas, ils ont une association avec une permanence semblable à la nôtre, mais plus grande encore. Je crois qu'ils ont 15 employés permanents qui font le service auprès de tous ces employeurs...

M. Pagé: Les scieries de l'Est du Québec...

M. Hamel: ...de formation et d'information. Dans leur cas, il est très clair que l'abolition des subventions veut dire absolument la fin immédiate de leur association. Cela est très clair, elle n'est pas ici pour être...

M. Pagé: Cela est la relance de la CSST.

M. Hamel: Absolument.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Hamel.

M. Saint-Pierre: C'est 23 employés permanents qu'ils ont et non 15.

M. Pagé: 23? Je m'excuse, on m'avait dit 15.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

M. Saint-Pierre: Dans notre cas, pour les deux associations, c'est 12.

M. Pagé: D'accord.

Le Président (M. Blouin): Merci. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Il a été question, on vient de le mentionner, de l'industrie forestière, de la santé et de la sécurité dans la forêt aujourd'hui. Si vous étiez présents, vous pourriez m'expliquer un chiffre. Aujourd'hui j'ai cherché à authentifier l'information, si vous me permettez l'expression, à savoir qu'un travailleur sur quatre en forêt serait dans une année passible d'être victime d'une blessure. Je ne sais pas si ce chiffre est réel. J'ai tenté de savoir et je suis allée chercher vos documents, que vous allez distribuer à tous mes collègues, notamment le rapport annuel pour l'année 1982. Est-ce que cela a été une courbe décroissante ou une courbe croissante, le nombre de cas d'incapacité qui ont été rapportés? Si je regarde vos statistiques et vos graphiques, cela semble être décroissant. Est-ce bien le cas, d'une part?

M. Saint-Pierre: C'est le graphique montrant le nombre de blessures rapportées à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Mme Harel: Comme vous rapportez fidèlement toutes les blessures, c'est très fidèle à la réalité. C'est bien cela.

M. Saint-Pierre: Exactement.

Mme Harel: Cela veut dire qu'il y a eu une décroissance du nombre de travailleurs victimes d'accidents en forêt pour l'année 1982. Est-ce que cela est causé par une situation économique particulière qui a fait diminuer le nombre de travailleurs en forêt ou bien si c'est à cause des interventions qui ont été faites en prévention, d'une part? Ma deuxième question et la dernière sera très modeste, je l'avoue, je ne connais pas très bien le secteur. Pourquoi est-ce que l'association sectorielle ne fonctionne pas et ne fonctionnerait pas rapidement?

(23 h 45)

M. Saint-Pierre: Je vais répondre à votre première question. La dernière, c'est mon confrère à l'extrême droite qui va y répondre car il l'attendait. La première question, primo, c'est la mécanisation qui a aidé beaucoup notre groupe dans les pâtes et papiers, parce que ce groupe a les reins financièrement plus solides que ses confrères du sciage. Donc, il y a eu une mécanisation qui a aidé, dans une certaine proportion, à la réduction des accidents. Il y a un deuxième facteur, la crise économique, comme on l'a mentionné, qui a, de façon indéniable, réduit en 1982 le nombre d'accidents, qui ont baissé de moitié. Donc, on peut attribuer... Mais ce qu'il faut retenir, c'est que, depuis 1978, notre groupe d'exploitation forestière est en baisse quant au nombre d'accidents. On ne peut parler de chute libre, parce qu'on n'arrivera jamais à zéro. On aimerait arriver à zéro, mais il ne faut pas rêver en couleur. Donc, on réduit régulièrement le nombre des accidents. Le troisième facteur qui a contribué à cela, c'est que les gens se sont pris en main une fois pour toutes. La loi 17, comme telle, pour mentionner la Loi sur la santé et la sécurité du travail, a bousculé les mentalités au niveau de notre industrie. Il y a un changement des mentalités qui s'est fait, tant du côté des employés que du côté des cadres de l'industrie. Ce changement, veux, veux pas, à long terme, va porter des fruits. Tantôt, on parlait de comités paritaires, etc. Je peux vous dire que les comités paritaires dans les exploitations forestières, à la suite d'un sondage que nous avons fait en avril 1982, étaient tous fonctionnels et leur action décisive. On n'était pas encore obligés d'embarquer dans cela. Ces mêmes comités paritaires, dans la majorité des usines de pâtes et papiers, sont aussi en fonction et sont agissants. Donc, de ce côté-là, on était en avant de la loi. Cela répond à votre première question. Quant à la deuxième question, je vais céder la parole à mon collègue, M. Ferragne.

Le Président (M. Blouin): M. Ferragne.

M. Ferragne: Je vais être court, mais je pourrais être long, je m'explique. En 1977, on avait commencé, à l'invitation de M. Sauvé, qui était président de la Commission des accidents du travail, à regarder l'aspect de la parité dans nos associations de sécurité. On a voulu fonctionner. On a rencontré des problèmes de compréhension et d'adaptation. Peut-être que c'était trop nouveau dans certains milieux syndicaux. Il y avait des problèmes de principe, mais, vers la fin de décembre 1979, dans les jours qui ont précédé la loi 17, peut-être la veille ou l'avant-veille de l'adoption de la loi 17 sur la santé et la sécurité, il y a eu une phrase de douze mots qui a été ajoutée à la loi sur la santé et la sécurité et qui se lit comme suit: "Une seule association sectorielle peut être constituée pour un secteur d'activités." Si je voulais être très court, je dirais: Lundi prochain, nous avons été invités comme comité de travail de la commission à nous pencher sur la question de savoir si les intervenants syndicaux et patronaux des milieux qui nous concernent en arrivent, oui ou non, à accepter une définition du secteur ou des secteurs qui nous concernent. On en est encore sur cette question.

Le Président (M. Blouin): D'accord. M. le député de Viau, vous aviez une brève question?

M. Cusano: Une très brève question, M. le Président. Les tableaux m'intriguent toujours. J'en vois un ici et je viens justement de prendre connaissance de votre document. Je ne l'ai pas examiné de la première page à la dernière, mais, à la page 34 de votre 14e rapport annuel, vous indiquez le nombre de blessures rapportées à la CSST de 1977 à 1982. Pourriez-vous me dire combien de travailleurs étaient couverts - peut-être qu'on retrouve cela ailleurs dans le document - ou étaient dans le secteur en 1977, 1978, 1979, 1980 et 1981?

M. Saint-Pierre: Je ne peux pas vous donner le nombre de travailleurs actifs, mais je peux donner un ordre d'importance, si vous le voulez bien. Je n'ai pas les chiffres en main ici. Nous les avons au bureau. En 1977, nous devrions parler d'environ 12 000 employés. Si on regarde l'année 1982, nous devons parler d'environ 7000 à 8000 employés.

M. Cusano: Ah!

M. Saint-Pierre: Peut-être pour répondre à une question qui a été posée tantôt et à laquelle on n'a pas répondu. Je ne sais pas si c'est M. le ministre qui a soulevé cette question. On mentionnait qu'il y avait un accident par quatre travailleurs au niveau de la forêt. On peut vous affirmer - et c'est inscrit dans notre rapport ici -que, dans le cas qui nous intéresse, c'est un accident par quatorze travailleurs. Disons que c'est trois fois et demie de plus que le chiffre avancé. On doit aussi ajouter que la coupe en forêt a presque doublé de 1970 à 1980 et le nombre d'accidents n'a pas doublé pour autant. Tous ces facteurs, comme la mécanisation, l'intervention des associations de prévention qui oeuvrent dans ces secteurs ont évolué énormément dans le temps, parce que les associations de prévention sont actuellement à l'avant-garde dans tout ce qui se fait au point de vue de la prévention au Québec. On ne s'en cachera pas. On suit la

loi, les règlements de la commission, mais on essaie de se tenir en avant de tout le monde. On a des ententes actuellement avec trois cégeps particuliers pour des programmes de formation et d'information qui se donnent concernant des comités paritaires, leur fonctionnement, leur mécanisme, leurs rouages, etc., concernant la loi de A à Z. Ce sont sept modules de 15 heures chacun. Ce sont des cours de 105 heures. On doit vous dire que les cours concernant l'industrie des pâtes et papiers, seulement en ce qui concerne les usines, sont "bookés" jusqu'au 15 mai actuellement. Selon nos livres, tous nos conseillers sont employés à temps plein pour donner ces genres de cours. C'est ce que fait l'association de prévention dans l'industrie. Si les membres ici présents viennent argumenter pour leur association de prévention, c'est parce qu'il y a un besoin au niveau de l'industrie.

M. Cusano: J'aimerais vous poser une question. Si les chiffres ne sont pas disponibles, on apprécierait qu'ils soient envoyés ici à la commission. En faisant référence encore au tableau en question, à la page 34, vous dites que vous en aviez 12 000 en 1977 et 7000 en 1982. Je comprends que la mécanisation en a amené beaucoup. Pouvez-vous me dire, en termes de jours de travail, comment il y en a eu dans ces années, de 1977 à 1982?

M. Saint-Pierre: Je peux vous répondre pour 1982, parce que ce soir, avant de partir, j'appréhendais un peu cette question. Nous parlons de 10 000 000 d'heures de travail en 1982. Pour 1977, malheureusement...

M. Cusano: En faisant une comparaison avec les autres années, cela donnerait quoi? Est-ce que ce serait une baisse ou une augmentation?

M. Saint-Pierre: II faut mentionner deux facteurs ici. La mécanisation en est un en particulier. Un deuxième facteur, c'est que beaucoup de nos membres ont converti leurs exploitations vers des activités de sciage. Il faut mentionner cela. Dans nos chiffres, le sciage comme tel appartient à une autre association. On ne peut donc pas avancer ces chiffres, mais une partie des travailleurs qu'on couvrait avant sont rendus dans l'autre association. C'est un autre facteur qui fait que le nombre a été réduit. La mécanisation et la conversion, le cheminement de l'industrie qui commence à faire passer le volume ligneux par le sciage et, par la suite, des résidus aux pâtes et papiers ont fait que cela a diminué, mais nous allons vous faire parvenir ces chiffres en millions d'heures, parce que nous les avons aussi. Cela va vous donner une image fidèle.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Messieurs, très brièvement concernant la question des tableaux. Vous savez, c'est très important qu'on précise, parce qu'on peut faire dire beaucoup de choses aux chiffres. Je m'imagine facilement, sans vouloir imputer de motifs au président de la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui disait, jeudi matin: M. Pagé, MM. les députés, vous avez des interventions biaisées... Prenez le rapport de l'Association des exploitations forestières du Québec et vous allez voir une baisse significative du nombre de blessures rapportées à la commission depuis 1977, et plus particulièrement depuis 1978 et 1979, date de l'adoption de la loi. Si on n'y regarde pas de plus près, certains auditeurs ou certaines personnes qui sont ici, celles qui liront le journal des Débats ou celles qui prendront connaissance du tableau seraient portées à croire qu'il a raison.

Vous confirmez qu'il y a eu 10 000 000 d'heures de travaillées en 1982. Vous nous fournirez la statistique concernant le nombre d'heures effectivement travaillées concernant les années antérieures. Vous confirmez aussi qu'une certaine partie du volume de travail est passée sous l'égide du sciage.

Une voix: Oui.

M. Pagé: Ces heures ne sont donc pas comptabilisées dans ces statistiques. Je vous parle de la possibilité ou je vous pose la question: Est-il possible que des diminutions aussi significatives que celles de 1980 et 1981 soient reliées au fait - on se le rappelle - qu'en 1981, il y a eu la grève des travailleurs forestiers qui a duré malheureusement longtemps avant un règlement? Qu'on se rappelle les cas de CIP, Consolidated, etc., au chapitre des exploitations forestières. Est-il possible de croire que la diminution de 1982 serait la conséquence d'une diminution sensible, significative, là aussi, du travail en forêt? Si, pour 1982, on élimine les scieries, les compagnies de pâtes et de papiers, en 1982, ont diminué la coupe en forêt, ont diminué le travail, parce qu'elles devaient s'alimenter à partir du bois provenant des producteurs de boisés privés, des offices de producteurs locaux. Est-que c'est possible?

M. Saint-Pierre: C'est possible. Tout à l'heure, nous avons avancé ces trois points particuliers à ce sujet. Maintenant, vous pouvez toujours essayer d'expliquer pourquoi le nombre d'accidents rapporté pour 1982 a été coupé de moitié. Est-ce que le volume coupé en forêt a été coupé de moitié? J'en douterais fort.

M. Pagé: D'accord. Merci.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci, M. le député de Portneuf. Au nom de tous les membres de cette commission, je remercie MM. Ferragne, Hamel, Duchesne, Landry et Saint-Pierre de leur collaboration. Je remercie également tous nos invités d'aujourd'hui de leur collaboration soutenue ainsi que les membres de cette commission. Sur ce, la commission élue permanente du travail ajourne ses travaux à demain vers 11 h 15, 11 h 30, après la période de questions.

(Fin de la séance à 23 h 56)

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