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(Vingt heures dix-huit minutes)
La Présidente (Mme Lachapelle): À l'ordre, s'il
vous plaît! La séance est ouverte. Nous reprenons l'étude
article par article du projet de loi 17, Loi modifiant le Code du travail et
diverses dispositions législatives.
Les membres de cette commission sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie),
Cusano (Viau), Dean (Prévost), Johnson (Anjou), Bordeleau (Abitibi-Est),
Perron (Duplessis), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Ciaccia (Mont-Royal),
Champagne (Mille-Îles), Bélanger (Mégantic-Compton),
Lincoln (Nelligan), Lachance (Bellechasse), Mme Dougherty (Jacques Cartier), M.
Middlemiss (Pontiac).
Les intervenants sont: MM. Champagne (Mille-Îles), Fortier
(Outremont), Leduc (Fabre), Pagé (Portneuf), Payne (Vachon), Proulx
(Saint-Jean) et Vaugeois (Trois-Rivières).
Nous en sommes à l'article 2. Est-ce qu'il y a des
intervenants?
M. le député de Mont-Royal.
Le refus d'embaucher une personne
qui a exercé un droit découlant
du Code du travail (suite)
M. Ciaccia: Oui, Mme la Présidente. Vous n'étiez
pas...
La Présidente (Mme Lachapelle): II ne vous reste
qu'à conclure.
M. Ciaccia: Oui, il me reste une minute. Je voulais seulement en
conclusion, Mme la Présidente, réitérer que cet article 2
démontre de l'ambiguïté, de l'imprécision et se
prête à des difficultés d'interprétation de la
façon dont il est rédigé. Par exemple, on ne
définit pas le terme "représailles", on ne définit pas les
mesures discriminatoires auxquelles on se réfère dans cet
article. Si on cherche un équilibre entre le secteur patronal et le
secteur des employés syndiqués, je pense qu'on n'encourage pas
cet équilibre; on peut même causer des problèmes assez
sérieux. Par exemple, les mots "représailles" et "mesures
discriminatoires" pourraient être invoqués à tout propos.
Quelqu'un pourrait qualifier à peu près n'importe quel
comportement de l'employeur, il pourrait se plaindre. C'est vrai qu'il n'y a
pas de présomption contre l'employeur, mais le fardeau de la preuve est
sur les épaules de l'employeur, c'est l'employeur qui doit
démontrer qu'il n'y a pas eu de représailles, ni de mesures
discriminatoires.
Dans ce sens, c'est presque une présomption de faute. Je sais
qu'il ne me reste plus de temps pour faire valoir mes arguments contre
l'article 2, contre les amendements à l'article 2, mais, à cause
de son ambiguïté et de son imprécision, je crois qu'il
devrait au moins y avoir des amendements apportés à cet
article.
La Présidente (Mme Lachapelle): Merci. M. Cusano... Est-ce
que vous voulez prendre la parole, M. le ministre?
M. Johnson (Anjou): Oui, Mme la Président, pour commenter
très rapidement les propos que nous a tenus le député de
Mont-Royal, hier soir et ce soir, dans le cas du refus d'embauche, non
seulement il n'y a pas de présomption - je pense que le texte est
très clair à cet égard - il y a cependant un recours
pénal. À ce que je sache, en vertu de notre droit, dans une
poursuite pénale, s'il n'y a pas de présomption
spécifique, c'est la présomption d'innoncence, et le fardeau de
la preuve revient à celui qui poursuit. En ce sens, le
député de Mont-Royal faisait peut-être alllusion à
d'autres aspects du code, mais sûrement pas aux dispositions que j'ai
évoquées.
M. Ciaccia: Est-ce qu'on me permettrait une question?
La Présidente (Mme Lachapelle): Oui, allez-y, mais
très courte.
M. Ciaccia: Très courte. Est-ce que le ministre nous
affirme que, à l'article 2, quand on prévoit que l'employeur ne
peut refuser d'employer, etc., et qu'on parle de mesures discriminatoires ou de
représailles et que si un employé utilise ces arguments contre
l'employeur, cela va être à l'employé de démontrer
que l'employeur a utilisé des mesures discriminatoires? Autrement dit,
l'employeur a seulement à refuser l'embauche de l'employé et cela
va être à l'employé de faire la preuve?
M. Johnson (Anjou): Dans le cas du refus d'embauche, Mme la
Présidente, qui est prévu à l'article 14, la seule
sanction pour refus d'embauche - contrairement au code
canadien qui prévoit une intervention avec possibilité de
faire embaucher une personne -est une saction pénale.
Deuxièmement, il n'y a pas de présomption établie en
faveur du salarié. Cependant, dans le cas des personnes
déjà au service d'un employeur, l'article 15 est très
clair. Je pourrais simplement le lire et le député comprendrait,
j'en suis sûr. Là, il y a présomption, mais il ne s'agit
pas du cas d'embauché. Il s'agit de mesures de représailles
contre quelqu'un qui est déjà à son emploi et qui se livre
à des activités syndicales comme dans le Code canadien du
travail.
La Présidente (Mme Lachapelle): Je regrette, M. le
député, mais vous avez dépassé votre temps de trois
minutes. La parole est donc à M. Cusano, député de
Viau.
M. Ciaccia: Je voudrais seulement clarifier quelque chose, Mme la
Présidente.
M. Johnson (Anjou): Une dernière question, Mme la
Présidente, je veux bien.
La Présidente (Mme Lachapelle): Oui, s'il vous
plaît, très courte.
M. Ciaccia: C'est exact que, dans le cas d'un employé
déjà au service d'un employeur, le fardeau de la preuve incombe
à l'employeur. Dans ce sens-là, je ne me suis pas trompé
et c'est seulement dans le cas d'un refus d'embauche que l'employé a le
fardeau de la preuve.
M. Johnson (Anjou): C'est exact, Mme la Présidente.
M. Ciaccia: C'est encore assez sérieux. C'est encore assez
sérieux.
M. Johnson (Anjou): C'est ce que dit le code et c'est contraire
à ce qu'affirmait le député de Mont-Royal. C'est
finalement l'économie générale de notre code à
l'égard des présomptions créées en faveur de ceux
qui se livrent à des activités syndicales.
La Présidente (Mme Lachapelle): M. le député
de Viau.
M. Cusano: Merci, Mme la Présidente, voisine du
comté de Viau et native du comté de Portneuf. On est très
heureux de vous voir occuper le siège du président, ce soir. Je
dois vous avouer que vous paraissez mieux que l'autre président.
La Présidente (Mme Lachapelle): À l'ordre, s'il
vous plaîtl
M. Cusano: C'est un compliment, madame.
Cet article, M. le Président, est un peu...
Une voix: Mme la Présidente.
M. Cusano: Mme la Présidente, excusez-moi. On est
tellement habitué à dire "M. le Président". Je ne suis pas
sexiste, je vous assure.
M. Ciaccia: C'est son héritage culturel.
M. Cusano: C'est mon héritage culturel d'après mon
collègue de Mont-Royal. Mais j'essaie de m'adapter, madame.
Je suis bien inquiet de cet article, car j'ai personnellement
vécu certains problèmes.
Une voix: Comme enseignant?
M. Cusano: Non, pas comme enseignant. Je m'entendais très
bien avec mes patrons lorsque j'étais enseignant. Je n'ai jamais eu de
difficulté de ce côté-là. Je veux d'ailleurs dire,
spécialement au député de Prévost que, comme
enseignant, j'ai fait partie du syndicat. Cela le surprend. J'ai fait partie du
syndicat et j'ai même été secrétaire du Syndicat des
professeurs de l'île de Montréal. Une chose qui m'a toujours
frappé durant ce temps-là - d'ailleurs, il le sait très
bien - c'est qu'à plusieurs reprises, en tant que responsable de
certains griefs ou d'autres choses, on se trouvait toujours dans la position
où on était obligé de défendre les
incompétents de la profession, M. le député de
Prévost. Je pense que vous avez connu cela quand vous étiez
syndicaliste.
Mes relations avec mes patrons ont toujours été
excellentes en tant que simple enseignant. J'ai eu des relations un peu
difficiles parfois en tant qu'administrateur d'une école. C'est pour
cela que cet article m'inquiète parce que c'est un article très
ambigu. L'ambiguïté, c'est peut-être bon pour les avocats,
parce que cela leur donne la chance de plaider devant un juge, de faire valoir
des arguments. Est-ce que c'est cela qu'on veut faire?
M. Johnson (Anjou): Cela va durer longtemps jusqu'à...
M. Cusano: Excusez, M. le ministre. Est-ce que vous me portez une
oreille attentive?
M. Johnson (Anjou): Oui, je porte une oreille attentive, car je
vous ai entendu dire: "Excusez, M. le ministre."
M. Cusano: C'est que je ne voudrais pas parler pour rien. Je dois
vous souligner en passant, Mme la Présidente, que je suis très
heureux que le ministre des Affaires sociales soit ici, ce soir, étant
donné qu'il
fait très chaud. Nous ayant fait travaillé toute la
journée et à cause de ma condition physique, je suis très
heureux qu'il soit ici et non le ministre du Travail. Car, s'il nous arrivait
quelque chose, je suis certain qu'il prendrait bien soin de nous et qu'il
laisserait toute partisanerie de côté, Mme la
Présidente.
Lorsqu'on parle d'ambiguïté dans cet article et qu'on parle
de "refuser d'employer une personne à cause de l'exercice par cette
personne d'un droit qui résulte du présent code, ni chercher par
intimidation des mesures discriminatoires", des mesures discriminatoires, Mme
la Présidente, cela veut dire beaucoup de choses pour différentes
personnes, c'est un peu comme l'amour, Mme la Présidente. L'amour veut
dire différentes choses pour différentes personnes.
J'ai eu, dans mes dix ans d'expérience en tant qu'administrateur
du collège, une des plus grandes écoles
élémentaires de la province de Québec. Vous savez, des
écoles élémentaires de 600 ou 700 élèves,
vous n'en trouvez plus dans la province de Québec. J'en avais une, Mme
la Présidente. Je dois préciser, à cause de l'incurie de
ce gouvernement, que j'étais pris avec 650 ou 700 élèves
répartis dans quatre édifices différents parce que le
gouvernement n'a jamais voulu bâtir l'école qui était
nécessaire. (20 h 30)
Je vois encore des situations semblables malgré que, dans le
domaine scolaire, elles vont diminuer, parce que je crois que le nombre
d'élèves diminue énormément et qu'on ne trouvera
plus d'écoles, avec le projet Laurin qui s'en vient, où les
élèves seront éparpillés un peu partout. Si je vois
cet article, je me place dans la situation que j'ai vécue, où
l'administrateur pourrait se trouver dans de drôles situations. On parle
d'intimidation, je vais vous donner un exemple. J'avais un syndicat du
côté des enseignants aussi militant que les amis de M. Dean -
excusez, M. le député de Prévost -et, à certaines
occasions, lorsque j'ai eu des problèmes, cela a été des
problèmes où la représentante syndicale dans ce cas
précis, c'était une dame - je ne fais aucune
référence à vous, Mme la Présidente -lorsqu'on
arrivait dans une période de négociation, décidait qu'elle
ne me parlait plus; elle ne parlait plus à la direction. Elle a
même fait un grief sur le fait que je l'intimidais, disait-elle parce
que, le matin, lorsqu'elle entrait à l'école, je lui disais
bonjour. C'est pour cela que cette question d'intimidation veut dire beaucoup
de choses. It means different things to different people, happiness is, as the
song goes, different things to different people. - Pardon? - Dans le même
sens, lorsqu'on dit: Happiness is different things to different people, misery
is also different things to different people, Mme la Présidente.
Dans ce cas, si je regarde cet article, il est extrêmement ambigu
quand on parle d'intimidation. On l'a vue en Chambre, ici, l'intimidation. On
fait toutes sortes de menaces et après, cela tombe; le premier ministre
fait toutes sortes de menaces et, après cela, il se retire et il dit: Ce
n'est plus de l'intimidation.
Lorsqu'on parle de mesures discriminatoires, dans le cas de mon
école, c'est un fait très précis. J'ai encore bien des
documents en ma possession, même si je n'ai plus la position dont je
parlais. Comme je vous expliquais, dans le cas de cette représentante
syndicale qui, à la fin d'une année, puisque j'avais mes quelque
600 élèves répartis... Je m'aperçois, Mme la
Présidente, que personne ne semble écouter de l'autre
côté, les députés de l'autre côté n'ont
pas l'air tout à fait intéressés aux vrais
problèmes des travailleurs et des travailleuses, des enseignants et des
enseignantes. On veut seulement protéger les droits d'un syndicat et de
quelques amis très spécifiques. Même si c'était
seulement par courtoisie, on pourrait au moins prétendre
écouter.
Si je reviens à mon histoire vécue, par l'incurie, ce
gouvernement refusait de bâtir une école, non pas à
Saint-Laurent, mais à Rivière-des-Prairies. C'est une situation
bien drôle. Pour situer le ministre, en 1974, on m'a demandé de
regrouper les enfants de Rivière-des-Prairies. Savez-vous où on a
trouvé des écoles? Ceci illustre les grandes solutions du
ministère de l'Éducation: On a trouvé quatre
bâtisses dans Montréal-Nord. Dans le temps des libéraux, il
faut bien comprendre qui était là au ministère de
l'Éducation, en 1974, mon cher ami et qui prenait les décisions,
notamment M. Benjamin et M. Dozois; on s'en souviendrait très bien, il
ne faut pas oublier les gens infiltrés dans le Parti libéral et
qui donnaient des statistiques qui n'étaient pas exactement
précises. Vous voulez en parler de cette question? On va en parler
sûrement, parce que je l'ai vécue.
La Présidente (Mme Lachapelle): S'il vous plaît, M.
le député je vous ramène à la pertinence du
débat article par article. La loi 17, s'il vous plaît!
M. Cusano: Oui, oui, madame, je parle d'ambiguïté.
Lorsqu'on parle d'intimidation et de mesures discriminatoires, c'est ambigu
pour moi, madame. Est-ce clair pour vous? Excusez-moi, je sais que vous
n'êtes pas capable de trancher, mais, pour moi, c'est très ambigu.
J'aimerais revenir à cette question de l'ambiguïté et des
mesures discriminatoires. Pour votre information, c'était l'école
Amos. Ce n'était pas à Amos,
Québec; c'était sur la rue Amos, dans
Montréal-Nord. On m'avait donné quatre duplex à Duplessis.
Vous connaissez cela, Mme la Présidente, des duplex à Duplessis,
dans Montréal? Certainement que vous connaissez cela. Vous savez, toutes
les petites bâtisses qui ont été édifiées et
dont le plan a été fait par le même architecte. On en a
bâti partout à Montréal. On appelle cela des duplex
à Duplessis.
Une voix: Le plan Dozois.
M. Cusano: Non, non, pas le plan Dozois, les duplex à
Duplessis. Il a fallu que j'y loge ces enfants-là. Et lorsqu'on parle de
questions de harcèlement de la part d'un syndicat ou d'un
représentant syndical, la situation que j'ai vécue était
la suivante: lorsque j'ai planifié mes classes, la représentante
syndicale a demandé d'être localisée dans une des quatre
bâtisses; elle avait choisi une bâtisse - merci, Mme la
Présidente, cela a été très gentil de votre part -
cette personne Mme la Présidente, M, le Président, excusez-moi,
avait décidé, elle, qu'elle devait se localiser dans une certaine
bâtisse. Pour fins d'organisation, selon le voeu des parents, en
consultation et aussi en consultation avec le comité de l'école,
on avait décidé que, dans cette bâtisse, on allait loger
des enfants des première et deuxième années. Mais, madame,
elle, enseignait une quatrième année et il a fallu que je la
place dans une autre bâtisse. Cette dame - peut-être que cela
surprend le député de Prévost - a crié à la
discrimination: elle a trouvé que je l'empêchais de fonctionner en
tant que représentante syndicale parce qu'elle avait choisi une
bâtisse en particulier. C'est cela, la question d'ambiguïté,
lorsqu'on parle... D'après elle, c'étaient des mesures
discriminatoires.
Une voix: Elle n'était pas correcte.
M. Cusano: Je pense bien que vous êtes d'accord avec moi
que, dans ces circonstances, M. le Président, ce n'est pas lorsqu'on est
aux prises avec certaines situations - et il y a beaucoup d'employeurs ici qui
vont être affectés, qui ont plusieurs succursales dans toute la
province, etc. Des individus peuvent alors invoquer des mesures
discriminatoires, parce qu'ils n'ont pas été affectés au
bon endroit.
M. le Président, lorsqu'on parle de telles choses, on essaie de
faire plaisir à tout le monde et, en fin de compte, on ne fait plaisir
à personne. Quand ce n'est pas clair, ce n'est pas clair. Et je vous en
parle en tant que pédagogue dans une classe. C'est qu'il faut être
très clair. Parfois, je regarde les gens ici à l'Assemblée
nationale et je me souviens de mes jours anciens en classe à voir la
manière dont les gens agissent, je pense à ce temps-là. Je
ne voudrais pas lancer des pierres seulement aux gens du côté
ministériel, mais parfois même à nous autres; cependant,
mon collègue de Mont-Royal fait bien les choses.
M. Ciaccia: Merci.
M. Cusano: Mais, vous savez, cette ambiguïté... Si
l'article était extrêmement clair... Lorsque vous parlez de
représailles, lorsque vous parlez de menaces, qu'est-ce que cela veut
dire, menacer quelqu'un, M. le Président? Je pensais que ma
définition était très claire, mais, j'ai vu ce qui se
passait ici à l'Assemblée nationale, je ne parle pas de ce qui
s'est passé au salon rouge, mais de ce qui s'est passé au salon
bleu et je vous avoue franchement que je ne sais plus ce que c'est que des
menaces. Un jour des paroles semblent être des menaces, d'autres jours on
voudrait nous faire croire qu'une menace serait un assaut contre la personne.
Vous savez, psychologiquement on peut faire toutes sortes de menaces: des
menaces verbales, même un clin d'oeil peut être une menace, selon
les personnes. Je vous donnais l'exemple d'une personne tout à l'heure.
Je vous disais que cette personne se sentait menacée parce que je lui
disais bonjour. Elle trouvait que c'était une menace; d'après
elle, je voulais signaler sa présence. Est-ce qu'on est
gêné de signaler la présence de quelqu'un? Je pense que
personne ici ne se gênerait. Que je vous dise bonjour, M. le
Président, je pense que vous en seriez bien heureux, si on se rencontre
dans le corridor. Je suis sûr que vous êtes un homme très
sage et que, pour vous, une telle chose ne serait pas une menace. Mais, pour
certains individus et pour certains syndicats, ce sont des menaces.
Cet article m'inquiète, M. le Président. Lorqu'on parle
d'ambiguïté et qu'on va faire perdre du temps... Vous savez, quand
quelque chose est très clair, il n'y a pas de problème. On le
voit bien ici. Vous faites des lois, vous les présentez à
l'Assemblée nationale et, après cela, il faut revenir, parce que
cela n'est pas tout à fait clair. Là, vous essayez de
préciser des ambiguïtés, vous tombez dans d'autres
ambiguïtés et personne n'y comprend plus rien. J'ai même
entendu dire que le juge en chef donnait sa démission aujourd'hui. Je
l'ai entendu dire, je ne vous l'annonce pas comme une vérité
absolue, j'ai entendu la rumeur. On m'a dit qu'il trouve qu'il n'y a plus de
justice dans la province de Québec.
Une voix: C'est vrai.
M. Cusano: C'est inquiétant. Vous me corrigerez, si je me
trompe, je n'ai pas le monopole de la vérité absolue, comme les
gens de l'autre côté qui pensent qui l'ont sur
tout. Si je me trompe, vous me corrigerez. Je trouve cela
inquiétant. La langue française est une langue extrêmement
précise et même, comme l'a souligné le député
d'Anjou l'autre soir, lorsqu'il a voulu me corriger sur une certaine
expression, je l'ai apprécié. Je n'ai pas une connaissance
approfondie de la langue française, mais j'ai toujours trouvé que
c'était une langue très précise. C'est beaucoup plus
précis que l'anglais, vous allez l'admettre.
Mais, de la façon dont vous présentez vos lois, vous
massacrez la langue, à mon avis. Vous y mettez tellement
d'ambiguïtés que les gens n'y comprennent plus rien.
Le Président (M. Desbiens): II vous reste une minute.
M. Cusano: Pardon, M. le Président?
Le Président (M. Desbiens): II vous reste une minute.
M. Cusano: II me reste une minute et je ne fais que commencer. Je
n'ai parlé que de mesures discriminatoires et de représailles, je
n'ai pas encore parlé du mot "chercher".
M. Bélanger: Je vais m'en charger.
M. Cusano: Vous allez vous charger d'essayer de savoir ce que le
mot "chercher" veut dire? On cherche, on cherche quoi? On cherche. Cet article
m'inquiète, il inquiète mon collègue de Mont-Royal, il l'a
dit déjà. Vous, de l'autre côté, cela n'a pas l'air
de vous inquiéter. Il y a bien des lois qui ne vous ont pas
inquiétés. Il y a des personnes qui votent pour des lois et
après elles se demandent pourquoi elles ont voté. Cela
m'inquiète. On est ici pour essayer d'éclaircir un peu la
situation, mais vous vous entêtez. Vous pensez que vous avez la
vérité absolue. Enfin, on aura certainement des choses à
vous proposer. (20 h 45)
J'espère que, lorsqu'on vous fera ces propositions, elles seront
acceptées. Personnellement, j'ai la conviction qu'elles sont
acceptables, mais je ne sais pas si elles seront acceptées, car vous
avez une certaine crainte, vous du côté ministériel,
seulement à penser que d'autres connaissent peut-être la vie un
peu mieux que vous. Cela vous inquiète. Dans la vie, lorsqu'on est
capable de reconnaître qu'on ne possède pas la
vérité, c'est à partir de là qu'on devient
très sage. Lorsqu'on dit qu'on possède la vérité
sur tout, cela devient un peu inquiétant.
M. le Président, je sais que mon temps est terminé et
d'autres de mes collègues ont certainement beaucoup de choses à
dire.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je regrette de déranger une si belle entrée en la
matière, mais votre temps est déjà écoulé.
Est-ce que l'article 2 est adopté?
M. Bélanger: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Bélanger: ...je fais une demande de directive. Est-ce
que j'ai le droit de parole?
Le Président (M. Desbiens): Vous remplacez le
député de Brome-Missisquoi, mais celui-ci a déjà
utilisé son droit de parole?
M. le député de Prévost.
M. Dean: M. le Président, pendant que les membres de
l'Opposition conversent, je vais dire quelques mots. Le député de
Viau cherche des expériences de vie pour rendre ses remarques
pertinentes à ce débat. Il a fait référence...
M. Cusano: Pouvez-vous répéter cela, M. le
député?
M. Dean: C'est clair qu'il vient d'un milieu syndical
ouaté, celui du monde de l'enseignement. Je pense - il y en a
peut-être d'autres aussi qui le pensent, je l'ai déjà dit
et je continue à le dire - qu'il y a, au Québec, entre 80% et 85%
des travailleurs qui ne travaillent pas dans le secteur public. De ces 80% ou
85%, à peine 25% sont syndiqués. Ces non syndiqués,
surtout, occupent des emplois assez souvent difficiles. Ils travaillent pendant
40 heures, 45 heures et même davantage, chaque semaine, et assez souvent
dans des conditions de saleté, de danger; en somme, des conditions
dures, insalubres.
Si on cherche à apporter un certain nombre d'amendements, c'est
pour faciliter l'exercice du droit d'association. Au fond, très peu
d'enseignants au Québec actuellement n'ont pas pu se syndiquer. Je pense
que ce serait beaucoup plus pertinent dans le présent débat de
parler de cas, d'exemples qui touchent la masse des hommes et des femmes du
Québec qui ne sont pas syndiqués et qui, peut-être,
voudraient l'être.
Le député de Viau a parlé d'intimidation. Il a dit
que ce mot ne devrait pas être dans le code. Il ne semble pas savoir que
le mot "intimidation" est dans le Code du travail depuis au moins 1964, si ce
n'est pas 1944. Le mot "intimidation" n'est pas un nouveau mot, ce n'est pas
cela, l'amendement au code. Il a parlé de menaces. Le mot "menace" est
aussi dans le Code du travail du Québec depuis 1964 au
moins. Donc, dans tout ce qu'il a dit indique, il ne sait pas de quoi il
parle ou bien il parle pour rien. Ce n'est pas cela, l'amendement.
Une voix: II n'a pas le choix.
Une voix: C'est à peu près cela, oui.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre!
M. Dean: II dit aussi que les mots qu'on veut ajouter à
cette clause - je souligne que c'est pour protéger le travailleur ou la
travailleuse contre certaines mesures, comme des représailles, des
mesures discriminatoires autres que le congédiement ou la suspension,
par exemple. Ce sont ces mots qu'on cherche à ajouter à la loi.
Si on cherchait des modèles, on pourrait faire un grand plaisir à
nos amis d'en face en leur citant le Code du travail fédéral
où on retrouve le mot "discriminatoire", où les mots "intimider",
"menacer" ou "prendre d'autres mesures disciplinaires" y sont
déjà inscrits depuis longtemps.
M. Cusano: Ils peuvent faire quelque chose de bon, de temps en
temps, n'est-ce pas, ceux du fédéral?
M. Dean: Je n'ai pas interrompu le député de Viau
pendant son intervention!
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Prévost, vous avez la parole.
M. Dean: En Colombie britannique, le mot "discrimination" est
dans le Code du travail. Dieu sait que c'est là depuis au moins 1973. Le
gouvernement de M. Bennett a eu amplement le temps de changer ce mot, mais ce
mot est dans toutes les lois et dans presque toutes les conventions
collectives. À l'article 14, on parle de poursuites pénales. Les
poursuites pénales, cela se fait devant un juge du Tribunal du travail.
Dire qu'un juge du Tribunal du travail ne peut pas imaginer le sens à
donner aux mots "mesures discrimatoires ou représailles", c'est prendre
toute une série de savants juges pour des caves. Ces mots ont un sens
précis dans la jurisprudence arbitrale, dans la jurisprudence du
travail. Il n'y a pas de problème. Les gens concernés, que ce
soit dans les tribunaux d'arbitrage ou devant le tribunal, jugent les
accusations en fonction de ces clauses et ils sont très
compétents dans leurs évaluations.
Je veux justement vous parler de ce qui pourrait être visé
dans le concret par ces choses-là. Par exemple, on ne vise pas seulement
les congédiements, les menaces ou les rétrogradations. Il y a,
dans les usines ou ailleurs, certaines occupations qui sont
considérées comme particulièrement difficiles,
particulièrement sales. Parfois, les parties s'entendent entre elles
pour décider qui aura les emplois les plus difficiles, les plus sales ou
les plus odieux d'une façon ou d'une autre. Il s'est déjà
produit qu'on identifie quelqu'un à un sentiment syndical et on trouve
le moyen de lui attribuer, plus souvent qu'à son tour, des emplois
très sales ou le contraire. Ce n'est pas une question de
congédiement, ce n'est pas une suspension, ce n'est pas une
rétrogradation, c'est le fait d'attribuer à quelqu'un un travail
particulièrement odieux.
Au contraire, à certains endroits, on a l'occasion de faire un
peu plus d'heures supplémentaires que dans d'autres emplois. Donc, pour
certains travailleurs, les emplois où on a la possibilité de
faire un peu d'heures supplémentaires, surtout quand on travaille
à 4 $ ou 4,50 $ l'heure, sont des emplois convoités. Si quelqu'un
ose avoir des idées syndicalistes, si quelqu'un veut simplement se
syndiquer, s'il n'a pas encore appris toutes les nuances que les syndicalistes
ouatés de M. le député de Viau ont appris, probablement
parce qu'ils ont eu des cours très avancés, etc., un travailleur
de ce genre qui veut se syndiquer risque de se trouver privé d'un emploi
où il pourrait faire des heures supplémentaires.
Il y a toute une série d'exemples semblables. On ne pourra jamais
arriver à faire une liste de toutes ces mesures. Si jamais on le
faisait, les juristes, qui connaissent quelque chose aux textes
législatifs, nous diraient: Cela n'a pas de sens, tu ne peux
prévoir en détail toutes les utilisations possibles et
impossibles, imaginables ou inimaginables des mots "mesures disciplinaires ou
représailles". Donc, on insère ces mots.
Le député de Viau a parlé d'une
déléguée syndicale - je le souligne tout bonnement - qui a
fait toutes sortes d'interprétations farfelues. J'aimerais bien savoir
si cette personne a déjà gagné en plaidant ce genre de
cause devant un tribunal d'arbitrage, parce qu'on pourrait un peu se douter du
bon sens de tel arbitre, si jamais telle chose se produisait.
Je pense qu'on aurait intérêt, dans ce débat,
à au moins essayer d'être sérieux, même si cela est
difficile, à essayer d'envisager ces textes dans le sens où un
juge compétent, ayant une bonne formation d'avocat siégeant au
Tribunal du travail va évaluer et apprécier le sens à
donner à ces mots dans les cas concrets et réels qui lui sont
présentés par des travailleurs et travailleuses victimes de
mesures discriminatoires ou de représailles du fait de vouloir exercer
ou avoir exercé certains droits reconnus par le Code du travail.
Le Président (M. Desbiens): L'article 2 est-il
adopté? Adopté.
M. Cusano: Sur division, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Adopté sur division.
Article 3.
Mesures discriminatoires
M. Johnson (Anjou): Article 3, M. le Président, il s'agit,
dans ce cas de congédiement, de suspension, de déplacement, de
mesures discriminatoires ou de représailles chez un salarié
appartenant à l'entreprise. Ce sont des mesures qui permettent la
réintégration du salarié qui a été
congédié pour ses activités ou d'autres mesures
jugées appropriées par le commissaire du travail. Je pense que
l'article parle de lui-même, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): L'article est-il
adopté?
M. Cusano: Non, M. le Président. Pas pour le moment,
toujours.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je voudrais répondre aux remarques du
député de Prévost. Je pense que ceci entre dans la
pertinence de l'article 3, parce que l'article 3 est la conséquence des
droits énoncés dans l'article 2. Le député de
Prévost a mentionné le Code canadien du travail, il a dit: Les
mesures discriminatoires en cause et les termes employés dans ce projet
de loi sont contenus dans le Code canadien du travail. Je pense qu'il y a une
différence assez fondamentale entre le Code canadien du travail et les
mesures que l'on prévoit inclure, que l'on inclut dans le projet de loi
actuel. Je pense qu'il faut faire la distinction car le fait que certains mots
se trouvent dans les deux codes ne constitue pas une justification pour le
présent projet de loi. Par exemple, le Code canadien du travail est
très spécifique, il exprime les actions, au présent, d'un
employé, il n'ouvre pas la porte à des abus possibles, car c'est
ce qui s'est produit dans le passé. Il énumère des
activités syndicales assez précises, ce que le projet de loi
actuel ne fait pas. Je pense que ce n'est pas tout à fait exact
d'essayer de justifier le présent projet de loi en se
référant aux termes contenus dans le Code canadien du travail. Si
je voulais faire un "filibuster", je pourrais lire l'article 184, alinéa
3 du Code canadien du travail; ce n'est pas mon intention, je ne le lirai
pas.
Je suis assez certain que le député de Prévost est
au courant des termes qui sont inclus dans le code canadien, il n'a pas besoin
de moi pour lui en rappeler les termes précis, mais c'est juste le
principe, car celui-ci est un peu différent; cela veut dire que les
possibilités d'abus sont moindres. Vous savez, on a fait le point hier,
mais le député de Prévost n'était peut-être
pas ici. (21 heures)
M. Ciaccia: On ne veut pas - on a posé ce principe - qu'un
employeur puisse congédier ou abuser de ses pouvoirs à l'endroit
d'un employé qui a des activités syndicales. C'est toutefois la
question de savoir comment on va rédiger la législation. Est-ce
qu'en essayant de consacrer ce principe on n'ouvrira pas la porte à des
abus possibles? C'est le seul but de nos interventions. On l'a dit et on le
répète: si on prend toutes les mesures les plus avant-gardistes
dans chaque code du travail à travers le Canada et qu'on les inclut dans
un code idéal au Québec, cela devient le code le plus
contraignant au pays et la concurrence devient alors plus dificile. Car qu'on
le veuille ou non, je voudrais moi aussi vivre dans une utopie. Je voudrais moi
aussi avoir les conditions idéales...
M. Johnson (Anjou): Vous ne faites pas partie de mon utopie,
John.
M. Ciaccia: Non, je ne serais pas là, une chance. Le
député d'Anjou ne serait pas non plus dans la mienne, M. le
Président, je vous l'assure. Mais je suis trop poli pour le dire.
Dans le monde réel, on peut établir certains principes de
base. C'est cela qu'on veut faire.
M. Johnson (Anjou): Tell me about that.
M. Ciaccia: C'est cela qu'on veut faire. Mais il faut aussi avoir
un équilibre. Et si nous avons des conditions où, pour utiliser
les termes de votre premier ministre, les dés sont "loadés" en
faveur d'un... Si l'on rend les conditions plus difficiles pour la
création d'emplois, est-ce que les employés vont vraiment en
bénéficier? Si on crée des ambiguïtés et des
possibilités d'abus, est-ce qu'on a vraiment atteint notre objectif?
M. le Président, je crois qu'il n'est pas tout à fait
exact de faire la comparaison entre le code canadien et le projet de loi qui
est devant nous. Comme point d'intérêt, je voudrais citer les
propos du député de Prévost lorsqu'il a fait son
intervention en deuxième lecture. C'est au rouleau 3051, page 1, et je
le cite: "Donc je suis très heureux et très fier d'appuyer ce
projet de loi et d'encourager mes collègues de l'Assemblée
nationale à faire de même". C'est la première phase. Dans
un deuxième temps, on reviendra avec la consultation des partenaires
sociaux et la consultation populaire nécessaire pour faire en sorte
qu'on se donne, dans un certain nombre de mois ou peut-être quelques
années, un code du travail qui serait plus à notre mesure en
1983.
Possiblement, sans être conscient du fait, je crois que le
député de Prévost a vraiment exprimé nos
inquiétudes que le projet de loi que vous proposez présentement
n'est pas à notre mesure en 1983 - j'utilise vos propres mots - et c'est
ce que nous aurions voulu. Nous favorisions un Code du travail,
c'est-à-dire une refonte du Code du travail tel qu'il avait
été promis par le ministre qui remplace maintenant le ministre du
Travail à cette commission parlementaire, lequel était ministre
du Travail en 1979. Lui aussi nous l'avait promis... Ah! c'est comme cela qu'on
appelle cela? Le ministre du Travail par intérim?
M. Lavigne: On appelle cela un ministre du Travail par
intérim.
M. Ciaccia: Ah! c'est comme cela qu'on le nomme: ministre du
Travail par intérim ou plutôt ministre "au" Travail par
intérim?
M. Lavigne: Excusez, ce n'est pas cela qu'il avait dit.
M. Cusano: II n'aime pas cela le mot "au" Travail.
M. Ciaccia: Mais, ce soir, on est au travail, c'est vendredi soir
et on est au travail jusqu'à minuit.
M. Cusano: C'est ce que je lui ai dit l'autre soir et il
n'était pas d'accord.
M. Ciaccia: En 1979, curieusement et ironiquement, c'est le
député d'Anjou qui avait déclaré qu'il devait nous
soumettre à l'automne une refonte totale du Code du travail; nous
entendons maintenant les mêmes refrains de l'adjoint parlementaire qui
est, si je ne fais pas erreur, le député de Prévost. C'est
ce que nous aurions voulu, et non pas procéder à des changements
à la pièce. Car, lorsqu'on effectue un certain changement dans un
article, sans revoir tout l'ensemble de la loi, cela peut avoir des
répercussions auxquelles on ne s'attend pas. C'est notre
préoccupation. Je pense que les difficultés qui existent dans le
présent projet de loi, même si le ministre et l'adjoint
parlementaire, le député de Prévost, essaient de les
justifier, sont très sérieuses et sont admises par les
ministériels. Je voulais faire ces brèves remarques au sujet de
l'article 3, en réponse aux propos du député de
Prévost.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 3 est
adopté?
M. Johnson (Anjou): M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Pour revenir à ce que disait le
député, la notion de l'exercice d'un droit par le salarié
existe déjà dans le Code du travail, à l'article 15. Elle
n'est pas introduite par le projet de loi 17, au cas où il y aurait
quelque ambiguïté dans ses propos.
Deuxièmement, cette notion de l'exercice d'un droit a connu des
interprétations jurisprudentielles. Le jugement le plus récent
est celui du juge Bernard Lesage, que le député connaît
sans doute, dans l'affaire impliquant Réal Chapdelaine et les Emballages
Domtar Limitée, division de papier et carton Kraft, dans lequel on dit
ceci: "Dans plusieurs autres dispositions du code, le législateur
énumère des actes précis qui constituent pour un
salarié, individuellement, ou pour un syndicat l'exercice pratique d'une
composante du droit d'association. Citons comme exemple le droit
d'adhésion syndicale, le droit de porter plainte à un
commissaire, le droit de négocier, le droit de faire grève, le
droit de faire grief. "D'autres manifestations individuelles ou collectives du
droit d'association ne sont pas articulées dans des dispositions
spécifiques du code, mais doivent tout de même être
reconnues comme telles en raison de leur relation substantielle avec le concept
décrit à l'article 3 susdit, à savoir l'appartenance
à une association ou la participation à sa formation, ses
activités, son administration. Il en est ainsi du droit de recruter des
membres, d'assister à des assemblées syndicales, d'être
officier d'association. "C'est également le cas de tout ce qui concerne
les objectifs fondamentaux pour lesquels une association
accréditée existe, lesquels sont énumérés
à l'article la du Code du travail et comprennent, entre autres, la
promotion des intérêts des membres, ce qui se réalise
surtout, mais pas exclusivement, par la passation de conventions collectives.
Le code a ainsi édicté en rejetant les interdits anciens contre
le complot qui, suivant un cadre précis, la faculté de recourir
au concours de confrères de travail, était le truchement
privilégié pour rétablir l'équilibre des forces en
présence lorsque peut être affectée la sauvegarde des
intérêts du groupe. Le recours à l'assistance syndicale
dans cette perspective est l'exercice concret d'une composante du droit
d'association."
À cet égard, la notion de l'exercice d'un droit existe
dans le code. Elle a été l'objet d'interprétations
jurisprudentielles par le Tribunal du travail et, à cet égard,
ces dispositions nous apparaissent tout à fait adéquates,
précises et se rattachant aux principes qu'on retrouve dans le code.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Je vais
être très bref parce que je pense que l'objectif du gouvernement,
tout comme celui de l'Opposition, est de faire en sorte que nous puissions
étudier le plus grand nombre d'articles possible, ce soir. Il y a quand
même des choses qu'il faut... Il ne faudrait cependant pas croire que le
Parti libéral - je tiens à le mentionner avant d'en arriver
à mes commentaires sur l'article 3 - s'oppose à la
syndicalisation. Au contraire, si les députés étaient
syndiqués, je ne crois pas qu'un vendredi soir, après avoir
travaillé 90 heures, on serait encore ici, à 21 h 10,
peut-être jusqu'à minuit. Je pense qu'il s'agirait d'une clause
discriminatoire dans le sens de votre article 2.
Je vais vous dire que je crois au proverbe. Jamais deux sans trois,
parce que l'article 3 n'est pas beaucoup mieux que l'article 2. Il y a encore
de nombreuses ambiguïtés qui démontrent une fois de plus que
ce projet de loi - je regrette de le dire - n'a pas été
préparé avec soin; il a été préparé -
je n'oserais pas dire sans connaissance de cause, parce qu'on croit qu'il y a
des gens compétents qui ont mis la main à la pâte pour en
arriver à ce projet de loi - de façon non claire. Je
m'explique.
Lorsqu'on parle d'une indemnité pour un déplacement, je
vais vous lire ce qu'on dit: "Cette indemnité est due pour toute la
période comprise entre le moment du congédiement..." Cela, je le
comprends. S'il y a un congédiement non justifié, non motivable,
si l'employé a gain de cause et que le patron est obligé de lui
payer son indemnité, il n'y a pas de problème. Jusque là,
tout va très bien. Quand on parle de suspension, c'est à peu
près la même chose. S'il a été suspendu injustement,
c'est juste et équitable que l'employé réintègre
ses fonctions et que le patron le paie plein salaire parce que, finalement, il
a posé un geste qui n'était pas justifié.
Or, là j'accroche, M. le Président - je suis convaincu que
vous allez accrocher avec moi, de l'autre côté de la table
également -c'est quand on parle de déplacement. Si un patron
déplace un employé en lui donnant une augmentation de salaire, je
ne vois pas pourquoi il serait obligé de lui payer une indemnité
en plus. Si on déplace un employé...
M. Johnson (Anjou): II n'aura pas d'indemnité.
M. Bélanger: M. le Président.
M. Johnson (Anjou): L'indemnité est accordée pour
perte, M. le Président.
M. Bélanger: Ce n'est pas mentionné à
l'article 3. Je lis l'article 3 et...
M. Dean: Ce n'est pas mentionné dans la loi actuelle qui
est là depuis...
M. Bélanger: Ce n'est pas mentionné dans la loi.
Vous voyez comme c'est ambigu. J'avais raison, je l'avais dit, d'ailleurs. J'ai
dit: Je suis sûr que, de l'autre côté de la table, on va
dire exactement comme moi.
M. Dean: Cela a été adopté par le Parti
libéral en 1964.
M. Bélanger: C'est exactement ce qui est arrivé. On
a dit: C'est vrai, ce n'est pas écrit dans la loi. C'est un fait, ce
n'est pas écrit dans la loi. Un employé, par exemple, qui
subirait un déplacement dans le but, dans certains cas, de conserver son
emploi, il ne faudrait pas en plus qu'on soit obligé de lui donner une
indemnité. Qui va déterminer le préjudice subi par
l'employé? Je comprends que ce n'est pas plaisant, un
déménagement, lorsqu'on travaille à Montréal et
qu'à un moment donné on doit aller travailler à Wabush. Il
n'y a rien d'agréable là-dedans, mais il reste une chose, c'est
qu'il faut quand même que le personnel ait une certaine mobilité.
On ne peut pas demander à un patron d'embaucher quelqu'un et de dire:
Tous les matins, à 9 heures, au même endroit, tu entres par la
même porte.
C'est une chose qui va arriver si la loi est adoptée telle
qu'elle est actuellement. Il va se produire des cas très ambigus. Je ne
sais pas de quelle façon on pourrait trouver une solution à ce
problème. Je n'en fais pas une motion d'amendement mais, à mon
avis, il faudrait tout au moins retirer ou biffer le mot "déplacement",
car on ne peut pas dire qu'un employé a été
pénalisé parce qu'il a été déplacé.
S'il est rendu à son quatorzième accident avec le petit camion
dans la cour et qu'on lui dit "aujourd'hui, tu vas chauffer la fournaise", ce
sont peut-être des mesures de précaution pour le protéger
contre lui-même. Il ne faudrait pas que le patron soit soumis à
payer une indemnité de déplacement. Il l'a pourtant bel et bien
déplacé. Il n'est plus au même endroit; il n'occupe plus la
même fonction.
Cela prouve une fois de plus que le projet de loi n'est pas prêt;
il n'a pas été mûri profondément; il n'a pas
été préparé avec soin. Moi, j'ai des doutes. Je
pense que le projet de loi a été préparé à
toute vitesse, pour refaire l'image du gouvernement auprès des
syndicats. On sait que c'est un besoin qu'il a de refaire son image
auprès des syndicats, mais ce n'est pas suffisant. Il faudrait refaire
son image auprès de la population et je pense que c'est une chose
irréalisable. Je ne pense pas que ce soit possible. On peut croire une
fois en des rêves, mais on ne peut pas croire deux fois au même
rêve, surtout pas la population du Québec, qui est l'une des plus
évoluées de
l'Amérique du Nord.
Encore une fois, je vais être très bref, je ne veux pas
retarder les travaux de la commission. J'ai lu l'article deux fois et, tout de
suite, j'ai accroché au mot "déplacement" et je suis convaincu
qu'il ne faudrait absolument pas que cette loi soit adoptée dans sa
forme actuelle. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Merci. Il n'y a pas d'autre
intervenant? Est-ce que l'article 3 est adopté?
M. Ciaccia: M. le Président, j'aurais une question
à poser.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je pense que le ministre a fait
référence tantôt à un jugement qui
définissait... Est-ce que c'était un jugement du juge Bernard
Lesage?
M. Johnson (Anjou): Oui, oui, c'est cela.
M. Ciaccia: Et est-ce que cela faisait référence
à l'exercice d'un droit?
M. Johnson (Anjou): Oui, oui, c'est la définition de la
notion de l'exercice d'un droit dans la jurisprudence.
M. Ciaccia: Le problème que j'avais soulevé ne
concernait pas l'exercice d'un droit. C'était la définition des
mots que vous avez ajoutés dans ce projet de loi qui est devant nous,
où il est question de mesures discriminatoires. Je ne pense pas qu'il
soit approprié de citer le jugement du juge Lesage définissant
l'exercice d'un droit. On sait que, sous cet aspect, un employé peut
exercer son droit, mais vous introduisez, je crois, dans ce projet de loi, les
mots "mesures discriminatoires". La question que je me pose est celle-ci:
Quelle est la définition de "mesures discriminatoires"? Est-ce que cela
pourrait donner lieu à certains abus?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, peut-être que
le député avait fait un lapsus, mais il regardera les
galées et il va se rendre compte que sa première intervention
portait sur la notion de l'exercice d'un droit et non pas sur la notion de
mesures discriminatoires. J'ai répondu à cette partie.
Maintenant, s'il veut parler de la notion de mesures discriminatoires, je lui
dirai que cette notion n'existe pas dans le code; donc, elle n'a pas
été définie par le Tribunal du travail, sauf qu'elle
existe dans le code canadien et dans d'autres codes. Elle fait l'objet
d'interprétation par des Labour Relations Boards et des tribunaux, comme
des tribunaux de droit commun, à cet égard. Elle n'existe pas
dans le code canadien d'une façon autre qu'évoquée et non
pas définie. La notion de mesures discriminatoires est dans le code
canadien, mais la définition des mesures discriminatoires, cela tombe
sous le sens commun, c'est une question d'appréciation des faits. Donc,
on laisse cela aux tribunaux.
La notion de l'exercice d'un droit, il est vrai, est une notion plus
facilement définissable que notre code ne définit pas, mais que
notre jurisprudence définit de façon très
précise.
M. Ciaccia: Non, M. le Président, on pourrait
regarder les galées...
M. Johnson (Anjou): C'est comme la notion de bonne foi. Le
député de Mont-Royal va me comprendre; c'est comme la notion de
bonne foi, elle n'est pas définie dans le code.
M. Ciaccia: C'est difficile mais...
M. Johnson (Anjou): Alors, la notion de mesures discriminatoires
est de même nature.
M. Ciaccia: Oui, mais ce n'est pas la même chose.
M. Johnson (Anjou): À moins que le député
n'ait une suggestion d'amendement à faire, M. le Président, pour
définir la notion de mesures discriminatoires...
M. Ciaccia: Non, j'aurais plutôt une motion pour enlever
ces mots du contexte dans lequel vous les placez. Vous faites toujours
référence au code canadien, mais ces mots-là ne sont pas
utilisés de la même façon dans le code canadien que vous ne
les utilisez dans votre projet de loi. Je n'ai pas remis en question la notion
de l'exercice d'un droit.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je
répète exactement ce que vient de dire le député de
Mont-Royal. Il dit: Ces mot-là, dans le code canadien, ne sont pas
utilisés de la même façon. Or, le code canadien dit:
Refuser d'embaucher ou de continuer à employer ou suspendre,
transférer et mettre à pied ni autrement prendre contre une
personne des mesures discriminatoires en ce qui concerne un emploi.
M. Ciaccia: M. le Président...
M. Johnson (Anjou): C'est exactement, ou à peu
près, textuellement ce qu'on retrouve dans le code canadien.
M. Ciaccia: M. le Président, dans le code canadien, on
énumère les activités
syndicales au présent.
M. Johnson (Anjou); C'est l'exercice des droits, M. le
Président, ce n'est pas la dimension discriminatoire.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas invoquer la
protection de la présidence mais, si le ministre voulait me laisser
terminer mon droit de parole...
M. Bélanger: Je lui cède mon tour.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce n'est pas parce
qu'on est mieux préparé qu'on est arrogant, mais c'est parce
qu'on travaille plus fort.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Vous étiez tellement préparés
dans d'autres commissions parlementaires que, vraiment, cela faisait
pitié.
Une voix: On en a eu une où on était
préparé...
M. Ciaccia: Si vous le voulez, on va se calmer. Ce n'est pas nous
qui avons demandé de siéger le vendredi soir...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, nous étions
prêts à siéger cet après-midi et vous avez
refusé votre consentement.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: On n'a pas siégé hier soir, car on a
fait une motion de bâillon, à l'Assemblée nationale,
après une journée ou deux de discussions. On nous oblige à
siéger le vendredi soir. Je ne voudrais pas que le ministre commence
à se plaindre que c'est notre faute si on siège le vendredi
soir.
M. Johnson (Anjou): On est payé pour cela.
M. Ciaccia: Si le projet de loi ici devant nous avait
été déposé à l'Assemblée nationale en
février, mars ou avril et si on avait pu le discuter avec le temps
voulu... Le gouvernement ne veut pas cela. Il veut faire adopter ses projets de
loi à la vapeur. Il présente les projets de loi à la fin
de la session spécialement pour éviter qu'ils soient
discutés en profondeur et pour que la population ne soit pas tout
à fait au courant de ce qui arrive ici. C'est de cette façon que
ce gouvernement fait adopter ses projets de loi, spécialement ceux qu'il
serai peut- être un peu plus difficile de faire avaler à la
population. C'est la première remarque.
La deuxième remarque - si le ministre pouvait écouter sans
m'interrompre - c'est que le contexte dans lequel vous introduisez certains
aspects ou certains mots qui sont contenus dans le code canadien, ce n'est pas
du tout le même contexte qui est dans votre projet de loi. Je ne
répéterai pas tous les arguments que j'ai évoqués
en réponse au député de Prévost quand il a
essayé de nous dire que ces concepts, ces idées étaient
contenus dans le code canadien. Il y a des différences fondamentales
entre le code canadien et le projet de loi que vous avez déposé
à l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne l'exercice d'un droit, je ne pense pas qu'on ait
besoin des leçons du ministre du Travail par intérim. On sait que
la jurisprudence définit la façon d'exercer un droit; il y a le
jugement que le ministre nous a cité. Mais les questions que nous avions
sur l'article 2 ou l'article 3 concernaient la façon dont ces articles
sont rédigés pour introduire la notion de discrimination, mais
dans un contexte beaucoup plus global, beaucoup plus difficile à
interpréter que le code canadien, sans avoir des mesures qui pourraient
rétablir un équilibre.
On a l'impression qu'on essaie de répondre aux exigences de
certains groupes ou de certaines personnes, individuellement, qui sont
responsables... Je ne veux pas donner des noms, parce que je ne veux pas
commencer un débat là-dessus. Au lieu de trouver une solution
globale qui bénéficierait à tous les travailleurs et qui
serait équilibrée, on veut donner l'image qu'on veut favoriser ou
protéger les employés. En ce faisant, on crée des abus
possibles.
Pourquoi introduire à ce moment-ci, de la façon dont le
gouvernement le fait, la notion de mesures discriminatoires sans en donner la
définition, sans avoir d'autres mesures dans le projet de loi qui
pourraient un peu protéger ceux qui seront impliqués dans cette
situation? C'est un reproche qu'on pourrait faire. On ne répétera
pas tous les arguments. Pourquoi faites-vous des changements seulement à
certains articles? On sait qu'on a un problème global. Pourquoi
n'avez-vous pas procédé? Quelle est l'urgence de faire adopter ce
projet de loi maintenant?
M. Johnson (Anjou): Si c'était urgent, on ferait une
motion d'urgence.
M. Ciaccia: Je ne veux pas utiliser tout le temps de
parole...
M. Johnson (Anjou): On va seulement faire une motion de
clôture.
M. Ciaccia: ...qui m'est alloué. Je voulais seulement
rétablir certains faits et
faire ces remarques en réponse au ministre et au
député de Prévost.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, c'est simplement pour
préciser ce que dit l'article. La notion de mesures discriminatoires,
c'est ce que vise à sanctionner le code. Les raisons pour lesquelles le
code vise à sanctionner la discrimination, c'est que c'est l'exercice
d'un droit. L'exercice d'un droit, dans la législation canadienne, est
énuméré sous forme d'une série de sous-paragraphes
dans un article du code canadien, alors que, dans le code du Québec la
notion de l'exercice d'un droit est une notion jurisprudentielle.
Est-ce que l'article 3 est adopté, M. le Président?
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Cusano: M. le Président, je n'"embarquerai" pas dans la
discussion des droits. Je n'ai pas de formation en droit, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): On est ici pour faire des lois.
M. Cusano: Oui, c'est vrai. Vous savez que, dans un bon
Parlement, il faut avoir de tout.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Il faut faire la loi.
M. Cusano: Oui, il faut faire la loi, mais il faut aussi regarder
la façon... Êtes-vous en train de me dire, M. le ministre, que
seuls les avocats devraient être des députés?
M. Johnson (Anjou): Non, bien au contraire.
M. Cusano: Au contraire, oui.
M. Johnson (Anjou): Bien au contraire, M. le Président, je
dis simplement que c'est le rôle des députés de faire des
lois.
M. Cusano: Oui, exactement, alors, c'est bien important...
M. Johnson (Anjou): Donc, je pense qu'il faut qu'on s'en
occupe.
M. Cusano: Je ne veux pas "embarquer", en ce qui me concerne,
dans ce dialogue. Je reviens à la question des mesures discriminatoires.
C'est parce que le Code du travail n'est pas réservé qu'aux
avocats. Le travailleur, lui...
M. Johnson (Anjou): Surtout.
M. Cusano: Certainement. Je ne dis pas qu'il le lit tous les
soirs avant d'aller se coucher, mais, assurément, une fois de temps en
temps il le regarde. Les travailleurs ne sont pas tous des avocats. Alors,
lorsque vous arrivez avec des mots comme "mesures discriminatoires", c'est
tellement assujetti à une interprétation. Je vais vous dire
franchement, je suis entièrement d'accord avec le reste de
l'article...
Une voix: ...
M. Johnson (Anjou): Ah oui?
M. Cusano: Non, non, je n'ai pas parlé sur l'article
3.
M. Johnson (Anjou): Vous êtes d'accord. Ah, vous n'avez pas
parlé sur le trois?
M. Cusano: Je n'ai pas parlé sur le trois.
M. Johnson (Anjou): C'est votre collègue, le
député indépendant de Mégantic.
M. Cusano: Nous sommes très libéraux de
pensée de ce côté-ci, M. le Président. Nous ne
sommes pas tous des machines à voter. On l'a déjà
démontré. On ne se lève pas tous ensemble. On ne croit pas
fermement au pouvoir comme fin, mais plutôt à nos principes.
Lorsque vous parlez de mesures discriminatoires, il me semble de voir
l'employé qui peut parfois ne pas être très heureux dans
son emploi. Il peut se sentir, dans son interprétation, parce que c'est
une question d'interprétation: c'est toujours cela le point de ces
fameuses mesures discriminatoires. J'aurais pu évoquer la discrimination
en tant que Néo-Canadien, par exemple... Si je n'avais pas
été élu dans le comté de Viau, on aurait pu dire:
C'est de la discrimination contre une personne d'origine italienne. Cela laisse
la porte ouverte à tellement d'interprétations.
Même si le ministre semble être convaincu, du
côté de l'Opposition on est intéressé à
passer à travers ces articles.
M. Johnson (Anjou): Ce ne sera pas long.
M. Cusano: Oui, oui. On voudrait voir les 110 articles. C'est
peut-être une question à laquelle on ne pourra pas me
répondre, M. le Président, mais, avec le temps qu'il nous reste,
même si on voulait, comme c'est l'habitude, passer cela à la
vapeur, les 107 articles qu'il nous reste à voir, si quelqu'un a une
petite montre, il peut certainement calculer que, si on voulait adopter tous
ces articles ce soir, il faudrait les adopter en-dedans d'une seconde et demie
chacun.
Je suis sûr et certain que, lorsque vous
avez rédigé ce projet de loi - il y a quelqu'un qui l'a
rédigé - vous avez compté le nombre d'heures qui ont
été employées... je trouve cela aberrant. Je ne sais pas.
Je ne veux pas vous embarrasser en vous demandant combien d'heures, mais
peut-être que vous pourriez répondre combien d'heures il a fallu
pour rédiger ce projet de loi. Pas vous, parce que vous n'étiez
pas là, quand il a été rédigé, M. le
Président, mais l'adjoint parlementaire pourrait certainement nous le
dire. On me demande d'adopter 107 articles dans l'espace de deux heures et
demie.
M. Lavigne: Si vous aviez commencé à tempsl
M. Cusano: M. le Président, je ne l'ai pas
interrompu...
M. Lavigne: Cela a pris trois jours pour deux articles.
M. Cusano: Lorsqu'il m'interrompt comme cela, cela
m'empêche de procéder. J'allais proposer un simple amendement. Je
vous donne même la liberté de le faire de votre
côté.
Ces mots "mesures discriminatoires" m'inquiètent. J'aimerais que
l'adjoint parlementaire nous dise combien de "man-hours" cela a pris au
ministère pour rédiger ce document.
M. Johnson (Anjou): On y travaille ensemble depuis un ou deux
ans.
M. Dean: Nous avons des conditions de travail très
humaines dans la fonction publique. On n'a pas minuté cela. On n'a pas
de "time study men" dans le gouvernement. Si on en avait, vous diriez que c'est
trop.
M. Bélanger: C'est pour cela que les taxes sont trop
élevées.
M. Cusano: Alors, vous ne savez pas combien de temps cela a pris
pour en arriver à cela?
M. Dean: Les plus bas salaires possible, pas de syndicats et du
"time study" partout: cela va bien.
M. Bélanger: Et vous avez le courage de voter les lois 70
et 1051
M. Dean: On va savoir quels sont les intérêts qu'ils
défendent.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le député de Viau a la parole.
M. Cusano: Je remarque que l'adjoint parlementaire...
M. Bélanger: ...et vous voulez nous les faire adopter du
jour au lendemain, en 24 heures!
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! M.
Perron: ...
M. Bélanger: Le député de Duplessis est
fatigué.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! M. le
député de Viau, vous avez la parole sur l'article 3.
M. Cusano: M. le Président, si cela ennuie le
député de Duplessis d'être ici. Je n'ai pas d'objection, il
peut quitter la salle.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! l'article 3,
s'il vous plaît!
M. Bélanger: On peut le déplacer.
M. Cusano: Oui, on peut le déplacer. Sur cette question de
déplacement qui a été soulevée, c'est vrai que...
Vous ne voulez pas que j'en parle?
Une voix: On va les laisser terminer...
M. Johnson (Anjou): La dernière fois que j'ai vu cela,
c'était à une émission qui s'appelait "Le travail à
la chaîne".
M. Cusano: Est-ce que j'ai le droit de parole, M. le
Président?
Le Président (M. Desbiens): Vous avez toujours le droit de
parole sur l'article 3, monsieur.
M. Cusano: Merci, "mesures discriminatoires", c'est cela.
Peut-être devrait-on revenir aux intimidations, car, de l'autre
côté, on essaie de faire de l'intimidation en ce moment.
M. Johnson (Anjou): Oui, si on parlait d'intimidation.
M. Cusano: J'aimerais bien passer à travers tout cela. La
taverne est ouverte, M. le Président, je pense. À propos des
mesures discriminatoires, est-ce qu'on pourrait me définir exactement ce
quelles sont? Je ne voudrais pas qu'on embarque dans du jargon de droit. Est-ce
qu'on pourrait me le dire en termes très simples?
Le Président (M Desbiens): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Je ne prétends pas répondre
à ce que peuvent être toutes les mesures descriminatoires. Encore
une fois, la
notion de "discriminatoire" comme la notion de "bonne foi" est une chose
qui se fait à partir de l'interprétation des faits. Le
député de Prévost a donné de très bons
exemples de ce que peut être un comportement descriminatoire ou des
mesures discriminatoires à l'égard d'un individu. Par exemple, le
fait de confier, pour des motifs de l'exercice d'un droit découlant du
code, des tâches plus lourdes à une personne, et les tribunaux -
on peut le présumer -n'interpréteront pas cela comme des
imbéciles. Au contraire, le Tribunal du travail est composé de
gens d'expérience, qui, par définition, ont à
interpréter des situations de faits et à appliquer autour de la
notion du mot "discriminatoire" les sanctions qu'ils voient à partir des
faits qu'ils ont, le cas échéant.
Pour répondre à une autre question du député
- je pense qu'il en avait deux, il en a oublié une en cours de route en
se concentrant sur la deuxième - à propos du nombre d'heures, je
lui dirais qu'au rythme où vont les choses, cela prendra 220 jours pour
adopter ce projet de loi.
M. Cusano: Vous ne parlez pas de bonne foi, monsieur, lorsque
vous répondez cela.
M. Johnson (Anjou): Je pense que j'ai répondu sur la
notion de "discriminatoire". Je pense que c'est une question de fait et les
questions de fait doivent être interprétées par le
commissaire ou le tribunal et je pense que l'on peut présumer que, de
façon générale, le commissaire et le tribunal comprennent
des membres, des individus, des hommes et des femmes aptes à
interpréter adéquatement les faits en fonction du principe de la
discrimination.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Cusano: C'était tout simplement ma
préoccupation, M. le Président, et c'est la préoccupation
du travailleur qui lit le Code du travail. Oui, je suis d'accord, les tribunaux
vont décider de ce que sont des mesures discriminatoires. Lorsqu'on
parle de bonnes relations du travail - on a souvent entendu le
député de Prévost parler de bonnes relations du travail -
c'est de fournir des documents, qui sont clairs et précis afin qu'on ne
commence pas à charrier sur une question de mesures discriminatoires.
C'est là mon inquiétude. Je vous dis cela en tant que personne
sortie du peuple, de personne très simple. Cela pourrait apporter des
ennuis aux travailleurs et à l'employeur parce que commencer à
enclencher tout ce processus lorsqu'on pense qu'il y a des mesures
discriminatoires, c'est, un peu, une perte de temps pour tout le monde.
Lorsqu'on parle dans cet article de mots comme "congédier" -
c'est clair, ce mot, c'est bien clair - je n'ai pas d'objection au mot
"congédier"; aux mots "suspendre", c'est clair cela. Pourquoi l'autre
n'est-il pas aussi clair? Je sais qu'il y a beaucoup de chômage au
Québec; est-ce pour donner du travail aux avocats qu'on a inclus cet
article sur les mesures discrimatoires? Il me semble que, au lieu
d'améliorer les relations du travail, on prépare des textes
énormes, M. le Président. Vous savez, j'y ai déjà
fait référence ici à la Chambre, je me demande si le
député de... Si l'on prend la convention collective - je ne
devrais pas appeler cela une convention collective, parce qu'elle n'existe plus
- ou plutôt le décret s'appliquant aux enseignants... Vous
connaissez le nombre de pages que contient ce décret? Eh bien! en
Saskatchewan, l'entente collective entre la majorité des commissions
scolaires, (les school boards), et les professeurs, est contenue dans une page
et demie. Il est clair qu'ils ont moins de problèmes. Pourquoi en
avons-nous? On s'accroche sur des virgules, des points-virgules, etc. Sur ce
plan aussi, il y a "mesures discriminatoires". En ce qui nous concerne, nous
croyons que cela portera à confusion.
Lorsqu'une personne est convaincue d'être victime de mesures
discriminatoires, même si elle va devant les tribunaux et qu'on dit qu'il
n'y a pas de mesures discriminatoires, lorsque cette personne retourne au
travail, c'est parce qu'un juge l'a décidé. Cela ne veut pas dire
qu'elle comprend cette situation.
M. le Président, je ne vois pas la nécessité
d'avoir inclus, dans ce projet, le terme "mesures discriminatoires". Qu'on
parle de congédiement, c'est précis, qu'on parle de suspension,
c'est aussi précis. Le mot "déplacer" même, comme l'a
mentionné le ministre était déjà dans le code tel
quel, le mot "déplacer" est ambigu. "Déplacer" veut dire... Vous
consulterez le dictionnaire, je vois que vous voulez...
M. Lavigne: La définition du mot "discriminatoire", M. le
député, si vous me le permettez, à ma façon,
très très simplement...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! M. le
député de Viau, vous avez la parole. M. le député
de Beauharnois, vous pourrez donner votre définition lorsque vous
utiliserez votre temps de parole.
M. Lavigne: À moins que vous ayez l'assentiment, M. le
Président, du député qui a la parole? Je pense que le
député accepterait...
Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'il
y a consentement?
M. Cusano: Non, M. le Président, il n'y a pas de
consentement.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Cusano: M. le Président, lorsque les
ministériels ont la parole, aussitôt que j'ouvre la bouche, vous
m'interrompez, mais lorsqu'ils commencent à m'interrompre, il semble que
cela prend un peu plus de temps...
M. Lavigne: Vous êtes certain que vous étiez
très ouvert et très compréhensif...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Cusano: C'est la question qui nous concerne. Ce sont des
textes clairs et précis. Dans ce projet de loi, au lieu de rendre le
Code du travail plus clair et plus précis, on le rédige de
façon à le rendre encore plus ambigu. Ce sera peut-être
à l'avantage des avocats et des syndicats, parce que les syndicats
doivent avoir une raison d'être. Vous savez, s'il n'y a pas de litiges
entre l'employeur et l'employé, le syndicat n'a plus sa raison
d'être.
Une voix: ...
M. Cusano: C'est exactement ce que je dis, M. le
Président. Pour justifier l'existence d'un syndicat, on rend les textes
plus...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre s'il vous
plaît!
Une voix: II est tanant, lui;
M. Lachance: Question de règlement, M. le
Président. J'aimerais savoir combien il reste de temps au
député de Viau?
Le Président (M. Desbiens): II lui reste 5 minutes.
M. Lachance: C'est triste, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Merci. Ceux qui désirent quitter de bonne
heure, je voudrais leur rappeler que ce n'est pas moi qui les ai obligés
à venir ici, c'est leur leader. Il y a peut-être un meilleur
dialogue entre moi et le leader.
C'est mon inquiétude et si on veut vraiment faire quelque chose
de bien, il me semble qu'il faudrait rendre ce texte plus clair, M. le
Président. En ce qui me concerne, il ne l'est pas. C'est sur ce sujet
que je termine.
M. Johnson (Anjou): Le mot "discrimatoire", M. le
Président, est contenu dans le dictionnaire. La première chose
que font les juges, les avocats ou les individus, lorsqu'ils essaient
d'interpréter les lois, est de consulter le dictionnaire. Il n'est pas
nécessaire d'être avocat pour faire cela, soit dit en passant. On
se comprend sur ce point, Dieu merci!
M. Cusano: Lorsque j'étais professeur, je m'y
référais assez souvent M. le ministre...
M. Johnson (Anjou): Je sais que le député, qui a
une longue carrière dans l'éducation, a sûrement ouvert
à quelques occasions le dictionnaire. Il verra qu'au mot
"discriminatoire", on dit ceci: "Qui tend à distinguer un groupe humain
des autres à son détriment." On retrouve cela dans le
dictionnaire Littré ou Larousse, non c'est le petit Robert.
M. Cusano: Ah! C'est le petit Robert.
M. Johnson (Anjou): II s'en vient chez vous, cela ne sera pas
long. Discrimination: "le fait de séparer un groupe social des autres en
le traitant plus mal." Il y a deux notions. Il y a une notion de "distinguer
entre des personnes ou des groupes" et, deuxièmement, d'"agir au
détriment de". Il y a une troisième notion, qui est assez
fondamentale, qu'on retrouve dans le Code du travail, qui s'appelle
l'interdiction de la modification des conditions de travail au moment où
on est en processus d'accréditation; c'est à l'article 59. Or,
cet article 59 lui-même, à l'égard du maintien des
conditions de travail, a fait l'objet d'une jurisprudence absolument abondante.
On peut présumer, je pense, d'une façon assez raisonnable, qu'un
juge devant interpréter la notion discriminatoire se
référera, d'une part, au petit Robert et à d'autres
dictionnaires; deuxièmement, à la jurisprudence issue de
l'article 59 et, troisièmement, à la jurisprudence des Labour
Relations Boards canadiens qui appliquent la notion de "discriminatory
measures". Je pense qu'avec tout cela, il y a des instruments pour
interpréter fort bien ce que signifie le mot "discriminatoire" en se
rappelant évidemment que, à chaque fois, il s'agit d'une question
de fait.
M. Ciaccia: Est-ce que le Code canadien du travail prévoit
aussi une indemnité, s'il est prouvé qu'il y a eu des mesures
discriminatoires à l'éqard de ce salarié, - je n'ai pas
cet article du code
canadien devant moi - équivalente au salaire et aux autres
avantages dont l'a privé la sanction? On semble fixer l'indemnité
dans le projet de loi. Est-ce que...
M. Johnson (Anjou): Oui, à l'article 189 du code canadien,
chapitre L-1, on prévoit que l'équivalent de notre commissaire,
le "board member", peut effectivement accorder une indemnité. De la
même façon que non seulement il peut forcer la
réintégration ou ordonner d'autres mesures, il peut
également obliger un employeur à embaucher, ce que notre code ne
prévoit pas malgré les modifications faites par le projet de loi
17.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Très brièvement, M. le
Président, au cas où la définition du dictionnaire, du
petit Robert n'aurait pas permis au député de Viau de comprendre
le mot "discriminatoire", je voudrais juste lui donner un exemple selon lequel
la discrimination pourrait être inacceptable si on devait l'appliquer
ici, dans nos travaux en commission parlementaire ou à
l'Assemblée nationale. En supposant qu'on ferait une distinction entre
les différentes ethnies chez les députés et qu'on
n'accorderait pas le droit de parole aussi long à un
député italien qu'à un député
québécois, je ne pense pas que vous accepteriez cela. Cela serait
une règle discriminatoire. Je pense que, à toutes fins utiles,
cela serait inacceptable. Vous qui êtes d'ethnie italienne, je pense que
vous seriez le premier à rouspéter s'il fallait qu'on vous donne
seulement 10 minutes d'intervention quand on en donne 20 à un
député québécois. Déjà, par votre
signe de tête, vous n'admettriez pas cela. Cela serait de la
discrimination et je pense que c'est à peu près le sens que donne
le petit Robert à sa définition du mot "discriminatoire". C'est
pour cela qu'on l'introduit dans le projet de loi, parce qu'on ne voudrait pas
que cela se produise chez les travailleurs qui, pour un même travail
donné, auraient un salaire différent. Cela serait de la
discrimination. Pour un même travail, qu'une ethnie soit moins
payée qu'une autre, exemple, moins payer les Noirs que les Blancs pour
un même travail, cela serait de la discrimination. C'est autant
d'exemples qu'on pourrait donner. Je pense qu'il serait inacceptable qu'on
introduise cela.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: il n'y a pas de question de privilège à
une commission parlementaire.
M. Lavigne: Ce n'est pas une question de privilège que
j'ai faite, M. le député. C'est une intervention que j'ai faite,
tout simplement. (21 h 45)
M. Ciaccia: Très souvent, on est assujetti non pas par la
majorité des membres du Parti québécois, mais, très
souvent, par certains membres du Parti québécois à des
remarques que je qualifierais de racistes. Les remarques - j'invoque le
règlement - les remarques du député de Beauharnois sont de
nature raciste. Pour invoquer...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, sur la question de
règlement.
M. Ciaccia: Laissez-moi finir. Se référer à
l'origine ethnique d'un des députés de l'Assemblée
nationale, je crois que c'est tout à fait déplacé. Cela
trahit la pensée du député. Nous sommes tous des
Québécois, nous avons tous les mêmes droits. Essayer
d'introduire cette notion dans nos discussions, je trouve cela totalement
inacceptable. J'ai participé à une autre commission parlementaire
où l'un des témoins a essayé d'utiliser cela comme exemple
et le président l'a ramené à l'ordre d'une façon
très péremptoire. J'espère que nous pourrons continuer nos
travaux sans qu'il soit besoin de nous référer à l'origine
ethnique des membres de cette Assemblée et que nous pourrons nous en
tenir au fond du projet de loi et continuer à discuter dans un esprit
plus démocratique que les propos...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, sur la question de
règlement.
M. Ciaccia: ...du député de Beauharnois le laissent
entendre.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Sur la question de règlement, M. le
Président. Je ne suis pas sûr des articles qu'invoque le
député.
M. Ciaccia: L'article 99.
M. Johnson (Anjou): L'article 99? M. le Président, si je
ne me trompe, cela concerne la question de privilège, et ce n'est pas
applicable en commission parlementaire.
Nonobstant ceci, étant donné que le député a
manifesté son point de vue, je vais manifester le mien. Nous
étions en train de discuter, à la demande même du
député de Mont-Royal et du député de Viau, de la
notion de mesures discriminatoires. L'Opposition s'est efforcée
d'étirer le débat pendant une demi-heure pour finalement poser
une question précise qui était: "Qu'est-
ce qu'on entend par "discriminatoire"? Donnez-nous des exemples."
J'ai cité le dictionnaire, M. le Président, et le
député de Beauharnois a dit qu'un exemple de ce qu'est la
discrimination, ce serait une mesure qui viserait, sur une base ethnique, par
exemple, à restreindre le droit de parole d'une personne. Cela
m'apparaît clair et je pense que d'affirmer que les propos du
député de Beauharnois sont de nature raciste relève de la
paranoïa du député de Mont-Royal et d'un esprit parfaitement
mesquin.
M. Ciaccia: M. le Président, le député
d'Anjou a vraiment contrevenu à l'article 99 en m'imputant des motifs,
en utilisant des paroles qui sont... Son arrogance, comme je l'ai
signalé hier, est surpassée seulement par son manque de respect
pour les autres membres de cette commission, spécialement les membres de
l'Opposition. Il n'y a pas de paranoïa. La paranoïa existe de l'autre
côté. Les exemples qui ont été donnés, je le
répète, ce sont des exemples qui traduisent, qui trahissent
plutôt la pensée de ceux qui les ont cités et je pourrais
faire la même remarque quant aux propos du député
d'Anjou.
M. le Président, je pense qu'on devrait continuer notre...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous permettez.
Étant donné que le député est intervenu à
deux reprises, je pense que je peux le faire aussi. Je rappellerai simplement
au député de Mont-Royal que je suis d'origine irlandaise.
M. Ciaccia: Et puis, qu'est-ce que cela prouve? Je n'ai jamais
invoqué l'origine du député d'Anjou, qu'elle soit
irlandaise ou autre.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît'. M. le député de Mont-Royal, messieurs les
députés. Il n'y a pas, dans l'article 99...
M. Ciaccia: M. le Président, je demande que le
député d'Anjou retire ses paroles sur la paranoïa.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si le
député de Mont-Royal veut retirer l'accusation de racisme qu'il a
portée à l'égard du député de Beauharnois,
je voudrai bien retirer mes paroles. Autrement, non, M. le
Président.
M. Ciaccia: M. le Président, si, pour la bonne marche de
nos travaux... Et je pense que je n'ai pas porté d'accusation de racisme
contre le député de Beauharnois, mais j'ai dit...
M. Johnson (Anjou): Ah, oui! Ah oui! Vous regarderez les
galées!
M. Ciaccia: ...que cela démontre un esprit. Ce sont des
propos. Je ne l'ai pas accusé d'être raciste. Je pense que vous
devriez être un peu plus précis. Si vous avez une formation
juridique, M. le député d'Anjou, vous devriez être un peu
plus précis.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: Ce sont des propos racistes. Je ne l'ai pas
accusé d'être raciste. Une personne peut énoncer des propos
qui ont l'air d'être et qui semblent racistes sans qu'elle soit
elle-même raciste. Je n'ai pas porté cette accusation. Et si j'ai
porté cette accusation... M. le Président, c'est qu'on veut
défendre des droits qui sont fondamentaux. Vous parlez de mesures
discriminatoires, cela fait des années qu'on essaie de défendre
certains droits contre le genre de propos qu'on a entendus ce soir. C'est
malheureux qu'on ait évoqué cet exemple dans le contexte actuel.
Je n'ai pas porté d'accusation de racisme mais j'ai dit que
c'étaient des propos plutôt racistes.
M. Johnson (Anjou): M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal...
M. Ciaccia: S'il faut que je retire ces paroles - je ne veux pas
porter d'accusation de racisme - si mes paroles ont dépassé ma
pensée, je suis prêt à les retirer.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, dans les
circonstances, étant donné que le député veut bien
retirer ses paroles à l'égard du député de
Beauharnois, s'il y a une question d'interprétation je dirai simplement
que cela relevait d'une interprétation paranoïaque, de la
même façon qu'il parle de propos racistes. Je veux bien retirer
mes paroles, si je l'ai traité de paranoïaque.
Le Président (M. Desbiens): Alors, de propos en propos,
l'article 3 est-il adopté?
M. Johnson (Anjou): Adopté, M. le Président.
M. Cusano: Sur division, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Adopté sur division.
J'appelle l'article 4.
M. Johnson (Anjou): Article 4, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): II s'agit de la formulation de la plainte.
C'est simplement la mécanique prévue dans l'application de
l'article 15 du code ou de l'article 3 précédent tel que
modifié par l'article 3 du projet de loi. Je pense que l'article parle
de lui-même, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 4 est
adopté?
M. Ciaccia: Si je comprends bien, l'article 4 prolonge les
délais: au lieu d'être 15 jours, ce sera 30 jours. Je pense, M. le
Président, que c'est une mesure que nous devons approuver, parce que
souvent quelqu'un a des droits et, à cause de délais trop courts,
cette personne ne peut pas les exercer; c'est vraiment un déni des
droits de la personne concernée, de l'employé concerné.
Nous acceptons qu'on prolonge le délai de 15 à 30 jours pour
permettre au syndiqué, à l'employé d'avoir le délai
nécessaire pour se prévaloir de ses droits. Cela élargit
aussi un peu les droits de l'employé, qui ne sont pas limités aux
questions de congédiement, de suspension, de déplacement mais
s'appliquent aussi aux sanctions du Code du travail ou aux mesures dont il se
plaint.
Je crois que l'article, de la façon qu'il est
rédigé, est assez clair. Il prolonge les délais, donne
l'occasion à l'employé de se prévaloir de ses droits dans
un délai raisonnable, parce que 30 jours, je crois que c'est un
délai raisonnable; peut-être que 15 jours, c'était un peu
trop limitatif. Cela élargit aussi les conditions dont l'employé
peut se plaindre.
M. le Président, je suis d'accord avec la rédaction,
l'esprit et le contenu de cet article.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Bélanger: M. le Président, je reviens encore
à mon mot "déplacé" parce que, à l'article 4, on le
retrouve encore une fois. J'aimerais pour une fois que le ministre nous
réponde sérieusement. Le salarié qui croit avoir
été illégalement congédié - ce n'est pas un
problème - ou suspendu ou déplacé, j'aimerais que le
ministre me donne un exemple de cet employé qui pourrait être
illégalement déplacé.
M. Johnson (Anjou): Je pense qu'encore une fois le
député de Prévost a donné d'excellents exemples
tout à l'heure; si on le permet, il pourrait prendre la parole
là- dessus. Est-ce que le député accepte? M.
Bélanger: Oui. M. Dean: Quel article?
M. Bélanger: Article 4. Un employé qui aurait
été illégalement déplacé.
M. Dean: Un employé muté d'un poste à un
autre avec perte de salaire parce qu'il a exercé un droit reconnu par le
code.
M. Bélanger: Ce n'est pas mentionné ici:
déplacé avec perte de salaire. C'est écrit: un
salarié qui croit avoir été illégalement
congédié. Est-ce qu'on peut illégalement déplacer
quelqu'un? C'est cette question que je me pose.
M. Johnson (Anjou): C'est illégal si cela a
été fait de façon discriminatoire à la suite de
l'exercice d'un droit résultant du code. La notion de
déplacement, c'est une notion objective. L'individu est passé de
telle assignation à telle autre assignation. On présume que
l'endroit où il est affecté après le déplacement
est un endroit qui le défavorise. Il se ramasse dans une équipe
de nuit, il se ramasse dans un emploi plus difficile, avec une charge plus
lourde ou, encore, il est moins payé à l'endroit où il est
déplacé. Le déplacement, c'est une question de fait et
objective. Cela devient illégal dans la mesure où on dit que
l'employeur l'a fait parce qu'il a été "discriminant" à
son égard, qu'il y a eu une mesure discriminatoire. Pourquoi a-t-elle
été discriminatoire? Parce que le travailleur invoque le fait
qu'il a exercé un droit en vertu du Code du travail et qu'on l'a fait
parce qu'il exerçait un droit. Par exemple, il a essayé de se
syndiquer, il a décidé de déposer un grief sur autre chose
et il se fait déplacer. Le commissaire constate: Est-ce qu'il y a eu
déplacement; ce déplacement, en pratique, est-il
pénalisant, d'une façon ou d'une autre - pas
nécessairement financièrement, mais ce peut être
financièrement comme ce peut être pour d'autres raisons, parce que
c'est plus lourd, moins intéressant? - Enfin est-ce que ce
déplacement résulte d'un comportement discriminatoire, qui est
présumé dans la mesure où l'individu a exercé des
activités syndicales en vertu de l'article qui suivra?
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Prévost.
M. Dean: Je voudrais bien aider à faire l'éducation
du député de Mégantic-Compton sur le sens des mots dans le
Code du travail. Mais je cherche dans l'article 4 qu'on discute, ou si, par
erreur, l'article 4 a été adopté, l'article 5 aussi; je ne
vois le mot
"déplacement" ni dans l'un, ni dans l'autre. C'est pour cela que
je me pose des questions. Je suis bien prêt à répondre
à des questions, mais qu'on les pose sur le sujet en discussion.
Le Président (M. Desbiens): C'est parce que l'article 4 se
réfère à l'article 3.
M. Johnson (Anjou): Voyez comme on est large, on répond
même aux questions que vous posez sur les mauvais articles!
M. Dean: Vous avez sûrement devant vous la loi 17, province
de Québec, Canada.
M. Bélanger: M. le Président, c'est évident
que c'est dans la loi 17, c'est évident qu'on retrouve ce mot
"déplacé" à l'article 3 et également à
l'article 4.
M. Dean: Non, ce n'est pas là. En tout cas, on a
répondu quand même.
M. Bélanger: Peut-être qu'on n'étudie pas la
même loi, c'est pour cela qu'on a de la difficulté à
s'entendre. Peut-être que cela irait beaucoup plus vite si tout le monde
avait les mêmes documents.
Une voix: II ne ferait pas de "filibuster" s'il n'avait pas la
bonne loi.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je pense que ce n'est pas le député de
Mégantic-Compton qui ne lit pas la bonne loi, c'est le
député de Prévost. On fait référence aux
mesures visées à l'article 15. À l'article 15, on parle de
déplacement. Le mot "déplacement" se trouve, par
définition, par implication, dans l'article 4.
M. Dean: À trois, on finit par se comprendre. J'ai
commencé par répondre à la question de bonne foi,
même si c'était déplacé.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 4 est
adopté?
M. Cusano: Un instant, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Le député de Valleyfield... M.
Lavigne: ...de Beauharnois.
M. Cusano: Le député de Beauharnois. Valleyfield
est dans Beauharnois.
M. Lavigne: C'est dans Beauharnois.
M. Cusano: Je connais très bien la ville de Valleyfield.
Cela m'a un peu surpris que vous ayez cité ce genre d'exemple.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau, sur l'article 4...
M. Cusano: Oui, oui.
Le Président (M. Desbiens): ...et non pas sur une question
de règlement qui a été réglée.
M. Cusano: Oui, oui, mais cela me surprend qu'il ait
mentionné cela. Je voulais simplement dire...
M. Ciaccia: Vaut mieux écouter les propos du ministre que
ceux du député de Beauharnois.
M. Bélanger: Un si beau coin de pays si mal
représenté!
M. Cusano: Parfois, quand on fait partie d'une minorité,
pas seulement parlementaire mais autre, on a certains problèmes.
Le Président (M. Desbiens): Sur l'article 4, M. le
député de Viau, s'il vous plaît!
M. Cusano: Je suis d'accord sur le délai de 15 jours
à 30 jours. Parfois, la bureaucratie est tellement énorme que
j'accepte cela volontiers. Le droit du travailleur tel quel ne sera pas
brimé. Il y a encore une question de précision. J'ai bien
aimé la façon dont cette question de déplacement a
été définie par le ministre et par l'adjoint. Quel mal y
aurait-il à définir ce placement de la façon dont vous
l'avez fait, très éloquemment?
M. Johnson (Anjou): C'est parce que c'est une question de
fait.
M. Cusano: Ah bon! (22 heures)
M. Johnson (Anjou): Je pense que le député va
comprendre l'objectif de notre démarche commune autour de cette table,
si on peut y aboutir. C'est d'établir les balises, les principes,
certaines définitions qui indiquent l'orientation que l'Assemblée
nationale donne par une loi de la "volonté" du législateur. Les
tribunaux regardent le mot "déplacer", consultent le dictionnaire,
examinent les faits et essaient de voir si ce qu'ils voient dans le
dictionnaire et l'interprétation de la réalité les
amènent à considérer qu'il y a un déplacement.
M. Cusano: Seulement une précision, M. le ministre, si
vous me le permettez.
M. Johnson (Anjou): On ne peut pas faire cas d'une nomenclature
épaisse comme un annuaire de téléphone de la ville de
Québec ou de Montréal pour chaque cas. Le député de
Mégantic-Compton parlait d'un l'individu qui serait
déplacé du camion à la chaufferie parce qu'il y a eu des
accidents à la chaufferie. On ne peut pas inclure dans le code, de tels
exemples: quelqu'un est déplacé du camion à la chaufferie.
Il y a des milliers de situations. Alors, on prend le mot "déplacer" et
on présume que quelque part, un juge appelé à se prononcer
sur ces questions, va regarder la réalité, le dictionnaire et la
loi, et va considérer qu'il y a eu un déplacement et voir si ce
déplacement est visé par l'article.
M. Cusano: M. le Président, ma préoccupation, c'est
encore cette question. Lorsqu'on parle de bonnes relations du travail - et je
reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure - c'est la question du
travailleur... Votre explication telle quelle, je suis sûr que...
Même si nous, politiciens, pensons que tout le monde nous écoute
et lit le journal des Débats, ce n'est pas cela. Qu'est-ce que le
travailleur regardera? Ce sera justement le code tel qu'amendé. C'est
pour cela que j'aurais apprécié une définition aussi
claire dans cet article. Quand vous le voulez, vous êtes capable
d'être très clair, M. le ministre. C'est dans ce sens, parce que
je me place dans les souliers de ces travailleurs. Pour éviter tout
problème ou toute préoccupation définie de telle
façon, que l'article n'y soit pas ou qu'il soit défini de
façon très concrète. C'est cela ma
préoccupation.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pense que c'est
une préoccupation tout à fait pertinente. C'est pour cela que le
ministère du Travail publie, à l'occasion et
périodiquement, les fascicules des résumés qui
illustrent... Lorsqu'on a adopté la loi 45, dans les mois qui ont suivi,
on a publié une série d'une dizaine de fascicules qui reprenaient
les principes de base du code, mais écrits dans un langage quotidien et
précisés par des exemples et même par certains dessins pour
fins de précision.
Je ne pense pas qu'on puisse rédiger nos lois ainsi. Je dis
simplement que la conjonction des articles et la lecture de différents
articles que j'ai évoqués tout à l'heure peut amener
quelqu'un, s'il veut l'écrire sous forme de prose, à donner le
type d'explications qu'on donnait tout à l'heure. C'est pour cela que le
ministère publie de tels fascicules, à l'occasion, qui sont
disponibles. C'est rêver que de s'imaginer que les lois vont pouvoir
être écrites très différemment de la façon
dont on les écrit encore aujourd'hui. Cela va continuer. Depuis la
deuxième partie de l'Empire romain que cela dure et cela va durer encore
un bon bout de temps. Je suis sûr que vous ne m'en voudrez pas d'avoir
évoqué l'Empire romain.
M. Cusano: Pas du tout, M. le Président. Peut-être
serait-il bon de mentionner que l'Empire romain est tombé une fois. J'ai
seulement un commentaire sur cet article. Lorsque vous allez préparer ce
fascicule, j'espère qu'on va se référer aux rubans et
qu'on emploiera les mots tels que vous les avez employés, et pas d'autre
interprétation.
Le Président (M. Desbiens): L'article 4 est-il
adopté?
M. Cusano: Sur division.
Le Président (M. Desbiens): Adopté sur
division.
J'appelle l'article 5. Est-il adopté?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, l'article 5, c'est la
formulation de la présomption qu'on évoquait tout à
l'heure. Ici, elle est assez classique. Elle correspond au type de
présomption qu'on retrouve habituellement dans le code. Encore une fois,
elle s'applique ici à la notion de mesures discriminatoires,
déplacement, suspension ou congédiement.
L'article 5 est-il adopté, M. le Président?
M. Cusano: Non, non, un instant, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Ciaccia: Excusez-moi, M. le Président. Si je comprends
bien, l'article 5 comporte un amendement à l'article 17 du Code du
travail. À l'article 17, dans la loi actuelle, non modifiée, il y
a une présomption limitée en faveur du salarié en cas de
congédiement, de suspension, de déplacement à cause de
l'exercice du droit du salarié. Autrement dit, au moment où le
salarié exerçait un droit résultant du code sur une
question de congédiement, de suspension ou de déplacement, il y
avait une présomption en sa faveur.
Maintenant, on semble ajouter à cette présomption toute
sanction qui lui aurait été imposée. Est-ce que le
ministre pourrait nous expliquer cet ajout? Est-ce qu'on ne crée pas des
situations qui peuvent être maintenant beaucoup plus difficiles?
Lorsqu'on parle de congédiement, de suspension ou de déplacement,
ce sont des cas assez précis et c'est peut-être quelque chose qui
peut être identifié. L'employeur doit prouver que le
congédiement ne résulte pas de causes pour lesquelles le
salarié se plaint. Pourquoi
ajouter cela à toutes les autres sanctions, parce qu'il peut y
avoir des causes difficiles à prouver?
M. Johnson (Anjou): D'accord. L'amendement à l'article 17
du code a essentiellement pour objet d'introduire les mots suivants:
"...l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée à l'article
15..." À toute fins utiles, c'est pour établir la concordance
avec l'article 15, étant donné qu'on a introduit le principe de
discrimination dans le cadre de l'exercice d'un droit. Quand on parle de la
présomption, il faut se référer à l'article 15.
Je fais remarquer ici au député qu'on ne se
réfère pas à l'article 14. Donc, cela ne couvre pas la
notion d'embauché, cela ne couvre que la notion de déplacement,
suspension, mesures discriminatoires ou congédiement.
M. Ciaccia: Mais la référence à l'article 15
est-elle un amendement que vous avez apporté au projet de loi?
M. Johnson (Anjou): Non. C'est-à-dire que l'article 17 du
Code du travail est modifié par l'article 5 du projet de loi 17. Est-ce
qu'on se comprend bien?
M. Ciaccia: C'est cela.
M. Johnson (Anjou): Le seul contenu, la substance de l'article 5
est dans le sens de faire en sorte que, à l'article 17 du code, qui
existait déjà et dans lequel il y avait déjà une
présomption dans le cas de congédiement, de suspension et de
déplacement, cette présomption puisse s'appliquer dans le cas de
mesures discriminatoires ou de représailles à cause de l'exercice
d'un droit résultant du code. Pour faire cela, il faut introduire les
mots: "...l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée à
l'article 15..."
M. Ciaccia: Vous ajoutez les mots "sanction"...
La Présidente (Mme Lachapelle): Est-ce que l'article
5...
M. Ciaccia: Un instant, j'essaie de comprendre. Je ne vois pas
que les mots que le ministre a mentionnés se réfèrent
à l'objet d'une sanction à l'article 15. Je ne l'ai pas dans ma
copie. II se peut que ce soit un amendement que le ministre a apporté.
J'aimerais le voir. J'aimerais qu'il me le réfère. Je ne vois pas
ces mots dans la copie que j'ai devant moi.
Je vais vous lire...
M. Johnson (Anjou): Je m'excuse. Je me référais
à l'article 4...
M. Ciaccia: Non, je suis à l'article 5.
M. Johnson (Anjou): ...en vertu du même raisonnement,
l'article 5 ajoute: "...la sanction lui a été imposée et
que la mesure a été prise contre lui..." Bon!
M. Ciaccia: Contre lui. Bon!
M. Johnson (Anjou): Puisque, à l'article 3 du code, on
introduit la notion de mesures discriminatoires dans le cas de l'exercice d'un
droit résultant du code, il faut bien référer à ces
mesures si on veut que le présomption s'y applique. C'est pour cela
qu'on ajoute les mots "...la sanction lui a été
imposée..." ou "...la mesure a été prise contre lui..."
C'est pour se référer au nouvel article 15 du code.
M. Ciaccia: Je comprends qu'une fois que... Non, ce n'est pas une
réponse à la question que je vous ai posée. Vous me donnez
la raison pour laquelle vous avez élargi l'article 17 ou l'article 5,
c'est parce que vous voulez inclure non seulement le congédiement, la
suspension ou le déplacement, mais aussi toutes les autres sanctions
incluant les mesures discriminatoires ou de représailles.
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
M. Ciaccia: Vous voulez créer une présomption
contre l'employeur pour ces mesures additionnelles ou ces droits additionnels
que vous donnez.
M. Johnson (Anjou): On veut effectivement... On élargit la
présomption qui était en faveur du travailleur qui se plaint dans
le cas de congédiement, déplacement ou suspension; on veut
étendre cela aux mesures de nature discriminatoire ou aux sanctions qui
auraient été prises.
M. Ciaccia: Vous ajoutez aux cas de congédiement, de
suspension ou de déplacement les autres sanctions. Est-ce que cela
pourrait s'appliquer dans des situations autres que le congédiement, la
suspension ou le déplacement?
M. Johnson (Anjou): Oui, les représailles, les mesures
disciplinaires. On dit bien à l'article 15...
M. Ciaccia: Je comprends. Dans ma question, je vous demande
pourquoi vous voulez créer une présomption contre l'employeur
dans les autres mesures qui sont déjà un peu nébuleuses et
difficiles à définir. Vous pouvez citer le dictionnaire pour ce
qui est des mesures discriminatoires, vous aurez une définition, mais
l'application peut en être assez difficile. Si vous procédez
en
créant une présomption contre l'employeur dans ces autres
mesures, est-ce que vous ne créez pas une situation qui sera
extrêmement difficile pour l'employeur? Comment allez-vous réfuter
la présomption dans une question discriminatoire? C'est presque
impossible.
M. Johnson (Anjou): La présomption de l'article 5 n'est
pas une présomption que tel geste était discriminatoire; c'est
une présomption selon laquelle un geste jugé discriminatoire l'a
été parce qu'il y a eu exercice d'un droit résultant du
code. C'est ce que dit l'article 17. On ne présume pas qu'une mesure est
discriminatoire. La seule présomption dont bénéficie le
travailleur quand il se plaint, c'est la présomption que, s'il
établit d'une part qu'il a essayé de faire un syndicat et qu'il
s'est ramassé dans la "job" la plus dure de l'usine, alors qu'il
n'était pas le plus jeune, qu'il avait de l'ancienneté et que,
normalement, il ne devait pas y aller, et qu'en plus de cela c'est sur
l'équipe de nuit, s'il établit qu'il était actif sur le
plan syndical...
M. Ciaccia: II y a une présomption...
M. Johnson (Anjou): ...s'il établit ensuite qu'il y a une
mesure qui est prise à ses dépens, pas à son avantage...
La présomption de l'article 17 dit bien ceci: "S'il est établi
à la satisfaction du commissaire saisi de l'affaire que le
salarié exerce un droit qui lui résulte du code..." Il dit: Moi,
j'ai vendu des cartes de la FTQ ou de la CSN dans mon usine et, deux jours
après, je me suis retrouvé dans telle "job". Que fait le
commissiaire du travail? La première chose qu'il dit c'est: Monsieur,
vous avez vendu des cartes, j'ai vu cela. Il y a un témoin qui est venu
me dire que vous avez vendu des cartes. Vous avez exercé un droit
résultant du code. Deuxièmement, vous avez eu une "sanction" de
la nature d'un déplacement ou d'un changement d'équipe. Je
présume que ce changement a été fait parce que vous
vendiez des cartes. Si l'employeur vient démontrer que c'est un individu
qui entre à l'ouvrage systématiquement deux heures en retard, qui
est ivrogne et que ce n'est pas pour cela, que ce n'est pas parce qu'il a vendu
des cartes, il l'établira. C'est cela l'objet de la présomption.
Cela ne présume pas que tous les déplacements ou toutes les
choses qui changent dans l'usine sont discriminatoires. Cela présume
seulement que, si l'individu a eu des activités syndicales qu'on peut
présumer, c'est à l'employeur de prouver que ce n'est pas parce
qu'il avait des activités syndicales que de telles mesures ont
été prises contre lui. C'est tout.
M. Ciaccia: L'exemple que vous m'avez donné est un
déplacement. Dans le cas d'un congédiement, d'une suspension ou
d'un déplacement, je pense que c'est assez clair. Est-ce qu'il y a
d'autres situations où il n'y aurait pas...
M. Johnson (Anjou): Une sanction, je peux peut-être
demander au député de Prévost qui...
M. Dean: C'est la troisième fois que je donne trois
exemples de ce qu'est le déplacement. Le travailleur est
déplacé d'un département à l'autre et perd 0,10 $
l'heure. (22 h 15)
M. Johnson (Anjou): Mais en dehors du déplacement. Il dit:
en dehors du déplacement.
M. Ciaccia: Le déplacement, c'était
déjà dans l'article 7. Ce que je voudrais savoir, c'est au sujet
des autres sanctions que le déplacement.
M. Dean: Bon! Ce sont les mêmes exemples que j'ai
déjà donnés une fois et que le ministre a repris. Il y a
un emploi dans l'usine qui est convoité par les travailleurs... ou
disons le contraire, un emploi très salissant, très difficile, et
le travailleur en question, celui qui a porté une plainte, lui, il ne
faisait pas ce travail-là, et il est victime de...
M. Ciaccia: Ce ne serait pas encore un déplacement
cela?
M. Dean: Non, ce n'est pas un déplacement, cela peut
être en guise de représailles.
M. Ciaccia: Non, mais s'il occupe un certain emploi...
M. Dean: Le mot "déplacement" a un sens consacré
depuis 18 ans dans la jurisprudence; au moins 18 ans, si ce n'est pas 30 ans,
parce que cela remonte à 1964. Il y a d'innombrables cas de travailleurs
qui ont bien compris ce que cela veut dire. Ils ont allégué
être victimes de ces déplacements illégaux et
d'innombrables commissaires et juges du Tribunal du travail ont
décidé au cours des années que les travailleurs avaient
raison ou avaient tort, et ainsi, on définit à partir de faits
établis le sens à donner au mot "déplacement". Le gars est
assigné à une "job" salissante, dure, difficile, à la
suite de l'exercice d'un droit: on prouve qu'il a signé une carte, comme
disait le ministre tantôt. Alors, l'employeur a le fardeau
d'établir la preuve qu'il n'a pas affecté ce travailleur à
un travail salissant pour des raisons d'activités syndicales.
M. Ciaccia: Mais l'exemple que vous
me donnez, d'après vos propres mots, c'est encore un
déplacement. Vous venez de me dire que c'est un déplacement.
M. Dean: Pas nécessairement.
M. Johnson (Anjou): Pas nécessairement. Je vais vous
donner un exemple. Cela peut être la fréquence. Par exemple, il y
a des emplois en rotation ou des équipes en rotation dans des usines
où il ne s'agit pas d'un déplacement. Tout le monde passe par
l'équipe de nuit. Dans le cas de l'individu qui dirait: Moi, cela fait
six fois qu'on m'envoie sur l'équipe de nuit alors que, normalement,
j'aurais dû y aller quatre fois, ou deux fois, ou pas une seule fois, ce
n'est pas un déplacement au sens strict du terme. Tout le monde est
soumis à cela dans l'usine. C'est la répétition de
certains événements et je pense que c'est un exemple. Il y en a
sans doute d'autres. Maintenant, les raisons pour lesquelles la
présomption existe, je veux le rappeler, c'est qu'il est, à
toutes fins utiles, impossible pour un salarié de faire la preuve
d'intention de l'employeur. C'est pour cela qu'il y a une présomption
dans notre code qui vaut pour les salariés pour beaucoup de choses. La
preuve d'intention de l'employeur, il faut se lever à bonne heure pour
la faire. L'employeur en général peut repousser la
présomption par des faits, par les nécessités de l'emploi,
par la conjoncture économique qu'il subit alors que le travailleur, lui,
peut difficilement faire le contraire. Prouver une intention discriminatoire,
c'est quelque chose. La repousser avec des faits, je pense que c'est plus
facile.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 5 est
adopté?
M. Ciaccia: Sur division, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Adopté sur division.
J'appelle l'article 6.
M. Johnson (Anjou): M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): C'est l'abrogation de l'article 18 du code
sur l'indemnité, parce qu'on l'énonce à l'article 15.
C'est de concordance.
Le Président (M. Desbiens): L'article 6 est adopté?
Adopté. J'appelle l'article 7. Est-ce que l'article 7 est adopté?
M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai un papillon
à l'article 7.
Le Président (M. Desbiens): Alors l'amendement qui est
proposé à l'article 7 du projet de loi, c'est de remplacer
l'article 7 par le suivant.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, le papillon que je
dépose, c'est simplement pour inscrire le mot "doit" plutôt que le
mot "peut" dans le cas de l'indemnité. Pour faire courte, une longue
histoire courte, pour des raisons constitutionnelles de juridiction sur la
notion du taux d'intérêt légal, il faut, si on veut
permettre - que ce soit au ministère du Revenu, au commissaire du
travail ou à quelqu'un d'autre - d'accorder l'équivalent d'un
intérêt légal, prendre cette formule extrêmement
complexe, mais qui signifie essentiellement qu'une indemnité peut
être accompagnée d'un taux d'intérêt. Pour permettre
à un fonctionnaire de juridiction provinciale d'accorder ce taux
d'intérêt, il faut faire en sorte de l'obliger à prendre le
taux d'intérêt légal moins celui du revenu auquel il ajoute
l'équivalent du taux courant. Je ne sais pas si on me suit. Je pense que
le député de Mégantic-Compton me suit et je suis heureux
de le constater. Je ne me retrouve pas toujours dans ce bout-là.
Essentiellement, si le taux d'intérêt légal est
à 5% et si le taux du marché est à 9%, on veut faire en
sorte qu'il puisse accorder 9%. C'est seulement cela, mais il faut faire cette
pirouette pour cela. La raison du papillon que nous mettons ici, c'est pour
obliger le commissaire, à toutes fins utiles, à appliquer ce
principe et non pas lui donner une discrétion de donner 6%, 7% et
peut-être 9%, c'est de donner le taux que, à toutes fins utiles,
sera le taux équivalent du taux courant.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Le ministre
m'a donné de très bonnes explications, mais, quand même,
c'est assez difficile de définir le taux d'intérêt
légal, d'une part, et le taux du marché est également
difficile à définir. Le taux d'intérêt pour le
marché des obligations peut être de X% et le taux
d'intérêt aux certificats de placement peut être de Y%; le
taux d'intérêt pour une municipalité qui connaît une
bonne situation financière peut être un taux
privilégié. Sur quoi va-t-on se baser pour en arriver...
M. Johnson (Anjou): C'est le taux prévu dans la loi
fédérale au chapitre 1-18 des Statuts du Canada, qui est le taux
légal en vertu de la juridiction fédérale en cette
matière. Quand on parle du taux d'intérêt légal,
c'est celui qui est prévu dans les lois.
M. Bélanger: Ce n'est pas le taux
d'escompte?
M. Johnson (Anjou): Pardon?
M. Bélanger: Ce n'est pas le taux d'escompte?
M. Johnson (Anjou): Non, ce n'est pas le taux d'escompte. Le taux
légal prévu en ce moment, au fédéral, c'est 5%; il
est prévu à l'article 3 de la loi qui concerne
l'intérêt au chapitre 1-18 des Statuts du Canada. Ce qu'on permet
au commissaire de faire, c'est de partir de cela...
M. Bélanger: Puis de rejoindre le marché.
M. Johnson (Anjou): Puis de rejoindre, à toutes fins
utiles, l'équivalent du taux courant. À partir de quel
critère? À partir de celui établi par le ministère
du Revenu.
M. Bélanger: Celui qu'il exige des contribuables ou celui
qu'il verse? Le ministère du Revenu a deux taux d'intérêt
différents.
M. Johnson (Anjou): Pardon?
M. Bélanger: Si je ne me trompe, le ministère du
Revenu a deux taux d'intérêt différents. Il paie un certain
intérêt lorsqu'il fait des remboursements en retard. Il
pénalise également à un taux d'intérêt
différent lorsque c'est le contribuable qui est en retard dans ses
paiements. C'était cela, jusqu'à tout récemment, je ne
sais pas si cela a changé.
M. Johnson (Anjou): Je répète que c'est la formule
consacrée au Code de procédure civile. L'article 28 de la Loi sur
le ministère du Revenu permet la fixation de ce taux qui, à
toutes fins utiles, correspond plus à un taux courant qu'au taux
légal de 5%. C'est la seule façon d'arriver à cet
ajustement, par cette pirouette juridique qui permet au commissaire, quand il
fixe un taux, de se référer à celui du ministère du
Revenu et même l'y oblige.
M. le Président, est-ce que l'article est adopté?
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Quand les explications sont claires, on avance plus
vite. À l'article 7, lorsque vous dites: "Sur la requête de
l'employeur..." dans quel délai cette requête peut-elle être
faite au commissaire du travail? Lorsque vous dites: "Sur requête de
l'employeur...", est-ce qu'on...
M. Johnson (Anjou): C'est la règle générale
du droit civil qui s'applique, ce sont les prescriptions du Code civil.
Supposons que le commissaire dit: Vous avez déplacé quelqu'un ou
vous lui avez fait subir une mesure discriminatoire qui a entraîné
une perte de revenu. Six mois plus tard, il rend son jugement après
enquête et audition. Il dit: Vous lui devez l'équivalent de 1000 $
pour perte de salaire. Le salarié ou l'employeur peut dire: Oui, mais je
veux aussi le taux d'intérêt.
M. Cusano: Mais les mots "sur requête de
l'employeur"...
M. Ciaccia: Dans quel délai cette requête doit-elle
être faite? Ce n'est pas le jugement.
M. Johnson (Anjou): On me dit qu'il n'y a pas de prescription. Il
n'y a pas autre chose que les prescriptions courantes qui s'appliquent. Il n'y
a pas de délai spécifique qui est imparti là-dedans.
M. Ciaccia: Est-ce que cela peut être deux ans? Si je me
souviens, une action en dommages, c'est bien deux ans ou encore un an?
M. Bélanger: Pour les blessures corporelles.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. La pratique, c'est que, dans le
fond, qui a intérêt là-dedans? En pratique, c'est le
salarié qui se voit réintégré après un
certain nombre de semaines ou de mois et qui dit: On me doit 1000 $; cela fait
six mois; je veux mon taux d'intérêt. Il n'attendra pas 30 ans,
mais, théoriquement, c'est la prescription du Code civil qui s'applique.
C'est la prescription trentenaire. En pratique, ce n'est pas cela.
Par ailleurs, on ne veut pas introduire d'autres délais, des
délais additionnels et d'autres prescriptions dans la loi. Cela nous
apparaît adéquat.
Le Président (M. Desbiens): Alors, l'article 7 est-il
adopté?
M. Johnson (Anjou): Tel que modifié par le papillon, M. le
Président, n'est-ce pas?
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: C'est un peu inquiétant, Vous dites que cela
peut être la prescription trentenaire.
M. Johnson (Anjou): C'est la prescription d'un jugement.
M. Ciaccia: Est-ce que vous trouvez
cela raisonnable de dire: On va laisser cela...
M. Johnson (Anjou): Je pense qu'on pourrait avoir une longue
discussion sur le fait en soi et se demander si une prescription pour
l'exécution d'un jugement, trente ans, cela a de l'allure en
général. Probablement que cela en a. C'est en 1867 qu'on a mis
cela dans le Code civil. Cela correspondait aussi à la tradition du
droit coutumier français.
M. Ciaccia: Dans ce temps-là, on n'avait pas de Code du
travail.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Il reste que, dans ce
cas-là, je le présume, si on pose la question ici, on pourrait la
poser pour bien d'autres choses. Dans la mesure où c'est dans la nature
d'un jugement, on préfère ne pas fixer de délai sur une
demande de requête parce que, par du droit statutaire, à toutes
fins utiles, on intervient dans un domaine qui est plutôt régi ou
essentiellement régi par le Code civil et le Code de procédure
civile à l'égard des prescriptions générales et
à l'égard des jugements.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Prévost.
M. Dean: M. le Président, je voulais seulement souligner
que, depuis longtemps, même quand on rédige un grief - cela ne
prend pas un avocat - si on a une réclamation de paiement
rétroactif parce que le travailleur allègue qu'il a perdu de
l'argent, on spécifie, à la face même du grief, comme
règlement demandé, le paiement du montant d'argent: salaire perdu
plus l'intérêt au taux juridique. Avec l'introduction dans la loi
du droit de commissaire-enquêteur, en plus d'ordonner un remboursement de
salaire perdu et d'ajouter le taux d'intérêt, je présume
que, dorénavant, tout conseiller syndical ou tout avocat qui conseille
un travailleur, le jour où il dépose sa plainte, va
insérer à la face même de la plainte la réclamation
de salaire perdu et l'intérêt. Personne n'attend l'employeur dans
le détour. Tu as tout intérêt à écrire ta
réclamation dès la première journée d'une
plainte.
M. Johnson (Anjou): Les juristes me soulignent qu'en ce sens, la
première partie du paragraphe 19 est dans le Code du travail depuis un
certain temps. La seule chose qu'on a changée, c'est la partie sur les
intérêts. L'absence de délai pour la requête pour
fins d'indemnité a toujours été là. À ma
connaissance, elle n'a pas causé de problème. On ne m'a
rapporté personne qui, quinze ans après, a demandé de
fixer une indemnité à la suite de sa réintégration
pour perte de salaire d'un mois...
M. Bélanger: II est à sa retraite après
quinze ans.
M. Johnson (Anjou): Pardon?
M. Ciaccia: II y avait aussi une référence à
l'exercice de ce droit si le salarié ne le faisait pas dans les 24
jours, et le commissaire avait le droit d'exercer pour le salarié le
recours qui résultait de la décision du commissaire du travail.
Alors, il y avait implicitement un délai.
M. Johnson (Anjou): Mais on conserve cela parce que l'article 7
du projet de loi ne modifie que le premier alinéa. Le deuxième
alinéa reste dans le code. Donc, cela reste là. C'est la
subrogation, n'est-ce pas? (22 h 30)
Le Président (M Desbiens): L'article 7 tel
qu'amendé, est-il adopté?
Des voix: Sur division. M. Cusano: Sur division.
Le Président (M Desbiens): Adopté tel
qu'amendé, sur division. L'article 8.
M. Johnson (Anjou): C'est une modification pour... Étant
donné qu'on a élargi la notion de réintégration
à prendre des mesures ou suspendre des sanctions, etc., c'est par
concordance, encore une fois, à l'article 15 et à l'article 17 du
code. Est-ce que cela est adopté, M. le Président? L'article 8
est-il adopté?
M. Cusano: Sur division.
Le Président (M Desbiens): L'article 8 est adopté
sur division, l'article 9?
M. Johnson (Anjou): Papillon, M. le Président. Il en
manque trois. Est-ce que vous avez les autres papillons?
Accréditation
Le Président (M Desbiens): L'article 9 du projet de loi
est remplacé par le suivant: "9) l'article 21 de ce code est
modifié: le) par le remplacement, dans la troisième ligne du
premier alinéa, des mots "à l'article 37 "par les mots" aux
articles 32 et 37";
M. Johnson (Anjou): 2e) par l'insertion... C'est bien cela, M. le
Président. Voulez-vous que j'en fasse lecture, M. le
Président?
Le Président (M Desbiens): Ce n'est pas la lecture...
M. Johnson (Anjou): Le papillon que je dépose est à
l'effet de remplacer complètement l'article 9 du projet de loi par
l'article suivant.
Le Président (M Desbiens): Alors 2e) dans ce cas, cela va:
"par l'insertion, après le premier alinéa, de l'alinéa
suivant: "A également droit à l'accréditation
l'association de salariés qui, dans le cas prévu à
l'article 37.1, obtient le plus grand nombre de voix à la suite d'un
scrutin." Est-ce que le nouvel article 9 est adopté?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, l'objet du papillon
est essentiellement une coquille dans l'article 9 du projet de loi: dans les
cas prévus à 37.1, Or il n'y a qu'un cas à 37.1. Donc le
papillon est à l'effet de remplacer le mot "les cas prévus" par
"le cas prévu" simplement.
Le Président (M Desbiens): Enlevez le "s".
M. Johnson (Anjou): L'objet de l'article lui-même, une fois
modifié, c'est la concordance... Je pense que le débat de fond,
à moins qu'on le veuille toute de suite là-dessus, est la
concordance à l'égard de la règle de la
majorité.
Le Président (M Desbiens): Est-ce que le nouvel article 9
est adopté?
M. Ciaccia: À propos de la question
d'accréditation, je comprends que c'est pour le rendre en concordance
avec l'article... Est-ce que c'est l'article 32? Sur la question
d'accréditation, nous reviendrons à l'autre article, M. le
Président.
Le Président (M Desbiens): L'article 9 est adopté?
Sur division.
Sur division, tel qu'amendé. J'appelle l'article 10. M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): C'est le guichet fermé, M. le
Président, qui, comme on le sait, est un des principes qu'on introduit
dans ce projet de loi, faisant en sorte qu'au moment du dépôt
d'une demande d'accréditation le guichet se ferme et qu'on puisse se
prononcer sur cette demande sans allonger les délais.
M. Ciaccia: M. le Président, nous allons discuter les
modalités de l'accréditation et la manière dont les
associations sont accréditées lorsque nous en serons à cet
article. L'article 10 est donc adopté sur division.
Le Président (M. Desbiens): Parfait. L'article 10 est
adopté sur division. J'appelle l'article 11. Est-ce qu'il est
adopté?
M. Johnson (Anjou): II s'agit d'accorder, à l'article 11,
un nouveau pouvoir au commissaire général du travail qui consiste
à le dessaisir d'une affaire et pourvoir à son remplacement, en
tout temps, avant audition ou, par la suite, lorsque ce commissaire du travail
est absent ou devient incapable d'agir.
Pour des raisons administratives, il peut arriver qu'un commissaire
général du travail qui est, en quelque sorte, le juge en chef de
l'accréditation veuille dessaisir un commissaire avant l'audition d'une
requête: par exemple, parce qu'il anticipe que ce commissaire sera
appelé à l'extérieur plus tard, qu'il a déjà
des requêtes abondantes et considérables devant lui et que, pour
des raisons de délais, un autre s'est vu libérer parce que les
parties se sont désistées. S'il veut assigner le dossier le plus
rapidement possible à un autre, il faut lui accorder le pouvoir
spécifique de dessaisir le commissaire du travail du dossier, mais nous
avons bien précisé, contrairement à un avant-projet qui a
circulé à un certain moment, qu'il faut qu'il le fasse avant
audition. Alors, quel que soit le motif, il peut le faire avant audition.
Pendant audition, ce n'est que dans le cas où il est absent ou incapable
d'agir qu'il peut, évidemment, le dessaisir d'un dossier.
Encore une fois, l'objectif de l'article est essentiellement
d'accélérer les choses ou de faire en sorte qu'au commissiariat
du travail on puisse équilibrer le plus possible la répartition
des tâches des commissaires.
M. Ciaccia: Avant audition, il n'y a pas de motif précis.
Il peut y avoir plusieurs raisons, parce que c'est un pouvoir qui n'a pas de
limitation ou de restriction quant aux motifs pour lesquels il peut
dessaisir...
M. Johnson (Anjou): II peut y avoir essentiellement deux raisons
et, en ce sens, on donne une discrétion au commissaire
général du travail à l'égard de ses commissaires
pour deux raisons.
La première est l'équivalent du rôle de pratique
à la Cour supérieure. Le juge en chef décide d'assigner
des causes au juge avant audition pour différentes raisons. Ce sont
essentiellement des raisons administratives qui peuvent l'amener à le
faire. Il peut évidemment y avoir des notions de conflit
d'intérêts comme cela arrive probablement dans les tribunaux
supérieurs mais, en général, cela se fait par voie de
désistement de la part du juge. Cela pourrait être une raison
mais, règle générale, ce qui est visé ici, ce sont
des raisons de souplesse administrative et d'efficacité afin de
s'assurer qu'on tire le maximum du commissariat du travail pour les fins des
parties.
M. Ciaccia: Mais vous n'incluez pas
dans la rédaction de cet article les raisons pour lesquelles il
pouvait... Est-ce qu'il y a une raison spéciale pour laquelle vous le
laissez complètement "at large"?
M. Johnson (Anjou): Selon l'exemple qu'on me donne, c'est
essentiellement dans le cas des gens du commissariat ou des juristes,
l'équivalent des tâches du juge dans un râle de division de
pratique. Il s'agit de ' faire en sorte qu'on répartisse le "case load",
si on veut. Ce sont des raisons qui sont essentiellement de nature
administrative. Je pense qu'on peut difficilement cerner cela dans un texte
juridique, mais on a bien dit que, dans le cas où une audition est
commencée par le commissaire il y a seulement deux raisons pour
lesquelles cela peut être fait: soit qu'il est incapable d'agir ou qu'il
est absent.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 11 est
adopté?
M. Cusano: Article 11, oui.
Le Président (M. Desbiens): L'article 11 est
adopté. J'appelle l'article 12.
M. Johnson (Anjou): À l'article 12, nous avons des
papillons; est-ce que cela a été distribué? Le papillon
vise à introduire la notion que, quand une requête est
déposée, elle doit être accompagnée des formules
d'adhésion prévues au paragraphe b de l'article 36.1. À
toutes fins utiles, ce sont les cartes d'adhésion. Les raisons pour
lesquelles nous modifions le projet de loi no 17 sont les suivants. D'abord,
l'objet de l'article 25 est de prévoir le dépôt de la
requête. C'est l'enclenchement du processus d'accréditation pour
le commissaire, c'est la saisie d'une requête du commissariat. Ce qu'on
dit, en ajoutant ce papillon, c'est que cette requête doit être
accompagnée des formules d'adhésion.
M. Ciaccia: Vous parlez strictement de la mécanique, de la
façon dont le processus d'accréditation se fait.
M. Johnson (Anjou): Exactement.
M. Ciaccia: C'est l'article qu'on pourra discuter plus tard sur
le fond, la philosophie, les raisons de l'accréditation.
M. Johnson (Anjou): II n'y a pas beaucoup de philosophie
là-dedans. C'est un peu comme si on disait: La requête est
écrite sur une feuille 8 1/2 x 14 et doit comprendre les noms des
parties, etc. On dit simplement qu'elle doit être accompagnée des
formules d'adhésion qui sont prévues au paragraphe b de l'article
36.1. Les deux parties sont d'accord là-dessus, elles nous en ont fait
la demande. Le Conseil du patronat l'accepte, les centrales syndicales
l'acceptent et, à toutes fins utiles, cela va permettre
d'accélérer les choses.
Notamment, si une requête, à sa face même, compte
tenu du nombre d'adhésions qu'elle implique, permet au commissaire du
travail de déléguer des agents d'accréditation à
plusieurs endroits où cela a l'air manifeste et où il n'y aura
pas beaucoup de problèmes, cela permet d'assigner plus
adéquatement les dossiers.
Le Président (M. Desbiens): L'article 12 du projet de
loi...
M. Johnson (Anjou): Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): On va commencer par lire
l'amendement. L'article 12 du projet de loi est remplacé par le
suivant:
L'article 25 de ce code est remplacé par le suivant:
"L'accréditation est demandée par une association de
salariés au moyen d'une requête qui doit être
adressée au commissaire général du travail,
accompagnée des formules d'adhésion prévues au paragraphe
b de l'article 36.1. Cette requête doit être autorisée par
résolution de l'association, signée par ses représentants
mandatés et indiquer le groupe qu'elle veut représenter. "Sur
réception de la requête, le commissaire général du
travail en transmet une copie à l'employeur, lequel, dans les cinq jours
de sa réception, doit afficher dans un endroit bien en vue la liste
complète des salariés de l'entreprise visés par la
requête avec la mention de la fonction de chacun d'eux. L'employeur doit
transmettre sans délai une copie de cette liste à l'association
requérante et en tenir une copie à la disposition de l'agent
d'accréditation saisi de la requête."
Est-ce que le nouvel article 12 est adopté?
M. Cusano: On est d'accord, mais on l'adopte sur division
à cause de la question de l'accréditation. Adopté sur
division.
Le Président (M. Desbiens): Adopté sur division,
tel qu'amendé.
M. Johnson (Anjou): Article 13, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Article 13.
M. Johnson (Anjou): Nous avons un papillon et il est devant vous,
M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): L'article 13 du projet de loi
est remplacé par le suivant: "Ce code est modifié par
l'insertion, après l'article 27, de l'article suivant: "27.1 Le
dépôt d'une requête à l'égard d'un groupe de
salariés qui n'est pas représenté par une association
accréditée rend irrecevable une requête
déposée à compter du jour qui suit le premier
dépôt à l'égard de la totalité ou d'une
partie des salariés visés par la première requête.
"Aux fins du premier alinéa, une requête est réputée
avoir été déposée au bureau du commissaire
général du travail le jour de sa réception à son
bureau."
L'amendement est-il adopté?
M. Johnson (Anjou): M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): ...d'abord, sur l'objet du papillon. Son
objet est de remplacer la notion "au moment de" par "le jour de". On a eu des
discussions là-dessus, les parties nous en ont parlé. Le principe
de base introduit au nouvel article 27 du Code du travail est celui du guichet
fermé. Si un groupe de salariés n'est pas visé, n'est pas
couvert par une accréditation, dès qu'il y a une requête en
accréditation, cela ferme le guichet et cela interdit à d'autres
associations de venir s'y ajouter ce qui, soit dit en passant, est une des plus
grandes sources de délai dans le problème des
accréditations. (22 h 45)
Le problème survient si deux requêtes en
accréditation arrivent "au même moment". Il y en a une qui n'est
plus bonne. Laquelle? S'il y en a une qui arrive à 10 h 15 et l'autre
à 10 h 20, qui décidera? Avec la version originale de l'article
13, on aurait pu dire: Ce qui va décider, c'est l'estampille du bureau
du commissaire, avec l'équivalent d'un poinçon de temps. C'est un
peu absurde quand on y pense. La notion d'heures et de minutes, dans notre
droit, ce n'est pas une notion très fréquente. La notion de jours
est beaucoup plus claire. On dit que toute requête qui arrive le jour
suivant le jour du dépôt est nulle, n'est pas recevable. S'il y en
a deux qui entrent le même jour, le commissaire procédera comme il
procédait quand il y en avait deux et il fera en sorte d'entendre les
deux.
La probabilité qu'il en reçoive cinq pour la même
unité, le même jour, est assez mince. La probabilité qu'il
en reçoive deux pour la même unité, le même jour, est
une probabilité qui existe. À ce moment-là, ce sont les
règles habituelles qui s'appliquent, c'est-à-dire qu'on
procède au vote, qu'on entend les parties, un peu comme on le fait
aujourd'hui. Dans la mesure où une requête est
déposée une journée et qu'il n'y en a pas d'autre
déposée la même journée, c'est le guichet
fermé qui s'applique et ce n'est que sur cette association que les
travailleurs se prononcent.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Bélanger: Cela veut dire qu'il est fort possible que le
même jour on reçoive deux demandes d'accréditation. On peut
en recevoir une tôt le matin et en recevoir une autre en fin de
journée. De la façon que cela est présenté, c'est
seulement l'estampille de la journée et non le chronomètre, comme
le ministre l'a dit. Il y a quand même huit heures de différence
entre 9 heures et 17 heures. N'y aurait-il pas lieu de trouver un
mécanisme quelconque qui ferait en sorte que celui qui a
déposé sa requête le matin ait la priorité. Je ferai
remarquer au ministre que, lors de l'ouverture de soumissions, que ce soient de
petites ou d'importantes soumissions, il y a des heures
déterminées. Si c'est 15 heures et que vous arrivez à 15 h
10 avec votre soumission, vous êtes disqualifié.
M. Johnson (Anjou): Je comprends ce que dit le
député. La réponse à cela est qu'il y en a une
heure et que c'est minuit. Quand vous donnez l'exemple des soumissions, si on
dit que c'est à 15 heures, cela veut dire qu'on peut déposer sa
soumission à 8 heures, 9 heures, 12 heures, 13 heures jusqu'à 15
heures. La loi dit, telle que rédigée, qu'on a jusqu'à
minuit pour déposer, par définition. Dès que minuit est
passé, on est rendu à l'autre journée et l'heure de
soumission des requêtes est donc passée.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 13 tel
qu'amendé est adopté?
M. Cusano: Une question, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Qu'arrive-t-il dans un nouvel établissement...
Un grand syndicat est mieux préparé, sachant que quelques
personnes travailleront à un endroit mais, même avant que le
groupe soit en place et puisse faire une demande pour une association non
affiliée, cela cause des problèmes, n'est-ce pas?
M. Johnson (Anjou): C'est le principe du premier arrivé,
premier servi, si on veut. Que ce soit le syndicat local, que ce soit un
syndicat indépendant ou une centrale syndicale, au moment où un
groupe de travailleurs est à s'organiser, quel que soit le
groupe qui est en train d'aider les travailleurs à s'organiser,
quelle que soit la fédération ou la confédération
ou l'association indépendante qui le fait, c'est la première
requête qui...
M. Cusano: Je me suis mal exprimé. M. Johnson (Anjou):
...ferme le guichet.
M. Cusano: Je me suis peut-être mal exprimé.
M. Johnson (Anjou): J'ai peut-être mal compris.
M. Cusano: Dans un nouvel établissement...
M. Johnson (Anjou): ...syndiqué.
M. Cusano: ...pas syndiqué. Dans un nouvel
établissement, où il n'y a pas de travailleurs, mais on sait
qu'il y en aura. Les personnes qui, éventuellement, arriveront à
une date précise n'auront pas eu l'occasion de se rencontrer, de
discuter en tant que groupe.
M. Dean: M. le Président, le député de Viau
touche le principe qu'on appelle la requête prématurée. Il
y a une nouvelle usine ou un nouvel entrepôt qui est construit. On
embauche une, deux, trois, quatre, cinq personnes. À un moment
donné, le syndicat arrive, dépose une requête. Est-ce qu'un
employé sur 1000 peut déposer une requête?
Les règles de jurisprudence sont déjà
établies, il y a une série de critères établis par
les tribunaux qui indiquent jusqu'à quel point on est arrivé
à ce qu'on peut considérer comme un niveau un peu normal des
activités. En d'autres termes, si l'usine, éventuellement, dans
six mois, propose d'engager 1000 personnes, s'il y a seulement 10 personnes en
poste et qu'un syndicat dépose une requête, il se peut, selon une
série de critères établis dans la jurisprudence, que le
commissaire ou le tribunal décide que 10, c'est trop peu. Donc, la
requête est prématurée et serait rejetée.
Je pourrais, par contre, vous donner un exemple frappant de choses qui
peuvent arriver. Je vous donne l'exemple d'un employeur qui est allé
à la pêche avec un organisateur syndical pas trop
scrupuleux...
Une voix: Est-ce que cela a été
déposé?
M. Dean: Je n'ai pas déposé une requête, mais
j'ai été victime d'un fait que je vais vous raconter. Alors, il
est allé à la pêche avec son "chum". C'était un
dépôt de vente et service d'un centre de camionnage.
Il a fait embaucher le frère de sa secrétaire et son
propre frère, il a fait embaucher les deux, et une requête a
été déposée le lendemain. Quand il y a collusion
patronale avec les syndicats, les requêtes procèdent très
rapidement. On a des accréditations très rapidement.
C'était un record mondial pour le commissaire du travail. Le syndicat
était accrédité avec deux membres sur un potentiel de 35
ou 40. Quand c'est malhonnête, cela se fait vite, parce que l'employeur
ne s'y oppose pas, c'est dans son intérêt, mais quand c'est une
requête légitime, faite par un syndicat ordinaire, il se peut que
l'effet prématuré de la requête dans un nouvel
établissement soit soulevé. Comme je l'ai dit, il y a des
règles de jurisprudence qui évaluent ces choses-là et qui
décident si la requête est prématurée ou non et,
dans ce cas, elle est rejetée.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que le nouvel article
13 est adopté tel qu'amendé?
M. Cusano: Un instant, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Oui.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que l'article précédent
est adopté, l'article 13?
M. Cusano: Non, pas encore, j'ai demandé qu'on attende un
instant. Vous me l'accordez, M. le Président?
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Ces craintes ont été formulées
dans un mémoire déposé par les infirmières du
SPIIQ. Pensez-vous que l'article, dans sa version actuelle, va solutionner
quelque chose ou si les craintes qui ont été exprimées ne
seront pas dissipées?
M. Johnson (Anjou): Effectivement, on a reçu le
mémoire de la Fédération de SPIIQ qui est un
mémoire assez bien fait. Il soulevait une chose qui, a priori, ne nous
avait pas sauté au visage avant. On a regardé cela et on a
consulté les fonctionnaires du ministère des Affaires sociales,
j'étais à même de faire la liaison là-dessus. Les
réponses qu'on nous a données au commissariat du travail sont que
ce n'est pas inquiétant.
On pourrait prendre comme exemple l'hôpital Pierre-Boucher qui a
été ouvert à Longueuil, c'est une autre réalisation
du gouvernement. Chacun a les siennes. Quand un hôpital ouvre ses portes,
il est bien évident, au début, qu'il y a très peu
d'infirmières. Il y a beaucoup de personnel
d'administration, de personnel de soutien technique, etc., avant que les
patients entrent.
Théoriquement, on pourrait être dans une situation
où il y a une demande d'accréditation du personnel de
laboratoire, qui veut inclure les infirmières alors qu'on sait que,
à la fin, il y aura 800 infirmières. Ce qu'on me dit, quant
à cela, c'est que la jurisprudence en requête
prématurée est là.
Deuxièmement, il y a aussi, et il faut bien le voir, parce que
c'est cela qui préoccupe les infirmières, une jurisprudence
très précise dans le cas des affaires sociales. Les
infirmières chez nous, parce qu'elles sont une corporation
professionnelle, à toutes fins utiles, la jurisprudence, au niveau des
accréditations, ne les mêle pas à d'autres groupes. Il y a
des groupes interprofessionnels, par exemple, dans les laboratoires ou
ailleurs. Dans le cas des infirmières, on nous dit qu'on trouverait
extrêmement étonnant la façon de se donner une garantie
à 100% à leur égard. Ce serait, par contre, établir
une règle qui s'appliquerait à toutes les autres et cela
deviendrait extrêmement complexe. Je dois dire que les réponses
qui m'ont été données m'ont satisfait à la fois
à l'égard du projet de loi 17 comme les impératifs du
ministère des Affaires sociales.
D'ailleurs, le sous-ministre me le souligne, l'employeur va s'opposer
assez rapidement.
M. Cusano: Oui.
M. Johnson (Anjou): II veut un syndicat d'infirmières. Il
ne veut pas un syndicat d'infirmières et d'administration en même
temps. Adopté.
Le Président CM. Desbiens): Est-ce que l'article 13 est
adopté?
M. Johnson (Anjou): II n'en reste que 95, M. le
Président.
M. Cusano: Oui, on progresse assez bien.
Une voix: On n'aura pas besoin de M. Ryan.
M. Cusano: C'est exactement cela.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 14 est
adopté?
M. Johnson (Anjou): Est-ce que l'article 14 est adopté, M.
le Président?
M. Bélanger: Non, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Métantic-Compton.
M. Bélanger: On est rendu à l'article 14, M. le
Président. Vous allez voir qu'on n'arrête pas là pour rien,
car il y a quelque chose d'extraordinaire. On y dit: "Si l'employeur refuse son
accord sur l'unité de négociation demandée, il doit, par
écrit, en expliquer les raisons - je n'ai pas d'objection
là-dessus - et proposer l'unité qu'il croit approprié..."
Cela n'a pas de bon sens. En quelque sorte, on demande à l'employeur
entre deux maux de choisir le moindre.
M. Johnson (Anjou): Entre avoir un syndicat et ne pas en
avoir?
M. Bélanger: Non, on demande entre deux maux de dire...
Par exemple, on sait que, si c'était au gouvernement, on
suggérerait évidemment la FTQ. Cela se comprend?
M. Johnson (Anjou): Non, je m'excuse.
M. Bélanger: Oui. On demande à l'employeur de
proposer. Il dit: Celui-là je ne le veux pas et il explique les raisons
pour lesquelles il ne le veut pas. On lui dit: Proposez donc celui que vous
voudriez avoir. C'est pour cela que je dis qu'on demande à l'employeur,
de deux maux, de choisir le moindre. (23 heures)
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pense qu'il y a
peut-être une confusion sur les mots. Quand on parle d'unité, on
ne parle pas de syndicat. L'unité, c'est...
M. Bélanger: Ce n'est pas l'unité syndicale?
M. Johnson (Anjou): Non, c'est le regroupement des personnes. Par
exemple, une centrale syndicale va organiser des travailleurs dans une usine et
dit: On propose que l'unité de négociation soit formée des
techniciens, des employés d'entretien et des employés de bureau.
Cela, c'est l'unité d'accréditation. C'est ce qu'on appelle
l'unité. Qu'est-ce qui va être couvert par ce syndicat, par le
groupe qui va négocier et qui va obtenir une accréditation?
Alors, ce qu'on affirme, c'est quand l'employeur dit: Moi, je ne suis pas
d'accord que le personnel de bureau fasse partie de cela ou je ne suis pas
d'accord que les ingénieurs superviseurs sur les machines fassent partie
du syndicat. Il doit nous exprimer ce que devrait être, à ses
yeux, l'unité couverte, parce que, en ce moment, le Code du travail
prévoit et tout ce qu'il fait, c'est de s'opposer. Il n'est pas
obligé de proposer une alternative aux regroupements de travailleurs. Ce
sont essentiellement des questions d'organisation
de travail. On ne lui demande pas de choisir entre la CSN et la FTQ. On
lui dit seulement: Si la CSN ou la FTQ entre chez vous, qui est-ce que cela
devrait couvrir?
M. Bélanger: Je comprends très bien, mais il reste
quand même une chose. Pourquoi le patron devrait-il dire: Je voudrais que
tel secteur ou tel employé soit dans telle unité? Je
présume que c'est déjà suffisant de lui demander
d'écrire la raison pour laquelle il ne veut pas qu'une telle
unité soit syndiquée, sans toutefois dire: Je ne suis pas
d'accord avec cela. J'aimerais mieux avoir l'autre, ou j'aimerais mieux que le
groupe des employés de bureau, comme l'a dit le ministre, ne fasse pas
partie du même syndicat ou de la même unité de
négociation que le personnel cadre. Pourquoi avez-vous fait ce
changement?
M. Johnson (Anjou): Ah bon! Voilà! C'est une question bien
pertinente. Je vais laisser la parole au député de
Prévost, qui a sûrement des choses à dire
là-dessus.
M. Dean: C'est un des éléments. Lorsqu'on parle de
délais ou de mesures dilatoires possibles pour retarder des causes
d'accréditation syndicale, on frappe un des noeuds du problème
actuel. Cela veut dire presque automatiquement. Dès que l'unité
de négociation, même dans la loi actuelle, est contestée
par l'employeur, le cas est enlevé des mains de l'agent
d'accréditation et référé au commissaire de
travail. Donc, déjà, c'est un transfert qui, selon les
statistiques, implique un délai de trois ou quatre mois. D'accord?
Actuellement, l'employeur n'est pas obligé de définir
l'unité de négociation qu'il considère appropriée;
tout ce qu'il a à faire, c'est d'inscrire qu'il n'est pas d'accord.
Là, il peut compter sur une audition et sur une longue procédure
où il peut ou peut ne pas préciser sa pensée. Le
désir, c'est qu'il décide assez rapidement quelle est
l'unité de négociation qu'il considère appropriée,
qu'il le fasse rapidement de façon à permettre de situer le
débat, si débat il y a, et d'accélérer le processus
d'accréditation. Ce n'est pas l'unité de négociation qui
décide si, oui ou non, le syndicat sera accrédité. C'est
le nombre de cartes signées, déposées et légitimes
qui indiquent une majorité. Mais c'est pour préciser. Dans la
pratique, actuellement, l'employeur de bonne foi, assez souvent, va
négocier l'unité de négociation presque par
téléphone avec le syndicat. Si c'est légitime et si ce
qu'il a à dire a du bon sens, dans bien des cas, là où il
y a de la bonne foi, cela se règle assez rapidement. Mais l'employeur
peut profiter de ce manque de définition de sa pensée pour
occasionner des délais qui peuvent ajouter trois, quatre, six mois,
etc., au processus d'accréditation. C'est cela la raison. C'est une
chose clé lorsqu'on parle de déjudiciarisation et
d'éliminer des pépins et des empêchements à
l'accréditation. C'est une des mesures clés que l'on propose.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Bélanger: M. le Président, admettons au
départ que l'employeur a proposé une unité. Est-ce que le
commissaire du travail sera dans l'obligtion d'en tenir compte ou si cela sera
encore à son entière discrétion?
M. Johnson (Anjou): Cela reste à la discrétion du
commissaire, mais il entend les parties. Dans la mesure où on impose une
obligation de définir ce que devrait être l'unité à
l'employeur plutôt que de simplement lui permettre de dire: Je m'y
oppose, cela permet de mieux circonscrire le débat. Il y a, je crois, un
avantage, à la fois pour l'employeur et le syndicat, dans un cas comme
cela. Dans la mesure où le débat est précis et clair, il
oblige aussi l'employeur à se faire une idée, dans sa propre
usine, de ce qu'il considère comme des unités pour les fins de
production, de confidentialité, et de rapports hiérarchiques
entre les groupes. Je pense que, d'une part, cela va sauver des délais
et, que c'est aussi à l'avantage des deux parties que le débat
soit créé.
Le Président (M. Desbiens): Le député de
Prévost.
M. Dean: Je voulais juste ajouter que, si ce que l'employeur
indique par écrit au commissaire a de l'allure, cet amendement va
permettre au commissaire de téléphoner au syndicat et de lui
dire: Écoutez, l'employeur a proposé telle unité, est-ce
que cela a de l'allure? Si cela a de l'allure, cela va se régler par
entente écrite entre les deux parties ou elles vont s'entendre sur
l'unité de négociation et on n'aura même pas besoin de
faire une audition.
M. Bélanger: Mais l'employeur ne peut pas lui non plus
imposer l'unité qu'il désire. Cela restera toujours à la
discrétion du commissaire.
M. Dean: En fonction de la loi, c'est au commissaire
enquêteur de décider de l'unité appropriée, c'est
actuellement prévu à la loi et cela va rester comme cela, quand
les deux parties finissent par s'entendre sur quelque chose. En plus de cela,
il y a toute une jurisprudence sur le type d'emploi qui habituellement
peut-être exclu, etc. Alors, profitant de tous ces
éléments, il y a possibilité de...
M. Bélanger: Je n'ai pas autre chose.
M. Ciaccia: Le but de cet article est donc seulement de donner la
possibilité aux employeurs de signaler un voeu aux commissaires.
M. Dean: Mais un voeu, quand il est précisé, dans
la mesure où il a de l'allure, il peut vraiment accélérer
les choses et créer une meilleure atmosphère pour le début
de l'accréditation.
M. Johnson (Anjou): C'est plus qu'un voeu; il doit le proposer.
C'est plus qu'un voeu...
M. Bélanger: C'est plus qu'un voeu. C'est un voeu, comme
on a entendu parler en commission parlementaire.
M. Johnson (Anjou): ...il doit le faire. La décision
appartient quand même au commissaire, sauf qu'il faut bien voir que cela
met le commissaire dans une situation où, si l'employeur ne le fait pas,
il n'y a pas, à toutes fins utiles, à tenir compte des objections
de l'employeur. Si l'employeur veut faire des objections, il faut qu'il propose
une alternative, et, à partir de là, le commissaire discute et
regarde, mais il a circonscrit le débat, tandis qu'en ne modifiant pas
le code, on continue à permettre à l'employeur de s'opposer mais
sans jamais rien préciser et d'obliger le commissaire... l'agent
d'accréditation à envoyer cela au commissaire et le commissaire
à attendre plus longtemps...
Le Président (M. Desbiens): L'article 14 est-il
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté. J'appelle
l'article 15. Est-ce que l'article 15 est adopté?
M. Johnson (Anjou): L'article 15 donne le pouvoir au commissaire
général du travail d'ordonner d'interrompre une enquête
quand il a raison de croire que l'article 12, c'est-à-dire la nomination
de syndicats libres non dominés par l'employeur, est enfreint.
Alors, je peux peut-être préciser, pour les fins du
débat, pendant que nos collègues lisent le texte, la notion de
syndicat dominé: c'est le syndicat contrôlé par
l'employeur, ce qui va à l'encontre des principes de notre code qui
préexiste de beaucoup à la loi 17. Auparavant, on disait qu'un
tiers pouvait soulever le fait que le syndicat est dominé. On a eu un
exemple, d'ailleurs, le cas de Commonwealth Plywood, qui a fait les annales et
qui s'est ramassé ici, devant le parlement. Il y avait un
problème de syndicat dominé. Les procureurs de l'employeur et les
procureurs d'un des syndicats étaient les mêmes. C'est une
infraction au code. Ce qu'on dit, c'est que, maintenant, ce n'est pas seulement
à un tiers de soulever cela. Le commissaire du travail peut
décider lui-même d'office de réclamer une enquête
parce qu'il lui est souligné par un agent d'accréditation que le
syndicat qui a fait une requête en accréditation est un syndicat
dominé. Donc le commissaire peut ordonner d'interrompre les
procédures et ne pas accorder l'accréditation.
M. Cusano: Lorsque vous dites que l'agent d'accréditation
indique qu'on a des raisons de croire. N'est-ce pas nécessaire d'avoir
certaines balises pour qu'il ait des raisons de croire? Ce serait quoi
exactement, en rapport avec ce cas spécifique? Quelle serait la latitude
qu'on pourrait accorder à cette raison de croire?
M. Johnson (Anjou): La pratique sur le terrain, c'est que l'agent
va dans l'usine et parle aux travailleurs comme c'est son rôle de le
faire. Il évalue l'unité, la représentativité, il
vérifie si les gens ont signé les cartes. Il peut alors se faire
dire, sous le sceau de la confidence, par un travailleur: Écoutez, j'ai
vu le patron, hier; il était assis avec un tel ou un tel et il nous a
proposé telle chose. À ce moment, l'agent peut avoir raison de
croire qu'il y a domination ou tentative de domination en vertu de l'article
12. Comme on introduit la notion de guichet fermé, il faut bien voir
qu'il faut se le donner, qu'il a ses avantages, mais qu'il a
l'inconvénient de permettre, si on ne fait pas attention, que des
syndicats de boutique dominés, à toutes fins utiles, accaparent
les accréditations. Il faut avoir quelque part un instrument pour
empêcher cette situation et l'instrument, c'est l'évaluation. Je
dirais que la décision revient au commissaire général du
travail, qui est quand même le juge en chef, à partir des raisons
de croire qu'il a et qui lui parviennent habituellement de l'agent
d'accréditation.
Il faut voir quand même que, dans la hiérarchie des
décisions, ce n'est pas une évaluation fantaisiste dont on parle.
Cela passe par un processus et c'est le commissaire général du
travail qui décide. Il est obligé de respecter certaines
règles, on peut en appeler de ses décisions, il y a une
jurisprudence à son égard. Il doit respecter tout cela, ce n'est
pas purement arbitraire. Je comprends que le Conseil du patronat voudrait que
ce soit beaucoup plus restreint. Je ne veux pas en faire le procès, mais
on sait ce qu'on vise ici. C'est clair. On vise ce qui est, à toutes
fins utiles, l'un des principes fondamentaux du Code du travail qui existe
depuis que le code a été adopté. C'est le fait qu'un
syndicat dominé n'est pas
un syndicat au sens du Code du travail. C'est aussi simple que cela.
Un syndicat dominé n'est pas nécessairement ce qu'on
désigne trop facilement comme un syndicat de boutique. Il y a des
syndicats indépendants, par exemple, la FSSA à l'Alcan, au
Saguenay-Lac-Saint-Oean, qui n'appartient ni à la CSN ni à la FTQ
ni à d'autres. Personne ne viendra m'expliquer que c'est un syndicat
dominé. C'est un syndicat indépendant, mais non un syndicat
dominé. Il faut faire la distinction entre les deux.
Le code n'interdit pas les syndicats indépendants, il interdit
les syndicats dominés. Lorsque le Conseil du patronat nous dit qu'il
voudrait que ce soit balisé, il est assez évident que l'on sait
de quelle préoccupation il s'agit lorsqu'il dit cela.
C'est aussi comme les chauffeurs d'autobus à Montréal. Ils
ont un syndicat indépendant et ne sont pas affiliés à la
CSN ni la FTQ. Ce n'est pas un syndicat dominé, toutefois. On a vu cela,
n'est-ce pas?
M. Bélanger: Non, on a assez marché pour se rendre
compte de cela.
M. Johnson (Anjou): D'accord.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 15 est
adopté?
M. Cusano: Sur division.
Le Président (M. Desbiens): Adopté. Est-ce que
l'article 16 est adopté?
M. Johnson (Anjou): Cela s'ajoute un peu par concordance à
ce qu'on disait il y a quelques instants. C'est le pouvoir du commissaire de
soulever le fait que le syndicat auquel il fait face est peut-être un
syndicat dominé.
Le Président (M. Desbiens): L'article 16 est-il
adopté?
M. Cusano: Adopté sur division.
Le Président (M. Desbiens): L'article 16 est adopté
sur division. J'appelle l'article 17.
M. Johnson (Anjou): Aux articles 17 et 18, il y a des papillons,
M. le Président, que je fais circuler immédiatement.
Le Président (M. Desbiens): L'article 17 du projet de loi
est remplacé par le suivant: "L'article 32 de ce code est
remplacé par le suivant: "32. Le commissaire du travail saisi de
l'affaire doit décider, après enquête tenue en
présence de toute association en cause et de l'employeur, toute question
relative à l'unité de négociation et aux personnes qu'elle
vise; il peut à cette fin modifier l'unité proposée par
l'association requérante. (23 h 15) "II doit également
décider du caractère représentatif de l'association
requérante par tout moyen d'enquête qu'il juge opportun et
notamment par le calcul des effectifs de l'association requérante ou par
la tenue d'un vote au scrutin secret. "Sont seuls considérés
comme parties intéressées quant au caractère
représentatif d'une association de salariés, tout salarié
compris dans l'unité de négociation ou toute association de
salariés intéressée."
M. Johnson (Anjou): M. le Président, l'objet du papillon
répond à une préoccupation de l'Opposition qui a
été soulevée notamment lors de l'audition du Conseil du
patronat ou d'autres. Le projet de loi 17 introduisait la notion suivante: un
salarié n'est pas une partie intéressée à la
définition de l'unité. Nous retirons cette disposition. À
toutes fins utiles, c'est ce qu'on fait - et on laisse la jurisprudence, dans
l'affaire Me Caffrey qui est en Cour suprême ou en Cour d'appel - en Cour
suprême - on va laisser la jurisprudence trancher là-dessus.
Est-ce que le salarié comme individu peut être
considéré comme une partie intéressée au moment de
l'enquête, de l'audition, et des différentes étapes de
l'accréditation?
La règle veut qu'en général on ait
considéré qu'un salarié n'a jamais été une
partie intéressée juridiquement. Nous avions introduit dans le
projet de loi 17 un article qui disait, à cause de l'affaire Me Caffrey
ou à cause de certaines tendances qui semblaient se manifester, que le
code très spécifiquement l'excluait. Car, de plus en plus, ou
enfin à quelques occasions, des procureurs sont venus représenter
des salariés individuellement qui s'opposaient à la formation de
l'unité, à la définition de l'unité - à
savoir quel groupe appartient au syndicat. On voit tout de suite le genre
d'avalanche que cela peut produire à un moment donné si chacun
individuellement peut venir discuter de l'unité; on voit le genre de
problèmes et de délais qui se poseront. Néanmoins, nous
retirons cette disposition que nous proposions dans le projet de loi 17. Nous
maintenons cependant une modification par l'article 17 à l'article 32,
qui vise à favoriser la tenue de scrutins comme un des moyens que le
commissaire juge utiles de développer aux fins de mesurer le
caractère représentatif de l'association.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'amendement...
M. Cusano: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Lorsque vous dites au deuxième alinéa:
"...l'association requérante par tout moyen d'enquête qu'il juge
opportun...". Pouvez-vous expliquer ce que veulent dire les mots "par tout
moyen d'enquête"?
M. Johnson (Anjou): L'objectif de cette disposition est de
contrer une interprétation de la jurisprudence à partir d'un
autre article du code qui, paradoxalement, a introduit la notion que, dans le
fond, le recours au vote et d'autres moyens sur la mesure de la
représentativité, le commissaire ne pouvait y avoir recours que
s'il y avait des motifs juridiques d'y avoir recours. En d'autres termes, cela
le confinait au comptage de cartes. Cela peut paraître paradoxal sur une
base "idéologique" ou d'ouverture, mais probablement que, pour des
raisons juridiques, que les savants juges ont identifiées avec
précision, cet article, à toutes fins utiles, limitait beaucoup
le rôle du commissaire dans le sens de prendre des moyens pour qu'il y
ait la plus grande participation possible, la plus grande visibilité
possible. Avec cet article-là, le commissaire ou l'agent va aller dans
l'usine; il va compter les cartes, il va regarder quelle est l'unité et
il va se faire une idée. S'il a un doute personnel quant à la
représentativité des syndicats en présence, il va pouvoir
déclencher un vote, alors que, auparavant il fallait que la nature de
son doute soit justifiée sur le plan juridique. Je pense que notre
objectif à l'égard du code et à l'égard de la
syndicalisation, c'est, au contraire, la plus grande expression possible des
personnes. Si le commissaire entre dans l'usine où on a le guichet
unique et qu'il dit: Oui, j'ai des cartes jusqu'à 49, peut-être
jusqu'à 52, mais je ne suis pas sûr des cartes, je ne veux pas
accorder l'accréditation comme cela, je veux que les gens se prononcent,
il faut lui donner une latitude pour le faire. C'est ce que visent ces
dispositions, la notion de tout moyen...
M. Cusano: C'est cela qui est inquiétant.
M. Johnson (Anjou): D'abord, je ne suis pas sûr que ce soit
une disposition complètement étrangère au code. Les
juristes me disent que c'est la formulation, à partir de l'analyse qui a
été faite de la jurisprudence, qui permettra au commissaire
d'avoir recours au vote sans être obligé d'invoquer des motifs
juridiques pour avoir recours au vote... lui donner cette latitude.
M. Ciaccia: Mais, vous avez déjà le droit, dans cet
article, d'avoir recours à un vote au scrutin secret. Vous le
spécifiez, alors, vous n'avez pas besoin d'ajouter "par tout moyen
d'enquête" parce que vous allez au-delà. Si votre intention est
d'autoriser le commissaire à tenir un vote, il l'a
déjà.
M. Johnson (Anjou): On a déjà une formulation large
et pourtant la jurisprudence a restreint la possibilité du commissaire
d'avoir recours au vote. L'article 37 dit: Le commissaire du travail peut
ordonner le vote au scrutin secret d'un groupe désigné de
salariés chaque fois qu'il le juge opportun et, en particulier,
lorsqu'il est d'avis qu'une contrainte a été exercée pour
empêcher un certain nombre des dits salariés d'adhérer
à une association, etc." Et, malgré ce texte relativement large,
où il est dit: "Chaque fois qu'il juge que c'est opportun", il peut le
faire, la jurisprudence l'a restreint dans sa possibilité d'avoir
recours au vote. Et c'est pour cela qu'on retient une formulation qui est
encore plus large.
M. Ciaccia: Mais, dans l'article no 32 que vous amendez...
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. Ciaccia: ...est-ce qu'il avait le droit de tenir un vote dans
la poursuite de son enquête? Je ne crois pas.
M. Johnson (Anjou): Non, on disait à l'article no 32,
à l'origine: "Le commissaire du travail saisi de l'affaire doit
décider, après enquête, du caractère
représentatif de l'association requérante. Il doit aussi
trancher, après enquête tenue en présence de toute
association en cause et de l'employeur, toute question relative à
l'unité de négociation et aux personnes qu'elle vise."
M. Ciaccia: Alors, d'après...
M. Johnson (Anjou): Et l'article no 37, que j'ai lu tout à
l'heure, disait: "Le commissaire du travail peut ordonner le vote au scrutin
secret d'un groupe désigné de salariés..."
M. Ciaccia: Mais, pour quelle raison, dans l'article 37... je ne
l'ai pas devant moi.
M. Johnson (Anjou): Pardon?
M. Ciaccia: Pour quelle raison, dans l'article no 37, il pouvait
tenir une enquête sur le caractère représentatif? Est-ce
que c'était pour une autre raison?
M. Johnson (Anjou): Dans l'article no 37: "Le commissaire du
travail peut ordonner le vote au scrutin secret d'un groupe
désigné de salariés chaque fois qu'il le juge opportun et,
en particulier, lorsqu'il est d'avis qu'une
contrainte a été exercée pour empêcher"...
les personnes, etc. Et, malgré cela, l'interprétation de la
jurisprudence a été très restrictive quant à
l'utilisation du vote par le commissaire du travail. Et c'est pour cela qu'on
introduit une notion plus large, qui est de prendre tous les moyens, dont le
vote. Alors, il n'y a plus personne qui va pouvoir mettre en doute le fait que
le commissaire décide que les gens vont voter. Je pense qu'on ne peut
pas être contre cela d'ailleurs. C'est une des occasions dans la vie
syndicale qui est absolument à l'abri de toute critique le vote au
scrutin secret devant un commissaire du travail. Je sais que des gens
prétendent, et parfois avec raison, qu'il arrive que des syndicats
tiennent des votes au scrutin pas secret, dans d'autres cas, ils le tiennent au
scrutin secret et tout le monde ne peut pas entrer dans la salle, etc. Quand
c'est le commissaire qui décide d'un vote, c'est l'expression libre et
démocratique des gens, parce qu'il est là et il surveille. Ce
qu'on veut c'est lui donner toute la latitude pour que l'expression de la
volonté des travailleurs se fasse.
Je vous donne ici l'interprétation qu'en donne la doctrine
plutôt que la jurisprudence. C'est le livre de droit administratif de
Gagnon (Robert-P.) qui dit ceci à la page 75 de son traité de
droit du travail no 9: "Même s'il jouit ainsi d'un large pouvoir
d'appréciation pour décider si l'on devra recourir à un
vote au scrutin secret, le commissaire du travail doit fonder toute ordonnance
de vote sur des motifs juridiques pouvant le justifier et il ne saurait
être question qu'une telle ordonnance soit purement arbitraire.
M. Ciaccia: Je comprends l'objectif que vous poursuivez, mais les
mots que vous utilisez dans l'article pour donner au commissiaire le droit
d'avoir recours à un vote en n'importe quel temps, même ces mots
vont être interprétés par les tribunaux. Autrement dit,
vous pouvez avoir les mêmes contraintes. En disant "par tout moyen
d'enquête qu'il juge opportun", cela ne veut pas nécessairement
dire arbitrairement. Quand vous donnez un pouvoir à un commissaire ou
à un officier, il y a toujours eu une interprétation juridique
à savoir que ce pouvoir ne peut pas être exercé de
façon arbitraire.
Je ne le suggère pas, parce que cela serait presque impensable
d'inclure dans un projet de loi que quelqu'un a un droit arbitraire; mais c'est
vraiment la seule façon de contourner cette jurisprudence. Si vous dites
seulement "par tout moyen d'enquête qu'il juge opportun", vous allez
avoir les mêmes interprétations et les mêmes contraintes
juridiques qui existent maintenant. Le tribunal pourra dire: Écoutez,
c'est vrai, tous les moyens d'enquête que vous jugez opportuns, mais ce
jugement ne doit pas être arbitraire et les moyens ne doivent pas
être arbitraires.
Je comprends l'objectif que vous voulez atteindre, mais je ne pense pas
qu'en ajoutant les mots "par tout moyen d'enquête" vous allez enlever le
droit à un tribunal d'imposer la question de discrétion et
d'arbitraire. De tout pouvoir qui est donné, que ce soit par tout moyen
que vous jugez opportun, les tribunaux vont toujours dire: Ce pouvoir n'est pas
donné pour des raisons... ne peut pas être exercé
arbitrairement. Et si l'argument est établi que, même avec ces
mots, le commissaire l'exerce arbitrairement, je pense que la jurisprudence ne
changera pas son interprétation, les tribunaux ne changeront pas leur
interprétation.
M. Johnson (Anjou): II y a deux choses dans ce que vient de dire
le député. Effectivement, il touche à un domaine sur
lequel la jurisprudence et les tribunaux de droit commun se penchent au nom de
l'exercice des principes de justice naturelle. Ce sont des débats qui
peuvent être très longs.
Notre objectif est très clair, il est de permettre au maximum
l'élargissement de la base et de la participation démocratique
à des votes pour les fins de calcul de la
représentativité.
M. Ciaccia: Le danger, c'est que... (23 h 30)
M. Johnson (Anjou): Deuxièmement, je suis conscient que
l'expression "par tous les moyens" suscite des réactions chez le
député de Mont-Royal, qui a déjà eu l'occasion
d'entretenir le Parlement de ces questions à l'occasion de beaucoup
d'autres projets de loi sur des personnes qui ont des immunités et des
pouvoirs, leur façon de l'exercer à l'égard de la
protection de ceux qui subissent les enquêtes, etc. On me dit cependant
qu'il n'y a jamais eu de restriction à ces moyens, quant à
l'agent d'accrédition, dans le code, avant même la loi 17, alors
qu'il y avait, à toutes fins utiles, des limites qui ont
été imposées par la jurisprudence au commissaire dont le
rôle, paradoxalement, est beaucoup plus important en fin de compte. Mais
l'agent d'accréditation, en vertu du code, peut entrer dans une usine et
parler à tout le monde, il peut aller dans la salle de café et
peut s'adresser à la secrétaire de l'employeur, etc.; personne
n'a jamais mis cela en doute. Mais là, on dit: Ce qu'on veut, c'est
favoriser des votes tenus par le commissaire. La jurisprudence a des
interprétations restrictives et l'oblige à évoquer des
motifs juridiques pour qu'il y ait une participation au vote. On a tendance
à dire: Essayons d'élargir cela. Je ne pense pas qu'on
l'élargisse de façon que cela ouvre un tel arbitraire. Il y a des
protections contre
cela. Il y a le fait que l'agent profite déjà très
largement de discrétion. À ma connaissance, on ne m'a pas
rapporté d'abus particulièrement de ce côté. De
plus, il y a toujours les principes dans le cas du commissaire. Dans la mesure
où il exerce des fonctions quasi judiciaires, il est soumis au pouvoir
des réviseurs de la Cour supérieure en vertu des règles de
justice naturelle et du reste.
M. Ciaccia: Le seul point que je voulais soulever, c'était
que, même en libellant l'article de la façon que vous le faites,
cela n'empêchera pas les tribunaux de restreindre le droit de tenir un
vote. Ils pourront imposer ces restrictions de la même façon. En
ajoutant ces mots "par tout moyen d'enquête", vous n'arrivez pas à
cet objectif, mais peut-être que vous ouvrez la porte à d'autres
moyens d'enquête. Je ne sais pas quel autre moyen pourrait être
utilisé. Je comprends votre objectif, mais je ne pense pas, avec ces
mots-là, que vous allez changer l'approche des tribunaux qui vont
toujours retenir le droit de regard et le droit de décider si le
commissaire a exercé ce droit d'une façon arbitraire ou non.
Le Président (M. Desbiens): Alors, le nouvel article 17
est-il adopté? L'amendement, je veux dire.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, on n'est pas
obligé de voter l'amendement. C'est un papillon. Il est
considéré comme partie intégrante à la loi. Est-ce
que l'article 17 est adopté tel qu'amendé par papillon?
M. Cusano: Sur division.
M. Johnson (Anjou): Adopté sur division?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté sur division.
Article 18.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, l'article 18...
Le Président (M. Desbiens): Le projet de loi est
retiré.
Une voix: Pas le projet de loi, l'article.
Le Président (M. Desbiens): L'article 18 du projet de
loi.
Une voix: Vous avez dit: Le projet de loi!
Le Président (M. Desbiens): Ah bon! La fatigue commence
à se faire sentir. C'est la fin.
Une voix: Sur division!
M. Johnson (Anjou): Alors, on retire l'article 18 du projet de
loi. Dans le fond, on n'en discute pas. C'est ce que je disais tout à
l'heure, on revient au statu quo sur la notion de parties
intéressées.
Le Président (M. Desbiens): Adopté?
M. Johnson (Anjou): Adopté, M. le Président?
Le Président (M. Desbiens): Adopté. M. Johnson
(Anjou): Pas sur division!
Le Président (M. Desbiens): Pas sur division. Article
19.
M. Johnson (Anjou): L'article 19, M. le Président, a pour
but d'assurer la confidentialité de l'appartenance. Cela va?
Adopté?
M. Cusano: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): L'article 19 est
adopté. J'appelle l'article 20.
Scrutin secret
M. Johnson (Anjou): M. le Président, l'article 20, c'est
le scrutin secret.
Le Président (M. Desbiens): L'article 20 est-il
adopté?
M. Cusano: Non, non, non.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, expliquez-leur
au plus tôt.
M. Johnson (Anjou): Alors, M. le Président, on dit qu'il y
a vote au scrutin secret chaque fois qu'une association requérante
groupe entre 35% et 50% des salariés qui ont fait une requête en
accréditation. De plus, on dit que les seules personnes qui peuvent
briguer les suffrages, c'est-à-dire être inscrites sur le bulletin
de vote, ce sont les associations requérantes qui regroupent 35% des
cartes, de l'unité visée et, évidemment, l'association
accréditée qui est déjà là, s'il y en avait
déjà une.
Vous allez me dire: Donc, il ne peut pas, par définition, y en
avoir plus que deux associations requérantes, parce que, 3 fois 35%,
cela fait plus de 100. Voilà! II y a des gens qui ont des cartes de plus
d'un syndicat. On sait cela.
Je pense que je vais permettre à mon collègue de
Prévost d'éclairer nos collègues sur certaines
pratiques.
M. Dean: On a, dans le métier, ce qu'on appelle des
"poignées de porte" ou des "pères Ovide". Ce sont des mots de
notre langage. Lors d'une campagne de recrutement, quelqu'un, un jour, entend
l'argument convaincant d'un recruteur syndical et il signe une carte
d'adhésion au syndicat À. Le lendemain, un autre syndicat tient
une campagne; il le convainc alors de signer une démission. J'ai vu des
cas, il y a quelques années, où on était rendu à
cinq, six ou sept changements d'idée de la même personne dans une
même campagne. Sans parler de cas extrêmes, cela arrive
fréquemment.
Une semaine, la CSN entreprend une campagne, le gars trouve que cela a
du bon sens et il signe. La semaine suivante, la FTQ arrive. Le gars trouve que
la FTQ a plus de bon sens que la CSN, il signe pour la FTQ. Deux syndicats
peuvent avoir un employé. Il peut aussi y avoir un troisième
syndicat, si la CSD embarque. Cela peut arriver qu'un gars soit
particulièrement vulnérable devant les arguments des vendeurs
d'idées comme les vendeurs des brosses Fuller, il signera alors trois
cartes; quelquefois, c'est seulement pour se débarrasser de quelqu'un.
Je vous parle franchement.
M. Cusano: C'est comme pour les partis politiques.
M. Johnson (Anjou): Non, c'est assez rare dans les partis
politiques.
M. Dean: Non, mais les...
M. Johnson (Anjou): Mais, 35% de votre membership, ce n'est
peut-être pas aussi stable que vous le pensez.
M. Bélanger: Je ferai savoir au ministre, M. le
Président, que 95%, c'est très stable chez nous.
M. Johnson (Anjou): Ici, il s'agit d'un article de concordance
avec l'article 37.1. Il n'y a pas là de principe nouveau.
M. Cusano: Un instant, M. le Président.
M. Johnson (Anjou): C'était déjà contenu
dans le code.
M. Cusano: Non...
M. Johnson (Anjou): Le vrai débat, c'est à
l'article 21 que vous voudrez le faire.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Cusano: C'est que je voudrais bien comprendre cet... Je
comprends le phénomène d'adhésion à plusieurs
syndicats.
Je comprends cela, que ce soit par idéologie ou même
quelquefois par tordage de bras ou autre chose, je comprends cela. Mais
qu'est-ce qui se passerait dans le cas où il y en aurait trois? Que se
passerait-il dans ce cas?
M. Johnson (Anjou): II peut y en avoir trois.
M. Cuasano: II ne peut pas y...
M. Johnson (Anjou): II peut y en avoir trois avec chacun 35%.
C'est tout. Par exemple, si des gens... Est-ce que des cartes de membre, M.
Dean, qui durent plus d'un an, c'est possible?
M. Dean: C'est-à-dire que le syndicat requérant,
par exemple, peut envoyer des cartes dont une bonne partie sont expirées
dans la tête de ceux qui les ont signées, mais ne le sont pas
techniquement. Il a signé pour un an et il n'a pas envoyé de
lettre de démission. Le syndicat envoie donc des cartes et il dit: J'en
ai 35%. Pendant ce temps, l'individu a adhéré ailleurs. On peut
en avoir trois comme cela. On peut même techniquement avoir cinq
syndicats ayant chacun 35%. Il n'y a pas de limite à cela.
En pratique, cela se fait à deux ou trois. Il est assez rare que
cela arrive à cinq. C'est déjà arrivé et,
habituellement, cela dure longtemps, comme chez Simpsons. C'est cinq chez
Simpsons? Ils sont rendus à cinq?
M. Johnson (Anjou): Est-ce que l'article est adopté, M. le
Président?
Le Président (M. Desbiens): L'article 20 est-il
adopté? Adopté. J'appelle l'article 21.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai un papillon.
Le Président (M. Desbiens): L'article 21 du projet de loi
est remplacé par le suivant, article 21: "Ce code est modifié
par...
M. Cusano: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): Oui, M. le
député de Viau.
M. Cusano: II semble y avoir beaucoup de difficulté
à distribuer les papillons, parce qu'ils ne volent pas
d'eux-mêmes.
M. Lachance: Cela dépend des couleurs du papillon.
Le Président (M. Desbiens): Article 21. Ce code est
modifié par l'insertion, après l'article 37, de l'article
suivant: "37.1. Lorsqu'un vote au scrutin secret ordonné en vertu de la
présente section met en présence plus de deux associations de
salariés et qu'elles obtiennent ensemble la
majorité absolue des voix des salariés qui ont droit de
vote sans que l'une d'elle n'obtienne la majorité absolue, le
commissaire du travail doit ordonner la tenue d'un nouveau vote au scrutin
secret sans la participation de celle qui a obtenu le plus petit nombre de
voix. "Lorsqu'un vote au scrutin secret ordonné en vertu de la
présente section met en présence deux associations de
salariés, le commissaire du travail accrédite celle qui a obtenu
le plus grand nombre de voix si les deux associations obtiennent ensemble la
majorité absolue des voix des salariés qui ont droit de
vote."
Est-ce que l'amendement est adopté?
M. Johnson (Anjou): M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): L'article est-il adopté?
M. Ciaccia: Aviez-vous quelque chose à dire?
M. Johnson (Anjou): Oui, j'ai quelques commentaires. L'objet du
papillon, M. le Président, c'est de préciser ce qu'était
notre intention initiale, d'une part, et, deuxièmement, de
répondre à ces demandes de précisions qui nous sont venues
de la part des parties.
Ce que dirait l'article 37.1 du code, une fois modifié par le
projet de loi 17 tel qu'amendé, c'est que, lorsqu'il y a, trois
syndicats en liste, deux syndicats sont en requête le même jour
plus le syndicat déjà là auparavant, il va y avoir un
ballottage. Celui qui a le moins de votes sort. Le deuxième vote - dans
le cas où personne n'a la majorité absolue, d'accord? - se fera
entre deux syndicats. S'il y a 100 travailleurs visés par l'unité
d'accréditation, il faut absolument que le total des votes obtenus par
les deux syndicats qui restent soit équivalent à 51% des
travailleurs visés par l'unité. En d'autres termes, si 52
travailleurs ont décidé de ne pas voter, il n'y aura pas de
syndicat dans cette boîte. Il faut qu'au moins 50% des travailleurs plus
un aient exprimé leur choix en faveur d'un ou l'autre des syndicats.
Celui des deux qui a obtenu la majorité devient
accrédité.
Ce qui veut dire qu'on éviterait des situations comme celle de
Valcartier. À Valcartier, il y a deux syndicats en présence, qui
ramassent chacun 47% des votes. Donc, environ 94% des travailleurs se sont
exprimés en faveur d'un syndicat et il n'y a pas de syndicat là
parce que le Code du travail exigeait qu'il y ait 51% des membres
d'unités qui se soient prononcés pour un seul.
Pour briser cela, ce qu'on dit, c'est que, lorsqu'on additionne les
votes donnés aux deux syndicats en liste et que cela donne plus que 51%,
celui qui a le plus de voix obtient l'accréditation.
Avant de passer la parole à nos collègues - je suis
sûr qu'ils auront quelques commentaires là-dessus - je dirai que,
dans le cas de huit législations canadiennes sur dix, la règle de
la majorité simple est encore plus large que la nôtre, au sens
où on ne fixe pas un minimum de 51% de participation et d'expression du
vote. On peut avoir techniquement des syndicats accrédités dans
des entreprises dans huit provinces sur dix et au niveau canadien avec 20% du
total des membres d'unités qui se sont prononcés pour un
syndicat.
Dans la pire des hypothèses, en vertu de cela, supposons que,
dans une usine de 100 personnes, 51 personnes ont voté pour un ou
l'autre syndicat; le syndicat qui aurait obtenu 26% des votes, serait le
syndicat choisi. Il y aurait donc un syndicat dans cette usine. C'est la "pire"
des hypothèses de taux de participation le plus bas possible. Mais c'est
très rare, à toutes fins utiles.
Encore une fois, dans la tenue d'un vote au scrutin secret - que mon
collègue aura certes des choses à ajouter au débat - je
suis convaincu que, lorsque le commissaire du travail tient un vote au scrutin
secret sur l'adhésion syndicale, c'est un vote qui est habituellement et
probablement le moment d'expression démocratique le plus important dans
la formation d'un syndicat. (23 h 45)
Je suis convaincu que l'immense majorité des travailleurs,
même ceux qui auraient subi des pressions, qui auraient peur, qui
n'auraient pas aimé la tête d'un organisateur syndical, quand ils
vont s'enfermer avec quelqu'un dans un local marqué "gouvernement du
Québec, commissariat du travail", ils savent que ce qu'ils font, c'est
secret et cela favorise la participation. Ce qu'on vise à faire, c'est
d'empêcher des absurdités comme celles qu'on voit dans des usines
où 90% des travailleurs ont exprimé leur volonté de se
syndiquer et qu'il n'y a aucun syndicat qui en ressort. Par ailleurs, c'est
aussi de s'assurer qu'il n'y aura pas de syndicat s'il n'y a pas une
majorité de travailleurs qui se sont exprimés pour l'implantation
d'un syndicat. Voilà pour la présentation.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Bélanger: M. le Président, il y a une chose sur
laquelle je voudrais qu'on m'informe. Si nous prenons l'industrie de la
construction - je voudrais qu'on m'écoute -nous savons tous qu'à
l'automne il y aura un maraudage.
M. Johnson (Anjou): Si on adopte la loi 27.
M. Bélanger: Si on adopte la loi 27. Est-ce que cela va
s'appliquer à l'industrie de la construction?
M. Johnson (Anjou): Non.
M. Bélanger: Pourquoi pas? C'est ce que je voudrais
savoir.
M. Johnson (Anjou): D'accord. Parce que le régime
d'accréditation dans le secteur de la construction relève d'une
loi totalement distincte, il ne relève pas du Code du travail. C'est une
loi spéciale, dont l'origine remonte à 1968-1969. Il y a,
à toutes fins utiles, un Code du travail pour la construction et il y en
a un pour le reste.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'amendement est
adopté?
M. Cusano: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté. Est-ce que
l'article 21 est adopté tel qu'amendé?
M. Cusano: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté. J'appelle
l'article 22.
M. Johnson (Anjou): Un papillon, M. le Président.
Une voix: Oh!
M. Johnson (Anjou): C'est un détail, une coquille.
Le Président (M. Desbiens): Le projet de loi est
modifié par l'insertion, après l'article 22...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, on va être
obligé de faire une motion de renumérotation. Le
secrétaire me fait signe que c'est à la fin. Pour fins de
compréhension, il faut prendre l'article 22 du code, tel quel.
Le Président (M. Desbiens): C'est l'article 22.
L'alinéa 39 de ce code est modifié par la suppression du
deuxième alinéa. L'article 22 n'a pas d'amendement.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Une voix: Le nouvel
article?
Le Président (M. Desbiens): Non, non, l'article 22 du
projet de loi.
M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président. Ce que je vous
ai présenté comme papillon...
Le Président (M. Desbiens): ...c'est un article
supplémentaire.
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
Le Président (M. Desbiens): C'est l'article 22 du projet
de loi, pour l'instant, l'article 22.1.
M. Johnson (Anjou): C'est parce qu'on a anticipé les
travaux de la commission et on a renuméroté. Comme on a
éliminé l'article 18 tout à l'heure, je vous ai
présenté un papillon à l'article 22 alors qu'il devrait
s'écrire 23 en vertu de la renumérotation actuelle.
Le Président (M. Desbiens): On risque...
M. Johnson (Anjou): Après l'article 22, on introduit un
nouvel article.
Le Président (M. Desbiens): C'est cela, mais on va
commencer par disposer de l'article 22.
M. Johnson (Anjou): On verra quel est son numéro
après.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 22 est
adopté?
M. Cusano: Attendez.
Le Président (M. Desbiens): Je vous rappelle que l'article
22 dont on parle est l'article 22 du projet de loi. Ce n'est pas l'amendement
qui vient d'être déposé. L'article 39 de ce code est
modifié par la suppression du deuxième alinéa.
M. Cusano: Est-ce que ceci veut dire...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, l'article 22 du
projet de loi no 17, qu'on a devant nous, supprime le deuxième
paragraphe de l'article 39 du code essentiellement par concordance au pouvoir
qu'on a donné tout à l'heure au commissaire général
du travail. On a donné un pouvoir spécifique au commissaire
général du travail, celui de pouvoir dépêcher un
agent d'accréditation pour enquêter. Tout à l'heure, on a
dit: II peut utiliser les moyens nécessaires, y compris envoyer un agent
d'accréditation.
M. Ciaccia: Est-ce que le pouvoir d'enquêter incluait le
pouvoir d'effectuer une
enquête sur un salarié, sur un membre de l'association?
Est-ce que vous réduisez vraiment le pouvoir d'enquête? Est-ce que
vous le limitez à certains cas?
M. Johnson (Anjou): On juge que l'article 39, deuxième
paragraphe, du Code du travail n'est pas utilisé, à toutes fins
utiles, par le commissaire. Deuxièmement, le commissaire
général du travail nous dit qu'avec l'article spécifiant
qu'on lui donne les moyens nécessaires - il peut utiliser tous les
moyens - cela couvrait l'utilisation qu'il pouvait en faire.
M. Ciaccia: Tous les moyens d'enquête qu'il juge opportun,
cela couvrirait les cas du deuxième alinéa.
M. Johnson (Anjou): Un moyen d'enquête, cela peut
être de dépêcher l'agent d'accréditation qui est un
subordonné du commissaire général.
M. Ciaccia: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté. Il y a
maintenant un amendement. On va appeler l'article 22.1, selon la
numérotation habituelle. Après l'article 22, on insère
l'article suivant: "22.1 L'article 40 de ce code est remplacé par le
suivant: "40. Une requête en accréditation ne peut être
renouvelée avant trois mois de son rejet par un commissaire du travail
ou d'un désistement produit par une association requérante sauf
s'il s'agit d'une requête irrecevable en vertu de l'article 27.1, d'un
désistement produit à la suite d'une fusion de corporations
municipales ou scolaires, d'une intégration de personnel dans une
communauté urbaine ou de la création d'une commission de
transport." Est-ce que le nouvel article est adopté?
M. Cusano: Est-ce qu'on pourrait l'expliquer?
M. Johnson (Anjou): On se souvient qu'on a introduit tout
à l'heure ce qu'on appelait le guichet fermé. Or, on dit: Une
fois qu'une association requérante a fermé le guichet, qu'on est
allé dans l'usine et que les travailleurs ont rejeté
l'implantation du syndicat, elle ne peut pas présenter une nouvelle
requête avant trois mois. S'il y a deux associations requérantes,
une qui a présenté la requête et qui a fermé le
guichet et une autre qui en a présenté une le lendemain, on ne
veut pas imposer à celle qui a présenté une requête
le lendemain et qui n'a jamais fait l'objet d'un vote d'attendre trois mois
après la décision des travailleurs. On veut lui permettre,
à elle, de déposer une requête. C'est l'objet de cet
article.
Le Président (M. Desbiens): Adopté? Le nouvel
article 22.1 est adopté. J'appelle l'article...
M. Cusano: Un instant...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Je suis en train de regarder cela.
M. Bélanger: Le ministre nous a présenté
l'hypothèse qu'une association avait fait une demande et avait donc
fermé le guichet et qu'une deuxième l'avait fait le lendemain. Il
a dit: On ne veut pas interdire à celle-ci de présenter une
nouvelle requête. Or, si elle l'a déjà
présentée, est-ce que sa demande ne deviendrait pas
automatiquement la première demande légale ou, si vous voulez,
admissible?
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Il y a la requête de A et
la requête de B. A dépose la requête et cela ferme le
guichet. Le commissaire part donc avec cela. Le commissaire qui reçoit
cela ne part pas le jour même. B dépose sa requête le
lendemain. Le commissaire prend le dossier et dit que c'est A qui a
déposé, donc B n'est plus dans le portrait et sa requête
est irrecevable en vertu de l'article 27.1. Il part avec la requête de A,
va à l'usine et les travailleurs rejettent le syndicat. On dit que
A ne peut plus présenter de requête dans les trois mois qui
viennent, mais on ne veut pas interdire à B, dont la requête a
été jugée irrecevable pour le motif qu'il l'avait
déposée le lendemain, de représenter une requête. On
ne veut pas le faire attendre trois mois.
M. Bélanger: C'est bien.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 22.1 est
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): J'appelle l'article 23. Est-ce
que l'article 23 est adopté?
M. Cusano: Un instant, M. le Président. M. Johnson
(Anjou): M. le Président...
M. Cusano: II n'y a pas de papillon à celui-là, M.
le Président?
Le Président (M. Desbiens): Oui.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je
dépose un papillon à l'article 23, qui est un amendement
de concordance. Le papillon est un amendement de concordance
également.
Le Président (M. Desbiens): L'article 23 du projet de loi
est remplacé par le suivant: "L'article 41 de ce code est
modifié: "1° par le remplacement, dans la première ligne du
deuxième alinéa, des mots "Nonobstant le deuxième
alinéa de l'article 32" par les mots "Malgré le troisième
alinéa de l'article 32; "2° par le remplacement du troisième
alinéa par le suivant: "Un agent d'accréditation chargé de
vérifier le caractère représentatif de l'association
envoie une copie de son rapport au requérant, à l'association et
à l'employeur. Ceux-ci peuvent contester ce rapport en exposant par
écrit leurs motifs au commissaire général du travail ou au
commissaire du travail saisi de l'affaire le cas échéant, dans
les dix jours de la réception du rapport, à défaut de quoi
une décision peut être rendue sans convoquer les parties en
audition."
Est-ce que l'amendement est adopté?
M. Johnson (Anjou): Essentiellement, M. le Président, la
formulation, sur le plan juridique, je l'avoue, est assez complexe. Cette
partie-là du code, d'ailleurs, concernant les délais, a toujours
été très complexe. Je dirai pour résumer le sens de
l'article 23, que, d'une part, on le fait par concordance avec les articles
antérieurs qu'on a adoptés sur l'accréditation et,
deuxièmement, par concordance, on dépersonnalise le rôle du
commissaire du travail. On a adopté un article, tout à l'heure,
qui permet au commissaire général de dessaisir un commissaire
d'un dossier. Or, les articles parlent toujours du commissaire qui avait le
dossier, alors qu'au fond il faudrait se référer au fait qu'il y
a un dossier au commissariat. Encore une fois, il ne s'agit que d'articles de
concordance au niveau des délais et, deuxièmement, des
conséquences du dessaisissement d'un dossier d'un commissaire, pour ne
pas invalider une procédure du simple fait que ce n'est pas le
même commissaire qui était là avant l'audition. J'ai
l'impression qu'on va en discuter lundi.
M. Cusano: Pardon?
M. Johnson (Anjou): Est-ce qu'on a le consentement pour continuer
jusqu'à 3 heures?
Une voix: J'ai l'impression qu'on va en parler jusqu'à 6
heures.
M. Cusano: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Viau.
M. Cusano: En réponse au ministre, je n'aime pas
travailler avec des menaces et, par le fait qu'on nous impose la guillotine,
cela nous met dans la position de ne pas pouvoir continuer. Vous nous avez fait
très mal en ce sens, M. le Président. Comme vous le voyez, ce
soir, on a passé à travers plusieurs articles et cela devient
intéressant. Cela démontre notre souplesse.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que...
M. Cusano: On va adopter l'article 23.
Le Président (M. Desbiens): L'amendement à
l'article 23 et l'article 23 sont-ils adoptés tels
qu'amendés?
M. Cusano: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Adopté. Alors, il est
minuit. La commission élue permanente...
M. Johnson (Anjou): Est-ce qu'on a le consentement pour
continuer, M. le Président?
M. Bélanger: Même si on voulait donner notre
consentement, l'ordre de l'Assemblée nationale veut qu'on termine nos
travaux à minuit.
Le Président (M. Desbiens): Alors, la commission
élue permanente du travail ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à minuit)