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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Tuesday, June 7, 1983 - Vol. 27 N° 88

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes en regard du projet de loi 17 - Loi modifiant le Code du travail et diverses dispositions législatives


Journal des débats

 

(Onze heures cinquante et une minutes)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre s'il vous plaît;

Messieurs les membres de la commission, mesdames et messieurs qui vous êtes rendus pour participer à ces travaux, la commission parlementaire du travail reprend ses travaux. Le mandat de cette commission est d'entendre certains organismes en regard du projet de loi 17, Loi modifiant le Code du travail et diverses dispositions législatives.

Les membres de cette commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Cusano (Viau), M. Dean (Prévost), M. Johnson (Anjou), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lafrenière (Ungava), M. Leduc (Fabre), M. Fortier (Outremont), M. Payne (Vachon), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) et M. Rochefort (Gouin).

Les intervenants de cette commission sont: M. Bélanger (Mégantic-Compton), M. Champagne (Mille-Îles), M. Page (Portneuf), M. Polak (Sainte-Anne), M. Proulx (Saint-Jean) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Je demanderais maintenant aux membres de la commission de désigner une personne qui fera rapport à l'Assemblée nationale.

M. Dean: M. le député de Vachon.

Le Président (M. Blouin): Le député de Vachon est proposé. D'accord. Le député de Vachon sera rapporteur de cette commission.

Je vais maintenant donner la lecture de l'ordre du jour de cette commission. Vous savez que nous avons un horaire assez chargé. Nous nous excusons d'abord du retard à commencer ces travaux; nous avons dû assister à une importante décision que rendait le président. Nous devons terminer nos travaux vers minuit ce soir. Nous avons un certain nombre d'organismes à entendre. Je vais donc demander à ceux-ci de présenter leur position de la façon la plus claire évidemment, mais aussi la plus succincte possible pour que nous puissions, dans une période d'environ 45 minutes, entendre les différents organismes qui ont manifesté le désir de présenter des avis sur ce projet de loi.

Je vais donc appeler les organismes et je demanderai aux responsables de ces organismes de nous faire savoir s'ils sont présents.

Le Conseil du patronat du Québec.

L'Union des municipalités du Québec et l'Union des municipalités régionales de comté du Québec. Vous y êtes, oui. Répondez si vous y êtes.

La Fédération des travailleurs du Québec, vous y êtes.

La Confédération des syndicats nationaux. Ces gens ne sont pas encore là.

La Centrale des syndicats démocratiques. Ces gens ne sont pas encore là.

La Fédération des pompiers professionnels du Québec. Ils ne sont pas là, non plus.

La Fédération des policiers du Québec. Ils sont là.

La Chambre de commerce de la province de Québec. Les gens sont là.

L'Association des manufacturiers canadiens. Merci.

La Centrale de l'enseignement du Québec.

Je vous signale d'abord que la Conférence des arbitres du Québec a finalement décidé de déposer son rapport. Nous n'aurons donc pas à entendre cet organisme aujourd'hui.

Sans plus tarder, je demanderai au ministre des Affaires sociales de nous adresser quelques brèves remarques préliminaires.

M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je serai très bref dans mes commentaires. D'une part, j'excuse l'absence de mon collègue ministre du Travail qui, pour des raisons de santé transitoires, je crois, va être retenu à l'extérieur de son ministère comme de l'Assemblée nationale pendant un certain nombre de jours et peut-être jusqu'à trois semaines.

Par ailleurs, je me réjouis du fait que son adjoint parlementaire, le député Robert Dean, est sûrement en mesure de fournir à cette commission, aussi bien au niveau de l'audition des mémoires que des questions que l'on pourrait poser lors de l'étude article par article, après la deuxième lecture, l'expertise nécessaire en plus de tout le bagage historique qu'il a et de sa connaissance assez profonde de ce dossier. Je

m'en réjouis.

Avant de lui céder la parole, je parlerai sur l'ensemble du projet de loi. Il a quelques remarques qu'il fera en l'espace, me dit-il, de cinq à huit minutes. Je me permettrai de parler un peu de la marche de nos travaux. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec mon collègue de l'Opposition. Nous allons suspendre nos travaux à 12 h 30, à cause de certaines obligations de celui qui vous parle. Nous reprendrons à 14 h 15 jusqu'à 18 heures et nous reprendrons par la suite de 20 heures à 24 heures, et possiblement nous pourrons continuer, selon le cas, si nos collègues sont d'accord, un petit peu au-delà de minuit.

Nous avons donc devant nous onze groupes qui, normalement, devraient être entendus. Il y en avait douze, il y en a un de moins, compte tenu du désistement de la Conférence des arbitres qui a cependant déposé son mémoire, dont j'ai pris connaissance hier soir. Nous avons aussi un cadre extrêmement important qui a été fixé par l'entente intervenue entre les deux leaders. Il y a six commissions parlementaires qui siègent après la première lecture, donc qui entendent des groupes. Nous avons donc convenu, avec l'Opposition, qu'il y aurait une journée d'audition dans chaque cas. Nous devons donc organiser nos travaux de telle sorte que nous passions à travers l'ensemble des mémoires et de la période de questions avec nos invités en l'espace d'environ neuf heures; c'est le temps que nous avons à notre disposition pour faire ces travaux. Je crois que c'est possible. Cela donne environ 50 minutes par groupe.

Je dirai, pour ma part, que je souhaite voir les groupes qui nous font une présentation faire un sommaire de leur position, d'autant plus que certains d'entre eux ont déjà versé leur mémoire et que nous en avons pris connaissance; je présume que l'Opposition a pu en prendre connaissance également. C'est pour permettre aux députés, le cas échéant, de poser des questions et leur donner l'occasion d'obtenir des réponses adéquates, tout cela à l'intérieur d'environ 50 minutes par groupe. Je pense que nous pouvons y arriver si tout le monde y met un peu du sien.

Je cède donc, M. le Président, la parole à mon collègue, le député de Prévost, adjoint parlementaire au ministre du Travail.

M. Robert Dean

M. Dean: M. le Président, la démarche que nous entreprenons aujourd'hui s'inscrit dans une tradition québécoise, canadienne et américaine de législation du travail qui s'est développée depuis les années trente. Depuis ces années, dans toute l'Amérique du Nord, la législation ouvrière, la législation du travail, s'est regroupée autour de quelques droits fondamentaux: le droit fondamental des travailleurs de se grouper en syndicat pour la défense et la promotion de leurs droits économiques et sociaux; la reconnaissance de la négociation collective entre employeurs et employés comme mode de détermination privilégié par notre société, de détermination des salaires et des conditions de travail et, finalement, la question de l'exercice des droits des deux parties en cas de conflit, grève, lock-out, ou des conflits dans l'interprétation des conventions collectives. Sans exception, le but de la législation du travail au Québec, depuis la première loi sur les relations du travail, en 1944, comme la législation canadienne et américaine en cette matière, le but de la législation, dis-je, a toujours été d'encadrer, de baliser, de préciser, de définir, de nuancer les modes d'exercice de ces droits fondamentaux reconnus par notre société.

Je veux répéter ou reprendre les déclarations récentes du ministre du Travail et dire que nous sommes ici, aujourd'hui, pour se dire, en 1983, au Québec, comment se comportent ces droits fondamentaux, comment se comporte la réalité de l'exercice du droit d'association des travailleurs, comment se comporte cette réalité de la négociation collective et cet exercice des droits mutuels en cas de conflit. Le gouvernement - cela a été exprimé dans le discours inaugural et répété à de nombreuses reprises par le ministre du Travail récemment - a choisi d'aller au plus pressé avec le projet de loi no 17 et de voir à pallier, à combler certaines lacunes évidentes dans le système, le mécanisme actuel d'exercice de ces droits fondamentaux, et de déclencher dans un deuxième temps une plus vaste consultation, une plus vaste réflexion sur la possibilité d'une réforme plus en profondeur du Code du travail où on reverrait alors, à la lumière de la réalité de 1983, justement l'exercice du droit d'association par les travailleurs, l'exercice de la négociation collective par les employeurs et les travailleurs groupés en associations et tous les autres mécanismes de la loi qui entourent ces droits. C'est dans cet esprit et dans ce contexte que nous entreprenons cette commission parlementaire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Prévost. M. le député de Brome-Missisquoi, vos remarques préliminaires.

M. Pierre-J. Paradis

M. Paradis: M. le Président, je remercie l'ancien ministre du Travail d'être présent aujourd'hui en remplacement de son collègue qui est en repos à cause de la maladie. Je déplore quand même un peu le cadre dans lequel on se retrouve aujourd'hui.

Le projet de loi a été déposé le 19 mai 1983. On est au mois de juin, en fin de session, et les onze organismes qui comparaîtront auront finalement peu de temps, ainsi que les députés qui ont de nombreuses questions à leur poser. C'est le cadre qu'a choisi le gouvernement. Nous ne sommes pas à l'aise dans ce carcan. Je ne pense pas non plus que nos invités le soient. Nous allons quand même tenter d'apporter le plus de lumière possible dans ce cadre que le gouvernement nous a fixé.

Je déplore l'ambiguïté gouvernementale dans le domaine des relations du travail. Je pense que je ne suis pas le seul à le déplorer. Mes collègues de l'Opposition, le monde patronal et le monde syndical déplorent le manque d'orientation du gouvernement dans ce domaine si important, ce domaine économique, ce domaine social. Force nous est de constater que, depuis la venue au pouvoir du Parti québécois, du gouvernement péquiste, on a vu passer quatre ministres comme ministre du Travail. Le premier, Jacques Couture, qui a été là sept mois; le deuxième, Pierre-Marc Johnson, qui a été là plus de trois ans; le troisième, Pierre Marois, qui a été là deux ans et présentement le député de Sherbrooke et ministre du Travail, Raynald Fréchette. Celui qui peut-être en a dit le plus parce qu'il a été là plus longtemps, mais qui n'en a pas tellement fait plus que les autres, c'est l'ancien ministre du Travail, Pierre-Marc Johnson.

Je relisais le journal des Débats. C'est toujours inspirant à la veille d'une commission parlementaire de relire le journal des Débats et les déclarations du ministre. Pierre-Marc Johnson, lors du débat de deuxième lecture, le 23 août 1977, du projet de loi 45, déclarait: "Force nous est de constater que le Code du travail est un outil qui a besoin d'être un peu rafraîchi et c'est pourquoi le gouvernement a l'intention de procéder à une refonte de l'ensemble du droit du travail." Force nous est de constater que le ministre n'y a pas donné suite, ni son successeur immédiat, ni son successeur actuel. Il n'y a pas vraiment de refonte en profondeur du Code du travail qui est envisagée.

Quelles en sont les conséquences? Les conséquences, le ministre des Finances du gouvernement du Parti québécois nous en a parlé le 16 novembre 1982. Il nous a parlé des conséquences sur les milieux d'affaires. M. Parizeau disait ce qui suit: "Deuxièmement, sur le plan des relations du travail, il y a quelque chose d'indiscutable, il y a une sorte de flottement chez les hommes d'affaires à l'heure actuelle qu'il nous faut clarifier assez rapidement." On était en novembre 1982. "Devant les syndicats qui nous demandent souvent l'accréditation multipatronale, les milieux patronaux pour qui l'accréditation multinationale représente une sorte de danger perçu comme étant mortel et toute une série de formules intermédiaires, je pense qu'il est très important qu'assez rapidement nous clarifiions la position gouvernementale à l'égard de ces questions et qu'on puisse dire aux milieux d'affaires: Voici la politique que le gouvernement entend suivre. Nous avons là une responsabilité de clarification et de précision de nos positions. Je me rends trop bien compte, dans les milieux d'affaires, à quel point c'est important." C'est une citation du ministre des Finances le 16 novembre 1982.

J'espère que les gens qu'on entendra, qui nous viennent du milieu patronal, auront des clarifications et que le gouvernement aura pris ses responsabilités.

Quant aux milieux syndicaux, Gilles Lesage, dans le Soleil du 20 janvier 1982 -on était en novembre avec la déclaration du ministre des Finances et on retourne en janvier 1982 avec Gilles Lesage - nous dit: "Mais il faut constater que, même avec son préjugé favorable aux travailleurs, sinon aux syndicats, il n'a pas réussi - il parle du gouvernement actuel - loin de là, à susciter le consensus et la concertation. C'est un constat d'échec dont il faut prendre acte."

M. le Président, si les milieux patronaux et les milieux syndicaux veulent avoir des clarifications, l'Opposition libérale en veut également. Est-ce que le projet de loi qu'on étudiera en deuxième lecture dans peu de temps nous apportera ces clarifications? J'aimerais que les gens qui viennent nous rendre compte de leurs observations aujourd'hui nous donnent le fond de leur pensée sur l'action ou le manque d'action gouvernementale. J'aimerais également que les intervenants nous disent comment ce qu'on trouve dans le projet de loi qui nous est soumis par le gouvernement actuel, le projet de loi no 17, va stimuler l'économie, favoriser le maintien et la création de l'emploi pour les employeurs et les travailleurs du Québec. Est-ce qu'on a quelque chose dans ce texte de loi qui favorise la stimulation de l'économie, le maintien et la création de l'emploi au Québec? C'est un préavis de question que j'adresserai à tous les intervenants pour que cela se déroule plus rapidement. Sur ce, on est encadré. Je laisse la parole au premier groupe d'intervenants.

Auditions

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Brome-Missisquoi. Je demande donc maintenant aux représentants du Conseil du patronat, d'abord, de se présenter pour les fins du journal des Débats et ensuite de nous livrer leur message. Ils nous ont demandé de procéder à la période de

questions à la reprise de nos travaux, soit à 14 h 15. Nous devons suspendre la séance à 12 h 30, alors je présume que...

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pense que nous pourrions entendre ce matin l'exposé du Conseil du patronat et nous réserver une période de questions pour l'après-midi, mais peut-être pas au moment de la reprise exactement. Je sais que l'Union des municipalités du Québec a des problèmes d'horaire, étant donné qu'elle a une réunion à 15 heures. Peut-être qu'à la reprise, on pourra entendre le mémoire de l'union et ensuite prendre le temps qu'il faudra avec le Conseil du patronat.

Le Président (M. Blouin): D'accord.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Je vous présente mes collègues. À ma droite, Me Edmund Tobin, directeur des relations de travail chez Domtar Ltée et membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre; M. Alexandre Beaulieu, président d'Alexandre Beaulieu Inc., une PME, et aussi membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre; à ma gauche, Me Pierre Gauthier, conseiller en relations de travail au Conseil du patronat, et Me Jacques Laurin, conseiller juridique chez MacMaster, Meighen.

Le Président (M. Blouin): Pouvez-vous vous identifier?

M. Dufour (Ghislain): Excusez-moi, Ghislain Dufour, vice-président exécutif au Conseil du patronat.

M. le Président, nous voulons d'abord offrir à M. Fréchette nos voeux de rétablissement et, en même temps, vous indiquer que, dans les circonstances, cette commission parlementaire prend peut-être pour nous une autre orientation. Nous sommes en effet impliqués dans le dossier avec le ministre, M. Fréchette, depuis décembre dernier. Nous avons eu l'occasion, tant au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qu'en d'autres occasions, de confronter nos points de vue, d'indiquer nos points d'accord et de désaccord. Notre mémoire a été rédigé avec ce tableau de fond et, bien sûr, il ne saurait être question pour nous de le modifier, même si nous avions un bon nombre de questions de clarification à adresser au ministre, M. Fréchette.

C'est donc dans la continuité des discussions que nous avons eues avec M. Fréchette que nous vous présentons notre mémoire. Avec tout le respect que nous avons pour le ministre, M. Johnson, avec qui nous avons déjà eu d'ailleurs, lors de l'étude du projet de loi no 45, l'occasion de discuter un bon nombre des questions que nous débattrons encore aujourd'hui, nous allons soumettre un mémoire que nous croyons devoir véhiculer les positions les plus franches possible du patronat québécois.

Le mémoire, quant à lui, fait 45 pages. Vous l'avez reçu. On va, bien sûr, le regarder à vol d'oiseau. On a eu, l'occasion lors du dépôt à l'Assemblée nationale du projet de loi et à la suite d'une analyse préliminaire de son contenu, d'indiquer que les amendements qui étaient proposés traduisent, quant à nous, presque exclusivement les pressions exercées sur le gouvernement par les syndicats au cours des dernières années.

Le CPQ résumait sa position en ces termes: C'est la même histoire qui se répète. Au bout du compte, série d'amendements après série d'amendements au code. C'est, une fois de plus, la marge de manoeuvre des entreprises qui se rétrécit. À cet égard, le conseil déplorait que le projet de loi resserre davantage encore les dispositions antibriseurs de grève et confie l'arbitrage d'une première convention collective à un arbitre unique.

Il disait ne pouvoir souscrire, notamment, à la disparition de la notion de bonne foi dans la négociation de la première convention collective, à la protection du code accordée à l'égard des refus d'embauche, à l'octroi, dorénavant, de l'accréditation sans qu'une association n'obtienne la majorité absolue des voix, à l'octroi à un salarié du recours à la procédure de grief dans les 30 jours de la date des événements donnant ouverture à un grief, peu importent les dispositions de la convention collective, etc.

En somme, disions-nous, le projet de loi, même si nous pouvons souscrire à plusieurs des amendements qu'il propose, se veut surtout une réponse à des demandes syndicales, en plus de comporter une série d'amendements techniques qui, loin d'accélérer les délais, risquent fort d'entraîner beaucoup de litiges tout en rendant la vie encore plus difficile aux entreprises, notamment les PME qui sont les plus pénalisées par ce projet. Nous avons depuis fait une analyse fouillée du projet et nous maintenons plus que jamais cette position.

Bien plus, nous tenons à rappeler que notre Code du travail est un des plus contraignants pour l'entreprise en Amérique du Nord et que toutes les contraintes additionnelles - c'est le cas, notamment, des dispositions antibriseurs de grève - qui rétrécissent encore la marge de manoeuvre des entreprises québécoises ne font qu'aider nos concurrents. Est-ce bien là l'approche à adopter?

Le CPQ rappelle également que jamais

le gouvernement n'a voulu tenir compte des propositions d'amendements au code qui lui sont faites par le patronat et les milieux d'affaires. Nous demandons pourquoi.

Pour le Conseil du patronat, les amendements proposés au code ne sont ni mineurs, ni neutres. Ils sont même, dans certains cas, fondamentaux et ils sont, quant à nous, nettement prosyndicaux. Pour réfuter cette thèse, certains ont allégué que le législateur avait cédé aux pressions patronales en n'instituant pas l'accréditation sectorielle ou multipatronale et en ne donnant pas suite à son projet d'amender les articles 45 et 46 relatifs à la sous-traitance. Une telle appréciation est inexacte. Dans le cas, en effet, des articles 45 et 46 sur la sous-traitance, les propositions d'amendements ne faisaient pas l'affaire des syndicats et, de toute façon, le dossier sur lequel s'appuyaient les rédacteurs de l'avant-projet de loi est actuellement devant les tribunaux supérieurs.

Quant à la négociation sectorielle, il s'agit pour nous d'un projet tellement inconcevable à sa face même qu'il demeurera toujours extrêmement gênant de féliciter un gouvernement qui n'y donnera pas suite.

Notre mémoire, ensuite, fait état, dans un chapitre complet, de nos positions de principe sur bon nombre de questions qui sont soulevées. Comme, pour nous, aujourd'hui, notre intention est surtout de nous référer à des questions de principe beaucoup plus qu'à des questions de technique, je vais surtout m'attarder à ce chapitre en parlant d'abord des dispositions antibriseurs de grève.

Dès le dépôt du projet de loi 45, en 1977, le CPQ avait formulé des objections de fond contre le fait qu'une entreprise soit forcée, à toutes fins utiles, de suspendre toute production de biens ou services pour la durée de toute grève survenant dans son établissement. Le CPQ s'opposait alors aux amendements proposés au Code du travail, notamment parce qu'il s'agissait là d'une orientation contraire à toute la philosophie qui inspire nos relations de travail en Amérique du Nord.

Le législateur est passé outre, à ce moment-là, aux représentations du monde patronal et il a doté le Québec d'un Code du travail qui impose aux entreprises de chez nous, notamment aux PME, des contraintes sans égales dans les autres provinces canadiennes.

Le CPQ ne peut aujourd'hui que s'opposer vigoureusement à tout projet d'amendement au code qui vise à réduire encore davantage les droits de l'entreprise québécoise déjà sérieusement défavorisée à ce chapitre par rapport à ses concurrents. (12 h 15)

Nous citons les auteurs Arthurs, Carter et Glasbuk qui disent que, vraiment, la législation québécoise doit être vue comme un éloignement tout à fait dramatique de la règle normale des relations de travail au Canada. Les dispositions actuelles font déjà figure de proue par rapport aux dispositions en vigueur dans les autres juridictions. Les modifications proposées qui affectent, je le répète encore, particulièrement les PME accentueront le déséquilibre actuel en faveur des grévistes. Elles imposent la fermeture pure et simple de l'entreprise pendant la grève sans imposer de contrepartie. Nous réaffirmons donc le principe fondamental selon lequel toute entreprise a le droit strict de poursuivre ses activités normales pendant une grève.

Sur le régime d'arbitrage, les amendements proposés font disparaître la possibilité de recourir à un conseil ou au tribunal d'arbitrage pour imposer un arbitre unique accompagné d'assesseurs qui seraient nommés par chacune des parties. Les assesseurs, contrairement aux arbitres antérieurement nommés par les parties patronale et syndicale, ne pourraient participer activement à l'audition ni rédiger une dissidence écrite.

Les dispositions actuelles, qui sont très récentes d'ailleurs, confient à un conseil d'arbitrage la tâche de fixer les modalités d'une première convention collective, et cela a été annoncé par le projet de loi 45. Les deux seules autres juridictions, la Colombie britannique et le fédéral, qui ont édicté l'arbitrage obligatoire du contenu d'une première convention à défaut d'entente entre les parties confient cette tâche délicate au Conseil des relations de travail. C'est à bon escient que le législateur québécois a voulu confier cette responsabilité à un conseil d'arbitrage plutôt qu'à un arbitre unique.

En effet, les dispositions d'une première convention collective revêtent une importance capitale et influenceront pendant longtemps la santé financière de l'entreprise. Une première convention collective imposée par une personne connaissant peu ou pas les caractéristiques propres au milieu où évolue une entreprise risque de contenir certaines dispositions qui pourraient mettre en péril la survie de cette entreprise. Le contenu d'une première convention collective est quant à nous trop important pour la vie de cette entreprise pour être laissé au jugement d'une seule personne.

Les amendements proposés au chapitre de l'arbitrage constituent de plus un chambardement du système actuel. Ces propositions auraient pour but, paraît-il, d'accélérer le processus d'arbitrage. Pourtant, en ce qui concerne les différends et les premières conventions collectives, rien n'indique qu'un arbitre unique et ses deux assesseurs pourraient procéder plus rapidement que ne le feraient trois arbitres dans le système actuel. De toute façon, il

n'est pas nécessaire de chambarder le système pour réduire certains des délais.

Si le choix des dates constitue dans certains cas une pierre d'achoppement pour un tribunal d'arbitrage, pourquoi le même problème ne se poserait-il pas pour l'arbitre unique et ses deux assesseurs? Plutôt que de chambarder tout le système actuel, il faudrait peut-être songer à imposer au président du conseil ou du tribunal d'arbitrage des délais statutaires - exemple: procéder à l'audition dans un certain délai -et à lui donner des pouvoirs contraignants sur les deux autres membres du conseil. Par exemple, le président pourrait fixer une date à l'intérieur d'un certain délai. L'arbitre syndical ou patronal pourrait le cas échéant se faire remplacer, etc. Nous réalisons que la Conférence des arbitres, dans son mémoire au niveau de l'arbitrage d'un premier contrat, d'une première convention collective, prend exactement la même position que nous dans ce dossier.

Le refus d'embauche prévu selon la modification à l'article 14 a pour but de favoriser quant à nous l'accès à la syndicalisation en assurant une meilleure protection du droit d'association, selon l'expression même des auteurs du document. Les employeurs s'opposent à ce que les nouvelles dispositions du code régissent l'embauche. Le critère premier à l'embauche doit demeurer la compétence. Il suffirait d'avoir exercé un droit résultant du code et de postuler un emploi pour alléguer le cas échéant un refus discriminatoire de la part de l'employeur, selon la rédaction actuelle de l'article 14. Une présomption existerait alors selon laquelle le refus d'embauche aurait été fondé sur l'exercice de ce droit par le postulant. Telle que rédigée, cette proposition risque d'entraîner beaucoup de litiges.

Vous allez nous permettre rapidement deux commentaires sur deux thèmes qui ne sont pas dans le projet de loi 17 mais qui seront abordés par certains des intervenants: la sous-traitance et la négociation sectorielle.

Sur la sous-traitance, nous disons que c'est absolument nécessaire à une économie dynamique. C'est par ce système que l'élargissement de la base économique s'irradie dans une multitude de petites et moyennes entreprises spécialisées. C'est par ce système encore qu'une structure économique conserve une souplesse suffisante pour s'adapter constamment aux situations toujours nouvelles créées par la concurrence internationale.

Si notre législation comporte pour le système de sous-traitance des contraintes qui n'existent nulle part ailleurs, nous risquons vite de nous retrouver avec une structure industrielle complètement dépassée vis-à-vis de nos concurrents.

Sur la négociation sectorielle, M. le Président, nous avons déjà eu l'occasion de soumettre au ministre du Travail, M. Fréchette, en mars, un mémoire étoffé sur la négociation sectorielle ou multipatronale. On pourrait reprendre ici trois conclusions rapides de ce mémoire.

Le patronat considère qu'il n'a pas été prouvé que l'une ou l'autre des formules de négociation sectorielle ou multipatronale prônées par le syndicalisme actuellement pourrait constituer un remède efficace aux maux sociaux et économiques sur lesquels on prétend agir. Le patronat du Québec refuserait également d'être conscrit par une loi-cadre, ou par une autre forme d'intervention autoritaire de l'État, dans un mécanisme nouveau de relations du travail dont les résultats économiques et sociaux sont totalement imprévisibles et qui nous situerait d'un coup, une fois de plus, dans un cadre tout à fait différent de celui dans lequel vivent les autres entreprises d'Amérique du Nord. Et finalement, nous affirmons que le gouvernement s'engagerait dans une impasse s'il mettait de l'avant une politique visant à encourager de diverses façons une plus grande centralisation des relations du travail dans l'ensemble de la vie économique. Au contraire, il est souhaitable, notamment dans le secteur public, de décentraliser en partie ce qui a été centralisé au cours des dernières années.

Le deuxième chapitre, M. le Président, est une analyse, article par article, du projet de loi. Il ne s'agit pas de la reprendre. Je voudrais tout simplement faire référence à trois problèmes plus particuliers qui sont l'accréditation sans majorité absolue, la notion de bonne foi qui est maintenant disparue dans l'arbitrage de la première convention collective et la question de la procédure de grief.

Selon la modification qui est suggérée, il serait maintenant possible, en période de maraudage, d'être accrédité sans obtenir la majorité absolue des voix des salariés de l'employeur. Le commissaire devra accréditer, entre les associations qui sont en lice, celle qui a obtenu le plus grand nombre de voix. Cette modification, pour nous, déroge à la règle selon laquelle l'accréditation est accordée à l'association qui obtient la majorité absolue des voix des salariés visés par la requête en accréditation. L'accréditation doit être accordée, selon la règle actuelle, à l'association qui obtient la majorité des voix des salariés visés par la requête en accréditation. Cette dérogation à la règle de la majorité absolue ne se justifie pas. S'il est regrettable, bien sûr, de constater qu'une association pourrait se voir refuser l'accréditation parce qu'elle n'a obtenu que 48% ou 49% des voix, il serait encore plus regrettable d'accréditer une association qui n'obtiendrait que 29% ou 30%

des voix. Ces modifications ouvrent la porte à des accréditations à rabais, sans majorité absolue, et inciteront les syndicats au maraudage ou à la collusion.

Sur la question de la détermination du contenu de la première convention collective, la modification qui est suggérée, c'est que l'arbitre pourrait décider de déterminer le contenu d'une première convention collective s'il constate qu'il est impossible que les parties s'entendent dans un délai raisonnable. Or, l'article actuel du code fait référence à l'article 53 qui oblige les parties à négocier de bonne foi. Cette référence disparue, alors qu'on nous parle de bonne foi dans les relations du travail depuis 1934, on peut imaginer des situations où l'une des parties désireuses de faire imposer les modalités d'une première convention collective prétendra ne pouvoir en arriver à la conclusion d'une convention collective dans un délai raisonnable. Quant à nous, il faut absolument conserver la notion de bonne foi.

Finalement, un mot sur le problème qui est soulevé quant à la procédure de grief et le salarié. Selon l'ajout actuel proposé au code, un salarié pourrait avoir recours à une procédure de grief dans les 30 jours de la date des événements donnant ouverture au grief, peu importent les dispositions de la convention collective. Sans égard au délai également, une partie peut recourir à l'arbitrage si l'autre partie refuse de donner suite au règlement intervenu. Ces dispositions nous sont inacceptables. D'abord, si le code accorde 30 jours au salarié pour produire son grief, les futures conventions collectives prévoiront des délais de 45 à 60 jours. Les délais prolongés sèmeront l'insécurité, d'autant plus que ce qui est recherché par le projet de loi 17, c'est de raccourcir les délais, ce n'est pas de les prolonger. Cela va complètement à l'opposé de la philosophie qui est proposée. L'article 100.0.2 tel que rédigé actuellement détruit également le mécanisme de la transaction ou du règlement. La partie qui ne voudrait pas donner suite au règlement devrait être forcée d'honorer sa parole.

Notre troisième chapitre, M. le Président - et je fais vite - rappelle au ministre du Travail et au gouvernement les propositions patronales faites au cours des dernières années et qui n'ont jamais été retenues par le législateur. Nous revenons sur des problèmes qui, quant à nous, sont assez simples, des problèmes de définition, définition de la grève, par exemple. Avez-vous remarqué qu'au Code du travail, actuellement, il n'y a même pas de définition du mot "syndicat"? On suggère des moyens pratiques d'accélérer le processus décisionnel. Nous suggérons, par exemple, que toutes les plaintes en activité syndicale faites en vertu de l'article 14 soient dirigées directement au Tribunal du travail au lieu d'être dirigées au commissaire-enquêteur.

Nous avons une proposition très concrète pour accélérer les mécanismes d'accréditation, c'est la législation que l'on trouve en Nouvelle-Écosse, le vote instantané dans les cinq jours. Nous considérons que cette proposition serait beaucoup plus efficace que celle qui nous est suggérée actuellement dans le code. Nous donnons également notre aval à la proposition qui a déjà été faite par le commissaire général du travail à l'effet d'inclure, au moment d'une requête en accréditation, les cartes des membres. Quant à nous, cela éviterait beaucoup de requêtes souvent mal fondées et cela aurait vraiment comme objectif d'accélérer les délais.

Nous revenons sur notre proposition en ce sens d'avoir un exercice éclairé du droit de grève davantage compréhensible et nous faisons un certain nombre de propositions relativement aux pratiques déloyales.

En conclusion, ce matin, nous vous avons fait circuler un document de quatre pages. C'est sur celui-ci que je voudrais revenir et sur deux arguments dans tout le débat. J'imagine que ce document a été distribué; oui. Deux arguments sont régulièrement avancés par le ministère du Travail pour justifier les amendements annoncés au code: premièrement, la nécessité de déjudiciariser les relations du travail quand il s'agit de questions qui relèvent du bureau du commissaire général du travail, puisque la judiciarisation a entraîné des délais qui se sont accentués par le grand nombre de recours en révocation à la Cour supérieure; deuxièmement, la nécessité de réduire les délais qu'engendre le mécanisme actuel prévu par le code.

Pour ce qui est du premier problème, cela ne tient pas. Les statistiques relatives aux décisions contestées du tribunal et des commissaires du travail pour les années 1980 et 1981 vous sont données en annexe. Les statistiques révèlent qu'il n'y a eu, au total, que 31 décisions contestées sur un total de 6575 dossiers en 1980, donc à peine 0,5%. En 1981, il y a eu à peu près 8400 dossiers et seulement 53 de ceux-ci ont fait l'objet d'une contestation, donc 0,6%. Quant à nous, il faut éviter de véhiculer l'idée que les mécanismes mis en place en 1969 ont conduit à une judiciarisation poussée du système, ce qui n'est, à l'évidence, pas le cas.

Quant au deuxième argument, il est bien évident que certains amendements au Code du travail pourraient permettre d'accélérer les délais d'accréditation. Si vous voulez, cet après-midi, on identifiera des amendements avec lesquels on est d'accord et qui pourraient faciliter les délais. Mais force nous est de constater qu'un bon nombre de délais ne sont point imputables au Code du travail et qu'il incombe aux

responsables du ministère du Travail de résoudre plusieurs problèmes administratifs, tant au bureau du commissaire général du travail qu'au Tribunal du travail. Les statistiques que nous vous présentons permettent de constater en effet au moins deux choses. Plus de 70% des questions que traitent les commissaires du travail ne concernent pas l'accréditation parce que le législateur leur a confié, au cours des années, des problèmes qui ne relèvent théoriquement pas de leur compétence: la loi 101, la loi 17, la Loi sur les normes du travail, etc. Actuellement, avec la loi 101 -je ferai cela très court - toutes les requêtes pour simplement modifier le nom d'un syndicat ou le nom d'une compagnie, en ce qui a trait à la francisation, font partie de ces 70%.

Finalement, la charge de travail du personnel du bureau du commissaire général du travail est plus élevée au Québec que dans les autres juridictions canadiennes et c'est très facile à démontrer. (12 h 30)

On conclut en posant la question suivante, et nous rejoignons ainsi M. Paradis: Pour qui a été rédigé le projet de loi 17? Est-ce que cela va aider des chômeurs? Est-ce que cela va créer des emplois? Est-ce que cela va surtout aider les PME? On voudrait bien qu'on réponde à ces questions. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dufour. Tel que convenu, nous allons poursuivre cet échange avec le Conseil du patronat du Québec au retour, à 14 h 15, une fois que nous aurons pu disposer de l'Union des municipalités du Québec et de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec. Sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 h 15.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise de la séance à 14 h 21)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

Pour la reprise de nos travaux, nous accueillons les représentants de l'Union des municipalités du Québec - s'il vous plaît! -ainsi que les représentants de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec. Je demanderai donc, tout en leur souhaitant la bienvenue, aux représentants de ces organismes de se présenter, aux fins du journal des Débats, et ensuite de nous livrer le contenu de leur mémoire tout en leur signalant que nous avons un horaire qui est assez strict. Je vous demanderais, dans la mesure du possible de condenser votre intervention en une vingtaine de minutes ou moins.

Union des municipalités du Québec

M. Dufour (Francis): M. le Président, je voudrais en premier lieu remercier le ministre du Travail, M. Fréchette, qui nous a invités à exposer notre point de vue à cette commission parlementaire portant sur le projet d'amendement au Code du travail. Bien sûr, on comprend que M. Fréchette soit absent pour maladie. Je voudrais lui souhaiter un prompt rétablissement.

Je voudrais en profiter en même temps pour vous présenter les gens qui m'accompagnent: à ma droite, Me Alain Bond, de la ville de Montréal, M. Gilbert Desgagné, directeur des relations de travail de l'Union des municipalités du Québec, M. Robert Dutil, maire de Saint-Georges-de-Beauce et président du comité de police de l'Union des municipalités du Québec, et moi-même, Francis Dufour, maire de Jonquière et président de l'Union des municipalités.

L'essentiel de notre intervention, dont nous vous avons remis une version détaillée, portera sur les propositions du ministre touchant au régime d'arbitrage des différends chez les policiers et les pompiers municipaux. Nous nous sommes également attardés sur les amendements projetés au chapitre des droits de l'employeur au moment d'un arrêt de travail.

En premier lieu, je me dois de souligner que l'Union des municipalités du Québec a été extrêmement déçue des dispositions législatives proposées dans le but de corriger les lacunes du mécanisme arbitral actuellement en vigueur. Dans le discours qu'il a prononcé le 30 avril dernier, à la clôture de notre congrès annuel, le premier ministre René Lévesque avait pris l'engagement ferme de modifier en profondeur le système actuel, celui-ci laissant le champ libre, selon ses propres termes, à des résultats qui sont franchement aberrants et parfois même ruineux. Les propos du premier ministre, qui font d'ailleurs office de préface à notre mémoire, nous avaient fortement réjouis en nous laissant croire à une véritable volonté gouvernementale de régler le problème dans les plus brefs délais. Malheureusement, à la lecture du projet de loi 17, nous avons dû nous rendre à l'évidence que les changements projetés sont si minimes qu'ils risquent tout au plus de faire perdurer une situation déjà intolérable tant pour les administrations locales que pour l'ensemble de la population.

Cette situation, l'Union des municipalités l'a dénoncée à plusieurs reprises au cours des dernières années. Nous estimions, et nous le croyons toujours, que les hausses salariales démesurées accordées par les arbitres aux policiers municipaux sont profondément inéquitables et qu'elles vont carrément à l'encontre des politiques de restrictions budgétaires prônées et mises en

oeuvre par les différents paliers gouvernementaux.

En novembre 1981, l'Union des municipalités tenait un colloque sur la police municipale. Dans un document présenté à cette occasion, M. Jean-Michel Cousineau, professeur à l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal, avait identifié le système d'arbitrage de différends comme étant l'une des principales causes de la montée en flèche des salaires des policiers et pompiers municipaux. Selon le diagnostic posé par M. Cousineau et qui confirme notre expérience, cette tendance à la hausse est alimentée par une recherche continuelle de la parité salariale. À cet égard, écrivait l'auteur de l'étude, l'arbitrage constitue un mécanisme privilégié de transmission de la politique salariale syndicale. M. Cousineau concluait son étude en écrivant: "La progression salariale des policiers se détermine en dehors de tout contexte économique environnant pour ne s'appuyer que sur des mécanismes internes et le marché du travail des policiers est un îlot très étanche par rapport au monde qui l'entoure."

À la suite du colloque, l'union a mis sur pied un comité de police qui, pendant plusieurs mois, a tâché de préparer des formules de rechange au mécanisme d'arbitrage dont les lacunes sont devenues de plus en plus apparentes. À la fin de l'année 1982, nous avons remis nos recommandations au ministre de la Justice, M. Marc-André Bédard. En décembre de la même année, dans un aide-mémoire remis aux ministres du Travail, des Affaires municipales et de la Justice, l'Union des municipalités du Québec réitérait sa proposition, réclamant entre autres la mise sur pied de tribunaux d'arbitrage permanents composés de juges spécialisés en matière de salaire des policiers et pompiers, l'introduction de règles de preuve qui lieraient les juges dans le prononcé de la sentence, l'assujettissement des arbitres au respect des critères de décision dans la fixation des salaires.

Parmi ces critères, la capacité de payer des municipalités nous apparaissait comme un facteur d'une importance capitale. Depuis, notre position est demeurée fondamentalement la même. La situation pour sa part n'a pas changé non plus et des décisions arbitrales plus récentes n'ont fait que confirmer notre analyse. Il suffit de se rappeler qu'un arbitre, sous prétexte de rattrapage, a accordé 51% d'augmentation salariale pour une seule année aux policiers de Charlemagne. Je tiens également à souligner qu'en plus d'aboutir le plus souvent à des décisions favorisant nettement la partie syndicale, l'arbitrage dans sa forme actuelle est en lui-même un mécanisme très coûteux. Dans la seule région des Basses-Laurentides, les municipalités ayant fait face à l'arbitrage au cours de la dernière année ont du débourser au total pas moins de 165 000 $ en honoraires professionnels et autres frais connexes à tout le processus d'arbitrage. Encore une fois, ce sont les contribuables de chacune des municipalités qui, à la fin, se verront contraints de régler la note.

Pour toutes ces raisons, nous avons accueilli avec beaucoup d'enthousiasme la déclaration faite par le premier ministre à l'issue de nos assises. Il nous a semblé que M. Lévesque se rendait à nos principaux arguments, voulant que le fond du problème réside dans un manque d'encadrement des arbitres, leur décision reposant sur les seuls critères de l'équité et de la bonne conscience et ne tenant aucunement compte de la situation locale prévalant dans chaque municipalité et de la capacité de payer de chaque municipalité. Nous ne pouvons donc que déplorer que le projet de loi 17 n'apporte, à cet égard, pratiquement rien de nouveau.

Ainsi, l'union croit que le remplacement du conseil tripartite par un arbitre unique, ainsi que le propose l'article 30 du projet de loi, peut constituer un facteur d'amélioration du processus d'arbitrage de différends. Nous n'en sommes pas moins convaincus que la nomination d'arbitres permanents est nécessaire si on veut assurer l'impartialité des arbitres. Afin de pallier l'absence d'arbitres permanents, il nous apparaît judicieux de suggérer que soit constituée une liste annotée d'arbitres spécialisés dans l'arbitrage des différends chez les policiers et pompiers municipaux. La confection de cette liste qui serait sujette à une révision annuelle devrait s'effectuer en consultation avec les parties intéressées.

De plus, nous croyons que le ministre devrait envisager la création d'un secrétariat composé de spécialistes de différentes disciplines reliées au monde du travail. Le rôle d'un tel organisme serait de fournir diverses données dont les arbitres pourraient avoir besoin. Par ailleurs, l'Union des municipalités est en désaccord avec le principe énoncé par le ministre, selon lequel la présence d'assesseurs doit être conditionnelle à une entente préalable entre les parties. Nous croyons en effet que chaque partie devrait pouvoir désigner un assesseur, que l'autre le fasse ou pas. Nous acceptons cependant le principe qu'une telle nomination ne devrait pas retarder le début et la poursuite des auditions.

Pour ce qui est du fond du problème, l'article 35 du projet de loi amendant l'article 79 du Code du travail conserve l'obligation faite aux arbitres d'en référer à leur sens de l'équité et à leur bonne conscience. Dans un deuxième paragraphe, le législateur écrit que l'arbitre peut tenir compte entre autres de certains critères qui

sont détaillés dans les lignes qui suivent. Il n'est pas nécessaire d'être un légiste averti pour se rendre compte qu'une telle formulation laisse beaucoup de place à l'interprétation, qu'il s'agit tout au plus d'une faible mesure incitative qui ne résisterait pas longtemps à la pratique. Pourtant, quelques mots, quelques lettres même, suffiraient pour faire de l'article 79 la pierre angulaire d'un système arbitral renouvelé. Notre revendication porte à cet égard sur deux points: lier la décision de l'arbitre à la preuve qui lui est soumise par les parties, notamment au contexte local et donner au deuxième paragraphe de l'article 79 un caractère impératif.

L'article 79 du code pourrait donc être libellé comme suit: L'arbitre doit, avant d'agir, prêter serment de rendre sentence selon l'équité et la bonne conscience. Je veux attirer votre attention sur le début de l'autre article. Cela n'est pas écrit dans le mémoire; on pourra vous faire parvenir un papillon, vous devez être familiers avec ce genre de décision. Pour rendre sa sentence, l'arbitre doit tenir compte de la preuve faite lors de l'audition et, notamment, des conditions de travail applicables aux autres salariés de l'entreprise. Ces modifications constituent à notre sens la solution la plus adéquate, la plus réaliste aussi à un problème qui n'a déjà que trop duré. Le malaise est trop grave pour que la simple évocation d'un remède puisse en venir à bout. Cela prend au contraire une action déterminée, efficace et bien articulée traçant sans aucun flou artistique des balises à l'intérieur desquelles les arbitres devront rendre leur sentence.

Devant les tensions industrielles qui résultent du traitement de faveur dont bénéficient les policiers et pompiers municipaux, compte tenu du contexte économique actuel, devant les aberrations auxquelles conduit le système en vigueur, il faut à tout prix réduire au maximum la part d'arbitraire qu'il peut y avoir dans les décisions des arbitres. Or, l'amendement proposé ne ferait que consacrer la pratique actuelle, ainsi que nous le démontrons dans notre mémoire.

Le deuxième pragraphe de l'article 79, tel qu'il a été rédigé, ne constitue d'ailleurs ni plus ni moins qu'un emprunt à l'article 93.6 du Code du travail. Or, c'est précisément sur cet article 93.6 que se sont appuyés les arbitres dans leur sentence touchant la ville de Charlemagne. Il nous semble donc que le projet du ministre n'introduit à cet égard qu'une modification bidon ne répondant en rien aux demandes maintes fois formulées par l'Union des municipalités au nom de toutes les incorporations municipales du Québec.

Dans le projet de loi 17, le ministre propose en outre d'éliminer l'article 99 du

Code du travail. Cet article établissait une limite - en l'occurrence, douze mois - au-delà de laquelle une sentence ne pouvait rétroagir. Nous nous opposons fermement à la disparition de cette limite et nous trouvons pour le moins étrange que le ministre, tout en prétendant essayer d'accélérer le processus d'arbitrage, propose une mesure qui entraînera inévitablement des délais et des coûts supplémentaires. Nous sommes enfin d'accord avec le ministre sur sa proposition touchant l'article 92 du Code du travail et visant à établir à une durée minimale d'un an pour un maximum de deux ans, le temps de juridiction d'une sentence arbitrale.

En plus de l'ensemble des recommandations touchant à la question de l'arbitrage de différends, l'Union des municipalités s'oppose aux modifications projetées à l'article 109.1 du Code du travail. Ces modifications auraient pour effet de réduire davantage la marge de manoeuvre des municipalités en cas de grève de leurs employés ou en cas de lock-out. Les municipalités seraient particulièrement touchées par les paragraphes a et e de l'amendement proposé, soit par l'interdiction d'octroyer un contrat de sous-traitance pendant la durée d'une grève ou d'un lockout et par l'interdiction pour un employeur de déplacer un employé-cadre de ses établissements vers un autre établissement dans lequel sévit une grève.

Nous croyons que les dispositions antibriseurs de grève en vigueur actuellement sont déjà largement suffisantes et contraignantes pour les municipaliés dont la vocation première est, ne l'oublions pas, de veiller au bien-être de leurs citoyens. C'est pourquoi nous croyons que les employeurs municipaux doivent être en mesure de maintenir au travail les employés des sous-traitants dont les contrats précèdent le début d'une grève. Il nous apparaît également important que les municipalités puissent conserver le droit d'utiliser les services de leurs employés-cadres pour l'exécution des tâches municipales les plus urgentes. C'est une question d'intérêt public. Bref, nous proposons qu'à ce chapitre le législateur s'en tienne au statu quo et que l'article 109.1 du Code du travail soit conservé dans sa forme actuelle.

En conclusion, j'aimerais revenir sur toute la question de l'arbitrage de différends qui est, ainsi que je l'ai déjà souligné, à la source de problèmes particulièrement aigus pour les municipalités. Dans un texte qui a été publié dans le journal La Presse en février dernier et que nous avons annexé à notre mémoire, le vice-président du comité exécutif du Conseil du patronat du Québec, M. Ghislain Dufour, a exposé avec maîtrise la position défendue depuis déjà fort longtemps par l'Union des municipalités du

Québec.

Brièvement résumée et reformulée pour la circonstance, cette position pourrait se lire comme suit: Dans sa décision finale, le législateur doit absolument tenir compte du fardeau extrêmement lourd que les arbitres ont mis sur les épaules de certains élus locaux depuis octobre 1982. Les salaires versés aux policiers représentent une part importante de la masse salariale des municipalités. La situation actuelle crée, en outre, une situation d'inéquité au sein des municipalités et il en résulte des tensions croissantes entre les différents corps d'employés municipaux.

Encore une fois, cette situation ne peut plus durer. D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à mettre en cause l'impact du mécanisme d'arbitrage dans l'établissement des conditions de travail des employés du secteur public. En décembre dernier, selon les propos rapportés par le journal La Presse, le ministre québécois des Finances, M. Jacques Parizeau, avait affirmé, et je le cite, que: "L'arbitrage obligatoire est un moyen simple et direct pour ruiner des finances publiques."

Le ministre des Affaires sociales, M. Pierre-Marc Johnson, avait pour sa part affirmé dans une entrevue accordée au magazine L'Actualité que l'arbitrage sur le plan financier lui apparaissait comme une chose inacceptable. M. Johnson avait posé la question suivante: Va-t-on laisser à des arbitres le soin de trancher dans 50% du budget de l'État? Toute proportion gardée, cette même interrogation s'applique aussi au monde municipal et nous croyons que la réponse à cette question passe nécessairement par un encadrement aussi précis que possible de l'action des arbitres dont les décisions ne peuvent plus faire abstraction de la capacité de payer des employeurs municipaux.

C'est là en définitive le sens de nos représentations et je veux vous remercier. En même temps, je voudrais peut-être vous rappeler que - parce que cela se fait assez rapidement - à la page 12 de notre mémoire, parce que là c'est plutôt notre position, à la première ligne de la page 12, c'est: Nous croyons qu'il est tout à fait "inapproprié", au lieu d'"approprié", d'introduire des mesures additionnelles. Page 12, à la fin de notre dossier, du mémoire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dufour. Est-ce que je dois comprendre que votre position est également celle de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec? C'est une simple question...

M. Dufour (Francis): II semble que l'Union des municipalités régionales de comté va présenter son propre mémoire. Je ne sais pas si on sera d'accord ou non.

M. Dean: Est-ce que cela veut dire qu'il y a une division du temps en deux ou est-ce que tout le monde a...

M. Fortier: Écoutez, oui, normalement, on croyait que c'était un seul mémoire, mais je pense qu'étant donné l'importance, on devrait se mettre d'accord pour donner...

M. Johnson (Anjou): Et ensuite, les questions aux deux?

M. Fortier: Oui, ensuite.

Le Président (M. Blouin): Nous demanderions à l'Union des municipalités régionales de comté de présenter immédiatement sa position et nous pourrions par la suite procéder à une période d'échanges avec...

M. Fortier: À moins qu'il ne s'agisse...

Le Président (M. Blouin): Est-ce que cela pourrait aller comme cela?

M. Fortier: Est-ce qu'il s'agit de deux mémoires...

M. Dufour (Francis): Ce sont deux mémoires complètement différents. Pour nous, on a été convoqués à la commission parlementaire comme Union des municipalités.

M. Fortier: D'accord.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous permettez. Vu qu'à certains égards, ces deux mémoires - et je fais la distinction entre l'organisme que vous présidez, M. Dufour, et celui que préside le collègue maintenant à votre gauche, sans commentaires idéologiques à cet égard... Je pense que, comme il y a des objets qui sont analogues, tout au moins, dans les deux mémoires, peut-être qu'on pourrait entendre le mémoire de l'Union des municipalités régionales de comté et ensuite procéder à la période de questions adressées à l'un et à l'autre, dans un cas comme dans l'autre.

Le Président (M. Blouin): Effectivement, il y a des arguments qui touchent précisément les mêmes objets et qui ont les mêmes objectifs. Je demanderais, si possible, de pouvoir très succinctement résumer ces arguments pour que nous ne reprenions pas inutilement ce qui vient d'être énoncé. D'accord?

M. Dean: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député.

M. Dean: C'est une question de clarification. Je comprenais que les deux organismes du monde municipal partageaient une heure entre eux. Est-ce que c'est exact?

Le Président (M. Blouin): C'est également ce que j'avais saisi.

M. Dufour (Francis): Ce n'est pas le sens de notre convocation, mais écoutez un peu, vous êtes en train de concrétiser peut-être dans les faits ce qui devrait exister; nous n'avons pas d'objections.

Le Président (M. Blouin): Si nécessaire, je crois que nous pourrons tout de même excéder de quelques minutes le temps qui était prévu pour nous assurer que nous faisons le tour des questions très pertinentes que vous avez soulevées.

Je demanderais maintenant au représentant de l'Union des municipalités régionales de comté de se présenter, de présenter aussi les gens qui l'accompagnent et de nous livrer, le plus succinctement possible, le contenu du mémoire.

Union des municipalités

régionales de comté et des

municipalités locales du Québec

M. Moreau (Jean-Marie): Je vous remercie, M. le Président, et je voudrais aussi remercier le gouvernement de nous avoir permis de nous faire entendre.

Evidemment, pour l'Union des municipalités régionales de comté, c'est la première fois que nous intervenons dans le domaine du travail et c'est aussi parce que la protection policière s'applique désormais à l'ensemble des municipalités qui dépassent 5000 personnes.

D'autres questions également en ce qui concerne les MRC où, dans l'avenir...

Le Président (M. Blouin): Je m'excuse, monsieur. Pour les fins du journal des Débats, je vous demanderais de bien vouloir vous identifier et d'identifier les gens qui vous accompagnent.

M. Moreau: Excusez-moi, M. le Président. Mon nom est Jean-Marie Moreau, président de l'Union des municipalités régionales de comté.

Les personnes qui m'accompagnent sont: Me Pascal Renaud, recherchiste à l'union et consultant au niveau juridique, et Me Gaétane Martel, directrice générale de l'union.

Le Président (M. Blouin): Merci, monsieur.

M. Moreau: Alors que le code ne prévoyait des sanctions sévères contre l'employeur que lorsqu'il entravait les démarches d'un groupe de salariés en vue de l'accréditation, le projet de loi 17 étend ces sanctions.

En effet, dorénavant, toutes représailles ou mesures discriminatoires prises contre un salarié à cause de l'exercice, par celui-ci, d'un droit qui résulte du code constitueront des pratiques déloyales pour lesquelles l'employeur pourra être poursuivi et le salarié indemnisé (article 2 du projet de loi 17). Cette mesure, par ailleurs louable, multipliera le nombre de plaintes et engorgera le travail des commissaires.

Dans un deuxième temps, le projet de loi élargit le champ des représailles prohibées par les articles où il est défendu à l'employeur de "congédier, suspendre ou déplacer un salarié". On ajoute à ces articles où ces mots apparaissent les mots suivants: "exerce à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles, ou lui impose toute autre sanction" (article 3 du projet de loi 17). En fait, par l'expression "toute autre sanction", le législateur laisse le conseil syndical seul juge de ce qui constitue une sanction contre un employé. Il est à craindre que des abus soient commis. La moindre peccadille pourrait faire l'objet d'une plainte au commissaire général du travail. La vertu du texte actuel était de circonscrire les motifs de plaintes. Le législateur n'irait-il pas trop loin?

Les articles 7 et 74 du projet de loi 17 autorisent le commissaire du travail à ordonner le paiement d'un intérêt sur le quantum au taux légal à compter du dépôt de la plainte. À ce taux peut être ajoutée la différence entre le taux légal et celui fixé suivant l'article 28 de la Loi sur le ministère du Revenu. Ceci aura pour effet d'augmenter les sommes à débourser. Par contre, il est logique qu'une somme due porte intérêt.

Il est important de noter que l'ordonnance de réintégration rendue en vertu de l'article 15 sera dorénavant exécutoire "malgré l'appel". Cette disposition risque fort d'envenimer considérablement un milieu de travail car la présence de l'employé réintégré peut être une provocation constante contre l'employeur. De plus, qu'advient-il des sommes payées pendant l'appel si, au terme de celui-ci, on en vient à admettre le bien-fondé du congédiement? Ne serait-il pas souhaitable, M. le Président, que ces dernières soient remboursées avec intérêt selon les mêmes modalités que celles prévues aux articles 7 et 74 du projet de loi 17?

Ces amendements, s'ils étaient seuls, pourraient à la rigueur être tolérés, mais, conjugués avec le reste du projet de loi 17, ils ne peuvent que susciter notre désapprobation. (14 h 45)

Les articles 10 et 13 du projet de loi 17 consacrent la règle du premier dépôt,

règle qui rend irrecevable toute requête en accréditation subséquente. Cette règle, mise en rapport avec l'article 17, aura des conséquences graves sur l'employeur municipal. L'effet conjugué de ces trois articles est de réduire au silence l'employeur et de l'empêcher de se défendre. Voici comment: dans le cas où l'article 12 du Code du travail n'a pas été respecté et, de plus, lorsque cette contravention survient lors d'une première demande d'accréditation.

Le nouvel article 32 empêchera l'employeur de se prononcer sur le caractère représentatif de l'association requérante. Ainsi, la corporation municipale non seulement subit les sanctions, mais encore perd le droit d'être entendue; ceci est inacceptable. Nous appuyons entièrement la proposition du Conseil du patronat du Québec qui conteste aussi l'article 17 du projet de loi considérant que l'exclusion de l'employeur du débat touchant le caractère représentatif ne pourra qu'envenimer les relations de travail subséquentes. L'attitude du gouvernement, résolument prosyndicale, bafoue complètement les droits des employeurs. Nous considérons que ces amendements méprisent la règle consacrée dans notre droit: audi alteram partem. Soulignons que l'amendement à l'article 32 soustrait également les autres associations de salariés au droit d'être entendu.

Si nous croyons que le gouvernement va trop loin dans les réformes qui précèdent, il dépasse les bornes par l'abrogation de l'article 99. Il est difficile de comprendre que le gouvernement exige des efforts considérables pour assainir les dépenses publiques en temps de récession économique et que, en même temps, il enlève aux corporations municipales le moyen de planifier les impacts d'une sentence arbitrale. Dorénavant, la municipalité devra payer immédiatement, même si elle n'en a pas les moyens. L'odieux de cette mesure sera assumé par les élus qui se verront accuser de mal gérer les finances des municipalités. Qu'on s'imagine l'impact dans un budget municipal d'une sentence arbitrale ordonnant une hausse des salaires des policiers de l'ordre de celle qu'ont à subir les municipalités présentement. Nous demandons au gouvernement de renoncer à l'abrogation de l'article 99 du Code du travail tel que proposé par l'article 59 de son projet de loi.

Enfin, l'article 88, qui amende l'article 109.1 du Code du travail, renforce les dispositions antibriseurs de grève. L'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec peut comprendre le bien-fondé de cette disposition du gouvernement, mais, alors, que ce dernier prouve son véritable désir de rendre plus justes les lois du travail. Nous exigeons des amendements stipulant que, pour qu'une grève soit légale, la majorité des membres admissibles au scrutin s'y déclarent favorables. Cette mesure est nécessaire pour éviter le genre de grève qu'on connaît à la CTCUM, par exemple, et partout ailleurs, où 8% ou 10% des membres inscrits à un syndicat décident la grève pour les 90% qui restent.

On peut, bien sûr, reprocher à cette proposition le fait qu'elle force les individus à se prévaloir du droit de voter sur l'opportunité d'une grève. On pourrait dire: Que ceux qui s'y opposent se donnent la peine de se rendre voter. Cependant, nous appuyons notre position sur les principes suivants: si le législateur modifie la loi afin de donner encore plus de garantie aux travailleurs dans l'exercice de leurs droits, que le gouvernement soit juste en haussant d'autant les garanties pour l'employeur à une application du droit de grève. Les autres dispositions du projet de loi 17 ne suscitent pas de commentaires de notre part.

En terminant, nous mettons en garde le gouvernement contre la tentation de minimiser l'importance du présent mémoire. On pourrait soutenir que le Code du travail n'influence pas trop la vie de nos membres puisque peu de municipalités locales ont des employés sous leurs ordres. N'oublions pas que les municipalités régionales de comté, dans l'avenir, auront de plus en plus besoin d'engager du personnel pour jouer le rôle qu'on attend d'elles. Nous déposons notre mémoire devant cette commission, nous réservant le droit de le compléter ultérieurement. Merci de votre attention, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Moreau. Maintenant, les membres de la commission vont intervenir avec, je l'espère, le plus de discipline possible pour que nous puissions, en l'espace de trente minutes, compléter l'ensemble des interrogations qu'ont suscitées vos positions. Sur ce, je donne la parole au ministre des Affaires sociales. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je voudrais remercier M. Dufour et M. Moreau des exposés qu'ils nous ont donnés, provenant respectivement de l'Union des municipalités et de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales. J'aurais une question à l'égard de l'abrogation de l'article 99. J'aimerais que peut-être l'un et l'autre rectifient cette perception que j'ai, qu'à bien des égards, ces problèmes sont réglés par les arbitres, par des sentences intérimaires et que l'abrogation de l'article, à toutes fins utiles, risque de ne pas changer beaucoup de choses, s'il y a beaucoup de sentences intérimaires, ce qui semble être le cas.

M. Dufour (Francis): Pour l'article 99

qui donne à l'arbitre plus d'un an pour rétroagir, il faut comprendre que les municipalités sont obligées, par la Loi sur les cités et villes, de présenter des budgets équilibrés. On n'a pas le droit de présenter à la population des budgets déficitaires. À ce moment-là, si la sentence rétroagit plus d'un an, cela met en danger la santé des finances municipales, puisqu'on a à aller chercher de l'argent pour les années passées. Donc, certainement à cause de la Loi sur les cités et villes qui dit que nous devons présenter des budgets équilibrés et en plus, cela fait des moyens de pression, à mon sens, supplémentaires sur les administrateurs municipaux, parce qu'ils sont toujours dans l'expectative. Je peux vous donner un exemple où il y a une sentence actuellement qui a été donnée seulement au mois de décembre par la ville de Chicoutimi où l'arbitre a donné une partie de sa sentence pour l'année 1982. Le temps coule pour l'année 1983 et il n'a pas encore rendu sa sentence. Cela se comprend assez facilement que, si le législateur permet à un arbitre de rétroagir sur des années antérieures, cela a pour effet d'hypothéquer l'avenir de la municipalité au point de vue financier et aussi de faire vivre les contribuables dans des situations insécures par rapport à ce qu'ils doivent ou ce qu'ils ne doivent pas. Pour nous, dans la municipalité, nous payons selon ce que les gens retirent. On n'a pas d'autre façon de procéder, que je sache.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Johnson (Anjou): À l'égard du tribunal d'arbitrage où il y a un arbitre unique, j'ai remarqué, M. Dufour, dans votre mémoire, à la page 4, que vous dites: "...l'article 30 du projet de loi peut constituer un facteur d'amélioration du processus d'arbitrage de différends. Nous n'en sommes pas moins convaincus que la nomination d'arbitres permanents est nécessaire si on veut assurer l'objectivité des arbitres." Si je comprends bien, vous n'évoquez pas l'article 35 qui est les nouvelles balises données ici aux arbitres, qui vous apparaissent insuffisantes mais qui vont quand même au-delà du code actuel, mais vous évoquez le fait que la présence d'un arbitre unique est pour vous une amélioration. J'aimerais peut-être vous entendre ajouter...

M. Dufour (Francis): Pour nous, je pense bien qu'on ne dit pas aussi carrément que c'est une amélioration, mais on pense qu'on doit faire une tentative. En tout cas, l'opinion de l'Union des municipalités, c'est que cette tentative peut être de nature et là, j'insiste sur le mot "peut", parce qu'on a des différences sur le "peut" et le "doit"... On dit: Cela pourrait amener à aller plus rapidement. Cela pourrait être une formule qu'on peut tenter d'essayer. On n'est pas allergique aux changements. Ce qu'on rappelle, par exemple, et ce sur quoi on insiste, c'est que, si les deux parties peuvent nommer des assesseurs, il n'est pas question que les parties s'entendent d'avance, à savoir si moi, j'ai le moyen de m'en payer un et si l'autre partie a le moyen de s'en payer un ou décident l'une par rapport à l'autre. Je pense que cela met un fardeau trop grand. On dit: Laissez donc les règles du jeu et, si les parties veulent se nommer un assesseur, qu'elles le fassent. Cela ne doit pas entraver le processus d'arbitrage. On dit l'arbitre unique, parce qu'on apporte, à la page 6 -parce qu'on doit le relier - toujours le principe que, pour rendre sa sentence, l'arbitre doit, et non peut, tenir compte de la preuve faite lors de l'audition et notamment des conditions de travail applicables aux autres salariés de l'entreprise. C'est dans ce sens que l'arbitre unique... 11 a prêté serment, il est lié par un encadrement et cela nous semble une tentative raisonnable pour essayer d'améliorer les choses.

M. Johnson (Anjou): Si on adoptait la formule "doit", si je comprends bien, dans le cas, par exemple, des pompiers de Montréal, ils auraient presque automatiquement quelque 12%, compte tenu du fait que c'est ça que les cols bleus ont obtenu.

M. Dufour (Francis): Je pense que, si on examine très bien l'article 6 que je rapporte, il n'est pas lié juste à cela parce qu'on dit: "notamment des conditions de travail".

M. Johnson (Anjou): Si on adoptait votre formulation qui disait: II doit tenir compte des conditions accordées aux autres employés du même employeur, à toutes fins utiles...

M. Dufour (Francis): On pourrait laisser parler Me Alain Bond.

M. Bond (Alain): II est, je pense, M. le ministre, important de se rappeler que le principe essentiel créé par la proposition est de lier l'arbitre à la preuve faite devant lui. C'est là le principe essentiel et c'est là-dessus surtout que l'Union des municipalités veut insister. Que l'arbitre de différends ne soit plus uniquement tenu de rendre sentence, compte tenu de l'équité et de la bonne conscience, mais qu'il soit tenu par la preuve que les deux parties vont faire devant lui et qu'en quelque sorte tout ce processus d'arbitrage de différends relève également des parties qui vont devoir vivre par la suite avec cette sentence arbitrale, donc avec cette convention collective. C'est là-dessus

que l'on pense qu'il est important d'insister et c'est également se rappeler qu'un employeur et qu'un groupe de salariés sont placés dans un marché du travail qui est particularisé par, entre autres, l'endroit où l'on est situé, par le contexte économique, par également la capacité de payer du gouvernement municipal qui les emploie.

Là-dessus, je ferais, jusqu'à un certain point, un petit lien, si vous le permettez, avec l'amendement ou avec le fait de retirer l'article 99 du Code du travail. Ce qui est important dans l'article 99 du Code du travail, c'est qu'il est prévu qu'une sentence arbitrale ayant un impact quant au devoir de payer d'une municipalité ne peut entrer en vigueur avant la fin de son année budgétaire. Faire sauter cette obligation, cette restriction, comme M. Dufour le disait tout à l'heure, c'est placer les municipalités dans une drôle de situation. Puisque les municipalités ont proposé un budget équilibré et qu'elles ont ce devoir légal, c'est aussi forcer les municipalités à possiblement imposer des surtaxes spéciales en cours de budget parce que, si l'augmentation salariale entre en vigueur en cours de budget, cet argent, faut-il encore aller le chercher quelque part. Où, sinon dans les poches du contribuable?

M. Johnson (Anjou): Je présume que M. Moreau veut ajouter des choses à cela. Je vous ai vu plus tôt hocher de la tête.

M. Moreau: Tout ce que je veux mentionner, c'est que les deux unions ne se sont pas consultées pour la rédaction de ce mémoire. Comme on le voit, il y a beaucoup de choses qui se recoupent. On a buté sur les mêmes articles.

M. Johnson (Anjou): Avant d'aborder un dernier sujet, je voudrais simplement, M. Bond, vous demander si oui ou non la formulation que je retrouve à la page 6 du mémoire de l'union: Pour rendre sentence, l'arbitre doit tenir compte - si je comprends bien, vous supprimeriez le "d'abord" - de la preuve faite lors de l'audition et notamment du contexte local et des conditions de travail applicables aux autres salariés de l'entreprise... Je comprends de votre intervention, Me Bond, que vous dites essentiellement: Pour nous, la notion de la preuve faite, ce qui est fondamental - les autres sont importants, mais peut-être pas aussi fondamentaux - si je comprends la formulation qui est là, si elle devait se retrouver dans le projet de loi - je reviens à ce que cela représenterait pour la ville de Montréal - cela représenterait, à toutes fins utiles, à l'égard de ses policiers et pompiers, environ 12%, avec une formulation comme celle-là, devant un arbitre. (15 heures)

M. Bond: Pas nécessairement. M. Johnson (Anjou): Non?

M. Bond: Parce que vous niez, si vous me permettez, le rôle qu'a l'arbitre de tenir compte de la preuve qui est faite devant lui, cette preuve qui peut notamment démontrer que les conditions de travail applicables aux autres salariés de cette même entreprise ne sont pas nécessairement applicables pour cette catégorie de salariés.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que, dans votre esprit, la notion de tenir compte de la capacité de payer de la municipalité devrait être un objet d'appréciation de la part d'un arbitre?

M. Bond: Je tiens premièrement à corriger une petite chose que vous avez dite, si vous me permettez.

M. Johnson (Anjou): Je vous en prie. On est ici pour cela.

M. Bond: Dans votre question tout à l'heure, vous pariiez de la ville de Montréal. Je tiens simplement à préciser que je suis un représentant de la ville de Montréal, mais que je suis ici avec l'Union des municipalités du Québec. C'est un mémoire de l'Union des municipalités du Québec que la ville de Montréal appuie. Ceci étant dit, je m'excuse, j'essaie de me rappeler votre question...

M. Johnson (Anjou): Ma question portait sur le fait que, à toutes fins utiles, est-ce qu'on devrait laisser entre les mains d'un arbitre la notion d'analyser la capacité de payer?

M. Bond: C'est-à-dire que, concernant cette notion d'analyser la capacité de payer, je pense que le président de l'Union des municipalités a quelque chose à ajouter là-dessus. Mais, je pense qu'il y a quand même un élément de preuve qui est important à faire par les parties. Et c'est là-dessus, encore une fois, que j'insiste. On se rattache toujours à l'obligation pour cet arbitre de différends de rendre sa sentence en étant lié à la preuve faite par les parties. Ce sera donc à la partie patronale et à la partie syndicale à faire une preuve à ce sujet.

Le Président (M. Blouin): M. Dufour. M. Johnson (Anjou): M. Dufour.

M. Dufour (Francis): Je pense que ce que vous avez comme texte - et je voudrais le souligner de nouveau parce que je pense que c'est important - c'est qu'on a apporté des corrections, en haut de la page 6, parce qu'on n'a pas le local. Pour rendre sa sentence, l'arbitre doit tenir compte de la

preuve faite lors de l'audition et, notamment, des conditions de travail applicables aux autres salariés de l'entreprise. C'est bien sûr que, si la municipalité ne met pas en cause sa capacité de payer, le juge n'aura pas à statuer sur cette question-là. Si la municipalité se sent en mesure de faire la preuve qu'il y a incapacité de payer... Et il y en a des preuves: on peut parler de l'effort fiscal des contribuables, par exemple, dans une municipalité par rapport à l'ensemble du Québec. La loi sur la fiscalité municipale, la loi 57, a démontré assez clairement de quelle façon on analyse l'effort fiscal des contribuables, le contexte local, régional. Ce sont toutes des balises très strictes sur lesquelles le juge peut s'appuyer. Je ne pense pas qu'on va les remettre en cause et je pense qu'on essaie d'être cohérent. C'est la même chose que dans un tribunal d'arbitrage où l'arbitre est lié par les preuves faites devant lui. Il n'est pas question pour un arbitre de différends d'interpréter des choses qui n'ont pas été dites. Il faut qu'il s'en tienne à la preuve présentée et, pour nous, il nous semble qu'en toute équité et bonne conscience, tel qu'il est dit au début du paragraphe, le juge devrait pouvoir en tenir compte.

M. Johnson (Anjou): Alors, deux remarques et une question. La première remarque: Je tiens pour acquis, M. Dufour, que vous venez de me dire que la loi 57 a du bon sens. Deuxièmement, à l'égard des intérêts, je pense qu'il y a une ambiguïté dans les perceptions. Vous savez que, sur le plan constitutionnel, le Québec n'a pas le droit d'agir à l'égard de la notion d'intérêt légal et qu'il faut passer à travers - je ne dirai pas cet artifice juridique - cette formule juridique qui permet de se référer à celui qui est prévu au Code civil, donc qui antidate 1867, et d'ajouter, par référence au ministère du Revenu, la différence qu'il y a entre les 5% du Code civil et, à toutes fins utiles, ce qui est plus ou moins le taux courant - pour ne pas l'appeler l'intérêt légal - et qu'en ce sens-là, je pense qu'il y a peut-être eu un problème de compréhension à l'occasion autour de cette question. Je pense que ces choses-là ont été évoquées récemment par vos procureurs et ceux du ministère.

La dernière chose, avant de passer la parole à mon collègue, ce serait de dire: À l'égard des dispositions antibriseurs de grève, est-ce que je dois comprendre que, d'après votre perception de ces articles, dans le cas d'une municipalité, il serait impossible d'utiliser les services d'un contremaître affecté à un garage ou à une installation donnée dans un autre garage ou une installation donnée? Est-ce que c'est cela votre compréhension de l'article?

M. Dufour (Francis): Cela va plus...

M. Johnson (Anjou): Quand on parle d'établissements.

M. Dufour (Francis): Je dois peut-être répondre à votre boutade que la loi 57 a du bon sens, mais qu'elle est incomplète.

M. Johnson (Anjou): C'est déjà quelque chose.

M. Dufour (Francis): Je continue en disant que, dans notre esprit, c'est clair et selon le texte aussi. Selon nous, il est impossible d'utiliser les services d'un employé dans un autre établissement, et on va plus loin. On va jusqu'à dire, à affirmer que si, par exemple, une municipalité donne à contrat le ramassage des ordures, même cette entreprise ne pourrait pas ramasser les ordures ménagères des citoyens parce que le terme "entreprise" n'est pas défini dans la loi. "Entreprise" pourrait peut-être vouloir dire le numéro civique de chaque citoyen de la municipalité. La même chose s'applique à la neige. À ce moment-là, il faudrait certainement qu'on pense à l'éclaircir comme il faut parce que, sans cela, on est menotte pour ne pas faire de jeux de mots.

M. Johnson (Anjou): Je vous remercie. Merci, M. Moreau, M. Dufour.

M. Dufour (Francis): Me Bond veut peut-être continuer.

Le Président (M. Blouin): Si vous me le permettez, je vous signale que nous devons... Si vous avez un bref commentaire...

M. Bond: Est-ce que je peux négocier avec vous pour une demi-minute...

Le Président (M. Blouin): II faut vraiment être très bref.

M. Bond: ...puisqu'on est en droit du travail? Ce qui est essentiel et ce qu'on veut clairement faire ressortir dans les amendements proposés à l'article 109.1, c'est qu'il y a clairement des ambiguïtés dans le texte tel que déposé. Par exemple, quant à la possibilité d'octroyer des sous-contrats, vous remarquerez qu'il n'y a aucune balise dans le temps fixé à l'alinéa b de l'article 109.1, si bien que cela pourrait entraîner des débats juridiques devant les tribunaux, à savoir quand nous avons du travail fait en parallèle, une certaine partie par des employés et une certaine partie en régie. Ces contrats peuvent-ils être renouvelés pendant une grève? Il n'y a pas de précision et cela peut entraîner des débats juridiques devant les tribunaux, des débats juridiques qui ne servent à rien et qui sont inutiles.

Deuxièmement, quant aux cadres, ce qu'il est important de faire ressortir, c'est qu'il n'y a aucune définition au Code du travail du mot "établissement" et que déjà certains organismes gouvernementaux ont tendance à avoir une interprétation restrictive du terme "établissement" et à considérer chaque numéro civique comme étant un établissement. Je pense entre autres à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Merci, M. le Président. M. Dufour, M. Moreau, comme on se trouve avant la deuxième lecture, c'est-à-dire avant que les formations politiques s'expriment sur le principe du projet de loi comme tel, mes questions porteront strictement sur les principes de la loi. Je laisserai à mes collègues le soin de discuter des mécanismes d'application. Vous avez, je crois, plusieurs alliés à la cause que vous défendez, à savoir que les gens des municipalités du Québec se retrouvent en pleine crise économique, de plus en plus coincés avec des sentences arbitrales qui les obligent à payer des services publics à un taux qui est de plus en plus démesuré avec leur propre gagne-pain, et qui placent les maires, les conseillers municipaux, les édiles municipaux dans l'étau vu qu'ils sont obligés d'assumer ce fardeau-là. On s'est préoccupé à l'Assemblée nationale, ce n'est pas la première fois qu'on discute du sujet, de sentences arbitrales qui ont été rendues plus spécifiquement dans le cas de municipalités suivantes; Marieville, Saint-Georges-de-Beauce, L'Assomption, Saint-Jérôme, Châteauguay, Lachute, où on avait des sentences arbitrales qui prévoyaient des augmentations, sur une période de deux ans, de 20% à 37%.

Je fais référence au journal des Débats du 10 mars 1983 où j'ai adressé au premier ministre, celui qui est le chef de l'État, une question sur ce sujet. La question se lisait comme suit... lorsque je vous parle d'alliés, vous allez voir que vous n'en trouvez pas strictement, sur les principes que vous avancez, du côté libéral, mais que vous en trouvez également du côté ministériel. La question était la suivante: "Comme le ministre du Travail est absent, comme le ministre des Affaires municipales n'est pas trop au courant du dossier ou disposé à proposer des mesures concrètes, comme il y a deux ministres impliqués, est-ce que je pourrais demander au premier ministre ce qu'il entend faire pour s'assurer que les citoyens de ces municipalités - celles auxquelles je me suis référé - n'aient pas à payer, au cours des deux prochaines années, des augmentations de 20% à 37% et que cela n'arrive pas à des citoyens d'autres municipalités, en pleine crise économique?"

Voilà votre allié qui vous répond. M. le premier ministre Lévesque, député de Taillon, répond ce qui suit: "Pour ce qui est des cas sur lesquels il y a déjà eu des décisions prises par voie d'arbitrage, il reste à voir comment on pourrait les soulager, mais une chose est certaine, c'est qu'on a demandé au ministre du Travail de faire savoir au corps des arbitres - parce qu'ils sont bien connus -que cela commençait - et je pèse mes mots dans tous les coins à devenir dangereusement exorbitant. Si on ne veut pas être obligé de changer certains aspects du système d'arbitrage traditionnel, il faudra que tout le monde revienne un peu à la raison. Je suis parfaitement d'accord que les municipalités ne peuvent pas endurer cela indéfiniment". Ce ne sont pas les paroles du député de Brome-Missisquoi, ce sont les paroles du premier ministre du Québec, René Lévesque, en Chambre, le 10 mars 1983.

Mais comme, entre autres, dans le cas de Marieville et dans le cas d'autres municipalités, le problème se perpétuait, le 17 mai 1983, le problème est revenu à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. J'ai posé la question suivante au ministre du Travail, qui était en Chambre à ce moment-là. Je vous réfère au journal des Débats du 17 mai 1983: "Le ministre du Travail est-il intervenu politiquement dans le système d'arbitrage pour passer un message aux arbitres?" En se référant à la réponse du premier ministre, on aurait pu croire qu'il y avait eu un message de transmis aux arbitres. Le ministre du Travail de répondre: "M. le Président, jamais et en aucune circonstance celui qui vous parle n'est intervenu dans le système des arbitres, pour utiliser l'expression du député de Brome-Missisquoi, pour passer quelque message que ce soit... Je réitère que jamais et en aucune circonstance je ne suis intervenu dans le sens que suggère le député de Brome-Missisquoi... Non, M. le Président, d'aucune façon..."

On avait la réponse du premier ministre qui nous disait qu'il avait demandé au ministre du Travail "de faire savoir au corps des arbitres - parce qu'ils sont bien connus -que cela commençait - et je pèse mes mots dans tous les coins à devenir dangereusement exorbitant".

Le 19 mai 1983, je suis revenu à la charge à l'Assemblée nationale. Je lis le journal des Débats où le ministre du Travail a répondu ce qui suit: "En aucune espèce de façon, ni officiellement, ni officieusement, je ne suis intervenu auprès du conseil des arbitres. Je ne suis en aucune espèce de façon intervenu dans le sens que suggère le député de Brome-Missisquoi. Il me demande maintenant si j'ai, à des individus, à des arbitres, passé un message de même nature. M. le Président, je lui dis: Non plus, ni dans ce cas ni dans l'autre." Le ministre du

Travail a ajouté - toujours parce que le premier ministre nous avait dit "on a demandé, et qu'on ne savait pas qui l'avait demandé au ministre du Travail; on a tenté de savoir qui le lui avait demandé - ce qui suit: "Toujours à l'intérieur de ces discussions, quelqu'un s'est informé à un moment donné si la possibilité existait d'intervenir dans le sens que le suggère encore une fois le député de Brome-Missisquoi. Lorsque la question m'a été posée, j'ai dit: Non, ce n'est pas possible d'intervenir et personne, à ma connaissance, n'est effectivement intervenu."

Un peu plus loin, dans un complément de réponse, le même jour, le ministre du Travail précise encore une fois sa réponse: "À un moment donné, il y a eu, au Conseil des ministres - je présume que l'ex-ministre du Travail, le ministre actuel des Affaires sociales s'en souviendrait, s'il était présent -une discussion à propos de la politique des prix administrés du gouvernement." Cela tombe dans la politique des prix administrés. "À l'occasion de cette même discussion, la question que soulève le député de Brome-Missisquoi a également été amorcée, strictement, par ailleurs, sous l'angle suivant: des collègues du Conseil des ministres se sont informés, à savoir si, juridiquement ou autrement, il était impossible d'intervenir dans le sens, encore une fois, que soulève le député de Brome-Missisquoi. La réponse de celui qui vous parle, la réponse d'autres membres du Conseil des ministres a été strictement: Non, cela n'est pas possible. La discussion s'est terminée comme cela."

Donc, on a le premier ministre qui nous dit qu'on a demandé au ministre du Travail d'intervenir. Le ministre du Travail nous dit: Je ne suis jamais intervenu et, lorsqu'on me l'a demandé, j'ai répondu immédiatement que c'était impossible. Le premier ministre nous a dit ceci en Chambre. J'ai la nette impression que je me suis fait avoir. (15 h 15)

En retournant au mémoire de l'Union des municipalités du Québec, je retrouve un extrait du discours de M. René Lévesque, premier ministre du Québec, prononcé lors du banquet de clôture du congrès de l'UMQ, le 30 avril 1983. Je lis l'extrait qui se trouve dans le mémoire de l'Union des municipalités. C'est le premier ministre qui parle: "Et puis il y a également, très spécifique aussi, l'épineuse - et vous me direz plutôt très coûteuse - question des arbitrages concernant les policiers et les pompiers, essentiellement. Là-dessus, je vais vous admettre d'emblée que vous avez parfaitement raison de soutenir que ces arbitrages risquent trop souvent d'aller au-delà de l'équité qui est toujours indispensable et de devenir proprement ruineux pour un bon nombre de municipalités. "En principe d'ailleurs, ce n'est pas du tout normal qu'à partir des seules balises personnelles, si louables soient-elles par ailleurs, une personne non élue puisse affecter à sa guise des tranches aussi importantes des fonds publics dont c'est vous qui avez la responsabilité. "Alors, je suis d'accord sur ce point avec mon collègue, le ministre du Travail, et je vous assure donc, conjointement avec lui, que nous entendons agir dans les plus brefs délais, dès cette session - et là je rappelle la date, le 30 avril 1983 - pour encadrer ou baliser, enfin on verra concrètement de quoi il doit s'agir, cette discrétion arbitrale qui est excessive au point de donner, ça et là, des résultats qui sont franchement aberrants et parfois même ruineux. Et alors ça, vous avez notre engagement très concret."

Je me suis fait avoir à l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, vous avez devant vous le projet de loi 17. Est-ce que le projet de loi 17 répond à l'engagement du premier ministre?

Le Président (M. Blouin): M. le député de Brome-Missisquoi, je comprends que vous aviez l'intention de faire une démonstration et c'est votre droit le plus strict. Je vous signale cependant que vous avez mis dix minutes à poser votre question et que, dans les circonstances, si nous acceptons dix minutes pour poser chacune des questions, compte tenu du nombre d'invités que nous avons, nous ne nous en tirerons pas aujourd'hui.

M. Paradis: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Je sais que je peux faire appel à votre collaboration et que les questions subséquentes, vous saurez les poser de façon plus succincte et que cela ne créera pas de difficulté.

M. Paradis: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Vous posez votre question à M. Dufour?

M. Paradis: Oui.

M. Dufour (Francis): Pour nous, c'est clair et définitif et je pense que tout le mémoire est dans ce sens-là: on est déçu du projet de loi 17 parce qu'il ne répond pas à nos attentes. On dit ce qu'on attendait de cette loi. On explique ce qu'on voudrait et même on écrit ce qu'on veut. Pour nous, cela ne répond pas. Je pense bien que, dans la déclaration du premier ministre, ce qu'on a enlevé, ce sont les endroits où c'était inscrit: applaudissements. Il y avait 2500 délégués.

M. Paradis: Vous maintenez que vous

enlevez encore les applaudissements.

M. Dufour (Francis): Là, je pense qu'il aurait été applaudi moins fort.

M. Paradis: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député de Prévost.

M. Dean: M. le Président, je sais qu'il y a un problème par le fait que je suis député d'un comté des Basses-Laurentides, où j'ai eu l'occasion de discuter avec au moins deux maires de mon comté, les yeux dans les yeux, de la situation de certaines sentences arbitrales des policiers ou pompiers qui peuvent paraître exagérées.

Il faut souligner, je crois, que c'est difficile dans notre système de nommer quelqu'un pour exercer une quelconque fonction judiciaire ou quasi judiciaire ou quelque chose comme cela et après cela de lui dire à l'avance quoi décider. Je veux surtout dire que peut-être, sans que le député de Brome-Missisquoi soit assuré que des messages ont été passés, les faits que nous avons à la suite d'une recherche au ministère du Travail semblent dire que le message a passé quelque part.

On constate que, pour 1982, la moyenne pondérée de 24 sentences d'arbitrage de policiers était de 12,43% d'augmentation. Pour 1983, la moyenne pondérée de 17 sentences de policiers est de 7,66%. Les augmentations annuelles pour les grandes conventions collectives négociées au Québec en 1982 en général sont passées de 12,8% au premier trimestre à 12,5% au deuxième, à 10,9% au troisième et à 7,3% au quatrième trimestre. Donc, nous pouvons constater, au début de 1983, que les arbitres dans les différends de policiers, selon nos recherches, ont pris en considération la situation économique probable pour l'année 1983, puisque le pourcentage moyen d'augmentation a été ramené à un niveau de 7,66% au début de 1983 alors que les augmentations dans le secteur privé, pour le quatrième trimestre, sont rendues à 7,3%, donc, presque identiques.

Il y a quand même un certain bon sens qui semble primer quelque part dans notre société. Dans la rédaction de l'article 35 du projet de loi 17, qui amende l'article 79, nous avons essayé de prendre d'abord ce qui existait déjà comme balises dans l'arbitrage d'une première convention collective et qui semble avoir fonctionné assez bien et d'ajouter pour les municipalités la phrase que vous avez bien notée qui dit en plus de tenir compte "des entreprises semblables ou dans les circonstances similaires ainsi que - là, on l'ajoute - des conditions de travail applicables aux autres salariés de l'entreprise". Donc, aux autres salariés de la même municipalité, des salariés qui peuvent ou non avoir obtenu leur niveau salarial par la négociation collective, par l'exercice du droit de grève avec ou sans services essentiels, etc.

J'aimerais savoir si vous avez des commentaires à faire pour répondre à cette recherche sur les statistiques des sentences arbitrales. J'aurais peut-être une dernière question. Votre organisme, M. Dufour, a mentionné une sorte de juges spécialisés. Est-ce que ce seraient des juges qui fonctionnent seuls ou qui fonctionnent à trois? C'est juste pour avoir une explication.

M. Dufour (Francis): Ç'auraient été des juges qui fonctionnent seuls, avec assesseurs, comme il semble être écrit. Je ne comprends pas trop. Je vous dis honnêtement que cela me laisse un peu sceptique et même beaucoup sceptique lorsque vous nous parlez de moyenne d'augmentation pondérée. Chaque municipalité est une entité propre. Qu'il y ait 6 ou 50 policiers, pour nous, c'est le même problème. Il faut tenir compte du contexte. Où il y a six policiers, il y a un besoin de six.

Quand vous parlez de moyenne pondérée, je comprends que, si une municipalité est chanceuse de s'en tirer avec un petit pourcentage, cela a pour effet de baisser l'ensemble des municipalités. J'aurais presque envie de vous répondre que, dans votre propre comté, il y a des augmentations de 15%. Là, je trouve que ce n'est pas pondéré. Il faut regarder chaque municipalité. Dès qu'on joue sur la pondération... Bien sûr, si Montréal donnait 3% d'augmentation, cela aurait un effet extraordinaire sur les autres municipalités, mais ça ne change pas le problème de la ville de Charlemagne où il y a 51% d'augmentation.

M. Dean: Oui, j'en conviens. Sauf que, quand on parle de moyenne, j'ai dit au début de mes remarques que je sais qu'il y a des cas extrêmes dans un sens; peut-être est-ce les cas extrêmes de l'autre sens qui font une moyenne qui baisse, qui seront peut-être considérés comme extrêmement bas par les salariés en question. Le fait demeure que ce qu'on a fait comme recherche depuis ce temps indique une baisse, indique que les arbitres, en moyenne, tiennent compte des circonstances économiques. On essaie donc de baliser à nouveau la clause qui est au moins indicative à l'égard des arbitres de différends dans le sens de les inciter à faire des comparaisons avec les autres salariés de leurs propres municipalités qui, quand même, ont un rapport quelconque avec la capacité de payer de la municipalité. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Fortien J'ai écouté mon collègue de Prévost qui cherche à administrer la province avec des statistiques alors que les gens vivent des problèmes bien réels dans chacune des municipalités. En examinant le projet de loi - je veux amener la discussion sur les dispositions antibriseurs de grève - je pensais surtout à l'industrie manufacturière, en particulier. On pense toujours, à tort ou à raison, que cela s'applique surtout là. Mais comme vous en faites mention à la page 7 de votre mémoire, j'aimerais que vous commentiez, eu égard à mon ignorance de la situation dans le domaine qui est le vôtre, le paragraphe où vous dites: "Nous croyons que les dispositions antibriseurs de grève en vigueur actuellement sont déjà largement suffisantes et contraignantes pour les municipalités dont la vocation première est, ne l'oublions pas, de veiller au bien-être de leurs citoyens."

Pour le bénéfice de notre information, pourriez-vous nous dire ce qui existe présentement, quelles sont les contraintes que vous avez à vivre en tant que municipalité et nous expliquer brièvement dans quelle mesure la nouvelle loi augmenterait ces contraintes auxquelles vous avez fait allusion tout à l'heure? Ce qui m'intéresserait, ce serait de savoir quelles sont les contraintes actuelles, telles qu'elles s'appliquent aux municipalités.

M. Dufour (Francis): Actuellement, on sait qu'on vient d'adopter la Loi sur les services essentiels et cela a eu pour effet de faire tomber le droit de lock-out des municipalités. Pour ceux qui ont vécu des grèves dans le passé, on se rend compte facilement qu'on est à la merci des syndicats pour assurer l'observance des services essentiels parce que, même là, on va être obligé de prendre des injonctions assez souvent et régulièrement pour être capable d'assurer les services. En tout cas, j'ai vécu une grève dans mon milieu. Ce n'était pas volontaire, mais je peux vous dire que, même si on avait une entente entre le syndicat et l'employeur, il y avait quelques fuites d'eau dans la ville et ce n'était pas grave, ce n'était pas important et cela pouvait mettre en danger la sécurité des citoyens parce qu'il y avait de l'infiltration qui était en train de se faire à travers les bris d'aqueduc. On parle des grosses municipalités, on a toujours tendance à parler des grosses municipalités, mais il y a de petites municipalités où il n'y a pas beaucoup d'employés. Elles opèrent une usine de filtration et assez souvent, même avec la Loi sur les services essentiels qui est très nouvelle - on ne peut pas encore poser de jugement de valeur là-dessus - il est possible que, lorsqu'il y a des tempêtes de neige, les machineries sortent un peu plus tard qu'à la normale.

Si nous procédons par une injonction, il faut attendre que le juge soit sorti. Si quelqu'un est malade et qu'il ne peut pas sortir de sa maison, cette personne n'attendra pas. Elle va sortir en motoneige ou autrement. Je ne sais pas quelles seront les façons de procéder. S'il y a un incendie, on n'attend pas que la tempête soit finie. Encore là, cela pourrait permettre à la municipalité de pouvoir agir parce qu'on a des employés qui ne sont pas nécessairement en grève. Donc, les quelques employés-cadres qui sont dans un service, d'après le libellé de l'article, seraient paralysés et on ne pourrait pas les transférer d'un endroit à un autre. C'est bien sûr qu'on peut essayer de dire: il n'y aura pas de problème parce que les gens comprennent tout cela. J'ai déjà eu - pas une grève, même pas une possibilité de grève - où les gens disaient: On va répondre pour l'urgence aux incendies... Je ne dis pas qui a mis les broquettes devant le service d'incendie, mais il y avait à peu près cinq livres de broquettes pour le camion. Il aurait pu sortir, mais comment, je ne le sais pas. Qui aurait pu réparer cela?

Ce sont des situations que les municipalités ont vécues. Là, cela va plus loin. On dit que ceux qui ramassent les vidanges - pour la plupart, ils sont à contrat - ne pourraient même pas les ramasser. Qu'est-ce qu'on va faire? Cela veut dire que la municipalité - tantôt je n'ai pas fait de jeu de mot en disant qu'elle serait menottée, elle va l'être - ne pourra pas bouger, on ne pourra faire absolument rien. On va être à la merci de la grève. Donc, il n'y a plus de droits en fin de compte. Ce n'est plus un droit. On va être obligé de payer et de régler.

M. Fortier: Juste une question additionnelle, rapidement, pour collaborer avec notre président. Est-ce que vous avez fait des représentations dans le passé au gouvernement à ce sujet? Ici, je vois, à la page 8, que vous recommandez le statu quo. Ma question est: Est-ce que vous avez fait état de ce problème que vous avez vécu dans le passé? Est-ce que vous en avez parlé au gouvernement? Avez-vous fait des recommandations formelles qui seraient différentes de celles que vous faites à la page 8?

M. Dufour (Francis): À la commission parlementaire, mon acolyte, M. Desgagné, me rappelle que le maire de Québec, qui est aussi vice-président de l'Union des municipalités, a fait ses représentations à une commission semblable.

M. Fortier: Dans quel sens?

M. Dufour (Francis): Dans le même sens que nous...

M. Fortier: De ce que vous avez ici» Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. J'ai juste deux très courtes questions. D'abord, une remarque préliminaire. Je veux protester vraiment contre la manière dont on procède parce que je trouve cela presque insultant vis-à-vis de ceux qui sont invités à procéder à la dernière minute. On vient de recevoir le mémoire quand les gens sont devant nous. Ce n'est pas une manière correcte de procéder. C'est toujours la même chose; à la fin de la session, au mois de juin, on nous présente maintenant un projet de loi. Moi, je prends mes études au sérieux. J'ai étudié le projet de loi 17 en fin de semaine. Jusqu'à hier soir, j'avais reçu trois mémoires, pas un de plus. Je pense que nous ne sommes pas sérieux et je pense qu'on participe à une sorte de farce politique, et je veux le dire. Je veux m'excuser auprès de ceux qui sont venus parce que ce sont des gens très importants. Ce sont des gens du monde syndical, du monde patronal, ceux qui influencent notre vie sur une base quotidienne. (15 h 30)

Quand je réalise que, pour étudier le projet du cinéma, cela m'a pris cinq jours d'enquête. Je n'ai rien contre la culture, c'est bien beau, mais venir nous dire: On a une journée, il faut finir ce soir à minuit, je trouve cela un scandale et je veux que ce soit enregistré que le député de Sainte-Anne proteste contre cela. Je vais évidemment obéir à votre directive si vous nous forcez à compter les minutes; je suis obligé de le faire. Mais je vais vous dire que je suis tanné de cela, je suis tanné de cette manière de procéder, et à l'Assemblée nationale et à la commission parlementaire. Ayant fait cette petite remarque et m'étant excusé auprès de tous ceux qui sont venus, je voudrais procéder rapidement parce que mon temps expire, selon notre système.

L'article 119, M. Moreau, M. Dufour, concerne la sentence arbitrale où il est très bien expliqué que le texte que vous jugerez et celui que le gouvernement nous suggère se lit comme suit: "L'arbitre peut tenir compte". Est-ce que j'ai bien compris ou est-ce que vous m'avez bien compris quand j'ai dit que cela ne veut rien dire? Parce qu'il n'est pas obligé. Donc, est-ce un voeu pieux, quelque chose qu'on jette à manger pour le public? Eh bien! Merci beaucoup, M. le gouvernement, mais, sur le plan pratique, cela ne veut absolument rien dire et l'arbitre peut rendre les mêmes sentences qu'auparavant. L'avez-vous compris comme cela, cet article?

M. Dufour (Francis): C'est pourquoi on suggère un texte nouveau.

M. Polak: D'accord. Merci. Deuxième et dernière question, concernant des articles sur les dispositions antibriseurs de grève, l'article 88 qui amende l'article 109.1. On dit que "pendant la durée d'une grève, il est interdit à un employeur...". Ensuite, il y a toute une catégorie de choses qu'il ne peut faire. De la manière que j'ai lu cela, pourriez-vous me dire ce que l'employeur peut encore faire dans un cas de grève? J'ai lu cet article et je voudrais le lire comme suit: au lieu de dire: "il est interdit à l'employeur", je voudrais dire: "On ordonne à l'employeur de fermer la boutique". À toutes fins utiles, est-ce cela que cela veut dire ou est-ce qu'il y a encore des possibilités pour l'employeur de faire quelque chose dans votre analyse de cet article?

M. Dufour (Francis): Si on répond succinctement, cela veut dire que l'entreprise doit garder ses employés-cadres dans l'établissement pratiquement à ne rien faire.

M. Polak: D'accord. Merci.

Le Président (M. Blouin): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Très brièvement, M. le Président, je voudrais réagir aux propos tenus par le député de Sainte-Anne relativement à la commission parlementaire. Je voudrais d'abord lui indiquer que c'est à la demande de l'Opposition, entre autres choses, que nous avons décidé de tenir cette commission.

M. Polak: ...il y a une semaine, ce droit.

M. Bertrand: Un instant, un instant. Deuxièmement, je pense que c'est fort intéressant - et c'est un précédent, je crois - que nous ayons autant de commissions parlementaires cette semaine pour entendre des organismes après le dépôt en première lecture d'un projet de loi. Il y a six commissions parlementaires qui siègent cette semaine et c'est à la suite d'une consultation, donc d'une entente avec l'Opposition, que nous avons non seulement décidé de la tenue de ces commissions parlementaires, mais que nous avons aussi fixé la liste des organismes qui seraient entendus en commission parlementaire et, partant, donc, j'imagine, de s'autodiscipliner pour arriver à faire en sorte que tout le monde puisse être entendu.

Dans ce contexte, M. le député de Sainte-Anne, je trouve vos critiques malvenues, étant donné le bon état d'esprit qui a présidé aux décisions relativement à ces commissions parlementaires.

M. Polak: Je ne retire rien.

Le Président (M. Blouin): Un instant, s'il vous plaît! J'ai constaté que le député de Sainte-Anne avait - tout en insistant pour que ses propos soient enregistrés, mais ils le sont toujours, M. le député de Sainte-Anne -fait une mise au point...

M. Polak: Depuis quand voulez-vous prendre en note de ce que je dis?

Le Président (M. Blouin): ...qui a été reprise - et nous devons le mentionner - très rapidement et succinctement par le leader de l'Opposition. Je veux bien qu'il y ait une brève réaction, encore une fois, par le leader du gouvernement, je veux bien qu'il y ait une brève réaction du côté de l'Opposition, mais je veux d'abord et avant tout que nous tenions compte des groupes qui sont venus ici aujourd'hui pour se faire entendre et que nous ne partions pas de débat de procédure complètement inutile et stérile. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: En tenant compte de vos remarques, M. le Président, très brièvement, c'est vrai que c'est à la demande de l'Opposition que les gens sont entendus avant la deuxième lecture. C'est une demande fort normale et on remercie le gouvernement d'y avoir accédé, mais ce n'est pas à la demande de l'Opposition que le projet de loi a été déposé le 19 mai seulement et ce n'est pas à la demande de l'Opposition non plus qu'on a attendu le mois de juin, qui est une session intensive, un travail intensif, pour l'étudier. Ce n'est pas non plus à la demande de l'Opposition qu'on a réservé une seule journée pour vous entendre, mesdames et messieurs qui nous visitez aujourd'hui. On aurait aimé prévoir plus d'une journée, faire un travail beaucoup plus à fond. C'est là l'essentiel de mes remarques, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, je...

M. Scowen: C'est parce que je trouve que cet argument, même si cela prend un peu de temps, n'est pas inutile ou stérile comme vous l'avez mentionné.

Le Président (M. Blouin): Enfin...

M. Scowen: Je veux simplement appuyer à 100% les revendications de mes collègues en vous donnant d'autres exemples. La semaine dernière, on était devant une...

Le Président (M. Blouin): Si vous... Non. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Non?

Le Président (M. Blouin): Je m'excuse, mais nous sommes ici pour entendre des organismes...

M. Scowen: Oui.

Le Président (M. Blouin): ...en regard du projet de loi 17, Loi modifiant le Code du travail et diverses dispositions législatives. Il y a eu une intervention du député de Sainte-Anne qui a été reprise très brièvement par le leader du gouvernement et qui a été ensuite commentée par votre collègue de Brome-Missisquoi. Quant à moi, je considère que l'incident est clos.

M. Scowen: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Est-ce que je peux faire valoir mon droit de parole?

Le Président (M. Blouin): Vous en avez toujours le droit si vous croyez que c'est utile et que cela peut faire avancer les travaux.

M. Scowen: Merci. Je veux simplement...

Le Président (M. Blouin): Vous avez terminé?

M. Scowen: Pardon?

Le Président (M. Blouin): Je pensais que vous aviez terminé.

M. Scowen: Non, non, je commence. Le Président (M. Blouin): Allez-y.

Une voix: Vous avez le droit de parler en anglais à part cela.

M. Scowen: Parce que le leader parlementaire a décidé - il n'est pas membre de cette commission et, normalement, il n'est pas ici - de faire une réplique exagérée aux déclarations de mon collègue de Sainte-Anne, je veux simplement préciser, à l'intérieur des 20 minutes qui m'ont été accordées, que, depuis une semaine, on se trouve devant au moins deux projets de loi pour lesquels j'ai une expérience personnelle: la loi sur la Société des alcools du Québec, qui a été déposée 48 heures avant qu'on ait été obligé de l'étudier et de l'adopter en deuxième lecture; et hier, cela a été exactement la même chose avec la loi sur SOQUIA, qui nous demandait d'approuver un investissement de 40 000 000 $.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je m'excuse.

M. Scowen: Je trouve cela complètement inacceptable.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, si vous avez terminé votre intervention, cela va, mais...

M. Scowen: Oui.

Le Président (M. Blouin): Bon, d'accord. Sur ce, je remercie les membres de l'Union des municipalités du Québec et de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec.

M. Dufour (Francis): Je veux vous remercier également. J'espère que la commission et le gouvernement vont tenir compte des représentations de l'Union des municipalités.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dufour.

M. Johnson (Anjou): M. Dufour, vous le savez, on est toujours tout ouïe, nous autres.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dufour, et merci à ceux qui vous accompagnent.

M. Dufour (Francis): Souvent, ceux qui sont tout ouïe disent non. Merci beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Tel que nous l'avions convenu, je demande maintenant aux représentants du Conseil du patronat du Québec de prendre place à la table des invités afin que, à la suite de leur intervention et du mémoire qu'ils ont présenté ce matin, les membres de la commission parlementaire puissent échanger avec eux.

M. Dufour, je présume qu'il s'agit des mêmes collaborateurs que ce matin.

M. Dufour (Ghislain): Pardon?

Le Président (M. Blouin): Ce sont les mêmes collaborateurs que ceux de ce matin qui vous accompagnent?

M. Dufour (Ghislain): Oui. Pour les fins du journal des Débats, je peux les présenter de nouveau.

Le Président (M. Blouin): D'accord.

M. Dufour (Ghislain): Me Tobin, de chez Domtar; M. Beaulieu, de chez Alexandre Beaulieu Inc.; M. Pierre Gauthier, du Conseil du patronat; M. Jacques Laurin, de MacMaster, Meighen; Ghislain Dufour, du

Conseil du patronat.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je voudrais remercier les représentants du Conseil du patronat et, notamment, ceux qui, parmi eux, siègent au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et qui, dans certains cas, sont à la veille d'avoir des bronzes élevés en leur honneur, ainsi que la président de la FTQ et quelques autres, compte tenu du temps qu'ils y siègent.

Ils ont été à même, M. le Président, de prendre connaissance des orientations fondamentales qu'on retrouve dans ce projet, à partir d'une première rédaction que l'on appelait non pas "projet", mais "proposition législative", qui a fait l'objet, je crois, de plusieurs réunions du CCTM, lesquelles, il faut bien le dire, n'ont pas résolu les différents points de vue que peuvent avoir le monde syndical et le monde patronal à l'égard de plusieurs des dispositions que l'on retrouve maintenant dans le projet de loi 17.

Je m'attarderai sur trois sujets qui ont fait l'objet des remarques, en particulier, de M. Dufour qui a semblé insister sur ces sujets. Je laisserai à mes collègues le soin d'évoquer les autres sujets.

Si je comprends bien, M. Dufour, votre compréhension du projet de loi est qu'on pourrait arriver à une situation, dans le cas de l'accréditation sans majorité absolue, où un syndicat pourrait obtenir l'accréditation avec moins de 30% des votes. Est-ce bien votre compréhension du projet de loi dans sa formulation?

M. Dufour (Ghislain): C'est-à-dire qu'on a fait jouer 29% par rapport à 49%, mais cela peut être 35% par rapport 45%. C'était pour montrer les deux extrêmes, oui.

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Dufour (Ghislain): De toute façon, ce qu'on veut bien identifier, M. le ministre, c'est l'absence de majorité absolue. Cela aurait pu être 35% et l'exemple aurait été le même.

M. Johnson (Anjou): Dans la mesure où il y a une espèce de double scrutin entre deux associations accréditables, il doit se dégager, par définition, une majorité, pas nécessairement une majorité des membres de l'unité car on ne doit pas présumer que tous vont se prévaloir, par définition, de leur droit de vote, l'économie du code étant ce qu'elle est et ne faisant pas l'objet de changements majeurs à ce stade-ci, mais il reste que, dans la mesure où il y a deux tours, où il y a une sorte d'élimination, où on a deux organisations syndicales qui

demandent l'accréditation, on en arrive, par définition, à une majorité.

M. Dufour (Ghislain): Voulez-vous qu'on réponde immédiatement?

M. Johnson (Anjou): Oui, s'il vous plaît.

M. Dufour (Ghislain): Écoutez, je vais demander à Me Laurin de compléter. Bien sûr, cela se situe carrément dans les cas de maraudage, comme vous venez de l'identifier; cela ne peut être le cas de la première convention. Le principe qui a toujours prévalu, dans nos relations de travail au Québec, est celui de la majorité absolue. Vous nous demandez, à ce moment-ci, d'accepter un principe qui est tout à fait nouveau. Nous parlons de 29%, parlons de 35%, ce qui est du pareil au même, ce qui veut dire que nous devrons dorénavant, comme employeur, vivre une convention collective où seulement 35% des travailleurs d'un établissement, d'une boîte donnée, auront voté en faveur de ce syndicat.

Quant à nous, nous disons qu'au plan du principe ce n'est pas la démocratie en marche comme on l'a toujours connue dans le domaine des relations du travail. Cela peut créer, par ailleurs, un certain nombre de problèmes techniques et je demande à Me Laurin d'enchaîner.

M. Laurin (Jacques): M. le Président, M. le ministre, j'aimerais simplement ajouter qu'effectivement, par l'article 21 du projet de loi qui ajoute l'article 37.1 au Code du travail, on vient simplement faire échec au principe général qui est prévu au code, où une association ne peut être accréditée que dans la mesure où elle a la majorité absolue des voix des salariés à l'intérieur de l'unité proposée.

Bien que la majorité des...

M. Johnson (Anjou): Et non pas des voix exprimées. Je veux seulement qu'on se comprenne quant au vocabulaire qu'on utilise. Quand vous parlez de majorité, vous vous référez au fait que... Je ne dirai pas ce qui vous répugne, mais ce qui vous rebute un peu dans cela, au niveau du principe, c'est à l'égard de l'expression d'une majorité qui n'est pas absolue, mais une majorité qui n'est pas absolue, si on tient compte de l'ensemble des membres susceptibles d'être couverts par l'unité et non pas des membres qui expriment leur vote.

M. Laurin (Jacques): C'est cela.

M. Johnson (Anjou): On se comprend bien.

M. Laurin (Jacques): C'est exact.

M. Johnson (Anjou): D'accord. Parfait.

M. Laurin (Jacques): Et qu'une association requérante pourrait être accréditée alors que l'association qui est requérante n'a pas la majorité absolue des voix. C'est dans cette mesure qu'on trouve que cela fait échec au principe général prévu au code.

M. Johnson (Anjou): À l'égard de la première convention collective, j'ai été frappé, M. Dufour, par l'insistance que vous avez mise sur le retrait du critère de jugement de bonne foi pour permettre à l'arbitre de la première convention collective de décider de procéder à cette question. Je me rappelle d'une certaine époque, l'époque du projet de loi 45, où nous avions évoqué ces principes en fonction de l'économie générale du code. C'est vrai que cela remonte aux années quarante, où on se réfère habituellement à la notion de bonne foi.

Vous me permettrez de citer une cause. Je comprends que ce n'est qu'une cause parmi d'autres, mais cette notion même de la bonne foi à l'égard de la conclusion d'une première entente a fait l'objet d'une cause qui est devenue célèbre, qui est celle de CAE Electronics Limited contre l'Association des ingénieurs scientifiques de CAE. Sur la base de la notion même de bonne foi, on est passé de 1978, avec un jugement qui est sorti à la fin de 1982, si je ne me trompe pas au mois de mai... Cela fait quatre ans. C'est seulement sur la notion de la détermination de la bonne foi par les tribunaux. (15 h 45)

J'évoque ici également l'appui qu'accorde - non pas du bout des lèvres, mais très carrément et très clairement - la Conférence des arbitres du Québec. La bonne foi qu'on exige de l'arbitre dans le cas d'une première convention collective, qui porte un jugement, fait qu'à toutes fins utiles, l'arbitre est dans une position extrêmement difficile. J'aimerais peut-être vous entendre commenter ce qui a amené le ministre du Travail à apporter ce projet d'amendement au Code du travail pour faire en sorte que ce qu'on évalue, à toutes fins utiles, est l'impossibilité réelle, mesurée par des probabilités d'un homme sage ou d'une femme sage, pour les parties de s'entendre. C'est ce qui nous a amenés à faire ce projet de loi. J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.

M. Dufour (Ghislain): M. le ministre, M. le Président, c'est bien sûr que vous pouvez nous citer CAE Electronics; il y a des symboles comme cela, dans le domaine des relations du travail. Vous vous rappelez qu'au moment du débat sur la loi 45, on a entendu

parler de Canadian Gypsum dont plus personne ne se souvient aujourd'hui. Il y a des cas symboles dans le domaine des relations du travail. Je voudrais vous ramener tout simplement au libellé ou au rédigé actuel de l'article 93.4. Là, nous sommes embarqués dans la technique et ce n'est pas ce qu'on voulait, cet après-midi. Je pense qu'il y a des principes qui transcendent ce projet de loi et qui sont beaucoup plus importants que cela. On dit bien que l'arbitre doit décider de déterminer le contenu de la première convention collective lorsqu'il est d'avis qu'il est improbable que les parties puissent en arriver à la conclusion d'une convention collective dans un délai raisonnable. S'il y a eu des brefs d'évocation pour les questions de bonne foi, je pense que vous allez en avoir autant, sinon plus, avec des questions de délai raisonnable. Pour nous, c'est une notion de base, dans le domaine des relations du travail, que la notion de bonne foi. Cela nous apparaît fondamental que cela subsiste. D'autant plus que, si vous l'enlevez des pouvoirs de l'arbitre dans la détermination du premier contrat de travail, pourquoi ne l'enlevez-vous pas purement et simplement du Code du travail? Ce n'est pas ce que vous faites. Entendons-nous bien, là, au niveau des éléments nouveaux apportés par l'article 93.4, vous ne réglez pas le problème. Vous ne cadrez pas l'arbitre, il y a des paramètres qui sont là qui vous créeront exactement les mêmes problèmes que la situation actuelle.

M. Johnson (Anjou): C'était le cas de Zellers, des chargés de cours de l'UGIAM et de Gypsum...

M. Dufour (Ghislain): Oui, bien sûr, mais je vous ai déjà entendu dire...

M. Johnson (Anjou): C'est cela, et vous me dites qu'on pourrait en nommer d'autres.

M. Dufour (Ghislain): ...souvent, M. le ministre, qu'on ne parlait pas des 95% des conventions collectives qui se règlent sans problème.

M. Johnson (Anjou): Voilà. À l'égard du délai dans le cas des griefs, j'aimerais vous entendre expliquer un peu ce que vous avez évoqué ce matin sur la notion des 30 jours et des difficultés que vous y voyez. M. Tobin, peut-être.

M. Dufour (Ghislain): M. Tobin.

M. Tobin (Edmund): M. le ministre, M. le président, MM. les membres de la commission, le système qui est proposé aujourd'hui fait en sorte qu'il y aurait quand même trois personnes qui pourraient siéger aux auditions et qui pourraient participer à l'étude, à l'analyse de la preuve. Dans les conventions collectives, si on regarde la majorité des conventions collectives qui sont déposées au ministère, les parties, dans certains cas, ont fait une distinction très nette entre les arbitrages qui peuvent être entendus à trois et les arbitrages qui procèdent devant un arbitre unique.

Je pense que la portée principale du mémoire du Conseil du patronat du Québec que nous présentons aujourd'hui veut que les parties au cours des années ont pu se tailler, se tisser un système qui réponde aux dimensions de l'entreprise. Lorsque nous proposons un changement qui fait que les parties ne peuvent pas ou n'ont pas la liberté de choisir le processus approprié pour elles, la question que nous posons est: Pourquoi ce chambardement? Les délais sont un facteur que nous avons dans toutes les instances décisionnelles. Le mémoire du Conseil du patronat fait, entre autres suggestions, celle que, dès la nomination d'un arbitre, il pourrait y avoir un délai. Je crois que la Conférence des arbitres a mentionné qu'une fois l'audition terminée, il y aurait un délai fixe pour une décision définitive.

Nous ne croyons pas que le système proposé dans le projet de loi 17 réponde nécessairement à la situation de délai. Il y a d'autres moyens d'expliquer cela sans chambarder le système qui existe présentement.

M. Dufour (Ghislain): M. le ministre, j'aimerais ajouter que, pour les 30 jours de la présentation du grief à laquelle vous avez référé spécifiquement, dans les conventions collectives actuellement, il y en a très peu. Évidemment, M. Dean, député de Prévost, nous a déjà dit que, dans certaines grandes conventions collectives - c'est le cas de GM - c'est beaucoup plus que cela. Bien sûr, il y a des conventions collectives où il y a plus que cela. Mais cela a été négocié par les parties. Tout ce qui s'appelle négociation, on n'a rien contre cela, sauf que, si vous ne l'avez pas, que les parties ont convenu de dix ou quinze jours et que c'est dans une entreprise manufacturière la moindrement grosse où vous avez beaucoup de mises à pied, voyez-vous l'application de la clause d'ancienneté avec une question de 30 jours, d'autant plus que cela devient un plancher? Les conventions collectives vont se négocier à partir des 30 jours, donc cela sera de 45 à 60 jours. C'est un peu ce que je disais ce matin. L'objectif du projet de loi est de réduire les délais. Si vous aviez établi qu'actuellement la moyenne des conventions collectives, la période pour présenter un grief est de quinze jours, on se serait entendu pour que vous disiez douze jours. Vous rapetissez et vous ramenez cela d'une couple de jours. Ce n'est pas ce que vous faites, vous ramenez cela à 30 jours, pensant

que, maintenant que c'est dans le code, cela va devenir un plancher pour peut-être le double et, à ce moment-là, vraiment, on ne raccourcit pas les délais. Alors, c'est une question purement pratique.

On a une philosophie de base. Dans tout ce qui peut être laissé entre les mains des parties, intervenez le moins possible comme législateur. Alors, cela n'existe pas actuellement. De toute façon, on ne peut pas signer une convention collective sans établir une procédure de grief et un délai pour le présenter à la première étape. Laissez cela à la négociation libre.

M. Johnson (Anjou): M. Dufour, j'ai une dernière question à vous poser ou aux gens qui vous accompagnent. Si vous aviez à évoquer la nomenclature des droits exercés en vertu du code qui doivent donner ouverture à la protection additionnelle qu'on accorde en vertu de l'article 17 - je parle ici des articles 14, 15 et autour - quels seraient les droits que vous évoqueriez? Dans votre mémoire vous citez un cas, mais auriez-vous une nomenclature plus abondante?

M. Dufour (Ghislain): Oui. Je vais poser la question aux avocats. D'ailleurs, on se demande... Je vais y aller d'un principe et Me Laurin répondra à votre question pratique et concrète.

On avait compris dans les discussions avec le ministre du Travail que cette notion disparaîtrait. Quand on regarde, d'ailleurs, le projet de mars et le projet d'aujourd'hui, vous aviez l'article 17.1 où il y avait cette protection qui était donnée à l'embauche, en vertu du Code du travail. C'est parti. D'ailleurs, c'est ce que le ministre nous avait dit: Cela sera enlevé. Effectivement, cela l'a été. Ce qu'on ne comprend pas, à moins que ce ne soit une erreur, c'est comment il se fait que cela a été conservé dans l'article 14, parce que l'article 14 donne exactement dans son libellé actuel ce qu'il y avait dans l'article 17.1. Ce matin, je disais: On aurait voulu poser des questions très concrètes à M. Fréchette. Cela en est une. Pourquoi l'a-t-on enlevé dans l'article 17.1 et l'a-t-on gardé dans l'article 14? C'est peut-être une erreur de rédaction purement et simplement.

Quant aux problèmes concrets que cela peut créer, en voici quelques-uns.

M. Laurin (Jacques): M. le Président, M. le ministre, bien que l'objectif soit louable et que l'on veuille empêcher qu'il y ait quelque discrimination que ce soit à l'égard d'un salarié qui se présente chez un employeur pour obtenir un emploi, nous craignons qu'il puisse y avoir des abus. Abus de la part de personnes qui, possiblement, pour motif d'incompétence ou autres, ne pourraient être embauchées et qui prétendraient lors de l'embauche qu'elles exerçaient un droit prévu au code et que c'est pour ce motif que l'employeur a refusé de les embaucher. Ce qui voudrait dire, dans tous ces cas, que l'employeur aurait l'obligation de se présenter devant un commissaire du travail et de se décharger du fardeau de la preuve, puisqu'il y a un renversement du fardeau de la preuve prévu au projet de loi, et de démontrer qu'effectivement ce n'est pas en raison de l'exercice d'un droit prévu au code que l'individu n'a pas été embauché, mais en raison d'un facteur de compétence ou un autre, ce qui crée un fardeau financier considérable pour l'employeur et ce qui pourrait mener à des abus significatifs de la part de certaines personnes qui ne pourraient être embauchées par l'entreprise.

M. Johnson (Anjou): Je laisse à mes collègues le soin de vous poser d'autres questions.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dufour. Merci, M. le ministre. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis Oui, M. le Président, j'aurais quelques questions. Ce matin, dans des remarques préliminaires, j'ai fait allusion à l'orientation du projet de loi. Le préavis de questions que j'ai adressé, finalement, était le suivant: Est-ce que cela stimule l'économie? Est-ce que cela contribue au maintien et à la création d'emplois au Québec?

Après avoir lu votre mémoire ainsi que le résumé du mémoire qu'on a reçu, le 1MA, pourquoi - suivant votre organisme - le projet de loi 17 est-il économiquement si contestable? J'aimerais que vous tentiez de me résumer les principaux arguments.

M. Dufour (Ghislain): M. le député de Brome-Missisquoi, il y aura deux volets de réponse à cette question. M. Beaulieu fera le deuxième volet.

Rapidement, en synthèse, le premier volet est le suivant: Depuis que sont arrivées les modifications au Code du travail en 1977 avec la loi 45, nous avons établi qu'il s'agit d'une des législations les plus avant-gardistes en Amérique du Nord. Cela, d'ailleurs, ce n'est pas nous qui le disons, c'est le premier ministre lui-même qui l'a répété à maintes occasions en disant qu'on avait maintenant une des législations les plus avancées en Amérique du Nord.

On vient ajouter encore avec ce projet de loi. Ce qui veut dire que, au plan de la législation du travail, quand les investisseurs ont à comparer ce qui se passe ici et ce qui se passe ailleurs, ils sont encore confrontés avec une législation qui est davantage avant-gardiste.

Quant à la répercussion comme telle sur l'économie ou quant à son impact, je demande à M. Beaulieu, justement - je l'ai identifié ce matin comme membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, donc il vit ces problèmes, mais il est aussi identifié au Conseil du patronat dans un secteur drôlement important qui est le secteur de nos PME - de réagir au nom de son association et en son nom personnel.

M. Beaulieu (Alexandre): M. le Président, ce matin ou hier, on a appris que le ministre était malade et que c'était M. Johnson qui le remplacerait. On a eu d'excellentes relations avec M. Johnson dans le temps où il était ministre du Travail. On n'était pas toujours d'accord. Mais c'est difficile d'attaquer directement et on va prendre garde.

Ici, on écoute des spécialistes, des avocats, des gens qui sont dans le domaine des relations du travail, mais je voudrais vous donner une voix d'entreprise, une voix qui représente les employeurs, en tout cas une des voix qui représentent les employeurs. C'est bien sûr qu'on aurait aimé mieux perdre notre temps aujourd'hui à étudier de la déréglementation. On est fatigué de voir vos inspecteurs, vos contrôleurs. Ils entrent dans nos petits bureaux. On est achalé. Il faut répondre à toutes sortes de choses. Mais vous avez décidé de nous envoyer un projet de loi et ce projet de loi avait pour but -au conseil du travail, c'est ce qu'on nous avait dit, je vais le lire pour ne pas me tromper - de déjudiciariser le système. On vous a prouvé ce matin que cette affaire n'était pas vraie.

Que retrouve-t-on dans le projet de loi? Je vais le résumer; il y a quatre sujets: les antibriseurs de grève, le refus d'embauche, la sous-traitance et l'arbitrage des premières conventions. Ce qu'on fait, dans mon optique, c'est qu'on visse un peu plus les syndicats dans les bâtisses et pas avec n'importe quel "screw", on met des vis de "stainless steel". (16 heures)

Les petites entreprises, tantôt, pour fonctionner... Et pas tantôt! maintenant, et encore plus après cela, cela leur prendra un comptable, évidemment, qui est conseiller fiscal en même temps, un avocat et un conseiller en relations industrielles, parce que, quand tu vas embaucher un gars, tu ne sauras même pas si le gars ne te fera pas un grief si tu refuses de l'embaucher. Tu ne sauras pas cela. Il va falloir que tu aies un conseiller en relations industrielles pour te dire: Écoute, il faut que tu fasses attention à cela, etc. En plus, si cela va mal, un "tarla" - et ils ne sont pas tous de même dans les syndicats et je ne suis pas antisyndical, mon ami Louis peut en témoigner - avec votre loi antibriseurs de grève, peut décider que vous fermez les portes. Vous n'avez pas d'autres choses à faire que de vous taire puis c'est fini et le système est bloqué. Nous, on n'a pas l'Assemblée nationale pour adopter des lois pour les remettre à la raison ou les mettre en tutelle, ces "tarlas-là". Il faut les supporter, on crève et on est ignoré dans cette masse-là, puis ni vu ni connu, c'est un autre qui le remplacera.

Je reviens à la question de M. Paradis. Alors, on se dit, dans une période économique difficile où cela va moins bien, encore moins bien qu'on essaierait de dire que la reprise ce n'est pas si vrai que cela, j'ai le goût de vous dire: Fichez-nous donc la paix et laissez-nous donc travailler. C'est cela que j'ai envie de vous dire. Ce n'est pas d'être antisyndical pour le moment que de nous laisser faire un peu, d'essayer de créer des jobs.

On va encore être pris avec toutes sortes de choses et on ne saura pas comment en sortir. Je pense que je vais aller jusque-là. Si on sondait les coeurs et les reins des entrepreneurs - et je dis cela au ministre, peut-être qu'il me comprendra - savez-vous ce qu'on a envie de faire présentement? C'est de maudire notre camp. Ce n'est plus vivable. Je n'essaie pas de dramatiser, mais, pour la PME que vous semblez vouloir aider, vous nous mettez des tracasseries et cela ne finit plus. Possiblement qu'il y a des grandes idéologies en arrière de cela que je ne connais pas. Nous, on sait une chose. Ce qui est important, c'est qu'on ne veut pas être des fossoyeurs de jobs, mais on veut essayer d'en créer. Laissez-nous faire un peu, aidez-nous un petit peu.

Je ne sais pas si je réponds à votre question, mais je donne un sentiment d'un employeur qui en a ras le bol de tous ces projets de loi inventés dans des officines en arrière que, des fois, les ministres sont obligés de défendre; ce n'est même pas sûr. Laissez-nous travailler le temps que cela va mal. Quand on sera riche, qu'on sera du bon monde ensemble et qu'on aura bien de l'argent, ce sera le temps de faire ces choses-là et on va les étudier. Pour le moment, ce serait la réaction d'un employeur présentement à votre question. Je pense que cela n'ajoute rien et cela ne fait que créer des embêtements à l'entreprise. Cela n'apporte pas des résultats comme on en espère, deux ou trois accesseurs, des 30 jours et des choses comme cela. Cela n'apporte pas grand-chose présentement.

Une voix: En relations industrielles puis en comptabilité.

M. Beaulieu: Oui, c'est cela, mais il en faut passablement plus que cela pour réduire le chômage. Je pense que les universités n'en font pas tant que cela.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Beaulieu. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Merci, M. Beaulieu. M. Dufour ou quelques autres personnes qui vous accompagnent, vous dites dans votre mémoire qu'il s'agit de problèmes administratifs plutôt que de problèmes reliés au Code du travail. Est-ce que vous pourriez, dans une réponse assez brève, m'expliquer quel est le fondement de cette argumentation qu'a le Conseil du patronat?

M. Dufour (Ghislain): Pour nous, c'est un problème très sérieux et on en discute au CCTM depuis des années ou presque. On s'attarde ici surtout au plan du commissaire du travail, mais on pourrait dire la même chose et citer les mêmes statistiques pour le Tribunal du travail. Me Tobin vous résume cela en quelques phrases.

M. Tobin: M. le Président et membres de la commission, les chiffres les plus éloquents sont probablement les chiffres qui sont publiés chaque mois par le bureau du commissaire général du travail. Comme membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, du côté patronal, mes vis-à-vis du côté syndical et gouvernemental, nous avons tous ces chiffres chaque mois.

Il y a présentement, à la fin de mars, il y avait au-dessus de 3000 requêtes qui étaient en suspens, de toute nature, selon les chiffres que le commissaire général publie. Selon le mémoire du CPQ, si on regarde la liste des diverses requêtes qui sont pendantes ou qui l'étaient à la fin du mois de mars, on constate, premièrement, que les commissaires, qui sont probablement déjà débordés de travail à cause d'une surcharge si on compare à d'autres juridictions, reçoivent aussi d'autres mandats en vertu d'autres lois qui viennent s'ajouter à leur fonction première qui est d'adjuger en vertu de leur juridiction du Code du travail. Le mémoire du CPQ, que présentait ce matin M. Dufour, illustrait assez bien, quant à nous, que le problème de délais est probablement, pour une grande part, un problème de surcharge à cause des juridictions qui viennent s'ajouter aux commissaires du travail et à tout le processus décisionnel. Il y a certains endroits où le mémoire du CPQ propose des façons de raccourcir des délais. Et je pense que nous l'avons dit carrément dans notre mémoire. Mais les chiffres à la base qui illustrent bien la mécanique retardataire sont les chiffres qu'on voit chaque mois au CCTM.

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, si vous me permettez d'ajouter seulement une chose sur la question des délais. Bien sûr, les centrales syndicales peuvent se plaindre des délais en accréditation, c'est leur droit. Mais, remarquez bien que ce n'est pas plus intéressant pour un employeur qui reçoit une plainte en vertu de l'article 14, une plainte de congédiement pour activités syndicales, et qui doit réembaucher le gars ou la personne un an après, et payer une pleine rétroactivité. Nous aussi, on a vraiment intérêt - tout comme les centrales qui, elles, ont peut-être des objectifs différents - on a tout à fait intérêt à ce que, justement, le processus du commissaire-enquêteur, notamment, soit rapide. Dans les chiffres qu'on vous a donnés ce matin, les ratios personnel-requêtes sont très impressionnants. Et je cite une statistique, pour le rappeler: Au Québec, en 1981, on avait 89 employés au bureau du Commissaire du travail; on faisait 7300 requêtes; c'était le ratio de 100. Au gouvernement fédéral, il y avait 90 employés pour 1030 requêtes, soit 19,5 comme ratio. Et, rarement, M. le ministre, vous nous avez entendus suggérer des additions de personnel dans la fonction publique et parapublique. Mais, dans ce cas très précis, nous avons dit au CCTM: Voici un cas où il faut vraiment y aller en termes d'analyse coûts-bénéfices et nous sommes prêts à regarder cela.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

M. Paradis: M. Dufour, on parle beaucoup, dans le concept du projet de loi qui est devant l'Assemblée nationale, de déjudiciarisation des relations de travail. Est-ce que, à votre avis, le projet qui est déposé présentement règle ce problème-la?

M. Dufour (Ghislain): Non. Et cela va être une réponse très rapide, parce qu'on a démontré ce matin que cet argument qui est souvent invoqué, à savoir que les employeurs ou les syndicats vont souvent en Cour supérieure avec des brefs d'évocation, ce n'est pas exact, comme cela a été démontré ce matin. Pourquoi cela ne peut pas déjudiciariser - ce sera une réponse très brève - c'est que vous modifiez tellement le Code du travail par les propositions qui sont là que vous allez être obligés de réétablir toute une nouvelle jurisprudence par rapport à ces approches nouvelles. Et, à ce moment-là, cela prend deux ans, trois ans. On a à peine une jurisprudence nouvelle à partir de ce qu'on a eu avec la loi 45. Alors, cela ne peut pas déjudiciariser. Vous venez, encore là, de légaliser davantage le processus. Légalisant davantage le processus, vous vous orientez carrément vers une judiciarisation du système.

M. Paradis: Je pense que ma question va s'adresser à peu près à n'importe lequel d'entre vous, sauf à M. Beaulieu, parce qu'il a dit: Le projet de loi, oublions cela, foutez-

nous la paix. Mais, on a des problèmes pratiques à affronter à l'Assemblée nationale. Si vous aviez des articles à retenir comme étant acceptables de votre point de vue, du point de vue de votre organisme, dans le projet de loi 17, quels seraient les moins mauvais de ces articles-là?

M. Dufour (Ghislain): On pourrait vous laisser une liste, après la commission parlementaire; on l'a faite. On est prêt à regarder tous les articles qui concernent carrément les délais. J'en exprime rapidement deux avec lesquels on est d'accord. Actuellement, la copie de la requête en accréditation, par exemple, est envoyée à l'employeur par le syndicat. Là, il est proposé que ce soit le commissaire-enquêteur qui l'envoie. Bien sûr, cela va accélérer le processus. On est entièrement d'accord avec cela. Il y a toute une série de propositions d'ordre très concret comme cela, mais purement techniques, qui ne mettent pas en cause des principes avec lesquels on peut être d'accord. Si vous reteniez, par exemple, notre suggestion d'inclure les cartes des membres au moment d'un dépôt de requête en accréditation, qui est la suggestion du commissaire-enquêteur en chef, il est bien sûr que cela accélérerait le processus.

Je m'attarde davantage à l'autre volet de votre question, à savoir ce qui peut être le plus négatif pour les employeurs dans ce projet. Comme c'est un projet qui a pour objectif de réduire les délais, on devrait, mais de façon automatique, laisser tomber les dispositions additionnelles quant aux antibriseurs de grève. C'est l'aspect le plus mal reçu par le monde patronal. Deuxièmement, la formule de l'arbitre unique pour la première convention collective. Troisièmement, le refus à l'embauche, tel qu'exprimé actuellement dans l'article 14. Finalement, je reviens à la question que posait tout à l'heure le ministre des Affaires sociales, soit la fameuse question de la majorité simple par rapport à la majorité absolue. Ce sont les quatre volets qui nous permettraient de regarder les amendements au code, pour ce qui est des délais, de façon plus positive.

M. Paradis: J'ai une dernière question. Vous avez fait des suggestions au gouvernement. On ne les retrouve pas dans le projet de loi comme tel. Est-ce que vous pourriez nous indiquer - parce que vous devez certainement avoir eu des négociations - suivant votre expérience des négociations que vous avez eues avec le gouvernement, pourquoi ces suggestions n'ont pas été retenues? Quelles sont principalement ces suggestions?

M. Dufour (Ghislain): Je ne peux vous répondre pourquoi, M. le Président. Nous-mêmes, nous nous demandons pourquoi. Pourquoi ne retient-on pas les propositions patronales? Cela fait des années qu'on en exprime. Il y en a une à laquelle il n'est pas difficile de souscrire. C'est celle de l'accréditation d'une association d'employeurs, lorsqu'elle le demande. Pourquoi ne donne-ton pas suite à cela? Pourquoi ne donne-t-on pas suite au fait que les plaintes pour activités syndicales, en vertu de l'article 14, soient maintenant envoyées au Tribunal du travail? Ce n'est pas un drame à régler pourtant. Peut-être que, lorsqu'on parle de démocratie syndicale, c'est plus compliqué. Mais il y a des questions tout à fait d'ordre technique auxquelles on n'a jamais donné suite. Pourquoi n'a-t-on jamais défini des termes tels que "arrêt de travail", "grève", "syndicat", etc.? Voilà toute une série. Je ne peux pas vous répondre parce que c'est nous qui posons la question du pourquoi. Pourquoi ne donne-t-on jamais cela?

M. Paradis: Merci.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Vachon.

M. Bisaillon: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je vous avais demandé la parole.

Le Président (M. Blouin): Le député de Vachon avait demandé la parole bien avant vous.

M. Bisaillon: M. le Président, vous me forcez à faire ce que je ne voulais pas faire, finalement. Je soulève une question de règlement, M. le Président.

M. Scowen: Je pense qu'il y a un ordre. Cela fait...

M. Bisaillon: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je vais poser ma question de règlement en vous indiquant que cette décision a déjà été prise à la fois par la présidence en commission parlementaire et à la fois par la présidence à l'Assemblée nationale. Il existe, malheureusement pour le député de Vachon, une troisième voix à l'Assemblée nationale: il y a un député indépendant. Il serait normal, lorsqu'on parle d'alternance dans le débat -c'est évident - que cela aille en termes de

pour ou contre. Par exemple, si je suis pour ou si je suis contre un projet de loi, je peux être considéré d'un côté ou de l'autre, selon que je suis pour ou contre le projet de loi en question. À ce moment-là, je subirais l'alternance de la façon que vous venez de l'appliquer, c'est-à-dire parti ministériel, Opposition, parti ministériel. Sauf que, dans le cas qui nous concerne, lorsqu'il s'agit d'entendre des mémoires, il n'est évidemment pas question d'être ni pour ni contre; il s'agit d'entendre des gens qui viennent se prononcer devant nous. À ce moment-là, il a été clairement établi que, normalement, je passais en troisième. Surtout, M. le Président, qu'il s'agit là d'un débat limité. S'il ne s'agissait pas d'un débat limité dans le temps, il est évident que je n'aurais aucune objection à ce que l'on procède autrement. Mais comme les groupes qui sont entendus ont un temps limite pour le faire, forcément, les parlementaires ont aussi un temps limite pour poser des questions et faire leurs propres commentaires sur les mémoires qui ont été présentés.

Dans ce sens-là, l'alternance telle que vous l'appliquez, M. le Président, ou le fait de donner le droit de parole comme vous le faites pourrait m'empêcher éventuellement d'exercer le droit de parole auquel je pense avoir droit.

M. Payne: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Sainte-Marie, je vais vous rassurer tout de suite. Évidemment, il n'y a pas de temps limité au sens strict. C'est-à-dire que nous essayons de demeurer à l'intérieur de limites de temps raisonnables, compte tenu du nombre d'invités que nous avons. Nous tenons compte également - je pense que cela vient tout naturellement et tout spontanément -d'abord de l'ordre dans lequel les groupes se font entendre ainsi que de la voix qu'ils représentent. Dans le cas des grandes centrales syndicales ou du Conseil du patronat, pour un projet de loi comme celui-ci, vous comprendrez qu'il est normal que nous excédions un peu la limite de temps qui nous avait été fixée. Je puis vous assurer que vous aurez l'occasion de poser les questions que vous voulez poser. En ce sens-là, votre droit de parole et d'expression ne sera aucunement brimé et, quant à moi... (16 h 15)

M. Bisaillon: M. le Président, pour autant que je suis assuré de cet élément et pour autant aussi que ce n'est pas considéré comme une décision qui renverse celles qui sont déjà prises au moment où il y aurait des cas litigieux, cela ne me fait évidemment rien d'attendre et de laisser le député de Vachon prendre la parole. Je ne voudrais surtout pas qu'on considère que c'est une décision rendue par la présidence quant à l'alternance, alors qu'il y en a déjà eu d'autres. Si c'est pour permettre un débat plus serein et qui se déroule mieux, cela me va pour autant que j'ai l'assurance que je pourrai poser les questions que j'ai à poser.

Le Président (M. Blouin): J'essaie de contraster avec ce qui se passe à l'extérieur.

M. Bisaillon: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Vachon.

M. Payne: On a exercé aussi une certaine patience parce qu'on n'a pas encore pris la parole de toute la journée, c'est compréhensible.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Vachon, vous avez la parole.

M. Payne: Compte tenu de la vigueur avec laquelle le Conseil du patronat du Québec s'est opposé à la disposition sur les briseurs de grève, on ne s'attend guère que le même conseil ne montre pas les mêmes angoisses concernant l'exclusion des personnes morales. Je comprends les compagnies engagées en sous-traitance ainsi que les personnes physiques.

Par contre, après quatre ans, je pense que le Conseil du patronat pourrait peut-être nous faire part de son expérience de cet article de la loi de 1977 et nous expliquer de quelle façon cela continue ou de quelle façon cela produit le cauchemar dont vous avez parlé en 1977. Dans votre mémoire, par exemple, vous dites: "Elle impose la fermeture pure et simple de l'entreprise pendant la grève sans imposer de contrepartie comparable aux grévistes." Je trouve que cela montre un certain simplisme, mais si cela montre un certain simplisme, vous avez soi-disant enquêté auprès des PME depuis quatre ou cinq ans. J'aimerais d'abord avoir vos commentaires là-dessus.

M. Dufour (Ghislain): Écoutez, on est confronté avec un nouveau projet de loi. Nos remarques dans le mémoire s'adressent surtout au nouveau projet de loi et au resserrement qu'il y a là-dedans. Vous vous rappelez, M. Payne, que, lors du débat sur le projet de loi 45, nous en avons fait une question de principe, en dehors même de tout résultat éventuel dans son application. Cela nous était - vous vous en souviendrez aussi - présenté à ce moment au nom d'une certaine violence qu'il fallait tenter d'éviter dans le domaine des relations du travail. Je retournerais carrément la question au législateur: Est-ce que la violence n'existe plus dans le domaine des relations du travail

à cause de cela?

M. Payne: Alors, je viens...

M. Dufour (Ghislain): Je pense que nous allons plutôt regarder le problème qui nous est posé de façon concrète par l'affirmation des nouvelles dispositions et on va vous l'illustrer par un cas très concret. D'accord? Lorsque M. Beaulieu tantôt a parlé des sous-contrats, j'ai vu réagir le député de Prévost en disant: Cela n'y est pas. M. Beaulieu se référait justement à l'absence maintenant possible de "contractingin", vous savez, de ne plus avoir un sous-traitant qui vient à l'intérieur de l'entreprise en vertu des nouvelles dispositions antibriseurs de grève. C'est la sous-traitance à laquelle se référait M. Beaulieu. M. Laurin va vous expliquer dans un cas très concret où cela peut nous conduire.

M. Laurin (Jacques): M. le Président, M. le député de Vachon, cette disposition antibriseurs de grève avait pour but évident d'éviter la violence et d'assainir le climat de relations du travail dans le cas d'une grève ou d'un conflit ouvrier. La disposition, telle qu'elle était, permettait dans une certaine mesure à l'employeur de pallier certains inconvénients qui lui étaient causés par la grève et de sauver les meubles dans une certaine mesure, c'est-à-dire de s'occuper de ses inventaires, de voir à acheminer la production qui était en cours lors du déclenchement du conflit et possiblement de voir à régler des situations d'urgence.

Un cas pratique que j'ai vécu est celui du chantier de la Baie-James où il y a eu, à un moment donné, une grève, je crois, des gens qui fournissaient les services de cafétéria et où, à toutes fins utiles, en raison de la lacune qui existe dans la loi actuelle ou de l'article 109 actuel de la loi, on pouvait sous-traiter afin de nourrir les employés qui étaient sur le chantier à la Baie-James et finir certains travaux qui étaient en cours. Ce que vous prévoyez maintenant dans la nouvelle disposition est d'empêcher toute forme de sous-traitance ou d'empêcher que toute personne morale exécute du travail qui est normalement effectué par un salarié qui appartient à l'unité qui est en grève. Ce qui voudrait donc dire que, dans le cas que nous avons vécu, où il y a eu grève chez J.À. Hubert et Crawley-McCracken à la Baie-James, à toutes fins utiles, avec cette disposition-là, on fermerait le chantier de la Baie-James complètement plutôt que de permettre à une autre entreprise qui fournit des services de cafétéria d'aller nourrir les employés qui sont sur place et possiblement régler les situations qui sont urgentes.

Il faudrait également voir dans quelle mesure l'interdiction de recourir à une personne morale pour faire effectuer du travail ne causera pas des problèmes énormes dans les secteurs public et parapublic. Il pourrait y avoir des difficultés là où un syndicat déposerait une liste de services essentiels qui serait laconique et où il y aurait interdiction complète chez l'employeur, dans un centre hospitalier, de recourir à un sous-traitant pour fournir des services qui sont normalement effectués par des salariés qui sont en grève. La disposition se trouverait à empêcher un employeur de sauver les meubles et de régler certaines situations qui sont urgentes, qui sont pressantes, dans l'intérêt public. Il faut quand même noter - et on le souligne dans le mémoire du Conseil du patronat aux pages 5, 6 et 7 - que ces dispositions, déjà dans la loi telle qu'elle existe et telle que resserrée par le projet de loi 17, sont vraiment des dispositions d'exception sur l'échelle nord-américaine. On vient, dans une certaine mesure, subjuguer l'employeur à l'égard des demandes qui sont faites par les syndicats et on le met à la merci des demandes formulées lors d'une négociation par la partie syndicale.

M. Payne: Je m'étonne qu'il n'y ait pas de recherche sur les PME et l'effet de cette disposition de la loi. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de l'étude qui est publique déposée à la Bibliothèque nationale du Québec. Je peux lire un petit paragraphe: "Une des impressions qui se dégagent de cette étude, c'est la conclusion que, bien qu'incomplètes, les dispositions ont eu un impact certain sur les relations du travail au Québec. Les indices globaux sur les conflits de travail nous montrent que la durée moyenne en jours ouvrables des conflits a diminué de 1976 à 1979. Le fait que les dispositions antibriseurs de grève existent depuis 1978 n'est sûrement pas la seule cause de cette diminution, mais ce facteur n'y est pas complètement étranger. Une moyenne de 99,4 jours ouvrables en 1976 et de 32,8 en 1979." Je continue: "Nous constatons aussi que l'enquêteur a un rôle -cela a été critiqué tout à l'heure par le conseil, si j'ai bien compris - prépondérant à jouer. Bien que le code mentionne uniquement que ce dernier doit enquêter et faire rapport, il en est autrement dans la réalité. En effet, l'enquêteur a un rôle qui, selon nous, se définit en trois points: préventif, dissuasif et indicatif."

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, est-ce qu'on peut réagir à cela tout de suite?

Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Dufour (Ghislain): C'est l'article qui a été publié dans la revue Québec-Travail.

Est-ce à cela que vous vous référez?

M. Payne: La référence est différente. Cela a été déposé à la bibliothèque.

M. Dufour (Ghislain): Oui, mais je veux dire que c'est la revue Québec-Travail, c'est l'analyse des chercheurs du ministère...

M. Payne: Voulez-vous la référence?

M. Dufour (Ghislain): ...qu'on connaît bien. Cela nous est confirmé, d'ailleurs, à l'arrière. Il faut prendre cette analyse-là dans sa globalité. Le nombre de jours-hommes perdus au Québec depuis environ deux ans a drôlement baissé aussi - il faut faire les deux courbes en même temps -parce que la situation économique nous conduit à cela actuellement. Ce qu'on vous a toujours dit aussi, c'est l'autre volet de la réponse possible dans cette analyse des chercheurs du ministère du Travail, c'est qu'une PME ne pouvait pas déménager sa production. Elle ne le pourra jamais sauf que la grande entreprise le peut, ailleurs dans un entrepôt. Cela aussi compte dans les jours-hommes perdus. Or, il y a une critique qui a été faite de cet article publié dans la revue du ministère du Travail. Nous en enverrons la critique.

M. Payne: J'aimerais porter votre attention à la page 75. Cela pourrait vous intéresser de voir le rôle de l'enquêteur et la façon dont il peut remplir sa tâche. C'est intéressant de voir qu'il y a 17% des conflits qui sont réglés pendant une enquête. Il y a certaines influences qui sont positives depuis 1977. Cela pourrait être dans l'intérêt du conseil de le souligner de temps à autre. Je ne vois pas les visions cauchemardesques que vous avez préconisées en 1977 pour cet article.

M. Dufour (Ghislain): C'est la même réponse.

Le Président (M. Blouin): Alors, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, j'ai quelques brèves questions. M. Dufour, sur la question de la majorité, vous avez prétendu, à bon droit, je pense, que cela modifiait la pratique de la majorité absolue. Ce principe de la majorité absolue visait à identifier l'unité et l'accréditation, c'est-à-dire le syndicat représentatif. Peu importent les calculs qu'on peut faire, les amendements du projet de loi visent davantage à identifier la volonté des travailleurs d'être représentés par une organisation syndicale, dans un premier temps, et, dans un deuxième temps, on trouve un mécanisme pour choisir quel groupe syndical les représentera. Alors, peu importent les calculs que vous faites, ne pensez-vous pas que le fait de procéder différemment par rapport à ce qu'on faisait autrefois, cela nous permet, en tout cas, d'identifier clairement la volonté d'être représenté par une organisation syndicale? Ce qui me semble maintenu dans le projet de loi actuel, même si, à certains moments, un syndicat donné ne représentera pas au départ la majorité absolue des travailleurs, mais il pourra quand même répondre aux besoins des travailleurs d'être représentés par une organisation syndicale et convenir d'une convention collective avec l'employeur.

M. Dufour (Ghislain): On a en partie répondu à cela tout à l'heure en faisant l'argument sur la majorité absolue par rapport à la majorité simple. Je n'ai pas grand-chose à reprendre. On situe bien, M. Bisaillon, que c'est dans un cas de maraudage, ce n'est pas au premier contrat. Dans le premier contrat, il se sera exprimé de façon automatique. Même si le vote est déclenché avec seulement 35% des cartes, il devra exprimer une majorité absolue. À un moment donné, il y a un syndicat de la FTQ qui est accrédité, en période de maraudage, par la CSN. Il peut - non, mais par la CSD, c'est peu fréquent - arriver que vous ayez les 32% et 33% dont on parlait tantôt et dont on parle dans notre mémoire. Cela va donc contre le principe - je me répète - de la règle absolue. Cela ne peut pas faire autrement que de situer au départ un problème de relations du travail difficile. Vous avez 32% ou 33% des gens, comme hypothèse CSN, qui ont pris le dossier par rapport à un autre groupe qui était quasiment aussi gros à l'intérieur de l'entreprise. Pour nous, cela peut créer au départ un problème de relations du travail. Cela me permet d'ajouter, si vous me permettez, un petit détail...

M. Bisaillon: En quoi et comment cela vous pose-t-il un problème de relations du travail particulier?

M. Dufour (Ghislain): Je vais en identifier un. S'il y a eu beaucoup de militantisme syndical, par exemple, de part et d'autre, il y en a probablement qui ne prendront pas la défaite de façon facile. Alors, je veux dire qu'il y a un groupe qui est constitué et un autre groupe qui est à l'intérieur et qui probablement continuera à exprimer un certain militantisme. Alors, ce que l'entreprise cherche une fois que sa convention collective est signée, c'est la paix industrielle. On ne peut pas, en toute hypothèse, se placer dans une situation comme celle-là.

M. le Président, si vous me permettez de revenir à la question du député, nous proposons que, lorsqu'il y a un vote de ce

genre - et cela, c'est majeur pour nous, disons qu'il y a deux ou trois centrales d'impliquées - on suggère dans notre mémoire qu'il y ait un troisième ou un quatrième petit carreau qui dise: Aucun syndicat.

M. Bisaillon: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Sainte-Marie. (16 h 30)

M. Bisaillon: Avant de poser ma deuxième question, je ferais un bref commentaire. Il me semble que...

M. Dufour (Ghislain): M. Tobin voudrait ajouter quelque chose.

M. Tobin: La continuation de la position énoncée par M. Dufour, je pense, nous amène nécessairement à regarder le taux de syndicalisation, actuellement, au Québec. En d'autres mots, si on regarde, à travers le Canada, les dernières statistiques publiées par Statistique Canada démontrent un taux de syndicalisation d'environ 37%. Ce sont les derniers chiffres que nous avons consultés il y a environ trois mois. Les chiffres, au Québec, ne sont pas du tout inférieurs à la moyenne à travers le Canada. En d'autres mots, le système canadien, le système nord-américain a voulu, pour faire une distinction avec ce qui prévaut en Europe où il y a multiplicité syndicale, qu'il y ait majorité syndicale. Cela fait en sorte que, au Québec, aujourd'hui, on ne peut pas dire que le mouvement syndical est perdant par rapport au mouvement syndical ailleurs au Canada. Les chiffres sont là.

L'argument que vous soulevez en est un où on est obligé de revenir et de dire: Est-ce que, finalement, on veut changer notre système de représentativité syndicale et aller vers un modèle européen où nous avons, à toutes fins utiles, une mosaïque d'idéologies syndicales, où, quel que soit le pourcentage, il y aura quand même voix au chapitre? Jusqu'à maintenant, en Amérique du Nord, au Québec, nous n'avons pas adopté ce mode.

Je pense que le point que soulevait tantôt Ghislain en est un, pour nous, fondamental. C'est que, effectivement, la majorité syndicale a permis à l'entreprise de se baser sur un courant majoritaire d'adhésion des travailleurs. Si on est pour changer le système maintenant, à ce moment-là, la mosaïque d'idéologies syndicales multipartite devra ramener une étude de fond complète.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je ferai un bref commentaire avant de poser ma deuxième question, qui sera la dernière, M. le Président. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il en va de la représentation syndicale comme de la représentation politique? Autrement dit, pendant longtemps, on a attaché de l'importance au fait qu'une majorité absolue de syndiqués se prononcent pour un syndicat en ne tenant pas compte de - je débouche sur un vieux dossier - la volonté d'être représentés par une organisation syndicale. Autrement dit, pour moi, ce qui est important, c'est qu'une majorité de travailleurs dans une entreprise se déclarent intéressés à être représentés par une organisation syndicale de la même façon que la population se déclare prête à être représentée par une organisation politique qu'elle met au pouvoir, souvent de façon minoritaire.

Nous, comme députés élus individuellement, ne recueillons pas une majorité absolue des voix, de même que les partis politiques. Est-ce que le parallèle ne peut pas être fait? On ne parle pas d'absence de démocratie au niveau du Parlement. Est-ce que vous dites que notre Parlement n'est pas démocratique? Si notre Parlement est démocratique, pourquoi cela serait-il différent dans les organisations syndicales? Autrement dit, pourquoi exigerait-on dans les organisations syndicales une démocratie différente de celle qu'on pratique à tous les jours?

Le Président (M. Blouin): M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Vous avez dit que c'était un commentaire, que ce n'était pas une question.

M. Bisaillon: Ma deuxième... Une voix: Très bien.

M. Bisaillon: ...et dernière question concerne les arbitrages de première convention collective en particulier. On discute beaucoup des critères qu'il faudrait mettre de l'avant ou qu'il ne faudrait pas mettre de l'avant pour en arriver à l'arbitrage d'une première convention collective. Quelles objections auriez-vous -évidemment, on parle toujours de première convention collective - à ce que cet arbitrage soit automatique? C'est-à-dire que, à partir du moment où un délai normal qui pourrait être prévu dans la loi est passé, l'arbitre nommé par le ministre conclut ou propose une convention collective dès le départ. Pourquoi faudrait-il qu'il y ait des critères de bonne foi, de mauvaise foi, ou d'autres types de critères ou un jugement particulier porté par l'arbitre? Quelles objections auriez-vous à ce qu'il y ait un arbitrage automatique et la mise sur pied d'une convention collective? On parle

toujours d'une première convention collective.

M. Dufour (Ghislain): Écoutez, on n'a peut-être pas tellement d'objections de fond à votre proposition, parce qu'on en retrouve certains éléments dans la nôtre. Ce qu'on dit, c'est que, quand vous faites disparaître la notion de bonne foi pour lui substituer des notions de temps raisonnable ou d'improbable ou des choses comme celles-là, vous êtes loin d'avoir amélioré le problème finalement. En tout cas, il faudrait en débattre davantage parce qu'il y a des éléments là-dedans, parce que nous aussi on s'oriente dans la solution du problème beaucoup plus vers des délais. On dit: Au lieu de chambarder le système actuel qui a trouvé finalement, qui a fait ses preuves dans certains cas - il y aura toujours des cas problèmes - pourquoi ne pas imposer à l'arbitre patronal ou à l'arbitre syndical des délais et, s'ils ne sont pas nommés ou s'ils ne sont pas là, l'arbitre procède sur une base unique? Donc, on vous rejoint en partie sur la question d'imposition des délais.

M. Bisaillon: Quand vous me parlez d'arbitre, vous me parlez d'arbitre de grief.

M. Dufour (Ghislain): Non, je vous parle de première convention collective. On le dit très bien dans notre mémoire. Si les arbitres des parties, par exemple, n'ont pas été nommés à l'intérieur d'un délai X, que la loi s'applique, un mois, deux mois, on n'en suggère pas.

Cette notion de délai nous plaît, plutôt que de chambarder le système. La difficulté que vous allez avoir, c'est de dire: Est-ce qu'on laisse aller les choses six mois ou un an et là, de façon automatique, il y a un arbitrage de première convention collective? Cela ne se tranche pas nécessairement au couteau. Il y a des cas qui sont faciles et il y en a d'autres qui sont difficiles.

Je regardais l'Union des municipalités tantôt exposer son problème. C'est un dossier qui est difficile. Dans d'autres cas où il y a dix employés, c'est peut-être beaucoup plus facile. Quant au fond, M. Bisaillon, on ne rejette pas ce que vous dites.

M. Bisaillon: Je terminerais avec un bref commentaire, M. le Président, qui n'est pas une question.

M. Beaulieu, je pense, a dit qu'il ne voulait pas dramatiser inutilement les difficultés que rencontreraient les entreprises à la suite des amendements qui sont proposés actuellement. Je voudrais rappeler à M. Dufour son intervention au moment où on a voté, par exemple, la loi sur la sécurité au travail. Je ne sais pas si M. Dufour peut se rappeler des commentaires qu'entre autres le monde patronal avait passés sur la clause d'arrêt de travail volontaire, en présentant cela comme étant ce qui était pour empêcher de fonctionner à peu près toutes les entreprises au Québec. Or, au moment de l'étude des crédits de cette année, j'ai posé la question et le président de la CSST me dit qu'il y a à peine une cinquantaire de cas d'arrêt de travail et qu'il n'y a pas d'augmentation sensible d'année en année, même qu'il y a une tendance à une diminution et qu'à peu près 50% de. ces arrêts de travail sont confirmés par un enquêteur par la suite. Il me semble que, dans le cas de cette loi qui devait soi-disant nous amener toutes sortes de difficultés, on doit se rendre compte avec la pratique qu'il n'y en a pas eu, en tout cas pas celles qu'on relevait à ce moment-là.

Je me demande jusqu'à un certain point si, dans le milieu des relations du travail et en particulier en regard des amendements qui sont présentés devant nous, on n'assistera pas effectivement au même résultat.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Sainte-Marie.

M. Dufour (Ghislain): Écoutez, je voudrais juste dire à M. Bisaillon que, s'il me cite, je voudrais qu'il me cite au texte. Ce n'est pas possible que j'aie dit qu'on fermerait toutes les entreprises du Québec là-dessus, parce que je savais très bien qu'un bon nombre de syndicats n'utiliseraient pas leur droit de refus de travailler et qu'ils négocieraient avec l'employeur avant. Sauf que déjà les statistiques que vous a données M. Sauvé en commission parlementaire des crédits du ministère du Travail, ici même ou en tout cas en bas, pour nous sont drôlement importantes parce que la seule fermeture d'une entreprise pour refus de travail, pour nous, c'est déjà majeur.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dufour. Merci, M. le député de Sainte-Marie. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, une question que j'aimerais poser à M. Dufour. Il a fait état des recommandations qu'il a faites au gouvernement dans le passé. Le gouvernement est venu, il y a trois ans, je crois, avec un projet de loi. On en a un nouveau aujourd'hui.

Une question d'ordre général que j'aimerais poser puisque le gouvernement nous a promis une révision globale du Code du travail. De quelle façon voyez-vous la dynamique de ces modifications qui viennent à la pièce à tous les deux ou trois ans et de quelle façon cela modifie-t-il quand même assez substantiellement le Code du travail? Même s'il y avait une révision globale du Code du travail qui nous est promise pour l'automne, comment cela peut-il handicaper ou améliorer le processus qui permettrait une

révision globale du Code du travail et qui serait dans le meilleur intérêt et de l'entreprise et des travailleurs?

M. Dufour (Ghislain): Écoutez, la question globale de la réforme du Code du travail est une question drôlement difficile à répondre parce que je n'ai pas l'impression que l'on parle de la même chose quand on parle de la réforme du Code du travail. Avant le sommet de La Malbaie, nous-mêmes parlions d'une réforme en profondeur du Code du travail; comme Conseil du patronat, nous l'avions recommandée. Cela avait des contenus très précis. Nous demandions, par exemple, un Code du travail différent pour le secteur public et pour le secteur privé. C'était une partie de la réforme. Nous demandions d'intéger peut-être la loi 290 de la construction au Code du travail. C'était aussi une partie de la réponse.

Ce matin, si le ministre M. Fréchette avait été là, nous lui aurions justement demandé ce qui est proposé comme réforme à l'automne. Si la réforme, c'est de remettre sur la table le débat de la négociation sectorielle, de reprendre le débat sur les articles 45 et 46, sur la sous-traitance, c'est évident qu'on ne marche pas. S'il s'agit de deux codes du travail, il s'agit d'une réforme drôlement majeure - public par rapport à privé - et on ne sait plus ce que veulent dire les termes. Alors, sur cette question, nous ne sommes pas prêts, à ce moment-ci, à nous prononcer.

M. Fortier: Je voudrais faire état d'une de vos recommandations. Vous pensiez qu'une révision pourrait amener un code du travail pour le secteur privé et un autre pour le secteur public. Tout à l'heure, M. Beaulieu faisait allusion aux problèmes de la petite entreprise. Est-ce que le Conseil du patronat a fait des études sur ce qui peut exister dans d'autres pays? Bien sûr, très bientôt, selon le ministre des Affaires intergouvernementales, on sera associé à la France et peut-être que c'est le Code du travail français qui s'appliquera ici.

Or, sans aller jusque-là - peut-être qu'on peut s'inspirer d'autres pays comme le Japon - est-ce qu'il y a des études que le Conseil du patronat aurait faites permettant de concevoir un code du travail pour la grande entreprise qui, elle, a les moyens de se défendre, et un code du travail très restreint et beaucoup plus limité pour la petite entreprise, eu égard aux difficultés auxquelles faisait allusion M. Beaulieu? Cela assurerait justement une dynamique de création d'emplois pour lui permettre de se lancer. Il faudrait arriver à un moment où il s'agirait de définir la dimension de cette entreprise, où l'entreprise serait devenue d'une certaine envergure et aurait donc les moyens de se défendre. On pourrait adopter un code du travail plus contraignant et, comme elle serait plus dynamique, ayant plus de ressources humaines et financières, elle aurait les moyens d'assumer les responsabilités qu'on veut imposer, sans aucune discrimination, à une grande entreprise comme General Motors ou l'Alcan et à une petite entreprise comme celle de M. Beaulieu.

Est-ce que vous avez fait des études de ce côté-là et est-ce une recommandation que vous aviez déjà faite ou, du moins, est-ce une possibilité à laquelle les législateurs devraient penser?

M. Dufour (Ghislain): Je pense qu'au Conseil du patronat, de façon générale, on ne fait pas de distinction entre General Motors et Alexandre Beaulieu Inc. On doit avoir un système de relations du travail cohérent et vivable pour les entreprises québécoises. Ce système, qui s'applique aux grandes entreprises, ne doit pas être plus contraignant au Québec qu'il ne l'est à l'extérieur. Dans ce sens-là, oui, on a fait des analyses comparatives. C'est le cas, par exemple, des dispositions antibriseurs de grève. Je vous rappelle que vous ne retrouvez cela nulle part en Amérique du Nord, sauf en Colombie britannique où vous avez ce qu'on appelle des "professional strike breakers". Jamais, nous, on a dit que, pour les "professional strike breakers", on était d'accord.

Quand vous parlez de distinction entre des PME et des soi-disant grandes entreprises, où va être la frontière? Le nombre d'employés, les actifs? Le nombre d'employés ne veut plus rien dire parce que, plus on s'en va vers la haute technologie, moins on a d'employés. C'est le débat qu'il faudrait peut-être faire, mais nous, on n'est pas capable de se prononcer là-dessus, sauf que - je termine là-dessus, M. le Président -il faut toujours faire attention pour ne pas comparer des systèmes qui ne se comparent pas. Le système européen ne se compare pas du tout avec le système canadien ou avec le système québécois. On est au niveau de l'établissement alors que là-bas... Quelqu'un a dit ce matin que, de toute façon, dans nos lois du travail, l'établissement n'est jamais défini de la même façon. On a des définitions différentes partout, au niveau des normes de la CSST, etc. - on ne sait pas de quoi on parle - alors qu'en Europe vous avez la négociation sectorielle; ce ne sont pas des monopoles. Alors, ce n'est ni la même structure, ni la même idéologie.

M. Fortier: En fait, ce que vous dites, c'est que votre principe n'est pas tellement de définir un code du travail pour la petite ou pour la grande entreprise.

M. Dufour (Ghislain): Non.

M. Fortier: Ce que vous soulignez, c'est une concurrence par rapport aux autres provinces...

M. Dufour (Ghislain): Voilà.

M. Fortier: ...ou aux États américains...

M. Dufour (Ghislain): Voilà.

M. Fortier: ...qui nous sont limitrophes, dans un climat de concurrence pour le développement de l'entreprise et pour la venue de nouvelles entreprises ici.

M. Dufour (Ghislain): Ce n'est pas, en somme, une distinction entre une grande et une petite entreprise qui nous ferait accepter des dispositions antibriseurs de grève. C'est clair.

M. Fortier: Alors, l'aspect de la concurrence avec les provinces voisines ou les États voisins est un facteur beaucoup plus important pour vous. Est-ce que vous avez fait des analyses sur les différents sujets dont vous faites état ici?

M. Dufour (Ghislain): Oui, oui.

M. Fortier: Est-ce que ces études sont disponibles?

M. Dufour (Ghislain): Oui, oui, il y a la question, par exemple, des dispositions antibriseurs de grève, d'arbitre unique, cette comparaison, en quoi notre législation québécoise est plus avancée que les législations des autres provinces. Oui, on peut mettre ces études à la disposition de quiconque les veut.

M. Fortier: Je vous remercie. (16 h 45)

Le Président (M. Blouin): Merci. Je signale aux membres de la commission qu'il est presque 16 h 45, qu'il y a trois autres intervenants qui m'ont demandé la parole et que nous devrons, malgré tout - qu'on en soit satisfait ou pas, c'est la réalité avec laquelle nous devrons vivre - d'ici à minuit ce soir, avoir entendu l'ensemble des intervenants ou encore suspendre les travaux de la commission sans avoir pu entendre tous les intervenants qui se sont déplacés et qui ont fait des efforts pour venir émettre les opinions qu'ils désirent émettre devant les membres de cette commission.

Je fais appel à la collaboration des membres de la commission, d'abord pour intervenir sur des sujets qui n'ont pas encore été soulevés, afin de pouvoir connaître les opinions de nos invités sur des sujets qu'ils n'ont pas encore traités. Sinon, évidemment, si tous les membres ne collaborent pas, nous ne pourrons certainement pas entendre tous les organismes qui se sont déplacés aujourd'hui. Je crois que l'objectif est de les entendre tous. C'est pourquoi je demande aux membres de la commission, et particulièrement aux trois intervenants qui ont demandé la parole, de bien vouloir le faire succinctement, dans la mesure du possible. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Écoutez, succinctement... Je vais poursuivre sur la question de mon collègue d'Outremont. Vous avez dit, M. Dufour, à la page 2 de votre mémoire: "Notre Code du travail est l'un des plus contraignants pour l'entreprise en Amérique du Nord." C'est vraiment une question qui m'intéresse beaucoup. Mon collègue vous a posé la question en partie. Il a demandé si vous aviez des études pour prouver cela. Vous avez répondu: Oui, dans le cas des briseurs de grèves, cela existe. Je vous demande simplement ceci: Est-il possible qu'il ne soit pas vrai que notre système en soit est un des plus contraignants? Je pense que vous acceptez, comme moi, que l'État est obligé d'intervenir dans le domaine du travail. Prenons, à titre d'exemple, l'article 14. Je pense que vous serez d'accord, comme moi, qu'il y a des petites et moyennes entreprises, des grandes aussi, qui parfois refusent un emploi à une personne non pas à cause de sa compétence, mais parce qu'elles pensent que cette personne peut leur causer des problèmes sur le plan syndical. Les droits individuels de cette personne sont brimés par cette décision. Cela peut arriver, j'imagine. Je ne crois pas que vous prétendrez que cela ne puisse pas exister. Ce sont de tels abus, constatés à plusieurs reprises, qui ont incité le gouvernement à agir.

Ce qui m'intéresse, c'est qu'on ne peut pas essayer de mettre fin à toutes les injustices du monde en faisant abstraction de ce qui se fait à côté de nous. Parfois, on fait des revendications ou des déclarations qui ne sont pas basées sur les faits. Cela devient un peu du folklore. La semaine dernière, j'avais l'intention de demander au ministre des Finances s'il est vrai que les PME sont sous-capitalisées. Cela fait aussi partie de notre folklore. Je n'ai pas été étonné de découvrir qu'il n'existe aucune étude, dans l'histoire du Québec ou du Canada, pour faire la démonstration que les PME d'ici sont sous-capitalisées. Mais tout le monde le dit.

Le Code du travail du Québec est un ensemble de mesures. Il n'y a pas seulement l'aspect antibriseurs de grève, il y a un paquet de choses. J'aimerais voir, un jour, une espèce de preuve en ce sens que, oui, dans l'ensemble, nous ne sommes pas concurrentiels. Je me demande si une étude globale a déjà été faite ou si nous sommes, dans ce cas-ci comme dans l'affaire des PME

dont j'ai parlé, ce que quelqu'un a dit, qui a été renforcé et enrichi par toutes sortes d'anecdotes, en arrivant au point ou c'est tenu pour acquis, même si ce n'est pas vrai. Quelle est la situation d'un employeur de New York qui a le choix de s'implanter dans un ou deux des endroits, soit à Montréal ou à Toronto? Il demande à son directeur de personnel de lui donner une analyse sur les avantages et inconvénients des deux, sur le plan du Code du travail. Est-ce que cette analyse existe?

M. Dufour (Ghislain): De façon globale, en termes d'inventaire global, article du code par article du code, commission des normes, vacances, congés, etc., je ne sais pas. Sauf que chez nous, oui, on a un certain nombre de comparaisons, et sur la loi 126 et sur la loi 17 et sur le code. Vous n'avez pas besoin, M. Scowen, de parler avec plusieurs entrepreneurs qui viennent de Toronto ou d'ailleurs pour vous le faire dire, nonobstant les statistiques. Je veux dire qu'on n'a pas besoin de grandes recherches et de sondages CROP là-dessus, les gens vont carrément exprimer ce problème. Parfois ce sont beaucoup plus des questions de sensibilité au problème que des questions de statistiques.

Ce que nous disons, c'est que c'est bien sûr qu'on ne retrouve peut-être pas la disposition arbitrage de première convention collective par un arbitre unique dans l'ensemble des neuf provinces et le fédéral. Sauf que ce cas, on l'a peut-être en Colombie. Mais ce qu'on a fait au Québec, c'est qu'on a ramassé tout ce qu'il y avait de meilleur dans toutes les législations de toutes les provinces et du fédéral, et on s'est fait un code avec cela. C'est là le problème. Quand on fait un "building-up", un ensemble, on commence à avoir un problème.

À la première question, vous dites: Est-ce que le travailleur ne peut pas avoir un recours en vertu de l'article 14 pour un refus à l'embauche? Je vous dirai purement et simplement que l'État législateur et l'État employeur auront probablement plus de problèmes que le secteur privé dans ce dossier et que, de toute façon, il y a une Charte des droits et libertés de la personne qui existe, et c'est prévu. Il y a un recours actuellement pour le travail dans un dossier comme cela. D'ailleurs, on veut éviter, si vous lisez le mémoire... On soulève tout cela, toutes les possibilités d'aller en convention collective, d'aller devant le commissaire-enquêteur, d'aller devant la Commission des droits de la personne, une série de possibilités, un dossier qui devrait également, dans votre inventaire, M. Scowen, être clarifié.

M. Scowen: Est-ce que vous croyez que l'article 14 qui existe va déjà trop loin dans le sens de protections additionnelles au- dessus du Code civil?

M. Dufour (Ghislain): Je ne pourrais répondre. Est-ce qu'il est standard par rapport aux autres législations? Je ne pourrais le dire, sauf qu'on fait une demande qui est fondamentale. C'est que les articles, en vertu de l'article 14, qui mettent en cause du droit et non pas purement des questions administratives - parce qu'il s'agit souvent de réembaucher un travailleur un an après, avec tout ce que cela impose -devraient quant à nous être réglés par un tribunal et non pas par le commissaire du travail.

M. Scowen: Une dernière question à M. Beaulieu. Dans le cas des petites et moyennes entreprises au Québec, est-ce que vous avez l'impression que le Code du travail, pour les petites et moyennes entreprises, est plus contraignant ici qu'en Ontario? Est-ce que les gens de ces compagnies, les homologues de Cornwall ont plus ou moins de problèmes avec leurs propres inspecteurs et leur propre Code de travail que nous?

M. Beaulieu: Je pense que si. Mais ce n'est pas ce genre de discussion ou de réponse. On ne va pas sur la place publique pour dire cela. Si vous voulez avoir des investissements au Québec et des employeurs qui vont venir s'installer au Québec, vous ne commencez pas à vous discréditer. Peut-être qu'un jour il faudra dire certaines vérités, mais, pour le moment, on essaie de dire que ce n'est pas pire qu'ailleurs. Mais, si on fait des analyses et si on voit les gens s'en aller en Ontario plutôt qu'ici, il y a des réponses à cela.

M. Scowen: Je vous pose la question parce que je veux que vous me disiez avec chiffres ou détails à l'appui qu'on n'est pas concurrentiels parce que, pour moi, on doit avoir ici un système qui est concurrentiel. Mais il me semble que, si on n'est pas certain de nos faits, c'est bien difficile d'aller de l'avant dans un projet de changer le système ici. Il faut que les hommes d'affaires sachent être concurrentiels.

M. Dufour (Ghislain): M. Scowen, ce sont des choses que vous ne pouvez...

M. Scowen: Mais il faut d'abord comprendre et avoir confiance.

M. Dufour (Ghislain): Ce sont des choses que vous ne pouvez quantifier. Comment voulez-vous quantifier ces choses? Ce n'est pas quantifiable. C'est-à-dire que, quand on a huit congés chômés au Québec par rapport à sept en Ontario, on a une journée de plus et, si on a deux semaines de

vacances au lieu d'une, cela se quantifie, mais comment peut-on quantifier des choses comme le refus à l'embauche? Cela ne se quantifie pas.

M. Scowen: Je n'insiste pas pour que ce soit quantifié, mais je pense qu'on doit insister pour que ce soit évalué et comparé quand même parce qu'on fait des déclarations disant que le Code du travail est plus contraignant ici qu'ailleurs. On fait ces déclarations.

M. Dufour (Ghislain): Si c'est là le sens de votre question, et là non quantifié, est-ce que c'est plus contraignant? Oui. M. Laurin.

M. Laurin (Jacques): M. Scowen, sans qu'on ait de statistiques élaborées sur la question, tout ce qu'on peut dire, c'est que, lorsqu'un client nous consulte et nous demande quelle est la situation si on établit une entreprise au Québec, si cette entreprise est captive et n'a qu'un établissement au Québec, comparativement à la même entreprise qui aurait son entrepôt à Cornwall, face aux dispositions antibriseurs de grève, force nous est de conclure que le client serait beaucoup mieux d'établir son entrepôt à Cornwall puisque, dans une telle situation, il pourrait continuer de produire, en dépit des dispositions antibriseurs de grève, d'acheminer sa marchandise et de remplir les commandes de ses clients au Québec.

Devant une telle situation, c'est donc dire que l'entreprise québécoise, qui est captive, qui est ici, est en position concurrentielle nettement désavantageuse par rapport à la même entreprise qui aurait son établissement à Cornwall ou en Ontario.

M. Scowen: J'aimerais terriblement poursuivre cette discussion, mais je pense que, par respect du désir du président, je vais arrêter.

Le Président (M. Blouin): Je crois que vous réagissez davantage par respect pour nos invités qui se sont déplacés. M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, mes collègues ont souligné la frustration que nous éprouvons ici très souvent devant l'empressement d'adopter des lois à la vapeur à la fin d'une session. C'est peut-être normal que le gouvernement ne fasse pas connaître ses intentions à l'Opposition, mais j'ose espérer, M. Dufour, que le ministre ou le ministère vous a traité différemment et que, dans le passé - justement avant qu'il arrive avec ce projet de loi - il vous a consulté. Je fais la distinction entre la consultation, qui est un échange d'idées, et simplement vous transmettre des informations. Pour se servir du langage de l'adjoint parlementaire, le député de Prévost, lorsqu'il a donné la différence entre consultation et information, pour employer son langage, parce qu'il est un expert en moyenne pondérée, pourriez-vous nous dire combien de vos recommandations ont été retenues, dans ce projet de loi?

M. Dufour (Ghislain): Je dois dire que le ministre du Travail nous a non pas informés, mais consultés dans ce dossier. Dès le mois de décembre, à l'intérieur d'une instance qui s'appelle le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, le ministre nous a projeté ses grandes orientations. Nous avons eu l'occasion de les débattre carrément. Nous avons même eu l'occasion, les parties syndicales et patronales membres du CCTM, de déposer un premier mémoire sur ce qu'on appelait un avant-projet, pour ne pas vous voler votre projet de loi. Nous avons été aussi consultés après le dépôt de nos propres mémoires, ce qui nous avait permis, quant à nous, d'aller dans le champ et de faire vraiment la consultation. Je ne dirai pas que le ministre ne nous a pas consultés. Il y a eu une démarche - et je pense que les collègues en témoigneront ici -à l'intérieur d'une instance, qui est le CCTM, où il y a un certain sceau de confidentialité et où on ne peut pas faire les grands débats publics comme on les fait aujourd'hui, sinon cela ne donnerait rien vis-à-vis des centrales syndicales ou du ministère du travail. C'est une règle qu'on respecte.

Votre deuxième question est beaucoup plus difficile: Combien de nos suggestions ont été retenues?

M. Cusano: Une moyenne pondérée.

M. Dufour (Ghislain): Non, je pense que, si vous le dites à la blague vis-à-vis de vos collègues, je pourrais me faire reprocher la même chose. Je ne le pondérerai pas. Je prends un cas très, très particulier: le refus à l'embauche. On avait l'impression, dans nos consultations avec tout le monde, au ministère du Travail, que l'article 17.1, qui avait fait l'objet de consultations, avait été enlevé et que, finalement, tout ce droit qui est nouveau n'existait plus. C'est encore dans l'article 14. On pose la question carrément: Est-ce que c'est un oubli? Si c'est un oubli, bravol la consultation a eu un effet positif. Malheureusement, il y a des choses qu'on n'a pas obtenues: les briseurs de grève, la première convention collective, les 30 jours dont on parlait tantôt, etc. Je suis incapable de faire un bilan.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Sainte-Anne. (17 heures)

M. Polak: Merci, M. le Président. J'ai une question à poser à Me Tobin, qui est en

charge des relations du travail à la compagnie Domtar Ltée. J'ai lu le mémoire du Conseil du patronat. Peut-on en conclure qu'une compagnie comme Domtar Ltée est du même avis concernant les conséquences néfastes de ce projet de loi? Domtar en subirait-elle en même temps les mêmes conséquences, si le projet de loi était adopté tel quel?

M. Tobin: Je pense que la position que le Conseil du patronat véhicule aujourd'hui est la position patronale globale. Il y a eu un consensus au niveau de la délégation patronale au conseil consultatif du travail, dont je suis membre depuis plusieurs années et même depuis avant mon association à la compagnie Domtar. Sur ce point, je n'ai pas changé d'avis. Les représentations que nous vous faisons aujourd'hui au nom de l'entreprise - grande, moyenne et petite, si on veut - auraient probablement été les mêmes il y a cinq ou dix ans. En d'autres mots, ce n'est pas relié à une entreprise en particulier ou à un régime politique en particulier. Ce sont des droits fondamentaux de gestion qui sont à la source, malheureusement, de nos difficultés aujourd'hui qui nous amènent à vous faire nos représentations. Un exemple: la possibilité d'agir en temps de grève aurait amené la même réaction il y a cinq, dix, quinze ans, pour les mêmes raisons économiques de base.

M. Polak: M. le Président, j'ai cru comprendre que les petites entreprises vont être affectées plus sérieusement. Si c'est vrai, ce qu'on peut lire dans le mémoire du Conseil du patronat, toutes ces conséquences néfastes, une petite entreprise peut vraiment faire faillite à cause de ces conséquences. Est-ce que j'ai bien vu: le risque pour la petite entreprise est beaucoup plus grand que pour la grande entreprise?

M. Tobin: M. Beaulieu a très bien présenté les problèmes auxquels lui et d'autres font face quotidiennement avec un régime semblable. Le député d'Outremont posait la question: Est-ce qu'il serait concevable que nous ayons un régime différent pour la grande entreprise par rapport à la PME? Je pense que, si on regarde les mêmes statistiques que je citais tantôt, c'est-à-dire les statistiques de Statistique Canada, on voit que la progression des grands syndicats à travers le Canada est en fonction de l'accroissement de la population canadienne. En d'autres mots, la population s'accroît et les grands syndicats s'accroissent. J'ai l'impression que l'autre réalité qui, probablement, répond un peu à l'intervention de M. Fortier, c'est: où il y a généralement la grande entreprise, il y a en face un grand syndicat. En d'autres mots, les forces, si on veut, s'ajustent. Je pense personnellement qu'il ne faut pas actuellement dramatiser la situation où il y a un équilibre de forces, c'est-à-dire plus une partie est forte, plus l'autre partie s'équipe en conséquence. Les parties entre elles, par leurs négociations de conventions collectives, se font leur propre code du travail pour cette boîte-là.

Mais, pour revenir à l'intervention du député de Sainte-Anne, en ce qui nous concerne, et c'est justement le point dont parlaient tantôt M. Beaulieu et M. Dufour, c'est qu'effectivement, la situation est dramatique là où il n'y a pas cet équilibre: la petite ou la moyenne entreprise qui fait face à un syndicat d'une force complètement supérieure se voit vraiment en situation d'infériorité et même, dans certains cas, dans l'impossibilité d'exploiter face à l'asphyxie.

M. Polak: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. Dufour, M. Beaulieu, Me Tobin, Me Laurin et Me Gauthier, je vous remercie de votre mémoire et de votre témoignage.

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, merci.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, puis-je suggérer que nous suspendions nos travaux pour cinq minutes pour l'hygiène mentale de tout le monde?

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, les travaux de la séance sont suspendus pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 05)

(Reprise de la séance à 17 h 14)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'invite les membres de la commission à prendre place et les invités également à regagner leur siège car nous allons reprendre nos travaux.

Nous recevons maintenant les représentants de la Fédération des travailleurs du Québec. Pour les fins du journal des Débats, j'inviterais les responsables de l'organisme à s'identifier et à identifier également ceux qui les accompagnent et ensuite à nous livrer le contenu de leur mémoire.

Fédération des travailleurs du Québec

M. Laberge (Louis): Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Cela va.

M. Laberge: Je vais essayer d'approcher mon micro afin que vous m'entendiez bien et que vous ne soyez pas obligé de faire ce que je fais quand vous parlez, c'est-à-dire tendre une oreille attentive.

Le Président (M. Blouin): J'ai compris le message.

M. Laberge: M. le Président, je suis accompagné de quelques vice-présidents de la FTQ; à ma gauche, M. Claude Laramée, qui est le directeur au Québec, mon grand "chum", oui; M. Claude Ducharme, qui est le directeur des Travailleurs unis de l'automobile au Québec et vice-président de la FTQ; M. Aimé Gohier, directeur de l'Union des employés de services et vice-président de la FTQ; M. Claude Morriseau, qui est directeur au Québec du Syndicat canadien de la fonction publique et vice-président de la FTQ. D'ici quelques secondes, il y aura aussi parmi nous M. Jean Lavallée, qui est le président de la nouvelle FTQ-Construction, à ne pas confondre, et vice-président de la FTQ.

M. le président, M. le ministre, M. l'adjoint parlementaire, MM. les membres de la commission, la Fédération des travailleurs du Québec veut ici manifester son accord avec toute modification ayant pour effet de rendre plus réel l'exercice des droits reconnus par le Code du travail. Cependant, comme nous avons eu plusieurs fois l'occasion de le faire dans le passé, nous déplorons à nouveau l'absence d'une réforme en profondeur, seule mesure susceptible de corriger l'injustice qui est faite aux centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs qui n'ont pas accès au syndicalisme.

Est-il besoin de vous rappeler que, même en améliorant de façon substantielle le processus d'accréditation, tant qu'on emprisonnera les unités de négociation dans les établissements et qu'on ne permettra pas la syndicalisation multipatronale, plus de 75% des salariés du secteur privé n'auront pas véritablement accès au moyen efficace de défense collective qu'est un syndicat?

Nous regrettons encore que le gouvernement n'ait pas jugé bon de s'attaquer au problème des injonctions qui constituent, dans bien des cas, des négations de droits dûment reconnus par le Code du travail. On a aussi évité de donner aux commissaires du travail le pouvoir d'émettre des ordonnances, ce qui aurait donné tout leur poids à leurs décisions.

Les mesures antibriseurs de grève demeurent encore bien insuffisantes, malgré les quelques changements qui leur sont apportés. D'ailleurs, j'aurai l'occasion tantôt de faire de brefs commentaires à ce sujet. S'il y en a qui voient là-dedans une menace sérieuse, franchement, il faut regarder cela à la loupe en "vlimeux"! Leur faiblesse continuera d'être une entrave au libre exercice du droit de grève et continuera de pousser les travailleurs au désespoir ou à la violence.

Il aurait fallu avoir le courage d'intégrer dans la juridiction du code le secteur de la construction, toujours considéré comme un secteur à part. Là encore, le statut d'exception que subissent les travailleurs leur est préjudiciable. Il a surtout une incidence négative sur leur droit à la négociation, la multiplicité des parties affaiblissant grandement leur rapport de forces.

Néanmoins, il est évident que tout changement facilitant l'exercice de droits déjà existants ne saurait être rejeté du revers de la main. C'est pourquoi, dans les pages qui suivent, vous trouverez nos commentaires détaillés sur ces divers amendements. Malheureusement, toute bonification du Code du travail risque d'avoir des effets bien réduits si le gouvernement continue lui-même de violer l'esprit et la lettre de sa propre législation. En effet, les lois spéciales et les décrets des derniers mois déprécient à l'avance toute amélioration du code. Pourquoi, en effet, les employeurs privés s'astreindraient-ils à se conformer à des règles du jeu que l'État employeur écarte avec une telle désinvolture, lorsque bon lui semble?

Nous espérons donc un changement d'attitude profond à ce niveau. Ce qui fait la valeur d'un texte de loi, c'est non seulement son contenu, mais aussi la crédibilité que lui reconnaissent les divers intervenants sociaux. Le gouvernement, s'il est désireux de fonder la paix sociale sur des rapports plus justes, devra amender en profondeur le Code du travail et s'engager à le respecter lui-même comme employeur.

Au tout début, M. le Président, nous voudrions vous parler très brièvement de l'article 2 qui mentionne une exception pour les travailleurs en forêt qui sont employés par une coopérative. Il s'agirait tout simplement de faire disparaître le dernier alinéa qui fait en sorte que les salariés membres d'une coopérative faisant des travaux d'exploitation forestière ne puissent pas bénéficier du droit d'association

Nous vivons ces expériences non pas à tous les jours, mais très souvent alors que des employeurs, par le truchement, le biais des coopératives d'exploitation forestière, réussissent à empêcher les travailleurs de se syndiquer selon le code.

Article 14. Nous sommes entièrement d'accord.

Article 15. Dans le premier projet de loi, le commissaire du travail pouvait ordonner à l'employeur de réintégrer un salarié dans le cas ou lors d'une imposition d'une sanction disciplinaire. L'employeur ajoutait à une sanction... C'est malheureusement disparu. Nous croyons que cela devrait être rajouté.

On avait donné au commissaire, toujours dans le premier projet, juridiction pour pouvoir accorder des dommages dans le cas de mesures autres qu'un congédiement, une suspension ou un déplacement.

Il y a aussi des mesures discriminatoires qui ne veulent pas nécessairement dire une perte de salaire, mais nous croyons que le commissaire devrait avoir juridiction pour imposer un certain dédommagement.

À notre grand regret, le projet de loi 17 ne reprend pas les modifications proposées dans le premier projet de loi, soit de donner juridiction au commissaire pour décider d'un cas où un employeur ou une association d'employeurs ont refusé d'employer une personne à titre de salarié à cause de l'exercice par cette personne d'un droit lui résultant du présent code. Pourtant la loi canadienne ainsi que la loi ontarienne donnent expressément ce pouvoir et il n'y a rien qui justifie que cela n'apparaisse pas dans le présent projet de loi.

Nous sommes d'accord avec l'article 16, avec l'article 17. Nous sommes d'accord pour abroger l'article 18. Nous sommes d'accord avec l'article 19 qui parle d'intérêt. Nous croyons que c'est juste. Nous sommes d'accord avec l'article 20 tel que proposé. Nous sommes d'accord avec l'article 23.1. Nous sommes d'accord avec l'article 27.1. Pour nous, c'est peut-être l'amendement le plus important qui va dans le sens de réduire les délais épouvantables, éhontés que nous connaissons.

Je vais vous décrire brièvement le scénario. J'ai écouté attentivement les représentations faites par le Conseil du patronat et pourtant, lorsqu'on discutait de ces questions au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, il semblait être d'accord avec nous. Le scénario est le suivant: Un syndicat dépose une requête en accréditation; automatiquement l'employeur conteste l'unité visée, ce qui lui permet de gagner un délai de trois ou quatre mois. Il a le temps de foutre à la porte trois, quatre ou cinq des leaders qui ont réussi à obtenir une majorité de travailleurs ou de travailleuses. Cela lui fait gagner encore trois ou quatre mois. Cela lui donne tout le loisir voulu, par le truchement d'avocats qui sont devenus des spécialistes, des avocats patronaux, de mettre sur pied un syndicat de boutique, ce qui lui fait gagner encore trois ou quatre mois. Ce qui fait que, pour une requête en accréditation pour de petits groupes de travailleurs - il ne reste pas beaucoup de grosses entreprises à syndiquer au Québec; il y en a encore quelques-unes, mais il n'y en a pas beaucoup - que cela soit pour 25 travailleurs, 50 travailleurs, cela prend neuf mois, cela prend dix mois, cela prend douze mois. C'est la négation du droit d'association.

Ce que nous suggérons comme article 27, c'est ceci: Lorsqu'une requête est déposée à l'égard d'un groupe de salariés qui n'est pas représenté par une association accréditée, une requête subséquente à l'égard de la totalité ou d'une partie des salariés visés par la première requête ne peut être reçue qu'après décision finale sur la première requête - cela est tel que dans le projet de loi, sauf que le reste pour nous est très important - à moins que cette dernière ne soit présentée par une association dominée au sens de l'article 12. En d'autres mots, il ne faudrait pas non plus que le code permette à tous les employeurs de se mettre sur pied un beau petit syndicat de boutique, ce qui empêcherait un syndicat bona fide de pouvoir déposer une requête en accréditation.

Si on peut démontrer - il faudra le démontrer - que c'est une association dominée, cette requête devrait tomber et on devrait pouvoir déposer une requête.

Nous sommes d'accord avec l'article 28. Nous sommes d'accord avec l'article 29. À l'article 32, dans le premier projet, il y avait une obligation de tenir une enquête. Cela est restauré avec le projet de loi 17. Quant au second alinéa qui traite notamment du calcul des effectifs de l'association requérante, il faudrait reprendre l'article 32 du premier projet de loi où le calcul des effectifs se faisait à la date du dépôt de la requête. Là encore, le Conseil du patronat parlait de déposer les cartes en même temps que la requête. Nous sommes entièrement d'accord. Mais il faudrait que le commissaire, quand il fait son calcul des effectifs, le fasse à la date du dépôt de la requête. On dépose la requête, on dépose les cartes. Il n'y a plus de "fligne-flagne". Il peut très rapidement se rendre compte si oui. ou non le syndicat est majoritaire. Ce n'est malheureusement pas repris dans le projet actuel.

À l'article 37, paragraphe 1, nous voulons vous faire une suggestion qui est peut-être un peu nouvelle. Ce n'était pas dans notre premier mémoire, je dois le reconnaître, mais ce n'est pas quelque chose de nouveau. Nous en avons déjà discuté amplement, en ce qui concerne le CCTM. Je ne dirai pas qu'il y avait unanimité, mais on en a discuté amplement. C'est que, lorsqu'il y a un syndicat en place et qu'un autre syndicat dépose une requête, le syndicat en place ne devrait jamais perdre son

accréditation sans qu'il y ait un vote. Cela peut éviter des longueurs interminables. Est-ce qu'il y a eu assez de démissions pour réduire les effectifs du syndicat en bas de la majorité? S'il y a des questions, il y a un vote, et cela se termine là.

Le Code du travail prévoit actuellement que, s'il y a trois syndicats en place, il y a un vote. Le syndicat qui arrive en dernier débarque et il y a un autre vote entre les deux syndicats en place.

Il est arrivé quelquefois, non pas chaque fois, malheureusement, où, parmi les deux syndicats en place, l'un peut recueillir environ 49% des votes et l'autre environ 47% des votes. Aucun n'est majoritaire. Les deux syndicats sont donc dehors et c'est à recommencer. Si vous aviez eu devant vous de vrais employeurs, ils vous auraient dit qu'ils ne voulaient pas être soumis à un deuxième, à un troisième et à un quatrième vote. Je crois que ce n'est à l'avantage de personne, même pas des employeurs, parce qu'il manquait un petit pourcentage, comme le code ne le prévoyait pas avant, on pouvait désaccréditer le syndicat. Je tiens à vous dire que là encore, la loi canadienne prévoit cela. Le syndicat qui est en place, même s'il n'obtient pas une majorité, demeure en place. L'amendement proposé dit: S'il y a deux syndicats, il y a certainement une majorité évidente, comme vous en aviez parlé tantôt, M. le député. Il y a une manifestation évidente que la majorité des travailleurs et des travailleuses veulent être syndiqués. Celui qui obtient une majorité, qu'il l'emporte, une pluralité.

L'article 41, c'est le dépôt des cartes. Je l'ai dit tantôt, nous sommes d'accord.

On a laissé tomber l'article 45 et nous sommes d'accord avec cela parce qu'il y a un tas de causes devant les tribunaux. C'est loin d'être clair.

L'article 53, nous sommes d'accord.

L'article 93.4. Nous sommes d'avis que le texte proposé est insatisfaisant, en ce sens qu'il donne à l'arbitre une discrétion pour évaluer s'il est probable ou non que les parties vont en arriver à la conclusion d'une convention collective dans des délais raisonnables. J'ai écouté sur cela les remarques faites par le Conseil du patronat. Je suis d'accord avec M. Dufour que le raisonnable n'est pas beaucoup mieux que la bonne foi. Ce sont tous des termes que les avocats adorent parce que cela leur permet toujours de prendre des causes et de gagner des délais. Ce sont des termes dont on devrait se débarrasser. Il faut vous dire que l'arbitre n'a pas à prendre la décision politique. (17 h 30)

Est-ce qu'il devrait y avoir un arbitre de nommé dans le cas d'une première convention collective? C'est le ministre responsable qui a cette responsabilité. Si le ministre décide de nommer un arbitre dans un cas où il y a conflit pour une première convention collective, il a la responsabilité politique de cette décision. Est-ce que les deux parties essaient depuis déjà plusieurs mois, est-ce qu'ils ont négocié de bonne foi, de mauvaise foi, avec diligence, sans diligence? Encore une fois, c'est tout du verbiage, des mots. Le fait est que cela fait des mois que cela dure; il y a un conflit, il n'y a pas de possibilité, il nomme un arbitre. Nous croyons que le délai raisonnable doit être tranché de façon très nette. Nous disons que l'arbitre prend en dedans de 30 jours; il voit qu'il ne peut rapprocher les parties et il impose une première convention collective.

Soit dit en passant, je ne sais pas si l'adjoint au ministre du Travail ou si le ministre lui-même ont vu des statistiques. C'est édifiant de voir à qui s'est adressée l'imposition d'une première convention collective. Des groupes de trois, de sept, de neuf, de douze, de quinze, je n'en croyais pas mes yeux lorsque j'ai vu la nomenclature. Je pense que, dans tout le groupe, il y a peut-être deux exceptions. Il y en a une pour 200 et l'autre pour 500. Je ne sais pas d'où elle sort.

Mais on ne peut plus vivre ce qu'on a vécu alors que le ministre prend la décision, nomme un arbitre, l'arbitre s'en va sur place comme chez Zeller's, par exemple, à Lachute -le conflit durait déjà depuis quinze mois -l'arbitre décide que le rapport de forces n'a pas encore eu le temps de jouer. Cela faisait quinze mois que 62 femmes étaient en grève à Lachute. Il a attendu une autre période de six mois et, finalement, un autre arbitre a été nommé après beaucoup de demandes, beaucoup de démarches et cet arbitre a convoqué les parties; là, l'assesseur patronal a démisionné et le patron n'a pas nommé d'autre assesseur. Cela a duré six autres mois. Il y a eu une première convention collective imposée au bout de 34 mois. Il faut le faire.

Alors, quand on nous parle d'assesseur au lieu d'un arbitre unique, c'est dans le seul but de gagner du temps, dans le seul but... On est aussi bien de le dire vu qu'on parle d'arbitrage. Pour l'arbitrage de grief, cela n'a plus aucun sens. Le moindre petit grief pour la plus petite des sections locales, il n'y a pas un grief qui coûte en bas de 1200 $, 1300 $, 1500 $ pour aller à l'arbitrage. Cela n'a plus de sens.

Conseil d'arbitrage, cela veut dire trois personnes et - ce n'est pas une critique vis-à-vis d'un côté plutôt que de l'autre - c'est toujours plus difficile pour trois personnes siégeant à un tribunal d'arbitrage ou un conseil d'arbitrage de s'entendre sur des dates, en plus des dates qui font l'affaire des deux parties. C'est ce qui fait que les griefs coûtent des sommes astronomiques et qu'on n'a quasiment plus le moyen d'aller à

l'arbitrage. Nous sommes d'accord avec les modifications du code qui font un arbitre unique dans le cas d'arbitrage de grief, un arbitre unique dans le cas d'une première convention collective. J'avais malheureusement donné au ministre du Travail une information qui s'est révélée inexacte; j'avais rencontré des pompiers qui semblaient être d'accord avec un arbitre unique, même pour les différends, mais j'ai eu le plaisir et le privilège de rencontrer la Fédération des pompiers professionnels du Québec. J'ai aussi eu le privilège de rencontrer la Fédération des policiers du Québec qui s'opposent à ce qu'un seul arbitre soit obligé de trancher dans les différends parce qu'il y a là une question d'horaire du travail, il y a toutes sortes de chiffres compliqués là-dedans et nous croyons que l'arbitre a besoin d'un assesseur, que c'est mieux un assesseur que trois arbitres. C'est mieux un arbitre et deux assesseurs parce que cela permet aux parties d'avoir des gens qui connaissent un peu mieux le problème et cela leur permet de mieux éclairer l'arbitre.

L'article 100.0.1. Nous sommes d'accord à ce qu'il y ait une période de 30 jours pour qu'un travailleur ou une travailleuse puisse porter son grief à l'arbitrage. C'est un amendement qui est vraiment anodin, mais cela peut, dans plusieurs cas, donner une meilleure chance à des travailleurs de déposer un grief. Ce n'est pas la fin du monde. J'ai écouté les représentations là-dessus. Cela ne sape pas à la base le régime de relations.

Nous sommes évidemment d'accord avec l'article 109, les clauses antibriseurs de grève. Nous croyons que cela ne va pas assez loin, mais au moins nous sommes d'accord avec l'amendement proposé. On a tous un peu tendance à avoir la mémoire courte. Il y en a qui ont la mémoire plus courte que d'autres. Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais il y a quelques années à peine, quand cette mesure a été adoptée, discutée, le projet de loi 45, il y a eu des holà. Tout le monde criait juste avant cela, le climat au Québec était épouvantable. Je suis d'accord avec cela; c'est vrai que le climat était épouvantable. Il n'y avait pas de grève qui durait un peu où il n'y avait pas de violence parce qu'il y a des employeurs -est-ce que je pourrais vous rappeler des noms? - Commonwealth Plywood, Robin Hood qui engageaient des bandits avec des fusils -vous le savez, vous avez lu ces rapports-là -ils engageaient des briseurs de grève. Il y avait de la violence de façon épouvantable sur les lignes de piquetage.

Les mesures antibriseurs de grève ont mis fin à cela. Essayez de me trouver des conflits, depuis que ces mesures-là ont été adoptées, où il y a vraiment eu de la violence sur les lignes de piquetage. Vous pouvez peut-être en trouver, mais il n'y en a certainement pas beaucoup. Il y a eu une amélioration sensible. Sauf qu'avec le temps, évidemment, les employeurs ont trouvé le moyen de détourner cela. Au lieu d'engager des personnes physiques, ils engagent des personnes morales. C'est vraiment immoral de jouer avec l'esprit du code de cette façon-là. Nous sommes d'accord avec l'amendement proposé. Nous trouvons que cela ne va pas assez loin, mais enfin... On nous dit qu'un jour on sera obligé de réviser le Code du travail. Je pense que le Conseil du patronat est d'accord avec cela. Je pense qu'ils sont prêts à se mettre à l'oeuvre pour réviser le Code du travail pendant trois ou quatre ans.

En fait, j'ai essayé de faire vite, M. le Président, parce que je sais que vous en avez tellement d'autres à rencontrer. On s'est fait jouer un petit tour par le Conseil du patronat qui a permis à l'Union des municipalités de s'intercaler entre nous deux. Je ne crie pas au scandale. Nous sommes habitués à ces petits tours du Conseil du patronat. J'ai essayé de faire le plus vite, le plus concis possible. Vous avez déjà reçu copie de tous les mémoires, de toute façon. Je sais que la plupart d'entre vous êtes des membres aguerris des commissions parlementaires. Vous allez pouvoir vous y retrouver facilement. Si vous avez des questions, il me fera plaisir d'essayer d'y répondre.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. Laberge, merci. Je ne dirai pas que j'ai un sentiment de déjà vu. Peut-être que, lorsque vous vous présentez en commission, mais pas nécessairement sur le même sujet... Je vous remercie de votre exposé: premièrement, pour sa clarté; deuxièmement, pour sa concision, troisièmement je comprends que, dans l'ensemble, vous êtes d'accord avec le projet de loi, vous avez été assez explicite à cet égard.

J'aurais quelques questions qui touchent l'embauche et l'arbitrage, entre autres. Je laisserai à mes collègues le soin de poser d'autres questions. Sur l'embauche, comment réagissez-vous à la proposition du Conseil du patronat de faire en sorte que ce soit le Tribunal du travail qui soit saisi des cas où on invoque l'exercice antérieur d'un droit découlant du code comme critère de discrimination au moment de l'embauche? M. Dufour nous disait qu'il considérait que ce genre de choses-là ne devrait pas être décidé par le commissaire du travail mais par le tribunal.

M. Laberge: En principe, je n'ai aucune objection, mais les délais sont pires au Tribunal du travail qu'ils ne le sont au

commissaire. En fait, on a vu des lettres dernièrement du conseil...

M. Johnson (Anjou): Si je comprends bien, vous me diriez oui à la condition de nommer six juges de plus...

M. Laberge: Je ne voudrais pas que vos enregistrements démontrent qu'un jour je vous ai suggéré de nommer d'autres juges, mais il pourrait y avoir plus de commissaires aussi.

M. Johnson (Anjou): Vous ne voyez pas là d'objection de principe. Pour vous, c'est une question pratique. Vous dites que, dans la mesure où les délais du tribunal sont plus longs, cela ne vous intéresse pas. En principe, le fait que ce soit le tribunal par opposition au commissaire qui y ait juridiction, vous n'y voyez pas de problème majeur.

M. Laberge: En fait, il faut se rappeler que le Tribunal du travail servait en quelque sorte de Cour d'appel pour les décisions des commissaires. S'il devait prendre des décisions en première instance, où serait l'appel?

M. Johnson (Anjou): Cela risque d'être en Cour supérieure. À l'égard de l'arbitrage, M. Laberge, j'aimerais qu'on puisse clarifier la position de votre centrale sur cela. Ce qu'on propose, à toutes fins utiles, c'est de mettre fin à la notion de conseil d'arbitrage; que ce soit à l'égard des griefs ou de ceux qui sont régis par des dispositions particulières, comme les policiers, les pompiers, de mettre fin au tribunal tel qu'il existait et même aux autres arbitrages de différends qui peuvent être prévus. Je comprends que, chez certains, cela soulève des objections, selon qu'on parle de changer le statu quo, et même, d'après ce que j'ai compris, des municipalités qui, en principe, se disaient d'accord, aimeraient cependant que chacune des parties puisse nommer un assesseur, indépendamment du consentement de l'autre partie. Elles s'en prenaient un peu à la formulation du projet qui dit: Dans la mesure où les parties s'entendent, il y a des assesseurs.

M. Laberge: Pourvu, évidemment, que les assesseurs puissent être couverts pour leurs salaires et leurs dépenses, comme les arbitres l'étaient. En fait, vous allez reconnaître, je crois bien, que c'est plus facile, pour une municipalité, de décider qu'elle va engager un assesseur que pour le local des pompiers de La Tuque où il peut y avoir 15 membres, ou le local des policiers d'une autre petite ville où il peut y avoir 22 membres. C'est cela, le problème.

M. Johnson (Anjou): En soi, j'essaie de les prendre l'un après l'autre, dans le cas de l'arbitrage des griefs; pour vous, c'est un arbitre unique, c'est clair.

M. Laberge: D'accord. N'importe quoi qui va nous faire économiser du temps et de l'argent, on est d'accord.

M. Johnson (Anjou): Dans le cas des policiers et des pompiers, on entendra les représentants des uns et des autres, je pense qu'ils sont en général relativement satisfaits du système tel qu'il existe en ce moment. Comme vous n'avez pas de membres chez les policiers et les pompiers...

M. Laberge: Je vous demande infiniment pardon.

M. Johnson (Anjou): Pardon?

M. Laberge: La Fédération des pompiers professionnels est affiliée à la FTQ, M. le Président.

M. Johnson (Anjou): Je m'excuse. Je pensais aux policiers. Je suis préoccupé par les propos habituels de M. Nadon.

M. Laberge: Les policiers, c'en sont d'autres qu'on n'a pas forcés trop trop. Ne le leur dites pas.

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Dans le cas des policiers, vous n'avez pas d'affiliés par définition. Alors, dans le cas des pompiers, est-ce que je pourrais vous demander si, entre le statu quo et ce qui est proposé par le ministère dans le projet de loi 17, il y a quelque chose d'intéressant, ou auriez-vous plutôt tendance à rejoindre un peu l'approche des policiers et des pompiers?

M. Laberge: Pas rien qu'un peu, nous sommes entièrement d'accord avec la position que vont vous expliquer les pompiers et les policiers.

M. Johnson (Anjou): Dans leur cas.

M. Laberge: Oui, parce qu'un différend, c'est un peu compliqué. Les horaires de travail, par exemple, chez ces employés, c'est quelque chose. Enfin, pour un arbitre qui n'est pas trop familier avec cela, il aurait besoin des judicieux conseils d'un assesseur syndical. Si la municipalité veut avoir un assesseur, elle pourrait s'en servir aussi, je suppose.

M. Johnson (Anjou): D'accord. Quant aux dispositions antibriseurs de grève, je dois vous avouer que je suis un peu étonné, pas surpris, mais un peu étonné de vous entendre dire que cela ne va pas assez loin. Auriez-

vous des suggestions?

M. Laberge: Bien oui.

M. Johnson (Anjou): Ah oui?

M. Laberge: Je vais vous donner un petit exemple. On n'a fait grand état des clauses antibriseurs de grève que pour la petite et la moyenne entreprise. C'était la fin du monde, l'apocalypse. Vous savez, je sais, le Conseil du patronat sait et tout le monde sait que les travailleurs et les travailleuses de la petite entreprise ne sont pas syndiqués. La très très, très vaste majorité d'entre eux ne le sont pas. Il y en a, bien sûr qu'il y en a. On réussit une fois de temps en temps, mais il n'y en a quasiment pas. (17 h 45)

Je vais vous donner un petit exemple de ce qui se passe: Ici, l'employeur, Place Québec, filiale de Trizec, 30 employés en grève. Aucun problème, on a décidé de mettre la hache là-dedans et on a donné le parking à un sous-traiteur, personne morale. Cela, franchement, c'est immoral. C'est une grève légale. Les travailleurs ont pris soin de respecter le Code du travail, de respecter tous les délais. Ils sont en grève légale et ils sont Gros-Jean comme devant. Il faut empêcher cela, parce que, autrement - on a déjà oublié ce qui se passait auparavant - il pourrait y avoir des accrochages très durs et de la violence sur les lignes de piquetage. On y reviendra. On ne peut pas endurer ces choses-là. Encore une fois, c'est immoral. Cela ne fera pas mourir...

D'ailleurs, j'ai une copie de la lettre pour vous, M. le ministre, que je vous remettrai. Vous remettrez cela à l'adjoint parlementaire. D'abord, je suppose qu'en le donnant à l'un, l'autre le verra. Mais cela ne répond pas tout à fait à la question que vous m'aviez posée, n'est-ce pas? C'est parce que j'avais oublié de mentionner cela tantôt. Quelle était la question?

Ce n'est pas seulement sur la loi antibriseurs. Nous aurions aimé que, dès que le ministre nomme un inspecteur, l'inspecteur aille voir sur les lieux et qu'il se fasse accompagner d'un représentant syndical, parce qu'un inspecteur ne sait pas - je ne sais pas, disons qu'il y a une grève dans un restaurant, dans un hôtel - si ce sont des cadres qui travaillent ou si ce sont des gens que l'employeur a engagés. S'il se fait accompagner d'un représentant syndical, il pourra le voir.

L'inspecteur devrait avoir le pouvoir de régler cela sur place. Il y a une violation de la loi. Le Code du travail - je pense que vous le savez - est la seule loi où le gouvernement ne prend pas les mesures pour la faire respecter, sauf quand c'est nous qui la violons. Quel que soit le gouvernement - je ne parle pas seulement de ce gouvernement - il n'y a jamais eu un gouvernement qui a poursuivi un employeur qui avait violé le Code du travail. Pourtant, c'est une loi comme une autre. Dans le cas des mesures antibriseurs de grève, nous avons les plus beaux rapports d'un tas d'inspecteurs qui nous arrivent quatre mois après que tout est terminé. Ou bien on n'a plus de syndicat, parce que, évidemment, les gens se découragent et s'en vont ailleurs, ou bien la grève est réglée tant bien que mal et on a un beau rapport après, disant qu'en effet il y a eu violation du Code du travail. C'est nous qui devrions prendre les poursuites contre l'employeur, mais, si on a réglé la convention collective, il est inutile de vous dire qu'on ne veut pas détériorer davantage le climat et on ne prend pas de poursuite, évidemment. Mais il reste que le code est violé. Je n'ai jamais vu une déclaration, ni du conseil, ni de la Chambre de commerce, incitant les employeurs à respecter le code.

Il y aurait aussi d'autres mesures; par exemple, que le code permette vraiment à la multiplicité de travailleuses et de travailleurs au Québec de pouvoir se syndiquer s'ils le veulent. Bien sûr, on a fait toutes sortes d'exagérations là-dessus. On a dit: C'est du syndicalisme obligatoire. Ce n'est absolument pas cela. D'ailleurs, cela existe au Québec, les décrets. On parle d'accréditation multipatronale. Il y aurait probablement quelques amendements à faire à la loi sur les décrets et on pourrait assez bien se rapprocher de... Ce qu'on veut, tout simplement, c'est que les employeurs, dans les entreprises où les travailleurs sont les plus en difficulté... Vous avez une vaste majorité de travailleuses, ce sont elles qui sont dans les ghettos, dans les endroits les plus mal payés, qui ont les conditions de travail les pires. Comment voulez-vous réussir à syndiquer, par exemple, les employés des postes d'essence? Il y a deux ou trois employés par poste d'essence. C'est impossible. C'est impossible lorsque cela nous prend douze mois pour obtenir une requête en accréditation. Cela coûte aussi cher pour faire des représentations pendant douze mois pour 3, 4 ou 5 travailleurs que cela en coûte pour 500. C'est le même temps et ce sont les mêmes représentations.

M. Johnson (Anjou): Ma question, M. Laberge, a trait à une demande répétée du Conseil du patronat. Je voudrais vous entendre un peu là-dessus. Est-ce que vous vous opposeriez à ce que demande le Conseil du patronat, soit la reconnaissance des associations d'employeurs et l'accréditation des associations d'employeurs? Vous ne vous opposeriez pas à cela?

M. Laberge: Absolument pas. D'ailleurs, je pense que le principe est déjà contenu

dans le code. Il y a une possibilité. Vous vous souviendrez qu'à la FTQ, en tout cas, on a toujours préconisé qu'il y ait un Conseil du patronat fort et représentatif. On a toujours préconisé que, dans l'industrie de la construction, il y ait une association d'entrepreneurs vraiment représentative. On aurait espéré, en même temps, vous convaincre qu'il devrait y avoir une association syndicale vraiment représentative. Mais, apparemment, vous n'êtes pas encore prêts. Dieu sait que, malheureusement, de la façon que cela s'en va, s'il fallait que, dans chaque comté, il y ait cinq candidats, il y a des chances qu'il n'y en ait pas un qui ait une majorité. Avec cinq centrales syndicales dans la construction, il y a encore des chances qu'aucune n'obtienne une majorité. Encore là, il n'y aura pas d'association syndicale représentative pouvant négocier et le gouvernement va être encore obligé d'imposer... Ce n'est peut-être pas dans les conditions les plus faciles. Ce serait plus facile d'avoir une espèce de pourcentage là-dedans - c'est déjà reconnu dans le Code du travail et ce n'est pas un principe scandaleux - et un syndicat qui n'obtiendrait pas le pourcentage ne serait plus là. Les autres en place pourraient former, on en est convaincu, une association vraiment représentative qui pourrait négocier.

M. Johnson (Anjou): Merci, M. Laberge.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre et M. Laberge. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. Laberge, concernant la question dont j'ai donné un long préavis -dans votre cas, plus le temps passe plus le préavis va être long - quelles sont les mesures, dans le projet de loi 17 qui est devant nous, qui sont susceptibles de stimuler l'économie, de favoriser le maintien et la création d'emplois?

M. Johnson (Anjou): ... ajouter de permettre au Québec l'avènement à l'indépendance.

M. Laberge: Je pense que je peux répondre à la question, M. le Président, si vous me le permettez, car je ne voudrais pas...

M. Paradis: Bien, voyons donc! Elle est recevable.

M. Laberge: Je pense que les mesures prévues dans le projet de loi sont des mesures, justement, qui seraient susceptibles de développer l'économie en gardant et en améliorant le climat social. Encore une fois, apparemment, on a la mémoire courte. La pire affaire qui pouvait nous arriver au

Québec, c'était le climat social des syndicats trop militants, trop turbulents; le climat social étant terrible, cela faisait fuir les capitaux.

Je pense que tout le monde va reconnaître que le climat social au Québec s'est grandement amélioré. Bien sûr, il y a eu accrochage dernièrement dans le secteur public, mais même cette accrochage-là a été beaucoup moins dur, beaucoup moins violent, même s'il y a des lois qui ont été assez dures et assez violentes... Je parle d'accrochage physique. Le climat social s'est grandement amélioré au Québec.

Mais s'il n'y a pas d'amendements d'apportés au Code du travail, et de façon assez urgente, le climat va se détériorer. Cela n'a plus de sens, attendre douze, quatorze et quinze mois pour obtenir une accréditation. Dépenser 1500 $ pour régler un grief de rien du tout, bien souvent. N'oubliez pas, on n'a pas le choix d'accepter de défendre le grief à l'arbitrage. Dans le Code du travail, il est prévu qu'un travailleur ou une travailleuse peut se plaindre que son syndicat ne l'a pas défendu jusqu'au bout. Même si on est en train de se vider financièrement, on est obligé d'amener le petit grief de rien à l'arbitrage parce que le travailleur peut faire une plainte contre nous. Cela n'a pas de sens.

Je vous dis bien sincèrement et sans aucun jeu de mots que ces amendements-là, qui à notre point de vue ne vont pas assez loin, ce sont des amendements qui vont maintenir le climat actuel, qui vont empêcher qu'il ne se détériore et qui vont certainement favoriser le développement économique du Québec. D'ailleurs, c'est un peu en ayant l'assurance que cela va se faire qu'on a décidé de s'impliquer directement dans la relance de l'économie, comme vous le savez fort bien.

M. Paradis: Dans votre mémoire, au paragraphe de l'introduction, qui se lit comme suit: "Les mesures antibriseurs de grève demeurent encore bien insuffisantes, malgré les quelques changements qui leur sont apportés", vous avez dit: Je reviendrai avec des commentaires...

M. Laberge: ... l'inspecteur d'aller sur place dès qu'il a une plainte, de se faire accompagner d'un représentant syndical, d'avoir le pouvoir d'agir immédiatement s'il trouve qu'il y a des gens qui ont été engagés et qui n'auraient pas dû l'être. Avoir le pouvoir de dire à l'employeur: Sors-le. C'est tout cela.

M. Paradis: À la page 2, il y a trois paragraphes sur lesquels on est passé rapidement, mais sur lesquels j'aimerais revenir: "Malheureusement, toute bonification du Code du travail risque d'avoir des effets

bien réduits si le gouvernement continue lui-même de violer l'esprit et la lettre de sa propre législation", et vous concluez en disant: "Le gouvernement, s'il est désireux de fonder la paix sociale sur des rapports plus justes, devra amender en profondeur le Code du travail et s'engager à le respecter lui-même comme employeur." À quelle violation faisiez-vous référence?

M. Laberge: Celle que vous avez déjà notée. Enfin, vous savez ce qui s'est passé, la loi 70, la loi 105, la loi 111, la loi qui a décrété qu'une convention collective qui devait expirer a été prolongée... Bon, enfin, c'est cela qu'on veut dire. On essayait de le dire assez gentiment.

M. Paradis: C'était peut-être la question maîtresse, mais voici une sous-question: On est souvent aux prises, et de plus en plus, avec des lois spéciales à l'Assemblée nationale lorsque cela touche des services - et on peut se rappeler des expériences récentes, dans le transport en commun, etc. Quelle est la position de votre centrale syndicale? Est-ce que, selon vous, le législateur devrait refuser d'intervenir dans ces cas-là ou doit-il intervenir?

M. Laberge: En fait, le gouvernement, je pense, a déjà annoncé ses couleurs en disant qu'il voulait dès maintenant regarder le régime de négociations dans les secteurs public et parapublic. Nous avons dit tout de suite: Nous sommes prêts à regarder cela dans une révision du Code du travail. Il ne devrait pas y avoir cinq codes du travail; il devrait y en avoir un, incluant même les travailleurs de la construction, avec une section différente pour les travailleurs de la construction et une section probablement différente pour les travailleurs des secteurs public et parapublic; un seul Code du travail. Et nous sommes prêts à regarder cela. On sait fort bien qu'il faut qu'il arrive quelque chose parce que nous sommes d'accord sur le fait que ce sont des situations qui deviennent de plus en plus difficiles.

M. Paradis: En ce qui concerne l'article 2, lorsque vous parlez des travailleurs forestiers qui sont en coopérative, comment juxtaposez-vous le raisonnement que ces gens-là devraient être syndiqués, suivant les représentations que vous faites dans votre mémoire, avec le fait que ces gens-là sont en même temps de véritables coopérateurs, de véritables propriétaires de l'entreprise?

M. Laberge: C'est loin d'être toujours vrai. Nous avons eu l'occasion de négocier avec des compagnies de papier, par exemple, et on a vu toutes sortes de choses. Les compagnies aident ces travailleurs-là en leur laissant leurs outils et en faisant semblant qu'ils sont propriétaires de la machinerie et de tout le reste. Ils forment une coopérative et on ne peut plus leur toucher. Et ces travailleurs-là eux-mêmes s'en plaignent, mais ils ont le choix: ou ils acceptent cette suggestion gentille faite par l'employeur, ou ils sont dehors.

M. Paradis: Quels sont les mécanismes - et je vais peut-être un peu loin en vous le demandant - mais vous proposez une modification à l'article 2...

M. Laberge: Qu'ils soient membres d'une coopérative ou membres d'un employeur, pourquoi ne seraient-ils pas syndicables? Dans le mouvement coopératif, les travailleurs sont syndiqués, dans les caisses Pop, les fédérations, un peu partout. Il ne devrait pas y avoir d'exception. D'ailleurs, il n'y a personne, je pense, qui se souvient pourquoi cette exception avait été incluse dans le code dans le temps.

M. Paradis: Je reviens à votre réponse. Vous ne faites plus de distinction entre la vraie coopérative qui est née d'une volonté des travailleurs de créer leur propre entreprise, d'y participer, etc., et la coopérative qui a été humblement suggérée, comme vous le mentionnez. Vous ne faites plus cette distinction. Autrement dit, vous voudriez que cela s'applique à toutes les coopératives, aux vraies coopératives, pour utiliser une expression que vous avez prononcée, comme aux pseudo-coopératives.

M. Laberge: L'un des cancers que nous relevons aujourd'hui, ce sont ces travailleurs autonomes. Je m'excuse, mais c'est un cancer dans l'industrie de la construction. Vous avez des problèmes énormes dans le camionnage en vrac, par exemple. Les employeurs essaient de se débarrasser du fardeau au point de vue de la santé et de la sécurité des camionneurs en vrac en disant: Ils sont des artisans, ils devraient prendre soin d'eux-mêmes. On sait fort bien que, si cela arrive, ce n'est pas cela qui va se passer. Ils ne prendront pas soin d'eux-mêmes, ils ne se couvriront pas. Cela va être la Régie de l'assurance automobile qui va être prise pour payer les factures et cela, ce sont tous les citoyens. C'est devenu un cancer. S'il y a des employeurs qui se mettent ensemble et qui lancent quelque chose, nous n'avons jamais été intéressés à représenter des employeurs et nous ne le sommes pas plus aujourd'hui. Mais, donner la possibilité à une compagnie, pour se soustraire à ses obligations, selon le code, de faire semblant de mettre sur pied une coopérative, cela ne devrait pas exister.

Le Président (M. Blouin): M. le député, M. Laberge, il est presque 18 heures. Nous

allons donc poursuivre nos travaux au-delà de 18 heures, avec le consentement des membres.

Cela va, on poursuit.

Une voix: Vous apprenez beaucoup.

Une voix: Est-ce que je dois donner mon consentement?

M. Paradis: C'est votre consentement, M. le député.

Une voix: Jusqu'à quand?

M. Paradis: Jusqu'à 18 h 15, parce que j'ai des gens... (18 heures)

M. Fortier: On peut demander à M. Laberge s'il est disponible pour revenir après le souper, si on avait d'autres questions ou si vous voulez finir...

M. Laberge: Évidemment, si vous me disiez que vous avez encore plusieurs questions très importantes, on se rendra disponible, malgré que cela retardera les autres.

Le Président (M. Blouin): Vous avez bien saisi la dynamique, M. Laberge.

M. Laberge: Je vous laisse seuls juges de cela.

M. Fortier: On vous admire pour votre esprit démocratique.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Avec le consentement, jusqu'à 18 h 15.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Allez-y.

M. Paradis: À l'article 27 de la loi, vous avez ajouté ou vous suggérez l'ajout de trois lignes: "À moins que cette dernière ne soit présentée par une association dominée, au sens de l'article 12..." Dans le sens de votre argumentation, vous le présentez dans le but de raccourcir les délais. Mais cela porte toujours à évaluation et ce qui porte à évaluation peut porter à adjudication. Vraiment, est-ce que cette modification raccourcira les délais?

M. Laberge: Non. Cela ne peut pas raccourcir les délais, mais elle est absolument essentielle. Si elle n'est pas là-dedans, dès qu'un employeur entendra des rumeurs en ce sens qu'il y a des représentants syndicaux qui se promènent alentour, il mettra sur pied son syndicat de boutique et il déposera; ce qui gèlera et ce qui empêchera un syndicat de déposer une autre requête. D'ailleurs, cette suggestion que nous faisons n'est pas nouvelle. Il y avait eu la formation d'un comité de députés, il y a deux ans de cela, je pense, et cela faisait partie des représentations qu'on avait faites à ce moment-là. C'est essentiel. Cela peut vouloir dire un délai de deux ou trois semaines. Évidemment. Mais c'est essentiel.

M. Paradis: Merci beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député. M. le député de Prévost et adjoint parlementaire au ministre du Travail.

M. Dean: M. Laberge, j'ai quelques petites questions à vous poser. Par exemple, il y a un représentant d'une autre centrale syndicale qui est venu à mon bureau de comté, il y a quelques semaines, pour me dire que, dans la région au nord de Montréal, depuis deux ans, sur 17 requêtes en accréditation, sa centrale n'avait obtenu aucune accréditation. Est-ce que c'est une chose rare ou est-ce que vous pouvez évoquer un peu les mêmes statistiques concernant votre centrale?

M. Laberge: Nous avons la prétention d'être un peu plus efficaces, mais cela arrive. Cela arrive très souvent. Écoutez, quand vous réussissez à syndiquer les travailleurs et les travailleuses, surtout ceux d'une petite place, disons une trentaine de travailleurs et de travailleuses, il se passe plusieurs mois sans qu'on soit capable de leur donner de nouvelle. C'est dans les mains du commissaire. Il se fait un peu de pression. Bien souvent, il y a un ou deux leaders qui sont mis à la porte. Évidemment, la plupart du temps, les autres se disent: Bien, mon Dieu Seigneur, on était peut-être mieux de rester comme avant, même si on n'était pas satisfait. Par les temps qui courent, les travailleurs font attention à leurs emplois, évidemment. Perdre son emploi, par les temps qui courent, ce n'est pas quelque chose de réjouissant le diable.

M. Dean: Deuxième question. Un autre cas dans ma région. Il semble un cas d'horreur, mais je veux encore savoir si c'est aussi rare que cela. Un groupe de travailleurs déposent une requête. Cela va au commissaire du travail, au Tribunal du travail. Contestation et congédiement. Ordonnance de réembauche des travailleurs congédiés. Refus de l'employeur d'obtempérer à l'ordonnance. Le syndicat obtient des injonctions de la Cour supérieure qui, à mon avis, sont assez rares pour un syndicat. L'employeur fait fi de l'injonction et il y a des amendes de 100 $ par injonction. Est-ce

que c'est un cas rare ou est-ce que votre centrale subit le même genre d'expérience?

M. Laberge: Je vous remercie d'avoir posé cette question puisque, cet après-midi, avec le Conseil du patronat, il en a été question. Quand on parle de déjudiciarisation du système, on nous a dit qu'il n'y avait rien là. Sur 8000 plaintes, il n'y a eu que 53 appels. C'est vrai. Mais ce n'est pas ce qu'on appelle le système qui est devenu judiciarisé. Ce sont toutes les avocasseries qui se font pendant des mois et des mois où on trouve toutes sortes de moyens pour obtenir des délais. Ce ne sont pas seulement les appels devant les tribunaux. C'est ce qu'il faudrait changer. C'est ce qui est à la base du système. Si on ne respecte pas cela...

Oui, ces choses arrivent. Je pourrais vous nommer une petite compagnie. M. Dufour est bien au courant, car je l'avais appelé pour lui demander de voir s'il n'y avait pas moyen qu'il fasse quelque chose là-dedans. Nous avons gagné tellement de causes contre cet employeur que, s'il fallait que nous les fassions toutes appliquer, jamais de sa vie, il ne pourrait payer tout ce qu'il doit. Cela n'a pas d'allure. Cela fait trois ans et demi et il n'y a pas de syndicat. Cela a coûté combien à notre syndicat de prendre action par-dessus action et cela n'est pas réglé encore. Je parle de M. Dufour parce qu'il sait que cela existe. Vu que je lui en ai parlé, il pourrait vous confirmer cela.

M. Dean: Une dernière question dans le domaine des antibriseurs de grève et de la durée des grèves, il y a encore un dossier dans mon comté, une entreprise de quinze employés qui était en lock-out. Cela va très mal merci dans le domaine du droit d'association des travailleurs de mon comté; cela va très mal merci grâce à tous les trous dans le Code du travail. Je suis bien d'accord avec vous. Je vous nomme une entreprise qui a fait un lock-out. Il s'agit de quinze employés. Il y avait quelques briseurs de grève. On a demandé une enquête. L'enquêteur arrive et l'employeur dit: Ce ne sont pas des antibriseurs de grève, ce sont mes amis qui sont venus prendre un café. L'enquêteur a fait son rapport: Après tout, on ne peut pas empêcher des amis de venir prendre un café avec l'employeur. Donc, il n'a même pas fait une recommandation dans le sens qu'il y avait une violation de la loi. Toujours est-il que, quelques mois après - il y avait quinze employés au début - il y a quinze amis qui viennent huit heures par jour pour prendre du café chez cet employeur; il y a un camion-remorque qui part à la fin de chaque journée pour transporter des produits finis.

Une voix: Et les tasses de café.

M. Dean: Et probablement les tasses de café vides.

M. Laberge: Ce ne sont pas des gars qui n'aiment pas le café.

M. Dean: Des tasses de café vides à pleine vanne.

On demande l'arbitrage de la première convention et cela prend cinq mois au tribunal à décider qu'il y a mauvaise foi et d'imposer. Lorsqu'on décide d'imposer, l'employeur refuse de reprendre les employés. Lorsque le tribunal d'arbitrage décide d'imposer, on est censé mettre fin à la grève ou au lock-out. L'employeur refuse et, jusqu'à aujourd'hui, malgré tout ce qui existe comme législation, ces travailleurs sont sur le carreau et les ordonnances selon nos lois ne sont pas respectées.

Un deuxième volet, une entreprise un peu plus grande; pour ne pas la nommer, le Château Mirabel qui fait partie des hôtels du Pacifique Canadien, lequel fonctionne à plein rendement actuellement malgré une grève légale de ses employés. Il y a des briseurs de grève de toutes sortes. Est-ce que ce genre de cas, encore une fois - une grande et une petite entreprise - est-ce que ce sont des cas d'exception ou est-ce que ce sont des cas nombreux dans votre...

M. Laberge: On en a souvent. M. Aimé Gohier pourrait vous en nommer plusieurs de chez lui: des foyers et des choses semblables où exactement la même chose s'est passée. Cela prend des mois et des mois et cela prend toutes sortes de procédures.

Encore une fois, ce qui me fait peur dans cela... Rappelons-nous pourquoi cela a été adopté. Cela a été pour clarifier le climat des relations industrielles au Québec. Cela a été réussi jusqu'à un certain point. Mais, avec ce qui se passe actuellement, si on n'a pas des amendements au code pour venir boucher ces trous béants, il y a danger qu'on retombe dans la même poutine. Encore une fois, j'espère qu'on se souvient de ce que c'était.

M. Dean: Merci, M. Laberge.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaiilon: M. le Président, je vais céder mon droit de parole. J'avais des questions à poser sur l'arbitrage et le président de la FTQ y a déjà répondu. Alors, je vais donner ma place à d'autres.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Sainte-Marie.

M. le député de Vachon.

M. Bisaiilon: M. le Président, sauf que

j'aimerais savoir de la part du député et adjoint parlementaire à combien de temps remontent les exemples dont il nous a parlé, qui se sont passés dans son comté? Est-ce que ce sont des exemples récents? C'est juste pour ma bonne compréhension.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Sainte-Marie.

M. Dean: Les deux derniers cas, c'est actuellement.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Vachon.

Oui, d'accord. Le député de Sainte-Marie a passé son tour pour respecter le principe de l'alternance. J'accorderai la parole plutôt au député d'Outremont.

M. Fortier: Bon, c'est à mon tour.

M. le Président, je voulais poser des questions à M. Laberge sur la loi antibriseurs de grève. Je crois que vous étiez ici ce matin lorsque les municipalités ont fait état de leurs problèmes, qui sont différents, j'imagine, de ceux de l'entreprise manufacturière ou de l'entreprise en général. Elles nous disaient que, pour maintenir certains services, essentiels à leurs yeux, la loi n'était pas acceptable. Par ailleurs, le Conseil du patronat faisait allusion à l'exemple qui constitue peut-être une exception, mais à l'exemple de la Baie-James. Ces gens disaient: Si la loi, telle que rédigée maintenant, avait existé il y a quelques années lorsque les cuisiniers de la Baie-James ont fait la grève, à ce moment, on aurait dû fermer tout le chantier.

Vous avez dit que la loi n'allait pas assez loin, du moins en ce qui concerne les municipalités ou les chantiers éloignés, ou je ne sais pas. Quels sont vos commentaires par rapport aux remarques de l'Union des municipalités en particulier?

M. Laberge: Je pense que l'Union des municipalités mélange deux lois très différentes. Si la loi sur les services essentiels n'est pas efficace selon elle, il devrait y avoir des amendements à cette loi. Cela n'a rien à voir avec les mesures antibriseurs de grève. Nous croyons aux services essentiels. Chaque fois que nous avons eu l'occasion de nous présenter devant une commission parlementaire, chaque fois qu'il y a eu menace, nous avons toujours pris position carrément. Il faut que les services essentiels soient maintenus. Il peut y avoir désaccord évidemment sur ce qui, à nos yeux et aux yeux des autres, constitue des services essentiels.

On a essayé plusieurs formules qui n'ont pas toutes été très heureuses. Par exemple, on a déjà nommé un commissaire qui avait décidé que, comme services essentiels en temps de conflit, cela prenait exactement 112% des employés qu'il y avait en temps normal. Je reconnais que vous ne lui avez pas donné de médaille de l'efficacité, mais il reste que ce genre de choses nous rend la vie impossible. Les services essentiels doivent être maintenus. Si l'Union des municipalités veut faire amender la loi sur les services essentiels, nous reviendrons en commission pour étudier cela. Maintenant, l'affaire de la Baie-James. Si, un jour ou l'autre, il y a grève dans l'industrie de la construction, pas un seul entrepreneur ne voudra y aller, même si vous lui en donnez la possibilité. Dans la construction, on sait au moins une chose: les entrepreneurs sont des gens aussi carrés, aussi francs et aussi durs que le sont les travailleurs. Mais s'il y a eu négociation de bonne foi et que, à un moment donné, il n'y a pas entente et qu'il y a grève légale, les entrepreneurs qui essaient de jouer là-dessus sont assez rares. Je pense que c'est un très mauvais exemple.

M. Fortier: En ce qui concerne les services essentiels, les exemples qu'on a eus à Montréal en particulier n'ont malheureusement pas été très valorisants...

M. Laberge: ...vous dites?

M. Fortier: ...en ce qui concerne les services essentiels.

M. Laberge: Oui, oui. Dans quoi?

M. Fortier: Je veux dire que les exemples qu'on a connus dans le transport à Montréal et dans... Malheureusement, je crois qu'on doit constater que cette loi... Je ne sais pas si le gouvernement a d'autres idées en tête pour l'améliorer, mais, jusqu'à maintenant, force nous est de constater que, même si vous dites qu'il faudrait la modifier, dans plusieurs cas, jusqu'à maintenant, pour des raisons X, Y, Z, on n'a pas eu des résultats très heureux de ce côté.

C'est pour cela que, lorsque l'Union des municipalités nous disait qu'en particulier lorqu'il y a des fuites dans le réseau d'aqueduc, cela pouvait mettre en danger la santé publique et tout cela... Enfin, pour certaines personnes, cela peut ne pas être un service essentiel, mais ces gens disent: Pour pouvoir maintenir ce service ou pour l'enlèvement de la neige en hiver, c'est sûr, à ce moment, que cela donne une importance prédominante au syndicat qui déciderait de déclencher une grève en hiver, en particulier lorsqu'il y a une tempête de neige.

M. Laberge: Je pense que tout le monde va se rendre à l'évidence que, pour qu'une loi soit respectée, il faut d'abord que les parties se respectent et il faut que tout

le monde soit d'accord sur le fait que c'est une loi respectable, que ce soit l'Union des municipalités, une commission de transport ou... Quand bien même vous auriez la plus belle loi au monde sur les services essentiels - je sais qu'il y a eu des arrêts de travail illégaux - il y a des pays où ils ont enlevé le droit de grève et cela n'a pas empêché les grèves.

Quand il y a des conditions assez mauvaises qui font que les travailleurs ne peuvent plus endurer la situation, il y aura grève, qu'ils aient le droit de la faire ou non et rappelez-vous - j'ai toujours été de cette opinion - que, lorsqu'une grève est légale, lorsqu'une grève est faite selon les normes, il devrait y avoir une très grande différence afin que nous ayons les moyens d'encourager nos gens à subir les délais, à se conformer aux complexités de la loi afin qu'ils puissent voir la différence entre une grève légale et une grève illégale.

M. Fortier: Vous avez dit, tout à l'heure, que ce qui restait à syndiquer au Québec, c'étaient plutôt des petites compagnies, je devrais dire des petits groupes. Vous avez dit...

M. Laberge: ...

(18 h 15)

M. Fortier: Vingt, cinquante ou une centaine de personnes. À ce sujet-là, j'essayais de faire la relation avec certains de vos commentaires, surtout en ce qui concerne les briseurs de grève. Vous faisiez allusion à un hôtel en particulier. Vous parliez de la violence et j'avais de la difficulté à concilier les deux parce que, dans de petits endroits, j'imagine que... Vous dites ici dans votre texte - vous parlez des mesures antibriseurs de grève - "Leur faiblesse continuera d'être une entrave au libre exercice du droit de grève et continuera de pousser les travailleurs au désespoir ou à la violence." Dans ces petits groupes-là, par définition, c'est assez rare que la violence s'installe. On parle plutôt de plus grosses compagnies...

M. Laberge: Vous avez raison, c'est assez rare.

M. Fortier: À ce moment-là, à moins que la violence ne vienne d'ailleurs ou qu'elle ne s'organise...

M. Laberge: Vous avez raison, c'est assez rare. Il faut une compagnie qui a pas mal d'argent pour engager des professionnels briseurs de grève. Pour votre information, on les paie deux ou trois fois plus cher que les travailleurs normaux. Il faut que les compagnies aient de l'argent pour engager ces gens-là.

M. Fortier: Vous ne croyez pas que cela puisse arriver des deux côtés?

M. Laberge: Enfin, je ne connais pas de syndicat qui a assez d'argent pour en engager. Habituellement, on n'en a pas besoin.

M. Fortier: Malheureusement, on doit suspendre les travaux. Je veux juste terminer par une question.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Outremont, si l'ensemble des membres de la commission est d'accord, il reste trois autres intervenants qui m'ont indiqué que leur intervention était très brève; alors, nous pourrions terminer vers 18 h 30 et revenir à 20 heures avec un autre groupe.

M. Fortier: On parlait du climat social, de la violence, en particulier. Je crois que cela est vrai en ce qui concerne les grèves et le climat social. Je crois que, ces dernières années, le climat social, le nombre de grèves ou le nombre de jours perdus est moins considérable dans le secteur privé que dans le secteur public. Je crois qu'on l'oublie de façon trop générale. Le gouvernement ayant l'autorité législative, il fait ses propres règles et on extrapole à partir de cela pour imposer d'autres règles au secteur privé.

La question que j'aimerais vous poser concerne la violence, en particulier. Vous avez entendu le Conseil du patronat nous dire que, quant à lui, les mesures que nous avons au Québec sont beaucoup plus rigoureuses que celles qui existent dans d'autres provinces, à l'exception peut-être de la Colombie britannique où il y a quelque chose de semblable. Selon l'expérience que vous avez, après avoir visité les autres provinces, est-ce que nous avons un potentiel de violence plus aigu que celui d'autres provinces? Comment se fait-il que, dans les autres provinces, si elles n'ont pas une loi semblable, elles puissent s'en tirer avec une violence moindre? Est-ce que votre conclusion là-dessus n'était pas un peu hâtive? J'ai de la difficulté à concilier les deux.

M. Laberge: Non, je pense qu'il y a des chiffres très éloquents. En Colombie britannique, en Ontario - ce sont des provinces qui se comparent quand même un peu au Québec - il doit y avoir six à sept fois moins de renvois pour activités syndicales qu'au Québec. Il doit y avoir six à sept fois moins de briseurs de grève. Allez faire un tour en Colombie britannique. Quand une grève est légale, c'est fermé. On ne joue pas avec cela. Si c'est vrai que le mouvement syndical au Québec a peut-être été un peu plus turbulent que le mouvement syndical ailleurs, je pense qu'il y a peut-être

eu plus de provocation de la part des employeurs du Québec qu'il n'y en a eu ailleurs.

M. Fortier: Là, vous...

M. Laberge: En Colombie britannique ou en Ontario, les chiffres sont très éloquents.

M. Fortier: Si ce que vous dites est vrai, je l'accepte. Vous voyez la situation dans laquelle cela nous met sur le plan du développement économique. Je dois admettre que la réponse que vous nous avez donnée tout à l'heure ne m'a pas satisfait personnellement, parce qu'on veut tous avoir des investissements au Québec, pas seulement des Québécois, mais aussi de ceux qui peuvent venir de l'extérieur. Le gouvernement parle avec raison du virage technologique. Cela veut dire qu'il y a des industries à haute technologie - je suis sûr que mon collègue de Brome-Missisquoi parlerait de Bromont avec IBM et tout cela - et si, à ce moment-là, des gens sont habitués à aller dans d'autres provinces canadiennes où il n'y a pas ces lois-là, ils ont un choix à faire entre venir au Québec et aller ailleurs. Ils s'aperçoivent que nos lois, pour les raisons que vous venez d'indiquer et les pressions que vous mettez vous-mêmes sur le gouvernement, doivent être plus contraignantes. J'espère que vous comprenez que, pour ces investisseurs potentiels, cela aura un effet plutôt négatif sur la possibilité de leur venue au Québec. Je me demandais si votre commentaire était que ce genre de loi que vous demandez - de toute évidence, vous avez fait beaucoup de pression sur le gouvernement pour l'avoir -va améliorer notre développement économique alors qu'on se rend compte qu'avec le chômage que nous avons et le virage technologique que nous voulons assurer, nous avons besoin des investisseurs du Québec et que nous avons peut-être aussi besoin d'investisseurs de l'étranger. S'ils voient que nos lois sont plus contraignantes, cela peut avoir un effet négatif. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Laberge: En fait, à la FTQ, je peux vous dire que, par le truchement de nos affiliés, nous avons assurément le plus de conventions collectives avec ce qu'on appelle les multinationales, avec des employeurs pancanadiens. Sauf quelques rares exceptions, c'est avec eux qu'on a le moins de problèmes. Ils ne trouvent pas cela plus contraignant de négocier avec le syndicat de l'automobile au Québec qu'avec le syndicat de l'automobile en Ontario. Je peux vous dire avec assurance que c'est nous qui avons la vaste majorité des conventions collectives avec les employeurs pancanadiens ou les multinationales. Il y a eu une exception notable, la United Aircraft, mais elle a des difficultés pires à Hartford, Connecticut. Ce n'est pas parce qu'elle était au Québec qu'elle avait des problèmes, elle avait des problèmes pires là-bas.

M. Fortier: Enfin, on ne parle certainement pas aux mêmes personnes, parce que, lorsqu'on parle aux gens de l'Association des manufacturiers canadiens, qui vont venir ici ce soir, et aux gens qui ont des entreprises en Ontario et au Québec, ils nous disent que cette loi-là, en particulier, les fait beaucoup hésiter. J'apprécierais vos commentaires à ce sujet.

M. Laberge: Je suis bien convaincu qu'ils ne vont pas venir ici pour dire qu'ils vont applaudir parce qu'il y a des amendements d'apportés au code. Je ne suis pas prêt à vous dire non plus qu'ils vont augmenter leurs investissements à cause de cela. Mais vous savez, quand on veut s'opposer à quelque chose, il faut bien qu'on trouve des arguments. En fait, quand vous regardez les amendements, il faut prendre une loupe très puissante pour trouver quelque chose d'extraordinairement contraignant là-dedans.

M. Fortier: Ce que je retiens de ce que vous avez dit, c'est que notre comportement syndical et patronal nous a amenés peut-être là où on est et qu'il y aurait moyen d'éviter cela. En tout cas, je laisse la parole à d'autres intervenants. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Fortier.

M. Laberge: En fait, encore une fois, on pourrait vous envoyer une copie de nos conventions collectives. Vous verriez que ce que je vous affirme, c'est la pure vérité. On a des conventions collectives et cela va bien. On a rarement d'accrochage.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Vachon.

M. Payne: Je vais être très bref. J'aurais plusieurs questions, mais je vais m'en tenir aux dispositions antibriseurs de grève, parce que le Conseil du patronat a été farouchement contre, encore une fois, comme en 1977. C'était compréhensible, donc il n'a pas changé d'avis depuis, malgré le fait que j'aie sollicité une admission qu'au moins le climat s'est amélioré. En ce qui concerne l'Opposition, elle est très intéressée à "ploguer", si vous voulez, l'idée que le climat économique va être affecté par ces propositions. Mais, si on regarde les trous qui ont été créés avec le jugement sur Shell, n'est-ce pas vrai, M. Laberge, que des situations comme celle-là, répétées

maintenant avec Hilton et les raffineries de l'Est, c'est quelque chose qui va sûrement être exploité de plus en plus à l'avenir? C'est bien cela, j'imagine, à moins que je ne me trompe. Voyant la société québécoise comme n'importe quelle autre société, c'est quelque chose qui va aggraver terriblement le climat. L'objet de la modification de 1977 était d'améliorer cela.

Si le Conseil du patronat n'est pas assez honnête pour admettre cela devant la commission parlementaire, je ne sais pas quels seront vos commentaires là-dessus.

M. Laberge: Je ne trouve pas grand-chose à redire à vos commentaires.

Le Président (M. Blouin): Cela va, M. le député de Vachon?

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: J'ai deux questions. La première concerne cette partie sur les briseurs de grève. Je comprends que, dans une grève, on recherche une espèce de rapport de forces entre les deux parties. Les travailleurs paient déjà chèrement pendant une grève parce qu'ils perdent leur emploi et qu'ils ne sont pas payés. La compagnie, par contre, y perd aussi parce qu'elle n'est pas capable de continuer à fonctionner. Vous avez dit, par exemple, que vous ne trouviez pas normal - moi non plus - que la compagnie Trizec - c'est l'exemple que vous avez cité, je pense que c'est un stationnement - ait simplement remplacé les personnes en grève par d'autres personnes et ait réussi à continuer de fonctionner très bien mercil pendant que les employés se trouvaient sans emploi. C'était un exemple que vous aviez soulevé pour justifier l'amendement que vous proposez.

Il y a deux éléments que je ne comprends pas qui vont de l'autre côté et sur lesquels j'aimerais avoir des explications. Premièrement, c'est en ce qui a trait à cette idée qu'il est possible qu'une grève d'une unité syndicale, à l'intérieur d'une opération qui déborde de l'unité, puisse créer de graves problèmes pour les autres travailleurs. L'exemple qui a été cité aujourd'hui est celui du syndicat de la cafétéria à La Grande qui s'est mis en grève et, parce qu'on n'était pas capable de remplacer les travailleurs, il y avait un paquet de gens dans les autres syndicats qui n'étaient pas capables de travailler. Je me demande si ce n'est pas un autre élément qui va dans l'autre sens, dans le sens où le rapport de forces est peut-être brimé.

Le deuxième élément est - je vais vous donner les deux aspects de cette première question en même temps - que je connais personnellement des expériences où les travailleurs en grève, parce que rien ne les empêche de chercher des emplois pendant qu'ils sont en grève...

M. Laberge: Actuellement, il y a beaucoup de choses qui les empêchent de faire cela.

M. Scowen: Excusez-moi, dans la plupart des cas, c'est très difficile. Premièrement, dans le contexte actuel, c'est extrêmement difficile, à part cela, très souvent, ce n'est pas facile de trouver un emploi convenable a court terme. Cependant, il existe des cas où des gens, surtout des gens avec des connaissances et des compétences un peu plus élevées, peuvent facilement trouver de l'emploi temporaire. Rien dans la loi ne les empêche de le faire. Il est interdit pour la compagnie de remplacer les grévistes, mais il n'est pas interdit pour les grévistes de chercher un autre emploi. Ce sont simplement deux aspects de cette recherche d'équilibre dans le rapport des deux forces qui m'inquiètent un peu. J'aimerais, si vous le pouvez, que vous les justifiiez.

M. Laberge: Actuellement, il y a environ 80 000 à 100 000 travailleurs et travailleuses, chez nous, qui cherchent des emplois depuis un an et demi.

M. Scowen: Je ne parle pas de...

M. Laberge: La possibilité, pour un gréviste...

M. Scowen: Non, mais je...

M. Laberge: ...de se trouver un emploi, pour le moment, est assez limitée.

M. Scowen: Mais je ne m'attends pas que la crise reste indéfiniment.

M. Laberge: D'accord. Maintenant, en ce qui concerne votre autre considération, je vais essayer de vous expliquer cela de cette façon: La grève la plus efficace serait une grève sauvage, sans avis, sans délai, rien. Tu n'as pas besoin de mesures antibriseurs de grève; tu n'as besoin de rien, parce que l'employeur n'a pas eu le temps de se préparer. C'est la grève la plus efficace.

D'un autre côté, si on est pour avoir des lois et si on est pour essayer de demander à tout le monde de respecter la loi - c'est un peu ce que je disais tantôt - il faut qu'il y ait une différence marquée entre une grève légale et une grève qui ne l'est pas. Une des différences marquées, c'est justement cela, parce que, pour une grève légale, vous êtes obligés d'aviser. L'employeur vous voit venir 90 jours à l'avance. Il a le temps de se préparer. Il a le temps de se trouver des personnes morales pour vous remplacer si, à un moment donné,

il y a grève et s'il se produit des accrochages sur les lignes de piquetage.

Laissez-moi vous conter une petite anecdote. C'était la Compagnie Paquet, je pense, ici, à Québec, où il y avait eu deux grèves; c'est cela? Il y a eu une grève avant que la loi 45 soit adoptée et l'autre après. J'étais allé sur la ligne de piquetage avec les femmes qui travaillaient à la compagnie de Québec. Même moi, j'ai eu peur, et je ne suis pas du genre peureux, mais j'ai eu peur. J'ai eu peur. C'était terrible, parce que ces femmes étaient au désespoir et il n'y a rien de pire que des gens qui deviennent désespérés, parce qu'elles voyaient que leur emploi était foutu. Il y avait des briseurs de grève. Ils faisaient fonctionner la compagnie. À ce moment-là, c'est très difficile pour un représentant syndical qui est vraiment responsable d'essayer de maintenir le climat calme et serein. Après l'adoption de la loi 45, je suis retourné sur la ligne de piquetage - il y avait eu une autre grève - et il y avait un choeur de chant absolument magnifique. Tout s'est réglé dans la paix. Je n'essaie pas de vous faire croire que, en adoptant l'amendement, nous serons au paradis. Je pense qu'on n'est pas encore tout à fait au paradis au Québec. Il y a votre collègue, vous êtes près du paradis, cela va. C'est probablement le plus près que vous allez vous rendre. (18 h 30)

M. Scowen: Je n'ai pas besoin de vous dire que j'ai un paquet d'amis qui sont à l'autre place aussi.

M. Laberge: Oui, j'en connais.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député.

M. Scowen: Vous avez répondu à mon anecdote par une autre. Je vais vous poser la question très directe. Est-ce que vous croyez que, dans le cas du concessionnaire pour la cafétéria à la Baie-James, la compagnie, soit la SEBJ ou Crawley & McCracken, doit avoir le droit de remplacer les personnes en grève légale pour éviter que des centaines ou des milliers d'autres personnes dans les autres unités affectées par cette grève ne soient obligées d'arrêter de travailler?

M. Laberge: C'est une chose assez particulière. Je suis bien heureux que vous me posiez la question. On n'a jamais eu besoin de parler d'une loi pour les services essentiels dans le secteur privé. Je ne connais aucun machiniste qui, avant de partir en grève, ne voyait pas à huiler sa machine, à la couvrir pour être bien sûr que, lorsqu'il reviendrait, la machine serait prête à fonctionner. Cela s'est toujours fait. Il n'y a jamais eu de débat, que je connaisse, dans un syndicat pour qu'il y ait des travailleurs qui entrent pour s'assurer que le chauffage continuait de fonctionner pendant la grève. Cela s'est toujours fait de façon automatique. C'est la même chose chez les entrepreneurs en construction. Il n'y a jamais eu besoin d'une loi sur les services essentiels dans le secteur privé.

M. Scowen: Vous avez le droit de ne pas répondre à ma question, j'en conviens, mais je vais la répéter. Dans le cas de personnes qui fournissent des services d'alimentation à des centaines et des milliers d'autres personnes, est-ce que vous pensez qu'il doit y avoir des dispositions dans la loi qui permettent à ces personnes fournissant ces services essentiels - je pense que c'est essentiel de manger quand vous êtes à la Baie-James comme ici - de continuer indéfiniment, pendant la durée de la grève légale, de remplacer les personnes qui fournissent ce service?

M. Laberge: Là, vous avez vraiment une bonne question. Vous m'avez quasiment.

M. Scowen: Merci.

M. Laberge: Nous avons vécu l'expérience - Yves Paré est dans le coin -il y a quatre, cinq ou six ans, alors que les employés de Crawley & McCracken parlaient de déclencher la grève. Il y a eu un phénomène assez extraordinaire. Comme vous le dites, à la Baie-James, ce n'est pas comme le restaurant du coin qui ferme à Québec. Les gens peuvent aller dans un autre restaurant. À la Baie-James, si la cafétéria ferme, il n'y a plus personne pour nourrir les travailleurs. De deux choses l'une: ou bien ils trouvent quelqu'un pour continuer, ou bien le chantier doit fermer.

Cela avait été assez extraordinaire. Les travailleurs de la construction disaient aux employés de Crawley & McCracken: Si vous sortez, on vous appuie. On aura beau faire venir d'autres gens, on ne restera pas. C'est assez extraordinaire. On ne restera pas et on ne se fera pas nourrir par des "scabs". J'ai trouvé cela assez extraordinaire. Il faut vous dire que là-bas, cuisine, chantier, c'est un tout. On ne peut pas les diviser. C'est indivisible et là-dessus vous avez parfaitement raison.

M. Scowen: Plutôt que de poser ma deuxième question, je vais revenir à la charge une dernière fois sur la première question parce que l'exemple de la Baie-James est très clair. Il arrive assez souvent, même à Montréal, qu'une compagnie fournisse un service unique. C'est, à toutes fins utiles, le monopole peut-être pour un article qui est inutilisé dans une autre usine, à titre d'exemple, où il n'y a pas d'autre

fournisseur possible. L'effet d'une grève légale dans la compagnie À a l'effet d'obliger la compagnie B à cesser ses activités.

M. Laberge: C'est déjà arrivé.

M. Scowen: Alors, c'est dans ces cas-là que je suis préoccupé par cette égalité du rapport de forces. Il y a des gens qui ne sont pas en cause et qui sont affectés parce que la compagnie en grève légale n'est pas capable de continuer de fournir ses clients qui ont besoin de cela et qui n'ont pas d'autre choix.

M. Laberge: Je vais essayer de répondre plus clairement à votre question. C'est arrivé et pas seulement une fois. C'est tellement arrivé que, dans les constitutions, les statuts de nos syndicats, tel le syndicat de l'automobile, celui des machinistes, celui des employés de... Enfin, je pourrais vous nommer plusieurs de nos syndicats. Les travailleurs empêchés de travailler parce qu'un autre groupe est en grève peuvent recevoir des bénéfices de grève de leur syndicat comme si c'étaient eux qui étaient en grève. Nous avons cela dans nos statuts. C'est pour vous montrer que c'est arrivé.

M. Scowen: Mais la compagnie - il y a les deux parties - est affectée.

M. Laberge: Évidemment.

M. Scowen: Est-ce que le syndicat n'ira pas aussi loin que de dire qu'il va garantir les profits de la compagnie qui est affectée? Je pense...

M. Laberge: Je m'excuse, je n'ai pas saisi.

M. Scowen: Merci, je pense que j'ai la réponse, même si vous ne répondez pas.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Sainte-Anne, vous avez la parole, en conclusion.

M. Polak: M. le Président, je ne veux pas prendre l'odieux d'être celui qui retarde l'affaire. Alors, ma question va être très courte. J'aurais eu beaucoup plus de choses à dire si j'en avais eu le temps.

M. Laberge, l'histoire se répète. Je me souviens que, la première fois où je vous ai rencontré, il y avait cette enquête parlementaire sur les services essentiels. Lorsque je vous ai rencontré la deuxième fois, on a fait la grève ensemble; vous vous souvenez que, lorsque vous marchiez contre le gouvernement, j'étais avec vous? C'était il n'y a pas longtemps.

Mais, aujourd'hui, après avoir entendu le mémoire du côté patronal et ensuite celui du côté syndical, je me demande où est la vérité. Je trouve que, si on regarde le côté patronal, avec ce projet de loi-là, cela va être la fin de toutes les petites entreprises, cela va être très dangereux pour l'économie québécoise. Si on écoute votre point de vue, il n'y a rien là. C'est seulement un début et vraiment, vous cherchez beaucoup plus que cela. On espère que le gouvernement est objectif; par la question du député de Prévost, je ne pense pas qu'il soit bien objectif, mais disons qu'il l'est. Seriez-vous prêt... Si c'est vrai, du côté patronal, il y a tout de même un certain danger. Le mot "Cornwall" - je ne suis pas hystérique, mais tout de même - cela me fait un peu peur de perdre des emplois, etc. Seriez-vous prêt à faire quelques concessions? Sur le point de vue du délai, je suis d'accord avec vous: c'est scandaleux, et ce n'est pas cela qui va nuire à l'économie. Mais, sur d'autres choses qui peuvent affecter l'aspect économique, seriez-vous prêt à faire des concessions?

M. Laberge: Vous allez être d'accord avec moi que toute législation contraignante quelque peu, que ce soient la Loi sur la santé et la sécurité du travail, que ce soit les normes minimales de travail, cela peut toujours servir d'excuse en disant: Cela va être un frein aux investissements. C'est bien sûr que c'est vrai que le Québec n'est pas un paradis où un employeur peut arriver et s'attendre à ramasser l'argent à la pelletée. Il y a des contraintes qu'il lui faut respecter. C'est un fait. Je ne suis pas prêt à dire que les employeurs nous mentent quand ils le disent, et cela peut avoir comme effet de faire peur à certains investisseurs. C'est possible, mais quelle serait la solution? "Scrapper" le Code du travail, la loi 17?

M. Polak: Je voudrais savoir si, à un moment donné, chacun devait mettre un peu d'eau dans son vin, si vous seriez prêt à le faire?

M. Laberge: S'il y a un doute entre les deux, vous savez que les représentants du peuple - vous en êtes, nous en sommes -c'est nous qui avons la vérité.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Polak: Donc, je peux répondre... Ma dernière question...

Une voix: II n'a pas compris, il n'écoute pas.

M. Polak: Quelqu'un de mon comté de Sainte-Anne m'a demandé: Voulez-vous poser une question à M. Laberge, parce qu'il est honnête? C'est ce qu'on m'a dit dans le

comté de Sainte-Anne. Est-ce que le projet de loi 17 est un cadeau du gouvernement péquiste à M. Laberge? Les gens m'ont demandé de vous poser cette question. Qu'allez-vous répondre?

M. Laberge: Si c'était cela, je serais obligé de vous dire qu'il n'est pas bien généreux.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président (M. Blouin): Je remercie les représentants de la FTQ au nom de tous les membres de la commission. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Merci, M. Laberge et messieurs les vice-présidents, merci de votre présence.

Le Président (M. Blouin): Sur ce, nous ajournons nos travaux.

M. Laberge: M. le Président, on remercie les membres de la commission. M. le ministre, je veux vous remettre cette lettre et...

M. Polak: ...votre correspondance privée.

M. Laberge: Certainement.

Le Président (M. Blouin): Je signale que nous entendrons la Confédération des syndicats nationaux à 20 heures et sur ce, nous suspendons nos travaux.

(Suspension de la séance à 18 h 40)

(Reprise de la séance à 20 h 10)

Le Président (M. Blouin): La commisson élue permanente reprend ses travaux et déjà les représentants de la Confédération des syndicats nationaux ont pris place à la table des invités. J'invite donc les responsables de cette centrale, pour les fins du journal des Débats, à s'identifier et ensuite à nous livrer le contenu de leur mémoire.

Confédération des syndicats nationaux

M. Mercille (Pierre): Merci beaucoup. M. le Président, M. le ministre, messieurs et madame les députés, au début, je voudrais vous informer que je suis accompagné du responsable du service d'organisation de la CSN, M. Clermont Bergeron, à ma gauche, et aussi du responsable du service juridique de la CSN, M. Clément Groleau. S'il y a quelques questions concernant la question juridique ou des questions particulières concernant la pratique, Clermont ou Clément répondront à des questions pertinentes. Je voudrais aussi vous présenter le président du syndicat Menasco qui est en lock-out depuis neuf mois, M. Charles Levasseur, qui nous a accompagnés pour assister à cette commission parlementaire sur la réforme du Code du travail.

Pour débuter, M. le Président, au niveau de notre mémoire...

Le Président (M. Blouin): Voulez-vous vous identifier vous-même?

M. Mercille: Je suis Pierre Mercille, vice-président, responsable du service d'organisation, du service des grèves et du service juridique de la CSN.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

M. Mercille: En déposant le 19 mai le projet de loi 17 en première lecture à l'Assemblée nationale, le ministre du Travail a déclaré vouloir répondre à certaines urgences, mais, dès l'automne prochain, un processus de révision en profondeur du Code du travail sera entamé. C'est cette réforme en profondeur qui nous intéresse davantage parce qu'il y a urgence à adopter un régime d'accréditation et de négociation pouvant permettre d'augmenter la syndicalisation dans certains secteurs faiblement syndiqués et de déjudiciariser les relations de travail, d'accélérer le processus d'accréditation. "Dans l'état actuel de la législation, le droit d'association ne constitue souvent qu'une illusion pour des milliers de travailleurs québécois et travailleuses qui, majoritairement, décident de se constituer en syndicats. Souvent, des embûches légales et des délais interminables découragent l'accomplissement de cette volonté." Bien qu'elle pourrait facilement nous être attribuée, cette déclaration n'est pas de nous, mais du ministre du Travail lui-même, lors de la présentation de son projet de loi 17.

En effet, nous savons par notre expérience quotidienne que les obstacles à l'exercice de ce droit sont de plus en plus nombreux, de plus en plus difficiles à surmonter. Il nous apparaît utile de rappeler que le droit d'association, s'il est la pierre angulaire du Code du travail, est aussi un des fondements principaux de toute société démocratique. Nous croyons que le bill 17 contient des modifications intéressantes auxquelles nous apportons une critique portant sur certains articles. Toutefois, la viabilité des modifications nous apparaît fragile; en conséquence, nous proposons un Code du travail qui, à nos yeux, répondrait davantage aux déficiences du code actuel. Ce code est inspiré largement du premier projet élaboré au ministère du Travail.

Depuis quelques années, le patronat a considérablement raffiné ses tactiques pour élargir les mailles du filet et restreindre encore davantage les possibilités d'accès à la syndicalisation. À un point tel que nous avons pris l'habitude de dire que le droit d'association est un droit qui doit encore s'exercer dans la clandestinité. Le scénario de plus en plus fréquent rencontré dans l'organisation d'un nouveau syndicat se résume ainsi: dépôt de la requête en accréditation du syndicat CSN; objection de l'employeur sur l'unité de négociation demandée, ce qui entraîne automatiquement une audition devant le commissaire du travail et conséquemment un sursis pour l'employeur; congédiement ou mise à pied sélective ou massive des militants et militantes du syndicat; intervention d'un syndicat de boutique; abus des lenteurs administratives du ministère du Travail et des procédures juridiques, ce qui a pour effet de décourager les membres encore au travail et de permettre à l'employeur de répandre sa propagande et ses pressions en faveur d'un syndicat de boutique; ordonnance du vote par le commissaire du travail plusieurs mois plus tard et souvent, à cause des désaffectations entraînées par tous ces délais, le syndicat n'est pas accrédité.

Un autre scénario utilisé fréquemment par les employeurs consiste à s'opposer à l'unité de négociation visée par un syndicat authentique, alors qu'il donne son accord à l'unité de négociation demandée par un syndicat de boutique. À cet égard, nous croyons que les modifications proposées par le projet de loi 17, article 28c du code, devraient sensiblement modifier cette pratique déloyale. Mais, plus important encore, nous croyons que la meilleure façon de contrer cette tactique patronale est d'inscrire, au Code du travail, une présomption de pertinence de l'unité demandée par le syndicat requérant, sauf évidemment si le commissaire du travail estime qu'à sa face même une telle unité ne pourrait permettre la réalisation des objectifs décrits par ce code.

Nous présumons que le ministre cherche effectivement à juguler cette plaie en introduisant dans le code une disposition qui rend irrecevable, dans le cas d'un groupe non syndiqué, une deuxième requête en accréditation. Nous soumettons que l'intention visée a de fortes chances d'être très facilement évitée par les employeurs si le texte de l'article 27.1 reste le même que celui déposé en première lecture. En effet, il nous apparaît important que ce gel du recrutement et des procédures qui s'ensuivent ne s'applique que dans les cas où la première requête est appuyée par un caractère représentatif de 50% plus un des salariés compris dans l'unité de négociation demandée.

Les congédiements pour activités syndicales demeurent une arme favorite des employeurs pour contrer une tentative d'organisation par une centrale syndicale. Cette pratique déloyale est d'ailleurs tellement répandue que nous avons pris l'habitude, au service d'organisation de la CSN, de prévenir ceux et celles qui viennent nous voir pour se syndiquer qu'ils risquent fortement d'être victimes de congédiement. Encore là, nous croyons voir dans certaines modifications proposées par le ministre une certaine volonté de réduire ces pratiques déloyales. L'expérience quotidienne nous démontre que l'objectif premier de l'employeur qui congédie la militante ou le militant qu'il soupçonne d'être favorable à la formation du syndicat, c'est purement et simplement en vue d'intimider les autres employés et de leur donner une leçon. De plus, l'exclusion de l'entreprise de ces militants et de ces militantes qui, à toutes fins utiles, constituent le lien entre l'organisation syndicale et les membres, permet à l'employeur de priver ceux-ci de leurs leaders syndicaux.

La majorité des employeurs savent fort bien que le fait de ne pas respecter ces règles ne peut leur entraîner de condamnation avant plusieurs mois et qu'il peut leur être davantage profitable de la violer maintenant, quitte à payer plus tard. C'est ainsi que la plupart n'hésite guère à se placer dans la plus parfaite illégalité en congédiant la ou les personnes dont la crédibilité et l'engagement syndical sont gages de réussite dans la formation du syndicat. Leur seul risque est de devoir éventuellement verser une indemnité, réduite des gains faits ailleurs par la victime de congédiement. La plupart considère que le risque en vaut la chandelle. Nous n'avons absolument pas la conviction que d'ajouter des intérêts à cette indemnité ou de menacer les contrevenants de la possibilité de peine pénale contre eux les en dissuadera. La seule véritable protection pour les salariés consisterait en l'application d'une règle de statu quo ante.

La vente ou l'aliénation d'une entreprise ou d'une partie de l'entreprise constitue un autre moyen efficace dont dispose l'employeur pour faire obstacle à la syndicalisation. L'octroi de sous-contrat est devenu un moyen utilisé par les employeurs pour diviser les travailleurs et les travailleuses, multiplier les certificats d'accréditation, multiplier le nombre des négociations et donc diminuer les rapports de forces.

La Cour d'appel, dans la cause de Roy C. Adam a décidé qu'un nouvel employeur lié par le certificat d'accréditation en vertu de l'article 45 n'était cependant pas lié par une décision ordonnant la réintégration d'un ou des employés congédiés par l'ex-employeur.

Comme vous vous en doutez, il est devenu facile pour un employeur de congédier et de vendre son entreprise et cette dernière est dégagée de toute responsabilité pour ses congédiements illégaux. Voilà un exemple d'un autre trou béant de notre Code du travail. La lettre l'emporte sur l'esprit.

Nous estimons que la réforme en profondeur promise par le ministre devra résoudre cet aspect important des relations du travail et permettra une véritable protection du droit d'association.

Ceci nous amène à parler d'une autre source importante de délai et d'incohérence juridique: le pouvoir d'intervention des tribunaux de droit commun dans le processus d'accréditation. Les employeurs qui en ont les moyens ne se gênent pas pour en abuser, même si parfois ces moyens proviennent de la poche des contribuables comme c'est le cas à l'Université de Montréal. Cela crée des situations pour le moins surprenantes et très farfelues. Prenez le cas du syndicat de Simpsons qui attend encore son certificat d'accréditation plus de sept ans après avoir déposé sa requête majoritaire. Cela crée aussi des incohérences, pour ne pas dire des loufoqueries, comme la suivante. Dans la même cause de Simpsons, la Cour d'appel a donné la permission à l'employeur d'examiner les cartes d'adhésion au syndicat, malgré une interdiction expresse à cet effet dans le Code du travail, tandis que, dans le cas des chargés de cours de l'Université de Montréal, la Cour supérieure vient d'invalider le certificat d'accréditation accordé par le Tribunal du travail, parce que le syndicat, en accord avec le commissaire du travail au dossier, a eu la liste de ceux qui, à une date précise, n'avaient pas encore retourné leur bulletin de vote par courrier. Autrement dit, la Cour d'appel a permis, à la faveur de l'employeur, la violation de la confidentialité de l'adhésion syndicale prévue à l'article 36 du Code du travail, tandis que la Cour supérieure a puni le syndicat, en plus de renverser les décisions des instances spécialisées en droit du travail, parce qu'il avait pris les moyens de faire respecter l'article 38 de ce même Code du travail.

Il faut également noter que ce pouvoir interventionniste s'exerce de plus en plus aveuglément par les juges de la Cour supérieure et de la Cour d'appel du Québec, lesquels considèrent davantage siéger en appel des décisions du commissaire du travail et du Tribunal du travail ou des arbitres de griefs et évacuent ainsi leur véritable rôle qui est de surveiller le respect des juridictions de ces tribunaux inférieurs. Ce vaste pouvoir se fait également dans le mépris des juridictions spécialisées en droit du travail, comme nous avons pu le constater dans l'affaire Simpsons et des chargés de cour, de l'Université de Montréal.

Pour terminer sur cet aspect, soulignons que, récemment, la Cour d'appel a refusé la requête pour permission d'en appeler dans la cause des chargés de cours de l'Université de Montréal, nous disant qu'il ne s'agissait pas d'une affaire exceptionnelle et que l'on devait, par conséquent, procéder au mérite devant la Cour supérieure, ce qui signifie un délai additionnel d'une autre année.

Ces deux exemples illustrent assez bien le genre d'embûches que les travailleurs et travailleuses doivent surmonter lorsqu'ils veulent faire reconnaître leur droit à négocier collectivement leurs conditions de travail.

Nous tenons à préciser notre point de vue sur certains articles du projet de loi 17.

Article 1. Nous croyons nécessaire d'élargir la notion de salarié pour inclure un entrepreneur indépendant, comme le prévoit d'ailleurs déjà le code canadien. Cette notion devrait s'appliquer aux pigistes ou à tous les travailleurs et travailleuses qui doivent fournir un équipement: livreurs en camion, travailleurs forestiers qui possèdent un équipement lourd. C'est le même exemple qui avait été donné par M. Laberge cet après-midi concernant les travailleurs forestiers.

Article 3. La déduction du salaire qu'une personne congédiée ou suspendue a pu gagner dans une autre entreprise est source d'iniquité pour les salariés et est une échappatoire pour les employeurs. Il faudrait, par conséquent, ne pas déduire ces gains de l'indemnité accordée par le commissaire. En effet, dans certaines circonstances, un congédié s'étant expatrié à la Baie-James, par exemple, pourrait voir son indemnité considérablement réduite ou même devenir nulle à cause d'un salaire plus élevé. En outre, certains dommages identifiables, comme le fait de devoir se déplacer, de travailler de soir ou de nuit, devraient être compensés par une indemnité majorée.

À l'article 5, le seul dépôt de la plainte devrait constituer l'établissement de la présomption et obliger, en conséquence, l'employeur à démontrer qu'il a satisfait à son obligation en congédiant ou en suspendant pour une autre cause juste et suffisante, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire.

À l'article 7, nous croyons qu'il serait plus sain de reprendre ici la formulation de l'article 100.15 de l'actuel Code du travail.

À l'article 11, il est essentiel d'ajouter au texte, pour préciser, que le commissaire général peut dessaisir "pour cause" un commissaire d'une affaire.

À l'article 12, les lenteurs administratives - nous recevons actuellement des accusés de réception qui datent jusqu'à trois semaines - ne doivent pas être assumées par les travailleurs et travailleuses ni leurs organisations. Cela irait à l'encontre de la volonté de réduire les délais. Nous

demandons donc le maintien de la disposition actuelle du code.

À l'article 13, nous estimons essentiel de préciser que cet article ne puisse avoir effet qu'en faveur d'une association requérante qui possède le caractère représentatif, c'est-à-dire 50% plus un. Car autrement, une association requérante représentant plus de 80% des salariés visés devrait subir un délai du seul fait d'un dépôt antérieur fait par 10% des salariés visés. En conséquence, l'article 40 du code actuel, en ce qui a trait au délai de carence de trois mois, doit être modifié pour ne pas pénaliser une association requérante. L'article 32 devrait également être modifié pour spécifiquement exclure le deuxième requérant du débat.

Le texte devrait préciser si c'est en termes de jour ou d'heures que s'applique cette règle. Quant à nous, nous croyons nécessaire d'établir que c'est en termes de journées que cette règle devrait s'appliquer. Quant au deuxième alinéa, il faut absolument ajouter: "ou à la date de la mise à la poste par courrier recommandé". Car personne ne contrôle la réception, au bureau du commissaire général. Cette règle établit un déséquilibre à l'avantage des régions proches des bureaux du commissaire général. Également, un patron pourrait embaucher d'autres salariés entre l'envoi et la réception d'une requête en accréditation, ou encore un autre syndicat requérant pourrait aller déposer une requête. Enfin, une requête peut toujours être perdue par un tiers alors que le reçu de poste laisse une preuve écrite entre les mains des requérants.

À l'article 14, cet article devrait comprendre l'obligation pour l'employeur d'expliciter les raisons en détail et d'en transmettre copie au syndicat requérant.

À l'article 16, nous préférons que l'article établisse clairement que le commissaire "doit" plutôt que "peut d'office et en tout temps soulever le non-respect de l'article 12."

À l'article 18, cet article devrait comprendre le pouvoir du commissaire de refuser une intervention lorsqu'elle apparaît être faite pour des fins dilatoires.

À l'article 20, l'association accréditée ne devrait participer au vote qu'à la condition de représenter encore au moins 35% des salariés visés.

À l'article 22, nous ne comprenons pas la suppression du deuxième alinéa qui a son utilité et qui, parfois, raccourcit les délais.

À l'article 25, nous nous opposons à cet article, car il crée l'équivalent d'un appel sans délai. Sur simple modification administrative, l'employeur pourra constamment retourner devant le commissaire. De plus, le Code du travail actuel prévoit déjà un mécanisme d'appel au Tribunal du travail. De telles requêtes permises par le code canadien, qui ne comprend pas d'appel à une autre instance, ont été strictement limitées par une décision du conseil canadien qui a fixé un délai de 30 jours d'une décision pour demander une révision. Agir autrement ferait en sorte qu'il n'y aurait plus jamais de situation finale. Il faudrait ajouter à l'énumération apparaissant à l'article 49 du Code du travail les cas où le commissaire aurait omis de convoquer une partie.

À l'article 27, nous croyons l'article 308 du Code de procédure civile suffisamment limitatif. Toutefois, si cet amendement était retenu, il faudrait à tout le moins exclure les cas où le conciliateur est responsable de la rédaction d'une clause de convention collective ou d'une recommandation.

Nouvel article: l'article 59 devrait être amendé pour dire clairement que cette disposition protège toutes les conditions de travail. En effet, plusieurs arbitres ont tendance a diminuer la portée de l'article en jugeant que les modifications ne sont pas suffisamment significatives. Le code devrait interdire, sauf dans les cas de force majeure, toute modification sans le consentement écrit de toute association requérante et de l'association accréditée, le cas échéant. Il faudrait définir la notion de conditions de travail de façon que celle-ci comprenne le maintien, la modification ou l'abolition du lien d'emploi.

De l'arbitrage de différends. Nous nous opposons à la modification de fond de ce chapitre. Pour établir une convention collective, nous croyons important de maintenir un conseil constitué de trois arbitres.

À l'article 49, nous demandons que le conseil ait également le pouvoir d'établir les conditions de retour au travail, le cas échéant. En effet, son intervention met fin au conflit, mais souvent les séquelles du conflit persistent et ce n'est pas une solution que de se référer à un autre arbitre qui décidera plus tard de cette question qui pose un problème dans l'immédiat.

Le chapitre sur l'arbitre de griefs. Nous exprimons notre accord sur l'ensemble de ce chapitre. Toutefois, le code devrait prévoir, lorsque les deux parties sont d'accord, la constitution d'un conseil composé d'un président et de deux assesseurs. En conséquence, l'article 100 du projet de loi 17 devrait être modifié.

Et nous ajoutons ceci, qui n'est pas dans le texte: II pourrait y avoir une autre formule. Par loi où l'on consacre que la règle, c'est l'arbitre unique, cependant que, dans les quinze jours de la soumission à l'arbitrage, les parties peuvent s'entendre pour nommer leur assesseur. C'est-à-dire qu'on est prêt à formuler deux propositions concernant les conseils d'arbitrage.

Toutefois, à l'article 74, nous croyons nécessaire d'ajouter au paragraphe f de renvoi, de mise à pied ou de toute autre fin d'emploi. De plus en plus, certains arbitres prétendent voir dans une mise à pied ou un congédiement administratif autre chose qu'un congédiement déguisé.

Enfin, une disposition devrait prévoir qu'une démission n'est pas opposable, sauf si elle est rendue par écrit et dans la forme prescrite par la convention collective, s'il y a lieu. (20 h 30)

À l'article 88, le paragraphe a devrait prévoir l'interdiction d'utiliser une personne physique pour remplir les fonctions, en totalité ou en partie, d'un salarié. En effet, certains juges rétrécissent cette interdiction en exigeant que les fonctions accomplies par cette personne soient substantielles. Il faudrait également ajouter, lorsque cette personne a été embauchée, ou lorsque ses services ont été utilisés, pour prévoir tous les cas où, sans formellement procéder à l'embauche, certaines personnes comme les bénévoles sont utilisées. Le paragraphe b devrait être modifié en supprimant "dans l'établissement où la grève ou le lock-out a été déclaré". D'abord, il n'est pas normal que certains employeurs, qui peuvent faire produire en partie à l'extérieur de leur établissement, puissent se soustraire à une obligation de la loi, "pool" de secrétaires, services téléphoniques, etc.

Certaines fonctions de salariés ne s'exercent pas dans un établissement, comme dans le cas de livreurs, de vendeurs à domicile, de réparateurs. Il faudrait ajouter à la personne morale toute société ou toute association pour éviter toute ambiguïté éventuelle.

L'article 109.4 devrait comprendre l'obligation pour l'enquêteur de se faire accompagner par des représentants du syndicat. Il devrait également prévoir le droit pour des représentants du syndicat de visiter les lieux de travail quotidiennement.

À l'article 100, nous soulignons que le fait de dire "une convention collective signée" a pour effet d'exclure de l'application de cette disposition plus de 300 000 salariés de la fonction publique et parapublique.

À l'article 104, le congé de maternité ne devrait pas diminuer le paiement du congé annuel. Celui-ci devrait être complet, comme si la salariée avait été au travail toute l'année.

Quant à la loi des normes minimales, la CSN estime qu'elle devrait être révisée. Par exemple, le droit de grief après cinq ans de travail paraît minime lorsque comparé au code canadien qui le prévoit après un an de travail.

En conclusion, nous rappelons l'urgence de procéder à une révision en profondeur du

Code du travail afin d'établir dans la réalité le droit d'association, le droit de négociation et le droit de grève pour tous les travailleurs et travailleuses. À cette fin, nous déposons en annexe un projet de Code du travail que nous soumettons pour étude.

Je voudrais aussi, M. le Président, souligner que la CSN se rend à l'idée du ministre du Travail et par conséquent nous sommes prêts à participer au "task force" qu'il a proposé afin d'en arriver à une réforme en profondeur du Code du travail. Il est essentiel que le mandat soit clairement défini et précisé et que son rapport soit soumis dans un délai assez court.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Mercille. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Merci, M. Mercille, de votre exposé très clair et fort bien fouillé. Je pense qu'il est de nature à éclairer les membres de la commission, même si sa présentation en termes juridiques ne nous rend pas les choses faciles au fur et à mesure qu'on suit. On aura quand même quelques jours devant nous pour en faire l'analyse.

À l'égard de l'arbitrage, vous vous opposez - si je comprends bien - au principe de base de la réforme du conseil d'arbitrage. Est-ce que vous pourriez expliciter un peu ce qui vous amène comme centrale à vous opposer à ce qu'on passe - dans le cas d'arbitrage de différends, j'entends, et non pas l'arbitrage de griefs, je pense que vous faites la distinction entre les deux très clairement - à l'arbitrage unique?

M. Mercille: Nous croyons, pour l'arbitrage des différends durant un conflit de travail, pour une première convention collective ou pour des secteurs en particulier, qu'il est préférable que le conseil soit constitué de trois arbitres afin d'avoir tous les éléments d'information et de connaissance du milieu et aussi pour avoir une meilleure idée de toute la conjoncture des différends. Les expériences du passé nous ont démontré - parce que nous avons eu affaire à un certain nombre de conseils d'arbitrage de cette nature - que cette proposition que nous voulons maintenir ici avait une valeur dans la pratique que nous avons constituée dans le passé. C'est pour cela que nous voulons maintenir cette proposition à cause de la pratique vécue dans le passé concernant un conseil d'arbitrage de trois personnes.

M. Johnson (Anjou): À l'égard du problème des délais qui est soulevé, une des raisons qui ont amené le ministre du Travail à proposer l'arbitrage unique, c'est celle d'essayer de faire en sorte que, plutôt que d'avoir à joindre les horaires de la partie

syndicale, de la partie patronale et de deux autres personnes, au moins il y en ait deux de moins dans le décor pour faire un horaire. On sait que les délais sont parfois extrêmement longs. C'est sûrement de bonne foi de la plupart des gens, parce que ce sont des gens occupés, que ce soient les permanents syndicaux qui siègent ou que ce soient les représentants patronaux ou leurs procureurs. Comment répondez-vous à cette question des délais, si on devait maintenir l'arbitrage de différends avec un tribunal complet de trois membres?

M. Groleau (Clément): Je pense, M. le ministre, que, si on fixe un délai maximal pour rendre une décision, pour une convention collective, quand il s'agit d'arbitres, et même si deux arbitres sont nommés là-dessus, respectivement par chacune des parties, il n'en demeure pas moins qu'ils ont une fonction judiciaire et quasi judiciaire à remplir et que, s'il y a un délai fixé pour rendre cette décision, on peut répondre à ce problème à ce moment-là.

De toute façon, même s'il y a un arbitre unique et que l'arbitre unique tente de fixer des horaires avec les procureurs de chacune des parties, le même problème peut se poser. J'ajouterais à ce que M. Mercille a dit tantôt que, quand les parties négocient face à face et qu'elles ont une convention collective à appliquer pendant deux ans ou trois ans, l'avantage de pouvoir négocier face à face, surtout pour les problèmes d'interprétation, est que souvent on se réfère à l'intention des parties quand cela a été négocié. Si c'est un arbitre unique, l'intention derrière la clause que l'arbitre unique aurait écrite pourrait être assez difficile à déceler. Alors que, s'il y a un tribunal à trois, comme ce sont des personnes nommées par les représentants, je pense qu'une des parties peut se référer à son arbitre pour savoir dans quel contexte, dans quel esprit cette clause a été adoptée. Je pense qu'au niveau de l'application de la convention collective, au cours des années, cela me paraît extrêmement différent d'une sentence arbitrale qu'on a à appliquer sur un sujet déterminé, précis et concis.

M. Johnson (Anjou): Une question technique. À la page 9 de votre mémoire, à l'égard de l'article 13 et quant à l'article 32 du code, au deuxième alinéa, si je comprends bien, vous suggérez que, plutôt que la réception, l'on prévoie la date de la mise à la poste par courrier recommandé. Je trouve cela intéressant. Y voyez-vous des difficultés? Peut-être pourriez-vous m'éclai-rer sur les inconvénients? Parfois, les postes canadiennes ne fonctionnent pas, mais...

M. Groleau: Mais ce qui fonctionne peut-être encore moins, c'est quand il faut partir de Chibougamau pour aller livrer une requête au ministère du Travail. Peut-être que les postes canadiennes ne fonctionnent pas parfois, mais, même si les gens de Chibougamau n'utilisent pas le transport en commun, cela prend quand même un certain temps pour se rendre à Montréal ou à Québec, pour déposer une requête. Je pense que cela a un avantage aussi, comme cela s'applique au niveau des congédiements pour activités syndicales, la mise à la poste; et même dans les requêtes en accréditation, le système actuel est quand même celui de la mise à la poste qui est considéré. Cela a un avantage. C'est que nous, comme syndicat, cela nous permet de savoir à quel moment notre requête est présumée reçue au bureau du commissaire général du travail. Cela permet de pouvoir déterminer avec précision quand il y a eu l'envoi d'une deuxième requête. Si on demande des précisions en termes d'heures ou de jours, comme dans le texte proposé à l'heure actuelle, cela laisse une ambiguïté... Si je la dépose à 15 h 45 et que l'autre la dépose à 16 heures, sera-t-elle antérieure ou pas, alors que c'est la même journée? On a le problème au niveau des démissions au moment où on se parle aujourd'hui. Il y a eu plusieurs décisions du tribunal. Pour éviter cela, on devrait parler en termes de journées aussi, dans le sens de ne pas en faire une question d'heure. Que tu la déposes à 22 h 55 le soir ou à 8 heures le matin, quand c'est un dépôt fait dans la même journée, il ne faudrait pas en faire une question de minutes ou de demi-heure ou de trois quarts d'heure. Je pense qu'il faudrait préciser cela, comme cela l'est au niveau du caractère représentatif. Je pense qu'il y a un trou là-dedans qui pourrait drôlement être utilisé, surtout si la requête est envoyée au bureau du commissaire général du travail.

M. Johnson (Anjou): C'est plus long. Oui, évidemment. Mais si vous avez deux requêtes qui sont envoyées le même jour, du même endroit et pour la même unité?

M. Groleau: À ce moment-là, il y aura probablement...

M. Johnson (Anjou): Je ne veux pas faire de législation fiction, mais c'est un genre de problème qui peut se poser très concrètement. Vous savez comment cela fonctionne, là où il y a, disons, une certaine éebullition syndicale, un conflit entre deux centrales ou un maraudage important, comment voyez-vous cela se trancher?

M. Groleau: II est évident qu'il me paraît qu'il ne peut pas y avoir de système qui bouche tous les trous possibles. D'accord. Concernant le système actuel face à notre

proposition, le problème se pose quand même, de toute façon. On va tenter de le limiter le plus possible et, lorsqu'il restera uniquement la question d'heure ou de jour... Quand on aura deux dépôts la même journée, habituellement, l'organisation, comme nous le disons, se fait d'une façon assez secrète et le moment où la requête est déposée, on ne le crie pas sur les toits non plus. Si on sait qu'un autre syndicat va la déposer, on va peut-être se dépêcher pour la déposer plus vite. Si on le fait en question d'heure, le même problème va se présenter. Il y aura toujours un problème de délai, soit de minutes, d'heures ou de jours. Si on ne la met pas par courrier recommandé, il est évident qu'il y aura encore un délai de quatre ou cinq jours additionnels.

M. Johnson (Anjou): J'allais dire que cela dépend peut-être de la dimension du village et du respect de la confidentialité du maître de poste. Je me demandais comment vous réussiriez à l'introduire, mais, à la page 13 à 2.22 au sujet de l'article 5, j'ai compris que vous aviez trouvé une occasion de nous faire savoir certaines choses.

Il reste les dispositions antibriseurs de grève. J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, un petit peu en termes généraux. Tel que le projet est rédigé, en tout cas, à ma connaissance, il n'existe pas de précédent ailleurs. Je ne vois pas vraiment ce qu'il peut contenir de plus, à moins que vous n'ayez des suggestions sur lesquelles vous pourriez élaborer à l'égard des dispositions antibriseurs de grève.

M. Mercille: À l'article 109, à propos des briseurs de grève, la proposition faite dans la loi 17, nous sommes d'accord en grande partie avec ce qui est proposé. Ce que nous constatons dans les faits... Si je prends l'exemple de Menasco à Montréal, une partie de la proposition de la loi 17 aiderait parce que, actuellement, il y a des employés de bureau, il y a des cadres qui travaillent à la production. Cependant, cette compagnie donne aussi des sous-contrats. Il y avait déjà des sous-contrats avant le conflit, il y a neuf mois. Avec ces sous-contrats qu'ils avaient avant le conflit, il y a neuf mois, c'est maintenant les sous-traitants qui sont attachés à cette compagnie qui ont augmenté le nombre de salariés qui travaillent et ils font maintenant la production de cette compagnie en grande partie alors qu'elle était faite par les travailleurs de Menasco. Je pourrais vous donner d'autres exemples. On croit que toute l'action de la production de l'entreprise... Donc, à ce moment-là, le rapport de forces qui était dans une négociation normale est complètement dilué. Ces travailleurs sont rendus dans une situation de désespoir parce que le travail qu'ils faisaient est maintenant redistribué chez les sous-traitants avec qui l'entreprise faisant affaires auparavant.

Nous croyons que la question de la sous-traitance a une grande importance dans le cas de l'article 109 du Code du travail, sauf que nous sommes d'accord avec ce qui est proposé, mais cela ne règle pas tous les problèmes.

Si vous prenez le cas du Château Mirabel. Il y a des briseurs de grève à l'intérieur de l'hôtel actuellement. Des plaintes ont été produites au ministère du Travail à l'égard de l'article du Code du travail. Cependant, Mirabel, pour ses banquets, utilise maintenant du personnel de l'extérieur. C'est tout un problème qui amène une provocation au niveau des travailleurs et cela peut amener - comme d'autres le disaient - des réactions malheureuses au niveau des lignes de piquetage ou ailleurs durant les conflits de travail. Le rapport de forces est complètement diminué, les conflits de travail ne se règlent pas et les employeurs ne veulent pas négocier dans des cas comme ceux-là.

M. Johnson (Anjou): Merci, M. Mercille.

Le Président (M. Bloiin): Merci, M. le ministre. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. Mercille, à vous-même et à tous vos collaborateurs, des félicitations pour un mémoire fouillé et recherché. Vous vous êtes appliqués au niveau de chacun des articles et, comme législateurs, on l'apprécie car cela nous éclaire.

La question dont tout le monde a eu le préavis, c'est le projet de loi 17 - si vous étiez présent ce matin - au niveau de la relance économique, au niveau du maintien et de la rétention d'emplois. De quelle façon cela vient-il en aide au développement économique, au maintien et à la création d'emplois?

M. Mercille: La CSN a un certain nombre de propositions qui ont été faites auprès du ministère du Travail, auprès du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et auprès du premier ministre, il y a un certain nombre de mois, concernant des propositions de création d'emplois. Nous ne pensons pas que la question de la création d'emplois doit aller à l'encontre du droit d'association et du droit de négociation, du droit de négocier un contrat de travail. (20 h 45)

Comme, uniquement dans le secteur privé, il y a environ 22% à 23% des travailleurs et des travailleuses qui sont syndiqués au Québec, nous croyons que l'accès à la syndicalisation est un droit fondamental. Nous ne croyons pas que cela va brimer les employeurs, au contraire. S'il y

avait l'accréditation multipatronale, il y a un certain nombre d'employeurs nous le disent lorsqu'on va négocier, ils aimeraient aussi que leurs concurrents puissent négocier à cause de la concurrence qui se fait dans des entreprises du même secteur et du même style. C'est pour cela que nous disons que plus il y aura d'augmentation du taux de syndicalisation - si vous regardez cela purement sur le plan économique - plus cela pourrait créer un meilleur équilibre économique, alors qu'un concurrent n'est pas syndiqué et que celui qui est syndiqué a des problèmes par rapport à celui qui ne l'est pas. Alors, nous croyons que, sur le plan économique, cela n'est pas un empêchement au développement économique; au contraire, cela a une stabilité économique même s'il y a une association à l'intérieur de l'entreprise.

M. Paradis: D'accord. Maintenant...

M. Mercille: Les multinationales dans l'histoire se sont développées avec des syndicats et cela ne les a pas empêchées de se développer sur le plan particulièrement québécois dans le passé.

M. Paradis: Maintenant, votre chapitre qui touche le pouvoir de contrôle des tribunaux supérieurs, que vous retrouvez aux pages 5 et suivantes de votre mémoire, m'amène à une question spontanée, parce que je ne sais pas dans quel sens cela a été rédigé. Est-ce que c'est une critique de l'appareil judiciaire, des tribunaux de droit commun ou est-ce une critique adressée au législateur? Je voudrais saisir parce que cela me semble un peu ambigu.

M. Groleau: Je ne sais pas s'il faut mettre un nom en arrière de la critique. Ce que je pourrais tout simplement dire et constater, c'est que cela a des conséquences très graves et très sérieuses au niveau de l'accès à la syndicalisation ainsi que les droits qui en découlent, de négociation, etc. C'est une source de délais incroyables et c'est une méconnaissance ou un défaut de reconnaître la spécialisation des tribunaux ou organismes chargés d'appliquer des lois plus particulières qui dérogent à ce qu'on pourrait appeler le droit commun.

Le pouvoir d'intervention des tribunaux supérieurs, qui doit s'exercer dans le cadre -tout le monde le sait - strictement d'excès de juridiction ou de règles de justice naturelle, est porté à aller au-delà de cela. Je peux vous donner un exemple assez précis. Vous arrivez sur un problème, par exemple, un grief, qui met en cause la moralité, et je ne vous nommerai pas l'endroit ni le juge, etc. La question qui nous est posée avant même qu'on plaide parce qu'il a lu la requête est: Si c'était votre fille, qu'auriez-vous fait? Le problème ne se pose pas, l'arbitre a jugé au niveau des faits. D'accord? Il a à décider si l'arbitre a excédé ou non sa juridiction.

Ce que nous vous disons, c'est que les pouvoirs accordés au commissaire du travail et, dans la réforme que nous proposons, à la commission ne sont pas suffisamment étendus. C'est délimité de façon assez précise par des textes très précis qui font en sorte que les tribunaux supérieurs - donc il y a une partie de législation - ont une possibilité d'intervenir parce qu'on peut facilement dire si un texte a été modifié, si on a rajouté ou si on a abrogé un texte. Mais s'il y avait des pouvoirs plus généraux accordés au commissaire du travail et au Tribunal du travail, nous pensons que ce pouvoir d'intervention de la Cour supérieure ou de la Cour d'appel ou des tribunaux de droit commun serait réduit. Nous pensons qu'il est essentiel de réduire, tant en termes de délais qu'autre chose, ces... Les brefs d'évocation, par exemple, ont augmenté de façon tout à fait astronomique au cours des deux dernières années, à peu près sur tout et il en résulte énormément de coûts, il va sans dire. Alors il y a là un problème; je ne sais pas s'il y a un problème que je pourrais qualifier d'accaparer des juridictions ou de jalousie ou peu importe le terme utilisé, mais il y a un problème sérieux dont le législateur doit être conscient, à mon avis, pour le climat social, etc. Parce que vous vous imaginez un grief de congédiement gagné au bout de huit mois, un an, et que la personne est réintégrée après une décision finale de la Cour d'appel cinq ans plus tard. Cela ne fait pas de très bonnes relations de travail à l'intérieur, cela coûte extrêmement cher pour l'employeur aussi et ce n'est rien pour assainir le climat de travail ou le climat social.

M. Paradis: Mais est-ce que vous remettez en question, par votre texte, le pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure par rapport aux articles 33 et 846 et suivants du Code de procédure civile?

M. Groleau: Nous ne remettons pas en question le pouvoir de contrôle, nous le disons d'ailleurs là-dessus. Comme il est dit, c'est un pouvoir de surveillance vis-à-vis de quatre paramètres exprimés aux articles 846 et suivants: Excès de juridiction, règles de justice naturelle, irrégularités graves, partialité. Qu'on s'en tienne à ces quatre critères, ces quatre paramètres, mais, à partir du moment où on a inclus la notion de décision déraisonnable, cela fait appel à un critère tellement subjectif que tout juge étant aussi un être humain, pour l'exemple que je vous donnais tantôt, c'est déraisonnable qu'un arbitre, s'il avait eu une fille de cet âge, n'aurait certainement pas

rendu cette décision. Qu'il ait eu le pouvoir de juger ou d'apprécier les faits, c'est une chose.

M. Paradis: Cela me semble être un principe quand même assez important et je suis d'accord avec vous que tout juge est un être humain, tout commissaire également est un être humain, tout assesseur est un être humain. C'est pour cela qu'il y a des cours d'appel avec plus d'un juge qui siègent habituellement sur ce genre de dossier, qu'il y a une Cour suprême et qu'on peut, lorsqu'il y a une erreur de droit grave commise par un tribunal, fût-il un honorable juge de la Cour supérieure, en référer à d'autres honorables juges. Le processus permet de corriger les erreurs humaines. Je voulais m'assurer que, par votre mémoire, le pouvoir de surveillance et de contrôle n'est pas attaqué finalement. On peut améliorer les clauses privatives, si c'est le choix du législateur. On peut améliorer ces choses dans le sens que vous le souhaitez.

M. Groleau: C'est-à-dire qu'ici je peux vous donner un exemple pour la connaissance que j'en ai. La Cour d'appel fédérale par rapport au conseil canadien est beaucoup plus restrictive dans son intervention. Elle exerce les mêmes pouvoirs d'intervention, mais les exerce de façon beaucoup plus concise, il y a une politique. Il y a des exemples que je vais vous donner. Le Tribunal du travail, au cours des dernières années, a tenté de restreindre ou de détailler de façon plus précise les motifs d'appel, une requête en permission d'appeler. Ce sont des erreurs de droit ou des erreurs manifestes en soi et il restreint l'utilisation pour éviter que cela devienne un appel de piano, de plein droit, automatique. Il y a eu un jugement de la Cour d'appel qui a renversé cela et qui fait en sorte qu'il lie le Tribunal du travail et que maintenant on peut avoir pratiquement des appels de piano.

Cela ne fait qu'augmenter les délais alors que l'article sur lequel... Donc, je pense qu'il y a plus un problème entre les différents paliers de tribunaux qu'un problème d'interprétation de texte. Je pense que le législateur est en droit à l'occasion, soit par texte législatif ou par conférence ou rencontre, de préciser certaines choses qui ne font que favoriser l'esprit du Code du travail, par exemple. Je ne remets pas en cause le pouvoir de surveillance ou de contrôle de la Cour supérieure.

M. Johnson (Anjou): Si on me permet sur ce sujet, qui est le domaine absolument fascinant du droit administratif, je pense que je n'apprendrai rien au dernier intervenant en disant que le problème fondamental, c'est l'incapacité juridictionnelle et constitutionnelle pour le Québec de se constituer des tribunaux de juridiction, un tribunal dont le rôle serait de trancher les conflits de juridiction. Il est bien clair que, si on avait cette capacité de trancher ces problèmes de conflits de juridiction, je pense que cela ne prendrait pas de temps qu'on en créerait un et c'est très clair qu'un domaine comme celui du droit du travail deviendrait un domaine assez large. Simplement et indépendamment des dimensions politiques, d'autres provinces ont tenté de le faire à travers la notion de "cease and desist order", dans la mesure où les commissions de relations de travail ont pu, et la Cour suprême a été bien gentille, dans le cas de la Nouvelle-Écosse en particulier, pour interpréter très largement la notion du "cease and desist order" et, à toutes fins utiles, accorder à ces commissions de relations de travail provinciales l'équivalent ou presque d'un pouvoir d'émission d'ordonnance comme à la Cour supérieure.

Je pense qu'on comprend bien. Ce n'est pas parce que le législateur québécois est paresseux. C'est parce qu'il a eu beau essayer avec les clauses privatives, pendant des années, à travers le Code de procédure et d'autres éléments du droit statutaire qui est aux prises avec une Cour supérieure qui a une tendance expansive comme c'est un peu normal.

M. Groleau: Vous me permettrez quand même de vous suggérer, M. le ministre, qu'il y a peut-être moyen d'améliorer nos textes, ce qui va faire en sorte que les tribunaux supérieurs interviendront moins.

M. Paradis: Le ministre m'a ouvert une porte de grange. Il a fait référence à l'article 96 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Les décisions rendues par des juges de la Cour supérieure au Québec, même s'ils sont nommés par le gouvernement fédéral, même si c'est une juridiction fédérale... Ils sont quand même des Québécois et on se rend compte à tous les paliers que, lorsqu'on fait face à des décisions d'un juge, des fois on les aime, des fois on ne les aime pas, qu'on soit dans le système de droit commun, qu'on soit à la Cour provinciale, qu'on soit au tribunal d'arbitrage, qu'on soit même à l'Assemblée nationale du Québec des fois, lorsque le président tranche. Quant à vos commentaires, il faut les accepter en toute gentilhommerie.

M. Johnson (Anjou): En deuxième lecture.

M. Paradis: À l'article 1, MM. les représentants de la CSN, vous dites: Nous croyons nécessaire d'élargir la notion de salarié pour inclure un entrepreneur indépendant, comme le prévoit d'ailleurs déjà le code canadien. Cette notion devrait

s'appliquer aux pigistes et à tous les travailleurs et travailleuses qui doivent fournir un équipement: livreurs en camion, travailleurs forestiers qui possèdent un équipement lourd, etc. Cela m'amène à me poser un paquet de questions. Je suis représentant d'une circonscription rurale ou semi-rurale. J'ai beaucoup de camionneurs en vrac, ou j'en avais beaucoup, il en disparaît un peu tous les jours à cause du manque de travail au Québec et dans le comté. Ces gens ne se voient plus - c'est la compréhension que j'en ai - comme des entrepreneurs. Ils se regroupent en associations, l'Association des camionneurs, etc. Vous visez à changer le statut de ces gens par cet article?

M. Groleau: Non, M. le député. C'est que la notion de salarié telle que définie au Code du travail, moyennant rémunération, demeure. Les composantes de la définition d'un salarié, le lien de subordination et la rémunération demeurent. Cela dépend si c'est un entrepreneur indépendant - le mot le dit - ou si c'est un entrepreneur dépendant. Donc, il y a un lien, une dépendance économique ou une dépendance de lien de subordination.

Prenons le bel exemple des travailleurs forestiers pour illustrer ce qu'on veut éviter. Le forestier est obligé de se former en compagnie pour pouvoir acheter sa débusqueuse, pour avoir son prêt, question de nantissement commercial et autres. Une fois qu'il a sa débusqueuse, il lui faut nécessairement quelqu'un qui coupe le bois. Or, le concessionnaire engage la compagnie, le forestier qui, lui, est obligé d'engager quelqu'un pour couper son bois ou pour conduire sa débusqueuse. Il faut qu'ils travaillent à deux. Cette personne a une dépendance économique, parce qu'elle est payée à la corde.

Deuxièmement, il y a aussi une autre dépendance, parce qu'elle ne coupe pas du bois où elle veut. C'est le concessionnaire qui lui dit à quel endroit couper. C'est le concessionnaire qui lui dit également à quel moment couper.

Tous ces liens de subordination sont les mêmes que pour les livreurs d'huile de Pétrole Irving de Chicoutimi, il y a quelques années, lorsque la compagnie leur a fait acheter leur camion, sauf que leur horaire -excusez-moi l'expression - leur "run" était déterminée par l'employeur. Le Tribunal du travail a considéré que le lien de subordination économique, aussi bien qu'en termes d'autorité, et la rémunération demeuraient. Il a donné une définition large.

Quand on en arrive aux pigistes, c'est le même phénomène qui se produit. Que ce soit un photographe qui travaille pour un journal, à la pige, ce n'est pas véritablement un entrepreneur indépendant qui fait ce qu'il veut et qui, une fois qu'il aura produit ses photos, les vendra au plus offrant. C'est quelqu'un qui prend un contrat précis avec un journal, qui a une marchandise à livrer et qui a un montant pour le faire. La seule latitude qu'il a, c'est peut-être de se promener en Vokswagen plutôt qu'en Cadillac. Mais à part cela, il est dans la même situation que n'importe quel autre travailleur qui n'aurait pas à fournir son appareil photo. C'est ce qu'on entend par entrepreneur dépendant.

Cela existe au fédéral, dans le code canadien, pour ceux qui sont appelés à fournir un véhicule pour le travail qu'ils ont à exécuter, mais qui n'ont pas cette indépendance économique de pouvoir changer d'employeur du jour au lendemain, de prendre des contrats à la semaine ou au mois.

M. Paradis: Au prix de l'essence, il peut devenir plus indépendant que celui qui se promème en Cadillac, à un moment donné.

Au sujet de l'article 3, vous parlez de la déduction de salaire lorsqu'une personne est congédiée ou suspendue et de la déduction du salaire qu'elle a pu gagner ailleurs. Je comprends votre principe; c'est pour éviter, finalement, des congédiements où l'employeur dit: C'est aussi bien de le congédier, dans le pire des cas, cela ne me coûtera pas beaucoup plus cher.

Mais, d'un autre côté, j'ai de la difficulté avec le principe que cette personne, même s'il a fallu qu'elle s'expatrie à la Baie-James - supposons que cela fonctionne - ou ailleurs, recueillera un double salaire. Est-ce que vous ne considérez pas que c'est une indemnité très importante? (21 heures)

M. Groleau: On pourrait peut-être changer la philosophie qu'il y a derrière un congédiement pour activités syndicales et, par exemple, dire que, lorsqu'un congédiement est injuste, les préjudices ou les pertes subies, comme n'importe quel accident ou dommage que vous subissez à votre propriété, sont compensés. Les dommages physiques sont compensés en même temps que les dommages moraux. Prenez le cas d'un travailleur qui a été obligé de faire 20 milles de plus, soir et matin, pour aller travailler.

M. Paradis: Je comprends une certaine indemnité, mais, lorsqu'on parle de double rémunération, cela devient une indemnité certaine.

M. Groleau: II y a deux possibilités. J'ai vu, pour l'avoir plaidé moi-même, le. cas d'un travailleur qui un peu plus en remboursait à l'employeur, même s'il avait travaillé trois mois de moins, parce qu'il gagnait plus cher et qu'il faisait du temps

supplémentaire étant donné qu'il était loin de sa femme. Il était à 600 milles. La seule chose qu'il avait à faire, c'était de travailler le samedi et le dimanche. Parce qu'il a travaillé le samedi et le dimanche, un peu plus il était obligé de rembourser à l'employeur pour avoir été congédié illégalement.

M. Paradis: Non, je cherche une balance entre les excès d'une partie comme de l'autre. Mon temps s'écoule, alors je passe à l'avant-dernière question qui est importante. À l'article 5, vous parlez de l'établissement d'une présomption. Le seul dépôt de la plainte devrait constituer l'établissement de la présomption et obliger, en conséquence, l'employeur à démontrer qu'il a satisfait à son obligation en congédiant ou en suspendant pour cause juste et suffisante, etc. Demandez-vous cette présomption-là parce que vous avez eu des problèmes d'application?

M. Groleau: II y a un problème constant d'application. Lorsqu'on est obligé d'établir une présomption, une présomption en soi, cela ne peut pas être très fort ou très mince. Cela existe ou cela n'existe pas. Tu l'as ou tu ne l'as pas. Tu ne peux pas avoir une bonne, une moyenne ou une mauvaise présomption. Tu as exercé un droit ou tu ne l'as pas exercé. La valeur du droit, ou l'importance, ou les conséquences du droit ne sont pas différentes. Ce que je veux dire par là, c'est que, si tu as une présomption parce que tu es président ou présidente d'un syndicat, c'est une présomption plus forte que si tu es simple membre. C'est une chose complètement illogique parce qu'il n'y aurait pas de président s'il n'y avait pas de membres. Le droit d'être membre est aussi important et aussi fort que le droit d'être président ou présidente.

Ce qui arrive cependant, en pratique, c'est que les commissaires ont tendance a faire un rapprochement entre la présomption que tu as établie en termes d'activités syndicales et la cause que l'employeur invoque. Le code canadien a réglé ce problème. On n'a pas de présomption à établir. Le code canadien prévoit que le seul dépôt de la plainte constitue la preuve de la violation d'un article et que c'est à l'employeur de faire une autre cause juste et suffisante, ce que nous vous suggérons de rajouter, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire. Ici, on fait référence à l'arrêt de Commercial Photo, une décision de la Cour suprême qui dit qu'interpréter une cause juste et suffisante égale prétexte. Pour le travailleur qui aurait été simple membre, non pas président, ni vice-président, etc., et qui serait arrivé en retard cinq fois en l'espace de deux mois, il y a une cause. Alors, si on fait la balance présomption et cause juste et suffisante, le commissaire aura tendance à dire: La présomption n'étant pas forte, la cause devient plus juste et plus suffisante.

Or, il faut enlever cette notion de présomption bonne ou non, moyenne ou faible ou forte et donner le pouvoir au commissaire d'apprécier la cause juste et suffisante, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire et non pas compte tenu de la présomption établie. Cela veut dire une chose, des circonstances atténuantes, bref, tout ce qui peut s'appliquer dans un cas. Par exemple, si quelqu'un arrive en retard trois fois en deux mois, est-ce que cela mérite la peine capitale qui s'appelle le congédiement? C'est ce qu'on veut dire par "compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire." Mais quand on l'additionne à la valeur et au degré de la présomption, cela perd tout son sens.

Le Président (M. Blouin): M. le député, en concluant, s'il vous plaît!

M. Paradis: J'ai une dernière question. À l'article 100, nous soulignons que le fait de dire une convention collective signée a pour effet d'exclure de l'application de cette disposition les plus de 300 000 salariés de la fonction publique et parapublique. Jusqu'à quel degré la CSN et son président, M. Donatien Corriveau, et les gens qui les représentent ici tiennent-ils à ce que ce soit inclus dans cette modification?

M. Mercille: Toute convention collective, selon nos règles de droit et le Code du travail passé, présent et futur, doit être négociée et signée entre les parties. C'est pour cela que nous en avons fait la remarque à l'article 100 dans le projet de loi 17. Nous avons souligné que les 300 000 travailleurs des secteurs public et parapublic n'ont pas eu la chance d'avoir une convention collective signée selon les normes et les règles du droit du travail au Québec reconnues depuis un certain nombre de décennies.

M. Paradis: Je vous remercie, M. Mercille. Merci, Me Groleau.

Le Président (M. Blouin): Merci. Mme la député de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. J'aurais d'abord une remarque à faire. Je ne sais pas si, à force de se faire répéter la même réponse à la même question, le député de Brome-Missisquoi va finir par convenir qu'un plus grand accès à la syndicalisation est un facteur d'ordre économique et social dans une société industrielle et non pas un facteur de désordre.

Cette remarque étant faite, je voudrais

pouvoir...

M. Paradis: Je vous en remercie.

Mme Harel: ...profiter de votre expérience, M. Groleau, pour vous demander quelque chose. Vous étiez sans doute ici cet après-midi. Vous avez peut-être assisté à certaines interventions qui semblaient vouloir nous faire comprendre que l'adoption de certaines des modifications du présent projet de loi aurait pour effet de créer une situation particulière au Québec, inexistante dans d'autres provinces canadiennes. Donc, une situation particulièrement désavantageuse pour l'entreprise. C'est un peu ce caractère presque exclusif qui serait le cas de certaines dispositions qui semblaient, pour les personnes qui intervenaient, pouvoir avoir un effet très désavantageux.

Vous faites beaucoup allusion, dans votre mémoire, au code canadien, aux notions qui y sont contenues, notamment la notion d'entrepreneur indépendant. La Fédération des travailleurs du Québec qui vous a précédés a aussi fait fréquemment allusion au code canadien, à certaines de ses dispositions qui, en fait, semblaient être assez favorables à la syndicalisation.

Je voudrais vous poser des questions sur des cas précis. Prenons, par exemple, le cas de l'antibriseur de grève, donc, de toutes les dispositions qui concernent la cessation d'activités dans le cas d'une grève ou d'un lock-out. Dans quelle mesure y a-t-il des dispositions qui sont déjà en vigueur, qui existent - ou pourraient exister, tout au moins - et qui ont un effet qui peut être plus, moins ou aussi contraignant que ce qui existe au Québec?

M. Groleau: Vous voulez parler du code canadien au niveau des dispositions antibriseurs de grève ou "scabs". Il n'existe pas de telles dispositions dans le code canadien. Il en existe. Il y a les "cease and desist order" qui sont une autre dimension de pouvoir donné au conseil canadien.

Cependant, je sais que, depuis fort longtemps, il y a des demandes, il y a des pressions qui sont faites pour inclure ces dispositions dans le code canadien. Vous n'avez qu'à vous rappeler, au Québec, le dossier de la Banque Royale à Chicoutimi qui a fait énormément de violence, de poursuites au criminel et autres, parce que, justement, on avait établi que la Banque Royale, à l'époque, payait quatre fois le prix d'un salaire régulier, parce qu'elle faisait venir en avion, chaque semaine, des centaines de travaileurs de Montréal ou d'ailleurs.

Cela existe en Colombie britannique, certaines dispositions antibriseurs de grève. Je ne pourrais pas vous préciser exactement la dimension ou jusqu'à quel point cela peut intervenir ou s'appliquer.

Dans d'autres codes, en Nouvelle-Écosse ou en Ontario, il n'existe pas non plus de dispositions précises d'antibriseurs de grève, pour répondre à votre question là-dessus.

Mme Harel: Quand vous parlez du "cease and desist", est-ce que cela donne le pouvoir d'ordonnance dans le cas d'arrêt de travail où il y a continuation des opérations?

M. Groleau: Oui, il y a le pouvoir de "cease and desist order", qui est le pendant d'un injonction. C'est une ordonnance, une capacité d'ordonner qui est donnée à un conseil, à une commission, pour faire appliquer un code ou des dispositions d'une loi. Cela va tellement loin, dans certains cas, que c'est même le pouvoir. Par exemple, prenons le cas de Rimouski, le conseil canadien, a une demande de syndicalisation dans une banque, dans une région où il y a 5 ou six succursales. L'employeur, qui était la Banque Nationale, a fermé la succursale la plus militante. Or, il y a eu un "cease and desist" ordonnant de réintégrer tous ces employés dans les autres succursales pour éviter de faire échec à la syndicalisation.

Ici à Québec, vous avez aussi des cas patents où l'on a ordonné à la banque de verser 150 000 $ pour favoriser l'accès à la syndicalisation à la suite d'une plainte de pratiques déloyales.

Lorsqu'on dit que le code québécois est contraignant et que cette situation pourrait nuire à l'aspect économique, je peux vous dire qu'il existe des contraintes dans des codes canadiens ou autres qui sont, à mon avis, supérieurs à ce qui existe au code québécois.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Mme Harel: Cela va.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Maintenant, M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, j'ai 4 ou 5 questions que je vais poser en vrac, si on me le permet. On pourra me répondre par la suite; cela vous obligera peut-être à les noter, mais c'est plus efficace de cette façon avec la présidence.

Ma première question porte sur les arbitrages. En réponse à une question du ministre, vous avez parlé de votre position sur le maintien des tribunaux d'arbitrage tels qu'on les connaît présentement, au moins en ce qui concerne l'arbitrage de différends. À cet égard, il y a la question des délais et la question de fond ou d'attitude du tribunal d'arbitrage.

J'ai vécu les deux situations, c'est-à-dire le tribunal d'arbitrage avec deux arbitres, dont l'un patronal et l'autre

syndical, et un tribunal à trois, mais comprenant deux assesseurs. Je me suis rendu compte - et c'est là-dessus que je voudrais que vous réagissiez - que les délais n'intervenaient pas tellement au niveau de l'audition d'une cause, mais que les délais commençaient dans les cas où l'on devait délibérer. C'était au moment des délibérés surtout que les délais étaient les plus fréquents, les plus longs et où les reports de rencontres étaient le plus souvent demandés par l'arbitre qui, dans le fond, avait l'impression - à la suite de l'audition de la cause - qu'il était pour perdre sa cause. Sa réaction normale était de faire au moins traîner les choses et souvent c'est là qu'on assistait à des délais assez nombreux. C'était différent au moment où il y avait des assesseurs parce que les assesseurs ne concourant pas à la décision, étant là uniquement pour conseiller le président ou pour présenter l'éclairage de la partie syndicale ou de la partie patronale, les délais n'existaient plus à ce moment. Comme ils ne concourent pas à la décision, le président peut quand même siéger pour délibérer sur l'audition qu'il a faite en l'absence de l'un des deux assesseurs si celui-là ne se présente pas.

Il y a peut-être une amélioration des délais possibles à ce niveau, quoique, même dans les conventions collectives où des délais étaient prévus pour un arbitre quand au rendement de son jugement - j'ai vu plusieurs cas de conventions collectives qui disaient, par exemple, que l'arbitre doit rendre sa sentence dans les 60 jours - elles aient été très rares les circonstances où -même si c'était dans le code, je n'ai pas l'impression que cela serait différent - j'ai vu ces délais respectés par les arbitres, même les arbitres uniques. Parce que les parties ne sont évidemment pas pour brusquer l'arbitre en prenant des procédures contre lui quand son jugement n'est pas rendu. Il me semble que c'est humain. Tu ne prends pas les moyens pour indisposer celui qui va se prononcer sur ta cause. Alors, forcément, malgré tous les délais qu'on insère dans les textes de loi aussi bien que dans les textes de conventions collectives, il arrive fort souvent qu'on est quand même obligé d'attendre l'arbitre, parce qu'on ne le brusque pas et qu'on préfère attendre qu'il nous donne raison plutôt que de courir le risque qu'il nous donne tort dans son jugement parce qu'il aura été brusqué. (21 h 15)

Au niveau de l'attitude, j'aimerais aussi vous entendre vous exprimer sur le principe des assesseurs qui apportent un éclairage au président de tribunal et qui ne concourent pas à la décision, tout en les rendant plus responsables moralement de présenter le point de vue qui a été défendu par l'une ou l'autre des parties au moment de l'audition.

Ce principe leur permet, d'après moi, plus de largeur dans la discussion. Comme je vous l'ai dit, j'ai vécu le système des assesseurs et souvent les mêmes personnes avec qui j'avais fait des arbitrages et qui étaient des arbitres de la partie patronale, à partir du moment où elles devenaient assesseurs, il y avait un certain nombre de choses qu'elles acceptaient beaucoup plus facilement parce qu'il s'agissait de personnes habituées au milieu des relations du travail, qui acceptaient beaucoup plus facilement parce qu'elles n'étaient pas obligées de signer. Donc, elles ne se faisaient pas ramasser par leurs mandataires à la fin de la cause. C'était l'arbitre qui rendait son jugement, mais cela leur permettait au moins de ne pas allonger le débat au moment des délibérés. J'aimerais que vous réagissiez à cela parce qu'il me semble que, même si on maintenait un tribunal, il y aurait peut-être une possibilité d'explorer davantage la question des assesseurs plutôt que celle des arbitres.

Deuxième question. À la page 8, à l'article 11, vous suggérez d'ajouter au texte que le commissaire général peut, pour cause, dessaisir un commissaire d'une affaire. Je voudrais savoir si votre recommandation repose sur des faits précis. Est-ce que vous avez des faits précis qui justifient cette demande?

Troisième question. Vous avez parlé de difficultés au moment des congédiements, par exemple, d'un entrepreneur qui congédie ses employés et qui vend son entreprise deux ou trois semaines après. Il n'y a pas de prise pour le syndicat afin de faire réintégrer ces employés. On suppose, évidemment, qu'il s'agit de congédiement pour activités syndicales. Est-ce que vous voyez d'autres mesures que le "statu quo ante" pour régler cette question du congédiement dans les cas dont vous parliez?

Quatrièmement, les mesures antibriseurs de grève. Il y a un certain nombre d'amendements qui sont apportés au projet de loi actuel concernant les mesures antibriseurs de grève. Est-ce qu'il y en a qui n'existent pas dans le projet de loi, mais qu'à partir de votre expérience, à partir de faits vécus, vous trouveriez essentiel que le projet de loi renferme immédiatement? Autrement dit, il y a peut-être des choses qui peuvent attendre la réforme globale, mais il y en a peut-être d'autres qui, en fonction de l'expérience vécue, sont essentielles pour maintenant. Si oui, quels sont ces amendements qui seraient essentiels et à partir de quelle expérience vécue pouvez-vous nous en parler?

Dernière question. Vous avez mentionné que, de plus en plus, les employeurs utilisaient toutes sortes de méthodes pour contourner l'application du Code du travail. Vous avez donné plusieurs exemples dont,

entre autres, l'utilisation des syndicats de boutique, des syndicats dominés. On sait que la preuve à faire devant un tribunal de la domination par un employeur d'un groupe de salariés n'est pas toujours facile à faire, c'est le moins qu'on puisse dire. Est-ce qu'il y a des mesures concrètes, à votre avis, qui pourraient nous amener ou bien à assouplir la façon dont on traite cette question des syndicats de boutique dans le code actuel ou des amendements à apporter au Code du travail qui donneraient davantage de garanties au syndicat reconnu?

M. Groleau: J'ai pratiquement envie de commencer par la dernière question, cela va me venir plus facilement. Quant à la question de la domination, les syndicats dominés ou les syndicats de boutique dominés, une des façons de régler le problème est que l'agent d'accréditation qui fait une enquête en fasse une beaucoup plus poussée, qu'il fasse un rapport beaucoup plus précis, beaucoup plus complet. Cela se sent, si le syndicat de boutique est dominé. Les preuves exigées, au moment où on se parle, sont tellement fortes qu'il est extrêmement difficile de faire une preuve qui mène a la conclusion de la domination. Il faut pratiquement faire la preuve d'une aide financière. J'ai un exemple précis à l'esprit: dans le bout de Val-d'Or, a un moment, on en a fait la preuve, sauf qu'on n'a pas pu identifier la couleur de l'hélicoptère du représentant du syndicat de boutique. Cela a été suffisant pour perdre par manque de preuve.

Je pense que ce serait le rôle de l'agent d'accréditation. La syndicalisation doit être indépendante, ce doit être un syndicat indépendant de l'employeur. Je pense qu'il appartient au législateur de faire appliquer son code dans ce sens; c'est par le biais des agents d'accréditation qui font des enquêtes qu'ils peuvent identifier si, effectivement, il y a des malaises ou pas. Ce rapport d'enquête devrait être à la disposition des parties, qu'il soit déposé comme preuve. Cela nous paraît important, cela réglerait beaucoup de problèmes. Il aurait, à ce moment-là, l'enquêteur, l'agent d'accréditation, beaucoup plus de pouvoirs que nous pour pénétrer le milieu, pour interroger les gens, pour faire son enquête. Cela pourrait résoudre passablement de problèmes si l'agent d'accréditation poussait plus à fond son enquête, si son rapport était déposé au dossier et faisait la preuve de ce qu'il a été chercher. Cela nous paraît important.

En ce qui concerne les mesures antibriseurs de grève, il nous paraît important d'étendre la question des sous-contrats ailleurs que dans l'établissement. Cela devient un peu illusoire de le limiter à l'établissement. Quand on remplace un service téléphonique d'employés de bureau par l'agence TAS, on ne parle plus de rapport de forces des employés de bureau, que ce soit prendre les appels téléphoniques pour aller réparer les téléviseurs, les frigidaires, les laveuses et sécheuses. Quand il y a uniquement des appels téléphoniques à prendre, que les employés de bureau sont en grève et qu'on fait affaires avec une agence téléphonique comme TAS, on ne parle plus de rapport de forces. Cela n'est pas un sous-contrat dans l'établissement.

Si on veut donner un véritable esprit à la loi antibriseurs de grève, il est important, si on permet aux cadres qui font partie de l'établissement de travailler et qui ont été embauchés avant l'avis de négociation, qu'on limite cela aux cadres.

Je pense que cela ne fait pas mal, dans la mesure où les sous-contrats avaient été donnés ailleurs pour un travail différent de celui des employés, qu'eux continuent à demeurer. On ne parle que d'utiliser les sous-traitants, dans l'établissement ou ailleurs, pour faire le travail d'employés qu'ils faisaient. C'est cela qu'on vise.

Il nous apparaît important aussi... La FTQ suggérait, cet après-midi, que l'enquêteur ait le pouvoir de régler le problème, de rendre les décisions. Cela peut poser un problème juridique. Pour solutionner cela, nous proposons... Les travailleurs ont le droit de se promener dans la "shop" quand ils travaillent; quand ils sont en grève, c'est un droit reconnu, les représentants du syndicat devraient avoir le droit de visiter les lieux durant le jour. On a un problème de preuve. L'enquêteur ne peut pas être là à tous les jours. On reconnaît un droit au travailleur dans son milieu de travail, un droit de faire appliquer le code, non pas de prendre les décisions; qu'on laisse au moins recueillir les éléments qui nous permettraient, en attendant de modifier cela en profondeur, soit d'aller requérir une injonction ou de faire des plaintes pénales. Je parle plus en termes d'injonction, car les plaintes pénales, souvent, on les passe quand la grève est finie. Alors, cela m'apparaît extrêmement important ce droit au travailleur de visiter son lieu de travail, indépendamment de la présence de l'enquêteur.

Quant à la question de la vente de l'entreprise, il faut modifier l'article 45 actuel où on parle de transfert d'accréditation et de procédure d'accréditation et de convention collective. Alors, les juges ont interprété que, le congédiement pour activité syndicale étant une plainte personnelle, il n'est pas relié à l'accréditation. Donc, il n'y a pas de transfert. Or, cela m'apparaît illogique, lorsqu'il y a une convention collective et qu'un employé est congédié; l'ordonnance de réintégration, le nouvel employeur est lié par cette ordonnance de réintégration quand il

s'agit d'un congédiement injuste fait en vertu d'une convention collective; et lorsqu'il y a un congédiement pour activité syndicale, fait en vertu de la loi, qui est le Code du travail, le nouvel employeur n'est pas lié. Nous en avons des exemples à l'heure actuelle. Nous sommes obligés de faire des recherches parce que les administrateurs sont rendus en Floride. Je donne comme exemple Métalco et Manco à Sherbrooke. On est incapable d'obliger le nouvel employeur à réintégrer les anciens employés qui avaient été congédiés par Métalco et qui ont tous gagné leur congédiement pour activité syndicale. Ils ont été remplacés par des nouveaux. Alors, je pense, qu'il faut absolument modifier l'article 45 et inclure accréditation, ou procédure de congédiement, ou suspension.

La question de "pour cause"; si on demande de rajouter cela, c'est que pour nous il est important que les commissaires du travail, même s'ils relèvent, en termes de coordination du travail, d'un commissaire général du travail, aient une indépendance dans l'exercice de leurs fonctions. Ils exercent, quand même, des fonctions judiciaires qui sont soumises à la surveillance de la Cour supérieure - on en a parlé tout à l'heure. Je pense que c'est important que ces commissaires continuent, comme les arbitres, à avoir une indépendance. Cela n'existe pas la démission des arbitres ou le pouvoir de les dessaisir d'un dossier. Je demande pourquoi cela existerait pour les commissaires. Nous sommes d'accord à inclure le "pour cause" pour éviter que cela soit la Cour supérieure qui les démette lorsqu'il y a une cause réelle, soit de partialité ou autre, mais "pour cause" s'entend pour les motifs que tout le monde connaît: partialité, conflit d'intérêts, incapacité d'agir, maladie, etc. Pour d'autres raisons que cela, je pense qu'un commissaire général ne devrait pas avoir le pouvoir de dessaisir un commissaire d'une affaire.

Enfin, quant à la question des assesseurs plutôt que des arbitres, effectivement, ils accomplissent leur rôle de façon différente. Le fait qu'un arbitre ait à signer la convention collective ou ait a signer la décision lui donne une importance dans le sens qu'il est obligé de participer activement à la décision et d'en assumer aussi les conséquences s'il ne se comportait pas comme il le faut. Un assesseur-conseil est l'arbitre unique. Il rend sa décision. Il ne m'apparaît pas que le fait d'avoir des assesseurs plutôt que des arbitres raccourcisse à ce point les délais qu'il vaille la peine de troquer les arbitres pour des assesseurs dans le cas de l'imposition d'une première convention collective ou des cas spécifiques comme les pompiers ou les policiers.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Prévost.

M. Dean: M. Mercille, j'ai noté, à la première page de votre document, que vous citiez les paroles du ministre, qui est malheureusement absent pour cause de maladie, dans un texte qui se lit comme suit: "Dans l'état actuel de la législation, le droit d'association ne constitue souvent qu'une illusion pour des milliers de travailleurs québécois qui, majoritairement, décident de se constituer en syndicats." Je partage cet avis de mon ministre.

Récemment, un représentant de votre centrale m'a fait part, dans ce contexte, que vous dites à l'avance maintenant aux groupes de travailleurs qui manifestent l'intérêt de se syndiquer, le désir de se syndiquer, toutes les horreurs qui peuvent les attendre et que, si les travailleurs embarquent dans une campagne de recrutement et qu'il y a une requête, c'est parce qu'ils y croient. Cela semble contredire des sondages publiés par certains indiquant que les travailleurs québécois ne sont pas intéressés à se syndiquer.

Deuxièmement, j'ai entendu parler d'un autre cas un peu unique qui touche votre centrale où un groupe de travailleurs, déjà en syndicat de boutique, aurait fait appel à un de vos représentants à titre privé, à titre "un peu en dessous de la couverte", pour qu'il monte une autre association de boutique. Il a eu une accréditaion presque dans un temps record. Je ne sais pas si vous êtes au courant. C'est le premier volet de ma question, à savoir si vous êtes au courant et si vous pouvez nous parler un peu plus de ce cas.

Le deuxième volet concerne la question de l'arbitrage des différends. J'avoue que je suis un peu surpris malgré vos explications, parce que, même si la loi dit que les arbitres ont 60 jours, on sait que la moyenne actuelle pour rendre une sentence avec des prolongations successives de mandat est de 180 jours, ce qui fait six mois pour une sentence arbitrale. Il nous semble que l'utilisation d'assesseurs qui sont peut-être moins rigidement impliqués dans le processus que les arbitres patronaux et syndicaux pourrait éviter une partie de ces délais.

Troisième point, vous avez dit, en parlant de la deuxième phase, de la question d'une plus grande réflexion pour une réforme en profondeur du code, que la CSN était prête, comme centrale, à participer au "task force" dont on discute. J'aimerais, ce soir, que vous nous donniez très brièvement vos idées sur le mandat de ce "task force".

Le Président (M. Blouin): M. Mercille.

M. Mercille: Effectivement, pour répondre à votre dernière question, pour nous, un "task force" sera composé de

représentants des différentes organisations syndicales et patronales du Québec et de représentants du gouvernement. Nous espérons qu'il puisse se mettre à l'oeuvre le plus tôt possible pour regarder l'ensemble du Code du travail et aussi son application et qu'on puisse voir ensemble comment on pourrait en arriver à une réforme du Code du travail.

Nous tenons à vous faire remarquer, M. le Président de cette commission, que le projet que nous avons préparé ici est basé à 80% sur une proposition faite par le ministre du Travail du temps, M. Marois. Nous considérons que ces propositions qui ont été déposées au CTM l'automne dernier amèneraient une réforme en profondeur du Code du travail. Il est sûr que nous avons aussi fait un certain nombre de suggestions. Avec comme base de discussion les différentes organisations syndicales et le gouvernement, partant de la réflexion qui s'est faite au ministère du Travail et à laquelle nous avons participé il y a deux ans - vous faisiez partie d'un comité de députés - nous croyons que nous pourrions y arriver dans un court délai avec comme base de discussion le projet de Code du travail qui avait été présenté par le ministre du Travail au CCTM.

(21 h 30)

Pour l'avant-dernière question, à savoir si on a déjà organisé un syndicat de boutique qui voulait sortir d'une autre association, je vous dis franchement que je ne suis pas au courant. Je ne sais pas si mes camarades sont au courant de cette question, mais je ne suis pas au courant. Habituellement, on organise des syndicats. Les syndicats indépendants, on les affilie quand on peut les affilier, ou quand on peut marauder un syndicat de boutique, on le maraude plutôt. Vous connaissez notre pratique à ce chapitre. Ce n'est pas dans nos habitudes, à ma connaissance, d'organiser des syndicats indépendants, loin de là. Je jure cela. C'est-à-dire dans les circonstances financières actuelles de la CSN.

Oui, on a hâte aussi que l'économie reparte, en passant, pour répondre au député libéral, parce que vous savez qu'avec 10 000 membres cotisant à la CSN, on a aussi des problèmes financiers.

À votre première question, à savoir si on informe les travailleurs, quand ils viennent nous rencontrer, sur tous les obstacles de la syndicalisation, nous disons que nous devons être francs et honnêtes envers les travailleurs et les travailleuses qui veulent organiser un syndicat. Il y a un très grand nombre d'obstacles, il faut le leur dire parce qu'ils nous demandent combien de temps cela prendra. Ils ne se syndiquent pas pour une accréditation, il ne faut jamais oublier cela. Les travailleurs et les travailleuses se syndiquent pour négocier une convention collective et négocier leurs conditions de travail. On est obligé, selon les règles actuelles des relations du travail, par le Code du travail, d'informer les gens qui veulent s'organiser des délais, parce qu'ils nous demandent combien de temps cela leur prendra pour obtenir leur accréditation. Vous comprendrez que l'on est obligé de le leur dire. Connaissant les différents milieux et les différents secteurs, on leur dit une moyenne qui peut arriver. Nous devons mettre au courant ces militants et ces militantes qui peuvent être congédiés pour activité syndicale. Bien sûr, nous les informons qu'il y aura plainte de congédiement pour activité syndicale et qu'on va les aider dans la défense. Cependant, vous allez comprendre qu'on doit les informer de toutes les procédures, pour les mettre au courant afin qu'ils sachent dans quoi ils s'embarquent. Malgré cela, en 1982, nous avons organisé plus de 15 000 travailleurs accrédités. Aussi, nous en avons actuellement plus de 10 000 en instance d'accréditation. Il faut être honnête et franc envers les travailleurs et travailleuses qu'on organise. Nous espérons que les propositions qui sont faites par le gouvernement du Québec actuellement apporteront une amélioration concernant les accréditations pour ce qui est des délais.

Un des articles importants, si vous me le permettez, M. le Président, c'est que l'employeur est obligé de nous informer sur quoi il sera d'accord comme unité d'accréditation. Lorsqu'on faisait notre demande d'accréditation, pendant les années que j'ai vécues dans l'organisation syndicale, l'employeur disait: Je m'oppose à l'unité d'accréditation, et on s'en allait en audition. Après cette proposition, l'employeur doit nous faire une contre-proposition. Quelle sorte d'unité d'accréditation veut-il avoir? À ce moment-là, on échange sur les règles de négociations, sur l'unité d'accréditation. On peut alors en arriver à une entente. Nous croyons que cette proposition qui est faite par l'article 17 va améliorer les délais pour l'unité d'accréditation.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Mercille.

M. Mercille: Je voudrais terminer par la Baie-James, tout ce qu'on appelle les chantiers isolés. Avant la construction de la Baie-James, nous avions dit aux représentants du Parti libéral, qui était au pouvoir, que les chantiers fermés et éloignés devraient être considérés à part, concernant les relations de travail. Nous avions eu une expérience dans le passé au chantier de la Manic, où la question s'était posée des travailleurs de la cuisine par rapportaux travailleurs de la construction, aux agents de sécurité, aux pompiers et à tous les autres services. Si on avait considéré dans ces années la

proposition qui avait été faite par M. Marcel Pepin, un chantier comme la Baie-James, c'était une question d'unité d'accréditation. La Baie-James aurait été considérée comme une unité d'accréditation. À ce moment-là, tous les travailleurs qui travaillaient à la Baie-James auraient eu un syndicat pour représenter l'ensemble des travailleurs et le problème, à savoir les services essentiels... Je termine là-dessus, mais nous croyons que, si cette proposition avait été retenue dans le temps, cela aurait été différent entre les travailleurs de la cuisine et ceux qui travaillaient à la construction. Il n'y aurait pas eu de règlement de saccage.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Mercille. N'ouvrez pas cette porte-là, s'il vous plaît! On veut essayer de terminer ce soir.

M. Johnson (Anjou): Faites attention à celui-là.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, pour respecter vos voeux, je serai très bref. Aux pages 4 et 5 de votre mémoire, vous mentionnez que la facilité pour l'entreprise, d'être vendue, en tout ou en partie, est un autre moyen efficace pour empêcher la syndicalisation.

Je dois vous avouer que j'ai eu plusieurs cas, dans mon comté, d'individus qui, je crois, n'étaient peut-être pas tout à fait préoccupés par le syndicat. Toutefois, des gens qui travaillaient pour des entreprises qui ont été vendues, en tout ou en partie, se voyaient offrir le même emploi, à des taux inférieurs à ce qu'ils gagnaient, dans d'autres entreprises.

Ma question - je ne sais pas si vous avez les statistiques en main, ce que j'apprécierais - est à savoir si vous avez effectué des recherches et si vous possédez des statistiques qui nous permettraient d'évaluer la gravité de cette situation.

M. Groleau: C'est que le problème ne se pose pas uniquement pour la vente. L'on aurait dû ou l'on aurait pu aussi mentionner la question de la sous-traitance parce que le problème est identique.

Or, pour ce qui est de statistiques sur le nombre de congédiements ou le nombre de ventes qui ont eu lieu pendant le dépôt d'une requête en accréditation, l'on peut vous dire que, dans les petites entreprises, cela arrive assez régulièrement. Que ce soit dans les garderies privées, que ce soit dans ce genre d'entreprises qu'on nomme petites entreprises, ce sont des situations très fréquentes où l'on arrive devant le commissaire et où l'on cherche le nom du véritable employeur.

Des requêtes ont d'ailleurs été perdues pour cette raison parce que nous n'avions pas le bon nom de l'employeur. Il y a eu des problèmes sérieux touchant certaines garderies de la région de Montréal seulement à cause du nom de l'employeur, parce qu'il y a un nom qui figure sur le chèque de paie, un nom sur la boîte et un sous-contrat qui a été accordé.

Je prends l'exemple des Floralies qui est une résidence privée. À partir du moment où il y a eu dépôt de requête en accréditation, il y a six sous-contrats qui ont été accordés. Avant que ces contrats soient donnés, il y a eu 8 mises à pied sur 40 employés.

Nous avons fait autant d'articles 45... Nous avons eu une injonction provisoire parce que les conditions de travail avaient été complètement modifiées. Au niveau de l'injonction interlocutoire, nous avons perdu parce qu'on n'avait pas fait de plaintes pénales pour violation du code. Mais ce qui est arrivé là-dedans, c'est que certains employés n'ont pu réintégrer leur emploi malgré qu'on ait fait des articles 45. Cela signifie, pour 40 employés, autant de négociations qu'il y a d'employeurs.

Lorsqu'on parle de multiplicité d'employeurs, c'est quand même un peu différent de l'accréditation multipatronale. Encore là, cela existe au code canadien et cela pourrait être une suggestion pour éviter ce genre d'abus. Je qualifie cette situation d'abus de droits.

Le Président (M. Blouin): Au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentants de la Confédération des syndicats nationaux. Sur ce, j'invite les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques à venir s'asseoir à la table des invités et à présenter le contenu de leur mémoire.

J'invite le principal responsable à se présenter et à présenter les collaborateurs qui l'accompagnent, pour les fins du journal des Débats.

Centrale des syndicats démocratiques

M. Hétu (Jean-Paul): M. le Président, je voudrais vous présenter la délégation qui compose le groupe CSD ici à cette table.

Tout d'abord, à ma gauche, M. Roland Meunier et un représentant de la CSD de la région de Montréal.

À ma droite, M. Jos. Caron, près de moi, qui représente la région de la Mauricie, et M. Pierre-Yvon Ouellet, du Centre de recherche de la CSD.

Le Président (M. Blouin): Et vous êtes M. Hétu?

M. Hétu: C'est exact. Et vous?

Le Président (M. Blouin): M. Blouin.

M. Hétu: M. le Président, je vous remercie.

Nous croyons que la politique gouvernementale en matière de syndicalisation qui est déposée devant nous est d'intérêt secondaire parce qu'elle cherche à corriger un certain nombre d'abus mineurs qui sont de nature procédurière et juridique. Quant à nous, elle évite le débat fondamental quant à l'accès des travailleurs et travailleuses à la syndicalisation. Ce projet de loi qu'on étudie ce soir n'ose même pas réformer le juridisme vicieux qui a envahi les relations de travail primaires, c'est-à-dire au niveau du droit à la syndicalisation et au niveau du droit à l'accréditation.

Depuis plus d'un an, M. le Président, le gouvernement a changé de cible, tout au moins dans ses intentions par rapport au Code du travail. Il parlait alors de déjudiciariser le système. Des consultations ont même été faites auprès de différents groupes pour en arriver à cette fin. Aujourd'hui, il n'en est plus question car il préfère maintenir le statu quo sur toute la problématique juridique et procédurière du Code du travail. Il y a là une incohérence qu'on ne peut passer sous silence, M. le Président.

Par ailleurs, la CSD souscrit à la proposition du ministre du Travail qui consiste à ouvrir un débat public - M. Dean parlait d'un "task force" tantôt - sur le Code du travail dans le secteur privé, particulièrement sur l'accès des travailleurs et travailleuses à la syndicalisation.

Je voudrais aborder, M. le Président, trois questions. La première a trait à l'accès à la syndicalisation; la deuxième, aux briseurs de grève et la troisième, bien sûr, aux dispositions du projet de loi relatives à l'arbitrage des griefs et des différends. Avant d'aborder le chapitre relatif à l'accès à la syndicalisation, j'aimerais vous faire part du fait que, lors d'une rencontre avec le ministre du Travail, nous lui avons dit que nous acceptions les amendements qu'il proposait actuellement.

J'aimerais donner un exemple qui illustre le bien-fondé de notre position, en particulier relativement à l'article 27.1 qui est proposé dans le code. Mon énumération sera sans doute fastidieuse, mais je dois la faire parce qu'elle a trait à une expérience concrète. En date du 3 mars 1982, nous...

M. Polak: À quelle page?

M. Hétu: Cela n'est pas dans le mémoire.

M. Polak: D'accord. C'est parfait.

M. Hétu: Ce n'est pas dans le mémoire. Vous avez bien fait d'intervenir.

Le Président (M. Blouin): Est-ce que je peux quand même vous...

M. Hétu: Pardon?

Le Président (M. Blouin): Vous êtes quand même au courant des limites à l'intérieur lesquelles nous devons naviguer. Je vous demande, comme je l'ai demandé aux autres intervenants qui ont réussi ce tour de force quand même avec grande distinction, de présenter votre mémoire en une vingtaine de minutes. Si vous ouvrez plusieurs...

M. Hétu: Je vous prie de croire, M, le Président, que je vais satisfaire à la requête.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

Merci.

M. Hétu: Nous déposions, en date du 3 mars 1982, une requête en accréditation. Nous avons reçu l'accusé de réception du ministère sur le dossier Untel. Le 15 du quatrième mois de 1982, un rapport sommaire de l'agent d'accréditation était soumis et on apprenait que l'employeur n'avait pas donné son accord sur l'unité d'accréditation. Le 26 avril 1982, nous recevions un avis de convocation pour audition devant le commissaire Campeau. Cependant, en date du 17 mai, il n'y avait pas eu d'entente et l'audition qui était prévue pour le 28 mai a été remise au 15 juin. Le 14 juin 1982, il y a un syndicat indépendant qui déposait une première requête en accréditation. En date du 15 juin 1982, le syndicat indépendant déposait une deuxième requête en accréditation. Le 21 juin 1982, nous recevions avis que notre requête en accréditation était en conflit avec celle du syndicat indépendant qui avait déposé deux requêtes. Le 18 octobre 1982, le syndicat indépendant dépose une troisième requête en accréditation. Le 20 octobre 1982, nous recevions un avis de convocation pour audition devant le commissaire Campeau pour telle date. Et, par la suite, le 4 novembre 1982, nous recevions un nouvel avis de convocation pour une audition devant se tenir le 27 janvier 1983. Le 16 février 1983, on reçoit un avis de convocation pour audition devant le commissaire. Et, bien sûr, on est accrédité le 18 mars 1983. Ce n'est pas fini. Le 31 mars 1983, nous recevons une copie de la requête en 49 qui avait été déposée par le syndicat indépendant. Le 4 mai 1983, le commissaire rend sa décision et rejette la requête en 49 du syndicat indépendant. Le 30 mai 1983, il y a un bref d'évocation qui est déposé et il y a une

audition qui est prévue en date du 13 juin 1983. Tout ce que je veux dire, c'est que l'article 27.1 va permettre d'éliminer au moins une partie du problème que nous avons vécu. (21 h 45)

Cependant, nous croyons que - et là, je reviens au mémoire - les amendements qui sont apportés au Code du travail ne favorisent pas du tout l'accès à la syndicalisation et que les moyens proposés pour réduire les délais abusifs n'obtiendront pas tous les effets d'efficacité escomptés.

Les propositions d'amendements aux articles 14, 15 et 16, entre autres, ne sont pas des moyens qui visent à assurer le développement de la syndicalisation. En d'autres termes, ces moyens n'ont pas pour but, ni dans leurs intentions, ni dans leurs mesures concrètes, d'élargir le droit des travailleurs et des travailleuses d'accéder à la syndicalisation.

Quels sont alors les buts qui sont fixés? On peut les résumer dans un objectif qui est d'accroître la protection individuelle à une personne qui subit des représailles ou des mesures discriminatoires contraignant ainsi la dite personne à s'abstenir ou à cesser un droit résultant du Code du travail.

On accroît la protection individuelle par ces articles parce qu'on veut étendre cette protection à des champs plus grands que ce que la loi actuelle permet. On veut passer du champ couvert par menace de renvoi à toutes les autres mesures discriminatoires. Cette mesure nouvelle recourt à une subtilité juridique pour éviter sans aucun doute les avocasseries qui empêchent la plénitude d'un droit reconnu de s'exprimer. Par cette proposition, on veut aussi que ce qui revient ou échoit au travailleur lésé, en vertu d'un droit, lui soit attribué. C'est une mesure juridique positive, mais elle n'a pas pour effet direct de rehausser, si vous voulez, la protection consentie actuellement au droit d'association.

Aussi généreux soient-ils au premier abord, ces amendements ne s'appliqueront pas aussi facilement qu'un coup de ciseau. Ils s'appliqueront plutôt par suite de débats devant le commissaire du travail, par suite de retards et, bien sûr, des procédures dilatoires pour être finalement tranchés par le Tribunal du travail. Car il s'agit d'un nouvel article de loi qu'il faudra tester et clarifier par la caste juridique. Mais rien ne sera changé pour le travailleur lésé car il devra sûrement attendre jusqu'à - et nous ne le souhaitons pas - deux ans avant que justice soit faite.

Sont-ce des propos pessimistes? Ce sont plutôt des propos réalistes tirés d'une expérience de dix ans à la CSD où les membres de notre centrale ont investi plus d'unmillion de dollars en frais juridiques pour défendre le droit des travailleurs à la syndicalisation. Par ailleurs, les amendements au Code du travail qui ont trait à la réduction des délais abusifs ne modifient en rien - et cela, il faut en avoir conscience -les règles du jeu qui sont à l'origine de ce que j'appelais au tout début le juridisme vicieux, et qui agit selon une stratégie patronale étapiste consistant à frapper à toutes les phases du processus d'accréditation. À cause des faiblesses chroniques du Code du travail, le juridisme devient un outil à utiliser pour camoufler d'abord les agissements antidémocratiques du patronat, s'il se confine à certaines limites qui ne violent pas grossièrement la loi, et ensuite pour abuser des procédures afin de prolonger les délais d'accréditation.

Le modèle patronal consiste à être bien appuyé par un avocat et c'est ainsi que l'employeur qui désire contrer la syndicalisation de son personnel pourra recourir invariablement au même arsenal qui consiste à frapper à toutes les phases du processus d'accréditation.

Avant le dépôt de la requête, nous avons même vu des cas de menace de fermeture d'entreprises - je ne parlerai pas non plus des menaces d'intimidation et de harcèlement - et aussi de modifications de conditions de travail. Après le dépôt de la requête, avant l'enquête, évidemment tout le monde sait qu'il y a énormément d'objections liées à l'unité d'accréditation. Lors de l'enquête, refus de l'accès au lieu du travail à l'enquêteur. Nous avons des témoignages qui illustrent même cette attitude patronale. Après l'enquête, objections à l'unité d'accréditation, congédiements, modifications des conditions de travail, entrée en lice d'un syndicat de boutique; et devant le commissaire du travail, multiplication des requêtes pour remise d'audition, objections surprises; après l'accréditation devant le Tribunal du travail, appel de la décision du commissaire pour exploiter à profit la lenteur de l'appareil judiciaire.

Toutes ces tactiques visent un seul objectif: bloquer le processus d'accréditation afin de maintenir le statu quo dans l'entreprise. D'une part, les agissements illégaux d'une certaine nature ont une incidence directe sur la ferveur militante du personnel. La seule réponse syndicale pour contrer ces tactiques donne lieu à une autre guerre judiciaire d'usure. Le processus judiciaire est encore trop lent pour corriger les abus. Ce que nous en retenons, c'est que la lenteur de l'appareil judiciaire et la nature même des recours ne peuvent aucunement corriger à temps l'impact des tactiques patronales.

On constate donc grosso modo que l'employeur qui sait manoeuvrer à l'intérieur de certaines limites et en exploitant toutes les ficelles de la procédure, peut agir à sa guise et rendre la loi totalement inefficace

quant à l'expression du droit démocratique de se syndiquer.

Nous vous soumettons, à l'annexe À, dix-huit témoignages vécus par des travailleurs et des permanents syndicaux qui illustrent concrètement les diverses tactiques utilisées que j'ai décrites très rapidement. Selon notre expérience pratique, ce juridisme conduit les travailleurs et les travailleuses à deux voies d'évitement.

Première voie, c'est l'écoeurement des travailleurs et des travailleuses. Nous constatons ce phénomème à l'égard des femmes, entre autres, à l'emploi de petites entreprises qui, victimes de ce juridisme, en sortent tellement écoeurées, même si le syndicat a obtenu gain de cause, qu'elles renoncent au syndicat et vont même jusqu'à quitter leur employeur. Pour elles, aucune victoire judiciaire ne pourrait enterrer leurs désillusions.

Deuxième voie, bien sûr, c'est l'incapacité de se syndiquer. Dans d'autres cas, la lutte des travailleurs ne conduit nulle part même après deux ou trois tentatives de syndicalisation. On pourrait vous citer de nombreux cas illustrant cela.

Favoriser, quant à nous, l'accès à la syndicalisation, c'est procéder à l'éclatement des limites dans lesquelles le droit d'association est poigné, c'est libérer ce droit des entraves juridiques, c'est établir les conditions qui vont contribuer au développement du syndicalisme. En d'autres mots, c'est élargir le droit ou les droits à la syndicalisation. Comment faire?

Tout d'abord, la première règle pratique doit être articulée, hélas'. - on ne retrouve pas cela dans le projet de loi qui est déposé devant nous - à partir du droit d'expression du travailleur ou de la travailleuse sur les lieux du travail ou le droit du salarié de s'exprimer au travail sur le syndicat, les choses syndicales et ce, en tout temps sans exception. Aujourd'hui, comme on le sait, il est interdit à un travailleur qui veut se syndiquer de s'exprimer sur les heures du travail. Il n'a pas le droit de signer sa carte d'adhésion sur les heures de travail. On lui reconnaît néanmoins ce droit pendant la pause-santé ou la pause-café. Cela est inacceptable parce qu'il y a dans cette problématique une aberration mentale qui fausse toute la base des rapports sociaux entre les travailleurs et le patron. L'origine des représailles, des menaces, de l'intimidation, de la discrimination ou de la peur avouée ou inavouée du travailleur provient de cette absence de droit et de cette inégalité devant la loi, entre patron et salarié, qui s'est inscrite - il faut le dire -depuis des générations dans les moeurs des travailleurs. Les travailleurs savent que le patron est antisyndical. Les travailleurs savent que ce droit d'expression n'est pas reconnu. Les travailleurs savent que, s'ils s'expriment sur les lieux du travail en faveur du syndicat, ils seront punis d'une manière ou de l'autre dans le bien le plus précieux qu'ils possèdent, c'est-à-dire le droit au travail. C'est une contradiction fondamentale qu'on n'a pas résolu depuis plus de 40 ans. On reconnaît au syndicat le droit de s'exprimer en société, on reconnaît le droit au syndicat de s'exprimer dans l'entreprise quand il est accrédité mais on ne reconnaît pas le droit de s'exprimer au travailleur qui veut se syndiquer sur les heures de travail. Toute mesure de protection individuelle, en particulier comme celle que propose le ministre du Travail, ne peut être validée, légitimée tant et aussi longtemps qu'on ne reconnaîtra pas ce droit d'expression aux salariés sur les lieux du travail.

Le droit de s'exprimer, comme vous le savez, est le contraire de dissimuler et de cacher. Mais a-t-on réalisé qu'aujourd'hui, dans les années quatre-vingt, on doit, comme on l'a dit tantôt, se syndiquer en cachette, discrètement, secrètement? C'est l'envers du bon sens. Comment des travailleurs peuvent-ils se dissimuler dans une entreprise après que le syndicat eut déposé sa requête d'accréditation au ministère du Travail? Comment, dans un tel contexte, des salariés, M. le député de Brome-Missisquoi, peuvent-ils travailler en paix dans l'entreprise? Comment peuvent-ils maintenir un taux de productivité - c'est en liaison avec votre question sur la relance - normal quand la majorité d'entre eux savent qu'ils sont syndiqués mais qu'ils doivent le dissimuler au patron alors que le patron le sait, sans savoir pour autant dans certains cas qui a signé sa carte, sans savoir qui en est l'instigateur? N'est-ce pas ridicule?

Cette situation conduit le gouvernement actuel à vouloir amender l'article 36 du Code du travail pour obliger au secret les juges des tribunaux supérieurs, parce que l'acte de se syndiquer ou l'appartenance à une association syndicale doit être entourée de secret!

À cause du temps qui passe rapidement, je vais passer sommairement à la loi sur les briseurs de grève. Disons que, quant à nous, la loi antibriseurs de grève n'existe pas encore. On l'attend toujours. Cela n'a pas de maudit bon sens. Même les changements qui vont être apportés ne résoudront pas pour autant le problème fondamental dans lequel on est pris. On cite des témoignages concrets d'un cas qui a duré au-delà de deux ans. Il y avait des briseurs de grève, mais à cause de toute la procédurite, à cause des retards, des remises... Enfin, il y a eu 700 plaintes dans ce cas. On en a plaidé environ 260 et finalement on a réglé. Savez-vous pourquoi? On a passé devant un juge - son nom m'échappe - oui il dirigeait le procès qui avait eu lieu au sujet d'une émeute et il a

ordonné aux deux avocats de ne plus revenir devant lui. Il leur donnait trois jours pour résoudre le problème. C'est de cette façon que cela s'est réglé. Ce n'est pas compliqué, cela s'est réglé de cette façon. Tout le monde avait un fusil juridique à la gorge et on a dit: Réglez, sinon on serait encore à plaider les 300 ou 400 autres causes. Les travailleurs seraient encore en grève. Cela n'a pas de bon sens.

C'est pour cela qu'on dit que la loi antibriseurs de grève, même avec ces amendements, nous estimons que cela ne résoudra pas le problème. Ce n'est pas compliqué. Pour que la loi antibriseurs de grève soit efficace il faut qu'on arrête de produire, point. Je pense que ce n'est pas compliqué à faire dans une loi. Quand j'entends la partie patronale dire que, par ces amendements au code, on concède beaucoup aux syndicats, je le répète, au niveau de l'accès à la syndicalisation, c'est mineur, et au niveau de la loi antibriseurs de grève - ce n'est pas antiparlementaire, mais, vu que je ne suis pas député, je peux le dire - ce sont des "peanuts", et elles ne sont même pas digestibles.

Enfin, nous appuyons les dispositions relatives à l'arbitrage des différends et des griefs qui constituent, quant à nous, un moindre mal, dans l'attente d'un changement profond du Code du travail. Quand nous donnons cet appui, nous savons qu'au niveau de l'arbitrage des différends, même avec les changements qui sont proposés avec assesseurs, avec certains types d'avocats qui mériteraient d'être rayés du barreau, lorsque l'assesseur va siéger, on va avoir encore des problèmes à n'en plus finir.

M. le Président, j'espère que j'ai satisfait à votre requête parce que je sais que vous en avez encore beaucoup à entendre. Je suis donc prêt à répondre aux questions.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Hétu. M. le ministre. (22 heures)

M. Johnson (Anjou): M. Hétu, je vous remercie de votre exposé. Je devrais peut-être dire votre plaidoyer, M. Hétu, que j'entends une fois de plus. Je pense que vous le livrez avec une certaine constance depuis un certain nombre d'années au Québec dans les différents forums. C'est un plaidoyer qui est un appel à la fin des préjugés, une volonté de voir s'installer une tolérance patronale et un appel essentiellement à des attitudes différentes. Encore une fois, je pense qu'il faut rendre hommage à votre constance, à votre persistance, pour ne pas dire à votre entêtement à tenir ce discours jusqu'à ce qu'on y parvienne un jour. Il n'en demeure pas moins que nous avons devant nous, cependant, un projet de loi dont nous reconnaissons les limites à l'égard des grands objectifs que vous évoquez et qui ne se prétend pas non plus être une réforme finale ou définitive qui, c'est vrai, tarde.

J'ai donc à vous poser quelques-unes des questions que j'ai posées à vos collègues des autres centrales ou même à des gens représentant la partie patronale. Je vais commencer par la fin de votre exposé à l'égard de l'arbitrage des griefs et des différends.

Est-ce que vous considérez qu'il faut faire une distinction entre l'arbitrage de griefs et l'arbitrage de différends quant à la composition du tribunal d'arbitrage? Ou est-ce que, pour vous, l'ensemble est identique? Ce sont des situations analogiques. Je remarque que vous semblez les identifier à la fin. Je vais peut-être vous donner une chance de parler un peu plus là-dessus.

M. Hétu: Première remarque générale concernant les commentaires que vous avez faits relativement à notre appel par rapport à la tolérance patronale. Nous estimons que c'est un voeu pieux et qu'il faut que le gouvernement, s'il ne le fait pas à ce stade-ci., procède à une refonte majeure du Code du travail. Je pense qu'il y a tout l'aspect législatif qui va, pour une part, corriger le problème actuellement effarant que le Code du travail soulève, soit le développement des syndicats de boutique. Si je ne me trompe pas, dans les statistiques, au cours de l'année dernière, les requêtes en accréditation pour les syndicats de boutique équivalent sinon dépassent les requêtes provenant du mouvement syndical. Il faut, d'une part, qu'il y ait une refonte majeure de la législation. Cette refonte majeure, évidemment, comme vous l'avez proposé, va se faire dans un autre temps, mais nous souhaitons que le gouvernement procède véritablement à cette réforme du Code du travail avant de procéder aux élections. Qu'il n'y ait pas un gros "task force" qui soit fait et que ce soit remis aux calendes grecques sous prétexte qu'on va en élection. Je trouve cela capital.

Il est évident que la réforme du Code du travail, cependant, ne sera pas, même en profondeur, une solution magique à la syndicalisation, parce que la partie patronale a développer des nouvelles politiques, non pas en utilisant l'appareil judiciaire ni la législation, mais des politiques sociales jusqu'à un certain point, ou qui donnent l'illusion de la dimension sociale, afin d'empêcher la syndicalisation. Cela est un autre problème qui relève des syndicats et c'est aux syndicats à prendre leurs responsabilités à ce niveau. Il y a un troisième volet, il est évident, c'est tout le problème de l'image, mais qui aujourd'hui ne souffre pas de ce problème d'image? Quant à l'arbitrage des griefs et l'arbitrage des différends, il est évident que ce sont deux mesures différentes. Quant à l'arbitrage des

différends, l'objectif qui est visé, c'est de tenter de résoudre le problème d'une première convention collective.

Actuellement, nous souffrons à ce niveau de procédurite et, dans certains cas, c'est affreux. Là, je fais référence à une expérience concrète que nous vivons; nous faisons face à l'employeur qui a recours à un représentant qui siège au niveau de l'arbitrage des différends et à l'avocat qui plaide. C'est l'avocat sur le plancher qui représente la partie patronale. Quand il est essoufflé, quand il ne vient pas à bout de l'argumentation syndicale, c'est le représentant patronal, au niveau de l'arbitrage du conseil, qui intervient et qui fait la guerre. C'est une guerre d'usure et cela n'aboutit pas. Dans ce cas, je pense qu'il vaudrait mieux tout simplement débrayer, ce n'est pas compliqué, et faire la grève sans utiliser cet arbitrage. C'est pour cela que la mesure proposée par le gouvernement, on se dit que c'est un moindre mal. On se dit: On va l'essayer parce que, dans certains cas, comme je vous le disais, cela ne mène nulle part. En tout cas, cela retarde, cela en est effarant.

Quant à l'arbitrage de griefs, il est évident que l'arbitre unique est une mesure indispensable qui a pour objectif d'éliminer les recours qui sont déjà encore trop longs au niveau des griefs.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Hétu.

M. Johnson (Anjou): Avant de terminer, je pense qu'on est un peu moins pressé dans le temps pour des raisons que mon collègue pourra évoquer.

M. Bertrand: Je peux le faire tout de suite.

M. Johnson (Anjou): Je peux peut-être lui permettre d'évoquer certaines choses pour libérer certaines personnes.

Le Président (M. Blouin): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement indiquer qu'après en avoir discuté avec mon collègue, le ministre responsable du Comité ministériel permanent de développement social, avec l'adjoint parlementaire du ministre du Travail, le député de Prévost, et avec le député de Brome-Missisquoî, comme nous avons convenu, de part et d'autre, de terminer nos travaux à minuit, nous entendrions, après la Centrale des syndicats démocratiques, la Fédération des pompiers professionnels du Québec et la Fédération des policiers du Québec. Pour que tout puisse se dérouler dans un contexte qui facilite la discussion, nous voudrions aviser immédiatement les représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec, l'Association des manufacturiers canadiens et la Centrale de l'enseignement du Québec, qui ont été requis d'être présents avec nous aujourd'hui, que nous poursuivrons fort probablement - je ne peux pas donner une indication définitive, formelle - ces travaux jeudi. Tout cela reste à déterminer demain matin. Je pourrai en aviser nos collègues de cette commission parlementaire et aussi, bien sûr, les représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec, de l'Association des manufacturiers canadiens et de la Centrale de l'enseignement du Québec.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, on m'indique qu'il pourrait y avoir certaines difficultés pour l'un ou l'autre des groupes qui ont été invités à venir devant la commission parlementaire. Nous en tiendrons compte aussi dans l'évaluation du moment qui serait le plus approprié pour poursuivre les travaux de la commission parlementaire.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le ministre des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): Avant de continuer et avec nos excuses auprès de ces trois groupes d'invités...

M. Fortier: M. le Président... Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Fortier: ...juste avant que le leader parte, on m'indique que l'un des groupes ne pourra pas venir jeudi.

M. Bertrand: Oui, c'est exact, c'est l'Association des manufacturiers.

M. Fortier: Peut-être que ce serait aussi bien de reporter la séance à lundi de la semaine prochaine.

M. Bertrand: Ouf! Je vous dirai très franchement, M. le député d'Outremont, que j'aimerais beaucoup qu'on puisse avoir terminé cette semaine l'audition des groupes des six commissions parlementaires qui font ce travail après le dépôt des projets de loi en première lecture. Il y aura ensuite le travail en deuxième lecture et en commission parlementaire, lors de l'étude article par article, qui pourrait prendre un certain temps. Dans ce contexte, on va tenter de trouver le meilleur moyen qui nous permette d'entendre les groupes cette semaine. On verra, demain matin, à déterminer le jour exact et les heures.

M. Johnson (Anjou): Avec mes excuses auprès de ces trois groupes, je ne dirais pas qu'on va tenter d'aider, mais qui nous feront l'honneur, j'en suis sûr, de nous aider, étant donné que cette commission est quelque peu exigeante.

M. Hétu, juste une parenthèse avant de vous poser une question sur certains des objets concrets que vous avez évoqués et qui sont dans le projet de loi. Quand je vous entends parler de syndicat de boutique, j'ai l'impression de vous entendre parler en même temps de syndicat dominé. Je présume qu'il y a une distinction à faire entre les deux, dans la mesure suivante, en étant parfaitement conscient que je m'adresse à quelqu'un du mouvement syndical qui se distingue en tant que tel, des efforts de syndicalisation locaux qui peuvent être faits par des individus. S'il est vrai que, souvent, les syndicats de boutique sont, à toutes fins utiles, des syndicats dominés, au sens du code, il faut voir aussi à certains endroits, je pense, puisque j'ai été témoin de cela a l'occasion, un effort très spécifique des travailleurs, localement, pour s'arranger, je ne dirais pas dans un contexte de vision autogestionnaire, mais sûrement de prise de responsabilité à leur propre égard, pour s'organiser avec... C'est un problème d'image, comme vous l'évoquiez vous-même, dans certains cas, une appréhension devant les structures du mouvement syndical, reliée à la mauvaise presse ou à une mauvaise expérience dans une ville donnée - cela s'est déjà vu - des travailleurs identifiant une période particulièrement catastrophique à la présence, à une époque donnée très précisément, d'une partie du mouvement syndical, d'une des centrales.

Cela dit, il reste qu'en termes de développement, je pense que la syndicalisation connaîtra d'autant plus de succès dans la recherche de son expansion que, effectivement, les centrales syndicales, donc le mouvement syndical, seront impliquées là-dedans. Mais je voulais faire la nuance. Je pense qu'il y a des syndicats, qu'on appelle à l'occasion "des syndicats de boutique", qui sont bâtis par du monde bien planté, qui sait ce qu'il veut et qui ne veut rien savoir, pour une raison ou pour une autre, du mouvement syndical, parce qu'il a peut-être eu une mauvaise expérience; je pense que c'est vrai dans certains endroits. Je ne dis pas que cela ne fait pas l'affaire des employeurs dans certains cas.

Je reviens à la question des mesures antibriseurs de grève. Est-ce que vous auriez des commentaires, puisque vous avez été assez avare de commentaires sur cette question? Est-ce que vous auriez des commentaires à ajouter sur les mesures antibriseurs de grève?

M. Hétu: J'en aurais à faire à la suite de vos remarques, M. le ministre, si vous n'avez pas objection.

M. Johnson (Anjou): Cela fait longtemps qu'on ne s'est pas vu, M. Hétu.

M. Hétu: Quand vous parlez des syndicats de boutique, dominés, vous faites allusion à des syndicats indépendants. Je pense qu'il est rare, au Québec, de trouver des syndicats indépendants qui ne soient pas dominés. C'est rare. Dans la très grande majorité des syndicats indépendants, à l'origine, dans leur vie quotidienne, dans le développement de leur action, soit de négociation, etc., il y a un lien de cause à effet en vertu de la loi - cela a été dit précédemment - c'est difficile de démontrer qu'ils sont dominés. Je pense qu'il faut réformer cette disposition dans le fond car, quant à nous, elle est pratiquement inefficace. Celle qui existe dans le Code du travail. Il faut modifier toute cette philosophie du code qui permet le développement des syndicats indépendants, de boutique, etc. Pour faire la preuve, il faudrait pratiquement être à la place de ceux qui y sont à l'origine. Bien sûr, il faudrait que ces personnes accouchent, mais c'est là tout le hic. C'est toute la question de base. Je ne connais absolument pas de syndicat... (22 h 15)

Quand on parle de syndicat de boutique, on peut parler du Trait d'union, d'un type d'association. Je pourrais donner un exemple bien précis. Un des responsables majeurs de cette association de boutique, qui s'appelle le Trait d'union, est un propriétaire de taverne. Il ne faut pas se raconter d'histoire. Il travaille avec un Cri. On pourrait décrire tout cela. Mais ils ont obtenu des accréditations. Comment démontrer qu'un propriétaire de taverne, qui reçoit des gars chez lui, etc., comment démontrer qu'il a un lien avec le patron? Sauf qu'on va le découvrir par la suite, quand arrive le temps, parce qu'on a créé de l'espoir chez ces travailleurs. Ils vont tenter tout simplement de faire appliquer la disposition relative au salaire. Même si elle est collée au taux du salaire minimum, ils ne pourront même pas la faire appliquer. Ces gens sont tellement dominés ou dépendants qu'ils n'oseront même pas utiliser la loi que leur donnent les normes pour leur permettre de faire appliquer la convention qui ne fait que toucher les normes. J'ai rencontré de ces travailleurs. C'était pénible. Tu ne pouvais pas, ils étaient enchaînés. C'est un cas et on pourrait en raconter d'autres. Ici, M. Jos. Caron pourrait vous raconter l'expérience qu'il vit dans une scierie. Combien de fois tu as tenté de la syndiquer?

M. Caron (Jos.): Trois fois.

M. Hétu: Trois fois. À chaque fois, il s'est formé un comité de boutique, il a disparu après la première convention, on a recommencé encore et le comité de boutique est venu au monde trois fois. Je vous assure qu'on va les avoir, mais cela n'a pas de maudit bon sens. Que voulez-vous? On n'est pas capable de faire la preuve, mais on le sait. Alors, il y a bien sûr des syndicats indépendants actuellement qui sont séparés des centrales syndicales et qui ont démontré qu'ils n'étaient pas des syndicats de boutique, et qui ont fait des grèves importantes. Cela, il y en a. C'est un critère au moins qu'ils ne sont pas dominés, tout au moins dans la négociation collective. Pourquoi? Parce qu'il y avait des traditions syndicales, mais ces traditions vont-elles demeurer? Cela, c'est une autre histoire. Alors, c'est un aspect fort important. Il faut à tout prix qu'il y ait cette réforme majeure du Code du travail, sinon c'est l'ensemble de la crédibilité, j'oserais même dire du gouvernement et de l'Opposition, qui sera en cause. Tu as une loi que tu n'appliqueras pas. Les travailleurs savent que ce n'est vrai qu'ils ont un droit de se syndiquer. Ils le savent, je vous prie de me croire. Il y a une question qui a été posée à un représentant tantôt, à savoir si on leur donne de l'information. Ils le savent. J'ai même fait du recrutement, à un moment donné. Il nous manquait deux cartes dans un cas. On expliquait à la femme que c'était secret cette affaire, elle ne voulait pas signer, elle avait peur de signer. Elle savait qu'elle se ferait poigner. En d'autres termes, elle ne nous croyait pas et elle ne croyait pas les représentants du gouvernement parce qu'elle a dit: II va voir les cartes, etc. Cela va loin. Cela va jusqu'à une sorte de méfiance vis-à-vis de la loi. C'est ce que cela veut dire dans le fond. Cela veut dire que, dans le fond, il y a des citoyens qui n'ont plus confiance en notre régime. Cela va jusque-là. Mais cela ne veut pas dire qu'ils vont partir sur un "fly" pour tout faire. Ce n'est pas cela. Ils vont essayer de se dépanner tout seuls, mais ce n'est pas cela qui est visé par la loi sur les normes et par l'ensemble du droit du travail. Ce sont des outils pour leur permettre d'assurer une certaine protection. Cependant...

Le Président (M. Blouin): Oui, sur le...

M. Hétu: Oui, mais, M. le Président, vous direz cela à votre ministre. Il nous pose des questions grosses comme le monde...

M. Johnson (Anjou): Je l'ai provoqué pour l'entendre.

M. Hétu: ...qui ont un fondement qui est vrai. Quand il parle des syndicats de boutique, je pensais qu'il était pour dire que ce n'était pas faisable, prouvez-le, mais il voulait que je le dise, je présume.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je voulais surtout que M. Hétu le dise avec sa faconde habituelle pour peut-être l'illustrer auprès de mes collègues à votre gauche.

M. Polak: Je comprends mieux...

M. Fortier: Attendez qu'on pose des questions, vous allez voir qu'on a compris plus que vous ne le pensez.

Le Président (M. Blouin): Le ministre avait également évoqué la possibilité que vous émettiez des commentaires...

M. Johnson (Anjou): Les dispositions antibriseurs de grève.

Le Président (M. Blouin): ...succincts sur les dispositions antibriseurs de grève. Succinctement, s'il vous plaît!

M. Hétu: Succinctement, je répète que, pour nous, la loi antibriseurs est à venir. Il n'y a qu'un moyen législatif à prendre, c'est de fermer les boîtes lorsqu'il y a une grève déclarée. Pourquoi? Parce que l'objectif, c'est d'empêcher qu'il y ait violence. C'est cela l'objectif, c'est d'avoir la paix sociale pendant les grèves qui est recherchée. Je vous réfère au document des derniers témoignages d'un organisateur - il l'a même signé - qui explique que cette violence existe encore même avec la loi antibriseurs. Il n'y a rien à faire, il y a des gars qui ont été condamnés. Que voulez-vous que je vous dise? Nous autres, nous ne croyons pas à cette disposition du Code du travail. Qu'on n'essaie pas de nous faire croire que c'est une concession majeure au syndicalisme, écoutez'. Ne le dites surtout pas, M. le ministre. Ce n'est pas une concession du tout. Vous avez fait un effort, on l'a pratiqué, on a tenté de le mettre en oeuvre, mais les résultats nous démontrent qu'on n'atteint pas l'objectif. Est-ce que j'ai été succinct?

Le Président (M. Blouin): Oui, c'est très bien, c'est très clair.

M. Hétu: Ah! Bon, une chancel Vous n'avez qu'à me regarder!

Le Président (M. Blouin): C'est d'ailleurs très clair.

M. Hétu: Très bien, je vous remercie. M. le ministre, ça va?

M. Johnson (Anjou): Cela va, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M.

le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Oui, M. Hétu. C'est un mémoire d'un style différent de celui de la CSN qui était technique.

M. Johnson (Anjou): Cela fait longtemps que c'est différent, la CSD et la CSN.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Paradis: Vous parlez des principes, vous vous attaquez à quelques grands principes dont celui de pouvoir syndiquer les gens en toute lumière, en toute clarté. C'est à la page 12 de votre mémoire qu'on retrouve en partie une réponse à la question traditionnelle que je pose: Qu'est-ce qu'il y a, dans le projet de loi 17, pour stimuler l'économie, pour maintenir l'emploi, pour créer l'emploi? Vous avez attiré mon attention, à juste titre, sur le passage suivant: "Comment, dans un tel contexte, des salariés peuvent-ils travailler en paix dans l'entreprise? Comment peuvent-ils maintenir un taux de productivité normal quand la majorité d'entre eux savent qu'ils sont syndiqués, mais ils doivent le dissimuler au patron, alors que le patron le sait, sans pour autant savoir qui a signé sa carte, sans savoir qui en est l'instigateur?"

Est-ce qu'il y a d'autres éléments, dans le projet de loi 17 qui, suivant votre centrale syndicale, sont là pour aider à stimuler l'économie, le maintien et la création de l'emploi ou si vous n'en trouvez pas? Vous dites, finalement, que le projet de loi 17 ne fait rien pour que cela se fasse en toute clarté et en toute liberté d'association.

M. Hétu: C'est une question importante que vous soulevez, M. le député. Elle mérite une réponse claire et je vais vous la donner.

Le Président (M. Blouin): Et succincte?

M. Hétu: Et succincte, vous allez voir cela. Quand je dis claire et succincte, c'est bien cela.

Le syndicalisme est un outil pour assurer la relance dans le contexte actuel. Quand il y a un syndicat dans une boîte, un syndicat ne peut pas négocier des salaires -vous me direz s'il y a quelque chose - s'il n'y a pas accroissement de productivité. C'est clair, ça. Bien sûr, là, il y a du chômage. Il y a aussi du chômage technologique. Cela n'aide pas les choses, il y a une baisse de productivité. Fondamentalement, le travailleur, le syndicat a une responsabilité là-dedans. Mais le problème est que le Code du travail, par sa définition relative à une entente collective, à une convention collective, tout au moins dans son interprétation juridique, exclut le syndicat comme étant un agent responsable pour accroître cette productivité. C'est cela, le problème.

Là, je vais me référer spécifiquement à un des premiers articles de la convention collective qui traite des droits de gérance. On exclut, on enlève ce droit au travailleur sous prétexte que c'est l'administration qui a ce pouvoir et cette compétence; on exclut le savoir-faire du travailleur pour qu'il y ait un accroissement de productivité en tenant compte de certaines règles de base: la santé, etc. La loi sur les normes le confirme de manière juridique en disant que l'employé est subordonné juridiquement. Cela répond à toute une conception qui est dépassée et c'est pour cela qu'on plaide en faveur d'une réforme majeure. Tant et aussi longtemps qu'on va rester dans ce cadre juridique et que, par exemple, ce qu'on retrouve dans toutes les lois du travail, tout ce qui est consacré notamment, comme on parle du code, à la définition d'une convention collective, il est évident qu'on ne peut pas, à moins que l'employeur ne soit d'accord pour travailler sur la base de la concertation... Qu'est-ce que je veux dire par là? Je termine, pour apaiser les inquiétudes du président.

Voici ce qu'on a vécu, au cours de l'année, dans nos négociations collectives. Cinquante employeurs nous ont ouvert leurs livres, non pas parce qu'ils étaient en faillite, non! Ils ont ouvert leurs livres pour des motifs... On a étudié toute cette question parce que c'est vital dans le contexte que l'on sait. Je veux dire que la législation ne permet pas ces choses-là. Si les parties patronale et syndicale n'oeuvrent pas dans un contexte de concertation, mais avec, par exemple, l'information économique, comptable... Quant à d'autres critères ce n'est pas le lieu de les déterminer, il est évident que votre question sera négative.

Il est évident que le Code du travail ne permettra pas cela en totalité, mais ce ne sont pas uniquement les mesures législatives qui vont permettre cela. Il y a aussi l'évolution dans les moeurs. Vous savez que, au niveau patronal, il s'est développé une tendance idéologique qui est aussi agressive. Qu'on regarde le nombre de lock-out qui s'est accru. Cela a également un effet sur la productivité et sur la création des emplois. C'est dans ce contexte qu'il faut le situer.

M. Paradis: Peut-être une dernière question. On a un Code du travail finalement, si je suis votre texte et l'analyse que vous en faites, qui est basé sur la confrontation. On remet cela dans les mains du pouvoir judiciaire et là, les interprétations, etc. On s'en va de dédale en dédale, finalement. Est-ce que le projet de loi 17, qui est devant nous, va vraiment accélérer les processus d'accréditation ou de

règlement de griefs, etc.? Est-ce que, en introduisant de nouvelles notions juridiques, cela n'amènera pas des ralentissements? Parce qu'il va falloir aller devant le processus judiciaire, étant donné qu'il n'y a rien de changé à ce niveau, pour faire redéfinir les nouvelles notions juridiques que le législateur va adopter la semaine prochaine.

M. Hétu: Disons que les amendements qui sont proposés sont un moindre mal, à ce niveau. Dans certains cas, l'objectif visé peut être un objectif qui vise à diminuer un certain nombre de délais. Dans certains cas. C'est la pratique qui va nous le montrer. Mais je pense qu'il faut vraiment déjudiciariser le Code du travail. Cela n'a pas de maudit bon sens. J'écoutais tantôt le représentant de la CSN et nous ne souscrivons pas à ce point de vue-là. Lui, il va dans un autre sens. Il veut judiciariser. Nous sommes vraiment opposés à cela. Il faut plutôt qu'on déjudiciarise le code. Cela n'a pas de bon sens, comme il est là. Cela n'a pas de bon sens'. D'un bord ou de l'autre, il faut le déjudiciariser. Il y a toute une conception juridique qu'on peut vraiment mettre en oeuvre sans que l'appareil judiciaire soit là. C'est évident.

M. Paradis: Je pensais que c'était ma dernière question, mais il m'en est venu une autre en écoutant votre réponse.

M. Hétu: Allez-y.

M. Paradis: D'après votre expérience à la tête du syndicat, à chaque fois que l'on modifie le Code du travail, même lorsque les intentions sont bonnes de raccourcir les délais, même avec l'intention de le déjudiciariser - on voit que ce n'est peut-être pas ce qui nous arrive avec le projet de loi 17 - est-ce que le nouveau vocabulaire juridique, la nouvelle terminologie juridique a eu pour effet de raccourcir ou d'allonger, parce qu'il fallait faire interpréter? D'allonger?

M. Hétu: Oui.

Le Président (M. Blouin): Très bien, merci. Alors, rapidement, M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Oui, M. le Président. En écoutant M. Jean-Paul Hétu et, plus tôt, la CSN et la FTQ, comme législateur, je pense que j'avais un sentiment d'humilité. Peut-être que le gouvernement, qui est le législateur proposeur, devrait avoir un sentiment d'humilité encore plus considérable, parce qu'il m'a semblé devoir identifier deux phénomènes. Vous me corrigerez, M. Hétu, si ma perception est mauvaise.

Le premier est que vous avez parlé d'un système judiciaire vicieux. J'ai l'impression qu'on est dans un cercle vicieux. Autrement dit, l'histoire a voulu, sous la pression des syndicats, j'imagine, et selon l'histoire patronale-syndicale que nous avons au Québec, que les lois soient devenues plus contraignantes. Enfin, si on écoute les milieux patronaux, ils nous disent qu'elles sont devenues plus contraignantes. Eux, ils se sont engagé les meilleurs avocats. Ils ont trouvé des façons de passer à côté des exigences plus contraignantes que le législateur avait proposées. Maintenant, on revient en commission parlementaire et on regarde la situation. On se dit que cela n'a pas de bon sens, parce qu'il faudrait que le code soit encore plus contraignant. Dans une certaine mesure, c'est ce que vous décrivez dans votre mémoire. Vous dites qu'on s'en va d'un code contraignant à un code un peu plus contraignant à un autre encore plus contraignant. J'imagine que tout et chacun va s'engager encore les meilleurs avocats pour s'assurer qu'il est possible de passer à côté de la lettre de la loi. J'ai l'impression qu'on n'en sortira jamais. (22 h 30)

D'après ce que vous nous dites, au fond, dans peu de mots, le seul résultat est que tout cet effort des lois antibriseurs de grève, etc., est un fiasco. Dans une certaine mesure, je crois que vous nous dites que l'efficacité de la législation est à peu près ridicule. Mais d'un autre côté, les patrons nous disent que cela nous donne une mauvaise réputation à l'étranger, quoique, dans les faits, il semble que, pour autant que vous êtes concernés, vous nous dites que cela ne donne pas les résultats escomptés.

Mais on va aller encore un peu plus loin. J'imagine que, dans un an ou deux, on va se retrouver encore avec une commission parlementaire pour encore ajouter à cela. Cela va encore nous donner une plus mauvaise réputation en dehors de la province et cela ne vous donnera pas de meilleurs résultats. Au fond, ce que vous proposez est de reprendre le débat et changer les attitudes. Il faudrait reprendre cela sous une autre forme. Ce processus judiciaire vicieux nous amène dans un cercle vicieux qui ne mène nulle part. Enfin, c'est un peu le langage que vous avez tenu.

Il y a une autre chose que vous n'avez pas dite, lorsque vous parlez des conflits patronaux-syndicaux. Il m'a semblé aussi, sans que les différents syndicats le disent ouvertement, qu'il y a également des guerres entre les différents syndicats. Là-dessus, je ne vous demande pas de vous exprimer, mais, encore là, étant donné que le développement économique au Québec est très restreint, les trois grandes familles syndicales se battent pour un marché qui est de plus en plus restreint. Encore là, il y a un système

judiciaire qui peut favoriser les luttes de ce côté-là.

Si c'est le scénario marché restreint, luttes intersyndicales et une législation plus poussée pour obtenir du gouvernement des formules sur papier de plus en plus audacieuses, qui ne donnent rien en pratique, on est pris, au Québec, avec un mouvement qui ne mènera jamais nulle part. C'est un peu le scénario que vous avez décrit. Est-ce que j'exagère un peu dans ce que j'ai essayé de décrire d'une façon succincte?

Le Président (M. Blouin): M. Hétu.

M. Hétu: Sur le plan juridique, je pense que vous avez compris notre message et celui des autres aussi. J'ai l'impression que, tout le monde le sait, l'on fait partie, tout au moins au niveau de l'accréditation, d'un cadre juridique. Il faut mettre fin au cercle vicieux qui est là. Là-dessus, je pense que vous avez très bien compris le message.

L'autre question relative au maraudage, je pense qu'on peut la régler simplement. Il y a des dispositions qui devraient être prises, mais qui n'existent pas dans le Code du travail. À un moment donné, lors du débat public sur la syndicalisation, nous avons l'intention d'aborder cette question de fronts, clairement. On va expliquer des choses qui ne sont pas connues. On va expliquer des choses qui sont graves. On se reparlera de cette partie parce que ce n'est pas l'objet de la discussion. Les amendements ne traitent pas de cela. On fera le débat en temps et lieu. C'est pour cela que l'on souscrit entièrement à la position gouvernementale qui parle de faire, soit un "task force" ou un débat sur toute cette question. Vraiment, c'est essentiel et nous appuyons cela fortement. Je pense que la clé du problème que vous avez résumé est là. Je pense qu'il faut être d'accord là-dessus. Que le débat se fasse et qu'on nettoie l'écurie, pour prendre une expression que mon grand-père utilisait.

Fondamentalement, il est vraiment important de saisir que le syndicalisme, dans son évolution moderne, est issu de choix politiques qui sont faits. Le développement syndical... Vous permettez, M. le Président? Parce qu'il fait des commentaires généraux, lui aussi, et il m'embête avec cela. Mais je suis obligé de lui répondre clairement. D'accord. Si le ministre est d'accord, cela marche.

Le Président (M. Blouin): Allez-y!

M. Hétu: Donc, la question de base, dont je veux parler, est que, fondamentalement...

Le Président (M. Blouin): Je vous rappelle cependant que le mandat de la commission est d'entendre des organismes comme le vôtre en regard du projet de loi 17.

M. Hétu: Ah! Je vais le relier à cela.

Le Président (M. Blouin): Je comprends, mais nous avons également deux autres groupes à entendre ce soir. Il est 10 h 35 et je crois qu'en toute déférence pour les deux groupes que nous avons à entendre...

M. Hétu: D'accord.

Le Président (M. Blouin): ... ils n'auront pas plus de trois quarts d'heure chacun, alors que vous avez quand même bénéficié d'une période de temps respectable.

M. Fortier: M. le Président, je dois vous dire que ma question se réfère directement au projet de loi. Ce qu'on est en train de discuter ou ce que la CSD est en train de nous dire, c'est qu'on a beau légiférer de plus en plus, où s'en va-t-on? Je pense que c'est une question fondamentale. À un moment donné, il faut regarder d'où l'on vient et où l'on va. C'est dans ce sens. Je crois qu'on est en plein dans le vif du sujet.

Le Président (M. Blouin): Je pense qu'on se comprend. Je n'entrerai pas dans un débat de cette nature, mais je vous rappelle que nous devrions normalement étudier les conséquences de la loi modifiant le Code du travail et les diverses dispositions législatives que le projet de loi 17 modifie. Quant au débat beaucoup plus large, plusieurs y ont fait allusion, mais je crois que ce n'est pas le moment, présentement, d'entreprendre des débats fondamentaux, qui sont évidemment très importants, mais ce n'est ni le moment, ni le lieu pour le faire ce soir.

M. Fortier: Succinctement, allez-y.

M. Hétu: Brièvement, je veux tout simplement dire qu'il y a eu deux étapes majeures dans l'histoire moderne de la législation. La première, c'est celle qui était liée aux choix politiques. Lorsque le Québec, après la deuxième guerre mondiale, s'est industrialisé, il y a eu ce qu'on a appelé le syndicalisme industriel qui s'est installé. Dans les années soixante, lorsqu'on a fait ce qu'on a appelé la révolution tranquille, le syndicalisme s'est développé du côté des cols blancs. Là, on arrive à un troisième virage majeur: Quels choix politiques seront faits pour permettre à la société de vivre dans la paix sociale? On est vraiment rendu à un tournant vital. C'est pour cela que la position gouvernementale de faire ce débat-là, nous y croyons fermement. Il faut que cela se fasse et il faut que cela se passe, sinon on va être placé devant des culs-de-sac

parce que le projet de loi 17 - et là, je fais mon rapprochement - ne permettra pas de débloquer ni de répondre aux nouvelles exigences de la société d'aujourd'hui qui est marquée en particulier par la technologie nouvelle qui s'en vient, etc. Cela est un défi, le syndicalisme et la législation doivent être connectés à cela.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Comme toujours, M. le Président, juste une dernière question. M. Hétu, je me souviens de la première fois que je vous ai entendu - j'ai dit la même chose tout à l'heure à M. Laberge - à une commission parlementaire sur les services essentiels et le droit de grève dans les hôpitaux. Ce qui m'a frappé, à l'époque, c'est que la position de la CSD - je ne connaissais rien du monde syndical - était très raisonnable. Je trouvais votre attitude semblable à celle des syndicats de l'Ouest de l'Europe. Quand j'ai lu votre mémoire, j'ai vu que vous étiez devenus pas mal militants, peut-être pour de très bonnes raisons. Vous donnez toutes sortes de témoignages du mauvais fonctionnement. Mais vous n'avez pas fait de commentaires sur la position des patrons. Nous avons entendu aujourd'hui les mémoires de plusieurs qui ont parlé de conséquences néfastes si ce projet de loi 17 est adopté. On a mentionné Cornwall, en Ontario, où tout le monde a toujours un peu peur que les compagnies quittent. Je ne dis pas que ce sont des menaces, mais il semble exister vraiment une inquiétude à ce point de vue. Pourriez-vous faire des commentaires là-dessus? Je sais que l'attitude de votre syndicat, comme je l'ai comprise et comme, d'ailleurs, vous l'avez répétée verbalement, en est une de concertation pour trouver d'autres formules plutôt que d'adopter toujours cette position de confrontation, d'adversaires. Je veux bien suivre votre pensée. Comment pourriez-vous commenter, en quelques mots, les mémoires de l'autre côté qui contiennent de grandes inquiétudes? Quelle est votre réaction?

M. Hétu: Le projet de loi 17 ne pousserait pas des compagnies à se sauver. Si c'est cela, je pense qu'il faudrait que vous fassiez une commission d'enquête auprès de ces compagnies-là pour connaître les vraies raisons. Vraiment, si cela fait peur à du monde, j'ai l'impression que ce sont beaucoup plus les préjugés qui s'expriment. Je pense qu'il va falloir qu'on fasse la part des choses entre les préjugés et la réalité. Les propositions relatives à l'accréditation ne font que tenter de diminuer, d'atténuer un tant soit peu les procédures devant lesquelles on est placé et qui retardent indûment les accréditations, etc.

M. Polak: Les mesures antibriseurs de grève, pour une petite compagnie, peuvent-elles rendre la situation presque impossible? Est-ce qu'on peut briser une compagnie, disons?

M. Hétu: Telles quelles, ces mesures sont favorables au patronat. C'est cela que je veux vous dire. C'est clair. Elles sont favorables au patronat, ce n'est pas compliqué. On a changé... On a parlé de la personne morale, de la personne physique. Qu'est-ce que cela va régler? On n'est pas, j'allais dire, des caves, mais c'est cela.

M. Fortier: ... pour des avocats.

M. Hétu: Excusez-moi, M. le Président.

M. Polak: Vous seriez capable de donner des consultations sur la manière de contourner encore la loi avec cela? Cela semble pas mal...

M. Hétu: Absolument pas. Le problème qu'on a est justement de résoudre les conflits, d'empêcher et de retenir les travailleurs pour qu'ils ne fassent pas de bêtise parce qu'ils voient du travail qui s'exécute d'une manière ou de l'autre. Une grève dure - je vais vous raconter le cas, si vous voulez plus de détails - à Drummondville et le travail se fait pareil. La production se fait pareil. Elle ne se fait pas à l'usine, mais elle se fait ailleurs. Ce n'est pas compliqué et la grève dure. Qu'est-ce qui va se passer? L'objectif de paix sociale qui est visé par cette mesure antibriseurs de grève... Je pense que tous les syndicats au Québec passent leur temps à retenir et à faire attention. Je ne veux pas expliciter ces choses, c'est tellement évident.

M. Polak: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Hétu. Merci, M. le député de Sainte-Anne.

M. Dean: Je voudrais remercier M. Hétu et les représentants de la CSD de leur participation à notre commission.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Hétu et vos collaborateurs. Sur ce, j'inviterais les représentants de la Fédération des pompiers professionnels du Québec à venir nous présenter leur mémoire. Je rappelle cependant aux deux associations que des contingences incontrôlables nous obligent à terminer nos travaux à minuit. Il reste donc un peu plus d'une heure et quart pour entendre les deux prochaines fédérations, la Fédération des pompiers professionnels du Québec et la Fédération des policiers du Québec. Je vous signale cependant que je présume que vos opinions

ont des préoccupations très spécifiques et probablement communes. Je me demande si on ne pourrait pas procéder d'une façon très simple qui m'a été suggérée par les membres de la commission, c'est-à-dire d'entendre successivement les deux rapports et ensuite de demander aux membres de la commission d'adresser à l'une et à l'autre des fédérations les questions, les commentaires et les remarques qu'ils désirent vous adresser. Est-ce que cela vous conviendrait?

M. Nadon (André): M. le Président, je suis André Nadon, président de la Fédération des policiers du Québec. Après vous avoir entendu parler - évidemment, la guillotine est à minuit, on peut comprendre les impératifs de la commission et le temps qui s'est écoulé - on demanderait à la commission de bien vouloir ne nous entendre qu'à la reprise de la commission jeudi. Nous demandons d'avoir à notre disposition le même temps que celui de l'Union des municipalités du Québec parce que, comme le stipule le projet de loi à différents endroits, nous sommes visés par ce projet de loi et nous aimerions avoir suffisamment de temps pour pouvoir exposer notre point de vue.

M. Paradis: M. le Président, sur la question...

Le Président (M. Blouin): Oui, sur le consensus, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Sur la question que vous avez soulevée, je pense que cela fait appel à un principe de justice naturelle, audi alteram partem. Il y a des décisions importantes qui doivent se prendre, mais là, on a un problème de programme de fin de session. Je serais porté à vous donner le même temps, comme représentant de l'Opposition; ce serait mon sentiment naturel. (22 h 45)

M. Dean: Je suis porté à faire de même, sauf avec un avertissement à l'avance. On est tous autour de cette table à la merci d'horaires déterminés par d'autres que nous, nos leaders respectifs, etc. Le danger que je vois, c'est que, si on nous trouve une demi-journée quelque part d'ici à vendredi, minuit, à cinq groupes, on n'est pas sûr de pouvoir faire beaucoup plus que ce qu'on pourra faire ce soir.

Le Président (M. Blouin): M. Nadon, ce qui peut arriver, c'est que la commission se réunisse une seconde fois, comme cela arrivera - le leader l'a indiqué - que nous n'ayons pas encore une fois le temps d'entendre tous les organismes au cours de cette reprise des travaux et qu'à ce moment-là les travaux de la commission soient reportés sine die. Il est possible que les mémoires qui n'auront pu être entendus soient simplement déposés. C'est le risque que vous courez, j'aime autant vous en prévenir.

M. Nadon: M. le Président, comme je l'ai dit tantôt, je pense que les amendements qui sont prévus dans le code ont pour effet de nous viser de façon très pertinente et très directe. À ce niveau, l'UMQ a eu l'occasion de pouvoir expliciter son point de vue. Il y a trois ou quatre autres organismes et je pense qu'il serait tout à fait équitable et normal de nous accorder le même temps, pour les mêmes raisons que les autres organismes qui nous ont précédés. Je dois vous dire que nous avons eu à procéder de façon très rapide à la préparation de notre mémoire et je vous demanderais tout simplement l'amabilité de nous accorder ce privilège.

Le Président (M. Blouin): M. Nadon, est-ce que vous seriez d'accord pour le compromis suivant: que nous entendions dans un premier temps les deux mémoires et qu'ensuite nous procédions à la période des questions? À minuit, nous pourrons évaluer s'il est nécessaire de poursuivre les travaux à une date ultérieure. Comme cela, vous aurez toute la latitude de présenter vos positions selon que les membres désireront approfondir certains sujets, si cela est nécessaire. D'accord?

M. Nadon: Cela nous laisse dans une situation de contraintes et nous amène un peu à accélérer la présentation de nos arguments et de notre mémoire. Je dois vous dire que nous allons être dans une situation très inconfortable. Je pense, comme je l'ai dit tantôt, vu la teneur des amendements proposés... Je regrette d'insister auprès de vous, M. le Président, mais il serait très bien accepté que vous vous rendiez à notre demande.

Le Président (M. Blouin): Nous allons tout d'abord entendre la Fédération des pompiers professionnels du Québec. Nous pourrons ensuite voir comment les choses vont se dérouler et nous tenterons dans toute la mesure du possible de satisfaire à vos demandes, M. Nadon.

M. Nadon: Oui, mais la seule chose dont je veux m'assurer, en terminant... Vous prévoyez d'abord qu'il y aura une reprise de la commission jeudi, n'est-ce pas?

Le Président (M. Blouin): Oui, il y en aura une.

M. Nadon: Nous serions évidemment les premiers intervenants. Je peux vous assurer que nous allons tenter, dans la mesure du

possible, d'être le plus concis, le plus succinct possible, tout en tentant de ne pas empiéter sur le temps de ceux qui auront à intervenir.

Le Président (M. Blouin): M. Nadon, si, d'abord, nous terminions notre travail avec la Fédération des pompiers professionnels du Québec, nous pourrions avoir le temps d'entendre votre mémoire et, ensuite, à la reprise des travaux, nous vous laisserions tout le temps nécessaire pour répondre aux différentes questions que vous adresseront les membres de la commission. Nous pourrions ainsi prendre un peu d'avance sur l'horaire de jeudi et comme cela nous aurions davantage de chances d'entendre tout le monde jeudi. Vous aurez un avantage objectif, vous aurez deux jours pour présenter vos arguments, mais le même temps que les autres organismes. D'accord?

M. Nadon: Pour autant que cela ne crée pas de pressions indues sur les pompiers, pour qu'ils puissent exposer leur mémoire avec toute la latitude voulue, très bien, nous allons patienter.

Le Président (M. Blouin): Alors, si vous me le permettez, nous allons maintenant demander à la Fédération des pompiers professionnels du Québec de prendre place. Pour les fins du journal des Débats, je demanderais aux représentants de s'identifier et, ensuite, de nous présenter leur mémoire selon les contraintes qu'ils connaissent.

Fédération des pompiers professionnels du Québec

M. Morin: (Alfred): Merci, M. le Président. Mon nom est Alfred Morin, président de la Fédération des pompiers professionnels du Québec. J'aimerais vous présenter les membres de notre bureau: à l'extrême gauche, M. Yvon Dumas, secrétaire-trésorier, Me Suzanne Bourque, avocate permanente à notre bureau, trois vice-présidents, MM. René Payette, Gilles Cardin et Gilles Raymond.

M. le Président, la Fédération des pompiers professionnels du Québec remercie le président et les membres de cette commission de lui fournir l'occasion de faire valoir son point de vue sur le projet de loi 17 proposant des amendements au Code du travail.

La Fédération des pompiers professionnels du Québec, FPPQ, est constituée de 34 associations de pompiers. Chacune de ces associations est accréditée pour représenter les pompiers professionnels à l'emploi d'une municipalité du Québec. La FPPQ regroupe donc tous les pompiers professionnels du Québec, à l'exception de ceux de la ville de Montréal. Elle existe depuis 1945 et elle est affiliée à la

Fédération des travailleurs du Québec. Elle maintient des liens constants avec les organismes syndicaux représentant les pompiers professionnels à l'extérieur du Québec.

Depuis sa fondation, une des fonctions principales de la FPPQ a été d'aider et de représenter les associations qui en sont membres, dans le cadre de l'arbitrage des différends. Elle témoigne donc, à cet égard, d'une très longue expérience.

Nous voulons donc, dans ce mémoire, limiter nos commentaires au régime de l'arbitrage des différends pour nous en remettre, quant aux autres aspects du projet de loi, aux positions défendues par la Fédération des travailleurs du Québec, positions que nous endossons d'emblée.

Ce mémoire comprendra deux parties et traitera d'abord des amendements proposés par le projet de loi au régime de l'arbitrage des différends. Il discutera, en deuxième partie, des autres amendements qui, selon nous, devraient être apportés au régime et dont le projet ne fait pas état.

Partie I: Commentaires sur les amendements proposés par le projet de loi 17 au régime de l'arbitrage des différends. La FPPQ entend soumettre son point de vue sur cinq questions précises, tout en insistant d'une façon plus particulière sur le remplacement du conseil d'arbitrage par un arbitre unique.

Le remplacement du conseil d'arbitrage par un arbitre unique. La FPPQ considère que le changement proposé est tout à fait inopportun et elle demande qu'on maintienne l'existence du conseil d'arbitrage dans sa forme actuelle. Malgré l'existence de certains problèmes, le régime s'est en effet avéré satisfaisant dans les résultats obtenus et, dans l'ensemble, nous estimons qu'il a fait preuve d'efficacité.

Ce sont, quant à nous, des raisons suffisantes pour maintenir la formule actuelle. Mais il y a plus. En effet, les résultats satisfaisants obtenus sont, dans une très large mesure, attribuables au caractère tripartite du conseil d'arbitrage. Son remplacement par un arbitre unique risque donc sérieusement de compromettre l'efficacité du régime.

Pour apprécier les dangers des amendements proposés, il faut s'arrêter un instant sur la philosophie du régime et sur la façon dont il est vécu chez les pompiers et les policiers. Pour des raisons dites d'intérêt public, on ne permet pas aux pompiers et aux policiers d'avoir recours à la grève. On les prive donc d'un droit reconnu à tous les autres travailleurs. Pourquoi faudrait-il, en plus, qu'on les prive du droit de participer pleinement à l'établissement de leurs conditions de travail par un tiers? Ce même intérêt public, dont on se réclame pour interdire la grève, commande au contraire

que, par l'intermédiaire d'un représentant au sein du tribunal, les pompiers et les policiers puissent participer à la décision qui déterminera leurs conditions de travail. Les pompiers et les policiers sont déjà privés du droit à la libre négociation. Nous demandons donc qu'on leur laisse au moins le droit à une certaine forme de négociation.

Fondamentalement, c'est en effet le droit à une certaine forme de négociation que les amendements proposés risquent de faire disparaître. À cause, précisément, de la présence des représentants des parties en qualité de membres du conseil et du rôle qu'ils peuvent y jouer, l'arbitrage constitue souvent un prolongement de la négociation entreprise entre les parties, un peu de la même façon que les négociations doivent normalement se poursuivre pendant une grève ou un lock-out.

Dans les faits, les séances de délibéré se transforment souvent et facilement en séances de conciliation ou de médiation, favorisant la recherche de compromis et de consensus. Par l'intermédiaire de leurs représentants au sein du conseil, les parties se trouvent donc à prendre une part active, importante et parfois décisive, dans l'établissement de ce qui deviendra la convention collective. Celle-ci apparaît donc un peu moins comme ayant été imposée et un peu plus comme ayant été négociée. De ce fait, le régime de l'arbitrage obligatoire devient moins odieux et cela favorise dans l'ensemble l'établissement et le maintien de saines relations de travail.

Cette participation active des parties à l'établissement de la convention collective, par une représentation adéquate au sein du conseil d'arbitrage, permet d'autre part au président de celui-ci de rendre une décision éclairée dans le cas où il doit trancher, c'est-à-dire choisir. Le président n'a généralement qu'une connaissance fragmentaire du milieu particulier de travail pour lequel il est appelé à rendre une décision. Les représentants des parties viennent combler cette lacune inévitable en indiquant et expliquant ce qui peut envenimer les problèmes plutôt que les régler ou en créer de nouveaux. Il faut se rappeler qu'un conseil d'arbitrage peut être appelé à rendre une décision sur des questions complexes: méthode de travail, horaire de travail, exécution des tâches, effectifs, ancienneté, avantages sociaux, santé et sécurité, procédure de règlement des griefs, salaires, etc. Sans la participation adéquate des représentants des parties qui peuvent l'éclairer et le guider, l'arbitre peut très bien, en toute bonne foi, décréter des conditions qui ne seront souhaitées par aucune des parties, qui se révéleront inefficaces, et même nuisibles, et ce sont les parties qui devront vivre avec les conséquences de ces erreurs. On nous objectera sans doute que le projet de loi propose la présence d'assesseurs et que cette formule peut répondre aux préoccupations que nous exprimons. Nous ne le croyons pas.

L'assesseur n'est pas un membre du tribunal et, par voie de conséquence, il ne peut y jouer le rôle de participant qui est présentement dévolu au représentant des parties. Bien sur, l'assesseur peut informer l'arbitre des réalités du milieu au même titre que les membres du conseil d'arbitrage, mais ce genre de statut élimine, à notre avis, toute possibilité sérieuse de négociation. En effet, l'arbitre, du fait que les assesseurs ne participeront pas à la décision, sera moins porté à favoriser la recherche de compromis et de consensus.

La raison principale pour laquelle le régime des assesseurs risque de compromettre l'efficacité du système réside toutefois dans son caractère volontaire. On peut prévoir déjà que pour des raisons de tous ordres l'une ou l'autre des parties refusera son consentement a la nomination d'assesseurs. Cela signifie qu'en pratique une partie, par pur caprice, peut priver l'autre partie du droit à une certaine forme de négociation. Cette perspective est d'autant plus probable que la décision devra être prise à un moment où les parties sont en profond désaccord puisque l'une d'entre elles aura demandé que le différend soit soumis à l'arbitrage. Cet état de désaccord entre les parties peut, à lui seul, dans bien des cas, amener l'une d'entre elles à refuser toute forme d'entente avec l'autre, y compris celle de désigner des assesseurs.

Par la nature même des choses, c'est la partie syndicale qui, plus souvent qu'autrement, réclame des modifications aux conditions de travail existantes. C'est donc elle qui a d'abord intérêt à être représentée adéquatement au sein du conseil d'arbitrage, non seulement pour faire valoir ses demandes, mais pour s'assurer qu'elles sont bien comprises de la part du président. Compte tenu de cette réalité, nous avons de bonnes raisons de croire qu'il sera généralement difficile d'obtenir de la part des municipalités le consentement requis pour la nomination d'assesseurs. C'est donc d'abord et avant tout le droit des travailleurs à une certaine forme de négociation qui risque d'être compromis davantage par les décisions unilatérales de leur employeur.

À l'extrême limite, si notre demande de maintenir le tripartisme tel qu'il existe présentement n'était pas retenu, nous suggérons que la formule proposée soit en quelque sorte renversée en ce sens que la présence des assesseurs soit obligatoire, à moins d'entente à l'effet contraire entre les parties.

Avant de conclure sur ce premier aspect des amendements proposés, on nous

permettra quelques remarques additionnelles au sujet du but apparemment visé par le changement envisagé. Selon les notes explicatives accompagnant le texte du projet, l'amendement aurait pour but d'accélérer l'arbitrage.

Il est exact que l'arbitrage de différends est un processus généralement assez lent et que le caractère tripartite du conseil est partiellement responsable de cette situation. Quant à cette part de responsabilité, il faut bien comprendre par ailleurs que ce n'est pas le nombre de personnes qui ralentit le processus, mais beaucoup plus leur identité: choix par les parties d'un président expérimenté et compétent, retenu également par beaucoup d'autres parties, et offrant, en conséquence, moins de disponibilité, choix de procureurs dont les agendas sont surchargés, etc.

L'amendement proposé n'aura pas pour effet de rendre l'arbitre et les procureurs plus disponibles. Il n'aura pas pour effet non plus de changer les comportements des parties qui, très souvent, sont les seules responsables de la longueur des délais: accord tacite pour ne pas procéder rapidement, mesures dilatoires par l'une ou l'autre des parties, nombre élevé de questions soumises au conseil d'arbitrage, préparation inadéquate ou tardive de la preuve à offrir, longueur de la preuve, etc. En matière de délai, il n'y a pas de vertu inhérente au fait que le tribunal n'est composé que d'une seule personne. Il suffit de s'adresser à certains tribunaux pour s'en rendre compte. En résumé, nous estimons qu'il n'y a aucune commune mesure entre les inconvénients majeurs qui résulteraient du changement proposé et l'avantage très marginal qui pourrait en découler sur l'accélération du processus. (23 heures)

Les notes explicatives mettent à cet égard sur un même pied l'arbitrage des différends et l'arbitrage des griefs. Ce sont pourtant des régimes complètement différents obéissant à des règles et à des traditions qui ne sont pas du tout les mêmes. En matière de grief, l'arbitre ne fait qu'interpréter la convention collective. Il ne fait que dire le droit et, à ce titre, la présence des parties au sein du tribunal n'est pas plus requise qu'elle ne l'est au sein des autres tribunaux judiciaires ou quasi judiciaires, sauf à de rares exceptions. Le conseil d'arbitrage des différends, par contre, crée des droits et impose des obligations. Son rôle est celui d'un législateur et, comme tout organisme qui légifère, il nous apparaît impérieux qu'il puisse compter en son sein des représentants de ceux à qui cette législation s'appliquera. Il nous semble que ce principe fondamental dans toute société démocratique doit continuer de s'appliquer en partie dans le cadre d'un régime qui restreint déjà considérablement les droits d'un groupe particulier de citoyens. Nous demandons donc, à l'instar de ce qui existe ailleurs au Canada, que la composition du conseil d'arbitrage de différends ne soit pas modifiée.

Les facteurs dont l'arbitre peut tenir compte. L'article 35 du projet propose d'incorporer à l'article 79 du code un certain nombre de facteurs dont l'arbitre peut tenir compte pour rendre sa sentence. Bien qu'une partie de ce nouveau texte ait été emprunté a l'article 93.6 du code, nous nous interrogeons sérieusement sur la raison d'être de l'amendement. Jusqu'ici, ce texte ne s'appliquait que dans le cas d'une première convention collective et nous avions toujours compris qu'il avait alors pour but de rassurer les employeurs qui craignaient d'être défavorisés par rapport à leurs compétiteurs. Le "déménagement" de cette disposition dans la section I la rend maintenant applicable dans tous les cas d'arbitrage de différends. Le législateur n'étant pas censé parler pour ne rien dire, nous devons en conclure que la démarche vise à modifier les règles du jeu chez les pompiers et les policiers. Cette conclusion s'impose d'autant plus facilement qu'on a pris le soin d'ajouter un facteur additionnel, soit celui des conditions de travail applicables aux autres salariés de l'entreprise.

Cet article a de toute évidence pour but de fournir aux municipalités un argument de plus pour tenter de convaincre les arbitres de décréter chez les pompiers et les policiers les mêmes conditions de travail que celles applicables aux autres employés de la municipalité, alors que les conseils d'arbitrage de différends ont à peu près toujours considéré qu'il fallait plutôt établir les conditions de travail d'un groupe de salariés en fonction de celles prévalant chez les groupes de salariés exerçant les mêmes fonctions. On a donc comparé des pompiers avec des pompiers, des policiers avec des policiers et non pas avec des électriciens, des opérateurs, des secrétaires ou des comptables. Il n'existe aucune raison valable à nos yeux pour que les législateurs tentent aussi subrepticement de modifier la jurisprudence arbitrale sur une question aussi importante.

D'autre part, nous voyons mal l'utilité d'une disposition qui se veut habilitante mais qui laisse de c5té d'autres facteurs importants comme celui de la comparaison avec des groupes similaires, celui de l'évolution des prix à la consommation, du rattrapage salarial qui peut être nécessaire, etc. Les interrogations que soulève cette disposition et les ambigu'ités qu'elle comporte rendent nécessaire son élimination du Code du travail. L'équité et la bonne conscience qui sont imposées au conseil d'arbitrage par le même article 79 sont

suffisamment larges pour permettre à celui-ci de tenir compte de tous les facteurs pertinents et de toutes les circonstances sans qu'il soit nécessaire de se lancer dans une énumération incomplète et inappropriée.

Le secret du délibéré. L'article 38 du projet veut modifier l'article 82 du code de façon à prévoir pour les membres du conseil d'arbitrage l'obligation de garder le secret du délibéré jusqu'à la date de la sentence. C'est une extension de la règle qui est imposée depuis 1977 aux membres d'un tribunal d'arbitrage de griefs. L'amendement de 1977 était justifié dans une large mesure, mais celui proposé cette année est tout à fait inacceptable et va même carrément à l'encontre de la philosophie fondamentale de l'arbitrage d'un différend. Comme nous l'avons mentionné précédemment, le conseil d'arbitrage de différends est un législateur et les représentants des parties qui y siègent se doivent, s'ils veulent remplir adéquatement leur mandat, de demeurer en contact étroit avec la partie qu'ils représentent pour la conseiller ou lui demander des instructions. Comment pouvons-nous concilier le secret du délibéré avec cette caractéristique importante du régime qui en fait un prolongement de la négociation entre les parties?

Si un tel amendement est adopté, il en résultera inévitablement une détérioration sérieuse de l'efficacité du régime ou une violation systématique de l'obligation imposée, non seulement parce qu'elle est fondamentalement contraire à la réalité vécue, mais parce qu'elle est incompatible avec la nature même de la tâche confiée aux membres du conseil d'arbitrage.

Notre expérience est que la communication entre la partie et son représentant a largement contribué au bon fonctionnement du système. Si, de façon occasionnelle, cette communication a pu provoquer des résultats moins heureux, cela est certainement attribuable aux personnes concernées et non pas au phénomène de la communication comme tel. Il n'y a pas de lieu de modifier un régime parce que quelques personnes en quelques rares occasions ont pu mal s'en servir.

L'amendement de la sentence arbitrale par les parties. L'amendement apporté à l'article 93.8 du code par l'article 52 du projet risque de soulever de sérieuses questions quant aux pouvoirs des parties de modifier le contenu de la sentence arbitrale dans le cas où il ne s'agit pas de l'arbitrage de la première convention collective. Pour éviter toute ambiguïté, nous proposons d'abroger l'article 93.8 du code et de transporter aux articles 92 ou 93 le texte reconnaissant aux parties le droit de modifier la sentence arbitrale. La disposition s'appliquera alors dans tous les cas d'arbitrage de différends. L'article 93 précise déjà que la sentence a l'effet d'une convention collective signée par les parties. Il est donc normal que, dans tous les cas, celles-ci puissent amender la sentence comme elles peuvent le faire dans le cas d'une convention collective.

La sentence comportant un effet rétroactif. L'article 59 du projet propose d'abroger l'article 99 du code. Nous nous en réjouissons et nous invitons le législateur à persister dans cette bonne voie. Toutefois, l'abrogation pure et simple de l'article 99 comporte l'inconvénient de faire disparaître du code la confirmation du pouvoir d'un conseil d'arbitrage de rendre une sentence comportant un effet rétroactif.

Étant donné que la notion de rétroactivité soulève toujours des questions complexes et étant donné certaines expériences vécues dans le cas de l'arbitrage d'une première convention collective, nous demandons que soit formellement reconnu dans le code le pouvoir d'un conseil d'arbitrage de rendre une décision comportant un effet rétroactif. Une telle précision permettra fort probablement d'éviter un long et douteux débat judiciaire.

D'autre part, certaines questions ont déjà été soulevées au sujet de la rétroactivité d'une sentence arbitrale en regard de la durée maximale de deux ans prévue à l'article 92 du code. Afin d'éviter d'inutiles débats, nous proposons de préciser au texte de l'article 92 que la période d'application rétroactive est nécessairement comprise dans la durée d'une sentence arbitrale.

Finalement, soulignons en passant qu'il serait opportun de prévoir en même temps qu'une sentence peut lier les parties pour plus de deux ans pourvu que celles-ci soient d'accord. Compte tenu des remarques qui précèdent et de l'article 65 du code, nousproposons que l'article 92 soit remplacé par le suivant: La sentence lie les parties, pour une durée d'au moins un an et d'au plus deux ans. Toutefois, sur accord des parties le conseil d'arbitrage peut rendre une sentence dont la période d'application excède deux ans sans toutefois dépasser trois ans.

Aux fins du paragraphe précédent, on doit tenir compte de toute période d'application rétroactive de la sentence ou de l'une de ses dispositions.

La partie II: Les autres amendements qui devraient être apportés au régime de l'arbitrage des différends. Compte tenu des propos tenus par le ministre du Travail lors du dépôt du projet de loi, en ce sens qu'une réforme en profondeur du Code du travail sera entreprise à l'automne, nous nous limiterons ici à traiter d'un seul sujet à cause de l'urgence d'apporter un amendement au code.

Il s'agit du pouvoir des parties et, par extension, du conseil d'arbitrage d'établir des

dispositions sur les régimes de retraite et d'assurances. Le gouvernement est pleinement conscient du problème puisqu'il avait proposé les correctifs nécessaires dans l'avant-projet de loi soumis à l'étude du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. On peut toutefois le résumer en quelques mots. Alors que pour l'ensemble des travailleurs, des conditions de travail aussi fondamentales que les régimes de retraite et d'assurances sont négociables au même titre que les autres, la situation est pour le moins confuse en ce qui concerne les employés municipaux et plus particulièrement les pompiers et les policiers.

À la suite d'une vigoureuse contestation de la part des municipalités, plusieurs conseils d'arbitrage de différends ont statué qu'ils n'avaient pas le pouvoir de rendre une sentence comportant des dispositions relatives aux régimes de retraite et d'assurances. La question est encore pendante devant les tribunaux, bien que la Cour supérieure ait reconnu l'"arbitrabilité" de ces questions et que la Cour suprême du Canada ait fait de même sous l'empire de la législation d'une autre province. Il est urgent que législateur reconnaisse clairement et une fois pour toutes aux pompiers et aux policiers, de même qu'aux autres employés municipaux, des droits égaux à ceux qui sont conférés aux autres travailleurs quant à ces deux questions.

Nous demandons donc instamment que le projet de loi 17 soit complété de façon à prévoir qu'une convention collective et une sentence arbitrale puissent contenir des dispositions relatives à des conditions de travail qui peuvent être établies par un règlement d'une corporation municipale ou d'une régie intermunicipale.

Conclusion: Avant de terminer, nous voulons nous assurer que les positions prises par la FPPQ ne seront pas considérées comme étant l'expression d'une satisfaction complète et totale à l'endroit du régime d'arbitrage des différends. Il comporte un certain nombre de faiblesses et de lacunes auxquelles il faudra s'attaquer lors de la réforme annoncée du Code du travail. Nous avons voulu surtout empêcher par notre intervention que le régime ne se détériore davantage ou perde certains de ses aspects positifs.

Nous vous remercions, messieurs les membres de la commission.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Morin:. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. Morin:, je m'excuse d'être arrivé en retard, au début de votre exposé. Je me suis permis d'essayer de me rattraper par la lecture et en vous écoutant d'une autre oreille. Je dois vous dire que votre exposé est absolument limpide, clair. Je ne vous dis pas qu'on est entièrement d'accord avec tout ce que vous dites. Je pense que vos demandes et votre façon de vous adresser à la commission sont extrêmement claires et nous verrons dans quelle mesure nous pouvons en tenir compte. Je n'ai même pas de questions à l'égard ni des motifs, ni des raisons ou même de l'articulation. C'est un texte qui parle par lui-même. Je pense que vous l'avez démontré. À cet égard, je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Rapidement, j'opine dans le même sens que le ministre. Le texte est assez clair. J'aurais peut-être une question d'opinion. À la page 10 de votre mémoire, vous parlez des facteurs dont l'arbitre peut tenir compte. J'ai senti, des interventions de l'Union des municipalités ainsi que de l'Union des municipalités régionales de comté, que ces parties voulaient que ce soient des facteurs dont l'arbitre "doit" tenir compte. Le gouvernement a tranché en disant: "peut" tenir compte.

Suivant votre expérience, les salaires versés ou les conditions de travail quant à la rémunération totale, globale versée aux pompiers dans les milieux où ils oeuvrent se comparent de quelle façon - parce que c'est un service à la population quand même -avec le salaire moyen des gens qui paient ce salaire? J'ai vu vos comparaisons. Vous dites que vous ne voulez pas être comparés avec des salaires de secrétaires, mais, lorsqu'on parle de salaire moyen, on prend les plus haut rémunérés, les plus bas et on fait une moyenne. C'est un service public qu'on s'offre, c'est même un service essentiel. Vous avez des risques dans le travail que vous accomplissez qu'on ne retrouve pas et qui se doivent d'être rémunérés dans d'autres travaux. Selon vous, comment cela se compare-t-il?

M. Morin: (Alfred): D'accord. Dans la pratique et si on regarde la jurisprudence qui est établie en forme de tribunal d'arbitrage, les conseils ont toujours retenu les unités comparables: les villes de même grosseur, de même dimension, pour un même travail exercé dans une ville ou dans une autre et, à l'occasion, on peut prendre une région économique. On appelle cela des capitales régionales dans bien des cas - je prends Sherbrooke comme exemple, Trois-Rivières ou d'autres endroits; Québec pourrait peut-être devenir... - sans nécessairement qu'il y ait d'autres corps de métiers ou de fonction de pompier dans l'arrondissement immédiat.

Habituellement, on compare toujours des municipalités de même ordre, de même grandeur. C'est à peu près là-dessus que la jurisprudence se base et cela a toujours donné des résultats fort intéressants au point

de vue pratique. Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas des décisions qu'on n'a pas mises à l'écart. On a cherché une moyenne globale aussi; je prends, entre autres, la région métropolitaine. Bien souvent, on va prendre le West Island - c'est un exemple - pour faire une espèce de pondération ou une moyenne des salaires payés dans ce secteur. C'est la pratique actuellement qui, pour nous, est satisfaisante. Elle répond à des critères satisfaisants.

C'est sûr qu'on parle de l'équité et de la bonne conscience, mais les arbitres sont tenus de le faire. Maintenant, de là à être obligé d'être comparé avec ce que les collets blancs ont accepté, on n'est pas d'accord avec cela.

M. Paradis: D'accord. La comparaison avec les autres employés municipaux, c'est le critère qui vous inquiète le plus?

M. Morin: (Alfred): On ne voit pas de dispositions autres que... Actuellement, dans la loi, le mécanisme est prévu dans l'équité et la bonne conscience. Est-ce qu'on l'utilise de façon satisfaisante? C'est sûr que, pour la partie perdante, les critères ne sont pas acceptables, mais la partie qui, elle, reçoit sera satisfaite des décisions.

Je dis qu'actuellement cela est un critère. Ce n'est pas nécessairement le seul critère. Il peut aussi y avoir des comparaisons qui peuvent être faites avec d'autres provinces, avec, encore la, des municipalités d'un ordre aussi important. Mais je pense que ce qu'il est important de retenir dans l'ensemble, c'est que les arbitres ont cette possibilité et aussi l'expérience. C'est pour cela qu'on en parlait, les arbitres sont recherchés pour leur expérience; ils arrivent à déterminer et à donner des décisions qui semblent justes. (23 h 15)

M. Paradis: Revenons au texte de l'article 35 qui parle de l'article 79 où on dit: Pour rendre sa sentence, l'arbitre peut tenir compte, entre autres, des conditions de travail qui prévalent dans des entreprises semblables - on aura peut-être des difficultés avec les pompiers - ou dans des circonstances similaires ainsi que des conditions du travail applicables aux autres salariés de l'entreprise." La disposition qui vous inquiète le plus est celle qui dit "aux autres salariés de l'entreprise", dans votre cas?

Le Président (M. Blouin): C'est cela? M. Morin: (Alfred): Oui.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Cela va? M. le député de Prévost.

M. Dean: M. le Président, M. Morin, moi aussi, j'avais une série de questions au début, mais, en lisant votre mémoire, j'ai presque toutes les réponses que je cherche, sauf peut-être une information. Avez-vous des statistiques qui indiquent dans combien de cas, chez les pompiers, il y a règlement de la convention collective par négociation et sans arbitrage?

M. Morin: (Alfred): Je n'ai pas de statistiques avec moi, mais je peux vous dire que, dans les années 1981, 1982 et 1983, selon ma mémoire, je pense que 2 sections sur 34 sont allées en arbitrage. J'exclus 1983, je parle de 1981 et 1982. Il y a eu une multitude de règlements qui ont été faits pour trois ans en 1980, 1981 et 1982, avec des dispositions qu'on pourrait appeler des clauses d'indexation. Ces règlements ont amené un très grand nombre de règlements. L'arbitrage des différends, il y en a eu un dans la ville de Hampstead en 1982, à ma connaissance. Cela a été fort important. Je dois vous dire que, pour l'année 1983, ce n'est pas de même augure.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Cela va.

M. Morin: (Alfred): À Anjou, cela fait depuis 1979.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je voudrais seulement avoir une information d'ordre général. La Fédération des pompiers professionnels du Québec aide - comme vous le dites dans le texte - les différentes associations dans différentes localités à travers la province, j'imagine. Pourriez-vous me dire si les tâches remplies par les pompiers de différentes municipalités - elles sont identiques en partie peuvent différer considérablement ou seulement partiellement? Est-ce que certains pompiers dans certaines localités sont appelés à remplir d'autres tâches, comme le contrôle des foules, ou si on s'entend sur une tâche qui serait à 99,9% identique dans presque toutes les localités du Québec?

M. Morin (Alfred): D'accord. À 99,9%, le travail est identique, à quelques exceptions près. C'est un phénomène nouveau qui est apparu chez les pompiers, récemment, dans trois municipalités: de plus en plus, on s'implique dans le système paramedic. D'accord? Je pense entre autres aux villes de Westmount, Pointe-Claire et Dollard-des-Ormeaux où on a commencé à former le personnel et où un service nouveau est offert à la population.

Dans les autres municipalités, le travail est parfaitement identique. C'est le même travail, les mêmes sommes, c'est la même

chose, mais avec une différence du nombre de personnes permanentes. Il y a une multitude de municipalités qui vont utiliser ce qu'on appelle un corps composé, c'est un groupe de pompiers permanents avec un groupe de pompiers à temps partiel, mais, dans la majorité des villes de l'agglomération de Montréal, le travail ne se limite qu'à faire de la prévention d'incendie, du combat d'incendies, de l'extinction.

M. Fortier: ...certaine évolution de ce côté. Ce que vous dites, c'est l'état de fait. Est-ce qu'il y a des demandes de la partie patronale dans le sens de modifier ou de faire faire de nouvelles tâches? Ce que je voulais savoir, c'est s'il y a une tendance dans les demandes, étant donné que c'est considéré comme étant un fardeau financier, à développer cette fonction dans d'autres domaines.

M. Morin: (Alfred): Oui. Actuellement, on fait face à un assaut de la part de la partie patronale dans le sens de faire des pompiers des patrouilleurs, des personnes qui pourraient donner des contraventions ou faire respecter des règlements municipaux; c'est ce qu'on appelle un peu une police parallèle. Il est bien sûr qu'on s'oppose à ce genre de travail. On ne croit pas que le métier qu'on exerce nous donne l'habileté et la compétence de devenir patrouilleur. En plus, si on est sur la route, à l'extérieur, à faire des vérifications qui n'entrent pas dans nos fonctions, cela risque fort de compromettre l'efficacité du service.

M. Fortier: Je vous remercie. Cela répond à ma question.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Morin:. Sur ce, je remercie les représentants de la Fédération des pompiers professionnels du Québec de leur intervention.

J'invite maintenant la Fédération des policiers du Québec à prendre place à la table des invités.

M. Johnson (Anjou): Merci, M. Morin:. Merci à vos collègues.

M. Nadon: M. le Président et MM. les membres de la commission, je réitère ma demande de tantôt. Il reste à peine 40 minutes pour nous entendre et je dois vous dire tout simplement que les amendements proposés, ce n'est pas nous qui les avons demandés; alors, je pense qu'il serait tout à fait équitable que vous nous donniez la possibilité quand même de donner toutes les explications aux questions que vous auriez aimé nous poser, mais, faute de temps, évidemment...

Le Président (M. Blouin): Nous avons un ordre de l'Assemblée nationale pour siéger jusqu'à 24 heures ce soir. Il reste 40 minutes sur le temps que nous avions à notre disposition aujourd'hui. Je vous signale que vous avez amplement le temps de présenter votre mémoire et de recevoir même un certain nombre de questions de la part des intervenants de la commission. Je peux vous assurer déjà que, si les membres n'ont pas entièrement terminé de soulever les préoccupations qu'ils souhaitent soulever avec votre organisme, nous poursuivrons jeudi. Vous aurez tout le temps nécessaire pour vider la question. À cet égard, je crois que ce traitement est parfaitement équitable. En conséquence, je vous demande de présenter les gens qui vous accompagnent et de procéder à la présentation de votre mémoire.

Fédération des policiers du Québec

M. Nadon: M. le Président, nous nous plions aux exigences et au désir de la commission. Mon nom est André Nadon, président de la Fédération des policiers du Québec. J'ai le plaisir de vous présenter, à ma droite immédiate, M. Guy Marcil, directeur exécutif de la fédération, et Me Guy Bélanger, procureur, qui est à l'emploi de la fédération. Sans plus tarder, nous allons commencer à faire l'exposé de notre mémoire. M. le Président, nous tenons à vous remercier de la possibilité que vous nous donnez d'exprimer notre position sur le projet de loi 17 modifiant le Code du travail.

La Fédération des policiers du Québec est un organisme syndical représentant les policiers municipaux du Québec, à l'exception de ceux de la Communauté urbaine de Montréal, et regroupant quelque 4000 membres. Compte tenu du peu de temps dont nous disposions entre le dépôt du projet de loi et les auditions de la commission parlementaire, et pour répondre également à une demande qui nous a été faite, le présent mémoire ne constitue qu'un bref exposé de la position de la fédération vis-à-vis des amendements proposés dans le projet de loi 17, et plus spécifiquement à l'égard de ceux touchant les dispositions particulières du Code du travail affectant les policiers et les pompiers.

Arbitrage de différends. Comment le gouvernement en est-il venu à vouloir modifier le régime des relations du travail actuel nous régissant depuis une trentaine d'années qui, malgré les imperfections de tout le système, a su donner au cours des années des résultats acceptables? Ce n'est certes pas notre intention de glorifier le système actuel, qui n'est sûrement pas la panacée à tous nos maux, mais nous allons toutefois réagir vigoureusement devant la

possibilité d'une détérioration de l'équilibre des rapports entre les parties et qui aurait pour effet de nous défavoriser.

Ce n'est pas nous qui avons demandé ce qui est contenu dans le projet de loi. Les policiers ont appris à vivre avec le système actuel, à présenter devant les conseils d'arbitrage la meilleure preuve à l'intérieur de dossiers bien étoffés et à accepter les bonnes et les mauvaises décisions. Dans le cas où nous n'obtenions pas satisfaction, nous nous reprenions a l'expiration de la convention collective dans l'espoir d'obtenir un meilleur règlement.

Ce sont les municipalités qui, depuis un an environ, sont constamment aux abois devant chaque sentence arbitrale qui dépasse la norme arbitraire et aléatoire des 6% et 5%, énoncée en août 1982 par le gouvernement fédéral. Même du temps de la défunte loi 64 sur le contrôle des prix et des salaires, les augmentations de traitements pouvaient excéder largement les normes lorsqu'on réussissait à démontrer un lien historique. Pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui alors que la norme des 6% et 5% n'est tout au plus qu'une politique gouvernementale et non une loi?

Donc, les municipalités ont entrepris une offensive, pour ne pas dire une guérilla sans précédent, à l'endroit des tribunaux d'arbitrage, attaquant d'une manière inqualifiable les décisions rendues en équité et bonne conscience par les conseils d'arbitrage.

L'Union des municipalités du Québec a tellement nourri auprès de la population, par l'entremise des médias, une propagande délirante et "distorsionnée" de la situation que plusieurs s'interrogeaient, y compris le premier ministre, sur la crédibilité des conseils d'arbitrage.

Et toutes les attaques étaient permises, même celle du président de l'UMQ, M. Dufour, maire de Jonquière, où il déclarait dans le journal La Presse du 11 décembre 1982, annexe 1, voir une certaine collusion entre les présidents de tribunaux d'arbitrage et le gouvernement pour accorder aux policiers de bonnes sentences arbitrales, en prétendant honteusement, par des insinuations malveillantes, qu'il fallait bien traiter les policiers, si on voulait compter sur eux à l'approche des grèves appréhendées dans le secteur public. Les municipalités ont, en plus, multiplié leurs pèlerinages à Québec, en exerçant auprès des différents ministres un lobbying soutenu où elles étaient d'ailleurs considérées comme des partenaires privilégiées alors qu'en ce qui nous concerne, on ne nous a pas consultés. La fédération avait cependant cru à une plus grande circonspection du gouvernement face aux revendications des municipalités. Le gouvernement, par son projet de loi 17, donne l'impression d'avoir cédé aux larmoiements opportunistes des municipalités, lesquelles ont exploité abusivement la psychose collective de la population en rapport avec le contexte économique. À l'instar du gouvernement qui réglait les conditions de travail de ses employés par décret, elles brûlaient d'envie et ont profité d'un "timing" exceptionnel pour vouloir changer les règles du jeu. Le système actuel d'arbitrage n'établit aucun pattern et il ne fait que suivre l'évolution des conditions de travail des policiers appartenant aux deux plus importants corps de police au Québec qui sont la Sûreté du Québec et la Communauté urbaine de Montréal, en diminuant, mais tout en maintenant, des disparités salariales encore substantielles dans certains cas avec d'autres corps policiers que nous représentons. Nous l'avons déjà dit publiquement, à plusieurs reprises, et nous le réitérons, qu'à travail, formation, critères d'embauche égaux, salaires égaux. Pourquoi en serait-il différent? Nous citons ci-après un extrait du rapport Saulnier dont je vais vous faire grâce, qui endosse, en fait, notre prétention.

Donc, ce n'est pas le système d'arbitrage qui révolutionne les tendances au niveau de nos conditions de travail, mais plutôt le gouvernement, en fixant la rémunération de ses propres policiers. Il en est ainsi pour les policiers de la Communauté urbaine de Montréal qui ont, depuis 1969, renoncé au recours à l'arbitrage.

Comme nous le mentionnions un peu plus haut, l'arbitrage de différends a surtout eu pour effet d'amenuiser les écarts avec les deux grands corps policiers en province. Bref, consentir une certaine forme de rattrapage, voilà tout au plus les effets bénéfiques du système.

En ce qui concerne le fonds de retraite, je tiens à vous dire qu'il n'y a aucune commune mesure entre les avantages prévus aux régimes de caisse de retraite des policiers de la Sûreté du Québec et ceux des municipalités, à l'exclusion de ceux de la Communauté urbaine de Montréal.

La majorité des policiers municipaux que nous représentons n'ont pas ou ont très peu de conditions relatives aux régimes d'avantages sociaux. Et ici, j'aimerais tout simplement ouvrir une parenthèse où à un certain moment, à la suite de décisions arbitrales qui avaient été rendues alors que les tribunaux avaient déclaré ne pas avoir juridiction pour se prononcer là-dessus, étant donné qu'il s'agissait de règlements municipaux et qu'à ce moment-là, se prononcer sur la question des fonds de pension aurait eu pour effet d'excéder leur juridiction...

On avait remis - moi, à titre de président des policiers de Laval à l'époque, je pense que c'était en 1978 - lors de l'ouverture de la Cité de la santé à Laval,

un mémoire, c'est-à-dire un document, au premier ministre alors qu'il s'apprêtait à inaugurer la Cité de la santé pour qu'il jette éventuellement un coup d'oeil là-dessus pour essayer de nous sortir de ce genre de bourbier juridique qui faisait que nous ne pouvions, à ce moment, négocier ce qui constitue sûrement notre principale condition de travail qui est le fonds de retraite.

Nous n'en avons pas entendu parler par la suite. Nous avons évidemment fait des démarches aussi auprès du ministre de la Justice, auprès d'autres organismes pour qu'il y ait éventuellement des amendements, qu'il y ait des provisions à l'intérieur de la loi qui puissent nous permettre effectivement de négocier le fonds de retraite. On ne retrouve rien de cela, évidemment, dans le projet de loi 17. Ce qu'on retrouve surtout, évidemment, ce sont les revendications de l'Union des municipalités du Québec. (23 h 30)

On avait même demandé, à différentes occasions, pour les policiers qui n'ont pas de fonds de retraite ou qui ont des conditions très défavorables à ce niveau, d'instituer une caisse provinciale du genre RREGOP, laquelle est accordée à la majorité des employés du secteur public et sur laquelle, encore là, à l'Union des municipalités, à un moment donné, au niveau d'une table de concertation, on s'était mis d'accord. Par la suite, il y a eu volte-face par rapport à sa position originale. Je dis que ces mêmes conseils d'arbitrage qui font aujourd'hui l'objet d'agressions impensables des municipalités ont depuis décliné toute juridiction se rapportant à ces conditions de travail.

Nous aurions cependant souhaité que le gouvernement profite de l'occasion qui lui était offerte, par le dépôt du projet de loi, pour corriger cette inéquité rendant descriminatoire la situation faite aux policiers et aux pompiers par rapport aux autres travailleurs et que lui recommandait, d'ailleurs, le groupe de travail sur l'arbitrage des différends chez les policiers et les pompiers. En fait, vous avez la conclusion. C'est un groupe de travail qui avait été présidé par le Me Viateur Larouche et c'est en décembre 1980 qu'on faisait paraître le rapport.

D'ailleurs, dans son avant-projet de loi, le ministre avait pourtant souscrit à cette recommandation. À la page 26, on y lit: L'article 62 de ce code est modifié par l'addition de l'alinéa suivant: "Elle peut également contenir une disposition relative à des conditions de travail qui peuvent être établies par un règlement d'une corporation municipale ou d'une régie intermunicipale." Le gouvernement ne pouvait non plus être taxé d'incursion dans le pouvoir de réglementation des municipalités puisque, d'une part, la Cour supérieure, en novembre 1981, s'est déjà prononcée à ce sujet dans la cause de la Fraternité des policiers de Laval contre la ville de Laval. D'autre part, récemment, la Cour suprême du Canada, dans la cause de Durham Regional Police Association contre... Aidés par une telle jurisprudence, nous ne doutons pas, évidemment, d'obtenir gain de cause à la Cour d'appel du Québec et, si nécessaire, à la Cour suprême du Canada. Mais pourquoi retarder, par des procédures dilatoires, la reconnaissance d'un droit fondamental, alors que le gouvernement a tous les éléments juridiques et politiques pour finalement agir.

Au niveau de la Cour d'appel, la cause va probablement être entendue cet automne et, à ce moment-là, on peut prévoir des délais. Si la municipalité de Laval décide de poursuivre la cause jusqu'en Cour suprême, on peut prévoir un autre délai de deux à trois ans. Pendant tout ce temps-là, évidemment, ce sont des économies réalisées sur le dos des policiers.

On va parler des coûts de la police. Depuis quelques années, il s'est dit beaucoup de chose sur les coûts de la police au Québec. La raison pour laquelle nous abordons cette question, c'est qu'il est bien évident que celle-ci est à l'origine des amendements proposés. Il faudrait bien, un jour, qu'un débat entourant cette question ait lieu, du moins en ce qui regarde toutes les municipalités du Québec maintenant un corps policier, exception faite de la Sûreté du Québec et la Communauté urbaine de Montréal. Ce débat pourrait se faire dans le cadre d'un mini-sommet sur la police, ce qui permettrait à la population de juger la valeur des arguments lancés à gauche et à droite et galvaudés par les municipalités.

On pourrait y apprendre certains faits, par exemple, qu'il y a 1 600 000 Québécois qui ne paient pas de taxes municipales pour la police, étant desservis gratuitement par la Sûreté du Québec et qui se traduit par une répartition très inéquitable du fardeau fiscal de l'ensemble des Québécois. Donc, si chaque Québécois payait sa quote-part, il en résulterait sûrement une réduction des coûts pour les contribuables des municipalités qui ont un corps policier.

On y apprendrait, aussi, que, dans plusieurs de nos municipalités, le policier municipal a pour fonction, en plus de faire respecter les lois fédérales et provinciales et les règlements municipaux, d'agir également comme pompier. Ce dédoublement de fonction chez un policier est quasiment unique au monde à l'exception d'une ville que nous connaissons et qui est située en banlieue de Victoria, la petite ville d'Esquimalt, où les policiers sont les mieux rémunérés en Colombie britannique en raison d'une surprime de 7% qui s'ajoute à leur salaire pour tenir compte de cette tâche additionnelle.

Que le pourcentage du budget des

municipalités affecté à la police n'a progressé, au cours des sept dernières années, que de 0,59%, de 11,16% qu'il était en 1976 à 11,75% pour l'année 1982, que le coût de revient par policier municipal, excluant la CUM, en 1982, est de 8146 $ inférieur à celui d'un agent de la SQ et de 5143 $ à celui du policier de la CUM.

Il est à signaler néanmoins que le système d'arbitrage actuel n'a jamais influencé les salaires des policiers de la SQ et de la CUM et, ironiquement, c'est à l'endroit de ceux qui sont les parents pauvres de la profession que l'on veut remettre en cause le système. Pour mieux illustrer cet énoncé, nous avons préparé un tableau - le numéro 2 - sur la progression des salaires des 150 services de policiers municipaux comparativement à celle des policiers de la SQ et de la CUM et, de façon plus spécifique, nous avons établi sur la même base de comparaison l'évolution des salaires des policiers des Basses-Laurentides. Les maires de cette région se sont concertés pour lancer à l'égard du système leurs attaques les plus virulentes et vous comprendrez pourquoi nous avons trouvé intéressante la confection d'une étude particulière pour cette région. Le tableau numéro 2, intitulé: Progression des salaires, démontre l'évolution salariale chez les policiers de la Sûreté du Québec, de la Communauté urbaine de Montréal et des 150 services de policiers municipaux.

L'augmentation des salaires des policiers de la CUM au cours des sept dernières années a presque été le reflet exact de l'augmentation du coût de la vie pour la même période. En effet, l'enrichissement collectif n'a été, pour cette période, que de 2,92%. Il serait bon de souligner que l'augmentation de 1977 pour les policiers de la CUM n'a été que de 2,06% inférieur au coût de la vie, la Fraternité de la CUM préférant à ce moment-là aller chercher des améliorations au niveau du fonds de retraite.

L'évolution des salaires de la Sûreté du Québec s'est effectuée au cours des années par voie de compraison avec différents corps policiers canadiens tels la GRC, l'OPP, Métro Toronto et la CUM. À cet effet, on peut d'ailleurs noter, à l'aide du tableau, la fluctuation des augmentations salariales par rapport aux policiers de la CUM avec qui ils obtiendront une parité salariale à compter de 1980.

Les policiers de la Sûreté du Québec n'ont jamais, au cours des quinze dernières années, soit depuis leur reconnaissance syndicale, eu recours à un tribunal quelconque dans la fixation de leurs salaires. Quant à la progression des salaires des 150 corps policiers municipaux du Québec, le tableau démontre que l'écart de 1976, qui était de 63 $, s'est accentué avec la Sûreté du Québec, pour passer à 71 $ en 1982, alors que la différence avec la CUM régressait: de 75 $ qu'elle était en 1976, elle passait à 71 $ en 1982. Durant cette période, les policiers se sont adressés, à plus de 200 reprises, aux tribunaux d'arbitrage de différends pour la fixation de leurs salaires. On peut certainement conclure, quand on constate au tableau l'écart salarial qui s'est maintenu au cours des années, que ces tribunaux n'ont d'aucune façon établi des patterns salariaux et que l'attaque de l'UMQ était injustifiée à l'endroit de ces conseils.

Dans la région des Basses-Laurentides, nous remarquons, malgré les 23 arbitrages qui ont déterminé les conditions de salaire et de travail de ces policiers, que l'écart a rétréci de quelques dollars avec les policiers de la Sûreté du Québec et de 16 $ avec ceux de la CUM.

Le tableau numéro 3 démontre que l'attaque de l'UMQ et des maires des Basses-Laurentides était injustifiée à l'endroit du système d'arbitrage et que seuls des impératifs à rentabilité électorale pouvaient expliquer l'intensité de leurs critiques sur la place publique. Ce qui est regrettable, c'est qu'ils ont réussi à créer des doutes à l'endroit du système et à jeter le discrédit sur les personnes qui ont eu à agir à titre de présidents des tribunaux d'arbitrage.

Nous pourrions poursuivre cette dialectique encore un bon moment pour vous indiquer que toute la question est essentiellement économique et que l'Union des municipalités du Québec, avant de recourir à des arguments de cet ordre pour lancer des pierres à l'endroit des conseils d'arbitrage, devrait plutôt s'assurer qu'elle n'habite pas une maison de verre.

Il ne faut quand même pas prendre les présidents pour des imbéciles, incapables d'agir à l'intérieur de la notion d'équité et de bonne conscience. Pensé différemment, il faudrait peut-être prévoir des balises au sujet de l'arbitrage de griefs, car ce sont bien souvent les mêmes personnes qui agissent en qualité d'arbitres de griefs et, si leurs décisions sont farfelues au niveau des différends, pourquoi en serait-il autrement en ce qui concerne les griefs où, parfois, des sommes d'argent considérables peuvent faire l'objet d'un litige?

Nous annexons ci-après une résolution adoptée unanimement, dont je vous fais grâce de la lecture, par 150 délégués à une assemblée générale spéciale de la Fédération des policiers du Québec, tenue le 12 mars 1983, laquelle s'explique d'elle-même et qui traduisait, à l'époque, assez fidèlement la position de la fédération vis-à-vis du régime d'arbitrage de différends.

En conclusion, M. le Président, nous invitons le gouvernement à faire preuve de beaucoup de discernement avant de légiférer défavorablement à l'égard des policiers et

des pompiers. Étant donné que le législateur nous a confinés dans un régime d'exception par rapport aux autres travailleurs, encore faut-il qu'il s'assure en conscience que nous soyons traités avec équité.

Pour l'autre partie du mémoire, nous avons préparé quelques tableaux et je vais laisser le soin à M. Marcil de vous en donner les explications. Pour ce qui est de la deuxième partie qui touche plus particulièrement les aspects techniques des amendements, je vais laisser Me Guy Bélanger vous en faire l'exposé.

M. Marcil (Guy): L'explication a été donnée dans les pages précédentes, mais simplement pour illustrer un peu à l'aide du tableau l'évolution des sommes impliquées dans les services de police - ces sommes sont tirées du rapport annuel de la Commission de police qui est déposé en Chambre par le ministre de la Justice annuellement - on voit qu'en 1972, les sommes investies au niveau des services de police étaient de 17 649 $ pour la Sûreté du Québec et, pour le service de la CUM, de 18 532 $ alors qu'elles étaient de 13 098 $ pour les services de police à l'exclusion de la CUM et de la Sûreté du Québec. On regarde cette évolution des coûts investis chez les policiers. On voit qu'en 1982, les sommes investies à la Sûreté du Québec sont de 55 000 $; à la CUM, elles sont de 52 000 $. On voit que les sommes investies dans les autres corps de police sont d'environ 47 000 $. Évidemment, ces coûts n'ont pas augmenté au niveau des années, en fait, au niveau des pourcentages. L'écart qui existait entre ces différents services de police en 1972 était de 5000 $; on retrouve un écart qui s'est accentué un peu plus en 1982.

Au niveau des budgets en pourcentage, j'ai ici une analyse budgétaire pour l'année 1971-1972 pour les municipalités du Québec. C'est une brochure qui est publiée par le gouvernement. On voit que, même en 1971-1972, le pourcentage affecté au service de police était supérieur à celui qui existe présentement. Sur le tableau qu'on a - et c'est tiré du rapport annuel de la Commission de police - on voit qu'à la CUM les coûts étaient de 15% en 1976; ils ont diminué à 13,99% en 1982. Pour les corps de police desservant une population de 5000 habitants et plus, à l'exclusion de la CUM, ces coûts étaient de 11,16% en 1976 et ils ont augmenté à 11,75%, soit environ 0,50% sur une période de six ans.

Le tableau suivant, c'est peut-être celui où on a dit que le système d'arbitrage avait faussé les règles du jeu. Les salaires au Québec sont déterminés par deux corps de police, soit la CUM et la Sûreté du Québec. On voit tout de même qu'en 1976, le coût de la vie au Canada était de 6,5% alors que les salaires obtenus en pourcentage à la

Sûreté du Québec et à la CUM ont été de 10%. En 1977, on voit que le coût de la vie était de 8,34% alors qu'à la CUM on a accepté - comme on l'a dit dans les pages précédentes - 6,28%, préférant axer une partie de l'augmentation prévue au régime de retraite ce qui, soit dit en passant, n'a été obtenu par aucun service de police au Québec. Si les policiers du Québec ont en fait obtenu à peu près le même pourcentage que la CUM, il reste que ces 2% d'écart que les policiers de la CUM ont mis sur leur fonds de retraite, les autres policiers n'ont jamais pu avoir une majoration de leur fonds de retraite comme celle-là. Si on regarde en 1978-1979, cela a été le coût de la vie, 1980, 1981, 1982. Comme on le disait auparavant, les policiers de la CUM, le dernier arbitrage auquel ils sont allés est en 1969. Ils ne sont jamais retournés en arbitrage. La Sûreté du Québec n'est jamais allée en arbitrage. Cela ne peut pas être le système des arbitres ou de l'arbitrage qui a créé les patterns. (23 h 45)

Quand vous regardez le tableau un peu plus bas, vous voyez la moyenne des salaires des 150 autres corps policiers au Québec qui était de 269 $ en 1976 par rapport à 332 $ et à 344 $, soit un écart de 63 $ par rapport à la Sûreté du Québec et de 75 $... En pourcentage, c'est 23%, 27%. Vous regardez en 1982, l'écart est encore de 71 $. On est allé 200 fois en arbitrage. Comment se fait-il que ce soient les patterns, les négociations qui sont intervenues entre la Sûreté du Québec et le gouvernement... Soit dit en passant, je fais une parenthèse, il faut tout de même reconnaître que les salaires accordés à la Sûreté du Québec ou les conditions de travail n'ont jamais été sur la place publique, que les gouvernements antérieurs n'ont jamais fait de reproches, n'ont jamais fait de commentaires disgracieux à l'endroit des policiers de la Sûreté du Québec. La population a tout de même gardé un respect, alors que, dans notre cas, simplement essayer de garder en dollars absolus... Depuis un an on a eu des commentaires sur les arbitres, sur les policiers, ce qui, au niveau du moral, au niveau de l'implication des policiers parmi la population, a eu un effet très négatif.

Quand vous regardez effectivement en 1976, on avait une différence de 63 $ avec la Sûreté et de 75 $. Cet écart est monté à 71 $ en 1982 avec la CUM aussi. Soit dit en passant, la grande majorité des policiers du Québec ne partent pas avec une pension à 45 ans. Je suis parti de Montréal avec une pension à 45 ans. Après 25 ans de service et à l'âge de 45 ans, je suis parti. La grande majorité des policiers du Québec, c'est 60 ou 65 ans. Vous avez 70 corps policiers qui sont aussi pompiers. Pourquoi l'Union des municipalités, pourquoi les maires ne sont-ils

pas allés sur la place publique pour expliquer ce travail, qui est unique au monde, au lieu de faire de la petite politique sur notre dos et, évidemment, inviter le gouvernement à adopter une loi qui, à notre point de vue, va certainement à l'encontre des droits fondamentaux que le législateur nous a donnés il y a plus de 30 ans.

Le dernier tableau, c'est celui qui a peut-être fait le plus d'éclat. Vous avez même eu, de la part des maires des Basses-Laurentides, des mémoires qui vous ont été présentés. On a regardé cela de 1976 à 1982. Sur une période de six ans, on voit que le salaire, en haut à gauche, à la Sûreté du Québec, était de 332 $ et de 344 $ à la CUM. La moyenne pour toutes les villes des Basses-Laurentides était de 283 $, ce qui laissait un écart de 48 $ par rapport a la Sûreté du Québec et de 61 $ par rapport à la CUM. On se retrouve six ans après, l'écart est de 45 $ par rapport à la Sûreté du Québec et de 45 $ par rapport à la CUM. On est allés là-dessus 20 fois en arbitrage. Ce n'est certainement pas le système d'arbitrage qui nous a permis d'obtenir la parité. N'oubliez pas qu'on n'a pas négocié de régime de retraite depuis quatre ans. La Sûreté du Québec a négocié son régime de retraite il y a environ deux ans avec le gouvernement. Les policiers de la CUM, il y a déjà cinq ans. Je peux vous dire que, dans notre cas, on n'a pas eu cet avantage parce que les tribunaux ont rendu des décisions, à savoir que les fonds de retraite et les assurances ne pouvaient pas... en fait, que les tribunaux d'arbitrage n'avaient pas juridiction d'arbitrer ces conditions de travail.

On a parlé ce matin de Lachute. Je ne sais pas si c'est le député de Brome-Missisquoi qui a posé la question quant à Lachute. Personnellement, au niveau du différend, j'étais arbitre. C'est que la ville de Lachute, effectivement, a pris comme procureur un type qui n'avait aucune expérience dans les relations de travail au niveau du différend. L'arbitre patronal n'avait aucune expérience au niveau des différends, sinon son expérience antérieure à Lachute.

La preuve qui a été soumise au tribunal par la partie patronale, cela a été exactement trois feuilles de papier, alors que la partie syndicale avait soumis une preuve très substantielle - je pourrais vous dire une preuve qui avait peut-être un pied de haut. Quand le tribunal est arrivé pour rendre une décision, lorsqu'il a regardé la preuve de l'employeur par rapport à la preuve du syndicat... Évidemment qu'il y a eu un rattrapage assez marqué dans le cas de Lachute. N'oubliez pas que le type qui représentait la ville de Lachute, en fait, le procureur de la ville de Lachute, était accompagné du chef de police. Il n'y avait pas de membre du conseil, ni le maire, ni la gérance, ni le directeur du personnel. Il faut donner tous les faits quand on dit qu'à Lachute il s'est rendu telle décision. Il faut aussi comprendre que le contexte de l'arbitrage a permis, selon la preuve qui a été fournie par la partie syndicale, le règlement que les policiers de Lachute ont eu et qui, malgré tout, les laisse encore avec un écart d'environ 35 $ à 40 $ par rapport à la CUM.

On a aussi parlé de Saint-Jérôme. Je dois vous dire qu'à Saint-Jérôme autant on a essayé d'avoir la parité avec Laval - dans les Basses-Laurentides, la ville voisine qui est d'importance, c'est la ville de Laval - on ne l'a pas obtenue, car l'écart des Basses-Laurentides par rapport à la ville de Laval est encore de 30 $ et 35 $. Ce qui est remarquable, quand vous avez parlé des cols blancs et des cols bleus, c'est que les cols blancs de Saint-Jérôme gagnent plus cher que les cols blancs de la ville de Laval. Les cols blancs de Saint-Jérôme travaillent 30 heures par semaine en comparaison avec 35 ou 40 heures à Laval, ce qui permet, sur un taux horaire, à un col blanc de Saint-Jérôme d'avoir un salaire supérieur à celui de Laval.

En fait, quant aux explications des tableaux, on pourra peut-être, à la période des questions tantôt, ajouter d'autres commentaires, mais l'explication de ces tableaux termine ma partie.

Le Président (M. Blouin): Merci. Avant de vous inviter à compléter votre intervention initiale, je vous signale qu'il est de tradition que les présentations des mémoires soient résumées, dans la mesure du possible, en une vingtaine de minutes. L'association qui a pris le plus de temps pour expliquer son mémoire a pris 23 minutes aujourd'hui. Vous avez déjà une demi-heure d'entamée et je vous demanderais donc de compléter votre présentation en une dizaine de minutes.

M. Bélanger (Guy): Ce sera suffisant, d'autant plus que je n'ai pas l'intention de lire comme telle la partie 2, mais de vous la résumer.

Pour ce qui est de l'accès à la syndicalisation, évidemment, ce n'est pas un problème qui nous touche plus particulièrement, mais c'est un problème auquel nous sommes quand même assez sensibilisés. Dans les amendements qui sont proposés, nous avons cru comprendre, après avoir entendu les centrales syndicales et après avoir étudié le projet de loi, que ce qui était visé, en fait, c'était d'éliminer les longs délais qui pouvaient être causés par le dépôt de requêtes d'associations dominées. On se demande si on ne transposera pas le problème à un autre niveau, si, par exemple, en voulant éliminer les associations dominées,

on va créer des problèmes au niveau des différentes associations de bonne foi qui pourraient présenter des requêtes, comme cela se fait dans la pratique courante. C'est à se demander si, par exemple, une majorité de travailleurs qui seraient sympathiques à une association qui a présenté sa requête en deuxième lieu, devront attendre que tout le processus soit terminé au niveau de la première requête pour, finalement, faire passer le syndicat de leur choix. On n'insiste pas plus particulièrement là-dessus. On s'en remet plutôt aux centrales qui sont plus concernées.

Pour ce qui est du droit d'association des policiers municipaux, chaque fois ils reviennent à la charge avec cette question. On invoque, cette fois, la Charte des droits et libertés de la personne qui reconnaît, à l'article 3, que le droit d'association est une liberté fondamentale, sans faire d'exception comme telle. On dit, à l'égard des policiers municipaux, que c'est une discrimination que de ne pas leur permettre un droit d'association plein et entier, comme cela existe pour d'autres associations. Si vous considérez sérieusement la question, vous allez voir qu'il n'y a pas de véritable raison pour maintenir une telle discrimination à l'égard des policiers, qu'ils soient de Grand-Mère, de Shawinigan ou de n'importe quelle ville. On parle quand même de 150 associations.

Je ne vois pas pourquoi, par exemple, les policiers municipaux ne pourraient pas regrouper dans leur association les répartiteurs qui prennent les appels au poste de police. En fait, si on parle de l'unité appropriée en matière d'unité de négociation, je pense qu'un commissaire du travail conclurait que les répartiteurs pourraient faire partie de l'unité appropriée qui est celle des policiers. Avec les dispositions actuelles, évidemment, on en est empêché.

Quant au secret professionnel du conciliateur, tel que proposé par l'article 27 du projet de loi, évidemment, ce n'est pas une disposition qui va changer grand-chose, je pense, sauf que nous voulons attirer votre attention sur la notion de tribunal, à savoir que, à notre avis, de la manière que vous l'avez rédigé, cela vise seulement un organisme ou une personne qui exerce des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires. Donc, un conseil d'arbitrage de différends n'est pas un organisme qui exerce des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de même qu'une commission d'enquête. Est-ce à dire, à ce moment-là, qu'un conciliateur serait tenu de témoigner devant une commission d'enquête, par exemple, comme l'enquête Jutras qu'on a connue?

Pour ce qui est du contenu de la convention, je veux reprendre seulement l'aspect technique que cela peut représenter. M. Nadon a déjà discuté là-dessus, à savoir qu'il y avait dans l'avant-projet de loi une disposition en ce sens qu'on pouvait négocier des fonds de retraite alors que vous avez abandonné, dans le projet de loi final, cette disposition. Si on lit les commentaires qui accompagnaient l'avant-projet de loi, ils visaient à clarifier le droit. Je pense que tout le monde convient que, effectivement, on est dans une question ambiguë sur le plan juridique. L'amendement proposé dans l'avant-projet, enfin, mettait un terme à cet imbroglio juridique et il nous permettait de négocier, comme l'ont dit les autres associations, ce qui fait partie des conditions de travail de tous les travailleurs.

Pour ce qui est du règlement des différends, il faut noter que le gouvernement a proposé ces amendements au niveau du changement des conseils d'arbitrage à trois par des assesseurs, visant ainsi à diminuer les délais. Par les diverses interventions -vous allez voir ce que contiennent les mémoires qui vont suivre - vous verrez que tous veulent que les assesseurs soient obligatoires et, en fait, que la règle soit inversée; que les assesseurs soient obligatoires à moins que les parties ne . conviennent du contraire. Vous allez régler quoi, au niveau des délais? Que ce soient des assesseurs ou des arbitres, ils devront quand même se rencontrer et délibérer.

Compte tenu du fait que tout le monde demande de maintenir cette participation des parties au niveau du processus décisionnel, vous êtes devant une situation où je me demande vraiment ce que vous allez changer par les amendements proposés. Une distinction a été faite au niveau du tribunal d'arbitrage de différends qui crée un droit par rapport à un tribunal d'arbitrage de griefs qui décide du droit qui existe déjà, qui exerce vraiment des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires. Si on fait un parallèle avec l'Assemblée nationale, où vous êtes à peu près 100 - cela dit bien respectueusement -pour faire et adopter des lois, il n'en demeure pas moins que des coquilles se glissent parfois. Vous pouvez vous imaginer de ce qui pourrait résulter si un arbitre unique, laissé à lui-même, établissait la loi des parties. Je pense que cela ne tient pas, à mon avis, face à ce que constitue un conseil d'arbitrage de différends, tout cet aspect qui représente la continuation des négociations, tout cet aspect qui a été mis en parallèle par les pompiers et qui paraît dans notre mémoire, sur lequel je n'ai pas insisté, parce que cela a déjà été dit, mais sur lequel je vous demande de vous pencher de façon très sérieuse. Vous allez enlever tout ce côté, toute cette partie où l'arbitre de différends joue souvent le rôle de médiateur. Il y en a qui ont fait des miracles dans le milieu. Il est évident, que si l'arbitre de différends ne règle pas tous les points, il en règle plusieurs par la médiation.

II ne lui reste finalement qu'à trancher les points sur lesquels il n'a pas réussi à faire le consensus.

Il est important aussi, pour répondre à ce que M. Bisaillon disait, que les points de désaccord soient exprimés par les assesseurs ou par les représentants des parties. Je pense que c'est gênant pour un représentant des parties de penser que, parce qu'il n'a pas à signer, il sera moins tenace. C'est ce que j'ai cru comprendre des propos de M. Bisaillon. À mon avis, ce qui va arriver, c'est que ces personnes vont plutôt lui demander: Qu'est-ce que tu as fait? Qu'est-ce qui est arrivé? Elles vont demander beaucoup plus d'explications. Je pense que c'est important qu'il ait eu l'occasion d'exprimer son désaccord, que son désaccord paraisse à la sentence sur les points sur lesquels se situe son désaccord.

Je veux aussi souligner la position de la CSD là-dessus qui semble être la seule à dire qu'elle est d'accord avec les amendements proposés au niveau du tribunal d'arbitrage des différends. Pour la CSD, elle n'entrevoit, elle, que ce qui la concerne au niveau de la première convention collective. Elle se dit, en plus, que c'est un moindre mal. Elle se dit aussi que, de toute façon, si ça ne fait pas son affaire, elle ne s'en servira pas. Pour nous, ce n'est pas cela, c'est plus sérieux, c'est quelque chose avec lequel on compose tous les jours, on en fait une cinquantaine par année. Je pense que cela mérite d'être étudié plus profondément.

Un autre aspect qu'il ne faut pas négliger non plus, ce sont les dépenses que peut représenter le changement de système que vous proposez. Les associations de policiers sont composées de cinq, dix, quinze, vingt ou vingt-cinq membres; ce sont de toutes petites associations. Elles n'auront pas les moyens d'absorber les coûts supplémentaires que va représenter le système d'assesseurs.

Un autre point que je désire souligner plus particulièrement se situe au niveau des coûts. Cela touche les policiers, c'est la question de la Commission de police. Souvent, cela fait double emploi avec les tribunaux d'arbitrage. J'ai déjà vu des cas où les policiers devaient se défendre devant des tribunaux criminels et avaient, en même temps, à répondre devant la Commission de police et un tribunal d'arbitrage. Subir son procès une fois devrait suffire. On n'a pas le temps de s'étendre là-dessus, mais il y aurait peut-être lieu de se pencher sur cette question, (minuit)

Pour ce qui est de l'équité et de la bonne conscience, les arguments ont déjà été apportés par les autres parties. Je ne veux que souligner que ce n'est pas seulement la question des conditions de travail applicables aux autres salariés d'entreprise qui nous fatigue, c'est toute cette invitation aux arbitres de différends à considérer des critères qui, comme tels, n'ont pas de rapport nécessairement avec l'équité et la bonne conscience. Je pense qu'on devrait laisser les dispositions telles qu'elles sont actuellement.

Je me sens pressé. Je vais lire le reste du mémoire, quitte, si on revient à une période de questions, à expliciter plus amplement les autres aspects qui étaient développés dans le mémoire.

Le Président (M. Blouin): II est presque minuit. Alors, je crois que, tel que convenu, nous avons pu procéder à la présentation de votre mémoire, et également au moment où nous reprendrons nos travaux selon l'avis qui vous sera transmis par le Secrétariat des commissions, vous aurez tout le loisir de pouvoir être interrogés par les membres de la commission qui ont, d'ailleurs, plusieurs questions à vous poser. Sur ce, je vous remercie d'être venus ce soir et je vous invite à revenir sur l'invitation du secrétariat.

La commission élue permanente du travail ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 0 h 02)

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