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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Tuesday, May 10, 1983 - Vol. 27 N° 43

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère du Travail


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente du travail se réunit afin d'étudier les crédits pour 1983-1984 figurant au budget.

Les membres de la commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Cusano (Viau), M. Dean (Prévost), M. Fréchette (Sherbrooke), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lafrenière (Ungava), M. Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Léger

(Lafontaine); M. Paradis (Brome-Missisquoi) sera remplacé par M. Sirros (Laurier); M. Rivest (Jean-Talon) et M. Rochefort (Gouin).

Les intervenants sont: M. Bélanger (Mégantic-Compton), M. Champagne (Mille-Îles), M. Fortier (Outremont), M. Leduc (Fabre), M. Pagé (Portneuf), M. Payne (Vachon), M. Polak (Sainte-Anne), M. Proulx (Saint-Jean) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Il y aurait lieu à ce moment-ci de la commission de désigner un rapporteur. Je pourrais accepter des propositions dans ce sens.

M. Fréchette: M. le Président, est-il nécessaire que le rapporteur soit présent?

Le Président (M. Vallières): Si tel était le cas, je pense qu'on peut admettre au départ que l'un des membres de la commission pourrait agir à titre de rapporteur sur proposition et acceptation des deux côtés.

M. Fréchette: Bon. Alors, je proposerais que Mme Harel, députée de Maisonneuve, puisse agir comme rapporteur.

Le Président (M. Vallières): Cette proposition est-elle adoptée?

Une voix: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Alors, Mme la députée de Maisonneuve agira à titre de rapporteur. Il serait peut-être aussi intéressant de se rappeler que notre commission dispose de neuf heures afin d'étudier les crédits. Nous travaillons aujourd'hui jusqu'à 12 h 30, pour ajourner sine die. Après la période des questions, nous devrions nous retrouver jusqu'à 18 heures. Demain, au cours de l'avant-midi, nous devrions compléter l'étude des crédits. Je ne sais pas si cela convient de part et d'autre de la table.

M. Fréchette: Cela nous convient fort bien, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Nous pourrions commencer immédiatement avec les déclarations d'ouverture. La parole est au ministre du Travail.

Exposés préliminaires M. Fréchette: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Le rapporteur arrive.

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: Le rapporteur arrive. L'élue in absentia est là maintenant.

M. le Président, il y a une coutume, à l'occasion de l'étude des crédits d'un ministère, qui veut que le ministre souligne la présence des collaborateurs de la direction du ministère et présente aussi à la commission les personnes qui l'accompagnent. Je vais procéder rapidement à ces présentations. À ma droite immédiate, il y a M. Yvan Blain, qui est le sous-ministre en titre au ministère du Travail - je les nomme comme je les vois - M. Roland Léonard, qui est au bureau du sous-ministre; M. Réjean Parent, qui est sous-ministre adjoint à la recherche et à l'administration; M. Raymond Désilets, dont le nom retient l'attention de tout le monde, qui est directeur des relations de travail au ministère; M. Boily, qui est directeur des services d'administration; M. Michel Sainte-Marie, directeur du service de conciliation; M. Pierre-Paul Morissette, directeur du service des décrets; M. Robert Levac, commissaire général du travail; M. Marius Dupuis, directeur de la division de la construction au ministère; M. Bernard Bastien, qui est là, aussi, qui est président du conseil des services essentiels; M. Michel Gagnon, qui en est le directeur général, et M. André Gagnon qui en est l'agent d'information. Voilà, M. le Président.

Très brièvement, je voudrais, dans ces remarques préliminaires, rappeler un certain nombre de choses qui m'apparaissent utiles dans la perspective de l'étude des crédits du ministère du Travail. Je rappellerai, en tout premier lieu, une chose que les membres de

la commission se rappellent, c'est que, le 9 septembre dernier, lorsque est arrivée cette décision du premier ministre de procéder à un remaniement ministériel, le premier ministre avait alors déclaré que le temps était venu de consacrer, de dégager un intervenant ministériel unique et à temps plein aux parties qui sont impliquées dans le monde des relations du travail. Non seulement, M. le Président, cette décision a-t-elle été commandée par une seule volonté politique, mais il devenait de plus en plus évident, au fur et à mesure que le temps passait, tant dans le monde syndical que dans le monde patronal, qu'il fallait procéder à ce changement et donner aux priorités importantes du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu des gens qui pourraient se consacrer en exclusivité à ces trois secteurs précis.

Cependant, cette transition ou cette décision s'est faite, en quelque sorte, sans aucun heurt, en assurant le suivi politique qui existait déjà au ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. C'est le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui a été l'intervenant privilégié en vertu duquel les dialogues qui étaient déjà amorcés avec l'autre direction administrative unique qui existait ont pu se continuer sur les mêmes sujets.

Il est important aussi d'indiquer que la direction du ministère, depuis la décision du 9 septembre, a consacré du temps, et effectivement beaucoup de temps, pour assumer, prévoir et assurer le transfert des effectifs à partir du ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, pour donner au ministère du Travail qui était devenu une entité autonome ces effectifs dont il avait besoin, en même temps que les ressources matérielles absolument indispensables à son bon fonctionnement.

On se rappelle, M. le Président - et le député de Laurier était là - qu'au moment où la loi 95 a été adoptée, cette loi qui consacrait effectivement dans le droit et dans les faits la scission du ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, nous avions indiqué que la création du ministère du Travail allait se réaliser sans que l'on ait à assumer une augmentation substantielle de coûts. Je pense pouvoir vous dire avec assez de justesse - on pourra bien sûr y revenir au cours de la discussion - que cet objectif qui préoccupait l'Opposition et qui nous préoccupait aussi a pu se réaliser dans le sens souhaité.

Maintenant, au strict plan de l'étude des crédits du ministère du Travail et pour la bonne compréhension de cette étude, je me permets de vous soumettre la remarque suivante: Peut-être, M. le Président, avez-vous remarqué des augmentations importantes dans le livre des crédits par rapport à l'année écoulée. Il y a plusieurs explications à cela. Mais il en est une principale, fondamentale et fort simple à comprendre, c'est que, lorsqu'on parle de l'année 1982-1983, il faut retenir qu'il s'agit là d'une période de sept mois seulement. Et, lorsqu'on parle de l'année 1983-1984, en termes strictement budgétaires, évidemment, on couvre une période qui s'étend sur douze mois. Alors, il peut y avoir des chiffres qui donnent l'impression, à leur seule lecture, qu'il y a eu effectivement une augmentation disproportionnée des budgets, mais tout cela est causé essentiellement par le phénomène dont je viens de vous parler, c'est-à-dire une année financière de sept mois par rapport à une autre de douze mois.

M. le Président, concernant un autre chapitre, un autre secteur de nos activités, je voudrais vous dire un mot, rapidement, des différentes réalisations du ministère et essayer brièvement, ensuite, de dégager nos principaux objectifs pour l'année 1983-1984. Je n'apprends rien à personne en signalant que depuis - et j'ose le dire comme je le pense, parce que c'est cela - un bon nombre d'années maintenant, le projet de réforme du Code du travail est dans l'air. On en parle, on fait beaucoup de considérations autour de ce projet-là. Effectivement, des études formelles et informelles ont été faites, des consultations formelles et informelles ont également été faites.

Une décision politique, M. le Président, après cheminement, a effectivement été prise à partir de ce dont je viens de vous parler, ce qui me permet d'informer cette commission, de l'informer officiellement que, d'ici deux semaines, j'aurai l'occasion de procéder, à l'Assemblée nationale, au dépôt d'un projet de loi dont l'objectif essentiel sera de proposer des amendements au Code du travail, lesquels répondent essentiellement - et là, je le dis, évidemment, en termes très généraux - aux trois objectifs suivants. Nous allons viser, par l'étude et l'adoption, si possible, de ces amendements, premièrement, à améliorer le droit d'association et le processus d'association. Le deuxième objectif qu'on retrouvera à l'intérieur du projet qui sera déposé dans le délai dont je viens de vous parler sera essentiellement d'arriver à permettre aux parties qui sont impliquées dans le processus du Code du travail de fonctionner et de travailler à l'intérieur de délais qui seront considérablement réduits, nous semble-t-il, par la nature des propositions que nous allons soumettre à l'Assemblée nationale pour adoption. Réduction de délais dans deux activités importantes du processus de notre Code du travail. D'une part, arriver à faire en sorte que les délais d'arbitrage de griefs soient considérablement réduits. D'autre part, arriver à atteindre le même objectif dans le

cas d'arbitrage de différends, qu'il s'agisse de l'arbitrage d'une première convention collective, qu'il s'agisse de l'arbitrage d'une convention des policiers et pompiers ou qu'il s'agisse de l'arbitrage d'une convention qui a été demandé par les deux parties.

Finalement - vous allez facilement comprendre pourquoi - nous allons également proposer, dans le projet de loi qui sera soumis à l'Assemblée nationale, des dispositions qui auront comme objectif de resserrer les dispositions antibriseurs de grève. C'est essentiellement à cause d'au moins trois jugements de cour - il y en a peut-être d'autres - qui sont connus de toutes les parties intéressées au monde du travail, le dernier en liste et le plus percutant étant celui de la Cour d'appel du Québec dans l'affaire de Shell Canada. À l'unanimité, les trois juges de la Cour d'appel ont rendu le jugement que l'on sait et en sont venus à la conclusion que, dans sa rédaction actuelle, cet article, qu'on a convenu d'appeler depuis qu'il est là l'"antiscab", n'était pas imperméable et que, dans sa rédaction, encore une fois, il était possible, dans une entreprise où il y avait conflit de la nature d'une grève, de procéder à contracter avec une personne morale. Ce que le texte dit essentiellement, actuellement, c'est qu'il interdit à un employeur chez qui sévirait une grève d'embaucher une personne physique. Par ailleurs, le mot "personne" n'est pas qualifié dans le code comme tel, mais c'est l'interprétation que la Cour d'appel lui a donnée, un employeur ne peut pas embaucher une personne physique, mais pourrait contracter avec une personne morale. Ce serait donc essentiellement le troisième volet de la refonte que nous allons proposer au Code du travail.

Il nous est apparu évident que, même si nous l'avions voulu, il n'était pas possible, dans l'état actuel des choses, de procéder autrement et de pousser l'exercice plus loin. Malgré cela, il m'apparaît maintenant évident qu'à un moment ou à un autre, il faudra choisir la période dans le temps et qu'il nous faudra bien - quand je dis nous, je parle de tous les intervenants du monde du travail - pousser l'exercice plus loin et ouvrir un débat très large sur l'ensemble de la philosophie qu'on retrouve actuellement au Code du travail. Pour autant que je suis concerné, si les objectifs que je vise peuvent se réaliser, je verrais bien qu'au cours de l'automne prochain nous engagions cet exercice de discussion fondamentale sur toute la philosophie qui sous-tend le Code du travail actuellement, exercice qui nous permettrait de réévaluer globalement et fondamentalement le processus qu'on retrouve à l'intérieur du code actuel. Je suis, quant à moi, M. le Président - et je l'ai déjà dit chaque fois que l'occasion s'est présentée - tout à fait disposé à coordonner le déroulement d'un semblable exercice qui ne pourrait qu'être très utile pour toutes les parties intéressées. (10 h 30)

Il y a également un autre dossier qui nous préoccupe et qui a été mis sur le métier quelque part en octobre ou novembre 1982 et un mandat, d'ailleurs, très précis a été donné à cet égard-là. La Loi sur les décrets de convention collective est là depuis 1934 maintenant, sans avoir subi au cours des ans quelque transformation de fond que ce soit. Il nous apparaît donc que le temps est maintenant venu de revoir les différents mécanismes qui sont prévus dans cette loi et d'arriver, si nos objectifs peuvent se réaliser, à procéder au cours de l'automne, encore une fois, au dépôt d'une loi dont l'objectif fondemental serait de revoir toute la philosophie qu'on retrouve dans la Loi sur les décrets de convention collective. Je vous le signalais il y a un instant, un mandat en ce sens a été donné à un groupe de travail qui est déjà à l'oeuvre depuis cinq ou six mois maintenant et qui a avancé d'une façon intéressante depuis que le mandat lui a été confié. Jusqu'à maintenant, les échéanciers que nous nous étions fixés sont respectés, de sorte que nous devrions pouvoir arriver à déposer un projet de loi, encore une fois, au cours de l'automne prochain.

M. le Président, il est un autre aspect des activités du ministère sur lequel je voudrais attirer l'attention des membres de la commission. Nous pourrons, bien sûr, y revenir un peu plus tard si on le souhaite. Ce sera la fin de mes remarques préliminaires. Je voudrais attirer l'attention des membres de la commission sur l'objectif que je vise de mieux faire connaître, d'une part, le Service de médiation préventive qui existe au ministère du Travail et également dire aux membres de cette commission que, quant à moi, je privilégie de façon particulière - c'est un euphémisme, je le sais bien, de parler comme cela - au premier chef, l'expansion du Service de médiation préventive.

Très rapidement je vous soumettrai la philosophie qui sous-tend le Service de médiation préventive. Il s'agit essentiellement d'un organisme qui offre des services aux parties qui le désirent et qui vivent une convention collective qui n'est pas arrivée à échéance et à qui il reste une année, une année et demie ou deux ans d'application. Je vous dirai, M. le Président, qu'en 1979 le Service de médiation préventive a été implanté strictement à titre expérimental. Il s'agissait, d'abord, de voir si les parties étaient intéressées à un genre de service comme celui-là. Il s'agissait également de savoir quels services pouvaient leur être offerts et, à partir des expériences, il fallait décider si nous devions institutionnaliser le

Service de médiation préventive ou, alors, abandonner l'expérience qui avait été tentée.

M. le Président, depuis 1979, donc, dans au moins 60 entreprises, à la demande des parties, le Service de médiation préventive a offert de l'expertise, tant humaine que de toute autre nature, pour nous amener à la conclusion évidente, à la conclusion très nette que ce service devait être institutionnalisé. Ceux qui ont l'habitude des relations du travail, qui ont l'habitude de l'exercice quotidien des mécanismes de relations du travail savent fort bien que très souvent les relations patronales-ouvrières se brisent, deviennent difficiles pendant l'exercice même de la convention et, souvent, strictement à cause de relations humaines difficiles entre un contremaître et un chef syndical, un contremaître et un employé de tel ou tel service.

Alors, si les relations du travail se dégradent pendant la vie même de la convention et que, pendant la vie de la convention, les parties ne se parlent plus ou ne le font qu'avec amertume, ne le font qu'avec une espèce de rancoeur, vous imaginez d'ici quelle atmosphère peut prévaloir lorsque, à l'expiration de la convention, les parties doivent s'asseoir autour d'une même table et amorcer la négociation d'un nouveau contrat collectif. Si on a cessé de se parler six mois avant l'expiration de la convention, si les conditions de vie, dans tous les sens du terme, sont devenues difficiles six mois avant l'expiration de la convention, il va de soi, M. le Président, que, lorsqu'on arrivera au temps prévu pour la négociation, ce sera un exercice ardu au travers duquel on ne pourra passer sans que cela dégénère en conflit de la nature d'une grève ou d'un lock-out.

Le Service de médiation préventive agit toujours avec le consentement des parties. Le Service de médiation préventive ne va pas s'imposer dans des entreprises ou des institutions où l'une ou l'autre, ou les deux parties, ne veulent pas le voir. Les experts du Service de médiation préventive vont y aller à la seule condition que les parties acceptent de les recevoir de part et d'autre.

Je vous parlais de 59 ou de 60 expériences, M. le Président. Je vais vous en donner une qui est assez révélatrice du résultat que le travail des médiateurs spéciaux, des médiateurs de la prévention peut donner. C'est le cas des cols bleus de la ville de Montréal. Il y a des gens ici qui savent mieux que moi combien, souvent, ont été difficiles les relations du travail dans ce secteur particulier des services de la ville de Montréal. Or, M. le Président, quelque six mois, un peu plus ou un peu moins - j'essaie de me situer dans la bonne moyenne - avant l'expiration de la dernière convention collective chez les cols bleus de la ville de

Montréal, du consentement des deux parties, les experts de la médiation préventive se sont rendus sur les lieux de travail et ont rencontré les autorités de la ville ou, enfin, les patrons pour essayer de savoir la nature des problèmes et de voir où se situaient les difficultés. Le même exercice a été fait avec la partie syndicale.

M. le Président, là où on était habitué à une négociation serrée, pour ne pas dire davantage, et difficile, qui plus souvent qu'autrement se terminait par un conflit avec les conséquences que tout le monde connaît, dès lors que les gens de la médiation préventive y sont passés, on a réussi - quand je dis "on", je parle des parties syndicale et patronale - à négocier une convention collective dans des délais extraordinairement courts par rapport aux exercices auxquels on était habitué. De plus, on a réussi cet exercice sans qu'il y ait en bout de piste un conflit de la nature d'une grève ou d'un lock-out. Il y a d'autres expériences à peu près de la même nature, mais cet exercice m'apparaissait le plus clair, le plus évident, quant au résultat qu'un service comme celui-là peut donner.

Donc, sans être la panacée à tous les maux, je pense que le Service de médiation préventive mérite qu'on le fasse connaître davantage, et qu'on publicise également les services qu'il peut rendre. En d'autres mots, je suis d'avis qu'il faut institutionnaliser ce service.

Alors, M. le Président, c'étaient les remarques d'ordre général que je voulais livrer aux membres de la commission pour le moment. Nous pourrons, bien sûr, revenir sur l'un ou l'autre des aspects dont je viens de vous parler.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le ministre. La parole est maintenant au député de Laurier qui nous fera part de ses remarques préliminaires.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Je ne sais pas s'il est de coutume pour l'Opposition de présenter les personnes qui l'accompagnent pour préparer l'étude des crédits, mais de toute façon, c'est toujours quelque chose qui me frappe quand je viens faire une étude des crédits. Cela me fait penser un peu à la bataille entre David et Goliath, mais je me réjouis en me rappelant le résultat de cette bataille.

M. le Président, si je peux résumer un peu les paroles du ministre, il nous a parlé, finalement, de trois choses bien concrètes: une réformette du Code du travail pour les prochaines semaines, tel que cela a été annoncé lors du discours inaugural; un changement concernant la loi des décrets, éventuellement à l'automne. Je dois vous

avouer que j'attendrai de le voir avant de tenir pour acquis que c'est effectivement quelque chose qui viendra à l'automne, étant donné qu'on a souvent entendu par le passé des promesses de ce genre où il y avait des projets de loi qui étaient préparés. Je pense, par exemple, à un changement sur le licenciement collectif qui a été annoncé à au moins cinq ou six reprises avec des dates précises par rapport à leur dépôt. Troisièmement, l'accentuation du Service de médiation préventive. Même avec des exemples de bon fonctionnement, il est à souhaiter qu'il prendra de l'ampleur pour faire en sorte que le domaine des relations du travail devienne de moins en moins un domaine d'affrontement et de confrontation.

Je voudrais revenir aux notes que j'avais préparées. Cela fait depuis 1977, finalement, qu'on nous parle d'un projet de réforme du Code du travail, afin de le rajeunir, afin qu'il soit mieux adapté à la réalité d'aujourd'hui. On a beaucoup parlé, du côté gouvernemental, mais on a très peu agi. Outre la loi 45, le très contesté règlement de placement dans l'industrie de la construction et les lois spéciales décrétant le retour au travail, peu d'engagements ont été réalisés. À la limite, peut-être est-ce mieux ainsi, finalement, M. le Président, car, de la façon dont ce gouvernement a traité ses travailleurs, de la façon dont on leur a démontré un préjugé favorable, la situation pourrait être encore bien plus dramatique. Ainsi, s'est-on contenté, au cours des dernières années, de changer les titulaires du ministère et on a semblé beaucoup plus intéressé à transformer les structures du ministère qu'à se préoccuper de trouver de nouvelles avenues afin d'améliorer le domaine des relations du travail.

Depuis moins de deux ans, de ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre qu'il était, il a dû assumer en plus la responsabilité de la Sécurité du revenu, parce que, comme le disait le leader du gouvernement à l'époque: "La première façon d'avoir un revenu au Québec et d'avoir un revenu en toute sécurité, c'est évidemment par le travail". Il devait être, en décembre 1982, isolé de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu pour devenir le ministère du Travail. Cela fait quand même, dans une période assez courte, un revirement assez curieux. C'est un bien triste bilan, finalement, que ce gouvernement affiche dans le domaine des relations du travail en plus de ses piètres performances dans tous les autres secteurs dont on parlera ailleurs.

Le gouvernement du Parti québécois a tenté, au nom d'un idéal politique, d'un grand rêve nationaliste, finalement, de camoufler les véritables problèmes, ceux qui affectent tous les Québécois, afin de réaliser ses aspirations, sans toutefois se soucier des maux qu'il provoquait. Ce gouvernement péquiste, dont l'une des priorités, semble-t-il, était la bonification du climat social, a amené le Québec à l'impasse économique et sociale qu'il a lui-même engendrée. Qu'en a-t-il fait, ce gouvernement, de cette préoccupation sans cesse lancinante, de cet effort persistant et ininterrompu pour tâcher d'améliorer le climat social, lui qui bafoue ses propres travailleurs, qui outrepasse les droits fondamentaux garantis dans sa propre charte? Il a créé un climat de morosité tel que la quasi-totalité de la population se retrouve dans un état de passivité qui ne ressemble en rien à l'effervescence d'un pays jeune et dynamique. On compte, actuellement au Québec quelque 432 000 chômeurs et cela, sans compter plus de la moitié des bénéficiaires d'aide sociale, qui sont aptes au travail et qui n'entrent pas dans les statistiques du chômage. C'est un chiffre effarant, mais, en y regardant de plus près, on se rend bien compte qu'il est malheureusement réaliste. (10 h 45)

II faut être bien naïf pour croire ce gouvernement lorsqu'il nous parle du droit au travail, de même que le premier ministre qui, dans son message inaugural, affirme qu'il veut "faire de ce droit au travail une réalité vécue le plus vite possible par tous nos concitoyens". Au rythme où vont les choses, M. le Président, il semble que c'est plutôt le chômage qui est une réalité vécue par un plus grand nombre de Québécois.

L'an passé, dans ses remarques préliminaires, le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu rappelait les propos qu'il avait tenus l'année antérieure, sans y ajouter de nouvelles intentions qui, sans doute, seraient aussi demeurées lettre morte. Mais le ministre du Travail, version 1983, nous a dit en quelques mots ce qu'il entendait faire. On se posait des questions, parce que, si le gouvernement péquiste l'a oublié, nous estimons, nous, qu'il y a beaucoup à faire en matière de relations du travail, que les problèmes réclament des solutions urgentes et que le milieu du travail attend impatiemment une réforme du Code du travail. Qu'est-ce que le ministre choisira? On en a eu quelques bribes tout à l'heure. Nous osons espérer que, pour une fois, le ministre du Travail prendra au sérieux les malaises qui existent dans le secteur des relations du travail et qu'il passera à l'action dans le domaine législatif pour corriger la situation. .

Même le ministre des Finances souhaite une intervention rapide. D'après ce que j'ai pu comprendre, je pense que, finalement, les actions qui seront entreprises ne répondront pas à ce genre de clarification de la situation. Le ministre des Finances disait, "Sur le plan des relations du travail, il y a quelque chose d'indiscutable, il y a une sorte de flottement chez les hommes d'affaires à

l'heure actuelle qu'il nous faut clarifier rapidement, cela presse. Devant les syndicats qui nous demandent souvent l'accréditation multipatronale, des milieux patronaux pour qui l'accréditation multipatronale représente une sorte de danger perçu comme étant mortel et toute une série de formules intermédiaires, je pense qu'il est très important qu'assez rapidement nous clarifiions la position gouvernementale à l'égard de ces questions, et qu'on puisse dire aux milieux d'affaires: Voici la politique que le gouvernement entend suivre. Nous avons là une responsabilité de clarification et de précision de nos positions."

Je n'ai rien entendu dans les propos du ministre tout à l'heure, M. le Président, qui clarifierait la situation d'une façon précise. Je pense qu'on a dit tout à l'heure que, plus tard, il y aura une suite concernant la réforme du Code du travail sans donner des précisions par rapport à cette inquiétude du ministre des Finances.

Chaque année, on nous informe que des études sont en cours sur des points particuliers qui aboutiraient à la révision du Code du travail. Chaque année, on nous dit que le gouvernement procédera à des consultations dans les milieux concernés "de façon que le résultat final soit le fruit du consensus le plus large possible." Cela, c'était dans le message inaugural. Depuis le temps que des études sont élaborées au ministère du Travail et que des discussions sont menées auprès des principaux intéressés, le ministre ne serait-il pas en mesure de procéder à une révision des lois qui régissent le monde du travail? À moins qu'il n'y ait pas de la part du ministre et du gouvernement une véritable volonté politique menant à cette réforme réclamée impatiemment.

Lorsqu'il lisait son dernier message inaugural, le premier ministre disait: "Le Code du travail, pour un, n'est plus adapté au contexte dans lequel nous vivons et a besoin d'être amendé. Dans un premier temps, c'est-à-dire avant l'été, en consultation avec les parties concernées, le ministre du Travail présentera les modifications les plus pressantes. Pour le reste, le gouvernement entend procéder avec prudence et réalisme de façon que le résultat final soit le fruit du consensus le plus large possible." Le premier ministre nous promet, pour les prochaines semaines, quelques mesures palliatives qui viendront corriger superficiellement certaines situations sans résoudre vraiment les véritables problèmes. Je pense qu'on fait référence à ce que le ministre a annoncé tout à l'heure concernant l'amélioration du droit d'association, le raccourcissement des délais et le resserrement de la loi antibriseurs de grève.

Les annonces faites à l'égard de la première série d'amendements à apporter au Code du travail indiquent que le ministre envisage de faciliter l'accès à la syndicalisation, de réduire les délais de différentes procédures d'accréditation et d'arbitrage, ainsi que de rendre plus étanches les dipositions antibriseurs de grève adoptées en 1978. Nous ne pourrons que nous réjouir si le ministère légifère pour lever certaines entraves afin de favoriser la syndicalisation des travailleurs, qui oscille depuis quelques années entre 35% et 40%. Depuis le temps qu'on nous répète cette intention qui a fait beaucoup parler beaucoup de monde!

À propos de l'accès à la syndicalisation, en novembre 1981, lors de son message inaugural, le premier ministre disait: "En matière de relations du travail, il y aura d'abord d'importants amendements au Code du travail. Sans chambarder l'économie générale de la loi, ces amendements viseront principalement à lever pour de bon ces obstacles, ces entraves et ces lenteurs que rencontrent quotidiennement nombre de travailleurs et de travailleuses qui tentent simplement d'exercer leur droit d'association." Alors, le temps est venu pour que la lettre devienne réalité.

Mais ces amendements à la pièce, ces amendements qui ne sont pas des amendements de fond ne pourront résoudre les problèmes et améliorer le climat des relations du travail. Et ces amendements à la pièce ne risquent-ils pas de retarder la deuxième étape, celle d'une révision en profondeur du Code du travail? Nous posons la question, M. le Président: Pourquoi le gouvernement n'accepte-t-il pas d'y aller tout d'un bloc, afin d'analyser la situation dans son ensemble et non seulement élément après élément. Car il est essentiel d'avoir au Québec une politique globale et cohérente en matière de relations du travail. Il est tout à fait futile de prendre l'attitude du gouvernement et d'adopter des mesures qui solutionneront temporairement quelques problèmes, mais qui en causeront d'autres qui, eux, seront résolus par une autre loi qui aura ses effets correcteurs et ses lacunes. De cette façon, on s'enferme dans un cercle vicieux dont on ne pourra sortir.

En adoptant cette stratégie en deux étapes, le gouvernement se garde-t-il - on se pose la question - certains attraits pour acheter la paix entre lui et les syndicats et, surtout, pour faire oublier les gestes odieux qu'il a posés par l'adoption des lois 70, 105 et 111, en vue de regagner la confiance des travailleurs lors des prochaines élections? Cette attitude, si elle se révélait juste, serait très dangereuse pour l'ensemble de la société québécoise, car le gouvernement, pour se déculpabiliser en quelque sorte, pourrait prendre des décisions contraires à l'intérêt général du Québec. Et c'est toujours ainsi, M. le Président, quand on met de

l'avant des préoccupations d'ordre électoral plutôt que d'ordre social.

Tout au long de l'étude des crédits, nous demanderons au ministre de nous donner des réponses sur des sujets qui intéressent et qui, parfois même, inquiètent. L'un de ces sujets est la négociation multipatronale ou sectorielle qui sourit à certains, mais qui en inquiète beaucoup d'autres. Quelles sont les intentions du gouvernement à ce sujet? Quand les dévoilera-t-il afin de calmer les inquiétudes pour que chacun sache, au moins, où il se situe dans cette démarche? Nous aimerions connaître de quelle façon concrète se traduiront les paroles du premier ministre qui annonçait, en mars dernier, la formation d'un groupe d'enquête mandaté pour réviser le régime des négociations dans les secteurs public et parapublic.

Je ferai remarquer qu'il n'y a pas eu un seul mot dans les notes d'ouverture du ministre concernant toute cette question qui, quand même, je crois, est une question primordiale. On vient de vivre une période bouleversante où un grand nombre de travailleurs ont dû subir les gestes qu'a posés ce gouvernement. Cela fait déjà plusieurs années, même depuis le tout début, qu'on nous dit qu'il faut réviser la façon dont on négocie dans les secteurs public et parapublic. On n'a même pas parlé de la médiation préventive, par exemple, dans les secteurs public et parapublic. On aimerait savoir ce que le gouvernement entend faire. Est-ce que le fait que le ministre ne l'ait pas mentionné est une indication que le ministère n'est pas impliqué dans cette révision, qu'il ne fait pas partie de ce cheminement vers une nouvelle façon de procéder?

Il sera sans doute intéressant d'entendre du ministre quelles orientations il a données à son ministère depuis décembre dernier, au moment de sa création ou plutôt du changement qui a séparé le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu du ministère du Travail. Nous serions très intéressés à connaître le cheminement du ministre. Nous aimerions savoir du ministre ce qu'il en est de sa réflexion ou de celle de son ministère relativement au principe de la cogestion et de la participation aux profits quant à la productivité.

Le ministre nous révélera-t-il ses intentions concernant le règlement de placement dans l'industrie de la construction qui brime un trop grand nombre de travailleurs dans leur droit au travail, ce même droit dont le premier ministre veut "faire une réalité vécue le plus vite possible pour un plus grand nombre de citoyens"? Or, dans l'industrie de la construction, c'est le contraire qui est mis en application. Quand le ministre comprendra-t-il que ce règlement contesté et décrié par plus d'un nuit aux travailleurs québécois?

Quels sont les espoirs pour les travailleurs des métiers de la construction alors que le nombre d'heures travaillées dans cette industrie ne cesse de décroître? En 1981 et 1982, une diminution de 26% du nombre d'heures a été enregistrée. Les prévisions de l'Office de la construction pour 1983 et 1984 ne sont guère plus encourageantes, car elles poursuivent leur tendance décroissante. Le ministre pourra-t-il répondre, dans les plus brefs délais, aux attentes et surtout aux inquiétudes des milliers de travailleurs qualifiés de la construction? Ne considère-t-il pas que ce règlement limitatif et inadapté à la réalité n'a pas sa raison d'être dans une société moderne où le droit au travail est un droit sacré? Par ce règlement, le gouvernement encourage la clandestinité et l'illégalité parce que les travailleurs qualifiés, qui ont la capacité physique et la volonté de travailler, les qualifications pour travailler, qui veulent participer à construire le Québec, qui désirent faire leur part dans la société sans être à la remorque de quiconque, mais sur qui pèse une interdiction, doivent se cacher, finalement, pour gagner leur vie. Ils doivent travailler au noir. Tout cela est illogique pour une société qui prône le droit au travail.

Laissons de côté, pour quelques minutes, les intentions et les non-intentions législatives du ministre pour regarder les crédits affectés au ministère. De 40 000 000 $ qu'il était pour l'exercice financier de 1982-1983, le budget passe à quelque 20 000 000 $ pour la présente année. Vu cette diminution de près de 50% dans le budget total du ministère, nous serions presque tentés de féliciter le ministre pour les économies qu'il réalise. Mais, lorsqu'on s'aperçoit que la quasi-totalité de cette diminution se retrouve au programme 2, c'est-à-dire au programme d'aide financière à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, nous ne pouvons que nous étonner.

En 1982-1983, une somme de 20 776 000 $ était prévue pour la CSST, alors que, cette année, les prévisions sont de l'ordre de 1 920 000 $. Quelle est la signification de tout cela? J'espère que le ministre pourra nous informer plus en détail sur cette baisse, car la note à ce sujet dans le cahier des renseignements supplémentaires n'est pas très éloquente. Elle nous informe tout simplement que la baisse des crédits accordés à la CSST est due à l'exclusion des activités d'inspection. Selon l'article 249 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, toute somme requise pour l'application de la présente loi et des règlements relativement à l'inspection est prise à même les deniers accordés annuellement à cette fin par voie législative.

Concernant l'aide financière à la

Commission de la santé et de la sécurité du travail, l'Opposition se pose de sérieuses questions tant du côté de l'administration, c'est-à-dire la gestion des fonds requis perçus chez les employeurs pour défrayer les coûts qui découlent de l'application de la loi et des règlements, que du côté de l'application elle-même de la loi, ainsi que des résultats obtenus par la commission. À plusieurs reprises, l'Opposition a demandé une commission parlementaire afin de faire toute la lumière sur cette administration; même que, lors de l'étude des crédits de 1982-1983, en mai 1982, le ministre nous avait proposé qu'une équipe de parlementaires, issue de l'Opposition et du gouvernement, rencontre la direction de la CSST pour discuter à fond de la situation et des problèmes soulevés par la commission. Depuis cette proposition du ministre, rien ne s'est passé, sauf du côté de nos interrogations qui n'ont cessé de se multiplier, passant du doute à la certitude d'une mauvaise administration de cette commission.

Pour ce qui est de l'étude à fond de ce programme, M. le Président, je demanderai aux porte-parole de l'Opposition, le député de Viau et le député de Portneuf, chargés du dossier de la CSST, d'interroger le ministre à ce sujet.

En terminant - je le réitère une fois de plus - j'ose espérer que le ministre du Travail saura, le plus tôt possible, nous proposer des mesures attendues par des lois concrètes qu'il mettra en application dans les plus brefs délais. Je voudrais également rappeler au ministre que le domaine des relations du travail évolue et que le gouvernement devra proposer aux différents intervenants une voie plus harmonieuse, plus positive pour l'ensemble des travailleurs, afin que ce secteur important ne soit plus synonyme d'affrontement et de confrontation. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement a un important rôle à jouer. Ce n'est pas en adoptant des lois spéciales forçant le retour au travail et édictant de nouvelles règles du jeu qu'il éliminera la confrontation.

M. le Président, je terminerai là-dessus. Le ministre pourra réagir à certaines des questions que l'on se pose, s'il le veut bien.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre du Travail.

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: M. le Président, je remercie le député de Laurier de son intervention, de ses préoccupations. Il ne sera, cependant, pas étonné - je l'espère, en tout cas - que je lui dise que les questions qu'il m'a posées, si on veut leur donner des réponses qui soient complètes, peuvent retenir passablement de temps. Je prendrai le temps qu'il faut - je pense que c'est ce qu'il veut - pour tenter de répondre à ses questions. Je sais que le député de Viau est là qui guette de très près, quand on abordera le chapitre de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, et, connaissant sa perspicacité, je sais bien qu'il ne laissera pas passer des choses qui ne lui conviennent pas. (11 heures)

Au tout début de ses remarques, le député de Laurier, à toutes fins utiles, a essentiellement repris la nature du débat que nous avions tenu lorsque la loi 95 a été déposée pour adoption à l'Assemblée nationale. Il me semble, et c'est l'évaluation que j'en fais - que le député de Laurier et peut-être quelques-uns de ses collègues, sinon tous, ont une certaine difficulté à faire le cheminement qui doit être fait et qui s'impose dans la distinction très nette qu'il faut faire entre un ministère dont la vocation est de s'assurer essentiellement que les lois régissant les relations du travail soient respectées et une autre entité administrative dont la vocation est tout à fait différente, c'est-à-dire celle de s'assurer d'une politique de main-d'oeuvre et de sécurité du revenu. Ce débat a été fait à satiété, encore une fois, quand la loi 95 a été adoptée et il semble bien qu'on ne pourra pas s'accorder sur les objectifs qui étaient visés au moment où la décision qu'on connaît a été prise.

Le député de Laurier a parlé d'une réformette du Code du travail. Evidemment, cela dépend à quelle enseigne on se loge, cela dépend de la façon qu'on évalue les situations. Cela peut bien être pour lui une réformette, alors que d'autres y trouveront une matière suffisamment abondante pour améliorer considérablement le processus d'exercice des droits d'association et des autres droits prévus dans la loi. Je vais lui donner un seul exemple de cela. Quand, par exemple, dans l'état actuel des choses, il faut un délai aussi long que 18, 24 et 36 mois pour disposer d'un grief de congédiement d'un salarié, ce n'est pas une réformette que de prendre des dispositions qui permettraient qu'à l'intérieur de 6 mois, ce problème soit réglé. Ce que nous souhaitons voir introduire dans le code, ce sont des réformes de cette nature. Je ne pense pas que cela soit de la nature d'une réformette.

Un autre exemple que plusieurs vivent régulièrement aussi: Dans une situation de champ libre - je parle d'une entreprise où il n'y a pas de syndicat - où des salariés prennent la décision, les dispositions nécessaires pour se regrouper en association syndicale et prennent également les dispositions nécessaires pour enclencher le processus d'accréditation - je vous parle toujours de la situation de champ libre, là où il n'y a pas déjà des unités d'accréditation existantes - dans l'état actuel des choses,

vous pouvez vous retrouver devant le commissaire du travail avec deux, trois et, en poussant les choses au pire, quatre requêtes en accréditation qui viennent de quatre associations différentes, à qui le code permet actuellement qu'en tout temps avant la décision du commissaire, une requête en accréditation puisse être présentée. Si, par exemple, des dispositions étaient prises pour que, dès qu'une première requête en accréditation est déposée, le guichet se ferme et qu'aucune autre requête ne soit reçue chez le commissaire général du travail tant et aussi longtemps qu'il n'a pas disposé de la première qui lui a été présentée - je ne sais pas si le député de Laurier évalue qu'il s'agit là d'une réformette - au lieu de prendre 18 ou 24 mois avant qu'une décision finale soit prise en matière d'accréditation, cela pourrait raccourcir considérablement les délais. Est-ce qu'on est conscient du fait que c'est une demande fondamentale qui revient continuellement de la part des principaux intéressés?

Je vais peut-être vous étonner en vous disant que même les parties patronales souhaitent que ce processus s'enclenche. Je n'irai pas plus loin dans les exemples que je pourrais citer au député de Laurier, mais on évaluera, quand le projet sera déposé, le qualificatif qu'il faut lui donner. Est-ce une réformette, une réforme, une grande réforme ou une petite réforme? Chacun pourra y aller de son appréciation et de son évaluation. C'est très subjectif, mais on verra en temps et lieu, quand le document sera déposé.

M. le Président, le député de Laurier, comme d'ailleurs beaucoup de ses collègues et autant à l'Assemblée nationale qu'ailleurs, se préoccupe des intentions gouvernementales quant à ce qu'on discute beaucoup depuis un certain temps et particulièrement depuis le mois d'août dernier, c'est-à-dire la philosophie de l'accréditation multipatronale ou de ce qu'on pourrait convenir d'appeler une unité de négociation élargie.

Je serais curieux que le Parti libéral nous donne sa philosophie à cet égard, nous dise ce qu'il en pense. Est-ce que, pour lui, ce serait une direction dans laquelle il faudrait s'engager? Est-ce qu'alors il faut de toute évidence rejeter sans aucune forme de procès cette philosophie de l'accréditation multipatronale? Quant à nous, ce que nous disons, c'est qu'il s'agit d'un chapitre de nos relations du travail qu'il va nous falloir vider par la voie d'une large discussion et d'une large consultation. Qu'est-ce qui en résultera en bout de piste? Je ne suis pas placé à ce moment-ci pour vous donner quelque réponse que ce soit. Mais il m'apparaît évident maintenant, et plus particulièrement depuis le mois d'août 1982, pour des motifs que vous savez sans doute, qu'il nous faudra faire le débat sur cette philosophie de l'accréditation multipatronale et, en même temps, sur l'ensemble, je l'ai dit tout à l'heure, de notre philosophie des relations du travail. Est-ce que, par exemple - la question peut se poser - elle peut faire l'objet d'une discussion intéressante, ferme, mais sereine? Est-ce que, par exemple, il nous faut pousser l'exercice de réflexion jusqu'à nous poser la question suivante: Serait-il utile, serait-il sage de songer à une commission des relations ouvrières comme on en retrouve au palier fédéral, comme on en retrouve en Colombie britannique, comme on en retrouve en Ontario? Il me semble que c'est là aussi un sujet qui pourrait faire l'objet d'une large discussion. Quand je parle de ce processus que je suis prêt à coordonner, voici au moins deux sujets qui pourraient faire l'objet d'une discussion qui permettrait de dégager les opinions de ceux et celles qui doivent vivre les relations du travail.

Toujours en faisant référence au projet d'amendement, le député de Laurier a également parlé du fait qu'il y a eu ou qu'il n'y a pas eu de consultation auprès des intervenants, auprès de ceux qui ont une argumentation à faire valoir.

Je lui dirai essentiellement qu'au mois d'octobre 1982, quelques semaines seulement après qu'on m'a demandé d'aller au ministère du Travail, je me suis présenté au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. C'était à ce moment une visite que j'appellerai une visite "de courtoisie" aux fins de rencontrer les gens qui siègent au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre pour échanger avec eux et, dès lors, dès cette première rencontre au mois d'octobre dernier, les intervenants au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre ont insisté pour que leur soit présenté dans les meilleurs délais un projet d'amendement au code, un document de travail sur lequel ils pourraient effectivement amorcer une réflexion et soumettre au ministre des avis sur les amendements proposés.

Je me suis engagé au mois d'octobre à remettre au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, avant le 15 décembre, le projet qu'il souhaitait avoir entre les mains. C'est effectivement le 9 décembre que ce document lui a été déposé. Le conseil a remis son avis le 13 mars, si mon souvenir est fidèle. Depuis le 13 mars, nous avons cheminé dans les consultations, nous avons préparé le projet. Aussi bien aller jusqu'à la limite, quand on parle de consultation, je vous signale, et je crois que c'est bon qu'on le sache, qu'autant le ministre du Travail que le député de Prévost, adjoint parlementaire au ministre du Travail, nous avons fait l'exercice de rencontrer les représentants des parties patronales en séance informelle pour procéder avec toutes les parties à une réévaluation des

amendements qu'on proposait de déposer bientôt. Cela a été fait depuis le mois de mars dernier autant avec le Conseil du patronat, la chambre de commerce, l'Association canadienne des manufacturiers qu'avec toutes les instances syndicales et ce, M. le Président, en prenant autant de temps qu'il était nécessaire pour le faire et qu'il était nécessaire pour recueillir les avis et propos de ceux qui étaient particulièrement touchés.

M. le Président, le député de Laurier, de façon très habile, a aussi fait référence aux lois 70, 105 et 111. À moins que je ne l'aie mal compris - il me corrigera si j'ai mal interprété ses propos - il a ajouté que ces lois avaient été passées dans un strict but électoraliste, aux fins de recueillir des faveurs électorales. Je n'ai pas besoin de vous dire... Vous devez me corriger tout de suite? Allez-y.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Oui, M. le Président. Ce que j'ai dit, c'est que, à la suite de l'adoption des lois 70, 105 et 111, on peut se poser la question, à savoir si, du fait que vous semblez diviser la réforme du Code du travail en deux étapes, dans le sens qu'il y en a une première, que j'ai appelée "réformette", ou, si vous voulez, une première réforme, concernant les trois points: l'accréditation syndicale, le raccourcissement des délais et rendre la loi antibriseurs de grève plus étanche, et que vous avez vous-même dit qu'il faut pousser l'exercice plus loin, qu'il faut regarder ensemble la philosophie du Code du travail -on fera cela plus tard - j'ai dit qu'à la suite de l'adoption de ces lois, on peut se poser la question, à savoir si le fait de diviser cela en deux étapes n'est pas une démarche électoraliste dans le sens que, pour que le gouvernement se déculpabilise en quelque sorte des gestes qu'il a posés avec les lois 70, 105 et 111, il garde pour plus tard des cadeaux pour acheter la paix et dans un but électoraliste, sans tenir compte des besoins réels de la société tout entière, en tenant compte seulement des besoins du parti.

M. Fréchette: M. le Président, je ne peux absolument pas suivre le député de Laurier dans son raisonnement...

M. Sirros: Je peux essayer encore.

M. Fréchette: ...parce que les événements à partir desquels il tire sa conclusion ne sont pas ceux qui ont déclenché ou qui ont amené le gouvernement à la décision de revoir, autant dans le secteur privé que dans le secteur public, l'ensemble des conditions qui prévalent en matière de négociation et de relations du travail. Ce n'est pas seulement à la suite des événements des derniers mois que le gouvernement a réalisé - d'ailleurs, le Parti libéral au pouvoir l'avait réalisé aussi avant - que le processus mis en place en 1964 par le gouvernement Lesage, par rapport aux objectifs qu'on s'était fixés à l'époque, autant du côté gouvernemental que du côté syndical, ce n'est pas à partir des derniers événements de l'automne et de l'hiver dernier que cette décision a été prise de procéder à la révision globale de tout le système et de tout le processus. Il n'y a pas lieu, me semble-t-il, de faire de relation directe entre ces événements et le processus enclenché autant au niveau de la négociation dans les secteurs public et parapublic que dans le secteur privé.

Parlant du public et du parapublic, M. le Président, je vous dirai qu'au moment où l'on se parle, il y a déjà eu, à ma connaissance, en tout cas - cela pourrait être plus, mais à ma connaissance - trois réunions préliminaires qui ont été tenues aux fins de procéder à l'évaluation, dans un premier temps - et cela me semble la logique même qui commande ce processus -aux fins de procéder au choix de la tribune ou du forum qui sera habilité à revoir l'évaluation de notre système de négociation dans les secteurs public et parapublic.

Je vous signalerai également, puisque cela a fait l'objet d'une de vos préoccupations ou de vos questions, M. le député de Laurier, que le ministère du Travail est impliqué totalement et entièrement dans ce processus dont je viens de vous parler et que, comme lui, je suis d'opinion que le ministère du Travail doit s'impliquer non seulement au niveau des processus préliminaires, non seulement au niveau du déblaiement du terrain, mais le ministère du Travail doit aussi être là de façon constante dans tout le processus qui mènera à une conclusion de ce groupe de travail qui n'est pas encore déterminé. (11 h 15)

Le député de Laurier me demande mon appréciation sur une philosophie qui prend beaucoup d'envergure et d'ampleur depuis quelque temps. C'est celle qui voudrait que des travailleurs soient appelés à cogérer leur entreprise. À cet égard, je suis l'un de ceux qui croient qu'effectivement il faille faire connaître cette possibilité. Non seulement faudrait-il la faire connaître, mais il faudrait mettre à la disposition des parties qui le souhaitent les moyens nécessaires pour qu'elle puisse se réaliser.

Ce sur quoi j'aurais beaucoup de réserve, M. le Président, pour ne pas dire des objections fondamentales, ce serait l'adoption de politiques qui imposeraient une forme de cogestion. Il me semble qu'à cet égard, les parties doivent agir dans un

contexte de consentement ou d'opération de gré à gré, mais je suis l'un de ceux qui croient effectivement que la cogestion pourrait, à bien des égards, éviter dans le domaine des relations du travail des problèmes considérables comme on en a connus. Je sais bien que si, par exemple, un travailleur ou deux siégeaient au conseil d'administration de leur entreprise, s'il leur était possible d'avoir accès aux livres, enfin, si le livre pouvait être devant eux, il est évident que des attitudes pourraient être modifiées, autant d'un côté comme de l'autre. Or, à cet égard, sur le plan du principe, en tout cas, et pour mettre à la disposition des parties les moyens nécessaires pour y arriver, je suis l'un de ceux qui privilégient cette philosophie. D'ailleurs, à certains endroits, cela a déjà été mis en application, du consentement des parties intéressées. Ne pensons qu'à Forano, par exemple, où les parties d'un commun accord ont convenu que les travailleurs pourraient s'asseoir à la table du conseil d'administration et cogérer l'entreprise. Jusqu'à maintenant, il semble que l'expérience qui a été tentée s'avère heureuse.

M. le Président, il y a la philosophie du règlement de placement. Je sais qu'on aura l'occasion d'y revenir tout au cours de l'étude des crédits, mais je voudrais à ce stade-ci, quitte à aller plus en profondeur en temps et lieu, que l'on réalise une seule et simple chose: le règlement de placement crée des inconvénients à des travailleurs de la construction, c'est évident. Autant le règlement de placement que n'importe quelle des lois qu'un gouvernement municipal, provincial ou fédéral va adopter vont créer des inconvénients à quelqu'un dans le champ quelque part. Personne ne mettra cela en discussion. Ceux qui sont avocats savent quels problèmes cela a pu créer quand l'aide juridique a été institutionnalisée et combien les avocats ont eu des réserves; c'est normal.

M. le Président, la philosophie essentielle du règlement de placement, quant aux modalités de rappel au travail, va-t-on accepter et admettre une fois pour toutes que c'est l'équivalent du principe de l'ancienneté que l'on reconnaît dans n'importe quelle des conventions collectives qui existent? Le principe de l'ancienneté dans n'importe quelle des conventions collectives qui existent prévoit que, lorsqu'un travailleur est mis à pied parce qu'il manque du travail ou pour un autre motif qui n'est pas d'ordre disciplinaire, il peut être rappelé au travail, mais il va l'être en fonction de l'ancienneté qu'il détenait chez son employeur. Est-on prêt à accepter que la philosophie qui sous-tend le règlement de placement est essentiellement l'équivalent du principe de l'ancienneté que l'on retrouve encore une fois, dans n'importe quelle des conventions collectives qui existent entre des parties? Si on accepte ce principe, je pense que l'on va convenir qu'on ne peut pas, sur le plan fondamental de cette philosophie, trouver d'autres moyens de protéger ceux qui ont accumulé effectivement, et dans ce cas-ci, c'est en termes d'heures, cette ancienneté qui leur permet un rappel, par préférence par rapport à d'autres qui ne l'ont pas accumulée.

M. le Président, je vous dirai également que le règlement de placement, sa source, son origine, ce n'est pas précisément à partir de la prise du pouvoir par le Parti québécois. Le gouvernement qui a précédé le gouvernement du Parti québécois a été préoccupé par ce problème; c'est le gouvernement qui a précédé l'actuel gouvernement qui a commandé la commission Cliche et c'est à partir des recommandations de la commission Cliche que le gouvernement précédent a amorcé le processus qui devait, indubitablement, conduire à l'adoption d'un règlement de placement. Je comprends que le temps n'a pas permis au gouvernement qui a précédé le nôtre d'adopter le règlement de placement. Mais c'était très précisément la philosophie vers laquelle se dirigeait le gouvernement précédent, M. le Président. On pourra y revenir, bien sûr, mais il me semble que ce sont là deux aspects de la situation qu'il faut retenir.

Est-ce que je peux, ne serait-ce qu'à titre d'information, M. le Président, donner un renseignement aux membres de la commission? Vous vous souvenez de ces événements un peu pénibles qui ont marqué les problèmes qui ont été vécus à la frontière du Nouveau-Brunswick et du Québec, à Campbellton, plus particulièrement, depuis un mois ou six semaines. Alors, il y a donc eu cette rencontre entre des représentants des autorités du gouvernement du Nouveau-Brunswick et des gens du gouvernement du Québec qui essayaient d'identifier les problèmes qui pouvaient être à l'origine de cette violence à la frontière des deux provinces. Le Procureur général du Nouveau-Brunswick et le ministre du Travail nous faisaient remarquer que, selon leur évaluation, il y avait trois causes de violence aux frontières du Nouveau-Brunswick et du Québec. Une de ces causes était, d'après eux, ils nous l'ont dit à l'occasion d'une première rencontre, une réglementation dans le transport; la deuxième était la mobilité de la main-d'oeuvre forestière, les gens qui travaillent en forêt, et, troisièmement, disait-on, il y avait le contenu ou la philosophie, encore une fois, du règlement de placement du Québec. Ce qui a été convenu, à l'occasion de cette première rencontre, c'est que les hauts fonctionnaires des organismes concernés des deux gouvernements

allaient se rencontrer pour effectivement procéder à l'évaluation et à l'identification précise des causes qui engendraient cette violence aux frontières du Québec et du Nouveau-Brunswick.

Quant au règlement de placement, il y a eu deux rencontres qui ont été tenues. La première s'est tenue entre les fonctionnaires du gouvernement du Nouveau-Brunswick et les fonctionnaires du gouvernement du Québec, des gens de l'OCQ, qui, ensemble, ont échangé sur la philosophie, encore une fois, du règlement de placement.

M. le Président, vous allez sans doute être étonné que je vous dise que le gouvernement du Nouveau-Brunswick a manifesté un intérêt tout à fait évident pour notre réglementation dans le placement. Il n'en connaissait pas les tenants et les aboutissants - pour employer une expression chère à l'un de vos collègues - et ils se sont intéressés au premier chef au contenu du règlement de placement. Non seulement le gouvernement du Nouveau-Brunswick s'y est-il intéressé, mais les parties patronale et syndicale de la construction au Nouveau-Brunswick nous ont également demandé d'aller rencontrer les principaux intervenants du monde de la construction au Nouveau-Brunswick, travailleurs et patrons, pour obtenir des renseignements sur le règlement de placement et pour nous dire, finalement: "Seriez-vous disponibles pour nous donner un coup de main dans le cas où on souhaiterait avoir au Nouveau-Brunswick un règlement de placement qui ressemblerait au vôtre?"

Je ne pense pas que ce soit là la révolution. Si, effectivement, un autre gouvernement s'intéresse à la philosophie de notre règlement de placement, je ne pense pas non plus que ce soit la fin du monde, en quelque sorte.

M. le Président, le député de Laurier s'étonne que les crédits soient passés de 40 000 000 $ à 20 000 000 $. Je le comprends de s'étonner. Je le comprends parce qu'au moment où les documents ont été imprimés, il y avait effectivement cette décision qui avait été prise, en vertu de l'article 249 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, de ne plus financer le service d'inspection de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Cette décision a été réévaluée autant par le Comité des priorités que par le gouvernement lui-même. Après cette réévaluation, après cette analyse de l'ensemble de la situation, il a été convenu de revenir au statu quo ante, de respecter l'article 249 de la loi et de financer, comme par les années passées, l'inspection à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Je ne fais aucun reproche au député de Laurier d'avoir soulevé la question parce qu'effectivement, la décision est toute récente et ne correspond pas - je suis tout à fait d'accord avec lui - à l'ensemble des chiffres que l'on retrouve dans le livre des crédits.

Le Président (M. Vallières): M. le député.

M. Sirros: Si je comprends bien, cela veut dire qu'il y aura des modifications dans les chiffres ultérieurs.

M. Fréchette: Voilà.

M. Sirros: Est-ce que le ministre pourrait expliquer en quelque sorte ce qui a amené la première prise de décision? Qu'est-ce qui a amené la révision?

M. Fréchette: Ce qui a amené la première prise de décision - je l'ai dit à l'Assemblée nationale la semaine dernière -c'est qu'à partir du principe ou de la volonté de rationaliser les finances publiques et à partir de la constatation que le fonds actuariel de la CSST est capitalisé à 72%... Il est capitalisé à 72%, mais entendons-nous bien, cela comprend à la fois la réparation et l'indexation. L'évaluation qui en avait alors été faite, c'est que, compte tenu de cette capitalisation, il était sans doute possible que la Commission de la santé et de la sécurité du travail puisse elle-même assumer les coûts ou enfin le financement de l'inspection.

Après réévaluation, comme je viens de vous le dire, la décision de revenir au statu quo ante a été prise pour deux motifs bien précis. D'abord, il y a une loi qui fait obligation au gouvernement - c'est l'article 249 de la loi 17 - de financer l'inspection, d'une part. Deuxièmement, il a été décidé que le gouvernement devait continuer de contribuer purement et simplement à assumer les coûts nécessités par l'inspection. Ce ne sont pas d'autres motifs que ceux-là qui ont amené la réévaluation de la situation du dossier et qui ont amené la décision, comme je viens de vous le signaler, de respecter intégralement l'article 249 de la loi.

Toujours au chapitre de la CSST, je sais que les députés de Viau et de Portneuf brûlent du désir d'aborder le sujet. Mais, comme vous y avez touché, vous me permettrez quelques commentaires. Depuis quelque temps - je ne dirai pas qu'on s'acharne - on revient constamment avec des préoccupations qui touchent la Commission de la santé et de la sécurité du travail. On a l'impression que l'objectif fondamental est d'arriver carrément à discréditer l'organisme sur la place publique, en s'attaquant plus précisément à une personne, non seulement en s'y attaquant, mais en demandant purement et simplement sa tête. (11 h 30)

M. le Président, est-ce que je peux,

comme première remarque, vous indiquer qu'il est le président d'un conseil d'administration paritaire composé de quatorze personnes plus un observateur? Je ne sache pas que la politique administrative d'un organisme soit le lot ou la juridiction exclusive d'une seule personne, fût-elle président-directeur général de l'organisme en question. Si l'on veut demander des comptes, qu'on les demande à l'ensemble de l'organisme et donc aux quatorze autres administrateurs du même organisme. On s'est plu, depuis une quinzaine, à lancer dans le paysage toute espèce de chiffres aussi effarants et gros les uns que les autres quant au déficit de la CSST. Le député de Viau a même annoncé - ou enfin, il a avancé dans une intervention à l'Assemblée nationale, qu'il y avait là un déficit de 230 000 000 $. M. le Président, c'est absolument et strictement faux. Le député de Viau a parlé de sources d'information. Je sais qu'il peut avoir des sources d'information à la CSST, mais ce ne sont pas les bonnes. Ce ne sont pas les bonnes. Ou alors, les informations qu'on vous donne ne sont pas les bonnes. M. le Président, il n'y a pas et il n'y a pas eu de déficit de 200 000 000 $ ou plus à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il y a eu, en 1982, un déficit de 57 000 000 $. Retranchez le surplus de 18 000 000 $ de 1981 - pour vous, il y a un déficit de 40 000 000 $ ou 50 000 000 $ aussi en 1981, mais les livres vérifiés démontrent un surplus de 18 000 000 $ - retranchez donc des 57 000 000 $ de 1982 les 18 000 000 $ de surplus de 1981 et vous arrivez avec un déficit d'à peu près 39 000 000 $. L'Opposition, M. le Président, évalue que le déficit de la CSST pour 1983 dépassera les 80 000 000 $. Ce n'est pas, non plus, l'évaluation qui est faite par le conseil d'administration. Il est évalué par le conseil d'administration que le déficit tournerait autour d'une quarantaine de millions. Alors, pour 1982 et 1983, cela pourrait faire, globalement, à peu près 80 000 000 $ de déficit. Enfin, j'arrondis.

Et qu'y a-t-il de dramatique dans une situation comme celle-là, quand on parle d'un fonds capitalisé à 72%, d'une somme d'argent de 1 600 000 000 $ placée à la Caisse de dépôt et placement, qui rapporte des intérêts et qui peut profiter à d'autres initiatives du gouvernement du Québec? Et, quand on a le goût souvent de se comparer avec l'Ontario, retenons donc qu'en Ontario, le fonds de capitalisation, le fonds acturiel capitalisé de la même commission est à 56%, sans tenir compte de l'indexation. On ne tient compte que de la réparation et on est capitalisé à 56%. Si on tenait compte de l'indexation, comme on le fait ici, ce serait capitalisé à 37% en Ontario. Je pense que c'est un certain nombre de choses qu'on a le droit d'éclaircir, M. le Président. Et, quand on nous parle d'une politique de recouvrement... Je trouve étrange qu'il y a trois ou six mois, le Parti libéral ait mené une guerre de tous les instants pour dire que le gouvernement s'acharnait sur des gens qui devaient une certaine somme d'argent à l'impôt, qu'on prenait tous les moyens pour recouvrer même des sommes qui n'étaient pas dues, qu'on n'était pas humanisé, disait-on, dans le recouvrement des sommes d'impôt qui seraient dues au gouvernement. Et là, assez curieusement - ou bien j'évalue mal, ou bien je ne comprends pas la signification des termes - ce qu'on voudrait, c'est qu'on implante à la Commission de la santé et de la sécurité du travail un système comme celui qu'on reproche au ministère du Revenu. Je ne sais pas si c'est l'objectif. Mais le recouvrement à la CSST, il se fait, et il est basé sur les principes du droit civil. Je vous en donne les paramètres rapidement.

Quand il y a constatation et évidence de fraude ou de fausse représentation, M. le Président, ou de déclaration qui ne serait pas conforme à la réalité des faits, indépendamment des montants qui sont en cause, le processus de recouvrement va s'enclencher par la voie du processus reconnu en matière civile et cela peut aller jusqu'à la saisie des biens de celui qui aurait fait une fausse déclaration.

Par ailleurs, M. le Président, quand on est devant un surpayé de 50 $, 75 $, 100 $, et c'est la majorité...

M. Cusano: 5000 $?

M. Fréchette: Je vais y arriver à vos 5000 $. Je vais aussi arriver à vos 15 000 $ que vous avez soulevés à l'Assemblée nationale, ce ne sera pas long, vous allez voir. Mais, quand on est devant un montant surpayé de 50 $, 75 $ ou 100 $ et que l'évaluation est faite que cela en coûterait 300 $, 400 $ ou 500 $ pour le recouvrer, sans être sûr de pouvoir le récupérer ou le recouvrer, est-ce que le député de Portneuf serait prêt à agir comme procureur de la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour aller saisir des gens qui ont reçu un montant surpayé de 50 $, 75 $, 100 $ et qu'il en coûtera 250 $ à 300 $ en frais? C'est cela l'objectif? C'est cela que vous nous demandez de faire?

Je vais parler d'une autre situation et vous me direz également si votre objectif serait de récupérer quelque argent. Je vous donne le cas de gens que vous connaissez fort bien, celui des gens qui ont été, en 1979, déclarés "amiantosiques". Un examen médical pose un diagnostic clair: Voici une personne qui est amiantosée à 10% et plus. Les dispositions de la loi 52 sont telles que ce travailleur se retire du marché du travail. Son permis lui est enlevé. Il a 50 ans, 55

ans. Il reçoit donc 90% de son salaire net pour le restant de ses jours, comme on dit communément. Or, il arrive que, sans que lui, d'aucune espèce de façon, ait eu quelque rôle à jouer dans le processus que je suis en train de vous expliquer, deux ans plus tard, un comité de trois médecins spécialistes en matière de maladies pulmonnaires en vient à la conclusion qu'il n'a pas d'amiantose. Miracle! On les appelle les "miraculés de l'amiante", M. le Président. Ils ont 45, 50 et 55 ans. Ils ont reçu en moyenne 74 000 $ chacun, sans que, d'aucune espèce de façon, ils soient responsables de la situation qui leur arrive. C'est une évaluation médicale qui a été faite au départ. C'est une évaluation médicale qui est faite, en fin de compte. Est-ce que quelqu'un est disposé à accepter le mandat que la commission pourrait lui donner de prendre les procédures judiciaires pour récupérer les 74 000 $ du travailleur qui n'a plus de permis de travail, qui a 55 ou 60 ans et qui, à toutes fins utiles, ne vit qu'avec 90% du revenu net que la loi lui permettait d'avoir lorsqu'il était amiantosé? Mais il ne l'est plus, parce qu'il s'est produit un miracle. Est-ce ce genre de récupération que vous souhaitez que la commission fasse? Y a-t-il un avocat chez vous qui serait disponible, bénévole, pour entamer ces procédures? Si oui, on peut lui confier le mandat rapidement.

Un autre exemple, M. le Président. C'est beau de le lancer sur la place publique, de le lancer en pâture à tout le monde sans y donner d'explication. Le député de Portneuf va être ici, cet après-midi, on pourra reprendre le débat, s'il le souhaite.

Mais, la semaine dernière, à l'Assemblée nationale, ce député me pose la question suivante: Comment, M. le ministre, pouvez-vous expliquer qu'un travailleur accidenté, qu'un accident a rendu inapte à travailler, reçoive, après s'être retiré du marché du travail, 35 000 $, alors qu'il retirait un salaire de 23 500 $? Lancée comme cela, M. le Président, il est clair que cette question jette le discrédit sur l'organisme lui-même, sur les gens qui y travaillent à l'intérieur. Mais, quand on y regarde de près, cela s'explique très facilement.

Ce travailleur du CN - pour reprendre l'exemple du député de Portneuf - est au travail et gagne, pendant qu'il y est, 23 500 $ de salaire. Il subit un accident de travail qui lui occasionne une incapacité partielle permanente de 12%. Mais son accident fait en sorte que sa situation se dégrade et l'amène au point où il doit se retirer complètement du travail, il n'est plus capable de travailler. Il est déclaré "inapte" au travail ou en incapacité totale. Qu'arrive-t-il, M. le Président? Il arrive qu'il a droit, étant devenu totalement invalide et incapable de travailler, è 90% de son salaire net. C'est l'indemnisation qu'il va recevoir de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Cela fait à peu près 20 000 $.

Mais, ce même travailleur, qui est au CN depuis 20 ans, 25 ans, 30 ans, et qui a pris la précaution, qui a eu la prudence de cotiser à un fonds de retraite privé, va aussi recevoir, quand il va se retirer du marché du travail soit pour un motif d'incapacité, soit pour un motif d'âge, sa prestation de retraite de 15 000 $, ce qui va faire qu'il va recevoir effectivement 35 000 $ après avoir été retiré du marché du travail. Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'on devrait soustraire de la prestation de ce travailleur le montant équivalant au montant qu'il reçoit du régime de retraite qu'il s'est lui-même payé pendant 20 ou 25 ans? Il est vrai qu'un travailleur qui se retire du marché du travail peut retirer plus que le montant qu'il gagnait, mais il l'a fait de sa propre initiative, avec ses deniers, en se payant un fonds de retraite privé. Il serait peut-être utile d'aller jusqu'au bout du dossier. Ce n'est pas 35 000 $ qui viennent de la CSST, entendons-nous bien. La CSST paie 20 000 $, soit le maximum prévu, les 15 000 $ proviennent de la compagnie d'assurances ou d'un autre organisme.

M. Cusano: Question de privilège.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Viau, je vous rappelle qu'en commission parlementaire, il n'y a pas de question de privilège, cela ne peut être qu'une question de règlement.

M. Cusano: Question de règlement ou de directive ou simplement une demande au ministre à ce moment-ci. Est-ce qu'on veut aborder l'étude des crédits de la CSST immédiatement ou si cela fait partie des remarques préliminaires?

Le Président (M. Vallières): Je puis répondre à cette question. À ce stade-ci de nos travaux, le ministre vient de mettre fin à ce qu'on appelle la réplique à la suite des notes préliminaires des deux formations politiques. J'avais une demande d'intervention du député de Prévost. Je lui demanderais si cela concerne un programme en particulier parce que, pour la bonne marche de nos travaux, il serait intéressant qu'on convienne de la façon qu'on va aborder les divers programmes.

M. Cusano: Je vous avais demandé la parole pour demander quelques précisions au ministre. On vient de me les donner. Cela élimine toute question de règlement.

Le Président (M. Vallières): Je donnerai d'abord la parole au député de Prévost et je reviendrai à votre question par la suite.

M. Sirros: Je m'interroge simplement sur la façon de procéder. Est-ce que je peux proposer au ministre de procéder - c'est ce que nous aimerions faire - d'une façon générale et, avant la fin des crédits, de passer les programmes en détail? Concernant la CSST, comme le ministre a fait référence lui-même à plusieurs reprises au député de Portneuf, il y aurait peut-être une seule question que j'aurais à poser lorsque le député de Prévost aura terminé sur quelque chose que le ministre a dit dans sa réplique. On pourrait peut-être aborder la CSST quand le député de Portneuf sera ici.

M. Fréchette: C'est l'entendement que j'en avais. Je me suis référé à ces choses-là parce qu'il s'agissait d'une réplique et effectivement le député... Il me semblait avoir compris - on pourra me corriger - que, ce matin, on faisait une discussion d'ordre général sur la question des relations du travail comme telle, qu'on revenait cet après-midi à la CSST et enfin aux autres programmes, pour le temps qu'il restera.

M. Cusano: M. le Président...

Le Président (M. Vallières): Juste avant, M. le député de Viau, j'avais reconnu le député de Prévost. J'aimerais qu'il nous indique le but de son intervention.

M. Dean: Je suis en train de me faire avoir par la procédure. Mes remarques étaient en partie de nature générale et aussi en réplique au député de Laurier sur la question des relations du travail en général.

Le Président (M. Vallières): Si vous le permettez, nous pourrions procéder, compte tenu que nous procédons par alternance et le ministre venant de donner la réplique, avec le député de Viau et ensuite avec le député de Prévost.

M. le député de Viau.

M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. J'aimerais préciser que je n'embarquerai pas dans les crédits de la CSST tout de suite. Mes remarques seront plutôt d'ordre général, à propos de la volée de réformes que vous avez proposées. Je m'excuse, je n'ai rien entendu sur des changements de structures ou une loi sur la CSST. Je peux assurer le ministre qu'il ne s'agit pas d'un problème de langue, mais c'est parce que je suis arrivé en retard à la commission. J'aimerais lui poser la question suivante: Dans la volée de réformes qu'il a présentées, a-t-il mentionné des modifications minimales de structures, internes à la CSST? Ou a-t-il mentionné des modifications globales de structures à la CSST? Je voudrais savoir s'il s'agit d'un oubli de sa part, s'il y en a, premièrement, et, s'il y en a, va-t-il les présenter cet après-midi lorsqu'on en arrivera aux crédits de la CSST?

M. Fréchette: Je ne l'ai pas fait ce matin et cela était volontaire, parce que j'envisageais de le faire lorsqu'on arriverait au programme consacré strictement à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. (11 h 45)

M. Cusano: L'autre commentaire, encore d'ordre général, suivant vos déclarations de tout à l'heure, est sur le fait que le président de la CSST n'est peut-être pas le seul responsable de ce qui se passe à la CSST et cela justifie notre demande depuis un an d'avoir une commission parlementaire sur la CSST, suggestion que vous semblez mettre de côté complètement.

M. Fréchette: Je n'ai jamais dit que quelqu'un était responsable de quoi que ce soit. Si vous voulez faire des responsables et des coupables sur la place publique, il n'y a peut-être pas juste une personne à qui il faut s'adresser.

M. Cusano: Comment peut-on s'adresser au conseil d'administration en totalité sans une commission parlementaire?

M. Fréchette: Est-ce qu'on ne doit pas y revenir cet après-midi, M. le Président?

M. Cusano: Ah bon!

Le Président (M. Vallières): On pourrait peut-être réserver ces questions pour l'étude du programme 2, où on retrouve les crédits de la CSST. On pourrait maintenant donner la parole au député de Prévost.

M. Robert Dean

M. Dean: Merci, M. le Président.

Quand le député de Laurier, au nom de sa formation politique, dit qu'il y a des problèmes de relations du travail au Québec et il les déplore, je dois être d'accord avec lui. Quand il dit que peut-être notre gouvernement a été relativement lent à apporter des projets de solution à certains de ces problèmes de relations du travail, je suis encore porté, à cause de mon passé, à être d'accord avec lui.

M. Sirros: C'est sûr.

M. Dean: J'ai très hâte de participer à un débat public, en profondeur, sur la question des relations du travail au Québec. Je suis impatient de participer à un débat qui chercherait à trouver de nouvelles orientations pour les relations patronales-

syndicales au Québec pour le bien économique et social du Québec. J'ai hâte aussi que ce débat, cette remise en question, s'exerce non seulement à l'égard du secteur public, mais à l'égard des 85% des travailleurs, et de connaître quel est le pourcentage des entreprises au Québec qui oeuvrent dans le domaine de l'extraction, de la transformation, de la distribution de la richesse, ce qu'on appelle, pour une bonne part, le secteur privé. J'ai hâte à la première phase, qu'on entamera d'ici quelques jours ou quelques semaines, et j'ai hâte aussi à la deuxième phase qui s'annonce pour l'automne. J'ai hâte de participer à ce débat, parce que je suis impatient de voir quelles positions seront prises par l'Opposition à ces débats. Il est beaucoup plus facile de poser des questions, de déplorer des situations que de prendre position. Ce parti dit: On est contre cela. Mais on est pour quoi? On est pour qui? Cela est beaucoup plus difficile et j'ai hâte de voir les représentants de l'Opposition montrer leurs couleurs. Espérons qu'il y aura d'autres couleurs que du rouge, espérons qu'il y aura des nuances.

Espérons qu'après avoir voulu ce débat et déploré sa lenteur à se tenir, l'Opposition ne finira pas par faire ce qu'elle a fait quand il s'est agi de la Loi sur la santé et la sécurité du travail où, après un débat public, où elle a dénoncé à toute la population le fouillis épouvantable, le coût économique, social et humain effarant des questions de la santé et de la sécurité du travail en face d'un projet de loi qui cherchait à apporter des solutions à certains de ces problèmes, le Parti libéral a voté contre. Tout en déplorant que le débat n'ait pas lieu, le député de Laurier trouve déjà une réponse à l'avance, s'il fallait que ce débat ait lieu. Si on aborde ces deux projets de loi ou ce projet de loi prochain et ce débat public qui suivra, sur des questions plus profondes, déjà il se bâtit un mécanisme de défense en disant: Bon, est-ce que cela sera pour acheter la paix? Est-ce que cela veut dire que si, après ces débats publics, on en arrivait à des solutions qui devaient reconnaître qu'il y a un problème sérieux d'accès à la syndicalisation pour les travailleurs, le parti de l'Opposition dirait que c'est pour acheter la paix, pour des raisons électoralistes, comme ces gens ont dit?

Je souhaiterais plutôt, M. le Président, que le député de Laurier, avec son calme et son intégrité, son mérite habituel, participe à ce débat en vue de préparer un consensus non seulement des partis politiques, mais des partenaires sociaux, un consensus qui finisse par établir une fois pour toutes au Québec le droit à l'entreprise d'exister, de faire des profits, d'être productive, d'être concurrentielle, de fabriquer des produits de qualité au meilleur prix, mais aussi le rôle essentiel dans une société démocratique d'un syndicalisme librement choisi, démocratique et efficace comme élément essentiel de la participation des travailleurs dans l'entreprise et dans la société.

Le député de Laurier a fait rapidement allusion à l'accréditation multipatronale. Une des choses que je déplore dans ce débat qui n'en est pas encore un, c'est cette hystérie qu'on retrouve dans les journaux - et je ne parle pas du parti de l'Opposition actuellement - visant à protester contre un principe dont on peut déplorer le fait - et je ne suis pas le seul à le déplorer - que même les balises... Qu'est-ce que cela veut dire au fond ou qu'est-ce que cela peut vouloir dire? Hypothèses A, B, C, D. Avant même qu'on balise la question, qu'on définisse la question, déjà les positions sont braquées sur le concept d'accréditation multipatronale: c'est la catastrophe, c'est l'apocalypse, c'est la fermeture de tout ce qui existe au monde et on ne sait même pas de quoi on parle encore.

On aura sans doute l'occasion dans ce débat d'explorer en détail ce que l'accréditation multipatronale mange en hiver. Mais je veux surtout m'attarder aujourd'hui sur le problème encore plus fondamental - parce que s'il y a des problèmes de relations du travail - de l'état pitoyable de l'exercice du droit d'association ici au Québec en vertu de nos législations existantes, le droit d'association qui est reconnu dans la Charte universelle des droits de l'homme, celle des Nations Unies, le droit des travailleurs partout dans le monde de se former en syndicat pour la défense de leurs droits.

La première loi au Québec qui a régi les relations du travail, c'est la loi instituant une commission de relations ouvrières du 3 février 1944, une belle petite loi de six pages, M. le Président, qui, à son article 3, disait: "Tout employeur et tout salarié ont droit d'être membre d'une association et de participer à ses activités légitimes." Ce droit est reconduit dans notre Code du travail d'aujourd'hui et, malgré son nombre de pages terriblement supérieur à six, avec toute la sophistication qu'on a apportée à notre code, pour une grande partie des travailleurs et travailleuses du Québec, est systématiquement et complètement bafoué.

Ce n'est pas vrai que l'homme ou la femme au travail, le groupe d'hommes ou de femmes au travail qui veulent se syndiquer sont capables de le faire. J'oserais dire qu'un employeur, s'il y a des accréditations aujourd'hui, en vertu des lois et procédures qui existent, malgré ce droit fondamental... Et je voulais vous le dire tantôt, non seulement la première loi au Québec en 1944, mais la Charte des droits et libertés de la personne et même le Canada Bill de

1981 parlent du droit fondamental des travailleurs de se grouper en association; tout le monde peut se grouper en association. Mais ce droit est bafoué.

Ce qui me fait dire, M. le Président, qu'actuellement, pour une bonne partie du secteur privé du Québec, le taux de syndicalisation est excessivement bas - il y en a qui disent 25%, il y en a qui disent 20%; d'autres, plus pessimistes, disent 17% -le taux de syndicalisation n'est pas fort. Je peux vous dire que... Je pourrais vous donner des preuves détaillées pendant les neuf heures de notre débat, mais ce n'est pas mon intention, M. le Président, il y aura d'autres occasions. J'oserais dire qu'est accrédité aujourd'hui un syndicat dont l'employeur, face à une demande d'accréditation, décide qu'il respecte la loi, qu'il respecte le droit d'association et décide de ne pas mettre les bâtons dans les roues et de consentir, même s'il conteste certains éléments de la requête et de l'unité de négociation, etc., que ses employés soient syndiqués. Parce que je vais vous dire avec autant de conviction que l'employeur qui décide qu'il n'y aura pas de syndicat dans sa boutique, quel que soit le désir des travailleurs et des travailleuses chez lui d'avoir un syndicat, va gagner à coup sûr. C'est selon la décision de l'employeur si, oui ou non, il y aura un syndicat dans cette botte, même si les travailleurs à 100% désirent se donner un syndicat.

Il y un pattern très bien connu et très classique: requête en accréditation par un syndicat, par le patron, contestation de l'unité de négociations qui provoque des délais, congédiement au besoin, soit de tous les employés ou de la moitié de certaines personnes identifiées comme personnes clés dans l'effort de recrutement syndical, menace de fermeture ou fermeture pure et simple, formation de syndicats de boutique. C'est la formule classique. Cela se déroule tous les jours comme un vieux film qu'on a vu à maintes reprises. Il y a un manuel du parfait casseur de syndicat qui existe, qui est disponible à tout le monde et qui fonctionne à merveille, qui provoque de longs processus. Je vous dirai même, devant des décisions favorables des enquêteurs, des commissaires de travail, du Tribunal du travail, des évocations, des requêtes de toutes sortes devant les tribunaux supérieurs, que, finalement, il y a un refus de se conformer aux ordonnances, aux décisions et même aux injonctions, qui sont difficiles à obtenir pour un syndicat, carrément.

Je peux vous citer, dans mon propre comté, des cas où le syndicat a tout gagné pendant trois ans: des congédiements ont été gagnés, le syndicat de boutique a été rejeté, le syndicat a été accrédité et il n'y eut aucune décision patronale pour respecter toutes ces décisions. Le syndicat va devant les tribunaux pour chercher des injonctions; il les obtient, ce qui est quasiment un miracle. L'employeur ne respecte pas les injonctions; il y a une condamnation, trois fois, pour outrage au tribunal et des amendes pitoyables, dérisoires, malheureusement. Encore aujourd'hui, il n'y a pas de syndicat, pas de convention collective, pas de réintégration; le syndicat a déjà dépensé 50 000 $ en frais juridiques et les travailleurs sont complètement écoeurés. Ceux qui restent sont complètement écoeurés de l'idée de ce syndicat. Ce ne sont pas eux qui recevront avec sympathie un recruteur syndical qui se présentera chez eux un jour.

Une personne de la centrale syndicale m'a dit hier soir que, dans mon comté, depuis deux ans, il n'y a pas une accréditation syndicale dans la région, au nord de Montréal, dans le secteur privé. Zéro sur dix-sept requêtes d'une centrale et l'autre centrale viendra me voir la semaine prochaine pour déplorer la même chose dans son secteur. Donc, problème fondamental de respect du droit d'association. Si on a un premier projet qui s'en vient très bientôt, c'est pour aller au plus pressé, pour essayer de colmater certains des problèmes du respect du droit d'association, du droit fondamental d'association dans nos lois. Mais, c'est nécessaire aussi d'aller plus loin, parce, dans les années soixante, au Québec, on a choisi une voie unique de traitement de requêtes en accréditation syndicale. On a choisi le système commissaires de travail, Tribunal du travail. On se pensait bien fin et bien beau au Québec dans les années soixante et on se pense encore ainsi, avec raison, mais, dans ce domaine, on a pris un chemin tout seul. Ce chemin, après treize ans, avec l'évolution du monde du travail, comme toutes les autres, l'évolution sociale, économique, structurelle, les industries et tout le reste, cette évolution fait en sorte que notre système est joliment figé pendant que, dans d'autres provinces, en Colombie britannique, en Nouvelle-Écosse, en Ontario et même aux commissions fédérales, on a adopté une nouvelle approche pour la reconnaissance du droit fondamental d'association qui est ce qu'on appelle un "board" moderne, pour le distinguer des anciennes commissions de relations du travail, avec un nouveau fonctionnement basé sur les relations du travail, une fonction de médiation et une fonction d'ordonnance, une fonction de médiation avec pouvoir d'ordonnance, ce qui fait en sorte que, en Colombie britannique et en Ontario, les accréditations sortent beaucoup plus rapidement. (12 heures)

II y a aussi beaucoup moins de congédiements pour activités syndicales qu'au Québec. Pourquoi? Parce que, avec un "board" moderne, avec un fonctionnement

rapide et ce type d'institution qui a été soumis avec succès à l'épreuve de la Cour suprême et des tribunaux supérieurs, on trouve le moyen d'ordonner des réintégrations très rapidement, quand il y a des congédiements, de donner des accréditations beaucoup plus rapidement qu'au Québec, avec le résultat aussi que ce n'est pas payant pour les employeurs qui veulent casser le syndicat dans ces autres provinces, dans ces autres juridictions. Ce n'est pas payant de le faire. Au Québec, c'est payant. On sait que, même si le travailleur congédié gagne sa cause deux ans après, cela en valait la peine, car, entre temps, même s'il a gagné, dans bien des cas, le syndicat n'existe plus, parce que les employés qui ont fondé ce syndicat n'existent plus.

Donc, j'ai bien hâte, M. le Président, que les deux partis dans cette Chambre s'assoient pour étudier ce prochain projet de loi et qu'il y ait le plus tôt possible un débat majeur et global sur l'orientation de notre législation du travail. J'ai hâte qu'on trouve de nouvelles solutions à la mode des années quatre-vingt pour assurer que les travailleuses et les travailleurs du Québec qui veulent se syndiquer puissent le faire rapidement et en toute justice. Comme je l'ai dit au début, M. le Président, j'ai hâte de voir quelle sorte de consensus on pourra bâtir entre les deux partis à l'Assemblée nationale du Québec sur ces questions.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Laurier.

Discussion générale

M. Sirros: Merci, M. le Président. Je suis heureux de constater, d'abord, qu'on est d'accord sur la lenteur du processus et aussi sur le besoin d'avoir un débat public. C'est pour cette raison précise que je disais tout à l'heure que cela aurait été bien mieux de procéder en bloc, si vous voulez, à cette réforme. En effet, même à travers les exemples que donnait le député de Prévost, je pense qu'il a fourni, en quelque sorte, les éléments de preuve du besoin de faire ce débat avant de procéder à des changements dans un secteur, les relations du travail, du Code du travail. Finalement, dans ce domaine M. le Président, il s'agit beaucoup des mentalités qu'ont les gens. On ne légifère pas sur des mentalités. On peut légiférer pour clarifier des choses, préciser des choses, mais le problème de fond, dans le domaine des relations du travail, c'est un problème de mentalités et d'approche. C'est dans ce sens que je disais qu'il vaut mieux faire le débat d'abord, de scruter à fond ce qu'on veut et ce qu'on souhaite voir, ce que pensent les différents intervenants de tout le domaine des relations du travail et de procéder après aux révisions et aux correctifs qui s'imposent, que ce soit au niveau de l'accès à la syndicalisation, que ce soit au niveau du raccourcissement des délais, etc. Mais il me semble qu'on fait l'inverse. On procède d'abord à corriger quelque chose et on jugera le projet de loi à sa valeur même. Quant au principe, je pense qu'il y a un consensus sur le principe de la syndicalisation. Après, on va continuer, comme le disait le ministre, à examiner la philosophie qui sous-tend les relations du travail. Il me semble, M. le Président, qu'on aurait dû normalement examiner, d'abord, la philosophie qui sous-tend ces relations et apporter des corrections par la suite.

Quant à l'inquiétude ou à la hâte du député de Prévost de voir l'Opposition s'afficher par rapport à des questions bien précises sur ce débat, je lui rappellerai simplement que, à moins qu'il n'y ait quelque chose qui ait changé tout récemment et dont je ne me suis pas aperçu, c'est toujours le gouvernement qui est là pour établir ces choix que nous aurons à vivre comme société. C'est sûr qu'on va donner nos réactions, nos positions et ce que l'on croit sur cette question, mais il ne faudrait pas que le gouvernement essaie d'escamoter le fait que lui-même n'a pas fait cette déclaration de foi ou de principe simplement parce que l'Opposition ne l'a pas faite encore.

Financement des activités d'inspection de la CSST

On va ajourner à 12 h 30. Il y a une question que j'ai posée tout à l'heure au ministre dont, vraiment, la réponse m'a laissé complètement insatisfait. J'aimerais juste y revenir un peu, même si cela touche la CSST. C'était par rapport aux crédits. Vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait eu une décision antérieure à la parution du livre des crédits qui était de supprimer le financement des activités d'inspection et que - je pense qu'on a reçu le livre des crédits jeudi dernier - jusqu'à aujourd'hui cette décision avait été révisée. J'avais posé la question: Qu'est-ce qui a amené le gouvernement, d'une part, à le supprimer et, deuxièmement, qu'est-ce qui l'a amené à changer? La réponse était, pour ce qui est de la révision, que, d'abord, il y a la loi qui dit qu'il faut les financer et, deuxièmement, parce qu'on voulait les financer. Je pense que je résume assez fidèlement les paroles du ministre. Je ferais remarquer simplement que la loi était là même au moment où vous avez pris la décision de supprimer le financement. Finalement, la question exacte était: Qu'est-ce qui vous a amenés à refinancer? Répondre "parce qu'on le voulait" n'est vraiment pas une réponse.

M. Fréchette: M. le Président, il y a

peut-être lieu d'être un peu plus explicite sur ce qu'on appelle la suppression du financement. Là-dessus, c'est peut-être moi qui n'ai pas été assez clair; non seulement je n'ai pas été assez clair, mais je ne l'ai pas signalé à cette commission. La suppression dont on parle devait se faire de façon graduelle, c'est-à-dire qu'à partir du montant global qui était financé par le gouvernement, qui se situe à 18 000 000 $, la première décision qui avait été prise, à la suite d'une consultation avec les autorités de la CSST, c'était de procéder pour une première année à diminuer le montant du financement d'une première tranche de 6 000 000 $, d'une deuxième tranche de 6 000 000 $ la deuxième année et, la troisième année, d'une autre et dernière tranche de 6 000 000 $, pour faire la somme globale de 18 000 000 $.

Le raisonnement qu'il y avait derrière tout cela, c'est que, le fonds actuariel étant capitalisé de la façon qu'on le sait, l'évaluation politique nous a amenés à ce moment-là à la conclusion que l'inspection pouvait peut-être se financer à partir du fonds actuariel capitalisé. Par ailleurs, partant surtout du principe même qu'il y a dans la loi, en vertu duquel ce sont les employeurs qui financent la réparation, l'indexation, la prévention, l'administration en général, la réévaluation nous a amenés à la conclusion qu'il ne fallait pas, parce que le fonds actuariel était au stade où il est et intéressant, pénaliser l'organisme comme tel et l'obliger à prendre de l'argent provenant des cotisations des employeurs pour financer l'inspection, le gouvernement ayant décidé, au moment où il a fait adopter la loi 17, de prendre sur lui et d'assumer lui-même les sommes nécessaires pour l'inspection. C'est le motif ou un des motifs pour lesquels on est revenu au statu quo ante, enfin, on est revenu à la situation qui existait avant cette première décision dont on vient de parler.

M. Sirros: Vous vous êtes trompé, finalement. C'est ce que je comprends.

M. Fréchette: Écoutez, on ne s'est pas trompé. Une discussion davantage poussée...

M. Sirros: Vous avez pris une mauvaise décision.

M. Fréchette: ...nous a menés à la conclusion qu'il ne fallait pas pénaliser les employeurs, quand il y a deux ans le gouvernement avait très carrément et explicitement pris la décision de financer lui-même l'inspection. Je ne vois pas ce qu'il y a de mal à réévaluer une situation de cette nature. Vous savez, si l'on s'encadrait continuellement et régulièrement dans des décisions, sans les réévaluer de temps en temps, on se retrouverait dans des situations pénibles souvent.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, cette révision dont vous parlez, cela veut dire un chiffre de 18 000 000 $ dans les crédits pour la CSST.

M. Fréchette: C'est le même montant que celui qui a toujours été donné.

M. Cusano: Est-ce que vous avez révisé d'autres programmes depuis l'impression du livre de crédits?

M. Fréchette: Non, M. le Président. M. Cusano: Merci.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Je voudrais seulement revenir un peu en arrière, parce que cela me laisse un peu...

M. Fréchette: Écoutez...

M. Sirros: Si je comprends bien, auparavant, c'est le gouvernement qui finançait les activités d'inspection, tel que prévu par la loi. Il y a, à un moment donné, une décision du gouvernement de ne plus financer, pour les raisons du fonds actuariel qui est capitalisé, etc., les activités d'inspection.

M. Fréchette: De la façon que je vous l'ai dit.

M. Sirros: Oui, sur une période de trois ans, de réduire, même si, dans le livre qui est présenté, je pense qu'il y a seulement 1 900 000 $ prévus pour la commission proprement dite. Donc, c'est ce qui nous a amenés à dire que c'était complètement coupé. Vous prenez cette décision, vous préparez le livre des crédits, etc. Vous arrivez ici et vous dites finalement: Non, on revient à ce qu'on avait au tout début, c'est-à-dire qu'on va maintenir le financement. C'est de là que je tire la conclusion: soit qu'il y ait eu une mauvaise décision prise la première fois qui était de couper, soit que vous vous êtes trompé à ce sujet. J'aimerais avoir un peu de précisions sur cette question. Il y a quelque chose qui s'est passé, en tout cas, qui...

M. Fréchette: Oui, je vais vous le dire et avec assez de satisfaction, par ailleurs. Au cours de l'été 1982, vous vous souvenez que le gouvernement a demandé à tous les ministères de prendre les dispositions

nécessaires pour rationaliser l'état des finances publiques. Un moyen pour y arriver, c'était de demander, effectivement, à chacun des ministères de procéder à des coupures -enfin, appelons cela comme on voudra - dans une proportion de 15%. C'était au cours de l'été 1982, alors qu'existait juridiquement et administrativement le ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Donc, au ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, on a procédé à l'analyse de l'ensemble de la situation financière. Comme on voulait répondre au mandat qui était demandé, on a procédé, effectivement, à la ventilation, au choix, à l'intérieur des programmes, des différents chapitres ou des différents endroits où il faudrait, effectivement, supprimer, enfin, amoindrir des modes de financement ou diminuer des sommes d'argent.

Alors, toujours au ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, après que le tour eut été fait au chapitre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, il fallait voir si de moyens financiers pouvaient être soustraits au ministère du Travail, division des relations du travail. Et tout le monde est arrivé à la conclusion qu'il n'y avait pas, au ministère du Travail, division des relations du travail, d'endroit ou de direction où l'on pouvait couper quoi que ce soit.

Comme la CSST, à l'époque, devait répondre de son administration au ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, l'exercice a été poussé plus loin. C'est un des endroits qu'on a identifiés comme étant un de ceux à qui on pourrait demander le sacrifice, en quelque sorte, de ne pas retirer totalement le montant prévu par l'inspection et de procéder graduellement. Je vous signale que celui qui vous parle en particulier n'a, en aucune espèce de façon, été impliqué dans ce processus, non plus d'ailleurs que les gens du ministère.

Quand, au mois de décembre dernier, plus précisément le 17 décembre, j'ai été assermenté comme ministre du Travail et qu'on m'a soumis cette situation, j'ai fait effectivement des représentations pour qu'on essaie de réévaluer la situation et que l'on renonce à la possibilité de cheminer cette décision jusqu'à son exécution. C'est à partir de cette demande, de cette requête que j'ai formulée au Conseil des ministres et à la suite de conversations et de discussions avec mon collègue de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui avait été un de ceux qui avaient fait progresser la décision, qu'on l'a effectivement réévaluée et qu'on en est venu à la conclusion de revenir au statu quo ante. (12 h 15)

Évidemment, cela dépend de notre façon de percevoir les choses, mais je ne vois rien de répréhensible ni, non plus, de condamnable dans le fait de réévaluer une situation et de reconsidérer une décision. Je pense que, si l'on s'imbriquait dans une philosophie de cette nature, il y a plein de choses qu'on regretterait à un moment donné. Ce n'est pas, me semble-t-il, un aveu ou une admission de quelque faiblesse ou de quelque manque de prévision que ce soit que de dire: Bon, peut-être bien qu'il faudrait envisager la possibilité de rétablir le statu quo. C'est ainsi que le processus s'est fait. Je ne me sens pas du tout mal à l'aise devant cette décision. Bien au contraire, je suis relativement satisfait que la situation ait été réévaluée et qu'on revienne à ce qui existait auparavant comme contribution gouvernementale à la CSST, particulièrement au chapitre de l'inspection.

Si le député de Laurier est en train de développer une thèse pour me placer dans l'embarras en me disant que je me suis trompé et que j'ai procédé à réévaluer une situation, je lui dirai que, si quelqu'un considère et admet qu'il s'est trompé et que la décision qu'il a prise n'était peut-être pas la bonne, il me semble qu'il a plus de mérite à la reconsidérer et à revenir au statu quo ante que d'essayer littéralement de le crucifier sur la place publique parce qu'il aura pris une telle décision.

M. Sirros: Au contraire! C'est pour cela que j'ai posé la question tout à l'heure, M. le Président: Vous vous êtes trompé? Le ministre m'a dit non et, maintenant, il est en train de me dire: Oui, on le reconnaît. J'ai pu convaincre mes collègues, finalement, que le statu quo était mieux que la décision qu'ils avaient prise. On est donc revenu à cela parce que mes collègues se sont trompés. Je voulais avoir des explications.

M. Fréchette: La Parti libéral s'est aussi trompé dans le choix de son chef à un moment donné et là, il reconsidère le statu quo.

M. Sirros: On peut commencer ce genre de débat. Ne vous offusquez pas. Je suis tout à fait d'accord. Ce que je demandais, c'étaient des explications et je les ai eues.

M. Fréchette: Je ne sais pas si elles sont satisfaisantes, mais cela résume en gros.

M. Sirros: II faudra peut-être que je trouve que votre réponse couvre le cheminement. Si j'ai des questions à poser sur les raisons pour lesquelles on a décidé une première fois de supprimer cela, il faudra que je les pose ailleurs, j'imagine. Dans ce sens-là, la réponse me satisfait.

Travail partagé et travail à temps partiel

Je voudrais, dans les dix minutes qui restent, couvrir quelques autres questions d'ordre général et revenir cet après-midi sur la CSST. Le premier ministre a parlé, lors de son message inaugural, du travail partagé, du travail à temps partiel, pour permettre plus d'emplois. J'avais du mal à saisir les éléments qui étaient là-dedans et qui feraient en sorte que quelque chose de positif résulterait de ces changements. Est-ce que le ministre pourrait expliciter davantage les orientations que son ministère entend donner à ce choix?

M. Fréchette: Je voudrais bien être agréable au député de Laurier et répondre expressément à sa question. J'espère qu'il ne me dira pas que je veux utiliser des faux-fuyants en lui indiquant en première réaction qu'il s'agit beaucoup plus d'un principe de main-d'oeuvre que d'un strict principe qui rejoint les concepts de relations du travail. Par ailleurs, je n'ai pas d'objection, quant à moi, à lui dire ma perception de cet objectif. Il n'y a pas que le gouvernement qui est préoccupé par ce genre d'exercice possible. Je pense que la Fédération des travailleurs du Québec, au cours du dernier week-end, a tenu un colloque important à l'intérieur duquel on a discuté, de la possibilité d'introduire le travail partagé. On a débordé au-delà de la philosophie du travail partagé. On a même dit: Est-ce qu'il n'y aurait pas, dans l'état actuel des choses, dans la conjoncture actuelle, la possibilité de considérer, par exemple, la possibilité de restreindre, sinon de supprimer totalement, le quantum des heures supplémentaires que certains travailleurs peuvent faire à l'intérieur de leur usine ou de leur entreprise?

Je ne voudrais pas poser en connaisseur parce que je n'ai pas été impliqué dans le processus des négociations comme tel mais, si mon souvenir est exact au cours de la dernière ronde de négociations - je réfère, évidemment, aux secteurs public et parapublic - à une des tables de négociations - il me semble que c'était à la table de négociations de la CEQ, M. Désilets pourrait très bien nous en parler - il me semble que le principe du travail partagé a été évoqué pour des fins de discussion et, deuxièmement, avec l'objectif évident, de la part du gouvernement, d'essayer de faire accepter le principe par les travailleurs de l'enseignement. Vous allez me dire que c'est du ouï-dire, mais il semble que la discussion n'a pas été très longue sur le sujet et qu'on ne s'est pas aventuré beaucoup dans les échanges parce que la partie syndicale y aurait, à toutes fins utiles, opposé une fin de non-recevoir formelle. Il n'était pas question d'accepter le principe ni même la discussion.

Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, comme le signale le député de Laurier, de pousser plus avant l'exercice et de voir si dans le concret une telle réalisation est possible? Je suis l'un de ceux qui croient que oui. La FTQ, au cours du week-end, encore une fois, a exploré cette possibilité en même temps que certaines autres possibilités. Là, comme dans le cas de la cogestion dont on parlait tout à l'heure, il me semble que dans beaucoup d'entreprises privées, jusqu'à maintenant, travailleurs et patrons se sont entendus pour accepter qu'il y ait effectivement du travail partagé.

Si le député de Laurier me demande quelle action le gouvernement peut prendre à cet égard, je ne serais pas disposé, du moins pour le moment, à répondre spontanément et sans faire de distinction qu'il faille intervenir par voie de législation, par exemple, pour imposer le travail partagé. Encore là, il me semble y avoir un élément fondamental de volontariat de la part des deux parties pour qu'on puisse arriver à le concrétiser dans les faits. Mais, si on s'en tient toujours au plan du principe strict et qu'on ajoute au principe les expériences déjà vécues, il me semble que cela pourrait nous conduire à des résultats intéressants qui feraient en sorte qu'on pourrait gagner un peu moins dans certains milieux, dans certains secteurs d'activités, mais au moins on pourrait donner du travail à plus de travailleurs et de travailleuses qui souhaitent travailler. Je réitère au député de Laurier que je ne crois pas du tout avoir l'expertise nécessaire pour m'étendre davantage compte tenu du fait, encore une fois, que cela me paraît référer beaucoup plus, comme, d'ailleurs, la question du licenciement collectif dont on a parlé aussi, à une politique générale de main-d'oeuvre et de plein emploi qu'au cadre strict d'une politique de relations du travail comme telle.

M. Sirros: Une dernière question. On a parlé de la cogestion. Vous avez dit qu'on ne souhaitait pas ou qu'on n'envisageait pas intervenir par voie de législation. Est-ce que le ministère a fait des recherches, des études un peu plus approfondies sur la question?

M. Fréchette: Alors, M. le Président, dans cette revue qui s'appelle Le marché du travail au Québec, il y a un an, me dit-on, il y a eu une publication effectivement qui a été faite et qui relève le contenu ou le cadre d'une dizaine d'expériences de cogestion qui ont été faites au Québec; cette étude répondrait probablement à bon nombre de questions que, légitimement, le député de Laurier se pose. Je pourrais essayer de savoir quel est le numéro précis. On peut l'avoir cet après-midi; on pourra, à ce moment, vous en remettre copie et cela vous

permettra de voir ce qu'a réalisé le ministère du Travail à cet égard.

M. Sirros: Si je comprends bien, à l'heure actuelle, des investigations dans ce sens ne sont pas en cours.

M. Fréchette: Alors, M. le Président, on m'informe que c'est effectivement l'objectif du service de la recherche au ministère que de continuer à pousser l'expertise à cet égard. On me signale aussi une distinction importante et je veux la transmettre au député de Laurier. C'est que les expériences dont on parle, qui ont été menées et que le ministère a effectivement expertisées en termes de recherche, l'ont été dans des entreprises qui se retrouvaient en difficultés, difficultés de toute espèce, autant financières que peut-être bien de relations du travail. L'objectif est de continuer à voir les situations qui prévalent dans des entreprises en difficultés, mais aussi de pousser la recherche dans des entreprises qui sont en bonne santé pour voir ce que, en bout de piste, cela peut donner comme résultat. On me dit que la recherche là-dessus est à se faire et à se compléter.

M. Sirros: Lorsqu'on parle de recherche ou de choses comme cela, M. le Président -juste avant de terminer - est-ce que le ministère, depuis le mois de décembre, a suivi l'exemple du ministère de la Main-d'Oeuvre et a mis sur pied un mode d'évaluation des programmes?

M. Fréchette: On verra.

Le Président (M. Vallières): II est 12 h 30. La commission ajourne ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise de la séance à 15 h 41)

Le Président (M. Vailières): La commission élue permanente du travail reprend ses travaux. Nous avions convenu, lorsque nous nous sommes séparés cet avant-midi, de commencer l'étude du programme 2 où il est particulièrement question de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

M. le ministre.

M. Fréchette: Est-ce que je pourrais simplement vous demander - c'est une demande de directive, d'ordre très pratique -compte tenu de la discussion de ce matin, si on peut considérer que le programme 1 est adopté? Ceci nous permettrait de libérer certains fonctionnaires qui étaient ici ce matin. Si on me dit qu'on préfère attendre à la fin de l'exercice, je n'ai pas d'objection non plus.

Le Président (M. Vailières): Les députés de Laurier et de Portneuf ont à s'exprimer là-dessus.

M. Sirros: M. le Président, on avait convenu ce matin qu'on avait fait un genre de discussion générale, mais on a assuré le ministre qu'on reviendrait à la fin pour adopter les éléments. On y reviendra.

Le Président (M. Vailières): M. le député de Portneuf.

Ordre des travaux

M. Pagé: J'apprécie que le ministre soulève ce point cet après-midi. Je comprends que la commission a abordé, dans un premier temps, une déclaration du ministre, une déclaration du porte-parole de l'Opposition et que des questions et commentaires ont été formulés de part et d'autre, de façon très générale. Dois-je comprendre que nous pourrons adopter le programme 1 lorsque le programme 2 aura été étudié? J'ai cru comprendre que le ministre - je m'excuse d'avoir été absent ce matin, c'était hors de mon contrôle - s'était montré disposé à ce qu'on puisse lui poser des questions et en poser aux représentants de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, cet après-midi.

Dans ce cadre-là, M. le Président, pourriez-vous indiquer, vous ou encore le ministre, aux membres de la commission, le nombre d'heures que vous entendez mettre à notre disposition, en sus, évidemment, des deux heures qu'il reste cet après-midi et des trois heures prévues pour demain? Quel est le calendrier des travaux que vous seriez disposé à nous suggérer et à nous proposer pour que nous puissions avoir l'assurance que les députés qui ont des questions importantes à poser au programme 1 et aux suivants, mais particulièrement au programme 2, puissent avoir le temps qu'il faut pour pouvoir les poser?

Le Président (M. Vailières): M. le ministre.

M. Fréchette: J'avais compris qu'une entente était intervenue quant à l'enveloppe globale du temps consacré à l'étude des crédits du ministère. Par ailleurs, sous réserve de la véracité des informations que j'ai obtenues, il n'y avait pas eu d'entente spécifique quant au temps consacré à tel programme par rapport à l'autre, sauf que ce matin, le député de Laurier, enfin les membres de la commission, avec votre assentiment, M. le Président, ont convenu de consacrer l'avant-midi au programme 1 dans

le cadre d'une discussion très générale, convenant aussi - et là-dessus, on me corrigera si je ne suis pas exact dans mon appréciation - qu'on consacrerait le temps de cet après-midi au programme 2 touchant la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Je pense avoir compris que c'est comme cela qu'on s'était entendu. Si ce n'est pas cela, je suis tout à fait disposé à réévaluer la situation.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Dans la matinée, on a fait un genre de discussion générale et j'ai dit au ministre: Cet après-midi, on pourrait prendre la CSST, étant donné qu'il y a deux collègues qui veulent intervenir spécifiquement sur cela et, après, probablement demain, si le temps le permet - demain probablement, de toute façon - on pourrait reprendre en détail les crédits de chacun des programmes pour que ce soit adopté. Mais ce n'était pas mon intention d'adopter dès aujourd'hui ou dès ce matin le programme 1 ou un autre programme.

M. Fréchette: Cela me va très bien, il n'y a pas d'embêtement à cet égard. Il y a une seule autre chose d'ordre pratique dont je voudrais m'assurer, tout en étant bien conscient du fait qu'il n'y a rien de péremptoire, là non plus. Est-ce que je dois comprendre que les fonctionnaires du ministère du Travail, de la Direction générale du travail, pourraient cet après-midi être libérés jusqu'à la reprise des travaux demain? Est-ce que là-dessus on peut s'entendre?

Le Président (M. Vallières): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: II n'y a aucune objection, aucun problème, quant à nous, sachant pertinemment le caractère utile de leur présence au ministère cet après-midi, et probablement demain.

J'ai une autre question. M. le ministre, deux heures treize minutes pour pouvoir, de façon appréciable, poser toutes les questions qu'on a à poser à l'honorable juge Sauvé, vous allez comprendre que c'est très peu de temps. Je comprends, par contre, que les deux leaders se sont rencontrés, ont établi un plan de travail qui fixe le nombre d'heures allouées pour chacun des ministères. C'est, d'ailleurs, dans cette perspective, avec ces éléments à l'esprit, que je vous ai demandé la semaine dernière à quel moment vous entendiez convoquer une commission parlementaire pour qu'on puisse avoir le plaisir de recevoir les gens de la Commission de la santé et de la sécurité du travail pendant deux, trois, quatre, cinq ou six jours s'il le faut. Comment allez-vous régler cette équivoque? Est-ce que vous nous proposez seulement deux heures douze minutes pour poser des questions? Nous croyons sincèrement que nos questions vont largement dépasser les deux heures douze minutes.

M. Fréchette: M. le Président, j'ai constaté depuis une couple de semaines l'intérêt fort particulier que portent le député de Portneuf et le député de Viau à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

M. Pagé: Pas depuis quelques semaines. Avant même que vous soyez député, on s'en occupait.

M. Fréchette: Particulièrement depuis quelques semaines. Tout cela pour arriver à vous dire que je n'ai pas d'objection, quant à moi, que, jusqu'à 18 heures, nous consacrions tout le temps à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Si, comme le dit le député de Portneuf, l'exercice n'a pas été suffisamment long, suffisamment complet pour lui permettre, dit-il, de poser toutes ses questions aux représentants de la CSST, plus particulièrement au président-directeur général, je n'ai pas d'objection à ce que nous débordions sur le temps de demain, à une condition, cependant, qui va de soi: c'est qu'on ne déborde certainement pas des neuf heures - je ne sais pas comment dire cela pour éviter des velours - globales qui nous sont consacrées. Dans ce sens, si, demain, nous devions faire encore une couple d'heures sur la Commission de la santé et de la sécurité du travail, il resterait très peu de temps pour procéder à l'adoption du reste des programmes.

Je n'ai pas d'objection à ce que l'exercice soit aussi complet que possible, qu'on prenne tout le temps que l'on voudra, à la condition, encore une fois, que l'on convienne tout le monde qu'on doit entrer à l'intérieur des neuf heures pour compléter le mandat qui nous a été confié.

M. Pagé: C'est donc dire que vous nous laissez le choix entre avancer dans les questions que nous avons à poser aux représentants de la CSST et négliger ainsi les questions que moi et d'autres de mes collègues aurions à poser sur les autres programmes, sur les autres éléments de votre ministère. C'est le choix que vous nous offrez. C'est, d'ailleurs, dans cet esprit que nous vous avons demandé à vous, la semaine dernière, en quelque sorte, en vous donnant un préavis, une commission. On voulait vous indiquer par là que les neuf heures qui sont normalement allouées aux crédits, ne suffiraient pas. On sait que les parlementaires profitent de cette période pour faire une revue générale des activités

du ministère pour savoir où il en est dans ses objectifs, etc. On savait pertinemment que le moyen le plus efficace de pouvoir à la fois poser des questions justes et recevoir les réponses adéquates, appropriées, ce n'était pas le forum où nous sommes actuellement; c'étaient des commissions parlementaires spéciales. C'est ce qu'on vous réitère.

On est prêt à faire le "deal" suivant avec vous, si "deal" il y a. On peut passer deux heures à questionner le ministre du Travail, le président de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, mais n'allez pas croire qu'on va se satisfaire d'être ainsi bousculés et de recevoir des énoncés comme ceux-là: C'est à prendre ou à laisser: vous prenez le temps que vous voulez et, après, c'est fini. Je ne crois pas, M. le ministre, que ce soit efficace comme attitude d'un membre du gouvernement de nous soumettre cela ainsi.

M. Fréchette: S'il y a des reproches qui doivent être adressés à quelqu'un, je pense que le député de Portneuf et celui qui vous parle devront prendre les dispositions nécessaires pour adresser ces reproches à leurs leaders respectifs. Ce sont eux qui, par la voie normale de la négociation et en vertu des us et coutumes qui existent en semblable matière, ont négocié une période de neuf heures pour l'ensemble des crédits du ministère. Cela veut donc dire que tous les deux en sont venus à la conclusion que cette période était suffisamment longue pour qu'on puisse faire le tour des cinq programmes soumis à notre appréciation pour étude et adoption.

Le député de Portneuf - et ce n'est pas la première fois qu'il formule la demande, dans un forum ou dans l'autre -fait référence à une commission parlementaire élargie. Quant à moi, si les motifs pour lesquels une semblable commission pourrait être convoquée sont ceux qu'il a évoqués depuis quelques semaines, je lui dirai purement et simplement qu'à aucun égard et pour aucune espèce de considération je ne vois, jusqu'à maintenant, en tout cas, dans les questions qui ont été soulevées, dans les commentaires qui ont été faits et dans les appréciations qui ont été faites par différents intervenants de motif qui ferait qu'on doive convoquer ou mettre sur pied cette commission parlementaire élargie.

D'ailleurs, si l'on se fie, par exemple, à l'évaluation qu'en a faite un observateur neutre, qui n'est impliqué ni d'un côté, ni de l'autre, ni membre du Parlement, ni membre de la Commission de la santé et de la sécurité elle-même, qui est M. Francoeur, du Devoir - je pense qu'on va convenir que non seulement il est un observateur neutre, mais qu'il est, en même temps, un spécialiste de ce genre de questions - vendredi dernier, M. Francoeur a très bien circonscrit l'ensemble de la discussion pour dire que jusqu'à maintenant, dans son évaluation à lui, il ne voyait pas pourquoi il y aurait, à ce stade-ci, en tout cas, de commission parlementaire élargie pour discuter de l'ensemble de l'administration de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

À moins que l'exercice qu'on s'apprête à entamer ne démontre très clairement qu'il y a effectivement lieu d'élargir le processus, d'élargir la discussion sur une période plus longue, plus approfondie, à moins que cet exercice, qu'on s'apprête à entamer, n'en démontre la nécessité, je ne vois pas pourquoi nous pourrions agréer cette demande de l'Opposition.

Quand je parlais des observations de quelqu'un qui, de l'extérieur, analyse ce qui se passe actuellement, je ne voulais que retenir un passage de l'éditorial principal du Devoir du 2 mai dernier, sous la plume de M. Jean Francoeur qui disait: "II est plus vraisemblable de penser que la Commission de santé et de sécurité au travail, comme tout gros appareil de protection sociale (assurance-chômage, aide sociale, soins de santé) affronte des problèmes de contrôle d'abus toujours possibles. Que la commission s'inquiète des certificats de complaisance, des traitements inutiles ou indûment prolongés, il n'y a pas à jeter les hauts cris. C'est le contraire qui devrait indigner puisque le premier perdant serait alors le bénéficiaire de bonne foi".

Quand on est membre du Parlement, que l'on soit de l'Opposition ou du parti ministériel, il est clair qu'on ne peut pas avoir la même objectivité qu'un observateur de l'extérieur. M. Francoeur a fait son analyse à partir des différentes questions qui ont été soumises jusqu'à maintenant à l'Assemblée nationale et sans doute aussi sur l'évaluation qui a été autrement faite par d'autres personnes. Je réitère à mon collègue de Portneuf que, jusqu'à maintenant, je ne vois pas qu'il y ait de motifs suffisamment étoffés ou graves, si on me permet l'expression, pour répondre affirmativement à la requête qui nous est présentée.

M. Pagé: Et ce malgré que votre prédécesseur, M. Marois, ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, se soit engagé, en juin 1982, à ce qu'une commission se tienne. Je vous réfère aux questions qui ont été posées en mai et en juin. Le ministre du Travail avait, dans un premier temps, proposé une rencontre avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Je cite le ministre du Travail de l'époque, M. Marois: "Je serais prêt à proposer ceci: qu'une équipe de parlementaires choisis par l'Opposition, avec une équipe de parlementaires de chez nous - en indiquant

le gouvernement - organise une rencontre avec le président-directeur général et les vice-présidents et qu'on puisse, ensemble - et qu'on prenne une journée s'il le faut - lors d'une rencontre, examiner tous les dossiers et toutes les questions, s'informer mutuellement et obtenir des réponses pertinentes."

Par la suite, des questions étaient posées en Chambre demandant au ministre non pas ce genre de rencontres à la commission ou ailleurs, mais dans un cadre autre que notre système parlementaire. Le ministre répondait, à une question posée le 1er juin 1982 - vous verrez, par le vocabulaire employé, que c'est bien de M. Marois - "Si tant est que c'est ce que l'Opposition veut, elle aura l'occasion d'avoir cette commission parlementaire". Comme cela, vous ne voulez pas donner suite à cela? Merci!

M. Fréchette: Mon prédécesseur a pu prendre des positions, c'était son droit strict. Je vous signale simplement que si, par exemple, cette réunion d'information à laquelle M. Marois lui-même faisait référence est le genre d'exercice auquel l'Opposition souhaiterait pouvoir participer, nous pourrions dès maintenant, si c'était votre choix, convenir d'une date qui permettrait effectivement la rencontre entre les parlementaires intéressés et le président-directeur général de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Quant au reste, surtout quand on voit ce qui se passe depuis cinq ou six semaines au salon rouge de ce Parlement, je vous réitère que je ne vois pas, au moment où on se parle, de motifs suffisamment étoffés pour que nous engagions le processus d'une commission parlementaire. Le député de Portneuf a même parlé d'une commission d'enquête. À moins qu'il n'ait été mal cité par les journalistes qui ont écrit les propos qu'il leur avait communiqués, il a même parlé d'une commission d'enquête. Du moins, c'est ce qu'un journal a titré, à un moment donné. Si vous voulez une commission d'enquête qui prendrait l'allure d'un tribunal d'inquisition pour essayer d'identifier des coupables de quelque geste ou acte que ce soit, à partir des expériences qu'on est en train de vivre, je vous réitère qu'il n'y a aucun motif valable, actuellement, en tout cas, pour qu'on accède è une demande de cette nature.

M. Pagé: Dernière question très technique, M. le Président. Nous allons recevoir cet après-midi M. le juge Sauvé, ses adjoints et ses adjointes. Lorsque celui-ci parlera - je présume qu'il aura lui-même à répondre aux questions - est-ce qu'il le fera en son nom ou si on fera l'inscription de ses propos au journal des Débats comme étant ceux du ministre, M. Fréchette? (16 heures)

La commission, entre autres, la semaine dernière, mardi, si ma mémoire est fidèle, a contribué de façon assez utile et assez importante à la rédaction du texte que le ministre du Travail a déposé ici à l'Assemblée. Il apparaissait clairement que ce texte, à sa face même, avait été préparé par la commission. Ce que je veux demander cet après-midi, c'est si M. le juge Sauvé va répondre lui-même et si ses paroles lui seront imputées ou si elles seront imputées au ministre.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre, avant que vous interveniez...

M. Fréchette: Je comprends que la question vous est posée.

Le Président (M. Vallières):

Effectivement, compte tenu que notre commission ne reçoit pas d'invités comme tels à témoigner, les propos qui sont tenus en commission par des personnes qui assistent le ministre le sont par délégation et, au journal des Débats, ce qui apparaît, effectivement, c'est le nom du ministre et les citations qui suivent deviennent les siennes. Là-dessus, M. le ministre m'avait demandé la parole; ensuite, le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: C'est parce qu'il y a un précédent, M. le Président, qui va à l'encontre de ce que vous venez de dire. Il vient à peine d'arriver. Lors de la commission parlementaire sur l'éducation qui a siégé pendant le conflit, deux sous-ministres sont venus témoigner en leur nom devant une commission parlementaire, télévisée de surcroît. Alors, on a déjà un précédent et ce précédent a été expliqué aux parlementaires et à l'ensemble de la population comme étant une suite logique d'un certain nombre de réformes qui s'en viennent ou qui sont commencées. Je dois vous dire que je trouve un peu absurde cette procédure qui fait que, quand on lit quelque chose dans le journal des Débats sous le nom du ministre, on peut retrouver la phrase qui dit: J'en ai parlé au ministre. Or, c'est le ministre qui parle. Pour quelqu'un qui lit le journal des Débats, c'est un peu ridicule quand on sait que ce n'est pas cela qui se passe en réalité. Je me demande pourquoi on n'entre pas de plain-pied dans le précédent qui a déjà été créé, de sorte que, lorsqu'il parle, ce soit M. Sauvé qui parle. Tout le monde ici, tous ceux qui sont présents le savent. Pourquoi les gens qui lisent le journal des Débats ne le sauraient-ils pas?

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, le député de Sainte-Marie fait référence au précédent qui a été créé à la commission parlementaire qui a été formée dans le plus fort du conflit des relations de travail dans les secteurs public et parapublic. Il faut bien tenir compte du mandat très précis, très explicite qui avait été confié à cette commission parlementaire. L'un des mandats était précisément d'entendre les négociateurs principaux de toutes les parties. Les négociateurs du gouvernement, dans les circonstances que l'on sait, étant les deux sous-ministres qui ont témoigné pour et en leur propre nom, la nature même de la commission imposait qu'il en soit ainsi.

Maintenant, M. le Président, vous avez déjà, me semble-t-il, rendu une décision à partir de ce qui a toujours existé à l'occasion de l'étude des crédits de chacun des ministères et je m'en tiens à votre décision. Je tiens pour acquis que ce que le président de la Commission de la santé et de la sécurité du travail déclarera ici, les réponses qu'il donnera aux questions, de même que les autres officiers de la commission, comme cela a toujours été le cas, seront inscrites au nom du ministre qui est responsable de l'organisme dont on étudie les crédits.

Le Président (M. Vallières): Est-ce qu'il y aurait d'autres interventions sur la question de règlement? À moins qu'on n'ait des éléments nouveaux, je me limiterai à l'application du règlement qui prévoit que, lors de l'étude des crédits, effectivement, les gens qui ont été appelés, jusqu'à ce jour du moins, parlaient au nom du ministre. Je pense que la commission à laquelle se reportait le député de Sainte-Marie tantôt n'était pas une commission qui étudiait les crédits du ministère de l'Éducation. C'est quand même intéressant de voir les points de vue qui sont partagés là-dessus, et je pense que, dans la réforme qui pointe, il y aura peut-être des choses à améliorer prochainement de ce côté.

M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je vais me permettre, si vous le voulez bien, un dernier commentaire qui est beaucoup plus sur l'intervention des représentants de la Commission de la santé et de la sécurité du travail au moment de l'étude des crédits, pour essayer, encore une fois, de démontrer jusqu'à quel point c'est un exercice qui est un peu ridicule au niveau parlementaire et qui limite les parlementaires dans l'analyse qu'ils font. L'étude des crédits d'un ministère, c'est non seulement l'étude de son budget, de ses prévisions budgétaires, mais c'est aussi l'étude de ses orientations. Or, il n'y a pas que le ministère. Il y a aussi des organismes gouvernementaux. Et on sait que nos lois, de plus en plus, ont créé ce type d'organismes. Aujourd'hui, il y a la Commission de la santé et de la sécurité du travail; il y a le Conseil des services essentiels et il y a d'autres organismes autonomes, créés par une loi, qui ont un budget et qui ont aussi une autonomie par rapport au ministère du Travail comme tel.

Je dis que, de plus en plus, les parlementaires sont enferrés dans une procédure qui ne répond plus aux exigences d'aujourd'hui. Si je conteste le budget du ministère du Travail, je conteste par le fait même et en même temps ses politiques. Comment puis-je faire de même - avec le temps qui m'est imparti - pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail? Comment puis-je poser des questions non seulement sur le budget, mais sur la façon d'administrer cette commission, sur les grandes orientations de l'avenir? Comment puis-je savoir aussi les problèmes particuliers qu'a rencontrés la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans l'application de sa loi? Comment puis-je demander au président de la Commission de la santé et de la sécurité du travail les amendements qu'il verrait dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail? Ce sont toutes des questions qu'il faudrait poser. Or, à l'étude des crédits, ce n'est pas nécessairement le moment de les poser. Je pense que nous permettre, à nous, parlementaires, de ne poser des questions qu'à la période de l'étude des crédits, c'est nous limiter non seulement par rapport à l'organisme, mais aussi par rapport aux lois que cet organisme est appelé à mettre en application. Cela nous empêche, par le fait même, de bonifier ces lois et de les améliorer avec les années. C'était un commentaire général, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Merci.

M. Bisaillon: Mais j'espère que le ministre en a tenu compte et qu'il sera un peu plus large. Chaque fois qu'on parle de commission parlementaire pour rencontrer des organismes, les ministres se sentent attaqués. C'est comme si, chaque fois qu'il y aura une commission parlementaire avec un organisme, c'est parce qu'il y a un scandale à l'horizon ou quelque chose de louche qu'il faut creuser. Je pense que c'est une mauvaise perception, M. le ministre, que vous continuez à laisser aux gens. Ce n'est pas nécessairement parce qu'il y a des scandales qu'il faut qu'on jase avec des organismes. C'est peut-être, tout simplement, parce qu'on veut améliorer le fonctionnement et améliorer la loi que doivent administrer ces organismes. Continuer à prétendre que cela prend absolument un scandale fera que, chaque fois qu'un organisme se présentera devant une commission, on dira qu'il y avait

anguille sous roche. On encourage, par notre attitude, ce genre de commentaires de la part de la population.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je ne sais pas si vous me permettez de réagir très rapidement à ce que le député de Sainte-Marie a appelé lui-même une observation ou un commentaire. S'il est en train d'essayer de me convaincre que notre procédure parlementaire est ainsi faite qu'on n'atteint pas les objectifs qu'on souhaiterait atteindre dans bien des domaines, il n'a pas besoin de plaider longtemps pour me convaincre de cela. Il me semble que, effectivement, la nouvelle orientation que semble vouloir prendre l'ensemble de la réglementation va précisément dans le sens qu'il le souhaite. Quand on parle de ce grand terme qui s'appelle l'imputabilité, c'est précisément vers l'orientation dont parle le député de Sainte-Marie qu'on est en train de se diriger. Et, encore une fois, sur le plan de la philosophie de l'argumentation qu'il vient de développer, je suis tout à fait d'accord avec lui, sauf que là on a des règles qui actuellement sont ce qu'elles sont et qui ne permettent pas d'engager le processus dans le sens qu'il le souhaite. Je prends acte de ses observations.

M. Bisaillon: La théorie des petits pas. Vous pourriez faire un petit pas.

Le Président (M. Vallières): Nous passons maintenant à l'étude du programme 2 traitant de l'aide financière à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

La parole est au député de Portneuf.

Aide financière à la

Commission de la santé et

de la sécurité du travail

M. Pagé: M. le ministre pourrait profiter de la visite du juge Sauvé et de ses adjoints pour nous les présenter.

M. Fréchette: M. le Président, le député de Portneuf est d'une perspicacité qui déborde toutes les limites de ce qu'on peut prévoir.

M. Bisaillon: Constamment?

M. Fréchette: Je ne sais pas s'il allait s'imaginer que, effectivement, j'allais aborder le processus de l'étude du programme 2 sans procéder à la présentation des gens de la CSST qui sont ici pour répondre à ses nombreuses questions.

La personne qui est immédiatement à ma droite n'a sans doute pas besoin de présentation: M. le juge Robert Sauvé...

M. Polak: Au moins cette année, il est venu.

M. Fréchette: ...qui est le président-directeur général de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Immédiatement à la droite du président, il y a M. Lionel Bernier, vice-président à la réparation à la Commission de la santé et de la sécurité du travail et M. Paul-Émile Boucher, le directeur des services financiers à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Voilà les deux personnes qui accompagnent le président-directeur général et qui pourront très certainement, l'une ou l'autre des trois, répondre aux questions que le député de Portneuf ou les autres membres de la commission pourraient vouloir leur poser.

M. le Président, je ferai des remarques préliminaires, mais très courtes, parce que je sais que l'on veut surtout consacrer le temps qui nous est alloué à un échange par voie de questions et de réponses. Je rappellerai simplement et strictement les objectifs fondamentaux qui ont été visés par le législateur lorsqu'il a adopté cette loi 17.

Essentiellement, l'objectif de la loi 17 et l'objectif de l'organisme qui est né de cette loi 17 est de s'assurer, par la voie d'un organisme paritaire, de maintenir à la fois la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur et de la travailleuse. On va facilement comprendre que, lorsque le processus a été mis en branle, lorsque le processus s'est engagé, la priorité - c'était normal, me semble-t-il - a été accordée à la réparation des lésions professionnelles. Cela allait de soi, compte tenu du processus qu'avait élaboré, qu'avait utilisé la Commission des accidents du travail depuis son existence. Là-dessus, encore une fois, toutes les possibilités sont là pour connaître les politiques qui seront élaborées. Maintenant, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, en ne négligeant pas, bien sûr, la réparation, va mettre l'accent sur la prévention des accidents de toute espèce qui ont comme origine des accidents de travail ou des maladies industrielles.

Je rappellerai également essentiellement ce que tout le monde sait. Le financement de cet organisme, à part le chapitre de l'inspection, s'opère à partir des cotisations que les employeurs paient sur leur masse salariale. Ce taux de cotisations, qui est imposé aux employeurs en vertu de la loi, tient compte, dans chaque secteur, des dangers ou des expériences passées dans ce même secteur de travail. Il m'apparaît important de rappeler - ce que j'ai fait ce matin, d'ailleurs, mais je pense qu'il faut y revenir - que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est dirigée par un

conseil d'administration composé de quinze membres de plein droit, dont, bien sûr, un président-directeur général, sept membres provenant du milieu syndical, sept membres provenant du milieu patronal et un observateur du ministère des Affaires sociales. (16 h 15)

Donc, quand l'on réfère à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, il m'apparaîtrait tout à fait opportun que l'on réfère à l'organisme dans son entité et que l'on retienne très nettement qu'il est dirigé par ce conseil d'administration composé paritairement et dirigé par un président-directeur général. Les membres du conseil d'administration, à part le président-directeur général, sont nommés à partir de suggestions faites autant par les milieux patronaux que par les milieux syndicaux. Encore une fois, cela m'apparaissait important de faire cette mise au point parce qu'il semble que dans certains milieux, jusqu'à maintenant, on a une espèce de tendance à oublier cette réalité juridique et factuelle que l'on retrouve à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il ne faudrait pas non plus oublier que ce conseil d'administration est responsable de la gestion des affaires de la commission, le législateur a voulu qu'il en soit ainsi. Il a accordé à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, donc, à son conseil d'administration, toute la juridiction, toute l'autonomie nécessaire pour gérer l'organisme en question. D'ailleurs, quand on fait référence aux dispositions de la loi, on y retrouve très clairement que le ministre du Travail, dans ce cas-ci, est responsable de l'application de la loi. Le ministre doit s'assurer que la loi est appliquée.

Le ministre, me semble-t-il, toujours à partir des prescriptions de la loi, n'a aucune espèce de juridiction pour s'ingérer dans l'administration de l'organisme tant et aussi longtemps que la loi sera ce qu'elle est actuellement. Il faut aussi retenir, je l'ai souligné il y a un instant, que le budget global de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à part le budget prévu pour l'inspection, se bâtit autour des cotisations que fournissent les employeurs. Ce ne sont donc pas, à proprement parler, au sens normal du terme, au sens où on l'entend habituellement, ce qu'on est convenu d'appeler des fonds publics comme tels, c'est-à-dire des fonds qui proviennent de la perception de taxes et qui ensuite sont transférés à un organisme. Cela n'est pas une raison, évidemment, pour ne pas voir de près ce qui s'y passe. Ce n'est pas une raison non plus pour obtenir des renseignements sur ce qui s'y passe. Je signale, en insistant, que c'est là la situation, encore une fois, juridique et de fait qui existe et devant laquelle on est.

Je suis l'un de ceux qui espèrent que l'étude des crédits nous permettra, permettra à tous les membres de la commission de poser les questions qu'ils veulent poser au président-directeur général, à ceux qui l'accompagnent pour éclaircir un certain nombre de situations, si tant est qu'elles doivent être éclaircies. Mais, quant à la tenue de cette commission d'enquête, disait le député de Portneuf, à moins qu'à la fin de notre exercice, il ne se fasse des révélations absolument extraordinaires et qu'on ne soupçonne pas au moment où on se parle, je réitère que je ne vois pas de véritable motif pour lequel un semblable exercice devrait être tenu. Je réitère aussi, par ailleurs, que, si c'était le voeu des membres de cette commission, et cela pourrait rejoindre un peu ce que suggérait, ce que souhaitait le député de Sainte-Marie tout à l'heure, si les membres de cette commission ou si d'autres parlementaires siégeant à l'Assemblée nationale avaient le goût de prendre une journée complète pour rencontrer ou bien le président-directeur général ou alors d'autres officiers de la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour faire le tour de l'ensemble de ce qui s'y passe, à cet égard, nous pourrions dès maintenant, à la convenance de tout le monde, fixer une date pour que nous puissions ensemble participer à un semblable exercice. Ce sont les remarques très générales et préliminaires que je voulais vous soumettre. Nous verrons maintenant comment les choses vont s'orienter.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je remercie le ministre. Je dois, dans un premier temps, au nom de mes collègues, M. Sirros de Laurier, qui est notre porte-parole pour tout le secteur de la main-d'oeuvre au sein de l'Opposition, secteur qui touche directement la Commission de la santé et de la sécurité du travail et le mandat qui lui est conféré par la loi, accompagné de mon collègue de Viau, M. Cusano, qui est le député qui doit suivre les activités, le respect du mandat et la façon dont ce mandat est administré par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, et par mon collègue de Sainte-Anne, M. Polak, qui était, jusqu'à tout récemment, plus particulièrement concerné et mandaté pour ce travail au sein de notre équipe parlementaire...

Si j'interviens aujourd'hui, c'est que j'ai eu l'occasion d'agir pour et au nom de ma formation politique lorsque nous avons étudié, en commission parlementaire, pendant de longs jours, le projet de loi no 17, commission qui a entendu autant de groupes que lors des audiences sur la loi 101 en

1977, on se le rappellera. Je dois vous indiquer que nous sommes bien satisfaits de recevoir l'honorable juge Sauvé aujourd'hui, particulièrement, compte tenu du fait que nous n'avions pas eu cette possibilité en 1982 et pour un motif bien particulier qui, je pense, se réfère au mandat que nous avons ici, M. le Président.

Vous conviendrez avec moi que le mandat des parlementaires est, d'une part, de s'assurer, et ce de quelque côté de la Chambre que nous soyons, que l'exécutif remplit bien les responsabilités auxquelles il se convie lui-même soit par son programme politique, soit par les engagements qu'il a formulés, soit par l'orientation qu'il donne à l'action gouvernementale. C'est la base de notre responsabilité. Il ne faudrait pas que le ministre du Travail, qui semble, à certains égards, avoir parfois l'épiderme un peu chatouilleux, chaque fois qu'un collègue de l'Assemblée, du côté de la majorité ou de l'Opposition, lui pose une question, voie là matière à sursauter ou matière à s'offusquer. Ce qu'on a fait, ce qu'on fait et ce qu'on continuera à faire, c'est respecter intégralement le mandat qui nous a été confié par les électeurs que nous représentons.

À l'égard de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, nous avons un mandat véritablement à deux volets, qui se réfère à deux démarches, à deux moyens pour nous de nous poser des questions et d'en poser, par conséquent, à la commission. D'une part, on sait que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est un organisme qui peut être qualifié d'"autonome" dans une certaine mesure, un organisme qui a à assumer la gestion de fonds publics importants en vertu d'une loi qui a été adoptée ici. C'est là l'essentiel de notre rôle, de poser des questions sur ce type de gestion, par exemple.

Comme députés, nous sommes aussi appelés régulièrement, et ce, de quelque côté de la Chambre que nous soyons, à réagir à des cas qui nous sont soumis, à des problèmes qui, plus souvent qu'à leur tour, sont légitimes et justifiés de la part de contribuables, de la part de citoyens qui, malheureusement, se retrouvent bénéficiaires de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Ce n'est certainement pas de gaieté de coeur qu'un travailleur ou qu'une travailleuse du Québec va cogner à votre porte. Nous avons, depuis quelques semaines, posé des questions qui se référaient à des cas particuliers, j'en conviens. De ces cas particuliers, seulement quelques-uns ont été portés à l'attention du ministre et probablement que d'autres seront portés à son attention la semaine prochaine et la semaine suivante, et probablement jusqu'au 18 juin. Je vous en donne un préavis tout de suite.

M. Fréchette: J'en attendais cet après-midi et je n'en ai pas eu. Vous m'avez induit en erreur.

M. Pagé: À moins que nous n'ayons l'occasion, en termes de fonctionnement parlementaire, de vider l'ensemble des nombreuses questions que nous voulons soulever. Il y a quelques années, le Parlement adoptait majoritairement la loi 17 sur la santé et la sécurité du travail. Le mandat de la commission est explicite, c'est de voir à l'intégrité de la sécurité physique des travailleurs du Québec. Lorsque nous avons étudié cette loi, c'est de bonne foi que les gens qui ont investi du capital humain dans l'étude de cette loi y ont participé. Nous avons abordé des points essentiels, qui sont au coeur même de l'action, qui doivent être au coeur même de l'action de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Les questions que nous avons posées jusqu'à maintenant s'inscrivaient et continuent à s'inscrire dans la démarche suivante. Il devient nécessaire et nous devons prendre le temps qu'il faut, à ce moment-ci, d'évaluer et de juger de l'action de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, du bilan de cette action par rapport aux objectifs qui lui étaient impartis par la loi, et je ne crois pas, bien franchement, M. le Président, que, dans une heure et demie, nous puissions avoir l'occasion de le faire.

Nous voulons, par cette commission, aborder toute la question de la prévention. Des dizaines et des dizaines d'heures ont été consacrées à des discussions lors de la loi 17. Mon collègue, M. Lavigne, y était, si je me souviens bien. Plusieurs groupes sont venus ici. Des engagements ont été pris par le gouvernement, par le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre de l'époque, sur ce qui se ferait, sur les échéanciers, sur les moyens utiles dont la commission se doterait pour atteindre une meilleure prévention des accidents du travail au Québec: plus d'information et toute la structure qui devait accompagner cela. Il a été longuement question du contrôle de la sécurité comme telle. Qu'on se rappelle les témoignages éloquents des travailleurs, des travailleuses et de leurs représentants syndicaux, notamment sur la question des comités de la santé et de la sécurité du travail. Il y a quelques années que tout cela est en marche, et le moment le plus utile devait être, pour nous, une commission parlementaire, pour voir, avant d'aborder un projet de loi... J'y reviendrai à la fin.

Cela aurait été un moyen utile d'entendre la Commission de la santé et de la sécurité du travail et son expertise; d'entendre, au besoin, des administrateurs de la commission. On sait - le ministre l'a dit tout à l'heure - qu'il y a un type d'administration paritaire. Il aurait été utile,

je crois, qu'on puisse discuter dans ce projet de loi de toute la notion du droit de refus, qui est un domaine de droit nouveau et qui a fait l'objet de beaucoup de commentaires et d'écritures. Dans certains cas, c'étaient des appréhensions. Dans d'autres cas, c'étaient des souhaits disant que ce n'était pas assez. Une commission parlementaire comme celle-là nous aurait permis de tracer une ligne et de voir ce qu'il en était et, au besoin, de profiter de l'arrivée d'un projet de loi qui sera déposé éventuellement pour pouvoir nous rajuster.

On se rappellera toute l'importance que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre de l'époque avait donnée aux associations qui ont le mandat de voir à la sécurité, à la formation et à l'information. On se rappellera que, à l'époque, on a parlé longuement des accidentés et de ceux qui, malheureusement, ont à vivre une situation... Une commission comme celle-là nous aurait permis de toucher des aspects intéressants au chapitre des indemnités, de ce qui est formulé par certains groupes, entre autres le mouvement d'aide aux accidentés du travail, de discuter de tout ce contentieux à la suite d'un recours collectif qui a été présenté par des travailleurs qui soutiennent avoir un droit légitime à des prestations.

Il aurait été intéressant, je crois, d'entendre non pas le ministre du Travail, mais le président et, au besoin, d'autres intervenants qui ont, dans leur vécu quotidien, à contribuer à cette responsabilité. Il aurait été certainement très intéressant de voir avec M. le juge Sauvé l'application des programmes, des règlements, l'application de ce qu'on qualifie, à l'intérieur de la boîte, de politiques concernant la réadaptation, concernant la réinsertion sociale des travailleurs accidentés. Finalement, ce n'est pas de la redistribution de richesse par la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Ce sont des transferts de fonds à partir, jusqu'à un certain égard, d'un "no fault", d'une responsabilité qui est mise en commun et c'est un financement qui est très appréciable. Ce sont des sommes importantes qui sont en jeu, pour des choses importantes, j'en conviens, mais des sommes importantes. Il aurait été intéressant de voir toute la notion du financement de la Commision de la santé et de la sécurité du travail et les structures, en termes de tarif, sur lesquelles la commission s'appuie pour se financer parce que, comme on le sait, en 1980, c'était 536 000 000 $, si ma mémoire est fidèle ou si le rapport annuel était fidèle, et c'est 664 000 000 $ que vous êtes allés chercher en 1981, avec l'effet que des sommes aussi importantes peut avoir sur des entreprises qui oeuvrent au Québec. (16 h 30)

Je suis persuadé que les commentaires que je formule à ce moment-ci vont dans le sens des préoccupations d'autres collègues du ministre du Travail, que ce soit le ministre d'État au Développement économique, que ce soit le président du Comité de développement économique, qui présentera le budget ce soir, que ce soit le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui s'évertue à soutenir que le Québec doit être plus compétitif, que les coûts de production doivent être comparables. Cela aurait été intéressant de voir le financement et surtout une projection à moyen terme, parce que je présume, M. le juge Sauvé, que vous serez en mesure, malgré l'heure et demie que nous avons, de nous indiquer vos projections en termes de coûts et en termes de besoins en financement pour les prochaines années.

Il aurait été non seulement intéressant, mais il serait impérieux qu'on puisse interroger M. le juge sur l'administration de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Comment la gestion est-elle assumée, à partir même du conseil d'administration? Là, on se retrouve dans une belle ambiguïté qu'on avait d'ailleurs évoquée et que les parlementaires des deux côtés de la Chambre avaient évoquée lors de l'étude de la loi 17. Le ministre nous dit: C'est une administration paritaire. Bon, bravo! Donc, il y a des représentants des patrons et des représentants des syndicats. Le ministre a presque voulu laisser entendre ou laisser croire, tout au moins, la semaine dernière, que, finalement, le gouvernement n'avait pas affaire là-dedans, que c'étaient les parties qui s'arrangeaient entre elles. On parle aux parties et les parties nous disent à l'oreille: Vous savez, on parle de parité, mais, finalement, celui qui a le gros bout du bâton et celui qui décide, c'est le représentant du gouvernement. Allez donc savoir qui décide quoi! On présume que des décisions se prennent, on le constate, mais l'important est de pouvoir juger, après quelques années, en fonction d'un régime comme celui-ci, un régime juridique d'administration, qui est tributaire devant qui.

Je comprends le caractère délicat dans lequel se retrouve le ministre du Travail qui, comme je le disais, sans vouloir lui lancer de flèche, lui qui n'est là que depuis quelques mois seulement - on sait que le ministère du Travail, c'est un gros ministère - a de nombreux problèmes à étudier dans les 18 heures de travail par jour qu'il effectue, comme les autres ministres et comme les autres députés, bien souvent. Il a bien d'autres questions à voir que celles qui touchent la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Je dois vous dire qu'il est inquiétant pour nous de constater que, compte tenu de ce système, de cette méthode, je ne suis pas convaincu que le ministre soit suffisamment au fait, soit toujours au fait d'un dossier aussi important

que celui de la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour être tributaire et répondre devant les élus des actions de la commission.

Décentralisation. Combien de temps pourrions-nous passer sur toute la question de la décentralisation? On se rapproche de vous, du chapeau. Rappelons-nous cela. La décentralisation, cela n'a pas été fait pour le plaisir de dire qu'on fait de la décentralisation. À ma connaissance - le ministre pourra me corriger - cela a été fait dans le but de donner un meilleur service aux accidentés du travail, comme les mécanismes d'appel. Lorsque le législateur a inséré dans la loi un mécanisme d'appel, un bureau de révision, de références à la Commission des affaires sociales, le législateur ne l'a pas fait pour se gargariser de termes et bien paraître devant des associations de droit; c'était dans le but de donner, encore une fois, plus de droits et une meilleure qualité de services, une meilleure garantie d'un jugement impartial de la part de ceux qui ont à décider d'un cas.

Or, je dois vous avouer qu'on a de grandes et de graves inquiétudes à cet égard: d'une part, sur la réussite de la décentralisation et, d'autre part, on s'inquiète quand on voit non seulement un, mais plusieurs accidentés du travail qui vont attendre, qui sont en "stand by" pendant des mois et des années avant de recevoir une décision finale. On aurait bien aimé entendre non seulement le président, de la commission de la santé mais d'autres personnes qui y sont, sur la réaction de la Commission de la santé et de la sécurité du travail lorsqu'elle a constaté que le travailleur avait maintenant ses droits et ses prérogatives. On soupçonne qu'il y a eu des réactions. Et, ce n'est pas en une heure et quelque vingt minutes qu'on pourra aborder ces questions-là. Nous aurions voulu passer beaucoup de temps sur la façon de traiter l'accidenté.

Le ministre - je n'ai pas eu le temps de lire tout ce qu'il a dit ce matin, mais j'ai vu quelques passages - a peut-être voulu laisser croire - il pourra me corriger - que la démarche enclenchée par les questions posées la semaine dernière, tentait de démontrer qu'on s'inquiétait strictement des coûts. Nous indiquons clairement que, quant à nous, les travailleurs accidentés du Québec, les travailleurs qui ont une maladie industrielle, les travailleuses doivent bénéficier, dans les plus brefs délais, des indemnités auxquelles ils ou elles ont droit ainsi que des mécanismes de réadaptation, de réintégration sur le marché du travail et de réinsertion sociale. Aucune objection à cet égard, sauf que nous croyons qu'une gestion plus rigoureuse de la commission permettrait des résultats budgétaires moins coûteux et, par conséquent, probablement beaucoup plus d'argent disponible pour les travailleurs accidentés. D'ailleurs, au sujet des cas particuliers, que ce soient les surpayés, que ce soient les politiques expérimentales, on aura l'occasion d'y revenir, soit ici ou, si on n'a pas le temps, à l'Assemblée nationale.

Et enfin, il aurait été certainement très utile de voir, avec M. le juge Sauvé, de se référer à la déclaration du premier ministre du 23 mars dernier qui disait: "En matière de réparations et de lésions professionnelles, nous proposerons, en accord avec les partenaires dans ce domaine, de mettre à jour les modes d'indemnisation de manière à les rendre compatibles avec les autres régimes publics en vigueur." M. René Lévesque, premier ministre du Québec, message inaugural. Il aurait été intéressant de voir de quels éléments particuliers le législateur sera saisi lorsque le projet de loi sera déposé, adopté, et les effets de tout cela. On ne lui demanderait évidemment pas de nous lire la loi, mais cela serait certainement utile de pouvoir échanger dans le cadre d'une commission parlementaire, quitte à ce que cela se fasse après le dépôt de la loi, parce que je présume que la loi doit être prête. Si elle n'est pas prête, qu'on me corrige.

Alors, c'était l'essentiel, M. le Président, des questions que nous voulions aborder en plus des questions, peut-être sévères, mais qui doivent être posées sur l'administration de la commission. D'ailleurs, on en a déjà posé l'année dernière et on n'a pas eu de réponse. Et on en a beaucoup d'autres à poser. Encore une fois, ce n'est pas que - comme un journaliste le titrait -l'Opposition veuille la tête de M. Sauvé, non. Nous n'avons pas d'intérêt particulier à l'égard de la tête de M. le juge. Ce qu'on veut, c'est que nos commissions autonomes qui bénéficient d'un degré important d'autonomie puissent être vraiment tributaires des actes, des gestes qu'elles posent et de l'administration.

M. le Président, mon collègue, le député de Viau, aura plusieurs questions à poser. Moi aussi. Je vais lui céder la parole sur les questions d'orientation et on en aura pour plusieurs heures.

M. Fréchette: M. le Président, est-ce que je peux poser une question de règlement? Comme ce matin, est-ce que je n'aurai pas le droit d'exercer un court droit de réplique sur les observations générales que vient de formuler le député de Portneuf?

Le Président (M. Vallières): Je pense qu'effectivement, dans la pratique, quand il y a énoncé de notes préliminaires, comme nous abordons ici un progamme, normalement, le ministre fait part de ses notes, il y a réaction de l'Opposition et ensuite réplique de la part du ministre. Je crois qu'on pourrait revenir à notre collègue, le député

de Laurier et, par la suite, le député de... M. Fréchette: De Viau?

Le Président (M. Vallières): ...de Viau, immédiatement après les paroles du ministre. M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, j'irai très brièvement. Je suis heureux d'entendre le député de Portneuf nous dire que l'on va continuer jusqu'au mois de juin de soumettre des questions à l'Assemblée nationale. J'en suis, quant à moi, fort heureux. Je lui dirai tout simplement que, plus les questions viennent, plus cela nous permet de connaître davantage le rouage de l'organisme en question.

M. Pagé: On vous aide.

M. Fréchette: Je vais être obligé, malheureusement, de réitérer des choses que j'ai dites ce matin, le député de Portneuf n'ayant pas été ici ce matin, pour des motifs qui sont valables, il nous l'a dit lui-même. Je ne mets pas en doute ces motifs. Deuxièmement, parce qu'il a lui-même touché à un sujet particulier qui est revenu souvent dans les préoccupations des membres de l'Opposition et qui revient là sur la table cet après-midi, c'est celui de ce qu'on est maintenant convenu d'appeler les surpayés. C'est fort curieux d'essayer de comprendre le raisonnement, la théorie ou l'argumentation que le député de Portneuf vient de développer.

Il nous dit, d'une part, que les travailleurs, les travailleuses accidentés se plaignent des délais considérables qui leur sont imposés pour obtenir l'indemnité à laquelle ils ont droit en vertu de la loi. Assez curieusement, par ailleurs, quand on se réfère au chapitre des surpayés et qu'on lui explique que ces gens ont reçu une indemnité peut-être trop rapidement, il nous fait également un reproche parce que le paiement a été fait trop rapidement. J'essaie, entre ces deux extrêmes, de savoir où se situe précisément le député de Portneuf. Je vous signale que j'ai passablement de difficulté à saisir l'astuce de sa réflexion. Je veux bien que l'on pose toute espèce de questions sur la gestion, l'administration, le fonctionnement général de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et qu'on pose les questions sans, par ailleurs, en donner, suivant l'expression fort chère du député de Portneuf, les tenants et aboutissants; il y a derrière cela un processus avec lequel je ne peux pas être d'accord.

Je vous en donne un seul exemple tout en étant bien conscient que je fais de la redondance ou de la répétition. Le député de Portneuf, appuyé en cela par son collègue de Viau, fait grand état, ces derniers temps, du dossier qu'on est convenu d'appeler les surpayés. Il plaide avec beaucoup d'énergie qu'il n'y aurait pas à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de politique de recouvrement pour les surpayés. Il y a effectivement une politique de recouvrement et qui est strictement basée sur les principes que l'on retrouve en matière de droit civil. Quand une créance nous est due, le droit civil prévoit des modalités, prévoit des moyens pour percevoir cette créance. La politique de recouvrement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui, donc, est basée sur les principes de droit civil, va tenir compte de certains facteurs de la nature suivante: quand, par exemple, la commission ou le service de recouvrement est convaincu du fait que, dans un dossier, il peut y avoir des déclarations qui sont contraires à la réalité, qui sont contraires à la véracité des événements, qui peuvent - hélas, ce sont des choses qui arrivent - s'approcher de la fraude ou de la fausse déclaration, quel que soit le montant en litige, la commission va entamer les procédures nécessaires pour procéder à récupérer les sommes qui ont été payées en trop à la suite de fausses déclarations. (16 h 45)

Cependant, là comme ailleurs, il peut arriver qu'il y ait des surpayés, mais pour des montants minimes, qu'il y ait des paiements en trop qui sont faits et qui se situent dans des quanta variant de 50 $, 75 $ à 100 $. Est-ce qu'il faut comprendre, de l'évaluation que fait le député de Portneuf, qu'il faudrait, peu importe le montant en litige, entamer tout le processus judiciaire, peu importe le coût que cela peut représenter, peu importe l'assurance qu'on a de pouvoir réaliser ou pas le jugement qu'on pourrait obtenir d'une cour? Est-ce que le député de Portneuf est en train de nous dire, est-ce qu'il est en train de plaider, depuis deux semaines, qu'il faudrait enclencher le processus judiciaire? Cela coûtera 200 $, 300 $ ou 400 $, ce n'est pas important pour aller réclamer un surpayé de 50 $, de 75 $, de 100 $. Est-ce que c'est cela que le député de Portneuf plaide depuis deux semaines? Si c'est cela, M. le Président, il y a un autre de ses raisonnements que je n'arrive pas à comprendre. Il va sans doute nous l'expliquer. C'est lui qui a provoqué, également à l'Assemblée nationale, toute une série de questions pour essayer de démontrer que le ministère du Revenu, par exemple, avait un système de recouvrement "sauvage". C'est lui qui, l'automne dernier, a posé questions par-dessus questions pour blâmer, en quelque sorte, le ministre du Revenu du fait qu'il procédait à du recouvrement d'argent dû par des contribuables. Là, il fait reproche à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de ne pas procéder à

la récupération, dans certains cas, de sommes d'argent qui ont été payées en trop.

M. Pagé: Question de règlement, M. le Président, très brièvement. Je vais répondre tout de suite à cela.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Portneuf, sur une question de règlement.

M. Pagé: Premièrement, le ministre aurait dû comprendre que, parmi les questions qui seront posées - on va les aborder d'une façon générale, les questions préliminaires - on en a plusieurs sur l'orientation de la commission.

Deuxièmement, notre intention était de passer quelques heures strictement sur des points aussi particuliers que ceux que vous venez d'évoquer. Particulièrement en réponse aux deux commentaires que vient de faire le ministre, il me permettra de dire, quand il parle de montants de 50 $, 75 $ et 100 $, qu'il erre dans les faits. Si je fais référence strictement aux documents auxquels je me suis référé à la commission, pour le mois, par exemple, de janvier 1982, c'était 1 092 727 $ pour 1775 cas. La moyenne, par personne, est de 615 $ pour le mois de janvier; par nombre de cas: 573 $, 559 $, 706 $, etc. Ce ne sont pas des montants de 25 $ et de 50 $.

Deuxièmement, le ministre s'inquiète de la conciliation à faire entre les arguments invoqués ici et ceux invoqués dans le cadre d'une démarche parlementaire portant sur le ministère du Revenu. Vous auriez dû comprendre, vous l'avez été, ministre du Revenu, un bout de temps. Nous avons toujours soutenu et démontré dans plusieurs cas que les montants réclamés par le ministère du Revenu, dans une démarche spéciale commandée par le ministre des Finances où le montant était de 270 000 000 $, nous avons soutenu que dans la majorité de ces cas, les montants n'étaient pas dus et que les gens se voyaient placés dans l'obligation, pour acheter leur paix, de payer purement et simplement, ce qui est bien différent. Vous pouvez continuer.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, si le député de Portneuf m'avait laissé compléter mon argumentation à l'aide d'exemples, il aurait sans doute compris que les cas dont il parle allaient être rejoints par les exemples que je veux donner. L'exemple que j'ai soulevé ce matin, il est important. C'est celui des travailleurs qui, à un moment donné, ont été déclarés, par un diagnostic médical, "amiantosiques", en 1979. Le résultat de ce diagnostic médical, c'est que ces travailleurs se voient, d'une part, retirer leur permis de travail et qu'ils se voient, d'autre part, accorder une indemnité pour le restant de leur vie équivalant à 90% de leur salaire net. C'est un diagnostic médical posé en 1979 par des médecins dont personne ne peut mettre en doute la compétence. Quelque deux ans plus tard, un "panel" de médecins, composé de trois médecins spécialisés en maladies pulmonaires, déclare et décrète qu'il y a eu erreur sur le diagnostic en 1979.

M. Pagé: ...médical.

M. Fréchette: Alors, ces gens ont reçu des indemnités qui atteignent, dans bien des cas, plus de 70 000 $. C'est du surpayé, M. le Président. La Commission des affaires sociales a décrété dans un jugement que c'étaient des surpayés, des gens qui n'avaient pas droit à ces montants, des gens de 45, 50 ans, 55 ans, qui n'ont plus de permis de travail, mais qui ont été payés alors qu'ils n'y avaient pas droit. Je posais la question ce matin, mais le député de Portneuf n'était pas là. Je lui relance la même question: Est-ce que, comme procureur, le député de Portneuf accepterait d'enclencher le processus judiciaire pour aller percevoir chez ces gens les montants qu'ils ont reçus en trop sans que, d'aucune espèce de façon, ils n'aient eu, quant à eux, quelque rôle à jouer dans une situation comme celle-là? Le député de Portneuf a fait grand état, la semaine dernière, de la situation d'un travailleur qui recevait plus - imaginez le scandale - après avoir été déclaré inapte au travail, que le salaire qu'il retirait lorsqu'il était à l'emploi du CN. C'était scandaleux comme situation!

Un travailleur, que ce soit au CN ou ailleurs, peut gagner 24 000 $ de salaire. Il peut être victime d'un accident de travail qui lui occasionne une incapacité partielle permanente, qui peut dégénérer en incapacité totale permanente qui l'oblige à se retirer du marché du travail. Si c'est cela la situation, M. le Président, un travailleur qui gagne 24 000 $, 25 000 $ et qui, à un moment donné, à cause d'un accident de travail, doit se retirer complètement du marché du travail, va recevoir le maximum prévu par la loi, 90% de son salaire net; dans ce cas-ci, cela pourrait être 20 000 $, l'indemnité de la commission. Ce travailleur qui a été pendant 20 ans, 25 ans au service du même employeur, qui a pris la précaution, qui a eu la prudence, à même ses deniers, avec la participation de son employeur, de se payer un fonds de retraite privé qui lui permet de retirer une indemnité de 15 000 $ par année, à même des sommes qu'il a lui-même versées avec son employeur, va effectivement recevoir, après s'être retiré du marché du travail, une somme de 35 000 $

alors que, lorsqu'il était au travail, il retirait 23 000 $ ou 24 000 $. Est-ce qu'il y a là un scandale? Est-ce que le député de Portneuf souhaiterait que l'on soustraie de la compensation à laquelle ce travailleur a droit le montant de l'indemnité que son fonds de retraite lui permet de retirer? Est-ce que c'est cela que le député de Portneuf est en train de plaider depuis deux semaines?

Si c'est cela, M. le Président, je vous réitère que je n'accepterai certainement pas ce genre d'argumentation, ce genre de philosophie. Quand je vous disais au début de mes remarques que le genre de questions que l'on pose, que le processus que l'on est en train de développer en ne donnant pas tous les faits qui sont pertinents à des cas particuliers, ont justement comme effet de discréditer un organisme...

M. Pagé: Voyons donc! Ne me faites pas pleurer ici!

M. Fréchette: ...de discréditer ceux qui sont à l'intérieur de cet organisme, quand on fait toute espèce de références sans qu'elles soient complètes pour laisser planer toutes sortes de gestes de mauvaise admnistration. Si, dans les cas dont je viens de parler, le député de Portneuf est disponible pour aller devant les tribunaux pour procéder à la récupération, je serai un de ceux qui plaideront pour qu'on lui confie le mandat pour aller auprès de ces surpayés procéder à la récupération.

M. Pagé: M. le Président, sur ces deux questions.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Très brièvement. Nous aurons l'occasion de vider l'ensemble de ces deux questions, je l'espère, dans les plus brefs délais. On a des questions qui embrassent plus généralement l'orientation de la commission. Vous avez cru comprendre, je présume, qu'on en avait plusieurs. On va commencer par les questions d'orientation, les questions de politique générale avant d'aborder des sujets spécifiques comme ceux-là. Les deux questions que vous avez abordées, on est prêt en tout temps à les vider et à prendre le temps qu'il faut pour le faire.

Le Président (M. Vallières): J'ai maintenant deux demandes d'intervention, d'abord du député de Viau, qui sera suivi par la députée de Maisonneuve.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Le ministre vient de nous dire qu'il ne voulait pas être redondant, mais il l'a été en répétant ce qu'il a dit ce matin. Je suis obligé d'être redondant parce que je lui ai posé une question ce matin. Il m'avait promis une réponse cet après-midi. C'était pour lui dire que, dans sa volée de modifications ou de réformes des lois, il n'a fait aucune mention de réforme possible de la loi ou de l'organisation de la CSST. Je voudrais, en premier lieu, faire référence au discours inaugural. Je pense qu'il connaît très bien le discours inaugural de l'honorable premier ministre où il y avait une référence, où, du moins, on pouvait croire qu'il y aurait certainement des changements. Et je veux aussi faire référence à un télégramme qui a été envoyé à M. Robert Sauvé, signé par Roger Lecours, président du SPGQ. Ce télégramme se lit comme suit: "Nous avons eu vent que la CSST serait bientôt transformée en société non régie par la Loi sur la fonction publique. Nous aimerions savoir si cette affirmation est fondée. L'intérêt de nos membres est en jeu, vous le comprendrez aisément." La réponse de M. Sauvé à ce télégramme est la suivante: "II est certain que cette question est à l'étude -cette question, je présume que c'est la question des transformations à la CSST - et les intérêts des travailleurs seront certainement considérés." Alors, je dois répéter ma question de ce matin, sans être redondant, et demander au ministre quels sont les changements qu'il envisage d'apporter à la CSST.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, je ne sais pas si le député de Viau est en train de me demander quel sera de façon précise le contenu du projet de loi qui sera déposé à l'Assemblée nationale. Si c'est en termes aussi précis, explicites et exprès qu'il me pose cette question, il va très facilement comprendre que je ne peux pas entreprendre, à ce stade-ci, de lui faire la lecture des articles que pourrait contenir ce projet de loi. Maintenant, il fait référence à une situation très précise sur laquelle je puis lui formuler des commentaires en termes très généraux. Est-ce qu'il est exact que la CSST, la Commission de la santé et de la sécurité du travail pourrait devenir une société d'État? Je vous dirai essentiellement, M. le Président, que, effectivement, il y a eu jusqu'à maintenant des discussions à cet égard. Il y a des spécialistes en la matière qui se sont penchés sur le problème, qui ont pris le temps nécessaire à l'étudier. Il y a des conclusions de ces études qui ont été soumises au niveau politique pour décision, et il restera à l'autorité politique de prendre la décision finale qui s'impose en semblable circonstance. (17 heures)

Mais, M. le Président, en rapport avec

ce télégramme de M. Lecours, qui fait part d'appréhensions qui me semblent justifiées, compte tenu de l'ensemble de la discussion qui se fait, je voudrais dire ceci au député de Viau: Pour les strictes fins de la discussion, tenons pour acquis que, effectivement, dans un an, dans deux ans ou dans cinq ans, la Commission de la santé et de la sécurité du travail devienne une société d'État, donc soustraite aux règles de la fonction publique. Si les travailleurs craignent pour leurs droits, les droits qui leur sont consentis dans l'état actuel des choses, il y a un certain nombre de choses dont il faut tenir compte. D'abord, si ça devait être cela, comme je vous le dis, dans un délai que personne ne peut, pour le moment, carrément spécifier, il faudra que les gens qui, au premier chef, sont intéressés par les préoccupations qu'a soumises M. Lecours, soient informés au moins sept mois à l'avance d'une semblable décision. Voilà une première préoccupation ou, enfin, une première garantie, me semble-t-il, vis-à-vis de ceux qui se préoccupent de la situation.

Deuxièmement, toujours en tenant pour acquis, pour les fins de la discussion, que c'est l'orientation que devra prendre l'organisme, ceux qui sont visés, donc les gens, les hommes et les femmes qui travaillent à l'intérieur de la commission, ont à leur disposition un délai variant de 30 à 60 jours pour faire le choix de continuer de travailler à l'intérieur de ce que serait éventuellement cette nouvelle société d'État ou, alors, décider de réorienter leur carrière. Ils ont une période de 30 à 60 jours, dans l'état actuel des choses.

Troisièmement, le député de Viau prenait plaisir la semaine dernière à me référer à certains articles de certaines lois, je vais le référer à l'article 45 du Code du travail. Il sait ce que c'est, l'article 45 du Code du travail. L'article 45 du Code du travail, il sait ce que c'est, le député de Viau. Il sait très bien que c'est une disposition dont les objectifs sont précisément de protéger les droits des travailleurs et des travailleuses dont la gérance de l'organisme à l'intérieur duquel ils oeuvrent peut changer de vocation. Le député de Viau sait très bien que cet article 45 existe. Alors, que les travailleurs à l'intérieur de la commission se préoccupent de sa vocation future, je suis tout à fait conscient que c'est une préoccupation légitime. Mais je dis qu'il y a, dans l'état actuel des choses, des paramètres suffisamment circonscrits, un cadre suffisamment clair pour que tous leurs droits leur soient préservés dans le cas où il y aurait ce changement de vocation dont on vient de parler.

M. Cusano: M. le ministre, vous êtes sans doute une personne qui doit lire assez souvent Jonathan Swift, qui a écrit A Tale of a Tub, qui a tendance à changer certains propos. Je ne veux pas aborder l'article 45, on le connaît. Ce n'est pas le but de ma question. Le but de ma question, c'est que vous avez mentionné qu'il y a une possibilité de transformation de la CSST en société d'État. Je présume qu'il se fait des études. Cela ne vient pas du ciel. Vous dites que ces études, ces consultations ont lieu, mais avec qui sont-elles faites présentement? Cela est très précis. J'aurai d'autres questions à vous poser.

M. Fréchette: Les études et les consultations dont je vous parle ont été menées par des personnes qui, au premier chef, possèdent l'expertise de l'administration d'un organisme comme celui-là. Elles ont été élaborées sur une longue période et elles ont été approfondies comme il fallait le faire dans des circonstances comme celles-là. Cette opération étant terminée, le tout a été remis entre les mains des autorités politiques qui devront, à partir des considérations qui ont été faites par ces spécialistes, prendre une décision qui n'est pas prise et sur laquelle, au moment où on se parle, en tout cas, je n'ai pas de commentaire précis à faire au député de Viau.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, je répète ma question. Lorsque le ministre parle de consultations, quelles sont les personnes que vous avez consultées, quels spécialistes avez-vous consultés?

Une voix: Vous n'avez pas confiance?

M. Pagé: Le président de la CSST peut répondre.

M. Fréchette: Oui. Bien sûr.

Je vais répondre tantôt, si vous me le permettez, parce que j'ai pris note de vos questions. Je vais faire une déclaration générale, moi aussi, si vous me le permettez. Vous avez dit bien des choses. J'aimerais avoir l'occasion de dire moi aussi quelque chose.

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! Pour les besoins du journal des Débats, je voudrais indiquer que le président de la CSST vient de s'exprimer et c'était donc au nom du ministre qu'il le faisait.

La parole est maintenant au ministre.

M. Fréchette: Je réitère ce que je viens de dire. Je ne sais pas en quels termes il faudrait le dire pour que ce soit

suffisamment clair. Je vous ai dit que ces consultations ont été menées à l'intérieur d'organismes, de groupes et chez des individus qui ont l'expertise.

M. Cusano: Oui, mais qui sont-ils, ces individus qui ont l'expertise?

M. Fréchette: Des spécialistes.

M. Cusano: C'est qui, ces spécialistes? Est-ce que ce sont des personnes ou est-ce que ce sont des groupes?

M. Fréchette: Ce sont des personnes qui oeuvrent à l'intérieur de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

M. Cusano: Est-ce que ce sont des ordinateurs qu'on consulte? Je veux savoir qui est la personne physique que vous avez consultée.

Une voix: Des spécialistes.

M. Fréchette: Le président et des gens de l'intérieur ont, effectivement, réfléchi sur cette question. Ils en ont discuté, également, avec d'autres personnes au gouvernement. Ils en ont discuté avec celui qui vous parle. Il reste à faire cheminer cette décision politique qui n'est pas prise encore.

M. Cusano: Alors, si je suis bien la dernière partie de votre réponse, vous n'avez aucune conclusion d'arrêtée jusqu'à maintenant?

Une voix: De quelle nature?

M. Fréchette? Non, M. le Président. En aurais-je que je ne le dirais pas immédiatement parce que - je vous livrerais le contenu d'un projet de loi. Je vous ai signalé, au tout début de nos travaux, que ce n'était pas mon intention de vous donner verbalement ce qu'il y aura dans le projet de loi.

M. Cusano: Quand pensez-vous que vous allez pouvoir finir toute votre consultation et déposer ce projet de loi?

M. Fréchette: M. le Président, le projet de loi, dans son ensemble, m'a été remis il y a quatre semaines ou à peu près. Nous sommes actuellement à procéder à l'évaluation finale de son contenu avec des experts qui proviennent de toutes les sources qui peuvent être intéressés d'une façon ou d'une autre à ce projet de loi. Si le calendrier est respecté - jusqu'à maintenant, je n'ai aucune raison de croire qu'il ne le sera pas - le projet de loi devrait être déposé avant l'ajournement pour la période d'été afin de permettre, durant la période d'été et jusqu'à la reprise des travaux, à tous les organismes, à toutes les associations, à tous les individus qui voudront prendre connaissance du contenu du projet, de pouvoir le faire durant la période d'ajournement pour l'été jusqu'à la reprise des travaux, quelque part l'automne prochain.

M. Cusano: À ce temps-là, on va certainement nous présenter l'impact financier d'une telle réforme. Est-ce qu'il y a des études qui ont été effectuées sur cela?

M. Fréchette: M. le Président, il en est de cette loi comme de toute autre loi qui touche, d'une façon ou d'une autre, les relations de travail ou de la main-d'oeuvre ou de l'emploi. Le député de Viau est très certainement au fait que, dans de semblables circonstances, il faut soumettre tous ces projets à l'appréciation du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre pour recueillir son avis sur l'opportunité de maintenir ou de rejeter telle ou telle proposition. Je vous dirai que cet exercice a été complété au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, que les parties ont effectivement remis leur avis et leur appréciation quant au contenu du projet de loi. Je peux vous dire - mais c'est le plus loin que je peux aller - qu'à bien des égards et sur à peu près l'ensemble du projet beaucoup d'avis convergent entre les différents intervenants qu'on retrouve au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Il est clair aussi que cette instance, qui s'appelle le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, a procédé à une évaluation en termes strictement pécuniaires ou financiers de ce que pourrait vouloir dire le projet de loi tel qu'il lui a été soumis. Vous allez comprendre également que le conseil d'administration de la commission a aussi fait sa propre évaluation. Quand le député de Viau me pose la question et me demande: Est-ce que des évaluations ont été faites de l'impact financier par rapport à l'état actuel des choses et à ce que cela pourrait donner avec une nouvelle loi de cette nature, je lui réponds: Oui, cela a été fait à travers les instances formelles, c'est-à-dire la commission elle-même et le Conseil consultatif du travail, et aussi à travers d'autres instances qui n'ont pas le même statut juridique que les deux instances dont je viens de vous parler.

Le Président (M. Vallières): Alors, oui.

M. Pagé: M. le Président, si vous le permettez, mon collègue de Maisonneuve me permettrait très brièvement, sur le même sujet, une question à quelques volets adressée à M. le ministre. Devons-nous prendre acte que le ministre nous indique aujourd'hui que des consultations ont été faites et qu'il ne

veut pas nous dire avec qui, que des spécialistes ont aussi été consultés et qu'il ne veut pas nous dire lesquels? S'ils en sont arrivés à certaines conclusions, j'aimerais qu'il nous indique de quelle nature sont ces conclusions parce qu'il y a probablement, très certainement, plusieurs hypothèses qui sont retenues. Ce n'est pas faire défaut à son engagement ministériel de nous indiquer les hypothèses et la nature des différentes conclusions auxquelles ils en viennent pour que le pouvoir politique décide.

Enfin, il a référé au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Si on se réfère au rapport annuel de 1981 du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, il y était fait mention d'un projet de loi éventuel sur la réparation des lésions professionnelles: II y était dit ceci - je cite le rapport du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre - "Avant de procéder à l'étude de cet avant-projet, le conseil a demandé de procéder à une évaluation de ses implications financières." Il a donc obtenu qu'on lui transmette, entre autres, les informations suivantes: les coûts de l'application de la Loi sur les accidents du travail, coût global et coût de certaines dispositions, une analyse et une évaluation du coût de différentes hypothèses contenues dans l'avant-projet de loi sur la réparation des lésions professionnelles, l'analyse et l'évaluation devant être faites, d'une part, pour les accidents du travail et, d'autre part, pour les maladies professionnelles, enfin une étude comparative entre les coûts réels de certaines mesures contenues dans la Loi sur les accidents du travail: incapacité totale temporaire, incapacité partielle permanente, programme d'assistance financière, prestations de décès, etc., et une évaluation des coûts de certaines mesures contenues à l'avant-projet de loi sur la réparation des lésions professionnelles: rentes, indemnités temporaires, indemnités spéciales au décès, indemnité de remariage, etc..

Donc, est-ce que le président pourrait nous indiquer si le comité consultatif s'est déclaré satisfait des documents qu'il a reçus? Est-ce que le ministre peut s'engager, au moment du dépôt de la loi, à déposer à l'Assemblée nationale les documents qu'il a déposés au Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre: entre autres, l'étude du rapport coûts-bénéfices du projet de loi qui s'en vient, en plus des autres volets comme la nature des conclusions? Tout cela est peut-être bien hypothétique.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Fréchette: Est-ce que j'ai bien compris que le député de Portneuf me demandait si j'étais disposé, au moment où l'étude du projet de loi arrivera, à déposer en même temps les documents que j'aurais déposés au conseil consultatif? Est-ce que c'est cela, la question? Est-ce que le député de Portneuf me demande si je serai disposé, au moment où on entamera l'étude du projet de loi, à procéder au dépôt des documents ou des études que j'aurais déposés au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre? Si c'est cela la question, je veux simplement lui signaler que, pour autant que je suis concerné, je n'ai fait le dépôt d'aucun document. (17 h 15)

M. Pagé: Non, mais le comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre a requis des documents, des données, des chiffres, des quanta à prévoir. Est-ce que le ministre peut s'engager, au moment du dépôt du projet de loi, pour que les parlementaires puissent en être saisis lors de l'étude en commission parlementaire probablement, entre la première et la deuxième lecture, pour que les groupes ou les intervenants du milieu, tant syndicaux que patronaux, qui seraient désireux de se faire entendre sur cet aspect du projet de loi puissent avoir toutes les données et en bénéficier? On a cru comprendre que, même si le comité consultatif est formé de gens qui représentent les parties patronales, syndicales, etc., ces données, ce n'est pas ce qu'il y a de plus public. Vous le savez, M. le ministre.

M. Fréchette: Oui, je suis très conscient de cela. Je voudrais d'abord signaler au député de Portneuf qu'effectivement, le Conseil consultatif du travail a reçu toute la documentation qu'il a requise, toutes les expertises qu'il a sollicitées de la Commissision de la santé et de la sécurité du travail. Tout le matériel lui a été remis et tout ce qu'il a demandé, effectivement, comme matériel. C'est à partir de l'analyse de cette documentation que le Conseil consultatif du travail a élaboré ses avis quant à l'opportunité, encore une fois, du contenu du projet de loi. Le député de Portneuf me demande également et me donne avis d'une période de je ne sais combien de mois, quand on en arrivera à l'étude en commission parlementaire ou en deuxième lecture, si je serai disposé à ce moment-là à procéder au dépôt de ces mêmes documents qui ont servi au Conseil consultatif du travail pour émettre ses avis sur le contenu du projet de loi. M. le Président, je peux difficilement m'engager, dans l'état actuel des choses et aujourd'hui, à procéder au dépôt de cette documentation. En principe, cela ne répugne pas que l'on puisse le faire, mais le député de Portneuf va comprendre qu'avant de m'engager formellement, il y a un certain nombre de considérations dont je devrai tenir compte. Mais, sur le plan du principe, je ne vois pas

qu'il y ait là de grands secrets d'État qui feraient ou qui empêcheraient qu'effectivement ces mêmes documents puissent être mis à la disposition des parlementaires qui auront à procéder à la discussion de la loi.

M. Pagé: Les documents qui ont été déposés au Conseil consultatif du travail étaient selon une ou plusieurs hypothèses.

M. Fréchette: Je voudrais bien qu'on s'entende. Tout è l'heure, le député de Viau a soulevé un aspect particulier, un aspect éventuel très particulier du projet de loi, c'est-à-dire le changement de vocation. Le député de Portneuf entreprend la discussion sur un autre chapitre, celui...

M. Pagé: Des réparations.

M. Fréchette: ...du mode de financement. Je voudrais qu'on s'entende. Me demandez-vous de procéder au dépôt de la documentation qui aurait servi à la fois au cheminement de la vocation de la société et à l'établissement des coûts comparatifs par rapport à ce qui existe actuellement et à ce qui pourrait exister? Je vous réitère ce que je viens de vous dire, M. le Président. Je ne prendrai très certainement pas aujourd'hui l'engagement de procéder au dépôt de ces documents. Je ne vous dis pas que cela ne peut pas se faire. Je ne vous dis pas non plus qu'en principe, cela devrait être accepté, mais je ne prendrai pas l'engagement aujourd'hui d'y procéder, sans tenir compte d'un certain nombre d'autres considérations.

M. Pagé: Ce n'était pas cela, la question. Je m'excuse, M. le Président. Très brièvement, je la réitère, parce que madame a une question qui attend. Dans le rapport du Conseil consultatif du travail, on fait allusion à des documents, à des renseignements, à des données et à des chiffres qui ont été demandés à la commission dans le cadre du projet de loi sur les réparations professionnelles. On m'a indiqué tout à l'heure que ces données avaient été fournies au Conseil consultatif du travail, lequel avait eu à délibérer sur le sujet. Je vous demande, dans les documents ou dans les données qui ont été fournis en vertu du projet de loi sur la réparation professionnelle, si ces chiffres ont été donnés en fonction d'une ou de plusieurs hypothèses. Ce n'est pas compliqué.

M. Fréchette: Par rapport à la vocation?

M. Pagé: Par rapport à la loi sur les réparations professionnelles, M. le ministre. Je m'excuse.

M. Fréchette: II y a eu des évaluations qui ont été faites par rapport à plusieurs hypothèses, effectivement: une hypothèse qui ferait que cela coûte plus cher, considérablement plus cher, moyennement moins cher, que cela reste dans le statu quo et des hypothèses qui feraient que cela coûte moins cher. Vous savez, je commence à connaître un peu le député de Portneuf, M. le Président. Il est probablement au courant de toutes ces études de coûts, quand il nous parle de ses sources de renseignements et que le député de Viau revient là-dessus. Il sait très probablement de quoi il parle. La documentation à laquelle il se réfère, il l'a sans doute sous les yeux au moment où on se parle. Dans ces conditions, au chapitre strict de l'étude des coûts, je peux aujourd'hui prendre l'engagement de procéder au dépôt de la documentation qui est strictement en relation avec l'étude des coûts.

M. Pagé: Pour toutes les hypothèses.

M. Fréchette: Oui, vous les avez déjà, de toute façon.

M. Pagé: Merci, M. le Président. On va continuer tantôt.

Le Président (M. Vallières): La parole est maintenant à Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, je ne vous cacherai pas que ce n'est pas tant ceux qui seraient surpayés qui me préoccupent que ceux qui sont sous-payés. Les représentations que j'ai à faire font suite à des représentations qui m'ont été faites par une association d'accidentés très active dans Maisonneuve, comme il en existe ailleurs dans plusieurs autres régions du Québec. J'en profite pour dire que ces associations ont parfois un comportement un peu frondeur, mais il n'en reste pas moins qu'elles rendent des services absolument inestimables à leurs concitoyens et certainement au bureau de comté du député qui peut souvent leur référer des cas problèmes. Ces personnes sont soutenues, tout au long des réclamations qu'elles ont à faire, par ces associations. Il est évident que j'appelle de tous mes voeux cette loi sur les lésions corporelles. On parle des coûts financiers de la prochaine loi, mais encore faut-il parler du coût social du maintien de la loi actuelle, un coût social certainement très élevé quand on pense que cette loi, malgré ses réformes, est vieille de cinquante ans et de plus en plus difficile d'application.

Il y a certainement un coût économique à la loi actuelle. Je retrouvais, dans une entrevue donnée par le président, M. Sauvé, dans le Journal du travail, l'an dernier,

certains renseignements concernant l'administration générale de la commission: notamment ce chiffre assez éloquent qui indiquait qu'au-delà de 85% des réclamations admissibles concernaient des cas requérant au plus vingt jours de travail. C'est donc dire que, dans la pratique courante, sur l'ensemble des dossiers traités, l'administration des petites réclamations occupait à peu près 85% du temps de l'administration, tandis que 15% du temps était utilisé pour les cas graves et complexes. C'est donc dire que, dans l'administration même de la commission, il y a certainement un coût économique, il y a certainement un coût au maintien de la loi actuelle.

M. le Président, selon les représentations qui m'ont été faites - je ne voudrais pas plaider parce que cela a été fait éloquemment par d'autres - il n'y a pas présentement de protection dans la loi pour une victime qui est congédiée ou mise à pied en raison de son incapacité ou de sa lésion. Il n'y a pas de protection non plus pour les travailleurs ou les travailleuses domestiques qui ne sont pas couverts.

Il y a également - je pense que c'est une injustice assez grave qui, semble-t-il, serait réparée dans le cas de la Régie des rentes avec la réforme qui est annoncée et attendue - dans le cadre de la CSST, le cas du conjoint survivant qui perd toujours son droit à une indemnité lors de son remariage. Je peux vous dire que fréquemment on me dit combien les mariages augmenteraient dans mon comté si tant est que les gens pouvaient légaliser leur situation. Il y a toujours une indemnité de 35 $, c'est ce que m'ont dit les travailleurs de mon comté, pour incapacité temporaire minimale. Toutes choses qui, évidemment, appellent de façon urgente une loi qui permettrait de remédier à ces cas-là, tout en n'oubliant pas - parce que cette entrevue avec le président de la CSST, d'ailleurs, le démontre très clairement - qu'il y a une injustice du fait de ne pas être indemnisé au Québec présentement, selon la même philosophie de base: selon que c'est un accident d'automobile, selon qu'on est victime d'un acte criminel ou selon qu'on est victime d'un accident de travail. Je pense que c'est certainement le motif fondamental pour appeler une loi de réparation.

Les questions que je voudrais adresser au président de la CSST portent sur l'administration courante. Il y a beaucoup de colère, d'une certaine façon, chez des travailleurs accidentés, à la suite de la décision, qui aurait été prise l'été dernier, de ne plus indexer les allocations pour une incapacité totale temporaire et pour la réadaptation. Vu qu'il y a déjà 90% du salaire net qui est compensé, comme ils voient le montant de la compensation gelé, sans indexation, semble-t-il que cela crée un déséquilibre. Est-ce que c'est toujours en vigueur? Qu'est-ce qui a bien pu présider à une telle décision? N'y a-t-il pas lieu d'en revoir l'application?

Les travailleurs parlent très souvent d'un contingentement des programmes de réadaptation sociale. Est-ce que c'est le cas pour Montréal et serait-ce différent pour les autres régions du Québec? Y a-t-il contingentement ou non dans les programmes de réadaptation actuellement à la CSST?

Il y a un problème qui revient très souvent, celui du non-dédoublement. En d'autres termes, il s'agit des prestations d'invalidité de la Régie des rentes. Actuellement, on soustrait des prestations de la CSST les prestations de la Régie des rentes. Lorsqu'il y aura la réforme de la Régie des rentes et qu'il y aura accès, admissibilité beaucoup plus grande à la Régie des rentes à partir de 60 ans, sans autre preuve qu'un certificat médical, semble-t-il, indiquant qu'on ne peut plus continuer à maintenir l'emploi qu'on a toujours exercé, quelle sera alors l'harmonisation avec la CSST? Est-ce qu'il y a eu des études d'harmonisation qui ont été faites relativement à la réforme de la Régie des rentes qui doit être déposée très prochainement et qui, comme je le disais tantôt, prévoit le maintien de l'allocation pour le conjoint survivant?

Il y a deux autres aspects. Je crois que c'est possible, et j'ai tenté d'explorer plus à fond cette question. Il semblerait qu'à Montréal, il soit possible qu'un médecin puisse à la fois être contractant avec la CSST et pratiquer en clinique privée, donc recevoir un travailleur qui s'adresse à lui sans que ce dernier sache que ce médecin peut être appelé à travailler pour la CSST. Il y a des cas qui ont été portés à ma connaissance, selon lesquels le mode de fonctionnement à Montréal pourrait amener cette injustice. Je considère qu'au minimum, il faudrait que la liste des médecins qui ont des contrats avec la CSST soit connue, si tant est qu'il peut y avoir, à un moment donné, un même médecin qui soit consulté et qui ait, à la fois pour le travailleur et pour la CSST, à émettre un certificat. (17 h 30)

Qu'en est-il des programmes à coûts partagés avec l'assurance-chômage? Il y a des plaintes qui sont formulées, selon lesquelles, pendant les périodes de recherche d'emploi, les travailleurs se retrouvent transférés à l'assurance-chômage et ne sont plus admissibles à la CSST.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la députée de Maisonneuve soumet plusieurs questions. Elle

a commencé son intervention en se référant à ce groupe qui s'appelle l'Association des travailleurs accidentés du Québec; quand on utilise le sigle, on retrouve ATAQ, si mon souvenir est fidèle. J'ai eu l'occasion, il y a peut-être trois ou quatre mois maintenant, un peu plus ou un peu moins, de rencontrer ce groupe de travailleurs et de travailleuses accidentés qui m'ont fait part de représentations qui, à bien des égards, sont fondées. Une des principales préoccupations que soumet Mme la députée de Maisonneuve est en relation directe, me semble-t-il, avec la nécessité de procéder à l'harmonisation de toutes nos lois qui prévoient des indemnités, qu'il s'agisse d'assurance automobile ou de tout autre programme qui, effectivement, prévoit des indemnisations.

Je voudrais simplement signaler, en réponse à cette préoccupation, que l'un des objectifs fondamentaux, sinon le principal objectif de la loi, est précisément d'arriver à réaliser cette harmonisation. C'est, encore une fois, peut-être l'élément le plus important de l'ensemble de la loi parce que, effectivement, on se retrouve dans des situations qui, à bien des égards et dans l'état actuel des choses, ne peuvent s'expliquer ni par la logique, ni par l'équité, ni par la justice, ni par aucune autre espèce de processus de raisonnement ou processus mental.

Mme la députée de Maisonneuve a également soulevé le problème de l'indexation. Dans le cas de l'incapacité permanente, je pense que cela ne pose pas de problème: l'indexation est là et elle est totale, c'est-à-dire qu'elle est en conformité avec ce qui existe. Il est par ailleurs exact que, depuis le 1er juin de l'année dernière, me semble-t-il, les travailleurs ou travailleuses accidentés qui sont affectés d'une incapacité totale mais temporaire ne reçoivent plus, depuis ce moment-là, cette indexation. La seule et unique raison pour laquelle cette décision a été prise, c'est que, selon les avis juridiques du contentieux, il semble que, dans l'état actuel de la loi, il ne soit pas possible, juridiquement, d'indemniser dans les cas d'incapacité totale temporaire. Sans doute, aurait-il été un autre chapitre pour le député de Portneuf de nous parler de surpayés, si on avait accordé l'indexation dans le cas des indemnités totales temporaires.

C'est un fait que, depuis le 1er juin dernier, ces paiements ont cessé et cela crée effectivement, au niveau de ce qu'on pourrait convenir d'appeler un droit acquis, cela provoque effectivement des réactions vives. Je me place dans la situation dans laquelle se retrouvent ces gens et j'aurais sans doute la même réaction. Il est également évident que c'est une situation qu'il faudra contribuer à régulariser.

Mme la députée de Maisonneuve a soulevé un autre aspect de la pratique que j'appellerai quotidienne, concernant les intervenants médicaux. Je me suis laissé dire, moi aussi, que certains travailleurs s'étaient retrouvés dans la presque impossible situation d'avoir reçu des traitements d'un médecin, d'avoir été suivis en consultation pendant le temps que devait durer la convalescence, d'avoir vu ce médecin poser un diagnostic et, à un moment donné, de retrouver le même spécialiste ou le même professionnel de la santé qui ferait - je dis bien qui ferait - une évaluation pour le compte de la CSST.

Évidemment, si de semblables situations existent, il m'apparaît clairement, M. le Président, qu'il y a pour le professionnel qui est impliqué dans une telle situation une question d'éthique importante. Je ne pense pas que la commission puisse suivre de si près l'évolution de ce genre de situation pour pouvoir identifier très clairement qui a été le médecin traitant d'un accidenté immédiatement après que l'accident s'est produit, lequel médecin deviendrait ensuite contractuel avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail, si jamais il en était fait référence. Je réitère que c'est là, à mon sens, selon mon évaluation et avec tout le respect que je dois à la profession, une question d'éthique fondamentale que de ne pas accepter de se retrouver, à un moment donné, dans une situation de contradiction, dans une situation qui pourrait ressembler étrangement à un net conflit d'intérêts. C'est aux professionnels mêmes qu'il faut lancer l'appel bien que la commission puisse peut-être y voir de façon expresse pour tenter de régulariser, de corriger au plus tôt, d'éviter que des situations de cette nature se reproduisent.

M. Pagé: Comme pour les avocats.

M. Fréchette: Pardon?

M. Pagé: Comme pour les avocats.

M. Fréchette: On pourra y revenir. S'il y a des situations semblables chez les avocats, le même principe devrait s'appliquer.

M. Pagé: On en parle en haut.

M. Fréchette: C'est pour cela que vous ne voulez pas accepter le mandat de la commission d'aller chercher les surpayés.

M. Pagé: On en parle en haut.

M. Fréchette: Maintenant, je pense qu'il est important de signaler également que, dans 80% des cas, les avis médicaux du médecin traitant, le diagnostic final posé par le médecin traitant est celui qui est retenu

par la commission, le médecin traitant qui a reçu le travailleur ou la travailleuse en consultation immédiatement après son accident, qui a suivi l'évolution de l'état de santé de ce travailleur accidenté ou de cette travailleuse accidentée et qui, à la toute fin du traitement, va porter un jugement sur l'état d'incapacité du travailleur. Dans 80% des cas, c'est ce diagnostic-là et cette évaluation-là qui sont acceptés par la commission pour les fins de l'indemnisation qui lui sera versée, qui peut lui être due.

Mme la députée de Maisonneuve a également soumis le cas qu'elle a identifié comme celui des coûts partagés avec l'assurance-chômage. À ce chapitre-là, M. le député de Portneuf, vous allez me permettre de demander au président de la commission de préciser quelle est la politique de la commission.

Le Président (M. Vallières): Alors, au nom du ministre du Travail, le président de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

M. Fréchette: C'est M. Bernier qui l'expliquera parce que c'est sa spécialité.

Le Président (M. Vallières): M. Bernier.

M. Fréchette: II y a effectivement une entente qui a été signée avec la Commission de l'assurance-chômage, Emploi et Immigration Canada, au sujet des indemnités qui étaient versées en réadaptation. On s'était rendu compte que, lorsque les accidentés étaient inscrits à un programme de recherche d'emploi au Québec et qu'on leur versait des indemnités de réadaptation pouvant aller jusqu'à 90% du revenu, la Commission de l'assurance-chômage refusait de faire bénéficier ces accidentés de ses services de recherche d'emploi et refusait également de leur verser les prestations d'assurance-chômage auxquelles ils avaient droit. On a vérifié dans les autres provinces et, dans les autres provinces, les accidentés avaient droit aux services de l'Emploi et de l'Immigration ils recevaient la différence entre ce que versait la Commission de l'assurance-chômage - puisque l'accidenté, à ce moment-là, était considéré apte à retourner au travail - et ce que versait la commission en cause.

On a donc fait une entente et le travailleur ne reçoit pas moins à titre d'indemnité. Il reçoit toujours 90% du montant de son salaire net, sauf que le premier payeur est la Commission de l'emploi et de l'immigration et la différence lui est versée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail. À ce moment, le travailleur bénéficie à la fois des services de réadaptation de la commission et des services qui sont dispensés pour la recherche d'emplois par la Commission de l'emploi et de l'immigration.

Le Président (M. Vallières): Mme la députée de Maisonneuve, vous avez terminé. J'ai plusieurs demandes d'intervention.

Mme Harel: Je n'ai pas terminé, M. le Président. Je ne demanderai pas à M. Bernier quels sont les services dispensés par les bureaux d'assurance-chômage auxquels il fait référence. Concernant la réadaptation, y a-t-il un contingentement des services de réadaptation présentement, compte tenu des demandes qui sont formulées?

M. Fréchette: Non, il n'y a aucun contingentement. Tout ce que la commission a fait, c'est de s'être rendu compte que, dans les petits cas d'incapacité, la procédure administrative qu'elle avait adoptée faisait que toute personne qui avait un déficit physique quel qu'il soit, qu'il soit de 1% ou de 2% ou de 0,5%, passait dans le mécanisme de réadaptation qui était prévu, même si elle était retournée au travail. On avait institué ce qu'on appelait un mécanisme de détection précoce des accidentés qui avaient besoin de réadaptation et ce mécanisme était élargi à tous les accidentés. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a dit: on va conserver cette procédure pour les accidentés qui ont 10% et plus d'incapacité et, dans les autres cas, ce sera sur demande que les programmes de réadaptation pourront leur être appliqués. Il n'est pas question de contingenter. Il est tout simplement question d'éliminer un fardeau administratif inutile, puisque à peu près 5% de ces cas ayant une incapacité de 10% et moins, avaient besoin de réadaptation.

C'est ce qui fait qu'il y a moins de gens qui passent dans le mécanisme de réadaptation ou rencontrent les gens de la réadaptation, mais, si ces personnes en ont besoin, si elles sont détectées chez nous ou si le travailleur ne retourne pas à son emploi, cette personne ou ce travailleur a droit systématiquement au même programme de réadaptation, quel que soit son taux d'incapacité. C'est tout simplement une procédure administrative pour ne pas surcharger nos gens, ne pas rendre le processus bureaucratique trop lourd et s'assurer que nos gens aient le temps de faire de la réadaptation également.

Le Président (M. Vallières): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Vous allez me permettre une autre question, concernant les mesures instaurées par la CSST. Il est maintenant notoirement souhaité que la réglementation, la législation déléguée, puisse en fait permettre à des parties concernées de se

faire entendre. Je fais référence, par exemple, à la Loi sur le cinéma qui est en discussion présentement devant l'Assemblée où, lors de la commission parlementaire, le ministre des Affaires culturelles s'est engagé à ce que la réglementation qui va découler de la loi puisse même faire l'objet d'une commission parlementaire. En tout cas, dans la loi, il est prévu qu'elle doit être publiée 30 jours à l'avance dans la Gazette officielle et les parties concernées pourront faire valoir leur point de vue.

J'aimerais savoir pour l'avenir, pour que cet avenir, il faut le souhaiter, soit le plus immédiat possible, compte tenu de la nouvelle loi sur les lésions corporelles: est-ce qu'on peut s'attendre que la réglementation, c'est-à-dire les mesures qui ont une incidence sur les parties concernées, et je pense, en particulier, aux travailleurs, puissent faire justement l'objet d'une réglementation sur laquelle les parties pourront se faire entendre avant qu'elle soit en vigueur?

Le Président (M. Vallières): M. le ministre. (17 h 45)

M. Fréchette: Je vais donner une réponse et, si elle n'était pas complète, je suis sûr qu'on pourra la compléter. Dans l'état actuel des choses, quand il s'agit d'une réglementation qui découle de la Loi sur les accidents du travail, il y a effectivement une prépublication dans la Gazette officielle et une prépublication de 30 jours permettant aux personnes intéressées ou aux organismes intéressés de faire valoir leur argumentation quant au contenu de cette réglementation et, dans le cas de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, c'est le même mécanisme qui existe, avec un délai de 60 jours au lieu de 30 jours. Si je comprends bien le souhait qu'émet Mme la députée de Maisonneuve, c'est que non seulement on puisse se prévaloir du droit de faire valoir une argumentation, mais qu'en même temps, ce soit soumis à l'approbation d'une commission parlementaire ou d'un processus parlementaire qui ferait que les élus pourraient discuter du contenu d'une semblable réglementation. M. le Président, sur le plan du principe, surtout quand il s'agit de cas qui touchent très précisément le processus d'indemnisation lui-même ou le processus qui vise directement le salarié accidenté, je suis tout à fait disposé à regarder de très près la possibilité qu'on puisse inclure dans l'éventuelle loi une disposition qui permettrait d'arriver à réaliser cet objectif, surtout si, déjà, il y a un précédent de créé dans une autre loi à laquelle vous nous référez.

Le Président (M. Vallières): J'ai maintenant trois demandes d'intervention qui ont été faites dans l'ordre par les députés de Viau, Sainte-Anne et Sainte-Marie. Le député de Sainte-Marie aurait, je pense, une question de règlement. Peut-être que, demain, il ne pourra pas être ici.

M. Bisaillon: Non, pas nécessairement, M. le Président. Si vous me donnez la parole, il n'y aura pas de question de règlement.

Le Président (M. Vallières): J'avais prévu donner la parole au début au député de Viau, que j'avais reconnu.

M. Bisaillon: Alors, question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je pense que vous savez ce que je veux vous dire. Si je suis de leur côté, je ne suis pas nécessairement de leur bord. Je conçois que la période des crédits est effectivement une partie qui doit revenir fort majoritairement à l'Opposition. Par ailleurs, on a toujours respecté le principe de l'alternance à cette commission. Comme c'est un débat fermé et que j'ai compris que, lorsqu'on finirait la période avant le souper, il en serait terminé de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, j'avais quelques questions que je n'ai pas encore posées et il me semble que j'aurais la possibilité de le faire en cinq minutes.

Le Président (M. Vallières): M. le ministre.

M. Fréchette: Ce n'est pas l'entendement que j'en ai eu au début, lorsqu'on a essayé d'établir nos règles de fonctionnement. J'ai cru comprendre que c'était le désir de l'Opposition que, demain, l'on puisse continuer sur le même programme, ce à quoi nous n'avons aucune espèce d'objection, étant par ailleurs bien entendu que nous ne devrions pas déborder les neuf heures prévues pour l'ensemble.

M. Pagé: Question de règlement, très brièvement.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Portneuf, sur une question de règlement.

M. Pagé: M. le ministre du Travail a évoqué que les gens de la commission seraient disponibles demain, que l'horaire initial prévoyait que les crédits devaient être étudiés jusqu'à 13 heures demain et qu'après cela, le temps serait écoulé, sous réserve, toutefois, d'une entente à survenir ou à

intervenir entre les deux leaders. Vous êtes soumis à votre leader, M. le ministre, moi aussi.

M. Fréchette: Je m'excuse, mais pourriez-vous reprendre votre énoncé?

M. Pagé: Sous réserve toutefois... La banque d'heures, la quantité d'heures qui a été établie pour vos crédits...

M. Fréchette: Oui.

M. Pagé: ...c'est toujours sous réserve de l'acceptation par votre leader et le nôtre de revenir à une séance un mercredi soir, un vendredi matin, un vendredi après-midi ou à toute autre date que les leaders jugeront opportun d'établir pour continuer les travaux de la commission parlementaire et entendre les honorables représentants de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

M. Fréchette: M. le Président, ce n'est pas l'entendement que j'en ai. Cela peut sans doute être vérifié, mais j'ai compris que la règle imposait de façon préalable que les deux leaders, effectivement, s'entendent sur une enveloppe globale, ce qui a été fait. Les deux ont convenu qu'une période de neuf heures était sans doute suffisante pour compléter l'étude des différents programmes. Quand le député de Portneuf me parle de la possibilité de revenir un mercredi soir, un samedi matin ou un dimanche, à Pâques ou à Noël, je n'ai pas d'objection à cela. Le député de Portneuf sait très bien qu'il existe une procédure simple dans notre règlement, qui s'appelle la question avec débat. Il me semble que ce serait une belle question qui pourrait être inscrite au feuilleton et on pourrait...

M. Pagé: Une motion de blâme et tout cela.

M. Fréchette: Oui, absolument. M. Pagé: Le règlement est là. M. Fréchette: C'est cela.

Le Président (M. Vallières): Je veux vous indiquer immédiatement que j'aurai l'occasion de consulter d'autres personnes qui occupent le poste de président aux commissions parlementaires afin de savoir, au niveau du principe de l'alternance, si, effectivement, la venue d'un député indépendant nous permet d'appliquer le principe de l'alternance...

M. Bisaillon: On n'y peut rien, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): ...ministérielle, de passer à l'Opposition et ensuite au député indépendant.

M. Bisaillon: Je vais même vous signaler, M. le Président, que le whip du parti ministériel s'est essayé à plusieurs reprises à soulever cette question, qu'il y a eu des jugements de rendus là-dessus et qu'à l'intérieur d'un débat fermé, normalement, c'est l'Opposition, moi et un député ministériel, et que, par la suite, on revient à l'Opposition. Or, dans les circonstances, je vous signale qu'il y a eu deux interventions de l'Opposition et une intervention ministérielle que j'ai laissée aller. Il me semble que je devrais profiter des dernières cinq ou dix minutes.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Sainte-Marie, vous avez la parole.

M. Bisaillon: Merci, M. le Président. J'ai quelques questions rapides à poser au président de la Commission de la santé et de la sécurité du travail ou au ministre du Travail. Je les pose en vrac, on me répondra globalement à la fin, en vrac aussi, je connais le ministre du Travail.

D'abord, j'aimerais avoir une réponse à une question qui a été soulevée par la ministre - c'est un lapsus - par la députée de Maisonneuve, qui n'a pas reçu de réponse, c'est-à-dire qu'elle porte sur un trou qu'on avait souligné au moment où on a voté la loi 17, soit l'impossibilité souvent pour le travailleur d'être réintégré dans ses fonctions après avoir subi un accident de travail. La députée de Maisonneuve a soulevé cette question. Je voudrais savoir si, à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, on a des données là-dessus maintenant. A-t-on tenu compte de ce qui arrivait aux travailleurs qui avaient subi des accidents de travail? Peut-on nous donner des statistiques à cet égard? Combien ont été réintégrés dans leur ancien emploi? Combien ont été réintégrés dans l'entreprise à laquelle ils appartenaient sans nécessairement être au même emploi? Combien ont tout simplement été congédiés par la suite? C'est ma première question.

Deuxième question: La Commission de la santé et de la sécurité du travail dépense des sommes d'argent pour préserver les travailleurs des accidents de travail. Il y a cependant des coûts sociaux qui ne dépendent pas nécessairement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Je me réfère, par exemple, aux traitements hospitaliers, aux traitements des professionnels. Y a-t-il possibilité de savoir, pour les cas qui ont été traités par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, ce que représentent ces coûts sociaux au moment où on se parle? Est-ce

qu'une partie de ces coûts sociaux sont imputés au budget de la Commission de la santé et de la sécurité du travail ou si c'est réparti dans les différents ministères qui en sont responsables? C'est ma deuxième question.

Troisième question. On a parlé - je crois que c'est le whip de l'Opposition qui en a parlé - de cet élément de la loi qui permet à un travailleur de cesser son travail s'il sent sa sécurité en danger. Combien y a-t-il eu, à la connaissance de la commission, d'arrêts de travail nécessitant l'intervention de la Commission de la santé et de la sécurité du travail depuis l'application de la loi?

Quatrième question. Quels sont actuellement les délais minimaux et maximaux pour le règlement des dossiers à la Commission de la santé et de la sécurité du travail? Évidemment, je comprends que les cas ne sont pas tous identiques. Il y a des cas plus litigieux. Quels sont les délais minimaux et maximaux et, à l'intérieur de ces délais minimaux et maximaux, peut-on nous situer le pourcentage des travailleurs concernés? Est-ce que 80% se règlent en trois semaines et 20% en trois ans? Est-ce le contraire? Où est-ce que cela se situe à l'intérieur du délai minimal et maximal?

Cinquième question. Les médecins. J'ai eu l'occasion de toucher à plusieurs dossiers où il y avait des conflits entre le médecin traitant et les médecins de la commission, entre autres un dossier qui s'est répété à plusieurs reprises, où les médecins de la commission exigeaient des radiographies, ce que les médecins traitants se refusaient à prescrire, prétextant, par exemple, que l'abus de la radiographie pouvait représenter un danger. Donc, le médecin traitant se refusait à prescrire une radiographie. Quelle est la position de la CSST là-dessus? Quelle est l'attitude de la Commission de la santé et de la sécurité du travail lorsqu'il y a un conflit entre deux professionnels?

Ma dernière question va concerner le personnel de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Quel est actuellement le personnel permanent de la commission? Combien y a-t-il d'employés occasionnels ou à contrat? Est-ce que tous ces employés dépendent de la Loi sur la fonction publique? Combien y en avait-il au moment de l'intégration de l'ancienne Commission des accidents de travail? Combien y a-t-il d'employés qui ont été intégrés à la CSST? Donc, quelle a été l'évolution du personnel? Comment se situe ce personnel en région par rapport au centre de Montréal? Finalement, quels sont les efforts pour intégrer dans le personnel nouveau de la CSST du personnel actuellement à l'emploi de la fonction publique? Autrement dit, est-ce qu'à la direction du personnel, il y a des efforts qui sont tentés pour prêter du personnel à d'autres ministères de la fonction publique ou si, lorsqu'il y a des postes vacants, on s'adresse d'abord et avant tout au personnel en disponibilité dans la fonction publique?

Le Président (M. Vallières): M. le président de la CSST, au nom du ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je commence par la dernière question concernant le personnel. Nous avions 2800 postes autorisés, effectivement. Au moment où je vous parle, nous avons soumis un dernier document au Conseil du trésor où nous avons 2742 postes autorisés, donc une diminution de 58 postes par rapport à l'an dernier et par rapport au mandat du début. Nous avons actuellement 2219 postes réguliers occupés à la commission, avec les 355 de l'inspection, puisque nous tenons une comptabilité à part, étant donné que cette section est payée par le gouvernement. Tout le financement de l'inspection est payé par le gouvernement en vertu de l'article 249 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail; si on additionne les deux, cela fait 2574. Tout ce monde est régi par la Loi sur la fonction publique et la répartition est la suivante. Au moment où je vous parle, il y a 1305 personnes en région, 1269 au siège social à Québec et à la Direction de la prévention et de l'inspection située au 1199, rue Bleury, à Montréal...

M. Bisaillon: Le siège social est à Québec.

M. Fréchette: Le siège social est à Québec. À ma connaissance, cela prend un décret du gouvernement pour changer le siège social. Si vous en trouvez un, on serait très heureux de le voir.

C'est 2574 personnes. Nous avons, avec le Conseil du trésor, une entente pour 175 occasionnels permis et voici pourquoi: 75 occasionnels nous ont été autorisés pour les systèmes d'informatique sur une période de deux ans, étant donné qu'à la fin de décembre 1983, nous aurons terminé la partie majeure de l'implantation de nos systèmes. Je peux vous dire que, parmi ces 75 occasionnels, au moment où je vous parle, il y en a 50 en place. Donc, on diminue graduellement. Nous maintenons, à longueur d'année, à la commission, environ 40 personnes en congé de maternité et 10 en congé de maladie prolongé, ce qui nous permet donc un petit écart de 50 personnes pour des périodes de pointe, par exemple, la cotisation ou, à certaines périodes de l'année, la réparation dans les régions.

J'espère avoir répondu...

M. Bisaillon: Ces 2500 personnes dépendent du budget de la CSST, alors que

300...

M. Fréchette: Moins les 355.

M. Bisaillon: Moins les 300. Donc, quelque 2200.

M. Fréchette: Si vous voulez. Il y en a 2219 qui dépendent du budget de la CSST et 355 de celui de l'inspection.

M. Bisaillon: Maintenant, parmi ces 2219 personnes qui dépendent du budget de la CSST, combien y en avait-il qui étaient déjà là sous l'ancienne loi? Autrement dit, combien en avez-vous intégré au départ et combien y a-t-il de personnel nouveau? Finalement, c'est ce que j'essaie de savoir, ce personnel nouveau vient-il de la fonction publique?

M. Fréchette: Oui.

M. Bisaillon: Était-il déjà ailleurs dans la fonction publique ou si c'est du personnel neuf, engagé selon la Loi sur la fonction publique?

M. Fréchette: Au mois de mars 1980, lorsque la Commission de la santé et de la sécurité du travail est née, nous avions comme effectif autorisé 1900 personnes et nous avions effectivement 1900 personnes. Donc, on a ajouté, à ce moment-là, 132 personnes qui venaient du ministère du Travail, de l'inspection, environ 20 personnes du ministère de l'Énergie et des Ressources, 25 ou 26 personnes du ministère de l'Environnement et 46 personnes de l'OCQ. Elles ne faisaient pas partie de la fonction publique. Si vous vous le rappelez, par le biais de l'intégration, il y a eu un amendement à la loi - je pense que c'était la loi 10 sur la fonction publique, à l'époque - qui les a intégrées...

M. Bisaillon: En juin.

M. Fréchette: ...parce que ces gens-là, c'est un peu une garantie en vertu de la loi sur la qualification professionnelle: quand vous coupez un emploi, vous le garantissez. Par voie de conséquence, presque tout ce monde venait de la fonction publique. Il y a eu de nouveaux postes, à l'époque, chez les professionnels. Par exemple, du côté de la prévention, il y a 232 employés autorisés. Ces gens-là sont surtout des spécialistes de toutes sortes: en hygiène industrielle, en toxicologie, en médecine du travail, etc. Ces spécialistes étaient plutôt rares à l'intérieur de la fonction publique; on a donc fait des concours selon la Loi sur la fonction publique. (18 heures)

Le Président (M. Vallières): S'il vous plaît!

Je constate qu'il est 18 heures et, à moins que nous n'ayons un consentement unanime pour prolonger nos travaux, nous devrons les ajourner à demain, 10 heures.

M. Bisaillon: Dois-je comprendre, M. le Président, que demain matin, lors de la reprise, on continuera à me fournir des réponses?

Le Président (M. Vallières): Exactement. M. Bisaillon: II n'y a pas de problème.

Le Président (M. Vallières): Nous pourrions commencer la journée de demain avec le programme 2 qui, semble-t-il, ne sera pas adopté aujourd'hui.

M. le ministre.

M. Fréchette: J'avais cru comprendre que le député de Sainte-Marie ne serait peut-être pas là demain.

M. Bisaillon: Non, je serai là demain matin.

M. Fréchette: Bon. Je m'apprêtais à solliciter le consentement pour que vous ayez vos réponses.

Le Président (M. Vallières): Très bien. La commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures, même salle.

(Fin de la séance à 18 h 01)

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