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Version finale

31st Legislature, 2nd Session
(March 8, 1977 au December 22, 1977)

Tuesday, November 29, 1977 - Vol. 19 N° 260

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 45 — Loi modifiant le Code du travail et la Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre


Journal des débats

 

Etude du projet de loi 45 Loi modifiant le Code du travail

et la Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre

(Vingt heures trois minutes)

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!

Reprise des travaux de la commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration en vue de l'étude, article par article, du projet de loi no 45.

Membres de cette commission: M. Bellemare (Johnson) remplacé par M. Goulet (Bellechasse), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Couture (Saint-Henri), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Johnson (Anjou), M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Marois (Laporte), M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud). Je crois qu'au moment où la commission a ajourné ses travaux, nous étions rendus à l'article 8, au paragraphe 19d.

M. Johnson: C'est bien cela.

Une Voix: C'est-à-dire c).

M. Chevrette: C'est adopté.

Une Voix: Je ne pense pas, M. le Président.

M. Forget: Non.

M. Johnson: C'est bien essayé.

M. Forget: C'est un noble effort.

Statuts et règlements des associations de salariés (suite)

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, nous sommes bel et bien à l'article 8 du projet de loi. Nous avions accepté, simplement pour les fins de la clarté du débat et des échanges en commission, de considérer chacun des sous-paragraphes du Code du travail, ce qui, en aucune façon, ne signifie qu'on adopte les projets du Code du travail, mais on adopte bel et bien, à la fin, l'ensemble de l'article.

Le Président (M. Laplante): Si je comprends bien ce sont des accords de principe. Il y a eu accord pour les sous-paragraphes a) et b). Vous êtes rendus à 19c. C'est ça?

M. Johnson: C'est cela.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, sur 19c.

M. Forget: Je crois, M. le Président, que j'avais la parole au moment où nous avons suspendu nos travaux.

Le Président (M. Laplante): II me fait plaisir de vous retransmettre la parole, M. le député de Saint-Laurent.

Protocole de retour au travail

M. Forget: Merci, M. le Président. J'avais fait lecture, dans les dernières minutes de la séance de jeudi dernier, d'un amendement au paragraphe 19c de l'article 8. Le but de cet amendement — je me permets de le rappeler pour favoriser la compréhension de ce que je veux dire...

Une Voix: On ne l'a pas eu.

M. Forget: II n'a pas été distribué, mais il va l'être immédiatement.

Le but de cet amendement est de nous assurer que les difficultés qui surgissent parfois, surtout dans le secteur public, au niveau de la négociation du protocole de retour au travail — du secteur public, mais il n'est pas impossible que cela se produise également dans le secteur privé — peuvent parfois être d'une envergure telle que les parties ne réussissent pas à s'entendre dans les délais normaux.

Il s'écoule normalement un certain temps entre l'acceptation de principe de la convention collective, la rédaction finale de la convention et sa signature, et l'accord sur les conditions de retour au travail.

Il nous apparaît que si, au moment de l'acceptation de principe, il n'est pas possible de dégager les éléments principaux qui feront l'objet du protocole de retour au travail et qu'en conséquence l'exécutif syndical souhaite retarder le retour au travail et prolonger, de la même façon, la grève, à toutes fins pratiques, il serait souhaitable que les membres de l'association accréditée soient appelés à se prononcer séparément sur l'acceptation du principe de la convention collective et sur la décision tactique de l'exécutif syndical, à l'effet de retenir ses membres en grève, jusqu'à ce que le protocole soit arrêté entre les parties.

En effet, c'est une situation qui n'est pas formellement reconnue par le code qui, par conséquent, laisse planer une certaine hésitation, une certaine incertitude sur le sens à donner à un arrêt de travail qui se prolonge au-delà de la période nécessaire pour conclure la convention collective.

Il n'est fait nulle part allusion à cette prolongation de la grève, mais il n'est pas exclu pour autant que dans un article qui se donne la peine

de préciser les occasions et les modalités en vertu desquelles les membres sont appelés à se prononcer, cette mesure intervienne de façon explicite, soit mentionnée de façon explicite.

En outre, je l'avais mentionné, je pense, jeudi dernier, on sait combien les points d'accrochage dans la négociation d'un protocole de retour au travail sont de nature très particulière. On se souvient tous de circonstances où un des points en litige a été le retrait de plaintes, par exemple, formulées en vertu des lois pénales, d'une partie envers l'autre. Le caractère assez particulier de ces demandes et surtout le fait qu'elles ne favorisent qu'un petit nombre de membres de l'association accréditée, souligne l'importance qu'il y aurait de voir l'ensemble des membres se prononcer.

On leur demande un sacrifice important, surtout quand il intervient après un long conflit, alors qu'ils ont acquis l'essentiel de leurs demandes ou, du moins, qu'ils se sont entendus avec l'employeur pour déterminer les termes de leurs conditions de travail. Le "tout délai dans le retour au travail" impose un fardeau particulièrement lourd aux membres. C'est un fardeau qui est d'autant plus discutable, qui devrait d'autant plus être sanctionné par l'avis de la majorité que son objet est parfois très particulier, à la fois dans sa nature et aussi dans l'identité des bénéficiaires de ces mesures prises par le syndicat. Qu'il s'agisse de levées de sanctions disciplinaires, qu'il s'agisse de levées de plaintes, qu'il s'agisse de rémunérations au cours des périodes pendant lesquelles on a été en grève et qu'on n'a pas travaillé, enfin, il s'agit de réclamations, mais de nature très particulière. Là plus que jamais, il est nécessaire d'éviter que les mauvaises humeurs, l'esprit non pas de revanche, c'est un mot un peu fort, mais au moins l'espèce d'agacement mutuel que ressentent l'une envers l'autre les parties, du moins les porte-parole des parties directement impliquées dans une négociation, n'aient pas l'occasion de prolonger cette escarmouche sans avoir une autorisation très large de la part des membres.

C'est là, M. le Président, un élément qui nous semble manquer dans les points mentionnés à l'article 8. On mentionne, à l'article 19a, un vote sur l'élection à des fonctions officielles au sein du syndicat. On mentionne la nécessité de voter pour la question du déclenchement de la grève. Il nous apparaît que cette autre façon de faire la grève, cet autre motif de faire la grève, cette autre façon de prolonger la grève — on demande de voter également sur l'acceptation ou le rejet des offres — devraient également faire l'objet d'une approbation par l'ensemble des membres.

Remarquez — je terminerai là-dessus — que la motion que nous présentons n'a pas pour but de faire voter les membres de l'association accréditée dans toutes les circonstances de façon distincte sur le retour au travail. On l'a dit, on l'a indiqué de façon abondante, il est normal que le retour au travail se fasse lorsque les principes qui devront régir la convention collective sont acceptés par les deux parties.

Ce n'est que dans le cas d'un retard, d'un report volontaire de ce retour au travail qu'il vous semble opportun d'envisager un vote. C'est le motif de cet amendement. Je ne sais pas si, nous situant dans une autre journée, recommençant dans une atmosphère fraîche et détendue, il nous sera possible d'avoir gain de cause au moins avec cet amendement qui me semble ne pas entraîner de grandes difficultés.

M. Chevrette: Vous savez fort bien que le climat, c'est sur le contenu, cher ministre, cher député...

Le Président (M. Clair): M. le ministre du Travail.

M. Johnson: D'abord, je voudrais assurer le député de Saint-Laurent qu'il est bien évident que tant et aussi longtemps que l'Opposition manifestera elle aussi une certaine retenue à l'égard de l'utilisation dilatoire d'amendements, de ce côté de votre siège, M. le Président, nous envisagerons tout ceci avec beaucoup de sérénité. Même si l'Opposition devait abuser d'amendements en cours de route, nous serons encore sereins, mais peut-être un peu moins tolérants.

Quant à l'amendement, si je comprends bien, en pratique, j'aimerais...

M. Forget: Un point de règlement, M. le Président. Je dois dire que j'apprécie beaucoup les bonnes dispositions du ministre, mais je dois dire qu'on ne nous fait pas la charité en nous permettant de nous exprimer sur des amendements. C'est tout à fait normal que l'Opposition présente des amendements à un projet de loi gouvernemental.

Le Président (M. Clair): La présidence verra à faire respecter le règlement. M. le ministre du Travail.

M. Johnson: D'ailleurs, sans continuer dans cette parenthèse tout en continuant quand même, celui qui vous parle, évidemment, avec ses collègues de ce côté de la table, sait très bien qu'il fait partie également de ses privilèges de rejeter les amendements de l'Opposition.

M. Forget: Oui, on a compris cela.

M. Johnson: M. le Président, en fait, je m'interroge sur le sens de l'amendement du député de Saint-Laurent. D'abord, je ne soulèverai pas une objection de recevabilité pour ne pas nous voir dans un débat qui risque d'être un débat de procédure, mais cela introduit carrément un élément nouveau dans le projet de loi. Je pense que cela ne modifie pas un élément qui s'y trouve déjà puisque la notion du délai entre le moment de l'entente de principe et la conclusion de la convention collective est une notion inexistante dans le projet de loi tel que formulé.

Cependant, quant au fond, puisque c'est cela qui nous intéresse, j'ai personnellement quelques objections. D'abord, ce qu'on vise, si je comprends bien, en pratique, c'est le protocole de retour au travail, sauf qu'on ne l'exprime pas tel quel. On se réfère finalement au temps qu'il y a entre la signature d'une entente de principe ou, enfin, les paragraphes, par exemple, qui sont paraphés de part et d'autre, ou encore, carrément, un projet de convention qui est signé par les deux parties, mais on remet la signature de la convention telle quelle à plus tard.

Il s'agit de ce délai. En pratique, qu'arriverait-il? Il arriverait, je pense, que, puisque ce qu'on vise, c'est cette période parfois un peu trouble de la négociation du protocole de retour au travail — et on a connu des exemples assez pénibles dans le passé — cela risquerait finalement d'être reporté avant la signature de l'entente de principe si le syndicat, vraiment, voulait s'y soustraire. Il deviendrait très simple pour le syndicat, à qui on voudrait imposer de faire en sorte que l'assemblée générale, en pratique, décide qu'il y aura un délai, et on lui donne le pouvoir de recommander spécifiquement ce délai. On assisterait à ce phénomène courant, là où de telles dispositions seraient nécessaires, qu'on négocierait le protocole de retour au travail avant d'en arriver à une entente de principe. A ce moment-là, l'association de salariés serait totalement soustraite à l'application de l'article que nous présente le député de Saint-Laurent.

Pour cette raison, M. le Président, je recommanderai de rejeter cet amendement.

Le Président (M. Clair): Le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: J'aurais des questions, d'ordre bien pratique, à poser au député de Saint-Laurent. Pour conclure une convention collective, une entente de principe, ordinairement, on paraphe l'entente. C'est un premier temps. Si je comprends bien, il n'y a pas encore entente au niveau du protocole de retour au travail. Il faut donc aller en assemblée générale faire voter un délai. C'est bien la démarche que vous suivez?

M. Forget: Ce n'est pas tout à fait aussi simple que cela. Le paraphe apposé à chacun des paragraphes de la convention collective ne constitue pas la signature ou l'acceptation de la convention collective. Il faut que ce soit précédé, d'après l'article précédent, d'un vote.

M. Chevrette: II y a entente de principe au niveau des négociateurs, on paraphe, on se présente en assemblée générale, on fait accepter le contenu de la convention collective par scrutin secret. Là, le protocole de retour au travail n'est pas signé. Le délai que vous voulez introduire est-il pour la signature dudit protocole?

M. Forget: Pour le retour au travail.

M. Chevrette: Comment pouvez-vous faire voter sur un délai possible de retour au travail quand on n'a pas négocié du tout le protocole de retour au travail? Après qu'on a eu une entente de principe, ce n'est pas automatique que le protocole de retour au travail soit négocié!

M. Forget: C'est le même problème qui se pose avant de négocier la convention collective. On obtient un vote pour déclencher la grève si la convention collective ne se déroule pas tel que prévu.

Or, une fois que la convention collective est formellement acceptée en principe, on doit également décider si oui ou non on ira jusqu'à s'abstenir de retourner au travail tant et aussi longtemps qu'on n'obtiendra pas satisfaction sur le protocole.

M. Chevrette: Je comprends donc que vous voulez introduire une mesure dans la loi qui ferait en sorte que les leaders syndicaux devraient soumettre aux membres une appréciation au niveau d'un protocole qui n'est pas encore négocié. Automatiquement, vous avez admis, depuis le début, que vous recherchiez un équilibre de forces au niveau de la convention; mais un retour au travail prend le même rapport de forces, au niveau d'un protocole de retour au travail.

A la minute où vous concluez une entente collective, vous faites voter sur cela et le vote est majoritaire pour la convention collective; si vous allez en plus faire voter des gens sur un délai possible de retour au travail, vous provoquez une rupture du rapport de forces complètement. Là, vous pouvez assujettir des travailleurs à vouloir rentrer sans aucune condition de retour au travail. Au point de vue de la reconnaissance d'ancienneté pour le laps de temps de grève, au niveau d'avantages, d'avantages sociaux, au niveau des jours comptés pour les vacances, par exemple, par rapport au temps de grève qui a eu lieu durant l'année, il y a une foule de détails qu'il nous fait préciser, sinon la convention collective, légalement et démocratiquement adoptée, devient inapplicable dans les faits par rapport à la situation de fait qui a été le temps de grève.

Je pense que vous introduisez une mesure théorique qui, sur le plan pratique, va venir brouiller les cartes au cube. Quand il y a une entente de principe, ordinairement, tout négociateur le moindrement avisé sonde les reins et le coeur du patron pour savoir quelles conditions de retour au travail il va vouloir donner parce qu'il sait fort bien que le premier gars qui va se lever dans la salle va dire: Je suis pauvre mais nous coupent-ils notre rétroactivité et vont-ils nous couper nos vacances pour le temps de grève? Vont-ils subordonner l'ancienneté à quelque chose? Je trouve que vous introduisez une mesure théorique, mais sur le plan pratique, pour avoir vécu des conventions collectives, vous introduisez une bebelle inapplicable.

Le Président (M. Clair): Le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, le ministre a dit — également le député de Joliette-Montcalm — que c'est très rare que nous signons ou que nous écrivons une entente de principe ou que nous signons une convention collective où le protocole d'entente de retour au travail n'est pas inclus. Régulièrement, c'est ce qui se passe.

Mais, dans les cas très rares — je crois que c'est ce que le ministre a dit — dans les cas très rares où le protocole de retour au travail ne serait pas négocié en même temps ou ne serait pas discuté en même temps, si vous voulez, sur différents points précis, qu'est-ce qu'il arriverait? C'est là que je verrais possiblement le bien-fondé de l'amendement amené par le député de Saint-Laurent, mais j'aimerais savoir du ministre, dans ces cas précis, quoique très rares, qu'est-ce qu'il adviendrait.

Le Président (M. Clair): M. le ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, je pense que ce n'est pas tellement en fonction des cas rares qui subsistent qu'il faut raisonner, dans le cas précis qui nous préoccupe avec l'amendement du député de Saint-Laurent, c'est ce qu'amènerait cet amendement au niveau du déroulement. D'une part, ceux qui décident, de toute façon... Prenons, par hypothèse, le syndicat X (X, Y, Z pour son affiliation). Le syndicat X est un syndicat particulièrement militant qui a des aspirations politiques ou des aspirations d'intérêt qui sont discutables et qui décide que le protocole de retour au travail est ce qui va permettre à quelqu'un de sauver sa peau, un individu en particulier. On pense qu'on pourrait soustraire ce syndicat à sa liberté de manoeuvre "actuelle" en introduisant l'amendement qui fixerait finalement le délai que le groupe de négociation, que ce soit l'exécutif syndical ou un autre, aurait pour conclure cette entente de principe et ce, par un vote secret de l'ensemble des membres.

Je me dis que ce n'est pas compliqué; si on a vraiment affaire à un groupe qui a décidé qu'il ne soumettait pas un protocole de retour au travail à l'assemblée des membres parce qu'il veut sauver la peau d'une telle personne en particulier, il va négocier le protocole de retour au travail avant de parapher le texte. Alors, on va arriver à la même situation de toute façon, cela ne changera rien en pratique.

D'autre part, on introduit une notion de délai qui peut être une arme entre les mains du patron. Le patron, sachant très bien que le délai fixé pour le protocole de retour au travail doit être soumis à une assemblée générale ou au vote secret, qu'est-ce que vous pensez qu'il va faire dans certains cas? Si vous me passez l'expression que le député de Notre-Dame-de-Grâce va très bien reconnaître, "he is going to stall", il va arrêter longtemps sur le protocole de retour au travail s'il sent qu'il y a un problème de démobilisation des membres; l'entente de principe étant acquise, il sait que la majorité des membres va avoir le goût de retourner au travail. Vous pensez s'il va être dur, le patron, au niveau du protocole de retour au travail. En fait, cela peut être la source d'autant d'ennuis qu'autre chose parce qu'il sait qu'à un moment donné, cela va être soumis à un vote secret des membres. Je pense que, pour la dynamique, finalement, du déroulement normal de la signature des protocoles de retour au travail, ce serait plutôt un empêchement.

Ce n'est pas tellement le genre de situation qui existe aujourd'hui que cela vient corriger, c'est le genre de situation que cela risque de créer. C'est ce qui m'inquiète un peu dans l'amendement.

Ce seront mes derniers commentaires sur cet amendement.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Si vous me le permettez, j'aimerais apporter une précision parce que je me rends compte, à partir des commentaires du ministre, qu'il est fort possible que ses remarques soient inspirées par une lecture, j'allais dire une lecture erronée, mais en relisant, je me rends compte qu'il est possible d'interpréter le texte de deux façons. Il est évident, au moins dans mon esprit, quand j'ai présenté cette motion d'amendement, qu'il ne s'agissait pas de déterminer le délai par un vote secret. Il s'agit de la décision de différer le retour au travail et non pas le délai en termes de jours. Il est évident, cela tombe sous le sens commun, qu'on ne peut pas, dans une négociation, fixer les délais, c'est-à-dire quand cela devrait finir. On sait souvent — quoique pas toujours — quand une négociation commence, mais je n'ai jamais vu personne pouvoir faire des prédictions, à savoir quand cela se terminerait.

Il est évident que, dans ce sens —je ne sais pas quel autre mot français on peut utiliser — délai ne veut pas dire la durée du délai, mais veut simplement dire la décision de différer, je pense que ça se dit comme cela en français: le délai et non pas la durée du délai — il est évident — et là-dessus je suis d'accord avec le ministre — que ce serait placer le syndicat dans une situation intenable que de lui fixer une limite de temps.

Mais il reste que, de deux choses l'une, ou le comité de négociation, ou l'exécutif syndical va croire que certaines dispositions sont suffisamment importantes pour faire partie de la négociation collective et de l'accord de principe lui-même pour l'intégrer dans la convention collective. Il n'y a rien dans le Code du travail qui dise que certaines conditions de retour au travail doivent être exclues de la convention collective et faire l'objet d'un protocole de retour au travail.

Je pense qu'il y a un certain danger de vider de son contenu la convention collective en faisant voter les gens sur des choses qui sont ac-

ceptables, en principe, en disant: Attention, vous avez voté l'acceptation des offres patronales et nos contrepropositions, maintenant on a une série de 22 conditions de retour au travail qui affectent pratiquement l'application de toutes les clauses de la convention collective. C'est dans ce sens que je dis: Si vraiment, pour échapper un peu à l'obligation de la loi, on veut développer le concept de protocole de retour au travail, qui me semble un concept nouveau — ça n'existait pas il y a une dizaine d'années en droit du travail québécois, cela s'est développé à l'occasion de certains conflits particulièrement difficiles. C'est vraiment une notion qu'on ne trouve définie nulle part — ... Dans le fond, ça pourrait presque comprendre tout ce qu'il y a dans la convention collective. A ce moment, il y a le danger de dire: II faut voter sur les principes de la convention collective sans les définir. D'un autre côté, on peut prolonger la grève pour le protocole de retour au travail, alors que, là non plus, ce n'est pas défini et cela peut comprendre une quantité variable d'éléments et de points.

Je me dis, s'il est pour y avoir un non-retour au travail, donc une continuation de la grève, autant voter sur les deux et nous éviter le problème de faire des définitions qui ne seraient pas faisables, à mon avis. Encore là, j'ai dit de deux choses l'une: Si l'exécutif syndical trouve que c'est assez important pour le mettre dans la convention collective, qu'il le mette et qu'il permette à tous les membres de voter pour ou contre, et si ce n'est pas assez important, à ce moment est-ce que vraiment, à moins d'un vote qui les autorise a garder les gens dehors, ils devraient pouvoir le faire, s'ils ont décidé que ce n'était pas assez important pour mériter une place dans la convention collective? C'est un choix que l'exécutif syndical devrait faire, placé devant ces obligations et qui trancherait... Dans le fond, conformément à l'esprit de la loi telle que présentée par le ministre.

Le Président (M. Clair): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je pense que c'est pire. L'explication donnée par le député de Saint-Laurent rend encore plus odieux cet amendement.

D'abord, vous voulez absolument, faire reprendre un vote de grève, à toutes fins pratiques, au moment où le patron annoncerait une entente de principe, vous voudriez que les leaders syndicaux aillent obligatoirement, par une clause de...

M. Forget: Seulement s'ils décident de retarder.

M. Chevrette: Je m'excuse, mais quand ils ont signé une entente, vous dites: Tout délai "doit" être proposé. A partir de là, s'il doit être proposé, vous forcez à reconfirmer un vote de grève. Bien souvent, c'est jugé sur de l'accessoire. Mais il faut savoir que l'expérience de l'application d'une convention collective, que le protocole de retour au travail est loin d'être de l'accessoire, c'est souvent essentiel pour appliquer l'entente de principe que tu viens de signer.

M. Forget: Pourquoi ne pas le mettre dans l'entente de principe?

M. Chevrette: II ne faut pas inscrire des "doit", dans le sens que vous le faites, des obligations pour un leader de se représenter devant ses membres, pour faire reconfirmer un mandat, quand, au départ, il détient le mandat de négocier une convention collective et un protocole de retour au travail. Tous les mandats sont ainsi présentement.

Démocratiquement, — j'appelle cela de l'in-gérance, ce que vous proposez — si on concluait une entente de principe et si on voyait que nos leaders prenaient délibérément du temps avant de se présenter devant nous, parce qu'ils ne négociaient pas des conditions de retour au travail, ils ont des mécanismes à l'intérieur des constitutions et règlements, cela prend 10% ou 25 personnes seulement, en bonne et due forme, pour convoquer une réunion et obliger un vote secret.

Je pense que c'est du superflu qui risque de créer des obligations qui briseront le rapport de force qu'on veut, par l'esprit du code, maintenir. Il faut absolument rejeter cela sans plus de discussion.

Le Président (M. Clair): Le député de Bellechasse.

M. Blank: ... le bâillon de...

Le Président (M. Clair): Le député de Bellechasse.

M. Goulet: Sur le délai proposé par le député de Saint-Laurent, ce n'est pas seulement un délai pour accorder un moment de réflexion, ou un délai au patron. Cela peut être dans le sens d'accorder un délai à certains syndiqués, de façon à pouvoir prendre connaissance de la convention collective et du retour au travail, et de savoir s'ils sont impliqués.

Après avoir négocié, après avoir accepté une entente sur une convention collective, il faut accepter le retour au travail, mais parfois — personnellement, j'ai vécu cela en tant que syndiqué — on ne retrouve pas le retour au travail pour tous les membres. Souvent — en tout cas, dans ce cas précis, je parle de ceux qui ont connu le SPEQ, lorsqu'il y a eu intégration des professeurs du SPEQ, je pense que mon bon ami va me comprendre — unité de négociation, une fois qu'elle a sauvé sa peau, essaie de sauver la peau de tous les membres. Mais ce sont les quelques membres dont la peau n'est pas sauvée...

Ce que j'ai cru m'apercevoir après cela, c'est que l'unité de négociation semble moins compréhensive et moins combative. A un moment donné, il faut supprimer quelques membres

et ce sont ces membres qui, ayant voté pour l'acceptation d'une convention collective, ou auraient voté pour l'acceptation d'une convention collective, ou refuseront l'acceptation d'une convention collective, à condition qu'ils soient inclus dans le protocole de retour au travail, que leur peau soit incluse là-dedans... si elle ne l'est pas, M. le Président, c'est là le danger.

Je ne dis pas que cela se représente à 1000 exemplaires, mais, en 1968 ou 1969, je ne me souviens pas trop de la date, je l'ai connu, lorsque nous avons, par exemple, aboli un syndicat pour nous affilier à un autre syndicat où tous les membres n'étaient pas sauvés. Ceux qui ne sont pas sauvés, c'est cela le danger. C'est là que je verrais le bien-fondé d'un délai. Le délai doit-il être de 48 heures, de 24 heures, de façon que tous les membres puissent se prononcer avant d'accepter ou de refuser une convention collective?

C'est beau d'accepter une convention collective, mais si en acceptant la convention collective on règle le problème et que, sur cent membres, il y en a quinze ou vingt qui ne sont plus inclus là-dedans et qui devront se retrouver ailleurs le lendemain matin, à ce moment-là, on a négocié pour rien. Je parle pour ces vingt membres. C'est là le bien-fondé peut-être du délai, les membres qui ne sont pas inclus.

Le Président (M. Clair): La motion d'amendement du député de Saint-Laurent...

M. Goulet: J'aimerais avoir les commentaires du ministre dans un cas semblable. M. le ministre a dit que les cas étaient très rares. En tout cas, personnellement, j'en ai vécu un. J'ai vécu cela dans l'enseignement spécialisé et cela été très dur pour les membres qui ne pouvaient pas s'intégrer ou qui n'avaient pas leur place au niveau des commissions scolaires.

Le Président (M. Clair): M. le ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, je me rends compte qu'avec le genre de matrice — j'ai une mauvaise traduction de "pattern" — que le député de Bellechasse est en train d'imposer, on risque de discuter fort longuement chaque fois, parce que le député de Bellechasse, à la fin de chacune de ses interventions, renvoie la balle au gouvernement et lui demande des réponses.

M. Goulet: Des commentaires, M. le Président, ce n'est pas tout à fait la même chose.

M. Johnson: C'est vrai que ce n'est pas la majorité des cas. Ce que j'ai exprimé tout à l'heure, c'est que l'insertion d'une telle obligation entraînerait, à mon avis, une modification à ce niveau. On assisterait, entre autres, de la part de la partie patronale, dans certains cas... C'est un risque, c'est une perche qu'on lui tendrait fortement dans certains cas pour faire en sorte que...

Finalement, l'entente de principe, à un moment stratégique peut-être d'affaiblissement de la position du syndicat face à ses propres membres, comme cela arrive toujours dans une grève, surtout une grève qui est dure, qui est longue... Profiter d'un moment d'affaiblissement pour obtenir un retour au travail qui ne soit pas spécifié, qui ne fasse pas l'objet d'une véritable négociation par ceux qui ont été mandatés pour négocier, je pense que ce serait conférer à l'employeur, dans ce cas-là, un pouvoir d'utilisation de la faiblesse au niveau de l'ensemble des syndiqués, d'une part.

D'autre part, je pense qu'en plus de modifier la dynamique de ce qui pourrait être la négociation du protocole de retour au travail, on s'en prend plus ou moins encore une fois à cette notion qu'on essaie toujours de garder, même si, de temps en temps, on y fait des accrocs dans le projet de loi 45 comme dans d'autres. Cette notion d'une représentativité du syndicat est du fait qu'il ait un mandat clair. Je pense qu'il faut conserver sa crédibilité. Il ne faut pas mettre le syndicat dans la situation où l'employeur, toutes les cinq minutes, peut finalement mettre en doute le mandat de ceux qui négocient.

Or, cet article, à mon avis, entraînerait ce genre de situation. Je ne pense pas que ce soit souhaitable au niveau du déroulement harmonieux des relations de travail. Je ne pense pas que ce soit souhaitable dans le contexte d'une négociation; que ce code souhaite être le plus libre possible entre les parties, même s'il vient baliser cette liberté.

Pour ces raisons, M. le Président, je vous demanderai, est-ce que la motion du député de Saint-Laurent est adoptée?

Le Président (M. Clair): La motion du député de Saint-Laurent...

M. Forget: M. le Président, un bref commentaire sur la réaction et les réponses qu'on a obtenues du ministre.

Il me semble qu'il y a, dans la rédaction du texte s'il n'est pas amendé, une possibilité évidente qu'on vide le sens de l'obligation qu'il veut faire au syndicat, pourtant représentatif, à ce moment, et aussi légitime à ce moment qu'à un autre moment, de faire accepter les propositions finales, de faire sanctionner les projets de convention collective par l'ensemble des membres. S'il est représentatif quand il s'agit de négocier le protocole, il est représentatif à cette époque antérieure également.

Selon ce raisonnement, il ne serait pas nécessaire d'obliger à un vote l'ensemble des membres, même pour accepter la convention collective. Si le besoin existe à un endroit, il existe à l'autre endroit, parce que c'est essentiellement le même problème.

Pour ce qui est du raisonnement basé sur l'équilibre des parties en présence, je crois que le raisonnement va plutôt dans le sens opposé. Il est clair qu'on assiste à une tendance, qui n'est

peut-être pas encore très répandue, de circonscrire dans un protocole de retour au travail un certain nombre de points embêtants, de points difficiles et désagréables ou des points particuliers qui n'ont pas d'intérêt général pour l'ensemble des membres et d'en faire l'objet d'une négociation sur le protocole de retour au travail.

A ce moment, il faut bien se rendre compte que l'employeur n'a plus rien à concéder. Il a concédé tout ce qu'il avait à concéder dans la convention collective comme telle. Il n'y a plus de donnant donnant possible au niveau du protocole de retour au travail. Il est en face d'un syndicat qui a accepté ses propositions finales et il n'a qu'un seul désir, c'est de reprendre ses activités le plus rapidement possible.

En face de cela, se trouve en face de lui un syndicat qui lui demande telle ou telle condition particulière qu'il n'a pas, que ce même syndicat n'a pas jugé suffisamment important d'inscrire dans la convention collective, mais qui peut être importante pour protéger la peau de quelqu'un ou pour protéger telle ou telle situation qui pourrait être attaquable, même sur le plan du droit criminel.

Cela s'est vu et cela s'est vu de façon répétée lors des protocoles de retour au travail, retrait de plaintes, etc. Dans un contexte comme celui-là, je pense qu'on s'engage sur une voie un peu glissante, d'autant plus glissante qu'on astreint le syndicat, désormais, par ces amendements, à des votes très formels sur certaines étapes. Les étapes qui seront dégagées de cette obligation vont avoir tendance, au cours des années, à devenir de plus en plus importantes.

Une prédiction qu'on peut faire avec certitude, c'est que la pratique, les négociations et les difficultés entourant les négociations des protocoles de retour au travail vont se faire de plus en plus fréquentes. On va retrouver là peut-être de plus en plus de substance, plutôt que de le retrouver dans la convention collective proprement dite, parce qu'il y a toujours, quand il y a un "loophole" dans une loi — et c'en est un, celui-là — il y a toujours tendance à l'utiliser de plus en plus.

Je peux vous faire cette prédiction avec la plus grande certitude qu'avec les années, on va me donner raison, il va y avoir là une croissance du phénomène de négociation des protocoles de retour au travail. Les conflits, dans quelques années, on le verra, se dérouleront bien plus autour du protocole qu'autour de la convention collective proprement dite. Je ne pense pas que ce sera un grand progrès; c'est prévisible d'avance. Le fait de ne pas boucher ce trou, alors qu'on le voit maintenant, fera porter au ministre la responsabilité d'avoir incité à ce développement. C'est, je pense, tout ce qu'on peut dire sur le sujet, à ce moment.

Le Président (M. Clair): La motion d'amendement à l'article 8, paragraphe 19c, du député de Saint-Laurent est-elle adoptée?

M. Johnson: Rejeté.

Le Président (M. Clair): Rejeté sur division. M. Johnson: Sur division, je présume.

Le Président (M. Clair): Le paragraphe 19c de l'article 8, est-ce qu'on en a terminé?

M. Blank: J'ai une question à poser au ministre. Je n'étais pas ici quand on a discuté des paragraphes 19a et 19b, mais, au paragraphe 19c, il y aurait les mêmes mots, les mots qui étaient la clef de toute cette section, l'expression "le vote secret". Est-ce qu'il y a quelque part dans la loi ou dans les amendements à la loi une définition du vote secret?

M. Johnson: Non.

M. Blank: Mais qui va surveiller cela? C'est le ministre du Travail, des représentants des deux côtés, des journalistes? Comment va-t-on assurer un vote secret dans le sens de la Loi électorale?

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Louis, je pense que ce sujet a déjà été discuté à l'intérieur du paragraphe 19a de l'article 8. C'est à cet article... Vous admettrez quand même avec moi, M. le député de Saint-Laurent, que toute la question de la définition du vote secret fait partie du paragraphe 19a de l'article 8. Je ne veux pas être trop dur envers qui que ce soit à l'intérieur de cette commission, je veux favoriser même la liberté d'expression, sauf que si on revient en arrière à tout moment sur des sujets qui ont déjà été discutés, je pense qu'on n'en sortira plus.

M. Forget: Sur un point de règlement, M. le Président...

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je comprends et j'ai apprécié la règle que vous avez suivie en fonction d'une discussion ordonnée des paragraphes, les uns après les autres. Dans ce sens, je serais d'accord avec vous si vous indiquiez que, essentiellement, le point soulevé faisant l'objet principal et exclusif de l'article 19a, n'était pas mentionné ailleurs, et, effectivement, il a fait l'objet d'un débat. Or, la question de la définition du scrutin secret a été tenue comme acquise. Je dois dire que, au cours de nos délibérations, pendant toute la journée de jeudi, je n'ai pas soulevé personnellement les techniques ou les modalités d'application de ce concept et il faut bien voir que l'expression comme telle revient à l'article 19c. Elle revient d'ailleurs probablement plus loin. Effectivement, ce concept et ce que le ministre entend par ce concept-là n'a pas fait, à ma connaissance — j'ai été ici tout le temps — l'objet d'un débat.

M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: II faut lire attentivement l'article 19a, comme vous l'avez si bien dit tantôt, et on s'est entendu, on a même dit que c'était conformément aux statuts et règlements de l'association. Et cela définissait clairement ce qu'on entendait par là, à savoir qu'il n'était pas question de s'ingérer au niveau des règlements des syndicats. Ce qu'on souhaitait, c'était l'obligation du vote secret. Le deuxième paragraphe concrétise ce qu'on veut dire par le premier. On a dit: Là où il n'y a pas de prévision, ce sera secret, et tous les ans, à part cela. Il y a même eu un amendement. Ce qui prouve qu'on s'est bel et bien penché sur le vote secret et que c'est réglé.

M. Blank: II n'y a pas un vote secret. Chaque association peut avoir ce qu'elle veut et appeler cela un vote secret. C'est ce que vous dites?

M. Chevrette: Vote secret.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!

M. Blank: Sur la question de règlement peut-être...

Le Président (M. Clair): Sur la question de règlement? M. le député de Saint-Louis.

M. Blenk: ... il avait raison, on a discuté de l'article 19a. Je suggère qu'on revienne à l'article 19i. J'en ai le droit.

Le Président (M. Clair): De toute façon, messieurs, en ce qui concerne le paragraphe 19c, je ne permettrai pas de discussion. On considère l'article 19c comme terminé. L'article 19d.

M. Goulet: Voulez-vous dire que vous n'acceptez plus de commentaires ou si c'est parce qu'on parlait...

M. Johnson: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Président (M. Clair): Une question de règlement de la part du ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, tout cela a fait l'objet d'une directive de votre part, au moment où nous avons commencé cette commission. Pour les fins de discussion — je ne voudrais pas qu'on s'enferre dans un débat sur la procédure de la procédure — nous considérons les articles du projet de loi 45. Il s'agit de l'article 8. Pour les fins de la discussion, nous prenons chacun des paragraphes et, à partir du moment où on s'entend, est-ce que l'Opposition a d'autres amendements à proposer sur tel paragraphe? On dit: non. Donc, on tourne la page et on va au paragraphe suivant. Autrement, M. le Président, si vous permettez, je pense qu'on n'en sortira ja- mais. A moins que cela soit ce que l'Opposition veut. Cela porte un nom quand l'Opposition se met à vouloir une telle chose.

Le Président (M. Clair): Sur la question de règlement, M. le député de Bellechasse. Il y avait effectivement d'autres représentants de votre parti, au moment où l'entente est intervenue, comme la directive que j'avais émise à ce moment-là était acceptée, si vous avez d'autres amendements à proposer concernant le paragraphe 19c, je suis tout à fait disposé à les accepter.

Cependant, la discussion générale sur l'article 19c a déjà eu lieu. Nous en étions rendus aux motions d'amendement. Si vous avez des motions d'amendement, je suis disposé à les entendre. Cependant, je ne voudrais pas que l'on recommence la discussion générale sur l'article 19c. Je pense qu'on est assez large d'esprit en faisant une discussion générale sur chacun des paragraphes et je ne voudrais pas revenir sur cela. Je pense que ce ne serait pas équitable.

M. Goulet: M. le Président, si l'honorable ministre avait voulu répondre seulement à une question. Lorsqu'on part avec le principe qu'à l'article 19b, on donne 48 heures pour accepter ou rejeter une grève, si nous acceptons une convention collective — je pars avec le principe qu'on ne l'accepte pas — pourquoi n'a-t-on pas également un délai? Si on refuse une convention collective ou si on ne l'accepte pas, cela veut dire qu'il y a prolongation de la grève. Si nous avons besoin de 48 heures pour déclencher une grève, pourquoi n'aurions-nous pas un délai, à un moment donné, pour savoir si nous devons terminer cette grève, est-ce que nous devons la continuer, pour que les gens puissent se prononcer?

Le Président (M. Clair): M. le député de Bellechasse, si le ministre désire répondre à la question, je ne m'y opposerai certainement pas. Cependant, il m'apparaît que cela fait partie de la discussion qu'on aurait pu avoir sur l'amendement, effectivement. Si j'ai compris l'amendement qui a été proposé par le député de Saint-Laurent, c'est sur cela que ça portait.

Monsieur le ministre, avez-vous autre chose à ajouter?

M. Johnson: M. le Président, d'abord, je ne voudrais pas que l'on recommence tout l'article 19a, 19b et 19c. Mais les 48 heures, il faut bien se comprendre, il faut lire le texte pour ce qu'il dit et je suis sûr que le député de Bellechasse va me suivre là-dessus. Ce que dit l'article 19b, c'est qu'il doit y avoir un préavis — il y a eu une discussion au sujet du préavis — il doit y avoir un avis qui est donné aux membres du syndicat qu'il y aurait un vote sur la grève. Par la suite, si le vote de grève est décidé, il doit y avoir un avis qui est envoyé au ministre selon lequel tel syndicat a donné un mandat de grève à son exécutif

ou a décidé de déclencher la grève. Il ne s'agit pas d'un avis conditionnel; nous avons eu un long débat sur cette question et le député de Bellechasse n'était pas présent à ce moment-là; ce n'est pas lui qui siégeait au nom de l'Union Nationale, c'est le député de Johnson. Je me contenterais simplement de renvoyer le député de Bellechasse à la transcription du journal des Débats.

M. Goulet: On parlait du préavis, M. le Président, mais on laisse tomber.

Le Président (NI. Clair): Article 19d. Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

Poursuites

M. Johnson: L'article 19d, M. le Président, évoque essentiellement un principe qui paraît fondamental; c'est que les poursuites quant à l'inobservance de l'article 19b, c'est-à-dire l'obligation de tenir un vote secret pour le déclenchement d'une grève avec les prescriptions au sujet des 48 heures deux fois, ainsi que l'article 19c dont nous venons de discuter quant à la signature de la convention collective, qui est également soumise au vote secret, donc, les poursuites qui pourraient être, conséquentes à la violation de ces articles n'appartiennent pas à d'autres personnes qu'aux membres du syndicat et, deuxièmement, le procureur général.

J'ai, lors de l'exposé général sur l'ensemble de l'article 8 du projet de loi 45, explicité cette question, à moins que les motions d'amendements de l'Opposition m'incitent à y revenir. Je pense que je vais me référer simplement à la longue discussion que nous avons eue lors de la première approche de l'article 8 du projet de loi 45.

Le Président (M. Clair): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, j'avais deux amendements prévus à cet article; ce n'est pas que je me décourage devant l'attitude du ministre, mais je crois qu'on voit qu'il a fait son lit — pour employer une expression célèbre — et qu'il n'a pas l'intention de déroger à la ligne qu'il s'est tracée. Cependant, j'aurais des questions ou des interrogations auxquelles j'aimerais bien que le ministre réponde. Il a dit, de façon générale dans ses remarques préliminaires, qu'il avait soigné la rédaction du projet de loi et particulièrement les amendements qu'il a introduits, de manière que les recours qui sont envisagés par l'article 8 soient des recours d'ordre pénal en vertu du Code du travail. Dans la mesure où cela peut demeurer des recours d'ordre pénal à l'intérieur du Code du travail, il est évident que les restrictions sur les personnes qui peuvent agir en justice pour invoquer telle ou telle déficience dans l'observance de la loi vont tenir, vont être effectives.

Mais dans la mesure où sa rédaction n'a quand même pu modifier le pouvoir de surveillance de la Cour supérieure sur tous les organismes administratifs, on peut envisager que toute personne intéressée pourra s'adresser a la Cour supérieure pour obtenir une injonction. Cela ouvre un champ extrêmement vaste et c'est, j'en suis persuadé, pour l'avoir entendue sur le sujet d'ailleurs, la réticence principale qui est à la source des objections de la CSN, en particulier, vis-à-vis de cette partie de la loi. On pense que, quel que soit le mérite, en principe, d'une réglementation des affaires internes des syndicats, cela donnera ouverture à toutes sortes de procès, à toutes sortes de demandes d'injonction, qui pourront aller jusqu'en Cour suprême, comme vous le savez très bien, même des injonctions pour faire déclarer un vote irrégulier et le faire recommencer avant qu'on puisse procéder dans un litige, dans une négociation collective. Le patron, tout syndiqué, presque toute personne, tout citoyen ayant un intérêt, un fournisseur ou un client, ma foi, d'une entreprise en grève, pourrait invoquer, par une requête, une injonction à la Cour supérieure.

La pertinence de cette difficulté a été signalée par un problème que mon collègue a soulevé tout à l'heure indirectement: chaque mot de l'article 8 est sujet à interprétation. Le mot "fonction" est sujet à interprétation; les mots "scrutin secret" sont sujets à interprétation; les mots "conformément aux statuts, ou aux règlements de l'association" sont sujets à interprétation. Tout cela donne ouverture à des demandes d'injonction, de la part de toute personne intéressée, devant la Cour supérieure.

Si c'était vrai qu'une telle ouverture était donnée aux plaideurs dans le domaine des relations de travail, j'y reviendrais, mais je ne suis pas pour revenir là-dessus, on en a amplement débattu sur l'amendement originel, M. le Président, qui, comme vous le savez, était un amendement de nature radicale qui visait à éliminer toutes ces dispositions visant la vie interne du syndicat en donnant un pouvoir au ministre dans des cas exceptionnels et pour des raisons et des motifs clairs d'intervention par voie de consultation, un référendum ou un scrutin sous sa surveillance, mais qui éliminerait toute possibilité, qui fermerait la porte à toute ouverture aux plaideurs par voie d'injonction.

A moins qu'on n'ait une assurance de la part du ministre, une assurance drôlement convaincante, parce que je ne vois pas en quoi il pourrait de façon absolue fermer la porte à cela, je crois que les craintes que nous avons exprimées et les craintes que la CSN a exprimées là-dessus sont bien fondées. Il y a effectivement un problème non élucidé, non résolu. Le risque est grand que, pour un motif fort noble, assurer la démocratie syndicale, on ouvre une espèce de boîte de Pandore dont on ne sortira pas de sitôt.

Le Président (M. Clair): Le député de Bellechasse.

M. Goulet: Est-ce que le ministre voulait répondre?

M. Johnson: Allez-y.

Le Président (M. Clair): Est-ce que ce sont des questions?

M. Goulet: Non. Ce sont des commentaires.

Le Président (M. Clair): Si ce sont des commentaires généraux, il y aurait peut-être avantage à ce que le ministre réponde aux deux intervenants en même temps. M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président, ce sera très court. Cet article est sûrement l'article le plus faible de cette nouvelle section. C'est limitatif. C'est seulement un recours pénal que nous avons. A titre de sanction, il n'y a pas autre chose que les peines prévues au chapitre VIII du Code du travail, à l'article 126, que la loi 45 augmente, bien entendu, mais pas plus. Ce n'est qu'un recours pénal.

Cela revient à dire, M. le Président, que les articles 19b et 19c demeurent, en pratique, en tout cas, des voeux pieux, du moins, je le crains. A-t-on pensé, M. le Président, a-t-on étudié la possibilité d'un recours au Tribunal du travail s'il y a inobservance de la loi? Tout ce qui est prévu, M. le Président, c'est une sanction pénale. J'aimerais savoir du ministre, et il pourra nous le dire dans ses commentaires, s'il a étudié la possibilité d'un recours au Tribunal du travail.

Le Président (M. Clair): Le ministre du travail.

M. Johnson: Pour répondre, je pense, par le texte même, au député de Bellechasse, les sanctions pénales prévues au chapitre VIII doivent se rendre au Tribunal du travail. C'est le chapitre VIII qui l'édicte ainsi. Je pense que cela répond à une partie de son commentaire.

Son autre commentaire qui m'apparaît évidemment fondamentalement différent de l'approche de l'Opposition officielle, du député de Saint-Laurent, c'est que, à ses yeux, 19d, finalement, est faible, c'est une mesure timide, etc., alors que le député de Saint-Laurent, de son côté, voit plutôt le spectre de l'utilisation des recours du tribunal du droit commun, qu'est la Cour supérieure, qui a, on le sait, une juridiction passablement alambiquée à l'égard de certains tribunaux provinciaux, en particulier en ce qui concerne le Québec, à cause de l'histoire constitutionnelle qu'on connaît.

Je répondrais au député de Bellechasse qu'il m'apparaît assez fondamental que ces articles soient effectivement limitatifs et il faut que ces poursuites soient d'abord et avant tout perçues comme une incitation au respect des dispositions. Cela rejoint peut-être la qualité que j'ai déjà mentionnée et que le député de Saint-Laurent a relevée, le message des articles 19a, 19b et 19c. D'autre part, je ne peux pas donner d'avantage d'assurance que certains experts en droit constitutionnel ou plus précisément en droit administratif québécois ont donnée. On sait que la plupart des tribunaux provinciaux ont fait l'objet de contestation, quant à leur juridiction au Québec. Ce que le député de Saint-Laurent voit dans 19d, c'est la possibilité que toute personne vaguement intéressée par une grève, aille en Cour supérieure, obtienne une injonction et prétende qu'une grève X est illégale parce que les prescriptions de 19b et 19c n'avaient pas été respectées.

Nous avons rédigé ce texte et nos juriste ont rédigé ce texte en consultant d'abord et avant tout leurs connaissances et leur expérience. Deuxièmement, les légistes du comité de législation du gouvernement du Québec, troisièmement, certaines autorités en la matière dans le monde universitaire. Cette disposition restrictive de 19d est la formule la plus étanche qu'un gouvernement provincial puisse trouver pour soustraire une loi à l'application d'un recours à la juridiction de la Cour supérieure. Je pense qu'on a de bonnes raisons de croire, compte tenu de l'exemple que la loi électorale nous donne de tels types de recours et la Loi électorale du Québec remonte quand même à quelques décennies... N'a pas donné lieu à des recours à la Cour supérieure, mais tout ce qui disait contestation, en matière électorale au Québec, a toujours fait l'objet d'une juridiction considérée comme sacrée ou exclusive de la Cour provinciale. C'est un peu par des dispositions de ce même type que nous introduisons 19d, c'est-à-dire une limitation quant aux personnes qui peuvent utiliser le recours, deuxièmement, une limitation quant aux sanctions possibles des violations à 19b et 19c et, troisièmement, une limitation quant au tribunal qui sera touché, c'est-à-dire celui qui est prévu au Chapitre VIII, dont le Tribunal du travail. En ce sens, je pense qu'on ne peut pas être plus étanche.

Ceci dit, en admettant même que cette disposition ne soit pas d'une telle étanchéité, qu'elle n'empêche pas la Cour supérieure d'intervenir — et on peut présumer qu'un jour quelqu'un fera ce qu'on appelle un "test case" pour ce cas, il n'en demeure pas moins que ce n'est pas une excuse pour le législateur de ne pas agir et que, de toute façon, on se retrouve avec le même problème, chaque fois qu'il s'agit d'un tribunal administratif au Québec ou d'un organisme judiciaire ou quasi judiciaire; on se retrouve toujours avec ce pouvoir de surveillance de la Cour supérieure. Si on s'arrêtait devant cela, finalement on arrêterait de faire du droit administratif au Québec, ce qui m'apparaîtrait assez inconcevable.

J'ajouterai, comme dernier argument — et je suis sûr que ce sera celui qui sera le plus faible aux yeux des gens de l'Opposition — que voilà donc un autre très bel exemple de la raison pour laquelle le Québec devrait se doter de la souveraineté, y compris au niveau de ses tribunaux.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Blank: Si on appelle la Cour supérieure la Cour provinciale X, au moment d'une souveraineté imaginée, cela ne change rien; la Cour supérieure, que ce soit une Cour supérieure provinciale ou une Cour supérieure fédérale, aurait la juridiction de droit commun sur les lois du législateur.

Mais il y a moyen d'arrêter l'ingérence des tribunaux dans le droit administratif, si les lois administratives sont claires.

Quand on parle, à 19 d, de l'application de ces articles, si la définition est très claire, à première vue, prima facie, la cour n'acceptera pas d'entendre ces causes. Immédiatement la chose sera tranchée. Mais quand vous avez une définition vague, comme le scrutin secret ici — dans trois cas, vous avez trois définitions différentes du scrutin secret — la cour peut toujours intervenir. Il va avoir de la matière au moins, prima facie, pour qu'il y ait un procès une semaine ou deux après. Si, prima facie, vous venez avec une requête en injonction devant le tribunal, et sur la face même il n'y a aucune raison, la cour la rejettera immédiatement.

Mais s'il y a une ouverture, on vous donnera toutes les ouvertures, parce que vous ne donnez pas de définitions claires. Cela veut dire que dans cinq cas vous avez cinq définitions différentes du vote secret. Le public pense que c'est vraiment un vote secret comme on en a aux élections, un vote secret surveillé par quelqu'un.

Ici, vous n'avez pas cette chose. Vous faites une folie devant le public. Le public pense qu'on a un vote secret ici, mais on n'a pas un vote secret. Un vote secret défini par le syndicat peut être un vote secret à main levée dans une pièce dont les portes sont barrées. C'est secret.

M. Chevrette: Voyons!

Une Voix: II y a le sens commun là-dedans.

M. Blank: II n'y a pas de sens commun, vous dites: Suivant les statuts et les règlements de l'association.

M. Chevrette: Ce n'est même pas sérieux. M. Blank: Certainement, c'est sérieux.

M. Chevrette: Barrez les portes et votons secret.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Blank: Certainement.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs! Le député de Saint -Laurent.

M. Forget: M. le Président, dans les réponses ou dans les commentaires en réponse à nos commentaires que nous a faits le ministre, il a utilisé des mots fort soigneusement choisis. Il a dit: On a essayé de la rendre aussi étanche que possible, en premier lieu. C'est bien clair qu'il ne nous a pas dit qu'il n'y aurait pas d'injonction en Cour supérieure. C'est important de le souligner. Il a dit: On a fait le mieux qu'on pouvait. C'est une question d'appréciation et je pense que les commentaires de mon collègue de Saint-Louis montrent qu'on peut différer d'avis là-dessus.

Mais il reste qu'en prenant la parole du ministre, qu'il a fait effectivement le mieux qu'il pouvait, ce "mieux" suppose que la porte reste ouverte à des interventions de la Cour supérieure. C'est dans la nature de l'animal, si l'on veut, que la Cour supérieure intervienne pour décider que les règlements n'ont pas effectivement été suivis, qu'ils n'ont pas été suivis de la bonne façon, qu'ils sont rédigés de telle façon qu'ils créent une injustice flagrante, etc. toutes sortes de causes de révisions des décisions administratives qui sont bien connues.

Ceci n'est pas simplement une fantaisie ou une espèce de doute purement gratuit. On sait très bien qu'il y a actuellement, devant les tribunaux supérieurs, en appel des décisions de la Cour supérieure sur des requêtes en injonction, des causes qui seront entendues au cours des prochains mois ou des prochaines années, parce qu'on ne sait jamais exactement combien de temps cela peut prendre, soit par la Cour d'appel, soit par la Cour suprême, relativement à trois instances de droit administratif du Québec. Le Tribunal du travail est une des instances impliquées dans ces décisions, de même que le Tribunal des transports. Il y en a une autre qui ne me revient pas à la mémoire. Mais il y a des causes, actuellement, qui, de façon très claire, impliquent justement les juridictions de ces organismes.

Si, il y a dix ans ou vingt ans, le législateur, au Québec, pouvait un peu tenir pour acquis, avec un peu de naïveté, que tout le monde serait assez gentil pour ne pas soulever ces problèmes que, dans le fond, tout le monde, étant satisfait d'un jugement de première instance, n'irait pas plus loin, il reste que l'histoire nous a montré que c'est différent. Il y a des précautions à prendre.

Il y a des précautions que le gouvernement actuel a prises pour d'autres lois. Je n'ai pas les références précises avec moi, mais je sais que, durant la présente session, on a examiné une loi qui a fait un long détour pour circonvenir une possibilité d'appel ou d'injonction en Cour supérieure. Je pourrai vous trouver la référence, mais je suis sûr que les légistes se souviennent de leur expérience dans la rédaction de cette loi.

Ici, au lieu de prendre des précautions que l'expérience nous a montré être nécessaires, on se lance en plein devant des possibilités de difficultés légales.

Il est clair que, comme c'est du droit nouveau dans un domaine hautement controversé — je pense bien que tout le monde accep-

tera que les relations de travail, c'est hautement controversé; quand il y a des litiges, chacune des deux parties essaie de trouver tous les moyens du bord pour gagner — qui ouvre la porte à des incertitudes, c'est une prédiction qu'on peut faire, sans l'ombre d'un doute — j'en fais plusieurs, parce que c'est tellement clair; où s'en va-t-on avec cela? — qu'il va y avoir, à un moment donné, dans un conflit prochain, le désir irrésistible de la part d'une des parties, probablement du côté patronal, de dire: L'affaire du scrutin secret, on va aller en Cour supérieure là-dessus. On devrait bien être capable d'avoir une injonction. Si on ne l'obtient pas en Cour supérieure, on peut bien essayer également, en obtenant une injonction interlocutoire, de faire arrêter toutes les autres procédures en Cour d'appel et jusqu'en Cour suprême. Pourquoi pas, si les enjeux sont assez élevés?

A mon avis, le ministre ferait bien, dans ce cas-ci, de ne pas nous dire: II faudra faire la souveraineté pour régler ce problème. On risque d'avoir des problèmes avant que la souveraineté arrive. Les problèmes vont être éprouvés, non pas par les membres du Parlement...

M. Chevrette: Cela dépend de vous autres!

M. Forget: ... ils vont être vécus par des syndiqués, par des employeurs qui, au milieu d'une contestation normale, vont s'enferrer dans des procédures juridiques et compliquer encore davantage leurs relations.

Il me semble que le ministre, plutôt que de nous dire qu'il a fait son possible, devrait nous démontrer qu'il a effectivement fait son possible en fermant un certain nombre de portes sur l'intervention des tribunaux là-dedans.

Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, je réaffirme ce que j'ai dit. Le pouvoir de la Cour supérieure, qui est une cour fédérale qui a fait l'objet d'ingérence systématique, qui a été l'occasion d'ingérence systématique des tribunaux judiciaires de juridiction fédérale dans ce qui est considéré être de juridiction provinciale, entre autres, en matière de relations de travail, est un pouvoir qui est là. Si un gouvernement provincial décide de faire du droit administratif, ce qu'un gouvernement provincial est obligé de considérer comme faisant partie de la réalité de la vie... La réalité de la vie du droit administratif, à ce niveau, c'est de prendre toutes les dispositions possibles au niveau d'un texte de loi pour soustraire à la juridiction de la Cour supérieure certains actes ou certaines violations à des lois provinciales, etc., en renvoyant cette juridiction au niveau d'un tribunal de sa compétence.

L'histoire récente en matière de droit administratif et constitutionnel nous montre, par l'arrêt Tomko, qui est un arrêt qui impliquait la Commission de relations ouvrières de la

Nouvelle-Ecosse, en vertu du Cease and Desist Order, que cet organisme judiciaire ou quasi judiciaire provincial en matière de relations de travail en Nouvelle-Ecosse avait un pouvoir qu'on pourrait considérer comme analogue à celui de la Cour supérieure quant aux ordonnances qu'il peut émettre et qui sont dans le champ d'activités décrit par la loi provinciale qui donne le substrat sur lequel ce tribunal a à se prononcer.

Il semble y avoir une tendance, au niveau de l'interprétation par les tribunaux supérieurs du Canada, selon laquelle, effectivement, va de pair avec la juridiction provinciale la possibilité de donner certains pouvoirs à des organismes judiciaires ou quasi judiciaires, ce qui n'empêche aucunement que, par exemple, une règle comme audi alteram partem soit une des règles fondamentales du droit qui donnera toujours recours à une intervention de la Cour supérieure. C'est bien évident.

Ceci dit, je pense que le fait de rendre restrictif aux trois niveaux que j'ai mentionnés tout à l'heure ce texte de loi fait que c'est le meilleur texte de loi que nous pourrons rédiger dans les circonstances. Deuxièmement, je répète que ce n'est pas une excuse, le fait qu'éventuellement, la Cour supérieure pourrait intervenir et que cela donnerait lieu à des contestations judiciaires. Comme on ne peut pas fermer cette porte — la seule façon de la fermer, ce serait d'être le gouvernement fédéral et de légiférer de façon restrictive quant au champ d'application de la Cour supérieure — je pense que ce n'est pas une excuse pour ne pas légiférer, parce qu'on n'a pas une certitude à 100% et, d'autre part, j'espère que le député de Saint-Laurent aura une suggestion concrète à nous faire, s'il croit qu'on peut arriver à circonscrire la juridiction du tribunal et à écarter l'intervention de la Cour supérieure.

Je suis sûr d'ailleurs que ce serait un grand apport au droit administratif québécois si on parvenait à le faire.

Le Président (M. Clair): Le député de Saint-Louis.

M. Blank: On a cela dans les autres lois. On a dans les lois une restriction qu'une décision de telle ou telle administration, ou de telle ou telle régie — on peut le faire ici — on n'a pas le droit à des brefs de prérogative, devant la Cour supérieure; cela peut être cassé par la Cour d'appel par une demande immédiate, sauf dans les cas de délits flagrants. Vous voyez, pour la Régie des alcools, cette loi a été adoptée en 1964, il y a eu seulement une intervention avec succès par la Cour supérieure. On a souvent essayé, mais avec cette clause qui était là, c'était empêché d'entrer dans la décision de la Régie des alcools, sauf pour un cas en treize ans. Si on veut vraiment faire cela, on peut ajouter un article de ce type ici.

Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, l'article 121 du code — cela a souvent été un voeu pieux que cet article 121, celui qu'on retrouve de façon analogue dans un tas d'autres commissions ou organismes quasi judiciaires du gouvernement du Québec — prévoit que le tribunal du travail est soustrait à ces brefs de prérogative.

M. Blank: Je crois que ce n'est pas la même chose ici.

M. Johnson: Sauf que ce qu'on vise ici, ce n'est pas une décision du tribunal, c'est simplement l'application de la loi elle-même et des dispositifs. L'on sait que c'est le Parlement qui est souverain quant à l'établissement de la loi et de l'infraction. Ce n'est pas une décision d'un tribunal. Ce dont on parle, c'est le respect des dispositions de la loi par les citoyens ou l'association d'employeurs ou l'employeur ou l'association de salariés accrédités, etc. Ce n'est pas un acte du tribunal.

M. Blank: Ici, au paragraphe 19d, vous dites que l'inobservation des paragraphes 19 et 19c ne donne pas ouverture à telle ou telle chose... Si vous mettez que l'inobservation de ces paragraphes rejoint l'article 121, si vous ajoutez un amendement à l'article 121 pour couvrir le cas des inobservations des articles 19b ou 19c, vous arrivez au même but, vous empêchez la Cour supérieure d'entrer dans ces affaires.

M. Johnson: Je ne pense pas, puisqu'à l'article 121, on se rend compte qu'il s'agit des décisions du commissaire-enquêteur ou des décisions du tribunal lui-même ou d'un tribunal d'arbitrage.

M. Blank: Je suis d'accord avec vous, mais on peut ajouter que les cas qui viennent de l'inobservation des paragraphes 19b ou 19c tombent dans le même genre de choses. Je n'ai pas rédigé l'article ici, pour changer quoi ici... Je n'ai pas à faire des amendements au bout de la table. On peut faire la même chose ici si, vraiment, on veut fermer la porte à la Cour supérieure. Sinon, vous ouvrez la porte à toutes sortes de choses.

M. Johnson: M. le Président, c'est l'opinion de nos juristes que la meilleure façon de procéder, c'est selon le paragraphe 19d. La suggestion du député de Saint-Louis, finalement, serait parfaitement inutile, puisque les dispositions de l'article 121 visent à empêcher l'application des brefs de prérogatives dans les cas de décisions rendues par le commissaire-enquêteur, un arbitre ou le tribunal, et non pas dans les cas d'inobservation de la loi par ceux qui sont touchés par la loi de façon générale, c'est-à-dire les citoyens ou les associations des employeurs ou les membres d'un syndicat.

M. Forget: M. le ministre, une dernière ques- tion Vous nous citez l'avis de vos conseillers juridiques. C'est tout à fait légitime, mais à titre de ministre responsable, est-ce que vous nous affirmez qu'effectivement il n'y aura pas d'injonctions, il peut y avoir des demandes, mais il n'y en a pas qui peuvent avoir du succès selon vous?

M. Johnson: J'affirme que c'est ma conviction. Compte tenu de l'histoire des tribunaux administratifs qu'on connaît au Québec, compte tenu de la législation en cette matière et de la jurisprudence qui existent, c'est ma conviction que c'est là la meilleure façon de se prémunir d'un recours qui est toujours possible de la Cour supérieure. Bien téméraire a été le gouvernement provincial qui a pensé se soustraire à la Cour supérieure, de même que le gouvernement provincial qui a tenté, de façon systématique, de se soustraire aux invasions fédérales en matière judiciaire.

Le Président (M. Clair): Le paragraphe 19e? M. Chevrette: Adopté, sous réserve...

Le Président (M. Clair): M. le ministre du Travail, paragraphe 19e.

Exigences

M. Johnson: Le paragraphe 19e prévoit que les statuts et règlements d'une association accréditée peuvent, évidemment, comporter des exigences supérieures à celles prévues aux paragraphes 19a à 19c.

On se rappelle que les paragraphes a) à c) touchent l'élection des officiers et qu'on les a d'ailleurs refaits un peu, entre autres en collaboration avec l'Opposition; 19b prévoit le vote de grève, 19c prévoit le vote sur la convention collective, et il s'agit évidemment de le reconnaître puisque, dans la pratique, on sait que certaines associations de salariés, certains syndicats, ont des statuts qui, finalement, imposent des choses comme, par exemple, un quorum des membres, un taux de 66% pour un vote de grève plutôt qu'une majorité faible, etc, et en aucune façon ne veut-on changer cela.

M. Blank: Vous voulez un vote plus secret que secret, barrer la porte deux fois?

Le Président (M. Clair): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Au-delà de ce que vient de dire le député de Saint-Louis, je pense qu'on a là un article qui ne signifie pas grand-chose dans le fond, parce qu'on ne précise pas la signification des termes dans un premier temps, et, ensuite, on dit qu'on peut aller plus loin. Mais on ne sait jamais si on est plus loin ou moins loin parce qu'on ne sait jamais ce que cela veut dire que "loin" initialement. Il reste énormément de zones grises dans la définition de ce qu'est un vote se-

cret, de quelle façon il est observé, etc. Là-dessus, je pense que le ministre nous a donné une version presque analogue à celle que je développe, parce qu'il a dit, dans les remarques liminaires: On ne veut pas s'embarquer dans une définition détaillée, méthodique des modalités d'application de toutes ces règles. On ne veut pas dire comment se tient un vote secret, selon quelle procédure, quelles garanties, etc. On veut tout simplement transmettre un message de démocratie syndicale. Evidemment, un message comme la plupart des messages publicitaires ou commerciaux, on sait que c'est plutôt dans le style que le message consiste. Il y a une expression fameuse à ce sujet disant que le message est le médium ou quelque chose dans ce genre.

M. Johnson: Le médium est le message.

M. Forget: Le médium est le message. Je remercie le ministre.

M. Johnson: Ou le massage.

M. Forget: Mais, finalement, au-delà de cela, on n'a pas un contenu très articulé. C'est un peu ce qu'on observe dans le moment. On dit: On a un message général, mais on peut aller plus loin que le message. On n'est pas beaucoup plus avancé avec cela, sauf que, évidemment, on n'interdit pas aux gens d'être plus démocratiques que la vague invitation démocratique qu'on leur fait. C'est heureux, mais cela ne dit pas grand-chose. Cela laisse à peu près tout le monde sur sa faim dans le fond. C'est un appel qui ne sera pas entendu.

Le Président (M. Clair): Le député de Bellechasse.

M. Goulet: Je n'ai pas demandé la parole, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: M. le ministre, j'ai une ou deux observations. Nous discutons les amendements au projet de loi et je pense que M. le ministre a décidé des définitions du scrutin secret. Je pense que si on discute du projet de loi 45, tel qu'il a été proposé par le ministre, et pas comme dans les amendements, nous verrons que ce qui manquait vraiment, dans cet article du projet de loi 45, c'était la définition du scrutin secret. Si on retourne au projet de loi 45, on verra que, dans les services 19a, 19b, 19c et 19d, il n'y avait aucune manière de définir un scrutin secret. Par exemple — et je pense que je n'enfreins pas le règlement ici — on disait qu'un scrutin secret est constitué par un vote de la majorité, des membres qui y participent. On dit maintenant que cela doit se faire au scrutin secret conformément aux statuts et règlements de l'association. Je ne dis pas que je ne partage pas vos sentiments, je dis que le ministre a décidé qu'un scrutin secret serait la définition des règlements d'une association. Je ne dis pas que le ministre n'a pas cette liberté de laisser aux associations le soin de décider ce qu'est un scrutin secret. Il faut le dire carrément au public qui pense qu'un scrutin secret est toujours quelque chose de surveillé par l'Etat, par le ministère du Travail ou par un agent nommé par le ministre.

Si, par exemple, vous avez de la difficulté et êtes obligés d'arriver avec une loi spéciale dans un conflit, là, le monde demandera que le scrutin secret soit un peu plus fort que le scrutin secret décidé par une convention. Parce que, ici, on encouragera, dans cet article — ce qui n'existait pas auparavant — le syndicat à tenir, même s'il ne le voulait pas, un scrutin secret aussi ambigu que possible, pour sa protection. Le public, parfois, demande plus à un syndicat qu'il ne demande aux chambres de commerce.

L'autre choix que le ministre a, à ce moment-ci, autant que possible, c'est d'éliminer les cours dans les affaires syndicales: les cours privés, la Cour suprême, la cour fédérale, les cours supérieures. Autant que possible, ça marche mieux quand on peut régler les conflits sans aller en cour. C'est une occasion pour le ministre de songer à donner plus de pouvoir à son choix de la CCRO. Vos commissaires et votre commission ont déjà beaucoup de pouvoirs ici, faire une espèce d'arbitrage, si vous voulez. Autant que possible, éliminer la nécessité pour un membre, un simple membre ou un groupe de membres, d'aller toujours à la cour où les juges ne sont pas toujours très sûrs de la loi ou même de l'esprit de la loi. Ils ne voient pas toujours favorablement le mouvement syndical, il me semble que c'est une occasion, pour le ministre, non pas de se prononcer ce soir, mais au moins de retenir pendant 48 heures l'idée d'y songer un petit peu plus, si vous voulez. Le ministre commence un peu à perdre courage; c'est trop, c'est difficile. Mais pourquoi perdre votre courage devant le mouvement syndical ou les mouvements patronaux? On veut travailler ensemble pour bâtir une loi qui va servir les meilleurs intérêts de la population et cela comprend naturellement les employés , les salariés. Pourquoi toujours les forcer à aller en cour pour avoir la justice concernant le vote secret selon la constitution d'un organisme?

Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, sur une question de règlement.

M. Johnson: M. le Président, en toute déférence et avec tout le respect que je dois au député de Notre-Dame-de-Grâce dont je sais les grandes connaissances dans les questions de relations de travail, surtout son intérêt puisqu'il est lui-même un ancien ministre du Travail du Canada, je voudrais quand même dire que ce qu'il est en train de nous dire a fait déjà l'objet d'une longue discussion quand on a commencé à aborder l'article 8. J'aimerais, M. le Président,

qu'on procède à l'adoption de l'article 8 puisque nous avons vu chacun des sous-paragraphes. Je pense que les membres de cette commission, et particulièrement le député de Saint-Laurent et l'Opposition officielle, ont eu l'occasion de s'exprimer pendant à peu près quatre heures et demie, cinq heures et demie, sur ce seul article du projet de loi. Je pense qu'on ne peut pas taxer le gouvernement de vouloir empêcher l'Opposition de s'exprimer, mais il me semble qu'il y a certaines redondances et certaines répétitions depuis quelques heures. J'aimerais qu'on procède — à moins que le député de Notre-Dame-de-Grâce n'ait une suggestion d'amendement — à l'adoption de l'article 8.

M. Blank: Une question de règlement.

Le Président (M. Clair): Le député de Saint-Louis, sur une question de règlement.

M. Blank: Comme je l'ai dit déjà, l'article 19e dit "peuvent comporter des exigences supérieures à celles prévues aux articles 19a a 19c". Quand on dit cela, on ouvre la porte à la discussion. Si on parle d'exigences supérieures, on peut parler de la chose qui est moins supérieure. Cela ouvre la porte à toute discussion des articles 19a à 19d. C'est ce que l'article 19e dit. On parle des exigences supérieures à celles prévues aux articles 19a à 19c. Si on veut parler d'exigences supérieures, on peut discuter ce qu'il y a aux articles 19a et 19c.

Cela ouvre la porte encore, c'est pour cela que j'étais d'accord avec le député de Joliette-Montcalm quand j'ai dit que je n'avais pas le droit de parler, mais j'ai certainement le droit et le député de Notre-Dame-de-Grâce a le droit de discuter tout ce qui est en a), b), c) et d) parce que vous y ouvrez la porte avec 19a. La question de règlement, il a le droit de discuter ce sujet même si le ministre ne veut pas l'attendre. Il a déjà attendu tous les soirs, mais il a le droit à son temps pour discuter; s'il veut utiliser les 20 minutes, il a droit à 20 minutes pour discuter tout ce qu'il y a en 19a et c, et même les définitions.

M. Mackasey: M. le Président.

Le Président (M. Clair): Sur la question de règlement, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce?

M. Mackasey: Non, have you finished?

Le Président (M. Clair): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, sur la question de règlement, j'ai une décision à rendre, je pense. Il m'apparaît particulièrement difficile de bien délimiter l'objet de la discussion sur le paragraphe 19e. Cependant, une chose est claire, c'est qu'on ne peut revenir sur tous les articles qu'on a déjà discutés...

M. Mackasey: M. le Président, j'ai le choix de parler pendant 20 minutes, si vous voulez, sur les questions publiques, d'après le règlement.

Le Président (M. Clair): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, premièrement il n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire.

M. Mackasey: D'accord, c'est une question de règlement, si vous voulez. Je peux parler pendant 20 minutes tout de suite, si vous voulez...

Le Président (M. Clair): Si vous voulez me laisser...

M. Mackasey: Je veux la coopération.

Le Président (M. Clair): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, quand le Président a la parole, quand les députés ont la parole, je ne les interromps pas; j'espère ne pas être interrompu au moment où je veux rendre une décision sur une question de règlement. J'ai bien indiqué qu'il était difficile de déterminer dans quelle mesure le débat sur l'article 19e pouvait remettre en cause les choses qu'on avait déjà discutées. Je pense que, jusqu'à maintenant, j'ai fait preuve de beaucoup d'ouverture d'esprit; je suis prêt encore à en faire preuve; cependant, il ne faudrait pas qu'on revienne discuter tout ce dont on a déjà discuté aux sous-paragraphes 19a, b) et c). Ceci dit, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, j'ai cru comprendre dans votre argumentation que votre point était, à toutes fins pratiques, terminé. Est-ce que j'avais raison de croire cela?

M. Mackasey: Vous n'avez aucun droit de décider ce que je pense; si je pense que j'ai terminé ou non, c'est à moi de le décider.

Le Président (M. Clair): Est-ce que j'ai le droit de vous le demander, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce?

M. Mackasey: M. le Président, ne me choquez pas, s'il vous plaît, pour le moment. Je vais prendre mes 20 minutes, d'après le règlement, si vous voulez. Je veux la coopération du ministre, mais je ne veux pas être traité comme un enfant d'école par vous. Alors, on peut appliquer les lois tellement sévèrement que nous devenons des enfants d'école, mais, en fin de compte, c'est vous qui êtes l'enfant d'école.

Le Président (M. Clair): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Je veux la pleine coopération du ministre et j'étais justement en train de dire que c'était inutile de rediscuter toutes les clauses, mais il me semble qu'à l'article 19a cela me permet de parler des exigences supérieures, si je le voulais de a) à c). Une des exigences supérieures que je vais décrire qui est mieux que a), b), c) et d), c'est d'éliminer la nécessité par un syndicaliste qui pense qu'il y a discrimination ou

qui n'est pas content du vote secret. Il peut recourir à l'article 8 et peut-être traîner en cour pendant des années. Il faut qu'il y ait un autre mécanisme en place pour éliminer la nécessité d'aller en cour, soit par les patrons, soit par les employés. En conclusion, le ministre a le droit de décider s'il consent que la définition du vote secret soit faite par une association. C'est lui-même qui va prendre la responsabilité avec le public. A l'avenir, si le public ne pense pas que c'est une définition assez claire, parce que chaque association va découvrir un scrutin secret selon la réflexion de leurs membres... Si le ministre trouve cela acceptable, je ne peux pas dire que ce n'est pas acceptable. Je veux tout simplement souligner, parce qu'on s'en va devant une autre clause, que c'est le ministre qui va décider que le scrutin secret sera la définition d'une telle organisation, d'une telle association ou d'un tel syndicat.

M. Johnson: Dans le cas des officiers seulement.

M. Mackasey: Oui, je comprends. J'ai vu la nécessité ici parce qu'avant d'en venir aux autres clauses, je veux que vous soyez au moins consistant, peut-être que vous avez autre chose en vue, par exemple, un scrutin secret dans le cas d'un règlement de grève ou l'acceptation d'une convention collective. J'espère que vous saurez exactement et précisément ce que vous décrivez ici, le scrutin secret.

M. Johnson: C'est-à-dire que, si le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. le Président, me demande si nous avons l'intention de donner, dans le Code du travail, une définition de ce qu'est le vote secret pour les fins de l'application des articles b) et c) à 19; non.

Le Président (M. Clair): L'article 8 est-il adopté avec ses amendements?

M. Chevrette: Adopté.

M. Forget: Adopté sur division, M. le Président.

Le Président (M. Clair): Adopté sur division. L'article 9 du projet de loi.

M. Forget: M. le Président... Peut-être que le ministre a quelque chose à dire là-dessus.

Le Président (M. Clair): M. le ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, si vous le permettez, j'aimerais qu'on revienne en arrière. Nous avions suspendu l'étude de l'article 2, on s'en souviendra, au tout début des auditions de la commission et j'aimerais vous présenter...

Le Président (M. Clair): Effectivement, on avait suspendu l'étude de l'article 2.

Accréditation

M. Johnson: L'article 2 du projet de loi, M. le Président, se lirait comme suit: L'article 1 du Code du travail, Statuts refondus de 1964, chapitre 141, modifié par l'article 76 du chapitre 14 des lois de 1965, première session. L'article 10 du chapitre 20. L'article 2 du chapitre 47. L'article 1 du chapitre 48 et l'article 18 du chapitre 14 des lois de 1969, par l'article 29 du chapitre 60 des loisde 1972 et par l'article 114 de la Loi sur lafonction publique 1977, chapitre — insérer ici le numéro du chapitre du projet de loi no 53 — est à nouveau modifié par le remplacement du sous-paragraphe deuxième du paragraphe m) par le suivant: 2o. un administrateur ou un officier d'une corporation sauf si une personne agit à ce titre à l'égard de son employeur après avoir été désignée par les salariés ou une association accréditée". Il s'agit essentiellement, M. le Président, en fait, de ce qu'on pourrait presque appeler un amendement de concordance avec d'autres lois. On sait que la Loi sur les services de santé, que certaines lois qui touchent des institutions d'enseignement comme les CEGEP, prévoient l'élection, par les salariés de l'entreprise ou de l'institution visée, d'un certain salarié au niveau du conseil d'administration. Or, à cause de la rédaction du Code du travail qui était antérieure à l'adoption de ces lois et de la non-modification de ces dispositions, ces salariés se retrouvent dans la drôle de situation de ne plus être des salariés. Pour les fins d'une application harmonieuse des autres lois et pour les fins de corriger ou de sanctionner une situation de fait, pour corriger des anomalies de textes, nous introduisons cet article. Est-il adopté?

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je voudrais simplement comprendre ce qu'il y a de changé entre le texte qu'on vient de nous... J'essaie de le lire, mais c'est presque illisible.

M. Johnson: On peut prendre le Code du travail qui prévoit, à son article premier, que, dans le présent code, à moins que le contexte ne s'y oppose, les termes suivants signifient et on retrouve, au sous-paragraphe m), "salarié est une personne qui travaille pour un employeur, moyennant une rémunération. Cependant, ce mot ne comprend pas une personne qui, au jugement du commissaire enquêteur, est employée à titre de gérant; surintendant, contremaître, représentant de l'employeur dans les relations avec ses salariés, 2o, un administrateur ou un officier d'une corporation sauf si une personne agit à ce titre à l'égard de son employeur après avoir été désignée par les salariés ou une association accréditée." En d'autres termes, ce que dirait le Code du travail, une fois amendé avec ceci c'est que "ne sont pas des salariés,

les administrateurs ou officiers d'une corporation, à l'exception de ceux qui ont été désignés comme tel par l'association de salariés." On se réfère, ici, en pratique, à ces institutions dont je parlais.

M. Forget: Cela va très bien, M. le Président, mais si je comprends bien, c'est que les autres éléments qui étaient contenus dans l'article 2 de la loi 45 disparaissent. C'est ce seul amendement qui demeure. C'est ce qui est nouveau sur la feuille qu'on nous a remise.

M. Johnson: Oui, d'accord, c'est ça. Les autres éléments qu'on retrouvait dans le projet de loi 45 disparaissent effectivement parce qu'ils étaient de la concordance avec l'article 1, entre autres, cette notion de commissaire du travail, etc.

M. Forget: Tout va très bien. La seule remarque que je pourrais faire là-dessus, c'est que nous avons étudié, à une autre commission parlementaire, au cours de la présente session, un amendement à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, qui a le même effet, c'est-à-dire qui retranche une disposition de cette loi qui, sans amender le Code du travail, conservait les avantages du statut de salarié, sans que le statut de salarié puisse être conservé, étant donné le Code du travail. Tout ceci pour dire qu'il me semble utile de tenir compte — et là c'est vraiment peut-être une note de détail dans l'intérêt du ministre et aussi dans l'intérêt des gens qui sont visés par cela — je ne sais pas dans quelle mesure cela peut les affecter que la proclamation des deux articles se fasse au même moment.

Cela risquerait que, si on amende une loi qui enlève le statut de salarié et qu'il y a un battement de trois semaines ou un mois, il pourrait peut-être y avoir des problèmes. Je ne sais pas à quel titre, mais il pourrait peut-être y en avoir. Je ne sais pas si effectivement l'autre loi a été promulguée ou sanctionnée, mais je ne pense pas.

M. Johnson: Je pense que l'autre loi n'a pas encore été promulguée. Mais effectivement, cela a fait l'objet d'une discussion au niveau de législation et on est bien conscient de la difficulté que cela pourrait causer.

Le Président (M. Clair): Si je prends connaissance de l'amendement qui est distribué par le ministre, je comprends que c'est tout l'article 2 du projet de loi 45...

M. Johnson: Voilà.

Le Président (M. Clair): ... qui est remplacé par ce que propose le ministre.

M. Johnson: C'est cela. Exactement. En d'autres termes, l'article 2 du projet de loi 45 doit se lire comme suit, et on commence, en haut sur la feuille: "l'article 1 du Code du travail, etc.

Le Président (M. Clair): L'article 2 du projet de loi 45 est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Clair): Adopté.

M. Johnson: L'article 9 maintenant.

Le Président (M. Clair): Article 9. Le ministre du travail.

M. Johnson: M. le Président, il s'agit, à l'article 9, d'insérer un titre. Ledit code est modifié, par l'insertion, avant l'article 20, de l'intitulé suivant, section III de l'accréditation des associations de salariés.

M. Forget: Je dirais que c'est une concordance avec un amendement que l'Opposition officielle a présenté, mais qui a été rejeté. Nous avions effectivement présenté un amendement à l'article 5, qui avait pour effet d'abroger l'article 5 qui prévoit l'accréditation d'associations d'employeurs. L'argument que nous avions utilisé, c'est qu'il n'y avait rien dans la loi qui permettait d'articuler ce droit d'accréditation d'association d'employeurs. Et le ministre nous donne raison, parce que dans le seul chapitre qui parlait, en général, de l'accréditation des associations, ou de l'accréditation, on précise maintenant qu'il s'agit de l'accréditation des associations de salariés. Donc, il n'y a plus de chapitre — cela devient très clair — qui parle des façons d'articuler le droit qui est proclamé à l'article 5.

Je me rends compte qu'après coup, et a posteriori, le ministre était d'accord avec la position que nous avions prise sur l'article 5 et qu'il proclame ouvertement au titre de la section III. Mais je ne m'en formaliserai pas, M. le Président, et je ne soulèverai pas d'amendement pour restaurer le titre original. Je crois que c'est plus amusant qu'autre chose.

Le Président (M. Clair): L'article 9 est-il adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Clair): Adopté. L'article 10. M. le ministre.

Professions libérales

M. Johnson: II s'agit, M. le Président, de biffer le troisième alinéa de l'article 20 du code, ce qui fait que les professions libérales seront traitées comme les autres professions. Elles pourront constituer ou non des unités distinctes, suivant ce que décideront ou le commissaire ou le Tribunal du travail. Il y a également une correction de concordance au premier alinéa.

J'aimerais simplement ajouter qu'au niveau du troisième alinéa de ce que vous retrouvez à 20, "dans les cas prévus à l'article 25", il faudrait ajouter "dans les cas prévus au paragraphe de l'article 24a, ou à l'article 25".

Je recommence. M. le Président, il faudrait lire maintenant l'article 20, c'est-à-dire l'article 10 du projet de loi qui vient modifier l'article 20 du Code du travail "A droit à l'accréditation l'association de salariés groupant la majorité absolue des salariés d'un employeur ou, dans les cas prévus à l'article 25". Mais il faudrait également ajouter, avant ce mot "article 25", les mots suivants "dans les cas prévus au paragraphe b) de l'article 24a, ou à l'article 25" et le reste du texte.

En fait, c'est un problème qui a souievé beaucoup de discussions lors de la rédaction du dépôt du projet de loi 45. On se rappellera que, dans le projet de loi 45, on notait que, de façon générale, les professions faisant partie des annexes prévues au Code des professions se sont multipliées, comme on le sait, au Québec, depuis dix ans. On est passé, de ces quelques professions dites libérales, les avocats, les médecins, les ingénieurs et sept ou huit autres, à un nombre de 36 ou de 37, qui y sont maintenant prévues. Le projet de loi 45 venait modifier le Code du travail en affirmant que chacune de ces professions constitue une unité de négociation distincte, sauf si, à la majorité, les membres de ces différentes unités distinctes regroupant des gens d'une même profession seulement décidaient effectivement de combiner leurs effectifs avec d'autres professions pour former une unité.

Or, à l'application, et en écoutant les revendications nombreuses à la fois de certaines professions et du mouvement syndical ainsi que suite à une demande que j'ai faite à l'Office des professions de nous fournir ses commentaires sur un projet d'amendement que nous avions apporté, nous avons décidé d'apporter cet amendement qui, dorénavant, confie au commissaire-enquêteur la possibilité de déterminer qui formera l'unité d'accréditation, compte tenu de ces questions de professions. Ce sera a lui d'en juger, à partir du processus classique qu'on connaît, que le commissaire adopte, c'est-à-dire l'audition des parties. On pense que c'est là une formule beaucoup plus souple.

En effet, la formule prévue au projet de loi 45 aurait risqué d'apporter une sorte de balkanisa-tion des professions. D'autre part, le statu quo semblait insatisfaisant, puisque certaines professions qui finalement étaient celles reconnues comme des professions libérales depuis longtemps avaient une sorte de statut privilégié et les autres n'en avaient pas. Il s'agit finalement de mettre tout le monde sur un pied d'égalité, quant à cette appréciation, et de permettre aux parties de s'exprimer devant le commissaire.

Le Président (M. Clair): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, cet article m'inspire plusieurs commentaires, d'abord un commentaire d'ordre général ainsi que des commentaires particuliers relativement à la question des professions et aussi des commentaires particuliers relativement à la rédaction, à la façon dont l'article est rédigé, mais ce sont des choses que je dirai tout à fait à la fin, parce que c'est d'un ordre un peu différent.

De façon générale, je me serais attendu, dans un article qui établit le droit à l'accréditation, à retrouver là les éléments principaux de la politique que le ministre a déclaré vouloir défendre et à laquelle nous souscrivons de rendre moins importants les obstacles juridiques à la formation d'associations de salariés.

On sait que l'expérience vécue de ce côté va dans le sens de rendre assez difficile parfois la formation d'un syndicat, puisque les critères de détermination des unités de négociation appropriées sont définis très vaguement, si on peut même dire qu'ils sont définis dans le Code du travail, donnent lieu à des contestations entre l'employeurs et associations de salariés et ont même donné lieu, encore là, parce que c'est presque un mal universel quand on parle des relations de travail, à des débats et à des contestations juridiques devant les tribunaux qui ont duré, dans certains cas, quatre ou cinq ans et qui sont allés jusqu'à la Cour suprême.

Je tiens bien compte, évidemment, dans mes remarques, du fait qu'un peu plus loin, on retrouve une disposition nouvelle sur laquelle, évidemment, nous reviendrons abondamment quant à la possibilité de provoquer un scrutin secret sur le caractère représentatif d'une association requérante, dès qu'il y a 35% au moins des salariés de l'unité qui signent une carte, etc.

C'est une approche. Il me semble qu'une approche peut-être plus prometteuse, ou au moins aussi prometteuse, aurait consisté à énoncer dans l'article 10, de façon beaucoup plus articulée, les critères que la jurisprudence a dégagés au cours des années, mais qui pourraient être épurés, simplifiés, soumis à un mécanisme assez rigoureux de détermination et de définition, de manière qu'on retrouve dans le Code du travail les critères appropriés de détermination des unités de négociation.

Il y en a quand même un certain nombre que la jurisprudence a déterminés. Il y aurait peut-être eu avantage, encore une fois, à les consacrer dans la mesure où on croit qu'ils représentent une tendance valable, et, dans certains cas aussi, d'amorcer peut-être une évolution, par exemple, vers la reconnaissance du critère de l'appartenance à un établissement dans les cas d'entreprises à établissements multiples. Jusqu'à quel point ne serait-il pas avantageux— il me semble que cela le serait — de donner, de créer une certaine présomption qu'à l'option d'une association de salariés, l'accréditation par établissement pourrait être acquise?

On sait qu'il y a eu, récemment, dans un domaine de juridiction fédérale, dans le domaine des banques, une décision de la Commission fédérale des relations de travail relativement à cette question. Cela illustre justement jusqu'à quel point, par des décisions des tribunaux, on finit par explorer au bout de plusieurs années toutes les imprécisions des lois actuelles, tant fédérales que provinciales.

II me semble que, pour faire l'économie de ces débats, de ces conflits et de ces litiges devant les tribunaux et même les éviter, le législateur aurait été bien avisé de dire: Voici comment, dans la pratique et la tradition et peut-être en la simplifiant un peu, on peut établir des critères de définition des unités de négociation et peut-être en favorisant également, par la même occasion, les critères, s'il y a des choix à faire, qui étaient les plus susceptibles de rendre les choses faciles d'application, claires, limpides.

Au lieu de cela, on a l'affirmation d'un droit très abstrait. Il faut encore, évidemment, des enquêtes, des questions et Dieu sait quoi pour déterminer comment cela s'applique dans chacun des cas. Donc, de ce côté, il y a une absence de la précision qui aurait pu aider tout le monde à s'y retrouver plus facilement.

Du côté des suggestions plus concrètes, je crois qu'il y avait la possibilité de s'exprimer en termes d'une option possible, disant un peu comme c'est dit là. Une association requérante qui regroupe la majorité absolue des employés ou des salariés d'un employeur a droit à l'accréditation ou à l'option de l'association requérante, la majorité absolue des salariés d'un employeur dont le lieu de travail se situe dans un même établissement, établissant donc une gradation claire entre les critères et donnant l'option à l'association de choisir une formule plutôt que l'autre, selon ce qui lui apparaît commode.

J'aurai l'occasion de le faire ici, un peu comme je l'ai fait, je vous expliquerai tout à l'heure, mais je peux peut-être le faire tout de suite, on a décelé, juste avant la séance de ce soir, un oubli dans la rédaction de l'amendement. Je le ferai circuler seulement au début de la prochaine séance. Je passerai tout de suite à ma deuxième série de remarques qui touchent la question des professions. Je me borne à annoncer que nous allons présenter des amendements.

Relativement aux professions, j'ai évidemment pris connaissance, avec beaucoup d'intérêt, du texte original de la loi 45, des réactions que cela a suscitées de la part des syndicats et de la part de certains groupes professionnels. Cependant, là-dessus, mes remarques s'inspirent non pas tellement des réactions que d'une expérience personnelle, dans d'autres circonstances, avec un grand nombre de groupes professionnels, de corps professionnels. J'en viens à la conclusion qu'il y a véritablement une réorientation fondamentale qui est nécessaire dans cette partie du Code du travail pour ajuster la réalité du Code du travail à la réalité du monde professionnel. Il y a eu, durant les dernières années, une refonte substantielle de nos lois relativement aux corporations professionnelles. On a lancé, dans ce contexte-là, la notion selon laquelle il était opportun de faire une distinction nette entre des organismes, des associations, des syndicats voués à la défense des intérêts professionnels, des différents groupes reconnus comme professions, d'une part. D'autre part, des organismes qui s'appellent les corporations pro- fessionnelles, dont la raison d'être est non pas la défense des intérêts matériels de leurs membres, mais la protection du public.

C'est une magnifique distinction qui fait honneur à la capacité de conceptualiser de ceux qui l'ont imaginée. Il est exact que, sur un plan théorique, il y a deux choses bien différentes, ce sont là deux préoccupations bien différentes: la protection du public et, d'un autre côté, la défense des intérêts matériels des membres qui pratiquent une profession.

Cependant, c'est un peu de l'angélisme que de vouloir distinguer les choses de cette façon, et de créer des organismes qui ont pour seule raison d'être un aspect de la réalité. Parce qu'il y a, dans la réalité telle qu'on la vit, un certain équilibre qui s'établit entre les préoccupations complémentaires comme celles-là.

On s'est rendu compte, avec les années que les corporations professionnelles qui n'ont que pour seule raison d'être la défense du public n'ont aucun moyen véritable de s'accréditer auprès de leurs membres ou de renforcer leur crédibilité et leur utilité auprès de leurs membres puisque, par définition, elles sont confinées dans un domaine, elles sont au service du public, elles sont perçues dans certains secteurs professionnels de plus en plus comme des extensions de l'administration publique, ou presque, et, dans certains autres cas, elles sont pratiquement tombées sous la tutelle des syndicats ou des associations de type syndical qui leur font le pendant. C'est une situation qui m'apparaît extrêmement préjudiciable à l'objectif poursuivi sur le plan du contrôle de la qualité des actes et de la compétence professionnelle des membres. Encore une fois, ces corporations professionnelles sont un peu suspendues entre ciel et terre, hésitent un peu à imposer des cotisations importantes parce que, dans le fond, c'est perçu comme une imposition et un travail policier plutôt que comme une association qui a aussi, parmi ses objectifs, la défense de l'intérêt de ses membres.

On se trouve, je pense, à moyen et à long termes, devant la perspective de plusieurs corporations professionnelles atrophiées qui ne joueront pas leur rôle et qui seront, dans le fond, des déceptions sur le plan de la protection du public.

D'ailleurs, l'Office des professions a fait une étude de l'efficacité des mécanismes de contrôle professionnel des corporations professionnelles. Je ne prétends pas qu'il en tire ces conclusions mais il y a à cela bien des raisons, entre autres le mandat qui avait été donné à ce groupe d'étude sur l'efficacité des mécanismes de contrôle professionnel. Mais le constat auquel il arrive cependant est, bien sûr, celui-là ou à peu près, à savoir que seules les corporations professionnelles qui ont une longue tradition et qui donc, historiquement, n'ont pas perdu les habitudes acquises au moment où elles défendaient aussi les intérêts matériels de leurs membres, ont une quelconque efficacité sur le plan de la protection du public. Encore une fois, o n n'a pas tiré ces conclusions, ce sont les conclusions que j'en tire.

II m'apparaît qu'il faut absolument tenir compte de cette dimension.

Alors si on transcrit dans le code du travail ces préoccupations, il m'apparaît que ça nous amène... C'est qu'il était essentiel de faire ces remarques pour vraiment les situer dans le contexte du Code du travail, M. le Président.

M. Chevrette: Pour vous montrer qu'on a l'esprit large.

M. Forget: Si on se situe dans le contexte du Code du travail, la proposition selon laquelle les membres d'une corporation professionnelle peuvent automatiquement et a priori, doivent en quelque sorte faire partie d'une unité de négociation distincte des autres employés, des autres salariés d'un même organisme — pensons, par exemple, aux hôpitaux — nous situe carrément dans un contexte où on favorise dans le fond, par ce moyen... Etant donné toute la façon de percevoir l'image de chaque professionnel dans la société, la tendance à établir des castes en quelque sorte, des murailles pratiquement étan-ches entre lui et les autres, on établit un contexte où il devient presque inévitable que se forment ou existent, ou continuent d'exister, sans contestation et sans possibilité sérieuse de remettre en question leur existence, des syndicats provinciaux de professionnels.

C'est justement le piège dans lequel on tombe et on ne peut pas le corriger par la voie du Code des professions, on ne pourra le corriger que par des règles différentes dans le Code du travail. A mon avis, la solution ne repose pas dans une interdiction pour tout membre d'une corporation professionnelle de faire partie d'un syndicat distinct, s'il le désire et si c'est vraiment souhaité.

Mais je crois qu'il faut renverser le fardeau de la preuve, en quelque sorte, et présumer, contrairement au Code du travail actuel, que les professionnels font partie du même syndicat à moins que certaines circonstances se présentent.

Les circonstances qui peuvent se présenter, c'est, bien sûr, le choix des membres de se distinguer, de faire partie, de fonder et de chercher à faire accréditer une association distincte possiblement en recouvrant plusieurs catégories professionnelles, mais surtout le fait que cette accréditation ne devrait être accordée que dans les cas où cela devient une nécessité dans le cadre d'un lieu de travail, dans le cadre d'une relation très directe entre un employeur et ses salariés professionnels.

C'est dire qu'il faut que cela obéisse à une préoccupation de l'établissement des salariés professionnels au sein d'un établissement et non pas à une préoccupation à caractère provincial qui cherche à doubler, en quelque sorte, les structures professionnelles sur le plan syndical.

Cela va m'amener, M. le Président, mais je n'aurai certainement pas le temps de le faire ce soir, à un amendement qui cherche justement à renverser le fardeau de la preuve, en quelque sorte, ce n'est pas cela, ce n'est pas un fardeau de preuve, mais à renverser le jeu des présomptions de manière que, normalement, les salariés professionnels fassent partie des mêmes syndicats, sauf si, encore une fois, ils choisissent de façon majoritaire de ne pas en faire partie et cherchent une accréditation sur un plan d'établissement plutôt que sur un plan provincial.

C'est dans ce contexte que, je crois, le critère de la reconnaissance syndicale par établissement pourrait trouver une application concrète, pas la seule application, mais une application concrète extrêmement bénéfique.

Je peux imaginer un tas de situations où les professionnels, effectivement, au sein d'un même établissement, pourront avoir des raisons, conditions de travail, responsabilités, etc., heures de travail extrêmement différentes, étant donné justement l'étendue de leurs responsabilités et le caractère de leurs responsabilités, et voudront avoir une convention collective distincte, etc.

Tant que cela demeure à l'intérieur d'un établissement, un hôpital, une université, un CEGEP, cela s'explique très bien. Mais quand, encore une fois, cela devient une accréditation pour une unité qui fonctionne à l'échelle de la province, pour les médecins, les infirmières, les physiothérapeutes, à ce moment-là, on ne fait par le Code du travail que doubler ce qui a déjà été établi pour des motifs très valables au niveau de la corporation professionnelle.

C'est à ce moment qu'on affaiblit la corporation professionnelle et qu'on affaiblit la défense des intérêts du public. Une corporation professionnelle, si elle est doublée par un organisme syndical, peut très mal assurer, justement parce qu'elle apparaît comme une prolongation de l'administration publique beaucoup plus qu'une prolongation dans le sens de responsabilité collective de ses membres envers la société. C'est très humain, c'est presque inévitable et c'est observé malheureusement un trop grand nombre de fois.

C'est dans ce sens, M. le Président, que j'aurai deux amendements à présenter, lors de la reprise de nos travaux.

M. Johnson: Pourrait-on avoir le texte immédiatement?

M. Forget: Oui, vous pouvez avoir le texte du deuxième; pour ce qui est du premier, il va falloir le reprendre parce qu'il est informe.

Le Président (M. Clair): Messieurs, il est 22 heures, la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 21 h 59)

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