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Etude du projet de loi no 45
Loi modifiant le Code du travail
et la Loi du ministère du Travail
et de la Main-d'Oeuvre
(Dix heures seize minutes)
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!
La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de
l'immigration est réunie pour procéder à l'étude
article par article du projet de loi no 45.
Les membres de la commission sont M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond), M. Ciaccia (Mont-Royal)...
M. Forget: Remplacé par M. Pagé...
Le Président (M. Clair): ... remplacé par M.
Pagé (Portneuf).
M. Forget: Non, M. Pagé est membre de la commission.
M. Pagé: M. Pagé est membre de la commission.
Le Président (M. Clair): Ah bon, excusez!
M. Pagé: M. Ciaccia est remplacé par M. Blank.
Le Président (M. Clair): ... remplacé par M. Blank
(Saint-Louis); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Couture (Saint-Henri), M.
de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin
(Sherbrooke), M. Johnson (Anjou), M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste
(Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mackasey
(Notre-Dame-de-Grâce), M. Marois (Laporte)...
M. Chevrette: Remplacé par M. Mercier.
Le Président (M. Clair): ... remplacé par M.
Mercier (Berthier); M. Pagé (Portneuf) et M. Roy (Beauce-Sud).
Au moment où nous avons ajourné nos travaux hier, nous
avions commencé l'étude de l'article 7. Je pense que le ministre
en avait demandé la suspension.
Réintégration de l'emploi et
indemnité (suite)
M. Johnson: Maintenant nous serions prêts à
procéder, M. le Président, à l'article 7, en tenant
compte, au départ, que je fais miennes les modifications suivantes. Il y
aura celle que j'ai proposée, c'est-à-dire de remplacer la notion
de "délai de quatorze jours" par "délai de quinze jours"; c'est
une erreur d'écriture, en fait, qu'on retrouve à l'article 18a,
premier paragraphe, deuxième alinéa. Deuxièmement, nous
allons faire nôtre, effectivement, la proposition du député
de Sainte-Marie, touchant le cinquième paragraphe de l'article 18a, qui
se lit comme suit: "Ce dépôt doit être opéré
dans les six mois à compter de la décision du commissaire du
travail ou, s'il y a lieu, à l'appel de la décision du tribunal"
de reporter ce paragraphe après le paragraphe 2 de l'article 18a qui se
lit comme suit: "Le dépôt de la décision lui
confère...", etc.; à ce moment-là, on introduit, sous ce
paragraphe, le paragraphe dont je viens de parler.
Quant à la troisième suggestion du député de
Sainte-Marie, M. le Président, j'ai revu hier, avec les légistes,
la question soulevée par le député de Sainte-Marie. Le
vocabulaire que nous utilisons, où nous employons l'expression "derechef
cette pénalité", est vraiment le vocabulaire employé
à l'article 750 du Code de procédure civile et, en pratique, cela
signifie que le contrevenant pourrait, par exemple, se voir imposer une peine
d'emprisonnement et/ou une amende qui est celle qui est prévue dans le
cas d'outrage au tribunal et que cette amende et dette peine d'emprisonnement
peuvent être répétées tant et aussi longtemps que le
sujet ne s'est pas plié à l'ordonnance en question.
Le cas que le député de Sainte-Marie soulevait, c'est le
cas de celui qui serait condamné à deux mois d'emprisonnement et
$5000. Le texte est, à mon avis, l'application du droit commun, ce qui
fait que, si l'individu était condamné à $5000, il verse
les $5000; il n'est pas question qu'on les lui restitue, cela devient un bien
d'Etat. Deuxièmement, s'il est condamné à l'emprisonnement
et s'il décide, en cours d'emprisonnement, d'obtempérer à
l'ordre de réintégration, la peine d'emprisonnement ne prend pas
fin pour autant, il pourra probablement demander un pardon, etc. Je me permets,
d'autre part, d'être à peu près convaincu que nous n'aurons
jamais à utiliser cet article dans la pratique.
M. Forget: "Jusqu'à" s'applique à la condamnation,
pas à la sentence?
M. Johnson: C'est cela. M. Forget: M. le
Président.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je voudrais, avant qu'on laisse définitivement
l'article 7, et sans prendre le temps de la commission, souligner qu'il y a une
curieuse rédaction, non pas dans les amendements qui viennent de nous
être soumis, mais dans l'article lui-même du Code du travail,
l'article 18. On dit, dans son premier paragraphe: "Au cas de contestation,
c'est le commissaire du travail qui fixe le quantum de l'indemnité",
c'est d'ailleurs ce qu'on répète: "sur requête de l'em-
ployeur ou du salarié, le commissaire du travail peut fixer, de
temps à autre, le quantum d'une indemnité". C'est une
rédaction très générale qui ne dit pas ce qu'elle
veut vraiment dire, dans un sens, parce que, comme on l'a bien illustré
ou surtout comme mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce l'a bien
illustré, c'est l'article 14 qui fixe le quantum de l'indemnité,
parce que les règles de détermination du quantum sont contenues
à l'article 14. Dans le fond, l'article 18 est beaucoup moins ambitieux
quant aux pouvoirs du commissaire du travail que c'en a l'air; tout ce que
l'article devrait dire, dans le fond, c'est que le commissaire du travail fixe
l'indemnité conformément à l'article 14 parce que,
à l'article 14, on lui donne toutes les règles qu'il doit
utiliser comme l'a d'ailleurs dit le ministre hier pour
déterminer le quantum. Il n'a pas véritablement de pouvoirs
discrétionnaires dans la détermination du quantum, il ne fait
qu'appliquer mécaniquement les règles que lui fournit l'article
14. Tout ce qu'il a à déterminer, c'est qu'il y a eu un
congédiement et que l'employeur n'a pas pu expliquer que c'était
dû à des causes autres que l'activité syndicale.
Ce n'est pas discrétionnaire et cela pourrait être
rédigé différemment, mais j'attire l'attention
là-dessus, parce que je pense que le ministre a été
très clair, il n'est pas dans son intention de lui donner quelque
pouvoir discrétionnaire que ce soit dans le contexte du
congédiement pour activité syndicale.
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, pour
compléter ce que dit le député de Saint-Laurent,
effectivement, ce n'est pas discrétionnaire. Cependant, je rappellerais
que l'article 14 prévoit l'ordonnance et l'ordonnance est un peu comme
ceci: vous reprenez l'employé avec le montant que vous lui devez. On ne
parle pas de chiffres. Les parties peuvent s'asseoir et ne pas s'entendre sur
le montant qui est dû puisque s'il y avait eu, à cette
époque-là, du surtemps auquel il aurait eu droit, s'il avait
été là, etc., c'est sur ce quantum justement qu'on essaie
de donner un pouvoir au commissaire-enquêteur en vertu des modifications
qu'on apporte à l'article 18. Si les parties ne s'entendent pas sur le
montant réel qui est dû, le commissaire-enquêteur pourra,
sur simple requête de l'employeur ou du salarié, décider,
au temps où il le jugera opportun, au temps où les parties le
jugent opportun et le veulent, décider quel est ce quantum à
partir de ce qui a mis la contestation entre les parties.
M. Forget: Le ministre vient de dire que les parties peuvent
s'entendre ou le commissaire peut décider que du temps
supplémentaire qui aurait pu être fait pendant la période
où le congédiement s'est appliqué pourrait faire l'objet
d'une indemnité. Est-ce que, à titre d'information,
effectivement, ce genre d'indemnité basée sur du temps
supplémentaire non obligatoire fait l'objet d'indemnisation pour les
salariés?
M. Chevrette: Je peux vous dire que, dans les sentences, le juge,
par exemple, dit: J'ordonne la réintégration, j'ordonne à
l'employeur de payer la différence du salaire par rapport aux gains
faits durant la période et je me réserve le droit d'intervenir
quant au quantum s'il n'y a pas eu entente dans les 30 jours parce qu'il y a
une déclaration faite par le salarié sur les salaires
effectivement gagnés. C'est là-dessus qu'on arrive avec une
intervention du commissaire-enquêteur si, au bout de 30 jours,
l'employeur dit: Tu déclares cela, mais nous savons que tu as fait du
travail dans un bar que tu ne déclares pas. C'est là-dessus que
le commissaire se garde une prérogative à l'intérieur des
30 jours, pour le fixer.
M. Forget: C'est le temps supplémentaire qu'a fait le
salarié dans un autre emploi qu'il aurait occupé pendant son
congédiement, mais ce n'est pas du temps supplémentaire qu'il
aurait pu faire s'il n'avait pas été congédié.
M. Johnson: Oui. D'accord.
M. Forget: Ah bon! D'accord! C'est quand même un peu odieux
je ne veux pas revenir là-dessus que quelqu'un qui a
travaillé plus d'heures que s'il n'avait pas perdu son emploi, se voie
devant la situation où il perd son indemnité, parce qu'il a
travaillé plus longtemps dans l'emploi qu'il a eu, à cause de son
congédiement illégal. On ne reviendra pas là-dessus,
mais...
Le Président (M. Clair): L'article 7 est-il
adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Clair): L'article 7 est adopté
avec les deux modifications suivantes. A l'article 18a, on remplace, à
la deuxième ligne, le numéro "14" par "15"; le paragraphe 4
devient le paragraphe 3; le paragraphe 3 devient le paragraphe 4.
M. Johnson: C'est le paragraphe 5 qui devient le paragraphe 3, je
pense.
Le Président (M. Clair): II n'y a pas cinq
paragraphes.
M. Johnson: Je m'excuse, c'est parce que je n'ai pas la
même pagination.
Le Président (M. Clair): II y a bien quatre paragraphes
à l'article 18a?
M. Chevrette: ... est inclus après... Donc, c'est le
paragraphe 5 qui devient le paragraphe 3...
M. de Bellefeuille: C'est le paragraphe 4. M. Chevrette:
Ah! C'est parce qu'il continue.
M. Johnson: Le paragraphe 3 devient le paragraphe 4.
Le Président (M. Clair): Adopté. M. Forget:
On ne peut rien vous cacher.
Section II
Statuts et règlements des associations de
salariés
Le Président (M. Clair): Article 8.
M. Bellemare: M. le Président, c'est pour moi, pour tous
ceux qui ont un peu le sens... c'est une directive que je demande.
M. Bisaillon: Est-ce que vous pouvez parler dans votre micro,
parce que je ne vous entends pas? Je voudrais bien vous entendre.
Le Président (M. Clair): MM. les députés, je
reçois une demande de la part des spectateurs du personnel du journal
des Débats et des membres de la presse. A cause du bruit à
l'extérieur, on entend mal. Vous voudrez bien parler directement dans le
micro.
M. Bellemare: Je pense que l'article 8 est un des articles les
plus importants de la loi 45. C'est pourquoi je vous demande une directive. N'y
aurait-il pas lieu de faire un mini-débat sur l'article en
général, pour ne pas mêler les paragraphes a, b, c, d, qui
se prêtent à d'autres discussions?
M. le Président, avec le consentement unanime, j'en ai
parlé au député de Saint-Laurent, je pense qu'il y aurait
moyen que chacun puisse donner, sur cet article capital, son point de vue et,
ensuite, nous procéderons au reste de l'étude. Parce qu'il peut y
avoir un enchevêtrement dans la discussion sur chacun des articles et je
pense qu'on a un peu de bagage sur...
M. Johnson: M. le Président; je n'aurais personnellement
aucune objection à ce qu'on fasse un premier tour de table pour que
chacun des partis puisse s'exprimer, de façon générale,
sur la notion d'inclusion du vote secret, quitte à ce qu'ensuite nous
parlions... J'avoue que cela ressemble un peu à un débat de
deuxième lecture. Je veux bien l'accepter, à condition,
cependant, si le député de Johnson était d'accord, qu'on
limite le temps d'intervention de chacun des partis à dix minutes, par
exemple, quitte à ce qu'ensuite on revienne aux rèqles normales
de procédure pour la discussion, sous-article par sous-article, avec les
amendements.
M. Bellemare: Si c'était onze minutes, on n'aurait
peut-être pas d'objection. Le temps ne sera pas long. Je ne pense pas
qu'il y ait énormément de dépassements de la normale.
M.Johnson: Est-ce qu'on pourrait s'entendre pour dix minutes?
M. Bellemare: Mais il y aurait peut-être lieu, à
cause de l'importance qu'il y a, de ne pas imposer de limite. Je pense que cela
va bien et, dans l'ensemble, il n'y a aucune précipitation. Mais il
faudrait qu'il n'y ait aucune restriction.
M. Johnson: M. le Président, le député de
Johnson conviendra que, jusqu'à maintenant, la partie gouvernementale a
été très large et n'est pas intervenue pour interrompre
l'Opposition qui veut s'exprimer sur ces questions.
M. Bellemare: II n'y a pas eu lieu...
M. Johnson: Cependant, étant donné qu'il y a eu une
deuxième lecture, que les considérations dont veut nous faire
part le député de Johnson en particulier, touchent, à mon
avis, fondamentalement, les questions de principe afférentes au bill, je
veux bien, pour éclairer le reste du débat et les propositions
d'amendement qu'il a, que nous puissions procéder à un tour de
table de chacun des partis, de façon générale, sur la
notion de vote secret.
Cependant, j'aimerais quand même qu'il accepte que nous limitions
cette intervention à dix minutes par parti, pour ne pas faire ici ce qui
est un débat de deuxième lecture.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je suis d'accord avec le député de
Johnson, et, dans le fond, aussi avec le ministre, sur l'opportunité
d'un débat général. Il y a, malgré tout, un fait
que le ministre ne niera certainement pas, c'est que, depuis la deuxième
lecture, il s'est produit un changement de venue dans la conception même
de l'article 8 ou des amendements qui se regroupent sous l'article 8. Sans
vouloir être pointilleux sur le règlement, je pense que cela
oblige toutes les formations politiques à redéfinir leurs
positions sur l'article 8.
Je ne voudrais pas non plus qu'on passe des heures là-dessus,
mais il me semble qu'il y a eu passablement de collaboration de la part des
partis de l'Opposition et que, si le député de Johnson veut
prendre quinze minutes ou même vingt minutes, quant à moi, je n'ai
pas d'objection, pourvu qu'on ne dépasse pas cela cependant. La
règle ordinaire, quand on se met à limiter les débats ou
à chronométrer les interventions, c'est ordinairement vingt
minutes en commission parlementaire. Le sujet en vaut certainement la
peine.
Je suis persuadé que la plupart d'entre nous ne se rendront pas
à vingt minutes.
M. Johnson: M. le Président, à ce moment-là,
je veux bien accepter la proposition du député de Johnson,
renforcée par l'opinion du député de Saint-Laurent.
Cependant, je voudrais que le député de Johnson soit... Je
ne sais pas s'il m'écoute. Cependant, je n'aurais pas d'objection
effective-
ment à ce qu'on puisse déborder, mais comme c'est un peu
exceptionnel qu'on fasse un débat de principe, je suis sûr qu'on
peut compter sur la collaboration du député de Johnson pour que
cela ne devienne pas...
M. Bellemare: II n'y a pas l'ombre d'un doute que cela ne durera
peut-être pas cela, mais je ne voudrais pas accepter une limitation qui
soit une restriction, c'est simplement cela. Je voudrais commencer par entendre
le ministre et qu'on fasse un tour de table et le député...
Le Président (M. Clair): Messieurs, accepteriez-vous mon
interprétation du règlement et en même temps une suggestion
de l'entente? En vertu du règlement, tant pour l'étude d'un
article que d'un point, chacun des députés a droit à vingt
minutes.
M. Bellemare: Cela peut prendre la matinée et même
l'après-midi.
Le Président (M. Clair): Exactement. Un instant, M. le
député de Johnson! Pour le débat du principe de l'article
8, j'accorderais vingt minutes à chacun des intervenants, tel que le
règlement le prévoit.
J'ai compris également que le ministre proposait qu'on
étudie ensuite, sous-article par sous-article. A ce moment-là, on
reprendra pour chacun des sous-articles les règles qui ont
habituellement cours en commission parlementaire.
M. Bellemare: C'est d'accord.
Le Président (M. Clair): Je pense que cela peut faire
l'affaire de tout le monde.
M. Bellemare: C'est d'accord.
Le Président (M. Clair): S'il n'y a pas d'objection,
j'accorderai vingt minutes à chacun des intervenants pour exposer son
point de vue. Je ne permettrai, autant que possible, pas de débat sur
l'énoncé des points de vue des membres de la commission. Une fois
que cela sera terminé, on commencera l'étude, sous-article par
sous-article, même si ce n'est pas très conforme au
règlement, puisqu'on est supposé adopter les articles, article
par article, mais on s'entendra pour le faire, sous-article par
sous-article.
M. Bellemare: II y a du travail pour l'après-midi et la
journée de demain.
Le Président (M. Clair): Je comprends, M. le
député de Johnson. Nous commençons immédiatement.
Je donne la parole au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. M. le
ministre.
Exposés généraux M. Pierre-Marc Johnson M.
Johnson: M. le Président, je ne reviendrai pas sur ce qui a fait
l'objet du débat de deuxième lecture quant à la notion
même d'imposer l'obligation du vote secret. Je pense que beaucoup de
choses ont été dites à ce sujet, que la position du
gouvernement est connue; elle s'inspire je peux la résumer
brièvement du fait que, d'une part, au niveau de la
réalité, on sait que l'immense majorité des syndicats
prévoit le vote secret, l'immense majorité des syndicats
également applique le vote secret dans des choses comme le vote de
grève, l'élection des officiers et l'acceptation d'une convention
collective, première chose. Deuxième chose, on sait, cependant,
qu'il y a certains endroits où, à certaines occasions, cela ne se
fait pas, pour des raisons diverses, dans certains cas, peut-être, parce
que certains syndicats n'ont pas une tradition démocratique qui est
vraiment à la base de leurs préoccupations, un respect
fondamental de la démocratie, mais, encore une fois, je pense qu'il
s'agit de cas exceptionnels.
D'autre part, c'est inspiré d'une conception qui considère
que la légitimité d'une décision aussi importante que
celle d'accepter de ne pas avoir ses revenus, par exemple, le vote de
grève, cette légitimité doit s'asseoir sur le libre
exercice d'un vote secret, c'est-à-dire que le salarié
impliqué par une telle décision a vraiment à choisir en
son âme et conscience, a à faire un choix en son âme et
conscience. Je pense que cela découle un peu de cette conception que je
juge de nature presque aussi publique des activités syndicales dans
notre société. Le Code du travail est là, non seulement
pour faciliter les relations entre employeur et employés, mais
également, pour une large part, dans le Code du travail tel qu'il existe
en ce moment, tel que modifié par le député de Johnson,
alors qu'il était ministre du Travail, et tel que nous le modifions en
ce moment par le projet de loi 45, le Code du travail est également
là pour être un instrument pour les salariés pour qu'ils
s'organisent afin de négocier collectivement des conditions de travail
qui les touchent.
C'est un principe vieux comme le code. A cause de la nature, finalement,
de ses pouvoirs considérables que l'Etat confie à l'association
accréditée, à cause de la nature hautement technique des
conventions collectives qu'on rencontre de plus en plus, je pense que les
syndicats ont un rôle d'une nature quasi publique. En ce sens, il est
donc normal qu'ils soient astreints à un minimum de conditions
d'exercice dans les décisions qui peuvent affecter la vie de ceux qu'ils
représentent, c'est-à-dire les travailleurs, les salariés;
également, l'appréciation qu'un salarié a le droit de
faire des conséquences du geste qu'il pose non seulement sur
lui-même, mais sur l'entreprise qu'il privera maintenant, à cause
de l'application de l'article 97a des moyens classiques auxquels, en principe,
même si, en pratique, ils étaient peu utilisés, l'employeur
pouvait avoir recours pour fonctionner. Cela m'apparaît fondamental.
Quant à certains autres aspects, j'aurai l'occasion d'y revenir
dans l'étude sous-article par sous-article et, dans l'étude, j'en
suis sûr, des nombreux amendements que nous présentera le
député de Johnson, entre autres, on retrouve certains
autres principes, le fait que ceux qui ont accès à ce vote, ce
sont les membres de l'association accréditée et non pas tous les
membres de l'unité. Cela m'apparaît un principe fondamental.
Le Code du travail reconnaît à des associations
accréditées des droits, il leur impose des obligations et,
à mon avis, ce sont les membres de cette association
accréditée, malgré le précompte syndical, qui
doivent prendre des décisions en ce sens. On n'oblige personne à
faire partie de l'association accréditée, bien que, par le
précompte syndical, on oblige tout le monde à contribuer à
cette association. Mais, fondamentalement, c'est le geste que le gouvernement
pose. On le qualifiera, peut-être, au niveau du Conseil du patronat,
comme je l'ai entendu, d'un renforcement de l'establishment syndical. Je ne
l'accepte pas. Je considère que c'est la reconnaissance, non pas d'une
sorte d'establishment syndical éthéré ou très
réel dans certains cas, mais c'est la reconnaissance que le
syndicalisme, comme forme d'organisation dans notre société, est
une voie qui doit être efficace pour ceux qui l'utilisent et qui peut
être efficace. Quand je dis: Ceux qui l'utilisent, je parle des
salariés. A cet égard, il est normal que celui qui pose le geste
d'adhérer à une association, puisse avoir, dans des
décisions aussi importantes que celle d'un vote de grève, un
droit que les autres n'ont pas, puisqu'ils ont choisi de ne pas participer
à cette association. Cela m'apparaît fondamental dans
l'économie du Code du travail tel qu'il existe depuis 1964.
Un autre aspect qu'on retrouve dans cet article est la notion
nouvellement introduite, depuis le dépôt des amendements, du
préavis de 48 heures. A ce sujet, encore une fois, M. le
Président, je répète qu'en pratique, le problème
souvent ne se pose pas.
Cependant, là où le problème peut se poser,
l'article, même s'il risque dans certains cas particuliers, d'ennuyer le
syndicat qui se verrait obligé, d'attendre pendant 48 heures avant de
procéder au scrutin secret pour le déclenchement de la
grève, c'est clair que, dans certains cas, ça causera des ennuis,
mais je pense que si l'on fait la somme des avantages et des
inconvénients, c'est finalement une première amorce de ce que
j'appellerais les conditions d'accessibilité au vote pour ceux qui sont
touchés par ce vote. Le gouvernement a choisi de ne pas entrer dans le
détail de ce que pourraient être les différentes conditions
d'accessibilité au vote, d'abord parce qu'il présume que, dans
l'immense majorité des cas, il n'a pas à légiférer,
puisque c'est respecté, et, deuxièmement, parce que canter dans
la loi des règles précises risquerait de nous amener à des
situations un peu aberrantes comme, par exemple, ces votes qu'on sait
être pris par correspondance, dans certains syndicats. Si on se mettait
à réglementer à l'article 19a l'ensemble du
mécanisme du vote secret, on pourrait arriver à des aberrations
qui font que certains syndicats qui ont des ramifications considérables
à travers le Québec seraient, à toutes fins pratiques,
dans l'impossibilité de respecter ces dispositions. Je pense que le
texte est à la foi souple et indicatif, il est cependant clair, il a, je
pense, sa valeur considérable de message au niveau des institutions
syndicales et ii sera peut-être la base, comme beaucoup d'autres articles
du Code du travail, de la définition éventuelle de ce qui est la
bonne ou la mauvaise foi. Je pense que, dans l'avenir, il faudra commencer
à essayer de qualifier concrètement ce que constitue la bonne ou
la mauvaise foi de la part de l'employeur comme de la part de l'association
accréditée. Or, des balises comme celles que nous introduisons
à 19a deviendront peut-être un jour des critères objectifs,
ou les plus objectifs possible ou vaguement quantifia-bles, de ce que peut
représenter la bonne ou la mauvaise foi.
On retrouve également dans cet article à cause des
amendements que nous avons déposés hier une nouvelle
notion qui est celle de la distinction entre l'élection des officiers
et, d'autre part, les votes de grève ou les votes sur convention
collective. On sait que certaines associations accréditées
procèdent, pour l'élection de leurs officiers, à un vote
par palier, par délégation. C'est le cas de certaines centrales
syndicales on le sait où il n'y a pas au suffrage
universel élection d'officiers, mais bel et bien élection par
délégation à un pouvoir local ou régional. En ce
sens, le gouvernement juge, parce qu'il ne veut pas intervenir dans le
mécanisme très concret et dans les structures proprement dites
des syndicats il peut intervenir au niveau d'un geste, c'est vrai, nous
le reconnaissons de laisser les syndicats déterminer quelles sont
ces fonctions qui doivent être électives. Il leur laisse aussi le
pouvoir de déterminer comment ce scrutin secret doit avoir lieu et qui a
accès au vote. Il prévoit cependant que les syndicats et,
à ma connaissance, il n'en existe pas, il en existe sans doute, mais,
à ma connaissance, pour le moment, il n'en existe pas, sûrement en
totalité, sinon en immense majorité, prévoient dans leurs
statuts un mécanisme de vote secret pour l'élection des
officiers. Mais s'il advenait que nous trouvions un syndicat dont les
règlements ou les status ne prévoient pas de vote secret, il
faudrait à ce moment que le syndicat procède à un vote au
scrutin universel de ses membres pour l'élection de ses officiers.
Encore une fois, il s'agit, je pense, d'un article qui a, dans la
pratique, une valeur beaucoup plus indicative.
Une dernière chose, à mon avis, fondamentale que nous
retrouvons dans cet article, soit la notion de non-ingérence de
l'employeur et de respect, finalement, de la vie démocratique des
syndicats par l'effort de ne pas les enquiquiner avec ce qui pourrait devenir
une série de recours judiciaires. On se rappellera que, dans le projet
de loi 45, il y avait un mécanisme fort complexe qui était
prévu: l'obligation d'inclusion dans les
statuts. Dans une deuxième étape on prévoyait la
nécessité pour le syndicat de respecter ses propres statuts. On
créait, en vertu du dernier alinéa de l'article 19a du projet de
loi 45, un recours de droit commun pour imposer aux syndicats le respect de
leurs propres statuts.
Nous avons supprimé cela en introduisant une notion de sanction
pénale, celle prévue au chapitre 8 du code, et non pas les
sanctions qu'on peut retrouver au niveau de l'utilisation, par exemple, de
l'injonction par la Cour supérieure.
Ceci dit, nous n'avons évidemment, par définition, puisque
nous sommes un gouvernement provincial dans le contexte de !a constitution et
des articles 91 et 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, nous
n'avons évidemment aucune garantie que la Cour supérieure ne
trouverait pas, un jour, justification à une intervention. Il ne nous
appartient pas de légiférer sur les pouvoirs de la Cour
supérieure. Cependant, nous pensons avoir pris toutes les
précautions possibles, compte tenu de l'état du droit
administratif actuel au Canada dans cette matière, pour que vraiment le
seul recours auquel puisse donner lieu une dérogation aux obligations
qu'on retrouve aux articles 19a et suivants soit le recours en vertu du
chapitre 8 du code, c'est-à-dire les sanctions pénales contre
l'association accréditée.
Je pense, M. le Président, qu'il s'agit là des grands
principes qu'on retrouve dans cet article et je suis prêt,
évidemment, à entendre les commentaires de l'Opposition.
Peut-être qu'en terminant je pourrais vous aviser d'une erreur
d'écriture, encore une fois. L'article 19b, deuxième
alinéa, commence par: Si l'association est autorisée à
déclarer la grève, elle doit en aviser le ministre... C'est: Elle
doit en aviser "par écrit" le ministre, évidemment.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Claude Forget
M. Forget: M. le Président, c'est avec beaucoup
d'intérêt que j'ai écouté l'exposé du
ministre, intérêt d'ailleurs proportionnel à celui avec
lequel j'ai pris connaissance des amendements qu'il a déposés
avant-hier relativement à l'article 8. Ces amendements étaient
attendus puisque, de l'avis presque unanime de tous ceux qui ont bien voulu
discuter en détail de l'article 8 du projet de loi 45, la
procédure, le mécanisme utilisé pour assurer l'exercice de
la démocratie à l'intérieur des syndicats, telle qu'elle
était envisagée dans le projet de loi 45, était totalement
inefficace. Cela supposait qu'on ait d'abord la démocratie pour qu'on
puisse en revendiquer les manquements. Si, par hypothèse, on se trouvait
dans un syndicat où n'existait pas la démocratie au
départ, il était à peu près inévitable qu'on
ne puisse y apporter de correctifs par le moyen envisagé dans le projet
de loi 45.
Mais ce n'est pas sur des questions d'efficacité plus ou moins
grande des mesures envisagées que je veux faire porter mes remarques,
à ce moment-ci du moins. Il n'est pas prouvé d'ailleurs que
l'efficacité des mesures introduites par le ministre soit plus grande,
à supposer qu'on puisse définir ce qu'est l'efficacité
dans ce cas-là, mais ce n'est pas du tout prouvé que cette
nouvelle formulation soit meilleure, d'une certaine façon, que celle qui
l'a précédée.
Je crois qu'il y a un point plus fondamental sur lequel il faut faire
porter nos débats, dans un premier temps; c'est la question du principe
qui est sous-jacent à cette intervention gouvernementale. Il me semble
qu'il y a, sur le plan des principes, énormément de
réticence, il devrait y avoir énormément de
réticence de la part de tous et chacun d'entre nous à ce que,
dans le cas d'un organisme essentiellement privé et volontaire, d'autant
plus volontaire et privé qu'on le fait reporter sur la liberté
d'association, l'exercice par les syndiqués de leur liberté
d'association, comme je l'indiquais hier, liberté également
à la dissidence vis-à-vis d'une association qui prétend
les représenter...
Donc, si les associations de salariés sont l'expression de la
liberté des travailleurs, une expression volontaire, privée, non
étatique, il me semble extrêmement douteux que l'on s'embarque
dans un effort pour venir dire à un organisme, qui correspond à
cette description, comment aménager, organiser ses affaires internes,
comment procéder au choix de ses dirigeants, à quelle
procédure se soumettre pour décider de ses orientations, etc.
Nous tous qui sommes dans une activité, non pas syndicale, mais
politique, interrogeons-nous pour savoir si nous accepterions qu'une loi,
même avec les meilleures intentions du monde, vienne dire à chacun
des partis politiques selon quelle procédure interne le parti auquel
chacun d'entre nous appartient doit procéder à telle ou telle
élection à ses postes de direction, dans quelle circonstance
ça doit se faire, avec quelle fréquence, etc.
Je crois que, très rapidement, on en viendrait à convenir
que ce genre d'intervention, même dans un parti politique qui est presque
le prolongement des institutions publiques et gouvernementales, ça
pourrait se faire, à la limite, de façon très minime, mais
vraiment pas dans le fond, puisque les limites seraient tellement
étroites qu'il ne resterait que bien peu de choses à
réglementer.
Ce que nous disons vis-à-vis des partis politiques, c'est que
chacun doit se justifier vis-à-vis du public en général,
vis-à-vis de l'électorat et c'est l'électorat, le peuple
qui, en dernier ressort, juge si un parti politique est suffisamment
démocratique, suffisamment soucieux de tout faire au grand jour, etc.,
pour mériter sa confiance.
De la même façon, le raisonnement vaut pour une association
volontaire de salariés qui se regroupent pour défendre leurs
intérêts. Je pense que c'est sur ce principe qu'il est essen-
tiel de se placer pour juger de l'opportunité de l'article 8. Je
serai appelé à développer ce point de vue davantage, mais
je pense qu'il suffit de l'affirmer comme je l'ai fait pour montrer quelle est
notre attitude, au départ, vis-à-vis de ce projet de
réglementation. A cet argument, d'autres vont en ajouter de
caractère plus pratique en disant: Ce n'est pas nécessaire parce
que ça existe dans tous les cas. C'est un argument qui est valable dans
l'immense majorité des cas, mais c'est un argument de convenance,
d'opportunité qui n'a pas le même caractère qu'une
objection de principe.
Il y a cependant un point de vue, une objection qu'on peut faire
à cette vision peut-être un peu éthérée de la
réalité et c'est une objection qui est basée sur le
rôle du syndicat dans la société, qui rejoint non seulement
ses propres membres, mais qui, par son action, sa présence au sein de
l'entreprise, sa possibilité, par exemple, de déclencher une
grève, a des effets sur des gens qui ne sont pas membres et, comme tout
organisme qui a un effet qui dépasse ses membres, qui n'est pas
simplement analogue, dans le fond, à un club de tennis ou à
quelque chose du genre.
Il y a une action syndicale qui peut, à l'occasion, toucher les
tiers, peut causer de graves préjudices non seulement à
l'employeur, mais aussi au grand public, par l'interruption de services
essentiels, etc., et qui peut aussi viser des salariés qui ne sont pas
membres du syndicat.
Donc, il y a un effet possible sur les tiers et c'est dans la mesure
où un syndicat affecte les tiers que l'Etat peut valablement se poser
des questions, à savoir par exemple, si cet organisme qui prétend
agir au nom d'une majorité de salariés agit effectivement au nom
d'une majorité de salariés et, si oui, il y a quand même un
début d'indication que cette action, même si elle cause des
préjudices, pourvu qu'elle se fasse à l'intérieur des
lois, est légitime.
Il s'agit donc pour l'Etat d'une action qui finit par atteindre des
tiers et de vérifier la légitimité de l'action syndicale.
A mon avis, c'est tout à fait différent, comme principe
d'intervention, d'un intéressement, d'une intervention gouvernementale
étatique, pour, à tout moment, vérifier si les
procédures internes ont été correctement définies
et correctement observées. Effectivement, il y a un monde de
différence entre les deux.
Je crois que ce serait important que ce soit inscrit dans le cadre du
journal des Débats, parce qu'il s'agit d'un point de vue qui
n'émane pas du patronat, qui n'émane pas d'organisations
syndicales non plus, mais qui expose très clairement ce point de vue que
je viens de citer, et j'aimerais citer un article de M. Gérard Dion, un
spécialiste des relations de travail, dont tout le monde reconnaît
la valeur, article publié le 5 novembre dernier, dans le Devoir, qui
soulignait de la façon que je viens de la décrire l'attitude
possiblement défendable de l'Etat relativement à cette question
de vote de grève, etc.
Il disait donc: "Pour notre part, même si nous ne croyons pas
à la vertu magique de l'insertion dans la législation de
l'obligation de tenir un vote au scrutin secret, étant donné les
pratiques actuelles dans les relations du travail au Québec, nous sommes
bien obligés de nous résoudre à favoriser cette
mesure."
On voit donc, M. le Président, que, dans toute cette affaire, il
ne s'agit pas d'agir de façon doctrinaire, il ne s'agit pas de vouloir
imposer au syndicat sa conception personnelle, de la façon dont les
choses devraient aller, mais de s'y résoudre parce qu'il y a des
conséquences possibles à une absence de légitimité,
dans certains cas exceptionnelle, de l'action syndicale.
Le professeur Dion reprend: "Puisque tous les travailleurs compris dans
l'unité de négociation sont directement affectés par la
grève et qu'ils auront à vivre la convention qui sera
signée, c'est leur droit strict de pouvoir dire leur mot dans ces
affaires qui les concernent intimement et donc de participer à ces
votes. Il s'agit d'une question de justice élémentaire qui doit
être inscrite dans la loi. "De plus, le scrutin secret ne doit pas
être tenu au cours d'une assemblée et, encore moins, les
décisions prises par un vote majoritaire des membres qui y participent,
ainsi que le prévoyait alors le bill 45. D'abord, si tous les
salariés de l'unité de négociation y participent, il ne
peut s'agir d'une assemblée syndicale. Ensuite, on sait comment il est
facile de manipuler une assemblée et on connaît la technique
classique toujours efficace qui consiste à en prolonger la durée,
en écoeurant les participants et à prendre le vote lorsqu'il ne
reste plus qu'un petit groupe d'activistes. "C'est pourquoi le scrutin doit
être tenu en dehors d'une assemblée et sous la surveillance d'un
représentant du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre,
etc."
La position que défend le professeur Dion dans tout ceci, c'est
effectivement dans des circonstances exceptionnelles et dans des cas
spéciaux où on peut douter de la légitimité d'une
décision syndicale qui affecte les tiers, de faire un
référendum, en quelque sorte, auprès de tous les
travailleurs impliqués, non seulement les membres de l'association de
salariés, de manière à vérifier cette
légitimité, mais non pas d'intervenir de façon
systématique dans les affaires internes du syndicat.
J'aimerais, en terminant, sur ce point général, M. le
Président, opposer ce point de vue aux prétentions ou aux
demandes qu'ont présentées le patronat et les syndicats.
Voici un point sur lequel le ministre a également insisté.
La position patronale donne parfois l'impression, sur cette question des votes
de grève, de chercher à semer des difficultés
procédurières ou des embûches sur la voie d'une action
syndicale normale, c'est-à-dire en spécifiant suffisamment de
modalités techniques dans une loi pour qu'un vote soit pris
légalement en forçant la prise répétée de
scrutin au cours d'un conflit, à multiplier les difficultés
techniques, les
ennuis, à rendre l'expression de la volonté des
syndiqués plus difficile, à ouvrir la porte à des
contestations judiciaires qui pourraient évidemment non pas
régler quoi que ce soit, parce qu'on sait avec quelle lenteur ces choses
se déroulent, mais, envenimer en quelque sorte les relations de travail
en suscitant des occasions pour les plaideurs et les plaidoiries, bref,
à placer le syndicalisme dans une position défensive par rapport
à sa participation à des grèves ou à des
arrêts de travail.
Ce n'est clairement pas la position que nous défendons dans cette
affaire. Je crois, comme le ministre l'a dit et pour les mêmes raisons,
qu'il ne s'agit pas du tout d'adopter une attitude comme celle-là. Notre
préoccupation vise à intervenir non pas pour semer des
embûches de façon systématique et sans besoin, mais
à donner ouverture, dans des cas exceptionnels, lorsque le ministre peut
se satisfaire des motifs valables de douter de la légitimité
d'une action syndicale, de pouvoir mettre à l'épreuve ce doute ou
l'éliminer par l'organisation d'un référendum sur les
lieux de travail auxquel participeraient tous les travailleurs
impliqués.
La position syndicale, par ailleurs, en est une de laisser-faire absolu.
On dit, et avec raison sans doute, que ces règles internes existent
souvent, même dans la plupart des cas, et même on dit dans
l'immense majorité des cas observés. Je veux bien le croire.
C'est sans aucun doute une assurance de l'entendre dire. C'est même
rassurant de le constater. J'ai constaté moi-même que, dans bien
des cas, ces votes étaient absolument réguliers. Mais un argument
de laisser-faire comme dans tous les cas et tous les arguments de laisser-faire
ne sont jamais convaincants, parce qu'il est clair que nous n'avons pas besoin
du Code criminel non plus, puisque la plupart des gens ne tuent personne et que
la plupart des gens ne se livrent à aucune activité criminelle de
façon habituelle.
Dire que cela ne vise qu'une proportion infime de la population,
abolissons le Code criminel, puisque cela n'a aucune application pour 99% des
gens, ce n'est évidemment pas un raisonnement acceptable.
Il y a des choses qui se passent, à la fois sur le plan du Code
criminel et sur le plan d'accrocs à la démocratie syndicale et de
perte de légitimité de l'action syndicale qui, même si
elles sont minoritaires, doivent être sanctionnées d'une
façon ou d'une autre, mais, précisément, le type de
sanction qui doit intervenir doit s'inspirer un peu de ce qu'on fait justement
dans le cas des actes criminels.
Le Code criminel présume que tout le monde est innocent, qu'il
doit d'abord y avoir un motif raisonnable de croire que quelqu'un a commis une
offense et il faut, en plus de cela, prouver qu'il a commis une offense de
manière qu'il soit formellement condamné.
Je crois que l'argument syndical vis-à-vis de l'immense
majorité des cas nous amène non pas à abolir toute
réglementation, mais à s'assurer que la réglementation est
une réglementation d'exception, non pas qu'on intervienne par des lois
d'exception, mais qu'elle ne cherche pas à créer des
difficultés à tous les syndicats tout le temps et qu'elle cherche
simplement à donner une possibilité d'intervention
spécifique, lorsqu'on a des motifs valables de croire qu'il y a quelque
chose qui ne va pas, qu'il y a une perte de légitimité.
C'est tout cela qui nous amènera à exprimer des doutes
quant à des règles générales sur la
démocratie syndicale et à recommander que le Code du travail soit
amendé de manière que le ministre, dans des cas bien
circonscrits, puisse mettre en marche une procédure pour vérifier
la légitimité d'un geste syndical, mais qu'en dehors de ces cas
qui sont très peu nombreux, j'en suis sûr, il y ait reconnaissance
d'un principe de non-ingérence générale dans la vie des
syndicats, comme il y a, dans le Code criminel et dans le reste des lois, un
principe général de non-intervention dans la vie privée
des citoyens.
On voit, par les accrocs qu'on y fait justement, combien ce principe est
perçu par tout le monde comme une des assises du genre de
société dans laquelle on vit. Tout le monde sent bien que les
accrocs auxquels le ministre a fait allusion, il y a un instant, sont une
violation absolument intolérable du genre de société dans
laquelle non seulement on vit, enfin, on l'espère, dans la plupart des
cas habituellement, mais dans laquelle on veut continuer de vivre. C'est
là-dessus que je termine. Il y aura, bien sûr, un certain nombre
d'amendements inspirés par ces recommandations. Je voulais indiquer un
peu à l'avance l'esprit dans lequel on les présenterait.
M. Maurice Bellemare
M. Bellemare: M. le Président, d'abord la première
chose qui me frappe, c'est que, dans la section II, accréditation des
associations, on change le titre de l'accréditation pour certaines
obligations des associations accréditées. Le titre dit beaucoup,
parce que, quand on interprète la loi et même le Code du travail,
on commence par voir le titre des chapitres et des différentes sections
qui ont été mises là par le législateur justement
pour que, s'il y a des droits, il y ait aussi des devoirs. Je pense que les
syndicats ne doivent pas échapper à cette règle
fondamentale. C'est pour cela que la nouvelle section II s'intitulera "De
certaines obligations des associations accréditées".
Maintenant, je tiens à dire, dès le départ, que
nous considérons cette section du Code du travail, les obligations des
associations accréditées, comme un contrepoids bien normal aux
droits reconnus à toute association en vertu de l'article 8 du projet de
loi 45, par exemple, le précompte syndical obligatoire.
Il y a une chose, cependant, que je tiens à noter d'une
manière bien spéciale, c'est qu'il faut se rendre compte que cet
article vise tout d'abord à protéger les droits les plus
fondamen-
taux des salariés. Il faut nous assurer que les obligations qui
sont prévues dans ces amendements ne resteront pas que des voeux pieux,
au contraire.
Je pense que le ministre, au lieu de nous présenter une clause
omnibus, a accepté que les quatre points séparés qui
étaient dans ses amendements, soit le vote sur le retour au travail,
soient complètement exclus. J'ai un peu de difficulté à
comprendre cet argument du ministre, parce que le vote du retour au travail,
qui est exclu complètement maintenant, me rend un peu songeur. S'il y a
véritablement souvent des lacunes ou des choses troublantes qui
amènent de la discrimination, c'est bien dans le retour au travail qui
est aujourd'hui négocié quasiment comme une convention
collective. On l'a exclu du vote complètement.
Je ne sais pas s'il y a des détails qui pourraient
peut-être me convaincre que c'est mieux. On dira peut-être que cela
avait pour objection principale de retarder la fin d'une grève. Je suis
bien disposé à entendre ces réflexions du ministre ou
d'autres, mais je pense que l'avoir exclu complètement du vote secret
sur les conditions de retour au travail peut amener des complications.
Le ministre a aussi retiré les articles 19c et suivants du projet
de loi no 45 qui prévoyaient particulièrement une
procédure assez complexe pour l'inobservance de l'article 19a. Je dois
sûrement lui dire que, maintenant, l'article 19d, qui remplace les
articles établissant une sanction, est extrêmement
décevant. Je voudrais bien qu'il prenne ça, le ministre, en
passant. D'ailleurs, nous aurons l'occasion d'en reparler un peu plus tard,
avec d'autres arguments.
Mais j'avais, un jour, M. le Président je pense que
l'anecdote vaut la peine d'être racontée travaillé au
règlement d'une longue grève qui avait duré cinq mois et
j'avais présidé, pour essayer de faciliter les choses, à
l'étude article par article de la convention collective; comme
c'était Carrier et Frères, il y avait les chauffeurs d'autobus et
il y avait aussi les mécaniciens d'atelier. Après avoir
passé plusieurs nuits blanches à étiqueter les articles et
à les faire contresigner par chacun des représentants syndicaux
officiels, j'avais demandé au sous-ministre du temps, M. Donat Quimper,
d'aller lui-même présider l'assemblée pour le retour au
travail. A ma grande surprise, le lendemain matin, j'ai appris que le vote
avait été pris et que les articles qui avaient tous
été acceptés et contresignés avaient
été rejetés.
Alors, je ne pense pas que ce soit par des lois qu'on pourra
véritablement forcer tous les syndicalistes à faire qu'une
convention collective apporte le mieux-être, mais il y a un point que je
voudrais souligner d'une manière plus spéciale, c'est qu'ici,
tous les membres d'une unité de négociation n'auront pas le droit
de vote. Auront le droit de vote au secret seulement les membres qui
appartiennent à l'association accréditée. Vous allez
peut-être me trouver un peu vieillot, mais je comprends qu'aujourd'hui,
dans presque toutes les associations, il n'y a pas 5% de ces gens, qui font
partie d'une unité de négociation, qui ne sont pas
réellement des membres accrédités. Mais j'y vois là
une intervention, comme disait tout à l'heure le député de
Saint-Laurent, assez directe du gouvernement pour exclure tous ceux qui n'ont
pas le droit de vote, qui sont membres d'une unité de
négociation, mais qui ne font pas partie de l'unité
d'accréditation.
On parle, d'ailleurs, d'une association de salariés très
large, mais on ne parle plus de ça. On parle plutôt d'une
association accréditée, c'est beaucoup plus restreint. Je
voudrais simplement faire une relation avec ce que nous disaient les membres de
l'Hydro-Québec quand ils sont venus.
Ils disaient "Dans le contexte des structures syndicales actuelles, le
terme: "association de salariés" désigne souvent un ensemble
d'unités d'accréditation, souvent regroupées en
association. Au lieu et place du terme "association de salariés", c'est
le terme "association accréditée", puisque c'est à ce
niveau que se prennent les décisions touchant les salariés d'une
unité de négociation."
Le ministre s'est rendu à cette suggestion et nous croyons qu'il
a peut-être choisi le moindre mal, mais comme nous avons voté, en
deuxième lecture, en faveur de l'association accréditée,
nous ne voudrons pas changer notre vote, c'est sûr, mais je dis qu'il y a
véritablement... Je comprends que si la formule Rand s'appliquait, tout
ceux qui sont dans l'unité de négociation auraient le droit de
vote secret. Qu'on réserve le vote secret à ceux qui font partie
de l'association accréditée pour les cadres supérieurs,
d'accord, mais lorsqu'il s'agit de déclencher une grève ou des
autres points qui suivent, je pense que ce serait... D'ailleurs on va le voir
à l'étude des sous-articles, mais quand j'entends le
député de Saint-Laurent dire qu'il y a une intervention
gouvernementale ou un principe qui ne semble pas justifié, je pense
que... Il y a plusieurs exemples notoires du Code du travail où le
gouvernement a délégué certaines responsabilités et
on a fait que le principe en cause actuellement semble plutôt porter
à certaines allusions diverses. Mais je pense que le ministre a
été très habile pour faire disparaître toute cette
longue procédure que contenait l'ancien projet de loi, à 19e 19f,
19g, 19h, 19j, qui avait, dans le temps, véritablement noté que
le gouvernement craignait... Le ministre d'aujourd'hui semble plus
résolu à appliquer certaines disciplines qui sont plus modernes.
Je ne pense pas qu'il y ait un nombre considérable de membres qui
n'appartiennent pas à des associations accréditées; ils
sont maintenant assez rares parce que, au début, le syndicalisme se
butait surtout à cet argument difficile de ceux qui faisaient partie des
négociations et qui ne voulaient pas faire partie d'une association
accréditée. Mais, avec la formule Rand, avec les
améliorations que les conventions collectives ont apportées, avec
la meilleure
compréhension qui existe dans le monde du travail, des
obligations et des responsabilités de chacun, je pense qu'on peut,
aujourd'hui, procéder de cette façon sans trop léser les
droits de quiconque.
Le député de Saint-Laurent semble inquiet, je lui dirai
qu'il s'agirait de vivre au milieu de cette masse d'ouvriers, pas ceux qui
crient le plus fort, mais ceux qui pensent réellement, pour savoir qu'il
y a peut-être eu des gens qui ont dépassé certaines bornes,
mais, depuis quelques années, et en particulier depuis l'enquête
qui s'est faite sur les relations de travail, il y a eu des prises de position
qui ont été acceptées et qui avaient été
mises de l'avant dans le temps pour convaincre les patrons qui étaient
antisyndicaux.
Je comprends qu'on était allé très loin dans
certaines mesures, qu'on avait même dépassé les bornes. Le
Barreau canadien avait trouvé des formules assez souples pour
répondre à certains désirs de patrons qui étaient
antisyndicaux. Aujourd'hui, on est en train de chercher la véritable
voie, comme je le disais hier, la voie qui doit être plutôt
conciliante et la voie qui doit nous amener vers une certaine paix industrielle
entre patrons et employés.
M. le Président, comme vous l'avez vu, mon intervention n'a pas
duré 20 minutes et mes remarques ont été assez ponctuelles
sur le sujet même. Je serais prêt à entendre maintenant le
ministre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, tout d'abord, on a
répété à plusieurs reprises depuis le début
du dépôt...
M. Bellemare: Parlez proche, parce qu'en plus d'être vieux
et sourd, ce tapage, ce matin...
M. Chevrette: Je disais donc qu'on a répété
à plusieurs reprises que le projet de loi 45 reproduisait, à
toutes fins pratiques, une situation de fait.
M. Bellemare: Oui, je viens de le dire.
M. Chevrette: Par exemple, la question de considérer que
95% des syndicats de la CSN ont, dans leurs règlements, le vote secret.
Egalement, l'élection des officiers se fait par vote secret dans 95,
sinon 98% des syndicats de la CSN, et la très forte majorité des
syndicats de la FTQ, CEQ, CSD, etc. Donc, là-dessus, je n'ai pas
l'intention d'argumenter très longtemps. Je voudrais plutôt faire
ressortir une certaine inquiétude quant à l'aspect pratique des
amendements proposés et peut-être du projet de loi comme tel, une
inquiétude basée sur une expérience passée que j'ai
vécue et qui peut contribuer, en tout cas je le crois, au niveau de ce
débat en troisième lecture, à une certaine analyse comme
groupe.
Je suis content, en passant, de l'atmosphère qui règne au
niveau de. cette commission puisqu'on peut s'exprimer en tant que
député de l'Assemblée nationale d'une façon assez
ouverte et sans qu'il y ait eu de charriage de part et d'autre. J'en suis
très heureux jusqu'à maintenant, et j'espère que cela va
continuer jusqu'à la fin. Au-delà des titres de dissociation de
parti ou encore de dissidence, je pense qu'on se doit, comme
députés, d'apporter sûrement une contribution à ce
débat.
Je disais donc que j'ai une inquiétude basée sur une
expérience pratique à partir, en particulier, des 48 heures pour
ce qui est de l'avis écrit du vote de grève. Des situations me
viennent à l'esprit en particulier, lors des différents
types de grèves utilisés par les syndicats et la riposte
patronale, qui est le pendant de la grève, le lock-out et
m'intriguent énormément.
Je prends l'exemple d'un employeur qui aurait vu venir une grève
éventuelle, un conflit de travail, qui aurait bourré des
entrepôts de matériel, fruit de sa production, et qui
déciderait de mettre la clef dans la porte, jusqu'au moment où il
a passablement écoulé le matériel en question. Ensuite, il
décide de rouvrir.
Ma question va s'adresser à M. le ministre. Si je comprends bien,
le retour au travail s'effectue, puisque pour être en grève, il
faut un avis de 48 heures.
Il y a donc un retour au travail de 24 heures, au minimum.
Là-dessus, je me demande si le projet de loi comme tel, même le
premier brouillon ou le deuxième, ne fournit pas une occasion encore
plus grande de casse à l'intérieur de l'usine. L'individu qui
serait forcé d'entrer au travail pour 24 heures ou 48 heures, par
dépit, ne serait-il pas porté à provoquer du sabotage
à l'intérieur? Et là, je comprends pourquoi M. le ministre
n'a pas mis 48 heures avant le déclenchement d'un lock-out, parce que le
lock-out, si on ne met pas d'heure ou d'avis écrit, c'est
précisément pour éviter qu'il y ait de la casse. Cela
m'intrigue énormément et je ne sais pas s'il y a un moyen de
reformuler ça pour essayer d'éviter qu'on n'assiste pas à
ces scènes disgracieuses d'obligation de retour au travail pour prendre
uniquement un vote de grève et sortir de nouveau.
Parce que, quand tu es en grève, et en lockout en particulier, tu
reviens au travail, tu es en fusil parce que tu réalises que tu t'es
fait jouer par le lock-out, tu ne voudrais pas retourner au travail, mais la
loi t'y force et uniquement dans un contexte de prise de vote. C'est une
inquiétude que j'ai, qui est assez grande.
Deuxièmement, il y a l'aspect mobilisation des troupes
syndicales. Et là, c'est peut-être mon vieux passé qui
revient à la surface, mais je suppose qu'on joue au fou une ou deux
fois, entrée au travail, sortie par vote de grève, suite à
des lock-out, on sait que ça démobilise des trou-
pes énormément. Je me demande jusqu'à quel point on
ne briserait pas le rapport de force. Là-dessus, je dois vous avouer que
des troupes bien mobilisées peuvent facilement entrer au travail et
ressortir en grève.
Mais, dans un vote de grève serré, où on sait que,
par exemple, à 70% d'une semaine à l'autre, ça peut
changer de 10% ou 15%, un vote de grève, je me demande si on
n'affaiblirait pas la mobilisation à l'intérieur des troupes
syndicales. Là-dessus, j'ai une interrogation assez grande. Quant au
reste de l'article comme tel, je n'ai personnellement pas d'inquiétude
quant au protocole de retour au travail, parce que les trois quarts, sinon 90%
des syndiqués subordonnent l'acceptation d'une convention collective au
résultat de l'entente sur le protocole de retour au travail. Je ne
m'interrogerai pas tellement là-dessus, parce que je pense qu'il y a des
ententes de principe, mais les gens sont assez sages qu'avant de faire voter
sur l'entente de principe, ils présentent à leurs troupes les
grandes lignes du protocole de retour au travail et le vote se prend à
peu près là-dessus.
Les gens ont développé une certaine prudence
là-dessus, ils ne risquent pas de se ramasser, à moins d'une
stratégie qui est de dire: Oui, on accepte les offres, à une
condition, que tu nous donnes telle chose dans le protocole du retour au
travail pour laisser porter l'odieux sur le patron. C'est possible que ce
soient des stratégies, mais, règle générale, quand
les gens arrivent à une entente de principe, c'est parce qu'ils ont
déjà sondé les reins et les coeurs en ce qui regarde le
protocole de retour au travail.
C'étaient donc les quelques observations que je voulais faire,
j'espère qu'elles seront prises dans le sens de vouloir contribuer au
débat et non pas dans le sens de me dissocier de mon ministre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: M. le Président, je suis assez heureux qu'on
puisse avoir ce matin la possibilité de faire une discussion
générale sur l'article 8 avant de commencer l'étude
article par article, parce que ça va me permettre d'expliquer le sens du
travail que j'entends faire, face à l'article 8, mais aussi à
l'ensemble des articles amendés ou pas du projet de loi 45. Il me semble
que le rôle d'un député qui siège en commission
parlementaire et qui étudie un projet de loi article par article, c'est
d'apporter son concours afin d'améliorer au maximum le projet de loi et
de faire que le produit fini qui va arriver à l'Assemblée
nationale pour la troisième lecture soit le plus parfait possible.
Dans ce sens, n'importe quel député, il me semble, qu'il
soit de l'Opposition ou du parti ministériel, doit en conscience
apporter tout l'éclairage qu'il juge utile d'apporter. On doit le faire,
il me semble aussi, de façon ouverte, franche, dégagée et
publique.
Si les ministres n'avaient pas la possibilité de "souffir" le
fait que des ministériels puissent apporter des suggestions pour un
projet de loi, il me semble qu'on ne serait pas le gouvernement qu'on s'est
engagé à être.
Dans ce sens-là, je voudrais aussi souligner que les attitudes et
les commentaires qu'on peut entendre ou lire depuis hier frôlent
pratiquement, quant à moi, l'intimidation face au travail d'un
député. Il me semble que, chaque fois qu'un député
manifeste, soit son désaccord sur la formulation d'un article de loi,
soit son intention de vouloir améliorer le projet de loi, si chaque
fois, on crie à la dissension, à la discorde, on
empêcherait chaque député d'exercer véritablement ce
pourquoi il est à l'Assemblée nationale.
Je voudrais donc, M. le Président, qu'on sache que chacun des
commentaires que je vais apporter, chacun des votes que je vais prendre sur le
projet de loi 45, comme sur l'ensemble des projets de loi qui seront
présentés à l'Assemblée nationale, le seront dans
cet esprit, dans l'esprit de contribuer, comme tous les députés
doivent le faire, à atteindre les projets de loi les plus parfaits
possible.
Sur l'article 8, de façon plus précise, à l'article
19a, sur le vote secret quant à l'élection des exécutifs
de syndicats d'associations accréditées, je sais que, dans
certains milieux syndicaux, on s'offusque et on refuse que la loi
prévoie, écrive ce qui se passe en réalité. On se
dit, dans certains milieux syndicaux, que, comme les règlements des
syndicats, des associations, prévoient déjà le vote
secret, il est inutile de le placer dans la loi.
Quant à moi, depuis près de douze ans que je suis dans le
milieu syndical, je n'ai jamais rencontré, dans le milieu où j'ai
évolué, de syndicats qui faisaient voter une grève ou qui
élisaient leur exécutif sans le faire par scrutin secret.
C'était une pratique courante, admise, même quand ce
n'était pas inscrit dans les règlements du syndicat.
C'était la façon de procéder, à 90% ou 95%.
Les circonstances ont aussi démontré que, lorsqu'on ne
procède pas de cette façon, on ne peut réaliser une action
syndicale valable. Un vote de grève pris à main levée,
à la hâte, dans le désordre, ne peut pas faire une
grève qui, finalement, rende justice aux travailleurs et leur permette
d'atteindre ce pourquoi ils font la grève, c'est-à-dire la
meilleure des conventions collectives. Je pense qu'il n'y a rien de plus
pitoyable que d'assister à un vote de grève pris de cette
façon.
Les syndicats, depuis les dix dernières années, ont eu
l'occasion de corriger ces situations, ont eu l'occasion d'inscrire, dans leur
réglementation ou dans leur pratique, le vote secret. Un certain
pourcentage ne l'a pas fait. Il me semble que cela justifie parfaitement
l'Etat, à ce moment-là, comme pour le précompte syndical
qui est généralisé à 85% ou 90% parce qu'il
est généralisé à 90%, on ne s'empêche pas de
le
mettre dans la loi il me semble que, de la même
façon, pour ce qui est du vote secret, même si c'est
généralisé à 90%, on doit aussi l'inscrire dans la
loi pour faire en sorte que les autres syndicats qui ne se sont pas, pour
l'instant, pliés à cette pratique courante et reconnue, soient en
mesure de procéder, à l'avenir, de cette façon.
Par ailleurs, dans le deuxième paragraphe le ministre
n'est pas là, mais j'espère qu'il y a des gens qui pourront
prendre des notes de l'article 19a, il me semble que la façon
dont ce paragraphe est rédigé peut prêter à
confusion. Je lis la deuxième partie du paragraphe: "A défaut de
dispositions dans les statuts ou règlements de l'association
prévoyant que l'élection doit se faire au scrutin secret,
celle-ci doit avoir lieu tous les ans au scrutin secret des membres de
l'association."
Si j'appliquais intégralement cet article, cela voudrait dire
que, si une association ou un syndicat avait, dans ses règlements,
prévu que l'élection se ferait tous les deux ans, mais n'avait
pas prévu que ce serait par scrutin secret, automatiquement, ce syndicat
devrait tenir son élection tous les ans, même si, dans sa
constitution, cela doit être tous les deux ans.
Il me semble qu'on devrait peut-être avoir une formulation qui
permette de dire que, si le vote au scrutin secret n'est pas dans les
règlements, on sera obligé de procéder à
l'élection par scrutin secret, mais selon les modalités de
l'élection prévues dans les divers règlements de chacun
des syndicats.
Je ne sais pas si je me fais bien comprendre, mais il me semble qu'il
est clair pour moi que cela forcerait automatiquement un syndicat, qui n'aurait
pas prévu le scrutin secret, à faire son élection tous les
ans, même s'il a prévu, dans sa constitution...
M. Bellemare: M. le Président, le député me
permettrait-il seulement une question? Est-ce que, dans la constitution
même des centrales syndicales, il n'est pas spécifiquement dit,
comme dans le Brotherhood, par exemple, qui est une autre sorte d'association
syndicale, que, tous les ans, les officiers seront élus
annuellement?
M. Bisaillon: Je pense que cela dépend des milieux, de
différents milieux. Je sais qu'il y a beaucoup d'associations qui ont
des élections tous les deux ans parce qu'au niveau de leur conseil
d'administration, il y a des élections par rotation.
M. Bellemare: Je demande au député si, dans la
constitution de la CSN, il y a un article qui prévoit qu'il y a une
élection annuelle.
M. Bisaillon: II me semble que, dans le cas de la CSN,
l'élection est à tous les deux ans. Dans le cas de la CEQ, il me
semble que c'est à tous les deux ans aussi, puisque leur congrès
se tient à tous les deux ans. Dans le cas de la FTQ, je pense que c'est
la même chose. C'est au niveau des centrales, mais, dans les syndicats
locaux, on peut assister à la même chose.
Ce que je voudrais qu'on précise, dans le deuxième
paragraphe de l'article 19a, c'est que la seule obligation qu'on doit faire, ce
n'est pas de changer les modalités prévues dans les
constitutions, mais c'est d'obliger le scrutin secret à
l'élection des membres de l'exécutif.
A l'article 19b, je ne voudrais pas reprendre l'ensemble des arguments
qui ont déjà été invoqués, en particulier
par le député de Joliette-Montcalm, mais je voudrais, avec vous,
relire le deuxième paragraphe de l'article 19b. "Si l'association est
autorisée à déclarer la grève, elle doit en aviser,
par écrit, le ministre dans les quarante-huit heures qui suivent le
scrutin".
Dans ce paragraphe, il me semble que, là aussi j'oublie la
question des quarante-huit heures pour l'instant il y aurait avantage
à préciser ou à améliorer la formulation même
de l'article, puisqu'il peut prêter à confusion.
Le ministre, dans ses déclarations de départ, a
parlé, dans le cas de l'avis de quarante-huit heures, d'un
préavis. C'est, je pense, le terme qu'il a utilisé. Si je relis
le deuxième paragraphe, il n'est pas clair pour moi que, dans le
deuxième paragraphe, il s'agisse d'un préavis. On pourrait lire
le deuxième paragraphe en supposant que, lorsque les membres d'un
syndicat ont voté pour la grève à scrutin secret,
lorsqu'ils ont autorisé le conseil d'administration à appliquer
cette décision, ils doivent tout simplement faire parvenir un avis pour
informer le ministre, ce qui est bien différent d'un préavis,
comme l'a dit le ministre.
Si ce qu'on veut, c'est un préavis, déjà, la
formulation, selon moi, n'est pas satisfaisante, puisque ce n'est pas
clairement d'un préavis qu'il s'agit.
Si, par ailleurs, l'intention est de placer un préavis,
c'est-à-dire de faire en sorte que la décision ne puisse
effectivement s'appliquer qu'après la réception par le ministre
de l'avis, que l'on ne puisse pas commencer la grève avant les
quarante-huit heures prévues pour informer le ministre, s'il s'agit
vraiment de cela, je me pose un certain nombre de questions et, dans le fond,
un certain nombre d'objections sur cette façon de procéder.
Pour le faire, je voudrais faire le parallèle entre le lock-out
et la grève. On a toujours prétendu que, dans le Code du travail,
il y avait un certain parallélisme entre les obligations et les devoirs
d'un organisme syndical et les obligations et les devoirs de l'employeur.
Dans le cas d'un lock-out, il n'y a pas de scrutin secret pour
déterminer si le lock-out va se décider. Il n'y a pas de
réunion forcée des actionnaires pour leur demander s'ils sont
d'accord pour qu'on fasse un lock-out et il n'y a pas non plus de
préavis au ministre pour lui dire que, dans quarante-huit heures, je
ferai un lock-out, je fermerai l'usine. Ce parallèle n'existe pas.
Par ailleurs, lorsque des employés décident d'utiliser des
droits reconnus par le Code du travail, ils doivent, pour exercer leurs droits,
avant même de les exercer, aviser le ministre, donc rendre publiques
leurs décisions.
Rendre publiques leurs décisions, c'est déjà
dévoiler leur stratégie et le moment où ils entendent les
appliquer. C'est déjà prêter le flanc et ouvrir les deux
bras cela fait de très mauvais boxeurs à
l'adversaire, et dire: Dépêche-toi de me frapper, parce que dans
48 heures, cela ne sera plus le temps, je vais être en grève.
C'est donc annoncer clairement son jeu.
Cela pose aussi le problème... Le député de
Joliette a déjà mentionné le cas où, par exemple,
il y aurait eu un lock-out, les employés n'ont pas eu à prendre
de décisions, car ils ont subi un lock-out. Le lock-out est levé,
mais ils veulent, parce qu'ils ont eu l'occasion de se regrouper et de se
parler, faire la grève; ils seraient obligés de rentrer dans
l'usine et d'en sortir par la suite, dans le milieu syndical. Au strict plan
humain, par surcroît, il semble qu'on ne peut pas jouer avec des
individus de cette façon, seulement pour avoir un texte étanche.
On ne peut pas demander à des gens: Entre et, dans 48 heures, tu
sortiras, parce que la loi prévoit... Les gens ne comprennent pas cela,
et ce n'est pas pour cela qu'ils se battent. Ce n'est pas pour cela,
d'ailleurs, que les mécanismes du Code du travail sont
prévus.
Cela pose, par ailleurs, un problème additionnel. Il existe
je pense que je ne vous apprendrai rien des mandats qui sont
donnés à des exécutifs syndicaux de déclencher une
grève, mais en laissant à l'exécutif syndical, souvent
après consultation avec les délégués d'ateliers, le
soin de décider eux-mêmes de la date, du moment le plus opportun.
Il n'y a rien de plus logique. Un groupe de travailleurs est placé
devant un résultat de négociation, décide que ce
résultat n'est pas satisfaisant, prend le vote de grève, mais
laisse à l'exécutif syndical le soin de choisir le moment de la
déclencher; ce qui a souvent permis d'éviter des grèves,
d'éviter des conflits. Parce que l'employeur était placé
devant une décision de l'assemblée générale qui
était celle d'une grève, elle forçait la
négociation et amenait un règlement.
Je pense qu'avec le préavis, tel qu'il est formulé, on
empêche une assemblée générale de donner mandat
librement à l'exécutif syndical de choisir lui-même la date
du déclenchement. Pour toutes ces raisons, je demanderai au ministre de
se pencher de nouveau sur la question du préavis de 48 heures,
c'est-à-dire pour l'instant, de ce qui est pour moi seulement un avis,
parce qu'il n'est pas clair que le texte, ici, parle d'un préavis. Si on
veut maintenir un préavis, je soutiens qu'il faudra changer le texte
pour indiquer clairement que cela doit être... Autrement dit, quand le
ministre tantôt a annoncé qu'il y avait un mot d'oublié, je
pensais que c'était "préalablement" qu'il était pour
annoncer; mais il a dit que c'était "par écrit" qui manquait. Si
on voulait parler d'un préavis, c'est peut-être
"préalablement" qu'il aurait fallu écrire.
Sur le troisième paragraphe du même article, je suis
d'accord, en gros. Mais je m'interroge sur la portée que peuvent avoir
les termes "compte tenu des circonstances". L'association doit prendre les
moyens nécessaires, compte tenu des circonstances, pour informer ses
membres au moins 48 heures à l'avance de la tenue du scrutin. Je sais
pourquoi "compte tenu des circonstances" est là, mais j'aimerais que ce
soit...
M. Bellemare: Je ne voudrais pas être déplaisant,
seulement il entre justement là où on avait des remarques dans le
même sens à faire, quant aux articles. Article par article, il
était bien entendu...
M. Bisaillon: M. le Président, je pense que...
Le Président (M. Jolivet): Mais je pense que, d'une
façon ou d'une autre...
M. Bisaillon: Comme mes réflexions, M. le
député de Johnson, ont pour but d'obtenir un certain nombre de
réponses de la part du ministre dans le cours de nos discussions, avant
qu'on puisse étudier cela, article par article, et prendre des votes, il
semblait que c'était seulement pour indiquer au ministre là
où j'avais des interrogations. Cela entre, d'après moi, dans
quelque chose de général.
M. Bellemare: Vous nous ôtez quasiment les mots de la
bouche. Nous aussi, dans les articles, avions...
M. Bisaillon: Mon objectif n'était pas de "scooper" M. le
député de Johnson.
M. Bellemare: On a, au sujet des articles, presque les
mêmes arguments.
Une Voix: Un choix très libre.
M. Bisaillon: Rapidement, je vais...
M. Bellemare: On a plané pour dire quelque chose. On n'a
pas touché aux articles, parce que les articles...
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. Bisaillon: Je vais tenter de conclure rapidement. Je sais
pourquoi on écrit: "compte tenu des circonstances". Mais cela peut aussi
être ambigu. Imaginez, par exemple, une organisation syndicale qui
convoque ses membres pour donner un compte rendu de la négociation. Le
seul objectif de l'exécutif syndical est de donner une information sur
le déroulement de la négociation.
Il faut en avoir tait des assemblées syndicales pour savoir
qu'à un moment donné n'importe quel membre peut se lever et dire:
Moi, je ne suis pas satisfait; je propose la grève. Là, on
est
obligé, parce qu'il a fait une proposition et qu'il a le droit de
la faire, de tenir un scrutin secret immédiatement. On n'avait
même pas prévu d'être obligé de tenir ce scrutin
secret. Alors, "compte tenu des circonstances" pourrait couvrir ça, mais
je ne suis pas sûr que ce soit aussi clair que ça. Je demanderais
qu'on essaie de se pencher sur une meilleure formulation que
celle-là.
A l'article 19d, ma seule question, c'est: Pourquoi a-t-on ajouté
"le procureur général"?
L'article 19e. C'est un article qu'il est tout à fait normal de
trouver à cet endroit puisque, effectivement, déjà, un bon
nombre de constitutions d'associations accréditées comportent des
mesures qui vont plus loin que ce que la loi prévoit. Je pense que
c'était utile d'indiquer que ça ne détruisait pas...
Autrement dit, les mesures qu'on a prévues n'annulent pas ce qu'on
pouvait avoir dans sa convention collective.
En résumé, M. le Président, je soulignerai trois
amendements que j'aimerais voir, trois, au moins, qui se rapportent à de
la formulation, et un de fond sur la question du préavis de 48
heures.
Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail.
Réponse de M. le ministre
M. Johnson: M. le Président, si vous me permettez,
j'aimerais prendre les interventions que le député de Johnson
vient de qualifier de planage ou de vol d'oiseau ou de colombe, comme, disons,
évidemment, certaines affirmations, certaines pétitions de
principe ou convictions, mais également comme des demandes, finalement,
d'éclaircissements pas seulement des intentions, mais aussi de
l'interprétation que celui qui vous parle fait des textes qui ont
été rédigés et qui ont pris quelque temps à
être rédigés. J'aimerais vous faire part de cette
expérience de l'interprétation de la rédaction, sans vous
parler de tout le cheminement que cela a pu suivre. J'aimerais aussi vous
parler du contenu.
J'ai pris quelques notes lors des interventions au niveau précis
de la signification du texte. D'abord, la question du député de
Johnson: Pourquoi a-t-on exclu le protocole de retour au travail, qui
était prévu cependant dans le projet de loi no 45, avec les
amendements qu'on apporte? Je pense que le député de
Joliette-Montcalm et le député de Sainte-Marie ont répondu
à cette question. C'est que, dans certains cas, il y a signature d'une
entente de principe; il y a également signature d'un protocole de retour
au travail au niveau de ceux qui ont été
délégués pour négocier de la part du syndicat.
Retourner devant l'assemblée des membres pour exiger qu'il y ait
un vote secret sur le protocole de retour au travail et non pas sur la
signature de la convention collective, d'abord, dans bien des cas, ça se
fait comme ça puisque, comme le disait le député de
Joliette-Montcalm, c'est conditionnel. La signature de la convention collective
devient conditionnelle à l'acceptation du protocole de retour au
travail, dans une bonne partie des cas.
Dans les autres cas, le nombre de difficultés que cela poserait
de l'imposer sont les suivantes: Premièrement, vous auriez c'est
l'exemple qui m'a été donné par des syndicalistes du
secteur parapublic, particulièrement du secteur des hôpitaux
vous avez affaire à une association accréditée qui
a des membres un peu partout à travers le Québec. Une entente de
principe est signée; il y a un protocole de retour au travail sur lequel
les gens s'entendent et là, puisqu'il s'agit, entre autres, d'un secteur
aussi névralgique que le secteur hospitalier, cela pourrait prendre
jusqu'à deux, trois, quatre et cinq jours pour réussir à
obtenir des réunions de tout le monde pour l'acceptation du retour au
travail. En ce sens-là, on permet que, spontanément, la
décision puisse être prise à travers le réseau, qui
est habituellement le réseau téléphonique, l'information
par des messages radio, TV, etc., les journaux. Finalement, c'est faciliter
quoi? C'est faciliter un retour "à la normale", dans la mesure où
on considère que, ce qui est normal, c'est que les salariés
travaillent. Ils ont obtenu des conditions de travail, ils sont à leur
travail, ils gagnent leur vie, etc. Ce qu'on fait, c'est qu'on facilite ce
retour à la normale. En ce sens, cela m'apparaît assez fondamental
et ça pourrait poser, je pense, des questions pratiques
considérables.
L'exemple qu'on peut donner, c'est effectivement celui des
hôpitaux. C'est ça, on va au pire, je suis d'accord.
M. Bellemare: Parce que, ordinairement, ça ne se produit
pas comme ça.
M. Johnson: D'accord, pas toujours comme ça. C'est ce que
je disais, dans la majorité des cas, la convention collective, sa
signature ou son acceptation par l'assemblée, est conditionnelle,
finalement, à l'acceptation d'une entente de principe, au niveau des
négociateurs, sur le protocole de retour au travail.
Il y a un autre aspect qui, celui-là, découlerait beaucoup
plus de ce que j'appelerais, encore une fois, la philosophie du Code du travail
et qui est cette notion de représentativité collective,
monopolistique, par une unité d'accréditation, dans un contexte
où on ne vit pas l'accréditation multiple syndicale, comme c'est
le cas en Europe, et c'est l'événement suivant qui pourrait se
produire: Vous pourriez avoir une entente de principe survenue dans la
convention collective, un protocole de retour au travail qui ne fait pas
l'affaire de quelques individus et, puisqu'une négociation de convention
collective implique une négociation pour l'ensemble et non pour chacun
des individus ce ne sont pas des contrats individuels qui se
négocient, c'est une entente s'appliquant à tous cela
pourrait donner lieu, finalement, à une forme de ce que j'appellerais
dissension à l'intérieur du syndicat, dans le sens où une
personne, visée par le protocole de re-
tour au travail, qui sent qu'elle est lésée par ce
protocole de retour au travail, pourrait, à ce moment, exiger la tenue
du vote secret, pourrait imposer un mécanisme très lourd à
l'ensemble parce que lui n'est pas satisfait de la condition. Or, il y a, par
définition, à partir du moment où des salariés se
syndiquent, la reconnaissance qu'on délègue, par l'unité
accréditée, certaines choses. C'est une espèce... J'avoue
que ce n'est pas l'argument le plus fort qu'on puisse apporter, mais,
cependant...
M. Bellemare: Non, le contraire est également vrai.
M. Johnson: Oui. Le contraire pourrait également
être vrai. Cela est pour la première question; quant aux sanctions
décevantes que le député de Johnson évoquait,
à mon avis... Encore une fois, il y a des exemples en Amérique du
Nord et dans certaines provinces de l'Ouest canadien, ainsi que dans certains
Etats américains. Il y a des exemples de vote secret imposé et
non seulement imposé, mais avec surveillance de l'Etat, ce sur quoi je
ne suis pas d'accord et j'aurai l'occasion de citer, un peu plus tard, quand on
étudiera sous-article par sous-article, certaines analyses à ce
sujet. La sanction devient quoi? Elle devient la sanction prévue au
chapitre VIII du code. A mon avis, ce sont les règles du jeu, le code
établit des règles du jeu, il établit, au chapitre VIII,
des sanctions quant aux règles du jeu; on s'en remet à ces
sanctions et c'est ne pas créer de régime d'exception à ce
niveau.
Quant au vote sur la convention collective, on le conserve,
évidemment, et, encore une fois, cela correspond largement à une
tradition, à une exception près. Je pourrais parler de certains
syndicats affiliés aux "teamsters", par exemple, qui prévoient
que le mandat donné aux négociateurs est un mandat de conclure la
convention collective et que, seul, un vote des deux tiers de
l'assemblée peut renverser cette signature. En d'autres termes,
ça prend un tiers des salariés qui sont d'accord avec l'entente
de principe survenue pour que, effectivement, cette entente entre en vigueur,
c'est-à-dire qu'on considère que la signature est valable. De
façon générale, cependant, ce qu'on retrouve, c'est, de
fait, une acceptation par l'assemblée générale. On impose
le vote secret, quant à la signature, ce qui n'empêche
évidemment pas que des textes soient paraphés. Cela ne change
rien, à mes yeux, à la valeur de mandat qu'ont les
négociateurs dans la signature, puisque, de fait, c'est ce qui se passe
dans l'immense majorité des cas. Finalement, ce qu'on signe, ce n'est
pas la convention collective, avec l'exception que j'ai mentionnée tout
à l'heure, mais bien une entente de principe qu'on soumet aux membres
et, à partir du moment... On pourrait donner l'exemple où le Code
du travail ne s'applique pas, mais qui est de même nature. On se
rappellera la dernière convention collective signée dans le
secteur de la construction, qui a donné lieu à certaines diffi-
cultés considérables, où une entente de principe avait
été paraphée et où plusieurs documents, parfois
même contradictoires, avaient, semble-t-il, été
partiellement paraphés, mais, finalement, le document de base,
après qu'il y a eu des réunions, après qu'il y a eu des
acceptations, qui a été signé, a été la
convention collective et, dans ce sens, je pense que ça respecte ce qui
se passe dans la réalité.
Je passe maintenant à la question des 48 heures. J'essaie
d'expliquer un peu le sens du texte, comme je le vois, et je considère
que, de façon générale, c'est un très bon texte. Je
répondrai précisément là-dessus au
député de Joliette-Montcalm et au député de
Sainte-Marie.
M. Bellemare: II a bien raison, c'est sûr.
M. Johnson: D'abord, j'ai fait cette correction d'avis par
écrit au ministre; il y a différents 48 heures dont on parle.
Les premières 48 heures, c'est l'avis de 48 heures qui doit
être donné aux salariés qu'il y aura un vote au scrutin
secret. Il ne faut pas se conter du chinois, je l'ai vécu dans une
grève il n'y a pas très longtemps dans mon comté, dans un
syndicat qui avait une certaine importance. On a convoqué les gens
à cinq heures de l'après-midi, après le travail, pour
discuter de différentes affaires et, à minuit et demi, on a pris
un vote au scrutin secret alors qu'il restait 125 personnes sur 850 membres. Je
pense que c'est ce genre d'affaires ne nous contons pas de blagues
c'est cela que cela vise. Soyons francs, c'est également cela qui
se passe à l'occasion et c'est cela que cela vise à
éviter.
M. Bellemare: C'est ce qui est voulu.
M. Johnson: C'est ce qui est voulu, c'est bien évident,
c'est d'éviter ce genre de situations qui sont, je pense, de
façon générale, exceptionnelles, mais qui existent quand
même. Elles peuvent être fort enquiquinantes pour les
salariés qui sont compris dans le syndicat qui représente cette
unité et elles sont parfois enquiquinantes pour les tiers qui peuvent en
subir les conséquences, particulièrement dans le secteur public
et parapublic. Il y a une notion de démocratie et il y a une notion de
légitimité d'un acte aussi important que celui d'aller en
grève qui nécessitent cela, d'autant plus et je voudrais
renforcer ce principe que les dispositions de 97a feront qu'un membre de
l'unité et on l'oublie parce qu'on pense que la structure
syndicale créée par le Code du travail doit être
valorisée qu'il fasse partie du syndicat ou pas, pourra retourner
au travail, s'il y a un vote de grève. C'est important dans la vie d'un
homme d'avoir la chance de se prononcer sur une chose aussi importante que de
savoir qu'il va être privé de travail le lendemain matin, pas par
son choix, parce qu'il va avoir de la difficulté à franchir une
ligne de piquetage, mais parce que la loi va lui interdire de le faire. Cela
m'apparaît fondamental, en termes
d'accessibilité au vote. On pourrait tomber dans un truc un peu
délirant qui essaie de circonscrire toutes les situations, qui impose,
par exemple, à l'employeur de fournir des locaux pour que les votes se
fassent, je vous ferai remarquer que j'ai vécu une expérience au
début des années soixante, un conflit que j'avais suivi
particulièrement, parce que j'y étais impliqué par l'appui
d'un syndicat étudiant qui appuyait les travailleurs dans cette usine et
où, effectivement, les gens voulaient prendre un vote de grève.
Le patron a fait venir une demi-douzaine de taupins avec des tatouages sur le
bras gauche pour dire: Venez donc voter sur les lieux du travail. Il y a des
inconvénients aussi à imposer que cela se fasse sur les lieux de
travail. Ce qu'on fait, au niveau des 48 heures, c'est qu'il y a une nature un
peu indicative à cela, mais il y a une obligation qui est très
claire, c'est qu'il faut aviser les syndiqués qu'ils vont voter sur une
grève dans les 48 heures qui viennent. Cela n'empêche pas que ce
vote de grève se prenne trois mois avant l'échéance de la
convention collective, six mois avant le jour, dans la tête de
l'exécutif syndical, avant la date prévue pour la grève.
Cela ne s'inscrit pas dans le temps en fonction du déclenchement de la
grève. On dit qu'il s'agit d'aviser ceux qui ont le droit de vote qu'ils
auront à se prononcer sur un vote de grève. Cela ne fixe pas
l'échéance de ce vote de grève, il appartient à
l'assemblée de le décider. Il y a une autre période de 48
heures qui...
M. Chevrette: Pour les fins du journal des Débats, je
voudrais vous signaler que vous ne répondiez pas au député
de Joliette-Montcalm sur cette partie.
M. Johnson: Je m'excuse, au député de
Sainte-Marie.
M. Bellemare: Je pense que c'était nécessaire pour
expliciter...
M. Chevrette: D'accord. C'est seulement pour souligner que je
n'ai pas parlé du tout de...
M. Johnson: Oui, je m'excuse.
M. Bellemare: ... le bien-fondé de l'article
lui-même.
M. Johnson: La deuxième période de 48 heures, c'est
à partir du moment où le syndicat a décidé, par un
vote au scrutin secret, qu'il ferait grève. Il doit aviser le ministre
par écrit qu'il fera grève. Pourquoi? Parce qu'on est en
conciliation volontaire et que, maintenant, le délai de grève est
automatique en fonction de l'avis. On étudiera tout cela dans les
articles 40, 46, 21, 22 et 23. Il est donc possible qu'on ait affaire à
une situation où il s'en vient une grève dans un endroit et qu'on
n'ait aucune information. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'à partir du
moment où le syndicat a décidé qu'il ferait grève,
qu'il ait donne à son exécutif syndical le mandat de
déclencher la grève à la date qu'il juge à propos
ou qu'il lui ait donné une date précise, peu importe, nous savons
qu'il y a un mandat de faire grève, on peut donc faire entrer en ligne
le conciliateur, parce qu'on n'est pas averti autrement qu'il y a un
problème.
C'est possible que ça arrive dans certains cas, même si on
a le tableau d'échéance. Est-ce que cela répond à
votre question?
M. Bisaillon: M. le Président, est-ce que je peux poser
une question additionnelle au ministre? Selon ce que vous expliquez, il ne
s'agit pas d'un préavis, mais véritablement d'un avis?
M. Johnson: C'est ça. C'est un avis indiquant qu'une
assemblée syndicale a décidé, à telle date, de
faire la grève ou a décidé de donner un mandat à
son exécutif de déclencher une grève quand il le voudra
bien.
M. Bellemare: A son choix.
M. Chevrette: M. le ministre, est-ce que vous me permettez une
courte question?
M. Johnson: Oui.
M. Chevrette: Dans le cas où il n'y a pas de grève,
mais un lock-out, est-ce que le travailleur est tenu d'entrer au travail? Parce
que s'il y a un lock-out, votre conciliation volontaire joue autant que durant
une grève. Est-ce que l'avis de grève serait alors indispensable
après le lock-out, puisque le mécanisme de la conciliation
volontaire a pu jouer autant durant le lock-out? Si c'était l'argument
de fond, est-ce qu'il vaut dans le cas d'une suite au lock-out? Parce que le
lock-out ne prévoit pas l'obligation pour un patron de négocier
un protocole de retour au travail, que je sache. C'est là qu'est tout
mon problème; c'est surtout sur cet aspect que j'aimerais avoir une
réponse.
M. Johnson: D'accord. Dans le cas... Oui?
M. Bellemare: D'accord, vous alliez dire exactement ce que je
pense. Je le crois, vous pouvez partir.
M. Johnson: Je vous remercie, M. le député de
Johnson. Dans le cas où on a affaire à une entreprise qui serait
en lock-out, le patron décide qu'il est tanné du lock-out, il
veut reprendre la production, on rappelle les employés au travail, on va
me dire: A ce moment-là, le syndicat est obligé d'y retourner,
l'avis de 48 heures, parce que les gars, dans le fond, dans le contexte actuel,
décideraient: Non, nous on n'entre pas, parce qu'on tombe en
grève.
M. Bellemare: C'est ça.
M. Johnson: A ce moment-là, il n'y a rien qui
empêche, pendant la durée du lock-out... ou il n'y
a rien qui empêche qu'avant, je pense que c'est "aux structures
syndicales" de le prévoir, de prévoir que, quand il y a un
lock-out qui s'en vient, ou au moment où un lock-out est
déclenché, il y ait une assemblée qui se tienne et il y
ait un mandat de grève qui soit donné à l'exécutif.
C'est tout ce que cela va changer dans la pratique, c'est juste une question
pour le syndicat de décider, pendant le lock-out, de faire une
assemblée de ses membres, conformément à la loi,
c'est-à-dire d'envoyer un avis de 48 heures, qu'il va y avoir un scrutin
secret là-dessus, de prendre son scrutin secret et de dire: Nous donnons
mandat à l'exécutif, s'il le juge à propos, ou en vertu
des formules usuelles, qu'au moment de la fin du lock-out, il puisse
considérer que nous sommes en grève. Il envoie l'avis au ministre
révélant qu'un vote au scrutin secret a été pris
sur une grève. Dans le cas du lock-out je m'excuse, de toute
façon, pour continuer à éclairer le député
de Joliette-Montcalm là-dessus il y a un article, l'article 35 du
projet, article 46a du code, qui prévoit qu'à partir du moment
où l'employeur est en lock-out, il doit envoyer un avis au ministre,
évidemment, indiquant qu'il est en lock-out.
Donc, le ministre est dans le portrait, parce qu'il a pu y envoyer un
conciliateur, parce qu'il a été avisé qu'il y avait un
lock-out. Je ne vois pas vraiment... je comprends qu'au niveau
théorique, ça pose un problème; en pratique, je pense que
ça n'en poserait pas.
M. Bisaillon: Cela ne pose plus de problème, M. le
ministre, si on se comprend bien et si on parle véritablement d'un avis
pour informer d'une situation et permettre une constitution, on parle d'un
avis. C'est parfait.
M. Johnson: C'est ça. Ce n'est pas un avis qui est
conditionné au déclenchement, absolument pas.
M. Bisaillon: Je comprends aussi que l'avis peut arriver au
ministre au moment où la grève est en cours.
M. Johnson: Absolument. M. Bisaillon: C'est parfait.
M. Bellemare: C'est exactement comme le lock-out.
M. Johnson: Exactement comme le lock-out. D'autre part, on
n'impose pas à l'employeur de nous avertir d'un 48 heures, ou dans sa
tête, qu'il a pris la décision qu'il y aurait un lock-out de nous
envoyer un avis, on ne peut pas. Comment peut-on vérifier que dans sa
tête, il a décidé, peut-être au mois de
février l'an prochain, qu'il ferait un lock-out? C'est impossible.
Tandis que dans le cas d'une association qui regroupe des membres, il y a une
décision claire qui est prise par des personnes; ce qui est
vérifiable.
Je pense que ça répond aux questions que soulevait le
député de Sainte-Marie. Donc, il ne s'agit pas d'un
préavis, l'article 19b, les moyens nécessaires. J'avoue qu'en ce
qui touche les moyens nécessaires, c'est, à souhait, vague.
M. Bellemare: Surtout compte tenu, c'est surtout ça qui,
moi aussi...
M. Johnson: Compte tenu des circonstances.
M. Bellemare: Compte tenu des circonstances; je l'avais dans mon
article ici.
M. Johnson: Compte tenu des circonstances, c'est l'exemple des
camionneurs au Québec. Il y en a 10 000.
M. Bellemare: Des camionneurs.
M. Johnson: Des camionneurs. Et vous savez qu'il y en a beaucoup
parmi ces gens-là qui ont des CB Citizen band des radios
et il y a bien des choses qui se disent par radio. On peut donner un avis de 48
heures par radio.
S'ils sont 10 000 dispersés à travers le Québec...
Dans certains cas, ils couchent dans des hôtels, parce que sur leur
"run", si vous me passez l'expression, ils ne sont pas à leur domicile.
Il y a le problème concret de rejoindre ces gens-là physiquement.
Ce qu'on dit, c'est, compte tenu des circonstances, si jamais il y avait une
contestation...
M. Bellemare: ... moyens nécessaires, vous n'avez pas
besoin de l'autre.
M. Johnson: Ce sont les moyens nécessaires, compte tenu
des circonstances.
M. Bellemare: C'est un pléonasme. M. Johnson: ...
de trop à éviter. M. Bellemare: Oui. Allez...
M. Johnson: Je comprends l'attitude du député de
Johnson, mais je pense qu'il faut donner, dans le cas hypothétique d'une
contestation de la procédure, par un salarié, devant un tribunal,
ce qui, en aucune façon, n'invalide la légalité de la
grève, soit dit en passant, et qui donne lieu strictement à
l'application des dispositions pénales du chapitre VIII, je pense qu'il
faut quand même donner à ceux qui ont...
M. Bellemare: ... de contester devant les tribunaux. Vous n'avez
qu'un recours pénal.
M. Johnson: C'est cela. Mais le recours pénal, il va
falloir qu'un juge décide si, oui ou non, on l'a respecté. Que va
faire le juge? Il va regarder les moyens nécessaires, compte tenu des
circonstances. Il va donc pouvoir apprécier à la fois les moyens
pris je ne voudrais pas qu'on
entre dans l'interprétation juridique, je ne me sens pas habile
à prendre la place d'un juge pour bien des raisons... Le juge va avoir
apprécié une notion claire, soit des démarches faites par
une personne, qui s'appellent les moyens nécessaires, et il aura
apprécié, si je vous donne l'exemple des camionneurs, des
circonstances, c'est-à-dire le fait qu'il y a des CB et qu'il y a 10000
personnes dispersées à travers un territoire aussi vaste que le
Québec.
En ce sens-là, évidemment, ce n'est pas parfait, cela
donne lieu à bien des possibilités d'interprétation, mais
je pense que, justement, c'est pour faciliter le travail
d'interprétation qu'on le met là.
M. Bellemare: Vous l'affaiblissez.
M. Johnson: Si vous le permettez, je suis assuré que,
lorsqu'on en viendra à l'étude, article par article...
M. Bellemare: Vous l'affaiblissez énormément en
mettant "selon les circonstances". C'est sûr. Devant un juge, je vous
garantis qu'il y en a qui vont en trouver des circonstances pour ne pas
répondre aux moyens nécessaires.
M. Johnson: J'aimerais terminer avant.
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs, s'il vous
plaît!
M. Johnson: M. le député de Johnson, je m'excuse.
Je voudrais simplement terminer là-dessus, à 19d, le procureur
général. Ecoutez. D'abord, je pourrais peut-être dire
pourquoi ce n'est pas l'employeur. Je pense que c'est clair. Même si une
poursuite n'avait pas pour effet d'invalider la légalité de la
grève, cela pourrait être un peu enquiquinant que des employeurs,
de façon systématique, dans certains secteurs, se mettent
à prendre des poursuites pour ennuyer l'association
accréditée. C'est donc pour ne pas donner lieu à une
guérilla.
Pourquoi pas le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre? Parce que je
considère que, de la même façon que les
commissaires-enquêteurs de l'ancien code, ce qu'on va modifier, avaient
le pouvoir d'intenter certaines poursuites... Cela les mettait dans une
drôle de situation. Dans le fond, il y a une espèce de rôle
de neutralité face aux parties. Ils étaient obligés, dans
certaines circonstances, de prendre des poursuites, et de façon
systématique, ils ne les prenaient pas parce qu'ils faisaient toujours
affaires avec ces mêmes parties.
Et quand on pense aux permanents syndicaux, aux représentants,
aux mêmes avocats, aux mêmes CRI qui s'occupent de
représenter les intérêts des associations
accréditées ou des employeurs, finalement, c'était les
mettre dans une drôle de position.
Je pense que le ministre du Travail, dans les mêmes circonstances,
ne doit pas être sujet à ce type de décision qui,
finalement, sur une chose donnée, peut être bien fondée,
et, puisqu'il s'agit des mêmes personnes et des mêmes agents, peut
donner lieu à des "brouillardises" sur d'autres choses qui sont plus
fondamentales et dans lesquelles il faut conserver la plus grande
neutralité possible, le commissaire-enquêteur comme le
ministre.
Pourquoi le procureur général maintenant? Parce que, dans
certaines circonstances exceptionnelles, je pense qu'il faut donner ce pouvoir
au procureur général. Je ne veux pas revenir sur l'étude
du projet de loi 69. C'est bien clair que ce sont des circonstances comme
celles-là qui sont visées. Je vous dis que la garantie, s'il
existe une telle chose, de non-abus, en dehors du fait qu'on vit dans un
régime parlementaire démocratique, en dehors du fait qu'on vit
dans un contexte de presse libre, etc., la meilleure des garanties, c'est que,
avant de poursuivre une association de salariés, le procureur
général est mieux d'y penser deux fois. Sauf que je trouverais
cela injuste qu'on lui soustraie ce pouvoir d'intervenir dans des circonstances
qui pourraient être exceptionnelles.
Je suis sûr que les membres de cette commission, qui ont une
expérience des relations du travail et du milieu des relations du
travail, savent qu'il existe dans certains secteurs des choses qui sont
inadmissibles, des affaires comme de la collusion, par exemple, entre certains
représentants syndicaux et des employeurs.
On sait que ce sont des choses qui existent dans certains secteurs et
sur lesquelles il est difficile d'apporter des preuves, c'est carrément
difficile. Il n'y a peut-être pas matière à faire un
procès là-dessus, mais on le vit et le ministère le vit
et, entre autres, il a mis sous tutelle... Je n'assimile pas la collusion
employeur-employés à cela, mais il y a des problèmes qui
se sont passés. On le sait, par exemple, dans le secteur du
vêtement, où il y a eu des actes posés par un comité
paritaire qui, finalement, permettait de distraire des fonds qui, normalement,
auraient dû revenir au comité paritaire, et de les distraire en
faveur de l'association de salariés, à un fonds de bienfaisance
qui distribuait cela à des organismes à but non lucratif. Il y a
des choses comme cela qui peuvent se passer.
Pourquoi priver le procureur général, à un moment
donné, de pouvoir intervenir dans des choses comme cela, quand la
préoccupation, c'est la protection des salariés, ceux,
évidemment, qui sont membres de l'association, puisque c'est de
ceux-là qu'on parle?
M. Bellemare: L'article 131, si le ministre me permet, n'a jamais
été attaqué, en somme. A l'article 131 lui-même,
c'était convenu que c'était pour les parties
intéressées. Je pense que c'est une soupape pour faire peur.
M. Johnson: C'est cela...
M. Bellemare: Oui, c'est cela.
M. Johnson: ... mais il ne s'agit pas non plus de dire qu'on
soustrait le pouvoir...
M. Bellemare: Depuis 1964, cela n'a jamais été
contesté?
M. Johnson: Non.
M. Bellemare: II n'y a jamais rien eu?
M. Johnson: Non.
M. Bellemare: Le procureur général est rarement
intervenu parce que ce sont les parties intéressées qui,
elles-mêmes, à l'article 131, voient aux poursuites
pénales.
M. Johnson: C'est cela.
M. Bellemare: Le procureur général qui arrive dans
cela, je dois le dire au député de Sainte-Marie, c'est
plutôt pour faire peur. C'est une soupape.
M. Johnson: Je ne suis pas sûr qu'on doive retrouver, de
façon systématique, dans un projet de loi et dans les lois, des
choses qui sont dis-suasives, bien que, de fait, on en retrouve beaucoup. C'est
clair que la caractéristique de l'article 19d, c'est peut-être
d'être dissuasif, d'une certaine façon, auprès de certains
groupes extrêmement minoritaires dans notre société, mais
qui donnent la liberté d'action.
M. Bellemare: Oui, je suis d'accord avec cela.
M. Johnson: Ceci dit, je voudrais qu'on se comprenne bien. Cela
ne force en aucune façon le salarié à porter plainte au
procureur général pour que celui-ci décide de poursuivre.
Le salarié a droit à son recours en vertu des dispositions du
code, mais le procureur général, proprio motu, pourrait
intervenir dans des circonstances exceptionnelles.
Quant à l'article 19e, ce que le député de
Sainte-Marie considère comme étant, finalement, un article qui
pourrait être inutile, je ne suis pas sûr...
M. Bisaillon: Je pense que le ministre n'a pas tout à fait
compris mes propos.
M. Johnson: Je m'excuse.
M. Bisaillon: J'ai dit que c'était un excellent effort et
qu'il ne faudrait pas y avoir d'objection.
M. Johnson: C'est d'accord.
M. Chevrette: Par rapport à ce que vient de dire le
député de Johnson, si j'ai bien compris l'article 19d, il ne
donne plus la possibilité à l'employeur de poursuivre,
contrairement à ce que l'article 131 permettait, par exemple. Il
faudrait quand même bien le regarder.
J'aurais une deuxième question à poser au ministre, M. le
Président. Je voudrais interpréter sa réponse pour qu'il
me dise si j'ai bien compris, parce qu'à ce moment-là, je vais
lui faire une profession de foi.
Si j'ai bien compris les informations que vous avez données
concernant l'article 19b, je pourrais voter pour la grève, ce soir,
entrer en grève, demain matin; ce qui est important, c'est que, dans les
48 heures qui suivent la votation, vous ayez reçu l'avis à vos
bureaux.
M. Johnson: C'est cela, l'avis que vous avez décidé
de faire la grève et, deuxièmement...
M. Bellemare: Le contraire est vrai aussi. Oui.
M. Johnson: Je m'excuse. ... dans les 48 heures qui suivent une
grève, le syndicat doit aviser qu'il est en grève. Pourquoi?
Parce qu'on est en conciliation volontaire.
M. Bellemare: Si les 48 heures sont données et que la
grève a lieu dans 48 jours, cela ne change absolument rien.
M. Chevrette: Je comprenais cette partie; mais voici la partie
sur laquelle j'hésitais, et je l'avais dit. Je pensais que l'article tel
que rédigé j'étais de bonne foi
forçait un groupe de salariés à entrer au travail. C'est
là qu'était tout l'aspect d'immobilisation que je voulais
souligner. A ce compte, M. le ministre, il y aurait peut-être une seule
petite reformulation à l'article 19a, dans le sens exprimé par le
député de Sainte-Marie. Pour le reste de l'article, pour ce qui
me concerne, je vous appuierai.
Le Président (M. Clair): Messieurs, je pense que nous
avons respecté passablement bien l'entente, à savoir, un droit de
parole de 20 minutes au maximum, par individu, sur le principe.
M. Bellemare: Un peu plus.
Le Président (M. Clair): On a permis
légèrement davantage.
M. Bellemare: Oui.
Le Président (M. Clair): C'est conforme à l'esprit.
Cela va bien. D'après les discussions mêmes qui ont eu cours
durant les dernières minutes, c'est visible qu'il serait temps d'entamer
véritablement l'étude de l'article 8, sous-article par
sous-article. S'il n'y a pas d'autres commentaires généraux, nous
allons commencer immédiatement l'étude du paragraphe 19a de
l'article 8.
M. Bellemare: Le premier paragraphe.
M. Forget: M. le Président... D'accord.
Décisions par scrutin secret
Le Président (M. Clair): Nous commençons donc
l'étude détaillée de l'article 8. Nous commençons
donc par le paragraphe 19a de l'article 8. Si vous avez des propos sur cet
article 19a.
M. Johnson: Oui. 19a adopté?
Le Président (M. Clair): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, j'ai déjà
indiqué que cet article en particulier qui parle des élections
à une fonction à l'intérieur de l'association
accréditée, est, à mon avis, d'un intérêt
douteux sur le plan des principes. Ayant écouté le ministre, de
toute façon, je ne veux pas faire une guerre de religion sur cette
question, s'il dit qu'il y a là un message, et c'est à titre de
message au mouvement syndical... A supposer qu'on veuille bien s'engager dans
cette voie, pour éviter un long débat de pur principe, à
savoir si on doit s'occuper, sur le plan gouvernemental, de réglementer
le fonctionnement interne d'une chose aussi interne et avec aussi peu de
conséquences pour les tiers que la façon dont on élit les
dirigeants, mettant cette grosse parenthèse de côté, il
reste que le libellé, la façon même dont on envisage de
donner suite à cette intention, où on exprime ce message à
l'intention du mouvement syndical, donne lieu à un certain nombre
d'ambiguïtés.
Je vais commencer pas l'ambiguïté qui me paraît la
plus importante. Elle est d'ailleurs soulevée par un certain nombre de
mémoires qui ont été soumis au ministre dans le cadre de
sa consultation et qui font ressortir que l'expression "fonction" dans tout
cela, est une expression fourre-tout, vague et mal définie. Elle peut
impliquer, selon les syndicats, selon leurs habitudes internes, selon
l'envergure qu'ils ont, parce qu'il y a de petits syndicats et de grands
syndicats avec beaucoup de membres.
Il y en a qui en ont très peu. Il y en a qui se retrouvent dans
plusieurs établissements d'un même employeur ou même chez
plusieurs employeurs, dans le fond, d'une certaine manière. Tout
ça fait qu'il est très difficile de donner un sens uniforme
à la notion de fonction. C'est grave en soi, parce que, dans le fond, on
crée une obligation et la loi ne précise pas à qui elle
s'applique. Il faudra qu'une jurisprudence, j'imagine... Mais il n'y aura
peut-être pas beaucoup de litiges là-dessus, de toute
façon. Il faudra que, par l'habitude, on adopte une
interprétation de ce qu'est une fonction élective à
l'intérieur d'une association de salariés. On dit: Quand il y a
une fonction pour laquelle le syndicat lui-même prévoit une
élection, il doit y avoir une élection au scrutin secret.
M. Johnson: ... une élection.
M. Forget: Bon! Alors, dans le fond, on se rend tout de suite
compte que c'est un petit peu ambigu, parce que, s'il y a des fonctions, s'il
n'y a aucune fonction, à la limite, quant à ce paragraphe au
moins, s'il n'y a aucune fonction pour laquelle on prévoit une
élection, évidemment, la question du scrutin secret ne s'applique
pas.
Dans le deuxième paragraphe, on espérait voir le
remède à cette situation en disant: S'il n'y a pas de fonction
pour laquelle il y a des élections, il doit au moins y avoir des
élections pour un certain nombre minimal de postes qui seront
électifs, mais ce n'est pas du tout ce qu'on dit non plus dans le
deuxième paragraphe.
On dit: Dans les cas où il y a un scrutin secret prévu...
A défaut de dispositions qui prévoient un scrutin secret, alors,
celui-ci doit avoir lieu tous les ans. Là, il y a des difficultés
additionnelles qui ont été soulignées par le
député de Sainte-Marie. Ce que l'on veut, c'est s'assurer qu'il y
ait un scrutin secret, à défaut, pour les règlements, d'en
avoir. On ne veut pas nécessairement qu'un scrutin secret ait lieu tous
les ans. Si les statuts disent: II y a une élection pour le poste de
président du syndicat tous les deux ans, on veut s'assurer que cette
élection se fasse au scrutin secret, pas nécessairement qu'elle
se fasse au scrutin secret et, en plus de ça, tous les deux ans.
Il y aura, bien sûr, des modifications au deuxième
alinéa. J'y fais une allusion dans le moment, simplement pour dire que
le problème qu'on a au premier alinéa n'est pas résolu au
deuxième alinéa.
Mettons ça de côté, revenons au premier
alinéa et demandons-nous qu'est-ce qu'on peut bien vouloir dire par
"fonction". Est-ce qu'on peut aller au-delà de ça? Il y a deux
attitudes possibles. L'attitude apparente du ministre dans cette
rédaction, c'est que le scrutin secret est une obligation tellement
importante qu'on doit l'imposer à toutes les fonctions pour lesquelles
il y a une élection et que c'est le scrutin secret qui est important, ce
n'est pas l'élection, au sens que, s'il y avait des fonctions... Par
hasard, si toutes les fonctions n'étaient pas électives,
l'article tomberait. C'est un petit peu curieux déjà. Je n'y
reviendrai pas parce que je pense que cela ne représente qu'un
intérêt plutôt théorique, le fait de savoir qu'il n'y
a aucune fonction élective. C'est un point plutôt
rhétorique, si vous voulez, mais qui a au moins un début de
pertinence. Cependant, en supposant que, dans tous les syndicats, il y ait des
fonctions électives, on laisse planer un certain vague sur la question
de savoir quelles sont ces fonctions. Il me semble qu'on aurait avantage
à le préciser. Une des précisions possibles serait de
dire: Soit le président, soit l'exécutif du syndicat je
préférerais l'exécutif du syndicat doit être
élu au scrutin secret.
Bien sûr, on pourra me dire: II y a des fonctions, ça peut
être représentant syndical, ça peut être
délégué de chantier, selon les catégories,
ça peut être responsable des griefs, responsable de grève,
etc., il peut y avoir de multiples varian-
tes et ce serait utile que ça se fasse au scrutin secret. Je veux
bien croire que ce serait utile, mais comme, de toute manière, on n'est
pas capable, dans une loi, de prévoir tout cela, est-ce qu'il ne serait
pas plus clair de dire: Ce sont les membres de l'exécutif? D'autant plus
que la fonction en question... C'est un exposé assez difficile, M. le
Président, parce que les deux paragraphes ont des répercussions
l'un sur l'autre.
Regardons à nouveau le deuxième paragraphe, à la
lumière de cet éclairage; une précision qu'on devrait
trouver plus ou moins grande dans le premier paragraphe. Quand on arrive au
deuxième paragraphe, il faut bien se rendre compte qu'on fait allusion
à la fonction, de façon implicite aussi. Je lis le
deuxième paragraphe: "A défaut d'une disposition dans les statuts
ou règlements de l'association prévoyant que l'élection...
L'élection est l'élection à une fonction, ce qui veut dire
que, selon l'acceptation qu'on donne à la fonction dans le premier
paragraphe, on qualifie également le deuxième paragraphe; ce qui
veut dire que, si on ne lui donne pas une acceptation limitée,
l'élection à toute fonction devient soumise au deuxième
paragraphe, elle doit se faire au scrutin secret, alors que, dans le fond, il
n'y a rien contre l'ordre public à ce que certaines fonctions,
même électives, ne se fassent pas au scrutin secret, pourvu qu'il
y en ait un minimum qui se fassent au scrutin secret, disons le
président, les membres de l'exécutif du syndicat, et on pourrait
imaginer, sans bris à l'ordre public, que certaines autres
élections, pour des postes moins significatifs, ne se fassent pas au
scrutin secret. Mais, si on adopte une acceptation très large de la
fonction dans le premier paragraphe, on devra avoir la même acceptation
de la fonction très large également dans le
deuxième paragrapbe.
Là, on va peut-être vraiment plus loin qu'il n'est
strictement nécessaire. Peut-être que, dans le fond, dans le cas
de certains délégués ou certains représentants, ce
n'est pas tous les membres de l'association de salariés qui devraient
voter, au scrutin secret, pour ces gens. Il y a des règles bien
différentes et on se met dans une camisole de force, en quelque sorte,
en faisant cela. Je pense que le sens de mes propos est clair; il me semble
important de restreindre la question des élections à des cboses
qui seront bien définies, claires, sans que ce soit trop confus et,
à ce moment, il me semble qu'on peut atteindre ce but seulement par une
précision au premier paragraphe, en remplaçant les mots, à
la première ligne du premier alinéa, "à une fonction
à l'intérieur" par les mots "des membres de
l'exécutif."
L'alinéa amendé se lirait donc comme suit: 19a Lorsqu'il y
a une élection des membres de l'exécutif d'une association
accréditée, elle doit se faire au scrutin secret
conformément aux statuts et règlements de l'association.
Cela circonscrit l'obligation, cela permet au syndicat visé de
savoir exactement à quoi s'applique son obligation en vertu de la loi et
cela lui permet un maximum de libertés quant aux autres postes qui
peuvent être électifs, qui peuvent ne pas l'être. Dans la
mesure où ils sont électifs, il pourra choisir de les faire au
scrutin secret, en vertu de l'article 19e. Il pourra choisir de les faire
à un scrutin de tous les membres ou à un scrutin d'une partie
seulement des membres, si ce sont des fonctions qui visent seulement une partie
des membres, parce que cela aussi est possible.
Il y a vraiment seulement l'exécutif qui a une vocation
universelle. Les autres, si c'est un "shop Stewart" ou un représentant
syndical pour une composante de l'unité de négocation, c'est
clair que ce n'est pas l'ensemble du syndicat qui va élire ce
gars-là, cela va être les gens, les salariés qui sont
directement touchés par le délégué syndical. Si on
ne prévoit pas ce genre de chose, on s'enferre dans une logique
interminable.
A mon avis, c'est le sens qu'il faudrait donner à ce paragraphe
si on veut qu'il signifie la même chose pour tout le monde. Le moins de
choses possible, dans le fond, s'en tenir à l'essentiel.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent, si vous voulez, en même temps pour vous que pour tous les
autres membres, je vais considérer votre motion comme étant
annoncée même si, en fait, aucune motion n'est annoncée en
commission.
M. Forget: D'accord, je pense que cela a aidé aux
débats d'autres lois de procéder moins formellement.
Le Président (M. Clair): Alors, on considère que
cette motion est annoncée. M. le député de Johnson.
M. Bellemare: Mes remarques vont dans le même sens que
celles du député de Saint-Laurent. Dans l'ancien texte qui nous
avait été soumis, il y avait une précaution qui avait
été prise. On disait que l'élection des personnes occupant
une fonction de direction... Là, on l'a fait sauter. Alors, est-ce que
c'est une fonction élective ou une fonction administrative? Il y a des
fonctions administratives qui n'ont pas besoin de vote secret, c'est sûr.
Par exemple, le vote secret doit se faire pour les fonctions de direction qui
sont des fonctions électives. C'est cela, un peu...
M. Johnson: Est-ce que le député de Johnson me
permettrait, simplement pour... D'abord, je pense que nous devons ajourner nos
travaux à 12 h 30, parce qu'il y a des caucus. Je serais prêt, cet
après-midi par exemple, après la fin de l'exposé du
député de Johnson, à reprendre l'ensemble des
argumentations qui nous ont amenés à supprimer la notion de
fonction de direction.
M. Bellemare: Oui. Mais là, vous me coupez mon
affaire.
M. Johnson: Non, c'est parce qu'il reste trois minutes; est-ce
que vous prévoyez cinq ou dix minutes? Je n'ai pas d'objection à
ce qu'on ajourne immédiatement, si vous pensez ne pas avoir le temps de
terminer...
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson, effectivement, vous pourriez recommencer...
M. Johnson:... d'un morceau. Si vous désirez continuer
trois minutes, bien à vous.
M. Bellemare: Comme priorité, comme sous-diacre.
Le Président (M. Clair): Préférez-vous
revenir au début de nos travaux?
M. Bellemare: Oui, d'accord.
Le Président (M. Clair): La commission du travail, de la
main-d'oeuvre et de l'immigration ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 29)
Reprise de la séance à 15 h 34
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!
La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de
l'immigration est réunie pour continuer l'examen, article par article,
du projet de loi no 45. Les membres de la commission sont: M. Bellemare
(Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond), M. Ciaccia
(Mont-Royal).
Il est remplacé par M. Blank (Saint-Louis)?
M. Forget: Oui.
Le Président (M. Clair): M. Chevrette (Joliette-Montcalm),
M. Couture (Saint-Henri), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Forget
(Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Johnson (Anjou), M. Jolivet
(Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne
(Beauharnois), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce)...
M. Forget: II est remplacé par M. Picotte.
Le Président (M. Clair): II est remplacé par M.
Picotte (Maskinongé); M. Marois (Laporte) est remplacé par M.
Mercier (Berthier); M. Pagé (Portneuf) et M. Roy (Beauce-Sud).
Au moment où nous avons suspendu nos travaux... J'aurais une
nouvelle correction à apporter concernant le remplacement des membres,
ce sera non pas M. Blank qui remplacera M. Ciaccia, mais M. O'Gallagher (Robert
Baldwin).
Au moment où nous avons suspendu nos travaux, nous étions
à l'article 8 du projet de loi 45; nous avions entamé la
discussion sur le sous-article ou le paragraphe 19a de l'article 8. Le
député de Johnson avait commencé son intervention, mais
nous serons généreux et nous considérerons qu'il n'avait
pas encore pris la parole, de sorte que son temps est vierge.
M. le député de Johnson.
M. Bellemare: Je ne sais pas si, durant le dîner ou le
souper, vous êtes appelé au téléphone et vous avez
un entretien avec un de vos électeurs; ça dure quinze minutes et
quand vous revenez, vous n'avez presque plus d'appétit, vous savez.
M. Forget: Cela dépend de ce qu'il vous dit.
M. Bellemare: Je pense que le problème est là
aussi. On était dans une atmosphère très sereine. A ce
sujet, je pense que le ministre et tous les membres de la commission, comme
ceux de l'Opposition officielle, font un effort extraordinaire pour garder un
calme et une discussion très sereine et qui, pour le mieux-être...
Même si hier à la télévision, j'entendais certaines
remarques fort désobligeantes de la part du patronat, je crois que ce
qui se fait présentement est la quintessence même d'un droit
législatif qui, par
l'expérience vécue par certaines personnes, fait que la
législation peut être excellente.
Me fiant à ce que disait l'honorable Daniel Johnson dans le
temps, pourquoi faire autant, vous, de l'Opposition, pour bonifier la loi que
les gens du gouvernement nous présentent? Laissez-les donc faire et ils
se feront battre avec cela.
Je tenais à rappeler ce souvenir, qui m'avait été
bien cher, que j'avais remarqué. Je ne l'ai pas suivi toujours à
la lettre, malgré la grande amitié que j'avais pour l'honorable
M. Johnson, mais il se faisait fort de nous donner des directives qui
étaient très salutaires.
Mais, dans la formulation, quel but poursuit le gouvernement en enlevant
le mot "fonction"... Dans la première loi, c'était "fonction de
direction". Il y avait au moins là un certain critère qui nous
laissait entendre que c'étaient des positions électives et non
pas des postes administratifs.
Si la loi doit s'appliquer, il faudrait peut-être que le mot
"fonction" soit, comme le disait ce matin le député de
Saint-Laurent, peut-être explicité d'une manière plus
formelle, parce qu'il y a le mot "fonction". C'est quelle fonction? Fonction
élective? Fonction administrative? Fonction représentative? Il y
a plusieurs fonctions. Supposons que mon épouse est nommée membre
d'un comité d'accueil de la CSN dans un certain endroit, est-ce qu'elle
va être obligée de passer par l'élection au vote secret ou,
si elle est simplement désignée? Il y a une chose qui est
sûre. Il s'agit, M. le ministre, d'un vote majoritaire des membres de
l'association accréditée qui sont compris dans l'unité de
négociation et qui exercent leurs droits de vote. Pourquoi ne pas le
dire expressément?
Je pense aussi... j'ai regardé ce midi, pendant le peu de temps
que nous avons pour aller au lunch, la constitution d'un groupe syndical et je
pense qu'ils sont rares les groupes qui font les élections tous les ans.
Il y a une précision qui va nous embêter ou embêter
certaines personnes qui seront obligées, de par la loi, à
désigner certaines personnes, par vote secret, à des fonctions
électives, bien sûr, mais à tous les ans, par un scrutin
secret.
Ce sont les trois points que j'avais à toucher. C'est une
formulation sans explication du mot "fonction". Pourquoi n'y aurait-il pas un
vote majoritaire? Pourquoi ne changeriez-vous pas le terme "tous les ans" par
"selon les règles et coutumes établies par les statuts ou
règlements"?
Je comprends que l'un contredit l'autre. Si vous lisez le premier
alinéa, vous voyez que, lorsqu'il y a élection à une
fonction là, il s'agirait de déterminer le mot "fonction"
à l'intérieur d'une association accréditée
c'est bien, on comprend cela elle doit se faire par scrutin
secret, conformément aux statuts et aux règlements de
l'association. Mais si les statuts et les règlements de l'association
n'étaient pas de un an, étaient de deux ans, ou l'un dans
l'autre...
Des fois, il y a des associations où il en sort trois et
où il en entre trois. Le président vient à tous les deux
ans. Cela dépend des statuts et des règlements. Le premier
alinéa semble contredire le deuxième.
Si on se fie aux statuts et aux règlements de l'association, il
ne faudrait peut-être pas spécifier tous les ans. Je n'ai pas
l'intention de vous apporter beaucoup d'amendements, mais j'ai l'intention
d'appuyer, par exemple, certaines argumentations qui sont faites et qui,
à mon sens, à cause de ma carte de Brotherhood je suis
membre du syndicat me font dire qu'il y a peut-être des avatars.
Cela en est un qui mériterait sûrement d'être
changé.
Le Président (M. Clair): Le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je veux faire une
remarque très brève qui est de portée plus
générale.
J'ai déjà informé le ministre du fait que cette
remarque ne constitue en aucune façon une dissidence. Le ministre, hier,
et le député de Saint-Laurent, ce matin, ont tous les deux fait
allusion au fait que cette loi, en un certain sens, veut porter un message. Le
ministre a indiqué que ce message, à certains égards,
s'adressait au monde patronal. Le député de Saint-Laurent, je
crois, a indiqué que ce message s'adressait au monde syndical. Ces deux
observations me paraissent justes. La remarque que je voulais faire,
c'était tout simplement pour indiquer qu'à mon avis, ce message
a, en réalité, un auditoire beaucoup plus vaste qui englobe ces
deux-là, mais qui englobe l'ensemble de la population. C'est un message
à l'opinion publique.
A propos de ce qu'on appelle la démocratie syndicale qui est le
sujet traité ici, nous avons tous reconnu que la démocratie
syndicale, c'est généralement ce qui existe déjà.
Ces dispositions de la loi sont importantes, non seulement pour s'assurer que
la petite marge qui reste sera comblée, mais c'est plus important encore
pour que, dans l'opinion publique, on sache que la loi exige ce comportement de
la part des unions ouvrières. Parce qu'il existe malheureusement dans la
société, à certains moments, des courants d'opinions
antisyndicaux qui très souvent sont mal fondés, qui sont
fondés sur l'ignorance des pratiques syndicales réelles et
fondés sur l'ignorance des exigences des lois. Le fait que ce genre de
disposition figure dans nos lois permettra à tous de répondre
à ce genre de sentiment mal fondé et de faire voir clairement
à toute l'opinion publique que non seulement la démocratie existe
très généralement dans le monde syndical, mais que la loi
l'exige formellement. A cet égard, ces dispositions de la loi me
paraissent très importantes.
M. Bellemare: II y a des fois une grande différence entre
la lettre qui tue et l'esprit qui vivifie.
Le Président (M. Clair): Le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais parler sur le
mot "fonction" et également sur le paragraphe 2 de 19a. Tout d'abord, je
préfère le mot "fonction" parce qu'il n'y a pas une appellation
qui est uniforme d'une centrale à une autre ou d'un syndicat à un
autre.
Le député de Saint-Laurent parlait de conseil
exécutif, mais il y a des constitutions et règlements qui parlent
de conseil d'administration, d'autres, de bureau national, d'autres, de bureau
de direction. Si on se mettait à vouloir définir un terme juste
ou précis, il faudrait faire une liste et on s'enfargerait fort
probablement; on en oublierait. Donc, je pense que "fonction", dans les
circonstances, ne crée pas de problème et est un terme
générique.
Quant au deuxième paragraphe, je vais me permettre de faire une
suggestion à ce stade-ci, pour ne pas faire d'amendement. Etant
donné que le paragraphe 2 précise que c'est là où
il n'y a pas de prévision de vote secret, mais qu'il peut y avoir une
précision d'élection, cependant, à un rythme d'un an ou de
deux ans; si, à l'avant-dernière ligne, on disait: Celles-ci
doivent avoir lieu au rythme prévu dans les règlements ou les
constitutions, mais à vote secret, à scrutin secret, excusez, par
les membres de l'association, j'ai l'impression qu'on couvrirait la dimension
que le député de Sainte-Marie voulait couvrir et qui a
été reprise par le député de Saint-Laurent.
Je le soumets à titre de suggestion, pour le moment, et si le
ministre, dans sa réponse, considère que c'est recevable, il
pourra même l'incorporer. Moi, je n'ai pas d'objection, mais c'est
à titre de suggestion pour essayer de trancher le dilemme qu'on a
soulevé depuis le matin.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Evidemment, l'amendement n'est pas
déposé, M. le Président, mais il y avait un amendement
d'annoncé par le député de Saint-Laurent sur lequel je
voudrais parler brièvement.
Le Président (M. Clair): Je préférerais, M.
le député de Sainte-Marie, que vous attendiez le moment où
on discutera effectivement de l'amendement proposé par...
M. Bisaillon: Non, c'est parce qu'on a procédé de
cette façon-là hier, M. le Président, ce qui a permis,
à deux reprises, au député de Saint-Laurent de retirer ses
amendements.
M. Bellemare: On n'a pas encore entendu le ministre. Ce serait
peut-être avantageux qu'on entende le ministre avant, et si, lui, consent
à certaines rectifications, ça va tomber par le fait
même.
Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail.
M. Johnson: Bon! D'abord, M. le Président, je vais tenter
de reprendre certains des arguments qui ont été
évoqués par le député de Johnson et essayer
d'apporter une explication au député de Joliette-Montcalm, quant
à mon interprétation de l'article.
J'aimerais peut-être qu'on en fasse lecture ensemble, avec les
intonations; ça simplifierait peut-être les choses. "Lorsqu'il y a
une élection à une fonction, à l'intérieur d'une
association accréditée, elle doit se faire au scrutin secret,
conformément aux statuts et règlements de l'association".
On ne parle pas de qualifier la fonction. On réfère
simplement aux faits. Quand un syndicat prévoit que quelqu'un, quelque
part, dans sa structure, doit être élu, cette élection doit
se faire au scrutin secret. C'est tout ce que dit le paragraphe 1. Il ne dit
pas: Les officiers doivent être élus et au scrutin secret. Il ne
dit pas: Les représentants doivent être élus et au scrutin
secret. Il dit: Quand les statuts prévoient que quelqu'un est élu
dans la structure syndicale, ce scrutin doit se faire de façon
secrète.
Le deuxième paragraphe: "A défaut de dispositions dans les
statuts ou règlements de l'association prévoyant que
l'élection doit se faire au scrutin secret, celle-ci doit avoir lieu
tous les ans au scrutin secret des membres de l'association." Ce que dit le
paragraphe 2, c'est que, en admettant qu'il y ait dans les statuts ou
règlements des dispositions qui prévoient l'élection mais
ne prévoient pas qu'elle sera secrète, à ce
moment-là, l'article 2 s'applique. Et je vais le mettre en concordance
avec les dispositions transitoires maintenant.
Avant de faire cela, je vais juste préciser deux
hypothèses. Ou les statuts du règlement prévoient qu'il
n'y a personne d'élu dans ce syndicat... On dit: Les membres de
l'association accréditée du syndicat XYZ, entre
parenthèses trois lettres pour son affiliation syndicale, sont choisis
présidents en fonction de la couleur de leurs yeux. Bon. Il n'y a pas de
prévision d'élection là et d'ailleurs c'est absurde de
penser en ces termes, je ne pense pas que cela existe.
Le problème, c'est qu'on ne peut pas connaître les statuts
et règlements des milliers de syndicats qui existent, d'unités,
finalement, qui ont une association accréditée. Comme il y en a
une quantité énorme, on ne peut pas tout prévoir. Ce qu'on
dit c'est: Juste au cas où le problème se poserait, on
réfère à cela.
Donc, de deux choses l'une: les statuts prévoient ou ne
prévoient pas une élection. Prenons l'hypothèse que tous
prévoient une élection quelque part, qu'il y a un poste
électif. Ce poste électif peut être, comme le disait le
député de Joliette-Montcalm, membre d'un bureau de direction,
représentant d'une partie de l'unité, membre de
l'exécutif, membre du conseil d'adminis-
tration, cela peut être n'importe quoi. C'est ce qu'on dit dans
les règlements et c'est ce qu'on a choisi de se donner comme association
accréditée. En admettant qu'on n'ait pas prévu de tenir
cette élection au scrutin secret, le paragraphe 2 de l'article 19a nous
dit que cette élection sera secrète. Et elle devra se tenir tous
les ans.
Par contre, on introduit des dispositions transitoires à la fin
du projet qui permettront, par proclamation du lieutenant-gouverneur en
conseil, de proclamer l'application des articles.
M. Bellemare: De proclamer...
M. Johnson: De proclamer l'application des articles. On est
obligé de procéder ainsi, parce qu'il y a une infinité
d'articles qui vont avoir besoin d'ajustement qui varient, parce qu'on parle de
conciliation volontaire, entre autres. Il y a des conflits qui sont en cours,
des négociations qui sont faites en vertu de l'actuel Code du travail,
etc. Il y a les autres dispositions qui touchent, par exemple, le
précompte syndical. Cela ne peut pas être en vigueur le lendemain
matin de l'adoption. Il va falloir, entre autres, que l'informatique pour les
chèques de paie le prévoie, etc. Il va falloir finalement qu'il y
ait des délais qui varient selon les articles plutôt qu'adopter
une disposition transitoire qui donnerait six mois pour tout cela. On va le
faire par proclamation.
Dans ce cas-là, dans le cas de l'article 19a,
particulièrement au deuxième paragraphe, ce qu'on pourrait faire,
c'est dire que, par proclamation, l'article 19a, s'il était
adopté tel quel en troisième lecture, serait en vigueur, disons,
le 10 décembre 1978, ce qui donne donc un an au syndicat, qui aurait
dans ses statuts une fonction élective, mais qui ne prévoit pas
le scrutin secret pour le faire, de changer ses statuts pour prévoir que
c'est au scrutin secret que cela se fait. Cela peut lui permettre de conserver
le fait que l'élection se fait tous les 20 ans, tous les deux ans, tous
les six mois et cela peut être pour les fonctions qu'il veut bien. Alors,
je pense qu'on fait le tour de la difficulté de cette
façon-là et c'est ainsi, d'ailleurs, que nous l'avons
conçu.
M. Bellemare: C'est bien à point de nous donner ses
sentiments et son interprétation, mais je prends un pauvre homme qui est
membre d'un syndicat et qui le lit froidement, je ne sais pas s'il fait toutes
les interventions qu'a faites le ministre pour mieux nous faire comprendre. Il
va peut-être le lire à la ligne et à la syllabe.
M. Johnson: Si vous me le permettez, M. le Président, je
pourrais peut-être référer le député de
Johnson à cette époque où il était ministre du
Travail et de la Main-d'Oeuvre. Il a présenté successivement,
dans l'espace de trois mois, deux projets de loi modifiant le Code du
travail.
M. Bellemare: C'est bien vrai et je sais pourquoi aussi. Vous
pouvez le demander à M. Au-ciair, en arrière. Il est pas mal au
clair, lui; au courant, plutôt qu'au clair.
Vous savez qu'il faut aussi faire des lois qui veulent
véritablement dire ce qu'on veut, mais d'une forme que les gens vont
comprendre. S'il y a des méticuleux qui disent, vous savez comment cela
se passe dans les syndicats: Vous avez l'obligation de faire des
élections tous les ans au scrutin secret et c'est marqué dans le
code.
Ils vont se promener avec cela. Ils vont dire: C'est marqué, vous
allez être obligés de faire des élections tous les ans. Ils
n'auront peut-être pas lu la constitution qui décrète de
tenir des élections tous les deux ans. Je trouve que les mots "tous les
ans"... Quand vous essayez, M. le ministre, avec cette voix suave, qui peut
endormir bien du monde, de nous dire, vous savez dans le mot fonction, c'est
l'intonation qu'il faut mettre... la compréhension aussi. S'il y a une
élection à une "fonction" à l'intérieur même
des cadres, c'est quoi? Le mot fonction est bien vague, comme disait ce matin
le député de Saint-Laurent. On le sait, nous, parce qu'on est
conscient du problème et on sait comment ça se produit. Mais le
gars qui va être méticuleux, qui va être chercheur de
bibites, il va dire: La fonction de gardien en arrière de la porte, il
faut qu'il soit élu au scrutin secret. Ce n'est pas ça du tout.
Le mot fonction n'est pas assez défini.
Je comprends que vous allez me répéter pour la
neuvième fois la même chose, je comprends ça. Moi, je ne
vais pas me laisser emplir, mais convaincre parce que je suis convaincu que
vous avez raison. Cela doit être, au point de vue terminologique, le vrai
terme. Mais j'ai de la misère a me mettre à la place d'un homme
ordinaire qui a le deuxième ABC, qui va être là, qui va
dire qu'il est méticuleux, fonction, tous les ans...
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, étant donné que
nous avons fait le tour des points de vue là-dessus et que j'ai
annoncé une motion, contrairement à ce que j'ai fait pendant
l'étude d'un autre projet de loi, à l'occasion, lorsque les
raisonnements du parti ministériel m'ont persuadé de
l'opportunité de ne pas présenter de motion, dans ce cas-ci, je
crois que c'est essentiel de le faire.
J'ai très bien compris l'explication que le ministre a
donnée, selon laquelle cet article 19a ne prévoit pas du tout
l'obligation qu'il y ait des élections, mais prévoit que, s'il y
a des élections à un poste, cette élection se fasse au
scrutin secret. Comme c'est un aspect important qui aurait pu échapper
à la discussion et qui, sans aucun doute, pourrait échapper
à ceux qui prendraient connaissance du texte de la loi, je crois qu'il
serait approprié de bien souligner justement le sens de cet article en
présentant cette motion qui aura pour but d'aller un peu plus loin que
le ministre n'a été pour préciser la nature de
l'obligation que l'on fait à l'association de salariés, mais,
tout en précisant la nature de l'obligation,
la restreindre à des catégories un peu mieux
définies que le mot fonction ne le suggère.
Je lis immédiatement cette motion d'amendement: "Que le premier
alinéa du paragraphe 19a de l'article 8 soit modifié en
remplaçant, dans la première ligne, les mots "à une
fonction à l'intérieur" par les mots "des membres de
l'exécutif.""
L'alinéa amendé se lirait comme suit: "Lorsqu'il y a
élection des membres de l'exécutif d'une association
accréditée, elle doit se faire au scrutin secret,
conformément aux statuts ou règlements de l'association".
Dans un tel cas, M. le Président, même les mots "lorsqu'il
y a une élection", n'ont plus du tout le même sens. Dans l'article
19a, tel que le mot le ministre, lorsqu'il y a une élection signifie,
chaque fois qu'il y a une élection.
A ce moment-là, certaines règles sur le scrutin secret
s'appliquent. Lorsqu'on amende l'article pour lui faire dire: "Lorsqu'il y a
élection des membres de l'exécutif", il faut lire tout cela d'un
seul trait, en quelque sorte, et l'intonation, là aussi, est importante.
Lorsqu'il y a élection d'un membre de l'exécutif d'une
association accréditée, elle doit se faire au scrutin secret.
Cela ne laisse aucun doute sur la nécessité de faire une
élection, puisque c'est le mode de nomination qui, à ce
moment-là, est inscrit dans la loi, pour les membres de
l'exécutif.
Je traiterai brièvement de la difficulté
d'interprétation qu'a soulevée le député de
Joliette-Montcalm. Il a dit: Si on parle des membres de l'exécutif, il
va falloir inclure une liste. Je ne crois pas du tout que notre droit, nos
habitudes d'interprétation des lois, au Québec, contrairement aux
pays de Common Law, rendent nécessaire l'énumération dans
le cas où on veut couvrir plus d'une circonstance, plus d'un cas
particulier. On sait que dans le droit statutaire, on a de ces paragraphes
interminables où on dit: Toute personne qui fait telle chose, tente de
le faire, s'associe avec d'autres pour le faire, etc..
Dans les traditions juridiques québécoises, il est
suffisant, comme dans tous les pays de droit civil français, de donner
une expression de caractère général. Les cours et les
tribunaux, le cas échéant, interprètent cette
signification pour dire, selon le cas, que le bureau national, ou le conseil
d'administration, etc., doivent être compris comme étant couverts
par l'expression "les membres de l'exécutif".
Je n'aurais pas d'objection, si un savant légiste nous en faisait
la recommandation, à substituer aux "membres de l'exécutif" une
expression équivalente, mais ayant le même effet,
c'est-à-dire imposer strictement une obligation d'élection au
scrutin secret pour ces postes, mais pas pour les autres, et ainsi de soulager,
en quelque sorte, ceux qui devront interpréter la loi, de cette
ambiguïté qui va, malgré tout, demeurer. Même s'il n'y
a pas d'ambiguïté, il se peut fort bien qu'il y ait des postes
électifs dans un très grand nombre de syndicats qui doivent
continuer à être des postes électifs, mais pour lesquels
l'opportunité d'en faire des postes électifs à un scrutin
secret peut être mise en doute.
C'est un formalisme peut-être exagéré dans certains
cas. C'est peut-être aller plus loin qu'il n'est strictement
nécessaire. De toute façon, je crois que le sens de notre
amendement est clair; les réponses que le ministre a faites, selon
lesquelles on tenait pour acquis qu'il y avait des élections à
tous les postes, on ne voulait que régler la modalité de
l'élection, montrent très clairement le sens de l'article tel
qu'il l'envisage, mais montrent également qu'il laisse subsister une
ambiguïté quant à son champ d'application et laisse
subsister la possibilité qui est, malgré tout, assez grave. Parce
que, dans le fond, c'est aussi grave que l'absence de scrutin secret, la
possibilité qu'il peut y avoir, dans des cas isolés, très
rares, des postes qui ne sont pas électifs, qui sont comblés par
un procédé qui n'est pas spécifié aux statuts et
règlements et qui sont comblés par d'autres mécanismes, de
cooptation, etc. Et dans les cas de l'exécutif, dans les cas des
organismes du groupe central qui assume la responsabilité de diriger un
syndicat, il semble que de tels procédés ne soient pas
appropriés et devraient être effectivement
éliminés.
Dans la mesure où il s'agit d'un message qu'on veut transmettre,
je comprends bien l'expression du député de Deux-Montagnes; il y
a sûrement, dans d'autres articles, des messages qui s'adressent au
patronat, je pense, par exemple, à celui du précompte, etc. Je
suis tout à fait d'accord avec lui là-dessus, mais, dans ce
chapitre-ci, c'est vraiment un message au mouvement syndical. Il me semble que
le message ne devrait pas porter uniquement sur les modalités du vote,
qu'il devrait porter sur le principe même du vote. Si on veut faire un
message, il me semble qu'il serait plus substantiel de le faire porter sur le
principe d'un vote que sur la modalité d'un vote.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez...
Le Président (M. Clair): M. le ministre.
M. Johnson: ... sur l'amendement proposé par le
député de Saint-Laurent, d'abord, je vais simplement reformuler
ce que pourrait être l'article 19a. Dans le fond, c'est exactement ce
qu'il dit, sauf que c'est peut-être dans un langage moins complexe. Je
n'ai cependant pas l'intention d'apporter un amendement.
On pourrait le comprendre comme ceci: Chaque fois que les statuts et
règlements d'une association accréditée prévoient
qu'il y a une élection, cette élection devra se tenir au scrutin
secret. C'est cela que cela dit, pas un mot de plus, pas un mot de moins. C'est
exactement ce que dit l'article 19a.
Or, j'ai soulevé le problème, tout à l'heure, de la
connaissance, finalement, de tous les règlements et statuts de toutes
les associations accréditées au Québec et il y en a des
milliers.
Cependant, on sait que les syndicats qui sont affiliés aux
grandes centrales ont à peu près tous des copies conformes, ce
qui, en aucune façon, n'empêche, dans le cas d'un syndicat
donné, d'élire des personnes, à main levée ou par
consensus ou autrement, à des fonctions qui ne sont pas prévues
dans les statuts. Par exemple, dans le cas d'un syndicat de l'enseignement, une
association accréditée (CEQ), l'association des professeurs de la
régionale de Mortagne (CEQ) Québec peut très bien
prévoir que le président de l'exécutif, que les membres du
conseil confédéral, que les membres du bureau de direction,
n'importe quelle appellation qu'on peut donner et qui n'est pas
nécessairement l'exécutif, soient des gens qui sont
élus.
M. Bellemare: Bienfaisance.
M. Johnson: Par hypothèse, on pourrait penser, quoique ce
ne soit pas le cas du syndicat CEQ, que cette fonction ne prévoit pas
une élection au scrutin secret, mais, de fait, elle le prévoit.
C'est simplement pour illustrer... Cela n'empêche aucunement le syndicat
en question de décider que le délégué de
l'école disons qu'il y a 25 écoles impliquées
dont le rôle n'est pas prévu dans les statuts, mais qui, de
fait, est un personnage au niveau du groupement, sera élu. Il pourra
être élu à main levée, comme on voudra. Ce n'est pas
quelqu'un de prévu dans les statuts et règlements.
Je répète, en terminant, que l'article 19a doit se
comprendre comme disant que, chaque fois que les statuts et règlements
d'un syndicat prévoient qu'il y a une fonction élective,
l'élection à cette fonction élective devra se faire au
scrutin secret. En ce sens, je voterai évidemment contre l'amendement du
député de Saint-Laurent, bien que je reconnaisse sa bonne
volonté à ce niveau et sa volonté de clarification, en lui
répondant qu'à mes yeux, sur le plan strictement juridique, il
serait imprécis de mentionner les membres de l'exécutif puisque,
advenant une contestation, le juge serait dans la position d'apprécier
si un membre d'un bureau de direction dans un syndicat est un membre
d'exécutif, tandis que nous lui donnons un texte dans lequel on dit: La
fonction pour laquelle M. X a été élu est-elle une
fonction pour laquelle les statuts prévoient une élection?
Or, oui, effectivement, c'est une fonction qui prévoit une
élection, que ce soit au nom du bureau de direction, de
l'exécutif, du conseil d'administration ou de n'importe quoi. Donc, sur
le plan juridique, le texte est, à mes yeux, beaucoup plus clair en ce
sens. Je pense, finalement, que l'amendement apporté par le
député de Saint-Laurent est fondamentalement un amendement de
forme auquel, évidemment, je m'oppose pour les raisons que je viens
d'expliciter.
Quant au fond, je terminerai en évoquant simplement le Landrum
Griffin Act, aux Etats-
Unis, qui prévoit, à l'article 401 le Landrum
Griffin Act, comme le savent sans doute nos collègues, c'est
fondamentalement le Code du droit d'association aux Etats-Unis, si on veut, au
niveau fédéral"Every National or International Labour
Organization, except the Federation of National or International Labour
Organization, shall elect its officers not less than one every five years,
etc..." On réfère bel et bien à notre "members of the
executive committee" ou "members of the bureau of quelque chose". On dit
"officers" au sens large. On pourra peut-être prétendre que
"officers", dans la terminologie du droit américain, c'est vraiment
celui qui est dans un conseil exécutif et qui a une jurisprudence
spécifique sur la notion de ce qu'est un conseil exécutif. Je ne
voudrais pas m'aventurer là-dedans, mais si jamais il y avait
contestation à ce niveau je pense que le seul fait de dire "fonction" et
non pas "fonction de direction"... D'ailleurs, plusieurs mémoires nous
ont souligné de qualifier simplement les fonctions. Ce sont celles
prévues dans les statuts pour lesquelles il y a une élection.
Elle doit être tenue au scrutin secret.
M. Bellemare: M. le Président... D'accord.
Le Président (M. Clair): Le député de
Sainte-Marie, M. le député de Johnson.
M. Bisaillon: Cela va être très bref. Je serai,
évidemment, contre l'amendement, tel qu'il a été
formulé par le député de Saint-Laurent, parce
qu'effectivement il ne répond pas à l'objectif que se fixait le
député de Saint-Laurent en voulant préciser la fonction,
puisqu'on laisse échapper un certain nombre d'autres fonctions aussi
importantes et électives elles aussi dans chacun des syndicats. Par
ailleurs, je ne suis pas certain que le texte tel qu'il est soit aussi clair
que l'explication que le ministre en donne. Comme je ne suis pas convaincu non
plus que la transcription du journal des Débats accompagnera la loi, il
me semble que ce ne serait pas très grave d'ajouter après
"fonction", prévue aux statuts et règlements, et de continuer en
disant "à l'intérieur d'une association
accréditée".
M. Bellemare: M. le Président...
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson, je m'excuse. Tantôt, je n'ai pas eu le temps de vous mentionner
que j'avais une liste de membres qui voulaient intervenir. Il y a le
député de Joliette-Montcalm, le député de Bourassa
et vous êtes le troisième. Ils avaient déjà
manifesté le désir d'intervenir.
M. Bellemare: J'avais cédé mon droit de parole
à M. le ministre. Je pensais qu'après sa mise au point je
pourrais donner immédiatement mon interprétation de la
motion.
Le Président (M. Clair): Effectivement. Vous avez raison,
M. le député de Johnson.
M. Bellemare: Je pense que c'est suivre un peu le processus
normal. Le ministre tout à l'heure a dit: Oui, écoutez, vous
allez voir. On va pouvoir faire la proclamation de cet article en
décembre 1978. Est-il réaliste ou ne l'est-il pas?
S'il fait la proclamation de l'article en 1978, est-ce que les centrales
syndicales ne peuvent pas, elles, pendant tout ce temps, jouer un mauvais tour
au ministre et que toutes les fonctions électives par scrutin secret
soient changées dans la constitution? Le ministre me comprend?
M. Johnson: Oui, je m'excuse.
M. Bellemare: Oui, j'espère bien, parce que...
M. Johnson: J'ai perdu la dernière phrase du
député de Johnson. Je m'en excuse.
M. Bellemare: Je dis: C'est bien beau de dire que ce sera sur
proclamation en septembre 1978. D'accord, je dis que cela peut être bon.
Mais est-ce que, pendant tout ce temps-là, sans prêter de mauvaise
intention à quiconque, on ne changera pas le statut même de
certaines centrales pour enlever du scrutin secret certaines positions,
certaines fonctions qui sont électives? Cela peut se faire. Qu'est-ce
qui arriverait après? Votre proclamation arriverait et elles diraient:
Monsieur, "bedoum", hein? Là, on est passé outre à la
loi.
M. Johnson: Elles pourraient toujours le faire après
aussi.
M. Bellemare: Pardon?
M. Johnson: Elles pourraient toujours le faire après
aussi.
M. Bellemare: Oui, après, oui, mais là, parce que
vous avez dit qu'il y aurait une proclamation peut-être en
décembre 1978, je vois les centrales syndicales dire: Le ministre a dit:
Proclamation en 1978. Ah bon! C'est bien. On va changer nos statuts. Les postes
électifs... Ah non! C'est un exemple qui...
M. Bisaillon: Les centrales sont aussi ratou-reuses que vous
d'habitude.
M. Bellemare: II ne faudrait pas avoir vécu avec elles
pour connaître souvent leurs desseins qui pourraient peut-être...
Je vais à l'extrême. Mais, parce qu'on n'aura pas défini le
mot "fonction", on sera pris encore avec, peut-être... Quand on me parle
des membres de l'exécutif, là, c'est sûr et certain qu'on
ne touche pas à d'autres personnes et que c'est véritablement
atteindre le but pour lequel le mot "fonction" a été mis. Les
fonctions, d'après les statuts et règlements, sont celles qui
prévoient les élections des membres de l'exécutif. C'est
sûr. Je pense qu'en désignant formellement les membres de
l'exécutif comme fonction... Même si vous aviez à repor-
ter la proclamation dans un an, personne ne pourrait, parmi les centrales
syndicales, changer les postes électifs pour les remettre dans le no
man's land.
Alors, je serais favorable, pour ma part, au souhait du
député de Saint-Laurent, pour que le ministre puisse
définir, d'une manière plus concrète, le mot "fonction".
Vous savez, il faut vivre avec les unions pour savoir comment elles sont
ratoureuses aussi. Elles essaient tous les moyens imaginables pour se
soustraire à certaines applications de la loi qui ne font pas leur
affaire. Exemple: Dédé. C'est un exemple bien formel, qui fait
qu'il a trouvé le tour de contourner, par la grand-rue, la loi et
personne n'a pu rien y faire, sauf le ministre de la Justice, qui aurait
peut-être pu intenter une action parce que c'était tronquer la loi
et aller trop loin, par exemple, imposition de $25 au centre sportif.
Mais moi, je pense que le député de Saint-Laurent a raison
en voulant définir le mot "fonction". Selon les statuts et
règlements, c'est bien sûr que ce sont les membres de
l'exécutif dont on veut parler. Il ne faudrait pas qu'il y ait une
échappatoire. Il ne faudrait pas passer à côté. Une
chose certaine, c'est que le ministre fait son lit et s'il a de la
misère à s'y coucher, écoutez donc, il fera comme moi, il
reviendra avec d'autres amendements.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Joliette.
M. Bellemare: Mais si vous me permettez: en terminant, il faut
comprendre la flèche qu'il m'a lancée tout à l'heure au
sujet des amendements que j'avais apportés à la suite de
l'organisation du Tribunal du travail et des commissaires-enquêteurs, en
disant que c'était du droit nouveau et que, dans le droit nouveau qu'on
établissait, on a eu bien des suggestions et que c'était
extrêmement difficile de pénétrer dans une zone où
jamais personne n'avait osé aller. C'est vrai que j'ai apporté
certains amendements parce que, quand la loi s'est appliquée, on s'est
aperçu qu'il y avait quelques failles. Mais ce n'est pas par plaisir que
je l'ai fait, c'est par devoir. Je dis au ministre qu'il fera comme moi. Si la
flèche qu'il m'a lancée tout à l'heure lui revient, il
dira...
M. Chevrette: Elle n'était pas empoisonnée.
M. Bellemare: Je sais qu'elle n'est pas empoisonnée...
M. Johnson: Je suis sûr que cela vous a à peine
effleuré, M. le député.
M. Bellemare: Vous ne vous nourrissez pas de cela. Mais c'est un
peu ma constatation. Il ne faut donner à personne la chance de
déjouer la loi, mais il ne faut donner à personne la chance de ne
pas comprendre la loi. On doit l'interpréter tel que le veut le
législateur. Le législateur, c'est sûr et certain que, pour
une fois, c'est nous.
Nous tous à cette table, qui voulons véritablement
atteindre les membres de l'exécutif. Si la centrale syndicale disait:
Ecoutez, pour une certaine partie des membres de l'exécutif, puisque la
loi n'est pas proclamée avant un an, on va la changer. Qu'est-ce qui
arrive? Le ministre est obligé de revenir et de dire: Ecoutez, on va
prendre la suggestion du député de Saint-Laurent et on va la
mettre dans la loi.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: Merci. Tout d'abord, l'amendement de M. le
député de Saint-Laurent, à mon sens, vient restreindre de
beaucoup la portée de la proposition initiale ou l'article du projet de
loi. Je donne un exemple pour essayer de me faire comprendre. Je suppose que le
syndicat des employés de soutien de la CECM doit déléguer
un représentant au conseil confédéral de la CSN,
l'organisme qui a autorité entre les congrès. C'est un poste
très important. Il peut y avoir un, deux ou trois représentants
à élire, il peut y avoir cinq ou six candidats.
Déjà, dans les règlements et les statuts, de la CSN, c'est
un poste électif. A partir de là, si vous mettez "membre de
l'exécutif", c'est exclu par l'amendement du député de
Saint-Laurent. Je pense que la portée de la proposition initiale est
beaucoup plus explicite et il faudrait peut-être s'en remettre à
la façon dont sont amendés les règlements dans un
syndicat...
M. Bellemare: Que le député lise l'article 19e.
M. Chevrette: D'accord, je vais le faire avec vous.
M. Bellemare: Non, mais je pense que son argumentation et surtout
sa comparaison tiendront beaucoup moins.
M. Chevrette: Non. Ce que je veux dire, M. le
député de Johnson, c'est qu'amender des règlements ou une
constitution dans un syndicat, ce n'est pas aussi farfelu que cela en a l'air.
Je peux vous dire que c'est extrêmement difficile pour un syndicat de
modifier son règlement par des amendements. Cela prend des avis de
motions, cela prend des convocations en bonne et due forme, il faut que l'avis
de motion soit déposé à une assemblée
antérieure, et je peux vous dire que ce sont les congrès qui
décident cela et malgré qu'on puisse prêter des
idées de ratoureurs à certains syndicats...
M. Bellemare: Je n'ai jamais dit cela.
M. Chevrette: Vous avez dit quelque chose de semblable. Ce n'est
peut-être pas le terme.
M. Bellemare: C'est le député de Sainte-
Marie qui m'a dit que j'étais ratoureur, mais, à part
cela...
M. Bisaillon: Je vois que cela vous a flatté!
M. Bellemare: Cela m'a flatté? Si c'est une
qualité, oui, mais si c'est un défaut, non.
M. Chevrette: M. le député de Johnson, vous avez
dit tantôt qu'il faut avoir travaillé avec les centrales pour
savoir comment elles peuvent être habiles à changer certaines
choses.
M. Bellemare: Oui.
M. Chevrette: Je peux vous dire que j'ai travaillé
à l'intérieur d'une centrale et passablement longtemps, pendant
17 ans. Changer des règlements, ce n'est pas un cadeau. C'est de
l'ouvrage, je peux vous le dire. C'est adopté par le ministère
des Institutions financières, c'est vérifié par des
légistes et cela ne se fait pas en criant bonjour. Il faut que les
membres reçoivent les amendements à l'avance pour pouvoir se
prononcer. C'est beaucoup plus démocratique que certaines structures
qu'on peut connaître, pour ne pas les nommer. Personnellement, à
cause de certains postes électifs...
M. Bellemare:... 144, dites-le donc.
M. Chevrette: Je ne voudrais pas que vous fassiez d'une
exception, comme le 144 que vous venez de nommer, une règle
générale.
M. Bellemare: Non.
M. Chevrette: II ne faudrait pas affirmer que tous les syndicats,
que toutes les centrales syndicales procèdent d'une façon
farfelue dans leurs changements de règlements, purement et simplement
parce qu'il y a une couple de "grelots" à travers tout cela. Ce que je
veux dire, c'est que la position du député de Saint-Laurent est
restrictive. Il y a des postes très importants et électifs
actuellement et je pense que la proposition qui est dans le projet de loi est
de beaucoup supérieure. C'est tout, en ce qui regarde le premier
paragraphe. Quant au deuxième, je vais attendre les
réactions.
Le Président (M. Clair): Toujours concernant la motion
d'amendement à l'article 8, le député de Beauharnois.
M. Lavigne: Moi, j'abonderais un peu dans le sens de
l'intervention du député de Sainte-Marie quand il a parlé
de postes électifs à l'intérieur des statuts d'un
syndicat. Pour reprendre l'argument du député de Johnson, quand
il suppose ou qu'il pense que peut-être un syndicat pourrait changer ses
postes électifs un peu comme cela, je pense que l'on peut changer les
postes électifs dans les statuts d'un syndicat, mais à partir
d'une assemblée générale où les membres
déci-
dent. A partir du moment où les membres décideront de
changer les postes électifs ou d'en ajouter ou de les restreindre, c'est
démocratique, ce sera à eux de le faire. Mais je ne pense pas que
du revers de la main ou facilement un syndicat pourrait arriver à
changer ses postes électifs parce que cela pourrait faire l'affaire.
M. Bellemare: ... comme fonction désigne tout cela. Vous
comprenez que dans l'article 19a la fonction peut résumer tout cela.
M. Lavigne: C'est pourquoi j'abondais dans le sens...
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson, M. le député de Beauharnois. M. le député
de Johnson, je fais appel à votre collaboration. Vous interrogez
beaucoup les intervenants.
M. Bellemare: N'allez pas plus loin, je suis certainement... Je
ne veux pas mettre de...
M. Lavigne: C'est pourquoi je trouve que la proposition du
député de Saint-Laurent est restrictive parce qu'elle indique
seulement une fonction élective, elle ne les indique pas toutes. Il peut
y en avoir d'autres que celles qu'il indique qui seraient automatiquement mises
de côté si on endossait la proposition du député de
Saint-Laurent. Plutôt que de restreindre par cette proposition, on
devrait plutôt élargir en tenant compte de la proposition du
député de Sainte-Marie qui parle de tous les postes
électifs contenus dans les statuts d'un syndicat. Si on le disait, si on
ajoutai: les postes électifs contenus dans les statuts d'un syndicat, on
donnerait la chance au coureur et on donnerait la chance au syndicat de
fonctionner avec les outils qu'il s'est donné lors de l'assemblée
générale sur les postes électifs décidés par
les membres. Je pense que c'est bien démocratique. On n'embarrasserait
pas les syndicats avec un article qu'on mettrait dans le projet de loi qui
pourrait restreindre, dans certains cas. Parce que, dans tous les cas, les
statuts des syndicats ont plus que le conseil d'administration comme postes
électifs. Voilà mon point de vue.
M. Bellemare: M. le Président, si vous me permettez de
mettre le mot électif, vous allez avoir des postes...
M. Chevrette:... M. le député de Johnson, on ne
vous comprend pas du tout.
M. Bellemare: Excusez-moi.
M. Laplante: M. le Président, est-ce qu'on peut prendre la
parole de même...
M. Bellemare: J'ai demandé la permission.
Le Président (M. Clair): Effectivement, je viens de donner
la parole au député de Johnson; cependant, je lui ai
demandé sa collaboration tantôt. Il a peut-être tendance
à interrompre facilement les autres membres.
M. Laplante: On pourrait, nous aussi, parler à tout bout
champ.
M. Bellemare: Vous demanderez la parole, vous ferez comme
moi.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson.
M. Laplante: Vous la prenez, vous ne la demandez jamais.
M. Bellemare: Je la demande. Je l'ai demandée. Ne dites
pas cela. Je vais soulever une question de privilège contre vous.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson, n'entrons pas dans les questions de privilège. Vous avez la
parole.
M. Bellemare: Ce sont des insultes gratuites. A moi surtout qui
suis un vieux.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Johnson, vous avez la parole sur la motion d'amendement, à l'article 8,
du député de Saint-Laurent.
M. Bellemare: Je n'ai pas l'intention de me mettre à
genoux nulle part.
Quand le député de Beauharnois parle des postes
électifs, je pense qu'il oublie que c'est au scrutin secret. Tous les
autres postes qu'on veut "circoncire", comme disait hier le
député, si vous dites électif, vous allez avoir une foule
de gardiens de chantiers ou de présidents d'oeuvres
bénévoles, de bienveillance qui sont électifs, comme une
dame, présidente, dans une section particulière. Il va falloir
que cela passe au vote secret.
Alors, en prenant le mot "électif", vous avez... Nous aussi, on a
pensé au mot "électif", mais on a dit: Ecoutez, d'après
les statuts et règlements, non, je ne pense pas que ça pourrait
être mieux. En tout cas, je reste persuadé que le mot "fonction"
est trop large. Il n'est pas adapté à la prudence qu'on a
exercée jusqu'à aujourd'hui pour ne pas créer
d'ambiguïté dans la loi.
Je dois vous dire, M. le Président, et assurer le
député que j'ai fini.
Le Président (M. Clair): C'est ce que nous verrons. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vais être
assez bref parce que, depuis bientôt une heure et demie, on parle de
l'article 19a, qui reprend une situation de fait, qui vient confirmer une
situation de fait qui existe dans la très grande majorité des
syndicats.
M. Johnson: Voulez-vous parler un peu plus fort?
M. Pagé: Plus fort. Ce n'est pas l'âge, dans ce
cas-là.
Ce que je disais...
M. Johnson: Non, c'est la volonté d'entendre
clairement.
M. Pagé: Oui. Ce que je disais, M. le Président,
c'est que, depuis une heure et demie, on discute de l'article 19a. On a
commencé à en parler à midi, M. le député de
Johnson. C'est un article qui vient officialiser une situation de fait qui
existe dans tous les syndicats. Quant à moi, avec l'expérience
peut-être limitée que j'ai, je n'ai pas vu beaucoup de syndicats
où les membres de l'exécutif, ou les gens occupant des fonctions
importantes, sont élus et, par surcroît, au scrutin secret.
L'amendement qu'a déposé mon collègue de
Saint-Laurent vise essentiellement à enlever cette ambiguïté
qui existe par les termes employés. Ce qu'on a à se demander,
c'est si on doit dire que c'est une fonction ou si c'est un membre de
l'exécutif. Quant à nous, nous croyons que le fait d'employer et
d'utiliser dans la loi le terme "fonction" va laisser place, va faire
naître l'ambiguïté et les problèmes
d'interprétation lorsque, comme en faisait état le
député de Johnson, tout le monde aura à appliquer cette
loi.
Le ministre du Travail, pour être avocat, doit savoir que, bien
souvent, ceux qui ont à vivre dans le cadre d'une loi s'interrogent sur
l'intention du législateur. Je pense que, si une commission
parlementaire comme celle-là siège, si on discute de questions
comme celles-là, c'est pour tenter de faire en sorte que la loi soit
plus claire, qu'elle ait le plus de transparence possible et que tout le monde
puisse s'y comprendre.
C'est dans ce sens que le député de Saint-Laurent a
déposé son amendement qui, on l'espérait, aurait pu
être repris par les membres de la majorité ministérielle.
Parce qu'en utilisant le terme "membre de l'exécutif", ça ne veut
pas dire pour autant, comme en faisait état le député de
Joliette-Montcalm, que, pour les membres d'un syndicat qui sont
délégués à un conseil confédéral ou
autre, il n'y aura pas d'élection dans ces cas-là. Ce n'est pas
restrictif à ce point parce qu'abstraction faite, même si la loi
prévoit que ce sont les membres de l'exécutif qui doivent
être élus au scrutin secret, les statuts et les règlements
respectifs de chacun des syndicats vont continuer à s'appliquer. La
majorité des syndicats en ont. Là où il n'y a pas
d'élection, où il y a des nominations, c'est
généralement pour des fonctions administratives ou de bureau,
où les gens sont nommés par l'exécutif.
C'est dans ce sens que nous avons présenté notre
amendement. Il est encore temps, pour les membres de la majorité
ministérielle, de réviser leurs positions; on voit que c'est une
fin de non- recevoir. Etant donné que ce n'est pas une approche de
"filibuster" de notre part, qu'on ne veut pas se battre, qu'on ne veut pas
faire perdre de temps, on vous a formulé nos commentaires; vous jugez
opportun de ne pas les recevoir et de ne pas les accepter. M. le
député de Johnson faisait état de flèches tout
à l'heure, M. le ministre du Travail faisait état que, dans
certains cas, des ministres du Travail ont été obligés de
réviser des lois; il n'est pas impossible qu'éventuellement, vous
soyez obligés de réviser votre loi, en raison de problèmes
au niveau de l'interprétation.
Comme je le disais à mots à peine voilés au
député de Joliette-Montcalm, les flèches que vous avez
lancées au député de Johnson tantôt, ça peut
devenir un boomerang. On a déjà vu ça de notre
côté, on a déjà présenté des lois,
convaincus que nous étions que l'interprétation qui leur serait
donnée serait bonne et parfaite, qu'il n'y aurait aucun problème
et, quelques mois après, on s'est aperçu qu'il y en avait.
On vous a formulé cette recommandation, nous en aurons
évidemment beaucoup d'autres à vous présenter, d'autres
amendements; tout ça, essentiellement, est fait dans le but de bonifier
et d'améliorer le projet de loi.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière):... c'est pour dire que je
partage le souci du député de Portneuf, mais je pense que, dans
le cas du paragraphe 19a, l'intention du législateur est claire.
Chaque fois que la constitution d'un syndicat prévoit une
élection pour un poste, cette élection, pour une fonction, doit
se faire au scrutin secret. Je pense que ce n'est pas limitatif; c'est
subordonné à la constitution du syndicat en question que, si un
syndicat, pour tel poste, demande une élection, elle doit se faire au
scrutin secret. Mais un autre syndicat, par contre, peut avoir une constitution
qui est différente et à ce moment-là, comme on ne
prévoit pas d'élection pour telle fonction en particulier, il n'y
aurait pas de scrutin secret, puisqu'il n'y a pas d'élection.
Je pense que l'article 19a s'applique selon la constitution du syndicat
en question. La différence entre la motion du député de
Saint-Laurent et la motion principale, c'est qu'on voudrait restreindre
l'élection au scrutin secret aux membres de l'exécutif, alors que
l'article 19a est subordonné au contenu même de la constitution de
chacun des syndicats.
Je pense que l'intention du législateur est claire, sauf qu'on ne
s'entend peut-être pas sur l'ensemble des fonctions.
M. Pagé: Les législateurs du gouvernement et les
législateurs de l'Opposition ne sont pas d'accord.
Le Président (M. Clair): La motion d'amendement à
l'article 8 du...
M. Chevrette: II y a deux paragraphes; c'est un seul article. On
vote sur le premier?
M. Pagé: On vote sur l'amendement au premier
paragraphe.
M. Johnson: On vote sur l'amendement. Finalement, il va y avoir
un vote sur l'article 19a, indépendamment des paragraphes. En cours de
route, on va voter sur des amendements qu'on va accepter ou rejeter, selon les
cas.
Le Président (M. Clair): II y a une motion d'amendement du
député de Saint-Laurent à l'article 8 pour que le premier
alinéa du paragraphe 19a de l'article 8 soit modifié, en
remplaçant, dans la première ligne, les mots "à une
fonction de l'intérieur", par les mots "les membres de
l'exécutif". Cette motion d'amendement est-elle adoptée?
Des Voix: Rejetée sur division.
M. Johnson: Avant de continuer, je présume qu'on aura
droit à d'autres motions d'amendement, par exemple, au niveau... Est-ce
qu'on peut considérer, en fait, qu'on a passé,
indépendamment de la procédure, le premier paragraphe de 19a et
que nous sommes rendus au deuxième?
M. Bellemare: Pour moi, c'est correct.
M. Johnson: Quant au deuxième paragraphe, j'aimerais tout
de suite moi-même proposer une modification.
M. Pagé: C'est au deuxième paragraphe de 19a qu'on
a un amendement. Il faudrait bien se comprendre.
Le Président (M. Clair): Je ne voudrais pas...
M. Pagé: C'est sur le deuxième paragraphe de
19a.
M. Johnson: J'en ai un, moi-même, à apporter.
M. Pagé: Nous en avons un, nous autres aussi.
M. Johnson: Cela va peut-être être plus simple.
Peut-être que je le ferai mien. Celui que j'ai l'intention d'apporter
à 19a, paragraphe 2, simplement pour que ce soit plus clair je
pense que la suggestion est excellente, elle m'est venue de deux
députés on l'a fait voir par nos juristes et je pense
qu'effectivement, cela clarifierait le deuxième.
En ce moment, l'article se lit comme suit: "A défaut de
dispositions dans les statuts et règlements de l'association
prévoyant que l'élection doit se faire au scrutin secret,
celle-ci doit avoir lieu tous les ans, au scrutin secret des membres de
l'association".
On le lirait comme suit: "A défaut de dispositions dans les
statuts et règlements de l'association prévoyant que
l'élection doit se faire au scrutin secret, celle-ci doit avoir lieu aux
intervalles prévus dans les statuts ou règlements, ou à
défaut, à tous les ans."
M. Bellemare: ... intervalles...
M. Johnson: Celle-ci doit avoir lieu au scrutin secret des
membres de l'association aux intervalles prévus dans les statuts ou
règlements, ou à défaut, tous les ans. (Je me demande ce
qu'ils faisaient lorsqu'ils n'avaient pas d'appareils pour enregistrer).
Etant donné que c'est moi qui propose cet amendement, que je fais
mien cet amendement, le texte sur lequel nous discutons, c'est celui que je
viens de réciter. "A défaut de dispositions dans les statuts et
règlements de l'association prévoyant que l'élection doit
se faire au scrutin secret, celle-ci doit avoir lieu au scrutin secret des
membres de l'association, aux intervalles prévus dans les statuts ou
règlements, ou à défaut, à tous les ans".
Je pense que le texte, en fait, parle de lui-même. Je ne sais pas
si on a besoin de beaucoup plus d'explications.
M. Pagé: M. le Président...
Le Président (M. Clair): Vous désirez intervenir
sur l'article 19a?
M. Pagé: Sur l'amendement, deuxième paragraphe.
Le Président (M. Clair): Cela va, allez-y.
M. Pagé: M. le Président, nous sommes bien
satisfaits que l'échange de ce matin, à caractère
général, au début des travaux de cette commission ait
permis à certains membres qui n'étaient peut-être pas ici
de faire le tour de chacun des problèmes que les députés
ou que les membres de la commission pouvaient voir dans l'application des
articles. Je suis heureux que cet échange permette au ministre d'arriver
avec un amendement cet après-midi qui coïncide, à une
virgule près ou à un mot près, avec l'amendement que
l'Opposition officielle prévoyait déposer, car au lieu d'utiliser
les mots "aux intervalles" nous avions prévu d'utiliser les mots "au
moment". C'est là qu'on voit que les bons esprits se rejoignent quand
même sur certains points.
M. Johnson: Etes-vous d'accord pour les termes "aux intervalles"
plutôt que "au moment"?
M. Pagé: Nous sommes d'accord pour voter en faveur de
votre amendement.
Le Président (M. Clair): L'article 19a est-il
adopté?
Une Voix: Adopté.
Le Président (M. Clair): Le paragraphe 19a de l'article 8
est-il adopté?
M. Pagé: L'amendement serait adopté.
M. Johnson: Ce n'est pas un amendement puisque je le fais mien,
puisque c'est moi qui propose ce texte.
Le Président (M. Clair): Adopté.
M. Johnson: M. le Président, nous avons à prendre,
en principe, le vote sur l'article 8 du projet de loi 45. Quand on va finir, on
va prendre un vote sur l'article 8 du projet de loi 45, puisque c'est le projet
de loi et que ce n'est pas le Code du travail.
Le Président (M. Clair): Un instant, M. le ministre! Pour
utiliser l'expression du député de Johnson "trop fort ne casse
pas", si on l'adopte, sous-article par sous-article, et qu'on adopte l'article
au complet à la fin, on sera certain qu'il sera adopté.
M. Bellemare: Sur les...
M. Johnson: II faut bien qu'on se comprenne. Ce sur quoi on va
voter, avec ou sans division, ce sont strictement sur des propositions
d'amendement qui, par définition, viennent de la commission, sauf quand
le ministre, à son compte, décide d'intégrer un
amendement. Cela fait partie de la proposition principale et cela ne
nécessite même pas de vote, en principe. On peut décider
qu'on passe au point suivant.
M. Bellemare: Cet ajout qu'on a fait au deuxième
paragraphe de l'article 19, je pense qu'on doit dire un merci bien
sincère au député de Sainte-Marie qui en a
été un peu l'instigateur. Bien qu'il ait été un des
premiers à pénétrer dans le champ, nous étions
prêts nous aussi à faire la bataille. Je pense que c'est à
lui que revient le mérite d'avoir clarifié cela. Ceci prouve que,
lorsque des hommes, en commission parlementaire, mettent de côté
l'esprit de parti pour travailler dans un terrain aussi difficile que
ceiui-là, on peut atteindre le but qu'on recherche tous, celui du bien
public.
Le Président (M. Clair): Je vous remercie, M. le
député de Johnson. J'appelle immédiatement le paragraphe
19b de l'article 8.
Le ministre du Travail.
Le vote de grève
M. Johnson: M. le Président, peut-être que,
contrairement à ce matin, je pourrais procéder de la façon
suivante: Si, en abordant un paragraphe, j'essayais de donner les explications
qui l'accompagnent normalement, cela éviterait peut-être des
questions et des répliques qui peuvent être un peu longues.
L'article 19b porte sur le vote de grève. Il prévoit que
la grève ne peut être déclarée qu'après avoir
été autorisée au scrutin secret par un vote majoritaire
des membres de l'association accréditée qui sont compris dans
l'unité de négociation et qui exercent leur droit de vote.
Un amendement crée aussi l'obligation, pour une association
accréditée d'informer ses membres au moins 48 heures avant la
tenue d'un scrutin de grève. Enfin, si un scrutin de grève est
positif, l'association devra en aviser le ministre dans les 48 heures. Cet
amendement vise à permettre au ministère de voir les conflits se
dessiner à l'horizon évidemment et, le cas échéant,
d'intervenir dans une conciliation déclenchée par le ministre
comme le prévoit ce projet de loi, la conciliation étant, comme
on le sait, maintenant volontaire. Voilà, essentiellement...
Je rappellerais simplement, pour les fins de la clarté du texte,
pour les légistes, que nous avons fait l'insertion, ce matin, des mots
"par écrit", après les mots "en aviser", au sous-paragraphe 2 de
l'article 19b.
En somme, cet article dit: Quand il y a un vote de grève
on sait que la sanction c'est une sanction seulement pénale en vertu du
chapitre VIII une grève doit être autorisée par un
vote majoritaire.
On change la notion de 50% ou enfin, on la simplifie, c'est un vote
majoritaire. De qui? Des membres du syndicat et non pas des membres de toute
l'unité, de tous les membres de toute l'unité de
négociation. De qui également? Des membres du syndicat qui ont
exercé leur droit de vote et non pas une sorte de quorum, et cela, en
vertu d'un principe qui me paraît assez fondamental, parce qu'on vit en
démocratie. A ce que je sache, on ne force pas les citoyens à
voter. On en a eu des preuves éclatantes dans le cas, par exemple, des
élections scolaires à Montréal où il y avait des
taux de participation de l'ordre de 17%. Je pense que ce serait, au niveau des
fondements du droit qu'on connaît dans notre société,
anormal que d'introduire une notion de quorum au niveau du vote ou scrutin
secret, évidemment, puisqu'on en a parlé, dans le cas d'une
association de salariés pour les fins de déclenchement d'une
grève.
En ce sens, on impose le vote secret, mais c'est le vote des membres de
l'association accréditée qui se sont présentés pour
voter. Deuxièmement j'ai eu l'occasion d'en discuter un peu ce
matin l'avis qui est prévu est strictement un avis, non pas qui
conditionne l'exercice du droit de grève, mais strictement un avis par
écrit donné au ministre pour qu'il sache que quelque part dans le
paysage, une association de salariés a donné un mandat de
grève à un exécutif ou a décidé qu'elle
ferait la grève ou qu'elle s'est prononcée sur l'idée
d'une grève, de telle sorte que le ministre puisse en aviser le service
de conciliation pour que le service de conciliation intervienne, s'il n'est pas
intervenu, puisque les parties n'ont pas encore demandé la conciliation,
ce qui est possible. Le ministre
pourra juger bon de ne pas envoyer de conciliateur aussi, mais il pourra
le faire. Il sera avisé qu'il y a possiblement une grève qui se
dessine dans un conflit, ce qui n'empêche aucunement une association de
salariés, comme elle peut le faire en ce moment, de décider pour
des fins purement stratégiques dans une négociation, de voter un
mandat de grève, même si elle n'a aucune intention d'exercer ce
droit de grève. Cela n'empêche pas non plus l'inverse. En ce sens,
je pense que le sous-paragraphe 2 est clair.
Quant au sous-paragraphe 3, l'association doit prendre les moyens
nécessaires, compte tenu des circonstances, pour informer les membres au
moins 48 heures à l'avance de la tenue du scrutin secret. Je l'ai
évoqué ce matin. Cette notion d'un avis de 48 heures
n'empêche évidemment pas que certaines situations, qu'on pourrait
qualifier d'abusives, se reproduisent également. Cependant, je pense que
c'est une indication claire, que les membres d'une association
accréditée qui représentent l'unité de
négociation doivent être avisés, au meilleur des
circonstances par les représentants du syndicat, qu'ils auront à
voter sur une grève. Cela, très concrètement, permettra,
entre autres, à ces assemblées qui peuvent être
convoquées pour discuter, par exemple de la modification des
règlements de l'association... Bref, des choses qui n'attirent pas des
foules donnent lieu à la décision d'un scrutin de grève
à la dernière minute. On impose l'obligation d'en aviser, encore
une fois, au meilleur, avec les moyens nécessaires, compte tenu des
circonstances, l'ensemble des salariés.
Le Président (M. Clair): Le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, sur ce sujet, on a eu
l'occasion ce matin de poser beaucoup de questions de part et d'autre sur
l'interprétation que le ministre du Travail donnait à chacun des
paragraphes contenus dans 19b. On se rappellera que, suite aux questions, que
je considère bien fondées, du député de
Sainte-Marie, entre autres, le ministre a eu l'occasion de préciser ce
qu'il entendait par l'avis écrit qui était
présenté, fourni dans les 48 heures.
M. le Président, si on regarde l'article 19b comme tel et qu'on
l'analyse en fonction de la situation qui prévaut actuellement, on
remarquera qu'au premier paragraphe, il est dit qu'une grève ne peut
être déclarée qu'après avoir été
autorisée au scrutin secret. On constatera qu'il n'y a pas beaucoup de
grèves actuellement je pense que le ministre l'a confirmé
ce matin qui n'ont pas été acceptées par les
travailleurs autrement que par des scrutins secrets.
Dans son deuxième paragraphe, si l'association est
autorisée à déclarer la grève, elle doit en aviser
le ministre dans les 48 heures qui suivent le scrutin. Le ministre nous a
donné toutes les explications qui y étaient relatives. Au
troisième paragraphe, on constate que l'association doit prendre les
moyens nécessaires, compte tenu des circonstances, pour informer ses
membres au moins 48 heures à l'avance de la tenue du scrutin.
On constatera que la pratique veut que les membres, sauf de très
rares exceptions, soient avisés pour assister à une
réunion durant laquelle un vote doit se prendre. La mention "que
l'association doit prendre les moyens nécessaires, compte tenu des
circonstances", ouvre quand même la porte à beaucoup de
possibilités. Ce qui nous a surpris dans la rédaction de
l'article 19b, c'est que le gouvernement ne semble vouloir inclure aucune
prévision dans le projet permettant aux travailleurs, une fois qu'ils
sont en grève, après un certain temps... je pense que tous et
chacun d'entre nous avons eu l'occasion de vivre un jour ou l'autre des cas
où un conflit qui perdurait depuis quelques mois, un groupe de
travailleurs désirait se prononcer à nouveau sur des offres qui
étaient récemment formulées, ou encore, se prononcer
à nouveau sur l'opportunité ou non de faire une grève.
Nous ne voyons aucune prévision, d'ailleurs, dans ce
sens-là, dans les autres articles du projet de loi. Nous pensons que
c'est important, quand on veut vraiment que le travailleur syndiqué
puisse participer aux décisions, puisse participer à
révolution des situations qui prévalent notamment dans le secteur
de conflits.
C'est pourquoi, M. le Président, l'Opposition officielle
présente une motion d'amendement à ce stade-ci, motion
d'amendement qui met de côté l'article 19b et ce, pour les motifs
dont j'ai fait état tout à l'heure, à savoir qu'au premier
paragraphe, une grève qui est déclarée par un scrutin
secret avec un vote majoritaire prévaut déjà et cela
existe déjà... On me fait part, M. le Président, qu'il
aurait peut-être été opportun que je laisse le soin
à mes collègues de l'Union Nationale de faire part de leurs
commentaires généraux à l'égard de l'article 19b
je ne voudrais pas manquer de délicatesse à leur
égard avant de présenter mon...
Le Président (M. Laplante): Non, mais vous pouvez
simplement annoncer votre motion d'amendement...
M. Pagé: D'accord. Je vais vous donner un préavis,
M. le Président...
Le Président (M. Laplante): Un préavis.
M. Pagé: ... qui se lirait comme suit. Il est assez long.
On en a fait faire des copies qui pourraient être distribuées
immédiatement, je pense. Est-ce que c'est distribué? Est-ce que
vous en avez eu copie?
M. Johnson: De votre amendement? Moi, je ne l'ai pas ici.
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Laplante): On le déposera tout
à l'heure...
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Laplante): ... lorsque vous
annoncez...
M. Johnson: Vous pouvez en faire lecture quand même.
M. Pagé: Oui.
Alors, "à tout moment après le déclenchement d'une
grève par une association de salariés, toute personne
intéressée qui a des motifs raisonnables de croire que la
poursuite de la grève n'est pas appuyée par une majorité
des travailleurs membres de l'unité de négociation peut demander,
par requête adressée au ministre, la tenue d'un
référendum sur les lieux de travail, auprès de tous les
salariés membres de l'unité de en grève. Une telle
requête doit être accompagnée d'un exposé des motifs
à l'appui de la requête et contenir des faits pertinents à
la négociation, à la décision de l'association de
salariés de recourir à la grève ou à la
grève elle-même, qui permettent de croire qu'un
référendum pourrait contribuer à mettre fin à la
grève ou faire progresser la négociation. "S'il estime que les
motifs allégués et les faits énoncés à
l'appui de la requête sont suffisants, le ministre...
M. Bisaillon: C'est une dissertation.
M. Pagé: Pardon?
M. Bisaillon: C'est une dissertation.
M. Pagé: Oui, j'ai dit que c'était assez long....
peut décréter qu'un référendum aura lieu à
la date qu'il détermine. Il désigne alors un commissaire du
travail qui sera chargé d'organiser et de surveiller la tenue du
référendum. "L'association de salariés et l'employeur
doivent favoriser et faciliter la tenue du référendum et doivent
collaborer avec le commissaire du travail à cette fin. Si les motifs
allégués et l'énoncé des faits
présentés à l'appui de la requête sont insuffisants,
le ministre peut charger un commissaire du travail de faire enquête dans
le délai qu'il détermine avant de statuer sur la requête,
et lorsqu'au cours d'une grève pour la négociation d'une
convention collective, un référendum a déjà eu lieu
conformément au présent article, un référendum
subséquent ne peut être décrété, à
moins que la position de l'une des parties n'ait été
modifiée de façon substantielle quant à au moins un des
principaux points en litige ou qu'il se soit écoulé 21
jours".
C'est, M. le Président, l'amendement qu'on a l'intention de vous
présenter, une fois que l'Union Nationale ou d'autres membres de cette
commission seront intervenus et auront formulé leurs commentaires
généraux sur l'article 19b, tel que présenté par le
ministre.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Johnson, sur l'article 19b.
M. Bellemare: Vous m'accordez la permission?
Le Président (M. Laplante): Oui, M. le
député de Johnson.
M. Bellemare: Vous êtes donc d'une grande...
Le Président (M. Laplante): Qui oserait vous refuser
cela!
M. Bellemare: Vous êtes donc d'une grande
amabilité!
Quand on a entendu les mémoires qui nous ont été
présentés par le Conseil du patronat et les syndicats, des
objections ont été faites au problème suivant: S'agit-il
d'un vote en vue de permettre aux syndicats de recourir à la
grève sur le champ? Tous les patrons et les syndicats ont demandé
d'éclaircir ce point. Je pense que le ministre a contourné cette
difficulté d'une manière fort habile. Oui. Etablir ce processus
me semble démocratique et normal. Seulement, il y a une chose qui me
frappe plus que d'autres il en a d'ailleurs été question
à l'article 19a tout à l'heure l'avis est donné
mais on peut la déclarer en temps opportun.
Il reste que le ministre n'a pas répondu non plus à
l'objection qu'on avait faite au début: Tous ceux qui font partie de
l'unité de négociation, pas seulement ceux qui sont de
l'association accréditée, pourraient, devraient avoir au moins le
droit de vote non, non, moi je dis cela. On avait dit cela en Chambre et
on l'a répété ici j'ai toujours
préconisé que ceux qui n'en font pas partie, bien que ce soit
l'infime partie qui ne soit pas membre d'une association
accréditée, mais ce sont peut-être ceux qui sont les plus
tapageurs... Je pense que le vote devrait s'étendre à toute
l'unité de négociation. Cela ne changera pas grand-chose que de
le réserver uniquement à l'association
accréditée...
Je pense qu'au lieu de recourir... Non pas que les gens vont dire que
c'est une façon draconienne d'exclure ceux qui ne sont pas membres. Je
fais appel à la mémoire de ceux qui ont eu connaissance de
certaines grèves dans le passé où il y avait des
non-membres de l'association accréditée. Cela a causé
énormément de troubles, mais c'était l'infime partie de
l'unité de négociation.
Je demande au ministre d'analyser très sérieusement la
possibilité d'accorder le droit de vote à ces gens-là. Pas
parce que cela va changer le résultat. Non. Au point de vue du vote,
non. Mais au point de vue du climat, oui. C'est peut-être une arme entre
les mains du syndicat, de l'association accréditée qui ne voudra
pas s'en départir en disant: On n'a qu'à faire partie de
l'unité de l'association accréditée. En vertu du
précompte aujourd'hui, on va être forcé de payer plus
qu'ailleurs, c'est dans la loi. Ce ne sera
peut-être pas un grand nombre, mais j'aimerais bien qu'il nous
dise pourquoi il n'a pas fait cette suggestion.
On retrouve à cet article l'expression "compte tenu des
circonstances". J'ai eu l'occasion d'en dire un mot tout à l'heure, mais
j'y reviens puisqu'on est à l'étude de cet article
maintenant.
L'association doit prendre les moyens nécessaires
là on donne une échappatoire on dit: Compte tenu des
circonstances pour informer... Supposons qu'il y ait une grève des
postes...
M. Johnson: C'est le cas du fédéral.
M. Bellemare: Oui, supposons que c'est une loi
fédérale; on est encore dans la province de Québec, on est
obligé de s'astreindre à poster nos lettres au bureau de poste
fédéral.
M. Johnson: Ah oui! Excusez. Je pensais que vous parliez de
l'avis de grève dans les postes.
M. Bellemare: Non, je sais que c'est fédéral. Ce
n'est pas ce que je dis. Supposons qu'il y aurait, par hypothèse, une
grève des postes et qu'on voudrait prendre tous les moyens
nécessaires pour aviser, dans les 48 heures à l'avance, de la
tenue d'un scrutin secret et qu'on ne soit pas capable de rejoindre les gens
par messager spécial, qu'on se serve des postes, par des lettres
recommandées et que la grève des postes soit là, qu'est-ce
qui arrive? Là, le gars dit: Compte tenu des circonstances, je n'ai pas
pu. J'ai pris tous les moyens nécessaires, mais je suis
exonéré par la loi qui dit que, compte tenu des circonstances, je
n'ai pas pu. Il y a des gens qui vont peut-être se forcer les
méninges pour essayer de trouver quelque chose qui, contrairement
à l'habitude normale, va venir entraver les moyens nécessaires.
Compte tenu des circonstances, je ne sais pas qui vous a inspiré ce
morceau de projet de loi, mais j'ai de la réticence à l'avaler
parce que, quand une association doit prendre tous les moyens
nécessaires c'est clair pour informer ses membres au moins
48 heures d'avance qu'il y aura un scrutin secret, qu'il y aura un appel pour
une grève, cela devrait être assez couvert sans aller lui donner
une échappatoire. Vous avez peut-être reçu un lobbying
à ce sujet. Il faudrait peut-être écouter, comme vous le
faites de temps en temps, certaines représentations qui viendraient de
certaines personnes haut gradées dans le syndicalisme. Vous avez
peut-être subi un certain lobbying. Je ne le sais pas. Je ne vous
prête pas d'intentions parce que je n'en ai pas assez pour moi pour vous
en prêter, mais je dis simplement qu'une chose reste sûre, c'est
que...
M. Johnson: Est-ce que le député de Johnson me
permet juste une seconde? Il veut savoir s'il y a eu des pressions de la part
des syndicats ou des patrons...
M. Bellemare: Non, si vous me disiez...
M. Johnson: ... je le prierais seulement de consulter les
journaux depuis à peu près deux mois et il va être
conscient qu'il y en a eu beaucoup.
M. Bellemare: Oui, mais j'ai aussi vécu ce que vous vivez
présentement et, sans le dire publiquement, il y avait bien des fois de
bons fonctionnaires qui me soufflaient à l'oreille telle chose et telle
autre et c'étaient souvent les haut-parleurs de certaines personnes fort
intéressées et je le savais. Vous êtes peut-être sur
la même tension vous aussi, mais je voudrais bien savoir d'où cela
vient, "compte tenu des circonstances", parce que c'est une expression que j'ai
rarement vue. Parce qu'en jurisprudence, surtout quand on voit les nombreux
jugements qui ont été rendus par le Tribunal du travail et en
particulier par le juge Melançon qui avait rendu un jugement un jour
dans un cas à peu près similaire... Il avait dit, dans son
jugement, compte tenu des circonstances, savez-vous que cela avait
été en appel et que le monsieur avait gagné?
M. Johnson: Est-ce que vous vous rappelez du nom ou du
numéro de la cause?
M. Bellemare: Non, je ne m'en souviens pas. Je me souviens bien
du juge Melançon et de l'incidence que cela...
M. Vaillancourt (Jonquière): Cela ne devait pas être
dans le dispositif du jugement, dans l'obiter dictum, probablement.
M. Bellemare: Oui, mais je me souviens qu'en appel, on avait
surtout porté attention à vu "les circonstances", pas en
certaines circonstances. Je dis que là: ce n'est pas grave, non, je le
sais; mais je sais que je ne gagnerai pas mon point parce que le ministre va
peut-être me dire: Ecoutez, vous êtes un vieux "radoteux"...
M. Johnson: Voyons donc!
M. Bellemare: Vous êtes un vieux qui avez peur de toutes
sortes de choses.
M. Johnson: Je n'ai jamais dit cela. "Ratou-reux ", je n'ai
jamais dit cela. Vous êtes un homme expérimenté, M. le
député de Johnson.
M. Bellemare: Au contraire, je suis un gars qui veut essayer de
se mettre au niveau de l'âge du ministre, pour essayer d'avoir les
mêmes réflexes.
M. Chevrette: Cela a l'air douleureux, c'est effrayant.
M. Bellemare: Je peux vous dire une chose. J'ai mon recyclage
à faire, moi aussi; je le fais
presque tous les matins, conscient que, pour bien accomplir mon devoir,
il faut que je me mette à la moderne et que je laisse tomber une foule
de préjugés.
Mais ce sont les deux choses que je voulais faire remarquer sur
l'article 19b. Premièrement, si le ministre a examiné la
possibilité qu'à l'unité de négociation, tout le
monde aurait droit de vote pour établir l'état de grève.
Deuxièmement, si les mots, "compte tenu des circonstances" ne sont pas
dangereux, quand on a déjà la précaution de mettre tous
les moyens nécessaires. Je pense que ces deux choses font que... c'est
ma critique. Je la veux la moins longue possible, j'arrête.
M.Johnson: M. le Président, il y a dans l'avis de motion
que nous a donné le député de Portneuf, et dans les
commentaires du leader de l'Union nationale, quatre éléments.
M. Bellemare: Vous parlez de la motion ou... parce qu'on n'a pas
la motion.
M. Johnson: Je parle globalement, finalement, des
différents éléments qu'on retrouve dans cet article, des
préoccupations...
M. Bellemare: Si on parle sur la motion, il va falloir qu'il la
fasse.
M. Johnson: Non.
Le Président (M. Laplante): Non, je ne laisserai pas
déborder sur la motion.
M. Forget: Seulement des remarques générales.
Le Président (M. Laplante): Sur les remarques que vous
avez entendues, d'accord.
M. Johnson: Alors, remarques générales. M.
Bellemare: ... qu'il pouvait donner...
M. Johnson: D'accord, alors je n'engloberai pas...
M. Bellemare: Je ne l'ai pas devant moi.
M. Johnson: Très bien. Pour être le plus
général possible, comme le disait le député de
Johnson ce matin, planer un peu, j'aimerais parler de la notion d'être
membre d'un syndicat, par opposition à, être couvert par une
unité représentée par ce syndicat, par cette association
accréditée, pour prendre le vocabulaire du code. Cela
m'apparaît fondamental que le droit d'association implique effectivement
des droits, implique finalement, je dirais, non pas des privilèges, mais
la possibilité pour celui qui choisit d'adhérer à une
association, d'exercer des droits, de prendre des décisions et que son
statut soit différent, dans les choses fondamentales qui touchent la vie
syndicale, ce que le député de John- son va reconnaître
avec moi comme étant fondamental dans notre société, qu'il
y ait une différence entre lui et un membre qui est couvert par cette
association accréditée, mais qui n'est que membre de
l'unité de négociation. Je pense que cela respecte
l'économie du code, non seulement l'économie du code, mais la
réalité du syndicalisme au Québec et la
réalité du syndicalisme nord-américain. C'est un peu loin
des notions du syndicalisme européen où on retrouve, entre
autres, la représentation multiple syndicale, le droit de grève
permanent dans certains cas, etc. C'est toute une réalité, c'est
tout comme disent les anglais un "package deal", le syndicalisme
européen, qui est différent du nôtre.
En Amérique du Nord et au Québec, conséquemment,
nous avons des lois du travail qui confèrent une notion de monopole de
représentation des gens à partir du moment où ils ont fait
le choix d'une association accréditée. Nous avons cependant
le Code du travail le spécifie des dispositions qui
prévoient une représentativité de cette association,
puisqu'elle ne peut pas être accréditée, si elle n'obtient
pas la majorité absolue des suffrages, lors du vote sur
l'accréditation. A partir de là, entre en jeu une
mécanique. Il y a des règles du jeu et je pense qu'avoir droit de
décider d'une grève, cela appartient à celui qui fait le
choix, que les conditions de travail qu'il aura à vivre ou à
subir ou à accepter seront établies par l'association
accréditée. Car il l'a choisie, il en fait partie et notre code
reconnaît des droits inhérents à l'accréditation.
Cela m'apparaît fondamental.
Sinon, est-ce que cela ne serait pas, dans le fond, dans notre
société, une incitation à ne pas rendre vivant le
syndicalisme? A partir du moment où on prévoirait que l'exercice
de la grève est conditionné à un vote au scrutin secret de
la majorité des gens de l'unité, et même avec une notion de
quorum qui, je pense, tente beaucoup les membres de l'Opposition, ou même
sans cette notion, est-ce que ce ne serait pas "désin-citer" les
salariés à participer activement à la vie de leur
syndicat?
M. Bellemare: ... changer la date.
M. Johnson: Moi, je considère que le syndicalisme a fait
des progrès considérables au Québec depuis cinq ou six
ans, depuis une dizaine d'années que je regarde cela. Je n'ai
malheureusement pas l'expérience du député de Johnson
à ce niveau. Mais j'ai l'impression... Comme lui, je constate qu'il y a
eu des changements, une progression du syndicalisme au Québec; 37% de la
population des salariés sont syndiqués. On voit l'extension du
syndicalisme dans certains secteurs. Je pense que c'est un mécanisme,
dans une société, dans la nôtre en tout cas, qui est
valable, malgré ce qu'on voudrait véhiculer comme étant la
perception populaire, que les syndicats occupent trop de place dans notre
société. Et on peut bien faire dire ce
qu'on veut à une population, à partir de n'importe quel
sondage.
Et comme le disait le député de Deux-Montagnes ce matin,
il y a beaucoup de choses qui sont des préjugés au niveau de la
population et qui sont issues d'une information mal véhiculée.
Par exemple, combien de personnes au Québec savent que 95% des
conventions collectives sont conclues au Québec, sans grève ni
lock-out? Tout le monde s'imagine, évidemment, qu'au Québec,
c'est plus dramatique qu'ailleurs. C'est vrai qu'on a le championnat des
jours/hommes perdus. Mais tout cela je trouve que cela ressemble plus
à la deuxième lecture qu'autre chose simplement pour dire
que pour moi, c'est fondamental. La possibilité d'attacher à la
syndicalisation, c'est-à-dire à l'association
accréditée, l'exercice de droits, l'exercice de gestes qui sont
ceux qu'on reconnaît à ce qui est une structure.
Quand je dis structure, je ne parle pas de la centrale syndicale X ou Y.
Je parle de la structure d'une unité locale. En ce sens-là, cela
s'inscrit dans le progrès de notre société. Je pense que
cette "désincitation"... pourquoi? Qu'est-ce qui se produirait, en
pratique? Je pense que c'est le genre de chose qui risquerait d'arriver. Tous
les membres de l'unité, même ceux qui ne font pas partie du
syndicat parce que, par exemple, il y a le précompte syndical
obligatoire qui, de toute façon, existe dans la majorité des cas
déjà ont le droit de vote au scrutin secret, on l'a vu,
dans le cas d'une grève.
Il y a peut-être des salariés et des travailleurs qui vont
décider de rester chez eux, la plupart du temps. De toute façon,
je vais recevoir mon avis de 48 heures une fois tous les trois ans, quand on va
négocier la convention collective, et je vais aller voter pour ou contre
la grève.
Je pense que cela serait malsain que le législateur favorise ce
qui est un sentiment bien humain, ce qui est en chacun de nous, une certaine
paresse. Je pense que le législateur n'a pas à accentuer ce
mouvement qui serait probablement spontané chez de nombreux
salariés. Je pense qu'il faut que le syndicalisme au Québec soit
vivant, participant, soit présent dans notre société,
parce qu'il y a une présence dans la vie syndicale des
salariés.
Ce qu'on reproche, au niveau de l'opinion publique, à certains
syndicats ou à certaines centrales syndicales... Quand on dit que
"l'establishment" est "déconnecté" ou dissocié de sa base,
cette perception subjective, à tort ou à raison, c'est celle
effectivement d'une distance entre les salariés et ceux qui les
représentent, ou prétendent les représenter.
Je pense que cela serait une incitation que d'étendre le vote
secret à tous les membres de l'unité, ce serait une incitation
à continuer à alimenter ce préjugé, d'une part, et
d'autre part, la réalité qui est sous-tendue par cette perception
qui se traduit en préjugé. Cela m'apparaît fondamental.
Quant à l'argumentation de... La notion d'unité est
comprise dans la notion que nous présentera l'Opposition, j'y reviendrai
quand nous discuterons, parce que je présume qu'on déposera,
à titre de motion... Je discuterai, du reste, des
considérants.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Deux-Montagnes.
M. Bellemare: ... une chose que j'ai demandée et à
laquelle on ne m'a pas donné de réponse.
Le Président (M. Laplante): Comme quoi, monsieur?
M. Bellemare: C'est "compte tenu des circonstances".
M. Johnson: J'en avais parlé un peu ce matin, je m'excuse.
J'aimerais bien que le député de Johnson, s'il le pouvait, me
fournisse la référence à ce jugement du juge
Melançon et je suis sûr que nos juristes, dont certains le
connaissent fort bien, se feront un plaisir de me sortir quelques documents
là-dessus. La notion de "compte tenu des circonstances", c'est pour
donner une aire d'appréciation assez large au juge pour qu'il puisse
tenir compte, par exemple, du fait d'une grève des postes, qu'il puisse
tenir compte, par exemple, du fait d'un empêchement majeur, d'un "act of
God", d'un événement fortuit ou d'une force majeure, pour qu'il
puisse tenir compte d'une impossibilité physique. Je pense que le
"compte tenu des circonstances", c'est ce qu'il vise. Les moyens
nécessaires, oui, mais des moyens nécessaires sont toujours
conditionnés par des circonstances.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais faire une
suggestion au ministre à propos du deuxième alinéa de 19b.
Nous avons constaté, par le débat de ce matin et en particulier
à partir des interventions de mes collègues de Joliette-Montcalm
et de Sainte-Marie et de l'intervention du ministre lui-même, qu'au
milieu de ce texte, le verbe "aviser" pouvait prêter à malentendu.
Le ministre a donné toutes les assurances voulues comme quoi il ne
fallait pas lire, derrière ce verbe, la notion d'un préavis.
Cela, c'est bien clair. Mais, la suggestion que je veux faire au ministre,
puisque le mot a paru pouvoir prêter à confusion, c'est de le
remplacer par un autre mot qui, lui, ne prêterait pas à confusion
et j'informe aussi le ministre que j'ai déjà obtenu l'avis de ses
conseillers techniques sur cette question et qu'ils sont d'accord. Il s'agirait
de remplacer le verbe "aviser" par le verbe "informer". Cela se lirait, par
conséquent: "Si l'association est autorisée à
déclarer la grève, elle doit en informer par écrit le
ministre dans les-quarante-huit heures qui suivent le scrutin." Et,
pour la concordance, il serait peut-être souhaitable de faire le
même changement à l'article 35, qui modifie l'article 46a,
où il y a aussi le verbe "aviser" et où on le remplacerait par
"informer par écrit". Mais là, il s'agirait purement de
concordance, c'est-à-dire de l'uniformité du vocabulaire du code
parce que, dans le deuxième cas, puisqu'il s'agit d'un avis après
le fait, il est absolument évident qu'il ne peut pas s'agir d'un
préavis. Mais, dans le premier cas, comme c'est avant le fait de la
grève, pour dissiper l'équivoque, c'est la suggestion que je fais
au ministre.
Le Président (M. Laplante): Si j'ai bien compris, ce n'est
pas une motion d'amendement, c'est une suggestion.
M. Johnson: A moins que je le fasse mien. M. le Président,
je voudrais simplement dire que, effectivement, j'accepterai cela si c'est pour
dissiper des équivoques. A mon avis, il n'y a pas d'équivoque.
Mais, enfin, si c'est pour satisfaire un peu plus les membres de la commission,
je n'ai pas d'objection. "En informer par écrit" m'apparait un
vocabulaire juridique adéquat. "En aviser", me dit-on, pourrait
être confondu, au niveau de son acception, avec l'avis de huit jours dans
le cas des services essentiels, cela pourrait poser des problèmes; donc,
on dirait que cela rendrait l'exercice légal de la grève
conditionnel à cet avis. Il s'agit bien d'en informer. Cependant, je
tiens à aviser le député de Deux-Montagnes, que c'est
fondamental, dans le mécanisme de la conciliation volontaire, que le
ministre soit informé et que, en aucune façon, pour moi,
l'utilisation du mot "informer" ne doit signifier que le ministre ne fera pas
en sorte qu'il soit effectivement informé et qu'il prenne toutes les
dispositions nécessaires, y compris les sanctions pénales
ce n'est pas écarté pour qu'effectivement, il soit
informé. C'est le bon fonctionnement du mécanisme lui-même
de la conciliation volontaire qui est en jeu ici. Je pense qu'on peut
s'attendre que les parties le fassent. Cependant, il pourrait arriver,
effectivement, qu'un syndicat donné, une très petite unité
de négociation, des gens fort peu expérimentés qui ont un
peu de difficulté avec le code, effectivement, l'oublient. Je ferais
mienne la suggestion du député.
Le Président (M. Laplante): Pour les bonnes fins de
l'écriture, le deuxième paragraphe de l'article 19b, se lirait:
"Si l'association est autorisée à déclarer la
grève, elle doit être informée...
M. de Bellefeuille: Non, elle doit en informer par
écrit.
Le Président (M. Laplante): ... elle doit en informer par
écrit le ministre dans les 48 heures qui suivent le scrutin".
Une Voix: Parfait.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président,
seulement quelques mots pour dire que je suis en accord total avec l'article
19b et pour faire miennes les raisons invoquées par le ministre pour
limiter le pouvoir de décision quant à l'utilisation ou non du
droit de grève aux membres de l'association accréditée. Je
ne voudrais pas répéter les propos du ministre, mais je voudrais
faire miennes les raisons qu'il a invoquées.
D'autre part, je suis heureux de constater, puisque je n'étais
pas ici ce matin, que le paragraphe 2 de l'article 19b a été
éclairci par l'ensemble des membres de la commission et par le ministre.
Je suis heureux de constater également qu'on a remplacé le mot
"aviser" par "en informer par écrit", ce qui enlève toute
équivoque à ce sujet.
D'autre part c'est la fin de mon intervention je me
demande, pour la bonne compréhension du texte, s'il ne serait pas
opportun que le deuxième alinéa de l'article 19b se retrouve au
troisième alinéa, et inversement, que le troisième
alinéa se retrouve au deuxième alinéa, compte tenu du fait
que, dans le deuxième alinéa, on parle du vote de grève
qui vient d'être décidé, alors que dans le deuxième
cas, c'est la convocation des membres du syndicat. Je pense que cela
permettrait à tous ceux qui liront la loi, d'avoir une meilleure
compréhension du texte.
Une Voix: Je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Laplante): Ce serait le deuxième
paragraphe de l'article 19b qui deviendrait le troisième paragraphe, et
le troisième paragraphe deviendrait le deuxième paragraphe.
M. Vaillancourt (Jonquière): Cela ne change rien. C'est
pour une meilleure compréhension du texte.
Le Président (M. Laplante): C'est clair? Le
député de Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Je vais attendre la motion d'amendement.
Une Voix: ... l'amendement du député de Portneuf
également.
M. Chevrette: Je garde mon droit de parole sur l'amendement du
député de Portneuf, parce que c'est là-dessus que je
voudrais parler.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent, vous prenez l'amendement à votre compte.
M. Forget: Oui, je prends l'amendement à mon compte.
M. Bellemare: Est-ce que je pourrais en avoir une copie?
Le Président (M. Laplante): Oui, on peut en distribuer une
copie.
M. Forget: Ils sont en train d'en distribuer. Je peux
peut-être commencer par le lire. C'est un amendement qui fait deux
pages.
Le Président (M. Laplante): II a été lu.
Est-ce qu'on accepte la lecture qui est déjà faite?
M. Forget: Ah! Il a été lu?
Le Président (M. Laplante): II a été lu,
monsieur.
M. Forget: Bon.
Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'on peut accepter la
première lecture qui a été faite par le
député de Portneuf...
M. Forget: Approuvé en première lecture.
Le Président (M. Laplante): ... qui serait la motion
d'amendement du député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, j'avais indiqué, ce
matin, quand nous avons abordé l'étude de l'article 8, de
façon générale, que j'avais des objections de principe.
Quand on a abordé l'article 19a, j'ai dit que je mettais ces objections
de principe entre parenthèses, parce que là où elles sont
le plus pertinentes, c'est à l'article 19b, ce n'est pas à
l'article 19a.
Dans le contexte de ce que le ministre avait indiqué, à
savoir qu'il lançait un message au mouvement syndical quant à sa
démocratisation interne, quant aux modalités d'élection de
ses officiers, oui, il y aurait un certain nombre de détails qu'on
pourrait dire à ce niveau, mais ce n'est certainement pas là que
le bât blesse, pour employer l'expression bien connue. C'est plutôt
lorsqu'il est question du vote de grève. Je pense qu'il faut revenir un
peu sur la nature de l'objection de principe pour vraiment comprendre le sens
de cet amendement. En effet, il y a, entre le texte original de la loi 45 et
l'amendement proposé par le ministre, désormais incorporé
dans le projet de loi, une parenté de famille évidente,
c'est-à-dire que dans l'un comme dans l'autre cas, le ministre souhaite
imposer au fonctionnement du syndicat, lorsqu'il se prononce ou qu'il
amène ses membres à se prononcer sur un vote de grève, un
certain nombre de contraintes quant à la façon de faire ce vote.
Pour cela, il doit énoncer des règles relatives au délai,
etc., avec lequel tout ceci doit être fait. Il est évident que la
discussion que nous avons eue, en partie anticipée, sur l'article 19b ce
matin, nous amène, et amène le ministre à proposer et
à spécifier un grand nombre de règles, d'avis, de
délais, etc., et on doit envisager le cas où ces règles
pourraient être violées.
A ce moment-là, posons-nous la question: Qu'est-ce qui va
vraiment se produire si ces règles sont violées? Il est
évident, comme l'article 8, un peu plus loin, l'indique, que c'est le
chapitre 8 du Code du travail qui va s'appliquer, c'est-à- dire que le
procureur général pourra intenter une poursuite pour violation de
la loi et pourra engager le recouvrement d'amendes pour un montant de $500
à $1000 par jour à supposer qu'on sache que ça veut dire,
dans le cas où un vote est pris. Est-ce que c'est chaque jour qui suit
un vote pris irrégulièrement, etc., mais ce sont là des
conditions et des questions de détail. Ce qui est important de se rendre
compte, c'est qu'en voulant qualifier ou restreindre le fonctionnement interne
du syndicat, au moment où il prend un vote de grève, le ministre
propose d'en faire une infraction pénale et laisse l'affaire
là.
Du côté syndical, on s'interroge évidemment sur une
situation comme celle-là, puisque, au-delà de la menace d'une
infraction pénale ou d'une pénalité en vertu de la loi qui
est soulevée par une rédaction comme celle-là, se pose
tout le problème de la juridiction de la Cour supérieure, que le
ministre a avoué ne pas pouvoir modifier par une loi comme celle
amendant le Code du travail.
Ce qui fait qu'une personne ça pourrait être
l'employeur; ça pourrait être à peu près n'importe
qui qui se rend compte que la loi n'est pas respectée à la
lettre ou qui a des raisons de croire que la loi n'a pas été
respectée à la lettre, pourrait soi-disant se présenter en
Cour supérieure et obtenir une injonction, injonction, comme on disait
anciennement, quo warrante si l'article 19a n'est pas respecté,
injonction mandamus ou autre chose dans le cas de l'article 19b. On se
retrouverait en plein coeur d'une approche judiciaire au règlement d'un
conflit de travail.
On voit, quand on développe la logique implicite d'une approche
comme celle-là, d'abord, qu'on intervient dans les affaires internes du
syndicat. On le fait, essentiellement, de façon générale,
dans tous les cas. On donne ouverture à ça à chaque vote
de grève, dans chaque syndicat, au moment de chaque conflit de travail.
On le fait par la voie pénale, qui ne semble pas appropriée,
parce que la voie pénale... Faire dire par un tribunal, deux ans et demi
ou trois après qu'un vote de grève irrégulier ait
été pris ou qu'une grève ait été
déclenchée illégalement, puisque ça devient un
autre motif d'illégalité des grèves, que la grève
était illégale et que le syndicat doit donc payer $5000 d'amende
parce qu'il y a eu dix jours ou je ne sais quoi, enfin, peu importe, deux ans
et demi après la fin du conflit, ça ne règlera en rien le
conflit lui-même. Cela ne permettra en rien de favoriser une
évolution pacifique. Enfin, ça ouvre la porte à
l'intervention de la Cour supérieure qui, constatant une brèche
dans l'application de la loi, pourra, sans aucun doute, être saisie d'une
requête en injonction.
Alors, tout ceci nous montre que, quel que soit l'objectif qu'on
poursuit, le principe adopté au départ est un principe qui est
faux. Ce principe est faux non seulement parce qu'on doit respecter l'autonomie
interne d'organismes vo-iontaires qui fonctionnent sous l'impulsion de leurs
membres mais parce qu'on doit aussi, dans le fond, se limiter à voir
l'effet que les actes de
l'organisme en question peuvent avoir sur les tiers.
C'est aussi une approche fausse parce que, finalement, elle ne peut pas
produire le résultat escompté, elle ne peut pas conduire à
une pacification des relations du travail, elle ne peut pas régler une
impasse qui se révélerait dans une grève, disons, qui
serait manifestement décidée sans l'appui de la base.
Il reste que le seul recours, c'est un recours du procureur
général. Et même avec un "preferred indictment", il y a la
possibilité de toutes sortes de mesures dilatoires au niveau des
procureurs du syndicat. Il y a la possibilité... On l'a vu, M. le
Président. On a vu l'inefficacité absolue de l'approche
judiciaire dans les conflits de travail et, de la façon qui est
envisagée, on s'engage encore plus avant, dans un nouveau domaine, vers
une approche judiciaire.
Contrairement à cela, il m'apparaît qu'il y a, bien
sûr, des moments où la légitimité d'une action
syndicale peut être mise en doute. En somme, mettons de côté
tous ces arguments de caractère juridique ou d'opportunité ou
d'efficacité. Le ministre a fait et quand il le disait, cela
paraissait même à celui qui vous parle en ce moment, un
raisonnement qui, au moins à première vue, est séduisant:
Le syndicat est une institution légitime. Le syndicat a une
accréditation, cela veut dire quelque chose, une accréditation,
dans nos moeurs de relations du travail. Il a le monopole de la
représentation. Il ne faut pas démobiliser la base et la
décourager de participer. Il y a une action qui est prise par ce
syndicat légitime et il faut fonctionner dans ce cadre et ne pas
chercher à avoir un recours auprès de l'ensemble des
salariés, même non syndiqués, etc. Toute la question
n'est-elle pas véritablement là? La légitimité du
syndicat, même si on la reconnaît, est-elle un concept si absolu
que tous les actes posés par un syndicat sont par définition
légitimes et au-delà de tout doute, au-delà de tout test,
justement, de la légitimité.
Tout le monde sait bien que la légitimité d'un syndicat,
la légitimité sur laquelle se fonde l'accréditation, est
basée sur un roseau pas tellement fort, c'est-à-dire
l'adhésion de 50% plus 1 des membres de l'unité de
négociation. Dans un contexte comme celui-là, dans une
accréditation obtenue des années auparavant, à une
majorité qu'on ne connaît plus parce qu'une fois la période
initiale passée on fonctionne sur l'ancien, on fonctionne sur l'acquis,
un geste qui a pu être posé dans un cas particulier, avec un taux
de participation faible, alors que les propositions qui étaient
placées devant les membres n'étaient pas clairement
délimitées, etc.
On peut avoir toutes sortes de doutes sur la légitimité
d'un acte particulier, mais cela ne veut pas dire qu'on met en doute la
légitimité de l'institution qu'est le syndicat pour autant. Cela
ne veut pas dire par contre, que, parce que cela a été
historiquement, à un moment donné, il y a quinze ans
peut-être, un syndicat légitimement représentatif de tous
ses membres, au moment où il a obtenu son certificat, cela ne veut pas
dire que, vingt ans plus tard, avec toute l'eau qui a coulé sous les
ponts pendant ce temps-là, quand il pose un geste particulier, on va
dire: Ah, là! Ecoutez, c'est légitime, c'est dans notre loi,
c'est comme cela, et on ne peut pas poser de questions.
Bien sûr, si on posait des questions chaque fois qu'il y a une
grève, si on posait la question: Est-ce que tous les membres sont
d'accord? je pense qu'on nierait carrément le principe de la
légitimité du syndicat et du caractère normal de
l'exercice de cette légitimité par un vote majoritaire des
membres qui participent au scrutin à l'intérieur de
l'unité.
Il est clair que le syndicat, normalement et dans la plupart des cas, a
le droit de parler pour l'ensemble des employés, même non
syndiqués. C'est la loi qui lui reconnaît ce droit. Mais, à
moins de faire du corporatif et je n'accuse pas le ministre d'en faire
mais c'est un penchant dans lequel il faut éviter de tomber,
à moins de vouloir dire: II y a des corps constitués dans la
société qui ont une légitimité au-delà de
tout doute, il y a les églises, il y a les corporations
professionnelles, il y a les syndicats. Il y a même des gens et
cela s'est fait au Québec qui sérieusement ont dit: On
devrait avoir un sénat constitué de tout ce beau monde, une
espèce de conseil économique et social. Je pense qu'il y a des
groupes politiques qui ont dit cela et on peut imaginer un peu ce que cela
donnerait. C'est une vue corporatiste et, à la limite, sans vouloir
faire de charriage, mais, historiquement, on sait bien que cela s'est
apparenté au fascisme. C'était la conception de la
société comme un rassemblement non pas d'hommes libres, mais de
groupes, de corps constitués, de corps intermédiaires et c'est
toute cette espèce de féodalité qui faisait l'Etat.
Je pense que ce n'est carrément pas dans la conception
démocrate que nous nous faisons de l'Etat et du fonctionnement des lois.
C'est pourquoi, même si on reconnaît une légitimité a
des organismes comme les syndicats, comme n'importe qui, que ce soient les
corporations professionnelles, les églises nommez qui vous voulez
il reste que c'est toujours une légitimité conditionnelle.
Quand on est en face d'un acte précis et qu'on a des raisons de croire
que cet acte, vraiment, par des hasards de circonstances, de lieux, de moments,
de personnes, ne représente vraiment rien, il est vraiment quelque chose
qui peut être mis en doute.
Il me semble que c'est du devoir de l'Etat de se donner les instruments,
non pas d'intenter des poursuites et, éventuellement, de mettre des
pénalités, mais comme il s'agit d'un processus social important,
qui peut affecter le grand public il peut s'agir d'une grève dans
le transport en commun comme dans les magasins d'alimentation ou Dieu sait quoi
ou dans les hôpitaux le ministre doit avoir le pouvoir de tester
la légitimité de ses actes.
La seule façon de les tester, ce n'est pas de demander à
ceux qui ont pris ces décisions: Etes-vous toujours d'accord avec
vous-mêmes? C'est vraiment d'aller voir ceux au nom de qui
cet organisme parle, c'est-à-dire l'ensemble des salariés
membres de l'unité de négociation et dire: Ecoutez, messieurs, il
y a des années, on vous avait demandé de faire partie du
syndicat, vous aviez dit non, parce que... parce que... parce que... peu
importe ces raisons et même ceux qui ont dit oui à
l'époque, vous êtes en face d'un geste précis,
êtes-vous toujours d'accord? Est-ce que c'est toujours cela que vous
pensez? Est-ce que ceux qui parlent en votre nom, parlent vraiment en votre
nom?
A ce moment-là c'est un geste exceptionnel, c'est un geste
d'exception et qui est un remède immédiat et concret à un
problème de relations de travail qui ne doit pas attendre des
pénalités et des amendes pour être réglé,
mais qui attend un geste précis, un test démocratique du
caractère légitime d'une action syndicale.
Au moment où cela est requis, tout de suite on passe aux actes,
pas de façon hypothétique en fonction d'un geste futur, mais
quand on est en plein coeur d'un conflit de travail, on se dit toujours: II y a
quelque chose qui ne va pas. Ce n'est pas légitime, cela ne
représente pas vraiment ce que ces gens-là veulent. Il y a
quelqu'un qui a usurpé d'une certaine façon leur pouvoir
collectif pour une fin particulière à laquelle la majorité
ne souscrit pas; faisons un test et, si le test est concluant, il y a des
gestes qui en découlent immédiatement.
Pas des pénalités, pas des injonctions, pas des histoires
de ce genre, mais des choses concrètes, sur le moment, au moment
où elles sont requises. L'esprit de cet amendement, c'est de sortir le
gouvernement d'un contrôle de tous les syndicats tout le temps et dire:
Ecoutez, l'hypothèse de base est légitime, cela va très
bien tout le temps, dans toutes les circonstances, de façon
générale. Il peut y avoir des moments où quelqu'un va
avoir un motif. On dit d'ailleurs un motif raisonnable de croire que la
poursuite de la grève n'est pas appuyée par une majorité
des membres, des travailleurs, pas seulement ceux dont la décision, de
façon directe ou indirecte, est à l'origine de cela, mais de tous
ceux dont l'existence fonde justement la légitimité d'une
association représentative, dont l'ambition n'est pas seulement de se
représenter elle-même, mais de représenter tous les
travailleurs dans une unité d'accréditation.
C'est le but d'aller au-delà des membres, c'est le but de faire
le test le plus démocratique possible et, dans le fond, de reposer la
question de la légitimité Si c'est une décision qui est
négative, il va tout de suite y avoir des conséquences, pas des
conséquences dans deux ans, pas des conséquences assujetties
à des objections et à des avocasseries devant des cours, pas des
injonctions en Cour supérieure pour dire: Le processus Y et le
délai X n'ont pas été suivis, mais des choses
immédiates, qui sont pertinentes au problème, pertinentes au
conflit.
C'est bien sûr que ce serait exceptionnel, c'est bien sûr
que cela se ferait une fois sur cent, parce que je plains celui qui pose une
plainte ou le ministre qui accepte un exposé de motifs de façon
frivole.
Ce que nous verrons à ce moment-là, ce sera l'affirmation
par le syndicat d'une volonté claire de non-ingérence et d'un
rejet assez clair et même probablement unanime, à ce
moment-là, de cette tentative de mettre en doute la
légitimité d'une institution dont on sait, quand on en est
membre, qu'elle est légitime.
D'un autre côté, c'est la porte ouverte à une
possibilité de contestation si, vraiment, la question se pose et si les
membres pensent qu'elle se pose.
M. le Président, je pense que j'ai dit tout ce que je pouvais
dire là-dessus. Je pense que c'est assez clair, l'esprit dans lequel on
présente cela. Je pense que c'est très important d'agir comme
cela plutôt que d'agir de la façon dont le ministre se
prépare à le faire. C'est un monde de différence entre les
deux. C'est une solution à des problèmes extrêmes et de
façon très exceptionnelle. L'autre, c'est une règle
générale qui va s'appliquer partout et tout le temps et qui va
ouvrir la porte à une détérioration de nos relations de
travail.
C'est encore une porte ouverte aux avocasseries, aux poursuites, aux
injonctions et pas dans des cas exceptionnels, mais tout le temps. Chaque fois
qu'il va y avoir un vote de grève, les gens vont se demander: Est-ce que
c'est attaquable? Est-ce qu'on pourrait avoir une injonction là-dessus?
L'avis a-t-il été vraiment de 48 heures? Il y a des
problèmes d'évaluation des circonstances appropriées, etc.
Est-ce que ce sont les bonnes circonstances? Combien va-t-il falloir de
procès pour savoir ce que cela veut dire, les circonstances
appropriées.
Je suis tout à fait d'accord avec l'explication qu'en a
donnée le ministre, une explication de bonne foi, mais parfois les gens
ne sont pas de bonne foi et vont vouloir l'exploiter. Alors, on ouvre la porte
à un tas de complications et on ne réglera strictement rien avec
cela. A mon avis, il y a d'autres façons de le faire et c'est même
essentiel qu'on le fasse d'une autre façon. Il faut que le ministre ait
ces instruments. C'est vrai qu'à l'occasion, parfois, on doute de la
légitimité d'une organisation syndicale et le ministre n'a pas le
moyen, au moment où cela serait utile actuellement, de poser la
question, je crois qu'il doit avoir ce moyen.
M. Johnson: M. le Président...
Le Président (M. Clair): M. le ministre, j'ai dû me
faire remplacer pendant quelque temps, dois-je comprendre qu'on discute
maintenant de la motion d'amendement du député de
Saint-Laurent?
M. Johnson: Oui, c'est ça.
Le Président (M. Clair): Le ministre, sur la motion
d'amendement du député de Saint-Laurent.
M. Johnson: M. le Président, je remercie le
député de Saint-Laurent de son exposé, je pense,
très convaincu. Je suis sensible à l'argumentation qu'il
développe, bien que je diffère diamétralement de
conception à ce niveau. Je comprends que ce qui l'anime, ce sont ces
problèmes parfois qui posent, dans les circonstances d'un conflit de
travail, la notion même de la légitimité du geste
posé. Cependant, je suis d'accord avec le député de
Saint-Laurent là-dessus, ce n'est pas la majorité des cas. Mais
je ne pense pas non plus que la solution soit celle qu'il nous propose.
Je pense que la solution réside d'abord et avant tout dans le
monde syndical et chez les salariés. Parce que, paradoxalement, ce qu'il
nous propose, c'est une ingérence beaucoup plus grave de l'Etat dans la
vie interne des syndicats, même si, de fait, puisque son amendement biffe
entièrement l'article 19b je ne soulèverai pas la question
de la recevabilité, je préfère qu'on discute du fond
même si les cas étaient plus exceptionnels, le type
d'intervention prévu dans l'amendement proposé par le
député de Saint-Laurent, à mon avis, va carrément
à l'encontre de l'économie du Code du travail, de la conception
que le ministre actuel du Travail et de la Main-d'Oeuvre se fait de ce que sont
les relations patronales-syndicales et de ce qu'est le syndicalisme.
J'aimerais simplement souligner de façon un peu formelle que la
représentativité d'une association est toujours vérifiable
et les amendements que nous apportons sur l'accréditation permettent, si
35% des salariés, dans une association de salariés,
considèrent que l'association accréditée n'est plus
représentative, que le commissaire-enquêteur vienne constater si,
effectivement, cette association, qui est présente avant la nouvelle
dont je viens de parler avec le chiffre de 35%, est encore
représentative. Donc, la légitimité fondamentale est
toujours vérifiable au sens du code.
Deuxièmement, je m'étonne un peu que le
député de Saint-Laurent et l'Opposition officielle s'opposent
à la notion du vote secret, puisque en biffant l'article 19b et en le
remplaçant par ce qu'il nous propose, c'est l'abolition de ce que nous
prévoyons actuellement à l'article 19b, à savoir
l'obligation du vote secret en cas de grève. Cela m'apparaît
fondamental.
Troisièmement, dans le premier paragraphe de la motion
d'amendement, on retrouve cette notion de toute personne
intéressée, y compris l'employeur, y compris n'importe qui,
étant donné que la loi des moyennes s'applique, à
l'intérieur de l'unité de négociation, puisqu'on parle
aussi de l'unité de négociation et non pas des membres du
syndicat... Je ne reviendrai pas sur l'argumentation que j'ai faite tout
à l'heure, suite à l'intervention du député de
Jonhson. N'importe qui pourrait déclencher un mécanisme qui,
finalement, remette entre les mains du ministre la responsabilité de
l'appréciation purement subjective de ce qui se passe.
D'autre part, on retrouve également la notion de vote
surveillé.
Quatrièmement, on retrouve des notions comme "si les faits
énoncés à l'appui de la requête sont
suffisants".
Finalement, on met entre les mains du ministre un instrument
d'hyperpolitisation devant un conflit qui est difficile, qui est important ou
qui, aux yeux de toute personne intéressée, est important. Je
prends l'exemple de l'entreprise qui n'aurait pas accepté la
réalité du syndicalisme, qui se livrerait, après la
conclusion d'une première convention collective, encore à une
lutte de la nature de la reconnaissance syndicale et qui, au bout de deux
jours, pourrait formuler cette requête auprès du ministre en
invoquant différents faits qui, même si on prévoyait un
mécanisme d'enquête, seraient extrêmement difficiles
à vérifier dans certains cas.
Pour l'ensemble de ces raisons, M. le Président, bien que je
comprenne que, dans certaines circonstances, il soit normal que les citoyens et
le ministre du Travail se posent des questions sur la légitimité
d'un acte aussi important que celui de la grève... Mais cela fait partie
de la réalité qui a été créée le jour
où on a décidé d'adopter un Code du travail. La
grève, à mes yeux, doit être considérée comme
le moyen ultime auquel recourent la partie syndicale, les salariés, pour
donner droit, pour donner suite à leurs revendications.
Mais la grève, à partir du moment où elle est
décidée... Je pense que le Québec a peut-être encore
un bon bout de chemin à faire à ce sujet et une partie du
syndicalisme québécois a peut-être aussi un bon bout de
chemin à faire, un bout de chemin de réflexion; il ne faudrait
pas considérer la grève comme un objectif en soi, mais bel et
bien un moyen et un recours ultime.
Mais, néanmoins, une grève, décidée
majoritairement au scrutin secret des membres de l'association
accréditée, cela fait partie des droits conférés
par le Code du travail. Et même une grève difficile, et même
une grève longue, cela fait partie de la réalité et on
doit l'accepter, de la même façon que l'employeur pourrait faire
un lock-out. Et je remarque qu'à ce niveau-là, non seulement on
donnerait droit à l'employeur d'intervenir au meilleur de sa
connaissance, en présupposant également sa bonne foi, dans une
tentative de solution d'un conflit qui l'affecte économiquement et,
évidemment, à partir du moment où on a 97a, dans le cas de
ceux qui auraient encore recours à des briseurs de grève,
l'employeur pourrait intervenir, mais, pourtant, il n'y a rien qui, dans nos
lois, actuellement, pourrait forcer un employeur à mettre fin à
un lockout. Et je vois d'ailleurs mal comment on pourrait le faire.
Et je pense qu'au niveau de l'économie du code, au niveau de
cette espèce de zone grise... Parce que je suis bien prêt à
reconnaître que l'introduction d'une motion comme le vote secret
obligatoire crée une zone grise. Mais il y a du gris pâle et du
gris foncé. Cela crée une zone
grise entre la non-intervention qui est le principe reconnu, de
façon générale, bien qu'il soit balisé,
déjà, dans le Code du travail de 1964, à différents
chapitres, y compris, par exemple, la reconnaissance de l'accréditation
d'une association de salariés dont le vote est surveillé par un
commissaire-enquêteur; cela a toujours été là depuis
1964 et, d'autre part, l'intervention au niveau du contenu. A mon avis,
c'est à cela que cela mène, l'amendement proposé par
l'Opposition. C'est vraiment une intervention du ministre presque dans le
contenu. On l'oblige à apprécier des faits à l'appui d'une
requête, on lui permettrait d'envoyer un enquêteur, mais on le
soumettrait possiblement, en certains cas et à certaines époques,
parce que c'est cyclique...
Si on pense à l'année prochaine, par exemple, il y aura
beaucoup plus de conventions collectives qui seront à
échéance, étant donné que les contrôles
imposés par le gouvernement fédéral prendront fin, et on
assistera à l'échéance d'une série de conventions
collectives qui ont été signées pour de très
courtes périodes depuis l'établissement des contrôles. Cela
exposerait le ministre, personnage politique, à une appréciation
extrêmement subjective de ce qui se passe dans un conflit. Et, à
ce titre là, à mon avis, c'est une conception que je ne peux
évidemment pas partager. Je pense que pour toutes ces raisons, M. le
Président, et peut-être quelques autres sur lesquelles mes
collègues reviendront, je présume, je dois m'opposer à la
motion d'amendement formulée par le député de
Saint-Laurent au nom de l'Opposition officielle, tout en tenant compte de cette
préoccupation qu'il a, comme n'importe quel citoyen, que la
réalité syndicale nous rend parfois témoins de situations
sur lesquelles on peut tout au moins s'interroger. Mais comme bien d'autres
choses dans notre société, cela fait partie des
réalités de la vie et c'est comme cela que je le prends. En
faisant la balance des inconvénients, je pense que le texte de loi que
nous proposons à 19b est plus satisfaisant et plus conforme à
l'esprit du code ainsi que plus conforme à l'orientation que le
gouvernement entend donner aux relations de travail au Québec.
Le Président (M. Clair): Le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: M. le Président, après avoir entendu
le député de Saint-Laurent et le ministre, je suis de plus en
plus convaincu qu'on aurait pu se servir de la procédure, mais je ne le
ferai pas moi non plus, parce que je me rends compte qu'elle est
diamétralement opposée et complètement irrecevable. Mais
je pense qu'étant donné qu'on a commencé la discussion sur
le fond, on doit la continuer.
Personnellement, je suis surpris de voir qu'on attache autant
d'importance à l'amendement présenté par le
député de Saint-Laurent sur la vérification
ultérieure de la légitimité d'une grève et qu'on ne
se soucie pas, en faisant sauter tout l'article 19b proposé, du cadre
légal dans lequel doit s'exercer le premier geste en fonction de la
légitimité d'un conflit. Si on ne fixe pas au départ des
cadres permettant à la démocratie de s'exercer, je me demande
pourquoi, par la suite, on introduit un mécanisme qui interviendrait
ultérieurement pour contrôler toujours si la
légitimité existe ou non. Je pense que dans la majorité
des règlements et constitutions de syndicats, il existe des quanta pour
fixer la convocation d'une assemblée spéciale ayant pour objectif
de convoquer à nouveau une réunion. Par exemple, il y a des
syndicats qui disent qu'une pétition de 10% des membres permet de
convoquer une assemblée générale spéciale et cela
se manifeste déjà à l'intérieur de certains
syndicats. C'est le mécanisme normal de la démocratie syndicale
qui s'exerce par elle-même.
Je vous avoue bien franchement que je ne peux comprendre du tout
l'objectif du remplacement du cadre juridique dans lequel on voudrait que la
démocratie s'exerce par cette proposition qui vise à introduire
le contrôle étatique dans le processus démocratique des
syndicats.
Vote contrôlé, le ministre a le pouvoir de nommer des
enquêteurs. De toute façon, en se basant sur le Code du travail,
le ministre pourrait toujours répondre à des plaintes
formelles.
Actuellement, dans le Code du travail, le ministre pourrait toujours
envoyer un commissaire-enquêteur pour vérifier certains actes,
certains gestes posés par un syndicat ou une union ouvrière.
Deuxièmement, il y a un aspect qui me frappe, c'est que vous parlez de
l'ensemble des travailleurs touchés par le conflit de travail.
Personnellement, je ne peux adhérer à une telle position pour les
motifs suivants: Beaucoup de salariés subjugués par des patrons
ou encore par des contremaîtres, pas nécessairement par les grands
patrons, mais par les contremaîtres ou un cadre intermédiaire, se
font forts de démissionner de leur syndicat, font de la propagande
antisyndicale dans l'usine et bénéficient, cependant, des
retombées ou des fruits d'une convention collective.
Bien sûr, on apporte, relativement au projet de loi qui vous est
présenté, un amendement qui oblige le salarié à
payer un précompte syndical. D'autre part, il faut bien faire remarquer
à cette commission que nous avons aussi introduit un amendement qui fait
sauter, à toutes fins pratiques, l'atelier fermé ou le "closed
shop", permettant à cet individu de demeurer à l'emploi de
l'employeur.
Même si on voulait ne pas reconnaître l'effort du
présent gouvernement pour démontrer qu'on ne veut nullement
entraver le droit au travail, il faut bien se reporter dans l'histoire pour
dire que c'est l'employeur lui-même qui, auparavant, avait
concédé en négociation collective ce droit au travail,
subordonné à l'appartenance au syndicat. Donc, on ne touche pas
au droit au travail, nullement, on ne fait que faire payer par le
précompte syndical les retombées positives que rapporte aux
salariés une convention collective. On ne la lie pas du tout à sa
condition d'emploi.
Personnellement, je trouve que l'amende-
ment va complètement à rencontre des principes d'une
démocratie syndicale. C'est de l'ingérence étatique quant
au vote contrôlé. C'est donner la chance à ceux qui ne
veulent pas transformer leur syndicat par l'intérieur en restant membres
d'un syndicat, de venir mettre leur grain de sel dans une association qu'ils
ont abandonnée. Je dirai également que cela donne la chance
à n'importe qui de loger des plaintes, n'importe quand. N'importe qui,
n'importe quand, peut loger une plainte, il n'a qu'à alléguer
quelques motifs. Cela déclenche des enquêtes à tout
moment.
Personnellement, je pense que l'amendement tel que rédigé
et tel qu'expliqué, en particulier, par le ministre du Travail, les
clarifications qu'il y a apportées depuis le matin, fixe beaucoup plus
les cadres assurant une démocratie. C'est pour cette raison que
j'appuierai l'article 19b tel quel.
Le Président (M. Clair): Le député de
Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. Simplement un bref
commentaire sur la motion présentée par le député
de Saint-Laurent. Le député de Saint-Laurent indique, dans sa
motion, et je cite la première partie: "A tout moment, après le
déclenchement d'une grève par une association de salariés,
toute personne intéressée qui a des motifs raisonnables de croire
que la poursuite de la grève n'est pas appuyée par une
majorité des travailleurs membres de l'unité de
négociation, peut demander, par requête adressée au
ministre, la tenue d'un référendum sur les lieux de travail
auprès de tous les salariés membres de l'unité de
négociation en grève.
Je reviens simplement sur l'élément de "toute personne
intéressée", ce qui reviendrait à dire que dans la motion
présentée par le député de Saint-Laurent, le patron
ou quelque employé que ce soit, pour quelque motif que ce soit,
pourrait, à toutes fins pratiques, faire cette requête, en bonne
et due forme. Cette chose m'apparaît comme une porte ouverte sur beaucoup
"d'en-farges" et pourrait même amener une certaine forme de paralysie
dans toute cette démarche à l'occasion d'une grève.
Je pense que, de cette façon, la motion présentée
par le député de Saint-Laurent n'atteindrait pas l'objectif, je
pense, de faire vraiment progresser les négociations. Les effets qui
pourraient être provoqués, à ce moment-là, par
l'adoption d'une telle motion, dans le cadre du présent projet de loi,
pourraient être tout autres. Il m'apparaît là-dessus,
je rejoins les propos de mon collègue qui vient de parler avant moi
davantage comme une ingérence de l'Etat entre les deux parties,
à un moment crucial d'une situation donnée. Je pense que
ça ne ferait qu'ajouter une lourdeur tout à fait dangereuse et un
risque que l'Etat, justement, se pose de cette façon, entre les deux
parties qui sont déjà, au moment d'une grève, fortement en
opposition et où la situation est tout à fait
délicate.
Je pense que ça donnerait lieu, tout simplement, peut-être
à quelques avocasseries supplémentaires et, à cause de
ça, pour ces raisons d'ordre général, je ne crois pas
qu'on doive adopter cette motion, et je ne pense pas non plus que
c'était le but visé par le député de Saint-Laurent.
Pour ces raisons, M. le Président, en ce qui me concerne,
j'espère que la commission rejettera tout simplement cette motion qui ne
ferait qu'alourdir tout le processus déjà fort délicat et
qui ne ferait pas, en quelque sorte, avancer ce qu'on souhaiterait dans le cas
présent, une négociation en cours dans une convention
collective.
Le Président (M. Clair): Est-ce que le
député de Saint-Laurent avait donné lecture
détaillée de sa motion pour les fins du journal des
Débats?
M. de Bellefeuille: ...
M. Lavigne: C'est le député de Portneuf qui l'avait
lue.
Le Président (M. Clair): Le député de
Portneuf l'avait lue. Alors, vous me dispensez de la relire, parce qu'elle
apparaît déjà au journal des Débats?
Une Voix: Oui.
Le Président (M. Clair): La motion du député
de Portneuf...
M. Pagé: De Saint-Laurent.
Le Président (M. Clair): ... de Saint-Laurent est-elle
adoptée?
Des Voix: Rejeté.
Le Président (M. Clair): Rejeté.
M. Forget: ... sur division.
Le Président (M. Clair):... sur division. Le paragraphe
19b de l'article 8 du projet de loi no 45, qui se lirait comme suit...
M. Johnson: Comme il est là, sauf pour le mot "informer"
qui remplace "aviser" dans le paragraphe 2, mais qui devient le paragraphe
3...
Le Président (M. Clair): N'ajoute-t-on pas
également au paragraphe 2, qui devient le paragraphe 3, après le
mot "informé", les mots "par écrit"?
M. Johnson: C'est cela.
Le Président (M. Clair): Ce paragraphe 19b de l'article 8
est-il adopté?
M. Forget: Etant donné qu'on se rabat sur le principe de
l'intervention continue dans les affaires internes du syndicat, je vais me
prévaloir du
même principe pour suggérer à ce moment que, dans le
cadre de cette législation sur l'ensemble des votes de grève,
l'on tienne cependant compte d'une dimension qui en est omise. Je sais que,
incidemment, un certain nombre de membres de la commission y ont fait allusion
pendant la discussion précédente, mais, ceci était, dans
le fond, incident à une discussion plus générale, et il
m'apparaît que le principe qui est inscrit à 19b de consulter
seulement les membres lors de ces votes de grève, indépendamment
du mécanisme choisi, n'est pas compatible avec d'autres amendements qui
sont faits par le ministre dans la loi et qui visent précisément
à reconnaître la légitimité de la dissidence face
à une association de salariés.
En effet, je crois que c'est le député de
Joliette-Montcalm ou le ministre lui-même qui soulignait que,
désormais, par l'abolition de l'atelier fermé parfait, il est
possible à des non-membres de conserver leur emploi, lorsqu'ils quittent
le syndicat dont ils faisaient partie au moment de leur embauche,
présumément parce qu'ils ne sont pas d'accord avec le syndicat,
présumément parce qu'ils ont abandonné tout espoir de se
retrouver parmi la majorité effective au sein de ce syndicat. Un
syndicat, comme n'importe quel autre organisme démocratique,
évidemment, suppose qu'il y a toujours une minorité qui, par
définition, est insatisfaite. Si la même personne ou le même
groupe de personnes se retrouvent continuellement en minorité, cela pose
un problème sérieux.
Si un groupe de travailleurs, au cours de plusieurs mois, au cours de
plusieurs années perdent toutes leurs élections à la
direction du syndicat et se voient constamment dans la minorité sur tous
les votes qui sont pris relativement à peu près à toutes
les affaires syndicales, même si tout se passe dans les règles,
même si tout se passe très démocratiquement, il se peut
qu'à un moment donné des gens, qui sont tout à fait de
bonne foi, sans pour cela qu'on doive supposer qu'ils sont sous l'emprise d'une
influence patronale indue, peuvent tout à fait de bonne foi dire: J'en
ai marre de cette manipulation. On donnera toutes sortes de noms au fait qu'on
est minoritaire, mais il reste qu'il se peut très bien qu'on le devienne
et qu'on le reste pendant longtemps et qu'on décide de se mettre en
dissidence, de s'exclure soi-même. Si l'atelier syndical parfait est
aboli, comme le propose le ministre, c'est donc que le législateur
reconnaît la légitimité d'une telle attitude. C'est
parfaitement correct, d'autant plus qu'ils devront payer la cotisation
syndicale. Finalement, le principe de justice vis-à-vis des
bénéfices qu'ils retirent, malgré tout, de la convention
collective, est respecté.
Ceci dit, il reste que, de temps à autre, des votes de
grèves seront pris, votes de grève qui les affectent et qui les
affectent, je dirais même doublement, parce que, désormais, ils
seront astreints, quoiqu'ils disent et quoiqu'ils fassent, à payer la
cotisation syndicale. Par contre, la loi est muette quant à leurs
possibilités de bénéficier du fonds de grève.
Normalement, ils n'en bénéficieront pas. La réponse qu'on
fait à cela, du côté ministériel, c'est que, si on
veut bénéficier du fonds de grève, on n'a qu'à
redevenir membre. Enfin, on ne recommencera pas ce raisonnement-là.
Il reste qu'on est devant des situations de fait. Un salarié
dissident est astreint à payer la cotisation, à aller en
grève, s'il y a une grève qui est décidée. Il ne
participera pas au scrutin de grève et, s'il y a une grève, de
toute façon, n'aura pas accès au fonds de grève.
C'est une situation qui ne me semble pas normale, qui semble manquer de
symétrie et de justice et, pour cette raison, il me semble que si le
législateur dit: Ecoutez la grève c'est sérieux, c'est
important, il faut s'assurer que cela se fasse en consultant tous ceux qui sont
impliqués et, pour cela, on ne se fiera pas aux règlements
internes des syndicats et à la pratique bien établie. Il ne
s'agit pas d'une chose qu'on veut réglementer seulement dans des cas
exceptionnels... On a eu, par le rejet de notre amendement, une
démonstration très claire que ce n'est pas une règle
occasionnelle et exceptionnelle qu'on veut instaurer, mais c'est vraiment une
règle de base du fonctionnement des syndicats tout le temps. Il semble
normal, si on veut que cela fonctionne tout le temps, selon des règles
normales de justice, que tous ceux qui sont affectés, et affectés
doublement dans ces cas-là, soient appelés à se
prononcer.
C'est le sens de notre amendement. On dit: Ecoutez, donnez une chance
aux salariés membres de l'unité de négociation et pas
seulement membres de l'association de salariés de s'exprimer
là-dedans et le vote majoritaire devrait se compter en prenant comme
base l'ensemble des salariés plutôt que seulement les membres du
syndicat.
Une autre considération s'ajoute à celle-là, dans
l'amendement précédent, je vous promets M. le Président,
je n'y reviens pas, mais c'est parce que c'est un point que je n'ai même
pas développé, à ce moment-là, le vote de
grève se prend au moment...
Ecoutez, M. le Président, je pense qu'il est 18 heures, je n'ai
pas d'objection à m'interrompre. Non, j'en ai pour quelques minutes
encore. Je ferai peut-être aussi bien de reprendre à 20
heures.
Le Président (M. Clair): Nous suspendons nos travaux
jusqu'à 20 heures.
(Fin de la séance à 18 h 2)
Reprise de la séance à 20 h 13
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!
La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de
l'immigration est réunie pour continuer l'étude, article par
article, du projet de loi no 45. Au moment où nous avons suspendu nos
travaux, nous en étions à l'article 8, au paragraphe 19b.
M. Forget: C'est moi qui avais la parole, M. le
Président.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je vais essayer de renouer le fil, non pas le fil
d'Ariane...
M. Johnson: Ce n'est pas le fil d'araignée,
j'espère.
M. Forget: ... ni d'araignée, non. Mes intentions sont
pures, M. le Président.
M. de Bellefeuille: Le fil d'archal.
M. Forget: Le fil d'archal.
M. de Bellefeuille: C'est pour les équilibrer.
M. Forget: Je vois. Je n'ai aucun talent pour l'équilibre
en ce sens.
M. Johnson: Alors, messieurs, l'article 8 est-il
adopté?
M. Chevrette: Adopté.
M. Forget: Retrouvons donc le fil d'Ariane. J'ai exposé ce
qui constitue les motifs de la première partie d'un amendement que
j'aimerais présenter à l'article 19b. Il me reste à... Je
suis inquiet pour le député de Joliette-Montcalm. Je croyais
même que ma voix réverbérait.
M. Bisaillon: Ce n'est pas parce qu'il ne vous entend pas, c'est
parce qu'il ne vous comprend pas!
M. Forget: II n'y a rien que je puisse faire pour cela.
Il me reste à expliquer les motifs pour la deuxième partie
de cet amendement. Si l'on souhaite, malgré tout, rendre assez officiel
le vote de grève en l'entourant de toutes sortes de dispositions
légales, on voudra probablement, également, s'assurer que ce
vote, à cause de son caractère officiel qui en renforcera
l'effet... Je crois que tout le monde est d'accord pour dire qu'un vote qui est
pris conformément aux dispositions envisagées par les articles
19b, 19c, 19d, revêtira probablement un aspect beaucoup plus officiel que
ce n'est le cas dans la situation actuelle où les votes de grève
sont véritablement des gestes privés, d'un groupe privé,
etc. qui fait cela largement dans le silence de la loi.
Il me semble que l'observation qui a été faite dans
d'autres juridictions, dans d'autres provinces, où on a rendu plus
formelles les procédures de vote, cela a été de
conférer au vote de grève un caractère solennel, donc une
plus grande force, une valeur plus signifiante ou plus significative que ce
n'est le cas autrement. A ce moment-là, on voudrait probablement
éviter de conférer ou de permettre que ce vote ne soit
entouré d'une trop grande ambiguïté. On reconnaît,
actuellement, dans le fond, deux espèces de vote de grève; cela,
ce n'est pas moi qui le dis, ce sont à peu près tous les gens qui
ont écrit sur le domaine. Il y a le vote de grève de semonce, en
quelque sorte, qui est un peu comme le coup de canon qu'on tire en travers de
la proue de certains navires pour les arraisonner. C'est un vote où on
dit au patron: Attention, nous sommes sérieux. Nous avons l'intention de
poursuivre la négociation de façon vigoureuse. Nous tenons
fermement à nos objectifs et si jamais nous n'avions pas gain de cause
lors de la négociation, nous sommes disposés à aller
très loin pour gagner. C'est un vote stratégique ou plutôt
tactique, qui se prend souvent très loin avant une grève, qui n'a
pas une signification immédiate pour personne et qui, pour celui qui y
participe, n'est pas assorti d'une considération aussi soigneuse pour
les avantages et les inconvénients qui sont présents au moment
où on prend la décision d'aller effectivement en grève. Je
pense que tous les coûts que cela implique, toutes les difficultés
que la notion même d'aller en grève implique, sont présents
plutôt à l'état hypothétique comme une
éventualité future qui peut-être ne se réalisera
jamais.
Si on veut donc donner au vote de grève une valeur beaucoup plus
grande en l'insérant dans un processus plus officiel, il me semble qu'on
doit prendre une précaution pour éviter cette
ambiguïté et s'assurer que ce vote officiel soit pris suffisamment
près d'une échéance réelle de grève pour
qu'il ne souffre pas de cette ambiguïté-là. Autrement, on
pourrait s'enferrer dans une logique un peu impitoyable pour les membres
mêmes du syndicat en les commettant longtemps d'avance à une
action qui prend toutes les allures d'un geste officiel et sanctionné
par la loi alors que psychologiquement ils ne sont pas dans ce "frame of mind",
dans ce contexte psychologique approprié à une décision
d'une telle importance pour eux.
C'est la raison de la dernière partie de cet amendement que je
vais lire maintenant. Je l'ai suffisamment décrit, à la fois
avant notre suspension de 18 heures et maintenant, pour me limiter à sa
lecture et laisser les autres membres de la commission le débattre.
L'amendement se lirait comme suit: Que le premier alinéa du
paragraphe 19b de l'article 8 soit modifié en remplaçant dans les
troisième et quatrième lignes, les mots: "membres de
l'association accréditée qui sont compris dans", par les mots:
"salariés membres de", et, en ajoutant à la fin de
l'alinéa la phrase suivante: "le scrutin doit avoir lieu au plus dix
jours avant le déclenchement de la grève."
L'alinéa amendé se lirait comme suit, le paragraphe 19b:
"Une grève ne peut être déclarée qu'après
avoir été autorisée au scrutin secret par un vote
majoritaire des salariés membres de l'unité de négociation
et qui exercent leur droit de vote. Le scrutin doit avoir lieu au plus dix
jours avant le déclenchement de la grève."
On a dû probablement distribuer des copies de l'amendement.
Voilà.
Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail.
M. Johnson: M. le Président, d'abord il y a deux
éléments dans cet amendement. Le premier vise à
étendre le droit de grève à tous les membres de
l'unité par opposition aux membres seulement de l'association
accréditée. Je pense avoir exposé...
M. Forget: Pas le droit de grève comme tel, le droit de se
prononcer sur la grève.
M. Johnson: Oui, le droit de se prononcer, je m'excuse. Le droit
de se prononcer, évidemment, au scrutin sur la grève. J'ai
évoqué cet après-midi, même peut-être
très longuement, mon opposition, suite à la position prise par le
député de Johnson, à cette notion. Donc, je n'y reviendrai
pas. Dans le deuxième élément, on introduit, à mes
yeux, d'abord une plus grande spécificité du texte, pourtant il
me semble y avoir un peu une contradiction entre les propos du
député de Saint-Laurent face à l'idée même de
légiférer dans cette zone grise entre le non-interventionnisme
total et l'intervention systématique de l'Etat. On pousse encore plus
loin l'intervention de l'Etat, dans l'avis du syndicat.
Deuxièmement, il est bien évident que, pour des raisons
qui relèvent, je pense, d'une constatation de ce qui est une
négociation et du type de rapport, parfois de bluff, bien
évidemment, qui peut exister dans une négociation, il est bien
évident qu'avec un article comme ça, on peut priver l'association
accréditée d'une arme stratégique normale, et, je pense,
d'une façon, souhaitable. De la même façon que l'employeur,
lui, peut, du jour au lendemain, décréter le lock-out, à
partir du moment où le syndicat ou l'association
accréditée a acquis, en vertu du projet de loi no 45 et des
amendements, le droit à la grève, de la même façon,
l'employeur, lui, a acquis le droit au lock-out, et il peut, du jour au
lendemain, dans toute cette période qui suit la date d'acquisition du
droit de grève, procéder à un lock-out, sans autre
formalité.
Je pense que le fait d'introduire ceci comme amendement forcerait
évidemment le syndicat, d'une part, à ne pas
bénéficier du même avantage psychologique que l'employeur
et, deuxièmement, à forcer certaines situations où le
syndicat considérerait que, compte tenu de l'état des
négociations à la table de négociation, il n'a pas besoin
d'aller demander un vote de grève, pour une raison ou pour une autre,
mais joue sur l'ambivalence de son comportement à la table de
négociation, l'employeur sachant toujours que, dans les 48 heures qui
suivent la fin d'une séance de négociation, il pourrait y avoir
une assemblée avec un vote de grève, tandis que là, on
mettrait littéralement l'association accréditée dans une
position où, dix jours avant la date qui serait plus ou moins
prévisible pour elle pour déclencher une grève et qui
serait un moment stratégique idéal à ses yeux, elle serait
obligée, finalement, de mettre fin peut-être à une
négociation qui fonctionne fort bien.
Pour toutes ces raisons, M. le Président, je m'opposerai à
cet amendement, encore une fois, tout en reconnaissant les efforts
considérables que fait le député de Saint-Laurent pour
établir une vision cohérente, sa vision cohérente, je
pense, et, en ce sens-là, il est assez logique avec sa vision de ce que
représente le Code du travail et avec sa conception de ce que
représente le syndicalisme, d'une certaine façon.
Le Président (M. Clair): Le député de
Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président, le député
de Saint-Laurent nous présente maintenant une motion qui a deux volets.
Le député de Johnson, qui m'a précédé
à cette table dans les discussions, a d'ailleurs indiqué, en ce
qui concerne la première partie de cette motion, la position de l'Union
Nationale.
D'ailleurs, à l'occasion de la deuxième lecture aussi,
j'avais indiqué quel était notre point de vue à ce sujet,
et je pense que je ne peux qu'accepter la première partie de la motion
du député de Saint-Laurent. C'est d'ailleurs pour être
logique avec nous-mêmes. Cependant, pour ce qui concerne la
deuxième partie de la motion, cela me pose réellement un
problème. Pourquoi les dix jours? Cela m'apparaîtrait plutôt
comme portant atteinte ou entrave à la liberté d'action des
syndicats. J'ai beaucoup de réserves pour ce qui concerne cette
deuxième partie.
A ce stade-ci, je demanderais au député de Saint-Laurent
s'il serait disposé à scinder sa motion ou à en faire deux
motions distinctes, de sorte qu'on puisse se prononcer sur les deux sujets
séparément. Je ne peux accepter la motion dans son ensemble,
puisque même si le principe contenu dans la première partie de la
motion du député de Saint-Laurent m'apparaît souhaitable,
la deuxième partie, je ne peux absolument pas l'accepter.
M. Forget: M. le Président, je n'ai pas d'objection
à scinder ma motion. Tout ce que je peux faire pour aider nos camarades
de l'Union Nationale, je vais le faire avec grand plaisir.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Tout d'abord, relativement à la
première partie de la proposition du député de
Saint-Laurent, avoir voulu être procédurier, vous auriez pu
la déclarer irrecevable, parce que c'est une deuxième tentative
d'affilée, dans une deuxième proposition pour étendre ce
champ bien précis du vote aux salariés de l'unité et non
pas à la cellule accréditée. Cela a donc été
rejeté dans un premier temps, avant le dîner. C'est une nouvelle
tentative pour la faire passer, ce qui me fait dire qu'avoir voulu, je vous
aurais demandé, sur le plan de la procédure, de rejeter le
premier volet de la proposition.
Voici le deuxième aspect que je voudrais aborder. Le
député de Saint-Laurent disait que c'était pour
éviter, carrément, que les gens se servent de cela comme
stratégie pour créer un moyen de pression. Je sais que le
député de Saint-Laurent aime se rendre aux arguments de la
raison. Vous savez pertinemment qu'actuellement certains employeurs se servent
de la menace de fermeture d'usine pour se bâtir un rapport de force dans
la négociation. Il me semble que si on mettait cette arme de dix jours,
on empêcherait même que le vote de grève signifie quelque
chose dans le rapport de force, parce que l'employeur pourrait jouer au fou
à tous les dix jours. Exemple: Je niaise huit jours, je débloque
un peu le neuvième jour, je place le syndicat dans une situation
aberrante de déclencher la grève le dixième jour.
Si j'accepte de continuer, je n'ai pas d'autre alternative pour me
couvrir de nouveau pour entrer en grève et faire bloc, il faut que je
revienne en assemblée générale. Le ministre du Travail
disait: Cela peut avoir comme conséquence de faire déclencher des
grèves au moment où cela ne va pas si mal en négociation
et le syndicat en porterait tout l'odieux. Je dis que cela pourrait aussi
créer le processus de la multiplication des votes uniquement par
stratégie patronale. C'est vraiment mettre toutes les chances du
côté du patron au moment où on se dit, tout le monde ici:
Recherchons un équilibre de forces. Je pense que ce sont là
quelques arguments qui vont sans doute inciter le député de
Saint-Laurent d'abord à retirer son premier point, sachant qu'il a
été battu, et, deuxièmement, reconnaissant la sagesse de
notre réglementation sur le deuxième point, cela va éviter
un vote en le retirant.
M. Forget: M. le Président, je n'ai pas l'intention de le
retirer, parce que cette objection qui semble procéder d'un bon naturel
de la part du député de Joliette-Montcalm en disant: Cela va
forcer le syndicat, cela va mettre le syndicat dans la position à le
forcer à faire la grève alors que, peut-être, il y a un
déblocage, c'est une façon bien à lui de voir les choses,
mais je pourrais attirer son attention sur une autre conséquence qui,
à mon avis, est éminemment compatible avec la démocratie
syndicale. C'est que si, effectivement, il y a tellement de mouvement et de
stratégie de part et d'autre sur une période de dix jours, cela
forcerait peut-être à un autre vote, c'est-à-dire de
consulter de nouveau la base, consulter de nouveau les membres de
l'unité de négociation pour leur dire: Voici ce qui se passe et,
sur la base de ce qui se passe, de ces manoeuvres, est-ce que vous nous donnez
un autre vote de manière à faire la grève?
Ce ne serait peut-être pas mauvais que, tous les dix jours, dans
une négociation où les gens se menacent de grève et de
lock-out, les membres soient consultés et soient informés de
l'état du dossier. Comment interpréter, d'ailleurs, des votes de
grève qui sont pris trois ou quatre mois avant la grève et qui
fonctionnent un peu en blanc comme cela et qui débouchent
éventuellement sur une grève alors que les membres ne sont pas
convoqués une autre fois pour prendre état de l'évolution
du dossier et se dire: Etant donné qu'on a fait tout ce chemin, est-ce
qu'il vaut encore mieux aller en grève ou s'il vaut mieux donner un
mandat de négociation légèrement modifié ou
simplement dire: Poursuivez encore les efforts?
Je pense que tout ce qui force, dans la loi, la base à être
consultée un peu plus souvent ne peut certainement pas être
mauvais. Ce qui, par ailleurs, dans toute cette histoire-là, nous place,
comme le ministre le dit, dans la situation de faire intervenir davantage le
ministre ou de faire intervenir davantage la loi plutôt, dans
l'opération de tout ce déroulement des négociations, c'est
la conséquence directe de la décision du ministre d'intervenir
tout le temps, par la loi, dans le déroulement de tous les votes de
grève, partout et toujours.
C'est la raison pour laquelle on va à la limite, justement. On
illustre un peu par l'absurde ce à quoi nous conduit la décision
de réglementer le vote de grève.
On va lui donner, à ce moment-là, un caractère
très officiel et, pour limiter les dégâts, très
simplement pour limiter les dégâts, il faut assortir ça
d'un certain nombre de garanties. Autrement, on n'aura fait que créer
des occasions nouvelles de difficultés, sans les circonscrire, et on
n'aura rien fait de vraiment utile. C'est clair que j'aimais beaucoup mieux mon
amendement original qui nous dispensait d'intervenir partout et toujours, dans
tous les votes de grève, et nous permettait de le faire seulement dans
des cas extrêmes.
Qu'on me dise que ça faisait intervenir le ministre et que
ça lui faisait appliquer un jugement, mon Dieu! Dans un autre article,
c'est ce qu'il essaie de faire, puisque, maintenant, il va pouvoir nommer un
conciliateur, si bon lui semble, dans l'évolution du dossier. Donc, ce
n'est pas un principe qu'il rejette à un endroit, pourquoi ce même
principe, à un autre endroit, serait-il absolument une incartade
impossible à considérer? Je ne le comprends vraiment pas. Je
crois que l'orientation qu'on prend ici, c'est un pouvoir
discrétionnaire beaucoup pius grand pour le ministre que c'était
le cas dans le passé.
Si c'est la voie qu'on prend, il faut être logique avec ça.
Je ne veux pas revenir sur le passé, mais il reste qu'on prend
l'attitude, non pas d'intervenir à titre exceptionnel, mais d'intervenir
toujours et tout le temps pour réglementer tous les votes de
grève. A ce moment-là, si vous ne
circonscrivez pas la façon dont ça se fait, vous allez
rendre les affrontements encore plus durs, parce que ces votes de grève
sont pris, quelques semaines ou quelques mois avant la grève, comme
mesure tactique, vont devenir des gestes officiels sur lesquels il va
être très difficile de revenir.
Il y a eu, dans d'autres provinces, au moment de l'enquête qui a
précédé le rapport Wood, des gens qui ont dit: Ecoutez,
ces votes de grève officiels, contrôlés par le
gouvernement, soumis à des règles précises, finalement,
c'est pire que s'il n'y en avait pas. C'est une situation qui rend les parties
encore moins souples, moins capables d'ajustement. C'est ce qui inspire cette
modification.
Pour ce qui est du dernier argument selon lequel on ne fait pas
ça dans le cas des lock-out, mon Dieu! quand on viendra au chapitre
approprié, on pourra proposer aussi des choses sur le lock-out. Il y a
bien des choses qui peuvent se faire dans le cas du lock-out; si on croit que
c'est un droit dont le patron abuse, contrairement à ce qui a
été dit tout à l'heure par je ne sais trop qui, il y a des
façons de circonscrire l'utilisation du droit au lock-out.
Ce n'est pas inimaginable de le faire, si on pense qu'il y a un manque
d'équilibre de ce côté-là. C'est même plus
facile de réglementer le lock-out que de réglementer la
grève ou réglementer les votes de grève. J'ai au moins
deux ou trois possibilités à l'esprit pour le faire, qui sont
plus pratiques que ce qui est suggéré dans ce chapitre-ci.
Je pense que ce n'est pas une objection, sauf à ce moment-ci,
parce qu'on n'est pas arrivé encore au chapitre sur le lock-out, mais
attendons d'y venir pour faire ce genre d'objection.
M. Chevrette: Vote.
Le Président (M. Clair): Le député de
Richmond avait suggéré de diviser la motion d'amendement du
député de Saint-Laurent. Je dis bien qu'il avait
suggéré. Désire-t-il en faire une motion formelle, auquel
cas j'aurai à prendre une décision?
M. Brochu: Je pense que dans l'ordre de la discussion, le
député de Joliette-Montcalm avait enchaîné
là-dessus, mais après que le député de
Saint-Laurent eût accepté de séparer la motion en deux
questions distinctes, pour être capable de passer au vote. S'il y a
consentement unanime là-dessus, je pense que... Sur le vote... oui.
M. Johnson: Simplement sur la question du vote, et non pas sur le
débat. Oui, sûrement.
Le Président (M. Clair): A ce moment-là, c'est le
député de Saint-Laurent qui fait deux motions différentes
et non pas le député de Richmond...
M. Brochu: Non, c'est le député de
Saint-Laurent.
Le Président (M. Clair):... qui fait une motion pour
diviser la question. C'est le député de Saint-Laurent qui accepte
de faire deux motions différentes, sa première motion
d'amendement indiquant que le premier alinéa du paragraphe 19b de
l'article 8 soit modifié, en remplaçant, dans les
troisième et quatrième lignes, les mots "membres de l'association
accréditée qui sont compris dans" par les mots "salariés
membres de". Cette motion d'amendement est-elle adoptée?
Des Voix: Rejeté.
Le Président (M. Clair): Rejeté sur division.
La deuxième motion du député de Saint-Laurent veut
que le premier alinéa du paragraphe 19b de l'article 19 soit
modifié, en ajoutant, à la fin de l'alinéa, la phrase
suivante: "Le scrutin doit avoir lieu au plus, dix jours avant le
déclenchement de la grève". Cette motion est-elle
adoptée?
Des Voix: Rejeté.
M. Forget: Sur division.
Le Président (M. Clair): Rejeté sur division.
M. Forget: J'ai l'impression, M. le Président, que la
division de ma motion n'a rien fait pour favoriser son adoption.
M. Vaillancourt (Jonquière): Cela a permis à
l'Union Nationale de régler son problème.
M. Johnson: L'article 8 est-il adopté, M. le
Président?
M. Forget: Non, M. le Président; j'aurais une autre motion
d'amendement.
Le Président (M. Clair): A l'article 8?
M. Forget: Oui. J'ai une motion d'amendement qui, je
l'espère, cette fois-ci...
M. Chevrette: 19b, je parle.
M. Forget: 19b, oui. Toujours sur 19b.
Le Président (M. Clair): Sur 19b, le député
de Saint-Laurent.
M. Forget: Cette motion est inspirée de si près par
des représentations auxquelles se sont joints des membres de la
formation ministérielle majoritaire, qu'il me serait permis
d'espérer, au moins cette fois-ci, M. le Président, d'avoir au
moins une lueur d'espoir qu'elle sera adoptée.
NI. Chevrette: Proposez, on verra.
M. Forget: C'est plein de cet espoir, gonflé d'espoir, que
je présente cette motion qui se lit
comme suit: "Que le deuxième alinéa du paragraphe 19b de
l'article 8, étant donné l'inversion qui a été
faite tout à l'heure, soit modifié, en retranchant, dans les
première et deuxième lignes, les mots "prendre les moyens
nécessaires, compte tenu des circonstances pour" et en ajoutant, dans la
quatrième ligne, après le mot "scrutin", les mots "sauf dans les
cas où le scrutin se fait par correspondance".
L'alinéa amendé se lirait comme suit: "L'association doit
informer ses membres au moins 48 heures à l'avance de la tenue du
scrutin sauf dans les cas où le scrutin se fait par correspondance".
M. le Président, l'élément principal a pour but de
simplifier et de rendre le texte plus compréhensible, également
de prévoir le casqui n'est pas effectivement prévu et qui
pourrait impliquer des complications dans l'application de la loi, lorsqu'il
est prévu que le scrutin se fait par correspondance. Lorsqu'il doit se
faire par correspondance étant donné, par exemple, l'état
de dispersion géographique des membres d'un syndicat à travers
tout le Québec, etc. On a parlé de plusieurs cas de camionneurs,
etc. Je ne veux pas entrer dans les détails. Il semblait qu'il
était opportun de prévoir cette possibilité puisque,
autrement, on pourrait techniquement placer un syndicat dans
l'impossibilité de se conformer à la loi, ce qui serait fort
fâcheux et ce à quoi on ne pourrait pas remédier par une
interprétation.
Quand on dit qu'on doit tenir un vote au scrutin secret, bien, on doit
tenir un vote au scrutin secret. Dans un certain sens, il n'y a rien de moins
secret qu'un vote par correspondance, puisqu'il doit être envoyé
à l'adresse de chacun et, évidemment, on n'est pas tenu
d'identifier la provenance. Si on veut éviter des fraudes, je crois
qu'il est nécessaire d'identifier la provenance des bulletins qui sont
retournés au moins par un système de numérotation, ce qui
ouvre donc la porte à l'identification des votants. Mais même
au-delà de ça, il est clair qu'un des objectifs d'un vote au
scrutin secret n'est pas tellement d'assurer l'anonymat que d'assurer qu'il n'y
ait pas, au moment du vote, d'occasions d'exercer d'intimidation. Or, quand
cela se fait par correspondance, étant donné que les gens ne sont
pas présents physiquement dans une même salle, il y a toujours des
possibilités d'intimidation, mais elles sont beaucoup moindres que dans
le cas d'un vote tenu séance tenante. Il est peut-être moins
nécessaire alors de prendre des précautions ou les mêmes
précautions.
De toute façon, il m'apparaît c'est peut-être
un point que le ministre pourra préciser que l'exigence du
scrutin secret visait plutôt justement l'élimination des
possibilités d'intimidation que le caractère d'anonymat comme
tel. Si ce n'était pas cela, si c'était le caractère
d'anonymat qui était visé par le scrutin secret, comme question
de principe, cela pose tout le problème, à savoir si les votes
par correspondance devraient être interdits. Parce qu'à mon avis,
c'est clair qu'on ne peut pas respecter l'anonymat dans un scrutin par
correspondance, à moins d'établir toute une série d'autres
articles qui font que les officiers responsables du scrutin sont tenus au
caractère confidentiel etc. Je suis sûr, d'après l'allure
du ministre qui m'écoute, que ce n'est pas ce qu'il a l'intention de
faire. C'est la raison pour laquelle j'étais un peu plus confiant que ce
genre d'amendement pourrait être reçu puisqu'il semble qu'on doive
fonctionner sur l'hypothèse que ce n'est pas le caractère
confidentiel ou secret du vote qui est essentiel, mais c'est
l'élimination des possibilités d'intimidation ou d'influence
indues si le mot "intimidation" apparaît trop fort, ce que le vote par
correspondance permet de réaliser tout aussi bien. C'est là le
but de cet amendement.
Quant au premier élément, là-dessus, je dois dire
que je suis peut-être moins sûr du premier élément.
Ce qui nous l'a inspiré au départ, c'était la
possibilité que l'expression "par tous les moyens nécessaires"
soit, dans le fond, une espèce de clause omnibus qui permette de faire
n'importe quoi, pourvu qu'il y ait un semblant de justification. Si le ministre
nous assure, comme il l'a fait, qu'il y a véritablement une
jurisprudence ferme là-dessus qui démontre que c'est vraiment
interpréter de façon prudentielle et avec circonspection et que
ce n'est vraiment pas une façon d'éviter la loi, d'éviter
l'application de la loi, peut-être que c'est une chose sur laquelle je
garde l'esprit ouvert. Je ne voudrais pas traiter les deux parties de
l'amendement exactement de la même façon. A un esprit non
informé des technicités d'application des lois du travail, cela
me paraissait dangeureusement comme une espèce de clause fourre-tout. On
dit: En général, cela doit être comme cela, mais si cela ne
tente vraiment pas quelqu'un, il trouvera bien le moyen d'expliquer que les
circonstances ne le permettaient pas. Cela transformerait le sens du paragraphe
en une espèce de plaisanterie de mauvais goût. Encore une fois, je
vais prendre l'avis du ministre là-dessus et sur la façon de
l'interpréter aux yeux du ministère du Travail; là-dessus,
encore une fois, nous gardons l'esprit ouvert.
M. Brochu: M. le Président...
Le Président (M. Clair): M. le ministre du Travail.
M. Johnson: M. le Président, évidemment, comme le
dit le député de Saint-Laurent, il y a deux
éléments dans cette motion d'amendement. Le premier est de
supprimer l'expression "prendre les moyens nécessaires, compte tenu des
circonstances pour". Ce n'est pas moi qui ai affirmé cet
après-midi qu'il y avait une jurisprudence du Tribunal du travail quant
à l'interprétation de l'expression "moyens nécessaires".
C'est le député de Johnson qui a évoqué un jugement
du juge Melançon, que mes légistes ont tenté de retrouver
entre ces deux sessions, et qu'ils ne sont pas parvenus à retrouver,
étant donné que l'indication était assez mince. Je suis
assuré que le député de Richmond se fera un plaisir de
nous remettre la référence précise de la citation du
député de Johnson. Donc, je ne peux pas assurer qu'il existe,
effectivement, de
jurisprudence sur la notion même de "moyens nécessaires",
et encore moins sur la notion de "compte tenu des circonstances".
Néanmoins, je persiste à croire que ces expressions sont
importantes et qu'elles permettent au tribunal, advenant une contestation
je parle, évidemment, du tribunal pour les fins d'application
pénale... Cela me permet d'ouvrir une parenthèse, comme le
député de Saint-Laurent l'a fait tout à l'heure à
l'amendement précédent. A mes yeux et aux yeux des
légistes du gouvernement, nous avons rendu cet article le plus
imperméable possible, quant à une juridiction possible de la Cour
supérieure, en le rendant restrictif et en attribuant comme sanction
strictement une référence au chapitre VIII.
En ce sens-là, les légistes sont d'avis qu'au meilleur de
leur jugement, parce que c'est là où le droit vient plus de
l'âge que de la science, à leurs yeux, cela éviterait
normalement que la Cour supérieure considère qu'elle puisse se
saisir de tels événements.
Pour revenir à "prendre les moyens nécessaires, compte
tenu des circonstances", c'est donc pour laisser au tribunal compétent
l'appréciation des faits ayant entouré la non-observation
apparente du délai de 48 heures. J'ai donné cet après-midi
l'exemple des camionneurs qui, au Québec, dans bien des cas,
possèdent des "citizens' bands", des radios
émettrices-transmettrices. Un avis pourrait se donner techniquement
à travers une telle formule: l'avis dans les journaux, l'avis à
la télévision locale, sur le poste du câble, par exemple,
dans une région donnée, l'avis dans un bulletin paroissial, dans
un village donné. Il y a bien des façons de donner cet avis. Or,
admettons qu'un vote de grève est pris le mardi matin à 8 heures,
que le bulletin paroissial a connu quelques problèmes d'impression et
que M. le curé n'a pas réussi à le distribuer dans la
soirée de samedi parce que, maintenant, il y a des messes le samedi
soir. On arrive à quoi? à 37 heures. Compte tenu des "moyens
nécessaires, compte tenu des circonstances", je pense, permettrait
à un juge de considérer que le fait que M. le curé a
été obligé de distribuer le feuillet paroissial le
dimanche matin parce qu'il n'était pas prêt à la messe de
samedi soir, c'est un avis suffisant, qui ne mérite pas l'application
des sanctions pénales du chapitre VIII.
M. Brochu: Votre curé aurait pu l'annoncer en chaire le
samedi soir, par exemple.
M. Johnson: Voilà! Cela aurait été encore
mieux. Mais peut-être que M. le curé n'aime pas tellement le chef
du syndicat. Voilà! Il veut bien vendre de l'espace dans son bulletin
paroissial, mais il ne fait pas un prône en chaire en faveur du syndicat.
On sait que ça existe dans certains endroits.
Bon! Trêve de plaisanteries, M. le Président. Donc, quant
au premier aspect, je pense que, sur le plan juridique, c'est une formulation
correcte. Quant au deuxième aspect, je comprends ce que vise le
député de Saint-Laurent et je suis tenté de dire que
j'accepterais son amendement, sauf que...
M. Jolivet: Comme dirait le ministre de l'Industrie et du
Commerce, "je suis dans un secteur mou."
M. Johnson: Oui, mais vous pensiez pouvoir voir poindre la
lumière au bout du tunnel, ce que vous avez, c'est une lumière
vacillante pour le moment, étant donné que je
préférerais que nos légistes regardent un peu cette
notion. On peut le faire a priori, et je m'en voudrais de faire mien un
amendement sans y réfléchir mûrement, parce que celui qui
vous parle a réfléchi assez longuement aux amendements qu'il
propose au projet de loi no 45.
Il est bien évident... Prenons un scénario. Cela
s'applique, entre autres, je pense, à certains groupes des
métallos. Cela s'applique beaucoup dans certains syndicats
fédéraux pan-canadiens comme, par exemple, les postiers, comme,
par exemple, les opérateurs de trains... Peut-être que M. le
député de Johnson pourrait nous en parler longuement, d'ailleurs,
puisqu'il fait partie du "Brotherhood". Il y a des votes par correspondance qui
se prennent souvent et même, dans certains cas, ces votes par
correspondance sont précédés par l'expédition
simultanée, avec le bulletin de vote, du projet complet de convention
collective, ce qui, à mon avis, est une règle qu'a bien voulu
s'imposer ce syndicat, mais qu'il m'apparaîtrait aberrant d'imposer dans
un texte de loi, surtout quand on regarde la dimension de certaines conventions
collectives.
Techniquement, à la lecture de l'article 19b tel qu'il est
formulé actuellement, on pourrait dire que, dans le cas d'un vote par
correspondance, le syndicat doit aviser les membres qu'ils seront
appelés à voter par correspondance 48 heures après. Je
suis d'accord avec vous qu'une interprétation un peu stricte de
l'article tel que rédigé impliquerait que, dans le cas d'un vote
par correspondance, il doit y avoir deux lettres. Une première qui
annonce qu'il doit y avoir un vote par correspondance dans les 48 prochaines
heures et une deuxième lettre qui contient le bulletin de vote pour que
les gens puissent s'exprimer et ensuite le renvoyer.
Cependant, quand il y a vote par correspondance, il y a par
définition un délai qui est accordé, compte tenu des
circonstances nécessaires, n'est-ce pas? Compte tenu des circonstances,
des moyens nécessaires? Si un syndiqué reçoit un bulletin
de vote par correspondance je suis d'accord que cela ne règle pas
le problème de l'anonymat on peut dire que, par
définition, il y a un temps qui se passe entre le moment où il
reçoit le bulletin de vote et le moment où il le renvoie, et
évidemment, le moment où il est reçu. Cela dépend
des saisons et cela dépend de l'année. Au Canada, cela peut
varier entre une journée ou deux mois, selon qu'il y a une grève
ou qu'il n'y en a pas. Je pense que la notion des moyens nécessaires,
compte
tenu des circonstances, permettrait de considérer qu'un vote par
correspondance, par définition, correspond à un avis de 48
heures.
Si on se rappelle la théorie de l'expédition et de la
réception en droit civil, dans le cas des contrats, la mise à la
poste du bulletin par le syndicat constituerait le moment où est
donné l'avis et on peut difficilement concevoir qu'il se passe moins de
48 heures entre le moment où le bulletin est envoyé à la
poste par le syndicat et le moment où il est reçu, puis
coché pour ou contre, et reçu par le syndicat.
Je pense que tout en étant fort sympathique à
l'idée soulevée par le député de Saint-Laurent...
Etant donné que le législateur, c'est bien connu, ne s'exprime
jamais pour ne rien dire, il devrait venir faire un tour ici pour s'en
apercevoir, il y a peut-être j'y repense
M. Forget: M. le ministre, M. le Président...
M. Johnson: Je pense que je n'accepterai pas l'amendement.
M. Forget: Avant...
M. Johnson: Je ne le ferai pas mien en tout cas. On aura
peut-être à voter dessus, mais...
M. Forget: Avant que le ministre ne tranche
définitivement, il y a un autre aspect que celui soulevé par la
question des votes par correspondance dont il n'a pas traité et dont je
n'ai pas traité moi-même. En écoutant son scénario,
cela m'est venu à l'esprit. On peut imaginer et là je vais
revenir au scrutin secret, au vote ordinaire on peut imaginer qu'un
délai de 48 heures, c'est pour avertir tous ceux qui aimeraient
participer au vote, qu'il y a un vote qui va avoir lieu, donc de se rendre
à la réunion syndicale.
Quand on prend la voie d'un vote par correspondance, le problème
qui pourrait se présenter c'est que, après l'expédition de
la lettre aux membres, on expédie la lettre et on attend les retours
pour décider du résultat du vote. Selon que le délai
donné pour retourner les réponses est long ou court, on peut
obtenir des résultats analogues à des réunions
"paquetées", dans le sens où on avertit seulement ceux qu'on
saurait, dans une réunion syndicale, pour la grève, et on ne
s'arrange pas trop pour laisser savoir aux autres qu'il y a peut-être une
réunion et qu'on va peut-être voter sur la grève. Dans le
sens suivant, on prendrait la première série de réponses
qui arriverait, comme par hasard pour un point de vue ou pour un autre, et on
arrêterait de compter les retours qui arriveraient à chaque
livraison du courrier trop tôt après le moment de
l'expédition de l'avis de vote par correspondance. On se retrouve donc
dans une situation où ce n'est pas l'avis avant qui est important, c'est
pratiquement le délai après l'expédition qui est
important. Parce que si on compte trop vite, on peut obtenir un résultat
très différent que si on compte deux jours après, alors
que les gens ont eu le temps de se réveiller, de lire leur cour- rier,
et de renvoyer leur histoire plutôt que d'aller la porter en personne. Je
donne un exemple, parce qu'on pourrait organiser...
Il y a un groupe de 20% qui va porter sa réponse le lendemain, de
main à main, et les autres se disent: On va la mettre dans le courrier
et on sait qu'avec les postes canadiennes, depuis un certain temps, cela risque
de ne pas arriver le lendemain.
M. Chevrette: Un autre secteur qui va mal.
M. Forget: Un autre secteur qui ne va pas aussi bien qu'il
devrait aller. Alors, c'est peut-être de ce côté-là
et je ne suis pas sûr que mon amendement réponde parfaitement
à ce genre de difficulté, en toute franchise, mais il y a
exactement l'image, le miroir, dans le cas du vote par correspondance, de ce
que nous avons quant au délai pour la convocation d'une
réunion.
M. Johnson: M. le Président, j'ai écouté
attentivement le député de Saint-Laurent et cela me renforce dans
ma position de ne pas faire mien l'amendement qu'il suggère. D'abord
parce que, dans l'hypothèse de l'attitude vicieuse et méchante
qui consisterait à ne compiler que les bulletins arrivés
rapidement à des gens qu'on aurait avertis d'avance qu'il faut qu'ils
fassent le X vite et qu'ils reviennent porter le bulletin, je ne suis pas
sûr qu'on aurait affaire à un vote des membres, mais on aurait
affaire à un vote d'une partie des membres et, en ce sens, je pense que
celui qui aurait, hypothétiquement, à apprécier la chose,
c'est-à-dire le juge, probablement poussé par un souci
d'appréciation en équité des faits, se permettrait une
interprétation extrêmement restrictive du mot "des" qui
précède "membres". Deuxièmement, je pense qu'il est
très clair que ces dispositions de la loi sur le vote secret ne visent
pas à réglementer et c'est là que je fais la
différence entre l'intervention de l'Etat et la législation
le dépouillement du scrutin. Cette disposition impose
l'obligation du scrutin secret et elle se refuse, entre autres, è
envoyer un fonctionnaire du ministère qui surveillerait, croyant que, de
façon générale, les journalistes sont beaucoup plus
disponibles et coûtent beaucoup moins cher à l'Etat, quant
à cela, en tout cas, comme on l'a vu récemment. Donc, je
maintiens ma position tout en comprenant l'attitude du député de
Saint-Laurent. Je pense que l'intention du gouvernement, du ministre, serait
mal servie par un tel amendement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. Cela m'a fait plaisir
d'assister à l'exercice de réflexion du ministre. Je me suis
aperçu en même temps qu'à mesure que le
député de Saint-Laurent faisait son plaidoyer, la décision
du ministre se cristallisait.
M. Johnson: Si vous me permettez, M. le
Président, si le député de Richmond me le permet,
je pourrais peut-être souligner que le député de
Saint-Laurent m'a déjà donné des cours à la
faculté de droit de l'Université de Montréal.
M. Brochu: Merci de cette précision. M. le
Président...
M. Chevrette: C'est l'élève qui dépasse le
maître. Cela arrive souvent, M. le député de
Saint-Laurent.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! M. le député de Richmond.
M. Brochu: Cela arrive souvent. Merci, M. le Président. La
motion d'amendement telle que présentée par le
député de Saint-Laurent, en ce qui me concerne, m'a frappé
de façon particulière pour les motifs qu'il a lui-même
indiqués, mais en même temps pour une autre raison. J'avais
également l'intention de proposer un certain amendement à cette
partie de l'article 19b en ce qui concerne, justement, le compte tenu des
circonstances. Je pense que le député de Johnson avait
émis certains commentaires à ce sujet. Dans la motion telle que
présentée par le député de Saint-Laurent,
évidemment, il enlève cette partie qui nous apparaît "un
secteur mou dans l'article", compte tenu des circonstances. Parce que, si on
laisse la partie de l'article telle qu'elle est maintenant, il nous
apparaît qu'il semble y avoir une échappatoire. Evidemment, c'est
contenu dans le sens même de l'article que l'association doit prendre les
moyens pour informer ses membres, mais, lorsqu'on prend la peine d'ajouter, tel
que c'est fait actuellement dans le libellé de l'article du projet de
loi, "compte tenu des circonstances", il nous apparaît que l'on donne
beaucoup trop d'insistance à cette zone grise, en laissant ainsi
certaines échappatoires possibles.
En quelque sorte, en laissant là ces mots, "compte tenu des
circonstances", on enlève beaucoup de force, je pense, ou on
enlève de la force à l'article lui-même qui implique un
certain devoir et une certaine responsabilité, où l'association
doit informer ses membres, si je le prends dans le sens de la motion
d'amendement du député de Saint-Laurent.
Tel que proposé par le député de Saint-Laurent,
cela rejoint notre préoccupation, savoir, ne pas laisser cette zone
grise dans l'article tel que libellé dans le projet de loi. Il est
déjà contenu substantiellement, on n'a pas besoin de le laisser
là, en indiquant qu'on laisse la porte entrouverte.
Alors, je demande au ministre de reconsidérer un peu sa
réflexion et de faire l'autre bout de chemin qu'il a commencé
tout à l'heure.
D'ailleurs, j'avais une question aussi à ce sujet. Si on garde
l'article tel qu'il était au début, avant la motion d'amendement
du député de Saint-Laurent, est-ce que ça oblige
nécessairement à un avis de 48 heures, dans le cas où il y
a scrutin par correspondance?
M. Johnson: Si vous permettez, M. le Président. En fait,
je pense avoir tenté de démontrer tout à l'heure que, par
définition, c'est un vote par correspondance, compte tenu du temps qui
s'écoule entre le moment où l'avis est mis à la poste par
l'association et le moment où elle reçoit la réponse; il
peut difficilement s'écouler moins de 48 heures. Je ne conçois
pas qu'il puisse s'écouler moins de 48 heures entre le moment où
il est mis à la poste et le moment où il le reçoit par la
poste.
D'autre part, j'aimerais simplement souligner au député de
Richmond que selon l'expérience concrète au Québec, me
dit-on 98%, mais au-delà de 90%, sûrement, des associations
accréditées ne procèdent pas par correspondance, c'est
surtout au niveau des organismes panca-nadiens que l'on a recours à ce
type de vote pour des raisons bien évidentes, puisqu'ils ont des membres
étalés sur un territoire de 3000 milles.
D'autre part, au Québec, à ma connaissance, quand il
existe un vote par correspondance, il est habituellement
précédé d'une assemblée et, habituellement,
ça se fait probablement dans le contexte de la négociation. Une
assemblée générale prévoit comment sera pris le
vote sur telle négociation, et cela se fait habituellement quelques
semaines ou quelques mois avant, même. Donc, le problème ne se
pose pas vraiment, à mes yeux, d'abord, en pratique. On va me
répondre qu'il ne pose pas de façon générale en
pratique, quant au vote secret, mais quand même juste au cas.
Dans le cas du vote par correspondance, cela ne fait aucun doute
à mes yeux qu'il y a 48 heures qui doivent s'écouler.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Très brièvement, M. le Président.
J'ai l'impression que sur cette question d'avis de 48 heures, dans les votes
par correspondance, une possibilité au moins d'interprétation
pourrait fort bien être celle qu'un tribunal adopterait, mais sous toute
réserve et avec respect pour les membres des tribunaux... Par analogie,
on interprétait ce délai dans le cas d'un vote par correspondance
comme devant s'appliquer de la façon suivante: il devrait
s'écouler 48 heures entre le moment de l'expédition de l'avis et
le moment où le membre retourne, expédie lui-même son
bulletin de vote, de manière que le membre, individuellement, dispose de
48 heures pour réagir. Tout dépendrait des délais
d'expédition après pour déterminer si, de fait, c'est
l'avis des membres, selon l'expression du ministre, qui a été
reçu ou l'avis de certains membres seulement. Donc, la
légalité du scrutin.
J'ai l'impression que c'est là que l'avis correspond à
l'esprit du texte gouvernemental; le membre doit disposer de 48 heures pour se
retourner et participer à l'expression d'un vote, de la part des
membres.
Le Président (M. Laplante): L'alinéa amendé
se lirait comme suit: "L'association doit informer ses membres au moins 48
heures à l'avance de la tenue du scrutin, sauf dans les cas où le
scrutin se fait par correspondance". Voilà l'amendement du
député de Saint-Laurent. Adopté?
M. Johnson: Rejeté.
Le Président (M. Laplante): Rejeté sur
division.
M. Johnson: Est-ce que l'article 8 est adopté, M. le
Président?
M. Forget: J'ai un ultime amendement sur cet article, M. le
Président...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Non, ce n'est peut-être pas le dernier, mais
cela approche.
M. de Bellefeuille: C'est un pénultième.
M. Forget: C'est un pénultième, exactement.
M. le Président, je m'inspire encore une fois des propos qui ont
été tenus devant cette commission ce matin, lorsqu'on a
soulevé le problème de cet avis de 48 heures avant un vote de
grève, alors que les membres du syndicat sont déjà en
lock-out.
J'ai écouté attentivement les explications que le ministre
en a données. Essentiellement, ses explications reposaient sur
l'hypothèse selon laquelle le syndicat, anticipant la fin du lockout,
avait tout le loisir pour donner son avis de 48 heures avant la fin de ce
lock-out et, par conséquent, satisfaire à la loi, sans être
obligé de retourner au travail pendant une période de 48 heures,
ce qui, en soit, comme l'avait souligné le député de
Joliette-Montcalm, je pense, serait une source de difficulté et de
violence, etc., dans le contexte.
Mais je crois que c'était une difficulté qui était
soulevée fort valablement et fort à propos par le
député de Joliette-Montcalm. Il n'est pas facile d'envisager une
solution à cela. Je crois qu'il faut s'engager sur un terrain un peu
nouveau si on veut répondre à cette objection. Je crois que ce
n'est pas impossible d'y répondre, cependant, en prévoyant que,
de façon exceptionnelle, l'exécutif syndical pourrait
peut-être, par dérogation aux règles
générales, en vertu desquelles une grève, pour être
légale, va devoir être précédée d'avis, de
votes, etc., donner une certaine discrétion à l'exécutif
syndical dans ces circonstances, et seulement dans ces circonstances, quitte
à ce qu'il fasse ratifier son mot d'ordre de non-retour au travail dans
des délais évidemment très courts.
C'est en m'inspirant de ces considérations qu'il nous a
semblé possible de formuler une disposition qui permet d'éviter
la difficulté et qui permet de la résoudre de façon
explicite. Je comprends bien que le ministre a dit: On peut la résoudre
implicitement, on peut la résoudre en prévoyant, de la part du
syndicat, ce qui va se passer, et en anticipant les événements.
Mais sait-on jamais? Est-il vraiment réaliste de penser que le syndicat
peut anticiper correctement le moment de la fin d'un lock-out? On pourrait
imaginer des situations où le lock-out s'interrompt très
brusquement, presque par surprise, et peut-être accompagné d'une
offre patronale qui semble alléchante, etc., et que le syndicat se
trouve véritablement pris en déséquilibre en quelque sorte
et soit mal placé pour réagir sur le champ.
Il y a donc une nécessité, je pense bien, que tout ce qu'a
dit le ministre, tout ce qui a été dit à cette table,
à l'effet de laisser le syndicat fonctionner, malgré qu'on
veuille un peu l'insérer dans les règles et le laisser
fonctionner comme une institution légitime et démocratique, qu'on
lui donne un peu de marge de manoeuvre dans ces cas-là.
C'est ce qui nous amène à la rédaction de
l'amendement suivant qui se lit comme suit: Que le paragraphe 19b de l'article
8 soit modifié, en ajoutant après le deuxième
alinéa l'alinéa suivant: "Toutefois, s'il existe un lock-out au
moment où il est décidé de soumettre aux membres la
décision de déclencher une grève, le présent
alinéa n'a pas pour effet de rendre illégale une grève
déclenchée sur la recommandation de l'exécutif de
l'association de salariés, pourvu qu'un vote au scrutin secret soit pris
dans les cinq jours, selon les modalités prévues à
l'alinéa précédent."
Cela permet en quelque sorte, dans ce cas-là, et seulement dans
ce cas-là, un vote de grève au scrutin secret, etc., mais
rétroactif, pour une période maximale de cinq jours, de
manière à éviter des incidents fâcheux et de
manière à éviter que le syndicat soit encarcané,
ait le choix entre l'illégalité, en quelque sorte, et
l'inefficacité.
M. Chevrette: Sur la recevabilité.
Le Président (M. Laplante): Sur la recevabilité,
d'accord.
M. Chevrette: C'est seulement pour poser une question, je ne veux
pas entreprendre de débat. Mais, étant donné que c'est moi
qui ai soulevé le point ce matin, j'ai demandé au ministre du
Travail d'interpréter l'article 8...
Le Président (M. Laplante): Je demanderais au
député de Joliette-Montcalm de parler sur la
recevabilité.
M. Chevrette: Bien oui, j'y arrive. Il faut bien que j'explique
pourquoi je juge qu'elle est irrecevable.
Le Président (M. Laplante): Allez-y!
M. Chevrette: Je suis obligé d'aller à l'arti-
de 19b, au deuxième paragraphe qui est devenu le
troisième. Quand j'ai demandé au ministre du Travail, ce matin,
si une association pouvait entrer en grève et envoyer son avis dans les
48 heures qui suivent le début de la grève, l'important,
c'était d'informer le ministre, et lui-même l'a
précisé à plusieurs reprises, il l'a refait avant le
souper, il l'a refait après le souper, confirmant que
l'interprétation du troisième paragraphe maintenant le
deuxième avant c'était bel et bien un avis d'information.
Donc, un avis d'information n'enlève plus aucun pouvoir de faire les
grèves. Mon appréhension de ce matin tombait de facto et,
automatiquement, si le ministre a toutes les raisons de l'interpréter
comme cela... Je ne l'avais pas saisi de même, mais je vois, à sa
lecture, ce que cela veut dire. A ce moment-là, je me demande vraiment
si la proposition tient.
M. Forget: Oui, mais ce n'est pas le même délai de
48 heures. Il y a deux délais de 48 heures. Je suis tout à fait
d'accord avec le député de Joliette-Montcalm que, quant au
délai d'avis subséquent au vote, la réponse du ministre
était parfaitement satisfaisante, mais le premier délai, avant le
vote, continue d'être un problème. Là-dessus, la seule
réponse que le ministre pouvait faire, étant donné la
rédaction, c'est que le syndicat n'a qu'à prévoir la fin
du lock-out et à prévoir ce qu'il va faire si le lock-out se
termine par surprise. C'est vrai qu'il doit faire cela s'il n'a pas d'autres
moyens. Mais s'il n'est pas capable de le prévoir parce que les
prévisions ont parfois ceci de particulier, c'est qu'on ne les fait pas
au bon moment s'il ne réussit pas à prévoir
l'avenir avec suffisamment de certitude et d'exactitude, il peut se placer dans
une situation embêtante, et le législateur est malvenu de dire:
tant pis, parce que. dans le fond, on crée une obligation nouvelle de
faire la grève dans un cadre donné, et c'est quand même
assez plausible comme situation. Cela peut se passer et les conséquences
d'un tel geste ne sont pas seulement l'illégalité, c'est aussi
l'état de tension que cela peut créer si le retour au travail est
décidé malgré tout. Si on se conforme à la loi,
c'est pire que si on ne s'y conforme pas; c'est un dilemme assez odieux dans
lequel on place les syndicats. Je pense qu'on a un petit peu une
responsabilité de leur ouvrir une porte à cet endroit-là,
dans toute la mesure du possible.
M. Johnson: D'ailleurs, M. le Président, si vous me
permettez, une des choses qu'on a reprochées au projet de loi 45, de
façon générale, c'était d'ouvrir beaucoup de portes
aux syndicats.
M. le Président, je ne serai pas d'accord, pour la
cinquième fois ce soir, je m'en excuse auprès du
député de Saint-Laurent.
Une Voix: C'est systématique.
M. Johnson: Ce n'est pas systématique, c'est
fréquent. Je ne serai pas d'accord sur l'amen- dement proposé par
le député de Saint-Laurent pour les raisons suivantes.
Le Président (M. Laplante):... parler sur... M.
Johnson: Sur l'amendement.
Le Président (M. Laplante): C'est que je suis
forcé, actuellement, par le règlement, de le rendre
irrecevable.
M. Johnson: Bien non. Pourquoi donc? Je m'excuse.
Le Président (M. Laplante): Par l'article 154, la
commission peut amender un projet de loi, pourvu que l'amendement ne soit pas
étranger à l'objet du projet et qu'il ne s'oppose pas au principe
affirmé en deuxième lecture.
M. Forget: M. le Président, écoutez, ce n'est pas
étranger au principe. On parle de la façon qu'une grève
peut être légale avec le vote des membres et des circonstances
dans lesquelles cela doit être fait. Je ne vois vraiment pas comment on
peut parler du projet de loi, sauf de dire: oui, oui, oui tout le temps,
à moins d'avoir des variantes qui s'en éloignent un tant soit
peu, mais...
Le Président (M. Laplante): C'est une continuité
à l'article 19b, premier paragraphe, que vous voulez faire
là.
M. Forget: Oui, cela s'insère et on prévoit...
Le Président (M. Laplante): II ne s'insère pas
après le troisième paragraphe, comme la motion est venue tout
à l'heure pour le troisième paragraphe.
M. Forget: C'est après le deuxième.
Le Président (M. Laplante): C'est après le
deuxième.
M. Forget: Oui, il y a une correction qui doit être faite
effectivement.
Le Président (M. Laplante): C'est parce qu'on se trouve
à faire un retour aussi sur 19b, premier paragraphe.
M. Johnson: Non, non, on est toujours dans le... M. le
Président, si vous me permettez, c'est parce que...
Le Président (M. Laplante): Je vais l'accepter pour ne pas
faire de... C'est sur l'article 19b faisant suite au premier paragraphe.
M. Johnson: D'accord. M. le Président, je peux intervenir?
Donc, l'amendement est jugé recevable, M. le Président.
Le Président (Ni. Laplante): Recevable. Oui.
M. Johnson: Oui. Je vais donc m'opposer à l'amendement,
malgré tout, parce qu'il y a d'abord une notion dans cette motion
d'amendement qui est absolument étrangère à l'objet des
dispositions des articles 19a et suivants, touchant le vote secret. C'est la
notion de rendre une grève illégale. Il n'est question nulle part
dans l'obligation imposée aux syndicats de procéder au vote
secret avec les mécanismes qu'on y prévoit: l'avis de 48 heures
donné aux membres, l'information donnée au ministre dans les 48
heures du déclenchement réel de la grève. Il n'est
aucunement question où que ce soit de la légalité de la
grève. En d'autres termes, la légalité de la grève
n'est jamais conditionnée au respect des dispositions des articles 19a
et suivants. Je pense qu'on en a fait la démonstration ce matin. Les
sanctions prévues sont des sanctions pénales. Donc, à ce
titre, la motion, à mon avis, comprend une notion parfaitement
étrangère à ce qui est visé par cet article et ce
qui serait même souhaitable, puisqu'en introduisant la notion de
grève illégale qui serait déclenchée sans avis de
48 heures donné aux membres qu'il y aura un scrutin secret, le
député de Saint-Laurent ajoute finalement un
élément étranger à l'article 46. Or, c'est
l'article 46 qui décide de la légalité de la grève,
c'est-à-dire le respect des délais quant à l'avis de
négociation ou quant à l'expiration de la convention collective,
selon le cas, dans le contexte de la conciliation volontaire.
Deuxièmement, je pense que le problème du lock-out ne se
pose pas. Je pense que c'est un article qui serait, d'une certaine
façon, inutile. Je suis sûr que les associations de
salariés au Québec, une fois qu'elles auront pris connaissance de
ce texte, verront bien, comme il est normal que cela se fasse dans le contexte
de la négociation libre chez nous, les associations de salariés,
dis-je, verront effectivement à prendre les dispositions
nécessaires en cas de lock-out. D'abord, je soulignerais au
député de Saint-Laurent que mon expérience, en tout cas
depuis le mois de juillet, quant aux grèves qui sont d'ailleurs en
très petit nombre au Québec, comme elles l'ont rarement
été depuis quelques mois, c'est qu'il y a à peine 10% des
conflits qui sont des lock-out, 2 sur 20, 3 sur 25, c'est à peu
près ce qu'on a quand on regarde le livre des grèves
quotidiennement au ministère. Donc, c'est 10% des cas. Qu'est-ce qui se
passe dans ces 10% de cas? A l'intérieur de cela,
hypothétiquement, on pourrait avoir affaire à un employeur qui
est en lock-out, qui met fin au lock-out, donc rappelle les salariés au
travail. Les salariés, au moment où on se parle, avec
l'application du Code du travail, ont l'intention d'être en grève.
Tout ce qu'ils ont à faire, c'est de ne pas entrer. Ils sont en
grève et c'est légal.
Or, comme les dispositions des articles 19a et suivants ne visent en
rien à entacher d'illégalité la grève, si les
dispositions ne sont pas respectées, la seule infraction que
commettraient le syndicat ou les salariés, s'ils restaient en
grève et n'entraient pas, ce serait l'infraction prévue au
chapitre VIII, c'est-à-dire les sanctions pénales qui,
rappelons-le, ne sont ouvertes qu'au procureur général et aux
salariés eux-mêmes impliqués dans le conflit.
On va me dire: Oui, mais n'est-ce pas faire exprès pour, non pas
mettre dans l'illégalité, puisqu'il n'en est pas question, mais
rendre passibles de sanctions en vertu de l'article 8 les syndicats, alors que,
ce qu'ils font, c'est de répondre à une manoeuvre
stratégique du patron où eux-mêmes essaient
d'élaborer une stratégie. Je réponds à cela que,
dans ces quelques cas qui nous resteront au bout de la ligne, dans le fond du
baril, je pense que, chez l'association de salariés, dès qu'un
lock-out est déclenché, à ma connaissance, habituellement,
cela provoque une réunion. Je conçois assez mal une entreprise,
lors d'une négociation, qui avise ses membres... Ce sont des
salariés reconnus en vertu du Code du travail, parce qu'il y a une
association accréditée, par définition. S'il y a un
lock-out, on peut donc présumer qu'il y a un exécutif syndical,
qu'il y a sûrement une partie du "membership" qui est active et qui fait
quelque chose, au moins ceux qui ont demandé l'accréditation.
Donc, les gens se réunissent automatiquement et n'ont qu'à
procéder à l'avis qu'il y aura un scrutin de grève dans
les X jours à cet effet, et réunir les membres et prendre un
mandat de grève qu'ils donnent à l'exécutif.
Je pense que ça règle le problème et, à
partir du moment où l'employeur décide de mettre fin au lock-out,
l'exécutif exerce le mandat de grève qui lui a été
confié durant le lock-out par ses membres.
L'article 8 est-il adopté, M. le... Non, je m'excuse, la motion
du député...
Le Président (M. Clair): D'abord, la motion du
député de Saint-Laurent est-elle adoptée?
M. Johnson: Rejeté
M. Pagé: M. le Président, j'avais demandé le
droit de parole là-dessus.
M. Johnson: Ah pardon!
Le Président (M. Clair): Ah! C'était sur la
motion?
M. Pagé: Oui, c'est sur la motion. M. Johnson: Cela
va.
Le Président (M. Clair): Je m'excuse, M. le
député de Portneuf.
M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je ne voudrais pas que
vous interprétiez mon intervention comme étant une
approche...
M. Johnson: Je m'excuse...
M. Pagé: ... d'opposition systématique ou de
"filibuster" de la part de l'Opposition, mais les commentaires que vient
de formuler le ministre m'amènent à poser des questions.
Le ministre a révélé qu'il n'était pas
d'accord avec la motion d'amendement présentée par mon
collègue de Saint-Laurent en se référant à la
notion de la légalité ou de l'illégalité de la
grève.
Les commentaires qu'il a formulés m'amènent quand
même à poser des questions, parce que j'ai cru comprendre
celui-ci pourra me corriger que, pour lui, une grève
illégale était une grève qui survenait, par exemple, en
période d'application de la convention collective hors délai ou
autre, mais dès que la grève intervenait au moment de la
négociation dans les délais prescrits, même si cette
grève était l'aboutissement d'une décision rendue par les
travailleurs en ne respectant pas les modalités prévues aux
alinéas a) et b), la grève n'était pas illégale
pour autant.
M. Johnson: C'est exact.
M. Pagé: C'est exact, c'est pour ce motif que vous
considérez qu'il n'est pas opportun d'adopter l'amendement.
M. Johnson: Entre autres.
M. Pagé: Et les cas où les modalités ne sont
pas respectées, les avis de 48 heures, scrutin secret, etc., le seul
recours est une poursuite pénale.
M. Johnson: Prévue au chapitre 8.
M. Pagé: M. le Président, ça me surprend
beaucoup, de la part du ministre, l'interprétation qu'il en fait, mais
je comprends très bien ce sur quoi il se base pour en arriver aux
commentaires qu'il formule. Quant à moi, pour les nombreux motifs
invoqués par le député de Saint-Laurent, je suis
évidemment solidaire de mon collègue, j'hésite à
croire que la majorité ministérielle ne puisse accepter un tel
amendement, surtout quand on a entendu les commentaires que vous avez faits ce
matin, les questions que vous avez formulées et les précisions
qu'on a eues...
M. Laplante: On n'entend plus rien. Fatiqué, probablement?
Je ne sais pas.
M. Pagé: Oui, fatigué parce qu'on a eu le projet de
loi no 53, cette semaine. Il y a eu tellement de commissions. On a tellement de
problèmes avec ce gouvernement. Le projet de loi no 53, les Terres et
Forêts, les projets de lois nos 19, 21...
M. Jolivet: Fatigant...
M. Laplante: Vous êtes travaillant, c'est beau.
M. Jolivet: Fatigant, en plus.
M. Pagé: Le fait de me taquiner, ça va me mettre en
forme, par exemple.
M. Jolivet: D'accord, on va attendre.
M. Pagé: M. le Président, c'était là
mes commentaires et mes interrogations sur la position systématique du
gouvernement de refuser tout amendement...
M. Johnson: Mais non, mais non.
M. Pagé: ... même quand ils ont comme but de
bonifier le projet; c'est vraiment décevant. Quand même, cela
n'apportera pas de brèche à notre détermination d'offrir
des modifications qui viseront essentiellement à améliorer votre
projet.
M. Johnson: J'en suis convaincu. M. le Président, si vous
permettez, avant que vous ne demandiez de passer aux voix sur la motion
d'amendement, simplement pour qu'on se situe bien dans le climat, le
député de Portneuf n'a pas assisté à toutes les
séances de cette commission. Il siégeait à une autre
commission. Il avait une excuse professionnelle.
M. Pagé: Malheureusement, oui, M. le ministre, vous me
permettrez, vous savez, de vous faire part que j'étais à la
commission qui étudie des projets de lois nos 53, 19, 21, pâtes et
papiers et tout ça.
M. Johnson: C'est ça. Quelle rue? 53, de la rue...
M. Pagé: Le projet de loi no 53...
M. Johnson: Ah bon, pardon! Je m'excuse.
M. Pagé: Vous avez tellement de problèmes avec le
projet de loi no 53 que tout le cabinet devrait en être saisi, d'autant
plus qu'on me dit qu'il y a des dissensions au sein du cabinet
là-dessus.
Le Président (M. Clair): Messieurs, revenez-en à la
motion d'amendement du député de Saint-Laurent.
M. Johnson: Bon! M. le Président, avant qu'on passe aux
voix, je voudrais simplement souligner au député de Portneuf que
la raison pour laquelle je m'oppose je vais le répéter
à l'amendement apporté par le député de
Saint-Laurent, ce n'est pas la mauvaise foi, je vous assure, nous sommes ici
pour essayer d'avoir le meilleur Code du travail possible, même si je
connais certaines objections de principe, y compris de première lecture,
de l'Opposition. Cependant, je pense que d'introduire la notion...
M. Pagé: Voyons! Il me lance des flèches, je dois
répondre!
M. Johnson: ... d'illégalité d'une grève
à cause du non-respect des dispositions touchant le vote secret, d'abord
c'est hors de notre intention et ensuite je pense et je suis sûr
que le député de Saint-Laurent sera d'accord avec moi
là-dessus, malgré ce qu'a dit le député de Portneuf
que ce serait vraiment la source d'enquiquinement majeur. Ce serait
vraiment restituer toute cette question au niveau de la guérilla
judiciaire possible. Et le gouvernement se refuse à faire cela parce
qu'il part de la nécessité de l'affirmation de l'obligation d'un
devoir imposé à la partie syndicale. Cependant, fondamentalement,
il ne veut pas d'interventionnisme. Il affirme et la seule intervention
se situe au niveau de l'imposition d'une obligation il ne veut pas que
des mécanismes déclenchés amènent la
présence systématique d'officiers du ministère ou de gens
des tribunaux. Et surtout pas des avocats.
Le Président (M. Clair): La motion d'amendement du
député de Saint-Laurent est-elle adoptée?
M. Johnson: Rejeté. M. Forget: Sur division.
Le Président (M. Clair): Rejeté sur division. M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président... M. Johnson: L'article
8 est-il adopté? M. Forget: Non, M. le Président. M.
Johnson: Combien donc!
M. Forget: C'est le dernier, M. le Président, à
moins que, évidemment, notre réflexion nous amène à
en suggérer d'autres, mais je dois dire qu'on a couvert tous les
angles...
Le Président (M. Clair): Je crois qu'on peut dire que vous
avez fait des efforts.
M. Forget: Je vous remercie, M. le Président. Je vois que,
même si mes efforts ne sont pas appréciés par le ministre,
ils le sont par le président. Cela me réconforte.
Le dernier point, et il est cohérent avec ce que j'ai dit
auparavant... Les autres motions que nous avons présentées
étaient pour permettre l'ouverture maximale à une participation
de tous ceux auxquels s'adresse le scrutin, en rendant le plus accessible
possible l'organisation physique de ce scrutin. Il est bien sûr qu'on
peut inviter les gens à se rendre dans un lieu, une salle, un lieu de
réunion quelconque, le soir, présumément assez tard dans
certains cas, pour participer à un scrutin. Mais il serait
également certainement plus facile, plus accessible pour les
travailleurs, qu'au moment même où ils arrivent ou qu'ils quittent
le lieu de travail, au moment où ils vont "puncher" selon l'expression
consacrée, que le syndicat dispose d'un kiosque, d'un bureau ou d'un
local sur le lieu de travail. Sous le contrôle du syndicat, sous le
contrôle exclusif du syndicat, dans le contexte proposé par les
amendements du ministre, le scrutin se ferait donc sur les lieux de travail
parce qu'on est sûr que tous les travailleurs vont y aller. On va au
devant des gens plutôt que de leur demander de se déplacer. Que le
scrutin se fasse dans ces conditions, sauf dans les cas où il se fait
par correspondance puisque depuis le début on laisse cette
possibilité ouverte et que dans ce cas, la loi fasse obligation,
sous les mêmes pénalités, puisque c'est la voie
choisie pour assurer l'observance de tout le monde sous les mêmes
pénalités que l'employeur soit tenu de prêter tout le
concours nécessaire en posant des gestes et en s'abstenant d'en poser
d'autres, pour favoriser la tenue de ce scrutin de la façon la plus
normale et la plus démocratique possible. Je pense que c'est dans
l'esprit, c'est, sans l'ombre d'un doute, admissible, recevable, comme
amendement. Le scrutin est organisé par le syndicat mais on souhaite une
participation. Comment mieux assurer la participation qu'en allant au devant
des gens plutôt que de leur demander de se déplacer, et de le
faire, pas sous la surveillance du patron, pas sous la surveillance du
gouvernement, sous la surveillance syndicale, et en obligeant l'employeur
à fournir un local, à fournir l'espace et à s'abstenir de
tout geste ou de tout acte qui pourrait gêner le déroulement
normal du scrutin.
On nous dira qu'il y a des possibilités d'intimidation de la part
du patron, etc. Je pense que s'il y en a, on peut prendre les mesures
appropriées. Il y a tous les moyens, puisque ce droit serait
protégé par la loi, d'exclure ou d'interdire des actes
dérogatoires de la part du patron. Je pense que malgré tout, il
ne faut pas monter des hommes de paille de ce côté-là et
faire des spectres d'intimidation systématique.
Il n'y en a pas plus de façon généralisée de
ce côté-là qu'il peut y en avoir de l'autre
côté. C'est un lieu normal, c'est un lieu qui est familier,
puisque les gens y vont, et s'il y a trois équipes, par exemple, dans
les entreprises où il y a un fonctionnement continu, il reste que ce
n'est pas également accessible à tout le monde d'aller à
une réunion syndicale en soirée. Il y en a qui peuvent, à
ce moment-là être au travail, il y en a qui peuvent être
à leur habituel repos pendant le temps de la réunion, alors que
si, pendant une période de 24 heures, on est à leur disposition
pour leur permettre d'exercer leur droit démocratique à
participer au scrutin, il me semble que c'est une façon plus normale de
généraliser l'accès au scrutin de grève. C'est
quelque chose qui se fait d'ailleurs et qui s'est déjà fait. A
plus forte raison, s'il y avait des garanties légales, des garanties
dans la loi que tout ceci doit se faire dans un cadre précis et que le
patron a des obligations de respecter cela, que c'est une chose officielle,
prévue par la loi, que cela doit se faire et qu'il ne peut pas y avoir
ingérence de sa part,
qu'il est tenu à des obligations pour que tout se déroule
normalement et que s'il ne le fait pas, on n'aura pas seulement à s'en
plaindre et à donner une conférence de presse, mais qu'il y a des
pénalités prévues dans la loi qu'on peut invoquer à
ce moment et il ne manquera pas de témoins, j'imagine, cela ne devrait
pas être difficile de faire la preuve.
De ce côté-là, il me semblerait donc plus normal que
le paragraphe 19b soit complété en ajoutant à la fin un
dernier alinéa qui dit: "Que le scrutin secret doit se tenir sur les
lieux du travail, sauf dans les cas où le scrutin se fait par
correspondance; l'employeur doit favoriser la tenue dudit scrutin." Si on pense
que cette dernière phrase: "L'employeur doit favoriser" n'est pas assez
contraignante, qu'on souhaite y voir des choses plus explicites, j'ai l'esprit
tout à fait ouvert, M. le Président, à des suggestions de
qui que ce soit à la commission pour vraiment donner un contenu plus
explicite à ce que cela veut dire.
Je pense toutefois que l'interprétation de favoriser la tenue du
scrutin, c'est certainement de ne rien faire qui puisse le gêner. C'est
au moins cela et c'est même positivement faciliter l'utilisation de
locaux, d'un lieu, d'un endroit qui soient physiquement appropriés
à ce genre d'opération.
M. le Président, j'espère qu'au moins celui-là, qui
ne se veut pas du tout contentieux, qui ne se veut pas du tout une contestation
pour savoir: Si ce sont les membres du syndicat ou tout le monde, que ce soit
n'importe qui, ceux qui doivent y participer, mais qu'on leur facilite la
tâche en allant au-devant d'eux et en astreignant le patron à
respecter ce processus, je pense qu'il n'y a rien là-dedans et que ce
n'est pas sorcier, cette histoire.
M. Bisaillon: Est-ce que je peux poser une question au
député? Qu'est-ce qui arrive, dans le cadre de votre amendement,
dans un syndicat d'enseignants, par exemple, dont les membres sont
répartis dans 125 écoles? Dans quelle école?
M. Forget: Là, il y a un choix à faire dans le vote
par correspondance; s'il y a 125 écoles, il va y avoir une certaine
difficulté à les réunir dans une salle et les faire voter,
à moins que les 125 écoles soient sur la même rue, dans la
même ville, ce qui serait douteux. A ce moment-là, ce que vous me
dites, c'est qu'il est impossible de tenir un vote au scrutin secret ou alors,
si c'est vraiment cela, on va faire voter par correspondance. Cet amendement
prévoit explicitement que si on fait voter les membres par
correspondance, on n'a pas besoin de le faire de cette façon. On va au
devant des gens par un vote par correspondance, c'est un exemple assez bon. On
dit: Les gens ne peuvent se rendre, mais on va leur écrire. Si on leur
écrit, pour aller au devant d'eux, on devrait être capable de se
déplacer et aller sur les lieux de travail pour leur dire: Qu'est-ce que
vous en pensez? C'est dans le même esprit. Je ne vois pas pourquoi ce
serait impossible dans les 125 écoles, s'il y a suffisamment
d'enseignants pour le justifier, et que les écoles sont
dispersées sur un très grand territoire, je ne sais pas, toute la
ville de Montréal, encore que, là, il y a des moyens de
transport. Mais qu'on prenne d'autres exemples, si on veut, qu'il y ait dans
chaque école un endroit réservé à cela et comme
nous ne sommes pas 24 heures par jour encore, dans les écoles, on n'aura
pas besoin de faire fonctionner ces bureaux pendant 24 heures non plus pour y
avoir tous les enseignants. Il s'agit de le faire le matin ou le soir ou
quelque chose de ce genre pour avoir tout le monde. Tout dépend des
circonstances aussi, pour citer la phrase utilisée dans l'autre
paragraphe, cela s'apprécie selon les circonstances, mais la notion
d'aller au devant des gens, on l'a déjà ailleurs dans le vote par
correspondance, me semble-t-il ce n'est rien d'autre que cela. On va au devant
des gens.
Le Président (M. Clair): Je pense que le
député de Richmond avait une question à poser.
M. Brochu: Une question si le ministre me permet, au
député de Saint-Laurent, justement. Si M. le député
de Saint-Laurent me permet une question, sur sa motion, sans me prononcer sur
le fond de sa motion, à ce stade-ci. Je vois que par l'essence
même, il crée une obligation, en quelque sorte, à
l'employeur. Lorsque je regarde la section II où se retrouve l'article
19b en question, le grand chapeau de toute cette série d'articles
concerne certaines obligations de la part des associations
accréditées. Et la question que je me pose à ce stade-ci,
je la pose au député de Saint-Laurent, indépendamment de
la nature même de son amendement: Est-ce le bon endroit pour proposer un
tel amendement qui créerait une obligation aux employeurs, alors que
dans le chapitre visé, on s'attarde surtout aux responsabilités
et aux devoirs des associations accréditées?
M. Forget: Ecoutez, sur ce point de style de rédaction, je
dirais que c'est une question d'opinion. Mais, dans un autre article
amendé, j'ai fait la remarque et on a dit: C'est fait pour le monde
ordinaire, le Code du travail. Quand on parle des procédures
d'accréditation, on met les procédures de mise en application
judiciaires dans le même chapitre, alors que dans toutes les lois, c'est
dans le dernier chapitre. Mais, c'est parce que ça facilite apparemment
la lecture. Ecoutez, si c'était vrai dans ce chapitre, cela doit
être vrai ici; mais il m'est complètement égal, en soi,
dans quel chapitre on le met. Sauf que j'ai bien l'impression que si je le
propose comme amendement à un autre article, on me dira que c'est
irrecevable; là, je mets le style de côté et je me dis que
c'est peut-être l'endroit pour en parler.
Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail.
M. Johnson: M. le Président, je n'irai pas par
quatre chemins. Je comprends la préoccupation du
député de Saint-Laurent. Cependant...
M. Forget: Cela commence mal.
M. Johnson: Je comprends la préoccupation du
député de Saint-Laurent, cependant, je voudrais soulever deux
choses au sujet de sa motion d'amendement. La première, c'est qu'il rend
obligatoire la tenue du scrutin sur les lieux de travail et non pas
facultative. Or, sans soulever des épouvantails et des hommes à
tatouages qui intimident les travailleurs, il peut y avoir des circonstances
où il est préférable que ça ne se fasse pas, aux
yeux du syndicat, sur les lieux de travail.
Donc, à cause du mot "doit", je dois m'y opposer.
Deuxièmement, voici un argument qui m'ap-paraît beaucoup
plus fondamental. Je vais vous donner un exemple très simple. Les cols
bleus, à Montréal, répartis sur tout le territoire de la
ville de Montréal, l'endroit de travail de M. Untel, c'est
peut-être le parc Angrignon où il a une responsabilité
quant à la nourriture des animaux dans le zoo, tandis que M. Untel c'est
dans un des garages de la ville de Montréal parce qu'il répare
les véhicules de la ville, etc. On voit tout de suite la multiplication
des endroits de scrutin. Je comprends la préoccupation qu'il y a
derrière ça. Moi aussi, idéalement, j'aimerais qu'on vive
idéalement dans une société où, après une
assemblée où il y a un taux de participation de 98% des membres,
le soir, après le travail, où on s'est informé que le
lendemain, tranquillement, on décide, en entrant au travail, au moment
de passer à côté du cadran, on dépose
également son vote... Sauf qu'en réalité, c'est difficile
de concevoir que ça se passe ainsi, même si cela était
souhaitable dans une société idéale.
De plus, il y a, dans une assemblée syndicale, des
éléments qui sont extrêmement valables au-delà des
harangues et du soulèvement des passions qui font partie de la
réalité, comme parfois du folklore de ces
événements syndicaux, de l'information qui se véhicule. Il
y a des débats qui se font, il y a une décision qui se prend dans
un contexte animé. Le but du vote secret, c'est de faire en sorte que ce
soit pris le plus consciencieusement possible et le plus sérieusement
possible.
Donc, à cause des difficultés techniques que
représente l'obligation de tenir, sur les lieux de travail, un vote,
donc de la multiplication possiblement des points de chute des bulletins, en
outre, à cause du fait que, finalement, par cette formulation plus
particulièrement, on mette le syndicat dans l'impossibilité de
réunir ses membres pour procéder à une séance
d'information, qui, parfois, se termine par une séance de harangues,
mais c'est normal.
Et, à mon avis, cela rend l'amendement, bien que bien
intentionné à mes yeux, inacceptable dans les circonstances.
M. Brochu: M. le Président, si le ministre me le permet,
seulement une question pour voir si j'ai bien saisi le sens et la portée
de son argumentation. Est-ce que cela voudrait dire que, si le
député de Saint-Laurent avait libellé, ou libellait sa
motion de façon différente, c'est-à-dire s'il indiquait
que le scrutin secret peut se tenir sur les lieux de travail, est-ce qu'on
devrait comprendre, à ce moment-là, que s'il la présentait
de cette façon, le ministre accepterait l'amendement? Vous avez
laissé la porte ouverte.
M. Johnson: C'est cela. Je pourrais donner des exemples au
député de Richmond, entre autres, dans une entreprise de
pâtes et papiers, récemment d'autre part, on sait que, dans
certains hôpitaux, cela se fait également comme cela
où il existe un climat de relations de travail sain, qui est
dépourvu d'affrontements sur des vétilles et des choses mineures
et où, spontanément, ces choses-là se font, et dans un
contexte très civilisé. Mais c'est vraiment sur une base
volontaire et sur une base d'entente et, finalement, cela reflète
souvent la qualité du climat des relations de travail dans
l'établissement en question.
Mais je pense que, même avec le mot "peut" se tenir, à mon
avis, cela le rend à peu près inutile et, deuxièmement,
c'est cela, c'est possible au moment où on se parle. Et, d'autre part,
cela ne changerait rien à la complexité que cela pourrait
soulever quant à "l'employeur doit favoriser la tenue dudit scrutin".
C'est finalement un voeu pieux. Il y a des employeurs qui le font,
heureusement. Il y en a qui, probablement, refuseront de le faire
jusqu'à la fin de leurs jours. Et il y en a d'autres qui vont
peut-être apprendre à le faire le jour où l'ensemble des
employeurs au Québec aura compris, comme beaucoup d'entre eux ont
compris, à mon avis, que, finalement, c'est une chose saine, à la
fois pour les salariés et l'entreprise, que ces choses-là se
déroulent dans un climat serein.
M. Chevrette: Le vote!
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Clair): Oui, effectivement, il y en avait
d'autres. La motion du député de Saint-Laurent n'est pas
prête à être mise aux voix. Il y a déjà le
député de Portneuf et le député de
Joliette-Montcalm qui avaient demandé la parole. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je vais tenter
d'être assez bref. Ce qui, somme toute, est recherché dans ce
projet d'amendement, il y a plusieurs choses, le ministre en a cité
tantôt; l'idéal, ce serait de... Trop souvent, on constate que des
employeurs ne favorisent pas la tenue de scrutin sur les lieux. Et on constate
de plus que, pour certains motifs, il serait utile que, dans certains cas, le
scrutin se tienne sur les lieux de travail.
Le député de Saint-Laurent a fait état tout
à l'heure, a donné en exemple les cas de travailleurs en usine,
qui travaillent selon trois "shifts".
Si le scrutin se tenait sur leur lieu de travail, ils pourraient
bénéficier... On pourrait prendre comme exemple une
période de scrutin, le nombre d'heures suffisant pour couvrir les trois
"shifts" et permettre ainsi à tous les travailleurs de s'exprimer, sans
être obligés de perdre du temps, une soirée, etc.
Il y a aussi des éléments qui ont été
soulevés par le ministre, ce matin, sur l'étude d'un autre
article, lorsque celui-ci parlait des "bras" engagés par l'employeur,
etc. Cela peut être une hantise, cela peut être un motif
invoqué par l'employeur, etc. Cela peut être une hantise, cela
peut être un motif invoqué par la partie syndicale pour...
M. Johnson: Cela peut exister aussi.
M. Pagé: Cela peut exister.... refuser de tenir le scrutin
sur les lieux du travail. Il y a aussi un autre élément qu'il
faut regarder et qui a été soulevé par le
député de Sainte-Marie; dans certains cas, physiquement,
qu'est-ce qu'on fait dans les cas où les travailleurs sont
dispersés dans plusieurs écoles, dans plusieurs centres? Il y a
aussi des cas où physiquement cela ne peut pas se faire. On a bien des
exemples; particulièrement dans les petites unités syndicales, on
constatera que, physiquement, cela ne peut pas se faire. Je vais donner un
exemple que j'ai eu à vivre tout récemment dans une
négociation. Qu'on prenne des chauffeurs de camions, par exemple, leur
lieu de travail; ils vont chercher leur camion au garage le matin et je ne
pense pas que le garage soit un endroit privilégié pour tenir un
vote et pour faire une réunion syndicale. Il y a tous ces
éléments-là que les membres de la commission devraient
cerner. On devrait quand même inclure une prévision selon laquelle
il n'est pas exclu que le scrutin "doive" ou "peut" là on pourra
s'entendre sur un amendement éventuel sur les lieux du travail,
et insister, je pense... Il faut assurément mettre dans l'article
l'obligation pour l'employeur de favoriser la tenue de ce scrutin. Je pense,
d'ailleurs, que le député de Saint-Laurent se proposait de
formuler à nouveau l'amendement qu'il avait proposé.
M. Chevrette: Me permettriez-vous juste une petite remarque, M.
le député de Portneuf?
M. Pagé: Oui.
M. Chevrette: Même dans les lieux où c'est
physiquement possible de tenir un vote de grève, une usine, prenez le
cas bien précis où un employeur fait un lock-out; où
vont-ils prendre le vote de grève?
Une Voix: II ne peut pas le favoriser.
M. Chevrette: II ne peut pas le favoriser. Plus j'y pense...
M. Forget: Je pourrais suggérer le même amendement
qu'on a fait tantôt avec le même effet, oui. Est-ce que le
député de Joliette-Montcalm m'invite...
M. Pagé: Est-ce que vous appuieriez le
député de Saint-Laurent à ce moment-là?
Une Voix: Ah non!
M. Chevrette: Là, vous posez une question sur les
possibilités dans les endroits...
M. Pagé: Je vous dirai que c'est une très bonne
question.
M. Chevrette: Elle était bonne.
M. Forget: M. le Président, je crois qu'il y a des
objections qui ont été formulées qui portent un peu sur la
forme. Comme je l'ai indiqué, il est question de circonstances. Mais si
on voulait de toute façon écarter les objections basées
sur la forme, il serait possible, en modifiant cette motion d'amendement, de
tenir compte du fait qu'on devrait tenir compte des circonstances c'est
une expression consacrée désormais et que, d'autre part,
parmi toutes ces circonstances, on pourrait être un peu plus explicite,
on pourrait tenir compte du fait que cette obligation ne devrait s'appliquer
que dans les cas où notamment, parmi toutes les circonstances dont on
tiendrait compte, la plupart des membres ont leur lieu de travail dans un
même établissement. Il me semble qu'à ce moment-là,
il est possible, sans difficulté, d'envisager un vote.
Vous savez, cela me fait un peu sourire, les explications qu'on vient
d'entendre selon lesquelles c'est normal et il faut que cela se fasse avec une
réunion à laquelle on a pu parler aux membres et les
préparer psychologiquement à voter. C'est vraiment un peu
puéril comme explication de ne pas voter sur les lieux de travail. C'est
puéril dans le sens suivant, qu'on fasse la transposition et on se
rendra compte qu'il faudra tout de suite amender notre loi électorale
pour voter lors des assemblées électorales parce que c'est
à ce moment-là que les gens sont saisis des problèmes et
sont motivés pour aller voter dans un sens plutôt que dans
l'autre.
C'est vrai, c'est tout à fait vrai. Pourquoi ne vote-t-on pas
justement à ce moment? Pourquoi la loi électorale
prévoit-elle que la journée qui précède le scrutin
est une journée de "cooling off"? C'est justement qu'on sait très
bien qu'il y aurait peut-être avantage à ce que les gens
réfléchissent pendant une journée et ne soient pas l'objet
d'un bombardement de propagande la journée qui précède le
scrutin. On respecte, dans le fond, le libre arbitre des gens, en disant:
Ecoutez, je comprends que les mouvements de foule et tout cela, c'est
très intéressant, mais ce n'est pas cela la démocratie. Ce
n'est pas le charriage. La démocratie, c'est donner aux gens le temps de
penser à la décision qu'ils doivent prendre. Vraiment, dire qu'il
faut que cela se
fasse dans la réunion syndicale, parce qu'autrement, ce n'est pas
sérieux, je trouve que...
M. Johnson: M. le Président, j'ai une question de
règlement à soulever. J'aimerais savoir si le
député de Saint-Laurent, en ce moment, est en train d'exercer son
droit de réplique sur sa motion d'amendement?
M. Forget: Si vous voulez, oui, d'accord, ce que je n'ai
d'ailleurs jamais exprimé ce soir, ni même de toute la
journée, on me le reconnaîtra. On n'a pas argumenté sur la
procédure. Malgré tout, je ne peux faire autrement que de
réagir à des propos qui ne sont tenus que dans un contexte
extrêmement limité et qui ont un semblant de
crédibilité seulement parce qu'on parle des votes syndicaux. On
les appliquerait dans d'autres domaines et tout le monde poufferait de rire
immédiatement. C'est un peu ce qui vicie notre discussion dans toutes
ces histoires. On se place dans un cadre psychologique un peu faux. Evidemment,
on en déduit toutes sortes de conséquences qui apparaissent comme
des vérités premières et qui n'en sont pas du tout. Il est
un fait qu'on reconnaît dans d'autres domaines, que les gens qui sont
sous pression ne portent pas un jugement fiable. Pourtant, on insiste
énormément pour créer des conditions, dans le cas des
votes de grève où, précisément, la pression est au
maximum. Je regrette, mais, indépendamment des objections plus ou moins
techniques qu'on peut faire, que ce n'est pas toujours possible et que les
pièces ne sont pas toujours de la grandeur requise pour tenir les votes,
qu'on me permette de sourire et plus que de sourire. Ce n'est pas vraiment cela
qu'on a à l'esprit. On a à l'esprit, au contraire, un certain
contexte psychologique que l'on veut préserver à tout prix. C'est
cela, dans le fond, qui nous pousse à rejeter des amendements qui n'ont
pour but que de permettre aux gens de s'exprimer démocratiquement dans
le calme, avec un certain recul, après peut-être en avoir
parlé à leurs femmes, on sait que les épouses et les
familles, dans tout cela, sont un peu affectées par les décisions
de grève. Ce serait peut-être...
M. Johnson: II y a le conseil de famille aussi du Code civil.
M. Forget: Les conseils de famille. Enfin, n'exagérons
rien, n'essayons pas de caricaturer. Il reste qu'on a vu des épouses
dans des votes de grève, le lendemain, faire un contre-mouvement ou un
mouvement d'opposition. Le député, ici, à
côté de moi, l'a vu dans son comté où les
épouses ont exigé un vote secret sur les propositions patronales.
Quand même, est-ce qu'on va former des syndicats d'épouses pour
contester les décisions des syndicats de leurs maris? Cela prouve une
chose, tout cela. Cela prouve qu'il y a un contexte psychologique qui n'est pas
toujours sain et que le désir, à tout crin, de prendre des
décisions dans ce contexte psychologique, parce que le contexte existe
et parce qu'on veut le préserver, n'est pas dans la lignée d'une
vision démocratique dégagée et équilibrée de
la réalité. C'est très conforme à un mouvement
qu'on veut engendrer et entretenir, bien sûr, mais si on part de cette
prémisse, cela va nous entraîner dans bien d'autres domaines dans
la loi, mais que l'on ne prétende pas le faire pour des raisons
techniques. C'est clair que cet amendement n'est pas rejeté pour des
raisons techniques; si c'étaient seulement des raisons techniques, je
suis sûr que l'ingéniosité des conseillers du ministre et
du ministre lui-même permettrait de les surmonter sans grande
difficulté.
Le Président (M. Clair): M. le ministre du Travail.
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, je sais
bien que nous sommes en commission, que les règles sont beaucoup plus
larges et que, d'autre part, on ne peut pas invoquer de question de
privilège. Cependant, je voudrais qu'on fasse une distinction entre ce
qui est l'intention législative du gouvernement et ce qui est
l'intention personnelle du ministre. J'ai vu dans le long propos du
député de Saint-Laurent, un procès d'intention que je me
dois de rejeter et de qualifier. Je n'ai, en aucune façon, laissé
entendre, je n'ai, en aucune façon, à accepter qu'on me fasse un
procès d'intention quand on dit que ce que je veux défendre,
c'est un système qui permet un conditionnement psychologique des gens
pour les amener à un vote de grève. Ce que j'ai soulevé,
ce sont des raisons techniques, des raisons de bon sens et des raisons qui
tiennent compte de la simple réalité de ce qui se passe quand des
salariés décident de se réunir et de choisir d'aller en
grève. C'est simplement ce que j'ai évoqué et
j'espère que le député de Saint-Laurent comprendra que je
ne peux pas accepter le type de procès d'intention qu'il a fait.
M. le Président, je demanderai le vote sur la motion du
député de Saint-Laurent.
Le Président (M. Clair): La motion du député
de Saint-Laurent sera-t-elle adoptée?
M. Johnson: Rejeté.
Le Président (M. Clair): Rejeté.
M. Forget: Sur division.
Le Président (M. Clair): Sur division.
M. Johnson: Est-ce que l'article 8 est adopté, M. le
Président?
M. Forget: Je vais, en ce je ne sais pas quelle date on
est mais oui, je vais faire ce geste, de dire que l'article 8 est
adopté, pour ce qui est du paragraphe 19b cependant.
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, ce que
nous adoptons, ce sont les articles du
projet de loi no 45. Ce que je demande donc au député de
Saint-Laurent, c'est s'il a d'autres amendements à apporter sur
l'ensemble de ce qui est compris à l'article 8 du projet de loi no 45,
soient 19b, 19c, 19d et 19e?
M. Forget: Ah bon!
Le Président (M. Clair): Messieurs...
M. Forget: Oui, j'ai effectivement un autre amendement.
Le Président (M. Clair): ... distinguons bien deux choses.
Il est bien certain qu'on ne peut adopter que les articles prévus au
projet de loi no 45 sur lesquels la Chambre s'est prononcée en
deuxième lecture. On ne peut adopter les articles de la loi du Code du
travail, en fait. Cependant, pour les fins de la discussion, on a convenu
d'adopter les sous-articles par sous-article...
M. Johnson: Pas d'adopter, mais d'envisager, disons.
M. Pagé: Avec un vote général à la
fin, comme vous l'avez exposé ce matin.
Le Président (M. Clair):... avec un vote
général à la fin. Nous en sommes maintenant rendus, dans
nos discussions, à l'article 19c et je ne permettrai pas qu'on revienne
à l'article 19a, non plus qu'à l'article 19b. L'article 19c.
Signature d'une convention collective
M. Forget: M. le Président, cet article 19c, qui est
relatif à la signature d'une convention collective et à
l'autorisation, par un scrutin secret et par un vote majoritaire des membres,
des propositions, des offres finales qui sont agréées par les
deux parties et qui autorise donc l'exécutif à signer la
convention collective, laisse de côté un aspect important de
l'acceptation de la convention collective qui est les dispositions relatives au
retour au travail. Cette question a déjà fait l'objet d'un
exposé de presque tout le monde autour de la table, ce matin, et nous en
avons cependant traité dans un contexte assez général. Le
contexte était de savoir s'il était opportun qu'un vote distinct
soit pris au scrutin secret sur le retour au travail. On nous a expliqué
que ce n'était pas opportun, de façon générale.
Dans ce contexte large dans lequel nous en avons discuté, je peux
être d'accord avec l'opinion exprimée par le ministre qu'il n'est
pas souhaitable que, de façon systématique, toujours, le retour
au travail fasse l'objet d'un vote. Il suit, il découle normalement de
l'acceptation des offres et de la signature de la convention collective, de
l'acceptation de principes et, au moment de solliciter auprès des
membres l'acceptation de principes, on peut présumer que, dans la
plupart des cas, on a pressenti les membres sur l'acceptation des conditions
suivant lesquelles se fera le retour au travail. C'est du moins une
présomp- tion qui est souvent vérifiée et c'est une chose
qui, dans la mesure où elle est vraie, rend tout à fait superflu
un vote séparé.
Cependant, nous avons connu des difficultés considérables
à certaines occasions où la négociation du protocole de
retour au travail a presque pris l'allure d'une négociation sur un
deuxième volet de la convention collective, les conditions de retour au
travail étant complexes, nombreuses et donnant lieu à de
nombreuses rencontres entre les négociateurs.
Si bien, que le non-retour au travail, pendant cette période,
prend toutes les allures d'une grève, quoique le litige soit
réglé, quoique le différend soit réglé, cela
prend toutes les allures d'une grève. De la même façon que
l'on fait voter les gens sur la grève, comme telle, en vertu de 19a et
19b, il m'apparaît que si au moment de l'acceptation des offres finales
il reste suffisamment de points en litige, relativement aux conditions du
retour au travail, points en litige d'une importance telle qu'il apparaît
à l'exécutif qu'il lui faudra recommander de suspendre le retour
au travail jusqu'à ce que le protocole soit signé et non pas de
considérer que cela découle automatiquement, qu'à ce
moment-là un délai, au-delà de ce qui serait normalement
le cas des fois, il faut convoquer les gens et il y a une
procédure qui est prévue qui peut prendre quelques jours,
même s'il n'y a aucun différend sur le protocole mais que
tout délai qui est at-tribuable comme tel aux difficultés de
négocier les conditions du protocole de retour au travail, soit soumis
à un vote de la même façon que le vote de grève.
Parce qu'il s'agit d'une continuation, en quelque sorte, de la grève
pour d'autres motifs, pour d'autres fins, sous une autre forme. Mais il s'agit
essentiellement du maintien de la grève malgré le
règlement du différend. Cela s'est expérimenté,
cela s'est vécu dans plusieurs secteurs, en particulier, dans le secteur
parapublic.
Ce qui est particulièrement intéressant aussi c'est de se
pencher sur les motifs qui souvent sont à la source de telles
difficultés dans le retour au travail. Il peut s'agir du
règlement de cas particuliers auxquels les membres en
général ne peuvent accorder l'importance qu'ils accordent
peut-être à un comité de négociation qui s'est senti
personnellement presque impliqué dans l'affaire et où des
intérêts particuliers peuvent peut-être prévaloir ou
avoir un poids disproportionné par rapport à
l'intérêt qu'il présente pour l'ensemble des membres. Il
peut y avoir également je vais terminer dans deux secondes, M. le
Président des clauses qui porteraient offense au sens de respect
de l'homme public qui est largement partagé par la base, mais auquel
certains individus peuvent tenir, encore une fois, parce que, à la fin
d'un conflit parfois, il faut gagner non seulement réellement, mais
aussi il faut gagner quelques symboles parfois et cela devient une querelle un
peu personnelle.
On peut demander aux membres de ne pas retourner au travail tant que des
plaintes ou des choses comme ça ne sont pas retirées, pour des
actes que réprouve l'immense majorité des membres et auxquels ils
ne sont pas eux-mêmes
partie. A ce moment-là, on fait subir à l'ensemble du
groupe un fardeau qui se perpétue, parfois après une grève
très longue, pour des motifs qui seraient franchement
désavoués par tous les membres, si on prenait la peine de leur
poser la question.
Il me semble que si l'exécutif veut prolonger le non-retour au
travail, veut différer le retour au travail, même si, dans le
fond, la convention collective, en principe, est acceptée, a
été acceptée par un vote, c'est une tactique ou une
stratégie suffisamment importante pour en faire l'objet d'un vote
séparé. Le but de mon amendement, la formulation de mon
amendement, que je lis immédiatement, M. le Président, de
manière qu'on sache qu'on a franchi cette étape quand on
reviendra dans quatre ou cinq jours, serait le suivant: "Que le paragraphe 19c
de l'article 8 soit modifié en ajoutant à la fin l'alinéa
suivant: "Tout délai dans le retour au travail, à la suite de la
conclusion d'une entente de principe, pour la rédaction d'une convention
collective, doit être décidé au scrutin secret par un vote
majoritaire et là, je prends ce qui a été
réaffirmé de nombreuses fois par la majorité
ministé- rielle des membres de l'association
accréditée qui sont compris dans l'unité de
négociation et qui exercent leur droit de vote. "Ledit délai doit
être proposé par une recommandation spécifique de
l'exécutif de l'association accréditée."
Le but de la dernière phrase, c'est d'éviter que n'importe
qui, au moment où on a conclu une entente, n'importe quel membre
dissident propose que le retour au travail se fasse sous réserve de la
condition x, y, z, que n'endosse pas nécessairement
l'exécutif.
Je pense que là, l'exécutif a des responsabilités
à assumer, il ne faut pas qu'il se fasse doubler par n'importe quel
dissident, mais s'il veut vraiment recommander un retard dans le retour au
travail, qu'il dise pourquoi et qu'il fasse voter les membres en
conséquence.
Le Président (M. Clair): Messieurs, il est 22 heures, la
commission du travail et de la main-d'oeuvre et de l'immigration ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 3)